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Construction Européenne Chapitre 11
Construction Européenne Chapitre 11
L’avenir de la
construction
européenne
Toute l’histoire de la construction européenne oppose deux pôles antagonistes, fédéralistes et souverainistes
(ces derniers sont aussi appelés « unionistes » ou « confédéralistes »), sur fond de relative indifférence de la
majorité des citoyens européens.
Le modèle fédéraliste
Le fédéralisme est une forme d’organisation politique dans laquelle un État central est organisé en fédération et
partage avec les États fédérés les différentes compétences.
Partie VI
Le modèle souverainiste
Les souverainistes prônent une simple coopération entre États souverains. Selon eux, l’autonomie politique des
nations doit être impérativement respectée. Historiquement, le souverainisme s’inscrit dans la vision gaulliste
d’une « Europe des patries », mais il transcende les clivages traditionnels entre la droite et la gauche.
La voie médiane
En attendant que la question soit tranchée – mais on peut légitimement douter qu’elle le soit –, l’intégration
européenne progresse et les élargissements se poursuivent, empruntant une voie médiane sans que le projet
européen ne soit clairement défini. Pour certains d’ailleurs, le débat entre les partisans d’une Europe fédérale et
ceux d’une fédération d’États-nations est à la fois stérile et dépassé.
Dès lors l’enjeu serait d’assurer un équilibre entre deux échelons également pertinents : l’État- nation, qui
demeure l’espace privilégié dans la représentation des citoyens, et l’Union européenne, dans le cadre des
pouvoirs qui lui ont été transférés par les États membres. Cela suppose que l’Union européenne relève au moins
trois défis : sortir par le haut de la crise économique actuelle (cf. Troisième partie), moderniser ses institutions
pour répondre aux nouveaux élargissements (cf. Deuxième partie), et exister sur la scène internationale dans le
contexte d’un monde multipolaire.
La montée de l’euroscepticisme
Depuis 1973, la Commission européenne effectue un suivi régulier de l’opinion publique dans les États
membres, grâce à des sondages et des études portant sur de nombreux thèmes. Ce suivi est également appelé
« Eurobaromètre ». En février 2011, l’Eurobaromètre 74 (« L’information sur les questions politiques
européennes ») est publié : il apparaît que 73 % des Européens considèrent que les citoyens de leur pays sont
mal informés sur les questions européennes, et qu’eux-mêmes s’estiment mal informés à 66 %. Ce sentiment
est majoritaire dans toutes les catégories de la population. À l’inverse, une majorité d’Européens estiment que la
quantité et la qualité des informations transmises dans les médias sur les questions européennes sont
satisfaisantes. En somme, une large majorité des citoyens européens avoue qu’elle connaît mal les enjeux liés à
l’Union européenne sans pour autant ressentir le besoin de s’y intéresser davantage.
Ce désintérêt des citoyens pour la construction européenne est corroboré par l’analyse des taux de
participations aux élections européennes, en érosion constante depuis 1979 (63 % lors de la première élection
du Parlement européen au suffrage universel, 43 % aux élections de 2009). La défiance vis-à-vis de l’Union
européenne est plus importante dans certains pays membres, comme le Royaume-Uni où, selon un sondage
récent, 48 % des citoyens choisiraient de sortir de l’UE dans l’éventualité d’un référendum (enquête Angus Reid,
2010). En 2009, un sondage publié par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) vient nuancer le
constat précédent : 56 % des Européens interrogés considèrent que le fait d’appartenir à l’Union constitue une
chance dans le contexte de la mondialisation, et 17 % seulement pensent que l’appartenance à l’Union
représente au contraire une menace (Dominique Reynié, « L’émergence d’un nouveau sentiment européen »,
Fondapol, 18 mai 2009). Mais au final, les citoyens de l’Union semblent peu impliqués dans le projet européen.
Partie VI
États en difficulté.
L’Europe pour les citoyens vise à promouvoir la citoyenneté européenne active. Plus particulièrement, le
programme cherche à associer activement les citoyens à la construction européenne, afin d’augmenter le
sentiment d’une identité européenne.
Les objectifs du programme L’Europe pour les citoyens sont traduits dans quatre actions. L’action I, « Des
citoyens actifs pour l’Europe », propose des activités de jumelage de ville ainsi que des projets pour débattre des
questions européennes.
La deuxième action, intitulée « Une société civile active pour l’Europe », comprend un soutien structurel aux
organismes de recherche et de réflexion, aux organisations de la société civile et aux projets d’organisations de
la société civile au niveau local, régional ou national.
« Tous ensemble pour l’Europe » est le nom de l’action III, consacrée à des événements à haute visibilité, des
sondages d’opinion et des instruments d’information.
La dernière action (IV) vise à préserver « Une mémoire européenne active ». Il s’agit de protéger les principaux
sites et archives visant à commémorer les victimes d’exterminations à grande échelle et de déportations de
masse.
La proposition de règlement du Conseil établissant le programme L’Europe pour les citoyens pour la période
2014-2020 a été adoptée par le Collège le 14/12/11. L’objectif général de ce futur programme est de « conforter
la mémoire et de renforcer la participation civique au niveau de l’Union ». Pour cela, il entend encourager les
Européens à participer à la vie démocratique, en s’appuyant sur les organisations de citoyens. Un budget de 229
millions d’euros est proposé pour cette période.
Si la communication de l’Union pour rassembler les citoyens européens derrière un projet commun a un impact
limité, on peut arguer que l’UE a mis en place des mesures fortes pour améliorer la démocratie de ses institutions
et donner des droits concrets aux citoyens.
Partie VI
Désormais, selon le traité de Lisbonne, les institutions européennes devraient donner aux citoyens et aux
associations représentatives la possibilité de faire connaître et d’échanger publiquement leurs opinions dans
tous les domaines d’action de l’Union (art. 11 TUE). Il s’agit donc d’amplifier la concertation que l’Union n’a
pratiquée jusque-là qu’à travers le dialogue social et, ponctuellement, lors des travaux de la Convention sur
l’avenir de l’Europe (2002-2003). Les institutions devraient ainsi dorénavant entretenir un dialogue ouvert,
transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile. De telles initiatives sont
destinées à assurer la cohérence et la transparence des actions de l’Union. L’innovation la plus spectaculaire
réside dans l’introduction d’un droit d’initiative citoyenne (art. 11 TUE). À la double condition d’être au moins un
million et issus d’un quart des États membres, les citoyens européens peuvent, depuis le 1er avril 2012, inviter la
Commission à exercer son droit d’initiative, en vue de l’adoption d’un texte qu’ils estimeraient nécessaire.
Mais aussi concrètes que soient ces mesures, elles restent mal connues par la grande majorité des citoyens
européens, lesquels demeurent largement intéressés par les débats nationaux, mais très peu sensibles aux
Partie VI
Le terme d’« élargissement » désigne le fait que de nouveaux États adhèrent à l’Union européenne.
Ainsi, depuis 1957, les élargissements successifs de la CEE puis de l’UE ont élargi l’Union de 6 à 28 États
membres.
L’élargissement
Partie VI
En vert, les Etats membres de l’UE et en gris, les Etats sur la voie de l’adhésion à l’UE.
Toutefois, la situation de ces États est différente. Ainsi, pour certains États, les négociations d’adhésion ont
avancé, comme avec la Croatie. Les négociations se sont achevées en 2011 et ce pays est devenu le 28e État
membre de l’UE le 1er juillet 2013. En revanche, les négociations d’adhésion avec la Turquie semblent
demeurer dans une impasse, puisque ce pays, associé à la CEE dès 1963, est candidat depuis 1987. De même,
parmi les candidats potentiels, l’Albanie et la Serbie ont officiellement déposé une demande d’adhésion, ce qui
n’est pas le cas de la Bosnie- Herzégovine ni du Kosovo.
accusant un retard de développement par rapport aux pays les plus riches de l’Union.
Au total, les élargissements successifs et les futurs élargissements posent la question de la dilution du projet
européen dans un espace géographique de plus en plus large, comprenant des États toujours plus nombreux et
aux intérêts parfois contradictoires.
Le traité de Lisbonne élargit les possibilités de coopérations renforcées. Celles-ci peuvent désormais porter sur
tous les domaines de l’action européenne, à condition de réunir au moins neuf États membres. L’autorisation de
procéder à une coopération renforcée est accordée par le Conseil des ministres, qui statue à la majorité qualifiée
sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen. Mais, s’il s’agit de la PESC,
l’autorisation est accordée par le Conseil des ministres statuant à l’unanimité. La Com- mission et les États
participant à une coopération renforcée encouragent le plus grand nombre d’États à devenir partie à cette
coopération, mais seuls les États participants prendront part à l’adoption des actes. Par ailleurs, à l’intérieur des
Partie VI
coopérations renforcées – sauf celles ayant des implications militaires ou concernant le domaine de la défense –,
il sera possible de recourir à la « clause passerelle ».
En juillet 2010, 14 États membres, dont la France, ont mis en œuvre une première coopération renforcée sur
l’adoption de règles communes concernant la loi applicable aux divorces des couples binationaux. Une
deuxième concernant le brevet de l’Union européenne sera mise en œuvre à partir de 2014 par 25 États (toute
l’UE sauf l’Italie et l’Espagne). Enfin, en octobre 2012, la Commission européenne a donné son feu vert pour la
création d’une nouvelle coopération renforcée visant à introduire entre 11 pays une taxe sur les transactions
financières. Le Parlement européen a donné son aval en décembre 2012 et le Conseil des ministres a approuvé
le 22 janvier 2013, la décision autorisant l’engagement de cette coopération renforcée.
Mais la question qui divise est la suivante : la politique d’élargissement de l’Union est-elle réellement compatible
avec de nouveaux approfondissements ? Pour de nombreux partisans de la poursuite de l’approfondissement et
de l’élargissement, la question centrale reste celle de la modernisation des institutions européennes.
Salaires moyens annuels (en euros) dans les pays de l’Union européenne,
Industries et Services
connaissance » s’ils veulent demeurer compétitifs. De son côté, si l’UE souhaite jouer un rôle dans la relance de
la croissance, il est impératif qu’elle contribue à des investissements productifs, en particulier en matière de
recherche et de développement.
Or le budget global de l’Union est en constante diminution – en pourcentage –, et représente à peine 1 % du
RNB des États membres.
D’autre part, l’étude de la répartition des dépenses de l’UE démontre que la politique agricole commune (PAC) et
les dépenses de cohésion – l’aide aux régions en difficultés, dont l’efficacité n’a pas été démontrée –
représentent encore la majeure partie des paiements.
De ce fait, on voit mal comment l’Union pourrait contribuer efficacement à une relance par l’investissement,
malgré les déclarations d’intention de ses autorités.
Si l’on considère que ce sont les États membres et non l’UE elle-même qui doivent investir dans le secteur R&D,
force est de constater que l’écart se creuse avec les États-Unis et avec l’Asie
– Chine et Corée du Sud en particulier, mais également avec le Japon, pourtant en relatif déclin. Certains États
tirent la moyenne des investissements dans ce secteur vers le haut, comme l’Allemagne, qui consacre près de
3 % de son PIB à la recherche et au développement. Mais le faible niveau d’investissement de la plupart des
autres pays laisse penser que l’écart avec les concurrents mondiaux pourrait se creuser. Ainsi, la part du PIB
de la France investie dans le secteur R&D, l’un des États européens situés traditionnellement à la pointe de la
haute technologie, stagne légèrement au-dessus de 2 %, ce qui la place juste au-dessus de la moyenne de
l’UE.
Les crises économiques ont entraîné la rétractation de ces investissements dans la plupart des États européens,
tandis que les pays asiatiques ont poursuivi leur montée en puissance.
L’une des conséquences de cette évolution est le recul de l’Europe dans les exportations de produits de haute
technologie : l’Union européenne représente aujourd’hui 15 % des exportations mondiales de ce type de
produits, contre 30 % pour les États-Unis et la Corée du Sud, 17 % pour le Japon et 28 % pour la Chine
(Eurostat, 2012).
Le contexte global
Le ratio de dépendance va passer de 1 pour 4 à près de 2 pour 4 d’ici 2050, c’est-à-dire que le nombre de
personnes âgées de plus de 65 ans va doubler par rapport au nombre de 18-64 ans. Considérée par certains
économistes comme une solution à ce problème, l’immigration fait l’objet d’un vif débat entre les Européens.
La persistance d’un chômage structurel handicape également la reprise économique de l’Union européenne et
renforce l’euroscepticisme. En 2009, le nombre de chômeurs est supérieur à 21 millions dans l’Union
européenne à 27, ce qui représente un taux de chômage de 9 % de la population active. Si le chômage a entamé
une décrue depuis les années 2002-2003, son taux n’a jamais été inférieur à 7 % (2008) et n’a fait qu’augmenter
dans les années suivantes, pour atteindre 11,5 % en 2013.
Partie VI
En % de la population totale
(:) : données indisponibles
(b) : rupture de série
Une carence en matière de formation, enfin, représente un sérieux défi. Le paradoxe entre la pénurie de main-
d’œuvre causée par une faible natalité et un vieillissement d’une part, et un niveau de chômage élevé d’autre
part, n’est qu’apparent. Le chômage de masse n’est pas causé par un déficit dans la demande de travail des
entreprises mais par une inadéquation qualitative entre cette demande et l’offre de travail (la population active).
Cette inadéquation s’explique par le fait qu’un nombre encore trop élevé de jeunes Européens sortent du
système scolaire sans qualification (près d’un Européen sur cinq âgé de 18 à 24 ans). Dans tous les pays
européens, le taux de chômage des jeunes (18-25 ans) est plus élevé que le taux de chômage total. Une fois
encore, c’est en Europe du Sud que la situation est la plus préoccupante.
On verra plus loin que ces disparités sont, pour certains analystes, à l’origine de la crise des dettes souveraines,
qu’elles rendent impossible la poursuite de l’intégration européenne, voire qu’elles portent en elles un facteur
d’éclatement de l’Union, ou du moins de la zone euro.
Partie VI
interdisaient un seuil supérieur à 60 %. Les pays les plus endettés, en valeur, sont l’Italie, la France, l’Espagne,
les Pays-Bas, la Belgique et la Grèce. Cette dette est aggravée par l’augmentation des déficits publics,
particulièrement forte au Portugal, en Irlande, en Grèce, en Espagne et au Royaume-Uni.
C’est dans ce contexte global que la « crise de la dette souveraine » frappe l’Union européenne. Elle intervient
peu après la crise des « subprimes » aux États-Unis, laquelle a déjà contribué à dégrader les finances des pays
européens.
Les États européens ne sont pas touchés de façon uniforme par la crise économique. Néanmoins, les
conséquences de la crise sont globales.
faiblesse de leur rentabilité et de leurs fonds propres. Les autres freins de la croissance sont la poursuite de
l’ajustement budgétaire, des problèmes de compétitivité et la fragilité des bilans. » (Thomas Helbling, « L’action
des pouvoirs publics améliore les perspectives de l’économie mondial », bulletin du FMI, 16 avril 2013.)
du Parlement européen, le social-démocrate allemand Martin Schulz, qui déclare le 28 avril 2013 : « Concernant
le niveau national, nous sommes engagés beaucoup trop loin dans la politique d’austérité. L’argument qui
consiste à dire qu’avec la réduction des budgets publics la confiance des investisseurs revient
est manifestement faux ». Les Européens continuent donc de se diviser sur fond de récession et du chômage de
masse.
Les partisans d’une gouvernance économique au niveau européen arguent du fait que la construction
européenne a connu des accélérations après des périodes de crise. À l’inverse, certains prophétisent
l’éclatement de la zone euro et souhaitent le retour à des politiques nationales.
Il est évidemment impossible de prétendre pouvoir annoncer quelles seront les conséquences de la crise
actuelle sur l’Union européenne. Mais on peut regrouper les prévisions des spécialistes en trois hypothèses
majeures, en s’appuyant sur les analyses – parfois très contradictoires – de spécialistes européens.
L’éclatement
Il s’agirait d’un retour aux politiques nationales, entraînant un « détricotage » progressif des politiques
européennes et, à terme, la disparition de la zone euro. Cette option nourrit largement le discours des partis
populistes, dont on observe que les scores aux élections sont en progression dans presque tous les pays
européens. Elle est renforcée par une montée du « régionalisme », c’est-à-dire d’une tendance de certaines
régions dynamiques – Catalogne en Espagne, Flandre en Belgique, etc. – à se désolidariser des régions les plus
pauvres. Cette tendance, qui va de pair avec l’accroissement de la compétition économique au niveau mondial,
renforce le scepticisme sur la viabilité du projet européen.
L’hypothèse de l’éclatement se fonde sur une critique de la façon dont les Européens ont mis en place la
monnaie unique. Celle-ci regroupe des États aux performances économiques hétérogènes et les plus fragiles
d’entre eux ne peuvent pas ajuster leurs taux de change comme ils auraient pu le faire s’ils avaient conservé leur
monnaie nationale. Cette situation les aurait contraints à entrer dans une spirale de l’endettement, responsable
de la « crise des dettes souveraines » selon les partisans de cette hypothèse. Les réponses apportées par les
États européens à cette crise sont considérées comme conjoncturelles et ne règlent pas le problème de fond :
les politiques de rigueur imposées aux États les plus endettés renforcent encore le fossé entre les pays
membres de la zone euro, puisqu’elles privent les États concernés des seuls moteurs de la croissance que sont
la consommation et l’investissement. Selon cette analyse, le sauvetage des pays d’Europe du Sud n’est donc
que provisoire et, à terme, l’éclatement de la zone euro est inévitable.
La majorité des spécialistes des questions européennes ne croit toutefois pas réellement que ce scénario d’un
éclatement de l’UE ou de la zone euro puisse se produire, et ne le souhaite d’ailleurs pas.
l’épreuve de la crise imposerait aux Européens de franchir une étape supplémentaire dans l’intégration
conduisant de facto à un fonctionnement de type fédéraliste.
S’appuyant sur le fait que l’Union dispose d’instruments de nature fédérale – monnaie unique, Banque centrale,
budget, administration, institutions, etc. – des partisans de l’intégration fédérale retrouvent espoir : « par une
ruse de l’histoire, la crise actuelle est en train de pousser à une fédéralisation de la politique économique
européenne » (Thierry Chopin et Michel Foucher, Rapport Schuman 2013 sur l’Europe 2013), même si les
auteurs admettent que plusieurs États européens ne se sentent pas à l’aise avec la notion même de « fédération
».
Pour Thierry Chopin, directeur des études de la fondation Robert Schuman, l’Union politique n’est plus ainsi
qu’une question de temps. Il suggère quelques mesures simples permettant de donner plus de visibilité et de
cohérence à cette union politique : la création d’un poste de président de l’Union élu par le Parlement européen,
la redéfinition de la composition de la Commission européenne, la création d’un vice-président de la Commission
en charge de l’euro, un ministre des Finances de l’Union, etc. Mais il n’est pas certain que, contrairement à ce
qu’il affirme, sous l’effet de la crise de l’euro, la question de l’Union politique européenne est enfin passée du
débat académique à l’agenda politique.
Si l’on souhaite réfléchir à l’avenir de l’Union européenne, il est nécessaire de connaître les atouts dont
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bénéficie l’Union dans le contexte d’une économie mondialisée. La crise et la concurrence croissante des États
émergents peuvent sans conteste éroder le poids mondial de l’Europe, mais pas le remettre entièrement en
question.
émetteurs et récepteurs des flux d’informations, mais également des autres « flux invisibles » (les flux financiers,
par exemple).
L’Union européenne est également un ensemble démocratique qui assure un niveau de protection sociale
élevé, si on le compare aux autres continents. Des systèmes de protection – inégaux il est vrai – existent dans
tous les États de l’UE pour protéger les habitants contre les sources de précarité : chômage, maladie, invalidité,
situation familiale, vieillissement, etc. Certains parlent de « modèle social européen », même si cette notion est
contestée.
Ces éléments font de l’Union un espace attractif sur le plan mondial. L’UE est ainsi le premier pôle d’immigration
de la planète, avec des flux internes, provenant de l’Europe de l’Est, et des flux externes, via la Méditerranée.
L’apport migratoire représente les deux tiers de la croissance démographique de l’Union européenne et
représente une solution au problème du vieillissement. Pour les mêmes raisons, l’UE accueille également les
principaux déplacements touristiques au monde.
L’Union européenne tente également d’exister sur la scène internationale : avec la politique étrangère et de
sécurité commune (PESC), et la politique européenne de défense (PED), ainsi que par des opérations militaires
d’États européens alliés, comme en 2011, en Lybie, avec l’intervention de la France et du Royaume-Uni. Les
États européens participent la plupart du temps aux opérations de maintien de la paix, dans le cadre des
missions définies par l’ONU. L’Union européenne a enfin signé des partenariats avec la quasi-totalité des
régions du monde, dans le cadre de sa Politique européenne de voisinage (PEV). Ainsi, malgré les difficultés à
mettre en place une politique étrangère commune étudiée plus haut, il serait faux de dire que l’UE ne représente
rien sur la scène internationale.
Enfin, l’UE pèse dans la mondialisation par son poids culturel et linguistique. Quatre langues européennes
Partie VI
(l’anglais, le français, l’espagnol et le portugais) figurent parmi les dix langues les plus parlées au monde. Il
convient également d’évoquer le rayonnement culturel de l’Union européenne, qui a pour ambition d’inspirer ses
partenaires grâce à son modèle de démocratie, de paix et de prospérité (soft power). Les produits culturels
européens (le luxe, le vin et l’art de vivre pour la France) et les événements culturels (festivals, etc.) participent
aussi à l’influence de l’Europe dans la mondialisation.
4. Conclusion
Les Européens ont actuellement les yeux rivés sur la crise économique. Ils croient peu en la capacité de l’Union
de les aider à surmonter cette période difficile. Pis, une frange importante de la population européenne rend
l’Union responsable des difficultés actuelles. Toutefois, force est de constater que l’Union européenne a réagi –
de façon maladroite et avec des résultats très provisoires sans doute – au choc économique. Et réfléchir à
l’avenir de l’Union européenne ne consiste pas simplement à débattre de la nécessité d’aller vers plus ou moins
d’intégration, de la pertinence de poursuivre des élargissements ou de nouveaux approfondissements, de
l’adéquation ou de l’inadéquation des institutions actuelles. Il s’agit de comprendre ce que représente l’Union
européenne à une échelle plus globale, faire le compte de ses atouts – et de ses retards – dans le contexte de la
mondialisation contemporaine.
Partie VI