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EN SePe@ bse eave: = am.
PSYCHOLOGIE
LES GRANDES PERSPECTIVES
O ene TAVRIS ¢ cle Bue o
Traduc ee as éditio
pon ae par A Cages sec as aa ce a
: CY ealyel etalVoici un exerciceintellectuel.
Choque piéce du casse-téte posséde deux cétés
(ui sont des miiois et deux obtés qui sont ouverts.
Trower ies murs qui sont des miroir. Pus placez une
‘favilletransperente sur le casse-téte et. & partir du
tileu, tracer un trait & trovers les hut piéces, en
‘ne passant qu'ane seule fois d travers chague pice.
(ta solution se trouve a la page 307.)
“ous vous invitons & faire Pexpérience suivante,
Détourner. les yeux du texte et ne pense a rien pen-
dant trente secondes. Ne pensez pas 2 ce que vous avez a faire
ceite semaine ni 2 ce que vous avez. mangé au petit déjeuner
‘ni a vos probleémes personnels ni au temps quill fait, Ne
‘pensez pas que vous vous appritier a lire ce chapitre. Ne
‘pensez. pas & la politique nia Pexpérience que vous étes en
‘rain de faire, ni a la psychologie, Ne pensez ménme pas que
vous essayez de ne pas penser. Vous étes prét? Alors, allez-y.
Vous nly étes pas arrivé, n'est-ce pas? Presque tout le
monde échoue & ce test. Btre humain signifie avoir des pen-
sées duu matin au soir et continuer & penser méme durant
son sommeil, Le célebre mot de Descartes, «Je pense, donc
je suis.», demeure vrai si on Tinverse: «Je suis, donc je
pense.» Chaque jour, sans exception, nows faisons des projets,
nous résolvons des problémes, nous tirons des conclusions,
nous analysons des relations, nous élaborons des explications
276 — Chapitre 9
et nous organisons et réorganisons les
composantes de notre univers mental.
Nous ne pouvons simplement pas
faire autrement.
Refléchissez ce que la pensée
vous apporte. Elie vous libére
des limites du présent immé-
diat: vous pouvez vous rap-
peler un voyage que vous
aver fait il y a trois ans, ow
penser & la féte prévue
pour samedi prochain
‘ou a la campagne
de Russie de 1812.
La pensée vous
transporte
au-deli desfrontiéres de la réalité: vous pouvez imaginer une licorne,
un monde idéal, un martien ow des petits bonhommes
bleus. fant donné que nous sommes capables de penser,
‘nous navons pas a chercher & tétons Ia solution & nos pro-
blemes; nous pouvons, en faisant les efforts nécessaires et en
acquérant les connaissances requises, les résoudre de fagon
intelligente et eréative,
Pour expliquer les capacités du cerveau humain, de nom-
Dreux psychologues cognitivistes les comparent aux diffé-
rentes fonctions d'un ordinateur, mais en plus complexes. Ces
epproches dites du traitement de Pinformation ont été trés
utiles car eles rendent compte du fait que le cerveau rvenre-
gistre pay passivement information, mais la modifie et
organise de facon active. Pour les tenants de la perspective
cognitive, la pensée est possible parce que ‘information qui
nous vient de environnement est simplifige et résumée sous
forme de représentations internes. Ainsi lorsque nous agis-
sons, nous manipulons Tenvironnement et lorsque nous
pensons, nous manipulons mentalement des représentations
internes d/objets, activités et de situations. Cependant, novs
‘ne traitons pas toute l'information dont nous disposons; si
Cétait le cas, prendre la moindre décision ou résoudre le
probléme le plus trivial demanderait énormément de temps
et serait peut-étre méme hors de notre portée. Songez & ce
que représenterait le fait de décider aller manger une
pizza au restaurant si cela signifiait penser & toutes les
pizzas que vous avez ingurgitées jusqu’a présent ou que vous
avex vu @autres personnes consommer, et & toutes les publi-
cités vantant ce produit.
Le concept constitue une forme de représentation men-
tale, ou unité de pensée, Un concept est essentiellement une
catégorie mentale regroupant des objets, des relations, des
activités, des abstractions ou des attributs ayant des pro-
prigtés communes. Tous les exemples d'un méme concept
présentent une certaine ressemblance. Ainsi, golden retriever,
saint-bernard et berger allensand sont des exemples du con-
cept chiew parce qu’ils ont en commun certaines caractéris-
tiques comme ¢’étre un
animal & quatre pattes,avec Concept
tune queue et qui aboie. De Catégorie mentale regroupant
méme, colére, joie et tris. des objets, des relations, des
de laser activités, des abstractions ou des
tesse sont des illustrations Srnibuts ayant des propicés
du concept émotion, Etant communes.
donné que les concepts
constituent une simplification de environnement, i rest pas
nécessaire d'apprendre chacun des mots servant a désigner
les objets, les relations, les activités, les propriétés abstraites
ou les qualités que nous découvrons, ni de traiter chaque
exemple d'un concept comme sil ait unique. Vous waver
peut-étre jamais vu de zerrier du Congo ni jamais mangé de
sushi, mais si vous savez que le premier est un exemple de
chien et le second, un exemple d’aliment, vous comprendrez
de quoi il Sagit. La formation des concepts résulte du con-
tact ditect avec des objets et des situations, ou encore du con-
tact avec des symboles, c'est-Acdire des éléments qui en
représentent d'autres ow en tiennent lieu. Par exemple, le mot
café» que nous utilisons dans une conversation portant sur
notre demicr repas tient lieu et place du café réel que nous
avons bu. Les représentations symboliques comprennent les
mots mais aussi les formules mathématiques, les cartes, les
‘graphiques, les illustrations et méme les geste.
Les concepts sont les briques servant 2 construire la
‘pensée; leur utilite serait néanmoins limitée si on se conten-
tait de les empiler mentalement, 1 faut également préciser
les relations existant entre eux. On y parvient en employant
des propositions, soit des énoncés signifiants formés de con-
cepts et exprimant une relation entre ces éléments, que Yon
emmagasine ensuite en mémoire, Une proposition peut
exprimer a peu prés nfimporte quel type de
(Hortense eve des bergers allemands) ow de croyance (Les
bergers allemands sont trés beaux). Les propositions sont &
leur tour susceptibles d'etre relies les unes aux autres
pour former un réseau complexe de connaissances, de
croyances, associations et d'attentes. Ces réseaux, que les
psychologues appellent schémas cognitifs, jouent le role
de modéles mentaux ser
vant & se représenter divers
aspects de V'univers. Par
exemple, un schéma sexuel
représente les croyances et
les attentes d'une personne
devant Tidée de ce quest
un homme ou une femme.
Chague individu élabore
également des schémas
relatifs & la culture, & divers métiers et professions, a des ani-
aux, a des sites géographiques et & bien d?autres déments
de son environnement social ou physique.
connaissance
Proposition
Unité de sens faite de concepis
texprimant une idée unitaie.
Schéma cognitif
Réseau intégeé de connaissances,
de croyances et attentes se
repportant un sujet donné
‘oa ban aspect particulier
delunivers,
Les psychologues cognitivistes croient que les images
mentales, qui sont une des formes de représentations
mentales, jouent également um role crucial dans la pensée,
Bien que personne ne puisse «voir» directement les images
dans Pesprit d’autrui, ces spécialistes sont capables de les étu-
dict indirectement. Vuune des méthodes qu’ils emploient &
cette fin est lz mesure du temps que met une personne &
exécuter mentalement Ik rotation d'une figure géométrique
ou d'un objet, & parcourir cette image des yeux et & y
arelever certaing détails. Les résultats suggérent que les
Penser et raisonner = 277images mentales ressemblent beaucoup aux images apparais-
sant 2 Yécran d'un téléviseur: on peut les manipuler, elles
‘occupent un «espace» mental de taille déterminge et elles
contiennent d’autant plus de détails que leur dimension est
grande (Kosslyn, 1980; Shepard et Metzles, 1971). Méme si
Fimagerie mentale présente des avantages qui ne sont pas
toujours évidents, maintes personnes y ont recours quo!
dliennement pour entrevoir es conséquences possibles d'une
décision, comprendre ou formuler une description verbale,
renforcer leur motivation ow améliover leur humeur
(Kosslyn, et al., 1990b). De nombreux athlétes comme les
plongeurs, les skieurs et les sprinters Mutiisent puisqu‘elle
peut effectivement améliorer la performance (Druckman et
Suwets, 1988). Une étude récente réalisée & Paide de la scano-
graphie montre que Pimagerie mentale active la plupart des
réseaux neuronaux du cerveau mis en oeuvre dans Pactivité
elle-méme (Stephan, et al, 1995) Il semblerait qu’Albert,
Einstein faisait largement appel a Pimagerie mentale pour
formuler ses idées, Ila raconté que Pinspiration la plus heu-
reuse quil ait cue lui est venue en 1907, lorsquil a soudain
imaginé un homme en train de tomber en chute libre du toit
une maison et qu'il xest rendu compte tout coup que cet,
homme ne sentirait pas de champ gravitationnel dans son
voisinage immédiet. Cette brusque prise de conscience a plus
tard amené Einstein a établir la théorie de la relativité, qui
révolutionné la physique.
JUSQU‘OU LA PENSEE
EST-ELLE CONSCIENTE?
La plupart des gens qui réfléchissent au concept de Ta
pensée ont en téte les activités mentales — comme la réso-
Iution de problémes ou Ta prise de décisions — auxquelles,
ils se livrent de fagon délibérée, tout en étant conscients du
but & atteindre, Cependant, tous les processus mentaux ne
sont pas conscients,
Les processus préconscients se produisent hors du
champ de la conscience, mais celle-ci y a ace’s au besoin. Ils
permettent de manipuler une plus grande quantité d'infor-
‘mations et d’exécuter des tiches plus complexes qu'on ne
pourrait le faire en ayant uniquement recours a la pensée
consciente, et ils nous donnent aussi la possibilté d'exécuter
plus d'une tache 4 la fois (Kahneman et Treisman, 1984). Il
suffit d’imaginer toutes les choses routinitres que l'on
effectue machinalement, «sans y penser», bien qu'elles aient
A un certain moment requis énormément attention: taper
278 — Chapitre 9
2 Vordinateus, conduire une voiture, déchiffrer une lettre
quon a regue. Grice & cette faculté de traitement automa-
tique de Vinformation rendue possible par un apprentissage
approprig, on peut méme apprendre a effectuer simultané-
ment des tiches aussi complexes que lire et écrire sous lz
dictée (Hirst, et al., 1
Les processus inconseients, camme ceux décrits dans le
chapitre 5 consacré a la perspective psychodynamique,
demeurent hors du champ de la conscience, ce qui ne les
empiche pas d'influer sur le comportement. D'autre part,
bien quiune bonne partie de la pensée soit habituellement
consciente, il nous arrive & tous, a ceriains moments, de
ne pas réfléchir beaucoup,
Dans ces moments-la, nous:
pouvons agit, parler et
prendre des décisions par
habitude, sans nous artéter
pour analyser ce que on
fait &¢ pourquoi on te fait. Elen Langer (1989) a appelé cette
inertie mentale esprit passf Elle fait observer que la passvité
mentale empéche de reconnaltre les changements dans Penvi-
ronnement qui devraient amener un changement de com
portement, Par exemple, lors d'une expérience qu’Ellen
Langer et deux collaboratears ont menée conjointement
(Langer, et al, 1978), ils ont demandé & des personnes en
train utiliser une photocopieuse de leur céder immédiate-
meni la place en posant Pune des trois questions suivante
«, le ra-
sonnement exige que Yon mnement déductif
produise des inférences 8 Raisonnement dans leqel
partir d'observations, de une concusion déoule
ngcessairement de prémisses
données si les prémisses
sont vrais, alors la conclusion
est vrai.
faits et d’hypothéses. Les
raisonnements déductif et
inductif comptent permi
les formes les plus élémen-
taires de raisonnement et ils mettent en cewvre l’établissement
de conclusions & partir d'un ensemble d observations et de
propositions appelées prémisses,
Dans le raisonnement déductif, si les prémisses sont
‘yraies, alors la conclusion est nécessairement vraie. Ce type
de raisonnement prend souvent la forme d'un splagisme, soit
tun argument simple composé de deux prémisses et d'une
conclusion:
prémisse Tous les étres humains sont mortels.
prémisse Je suis un étre humain.
conclusion Done, je suis mortel.
Chacun de nous fait des sylogismes lorsqu'l pense, mais
cemploie la plapart du temps des prémisses implicites, non
formulées mentalement de fagon claire: «Je ne travaille
jamais le dimanche. C'est aujoutd’bui dimanche. Done, je ne
travaille pas aujourd'hui.»
Penser et raisonner 279Dans le raisennement
inductif, les _prémisses
ménent a une conclusion
donnée, mais celle-ci peut
néanmoins étre fausse.
Autrement dit, la conclu-
sion ne découle pas nécessairensent des prémisses comme Ces
le cas dans le raisonnement déductif, Par exernple, «Jacques
a remis ses deux premiers travaux en retard, dane Jacques est
‘un retardataire invétéré» est une conclusion qui peut tout
autant étre vraie que fausse.
Raisonnement inductif
Raisonnement dans lequel
les prémisses étayent une
condsion donnée, ele-ci
pouvant neanmoins die fuse
Habituellement, le raisonnement inductif consiste 2 tirer
des conclusions générales & partir dobservations particu-
ligres, de in méme manire qu’on généralise des expériences
vvécues: «ai pris trois bons repas dans ce restaurant; on y
sert certainement de Pexcellente nourriture.» Mais les phi-
losophes et les logiciens modernes font observer que les pré-
misses d'un raisonnement inductif peuvent également ttre
de nature générale. Voici un exemple tiré d'un ouvrage écrit
par deux logiciens (Copi et Burgess-Jackson, 1992):
Toutes les vaches sont des mammiféres
et ont des poumons,
Toutes les baleines sont des mammiféres
et ont des poumons.
Tous tes humains sont des mammiféres
et ont des poumors,
Done, tous les mammiferes ont probablement
es pournons.
La science a largement recours au raisonnement inductif:
Au couts d'une étude, les scientifiques font de nombreuses,
observations minutieuses, pus is tirent des conclusions qui
lear semblent probablement vraies. Mais, lorsqu’on fait appel
su raisonnement induct, quelle que soit i quantité de don-
nées étayant une conclusion, il est toujours possible que de
nouvelles informations viennent infirmer cette conclusion.
Par exemple, le gourmet dont nous avons parlé plus haut peut
tre bien se rendre compte que les trois succulents repas qu'il
a pris dans un restaurant ne sont pas du tout représentatifs
de la cuisine de Pétablissement, tous les autres plats au menu
tant trés mauvais, De fagon analogue, de nouvelles informa
tions scientifiques peuvent montrer que des conclusions éta-
bles antériearement sont erronées et qui faut done les réviser
La logique, qu‘lle soit inductive ou déductive, est une
arme indispensable de arsenal cognitif mais, employée seule,
elle se révéle souvent inadéquate pour résoudre des pro-
blémes psychologiques ou sociaux. En effet, diftérentes per-
sonnes peuvent arriver & des conclusions différentes, méme
280 Chapitre @
en utilisant une logique implacable, si elles prennent comme
point de départ des prémisses différentes. La logique dit sim-
plement que sf certaines prémisses sont vrais, ou bien il en
découle nécessairement une conclusion donnée pour ve qui
est du raisonnement déductif, ou bien une conclusion
donnée est probablement vraie dans le raisonnement inductif.
a logique ne permet pas de dire si les prémisses sont en réalité
vraies ow fausses. Les questions prétant & controverse sont
souvent celles oi il est impossible de prowver ia vérité ou la
fausseté des prémisses de maniére & convaincre tout le
monde, Par exemple, votre prise de position sur Vavorte-
ment dépend probablement de prémisses déterminant
partir de quel moment un fetus oa un embryon doit étre
considéré comme un étre humain, et aussi quels sont les
droits d’un embryon et les droits de la mére. Dans chacun
|opjer
Sophie est mieux adaptée puisque les schémes
‘qui guident sa conduite peuvent soit assimiler
les nouveaux objets rencontrés, soit Seccommoder |
aux nouvelles propriétés de ces derniers.
Dans cet exemple, il faut distinguer la conduite du
schéme. La conduite (écraser la tomate ou la saisir déli-
catement} est un comportement observable qui dépend
du scheme, Le schéme de préhension, quant & lui, est
inobservables Cest une structure cognitive qui guide la
conduite, Cette structure posséde deux fonctions:
milation et Paccommodation. Sur le plan des conduites,
assimilation se traduit par l'écrasement de la tomate,
tandis que 'accommodation du schéme permet de saisit
dAlicatement lz tomate. Par ailleurs, il faut ausst dis-
tinguer Je schéme de ses fonctions d’assimilation et |
accommodation. On peut comparer le schéme au
disque rigide d'un ordinateur (une structure qui permet
dintégrer de nouvelles connaissances) et Passimilation
ainsi que accommodation, aux fonctions qui permettent
de modifier Pinformation sur le disque rigide (fonctions
senregistrer sous» ou
tanément deux cognitions
psychologiquement incompa-
Lubes ou lorsque ses croyances
sont en contradiction avec son
comportemet.
Penser et raisonner 294SCe ists diizew Nie tts
arrétant de fumer, ou bien
rejeter la cognition «le tabac
des effets noci
mettre de P'avant les bienfaits
que le procure
(ofumer une cigarette maide a
me détendre
cas, il cherche réduire la di
sonance parce que son com-
portement est en contradic-
tion avec la connaissance qu'il
a des dangers liés au tabac.
» ou encore
tabac lui
Dans tous les
La théorie de la dissonance
cognitive apporte une explica
tion a la facon dont on percoit
cet traite les informa
tredisant des croyances exis
tantes, mais elle présente aussi
des faibiesses. Il peut étre dif
ficile de déterminer si deux
cognitions sont «incompati-
bles»: ce qui est dissonant
pour l'un peut paraitre indif-
férent ou méme agréablement
paradoxal & dautres. De plus,
certaines personnes réduisent
la dissonance en admettant
quelles ont commis une
erreur plutot qu’en rationali-
sant cette demiére. Néanmoins, de nombreuses études mon-
trent que Hon est plus porté a rechercher la cohérence
cognitive dans certaines conditions, et que cette motivation
peut entrainer aussi bien la prise de décisions irrationnelles
aque la prise de décisions rationnelies.
Bia
jons con-
{atte photographie de
0.3. Simpson, prise apres
son artestation pour meurtre,
2 provoque de (a dissonance
cognitive chez des milions
de sos admiratous, et les
@ forcés & chercher un
quilibre entre leurs
sentiments controdictoires
envers li
Les erreurs cognitives ont des conséquences tres graves
pour les décideurs ceuvrant dans tous les domaines, que ce
soit les domaines juridique, financies, médical, gouverne-
‘mental ou économique. Heureusement, une fois qu'on a pris
conscience de ce qu’est une erreur cognitive il est plus facile
dela réduire ou de Péliminer. Par exemple, nousavoas vu que
Jes maédecins peuvent étre victimes de sagesse rétrospective
Jorsquils savent ce qui a causé la mort dune personne. Mais
Hal Arkes et ses collaborateurs (1988) ont trouvé le moyen
de diminuer cette tendance chez des neuropsychologues.
Ils ont présenté & un groupe de ces spécialistes le cas d'un
patient et leur ont demandé dénoncer une raison qui rendait
plausible chacun des trois diagnostics suivants: une réaction
de sevrage, la maladie d’Alzheimer et une lésion cérébrale.
Le recours & ce procédé a contraint les neuropsychologues &
292 — Chapitre 9
examiner tous les faits et non seulement ceux qui confir-
maient le «bon» diagnostic. La sagesse rétrospective s'est
volatilisée, apparemment parce que les spécialistes se sont
rendu compte que le diagnostic ne vimposait pas d'emblée
au moment oit le patient était sous traitement. D'autre part,
on ne fait pas preuve du mime degré dirrationalité dans
toutes les situations. Les erreurs cognitives diminuent quand
‘on effectue des tiches relevant d'un domaine ol on a une
certaine expérience ou quand on prend des décisions suscep-
tibles dentrainer des conséquences graves. Par exemple, un
comptable chargé de verifier ls livres de comptes Pune com-
pagnie a moins tendance & confirmer ses croyances qu'un
Gtudiant en train de faire unc expérience de psychologie; cela
est peut-etre dii au fait que le comptable est susceptible d’étre
poursuivi en justice s'il surestime la rentabilité ou la santé
‘éonomique d'une entreprise (Smith et Kida, 1991).
ae 1, i
coe Qu'avez-vous-appris?
— anon
Vous devez penser de facon rationnelle pour répondre
aux questions suivantes!
4. Sébastien, qui prend soin de sa santé, met beau-
| coup de beurre dans ses plats cuisinés, méme si
| les diététistes recommandent d’en limiter Cutili-
sation. Il se défend de cette habitude par le fait
| quiil pratique des sports pour compenser et que,
de toute facon, il préfére le goat du beurre, qui
(aide en outre a digérer. Quel processus est &
(oeuvre lorsque Sébastien se défend de sa préfé-
rence pour fe beurre?
go fait une pause a la cafétéria du collége
et y rencontre une jeune femme. Ils se plaisent,
commencent & se voir plus souvent et finalement
| décident de se marier. Léo raconte que ce jour
18, en se dirigeant vers fa cafétéra, il savait,
| que quelque chose de particulier allait survenir.
| Quelle erreur cognitive semble affecter sa
i pensée ?
|
|
3. Elizabeth croit que les réves sont prémonitoires,
Cest-i-die qu’ls peuvent prédire Lavenir. Elle
appule son propos de deux exemples personnels
at de plusieurs autres exemples glanés dans des
| reyues et des émissons télévisées, Les croyances
Elizabeth ilustrent une erreur cognitive,
| laquelle?
Leste ccieeetessieliie musselLA PERSPECTIVE COGNITIVE
DANS LA VIE
DE TOUS LES JOURS
etude des limites cognitives montre comment certains
modes de pensée peuvent exercer une influence ponctuelle
cir notre compréhension des phénoménes el sur notte com-
ortement, Mais Paction de la pensée ne peut étre réduite &
iques erreurs cognitives, somme toute limitées dans
temps, Ce que les chercheurs appartenant & la perspective
cognitive ont mis en lumitre, Cest Ie fait que la pensée exerce
2 tout moment tune profonde influence sur plusieurs aspects
trts importants de notre vie de tous les jours. A ttre d’exem-
., nous allons étudier les processus par lesquels notre
pensée agit sur les émotions et la motivation au travail.
Linterprétation des émotions
| supposons que vous vous sentier trés attirée depuis plu-
sieurs semaines par un étudiant qui suit le méme cours
anglais que vous, Le coeur battant la chamade et les mains
rmoites, vous lui dites «Bonjour!» avec entrain mals, avant
que vous ayez eu le temps @ajouter quoi que ce soit, i
=loigne sans méme vous saluer, Quelle émotion éprouvez-
‘vous? Votre réponse dépendra dela manitre dont vous expl-
quez le comportement de Pétudiant:
colére: «il gest conduit comme un idiot en
faisant semblant de ne pas me voir!»
tristesse: «le my attendais; je ne suis pas assez
bien, Jamais personne ne mfaimera.»
déception: «Oh non! Ik ne m'2 pas vue, iy avait
trop de monde!»
soulagement: «Dieu merci! De toute facon,
je n’étais pas certaine de vouloir me rapprocher
de tui.»
Ce que vous ressentirez dans cette situation dépendra
autant de votre interprétation de Pévénement que de Pévene
ment lui-méme. La reconnaissance de ce processus cognitif
ext Pune des contributions msjeures dela perspective cogni-
tive a Pétude des émotions. Les interprétations découlent sou-
vent des attributions que l'on fait pour expliquer les
comportements, Lattribution consiste a assigner le cause de
son comportement ou du comportement d'une autre per~
sonne soit aux caractéristiques du contexte situationnel, soit
aux dispositions dune personne. Dans Pexemple ci-dessus,
Pinterprétation menant 3 la colére découle de Pattribution
Les gens ne sont pas toujours daccord sur te sens & donner
‘au fait ete touché por une autre personne.
Selon leur interprétation du geste, ils pewrenty voir
die Vafection, du harcelement, de Lintsrét sexvel
dt la dominance, dela sympathie, at.
du trait de personnalité «goujaty & Pétudiant, alors que
Pinterprétation menant a le déception provient de Pattribu-
tion de la conduite de Pétudiant au contexte situationnel.
Dans ces deux exemples, Vattribution préctde I'émotion
ressentic,
De nombreuses études ont mis en évidence le rble des
pensées, des valeurs et des attentes dans lémergence de toute
Emotion, depuis la joie et Peuphorie jusqu’au chagrin et la
coldre, Des chercheurs travaillant dans le cadre de la pers-
ppective cognitive ont découvert que les émotions ne sont pas
entidrement déterminges par des facteurs physiologiques:
alles ont aussi une composante cognitive. Durant les années,
1960, Stanley Schachter et Jerome Singer (1962) ont montré
quillexiste deux determinants des émotions: activation phy-
siologique et Pinterprétation cognitive. Ainsi, méme en étant
‘extrémement activé, Findividy ne ressentira aucune «émo-
tony sil est incapable @attribuer ce changement & une cause
connue et plausible compte tenu de la situation dans laquelle
il se trouve,
Dans Vexpérience de Schachter et Singer, considérée
depuis comme une référence, les sujets qui ne pouvaient
expliquer un accroissement
soudain de leur activation
physiologique, provoquée
par une injection d’adréna-
line (une hormone qui 2
pour effet d’accrottre l'acti-
vitg du systime nerveux
i autonome sympathiqueh
Attribution
“Tendance e’un individu
cexpliquer son comportement
ct celui des autzes en associant
Je comportement a des causes
Higes aux caractéristiques de
Ja situation ov aux dispositions
des individus.
Penser et raisonner 293ont eu tendance & se déclarer soit euphoriques, soit coléri-
ques selon quis étaient en présence d'une personne se com
portant de fagon joyeuse ou colérique. Pour ces deux
chercheurs, les sujets avaient interprété leur activation phy:
siologique en fonction des indices situationnels: lorsquils
étaient en présence d'un collegue euphorique, ils se sentaient
plus joyewx parce quils atribuaient faussement leur activa
tion a la présence de ce collégue euphorique. De la méme
facon, lorsquils étaient en présence d'um collégue colérique
ils se sentaient plus irités, Pour Schachter et Singer, inter-
prétation que Yon donne de nos émotions varie selon le con-
texte environnemental.
Contrairement aux recherches piontnitres de Schachter et
Singer, qui ne portaient que sur Pactivation physiologique de
source hormonale, des recherches réventes montrent que les
motions ne se limitent pas 2 ce type activation et que
chaque émotion fondamentale est associée @ une configura-
tion particulitre d’activité tant au niveau cérébral qu’au
niveau du systéme nerveuxautonome (Davidson, etal, 1990;
Levenson, 1992). De plus, certaines ¢motions simples se pro-
uuisent sans passer par les processus cognitifs conscients, est
pourquoi une personne peut avoir peur sans raison «raison-
nable> ou faire preuve de sentiments positif envers des
objets families sans savoir pourquoi (Izard, 1994a; Murphy
et Zajonc, 1993). Néanmoins, les changements physiques
provoqués parle systéme nervetne autonome ne peuvent seuls
rendre compte de la plupart des émotions ni expliquer pour-
‘quoi, lors d'un méme examen, un étudiant se sent stimulé
par le difficulté alors qu'un autre est écrasé par Pani. Les
idées émises par Schachter et Singer sont & Porigine de nom-
breses études visant identifier les types de cognitions entrant
en jeu dans Fexpérience de Pémotion (Sinclair, et al, 1994).
Par exemple la majorité des gens supposent que la réus-
site C'un projet rend heureux, et que Péchec rend malheu-
reax. En réalité, 'émotion éprouvée dépend de l'explication
quis donnent de leur réussite ou de leur échec, Au cours
Gane série Wexpériences, des étudiants ont fait un compte
rendu de leurs réussites et de leurs échecs lors dexamens,
attribuables 4 une cause donnée, comme Faide regue ou le
manque d’effort, et ils ont décrit les motions éproavées dans
chaque cas, Il en est ressorti que les émotions étaient liées
plus étroitement aux explications données qu’au résultat
obtenu Pexamen (Weiner, 1986), Les étudiants croyant
avoir bien réussi grice & leuts propres efforts et aptitudes se
sentaient généralement fiers, compétents et satsfits tandis
‘que ceux qui croyaient avoir bien réussi par une chance
extreordinaire ou par hasard éprouvaient plut6t de la recon-
naissance, de la surprise ou de la culpabilité («Je ne le mérite
pase). Les érudiants croyant avoir échoué par leur propre
294 — Chapitre 9
faute ressentaient en général du regret ou de la culpabilite,
alors que ceux qui attribuaient leur échec au autres éprou-
vaient plutst de le colére ou de Phostilté.
Les cognitions entrant en jew dans P’émotion peuvent se
limiter & ls perception directe d'un événement spécifique ou
peuvent mettre 2 contribution des aspects beaucoup plus
.généraux comme une philosophie de vie. Une personne con-
vaincue que tout ce qui compte, cest de gagner, et que faire
de son mieux n’a aucune valeur, se sentira vraisemblablement
dépriméc si elle arrive «seulement» au second rang, Si om
pense que la critique exprimée par un ami est mal inten-
tionnée, et non bienvellante, on y réagit généralement par
de la colére et non de la reconnaissance. Les personnes pour
ui vivre Cest éprouver des émotions intenses ont de bonnes
chances @avoir une vie ressemblant a um tour de montagnes
russesi par contre, les adeptes de la philosophie zen, selon
laquelle la maitrise des émotions représente un idéal, con-
naftront plus vraisemblablement le calme sur le plan émo.
tionnel. Voila pourquoi presque toutes les théories de
Pémotion s'entendent pour dire que les interprétations
cognitives — les significations que les gens associent aux évé
ements —jouent un réle essentiel dans la création de Pémo-
tion (Frijda, 19883 Lazarus, 1991; Oatley, 19935 Ortony, er
Gl, 1988), Auttement dit, les émotions sont inséparables de
la vie mentale,
La cognition et
la motivation au travail
‘Occident, V'argent est souvent considéré comme Je
‘grand facteur motivant; cependant, Ia recherche montre que
Ja motivation au travail nest pas associée 3 ampieur de te
‘émunération mais plutdt la fagon dont on Vobtient (Locke,
et al 1981). Lélément le plus motivant est la rémunération
incitative, Cest-a-dire les primes qui sont accordées @ ia suite
de Patteinte d'un but et qui ne font pas partie d'un salaire
fixe (Smither, 1994). Si on y pense bien, il est normal qu'il
cen soit ainsi puisque la rémunération incitative accroit le sen-
timent efficaité personnelle du travaileur (voirle chapitre 7)
et lui donne la conviction quiil est responsable de cette réus-
site («J'ai obtenu la prime parce que je le mériteis»). Cela ne
signifie pas pour autant que les gens devraient accepter de
plus fables salaires afin de mieux apprécier leur travail, ni
quils ne devraient jamais demander d'augmentation de
salaire pour couvrir Paugmentation du coat de la vie!
Dans une étude longitudinale bien connue, qui a suivi
un échantillon aléatoire de travailleurs américains sur une
période de dix ans, Kohn et Schooler (1983) ont observé que