Laan
SEXUELLE
Sexualité chez les sujets souffrant
dun trouble du déficit de attention
avec ou sans hyperactivité
‘rs LORENZO SOLDATI" et MYLENE BOLMONT™
Rev Med Suisse 2020; 16: 543-5
Bien quil existe une littérature conséquente concernant [a
sexualité des personnes atteintes d'un trouble psychiatrique tel
{que la dépression, le trouble anxieux, la schizophrénie, les
troubles alimentaires ou les troubles de la personnalité,
études ont investigué & ce jour Ia sexualité des patients souf-
frant d'un trouble du déficit de attention avec ou sans hyperacti-
vité (TDAH). Le but de cet article est donc de se focaliser sur les
connaissances actuelles en matiére de sexualité chez des per-
‘sonnes souffrant du TDAH, Ces derniers semblent avoir moins de
satisfaction sexuelle, plus de désir sexuel, plus de dysfonctions
sexuelles et plus de comportements sexuels risque que la popu-
lation générale.
‘Sexuality in subjects who suffer from attention
deficit/hyperactivity disorder
‘Although there is substantial iterature concerning the sexvality of
[people suffering from a psychiatric disorder, such as depression,
aniety disorder, schizophrenia, eating disorders or personality
disorders, few studies have investigated the sexuality of attention
deficithyperactivty disorder (ADHD) patients. The purpose ofthis
article is therefore to show current knowledge about sexuality in
‘people suffering from ADHD. The latter seem to have less sexual
satisfaction, more sexual desire, more senva dysfunction and more
risky sexual behavior than the general population.
INTRODUCTION
VOrganisation mondiale de Ia santé définit la santé sexuelle
‘comme un état de bien-étre physique, mental et social dans le
domaine de la sexualité; elle considere la satisfaction sexuelle
‘comme un facteur important de la qualité de vie.’ Pourtant,
les problémes sexuels sont trés fréquents et divers, allant de
‘Vinsatisfaction aux comportements sexuels &risque (CSR), et
incluant différents troubles comme les dysfonctions sexuelles,
Phypersexualité et les troubles paraphiliques (voyeurisme,
exhibitionnisme, frotteurisme, masochisme et sadisme sexuel,
pédophilic fétichisme, transvestisme). Selon certaines érudes,
40% des femmes et 30% d'hommes soutfriraient de dysfone:
tons sexuelles.*
"ite de médecine sewele et eal, Service des spits pachiatiqus,
Département desarté mental td psychi, HUG, 1201 Gente, Mlabora
tric scntfigus, Facute de méseene Univers de Gentve, Boulevard dea
(ise, 30,1205 Geneve
Terenasoldti@ncagech | mylene bolmont@unigech
Les dysfonctions sexuelles sont trés fréquentes chez les
patients atteints d'un trouble psychiatrique tel que la dépres-
sion, le trouble anxiew, la schizophrénie, les troubles alimen-
taires ou les troubles de personnalité.? Cette importante
prévalence peut sexpliquer par influence de la psychopatho-
logic et des traitements psychotropes sur Ia fonction sexuelle.
Parailleurs, ces troubles eux-mémes peuvent avoir un impact
surla santé mentale des patients qui en souffrent.*
Le trouble du déficit de 'attention avec ou sans hyperactivité
CYDAH) est une affection trouble neurodéveloppementale
debutant dans Venfance et persistant durant Vége adulte. 11
est caractérisé par un déficit de inhibition dans différents
domaines comme Tattention, la cognition, Yhumeur, les
mouvements et action. Ce défict serait en lien avec de bas
niveaux de dopamine dans:des aires du cerveau-impliquées
dans le contréle des impulsions et des fonctions exécutives.*
Le TDAH est caractérisé par une impulsivité, une inattention,
tune hyperactivité et une labilité émotionnelle. On le décrit
hhabituellement avec 3 sous-types : un premier avec une pré-
dominance de linattention, un autre avec une prédominance
de Vayperactivité et de Vimpulsivité et un troisiéme, combi-
né, qui présente inattention, Ihyperactivité et limpulsivité
La symptomatologie du TDAH peut étre source de souffrance
psychique, de difficultés dans le fonetionnement social ou
professionnel, ainsi que d'insatisfuction dans lavie de couple.‘
I est facile dimaginer que les symptomes spécifiques du
‘TDAH puissent affecter la sexualité. En effet, Vinattention
pourrait augmenter Ie risque de troubles sexuels en raison de
la distractibilité et du manque de focalisation sur la sexualité
pendant les rapports sexuels. Lhyperactivité, quant & elle,
pourrait augmenter le désir sexuel, la fréquence des relations
sexuelles, ainsi que le risque d’hypersexualité et de troubles
paraphiliques. Enfin, Vimpulsivité pourrait augmenter la
fréquence des CSR.
Cependant, il existe peu d'études sur la sexualité des patients
souffrant d'un TDAH.? Le but de cet article est done de fairele
point des connaissances actuelles sur leur sexualité.
FONCTION SEXUELLE
Quelques études ont montré que les sujets soufirant d'un
‘TDAH ressentaient plus de désir sexuel, et ils rapportaient
une fréquence masturbatoire plus élevée que la population
ee‘REVUE MEDICALE SUISSE
générale’ Pour expliquer ces résultats, nous avons propose
{que excitation sexuelle pouraitaugmenter a fonction dope
rminerpique au niveau eérébral, et que la masturbation et
activité semuelle pouraient étre des comportements aidant
Jes personnes atteintes d'un TDAH a apaiser leurs symptmes.
Par aileurs, les sujet avec un TDAH décrivent plus dinsatis-
faction sexuelle que la population générale. Cela pourrait
érveié tune certainedificuté dans leur approche dela com-
plexité du rapport sexuel (par exemple, la difficulté a gérer
son dési sexuel, se focaliser sur ses sensations physiques,
décider d'un moment approprié ou pas de faire ou de dite
quelque chose),
_De plus, nous supposons que Vinsatisfaction sexuelle pourrait
éere en lien avec V'nsatisfation dans Te couple, qui est une
problématique documentée dans la littérature chez les pa-
‘ents atteints dun TDAH. En effet, ces demiers montrent
es dificultés a maintenir une elation de couple satisfisante
en raison de leur symptomatologie, comme Vimpulsivte, le
besoin de chercher des sensations fortes, les changements
a’humeur, la rage, Vagressivté, les oublis et Vinattention,
‘Leurs partenaires se sentent souvent insatisfaits de la qualité
de leur relation
DYSFONCTIONS SEXUELLES
Une étude’ a montré que Ia prévalence des troubles sexuels
‘ches les sujets avec un TDAH était de 30% pour les hommes
cet de 43% pour les femmes, et que ces valeurs étaient signifi-
cativeent plus élevées que celles rapportées pour le groupe
contréle. Les dysfonctions sexuelles les plus fréquentes chez
les hommes étaient les troubles de Vorgasme (14%), Péjacu-
lation prématurée (13%), aversion sexuelle (13%) et les
émotions négatives pendant ou aprés un rapport sexuel
(10%). Chez les femmes, c'état les troubles de Vexcitation
(268%), les troubles de Vorgasme (22%) ainsi que aversion,
senuelle (15%).
Les auteurs de l'étude ont suggéré que V'aversion sexuelle et
les émotions négatives pendant les ripports sexuels pouvaient
tre en lien avec la basse estime de soi, la peur de l'ntimité et
les capacités relationnelles limitées, observées chez ces
patients. {ls ont aussi suggéré un lien entre Péjaculation
prématurée chez Phomme et la difficulté des patients &
controler les impulsions typiques du TDAH; cette derniere
aménerait une difficulté a moduler le réflexe éjaculatoire
EFFETS SECONDAIRES SEXUELS DES
PSYCHOSTIMULANTS
Une étude sur des patients soulrant de TDAH? n'a montré
‘aucune différence dans la fonction sexuelle et la prévalence
des troubles sexuels entre les patients traités avec des psycho-
stimulants et ceux sans traitement. En revanche, d'autres
études ont montré que atomoxétine peut favoriser une.
nnution du désir sexuel, un trouble érectile ou des troubles de
Féjaculation,* et que le méthylphénidate et les sels d'amphé-
tamine peuvent favoriser une diminution du désir sexuel et
‘un trouble érectile®*
COMPORTEMENTS SEXUELS A RISQUE
[Les CSR comprennent la sexualité sous lemprise de drogues,
Yabsence d'utilisation de moyens de contraception et de pro-
tection contre les infections sexuellement transmissibles, le
fait dartraper Pune de ces demniéres, la survenue de gros-
sesses non désirées, le nombre important de partenaires ou le
tres jeune ge lors du premier rapport
De nombreuses études" ont exploré la prévalence de CSR
chez les sujetsatteints un TDAH, et plusieurs entre elles,
font montré, par comparaison avec la population générale,
que ces derniers sengagent plus facilement dans ce type de
comportements."
armi les facteurs qui peuvent favoriser ces deniers, on
retrouve certains symptomes du TDAH, tels que 'impulsivté,
Vhyperactivité, inattention, mais aussi utilisation de
substances, la présence d'autres troubles psychiatriques, ou
encore des capacités relationnelles limitées."
Selon Isaksson et coll, 'impulsivité, qui engendre un besoin
de s'engager dans des comportements gratifiants et source de
sensations fortes, associée aux capacités relationnelleslimitées
ct a Putilisation de substances, serait un élément central des
CSR. Quant a Vinattention, elle pourrait jouer un réle dans
|a dificulté& prédire les conséquences des activités sexuelles,
ce qui augmenterait le risque de s'engager dans ce type de
‘comportements."=
De plus, ces comportements coexistent avec différentes
pathologies psychiatriques (trouble des conduites, trouble
‘oppositionnel défant, trouble d'abus de substances, trouble
anxieux, trouble dépresst)" La prise de taitements pharma-
cologiques pour le TDAH pourrait diminuer le risque de
contracter des maladies sexuellement transmissibles chez les
patients présentant ce trouble.”
HYPERSEXUALITE
Selon certaines études" Ia prévalence de Vhypersexualité
chez les patients avec un TDAH oscllat entre 2 et 12% En
revanche, aucune différence significative n'a pu étre mise en
évidence en comparaison du groupe contréle. Seule une
étude" a pu montrer une association plus importante entre
hypersexualité et TDAH au sein d'une population non sélec-
tionnée.
Ges données sont un peu surprenantes, car étant donné que
les individus avec un TDAH semblent avoir plus de désir
semuel, une fréquence masturbatoire plus élevée et moins de
satisfaction sexuelle que la population générale, nous pourrions
nous attendre & une prévalence plus importante dhyper-
sexualité parmi eux,
Nous avions émis Vhypothése que les rapports sexuels et la
masturbation diminueraient Vintensité de leurs symptomes.
En fai, ces comportements semblersient approprics, et ils
engendraient done pas un surplus de souffrance ou de
dysfonctionnement socal, ce qui est le cas dans Vhyper-
sexualté‘Une autre donnée surprenante est celle d'une étude" qui a
‘montré que chez des hommes présentant une hypersexualité
et un TDAH, le symptome le plus frequent était inattention
ct non Timpulsivité ou Thyperactivité. Ces données vont &
Pencontre de Pidée courante que Vimpulsivité et Vhyper~
‘activité auraient une influence sur les comportements
bypersexuels.
‘TROUBLES PARAPHILIQUES
Les données concernant la prévalence des paraphilies et des
troubles paraphiliques chez les sujets atteints d'un TDAH
sont rares et ne permettent pas de tirer des conséquences.
CONCLUSION
existe peu d'études sur la sexualité des sujets atteints d'un
"TDAH, il faut done étze prudent lorsqu’on tire des conclu-
sions; un nombre plus élevé ’études scientifiques dans ce
‘domaine sont souhaitables. En revanche, les connaissances
‘actuelles montrent que ces sujets auraient moins de satisfac-
tion sexuelle, plus de désir sexuel, plus de dysfonctions
sexuelles et plus de CSR que la population générale. Ces
difficultés semblent en lien avec leurs symprémes, comme
TTinattention, Pimpulsivité, "hyperactivité et la difficuleé dans
les relations de couple.
Ce constat nous pousse & suggérer aux soignants travallant
avec des patients atteints d'un TDAH dinterroger davantage
leur sexualité, de mettre en place des programmes de psycho-
1 WHO (206). Defining sol eat
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Education dans ce domaine et d’évaluer 'éventuelle présence
de troubles sexuels. Par ailleurs, ils devraient étre familiers
avec les effets secondaires sexuels des psychostimulants.
Nous encourageons aussi une meilleure collaboration entre
les soignants travallant avec les patients atteints d'un TDAH
ct les sexologues. Cette coopération pourrait aider les
premiers & mieux évaluer la sexualité de leur patient et
déterminer quand un suivi sexologique est nécessaire. Pour
les seconds, cela permettrait de mieux évaluer la présence
d'un deficit de Vattention, d'une hyperactivité ou une im-
pulsivité chez les patients consultant pour un trouble sexuel,
et de prendre cela en compte dans la compréhension des
dlifficuleés de leurs patients et dans a proposition d'une prise
‘en charge adaptée.
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1» Evalue la senualité des patients souffrant de TDAH est néces-
Sair, puisque nous retrouvons chez eux davantage dinsatsac-
tion seuelle et de troubles sexuels que dan la population
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ta llestimportant de mettre en place des programmes de
prévention en santé sexuelle chez les patients souffrant de TDAH,
compte tenu de leurs comportements serves & risque
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