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Mémento

de la procédure
applicable par
le Tribunal spécial
pour le Liban

Chambres — Décembre 2010


www.stl-tsl.org
MÉM EN TO DE LA PRO CÉDU RE

APPLICA BLE PA R LE

TRIBUN AL SPÉCIAL PO UR LE LI BAN


Rédigé par Jérôme de Hemptinne (Juriste)
Édité et imprimé par le Tribunal spécial pour le Liban.
Troisième édition (Décembre 2010)
Tribunal spécial pour le Liban
Dokter van der Stamstraat 1,
2265 BC Leidschendam
Pays-Bas

–2–
Sommaire

Avant- propos 5

Glossaire des abréviations et des acronymes 7

Rappel 8

I. Les principes directeurs 10


1. Les textes fondateurs 10
2. Les droits fondamentaux de l’homme 11
3. Le caractère hybride de la procédure 12
4. Les acquis des Tribunaux ad hoc et de la CPI 12
5. La spécificité des actes de terrorisme 12

II. Les règles de compétence 14


1. Les principes généraux 14
2. L’attentat perpétré le 14 février 2005 contre Rafic
Hariri et d’autres personnes 14
3. Les attentats perpétrés entre le 1er octobre 2004 15
et le 12 décembre 2005
4. Les attentats perpétrés après le 12 décembre 2005 15

III. Les principaux acteurs de la procédure 17


1. Le Juge 17
2. Le Procureur 19
3. Le Chef de la défense 20
4. Le Greffier 20
5. L’accusé 21
6. La victime 21

IV. Le déroulement de la procédure 22


1. L’enquête 23
2. La confirmation de l’acte d’accusation 25
3. La comparution initiale et le plaidoyer de
culpabilité 26

–3–
4. La mise en état 27
5. Le procès 28
6. La détermination de la peine 30
7. L’appel et la révision 31

V. La participation des victimes 33


1. Les notions de « victime » et de « victime
autorisée à participer à la procédure » 33
2. Les modalités de participation à la procédure 33
3. La section de participation des victimes 34

VI. L’administration de la preuve 35


1. Les principes généraux 35
2. Le témoignage oral 35
3. La preuve écrite 36

VII. La coopération internationale 38


1. Le Liban 38
2. Les États tenus de coopérer 38
3. Les États tiers 38
4. Les mécanismes facilitant la coopération
internationale 39

VIII. Les procédures en l’absence de l’accusé 40


1. Les mesures alternatives à la détention 40
2. La procédure par défaut 40

IX. La protection des informations confidentielles


et sensibles 42
1. La sécurité des victimes et témoins 42
2. La sécurité nationale 43

–4–
Avant-propos

Ce manuel présente, de manière synthétique, la procédure en vigueur


au Tribunal et met en relief ses spécificités. Il est conçu, de façon
didactique, pour quiconque souhaite comprendre les principales règles
régissant la structure et le fonctionnement du Tribunal et leur raison
d’être. Il peut également s’avérer utile pour les praticiens et théoriciens
du droit appelés à œuvrer au Tribunal. Ce manuel vise enfin à
sensibiliser la société civile aux principaux enjeux procéduraux du
Tribunal.

La lecture, parallèlement à ce manuel, du « Mémorandum explicatif »


du Président du Tribunal aidera le lecteur à mieux cerner les
fondements de la procédure.

Ce manuel n'a pas de valeur officielle, légale ou interprétative.

Les mentions figurant entre parenthèse et en italique dans les intitulés


renvoient aux dispositions pertinentes de l’Accord portant création du
Tribunal ainsi que de son Statut et Règlement de procédure et de
preuve.

Le Règlement, le « Mémorandum explicatif » et les directives citées


dans ce manuel sont disponibles sur le site internet du Tribunal à
l’adresse suivante : www.stl-tsl.org

Le manuel est mis à jour au fur et à mesure des amendements portés à


ces textes. Un résumé de ces amendements ainsi que des raisons qui les
sous-tendent est rendu public à l’issu des réunions plénières des juges
et est placé sur le site internet du Tribunal.

–5–
–6–
Glossaire des abréviations et des acronymes
Accord Accord entre l’ONU et la République
libanaise sur la création du Tribunal
spécial pour le Liban
Affaire Hariri Affaire concernant l’attentat perpétré
contre l’ancien Premier Ministre Rafic
Hariri et d’autres personnes
Chambre d’instance Chambre de première instance du
Tribunal
Chef de la défense Chef du Bureau de la défense du Tribunal
Commission d’enquête Commission d’enquête internationale
indépendante de l’ONU
Conseil de sécurité Conseil de sécurité de l’ONU
CPI Cour pénale internationale
Greffier Greffier du Tribunal
Juge(s) Juge(s) du Tribunal
Juge de la mise en état Juge de la mise en état du Tribunal
ONU Organisation des Nations Unies
Parties Procureur et Défense
Président Président du Tribunal
Procureur Procureur du Tribunal
RPP Règlement de procédure et de preuve
Secrétaire général Secrétaire général de l’ONU
Statut Statut du Tribunal
Tribunal Tribunal spécial pour le Liban
Tribunaux ad hoc Tribunaux pénaux internationaux pour
l’ex-Yougoslavie et le Rwanda et
Tribunal spécial pour la Sierra Leone

–7–
Rappel
1. À la suite des attentats perpétrés contre l’ancien Premier
Ministre Rafic Hariri et d’autres personnalités publiques libanaises, le
Gouvernement libanais a sollicité le 13 décembre 2005 l’aide de l’ONU
pour la création d’un « tribunal à caractère international ». Suite à
cette demande, le 29 mars 2006, le Conseil de sécurité a donné mandat
au Secrétaire général pour négocier avec le gouvernement libanais la
mise en place d’un tel tribunal (résolution 1664 (2005)). Ce processus
de négociation s’est conclu avec la signature par le gouvernement
libanais et l’ONU, les 23 janvier et 6 février 2007 respectivement, de
l’Accord portant création du Tribunal, auquel est annexé le Statut de
celui-ci. Toutefois, en raison de blocages institutionnels, l’Accord n’a
pu être ratifié par les autorités libanaises.

2. Prenant acte de cette situation de blocage, et sur la base des


pouvoirs contraignants que lui confère le chapitre VII de la Charte de
l’ONU, le Conseil de sécurité a adopté le 30 mai 2007 la résolution
1757 (2007) mettant en vigueur les dispositions de l’Accord et du
Statut et invitant le Secrétaire général, en coordination avec les
autorités libanaises, à instituer le Tribunal.

3. Conformément à cette résolution, entre juin 2008 et février


2009, le Secrétaire général a pris les mesures nécessaires aux fins de
mettre en place le Tribunal, et en particulier, a sélectionné et nommé, le
cas échéant en concertation avec les autorités libanaises, les Juges, le
Procureur, le Chef de la Défense et le Greffier du Tribunal.

4. Le 1er mars 2009, le Tribunal a officiellement ouvert ses portes


à La Haye (Pays-Bas). Trois semaines plus tard, le 20 mars 2009, les
Juges ont adopté le RPP appelé à régir la structure et le fonctionnement
du Tribunal, le Règlement portant régime de détention et la Directive
relative à la commission d’office de conseils de la défense.

5. Depuis son adoption, le RPP a été modifié à trois reprises, le


5 juin 2009, le 30 octobre 2009 et le 10 novembre 2010.

–8–
6. Le RPP comporte 196 dispositions réparties en neuf chapitres
intitulés : dispositions générales – coopération avec le Tribunal –
organisation du Tribunal – enquêtes et droits des suspects et des
accusés – confirmation des charges et procédure de mise état – procès
en première instance – appel – révision – grâce et commutation de
peine.

* * *

7. Ce manuel, qui présente le RPP en neuf chapitres, se veut clair


et concis, tout en étant aussi complet que possible. Il débute par un
rappel des principaux fondements sous-tendant la procédure du
Tribunal (I) et des règles gouvernant sa compétence (II). Il décrit
ensuite les rôles des acteurs du procès (III), avant de brosser à grands
traits les étapes de la procédure, depuis le déclenchement de l’enquête
jusqu’au prononcé de l’arrêt d’appel ou de révision (IV). Ce manuel
évoque également les problématiques de participation des victimes (V),
d’administration de la preuve (VI), et de coopération internationale
(VII). Il se termine par une analyse de deux questions spécifiques au
Tribunal : les procès en l’absence de l’accusé ou de son conseil (VIII)
et la protection d’informations confidentielles et sensibles (IX).

–9–
I. – Les principes directeurs
8. Cinq principes directeurs ont gouverné la rédaction du RPP.
Celui-ci doit simultanément : être conforme aux dispositions
fondatrices du Statut et de l’Accord (1) ; prendre en compte les
exigences les plus élaborées de protection des droits de l’homme (2) ;
refléter, autant que possible, les principaux systèmes de procédure
nationaux, tout en tenant compte, en priorité, de celui du Liban (3) ;
s’inspirer des procédures des Tribunaux ad hoc et de la CPI ainsi que
de leurs évolutions (4) ; et être adapté à la poursuite et au jugement des
actes de terrorisme (5).

1. – Les textes fondateurs

9. Le RPP doit tout d’abord être conforme aux dispositions du


Statut et de l’Accord qui contiennent de nombreuses règles en matière
de procédure. Ainsi, par exemple :

i) les pouvoirs d’enquête et de poursuite sont confiés au


Procureur. En principe, il n’appartient donc pas aux Juges
d’exercer ces fonctions (art. 11 du Statut) ;
ii) un Bureau de la défense veille à la protection des intérêts des
accusés et à leur apporter toute l’assistance nécessaire (art. 13
du Statut) ;
iii) les suspects et accusés bénéficient de droits fondamentaux
durant les enquêtes et procès (art. 15 & 16 du Statut) ;
iv) les victimes sont, dans certaines conditions, autorisées à
présenter leurs « vues et préoccupations » au cours de la
procédure, lorsque leurs « intérêts personnels » sont affectés
(art. 17 du Statut) ;
v) les victimes ne peuvent obtenir réparation devant le Tribunal
du préjudice dont elles souffrent. En revanche, elles peuvent
se prévaloir d’un jugement de condamnation prononcé par le
Tribunal pour obtenir réparation de leurs dommages devant les
autorités nationales compétentes (art. 17 & 25 du Statut) ;
vi) ne décidant pas du fond de l’affaire, le Juge de la mise en état
dispose de tous les pouvoirs nécessaires à la préparation
efficace des procès et les Juges d’instance et d’appel peuvent

– 10 –
conduire, de façon autonome, les débats à l’audience (art. 18
& 20 du Statut) ;
vii) si l’intérêt de la justice le commande, les éléments de preuve
écrits peuvent être admis (art. 21 du Statut) ; et
viii) le Tribunal peut, dans certaines conditions, prononcer des
jugements par défaut (art. 22 du Statut).

10. Quant à l’Accord, il prévoit, par exemple, que le Liban est


tenu de coopérer avec le Tribunal (art. 15 de l’Accord). Pareille
obligation ne s’impose pas aux autres États membres, à moins qu’ils
s’y soient engagés par le biais d’un accord de coopération ou qu’ils y
soient tenus en vertu d’un autre instrument juridique.

2. – Les droits fondamentaux de l’homme

11. Le RPP doit refléter les exigences les plus élaborées en


matière de protection des droits de l’homme telles qu’elles sont
notamment consacrées dans les dispositions du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la
Convention américaine relative aux droits de l’homme.

12. Même si le Liban n’est formellement partie ni à la Convention


européenne ni à la Convention américaine, celles-ci constituent des
points de repère pour le RPP dans la mesure où elles reflètent, comme
le Pacte, les exigences fondamentales du procès équitable reconnues au
plan international.

13. Les jurisprudences de la Cour européenne des droits de


l’homme et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme sont
instructives au même titre que celle du Comité des droits de l’homme
des Nations Unies. En effet, ces juridictions ont été amenées à préciser
les contours des droits garantis par les Conventions, en tenant compte
de l’existence d’un dénominateur commun aux systèmes juridiques,
tant de droit civil que de common law, des États parties à ces
Conventions. En outre, les principes qu’elles ont dégagés en la matière
sont particulièrement importants pour le RPP car ils reflètent le droit
international coutumier.

– 11 –
3. – Le caractère hybride de la procédure

14. En tant qu’instrument international, adopté par des Juges


représentants les principales traditions juridiques des États membres de
l’ONU – de common law comme de droit romano-germanique – le RPP
se doit de traduire le meilleur équilibre possible entre celles-ci.

15. Toutefois, et conformément au Statut, le RPP doit, en priorité,


s’inspirer de la procédure pénale libanaise qui, s’inscrivant dans le droit
romano-germanique, consacre, entre autres, les principes suivants : les
juges occupent une place prépondérante dans le déroulement des
enquêtes et de l’instance ; les victimes peuvent jouer un rôle dans la
procédure ; l’accusé peut être interrogé par le juge ; le régime
d’administration de la preuve privilégie l’utilisation de preuves écrites ;
et les procès par défaut sont, dans certaines conditions, autorisés.

4. – Les acquis des Tribunaux ad hoc et de la CPI

16. Le RPP doit tenir compte des dispositions des règlements de


procédure et de preuve des Tribunaux ad hoc et de la CPI. En effet,
ceux-ci représentent des sources d’inspiration importante dans la
mesure où ils constituent les premiers codes de procédure pénale
internationale détaillés de l’histoire. Les autres tribunaux pénaux
internationaux qui ont précédé les Tribunaux ad hoc et la CPI – ceux de
Nuremberg et de Tokyo – étaient tous deux dotés de règlements
rudimentaires, les juges réglant au cas par cas les incidents de
procédure.

17. Le RPP ne peut ignorer l’interprétation que ces Tribunaux ad


hoc et que la CPI ont donnée de leurs règlements et les changements
majeurs qu’ils y ont apportés. En effet, de nombreuses dispositions ont
été ajoutées, modifiées ou supprimées au gré de l’évolution des travaux
de ces institutions et des nécessités rencontrées dans le cadre de la
répression des crimes internationaux relevant de leur compétence.

5. – La spécificité des actes de terrorisme

18. Enfin, le RPP doit être adapté aux contraintes spécifiques


générées par la poursuite et le jugement des actes de terrorisme, tout en

– 12 –
veillant, bien entendu, à ce que les droits fondamentaux des suspects et
accusés soient pleinement respectés.

19. Dans cette perspective, le RPP envisage, par exemple, tous les
mécanismes nécessaires permettant aux États de coopérer avec le
Tribunal tout en préservant leurs intérêts de sécurité nationale. Ainsi les
États peuvent-ils fournir des informations au Tribunal à titre strictement
confidentiel et sans devoir en révéler la source.

– 13 –
II. – Les règles de compétence
20. La compétence du Tribunal est dictée par deux principes
généraux : la concurrence et la primauté (1). Elle peut s’étendre à trois
catégories de crimes : l’attentat du 14 février 2005 contre Rafic Hariri
et d’autres personnes (2) ; d’autres attentats survenus entre le
1er octobre 2004 et le 12 décembre 2005 (3) ; et les attentats ayant eu
lieu à toute autre date ultérieure (4).

1. – Les principes généraux (art. 4, par. 1 du Statut & art. 17


du RPP)

21. Le Tribunal et les juridictions libanaises exercent une


compétence concurrente. Toutefois, le premier a primauté sur les
dernières. Conformément à ces principes, le Tribunal adresse aux
autorités libanaises des demandes de dessaisissement :

i) s’agissant de l’affaire Hariri, obligatoirement dans les deux


mois de la prise de fonction du Procureur ; et
ii) s’agissant des autres affaires, chaque fois qu’au vu des
enquêtes ou des poursuites engagées devant les juridictions
libanaises, « des actes ou des comportements relèvent de la
compétence du Tribunal ».

2. – L’attentat perpétré le 14 février 2005 contre Rafic


Hariri et d’autres personnes (art. 4, par. 2 du Statut & art.
17 par. A) à D) du RPP)

22. La première catégorie de crime – à savoir l’attentat perpétré


contre Rafic Hariri – relève automatiquement de la compétence du
Tribunal. En effet, dans les deux mois de la prise de fonction du
Procureur, le Tribunal doit demander à la juridiction libanaise saisie de
l’affaire Hariri de :

i) se dessaisir en sa faveur ;
ii) lui transmettre tous les dossiers y relatifs ; et
iii) lui présenter une liste des personnes détenues dans le cadre de
cette affaire.

– 14 –
23. Sur base de ces éléments et des réquisitions du Procureur, le
Juge de la mise en état doit ensuite décider si ces personnes détenues
doivent être transférées au Tribunal ou remises en liberté.

3. – Les attentats perpétrés entre le 1er octobre 2004 et le


12 décembre 2005 (art. 1, par. 1 du Statut & art. 11 du RPP)

24. La deuxième catégorie de crimes ne relève de la compétence


du Tribunal que si deux conditions sont remplies. Ces crimes doivent :

i) présenter un lien de connexité avec l’attentat perpétré contre


Rafic Hariri ; et
ii) être de nature et gravité similaires à cet attentat.

25. Le RPP envisage la procédure suivante pour déterminer si ces


conditions sont remplies :

i) le Procureur adresse une requête au Juge de la mise en état à


tout stade de l’enquête et au plus tard lors de la confirmation
des charges ;
ii) le Juge statue sur base de la requête du Procureur ; et
iii) le Procureur peut interjeter appel de la décision du Juge de la
mise en état et la Défense déposer une demande en révision de
ladite décision.

26. Cette procédure donne au Juge de la mise en état le pouvoir


d’exercer un contrôle juridictionnel sur l’existence ou non d’un lien de
connexité entre l’affaire Hariri et les autres attentats susvisés, tout en
laissant au Procureur le choix du moment opportun, en fonction de
l’évolution des enquêtes, pour porter cette question à l’attention du
Juge.

4. – Les attentats perpétrés après le 12 décembre 2005 (art.


1 du Statut & art. 12 du RPP)

27. La troisième catégorie de crimes ne relève de la compétence


du Tribunal que si :

i) les deux conditions énumérées au paragraphe 23 ci-dessus


sont remplies ; et

– 15 –
ii) l’ONU et le Liban ont accepté la compétence du Tribunal, et
ce avec l’assentiment du Conseil de sécurité.

28. Le RPP envisage la procédure suivante pour déterminer si ces


conditions sont remplies :

i) le Procureur informe, de façon motivée, le Président que,


selon lui, le Tribunal devrait exercer sa compétence à l’égard
des crimes susvisés ; et
ii) à la demande du Président, le Greffier transmet les
conclusions motivées du Procureur au Secrétaire général afin
que l’ONU et le Liban, avec l’assentiment du Conseil de
sécurité, puissent décider d’étendre ou non la compétence du
Tribunal à ces crimes.

29. Cette procédure permet au Procureur – par l’intermédiaire du


Président et du Greffier – d’informer les autorités compétentes de
l’ONU et le gouvernement du Liban que, selon lui, le Tribunal devrait
exercer sa juridiction sur cette troisième catégorie de crimes. Elle laisse
également le soin à ces autorités de décider en toute indépendance si
ces crimes doivent bel et bien être soumis à la compétence du Tribunal.

– 16 –
III. – Les principaux acteurs de la procédure
Tirant les leçons de l’expérience des Tribunaux ad hoc et de la
CPI et tenant compte, en particulier, de la procédure pénale libanaise, le
RPP confie aux principaux acteurs du procès – à savoir, le Juge (1), le
Procureur (2), le Chef de la défense (3), le Greffier (4), l’accusé (5) et
la victime (6) – tous les pouvoirs leur permettant de jouer au mieux
leurs rôles dans la procédure, selon leurs intérêts respectifs.

1. – Le Juge

30. Les Juges peuvent agir, non pas uniquement en qualité


d’arbitres – dont la fonction serait d’évaluer les éléments soumis à leur
appréciation par les Parties – mais également comme des acteurs
chargés de préparer les procès et de veiller activement à leur bon
déroulement, dans le but ultime d’établir la vérité.

31. Sur cette base, le Président, le Vice-Président, le Juge de la


mise en état et les Juges d’instance et d’appel disposent des pouvoirs
principaux suivants :

i) Le Président (art. 10 du Statut & 32 du RPP) : outre ses


fonctions de Président de la Chambre d’appel, il « est
responsable du bon fonctionnement du Tribunal et de la bonne
administration de la justice ». À cet égard, il coordonne les
travaux des Chambres, contrôle les activités du Greffe et
préside le Comité de gestion (celui-ci est composé du
Procureur, du Chef de la défense, du Greffier et du Président
et est chargé d’assurer la coordination des activités du
Tribunal). Il contrôle également les conditions de détention
selon les règles figurant dans le Règlement portant régime de
détention des personnes en attente de jugement ou d’appel. Par
ailleurs, le Président représente le Tribunal dans ses relations
extérieures et, à ce titre, joue le rôle d’interface entre le
Tribunal d’une part, et le Liban, les États tiers, le Secrétaire
général et le Conseil de sécurité d’autre part. Enfin, il fait
régulièrement rapport aux principaux États donateurs sur la
situation administrative et financière du Tribunal. En effet, ces
États doivent notamment approuver le budget du Tribunal.

– 17 –
Note.

Le Tribunal est financé à concurrence de 49 % de ses dépenses


par le Liban et 51 % par les États souhaitant y apporter une
contribution.

ii) Le Vice-Président (art. 33 & 34 du RPP) : en cas d’absence du


Président, le Vice-Président exerce les fonctions du Président
ainsi que toutes celles que celui-ci lui délègue.

iii) Le Juge de la mise en état (art. 18 du Statut, 68 à 93, 117, 118


& 119 du RPP) : en tant que Juge ne siégeant pas au procès, il
dispose de larges pouvoirs lui permettant de préparer
efficacement les procédures et, entre autres, de : a) autoriser
les victimes à participer à la procédure ; b) confirmer ou
infirmer les chefs d’inculpations figurant dans un acte
d’accusation ; c) poser à la Chambre d’appel toute question
préjudicielle sur l’interprétation de l’Accord, du Statut ou du
RPP concernant le droit applicable nécessaire pour se
prononcer sur un acte d’accusation ; d) délivrer les citations à
comparaître, les mandats d’arrêt et de perquisition ainsi que
toute autre ordonnance nécessaire ; e) placer un suspect ou
accusé en détention ou ordonner sa libération provisoire, le cas
échéant, sous caution ; f) se prononcer sur la divulgation des
informations touchant à la sécurité nationale ou confiées à titre
confidentiel ; g) dans des circonstances exceptionnelles,
rassembler des éléments de preuve qui, sans son intervention,
ne pourraient être recueillis ; h) dans certaines conditions,
entendre des témoins sous anonymat ; et i) préparer le dossier
du procès.

iv) Les Juges d’instance et d’appel (art. 20, par. 2 & 21 du Statut
& 145 du RPP) : les Juges d’instance et d’appel disposent de
larges pouvoirs leur permettant de diriger les procédures aux
fins qu’elles se déroulent promptement et équitablement. Dans
cette optique, ils peuvent, par exemple : a) interroger eux-
mêmes les témoins avant qu’ils le soient par les Parties ;
b) écourter la durée des interrogatoires et contre-
interrogatoires ; et c) citer à l’audience des témoins et experts
qui ne sont pas appelés à la barre par les Parties.

– 18 –
Notes.

a) Le Juge de la mise en état est un juge international. La


Chambre d’instance est composée de deux Juges
internationaux et d’un Juge libanais. Deux Juges
suppléants, l’un international, l’autre libanais, y siègent
également. La Chambre d’appel est composée de trois
Juges internationaux et de deux Juges libanais (art. 2 de
l’Accord).

b) Afin de garantir une plus grande efficacité dans


l’administration de la justice, les chambres d’instance et
d’appel peuvent désigner en leur sein un Juge rapporteur
chargé de la rédaction de parties spécifiques d’un
jugement ou d’une décision (art. 36 du RPP).

2. – Le Procureur (art. 11 du Statut & 55 du RPP)

32. Le Procureur exerce ses fonctions – non pas uniquement en


qualité de partie à la procédure – mais également comme un organe de
justice, garant de l’intérêt public qu’il représente. Il agit en toute
indépendance sans solliciter ni recevoir aucune instruction de qui que
ce soit.

33. Dans cet esprit, le Procureur cumule les fonctions d’enquête et


de poursuite dans le but ultime d’aider le Tribunal à établir la vérité.
Garant de l’intérêt général, il doit également veiller à protéger les
intérêts des victimes et des témoins et à respecter les droits
fondamentaux des suspects et des accusés (par exemple, en leur
communiquant les éléments de preuve à décharge en sa possession).

Note.

Le Procureur est international. Il est assisté d’un Procureur


adjoint libanais (art. 3 de l’Accord et 56 du RPP).

– 19 –
3. – Le Chef de la défense (art. 13 du Statut & 15, 22 & 57 à
59 du RPP)

34. Aux fins de garantir le meilleur équilibre possible entre le


Procureur (qui intervient dans l’ensemble des affaires du Tribunal) et
les avocats de la défense (qui agissent isolément dans le cadre de
chaque affaire), un Bureau de la défense est institué notamment pour
fédérer les intérêts des avocats et les aider dans leurs démarches. Il est
dirigé par le Chef de la défense, lequel dispose de larges pouvoirs
notamment en matière de :

i) sélection et commission d’office d’avocats hautement


compétents et expérimentés pour les suspects ou accusés
indigents ;
ii) fourniture d’assistance matérielle et juridique aux avocats de
la défense, notamment d’experts, enquêteurs ou assistants
juridiques ;
iii) préparation et négociation d’accords de coopération avec les
États et les organisations internationales au bénéfice des
avocats de la défense ; et
iv) suivi des prestations des avocats de la défense et contrôle de la
qualité de leur travail.

35. Toutefois, pour préserver son indépendance et sa neutralité


vis-à-vis de l’ensemble des suspects, des accusés et de leurs avocats et
éviter tout conflit d’intérêts, le Chef de la défense ne peut représenter
lui-même aucun suspect ni accusé.

4. – Le Greffier (art. 12 du Statut & 48 à 54 du RPP)

36. Sous l’autorité du Président, le Greffier est responsable de


l’administration et du secrétariat du Tribunal. Il dirige, non seulement
le greffe au sens strict du terme, mais également les sections d’appui
aux victimes et aux témoins, de participation des victimes et de
sécurité. Le Greffier peut être autorisé par le Président à conclure des
accords de coopération avec les États et à nouer des relations avec des
entités internationales. Il tient le répertoire général du Tribunal
renfermant les documents relatifs à chaque affaire.

– 20 –
5. – L’accusé (art. 98, 144 and 170 du RPP)

37. L’accusé est appelé à jouer un rôle actif dans le cadre de son
procès. En effet, il est autorisé à prendre spontanément part aux débats
judiciaires. Ainsi, outre intervenir en qualité de témoin (devant alors
prêter serment et se soumettre au contre-interrogatoire du Procureur),
l’accusé peut :

i) plaider coupable ou non coupable en début de procédure ;


ii) faire des déclarations à tout stade de la procédure ;
iii) répondre aux questions qui lui sont posées par les Juges,
proprio motu ou à la demande des Parties ou des représentants
des victimes (sous réserve de l’exercice de son droit au
silence) ; et
iv) après un jugement final d’acquittement, et en cas d’arrestation
ou de placement en détention illégale à la suite d’une faute
grave de justice, solliciter du Président une indemnisation ou
une autre réparation appropriée.

6. – La victime (art. 17 & 25 du Statut, art. 86, 87 & 171 du


RPP)

38. Comme dans le cadre de la procédure devant la CPI, la


victime peut présenter ses « vues et préoccupations » à tous les stades
de la procédure – depuis la confirmation de l’accusation, jusqu’au
prononcé de la peine – lorsque ses « intérêts personnels » sont affectés.
La victime ne peut toutefois être assimilée à une partie civile au sens
strict du terme. En effet, elle ne peut ni déclencher l’action pénale ni
demander réparation de son préjudice devant le Tribunal. En outre, elle
ne peut intervenir au procès qu’après y avoir été autorisée.

39. Selon le RPP, la victime peut notamment, sous réserve de


l’autorisation des Chambres d’instance ou d’appel : i) citer des témoins
à la barre ; ii) soumettre des éléments de preuve ; iii) interroger et
contre-interroger des témoins ; et iv) déposer des requêtes et mémoires.

– 21 –
IV. – Le déroulement de la procédure
40. La procédure se déroule en sept phases : l’enquête (1) ; la
confirmation des actes d’accusation (2) ; la comparution initiale et le
plaidoyer de culpabilité (3) ; la mise en état (4) ; le procès (5) ; la
détermination de la peine (6) ; et l’appel et la révision (7). Cette
présentation n’envisage pas le cas de la procédure par défaut qui sera
traitée ultérieurement au point VIII.

Procureur Enquête

Juge de la mise Acte d’accusation


en état Mise en état

Chambre Comparution
d’instance initiale

Plaidoyer Plaidoyer
coupable non coupable

Fixation de la Procès sur la


peine culpabilité

Acquittement Condamnation

Fixation de la
peine

Chambre
Appel
d’appel

Révision

– 22 –
1. – L’enquête (art. 61 à 67 du RPP)

Caractéristiques

41. Le Procureur cumule les fonctions d’enquête et de poursuite.

42. Il instruit seulement à charge. Il est toutefois tenu de


communiquer aux avocats de la défense les éléments de preuve à
décharge qu’il aurait recueillis dans le cadre de ses investigations (à
l’exception de certaines informations strictement confidentielles).

43. L’enquête est, en règle générale, secrète et non-contradictoire.

44. Durant l’enquête, les droits du suspect sont pleinement


protégés. Il peut, par exemple, garder le silence pendant les
interrogatoires ou être assisté d’un conseil de son choix et, si
nécessaire, d’un interprète.

Note.

Le Procureur est tenu de communiquer les éléments de preuve


(à charge et à décharge) qu’il a en sa possession (déclarations
de témoins, comptes-rendus de dépositions et autres
documents) selon les délais et modalités fixés par le RPP (art.
110 à 113 & 120 du RPP). S’il ne respecte pas les obligations
de communication qui lui incombent, le Procureur peut se voir
infliger une sanction par le Juge de la mise en état ou la
Chambre d’instance (art. 114 du RPP). Il n’est toutefois pas
tenu de communiquer certaines informations strictement
confidentielles (art. 115 à 119 du RPP) ainsi que celles qui lui
sont fournies par le Comité internationale de la Croix-Rouge,
dont les représentants officiels ou les employés ne peuvent
être contraints de témoigner devant le Tribunal (art. 164 du
RPP).

Déroulement

45. Poursuivant les travaux d’investigation entamés par la


Commission d’enquête en juin 2005, le Procureur dirige les enquêtes

– 23 –
du Tribunal depuis mars 2009. Il prend toutes les mesures nécessaires à
cette fin, dont : (i) convoquer et interroger les suspects (après avoir, le
cas échéant, demander leur transfert au siège du Tribunal) et ; (ii) avec,
le cas échéant, l’autorisation du Juge de la mise en état, effectuer des
perquisitions, saisir des éléments de preuve ou délivrer des sauf-
conduits.

46. Durant les enquêtes, le Procureur veille à communiquer au


Juge de la mise en état toutes les pièces qu’il estime nécessaires à
l’exercice de ses fonctions et se réunit avec lui en principe une fois par
mois (art. 88 du RPP).

47. Pour mener ses enquêtes, le Procureur est assisté par des
enquêteurs et experts. En cas de nécessité, il peut solliciter l’aide des
autorités libanaises ou d’autres États selon les modalités de coopération
fixées avec eux.

48. Les avocats de la défense mènent leurs propres enquêtes :


après avoir été informés des accusations qui pèsent sur leurs clients, ils
rassemblent les preuves à décharge et recueillent les dépositions de
témoins qu’ils souhaitent citer au procès.

49. Pour effectuer leurs enquêtes, les avocats sont également


assistés par des enquêteurs et experts. Ils peuvent bénéficier de l’aide,
notamment juridique et logistique, du Bureau de la défense.

50. Comme le Procureur, en cas de nécessité, les avocats de la


défense peuvent solliciter l’aide des autorités libanaises ou d’autres
États selon les modalités de coopération fixées avec eux.

Notes.

i) S’ils sont indigents, les accusés peuvent bénéficier


des conseils d’avocats commis d’office par le Bureau
de la défense. Ces avocats doivent remplir des
conditions de compétence et d’expérience fixées par
le RPP et avoir été sélectionnés par un jury
d’admission au terme d’un entretien (art. 59 du
RPP).

– 24 –
ii) L’accusé peut choisir d’assurer lui-même sa défense.
Dans l’intérêt de la justice et de la tenue d’un procès
équitable et rapide, le Juge de la mise en état ou la
Chambre peuvent toutefois imposer un conseil à
l’accusé aux fins de le représenter ou de l’assister de
quelque manière que ce soit. Dans la pratique, il sera
souvent difficile – voire impossible – pour l’accusé
de se défendre lui-même, vu la complexité des
affaires relevant de la compétence du Tribunal et des
procédures applicables devant celui-ci (art. 59, par.
F) du RPP).

2. – La confirmation de l’acte d’accusation (art. 68 à 76 du


RPP)

Caractéristiques

51. La procédure de confirmation de l’acte d’accusation a lieu, en


principe, à huis clos et est non-contradictoire. Toutefois, en début de
procès, les avocats de la défense peuvent contester la validité de l’acte
d’accusation confirmé ou de la décision rendue en matière de
connexité.

Déroulement

52. Au terme de l’enquête, s’il estime posséder suffisamment de


preuves à l’encontre d’un suspect, le Procureur dresse un acte
d’accusation et le transmet au Juge de la mise en état pour
confirmation. Il y joint toutes les pièces justificatives qu’il juge
appropriée.

53. Lorsque cet acte concerne une affaire de la deuxième ou de la


troisième catégorie, le Procureur doit soumettre, au plus tard lors de la
demande de confirmation, les éléments établissant que cette affaire
présente un lien de connexité avec l’affaire Hariri.

54. Avant de se prononcer sur un acte d’accusation, le Juge de la


mise en état peut poser à la Chambre d’appel toute question
préjudicielle nécessaire sur l’interprétation de l’Accord, du Statut et du

– 25 –
Règlement concernant le droit applicable. Avant de rendre sa décision,
la Chambre d’appel doit entendre le Procureur et le Chef de la défense
en audience publique. L’’accusé pourra solliciter le réexamen de la
décision de la Chambre d’appel (art. 176 bis du RPP).

55. Sur la base des réquisitions du Procureur et des pièces


justificatives fournies, le Juge de la mise en état confirme ou non les
chefs d’inculpation figurant dans l’acte d’accusation et, le cas échéant,
se prononce sur l’existence d’un lien de connexité.

56. S’il confirme l’acte d’accusation et, le cas échéant, l’existence


d’un lien de connexité, le Juge de la mise en état délivre un mandat
d’arrêt ou de comparution. En cas de non-exécution de ce mandat
d’arrêt, il peut délivrer un mandat d’arrêt international.

57. Après sa confirmation, l’acte d’accusation est rendu public, à


moins que, dans des circonstances exceptionnelles et lorsque l’intérêt
de la justice l’exige, à la requête du Procureur, le Juge de la mise en
état décide de le placer sous scellé.

3. – La comparution initiale et le plaidoyer de culpabilité


(art. 98 à 105 du RPP)

Caractéristiques

58. En exécution d’un mandat d’arrêt ou de comparution ou après


son transfert au siège du Tribunal, l’accusé comparaît sans délai devant
la Chambre d’instance.

59. La comparution initiale est publique et a lieu en présence des


avocats de l’accusé.

Déroulement

60. Lors de sa première comparution devant la Chambre


d’instance, l’accusé est officiellement informé des charges qui pèsent
contre lui. Il est alors invité à plaider coupable ou non coupable dans
les sept jours suivant la comparution initiale.

– 26 –
61. S’il reconnaît sa culpabilité sur tout ou partie des crimes qui
lui sont reprochés, les débats ne portent plus à leur égard que sur la
détermination d’une peine. La Chambre d’instance doit s’être toutefois
préalablement assurée de la sincérité et de la validité du plaidoyer. S’il
plaide non coupable, le procès se déroule selon la procédure habituelle ;
les Parties présentent leurs éléments de preuve sur la culpabilité et, le
cas échéant, sur la peine.

Note.

Aux fins de respecter pleinement le principe de la présomption


d’innocence, le Juge de la mise en état ou la Chambre
d’instance ne place l’accusé en détention provisoire que si le
Procureur démontre que cette détention s’avère strictement
nécessaire pour :

i) assurer sa présence au procès ;


ii) garantir qu’il n’entrave pas le cours de l’enquête ou
de la procédure, par exemple en intimidant des
témoins ; ou
iii) empêcher la commission d’un acte similaire à celui
pour lequel il est poursuivi.

4. – La mise en état (art. 88 à 97 du RPP)

Caractéristiques

62. La procédure de mise en état est, en principe, publique et


contradictoire. Toutefois, certaines mesures coercitives, comme la
délivrance de mandats d’arrêt, de perquisitions ou d’assignations de
témoins, peuvent être ordonnées sous le sceau de la confidentialité.

Déroulement

63. Dès la confirmation de l’acte d’accusation et jusqu’au début


du procès, le Juge de la mise en état assure la gestion de l’affaire, en
collaboration étroite avec les Parties.

– 27 –
64. Doté des pouvoirs notamment de coordonner les échanges
d’éléments de preuve, de prendre toutes mesures nécessaires aux fins
d’assurer que la procédure ne soit pas inutilement retardée et d’inviter
les Parties à s’entendre sur certains points, le Juge de la mise en état
prépare l’affaire et fait ainsi en sorte qu’elle soit entendue
équitablement et promptement.

65. Le Juge de la mise en état est également chargé de constituer


un dossier consignant notamment la liste des témoins appelés à
comparaître, les résumés de leur déposition, la durée présumée de
celles-ci, un résumé des décisions et ordonnances rendues, et les points
d’accord et de désaccord entre les Parties. Ce dossier sera transmis en
début de procès à la Chambre d’instance, de façon à ce que celle-ci
puisse organiser efficacement le déroulement du procès.

5. – Le procès (art. 141 à 148 & 167 à 70)

Caractéristiques

66. Dans un souci de transparence des procédures, le procès est


public. Toutefois, aux fins d’assurer la protection des témoins ou les
intérêts de sécurité nationale d’un État, les débats peuvent
exceptionnellement se tenir à huis clos et, le cas échéant, ex parte.

67. Les débats se déroulent, en principe, oralement. Les témoins et


experts déposent en présence des Juges. Toutefois, dans l’hypothèse où
l’intérêt de la justice l’exige, la Chambre peut accepter des éléments de
preuve écrits.

68. Les débats sont, en règle générale, contradictoires et les


Parties placées sur un pied d’égalité. Toutefois, les procès par défaut ou
en l’absence de l’accusé peuvent, dans certaines conditions, être
autorisés.

Note.

Les témoins et experts comparaissant devant le Chambre


d’instance sont des témoins et experts qui interviennent dans
l’intérêt de la justice et non dans celui de la Partie pour le

– 28 –
compte de laquelle ils témoignent. Ils doivent prêter serment
avant de déposer (art. 150 du RPP) et, s’ils ne disent pas la
vérité, peuvent être poursuivis pour faux témoignage (art. 152
du RPP).

Déroulement

69. Les Juges d’instance contrôlent activement le déroulement du


procès sur le fondement du dossier et des recommandations que leur
fournit le Juge de la mise en état. Dans cette perspective, ils peuvent
arrêter le nombre de témoins à charge et à décharge cités à l’audience,
fixer la durée de la présentation de la cause par les Parties et écourter
les interrogatoires et contre-interrogatoires.

70. Dans un premier temps, le Procureur cite ses témoins et


experts qui sont interrogés tour à tour par les Juges, le Procureur, les
avocats de la défense et les victimes ou leurs représentants (s’ils y ont
été autorisés). S’ils estiment n’être pas en mesure de procéder de la
sorte – parce que, par exemple, le dossier compilé par le Juge de la
mise en état ne leur donne pas suffisamment d’information pour
procéder par eux-mêmes aux auditions – les Juges peuvent toutefois
autoriser le Procureur à débuter les interrogatoires, conformément à la
procédure traditionnellement suivie par les Tribunaux ad hoc.

Note.

À l’issue de la présentation des éléments de preuve du


Procureur, la Chambre d’instance peut, après avoir entendu les
Parties, acquitter l’accusé d’un ou plusieurs chefs d’accusation
si elle estime n’avoir pas suffisamment d’éléments de preuve à
leur encontre.

71. Dans un second temps, les avocats de la défense font valoir


leurs arguments. Ils citent leurs témoins et experts qui sont interrogés
tour à tour par les Juges, les avocats, le Procureur et les victimes ou
leurs représentants (s’ils y ont été autorisés). Les Juges peuvent
toutefois autoriser les avocats de la défense à débuter les
interrogatoires, conformément à la procédure traditionnellement suivie
par les Tribunaux ad hoc.

– 29 –
72. Les Juges peuvent appeler à la barre des témoins et experts
n’ayant pas été appelés par les Parties. Les victimes ou leurs
représentants peuvent également citer des témoins et experts (après y
avoir été autorisés).

73. À l’issue des débats, le jugement d’acquittement ou de


condamnation est adopté à la majorité des Juges. Des opinions
individuelles ou dissidentes peuvent y être jointes. Le jugement est
prononcé en audience publique.

6. – La détermination de la peine (art. 24 du Statut & 171 du


RPP)

Caractéristiques

74. S’inspirant de la tradition de common law, la procédure de


fixation de la peine est distincte de celle de détermination de la
culpabilité.

75. Elle est, en principe, publique, contradictoire et orale.

Déroulement

76. Si l’accusé a plaidé coupable ou si, au terme du procès, il est


déclaré coupable, sa peine est fixée dans le cadre d’une procédure
séparée. Au cours de celle-ci, les Parties présentent des témoins dits de
« moralité » qui témoignent sur la personnalité de l’accusé et l’impact
de ses crimes sur la vie des victimes.

77. Pour fixer la peine, les Juges s’inspirent de la grille générale


des peines appliquées par les juridictions internationales et libanaises.
Ils imposent au coupable une peine d’emprisonnement à perpétuité ou à
durée déterminée. Les Juges peuvent prononcer soit des peines séparées
pour chaque chef d’inculpation, soit une seule et même peine
sanctionnant le comportement criminel de l’accusé dans sa totalité.

78. À l’issue des débats, la peine est prononcée en audience


publique.

– 30 –
Note.

Le condamné purge sa peine dans un État désigné par le


Président et figurant sur une liste d’États ayant accepté de
recevoir des condamnés sur leur territoire (art. 29 du Statut).

7. – L’appel et la révision (art. 176 à 193 du RPP)

Caractéristiques

79. L’appel a, en principe, un effet suspensif : dès que l’appel est


interjeté, le jugement attaqué n’est plus susceptible d’exécution tant
que l’arrêt d’appel n’a pas été prononcé.

80. La procédure d’appel est, en règle générale, publique,


contradictoire et écrite.

Déroulement

81. Chaque Partie peut interjeter appel d’un jugement de


condamnation ou d’acquittement prononcé par le Tribunal.

82. La procédure d’appel se déroule par échange de mémoires


entre les Parties dans les délais fixés par le RPP. Les Juges peuvent
toutefois décider d’entendre oralement des témoins. Ils peuvent
également autoriser les Parties à présenter des éléments de preuve
supplémentaires si ceux-ci n’étaient pas disponibles durant le procès
d’instance.

83. Les Juges d’appel ne refont pas le procès de novo, mais se


prononcent uniquement sur : (a) les erreurs portant sur un point de droit
et invalidant le jugement rendu ; et (b) les erreurs de fait ayant entrainé
un déni de justice.

84. À l’issue de la procédure d’appel, l’arrêt est prononcé en


audience publique. Les Juges peuvent confirmer, infirmer ou réviser le
jugement et/ou la peine prononcée. Ils peuvent, dans l’intérêt de la
justice, renvoyer l’accusé devant la Chambre d’instance pour un
nouveau procès.

– 31 –
85. En cas de découverte, dans les délais fixés par le RPP, de
nouveaux éléments de preuve décisifs et qui n’étaient pas connus lors
du procès, les Parties peuvent demander la révision de la
condamnation, de l’acquittement ou de la peine prononcée.

– 32 –
V. – La participation des victimes
86. Le RPP définit de façon stricte les notions de « victime » et de
« victime autorisée à participer à la procédure » (1). Il détermine avec
précision les modalités de participation de la victime (2) et confie à une
section spécialisée le soin de lui fournir toute l’aide nécessaire (3).

1. – Les notions de « victime » et de « victime autorisée à


participer à la procédure » (art. 2 & 86 du RPP)

87. Le RPP distingue les notions de « victime » et de « victime


participant à la procédure ».

88. Est considérée comme « victime », la personne physique qui a


subi un préjudice matériel ou moral résultant directement d’un attentat
relevant de la compétence du Tribunal. Les personnes morales et celles
ayant subi un préjudice indirect ne peuvent donc pas se prévaloir de la
qualité de victime.

89. De manière à préserver les droits de l’accusé et garantir


l’efficacité des procédures, toutes les victimes ne peuvent pas
nécessairement participer au procès. Encore faut-il qu’elles y aient été
autorisées par le Juge de la mise en état ou la Chambre d’instance. Pour
ce faire, ceux-ci doivent prendre en compte plusieurs critères,
notamment : i) l’intérêt spécifique légitime d’une victime par rapport à
celui des autres victimes ; ii) l’impact de la participation d’une victime
sur l’intégrité et la célérité des procédures ; et iii) les questions de
sécurité en cause.

2. – Les modalités de la participation à la procédure (art.


86 & 87 du RPP)

90. Aux fins de garantir l’intégrité, l’équité et l’efficacité des


procédures, le RPP régit les modalités de la participation de la victime à
la procédure de quatre façons :

i) la victime ne peut participer à la procédure qu’après la


confirmation de l’acte d’accusation. Elle n’est donc pas
autorisée à intervenir durant la phase d’enquête ;

– 33 –
ii) le Juge de la mise en état peut limiter le nombre de victimes
appelées à participer à la procédure et leur imposer de se
regrouper sous l’égide d’un représentant légal commun ;
iii) n’étant pas, à proprement parler, partie à la procédure, la
victime ne peut citer des témoins à la barre, soumettre des
éléments de preuve, interroger et contre-interroger des témoins
ou déposer des requêtes et mémoires, qu’après y avoir été
autorisée par la Chambre ; et
iv) au stade de la détermination de la peine, et de manière à
préserver les droits de l’accusé, la victime ne peut faire valoir
son point de vue que sur l’incidence des crimes sur sa situation
personnelle. Elle ne peut donc recommander la fixation d’une
peine déterminée.

91. En outre, les victimes autorisées à participer à la procédure


peuvent consulter toutes les pièces que les Parties se communiquent
entre elles ainsi que le dossier préparé par le Juge de la mise en état, à
l’exception toutefois des documents confidentiels et ex parte.

3. – La section de participation des victimes (art. 51 du


RPP)

92. Il existe au sein du greffe une section spécialisée dans les


questions de participation des victimes. Elle exerce quatre fonctions
principales :

i) veiller à ce que : a) la victime ou son représentant légal soit


tenu informé de ses droits et du développement des
procédures ; et b) lui soient remis tous les documents la
concernant ;
ii) fournir à la victime ou à son représentant légal toute l’aide
matérielle et juridique nécessaire ; et
iii) s’assurer que les représentants légaux fournissent des
prestations de qualité.

– 34 –
VI. – L’administration de la preuve
93. L’administration de la preuve est gouvernée par quatre
principes essentiels (1). En outre, aux fins de garantir la protection des
droits de l’accusé, les éléments de preuve doivent, en principe, être
débattus oralement à l’audience (2). Toutefois, s’inspirant de la
procédure libanaise, pour faciliter la découverte de la vérité, le RPP
admet également la prise en compte d’éléments de preuve écrits (3).

1. – Les principes généraux (art. 16, par. 2 & 3 du Statut,


148, 149 & 162 du RPP)

94. L’administration de la preuve est gouvernée par les quatre


principes suivants :

i) la présomption d’innocence : l’accusé est présumé innocent


jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au-delà de tout doute
raisonnable ;
ii) la légalité de la preuve : les éléments de preuve doivent avoir
été recueillis par des moyens légaux : a) qui ne violent pas les
droits des suspects et accusés et b) qui ne portent pas
gravement atteinte à la fiabilité ou l’intégrité de ces éléments ;
iii) la liberté de l’admission de la preuve : les Juges peuvent, en
principe, admettre tout élément de preuve pertinent qu’ils
estiment avoir valeur probante (sous réserve du principe de
légalité évoqué au point ii) ci-dessus). Ils peuvent prendre les
mesures nécessaires pour vérifier l’authenticité des éléments
de preuve soumis ; et
iv) la liberté de l’appréciation de la preuve : les Juges peuvent
apprécier librement la valeur des éléments de preuve qu’ils
estiment indispensables pour asseoir leur conviction. En effet,
à l’inverse des systèmes de common law, le RPP ne contient
pas de règles détaillées régissant l’admission et l’examen des
preuves.

2. – Le témoignage oral (art. 145 du RPP)

95. En principe, les témoins et experts comparaissent en personne


devant les Juges. Les Parties et, si elles y ont été autorisées, les

– 35 –
victimes (ou leurs représentants) peuvent les interroger et les contre-
interroger dans les limites fixées par le RPP. En d’autres termes, les
éléments de preuve doivent, en règle générale, être discutés
contradictoirement et publiquement.

96. En raison des contingences liées à la répression des actes de


terrorisme, le RPP autorise exceptionnellement qu’un témoin (qu’il soit
par exemple un agent de renseignement ou un individu dont la vie ou
celle de ses proches est en danger) puisse, à tout stade de la procédure,
déposer sous anonymat, c’est-à-dire sans que son identité soit révélée
aux Parties ni même à la Chambre d’instance. Sa déposition est alors
actée par le Juge de la mise en état qui est le seul à connaître son
identité et à pouvoir lui poser toutes les questions qu’il juge
nécessaires, dont celles que lui transmettent, par écrit, les Parties ou les
représentants légaux des victimes. Il doit ensuite communiquer le
procès-verbal de la déposition du témoin aux Parties et aux
représentants des victimes (le cas échéant sous une forme expurgée de
façon à ce que l’identité dudit témoin ne soit pas révélée), tout en
portant une appréciation sur la crédibilité de cette déposition. Les Juges
ne peuvent en aucun cas prononcer une condamnation sur la base
uniquement de pareille déposition anonyme (art. 93 & 159 du RPP).

3. – La preuve écrite (art. 154 à 158 du RPP)

97. Le Tribunal ne compte pas de jurés. À l’instar des Tribunaux


ad hoc, il est uniquement composé de magistrats professionnels. Forts
de leur expérience professionnelle, ces magistrats sont autorisés, sous
certaines garanties, à fonder leur conviction sur des éléments de preuve
écrits, sans qu’ils aient été débattus à l’audience. Les principes
régissant l’admission de ces éléments de preuve et la valeur à leur
attribuer varient selon leur nature. Ainsi :

i) les documents, autres que des déclarations écrites de témoins,


sont en principe admissibles ;
ii) les déclarations écrites d’un témoin absent à l’audience et les
comptes-rendus de ses dépositions ne sont admissibles que
s’ils portent sur une question autre que les actes et
comportements de l’accusé ;
iii) les déclarations écrites d’un témoin présent à l’audience ne
sont admissibles que si ce témoin : a) atteste qu’elles sont

– 36 –
conformes à ses dires ; et b) accepte d’être contre-interrogé si
l’autre Partie l’exige ;
iv) les déclarations écrites d’un témoin indisponible et les
comptes-rendus de ses dépositions ne sont admissibles que si
les Juges sont convaincus que : a) le témoin est bel et bien
indisponible ; et b) ses déclarations ou comptes-rendus sont
fiables.

– 37 –
VII. – La coopération internationale
98. Seuls le Liban (1) et les États qui se sont engagés à porter
assistance au Tribunal (2) sont tenus de coopérer avec lui. En revanche,
les États tiers n’ont, en principe, pas d’obligation vis-à-vis du
Tribunal (3). Toutefois, aux fins de surmonter cette faiblesse et de
renforcer la coopération internationale, le RPP envisage différents
mécanismes (4).

1. – Le Liban (art. 15 de l’Accord & 17 du RPP)

99. Selon les termes de l’Accord, le Liban est tenu de coopérer


avec le Tribunal. Il doit donc répondre à toutes demandes
d’information, de coopération ou de dessaisissement que lui adressent
les Parties ou les Juges.

100. En cas de non-coopération dans les délais prescrits, le Juge de


la mise en état ou la Chambre d’instance peut en dresser le constat
judiciaire et le Président engager des consultations avec les autorités
concernées et, le cas échéant, saisir le Conseil de sécurité.

2. – Les États tenus de coopérer (art. 15 de l’Accord & 21


du RPP)

101. Certains États peuvent être tenus de coopérer avec le Tribunal


si, par exemple, ils s’y sont engagés par le biais d’un accord ou tout
autre instrument. Dans ce cas, ils sont tenus de répondre aux demandes
d’information, de coopération ou de dessaisissement conformément aux
dispositions de l’Accord.

102. En cas de non-coopération dans les délais prescrits, les


procédures de règlement des différends figurant dans l’accord ou dans
tout autre instrument s’appliquent.

3. – Les États tiers (art. 14, 15, 18, 19 & 21 du RPP)

103. Les États tiers n’ont, en principe, aucune obligation de


coopérer avec le Tribunal.

– 38 –
104. Au cas où des demandes d’information, de coopération ou de
dessaisissement leur sont adressés et qu’ils n’y répondent pas, le
Président peut toutefois engager des consultations avec les autorités
concernées de ces États.

4. – Les mécanismes facilitant la coopération


internationale (art. 14, 15, 16, 78, 81, 102 à 105, 124 & 125
du RPP)

105. Aux fins de renforcer la coopération internationale – qui peut


s’avérer difficile, en raison du fait, par exemple, que la constitution de
certains États interdit l’extradition de leurs ressortissants – le RPP
prévoit que :

i) le Président peut conclure des accords de coopération


judiciaire avec les États ;
ii) le Procureur ou le Chef de la défense peut prendre des
arrangements en vue de faciliter le déroulement de ses
activités ; et
iii) des mesures alternatives à la détention des accusés peuvent
être prises de façon à permettre aux accusés d’assister à leur
procès sans être physiquement présents au Tribunal durant son
déroulement.

– 39 –
VIII. – Les procédures en l’absence de l’accusé
106. Comme les États tiers ne sont en principe pas tenus de
coopérer avec le Tribunal, celui-ci pourrait se trouver dans une impasse
si des accusés séjournant sur leur territoire n’étaient pas transférés au
Tribunal. Pour remédier à cette situation, deux types de procédure sont
envisagées : les mesures alternatives à la détention (1) et la procédure
par défaut (2).

1. – Les mesures alternatives à la détention (art. 103 à 105


du RPP)

107. Aux fins d’inciter l’accusé – et indirectement l’État dans


lequel il séjourne – à collaborer avec le Tribunal, le RPP envisage
différentes mesures alternatives à la détention permettant à l’accusé de:

i) prendre part à son procès, par vidéoconférence ou par


l’intermédiaire de son avocat, depuis son lieu de résidence,
sans être présent au Tribunal ; et
ii) se rendre aux Pays-Bas sous le bénéfice d’un sauf-conduit. –
pour, par exemple, y comparaître devant la Chambre
d’instance ou y être interrogé – sans être poursuivi durant sa
visite, et ce jusqu’à son retour dans son pays d’origine.

2. – La procédure par défaut (art. 22 du Statut et 106 à 109


du RPP)

108. Conformément au droit libanais et à celui d’autres États issus


de la tradition romano-germanique, le Statut et le RPP consacrent la
procédure par défaut. Selon le Statut, la procédure par défaut peut être
engagée dans trois hypothèses, à savoir lorsque l’accusé:

i) a renoncé expressément et par écrit à son droit d’être présent ;


ii) n’a pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État
concerné ; ou
iii) est en fuite ou introuvable.

– 40 –
109. Par ailleurs, le RPP a explicitement exclu que soient qualifiées
de procédures par défaut les situations où l’accusé n’est pas
physiquement présent au procès mais :

i) comparaît initialement en personne et, bien qu’absent par la


suite, est représenté par un avocat assistant aux audiences ; ou
ii) comparaît initialement en personne, par vidéoconférence ou
par l’intermédiaire de son avocat, et ne renonce pas
expressément à son droit d’être présent au procès.

110. En outre, lorsque la procédure par défaut est engagée ou


clôturée, le RPP détermine les différents cas de figure découlant de la
comparution ultérieure d’un accusé :

i) durant le procès : la Chambre d’instance y met fin et le


recommence de novo, à moins que l’accusé n’y renonce
expressément ;
ii) après le prononcé d’une condamnation en première instance :
de façon générale, l’accusé peut : a) accepter la condamnation
et/ou la peine ; ou b) demander à être rejugé ; ou c) faire appel
de la condamnation et/ou de la peine ; et
iii) après le prononcé d’une condamnation en appel : de façon
générale, l’accusé peut : a) accepter la condamnation et/ou la
peine ; ou b) demander à être rejugé ; ou c) accepter un
acquittement prononcé par la Chambre d’instance et demander
la tenue d’une nouvelle audience en appel.

– 41 –
IX. – La protection des informations
confidentielles et sensibles
111. La poursuite et le jugement d’actes de terrorisme exigent que
le Tribunal puisse prendre toutes les mesures nécessaires aux fins
d’assurer la protection des victimes et témoins appelés à comparaître
devant lui (1) ainsi que des intérêts légitimes des États et des
organisations internationales amenés à lui fournir des informations
sensibles (2). Ces mesures doivent, bien entendu, être prises dans le
respect des droits de l’accusé.

1. – La sécurité des victimes et témoins (art. 50, 93, 115,


116 et 124 du RPP)

112. Selon le RPP, le Juge de la mise en état et les Chambres


d’instance et d’appel peuvent prendre des mesures assurant la
protection d’une victime ou d’un témoin avant, pendant et après sa
déposition devant le Tribunal.

113. Ces mesures comprennent notamment :

i) la non-divulgation de l’identité d’un témoin ou d’une victime


jusqu’au moment où il est placé sous l’autorité du Tribunal ;
ii) la déposition par vidéoconférence ;
iii) la tenue d’une audience à huis clos ;
iv) la distorsion des traits du visage et de la voix durant la
déposition ;
v) la relocalisation d’un témoin ou d’une victime dans un État
tiers ; ou
vi) la déposition sous anonymat.

114. Une section d’appui aux victimes et aux témoins est instituée
au sein du Greffe. Elle exerce deux fonctions principales :

i) élaborer des stratégies relatives à la protection des victimes et


témoins ; et
ii) leur fournir toute l’assistance administrative, logistique,
psychologique et médicale nécessaire.

– 42 –
2. – La sécurité nationale (art. 117, 118 et 119 du RPP)

115. Le Juge de la mise en état peut prendre des mesures aux fins
d’assurer la protection des intérêts légitimes de sécurité d’un État ou
d’une organisation internationale. Ce faisant, il doit toutefois veiller à
ce que ces mesures ne portent pas atteinte aux droits de l’accusé. Le
RPP envisage deux cas de figure et propose, pour chacun de ces cas,
des mesures visant à maintenir cet équilibre délicat :

i) lorsque des informations sont de nature à porter atteinte à la


sécurité d’un État ou d’une organisation internationale et
n’ont pas été obtenues conformément au point ii) ci-dessous :

a) la partie ayant reçu ces informations peut demander au


Juge de la mise en état qu’elles ne soient pas révélées à la
partie adverse ; et
b) le Juge de la mise en état peut alors décider :
- que ces informations ne soient pas communiquées ;
- d’ordonner la prise de mesures dites « compensatoires »,
c’est-à-dire, par exemple, communiquer ces informations
sous une forme expurgée ou résumée ou s’en référer à
d’autres informations de nature semblable ; ou
- dans le cas où ces mesures ne suffisent pas pour
répondre aux exigences d’un procès équitable,
d’enjoindre au Procureur de modifier ou retirer les chefs
d’inculpation relatifs à ces informations.

ii) lorsqu’une partie possède des informations qui lui ont été
communiquées à titre confidentiel et que leur
communication est de nature à porter atteinte à la sécurité
d’un État ou d’une entité internationale, ces informations
et leur source ne sont pas divulguées à la partie adverse
sans le consentement de la personne ou de l’entité qui les a
fournies. Deux hypothèses doivent alors être distinguées :

a) si l’État ou l’organisation internationale concerné consent


à la communication de ces informations à la partie
adverse :

– 43 –
- la partie qui les a reçues peut alors les communiquer et
les présenter comme élément de preuve ; et
- si ces informations sont présentées comme élément de
preuve au procès, ni le Juge de la mise en état ni la
Chambre d’instance ne peut : ordonner la transmission,
par l’État ou l’organisation internationale concerné,
d’éléments de preuve additionnels ; et aux fins d’obtenir
ces éléments de preuve additionnels, citer comme témoin
un représentant de cet État ou de cette organisation
internationale ou ordonner sa comparution.
b) si l’État ou l’organisation internationale concerné refuse
de consentir à la transmission de ces informations à la
partie adverse :
- la partie qui les a reçues doit informer, de façon
confidentielle, le Juge de la mise en état de : l’existence
de telles informations sans toutefois en révéler le contenu
ni l’origine ; des mesures prises pour tenter d’obtenir le
consentement de l’État ou de l’organisation internationale
concerné ; des raisons qui justifient de transmettre ces
informations à la partie adverse ; et des mesures
compensatoires appropriées à prendre ; et
- le Juge de la mise en état peut ordonner des mesures
dites « compensatoires », dont le retrait d’un ou plusieurs
chefs d’accusation se fondant sur ces informations.

Notes.

(i) Dans certaines conditions, le Juge de la mise en état


peut se faire assister dans cette tâche par un conseil
spécial nommé par le Président et figurant sur une
liste confidentielle de conseils approuvés par l’État
ou l’organisation concerné.

(ii) Les décisions du Juge de la mise en état sont


susceptibles d’appel. La Chambre d’appel doit statuer
sans avoir accès aux informations concernées ni
connaître leur origine.

– 44 –

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