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S'inspirer des connexions

naturelles, pour imaginer


de nouveaux réseaux
électriques

Mémoire du Master
Nature Inspired Design
ENSCI ­ les Ateliers
Promo 2020/2021

Thibault PREVOST

Directeur de mémoire :
Arnaud de Palange

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Avant­propos :

Ce mémoire a été réalisé dans le cadre de ma formation au master


Nature­Inspired Design de l'ENSCI, qui fait partie de ma formation
professionnelle au sein de RTE. Je tiens à remercier l'équipe
enseignante du master ainsi que les intervenants pour ces 18 mois de
formation, avec une attention particulière à Adrien Payet avec qui
j'ai pu affiner le sujet de ce mémoire grâce à nos échanges. Je
remercie aussi bien évidemment RTE de m'avoir permis de réaliser ce
master en continuant mes activités au sein de l'entreprise, et mes
collègues pour l'intérêt qu'ils ont porté à mes travaux et les discussions
enrichissantes que ce master et mémoire ont suscité.

Je tiens à préciser que ce mémoire reflète mes reflexions et ma vision


des choses et ne représente en aucun cas un positionnement de RTE
sur aucun des sujets abordés.

Je remercie vivement Arnaud de Palange, pour m'avoir suivi,


conseillé, encadré, régulièrement et à des horaires non
conventionnels afin de conciliers nos agendas, et ce, toujours dans la
bonne humeur et la bienveillance.

Merci à toute la promotion de cette première année de Master NID,


de laquelle j'ai énormément appris au cours de ce cursus! A
distance, ou en classe. Sans eux, la saveur de ce master aurait été
bien différente !

Et enfin, bien sur, merci à Célia, pour son soutien, pour tous les
échanges que nous avons eus sur les fictions, les illustrations, et pour
avoir été compréhensive sur le temps que j'ai passé sur ce mémoire !

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Plan du document

Entrées
Embobinages
Fiction 1 : une planète interconnectée
Fiction 2 : un réseau de réseaux, une solidarité choisie
Fiction 3 : une ville permaculturelle
Fiction 4 : une autonomie individuelle
Alternance 1 : Qu'est­ce que la puissance ?
Se mettre au courant (des enjeux)
Techniques
Environnementaux
Invisibilité
Solidarité
Alternance 2 : Qu'est­ce que l'énergie ?
Connexion
Etat de l'art
Un nouveau modèle pour concevoir le réseau
Critiques et limites
Atlernance 3 : Transporter l'énergie
Le potentiel des modèles biologiques
La circulation sanguine et l'hibernation
La forêt
La permaculture
Les plantes grasses
L'ATP
Le système nerveux
Les insectes sociaux
La notion d'individu
Sorties

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Entrées
Un réseau électrique, pourquoi, pour qui ?

Le réseau est un ensemble de relations qui connecte différentes


entités. Cette définition, certes perfectible, peut être appliquée à
une grande variété de réseaux, qu’il soit social, de
télécommunication, de connaissances, voire électrique. Pour décrire
un même réseau, différents types de relations peuvent être
envisagés, comme les connexions physiques, je suis l’ami de Jeanne
sur ce réseau social, ou les connexions indirectes, je suis connecté à
Paul par l’intermédiaire de Jeanne. Pour certains, le réseau peut
représenter les relations mais aussi les entités, comme par exemple un
réseau d’amis, représente les liens avec les amis mais aussi les
personnages eux­mêmes. Nous allons ici nous intéresser au réseau
électrique, qui inclura en ce qui nous concerne les liens qui
permettent de réaliser les connexions, les connexions indirectes mais
aussi l’ensemble des entités qui y sont connectées.

L'électricité sort des prises, avec une sorte de magie, chaque


appareil qui y est connecté s'anime et fournit des services qui sont
devenus cruciaux dans la vie de chacun d'entre nous. Contrairement
à beaucoup d'autres biens de consommation, l'électricité ne se voit
pas, elle n'existe pas directement, elle ne peut être perçue que par
ses effets et même si elle peut être mesurée, elle ne peut pas être
tracée et on ne peut donc pas en définir l'origine.

Historiquement en France, l'électricité était produite proche des


industries et a été apportée aux foyers par la construction de réseaux
qui en permettent l'acheminement. D'une nature technique
complexe, la gestion de l'électricité a été déléguée à une entreprise
(EdF) qui englobait sa production, son transport et sa distribution.
Cette gestion technique commune de toutes les étapes autres que
la consommation, a contribué à maintenir cette magie, de
l’électricité fournie partout, tout le temps et en quantité. Pour

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atteindre cet objectif tout en optimisant les coûts, l’ensemble des
systèmes électriques européens a été interconnecté.

Cette électricité fiable, peu chère et abondante, ­en un mot


“simple”­, a par conséquent conduit à ce qu'elle soit utilisée dans
chaque foyer, pour une grande diversité d'applications, avec des
importances différentes mais incluant des applications vitales. Cela
va des applications de loisir (TV / Audio), de confort (lave­vaisselle /
lave­linge), alimentaire (réfrigérateur) aux applications de survie
(respirateur/ surveillance personnes âgées). Cette approche,
associée à une impossibilité de percevoir directement l’électricité, a
eu comme effet (secondaire?) de déresponsabiliser la
consommation électrique.

Le développement des énergies renouvelables vient “perturber”


cette vision de l’électricité de deux manières. Tout d’abord car cela
fait sortir la production électrique de son caractère industriel, au sens
étymologique, l’électricité n’est plus produite à l’intérieur d’un
bâtiment (centrale nucléaire, gaz ou charbon) mais s’expose à la
vue de tous avec les panneaux solaires et les éoliennes. Cela permet
donc de rendre perceptible la production d’électricité, et de “casser
la magie”.

Conjointement à la démocratisation de ces énergies, l'émergence


de nouvelles technologies de stockage d'électricité, la baisse de leur
coût et leur facilité d'utilisation a amené certains utilisateurs à se
déconnecter du grand réseau intercontinental, afin de produire
l'intégralité de l'électricité qu'ils consomment. Motivés par plusieurs
raisons, cela leur permet par exemple de garantir la provenance de
leur électricité, ou parfois d'assurer un approvisionnement qui serait
impossible dans une zone isolée. Cette approche nécessite aussi
souvent un travail important de connaissance de ses usages, ses
besoins et par conséquent une perception des moyens nécessaires à
produire de quoi satisfaire ses besoins. Cet isolement, souvent réalisé
dans un souci d'écologie, n'est néanmoins pas toujours réalisé dans
un objectif d'efficacité globale. (difficilement appréhendable)

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Dans un contexte de transition énergétique, où les lieux de
production et de consommation se dispersent, se mélangent, voire
ne font plus qu'un, les 2 approches consistant soit à s’interconnecter
afin de créer un réseau le plus étendu possible soit à s’en isoler et
devenir autonome en électricité ne semblent pas adaptées. En effet,
comme expliqué dans les paragraphes précédents, le caractère
étendu du réseau permet de bénéficier d’avantages techniques
importants mais prolonge le phénomène d’imperceptibilité de
l’électricité, alors que l’isolement du réseau permet de responsabiliser
mais peut être questionné d’un point de vue technique. La nécessité
de responsabiliser chaque individu avec sa consommation tout en
tirant partie des avantages de la mise en commun et
l'interconnexion réalisées grâce au réseau doivent être combinés afin
de créer le système le plus durable possible.

Il y a dans notre environnement direct des exemples de réseaux qui


concilient ces deux principes. On peut citer par exemple les
écosystèmes forestiers, où chaque arbre est capable de se
développer seul, et développe la quantité de feuilles qui lui est
nécessaire. Néanmoins, il se connecte à ses semblables dans la forêt,
directement ou à travers des champignons mycorhiziens afin de
bénéficier d’une résilience plus importante. Nous allons donc
interroger les espèces vivantes, afin de trouver les échelles auxquelles
les connexions se font et la manière dont les réseaux sont construits,
et ainsi explorer différents intermédiaires entre le réseau
interconnecté à une échelle (trans­)continentale et une
indépendance à l'échelle du foyer.

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Embobinages
Des fictions de mise en situation

Cette première partie du mémoire a pour objectif de présenter


différents scénarii fictionnels, des extraits de vie, qui illustreront des
structures et gestions des réseaux énergétiques et en particulier
électriques très différentes.
Le premier et le dernier scénario sont des scénarii inspirés de faits
réels. Tandis que les scénarii 2 et 3 regroupent une partie des
éléments qui ont été trouvés dans la recherche bibliographique et les
reflexions associées et qui seront détaillés dans la suite du
document.

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Fiction 1
Une planète interconnectée

Hélène se promène dans la rue. Sur un écran publicitaire, elle aperçoit


une communication sur la nouvelle connexion électrique avec le pays
voisin. Tout à coup, cela la replonge dans le souvenir toujours très
présent de ce dramatique incident.

Tout avait commencé avec un incident sur une centrale nucléaire.

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Un problème sur la centrale de Tchernoshima avait conduit à une fuite
importante de matériaux radioactifs dans les eaux de refroidissement.
L'affaire avait fait grand bruit, et la centrale avait été passée au peigne
fin pour en identifier la cause. A la fin de l'enquête, le verdict montrait
que le défaut technique était présent sur toutes les centrales du pays.
Après une semaine de débat, le gouvernement prit la décision d'arrêter
toutes les centrales du pays, afin de réparer ce défaut de conception sur
chacune d'entre elles. L'incident sur la première centrale avait été
catastrophique, mais s'était produit à un endroit où les contaminations
furent rapidement diluées. Pour les autres par contre, les conséquences
en cas de problème risquaient d'être encore plus graves !

Avant cet incident, tout allait bien, nous faisions partie des pays les plus
avancés technologiquement, nous avions une électricité toujours
disponible et bon marché. Notre pays était connecté à tous ses voisins,
cela devait nous garantir un approvisionnement sans faille, quelles que
soient les conditions climatiques. Nous avions accès à toutes les
technologies que nous souhaitions, sans limite. Il y avait bien parfois des
messages publicitaires nous demandant de faire attention à notre
consommation électrique. Mais à l'époque, nous n'y prêtions pas
vraiment attention. Il n’y avait pas de raison.

Après ce drame, la moitié de la production électrique du pays s’est arrêtée


en une semaine. Bien sûr, nos voisins nous ont aidés, mais c’était loin
d’être suffisant, et nous avons dû réduire de manière drastique notre
consommation électrique.

Malgré les messages d’incitation qui avaient été diffusés, les réductions
volontaires ne furent pas suffisantes. Pour éviter d'aller vers le blackout
complet, une répartition alternative fut mise en place : l'électricité n'était
pas fournie à tous les quartiers en même temps, chaque zone devait
passer plusieurs heures par jour sans électricité.

Autant dire que sans que ce soit le black­out complet, ce fut quand même
le chaos complet. Les équipements de certains commerces essentiels ne

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tenaient pas ces coupures régulières d'alimentation, certaines chambres
froides avaient rendues l'âme, ce qui avait conduit à des grosses pertes
alimentaires.

D'autres équipements essentiels, même s'ils avaient été conçus pour


fonctionner en cas de panne électrique, ne fonctionnaient pas, car les
coupures étaient trop fréquentes. Il y eût plusieurs cas d'incendies qui
n'avaient pas été détectés assez tôt et qui détruirent des habitations,
heureusement sans faire de victimes. Tout cela aurait été évité en temps
normal.

Les conséquences les plus graves furent pour certains malades


hospitalisés à domicile qui n'avaient pas été répertoriés, et pour lesquels
la coupure d'alimentation aggrava leurs problèmes de santé.

Quel chaos cette période !


Nous étions tous tellement habitués à ce que TOUT fonctionne TOUT le
temps...
Comment imaginer qu'un jour, il faille vérifier constamment les
créneaux horaires de coupures pour ne pas rester bloqués 3h dans
l’ascenseur ?
Ou que l’on pouvait rester coincé chez soi à cause d’un simple volet
électrique ?
Ou encore expliquer à nos enfants qu’aujourd’hui il n’y aurait ni film, ni
téléphone, ni ordinateur car ce n’était pas notre tour ?

Petit à petit, nous nous étions habitués à la situation, chacun faisant un


maximum d'effort pour que les coupures soient de moins en moins
longues. Tous les écogestes dont nous avions entendu parler mais qui
nous semblaient futiles étaient devenus en quelques semaines des
habitudes.

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Heureusement, les régions ont mis en place des formations pour nous
faire découvrir de nouveaux gestes économes. Certains, surprenants et en
apparence insignifiants, avaient été finalement assez efficaces, comme
réduire la luminosité des écrans d'ordinateurs et des télévisions,
augmenter l'espace entre les réfrigérateurs et les murs, ou adapter la
température des cuiseurs.

Comme les équipements n'étaient pas tous prévu pour être régulés
automatiquement, de nouveaux métiers furent créés, comme les
éteigneurs de lumières, ou les régulateurs de températures... Ces
personnes faisaient le tour des bâtiments collectifs, collèges, lycées,
universités, entreprises, bâtiments publics, pour éteindre les lumières,
limiter les températures des chauffages et des climatisations, et couper
tous les appareils quand les pièces n'étaient pas occupées.

Le gouvernement avait imposé aux entreprises et aux bâtiments publics


des objectifs ambitieux, ils durent réduire de 15% leur consommation
électrique comparée à l'année précédente, et la puissance maximum fut
baissée de 30%. Ceux qui le pouvaient avaient décalé les horaires de
travail.

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Et, contrairement aux particuliers, les entreprises pouvaient recevoir une
amende en cas de non­respect des objectifs.
Ce ne fut qu'au prix de tous ces efforts que nous avons pu retrouver un
rythme où les coupures étaient de nouveau anecdotiques.

Les analyses montrèrent que 75 % des citoyens avaient appliqués au


moins en partie ces mesures, volontairement ! La motivation était
clairement de ne plus subir de coupures inopinées.

La réparation des centrales avait pris bien plus de temps que prévu, cela
avait finalement duré 4 ans. 4 ans pendant lesquels ces efforts avaient dû
être maintenus pour éviter les coupures.

La situation s'était ensuite lentement améliorée, en quelques mois, les


centrales furent redémarrées. Les réactions furent très diversifiées, que ce
soit au niveau des entreprises, commerces ou des particuliers.
Certains avaient trouvé un nouveau rythme pendant cette crise, et ont
finalement maintenu leurs habitudes. D'autres, frustrés de cette période,
avaient justement préparé une reprise plus forte que la période pré­
Tchernoshima. Enfin, d'autres encore avaient simplement repris

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progressivement leurs habitudes passées. Le risque de black­out étant
écarté, ils avaient perdu leur principale motivation.
Même si seulement 10% de la population avaient trouvé les mesures de
prévention prises pendant la crise inconfortables, la tendance a été de
revenir à la normale d'avant crise.

Alors cette annonce sur cette nouvelle interconnexion, fait ressentir à


Hélène que nous sommes retombés dans notre abondance et insouciance
d'avant la crise, et que nous continuons à croire que tout ira toujours
bien, sans nous préparer à mieux vivre une crise potentielle.

Cette fiction a été majoritairement inspirée par les réponses mises en place suite à
l'accident de Fukushima au Japon.
1: Kimura, O., & Nishio, K. I. (2016). Responding to electricity shortfalls: Electricity­saving
activities of households and firms in Japan after Fukushima. Economics of Energy and
Environmental Policy, 5(1), 51–71. https://doi.org/10.5547/2160­5890.5.1.okim
2: https://www.nytimes.com/2011/07/29/world/asia/29electricity.html

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Fiction 2
Un réseau de réseaux, high tech, une solidarité choisie

Avril 2050, Jeanne et Geoffroy ont été appelés pour faire partie de la
Commission Citoyenne Energie de leur communauté. Cette CCE est
composée d’habitants tirés au sort, pour une durée de 3 ans, dont 1/3 est
renouvelé chaque année. Aujourd’hui, c’est leur première réunion, dans
laquelle leur formation va commencer grâce aux anciens membres. Ils
sont ravis d’avoir à jouer un rôle pour leur ville, mais un peu stressés de
devoir prendre des responsabilités.
Ils arrivent dans une petite salle, avec une vue sur la ville.

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La séance commence par une présentation, par les anciens membres, du
rôle de cette CCE et des multiples autres, de son fonctionnement et de la
ville. Celle­ci comporte 40000 habitants, 2 grandes zones industrielles,
800000m² de panneaux solaires sur les toitures ou les parkings, 500
éoliennes domestiques, 20 grosses éoliennes à la périphérie.

­ Comme vous le savez, notre ville a construit l’ensemble de cette


production pour que la ville puisse normalement être autonome en
électricité depuis maintenant 10 ans, raconte un ancien membre.
­ Tu habitais déjà ici quand on a fait cette transition, ou tu l’as faite
ailleurs ? chuchote Jeanne à Geoffroy.
­ Oui, j’étais déjà ici, je m’en souviens bien, c'était une sacrée aventure.
D’abord on avait eu une petite formation sur la consommation des
différents équipements.
­ Oui oui, mais nous, on avait pas tout compris, et les premières
journées… on s’est parfois retrouvé avec une douche froide, ou à mettre
des vêtements humides ! se rappelle Jeanne.
­ Nous on a vite compris que si tu regardes par la fenêtre et qu’il y a soit
du vent, soit du soleil, tu n’as pas à te soucier de quoi que ce soit. Sinon
par contre, mieux vaut regarder l’outil qu’a mis en place la communauté
pour programmer correctement les appareils qui sont chez toi !
­ Oui, même si ce n’est pas le seul indicateur, on peut être sûr que s’il y a
du ciel bleu, on peut lancer la machine à laver sans souci…
­ Heureusement que ça s'était fait à une période estivale, on était sûr de
faire le plein chaque jour avec les panneaux solaires. Ca nous a permis
de corriger nos erreurs progressivement, apprendre à couper les veilles,
programmer les températures en fonction de notre présence.
­ T’as raison, je n’ose pas imaginer comment on aurait dû s'adapter
rapidement si ça s'était fait en hiver ! La douche froide, ça passe mieux
en été qu’en hiver quand même !

Pendant ce temps, Georges, un ancien membre de la commission continue


sa présentation bien rodée :

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­ Notre ville se base principalement sur le soleil, même si nous avons bien
sûr aussi des éoliennes ! Nous sommes jumelés (‘directement connectés’) à
2 autres villes voisines, elles ont des tailles similaires à la nôtre. Elles ont
fait des choix similaires aux nôtres en termes de ressources, d’économie
d’énergies et de mode de contrôle. D’un point de vue électrique, c’est
comme si nous ne faisions plus qu’un, les mécanismes rapides qui sont
mis en place permettent de leur fournir de l’aide instantanément, mais
eux aussi nous aident...

­ Nous sommes aussi connectés à 2 autres Réseaux de Cités (RC) grâce à


des liens qui nous permettent d’échanger de l’énergie, et de nous soutenir,
mais uniquement si nous le souhaitons, et dans la limite de ce que nous
souhaitons ; nous les appelons des liens MYCO [1]. Cela permet de nous
connecter à des cités qui ont justement fait des choix différents des nôtres,
nous les aidons et réciproquement, mais en s’assurant que ce soutien ne
nous mettra pas en danger.

[1] Lien MYCO en rapport avec les mycorhizes de la forêt qui ont un fonctionnement
similaire.

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Chaque cité a été conçue pour pouvoir fonctionner de manière autonome,
nous avons tous une batterie leader qui permet à tous les équipements de
la ville (production comme consommation) de fonctionner. Quand nous
sommes connectés aux autres, leurs batteries et la nôtre fonctionnent de
concert, mais si jamais les lignes venaient à se rompre, cela continuerait
à fonctionner de manière autonome et sans impact.

Les lignes sont un peu anciennes, elles datent de la période où le monde


entier était connecté. Nous en avons démonté une partie, mais conservé
celles en bon état pour ces connexions.
Même les liaisons MYCO réutilisent ce matériel.

Depuis 10 ans, nous n’avons eu qu’un problème dont tout le monde se


souvient. Il a eu lieu au moment du changement vers notre nouveau
mode de gestion, mais heureusement il n’a pas eu de conséquences
graves.

Le fonctionnement de notre ville est possible car chacun a fait l’effort à la


fois de réduire sa consommation, mais aussi de prioriser ses besoins,
pour qu’en cas de souci, seul ce qui est facultatif soit coupé.
­ Geoffroy et Jeanne, je crois que je vous entendais en discuter tout à
l’heure.
Geoffroy et Jeanne, surpris, répondent :
­ Oui, et d’ailleurs sur le moment le changement n’avait pas été simple,
même si aujourd’hui tout leur paraissait normal.
­ Oui, ce changement a été majeur, et nous a demandé un peu de temps
pour nous y habituer, mais effectivement, maintenant nous savons que
nous pouvons compter sur l’entraide pour s’assurer que notre base
fonctionnera toujours.
Nous savons aussi qu’en cas de problème plus long ou plus sévère, nous
pouvons faire appel aux autres RC grâce aux liaisons MYCO.

Au tableau, Georges continue son exposé, mais décrit maintenant une


situation qui sort de ses présentations habituelles :

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­ Nous sommes justement contactés par le RC voisin, la semaine
prochaine de la neige est prévue. Chez nous les panneaux sont, pour la
plupart, intégrés aux toitures, donc la neige fond rapidement ou peut être
enlevée, cela n’aura donc pas trop d’impact. Chez eux, premièrement, ils
ont une part plus importante de solaire, mais surtout les panneaux sont
utilisés comme ombrières pour les cultures fragiles, les panneaux ne sont
pas réchauffés par les habitations, et ils sont plus difficiles d’accès. Ils
nous demandent de l’aide, car ils pensent qu’ils vont être très fortement
impactés.
­ De l’aide ? s'étonne Geoffroy, mais c'est une situation qui nous est déjà
défavorable ?? Nous aussi, nous sommes basés sur l’énergie solaire.
­ Oui cela peut paraître contre intuitif, mais n'oublions pas que ce
moment qui sera difficile pour nous le sera encore plus pour ceux qui
nous demandent de l’aide, ils sont vraiment dans une situation critique,
et c'est dans ces moments de crise que nous devons être solidaires.

­ Regardez ici, continue Georges, nous devrions avoir les ressources pour
passer la période de neige sans problème, même si cela va être juste.
Comme je vous l’ai dit, dès que la neige arrêtera de tomber, elle se mettra
rapidement à fondre, et on retrouvera la production (faible) des
panneaux, comme prévu. Mais chez l’autre RC, ils seront à coup sûr dans
une situation difficile. On voit ici que si nous faisons un petit effort, nous
pourrons leur faire gagner un gros confort.

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­ Si notre RC se passe d’un échelon, cela permettra au RC voisin de rester
en niveau 4 voire 3 au pire des cas ! De plus, il faut savoir que ces
liaisons MYCO permettent de s’assurer que l’effort que nous leur
fournirons ne sera pas plus que ce que nous décidons, nous ne risquons
pas de passer sous le niveau 4. Si nous n’aidons pas l’autre RC, et que
son niveau passe en dessous de 1, c’est le mode hibernation.

­ L’activation du mode hibernation, continue Georges, c’est peu probable.


Mais souvenez­vous, c’est un mode extrême dans lequel seuls les frigos/
congélateurs continuent à fonctionner pour éviter la perte alimentaire et
quelques applications pour les personnes sensibles. Les chauffages/clim
sont coupés dans les logements collectifs, et conservés uniquement dans
quelques lieux communs pour permettre aux personnes fragiles de s’y
réfugier.

Jeanne et Geoffroy se souviennent que ce système avait été activé lors de


la mise en place de la nouvelle architecture de la ville. Effectivement les
systèmes principaux avaient été conservés, la nourriture, l’eau potable,
santé des personnes sensibles, et la sécurité des personnes, mais ce n’était
quand même pas le meilleur moment de leur vie… toutes les personnes
rassemblées dans le hall du cinéma pour se tenir au frais aux moments
les plus chauds de la journée, avec quelques aller­retours chez eux pour
aller chercher de quoi manger, plus d’alimentation de l’électroménager et
des équipements de la maison... Alors certes, cela leur avait permis de
faire connaissance avec de nouveaux habitants de la ville, mais si ça
pouvait ne pas se reproduire, ni pour eux ni pour le RC voisin cela leur
irait bien!
Et on imagine que si cela devait se produire en hiver, cela serait encore
plus complexe à tenir.

Lors de cette hibernation, les villes voisines qui n'étaient pas connectées
à notre RC étaient venues nous aider avec leurs voitures électriques, les
voitures qui avaient pu se charger étaient venues vider leurs batteries
dans notre réseau pour permettre d'économiser nos précieuses ressources
à ce moment !
C'est finalement comme le corps d'un animal qui n'a pas assez de

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ressources, les fonctions vitales continuent d'être alimentées, au
détriment de la mobilité. Savez­vous que dans les situations extrêmes,
même la fibre musculaire est détruite au profit de l'alimentation du
cerveau et des fonctions digestives ?
­ Heureusement que cela n’avait pas duré trop longtemps et que nous
nous sommes vite adaptés.
Suite à cette hibernation les gens avaient modifié leur comportement,
certains ont préparé leur maison à ces périodes d'hibernation, avec une
partie de la maison dans laquelle les fonctions vitales sont concentrées
pouvant même être alimentées par leurs véhicules.
Certains ont poussé le concept jusqu’à avoir une tiny house qui peut se
déplacer et se « connecter » à une maison pour bénéficier à certaines
périodes d’un espace plus grand.

­ Alors, conclut l'ancien membre, nous devons faire un choix pour la cité
et définir dans quelle mesure nous allons les aider. Nous proposons de
transférer de l’énergie de manière à ce que nous ne passions pas en
dessous de notre niveau 4, cela n’aura pas d'impact sur notre confort et
cela permettra à l'autre RC de s'assurer de ne pas passer en mode
hibernation, c'est ce qu'ils nous ont demandé.

J&G s'enthousiasment :
­ effectivement… il faut les aider !

Le vote montre une acceptation à l'unanimité dans cette ville, ainsi que
dans les autres du RC !

Il s'avérera que l’épisode de neige durera un peu plus longtemps que


prévu et qu’une nouvelle décision d'urgence sera prise pour continuer à
aider malgré le fait que le niveau 4 ne soit plus respecté.
Cette solidarité a tout de même permis à l’autre RC de vivre en niveau 3
pendant cette crise !

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Fiction 3
Une ville permaculturelle

­ Tu vois ces plantes aux feuilles épaisses, des plantes grasses ? Eh bien
elles arrivent à faire de la photosynthèse la nuit, raconte Myrtille 87 ans.

­ Ah bon, mais je pensais que ça utilisait la lumière du soleil, les


plantes ? répond son petit­fils.
­ Oui, tu as raison, Gabriel, mais elles font une réaction en deux temps,
une la journée pour capter la lumière du soleil, et une la nuit, pour

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échanger de l’oxygène et du CO2 avec l’air ambiant. Cela leur permet de
ne pas se dessécher. C’est cet exemple qui nous a poussé à utiliser cette
centrale solaire spéciale dans notre ville. Elle chauffe des matériaux
spécifiques la journée, et ensuite, chacun peut utiliser l'énergie accumulée
quand bon lui semble. Bien sûr, comme dans la nature, tout ne se base
pas sur cette seule solution, et autant que possible nous utilisons
directement l’énergie solaire quand elle est disponible. Tu sais dans cette
ville, nous nous sommes inspirés de beaucoup de processus naturels.
Initialement, c’est un maraîcher permaculteur qui gérait sa production à
l’aide de guilde qui nous a aidé à remodeler notre communauté. En
permaculture, le principe était bien connu, les guildes sont des
associations des plantes sauvages ou cultivées, qui favorisent les
interactions entre elles. Il y a les guildes d’établissement, et celle de
maturité.

­ Je ne comprends pas ce que tu veux dire, questionne l'enfant.


­ Nous avons considéré que les humains et leurs activités pouvaient se
compléter comme les plantes le font. Nous avons des besoins différents,
différentes ressources, à différents moments de l’année, mais aussi à
différents stades de développement. Les plantes aussi, c’est d’ailleurs une
grande partie du travail du permaculteur que de connaître les besoins et
de bien les associer.

Cette configuration nous a permis de diminuer fortement nos besoins en


électricité, sans pour autant revenir à l'âge de pierre, avec un peu
d’organisation, nous avons réduit les besoins électriques au minimum.

­ Le changement n’a pas été simple, continue la grand­mère, mais c’est


justement les guildes d’établissement qui ont permis d’assurer une
transition sans accroc.

Le premier principe que nous avons mis en place a été de récupérer de


l’énergie partout où cela était possible sur les installations humaines. En
permaculture, le sol ne doit jamais être à nu, et bien pour les bâtiments
c’est pareil. Les toits sont couverts, soit de panneaux photovoltaïques, de

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panneaux solaires pour produire de la chaleur, ou alors végétalisés.

Dans notre ville, cela a commencé avec une usine de conserve ­'une plante
grasse'­ , qui a été recouverte de capteurs solaires pour produire de l’eau
chaude, afin de précuire des légumes avant le processus de conservation.
Leur chaîne devant tourner 24/24 pendant la saison de production de
légumes, ils ont investi dans un stockage de chaleur.
En dehors de la saison de récolte, l’eau chaude disponible est utilisée
pour chauffer les habitations et commerces proches. En échange, ces
habitations aident à chauffer l’eau les rares jours où la chaleur leur
manque quand ils sont en activité, car les maisons produisent souvent
bien plus que leurs besoins en été.
Le réservoir de chaleur a été construit de manière bien isolée, mais la
toiture laisse toujours un peu de chaleur s'échapper. Alors, ils ont établi
une terrasse­serre sur le toit : les producteurs de légumes de la
conserverie peuvent y faire une partie des semis précoces à l’abri des
gelées, en utilisant les pertes de chaleur du bâtiment.

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Cela a cristallisé le changement de la ville. Quand l'entrepôt a changé sa
méthode de production en passant à la fermentation à température
ambiante, la chaleur, dont ils n'avaient plus besoin, a été utilisée par un
brasseur, et par un boulanger. Ceux­ci mettent aussi à disposition de la
communauté la chaleur résiduelle de leur artisanat.

Les habitants / artisans / commerçants se sont regroupés pour essayer


de voir comment leurs besoins pouvaient s’assembler et se compléter.
Pour les aider, la mairie a créé un poste de permaculteur de l’énergie,
dont le travail consiste à aider les habitants à créer leurs guildes.

­ C'est Gaston ? demande le garçon.

­ Oui, exactement, tout le monde le connait maintenant. Il nous a été très


utile, il nous a clairement expliqué que la diversité était nécessaire,
encore plus que l’efficacité. Nous pensions tous que c’était une bonne idée
d’utiliser l’énergie solaire qui frappait le coteau sud du mont Illapa. Mais
lui nous conseillait d’en installer à différents endroits, avec des
technologies moins efficaces, et d’installer aussi des éoliennes de
différentes tailles. Et c’est vrai que finalement le jour ou un petit
éboulement a coupé le raccordement de la centrale du mont Illapa, eh
bien nous avons pu continuer presque comme si de rien n’était pendant la
réparation.

C’est toute la complexité du métier de Gaston : trouver l’équilibre entre


l’utilisation des ressources abondantes et locales, mais ne pas non plus
tout miser sur cette seule ressource. Et puis il faut aussi connaitre les
besoins de chacun pour bien faire les associations. C'est pour ça que tout
le monde le connait, il doit aller voir tout le monde. Cela a été un vrai
casse­tête au départ, mais maintenant, on voit des schémas similaires se
reproduire dans différents quartiers de la ville, c’est un peu nos guildes à
nous. Des groupements qui permettent de s'échanger une ressource ­
parfois de la chaleur, mais parfois autre chose, du compost, des
copeaux...

30
Dans la nature, les conversions d’énergies ne sont pas très efficaces. La
photosynthèse a un rendement faible, et une bonne partie de l’énergie
reçue n’est utilisée que pour faire circuler la sève, et donc transporter
l’énergie. Quand l’énergie passe d’un étage de la chaîne trophique (chaine
alimentaire) à une autre, le rendement est aussi faible. Nous avons donc
essayé d’utiliser l’énergie aussi brute que possible, quand c’est possible.
Les panneaux produisent de l’eau chaude pour les processus qui en ont
besoin. Les éoliennes sont aussi utilisées pour les processus mécaniques
quand c’est possible. Mais bien sûr, nous avons toujours besoin
d’électricité pour l’informatique, l’électronique, la mobilité électrique.

­ Ici, tu vois, c’est la guilde du boulanger : chaque matin lors de la


cuisson du pain, la chaleur perdue du four peut être déviée dans le
système de planchers chauffants des habitations proches. Les habitants
profitent donc d’un foyer chauffé pour toute la matinée en hiver.

­ Au­delà de l’énergie en tant que telle, cela s’est aussi traduit dans la
manière d'aménager la ville, qui a permis de réduire les besoins en
énergie, tout en limitant l’étalement urbain. Des serres ont été installées
autour de certaines habitations : grâce aux pertes des maisons, ces serres
sont hors gel, et cela renforce l’isolation des maisons. C’est exactement ce
qui se passe dans les guildes naturelles ou certaines espèces poussent,
protégées par les autres. Il n'y a pas seulement des échanges d’énergie ou
de nutriments entre les espèces, mais aussi d’autres services, protection
contre le vent, le soleil, ou contre certains parasites…

Et en misant sur de multiples ressources, nous n'avons jamais eu de


manque ; lorsque la centrale du mont Illapa s'est arrêtée, nous avions
d'autres ressources électriques pour la ville. Nous avons dû utiliser un
peu plus des autres ressources comme le bois. Les systèmes mécaniques
ont servi plus souvent qu'habituellement, mais finalement, le confort
pendant cette période a été quasiment identique au reste de l'année.

31
32
Image du scénario 4
Une autarcie électrique

Fiction 4
Une autonomie individuelle

2 ans déjà ! Se félicitait intérieurement Romain, assis sur sa terrasse.


Cela fait 2 ans que Romain a résilié son abonnement électrique, qu'il est
complètement autonome. Lui et sa famille sont fiers de ce résultat,
l'énergie qu'ils consomment est locale et 100% renouvelable ! Ils ont
maintenant une bonne installation électrique, des panneaux solaires,
une éolienne et même la chance d'avoir une petite installation
hydraulique sur le ruisseau qui passe en bas de leur terrain.

33
Ils ont travaillé dur pour atteindre ce résultat. Ils ont d'abord étudié ce
que consommait chaque appareil chez eux, pour estimer l'énergie dont ils
auraient besoin sur une année. Lui et sa femme se sont vite rendus
compte qu’ils utilisaient énormément d’électricité : ils allaient avoir
besoin de trop de panneaux solaires et d'éoliennes pour compenser,
impossible d'installer tout ça chez eux.

Alors ils ont fait la chasse au gaspillage électrique : toutes les ampoules
sont passées en LED, leur chauffe­eau utilise directement l'énergie
solaire, dans la cuisine la cuisson peut être faite à base de bois, de gaz ou
d'électricité pour les journées de surplus électrique...

Romain s’est souvenu du stage qu'il a fait chez les survivalistes, certains
avaient des connaissances très techniques, ils lui ont appris à connecter
directement son ordinateur portable et l'éclairage sur des batteries, sans
passer par un onduleur. "C'est pas énorme, mais c'est toujours ça de
pertes en moins" lui avait dit Julien à l’époque. Il y avait aussi découvert
une machine à laver activée avec un vélo, et d'autres outils quotidiens
activés par l'énergie humaine. Cela n'aurait pas déplu à Romain, mais il
ne s'imaginait pas imposer cela à sa famille. Il avait donc gardé ça en
tête, mais dans l'espoir de ne pas avoir à s'en servir.

Après avoir effectué toutes ces modifications, sa femme et lui ont décidé
de faire un test : ne plus utiliser leur raccordement au réseau, mais
continuer à payer l'abonnement, afin d’avoir une solution de secours en
cas de problème. Leurs objectifs principaux étaient atteints, ils ne
consommaient que de l'énergie renouvelable et locale, et ils faisaient eux
mêmes les choix de l'énergie qu'ils consommaient ! Ils en rêvaient depuis
longtemps.

Après une année complète avec un abonnement payé, sans jamais


l'utiliser, ils s'étaient résolus à l'arrêter !

Les enfants ne s'en étaient même pas rendus compte, preuve que la
déconnexion était passée inaperçue, mais ils étaient indépendants depuis
2 ans, et tout fonctionnait correctement ! Ils avaient réussi à conserver

34
un confort moderne, sans exagération bien sûr, mais ce n'était pas le
retour à l'âge de pierre craint il y a quelques années.

Dernièrement, il avait même bricolé un système qui orientait une partie


des panneaux solaires automatiquement face au soleil, cela optimisait
encore la production, et ils n’avaient plus vraiment besoin de faire
attention à leur consommation.

Romain est tout à coup sorti de ses souvenirs par ses 2 enfants qui
arrivent en courant :

­ Papa, Papa, PAPA, la télé s'est arrêtée, et en plus c'était à mon tour de
jouer à la console, je suis sûr que c'est Matthéo qui l'a fait exprès pour
que je ne batte pas son score.
­ Mais nan, c'est pas vrai, ça s'est coupé, j'ai rien fait, et puis t'arrivera
JAMAIS à me battre !!!

Romain est surpris, les enfants auraient­ils tiré sur la multiprise de la


télé ? C'est vrai qu'elle est très accessible afin de pouvoir couper les veilles
la nuit...
En entrant dans la maison, il lui semble que quelque chose cloche.
Effectivement la télé n'est pas allumée, mais les prises n'ont pas bougé,
toujours en position "ON". Il essaie d'allumer les lumières... ça
fonctionne. Il va ensuite essayer un appareil de cuisine, il ne fonctionne
pas non plus. Il se rend vite compte que plus aucune prise électrique de la
maison n'est alimentée... Mais comment est­ce possible ???
­ Les enfants, vous avez fait quoi avec la console ?
En choeur, ils répondent :
­ Rien !!! Promis, ça s'est arrêté tout seul.

35
Romain file donc à l'atelier, là où se trouvent tous les branchements
électriques. Tout lui semble correct à première vue, tous les interrupteurs
sont sur "ON", aucun fusible ne s’est donc rien n'a donc déclenché. En y
regardant de plus près, il identifie un problème sur l’onduleur principal :
Sauf, l'onduleur principal, d'habitude, il affiche la puissance consommée
par la maison, et là rien sur l'écran.

....

­ Aïe, l'onduleur est en panne, mais qu'est ce qu'il a ce machin...

Romain est quand même soulagé. Les branchements directs qu'on lui
avait appris au stage de survie lui permettent d'avoir de l'éclairage, un
ordinateur qui fonctionne et de pouvoir recharger tous les objets sur ports
USB... les téléphones portables fonctionnent !

Romain peut donc chercher sur internet comment résoudre la panne de


son onduleur. Après quelques procédures de diagnostic, il identifie enfin
le composant en défaut. Ce n'est pas grand­chose à changer, mais il n'a
pas la pièce. Et sait d'avance qu'il ne la trouvera pas chez les grandes

36
surfaces du coin... il va falloir le commander sur internet, et attendre de
se faire livrer...

­ Les enfants... le jeu sur la console... ce n'est pas pour tout de suite.

Heureusement, l'eau est chauffée par le soleil, en tous cas en partie, et


nous avons de quoi cuisiner au gaz et au bois, se dit Romain. Ca sera
vaisselle à la main, film sur l'ordinateur plutôt que sur la télé, et pour la
lessive... Romain va peut­être pouvoir construire sa bicyclomachine à
laver finalement !
Enfin, il espère surtout qu'il va rapidement recevoir la pièce et faire
revenir la situation à la normale!

Ouf ! La pièce est arrivée, après 15 jours d’attente, c'est presque une
chance, car les délais annoncés étaient encore plus long ! En moins de 20
min, l'onduleur est réparé. De fait les batteries sont pleines et tout peut
repartir comme avant !

Finalement, cela permet à toute la famille d'apprécier le confort dont ils


profitent ! Ces 2 semaines sans vraiment avoir d'électricité ont été
longues !! Heureusement, qu’ils avaient quand même de l’éclairage et de
l’eau chaude, et puis avec l’ordinateur, les enfants avaient quand même
pu s’occuper. Mais un ordinateur pour 4, pour travailler, jouer, et
regarder la télé ! Il avait fallu réapprendre à partager. La plupart des
tâches qu'ils effectuaient avec l'électricité avaient pu attendre, ils
n’avaient fait à la main que les tâches les plus nécessaires… Mais quel
soulagement d’avoir cette pièce qui est arrivée une semaine plus tôt…
Romain pense à son voisin, qui s’est lancé récemment dans la même
démarche qu’eux, peut­être qu’ils pourraient envisager de s’entraider ?
Cela rendrait la prochaine panne bien moins inconfortable.

37
WATT ?
C'est quoi la
puissance ?
L'électricité permet d'animer tous les objets électriques et
électroniques. Elle fournit de la puissance à ces objets, qui peut servir
à fournir de la chaleur, mettre en mouvement les appareils ou alors
effectuer des calculs. L'unité de puissance est le WATT (W)

La puissance consommée n'est pas visible extérieurement, l'utilisateur


peut regarder la plaque signalétique de l'équipement, mais la
puissance indiquée ne sera que la puissance maximum. Les
équipements consomment une puissance variable au fur et à
mesure de son utilisation.

Un ordinateur portable consomme


moins de 100W
Un radiateur 1000W
Une ampoule led 5W
Une télévision entre 50 et 150W

Pour que tout fonctionne bien, il faut à chaque instant que la


puissance consommée puisse être produite.
Pour faire une analogie avec l'eau, la puissance, c'est un peu
comme le débit qui sortirait d'un tuyau. Pour pouvoir avoir
suffisamment de débit, il faut un tuyau avec le bon diamètre. Il faut
donc s'assurer à chaque instant qu'on puisse avoir le débit souhaité.

38
Voici quelques exemples de puissance produite en fonctionnement
maximum
Une éolienne produit entre 2 et 4 millions de Watts

1m² de panneau solaire


produit entre 100 et 200 Watts

Une centrale nucléaire produit entre 800 millions et 1,5 milliard de


Watts

A titre de comparaison, un cycliste entrainé, pédalant à fond sur son


vélo, produit environ 250 Watts

39
40
Se mettre au courant des enjeux actuels

Techniques

Les réseaux électriques sont nécessaires pour raccorder les moyens


de production aux moyens de consommation. Historiquement, le
grand réseau de transport s’est construit en interconnectant des
réseaux communaux / régionaux plus petits. La croissance de la taille
des réseaux a permis à cette époque de gagner en fiabilité, en coût,
et en résilience, grâce à la mutualisation des ressources, et la baisse
de la variabilité des consommations que génère cette
interconnexion.[1]
Néanmoins, le réseau est aujourd’hui confronté à des changements
importants, avec l’arrivée des énergies renouvelables qui
fonctionnent de manière prévisible mais intermittente. Ces sources
sont, de plus, largement décentralisées et peuvent être connectées
très près des consommateurs, voire être installées chez les
consommateurs.
Les nouveaux appareils électriques et électroniques qui sont installés
dans les foyers peuvent maintenant fournir des services comme le
pilotage de leur comportement, des départs différés, voire des
comportements bien plus complexes s’ils sont reliés entre eux par de
la domotique.
Les véhicules électriques, et dans une moindre mesure tous les
nouveaux moyens de déplacement électriques (vélo, trottinette,
overboard) sont autant de moyens de stockage d’énergie qui se
développent, avec l’objectif principal d’offrir un service de mobilité
mais qui pourraient être employés autrement. (par exemple pour
faire du V2L (Véhicule 2 load)[2], un véhicule qui peut alimenter
plusieurs appareils via une prise extérieure à la voiture)

41
Enfin, les nouveaux contrôles « grid­forming »[3] ( développés par
exemple dans projets européens), permettent maintenant à des
réseaux ne comportant que des productions renouvelables comme
l’éolien ou le photovoltaïque d’être stable et de fonctionner
correctement. Cela ouvre donc d’autres possibilités jusqu’alors
impossible à imaginer.

Environnementaux

Les scientifiques nous alertent depuis plusieurs décennies et de


manière de plus en plus pressante depuis quelques années, que
l’impact de l’Homme sur son environnement est trop important, et
que notre mode de vie [4] n’est pas soutenable. Ce mémoire
envisage donc des modes de fonctionnement plus ou moins en
rupture par rapport aux modes actuels.
Le réseau de transport électrique en tant que tel y participe assez
peu, car les infrastructures sont très efficaces (de l’ordre de 2% de
pertes), et la montée en tension des conducteurs permet de faire
passer une quantité très importante de puissance dans une faible
quantité de matériau.
Néanmoins, ce grand réseau auquel sont connectées un très grand
nombre de sources qui participent chacune au bon fonctionnement
du système en fait oublier la complexité de l’électricité et de sa
gestion. De plus la distance géographique très importante fait oublier
la nature des sources de production, ainsi que leur emprise sur
l'environnement.

Cette simplicité apparente qui est affichée à l'utilisateur, laisse un


sentiment (il fût un temps encouragé) de pouvoir consommer autant
d’électricité que souhaité à toute heure, tous les jours, sans avoir
d’impact.

42
Invisibilité

Comme pour beaucoup d’autres produits de consommation


actuels, les citoyens sont déconnectés de la manière dont ils sont
produits. Celui qui a déjà fait son potager, comprend le prix des
légumes, le bricoleur qui a déjà réalisé un meuble lui­même
comprend mieux les différences de prix entre les articles de mobilier.
Le raisonnement est identique pour l’électricité, mais probablement
un peu plus complexe, car l’électricité ne se voit pas. D’une manière
un peu magique, chaque objet qui est connecté à une prise s’anime
et remplit une fonction, dont l’utilisateur n’a aucune idée de la
puissance qu’elle nécessite. La seule indication actuelle est que si la
puissance totale du domicile dépasse la puissance souscrite alors le
compteur va déclencher toute la maison.
L’utilisateur averti pourra regarder avec attention la plaque
signalétique qui lui indiquera la puissance maximum qui peut être
consommée par l’appareil, mais ne donnera pas l’énergie
nécessaire à réaliser une certaine fonction. Il est donc très complexe
pour l’utilisateur de se rendre compte de l’impact de ses appareils
sur le réseau électrique.
L'électricité offre aujourd'hui un comportement binaire, soit elle est
disponible dans une apparente infinitude, soit elle n'est pas du tout
disponible, l'avènement des nouveaux appareils domestiques devrait
permettre de changer cela.

Solidarité

Le réseau électrique tel qu’il est conçu aujourd’hui [5] permet une
solidarité absolue entre les différents acteurs qui y sont connectés.
Les équations physiques qui régissent les réseaux alternatifs sont
extrêmement rapides, (approximativement la vitesse de la lumière),
dès lors qu’un déséquilibre apparait quelque part, les modifications
des grandeurs électriques se propagent si vite que les autres moyens
proches fournissent instantanément un soutien. Soutien qui n’est
aujourd’hui pas limité par la physique. Schématiquement, si deux
petits réseaux (A et B) sont connectés par une ligne alternative l’un à

43
l’autre, alors si un incident se produit sur le réseau A (déclenchement
d’un groupe de production d’électricité), le réseau B va aider le
réseau A, instantanément, jusqu’à lui­même déclencher si
l’événement était trop gros à gérer pour le réseau B.
Cet effet rend la solidarité électrique invisible, nous avons tous, à tout
moment besoin des autres pour faire fonctionner correctement notre
installation électrique, et les appareils qui sont chez nous fournissent
aussi un service aux autres utilisateurs, mais contrairement à d’autres
solidarités, elle ne passe pas par une sensation de « manque »
temporaire.

[1] : Lacoste, J. (1986). Interconnexion des réseaux d’énergie électrique. Raisons et


enjeux de l’interconnexion en France 1919­1941. Cahier / Groupe Réseaux, 2(4), 105–
141. https://doi.org/10.3406/flux.1986.1769
[2] : V2L : option déjà disponible sur certains véhicules aujourd'hui
[3] : Le contrôle Grid­Forming, est un type de contrôle qui peut être implémenté dans
l'onduleur qui connecte une batterie (en courant continu) à un réseau en courant
alternatif. Ces contrôles existent depuis longtemps pour l'alimentation de sites isolés, et
font l'objet de beaucoup de recherche et de démonstrateurs depuis quelques années
afin de pouvoir être appliqués à des réseaux de plus grande taille. Ces contrôles sont
nécessaires pour faire fonctionner un réseau sans moyen de production "classique",
( charbon/diesel/hydraulique/nucléaire...)
[4] : IPCC, 2014: Climate Change 2014: Synthesis Report. Contribution of Working
Groups I, II and III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on
Climate Change [Core Writing Team, R.K. Pachauri and L.A. Meyer (eds.)]. IPCC,
Geneva, Switzerland, 151 pp.
[5] : C'est à dire basé sur du courant alernatif

44
45
L'énergie : qu'est ce que
c'est ?
1kWh, c'est quoi ?
L'énergie c'est une quantité, un stock, qui peut servir à fournir de la
puissance pendant une certaine durée. Elle s'exprime en kWh, c'est à
dire ce qu'il faut pour faire fonctionner une application de 1kW
pendant 1H.

Pour se rendre compte de ce que cela représente, regardons


comment nous stocker 1kWh:

Sous forme d'un poids d'1T qui descendrait


d'une hauteur...
de la tour Eiffel

Dans 2 ou 3 batteries de vélo électrique.

Dans 300g de bois sec.

Dans 0,1L de pétrole ! (la moitié d'un verre!)

Attention pour le bois et le pétrole, l'énergie ne peut être restituée


pleinement que sous forme de chaleur ! La conversion en électricité
divise environ la quantité d'énergie récupérée par 3 !

Pour rappel, aujourd'hui, cela coute moins de 20 c€ !

46
Une fois que vous avez des kWh (électrique dans notre cas), il y a une
multitude d'utilisations possibles.

Pour utiliser 1 kWh, plusieurs options s'offrent à vous.

Faire bouillir 10 L d'eau

Faire fonctionner l'aspirateur pendant 30 min

Faire 150km en vélo électrique

Faire 8km en citadine électrique

Faire 5km en SUV électrique

47
Les connexions
(entre les enjeux auxquels répondre, et les modèles biologiques)

Cette partie présentera les différentes réflexions qui ont été menées
lors de ce mémoire, qui sont issues de connections entre des enjeux,
des modèles biomimétiques, des réflexions individuelles ou
d'échanges diverses.
Cette section s'articulera d'abord autour d'un état de l'art des
différentes stratégies de réseaux électriques qui sont envisagées
actuellement, puis viendront les réflexions sur différents sujets
afférents aux réseaux.
Nous envisageons ici une transition depuis l'état actuel, nous partons
donc d’un réseau qui existe, il peut être réutilisé en partie,
totalement, ou pas du tout, mais il ne doit pas être oublié.
Ces réflexions sont orientées pour une application dans un contexte
d'une zone qui serait déjà historiquement fortement électrifiée.

48
Etat de l'art :

Dans les pays occidentaux, la norme est aujourd'hui d'avoir un


réseau le plus interconnecté possible, cela a été la raison du
développement des réseaux électriques depuis 1 siècle. Un réseau
interconnecté, est plus fiable, plus efficace et moins cher à exploiter.
[1]

Néanmoins, depuis environ 20 ans, quelques alternatives semblent


commencer à apparaitre, souvent sous la forme de tests ou de
démonstrateurs.

Les réseaux intelligents :

L'avènement de la production décentralisée ainsi que de la


domotique a fait naitre un nombre important de projets "smart",
Smart­building, Smart­House, Smart­city. Dans lesquels, la domotique
vient contrôler une partie de la consommation afin de consommer
au moment où la production renouvelable est importante, pour
diminuer au maximum leurs échanges avec l'extérieur.
Ces réseaux, même s'ils se présentent parfois comme “autonomes”,
sont connectés au réseau, ils atteignent une première performance
important qui est d'être autonome en énergie, c'est à dire que sur
une année, leur production renouvelable aura égalée leur
consommation. Ces réseaux n'utilisent donc pas de batterie, car c'est
le réseau, connectant l’ensemble des autres acteurs qui est toujours
vu comme un « tampon » pouvant absorber les variations non
prévues.

On notera toutefois que cela n'est possible que tant que les acteurs
qui ont un comportement différent sont marginaux par rapport aux
autres. Il faudrait se poser la question systémique, est ce que TOUS les
citoyens/consommateurs/immeubles peuvent avoir ce
comportement sans conduire à un blackout…

49
Les supergrids

La technologie HVDC [2] ouvre la possibilité de transporter des


quantités très importante l'énergie sur des distances infiniment
longues [3]. (plusieurs millions de kW)
Différents projets de connections intercontinentales ont déjà été
proposés.
Le plus connu en Europe : Le projet Desertec, dont l'objectif était
d'installer un volume très important de panneaux photovoltaiques
(plusieurs GW) dans le désert nord­africain afin de profiter des
conditions optimales d'ensoleillement et de rapatrier l'énergie
produite par des liaisons directes jusqu'en Allemagne, cela était vu
comme un facilitateur de la transition énergétique Allemande.
Le projet Sahara Wind, était un projet similaire, pour récupérer 5GW
d'éolien installé sur la côte Marocaine et les transférer en Allemagne.

D'autres projets de Méga­Grid sont aussi souvent proposé, comme


des connections entre l'Europe et les USA, ou l'Europe et la Chine [4]
L'argument technique souvent avancé est que cela permet de palier
à l'intermittence des énergies comme le solaire, car le décalage
horaire permet à continent qui est dans une période sombre de
récupérer de l'énergie d'un continent ensoleillé à cette heure.

L'autonomie/L'autarcie

Une partie faible (mais croissante) de la population recherche


l'autonomie électrique. Dans ce cas, l'autonomie recherchée est
bien une déconnection du réseau classique. La démarche est donc
complexe puisqu'il ne faut pas seulement consommer au moment où
la production locale se fait, mais il faut aussi stocker l'énergie pour
permettre de passer les creux de production.
Une partie des personnes ayant fait cette démarche communique
sur leur travaux à travers des livres ou internet.

50
Leurs motivations sont diverses :
­ ne pas dépendre d'EdF
­ ne pas consommer d'énergie nucléaire.
­ maitriser sa consommation et sa production
­ être indépendant en cas de black­out
­ tout simplement car le réseau n'est pas disponible (sites
isolés, bois, montagne, iles)

On note généralement une défiance vis à vis de "la grande industrie",


et une volonté de prendre en main la manière dont est produite leur
électricité.
Cela se traduit souvent par une baisse de leur consommation, avec
l'électricité qui est utilisée au minimum, une bonne connaissance des
besoins énergétiques des différents appareils, et une
complémentarité avec les autres sources d'énergies comme le
solaire thermique, le bois, la méthanisation. Mais parfois, on note au
contraire des situations où le confort est entièrement préservé, mais
dont la source d'énergie est réorientée, on trouvera par exemple des
saunas chauffé au bois.
Les personnes qui se lancent dans cette autonomie sont souvent
passionnées et connaisseurs de l'énergie, et font un travail important
sur les différentes sources d'énergie disponibles, les différentes
productions à installer. Il y souvent aussi, une phase temporaire,
d'apprentissage, où la connexion au réseau est toujours disponible
en cas de besoin.

Ces personnes tirent une certaine fierté du fait d'avoir pu s'isoler du


réseau électrique.

Néanmoins, de nouveaux acteurs comme Tesla, qui proposent la


PowerWall [5], une batterie qui permet de faire fonctionner de
manière autonome sa maison, pourraient faire fortement accélérer
le rythme de prise d'autonomie des particuliers.

Dans les réseaux insulaires, le choix de la connexion au grand réseau


de transport ne se pose souvent pas ! (bien que certaines iles soient

51
suffisamment proches pour pouvoir bénéficier d'une connexion
directe). Aujourd’hui la solution d’installer des groupes électrogènes
diesels est encore la plus répandue, car très facile à mettre en place
et fiable. C'est aussi une solution très flexible. Les habitants des îles
sont poussés à faire des travaux d'économie d'énergie plus poussés,
car la ressource de production est limitée et est locale. Passage en
éclairage complet en LED, équipement électroménager A+ ou A++,
et des gros travaux sur l'isolation car une grande partie de la
consommation électrique est encore liée au chauffage domestique.

52
[1] : plus un réseau est constitué d'un grand nombre d'éléments, plus
la perte d'un élément a un impact faible, de plus d'un point de vue
électrique, le fait d'avoir un grand nombre de ligne en parallèle,
diminue la résistance pour le transit de l'électricité et cela diminue les
pertes. Enfin pour l'exploitation d'un réseau, plus il est grand, moins
chaque entité doit faire d'effort en cas de perte d'un groupe de
production. (imaginons ici être sur un tandem, et subitement l'un des
protagonistes arrête de pédaler... si la même chose se produit sur un
vélo pour 10 personnes, l'effort partagé sera bien plus faible.)

[2] : La technologie HVDC (High Voltage Direct Current) est une


technologie qui permet de déplacer des quantités importantes
d'électricité sur de très longues distances, que ce soit avec des lignes
aériennes ou des câbles sous terrains. Contrairement aux liaisons
alternatives, les consommateurs ne peuvent pas y être directement
raccordés.

[3] : La technologie de liaison à courant alternatif ne permet pas de


transporter de l'électricité sur des distances supérieures à quelques
centaines de km, sans installer de matériel spécifique à intervalle
régulier. Cette distance, est beaucoup plus courte si les conducteurs
utilisés sont sous terre. La technologie HVDC permet de transporter sur
des distances théoriquement infinies. https://fr.wikipedia.org/wiki/
Courant_continu_haute_tension#Liaisons_sous­
marines_et_%C3%A0_c%C3%A2bles

[4] : https://ses.jrc.ec.europa.eu/transcontinental­and­global­power­
grids

[5] : https://www.tesla.com/fr_fr/powerwall

53
54
Un nouveau modèle pour
concevoir le réseau.
La pénurie de ressources ?

Aujourd'hui les réseaux électriques (et énergétiques plus


généralement) sont conçus afin de ne pas être défaillant, c'est à dire
que la consommation puisse toujours être alimentée. La règle
actuelle pour les études de développement du parc électrique que
RTE applique (critère imposé par la CRE[1]) est que le système
électrique doit pouvoir alimenter l'intégralité de la consommation sur
une année, sauf aux 3 heures les plus chargées (Soit 0,034%),
pendant lesquelles des mesures extra­ordinaires peuvent être prises.
Ces études se font sur des estimations de la consommation future, et
la baisse de la consommation ne fait pas partie des leviers utilisables
et est uniquement une entrée des études [2], l'approche est bien
d'adapter le parc de production à la consommation.

Étant données les contraintes climatiques qui vont s'imposer dans le


futur, il pourrait sembler nécessaire d'imaginer des scénarios
différents. En effet, les situations tendues risquent de se présenter de
plus en plus souvent, pour différentes raisons, que ce soit:
­ contraintes environnementales qui forcent la fermeture de
certains types de production
­ chaleur trop importante qui empêche les centrales de
production classique de fonctionner correctement.[3]
­ intempérie extrême (inondation ou tempête qui peut mettre
hors service soit le réseau, soit les moyens de production.
­ d'autres raisons difficilement prévisibles telles le COVID

Il peut donc être intéressant de préparer un système où la pénurie


d'électricité, si jamais elle se produisait puisse être contrôlée, et non
pas subie. De ce point de vue, la nature a mis en place un grand
nombre de stratagèmes, qu'ils soient individuels ou collectifs pour

55
permettre de survivre aux situations de pénuries. Se poser la question
de la pénurie et de la manière de la gérer permet de se préparer et
de s'assurer qu'un service minimum (basé sur de l'électricité ou sur
une autre ressource) puisse être mis en place.
Le modèle des insectes sociaux tels que les fourmis ou les abeilles,
nous pousse dans ce sens puisqu'en cas de pénurie, les ressources
sont d'autant plus partagées entre les différents membres de la
colonie. Cette approche est très similaire à la vision Doughnut des
besoins de chacun, où il faut s'assurer que dans toutes les situations,
personne ne manque trop d'un service essentiel.
Pour rappel, aujourd'hui, en cas de manque d'électricité, la solution
qui serait mise en place serait de ne fournir de l'électricité que
quelques heures par jour, et de faire tourner l’alimentation électrique
entre les différents quartiers des villes. (Cette technique est
couramment utilisée dans d'autres pays)
Concevoir un système dans lequel une situation de manque de
ressource n'est plus une situation extrêmement improbable,
permettrait de mettre en place des solutions proches de l'hibernation
des mammifères, où les fonctions vitales sont concentrées, protégées
et surtout priorisées en cas de manque, afin de diminuer l'impact de
la pénurie sur les personnes.

Diversifier :

Avec une électricité peu chère et fiable, ce vecteur d'énergie s'est


très fortement développé dans le mix énergétique européen.
L'électricité est très flexible, très dense, il est donc très pratique de
l'utiliser dans de multiples usages. En ce sens, c'est assez similaire au
fonctionnement des cellules vivantes, grâce à la molécule d'ATP
(Adénosine Tri Phosphate), qui est utilisée par toutes les cellules
vivantes comme vecteur d'énergie. A ceci près que l'ATP peut
circuler de cellule en cellule sans avoir besoin de réseau particulier
puisqu'elle peut traverser les parois cellulaires.

Si on prend l'exemple d'un processus tel qu'un moulin qui devrait


moudre directement (c'est à dire par lien mécanique) du grain en

56
farine. Cela nécessite une attention particulière au débit de la rivière,
à la vitesse de la meule ainsi qu'au débit de grain. Cela nécessite
donc de la surveillance et des compétences techniques spécifiques.
Avoir un moulin qui produise de l'électricité, et ensuite une meule
électrique supprime une grosse partie de ces problèmes. En effet le
réseau électrique avec les centaines d'autres consommateurs et
producteurs connectés se comporte comme un tampon, qui permet
donc à la meule de fonctionner correctement, même si le moulin ne
produit pas exactement ce dont il a besoin. Il y a un lissage de toutes
les irrégularités. De plus, actuellement, il est beaucoup plus simple de
réaliser une régulation du processus avec de l'électronique, que de
faire une régulation mécanique!
Dans les habitations particulières, la flexibilité de l'électricité a rendu
l'électricité indispensable, mais l'a aussi transformé en l'unique
solution de transfert d'énergie. Il est en effet pratique d'utiliser
l'électricité, qui peut servir à alimenter un chauffage, une plaque de
cuisson, un ordinateur ou un moteur. Néanmoins les solutions qui
n'utilisent pas de transformation électrique sont parfois plus efficaces,
comme par exemple les chauffes eau solaires, ceux­ci sont entre 2 et
3 fois plus efficaces pour chauffer de l'eau que de produire de
l'électricité via un panneau PV pour ensuite chauffer de l'eau avec
un chauffe­eau électrique. De plus, ce chauffe­eau solaire peut
fonctionner sans électricité, uniquement en utilisant le principe du
thermosiphon, lui permettant de fonctionner pendant les black­out.
L'inconvénient du chauffe­eau solaire est sa complexité de mise en
œuvre plus importante que celle d'un chauffe eau électrique, c'est
une des raisons qui limite aujourd'hui son déploiement. Le rendement
n'est aujourd'hui que peu pris en compte dans les décisions
individuelles, c'est souvent la facilité de mise en œuvre qui prime.

La flexibilité de l'électricité devrait la rendre principalement utilisée


pour des usages spécifiques, là où des solutions mécaniques ou
thermiques classiques seraient, soit impossibles à mettre en œuvre
soit beaucoup plus polluantes. On peut prendre l'exemple de
l'immeuble 2226 [4], immeuble proche d'un bâtiment passif où
l'électrification minimum sert à activer au bon moment des systèmes

57
qui ensuite joueront leur rôle sans alimentation électrique. Pour
reprendre l'exemple du moulin hydraulique, l'électricité pourrait
prendre toute sa place dans le système de régulation plutôt que
dans le système de propulsion.

Miser sur l'électricité comme vecteur quasi universel d'énergie nous


rend donc complètement dépendant et très sensible à une coupure
d'alimentation. Pour améliorer la résilience aux aléas, miser sur une
variété d'énergies semble plus pertinent. La résilience dans la nature
est basée en très grande majorité sur cette diversité, et cela se
retrouve aussi maintenant dans les principes de permaculture, où la
recherche n'est pas orientée vers la solution la plus efficace mais vers
le groupe de solutions qui mis ensemble sera le plus efficace et
résilient.

Des exemples de cogénération ont parfois été mis en place, cette


technique est une sorte de diversification, ainsi qu'une amélioration
de la performance énergétique d'un système de production. En
effet, certaines centrales électriques thermiques, utilisent la chaleur
issue des pertes du processus de conversion de l'énergie primaire en
énergie électrique pour alimenter un processus externe qui a besoin
de chaleur, sans passer par une conversion par l'électricité.

Utiliser des sources diversifiées d'énergie, tout en utilisant l'électricité


afin de créer des processus de régulations efficaces et rapides
permettrait d'améliorer la résilience des installations sans retourner à
l'âge de pierre. De plus, on peut facilement imaginer qu'en cas de
problème d'alimentation électrique, il soit beaucoup moins couteux
d'alimenter en électricité uniquement le système de contrôle que le
système complet.

le plug and play

Cette expression reflète bien la volonté actuelle d'avoir une solution


qui puisse fonctionner partout [5]. Peut­être sous prétexte d'équité, il
faudrait qu'une solution puisse être déployée sur tous les territoires et

58
fonctionner de la même manière. L'agriculture nous montre
aujourd'hui pourtant que cette solution n'est pas durable. Pendant
des décennies, la recherche a essayé d'identifier la variété idéale,
multipliant les croisements, et allant même jusqu'à modifier
génétiquement les variétés afin d'y insérer les gènes souhaités. Or,
cela suppose aussi que les conditions de culture soient identiques, et
cela n'est possible qu'à grand renfort d'engrais, et de biocide, c'est la
transformation de la terre en substrat de culture. Pour tirer le meilleur
parti des ressources, il faut justement ne pas chercher le plug&play et
chercher à interactions spécifiques et bénéfiques entre une ou
plusieurs espèces et des conditions de culture locale.

Think big! How big? :

Les réseaux électriques sont ont globalement une efficacité qui


augmente avec leur taille. En effet, plus un réseau est
géographiquement grand, plus il pourra connecter des ressources
différentes, des énergies renouvelables qui n'auront pas les mêmes
conditions météo, et des consommateurs qui auront des
comportements différents.
C'est aujourd'hui par exemple le cas du réseau européen. Les
conditions de vent et d'ensoleillement ne sont pas les mêmes en
Allemagne, en Espagne et en France, cela permet de faciliter la
gestion des énergies renouvelables car elles foisonnent, ne
produisent jamais partout au maximum et au même moment. De
manière similaire, les habitudes des personnes sont différentes en
Allemagne et en Espagne ce qui permet de lisser la pointe de
consommation qui arrive traditionnellement quand les personnes
rentrent chez elles.
La connexion d'un maximum de sources entre­elles, permet aussi de
limiter l'impact de la perte d'une d'entre elles, sa part devenant
insignifiante par rapport au total.

Cet objectif, combiné au fait que les moyens de production étaient


de taille très importante (plusieurs centaines de MW), a conduit à la
création de très grandes zones interconnectées. Mais aujourd'hui, la

59
situation se transforme avec un nombre croissant d'installations à
base d'énergie renouvelable qui ont une taille 1 ou 2 ordre de
grandeur plus petite. Ce qui permettrait en théorie, de créer des
réseaux beaucoup moins grands et de toujours bénéficier de l'effet
positif du grand nombre de moyens de production connectés.

Dans les exemples de réseaux naturels, la Forêt semble être celui qui
a la plus grande envergure, puisqu'on retrouve des Forêts de plusieurs
kilomètres de dimensions dont tous les arbres sont connectés
(directement ou indirectement), voire même des forêts dont tous les
arbres sont des clones les uns autres [6], reliés entre eux par les
racines. Néanmoins, ces arbres ont tous individuellement les
capacités de vivre sans le reste de la forêt, même si leur
développement serait moindre. Les arbres qui sont connectés ont
tous une taille à peu près similaire, et les champignons qui servent à
connecter les arbres d'espèces différentes, même s'ils n'ont pas la
même masse, ont un réseau avec une emprise géographique aussi
importante que celle des arbres.

La taille du réseau, si elle permet d'avoir une optimisation technique


indéniable, éloigne aussi les moyens de production des
consommateurs. Nombres de Français n'ont jamais vu une centrale
nucléaire, ni même leur panache de vapeur, alors que cette source
produit presque les 3/4 de l'énergie électrique consommée. Cela
contribue à la "magie" de l'électricité, mais constitue un frein à la
transition vers un autre système, puisqu'il n'y a pas de prise de
conscience que cette énergie doit bien être produite quelque­part.
C'est en ce sens que les alternatives qui se créent aujourd'hui de
maison à énergie positive ou quartier à énergie positive sont très
intéressantes, car même si elles ne reprennent qu'une partie des
enjeux de l'autonomie électrique, ces quartiers ou habitations
doivent produire localement l'énergie qui sera consommée en
moyenne, et l'impact de leur consommation sur la quantité de
production nécessaire est tout de suite visible.

Cela soulève la question de la définition de l'entité qui doit être

60
connecté au réseau, faut­il considérer que les entités sont les
maisons/appartements, ou alors plutôt les immeubles ou quartiers de
maisons, ou alors les villages et villes. Comme dans la nature, il est
parfois compliqué de définir un individu, il peut être complexe de
définir l'entité de base dans un réseau électrique, puisqu'une fois
connecté, les différentes entités ne font plus qu'un. Ce choix de la
définition de l'individu a un impact important car dans les liens
naturels la taille du lien et liée à la taille de l'individu. Les échanges
entre les arbres, même au sein d'une immense forêt, sont de la
dimension relative aux besoins d'un seul arbre. La tendance actuelle
dans les réseaux électriques est aujourd'hui inverse puisque un client
peut être connecté à un lien qui peut transiter 100 voire 1000 fois ses
besoins. Créer des réseaux électriques dont les capacités seraient
limitées à la consommation des entités qu'il connecte engendrerait
un tout autre paradigme, puisqu'il forcerait chaque unité à avoir un
certain niveau d'autonomie.

Faire des choix :

Aujourd'hui un consommateur a peu de moyen de faire varier sa


consommation électrique. La domotique commence à permettre de
contrôler les appareils.
Néanmoins, il n'est pas possible aujourd'hui (sauf à bricoler soi­même
son installation) de choisir quelles consommations doivent
fonctionner en fonction de l'état du réseau. Comme les systèmes
nerveux, il serait intéressant d'avoir un système basé sur des mesures
locales qui permette en cas d'incident proche de prendre des
mesures immédiates pour modifier la puissance consommée par
l'habitation. Comme lors d'une hibernation, il serait possible de
n'alimenter, lors des situations électriques tendues, qu'une partie
choisie des appareils. Cela permettant à plus de personnes de
bénéficier d'une alimentation électrique, même si elle est réduite. Au­
delà de l'avantage technique très important que cela apporterait au
système, cela amènerait aussi chacun à interroger quels sont les
usages de l'électricité qui doivent être considérés comme vitaux et
ceux qui peuvent être mise en pause lors d'une situation de crise.

61
Coopérer

Le secours mutuel est une des raisons pour lesquelles le réseau


électrique actuel est aussi large. Une fois connecté, les entités
fusionnent et s'aident mutuellement. Comme cela a déjà été
expliqué, le réseau électrique créée une communauté de tous les
utilisateurs, dont la solidarité des uns envers les autres se met en place
instantanément et n'est donc pas perceptible, car aucun besoin
n'est ressenti, il est automatiquement comblé.

Dans les forêts, les arbres sont tous interconnectés entre eux, mais ils
le sont à la fois via des greffes, qui comme pour les réseaux font
fusionner les entités. Ils le sont aussi via des champignons
mycorhiziens, ces champignons ont la propriété de pouvoir
connecter des arbres d'espèces différentes, mais aussi de pouvoir
choisir et moduler les transferts qui ont lieu entre l'arbre et le
champignon. Une technologie similaire existe au sein des réseaux
électriques, ces liaisons à courant continu (ou HVDC­High­Voltage­
Direct­Current) permettent elles aussi de connecter des réseaux aux
propriétés différentes et de définir la puissance qui circule sur
l'ouvrage. Cela rend donc possible le fait de définir la force et la
quantité de soutien qu'une zone peut envoyer à une zone voisine si
celle­ci est interconnectée via ce lien spécial. Avec les technologies
utilisées aujourd'hui, cela rend la situation de manque perceptible. En
effet, il faut que les conditions se dégradent dans un des réseaux
pour que cela soit mesuré et que la liaison enclenche une
modification de la puissance transitée [7]. Le soutien est donc
perceptible, quantifiable, et peut être limité pour être sûr de ne pas
risquer d'écrouler une zone saine, alors qu'elle souhaitait initialement
aider une autre zone.

Dans les paragraphes précédents, les intérêts de la diversification ont


été présentés. Si les services rendus par l'électricité sont rendus par
une source différente, il est donc aussi important de regrouper les
besoins de cette nouvelle source. Dans la permaculture, différentes

62
associations de plantes peuvent être faites pour optimiser le
fonctionnement global de l'écosystème. Ce principe peut aussi être
appliqué aux habitations/commerces/industries. Comme dans la
nature, les déchets d'une habitation ou d'un commerce peut être
une ressource. Un chauffe eau solaire, installé pour fournir l'eau
chaude des douches d'une habitation, sera dimensionné pour
pouvoir suffisamment d'eau chaude en hiver. Mais pendant la
période d'été, la production d'eau chaude sera très supérieure aux
besoins. Cela peut aider une industrie proche qui aura besoin de
chaleur. La coopération pour des ressources différentes de
l'électricité est plus complexe à concevoir et à mettre en place car
elle nécessite de bien connaître les besoins de chacun et de les
regrouper correctement (toutes les ressources ne se transportant pas
aussi bien que l'électricité). Néanmoins, cette solution permet
localement d'être très résilient, et efficace. (ce concept peut bien sûr
être poussé bien plus loin que pour les seules ressources
énergétiques). Cela nécessite toutefois de prévoir un aménagement
urbain qui rende possible ces interactions positives, cela doit donc
s'inscrire dans les temps longs.

Changer la temporalité ?

Le stockage d'électricité a toujours été présent sur les grands réseaux


avec les barrages hydrauliques. Pour des situations spécifiques les
batteries ont pu temporairement être utilisées dans le passé[8], mais
sont maintenant de plus en plus présentes que ce soit dans les
applications domestiques, les transports ou pour des applications
"stationnaires" plus importantes.
L'ATP, cette molécule universelle qui sert au transfert d'énergie dans
les êtres vivants est aussi capable d'en stocker une partie. On estime
que dans le corps humain, l'ATP représente environ 5 minutes des
besoins. Si cela existait dans les réseaux électriques, cela signifierait
que lors d'une rupture d'alimentation, il y aurait un temps pendant
lequel des mesures spécifiques pourraient être prises afin de se
préparer à la coupure. Qu'elles soient humaines, comme aller
chercher les lampes de poche, allumer le feu... Ou automatisées afin

63
d'assurer qu'elles soient toujours effectuées, comme faire un arrêt
progressif du matériel, (vidanger la machine à laver, activer un mode
faible consommation sur certains appareils...) Malheureusement
aujourd'hui, même si la réserve énergétique peut être disponible
dans certains cas, il n'est néanmoins pas possible d'en tirer la
puissance nécessaire. (c'est comme si un château d'eau était
correctement dimensionné, mais que la connexion n'était faite qu'à
travers un fin tuyau d'arrosage).
Pour certaines applications, ce mode de fonctionnement pourrait
être envisageable avec un surcout très faible voire nul. A l'échelle
d'une habitation, cela pourrait aussi être envisageable pour celles
qui ont par exemple de la production photovoltaique installée chez
eux. Déployer cela sur toutes les habitations, commerces et industries
serait pour l'instant bien trop cher et consommateur de ressources
pour être intéressant. Néanmoins, cette piste peut être envisagée
pour les installations futures dans lesquelles les onduleurs permettant
cet arrêt progressif pourraient être présents pour d'autres raisons.

La gouvernance :

Il y a aujourd'hui une défiance croissante (bien que probablement


minoritaire) des personnes envers les grandes entités de
gouvernance. Cela est aussi vrai dans le domaine électrique. On
notera que c'est une des motivations des personnes qui cherchent
l'autonomie électrique, que de pouvoir faire les choix qui leur
semblent les plus pertinents sur la production électrique.
On peut aussi noter que la normalisation et l'homogénéisation des
réponses apportées pour résoudre les contraintes sont souvent
imposées par l'état ou une autorité de régulation. Ce cadre évoluant
lentement ne permet pas d'avoir de solutions intermédiaires. Les
projets de "Smart­City" ou "Smart­Building" sont justement une initiative
très intéressante à ce sujet car elles permettent de créer une
instance intermédiaire dans laquelle des discussions peuvent se tenir
et des décisions peuvent se prendre sans entrer dans les cadres
fermés classique. Cela est maintenant possible grâce notamment au
principe d'autoconsommation collective mis en place par ENEDIS. [8]

64
Les infrastructures du passé

Les réseaux électriques ont historiquement toujours été en


développement, il n'y a quasiment jamais d'ouvrages qui sont
démontés, sauf dans des cas très particuliers de lignes qui
n'alimentaient qu'un client qui n'existe plus. Dans les forêts, certaines
souches sont maintenues en vie, même lorsque l'arbre a perdu sa
partie aérienne, car cela permet de conserver des connexions entre
les autres arbres. Conserver un maximum des infrastructures du
réseau de transport est donc similaire à l'approche des forêts, et il est
important de considérer les avantages que les ouvrages peuvent et
pourront fournir avant d'envisager leur démantèlement.

65
[1] CRE Comission de Régulation de l'Energie
[2] La consommation électrique fait partie des entrées du modèle de simulation, le
périmètre de l'étude ne permet pas à RTE de conclure par : "il faudrait que la
consommation aux heures les plus chargées de l'année baisse de XXX"
[3] Les centrales thermiques, qu'elles soient à base de charbon, de fuel ou nucléaire
ont besoin d'une source froide pour condenser la vapeur et permettre un
fonctionement correct de la turbine. En cas de forte chaleur, en particulier sur les
centrales qui utilisent l'eau des riviières, il ne devient plus possible d'évacuer la chaleur
de la centrale dans l'eau de la rivière sans endommager l'écosystème de la rivière, et
les centrales doivent être arrêtées.
[4][Eberle, D., & Aicher, F. (2016). Be 2226: Die Temperatur der Architektur : Portrait
eines energieoptimierten Hauses = The temperature of architecture : portrait of an
energy­optimized house. Basel: Birkhäuser.]
[5] call de la comission européenne. volonté de ne pas avoir de différences entre les
endroits.
[6] : La "Pando Forest" est une forêt de Trembles aux USA qui sont tous des clones les
uns des autres, cette forêt n'est qu'un seul organisme: https://www.fs.usda.gov/detail/
fishlake/home/?cid=STELPRDB5393641
[7] : Nota, aujourd'hui, de nouveaux contrôles vont permettre de copier le
comportement des liaisons atlernatives sur les liaisons à courant continu (HVDC),
néanmoins la possibilité de conserver le comportement actuel est toujours possible
[8] : Kraemer, K G, and Dominik, H. 1986. "Berlin's 8. 5 MW battery facility is world's first."
United Kingdom.
[9] : https://www.enedis.fr/sites/default/files/documents/pdf/2021­01/
autoconsommation­collective­temoignages­et­bonnes­pratiques.pdf

66
Critiques et limites
La recherche n'a bien sûr pas abouti à l'échelle unique idéale à
laquelle réaliser le réseau, puisque toutes sortes de réseaux sont
présents dans la nature. De plus, il a été montré dans ce document
qu'il n'y avait pas une solution unique qui pouvait se développer
dans tous les contextes. Néanmoins, cela a permis de montrer que
différentes échelles intermédiaires sont possibles et n'ont pas été
envisagées jusqu'à présent.

De plus, des solutions où le réseau électrique n'est pas la seule


solution pour coopérer entre entité ont aussi été développées. La
nature utilise en effet de nombreuses autres relations pour réaliser des
interactions que des réseaux.

De par la définition du sujet, mes recherches se sont orientés


majoritairement sur le fonctionnement en réseau et donc en
coopération des vivants. La nature a aussi développé un grand
nombre de solutions pour des organismes autonomes, mais qui n'ont
pas pu être étudiés. L'hypothèse a été faite ici, que les gains en
matériaux réalisés grâce à la mutualisation, sont tels que la vision
individualiste de l'énergie n'a pas été étudiée. Dans les solutions
naturelles, les matériaux utilisés pouvant être recyclés sans impact
négatifs, la contrainte est complètement différente.

De nombreux autres points auraient pu, et auraient dû être abordés


dans cette section. Malheureusement, le manque de temps a
contraint le nombre de sujets qui ont pu être abordés (parfois
d'ailleurs trop succinctement, là aussi à défaut de temps). En effet, les
recherches se sont concentrées sur certains éléments afin de créer
des fictions réalistes, qui permettent d'imaginer un futur différent de
ce que nous connaissons, voire envisageons aujourd'hui.

Les fictions se placent dans des futurs lointains, puisque les


transformations seront longues à réaliser, et la transition depuis la

67
situation actuelle n'as été que brièvement envisagée dans les
fictions. L'aspect social de cette transformation ainsi que
l'acceptabilité des solutions, n'ont pas pu être étudiés, et mériteraient
une attention particulière, Etant donné qu'aujourd'hui déjà, certains
sont prêts à faire ces modifications dans leurs habitudes, il est
probable qu'une partie de la population puisse adopter les scénarios
proposés.

L'impact environnemental des différentes structures, que ce soit au


niveau de la consommation de ressources, des méthodes de
production, ou sur la faune et la flore pendant leur utilisation, n'a pas
non plus été ici abordé.

68
69
Transporter l'énergie électrique

L'électricité se transporte grâce à des matériaux conducteurs


comme les métaux. Le plus souvent du cuivre est utilisé, comme dans
toutes les installations domestiques.

2 grandeurs caractérisent l'électricité, le courant, similaire au débit


d'un tuyau d'eau, et la tension, qui est similaire à la pression dans un
tuyau d'eau.

La puissance transportée dans un câble est proportionnelle au


produit de la tension du câble, par le courant circulant dans ce
dernier.
Puissance = Courant * Tension

Le diamètre des câbles utilisés va limiter le courant qui peut y


circuler.
Pour augmenter la tension sur un câble, il est nécessaire, soit
d'augmenter l'épaisseur de l'isolant qui entoure le câble, soit de le
placer dans une situation ou personne ne peut y toucher (cas des
lignes aériennes de RTE)

A titre d'exemple, un câble domestique de moins de 2mm de


diamètre, permet de transporter 4000W. (rappel la puissance
d'environ 16 cyclistes)

Les réseaux électriques utilisent des Transformateurs, c'est un système


qui permet de changer la tension de l'électricité. En Europe, les
tensions utilisées pour transporter l'électricité peuvent monter jusqu'à
400 000 V, le même câble de 2mm de diamètre, pourrait donc
transporter 8 Millions de Watts ! ou la puissance de 32000 cyclistes !
C'est cette propriété qui rend les réseaux de transport d'électricité sur
de longues distances très efficaces !

70
Une paire de câbles de 2mm de diamètre (à l'échelle ci­dessus)
permet de transporter 4000W, un câble triphasé (trois câbles
individuels), permet de transporter 12000W ! pour une tension de
220V.

Les réseaux électriques peuvent être maillés, c'est à dire que plusieurs
lignes parallèles peuvent relier différents points du réseau, cela
permet, en cas de problème sur une des lignes d'avoir
instantanément toute la puissance qui passe sur les autres lignes.

71
Le potentiel
des modèles
biologiques
Cette section va brièvement décrire les différents modèles
biologiques qui ont été utilisés dans les fictions et dans les réflexions.
Les modèles concernent à la fois des animaux et des végétaux, des
individus ou des comportements collectifs. C'est une illustration
intéressante que toutes les échelles de la nature peuvent être une
source d'inspiration pour une réflexion sur un objet unique, un réseau
électrique dans le cas de ce mémoire.

72
La circulation sanguine /
l'hibernation
Les mammifères peuvent déclencher un mécanisme spécial pour
passer les périodes de stress ou de manque de nourriture. C'est
l'hibernation, pendant cette période, différents mécanismes se
mettent en place :
­ régulation de la température à une valeur beaucoup plus
basse qu'habituellement (ce qui permet de dépenser moins
d'énergie pour se chauffer)
­ diminution des rythmes cardiaques et de respiration.
­ contraction de tous les vaisseaux sanguins qui n'alimentent
pas une fonction vitale de l'organisme, comme le cœur, les
poumons, le cerveau ou une partie de l'appareil digestif.
Cette dernière permet donc une nouvelle répartition des flux
sanguins. Le cœur alimente donc en priorité les fonctions vitales de
l'organisme. De plus ces fonctions sont situées au cœur de
l'organisme, le sang ne circule donc pas en périphérie du corps et
évite d'être refroidit par l'extérieur.

Fishman, A. P., & LYMAN, C. P. (1961). Hibernation in Mammals.


Circulation, 24(2), 434–445. https://doi.org/10.1161/01.cir.24.2.434

73
La Forêt
Les arbres, même ceux qui se trouvent habituellement en forêt,
savent fonctionner de manière autonome et peuvent subvenir à leurs
propres besoins. Pour cela, ils déploient racines, branches et feuilles
qui leur permettent de capter suffisamment de nutriments dans le sol
mais aussi d'accéder à suffisamment de lumière du soleil pour réaliser
la photosynthèse qui produira l'énergie nécessaire à tout l'arbre.

Néanmoins lorsque l'arbre est proche d'un autre arbre de la même


famille, et sous réserve que les deux arbres soient suffisamment âgés,
il peut s'y connecter directement, cela se réalise grâce à une greffe
naturelle au niveau des racines. Cette greffe, coûte tout d'abord un
peu de ressources supplémentaires aux arbres, mais cela est
contrebalancé par les bénéfices qui en sont tirés lorsque la
connexion est établie. Une fois greffés, les 2 arbres ne forment plus
qu'un et tous les nutriments peuvent circuler librement d'un arbre à
l'autre.

Lorsque les arbres ont autour d'eux des espèces avec lesquelles ils ne
peuvent pas se greffer, les échanges peuvent parfois se faire grâce
aux champignons mycorhiziens.

Les champignons peuvent accéder différemment à certaines


ressources comme l'azote ou le phosphate, mais ont du mal à
accéder au carbone. Lorsqu'un champignon mycorhizien rencontre
une cellule de racine d'arbre, il la transforme, cette cellule devient
une sorte d'interface qui permet de gérer les flux de nutriments entre
l'arbre et le champignon. Lorsqu'un arbre est connecté à différents
champignons, il est capable de sélectionner à qui il envoie les
ressources afin de favoriser celui duquel il reçoit le plus et ainsi éviter
les champignons "tricheurs" qui profiteraient sans donner.

Un champignon qui est connecté à différents arbres peut donc servir


de lien entre un arbre et un autre. C'est ce qui est observé dans les

74
forêts qui comportent de multiples essences d'arbres.

Le réseau d'arbres que constitue la forêt peut aussi conserver une


partie d'un arbre inclus dans un réseau, même si celui­ci a perdu son
houppier (partie aérienne de l'arbre). Il a été observé que des
souches peuvent survivre plusieurs dizaines d'années, alimentées par
les arbres en bonne santé aux alentours, qui bénéficient en retour
d'un meilleur ancrage dans le sol, d'un accès à plus de ressources
grâce au réseau racinaire, et à une connexion à un plus grand
nombre d'individus.

­ Lev­Yadun, S. (2011). Why should trees have natural root grafts? Tree
Physiology, 31(6), 575–578. https://doi.org/10.1093/treephys/tpr061
­ Bonfante, P., & Genre, A. (2010). Mechanisms underlying beneficial
plant ­ Fungus interactions in mycorrhizal symbiosis. Nature
Communications, 1(4), 1–11. https://doi.org/10.1038/ncomms1046
­ Kiers, E. T., Duhamel, M., Beesetty, Y., Mensah, J. A., Franken, O.,
Verbruggen, E., … Bücking, H. (2011). Reciprocal rewards stabilize
cooperation in the mycorrhizal symbiosis. Science, 333(6044), 880–
882. https://doi.org/10.1126/science.1208473
­ Bader, M. K. F., & Leuzinger, S. (2019). Hydraulic Coupling of a
Leafless Kauri Tree Remnant to Conspecific Hosts. IScience, 19, 1238–
1247. https://doi.org/10.1016/j.isci.2019.05.009

75
La permaculture
Les associations de plantes se rendent des services mêmes si elles ne
sont pas toutes directement connectées les unes aux autres. Les
associations utilisées en permaculture ont été d'abord observées
dans les milieux sauvages.

Les bénéfices échangés entre les plantes peuvent être :


­ protection contre les éléments naturels comme le soleil, ou
contre les vents
­ complémentarité des ressources nécessaires dans le sol,
avec des plantes qui ont des besoins différents et qui ne se font donc
pas concurrence au niveau du sol pour les éléments.
­ plante qui peuvent stocker l'azote atmosphérique dans le
sol, et qui l'enrichit donc naturellement.
­ plante qui ont des systèmes racinaires de formes très
différentes (en profondeur ou en surface), et qui vont donc aller
chercher les éléments à différents endroits, permettant ensuite par
exemple lors de la chute des feuilles de fournir ces éléments
accumulés aux autres plantes proches.

La permaculture a aussi pour principe d’utiliser une variété de


plantes et une variété d’interactions plutôt qu’une seule espèce
parfaitement adaptée. Cela permet divers avantages :
­ être sûr d’avoir une espèce qui soit bien adaptée aux
conditions, même si les conditions ne sont pas exactement celles qui
étaient attendues.
­ éviter qu’un ravageur de l’une des variétés puisse
facilement se transmettre aux autres plantes de la même espèce,
chaque espèce différente jouant un rôle de barrière à ce ravageur.
éviter les modes communs
­ potentiellement tirer parti des interactions bénéfiques qui
peuvent se mettre en place en fonction des espèces.

76
Il n'y a pas d’harmonisation simple, comme aujourd'hui en agriculture
classique où la même variété est produite sur tout un territoire. Il est
nécessaire de connaître les conditions locales pour trouver la
combinaison de variétés qui permettra d'atteindre le meilleur
objectif. On peut toutefois, trouver des modèles (guildes)
d'associations plantes ou de variété qui peuvent se compléter, et
ces guildes peuvent être reproduites à différents endroits.

77
Les plantes grasses
Les plantes grasses ou crassulacées sont capables de réaliser une
photosynthèse en deux étapes.
Dans une première étape le CO2 de l'air est capté par les stomates
(cellules qui permettent l'échange gazeux avec l'atmosphère)
ouvertes. Le début d'une succession de réactions chimiques se
déroule jusqu'à ce que soit créé l'acide Malique, molécule
intermédiaire qui va servir de stockage. Ensuite la journée, l'acide
Malique est transformé en malate, qui grâce à la lumière du soleil
peut réaliser le cycle de Calvin de la photosynthèse. L'oxygène
produit sera évacué à travers les pores de la feuille. Cela leur permet
de capter l'énergie de la lumière du soleil la journée tout en
maintenant leur stomates fermés, et de faire les échanges lorsque
l'humidité relative de l'air est bien plus élevée et évite le
dessèchement rapide des plantes.

78
L'ATP (Adénosine TriPhosphate)

L'ATP est une molécule qui est utilisée dans les processus
métaboliques de tous les êtres vivants. Elle est utilisée par les fibres
musculaires, pour la division des cellules, mais aussi pour transporter
d'autres molécules à travers la paroi des cellules.
Lorsqu'un organisme a besoin d'énergie, il réduit l'ATP en ADP
(Adénosine DiPhosphate). L'ADP peut ensuite être régénéré en ATP
grâce à différentes réactions, comme la photosynthèse ou la
respiration. L'ATP est une molécule qui permet l'échange d'énergie
entre les différentes cellules d'un organisme, et ce sans forcément
utiliser de réseau particulier puisqu'elle peut passer à travers les parois
des cellules.
L'ATP est un vecteur d'énergie universel, il est présent en faible
quantité dans les êtres vivants. Il est sans cesse transformé et recyclé.
Dans un corps humain, l'ATP stockée représente une faible réserve
d'énergie, environ 5 min, cela permet au corps d'avoir un petit
réservoir qui permet ensuite d'adapter la production d'énergie aux
besoins du corps par d'autres processus.

Neutze, R. (2008). Opening and closing the metabolite gate. 105(50), 19565–19566.

79
Le système nerveux
Le système nerveux humain est constitué de deux systèmes
antagonistes, le système sympathique et parasympathique. Le
système sympathique est responsable de toutes les réactions
d'urgence et de survie. Il prépare le corps à un danger potentiel
grâce à différentes actions (augmentation du rythme cardiaque,
dilatation de la pupille, dilatation des vaisseaux sanguins, restriction
des vaisseaux liés à la digestion). Le système parasympathique
quant­à­lui, s'occupe de faire revenir le corps dans un état normal de
relaxation avec des effets opposés sur le corps (réduction du rythme
cardiaque, contraction des pupilles, sécrétion de salive...).
Ces deux systèmes s'équilibrent pour atteindre l’homéostasie dans le
corps.
Puisque ces deux systèmes ont des rôles très différents, ils ont aussi des
fonctionnements différents. Le système sympathique, se trouve très
près des organes qu'il contrôle, cela lui permet d'avoir une chaîne
neuronale plus courte, et une action plus rapide, basée sur un
nombre d'informations limité.
Le système parasympathique, se situe dans le cerveau ou dans la
partie sacrale de la moelle épinière. Il a besoin d'un nombre
important d'informations provenant de différents organes afin de
s'assurer qu'il n'y à plus de danger présent et que le corps peut passer
dans un état de relaxation.

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Les insectes sociaux
Les fourmis font partie des insectes sociaux, une fourmi seule ne peut
pas vivre et à besoin de sa colonie. Les études ont montré que, dans
les situations de manque de nourriture, la nourriture ramenée par les
fourmis sorties de la colonie est partagée plus rapidement mais aussi
plus largement que dans les situations où la nourriture ne manque
pas. En 24H, 80% de la colonie a profité de la nourriture amenée par
les ouvrières dans les situations de famine, alors que le seuil n'est que
de 20% pour des situations normales.
Dans les situations de stress, le partage est donc d'autant plus intense,
pour s'assurer que toutes les fourmis auront accès au minimum
nécessaire.
Cela n'est pas sans rappeler la "Daughnut Economy", où il faut
s'assurer qu'il n'y ait personne dans le trou du Daughnut, et que tout
le monde ait accès au minimum, quitte à partager une ressource
déjà rare.

Howard, D. F., & Tschinkel, W. R. (1980). The effect of colony size and starvation on
food flow in the fire ant, Solenopsis invicta (Hymenoptera: Formicidae). Behavioral
Ecology and Sociobiology, 7(4), 293–300. https://doi.org/10.1007/BF00300670

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La notion d'individu
La définition d'un individu dans le monde vivant peut sembler évident
pour la mésaufaune qui nous entoure. Néanmoins, cette définition se
complexifie par exemple chez les insectes sociaux comme les fourmis
ou les abeilles. Il est facile de distinguer une abeille d'une autre, mais
pourtant une abeille, ne peut pas survivre seule car elle ne peut pas
produire sa nourriture, les abeilles, autres que la reine, peuvent
pondre des œufs, mais n'engendreront que des mâles. Les mâles, ne
peuvent quant­à­eux, pas se nourrir seuls, ils ne sont pas dotés de
trompe, et doivent donc être nourris par les autres abeilles. De plus,
les abeilles sont pour la plupart mono­tache (même si cette tâche
peut varier pendant la vie de l'abeille), la colonie ne peut­elle pas
être considérée comme un individu dont chaque abeille serait une
cellule ?
La question de définition d'un individu peut encore se complexifie à
l'échelle microscopique, avec les microbes ou les microalgues, qui
peuvent se présenter sous forme unicellulaire ou alors pluricellulaire,
complexe, comme les formes filamenteuse des algues. Dans ces cas,
l'individu est­il l'algue unicellulaire, ou l'assemblage de ces multiples
algues ?

Shade, A., Dunn, R. R., Blowes, S. A., Keil, P., Bohannan, B. J. M., Herrmann, M., …
Chase, J. (2018). Macroecology to Unite All Life , Large and Small. Trends in Ecology &
Evolution, 33(10), 731–744. https://doi.org/10.1016/j.tree.2018.08.005

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Sorties

Ce mémoire a été pour moi l'occasion d'imaginer des solutions


futures qui me semblent être plus en accord avec l'environnement
tout en permettant à l'homme de ne pas renoncer à trop de confort
et revenir à la lampe à huile.

J'ai pu partir d'une feuille blanche pour imaginer des potentielles


configurations de réseaux de demain. La recherche a commencé
par l'exploration de la nature, sans trop d'a priori sur la finalité, afin de
ne pas biaiser mes recherches par une analyse technique trop
détaillée. De formation d'ingénieur, et travaillant dans le domaine
des réseaux électriques depuis longtemps, j'aurai trop orienté mes
recherches et me serait enfermé. Cette recherche ouverte m'a
permis de prendre du recul et de ne pas m'intéresser qu'à l'électricité,
mais aussi à d'autres énergies. Cela m'a aussi confirmé que
différentes échelles naturelles pouvait être inspirantes pour le réseau
auquel je m'intéressai. Il a été possible d'identifier grâce à la nature,
quelques principes qui n'ont pas encore été mis en place dans les
réseaux d'aujourd'hui. Les fictions qui ont ensuite été construites m'ont
permises d'associer ces idées, ainsi que de m'y projeter (et j'espère le
lecteur aussi). Elles permettent aussi de se rendre compte qu'elles ne
sont pas exclusives, et qu'il serait possible de juxtaposer les différents
types de réseaux envisagés.

Rendre ce mémoire est une satisfaction. Mais c'est aussi une


frustration de ne pas avoir pu y consacrer plus de temps. Pour réaliser
par exemple, une première analyse environnementale des solutions.
Plutôt habitué aux articles scientifiques au format imposé et
monochrome, j'ai pris plaisir à essayer de travailler la forme de ce

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mémoire afin de le rendre le plus agréable possible au lecteur.
Même si, là encore, cela génère de la frustration de ne pas avoir
toujours pu réaliser ce que j'aurai souhaité. J'espère toutefois que ce
mélange de fictions, de réflexions, de pédagogies en physique et en
biologie ne sera pas trop indigeste.

Tous les scénarios développés, même s'ils sont très différents, me


semblent positifs. En effet, chacun d'eux, suscite une prise de
conscience des individus, qui sont invités à une sorte de sobriété.

J'ai enfin la sensation, que dès lors qu'une réflexion est entamée, une
partie du chemin vers une solution plus respectueuse de la nature est
effectuée. De ce fait, la lecture même de ce mémoire, par les prises
de conscience qu'elle évoque, n'est­elle pas un premier pas vers
cette solution ?

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