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des mammifères
FRÉDÉRIC DELSUC • JEAN-FRANÇOIS MAUFFREY • EMMANUEL DOUZERY
ujourd’hui, le nombre d’espèces vivantes décrites plusieurs séquences d’ADN ont convergé vers une nouvelle
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XÉNARTHRES
1. L’AFRIQUE SERAIT LE BERCEAU des mammifères placentaires, qui rose) pour atteindre la Laurasie : la faune restée en Amérique du Sud
y seraient apparus il y a environ 130 millions d’années. Il y a 100 mil- aurait évolué pour donner les xénarthres (dont les paresseux sont un
lions d’années, lorsque l’Amérique du Sud s’est séparée de l’Afrique des représentants), tandis que la faune ayant migré dans l’hémi-
et que s’est ouvert l’océan Atlantique, une partie de la faune serait sphère Nord aurait donné naissance aux boréoeuthériens (par exemple,
restée en Afrique, donnant naissance aux afrothériens (dont un des les primates et les rongeurs). Autour du planisphère, on a placé quelques
descendants est l’éléphant), tandis que d’autres animaux auraient représentants d’ordres peu connus de la classification des mammifères
continué à évoluer indépendamment en Amérique du Sud. Puis, il y a placentaires, mais qui sont tous les cinq des afrothériens, au même
95 millions d’années, une partie de la faune Sud-américaine aurait titre que l’éléphant et le lamantin : l’oryctérope (a), le tenrec (b), le
migré, en passant par le Nord (flèche verte) ou par le Sud (flèche rat à trompe (c), le daman (d) et la taupe dorée (e).
(PLACENTAIRES)
RODENTIA
Rongeurs Tenrecs
24
18 Taupes dorées
Lapins et Pikas
CHRYSOCHLORIDAE
LAGOMORPHA Rats
à trompe FOLIVORA Paresseux
MACROSCELIDEA 5
Toupayes
EUTHERIA
XENARTHRA 4
SCANDENTIA Fourmiliers
Singes VERMILINGUA
PRIMATES
dont l'Homme 20
Tatous
CHIROPTERA CINGULATA
Chauves-souris RODENTIA
Rongeurs
2014
EUARCHONTOGLIRES
Lémurs volants 30
DERMOPTERA Lapins et Pikas
PHOLIDOTA LAGOMORPHA
Pangolins SCANDENTIA Toupayes
19
Félins, Canins, 2 Lémurs volants
Pinipèdes, Ours
CARNIVORA
DERMOPTERA
TUBULIDENTATA Oryctéropes
BOREOEUTHERIA
270
PROBOSCIDEA
CARNIVORA
Éléphants CHIROPTERA Chauves-souris
Damans 925
Lamantins EULIPOTYPHLA Taupes, Musaraignes,
SIRENIA Hérissons et Solénodontes
et Dugongs
385
a classification des mammifères placentaires établie d’après les carac- l’Amérique du Nord) sont dispersés sur l’arbre classique, alors qu’ils sont
L tères morphologiques (à gauche) diffère de la classification fondée
sur les données moléculaires du séquençage de l’ADN (à droite). Les
regroupés dans l’arbre moléculaire. Les relations en pointillés sont les
moins bien établies des arbres. On a indiqué, pour chaque groupe, le
mammifères placentaires s’ordonnent en trois grands groupes : les nombre approximatif d’espèces répertoriées.
afrothériens (Afrotheria), les xénarthres (Xenarthra), les boréoeuthériens Parmi les résultats nouveaux apportés par cet arbre, citons que
(Boreoeutheria), qui rassemblent les euarchontoglires et les laurasia- de proches parents des chauves-souris sont les taupes, alors
thériens. Les groupes d’origine biogéographique commune (en violet, qu’on les regroupait auparavant avec les lémurs volants ; que les
pour l’Afrique, en vert pour l’Amérique du Sud, en bleu pour l’Eurasie hippopotames sont des cousins des cétacés ; que les taupes
exclusivement et en orange pour la Laurasie, c’est-à-dire l’Eurasie et dorées sont plus proches des éléphants que des vraies taupes.
les xénarthres ou les glires étaient déjà regroupés. En chontoglires. À cause de leur importance économique et
revanche, les représentants du clade des afrothériens ou vétérinaire, on devrait ensuite séquencer le génome des ani-
ceux du clade des boréoeuthériens ne l’étaient pas, et ne maux domestiques (porc, vache et mouton) et des animaux
l’ont été que par la classification fondée sur l’étude des de compagnie (chien et chat), qui sont des laurasiathériens.
gènes. Ainsi, l’adaptation rapide et convergente d’espèces Des représentants des deux clades les plus anciens devront
non apparentées à des niches écologiques semblables a mas- encore être étudiés : les afrothériens et les xénarthres. Alors
qué leurs liens de parenté. De telles adaptations conver- seulement, on saura comment le génome des mammifères
gentes sont apparues de façon indépendante chez les placentaires a évolué, et l’on comprendra mieux les secrets
afrothériens et les laurasiathériens. Par exemple, on retrouve de notre propre génome.
des ongulés et des animaux aquatiques dans les deux clades.
Quelques équipes étudient d’autres caractères à l’échelle
des gènes, tels que l’insertion ou la délétion de segments Frédéric DELSUC, Jean-François MAUFFREY et Emmanuel
géniques plus ou moins longs. À l’échelle des chromosomes, J.P. DOUZERY sont phylogénéticiens au Laboratoire de paléon-
les «éléments transposables» (des séquences d’ADN mobiles tologie, paléobiologie et phylogénie de l’Institut des sciences
sans fonction apparente, mais capables de changer de de l’évolution de l’Université Montpellier II.
place dans un génome) sont de bons marqueurs de l’his- O. MADSEN et al., Parallel adaptative radiations in two major clades
toire évolutive des organismes, car leur mécanisme d’in- of placental mammals, in Nature, vol. 409, pp. 610-614, 2001.
sertion est irréversible, de sorte que la probabilité d’observer W. MURPHY et al., Molecular phylogenetics and the origins of pla-
des convergences est quasi nulle. D’autres caractères, tel cental mammals, in Nature, vol. 409, pp. 614-618, 2001.
l’ordre des gènes le long de la molécule d’ADN mitochon- W. MURPHY et al., Resolution of the early placental mammal radia-
drial, sont également utilisés. tion using Bayesian phylogenetics, in Science, vol. 294, pp.2348-2351,
Aujourd’hui, le séquençage du génome nucléaire humain 2001.
est quasiment terminé. Quel sera le prochain génome à être J.-L. HARTENBERGER, Une brève histoire des mammifères, Belin, 2001.
décrypté ? Celui du chimpanzé est en cours, ainsi que G. LECOINTRE et H. LE GUYADER, Classification phylogéné-
celui du rat et celui de la souris. Malheureusement, ces tique du vivant, Belin, 2001.
quatre espèces appartiennent au même clade, celui des euar-