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TD 8 — Philippe Bourgeois

15/11/2021

Bourgois, Philippe. «Violence, respect et sexualité chez


les revendeurs de crack portoricains d’East Harlem», Re-
vue européenne des migrations internationales, vol. 18 -
n°3, 2002, 55-76.
• Les problèmes économique des personnes de couleurs aux USA est ramené au plan moral
(carences psychologiques, individus psychopathe, pathologie sociale de “sous-culture”)
→ analyse de la pauvreté/marginalisation sociale à partir de perspective individua-
liste, ethnocentriste. Interprétation de l’inégalité sociale en termes d’essentialisme
culturel, déterminisme/racisme biologique.
• La sensibilité progressiste/culturaliste ne peut dénier cependant la gravité des phéno-
mènes caractérisant les ghettos US.
• Pour comprendre pourquoi aux US beaucoup d’hommes économiquement faibles
s’entretuent ou maltraitent leur progéniture, il faut analyser le contexte socio-
structurel, politique et idéologique.
• Climat de détérioration économique + hostilité politique ⇒ exacerbation de la sé-
grégation raciale dans les villes.

l’évolution du patriarcat ouvrier dans East Harlem


• Déstabilisation économique → aggravation de la marginalisation sociale modifiant
la façon dont ces hommes “accomplissent leur masculinité”. La patriarcat ouvrier tradi
est en crise: perte de la légitimité matérielle sur laquelle se fondaient leur exigence de
“respect”.
• Face à la dislocation des formes d’organisation patriarcales de la société
d’après-guerre → résistance à ces changements par la violence, tentent de réaffirmer
leur contrôle patriarcal sur les femmes/enfants.
• L’influence de la question du genre sur la souffrance sociale renvoie à la question des
relations de pouvoir entre les sexes, notamment le rapport entre la violence personnelle
et les luttes masculines pour la dignité.
• Enjeu: L’article s’intéresse à la manière dont les hommes portoricains des ghettos
reconstruisent leur conception de la masculinité par le biais de la violence interper-

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sonnelle, du parasitisme économique et de la domination sexuelle.
• Les dealers qui participent à la culture de la rue sont en réalité les agents actifs
d’une quête de la dignité (même si cette recherche se manifeste par la violence et
l’auto-destruction). On pourrait expliquer ce processus par une psycho-pathologie indi-
viduelle, mais il faut plutôt le replacer dans son contexte historique, et compris comme
l’expression de luttes contradictoires dont les enjeux relèvent du champ du pouvoir et
de la signification.

le contexte historique
• Modifications de la structure familiale/rôles de pouvoir masculins. La valeur du père
dépendait du respect qu’il avait.
• Avant, ces immigrants avaient une conception de la masculinité construite autour de
réseaux interpersonnels de “respeto” (respect). Plusieurs générations plus tard, ces héri-
tages idéalisés ont été redéfinis dans un contexte de culture de rue explicitement miso-
gyne et sexuellement agressive → la traditionnelle quête du respect s’est métamorphosée
en crainte de l’irrespect.
• Le souvenir de l’ancien pouvoir ancestral poursuit inlassablement ces homme lorsqu’ils
pensent au passé jibaro patriarcal qu’ils sont désormais incapable de reproduire.

la violence domestique
• Modèle de virilité violente. 15 années après, Primo reproduit ce cycle de brutalité
en battant à son tour. Les rôles patriarcaux inversés, le portoricain voit sa conception
de la masculinité mise à mal → tente de récupérer le respect par le seul moyen à sa
disposition immédiate: la violence physique en public.

des hommes vulnérables


• Le symptôme psychosomatique portoricain: la “crise de nerfs”, symbole de
l’impuissance masculine → se remettait en s’attaquant à la femme vulnérable
la plus proche.
• Aucune des sœurs de Primo ne sont impliquées dans l’économie parallèle.

stabilité conjugale et emploi légal


• La plupart des revendeurs de crack rencontrés veulent fonder une famille “bourgeoise”
idéale de type nucléaire.
• Interrelation complexe entre chômage, pathologie individuelle, instabilité familiale,
fragilité structurelle sur le marché du travail ⇒ illustre l’interaction entre personnalité
et structure sociale dans la construction des subjectivités masculines.
• La plupart des emplois licites à NY sont du secteur tertiaire, considérés comme fémi-
nisants. Ils éprouvent des difficultés à accepter d’être commandés par des femmes, il
est émasculant de devoir courir chercher le café pour leurs supérieurs hiérarchiques.

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investir dans le multipartenariat sexuel
• La conquête sexuelle et la multiplicité des partenaires représentent un autre lieu de
définition de la dignité masculine propre à la culture de rue.

le viol collectif
• En général présenté comme un rituel initiatique, cet acte violent parfois sert aussi à
lier les garçons dans un érotisme homosexuel et misogyne, la participation aux viols
collectifs est pour les jeunes garçons une façon d’affirmer leur virilité.
• Comme pour les violences domestique, par le viol collectif, les mâles donnent une di-
mension publique à leur tentative de réaffirmation des relations de pouvoir pa-
triarcales anachroniques qui étaient l’apanage des générations précédentes et qui ont
été affaiblies par la modification des rapports de pouvoir de sexe.

“Le fait que les filles gagnent en autonomie dans les milieux dominés par les
mâles incite ceux-ci à se débattre vigoureusement”.

responsabilité individuelle et victimisation structurelle sociale


• Les propos ethnocentriques sont si incrustés dans le bon sens général qu’on interprète
cette misère comme la représentation culturelle d’une communauté ethnique données
(ici les portoricains aux USA). L’article s’oppose aux explication culturelles essentialistes
en fournissant des arguments historiques et théoriques.
• Des transformation macro-structurelle, sur tout le globe et à long terme, sont en train
de s’accomplir dans les relations entre les sexes.
• Pour tous les changements politiques majeurs affectant des groupes antagonistes, le
processus complexe par lequel les femmes se définissent un nouvel espace public abonde
en conséquences contradictoires et provoque bien des souffrances.
• Statu quo de la domination masculine: la plupart des luttes et réalisations des femmes se
sont définies dans le cadre de droits individuels qui sont en fin de compte largement cal-
qués sur les modèles patriarcaux bourgeois d’«accès à l’autonomie» (“empowerment”).
• La compréhension des expériences d’oppression et de résistance souffre de la mé-
diocrité des analyses concernant le rapport personnalité/société. Les relations entre
agency/structure sont en général présentées de manière dualiste → la sexualité,
l’organisation familiale, les rapports sociaux de sexe et la construction culturelle de
l’intimité sont des question cruciales qui affectent les menus détails de notre vie
quotidienne →

“Si tous les revendeurs de crack sont des victimes d’un point de vue struc-
turel social, ils sont également les agents de leur propre auto-destruction au
quotidien”

• Les formes particulièrement brutales que la masculinité a revêtu dans les rues des ghet-
tos américains sont finalement la manifestation, non seulement du modèle économico-
politique américain, mais bien plutôt des carences fondamentales dont souffrent, en

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matière de droits de l’homme, les milieux défavorisés et marginalisés aux États-Unis
— en particulier dans le domaine de la liberté individuelle, de l’accès aux soins, au
logement, à l’éducation et à la sécurité publique des habitants des ghettos.
• Autrefois fondées sur une structure de vie rurale, les subjectivités masculines patriar-
cales se sont polarisées sur l’exacerbation de la violence, la maltraitance sexuelle géné-
ralisée et le parasitisme économique vécu au grand jour. Phénomènes qui ne sont que
la manifestation symptomatique de ces inégalités fondamentales au plan politique et
culturel.
• Derrière les conversations les plus crues qui sont évoquées dans ce texte, se cache, d’une
part, la crise massive des secteurs public et privé, et de l’autre, l’idéologie d’apartheid
de facto qui légitime des seuils d’appauvrissement dans la population travailleuse la
plus démunie.

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Hazard, Benoît. «L’éthique des déclassés. : A propos de
Philippe Bourgois. En quête de respect. Le crack à New
York.», L’Homme - Revue française d’anthropologie,
Éditions de l’EHESS 2003, pp.285-296.
Déviance. Résulte d’une interaction entre des normes et des types de comportements par-
ticuliers, d’une part, et de sa désignation, d’autre part.
• BOURGEOIS réfléchit aux tensions politiques qu’une société exprime à partir de son
rapports aux normes établies.
• Problématique: Mais toute déviance correspond-elle à un message à l’endroit des règles
sociales dominantes? Jusqu’où le relativisme moral de l’anthropologie peut-il avancer
dans la compréhension de ces comportements?
• L’auteur montre les relations entre le commerce du crack et l’émergence d’une culture de
rue. L’économie clandestine fournit des stratégies alternatives de production de revenus
pour les déclassés.
Culture de rue. Réseau complexe et conflictuel de croyances, de symboles, de modes
d’interactions, de valeurs et d’idéologies émergeant en opposition à l’exclusion suscitée
par la société dominante.
• La descente sociale dans la revente de crack est fondée sur une “marginalisation struc-
turelle”, mais subsiste quelques vestiges culturels du paysan jibara, nourrissant leur
ethos d’une incarnation à la résistance à la domination coloniale, à l’aliénation sociale
et politique, au respect de soi et des valeurs patriarcales.
• L’objectivation de la situation restitue le décalage entre la structure/l’action, pointant
“la façon dont les individus réagissent aux forces qui les oppriment”.
• Le Barrio correspond à un monde inversé, où la dignité et la résistance culturelle à la
pauvreté se traduisent par une “culture de rue oppositionnelle”, le bon sens par le crime
et la violence.
• Le destin des Nuyoricains est scellé à une “désintégration culturelle” née de
l’effondrement des secteurs d’activités secondaires et de la réorganisation de l’économie
new-yorkaise autour du tertiaire. Le retour dans la rue est vécu comme une résistance,
une “célébration oppositionnelle de la marginalité de la rue”.
• Dans le dernier temps de l’ouvrage, interrogation à partir de récits d’enfance des rela-
tions entre instances de la socialisation/construction de la marginalisation sociale.
– L’enfance des fils de migrants portoricains reflète une situation d’indétermination
culturelle s’exprimant par la résistance à l’école et la construction de personnalités
violentes.
– Face à cette exclusion, les groupes pairs proposent un espace de sociabilité, socia-
bilisation de la rue le menant au viol collectif adolescent → l’exercice d’un contrôle
social autant sur les individus du réseau que sur les victimes féminines. Logique
patriarcale des gangs.
• La crise du modèle patriarcal portoricain, les violences traduisent l’anachronisme de
l’économie domestique jibara au sein de la cité new-yorkaise.

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• L’éclatement des structures familiales affecte l’identité masculine des pères et les hié-
rarchies du Barrio: aspirant à une progéniture généreuse, les pères vivent une “crise
historique de la virilité”, trouvant son fondement dans des “cycles familiaux de vio-
lence” (=transmission intergénérationnelle de la brutalité masculine).

la culture de rue: résistance ou ruse?


• Thèse de la domination des Portoricains, reposant sur une vision de la culture de rue
comme expression d’une domination enraciné dans l’histoire.
• L’histoire de la marginalisation structurelle dont les acteurs n’ont pas une conscience
“objective” tend à culturaliser une situation qui constitue une logique d’action.
• La drogue expression “épiphénoménale de dilemmes structurels plus profonds”. Mais son
obstination à comprendre les codes culturels au dépens des clivages nés de la situation
migratoire traduit une représentation idéalisée/discutable de la culture jibara de Porto
Rico.
• BOURGEOIS rejette le caractère pathologique de la pauvreté et examine les relations
entre les contraintes sociales structurelles et la responsabilité individuelle.
• En situant l’acte de résistance dans un processus inéluctable de reproduction de la
domination, les catégories dialectiques de résistance et d’autodestruction sont-elles sa-
tisfaisantes pour rendre compte de pratiques culturelles d’oppositions intériorisées, soit
en définitive d’une ruse des faibles?

Gueye, Abdoulaye. «Compte rendu de [Philippe Bour-


gois, En quête de respect : le crack à New York.», Paris,
Seuil, coll. “Liber”, 2001, 458 p., illustr., bibliogr., in-
dex.] Anthropologie et Sociétés, 26(2-3), 2002, 279–281.
• La prégnance de la pauvreté dans le Barrio favorise l’invention d’une culture économique
de survie qui se manifeste à travers 2 types d’initiatives: la commercialisation de
produits illicites et l’instrumentalisation de l’État.
• La rentabilité financière associée à la vente de crack, en contexte d’extrême pauvreté
sociale, constitue une cause première de la violence dans le Barrio.
• La violence constitue un moyen de protection/défense de soi. En particulier chez les
femmes, ayant été socialisées dans une culture machiste mais aussi conscientes du pou-
voir attribué par la société US, les femmes nuoyoricaines répondent par la violence pour
se soustraire à l’emprise des hommes (Candy).

Kokoreff, Michel. «Bourgois Philippe, En quête de res-


pect. Le crack à New York.», In: Revue française de so-
ciologie, 2002, 43-3. pp. 606-610.
• L’apartheid social et les conduites illicites qu’il engendre.

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• S’inscrit dans une tradition de recherche anthropologique privilégiant l’observation de
l’intérieur des rapports/processus sociaux.
• L’objectif: la critique aussi bien de l’hypocrisie des intellectuels progressistes, que les
préjugés moralisateurs des classes moyennes américaines à l’égard des pop. démunies.
• Le sujet du livre n’est pas le crack, c’est qu’un symptôme/symbole des dynamiques plus
profondes de la marginalisation sociale et l’exclusion.
• Cotre l’explication par les facteurs individuels, il s’agit de comprendre la logique interne
de la culture de rue et ses contradictions.
Culture de la rue. “Culture de la résistance”, “style oppositionnel”, produit du sens en
assurant un rejet du racisme et de la domination tout autant qu’en assurant une “quête
personnelle de la dignité”. Les dealers recherchent dans la CdR une alternative à leur
marginalisation sociale.
• En présentant les biographies des dealers de crack, il met en évidence les relations entre
oppression structurelle/action individuelle → “la façon dont les individus réagissent aux
forces qui les oppriment”.
• Dimension historico-culturelle essentielle pour comprendre leurs vies. Passage du
jibaro portoricain au revendeur de crack hispanique.
• “Explication écologique” des conduites délinquantes et de la violence.
• Le rapport au travail légal des revendeurs de crack: désintégration culturelle.
• Leur “carrière” a été fabriquée/légitimée par l’école. C’est par la socialisation, notam-
ment le “rite de passage à l’âge adulte” du viol collectif que Bourgeois voit la trace
d’une “intériorisation de leur propre dévalorisation”.
• Ils sont confrontés à un héritage historico-culturel qu’ils sont incapables de reproduire
dans le contexte des quartiers pauvres, mais qui continue quand même à informer leurs
conduites.
• Un déplacement entre entretien/“les Portoricains” qui pose la question de la place des
singularités biographiques dans l’analyse. Sans doute l’interprétation proposée de la
violence domestique/sexuelle en référence à la crise de la famille “patriarcale” et aux
dysfonctionnements du service public pourrait-elle être développée.

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