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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence xxx (2017) xxx–xxx

Article original

Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité avec ou sans troubles


associés : mise en évidence de différences attentionnelles et exécutives
Attention-deficit hyperactivity disorder with or without associated disorders: Evidence for
differences in attentional and executive processes
F. Puyjarinet
Laboratoire Euromov, EA 2991, 700, avenue du Pic-Saint-Loup, 34090 Montpellier, France

Résumé
But de l’étude. – L’objectif de cette étude était de comparer les profils attentionnels et exécutifs d’enfants porteurs de trouble du déficit de
l’attention/hyperactivité (TDA/H) en l’absence et en présence de deux troubles habituellement associés au TDA/H : la dyslexie développementale
(DD) et le trouble développemental de la coordination (TDC).
Patients et méthode. – Cent soixante et un enfants âgés en moyenne de 8,9 ans diagnostiqués avec un TDA/H par une équipe pluridisciplinaire ont
été répartis en quatre groupes : TDA/H isolé (n = 61), TDA/H et DD associés (n = 36), TDA/H et TDC associés (n = 27), et TDA/H avec à la fois
DD et TDC associés (n = 37). Le Test d’Évaluation de l’Attention chez l’Enfant (TEA-Ch) a été administré à tous les enfants pour une évaluation
détaillée des fonctions attentionnelles et exécutives.
Résultats. – Les résultats des comparaisons entre les quatre groupes mettent en évidence des différences significatives sur plusieurs variables :
attention sélective visuelle, attention auditive, attention divisée, capacités d’inhibition et attention soutenue.
Conclusion. – Ce travail met en évidence des différences de fonctionnement attentionnel et exécutif chez des enfants TDA/H en fonction de la
présence ou non de DD et/ou de TDC associé. Les implications cliniques qui en découlent sont à considérer et sont susceptibles d’éclairer la
pratique des professionnels, notamment aux niveaux diagnostique et thérapeutique.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : TDA/H ; Dyslexie ; TDC ; Troubles neurodéveloppementaux ; Profils attentionnels ; Attention ; Fonctions exécutives ; Comorbidités ; Troubles associés

Abstract
Background. – Children with attention-deficit hyperactivity disorder (ADHD) manifest deficits in attentional and executive domains. Yet, although
ADHD is often associated with other neurodevelopmental syndromes such as developmental dyslexia (DD) and developmental coordination
disorder (DCD), very few studies exploring the impact of these associated disorders on cognitive abilities of children with ADHD are available.
Whether and how these comorbid disorders may influence attentional and executive abilities among ADHD patients remained to be explored.
Aim of the study. – The goal of the current study was to compare the attentional and executive profiles of ADHD children with and without one or
two often-associated comorbid neurodevelopmental disorders: DD, and DCD.
Participants and method. – One hundred and sixty-one children (mean age: 8.9 years) were classified into four groups: children with ADHD in
isolation (n = 61), children with ADHD and associated DD (n = 36), children with ADHD and associated DCD (n = 27), and children with the three
associated disorders (ADHD-DCD-DD, n = 37). For assessing attentional and executive skills, we used the Test of Everyday Attention for Children
(TEA-Ch).

Adresse e-mail : f.puyjarinet@hotmail.fr

http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.008
0222-9617/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Puyjarinet F. Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité avec ou sans troubles associés : mise en évidence de différences
attentionnelles et exécutives. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.008
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Results. – We observed differences between the groups among the majority of attentional and executive measures: selective visual attention, auditive
attention, divided attention, inhibition, and sustained attention.
Conclusion. – These results show that children with ADHD manifest different cognitive performances depending on the presence of associated
DD and/or DCD. Most of attentional executive domains are negatively impacted by DD and/or DCD. These findings concur with the current
theoretical point of view whereby neurodevelopmental disorders partially share etiological and clinical factors. Our results also matter in the way
professionals can understand how neurodevelopmental disorders influence each other, and how specific therapeutic projects could be built taking
into consideration often-associated disorders in ADHD.
© 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: ADHD; Dyslexia; DCD; Neurodevelopmental disorders; Attentional profiles; Attention; Executive functions; Comorbidities; Associated disorders

1. Introduction Ce modèle tient compte des aspects développementaux et des


variations qui y sont liées, tout en admettant le caractère tran-
Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperacti- sitoire de certains symptômes. La notion clé, et plutôt ancienne
vité (TDA/H) est un trouble neurodéveloppemental diagnostiqué de ce concept qui se rapproche de celui de dysfonctionnement
au travers de trois principaux symptômes que sont le défi- cérébral a minima [10] repose sur l’existence d’un facteur neu-
cit attentionnel, l’impulsivité et l’hyperactivité [1]. L’étiologie rologique dont l’expression comportementale et l’intensité des
neurobiologique du trouble est mise en évidence par de nom- manifestations varient en fonction de son étendue et de la dyna-
breuses études d’imagerie cérébrale, mais aussi par l’efficacité mique développementale du sujet.
du méthylphénidate, stimulant du système nerveux central. Les Le second modèle privilégie le recoupement habituellement
sujets TDA/H présentent pour la plupart une désadaptation observé au niveau clinique entre les déficits de l’attention, du
comportementale, et souvent un profil neuropsychologique asso- contrôle moteur et de la perception (Deficits in Attention, Motor
ciant divers déficits des fonctions attentionnelles et exécutives control and Perception [DAMP], [11]). Selon les auteurs scan-
(ex., attention sélective, inhibition, mémoire de travail, planifi- dinaves à l’origine de ce concept, la forte relation entre les
cation, flexibilité, gestion des interférences, etc.), des déficits difficultés attentionnelles, motrices et perceptives n’est pas non
motivationnels, et une aversion pour les situations d’attente plus fortuite, et trahirait une étiologie commune. Notons que la
[2–5]. La prévalence du TDA/H est estimée entre 3 et 7 % des différence essentielle entre le concept de développement céré-
enfants d’âge scolaire, touchant préférentiellement les garçons bral atypique, d’une part, et celui de DAMP, d’autre part, réside
(2 à 9 garçons pour 1 fille [1]). Par ailleurs, ce syndrome est sou- dans la non prise en compte des troubles de la lecture dans ce
vent associé à d’autres troubles neurodéveloppementaux tels que dernier.
la dyslexie développementale (DD) ou le trouble développemen- La troisième hypothèse, plus récente, et initialement testée
tal de la coordination (TDC), dans des proportions supérieures sur des enfants dyslexiques, postule plus précisément l’existence
au hasard [6–8]. La DD est un trouble caractérisé par une alté- de dysfonctionnements au niveau des boucles cortico-striatale et
ration spécifique et significative de l’acquisition de la lecture cortico-cérébelleuse [12,13]. Ces altérations seraient à l’origine
[8,9]. Le TDC, anciennement nommé trouble de l’acquisition de d’un déficit des apprentissages procéduraux, définis comme
la coordination, se définit comme un trouble perceptivo-moteur la capacité à automatiser des procédures perceptives, sen-
interférant de manière significative avec les activités motrices sorimotrices ou cognitives (ex., savoir faire du vélo, mettre
de la vie quotidienne [1]. Pour certains auteurs, la présence chez en place des routines cognitives, jouer d’un instrument de
un même patient d’au moins deux syndromes associés consti- musique, écrire, etc.). Pour Nicolson et Fawcett, ce déficit du
tue plus la règle que l’exception. Cette association fréquente mode d’apprentissage procédural constituerait une caractéris-
des troubles neurodéveloppementaux suppose la mise en jeu de tique commune aux différents troubles neurodéveloppementaux,
facteurs étiologiques partiellement partagés [6]. hors trouble intellectuel global, qui serait quant à lui consécu-
tif à un dysfonctionnement des voies cérébrales présidant aux
apprentissages déclaratifs [12].
1.1. Comorbidités dans les troubles
neurodéveloppementaux : trois principaux modèles
explicatifs 1.2. Études portant sur les comorbidités

Étonnamment, compte tenu de la haute fréquence


Trois principaux modèles explicatifs ont émergé pour tenter d’association de ces différents syndromes, peu d’études
de rendre compte de l’association fréquente et non aléatoire de
se sont penchées sur les similitudes, les différences, ou
ces troubles neurodéveloppementaux. l’influence potentielles des troubles habituellement associés
Le premier met en avant l’existence d’un développement au TDA/H. Quelques éléments de compréhension ont été
cérébral atypique (atypical brain development) [6]. Selon apportés néanmoins. Par exemple, Loh et al., ont examiné
Kaplan et al., des dysfonctionnements cérébraux, qui sous- les performances intellectuelles d’enfants âgés de 9 à 12 ans,
tendent les déficits d’attention, de coordination et de lecture,
et souffrant de TDA/H seul (n = 14), de TDC seul (n = 11),
seraient retrouvés de façon diffuse, non précisément localisés.
ou avec les deux troubles associés (n = 11), en comparaison

Pour citer cet article : Puyjarinet F. Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité avec ou sans troubles associés : mise en évidence de différences
attentionnelles et exécutives. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.008
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avec des enfants sains (n = 26) [15]. Il s’avère que les enfants cantonner au domaine théorique. Dans un cadre diagnostique,
avec TDC isolé ou en association avec le TDA/H présentaient le clinicien, qu’il soit neuropédiatre, pédopsychiatre, neuro-
des résultats inférieurs à ceux des autres groupes seulement psychologue, orthophoniste, ou encore psychomotricien, doit
sur l’indice de raisonnement perceptif du WISC-IV [14]. Les se montrer attentif aux signes pouvant évoquer la présence de
auteurs en concluent que le TDC semble caractérisé par un comorbidités lorsqu’il rentre dans une démarche évaluative avec
déficit spécifique des habiletés visuo-spatiales qui le différencie un patient donné. En effet, et parce que les études mentionnées
du TDA/H, et qui plaide en faveur de mécanismes étiologiques plus haut l’ont démontré, la présence de troubles associés peut
partiellement dissociés dans ce cas. compromettre de manière plus importante certains domaines
Pitcher et al., ont exploré de leur côté les spécificités motrices de fonctionnement a priori éloignés des symptômes cardinaux
d’enfants âgés de 7 à 12 ans porteurs de TDA/H isolé (n = 49) du trouble ayant justifié la consultation initiale. Comme nous
ou en association avec le TDC (n = 55) [16]. Les enfants avec la l’avons vu, certains travaux fournissent des éléments de compré-
comorbidité présentaient des scores statistiquement plus faibles hension qui vont dans le sens de profils neuropsychologiques
spécifiquement au niveau du contrôle de la force employée sur et comportementaux différents en fonction de la présence ou
une tâche de tapping. Concernant les aspects liés au timing de l’absence de troubles associés. Diagnostiquer un patient
moteur, aucune différence n’est apparue entre les deux groupes. avec un trouble isolé ou avec des troubles associés n’aura pas
Les auteurs ont mis en avant les aspects moteurs défaillants dans les mêmes conséquences sur les orientations et les décisions
le TDC pour rendre compte du contrôle inadapté de la force, thérapeutiques, ainsi que potentiellement sur la qualité de la
lequel n’est pas retrouvé dans le TDA/H seul. relation soignant–soigné. Par exemple, l’orthophoniste qui aura
Plus récemment, et dans un contexte qui ne concernait pas le un enfant dyslexique en charge pourra garder à l’esprit qu’en cas
TDA/H, Biotteau et al. ont examiné le profil neuropsychologique de TDC associé, l’enfant en question sera susceptible de présen-
et psychosocial d’enfants âgés de 8 à 12 ans, et porteurs de DD ter de plus faibles ajustements psychosociaux qu’un enfant avec
seul (n = 20), de TDC seul (n = 22), ou avec la comorbidité DD- DD seule [17]. Dans ce cas précis, la qualité même de la relation
TDC (n = 23) [17]. Les résultats n’ont pointé aucune différence thérapeute–patient peut s’en trouver affectée dès l’entame des
sur les mesures attentionnelles, mais un pourcentage plus élevé séances de rééducation.
d’enfants avec DD-TDC qui obtenaient des scores pathologiques
sur les échelles psychosociales utilisées dans cette étude. De 1.4. Intérêts et buts de l’étude
plus, les enfants avec DD obtenaient de meilleurs scores sur les
mesures relatives à la vitesse de traitement, et à deux subtests L’attention et les fonctions exécutives ont un rôle central au
visuo-spatiaux du WISC-IV, en comparaison aux enfants TDC. quotidien. Leur développement et leur niveau de maîtrise sont
Ici aussi, tout comme pour l’étude de Loh et al., ces observations dépendants autant de facteurs génétiques qu’environnementaux.
tendent à isoler un déficit visuo-spatial spécifique au TDC. De nombreux travaux attestent de leur importance capitale dans
Par ailleurs, Rassmussen et Gillberg ont mis en évidence le les apprentissages académiques et la qualité de vie au sens large.
caractère aggravant de la présence de la comorbidité TDA/H- Plusieurs études ont ainsi montré que leur niveau d’efficience
TDC dans les problèmes sociaux, comportementaux et le niveau est positivement corrélé à la qualité ultérieure des fonction-
d’éducation des enfants TDA/H [18]. Ce qui tend à démon- nements académique, socio-émotionnel et professionnel des
trer l’impact de la co-occurrence des troubles sur la qualité de patients TDA/H [19]. Par exemple, un faible niveau de fonc-
vie générale. Néanmoins, et comme cela a été relevé par Biot- tionnement exécutif dans le TDA/H est prédictif de risques
teau et al., de nombreux éléments présents dans ces études ne accrus d’apparition de manifestations anxieuses et dépressives
permettent pas de différencier réellement les profils cognitifs, [20]. L’évaluation des fonctions attentionnelles/exécutives et les
comportementaux ou psychosociaux. Si des marqueurs tels que remédiations qui s’y rapportent revêtent donc un caractère déci-
les déficits visuo-spatiaux paraissent caractériser le TDC, très sif du point de vue de l’accompagnement thérapeutique des
peu d’autres domaines de fonctionnement semblent signer spé- patients TDA/H. Mais la complexité des tableaux cliniques et la
cifiquement la présence de tel ou tel syndrome. D’autant que les présence fréquente de comorbidités obscurcissent bien souvent
études portant sur les comorbidités entre TDA/H, TDC et DD la vision du praticien. Il est en effet souvent ardu de savoir quelles
sont particulièrement rares, voire inexistantes à ce jour [17]. manifestations symptomatiques relèvent de tel ou tel syndrome,
Eu égard à l’importance de l’attention et des fonctions et comment un trouble associé plus discret peut, par exemple,
exécutives, notamment dans les apprentissages scolaires, il influencer les symptômes qui relèvent au départ du trouble le
restait à caractériser l’influence éventuelle de troubles neuro- plus bruyant.
développementaux classiquement associés au TDA/H sur le De façon surprenante compte tenu de l’importance du fonc-
fonctionnement attentionnel et exécutif des enfants qui en sont tionnement exécutif dans le devenir des patients TDA/H, aucune
porteurs, ce qu’aucune autre étude n’a fait jusqu’à présent. étude française ou internationale n’a comparé de façon exhaus-
tive les caractéristiques attentionnelles et exécutives d’enfants
1.3. Considérations cliniques porteurs de TDA/H isolé en comparaison avec des sujets TDA/H
porteurs de DD et/ou de TDC associés. Pour pallier à cette
Une meilleure compréhension des similitudes, des diffé- carence, nous avons donc mené cette étude qui visait l’impact
rences ou de l’influence réciproque des troubles neurodéve- éventuel de la DD et/ou du TDC sur le fonctionnement neu-
loppementaux les uns par rapport aux autres ne doit pas se ropsychologique des enfants avec TDA/H, dans une optique

Pour citer cet article : Puyjarinet F. Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité avec ou sans troubles associés : mise en évidence de différences
attentionnelles et exécutives. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.008
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d’évaluation multidimensionnelle de l’attention et des fonc- • attention divisée (note T), épreuve « Faire deux choses à la
tions exécutives [21,22]. Dans la lignée des conclusions d’autres fois » ;
études telles que celle de Loh et al. qui avancent que les enfants • inhibition (note Y), épreuve « Marche-arrête » ;
avec comorbidités auraient des déficits plus marqués que si l’on • attention soutenue (note BB), épreuve de « Transmission de
considérait la présence d’un seul trouble [15], nous pensions codes ».
trouver des différences de performances sur les tâches attention-
nelles et exécutives entre les quatre groupes, particulièrement Ces subtests ont été inclus pour leurs caractéristiques intrin-
lorsque la DD et le TDC sont tous deux associés au TDA/H. Cette sèques qui font qu’ils sont représentatifs des trois grands
hypothèse repose également sur les trois principaux modèles domaines dégagés par l’analyse factorielle des auteurs du test
théoriques décrits plus haut qui incitent à appréhender les (attention sélective, contrôle attentionnel/flexibilité, et attention
troubles neurodéveloppementaux comme des entités partiel- soutenue [18]), mais également du fait de la fréquence élevée
lement superposables du point de vue de l’implication des à laquelle ils sont administrés auprès des patients. À l’inverse,
mécanismes cérébraux impliqués. d’autres subtests tels que « la Carte Géographique » ou encore
« les Mondes Contraires » n’ont pas pu être inclus du fait d’un
nombre de passations trop faible.
2. Patients et méthode
L’attention sélective visuelle se définit comme la capacité à
porter son attention sur des stimuli visuels pertinents tout en
Au total, 161 enfants (âge moyen : 8,9 ans ± 1,7 ans, éten-
ignorant les stimuli non pertinents. L’attention auditive est la
due : 6,3 ans à 13,8 ans) ont été recrutés pour cette étude,
capacité à focaliser son attention sur des stimulations sonores.
après avoir été diagnostiqués TDA/H par une équipe hospi-
La flexibilité est la capacité à passer rapidement et de manière
talière pluridisciplinaire et selon les critères du DSM-5 [1].
fluide d’un comportement à un autre. L’attention divisée est la
Parmi eux, 61 enfants (13 filles) diagnostiqués avec un TDA/H
faculté de partager efficacement ses ressources attentionnelles
isolé, 36 enfants (5 filles) diagnostiqués avec un TDA/H et une
entre deux sources distinctes de stimuli présentés simultané-
DD associée, 27 enfants avec un TDA/H et un TDC (4 filles),
ment, la plupart du temps en automatisant l’une des deux tâches.
ainsi que 37 enfants cumulant TDA/H-TDC-DD (8 filles). Le
L’inhibition permet la suppression volontaire d’une réponse
processus d’évaluation pluridisciplinaire menant au diagnostic
en cours et la substitution d’une réponse automatisée au pro-
de TDA/H, de DD et de TDC regroupait des entretiens avec
fit d’une autre. L’attention soutenue consiste à maintenir son
les parents, des observations cliniques, les questionnaires de
niveau d’attention sur une tâche pendant au moins une dizaine
Conners ou de Barkley (versions pour parents et enseignants),
de minutes.
le WISC-IV [14], le Bilan Neuropsychologique-NEPSY [23],
Les scores bruts obtenus par les sujets à chacune de des
l’ODEDYS [24], l’Alouette-R [25], le M-ABC [26], l’Échelle
épreuves du TEA-Ch ont été transformés selon la procédure
d’Évaluation Rapide de l’écriture-BHK [27]. Les différents
proposée par les auteurs en pourcentages cumulés, lesquels ont
diagnostics ont été posés selon les critères des classifications
été retenus pour les analyses statistiques. Cette procédure per-
des maladies et des troubles mentaux (par exemple pour la dys-
met de prendre en compte le niveau de performance des enfants
lexie : scores à l’ODEDYS inférieurs à −2 Écarts-Type ; pour le
en fonction de leur appartenance à leur classe d’âge. Pour une
TDC : score de dégradation supérieur à +2 Écarts-Type au M-
description détaillée des épreuves, voir [22].
ABC). Les critères d’inclusion étaient les suivants : être âgé de
6 à 13 ans, avoir reçu un diagnostic de TDA/H avec ou sans DD
3. Résultats
et TDC associé(s). Les critères d’exclusion étaient les suivants :
présence d’un trouble du spectre autistique, présence de troubles
La distribution de plusieurs des variables ne suivant pas une
psychiatriques ou neurologiques associés. Aucun enfant ne pré-
loi normale, des analyses de variance non-paramétriques à un
sentait un Q.I. inférieur à 70 ni ne bénéficiait d’un traitement
facteur (groupe) ont été réalisées (Anovas de Kruskal–Wallis).
par méthylphénidate au moment de l’évaluation des fonctions
En cas d’effet de groupe, un test de comparaison multiple des
attentionnelles et exécutives. Les parents des enfants ont donné
rangs moyens a été pratiqué. Le seuil de significativité a été
leur accord de participation en signant un formulaire de consen-
fixé à p < 0,05. Les données démographiques qui ont été prises
tement éclairé précisant en détail les finalités et les modalités de
en compte sont l’âge, et le Q.I. Total (Tableau 1). Aucune dif-
l’étude.
férence entre les quatre groupes n’est apparue, ni pour l’âge
Afin d’analyser les profils attentionnels et exécutifs des
[H(3, n = 158) = 2,85, p > 0,05], ni pour le Q.I. Total [H(3,
enfants, la passation du Test d’Évaluation de l’Attention chez
n = 40) = 4,87, p > 0,05], attestant de l’homogénéité des groupes
l’enfant (TEA-Ch) [22] – a permis de retenir les variables sui-
sur ces variables.
vantes :
Les résultats obtenus aux TEA-Ch sont les suivants
(Fig. 1 et 2).
• qualité de l’attention sélective visuelle (note G), épreuve Les résultats montrent un effet de groupe sur les tâches
« Recherche dans le ciel » ; d’attention sélective visuelle [H(3, n = 147) = 10,45, p < 0,05],
• attention auditive (note H), épreuve des « Coups de fusil » ; d’attention auditive [H(3, n = 143) = 10,95, p < 0,05], et
• précision de la flexibilité (note I), épreuve des « Petits hommes d’inhibition [H(3, n = 140) = 9,81, p < 0,05]. Les tests a
verts » ; posteriori révèlent que le groupe avec TDA/H isolé diffère

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Tableau 1
Moyennes et écarts-types pour l’âge et le Q.I. Total dans chacun des quatre groupes.
TDA/H TDA/H-DD TDA/H-TDC TDA/H-TDC- p
(n = 61) (n = 36) (n = 27) DD
(n = 37)
Moyenne Moyenne Moyenne Moyenne
(E.T.) (E.T.) (E.T.) (E.T.)

Âge 8,7 9,2 9,0 9,1 n.s.


(en années) (1,6) (1,6) (1,9) (1,9)
Q.I. 103,7 95,6 96,7 87,3 n.s.
Total (20,0) (5,5) (14,1) (16,4)

E.T. : écart-type ; n : nombre de sujets ; n.s. : non significatif ; TDA/H : trouble du déficit de l’attention/hyperactivité ; DD : dyslexie développementale ; TDC :
trouble développemental de la coordination ; Italiques : cela correspond à la façon dont sont publiés les articles de langue anglaise à l’international.

Fig. 1. Performances obtenues au Test d’Évaluation de l’Attention chez l’Enfant (TEA-Ch) des groupes TDA/H, TDA/H-DD, TDA/H-TDC, et TDA/H-DD-
TDC pour chaque fonction attentionnelle ou exécutive : attention sélective visuelle, attention auditive, et flexibilité. Abréviations : TDA/H : trouble du déficit de
l’attention/hyperactivité ; DD : dyslexie développementale ; TDC : trouble développemental de la coordination. * : p < 0,05 ; ** : p < 0,01 ; *** : p < 0,001.

significativement seulement du groupe cumulant les trois également [H(3, n = 100) = 24,43, p < 0,001]. Le groupe avec
troubles (p < 0,05). Le fait de cumuler un TDA/H à la fois avec TDA/H isolé obtient des résultats supérieurs aux groupes
une DD et un TDC constitue donc ici la condition sine qua TDA/H-DD (p < 0,05) et TDA/H-DD-TDC (p < 0,001). Enfin,
non pour montrer un profil différent que celui des enfants avec le groupe TDA/H-TDC obtient des résultats significativement
TDAH isolé. Dans notre échantillon, les enfants porteurs des supérieurs à ceux du groupe TDA/H-DD-TDC (p < 0,01).
trois syndromes se montrent donc moins efficaces lorsqu’il Pour finir, notons qu’aucune différence entre les groupes
s’agit de se concentrer visuellement, de porter attention à des n’apparaît sur la tâche de flexibilité [H(3, n = 133) = 5,60,
informations auditives, et de réguler son impulsivité. p > 0,05].
Des différences entre les groupes sont également observées
sur la tâche d’attention divisée [H(3, n = 146) = 29,31, p < 0,001]. 4. Discussion
Le groupe avec TDA/H seul montre des performances significa-
tivement plus élevées que les groupes TDA/H-TDC (p < 0,001) L’objectif de cette étude était de comparer les profils atten-
et TDA/H-DD-TDC (p < 0,05). Toujours sur l’attention divi- tionnels et exécutifs des enfants avec TDA/H seul, avec TDA/H
sée, le groupe réunissant TDA/H et DD obtient par ailleurs de et DD associés, avec TDA/H et TDC associés, et enfin avec
meilleurs résultats que le groupe qui cumulent les trois troubles TDA/H, DD, et TDC associés.
(p < 0,05). Les résultats indiquent que la présence d’une DD et/ou d’un
Au niveau des performances impliquant un maintien durable TDC associé(s) influence les performances attentionnelles et
de l’attention (tâche d’attention soutenue), les groupes diffèrent exécutives des enfants TDA/H. L’analyse détaillée des résultats

Pour citer cet article : Puyjarinet F. Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité avec ou sans troubles associés : mise en évidence de différences
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Fig. 2. Performances obtenues au Test d’Évaluation de l’Attention chez l’Enfant (TEA-Ch) des groupes TDA/H, TDA/H-DD, TDA/H-TDC, et TDA/H-TDC-DD pour
chaque fonction attentionnelle ou exécutive : attention divisée, inhibition, et attention soutenue. Abréviations : TDA/H : trouble du déficit de l’attention/hyperactivité ;
DD : dyslexie développementale ; TDC : trouble développemental de la coordination. * : p < 0,05 ; ** : p < 0,01 ; *** : p < 0,001.

montre que cette influence dépend de la nature et du nombre de d’un déficit d’apprentissage procédural et d’automatisation qui
troubles associés au TDA/H. Notre hypothèse de départ relative s’observent de façon générale dans les troubles neurodéveloppe-
à l’incidence supposée de la DD et/ou du TDC sur le fonction- mentaux. Or, si l’on considère que la tâche d’attention divisée du
nement attentionnel et exécutif des enfants porteurs de TDA/H TEA-Ch permet de tester un possible début d’automatisation sur
est donc vérifiée pour la première fois. l’une des deux tâches pour être capable de libérer de l’attention
Du point de vue de la théorie du développement cérébral sur la seconde, alors cette tâche se révèle certainement un bon
atypique [6], nos résultats vont dans le sens de l’implication indicateur initial des capacités d’automatisation sur deux tâches
de larges réseaux cérébraux interconnectés et susceptibles cognitives. Nous observons ici que les enfants avec TDA/H
d’influencer des domaines de fonctionnement a priori éloignés isolé obtiennent globalement des résultats dans la moyenne des
les uns des autres. Par exemple, le fait d’avoir une DD en plus enfants de leur âge (pourcentages cumulés : environ 50 %)
d’un TDA/H impacte considérablement les capacités d’attention mais aussi de meilleures performances que les autres groupes,
soutenue comparativement à la présence d’un TDA/H isolé. Un excepté pour le groupe TDA/H-DD. Ceci tend à démontrer que
autre résultat remarquable réside dans le point suivant : excepté la présence d’un TDC pourrait en elle-même être à l’origine
pour la flexibilité, les enfants porteurs de la triple condition d’un défaut d’automatisation qui est absent ou moins flagrant au
TDA/H-DD-TDC voient toutes leurs capacités attentionnelles départ chez les enfants souffrant respectivement de TDA/H seul,
et exécutives plus détériorées que les enfants avec TDA/H seul. et de TDA/H avec DD associée. Comme le suggèrent Nicolson et
Ce qui implique que malgré le fait que les déficits attentionnels et Fawcett, des dysfonctionnements au niveau des boucles cortico-
exécutifs ne constituent pas à proprement parler des symptômes striatale et cortico-cérébelleuse pourrait être à l’origine de ces
cardinaux dans la DD et le TDC, ceux-ci impactent de façon mas- phénomènes [12]. Au regard des résultats obtenus, les enfants
sive le rendement attentionnel des enfants avec TDA/H lorsqu’ils TDC auraient du mal à partager leurs ressources attention-
sont présents concomitamment. Notons toutefois que des études nelles en situation de double-tâche, y compris lorsque ces tâches
avaient déjà mentionnées des altérations attentionnelles et exé- se limitent toutes deux au domaine cognitif (sans implication
cutives dans la DD, d’une part [28], et dans le TDC d’autre motrice) et à automatiser l’une des deux pour être efficace sur la
part (pour une revue : [29]). Mais pour la première fois, nous seconde. Compte tenu du fait que beaucoup d’enfants TDC ne
démontrons que l’association de ces deux syndromes pénalisent manifestent pas de signes cérébelleux [30], il est probable que les
de façon substantielle le rendement attentionnel et exécutif des difficultés d’automatisation de procédures cognitives reposent
enfants TDA/H. prioritairement sur des dysfonctionnements de la boucle cortico-
En ce qui concerne les résultats observés sur la tâche striatale. Cette hypothèse reste à vérifier. Quoi qu’il en soit,
d’attention divisée, ceux-ci sont à rapprocher de l’hypothèse la présence d’un TDC semble constituer intrinsèquement un
formulée par Nicolson et Fawcett [12]. Cette hypothèse fait état facteur de risque augmenté de difficultés d’automatisation par

Pour citer cet article : Puyjarinet F. Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité avec ou sans troubles associés : mise en évidence de différences
attentionnelles et exécutives. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.008
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rapport à la présence d’une DD. Les processus impliqués dans d’attention sélective visuelle de façon à mettre en évidence ou
les premiers temps du phénomène d’automatisation dans le non l’existence de mécanismes déficitaires partagés.
TDC apparaissent donc comme atypiques. Ceci est confirmé par Une autre remarque importante réside dans le fait que
d’autres études qui rapportent des particularités dans le recrute- le TDA/H est depuis peu envisagé sous un angle physiopa-
ment des circuits cérébraux lors d’apprentissages procéduraux thologique qui postule l’existence de trois voies cérébrales
et d’automatisation chez les enfants TDC comparativement au potentiellement altérées mais distinctes [33,34]. La première,
enfants porteurs de DD associée ou non au TDC [31]. la voie fronto-striatale dorsale, serait responsable des déficits
À l’inverse, la DD semble intervenir de façon majeure du contrôle cognitif. Les altérations de la voie orbito-fronto-
dans les difficultés inhérentes à la régulation et au maintien striatale, la seconde, seraient liées aux déficits motivationnels.
de l’attention dans le temps (cf. tâche d’attention soutenue). Enfin, la troisième, la voie fronto-cérébelleuse, expliquerait
Le cervelet pourrait être directement incriminé, puisqu’il est les déficits de timing. Il serait particulièrement intéressant à
aujourd’hui admis qu’il joue un rôle décisif à la fois dans la DD, l’avenir de pouvoir définir quelle(s) voie(s) serai(en)t altérée(s)
et dans le maintien de l’attention [8,9,13,32]. Puisque, comme de manière privilégiée pour tel ou tel patients atteints de TDA/H.
nous l’avons évoqué plus haut, des études ont montré que les Ainsi, par exemple, si l’on considère que les anomalies de
patients TDC avec manifestations cérébelleuses ne constitue- la voie fronto-cérébelleuse peuvent expliquer préférentielle-
raient qu’un sous-groupe du TDC (pour une revue : [30]), il ment les symptômes chez un patient TDA/H donné, alors, le
est légitime de penser que des altérations cérébelleuses, pro- risque d’observer une DD associée chez ce patient pourrait être
bablement plus systématiques dans la DD, puissent influencer augmenté. Sur le plan de la recherche, tenir compte de cette
négativement le rendement des sujets TDA/H sur des tâches catégorisation du TDA/H à partir des trois voies pourrait favori-
d’attention soutenue, ce qui n’est pas le cas lorsque le TDC seul ser la constitution de groupes plus homogènes. Cette démarche
est associé au TDA/H. permettrait de contourner au moins partiellement les problèmes
Les résultats sur les épreuves d’attention auditive (H : « Coups inhérents à l’extrême hétérogénéité du TDA/H et des troubles
de Fusil ») et d’attention soutenue (BB : « Transmission de qui y sont classiquement associés.
Codes ») ne sont pas identiques malgré le fait que ces tâches Considérées de façon générale, toutes ces observations
appartiennent toutes deux au domaine de l’attention soutenue si confirment l’existence de profils attentionnels et exécutifs dif-
l’on s’en fie à l’analyse factorielle des auteurs du TEA-Ch [22]. férents qui semblent être directement dépendants de la nature
La différence principale observée sur les résultats concerne les et du nombre de troubles associés au TDA/H. Le fonctionne-
enfants avec TDA/H et DD associée qui obtiennent des scores ment attentionnel et exécutif semble donc s’inscrire dans une
significativement plus faibles que les enfants TDA/H, chose qui dynamique neuropsychologique plus vaste, dans laquelle les dif-
ne s’observe pas sur la tâche d’attention auditive. Ici aussi, nous férents troubles neurodéveloppementaux peuvent s’influencer
avançons l’hypothèse selon laquelle la durée de la tâche a une mutuellement. Les résultats obtenus soulignent l’importance de
incidence directe sur les performances des enfants avec TDA/H ne pas appréhender la comorbidité comme une simple juxtapo-
et DD : plus la tâche est longue, plus ces enfants pourraient sition de troubles hermétiques les uns vis-à-vis des autres (cela
avoir du mal à maintenir leur attention efficacement comparati- constituerait une erreur d’un point de vue à la fois théorique
vement aux enfants avec TDA/H seul. Une analyse plus détaillée et clinique). Les résultats obtenus nous invitent donc à suivre
des profils de performances à un niveau intra-individuel pour- l’avis d’autres auteurs qui affirment qu’en présence de troubles
rait étayer cette hypothèse en vérifiant la qualité des réponses au associés, les dysfonctionnements des sujets ne refléteraient pas
fur et à mesure de la tâche d’attention soutenue. Si les enfants la simple association de déficits initiaux considérés isolément
avec TDA/H et DD ont bien plus de mal à maintenir leur atten- [15,16].
tion dans le temps, alors la seconde moitié de l’épreuve devrait
logiquement être plus impactée par les décrochages attention- 5. Conclusions
nels (c.-à-d., les erreurs d’omissions) que la première moitié. Ce
type d’observations ne devrait pas se retrouver, ou à un degré Cette étude met bel et bien en lumière des différences
moindre, sur la tâche d’attention auditive « Coups de Fusil », de profils attentionnels et exécutifs chez des enfants porteurs
plus courte. de TDA/H en fonction de l’absence ou de la présence d’un
D’un point de vue strictement neuropsychologique, les ou de deux troubles habituellement associés : la DD et le
différences de résultats entre les groupes pourraient aussi tra- TDC. Les résultats obtenus alimentent sur le plan théorique
hir la mise en jeu de mécanismes déficitaires communs qui les questions relatives à l’intrication des troubles comorbides
n’atteindraient pas le même degré de sévérité en fonction des et à l’influence que les uns peuvent exercer sur les autres.
tâches proposées. Par exemple, un trouble de l’attention sélec- L’hypothèse de facteurs étiologiques communs aux différents
tive visuelle primaire pourrait tout à la fois expliquer des troubles neurodéveloppementaux déjà évoquées par plusieurs
scores plus ou moins déficitaires à la TEA-Ch (ex., l’épreuve auteurs semble se renforcer [10,11,35]. Des études en neuroima-
« Recherche dans le Ciel ») et sur des tâches de lecture chez gerie sont nécessaires pour vérifier plus précisément quels types
les enfants avec DD. D’autres études s’avèrent indispensables de particularités sont à l’œuvre sur le plan du fonctionnement
pour aller plus loin dans l’analyse des profils cognitifs généraux cérébral.
des enfants testés. Elles permettraient, par exemple, de vérifier Au niveau clinique, il devient évident que mieux connaître
les éventuelles corrélations entre les performances de lecture et le fonctionnement neuropsychologique des sujets qui présentent

Pour citer cet article : Puyjarinet F. Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité avec ou sans troubles associés : mise en évidence de différences
attentionnelles et exécutives. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.008
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des comorbidités nous aidera à affiner ou à réinventer les dis- [7] Soppelsa R, Albaret JM, Corraze J. Les comorbidités : théorie et prise
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tats obtenus, être porteur uniquement d’un TDA/H ne sera pas
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d’une DD et d’un TDC associés. Le regard du clinicien peut cognitive functions using the WISC-IV. Res Dev Disabil 2011;32(4):
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tionnement neuropsychologique des patients dont il a la charge, [16] Pitcher TM, Piek JP, Barrett NC. Timing and force control in boys
with attention-deficit hyperactivity disorder: subtype differences and the
même si le diagnostic du TDA/H repose d’abord et avant tout
effect of comorbid developmental coordination disorder. Hum Mov Sci
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auprès de patients qui souffrent d’un syndrome extrêmement nation disorder: Are both necessarily worse than one? Child Neuropsychol
hétérogène sous plusieurs aspects. Face à ces données et à la 2017;23(4):422–41.
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