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MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE

ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE UNION-DISCIPLINE-TRAVAIL


UNIVERSITE ALASSANE OUATTARE BOUAKE

UFR SED

ANNEE ACADEMIQUE 2014-2015

BANQUES ET MARCHES
FINANCIERS

SUPPORT DE COURS

Chargé du cours
Dr. GNOLEBA

1
AVANT PROPOS

Mesdames et messieurs les étudiants et étudiantes en licence 3 de sciences économiques, le support de


cours que vous tenez en main et relatif au banques et marchés financiers s’inspire fondamentalement de
l’ouvrage de FREDERIC MISHKIN ET AL, 9eme édition paru aux éditions NOUVEAUX HORIZONS.
Les objectifs de ce cours sont entre autre la volonté manifeste d’amener les étudiants et étudiantes à se
faire une idée claire et précise non seulement du fonctionnement et des spécificités d’institutions
bancaires mais aussi et surtout du fonctionnement et spécificités des marchés financiers. A terme les
étudiants qui s’intéressent aux questions bancaires et financières devraient trouver ici les rudiments
nécessaires pour une parfaite maitrise des théories bancaires et financières.

Cela dit notre cours s’articulera autour de dix principaux chapitres qu’il convient à présent d’analyser.

2
CHAPITRE I : Pourquoi étudier la monnaie les banques et les marchés financiers ?

Les médias parlent fréquemment des décisions de la Banque centrale européenne ou de la Réserve
fédérale américaine ou encore des décisions des différentes banques centrales africaines (Beac pour
l’Afrique centrale et Beceao pour l’afrique de l’ouest), Mais que signifie une augmentation du taux
directeur d'une banque centrale? Quel est son effet sur les taux des emprunts auxquels les particuliers
font face quand ils veulent acheter un logement ou une voiture? Quel est son effet sur le prix de
l'immobilier ou sur les cours de la Bourse? Quel est son effet sur l'emploi et le chômage?

Ce cours qui s’inspire très fortement de celui de FREDERIC MISHKIN et al ; répond à ces questions,
mais aussi à d'autres, en examinant comment les marchés financiers (tels que ceux des obligations, des
actions et des changes) et les institutions financières (banques, compagnies d'assurances, fonds communs
de placement, et autres) fonctionnent, et en étudiant le rôle de la monnaie dans l'économie. Les marchés
financiers et les institutions financières ne permettent pas seulement d'importants mouvements de fonds
(des centaines de milliards d'euros de dollar et de franc cfa) partout dans notre économie, ce qui à son
tour affecte les bénéfices des entreprises, la production de biens et services, et même le bien-être
économique de tous les pays du monde; ils affectent aussi la vie de tous les jours, le niveau de vie et
l'emploi de chacun.

• Ce qui arrive aux marchés financiers, aux institutions financières et à la monnaie a donc un grand
intérêt pour les hommes politiques et peut avoir un impact majeur sur les élections.C'est spécialement
vrai aujourd'hui en Europe où l'expérience de l'union monétaire - test majeur de la volonté d'action
commune des Européens - est encore à ses débuts, et où l'unification des marchés bancaires et financiers
est loin d'être achevée. L'étude des marchés monétaires, bancaires et financiers permet donc de
comprendre de nombreux sujets essentiels. Dans ce chapitre, nous présentons une vue d'ensemble du
cours en mettant en évidence ces sujets et en examinant pourquoi ils valent la peine d'être étudiés.

1. Pourquoi étudier les marchés financiers?

La deuxième partie de ce cours se concentre sur les marchés financiers, qui constituent le lieu de transfert
des fonds des agents qui en ont inemployés vers ceux qui en manquent. Les marchés financiers, comme
ceux des obligations et des actions, jouent un rôle décisif dans la promotion d'une plus grande efficacité
économique car ils dirigent les fonds des agents qui n'en font pas usage vers ceux qui peuvent les utiliser.
Des marchés financiers qui fonctionnent bien sont un facteur clé dans la production d'une croissance
économique élevée, alors que des marchés financiers inefficaces sont une des raisons pour lesquelles de
nombreux pays dans le monde restent désespérément pauvres à l’image des pays en dévellopement dans
leur grande majorité. Les activités sur les marchés financiers ont également des effets directs sur la
richesse individuelle, sur le comportement des entreprises et des consommateurs, et sur les fluctuations
économiques.

1.1. Le marché des titres et les taux d'intérêt

Un titre (également appelé un instrument financier) représente un droit sur le revenu futur de son
émetteur ou sur ses actifs - tout droit financier ou propriété détenu par un agent. Une obligation est un
titre de dette qui promet des paiements périodiques sur une durée déterminée'. Le marché obligataire est
particulièrement important pour l'activité économique, parce qu'il permet aux entreprises ou aux
gouvernements d'emprunter pour financer leurs activités, et parce que les taux d'intérêt y sont déterminés.
Le taux d'intérêt est le coût d'un emprunt, c'est-à-dire le prix payé pour la location de fonds (généralement
exprimé en pourcentage d'une location de 100: 50 % signifie un intérêt de 50 par an pour un prêt de 100).
Il existe plusieurs taux d'intérêt dans l'économie - taux du marché monétaire (auquel les banques se
prêtent entre elles à court terme), taux d'emprunt hypothécaire, taux du crédit à la consommation, et taux
3
d'intérêt sur de nombreux types d'obligations.

Les taux d'intérêt sont importants à différents niveaux. D'un point de vue individuel, des taux d'intérêt
élevés peuvent dissuader un acheteur potentiel d'acheter une maison ou une voiture parce que le coût de
financement serait excessif. Inversement, des taux d'intérêt élevés peuvent encourager à épargner, parce
qu'ils permettent à celui qui accepte de repousser la consommation d'une partie de ses revenus de gagner
plus d'intérêts. D'un point de vue plus général, les taux d'intérêt ont un impact sur la santé de l'économie,
parce qu'ils affectent non seulement la volonté des consommateurs de dépenser ou d'épargner, mais aussi
les décisions d'investissement des entreprises. Par exemple, des, taux d'intérêt élevés peuvent inciter une
entreprise à différer la construction d'une nouvelle usine.

Comme les variations des taux d'intérêt affectent les individus, les institutions financières, les entreprises,
et l'économie entière, il est important d'expliquer les fluctuations de ces taux, qui ont été grandes au cours
des vingt dernières années. Par exemple, le taux d'intérêt à court terme sur le marché monétaire a atteint
un niveau record à plus de 15 % en 1981 en France, avant de revenir à des niveaux bas (toujours au-
dessous de 5 %) depuis 1996. li a même atteint son record à moins de 1,25 % en moyenne en 2009, en
réaction à la crise financière.

Figur
e 1.1 -
Taux
d'inté
rêt à
court
terme
(taux
du
march
é
monét
aire)
et à
long
terme
(oblig
ations)
en France, 1890-2010.

Remarque: avant 1945, les taux à court terme sont ceux de l'escompte de la Banque de France, souvent
légèrement supérieurs à ceux du marché monétalre. Après 1945, les interventions publiques sur le
marché obligataire font que le taux à long terme ne représente pas un équilibre du marché avant les
années 1980.

Pour le taux de long terme, taux actuariel des obligations du secteur privé (1890-1984) puis des
obligations publiques et semi-publiques 1985-1998, emprunt phare d'État à 10 ans 1999-2010.

Source : D'après les données de Villa jusqu'en 1984et OCDE après 1985.

Comrne les différents taux d'intérêt ont tendance à varier à L'unisson, les économistes les idèrent souvent
en bloc et parlent « du » taux d'intérêt. Cependant, comme le montre la figure 1.1, les taux d'intérêt sur
plusieurs types d'actifs financiers peuvent différer considérablement En général, les taux: d'intérêt à
4
court terme fluctuent plus fortement que les taux d'intérêt à plus long terme et sont plus faibles.

Dans le chapitre 2, nous étudions le rôle des marchés obligataires dans l'économie; aux chapitres 4 à 6,
nous examinons ce qu'est un taux d'intérêt, comment les mouvements ordinaires des taux d'intérêt se
produisent, et pourquoi les taux d'intérêt sur différentes obligations diffèrent.

1.2. Le marché des actions

Une action ordinaire (généralement simplement appelée une action) représente une part du capital d'une
entreprise. C'est un titre donnant un droit sur les revenus et les actifs de entreprise, ainsi que sur sa
gouvernance: les actionnaires, réunis en assemblée générale, décident des principales orientations de
l'entreprise et en particulier de la nomination de - dirigeants. Émettre des actions et les vendre au public
est un moyen pour les entreprises de lever des fonds afin de financer leurs activités. Le marché des
actions, sur lequel les actions sont échangées, est le marché financier le plus largement suivi par les
médias et les dirigeants économiques. On peut certainement expliquer une partie de l'attention que ce
marché reçoit par le fait que c'est un endroit où l'on peut devenir riche (ou pauvre) rapidement. Les
marchés des actions sont souvent organisés en bourses de va1eurs (stock exchange en anglais). Le
processus d'unification européenne, accentué par l’acte unique de 1986, se traduit par une concurrence
accrue et des rapprochements entre bourses jusqu'alors très nationales. On tente actuellement de
développer en Europe un marché financier aussi liquide et attractif que ceux de New York ou de Tokyo,
par la conncurrence ou la coopération entre bourses et non plus par la centralisation nationale des
opérations qui a souvent été de mise jusqu'à récemment.

La figure 1.2 représente l'indice Dow Jones, qui synthétise les variations des cours de bourse d'un certain
nombre d'actions de grandes entreprises américaines, et qui reste la référence mondiale en matière
boursière. On constate que le prix des actions est une variable très volatile: les variations sont fortes d'une
année sur l'autre. Par exemple, après la hausse du marché dans les années 1980, le 19 octobre 1987, le «
lundi noir », le marché a subi la plus forte baisse journalière de toute son histoire, avec une chute de
indice Dow Jones (DIJA) de 22 %. À partir de ce moment et jusqu'en 2000, le marché des actions a connu
l'une des plus importantes bulles financières de son histoire, avec un dow Jones atteignant un pic à plus de
11 000 points. Avec l'éclatement de la bulle de la haute technologie en 2000, le marché des actions a
brusquement chuté, subissant une perte de plus de 30 % entre 2000 et 2002, avant d'atteindre de nouveaux
sommets en 2007, au-dessus de 14000, et de retomber début 2009 en dessous de 8 000. Ces importantes
fluctuations du prix des actions ont un impact sur la richesse des agents économiques et, par conséquent,
peuvent affecter leur comportement.

Le marché des actions est également un facteur important pour les décisions d'investissement des
entreprises, puisque le prix des actions a un impact sur le montant des fonds qu'elles peuvent lever- en
vendant des actions récemment émises dans le but de financer ses dépenses d'investissement. Un prix plus
élevé pour les actions d'une entreprise signifie qu'elle peut lever un montant supérieur de fonds, lesquels
peuvent être utilisés pour achat de moyens de production et de matériel.

5
Figure 1.2 -Indice Dow Jones CDJIA), fm mai de chaque année, 1896-2010. Source: D'après les données
de finance.yahoo.com.

2- Pourquoi étudier les institutions bancaires nancières?

Dans la progression de ce cours nous nous concentrerons sur les institutions financières et l'activité
bancaire. Les banques et autres institutions financières font que les marchés financiers fonctionnenet.
Sans elles, les marchés financiers ne seraient pas capables de transférer les fonds des agents qui épargnent
vers ceux qui ont des projets d’investissement. Par conséquent eurs effets sur l’ensemble de l’économie
sont importants.

2.1. La structure du système financier

Le système financier est complexe; il inclut différents types d'institutions financières du secteur privé, en
particulier les banques, les compagnies d'assurances, les fonds commun plaœment, les sociétés
financières et les banques d'affaires, tous strictement réglementés par les pouvoirs publics. Si un
particulier accepte de prêter de l'argent à une entreprise, il ne le fera en général pas directement. Il va lui
prêter indirectement, via des intermédiaires financiers, c'est-à-dire des institutions qui empruntent des
fonds aux personnes qui ont épargné et qui prêtent à celles qui ont besoin d'argent.

Pourquoi les intermédiaires financiers jouent-ils un rôle si crucial dans le bon fonctionnement des des
marchés financiers? Pourquoi consentent-ils un crédit à quelqu'un et pas à quelqu’un d'autre? Pourquoi
rédigent-ils généralement des contrats compliqués lorsqu’ils accordent un prêt? Pourquoi leurs activités
sont-elles les plus largement réglées de l'économie? C'est ce que nous examinons au chapitre 9 où nous
proposons une répresentation cohérente du système financier.

2.2. Les crises financières

Le système financier se bloque parfois, ce qui produit des crises financières qui perturbent le
fonctionnement des marchés financiers, voient baisser violemment les prix des actifs et conduisent de
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nombreuses entreprises - financières ou non - à la faillite. Des crises financières se produisent dans les
économies capitalistes depuis des siècles, et elles sont souvent suivies de fortes récessions. La crise qui a
commencé aux États-Unis en août 2007 est la plus forte depuis celle des années 1930. Les défauts de
paiement sur des crédits hypothécaires subprimes (destinés à des emprunteurs peu sûrs) ont conduit à des
pertes énormes dans nombre d'institutions financières et à la faillite de nombreuses banques, dont Bear
Stens et Lehman Brothers, deux des plus grandes banques d'affaires du monde.

2.3. Les banques et autres institutions financières

Les banques sont des institutions financières qui acceptent les dépôts et qui font des crédits. Sont inclues,
sous le terme de banques, les banques commerciales, les sociétés de crédit immobilier et les caisses
d'épargne. Les banques sont les intermédiaires financiers avec lesquels un particulier est le plus souvent
en relation. Une personne ayant besoin d'un prêt pour acheter une maison ou une voiture l'obtient
généralement d'une agence bancaire. Dans les pays riches, la quasi-totalité de la population a aujourd'hui
au moins un compte en banque, et la plupart des gens conservent une partie de leur richesse financière
dans les banques, sous la forme de comptes bancaires, de comptes d'épargne, ou d'autres types de dépôts
bancaires. Comme les banques sont les intermédiaires financiers les plus importants, elles méritent la plus
grande attention. Mais les banques ne sont pas les seules institutions financière importantes. Ces dernières
années, d'autres institutions financières comme les compagnies d'assurances, les sociétés financières, les
fonds de pension, les fonds communs de placement et les banques d'affaires ont grandi, souvent aux
dépens des banques. Nous devons donc également les prendre en compte.

2.4. L'innovation financière

Autrefois un client qui voulait retirer de l'argent de sa banque, vérifier la position de son - compte
bancaire ou effectuer un virement devait s'adresser au caissier. De nos jours, il est plus susceptible d'être
en relation avec une machine automatique pour un retrait d’ argent, et peut consulter son compte ou
effectuer des virements depuis son ordinateur personnel. Pour savoir pourquoi ces possibilités ont été
développées, on étudie, pourquoi et comment l'innovation financière a lieu, avec un accent particulier sur
les raisons pour lesquelles les immenses améliorations de la technologie de l'information conduit à de
nouveaux moyens électroniques pour fournir des services financiers, phénornène connu sous le nom de
finance électronique ou e-finance. Nous étudions égalementt l'innovation financière parce qu'elle nous
montre comment l'esprit créatif des institutions financières peut conduire à plus de profits. En regardant
comment et pourquoi les institutions financières ont innové dans le passé, nous arrivons à une meilleure
préhension de la manière dont elles peuvent le faire dans le futur. Cette connaissance donne de précieux
indices sur l'évolution possible du système financier et nous permettra de protéger contre l'obsolescence
nos connaissances des banques et des autres insttitutions financières.

3. Pourquoi étudier la monnaie et la politique monétaire?

monnaie est généralement définie comme incluant tout ce qui est accepté pour le paiement de biens ou de
services, ou pour le remboursement de dettes. La monnaie est liées aux changements des variables
économiques les plus importantes comme l'inflation, le chômage, les crises ou la croissance.

3.1 Monnaie et fluctuations économiques

En 1993, la production totale de biens et de services de l'économie française (le PNB) a diminué pour la
première fois depuis 1974, et le taux de chômage - pourcentage de force de travail disponible sans emploi
- a dépassé 10 %. La récession a duré jusqu'en 1996. De 1997 à 2000, l'économie a commencé à croître
rapidement et le taux de chômage a baissé de 12 % à 9 %. En 2001, cette expansion est arrivée à terme, et
le taux de chômage a de 'eau dépassé 10 %. Depuis 2004, la croissance reste faible, et après être
brièvement descendu en dessous de 8 % en 2008, le chômage est remonté à 10 % fin 2009 sous l’impact
de la crise. Aux États-Unis, dont la conjoncture importe à l'ensemble de la plaète, Bill Clinton a présidé à
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la plus longue période d'expansion de l'après-guerre après, près de dix années de croissance rapide entre
1992 et 2001, le taux de chômage étant descendu jusqu'à 4 %. Depuis, après un moment de ralentissement
entre 2001 et 2003, la croissance a repris, et le chômage est resté modéré jusqu'au début de la récente
crise financière , au cours de laquelle il est brutalement remonté à 10 % fin 2009.

Pourquoi ces alternances de phases d'expansion et de récession? Les spécialistes suggèrent que la
monnaie joue un rôle important dans les fluctuations économiques, c'est-à dire dans les mouvements
haussiers et baissiers du PNB et du chômage.

8
3.2. Monnaie et taux d'intérêt

En plus d'autres facteurs, la monnaie joue un rôle important dans les fluctuations du taux d'intérêt, qui
sont une des préoccupations des entreprises et des consommateurs. La figure 1.7 montre les variations du
taux d'intérêt sur les obligations du Trésor à long erme et le taux de croissance de la quantité de monnaie.
Des années 1950 à 1973, une croissance rapide de la quantité de monnaie (toujours supérieure à 10 % par
an) s'accompagne d'une augmentation progressive des taux d'intérêt (qui dépassent pour la première fois
10 % en 1974). Par la suite, la hausse des taux d'intérêt et le ralentissement de la croissance de la quantité
de monnaie vont de pair jusqu'à 1981. À partir de cette date, un ralentissement de la croissance de la
masse monétaire est bien enclenché, et les taux d’l'intérêt baissent rapidement, passant de près de 17 % en
1981 à moins de 10 % dès 1986 et moins de 5 % après 1998.

Figure
1.7 -
Taux de
croissanc
e annuel
de la
quantité
de
monnaie
(M 1) et
des taux
d'intérêt
à long
(en %) en
France
(1950-
1998),
puis dans
la zone euro (1999-2009).

3.3. La conduite de la politique monétaire

La monnaie pouvant affecter de nombreuses variables économiques importantes, les hommes politiques
du monde entier se préoccupent de la conduite de la politique monétaire c'est-à-dire de la gestion de la
monnaie et des taux d'intérêt. L'organisation responsable de la conduite de la politique monétaire d'une
nation est en général une banque centrale. L'ensemble des pays qui utilisent l'euro comme monnaie
commune ont une seule banque centrale, la Banque centrale européenne (ou BCE), localisée à francfort-
sur-le-Main, en Allemagne. La banque centrale des États-Unis est le Système de réserve fédérale
(également simplement appelé Fed).

3.4. Politique budgétaire et politique monétaire

On appelle politique budgétaire celle qui décide du montant des dépenses gouvernementales et des impôts.
Un déficit budgétaire est l'excès des dépenses gouvernementales par rapport aux revenus (principalement
les impôts) sur une période définie, généralement un an. Au contraire, un excédent budgétaire apparaît
9
lorsque les revenus sont supérieurs aux dépenses. Le gouvernement doit financer les déficits par l'emprunt,
alors qu'un excédent budgétaire conduit à une diminution de la dette du gouvernement. Comme le montre
la figure 1.8, le déficit budgétaire français, comparé au PIB, a été très élevé au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale, quand le gouvernement finançait la reconstruction du pays, et s'est de nouveau accru
dans les années 1980 et surtout 1990. Il a baissé lors de la reprise économique de 1997-2000 avant
d'augmenter de nouveau récemment, en particulier lors de la crise actuelle, avec un record de plus de 8 %
en 2009. On observe que les déficits budgétaires s'accroissent lors des récessions et diminuent lors des
phases d'expansion conjoncturelle.

C'est la crainte des conséquences des déficits budgétaires sur l'inflation, jointe à la reconnaissance de son
efficacité contre les récessions, qui a conduit le traité de Maastricht à interdire aux gouvernements de la
zone euro de pratiquer des déficits budgétaires supérieurs à 3 % du PIB, sauf lors de fortes récessions.

On craint en effet que certains gouvernements de la zone euro s'endettent jusqu'à être incapables de
rembourser, et imposent une politique inflationniste pour réduire leur dette, au détriment de l'ensemble de
la zone. Comme les politiques budgétaires sont, jusqu'à présent, essentiellement nationales, tandis que la
politique monétaire est menée depuis 1999 pour la zone euro dans son ensemble, on craint également que
la politique monétaire ne puisse satisfaire aux besoins de pays qui peuvent se trouver dans des situations
conjoncturelles différentes (certains requérant une politique monétaire plus souple que d'autres), ce qui les
conduirait à utiliser exagérément la politique budgétaire. Ces différents arguments ont conduit des
économistes et des hommes politiques à réclamer une véritable coordination européenne des politiques
budgétaires.

Le premier trimestre 2010 a montré les tensions produites par cette situation: arguant du fait que dans
certains pays le maximum de déficit budgétaire de 3 % du PIB défini par le traité de Maastricht était
devenu quasiment la norme, certains gouvernements européens ont considéré que la discipline que visait
le traité n'était plus respectée, et que les marges d'endettement prévues pour les périodes de récession
avaient été à tort consommées en période d'expansion. Dès lors, ils se refusent à soutenir le gouvernement
grec quand la crise économique conduit celui-ci à accroître fortement son déficit budgétaire et qu'il fait
face à un refus de prêter de la part des investisseurs. Face à eux, d'autres gouvernements souhaitent une
plus grande solidarité européenne, mais ne savent comment éviter le risque d'une contagion de
comportements d'endettement excessif. Les gouvernements cherchent désormais à convaincre de leur
capacité à restaurer une discipline budgétaire tout en veillant à minimiser les effets négatifs sur la
croissance et sur la situation sociale. Ils envisagent peu la solution d'une coordination impérative des poli-
tiques budgétaires, qui permettrait une solidarité renforcée contrebalancée par des transferts de
souveraineté.

Figure
1.8 -
Situati
on des
financ
es
publiq
ues:
solde
budgét
aire
en %
du PIB
nomin
10
al, France,

4. Pourquoi étudier la finance internationale?

La mondialisation financière s'est accéléréé au cours des dernières années. Les marchés financiers de
tous les pays sont de plus en plus intégrés. Des entreprises européennes emprunttent sur des marchés
étrangers, et des entreprises étrangères en Europe. Des banques et des institutions financières comme JP
Morgan Chase, BNP Paribas, Deutsank sont devenues très internationales.

4.1 Le marché des changes

comme les pays utilisent habituellement chacun une monnaie nationale (la zone euro et la zone franc en
constituent une exception), un paiement à l'étranger implique non seulement de transférer des fonds d'un
pays à un autre, mais aussi de les convertir (ou de les changer) de la devise du d’origine (par exemple des
euros) en devise du pays de destination (par exemple des francs cfa ). C'est en général sur le marché des
changes que cette conversion a lieu; ce élle contribue ainsi au transfert de fonds entre pays. Il a également
son importance – parce que c'est là que le taux de change -le prix d'une monnaie par rapport à une est
déterminé. Longtemps, les taux de change ont été fixés par les gouvernements qui demandaient aux
banques centrales d'intervenir pour assurer le maintien des parités (les prix relatifs entre monnaies) qu'ils
avaient définies. Depuis 1973 cependant, le monde est dans un régime de changes flottants (ou flexibles)
dans lequel la plupart des gouvernements n'interviennent plus (ou guère) sur le marché des changes.

Que signifient les fluctuations du taux de change pour le public et pour les entreprises? Une variation du
taux de change a un impact direct sur les consommateurs parce qu'elle affecte le coût des importations. En
2001, lorsque l'euro valait environ 0,85 dollar, il fallait débourser 100 euros pour acheter 85 dollars de
marchandises américaines (par exemple des logiciels informatiques). Lorsque ensuite le dollar s'est
affaibli, faisant passer la valeur de l'euro à 1,25 dollar, les mêmes 100 euros ont permis d'acheter pour 125
dollars des mêmes marchandises, soit près de moitié plus (125/85 = 1,47). Par conséquent, un euro plus
faible rend les vacances à l'étranger et les biens étrangers plus chers. On peut donc s'attendre à ce que la
chute de la valeur de l'euro entraîne une diminution des achats de marchandises étrangères par les
habitants de la zone euro, et une augmentation de leur consommation de produits domestiques (tels que
des voyages au sein de la zone euro ou des produits qui y sont fabriqués). Inversement, un euro fort
signifie que les produits français exportés à l'étranger coûteront plus cher dans les pays étrangers, et donc
que les étrangers en achèteront moins. Par exemple, les exportations de vin français ont diminué lors de la
remontée de l'euro. Un euro fort profite aux consommateurs, car il rend les produits étrangers moins chers,
mais il pénalise les entreprises européennes et détruit des emplois en réduisant leurs ventes de produits
sur le territoire national et à l'étranger. Le déclin en valeur de l'euro lors de sa création a au contraire
augmenté le prix des produits étrangers et rendu les entreprises européennes plus compétitives.

4.1 Le système financier international

L’augmentation des flux de capitaux entre pays renforce l'impact du système financier ational sur les
économies nationales. Ces questions feront l'objet aussi de ce cours qui bien évidemment, cherchera à
répondre aux questions suivantes:

- En quoi la décision d'un pays de fixer son taux de change avec un autre influe-telle sur sa politique
monétaire?

- Quel est l'impact du contrôle des changes - qui restreint la mobilité des capitaux entre pays - sur
les systèmes financiers domestiques et sur les performances des économies? Quel rôle devraient
jouer les institutions financières internationales (comme le Fonds monétaire international) dans le
système financier international?

11
Conclusion

L'étude de la monnaie, de la banque et de la finance est aussi importante qu'intéressante. C'est un sujet qui
affecte votre vie -les taux d'intérêt influencent les revenus de votre épargne et les paiements sur les
emprunts que vous pouvez chercher à contracter pour une voiture ou une maison; et la politique
monétaire peut affecter vos recherches d'emploi et les prix futurs des biens. Ce cours doit vous
familiariser avec la majorité des controverses sur la conduite de la politique économique; il doit
également vous permettre d'acquérir une bonne compréhension des phénomènes économiques dont vous
entendez régulièrement parler dans les médias. Vous conserverez cette connaissance et elle vous sera
bénéfique longtemps, bien après vos différentes évaluations de fin d’année..

CHAPITRE II : Vue d’ensemble du système financier.

Les agents économiques diffèrent fortement entre eux par leurs capacités d'épargne et par leurs besoins
de fmancement. Ainsi, un inventeur qui a développé un prototype d'une nouvelle machine a besoin
d'argent pour passer à la production industrielle: pour construire une usine, créer un réseau de distri-
bution, payer des salariés avant d'avoir commencé à vendre ses produits, etc. De même, une ville qui se
développe peut souhaiter construire une route ou une école même si ses ressources fiscales ne lui
permettent pas de les payer immédiatement.lnversement, nombre d'autres agents épargnent durant leur
vie active, par exemple en vue de leur retraite. Les marchés financiers (marché des obligations et marché
des actions) et les intermediaires financiers (banques, pagnies d'assurances, fonds collectifs -
d'investissement) ont pour fonction de transférer l'épargne des agents économiques ayant des fonds
disponibles versceux qui en ont besoin pour réaliser des investissements. Le bon fonctionnement de ces
éléments du système financier est un élément crucial de la performance d’une économie. Ce chapitre
fournit une présentation de la structure du système financieret décrit les principales opérations des
intermédiaires financiers et des marchés financiers, ainsi que la manière dont ils sont régulés. Il fournit
ainsi les bases de l’étude du fonctionnement des institutions et des marchés financiers.

1. Les fonctions des systèmes financiers

Le système financier permet de transférer des fonds depuis les agents économiques (ménages, entreprises,
collectivités publiques) qui épargnent, car leurs dépenses sont inférieures à leurs revenus, vers les agents
économiques qui souhaitent emprunter, c'est-à-dire dépenser plus que leur revenu. On dit qu'il sert
d'intermédiaire entre les agents à capacité de financement et les agents à besoin de financement. Cette
fonction peut être réalisée de deux manières principales, qui sont présentées à la figure 2.1. Les agents à
capacité de financement, qui épargnent et peuvent prêter, sont représentés à gauche, tandis que les agents
à besoin de financement, qui souhaitent emprunter, sont indiqués à droite. En pratique, les plus importants
agents à capacité de financement sont les ménages tandis que les plus gros emprunteurs sont les
entreprises, les États et certaines administrations publiques, mais il existe nombre de ménages
emprunteurs et des entreprises ou des collectivités publiques (et même des États) prèteuses. D'ailleurs, les
mêmes agents peuvent être à la fois emprunteurs et prêteurs (une entreprise peut à la fois emprunter sur le
marché obligataire et faire crédit à ses clients), de sorte que la distinction théorique entre agents à capacité
de financement et agents à besoin de financement est plus utile en macroéconomie que dans l'analyse
microéconomique des opérations financières, où l'on parle plutôt de prêteurs (ou d'investisseurs) et
d'emprunteurs.

1.1. Finance directe et finance indirecte


12
L'analyse des flux de fonds propose une représentation utile des deux modes de financement existants, la
finance directe et la finance indirecte. La finance directe est une première manière de relier prêteurs et
emprunteurs; elle est représentée en bas de la figure 2.1. Dans la finance directe, les emprunteurs obtien-
nent directement des fonds de la part des prêteurs en leur vendant des titres (ou instruments financiers) sur
le marché financier. Les titres sont des droits de créance sur les revenus futurs de l'emprunteur ou sur ses
actifs. Ils sont donc des actifs pour ceux qui les achètent (les prêteurs, ici plutôt qualifiés d'investisseurs),
mais des dettes (ou engagements') pour ceux qui les émettent (les emprunteurs ou émetteurs). Par
exemple, une entreprise qui a besoin de fonds pour construire une nouvelle usine peut emprunter en
émettant des obligations. Ce faisant, elle se reconnaît une dette envers les détenteurs de ces obligations,
dette qu'elle s'engage à rembourser par des versements échelonnés, durant une période donnée, et selon
des modalités précisées au départ. Le montant de cette dette est inscrit au passif du bilan de l'entreprise,
tandis qu'il est inscrit à l'actif de celui des détenteurs des obligations.

La seconde manière de relier prêteurs et emprunteurs est appelée finance indirecte ou finance intermédiée.
Dans ce cas, les emprunteurs obtiennent des fonds en s'adressant à des intermédiaires financiers (en
particulier les banques) qui leur consentent des prêts. Les prêteurs quant à eux prêtent leur argent non pas
directement aux agents à besoin de financement mais aux intermédiaires financiers, spécialement sous
forme de dépôts. Comme leur nom l'indique, les intermédiaires financiers servent d'intermédiaires entre
agents à capacité de financement et agents à besoin de financement.

Rgure
2.1 -
Les
flux
de
fonds
au
sein
du
systè
me
financ
ier.

1.2
Utilité
comm
une
des
deux
formes de finance

Quelque soit la manière dont se produit le transfert de fonds des prêteurs aux emprunteurs on peut
analyser de manière similaire la fonction du système financier et l'utilité économique de ce transfert. Pour
l'investisseur, prêter ses disponibilités lui permet d’obtenir un intérêt. En fait, l'existence de cet intérêt
peut même l'inciter à épargner davantage, pour consommer plus dans le futur, lors du remboursement de
son prêt. L’emprunteur quant à lui pense réaliser un projet productif à l’aide des fonds qu'il emprute. En
construisant une usine, une entreprise pense ainsi augmenter ses ventes et ses profits, Pour obtenir les
fonds nécessaires, elle peut accepter de payer en intérêts une Partie de ces profits supplémentaires, du
moins tant qu'elle prévoit d'en garder une partie pour elle. En l'absence de système financier, ces deux
agents ne pourraient pas réaliser une transaction mutuellement avantageuse, ce qui empêcherait l'un de
recevoir térêts, l'autre de réaliser un investissement rentable.

13
L’existence du système financier est également bénéfique pour des emprunteurs qui ne realise pas
d'investissement productif. Par exemple, nombre d'acheteurs de logement ne disposent pas de l'épargne
nécessaire pour réaliser un tel achat sans s'endetter. Plutôt que d’èpargner pendant des années avant
d'acheter un logement, ils souhaitent s'endetter pouvoir acheter leur logement dès le moment où ils en ont
besoin. C'est le cas des couples qui viennent de se marier: ils souhaitent avoir des enfants, s’attendent à
gagner suffisamment bien leur vie pour rembourser un emprunt, et veulent donc déposer dès maintenant
d'un logement assez grand. Sans système financier, ils seraient condamnés à épargner pendant des années,
tout en habitant un logement trop petit, et à ne pouvoir acheter un grand logement qu'au moment de leur
retraite. Ils sont donc prêts à payer un intérêt pour pouvoir emprunter et acheter plus tôt le logement qui
leur est néccessaire. On comprend ainsi que le système financier remplit une fonction importante dans
l’économie en permettant aux agents à capacité de financement de prêter leur épargne aux agents à
besoin de financement, il permet de mieux satisfaire les uns et les autres. On considère ainsi qu'il permet
une amélioration de l'efficacité de l'allocation des ressources au sein de l'économie, qui améliore le bien-
être et, en général, l'investissement et donc la croissance.

En résumé, un système financier efficace améliore directement le bien-être des investisseurs en leur
permettant de répartir leur consommation dans le temps comme ils le souhaitent; il permet aux jeunes ou
aux entrepreneurs de s'engager dans des dépenses sans attendre d’en avoir épargné le montant; il
augmente ainsi l'efficacité de l'économie et le bien-être de chacun.

2. La structure des systèmes financiers

L’importance relative de la finance directe et de la finance intermédiée est une caractéristique majeure
des systèmes financiers contemporains, La mesure de cette caractéristique est complexe du fait que la
distinction entre placements directs et intermédiés n'est pas toujours évidente (même acheter une action
en Bourse implique pour la plupart des individus de passer par un intermédiaire).

3. L'organisation des marchés financiers

La partie du système financier la plus simple à analyser est constituée par les marchés financiers. Pour
bien comprendre ces marchés, il est nécessaire de maîtriser un certain nombre de distinct:ions concernant
leurs principales caractéristiques.

3.1. Marchés de dettes et marchés de fonds propres

Une entreprise peut obtenir des fonds sur un marché financier de deux manières. La première, et la plus
simple, est d'émettre un titre à revenu fixe, représentatif d'une dette, par exemple une obligation. Une
obligation est un engagement contractuel par lequel l'emprunteur s'engage à payer au détenteur de
l'obligation des versements déterminés à des intervalles fixés (les intérêts et le remboursement du
principal) jusqu'à une certaine date, appelée échéance, à laquelle le dernier versement est réalisé et la
dette s'éteint. On appelle maturité d'une dette la durée (le nombre d'années) restant à courir jusqu'à son
échéance. On dit qu'une dette est à court terme si sa maturité est inférieure ou égale à un an, et qu'elle est
à long terme si celle-ci est égale ou supérieure à 10 ans. Entre les deux, on parle de dette à moyen terme.

La seconde manière de lever des fonds sur le marché financier est d'émettre des actions ou des parts
sociales; le produit de l'émission entre alors dans les fonds propres de la société car les actions sont des
fractions de son capital. Elles donnent des droits sur les revenus nets (après dépenses et impôts) et sur les
actifs de cette société. Ainsi, le détenteur d'une action d'une société ayant émis un million d'actions a droit
à un millionième des dividendes qu'elle verse et, lors de son éventuelle liquidation, à la même proportion
de son actif net (c'est-à-dire les actifs moins les dettes). Les dividendes sont les versements réguliers
(annuels ou semestriels) qu'effectuent en général les sociétés à leurs actionnaires lorsqu'elles réalisent des
bénéfices. Les actions sont des titres à long terme, car elles n'ont pas de date d'échéance. Elles
représentent un droit de propriété collectif sur la société et donnent droit aux actionnaires, lors des
14
assemblées générales, d'élire les dirigeants de l'entreprise et de voter sur ses décisions principales, parmi
lesquelles l'affectation des bénéfices en dividendes ou en réserves.

Le principal inconvénient de détenir des actions plutôt que des obligations est que l'actionnaire est un
bénéficiaire résiduel (residual claimant). En effet, la société doit satisfaire à ses autres obligations
contractuelles (payer ses créanciers et ses salariés en particulier) avant d'effectuer un versement à ses
actionnaires. L'avantage des actions, en revanche, est que l'actionnaire bénéficie directement de tout
accroissement des bénéfices de l'entreprise ou de la valeur de ses actifs, en proportion de la part qu'il
détient dans le capital de celle-ci.

Les actions et obligations représentent pour l'investisseur des placements alternatifs en valeurs mobilières
qui entrent, selon ses choix: financiers, en proportion variable dans son portefeuille d'actifs. Elles
représentent également deux instruments possibles de financement pour les entreprises.

3.2. Marché primaire et marché secondaire

On appelle marché primaire le marché financier sur lequel les nouvelles émissions de titres, actions ou
obligations sont proposées par les sociétés ou les États émetteurs à des acheteurs appelés souscripteurs.
Un marché secondaire est, quant à lui, un marché financier sur lequel s'échangent des titres précédemment
émis (et donc de seconde main).

Le marché primaire des titres est peu connu du public, parce que la vente initiale de titres aux
souscripteurs n'a pas lieu en public. Elle est organisée pour le compte de l'emprunteur émetteur par une
banque d'affaires (ou investment bank) qui organise l'émission et garantit le placement de ces titres
(activités que l'on désigne en général par le terme underwriting) à un certain prix, et les vend au public
soit de gré à gré, soit par une offre publique.

Les Bourses sont des marchés secondaires sur lesquels un certain nombre de titres sont cotés et échangés.
Le New York Stock Exchange (souvent appelé Wall Street, nom de la rue où il est installé), la Bourse de
Tokyo (Kabuto Cho), le London Stock Exchange et Euronext (qui réunit les Bourses de Paris, de
Bruxelles, d'Amsterdam et de Lisbonne) sont les plus importants marchés boursiers du monde en ce qui
concerne les actions. Ces Bourses historiques sont depuis longtemps concurrencées aux États-Unis par
des marchés de gré à gré comme le Nasdaq, et de plus en plus, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe ou
en Asie, par des solutions de cotation alternatives comme les services multilatéraux de négociation (MTF
pour multilateral trading facilities) tel Chi-X en Europe, ou comme les plates-formes électroniques créées
par les banques d'affaires et les maisons de courtage comme Max, organisé par Merrill Lynch, Best par la
Dresdner Bank, Trade par le Credit Suisse First Boston, etc.

Les montants échangés pour les obligations sont souvent plus élevés que pour les actions, mais ils ne
prennent pas autant de place sur des marchés organisés et sont moins visibles pour le public dans la
mesure où ils reflètent largement les fluctuations des taux d'intérêt.

Quand quelqu'un achète un titre sur le marché secondaire, celui qui le lui vend reçoit un paiement en
échange du titre, mais l'entreprise qui l'a émis ne reçoit rien. Une société n'encaisse de fonds que
lorsqu'elle émet ses titres lors de leur création sur le marché primaire. Néanmoins, le marché secondaire a
deux fonctions importantes, y compris pour l'entreprise émettrice. En premier lieu, l'existence de marchés
secondaires rend plus facile et plus rapide la vente de titres par leurs détenteurs: elle les rend plus liquides.
Cette liquidité accrue rend les titres plus attractifs aux yeux des souscripteurs, et rend donc plus facile
l'émission de nouveaux titres par l'entreprise. Deuxièmement, le marché secondaire détermine un cours
pour chaque titre, qui fournit à l'investisseur une évaluation de son actif et indique à l'entreprise à quel
prix elle peut émettre de nouveaux titres sur le marché primaire. Plus une action a un cours en Bourse
élevé, plus la société qui l'a émise peut émettre de nouvelles actions à un prix élevé sur le marché
primaire, et donc plus elle peut y obtenir de fonds (on dit aussi lever des capitaux). Les conditions sur le
15
marché secondaire sont donc importantes pour les entreprises. C'est pourquoi on consacre ici une place
non négligeable à ces marchés.

3.3. Marchés organisés et marchés de gré à gré

Les marchés secondaires peuvent être organisés de deux manières différentes. Dans le premier cas, des
Bourses organisées réunissent en un lieu unique (réel ou virtuel) acheteurs et vendeurs de titres
(directement ou via leurs agents, sociétés de Bourse, agents de change, courtiers ou brokers). La plupart
des grands marchés d'actions sont organisés de cette manière; c'est aussi le cas d'importants marchés de
produits primaires (blé, maïs, argent, coton) comme ceux de Chicago ou de Londres.

Dans le second cas, le marché secondaire n'est pas formellement organisé. On parle alors d’un marché de
gré à gré, ou over-the-counter (OTC). Des teneurs de marché (ou dealers) localisés à différents endroits
tiennent à jour des listes de titres pour lesquels ils sont disposés à vendre ou acheter à toute personne prête
à accepter leur prix. Ils sont en contact permanent par réseaux électroniques, de sorte que les prix des
principaux dealers sont en permanence affichés sur les écrans, connus des autres intervenants et mis à jour
en continu. Ce mode de fonctionnement rend ce type de marché très concurrentiel et désorrmais peu
différent des marchés organisés. Aujourd’hui, les actions des grandes sociétés sont en général cotées sur
des marchés organisés comme le New York Stock Exchange ou Euronext. Aux États-Unis, les actions de
beaucoup de petites et moyennes sociétés sont cotées sur des marchés de gré à gré comme le NASDAQ
(National Association of Securities Dealers Automated Quotation sys- tem). En Europe, Les marchés
boursiers, malgré des changements importants depuis une vingtaine d'années, n'accueillent encore qu'une
petite proportion des PME, dont la lupart des actions restent non cotées.

Les marchés de gré à gré peuvent aussi jouer un rôle essentiel pour des titres très échangés. C'est le cas
des obligations de l'État fédéral américain (Treasuries), dont le volume d’échange est plus important que
la totalité des opérations du New York Stock Exchange qui sont échangées sur un marché de gré à gré
établi par quarante dealers spécialisés. Des marchés de gré à gré existent aussi pour des instruments
financiers tels que les certificats de dépôts négociables ou les acceptations bancaires.

3.4. Marché monétaire et marché des capitaux

Une autre manière de distinguer les différents marchés s'appuie sur la maturité des titres qui y sont
échangés. Le marché monétaire est un marché financier sur lequel seuls les instruments à court terme
(dont l'échéance originelle est inférieure à un an) sont échangés Le marché des capitaux voit au contraire
s'échanger les titres à plus long terme et les actions. Les instruments à court terme sont, en général,
beaucoup plus échangés que les instruments à long terme, de sorte que le marché monétaire est souvent
plus liquide. Par ailleurs, les prix des titres à court terme fluctuent généralement moins que ceux des titres
à long terme, ce qui en fait des placements plus sûrs.

De ce fait, les sociétés, les banques et même les particuliers utilisent beaucoup le marché monétaire pour
obtenir un rendement sur leurs fonds temporairement disponibles. Inversement, les titres du marché des
capitaux, comme les actions et les obligations à long terme, sont en général détenus par des intermédiaires
financiers comme les compagnies d'assurances ou les fonds de pension qui ont peu d'incertitude sur le
montant des capitaux dont ils disposeront dans le futur.

4. Les instruments des marchés financiers

Nous présentons ici les instruments échangés sur les marchés financiers, en commençant par ceux qui
sont échangés sur le marché monétaire et en étudiant ensuite ceux qui font l'objet des marchés des
capitaux.
16
4.1. Les instruments du marché monétaire

Le marché monétaire consiste en échanges de monnaie contre dettes à court terme. Il fonctionne
largement par l'échange de titres négociables, mais peut aussi comporter des prêts directs, spécialement
entre institutions financières. Si les instruments négociables font l'objet d'échanges très largement sans
frontières, il n'en reste pas moins que chaque instrument est créé dans le cadre d'une réglementation
nationale qui définit en particulier les recours juridiques possibles pour ceux qui l'échangent. Nous
présentons ici les instruments les plus utilisés sur les marchés monétaires des États-Unis et de la France.
Au-delà d'un cadre juridique et réglementaire particulier, Paris est en effet la place la plus importante de
la zone euro, réunissant une large communauté d'acteurs (établissements de crédits, emprunteurs, sociétés
de Bourse, etc.) et des infrastructures d'échange développées (systèmes de paiement, de règlement-
livraison).

Dans la zone euro, le marché monétaire comprend un marché interbancaire, un marché de titres de
créances négociables et un marché de swaps de taux. Le marché interbancaire est dominé par les
opérations « au jour le jour » réalisées de gré à gré et sans garanties par les banques. C'est à partir des
opérations de ce type, effectuées par les plus grandes banques de la zone euro, qu'est établi
quotidiennement le taux de référence du marché monétaire (l'EONIA, ou euro overnight index average).
Outre ces opérations « en blanc» (sans garanties), les opérations interbancaires s'effectuent aussi de
manière croissante sous forme de pension livrée s'appuyant sur les valeurs du Trésor.

Aux États-Unis, les federal funds sont un instrument de crédit interbancaire important. Le terme federal
renvoie ici au besoin des banques d'avoir suffisamment de dépôts à la banque centrale (le Federal reserve
system) pour couvrir leurs obligations légales. Une banque qui en manque emprunte sur le marché des
federal funds de tels dépôts à une autre banque, qui les lui transfère par le système de la Fed. Ce marché
est très sensible aux besoins de crédit des banques, et le taux qui y règne, le federal funds rate, est un très
bon indicateur de l'état du marché monétaire.

Du fait de leur échéance rapprochée, les instruments échangés sur le marché monétaire voient leur prix
varier modérément; ce sont donc les instruments les moins risqués. Le marché monétaire a connu de
profondes transformations dans tous les pays au cours des dernières décennies, de nouveaux instruments
sont apparus tandis que d'autres voyaient leur importance décroître fortement.

Le marché des bons du Trésor

Dans tous les pays, les titres de dette publique à court et moyen termes sont un instrument important du
marché monétaire. En effet, ils sont considérés comme sans risque, car les gouvernements ne peuvent pas
faire défaut dans la mesure où ils peuvent toujours augmenter les impôts pour payer leurs dettes (voire
émettre de la monnaie). Aux États-Unis, des Treasury bills à 1,3 et 6 mois sont régulièrement émis,
détenus et échangés principalement par les banques, dans un marché extrêmement liquide. En France, des
bons du Trésor à 3 mois, 6 mois et 1 an (environ) sont régulièrement émis, pour des montants qui se sont
fortement élevés depuis la crise entre 12 et 20 milliards d'euros par mois en 2005 ou 2006, mais 40
milliards en janvier 2010). Leur encours atteint 213 milliards fin janvier 2010.

La mise en pension

La technique de la pension livrée se caractérise par un échange de titres contre des fonds pour une
période déterminée. La mise en pension est l'opération par laquelle le cédant vend des valeurs à une
contrepartie, les deux parties s'engageant à effectuer l'opération inverse à une date déterminée. Cet
instrument permet à des investisseurs de refinancer à court terme des titres qu'ils détiennent en
portefeuille. Elle permet réciproquement à des investisseurs détenant des fonds disponibles de leur assurer
une rémunération à brève échéance, en bénéficiant d'une garantie sur leur capital.

17
Ces opérations sont développées à Paris depuis 1993. Les mouvements de titres français générés par les
opérations de pension livrée représentent en moyenne plus de 10 milliards d'euros par jour. La quasi-
totalité de ces opérations se traite sur les valeurs u Trésor (BTE BTAN et surtout OAT), et une large part
est réalisée par le cercle des écialistes en valeurs du Trésor (un groupe de 21 banques, dont 7 françaises,
sélectionées par le Trésor pour développer ce marché). La quasi-totalité de ces opérations se fait s: ur une
durée inférieure ou égale à la semaine, et très souvent au jour le jour.

Aux États-Unis, le marché des repos (repurchase agreements) utilise de la même manière les Treasury
bills conune garanties de prêts à très court terme (en général moins de deux semaines). Les principaux
prêteurs sur ce marché sont les entreprises, qui y emploient leur trésorerie disponible, et les emprunteurs
sont les banques. L'encours de ces opérations dépasse habituellement 500 milliards de dollars.

Les certificats de dépôt

En France comme aux États-Unis, les certificats de dépôt (CD) sont des titres à court terme émis par les
établissements de crédit et détenus par des agents financiers ou non financiers (entreprises, fonds de
placement monétaire, agences gouvernementales, etc.). Aux États-Unis, l'encours des certificate of
deposits est de 2500 milliards de dollars. En France, il dépasse 300 milliards d'euros, avec une importante
activité à très court terme (1 à 3 jours).

Également émis par les banques (quoique, en théorie, également accessibles aux entreprises), les bons à
moyen terme négociables (BMT ) complètent la panoplie des instruments disponibles en France. Ce sont
des titres portant un intérêt en général variable et dont l'échéance à l'émission est supérieure à un an. Les
montants en cours dépassent 65 milliards d'euros, se répartissant en titres d'échéance proche (de 1 à 2 ans
à l'émission) et nettement plus lointaine (de 5 à 7 ans).

Les billets de trésorerie (commercial paper)

Les billets de trésorerie (BT) sont des titres à court terme émis par des entreprises autres que les
établissements de crédit, et rémunérés par un intérêt fixe ou variable. Comme pour les certificats de dépôt,
une partie importante des montants émis le sont à très court terme (60 % de 1 à 3 jours), mais les 20 % de
plus de 40 jours d'échéance à l'émission représentent 75 % de l'encours. Des billets de trésorerie peuvent
être adossés à des actifs, qui augmentent leur garantie. Ils sont alors émis en général pour des durées plus
longues (en général au moins 10 jours).

Dans la zone euro, ce marché, encore imparfaitement unifié, reste étroit. Ainsi, l'encours en France ne
dépasse pas 50 milliards. Aux États- Unis, le commercial paper joue le même rôle à une échelle nettement
plus importante: émis par de grandes entreprises ou par des banques, son marché s'est beaucoup
développé. L'encours est passé de 122 milliards de dollars en 1980 à 1 150 milliards fin 2009, après un
pic à plus de 1 700 milliards fin 2008.

Les swaps de taux

Un swap de taux est un accord conclu entre deux institutions financières dans le but d'échanger des
paiements périodiques liés aux taux d'intérêt (dans la même monnaie). Cet échange peut concerner un
taux fixe contre un taux variable, ou un taux variable contre un autre taux variable basé sur un indice
différent. Comme les autres instruments du marché monétaire, il permet aux banques d'ajuster finement
leur actif et leur passif en termes de maturité et de risques. Selon le rapport de la Banque des règlements
internationaux (BRI) sur l'activité sur les produits dérivés en 2007, la place de Paris connaît une forte
progression sur ces produits: les swaps de taux, avec un montant quotidien net de 176 milliards de dollars
de transaction (principalement sur des instruments en euros), ont augmenté de 217 % depuis 2001.
18
Les acceptations bancaires

Tous ces instruments ont remplacé peu à peu les acceptations bancaires qui jouèrent longtemps (depuis le
À'VIIIe siècle au moins) un rôle essentiel dans le financement du commerce international. Une
acceptation est un ordre de paiement d'une entreprise accepté par sa banque (l'équivalent d'un chèque de
banque), acceptation par laquelle la banque garantit le paiement si l'entreprise ne paye pas à 'échéance.
Cette garantie facilite l'accès à des marchés étrangers où la signature d'une grande banque a plus de
chances d'être reconnue que celle d'une entreprise. Ces acceptations taisaient l'objet jusque récemment
d'un marché secondaire important entre banques.

4.2. Les instruments du marché des capitaux

Les instruments du marché des capitaux sont les actions et tous les titres de dette de maturité supérieure à
un an. Leurs prix fluctuent davantage que ceux des instruments u marché monétaire, et ils constituent des
placements plus risqués.

Actions

Les actions sont des droits sur les revenus et sur l'actif de la société qui les a émises. Le montant des
actions existantes est très important. Dans la zone euro, l'encours des actions cotées (mesuré par leur
valeur de marché) atteint 4099 milliards d'euros fin novembre 2009, dont 3 217 milliards d'euros pour les
actions émises par des sociétés non financières. Aux États-Unis, la valeur de la totalité des actions
dépasse 20000 milliards de dollars fin 2009. Dans les deux cas, les émissions nouvelles sont beaucoup
plus faibles, dépassant rarement 1 % de l'encours. Les actions sont détenues par les ménages, par des
institutions financières - comme les OPCVM, les fonds de pension, les fonds collectifs d'investissement et
les compagnies d'assurance vie -, mais aussi par des entreprises non financières soit comme placement,
soit en vue du contrôle d'autres entreprises.

Obligations d'État

Dans la plupart des pays, les obligations émises par les États pour financer les déficits budgétaires
représentent une partie importante du marché des capitaux. C'est d'ailleurs autour des titres publics que
des marchés secondaires organisés sont apparus, les premiers en Italie dès la Renaissance. Aux États-Unis,
les transactions sur les obligations du Trésor dépassent aujourd'hui en moyenne 100 milliards de dollars
par jour, ce qui en fait des actifs extrêmement liquides, et donc attractifs pour des investisseurs du monde
entier. En Europe, l'absence de gouvernement fédéral fait que les obligations émises par les différents
gouvernements nationaux sont un peu moins liquides, mais les dettes allemandes (les Bund) ou françaises
(les obligations assimilables du Trésor, ou QAT) bénéficient quand même d'une très forte liquidité. Les
obligations publiques sont émises pour de longues durées (10 à 30 ans, voire plus). Elles paient habi-
tuellement un intérêt annuel fixe et sont remboursées à l'échéance. De nouveaux types d'obligations sont
apparus récemment: obligations zéro-coupon (qui ne paient pas d'intérêt chaque année, mais paient un
montant accumulé inclus dans le remboursement final), obligations indexées (pour lesquelles le principal
et/ou les intérêts sont indexés sur un indice des prix, national ou européen). Les obligations publiques
sont largement détenues par les institutions financières gérant de l'épargne à long terme.

Des institutions publiques et quasi publiques (collectivités locales) émettent également des obligations à
long terme qui sont explicitement ou implicitement garanties par les États et ont donc des caractéristiques
proches de celles des obligations publiques. Aux Etats-Unis, les émissions des États fédérés et des
municipalités (nommées municipal bonds) sont exonérées d'impôt, ce qui leur assure une clientèle
importante et leur permet 'd’emprunter à des taux particulièrement bas.

Obligations privées

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Les entreprises qui bénéficient de bonnes évaluations (rating) peuvent émettre des obligations à long
terme. La plupart des obligations versent deux coupons d'intérêt par an et sont remboursées à l'échéance.
Les obligations convertibles ont comme particularité de permettre à leur détenteur de les convertir en un
nombre déterminé d'actions de l'entreprise émettrice. Cela les rend attractives pour les investiseurs qui
espèrent une hausse du cours des actions leur permettant d'exercer cette option avec profit. De ce fait, ils
acceptent des paiements d'intérêts plus faibles, ce qui est un avantage pour les entreprises émettrices.

Obligations hypothécaires

Les obligations hypothécaires sont des titres représentatifs prêts faits aux ménages ou aux entreprises
pour acheter des biens immobiliers qui servent de garantie à ces prêts. Dans certains pays, un marché actif
existe sur ces titres.

Aux Etats- Unis, le marché des mortgages - dominé par l'immobilier résidentiel- est le le plus important
du marché des instruments de dette. Les caisses d'épargne y jouent un rôle ancien et important, mais des
banques commerciales y ont aussi fait leur lus récemment. Plusieurs agences fédérales l'animent en
émettant des obliga':ont les montants sont ensuite utilisés pour acheter des hypothèques, une activité
également mise en œuvre en Europe par des institutions spécialisées comme le Crédit Cependant, le
marché secondaire de prêts hypothécaires est beaucoup moins développé en Europe du fait de leur
moindre négociabilité.

La crise financière de 2008 a commencé sur ce marché aux États-Unis, en raison sans doute à la fois d'un
excès d'octroi de crédits hypothécaires et de graves dysfonctionnement dans le marché des obligations
hypothécaires et des produits dérivés qui en sont issus.

Crédits aux entreprises et aux particuliers

Les crédits faits aux entreprises et aux particuliers - par les banques ou par d'autres institutions
spécialisées - ne sont en principe pas négociables. Néanmoins, la titrisation permet depuis quelques
années à des prêteurs de réunir des prêts en ensembles homogènes et de les transformer ainsi en titres
négociables similaires à des obligations. En France, une loi de 1995 crée ainsi les fonds communs de
créances (FCC). Ces fonds acquièrent les créances appartenant à une institution financière et financent cet
achat en émettant des parts de fonds communs de créances ayant le statut de valeurs mobilières. L'encours
de titres de parts de FCC émis dans le public est resté assez stable, entre 15 et 20 milliards d'euros depuis
l'origine.

La technique de la titrisation est également mise en œuvre dans des montages qui débouchent sur
l'émission de billets de trésorerie. Les parts émises par un FCC sont alors intégralement souscrites par un
véhicule strictement adossé, souvent offshore (légalement domicilié hors de France), lequel procède à
l'émission de billets de trésorerie sur le territoire français. Ces derniers représentent environ le tiers de
l'encours global des billets de trésorerie émis sur le marché français.

5. L'internationalisation des marchés financiers

L’internationalisation des marchés financiers s'est fortement accentuée depuis une vingtaine d'années,
Avant les années 1980, les marchés financiers jouaient un rôle assez sécondaire dans les systèmes
financiers européens et japonais, de sorte que les marchés financiers des États-Unis dominaient
l'ensemble des marchés mondiaux. Cette suprématie a fortement diminué récemment du fait de

20
l'accroissement du montant de l'épargne Financière dans des pays comme le Japon, et de la
déréglementation des marchés finaniers européens, qui a permis leur développement. Aujourd'hui,
l'intégration européenne est très forte en matière financière, de sorte que l'on ne peut même plus
considérer les flux financiers au sein de la zone euro comme des flux internationaux, et les grands
marchés européens se sont beaucoup développés. Du fait de la croissance économique très rapide du
Japon dans les années 80, qui conduisait à des anticipations de profits considérables, la Bourse de Tokyo
a même brièvement ravi vers 1990 la place de première Bourse mondiale à New York (voir figure 2.3).
Depuis, la Bourse de Tokyo a décliné, au profit en particulier des Bourses asiatiques (indiennes et
chinoises).

Le développement financier en dehors des États-Unis a conduit à une internationalisation des


marchés financiers. Désormais, les sociétés et les banques américaines peuvent émettre sur les
marchés financiers internationaux, ou les épargnants américains peuvent acheter des titres
étrangers pour diversifier leur portefeuille, de même que, depuis longtemps, des entreprises
européennes émettaient des titres aux États-Unis, ou que des Européens y plaçaient des
capitaux. Le développement de ces flux de capitaux et de titres a conduit à parler de
mondialisation financière.

5.l. Le marché obligataire international, euro-obligations et eurodevises

L’instrument traditionnel du marché financier international est l'obligation étrangère. Une


obligation étrangère est vendue dans un pays étranger et elle est libellée dans la monnaie de
ce pays. Par exemple, si la société allemande Porsche émet une obligation aux États-Unis
libellée en dollars, elle sera considérée comme une obligation étrangère. De telles obligations
ont eu un rôle important historiquement. Par exemple, une grande partie des chemins de fer
américains et russes ont été construits au xrxe siècle grâce à emission d'obligations étrangères
sur les marchés de Londres et de Paris. Un instrument plus récent du marché financier
international est l'euro-obligation, une Obligation libellée dans une monnaie différente de
celle du pays où elle est vendue: par exemple une obligation libellée en dollars et émise à
Londres. Actuellement, plus de 80 % des émissions sur le marché obligataire international
consistent en euro-obligations, et le marché de ces titres s'est beaucoup développé depuis une
vingtaine d'années, au point que le marché des euro-obligations est désormais plus important
que le marché américain obligations privées.

Une variante de l'euro-obligation est l'eurodevise. Les eurodevises sont des devises
étrangères déposées dans des banques en dehors de leur pays d'émission. La plus grande
partie de ces eurodevises sont des eurodollars, dépôts en dollars dans des banques hors États-
Unis (parfois des filiales étrangères de banques américaines). Comme ces dépôts touchent en
général des intérêts, ils sont équivalents à des euro-obligations à court terme. Les banques des
États-Unis peuvent emprunter des dollars à ces banques étrangères ou à leurs propres filiales à
l'étranger. Les emprunts en eurodollars sont devenus. une ressource importante du système
bancaire américain.

Il ne faut pas confondre ces eurodevises, euro-obligations et eurodollars avec les dépôts ou
obligations en euros. Une obligation libellée en euros n'est une euro-obligation que si elle est
émise en dehors de la zone euro. Pour l'instant d'ailleurs, la plupart des euro-obligations sont
encore libellées en dollars, Le terme euro dans les expressions précédentes vientt de ce que, à
leur apparition, les eurodevises et euro-obligations consistaient en dépôts de dollars dans des
banques européennes, ou en obligations en dollars émises en Europe.

21
5.2. Un marché financier mondial

L’internationalisation des marchés financiers que l'on observe actuellement n'est pas sans
précédent. Déjà, à la fin du xrxe siècle, l'Europe occidentale avait financé un grand nombre
d'emprunteurs publics ou privés dans les grands pays d'Amérique, d'Asie et d'Océanie, ainsi
qu'en Europe centrale et méditerranéenne, et en Russie. De la Première Guerre mondiale aux
années 1970 cependant, cette internationalisation avait reculé, de sorte que chaque pays devait
compter essentiellement sur ses propres ressources pour financer ses entreprises ou le déficit
budgétaire de son État.

Aujourd'hui, on peut de nouveau parler, dans une large mesure, d'un marché financier mondial
unique. Ainsi, les épargnants du Japon et de Chine, mais aussi de bien d'autres pays, achètent
massivement des titres américains, qu'il s'agisse d'actions ou d'obligations des entreprises ou
d'obligations de l'État fédéral. Sans ces achats, qui représentent des montants très importants,
l'économie américaine n'aurait pas connu la forte croissance de ces vingt dernières années.

Réciproquement, les particuliers, les entreprises et les institutions financières américaines


détiennent des montants importants de titres étrangers. Au total, la position nette des États-
Unis par rapport à l'étranger à la fin de 2008 est la différence entre des actifs sur l'étranger
s'élevant à 19888 milliards de dollars (en partie réévalués par la baisse du dollar) et des
engagements atteignant 23 357, soit une dette nette de 3469 milliards, un peu moins d'un
quart du PIB américain. L'Europe n'est pas moins impliquée dans ces mouvements massifs de
capitaux. Fin septembre 2008, la dette nette de la zone euro envers le reste du monde est
d'environ 1 158 milliards d'euros, soit 12,5 % de son PIB.

6. Les fonctions des intermédiaires financiers

Le flux de financement des prêteurs aux emprunteurs peut prendre la forme de la finance
indirecte, dans laquelle un intermédiaire financier emprunte d'un côté aux épargnants-prêteurs
et prête de l'autre aux emprunteurs. Une forme d'intermédiation passant par le marché
financier consisterait à ce qu'une banque émette des obligations (par lesquelles elle s'endette
envers leurs détenteurs) et utilise les fonds obtenus pour acheter des obligations de sociétés
industrielles (ce par quoi elle leur prête ces fonds). De manière similaire, une banque peut
obtenir des fonds en se reconnaissant une dette envers le public (qui devient un actif pour le
public) sous la forme de dépôts. Elle peut ensuite utiliser ces fonds pour acheter un actif sur
une entreprise en lui fournissant un prêt. Dans tous ces cas, l'argent est transféré du public des
épargnants-prêteurs aux entreprises emprunteuses par l'intermédiaire d'un intermédiaire
financier (la banque).

Bien que les médias consacrent beaucoup plus d'attention aux marchés financiers, et surtout
au marché des actions, la finance indirecte est en réalité, comme on l’a vu, le principal moyen
par lequel les fonds sont transférés des prêteurs aux emprunteurs. L'intermédiation financière
est donc un phénomène au moins aussi important que les marchés financiers. Ceci est vrai de
tous les pays industrialisés, même quand les marchés y ont traditionnellement de l'importance
(comme aux États-Unis ou en Grande-Bretagne), ou l'ont acquise plus récemment (comme en
France). Pourquoi les intermédiaires financiers et la finance indirecte sont-ils si importants?
Pour répondre à cette question, il faut comprendre le rôle des coûts de transaction, du partage
des risques et des coûts d'information sur les marchés financiers.

22
6.1. Les coûts de transaction

Les coûts de transaction, c'est-à-dire le temps et l'argent dépensés pour réaliser les tran-
sactions financières, sont un problème majeur pour les gens qui ont de l'argent à prêter. Même
quelqu'un qui connaît un entrepreneur qui veut lancer une entreprise, et souhaite lui prêter de
l'argent, doit pour se protéger contre toute éventualité payer un juriste pour rédiger le contrat
de prêt et préciser les conditions de paiement des intérêts et du remboursement. Si le montant
du prêt est peu élevé, le paiement de ce spécialiste risque de lui coûter plus cher que tous les
intérêts qu'il pourra jamais obtenir, de sorte que le prêt peut ne pas être réalisé.

Cet exemple montre que beaucoup de petits épargnants ou de petits emprunteurs sont sans
doute empêchés par les coûts de transaction de réaliser des prêts qui leur seraient
mutuellement bénéfiques. C'est ici que les intermédiaires financiers peuvent intervenir
efficacement. En effet, les intermédiaires financiers peuvent réduire substantiellement les
coûts de transaction, parce qu'ils détiennent le savoir-faire nécessaire, et peuvent réaliser des
économies d'échelle en l'utilisant pour un grand nombre d'opérations. Ainsi, ils réduisent
fortement le coût de transaction par franc cfa de transaction réalisée. Par exemple, une banque
a des contrats standardisés, qui ont été mis au point une fois pour toutes, et dont le coût
marginal pour une nouvelle transaction est nul. Elle peut même ainsi réaliserr les transactions
dans de meilleures conditions: au lieu de payer 5000000 fca cfa pour la redaction d'un contrat
médiocre, comme l'aurait fait un petit prêteur, elle peut payer 5 000 0000 franc cfa le meilleur
spécialiste dans la mesure où elle va amortir ce coût sur plusieurs milliers de contrats, pour
chacun desquels ce coût devient négligeable.

En réduisant les coûts de transaction, les intermédiaires financiers permettent à de petits


prêteurs de fournir indirectement des capitaux à de petits emprunteurs. En outre, ils
fournissent des services supplémentaires à leurs clients, en particulier des services de liquidité
qui facilitent les transactions. Par exemple, les banques fournissent à leurs déposants des
chéquiers ou des cartes bancaires, qui leur permettent de payer leurs factures de manière
commode.

6.2 Le partage du risque

Un deuxième avantage, pour les prêteurs, de passer par un intermédiaire financier est que
cela leur permet de réduire leur exposition au risque, c'est-à-dire envers I'incertitude sur le
rendement qu'ils peuvent attendre de leurs placements. Les intermédiaires financiers
permettent en effet un partage du risque: ils créent et vendent des actifs avec des
caractéristiques, en termes de risque, qui correspondent aux besoins des épargnants, puis
utilisent l'argent ainsi obtenu pour acheter des actifs éventuellement plus risqués. Comme
leurs dettes sont moins risquées, ils paient un taux d'intérêt plus faible que celui qu’ils
obtiennent sur les actifs qu'ils détiennent. Et comme leurs coûts de transaction sont faibles, les
intermédiaires financiers peuvent gagner de l'argent par la différence entre les deux taux
d'intérêt. On parle de transformation pour désigner le fait que le risque des actifs détenus par
les intermédiaires financiers n'est pas le même que celui de leurs dettes envers leurs
déposants, parce qu'en un sens, les intermédiaires ont transformé des actifs risqués en actifs
plus sûrs pour Les épargnants. Les intermédiaires financiers permettent aussi le partage du
risque en permettant aux épargnants de diversifier leur portefeuille, et ainsi de diminuer le
risque auquel ils sont exposés. La diversification, que l'on peut résumer par l'adage « ne pas
mettre tous ses œufs dans le même panier », consiste à investir dans un assortiment (un
portefeuille) d'actifs qui ne sont pas exposés aux mêmes risques (c'est-à-dire dont on peut

23
attendre que les rendements ne varient pas de la même manière face à chacune des situations
futures envisageables); de manière à ce que le risque du portefeuille soit moindre que le risque
des actifs particuliers. Là encore, la diversification est permise par la faiblesse des coûts de
transaction des intermédiaires financiers, qui peuvent réunir un portefeuille d'actifs et en faire
un actif global qu'ils vendent aux épargnants.

6.3. Information asymétrique: anti-sélection et risque moral

La présence de coûts de transaction sur les marchés financiers explique en partie pourquoi les
intermédiaires financiers sont si importants. Une autre raison, peut-être encore plus
importante, est qu'il est fréquent que les prêteurs connaissent trop peu les emprunteurs et leurs
projets pour pouvoir prendre les bonnes décisions. Cette situation porte le nom d'asymétrie
d'information. De manière générale, un entrepreneur qui veut emprunter pour réaliser un
projet connaît mieux le rendement potentiel et le risque associés à ce projet que le prêteur.
Cette inégalité d'information crée deux problèmes différents, avant la transaction et après (ces
deux problèmes sont également cruciaux dans les activités d'assurance).

L'anti-sélection (en anglais adverse selection) est le problème que crée l'asymétrie
d'information avant qu'une transaction n'ait lieu. Il y a anti-sélection sur un marché financier
lorsque les emprunteurs les plus susceptibles de conduire à de mauvais résultats (les plus
risqués) sont ceux qui recherchent le plus activement du crédit et qui ont le plus de chance
d'en obtenir (d'être sélectionnés). En raison de l'anti-sélection, beaucoup de prêts risqués sont
accordés, mais si les prêteurs craignent trop de ce fait de perdre leur argent, ils peuvent
décider de ne pas prêter du tout alors même qu'il y a parmi les candidats de bons emprunteurs
potentiels.

Pour comprendre le mécanisme d'anti-sélection, supposons qu'un investisseur puisse prêter à


deux entrepreneurs qu'il connaît. Le premier est une personne très prudente qui n'emprunte
que si elle est sûre de réussir le projet qu'elle a en tête. Le second est un joueur invétéré qui
veut emprunter de l'argent pour aller le dépenser sur un projet mirifique mais sans doute
fumeux. Lequel de ces deux entrepreneurs a le plus de chance de venir demander un prêt à
notre investisseur? Sans aucun doute le second, d'abord parce que les investissements sûrs
sont plus rares que les idées fumeuses, ensuite parce qu'il est prêt à payer un taux d'intérêt
élevé pour obtenir de l'argent, puisque le gain élevé qu'il espère lui permettra aisément de
rembourser. Pourtant, l'investisseur n'a pas intérêt à lui prêter, et il ne le fait pas s'il sait que le
risque est élevé, et qu'il est donc probable que rien ne lui sera remboursé du tout.

Tant que l'investisseur connaît les deux emprunteurs, il n'a pas de difficultés et attend
seulement que le sérieux vienne le voir. Mais s'il ne les connaît pas bien (si l'information est
asymétrique), il risque de prêter au second, qui est toujours à demander et est prêt à payer un
taux d'intérêt élevé. Mais s'il connaît cette histoire et se montre un peu méfiant, le prêteur peut
décider de ne pas prêter du tout, et risque alors de laisser passer l'occasion de prêter à la
première personne, bien qu'elle soit particulièrement sûre et qu'elle fasse un excellent débiteur.
L'information asymétrique peut ainsi interdire la réalisation d'échanges mutuellement
avantageux.

Le risque moral (en anglais moral hazard) est le problème créé par l'asymétrie d'inforation
après la réalisation d'une transaction. Le risque moral sur un marché financier est le risque que
l'emprunteur s'engage sans prévenir (et donc « immoralement ») dans es activités considérées
comme indésirables par le prêteur parce qu'elles augmentent le risque du projet auquel est

24
consacré le prêt et diminuent donc la probabilité qu'il soit remboursé. Du fait que le risque
moral augmente le risque de pertes, les prêteurs peuvent décider de ne pas prêter, alors même
que le projet initial est bon et même si, en réalité, les emprunteurs ne souhaitent pas
augmenter son risque.

Supposons qu'un emprunteur demande un crédit pour lancer un projet qui semble sûr, mais
qu'au lieu de réaliser cet investissement il joue aux courses le montant du prêt. S'il gagne, il
pourra rembourser aisément et aura encore gagné beaucoup, mais s'il perd, ce qui est le plus
probable, il ne pourra pas rembourser et ne perdra guère que sa réputation. Si le prêteur sait
que l'emprunteur risque d'aller jouer le prêt, il peut l'en ernpêcher, et éviter l'accroissement de
son risque. Mais s'il ne le sait pas, ou ne connaît pas toutes les ruses grâce auxquelles
l'emprunteur parviendra à aller jouer malgré l'intermédiation, il risque de tout perdre. S'il
l'anticipe, il peut préférer ne pas prêter. De nouveau, l'information asymétrique peut interdire
la réalisation d'échanges mutuellet avantageux. Les problèmes d'anti-sélection et de risque
moral créés par l'asymétrie d'information sont d'importants obstacles au bon fonctionnement
des marchés financiers. Les intermédiaires financiers permettent de régler en partie ces
problèmes.

Quand des intermédiaires financiers existent, les investisseurs peuvent leur prêter leur argent
en courant moins de risques qu'en prêtant directement à des entrepreneurs ou à particuliers.
En effet, ils savent que les intermédiaires financiers sont mieux équipés eux-mêmes pour
sélectionner les bons emprunteurs et éviter les « mauvais risques », ce qui réduit les risques
d'anti-sélection. Par ailleurs, les intermédiaires financiers sont des experts de la surveillance
des emprunteurs, ce qui réduit le risque moral. Parce qu’ils sont spécialisés dans ces tâches
de réduction de l'asymétrie d'information, les intermédiaires financiers peuvent payer un
intérêt aux déposants ou leur fournir des services tout en gagnant de l'argent.

En résumé, les intermédiaires financiers jouent donc un rôle important dans l’économie. En
fourmissant des services de liquidité, facilitant le partage de risques, réduisant les coûts de
transaction et les problèmes d'asymétrie d'information. C'est la raison pour laquelle - toutes
les économies développées, les particuliers et les entreprises confient des sommes très
importantes aux intermédiaires financiers. Ces intermédiaires jouent un rôle essentiel pour la
bonne circulation des capitaux des prêteurs vers les emprunteurs et le fonctionnement de
l'économie.

7. Les catégories d'intermédiaires financiers

Maintenant que les rôles des intermédiaires financiers sont bien établis, il convient d'examiner
quels sont ces intermédiaires et comment ils remplissent ces rôles. On peut distinguer trois
catégories d'intermédiaires financiers: les institutions de dépôt (également appelées
institutions financières monétaires par la Banque centrale européenne, établissements de
crédit par la Banque de France, et plus couramment banques), les établissements d'épargne
contractuelle (comme les compagnies d'assurance vie et les fonds de pension) et les
entreprises d'investissement (également appelées intermédiaires de placement), qui facilitent
25
les placements en actifs financiers (notamment les banques d'affaires, les fonds collectifs
d'investissement, les sociétés financières).

7.1. les institutions de dépôt

Les institutions de dépôt (ou banques) collectent des fonds en acceptant des dépôts à vue (ou
comptes-chèques) des agents économiques, en ouvrant des comptes d'épargne (les dépôts
peuvent faire l'objet de retraits, mais les titulaires n'ont pas le droit de tirer des chèques) et des
dépôts à terme (qui sont bloqués pour une durée déterminée, un mois, trois mois, etc.). Les
banques utilisent ces fonds pour distribuer aux consommateurs des prêts commerciaux ou des
crédits hypothécaires, et pour acquérir des obligations du Trésor et d'autres titres publics. Il
existe environ 7 000 banques commerciales aux États-Unis comme dans l'Union européenne.
Les banques représentent la catégorie d'intermédiaires financiers la plus importante et elles
détiennent les portefeuilles d'actifs les plus diversifiés.

L'économie monétaire accorde une attention particulière à ce groupe d'intermédiaires


financiers parce qu'ils ont, sur le plan macroéconomique, un rôle particulier de création de
dépôts, et que ces dépôts représentent une part importante de la masse monétaire.

Parmi les institutions financières monétaires, chaque pays distingue légalement plusieurs
types d'institutions, entre lesquelles les différences se sont estompées avec le temps. En
général, un premier groupe inclut les banques commerciales, un deuxième les banques
mutualistes ou coopératives (dont les clients sont en général aussi les sociétaires), comme le
Crédit agricole en France, et un dernier les caisses d'épargne ou les savings and loan
associations américaines. Les fonds collectifs posent plus de problèmes et leur classification
varie. La Banque centrale européenne inclut aussi dans la catégorie des institutions de dépôt
les fonds de placement monétaire, fonds placés en titres du marché monétaire et donc sans
risque (comme les SICAV monétaires françaises). Aux ÉtatsUnis, à la différence de la France,
les détenteurs de ces fonds peuvent parfois tirer des chèques sur les montants qu'ils y ont
placés, en particulier dans les money market mutual funds, mais ces fonds sont quand même
classés parmi les entreprises d'investissement (comme dans le tableau 2.5). En revanche, la
Commission européenne, qui conduit la construction du Marché intérieur des 'services
financiers, fait des fonds collectifs d'investissement des intermédiaires financiers distincts des
institutions de dépôt.

Les institutions financières monétaires sont au nombre de 16 500 environ aux États-Unis
(environ 7 150 banques, 8100 sociétés coopératives de crédit (credit unions) et 1 225 caisses
d'épargne et banques d'épargne mutualistes (savings and loan associations et mutual savings
banks). Elles sont 9000 dans la zone euro (dont 1600 fonds de marché monétaire). Le nombre
des banques diminue régulièrement depuis 20 ans dans la zone euro (d'environ 5 % par an), et
plus récemment aux États-Unis. La part des banques dans l'activité financière tend à diminuer
depuis la libéralisation financière. En Europe comme aux États-Unis cependant, le recul des
dépôts au passif des institutions financières et le recul des prêts parmi leurs actifs ne signifient
pas toujours, loin de là, un recul des banques. En effet, par un élargissement de leur activité,
qui peut passer par la création de filiales spécialisées, les banques ont largement contribué au
développement des activités d'épargne contractuelle (avec leurs filiales d'assurance vie,
notamment en France) comme d'intermédiation de placements.

7.2. les institutions d'épargne contractuelle

26
On appelle institutions d'épargne contractuelle les institutions financières auxquelles des
fonds sont apportés régulièrement sur la base d'un contrat à long terme. Les compagnies
d'assurance vie et les fonds de pension sont les principales. Comme ces institutions peuvent
prédire de manière assez preCise combien elles encaisseront en primes et combien elles
devront verser en prestations dans les années suivantes, elles n'ont pas à se prémunir contre
les sorties de fonds comme les institutions de dépôt. Grâce à ce moindre souci de liquidité,
elles peuvent investir dans des actifs à long terme tels que des obligations, des actions ou des
hypothèques. En Europe, ces institutions se sont fortement développées au cours des dernières
décennies du fait des menaces qui pèsent sur les systèmes obligatoires d'assurance retraite et
du vieillissement de la population. Leur importance comme le poids relatif de l'assurance vie
par rapport aux fonds de pensions varient beaucoup d'un pays à l'autre en fonction des
contraintes réglementaires et des dispositifs fiscaux. En moyenne, ils représentent cependant
actuellement dans la zone euro environ 12 % de la totalité des actifs des intermédiaires
financiers.

Les compagnies d'assurance vie. Les compagnies d'assurance vie assurent les particuliers
contre les conséquences financières d'un décès, et garantissent le versement de pensions
annuelles à partir d'une date prédéterminée (la retraite en général) aux adhéents qui ont payé
régulièrement leurs primes pendant leur vie active. Ces primes sont tilisées pour acheter des
obligations, des hypothèques et des actions (dans une proportion en général limitée par la loi,
mais aujourd'hui plus élevée en Europe qu'aux États.nis). En Europe, les compagnies
d'assurance vie sont aujourd'hui les principales institions d'épargne contractuelle. Aux États-
Unis, elles font presque jeu égal avec les fonds de pension.

Les compagnies d'assurance dommages. Ces compagnies assurent leurs clients contre des
accidents tels que le vol, l'incendie ou les dégâts des eaux. Elles reçoivent eaalement des
primes et paient des prestations lorsque les accidents assurés (les sinistres) surviennent.
Cependant, comme l'essentiel de leurs primes sert à payer les prestations de l'année même, les
montants qu'elles accumulent sont plus faibles, et doivent être fardés sous des formes plus
liquides que les actifs des compagnies d'assurance vie.

Les fonds de pension Les fonds de pension sont des institutions financières organi- s en
général sur la base d'une entreprise ou d'un secteur, qui proposent le versement ~~ pensions
de retraite en échange de cotisations (des salariés et souvent des employeurs) zurant la vie
active. Ces fonds sont très développés aux États-Unis, où le système de retraite par répartition
est moins important qu'en Europe, et où ils ont bénéficié d'avan• ges fiscaux et de contraintes
réglementaires. En Europe, ils ne se sont développés, asqu'à présent, que dans quelques pays .

7.3. Les entreprises d'investissement

Le dernier groupe d'intermédiaires comprend les sociétés financières, les fonds collectifs
d’invertissement et certains fonds d'instruments monétaires. Les plus importants de ces
intermédiaires sont les fonds collectifs d'investissement.

Les sociétés financières. Aux États-Unis, la finance companies lèvent des fonds grâce à la
vente de certificats de trésorerie (commercial paper), qui sont des instruments de e à court
terme, et grâce à l'émission de titres à long terme (actions ou obligations) r pratiquer des prêts
aux particuliers (crédit à la consommation en particulier) ou petites entreprises. En France, les
sociétés de financement de ventes à tempérament et les sociétés de crédit à la consommation,
filiales de banques ou d'entreprises industrielles ou commerciales, se refinancent souvent

27
auprès de leur maison mère. Elles sont le plus souvent agréées en tant qu'établissements de
crédit. Elles sont importantes notamment dans le domaine du crédit automobile aux États-
Unis comme en France où les constructeurs automobiles ont souvent créé des filiales
spécialisées dans le financement des ventes à crédit (Ford Motor Credit Company pour Ford,
DIAC pour Renault, etc.).

Les fonds collectifs d'investissement. Aux États- Unis, les mutual funds sont de véritables
entreprises d'intermédiation financière et sont gérés par des sociétés de gestion spécialisées
(comme, par exemple, Vanguard, Strong, Janus, Putnam, Texas Pacifie, Candover Investment,
etc.), concurrentes des banques et des compagnies d'assurances. Ils vendent des parts au
public et utilisent leurs produits pour acheter des portefeuilles diversifiés d'obligations ou
d'actions cotées en Bourse, ou pour prendre des participations dans les entreprises non cotées
(private investment, « capital-investissement»). Ils permettent ainsi aux investisseurs de
mutualiser, c'est-à-dire de mettre en commun leurs ressources, pour diminuer les coûts de
transaction quand ils achètent des blocs de titres. En outre, les fonds collectifs permettent aux
souscripteurs de parts de diversifier leurs placements plus qu'ils ne pourraient le faire en
investissant seuls. Les investisseurs peuvent en général revendre leurs parts (demander leur
remboursement) à tout moment, mais la valeur liquidative est déterminée par celle du
portefeuille du fonds (qui est en quelque sorte transparent). Si la valeur du portefeuille fluctue
beaucoup sur le marché, le prix de la part est aussi très volatile en conséquence,
l'investissement en fonds collectif peut être très risqué

Les fonds de placement monétaire. À côté des fonds d'investissement, on considère, aux
États-Unis, les fonds de placement monétaire (MMMF, money market mutual funds) comme
des entreprises d'investissement. Pourtant, par certains aspects, les MMMF s'apparentent à des
institutions de dépôt parce qu'ils offrent des comptes chèques couplés. Un élément clé des
MMMF, en effet, consiste en la possibilité offerte au détenteur de parts de tirer des chèques à
concurrence de la valeur de leur avoir, lequel rapporte un intérêt, alors que la rémunération
des dépôts à vue est interdite. Comme les autres fonds collectifs d'investissement, les MM MF
vendent des parts pour lever des ressources, et ils les utilisent pour acheter des instruments de
marché monétaire qui sont à la fois sans risque et très liquides. Ces instruments négociables
sur le marché interbancaire, inaccessibles aux achats directs des particuliers, comprennent des
bons du Trésor, des certificats de trésorerie, des dépôts négociés, des certificats de dépôt, etc.
Depuis leur parition en 1971, les MlvlMF ont connu une croissance extraordinaire. En 2008,
leurs actifs ont atteint près de 3 400 milliards de dollars.

Les banques d'affaires. Les banques d'affaires ou investment banks sont des institutions qui
ne reçoivent pas de dépôts et ne sont pas vraiment des intermédiaires financiers. Elles aident
les entreprises à émettre des titres, d'une part en les conseillant sur le type d’ opération à
réaliser, ensuite en garantissant les émissions et en organisant leur

Placement dans le public. Elles aident aussi les entreprises à préparer les fusions et les
acqisition. En France, les banques d'affaires, autrefois très séparées du reste du système n'ont
plus de régulation spécifique. Leurs fonctions sont souvent assurées par banques de dépôt.

8. La réglementation du système financier

L’activé financière est, dans tous les pays, l'une des activités parmi les plus réglementées qui
soint. Aujourd'hui, les États réglementent cette activité dans deux buts principaux améliorer
l'information disponible pour les investisseurs et assurer la stabilité du système financier.

28
Aux États- Unis, la réglementation est complexe en raison de la multiplicité des statuts des
institutions de dépôt et des substitutions financières à laquelle répond un nombre important
d'autorités de contrôle dont les champs de compétence se chevauchent souvent.

8.1. Les objectifs de la réglementation bancaire

Améliorer l'information disponible. L'importance des asymétries d'information sur les


marchés financiers peut rendre les investisseurs victimes d'anti-sélection ou de risque moral,
ce qui peut empêcher le bon fonctionnement des marchés financiers. La réglementation peut
réduire les craintes des prêteurs en imposant aux emprunteurs de publier de manière claire et
vérifiable les informations nécessaires pour juger de la rentabilité et du risque de leurs projets
(ce qui limite l'anti-sélection) et de leur activité (ce qui diminue le risque moral).

C'est à la suite de scandales ou de krachs boursiers que la réglementation du système financier


a été mise en place. Par exemple, les assurances ont été réglementées en France et aux États-
Unis vers 1910, à la suite de scandales; la surveillance des marchés boursier a été fortement
augmentée aux États-Unis à la suite du krach de Wall Street en octobre 1929 (avec la création
de la Securities and exchange commission SEC, en 1933). La SEC, qui impose la publication
des informations nécessaires et veille aux risques de manipulations de cours par les iriitiés
(l'insider trading) a été le modèle d'institutions comparables mises en place en Europe plus
récemment (comme l'Autorité des marchés financiers en France). La crise actuelle conduit à
une demande renouvelée de réglementation.

Assurer la stabilité du système financier. L'asymétrie d'information peut également conduire


à l'effondrement de l'intermédiation financière, qui repose sur le crédit, c'est-à-dire sur la
confiance. En effet, si les déposants des banques n'ont plus confiance en leur capacité de
remboursement, et ne savent pas distinguer une banque saine d'une autre insolvable, ils
risquent de retirer leurs dépôts de toutes les banques et, s'ils agissent tous au même moment,
ils risquent de mettre en faillite les banques en question, qu'elles soient initialement saines ou
en mauvaise santé. Entre 1930 et 1933, plusieurs paniques financières ont ainsi entraîné dans
la faillite plus de la moitié des banques des États-Unis, et ont joué un rôle majeur dans la crise
économique durable qui a sévi alors. Sept types de régl mentation permettent de protéger
l'économie contre les crises financières.

Restrictions à l'entrée

Dans la plupart des pays, la création d'intermédiaires financiers est plus réglementée qu celle
des autres entreprises. Des administrations spéciales veillent à la qualité des fondateurs et des
dirigeants et à leur capacité à réunir les capitaux nécessaires, et elles doivent délivrer une
charte, comme on dit aux États-Unis, un agrément en France, ou une lience dans l'Union
européenne, avant toute création.

Exigencences de publication

Les intermédiaires financiers sont soumis à des obligations de publication de leurs mptes plus
sévères que la plupart des entreprises. Leur comptabilité est soumise à des es strictes, leurs
livres font l'objet d'inspections régulières par des contrôleurs spécialisés

Limitation des actifs et des activités

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Pour éviter une prise de risque excessive, les intermédiaires financiers ne sont pas autorisés à
détenir n'importe quel type d'actif. Ainsi, les banques de dépôt n'ont pas le droit, États-Unis,
de détenir des actions, considérées comme des actifs trop risqués mettant ger les dépôts de
leur clientèle; pour la même raison, elles ne pouvaient pas, Jusqu’'à récemment (1999),
s'engager dans les activités de banque d'affaires (souscrire et des titres).

Assurance de dépôt

Les crises bancaires passées ont amené certains États à assurer les dépôts de manière à que
les investisseurs (spécialement les particuliers les moins fortunés) ne soient victime de
faillites bancaires. Aux États-Unis, il existe un système d'assurance des dépôts : il est organisé
par la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), qui garantit àts jusqu'à 100 000 dollars
par déposant. La FDIC a été créé en 1934, juste après la crise bancaire mentionnée ci-dessus.
L'assurance dépôt est devenue obligatoire es pays de l'Union européenne depuis une directive
de la Commission de 1994. En ce, le Fonds de garantie des dépôts est en place depuis 1999.

L’avantage d'une assurance dépôt est que tes déposants risquent moins de céder à la panique
et de contribuer ainsi à déclencher une crise bancaire. L'inconvénient est que les banques
peuvent en profiter pour mener des politiques plus risquées, faisant finalement ser le prix de
leurs erreurs sur le système d'assurance de dépôt.

Une autre solution est, pour l'État (ou une autre institution ayant autorité sur les aques,
habituellement la Banque centrale), de n'intervenir qu'en cas de crise, au coup par coup, en
fonction du comportement de la banque concernée et des risques pour le e du système
bancaire. Ce type d'intervention, dite de prêteur en dernier ressort, entée en Europe au xrx
siècle, y a été finalement assez peu pratiqué lors des nombreuses crises bancaires des années
1990, parce que les banques centrales répugnent à comproertre leur crédit dans le sauvetage
de banques insolvables. En outre, les banques qui ont le plus souvent en difficulté ont été des
banques publiques, et c'est alors l'État lui-meme, par l'intermédiaire du Trésor public, qui a été
amené à recapitaliser les banques défaillantes et à organiser leur restructuration (Banca di
apoli en Italie; Crédit Lyonnais Crédit Foncier, etc. en France). Lors de la récente crise, en
revanche, les intervenns des États et des banques centrales ont joué un rôle essentiel pour
éviter une pratique bancaire.

Restriction de concurrence

Les hommes politiques pensent souvent qu'une concurrence trop forte entre les intermédiaires
financiers peut conduire à des faillites dont le public pourrait être victime. Bien qu'il y ait peu
d'arguments empiriques en ce sens, les États ont souvent créé des réglementations visant à
diminuer la concurrence au sein du système financier. Par exemple, aux États-Unis, les
banques n'ont pas pu, pendant longtemps, ouvrir des succursales dans d'autres États que celui
où elles avaient reçu leur charte. La plupart de ces restrictions ont disparu en 1994.

Plafonnement des taux d'intérêt

La concurrence est également souvent freinée par des réglementations, qui restreignent la
liberté des intermédiaires financiers de fixer leurs taux d'intérêt créditeurs ou débiteurs. En
France, la rémunération des dépôts à vue est restée interdite jusqu'à un arrêt de la Cour de
justice européenne d'octobre 2004, comme elle l'a été dans nombre de pays. Aux États-Unis,
non seulement cette rémunération a été longtemps interdite, mais la rémunération des taux
30
d'intérêt sur les comptes d'épargne a été plafonnée de 1933 à 1986 par la réglementation Q.
Peu d'économistes pensent aujourd'hui que ces réglementations évitent les crises financières.
Elles influent certainement, en revanche sur la profitabilité des banques.

Réserves prudentielles

Pour éviter que les banques ne soient mises en cessation de paiement en cas de retraits
importants de dépôts, des règlements leur imposent de détenir des réserves liquides
suffisamment importantes. Pour assurer les déposants de leur solidité, elles les obligent
également à avoir des fonds propres suffisants par rapport à leurs actifs risqués. .

L'ensemble de ces réglementations, qui diffèrent souvent dans leur détail d'un pays à l'autre,
rend l'étude des systèmes financiers complexe, mais pleine d'enjeux importants pour la
politique économique. Les trente dernières années ont vu la suppression d'un grand nombre de
réglementations mises en place dans les années 1930 et 1940, et leur remplacement par de
nouvelles. La crise financière actuelle conduit nombre d'observateurs à penser que ce
mouvement de dérégulation a été excessif ou mal conduit

31
CHAPITRE III : Analyse économique de la structure finançière.

Une économie solide et dynamique a besoin d'un système financier capable de transférer les
fonds des épargnants wers les agents auxquels s'offrent des occasions d'investissement
productifs. Mais comment le système financier peut-il garantir que le transfert d'épargne
s'effectue bien au profit d'investissements productifs plutôt que de projets inefficaces?

Ce chapitre répond à cette question; il se propose d'analyser économiquement comment la


structure financière est organisée en vue de favoriser l’éfficacité économique. L'analyse met
l'accent sur un petit nombre de concepts économiques puissants qui expliquent les
caractéristiques des systèmes financiers, telles que la façon dont les contrats financiers sont
conçus les raisons pour lesquelles les intermédiares financiers procurent plus de fonds aux
emprunteurs que le marché des capitaux. Cette analyse démontre le lien important entre le
système financiers les performances de l'économie tout entière.

1. Les questions clés de la structure financière

Les structures et les fonctions des systèmes financiers des différents pays sont complexes. Ces
systèmes sont formés de catégories d'institutions très diverses: banques et autres institutions
financières non bancaires, compagnies d'assurances, fonds d'investissement, marchés d'actions
et d'obligations, etc., qui toutes font l'objet d'un contrôle par l'État. Des milliards de dollars
d'euros ou de yen pour ne citer ques ces dévises répresentatives transitent chaque année des
épargnants aux investisseurs à travers les systèmes financiers. L'examen attentif de la
structure financière des différents pays révèle huit questions fondamentales dont certaines
forment un véritable puzzle, et que nous devons articuler pour comprendre le fonctionnement
des systèmes financiers.

La figure 9.1 montre le recours à des sources de fonds externes par les entreprises de quatre
grands pays – États Unis, Allemagne, Japon, Canada - pour financer leurs activités dans la
longue période 1970-2000. La catégorie crédits bancaires consiste principalement en prêts
bancaires; les crédits non bancaires sont composés de prêts consentis par d'autres
intermédiaires financiers; la catégorie titres comprend les dettes émises par les entreprises sur
le marché, telles que les obligations et le papier commercial (ou billets de trésorerie) ; enfin,
les actions consistent en nouvelles émissions de capital (actions cotées et parts des sociétés
non cotées).

Exposons à présent ces huit questions; certaines de ces propositions paraîtront sinon
énigmatiques, du moins paradoxales (dans la mesure où elles vont à l'encontre d'opinions
reçues).

1. Les actions ne sont pas la source la plus importante du financement externe des
entreprises.

On a souvent l'impression que les actions constituent la source de financement externe des
entreprises la plus importante en raison de toute l'attention dont fait l'objet le marché boursier
dans les médias. Cependant, comme on le voit à la figure 9.1, le marché des actions ne repré-
sente, avec 11 %, qu'une faible part du financement externe des entreprises américaines dans

32
la période allant de 1970 à 2000. De façon comparable, dans les autres pays, on trouve aussi
des chiffres faibles. Pourquoi le marché des actions est-il moins important que les autres
sources de financement aux États-Unis et dans d'autres pays?

2. L'émission de titres de dette et d'actions n'est pas la source principale de financement


des entreprises.

La figure 3.1 montre que les obligations représentent une source de financement bien plus
importante que les actions aux États-Unis (32 % contre 11 0/0). Cependant, actions et
obligations prises ensemble (43%), qui représentent le total des émissions directes d'actifs
financiers sur le marché, ne fournissent que moins de la moitié des fonds externes dont ont
besoin les sociétés pour financer leur activité. Le fait que-l'émission de titres de marché n'est
pas la principale source de financement se vérifie, de la même façon, partout ailleurs dans le
monde. En réalité, comme l'illustre la figure 9.1, d'autres pays ont une part de financement
externe fourni par les titres de marché beaucoup plus faible que les États-Unis. Pourquoi les
entreprises n'utilisent-elles pas davantage les émissions de titres pour financer leur activité?

3. La finance indirecte, qui met en jeu l'activité des intermédiaires financiers, est
beaucoup plus importante que la finance directe où les entreprises lèvent des fonds
auprès des prêteurs sur les marchés financiers.

La finance directe implique la vente aux ménages de titres de marché tels qu'actions et
obligations. La part de 43 % que représentent ces dernières comme source de financement
externe des entreprises américaines .surévalue en fait beaucoup l'importance de la finance
directe dans ce système financier. Depuis 1970, moins de 5 % des obligations et du papier
commercial nouveaux émis par les sociétés et moins d'un tiers des actions ont été vendus
directement aux ménages américains. Le reste de ces titres a été acheté essentiellement par
des intermédiaires financiers tels que les compagnies d'assurances, les fonds de pension et les
fonds d'investissement. Ces chiffres indiquent que la finance directe constitue moins de 10 %
du financement externe des entreprises américaines. Comme dans la plupart des pays, les
titres de marché sont une source de financement encore moins significative qu'aux États- Unis,
la finance directe est aussi beaucoup moins importante que la finance indirecte dans le reste
du monde. Pourquoi les intermédiaires financiers et la finance indirecte jouent-il un rôle
majeur dans les marchés financiers?

Ces dernières années, cependant, la finance indirecte a vu son importance diminuer. pourquoi
cette évolution?

4. Les intermédiaires financiers, notamment les banques, sont la principale source de


fonds externes pour financer les entreprises.

Comme le montre la figure 3.1, les sources essentielles de fonds externes des entreprises
monde entier sont les prêts accordés par les banques et d'autres intermédiaires financiers
bancaires, comme les compagnies d'assurances, les fonds de pension, les sociétés de cement,
etc. (56 % aux États-Unis, plus de 70 % en Allemagne, au Japon et au Canada).

La source majeure de financement externe est constituée par des prêts bancaires pour plus de
70 % en Allemagne et au Japon, plus de 50 % au Canada. Les données suggèrent ne que les
banques jouent le plus grand rôle dans le financement de l'activité des eprises. La plupart des
observateurs sont en général très surpris de constater qu'aux Etats-Unis plus de quatre fois
33
plus de fonds en moyenne proviennent des prêts bancaires plutôt que des actions. Dans les
pays en développement, les banques jouent un rôle encore significatif dans le système
financier que dans les pays industrialisés. Pourquoi les banques sont-elles aussi essentielles
dans le fonctionnement du système financier? Bien 'elles restent capitales, leur part dans les

fonds externes apportés aux entreprises a é ces dernières années. Quelles sont les raisons de ce
déclin?

Figure 3.1 - Sources de financement externe des entreprises non financières: une
comparaison États-Unis, Allemagne, Canada, Japon (1970-2000).

Sources: D'après les données de Reinhard H. Schrnidt,« DifferenŒs between Financial


Systems in European Countries: Consequences for EMU », in Deutsche Bundesbank Ed., The
Monetary Transmission Process: Recent Developments and Lessons for Europe, Hampshire,
Palqrave Publishers, 2001, p. 222. Reinhard H. Schmidt & Andreas Hackethal « Financing
Patterns: Measurement Concepts and Empirical Reswlts », Johann Wolfgang Goethe-
Universitat, Working Paper Series in Finance and Accounting n 125, janvier 2004.

les données relatives au Canada proviennent de A. Serletis & K Pinno,« Corporate Financing
in Canada »,University of Calgary, Working

Paper, février 2004.

Les données couvrent la période 1970-2000, et le's chiffres représentent les moyennes des
flux bruts annuels en pourcentage du total des financements externes, crédits interentreprises
exclus, faute d'information statistique.

34
5. Le système financier est un des secteurs économiques les plus strictement réglementés.

Le système financier est fortement réglementé, non seulement aux États- Unis mais aussi dans
tous les autres pays développés. Les États réglementent les marchés financiers d'abord pour
favoriser la diffusion d'informations, pour partie également pour protéger les consommateurs
et pour assurer la stabilité (ou la solidité) du système financier. Pourquoi les marchés
financiers sont-ils si fortement réglementés partout dans le monde?

6. L'accès au marché des titres à des fins de financement est en pratique réservé aux
seules sociétés solidement implantées.

Les particuliers et les petites entreprises dépourvus d'une assise suffisante ont peu de chances
de lever des fonds par émission de titres sur le marché. Au contraire, ils obtiennent la plupart
du temps leur financement des banques. Pourquoi seules les grandes société bien connues
peuvent-elles lever des fonds sur les marchés des titres?

7. Les garanties sont essentielles dans les contrats de dette des ménages et des
entreprises.

La garantie (on dit aussi le collatéral) est un droit de propriété dévolu au prêteur pour assurer
le paiement au cas où l'emprunteur serait incapable de rembourser sa dette. Les engagements
garantis (qu'on appelle aussi dettes sécurisées, par opposition aux dettes non garanties comme
celles résultant du débit de cartes de paiement sans collatéral représentent la forme la plus
fréquente des dettes des ménages, et ils sont utilisés égalemen pour les emprunts émis par les
sociétés. La plupart des dettes des ménages aux ÉtatsUnis et dans les autres pays
industrialisés consistent en prêts garantis: une voiture est la garantie du prêt qui finance son
acquisition; un bien immobilier est la garantie d'un pré'! hypothécaire. Les hypothèques
commerciales et agricoles, pour lesquelles le foncier sen de garantie, représentent un quart de
l'emprunt par les entreprises non financières;les titres des sociétés et les autres prêts bancaires
impliquent souvent des garanties. Pourqu la garantie est-elle une caractéristique aussi
essentielle des contrats de dette?

8. Les contrats de dette sont typiquement des documents légaux complexes qui imposent
de substantielles restrictions au comportement des emprunteurs.

On croit souvent qu'un contrat de dette? est une simple reconnaissance d'engageme qui peut
être rédigée sur papier libre. La réalité des contrats de dette est très différen . Dans tous les
pays, les contrats de dette sont en général des documents juridiqu complexes et très détaillés,
contenant des dispositions ou des clauses qui spécifient -'" restreignent certaines activités dans
lesquelles l'emprunteur peut se trouver engagé. Le clauses restrictives (cavenants) ne sont pas
associées aux seuls contrats de dette d'entreprise; par exemple, les prêts de financement de
vente de véhicule, les prêts hypothécaires logement contiennent des clauses qui exigent que
l'emprunteur contracte une assuranœ pour le véhicule financé par le prêt ou une assurance
habitation suffisante. Pourquoi contrats de dette sont-ils aussi complexes et restrictifs?

Nous avons vu au chapitre 2 que les marchés financiers sont caractérisés par des coûts de
transaction et d'information élevés. L'analyse économique de la façon dont ces coûts affectent
les marchés financiers donne une solution à ces huit questions clés et permet de mieux
comprendre le fonctionnement des systèmes financiers. Dans la section suivante, nous
examinons l’impact des coûts de transaction sur la structure des systèmes finanziers, Ensuite,
35
nous étudierons l’effet des coûts d’information sur la structure financière.

2. Les coûts de transaction

Les coûts de transaction constituent un élément essentiel des marchés financiers. Un exemple
numérique illustre ce problème.

2.1. L’influence des coûts de transaction sur la structure financière

Comment les coûts de transaction influencent-ils la structure financière? Supposons un agent


dispose de 5 000 euros et désire les investir sur le marché des actions. Dans la mesure où il ne
dispose que de 5000 euros, il ne peut acheter qu'un petit nombre actions. Même par le biais
d'un ordre électronique, l'achat envisagé est si modeste que la commission de courtage
représentera un pourcentage élevé du prix d'acquisition des actions. Si l'investisseur décide
d'acheter plutôt une obligation, c'est encore pire. Dans ce cas, en effet, la plus petite
dénomination s'élève à quelque 10000 euros, et ses ressources seront insuffisantes pour
investir autant. Bien entendu, le courtier peut aussi se désintéresser complètement du projet
car la faiblesse du compte implique une perte de temps inutile. L'agent est déçu de ne pas
pouvoir accéder aux marchés financiers pour rentabiliser son épargne. Comme beaucoup, il
sera repoussé par des coûts de transaction : moins de la moitié des ménages américains
possèdent des actifs financiers; cette proportion est encore plus faible dans les autres pays
industrialisés.

On rencontre une autre difficulté liée aux coûts de transaction. Dans la mesure où on ne
dispose que d'une quantité de fonds disponibles limitée, on ne peut choisir qu'un restreint
d'investissements. En d'autres termes on doit mettre tous ses œufs dans le meme panier, et
l'impossibilité de diversifier sera source de nombreux soucis en termes ri ques.

2.2. La réduction des coûts de transaction par les intermédiaires financiers

Les coûts de transaction et le cas évoqué au chapitre 2 où les coûts légaux empêchent de
contracter un prêt illustrent le fait que les petits épargnants sont évincés des marchés
financiers et incapables d'en profiter. Heureusement, les intermédiaires financiers, composants
essentiels de la structure financière, ont pour objectifs de réduire les coûts saction et permettre
aux petits épargnants et emprunteurs de profiter de l'existence marchés financiers.

Economie d’échelle. Le regroupement des fonds de nombreux investisseurs afin de tirer


d’avaantage d'économies d'échelle offre une solution aux problèmes posés par des coûts de
transaction élevés. Les économies d'échelle se définissent comme la diminution des coûts de
transaction par euro d'investissement quand le volume (1' échelle) des transactions augmente.
Réunir les fonds des investisseurs réduit les coûts de transaction pour chaque investisseur
individuel. Les économies d'échelle viennent du fait que le coût total associé à une transaction
sur le marché financier ne croît que très peu quand le montant de la transaction augmente.
Ainsi, le coût pour un achat de 10 000 actions n'est pas beaucou plus élevé que pour 50
actions.

La présence d'économies d'échelle sur les marchés financiers explique en partie pourquoi les

36
intermédiaires financiers se sont développés et ont pris une part aussi importante dans la
structure financière. L'exemple le plus évident d'intermédiaire financier ne de l'existence
d'économies d'échelle est donné par les fonds collectifs d'investissemen (mutual funds). Un
fonds collectif, ou fonds commun, d'investissement est un intermédiaire financier qui vend
des parts aux souscripteurs et investit le produit de ces ventes en actions ou en obligations.
Dans la mesure où il achète de grosses quantités d'actions ou d'obligations, un fonds
d'investissement bénéficie de coûts de transaction plus faibl Les économies de coûts sont donc
redistribuées aux investisseurs individuels après que fonds en a prélevé une fraction pour
couvrir les frais de gestion de leurs comptes. C’est autre avantage pour les investisseurs
individuels vient du fait qu'un fonds collectif , assez important pour acheter un portefeuille
d'actifs largement diversifié, La diversification accrue réduit les risques et améliore la
situation des investisseurs individuels.

Les économies d'échelle sont également essentielles pour diminuer le coût unitaire des .
équipements informatiques dont les institutions financières ont besoin pour remplir leurs
fonctions. Une fois qu'un grand fonds d'investissement a investi beaucoup d'argent. pour créer
un système de télécommunications par exemple, ce système peut être utilise pour un grand
nombre de transactions à un coût unitaire très bas.

Fonction d'expertise. Les intermédiaires financiers sont aussi capables de développer une
fonction d'expertise pour baisser les coûts de transaction. Grâce à leur compétenœ dans les
techniques informatiques, ils peuvent offrir aux clients des services particulièrement utiles,
par exemple le suivi de leurs investissements par appel direct d'un numéro dédié, la possibilité
(au moins aux États-Unis) de tirer des chèques sur leur compte titres, etc.

Compte tenu de la faiblesse de ses coûts de transaction, un intermédiaire financier a capacité


remarquable à fournir à ses clients des services de liquidité qui facilitent l'exécution des
transactions. Les fonds communs de marché monétaire (MMMF), par exemple non seulement
rémunèrent les porteurs de parts à des taux d'intérêt élevés, mais ils leur permettent aussi de
tirer des chèques pour régler commodément leurs transactions".

3. Asymétrie d'information: anti-sélection et risque moral

L'existence de coûts de transaction sur les marchés financiers explique en partie pourquoi les
intermédiaires financiers et la finance indirecte jouent un rôle aussi grand sur les marchés
financiers (proposition 3). Pour mieux comprendre la structure financière cependant, nous
introduisons le rôle de l'information sur les marchés financiers.

L’asymétrie d'information est un aspect essentiel des marchés financiers: une partie à une
transaction a une connaissance insuffisante de l'autre partie pour prendre des décisions exactes.
Par exemple, les dirigeants d'une société savent s'ils sont honnêtes ou pas, s'ils disposent d'une
meilleure information sur la solidité de leur affaire par rapport à celle dont disposent leurs
actionnaires. La présence d'une asymétrie d'information conduit aux problèmes de l'anti-
sélection et du risque moral que nous avons introduits au chapitre 2.

L’anti-sélection provient d'une information asymétrique dans la phase qui précède la


conclusion d'une transaction. Les agents qui désirent le plus activement obtenir des prêts
ceux-là mêmes qui sont porteurs du risque de crédit potentiellement le plus élevé. Sont les
parties qui ont le plus de chances de produire un résultat non désirable sont celles qui

37
aspirent le plus à s'engager dans la transaction. Par exemple, des preneurs de risques
temeraires ou même de véritables escrocs, voudront d'autant plus obtenir des prêts qu'ils sont
bien conscients que leur probabilité de rembourser est très faible. Dans la mesure où l’anti-
sélection accroît les chances de distribuer des prêts à des emprunteurs à risque, les peuvent
renoncer à prêter, même s'il existe de bons risques sur le marché.

Le risque moral intervient après la transaction: le prêteur court le risque que l'emprunteur ne
s’engage dans des activités indésirables (de son point de vue) parce qu'elles diminuent la
probabilité de remboursement du prêt. En effet, une fois que l'emprunteur a Obtenu un prêt, il
peut prendre des risques plus importants (qui peuvent dégager un rendement plus élevé mais
qui s'accompagnent aussi d'un risque de défaut plus grand) qu'il engage des fonds qui ne lui
appartiennent pas. Dans la mesure où le risque diminue la probabilité de remboursement du
prêt, les prêteurs peuvent préférer s’abstenir de prêter.

L’analyse de la manière dont les problèmes d'information asymétriques affectent les


comportements économiques renvoie à la théorie de l'agence. Nous allons appliquer cette
théorie expliquer comment la structure financière est construite et résoudre les questions au
début de ce chapitre.

4. l’'effet de l'anti-sélection sur la structure financière le probleme des « rossignols»


(lemons)

Dans un article célèbre, l'économiste George Akerlof, lauréat 2001 du prix Nobel, a analysé le
problème de l'anti-sélection et la façon dont elle altère l'efficacité de fonctionnement d'un
marché. Cette analyse est connue sous le nom de problème des rossignols, ou elle est illustrée
notamment par le fonctionnement du marché des voitures d'occasion, oû sont couramment
présentés des modèles de médiocre qualité". Les acheteurs potentiels de voitures d'occasion
sont en général incapables d'évaluer leur qualité; en effet, ils ne peuvent observer si un
modèle particulier est une voiture de bonne qualité ou un rossignol qui leur donnera
constamment des soucis. Le prix payé par l'acheteur doit par conséquent refléter la qualité
moyenne des voitures exposées sur ce marché, qui se situe quelque part entre la valeur la plus
basse d'un rossignol et la valeur élevée d'une bonne voiture.

Le propriétaire d'une voiture d'occasion, en sens contraire, a plus de chances de savoir si la


voiture est un vrai bijou ou un vieux rossignol. Si la voiture est une épave, le propriétaire sera
vraiment heureux de la vendre au prix auquel l'acheteur accepte de la payer, puisque ce prix,
qui se situe entre la valeur d'un rossignol et celle d'une bonne voiture, est plus élevé que la
valeur du rossignol. Cependant, si la voiture est une vraie perle, le propriétaire sait que le
modèle est sous-évalué par le prix moyen que l'acheteur est disposé à payer, si bien qu'il peut
renoncer à la lui vendre. Il résulte de cette sélection contraire, ou anti-sélection, que très peu
de voitures d'occasion de bonne qualité sont mises sur le marché. Les ventes seront peu
nombreuses, dans la mesure où la qualité moyenne des voitures d'occasion disponibles sur le
marché est faible et parce que la plupart des gens ne veulent pas acheter un vieux rossignol.
Le marché des voitures d'occasion fonctionne de manière peu satisfaisante. Il peut même ne
pas fonctionner du tout.

4.1. La qualité sur les marchés d'actifs financiers

La mauvaise qualité se rencontre aussi sur les marchés d'actifs financiers, c'est-à-dire le
marché des titres de dette (obligations) et le marché des titres en capital (actions). Supposons
38
qu'un investisseur, acheteur potentiel d'actifs tels que des actions ordinaires, ne puisse faire la
différence entre les entreprises de bonne qualité (celles qui ont un profit attendu élevé et un
risque faible) et les entreprises de mauvaise qualité à profit attendu faible et risque élevé).
Dans un tel cas, l'investisseur désire payer un prix qui reflète la qualité moyenne des
entreprises qui vendent des actifs, c'est-à-dire un prix qui se situe entre la valeur des actifs
émis par les mauvaises entreprises et la valeur des actifs vendus par les bonnes entreprises. Si
les propriétaires ou les dirigeants d'une bonne entreprise disposent d'une information
meilleure que l'investisseur et s'ils savent que leur entreprise est de bonne qualité, alors ils ont
conscience que leurs actifs sont sous-évalués et ils refusent de les vendre à l'investisseur au
prix que celui-ci accepte de payer. Les seules entreprises qui acceptent de vendre des actifs à
l'investisseur sont les mauvaises entreprises (parce que le prix est plus élevé que la valeur des
titres). L'investisseur n'est pas naïf; il ne veut pas détenir des actifs sur de mauvaises
entreprises et par conséquent il préfère ne pas en acheter du tout sur le marché. Le résultat est
comparable à celui du marché des voitures d'occasion, le marché des titres ne fonctionne pas
très bien parce que peu d'entreprises r vendent des actifs pour lever des fonds.

L'analyse est identique si l'investisseur envisage d'acheter les instruments de dette d'une
société sur le marché des obligations plutôt que d'investir sur le marché des action.
L'investisseur achète une obligation seulement si son taux d'intérêt est assez élevé pour
couvrir le risque moyen de défaut de la bonne et de la mauvaise entreprise qui essaient de
vendre leurs dettes. Les propriétaires d'une bonne entreprise, convenablement informés.
comprennent qu'ils paieront un taux d'intérêt plus élevé qu'ils ne devraient et ils ne voudront
probablement pas emprunter sur le marché. Seules les mauvaises entreprises accepteront
d'emprunter, et comme les investisseurs n'achètent pas volontiers des titres émis par des
mauvaises entreprises, ils préféreront probablement renoncer à acheter quelque titre que ce
soit. Les ventes de titres sur le marché seront rares, et la source de Cette analyse explique la
proposition 2, selon laquelle les titres de dette ne sont pas la première source de financement
des entreprises dans aucun pays du monde. Elle explique aussi en partie la proposition l , à
savoir que les actions ne sont pas la source essentielle de financement des entreprises
américaines. La présence de biais liés à la mauvaise qualité empêche les marchés d'actifs,
comme celui des actions et celui des obligations, des marchés efficaces pour transférer des
fonds des épargnants aux emprunteurs.

4.2 La réduction de l'anti-sélection

En absence d'asymétrie d'information, le problème des rossignols disparaît. Si les acheteurs


observent la qualité des voitures d'occasion aussi bien que les vendeurs, s'ils peuvent
distinguer un bon modèle d'un mauvais, alors ils acceptent de payer au prix fort les modèles
de bonne qualité. Si les propriétaires des bonnes voitures savent qu'ils peuvent obtenir un prix
correct, ils acceptent de vendre ces voitures sur le marché. Des transactions ont lieu et le
marché parvient à transférer de bonnes voitures aux individus qui désirent en acheter.

De la même façon, si les acheteurs de titres peuvent distinguer les bonnes entreprises des
mauvaises ils paieront la valeur exacte des titres émis par les bonnes entreprises, et vendront
leurs titres sur le marché. Le marché des titres sera alors capable de transférer des fonds aux
bonnes entreprises, c'est-à-dire à celles dotées des meilleures possibilités d'investissement
productif:

La production privée et la vente d'informations. Le remède à l'anti-sélection sur les marchés


financiers consiste à éliminer l'asymétrie d'information en fournissant aux détenteurs de fonds

39
tous les détails nécessaires sur les individus ou les entreprises qui cherchent à financer leurs
projets d'investissement. Une manière de communiquer cette information aux épargnants
consiste à confier à des sociétés privées le soin de collecter et de produire l'information qui
permet de distinguer les bonnes et les mauvaises entreprises et de vendre ces informations.
Aux États-Unis, des sociétés comme Standard & Moody's, Value Line, en Angleterre l'agence
Fitch rassemblent de l'information sur les bilans des entreprises et leurs activités
d'investissement; elles vendent ces données et leur analyse à leurs abonnés (investisseurs
individuels, fonds collectifs d'investissement, financiers intéressés par l'achat de titres).

Un systeme de production privée et de vente d'informations ne résout cependant pas le


passager clandestin (free rider). Un passager clandestin est un agent qui tire avantage
d'informations qu'il ne paie pas lui-même mais qui sont payées par d’autres. La vente privée
d'informations ne constitue donc qu'une solution partielle au probleme des rossignols en
raison des passagers clandestins. En effet, supposons qu'un agent ait acheté une information
qui lui permet de distinguer les bonnes des mauvaises entréprises. Cet agent est persuadé que
son achat est justifié parce qu'il peut couvrir le coût d’acquisition de cette information,
notamment en achetant les titres de bonnes entreprises qui sont sous-évalués. Cependant,
l'achat de ces titres peut être observé par des investisseurs aux aguets agissant en passagers
clandestins; ces derniers achètent alors en même temps que l'agent, même s'ils n'ont pas payé
pour acquérir cette information. Si un grand nombre d'autres investisseurs agissent en
passagers clandestins, la demande accrue des titres de bonne qualité sous-évalués fait
augmenter immédiatement leur prix de façon à refléter leur vraie valeur. Et en raison des
achats par les passagers clandestins, il n'est plus possible d'acheter les titres à un prix moindre
que leur vraie valeur. Dans la mesure où l'on ne gàgne plus en achetant l'information, on
comprend que l'on n'aurait jamais dû payer pour acquérir cette information initiale. Si les
autres investisseurs font le même raisonnement, les entreprises privées et les agents pourraient
ne plus vendre suffisamment d'information pour la rentabiliser et la rendre disponible. Si les
entreprise privées peuvent moins profiter de la vente d'informations, cela implique que le
marché en produira moins, si bien que l'anti-sélection (le problème des rossignols) continuera
à altérer le fonctionnement efficace des marchés des titres.

La réglementation publique de l'information Les passagers clandestins empêchent le


marché privé de produire suffisamment d'information pour éliminer toutes les asymétries qui
conduisent à l'anti-sélection. Les marchés financiers pourraient-ils alors bénéficier d'une
intervention de l'État? Ce dernier pourrait, par exemple, produire une information qui
permettrait aux investisseurs de distinguer les bonnes des mauvais entreprises, et il la
fournirait au public sans frais. Cependant, cette solution implique que l'État porte un
jugement négatif sur certaines entreprises, une pratique qui, politiquement présenterait bien
des difficultés. L'autre possibilité (les États-Unis et bien d'autres États dans le monde adoptent
cette solution) consiste pour l'État à contrôler les marchés de titres d'une façon qui incite les
entreprises à communiquer une information sincère sur elles-mêmes, de manière que les
investisseurs puissent déterminer tout seuls dans quelle mesure ces sociétés sont bonnes ou
mauvaises. Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) est l' agence
fédérale qui impose aux entreprises vendant leurs titres sur le marché d'adhérer à - principes
comptables normalisés et de révéler une information exacte sur le volume leurs ventes, le
montant de leurs actifs et de leurs profits. On trouve dans les autres p" des réglementations
comparables et des autorités de marché homologues, par exemz au Royaume-Uni la Financial
Services Authority, en France l'Autorité des marchés finz; ciers, en Allemagne la BaFin ou au
Japon la Financial Services Agency. Cependant, 1'obligation d'informer ne fonctionne pas
toujours de manière satisfaisante.

40
L'anti-sélection provenant de l'asymétrie d'information sur les marchés financiers exppliquent
en partie pourquoi les marchés financiers figurent parmi les secteurs les plus fortement
réglementés de l'économie (proposition 5). La réglementation publique destineé à accroître
l'information des investisseurs est nécessaire pour réduire l'ami-sélection qui affecte
l'efficacité de fonctionnement des marchés des titres (actions et obligations).

Même si la réglementation publique amoindrit l'anti-sélection, elle ne l'élimine pas


completement. Quand les entreprises fournissent une information exacte au public 1e volume
des ventes, le montant de leurs actifs ou de leurs profits, elles continuent à détenir plus
d'informations que les investisseurs: les statistiques ne fournissent que des éléments partiels
sur la qualité d'une entreprise. En outre, les mauvaises entreprises sont inciteés à se faire
passer pour de bonnes entreprises parce que cette image leur permet de rechercher pour leurs
titres un prix plus élevé. De mauvaises entreprises n'hésiteront pas à maquiller l’information
qu'elles doivent transmettre au public, rendant ainsi plus difficile le classement par les
investisseurs des bonnes entreprises et des mauvaises.

L’intermédiation financière. Jusqu'à présent, nous avons vu que la production privée


d’information et la réglementation publique pour encourager la production d'information
diminuent mais n'éliminent pas complètement l'anti-sélection sur les marchés financiers
Comment, dans ces conditions, la structure financière peut-elle faciliter le transfert de fonds
aux investisseurs en présence d'asymétrie d'information? Une piste est fournie par la structure
du marché des voitures d'occasion.

Le marché des voitures d'occasion, il est clair que la plupart des voitures ne sont pas vendues
directement par un individu à un autre individu. L'acheteur potentiel d'une d'occasion
accepterait de payer des informations privées, par exemple en s'abonnant à un magazine
spécialisé (Consumer Reports aux États-Unis, Argus de l'automobile ce) qui lui indiquerait si
un modèle particulier dispose d'une cote favorable. Néanmoins la lecture du magazine
spécialisé ne résout pas le problème d'anti-sélection Parce que, même si un modèle a bonne
réputation, l'exemplaire que le vendeur cherche peut être un rossignoL L'acheteur potentiel
pourrait aussi faire examiner la voiture par un expert. Mais que se passe-t-illorsque l'acheteur
potentiel ne connaît pas d’expert en qui il puisse avoir confiance, ou si ce dernier décide de
prélever une commission élevé pour examiner la voiture?

Dans la mesure où ces obstacles rendent difficile l'acquisition d'informations suffisantes sur
les voitures d'occasion, dans la plupart des cas, ces modèles ne sont pas vendus directement
entre personnes physiques. En pratique, ils sont vendus par un intermédiaire professionnel, un
vendeur de voitures d'occasion qui achète des voitures à des particuliers et les revend aux
acheteurs potentiels. Ces professionnels produisent une information de marché en devenant
experts à reconnaître si une voiture est de qualité ou un rossignol. S'ils savent qu'une voiture
est un bon modèle, ils peuvent la vendre en y associant une forme de garantie: soit une
garantie explicite, soit une garantie implicite sur laquelle ils engagent leur réputation
d'honnêteté professionnelle. Les acheteurs sont incités à acquérir un modèle d'occasion en
raison de la garantie du vendeur, et ce dernier peut réaliser un profit par la production
d'information sur la qualité des voitures; au total, le vendeur peut réaliser des ventes à un prix
plus élevé que celui auquel il a acheté. Si les vendeurs de voitures d'occasion achètent puis
revendent les modèles sur lesquels ils peuvent produire une information, ils évitent que
d'autres personnes adoptent un comportement de passager clandestin sur l'information qu'ils
ont produite.

41
Les intermédiaires financiers jouent sur les marchés financiers un rôle comparable à celui des
vendeurs de voitures d'occasion dans la mesure où ils contribuent à réduire l'antisélection. Un
intermédiaire financier, par exemple une banque, devient expert dans production
d'information sur les entreprises; elle est capable de classer les bons risques de crédit et les
mauvais. Elle peut alors acquérir des fonds auprès des déposants et les prêter aux bonnes
entreprises. Puisque la banque peut prêter principalement à de bonnes entreprises, elle est
capable d'obtenir un rendement sur ses prêts plus élevé que le ta d'intérêt qu'elle doit payer à
ses déposants. Le profit qui en résulte permet à la banque Cf s'engager dans cette activité de
production d'information.

Si la banque tire profit de l'information qu'elle produit, elle le doit principalement au fait
qu'elle écarte les passagers clandestins parce qu'elle consent des prêts privés plutôt qu'elle
n'achète des titres sur le marché. Dans la mesure où un prêt particulier ne fait pas l'objer d'un
échange, les autres investisseurs ne peuvent pas observer les conditions offertes la banque et
pousser à la hausse le prix du prêt jusqu'au point où la banque ne recev aucune compensation
pour l'information produite. Le rôle de la banque en tant qu'intermédiaire qui détient
essentiellement des prêts non négociables constitue l'élément clé de la réduction de l'asymétrie
d'information sur les marchés financiers.

Notre analyse de l'anti-sélection montre que les intermédiaires financiers en général s: les
banques en particulier, dans la mesure où ils détiennent une grande proportion des prêts non
négociables, devraient jouer un rôle plus grand dans les transferts de fonds aux sociétés que le
marché des titres. Notre analyse explique ainsi les propositions 3 e 4, a savoir que la finance
intermédiée est beaucoup plus importante que la finance directe et que les banques constituent
la source majeure de fonds externes pour financer les entreprises. Cette analyse explique aussi
un aspect essentiel pour les pays en développement à savoir que les banques y jouent un rôle
plus grand que les marchés financiers. Nous avons vu que, lorsque la qualité de l'information
sur les entreprises est meilleure, les problêmes liés aux asymétries d'information sont atténués
et il devient plus facile pour les entreprises d'émettre des titres. Cependant, l'information sur
les entreprises privées est difficile à obtenir dans les pays en développement que dans les pays
industrialisés; ces conditions, la moindre place occupée par les marchés des titres laisse un
rôle important pour l'interrnédiation financière et en particulier les banques.

Notre analyse de l'anti-sélection explique aussi la proposition 6 selon laquelle les grandes
entreprises obtiennent plus facilement des fonds sur le marché des titres, mode de finanent
direct, qu'auprès des banques ou des intermédiaires financiers, mode de financet indirect. Plus
une société est connue, plus l'information relative à ses activités est disponible sur le marché.
Il est donc plus facile d'évaluer la qualité de l'entreprise et de determiner s'il s'agit d'une bonne
ou d'une mauvaise entreprise. Dans la mesure où les investisseurs se soucient moins d'anti-
sélection lorsqu'il s'agit d'entreprises bien connues, ils acceptent d'investir directement en
achetant les titres qu'elles émettent. tre analyse de l'anti-sélection suggère alors qu'il peut
exister des choix sélectifs entre entreprises qui émettent des titres. Plus une entreprise est
grande et bien établie, plus peut émettre des titres pour lever des fonds. Un tel phénomène
correspond à une hiérarchie des préséances". Cette hypothèse reçoit une confirmation
empirique et elle est analyse dans la proposition 6.

Le collatéral et la valeur nette. L'anti-sélection n'affecte le fonctionnement des marchés


financiers que si le prêteur subit une perte quand l'emprunteur est défaillant et par là incapable
de rembourser son prêt. Les conséquences de l'anti-sélection peuvent Etre réduites par les
garanties ou le collatéral, c'est-à-dire la possibilité pour le prêteur de saisir des actifs lorsque

42
l'emprunteur est défaillant. À ce moment, les pertes du prêteur réduites en cas de défaillance
de l'emprunteur, L'emprunteur fait défaut, le prêteur "endre le collatéral et utiliser les recettes
pour compenser les pertes subies sur le prêt. exemple, si un emprunteur cesse de rembourser
son prêt hypothécaire, le prêteur aisir le bien immobilier, le vendre aux enchères et utiliser les
recettes pour rembourser le prêt. Les prêteurs préfèrent par conséquent sécuriser les prêts par
des garanties et les emprunteurs acceptent de fournir du collatéral parce que la réduction du
facilite l'accord du prêt et permet éventuellement de baisser le taux d'intérêt. La d'anti-
sélection sur le marché du crédit explique ainsi pourquoi le collatéral est actéristique
importante des contrats de dette (proposition 7).

La valeur nette (appelée aussi actif net ou fonds propres) représente la différence entre les
actifs d'une entreprise (ceux qu'elle possède ou ceux qui lui sont dus) et ses engagements (ce
qu'elle doit), La valeur nette peut jouer un rôle comparable au collatéral. Quand une entreprise
détient une valeur nette élevée, même si elle s'engage dans des investissements qui produisent
des profits négatifs et sa défaillance au moment de rembourser sa dette, le prêteur peut exercer
un droit sur cet actif net, le saisir, le vendre et le produit pour compenser une fraction des
pertes subies sur le prêt. En outre, plus la valeur nette d'une entreprise est élevée, moins sa
probabilité de défaut est grande mesure où elle détient une sorte de réserve de valeur pour
rembourser ses prêts.

De plus, quand une entreprise cherche à obtenir des crédits et que sa valeur nette est élevée,
les conséquences de l'anti-sélection sont moins importantes et les prêteurs acceptent plus
volontiers de lui accorder des prêts. La croyance selon laquelle « seuls les gens qui n'ont pas
besoin d'argent peuvent en emprunter» se trouve ici curieusement confortée par l'analyse.

4.3. Conclusion

Jusqu'ici, nous avons utilisé le concept d'anti-sélection pour expliquer sept paradoxes sur les
huit qui caractérisent la structure financière. Les quatre premiers soulignent l'importance des
intermédiaires financiers et le rôle moindre des marchés de titres dans le financement des
entreprises. La cinquième proposition indique que les marchés financiers figurent parmi les
secteurs les plus fortement réglementés de l'économie; d'après la sixième, seules les
entreprises de grande taille et bien établies ont accès aux marchés de titres; et la septième
proposition souligne le rôle significatif dans les contrats de dette du collatéral. Dans la
prochaine section, nous verrons que l'autre concept lié à l'asymétrie d'information, le risque
moral, apporte des arguments supplémentaires pour expliquer la place des intermédiaires
financiers et le moindre rôle des marchés de titres dans le financement des entreprises,
l'existence d'une réglementation publique et l'importance du collatéral dans les contrats de
dette. En outre, le concept de risque moral peut être utilisé pour expliquer la dernière
proposition (proposition 8) : les contrats de dette sont des documents légaux complexes qui
imposent de fortes restrictions au comportement de l'emprunteur.

5. L'effet du risque moral sur le choix entre contrat de dette et contrat de fonds propres

Le risque moral est un effet d'asymétrie d'information qui se produit après la conclusion d'un
contrat financier, lorsque le vendeur d'un titre peut être incité à dissimuler l'information et à
s'engager dans des activités non souhaitées par l'acheteur. Le risque moral a des conséquences
importantes pour une entreprise qui choisit de lever des fonds a moyen soit de contrats de
dette, soit de contrats de fonds propres.

43
5.1. le risque moral dans les contrats de fonds propres: les conflits d'agence

Les contrats de fonds propres, par exemple l'émission d'actions ordinaires, sont constitutifs de
droits à partager la propriété des profits et des actifs d'une entreprise. Les contrats de fonds
propres sont exposés à un type particulier de risque moral qu'on appelle relation
principal/agent ou relation d'agence. Quand les dirigeants ne possèdent qu'une petite fraction
de l'entreprise pour laquelle ils travaillent, les actionnaires qui détiennent la quasi-totalité du
capital (les principaux) se distinguent des dirigeants gestionnaires qui sont les agents des
propriétaires. Cette séparation de la propriété et du contrôle induit un risque moral, des
conflits d'agence, dans la mesure où les dirigeants détenteurs du contrôle, les agents, peuvent
agir dans leur propre intérêt plutôt que dans celui des actionnaires (les principaux), puisqu'ils
sont moins incités à maximiser les profrits.

Pour mieux comprendre les conflits d'agence, supposons qu'un investisseur se voie offrir
possibilité de devenir partenaire d'une entreprise donnée. Le développement de cette société
exige un investissement de 10 000 euros et le fondateur, dirigeant et gestionnaire, dispose que
de l 000 euros. L'investisseur se voit proposer l'achat d'une participation, c’est est-à-dire des
actions, pour un montant de 9 000 euros, ce qui lui permet de détenir 90 % de la propriété de
l'entreprise, tandis que le dirigeant n'en a plus que 10 %. Si ce dernier est capable de bien
gérer son affaire, de lui imprimer un dynamisme, de développer une compétence
professionnelle, de retenir ses clients, alors, une fois toutes les dépenses comptabilisées y
compris son propre salaire, l'affaire réalisera par exemple un profit de 50000 euros par an,
dont le dirigeant recevra 10 % (5 000 euros) et l'investisseur 90 % (45 000 euros).

Le risque moral découlant de la relation principal/agent est encore pire si le dirigeant n’est
pas totalement honnête. Dans le cas où l'affaire engendre des recettes liquides immédiates, le
dirigeant peut être incité à détourner les espèces (50 000 euros) et à déclarer aux actionnaires
que les profits sont nuls. Il obtient par conséquent un rendement de 50000 euros et
l'actionnaire ne reçoit rien du tout.

5.2. Les solutions au conflit principal/agent

La production d'information: le contrôle. Une relation d'agence se forme parce que les
dirigeants disposent de plus d'informations sur leur activité et leur profit effectif que les
actionnaires. Les actionnaires ont un moyen de réduire le risque moral et s'engagent dans un
type particulier de production d'information, à savoir contrôler les activités de l'entreprise en
lançant fréquemment des audits et en vérifiant les agissements des dirigeants. Toutefois, le
processus de contrôle peut être coûteux en temps et en argent. Cette situation conduit les
économistes à parler de vérification coûteuse du résultat. Cette dernière rend le contrat de
fonds propres moins désirable et explique en partie pourquoi l'émission d'actions ne constitue
pas un élément plus important de notre structure financière.

Comme dans le cas de l'anti-sélection, la présence du passager clandestin diminue la


production d'information qui réduirait le risque moral en atténuant la relation d'agence. Dans
ce cas, le passager clandestin affaiblit le contrôle. Dans la mesure où on sait que d'autres
actionnaires paient pour contrôler les activités de la société dans laquelle on détient une
participation, il est possible d'effectuer une incursion clandestine dans leurs activités. On peut
aussi utiliser l'argent non dépensé pour réaliser des contrôles à un tout autre usage. Ce que
peut faire un actionnaire, les autres actionnaires peuvent le faire aussi. Il est possible que tous
les actionnaires préfèrent dépenser autrement leurs ressources, et aucun d'eux ne souhaitera

44
continuer à contrôler l'entreprise. Le risque moral associé aux actions ordinaires peut alors
poser de graves difficultés et faire qu'il sera difficile pour les entreprises de procéder à des
émissions supplémentaires pour lever des fonds propres (cet argument renforce l'explication
de la proposition 1).

La réglementation publique de l'information. Comme pour l'anti-sélection, l'Éta est incité à


réduire le risque moral créé par l'asymétrie d'information, ce qui explique pourquoi le système
financier est si fortement contrôlé (proposition 5). Les États on obligé les entreprises à
respecter des principes comptables normalisés pour faciliter - vérification des résultats. Il
existe aussi une législation qui impose de lourdes amendes pénales aux personnes
convaincues de fraude pour avoir caché et soustrait des profi - Cependant, ces dispositions ne
peuvent être que partiellement efficaces. Mettre en évidence ce type de fraude est compliqué;
les fraudeurs sont incités à rendre la découverte ou ,~ preuve de la fraude par les autorités
publiques de contrôle très difficile.

L'intermédiation financière. Les intermédiaires financiers peuvent limiter le risque moral lié
au passager clandestin; c'est une autre raison qui explique pourquoi le financement indirect est
si important (proposition 3). Pour aider à réduire le risque moral issu des conflits d'agence, un
intermédiaire financier particulièrement utile est la société de capital - risque. La société de
capital-risque regroupe les ressources des partenaires et utilise les fonds collectés pour aider
les entrepreneurs à amorcer de nouveaux projets. En échange de son apport, la société de
capital-risque reçoit une participation dans la jeune pou pousse la nouvelle entreprise. La
société de capital-risque insiste généralement pour que plusieurs de ses représentants
participent en tant qu'associés à la gestion de l'entrep . en siégeant au conseil d'administration,
afin qu'ils puissent contrôler étroitement les activités de la société. La vérification des gains et
des profits est en effet fondamemae pour éliminer le risque moral. Pour qu'une société de
capital-risque fournisse des fonds une jeune pousse, le capital de cette entreprise n'est pas
négociable sauf pour la source de capital-risque. Par là même, les autres investisseurs sont
incapables d'effectuer une intrusion il clandestine leur permettant d'accéder aux vérifications
du projet par la société de capital-risque. De cette manière, cette dernière est capable
d'engranger la totalité des béné- - s que procure sa vérification des activités et elle est incitée à
réduire le risque moral.

Les contrats de dette. Le risque moral est toujours présent dans les contrats de fonds propres
qui représentent un droit sur les profits dans tous les états de l'entreprise, qu'elle gagne ou
qu'elle perde de l'argent. S'il était possible de concevoir un contrat tel que le risque moral
n'existerait que dans certaines situations, l'incitation à contrôler les gestionnaires serait
moindre et ce contrat serait plus attrayant que le contrat de fonds propres or le contrat de
dette possède exactement ces propriétés dans la mesure où il représente un accord contractuel
donné par l'emprunteur de payer au prêteur des sommes d'argent dûes à intervalle régulier.
Quand l'entreprise réalise des profits élevés, le prêteur reçoit les paiements contractuels et il
n'a pas besoin de vérifier les profits effectivement réalisés par celle-ci Si les gestionnaires
cachent des profits ou s'ils poursuivent des activités qui leur nt personnellement profitables
mais qui n'accroissent pas les profits de l'entreprise, le èteur reste indifférent tant que ces
activités n'interfèrent pas avec la capacité de l'entre. e à effectuer en temps et en heure ses
remboursements. Ce n'est que lorsque l'entreprise ne peut pas faire face à ses obligations de
paiement, et que par là elle se trouve en ation de défaut, que le prêteur doit vérifier ses
résultats et ses profits. Dans ce cas, les prêteurs engagés dans des contrats de dette doivent
agir de manière comparable aux actionnaires ; ils ont en effet besoin de connaître le revenu de
l'entreprise pour obtenir la part qui leur revient.

45
avantage d'un contrôle moins fréquent de l'entreprise, et par conséquent d'un moindre coût de
vérification, permet de comprendre pourquoi les contrats de dette sont utilisés plus
fréquernment que les contrats de fonds propres pour obtenir un financement externe. concept
de risque moral contribue à expliquer la proposition 1, c'est-à-dire le fait que les actions ne
constituent pas la source principale de financement pour les entreprises".

6. L'influence du risque moral sur la structure financière des marchés de dette

Le contrat de dette incorpore moins de risque moral que le contrat de fonds propres mais il est
néanmoins, lui aussi exposé, et cela justifie qu'on cherche des moyens de limiter cette
exposition le plus efficacement possible.

6.1. Le risque moral dans les contrats de dette

Même si l'on tient compte des avantages soulignés précédemment, les contrats de dette sont
aussi exposés au risque moral. Un contrat de dette exige de l'emprunteur qu'il paie un montant
fixe, mais il le laisse conserver tous les profits supérieurs à ce montant; l'emprunteur est donc
incité à entreprendre des projets d'investissement plus risqués que ceux que choisirait le
prêteur.

Prenons le cas, par exemple, d'un investisseur qui ne souhaite pas procéder lui-même à la
vérification des résultats d'une entreprise; il décide alors de ne pas devenir actionnaire de cette
entreprise. L'investisseur préfère signer un contrat de prêt avec l'entrepreneur, disons pour un
montant de 9 000 euros assorti d'un taux d'intérêt de 10 %. Dans ce cas d'espèce, cet
investissement est particulièrement sûr parce qu'il existe une demande forte et stable du
produit fabriqué par cette entreprise. Cependant, une fois les fonds versés à l'entrepreneur,
celui-ci pourrait les utiliser à des fins autres que celles liées au projet. Au lieu de consacrer
ces 9000 euros au développement de l'entreprise, l'emprunteur pourrait les investir dans une
activité plus risquée, par exemple une activité de recherche et développement qui lui
donnerait une chance sur dix d'inventer un nouveau produit et lui promettrait une avance
technique appréciable sur ses concurrents.

Manifestement, ce dernier investissement est plus risqué, mais s'il est couronné de succès, la
réussite de l'entrepreneur sera éclatante. Ce dernier est donc incité à entreprendre un inves-
tissement plus risqué avec l'argent qui lui a été prêté, car ses gains seraient considérables s'il
réussissait. Le prêteur en revanche serait très ennuyé si l'entrepreneur utilisait son argent pour
financer l'investissement plus risqué, dans la mesure où, en cas d'échec (une situation dont la
probabilité est forte), ce serait lui qui perdrait le plus, si ce n'est la totalité des fonds avancés.
Et dans le cas où le projet connaîtrait le succès, le prêteur ne pourrait partager les fruits de ce
succès puisqu'il obtiendrait toujours un rendement de 10 % sur le prêt, étant donné que le
principal et les paiements d'intérêts sont fixés. Dans la mesure où les fonds prêtés
financeraient un projet risqué, le risque moral potentiel rend improbable la conclusion de
l'opération de prêt, même si au départ le projet d'investissement moins risque apparaissait
comme une entreprise bénéfique à la fois pour l'entrepreneur et le prêteur.

6.2. La réduction du risque moral dans les contrats de dette

Il existe plusieurs moyens, d'efficacité inégale, pour limiter le risque moral inclus dans les
contrats de dette.

46
La valeur nette et le collatéral. Quand l'emprunteur est lui-même plus exposé parœ que sa
valeur nette (la différence entre ses actifs et ses engagements) est élevée, le risque moral,
c'est-à-dire la tentation d'agir d'une manière que le prêteur juge répréhensibl est fortement
réduit car l'emprunteur a lui-même beaucoup à perdre.

Le contrôle et l'exécution de clauses protectrices

Les clauses protectrices sont destinées à réduire le risque moral soit en empêchant un
comportement indésirable, soit en favorisant une attitude responsable. Quatre types de
protectrices permettent d'atteindre cet objectif.

1 Clauses destinées à décourager les comportements indésirables. On peut imaginer des


clauses destinées à réduire le risque moral, qui empêchent l'emprunteur d'adopter attitude
indésirable consistant à entreprendre des projets d'investissement risqués.

De telles clauses peuvent stipuler qu'un prêt ne peut être utilisé que pour financer des activités
spécifiques comme l'achat d'un équipement ou de biens intermédiaires particuliers

D'autres clauses empêchent l'entreprise emprunteuse d'entreprendre certaines activités


risquées, par exemple l'acquisition d'autres entreprises.

2 Clauses destinées à encourager un comportement désirable. Les clauses protectrices


peuvent ager l'emprunteur à s'engager dans des activités souhaitables qui augmentent babilité
de remboursement du prêt. Une clause de ce genre, par exemple, est qui exige du chef de
famille la souscription d'une assurance vie qui permettrait de rembourser le prêt hypothécaire
en cas de décès. Ces clauses protectrices sont utilisées pour encourager les entreprises
emprunteuses à conserver une valeur nette aussi élevée que possible, puisque l'actif net réduit
d'autant plus le risque moral qu'il est élevé et qu'il rend plus probable l'absence de pertes pour
le prêteur. Ces clauses posent en particulier que l'entreprise doit conserver un montant
minimal de certains actifs proportionnel à la taille du bilan.

3. Clauses destinées à préserver la valeur du collatéral. Comme le collatéral constitue une


protection élevée pour le prêteur, des clauses protectrices peuvent encourager l'emprunteur à
préserver le collatéral et à s'assurer qu'il conserve les actifs donnés en garantie. Ce type de
clause est très fréquent. Ainsi, dans le cas du crédit automobile, les contrats exigent que le
propriétaire souscrive une assurance accident et vol, et empêchent la revente de la voiture tant
que le prêt n'est pas remboursé. De la même façon, le bénéficiaire d'une hypothèque
immobilière doit contracter une assurance adéquate sur l'habitation et il doit rembourser
l'hypothèque lorsqu'il vend le bien.

4. Clauses destinées à fournir une information. Les clauses protectrices exigent également
d'une entreprise qui s'endette qu'elle fournisse périodiquement une information sur ses
activités, sous forme de comptes trimestriels, de manière à faciliter le contrôle par le prêteur et
à réduire le risque moral. Le ratio des frais financiers au résultat d'exploitation de l'entreprise
fait l'objet d'une surveillance particulièrement attentive, car il permet de mesurer
indirectement l'augmentation de l'endettement de celle-ci, qui reste généralement caché au
prêteur initial. Ce type de clause peut aussi stipuler que le prêteur a le droit d'ordonner un
audit et une inspection des comptes de l'entreprise à n'importe quel moment.

47
On voit bien alors pourquoi les contrats de dette sont des documents juridiques complexes
comprenant de nombreuses restrictions sur le comportement de l'emprunteur (proposition 8) :
les contrats de dette ont besoin de clauses protectrices élaborées pour diminuer le risque moral.

L'intermédiation financière. Bien que les clauses protectrices aident à réduire le risque moral,
elles ne l'éliminent pas complètement. Il est presque impossible de rédiger des clauses qui
éliminent tout acte risqué. En outre, les emprunteurs peuvent être assez avisés pour exploiter
des lacunes qui rendent inefficaces les clauses protectrices.

Le contrôle du respect et l'exécution des clauses protectrices posent aussi problème. Une
clause protectrice est dépourvue de signification si l'emprunteur peut la violer parce qu'il sait
que le prêteur ne la vérifiera pas ou refusera de payer pour exercer un recours léga... (passivité
du créancier). Dans la mesure où la surveillance et l'exécution de ces clauses sont coûteuses,
le problème du passager clandestin ressurgit dans les contrats de de ~ exactement comme
dans les contrats de fonds propres. Si on sait que les autres porteurs d'obligations exercent un
contrôle et vérifient l'application des clauses protectrices, alo il est possible pour un porteur
d'obligations individuel d'agir en passager clandestin de ne pas procéder lui-même à la
surveillance. Mais comme les autres créanciers peuvent adopter le même comportement, il
peut en résulter une insuffisance des ressources consacrées à la surveillance et à l'exécution
des clauses protectrices. Le risque moral dan, ces conditions représente un problème majeur
pour le marché de la dette.

Tableau 9.1 : Problèmes d'asymétrie d'information et instruments de résolution

48
La présence d'une information asymétrique sur les marchés financiers crée des problème d’
anti-sélection et de risque moral qui affectent l'efficacité du fonctionnement de zaarchés, Les
instruments qui aident à résoudre ces problèmes impliquent la production et la vente privée
d'informations, une réglementation publique pour accroître l’information des marchés
financiers, l'importance du collatéral et de l'actif net dans les contrats de dette, enfin
l'utilisation de clauses de surveillance et de restriction du comportement . Le point central de
notre analyse est la présence du passager clandestin pour les titres négociables tels que les
actions et les obligations; dans ces conditions, les intermédiaires financiers, particulièrement
les banques, devraient jouer un rôle plus grand que les marchés de titres dans le financement
des entreprises. L'analyse économique des conséquences de l'anti-sélection et du risque moral
contribue à expliquer les caractères fondamentaux des systèmes financiers et fournit des
solutions aux huit paradoxes sur la structure de nos systèmes financiers tels qu'ils ont été
énoncés au début de ce chapitre

49
CHAPITRE IV : La banque et la gestion des institutions financières.

Parce que les banques jouent un rôle important en transférant les fonds vers les emprunteurs
auxquels s'offrent des occasions d'investissement productif, cette activité financière est
fondamentale pour assurer que le système financier et l'économie fonctionnent efficacement et
sans à-coups. Aux États-Unis, les banques (établissements de dépôt) accordent plus de 10 000
milliards de dollars de crédit par an. En France /les établissements de crédit distribuent 742
milliards d'euros aux particuliers, 785 milliards aux sociétés non financières et aux entre-
preneurs individuels, sur un total de 1 881 milliards de concours à l'économie en 2008. Les
institutions financières financent l'économie par des prêts, elles aident à payer des études ou
l'achat de nouvelles voitures ou de logements, et elles fournissent des services comme les
comptes-chèques et les livrets épargne.

Dans ce chapitre, nous examinons les moyens qu'une banque met en œuvre de réaliser les
profits les plus élevés possibles, Nous voyons également pouquoi et comment les banques
accordent des prêts, collectent des fonds et gèrent leurs actifs et leurs passifs (dettes), et
dégagent un revenu. Nous nous concentrerons principalement sur les banques commerciales.
puisqu'elles représentent la plus importante de l'activité d’intermédiation financière, mais
beaucoup de ces principes sont applicables à d’autres types d'intermédiaires financiers non
bancaires.

1. Le bilan bancaire

Pour comprendre comment fonctionne une banque, commençons par examiner un bilan
bancaire, la liste des actifs et des ressources de la banque. Comme tout bilan, cette liste est
équilibrée c'est-à-dire qu'il se caractérise par l'égalité:

Total des actifs = Total des dettes + Capital

Le bilan bancaire liste la source des fonds disponibles (engagements) et leur utilisation (actifs).
Les banques collectent des fonds en empruntant et en émettant d'autres dettes à court terme
comme les dépôts. Puis, elles utilisent ces fonds pour acquérir des actifs (créances) comme
des titres et des prêts. Les banques dégagent un profit des intérêts qu'elles perçoivent sur les
titres qu'elles détiennent et sur les prêts qu'elles accordent, revenu plus élevé que les intérêts
qu'elles paient sur leurs dettes et leurs autres dépenses. La différence entre les intérêts perçus
et les intérêts payés forme la marge d'intérêts.

1.1. Passif

Une banque reçoit des fonds en émettant (en vendant) des instruments de dettes qui sont
considérées comme des ressources. Les fonds issus de ces émissions sont investis en actifs
productifs de revenu.

Dépôts mobilisables par chèques Un compte-chèques est un compte bancaire grâce auquel
son titulaire règle un tiers par remise d'un chèque tiré sur le compte. Les comptes chèques
incluent tous les comptes sur lesquels des chèques sont émis: comptes-chèques ne portant pas
intérêt (dépôts à vue), certains comptes rémunérés (comptes NOW, negotiable order of
withdrawal, aux États-Unis)". En France, les comptes-chèques à vue peuvent être rémunérés-,
ce qui reste interdit aux États-Unis. La rémunération reste toutefois très faible, souvent nulle

50
en pratique. Les comptes à terme et comptes d'épargne rémunérés ne peuvent donner lieu à
l'émission de chèques,

Certains comptes de dépôt monétaire (MMDA, money market deposit accounts), introduits
par la loi sur les établissements de dépôt de 1982 (Depository Institutions Act), ont été classés
dans la catégorie des comptes-chèques malgré leur ressemblance avec des parts de fonds de
marché monétaire (MMMF, money market mutual funds). Cependant, les MMDA diffèrent
des comptes-chèques en ce sens qu'ils ne font pas l'objet de réserves obligatoires comme les
comptes de dépôt et qu'ils ne sont pas inclus dans la définition de l'agrégat monétaire Ml. Le
tableau 4.1 montre que les comptes-chèques sont une source majeure de fonds pour les
banques, où ils représentent jusqu'à 6 % du passif. Dans le passé, ce type de dépôt constituait
la plus importante source de fonds (plus de 60 % du passif dans les années 1960, mais avec
l'apparition de nouveaux instruments financiers plus attractifs, comme les MMMF la part des
comptes-chèques dans le total du passif a décliné avec le temps.

Tableau 4.1 : Bilan agrégé des banques commerciales américaines (en pourcentage du total,
janvier 2008)

Les comptes de dépôt sont exigibles à vue, c'est-à-dire que si le déposant se présente à sa
banque et demande le retrait de son dépôt, celle-ci doit le rembourser immédiatement.

De la même manière, si un tiers reçoit un chèque émis sur le compte d'une banque et qu'il le
remette pour encaissement à cette banque, cette dernière doit lui verser les fonds
immédiatement. Aujourd'hui, l'usage veut que le bénéficiaire d'un paiement par chèque
transmette ce chèque à sa propre banque, qui se charge des opérations d'encaissement pour
créditer son compte. Le traitement des chèques comprend un coût: saisie informatique,

51
présentation de l'image électronique à la banque tirée, stockage de l'information, envoi du
chèque papier traité au tireur (États-Unis) ou archivage (France). La banque perçoit une
commission correspondante. Certains pays, comme la France, entretiennent l’illusion que les
chèques sont « gratuits » ; il est donc interdit aux banques de percevoir des frais pour le
traitement des chèques. En conséquence, elles appliquent des commissiens majorées à d'autres
opérations bancaires de la clientèle, introduisant des distorsions dans la tarification des
services financiers.

Le solde créditeur d'un compte-chèques est un actif pour le déposant car il constitue une rart
de sa richesse. Inversement, puisque le déposant peut retirer de son compte des : nds que la
banque est obligée de lui fournir, les comptes-chèques représentent des cettes pour la banque,
Ils sont généralement la source de fonds la moins chère pour la que puisque les déposants
renoncent à un intérêt au profit d'un actif liquide qui peut e utilisé pour régler des achats. Le
coût pour les banques de tenue des comptes mobi~ bles par chèques inclut le paiement
(éventuel) d'intérêts et les services - traitement chèques, établissement et envoi de relevés
mensuels, fourniture de services aux 'chets (moyens humains ou autres), gestion des locaux et
des agences, publicité et - rketing pour inciter les clients à déposer leurs fonds ... Ces
dernières années, les intéversés sur les dépôts (comptes courants et à terme) ont contribué
pour environ 25 % coût total d'exploitation, tandis que les coûts, de gestion de ces comptes
(salaires, etc.) ont représenté envi.ron 50 % du coût d'exploitation.

Dépôts sans moyens de paiement Les dépôts n'offrant pas de moyens de paiement sont la
première source de fonds bancaires (53 % du passif dans le tableau 4.1). Les détenteurs ne
peuvent pas émettre de chèques sur ces comptes, mais les taux d'intérêt sont généralement
plus élevés que ceux des comptes courants. Il y a deux grands types de comptes de cette
forme: les comptes sur livrets et les dépôts à terme (ainsi que les certiicats de dépôts, CD).

Les dépôts à terme ont une durée fixe, allant de quelques mois à plus de 5 ans, et entraîent de
fortes pénalités pour tout retrait avant la date de maturité (la confiscation de usieurs mois
d'intérêts). Les dépôts à terme de faible montant (d'un montant inférieur à 100 000 dollars)
sont moins liquides pour le déposant que les comptes sur livret, ils rapportent des taux
d'intérêt plus élevés, et représentent une source de fonds plus ûteuse pour les banques.

Les dépôts à terme de plus gros montant (représentés par un certificat de dépôt) sont
disponibles pour des montants de 100000 llars, ou 100000 euros et plus, et ils sont
généralement détenus par des sociétés financières ou d'autres banques. Ces certificats de
dépôts de gros montant sont négociables; comme les titres de dette à court terme, ils :'euvent
être revendus sur un marché secondaire avant l'échéance. d'investissement et d'autres
institutions financières pour lesquels ils représentent des actifs alternatifs aux bons du Trésor
et autres types de dettes à court terme. Depuis leur apparition en 1961 aux États-Unis, les
certificats de dépôts négociables sont devenus une source importante de fonds pour les
banques (16 %).

Emprunts. Les banques obtiennent des fonds en empruntant auprès du Système fiancier dans
son ensemble notamment auprès d'autres banques et de sociétés financières. Les emprunts
auprès de la Réserve fédérale aux Etats-unis sont contractés au guichet de l'escompte
(discount window) ou par avances. Les banques peuvent aussi emprunter des réserves au jour
le jour sur le marché des fonds fédéraux (1'expression « fonds fédéraux » - fed funds - peut
être source de confusion car ces prêts ne sont pas consentis par l'État fédéral ou par la Réserve
fédérale, mais plutôt par les banques entre elles) ou auprès d'autres banques et institutions

52
financières. Les banques empruntent des fonds au jour le jour pour maintenir suffisamment de
dépôts (réserves) auprès de la banque centrale, afin de respecter le montant fixé par la Fed.
D'autres sources de fonds concernent les prêts contractés par les banques filiales auprès de
leur maison mère (bank holding companies), les arrangements avec des sociétés financières
(comme les pensions livrées contre effets ou les repurchase agreements, encore appelés repos)
et les emprunts en eurodollars (dépôts libellés en dollars américains auprès de banques
étrangères ou de filiales étrangères de banques américaines). Ces emprunts sont devenus une
source de fonds de plus en plus importante avec le temps: en 1960, ils représentaient
seulement 2 % du passif bancaire contre 31 % aujourd'hui.

Capitaux propres. Le dernier poste du passif du bilan bancaire concerne le capital de la


banque, sa valeur nette, qui est égale à la différence entre le total des actifs et celui des dettes
(l0 % du total des actifs bancaires dans le tableau 4.1). Ces fonds sont levés en vendant de
nouvelles actions, ou proviennent de bénéfices mis en réserve. Le capital de la banque est une
couverture contre une chute de la valeur des actifs. Les dépréciations (writedowns) d'actifs
peuvent entraîner l'insolvabilité (des dettes supérieures aux actifs ce qui obligerait à liquider
la banque).

1.2. Actif

Une banque utilise les fonds qu'elle a collectés en émettant des dettes pour investir dan des
actifs créateurs de revenus. On appelle ainsi naturellement l'utilisation des fonds empruntés
les actifs bancaires, et les intérêts s'y rapportant permettent à la banque de dégager des profits.

Réserves Toutes les banques détiennent une part des fonds qu'elles collectent so - forme de
dépôts en compte auprès de la banque centrale. Les réserves d'une banque so constituées de
ses dépôts à la banque centrale et de la monnaie qu'elle détient physiquement sous forme
d'encaisse en espèces (billets et pièces). Bien que ces réserves rapportent un taux d'intérêt
faible, les banques en détiennent pour deux raisons; tout d'abere une part de ces réserves, les
réserves obligatoires, est détenue pour -des raisons réglementaires: pour chaque dollar de
dépôt mobilisable par chèque, une fraction (par exemple 10 %) doit être maintenue en réserve.
Cette proportion est appelée le coefficient (ou le taux) de réserves obligatoires. Les banques
détiennent aussi des réserves additionnelles, les réserves excédentaires, parce qu'elles
représentent la forme la plus liquide d'actif et peuvent être utilisées lorsque la banque doit
faire face à des retraits, directement par le déposant, ou indirectement quand un chèque est
émis sur un compte.

Effets en recouvrement Supposons qu'un chèque tiré sur un compte détenu auprès d'une
banque B soit déposé auprès de la banque A, et que le montant correspondant à ce chèque
n'ait pas encore été transféré par la banque B. Le chèque est classé comme effet de caisse en
cours de recouvrement et représente un actif pour la banque A puisqu'il constitue une créance
sur une autre banque pour des fonds qui seront versés à bref délai.

Dépôts chez les correspondants Beaucoup de petites banques logent des dépôts dans de plus
grosses banques, leurs correspondants, et bénéficient en échange de divers services comme
l'encaissement de chèques, les opérations de change, et les achats de titres. C'est un aspect du
système connu sous le nom de banque correspondante.

Ensemble, les réserves, les effets en cours de recouvrement et les dépôts auprès d'autres ques
sont souvent regroupés sous le nom d'actifs liquides. Dans le tableau 11.1, ils résentent 8 %
53
du total des actifs, et leur importance s'est contractée avec le temps: en o par exemple, ils
constituaient 20 % de l'actif total.

Titres La détention de titres par une banque est une importante source de revenu: les "tres
(uniquement des titres de dette pour les banques commerciales, car celles-ci ne sont autorisées
à détenir des actions aux États-Unis, au contraire de l'Europe) comptent pour 22 % de l'actif
bancaire dans le tableau 4.1 et ils représentent environ 10 % de leur revenu. On peut classer
ces titres en trois catégories: titres émis par l'État et les agences fédérales, titres émis par les
États fédérés et les collectivités locales, et les autres titres. Les titres de l’Etat et des agences
fédérales sont les plus liquides car ils peuvent être facilement échangés et rendus liquides à
des coûts de transaction peu élevés. En raison de leur grande liquidité, les titres du Trésor
américain à court terme sont appelés réserves secondaires.

Les ttitres émis par les États fédérés et les gouvernements locaux sont intéressants pour les
ques, d'abord parce que ces derniers sont plus à même de traiter avec les banques es qui
détiennent leurs titres. Ces titres sont moins facilement échangeables sur le marrché (et donc
moins liquides), mais aussi plus risqués que les titres de l'État fédéral Principalement à cause
du risque de défaut: il existe une possibilité que l'émetteur du e ne soit pas en mesure de faire
face au paiement des intérêts ou de rembourser la eur nominale à échéance.

Prêts Les banques réalisent leur profit principalement en accordant des prêts. Dans le tableau
4.1, quelque 61 % des actifs bancaires sont des prêts, et depuis ces dernières années ils
fournissent plus de la moitié des revenus bancaires. Un prêt est une dette pour l’individu ou la
société qui le reçoit, mais un actif pour la banque puisqu'il engendre un revenu. Les prêts sont
par nature moins liquides que d'autres actifs, car ils ne peuvent être transformés en espèces
qu'à échéance. Si la banque fait un prêt à un an par exemple, elle ne peut être remboursée que
lorsque le prêt arrive à maturité au bout d'une année.

Les prêts ont aussi une plus grande probabilité de défaut que les autres actifs. À cause de ce
manque de liquidité et du plus grand risque de défaut, les banques exigent des rendements
plus importants sur les prêts.

Autres actifs Le capital physique (immeubles, ordinateurs et autres équipements) détenu par
les banques est classé dans cette catégorie.

2. L'exploitation bancaire

Avant d'étudier en détail comment une banque gère globalement ses actifs et ses passifs pour
obtenir les profits les plus élevés, il est utile de comprendre les mécanismes de base de son
fonctionnement.

De façon générale, les banques réalisent des profits en vendant des titres de dette ayant des
caractéristiques particulières (une combinaison spécifique de liquidité, risque, montant et
rendement) et en utilisant le produit obtenu pour acheter des actifs aux caractéristiques
différentes. Ce procédé est souvent désigné par l'expression transformation d'actifs. Par
exemple, un dépôt d'épargne détenu par un agent peut fournir les fonds qui permettent à la
banque d'accorder un prêt hypothécaire à un autre ménage. La banque transforme en effet le
compte épargne (actif détenu par le déposant) en un prêt ypothécaire (actif détenu par la
banque). Une autre manière de désigner ce processus de transformation d'actifs est de dire que
la banque emprunte court pour prêter long, car elle offre des prêts à long terme et elle les
54
finance en émettant des dépôts à court terme.

Le processus de transformation d'actifs et l'offre d'une série de services (traitement de chèques,


relevés bancaires, analyse de crédits, etc.) peuvent être considérés comme n'importe quel
processus de production d'une entreprise. Si la banque produit le service désiré à un coût
moindre et obtient un revenu substantiel sur ses actifs, elle fait un profit; sinon elle subit des
pertes.

Dépôt d'espèces. Pour rendre notre analyse de l'intermédiation bancaire plus concrète, nous
allons utiliser un outil appelé le bilan en T, un bilan simplifié en forme de T. Il transcrit
uniquement les changements qui apparaissent dans les postes du bilan par rapport à un bilan
initial. Supposons qu'un agent, dans un pays européen quelconque, entende dire que telle
banque particulière fournit des services d'excellente qualité; il y ouvre un compte chèques
avec un billet de 100 euros. Il détient désormais un dépôt auprès de la banque A qui se
matérialise sous la forme de 100 euros au passif du bilan de celle-ci. La banque dépose le
billet de 100 euros dans son coffre, ce qui se traduit par une augmentation de 100 euros des
espèces en caisse ou au coffre à l'actif du bilan. Le compte en T de la banque (ainsi que tous
les autres bilans en T qui suivront) est exprimé en euros; il se présente ainsi:

Remarquons que l'ouverture du compte-chèques conduit à une augmentation des réserves


bancaires égale à l'augmentation du compte de dépôt.

Remise de chèque. Si ce même agent ouvre un compte avec un chèque de 100 euros tiré sur le
compte d'une autre banque, la banque B, nous obtenons le même résultat L'effet initial sur le
compte en T de la banque A est le suivant:

55
Le poste dépôts (compte-chèques) augmente de 100 euros comme précédemment, mais la
banque A détient désormais une créance sur la banque B de 100. Cet actif pour la banque A
entre dans le compte en T comme 100 euros d'effets en cours de recouvrement, car la banque
A devra ensuite obtenir les sommes qui lui sont dues. Elle peut - présenter directement à la
banque B et demander le paiement de ces fonds, mais si celleci est dans une ville éloignée, il
faudra du temps et de l'argent. À la place, la banque .r: peut déposer le chèque sur son compte
auprès de la banque centrale (Réserve fédérale ou, banque centrale nationale), et cette dernière
collectera les fonds auprès de la banque B.

Cette opération se traduira par un transfert de 100 euros des réserves de la banque B à la
banque A, et les situations finales des bilans des deux banques seront:

Banque A Banque B
Actif Passif Actif Passif
Réserves +100 Dépôts +100 Réserves -100 Dépôts-100

Le processus initié par l'individu peut se résumer de la façon suivante: quand un chèque emis
sur le compte d'une banque est déposé dans une autre banque, la banque qui reçoit ce dépôt
voit ses réserves augmenter du montant du chèque, tandis que la banque dans laquelle le
chèque est émis voit ses réserves diminuer du même montant. Par conséquent, quand une
banque reçoit des dépôts additionnels, elle gagne un montant égal en reserves ; quand des
dépôts sont retirés, elle perd un montant égal en réserves.

Réserves obligatoires et excédentaires. Sachant désormais comment les banques gagnent et


perdent des réserves, examinons ensuite comment une banque modifie son par an pour
dégager un profit quand elle fait face à un changement dans ses dépôts. tournons à la situation
où la banque A vient de recevoir 100 euros de plus en dépôt .

En fait, la banque est obligée de conserver une certaine proportion de chaque dépôt sous
forme de réserves obligatoires. Supposons que cette portion (le taux de réserves obligaires)
soit de 10 %; la banque A doit donc augmenter ses réserves obligatoires de euros, et le compte
en T se réécrit:

A quel usage la banque peut-elle affecter ce montant supplémentaire de dépôts? Si les ves ne
rapportent aucun intérêt, aucun revenu supplémentaire ne résulte de ugmentation de 100 euros
de l'actif. Mais détenir un dépôt supplémentaire de euros est coûteux, car la banque doit le
gérer, payer le service de caisse, archiver (ou iruer) les chèques encaissés, payer le traitement
et la compensation des chèques, des ents, des débits directs, assurer la tenue et le suivi des
comptes, etc. La banque enree des pertes! La situation est pire lorsque la banque doit verser

56
des intérêts sur les . ts. Si elle veut faire des profits, la banque doit rendre productif tout ou
partie des euros de réserves excédentaires. Elle peut investir dans un portefeuille de titres; elle
aussi accorder des prêts.

Offre de prêts Nous savons que les prêts représentent environ 60 % de la valeur totale actifs
des banques. Mais, comme tout prêteur, les banques sont confrontées aux lëmes d'asymétrie
d'information, anti-sélection et risque moral. Elles doivent donc cire des dispositions pour en
réduire la portée. Les responsables du crédit de la -banque évaluent les emprunteurs potentiels
à partir de cinq critères, « les cinq c » : le caractère de l'activité de l'emprunteur, sa capacité à
rembourser, le collatéral engagé, les conditions économiques du secteur et du pays, et le
capital, c'est-à-dire la valeur nette de l'emprunteur.

Supposons donc que la banque choisisse de ne pas détenir un excédent de réserves mais
d'accorder des prêts à la place. Le compte en T se présente alors ainsi:

La banque réalise désormais un profit: elle a des dettes à court terme, les dépôts (comptes-
chèques), et elle utilise la possibilité d'acheter des actifs de maturité plus longue, par exemple
des prêts à intérêt plus élevé. Comme nous l'avons mentionné précédemment, ce processus de
transformation d'actifs est habituellement décrit en disant que les banques empruntent court
pour prêter long. Par exemple, si les taux d'intérêt sur les prêts sont de 10 % par an, la banque
gagne 9 euros de revenu sur ses prêts dans l'année. Si les 100 euros en dépôts sont des
comptes rémunérés à 5 % d'intérêt et s'ils coûtent 3 euros par an en services, le coût par an de
ces dépôts est de 8 euros, Le profit de la banque sur ces nouveaux dépôts est alors de l euro
par an (soit l % de rendement sur actifs).

3. Principes de gestion du bilan

Après cette première vue du fonctionnement d'une banque, examinons comment un banquier
gère ses actifs et passifs pour réaliser le profit le plus élevé possible. Le gestionnaire de la
banque a quatre préoccupations principales. La première est de s'assurer que la banque a
suffisamment de réserves pour rembourser ses déposants lorsqu'il y a des mouvements de
retrait des dépôts, c'est-à-dire lorsqu'il se produit des fuites de dépôts quand les déposants
retirent leur avoir et demandent à être remboursés. Pour conserver suffisamment de réserves
liquides, la banque doit s'engager dans la gestion de liquidité, l'acquisition d'actifs liquides
suffisants pour qu'elle puisse faire face à ses obligations envers les déposants. Deuxièmement,
le gestionnaire doit poursuivre un objectif de niveau de risque faible et acceptable en
acquérant des actifs à faible taux de défaut et en diversifiant les actifs détenus (gestion d'actif).
La troisième préoccupation est d'acquérir des fonds à faible coût (gestion de passif). Enfin, le
gestionnaire doit décider du montant de fonds propres que la banque doit maintenir, et obtenir
le capital désiré (adéquation du capital).

57
Pour comprendre complètement la gestion des banques et des autres institutions financières, il
faut dépasser les principes généraux de la gestion actifs/passifs décrite dans ce qui suit, et
regarder en détail comment une institution financière gère ses actifs. Les deux sections
suivantes offrent une discussion détaillée de la gestion du risque de crédit d'une institution
financière, risque qui naît de la probabilité que l'emprunteur fasse défaut, et de la gestion du
risque de taux d'intérêt, l'exposition à la variabilité des résultats et des rendements qui résulte
des variations de taux d'intérêt.

3.1. Gestion de liquidité et rôle des réserves

Examinons comment une banque type, la banque A, gère les sorties de dépôts qui se
produisent lorsque les déposants retirent de l'argent des dépôts (comptes-chèques ou d'épargne)
ou tirent des chèques déposés sur des comptes détenus dans d'autres banques.

Réserves excédentaires disponibles. Dans l'exemple qui suit, nous supposons que la banque
possède d'importantes réserves excédentaires et que tous les dépôts requièrent la même
proportion de 10 % de réserves obligatoires (la banque est contrainte de détenir en réserve 10 %

de ses dépôts mobilisables par chèques et à terme). Supposons que le bilan initial de la banque
A celui-ci-dessus.

réserves obligatoires de la banque sont de 10 % de 100 millions, soit 10 millions euros.


Puisqu'elle détient 20 millions en réserves, la banque A possède un excès de es de 10 millions.
Si un mouvement de retrait des dépôts de 10 millions d'euros ment, le bilan de la banque
devient:

La banque perd 10 millions de dépôts et 10 millions de réserves. Cependant, puisque ses rves
obligatoires sont maintenant de 10 % de seulement 90 millions (9 millions), . réserves
excèdent encore le montant requis de 1 million. Bref, si la banque possède d’importantes
réserves excédentaires, une sortie de dépôts ne nécessite pas de changer d'autres postes du
bilan.

Insufisance de réserves excédentaires. La situation est sensiblement différente lorsque la


banque détient des réserves excédentaires insuffisantes. Supposons qu'au lieu du montant

58
initial de 10 millions, la banque A accorde pour 10 millions d'euros de prêts, donc qu'elle ne
détienne plus de réserves excédentaires. Son bilan initial serait (voir bilan ci-dessus).

Lorsqu'elle doit faire face à une sortie des dépôts de 10 millions, son bilan devient

Après le retrait de 10 millions d'euros des dépôts et donc des réserves, la banque se trouve en
difficulté: elle doit détenir 10 % de 90 millions en réserves obligatoires, soit 9 millions, mais
elle n'a plus de réserves. Pour parer à cette situation, la banque, mise en demeure de rétablir
au plus vite ses réserves obligatoires, dispose de quatre possibilités.

Emprunt interbancaire. La première solution est d'obtenir des réserves pour faire face aux
sorties de fonds en empruntant auprès d'autres banques sur le marché interbancaire, ou en
empruntant auprès d'institutions financières spécialisées", Si la banque A obtient les 9
millions manquant en réserves en empruntant auprès d'autres banques ou institutions
financières spécialisées, le bilan devient:

Le coût de ces activités correspond au taux d'intérêt sur cet emprunt, comme le taux sur les
fonds fédéraux, c'est-à-dire le taux du marché interbancaire.

Cession de titres. Une deuxième voie pour la banque consiste à vendre une partie de ses titres
pour couvrir le retrait des dépôts. Par exemple, elle peut vendre pour 9 millions de titres et
déposer le produit auprès de la banque centrale, ce qui donne dans le bilan:

Vendre ses titres implique, pour la banque, des frais de commissions et des coûts de tran-
saction. Les bons du Trésor, classés comme réserves secondaires, sont très liquides; par
59
conséquent, les coûts de transaction sont relativement modestes. Cependant, les autres titres
que la banque détient sont moins liquides, et les coûts de transaction peuvent être bien plus
élevés.

Emprunt à la banque centrale. Un troisième moyen, pour la banque, de faire face à ses
sorties de dépôts concerne l'acquisition de réserves par un emprunt auprès de la oanque
centrale. Dans notre exemple, la banque A peut conserver son montant de titres et de crédits,
et emprunter 9 millions au guichet de l'escompte. Le bilan devient:

Le coût associé à ces emprunts au guichet de l'escompte correspond à l'obligation de payer le


taux d'intérêt à la banque centrale (taux d'escompte).

Réduction des prêts. Finalement, la banque peut obtenir les 9 millions de réserves écessaires
pour faire face aux sorties de dépôts en réduisant le montant de ses prêts et en déposant les 9
millions qu'elle reçoit auprès de la banque centrale, accroissant ainsi le ontant de ses réserves
de 9 millions. Cette transaction modifie le bilan de la façon suivante:

La banque A est de nouveau en bonne situatio'n puisque ses 9 millions de réserves satisfont
la contrainte.

Cependant ce procédé de réduction des prêts est le moyen le plus coûteux pour la banque
c'obtenir des fonds lorsqu'il y a retrait de dépôts. Si la banque A a de nombreux prêts à - urt
terme renouvelables à de faibles intervalles, elle peut réduire son montant total de prêts très
rapidement en résiliant ses prêts - c'est-à-dire en ne renouvelant pas ceux qui ivent à échéance.
Malheureusement pour la banque, elle est susceptible de rnécontenles clients dont les prêts ne
sont pas renouvelés car ils ne méritent pas un tel traiteent. Il leur est loisible de faire affaire
ailleurs dans le futur, conséquence coûteuse pour la banque.

Une seconde méthode de réduction du montant des prêts pour la banque est de les vendre à
d'autres banques. Aux États-Unis, la procédure des ventes de prêts (loan sales) a réalisé une.
certaine percée depuis une vingtaine d'années. Comme nous l'avons vu , la titrisation permet,
sous certaines conditions, de transférer les prêts à des tiers, bien qu'il ne s'agisse pas de vente

60
de créance au sens juridique du terme. L'invention de techniques qui rendraient possible la
vente d'actifs qui, par nature, ne le sont pas, reste problème non résolu. De toute façon, ces
procédés seront coûteux car les autres ques ne connaissent pas correctement les clients
auxquels les prêts ont été accordés et elles pourront refuser de payer les prêts à leur valeur
nominale

Cette discussion justifie la détention de réserves excédentaires par les banques, alors même
que les prêts et les titres procurent un meilleur rendement. Quand une sortie de dépôts
survient, détenir des réserves excédentaires permet à la banque d'éviter les coûts (1) d'emprunt
auprès d'autres banques, (2) de vente de titres, (3) d'emprunt auprès de la banque centrale, ou
(4) de résiliation ou de vente de prêts. Les réserves excédentaires sont une assurance contre
les coûts associés aux retraits des dépôts. Plus ces coûts sont élevés, plus les banques
voudront détenir des réserves excédentaires.

De même que nous désirons payer une assurance pour nous garantir contre les pertes
consécutives à un accident ou au vol d'une voiture, une banque accepte de payer le coût de
détention de réserves excédentaires (un coût d'opportunité qui correspond aux revenus perdus
du fait de ne pas détenir des actifs porteurs d'intérêts comme les prêts ou les titres) pour
s'assurer contre les pertes dues aux sorties de fonds. Puisque les réserves excédentaires,
comme toute assurance, ont un coût, les banques peuvent choisir d'autres moyens pour se
protéger; par exemple, elles peuvent réaffecter leurs actifs pour détenir plus de titres liquides
(des réserves secondaires).

3.2. Gestion d'actif

Nous savons donc pourquoi une banque a besoin de liquidités. Maintenant nous pouvons
examiner la stratégie simple que la banque poursuit en gérant ses actifs. Pour maximiser ses
profits, une banque doit simultanément chercher les rendements les plus élevés possible sur
les prêts et les titres, réduire le risque, et faire des provisions suffisantes pour préserver sa
liquidité en détenant des actifs liquides. Les banques tentent d'atteindre ces trois objectifs de
quatre manières différentes.

D'abord, les banques essaient de trouver les emprunteurs qui paieront des taux d'intérêt élevés
et qui sont peu susceptibles de faire défaut. Elles cherchent à développer leurs prêts en
affichant leur taux d'emprunt et en sollicitant directement les entreprises pour leur proposer
des prêts. C'est au banquier de décider si les emprunteurs potentiels ont un niveau correct de
risque de crédit leur permettant de rembourser intérêts et principal aux échéances (pour ce
faire, les banques procèdent à un examen sélectif pour réduire le problème d'anti-sélection),
Généralement, les banques sont conservatrices en matière de prêt, et le taux de défaut, qu'elles
appellent le coût du risque, reste habituellement en dessous de l %. Il est cependant important
que les banques ne soient pas trop conservatrices, car elles peuvent alors passer à côté
d'occasions d'investissement pouvant leur rapporter des taux de rendement élevés.

Deuxièmement, les banques essaient d'acheter des titres à taux de rendement élevé et risque
faible.

Troisièmement, en gérant leurs actifs, les banques doivent diminuer leur risque en diversifiant.
Elles y parviennent en achetant différents types d'actifs (à court et long terme, des titres du
Trésor) et en accordant de nombreux types de prêts à des clients différents. Les banques qui
n'ont pas suffisamment tiré parti de la diversification le regrettent souvent après coup. Par
61
exemple, les banques qui se sont spécialisées dans les prêts aux producteurs et distributeurs
d'énergie, aux promoteurs immobiliers ou aux agriculteurs ont souffert d'importantes pertes
dans les années 1980 avec la chute des prix de l'énergie, de l'immobilier et des produits
agricoles. Ainsi, nombre de ces banques ont fait faillite parce qu'elles avaient mis tous leurs
œufs dans le même panier.

Enfin la banque doit gérer la liquidité de ses actifs de manière à satisfaire les réserves
ligatoires sans supporter des coûts trop importants. Cela signifie qu'elle détiendra des es
liquides même s'ils rapportent des intérêts moindres que les autres actifs. La banque doit
décider, par exemple, combien de réserves excédentaires elle doit détenir ur éviter les coûts
liés aux sorties de fonds. De plus, elle voudra détenir des titres émis par l'État comme
réserves secondaires, de manière que, même si un mouvement de retrait entraîne un coût,
celui-ci ne soit pas trop élevé. De nouveau, il n'est pas prudent pour la banque d'être trop
conservatrice. Si détenir des réserves excédentaires évite les couts associés aux sorties de
fonds, elle peut subir des pertes car les réserves ne portent intérêt, alors que le passif bancaire
est coûteux à maintenir. La banque doit trouver équilibre entre son désir de liquidité et les
revenus qui peuvent être tirés d'actifs ins liquides tels que les prêts .

3.3 Gestion de passif

Avant les années 1960, la gestion de passif était une affaire bien réglée: en majorité, les
banques considéraient leur passif comme fixe et s'occupaient de constituer un porte-
portefeuille optimal d'actifs. Il y avait deux raisons principales pour mettre l'accent sur la
gestion d'actif. Premièrement, plus de 60 % des ressources bancaires étaient obtenues grâce
aux dépôts mobilisables par chèques qui ne portaient généralement pas intérêt. ici les banques
ne se concurrençaient pas de façon active sur les taux des dépôts, et la collecte était donc
propre à chaque banque. Deuxièmement, du fait que les prêts au jour le jour sur le marché
interbancaire étaient peu développés, les banques empruntaient uniquement les unes aux
autres pour satisfaire l'obligation de réserves.

A partir des années 1960, cependant, les grandes banques de dépôts (appelées money center
bank) dans les grands centres financiers comme New York, Chicago et San Francisco ont
commencé à se demander comment les postes du passif du bilan pourraient leur fournir aes
réserves et de la liquidité. Cela a conduit à une explosion du marché interbancaire (le marché
des fonds fédéraux) et au développement de nouveaux instruments financiers comme les
certificats de dépôts négociables (à partir de 1961), qui permettaient à ces zrandes banques
d'obtenir des fonds très vite.

Cette nouvelle flexibilité dans la gestion de passif supposait que les banques changent
approche de la gestion bancaire. Elles n'avaient plus besoin de dépendre des comptes chèques
comme source primaire de fonds, et de cette manière elles ont cessé de considérer urs
ressources (passif) comme données. Au contraire, elles se sont fixé des objectifs agressifs de
croissance de leurs actifs et elles ont essayé d'obtenir des fonds (en émettant des dettes) au fur
et à mesure qu'elles en avaient besoin, augmentant ainsi leur levier financier.

Par exemple, aujourd'hui, quand une grande banque trouve une occasion de prêt attractive,
elle obtient les fonds nécessaires en vendant des certificats de dépôts négociables ou un papier
commercial. Ou bien, si elle manque de réserves, elle peut emprunter des fonds sur le marché
des fonds fédéraux où les coûts de transaction sont peu élevés. Le marché des fonds fédéraux
peut aussi être utilisé pour financer des prêts. Du fait de l'importance accrue de la gestion de

62
passif, la plupart des banques gèrent maintenant les deux côtés du bilan à la fois, et elles se
sont toutes dotées pour ce faire de comités de gestion actif/passif (ALM, asset-liability
management).

L'accent mis sur la gestion de passif explique certains changements importants dans la
composition des bilans bancaires de ces trois dernières décennies. Aux États- Unis, tandis que
la part des certificats de dépôts négociables et des emprunts interbancaires s'est
considérablement accrue dans les ressources bancaires (passant de 2 % du passif bancaire en
1960 à 47 % à la fin de 2008), les dépôts mobilisables par chèques ont perdu de l'importance
(de 61 % du passif bancaire en 1960 à 6 % en 2008). Cette flexibilité des nouvelles ressources
dans la gestion de passif et la recherche de profits plus élevés ont incité les banques à
accroître la proportion d'actifs détenue sous forme de prêts qui rapportent un revenu plus
élevé (de 46 % des actifs bancaires en 1960 à.61 % en 2008). En France, sur la base des
données de l'OCDE, la baisse des dépôts bancaires rapportés au total du bilan des banques
commerciales a été moins prononcée, passant de 36 % à 27 % de 1979 à 1999 ; mais au cours
de la même période la part des obligations émises par les banques est passée de 6 % à 18 %.
L'adossement de ressources longues à des emplois longs est une nouvelle caractéristique des
bilans bancaires en France.

3.4. Adéquation du capital

Les banques sont amenées à prendre des décisions sur le montant de capital qu'elles doivent
détenir pour trois raisons. Premièrement, le capital sert à éviter les défaillances bancaires,
situation dans laquelle une banque ne peut remplir ses obligations de remboursement envers
ses déposants et ses autres créanciers et où elle fait faillite. Deuxièmement, le montant de
capital affecte le rendement des propriétaires (actionnaires) de la banque. Et, troisièmement,
un montant minimal de capital (le minimum de fonds propres réglementaires) est exigé par les
autorités de contrôle.

Comment le capital protège-t-il du risque de faillite?

Considérons deux banques dotées de bilans identiques, sauf que la banque fortement
capitalisée possède un ratio de capital par rapport aux actifs de 10 %, tandis que la banque
faiblement capitalisée a un ratio de 4 %.

Banque correctement
Banque faiblement capitalisée l
capitalisée
Actif Passif Actif Passif
Réserves 10 Dépôts 90 Réserves 10 Dépôts 96
Prêts 90 Capital 10 Prêts 90 Capital 4

Supposons que ces deux banques, grisées par l'euphorie du marché des télécoms, se rendent
compte a posteriori que 5 millions d'euros de leurs prêts sur ce marché ne valent plus rien.
Quand ces créances irrécouvrables (c'est -à-dire évaluées à zéro) sont sorties du bilan, la
valeur totale des actifs baisse de 5 millions d'euros, et donc le capital de la banque, qui est
égal au total des actifs moins celui du passif, diminue de 5 millions.

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Les bilans de ces deux banques se présentent maintenant comme suit:

Banque correctement capitalisée Banque fajblement capitalisée


Actif Passif Actif Passif
Réserves 10 Dépôts 90 Réserves la Dépôts 96
Prêts 85 Capital 5 Prêts 85 Capital -1

La banque fortement capitalisée accepte cette perte de 5 millions d'euros sans hésiter, car sa
couverture initiale de 10 millions d'euros en capital implique que sa valeur nette (ses capitaux
propres) est encore positive de 5 millions après la perte. La banque faiblement capitalisée, au
contraire, est en grande difficulté. Désormais la valeur de ses actifs est inférieure de celle de
ses passifs, et sa richesse nette est de -1 million d'euros. À cause de sa valeur nette négative,
la banque est insolvable: elle ne détient pas suffisamment d'actifs pour rembourser tous les
détenteurs de ses passifs (créanciers). Quand une banque devient insolvable, les régulateurs
(aux États-Unis, l'Office of the Comptroller of the Currency s'il s'agit d'une banque nationale,
le commissaire bancaire local pour une banque à charte d'État fédéré et la Réserve fédérale si
la banque est assurée auprès de la Federal Deposit Insurance Corporation) ferment la banque,
ses actifs sont liquidés et les gestionnaires sont remplacés", Puisque les propriétaires de la
banque faiblement capitalisée voient leur investissement anéanti, ils vont clairement préférer
une banque qui détient une couverture en capital importante et suffisante pour absorber les
pertes, comme c'était le cas de la banque fortement capitalisée. Nous trouvons donc une forte
justification au maintien d'un capital élevé pour une banque: une banque détient du capital
pour réduire sa probabilité de devenir insolvable.

L'effet du capital sur la rentabilité des actionnaires Les propriétaires d'une banque doivent
savoir si elle est bien gérée; ils ont besoin d'une bonne mesure de la profitabilité bancaire.
Une mesure simple de la rentabilité bancaire est le coefficient de rendement ('ROA, return on
assets), le profit net après impôt par unité d'actif:

Le rendement des actifs donne une information sur l'efficacité de gestion de la banque par les
dirigeants, c'est-à-dire une indication indirecte de sa productivité, car il indique combien de
bénéfices sont engendrés en moyenne par unité d'actif.

Cependant, les propriétaires (actionnaires) s'intéressent pour leur part davantage à ce ue leur
rapporte leur investissement. Cette information est fournie par une autre esure simple de la
profitabilité bancaire, le coefficient de rentabilité (ROE, return on equity), le bénéfice net
après impôt par unité de fonds propres:

ROE = ROAx EM

Il y’a une relation directe entre le coefficient de rendement (le ROA qui mesure l'efficacité de

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gestion de la banque) et le coefficient de rentabilité (le ROE qui mesure le rendement de
l'investissement des propriétaires). Cette relation est déterminée par ce qu'on appelle le
multiplicateur de fonds propres (EM, equity multiplier, couramment appelé aussi ratio de
levier financier, leverage ratio), qui se définit comme le montant d'actifs par unité de capital :

coefficient de rentabilité = coefficient de rendement x multiplicateur de fonds propres

La formule de l'équation (l) montre comment réagit le coefficient de rentabilité (ROE)


lorsque la banque possède un faible montant en capital (fonds propres) par rapport au total des
actifs. La banque fortement capitalisée détient initialement 100 millions d'euros d'actifs et 10
millions d'euros de fonds propres, ce qui correspond à un multiplicateur de fonds propres de
10 (= 100 millionsllO millions). La banque faiblement capitalisée, au contraire, a seulement 4
millions d'euros de fonds propres, et donc un multiplicateur de fonds propres plus élevé, égal
à 25 (= 100 millions/4 millions).

Supposons que les banques aient été gérées de manière similaire de façon à obtenir le même
rendement sur actifs, soit par exemple 1 %. Le coefficient de rentabilité (ROE) de la banque
fortement capitalisée est égal à 1 % x 10 = 10 %, tandis que le coefficient de rentabilité de la
banque faiblement capitalisée est égal à 1 % x 25 = 25 %. Les actionnaires de la banque
faiblement capitalisée sont clairement plus satisfaits que ceux de la banque fortement
capitalisée, car ils gagnent plus de deux fois sa rentabilité. On comprend donc pourquoi les
propriétaires d'une banque peuvent ne pas vouloir que celle-ci détienne trop de capital. Pour
un coefficient de rendement (RDA) donné, plus le capital bancaire est faible, plus la
rentabilité (ROE) des actionnaires est élevée.

L'arbitrage des actionnaires entre sécurité et rentabilité On comprend dès lors les
avantages et les inconvénients du capital de la banque du point de vue des actionnaires,
sachant que, par ailleurs, ceux-ci cherchent toujours à maximiser leur profit lié à l'exploitation
courante. Le capital est avantageux pour les actionnaires dans la mesure où il rend leur
investissement plus sûr en réduisant la probabilité de faillite. Mais le capital est coûteux, car
plus il est élevé et plus le coefficient de rentabilité (ROE), pour un rendement d'actifs (ROA)
donné, est faible. En déterminant le montant de capital, les dirigeants gestionnaires de la
banque doivent décider de l'augmentation de la sécurité liée à des fonds propres plus élevés
(avantage) qu'ils sont prêts à échanger contre une rentabilité plus faible liée à un montant de
capital plus élevé (coût).

Durant les périodes difficiles, quand la probabilité de pertes substantielles sur les prêts et sur
les titres détenus augmente, les dirigeants désireraient détenir davantage de capital _ our

65
protéger les actionnaires. Inversement, s'ils pensent qu'ils ne risquent pas de pertes ur les
actifs, ils peuvent vouloir réduire le montant de capital, avoir un multiplicateur de - nds
propres élevé, donc un effet de levier financier accru, et augmenter ainsi le coefficient de
rentabilité de la banque.

Les exigences en capital réglementaire. Les banques détiennent aussi du capital car elles y
sont contraintes par les autorités de supervision. Comme la détention de capital, ur les raisons
vues précédemment, entraîne des coûts élevés, les gestionnaires de la que désirent souvent
avoir moins de fonds propres par rapport à leurs actifs que le . um imposé par les autorités de
régulation. Dans ce cas, le montant de capital est déterminé par les exigences en fonds propres.
Nous discuterons des détails du ratio de propres et des raisons pour lesquelles il forme une
part significative de la régulation bancaire.

4. La gestion du risque de crédit

La discussion sur les principes généraux de la gestion d'actif a montré précédemment que les
banques et les autres institutions financières doivent réussir à accorder des prêts qui seront
intégralement remboursés (ce qui expose l'institution à un faible risque de crédit), afin de
maximiser les profits. Les concepts économiques d'anti-sélectian et de risque moral
permettent d'analyser les principes qu'adoptent les institutions financières pour réduire le
risque de crédit et réaliser des prêts profitables.

L'anti-sélection sur le marché des fonds prêtables apparaît parce que les mauvais risques de
crédit (les emprunteurs qui sont susceptibles de faire défaut sur leurs prêts) sont ceux qui
habituellement se pressent pour emprunter; en d'autres termes, ceux qui sont le plus à même
de produire un revenu négatif ont le plus de chances d'être sélectionnés. Les emprunteurs
porteurs de projets d'investissement très risqués sont les agents qui ont le plus à gagner si ces
projets sont couronnés de succès, et ils sont donc les plus désireux d'emprunter. Cependant, ce
sont clairement les emprunteurs les moins souhaitables à cause de leur forte probabilité d'être
incapables de rembourser leurs prêts.

Le risque moral existe sur le marché des fonds prêtables, car les emprunteurs sont incités à
s'engager dans des activités indésirables du point de vue du prêteur. Dans de telles situations,
le prêteur est plus susceptible d'être sujet au risque de défaut. Une fois que les emprunteurs
ont obtenu le prêt, ils sont plus enclins à investir dans des projets d'invessement hautement
risqués - projets qui rapportent des rendements élevés aux emprunteurs s'ils réussissent. Le
risque élevé, cependant, rend plus improbable le remboursement.

Pour être profitables, les institutions financières doivent surmonter les problèmes d'anti-
sélection et de risque moral qui rendent les défaillances sur les prêts plus probables. Les orts
des institutions financières pour résoudre ces problèmes aident à expliquer un certain mbre de
principes de gestion du risque de crédit: filtrage (screening) et surveillance monitoringï,
établissement de relations de long terme avec les clients, engagements de financement,
collatéral et exigences de dépôts de garantie, rationnement du crédit .

4.1. Sélection et surveillance

L’asymétrie d'information est présente sur le marché des fonds prêtables du fait que les
prèteurs ont moins d'information sur les occasions d'investissement et les activités des
emprunteurs que ces derniers. Cette situation conduit à deux activités de production
66
d’information par les banques et autres institutions financières - sélection et surveillance.
'alter Wriston, un ancien président de Citigroup, le plus grand conglomérat financier - États-
Unis, est souvent cité pour avoir déclaré que le métier de banquier est une activité production
d'information.

Sélection L'anti-sélection sur le marché des prêts suppose que les emprunteurs trient bons
risques de crédit et les mauvais, de manière que les prêts leur soient profitables. r effectuer
une sélection efficace, les prêteurs doivent collecter une information fiable les emprunteurs
potentiels. Un filtrage efficace et une collecte d'information constituent impératifs essentiels
pour la gestion du risque de crédit.

Quand un emprunteur sollicite un crédit à la consommation (un prêt pour l'achat d'une irure)
ou un prêt hypothécaire pour l'acquisition d'une maison, la première obligation quelle il doit
se plier auprès de la banque est de remplir des formulaires qui renseit sur sa situation
financière. Les questions portent sur le salaire, les comptes bancaires et autres actifs (voitures,
polices d'assurances, mobilier), et les charges périodiques; prunteur doit aussi fournir les
relevés de ses autres prêts, de ses cartes de crédit et de ses remboursements; le nombre
d'années pendant lesquelles il a travaillé et le nom de ses employeurs. Il doit également
répondre à des questions personnelles: âge, état de santé, situation de famille et nombre
d'enfants. Le prêteur utilise cette information pour évaluer le risque de crédit de l'emprunteur
en calculant un score de crédit", une mesure statistique dérivée des réponses qui prédit s'il est
susceptible de rencontrer des problèmes pour le remboursement de son prêt. L'évaluation du
risque que présente l'emprunteur ne peut être entièrement scientifique, une part relève donc du
jugement subjectif du prêteur. Le banquier, dont le métier est de décider si oui ou non il peut
accorder un prêt, peut appeler l'employeur ou interroger les personnes qui ont fourni des
références. Le banquier peut aussi juger sur le comportement ou sur l'apparence (c'est
pourquoi la plupart des gens s'habillent de manière soignée et classique pour « faire bonne
impression» lorsqu'ils sollicitent un prêt).

Le processus de sélection et de collecte d'information est identique quand une institution


financière accorde un crédit professionneL Elle collecte l'information sur les profits et les
pertes de la société (revenu) et sur ses actifs et ses dettes. Le prêteur doit aussi évaluer le
succès futur de l'affaire. C'est pourquoi, pour obtenir davantage d'informations sur les
perspectives de vente, le banquier peut poser des questions sur les projets futurs de l'entreprise,
la façon dont le prêt sera utilisé et l'état de la concurrence dans le secteur. Le banquier peut
même rendre visite à l'entreprise pour avoir un premier aperçu sur ses opérations. La ligne de
conduite des banques et des autres institutions financières consiste à se tenir en alerte, qu'il
s'agisse de prêts personnels ou professionnels.

Spécialisation des prêts. Un des aspects curieux des prêts bancaires est que les banques se
spécialisent souvent dans les prêts aux entreprises locales ou aux entreprises dans des secteurs
particuliers (comme l'énergie, par exemple). En un sens, ce comportement semble surprenant
parce qu'il signifie que la banque ne diversifie pas son portefeuille de prêts et s'expose ainsi à
un risque plus fort. Mais, dans une autre perspective, cette spécialisation a un sens. Le
problème d'anti-sélection suppose que la banque élimine les mauvais risques de crédit. Il est
plus facile pour la banque de collecter l'information sur les entreprises locales, et de
déterminer leur risque de crédit, que de rassembler une information comparable sur des
entreprises plus éloignées. De la même manière, en concentrant leurs prêts sur des entreprises
dans des secteurs spécifiques, les banques connaissent de mieux en mieux ces secteurs et sont
plus à même de prédire quelles entreprises seront capables de rembourser leur dette aux

67
échéances prévues.

Surveillance et exécution de clauses protectrices. Une fois que le prêt est accordé,
l'emprunteur est incité à s'engager dans des activités plus risquées, ce qui entraîne une
probabilité plus faible de remboursement du prêt. Pour réduire ce risque moral, les institutions
financières adoptent un principe de gestion du risque de crédit selon lequel le prêteur doit
inclure dans le contrat de prêt des dispositions protectrices (clauses restrictives ou covenants)
pour empêcher l'emprunteur de s'engager dans des activités risquées. En surveillant les
activités de l'emprunteur pour vérifier s'il respecte les clauses protectrices et en les exécutant
lorsqu'elles ne sont pas respectées, le prêteur s'assure que l'emprunteur ne prend pas de risques
à ses dépens. La nécessité pour les banques et les autres institutions financières de mettre en
oeuvre une sélection et une surveillance des emprunteurs explique pourquoi elles dépensent
beaucoup d'argent dans des activités d'audit et de collecte d'information.

4.2. Relation de clientèle à long terme

ne autre façon pour les banques et les autres institutions financières d'obtenir de J'information
sur les emprunteurs réside dans la relation de long terme, autre principe important de la
gestion du risque de crédit. Si un emprunteur potentiel détient pendant une longue période un
compte-chèques ou d'épargne ou d'autres prêts auprès d'une banque, le banquier peut observer
l'activité passée sur ces comptes et en déduire le comportement de l'emprunteur. Le solde des
comptes-chèques et d'épargne renseigne le oanquier sur la liquidité de l'emprunteur et sur la
période de l'année où celui-ci a un fort oesoin d'argent. Un examen des chèques émis par
l'emprunteur révèle l'identité de ses fournisseurs. Si l'emprunteur a déjà emprunté auprès de la
banque, celle-ci possède un relevé de ses remboursements. Ainsi une relation banque-client
sur le long terme réduit les coûts de collecte d'information et facilite l'éviction des mauvais
risques.

Le besoin de surveillance par les prêteurs renforce l'importance de la relation de clientèle ie


long terme. Si l'emprunteur a emprunté auprès de la banque auparavant, celle-ci a déjà défini
des procédures pour surveiller ce client. De cette manière, les coûts de veillance des clients à
long terme sont inférieurs à ceux des nouveaux clients.

Les relations de long terme profitent aussi bien aux clients qu'à la banque. Une entreprise
déjà en relation avec une banque trouvera plus facilement à se financer à de faibles taux
d’intérêt, car la banque peut aisément évaluer si cet emprunteur potentiel représente un bon
risque de crédit, ce qui induit des coûts de surveillance plus faibles.

Une relation banque-client à long terme a un autre avantage pour la banque. Aucune banque
ne peut penser à toutes les éventualités lorsqu'elle rédige des clauses protectrices dans un
contrat de prêt; il y aura toujours des activités à risques qui ne pourront être écartées. Que se
passe-t-il lorsqu'un emprunteur veut préserver sa relation de long terme avec une banque de
manière à obtenir plus facilement des prêts à taux d'intérêt avantageux dans le futur?
L'emprunteur est incité à éviter les activités risquées que désapprouverait la banque, même si
les restrictions sur ces activités risquées ne sont pas précisées s le contrat de prêt. Ainsi, si une
banque n'apprécie pas ce que fait un emprunteur, ème lorsque celui-ci ne viole pas les clauses
protectrices, elle a les moyens de le dissuade s'engager dans ce genre d'activité: la banque peut
le menacer de ne plus lui prêter argent dans le futur. Les relations banque-client à long terme
permettent donc aux banques de composer avec les éventualités de risque moral, même non
anticipé.

68
4.3. Engagements de financement

Les banques peuvent aussi créer des relations de long terme et collecter de l'information
offrant des engagements de prêt (loan commitments) à des clients professionnels. Un
engagement de financement est la promesse d'une banque (pour une durée future déterminée)
de fournir à une entreprise des prêts dans une limite spécifiée, à un taux fixé qui est lié au taux
d'intérêt du marché. La plupart des prêts commerciaux et industriels sont assortis de cet
arrangement. L'avantage pour l'entreprise est qu'elle dispose d'une source de crédit quand elle
en a besoin. L'avantage pour la banque est qu'un engagement de prêt induit une relation de
long terme, ce qui facilite à son tour la collecte d'information. De plus, les dispositions du
contrat d'engagement de prêt impliquent que l'entreprise s'engage à fournir à la banque des
informations concernant son revenu, ses actifs et ses dettes, ses activités, etc. Un engagement
de financement est une méthode efficace pour réduire les coûts de sélection et de collecte
d'information,

4.4. Collatéral et dépôt de garantie

Les exigences en matière de collatéral représentent d'importants outils de gestion du risque de


crédit. Le collatéral, qui correspond aux actifs promis au prêteur pour compenser la
défaillance de l'emprunteur, atténue les conséquences de l'anti-sélection, car il réduit les pertes
du prêteur dans le cas d'un incident de paiement sur le prêt. Si un emprunteur fait défaut sur
un prêt, le prêteur peut vendre le collatéral et utiliser le produit de la vente pour se rembourser
des pertes subies, Une forme particulière de collatéral requise lorsqu'une banque accorde un
prêt est le dépôt de garantie (compensating balance), une pratique courante aux États-Unis,
mais peu utilisée ou inconnue dans l'Union européenne : une entreprise qui reçoit des fonds
doit conserver un montant minimal réglementaire de ces fonds sur un compte de dépôt à la
banque. Par exemple, une entreprise recevant un prêt de 10 millions de dollars peut être
contrainte de consigner un dépôt de garantie d'au moins 1 million sur son compte-chèques. Ce
million de dépôt de garantie peut ensuite être repris par la banque pour se rembourser des
pertes subies sur le prêt si l'emprunteur fait faillite.

Outre son rôle de collatéral, le dépôt de garantie accroît la probabilité que le prêt sera
remboursé. En effet, il aide la banque à surveiller l'emprunteur et réduit par conséquent le
risque moral. Plus particulièrement, en demandant à l'emprunteur d'utiliser son compte-
chèques auprès de la banque, celle-ci peut observer les paiements par chèque de l'entreprise,
ce qui conduit à un meilleur partage de l'information sur les conditions financières de
l'emprunteur. Par exemple, une chute brutale du solde du compte-chèques de l'emprunteur
signale que celui-ci a des difficultés financières, ou une activité inhabi-. tuelle sur le compte
peut suggérer que l'emprunteur s'engage dans des activités risquées' peut -être un changement
de fournisseur indique- t - il que l'emprunteur poursuit de nouvelles activités industrielles?
Tout changement significatif dans les paiements de l'emprunteur est un signal indiquant à la
banque qu'elle doit enquêter. Par conséquent, les dépôts de garantie facilitent la surveillance
effective des emprunteurs; c'est donc un autre outil majeur de la gestion du risque de crédit.

4.5. Rationnement du crédit

Une autre manière pour les institutions financières de gérer l'anti-sélection et le risq " moral
réside dans le rationnement du crédit: il consiste à refuser d'accorder des prêts, même à des
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emprunteurs qui sont prêts à payer un intérêt donné ou même plus élevé. Le rationnement du
crédit prend deux formes. La première correspond au refus du prêteur d'accord un prêt quel
qu'en soit le montant à un emprunteur, même si celui-ci est prêt à payer un interêt plus élevé.
La seconde se produit quand un prêteur est disposé à accorder un crédit mais en le réduisant à
un montant plus faible que celui qui est souhaité par l'emprunteur.

De prime abord, on peut être intrigué par le premier type de rationnement du crédit. Après
tout, même si l'emprunteur potentiel est risqué, pourquoi le prêteur n'accorde-t-il pas le prêt
mais à un intérêt plus élevé? La réponse est que l'anti-sélection empêche cette solution. Les
individus et les entreprises aux projets les plus risqués sont justement ceux qui souhaitent
payer des intérêts plus élevés. Si un emprunteur s'engage dans un investissement très risqué et
qu'il réussisse, il deviendra extrêmement riche. Mais un prêteur ne voudra pas faire ce genre
de prêt précisément parce que le risque de l'investissement est élevé; le résultat vraisemblable
est que l'emprunteur ne réussira pas et que le prêteur ne sera pas remboursé. Imposer un taux
d'intérêt plus élevé aggrave le phénomène d'anti-sélection pour le prêteur; c'est-à-dire qu'il
accroît la probabilité que le prêteur prête à de mauvais risques. Le prêteur préférera ne pas
accorder de prêts à des taux plus élevés; il s'engagera dans le premier type de rationnement du
crédit à la place, et refusera d'accorder des prêts.

Les institutions financières s'engagent dans le second type de rationnement du crédit ?Our se
préserver du risque moral: elles accordent des prêts, mais pas des prêts aussi elevés que le
désirerait l'emprunteur. Ce genre de rationnement du crédit est nécessaire, car plus le prêt est
important, plus les bénéfices du risque moral le seront. Si une banque accorde un prêt de 1
000 euros, par exemple, l'emprunteur va probablement se limiter à des activités qui lui
permettront de rembourser ce prêt, car il ne souhaite pas voir baisser son score de crédit futur.
Cependant, si la banque lui prête 10 millions d'euros, l'emprunteur va vraisemblablement
s'envoler pour Rio pour fêter l'événement. Plus le prêt sera important, plus l'emprunteur
s'engagera dans des activités qui diminueront sa probabilité de remboursement. Ainsi,
puisqu'un plus grand nombre d'emprunteurs remboursent leurs prêts si le montant prêté est
faible, les institutions financières rationnent le crédit en accordant aux emprunteurs des
montants plus faibles que ce qu'ils désirent.

5. La gestion du risque de taux d'intérêt

Avec la volatilité accrue des taux d'intérêt observée depuis les années 1980, les banques et les
autres institutions financières sont devenues plus soucieuses de leur exposition au risque de
taux d'intérêt, c'est-à-dire au caractère aléatoire des revenus et des rendements associés aux
variations de taux. Pour comprendre ce que recouvre le risque de taux d'intérêt, analysons le
bilan de la banque A qui se présente, par exemple, de la manière suivante:

70
A l'actif du bilan, 20 millions d'euros d'actifs sont sensibles aux taux d'intérêt, c'est-àdire à des
changements de taux d'intérêt fréquents (au moins une fois par an), et 80 millions d'euros
d'actifs sont à taux fixes, c'est-à-dire à des taux qui demeurent inchangés sur une longue
période (au moins un an). Au passif, la banque A a 50 millions d'euros de dettes sensibles aux
taux d'intérêt, et 50 millions d'euros de dettes à taux fixes. Supposons que les taux d'intérêt
augmentent en moyenne de 5 points de pourcentage, passant de 10 à 15 %. Les revenus
d'actifs augmentent d'un million d'euros (== 5 % x 20 millions d'euros d'actifs sensibles aux
taux), tandis que les paiements sur les dettes augmentent de 2,5 millions d'euros (== 5 % x 50
millions d'euros de dettes sensibles aux taux). Le profit de la banque A baisse donc de 1,5
million d'euros (== 1 million d'euros _ 2,5 millions d'euros). Inversement, si les taux baissent
de 5 points de pourcentage, par un raisonnement symétrique, les profits de la banque A
augmentent de 1,5 million d'euros. Cet exemple illustre le point suivant: si une banque
possède plus de dettes sensibles aux taux que d'actifs, une hausse des taux d'intérêt réduit le
profit de la banque, et une baisse des taux augmente le profit bancaire.

5.1. Analyse des impasses

La sensibilité des profits bancaires aux variations de taux d'intérêt peut être mesurée
directement en utilisant la méthode des impasses comptables, dans laquelle le montant des
dettes sensibles aux taux est soustrait du montant des actifs sensibles aux taux. Dans notre
exemple, l'impasse (gap) est de -30 millions d'euros (== 20 millions - 50 millions). En
multipliant le gap par la variation du taux, nous pouvons immédiatement obtenir l'effet sur le
profit bancaire. Par exemple, quand les taux d'intérêt augmentent de 5 points de pourcentage,
le profit varie de 5 % x -30 millions, ce qui est égal à -1,5 million d'euros, comme on l'a vu.

L'analyse que nous venons de faire est connue sous le nom d'analyse d'impasse simple, et peut
être précisée de deux manières. Évidemment, tous les actifs et les passifs à taux fixes n'ont pas
la même maturité. Un perfectionnement, l'approche des impasses temporelles, consiste à
mesurer le gap pour diverses classes de maturité, appelé gaps temporels, de manière à calculer
les effets des variations de taux d'intérêt sur une période pluriannuelle. Un second
perfectionnement, appelé l'analyse d'impasse standard, prend en compte différents degrés de
sensibilité aux taux pour différents actifs et dettes sensibles aux taux.

5.2. Analyse des durations

Une autre méthode pour mesurer le risque de taux, l'analyse de duration, examine la
sensibilité des valeurs de marché du total des actifs et passifs bancaires aux variations de taux
d'intérêt.

Analyse de duration. L'analyse de duration est fondée sur le concept de duration de


Macaulay, qui mesure la durée de vie moyenne des flux de paiement d'un titre. Intuitivement,
la duration mesure la période à l'issue de laquelle la rentabilité d'une obligation n'est pas
affectée par les variations de taux d'intérêt. La duration est un concept utile, car elle fournit
une bonne approximation de la sensibilité de la valeur de marché d'un titre à la variation de
son taux d'intérêt:

71
Variation en pourcentage de la valeur de marché du titre = - variation en point de
pourcentage du taux d'intérêt multiplié par la duration en années

Où = signifie « environ égal à»

L’analyse de la duration implique l'utilisation de la duration moyenne (pondérée) des actifs et


des passifs d'une institution financière pour évaluer comment sa valeur nette ~~nd aux
variations de taux d'intérêt. Reprenons notre exemple de la banque A et pposons que la
duration moyenne des actifs est de trois ans (c'est-à-dire que la durée vie moyenne des flux de
paiement est de trois ans), tandis que la duration moyenne - dettes est de deux ans. De plus, la
banque A possède 100 millions d'euros d'actifs et millions d'euros de dettes, ce qui fait que le
capital de la banque est de 10 % des actifs. une hausse de 5 points de pourcentage des taux
d'intérêt, la valeur de marché des actifs de la banque diminue de 15 % (= -5 % X 3 ans), soit
une baisse de 15 millions sur les 100 millions d'actifs. Cependant, la valeur de marché des
dettes diminue 10 % (= -5 % X 2 ans), soit une baisse de 9 millions d'euros sur les 90 millions
de dettes, Le résultat est que la valeur nette (la valeur de marché des actifs moins celle des
passifs) a diminué de 6 millions d'euros, soit 6 % du total de la valeur originelle des actifs. De
manière symétrique, une baisse de 5 points de pourcentage des taux d'intérêt accroît la valeur
nette de la banque A de 6 % du total de la valeur des actifs.

Comme notre exemple le montre, à la fois l'analyse de duration et l'analyse de gap indiquent
que la banque A souffre d'une hausse des taux d'intérêt mais gagne en cas de baisse. L'analyse
de la duration et la méthode des gaps sont ainsi des outils utiles au gestionnaire d'une
institution financière pour calculer son degré d'exposition au risque .:e taux d'intérêt.

6. Activités hors-bilan

Bien que les banques aient accordé traditionnellement plus d'importance à la gestion globale
actif/passif, l'environnement plus concurrentiel dans lequel elles évoluent depuis ces dernières
années les a obligées à rechercher de façon plus agressive des profits en développant des
activités hors-bilan. Les activités hors-bilan impliquent la négociation d'instruments financiers
et engendrent un revenu issu des commissions et des cessions de prêts, des activités qui
affectent le profit bancaire mais n'apparaissent pas dans le bilan. Ainsi, les activités hors-bilan
ont pris une importance croissante pour les banques: le revenu de ces activités en pourcentage
des actifs a presque doublé depuis 1980.

6.1. Cession de prêt

Les ventes de prêts représentent une forme de l'activité hors-bilan qui a pris une importance
croissante, ces dernières années, et qui engendre de nouveaux revenus. Une cession de prêt
(loan sale), appelée aussi participation secondaire au prêt, consiste en un contrat qui prévoit la
vente de tout ou partie des cash-ilows d'un prêt spécifique et retire ainsi le prêt du bilan de la
banque. Les banques réalisent des profits à partir de ces ventes de prêts pour un montant
légèrement supérieur au montant originel du prêt. Du fait que les taux d'intérêt élevés sur ces
prêts les rendent attractifs, les institutions sont prêtes à les acheter, même si le prix plus élevé
implique qu'elles gagneront un taux d'intérêt légèrement plus faible que le taux d'intérêt initial
sur le prêt, généralement de l'ordre de 0,15 point de pourcentage.

72
6.2. Revenu de commissions

L'autre type d'activité hors-bilan se rapporte à la formation d'un revenu à partir des
commissions que les banques reçoivent sur les services spécialisés qu'elles fournissent à leurs
clients. C'est le cas avec les opérations en devises, l'émission de titres adossés à des prêts
hypothécaires (collateralized mortgage obligations), la garantie de titres de dettes comme les
acceptations de banque (une banque promet de payer les intérêts et le principal en cas de
défaillance de l'émetteur des titres), et l'ouverture de lignes de crédit de substitution (backup
lines of credit). Il existe plusieurs types de lignes de crédit. Nous avons déjà mentionné la plus
importante de ces opérations, l'engagement de financement, grâce auquel, pour une certaine
commission, la banque accepte d'accorder un crédit à la demande du client, jusqu'à un certain
montant, et pour une période donnée. Ces lignes de crédit sont aussi maintenant accessibles
aux déposants sous forme d'autorisation de découvert - par lesquelles les bénéficiaires peuvent
signer des chèques d'un montant supérieur à celui du solde de leur compte et, ainsi, s'accorder
un prêt à eux-mêmes. Les banques prélèvent également des commissions sur d'autres lignes
de crédit comme les garanties bancaires à première demande (stanby letters of credit) pour
couvrir l'émission de billets de trésorerie ou d'autres types de titres et de crédit en eurodevises:
facilités d'émission de billets (NIF, note issuance facilities), facilités de souscription
renouvelables (RUF, revolving underwriting facilities), qui sont des obligations à moyen
terme.

Les activités hors-bilan incluant les garanties de titres et les lignes de crédit accroissent le
risque auquel la banque doit faire face. Même si garantir un titre n'apparaît pas dans le bilan
de la banque, ill' expose au risque de défaut: si l'émetteur du titre fait défaut, la banque doit
faire face et rembourser les porteurs du titre. Les lignes de crédit conditionnelles exposent
aussi la banque au risque car celle-ci peut être forcée d'accorder des prêts alors même qu'elle
n'a pas suffisamment de liquidités ou que l'emprunteur représente un très mauvais risque de
crédit.

La création de véhicules d'investissement déconsolidants (VIE, SPE) et leur vente aux


investisseurs permettent aussi aux banques de gagner des commissions. Mais comme la crise
des subprimes l'a bien montré, quand la valeur de ces instruments financiers commence à
baisser, les banques doivent les réintégrer dans leurs bilans (par exemple Citibank, Merrill
Lynch, UBS en octobre 2007) puisqu'elles en sont les sponsors, c'est-àdire les garants, dont la
réputation risque d'être entachée si elles ne font pas face à leurs responsabilités. Même si ces
instruments financiers paraissent de prime abord hors-bilan, ils reviennent bel et bien dans les
bilans en cas de pertes substantielles. À contrecœur, les banques comme Citi ont fini par se
résoudre à assumer les pertes sur ces instruments financiers, traduisant ainsi le fait que ces
véhicules hors-bilan exposaient les anques à autant de risques que s’ils étaient restés
intermédiés depuis le début.

6.3. Activités de marché et techniques de gestion du risque

Nous avons déjà parlé des efforts des banques pour gérer le risque de taux qui les conduisent
à échanger des contrats financiers à terme, des options sur instrument de dette, et des swaps
de taux d'intérêt. Les banques s'engagent au niveau international pour effectuer aussi des
transactions sur le marché des changes. Toutes les transactions sur ce marché sont des
activités hors-bilan, car elles n'ont pas d'effets directs sur le bilan bancaire. Bien que les
banques traitant sur ces marchés soient souvent guidées par le désir de réduire le risque ou de
faciliter l'exploitation bancaire, elles essaient aussi d'anticiper les intentions du marché et elles

73
s'engagent dans des activités spéculatives. Cette spéculation peut être très risquée et a déjà
conduit à des faillites bancaires, la plus célèbre étant celles de la banque allemande Herstatt
en 1974 et celle de la banque britannique Barings en 1995.

Les activités de marché, bien que hautement profitables, sont dangereuses parce qu'elles
permettent aux institutions financières et à leurs employés de faire facilement des paris très
importants. Un problème spécifique à la gestion de ces activités de marché réside dans le fait
que la relation d'agence y est particulièrement dangereuse. Compte tenu de la possibilité de
faire des paris importants, le trader (l'agent), qu'il traite sur le marché des obligations, des
changes ou des produits dérivés, est incité à prendre des risques excessifs: si sa stratégie de
marché conduit à de gros profits, il peut en tirer un salaire élevé et des bonus, mais s'il subit
d'importantes pertes, l'institution financière (le principal) doit les couvrir. Comme la faillite de
la banque Barings l'a montré, un trader lié par une relation d'agence peut conduire très
rapidement à la faillite une banque en relativement bonne santé.

Pour atténuer le problème posé par la relation principal/agent, les dirigeants des institutions
financières doivent établir un contrôle interne rigoureux afin d'éviter des désastres comme
ceux créés par Nick Leeson à la Barings ou Jérôme Kerviel à la Société Générale (voir
chapitre 15). Le contrôle interne comprend notamment la séparation complète entre les
opérateurs chargés de la négociation des transactions (desk) et ceux qui traitent leur exécution
et leur enregistrement post-marché (middle et back office)

De plus, les dirigeants doivent imposer et faire respecter des limites sur le total des tran-
sacrions autorisées pour chaque trader et sur l'exposition au risque de l'établissement. Il t
nécessaire également que les dirigeants évaluent de manière critique les méthodes de esure
des risques (ce qui implique qu'ils les comprennent eux-mêmes). Une des méthodes

De plus utilisées aujourd'hui est le calcul de la valeur en risque (VaR, value-at-risk). Dans
cette approche, l'institution développe un modèle statistique grâce auquel elle peut culer la
perte maximale non anticipée que son portefeuille peut supporter sur une ée donnée. Par
exemple, une banque peut calculer que la perte maximale qu'elle peut porter pendant une
journée avec une probabilité de l % est de 1 million d'euros; ce chiffre de 1 million représente
la valeur exposée au risque (VaR) calculée de la banque.

Les tests de résistance (stress tests) offrent une autre approche. Le gestionnaire interroge les
modèles pour savoir ce qui arriverait dans l'hypothèse d'un scénario catastrophe. Autrement
dit, il s'agit d'estimer les pertes que l'institution pourrait supporter en cas de jonction
inhabituelle d'événements adverses. Grâce à l'approche VaR et aux tests de resistance, une
institution financière peut évaluer son exposition au risque et prendre des - spositions pour la
réduire. Les régulateurs bancaires aux États-Unis et dans d'autres pays s'inquiètent de
l'accroisseent des risques auquel les banques font face dans leurs activités hors-bilan et,
comme ous le verrons aux chapitres 12 et 13, ils incitent les banques à améliorer leur gestion
es risques. Par ailleurs, le Comité de Bâle et le Conseil de la stabilité financière, qui opèrent
dans le cadre de la Banque des règlements internationaux, développent aussi des projets
d'exigence supplémentaire en capital réglementaire, fondés sur des approches en termes de
VaR pour les activités de trading des banques.

74
CHAPITRE V : Les taux d’intérêt.

Les taux d'intérêt font partie des variables économiques les plus attentivement surveillées par
les observateurs de l'économie. Leurs variations sont rapportées quotidiennement dans les
médias car ils affectent directement à la fois notre vie quotidienne et la santé de l'économie.
Ils influencent les choix des particuliers entre consommation et épargne, leur décision
d'acheter une maison ou des obligations, ou d'investir dans un compte d'épargne. Les taux
d'intérêt affectent aussi les choix d'investissement des entreprises.

Il convient en premier lieu de définir précisément les termes taux d'intérêt. On montre dans
ce chapitre que le concept de taux actuariel est la mesure la plus précise du taux d'intérêt au
sens que souhaitent les économistes. On étudie comment le taux actuariel est calculé, et on
examine les autres moyens, moins précis, utilisés pour parler des taux d'intérêt. On montre
que le taux d'intérêt d'une obligation ne suffit pas à indiquer si elle constitue un bon
placement, dans la mesure où ce qu'elle rapporte finalement (son rendement) n'est pas
nécessairement égal à son taux d'intérêt. Enfin, on étudie les notions de taux d'intérêt réel et
de taux d'intérêt nominal, c'est-à-dire ajusté ou non pour l'inflation.

l'assimilation de ces concepts est un préalable essentiel à la compréhension de la vie


économique dans son ensemble.

1. Mesurer les taux d'intérêt

Les différents instruments de crédit diffèrent profondément par les flux de paiements qu'ils
impliquent comme par la durée de ces paiements. Pour les comparer, un concept essentiel
existe: celui de valeur actualisée.

1.1. Valeur actualisée

L'idée à la base du concept de valeur actualisée est qu'un euro à recevoir dans un an a moins
de valeur qu'un euro reçu tout de suite, ne serait-ce parce qu'un euro reçu aujourd'hui peut être
placé dans un compte d'épargne qui rapporte un intérêt, et permet donc d'avoir plus d'un euro
dans un an.

Prenons l'instrument de crédit le plus simple, le prêt simple. Dans un tel prêt, l'emprunteur
reçoit un montant (nommé le principal) qu'il doit rembourser au prêteur à la date dite
d'échéance, augmenté d'un montant d'inté-, rêt, Un prêt simple de 100 euros à un an à 10 %
implique au bout d'un an le remboursement des 100 euros et le versement d'un intérêt de 10
euros. Le taux d'intérêt est calculé comme le montant de l'intérêt rapporté au principal. On
l'appelle l'intérêt simple, noté i, et l'on a :

75
S'il continue une année supplémentaire, il obtient à la fin de la troisième année:

En généralisant, on peut écrire qu'après n années, ces 100 euros deviennent, toujours en
supposant le taux d'intérêt stable i = l0 % chaque année:

Pour un taux d'intérêt de la %, il est donc équivalent de recevoir 100' euros aujourd'hui ou 110
dans un an, 121 dans deux ans, etc. On peut aussi lire cette ligne temporelle en sens inverse et
considérer par exemple que 133 euros dans trois ans valent 100 aujourd'hui, car :

76
Ce calcul de la valeur aujourd'hui de montants à recevoir dans le futur s'appelle l'actualisation.
On peut généraliser ce procédé en désignant par VA la valeur aujourd'hui (valeur actualisée
ou actuelle) (ci-dessus 100 euros), par VF la valeur future (ci-dessus 133), par i le taux
d'intérêt (ci-dessus 0,1 ou la %), et par n la maturité (3 ci-dessus), ce qui conduit à la formule
générale de l'actualisation:

Le concept de valeur actualisée est très utile car il permet de calculer la valeur aujourd'hui
d'un instrument de crédit pour un certain taux d'intérêt comme la simple somme des valeurs
actualisées des paiements qu'il doit fournir dans le futur. Il permet ainsi de comparer la valeur
de différents instruments de crédit dont les paiements sont répartis différemment dans le
temps.

Exemple1 : Calcul d'une valeur actualisée simple

Quelle est la valeur actuelle de 250 euros recevables dans deux ans si le taux d'intérêt est de
15 % par an ?

Solution:

La valeur actuelle est de 189,04 euros. En effet, si on utilise l'équation 1

Avec VF = montant du flux futur, ou de la valeur future = 250 i = taux d'intérêt annuel = 15 %

n = nombre d'années = 2

VA = 250/(1 + 0,15)2 = 189,04

Exemple2 Combien vaut vraiment le gros lot?

Le gagnant d'une loterie dont le gros lot est de 20 millions d'euros se voit annoncer que la
somme lui sera payée à raison de 1 million par an pendant vingt ans. Combien a-t-il
77
réellement gagné?

Solution: En utilisant le concept de valeur actualisée, et en supposant un taux d'intérêt de


10 %, la valeur actualisée "du premier paiement, immédiat, de 1 million est bien de 1 million,
celle du versement de l'année suivante de 1/(1 + 0,1) = 909090 euros, celle du versement
suivant de 1/(1 + 0,1)2 = 826 446 euros, etc. La somme des 20 paiements atteint en valeur
actualisée seulement 9,4 millions, bien moins que les 20 annoncés.

1.2. Quatre principaux instruments de crédit

Il existe quatre principaux types d'instruments de crédit si on les distingue par la manière dont
leurs flux de paiements se répartissent dans le temps.

1. Le prêt simple, on l'a vu, comprend le prêt d'un montant pour une période donnée, appelée
maturité, au terme de laquelle le principal est remboursé, augmenté d'un intérêt. Beaucoup
d'instruments du marché monétaire sont de ce type.

2. Le crédit à versements constants (ou à mensualités ou annuités fixes) prévoit que


l'emprunteur effectue une série de versements de montants égaux à chaque période (mensuelle
ou annuelle) pendant la durée du prêt. Ces montants incluent à la fois le remboursement du
principal et les intérêts. Par exemple, un emprunt de l 000 euros peut être remboursable en 25
annuités de 126 euros. Les crédits à la consommation, les crédits automobiles et les crédits
immobiliers sont en général de ce type.

3. L'obligation classique prévoit le paiement annuel d'un montant fixe correspondant aux
intérêts jusqu'à la maturité du prêt, et le règlement à cette date d'un montant correspondant en
général au remboursement du principal. On nomme valeur faciale, valeur nominale ou pair le
montant de la dette nominale, en général celui par rapport auquel on calcule l'intérêt (et qui
était autrefois inscrit sur la face du titre en papier représentant l'obligation), coupon le
montant payé annuellement (le porteur détachait autrefois un coupon de papier fixé au titre et
l'envoyait à l'émetteur pour paiement), taux nominal ou taux de coupon le ratio du coupon sur
la valeur faciale en pourcentage, prime de remboursement la différence entre le montant payé
à maturité et la valeur faciale, et prime d'émission la différence entre la valeur faciale et le
montant effectivement remis par le prêteur à l'emprunteur lors de l'émission de l'obligation.
Par exemple, une obligation de 1 000 euros (valeur faciale) peut payer des coupons annuels de
100 euros pendant dix ans et être remboursée au pair (à l 000 euros) à l'échéance de ces dix
ans.

Une obligation est identifiée habituellement par trois informations: le nom de l'entité (société
ou collectivité publique) qui l'émet; la date d'échéance; le taux nominal. Dans notre exemple,
le taux nominal est de 100/1 000 = 10 %. Une grande part des emprunts à moyen et long
terme des entreprises et des collectivités publiques sont réalisés sous forme d'obligations de ce
type.

L'obligation zéro-coupon est émise à un prix inférieur à sa valeur faciale, ne verse pas de
coupons, et est remboursée à échéance à sa valeur faciale. En référence à la pratique bancaire
traditionnelle de l'escompte, qui consiste à racheter des créances avant leur maturité à un prix
inférieur à leur valeur faciale, on parle en anglais de discount bonds pour ces obligations. Par
exemple, une obligation à zéro-coupon de valeur faciale 1 000 euros peut être émise à 900
euros pour un an et remboursée à maturité à 1 000 euros. Nombre de bons du Trésor à court
78
terme émis par les gouvernements sont de ce type, ainsi que, plus récemment, quelques
obligations à long terme.

Ces quatre types d'instruments prévoient des paiements à des moments différents: les
emprunts simples et les obligations zéro-coupon seulement à l'échéance, les crédits à
versements constants et les obligations classiques durant toute la vie du crédit jusqu'à
l'échéance. Comment peut-on comparer ces instruments? La meilleure solution est d'utiliser le
concept de valeur actualisée pour construire un concept unique de taux d'intérêt valable pour
ces différents types d'instruments financiers.

1.3. Le taux actuariel

Parmi les différentes manières de calculer un taux d'intérêt, le taux actuariel ou rendement
actuariel ou encore taux de rendement interne (yield to maturity) est la plus importante. n
s'agit du taux d'intérêt qui égalise la valeur actualisée des flux: de paiements futurs imposés
par un instrument financier et sa valeur actuelle. Comme ce concept a un sens économique
clair, c'est lui que les économistes ont en général en tête quand ils parlent de taux d'intérêt.
Examinons comment il est calculé pour nos quatre types d'instruments.

Prêt simple Le taux actuariel d'un prêt simple est facile à calculer. Si on reprend l'exemple
d'un prêt à un an de 100 euros remboursable par un versement de 110 euros à l'échéance
(remboursement de 100 euros et versement simultané de 10 euros d'intérêts), on calcule le
taux actuariel en égalisant la valeur actualisée du paiement futur de 110 euros et la valeur
actuelle du prêt, 100 euros le jour de sa réalisation. Cela donne:

Comme on l'observe, ce taux est égal au taux d'intérêt nominal calculé en rapportant le
montant des intérêts à la valeur nominale du prêt. Dans le cas d'un prêt simple, le taux
d'intérêt nominal est égal au taux actuariel, et on peut utiliser la même notation i pour les deux.

Prêt à versements fixes Comme précédemment, on cherche le taux d'intérêt qui égalise la
valeur actualisée des versements (fixes) futurs et la valeur actuelle du prêt. Si on reprend notre
exemple d'un prêt de 1 000 euros remboursé en 25 versements annuels de 126 euros, on peut
calculer la valeur actualisée de la manière suivante: à la fin de la première année a lieu un
premier versement de 126 euros, dont la valeur actuelle est de 126/( 1 + i) ; à la fin de la
deuxième année a lieu un autre versement de 126 euros, dont la valeur actuelle est de 126/(l +
i)2; et ainsi de suite jusqu'au dernier versement, après vingt-cinq ans, dont la valeur actualisée
est de 126/(1 + i)25. Pour égaliser la valeur actuelle et la valeur actualisée des paiements
futurs, on pose:

79
De manière générale, pour un prêt à versements fixes, on calcule le taux actuariel i comme la
valeur qui permet de résoudre

où V est le montant du versement annuel et n le nombre d'années jusqu'à la date de maturité.


Le calcul du taux actuariel est possible si la maturité, V et la valeur actuelle du prêt sont
connus. Il n'est pas simple mais disponible sur de nombreuses calculatrices où il suffit d'entrer
ces variables. Dans l'exemple précédent, le taux actuariel est de 12 %. Dans de nombreux
métiers, par exemple agent immobilier ou banquier, il faut pouvoir calculer rapidement le
montant des mensualités ou des annuités d'un prêt à partir du taux actuariel.

Obligation classique Égalisons de nouveau la valeur actualisée des versements futurs et la


valeur actuelle du crédit, c'est-à-dire le prix de l'obligation le jour de son émission. On a de
nouveau la somme d'une série de valeurs actualisées à calculer, plus précisément la somme
des valeurs actualisées des coupons, à laquelle s'ajoute la valeur actualisée du paiement final.
Reprenons l'exemple de l'obligation ayant des coupons de 100 euros, une maturité de 10 ans et
un versement final de 1 000 euros. La valeur actualisée du coupon versé à la fin de la
première année est de 100/(1 + i) ; celle du deuxième coupon de 100/(1 + i)2; et ainsi de suite
jusqu'au dixième et dernier coupon dont la valeur actualisée est de 100/(1 + i)!O. S'y ajoute la
valeur actualisée du versement final, soit 1000/(1 + i)lO. On égalise avec le prix actuel de
l'obligation, noté P, ce qui donne:

où P est le prix de l'obligation, C le coupon annuel, F la valeur du paiement final, n le nombre


d'années avant la date de maturité. Si on connaît toutes ces variables, on peut calculer le taux
actuariel i. Les calculatrices permettent en général de réaliser ce calcul quand on ne trouve pas
de solution algébrique simple. Le tableau 4.1 donne quelques exemples de taux actuariels en
fonction du prix actuel.

Tableau 5.1 : Taux actuariels pour une obligation de valeur nominale 1 000 euros, au coupon
de 100 euros, à 10 années de maturité et remboursable au pair (1 000 euros), en fonction de
son prix actuel

80
Trois observations meritent d'être faites:

1. Quand le prix actuel est égal à la valeur du remboursement final et à la valeur nominale, le
taux actuariel est égal au taux nominal, ici 10 %.

2. Le prix actuel d'une obligation et son rendement actuariel sont corrélés négativement:
quand le taux actuariel augmente, le prix de l'obligation baisse, et vice versa.

3. Le taux actuariel est supérieur au taux de coupon nominal quand le prix de l'obligation est
en dessous de sa valeur faciale.

Ces trois observations sont valables pour toute obligation classique et ne doivent pas
surprendre. En effet, la première correspond à ce que l'on observe par analogie sur un compte
bancaire qui paie un intérêt de 10 % : y verser 1000 euros permet de retirer chaque fin d'année
100 euros d'intérêt et de toujours disposer des 1 000 euros. Acheter notre obligation de 1 000
euros versant un coupon de 10 % et remboursée à 1 000 euros revient au même. Si l'obligation
est achetée au pair à 1 000 euros, son taux actuariel doit être de 10 %.

Il est logique que le prix de l'obligation et le rendement actuariel soient reliés négativement.
Quand le taux actuariel i augmente, les dénominateurs dans l'équation (3) augmentent, donc le
prix de l'obligation doit baisser pour maintenir l'égalité. Un taux d'intérêt plus élevé implique
que la valeur des paiements futurs est plus faible, donc le prix actuel doit être plus bas pour
être égal à leur somme.

Un cas particulier d'obligation mérite une mention spéciale, parce que son taux actuariel est
très simple à calculer: il s'agit des obligations perpétuelles. Celles-ci sont des obligations dont
la maturité est infinie et qui ne. sont donc jamais remboursées, de sorte qu'elles paient
uniquement des coupons annuels, et ce jusqu'à l'infini. De telles obligations ont été
fréquemment émises par les gouvernements, surtout au XIXe siècle, où elles portaient en
France le nom de rentes perpétuelles. Comme ces obligations ne comprennent pas de
remboursement du principal, l'équation (3) se simplifie dans leur cas en :

81
Dans le cas de la rente perpétuelle, la relation négative entre le taux d'intérêt et le prix apparaît
immédiatement. Par exemple, une obligation qui verse un coupon de 100 euros par an à
perpétuité vaut 1 000 euros quand le taux d'intérêt est de 10 % et 500 quand le taux monte à
20 %. De la même manière, le rendement actuariel d'une rente perpétuelle se calcule aisément:

l'obligation zéro-coupon Le taux: actuariel pour une obligation zéro-coupon est identique à
celui d'un prêt simple. Reprenons le cas d'une obligation remboursable à 1 000 euros dans un
an. Si le prix d'achat actuel est de 900 euros, égaliser la valeur actualisée du remboursement et
le prix actuel donne:

De manière générale, le taux actuariel d'une obligation zéro-coupon à un an peut s'écrire:

où F est la valeur de remboursement et P le prix actuel de l'obligation. En général, le prix de


telles obligations reste donc inférieur à leur valeur faciale (de remboursement), ce qui est la
condition pour que leur taux d'intérêt soit positif. Cependant, des exceptions sont apparues
récemment au Japon pour des bons du Trésor (voir encadré 4.1). On retrouve par ailleurs pour
ces obligations la relation négative entre le taux: actuariel et le prix soulignée précédemment.
82
1.4. Conclusion

Le concept de valeur actualisée dit qu'un euro demain a moins de valeur qu'un euro
aujourd'hui parce qu'on peut toujours placer l'euro détenu aujourd'hui et obtenir un intérêt. De
ce fait, un euro dans n années vaut aujourd'hui seulement 1/( 1 + i)n euro. La valeur actualisée
d'un actif rapportant une série de revenus futurs est égale à la somme des valeurs actualisées
de ces flux de revenus futurs.

Le taux actuariel d'un instrument de crédit est le taux d'intérêt qui égalise la valeur actualisée
des futurs revenus d'un actif et son prix actueL Cette manière de mesurer les taux d'intérêt est
la plus cohérente économiquement et donc la plus utilisée par les économistes lorsqu'ils
parlent de taux d'intérêt.

Le calcul des taux actuariels pour les principaux types d'instruments financiers utilisés montre
que le prix de ces instruments est inversement corrélé avec leur taux actuariel : leur prix
monte quand le taux baisse, et vice versa.

2. Le taux d'intérêt apparent

Le taux actuariel est la meilleure manière de mesurer les taux d'intérêt au sens économique du
terme. C'est donc en général ce que l'on entendra par taux d'intérêt dans cet ouvrage. Il
convient cependant de savoir que l'on emploie souvent les termes taux d'intérêt pour désigner
une mesure différente, d'ailleurs parfois utile quand le taux actuariel est difficile à calculer: le
taux d'intérêt apparent. L'emploi de l'expression taux d'intérêt en ce sens est fréquent, même
dans la presse financière, et il convient donc de comprendre exactement ce qui distingue ces
deux concepts.

Le taux d'intérêt apparent est une approximation du taux actuariel qui est souvent utilisée sur
les marchés obligataires car il est aisé à calculer. On le définit comme le rapport du coupon
sur le prix d'un titre:

Où i est le taux d'intérêt apparent, P le prix de l'obligation et C le coupon versé annuellement.


Cette équation est la même que l'équation (5) que l'on a déterminée pour les obligations
perpétuelles. Donc, pour ces obligations, le taux apparent et le taux actuariel sont identiques.
Toutes les obligations très éloignées (disons 20 ans) de leur échéance peuvent être considérées
en première approximation comme des obligations perpétuelles. Ceci est spécialement vrai
quand les taux d'intérêt sont relativement élevés, car la valeur actualisée des paiements
effectués dans le futur éloigné devient relativement négligeable. On peut alors utiliser le taux
apparent comme une approximation du taux actuariel. Ceci n'est plus vrai quand l'échéance se
rapproche, et l'erreur commise pourrait alors devenir importante. On a également vu que
lorsque le prix d'une obligation est égal à sa valeur faciale et de remboursement, le taux
actuariel est égal au taux nominal (le rapport du coupon à la valeur nominale). Comme le taux
apparent est égal au rapport du coupon sur le prix, il est donc aussi égal au taux nominal et au

83
taux actuariel quand le prix de l'obligation est au pair. De sorte que plus le prix d'une
obligation est proche du pair, plus son taux apparent est une bonne approximation de son taux
actuariel (du moins si son pair, sa valeur nominale, est égal au prix de remboursement, ce qui
est le cas habituellement).

L'équation 7 nous montre aussi que le taux d'intérêt apparent est négativement relié au prix de
l'obligation. On a vu que c'est également vrai du taux actuariel. En fait, le taux apparent et le
taux actuariel varient toujours dans le même sens. Une hausse du taux apparent signifie donc
toujours une augmentation du taux actuariel.

Au total, le taux d'intérêt apparent (le coupon annuel d'intérêts rapporté au prix de l'obligation)
est une approximation d'autant plus acceptable du taux actuariel que l'échéance est éloignée et
que le prix est proche du pair. Dans tous les cas, les deux changent toujours dans la même
direction.

3. La distinction entre taux d'intérêt et rendement

On pense parfois qu'acheter des obligations à taux d'intérêt élevé est la seule chose qui
importe pour faire un bon placement. En fait, tout dépend de l'évolution des taux d'intérêt
pendant qu'on les détient, comme on va le voir maintenant. En réalité, la mesure correcte de
ce qu'on a gagné en détenant un titre durant une période donnée est appelée le rendement, plus
exactement le taux de rendement. Le rendement de la détention d'un actif se définit comme la
somme des paiements versés durant la période de détention et du gain en capital lors de la
revente finale (ou du remboursement) rapportée au prixninitial. Par exemple, calculons le
rendement résultant de l'achat d'une obligation de valeur nominale 1 000 euros, de taux
nominal 10 %, achetée 1 000 euros et revendue après un an pour 1 200 euros. Au cours d'une
année de détention, cette obligation paye un intérêt de 100 euros (10 % de 1 000). Achetée 1
000 et revendue 1 200, elle fournit un gain en capital de 200 euros (l 200 - 1 000). Son
rendement est donc égal à:

On remarque que le rendement est différent du taux nominal (10 %) et du taux actuariel
(également 10 % puisque l'obligation est achetée au pair, de sorte que son taux actuariel est
égal à son taux nominal). Le rendement résultant de la détention d'une obligation peut donc
être différent de son taux d'intérêt. Le rendement est le résultat a posteriori d'un placement,
alors que le taux d'intérêt actuariel est celui auquel peut s'attendre a priori quelqu'un qui
s'apprête à détenir un actif jusqu'à son échéance.

De manière générale, le rendement résultant de la détention d'un actif durant une période de t
à t + 1 peut s'écrire:

84

R est le rendement de la détention de t à t + 1. Pt est le prix en t.

Pt+ 1 est le prix en t + 1. C est le coupon payé.

On peut séparer ce rendement en deux termes:

Où ic est le taux d'intérêt apparent et g le taux de gain en capital. Ceci confirme que même
pour un titre pour lequel le taux d'intérêt apparent est proche du taux actuariel, le rendement
peut différer sensiblement de celui-ci si des fluctuations importantes des prix des titres
produisent des gains (ou des pertes) importants en capital. Le tableau 4.2 montre les
rendements sur un an quand le taux d'intérêt passe de 10 à 20 %, pour des obligations
différant seulement par leurs maturités.

Tableau 5.2 : Rendement annuel de la détention pendant un an d'obligations de différentes


maturités et de taux nominal de 10% lorsque le taux d'intérêt actuariel passe de 10 % à 20 %

85
* Le prix de revente est calculé en utilisant l'équation (3), en supposant que les coupons annuels de
100 euros (10% de 1 000) sont versés et conservés jusqu'à l'échéance et que l'obligation est rem-
boursée au pair à l'échéance, et que le taux actuariel lors de la revente est égal à 20 %.

Le tableau 5.2 permet plusieurs observations importantes:

- La seule obligation dont le rendement est égal au taux d'intérêt initial est celle dont la
durée avant l'échéance est égale à la durée de détention sur laquelle est calculé le ren-
dement (1 an ici, dernière ligne).

- Même si une obligation a un taux d'intérêt initial substantiel, elle peut produire un
rendement négatif si les taux d'intérêt augmentent.

- Une hausse du taux d'intérêt conduit à une baisse du prix dans l'année jusqu'à la revente,
ce qui conduit à une perte en capital dès que la maturité dépasse la durée de détention.

- Plus la maturité est longue (l'échéance éloignée), plus la variation de prix résultant d'une
variation donnée de taux d'intérêt est importante (497 euros de baisse pour 30 ans contre
83 euros pour 2 ans).

- Plus la maturité est longue, plus faible est le rendement qui résulte de la détention
pendant une période où a lieu une augmentation de taux d'intérêt.

Il peut sembler surprenant qu'une hausse des taux d'intérêt conduise à une perte pour les
détenteurs d'obligations. La raison en est que la hausse des taux d'intérêt fait baisser le prix
des obligations émises avant cette hausse. Ceci se comprend si on considère (dans le cas par
exemple de rentes perpétuelles) que lorsque le taux d'intérêt passe de 10 % à 20 %, un
épargnant peut obtenir un intérêt annuel de 200 euros en épargnant 1 000 euros, si bien que
les 100 euros que rapporte une obligation émise à 10 % ne sont plus attractifs, à moins de
pouvoir se les procurer pour 500 euros (auquel cas leur intérêt redevient 1001 500 = 20 %).
Ainsi, la hausse des taux d'intérêt conduit à des pertes en capital qui peuvent entraîner des
rendements négatifs si elles excèdent les intérêts. On peut certes éviter de réaliser de telles
pertes en prolongeant la détention d'une obligation jusqu'à

maturité. Il ne s'agit pas moins de pertes en comparaison d'un placement en dépôts bancaires
86
(sans risque de perte en capital) qui aurait permis d'acheter des obligations au taux de 20 % au
lieu de 10 %.

3.1. Maturité et volatilité du prix des obligations: le risque de taux d'intérêt

Le fait que les prix des obligations à maturité éloignée réagissent davantage aux changements
des taux d'intérêt permet d'expliquer une caractéristique bien connue des marchés financiers:
la volatilité supérieure des cours des obligations à long terme par rapport à celle des titres à
plus court terme. Des variations de prix de + 20 % ou -20 % sont fréquentes pour des
obligations à 20 ans, avec les effets que l'on imagine sur les rendements pour leurs détenteurs.

Les variations des taux d'intérêt rendent donc risqués les placements en obligations à long
terme. On appelle ce risque le risque de taux d'intérêt. Protéger contre ce risque est un souci
constant des gestionnaires des institutions financières et des investisseurs .

À l'inverse, les titres à court terme ont peu de risque de taux d'intérêt. Ceux dont la durée de
détention est égale à la maturité n'en comportent même aucun puisque leur valeur en fin de
détention est fixée, de sorte qu'elle ne peut pas être affectée par les variations des taux
d'intérêt, et que le rendement pour une telle détention est égal au taux actuariel calculé lors de
l'achat'. En revanche, ne placer son épargne qu'en titres à court terme pour éviter le risque de
taux d'intérêt présente un risque de réinvestissement : celui de devoir replacer son argent à la
fin d'une période pour la période suivante, à un taux d'intérêt qui n'est pas encore connu/.

3.2. Taux équivalent et taux proportionnel

Les taux que l'on a calculés jusqu'à présent s'appliquent à une année entière. En pratique, cela
ne convient pas quand on achète un titre en cours de vie, ou lorsqu'on veut calculer un
rendement sur une période qui n'est pas un nombre d'années entier. Il y a deux manières de
considérer des périodes infra-annuelles.

Le taux proportionnel calcule la fraction de coupon couru en considérant que les intérêts ne se
capitalisent pas au sein de l'année. Si i est le taux annuel et j le nombre de jours considérés, le
taux proportionnel est:

Le taux équivalent suppose au contraire que les intérêts sont capitalisés au jour le jour au sein
de l'année. Il vaut donc:

87
3.3. Conclusion

Le rendement d'un titre est le gain réalisé lors de la détention d'un titre et rapporté à son prix
d'acquisition. Il est égal au taux d'intérêt actuariel quand la durée de détention et la maturité
du titre sont égales. Les titres dont la maturité excède la durée de détention font courir à leur
détenteur un risque de taux d'intérêt, qui résulte du fait que les variations des taux d'intérêt
affectent le prix du titre lors de sa revente, conduisant à des plus ou moins-values qui peuvent
jouer fortement sur le rendement. Le risque de taux d'intérêt est important pour les titres à
long terme, qui ne sont donc pas des placements sûrs pour des périodes brèves.

4. La distinction entre taux d'intérêt réel et taux d'intérêt nominal

4.1. Les taux d'intérêt réels

Les taux d'intérêt considérés jusqu'à présent ne tiennent pas compte de l'inflation: il s'agit de
taux d'intérêt nominaux. Ils se distinguent des taux d'intérêt réels qui sont calculés en en
déduisant le taux d'inflation anticipé pour mieux refléter le coût ou le revenu réels d'un crédit".
On peut définir plus précisément le taux d'intérêt réel par "équation de Fisher, du nom d'un
célèbre économiste du début du xx" siècle. Celle-ci dit ue si le taux d'intérêt nominal est i, le
taux d'intérêt réel ir et l'inflation anticipée n», on eut écrire:

Car pour de petites valeurs de i r et de n a, le terme en ir x n a est très petit et peut être négligé
(ce n'est pas le cas néanmoins quand ils dépassent 10 % par an). Autrement dit, le taux
d'intérêt réel est égal au taux d'intérêt nominal diminué du taux d'inflation anticipé. Ainsi, un
épargnant qui fait un prêt simple d'un an à 5 % (i = 5 %) et anticipe une hausse des prix de 3 %
pour l'année à venir (n a = 3 %) prévoit d'obtenir en termes réels, c'est -à-dire en pouvoir
d'achat de biens réels, un intérêt de 2 % (ir = i - na = 5 % - 3 % = 2 %).

i le taux d'intérêt augmente jusqu'à 8 %, mais que le taux d'inflation anticipé atteint 10 %, la
hausse du taux d'intérêt nominal est plus que compensée par la hausse de l'inflation, de sorte
que malgré un patrimoine en augmentation de 8 %, l'épargnant qui s'attend à devoir payer les
biens 10 % plus cher voit sa situation se détériorer avec un taux anticipé de -2 % (8 % - 10 %
= -2 %). Un prêteur souhaite moins faire un prêt dans ce cas, car en termes réels il obtient un
taux d'intérêt négatif de 2 %. Mais un emprunteur est gagnant puisque le montant qu'il doit
rembourser, intérêt inclus, est de - % inférieur à ce qu'il a reçu en termes de pouvoir d'achat.
Ainsi, quand les taux d'intérêt réels sont bas, il y a beaucoup d'incitations à emprunter "et peu
à prêter.

De la même manière, on peut distinguer les rendements réels des rendements nominaux. Les
88
rendements nominaux, qui ne tiennent pas compte de l'inflation, sont ceux que l'on a définis
précédemment comme rendements. Si on en déduit l'inflation réalisée, on en déduit le
rendement réel, c'est-à-dire la quantité de biens supplémentaires que l'on peut acheter grâce à
un placement.

La distinction entre taux d'intérêt réels et nominaux est importante, car c'est elle qui doit au
mieux refléter les incitations à emprunter ou à prêter. Il semble en effet que les taux d'intérêt
réels permettent de mieux comprendre les évolutions du marché du crédit . .

4.2. Les taux d'intérêt nets d'impôt

Les intérêts obtenus sur un placement sont imposables au titre de l'impôt sur le revenu et sont
frappés de prélèvements sociaux (la CSG et la CRDS). Le véritable gain que prévoit .e prêteur
n'est donc pas le taux d'intérêt réel déduit de l'équation de Fisher, mais bien Le taux d'intérêt
réel net d'impôt (ou après impôt), qui est égal au taux d'intérêt nominal après impôt moins Le
taux d'inflation anticipé. Ainsi, si le taux d'imposition est égal à - = 30 %, le taux d'intérêt
nominal net d'impôt d'un prêt de taux d'intérêt i = 10 % est egal à 7 % (= 10 % x (1- 0,3). De
manière générale, le taux d'intérêt réel net est égal à:

La formule du taux d'intérêt réel net donne une meilleure indication du coût effectif du crédit
pour les entreprises dans la mesure où elles peuvent en général déduire de leurs profits
imposables les intérêts payés sur leur dette. En effet, une entreprise dont le taux d'imposition
est de 30 % et qui est endettée au taux nominal de 10 % peut déduire les intérêts qu'elle paye
de ses profits et donc diminuer ses impôts de 30 % du montant correspondant. Net d'impôt,
son emprunt lui coûte seulement 7 % (== 10 % (1 - 0,3». Si elle anticipe une inflation de 5 %,
il lui coûte réellement 2 %.

Les taux d'intérêt réels nets sont toujours inférieurs aux taux d'intérêt réels bruts. Pour un
même taux d'intérêt réel brut, plus l'inflation est élevée, et donc le taux nominal est élevé, plus
le prélèvement fiscal est important par rapport au taux réel net. Dans certains cas, elle peut
même changer le signe du taux d'intérêt. Ainsi, pour un même taux réel de 2 % et un taux
d'imposition de 50 %, si l'inflation anticipée est de 10 % et donc le taux nominal de 12 %, le
taux nominal net est de 6 % (== 12 x (1 - 0,5) ), donc le taux réel net de -4 %. Si l'inflation
anticipée est de 0 % et donc le taux nominal de 2 %, le taux nominal net est de I % et le taux
réel net est de 1 %. On observe également que plus le taux d'imposition est élevé, plus l'écart
introduit par l'inflation entre taux nominal et taux réel est accentué lorsqu'on passe aux taux
nets d'impôt.

89
CHAPITRE VI : Comprendre les taux d’intérêt.

Les taux d'intérêt varient beaucoup. Pour des bons du Trésor à court terme comparables, on
a observé des taux proches de zéro au Japon depuis plusieurs années, comme des taux de 15 %
dans la plupart des pays occidentaux au début des années 1980. Ces dernières années, des
variations entre 2 et 6 % des taux en Europe sont encore monnaie courante.

Pourquoi les taux d'intérêt varient-ils autant? Dans ce chapitre, nous allons étudier comment
est déterminé le niveau des taux d'intérêt nominaux (on écrira simplement « les taux
d'intérêt») et quels facteurs influencent leur évolution.On utilise à cet effet une analyse en
termes d'offre et de demande sur le marché des obligations et sur le marché de la monnaie.
On a vu en effet au chapitre 5 que les taux d'intérêt étaient reliés négativement au prix des
obligations, si bien qu'expliquer celui-ci équivaut à expliquer les taux d'intérêt.

Pour construire une courbe de demande d'obligations, la première étape de l'analyse


consiste à comprendre les déterminants de la demande pour des actifs. La théorie de la
demande d'actifs propose les critères essentiels qui influencent l'achat d'actifs. Une fois la
courbe d'offre également construite, on développe le concept d'équilibre du marché, point
d'intersection des courbes d'offre et de demande. On utilise ensuite ce modèle pour expliquer
les changements du taux d'intérêt d'équilibre.

Comme les taux d'intérêt pour différents actifs sont corrélés, on fait dans ce chapitre comme
s'il existait un seul titre et un se1 taux d'intérêt. Cette hypothèse est levée au chapitre suivant,
qui explique pourquoi les taux d'intérêt peuvent différer pour des titres différents.

1. Théorie de la demande d'actifs

Un actif est un bien qui peut servir de réserve de valeur. La monnaie, les obligations, les
actions, les terres, les immeubles, les œuvres d'art, les matériels d'exploitation des entreprises
sont des actifs. Les déterminants qui influencent les choix de détention d'actifs des individus
sont les suivants:

1. la richesse (ou le patrimoine), c'est-à-dire la totalité des biens possédés par l'individu;

2. le rendement anticipé pour une période donnée pour un actif relativement aux autres actifs;

3. le risque (le degré d'incertitude associé à ce rendement) pour un actif relativement aux
autres;

4. la liquidité (la facilité avec laquelle un actif peut être transformé en numéraire) relativement
aux autres.

1.1. Richesse

Quand la richesse d'un individu s'accroît, ses ressources disponibles pour acheter tout actif
augmentent, de sorte que la demande doit s'accroître pour tout actif. Toutes choses égales par
ailleurs, une augmentation de la richesse accroît la quantité demandée d'un actif quel qu'il soit.

90
1.2. Rendement anticipé

On a vu au chapitre 5 que le rendement d'un actif (par exemple d'une obligation) est le gain
résultant de sa détention durant une période donnée. L'achat d'un actif est influencé par le
rendement que l'acheteur anticipe de cet actif. Ainsi, pour une action donnée, si l'on anticipe
deux possibilités, une récession qui conduit à un rendement de 5 %, et une croissance qui
amène un rendement de 150/0, chacun avec une probabilité d'un demi, le rendement anticipé
est la moyenne de ces rendements, soit 10 % (= 0,5 x 15 % + 0,5 x 5 %). Si la perspective
d'une récession disparaît et que de ce fait le rendement anticipé de cette action augmente par
rapport à celui des autres actifs, il devient plus intéressant d'en détenir, et donc la demande
pour cette action augmente, toutes choses égales par ailleurs. La même chose se produit si le
rendement anticipé des autres actifs diminue, tandis que celui de cette action reste stable ou
diminue moins. Donc, l'augmentation du rendement anticipé d'un actif relativement à celui
des autres actifs conduit à un accroissement de la demande de cet actif, toutes choses égales
par ailleurs.

1.3. Risque

Le degré de risque ou d'incertitude qui affecte le rendement d'un actif influe aussi sur la
demande pour cet actif. Entre un actif dont le rendement est certain et un actif, comme l'action
évoquée ci-dessus, dont le rendement anticipé est égal en moyenne mais incertain et qui peut
varier sensiblement selon la situation économique,ou d'autres considérations, un agent
économique ayant une aversion envers le risque préfère l'actif à rendement certain. On
considère en général que les agents économiques ont de l'aversion envers le risque,
spécialement dans leurs décisions en matière financière, et donc que, toutes choses égales par
ailleurs, plus le risque d'un actif relativement aux autres actifs augmente, plus la demande
pour cet actif diminue.

1.4. Liquidité

Un autre facteur affectant la demande d'un actif est la facilité et la vitesse avec laquelle il peut
être converti en monnaie, c'est-à-dire sa liquidité. Un actif est liquide si le marché sur lequel il
est échangé a de la profondeur et de la largeur, c'est-à-dire s'il y a beaucoup d'acheteurs et de
vendeurs en permanence. Les immeubles sont relativement peu liquides car il peut être
difficile de trouver un acheteur rapidement, et un vendeur pris par l'urgence peut être obligé
de le brader. En outre, les coûts de transaction (frais de notaires par exemple) sont importants.
Nombre de titres ont au contraire des marchés très liquides, les plus liquides étant ceux des
titres publics comme les bons et obligations du Trésor. Plus un actif est liquide relativement
aux autres actifs, plus la demande pour cet actif augmente.

1.5. Théorie de la demande d'actifs

En réunissant ces facteurs, on peut résumer la théorie de la demande d'actifs en quatre points.
Toutes choses égales par ailleurs, la demande d'un actif est:

1. fonction croissante de la richesse;

2. fonction croissante de son rendement anticipé relativement aux autres actifs;

91
3. fonction décroissante de son risque anticipé relatif;

4. fonction croissante de sa liquidité relative.

2. Offre et demande sur le marché des obligations

Pour comprendre comment est déterminé le taux d'intérêt, il convient d'examiner l'offre et la
demande sur le marché des obligations. En premier lieu, on dérive une courbe de demande,
qui résume la relation entre la quantité d'obligations demandée et leur prix, toutes choses
égales par ailleurs.

2.1. La courbe de demande

On considère la demande pour une obligation zéro-coupon qui ne verse aucun coupon et est
remboursable à 1 000 euros au terme d'un an. Si la période de détention est égale à un an,
alors, comme on l'a vu au chapitre 4 (équation 6), le rendement est connu avec certitude et est
égal au taux actuariel.

Où i est le taux d'intérêt actuariel, Ra est le rendement anticipé, F la valeur faciale (à laquelle
l'obligation doit être remboursée), et P le prix d'achat.

On peut en utilisant cette formule calculer le taux d'intérêt correspondant à chaque prix de
l'obligation. Quand ce prix est égal à 950 euros, le taux d'intérêt actuariel et le rendement
anticipé sont égaux à :

Si on connaît la valeur de la demande d'obligation à chaque prix, on peut tracer la figure 5.1
qui représente la relation entre quantité demandée et prix. Pour permettre de lire cette figure à
la fois en termes de prix et en termes de taux d'intérêt, on représente deux axes d'ordonnées,
l'un à droite pour les taux d'intérêt et l'autre à gauche pour les prix des obligations. Les deux
sont reliés de manière univoque par l'équation précédente, et croissent en direction opposée:
quand le prix des obligations augmente, le taux d'intérêt diminue (voir chapitre 4). Ainsi,
quand le prix des obligations baisse de 950 à 900 euros, le taux d'intérêt passe de 5,3 % à :

92
Comme ce rendement anticipé est supérieur, si toutes les autres variables sont constantes
(revenu, rendement anticipé des autres actifs, risque et liquidité relatifs), la demande
d'obligations est supérieure. Ainsi, la figure 5.1 représente des demandes respectivement de
100 et 200 milliards aux points A et B correspondant aux taux d'intérêt 5,3 et 11,1 % et aux
prix 950 et 900 de l'obligation. Les points suivants C, D et E correspondent à des prix encore
plus bas et des taux d'intérêt encore plus élevés, et donc des quantités demandées encore plus
importantes. La courbe Bd qui relie ces points est la courbe de demande d'obligations. Elle est
décroissante en fonction du prix comme le sont habituellement les courbes de demande,
indiquant que, toutes choses égales par ailleurs, la demande est d'autant plus élevée que le
prix est plus bas'.

2.2. La courbe d'offre

On dérive la courbe d'offre d'obligations sous la même hypothèse essentielle que pour la
courbe de demande, à savoir que toutes les variables autres que le prix (et le taux d'intérêt)
sont constantes. La courbe d'offre exprime la relation entre la quantité d'obligations offertes et
le prix, toutes choses égales par ailleurs.

Quand le prix des obligations est égal à 750 euros (taux d'intérêt égal à 33,3 %), le point F
montre que la quantité d'obligations offertes est égale à 100 milliards d'euros dans l'exemple
considéré à la figure 5.1. Si le prix augmente à 800 euros, le taux d'intérêt baisse à 25 %,
l'offre augmente à 200 milliards (point G). En effet, le coût d'un emprunt diminuant, il y a
plus d'entreprises désireuses de s'endetter en émettant des obligations pour obtenir des
capitaux supplémentaires. L'offre d'obligations augmente ainsi chaque fois que le taux
d'intérêt diminue (ou que le prix des obligations augmente), comme on le voit pour les points
H et I. La courbe BS relie tous ces points et exprime l'offre d'obligations en fonction de leur
prix. Elle a la forme habituelle d'une courbe d'offre, croissante en fonction du prix, indiquant
ici que plus le prix est élevé (le taux d'intérêt bas), plus les entreprises souhaitent vendre
d'obligations.

2.3. Équilibre du marché

L'équilibre du marché est obtenu quand l'offre et la demande sont égales pour un prix donné,
soit, sur le marché des obligations, quand l'offre et la demande d'obligations sont égales (Bd =
ES) pour un prix (et donc un taux d'intérêt) donné. A la figure 5.1, l'équilibre a lieu au point C
où les courbes se croisent, pour un taux d'intérêt dit d'équilibre de 17,6 % correspondant à un
prix d'équilibre de 850 euros et pour une quantité de 300 milliards d'euros.

Les concepts d'équilibre de marché et de prix ou de taux d'intérêt d'équilibre sont utiles parce
que le fonctionnement du marché tend à y conduire. Ainsi, à la figure 5.1, si le prix des
obligations est supérieur au prix d'équilibre (par exemple s'il vaut 950 euros), la quantité
d'obligations offerte (point 1) est supérieure à la quantité demandée (point A). On dit qu'il y a
une offre excédentaire ou un excès d'offre. Du fait que l'offre est supérieure à la demande, le
prix des obligations tend à baisser comme l'indique la flèche près du point A. Cette situation
d'offre excédentaire se maintient tant que le prix est supérieur au prix d'équilibre.

Symétriquement, si le prix est inférieur au prix d'équilibre (par exemple s'il vaut 750 euros), la
quantité demandée (point E) est supérieure à la quantité offerte (point F), de sorte qu'il y a une
demande excédentaire ou un excès de demande d'obligations qui tend à faire augmenter le
prix (flèche près du point F). Ce phénomène se poursuit tant que le prix est inférieur au prix
93
d'équilibre.

Le même raisonnement peut être mené en termes de taux d'intérêt, et montrer que lorsque le
taux d'intérêt est en dessous de son niveau d'équilibre, on observe un excès d'offre
d'obligations qui tend à faire remonter le taux d'intérêt, tandis que l'inverse est vrai si le taux
d'intérêt est au-dessus de son niveau d'équilibre. Taux d'intérêt et prix convergent donc vers
leurs valeurs d'équilibre.

La figure 6.1 représente de manière conventionnelle l'offre et la demande d'obligations en


fonction de leur prix, avec les quantités en abscisse et les prix en ordonnée (à gauche).

On peut employer de manière équivalente les lectures en termes de quantités et de taux


d'intérêt du fait de la relation univoque qui relie prix et taux d'intérêt. Cette relation existe
pour tout type d'obligation ou d'emprunt car le prix et le taux d'intérêt sont toujours liés
négativement, même si la relation est parfois plus complexe que celle qui est valable 'pour
l'obligation zéro-coupon. On peut donc toujours tracer un graphique 'offre et de demande
d'obligations en fonction du taux d'intérêt comme du prix.

Figure 6.1 - Offre et demande d'obligations.

L'équilibre sur le marché des obligations a lieu au point C, intersection entre la courbe de
demande [3d et la courbe d'offre BS. Le prix d'équilibre est p.o = 850, letaux d'intérêt
d'équilibrei* = 17,6 % et la quantité demandée à l'équilibre de 300 milliards d'euros.

94
(Remarque: Pet i croissent en direction inverse sur la figure.P sur l'ordonnée de gauche
augmente de bas en haut, tandis que j augmente de haut en bas sur l'ordonnée de droite.)

2.4. Le marché des fonds prêtables

L'analyse en termes d'offre et de demande d'obligations menée ci-dessus et représentée à la


figure 6.1 peut également être développée en termes d'offre et de demande de fonds prêtables.
Il convient de bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'une théorie différente, mais d'une
terminologie différente qui peut être utilisée alternativement pour représenter la même théorie.

L'inconvénient de la représentation utilisée à la figure 6.1 est que le taux d'intérêt est
représenté sur l'ordonnée de droite comme décroissant de bas en haut, ce qui est inhabituel et
peut déranger des économistes plus habitués à raisonner en termes de taux d'intérêt que de
prix des obligations. Si on préfère une représentation dans laquelle l'axe des taux d'intérêt
croît de bas en haut, on aboutit à la figure 5.2, sur laquelle les courbes Bd et BS ainsi que les
points A à I de la figure 5.1 ont été reportés pour faciliter la lecture.

Figure 6.2 - Comparaison des deux terminologies: marché des fonds prètables et marché des
obligations.

La demande d'obligations équivaut à une offre de fonds prêtables, et l'offre d'obligations


équivaut à une demande de fonds prêtables. Remarque: le taux d'intérêt i augmente de bas en
haut sur l'axe des ordonnées, à la différence de la figure 5.1 où il augmentait de haut en bas.

Dans le cadre de la figure 6.2, un autre élément devient bizarre: la courbe de demande
d'obligations Bd devient croissante, tandis que la courbe d'offre BS devient décroissante. Cela
résulte naturellement du fait que l'offre est croissante en fonction du prix et donc décroissante

95
en fonction du taux d'intérêt, comme on l'a vu précédemment, l'inverse étant vrai pour la
demande.

Une manière de retrouver l'habituelle pente décroissante de la courbe de demande et


l'habituelle pente croissante de la courbe d'offre est de renommer l'abscisse et les courbes
d'offre et de demande. Quand une entreprise offre des obligations, elle demande un prêt, de
sorte que la courbe d'offre d'obligations peut être réinterprétée comme une courbe de demande
de capitaux empruntés, ou demande de fonds prêtables. Si on rebaptise l'abscisse comme
représentant les quantités de fonds prêtables échangées, on observe que la demande de fonds
prêtables est bien décroissante en fonction du taux d'intérêt, car les entreprises empruntent
d'autant moins que les taux d'intérêt sont élevés.

Symétriquement, la courbe de demande d'obligations peut être réinterprétée comme une


courbe d'offre de capitaux que les épargnants sont disposés à prêter, c'est-à-dire comme une
offre de fonds prêtables, car acheter une obligation consiste bien à prêter de l'argent
disponible. Cette courbe d'offre est bien fonction croissante du taux d'intérêt car les prêteurs
sont disposés à prêter d'autant plus que les taux d'intérêt sont élevés.

La figure 6.2 représente les mêmes droites que la figure 6.1 en indiquant les deux termi-
nologies: celle en termes d'obligations et celle en termes de fonds prêtables. Ce livre utilise en
général la terminologie en termes de marché des obligations, y compris pour l'analyse de la
politique monétaire des prochains chapitres. Néanmoins, il est utile de connaître l'analyse en
termes de fonds prêtables qui est également fréquemment utilisée, et dont les résultats pour la
détermination des taux d'intérêt sont identiques.

Un point important est que l'ensemble de l'analyse de l'offre et de la demande d'obligations


(ou symétriquement de fonds prêtables) est ici menée en termes de stocks (c'est-à-dire
l'ensemble des montants engagés à un moment donné du temps) et non de flux. Ceci la
différencie de certaines approches en termes de fonds prêtables conduites en termes de flux
(d'emprunt par an par exemple). L'approche de marché des actifs menée ici est désormais la
méthode dominante parmi les économistes pour comprendre les prix des actifs, parce que les
analyses en termes de flux sont très complexes, spécialement en période d'inflation.

3. Changements des taux d'intérêt d'équilibre

Le cadre d'analyse en termes d'offre et de demande d'obligations permet d'interpréter les


changements des taux d'intérêt. Pour éviter toute confusion, il convient de distinguer les
mouvements le long d'une courbe (d'offre ou de demande) des déplacements d'une courbe.
Quand la quantité demandée (ou offerte) change du fait d'une modification du prix (ou du
taux d'intérêt, ce qui est équivalent), il s'agit d'un mouvement le long de la courbe de demande
(ou d'offre). C'est le cas du mouvement du point A au point B ou C à la figure 6.1, qui est un
déplacement le long de la courbe de demande. Un déplacement de la courbe de demande (ou
d'offre), au contraire, a lieu quand la quantité demandée (ou offerte) est modifiée à chaque
prix (ou taux d'intérêt), du fait d'un changement de l'un des autres facteurs qui influencent la
demande (ou l'offre) indépendamment des prix. Quand l'un de ces facteurs se modifie, la
courbe de demande (ou la courbe d'offre) se déplace, conduisant à un nouveau prix d'équilibre.

On examine ci-dessous les principaux déplacements des courbes de demande et d'offre


d'obligations sous l'effet de changements de variables comme l'inflation anticipée ou la
richesse, et leurs effets sur le taux d'intérêt d'équilibre.

96
3.1. Déplacements de la demande d'obligations

La théorie de la demande d'actifs développée au début de ce chapitre permet de déterminer


quels facteurs affectent la courbe de demande d'obligations. Ils sont au nombre de quatre:

1. richesse;

2. rendement anticipé relatif ;

3. risque relatif;

4. liquidité relative.

Les principaux effets sont résumés dans le tableau 6.1.

97
Tableau 5.1: Facteurs produisant un déplacement de la courbe de demande d'obligations

Remarques: Le tableau ne montre que les effets d'augmentation des variables. Les effets de
diminution seraient représentés er sens inverse. Comme on l'a vu précédemment, la même

98
représentation utilisant i au lieu de P en ordonnée impliquera;' d'orienter cet axe vers le bas.

Richesse. En période de croissance économique, le revenu et la richesse augmentent, de sorte


que la quantité d'obligations demandées s'accroît à tout niveau de prix (ou de taux d'intérêt),
comme cela est indiqué à la figure 5.3. Par exemple, le point B sur la courbe de demande
d'obligations initiale B~ indique que pour un prix des obligations de 900 euros (ou, de
manière équivalente, pour un taux d'intérêt de Il,1 %), la demande d'obligations atteint 200
milliards d'euros. Pour une richesse supérieure, la quantité d'obligations demandée à ce même
prix augmente pour atteindre 400 milliards, ce qui est représenté par le point B'. De même, la
quantité demandée à un prix de 800 euros passerait de 400 à 600 milliards sous l'effet d'une
même augmentation de richesse (soit du point D au point D'). On peut faire de même pour
tous les points de la courbe B~ et construire une nouvelle courbe B~ ; les flèches entre les
deux courbes indiquent que l'on passe de l'une à l'autre en augmentant le niveau de richesse.

Figure 6.3 - Déplacement de la courbe de demande d'obligations.

Quand la demande d'obligations augmente, la courbe de demande se déplace vers la droite


comme indique. Remarque: De nouveau, P et i augmentent en direction opposée: P de bas en
haut sur l'ordonnée de gauche; i de haut en bas sur l'ordonnée de droite.

De même que lors d'une expansion la courbe de demande d'obligations se déplace vers la
droite (parce que la demande augmente pour tout prix d'obligations), elle se déplace vers la
gauche en période de récession parce que le revenu et la richesse diminuent et que donc la
99
demande baisse pour tout prix d'obligations.

Indépendamment de la conjoncture économique, la propension à épargner affecte la richesse


et donc la demande d'obligations. Si les ménages épargnent davantage, leur r-ichesse
augmente et donc la courbe de demande d'obligations se déplace vers la droite, et inversement
si l'épargne diminue.

Rendement anticipé Pour une obligation zéro-coupon à un an détenue pendant un an, le


rendement anticipé et le taux d'intérêt actuariel sont identiques, de sorte que rien d'autre que le
taux d'intérêt d'aujourd'hui n'affecte le rendement anticipé. En revanche, pour des obligations
de maturité supérieure à un an, le rendement anticipé peut différer du taux d'intérêt. Par
exemple, comme on l'a vu au chapitre 4, une augmentation du taux d'intérêt de. 10 à 20 % sur
une obligation à long terme conduirait à une forte baisse de son prix et à un rendement très
négatif de sa détention. Ainsi, si on anticipe que les taux d'intérêt vont monter, le rendement
anticipé de la détention d'obligations à long terme baisse, et la quantité demandée de telles
obligations diminue. Cet effet est d'autant plus important que les obligations concernées ont
une échéance plus éloignée. De manière générale, l'anticipation de taux d'intérêt plus élevés
dans le futur diminue le rendement anticipé des obligations à long terme, diminue leur
demande et déplace la courbe de demande vers la gauche.

Inversement, une révision à la baisse des taux d'intérêt futurs anticipés conduit à une
anticipation de rendement plus élevé de la détention d'obligations à long terme, ce qui accroît
leur demande pour tout prix et taux d'intérêt actuels, et déplace la courbe de demande vers la
droite (comme à la figure 5.3).

Les changements de rendement anticipé d'autres actifs peuvent aussi déplacer la courbe de
demande d'obligations, dans la mesure où c'est le rendement anticipé relatif des obligations
qui l'affecte. Si soudain l'optimisme grimpe sur le marché des actions et que l'on anticipe une
hausse du prix des actions dans le futur, les plus-values anticipées et donc le rendement
anticipé des actions augmentent. Si le rendement anticipé sur les obligations reste stable, leur
rendement relativement aux actions diminue, ce qui réduit la demande d'obligations et déplace
la courbe de demande vers la gauche.

Un changement de l'inflation anticipée affecte le rendement anticipé des actifs physiques (ou
actifs réels) comme les automobiles ou les maisons, ce qui modifie aussi la demande
d'obligations. En effet, une hausse de l'inflation anticipée, par exemple de 5 à 10 %, signifie
que les prix anticipés pour les biens réels dans le futur sont plus élevés, ce qui permet
d'envisager des gains en capital pour ceux qui les revendraient. Cette hausse du rendement
anticipé de ces biens conduit à une baisse du rendement anticipé des obligations relativement
à ces biens, et donc à une baisse de la demande d'obligations. Une autre manière d'envisager
cet effet est de dire qu'une hausse de l'inflation anticipée diminue le rendement réel anticipé
des obligations et réduit donc leur demande.

Risque Si les prix sur le marché des obligations deviennent plus volatiles, le risque associé
aux obligations augmente, et les obligations deviennent moins attractives en comparaison des
autres actifs. Une augmentation du risque des obligations diminue leur demande et déplace la
courbe de demande vers la gauche.

Symétriquement, une augmentation de la volatilité des prix d'autres actifs, par exemple sur le
marché des actions, rend les obligations plus attractives, et déplace la courbe de demande vers
100
la droite.

Liquidité Si le nombre d'intervenants sur le marché des obligations augmente, et que de ce


fait il devient plus aisé de vendre rapidement des obligations, cet accroissement de la liquidité
conduit à une augmentation de la demande d'obligations à prix ou taux d'intérêt donné.
Symétriquement, l'augmentation de la liquidité d'autres actifs conduit à une baisse de la
demande d'obligations et déplace la courbe de demande vers la gauche. Par exemple, une
réduction des commissions des intermédiaires sur le marché des actions peut conduire à un
accroissement de la liquidité des actions et donc à une baisse de la demande d'obligations.

3.2. Déplacements de l'offre d'obligations

Un certain nombre de facteurs peuvent aussi déplacer la courbe d'offres d'obligations. Les
plus importants sont:

1. la rentabilité anticipée des investissements;

2. l'inflation anticipée;

3. la politique budgétaire.

Les principaux effets sont résumés dans le tableau 5.2. On les reprend en détail cidessous en
étudiant chacun d'eux sous l'hypothèse que les autres restent inchangés (toutes choses égales
par ailleurs).

101
Tableau 6.2: Facteurs produisant un déplacement de la co urbe d'offre d'obligations

Rentabilité anticipée de l'investissement Plus les profits que les entreprises peuvent espérer
obtenir grâce à la réalisation de nouveaux investissements sont importants (que ce soit en
bâtiments ou en équipements), plus elles sont désireuses d'emprunter pour effectuer ces
investissements. Quand l'économie est en expansion, les occasions d'investissements
considérés comme rentables sont nombreuses, et donc l'offre d'obligations pour tout niveau de
prix (ou de taux d'intérêt) augmente, et la courbe d'offre d'obligations se déplace vers la droite
(comme à la figure 5.4). Symétriquement, lors d'une récession, les occasions
d'investissements rentables semblent moins nombreuses, les entreprises ne souhaitent pas
s'endetter, l'offre d'obligations baisse et la courbe d'offre d'obligations se déplace vers la
gauche.

102
Figure 6.4 - Déplacement de la courbe d'offre d'obligations.

Quand l'offre d'obligations augmente, la courbe d'offre se déplace vers la droite comme
indiqué.

Remarque: De nouveau, P et i augmentent en direction opposée:P de bas en haut sur


l'ordonnée de gauche; i de haut en bas sur l'ordonnée de droite.

Inflation anticipée Comme on l'a vu au chapitre 4, le coût réel de l'emprunt es; mieux mesuré
par le taux d'intérêt réel, c'est-à-dire par le taux d'intérêt (nominal) diminué du taux d'inflation
anticipée. Pour un taux d'intérêt donné, une hausse de l'inflation anticipée réduit donc le coût
réel de l'emprunt, donc augmente les quantités que les entreprises souhaitent emprunter, c'est-
à-dire leur offre d'obligations. Une hausse dl: l'inflation anticipée augmente l'offre
d'obligations et déplace la courbe d'offre vers la droite (comme à la figure 5.4).

Politique budgétaire La politique budgétaire (et la politique économique en général) peut


influencer l'offre d'obligations de plusieurs manières. Si le Trésor émet des obligations pour
financer un déficit budgétaire, il accroît l'offre d'obligations, de sorte que la quantité totale
d'obligations offertes augmente pour tout prix des obligations (ou tout taux d'intérêt). Les
déficits budgétaires déplacent donc la courbe d'offre d'obligations vers la droite (comme à la
figure 5.4). Il en est de même si des collectivités locales ou des établissements publics
émettent des obligations pour financer leurs dépenses. On verra dans les prochains chapitres

103
qu~ La conduite de la politique monétaire implique l'achat et la vente d'obligations, qui
influencent l'offre totale d'obligations et donc les taux d'intérêt d'équilibre.

4. Offre et demande sur le marché de la monnaie: la théorie de la préférence pour la


liquidité

Tandis que la théorie des fonds prêtables détermine le taux d'intérêt d'équilibre à partir de
l'analyse de l'offre et de la demande d'obligations, un modèle théorique alternatif développé à
l'origine par John Maynard Keynes, et connu sous le nom de théorie de la préférence pour la
liquidité, détermine le taux d'intérêt d'équilibre à partir d'une analyse en termes d'offre et de
demande de monnaie. Bien que ces deux théories semblent de prime abord très différentes,
l'analyse du marché de la monnaie en termes de préférence pour la liquidité peut être reliée à
celle du marché des obligations en termes de fonds prêtables/.

Le point de départ de l'analyse de Keynes est l'hypothèse qu'il y a deux catégories principales
d'actifs utilisables comme réserve de richesse: la monnaie et les créances (nous dirons ici les
obligations). De ce fait, la richesse totale d'une économie est égale à la quantité totale
d'obligations plus la quantité de monnaie, soit la quantité d'obligations offertes (BS), plus
l'offre de monnaie (M). Les quantités d'obligations (Bd) et de monnaie (Md) que les gens
veulent détenir doivent également correspondre à la richesse totale, car ces derniers ne
peuvent détenir davantage d'actifs que leurs ressources disponibles ne le leur permettent. Il en
résulte que la quantité d'obligations et de monnaie demandée doit égaler la quantité
d'obligations et de monnaie offerte:

Cette équation dit que si le marché de la monnaie est à l'équilibre (M = Md), la partie droite
de l'équation sera égale à zéro, ce qui implique que BS = Bd, c'est-à-dire que le marché des
obligations est aussi à l'équilibre.

Ainsi, il est équivalent de réfléchir à la détermination du taux d'intérêt d'équilibre par l'égalité
de l'offre et de la demande d'obligations ou par l'égalité de l'offre et de la demande de
monnaie. En ce sens, la théorie de la préférence pour la liquidité, qui analyse le marché de la
monnaie, est équivalente à la théorie des fonds prêtables, qui analyse le marché des
obligations. En pratique cependant, les deux approches diffèrent, car la théorie de la
préférence pour la liquidité ignore implicitement les effets sur les taux d'intérêt des
changements dans les rendements anticipés des actifs réels (comme les automobiles ou les
maisons). Dans beaucoup de cas, malgré tout, les deux approches conduisent aux mêmes
prédictions.

La raison pour laquelle les deux approches restent utilisées pour étudier la détermination des
taux d'intérêt est que la théorie des fonds prêtables facilite l'analyse des effets des variations
de l'inflation anticipée, tandis que la théorie de la préférence pour la liquidité permet une
analyse plus aisée des effets des changements de revenu, de niveau des prix et de l'offre de
monnaie.

104
Du fait que la monnaie à l'époque de Keynes incluait le numéraire (qui ne rapporte pas
d'intérêt) et des dépôts à vue (qui essentiellement n'en rapportaient pas non plus), il supposa
que le rendement de la monnaie était nul. Les obligations, seul actif alternatif à la monnaie
dans la théorie de Keynes, rapportent un taux d'intérêt j3. Quand le taux d'intérêt augmente
(toutes choses égales par ailleurs), le rendement anticipé de la monnaie baisse par rapport au
rendement anticipé des obligations. Ceci conduit, comme le dit la théorie de la demande
d'actifs, à une baisse de la demande de monnaie.

On peut également comprendre pourquoi la demande de monnaie est reliée négativement au


taux d'intérêt en utilisant le concept de coût d'opportunité: le gain (ici le rendement anticipé)
sacrifié en ne détenant pas un actif alternatif, ici une obligation. Quand le taux d'intérêt sur les
obligations, i, augmente, le coût d'opportunité de détenir de la monnaie s'accroît, de sorte que
la monnaie est moins désirable et que la demande de monnaie diminue.

La figure 5.9 montre la quantité de monnaie demandée en fonction du taux d'intérêt, en


supposant constantes toutes les autres variables économiques (revenu, prix, etc.). Ainsi, pour
un taux d'intérêt de 25 %, la demande de monnaie est de 100 milliards d'euros (point A). Pour
un taux d'intérêt plus faible de 20 %, le coût d'opportunité de la monnaie est plus faible, et la
quantité de monnaie demandée s'élève à 200 milliards (point B). Pour des taux d'intérêt plus
faibles, on observe des demandes de monnaie encore plus élevées, aux points C, D et E. La
courbe Md qui relie ces points est la courbe de demande de monnaie, et est décroissante en
fonction du taux d'intérêt.

105
Figure 6.9 - tquilibre sur le marché de la monnaie.

À ce stade de notre analyse, supposons qu'une banque centrale puisse fixer la quantité de
monnaie offerte au montant de 300 milliards d'euros, La courbe d'offre de monnaie est alors
une droite verticale M' à l'abscisse M = 300 milliards. L'équilibre a lieu à l'intersection des
courbes d'offre et de demande de monnaie, au point C où offre et demande de monnaie sont
égales:

106
Effet niveau des prix Keynes pensait que les individus exprimaient une demande de monnaie
en termes réels, c'est-à-dire correspondant à la quantité de biens et services qu'elle pourrait
acheter. Or, si le niveau des prix s'élève, une même quantité nominale de monnaie n'a plus
autant de valeur, car elle ne permet plus d'acheter les mêmes quantités de biens et services.
Pour restaurer leurs avoirs monétaires à leur niveau réel antérieur, les individus doivent
détenir une quantité nominale accrue de monnaie. Ainsi, une hausse du niveau des prix
provoque une augmentation de la demande de monnaie et déplace la courbe de demande vers
la droite.

Le taux d'intérêt d'équilibre est, dans ce cas, i* = 15 %.

On peut de nouveau observer qu'il existe une tendance à la convergence vers cet équilibre en
analysant la relation entre l'offre et la demande de monnaie quand le taux d'intérêt se trouve
au-dessus de l'équilibre. Si le taux d'intérêt est de 25 %, la demande de monnaie atteint 100
milliards (point A), tandis que l'offre est de 300 milliards. L'excès d'offre de monnaie signifie
que les gens détiennent plus de monnaie qu'ils ne désirent, de sorte qu'ils vont chercher à s'en
débarrasser en achetant des obligations. Ceci va faire augmenter la demande d'obligations,
donc le prix des obligations, et faire baisser les taux d'intérêt. Cela se prolongera tant que le
taux d'intérêt sera supérieur au taux d'équilibre de 15 %, produisant une tendance à la baisse
représentée par la flèche vers le bas à la figure 5.9.

Symétriquement, si le taux d'intérêt est inférieur au taux d'équilibre, la demande de monnaie


excédera l'offre, si bien que les gens vendront des obligations pour obtenir de la monnaie, ce
qui fera baisser le prix des obligations et augmenter le taux d'intérêt jusqu'à ce qu'il atteigne le
taux d'équilibre.

5. Changements du taux d'intérêt d'équilibre dans la théorie de la préférence pour la


liquidité

Analyser les changements du taux d'intérêt dans le cadre de la théorie de la préférence pour la
liquidité suppose de comprendre ce qui provoque les déplacements des courbes

d'offre et de demande de monnaie.

5.1. Déplacements de la demande de monnaie

Dans la théorie keynésienne de la préférence pour la liquidité, deux facteurs produisent un


déplacement de la courbe de demande de monnaie: le revenu et le niveau des prix.

Effet revenu Selon Keynes, il y a deux raisons pour que le revenu affecte la demande de
monnaie. Tout d'abord, quand l'économie croît et que le revenu augmente, la richesse s'accroît
et les individus souhaitent détenir davantage de monnaie comme réserve de valeur. Ensuite,
quand l'économie croît et que le revenu augmente, les individus souhaitent réaliser davantage
de transactions en utilisant de la monnaie, et souhaitent donc détenir davantage de monnaie
comme instrument de transactions. Au total, un revenu accru provoque une hausse de la
demande de monnaie et un déplacement vers la droite de la courbe de demande de monnaie.

5.2. Déplacements de l'offre de monnaie

107
On suppose que l'offre de monnaie est entièrement contrôlée par la Banque centrale, la
Banque centrale européenne dans le cas de la France et des pays de la zone euro. En réalité, le
processus qui détermine l'offre de monnaie est sensiblement plus compliqué et implique les
banques, les déposants et les emprunteurs auprès des banques. Il sera étudié plus en détail
dans un chapitre ultérieur. Pour l'instant, on se contente d'observer qu'une augmentation de
l'offre de monnaie réalisée par la Banque centrale provoque un déplacement vers la droite de
la courbe d'offre de monnaie.

5.3. Changements dans le taux d'intérêt d'équilibre dus à des changements de revenu, de
niveau des prix et de l'offre de monnaie Pour apprendre à utiliser le cadre de la théorie de la
préférence pour la liquidité, on étudie ici plusieurs applications utiles pour évaluer les effets
de la politique monétaire sur les taux d'intérêt. Le tableau 5.3 résume les déplacements des
courbes d'offre et de demande de monnaie.

Tableau 6.3 : Facteurs produisant un déplacement des courbes de demande et d'offre de


monnaie

Remarque : on indique ici seulement les effets des augmentations des variables. Les effets de
baisses sont en sens inverse.

Changements du revenu Quand Je revenu augmente durant une phase d'expansion, on a vu


que la demande de monnaie s'accroît, ce qui se traduit à la figure 5.10 par un déplacement de
la courbe de demande de M'{ à ~. Le nouvel équilibre est atteint au point 2, à l'intersection de
la courbe de demande M~ et de la courbe d'offre M. Le taux d'intérêt d'équilibre augmente de
il à i2. La théorie de la préférence pour la liquidité conduit à la conclusion que lorsque le

108
revenu augmente durant une phase d'expansion, le taux d'intérêt croît (toutes choses égales par
ailleurs). Cette conclusion sans ambiguïté contraste avec la conclusion obtenue dans le cadre
de la théorie des fonds prëtables, où l'effet d'une hausse de revenu sur le taux d'intérêt était
incertain.

Changements du niveau des prix Quand le niveau des prix s'élève, la valeur de la monnaie en
termes de biens diminue. Pour maintenir leur pouvoir d'achat, les individus souhaitent détenir
davantage de monnaies, ce qui conduit à un déplacement de la courbe de demande de M'{ à ~
(voir figure 5.10). L'équilibre se déplace au point 2, et le taux d'intérêt augmente de il à i2•
Quand le niveau des prix croît, à offre de monnaie et autres variables économiques inchangées,
le taux d'intérêt augmente.

Changements de l'offre de monnaie Une augmentation de l'offre de monnaie due à une


politique monétaire expansionniste de la Banque centrale conduit à un déplacement de la
courbe d'offre de monnaie vers la droite, de ~ à ~ à la figure 5.11. Ceci déplace l'équilibre au
point 2, intersection de la nouvelle courbe d'offre et de la courbe de demande. En ce point, le
taux d'intérêt a baissé de il à i2• Ainsi, l'augmentation de l'offre de monnaie conduit, toutes
choses égales par ailleurs, à une baisse du taux d'intérêt",

5.4. La monnaie et les taux d'intérêt: la critique de Friedman

L'analyse de la figure 5.11 suggère que l'augmentation de l'offre de monnaie conduit à une
baisse des taux d'intérêt. Elle a souvent poussé les hommes politiques à demander ou imposer
une croissance plus rapide de l'offre de monnaie par la Banque centrale de manière à abaisser
les taux d'intérêt.

Mais la conclusion selon laquelle la quantité de monnaie et le taux d'intérêt sont corrélés
négativement est-elle bien correcte? N'y a-t-il pas d'autres facteurs négligés par l'analyse de la
figure 5.11 et qui modifieraient cette conclusion?

Milton Friedman, lauréat du prix Nobel de sciences économiques, a soulevé une importante
limite de cette conclusion. Il accepte l'analyse en termes de préférence pour la liquidité, et
dénomme effet de liquidité le mécanisme selon lequel une augmentation de l'offre de monnaie
conduit, toutes choses égales par ailleurs, à des taux d'intérêt plus faibles. Cependant, il
considère que l'effet de liquidité n'est qu'une partie de l'histoire,

109
Figure 5.10 - Effets d'un changement du revenu ou du niveau des prix.

Quand l'économie connaît une phase d'expansion conjoncturelle et que le revenu et la richesse
augmentent, ou quand le niveau des prix s'él~e, la courbe de demande de monnaie se déplaee
vers la droite de hl'; à Mg. La courbe d'offre est fixe à MS = M. Le taux d'intérêt d'équilibre
augmente de il à i2 car une augmentation de l'offre de monnaie non seulement ne laisse pas «
toutes choses égales par ailleurs », mais aussi a des effets sur l'économie qui conduisent à une
hausse des taux d'intérêt. Si ces effets sont importants, il est possible que l'effet d'ensemble
soit inverse de l'effet de liquidité pris seul, et que l'augmentation de l'offre de monnaie
conduise à une hausse des taux d'intérêt.

En fait, tous les éléments nécessaires pour étudier ces autres effets sont réunis, car on a déjà
examiné les effets du revenu, du niveau des prix et de l'inflation anticipée sur le taux d'intérêt
d'équilibre.

1. Effet revenu. Comme une augmentation de l'offre de monnaie a un effet expansionniste sur
l'économie, elle accroît le revenu et la richesse. La théorie de la préférence pour la liquidité
comme celle des fonds prêtables indiquent que ceci pousse les taux d'intérêt à la hausse. Donc
l'effet revenu d'une augmentation de l'offre de monnaie est une hausse des taux d'intérêt.

110
2. Effet niveau des prix. Une augmentation de l'offre de monnaie peut aussi produire une
hausse du niveau général des prix. Dans ce cas, la théorie de la préférence pour la liquidité
suggère que cela va conduire à une hausse du taux d'intérêt. Donc l'effet niveau des prix fait
que l'augmentation de l'offre de monnaie produit une hausse des taux d'intérêt si elle fait
monter le niveau des prix.

Figure 6.11 - Effets d'un changement de l'offre de monnaie.

Quand l'offre de monnaie augmente, la courbe d'offre se déplace de M~ à M;, et le taux


d'intérêt d'équilibre baisse de i1, à i2

3. Effet inflation anticipée. Si l'augmentation de l'offre de monnaie conduit à davantage


d'inflation, elle peut amener à une hausse de l'inflation anticipée. Dans ce cas, la théorie des
fonds prêtables montre que la hausse de l'inflation anticipée, en réduisant le rendement réel
anticipé des obligations, conduit à une baisse des cours de celle-ci et donc à une hausse des

111
taux d'intérêt. Ainsi, l'effet inflation anticipée d'une augmentation de l'offre de monnaie est
une hausse des taux d'intérêt en réponse à la hausse du taux d'inflation anticipée.

Il ne faut pas confondre l'effet niveau des prix et l'effet inflation anticipée, même si dans les
deux cas c'est la hausse des prix résultant de l'augmentation de l'offre de monnaie qui conduit
à des taux d'intérêt plus élevés. En effet, il s'agit bien de deux effets distincts. Supposons ainsi
qu'il y ait une augmentation unique de l'offre de monnaie aujourd'hui et qu'elle produise en un
an une hausse des prix à un niveau plus élevé. Comme le niveau des prix grimpe, le taux
d'intérêt va augmenter du fait de l'effet niveau des prix. Et cette hausse va atteindre son
maximum lorsque le niveau des prix aura achevé sa propre hausse, au bout d'un an.

L'augmentation du niveau des prix va aussi affecter les taux d'intérêt via l'effet inflation
anticipée, car les agents économiques vont dès aujourd'hui anticiper l'inflation de l'année à
venir. Mais si le niveau des prix cesse d'augmenter après une année, l'inflation et l'inflation
anticipée reviendront à zéro. De ce fait, la part de la hausse des taux d'intérêt qui avait résulté
de l'inflation anticipée disparaîtra. Tandis que l'effet niveau des prix atteint son impact
maximal sur les taux d'intérêt qu'au terme de l'année, l'effet infla'on anticipée est maximal dès
aujourd'hui et disparaît au bout d'un an. Ainsi, l'effet niveau des prix est permanent, tandis que
l'effet inflation anticipée est immédiat mais transitoire.

En effet, l'effet inflation anticipée ne dure qu'aussi longtemps que le niveau des prix continue
d'augmenter. Comme on le verra dans la discussion de la théorie monétaire dans les prochains
chapitres, une augmentation unique de l'offre de monnaie ne peut pas produire une inflation
plus élevée, c'est-à-dire un taux de croissance des prix plus élevé; seul un taux de croissance
accru de l'offre de monnaie le permettrait. Donc, l'effet infla'on anticipée ne peut persister que
si le taux de croissance de l'offre de monnaie augmente, et non seulement son niveau.

5.5. Monnaie et taux d'intérêt: trois scénarios

On peut maintenant réunir tous ces éléments pour savoir si les hommes politiques ont raison
de souhaiter une accélération de la croissance de l'offre de monnaie quand ils consièrent que
les taux d'intérêt sont trop élevés. De tous les effets examinés, un seul, l'effet de iquidité,
suggère qu'une augmentation du taux de croissance de l'offre de monnaie conduirait à une
baisse des taux d'intérêt. Inversement, l'effet revenu, l'effet niveau des prix l'effet inflation
anticipée suggèrent que les taux d'intérêt devraient augmenter. Quel effet 'emporte? et dans
quels délais leurs effets se font-ils sentir?

En général, l'effet de liquidité se fait sentir immédiatement, parce que l'augmentation de la


quantité de monnaie conduit tout de suite à un changement du taux d'intérêt d'équili. re.
L'effet revenu et l'effet niveau des prix mettent plus longtemps à apparaître, parce qu'il faut du
temps pour que l'offre de monnaie accrue conduise à une augmentation du evenu et des prix,
qui elle-même agira sur les taux d'intérêt. L'effet inflation anticipée eut être lent ou rapide
selon la manière dont les agents adaptent leurs anticipations 'inflation à l'augmentation de la
croissance de la quantité de monnaie.

Trois possibilités sont proposées à la figure 5.12, chacune montrant comment la réponse les
taux d'intérêt peut s'étaler dans le temps selon les circonstances, à la suite d'une augmentation
du taux de croissance de l'offre de monnaie à la date T. Le cas Ca) est celui où l'effet de
liquidité domine les autres effets, de sorte que le taux d'intérêt baisse de son niveau initial il
de l'instant T à un niveau final inférieur i2. L'effet de liquidité conduit à une baisse rapide et
112
importante, mais avec le temps les autres effets annulent une partie à la baisse.

Dans le cas (b), l'effet de liquidité est plus faible que la somme des trois autres, mais 'effet
d'inflation anticipée opère peu ou lentement du fait de la lenteur de l'adaptation es
anticipations d'inflation. Initialement, l'effet de liquidité fait baisser les taux d'intérêt, puis les
autres effets les font remonter, et comme ils sont globalement plus forts, le reveau final des
taux d'intérêt i2 est supérieur au niveau initial i1.

Dans le cas Cc), l'effet d'inflation anticipée domine à lui seul l'effet de liquidité, et opère
rapidement car les anticipations d'inflation s'adaptent très vite dès que les agents obser"ent
l'accroissement du taux de croissance de l'offre de monnaie. Les taux d'intérêt ugmentent alors
dès le début, voient avec le temps leur hausse accentuée par les effetsrevenu et niveau des prix
(qui compensent l'atténuation progressive de l'effet d'inflation

113
anticipée), et restent en permanence à un niveau supérieur à leur niveau initial. Dans ce cas,
on voit qu'accélérer la croissance de l'offre de monnaie conduit à l'inverse du résultat de
baisse des taux d'intérêt qui était désiré, et qu'il faudrait plutôt mener la politique inverse pour
atteindre cet objectif.

Une question essentielle pour les hommes politiques est de savoir dans lequel de ces scénarios
une économie se trouve. S'ils souhaitent une baisse des taux d'intérêt, alors une augmentation
du taux de croissance de l'offre de monnaie est souhaitable si l'on se trouve dans la situation
(a), où l'effet de liquidité domine, une décroissance de l'offre de monnaie est souhaitable dans
la situation (c), et dans le cas (b), cela dépend si l'on se soucie davantage du court ou du long
terme.

Quel scénario correspond le mieux à la réalité? La figure 5.l3 montre, dans le cas de la France,
le taux de croissance annuel de l'agrégat monétaire large M3 et le niveau des taux d'intérêt à
court terme de 1978 à 1998. En 1978, le niveau des taux d'intérêt est très élevé, ainsi que celui
de la croissance de la masse monétaire. Comme on l'a vu précédemment lors de la
présentation de l'effet Fisher, on peut interpréter ce niveau élevé des taux d'intérêt comme le
résultat du processus quasi continu d'accroissement de l'inflation observé en France et dans
beaucoup de pays occidentaux au cours des années 1970, processus qui a vu la croissance
monétaire conduire à une anticipation croissante d'inflation et à une hausse progressive des
taux d'intérêt. Dans les années 1970, l'effet de liquidité avait pu avoir un rôle substantiel à
court terme, mais il avait été compensé finalement par les effets revenu, niveau des prix et, de
plus en plus, anticipation d'inflation. Après 1979, la baisse progressive de la croissance de la
masse monétaire s'est accompagnée d'une baisse quasi continue des taux d'intérêt. L'effet de
liquidité a pu jouer ponctuellement, par exemple en 1979-80 ou en 1994, quand de fortes
baisses du taux de croissance monétaire se sont accompagnées de hausses des taux d'intérêt.
Mais en général, cet effet semble compensé par les autres: le ralentissement de la croissance
du revenu contribue sans doute à la baisse des taux d'intérêt; la baisse de la croissance
monétaire réduit la pression sur le niveau des prix et sur les anticipations d'inflation, ce qui
contribue à la baisse des taux d'intérêt.

Dès la fin des années 1990, les taux d'intérêts réels atteignent ainsi des niveaux très ba . Ils y
restent après l'Union monétaire malgré des taux de croissance de la masse monétaire élevés
depuis 1999. Cette situation peut s'analyser comme un effet de liquidité, mai aussi comme un
phénomène transitoire lié aux changements structurels de la demande de monnaie dans la
zone euro suite à l'introduction de la monnaie unique, le maintie de taux bas étant favorisé par
la grande crédibilité anti-inflationniste de la Banque centrale européenne.

La figure 5.13 permet donc d'exclure - malgré une incertitude concernant la période la plus
récente -la prédominance des effets de liquidité. Mais, même avant l'Union monétaire, elle ne
permet pas de trancher entre les scénarios (b) et (c). Le mode de formation des anticipations
joue sans doute un rôle important. Des travaux récents utilisant des méthodes plus
sophistiquées que la simple observation de graphiques montrent que tous les effets présentés
dans ce chapitre gardent une certaine importance, au moins à court terme..

114
CHAPITRE VII : Structure par risque et la structure par terme des taux d’intérêt.

L'analyse de l'offre et de la demande d'obligations du chapitre précédent s'est limitée à la


détermination d'un taux d'intérêt. Néanmoins, comme on l'a déjà vu, il existe en réalité un très
grand nombre d'obligations dont les taux d'intérêt peuvent différer, et diffèrent effectivement.
Dans ce chapitre, on complète l'étude des taux d'intérêt en examinant les relations entre ces
différents taux d'intérêt. Comprendre ces différences peut aider les entreprises, les banques,
les compagnies d'assurances comme les épargnants à choisir quelles obligations acheter et
lesquelles vendre.

On examinera en premier lieu pourquoi des obligations de même maturité peuvent avoir des
taux d'intérêt différents. La relation entre ces obligations est appelée structure par risque des
taux d' ntérêt, bien que, outre le risque, la liquidité et la fiscalité puissent jouer un rôle dans
les différences de taux d'intérêt qui les distinguent. Les différences de maturité entre
obligations affectent aussi leurs taux d'intérêt; la relation entre les taux d'obligations dont les
maturités diffèrent est appelée structure par terme des taux d'intérêt. On étudiera dans ce
chapitre les causes des fluctuations de ces structures de taux d'intérêt, c'est-à-dire les
variations des différences entre ces taux d'intérêt, et on présentera les théories qui tentent
d'expliquer ces fluctuations.

1. La structure par risque des taux d'intérêt

1.1. Risque de défaut

Une caractéristique de toute obligation, qui influence son taux d'intérêt, est son risque de
défaut, c'est-à-dire de voir son émetteur se trouver dans l'incapacité de payer les intérêts ou de
rembourser le principal lors de son échéance. Une entreprise qui subit des pertes importantes,
comme ce fut le cas de Vivendi ou de General Motors voici quelques années, est plus
susceptible de suspendre le paiement des intérêts sur ses obligations qu'une entreprise en
bonne santé, et son risque de défaut est donc plus élevé. À l'inverse, on considère en général
que les obligations du Trésor ne comportent pas de risque de défaut, car le gouvernement peut
toujours augmenter les impôts pour payer ses dettes, voire émettre de la monnaie pour payer
les intérêts. On les appelle des obligations sans risque.

La différence entre les taux d'intérêt d'obligations à risque de défaut et sans risque est appelée
la prime de risque. Elle indique l'intérêt additionnel que doit recevoir le détenteur d'une
obligation comportant un risque de défaut pour accepter de la détenir plutôt que des
obligations sans risque. L'analyse en termes d'offre et de demande sur le marché des
obligations du chapitre 5 permet d'expliquer pourquoi une obligation qui comporte un risque
de défaut paye toujours une prime de risque positive, et pourquoi cette prime augmente avec
le risque de défaut ..

Pour examiner l'effet du risque de défaut sur le taux d'intérêt, prenons les diagrammes d'offre
et de demande pour des obligations sans risque émises par le Trésor et des obligations privées
émises par une entreprise de la figure 6.2. Pour simplifier, on suppose qu'au départ les
obligations privées ont le même risque que celles du Trésor, et qu'elles ont en outre les mêmes
autres caractéristiques. Leurs prix et donc leurs taux d'intérêt sont donc initialement égaux
(Pc1 =pt1 et ic1= it1), si bien que la prime de risque des obligations privées (ic1 - itl) est nulle.

Si l'éventualité d'un défaut devient plus probable, par exemple parce que l'entrepri souffre de
115
pertes, le risque de défaut augmente, ce qui diminue le rendement anticipé sur les obligations
de cette entreprise. En outre, ce rendement devient aussi plus incertain. Iz théorie de la
demande d'actifs prédit que si le rendement anticipé d'un actif augmente relativement aux
autres actifs (ici l'obligation sans risque émise par le Trésor) ou si so risque relatif augmente,
sa demande baisse. La courbe de demande pour l'obligation privée se déplace donc vers la
gauche dans la partie (a) de la figure 6.2, de Dc1 à Dc2.

En même temps, le rendement anticipé relatif de l'obligation du Trésor sans risque ~ défaut
augmente par rapport à celle de l'obligation privée, et son incertitude (son risque relative
diminue. La demande d'obligations du Trésor augmente donc et la courbe demande se déplace
vers la droite dans la partie (b) de la figure 6.2, de Dt1 à Dt2.

Comme on le voit à la figure 6.2, le prix d'équilibre (sur l'axe de gauche) pour les obligations
privées baisse de Pc1 à Pc2 , et comme le prix d'une obligation est inversement relié à son
taux d'intérêt, le taux d'intérêt d'équilibre de ces obligations augmente de ic1à à ic2 (sur l'axe
de droite). Inversement, sur le marché des obligations du Trésor, le prix d'équilibre augmente
de Pc1 à Pc2 et le taux d'intérêt baisse de it2 à ic2. La différence entre le taux d'intérêt sans
risque (celui des obligations du Trésor) et le taux d'intérêt de l'obligation privée risquée, it2 –
ic2, mesure la prime de risque qui est apparue sur les obligations privées. Une obligation qui
comporte un risque de défaut a toujours une prime de risque positive, et une augmentation du
risque de défaut conduit à un accroissement de la prime de risque.

116
Figure 7.1 - Effet d'une augmentation du risque de défaut sur les obligations d'une entreprise.

Une augmentation du risque de défaut sur les obligations privées déplace la courbe de
demande pour ces obligations de Dc1 à Dc2 . Simultanément, elle déplace la courbe de
demande d'obligations du Trésor de Dc1 à Dc2 . Le prix d'équilibre (sur l'axe de gauche)
pour les obligations privées passe de Pc1 à Pc2 ,et le taux d'intérêt de ces obligations passe
de Ic1 à Ic2 (sur l'axe de droite). Sur le marché des obligations du Trésor, le prix d'équtllbre
passe de Pt1 à Pt2 et le taux d'intérêt de it1 à it2 . La différence entre it2 et ic2 mesure la
prime de risque qui est apparue sur les obligations privées.

Remarque: De nouveau, le taux d'intérêt i augmente de haut en bas sur l'axe des ordonnées.

Le risque de défaut varie beaucoup selon les émetteurs, et la prime de risque joue donc un rôle
important dans la détermination du taux d'intérêt sur une obligation donnée. De ce fait, les
prêteurs ont un besoin crucial d'une bonne évaluation du risque de défaut. De grandes
entreprises se sont créées pour fournir de telles évaluations, telles que Moody's, Standard and
Poor's, ou Fitch. Ces agences de notation (ou de rating) fournissent des appréciations sur la
qualité des obligations des entreprises ou des collectivités publiques en termes de probabilité
de défaut. Le tableau 6.1 fournit la hiérarchie des notations (assez peu intuitives) de ces trois
agences. Les obligations dont le risque de défaut est faible sont les plus dignes
d'investissement (une qualité minimale de BBB ou Baa est nécessaire aux États-Unis pour
obtenir la mention tnvestment grade, condition pour que les banques puissent y investir les
dépôts de leur clientèle). Les autres sont considérées comme spéculatives et parfois appelées
obligations pourries ou junk bonds. Parce qu'elles ont des taux plus élevés que les obligations
mieux notées, elles sont aussi appelées obligations à haut rendement. L'encadré 7.1 raconte
brièvement l'histoire désormais d'agences de notation de plus en plus controversées.

Tableau 7.1 : Les échelles de notation des principales agences

117
Si l'on revient à la figure 7.1, on peut désormais mieux interpréter les différences de taux
d'intérêt entre les différentes obligations représentées. Les obligations privées ont toujours des
taux d'intérêt supérieurs aux obligations du Trésor parce qu'elles ont un risque de défaut
tandis que celles du Trésor sont considérées comme sans risque. La prime de risque est plus
élevée pour les obligations des sociétés plus risquées (notées Baa) que pour les moins risquées
(notées Aaa). Pendant la dépression des années 1930-1933, la prime de risque des entreprises
les plus risquées augmenta énormément; cela s'explique par le fait que la

dépression vit une multiplication des faillites, concentrées sur les entreprises relativement
fragiles initialement (tandis que les plus solides se renforçaient relativement en reprenant la
clientèle de celles qui avaient disparu). Depuis 1970, le nombre de faillites a de nouveau
augmenté fortement, même s'il reste en dessous de son niveau des années 1930. Cela explique
que, de nouveau, les primes de risque pour les obligations privées augmentent, et donc que le
spread (l'écart) entre les obligations privées et celles du Trésor s'élargisse

1.2. Liquidité

La seconde caractéristique d'une obligation qui affecte son taux d'intérêt est sa liquidité
Comme on l'a vu au chapitre 4, un actif liquide est un actif qui peut être converti e monnaie
rapidement et à un faible coût. Plus un actif est liquide, plus sa détention est désirable, toutes
choses égales par ailleurs. Dans la plupart des pays, les obligations d' Trésor sont les
obligations à long terme les plus liquides parce qu'elles sont très largement échangées et qu'il
est facile et rapide de les vendre. Les obligations privées sont er; général moins liquides, car
aucune entreprise n'émet autant d'obligations que l'État. peut être coûteux de les vendre dans
l'urgence dans la mesure où il peut être difficile de trouver des acheteurs rapidement.

118
L'analyse en termes d'offre et de demande d'obligations montre bien comment la liquidité
affecte le taux d'intérêt des obligations. La figure 7.2 peut être utilisée de nouveau. l'on
suppose initialement que les obligations privées et celles du Trésor ont la même liquidité et
sont identiques à tous les autres points de vue, leur prix et leur taux d'intér . d'équilibre sont
les mêmes. Si les obligations privées deviennent moins liquides, alors - demande les
concernant diminue, leur prix baisse et leur taux d'intérêt augmente comme sur la partie
gauche de la figure. Symétriquement, la demande des obligations G_ Trésor augmente parce
que leur liquidité s'accroît relativement à celle des obligatiora privées, leur prix monte et leur
taux d'intérêt diminue. De ce fait, comme dans le cas d., risque, la différence (le spread) entre
les obligations privées et celles du Trésor augmen -

Ainsi, cet écart, la « prime de risque» des obligations privées par rapport aux obligatio du
Trésor, ne représente pas seulement la différence de risque de défaut, mais aussi différence de
liquidité entre les deux. Cette prime devrait être appelée plus justement une prime de risque
et de liquidité » même si, par commodité et par habitude, on continue de l'appeler simplement
prime de risque.

1.3. Fiscalité

Une chose reste mystérieuse à la figure 6.1 : le comportement des obligations municipales
Elles ne sont sûrement pas sans risque de défaut, car il est arrivé, aux États-Unis COIIlW:t
ailleurs, que des collectivités locales fassent faillite (ce fut notamment le cas du co -,
californien d'Orange en 1994). Les obligations des collectivités locales sont aussi mû' liquides
que celles du Trésor américain. Pourquoi donc ont-elles depuis 60 ans des taux d'intérêt
inférieurs à ceux des obligations du Trésor? Tout simplement parce que les inze rêts payés par
les obligations de collectivités locales sont exemptés de l'impôt fédéral sur le revenu, ce qui
augmente leur rendement après impôt par rapport aux obligations du Tré l'effet sur leur
demande est donc identique à une hausse de leur rendement anticipé.

Prenons le cas d'un individu dont le revenu est suffisamment élevé pour payer un taux.
d'impôt sur le revenu marginal de 35 % : pour tout dollar supplémentaire de revenu li paie 35
cents en impôt fédéral. S'il détient une obligation du Trésor d'une valeur nominale de 1 000
dollars dont le prix de marché est de 1 000 dollars et qui rapporte un coupon de 100 dollars
annuel, ce détenteur ne touche qu'un coupon net d'impôt de 65 dollars, soit un intérêt de 6,5 %
net contre 10 % d'intérêt brut.

Supposons maintenant que cet épargnant choisisse d'acheter plutôt une obliga - m municipale
d'une valeur nominale de 1 000 dollars, mais dont le coupon est seulement de 80 dollars. Son
taux: d'intérêt n'est que de 8 %, mais comme l'obligation est exemptée d'impôt, ce revenu brut
est égal au revenu net. Comme ces 8 % sont supérieurs aux: 6,5 % de l'obligation du Trésor, il
est probable que cet épargnant choisisse l'obligation municipale plus risquée et moins liquide,
et non l'obligation du Trésor. Cet avantage est d'autant plus élevé que le taux: de l'impôt sur le
revenu est important, ce qui explique pourquoi la différence est faible avant la Seconde
Guerre mondiale, à une époque où l'impôt sur le revenu était plus faible aux: États- Unis, et
pourquoi elle a rebaissé depuis une vingtaine d'années.

119
On peut de nouveau appliquer ici le raisonnement en termes d'offre et de demande. La figure
7.3 le montre. On suppose qu'initialement les obligations municipales et du Trésor sont
identiques et ont donc le même prix et le même taux: d'intérêt: Pm1 == Pt1 et im1 == it1.
Quand l'avantage fiscal des obligations municipales est introduit, il accroît leur rendement
anticipé net d'impôt et les rend plus attractives que les obligations du Trésor: leur demande
s'accroît (la courbe de demande se déplace de Dm1' à Dm2). À l'équilibre, il en résulte un prix
plus élevé, passé de Pm1 à Pm2, et un taux: d'intérêt plus bas, passé de im1 à im2 .
Inversement, les obligations du Trésor voient leur demande baisser de Dt1 à Dt2, leur prix
baisser de pt1 à pt2, et leur taux: d'intérêt augmenter de it1 à it2. La différence qui en résulte
entre les taux d'intérêt des obligations municipales et celles du Trésor correspond à ce que l'on

observe.

Figure 7.3 - Taux d'intérêt sur les obligations municipales et sur les obligations du Trésor.

Quand les obligations municipales obtiennent une exemption d'impôt, la demande pour ces
0blipations augmente de Dm1 à Dm2. Simultanément, la courbe de demande d'obligations du
Trésor passe de Dt1 à Dt2. Le prix d'équilibre (sur l'axe de gauche) pour les obligations
municipales passe de Pm1 à Pm2 et le taux d’intérêt de ces obligations passe de im1 à im2;
(sur l'axe de droite). Sur le marché des obligations du Trésor, prix d'équilibre passe de Pt1 à
Pt2; et le taux d'intérêt de it1 à it2. La différence entre it2; et im2 mesure la « prime de
fiscalité» négative qui est apparue sur les obligations municipales.

Remarque: De nouveau le taux d'intérêt i augmente de haut en bas sur l'axe des ordonnées.

1.4. Conclusion

La structure par risque des taux d'intérêt, c'est-à-dire la relation entre les taux d'intérêt
d'obligations de même maturité, s'explique par trois facteurs: le risque de défaut, la liquidité et
la fiscalité. Quand le risque de défaut d'une obligation augmente, la prime de risque (la

120
différence entre son taux d'intérêt et celui sur les obligations sans risque de défaut du Trésor)
augmente. La plus grande liquidité des obligations du Trésor explique aussi pourquoi leur
taux d'intérêt est plus faible que celui de titres moins liquides. Enfin, un traitement fiscal
favorable, comme celui des obligations municipales américaines, conduit à un taux d'intérêt
plus bas.

2. La structure par terme des taux d'intérêt

On a vu comment les différences en matière de risque de défaut, de liquidité et de fiscalité


peuvent influencer les taux d'intérêt et déterminer la structure par risque des ta d'intérêt. Une
autre caractéristique essentielle des obligations qui affecte leur taux d'intérêt est leur maturité:
deux obligations dont le risque, la liquidité et la fiscalité sont identiques peuvent avoir des
taux d'intérêt différents parce que leurs maturités different. La représentation des taux d'intérêt
de différentes obligations en fonction de leur maturité, et toutes choses égales par ailleurs,
s'appelle la courbe des taux. La courbe des taux représente la structure par terme des taux
d'intérêt pour une catégorie d'obligetians, par exemple les obligations du Trésor. La courbe
des taux fait l'objet d'analyses de représentations graphiques dans de nombreux journaux. La
courbe des taux peut être croissante, plate ou décroissante (on parle alors souvent d'une
courbe des taux inversée). On dit qu'elle est croissante quand letaux d'intérêt à long terme sont
plus élevés que les taux à court terme, qu'elle est pla-' quand ils sont identiques et qu'elle est
décroissante quand les taux à court terme sont les plus élevés. Les courbes de taux peuvent
même avoir des formes plus compliquées successivement croissantes puis décroissantes, ou
l'inverse. Pourquoi les courbes taux sont-elles habituellement croissantes mais peuvent-elles
aussi parfois prennent d'autres formes?

Une bonne théorie de la structure par terme des taux d'intérêt doit non seulement expliquer la
variété des formes que peuvent prendre les courbes de taux, mais également expliquer les trois
faits stylisés suivants, démontrés par de nombreuses études empiriques:

1. Les taux d'intérêt pour des obligations de différentes maturités varient habituellement
ensemble dans le temps.

2. Quand les taux d'intérêt à court terme sont bas, les courbes de taux ont plus de chance d'être
croissantes que lorsqu'ils sont élevés.

3. Les courbes de taux sont habituellement croissantes.

Trois théories ont été proposées pour expliquer la structure par terme des taux d'intérêt: 1) la
théorie des anticipations; 2) la théorie des marchés segmentés; 3) la théorie de la prime de
liquidité. Ces trois théories sont présentées ci-dessous. La théorie des anticipations explique
bien les deux premiers faits stylisés, mais pas le troisième. La théorie des marchés segmentés
explique bien ce dernier, mais pas les deux premiers. La théorie de la prime de liquidité est
une synthèse des deux premières, qui les combine de manière à expliquer les trois faits.

Pourquoi consacrer du temps à expliquer deux théories imparfaites si la théorie de la prime de


liquidité est reconnue comme la bonne? D'abord parce que les idées des deux premières
théories sont à la base de la théorie de la prime de liquidité. Ensuite parce que cela permet de
comprendre comment les économistes modifient leurs théories et les améliorent quand les
résultats qu'elles prédisent sont contredits par la réalité.

121
2.1. La théorie des anticipations

La théorie des anticipations de la structure par terme des taux d'intérêt part de la proposition
élémentaire suivante: le taux d'intérêt d'une obligation à long terme est égal à la moyenne des
taux d'intérêt à court terme que les agents économiques prévoient d'observer au cours de la vie
de l'obligation. Par exemple, si l'on anticipe que les taux d'intérêt à court terme seront en
moyenne de 3 % pendant les cinq prochaines années, la théorie des anticipations prédit que le
taux d'intérêt sur des obligations à 5 ans doit être égal à 3 %. Si l'on anticipe que les taux
d'intérêt à court terme montent après ces cinq ans et que leur moyenne sur les vingt
prochaines années atteigne 5 %, alors le taux d'intére: d'une obligation à 20 ans devrait être de
5 %, et donc plus élevé que le taux de l'obligation à 5 ans. Selon cette théorie, les taux
d'intérêt sur des obligations de maturités différentes diffèrent du fait que les taux d'intérêt à
court terme anticipés aujourd'hui pocr différentes périodes dans le futur varient.

L'hypothèse fondamentale derrière cette théorie est que les acheteurs d'obligations n'o • pas de
préférence pour des obligations d'une maturité plutôt que d'une autre, de sorte qu'ils ne vont
pas détenir une obligation s'ils anticipent que, pour une période donn son rendement anticipé
va être inférieur à celui d'autres obligations de maturités differentes. On dit qu'aux yeux de ces
vendeurs, ces obligations sont des substituts parfaits En pratique, si des obligations sont des
substituts parfaits, leurs taux d'intérêt doives être rigoureusement égaux.

Pour comprendre en quoi cette hypothèse de substituabilité parfaite entre obligation de


maturités différentes conduit à la théorie des anticipations, considérons les deux strate gies
d'investissement suivantes:

1. acheter une obligation à 1 an, et en acheter une nouvelle, également à 1 an, lorsqu'elle
arrive à maturité dans un an ;

2. acheter une obligation à 2 ans et la détenir jusqu'à sa maturité.

Pour que les deux obligations soient détenues, elles doivent avoir le même rendemen anticipé,
et donc le taux d'intérêt de l'obligation à 2 ans doit être égal à la moyenne"· deux obligations à
un an. Si par exemple, le taux d'intérêt à un an est de 1 % et que ni anticipe que le taux
d'intérêt à un an qui existera dans un an sera de 3 %, la premierstratégie conduit à un
rendement anticipé sur deux ans de (1 % + 3 %)/2, soit 2 % par an. Un acheteur n'est
indifférent entre les deux stratégies d'investissement que si le , d'intérêt de l'obligation à 2 ans
est de 2 % également. La substituabilité entre les deux stratégies requiert que le taux d'intérêt
à 2 ans soit la moyenne des deux taux d'intére un an successifs.

122
123
On peut tenir le même raisonnement pour des obligations d'une maturité plus importante et
pour un nombre de périodes aussi important qu'on le souhaite. On trouve ainsi que le taux
d'intérêt i nt d'une obligation de maturité n périodes doit être égal à :

Autrement dit, que le taux d'intérêt d'une obligation de n périodes doit être égal à la moyenne
du taux d'intérêt à une période et des taux d'intérêt d'obligations à une période anticipés pour
les n périodes successives de la vie de l'obligation. Telle est la formulation précise de la
théorie des anticipations de la courbe de taux'.

Un exemple numérique simple permet de mieux le comprendre. Si l'on suppose que l - taux
d'intérêt à un an anticipés pour chacune des cinq prochaines années sont successivement 1 %,
2 %, 3 %, 4 % et 5 %, l'équation (2) montre que le taux d'intérêt d'une obligation à 2 ans
devrait être de :

et le taux d'intérêt d'une obligation à 5 ans de :

De même, on peut vérifier que les taux d'obligations à 3 ans devraient être de 2 % et .:. 4 ans
de 2,5 %. On constate ainsi qu'une augmentation anticipée des taux d'intérêt à - an pour les
années futures conduit à une courbe de taux croissante depuis 1 % pour les taux à un an
jusqu'à 3 % pour les taux à 5 ans.

La théorie des anticipations est une théorie élégante qui explique pourquoi la courbe oes taux
peut prendre des formes variables. Elle suggère que si la courbe des taux est croissante, c'est
parce que l'on anticipe une hausse des taux à court terme dans le futur, comme. dans l'exemple
précédent. Inversement, quand la courbe des taux est décroissante, la thorie des anticipations

124
prédit que les taux d'intérêt à court terme vont décliner dans le futur Elle ne prévoit donc une
stabilité des taux d'intérêt que si la courbe des taux est plate.

La théorie des anticipations explique bien le premier des faits stylisés présentés préce-
demment, à savoir que les taux d'intérêt d'obligations de différentes maturités change .
parallèlement dans le temps. Historiquement, les taux d'intérêt présentent la caractéristique
suivante: quand ils augmentent aujourd'hui, ils tendent à être plus élevés dans e futur; en effet,
une hausse des taux d'intérêt aujourd'hui conduit à une hausse des ta d'intérêt anticipés pour le
futur. Du fait que les taux à long terme sont la moyenne d futurs taux à court terme, une
hausse des taux à court terme aujourd'hui se répercute donc dans les taux à long terme, ce qui
les conduit à des variations parallèles.

La théorie des anticipations explique aussi le deuxième fait stylisé, à savoir que les courbes
des taux tendent à être croissantes quand les taux d'intérêt sont bas, et décroissan . quand ils
sont élevés. En effet, quand les taux sont bas, on anticipe en général qu'ils voc augmenter
dans le futur, revenant vers une sorte de niveau moyen ou « normal» ; ai -,

1. L'analyse a été conduite ici en termes d'obligations zéro-coupon, ce qui simplifie les calculs.
Le même raisonnemen peut être mené pour tous les types d'obligations, et donnerait
seulement des formules légèrement plus compliqué les taux d'intérêt anticipés pour le futur
sont supeneurs au taux à court terme aujourd'hui, ce qui conduit à une courbe des taux
croissante. Inversement, si les taux à court terme sont très élevés aujourd'hui, on peut
anticiper qu'ils vont diminuer et se rapprocher de leur niveau « normal» dans le futur. Ceci
conduit à des taux à long terme aujourd'hui plus bas que les taux à court terme, et donc à une
courbe des taux inversée.

Si l'on considère plus précisément cette tendance dite de « retour vers la moyenne », selon
laquelle les taux tendent à baisser quand ils sont très élevés et à augmenter lorsqu'ils sont très
bas, on peut expliquer une autre caractéristique des taux d'intérêt observable à la figure 6.3 : le
fait que les taux d'intérêt à court terme soient plus volatils que les taux à long terme. En effet,
si les taux à long terme sont la moyenne de taux à court terme anticipés qui fluctuent autour
d'une moyenne ou d'une tendance, leur volatilité ne peut être qu'inférieure à celle des taux à
court terme.

La théorie des anticipations permet ainsi d'expliquer simplement un grand nombre de


caractéristiques de la structure par terme des taux d'intérêt. Malheureusement, elle n'explique
pas le troisième des grands faits stylisés présentés précédemment: le fait que la courbe des
taux soit habituellement croissante. En effet, selon la théorie des anticipations, ce fait
impliquerait que l'on anticipe habituellement une hausse des taux d'intérêt à court terme.
Comme l'histoire montre qu'en réalité les taux d'intérêt à court terme n'ont pas une tendance
systématique à la hausse, la théorie des anticipations supposerait des erreurs systématiques
d'anticipations, ce qui est peu acceptable. Pour être cohérente avec l'évolution historique des
taux d'intérêt, la courbe des taux devrait selon la théorie des anticipations être en moyenne
plate, et non croissante. Ceci suggère que la théorie des anticipations n'est pas entièrement
satisfaisante.

2.2. La théorie des marchés segmentés

Comme son nom l'indique, la théorie des marchés segmentés considère que les marchés
d'obligations de différentes maturités sont entièrement séparés, ou segmentés. Le prix sur
125
chacun de ces marchés, et donc le taux d'intérêt des obligations de chaque maturité, est
déterminé en fonction de l'offre et de la demande pour ces obligations et elles seules, sans
effet des rendements anticipés des obligations d'autres maturités.

l'hypothèse clé de la théorie des marchés segmentés est que des obligations de maturités
différentes ne sont pas substituables, ce qui conduit à ce que le rendement anticipé d'une
obligation d'une certaine maturité n'ait aucun effet sur la demande d'obligations d'autres
maturités. Cette hypothèse est à l'extrême opposé de la théorie des anticipations, qui suppose
que les obligations de différentes maturités sont parfaitement substituables.

L’argument en faveur de la non-substituabilité entre obligations de différentes maturités que


les investisseurs ont des raisons importantes pour préférer une maturité à une autre. Cela peut
être parce qu'ils ont une durée précise de placement en tête et souhaitent aue la maturité de
leur placement soit identique pour supprimer le risque (en effet, on a vu chapitre 4 que lorsque
la maturité est égale à la durée d'un placement, le rendement connu avec certitude et est égal
au taux d'intérêt actuariel, le risque de taux d'intérêt t réduit à zéro)", Ainsi, les gens qui
épargnent en vue de payer leurs prochaines vacances ne souhaitent pas détenir leur épargne
pour aussi longtemps que ceux qui épargnent en vue d'acheter une maison de campagne ou de
payer plus tard les études d'enfants encore en bas âge. Les premiers peuvent préférer des bons
à court terme, les autres des obligations à long terme.

La théorie des marchés segmentés explique les différentes formes des courbes de taux par des
différences d'offre et de demande entre les marchés pour les obligations de différentes
maturités. Si, comme il est probable, les investisseurs ont en général une préférence pour des
durées de placement plus courtes que les durées d'emprunt souhaitées par les emprunteurs, le
taux d'intérêt d'équilibre sur le marché des obligations à court terme doit être plus bas que
celui des obligations à long terme. Ainsi, la théorie des marchés segmentés explique le
troisième des faits stylisés mentionnés ci-dessus, à savoir que les taux d'intérêt à court terme
sont en général plus faibles que les taux d'intérêt à long terme, c'est-à-dire que la courbe des
taux est croissante en général.

Si la théorie des marchés segmentés explique bien la croissance de la courbe des taux, elle
n'explique pas les deux premiers faits stylisés. En effet, si les marchés pour des obligations de
maturités différentes sont entièrement séparés, il n'y a pas de raison pour que les taux d'intérêt
sur les obligations de différentes maturités varient ensemble (fait 1). En outre, comme elle ne
dit rien sur l'évolution de la demande et de l'offre d'obligations de différentes maturités en
fonction du niveau des taux d'intérêt, elle ne permet pas d'expliquer pourquoi la courbe des
taux tend à être croissante quand les taux sont bas, et décroissante (ou inversée) quand ils sont
hauts (fait 2).

Comme chacune des deux théories de la structure par terme des taux d'intérêt perme
d'expliquer une partie des faits stylisés, il est logique de tenter de les combiner pour expliquer
l'ensemble; c'est ce que p!,opose la théorie de la prime de liquidité.

2.3. La théorie de la prime de liquidité et la théorie de l'habitat préféré

La théorie de la prime de liquidité affirme que le taux d'intérêt d'une obligation à long terme
est égal à la moyenne des taux d'intérêt à court terme anticipés sur la vie de l'obligation,
augmentée d'une prime de liquidité qui dépend des conditions d'offre et de demande pour
'cette obligation.

126
L'hypothèse clé de la théorie de la prime de liquidité est que les obligations de différentes
maturités sont substituables, ce qui signifie que le rendement anticipé d'un type d'obligations
influence le prix des obligations d'un autre type, mais que cette substituabilité e imparfaite
parce que les investisseurs peuvent préférer des obligations d'une certaine maturité à d'autres
d'une maturité différente. Ainsi, les investisseurs sont censés préférer les obligations à court
terme parce qu'elles comportent moins de risque de taux d'intérêt. De ce fait, les obligations à
long terme ne sont détenues par les investisseurs que si leur rendement comporte une prime de
liquidité positive qui compense leurs inconvénients par rapport aux obligations à court terme.
Ainsi, la théorie des anticipations est modifiée par l'ajout d'une prime de liquidité dans
l'équation reliant les taux d'intérêt à long term et les taux à court terme anticipés, équation qui
s'écrit désormais:

où lnt est la prime de liquidité d'une obligation de maturité n périodes à l'instant t. Ce terme
est toujours positif et croissant avec la maturité n.

La théorie dite de l'habitat préféré est proche de la théorie de la prime de liquidité. Elle
consiste également à modifier la théorie des anticipations et aboutit à des conclusions
semblables. Elle suppose que les investisseurs ont une préférence pour des obligations d'une
certaine maturité, qu'elle appelle leur habitat préféré. À cause de cette préférence pour les
obligations d'une maturité particulière, ils n'acceptent de détenir des obligations de maturités
différentes que si leur rendement anticipé est supérieur. Comme en général les investisseurs
ont comme habitats préférés des maturités courtes plutôt que des longues, ils n'acceptent de
détenir des obligations à long terme que si leurs rendements anticipés sont supérieurs, ce qui
conduit à la même équation (3) que dans le cas de la prime de liquidité, habituellement
croissante avec la maturité.

La relation entre la théorie des anticipations et la théorie de la prime de liquidité (ou la théorie
de l'habitat préféré) est représentée à la figure 6.5. On y voit que parce que la prime de
liquidité est positive et croissante (habituellement) avec la maturité, la courbe de taux prédite
par la théorie de la prime de liquidité est toujours au-dessus de celle que prévoit la théorie des
anticipations et est en général croissante avec une pente plus raide.

127
Figure 7.5 - Relation entre la prime de liquidité et la théorie des anticipations.

Du fait que la prime de liquidité est toujours positive et croissante avec la maturité, les
théories de la prime de liquidité ou de l'habitat préféré impliquent des courbes de taux qui
sont toujours au-dessus de celles qu'implique la théorie des anticipations (et avec une pente
plus raide). On suppose ici que la courbe des taux impliquée par la théorie des anticipations
est plate, c'est-à-dire que l'on anticipe des taux d'intérêt à un an constamment égaux dans le
futur

Un exemple numérique semblable au précédent permet de clarifier cette distinction. Si l'on


suppose de nouveau que les taux d'intérêt à un an anticipés pour les cinq prochaine années
sont successivement de 1 %, 2 %, 3 %, 4 % et 5 % tandis que les préférences des investisseurs
pour la détention d'obligations à court terme impliquent des primes de liquidité pour les
obligations de 2 à 5 ans respectivement de 0,25 %, 0,5 %, 0,75 % et 1 %, l'équation (3)
permet de calculer le taux d'intérêt d'une obligation à 2 ans:

Si on fait les mêmes calculs pour les obligations à 3 et 4 ans, on peut montrer que les taux
d'intérêt des obligations de 1 à 5 ans sont respectivement de 1 %, 1,75 %, 2,5 %, 3,25 % et
4 %. En comparant avec les résultats issus de la seule théorie des anticipations, on observe
que la théorie de la prime de liquidité produit une courbe de taux plus raide du fait de la
préférence des investisseurs pour le court terme.

La théorie de la prime de liquidité (ou la théorie de l'habitat préféré) permet d'expliquer


désormais les trois faits stylisés présentés précédemment. Elle explique le fait l, selon lequel
les taux d'intérêt d'obligations de différentes maturités varient parallèlement dans le temps,
parce qu'une hausse des taux d'intérêt à court terme indique que les taux d'intérêt à court
terme seront, en moyenne, plus élevés dans le futur, et que, selon le premier terme de
l'équation (3), cela implique que les taux d'intérêt à long terme augmentent avec.

Elle explique aussi que la courbe des taux tende à être plus raide quand les taux d'intérêt sont
bas et à s'inverser quand les taux d'intérêt sont très hauts (fait 2). Du fait que les investisseurs
anticipent en général que les taux à court terme vont augmenter lorsqu'ils sont anormalement
bas, la moyenne des taux d'intérêt à court terme futurs sera supérieure au taux d'intérêt présent.
Augmentés d'une prime de liquidité, les taux d'intérêt à long terme en résultant seront
sensiblement plus élevés que les taux à court terme, créant une courbe des taux très raide.
Inversement, si les taux à court terme sont très élevés, l'anticipation de leur baisse peut être
telle que, malgré la prime de liquidité, le taux à long terme sera inférieur au taux à court terme,
produisant une courbe des taux inversée.

Enfin, la prime de liquidité ou l'habitat préféré expliquent le fait 3 selon lequel la courbe des
taux est habituellement croissante, du fait que la prime de liquidité est habituellement

128
croissante avec la maturité à cause de la préférence des investisseurs pour les obligations de
maturité courte. Ainsi, même si en moyenne il n'y a pas de tendance à la hausse des taux
d'intérêt à court terme, les taux à long terme sont habituellement audessus des taux à court
terme, produisant une courbe des taux croissante.

La théorie de la prime de liquidité permet de dégager les anticipations du marché sur les taux
d'intérêt à court terme futurs à partir de l'observation de la courbe des taux. Une courbe
fortement croissante, comme dans la partie (a) de la figure 6.6, indique que les taux d'intérêt à
court terme devraient augmenter dans le futur. Une courbe modérément croissante, comme
dans la partie (b), indique des anticipations de taux relativement stables; une courbe plate
comme dans la partie (c) indique des anticipations de baisse modérée des taux à court terme.
Enfin, une courbe de taux: inversée, comme dans la partie (d), indique l'anticipation d'une
forte baisse des taux.

Figure 7.6 - Courbes de taux et anticipations des taux d'intérêt à court terme futurs
correspondant à la théorie de la préférence pour la liquidité.

129
2.4. Observations empiriques de la structure par terme des taux d'intérêt

Dans les années 1980, les chercheurs étudiant la structure par terme des taux d'intérêt ont
voulu vérifier empiriquement si la pente de la courbe de taux fournissait une information
valable sur les mouvements futurs des taux d'intérêt à court terme", Ils trouvèrent que l'écart
(le spread) entre les taux à long terme et à court terme ne permet pas toujours de prédire
révolution future des taux d'intérêt à court terme, ce qui pourrait résulter de fluctuations
substantielles de la prime de liquidité pour les obligations à long terme. Des études plus
récentes, utilisant des méthodes plus robustes, ont conduit à des résultats différents. Elles
montrent que la structure par terme contient beaucoup d'information sur révolution à court
terme (quelques mois) et à long terme (quelques années) des taux d'intérêt, mais est un
indicateur peu fiable de leur évolution à moyen terme (de 1 à 3 ans).

2.5. Conclusion

La théorie de la prime de liquidité et celle de l'habitat préféré sont les plus généralement
acceptées pour expliquer la structure par terme des taux d'intérêt, car elles expliquent les
principaux faits stylisés observés sur le comportement de cette structure. Elles combinent des
éléments de la théorie des anticipations et de la théorie des marchés segmentés en affirmant
que les taux d'intérêt à long terme sont la somme d'une prime de liquidité et de la moyenne
des taux d'intérêt à court terme anticipés pour la vie future de l'obligation.

La théorie de la prime de liquidité et celle de l'habitat préféré expliquent ainsi les faits
suivants: (1) les taux d'intérêt d'obligations de différentes maturités tendent à évoluer
parallèlement dans le temps; (2) quand les taux d'intérêt à court terme sont bas, la courbe des
taux est généralement croissante, tandis que quand ils sont hauts, la courbe a plus de chance
de s'inverser; (3) les courbes de taux sont généralement croissantes.

Ces théories permettent de prédire les mouvements des taux d'intérêt à court terme dans le
futur. Une courbe des taux fortement croissante signifie que l'on anticipe une hausse des taux
à court terme; une pente modérément croissante, une anticipation de stabilité des taux; une
courbe plate, une anticipation de baisse modérée des taux; une pente décroissante, une
anticipation de forte baisse des taux.

CHAPTIRE VIII : Marchés boursiers, théorie des anticipations rationnelles et hypothèse


d’éfficience des marchés.

130
L'évolution des marchés boursiers fait l'objet d'une attention presque quotidienne de la part
des médias. Les importantes variations de cours observées sur ces marchés constituent une
des raisons majeures de cet intérêt. La décennie 1990 a en effet été exceptionnelle pour les
actions les indices du monde entier progressant fortement. Elle a été suivie d'une baisse
mondiale violente, puis de fluctuations très fortes qui semblent difficiles à expliquer. Étant
donné le grand nombre de ménages investissant directement ou indirectement une partie de
leur épargne en Bourse, le marché des actions est, de tous les marchés financiers, celui sur
lequel se focalise le plus d'intérêt. Ce chapitre décrit le fonctionnement de ce marché.

Les théories à la base de l'évaluation des actions seront étudiées en premier lieu, car elles
sont indispensables à la compréhension des mécanismes qui conduisent le prix des actions à
fluctuer à chaque instant. Par la suite, le rôle des anticipations sur le marché sera analysé.
Pour cela, il est nécessaire de présenter la théorie des anticipations rationnelles
qui,lorsqu'elle est appliquée au marché boursier, prend le nom d'hypothèse d'efficience des
marchés. La théorie des anticipations rationnelles est par ailleurs utile à la compréhension
des débats entourant la conduite de la politique monétaire.

La théorie des anticipations rationnelles est un outil très puissant pour analyser les
comportements des agents. Pour apprécier la portée empirique de cette théorie, il faut en
confronter les prédictions aux faits. Si cette confrontation donne un résultat mitigé et
controversé, la théorie des anticipations rationnelles reste un bon point de départ pour
analyser les anticipations.

1.Évaluer le prix d'une action

L'émission d'actions est le principal moyen dont disposent les entreprises pour augmenter
leurs capitaux propres. Les détenteurs d'actions d'une entreprise possèdent une fraction de
celle-ci, proportionnelle au nombre d'actions détenues. Cette propriété donne aux actionnaires
ou les détenteurs des actions d'une entreprise - plusieurs droits. Parmi les plus importants se
trouvent le droit de vote en assemblée générale et le droit résiduel sur tous les revenus de
l'entreprise. Ce droit résiduel signifie que les actionnaires sont, collectivement, légalement
propriétaires de ce qui reste dans l'entreprise après que toutes les créances ont été honorées.
Le droit de vote, quant à lui, se traduit en temps normal par le versement d'une partie du
résultat net de l'entreprise aux actionnaires: c'est le dividende. Les dividendes sont versés
périodiquement, en général chaque année. Le montant des dividendes est décidé par le conseil
d'administration de l'entreprise, en général sur recommandation des dirigeants. En plus de ces
droits, l'actionnaire a la possibilité de revendre ses actions.

L'un des principes fondamentaux de la finance, déjà considéré au chapitre 4 pour les
obligations, est de valoriser un actif quelconque à la valeur actualisée de tous les flux de
revenus générés par cet actif au cours de sa durée de vie. Par exemple, un immeuble de
bureaux sera vendu à un prix équivalant aux flux nets de revenus que l'on peut
raisonnablement espérer de son exploitation (sommairement, les loyers moins les coûts
d'entretien) au cours de sa durée de vie. De même, la valeur d'une action est la valeur
actualisée des flux financiers futurs qu'elle produira. Ces. flux peuvent être des dividendes, le
prix de revente de l'action, ou bien les deux.

Pour introduire la théorie de l'évaluation des actions, nous considérons d'abord le scénario le
plus simple: un agent procède à l'achat d'une action, il la conserve pendant une période - et
touche un dividende - puis revend l'action. C'est le modèle d'évaluation monopériodique.

131
Nous développons par la suite des modèles un peu plus complexes.

1.1. Le modèle d'évaluation monopériodique

supposons qu'un agent dispose de fonds inutilisés et qu'il soit prêt à les investir pendant un an.
Après lecture de la presse financière, il décide d'acheter des actions de la Société universelle.
Il appelle son courtier et apprend que l'action coûte 50 euros. Elle distribue un dividende
annuel de 2 euros, et les analystes prévoient pour l'année à venir une augmentation de 10
euros du cours de cette action. L'agent doit-il acheter cette action?

Pour répondre à cette question, il faut tout d'abord déterminer si le prix actuel de l'action
reflète bien les anticipations des analystes. Pour évaluer la valeur de l'action aujourd'hui, il
faut déterminer la valeur actualisée des flux de revenus futurs, c'est-à-dire utiliser l'équation (1)
du chapitre 4. Le taux d'actualisation est ici défini comme le taux de rendement (plus
communément appelé en finance taux de rentabilité pour le distinguer du rendement apparent,
selon une pratique que nous suivons dans ce chapitre) exigé par les actionnaires, et non
comme le taux d'intérêt. Les revenus futurs sont le dividende et le prix de vente final de
l'action. L'équation (1) donne donc la valeur actualisée d'une action:

avec

Po = prix actuel de l'action. L'indice indique que l'on se situe en t = 0, l'instant présent.

Div1 = dividende payé à la fin de la première année. k, = taux de rentabilité exigé par les
actionnaires.

Pr = prix de l'action à la fin de la première année. C'est évidemment une anticipation de la part
de l'agent.

Si, après divers calculs, l'agent pense qu'un taux de rentabilité de 12 % est satisfaisant compte
tenu de l'investissement qu'il projette, il est possible à l'aide de l'équation (1) de calculer le
prix d'une action Société universelle.

Donc k, = 0,12. D'autre part, Div} = 2 et Pl = 60. On peut donc calculer la valeur actuelle
théorique de l'action Société universelle, sous l'hypothèse d'un taux de rentabilité de 12 % :

D'après

132
l'analyse de l'agent, la valeur actualisée des revenus liés à la détention de l'action pendant un
an est de 55,36 euros. Le prix de marché actuel de l'action est de 50 euros, il est donc rentable
d'acheter celle-ci. Toutefois, si l'action cote effectivement moins de 55,36 euros, il doit y avoir
une raison: les autres investisseurs peuvent par exemple estimer que le risque inhérent aux
revenus futurs justifie un taux d'actualisation supérieur à 12 %, ou bien que les perspectives
de dividendes ou d'augmentation du cours de l'action sont inférieures aux prévisions des
analystes.

1.2. Le modèle généralisé d'évaluation par les dividendes

Il est possible d'étendre le modèle d'évaluation monopériodique au cas de plusieurs périodes,


en suivant le même raisonnement. La valeur actualisée d'une action est en effet toujours égale
aux revenus actualisés qu'elle générera. Ces revenus sont, sur n périodes, la série des n
dividendes (un par période) et le prix de la revente de l'action, à la fin de la n-ième période.
La formule généralisée à n périodes d'évaluation des actions s'écrit donc:

Utiliser l'équation (2) pour évaluer une action nécessite de faire une hypothèse sur le cours de
l'action lors de sa revente. En d'autres termes, il faut connaître Pn pour trouver P0. Toutefois,
si n est grand, c'est-à-dire si le revenu Pn survient à une date éloignée, l'hypothèse a peu
d'impact sur Po. Par exemple, la valeur actualisée du produit de la vente d'une action qui
vaudra 50 euros dans 75 ans, au taux d'actualisation de 12 %, est

d'un centime d'euro ). La conséquence de ce raisonnement est qu'il est possible de calculer la
valeur d'une action à partir de la seule valeur actualisée des flux de dividendes. Le modèle
généralisé d'évaluation d'une action par les dividendes peut donc s'écrire:

133
L'équation (3) signifie que le prix d'une action peut être évalué uniquement grâce à la valeur
actualisée des dividendes, et rien d'autre. Toutefois, beaucoup d'entreprises ne distribuent pas
de dividendes, en particulier lorsqu'elles sont jeunes et que leur croissance requiert de
réinvestir tous les profits. Les actionnaires doivent alors estimer quand ces entreprises
distribueront des dividendes, ce qui aura sans doute lieu dès lors que leur phase de croissance
rapide s'achèvera.

Le modèle généralisé d'évaluation d'une action par les dividendes nécessite donc l'actua-
lisation d'un flux infini de dividendes, ce qui peut être pour le moins délicat. Des modèles
simplifiés ont donc été développés, comme le modèle de Gordon-Shapiro, qui suppose un
taux de croissance constant des dividendes.

1.3. Le modèle de Gordon-Shapiro

La plupart des entreprises essaient de verser tous les ans un dividende qui croît à un taux
constant. L'équation (4) transforme l'équation (3) en intégrant cette hypothèse supplémentaire:

avec

Do= dernier dividende versé par l'entreprise. g = taux: de croissance anticipé du dividende. k,
= taux: de rentabilité exigé par l'actionnaire.

134
L'équation (4) peut être simplifiée, cela donne alors l'équation (5)

Ce modèle est très précieux: pour évaluer une action, malgré quelques hypothèses simpli-
ficatrices :

- Les dividendes sont supposés croître à l'infini à taux constant. De fait, il suffit que cette
hypothèse de croissance à taux: constant soit vérifiée pendant une période suffisamment
longue pour que le modèle donne des résultats satisfaisants. En effet, des erreurs commises
sur les dividendes qui seront versés dans un futur lointain ont peu d'importance, puisque, une
fois actualisées, elles deviennent très faibles.

Le taux: de croissance des dividendes est supposé inférieur au taux: de rentabilité exigé par
les actionnaires. Myron Gordon, qui a développé ce modèle, a démontré que cette hypothèse
était acceptable: si ce n'était pas le cas, à long terme, la valeur de l'entreprise pourrait
théoriquement être sans limites.

2. Comment le prix des actions s'établit-Il sur le marché ?

Imaginons une vente aux: enchères de voitures. Il est bien entendu possible d'examiner les
voitures avant la mise aux: enchères. Chaque agent ayant l'intention de participer aux:
enchères étudie donc les voitures en présence, il peut même les essayer pour détecter
d'éventuels problèmes mécaniques. Une voiture plaît beaucoup à deux: acheteurs (l'agent A et
l'agent B), malgré des bruits bizarres qui surviennent lorsqu'on change de vitesse .. Lorsque la
vente aux: enchères commence, les deux: agents ont leur idée sur le prix qu'ils sont prêts à
payer pour l'obtenir. L'agent A est prêt à payer la voiture 5 000 euros, car ne connaissant rien
à la mécanique, il craint que le changement de boîte de vitesses ne lui coûte cher. L'agent B,
lui, est prêt à payer 7 000 euros. Mécanicien, il sait que le bruit de la boîte de vitesses est un
simple problème de réglage. Observons le processus d'enchères. La mise à prix est de 4 000
euros, l'agent B enchérit jusqu'à 4500. L'agent A propose une offre supérieure, 5 000 euros, la
limite qu'il s'est fixée pour acheter la voiture. L'agent B, lui, est encore loin de sa propre limite,
il propose donc 5 100 euros. L'agent le mieux informé, l'agent B, obtient donc la voiture pour
5 100 euros.

Cet exemple simple illustre plusieurs points intéressants. Le prix est fixé dans une vente aux
enchères par l'agent qui est prêt à payer le prix le plus élevé. Ce prix n'est pas nécessairement
le prix maximal que cet agent était prêt à payer, mais il est supérieur au prix le plus élevé
proposé par n'importe quel autre agent. D'autre part, le prix de marché est défini par l'agent
qui tirera le plus grand bénéfice de la détention de l'actif mis en vente. Dans notre exemple,
l'agent informé (l'agent B), qui sait qu'un réglage de la boîte de vitesses suffira à faire cesser
les bruits, est prêt à payer plus qu'un agent qui pense que des réparations sérieuses s'imposent.
Enfin, le rôle joué par l'information est primordial dans la détermination du prix de marché.

135
Une meilleure information sur la valeur réelle de l'actif permet d'augmenter sa valeur de
marché, puisque cela réduit le risque inhérent à l'achat de cet actif. Lorsqu'on réfléchit à
l'achat d'une action, il existe une inconnue sur la valeur des flux de revenus futurs. L'acheteur
potentiel disposant de la meilleure information sur ceux-ci les actualisera à un taux plus faible,
parce que le risque qu'il court est inférieur. Il acceptera donc de payer l'action un prix plus
élevé qu'un agent ne disposant pas des mêmes informations.

Appliquons maintenant ces idées à l'évaluation des actions. Un agent A réfléchit à l'achat
d'une action qui versera l'an prochain 2 euros de dividende, et les analystes de marché
prévoient une croissance indéfinie de ce dividende au taux de 3 % par an. La stabilité de ce
taux de croissance comme l'estimation de celui-ci sont sujettes à caution. Pour se protéger
contre cette incertitude, l'agent A estime qu'un taux de rentabilité minimal de 15 % est
nécessaire.

Supposons maintenant qu'un deuxième investisseur, l'agent B, discute avec les dirigeants de
l'entreprise concernée et conclue que les prévisions des analystes sont fondées. Le taux
d'actualisation que l'agent B appliquera aux revenus futurs sera donc seulement de 12 %.
Enfin, un investisseur C se trouve être le président de l'entreprise considérée; il sait avec
certitude que les prévisions des analystes sont bonnes. Son taux d'actualisation est donc de
10 %. Quelle est l'estimation de la valeur de l'action par chaque investisseur? On peut calculer
ces valeurs à l'aide de la formule de Gordon-Shapiro.

L'agent A est prêt à payer 16,67 euros pour obtenir l'action considérée, l'agent B 22,22 euros,
et l'agent C 28,57 euros. L'agent qui associe le plus faible risque à l'achat de l'action est donc
celui qui accepte de payer le plus cher, et qui au final l'achète effectivement. Le prix de
marché de l'action, sous l'hypothèse que ces trois investisseurs sont seuls présents sur le
marché, s'établira donc quelque part entre 22,22 et 28,57.

Les agents sont donc concurrents sur le marché pour faire la meilleure offre, ce qui permet la
détermination du prix de marché de l'action. Que se passe-t-il si une nouvelle information
concernant l'entreprise est publiée? Celle-ci peut provoquer une modification des anticipations
des agents et donc une variation du cours de l'action. En effet, cette nouvelle information peut
apporter une précision ou une modification du taux de croissance attendu des dividendes, ou
encore du niveau de risque auquel ces dividendes sont exposés. Puisque les intervenants sur le
marché reçoivent en permanence de nouvelles informations, ils ajustent en temps réel leurs
anticipations. Intuitivement, on peut donc penser que le cours des actions change lui aussi en
permanence.

3. La théorie des anticipations rationnelles

Les principes fondamentaux de l'évaluation des actions montrent ainsi que cette évaluation
dépend des anticipations des agents, particulièrement à propos des dividendes futurs. En fait,
l'état de tous les secteurs économiques dépend fondamentalement des anticipations des agents.

136
Il est crucial de comprendre la façon dont les agents forment leurs anticipations. La théorie
des anticipations rationnelles est la plus utilisée actuellement pour décrire la façon dont les
agents économiques forment leurs anticipations, qu'ils soient dirigeants d'entreprise ou
simples consommateurs.

Dans les années 1950 et 1960, les économistes considéraient que les agents formaient leurs
anticipations à partir de leurs expériences passées exclusivement. L'anticipation du taux
d'inflation futur, par exemple, était vue comme la moyenne des taux d'inflation passés. Les
anticipations formées de cette façon par les agents sont dénommées anticipations adaptatives,
parce que les changements dans les anticipations des agents se font lentement et de manière
progressive'. Par exemple, si les taux d'inflation passés sont de 5 %, l'anticipation de
l'inflation future sera de 5 %. Si le taux d'inflation grimpe à 10 %, l'anticipation de l'inflation
future grimpera à 10 %, mais progressivement. La première année, l'inflation anticipée sera de
6 %, l'année suivante de 7 %, etc. L'erreur des anticipations adaptatives consiste à considérer
que les agents économiques utilisent exclusivement les valeurs passées de la variable
anticipée pour prévoir ses valeurs futures. Néanmoins, leurs anticipations de l'inflation future
seront presque certainement affectées par leurs anticipations des décisions futures de politique
monétaire, et pas seulement par les décisions de politique monétaire présentes et passées. De
plus, les agents peuvent réviser et révisent effectivement leurs anticipations rapidement, à la
lumière de nouvelles informations. Pour dépasser les insuffisances des anticipations
adaptatives, John Muth a développé une théorie alternative des anticipations, appelée théorie
des anticipations rationnelles: les agents utilisent toute l'information disponible pour former
leurs anticipations. Ces anticipations sont identiques à la prévision optimale (la meilleure
prévision possible pour le futur) 3. Qu'est-ce que cela signifie exactement? Pour l'expliquer
clairement, utilisons la théorie des anticipations rationnelles pour comprendre le processus de
formation des anticipations dans le cadre d'une situation que beaucoup d'agents rencontrent
dans leur vie: l'estimation du temps de trajet pour se rendre à leur lieu de travail.

Supposons qu'un agent puisse se rendre à son travail en moyenne en 30 minutes lorsque le
trajet s'effectue en dehors des heures de pointe. Le temps de transport réel est parfois de 25
minutes, parfois de 35. Si le trajet est effectué pendant les heures de pointe, il faut jouter 10
minutes en moyenne au temps de trajet hors heures de pointe. La meilleure prévision possible
-la prévision optimale - de son temps de trajet est donc, dans ce cas de 40 minutes.

Si la seule information disponible avant que l'agent ne quitte son travail est qu'il part à l'heure
de pointe, quelle est l'anticipation de l'agent à propos de son temps de trajet selon la théorie
des anticipations rationnelles? La meilleure prévision utilisant toute l'information disponible
est de 40 minutes, l'anticipation de l'agent est donc de 40 minutes. Toute anticipation différant
de celle-ci n'est pas conforme à la théorie des anticipations rationnelles, puisque dans ce cas
elle serait différente de la prévision optimale.

Supposons qu'un jour, sous les mêmes hypothèses et avec la même anticipation, l'agenmette
45 minutes pour rentrer chez lui, du fait d'un nombre anormalement élevé de feux rouges. Le
jour d'après, les feux sont tous verts, il ne met que 35 minutes. Ces variations rendent-elles
l'anticipation de l'agent (40 minutes) irrationnelle? Évidemment non, meilleure prévision du
temps de trajet possible, compte tenu des informations do . dispose l'agent, est toujours de 40
minutes: c'est donc l'anticipation rationnelle de la durée du trajet. Toutefois, cette anticipation
a conduit l'agent à deux erreurs de 5 minutes. elle n'est donc pas parfaite. L'anticipation, pour
être qualifiée de rationnelle, n'a p besoin d'être parfaite (il y aura toujours des erreurs de
prévision) ; il suffit qu'elle soit , meilleure possible compte tenu des informations disponibles

137
au moment où l'anticipation est formée. Il est vrai qu'en moyenne la durée du trajet de l'agent
sera de 40 minu s'il quitte son travail pendant les heures de pointe; il est impossible de former
meilleure anticipation de son temps de trajet.

Cet exemple permet de mettre en lumière un élément important des anticipations ratieznelles :
une anticipation rationnelle est égale à la meilleure prévision possible en u ~ sant toute
l'information disponible à l'instant où l'anticipation est formée, mais prévision fondée sur une
anticipation rationnelle ne sera pas toujours exacte.

Que se passe-t-il si une information pertinente pour prévoir le temps de trajet de l'ag est
indisponible ou non prise en compte? Supposons en effet qu'un accident se produisnt sur la
route de notre agent et qu'il en découle deux heures d'embouteiUages. L'inforr.: tion n'est pas
disponible pour l'agent, il ne peut en tenir compte dans la formation de l’anticipation;
l'anticipation rationnelle de l'agent en ce qui concerne son temps de trajet est donc toujours de
40 minutes. Si, par contre, l'information selon laquelle un accid s'est produit fait l'objet d'une
diffusion à la radio, mais que l'agent A ne l'écoute pas. n'intègre pas cette information dans
son anticipation de temps de trajet, alors la pré . d'un trajet de 40 minutes n'est plus rationnelle.
À la lumière de cette inforrnatio aurait en effet dû prévoir un temps de trajet de 2 heures et 40
minutes.

Deux raisons peuvent donc expliquer qu'une anticipation ne soit pas formée de fa.:"nn
rationnelle:

1. Les agents peuvent avoir à leur disposition toute l'information, mais simultanément juger
que cela serait trop coûteux pour eux (en temps, par exemple) de traiter t cette information
pour l'intégrer dans leur anticipation.

2. Les agents peuvent ignorer qu'une information pertinente est disponible, ce qui les conduit
à une prévision imparfaite de l'avenir.

Néanmoins, il est important de souligner qu'une information non disponible, même si elle
aurait eu des conséquences importantes sur les anticipations des agents, n'empêche pas les
anticipations formées d'être rationnelles.

3.1. Développement formel de la théorie

Il est possible de présenter la théorie des anticipations rationnelles de manière plus formelle.
Si X est la variable dont le comportement doit être anticipé (dans l'exemple précédent, le
temps de trajet), xe l'anticipation de cette variable par un agent, et XO la meilleure prévision
de X qui utilise toute l'information disponible. L'hypothèse d'anticipations rationnelles dit que:

Cela signifie que l'anticipation de X correspond à la meilleure prévision possible, compte tenu
des informations disponibles.

3.2. Fondements de la théorie des anticipations rationnelles.


138
Pourquoi les agents tentent-ils de faire correspondre autant que possible leurs anticipations à
la prévision optimale qui intègre l'intégralité des informations disponibles? La réponse la plus
simple à cette question est qu'il est coûteux pour eux de ne pas procéder ainsi. Notre agent a
un intérêt évident à ce que l'anticipation de son temps de trajet soit aussi précise que possible.
S'il sous-estime son temps de trajet, il arrivera régulièrement en retard à son lieu de travail et
risque d'être licencié. S'il surestime son temps de trajet, il arrive à son poste trop tôt et perd du
temps de sommeil inutilement. Des anticipations aussi exactes que possible sont donc
souhaitables. Les individus essaient donc de former des anticipations aussi proches que
possible de la prévision optimale tenant compte de toute l'information disponible, puisqu'ils y
sont clâirement incités.

Le même principe s'applique aux entreprises. Une entreprise sait, par exemple, que les
variations du taux d'intérêt sont déterminantes pour son activité. Si elle forme des anti-
cipations de mauvaise qualité sur les taux d'intérêt futurs, elle réalisera des profits moins
élevés, car elle n'ajustera pas de manière optimale sa production à la demande émanant des
consommateurs. L'entreprise est donc fortement incitée à se procurer toute l'information
disponible lui permettant de former des anticipations de taux d'intérêt aussi proches que
possible de la prévision optimale.

Les incitations à former des anticipations égales à la prévision optimale sont particulièrement
fortes sur les marchés financiers. En effet, sur ces marchés, les agents ayant les meilleures
prévisions deviennent les plus riches. La théorie des anticipations rationnelles s'applique donc
de manière extrêmement pertinente aux marchés financiers. Sur les marchés financiers,
l'hypothèse d'anticipations rationnelles se dénomme hypothèse d'efficience des marchés.

3.3. Conséquences de la théorie des anticipations rationnelles

La théorie des anticipations rationnelles a deux conséquences sur le mode de formation des
anticipations, déterminantes dans l'analyse de l'économie globale.

1. Tout d'abord, s'il y a un changement dans la manière dont une variable évolue, le mode de
formation des anticipations de l'évolution de cette variable change également.

Cette implication de la théorie des anticipations rationnelles peut être facilement comprise au
travers d'un exemple. Supposons que le taux d'intérêt évolue de manière à toujours revenir
vers sa valeur « normale ». Si la valeur présente est au-dessus de cette valeur normale, la
prévision optimale du taux d'intérêt futur est qu'il va baisser pour revenir à son niveau
habituel. Si les agents forment des anticipations rationnelles, ils prévoient donc une baisse.

Supposons que le taux d'intérêt se mette à évoluer de manière différente et ne revienne plus à
sa valeur normale: il reste durablement au-dessus de sa valeur habituelle. Si le taux d'intérêt
est actuellement élevé sur le marché, la prévision optimale du taux d'intérêt futur, et donc
l'anticipation rationnelle, est que celui-ci va rester élevé. Les anticipations du taux d'intérêt
futur n'indiquent plus que le taux d'intérêt a tendance à revenir vers sa valeur normale,
puisque le comportement de la variable anticipée a changé.

2. Dans la théorie des anticipations rationnelles, les erreurs de prévision des anticipations sont
en moyenne nulles et ne peuvent être prédites. L'erreur de prévision d'une anticipation est la
différence entre la valeur réelle de la variable et sa valeur anticipée, X - xe. Par exemple, si un
agent prévoit un trajet de 40 minutes et qu'il met effectivement 45 minutes, il s'est trompé de 5
139
minutes. Ces 5 minutes constituent son erreur de prévision. Supposons que, contrairement au
postulat des anticipations rationnelles, l'erreur de prévision de l'agent ne soit pas nulle en
moyenne, mais égale à 5 minutes. L'erreur de prévision de son anticipation est donc prévisible,
puisque tous les jours, en moyenne, l'agent se trompe de 5 minutes dans l'estimation de son
temps de trajet. Il peut donc améliorer la qualité de sa prévision en l'augmentant de 5 minutes.
La théorie des anticipations rationnelles prévoit qu'il va le faire puisque, comme tous les
agents, il souhaite former les meilleures prévisions possibles. Après révision de son
anticipation par l'agent, l'erreur de prévision de l'anticipation est nulle. Ainsi, la théorie des
anticipations rationnelles implique qu'on ne peut pas prévoir une erreur de prévision.

4. L'hypothèse d'efficience des marchés:les anticipations rationnelles sur les marchés


financiers

Tandis que les économistes spécialistes d'économie monétaire développaient la théorie des
anticipations rationnelles, les économistes spécialistes des marchés financiers construisaient
une théorie parallèle portant sur la formation des anticipations sur les marchés financiers.
Cette théorie les amène à la même conclusion que la théorie des anticipations rationnelles: les
anticipations sur les marchés financiers sont égales à la meilleure prévision possible utilisant
toute l'information disponible", Toutefois, le nom donné par les économistes financiers à leur
théorie des anticipations est différent: ils l'appellent l'hypothèse d'efficience des marchés.
Cette théorie n'est rien d'autre que l'application des anticipations rationnelles au mode de
formation des prix des actifs financiers.

L'hypothèse d'efficience des marchés s'appuie sur le postulat suivant: le prix des actifs sur les
marchés financiers reflète l'intégralité de l'information disponible. Depuis le chapitre 4, on sait
que le taux de rendement d'un actif financier est la somme

avec

R = taux de rendement de l'actif détenu de la période t à la période t+ 1.

Pt+l = prix de l'actif en t+ 1, lors de sa revente.

Pt= prix de l'actif en t, lors de son achat.

C = flux financiers survenus entre t et t+ 1 (dividende ou coupon).

Quelle est l'anticipation du taux de rendement de l'actif à l'instant t, début de la période de


détention de l'actif? Le prix courant Pt et les flux financiers C sont supposés connus en t. La
seule variable qui intervient dans le calcul du taux de rendement et, dont la valeur n'est pas
certaine à l'instantr, est le prix de l'actif à la fin de la période de détention, Pt+t

140
Si l'on note le prix anticipé de l'actif en t+ 1 le taux de rentabilité anticipé Re est:

L'hypothèse d'efficience des marchés considère que l'anticipation du prix futur est égale à la
meilleure prévision possible du prix futur, compte tenu de toute l'information disponible au
moment où l'anticipation est formée. En d'autres termes, les anticipations du marché à propos
du prix futur de l'actif considéré sont supposées rationnelles, ce qui signifie que :

Le taux de rentabilité anticipé de l'actif est donc égal à la meilleure prévision possible du taux
de rentabilité:

Malheureusement, il est impossible d'observer Re ou Les équations dérivées de


l'hypothèse des anticipations rationnelles ne suffisent donc pas à décrire le fonctionnement du
marché financier. Toutefois, s'il était possible, de quelque manière que ce soit, de mesurer Re,
ces équations seraient d'une grande importance pour comprendre la façon dont évoluent les
prix sur les marchés financiers.

L'analyse en termes d'offre et de demande du marché obligataire (voir chapitre 5) montre que
la rentabilité anticipée d'un actif financier (le taux d'intérêt, dans le cas des obligations) a
tendance à fluctuer jusqu'à ce que s'égalisent la quantité demandée et la quantité offerte.
L'analyse en termes d'offre et de demande permet donc de déterminer la rentabilité anticipée
d'un actif financier comme le résultat d'une condition d'équilibre: la rentabilité anticipée d'un
actif, Re, est égale à la rentabilité d'équilibre, R*, qui égalise l'offre et la demande pour cet
actif. Cela signifie que:

Les chercheurs spécialistes des marchés financiers étudient les facteurs qui influencent le taux

141
de rentabilité d'équilibre des actifs financiers (le risque ou la liquidité, par exemple). En ce qui
nous concerne, il suffit de savoir que l'on peut déterminer la rentabilité d'équilibre et donc
déterminer la rentabilité anticipée d'un actif sous condition d'équilibre du marché.

Il est possible d'obtenir une équation pour décrire le comportement des prix sur un marché
efficient en utilisant la condition d'équilibre et en remplaçant W par R* dans l'équation des
anticipations rationnelles (8). On obtient alors:

Cette équation montre que le prix actuel d'un actif sur un marché financier est tel que la
prévision optimale du taux de rentabilité utilisant toute l'information disponible est égale à la
rentabilité d'équilibre de l'actif. Les économistes disent cela plus simplement: sur un marché
efficient, le prix d'un actif reflète toute l'information disponible.

4.1. Fondements de l'hypothèse d'efficience des marchés

Qu'implique en pratique l'hypothèse d'efficience des marchés et quelles sont les consé-
quences de cette hypothèse sur le comportement des prix des actifs? Supposons que le taux de
rentabilité annuel d'équilibre d'un actif - par exemple l'action Total- soit dit 10 % et que le
prix actuel de l'action soit Pt' Si Pt est si bas par rapport à la prévision optimale du prix futur,
p0t+1 que la prévision optimale du taux de rentabilité annuel atteint 50 %, soit beaucoup plus
que le taux de rentabilité d'équilibre de l'action Total (10 %), alors c'est qu'il existe des
opportunités inexploitées de profit. Ceux qui achètent cette action à Pt gagneront, en moyenne,
plus qu'ils ne le devraient étant donné les caractéristiques du titre considéré. Sachant qu'en
moyenne il est possible de réaliser un profit en achetant des actions Total parce que RO > R*,
des mouvements d'achats vont s'exercesur le titre, ce qui a pour conséquence de faire
augmenter le prix de l'action Pt et donc de faire baisser RO. Le prix augmente jusqu'au point
où RO = R* ; en ce point, la conditioz d'efficience des marchés (l0) est satisfaite, l'achat
d'actions Total va cesser, et les oppo - tunités inexploitées de profit disparaissent.

De même, une action dont le taux de rentabilité anticipé est de - 5 % alors que le ta'
d'équilibre est de 10 % (RO < R» constituerait un investissement très peu intéressant, par-~
qu'il rapporterait en moyenne moins que le taux de rentabilité d'équilibre. Dans un tel - de
figure, une pression à la vente s'exercerait sur le titre, et le prix de celui-ci baisserait. :.t prix
actuel de cette action chuterait donc jusqu'au point où RO = R*. A ce nouveau prix . la
condition d'efficience des marchés est remplie. On peut donc résumer ce qui précède par

142
Une autre façon de présenter la condition d'efficience des marchés est de dire que sur un
marché efficient toutes les opportunités inexploitées de profit ont été éliminées. Une
dimension primordiale de ce raisonnement est qu'il n'est pas nécessaire que tous les agents
présents sur un marché financier soient bien informés du prix d'un actif ou qu'ils forment des
anticipations rationnelles sur l'évolution de son prix pour que la condition d'efficience des
marchés s'applique. Les marchés financiers sont organisés de telle manière que de nombreux
agents peuvent intervenir. il suffit donc que certains agents soient à la recherche
d'opportunités inexploitées de profit dans le but d'en tirer parti (et ainsi réaliser des profits)
pour que le marché soit rendu efficient par l'élimination de ces opportunités inexploitées.
L'hypothèse d'efficience des marchés n'est donc pas si contraignante, puisqu'elle ne suppose
pas que tous les agents intervenant sur le marché connaissent toute l'information concernant
tous les actifs financiers.

4.2. La forme forte de l'hypothèse d'efficience des marchés

Beaucoup d'économistes défendent une forme plus forte de l'hypothèse d'efficience des
marchés. Ils définissent un marché efficient comme un marché sur lequel les agents forment
des anticipations rationnelles (c'est-à-dire des anticipations identiques à la meilleure prévision
possible compte tenu de toute l'information disponible), mais ils ajoutent une condition
supplémentaire: un marché efficient est un marché sur lequel le prix d'un actif est égal à la
vraie valeur de l'actif (sa valeur intrinsèque). Par conséquent, les prix sur un marché efficient
sont toujours justes. Ils reflètent les fondamentaux du marché (les éléments ayant des
conséquences directes sur les flux futurs de revenus des actifs financiers). Cette version plus
forte de l'hypothèse d'efficience des marchés possède plusieurs implications importantes. Tout
d'abord, sur un marché efficient, un investissement est aussi bon que tous les autres, puisque
les prix de tous les actifs reflètent leur vraie valeur. Ensuite, le prix d'un actif reflète, toute
l'information disponible à propos de la valeur intrinsèque de cet actif. Enfin, les prix des actifs
peuvent être utilisés par le dirigeant d'une entreprise, qu'elle soit financière ou non, pour
établir le coût du capital (le coût du financement des investissements). Cette dernière idée
signifie que le prix des actions peut être utilisé par le dirigeant d'une entreprise pour juger de
la rentabilité et de l'opportunité d'un investissement. La forme forte de l'hypothèse d'efficience
des marchés est un des principes fondamentaux sous-tendant un grand nombre des études
consacrées aux marchés financiers.

5. Vérification empirique de l'hypothèse d'efficience du marché boursier

Les premiers travaux empiriques étaient plutôt favorables à l'hypothèse d'efficience du


marché boursier, mais des études récentes plus détaillées la remettent plus souvent en cause.
Présentons tout d'abord les éléments empiriques qui militent en faveur de l'hypothèse d'effi-
cience du marché boursier avant d'étudier ceux qui jettent un doute sur sa validité.

5.l. Éléments empiriques en faveur de l'efficience du marché boursier

Ces éléments empiriques se rapportent aux performances des analystes et des gérants de fonds,
à l'intégration dans le prix des actions de l'information publique disponible, à l'hypothèse de
marche aléatoire des cours boursiers et à l'analyse technique (ou « chartiste »).
143
Les performances des analystes et des gérants de fonds. L'hypothèse d'efficience des
marchés implique en particulier qu'il est impossible, lors d'un placement sur les marchés
financiers, de prévoir un taux de rentabilité anormalement élevé, c'est-à-dire supérieur au taux
d'équilibre. Autrement dit, il est impossible de battre habituellement le marché. Beaucoup
d'études cherchent à savoir si les analystes, les conseillers en placements boursiers et les
gérants de fonds y parviennent. Un test souvent réalisé consiste à compiler toutes les
recommandations d'achat et de vente publiées par les analystes et à étudier la performance
d'un portefeuille composé en suivant ces recommandations comparativement au portefeuille
de marché, c'est-à-dire au portefeuille comprenant l'ensemble des titres du marché. Parfois,
l'étude a été effectuée en prenant comme point de comparaison un portefeuille aléatoire
composé en jetant des fléchettes sur une page d'un quotidien financier. Le Wall Street Journal,
d'ailleurs, publie régulièrement une rubrique qui compare les performances des actions
sélectionnées par les analystes et des actions sélectionnées en jetant des fléchettes au hasard
sur le' journal. Les analystes l'emportent-ils? À leur grand désespoir, ce n'est pas le cas: le
portefeuille composé aléatoirement bat leur portefeuille aussi régulièrement que l'inverse. De
plus, même lorsque la comparaison se limite aux recommandations émises par des analystes
réputés ayan donné de bons conseils dans le passé, les analystes ne parviennent jamais à battre
régulièrement le portefeuille aléatoire ou le portefeuille de marché.

D'autre part, les performances des fonds gérés de manière collective (OPCVM en France,
mutual funds aux États-Unis) ne sont pas non plus en moyenne supérieures aux performances
du marché. Et si l'on classe les fonds selon leurs performances à un instant donné, ceux qui
étaient les plus performants ne battent en général plus le marché dès ~ période suivante'',

Ces résultats issus de l'étude des performances des analystes et des gérants de fond;
permettent de conclure que la performance passée de ceux-ci ne permet pas de préjuger de
leurs performances futures. Ce n'est pas une nouvelle réjouissante pour les gestionnaires de
fonds, mais c'est exactement ce qu'affirme l'hypothèse d'efficience des marchés. Elle implique
en effet que, si certains gérants peuvent être chanceux et d'autres pas, il ne faut pas prendre la
chance pour une capacité à battre le marché.

Le prix des actions reflète-t-i1I'information publique disponible ? L'hypothèse d'efficience


des marchés suppose que le prix des actions reflète toute l'information pub' - que disponible.
Donc, si une information est déjà publique, un communiqué de l'entreprise concernée ne fera
pas évoluer le cours de ses actions, parce que l'information est déjà intégrée dans le cours. Les
premiers éléments empiriques confirment l'hypothë d'efficience des marchés: des annonces de
résultats favorables ou de division des actions (séparation d'une action en plusieurs,
habituellement suivie d'une annonce de profits élevés) ne provoquent pas, en général,
d'augmentation du cours des actions",

La marche aléatoire des cours boursiers. Le terme de marche aléatoire décrit le mouvement
d'une variable dont les changements futurs ne peuvent pas être prédits (sont aléatoires) : étant
donné la valeur actuelle de la variable, le cours de celle-ci a autant de chances d'augmenter
que de baisser. Une conséquence importante de l'hypothèse d'efficience des marchés est que
les prix des actions devraient approximativement suivre une marche aléatoire. D'un point de
vue pratique, cela signifie que les évolutions futures des cours des actions devraient être
imprévisibles. Cette conséquence de l'hypothèse d'efficience des marchés est la plus connue
du grand public, elle est souvent mentionnée dans la presse financière parce qu'elle est
aisément compréhensible par tous. En fait, la plupart du temps, lorsque les gens mentionnent
l'hypothèse de marche aléatoire des cours boursiers, ils pensent à l'hypothèse d'efficience des

144
marchés.

Le fait que les cours boursiers suivent ou non une marche aléatoire peut être testé empi-
riquement. Supposons que des agents puissent prédire que l'action d'une entreprise, disons
Total, va augmenter de 1 % dans la semaine à venir. Le taux annualisé de rentabilité anticipée
de l'action Total est donc de 50 %. Ce taux anticipé est très supérieur au taux de rentabilité
d'équilibre de l'action Total (RO > R*), l'hypothèse d'efficience des marchés indique donc que
les agents doivent se mettre à acheter cette action, contribuant par cela à faire augmenter son
prix actuel jusqu'au point d'équilibre, atteint lorsque le changement prévisible du prix de
l'action Total est proche de zéro, c'est-à-dire lorsque RO = R'. Inversement, si les agents
peuvent prédire que le cours de l'action Total va baisser de 1 % au cours de la semaine à venir,
le taux de rentabilité anticipé de l'action Total est inférieur au taux d'équilibre, des ventes
d'actions se produisent, qui font baisser le cours de l'action jusqu'au point d'équilibre. Or,
toute action dont le prix est égal au prix d'équilibre (taux de rentabilité anticipé = taux de
rentabilité d'équilibre) suit généralement une marche aléatoire, puisque aucun agent ne peut
prédire quelle sera la valeur future de l'actions. Les économistes utilisent deux types de tests
pour savoir si l'hypothèse de marche aléatoire convient pour décrire le comportement des
cours boursiers. Le premier test permet de déterminer si les variations du prix d'une action
sont fonction des variations passées, et donc auraient pu être prédites. Le second test consiste
à établir si des informations publiques disponibles autres que l'historique des cours auraient
pu être utilisées pour prévoir l'évolution des cours. Ce deuxième test est plus strict, puisque
plus d'informations (taux de croissance de la masse monétaire, dépenses publiques, taux
d'intérêt, profits des entreprises) sont supposées pouvoir être employées pour prévoir
l'évolution des cours boursiers. Les premiers résultats des études, quel que soit le test utilisé,
confirment l'hypothèse d'efficience des marchés, montrant que les cours de Bourse suivent en
général une marche aléatoire et ne sont donc pas prévisibles'',

L'analyse technique. Une méthode populaire utilisée pour prédire l'évolution du prix des
actions consiste à étudier l'historique des cours de l'action pour rechercher des figures
pertinentes: des tendances, des cycles réguliers ... On appelle cette méthode l'analyse
technique ou « chartiste» (de l'anglais charts). Des règles pour acheter ou vendre une action
sont établies sur la base des figures suivies par le cours de l'action. L'hypothèse d'efficience
des marchés financiers suggère que l'analyse technique est une perte de temps. La façon la
plus simple d'en comprendre les raisons consiste à employer le résultat issu de l'hypothèse de
marche aléatoire démontrant que l'utilisation des cours de Bourse passés ne permet en rien de
prévoir les cours de Bourse futurs. L'analyse technique qui s'appuie sur les cours de Bourse
passés ne peut donc pas parvenir à prédire avec succès l'avenir.

Deux types de tests ont été conduits pour évaluer directement la valeur de l'analyse technique.
Le premier type de test repose sur l'analyse empirique des recommandations faites par ceux
qui utilisent l'analyse technique: permettent-elles de battre régulièrement le marché? Les
résultats sont identiques à ceux des tests effectués à propos des analystes « traditionnels » :
l'analyse technique ne fait pas mieux que l'analyse traditionnelle. En moyenne, elle ne permet
pas de battre le marché. Le second type de test (réalisé pour la première fois par Sidney
Alexander) adopte une règle de comportement issue de l'analyse technique (achat et vente en
fonction de critères définis par l'analyse technique et l'applique sur le marché!". La
performance des règles issues de l'analyse technique s'évalue au regard de la performance du
portefeuille. Ces tests conduisent eux aussi à discréditer l'analyse technique, puisqu'elle ne
permet pas de battre le marché.

145
5.2. Éléments empiriques en défaveur de l'efficience du marché boursier

Les éléments empiriques en faveur de l'hypothèse d'efficience des marchés semblent solides,
au point qu'Eugene Fama, célèbre spécialiste de l'efficience des marchés, a pu écrire dès 1970
dans une revue de la littérature consacrée aux preuves empiriques de l'hypothèse d'efficience
des marchés: « les preuves en faveur de l'efficience des marchés financiers sont nombreuses,
et, fait presque unique en science économique, les preuves allant à l'encontre de cette
hypothèse sont rares ». Toutefois, ces dernières années, l'hypothèse d'efficience des marchés a
commencé à être remise en cause, en premier lieu du fait d'anomalies de marché'". Les
éléments empiriques les plus récents tendent à montrer que l'hypothèse d'efficience des
marchés n'est pas toujours validement utilisable.

L'effet de taille. L'une des premières anomalies de marché allant à l'encontre de l'hypothèse
d'efficience des marchés renvoie à J'effet de taille concernant les petites entreprises (small-
firm effect). De nombreuses études empiriques ont montré que les entreprises de petite taille
présentaient des taux de rentabilité pour l'actionnaire anormalement élevés, et ce pendant des
périodes assez longues. Ce phénomène persiste même lorsque le taux de rentabilité est corrigé
du risque inhérent à la petite taille de l'entreprise considérée. L'effet de taille semble s'être
affaibli ces dernières années, mais il n'en reste pas moins qu'il contrevient à l'hypothèse
d'efficience des marchés. Plusieurs explications à cette anomalie ont été avancées, invoquant
tout à la fois la faible liquidité des titres des petites entreprises, l'ajustement des portefeuilles
des investisseurs institutionnels, des effets fiscaux, des coûts d'information élevés pour
évaluer les petites entreprises, ou une mesure du risque inappropriée aux petites entreprises.

L'effet janvier. Sur de longues périodes, le prix des actions connaît des mouvements
anormaux entre décembre et janvier. Ces mouvements sont prévisibles, ce qui est incom-
patible avec l'hypothèse de marche aléatoire des cours. Des économistes imputent cet effet à
des considérations fiscales: en effet, les actionnaires peuvent avoir intérêt à vendre leurs
actions avant la fin de l'année fiscale (en décembre), parce qu'ainsi ils peuvent déduire leurs
pertes en capital de leur revenu imposable et réduire l'impôt sur le revenu à payer. Quand
l'année fiscale suivante débute (en janvier), ils rachètent ces actions, ce qui pousse leur prix
vers le haut et produit un taux de rentabilité anormalement élevé pour ceux qui vendent
alors!". Bien que cette analyse semble logique, elle n'explique pas pourquoi les investisseurs
institutionnels, non soumis à cette contrainte fiscale, ne profitent pas de cet effet janvier pour
acheter des titres en décembre et les revendre en janvier, ce qui aurait pour effet de supprimer
le taux de rentabilité anormalement élevé en janvier'>. L'effet janvier semble lui aussi avoir
perdu de son intensité ces dernières années, s'agissant des titres des grandes entreprises, mais
il reste important pour les titres des petites entreprises":

La surréaction du marché. Des recherches récentes indiquent que le cours des actions peut
surréagir à la suite de la publication d'informations, et que la correction s'effectue lentement'".
Quand une entreprise annonce une modification importante de ses profits prévisibles, par
exemple une forte baisse, le cours de ses titres peut sur réagir dans le même sens, et après la
chute initiale, le cours remonte lentement pendant des semaines. Cette idée contredit
l'hypothèse d'efficience des marchés, parce qu'un investisseur peut alors obtenir un taux de
rentabilité anormalement élevé en moyenne en achetant une action immédiatement après la
baisse initiale et la vendre après quelques semaines lorsqu'elle est revenue à son niveau
habituel.

La volatilité excessive. La volatilité excessive des cours est un phénomène proche de la

146
surréaction du marché. Cela signifie que les variations des cours peuvent être plus importantes
que celles de la valeur fondamentale du titre. Dans un article important, Robert Shiller a ainsi
montré que les variations de l'indice S&P 500 ne peuvent pas être expliquées par les
variations des dividendes des actions de l'indice. De nombreux économistes ont montré les
limites techniques de cet article, mais Shiller a contribué à l'émergence d'un consensus entre
les économistes: les variations des cours boursiers apparaissent comme influencées par des
facteurs autres que les fondamentaux du marché!".

Le retour vers la moyenne (mean reversion). D'autres chercheurs ont montré que la
rentabilité des actions suit un principe de retour vers la moyenne. Les actions avec un taux de
rentabilité inférieur à la moyenne aujourd'hui auront tendance à afficher un taux de rentabilité
supérieur à la moyenne dans le futur, et inversement. Le retour vers la moyenne indique qu'il
existe des variations prévisibles du taux de rentabilité des actions, et suggère donc que
l'hypothèse de marche aléatoire ne s'applique pas. Toutefois, des économistes ont montré que
le retour vers la moyenne apparaît de moins en moins dans les données depuis la Seconde
Guerre mondiale, ce qui a suscité des interrogations quant à l'importance actuelle du
phénomène. Les éléments en faveur ou en défaveur de la thèse du retour vers la moyenne font
toujours l'objet de débats'",

L'information disponible n'est pas incorporée immédiatement dans le prix des actions. Bien
qu'il soit couramment accepté que le prix des actions s'ajuste très rapidement aux nouvelles
informations, comme le postule l'hypothèse d'efficience des marchés, des éléments empiriques
récents suggèrent que cet ajustement n'est pas instantané, ce qui va à l'encontre de cette même
hypothèse. En réalité, en moyenne le prix des actions continue d'augmenter quelque temps
après une annonce surprise de bénéfices en hausse, et de baisser quelque temps après une
annonce surprise de profits en baisse".

Le débat autour de l'hypothèse d'efficience du marché boursier est donc loin d'être clos. Les
éléments empiriques dont nous disposons semblent suggérer que l'hypothèse d'efficience des
marchés est un point de départ acceptable pour évaluer les comportements sur le marché
boursier. Toutefois, les violations de l'hypothèse d'efficience des marchés sont nombreuses.
Cette dernière ne semble donc pas être suffisante pour expliquer tous les comportements sur
les marchés financiers.

6. Vérification de l'hypothèse d'anticipations rationnelles sur les autres marchés

Les éléments empiriques tirés de l'étude de marchés financiers autres que le marché boursier
laissent penser que l'hypothèse d'efficience des marchés ne s'applique pas uniquement à ce
dernier. Par exemple, il semble que les analystes spécialistes du marché obligataire ne soient
pas capables de battre le marché". Le taux de rentabilité sur les obligations est conforme à la
condition d'efficience des marchés (10).

La rationalité des anticipations est toutefois plus complexe à tester sur les marchés autres que
les marchés financiers parce que les prix reflètent des anticipations qui ne sont pas explicites.
Le test le plus commun de la rationalité des anticipations sur ces marchés utilise des données
d'enquête sur les anticipations des intervenants. Par exemple, une étude célèbre menée par
James Pesando utilise un sondage pour connaître les anticipations du taux d'inflation
formulées par des économistes et prévisionnistes réputés'". Dans cette étude, les gens étaient
interrogés sur le taux d'inflation qu'ils anticipaient à horizon de six mois et d'un an. La théorie
des anticipations rationnelles affirme que les erreurs de prévision doivent être en moyenne

147
nulles et ne doivent pas pouvoir être anticipées. Le test tente donc de savoir si les erreurs des
économistes et con jonc tu rist es auraient pu être évitées grâce à des informations disponibles
au moment où leurs anticipations leur étaient demandées. Les résultats de l'étude de Pesando
et des études suivantes sont mitigés. Les erreurs de prévision semblent parfois pouvoir être
anticipées, et parfois non. Les éléments empiriques sur les marchés non financiers ne militent
donc pas autant en faveur de l'hypothèse des anticipations rationnelles que sur les marchés
financiers.

La prédictibilité des erreurs de prévision des agents implique-t-elle pour autant qu'il faille
rejeter l'hypothèse d'anticipations rationnelles? Pas nécessairement. Ces études empiriques
sont en effet sujettes à une faiblesse Iiée à la méthode de collecte des données concernant les
anticipations: celles-ci sont obtenues grâce à des sondages et non par l'observation des
décisions économiques des agents. Cela remet en cause les résultats de ces études. En effet,
les réponses aux sondages ne sont pas toujours fiables, parce que les sondés ont peu
d'incitations à dire vraiment ce qu'ils pensent. Par exemple, lorsqu'on demande aux gens
combien de temps par jour ils regardent la télévision, les réponses sous-estiment toujours la
réalité. Une question concernant les émissions regardées n'apporte pas de réponses plus
franches: l'écart entre les résultats de ces sondages et les indices d'audience est toujours
frappant. Un second problème inhérent aux données issues d'un sondage est que le marché
peut très bien réagir différemment selon l'agent qui exprime son anticipation. Le sondage sera
alors une image très peu fidèle du comportement réel du marché. Par exemple, on a vu que le
marché financier pouvait se comporter comme si les anticipations des agents étaient
rationnelles, alors que les agents qui forment réellement des anticipations rationnelles sont
minoritaires.

Les preuves de la validité de l'hypothèse d'efficience des marchés ne sont donc pas
concluantes dès lors que l'on ne parle pas des marchés financiers. Le changement dans la

7. Finance comportementale

La controverse entre économistes sur la rationalité des anticipations et l'efficience des


marchés financiers continue encore aujourd'hui. Elle a conduit à l'émergence d'une nouvelle
approche, la finance comportementale (behavioral finance). Celle-ci tente d'appliquer des
concepts en provenance d'autres sciences sociales comme l'anthropologie, la sociologie et
surtout la psychologie pour comprendre le comportement des prix des titres-'.

L'hypothèse d'efficience des marchés suppose que les occasions de profit sont rapidement
exploitées (et donc éliminées) par des acteurs de marché toujours sur le qui-vive et rationnels.
Mais est-ce bien toujours le cas? Vérifie-t-on bien que les acteurs vendent quand un titre
devient surévalué et que cela ramène son prix vers celui que les « fondamentaux» justifient?
Pour qu'il en soit ainsi, il faut par exemple que les investisseurs puissent vendre à découvert,
c'est-à-dire qu'ils puissent emprunter des titres aux intermédiaires puis les vendre sur le
marché de manière à dégager un profit en rachetant le titre à l'échéance du crédit (à un
moment où, supposent-ils, il aura baissé).

Les psychologues montrent que les gens sont en réalité soumis à une forte aversion au risque:
ils sont plus malheureux d'une perte qu'heureux d'un gain équivalent. Comme les ventes à
découvert peuvent conduire à des pertes élevées si le prix du titre concerné augmente
beaucoup, l'aversion pour le risque peut expliquer que très peu de ventes à découvert aient
effectivement lieu. Par ailleurs, ces ventes sont parfois restreintes légalement - ou sujettes à

148
une autorestriction morale - car il semble immoral que l'on s'enrichisse du malheur des autres
(ceux qui perdent du fait de la chute du prix d'un titre). La rareté des ventes à découvert peut
expliquer pourquoi des titres sont parfois surévalués: il y a moins de force de rappel à la
baisse qu'à la hausse.

Les psychologues montrent aussi que les gens ont tendance à être excessivement confiants
dans leurs ~r()~tes ()~it\i()ns. Beaucau'g d'irwestisseers \?et\set\t o..u'ils sont 'glus malins que
les autres et que les marchés ont donc souvent tort. Forts de leurs convictions, ils opèrent en
fonction de leurs croyances plus qu'en fonction de la réalité. Cette théorie explique pourquoi
les volumes échangés sur les marchés de titres sont si élevés (ce que l'hypothèse d'efficience
des marchés ne parvient pas à expliquer). Ainsi, en avril 2010, la grande banque d'affaires de
New York, Goldman Sachs, et l'un de ses principaux traders, un Français de 31 ans, sont
accusés par la Securities and Exchange Commission (le « gendarme» des marchés financiers
américains) d'avoir vendu aux clients de la banque des produits financiers complexes tout en
prévoyant, voire en organisant, leur baisse de prix avec la complicité d'autres institutions
financières. Comme le rapporte un article du journal Le Monde (19 avril 2010), le trader
français incriminé est décrit comme « sûr de lui, arrogant, insensible au doute» par nombre de
ses relations, « un sentiment de supériorité très répandu au sein de "La Firme" » (comme les
opérateurs de la fameuse banque d'affaires l'intitulent eux-mêmes avec modestie). Sachant que
Goldman Sachs représente depuis nombre d'années le modèle des banques d'affaires et, au-
delà, des investisseurs du monde entier, on ne peut s'étonner alors que la théorie financière
enseigne qu'il est très difficile de « battre» le marché. Beaucoup de financiers prétendent le
contraire et sont prêts à prendre beaucoup de risques (parfois au détriment des contribuables
ou des investisseurs), voire à adopter des comportements peu moraux pour y parvenir. L'excès
de confiance et la contagion des opinions (les modes) expliquent les bulles qui ont lieu sur les
marchés de titres, spécialement d'actions. Quand les cours montent, les investisseurs pensent
que les profits (potentiels) qu'ils engrangent sont le résultat de leur intelligence ou de leur
talent et tendent à continuer à acheter. Cet enthousiasme, souvent renforcé par les médias,
peut conduire à ce que de plus en plus de gens croient que les cours vont continuer à monter.
De ce fait, les cours montent, renforçant cette croyance et la bulle qui en résulte, jusqu'au
moment où les cours s'effondrent quand quelque chose remet en cause trop clairement cette
croyance.

La finance comportementale est une spécialité encore récente, mais elle donne l'espoir que
l'on puisse mieux comprendre les éléments du fonctionnement des marchés que l'hypothèse
d'efficience ne permet pas d'expliquer.

CHAPITRE 9 : Les produits financiers dérivés.

Depuis les années 1970, et de façon croissante au cours des décennies suivantes, les risques
auxquels font face les institutions financières se sont accrus. Les variations des taux d'intérêt
se sont amplifiées et les marchés d'obligations et d'actions ont connu des épisodes de très
149
forte volatilité. Confrontés à ces évolutions,les gestionnaires des institutions financières ont
œuvré au contrôle et à la réduction des risques que ces dernières encouraient. Un processus
d'innovation financière a permis de faire apparaître les nouveaux instruments financiers
nécessaires à une meilleure gestion du risque par les institutions financières. Ces instruments,
appelés produits ou instruments dérivés (derivativesl, ont des profils de gain et de perte qui
dépendent de l'évolution de caractéristiques d'autres actifs financiers existants, dits actifs
sous-jacents. Ces outils sont précieux pour réduire les risques.

Dans ce chapitre sont présentés les principaux produits dérivés utilisés par les institutions
financières, afin de mieux gérer les risques auxquels elles sont exposées - forwards, futures,
options et swaps ainsi que le fonctionnement des marchés de produits dérivés. Une intro-
duction aux dérivés de crédit, de plus en plus utilisés par les banques pour gérer le risque de
défaut. conclut ce chapitre.

Une autre raison d'étudier ces produits est qu'ils sont une source majeure de profit pour les
institutions financières, en particulier pour les grandes banques, ces dernières faisant par
ailleurs face à un déclin de leurs activités traditionnelles.

1. La couverture (hedging)

Les produits dérivés permettent une réduction des risques parce qu'ils offrent aux institutions
financières la possibilité de se couvrir, c'est-à-dire de procéder à une opération financière
réduisant partiellement ou totalement un risque qu'elles supportent. Lorsqu'une institution
financière a procédé à rachat d'un actif, on dit qu'elle se trouve dans une position longue. Elle
est exposée à un risque (de marché) si les revenus futurs tirés de cet actif sont incertains. Dans
le cas contraire, si l'institution a vendu à terme un actif (c'est -à-dire qu'elle s'est engagée
aujourd'hui de manière irrévocable à livrer l'actif à une date ultérieure déterminée), on dit
qu'elle est en position courte; elle fait aussi face à un risque de marché. On peut utiliser les
produits dérivés pour réduire ces risques grâce au principe de bas~ de la couverture (hedging) :
ce dernier implique de réaliser une opération financière compensant une position longue par la
prise d'une position courte ou de compenser une position courte par la prise d'une position
longue. En d'autres termes, si une institution financière a acheté un actif (position longue),
elle peut se couvrir en s'engageant à vendre cet actif (position courte) dans le futur.
Inversement, si cette institution a pris une position courte en vendant à terme un actif, elle
peut se couvrir en s'engageant à acheter cet actif (à prendre une position longue) dans le futur.
L'exemple des forwards et des futures permet d'illustrer le principe de la couverture.

2. Les contrats de taux d'intérêt (forwards).

Un forward est un contrat irrévocable entre deux parties stipulant qu'une transaction
financière déterminée sera réalisée à une date future fixée. Sont présentés ici les forwards qui
ont comme actif de référence (ou actif sous-jacent) des titres de dette, c'est-à-dire les forwards
de taux d'intérêt. Seront examinés ultérieurement les forwards sur devise.

Les forwards de taux d'intérêt impliquent la vente future d'un instrument de dette et supposent
la définition de plusieurs paramètres:

1. les caractéristiques de l'instrument de dette qui fera l'objet de la vente;

150
2. le montant de la dette;

3. le prix (le taux d'intérêt) de l'instrument de dette;

4. la date à laquelle s'effectuera la livraison.

Par exemple, un contrat forward de taux d'intérêt entre la BNP Paribas et l'entreprise
d'assurances AXA peut prendre la forme d'un engagement de BNP Paribas à vendre à AXA,
dans un an, des obligations du Trésor américain de première catégorie d'échéance 2030 et de
taux de coupon 6 % pour un montant de 5 millions de dollars, à un prix défini tel que ces
titres rapportent le même taux d'intérêt qu'aujourd'hui, à savoir 6 %. AXA s'est engagée à
acheter ces titres dans un an: elle est en position longue; BNP Paribas s'est engagée à livrer
ces titres à la même date: elle est en position courte.

2.1. Les avantages et les inconvénients des forwards

L'avantage des contrats forward réside dans leur souplesse, les caractéristiques du contrat ne
dépendant que de la volonté des deux parties contractantes. Autrement dit, BNP Paribas peut
se couvrir complètement et parfaitement contre le risque de taux d'intérêt qu'elle court.

Toutefois, les forwards possèdent deux inconvénients limitant leur utilisation. En premier lieu,
il peut être difficile pour une institution financière de trouver une autre institution (appelée
contrepartie) qui accepte de conclure un forward. Il existe certes des intermédiaires pour
faciliter la rencontre des parties, mais on peut imaginer que certains contrats spécifiques (par
l'actif sous-jacent ou la date de livraison) ne puissent pas être conclus, faute de contrepartie
intéressée. D'autre part, même si BNP Paribas parvient à trouver une contrepartie potentielle,
si cette dernière sait qu'elle est la seule à être intéressée par le contrat proposé par Bl\Tp
Paribas, elle peut profiter de son pouvoir (de monopole) pour obtenir un prix très intéressant
(pour elle l). Un problème majeur du marché des forwards de taux d'intérêt est donc qu'il peut
être difficile de conclure un contrat ou que cette conclusion ne sera possible qu'à un prix
désavantageux pour celui qui propose le contrat. En langage financier, on dira que ce marché
souffre d'un déficit de liquidité. Le qualificatif de liquidité appliqué à un marché a une
signification plus large que lorsqu'il 5' applique à un actif financier. Pour un actif, la liquidité
renvoie à la « facilité de transformer cet actif en monnaie ». Pour un marché, la liquidité est
synonyme de « facilité dans la conclusion des transactions ».

Le second problème des forwards est qu'ils sont sujets au risque de défaut ou risque de
contrepartie. Si, par exemple, durant l'année à venir, les taux d'intérêt augmentent - et donc
que le prix des bons du Trésor chute -, AXA peut décider de faire défaut sur le contrat qu'elle
a conclu avec BNP Paribas, car il lui est possible d'acheter les titres moins cher directement
sur le marché. Une autre possibilité est qu'AXA fasse faillite au cours de l'année à venir ou
que des difficultés financières l'empêchent d'honorer le contrat. Parce qu'il n'existe aucune
institution indépendante chargée de garantir la bonne exécution du contrat, le seul recours de
BNP Paribas est d'intenter une action en justice contre AXA, ce qui est long et coûteux. De
plus, si AXA a fait faillitê, BNP Paribas subira une perte, du fait de l'impossibilité pour elle de
se défaire de ses titres au prix convenu et de l'obligation qu'elle a de les vendre au prix du
marché.

L'existence d'un risque de défaut sur les forwards implique que chaque partie contractante doit
vérifier la solidité financière et l'honnêteté de l'autre. Ce type de vérification est coûteux du
151
fait des problèmes d'anti-sélection et de risque moral. Le risque de défaut est donc un frein
majeur à l'utilisation des forwards de taux d'intérêt. La conjugaison de ce risque au problème
du déficit de liquidité limite l'intérêt de ces contrats pour les institutions financières. Bien qu'il
existe un marché des forwards de taux d'intérêt, en particulier pour les titres de dette émis par
les États ou les titres adossés à une hypothèque (mortgage-backed securities), ce n'est pas le
marché financier à terme le plus développé.

3. Les contrats et marchés de futures de taux d'intérêt

Étant donné les problèmes inhérents aux forwards, une autre solution pour se couvrir contre le
risque de taux d'intérêt est nécessaire. Elle a été trouvée grâce au développement de contrats
futures de taux d'intérêt long terme sur le Chicago Board of Trade CBOT),à partir de 1975.
Un contrat financier future de taux d'intérêt long terme est semblable à un forward de taux
d'intérêt, dans la mesure où il spécifie qu'un titre de dette -era l'objet d'une transaction future
entre deux parties, à une date déterminée. La différence est qu'un future permet de s'affranchir
des risques de liquidité et de défaut liés aux contrats forward.

Pour comprendre la nature d'un future, prenons l'exemple du contrat sur des obligations du
Trésor américain, cotées sur le Chicago Board of Trade. L'encadré « Lire la presse financière»
donne un exemple de la façon dont les prix des futures sont cotés. Le montant notionnel de ce
contrat est de 100000 dollars en valeur nominale des obligations en question. Les contrats
sont cotés en points, et la valeur de chaque point est de 1 000 dollars. L'écart de cotation
minimal (le tick) est de 1/32 de point, soit 31,25 dollars. Le contrat spécifie que les
obligations sous-jacentes doivent avoir une maturité d'au moins 15 ans lors de la livraison
(sans possibilité de remboursement anticipé) et un taux de coupon de 6 % (si les obligations
livrées ont un taux de coupon différent, la quantité doit être ajustée pour refléter l'écart entre
la valeur des obligations livrées et la valeur des obligations de taux de coupon 6 %). Dans le
vocabulaire des professionnels des futures, on dira que la partie qui a acheté un future a
accepté d'acheter (de prendre livraison) des obligations, qu'elle « est en position longue », et
que la partie qui a vendu le future a accepté de vendre (de livrer) des obligations, qu'elle « est
en position courte ».

Concrètement, que se passe-t -il en cas d'achat ou de vente d'un future sur ces obligations du
Trésor? Le 1er mai, par exemple, l'agent A vend un future de valeur nominale 100 000 dollars
d'échéance juin, au prix de 115. En vendant ce contrat, l'agent A s'engage à livrer pour 100
000 dollars d'obligations du Trésor américain à un agent B, contrepartie, à la fin du mois de
juin, contre un paiement de ll5 000 dollars. L'agent B qui achète le contrat s'engage à acheter
fin juin des obligations du Trésor américain d'une valeur nominale totale de 100000 dollars,
qu'il paiera 115 000 dollars. Si les taux d'intérêt sur les obligations de long terme augmentent
entre mai et juin, lorsque le contrat arrive à échéance, le prix des obligations sous-jacentes
chute, par exemple jusqu'à 110 (l10 000 dollars pour 100000 dollars de valeur nominale).
L'acheteur du contrat, l'agent B, perd alors 5000 dollars, parce qu'il paie 115 000 dollars pour
des obligations qu'il pourrait acheter sur le marché pour 110000 dollars. Le vendeur du
contrat, l'agent A, gagne 5 000 dollars, puisqu'il vend 115000 dollars des obligations qui n'en
valent que 110000.

Il est encore plus simple de comprendre ce qui se produit pour les parties contractantes
lorsque l'on a admis que, à l'expiration du future, le prix du contrat est égal au prix de l'actif
sous-jacent qui doit être livré. Supposons qu'à la date d'échéance du contrat (fin juin), la
valeur de marché des obligations publiques américaines de valeur nominale totale de 100 000

152
dollars soit de 110 000 dollars. Si le prix du contrat était alors inférieur à 110 000 dollars, un
agent C pourrait acheter le contrat, par exemple à 109 000 dollars, prendre livraison des
obligations, les revendre immédiatement sur le marché 110 000 dollars et obtenir un profit
rapide et sans risque de 1 000 dollars. La perspective d'un profit sans risque étant très attirante,
tous les agents réaliseraient cette opération. Autrement dit, tous achèteraient le contrat à 109
000 dollars et, en conséquence, le prix du contrat augmenterait jusqu'à sa valeur d'équilibre,
110 000 dollars, prix auquel le profit sans risque disparaîtrait ainsi que la pression à l'achat.
Le mécanisme inverse se produirait si le prix du future était supérieur à 110 000 dollars, les
agents se mettant alors immédiatement à vendre le future.

L'élimination des opportunités de profits sans risque sur les marchés à terme résulte de cet
arbitrage. L'arbitrage garantit que le prix d'un future est, à l'échéance, égal au prix de l'actif
sous-jacent qui doit faire l'objet de la livraison. Ainsi, il est aisé de voir qui gagne et qui perd
à la suite d'une variation des taux d'intérêt. Si les taux augmentent, le prix des obligations
sous-jacentes baisse jusqu'à 110; le future d'échéance juin vaut donc, en juin, 110. L'acheteur
du contrat en février perd alors 5 points (5000 dollars), et le vendeur gagne 5 points.

3.1. L'organisation des transactions sur le marché des futures

Les futures s'échangent sur des marchés organisés, comme CME Group (qui réunit le Chicago
Board of Trade (CBOT) et le Chicago Mercantile Exchange (CME)), EuronextLiffe (qui
réunit Lifte, créé en 1982, et l'ancien MATIF français créé en 1986), Eurex (marché germano-
suisse) en Europe et le Tokyo Financial Exchange (TFX) au Japon. Ces places boursières (et
de nombreuses plus petites) sont en concurrence entre elles, et chacune tente de proposer les
contrats et les modalités d'organisation les plus attractifs pour augmenter le nombre de
transactions et de contrats échangés. La presse publie occasionnellement des listes des futures
les plus traités. Ces informations sont disponibles de manière beaucoup plus systématique sur
les sites Internet des grandes bourses spécialisées, en particulier le CME Group et Euronext-
Liffe.

3.2. La globalisation des marchés à terme ferme

Les marchés à terme américains ont été les premiers à lancer les futures, prenant une place
dominante sur ce marché dès le début des années 1980. Par exemple, en 1985, les 10 contrats
les plus traités l'étaient sur des places américaines. La croissance rapide des marchés à terme
ferme et des profits réalisés par les marchés à terme américains a incité les autres marchés
mondiaux à entrer sur ce créneau lucratif. Dans les années 1990, les contrats Eurodollar
échangés sur le Liffe, les futures sur obligations publiques japonaises et les contrats Euroyen,
tous deux échangés sur le Tokyo Stock Exchange (TSE), les futures sur obligations publiques
françaises, échangés sur le Marché à terme international de France (MATIF), les futures sur
obligations publiques anglaises (Gilt) , échangés sur le Liffe londonien, et les futures sur
l'indice boursier Nikkei 225 (Osaka Securities Exchange) figurent tous parmi les contrats les
plus échangés dans le monde.

Les places étrangères ont développé des futures quasi identiques aux futures échangés aux
États-Unis. Ces contrats peuvent être échangés quand les marchés américains sont fermés. La
tendance vers un fonctionnement vingt-quatre heures sur vingt-quatre des échanges de futures
s'est en outre trouvée renforcée par le développement du système électronique de transaction
Globex. Celui-ci permet, partout dans le monde, aux intervenants sur le marché d'échanger
des futures, y compris en dehors des heures d'ouverture officielles des marchés. Le marché

153
des futures est donc aujourd'hui internationalisé, et la concurrence entre places,
particulièrement entre les places américaines et les autres, sera intense dans les années à venir.

3.3. Les explications du succès des marchés de futures

Les contrats de futures sur obligations d'État connaissent un succès immense, Ainsi, ceux qui
portent sur les Long Gilt (les obligations du Trésor britannique « dorées sur tranche »)
atteignent en février 2010 quelque 335 milliards d'euros, contre à peine 78 en février 2001.
Plusieurs différences entre les contrats forward et les futures, d'une part, et entre les principes
d'organisation de leurs marchés respectifs, d'autre part, peuvent expliquer le succès des futures.

Certaines dispositions des futures ont été introduites pour régler le problème de liquidité que
rencontrent les [orwards. La première de ces dispositions consiste à standardiser les montants
des contrats et des dates d'échéance des futures - ce n'est pas le cas pour les forwards -, ce qui
rend plus aisée la rencontre entre offreurs et demandeurs sur le marché des futures. Dans le
cas des contrats traités sur Euronext-Liffe, le montant nominal des contrats est fixe, et il existe
en général quatre échéances différentes par an : fin mars, fin juin, fin septembre et fin
décembre. Le deuxième avantage est que, grâce à cette standardisation, un marché secondaire
liquide des futures peut se développer: une fois le future acheté (resp. vendu), il peut être
revendu (resp. racheté) n'importe quand avant son échéance, alors qu'il est difficile de se
défaire d'un [orward avant son échéance. La troisième caractéristique est que plusieurs actifs,
sous-jacents peuvent indifféremment être livrés dans le cas des futures, ce qui n'est pas le cas
des farwards. En fait, dans l'exemple du contrat sur obligations du Trésor américain, toutes les
obligations de maturité supérieure à 15 ans sans possibilité de remboursement anticipé
peuvent être livrées. Enfin, la possibilité de traiter les futures en continu augmente, elle aussi,
la liquidité du marché des futures.

De plus, la spécification d'une classe d'actifs à livrer (plutôt qu'un actif précis) contribue à
éviter qu'un agent adopte une stratégie de corner and squeeze, c'est-à-dire d'achat de tous les
titres disponibles sur le marché pour assécher ce dernier et empêcher les agents en position
courte d'acheter. À l'échéance des futures, ces agents seraient contraints d'acheter au squeezer
les actifs qu'ils doivent livrer, et celui-ci pourrait en profiter pour faire augmenter les prix de
manière significative. L'agent qui a pratiqué le corner and squeeze fait fortune, les agents en
position courte réalisent des pertes substantielles. La possibilité de se voir « squeezé» peut
décourager les agents de conclure des contrats à terme et contribuer à la réduction de la taille
du marché. L'autorisation de livrer différents actifs à l'échéance du future rend plus difficile la
réussite de stratégies de corner and squeeze, car il faut alors acheter un nombre plus élevé
d'actifs pour assécher le marché. La lutte contre ce risque est l'affaire à la fois des autorités de
marché et des marchés à terme eux-mêmes, et soustend la définition des caractéristiques des
contrats à terme ferme.

Par ailleurs, l'organisation des échanges sur les marchés à terme organisés est différente de
celle des marchés de gré à gré, et ce, dans le but d'apporter une 'solution au risque de défaut
inhérent aux farwards. Dans les deux cas, pour se couvrir, un acheteur doit prendre une
position longue et un vendeur une position courte. Toutefois, sur les marchés organisés,
acheteur et vendeur ne concluent pas un contrat directement l'un avec l'autre mais chacun avec
la chambre de compensation du marché organisé. Cette organisation signifie que l'acheteur du
contrat n'a pas à se préoccuper de la santé financière ou de l'honnêteté du vendeur, et vice
versa. Tant que la chambre de compensation est en bonne santé financière, les acheteurs et
vendeurs de futures n'ont pas à s'inquiéter du risque de défaut.

154
Afin de garantir la santé financière de la chambre de compensation, acheteurs et vendeurs de
futures doivent effectuer un dépôt de marge initial (le depostt ou margin requirement) sur un
compte de marge auprès de la chambre de compensation pour être autorisés à conclure une
transaction sur le marché. La valeur des futures est évaluée chaque jour au prix du marché;
c'est le principe du marked ta market: cela signifie qu'après chaque séance de cotation, la
variation de la valeur des futures est additionnée ou soustraite au compte de marge. Si le
mercredi matin, un agent procède à un achat de future (contrat sur obligations du Trésor
américain) au prix de 115 et que le cours de clôture (cours de compensation) soit de 114,
l'agent a perdu dans la journée 1 point ou 1 000 dollars. Le vendeur, lui, a gagné l 000 dollars.
Le gain du vendeur est ajouté au compte de marge du vendeur, la perte retirée du compte de
marge de l'acheteur. Si le solde d'un compte de marge passe au-dessous d'un minimum
préétabli, la chambre de compensation demande immédiatement à l'agent concerné de
procéder à un nouveau versement sur ce compte. Cette pratique permet de s'assurer qu'un
agent ne fera pas défaut sur un contrat et protège la chambre de compensation de pertes.

Un dernier avantage des marchés à terme organisés par rapport aux marchés à terme de gré à
gré est qu'ils permettent de conclure un contrat arrivé à échéance sans procéder à la livraison
physique de l'actif sous-jacent. Un agent qui vend un future peut, s'il le désire, ne pas livrer
l'actif sous-jacent, à raide d'une opération de compensation à l'échéance en achetant un contrat.
Puisque, alors, ragent se retrouve en position fermée - il était en position courte, il compense
en prenant une position longue -, tout se déroule comme s'il devait se livrer à lui-même l'actif
sous-jacent. Les règles de marché l'autorisent alors à annuler les contrats, ce qui permet une
baisse des coûts de transaction sur les marchés organisés, les coûts de livraison physique étant
supprimés.

Illustration - La couverture du risque de change

Comme nous l'avons vu au cours du chapitre 1, les taux de change subissent depuis quelques
années une volatilité persistante. Ces fortes variations des taux de change font courir aux
institutions financières, et plus généralement aux entreprises, un risque de change élevé qui
peut causer des gains ou des pertes considérables. Heureusement pour les entreprises, les
produits dérivés permettent aussi de se couvrir contre le risque de change.

Pour comprendre comment les entreprises se couvrent, supposons qu'en janvier, un client
français - appelons-le C - de BNP Paribas sait qu'il doit recevoir 10 millions de dollars dans
deux mois (donc en mars) car il a vendu une partie de sa production aux Êtats- Unis. C est
alors exposé au risque de change. Si le dollar se déprécie contre l'euro par rapport à son
niveau de janvier (1 dollar = l euro par hypothèse), C peut perdre beaucoup: si en mars, 1
dollar = 0,90 euro, les 10 millions de dollars reçus ne vaudront plus 10 millions d'euros mais
seulement 9. Le client C peut demander à BNP Pari bas de se charger de couvrir le risque de
change. La banque peut le faire, en utilisant des [orwards ou des futures.

Se couvrir grâce auxforwards sur taux de change

Le marché des forwards sur taux de change s'est développé en réponse aux opérations des
banques commerciales et des banques d'investissement, qui impliquaient de très nombreuses
interventions sur le marché des changes. Une banque peut couvrir le risque de change couru
par une entreprise grâce auxforwards de manière très simple. Le paiement en dollars
intervenant dans deux mois, cela signifie que C est en position longue en dollars. Le principe
de base de la couverture indique qu'il doit prendre une position inverse sur le marché pour être

155
couvert. BNP Paribas peut conclure avec C unforward qui engage la banque à vendre 10
millions de dollars dans deux mois contre des euros au taux de change à terme? de 1 dollar =
1 euro.

Dans deux mois, quand C recevra ses dollars, le forward aura assuré que ces dollars seront
échangés contre des euros au taux de 1 pour 1. Peu importe à C ce qui arrive au taux de
change au cours de ces deux mois, puisqu'il est couvert. En revanche, BNP Paribas a
désormais une position longue en dollars, à moins qu'elle n'ait servi que d'intermédiaire entre
C et un autre contractant.

Se couvrir par des futures

BNP Paribas peut proposer à C une manière différente de couvrir son risque de change, en
utilisant des futures sur devise. Sur le CME existe ainsi un contrat euro/dollar, de valeur
notionnelle 125 000 euros, qui propose comme taux de change 1 dollar >1 euro. Pour couvrir
son client, BNP Paribas doit vendre des dollars à terme (c'est-à-dire acheter des euros), donc
acheter des contrats. Combien de contrats la banque doit-elle acheter pour que C soit couvert?
L'équation Cl) avec VA =10 millions de dollars et VC=125 000 euros donne: NC= 80. Donc,
BNP Paribas couvre C en achetant 80 contrats euros sur le CME. En échange d'un paiement
de 80 x 125 000 dollars, soit 10 millions de dollars dans deux mois, C est assuré de toucher 10
millions d'euros, ce qui était son but.

Un avantage du recours au marché à terme organisé réside dans le montant du contrat (125
000 euros), inférieur au montant minimal d'un forward (généralement 1 million de dollars,
voire plus). Dans notre exemple, cet avantage est théorique puisque la transaction à réaliser
est suffisamment importante pour que le montant minimal des contrats ne soit pas
contraignant. Le choix de l'une ou l'autre des stratégies dépend donc des coûts de transaction.
Si BNP Paribas est active sur le marché des forwards, ce sera probablement le marché le plus
intéressant pour elle en termes de coûts de transaction; en revanche, si elle utilise rarement ce
'marché, elle préférera passer par le marché à terme organisé et couvrir son client à l'aide des
futures.

4. Les options

L'utilisation des produits optionnels est une autre technique pour pratiquer une couverture
contre le risque de taux et le risque de marché. Les options sont des contrats qui donnent le
droit à leur acheteur d'acheter ou de vendre l'actif sous-jacent à un prix spécifique (le prix
d'exercice ou strike) pendant une période donnée ou à une date donnée. Le vendeur de l'option
est obligé de vendre ou d'acheter l'actif sous-jacent si l'acheteur de l'option décide d'exercer
son droit d'acheter ou de vendre. Cette caractéristique des contrats optionnels est primordiale:
l'acheteur de l'option n'est jamais contraint d'exercer celle-ci, il peut décider de laisser l'option
expirer sans l'exercer. De façon asymétrique, le vendeur de l'option n'a pas le choix, il doit
acheter ou vendre l'actif sous-jacent si l'acheteur de l'option le désire.

Le droit de vendre ou d'acheter un actif sous-jacent à un prix prédéterminé a un coût;


l'acheteur d'une option doit ainsi payer un montant défini (la prime ou premium) pour entrer
en possession de l'option. Il existe deux types d'options: les options américaines, pouvant être
exercées n'importe quand jusqu'à la date d'échéance du contrat, et les options européennes,
pouvant uniquement être exercées à l'échéance.

156
Un calI. est un contrat qui donne à son détenteur le droit d'acheter le sous-jacent au prix
d'exercice fixé.

Un put. est inversement un contrat qui donne le droit à son détenteur de vendre l'actif sous-
jacent au prix d'exercice.

Les contrats d'options portent sur une multitude de sous-jacents. Par exemple, il existe depuis
longtemps des options sur actions, mais également des options sur contrat à terme ferme
(options sur futures), apparues en 1982 et rapidement devenues les options les plus échangées.

Pourquoi existe-t-il des options sur futures, plutôt que sur le sous-jacent du future (obligations
ou certificats de dépôt) ? On sait que, à l'échéance du future, son prix sera égal à celui du
sous-jacent, du fait de l'arbitrage. Pour les investisseurs, il est donc indifférent de posséder
une option sur futures ou une option sur le sous-jacent du future. De plus, les futures sont
souvent plus liquides que leurs sous-jacents, car les caractéristiques de ces contrats ont été
soigneusement étudiées à cet effet. Les investisseurs préfèrent donc opter pour des options sur
l'actif le plus liquide, ici le future. C'est la raison pour laquelle les options les plus échangées
sont basées sur les futures les plus échangés.

Les autorités de marché contrôlent les émetteurs d'options pour s'assurer qu'ils disposent d'un
capital suffisant pour honorer leurs engagements contractuels, et surveillent marchés et
intervenants pour prévenir les tentatives de fraude ou de manipulation de cours.

4.1. Les profils de gains et de pertes des futures et des options

Pour comprendre le fonctionnement d'un contrat d'option, examinons une option dont le sous-
jacent est le future sur bons du Trésor américain précédemment étudié. Accepter de payer 115
un tel contrat future signifie que l'on s'engage à payer 115000 dollars pour obtenir à terme
(par exemple fin juin prochain) des obligations du Trésor américain d'une valeur faciale totale
de 100 000 dollars. Vendre un future Long Gilt au prix de 115 signifie qu'en échange de 115
000 dollars, on s'engage à livrer fin juin des obligations du Trésor américain d'une valeur
faciale totale de 100000 dollars. Un contrat d'option sur ce future présente plusieurs
caractéristiques:

1. il a la même échéance que le future sous-jacent.

2. C'est une option américaine qui peut être exercée n'importe quand jusqu'à la date
d'échéance.

3. La prime de l'option est cotée en points, qui sont les mêmes que ceux de la cotation du
future sous-jacent. Chaque point correspond donc à 1 000 dollars. Si, pour une prime de 2 000
dollars, vous achetez un cal! sur le contrat d'échéance juin et de prix d'exercice 115, vous avez
acheté le droit, mais non l'obligation, d'acheter ce future au prix de 115 (soit 115000 dollars)
n'importe quand entre maintenant et fin juin. Inversement, si vous achetez pour 2 000 dollars
un put, vous avez le droit, mais non l'obligation, de vendre ce future au prix de 115 (soit 115
000 dollars) n'importe quand entre maintenant et fin juin.

Pour mieux comprendre le fonctionnement des options sur futures et l'usage qui peut en être
fait pour se couvrir, examinons le profil des gains et des pertes du cali sur obligations du

157
Trésor en question. En février, un agent A achète contre 2 000 dollars un call sur le contrat
future des obligations du Trésor américain échéance fin juin, montant facial 100 000 dollars et
prix d'exercice 115. Pour simplifier, on ajoute l'hypothèse que notre agent ne peut exercer
l'option qu'à la fin du contrat. À l'échéance, si le future sous-jacent

cote 110, cela signifie que les obligations sous-jacentes valent elles aussi 110. Si l'agent A
exerce son option et achète le future au prix d'exercice de lIS, il va perdre de l'argent, puisqu'il
paiera 115 un actif qui cote 110 sur le marché. L'agent A n'exerce donc pas son option et perd
la prime de 2 000 dollars versée pour acheter celle-ci. Dans une telle situation (prix de l'actif
sous-jacent inférieur au prix d'exercice), on dit que l'option est en dehors de la monnaie (out
of the money). Au prix de 110, l'agent supporte donc une perte sur son option de 2 000 dollars
(point A de la figure 9.1 (a)).

À la date d'échéance, si le prix du future est de 115, le call est à la monnaie (at the money) ,
c'est-à-dire que l'agent A est indifférent entre exercer ou non son option. En effet, exercer une
option pour acheter un future à 115 ou acheter directement ce future sur le marché au prix de
115 est exactement équivalent. Il n'en reste pas moins que notre agent supporte une perte de 2
000 livres (la prime payée pour acheter l'option) ; cette situation est notée B à la figure 9.1 (a).

figure 91 - Gains et pertes associés à une option et à un future.

Remarque: Le future porte sur l'obligation du Trésor américain, et l'option porte sur ce future,

158
avec un prix d'exerciee de 115. La figure 8.1 (a) illustre le profil de gain et perte de l'acheteur
d'un cali et acheteur du future; la figure 8.1 (b), le profil de gain et perte de l'acheteur d'un
cali et vendeur du future.

Si, à la date d'échéance, le future cote 120, l'option est dans la monnaie (in the moneyï,
L'agent A gagne à exercer son option. En effet, il achète dans ce cas pour 115 un future dont
le prix de marché est de 120. Il gagne donc 5 points (achat à 115, revente immédiate a 120),
soit 5 000 dollars. Son gain net est de 3 000 dollars, puisqu'il a payé 2 000 dollars de prime
pour acheter l'option (point C de la figure 9.1 (a)). De même, un prix du future de I25 à
l'échéance permet à l'agent de réaliser un gain net de 8 000 dollars (la 000 dollars de gain suite
à l'exercice de l'option moins 2000 dollars payés pour la prime). C'est le point D de la figure
9.1 (a).

Supposons qu'au lieu d'acheter l'option sur le future, l'agent A ait investi directement sur le
future. Si le prix des obligations décline jusqu'à 110, le prix du future baisse lui aussi jusqu'à
110, et l'agent A perd 5 points soit 5 000 dollars. Cette perte de 5 000 dollars est représentée
par le point if. de la figure 9.1 (b). Si, à la date d'échéance, les obligations valent 115, l'agent
A ne perd ni ne gagne rien (point B'). Au prix de 120, l'agent gagne 5 points (5 000 dollars;
point C) et au prix de 125, 10 points (l0 000 dollars; point D'). Le profil des gains et pertes de
l'acheteur d'un future est donc linéaire.

La différence majeure entre un future et une option est donc que le profil de gain du
premier est linéaire, alors que celui de la seconde ne l'est pas. Le gain net de l'acheteur d'un
future augmente dans la même proportion à chaque augmentation d'un point de la valeur du
sous-jacent. Au contraire, le profil de gain des options est non linéaire. En d'autres termes, le
gain net de l'acheteur de l'option n'est pas toujours le même en cas d'augmentation d'un point
de la valeur du sous-jacent. Cette non-linéarité est la conséquence du fait que l'option protège
son acheteur des pertes supérieures à la prime payée pour acheter l'option, alors que les pertes
de l'acheteur d'un future peuvent être considérables (5 000 dollars pour notre agent A si le prix
des obligations tombe à 110, mais si le prix des obligations était inférieur à 110, les pertes de
l'agent A seraient d'autant plus importantes). La dimension d'assurance de l'option explique
pourquoi son prix est qualifié de prime. Toutefois, lorsque le prix du sous-jacent est supérieur
au prix d'exercice de l'option, la fonction de gain de l'acheteur de l'option devient linéaire,
comme dans le cas d'un future. Le profil de gain est toutefois inférieur dans le cas d'une
option puisque l'agent a payé une prime pour acheter l'option, ce qui n'est pas le cas du future.
2 000 dollars séparent donc les gains du détenteur de l'option des gains du détenteur du future.

La figure 9.1 (b) présente les profils de gains d'un agent qui, au lieu d'acheter un call, achète
un put de prix d'exercice 115 et d'échéance fin juin en payant une prime de 2 000 dollars, et
qui vend (au lieu d'acheter) le future. Dans ce cas, si à l'échéance, le future vaut plus de 115,
l'option est en dehors de la monnaie, elle n'est pas exercée. Si le future vaut moins de 115,
l'agent gagne à exercer son option, puisqu'il peut vendre au prix de 115 un actif qui vaut
moins sur le marché. Dans une telle situation, l'option est dans la monnaie, et les profits de
l'agent A croissent de manière linéaire avec la baisse du cours du future. La fonction de gain
de l'agent dans le cas d'un put, représentée à la figure 9.1 (b), est non linéaire, ce qui signifie
que l'agent est assuré de ne pas perdre plus que le montant de la prime versée. Au contraire, le
profil de gain du vendeur du future est linéaire: c'est l'inverse de la fonction de gain de
l'acheteur du future. En résumé, les fonctions de gains des futures sont linéaires,
contrairement à celles des options, qui sont non linéaires.

159
Il convient de mentionner deux autres différences entre les futures et les options. La première
tient à l'investissement initial nécessaire. Lors de l'achat d'un future, l'investisseur doit payer
une somme forfaitaire, l'appel de marge, et la déposer sur son compte de marge. Lors de
l'achat d'une option, l'investissement initial correspond à la prime qui doit être payée pour
acheter le contrat. La seconde différence tient à ce que, dans le cas des futures, de l'argent
change de main tous les jours puisque la valeur du contrat est évaluée tous les jours au prix du
marché (marked ta market). Dans le cas des options, l'argent change de main lors de l'achat,
puis lors de l'exercice de l'option uniquement.

Illustration - Se couvrir grâce aux options

Il est possible pour une banque de se protéger contre le risque de taux en utilisant les farwards
ou les futures. En effet, une augmentation de taux d'intérêt ferait chuter la valeur des
obligations qu'elle détient, et ces pertes sont compensées par le recours à des produits dérivés
procurant à la banque des profits égaux aux pertes' subies sur le marché obligataire.

Comme la figure 9.1 (b) le suggère, un autre moyen de se couvrir contre le risque de taux
consiste à utiliser les options, en achetant des puts pour couvrir les obligations détenues.
Aussi longtemps que le prix d'exercice des puts n'est pas trop éloigné du prix courant des
obligations (voir figure 8.1 (b)), une augmentation du taux d'intérêt conduira à une baisse du
prix des obligations et à une hausse des gains tirés de l'exercice des puts, les deux variations
se compensant exactement.

Le problème lié à l'utilisation d'options à la place de futures est que la banque aura à payer le
prix d'achat des puts (les primes), ce qui peut faire baisser ses profits. Pourquoi alors préférer
les options aux futures? Parce que les options, contrairement aux futures, permettent à la
banque de profiter d'une baisse éventuelle des taux d'intérêt et d'une augmentation du prix des
obligations. En utilisant des futures, la banque ne profite pas d'une telle éventualité, car les
gains réalisés sur la détention des obligations sont annulés par les pertes réalisées sur les
futures vendus.

Au contraire, une couverture réalisée à l'aide de puis est différente. Si le prix des obligations
passe au-dessus du prix d'exercice, les pertes de la banque sont limitées et n'augmentent pas.
Par contre, la valeur des obligations détenues continue d'augmenter, ce qui procure un profit à
la banque. Par conséquent, en utilisant des options de préférence à des futures pour effectuer
une opération de microcouverture, la banque peut se protéger d'une hausse des taux d'intérêt
tout en lui permettant de profiter d'une baisse (bien que ces profits soient réduits par le
paiement de la prime).

Un raisonnement analogue indique que la banque peut préférer utiliser des options plutôt que
des futures pour effectuer des opérations de macrocouverture. Dans ce cas aussi, les options
sont plus coûteuses que les futures, puisque la banque doit payer les primes; cependant, la
banque peut bénéficier ainsi d'une baisse des taux d'intérêt.

Dans le cas des opérations de macro couverture, une autre raison peut pousser la banque à
préférer l'utilisation d'options à celle de futures. Les gains et les pertes réalisés sur les futures
peuvent poser des problèmes comptables, car ces gains ou ces pertes ne peuvent pas, du point
de vue légal, être compensés par des variations de la valeur des autres éléments du
portefeuille de la banque, si ces variations ne sont pas encore réalisées. Si une banque vend
des futures pour se couvrir contre une hausse des taux d'intérêt en termes de macrocouverture,
160
et que les taux d'intérêt chutent, le prix des contrats à terme ferme chute, et la banque réalise
des pertes considérables du fait de la vente des futures. Bien entendu, ces pertes sont
compensées par des gains potentiels ailleurs dans le portefeuille d'actifs de la banque, mais
cette dernière ne pourra pas, au niveau comptable, annuler ces pertes par les gains potentiels.
Donc, même si la macro couverture est parfaitement efficace pour protéger la banque contre
le risque de taux, il n'en reste pas moins que des pertes comptables apparaîtront dans son bilan
si le taux d'intérêt baisse. Dans la réalité, des dirigeants de banque ont perdu leur emploi du
fait d'une couverture à l'aide de futures parfaitement adaptée mais ayant engendré des pertes
comptables à la banque. Il est donc logique que les dirigeants des banques puissent être
réticents à l'idée de procéder aux opérations de macrocouverture à l'aide de futures.

Les dirigeants peuvent résoudre ce problème grâce aux options. En effet, si W1e macro-
couverture est pratiquée à l'aide d'options (achat de puts au lieu de vente de futures), dans le
cas d'une baisse des taux d'intérêt et d'une augmentation du prix des obligations au-dessus du
prix d'exercice des puts, la banque ne subira pas de pertes (ni par conséquent de pertes
comptables), car elle décidera de ne pas exercer ses options. De ce fait, les options
apparaissent comme des instruments extrêmement précieux pour la macro couverture du
risque de taux encouru par les banques et les institutions financières.

4.2. les déterminants du prix des options

Une étude attentive de la cotation des options (voir encadré « Lire la presse financière » ci-
dessus) donne plusieurs indications sur la façon dont le prix des options est fixé, c'està-dire
sur le mode de calcul de la prime versée par l'acheteur de l'option.

Il faut d'abord noter que plus une option possède un prix d'exercice élevé, plus la prime est
faible pour un call, et plus elle est élevée pour un put. La fonction de gain de l'option permet
de comprendre pourquoi (voir figure 8.1). Pour un prix d'exercice donné, plus le prix du sous-
jacent est élevé, plus l'acheteur d'un call gagne. Plus le prix d'exercice est bas, pour un prix du
sous-jacent donné, plus l'acheteur d'un call gagne, et plus il sera prêt à payer cher cette option.
De la même manière pour un put, plus le prix d'exercice est élevé, pour un prix du sous-jacent
donné, plus l'acheteur d'un put gagne et plus il sera prêt à payer cher cette option.

En second lieu, plus la date d'échéance de l'option est éloignée, plus la prime est élevée, à la
fois pour le calI et pour le put. La prime augmente avec la durée de vie de l'option parce que
le profil des gains d'un acheteur d'une option est non linéaire. En effet, plus la durée de vie de
l'option est élevée, plus les chances sont nombreuses que le prix de l'actif sousjacent S'éloigne
du prix d'exercice. Si le prix devient très élevé, bien supérieur au prix d'exercice de l'option,
un call permettra de réaliser un profit substantiel, mais s'il devient très bas, les pertes de
l'acheteur du cali seront limitées, puisque celui-ci décidera simplement de ne pas exercer
l'option. La possibilité d'une variation du prix du sous-jacent plus importante lorsque la durée
de vie de l'option est plus longue augmente, en moyenne, la rentabilité d'achat d'un call. De
même pour le put, un prix très inférieur au prix d'exercice sera source de profits, alors qu'un
prix très supérieur au prix d'exercice n'engendrera pas de pertes élevées, car l'acheteur du put
n'exercera pas son option. Or, la probabilité que le prix du sous-jacent évolue de manière
notable, à la hausse ou à la baisse, augmente avec la durée de vie du put.

En fait, une option est un contrat particulier, puisque son acheteur peut se dire : « face, je
gagne i pile, je ne perds pas beaucoup ». Une plus grande variabilité des prix du sousjacent
augmente donc la valeur des options (caUs et puts). Et cette variabilité augmente avec la

161
durée de vie de l'option. Donc, plus l'échéance d'un cali ou d'un put est lointaine, plus la prime
est élevée.

En suivant ce raisonnement; on peut aussi conclure que plus la volatilité du prix de l'actif
sous-jacent est forte, plus les primes des calls et des puts seront élevées. Une plus grande
volatilité des prix du sous-jacent implique que, à l'échéance, le prix du sousjacent peut se
situer à des niveaux très différents. Cette incertitude est bénéfique au détenteur de l'option,
puisqu'elle augmente en moyenne ses gains. Les acheteurs d'options sont donc prêts à payer
une prime plus élevée lorsque la volatilité du sousjacent est importante.

4.3. Conclusion

Concernant les facteurs qui influencent les gains liés à la détention d'options (et donc la prime
payée pour acheter l'option), on peut dire que;

l. Toutes choses égales par ailleurs, plus le prix d'exercice est élevé, moins (resp. plus) la
prime pour acheter un call (resp. un put) est élevée.

2. Toutes choses égales par ailleurs, plus la durée de vie de l'option est élevée, plus la prime
pour acheter une option (call ou put) est élevée.

3. Toutes choses égales par ailleurs, plus la volatilité du prix de l'actif sous-jacent est élevée,
plus la prime pour acheter une option (cali ou put) est élevée.

Ces résultats ont été établis dans le cadre de modèles théoriques plus rigoureux, comme le
modèle de Black et Scholes, qui définit la manière dont les primes des options sont fixées.
L'étude de tels modèles se fait dans le cadre des cours de finance.

5. Les swaps de taux d'intérêt

Il existe, en plus des forwards, des futures et des options, un autre type de produits dérivés qui
permettent de se couvrir: les swaps', Les swaps sont des contrats qui imposent à deux agents
de s'échanger les flux financiers générés par des actifs qu'ils détiennent. Il existe trois types
principaux de swaps: les swaps de devises, qui impliquent d'échange\r un flux libellé dans une
monnaie contre un flux libellé dans une autre monnaie (voir chapitre 2) ; les swaps de taux
d'intérêt, qui supposent d'échanger les paiements d'intérêts, libellés dans la même monnaie,
entre deux agents qui restent cependant chacun propriétaire de l'actif producteur de ces
intérêts i et les swaps de crédit (voir 6. ci-dessous).

5.1. les swaps de taux d'intérêt

Les swaps de taux sont un instrument important pour se couvrir contre le risque de taux. Ils
sont apparus en 1982 aux États- Unis, à la suite de la montée de la demande d'instruments de
couverture contre le risque de taux. Le swap ordinaire (plain vanilla swap) définit les intérêts
qui doivent être échangés, la forme des intérêts (fixes ou variables), le montant du principal
(montant notionnel) du swap, sur lequel sont calculés les intérêts, et enfin la durée du contrat
de swap. Il existe de nombreux types de swaps plus complexes, par exemple des swaps de
[orwards ou des swaps d'options (les swaptions) ; seul sera étudié ici le cas du swap standard
(plain vanilla).

162
La figure 9.2 illustre le déroulement d'un swap de taux d'intérêt entre une banque et une
entreprise. La banque accepte de payer à l'entreprise tous les ans, pendant lO ans, les intérêts
fixes d'un emprunt de l million d'euros au taux de 7 % (soit 70000 euros). L'entreprise accepte
de payer à la banque tous les ans pendant 10 ans les intérêts qui correspondent à un emprunt
annuel de 1 million d'euros au taux Euribor de l'année + 1 %.

Figure
Figure
9.2 -
Les flux
financiers d'un swap de taux d'intérêt.

Dans ce swap/le montant notionnel est de 7 million d'euros, la durée est de 70 ans. La banque
paie un montant fixe (taux fixe de 7 %), l'entreprise paie un montant variable (taux variable:
Euribor + 7 %).

Illustration - Se couvrir grâce aux swaps de taux

Pourquoi la banque et l'entreprise concluent-elles un contrat de swap? Elles pe!!;vent ainsi se


couvrir contre le risque de taux. En effet, supposons que la banque, qui emprunte à court
terme et prête à long terme, ait l'actif de son bilan exposé au risque de taux d'intérêt supérieur
de 1 million d'euros à son passif de bilan exposé au risque de taux d'intérêt. Une augmentation
du taux d'intérêt augmente le coût du capital, c'est-à-dire du passif, plus que n'augmentent les
intérêts perçus sur l'actif, car ceux-ci sont en partie à taux fixe (voir chapitre 11). Une
augmentation du taux d'intérêt réduit donc la marge nette d'intérêts et le taux de profit de la
banque. Pour se protéger contre ce risque de taux, la banque peut convertir 1 million d'euros
d'actifs à taux fixe en l million d'actifs à taux variable. Cela conduit la banque à égaliser son
actif exposé au risque de taux et son passif exposé au même risque, et donc à supprimer le
risque de taux. C'est exactement le résultat qu'obtient la banque en procédant au swap. La
banque, par le contrat de swap, convertit 1 million à taux fixe contre 1 million à taux variable.
Maintenant, en cas d'augmentation des taux d'intérêt, l'augmentation des intérêts dus par la
banque est égale à l'augmentation des intérêts perçus par elle. La marge nette d'intérêts et le
taux de profit de la banque sont donc protégés d'une variation des taux d'intérêt

L'entreprise, elle, a émis des obligations à long terme pour se financer, et a utilisé les fonds
recueillis pour octroyer des crédits à ses clients (crédits de court terme). Elle est donc dans la
situation opposée à celle de la banque. L'entreprise possède un actif exposé aux variations de
taux d'intérêt supérieur à son passif de l million d'euros. Elle craint donc une baisse des taux
d'intérêt. En réalisant le swap, elle se protège contre un tel risque en convertissant 1 million

163
d'euros à taux variable en l million d'euros à taux fixe. Après la conclusion du swap,
l'entreprise est protégée contre le risque de taux. Si le taux d'intérêt baisse, l'impact de cette
baisse est égal sur son actif et sur son passif, le taux de profit de l'entreprise reste inchangé.

5.2. Les avantages et les inconvénients des swaps de taux

Pour éliminer le risque de taux, la banque et l'entreprise auraient pu agir directement sur la
composition de leurs actifs et de leurs passifs, sans passer par la conclusion d'un contrat de
swap. Toutefois, cette stratégie aurait été coûteuse pour différentes raisons. L'ajustement du
passif et de l'actif implique le plus souvent des coûts de transaction élevés. De plus, les
banques possèdent des spécialisations sur certains types de crédits (maturité ou modalités
particulières) en fonction de leur portefeuille de clients. Les banques retirent de cette
spécialisation des avantages informationnels. Ajuster l'actif et le passif de la banque peut donc
conduire celle-ci à se déspécialiser et à détruire cet avantage informationnel. La conclusion
d'un swap évite à la banque comme à l'entreprise les coûts et inconvénients d'un ajustement
interne de la structure de leur bilan. Le swap permet aux institutions financières de convertir
des actifs à taux fixes en actifs à taux variables, ou inversement, sans coût et sans
modification du bilan.

On sait que les institutions financières peuvent se couvrir contre le risque de taux grâce à
l'utilisation de futures ou d'options. Les swaps de taux offrent un avantage notable par rapport
à ces produits dérivés: ils peuvent être conclus pour des durées très longues (jusqu'à 20 ans),
alors que les options et les futures ont en moyenne des durées de vie beaucoup plus courtes,
inférieures à l'année. Pour se couvrir sur le long terme contre le risque de taux, le recours aux
swaps est donc la solution idéale.

Cet avantage des swaps par rapport aux autres produits dérivés rend ce type de contrats très
populaire. Pourtant, les swaps ne sont pas exempts de défauts. Les marchés de swaps, comme
les marchés de forwards, peuvent souffrir d'un manque de liquidité. Notre banque de
l'exemple précédent peut avoir du mal à dénicher une entreprise qui accepte de conclure un
contrat de swap. En outre, si la banque ne trouve qu'une entreprise souhaitant faire un swap,
cette entreprise est alors dans une situation de monopole et peut alors contraindre la banque à
conclure un swap à des conditions peu avantageuses pour elle.

De plus, les contrats de swap sont exposés au risque de contrepartie, tout comme les forwards.
Si le taux d'intérêt augmente, l'entreprise peut décider de casser le contrat de swap, car les
intérêts à taux fixe qu'elle reçoit de la banque sont inférieurs à ceux qu'elle obtiendrait sur le
marché. L'entreprise peut alors faire défaut sur le contrat, ce qui expose la banque à une perte.
D'autre part, si l'entreprise fait faillite, de la même manière, le contrat de swap sera rompu.

5.3. Le rôle des intermédiaires financiers dans la conclusion des swaps de taux

Les institutions financières sont averties du risque de défaut, et donc des pertes financières
qu'elles encourent, lorsqu'elles concluent des accords de swap. Comme pour les forwards, la
conclusion d'un swap passe donc par une étude approfondie des caractéristiques des parties
contractantes, afin de s'assurer autant que possible de la faiblesse du risque de défaut. Le
besoin d'information des contractants et le problème de liquidité sur le marché des swaps
peuvent en limiter l'utilité. Toutefois, comme toujours lorsque des problèmes informationnels
ou de liquidité surviennent sur un marché, les intermédiaires financiers arrivent en renfort
(voir chapitre 9). Les banques d'investissement et les grandes banques commerciales peuvent
164
acquérir sans coût excessif de l'information sur la qualité des contractants potentiels et
peuvent facilement trouver des agents prêts à effectuer un swap ensemble. C'est pourquoi les
grandes banques commerciales et les banques d'investissement ont créé des marchés de swaps
sur lesquels elles interviennent en tant qu'intermédiaires.

6. Les dérivés de crédit

Apparus aux États-Unis au début des années 1990, les dérivés de crédit (credit derivatives)
offrent des paiements liés au risque de crédit de leurs sous-jacents. Ils représentent une
innovation majeure pour les banques et ont vu de ce fait leur marché croître à très grande
vitesse au cours de la dernière décennie, de sorte qu'ils portent désormais sur des montants
notionnels de milliers de milliards d'euros".

Pendant longtemps, la banque qui accordait un prêt restait prisonnière de sa relation de


clientèle en cas d'incident de paiement. Les possibilités de sortir les crédits du bilan par la
transformation des prêts en créances standardisées assimilables à des titres (la titrisation)
restaient relativement limitées et devaient être mises en place avant les incidents éventuels. En
l'absence de marché secondaire des prêts, la banque ne pouvait pas se défaire des prêts
antérieurement consentis en cas d'incident affectant la créance.

Les dérivés de crédit modifient partiellement cette situation. L'innovation majeure apportée
par les dérivés de crédit réside en la possibilité, pour un intervenant sur ce marché, de vendre
le risque de crédit portant sur une créance tout en conservant-la propriété juridique de cette
dernière, c'est-à-dire tout en continuant à l'inscrir~ à son bilan. À l'inverse, un intervenant peut
acheter ce même risque sans avoir à supporter systématiquement le coût de financement et le
risque de taux liés à l'acquisition ou la détention de la créance. Cette capacité à transférer de
manière synthétique une créance, fondée sur la dissociation du risque de crédit et de la
créance elle-même procure, tant à l'intervenant vendeur de risque, encore appelé acheteur de
protection, qu'à l'acheteur de risque, appelé vendeur de protection, une plus grande souplesse
dans la gestion du risque de crédit", Les dérivés de crédit prennent trois formes principales:
options de crédit, swaps de crédit et billets liés au crédit.

6.1. Les options de crédit

Les options de crédit fonctionnent comme les options examinées précédemment. En échange
d'une prime, l'acheteur d'une telle option acquiert le droit de recevoir des paiements liés au
prix d'un actif sous-jacent ou à un taux d'intérêt. Par exemple, l'acheteur de 1 million d'euros
d'obligations Renault peut craindre que le ralentissement du marché automobile conduise une
agence de notation à dégrader ces obligations (à abaisser leur note), ce qui ferait baisser leur
prix et lui infligerait une perte. Pour se protéger d'une telle éventualité, il peut acheter l'option
de vendre ses obligations à. un prix d'exercice donné (par exemple le prix actuel). Ainsi, si la
notation est révisée à la baisse et que le cours baisse, il peut exercer ce droit et couvrir ses
pertes.

Un deuxième type d'option de crédit relie les paiements au changement d'un spread de taux
d'intérêt (l'écart entre le taux que paient les obligations ayant une notation donnée et des
obligations sans risque telles des OAT). Supposons qu'une entreprise notée Baa veuille
émettre pour 10 millions d'euros d'obligations à un an dans trois mois et souhaite payer un
spread équivalent à celui qui prévaut actuellement et égal à un point de pourcentage par
rapport au taux des OAT. Si elle craint que ce spread s'élargisse parce qu'une crise financière
165
conduit à une fuite des obligations Baa, elle peut acheter une option lui remboursant la
différence de coût qui pourrait en résulter lorsqu'elle émettra ses obligations dans trois mois.
Ainsi, si le taux augmente d'un point, elle recevra 1 % de 10 millions, soit 100000 euros, ce
qui couvrira l'augmentation des taux d'intérêt qu'elle devra payer.

6.2. Les swaps de crédit

supposons que le Crédit Agricole de Picardie soit très spécialisé dans le crédit aux
producteurs céréaliers de sa région, tandis que Le Crédit Immobilier Méditerranéen est
spécialisé dans le crédit aux promoteurs du Midi. Chacun souffre d'une insuffisante
diversification et peut difficilement résoudre ce problème en prêtant à la clientèle de l'autre,
qu'il ne connaît pas. Pour protéger le premier contre un risque de mauvaise récolte et l'autre
contre celui d'un mauvais climat éloignant les touristes du Midi, il peuvent réaliser un swap de
crédit, c'est-à-dire échanger les paiements à échoir sur des ensembles de crédits en cours.
L'échange de leurs risques de crédit permet aux deux banques de diversifier leurs portefeuilles,
car leurs paiements futurs seront moins liés à une seule catégorie de risques.

Une autre forme de swap de crédit, nommé credit default swap ou CDS (swap de défau de
paiement), fonctionne davantage comme une assurance. En l'achetant, une banque peut
couvrir un risque de crédit en l'échange du versement d'une prime régulière: en cas de défaut
de son débiteur (ou, éventuellement, de dégradation de sa notation), elle reçoit un montant
couvrant la perte qui en résulte pour elle.

6.3. Les billets liés au crédit (credit-linked notes)

Les credit-linked notes sont une combinaison d'obligations et d'options: ils versent des
paiements de coupon réguliers et un paiement à maturité comme des obligations. Toutefois, si
une variable spécifiée dans le contrat change, l'émetteur a le droit de réduire le montant de ses
paiements. Par exemple, Renault pourrait émettre des billets liés au crédit payant un coupon
de 5 % mais précisant que si les ventes de voitures de petite cylindrée baissent de plus de 10 %
en Europe, ce coupon est réduit à 3 %. Grâce à cette solution, Renault peut réduire son
exposition au risque qu'elle prend structurellement sur le marché automobile. En général, les
variables spécifiées sont financières et consistent en variations de valeur de titres émis par
l'acheteur de protection.

6.4. La combinaison d'opérations de titrisation et de dérivés de crédit

Depuis la fin des années 1990, les banques ont utilisé ces instruments de façon croissante dans
le cadre de leurs opérations de titrisation, comme outil de gestion de bilan. La titrisation de
crédits utilise en effet de plus en plus des structures dites synthétiques, c'est-àdire fondées sur
les dérivés de crédit, ce qui permet de gérer de grands portefeuilles de crédit et de faire mieux
jouer les effets de diversification. Grâce aux opérations de titrisation dites synthétiques, une
banque peut conserver juridiquement la propriété d'un portefeuille de créances tout en
transférant le risque de crédit à un certain nombre de parties tierces par le biais de dérivés de
crédit. On qualifie cette structure, désormais claa-... sique, de collateralised debt obligation
(CDO) synthétique, ce qui inclut les collateralised bonds obligations (CBO), lorsque le
portefeuille de créances garantissant l'obligation (son collateral) est constitué de titres
obligataires, et les collateralised loans obligations (CLO) lorsque celui-ci est constitué de
prêts.

166
Ces produits financiers structurés et complexes, de montant unitaire élevé (un CDO représente
souvent entre 600 et 1 400 millions de dollars), ont été de plus en plus couverts, en 2006 et
2007 notamment, grâce à des achats de CDS réalisés par les investisseurs afin de protéger leur
valeur en cas de défaut. Ces CDS circulent ensuite et deviennent les supports tout désignés
pour des opérations spéculatives, comme les ventes à terme à nu (prises de positions courtes
pariant sur la baisse de la valeur de l'actif assuré).

Quand des retards de paiement des intérêts sur le portefeuille ou la dépréciation de la valeur
des créances sous-jacentes conduisent l'acheteur de protection à activer la garantie,le vendeur
de protection doit lui fournir du collateral (constitué de titres sains et non exposés à des
dépréciations imminentes) ou racheter l'actif.

Des difficultés peuvent advenir lorsque les parties sont en désaccord au sujet du taux de
dépréciation de l'actif protégé et de la compensation adéquate (ce qui est souvent le cas pour
les actifs ne disposant pas d'un marché liquide) ou si le vendeur de protection ne dispose pas
de suffisamment de titres sains pour constituer le collatéral requis (ou manque de liquidités
pour les racheter). C'est dans ces circonstances que des crises de liquidité aiguës surviennent,
comme celle d'AIG en septembre 2008

6.5. Développement des dérivés de crédit et transformation de l'activité bancaire

Le marché des dérivés de crédit a connu une très forte croissance jusqu'à la crise financière de
2008, leur encours notionnel étant passé de 180 milliards en 1997 à 1 189 milliards fin 2001
et 62 173 milliards. fin 2007, avant de baisser de moitié en 2008 et 2009. Les banques
dominantes sur ce marché sont les établissements américains spécialisés dans les instruments
dérivés - avec en tête JP Morgan, suivie par Citigroup. Londres constitue la principale place
financière où se traitent ces instruments. Par ailleurs, ce sont les banques européennes qui se
trouvent à l'origine de la plupart des CDO réalisés.

L'instrument dérivé de crédit le plus traité est le single credit default swap. Néanmoins, l'une
des tendances observables sur le marché est l'essor considérable pris par les CLO, reflétant,
d'une part, une structuration plus complexe des opérations par les équipes d'ingénierie
financière des banques et, d'autre part, une frontière de moins en moins précise entre
opérations de titrisation et de dérivés de crédit.

Les banques françaises ont participé à ce mouvement de croissance générale du marché des
dérivés de crédit. Il apparaît que les banques françaises demeurent principalement acheteuses
de protection et utilisent, à cette fin, essentiellement des credit default swaps. Elles
développent aussi de plus en plus systématiquement une activité de couverture du portefeuille
bancaire par des opérations de titrisation synthétique, principalement au travers de CLO, dans
lesquelles elles sont parfois pionnières. En revanche, elles n'ont pas développé autant la
négociation des dérivés de crédit que les grandes banques américaines (voir cependant, en
sens contraire, chapitre 15, l'exemple, parmi d'autres, des CDS sur CDO développés par
Calyon Crédit Agricole aux États-Unis avec le hedge [und Magnetar).

Les établissements de crédit demeurent ainsi les acteurs prédominants sur le marché des
dérivés de crédit. Néanmoins, les compagnies d'assurances et de réassurances sont devenues
rapidement des intervenants majeurs comme vendeurs de protection.
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Plus profondément peut-être, le développement des dérivés de crédit remet en cause l'activité
bancaire traditionnelle, en la rapprochant de la gestion de portefeuille et de l'assurance: pour
les théoriciens, la relation de clientèle donne à la banque son caractère spécial': et fonde la
supériorité de la finance intermédiée sur la finance directe. La banque, en effet, est capable de
mieux surveiller le débiteur que ne peut le faire le marché de la dette, l'exercice de ce
monitoring étant créateur de valeur à long terme. La banque peut aussi offrir, en cas d'incident
de crédit, la possibilité de vérifier cette occurrence et de renégocier le contrat avec
l'emprunteur dans de meilleures conditions que le marché de la dette.

Or, ce qui semble apparaître avec les dérivés de crédit est un effort des banques pour réduire
leur exposition au risque de l'emprunteur. Ce faisant, elles n'ont plus à se soucier que du
risque résiduel, ce qui atténue leur incitation à créer de la valeur par un monitoring attentif et
complet. À court terme, les dérivés de crédit seraient ainsi créateurs d'un risque moral qui
compromettrait les exigences des relations de long terme et seraient préjudiciables à la
stabilité financière. À long terme, ils remettent en cause l'utilité spécifique

des banques comme collecteurs et synthétiseurs d'information sur les emprunteurs, et donc
leur utilité comme intermédiaires financiers. Les produits dérivés conduisent donc depuis 30
ans à une profonde transformation des systèmes financiers, qui n'est sans doute pas encore
achevée.

Illustration - Leçons de la crise des subprimes : les produits dérivés représentent-ils une
bombe à retardement à l'échelle mondiale?

Si les produits dérivés permettent de couvrir des risques, ils peuvent aussi représenter des
menaces, comme on l'a observé lors de la faillite de l'assureur AIG qui avait vendu des credit
default swaps au-delà de ce que ses fonds propres se sont avérés lui permettre. Le célèbre
financier Warren Buffet a alors mis en garde contre les dangers des produits dérivés, qu'il a
qualifiés d' « armes financières de destruction massive ». De fait, l'encours des produits
dérivés peut susciter l'inquiétude quand on sait que leur montant notionnel dépasse
actuellement, selon la Banque des règlements internationaux, 600 billions de dollars (600 000
milliards de dollars), soit 10 fois le PIE mondial.

Deux dangers principaux résultent des produits dérivés. Le premier est qu'ils permettent aux
institutions financières d'augmenter leur levier (leverage) : elles peuvent détenir des montants
d'actifs très supérieurs à ce qu'elles doivent verser initialement. Elles peuvent ainsi faire des
paris énormes, qui risquent de les mettre en faillite si les choses ne se passent pas comme elles
l'espèrent. Le problème n'est pas qu'une banque fasse faillite, mais qu'elle risque d'entraîner
tout le système financier avec elle du fait des interdépendances qui existent entre institutions
financières. C'est ce qui serait arrivé lors de la faillite d'AIG si le gouvernement américain
n'était pas intervenu, car AIG devait des montants considérables à un très grand nombre
d'autres institutions, qui auraient pu ne pas survivre à son défaut. Une leçon à en tirer est qu'il
faut éviter absolument qu'une seule institution représente une part trop grande du marché des
produits dérivés.

Un deuxième souci fréquemment exprimé est que les montants notionnels de produits dérivés
détenus par les banques sont plus élevés que leurs fonds propres et les exposent donc à un
risque de faillite. Cependant, ce souci doit être relativisé: du fait que les banques servent
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surtout d'intermédiaires sur les marchés des swaps de taux d'intérêt et des swaps de devises,
elles ne sont pas directement exposées au risque de ces swaps mais seulement indirectement
en cas de défaut de leurs clients, ce qui limite fortement ce risque. En outre, l'exposition au
risque résultant de ces swaps est beaucoup plus faible que leur montant notionnel: pour un
taux d'intérêt de 7 %, le paiement pour un swap de 1 million d'euros est seulement de 70 000
euros. En général, l'exposition au risque résultant des swaps est seulement de l'ordre de 1 %
du montant notionnel des contrats en cours. Cependant, même ainsi correctement appréciée,
l'exposition au risque résultant des produits dérivés représente environ le quart de l'ensemble
de l'exposition des banques à des risques de crédit, ce qui ne peut pas être négligé.

On a donc parfois exagéré les dangers des produits dérivés, en particulier parce qu'ils sont
nouveaux et complexes, donc a priori inquiétants. Le plus grand danger véritable se situe
plutôt dans l'activité d'échange (de trading) de ces produits, dans laquelle sont engagées
certaines banques (surtout américaines), comme l'a illustré le cas d'AIG pour les credit default
swaps. Les régulateurs prêtent de plus en plus d'attention aux risques que représentent les
produits dérivés; ils veillent en particulier à éviter qu'une institution ne devienne dominante
sur un segment de ce marché et n'y prenne des risques disproportionnés par rapport à ses
fonds propres. Une manière d'améliorer le fonctionnement de ce marché est d'améliorer les
procédures de compensation (clearing) et de règlement. Celles-ci permettent de compenser
régulièrement les positions en sens inverses et évitent l'accumulation de positions créditrices
et débitrices qui accroîtrait les effets négatifs d'un défaut. Une solution en ce sens serait de
renforcer le rôle des bourses organisées pour ceux des produits dérivés qui n'y sont pas
échangés ou de créer des chambres de compensation. Enfin, l'exposition au risque de crédit
qui résulte des dérivés de taux d'intérêt ou de crédit semble pouvoir être contrôlée selon les
méthodes habituelles de régulation prudentielle, à la fois au sein des banques et au niveau des
instances de régulation.

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