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Chapitre 3

Le modèle de base d’Harry Markowitz

Harry Markowitz est le père fondateur de la théorie moderne de portefeuille. Né à Chicago en


1927, il est professeur à la City University de New York. Il a reçu le prix Nobel d’économie en
1990 pour avoir développé la théorie dite du « choix des portefeuilles pour le placement des
fortunes ».

L’auteur ne se doutait pas que son article de jeunesse publié en 1952 dans le Journal of Finance,
puis développé dans un livre paru en 1959, Portofolio Selection : efficient diversification, jetterait les
bases de la théorie moderne du portefeuille et de son utilisation par un grand nombre de
praticiens.

Le modèle de Markowitz constitue la première tentative de théorisation de la gestion moderne de


portefeuille. Il définit le processus de sélection de titres pour créer le portefeuille le plus efficient
possible, c’est à dire qui possède le rendement maximum pour un niveau de risque minimum.

1. Hypothèses du modèle
La construction du modèle de Markowitz repose sur les hypothèses suivantes :

- Les investisseurs sont rationnels et se comportent de manière à maximiser leur utilité avec
un niveau donné de rendement.

- Les investisseurs ont le libre accès à des informations exactes sur le rendement et le risque
des titres.

- Tous les investisseurs sont de petites tailles ; nul ne pourra ainsi influencer le cours d’un
titre.

- Les marchés sont efficients et assimilent l’information rapidement et parfaitement.

- Les investisseurs sont averses au risque et essayent de minimiser le risque et maximiser le


rendement.

- Les investisseurs font leurs choix en se basant uniquement sur les deux paramètres : la
moyenne et la variance des rendements. D’où le nom de l’approche moyenne-variance).

- L’équilibre traité dans le modèle est un équilibre statique. En effet, Markowitz suppose
que l’horizon d’investissement ne dure qu’une période.

- La distribution des rendements sur les actions est gaussienne. Ainsi, les rendements
suivent une loi normale.

- L’absence des coûts de transactions et d’impôts.

2. Notions de base

1
2.1. Fonction d’utilité

La définition d’une fonction d’utilité consiste à résumer chaque situation par une valeur. La
fonction d’utilité doit vérifier un certain nombre de propriétés (l’ordre de préférence, la
continuité et l’indépendance).

La fonction d’utilité permet de caractériser les choix d’un investisseur et de définir ces
préférences en associant les valeurs de risques et de rendement d’un portefeuille. L’ensemble de
couple risque-rendement donnant le même niveau d’utilité définit une courbe d’indifférence.

2.2. Aversion au risque

A l’aide des dérivées de la fonction d’utilité on définit la prime de risque et l’aversion au risque.
Markowitz a définit la prime de risque comme le montant maximum qu’un individu est prêt à
abandonner pour éviter l’incertitude. Elle se calcule en faisant la différence entre l’utilité de la
richesse espérée U(E(Y)) et l’espérance de l’utilité de la richesse E(U(Y)).

- Si cette différence est positive cela signifie que l’individu est averse au risque (fonction
d’utilité est concave)

- Si cette différence est négative, l’individu aime le risque (la fonction d’utilité est convexe)

- Si cette différence est nulle, alors l’individu est indifférent vis-à-vis du risque (la fonction
d’utilité est affine).

Dans le cadre du choix de portefeuille, Markowitz suppose que les investisseurs sont averses au
risque, et il propose deux types d’aversion au risque :

- Aversion au risque absolue : elle mesure l’aversion au risque pour un niveau de richesse
donné. La mesure de l’aversion au risque absolue est donnée par :

ARA = - U″(Y) / U′(Y)

- Aversion au risque relative : est la proportion de richesse que l’individu est prêt à payer
pour éviter une augmentation de la variance de sa richesse d’une unité. La mesure de
l’aversion au risque relative est donnée par :

RRA = - W U″(Y) / U′(Y)

2.3. Le rendement moyen

Le rendement d’un portefeuille est une combinaison linéaire de celui des titres qui le composent,
pondérés par leur poids dans le portefeuille.
On écrit :
n
E ( R p )   wi .E ( Ri )
i 1

E ( R p ) désigne le rendement espéré du portefeuille


E ( Ri ) désigne le rendement espéré du titre i
wi désigne le poids du titre i dans le portefeuille
Si le portefeuille se compose uniquement de deux titres : A et B, le rendement espéré devient

2
E ( R p )  wA .E ( RA )  wB .E ( RB )

2.4. La variance

La variance du rendement de portefeuille est considérée comme un outil statistique de mesure du


risque.
Mathématiquement le risque d’un portefeuille est alors mesuré par la variance de son rendement,
c’est-à-dire par la somme des carrés des écarts entre le rendement ( Ri ) et l’espérance
mathématique des rendements pondérés par leurs poids dans le portefeuille.
Pour un portefeuille composé de n titres, la variance d’écrit :

V ( R p )   wi2 .V ( Ri )  2. wi w j .Cov ( Ri , R j )


i i 1 j 1

Cov( Ri , R j ) désigne la covariance entre les rendements des deux titres i et j.

Il est également possible d’écrire cette dernière relation sous forme matricielle. Ainsi, si nous
notons W le vecteur des parts de titres et W t le même vecteur transposé, on aura :

 w1 
w 
 2
W  .  W T   w1 w2 .......wn 
   
. 
 wn 
 

et finalement cij désigne la matrice des covariances :

 cov( R1 , R1 ) cov( R1 , R2 ) ... ... cov( R1 , Rn ) 


 cov( R , R ) cov( R , R )
 2 1 2 2 ... ... cov( R2 , Rn ) 
cij   ... .... ... ... ... 
 
 ... ... ... .... ... 
 cov( R , R ) cov( R , R ) ... ... cov( Rn , Rn ) 
 n 1 n 2

Cette matrice peut également s’écrire :

  12 cov( R1 , R2 ) ... ... cov( R1 , Rn ) 


 
 cov( R2 , R1 )  22 ... ... cov( R2 , Rn ) 
cij   ... .... ... ... ... 
 
 ... ... ... .... ... 
 cov( R , R ) cov( R , R ) ... ... n 2 
 n 1 n 2 

Nous obtenons finalement la relation de la variance sous forme matricielle condensée :

3
V ( Rp )  W T (cij .W )

Pour en renvenir à la forme algébrique du modèle, puisque la covariance est symétrique (cf.
chapitre de Statistiques) :

Cov( Ri , R j )  Cov( R j , Ri )

et que :

Cov( R j , R j )  V ( R j )

Nous pouvons ainsi simplifier la première formule et écrire la variance sous la forme algébrique
suivante :

V ( R p )   wi w j .Cov( Ri , R j )
i 1 j 1

Lorsque le portefeuille se compose de deux titres : A et B, la variance devient :

V ( R p )  wA2 A2  wB2 B2  2 w A .wB Cov ( RA , RB )

2.5. La diversification

Le concept de diversification est à la base du modèle de Markowitz. L’auteur pense que les
différents titres composant un portefeuille ne peuvent être sélectionnés individuellement et
doivent au contraire être choisis selon la corrélation de leurs variations à celles du reste des titres
qui composent le portefeuille.

Par ailleurs, la diversification n’est utile en matière de réduction du risque que lorsque le degré de
corrélation entre les rendements des différents titres qui composent le portefeuille s’éloigne de 1.

2.6. La frontière efficiente :

Markowitz a développé en 1959 une méthode de solution générale du problème de la structure


des portefeuilles qui incorpore le traitement quantifié du risque. Celle-ci propose à l’investisseur
un ensemble de portefeuilles «efficients» c’est-à-dire qui, pour un rendement global
possible, présentent le risque le plus faible, et vice-versa.
Cette méthode utilise uniquement les concepts de moyenne pour le rendement espéré et de
variance pour l’incertitude associée à ce rendement ; d’où le nom de critère «moyenne-variance».

Ainsi, le principe fondamental du modèle de Markowitz est le suivant : entre deux portefeuilles
caractérisés par leur rendement (supposé aléatoire), on retient :

- à risque identique, celui qui a l’espérance de rendement la plus élevée ;

- à espérance de rendement identique, celui qui a présente le risque le plus faible.

Ce principe conduit à éliminer un certain nombre de portefeuilles, moins efficients que d’autres.

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La courbe qui relie l’ensemble des portefeuilles efficients s’appelle la frontière efficiente. En
dessous de cette courbe, tous les portefeuilles rejetés sont dits dominés.

Graphiquement, le portefeuille optimal est celui qui a la probabilité la plus faible de descendre en
dessous d’un rendement fixé.

Le schéma ci-dessus représente l'ensemble des portefeuilles disponibles pour un nombre x


d'actifs. L'investisseur doit choisir son portefeuille dans ceux compris sur la ligne A-D qui forme
la frontière efficiente de Markowitz, les autres étant "dominés" par ces derniers, c'est à dire qu'ils
sont moins efficients. Par exemple, le portefeuille B présente le même niveau de risque que le
portefeuille C, mais possède un rendement espéré plus élevé que ce dernier. On dit qu'il le
domine. Le portefeuille A représente le portefeuille boursier efficient avec le plus faible risque.
C'est Markowitz qui fut le premier à définir le concept de portefeuille efficient. Le portefeuille
efficient est celui avec le plus faible risque pour un certain niveau de rendement espéré.
Le portefeuille A représente le portefeuille avec le minimum de variance, calculé à partir de la
variance de chaque actif puis de la covariance de chacun des actifs entre eux.

Comment sélectionner un portefeuille selon ses préférences?

Le modèle de Markowitz ne définit pas un unique portefeuille optimal mais génère une frontière
efficiente comprenant l'ensemble des portefeuilles optimaux. C'est à l'investisseur de choisir son
portefeuille optimal.
En finance, on part du principe que l'investisseur a une aversion au risque. Plus les possibilités de
pertes sont élevées, moins l'investisseur acceptera un investissement dit équitable. En fait, plus la
désutilité (possibilité d'insatisfaction) est grande, moins l'utilité d'un possible gain est grande.

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Les courbes d'indifférences
On utilise les courbes d'indifférences, associées à la frontière efficiente afin de sélectionner un
portefeuille adapté à notre utilité. Les courbes d'indifférences représentent les niveaux de risques
acceptables pour un investisseur, pour un certain rendement espéré.

Le schéma A représente des courbes d'indifférences. La forme de ces courbes dépendent


de l'aversion au risque de l'investisseur. La courbe d'indifférence supérieure est toujours
préférable à celles inférieures. En effet, plus la courbe est éloignée de l'axe horizontal, plus l'utilité
est élevée. Plus le coefficient directeur d'une courbe est grand, plus l'aversion au risque de
l'investisseur est grande.
Le schéma B représente les courbes d'indifférences qui reflètent les préférences de l'investisseur
et la frontière efficiente qui représente les possibilités de portefeuille boursier. Le point A sur le
schéma A représente le portefeuille efficient qui est présent sur la droite d'utilité U2 et sur la
frontière efficiente. La courbe U1, présentant la plus grande utilité ne peut pas être atteinte. Les
courbes U3 et U4 proposent le même niveau de risque que U2 pour un rendement moins élevé.
Le portefeuille A est donc le portefeuille le plus adapté à l'acceptation du risque de l'investisseur,
représentée par les courbes d'indifférence. Un investisseur de profil très prudent choisira le
portefeuille B car il répond à son utilité et il reste sur la frontière efficiente. Un profil de type
agressif privilégiera le portefeuille C car il offre un plus grand rendement espéré tout en restant
sur le frontière d'efficience.

2. Sélection des portefeuilles situés sur la frontière efficiente


Soit Rp le rendement du portefeuille composé de n actifs caractérisés par leur rendement respectif
R1, R2,… Rn. On suppose, en outre, que chaque actif i entre pour une proportion wi dans la
composition du portefeuille P.
n
En d’autres termes : R p   wi Ri .
i 1

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Dès lors :
n n
E ( R p )  E ( wi Ri )   wi E ( Ri )
i 1 i 1

n n
V ( Rp )   wi w j cov(Ri , R j )
i 1 j 1

Sélectionner un portefeuille revient à choisir celui tel que :

 E(Rp) soit maximal …

 … et V(Rp) soit minimal…


n
 sous la contrainte que  w = 1.
i 1
i

Il s’agit donc d’un problème de maximisation d’une fonction économique sous contrainte.

Soit Z cette fonction économique.


n
Z =  E ( R p )  V ( R p ) qui doit être maximisée sous la contrainte que  w = 1,
i 1
i

où  est un paramètre qui représente le degré d’aversion au risque des investisseurs. En d’autres
termes, il s’agit du taux marginal de substitution du rendement et du risque qui exprime dans
quelle mesure l’investisseur est d’accord pour supporter un risque accru en contrepartie d’un
accroissement de son espérance de rendement.

En utilisant le lagrangien de cette expression, le problème de maximisation sous contrainte


consiste à déterminer le maximum de la fonction Z définie par :

n n n n
 
Z   . wi E ( Ri )   wi w j cov( Ri , R j )    1   wi 
i 1 i 1 j 1  i 1 

Cette fonction de n+1 variables ( w1 , w2 ,..., wn ,  ) est maximisée si sa dérivée (partielle) par
rapport à chacune de ces variables est nulle, ce qui revient à poser le système suivant :

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 Z
 w   E ( R1 )  2 w1 cov( R1 , R1 )  2w2 cov( R1 , R2 )  ...  2wn cov( R1 , Rn )    0
 1
 Z
 w   E ( R2 )  2w2 cov( R2 , R1 )  2 w2 cov( R2 , R2 )  ...  2 wn cov( R2 , Rn )    0
 2
...
 Z
   E ( Rn )  2w1 cov( Rn , R1 )  2 w2 cov( Rn , R2 )  ...  2 wn cov( Rn , Rn )    0
 wn
 Z
  1  w1  w2  ...  wn  0
 

Soit cov( Ri , R j ) =  ij

On peut alors écrire :

2w1 11  2w2 12  ...  2wn 1n     E ( R1 )


2w   2 w   ...  2 w      E ( R )
 2 21 2 22 n 2n 2

...
2w   2 X   ...  2w      E ( R )
 1 n1 2 n2 n nn n

w1  w2  ...  wn  1

Matriciellement, on écrit :

 2 11 2 12 ... 2 1n 1   w1    E ( R1 ) 
    
 2 21 2 22 ... 2 2n 1   w2    E ( R2 ) 
 ... ...   ...  =  
    
 2 n1 2 n 2 ... 2 nn 1   wn    E ( Rn ) 
 1
 1 ... 1 0      1 
 

Cette relation peut être résumée comme suit :

A.W=B ou encore W = A 1 .B

avec :

8
 2 11 2 12 ... 2 1n 1   E ( R1 )   w1 
     
 2 21 2 22 ... 2 2n 1   E ( R2 )   w2 
A =  ... ...  B =  et W =  ... 
     
 2 n1 2 n 2 ... 2 nn 1   E ( Rn )   wn 
 1 1 ... 1 0   1  
    

La détermination du poids de chacun des n actifs susceptibles d’entrer dans la composition d’un
portefeuille passe donc par l’inversion d’une matrice carrée de n+1 lignes et n+1 colonnes.

Ainsi, la mise en œuvre du modèle de Markowitz pose des problèmes d’ordre pratique. Alors que
le volume des statistiques nécessaires au calcul augmentait rapidement avec le nombre de titres
retenus (avec 100 titres, le nombre de statistiques nécessaires était de 3 150, mais il passait à
20 300 pour 200 titres et à 125 750 pour 300 titres !), la collecte des informations et leur
traitement devenaient presque impossibles avec les ordinateurs disponibles dans les années 1960,
entraînant de surcroît des coûts de traitement prohibitifs.

C’est la raison pour laquelle William Sharpe cherchera une méthode de sélection des portefeuilles
efficients plus simple. Markowitz et Sharpe seront alors reconnus comme les « pères fondateurs »
de la gestion de portefeuille et du corps doctrinal sur lequel elle se fonde.

Outre cette complexité de calcul, le modèle classique de Markowitz présente trois autres
faiblesses:

- Il reste très théorique, car il prend l’hypothèse que l’on connaît le couple espérance de
gain et risque de chaque titre, information qui ne se trouve évidemment pas telle quelle
dans la presse économique, et qui fait une large part à l’appréciation du
gestionnaire. On retrouve donc en amont la subjectivité qu’on essaie d’éliminer en
aval.

- Il n’est pas un modèle de gestion au jour le jour, mais un modèle de structure à


moyen terme (un an, par exemple). Les ajustements de portefeuilles qui reflètent les
mouvements boursiers à court terme ne devraient être que marginaux.

- Il suppose la normalité de la distribution des rendements, chose qui n’est pas toujours
vérifiable dans la réalité. Cette limite a été résolue par l’apparition du modèle
de «Dominance stochastique» qui s’applique à tout type de distribution.

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Série d’exercices
Exercice 1
Considérons un portefeuille composé de deux titres : A et B
Rendement espéré Ecart-type Parts

A 14% 3% 30%

B 20% 6% 70%

1. Calculer le rendement espéré du portefeuille


2. Calculer le risque du portefeuille pour sachant que Cov(RA , RB) = 1 et cov(RA , RB) = - 1

Exercice 2
Considérons un portefeuille composé de deux titres : a, b et c
Rendement espéré Ecart-type Parts

a 10% 0,2 20%

b 15% 0,3 20%

c 20% 0,5 60%

Les coefficients de corrélations entre les rendements des titres pris deux-à-deux sont :
rab = 0,5 rac = 0,1 rbc = - 0,3
Calculer le risque supporté par ce portefeuille.

Exercice 3
Un investisseur gère un portefeuille composé de deux titres : A et B.
E(RA) = 0,15 et E(RB) = 0,12. De même :  A = 0,12 et  B = 0,08
Les parts investies dans A et B sont respectivement 40% et 60%. Aussi, Cov(RA,RB) = 0,2%
1. Calculer le rendement espéré et le risque de ce portefeuille
2. Cet investisseur souhaite réduire le risque de 10%.. Quelle seraient les parts de A et de B ?
3. Ecrire la formule générale de calcul de la part d’un titre qui permet de minimiser le risque
d’un portefeuille à deux titres.

Exercice 4
Considérons un portefeuille composé à part égale de trois titres A, B et C. Les coefficients de
corrélations entre les rendements des titres pris deux-à-deux sont :
rab = 0,4 rac = 0,6 rbc = 0,8
Rendement espéré Ecart-type Parts

A 0,08 0,02 1/3

B 0,15 0,16 1/3

C 0,12 0,08 1/3

Calculer le rendement espéré et le risque du portefeuille en considérant la forme matricielle

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