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Qu’est-ce que la sainte cène ?
Questions cruciales

Qu’est-ce
que la
sainte cène ?

R. C. S P R O U L
Édition originale en anglais sous le titre :
What Is the Lord’s Supper?
© 2013 par R. C. Sproul
Publié par Reformation Trust Publishing, une division de Ligonier Ministries
421 Ligonier Court, Sanford, FL 32771, U.S.A.
Ligonier.org ReformationTrust.com
Tous droits réservés. Traduit et publié avec permission.

Pour l’édition française :


Qu’est-ce que la sainte cène ?
© 2021 Publications Chrétiennes, Inc.
Publié par Éditions La Rochelle
230, rue Lupien, Trois-Rivières (Québec)
G8T 6W4 – Canada
Site Web : www.editionslarochelle.org
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Traduction : Myriam Graffe


Adaptation de couverture et mise en page : Rachel Major

ISBN (broché) : 978-2-924895-16-0


ISBN (eBook) : 978-2-924895-17-7

Dépôt légal – 1er trimestre 2021


Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada

« Éditions La Rochelle » est une marque déposée de


Publications Chrétiennes, Inc.

À moins d’indications contraires, les citations bibliques sont tirées de la


Nouvelle Édition de Genève (Segond 1979) de la Société Biblique de Genève.
Avec permission.
Table des matières

1 La signification de la Pâque . . . . . . . . . . . . . . . 7

2 L’institution de la sainte cène . . . . . . . . . . . . . 17

3 La consommation du royaume . . . . . . . . . . . . 23

4 Corps et sang réels ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

5 Les natures du Christ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

6 La présence du Christ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

7 Bénédic tion et jugement . . . . . . . . . . . . . . . . 53

5
Chapitre 1

La signification de
la Pâque

A u cœur même de la vie et de l’adoration de la commu-


nauté chrétienne primitive se trouvait la célébration du
repas du Seigneur. Dans les premiers temps de l’histoire de
l’Église, la célébration de la sainte communion était connue
sous différentes appellations. D’une part, l’Église primitive
avait l’habitude de se réunir et de célébrer ce qu’ils appelaient
une « fête agape » ou « fête de l’amour », au cours de laquelle
ils célébraient l’amour de Dieu et l’amour qu’ils se portaient
les uns aux autres en tant que chrétiens lors de ce repas saint.
Le sacrement était appelé le repas du Seigneur parce qu’il fai-
sait référence au dernier repas que Jésus avait partagé avec
ses disciples dans la chambre haute la veille de sa mort. Dans

7
Qu’est-ce que la sainte cène ?

l’Église primitive et plus tard, le repas du Seigneur a été appelé


« eucharistie », tirant sa définition du verbe grec eucharisto, qui
signifie « remercier ». Ainsi, l’une des facettes de la sainte cène a
été le rassemblement du peuple de Dieu dans le but d’exprimer
sa reconnaissance envers Christ pour ce qu’il avait accompli
pour eux à travers sa mort.
La sainte cène plonge ses racines non seulement dans cette
expérience vécue dans la chambre haute, mais aussi dans la célé-
bration de la Pâque à l’époque de l’Ancien Testament. En effet,
vous vous souvenez probablement qu’avant que Jésus n’institue
la sainte cène dans la chambre haute, il avait donné à ses dis-
ciples quelques recommandations afin qu’ils trouvent une pièce
dans laquelle ils pourraient se retrouver ensemble à l’occasion
de cette célébration, alors que commençait l’heure de la passion
pour lui. Il savait que son procès, sa mort, sa résurrection et son
retour vers le Père étaient imminents, et c’est pour cette raison
qu’il avait dit à ses disciples : « J’ai désiré vivement manger cette
Pâque avec vous, avant de souffrir » (Lu 22.15).
Le contexte immédiat dans lequel Jésus a institué la sainte
cène était la célébration de la fête de la Pâque avec ses dis-
ciples. Le lien avec la Pâque est visible non seulement dans
ses paroles adressées aux disciples, mais aussi dans le langage
similaire employé par l’apôtre Paul quand il a écrit à l’Église
de Corinthe. Il dit ceci : « … car Christ, notre Pâque, a été
immolé » (1 Co 5.7b). Il est évident que la communauté apos-
tolique a vu un lien entre la mort de Christ et la célébration de
la Pâque dans l’Ancien Testament.

8
La signification de la Pâque

Pour que nous puissions comprendre tout cela, nous devons


revenir sur les pages de l’Ancien Testament qui nous renseignent
sur le contexte historique de l’institution de la Pâque. Nous
devons nous souvenir de l’asservissement du peuple d’Israël en
Égypte sous la domination d’un pharaon impitoyable. Il est néces-
saire de nous rappeler aussi que le peuple souffrait beaucoup, qu’il
gémissait et maugréait dans sa souffrance, et que ses plaintes ont
été entendues. Nous savons que Dieu est apparu dans le désert
madianite à un Moïse déjà âgé, qui vivait en exil après avoir fui
les forces armées du pharaon de cette époque. Quand Dieu est
apparu à Moïse et lui a parlé depuis le buisson ardent, il lui a dit :
« N’approche pas d’ici, ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur
lequel tu te tiens est une terre sainte » (Ex 3.5).
Lors de cette rencontre, Dieu a ordonné à Moïse d’aller à la
fois vers Pharaon et vers le peuple hébreu pour leur transmettre la
parole de Dieu. Nous nous rappelons que Moïse ne se sentait pas
à la hauteur de cette tâche et se demandait comment il allait être
en mesure de communiquer la Parole de Dieu avec un tant soit
peu d’autorité devant Pharaon ou devant le peuple d’Israël. En
substance, Moïse a dit : « Pourquoi me suivraient-ils ? Pour quelle
raison devraient-ils me croire ? » Et pour paraphraser, voici ce que
Dieu a répondu : « Écoute, vas-y. Dis-leur que j’ai entendu les cris
de mon peuple, et dis à Pharaon : “Laisse aller mon peuple, afin
qu’il puisse m’adorer sur la montagne où je me montrerai”, et tu
diras à mon peuple de faire ses bagages et de quitter Pharaon et
l’Égypte. » Dieu a donc donné à Moïse la capacité d’accomplir des
miracles afin d’authentifier l’origine de cet incroyable message.

9
Qu’est-ce que la sainte cène ?

À partir de là, c’est un véritable combat de volonté et de


pouvoir qui s’est installé entre Dieu, par l’intermédiaire de
Moïse, et les magiciens de la cour de Pharaon. En très peu de
temps, les stratagèmes des magiciens sont arrivés à épuisement,
et la puissance de Dieu s’est alors manifestée à travers Moïse de
façon extraordinaire. Il y a eu dix plaies en tout, mais c’est au fil
des neuf premières que nous pouvons constater l’intensification
du conflit qui se jouait entre Moïse et Pharaon. Chaque fois
qu’une plaie tombait sur les Égyptiens, Pharaon cédait et disait :
« D’accord, vous pouvez partir. Prends ton peuple, Moïse, et
partez. » Mais à peine Pharaon avait-il prononcé ces paroles que
Dieu intervenait et endurcissait son cœur. L’action de Dieu avait
pour but de faire comprendre clairement au peuple d’Israël que
sa rédemption allait venir de la main de Dieu et non de la grâce
de Pharaon. Un autre combat de volonté et de pouvoir avait
alors lieu, suivi d’une nouvelle plaie s’abattant sur les Égyptiens,
Pharaon cédait, et Dieu endurcissait à nouveau son cœur afin
qu’il garde les Israélites en captivité. Survenait une nouvelle
joute entre Moïse et Pharaon, puis encore une autre et une
autre, jusqu’à ce que finalement Pharaon soit arrivé au bout
de ce qu’il pouvait obtenir de Moïse et lui dise : « Éloigne-toi
de moi. Veille à ne jamais réapparaître en ma présence ou tu
mourras. » Moïse lui a alors répondu : « Tu as bien parlé, car je
ne reverrai jamais ton visage. »
C’est à cette étape de ce dramatique conflit que Dieu a
annoncé à Moïse le dixième fléau qui allait s’abattre sur les
Égyptiens. Ce fléau a été le pire de tous puisqu’il a impliqué la

10
La signification de la Pâque

mort de tous les fils premiers-nés parmi les Égyptiens, y compris


le fils aîné de Pharaon. Alors Dieu a dit à Moïse :

Je ferai venir encore une plaie sur Pharaon et sur l’Égypte.


Après cela, il vous laissera partir d’ici. Lorsqu’il vous
laissera tout à fait aller, il vous chassera même d’ici.
Parle au peuple, pour que chacun demande à son voisin
et chacune à sa voisine des vases d’argent et des vases
d’or. L’Éternel fit trouver grâce au peuple aux yeux des
Égyptiens ; Moïse lui-même était très considéré dans
le pays d’Égypte, aux yeux des serviteurs de Pharaon
et aux yeux du peuple. Moïse dit : Ainsi parle l’Éter-
nel : Vers le milieu de la nuit, je passerai au travers de
l’Égypte ; et tous les premiers-nés mourront dans le pays
d’Égypte, depuis le premier-né de Pharaon assis sur son
trône, jusqu’au premier-né de la servante qui est derrière
la meule, et jusqu’à tous les premiers-nés des animaux. Il
y aura dans tout le pays d’Égypte de grands cris, tels qu’il
n’y en a point eu et qu’il n’y en aura plus de semblables.
Mais parmi tous les enfants d’Israël, depuis les hommes
jusqu’aux animaux, pas même un chien ne remuera sa
langue, afin que vous sachiez quelle différence l’Éternel
fait entre l’Égypte et Israël. Alors tous tes serviteurs que
voici descendront vers moi et se prosterneront devant
moi, en disant : Sors, toi et tout le peuple qui s’attache
à tes pas ! Après cela, je sortirai. Moïse sortit de chez
Pharaon, dans une ardente colère. L’Éternel dit à Moïse :

11
Qu’est-ce que la sainte cène ?

Pharaon ne vous écoutera point, afin que mes miracles


se multiplient dans le pays d’Égypte (Ex 11.1-9).

Puis, au début du douzième chapitre de l’Exode, Dieu a


ramené Moïse devant lui et a institué la célébration de la Pâque.
Nous devons prendre en considération le récit suivant du livre
de l’Exode, car son impact est vraiment important sur l’avenir
de la nation juive. C’est cette institution que Jésus a célébrée
dans la chambre haute avec ses disciples :

L’Éternel dit à Moïse et à Aaron dans le pays d’Égypte :


Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois ; il sera
pour vous le premier des mois de l’année. Parlez à toute
l’assemblée d’Israël, et dites : Le dixième jour de ce
mois, on prendra un agneau pour chaque famille, un
agneau pour chaque maison. Si la maison est trop peu
nombreuse pour un agneau, on le prendra avec son plus
proche voisin, selon le nombre des personnes ; vous
compterez pour cet agneau d’après ce que chacun peut
manger. Ce sera un agneau sans défaut, mâle, âgé d’un
an ; vous pourrez prendre un agneau ou un chevreau.
Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour de ce mois ; et
toute l’assemblée d’Israël l’immolera entre les deux soirs.
On prendra de son sang, et on en mettra sur les deux
poteaux et sur le linteau de la porte des maisons où on
le mangera. Cette même nuit, on en mangera la chair,
rôtie au feu ; on la mangera avec des pains sans levain et

12
La signification de la Pâque

des herbes amères. Vous ne le mangerez point à demi cuit


et bouilli dans l’eau ; mais il sera rôti au feu, avec la tête,
les jambes et l’intérieur. Vous n’en laisserez rien jusqu’au
matin ; et, s’il en reste quelque chose le matin, vous le
brûlerez au feu. Quand vous le mangerez, vous aurez
vos reins ceints, vos souliers aux pieds, et votre bâton à
la main ; et vous le mangerez à la hâte. C’est la Pâque de
l’Éternel. Cette nuit-là, je passerai dans le pays d’Égypte,
et je frapperai tous les premiers-nés du pays d’Égypte,
depuis les hommes jusqu’aux animaux, et j’exercerai
des jugements contre tous les dieux de l’Égypte. Je suis
l’Éternel. Le sang vous servira de signe sur les maisons où
vous serez ; je verrai le sang, et je passerai par-dessus vous,
et il n’y aura point de plaie qui vous détruise, quand je
frapperai le pays d’Égypte (Ex 12.1-13).

Ce passage est d’une importance cruciale parce que nous


savons que les sacrements du Nouveau Testament sont compris
dans la vie de l’Église à la fois en tant que signes et sceaux d’un
événement extrêmement significatif. Un sacrement dépasse le
signe même et met en relief une vérité concernant la rédemption
qui est essentielle pour la vie du peuple de Dieu. Quand Dieu
a institué la Pâque dans l’Ancien Testament, il a dit à Moïse
pour reprendre ses termes :

Prenez cet animal, cet agneau sans défaut, et tuez-le.


Prenez son sang et marquez l’entrée de vos maisons.

13
Qu’est-ce que la sainte cène ?

Mettez du sang de l’agneau sur le linteau de la porte,


et sur les poteaux comme un signe indiquant que vous
êtes du peuple de Dieu. Ainsi, lorsque l’ange de la mort
viendra frapper les premiers-nés du pays et exécuter mon
jugement sur les Égyptiens, la destruction de ce jugement
ne tombera pas sur les Israélites. Je vais montrer la diffé-
rence entre le peuple que j’ai appelé hors du monde afin
qu’il soit mon alliance, mon peuple saint, et ceux qui
l’ont réduit en esclavage. Ma colère tombera sur l’Égypte,
mais pas sur mon peuple. L’ange passera au-dessus de
chaque maison marquée par le sang de l’agneau.

La caractéristique de ce rituel était réellement un signe de


délivrance. C’était un signe de rédemption, car il signifiait que
ce peuple allait échapper à la colère de Dieu.
La plaie ultime est l’exposition à la colère de Dieu. C’est
pour cette raison que le Christ a sauvé son peuple de la colère
du Père. Nous sommes non seulement sauvés par Dieu, mais
nous sommes aussi sauvés de lui, et cette idée est exposée de
façon spectaculaire dans le déroulement de la Pâque tel qu’il
est décrit dans le livre de l’Exode. Le signe sur les poteaux, le
signe marqué par le sang de l’agneau indiquait que les Israélites
ne seraient pas exposés à l’effroyable colère de Dieu.
Cette nuit-là, l’ange de la mort est venu et a tué les pre-
miers-nés des Égyptiens, mais le peuple de Dieu a été épargné.
Après cela, Moïse a conduit les Israélites hors de ce lieu de ser-
vitude, à travers la mer Rouge vers la Terre promise, où ils sont

14
La signification de la Pâque

devenus le peuple de Dieu sous l’alliance de Moïse. Plus tard,


c’est sur le mont Sinaï que Moïse a reçu les tables de la loi. Ils
sont sortis d’Égypte et ont adoré Dieu sur sa montagne sacrée,
mais en souvenir perpétuel de cette rédemption, le peuple
d’Israël a par la suite observé chaque année l’institution de la
Pâque. Ils se rassemblaient dans leurs maisons et mangeaient
la nourriture accompagnée d’herbes amères. Ils buvaient aussi
du vin, tout cela pour se rappeler le salut accordé par Dieu
lorsqu’ils étaient esclaves en Égypte. Le peuple avait participé à
cette célébration initiale, le bâton à la main, comme un peuple
prêt au départ, prêt à partir à tout moment parce que l’Éternel
avait dit aux Israélites de se tenir prêts à quitter l’Égypte, à
sortir de leur servitude pour entrer dans la Terre promise dès
que Pharaon et ses forces armées auraient été détruits.
Quand Jésus a célébré sa dernière Pâque avec ses disciples, il
s’est quelque peu éloigné de la liturgie traditionnelle au milieu
de la célébration. Il a ajouté une nouvelle signification à l’ins-
titution de la Pâque en prenant le pain sans levain. Il a dit à ce
moment-là : « Ceci est mon corps, qui est brisé pour vous. » Puis,
après avoir terminé le souper, il a pris le vin et a dit : « J’attache
une nouvelle signification à cet élément que vous prenez pour
célébrer la Pâque, car cette coupe est mon sang. Non pas le
sang de l’agneau de l’Ancien Testament qui avait été répandu
sur les poteaux, mais mon propre sang. » Jésus voulait dire en
substance : « Je suis la Pâque ; je suis l’Agneau pascal ; je suis celui
qui sera sacrifié pour vous. C’est mon sang qui sera répandu
sur la porte de votre vie et qui vous permettra d’échapper à la

15
Qu’est-ce que la sainte cène ?

colère divine. » Il disait en fait : « À partir de maintenant, c’est


mon sang qui est versé pour vous pour la rémission des péchés.
C’est le sang de la nouvelle alliance. » Cette nouvelle alliance
qu’il a instituée cette nuit-là a accompli l’ancienne alliance, lui
donnant son expression la plus complète et la plus significative.

16
Chapitre 2

L’institution de la
sainte cène

D ans Luc 22, nous lisons :

Le jour des pains sans levain, où l’on devait immoler la


Pâque, arriva, et Jésus envoya Pierre et Jean, en disant :
Allez nous préparer la Pâque, afin que nous la mangions.
Ils lui dirent : Où veux-tu que nous la préparions ? Il leur
répondit : Voici, quand vous serez entrés dans la ville,
vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau ;
suivez-le dans la maison où il entrera, et vous direz au
maître de la maison : Le maître te dit : Où est le lieu
où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? Et il vous
montrera une grande chambre haute, meublée : c’est là

17
Qu’est-ce que la sainte cène ?

que vous préparerez la Pâque. Ils partirent, et trouvèrent


les choses comme il le leur avait dit ; et ils préparèrent la
Pâque. L’heure étant venue, il se mit à table, et les apôtres
avec lui. Il leur dit : J’ai désiré vivement manger cette
Pâque avec vous, avant de souffrir ; car, je vous le dis,
je ne la mangerai plus, jusqu’à ce qu’elle soit accomplie
dans le royaume de Dieu. Et, ayant pris une coupe et
rendu grâces, il dit : Prenez cette coupe, et distribuez-la
entre vous ; car, je vous le dis, je ne boirai plus désor-
mais du fruit de la vigne, jusqu’à ce que le royaume de
Dieu soit venu. Ensuite, il prit du pain ; et, après avoir
rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, en disant :
Ceci est mon corps, qui est donné pour vous ; faites ceci
en mémoire de moi. Il prit de même la coupe, après le
souper, et la leur donna, en disant : Cette coupe est la
nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour
vous. Cependant, voici, la main de celui qui me livre est
avec moi à cette table. Le Fils de l’homme s’en va selon
ce qui est déterminé. Mais malheur à l’homme par qui
il est livré ! (Lu 22.7-22.)

Dans cette description de l’institution de la sainte cène, nous


voyons que Jésus fait spécifiquement référence à deux dimensions
du temps – le présent et l’avenir. Dans notre culture, nous mesu-
rons généralement le temps qui passe en faisant référence au passé,
au présent et au futur. En considérant le sens et la signification

18
L’institution de la sainte cène

de la sainte cène dans la vie de toute communauté chrétienne,


nous voyons qu’elle s’applique aux trois dimensions du temps.
La sainte cène est liée au passé en raison de son lien avec la
Pâque. De plus, ce dont Jésus a parlé dans la chambre haute a
eu lieu depuis, ce qui fait que sa mort imminente dont il parle
aux disciples est pour nous également de l’ordre du passé. Jésus
a expliqué à ses disciples qu’ils devaient accomplir ce sacrement
« en mémoire de lui ». Dans la mesure où notre célébration de
la sainte cène a pour objectif le souvenir, l’accent est mis sur ce
qui est arrivé dans le passé.
Nous voyons souvent dans la Bible ce que nous appelons
la sacralisation de l’espace et du temps. Cela signifie que nous
voyons d’innombrables exemples où Dieu ou son peuple d’Israël
ont donné une signification sacrée, sainte et consacrée à des
moments et des événements particuliers qui ont eu lieu à leur
époque. Réfléchissez à l’appel divin de Moïse dans le désert
madianite : « Dieu dit : N’approche pas d’ici, ôte tes souliers de
tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte »
(Ex 3.5). Ce que Dieu voulait dire à Moïse n’était autre que :
« Moïse, cet endroit du globe est à présent sacré ; c’est un lieu
saint. » Ce n’est pas le fait que Moïse se tenait à cet endroit qui
rendait le lieu saint. Il était saint parce que c’était un point
d’intersection entre Dieu et son peuple. En survolant l’Ancien
Testament, on remarque certains endroits particuliers dans
lesquels Dieu a rencontré son peuple ou agi avec puissance pour
le bien de son peuple. À ces occasions, il était souvent d’usage

19
Qu’est-ce que la sainte cène ?

que le peuple marque l’endroit. En règle générale, c’était un


autel tout simple fait de pierres qui était érigé.
À titre d’exemples, quand l’arche s’est posée au sommet du
mont Ararat, l’une des premières choses que Noé a accomplies
en sortant de l’arche a été de construire un autel à cet endroit
pour se souvenir de ce lieu où Dieu les avait délivrés du déluge,
lui et sa famille. Après avoir passé les eaux du Jourdain sous la
direction de Josué, les enfants d’Israël ont érigé un monument.
À maintes reprises dans l’Ancien Testament, nous voyons le
peuple agir de la sorte. Quand Jacob a eu une vision nocturne
d’anges de Dieu montant et descendant des cieux alors qu’il
était en route pour trouver une femme, il a nommé ce lieu
Béthel en disant : « Certainement, l’Éternel est en ce lieu, et
moi, je ne le savais pas ! » (Ge 28.16.) Ensuite, il a pris la pierre
qui lui avait servi d’oreiller pendant la nuit, il l’a ointe d’huile
et l’a dressée pour marquer ce lieu où Dieu lui était apparu dans
un songe et lui avait fait une promesse.
Nous voyons à maintes reprises dans la Bible une sacra-
lisation de l’espace. Nous le faisons aussi aujourd’hui. Il y a
quelques années, il s’est produit près du lieu où j’habite un
accident de la circulation tragique et mortel. L’une des victimes
était une petite gymnaste. Elle vivait en face de chez moi, et
chaque jour en me rendant au travail, je passe devant l’arbre
contre lequel la voiture s’est écrasée. Encore aujourd’hui, il y
a toutes sortes de monuments commémoratifs, fleurs et croix
marquant cet endroit où elle est décédée. Nous avons tous
des lieux particuliers dans nos vies. Ces endroits peuvent être

20
L’institution de la sainte cène

significatifs en raison de circonstances heureuses ou malheu-


reuses, mais nous considérons ces lieux comme saints pour
nous, parfois même avec des marqueurs physiques.
Nous avons dans les Écritures non seulement un espace
sacré, mais aussi un temps sacré. Les festivités de l’Ancien
Testament impliquaient la sacralisation du temps. En ce qui
concerne la Pâque, Dieu a ordonné au peuple d’Israël de célé-
brer chaque année leur rédemption de l’esclavage en Égypte en
marquant un moment sacré sur le calendrier pour la fête de la
Pâque. C’était un temps sacré.
Nous marquons nous aussi des jours sacrés sur le calendrier
de l’Église. Nous allons à l’église le dimanche pour nous rap-
peler le fait que Jésus est ressuscité un dimanche matin. Nous
célébrons la fête de la Pentecôte. Nous célébrons aussi Pâques
et Noël. Nous célébrons ces choses parce qu’en tant qu’êtres
humains, il est fortement ancré dans notre humanité d’avoir des
temps sacrés. Nous voulons nous souvenir des moments histo-
riques les plus importants pour nous. Nous célébrons nos propres
anniversaires comme s’ils avaient quelque chose de sacré. Or, ils
sont sacrés dans ce sens qu’ils sont extraordinaires et spéciaux
pour nous. Il est bon de se rappeler le jour où nous sommes
entrés dans ce monde. Nous célébrons aussi les anniversaires de
mariage parce que nous voulons nous rappeler leur importance.
Je suis certain que notre Seigneur comprenait ce besoin
humain de nous remémorer et nous rappeler ces moments
importants. Quand il s’est réuni avec ses disciples dans la
chambre haute, l’un des éléments de cette institution était son

21
Qu’est-ce que la sainte cène ?

commandement de réitérer ce souper en mémoire de lui. « Faites


ceci en mémoire de moi » (Lu 22.19). Dans un sens, Jésus voulait
leur dire : « Je sais que je vous ai enseigné depuis trois ans. J’ai
fait beaucoup de choses, certaines dont vous n’allez pas vous
souvenir ; mais quoi qu’il en soit, n’oubliez pas ceci parce que ce
que vous allez vivre dans les vingt-quatre prochaines heures est
la chose la plus importante que je ferai pour vous. Ne l’oubliez
jamais. Souvenez-vous de moi. Rappelez-vous ma mort, mon
sang versé pour vous, mon corps brisé pour vous, et ce qui se
passera par la suite. S’il vous plaît, ne l’oubliez jamais. » Et ainsi,
depuis deux mille ans, l’Église se rappelle la mort du Christ au
moyen de ce mémorial sacré qu’est la sainte cène.
Jésus comprenait aussi le lien traditionnel juif entre l’apos-
tasie et l’oubli. Sur un plan linguistique, ce lien se trouve dans
le mot apostat qui signifie « lâcher prise » ou « oublier ». Un
apostat est quelqu’un qui a oublié ce envers quoi il s’était engagé
autrefois. Le Psaume 103, au verset 2, marque aussi ce désir de
David de ne pas être un apostat lorsqu’il s’écrie : « Mon âme,
bénis l’Éternel, et n’oublie aucun de ses bienfaits ! »
Jésus est mort il y a deux mille ans, et pas une seconde ne
passe sur l’horloge sans qu’un être humain quelque part dans
le monde ne s’asseye pour rompre le pain et boire le vin dans
le but de se rappeler la mort du Christ jusqu’à ce qu’il vienne.

22
Chapitre 3

La consommation
du royaume

D ans l’Évangile selon Luc, nous lisons : « Vous, vous êtes


ceux qui avez persévéré avec moi dans mes épreuves ;
c’est pourquoi je dispose du royaume en votre faveur, comme
mon Père en a disposé en ma faveur, afin que vous mangiez et
buviez à ma table dans mon royaume, et que vous soyez assis sur
des trônes, pour juger les douze tribus d’Israël » (Lu 22.28-30).
Jésus s’est concentré ici sur l’orientation future de la consom-
mation de son royaume. Il est l’Oint que le Père a choisi pour
être Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Il a fait savoir à ses
disciples que son Père lui a accordé un royaume, et de la même
manière il leur a accordé le royaume de Dieu et leur a promis
qu’un jour viendrait où il s’assiérait à nouveau avec eux à sa

23
Qu’est-ce que la sainte cène ?

table. Par cette déclaration, Jésus a annoncé la promesse à venir


de la célébration des noces de l’Agneau, cette grande cérémonie
entre le Christ et son Église, qui aura lieu au ciel (Ap 19.6-10).
Examinons d’abord l’Ancien Testament, où nous trouvons
de succinctes indications en rapport avec cet événement à venir.
Le Psaume 23 nous dit ceci :

L’Éternel est mon berger : je ne manquerai de rien. Il me


fait reposer dans de verts pâturages, il me dirige près des
eaux paisibles. Il restaure mon âme, il me conduit dans
les sentiers de la justice, à cause de son nom. Quand je
marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains
aucun mal, car tu es avec moi ; ta houlette et ton bâton
me rassurent (v. 1-4).

David a comparé le Seigneur Dieu à un berger. David lui-


même était issu des rangs des bergers, par conséquent, il savait
parfaitement bien de quoi il parlait. Il savait que c’était la tâche
du berger de s’occuper des moutons. Si vous avez déjà vu un
troupeau de moutons, vous savez qu’ils avancent sans but dans
les méandres qu’ils suivent à moins que quelqu’un ne les dirige.
Dans ce texte, le Bon Berger conduit les brebis dans de verts
pâturages, ne les laisse pas près des rapides où elles pourraient
tomber et se noyer, mais près d’un cours d’eau paisible où elles
peuvent boire et étancher leur soif. Ensuite, le Berger les conduit
sur les sentiers de la justice. Même si elles traversent la vallée de
l’ombre de la mort, elles n’ont pas peur parce que le Berger est

24
La consommation du royaume

avec elles. Il les rassure à l’aide de sa houlette et de son bâton.


Il utilise le bâton pour défendre les brebis en cas d’attaque de
loups, et sa houlette pour les rassembler et les garder en sécurité
près de lui.
Après toutes ces belles images de Dieu en tant que bon ber-
ger, David continue son cantique en disant : « Tu dresses devant
moi une table, en face de mes adversaires ; tu oins d’huile ma
tête, et ma coupe déborde » (Ps 23.5). Dieu justifie son peuple,
et il le justifie en présence de ceux qui l’ont faussement accusé.
En substance, David voulait dire : « Non seulement il dresse
une table devant moi, mais il la prépare et m’y invite publi-
quement. » Non seulement il peut profiter d’un festin à la table
de Dieu, mais la coupe qui est placée devant lui déborde d’un
vin qui rend le cœur heureux. Ce psaume anticipe, de façon
très concrète, le Messie qui viendra comme le Bon Berger. Ce
Messie est aussi celui qui a fait référence à lui-même comme
le pain vivant qui est descendu du ciel (Jn 6.51). L’image du
berger dans l’Ancien Testament trouve son accomplissement
dans le Nouveau Testament en Jésus-Christ, le Bon Berger, qui
a donné sa vie pour ses brebis, et qui n’a rien d’un mercenaire
qui fuirait à l’approche des loups. Or, en même temps, il a
accompli l’expérience historique de la provision en nourriture
tombée du ciel au moyen de la manne, à l’époque où le peuple
hébreu errait dans le désert. Dieu leur a donné chaque jour des
provisions suffisantes pour combler leurs besoins physiques en
leur envoyant cette manne du ciel. Cette image est employée

25
Qu’est-ce que la sainte cène ?

dans le Nouveau Testament quand Jésus est appelé le « pain du


ciel » descendu du ciel pour nourrir son peuple.
Pour comprendre la consommation du royaume dans la
sainte cène, nous devons lire la parabole du festin des noces
dans Matthieu 22.1-14 :

Jésus, prenant la parole, leur parla de nouveau en para-


bole, et il dit : Le royaume des cieux est semblable à un
roi qui fit des noces pour son fils. Il envoya ses serviteurs
appeler ceux qui étaient invités aux noces ; mais ils ne
voulurent pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs,
en disant : Dites aux conviés : Voici, j’ai préparé mon
festin ; mes bœufs et mes bêtes grasses sont tués, tout
est prêt, venez aux noces. Mais, sans s’inquiéter de l’in-
vitation, ils s’en allèrent, celui-ci à son champ, celui-là
à son trafic ; et les autres se saisirent des serviteurs, les
outragèrent et les tuèrent. Le roi fut irrité ; il envoya ses
troupes, fit périr ces meurtriers, et brûla leur ville. Alors
il dit à ses serviteurs : Les noces sont prêtes ; mais les
conviés n’en étaient pas dignes. Allez donc dans les carre-
fours, et appelez aux noces tous ceux que vous trouverez.
Ces serviteurs allèrent dans les chemins, rassemblèrent
tous ceux qu’ils trouvèrent, méchants et bons, et la salle
de noces fut pleine de convives. Le roi entra pour voir
ceux qui étaient à table, et il aperçut là un homme qui
n’avait pas revêtu un habit de noces. Il lui dit : Mon ami,
comment es-tu entré ici sans avoir un habit de noces ?

26
La consommation du royaume

Cet homme eut la bouche fermée. Alors le roi dit aux


serviteurs : Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans
les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des
grincements de dents. Car il y a beaucoup d’appelés,
mais peu d’élus.

Cette parabole nous montre à la fois un élément de jugement


effrayant et la formidable promesse d’une indicible bénédic-
tion. Sachez que lorsque Christ est venu, son entrée dans le
monde a été définie par le mot grec krisis, à partir duquel nous
obtenons le mot français crise. Sa venue a apporté la division
suprême – entre ceux qui allaient l’accepter et ceux qui le rejet-
teraient. Jean 1.11 nous dit que Jésus est venu vers les siens,
c’est-à-dire vers le peuple juif, mais que son propre peuple ne
l’a pas reçu. Cette parabole racontée par Jésus est en un sens un
résumé de l’histoire d’Israël, que Dieu a invité à être son épouse.
Cependant, le peuple a refusé de venir au festin des noces. Les
Juifs n’étaient pas intéressés, ils avaient mieux à faire. Alors
ils sont repartis chez eux. Ils ont fait ce qu’ils avaient à faire,
mais ne se sont pas donné la peine de répondre à l’invitation
au festin de noces organisé par leur Seigneur Dieu. Quand
les serviteurs sont sortis pour les inviter à nouveau, ils les ont
assassinés. Qui étaient ces serviteurs ? De toute évidence, il
s’agit des prophètes d’Israël qui ont été assassinés par le peuple
élu de Dieu. C’est pour cette raison qu’à la fin, Dieu a dit :
« Mon Fils va se marier, il va recevoir un royaume, et il y aura
bel et bien un mariage avec une multitude d’invités. » Il a donc

27
Qu’est-ce que la sainte cène ?

envoyé ses serviteurs sur les routes et les chemins pour trouver
des gens qui ne faisaient pas partie des premiers conviés. Ces
lignes font bien évidemment référence aux païens accueillis par
Dieu, alors même qu’ils n’appartenaient pas au peuple élu et
étaient étrangers à l’alliance divine avec Israël. Mais Dieu les a
conviés aux noces de son Fils avec sa fiancée.
Dans le livre de l’Apocalypse, nous trouvons également des
références au festin des noces de l’Agneau. Au chapitre 19.1-10,
nous y lisons :

Après cela, j’entendis dans le ciel comme la voix forte


d’une foule nombreuse qui disait : Alléluia ! Le salut, la
gloire, et la puissance sont à notre Dieu, parce que ses
jugements sont véritables et justes ; car il a jugé la grande
prostituée qui corrompait la terre par sa débauche, et il
a vengé le sang de ses serviteurs en le redemandant de
sa main. Et ils dirent une seconde fois : Alléluia !... Et sa
fumée monte aux siècles des siècles. Et les vingt-quatre
vieillards et les quatre êtres vivants se prosternèrent et
adorèrent Dieu assis sur le trône, en disant : Amen !
Alléluia ! Et une voix sortit du trône, disant : Louez
notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous qui le craignez,
petits et grands ! Et j’entendis comme la voix d’une foule
nombreuse, comme un bruit de grosses eaux, et comme
un bruit de forts coups de tonnerre, disant : Alléluia !
Car le Seigneur, notre Dieu tout-puissant, est entré dans
son règne. Réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse,

28
La consommation du royaume

et donnons-lui gloire ; car les noces de l’Agneau sont


venues, son épouse s’est préparée, et il lui a été donné
de se revêtir d’un fin lin, éclatant, pur ; car le fin lin, ce
sont les œuvres justes des saints. L’ange me dit : Écris :
Heureux ceux qui sont appelés au festin des noces de
l’Agneau ! Puis il me dit : Ces paroles sont les véritables
paroles de Dieu. Je tombai à ses pieds pour l’adorer ; mais
il me dit : Garde-toi de le faire ! Je suis ton compagnon
de service, et celui de tes frères qui ont le témoignage
de Jésus. Adore Dieu. Car le témoignage de Jésus est
l’esprit de la prophétie.

Dans ce dernier livre du Nouveau Testament, nous avons la


possibilité d’avoir un aperçu de l’avenir. Jean y voit le festin des
noces de l’Agneau, prêt à accueillir son épouse, l’Église. Un jour
viendra où tous ceux qui sont fidèles au Christ seront réunis au
ciel pour célébrer avec joie ce mariage ultime au Christ, union
qui sera marquée par des noces dépassant de loin tout ce que
nous pouvons imaginer en ce bas monde.
N’étant pas ignorants de cette promesse à venir qui appa-
raît tout au long de l’enseignement du Nouveau Testament,
nous en voyons des références dans l’institution de la sainte
cène. Jésus a particulièrement attiré l’attention sur ce moment
à venir où il s’assiéra avec son peuple pour célébrer le festin du
royaume de Dieu dans les cieux. Cette grande célébration n’est
pas encore arrivée. Chaque fois que nous célébrons la sainte
cène dans ce monde, nous ne devrions pas seulement regarder

29
Qu’est-ce que la sainte cène ?

aux accomplissements passés du Christ, mais aussi à ce festin


à venir. Nous n’avons encore que peu expérimenté le royaume
de Dieu. Nous avons expérimenté l’inauguration du royaume
dans la vie, la mort et la résurrection du Christ, mais nous
attendons encore la consommation finale à venir du royaume.
Par conséquent, lorsque nous célébrons la sainte cène, nous
y voyons non seulement un signe des choses qui se sont déjà
produites, mais aussi un signe et un sceau de celles à venir.
Dans l’Ancien Testament, Israël, le peuple de Dieu, célébrait
la Pâque une fois l’an. Cette Pâque laissait présager un accom-
plissement futur, le sacrifice de l’Agneau pascal sur le mont du
Calvaire. Aujourd’hui, chaque fois que nous célébrons la sainte
cène, nous regardons aussi vers l’avenir, vers cette promesse du
festin des noces de l’Agneau avec son épouse. Ainsi considérée,
la sainte cène est un avant-goût du ciel. Un jour, nous verrons
l’Époux dans toute sa gloire, et nous verrons l’Église qui lui
sera offerte dans sa perfection. C’est l’orientation future de la
sainte cène.

30
Chapitre 4

Corps et sang réels ?

Q uelle est la signification actuelle de la célébration de la


sainte cène ? Nous avons examiné ses significations pas-
sées et futures, mais qu’en est-il du présent ? C’est sur cette
question que la grande majorité des controverses par rapport à
la sainte cène ont émergé.
Tout au long de l’histoire, la plupart des gens ont favorisé
l’idée que la présence réelle du Christ est tangible lors de la
sainte cène. En d’autres termes, nous sommes en véritable com-
munion avec lui à la table. Certes, ce n’est pas tout le monde qui
croit qu’il soit présent de manière particulière lors de cette célé-
bration, mais c’est manifestement un rapport minoritaire. Quoi
qu’il en soit, la controverse au sujet de la présence du Christ
lors de la sainte cène va bien plus loin. La majorité s’accorde
pour dire que Jésus est vraiment présent ; le point de discorde

31
Qu’est-ce que la sainte cène ?

entoure le mode de sa présence. Les chrétiens ne se sont pas mis


d’accord sur la réponse à cette question : de quelle manière le
Christ est-il présent lors de la sainte cène ?
Une partie de la question porte sur la façon dont sa pré-
sence est liée à ses paroles d’institution. Les trois Évangiles
synoptiques affirment que Jésus a dit : « Ceci est mon corps. »
Historiquement, la question qui a émergé dans ces contro-
verses concerne le mot est. Comment doit-on comprendre ce
est ? Quand on dit qu’une chose « est » quelque chose d’autre, le
verbe être est utilisé au même titre que le signe « égale ». On peut
inverser le prédicat et le sujet sans perdre le sens de la phrase.
Par exemple, si l’on dit qu’« un célibataire est un homme non
marié », il n’y a rien dans le prédicat qui ne soit déjà présent
dans la notion de célibataire qu’a le sujet. Le terme est dans
cette phrase sert de signe « égale ». Nous pourrions très bien les
inverser et dire : « Un homme non marié est un célibataire. »
En plus de cette utilisation du verbe être, il est également
nécessaire de prendre en compte son utilisation métaphorique,
pour laquelle le verbe être peut signifier « représente ». Prenez,
par exemple, ces déclarations de Jésus affirmant être « Je suis »
dans l’Évangile selon Jean. En effet, Jésus a dit : « Je suis le cep,
vous êtes les sarments. Je suis le bon berger. Je suis la porte. Je
suis le chemin, la vérité et la vie. » Il apparaît clairement à partir
des lectures de ces textes que Jésus utilise le sens représentatif
du verbe être de manière métaphorique. Quand il dit : « Je suis
la porte, » il ne veut pas dire schématiquement que là où se
trouve notre peau, il est recouvert d’un placage en bois et de

32
Corps et sang réels ?

charnières. Il veut simplement dire de manière métaphorique :


« Je suis le point d’entrée dans le royaume de Dieu. Lorsque vous
pénétrez dans une pièce, vous êtes obligé de passer par la porte.
De la même manière, si vous voulez entrer dans le royaume de
Dieu, vous devez passer par moi. »
Quand nous en venons aux paroles instituant la sainte cène,
la question évidente est celle-ci : « Quel est le sens du est qu’a
utilisé Jésus dans cette phrase ? » Jésus a-t-il voulu dire : « Ce
pain que je romps est vraiment ma chair, et cette coupe de vin
que je bénis est vraiment mon sang » ? Quand les gens boivent le
vin, boivent-ils en réalité son sang physique ? Quand ils mangent
le pain, mangent-ils réellement sa chair physique ? C’est là toute
la question.
Rappelez-vous que dans la Rome antique du ier siècle,
les chrétiens ont été accusés du crime de cannibalisme. Des
rumeurs circulaient selon lesquelles ils se réunissaient dans des
endroits secrets tels que les catacombes pour dévorer le corps
d’une personne et boire son sang. Même si tôt dans l’histoire
de l’Église, l’idée d’un lien réel entre le pain et la chair d’une
part et le vin et le sang d’autre part était déjà apparue.
Au xvie siècle, les luthériens et les réformés ont constaté que
la principale barrière entre eux concernait leur compréhension
de la sainte cène. En effet, ils étaient d’accord sur presque tout
le reste. Martin Luther insistait sur la signification identitaire
du mot est. Il ne cessait de répéter au cœur des multiples dis-
cussions cette phrase en latin : hoc est corpus meum – « ceci est
mon corps ». Il insistait constamment sur ce point.

33
Qu’est-ce que la sainte cène ?

L’une des principales controverses de la Réforme du


xvie siècle était liée à la compréhension catholique romaine de
la sainte cène. Le point de vue de l’Église catholique romaine
adoptait ce qu’on appelle parfois la transsubstantiation. Selon
cette conception, la substance du pain et du vin est surnaturel-
lement transformée en corps et sang réels de Jésus quand une
personne prend part à cette célébration. Une simple objection
cependant s’imposait face à ce point de vue. Lors de la sainte
cène, le pain et le vin ressemblaient toujours à du pain et du vin.
Ils en avaient le goût, l’odeur, ils donnaient encore l’impression
d’être du pain et du vin, et laissaient entendre le même son
lorsqu’on les consommait. Il n’y avait pas de différence visible
entre le pain et le vin avant la consécration des éléments et
après. N’importe qui aurait pu dire : « Vous me parlez d’un
miracle, du Christ étant réellement présent physiquement ici,
mais rien n’en donne l’impression. Les éléments paraissent les
mêmes qu’avant la consécration. »
Pour expliquer ce problème, l’Église catholique romaine a
élaboré une formule philosophique pour décrire le phénomène
des apparences du pain et du vin. Ses théologiens se sont plon-
gés dans le passé et ont emprunté à Aristote le langage de ses
rubriques philosophiques pour expliciter leur point de vue.
Aristote s’intéressait à la nature de la réalité et il avait établi
une distinction entre la substance d’un objet et les accidents d’un
objet. Le terme « accident » faisait référence à une qualité exté-
rieure et perceptible d’une chose. Si vous deviez me décrire, vous
parleriez de mon poids, de ma taille, des vêtements que je porte,

34
Corps et sang réels ?

de ma coiffure, de la couleur de mon visage ou de mes yeux.


Dans toutes ces descriptions, vous vous limiteriez à mes traits
extérieurs et perceptibles. Vous ne savez pas ce que je suis dans
mon essence personnelle. Je ne connais pas la véritable essence
d’un morceau de craie. Je ne vois qu’une forme cylindrique, sa
dureté et éventuellement la couleur blanche. Mais ce ne sont
là que les qualités perceptibles d’une craie.
Aristote croyait que chaque objet a sa propre substance et
chaque substance ses accidents correspondants. Si vous aviez
la substance d’un éléphant, vous auriez aussi les accidents d’un
éléphant. Pour Aristote, s’il ressemblait à un canard, marchait
comme un canard, et caquetait comme un canard, alors c’était
un canard. L’essence même d’un canard produit toujours les
accidents correspondants aux qualités d’un canard. Chaque fois
que vous voyez les accidents d’un canard, vous savez que ce que
vous ne pouvez pas voir sous la surface est l’essence de ce canard.
L’Église occidentale médiévale a emprunté à la thèse philo-
sophique d’Aristote l’idée de définir la différence entre une per-
ception de surface et la réalité en profondeur en ce qui concerne
la doctrine de la transsubstantiation. Elle a alors avancé qu’au
cours de la messe avait lieu un double miracle. D’une part, la
substance du pain et du vin se transformait en substance du
corps et du sang du Christ, et d’autre part, les accidents du
pain et du vin restaient les mêmes. Que peut bien vouloir dire
tout cela ? Avant le miracle, vous avez la substance du pain et
les accidents du pain et vous avez la substance du vin et les
accidents du vin. Mais après le miracle, vous n’avez plus ni la

35
Qu’est-ce que la sainte cène ?

substance du pain ni la substance du vin. Au lieu de cela, vous


avez la substance du corps et du sang du Christ, tout en ayant
les accidents du pain et du vin qui demeurent. Autrement dit,
vous avez les accidents du pain et du vin sans leurs substances.
Le deuxième miracle est perçu dans le fait d’avoir la substance
du corps et du sang du Christ sans les accidents de la chair et
du sang. C’est là l’explication du double miracle. Vous avez la
substance d’une chose et les accidents d’une autre. Il est impor-
tant de noter qu’Aristote lui-même n’aurait jamais entériné une
telle logique dans le monde réel.
Il y a quelques décennies, un théologien catholique néerlan-
dais a publié en Europe occidentale un ouvrage intitulé Christ
the Sacrament of the Encounter with God (Le Christ : sacrement
de la rencontre avec Dieu), dans lequel il a introduit une idée
complètement nouvelle. Il a ainsi affirmé que ce qui se passe
dans le miracle de la messe n’est pas la transformation surna-
turelle de la substance d’une chose en la substance d’une autre
chose. Il ne s’agissait donc plus de transsubstantiation, mais de
ce qu’il a appelé transsignification. Dans son œuvre, il a affirmé
que lors de la messe, les éléments du pain et du vin prennent une
signification céleste. Il y a un réel changement dans la significa-
tion des éléments, même si la nature des éléments reste la même.
Il a été soutenu par le catéchisme néerlandais et quelques autres
théologiens progressistes de l’époque, et cette idée a créé une
controverse importante au sein de l’Église catholique romaine.
En 1965, le pape a publié une encyclique intitulée Mysterium
fidei (Le mystère de la foi) à travers laquelle il a répondu à

36
Corps et sang réels ?

cette question en déclarant non seulement que le contenu de


la doctrine historique de l’Église était immuable, mais que sa
formulation l’était également. Par cette lettre, il voulait confir-
mer que la formulation aristotélicienne de la transsubstantiation
continuerait d’être privilégiée. Ce concept demeure donc le
point de vue officiel de l’Église catholique romaine. L’encyclique
a en effet rejeté les solutions créatives proposées par certaines
personnes pour résoudre le problème qu’elles percevaient dans
la question de la transsubstantiation.
Luther, quant à lui, s’est opposé au concept de transsubs-
tantiation parce qu’il croyait que cela impliquait un miracle
inutile. Luther croyait que la chair et le sang réels de Jésus
étaient présents dans les éléments, mais qu’ils étaient à l’inté-
rieur, avec et sous eux. Les éléments ne deviennent pas le corps
et le sang du Christ, ce sont plutôt le corps et le sang du Christ
qui sont surnaturellement ajoutés aux éléments. En ce sens, il
continuait à soutenir l’idée de la présence réelle du corps et du
sang physiques du Christ.
Les réformés, à l’instar de Jean Calvin et d’autres encore,
ont rejeté le point de vue de Luther, non pas pour des raisons
sacramentelles, mais plutôt christologiques. Nous chercherons
à comprendre ce rejet dans le chapitre suivant lorsque nous
examinerons la double nature du Christ.

37
Chapitre 5

Les natures du Christ

P our comprendre le rejet de Calvin concernant la vision


de Luther sur la sainte cène, nous devons creuser dans
l’histoire de l’Église pour y trouver de l’aide. Tout au long de
l’histoire de l’Église, diverses hérésies ont été mises en avant au
sujet de la double nature humaine et divine du Christ.
En 451, au concile de Chalcédoine, les Pères de l’Église
ont dû faire face à ces hérésies sur deux fronts différents. D’un
côté, il y avait l’hérésie monophysite, proposée par un homme
du nom d’Eutychès. D’après lui, le Christ avait une nature
qui n’était ni entièrement divine ni pleinement humaine ;
selon ses dires, il n’avait qu’une seule nature. Pour résumer
son opinion, le Christ avait une nature humaine déifiée ou
une nature divine humanisée. À cette même époque, un autre
extrême était soutenu par un hérétique du nom de Nestorius.

39
Qu’est-ce que la sainte cène ?

D’après lui, si vous avez deux natures, alors vous devez avoir
deux personnes. Il séparait de son point de vue la nature divine
de la nature humaine.
Au concile de Chalcédoine, l’Église a déclaré que le Christ
est vera homo, vera deus. Cela signifie que le Christ a deux
natures distinctes – une véritablement divine et une autre
réellement humaine –, toutes deux unies sans confusion en
une seule personne. À travers cette décision, l’Église abordait
de manière efficace les hérésies d’Eutychès et de Nestorius.
Par ailleurs, l’Église a conçu à ce propos ce que l’on appelle
communément « Les quatre négatifs de Chalcédoine ». Ces
« quatre négatifs » sont probablement la formulation la plus
importante née de ce concile historique de l’Église. Lors de
ce concile du ve siècle, les dirigeants de l’Église ont compris
qu’ils avaient affaire à un mystère suprême en ce qui concernait
l’incarnation. Ils savaient qu’ils ne pouvaient dire commu-
nément qu’ils avaient dans les faits « totalement pénétré le
mystère de l’incarnation ». D’un autre côté, ils souhaitaient
également affirmer, sans qualification, qu’il existe une parfaite
union entre la nature divine et la nature humaine, et que ces
deux natures sont authentiques. Or, la manière dont se pro-
duit, dans les faits, l’unité de l’incarnation demeure un sujet
encore entouré de mystère. Ils voulaient aussi affirmer qu’ils
avaient suffisamment compris de choses pour être à même de
rejeter avec confiance les hérésies du moment qui menaçaient
une compréhension orthodoxe de la double nature du Christ.
Les « quatre négatifs » sont les suivants : les deux natures sont

40
Les natures du Christ

unies sans mélange, sans confusion, sans séparation et sans


division. Quelle que soit votre compréhension de la relation
qui existe entre la nature humaine et la nature divine, vous
ne voulez pas songer à deux natures mélangées ou confuses.
En sa seule personne, l’humanité et la divinité du Christ ne
peuvent être englouties l’une par l’autre, ni séparées ou divisées
l’une de l’autre.
Tout au long de l’histoire de l’Église, de multiples tenta-
tives ont cherché à prendre l’une des deux natures du Christ
pour absorber l’autre. Dans la théologie libérale, la tendance
a toujours été de se retrouver avec un Jésus purement humain,
avec pour résultat un Jésus dépourvu de toute nature divine.
Dans ce cas, l’humanité du Christ a éclipsé sa divinité. D’un
autre côté, nous avons aussi parfois vu des chrétiens faisant
preuve d’un zèle excessif dans leur manière de protéger la
divinité du Christ. Dans leur désir de préserver la vérité
biblique, ils sont devenus tellement catégoriques en ce qui a
trait à sa divinité qu’ils ont involontairement laissé de côté
son humanité.
En ce qui concerne le Nouveau Testament, son humanité
y est clairement mise en évidence. Il a faim, il a soif, il pleure
et il saigne. Tous ces éléments attestent sa véritable nature
humaine. Dieu ne connaît ni la faim ni la soif ; Dieu ne saigne
pas. Ce sont là des aspects propres à la nature humaine. La
réponse à la question « À quelle nature le corps de Jésus appar-
tient-il ? » est assez évidente. Son corps physique est une mani-
festation de sa nature humaine, et non pas de sa nature divine.

41
Qu’est-ce que la sainte cène ?

En plus des quatre négatifs, la confession de Chalcédoine


se termine par ces mots : « Chaque nature conserve ses propres
attributs. » Cela signifie que dans l’incarnation, la nature
divine n’arrête pas d’être divine. C’est ici que nous abor-
dons la controverse au sujet de la présence du Christ dans la
sainte cène. Si chaque nature conserve ses propres attributs,
alors que signifie le fait que la nature humaine conserve ses
propres attributs ? L’omniprésence n’est pas un attribut de la
nature humaine. Comment est-il possible alors pour la nature
humaine de Jésus d’être à plus d’un endroit en même temps ?
Les luthériens ont répondu à cette objection en dévelop-
pant une nouvelle compréhension de la communicatio idioma-
tum – « communication des attributs » – en référence à leur
doctrine de l’ubiquité. L’ubiquité est le fait d’être « présent ici,
là-bas et partout en même temps ». C’est un synonyme de l’om-
niprésence. Les luthériens soutiennent l’idée que si la nature
divine a la capacité d’être présente à plus d’un endroit à la fois,
alors cette puissance et cet attribut de la nature divine sont
communiqués à la nature humaine lors de la sainte cène. Selon
ce point de vue, la nature humaine, y compris le corps humain
du Christ, pouvait être présente partout en même temps. La
nature humaine était dans ce cas dotée d’un attribut divin.
Les Églises réformées, quant à elles, ont déclaré qu’une telle
doctrine violait le symbole de Chalcédoine en confondant les
deux natures du Christ, faisant en sorte que chaque nature ne
conservait pas ses propres attributs. C’est pour cette raison que
Calvin et d’autres encore ont catégoriquement rejeté la vision

42
Les natures du Christ

luthérienne de la sainte cène. Luther insistait sur la présence


corporelle de Jésus à plus d’un endroit à la fois. Nos croyances
fondamentales concernant la nature du Christ étant en jeu sur
cette question, les réformés ont affirmé la présence réelle de
Jésus dans la sainte cène, mais pas de la même manière que
les luthériens et les catholiques romains le croient.

43
Chapitre 6

La présence du Christ

D ans l’article 29.7 de la Confession de foi de Westminster,


nous lisons ces mots :

Ceux qui reçoivent dignement ce sacrement, quand ils


prennent les éléments visibles (1 Co 11.28), reçoivent
alors aussi intérieurement par la foi, mais réellement,
non pas de façon charnelle et corporelle mais spiri-
tuellement, le Christ crucifié ; ils s’en nourrissent et ils
reçoivent de lui tous les bénéfices de sa mort : le corps
et le sang de Christ sont alors, non pas corporellement
ou charnellement, dans, avec ou sous le pain et le vin,
mais ils sont réellement et spirituellement présents pour
la foi de ceux qui croient en cette ordonnance, de même

45
Qu’est-ce que la sainte cène ?

que ces éléments eux-mêmes sont présents à leurs sens


extérieurs (1 Co 10.16).

Dans notre confession, nous voyons une distinction entre la


présence réelle de Jésus et la présence physique de Jésus. Quand
cela articule la notion de présence réelle de Jésus, cela veut dire
que spirituellement parlant, il est réellement présent. Qu’est-ce
que cela signifie ? Examinons tout d’abord ce que cela ne signi-
fie pas. Parfois, nous disons : « Je ne pourrai pas être avec vous
dimanche, mais je le serai en esprit. » Que voulons-nous dire
par ces propos ? Cela veut dire que même si je ne suis pas phy-
siquement présent, je penserai à vous. Vous pouvez considérer
cela comme une sorte de présence spirituelle. Cependant, nous
avons du mal à comprendre ce sentiment d’être présent quelque
part en esprit comme étant une présence réelle. Ce n’est cer-
tainement pas ce que signifie la confession ou ce que voulaient
dire les réformateurs comme Jean Calvin quand ils parlaient
de la présence réelle et spirituelle du Christ dans la sainte cène.
Mais alors, que voulait dire Calvin ? Tout d’abord, commen-
çons par cette formule importante de Calvin, qui est exprimée
dans l’expression latine finitum non capax infinitum. C’est un
principe philosophique tiré de la raison ou de la logique. Ce
principe entend que le fini ne peut pas contenir l’infini. Si
vous aviez une quantité infinie d’eau, vous ne pourriez pas
contenir cette eau dans un verre de vingt centilitres. Simple à
comprendre, non ?

46
La présence du Christ

En ce qui concerne la nature humaine de Jésus, Calvin


affirmait que le corps humain de Jésus ne pouvait contenir
la divinité infinie du Fils de Dieu. C’était simplement une
autre manière de dire que si le corps humain de Jésus n’est
pas omniprésent, la nature divine de Christ l’est. Cependant,
Calvin affirmait non seulement que le Christ est réellement
présent dans la sainte cène, touchant sa nature divine, mais que
ceux qui prennent part au repas du Seigneur sont véritablement
fortifiés et nourris par la nature humaine de Christ. Comment
cela est-il possible si la nature humaine n’est pas omniprésente ?
Calvin disait qu’il nous est rendu présent par la nature divine.
Dans le Nouveau Testament, Jésus a parlé de partir et de
rester : « Mes petits enfants, je suis pour peu de temps encore
avec vous. Vous me chercherez ; et, comme j’ai dit aux Juifs :
Vous ne pouvez venir où je vais, je vous le dis aussi mainte-
nant » (Jn 13.33). Les disciples l’ont vu monter au ciel, mais
il leur avait dit : « Même si en un sens je m’en vais du milieu
de vous, d’une certaine façon néanmoins je serai toujours avec
vous, même jusqu’à la fin des temps. » Jésus leur a donc parlé
d’une présence et d’une absence. De plus, quand Paul a parlé
du ministère terrestre du Christ, il a dit qu’il n’avait jamais
connu le Christ « kata sarka », c’est-à-dire dans la chair. Il ne
l’a jamais vu dans son incarnation terrestre ; l’apôtre ne l’a pas
connu durant son ministère terrestre. La Bible parle du Christ
assis à la droite de Dieu, et il en ressort l’idée qu’il n’est pas
présent ici de manière physique et visible.

47
Qu’est-ce que la sainte cène ?

Le catéchisme de Heidelberg en parle quand il dit  :


« Concernant la nature humaine de Christ, il n’est plus présent
avec nous. » L’Église a toujours compris que la nature humaine
est montée aux cieux. « Concernant sa nature divine, poursuit
le catéchisme, il est toujours présent parmi nous. » Même si
le Christ dans sa nature humaine est monté au ciel, sa nature
divine reste omniprésente, et est particulièrement présente
dans l’Église. Cela veut-il dire qu’au moment de l’ascension,
la nature humaine est allée au ciel et a laissé la nature divine
derrière elle, et par conséquent que cette parfaite union des
deux a été rompue ? Non. L’incarnation demeure une réalité.
C’était une réalité à la mort du Christ. Lors de sa crucifixion,
la nature divine s’est retrouvée unie à un cadavre humain ;
l’âme humaine est montée au ciel, et cette dernière était unie
à la nature divine. Le corps humain qui était dans le tombeau
était toujours uni à la nature divine. Ainsi, si nous pouvons
comprendre que la nature humaine est localisée parce qu’elle
est encore humaine, elle se trouve ailleurs que dans ce monde.
Cependant, la nature humaine, qui est au ciel, reste parfaite-
ment unie à la nature divine.
Rappelez-vous que lorsque vous êtes en communion avec
la nature divine, vous êtes en communion avec la personne du
Fils de Dieu et tout ce qu’il est. Quand je viens à sa rencontre
ici sur terre dans la nature divine et entre en communion avec
la personne de Jésus, cette nature divine reste liée et unie à la
nature humaine. En communiant avec la nature divine, je ne
communie pas seulement avec la nature divine ; je communie

48
La présence du Christ

aussi avec la nature humaine, qui est en parfaite unité avec


la nature divine sans que la nature humaine prenne sur elle
la capacité divine de se trouver en différents lieux en même
temps. Rappelez-vous qu’à aucun moment, la nature humaine
n’est séparée de la nature divine ; ainsi, vous pouvez maintenir
l’unité des deux natures et la localisation de la nature humaine
sans pour autant la déifier. Et cependant, la personne du Christ
peut être présente à plus d’un endroit à la fois en vertu de l’om-
niprésence de la nature divine.
Il est important de voir la différence entre ce point de vue
et le point de vue catholique romain. La vision de l’Église
catholique romaine permet à la nature humaine de descendre
sur terre en différents endroits en même temps. De cette façon,
vous pouvez trouver le corps humain du Christ dans autant de
paroisses catholiques romaines qu’il en existe dans le monde.
Nous rejetons cette idée parce que le corps du Christ est au
ciel. Nous rencontrons la personne réelle dans l’ensemble de
nos Églises et entrons en communion bénie avec le Christ
tout entier en vertu du contact que nous avons avec la nature
divine, mais son corps humain reste localisé au ciel. Cette
vision est cohérente avec la façon dont Jésus a parlé dans le
Nouveau Testament quand il a dit : « Je m’en vais, mais je serai
toujours avec vous. » La présence qu’il promet dans le Nouveau
Testament est une présence réelle et une véritable communion
avec son peuple.

49
Qu’est-ce que la sainte cène ?

Lisons à nouveau la Confession de foi de Westminster :

Ceux qui reçoivent dignement ce sacrement, quand ils


prennent les éléments visibles (1 Co 11.28), reçoivent
alors aussi intérieurement par la foi, mais réellement, non
pas de façon charnelle et corporelle mais spirituellement,
le Christ crucifié ; ils s’en nourrissent et ils reçoivent
de lui tous les bénéfices de sa mort : le corps et le sang
de Christ sont alors, non pas corporellement ou char-
nellement, dans, avec ou sous le pain et le vin, mais ils
sont réellement et spirituellement présents pour la foi de
ceux qui croient en cette ordonnance, de même que ces
éléments eux-mêmes sont présents à leurs sens extérieurs
(1 Co 10.16).

Grâce à l’omniprésence du Fils de Dieu dans sa divinité,


nous rencontrons réellement le Christ dans la sainte cène et
nous sommes nourris par le Pain du ciel.
Une dernière remarque concernant l’enseignement de
l’Église catholique romaine sur la sainte cène. Ils croient que
la messe représente une répétition de la mort sacrificielle du
Christ chaque fois qu’elle est célébrée. Christ est, pour ainsi dire,
à nouveau crucifié. Bien entendu, l’Église catholique romaine
enseigne qu’il y a une différence entre le sacrifice originel que
Jésus a accompli au Calvaire et la façon dont il est rappelé lors
de la messe. La différence est la suivante : au Calvaire, la mort
sacrificielle de Jésus impliquait du vrai sang. C’était un sacrifice

50
La présence du Christ

sanglant. Or aujourd’hui, il n’y a pas de sang lors de la sainte


cène. Néanmoins, cela demeure un sacrifice vrai et réel. C’est
cet aspect, ainsi que la doctrine de la transsubstantiation, qui
a causé tant de controverses au xvie siècle, car il semblait aux
réformateurs que l’idée d’une répétition de quelque sorte que
ce soit violait ce concept biblique que le Christ s’est offert une
fois pour toutes. Ainsi, dans la vision catholique romaine de la
nature sacrificielle de la messe, les réformateurs ont vu une répu-
diation du caractère unique de l’offrande sacrificielle accomplie
par le Christ dans son expiation (Jn 19.28-30 ; Hé 10.1-18).

51
Chapitre 7

Bénédiction et
jugement

E n plus de la doctrine de la transsubstantiation et de la


reconstitution du sacrifice de Jésus, d’autres aspects de la
vision catholique romaine concernant la sainte cène posaient
un problème aux réformateurs.
Prenez le passage de 1 Corinthiens 10.14-22 :

C’est pourquoi, mes bien-aimés, fuyez l’idolâtrie. Je parle


comme à des hommes intelligents ; jugez vous-mêmes de
ce que je dis. La coupe de bénédiction que nous bénis-
sons, n’est-elle pas la communion au sang de Christ ?
Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion
au corps de Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, nous qui

53
Qu’est-ce que la sainte cène ?

sommes plusieurs, nous formons un seul corps ; car nous


participons tous à un même pain. Voyez les Israélites
selon la chair : ceux qui mangent les victimes ne sont-ils
pas en communion avec l’autel ? Que dis-je donc ? Que la
viande sacrifiée aux idoles est quelque chose, ou qu’une
idole est quelque chose ? Nullement. Je dis que ce qu’on
sacrifie, on le sacrifie à des démons, et non à Dieu ; or,
je ne veux pas que vous soyez en communion avec les
démons. Vous ne pouvez boire la coupe du Seigneur,
et la coupe des démons ; vous ne pouvez participer à la
table du Seigneur, et à la table des démons. Voulons-
nous provoquer la jalousie du Seigneur ? Sommes-nous
plus forts que lui ?

Dans ce texte, Paul a donné quelques fermes avertissements


concernant la combinaison de pratiques idolâtres avec la sainte
cène. Il apparaît en effet que certains chrétiens de Corinthe
participaient à la fois aux cultes chrétiens et aux fêtes et festi-
vals païens. Cela a incité Paul à répondre aux questions sur la
consommation de viande offerte aux idoles. Il arrivait souvent
qu’à la fin de ces fêtes païennes, la viande qu’ils utilisaient pour
le sacrifice soit vendue sur le marché. Certains chrétiens avaient
des scrupules à ce sujet, disant : « Je ne veux rien à voir à faire
avec la viande qui a été utilisée pour une cérémonie païenne. »
Ils croyaient que c’était un péché de manger de la viande offerte
aux idoles. En conséquence, Paul leur a répondu en affirmant
que le fait de consommer cette viande n’est pas péché en soi.

54
Bénédic tion et jugement

La façon dont elle était utilisée avant sa vente sur le marché ne


devait en aucun cas causer d’inquiétude aux chrétiens (1 Co 8).
Dès le début, l’Église a dû lutter contre l’intrusion de l’ido-
lâtrie dans la pratique de la liturgie, en particulier en ce qui
concerne la sainte cène. Revenant à la question de la transsubs-
tantiation, rappelons-nous que le problème souligné par Calvin
impliquait la déification de la nature humaine du Christ. Calvin
affirmait qu’il s’agissait là de la forme la plus subtile possible
d’idolâtrie. Comme le Christ est l’Homme-Dieu, il est le Fils
de Dieu, et le Nouveau Testament nous appelle à l’adorer. Nous
adorons la personne, mais nous n’extrapolons pas la nature
humaine de la nature divine ni n’adorons la nature humaine en
dehors de son union avec la deuxième personne de la Trinité.
Adorer la nature humaine de Jésus en dehors de son union avec
le divin Fils de Dieu serait commettre de l’idolâtrie, car ce serait
attribuer à l’aspect créé de Jésus un élément divin.
Nous devons toutefois nous montrer très prudents sur ce
point. L’Église adore la personne entière du Christ, seulement,
il est digne d’être adoré à cause de sa nature divine, et non
celle humaine. Voilà pourquoi les réformateurs, en particulier
Calvin, étaient préoccupés par les pratiques de l’Église médié-
vale relatives au culte de la nature humaine de Jésus.
Si vous avez l’occasion d’entrer dans une église catholique
romaine aujourd’hui, vous remarquerez que les gens fléchissent
le genou avant de s’asseoir. Si vous observez le déroulement de
la messe, vous noterez que le prêtre fait aussi souvent une génu-
flexion. Pourquoi ? L’objet de la génuflexion est le tabernacle.

55
Qu’est-ce que la sainte cène ?

C’est généralement une boîte dorée qui figure bien en évidence


au sommet de l’autel et qui contient le pain consacré. Les catho-
liques romains croient que le pain devient le corps réel du
Christ. C’est pour cette raison qu’ils font une révérence et une
génuflexion devant l’autel consacré. Les catholiques romains
considèrent que le pain consacré est un objet de culte, ce à quoi
les réformateurs s’opposaient vivement. Ils disaient : « Pourquoi
devrait-on s’incliner devant du pain consacré ? Même s’il deve-
nait la nature humaine de Jésus, il n’en demeurerait pas moins
inapproprié de se prosterner devant la nature humaine. »
Il y avait encore un autre point de controverse au sujet de
la sainte cène. Ce dernier était associé à la compréhension de
l’Église par rapport à ce qui se passe réellement lors de cette mise
en scène de la messe. Après la consécration, l’Église catholique
romaine enseigne que ce qui se produit pendant la messe est
une répétition du sacrifice du Christ sur la croix. Or, même si
l’Église indique clairement que cette répétition du sacrifice se
fait de manière non sanglante, elle insiste néanmoins sur le fait
que le sacrifice est réel. Ainsi, même s’il s’agit d’une offrande
non sanglante, le Christ est bel et bien sacrifié à nouveau chaque
fois que la messe est célébrée. Les réformateurs trouvaient cette
vision blasphématoire, car elle représentait pour eux un rejet
total de ce qui est écrit dans l’épître aux Hébreux, à savoir que le
Christ s’est offert une fois pour toutes (Hé 10.10). La suffisance
et la perfection de l’expiation que le Christ a accomplie sur le
Calvaire étaient si complètes que la répéter reviendrait à dénigrer
la valeur suprême de l’expiation réalisée une fois pour toutes.

56
Bénédic tion et jugement

Dans l’article 29.4 de la Confession de foi de Westminster se


trouve cette déclaration :

Les messes privées ou la réception de ce sacrement par un


prêtre ou par tout autre, quand il est seul (1 Co 10.16),
ainsi que le refus de la coupe aux fidèles (Mc 14.23 ;
1 Co 11.25-29), le culte rendu aux éléments, leur éléva-
tion, leur transfert pour qu’ils soient adorés, et leur mise
à part pour quelque prétendu usage religieux sont autant
de pratiques contraires à la nature de ce sacrement et à
son institution par Christ (Mt 15.9).

Nous voyons à nouveau que les protestants ont fortement


réagi à la théologie de la messe, suivant les avertissements de
Paul dans 1 Corinthiens 10. Ce chapitre n’est d’ailleurs pas
le seul endroit où Paul nous a mis en garde. Il a donné des
avertissements encore plus forts dans 1 Corinthiens 11.17-34
concernant l’abus de la sainte cène. Il a en effet écrit :

En donnant cet avertissement, ce que je ne loue point,


c’est que vous vous assemblez, non pour devenir meil-
leurs, mais pour devenir pires. Et d’abord, j’apprends
que, lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a
parmi vous des divisions – et je le crois en partie, car il
faut qu’il y ait aussi des sectes parmi vous, afin que ceux
qui sont approuvés soient reconnus comme tels au milieu
de vous. Donc lorsque vous vous réunissez, ce n’est pas

57
Qu’est-ce que la sainte cène ?

pour manger le repas du Seigneur ; car, quand on se met


à table, chacun commence par prendre son propre repas,
et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre. N’avez-vous pas
des maisons pour y manger et boire ? Ou méprisez-vous
l’Église de Dieu, et faites-vous honte à ceux qui n’ont
rien ? Que vous dirai-je ? Vous louerai-je ? En cela, je ne
vous loue point. Car j’ai reçu du Seigneur ce que je vous
ai enseigné ; c’est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où
il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le
rompit, et dit : Ceci est mon corps, qui est rompu pour
vous ; faites ceci en mémoire de moi. De même, après
avoir soupé, il prit la coupe, et dit : Cette coupe est la
nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire
de moi toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les
fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette
coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce
qu’il vienne. C’est pourquoi celui qui mangera le pain ou
boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable
envers le corps et le sang du Seigneur. Que chacun donc
s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive
de la coupe ; car celui qui mange et boit sans discerner
le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre
lui-même. C’est pour cela qu’il y a parmi vous beau-
coup d’infirmes et de malades, et qu’un grand nombre
sont morts. Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne
serions pas jugés. Mais quand nous sommes jugés, nous
sommes châtiés par le Seigneur, afin que nous ne soyons

58
Bénédic tion et jugement

pas condamnés avec le monde. Ainsi, mes frères, lorsque


vous vous réunissez pour le repas, attendez-vous les uns
les autres. Si quelqu’un a faim, qu’il mange chez lui, afin
que vous ne vous réunissiez pas pour attirer un jugement
sur vous. Je réglerai les autres choses quand je serai arrivé.

Ce qui se passait à cette époque-là semble évident. La fête


commémorative de l’agape, qui était célébrée en même temps
que la sainte cène dans l’Église primitive et qui devait rappeler
la mort du Christ et le souvenir de la Pâque, était devenue
l’occasion de gloutonnerie débridée et d’égoïsme dans la com-
munauté corinthienne. Les gens se poussaient les uns les autres
pour se mettre à table et se gaver de nourriture pendant que
d’autres avaient faim. Autrement dit, l’intérêt de la célébration
de la sainte cène était anéanti par ces comportements. Paul se
trouvait donc obligé de faire face à deux problèmes concernant
l’Église de Corinthe. D’une part, une tendance à l’idolâtrie
mêlée à la célébration de la sainte cène et le dénigrement du
caractère sacré de l’événement par des gens qui en faisaient un
pique-nique d’Église pour se livrer à la gourmandise. C’est dans
ce contexte que Paul a donné ces avertissements très sérieux au
sujet de la célébration de la sainte cène.
Compte tenu de cet enseignement, l’un des principes forts
qui sont ressortis de la Réforme protestante au sujet de la sainte
cène nous a conduits à pratiquer « la clôture de la table ». En
effet dans certaines Églises, avant la célébration de la sainte
cène, le pasteur avertira les personnes qui ne sont pas membres

59
Qu’est-ce que la sainte cène ?

en règle d’une Église évangélique de ne pas prendre part à la


cène. Il rappellera à l’assemblée que le repas du Seigneur est
réservé aux chrétiens pénitents. Il y a même des Églises qui ne
vous permettront pas de prendre part à la sainte cène à moins
que vous ne soyez membre de cette assemblée. Si vous êtes un
visiteur, on pourrait vous décourager d’y participer même si
vous êtes chrétien.
Le but de « clôturer la table » n’est pas d’exclure les gens
par principe d’arrogance, mais plutôt de les protéger des ter-
ribles conséquences énoncées ici par l’apôtre Paul, où dans ce
chapitre il a parlé de la manducatio indignorum, qui signifie
« manger et boire indignement ». Quand une personne prend
part à la sainte cène indignement, au lieu de boire une coupe
de bénédiction, elle boit une coupe de malédiction. Elle mange
et boit une condamnation, et Dieu ne se laissera pas ridiculiser.
Si des individus célèbrent l’activité la plus sacrée de l’Église et
le font de manière inappropriée, ils s’exposent eux-mêmes au
jugement de Dieu.
Oscar Cullman, le théologien suisse, a déclaré que le
verset le plus négligé de tout le Nouveau Testament est
1 Corinthiens 11.30 : « C’est pour cela qu’il y a parmi vous
beaucoup d’infimes et de malades, et qu’un grand nombre sont
morts. » Certains érudits voient dans 1 Jean 5.16,17 la signifi-
cation que Dieu n’enverra pas les chrétiens qui ont fait mauvais
usage ou ont abusé de la sainte cène en enfer, mais qu’il pourrait
prendre leurs vies.

60
Bénédic tion et jugement

Le point qu’a voulu faire valoir Paul ici est que le sacrement
de la sainte cène en est un qui implique et nécessite un certain
discernement. Nous devons discerner ce que nous faisons. Nous
devons venir à la table du Seigneur avec une attitude appro-
priée d’humilité et de repentance. Il ne s’agit pas bien entendu
d’exclure qui que ce soit. Personne n’est digne, au sens strict du
terme, de communier avec le Christ. Nous, qui sommes indignes
en nous-mêmes et de nous-mêmes, venons communier avec le
Christ parce que nous en avons besoin. Cependant, nous devons
venir à lui dans un esprit de dépendance, et non avec arrogance,
en confessant nos péchés et en ayant confiance en lui seul pour
notre salut. Si nous traitons ces choses sacrées de manière hypo-
crite, Dieu ne nous tiendra pas pour innocents. C’est pour cela
qu’il est utile d’étudier la signification de ce sacrement.
En prenant part à la sainte cène, nous venons à la rencontre
du Christ vivant, nous recevons les bienfaits de la communion
avec le Pain du ciel, et en même temps, nous devons nous garder
de toute forme de comportement ou de distorsion de ce sacre-
ment qui ferait retomber sur nous le mécontentement de Dieu.

61
À propos de l’auteur

R. C. Sproul fut le fondateur du ministère Ligonier, le pasteur


fondateur de la Saint Andrew’s Chapel à Sanford, en Floride,
le premier président du Reformation Bible College, et le rédac-
teur en chef du magazine Tabletalk. Son émission de radio,
Renewing Your Mind, est toujours diffusée quotidiennement
sur des centaines de radios à travers le monde et peut également
être écoutée en ligne. Il fut l’auteur de plus d’une centaine
de livres, dont La sainteté de Dieu et Choisis par Dieu. Il est
reconnu dans le monde entier pour avoir brillamment défendu
l’inerrance des Écritures et la nécessité pour les croyants de
s’attacher fermement à la Parole de Dieu.
Ligonier Ministries est un ministère d’enseignement
fondé par le Dr R. C. Sproul. Il a pour but d’aider les
chrétiens à connaître davantage leur foi, à mieux la
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des guides d’étude et du contenu multimédia sur leur
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conversion des non-croyants, tout en cherchant à équiper
les saints pour servir le Christ et son Église. Elle traduit et
édite des ouvrages qui sont en accord avec les Écritures et les
confessions réformées historiques, notamment la Confession
de La Rochelle. À l’image des pionniers qui traversèrent
l’océan pour apporter les vérités de la réforme protestante
en Nouvelle-France, les Éditions La Rochelle veulent, à leur
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publie et diffuse des livres pour aider l’Église dans sa mission parmi
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