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= Seo EN SePe@ bse eave: = am. PSYCHOLOGIE LES GRANDES PERSPECTIVES O ene TAVRIS ¢ cle Bue o Traduc ee as éditio pon ae par A Cages sec as aa ce a : CY ealyel etal Voici un exerciceintellectuel. Choque piéce du casse-téte posséde deux cétés (ui sont des miiois et deux obtés qui sont ouverts. Trower ies murs qui sont des miroir. Pus placez une ‘favilletransperente sur le casse-téte et. & partir du tileu, tracer un trait & trovers les hut piéces, en ‘ne passant qu'ane seule fois d travers chague pice. (ta solution se trouve a la page 307.) “ous vous invitons & faire Pexpérience suivante, Détourner. les yeux du texte et ne pense a rien pen- dant trente secondes. Ne pensez pas 2 ce que vous avez a faire ceite semaine ni 2 ce que vous avez. mangé au petit déjeuner ‘ni a vos probleémes personnels ni au temps quill fait, Ne ‘pensez pas que vous vous appritier a lire ce chapitre. Ne ‘pensez. pas & la politique nia Pexpérience que vous étes en ‘rain de faire, ni a la psychologie, Ne pensez ménme pas que vous essayez de ne pas penser. Vous étes prét? Alors, allez-y. Vous nly étes pas arrivé, n'est-ce pas? Presque tout le monde échoue & ce test. Btre humain signifie avoir des pen- sées duu matin au soir et continuer & penser méme durant son sommeil, Le célebre mot de Descartes, «Je pense, donc je suis.», demeure vrai si on Tinverse: «Je suis, donc je pense.» Chaque jour, sans exception, nows faisons des projets, nous résolvons des problémes, nous tirons des conclusions, nous analysons des relations, nous élaborons des explications 276 — Chapitre 9 et nous organisons et réorganisons les composantes de notre univers mental. Nous ne pouvons simplement pas faire autrement. Refléchissez ce que la pensée vous apporte. Elie vous libére des limites du présent immé- diat: vous pouvez vous rap- peler un voyage que vous aver fait il y a trois ans, ow penser & la féte prévue pour samedi prochain ‘ou a la campagne de Russie de 1812. La pensée vous transporte au-deli des frontiéres de la réalité: vous pouvez imaginer une licorne, un monde idéal, un martien ow des petits bonhommes bleus. fant donné que nous sommes capables de penser, ‘nous navons pas a chercher & tétons Ia solution & nos pro- blemes; nous pouvons, en faisant les efforts nécessaires et en acquérant les connaissances requises, les résoudre de fagon intelligente et eréative, Pour expliquer les capacités du cerveau humain, de nom- Dreux psychologues cognitivistes les comparent aux diffé- rentes fonctions d'un ordinateur, mais en plus complexes. Ces epproches dites du traitement de Pinformation ont été trés utiles car eles rendent compte du fait que le cerveau rvenre- gistre pay passivement information, mais la modifie et organise de facon active. Pour les tenants de la perspective cognitive, la pensée est possible parce que ‘information qui nous vient de environnement est simplifige et résumée sous forme de représentations internes. Ainsi lorsque nous agis- sons, nous manipulons Tenvironnement et lorsque nous pensons, nous manipulons mentalement des représentations internes d/objets, activités et de situations. Cependant, novs ‘ne traitons pas toute l'information dont nous disposons; si Cétait le cas, prendre la moindre décision ou résoudre le probléme le plus trivial demanderait énormément de temps et serait peut-étre méme hors de notre portée. Songez & ce que représenterait le fait de décider aller manger une pizza au restaurant si cela signifiait penser & toutes les pizzas que vous avez ingurgitées jusqu’a présent ou que vous avex vu @autres personnes consommer, et & toutes les publi- cités vantant ce produit. Le concept constitue une forme de représentation men- tale, ou unité de pensée, Un concept est essentiellement une catégorie mentale regroupant des objets, des relations, des activités, des abstractions ou des attributs ayant des pro- prigtés communes. Tous les exemples d'un méme concept présentent une certaine ressemblance. Ainsi, golden retriever, saint-bernard et berger allensand sont des exemples du con- cept chiew parce qu’ils ont en commun certaines caractéris- tiques comme ¢’étre un animal & quatre pattes,avec Concept tune queue et qui aboie. De Catégorie mentale regroupant méme, colére, joie et tris. des objets, des relations, des de laser activités, des abstractions ou des tesse sont des illustrations Srnibuts ayant des propicés du concept émotion, Etant communes. donné que les concepts constituent une simplification de environnement, i rest pas nécessaire d'apprendre chacun des mots servant a désigner les objets, les relations, les activités, les propriétés abstraites ou les qualités que nous découvrons, ni de traiter chaque exemple d'un concept comme sil ait unique. Vous waver peut-étre jamais vu de zerrier du Congo ni jamais mangé de sushi, mais si vous savez que le premier est un exemple de chien et le second, un exemple d’aliment, vous comprendrez de quoi il Sagit. La formation des concepts résulte du con- tact ditect avec des objets et des situations, ou encore du con- tact avec des symboles, c'est-Acdire des éléments qui en représentent d'autres ow en tiennent lieu. Par exemple, le mot café» que nous utilisons dans une conversation portant sur notre demicr repas tient lieu et place du café réel que nous avons bu. Les représentations symboliques comprennent les mots mais aussi les formules mathématiques, les cartes, les ‘graphiques, les illustrations et méme les geste. Les concepts sont les briques servant 2 construire la ‘pensée; leur utilite serait néanmoins limitée si on se conten- tait de les empiler mentalement, 1 faut également préciser les relations existant entre eux. On y parvient en employant des propositions, soit des énoncés signifiants formés de con- cepts et exprimant une relation entre ces éléments, que Yon emmagasine ensuite en mémoire, Une proposition peut exprimer a peu prés nfimporte quel type de (Hortense eve des bergers allemands) ow de croyance (Les bergers allemands sont trés beaux). Les propositions sont & leur tour susceptibles d'etre relies les unes aux autres pour former un réseau complexe de connaissances, de croyances, associations et d'attentes. Ces réseaux, que les psychologues appellent schémas cognitifs, jouent le role de modéles mentaux ser vant & se représenter divers aspects de V'univers. Par exemple, un schéma sexuel représente les croyances et les attentes d'une personne devant Tidée de ce quest un homme ou une femme. Chague individu élabore également des schémas relatifs & la culture, & divers métiers et professions, a des ani- aux, a des sites géographiques et & bien d?autres déments de son environnement social ou physique. connaissance Proposition Unité de sens faite de concepis texprimant une idée unitaie. Schéma cognitif Réseau intégeé de connaissances, de croyances et attentes se repportant un sujet donné ‘oa ban aspect particulier delunivers, Les psychologues cognitivistes croient que les images mentales, qui sont une des formes de représentations mentales, jouent également um role crucial dans la pensée, Bien que personne ne puisse «voir» directement les images dans Pesprit d’autrui, ces spécialistes sont capables de les étu- dict indirectement. Vuune des méthodes qu’ils emploient & cette fin est lz mesure du temps que met une personne & exécuter mentalement Ik rotation d'une figure géométrique ou d'un objet, & parcourir cette image des yeux et & y arelever certaing détails. Les résultats suggérent que les Penser et raisonner = 277 images mentales ressemblent beaucoup aux images apparais- sant 2 Yécran d'un téléviseur: on peut les manipuler, elles ‘occupent un «espace» mental de taille déterminge et elles contiennent d’autant plus de détails que leur dimension est grande (Kosslyn, 1980; Shepard et Metzles, 1971). Méme si Fimagerie mentale présente des avantages qui ne sont pas toujours évidents, maintes personnes y ont recours quo! dliennement pour entrevoir es conséquences possibles d'une décision, comprendre ou formuler une description verbale, renforcer leur motivation ow améliover leur humeur (Kosslyn, et al., 1990b). De nombreux athlétes comme les plongeurs, les skieurs et les sprinters Mutiisent puisqu‘elle peut effectivement améliorer la performance (Druckman et Suwets, 1988). Une étude récente réalisée & Paide de la scano- graphie montre que Pimagerie mentale active la plupart des réseaux neuronaux du cerveau mis en oeuvre dans Pactivité elle-méme (Stephan, et al, 1995) Il semblerait qu’Albert, Einstein faisait largement appel a Pimagerie mentale pour formuler ses idées, Ila raconté que Pinspiration la plus heu- reuse quil ait cue lui est venue en 1907, lorsquil a soudain imaginé un homme en train de tomber en chute libre du toit une maison et qu'il xest rendu compte tout coup que cet, homme ne sentirait pas de champ gravitationnel dans son voisinage immédiet. Cette brusque prise de conscience a plus tard amené Einstein a établir la théorie de la relativité, qui révolutionné la physique. JUSQU‘OU LA PENSEE EST-ELLE CONSCIENTE? La plupart des gens qui réfléchissent au concept de Ta pensée ont en téte les activités mentales — comme la réso- Iution de problémes ou Ta prise de décisions — auxquelles, ils se livrent de fagon délibérée, tout en étant conscients du but & atteindre, Cependant, tous les processus mentaux ne sont pas conscients, Les processus préconscients se produisent hors du champ de la conscience, mais celle-ci y a ace’s au besoin. Ils permettent de manipuler une plus grande quantité d'infor- ‘mations et d’exécuter des tiches plus complexes qu'on ne pourrait le faire en ayant uniquement recours a la pensée consciente, et ils nous donnent aussi la possibilté d'exécuter plus d'une tache 4 la fois (Kahneman et Treisman, 1984). Il suffit d’imaginer toutes les choses routinitres que l'on effectue machinalement, «sans y penser», bien qu'elles aient A un certain moment requis énormément attention: taper 278 — Chapitre 9 2 Vordinateus, conduire une voiture, déchiffrer une lettre quon a regue. Grice & cette faculté de traitement automa- tique de Vinformation rendue possible par un apprentissage approprig, on peut méme apprendre a effectuer simultané- ment des tiches aussi complexes que lire et écrire sous lz dictée (Hirst, et al., 1 Les processus inconseients, camme ceux décrits dans le chapitre 5 consacré a la perspective psychodynamique, demeurent hors du champ de la conscience, ce qui ne les empiche pas d'influer sur le comportement. D'autre part, bien quiune bonne partie de la pensée soit habituellement consciente, il nous arrive & tous, a ceriains moments, de ne pas réfléchir beaucoup, Dans ces moments-la, nous: pouvons agit, parler et prendre des décisions par habitude, sans nous artéter pour analyser ce que on fait &¢ pourquoi on te fait. Elen Langer (1989) a appelé cette inertie mentale esprit passf Elle fait observer que la passvité mentale empéche de reconnaltre les changements dans Penvi- ronnement qui devraient amener un changement de com portement, Par exemple, lors d'une expérience qu’Ellen Langer et deux collaboratears ont menée conjointement (Langer, et al, 1978), ils ont demandé & des personnes en train utiliser une photocopieuse de leur céder immédiate- meni la place en posant Pune des trois questions suivante «, le ra- sonnement exige que Yon mnement déductif produise des inférences 8 Raisonnement dans leqel partir d'observations, de une concusion déoule ngcessairement de prémisses données si les prémisses sont vrais, alors la conclusion est vrai. faits et d’hypothéses. Les raisonnements déductif et inductif comptent permi les formes les plus élémen- taires de raisonnement et ils mettent en cewvre l’établissement de conclusions & partir d'un ensemble d observations et de propositions appelées prémisses, Dans le raisonnement déductif, si les prémisses sont ‘yraies, alors la conclusion est nécessairement vraie. Ce type de raisonnement prend souvent la forme d'un splagisme, soit tun argument simple composé de deux prémisses et d'une conclusion: prémisse Tous les étres humains sont mortels. prémisse Je suis un étre humain. conclusion Done, je suis mortel. Chacun de nous fait des sylogismes lorsqu'l pense, mais cemploie la plapart du temps des prémisses implicites, non formulées mentalement de fagon claire: «Je ne travaille jamais le dimanche. C'est aujoutd’bui dimanche. Done, je ne travaille pas aujourd'hui.» Penser et raisonner 279 Dans le raisennement inductif, les _prémisses ménent a une conclusion donnée, mais celle-ci peut néanmoins étre fausse. Autrement dit, la conclu- sion ne découle pas nécessairensent des prémisses comme Ces le cas dans le raisonnement déductif, Par exernple, «Jacques a remis ses deux premiers travaux en retard, dane Jacques est ‘un retardataire invétéré» est une conclusion qui peut tout autant étre vraie que fausse. Raisonnement inductif Raisonnement dans lequel les prémisses étayent une condsion donnée, ele-ci pouvant neanmoins die fuse Habituellement, le raisonnement inductif consiste 2 tirer des conclusions générales & partir dobservations particu- ligres, de in méme manire qu’on généralise des expériences vvécues: «ai pris trois bons repas dans ce restaurant; on y sert certainement de Pexcellente nourriture.» Mais les phi- losophes et les logiciens modernes font observer que les pré- misses d'un raisonnement inductif peuvent également ttre de nature générale. Voici un exemple tiré d'un ouvrage écrit par deux logiciens (Copi et Burgess-Jackson, 1992): Toutes les vaches sont des mammiféres et ont des poumons, Toutes les baleines sont des mammiféres et ont des poumons. Tous tes humains sont des mammiféres et ont des poumors, Done, tous les mammiferes ont probablement es pournons. La science a largement recours au raisonnement inductif: Au couts d'une étude, les scientifiques font de nombreuses, observations minutieuses, pus is tirent des conclusions qui lear semblent probablement vraies. Mais, lorsqu’on fait appel su raisonnement induct, quelle que soit i quantité de don- nées étayant une conclusion, il est toujours possible que de nouvelles informations viennent infirmer cette conclusion. Par exemple, le gourmet dont nous avons parlé plus haut peut tre bien se rendre compte que les trois succulents repas qu'il a pris dans un restaurant ne sont pas du tout représentatifs de la cuisine de Pétablissement, tous les autres plats au menu tant trés mauvais, De fagon analogue, de nouvelles informa tions scientifiques peuvent montrer que des conclusions éta- bles antériearement sont erronées et qui faut done les réviser La logique, qu‘lle soit inductive ou déductive, est une arme indispensable de arsenal cognitif mais, employée seule, elle se révéle souvent inadéquate pour résoudre des pro- blémes psychologiques ou sociaux. En effet, diftérentes per- sonnes peuvent arriver & des conclusions différentes, méme 280 Chapitre @ en utilisant une logique implacable, si elles prennent comme point de départ des prémisses différentes. La logique dit sim- plement que sf certaines prémisses sont vrais, ou bien il en découle nécessairement une conclusion donnée pour ve qui est du raisonnement déductif, ou bien une conclusion donnée est probablement vraie dans le raisonnement inductif. a logique ne permet pas de dire si les prémisses sont en réalité vraies ow fausses. Les questions prétant & controverse sont souvent celles oi il est impossible de prowver ia vérité ou la fausseté des prémisses de maniére & convaincre tout le monde, Par exemple, votre prise de position sur Vavorte- ment dépend probablement de prémisses déterminant partir de quel moment un fetus oa un embryon doit étre considéré comme un étre humain, et aussi quels sont les droits d’un embryon et les droits de la mére. Dans chacun |opjer Sophie est mieux adaptée puisque les schémes ‘qui guident sa conduite peuvent soit assimiler les nouveaux objets rencontrés, soit Seccommoder | aux nouvelles propriétés de ces derniers. Dans cet exemple, il faut distinguer la conduite du schéme. La conduite (écraser la tomate ou la saisir déli- catement} est un comportement observable qui dépend du scheme, Le schéme de préhension, quant & lui, est inobservables Cest une structure cognitive qui guide la conduite, Cette structure posséde deux fonctions: milation et Paccommodation. Sur le plan des conduites, assimilation se traduit par l'écrasement de la tomate, tandis que 'accommodation du schéme permet de saisit dAlicatement lz tomate. Par ailleurs, il faut ausst dis- tinguer Je schéme de ses fonctions d’assimilation et | accommodation. On peut comparer le schéme au disque rigide d'un ordinateur (une structure qui permet dintégrer de nouvelles connaissances) et Passimilation ainsi que accommodation, aux fonctions qui permettent de modifier Pinformation sur le disque rigide (fonctions senregistrer sous» ou tanément deux cognitions psychologiquement incompa- Lubes ou lorsque ses croyances sont en contradiction avec son comportemet. Penser et raisonner 294 SCe ists diizew Nie tts arrétant de fumer, ou bien rejeter la cognition «le tabac des effets noci mettre de P'avant les bienfaits que le procure (ofumer une cigarette maide a me détendre cas, il cherche réduire la di sonance parce que son com- portement est en contradic- tion avec la connaissance qu'il a des dangers liés au tabac. » ou encore tabac lui Dans tous les La théorie de la dissonance cognitive apporte une explica tion a la facon dont on percoit cet traite les informa tredisant des croyances exis tantes, mais elle présente aussi des faibiesses. Il peut étre dif ficile de déterminer si deux cognitions sont «incompati- bles»: ce qui est dissonant pour l'un peut paraitre indif- férent ou méme agréablement paradoxal & dautres. De plus, certaines personnes réduisent la dissonance en admettant quelles ont commis une erreur plutot qu’en rationali- sant cette demiére. Néanmoins, de nombreuses études mon- trent que Hon est plus porté a rechercher la cohérence cognitive dans certaines conditions, et que cette motivation peut entrainer aussi bien la prise de décisions irrationnelles aque la prise de décisions rationnelies. Bia jons con- {atte photographie de 0.3. Simpson, prise apres son artestation pour meurtre, 2 provoque de (a dissonance cognitive chez des milions de sos admiratous, et les @ forcés & chercher un quilibre entre leurs sentiments controdictoires envers li Les erreurs cognitives ont des conséquences tres graves pour les décideurs ceuvrant dans tous les domaines, que ce soit les domaines juridique, financies, médical, gouverne- ‘mental ou économique. Heureusement, une fois qu'on a pris conscience de ce qu’est une erreur cognitive il est plus facile dela réduire ou de Péliminer. Par exemple, nousavoas vu que Jes maédecins peuvent étre victimes de sagesse rétrospective Jorsquils savent ce qui a causé la mort dune personne. Mais Hal Arkes et ses collaborateurs (1988) ont trouvé le moyen de diminuer cette tendance chez des neuropsychologues. Ils ont présenté & un groupe de ces spécialistes le cas d'un patient et leur ont demandé dénoncer une raison qui rendait plausible chacun des trois diagnostics suivants: une réaction de sevrage, la maladie d’Alzheimer et une lésion cérébrale. Le recours & ce procédé a contraint les neuropsychologues & 292 — Chapitre 9 examiner tous les faits et non seulement ceux qui confir- maient le «bon» diagnostic. La sagesse rétrospective s'est volatilisée, apparemment parce que les spécialistes se sont rendu compte que le diagnostic ne vimposait pas d'emblée au moment oit le patient était sous traitement. D'autre part, on ne fait pas preuve du mime degré dirrationalité dans toutes les situations. Les erreurs cognitives diminuent quand ‘on effectue des tiches relevant d'un domaine ol on a une certaine expérience ou quand on prend des décisions suscep- tibles dentrainer des conséquences graves. Par exemple, un comptable chargé de verifier ls livres de comptes Pune com- pagnie a moins tendance & confirmer ses croyances qu'un Gtudiant en train de faire unc expérience de psychologie; cela est peut-etre dii au fait que le comptable est susceptible d’étre poursuivi en justice s'il surestime la rentabilité ou la santé ‘éonomique d'une entreprise (Smith et Kida, 1991). ae 1, i coe Qu'avez-vous-appris? — anon Vous devez penser de facon rationnelle pour répondre aux questions suivantes! 4. Sébastien, qui prend soin de sa santé, met beau- | coup de beurre dans ses plats cuisinés, méme si | les diététistes recommandent d’en limiter Cutili- sation. Il se défend de cette habitude par le fait | quiil pratique des sports pour compenser et que, de toute facon, il préfére le goat du beurre, qui (aide en outre a digérer. Quel processus est & (oeuvre lorsque Sébastien se défend de sa préfé- rence pour fe beurre? go fait une pause a la cafétéria du collége et y rencontre une jeune femme. Ils se plaisent, commencent & se voir plus souvent et finalement | décident de se marier. Léo raconte que ce jour 18, en se dirigeant vers fa cafétéra, il savait, | que quelque chose de particulier allait survenir. | Quelle erreur cognitive semble affecter sa i pensée ? | | 3. Elizabeth croit que les réves sont prémonitoires, Cest-i-die qu’ls peuvent prédire Lavenir. Elle appule son propos de deux exemples personnels at de plusieurs autres exemples glanés dans des | reyues et des émissons télévisées, Les croyances Elizabeth ilustrent une erreur cognitive, | laquelle? Leste ccieeetessieliie mussel LA PERSPECTIVE COGNITIVE DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS etude des limites cognitives montre comment certains modes de pensée peuvent exercer une influence ponctuelle cir notre compréhension des phénoménes el sur notte com- ortement, Mais Paction de la pensée ne peut étre réduite & iques erreurs cognitives, somme toute limitées dans temps, Ce que les chercheurs appartenant & la perspective cognitive ont mis en lumitre, Cest Ie fait que la pensée exerce 2 tout moment tune profonde influence sur plusieurs aspects trts importants de notre vie de tous les jours. A ttre d’exem- ., nous allons étudier les processus par lesquels notre pensée agit sur les émotions et la motivation au travail. Linterprétation des émotions | supposons que vous vous sentier trés attirée depuis plu- sieurs semaines par un étudiant qui suit le méme cours anglais que vous, Le coeur battant la chamade et les mains rmoites, vous lui dites «Bonjour!» avec entrain mals, avant que vous ayez eu le temps @ajouter quoi que ce soit, i =loigne sans méme vous saluer, Quelle émotion éprouvez- ‘vous? Votre réponse dépendra dela manitre dont vous expl- quez le comportement de Pétudiant: colére: «il gest conduit comme un idiot en faisant semblant de ne pas me voir!» tristesse: «le my attendais; je ne suis pas assez bien, Jamais personne ne mfaimera.» déception: «Oh non! Ik ne m'2 pas vue, iy avait trop de monde!» soulagement: «Dieu merci! De toute facon, je n’étais pas certaine de vouloir me rapprocher de tui.» Ce que vous ressentirez dans cette situation dépendra autant de votre interprétation de Pévénement que de Pévene ment lui-méme. La reconnaissance de ce processus cognitif ext Pune des contributions msjeures dela perspective cogni- tive a Pétude des émotions. Les interprétations découlent sou- vent des attributions que l'on fait pour expliquer les comportements, Lattribution consiste a assigner le cause de son comportement ou du comportement d'une autre per~ sonne soit aux caractéristiques du contexte situationnel, soit aux dispositions dune personne. Dans Pexemple ci-dessus, Pinterprétation menant 3 la colére découle de Pattribution Les gens ne sont pas toujours daccord sur te sens & donner ‘au fait ete touché por une autre personne. Selon leur interprétation du geste, ils pewrenty voir die Vafection, du harcelement, de Lintsrét sexvel dt la dominance, dela sympathie, at. du trait de personnalité «goujaty & Pétudiant, alors que Pinterprétation menant a le déception provient de Pattribu- tion de la conduite de Pétudiant au contexte situationnel. Dans ces deux exemples, Vattribution préctde I'émotion ressentic, De nombreuses études ont mis en évidence le rble des pensées, des valeurs et des attentes dans lémergence de toute Emotion, depuis la joie et Peuphorie jusqu’au chagrin et la coldre, Des chercheurs travaillant dans le cadre de la pers- ppective cognitive ont découvert que les émotions ne sont pas entidrement déterminges par des facteurs physiologiques: alles ont aussi une composante cognitive. Durant les années, 1960, Stanley Schachter et Jerome Singer (1962) ont montré quillexiste deux determinants des émotions: activation phy- siologique et Pinterprétation cognitive. Ainsi, méme en étant ‘extrémement activé, Findividy ne ressentira aucune «émo- tony sil est incapable @attribuer ce changement & une cause connue et plausible compte tenu de la situation dans laquelle il se trouve, Dans Vexpérience de Schachter et Singer, considérée depuis comme une référence, les sujets qui ne pouvaient expliquer un accroissement soudain de leur activation physiologique, provoquée par une injection d’adréna- line (une hormone qui 2 pour effet d’accrottre l'acti- vitg du systime nerveux i autonome sympathiqueh Attribution “Tendance e’un individu cexpliquer son comportement ct celui des autzes en associant Je comportement a des causes Higes aux caractéristiques de Ja situation ov aux dispositions des individus. Penser et raisonner 293 ont eu tendance & se déclarer soit euphoriques, soit coléri- ques selon quis étaient en présence d'une personne se com portant de fagon joyeuse ou colérique. Pour ces deux chercheurs, les sujets avaient interprété leur activation phy: siologique en fonction des indices situationnels: lorsquils étaient en présence d'un collegue euphorique, ils se sentaient plus joyewx parce quils atribuaient faussement leur activa tion a la présence de ce collégue euphorique. De la méme facon, lorsquils étaient en présence d'um collégue colérique ils se sentaient plus irités, Pour Schachter et Singer, inter- prétation que Yon donne de nos émotions varie selon le con- texte environnemental. Contrairement aux recherches piontnitres de Schachter et Singer, qui ne portaient que sur Pactivation physiologique de source hormonale, des recherches réventes montrent que les motions ne se limitent pas 2 ce type activation et que chaque émotion fondamentale est associée @ une configura- tion particulitre d’activité tant au niveau cérébral qu’au niveau du systéme nerveuxautonome (Davidson, etal, 1990; Levenson, 1992). De plus, certaines ¢motions simples se pro- uuisent sans passer par les processus cognitifs conscients, est pourquoi une personne peut avoir peur sans raison «raison- nable> ou faire preuve de sentiments positif envers des objets families sans savoir pourquoi (Izard, 1994a; Murphy et Zajonc, 1993). Néanmoins, les changements physiques provoqués parle systéme nervetne autonome ne peuvent seuls rendre compte de la plupart des émotions ni expliquer pour- ‘quoi, lors d'un méme examen, un étudiant se sent stimulé par le difficulté alors qu'un autre est écrasé par Pani. Les idées émises par Schachter et Singer sont & Porigine de nom- breses études visant identifier les types de cognitions entrant en jeu dans Fexpérience de Pémotion (Sinclair, et al, 1994). Par exemple la majorité des gens supposent que la réus- site C'un projet rend heureux, et que Péchec rend malheu- reax. En réalité, 'émotion éprouvée dépend de l'explication quis donnent de leur réussite ou de leur échec, Au cours Gane série Wexpériences, des étudiants ont fait un compte rendu de leurs réussites et de leurs échecs lors dexamens, attribuables 4 une cause donnée, comme Faide regue ou le manque d’effort, et ils ont décrit les motions éproavées dans chaque cas, Il en est ressorti que les émotions étaient liées plus étroitement aux explications données qu’au résultat obtenu Pexamen (Weiner, 1986), Les étudiants croyant avoir bien réussi grice & leuts propres efforts et aptitudes se sentaient généralement fiers, compétents et satsfits tandis ‘que ceux qui croyaient avoir bien réussi par une chance extreordinaire ou par hasard éprouvaient plut6t de la recon- naissance, de la surprise ou de la culpabilité («Je ne le mérite pase). Les érudiants croyant avoir échoué par leur propre 294 — Chapitre 9 faute ressentaient en général du regret ou de la culpabilite, alors que ceux qui attribuaient leur échec au autres éprou- vaient plutst de le colére ou de Phostilté. Les cognitions entrant en jew dans P’émotion peuvent se limiter & ls perception directe d'un événement spécifique ou peuvent mettre 2 contribution des aspects beaucoup plus .généraux comme une philosophie de vie. Une personne con- vaincue que tout ce qui compte, cest de gagner, et que faire de son mieux n’a aucune valeur, se sentira vraisemblablement dépriméc si elle arrive «seulement» au second rang, Si om pense que la critique exprimée par un ami est mal inten- tionnée, et non bienvellante, on y réagit généralement par de la colére et non de la reconnaissance. Les personnes pour ui vivre Cest éprouver des émotions intenses ont de bonnes chances @avoir une vie ressemblant a um tour de montagnes russesi par contre, les adeptes de la philosophie zen, selon laquelle la maitrise des émotions représente un idéal, con- naftront plus vraisemblablement le calme sur le plan émo. tionnel. Voila pourquoi presque toutes les théories de Pémotion s'entendent pour dire que les interprétations cognitives — les significations que les gens associent aux évé ements —jouent un réle essentiel dans la création de Pémo- tion (Frijda, 19883 Lazarus, 1991; Oatley, 19935 Ortony, er Gl, 1988), Auttement dit, les émotions sont inséparables de la vie mentale, La cognition et la motivation au travail ‘Occident, V'argent est souvent considéré comme Je ‘grand facteur motivant; cependant, Ia recherche montre que Ja motivation au travail nest pas associée 3 ampieur de te ‘émunération mais plutdt la fagon dont on Vobtient (Locke, et al 1981). Lélément le plus motivant est la rémunération incitative, Cest-a-dire les primes qui sont accordées @ ia suite de Patteinte d'un but et qui ne font pas partie d'un salaire fixe (Smither, 1994). Si on y pense bien, il est normal qu'il cen soit ainsi puisque la rémunération incitative accroit le sen- timent efficaité personnelle du travaileur (voirle chapitre 7) et lui donne la conviction quiil est responsable de cette réus- site («J'ai obtenu la prime parce que je le mériteis»). Cela ne signifie pas pour autant que les gens devraient accepter de plus fables salaires afin de mieux apprécier leur travail, ni quils ne devraient jamais demander d'augmentation de salaire pour couvrir Paugmentation du coat de la vie! Dans une étude longitudinale bien connue, qui a suivi un échantillon aléatoire de travailleurs américains sur une période de dix ans, Kohn et Schooler (1983) ont observé que

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