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© Dunod
S U P
Les compétences
émotionnelles
Sous la direction de
Moïra Mikolajczak
P S Y C H O
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ISBN 978-2-10-071481-0
© Dunod, Paris, 2009
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À Cécile
À Cornélie
À Caroline
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LISTE DES AUTEURS
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Avec la collaboration de :
Jordi QUOIDBACH Chercheur en psychologie à l’Université de Liège
(Belgique), consultant-formateur en gestion des
émotions et efficacité relationnelle.
Ilios KOTSOU Consultant et formateur dans le domaine du manage-
ment, il est aussi chercheur en psychologie des
émotions à l’Université catholique de Louvain
(Belgique).
Delphine NÉLIS Chercheur en psychologie à l’Université de Liège
(Belgique), elle se consacre à la mesure et au déve-
loppement des compétences émotionnelles.
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REMERCIEMENTS XVII
AVANT-PROPOS XIX
1 Introduction 13
2 Qu’est-ce qu’une « émotion » ? 14
2.1 Un système à cinq composantes 14
2.2 Émotion, humeur et tempérament 15
3 Les déclencheurs de l’émotion 16
4 Les fonctions des émotions 18
4.1 L’émotion comme source d’information 18
4.2 L’émotion comme facilitateur de l’action 18
4.3 L’émotion comme support à la décision 21
4.4 L’émotion comme outil indispensable à l’adaptation 23
X LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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5.2 Les substrats neuro-endocriniens 31
5.2.1 Le système (ortho)sympathique 31
5.2.2 L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien 33
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6 Conclusion 34
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3.2.4 Les gestes 81
3.2.5 Le paralangage 82
3.2.6 La distance 85
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4 Conclusion 87
3 Conclusion 114
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1.1 L’émotion comme information sur les besoins 117
1.2 Besoins et valence de l’émotion 118
1.3 Les théories des besoins humains 120
1.4 En résumé 122
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1.1.1 La sélection de la situation 156
1.1.2 L’évaluation de la situation 161
1.2 La régulation a posteriori 163
1.2.1 La gestion de la situation 165
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2.2.1 L’expression physique des émotions : agir comme
quelqu’un d’heureux 210
2.2.2 Être présent 213
2.2.3 Le voyage mental dans le temps 215
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2.2 Identifier les freins et leviers 250
2.3 Petits changements et réactions en chaîne 253
2.4 Se fixer des objectifs calibrés et opérationnels :
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BIBLIOGRAPHIE 267
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également à la genèse ou au pronostic de nombreuses maladies somatiques,
telles que le diabète (ex. Bastin, Luminet, Buysschaert et Luts, 2004), les
troubles gastro-intestinaux (ex. Porcelli et al., 2003) ou encore les maladies
coronariennes (ex. Suls, Wan et Costa, 1995). Une étude prospective sur cinq
ans a montré que de faibles compétences émotionnelles sont associées à un
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CONCEPTUALISATION1
LES COMPÉTENCES
ÉMOTIONNELLES :
HISTORIQUE ET
Chapitre 1
Xavier est marié depuis quinze ans et a deux enfants. Il a une belle situation, une
belle voiture et une belle maison. Certains diraient de lui qu’il a « tout pour être
heureux ». Néanmoins, depuis quelque temps, sa vie familiale tourne au désastre.
Sa femme se plaint qu’il ne l’a jamais comprise et demande le divorce. Ses
enfants, jeunes adolescents, se détournent de lui. L’ambiance familiale se détériore
jour après jour et il a le vague sentiment que les raisons de cet échec lui échap-
pent. Dieu sait qu’il aime pourtant ses proches… mais il ne sait ni le leur montrer ni
comment leur parler. Au bureau, c’est pareil. Alors que certains de ses collègues
sont adulés par leurs collaborateurs, Xavier n’arrive pas à instaurer un rapport
sympathique avec son équipe. On lui a rapporté qu’il était perçu comme froid et
distant. Depuis quelques mois, son rôle de manager lui semble malaisé : il voit bien
que Françoise quitte l’entreprise plus tôt depuis la naissance de son enfant, que
l’efficacité de Jean a diminué après qu’un cancer a été diagnostiqué chez sa
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
femme, et que Martine est absente depuis la rupture avec son fiancé… Mais, ici
encore, il n’arrive pas à se mettre dans leur peau et ne sait pas comment réagir.
Marie a vingt-sept ans. Malgré une enfance perturbée, elle semble en apparence
avoir réussi sa vie. Elle a un travail passionnant et Marc, son fiancé, l’a récem-
ment demandée en mariage. Pourtant, Marie ne va pas bien. Elle est régulière-
ment en proie au désespoir et souffre quotidiennement de violents maux de tête.
Elle se sent dépassée par sa charge de travail, et reporte son stress sur son
fiancé, qui ne sait plus comment réagir. Leur relation se détériore de jour en
jour alors que Marc est la personne à qui Marie tient le plus. Tout serait si simple
si Marie arrivait à gérer son stress et à faire la paix avec son passé…
☞
4 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
☞
Vincent a trente-cinq ans, il est physiquement très séduisant et, à défaut de le
qualifier de génie, son QI est sans conteste au-dessus de la moyenne. Il est issu
de la classe moyenne, ses parents sont professeurs et ses quatre frères et sœurs
ont une vie stable, sans problème particulier. Vincent a le don pour séduire les
femmes et, en ce sens, on pourrait dire que lui aussi « a tout pour être
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heureux »… Seulement voilà, Vincent est accro à l’alcool et à la cocaïne et il est
seul car ses amis se sont éloignés de lui. Il fait actuellement face à deux procès
pour violence, vient de perdre son travail et n’a plus de voiture suite à un énième
accident où il est en tort… La vie de Vincent a toujours été chaotique. Tout petit
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L’objectif de cet ouvrage est de fournir aux lecteurs une synthèse des
connaissances disponibles à ce jour sur les compétences émotionnelles.
Dans ce chapitre, nous exposerons les facteurs historiques ayant conduit à
l’émergence de cette notion, et en approfondirons la définition. La suite de
l’ouvrage consistera en une présentation détaillée des différentes compé-
tences émotionnelles. Nous découvrirons, d’une part, les processus qui
sous-tendent chaque compétence et, d’autre part, en quoi celles-ci sont
essentielles au bon fonctionnement de l’individu. À l’issue de la lecture, le
lecteur disposera donc d’un ensemble de connaissances théoriques sur les
compétences émotionnelles mais, également, d’une base pratique pour les
développer.
1 HISTORIQUE DE LA NOTION
DE « COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES »
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moins aussi importante pour la réussite que les capacités dites intellec-
tuelles.
Différents auteurs peuvent être considérés comme précurseurs du
concept de compétence émotionnelle. On peut tout d’abord citer Thorndike
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qu’il a une forte composante génétique, qu’il est difficile à modifier, et qu’il
différerait selon l’appartenance ethnique. Il montre également que le QI
diffère en fonction de la classe socio-économique, et qu’il détermine forte-
ment le degré de succès professionnel. Hernstein et Murray contredisent
ainsi l’idée – fondatrice des USA puisque figurant dans leur Déclaration
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d’indépendance – que « tous les hommes sont créés égaux ». Dès le début,
Goleman positionne son ouvrage en réponse à celui de Hernstein et Murray.
Selon lui, l’intelligence émotionnelle est aussi, si pas même deux fois, plus
importante que le QI dans la prédiction du succès professionnel et personnel
(Goleman, 1998, p. 34) ; en outre elle peut être apprise. Il n’en fallait pas
plus pour susciter l’enthousiasme. Comme le soulignent certains, l’intelli-
gence émotionnelle est un concept rassurant à bien des égards car elle
confirme ce que beaucoup pensent tout bas : la réussite est loin de dépendre
uniquement des capacités intellectuelles.
L’intelligence émotionnelle a donné lieu à un véritable engouement et au
développement parallèle d’un « marché des émotions » : livres, tests, forma-
tions, conférences, etc. Les tests d’intelligence émotionnelle ont atteint des
prix jamais atteints dans le domaine de l’évaluation psychologique (jusqu’à
25 € par tête pour certains tests). S’il est effectivement important de souli-
gner l’influence des compétences émotionnelles dans la prédiction du
succès, il faut toutefois rester vigilant et ne pas verser dans la tendance oppo-
sée, celle de surestimer leur importance. Les recherches actuelles (voir par
exemple Van Rooy et Viswesvaran, 2004) tendent à montrer que l’intelli-
gence émotionnelle est aussi, mais pas plus, importante que le QI dans
l’adaptation et la réussite de l’individu.
Il est à noter que l’appellation « intelligence émotionnelle » a suscité
d’intenses controverses dans la communauté scientifique, celle-ci préférant
réserver le statut d’intelligence aux habiletés purement cognitives. Dans la
suite de notre propos, nous préférerons dès lors le terme de compétences
émotionnelles (originellement proposé par Saarni, 1988) à celui d’intelli-
gence émotionnelle.
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modèles (voir pour exemple Bar-On, 1997 ; Lane, Quinlan, Schwartz,
Walker et Zeitlin, 1990 ; Mayer et Salovey, 1997 ; Petrides et Furnham,
2003), de sorte qu’il est difficile de donner une définition des compétences
émotionnelles qui soit acceptée par tous. Cette absence de consensus n’a rien
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Tableau 1.1
Les cinq compétences émotionnelles de base
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émotions », ce premier niveau comprend les connaissances que possède l’indi-
vidu quant à l’efficacité de différentes stratégies de gestion des émotions. Les
recherches ont montré que les individus diffèrent sensiblement à ce sujet
(Loewenstein, 2007). De nombreuses personnes ne savent pas, par exemple,
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que face à une situation difficile, il est plus efficace de réévaluer positivement
la situation que de chercher à « masquer » son émotion.
Le second niveau est le niveau des habiletés. Ce niveau correspond à la
capacité de l’individu à appliquer ses connaissances en situation émotion-
nelle. Pour reprendre l’exemple de la régulation des émotions, le niveau des
habiletés correspond à la capacité de l’individu à implémenter une stratégie
donnée. Par exemple, ce dernier est-il capable de réévaluer positivement une
situation initialement perçue comme hautement négative ? La question n’est
pas ici de savoir si l’individu a tendance à réévaluer positivement les situa-
tions au quotidien, mais bien s’il est capable de le faire si on le lui demande.
Le troisième niveau est celui des dispositions (ou traits). Ce niveau réfère
à la propension de l’individu à se comporter de telle ou telle manière dans les
situations émotionnelles en général. Par exemple, l’individu a-t-il tendance à
réévaluer positivement les situations négatives ? Utilise-t-il régulièrement
cette stratégie ?
Ces trois niveaux de compétence interagissent entre eux mais ne sont que
modérément corrélés. Ainsi, les connaissances ne se traduisent pas toujours
en habilités, lesquelles ne sont pas toujours utilisées au quotidien. On peut
très bien savoir que la meilleure stratégie pour diminuer son stress avant un
examen est de réévaluer la situation positivement, et être pourtant totalement
incapable de réévaluer positivement sa propre session. De même, on peut
être capable de réévaluer positivement une situation si quelqu’un (ex. un
ami, un psy, un coach) nous le demande, et pourtant ne pas penser spontané-
ment à utiliser ce type de stratégie.
L’utilité de distinguer ces trois niveaux n’est pas que théorique. Un tel
modèle a au moins deux grandes implications pratiques. La première
concerne le diagnostic. Les praticiens (recruteurs, coaches, formateurs ou
thérapeutes) confrontés à un individu ayant un déficit au niveau des compé-
tences émotionnelles devront déterminer si l’origine du problème réside dans
un déficit au niveau des connaissances, dans un déficit au niveau des habile-
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formation devra, s’il veut être efficace, obligatoirement impliquer un suivi
des participants. Quelques jours de formation suffiront en effet à fournir des
connaissances et à enseigner de nouvelles habiletés. Un suivi des participants
à plus long terme sera toutefois nécessaire afin de maximiser les chances que
ceux-ci mettent en pratique ce qui leur aura été enseigné en formation.
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Traits = dispositions
(Propension à se
comporter de telle ou
telle manière en situation
émotionnelle)
Habiletés
(Habileté à appliquer
ses connaissances en
situation émotionnelle et
à implémenter une
stratégie donnée)
Connaissances
(Complexité et étendue
du réseau conceptuel
émotionnel)
Figure 1.1
Modèle des compétences émotionnelles à trois niveaux
À présent que nous avons défini ce que l’on entend par compétences
émotionnelles et que nous avons exposé les implications pratiques d’une
telle définition, nous allons nous arrêter un instant sur la notion d’émotion.
Qu’est-ce qu’une émotion ? À quoi les émotions servent-elles ? Quels sont
leurs corrélats neurobiologiques ? Le chapitre suivant s’attachera à répondre
à ces questions et fournira au lecteur les bases nécessaires à la compréhen-
sion de la suite de notre propos.
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LES ÉMOTIONS1
Chapitre 2
1 INTRODUCTION
vingtaine d’années que l’intérêt pour les émotions s’est accru dans le
monde scientifique. Cet intérêt est à mettre en lien avec les travaux du
neurologue Antonio Damasio. Ce chercheur portugais, immigré aux États-
Unis, a en effet mis en évidence que les émotions, loin de colorer seule-
ment la vie des individus, étaient absolument indispensables à leur survie
(Damasio, 1994). Dans les lignes qui suivent, nous allons tenter de donner
un aperçu de ce que sont les émotions, des situations dans lesquelles elles
apparaissent et du rôle qu’elles jouent en regard de l’adaptation de l’être
humain à son environnement.
14 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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Lorsque l’on parle d’émotion, on pense habituellement à la conscience
subjective et immatérielle qu’on a du phénomène, au ressenti (ex. « je
ressens que j’ai peur »). L’émotion est toutefois bien plus qu’un phénomène
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(ex. chevrotante). Ces modifications expressives et comportementales consti-
tuent la composante la plus saillante pour l’œil extérieur.
Finalement, la cinquième et dernière dimension renvoie à l’expérience
subjective, au ressenti (ex. je ressens que j’ai peur).
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Ces cinq composantes vont souvent de pair, mais pas toujours (voir encart
ci-dessous).
Émotions, humeurs, affects, tempérament… Les mots qui décrivent nos états
émotionnels sont nombreux et souvent indistinctement utilisés dans le
langage courant. Dans la littérature scientifique cependant, ces termes
renvoient à des concepts différents qu’il convient de définir brièvement.
Selon Luminet (2002), les émotions sont des états relativement brefs (de
quelques secondes à quelques minutes) provoqués par un stimulus ou par
une situation spécifique (ex. je suis heureuse parce je vais me marier).
Comme nous l’avons vu ci-dessus, elles s’expriment tant au niveau physiolo-
gique, que comportemental et subjectif.
16 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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logique saillant. Il a parfois été avancé que les émotions seraient plus
complexes et comporteraient davantage de catégories que les humeurs.
L’affect est un terme plus général reprenant à la fois les émotions et les
humeurs.
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1. Une émotion incongruente avec l’état d’humeur est une émotion qui n’a pas la même valence
que celui-ci (ex. émotion positive survenant sur une humeur négative, émotion négative surve-
nant sur une humeur positive).
LES ÉMOTIONS 17
ces objectifs peuvent être durables et essentiels à l’image de soi (ex. vouloir
être une bonne mère) ou transitoires et secondaires (ex. vouloir manger des
pâtes à la bolognaise ce soir). Ces objectifs peuvent être conscients et
complexes (ex. vouloir grimper les échelons dans son entreprise) ou incons-
cients et simples (ex. vouloir retirer sa main d’une taque chaude). Ils peuvent
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être largement partagés et compris au sein d’une même culture (ex. vouloir
réussir à l’école) ou particuliers et quelque peu mystérieux aux yeux des
autres (ex. vouloir acheter un tournevis de collection). Quels que soient
l’objectif et la situation, c’est leur signification pour l’individu qui donne
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après avoir pris sa retraite alors qu’il n’avait jamais fumé, nous aurons une
émotion parce que cette histoire contredit la croyance selon laquelle le
monde est juste et que chacun y reçoit ce qu’il mérite. Finalement, si l’on
nous dit qu’en regard de l’humanité, ce n’est pas très grave si nous mourons
demain, nous aurons une émotion car cela contredit la croyance selon
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laquelle nous sommes meilleur(e) et donc plus utile à la planète que la
majorité des gens.
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En dépit des conceptions des stoïciens grecs, il semble peu probable que les
émotions soient une aberration de la nature (Matthews et al., 2002). En
réalité et comme nous allons le voir ci-après, les émotions sont cruciales et
indispensables à notre survie et à notre adaptation.
Pour quoi faire ? Comme nous le verrons ci-dessous de manière plus approfon-
die, l’ultime fonction des émotions est de faciliter l’adaptation de l’individu à
son environnement. L’émotion constitue un guide de comportement, dont
l’objectif est de permettre à l’individu d’agir vite et bien. La peur facilite ainsi
la fuite et inhibe toute une série de comportements inappropriés tels que sauter
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de joie, rire, etc. De même, la colère encourage l’individu à lutter pour se
défendre. Nous avons répertorié les tendances à l’action associées à sept
émotions de base1 (Plutchik, 1980). Elles sont résumées dans le tableau 2.1.
Tableau 2.1
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Fonction Stimulus
Émotion Comportement Corrélat biologique
adaptative déclencheur
Le corps est paralysé
l’espace d’un instant afin de
laisser à l’individu le temps
de décider de la réaction
Peur Protection Menace S’enfuir
appropriée. Simultané-
ment, le sang est dirigé vers
les muscles afin de préparer
l’organisme à la fuite.
L’énergie est également
dirigée vers les muscles,
Obstacle, Mordre, afin de décupler la force de
Colère Destruction
injustice frapper l’individu et de lui permet-
tre de se défendre vigou-
reusement.
La tristesse induit un ralen-
tissement et une baisse de
Échec, perte
Pleurer, motivation pour les activités
Réinsertion/ d’une per-
Tristesse appeler à de la vie quotidienne, per-
réflexion sonne aimée
l’aide mettant de mesurer les con-
ou d’un objet
séquences de la perte et de
réorienter ses buts.
Le dégoût s’accompagne
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1. Les émotions de base sont les émotions que l’on retrouverait dans toutes les cultures et qui
auraient un pattern d’expression faciale et physiologique relativement spécifique et distinctif.
Les émotions secondaires seraient formées par la combinaison d’émotions de base. Contraire-
ment aux émotions primaires, elles seraient culturellement déterminées.
20 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
☞ La surprise provoque un
haussement des sourcils qui
élargit le champ visuel et
Objet nou- S’arrêter,
Surprise Orientation permet à l’individu de dis-
veau, soudain alerter
poser de davantage
d’informations sur l’événe-
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ment inattendu.
La joie s’accompagne
d’une inhibition des senti-
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L’amour s’accompagne
Amour, Affiliation, Présence d’un Partager, d’une sécrétion d’hormones
tendresse reproduction être cher prendre soin propices à la confiance en
l’autre et à la coopération.
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Les études de Damasio (pour une synthèse, voir Damasio, 1994) sur les
patients présentant une lésion cérébrale au niveau des circuits neuronaux de
l’émotion1 montrent que les émotions sont indispensables aux processus de
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décision. C’est l’accident tragique d’un certain Phineas Gage qui a permis de
mettre en évidence l’importance des émotions dans la prise de décision.
En 1848, Phineas P. Gage est âgé de 25 ans. Il est en bonne santé et en parfaite
possession de ses moyens. C’est un chef d’équipe respecté par ses hommes et ses
supérieurs. Il dirige à cette époque une partie des travaux de construction des voies
ferrées en Nouvelle-Angleterre. Sa tâche n’est pas aisée : il faut maintenir un tracé
le plus rectiligne possible mais les couches rocheuses sont extrêmement dures. Il
faut dès lors faire exploser la roche. C’est Phineas Gage en personne qui tasse la
poudre au moyen d’une barre de fer. Cette barre de fer mesure un mètre dix de
long, trois centimètres de diamètre et pèse 6 kg. Cet après-midi-là, Phineas
commence à tasser la poudre sans que son collègue ait eu le temps de verser le
sable protecteur. La poudre explose et la barre de fer traverse le crâne de Phineas,
avant d’atterrir 30 mètres plus loin, couverte de sang et de tissu cérébral.
La barre a pénétré sous la joue gauche de Phineas pour ressortir par le sommet
de son crâne. Nonobstant ce traumatisme, Phineas n’est pas mort. Il est capable
de parler et de s’extraire, presque sans aide, de la charrette qui l’a mené chez le
Docteur Harlow. Ce dernier soignera Phineas durant de long mois. Gage se réta-
blit et s’en sort à première vue parfaitement indemne : il parle bien, ne souffre
d’aucun déficit neurologique apparent et d’aucune paralysie. Il ne voit plus de
l’œil gauche mais a conservé la vue du côté droit.
Nous avons dit « à première vue » parce qu’en dépit de son excellent rétablisse-
ment physique général, Gage n’est plus le même. Il se ruine et perd sa famille,
ses amis et son travail. Malgré son intelligence, Gage est devenu incapable de
gérer son argent, de maintenir des relations sociales de qualité et de conserver
un emploi stable. Il décède le 21 mai 1861 (13 ans après l’accident) des suites
d’une crise d’épilepsie.
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Figure 2.1
Quatre représentations de Phineas Gage
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des émotions ayant été touché chez ces patients, ceux-ci sont incapables de
traiter l’information émotionnelle et ne génèrent donc quasiment plus de
réponse physiologique en situation émotionnelle. Chez un individu
« normal », toute situation de choix constitue une situation émotionnelle,
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surtout si l’une des options est risquée. Une option risquée déclenche donc
une réponse physiologique plus marquée (augmentation du rythme cardia-
que, mains moites, etc.) qu’une option sûre. Cette différence d’activation
physiologique peut être très marquée (ex. si l’on hésitait entre sauter d’un
pont et rester sur le bord) ou extrêmement légère et non perceptible cons-
ciemment par l’individu (ex. si l’on hésite entre aller au cinéma ou faire une
ballade). La réponse physiologique représente un indicateur du niveau de
risque associé à chaque option. Ces réponses physiologiques constituent
donc un système automatique (il n’est pas indispensable d’en être conscient
pour qu’elles soient efficaces) permettant d’accélérer le processus de choix
(nous ne devons pas peser le pour et le contre de chaque option pendant des
heures) et de faire pencher la balance en faveur des options biologiquement
avantageuses.
Privés de cette activation physiologique, les individus cérébro-lésés au
niveau des circuits émotionnels ne disposent plus de ces « messagers » qui
permettent d’orienter le comportement et la prise de décision. Par exemple,
sans émotion de honte, ces patients peuvent continuer à se ridiculiser en
public sans que cela ne les touche. De la même manière, sans préférence
émotionnelle pour un choix ou un autre, ils se voient incapables de choisir
entre deux options équivalentes sur le plan rationnel. En outre, privées de
l’émotion « stress/peur » qui empêche de prendre un ensemble de voies
« risquées » (ex. jouer au casino, spéculer dangereusement en bourse, etc.),
ces personnes posent de nombreux choix dont l’issue se révèle le plus
souvent désastreuse.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
conçu pour traiter un problème adaptatif particulier (ex. vigilance face aux
prédateurs, mise en sommeil, etc.). Pour ces auteurs, l’existence de ces
micro-programmes crée toutefois un problème adaptatif plus large dans
certaines circonstances : s’ils sont simultanément activés, ils peuvent déli-
vrer des ordres contradictoires. Prenons l’exemple de notre ancêtre montant
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la garde durant la nuit devant sa grotte. Les programmes qui président à
l’endormissement (c’est la nuit) sont en conflit avec ceux qu’appelle la vigi-
lance par rapport aux prédateurs (il doit monter la garde). Afin d’éviter ce
type de problème adaptatif, l’humain doit être équipé de programmes
d’ordre supérieur qui coordonnent les sous-programmes (en activent
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☞
LES ÉMOTIONS 25
☞
2. Une modification des motivations et priorités. Votre sécurité devient
prioritaire et toutes les autres motivations passent au second plan : vous n’avez
plus faim, plus soif, plus mal, plus de désir sexuel, et la réussite de vos examens
ou de ceux de vos enfants importe peu. En résumé, seuls les objectifs à court
terme (la survie) comptent et tous les autres passent au second plan. C’est le cas
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même si l’examen a lieu le lendemain matin et qu’il a été votre principale source
de préoccupation pendant des semaines.
3. Un biais de mémoire en faveur des souvenirs potentiellement utiles dans la
situation. Vous vous remémorerez le contenu de cet article que vous avez lu il y a
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cinq ans et qui expliquait les 10 manières de se défendre lors d’une agression.
Vous vous souviendrez soudain du numéro de votre voisine que vous croyiez
avoir oublié, et vous vous rappellerez en un éclair de tous les endroits de votre
maison qui pourraient potentiellement servir de cachette.
4. Un changement dans la catégorisation des choses. Telle pièce
précédemment classée comme sûre (ex. le salon) devient dangereuse (parce que
le voleur pourrait vite vous y trouver) alors que tel petit recoin sombre et invisible
au fond du jardin auparavant catégorisé comme « dangereux », devient mainte-
nant « sûr » (parce que vous pourriez vous y cacher).
5. Une hyper-activation des systèmes d’inférence spécialisés. Quelle
est la trajectoire de l’individu ? Quelle est la direction de son regard ? À partir
de ces informations, votre cerveau va inférer s’il est possible que le voleur vous
ait aperçu, et en tirer les conséquences.
6. L’activation de systèmes d’apprentissage spéciaux. D’une part, la
situation sera enregistrée comme dangereuse et tous les éléments qui y ont contri-
bué seront également catégorisés comme tels. Vous admettrez ainsi pour sûr et
pour longtemps qu’il faut fermer la porte d’entrée à double tour et ne pas laisser
de fenêtre entrouverte dans le salon. D’autre part, vous apprendrez bien plus
facilement à faire quelque chose qui pourrait vous tirer de ce mauvais pas
(ex. utiliser un pistolet ; grimper sur un mur, etc.) que si vous n’étiez pas sous
l’emprise de la peura.
7. Des changements physiologiques. Nous reviendrons ultérieurement sur
ce point mais précisons déjà que la peur stimule la production de diverses hormo-
nes, telles que l’adrénaline et le cortisol, qui ont pour fonction de fournir à l’orga-
nisme l’énergie nécessaire pour faire face à l’ennemi. Cette augmentation de
l’apport énergétique se fait, entre autres, via une augmentation du rythme cardia-
que (pour que l’oxygène et le sucre soient acheminés plus rapidement vers les
tissus), une transformation des graisses en sucres dans le foie, et une mise au
repos des systèmes alors inutiles tels le système reproducteur ou digestif (afin que
le sang soit orienté en priorité vers les muscles et le cerveau).
a. Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que, si la peur est un meilleur motivateur
d’apprentissage qu’une humeur neutre, ses bénéfices sont inférieurs à ceux d’une humeur posi-
tive. Nous sommes donc loin de préconiser la coercition comme motivateur d’apprentissage.
26 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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5 LES BASES NEUROBIOLOGIQUES
DE L’ÉMOTION
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5.1.1 L’amygdale
Comme l’illustre la figure 2.2, l’amygdale appartient à un ensemble de struc-
tures situées sous le cortex. L’amygdale est souvent perçue comme étant LE
siège par excellence de l’émotion. C’est partiellement correct dans la mesure
où l’amygdale s’active lorsque nous éprouvons une émotion (Costafreda,
Brammer, David et Fu, 2008 ; Phan, Wager, Taylor et Liberzon, 2002). Il faut
garder à l’esprit, néanmoins, que d’autres structures peuvent s’activer en
parallèle, telles que les ganglions de la base pour les émotions positives ou
encore l’insula dans le cas de la tristesse (Lane, Reiman, Ahern, Schwartz et
Davidson, 1997). Le rôle de l’amygdale est d’assigner une valeur de récom-
pense ou de punition aux stimuli qui lui arrivent au travers de nos cinq sens.
Ainsi, l’amygdale s’active chaque fois que l’être humain est confronté à un
stimulus potentiellement pertinent, qu’il soit aversif ou hédonique. Plus le
stimulus est pertinent (en d’autres termes, plus l’individu doit y faire atten-
LES ÉMOTIONS 27
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2003 ; Shin, Rauch et Pitman, 2006 ; Stein, Goldin, Sareen, Zorrilla et
Brown, 2002). Une lésion de l’amygdale conduit à une incapacité à éprouver
certaines émotions (spécifiquement la peur, qui est peu représentée dans
d’autres structures que l’amygdale). L’individu privé d’amygdale est ainsi
capable d’identifier le danger (ex. percevoir qu’il y a un voleur devant lui et
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qu’il devrait avoir peur) mais incapable de ressentir la peur qui y est norma-
lement liée. Cette incapacité à ressentir la peur est hautement problématique
puisque les réponses comportementales1, cognitives2 et physiologiques3
nécessaires à la survie ne sont pas déclenchées.
Figure 2.2
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
L’amygdale est en effet en relation avec les différentes structures qui sont
responsables de l’augmentation des réflexes, des expressions faciales, de
l’activation du système sympathique (aboutissant à l’augmentation du
rythme cardiaque) et hypothalamo-hypophyso-surrénalien (aboutissant à
l’augmentation des réserves de glucose de l’organisme et sa distribution
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privilégiée au cerveau et aux muscles). Nous reviendrons en détail plus loin
sur ces deux derniers systèmes.
Il est à noter que l’activation de l’amygdale peut se faire de deux maniè-
res, que LeDoux (1998) a appelées « voie courte » et « voie longue » (voir
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figure 2.3). Dans la voie courte, rapide mais imprécise, le thalamus sensoriel
active directement l’amygdale en réponse à un stimulus en provenance d’un
des cinq sens. Dans la voie longue, plus lente mais plus précise, l’informa-
tion est envoyée du thalamus au cortex sensoriel, lequel « décidera ou non »
d’activer l’amygdale.
Cortex sensoriel
Voie longue
Figure 2.3
La voie courte et la voie longue
dessus). Nous allons donc détecter plus rapidement les autres stimuli
menaçants, notre cœur va battre la chamade, et nous allons nous apprê-
ter à courir ou à frapper. Toutefois, parallèlement à sa communication à
l’amygdale, le thalamus sensoriel va également informer le cortex
sensoriel. Ce dernier va procéder à une analyse beaucoup plus raffinée
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de l’information sensorielle que le thalamus, et déterminer que le cri et
le toucher de la personne qui s’est jetée sur nous est celui de notre fils de
14 ans. Nous allons donc nous rendre compte que ce que nous avions
pris pour une tentative d’agression n’était que la dernière blague de
notre fils cadet. Notre cœur va cesser de s’emballer et nous allons
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préfrontal que tout se planifie et que tout se contrôle ! Nos études, nos
courses, notre chemin, etc. C’est là aussi que se détermine la résistance à
la tentation et, assez logiquement… le contrôle des émotions (Davidson,
2004 ; Ochsner et al., 2002) ! Si une émotion n’est pas appropriée au
contexte, la partie antérieure du cortex cingulaire va s’activer et signaler
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Des chercheurs (Olds et Milner, 1954) ont montré que si l’on stimulait le nucleus
accumbens chez un rat à chaque fois que ce dernier pressait un levier, il ne
s’arrêtait plus de le presser, pas même pour boire ou manger. Les rats de cette
expérience sont ainsi morts de faim et de soif, tout en étant paradoxalement au
comble de l’extase ! Sachant que des drogues telles que la cocaïne ou les
amphétamines sont de puissants stimulateurs du nucleus accumbens, on
comprend sans peine la puissance des addictions à ces substances, ainsi que le
fait que certains individus dépendants préfèrent consacrer le peu d’argent qu’il
leur reste à leur dose plutôt qu’à manger.
LES ÉMOTIONS 31
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ques de l’émotion (ex. augmentation du rythme cardiaque, etc.). Comme
nous l’avons vu ci-dessus, l’amygdale envoie en effet des signaux aboutis-
sant à la mise en activité de deux systèmes : le système sympathique et l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien (ex. Feldman et Weidenfeld, 1998).
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1. Il est à noter que le rôle de la chair de poule n’est pas totalement compris aujourd’hui. Certains
prétendent qu’il s’agirait d’un mécanisme archaïque permettant aux mammifères (et donc à
l’être humain) d’apparaître plus large face aux prédateurs. C’est ce qui expliquerait pourquoi on
a la chair de poule lorsqu’on a peur. Ce mécanisme n’est toutefois plus utile aux être humains,
qui ont perdu l’essentiel de leur pilosité au cours de l’évolution.
32 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
Stimuli biologiques
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Stress perçu
(ex. virus, bactérie,…)
Système
nerveux
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central
Hypothalamus
L'hypophyse libère
l'ACTH (hormone
adrénocorticotrope) et
de la STH (hormone
somatotrope)
Figure 2.4
Activation des systèmes sympathique (en gris foncé) et hypothalamo-
hypophyso-surrénalien (en gris clair) en réponse au stress
LES ÉMOTIONS 33
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stimulation entraîne la production d’acétylcholine. Celle-ci induit une diminution
du rythme cardiaque, une dilatation des vaisseaux sanguins, une augmentation
des sécrétions digestives et de la motilité intestinale, etc.
Ainsi, alors que l’amygdale recrute le système (ortho)sympathique pour nous
permettre de faire face à l’événement inducteur d’émotion, le cortex préfrontal
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1. « Combat » ou « fuite ».
34 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
sang sera ainsi plus sucré, ce qui permettra d’augmenter l’apport énergétique
aux tissus. Ensuite, le cortisol va mettre un ensemble de systèmes au repos,
afin de s’assurer que le sang (et donc l’énergie) soit distribué en priorité là où
l’individu en a le plus besoin : le cerveau (pour réfléchir tactiquement où
frapper et/ou où fuir) et les muscles (pour frapper ou courir). Parmi les systè-
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mes mis au repos, on retrouve le système digestif, le système reproducteur, et
autant de systèmes qui ne sont pas directement utiles dans la situation et/ou
dont l’action consommerait de l’énergie plus profitable ailleurs. Parallèle-
ment à cette mise à disposition d’énergie, le cortisol induit également une
baisse des réponses immunitaires, ainsi qu’un ralentissement de la cicatrisa-
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tion des plaies. Ici encore, l’explication est à rechercher du côté de l’évolu-
tion. Lorsque nos ancêtres couraient pour échapper à un danger et qu’ils
s’écorchaient à une branche dans leur fuite, il ne fallait absolument pas que
l’énergie nécessaire à la course soit consommée par la blessure. Les réac-
tions immunitaires et de cicatrisation sont ainsi reportées à plus tard, lorsque
l’individu sera en zone sûre et que son niveau de stress (et donc de cortisol)
sera redescendu.
Nous n’avons pas exposé l’ensemble des effets du cortisol mais cette
brève présentation laisse pressentir combien ces effets, tellement adaptatifs à
court terme, peuvent devenir nocifs si le stresseur se prolonge ou si le stress
est mal régulé (Selye, 1978). Parmi ces conséquences délétères, on retrouve,
entre autres, une altération de la glycémie (facteur d’aggravation du diabète),
des troubles gastro-intestinaux (ex. syndrome du colon irritable), une plus
grande sensibilité aux virus (en raison de la baisse d’immunité), et des trou-
bles sexuels – baisse du désir – (voir Thurin et Baumann, 2003 pour une
revue).
6 CONCLUSION
Dans ce chapitre, nous avons montré que les émotions étaient loin d’être
dysfonctionnelles et qu’elles avaient même une valeur adaptative. Nous
avons ainsi vu qu’elles constituaient une source d’information précieuse,
qu’elles facilitaient l’action en fournissant un guide de comportement,
qu’elles assistaient la prise de décision, et qu’elles nous permettaient d’agir
vite et bien dans toute une série de situations. Nous avons vu également que
les émotions nous permettaient de réagir face au danger avant même que
nous ayons consciemment perçu et analysé la nature de celui-ci.
Dans la seconde partie du chapitre, nous avons abordé la manière dont les
émotions sont représentées dans le cerveau. Nous avons ainsi expliqué le
rôle de l’amygdale, du nucleus accumbens (deux structures centrales dans la
génération des émotions négatives et positives) et du cortex préfrontal (struc-
LES ÉMOTIONS 35
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Tout ceci constitue une base qui nous permettra de mieux comprendre les
chapitres ultérieurs. Il nous permet, par exemple, d’entrevoir pourquoi
certains éprouvent des difficultés à gérer leurs émotions, et d’anticiper les
conséquences potentielles de ces difficultés en termes de santé.
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L’IDENTIFICATION
DES ÉMOTIONS1
Chapitre 3
1 L’IMPORTANCE DE L’IDENTIFICATION
DE SES ÉMOTIONS
Claire, 35 ans
Mon mari et moi séjournions à Barcelone. Un soir, nous nous sommes rendus à
un spectacle grand public dont l’affiche était assez exceptionnelle. Une foule
impressionnante se pressait aux portes du théâtre. Tout à coup, j’eus l’impression
de mourir ! Je n’arrivais plus à respirer, j’avais la sensation d’avoir le « souffle
coupé », d’étouffer. J’étais envahie par de grosses bouffées de chaleur, j’avais
des vertiges, je pensais m’évanouir. Mon corps tremblait, les battements de mon
cœur s’accéléraient, etc. Je ne savais pas du tout ce qu’il m’arrivait, j’avais
l’impression de perdre la tête ! Mon mari essayait de me calmer, mais en vain.
Cet épisode m’a terrorisée et restera le souvenir le plus pénible de notre voyage.
40 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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battements de son cœur, ses vertiges, et ses bouffées de chaleur, étaient des
signes d’anxiété, elle aurait pu anticiper et gérer la crise beaucoup plus
adéquatement. Aujourd’hui, Claire peut identifier ces symptômes et gérer
efficacement les émotions provoquées par ces situations anxiogènes.
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(Papciak, Feuerstein, Belar et Pistone, 1986), de problèmes intestinaux (Fava
et Pavan, 1976), et la sévérité du diabète (Abramson, McClelland, Brown et
Kelner, 1991). Finalement, l’alexithymie entretiendrait une relation négative
avec la longévité (Kauhanen et al., 1996).
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La suite de ce chapitre sera consacrée à la présentation des différents proces-
sus participant à l’identification des émotions. Nous évoquerons d’abord les
prérequis en termes d’ouverture aux émotions et de richesse du vocabulaire
émotionnel. Nous verrons ensuite comment les cognitions, les tendances à
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2. Tentative
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1. Émotion de suppression/
perçue comme d'évitement
intolérable ou ou de refoulement
inacceptable
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3. Difficulté
de régulation
et amplification
de l'émotion
Figure 3.1
Le cercle vicieux de l’évitement émotionnel
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états émotionnels. Peu importe dans ce cas si les mots sont ceux communé-
ment partagés pour désigner telle ou telle émotion ; ce qui compte, c’est que
l’individu ait à sa disposition un nombre suffisant de signifiants pour dési-
gner l’ensemble des nuances de sa vie affective. S’il ne dispose que de quatre
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Panksepp
Izard (1977) Plutchik (1980) Tomkins (1980) Ekman (1992)
(1989)
☞
Peur Peur Peur Panique Peur
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Mépris Acceptation Honte
Intérêt Détresse
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Culpabilité
Amour
Comme nous venons de le voir, les émotions primaires sont peu nombreu-
ses. L’ensemble des autres émotions que nous ressentons sont appelées
émotions secondaires ou émotions complexes. Elles ne sont pas universelles
et résulteraient de la combinaison d’émotions primaires.
Comment identifier une émotion de base ? Ekman propose neuf critères
afin de détecter une émotion de base (Ekman, 1992a) :
– elle possède une expression faciale universelle ;
– elle est présente chez d’autres primates que l’humain ;
– elle a un pattern de réponses physiologiques spécifiques ;
– elle est rapidement déclenchée ;
– elle apparaît spontanément ;
– elle est associée à des stimuli déclencheurs universels distincts ;
– elle est évaluée automatiquement ;
– elle a une durée limitée ;
– elle a des réponses émotionnelles ou des composantes convergentes.
Selon Plutchik, les émotions secondaires résultent de la combinaison
d’émotions primaires (Plutchik, 1980). Les émotions primaires (au nombre
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
de huit selon cet auteur) se situent au second niveau de son modèle (voir
figure 3.2) et correspondent aux couleurs primaires. Elles forment quatre
paires opposées : joie-tristesse, acceptation-dégoût, peur-colère, surprise-
anticipation. Les sections inférieures et supérieures au second niveau reflè-
tent des intensités différentes d’une même émotion. Par exemple, l’irritation
(intensité faible), la colère (intensité moyenne) et la rage (intensité élevée).
Chaque émotion primaire peut être vue au milieu d’un continuum avec, aux
extrémités de ce dernier, la même émotion variant en intensité. Les émotions
secondaires résulteraient d’une combinaison d’émotions primaires. Par
exemple, le mépris résulte de la colère et du dégoût (voir figure 3.2).
46 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
opti
o ur
sérénité
mism
am
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acceptation
e
intérêt
joie
ag anticipation confiance
res n
extase issio
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sion soum
vigilance admiration
irritation, rage,
colère terreur peur appréhension
agacement fureur e
nc
stu
na
pé
g
pu
fa
cra
cti
ré détresse, int
ris
on
e,
mép dégoût chagrin surprise eff
roi
tristesse distraction
ennui
déc
s
ord
epti
rem
souci
on
Figure 3.2
Le modèle de Plutchik (Plutchik, 1980)
1. Arousal en anglais.
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 47
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stressé joyeux
contrarié heureux
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DÉPLAISANT PLAISANT
triste content
déprimé serein
ennuyé détendu
épuisé calme
DÉSACTIVATION
Figure 3.3
Modèle multidimensionnel de Feldman-Barrett et Russell (1998)
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tes dans d’autres. Par exemple, l’amae est un terme présent dans la culture japo-
naise. Il désigne une émotion qui correspond à l’attachement, au fait de se livrer
à l’autre. Verguenza ajena est un mot employé en Espagne. Il décrit une émotion
que l’on peut ressentir lorsque quelqu’un fait preuve d’un comportement inadé-
quat. Les habitants de l’île de Tahiti (Levy, 1984) n’ont que très peu de mots pour
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les autres dimensions comme autant de portes (ou d’indicateurs) de
l’émotion en jeu (voir figure 3.4).
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Identification
de l'émotion
´ COLÈRE »
Modifications
biologiques : Tendances à
augmentation du rythme l'action : frapper,
cardiaque, bouffées
de chaleur, tension détruire,
musculaire… grommeler,…
Figure 3.4
Identifier l’émotion à partir des différentes composantes émotionnelles
rôle dans la différenciation des émotions (voir tableau 3.2). Tous ces modèles
varient quant au nombre de critères d’évaluation qu’ils proposent mais la
convergence des dimensions entre les différents modèles est importante.
L’idée principale des théories de l’évaluation est que les émotions sont
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produites et différenciées à partir de l’évaluation cognitive que l’individu
fait de la situation. C’est donc notre évaluation cognitive de l’événement
qui produit une émotion spécifique et c’est ce qui explique que deux indi-
vidus puissent ressentir des émotions différentes en réponse à une situa-
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Tableau 3.2
Critères d’évaluation de différents modèles
(Source : Niedenthal, Krauth-Gruber et Ric (2008), Comprendre les émotions,
Wavre, Mardaga, p. 25, tableau 1.3)
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Scherer Frijda Roseman Smith/Ellsworth
Nouveauté
Changement
– Soudaineté Activité
– Familiarité attentionnelle
Familiarité
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– Prévisibilité
Agrément
Valence Agrément
intrinsèque
Importance
Rapports aux buts
Focus Appétitif/aversif Certitude
– Pertinence
Certitude Motivation
– Degré de certitude
Certitude
dans la prédiction
des conséquences
Présence
– Attente
Ouvert/fermé Obstacle
– Opportunité
Urgence Consistance perçu/effort anti-
– Urgence
cipé
Potentiel de maîtrise
Action humaine
– Causalité : interne Intention/soi-autrui Action
– Causalité : externe
– Contrôle Modificabilité
Contrôle
– Puissance Contrôlabilité Potentiel de contrôle
situationnel
– Ajustement
Tableau 3.3
Exemples de prédictions de profils d’évaluation générées
pour trois émotions spécifiques
(Source : Scherer et Sangsue (2004), « Le système mental en temps que composant
de l’émotion », in Kirouac, G. (éd.), Cognition et Émotions, PUL, Québec, p. 16,
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tableau 2)
Nouveauté
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Potentiel de maîtrise
- Causalité : interne Autrui Autrui/nature Ouvert
- Causalité : externe Intentionnelle Ouvert Chance/négative
- Contrôle Élevée Ouvert Très bas
- Puissance Élevée Très basse Basse
- Ajustement Élevé Bas Moyen
(Note : « ouvert » signifie que ce critère n’inclut pas une évaluation spécifique)
Le modèle de Roseman définit 5 critères d’évaluation (évaluation de la
situation, certitude de l’événement, perception de soi, origine de l’événe-
ment et état de motivation) qui, suivant leurs valeurs, caractérisent
13 émotions distinctes (Roseman, 2001). Par exemple, l’espoir correspond à
l’état mental où un événement a été évalué comme incertain et consistant
avec les buts de l’individu. La simplicité du modèle permet de le traduire
facilement en un ensemble de règles déterminant quels états mentaux déclen-
chent quelles émotions chez un individu.
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 53
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les théories de l’évaluation. Les recherches futures devront mettre cette
idée à l’épreuve et déterminer dans quelle mesure les théories de l’évalua-
tion pourraient servir de base à une remédiation des compétences d’identi-
fication.
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tance périphérique, visant à accroître la force musculaire nécessaire lors
d’un combat.
Ces recherches permettent de supposer qu’il existe un pattern physiologi-
que spécifique à certaines émotions. Elles ne permettent toutefois pas d’affir-
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☞
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 55
☞
ils devaient simplement traverser un pont en béton, facile d’accès. À la fin de la
traversée, une tierce personne (homme ou femme) jouant le rôle du compère les
attendait afin de leur poser quelques questions d’ordre démographique et de les
interroger sur l’interprétation d’une planche d’un test projectif (TAT) (Murray,
1943). Cette interprétation fournissait un indice de l’imaginaire sexuel des parti-
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cipants. Le compère proposait également son numéro de téléphone aux partici-
pants, prétextant que celui-ci pourrait leur être utile s’ils souhaitaient des
informations complémentaires relatives à l’étude. Les résultats montrent que les
scores de l’imaginaire sexuel des sujets ayant traversé le pont suspendu sont plus
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élevés que les scores des participants ayant traversé le pont non suspendu et ce,
principalement, lorsque le participant était abordé par une dame. Le constat est
identique en ce qui concerne le taux d’acceptation du numéro de téléphone du
compère féminin et, ensuite, le nombre d’appels émis par les participants vers le
compère féminin. Cette étude montre que le fait d’avoir vécu une émotion forte
augmente l’attirance sexuelle vers le comparse lorsqu’il s’agit d’une femme. Ces
participants ont interprété leur émotion de peur ou d’anxiété liée à la traversée
du pont comme une attraction sexuelle envers le compère féminin. Ceci nous indi-
que que nous pouvons ressentir une émotion et identifier cette dernière comme un
autre état émotionnel.
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Dans les sections précédentes, nous avons insisté sur l’importance d’identi-
fier ses émotions et présenté différents moyens pour y parvenir. Selon Lane
et Schwartz (1987), l’identification des émotions ne fonctionnerait toutefois
pas sur le mode du « tout ou rien ». Ils proposent un modèle de conscience
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service. Un prix de la meilleure performance est attribué chaque année. Vous
avez travaillé dur pour obtenir cette distinction. Le gagnant est annoncé, c’est
votre ami. Comment vous sentez-vous ? Comment se sent votre ami ? »
La personne répond aux deux questions librement et il n’y a pas de limitation de
mots. Le système de cotation est fondé sur le récit des réponses verbales. Les
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Cette mesure semble fidèle et elle montre des corrélations modérées avec
différentes mesures d’intelligence émotionnelle (Ciarrochi, Chan, Caputi et
Roberts, 2001). Le niveau de conscience émotionnelle prédit également la
capacité à reconnaître les émotions d’autrui, que ce soit à travers la commu-
nication verbale ou non verbale (Lane et al., 1996). Finalement, des niveaux
élevés de conscience émotionnelle sont associés à une meilleure gestion du
stress (Stanton, Kirk, Cameron et Danoff-Burg, 2000) et à une activation
plus importante du cortex cingulaire antérieur (Lane et al., 1998).
Ces recherches corroborent donc l’idée que les aptitudes d’identification
sont une base nécessaire au développement de compétences émotionnelles
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
4 CONCLUSION
Dans ce chapitre, nous nous sommes centrés sur une compétence émotion-
nelle de base – et pourtant non moins fondamentale – : la capacité à identifier
ses émotions. Dans un premier temps, nous avons montré en quoi l’identifi-
58 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
cation de ses propres émotions était importante. D’une part, nous avons vu
que la capacité à identifier ses émotions était nécessaire au développement
de compétences émotionnelles plus complexes, telles que la régulation ou
l’utilisation des émotions. D’autre part, nous avons découvert que des diffi-
cultés au niveau de la reconnaissance d’émotions peuvent avoir des répercus-
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sions négatives dans différents domaines tels que la santé mentale, la santé
physique et les relations sociales. Dans la seconde partie de ce chapitre, nous
avons passé en revue les différents processus sous-jacents à l’identification
des émotions. Nous avons souligné l’importance d’être ouvert aux émotions
et de ne pas les réprimer. Nous avons également vu qu’enrichir notre vocabu-
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1 L’IMPORTANCE DE L’IDENTIFICATION
DES ÉMOTIONS D’AUTRUI
qu’il semble agité. Il ne vous accorde que peu d’attention, fait les cent pas
pendant que vous lui parlez, fronce les sourcils, se tourne les pouces, parle
fort, etc.
L’instant choisi pour solliciter une augmentation n’est pas optimal et ne vous
permettra probablement pas d’atteindre votre objectif. Quels sont les indices qui
auraient pu vous permettre d’anticiper que le moment pour formuler votre requête
était mal choisi ? Deux types d’indicateurs coexistent dans cette situation : les
indices verbaux et non verbaux. Au niveau verbal, votre patron vous informe du
peu de temps dont il dispose. Cette réponse vous indique d’ores et déjà que vous
☞
62 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
☞
n’êtes probablement pas le/la bienvenu(e). D’autre part, de nombreux signaux
non verbaux sont émis lors de l’interaction. Ceux-ci sont de nature à vous rensei-
gner sur l’état émotionnel de votre supérieur (agitation, regard, expression
faciale, gestes, intonation de la voix). Un individu sensible à ces différents
signaux aurait sans doute postposé sa demande d’augmentation.
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La capacité à percevoir et à identifier les émotions d’autrui a été étudiée de
longue date en psychologie sociale, clinique, cognitive et développementale.
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Sachant que l’homme est un être social et que le support social joue un
rôle protecteur en regard de la santé mentale et physique (Bruchon-Schweit-
zer, 2002 ; Rosenthal, Hall, DiMatteo, Rogers et Archer, 1979), il est proba-
ble qu’un déficit dans l’identification des émotions d’autrui aura des
conséquences qui dépasseront largement le cadre des relations sociales.
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2 IDENTIFIER LES ÉMOTIONS D’AUTRUI
AU TRAVERS DE LA COMMUNICATION
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VERBALE
aucun rapport entre les deux en dehors de cette convention. En effet, il n’y a
aucune raison particulière pour que les lettres « c, h, i, e, n » désignent un
animal spécifique. Pourquoi « chien » et pas « caput », « cient » ou encore
« tulit » ? Néanmoins, cet accord arbitraire nous est très utile car il nous
permet d’échanger de l’information.
Le deuxième type de communication est la communication analogique.
Elle a un rapport plus direct avec ce qu’elle représente. Si une personne nous
demande l’heure en chinois (communication digitale), nous risquons de ne
rien comprendre. En revanche, si cette même personne nous montre son
poignet (communication analogique), nous serons certainement en mesure
64 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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idées, des savoirs ; ce type de communication nous renseigne sur le contenu
du message. En revanche, la communication analogique, le non-verbal, nous
renseigne davantage sur le cadre relationnel de l’échange (émotions,
rapport hiérarchique, etc.). Certains d’entre nous pensent qu’un animal de
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Tableau 4.1
Les deux types de communications et leurs canaux
(Source : Salem (2005), L’Approche thérapeutique de la famille, Paris, Masson,
p. 48, tableau 2.1)
Parole
Communication digitale Verbal
Écriture
Expressions faciales
Mimiques
Gestes
Non verbal
Postures
Communication analogique Mouvements corporels
Intonation de la voix
Paraverbal
Débit de paroles
Pauses
Silences
Il est à noter que ces deux modes de communication (voir tableau 4.1)
peuvent se compléter ou se contredire. Nous pouvons ainsi accepter verbale-
ment une requête alors que notre langage non verbal traduit une réticence. La
plupart des êtres humains peuvent efficacement travestir leur communication
digitale mais peu parviennent à travestir leur communication analogique.
Certains arriveront encore à masquer l’expression faciale de leur émotion
mais, la plupart du temps, cette dernière se traduira subtilement dans la voix
ou la posture. De manière générale, le moyen le plus sûr d’identifier
l’émotion de notre interlocuteur est d’observer son langage non verbal. C’est
la raison pour laquelle nous y consacrerons la plus grande partie de ce chapi-
tre. Qu’on ne s’y trompe pas toutefois. Il importera, si possible, de confirmer
cette impression verbalement auprès de notre interlocuteur par la suite. Il
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 65
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3 IDENTIFIER LES ÉMOTIONS D’AUTRUI
AU TRAVERS DE LA COMMUNICATION
NON VERBALE
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La capacité à lire les messages non verbaux est dès lors essentielle. Elle
permet de mieux comprendre l’autre, et de s’adapter à nos interlocuteurs,
mais également à notre environnement. Imaginez que vous êtes en train de
marcher dans un bois avec un ami. Soudainement votre ami perçoit un
danger. Son comportement va changer immédiatement : ses yeux vont
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s’écarquiller, il va reculer ou s’immobiliser, l’intonation de sa voix va
changer, etc. Ces manifestations non verbales vont vous communiquer la
présence du danger avant même qu’il ait eu le temps – ni même la nécessité
– de vous la communiquer verbalement.
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expressions faciales, raison pour laquelle une importante partie de ce chapi-
tre sera consacrée à ce sujet. Nous aborderons également d’autres signaux
non verbaux comme le regard, les gestes, la posture, le paralangage, ou
encore la distance. Il importe de préciser à ce stade que nous ne considérons
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pas que les signaux non verbaux soient les seuls à même de nous informer
avec certitude sur l’état de notre interlocuteur et de la relation. Nous pensons
plutôt qu’il est nécessaire de prendre en compte l’interaction des différents
messages (verbaux et non verbaux). Les signaux non verbaux ne doivent pas
être observés de manière isolée ; ils font partie de la relation et doivent être
pris en compte au même titre que le message verbal ou le contexte.
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rudimentaires d’autrui apparaît tôt après la naissance (Izard et Ellis, 1971).
Certaines cellules du cortex temporal, une région impliquée dans la reconnais-
sance des visages, seraient présentes dès six semaines après la naissance
(Rodman, Skelly et Gross, 1991). D’autres aires du cortex temporal associées
également à la reconnaissance des visages sont développées totalement six mois
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Des dizaines d’années après The Expression of the Emotions in Man and
Animals et à la suite des travaux de Klineberg, les psychologues se sont à
nouveau penchés sur cette même question : « Les expressions faciales
émotionnelles sont-elles universelles ou spécifiques à chaque culture ? »
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Pour tenter de répondre à cette question, Ekman, un psychologue américain
considéré comme un des pionniers dans l’étude des émotions et de leurs expres-
sions faciales, se rend en Papouasie/Nouvelle-Guinée. La tribu papoue est si
isolée que personne n’y a jamais vu de photos d’allochtones, de magazines ou
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de télévision. Les Papous n’ont donc pas pu apprendre les expressions faciales
« universelles » via les médias. Ekman adopte la méthodologie suivante. Il
raconte une histoire aux individus (ex. « un ami vient vous rendre visite et vous
êtes content ») et leur demande ensuite de choisir parmi trois expressions faciales
émotionnelles celle qui correspond le mieux à la situation décrite. Six histoires
étaient racontées, exprimant six émotions différentes (joie, tristesse, peur, colère,
dégoût et surprise). Les résultats montrent que les Papous choisissent, pour
chaque histoire, la même expression faciale que les personnes testées dans
21 cultures alphabétisées (Ekman et Friesen, 1971). La seule exception est que
les Papous n’ont pas distingué (ils confondent) les expressions exprimant la peur
de celles exprimant la surprise. Inversement, les expressions faciales émotionnel-
les des membres de la tribu sont reconnues correctement par une population
d’étudiants américains.
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travaux se sont multipliés plaidant en faveur du caractère universel des
expressions faciales. Différents arguments appuient cette hypothèse :
– Des études ont montré que les expressions faciales émotionnelles appa-
raissent chez des enfants aveugles (Charlesworth et Kreutzer, 1973). Ce
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résultat suggère que les émotions et leurs expressions sont innées et géné-
tiquement programmées.
– Des recherches menées sur les primates ont montré que les expressions
faciales qui sont universelles chez les humains le sont également chez les
singes (Chevalier-Skolnikoff, 1973 ; Hauser, 1993). Ces travaux plaident
également en faveur du caractère inné et biologique des émotions et de
leurs expressions.
– Les émotions représentées par les expressions faciales universelles corres-
pondent aux taxinomies des émotions retrouvées dans les différents langa-
ges à travers le monde (Romney, Boyd, Moore, Batchelder et Brazill,
1996 ; Shaver, Murdaya et Fraley, 2001).
En résumé, pouvons-nous déterminer le nombre d’émotions possédant
une expression faciale particulière ? Des preuves solides sont avancées pour
les émotions de joie, de colère, de dégoût, de tristesse, de peur et de surprise.
Ekman pense que la peur et la surprise ont des expressions faciales distinctes
(Ekman, 1999). Cette distinction est uniquement rapportée dans les cultures
alphabétisées. Certains auteurs (Ekman et Friesen, 1986 ; Ekman et Heider,
1988 ; Matsumoto, 1992) ont aussi mis en évidence que le mépris (émotion
dans laquelle on se sent moralement supérieur à une autre personne) possède
une expression faciale universelle bien que cette évidence se vérifie unique-
ment dans les cultures alphabétisées. La fierté répondrait également à une
expression non verbale se caractérisant par un petit sourire, la tête légère-
ment inclinée vers l’arrière et les bras qui se soulèvent au-dessus de la tête ou
les mains sur les hanches (voir figure 4.1) (Tracy et Robins, 2004). Il reste à
déterminer le caractère universel ou non de l’expression non verbale de la
fierté. Selon Keltner, il existerait également une expression faciale univer-
selle de l’embarras (Keltner, 1995).
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 71
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Figure 4.1
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
(Source : Tracy et Robins (2004), « Show your pride : Evidence for a discrete
emotion expression », Psychologica Science, 15, 194-197)
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quelques millisecondes) ou très subtilement (à très faible intensité).
Tableau 4.2
Les six émotions universelles et leurs caractéristiques faciales
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Expression neutre
Tristesse
Visage tombant
Abaissement des commissures des lèvres
Sourcils en position oblique
Éventuellement pleurs
Joie
Sourire
Éventuellement rire
Visage détendu
Coins des lèvres tirés vers l’arrière (par
les muscles zygomatiques)
Pommettes relevées
Plissements au coin des yeux
☞
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 73
☞
Surprise
Sourcils levés
Yeux écarquillés
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Bouche entrouverte
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Peur
Dégoût
Visage fermé
Sourcils en « V »
Yeux plissés
Lèvre supérieure tirée vers le haut
Nez froissé
Pommettes relevées
Colère
Sourcils plissés par le muscle corrugateur
(muscle se situant le long de l’arcade
sourcilière)
Lignes verticales entre les sourcils
Soulèvement des paupières
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Bouche fermée
Lèvre inférieure vers l’avant et lèvres
serrées
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L’AU12 se réfère à l’activation du muscle zygomatique, qui caractérise le
sourire. Les scientifiques utilisent le FACS dans leurs recherches pour déter-
miner avec exactitude les émotions exprimées par les sujets d’expérimenta-
tion. Ce programme permet également de déterminer les expressions
émotionnelles exprimées très brièvement ou très subtilement. Le FACS a
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Ekman et al. (1972) ont comparé des individus japonais et américains. Des
données de l’anthropologie suggèrent que les Japonais ont des règles d’expres-
sion différentes, notamment en ce qui concerne la non-expression d’affects néga-
tifs en présence d’une personne représentant l’autorité. Dans la première partie
de l’expérience, les sujets étaient seuls dans une pièce et regardaient des extraits
de films suscitant différentes émotions. Une caméra enregistrait leurs expressions
faciales pendant qu’ils regardaient les films. Les expressions de dégoût, de tris-
tesse, de peur et de colère étaient exprimées de manière identique dans les deux
groupes. Ces résultats plaident en faveur du caractère universel des émotions.
Dans la deuxième partie de l’étude, un expérimentateur était présent dans la
pièce avec les sujets. Les expressions des Américains étaient identiques à celles
exprimées lorsqu’ils étaient seuls, tandis que les Japonais masquaient leurs affects
négatifs et souriaient, comme le veut la culture japonaise. En une seule expé-
rience, Ekman a montré que les expressions faciales étaient universelles mais que
les modalités d’expression de celles-ci différaient selon la culture.
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Il importe de garder ces règles d’expression à l’esprit lorsque nous cher-
chons à identifier l’état émotionnel de notre interlocuteur. Ce n’est pas parce
que notre subordonné nous sourit qu’il est heureux. En effet, les règles
d’expression émotionnelle imposent à une personne de niveau hiérarchique
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☞
76 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
☞
Les enfants atteints de troubles envahissants du développement (TED) éprouvent
également de grandes difficultés à interpréter leurs propres émotions et celles
d’autrui (Celani, Battacchi et Arcidiacono, 1999). Les troubles envahissants du
développement se divisent en 5 catégories : trouble autistique, syndrome de Rett,
syndrome désintégratif de l’enfant, syndrome d’Asperger et troubles envahissants
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du développement non spécifiés.
Les TED se caractérisent par des altérations au niveau des relations sociales, du
langage, de la communication verbale et non verbale. Les enfants atteints de TED
ont du mal à déchiffrer les émotions, particulièrement les émotions dites sociales
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qui se traduisent par une expression faciale particulière telle qu’un sourire ou un
froncement de sourcils. Ces déficits représentent un handicap sévère pour
l’enfant, qui a de nombreuses difficultés à s’adapter au monde social. Elles
peuvent priver l’enfant de communication avec les autres et le conduire à l’isole-
ment social.
Figure 4.2
Sourire authentique et inauthentique
(Source : Time Magazine (2005), « The science of happiness », USA, p. 25)
l’avait mis en évidence pour la première fois. Lorsque notre sourire exprime
une joie sincère, le grand muscle zygomatique et le muscle orbicularis oculi,
situé autour des yeux se contractent (voir figure 4.2, photo de droite). Lors-
que nous sourions par politesse, l’orbicularis oculi n’est pas contracté (voir
photo de gauche). Il n’est pas aisé de produire un vrai « faux sourire », parce
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qu’il est difficile de contracter volontairement l’orbicularis oculi. Ekman
soutient en outre que même si nous y arrivions, la contraction ne se ferait pas
au même moment de chaque côté de l’œil.
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Des travaux en neurologie (Myers, 1976 ; Tschiassny, 1953) ont montré que les
expressions faciales volontaires et involontaires impliquaient des trajets neuro-
naux différents. Des patients atteints de certains types de lésions cérébrales sont
incapables de sourire sur demande mais ils sont capables de sourire lorsqu’ils
sont joyeux. Des lésions dans d’autres régions du cerveau produisent le pattern
inverse. Le patient est capable de sourire sur demande mais pas spontanément.
Qui d’entre nous n’a jamais dû sourire par politesse, que ce soit avec ses
collègues, avec ses proches, ou en réponse à une blague idiote d’un supérieur
hiérarchique ? Maintenant, vous connaissez une astuce qui vous permettra de
savoir si votre humour est réellement drôle ou non !
Une première clé pour identifier l’émotion d’autrui est donc l’expression
faciale. L’expression du visage nous renseigne sur l’état émotionnel de la
personne que nous avons en face de nous. Si nous demandons à une personne
comment elle va et qu’elle nous répond : « ça va fort bien, merci » avec une
expression faciale de tristesse (abaissement des commissures des lèvres,
sourcils obliques), nous pouvons supposer que la réponse de la personne est
en incohérence avec son expression faciale. Il est probable que cette
personne soit triste et que la norme sociale l’ait contrainte à répondre positi-
vement. Néanmoins, avant de juger définitivement, il nous faudra dès lors
partir à la recherche d’autres indices afin de confirmer notre hypothèse.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
3.2.2 Le regard
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relation (relation positive : regard attentif ; relation négative : évitement du
regard). Celui qui écoute regarde en moyenne deux fois plus que celui qui
parle. Celui qui écoute regarde celui qui parle afin d’obtenir des informations
visuelles qui complètent les informations verbales. Celui qui parle regarde
celui qui écoute dans le but d’obtenir une réaction par rapport à ses propos.
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d’Asperger. Ces deux groupes ont des scores inférieurs au RMET et leur
amygdale n’est pas activée lorsqu’ils complètent ce test, contrairement à des
personnes sans trouble particulier (Baron-Cohen et al., 1999).
Au niveau de l’œil, la taille de la pupille refléterait également le désir
(Hess et Polt, 1960). Lors d’une expérience, la pupille se dilatait chez les
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participants qui regardaient des photos de mannequins. L’attraction sexuelle
ou le plaisir seraient indicés par la taille de la pupille.
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Figure 4.3
Exemple d’item du RMET (Baron-Cohen et al., 2001)
Figure 4.4
Exemple d’item du RMET (Baron-Cohen et al., 2001)
1. Préoccupé.
80 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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Figure 4.5
Exemple d’item du RMET (Baron-Cohen et al., 2001)
1. Joueur.
2. Envieux.
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 81
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de l’émotion ressentie ? La question est toujours débattue. Tandis que certai-
nes études ont montré que des mouvements corporels spécifiques accompa-
gnent certaines émotions, d’autres soutiennent que les mouvements
corporels sont des indicateurs de l’intensité de l’émotion et non de sa spécifi-
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Cette gestuelle est directement traduisible en mots. Elle est le plus souvent
émise de manière consciente et délibérée. Notons que ces gestes varient
d’une culture à l’autre. Par exemple, le geste signifiant OK (un rond avec les
doigts) fait référence à l’argent au Japon et à une obscénité en Grèce et au
Brésil. Le deuxième groupe fait référence aux gestes illustratifs. Ces
derniers renforcent les messages verbaux qu’ils accompagnent. Par exemple,
tout en disant non, tourner la tête de gauche à droite. Les gestes régulateurs
contrôlent, règlent ou coordonnent les propos des interlocuteurs. Hocher la
tête pour signifier à son interlocuteur de continuer son discours, diriger le
bras vers la personne qui doit prendre la parole. Il existe également des
gestes adaptatifs. Ils permettent de satisfaire un besoin personnel. Ils
82 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
peuvent être dirigés vers soi ou vers les autres. Par exemple, se frotter les
yeux parce que nous avons sommeil, retirer un cheveu de la veste de son
interlocuteur. La dernière catégorie regroupe les gestes affectifs, qui
communiquent une signification émotionnelle comme sauter de joie, tendre
les bras vers quelqu’un. Ces gestes peuvent être conscients et intentionnels
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ou apparaître inconsciemment.
Tableau 4.3
Observations de Darwin quant aux gestes et postures associés aux émotions
les plus courantes (Darwin, 1872/1998)
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3.2.5 Le paralangage
Le paralangage se rapporte à la dimension vocale mais non verbale de la
parole. Il fait donc référence au timbre de la voix, au débit, aux pauses
pendant un discours. Une enquête menée sur les cinq continents a révélé
des changements au niveau de la voix pour les différentes émotions
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 83
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par le fait qu’il est difficile de capturer et d’analyser les vocalisations. Ces
dernières années, le développement de la technologie a rendu ces explora-
tions plus faciles. Différentes études ont été entreprises et montrent que
nos performances de reconnaissance vocale sont supérieures au hasard
(Scherer, Johnstone et Klasmeyer, 2003). En outre, la reconnaissance
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Les changements au niveau de la voix ont également été étudiés dans des
populations psychopathologiques, comme par exemple les personnes dépres-
sives. Les études montrent des différences entre un discours provenant d’une
personne non dépressive et un discours émis par une personne dépressive.
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Les dépressifs parlent à une intensité très basse (Eldred et Price, 1958 ;
Moses, 1954 ; Whitman et Flicker, 1966 ; Zuberbier, 1957) et leur discours
est ralenti (Zuberbier, 1957). Après une thérapie, l’intensité tend à augmenter
(Hargreaves et Starkweather, 1964). D’autres études (Moses, 1954 ;
Newman et Mather, 1938) ont montré que les individus dépressifs ont
tendance à employer, de manière répétitive, les mêmes intonations (plutôt
basses), ce qui donne une impression d’un discours monotone. Au niveau de
l’articulation, elle est imprécise et molle. Le stress influencerait clairement
certains paramètres vocaux et en particulier provoquerait une augmentation
de la fréquence des mots dans le discours (Ekman, Friesen et Scherer, 1976 ;
Scherer, 1981).
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de le combler au plus vite. Le silence sera privilégié dans les moments
d’écoute. Le silence peut être positif dans certaines situations et négatif
dans d’autres. Il faut adapter son silence aux situations. Il existerait
plusieurs types de silence (Myers et Myers, 1990). Le silence qui fait
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neutre soit très élevé (de 74 % à 88 %), il y a une considérable baisse du taux de
réponses correctes pour la joie (48 %). Les différents pays font les mêmes
erreurs ; ils confondent la joie avec l’expression neutre. La peur est fréquemment
confondue avec la tristesse ainsi que la tristesse avec l’expression neutre.
3.2.6 La distance
Edward Hall, anthropologue américain, assied les bases de la proxémique
dans les années soixante. Pour Hall, la communication passe par des données
spatiales dont le contenu est propre à chaque culture.
86 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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proche, les messages sont confidentiels puisque l’on considère que les
personnes murmurent. Chacun partage ses secrets et ses émotions. Nous
pouvons toucher l’autre aisément, sentir son odeur et son parfum.
La distance personnelle varie entre 45 cm et 1 m 20. C’est la distance que
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nous prenons lorsque nous parlons à des amis, des collègues. Nous échan-
geons des opinions, des idées, etc. Si, en revanche, un de nos interlocuteurs
veut nous confier une information privée, il va se rapprocher et le ton de sa
voix va diminuer. Ceci est le signe qu’un secret est en train de se révéler.
La distance sociale correspond à 3 m 60 maximum. Elle sépare deux person-
nes ne se connaissant pas particulièrement mais en relation momentanée. Les
informations échangées sont non personnelles et peuvent être entendues par un
autre public. Il s’agit par exemple de la distance classique établie entre les
commerçants et les clients. Dès que le vendeur vous accompagne dans le maga-
sin la distance diminue, ce qui favorise des échanges plus spontanés.
La distance publique se situe entre 3 m 60 et plus de 7 m. Il s’agit de la
distance entre un orateur et son public. Celle-ci caractérise une relation entre
personnes qui ne se connaissent pas du tout. L’information communiquée est
publique et destinée à un nombre de personnes limité.
Ces différentes distances ont été observées chez des individus américains
masculins et féminins de classe moyenne. Pour Hall, chaque culture humaine
définit de façon différente la dimension des bulles et des activités qui y sont
appropriées. Il n’y a pas de convention quant aux bonnes distances interper-
sonnelles requises. Les distances d’interaction varient selon les cultures. Les
habitants des pays nordiques et les Japonais interagissent à des distances
plus grandes que les citoyens des pays latins. Le contact physique est égale-
ment beaucoup plus rare (Forston et Larson, 1968 ; Watson et Graves, 1966).
Les distances varient aussi selon l’image que nous avons de l’autre. Si je
n’apprécie pas la personne que je dois rencontrer, lors de l’interaction,
j’aurai tendance à garder mes distances. Ce ne sera pas le cas si je pense que
la personne que je vais rencontrer est sympathique et chaleureuse. Les statuts
des interlocuteurs déterminent également la distance. Lors d’une interaction
avec notre patron ou avec un ami, la distance ne sera pas la même. Enfin, la
distance varie selon la tâche à accomplir. Les individus seront plutôt côte à
côte si la tâche nécessite une coopération, face-à-face s’il s’agit de compéti-
tion (Hargie, 1997).
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 87
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un rôle important dans beaucoup de nos jugements et de nos comportements.
Elle influence nos attitudes et nos croyances, nos impressions à propos de nous-
mêmes et des autres, la façon de nous exprimer et aussi la façon de négocier
(Forgas, 1995 ; Forgas, 1999, 2002 ; Forgas et George, 2001 ; Moylan,
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4 CONCLUSION
Nous avons présenté les caractéristiques des différentes émotions sur chacun
de ces indices non verbaux. Finalement, nous avons invité le lecteur à la
prudence ; les règles d’expression émotionnelle et/ou les objectifs de l’indi-
vidu à un moment donné influencent la manière dont les émotions sont expri-
mées. Il importe donc de ne pas se fier à un seul indicateur, mais de
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considérer l’ensemble des indicateurs disponibles. Lorsque cela est possible,
il convient toujours d’essayer de se voir confirmer verbalement l’impression
ressentie. C’est en effet l’une des seules manières de s’assurer que nous
n’avons pas projeté notre propre état émotionnel sur notre interlocuteur.
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DES ÉMOTIONS1
L’EXPRESSION
ET L’ÉCOUTE
Chapitre 5
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ments peuvent aussi avoir un coût (Bonanno, 2001 ; Bonanno, Papa,
Lalande, Westphal et Coifman, 2004). Les émotions ne sont pas un phéno-
mène unidimensionnel mais font partie de processus complexes en interac-
tion avec l’environnement. Pour aborder cette complexité, nous
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ciée à une mauvaise qualité de sommeil chez des patients souffrant de
cardiopathie coronarienne.
Par ailleurs, la suppression des émotions semble également avoir un
impact négatif sur la mémoire des stimuli émotionnels (Richards et Gross,
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2006). Dans leur étude, Richards et Gross ont montré que les personnes qui
supprimaient leurs expressions émotionnelles durant la projection d’un film
induisant le dégoût se rappelaient moins bien les détails visuels du film que
les personnes qui ne cherchaient pas à supprimer l’expression de leurs
émotions.
Toujours en ce qui concerne les effets délétères de la non-expression des
émotions, certaines études ont fait le lien entre l’axe 2 du trait d’alexithymie,
qui concerne la difficulté à verbaliser ses émotions, et certaines pathologies.
Dans le cas du diabète, des chercheurs de l’Université catholique de Louvain
ont ainsi montré que les enfants qui ont des difficultés à exprimer leurs senti-
ments présentaient un moins bon contrôle glycémique (Housiaux, Luminet,
Van Broeck et Dorchy, 2008). Ces résultats viennent confirmer ceux qui ont
déjà été observés pour la même pathologie chez les adultes (Luminet, de
Timary, Buysschaert et Luts, 2006 ; Manfrini et al., 2006 ; Manfrini et al.,
2005 ; Topsever et al., 2006). Enfin, il semble que l’inhibition des émotions
pendant de longues périodes peut exacerber le stress et avoir un impact négatif
sur le fonctionnement du système immunitaire ainsi que, de manière générale,
sur la santé (Berry et Pennebaker, 1993).
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chercheurs les plus connus dans ce domaine est le professeur James Penne-
baker, de l’université d’Austin au Texas. Ce chercheur est à l’origine du
writing paradigm (littéralement, « paradigme de l’écriture »), qui est utilisé
dans la plupart de ces recherches.
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– dans les relations de couple, lorsque l’un des partenaires exprime des
émotions positives et que l’autre y réagit de manière enthousiaste, on
observe un plus grand bien-être relationnel, plus d’intimité, ainsi qu’une
satisfaction mutuelle plus grande (Gable, Reis, Impett et Asher, 2004) ;
– dans un contexte organisationnel, Barsade a montré que l’expression
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d’émotions positives peut influencer favorablement la performance d’un
groupe (Barsade, 2002) ;
– par ailleurs, il a été démontré qu’exprimer régulièrement une émotion
positive, comme la gratitude, avait des conséquences positives, tant sur la
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(Collins et Miller, 1994). Les bénéfices de l’expression des émotions vont
donc dans les deux sens, entre celui qui exprime et celui qui écoute (Rimé,
2009). La figure 5.1 illustre ce phénomène.
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Personne A Personne B
Besoin de partager
une émotion
Exprime encore
Vit des émotions
plus d'émotions
Figure 5.1
La dynamique interpersonnelle du partage social des émotions
(d’après Rimé, 2009)
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répercuteront sans doute également l’information. Ces partages successifs
entraînent une diffusion très importante des expériences émotionnelles dans
l’entourage social d’un individu.
L’émotion motive un processus de partage et de communication, ce qui
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affects négatifs à court terme plutôt qu’un soulagement et que les bénéfices
physiques de l’expression ne soient pas reliés à la quantité d’émotions ou de
détresse exprimée ou rapportée juste après l’écriture (Smyth, 1998).
Très proche de la théorie précédente, la théorie des processus inhibi-
teurs attribue à l’inhibition de nos pensées, comportements et émotions des
effets délétères sur la santé, par un mécanisme comparable au fonctionne-
ment du stress. Encourager un individu à parler ou à écrire à propos d’un
événement inhibé devrait donner lieu à une amélioration de sa santé.
Plusieurs études se sont penchées sur cette théorie sans résultats probants
jusqu’à aujourd’hui (Greenberg et Stone, 1992 ; Pennebaker et al., 1988).
98 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
Une autre hypothèse attribue ces effets au travail cognitif. Le fait d’expri-
mer permettrait à l’individu de réorganiser cognitivement les représentations
de son expérience émotionnelle (Kennedy-Moore et Watson, 1999). En inté-
grant les pensées et émotions qui y sont reliées de manière cohérente,
l’événement pourrait être traité et oublié de manière plus efficace. Cette
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théorie est aujourd’hui supportée par de nombreuses recherches (Campbell
et Pennebaker, 2003 ; Klein et Boals, 2001).
La théorie de l’intégration sociale, quant à elle, met en exergue les effets
potentiels de l’expression des émotions sur l’intégration sociale (Rimé,
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1995), qui, à son tour, aurait des conséquences positives sur l’individu. Cette
théorie, dont nous avons parlé au paragraphe précédent, est largement
supportée empiriquement.
Enfin, l’hypothèse de l’exposition explique les bénéfices obtenus par les
effets positifs de la confrontation (Wolpe, 1968). Une exposition répétée au
stimulus émotionnel pourrait conduire à l’extinction du lien conditionné
entre l’événement et les réactions de l’individu. Parallèlement, l’individu
changerait sa représentation de l’événement (Foa et Kozak, 1986 ; Meadows,
1999).
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ces postulats en faveur de l’expression ou de la non-expression ? À l’instar
de Bonanno, nous pensons que le plus important n’est pas d’exprimer ou de
supprimer ses émotions mais la flexibilité à adopter le comportement le plus
adapté au contexte (Bonanno, 2001 ; Bonanno et al., 2004 ; Parrott, 1993).
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Bonanno et ses collègues (2004) ont testé empiriquement cette hypothèse. Les
sujets – des étudiants en première année d’Université – ont été soumis à une
tâche où ils devaient successivement augmenter l’expression de leur émotion, la
supprimer, et enfin réagir naturellement. L’hypothèse était que les individus les
plus flexibles (qui pouvaient le mieux et augmenter et supprimer l’expression de
leurs émotions) seraient ceux qui s’adapteraient le mieux à leurs deux premières
années d’Université et présenteraient le plus bas niveau de détresse à l’issue de
ce cycle. L’étude a montré que les sujets les plus flexibles tendaient à avoir une
meilleure adaptation à long terme alors que les sujets les moins flexibles
semblaient moins bien s’adapter. Partant de ces recherches, nous défendons
l’importance de l’adaptation à l’environnement et appelons à développer la
capacité des individus à choisir, en fonction de la situation, d’exprimer avec plus
ou moins d’intensité ou de ne pas exprimer leurs émotions.
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cées par l’expérience personnelle de chaque individu. Des chercheurs ont
montré que dans des familles où l’expression de la colère et du stress était
moins élevée, les enfants avaient plus de facilité à s’exprimer par rapport
aux situations difficiles qu’ils pouvaient vivre. Lorsqu’un événement
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Exprimer ses émotions nécessite la mise au point d’un message. Parler à la
première personne est le seul moyen d’assumer la responsabilité de ses
émotions et permet d’être plus authentique et proche de ce qu’on vit.
À cet égard, il est intéressant d’utiliser la formule « Je me sens », afin de
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bien distinguer les émotions qui nous appartiennent, des jugements – qui
sont tournés vers autrui et culpabilisateurs. Cette formule permet une expres-
sion consciente des affects et évite de donner naissance à un jugement (je
sens que tu es désagréable). Les messages de projection et de généralisation
(c’est désagréable, personne ne m’apprécie) ou ceux qui imputent la respon-
sabilité à l’autre (tu es désagréable, agressif) risquent de leur côté d’être
reçus comme des accusations.
ment, une des fonctions de nos émotions est de faire passer un message, de
communiquer avec notre environnement. Lorsque nous n’exprimons pas
clairement ce que nous ressentons, nous privons nos interlocuteurs d’une
information essentielle pour nous comprendre et réagir en conséquence dans
la relation.
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En se basant sur de nombreuses recherches et travaux dans le domaine,
notamment ceux de Rogers (Rogers, 1961 ; Rogers et Farson, 1987) et de
Rozenberg (2003), nous proposons de découper la compétence d’affirmation
de soi en quatre grandes capacités :
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Application
Imaginons que vous ayez prêté votre appartement à un ami pendant les vacan-
ces. À votre retour, vous le trouvez sens dessus dessous. Vous décidez de lui en
parler car cette situation vous a réellement mis hors de vous.
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Voilà la manière dont vous pourriez envisager de vous exprimer :
« Tu n’as vraiment aucun respect pour les choses qu’on te confie » Jugement
« On voit bien que la propreté, ce n’est pas ton truc » Supposition
« On ne t’a sûrement pas appris ça quand tu étais jeune » Supposition
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Une description objective se base uniquement sur les faits, sur ce qui est
concrètement observable, sur des dates et des objets précis. Faire cet exer-
cice, dans le cadre de situations qui nous dérangent, permet de bien différen-
cier les comportements extérieurs qui ne nous conviennent pas et nos
interprétations et jugements personnels sur ces comportements. En évitant de
mélanger les deux, nous serons plus clairs et plus efficaces dans nos rela-
tions. En outre, la description la plus factuelle possible des actes reprochés
permet de faire un premier constat objectif, sur lequel l’autre peut tomber
d’accord. Il est plus difficile en effet d’argumenter sur le fait qu’un évier
contient de la vaisselle sale que sur une affirmation subjective telle que « la
propreté, ce n’est pas ton truc ». C’est donc une première étape vers la
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
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utilisons le « tu », nous attaquons directement la personne et non son
comportement indésirable. Séparer la personne du problème est un gage de
communication plus efficace (Steinel, Van Kleef et Harinck, 2008). Selon
Gottman et Levenson, ce sont les attitudes insultantes, dominatrices ou
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défensives et non les conflits en eux-mêmes qui sont dommageables pour les
relations (Gottman et Levenson, 1999, 2000). En évitant un langage accusa-
teur, notre message devient plus facile à entendre par l’autre et le risque de le
blesser est réduit. De plus, si l’interlocuteur est de mauvaise foi, nous
donnons beaucoup moins de prise à une contre-attaque.
Parvenir à l’expression authentique des émotions n’est pas une chose
facile : ce n’est pas seulement une question de mots. Si l’on utilise une
formule toute faite pour s’exprimer, il y a toutes les chances que cela ne
fonctionne pas (Rogers et Farson, 1987). Cette attitude doit provenir d’une
intention sincère, qui transparaîtra aussi au travers du langage non verbal.
Pour la dimension non verbale de la communication, nous vous renvoyons au
chapitre 2, où elle a été abordée de manière extensive.
Exemple
« Tu es vraiment énervant » (message en « tu », qui peut être perçu comme une
agression).
« Je me sens nerveux(se) » (message en « je », dans lequel nous prenons la
responsabilité de nos sentiments).
Les quelques étapes que nous venons de décrire permettent d’utiliser les
émotions afin de créer des relations plus saines et plus harmonieuses à long
terme. Une relation authentique est possible dès lors que l’individu est
connecté à ses émotions, qu’il peut les conscientiser, les vivre et les commu-
niquer (Rogers, 1983).
de leurs effets néfastes. Non seulement cela clarifie l’esprit, mais cela aide
également à acquérir et à retenir de nouvelles informations et facilite les
processus de résolution de problèmes (Pennebaker, Kiecolt-Glaser et Glaser,
1997). Écrire peut nous aider à mieux nous connaître, à comprendre les
messages de nos émotions et à prendre soin de nos besoins de manière plus
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efficace. En nous appuyant sur les travaux de Pennebaker, nous proposons ici
quelques points de repères sur l’utilité que peut avoir la tenue d’un journal.
Tenir un journal de bord nous permet notamment de :
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■ Préparer un entretien
Lorsque nous voulons parler à quelqu’un mais que la charge affective risque
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
d’être trop forte, écrire avant la rencontre peut s’avérer être d’une grande
utilité. Cela nous permet de mieux nous comprendre et de clarifier ce que
nous voulons exprimer. De cette façon, face à la personne, nous serons capa-
bles de communiquer de manière plus juste et plus sereine et, si nous
perdons un peu nos moyens, les notes prises pourront nous aider.
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Dans le but d’exprimer nos émotions et de les gérer, nous pouvons nous
entraîner à les identifier et à les nommer. Cela permet de prendre une
distance par rapport à l’émotion et de se sentir capable d’agir plutôt que de
subir (Greenberg, 2002).
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Le tableau 5.1 ci-après n’est pas exhaustif mais permet d’élargir son voca-
bulaire émotionnel. Avoir un lexique plus étendu aide à préciser sa pensée et
à trouver les mots qui correspondent le mieux à l’expérience vécue.
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 107
Tableau 5.1
Lexique associé aux émotions de base
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allègre hilare contrarié accablé dégoûté abasourdi alarmé
amusé jouette crispé affecté désabusé atterré angoissé
béat joueur de mau- affligé désen- baba anxieux
bien dis- jovial vaise anéanti chanté confondu apeuré
posé joyeux humeur atterré désillu- confus choqué
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excité stupéfié
folâtre stupide
fou suffoqué
gai surpris
gaillard
guilleret
108 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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l’expression émotionnelle de ses interlocuteurs. Nous allons aborder cette
deuxième capacité en nous intéressant d’abord brièvement à l’importance
d’être capable d’écouter les émotions d’autrui. Puis, nous verrons les diffi-
cultés que sa mise en œuvre peut entraîner, thème que nous illustrerons
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reux ont montré qu’une majorité de ceux-ci ont l’impression que leurs
proches refusent, d’une manière ou d’une autre, d’entendre leurs difficultés.
Ces patients rapportent de nombreux comportements négatifs de la part de
leur entourage, comme la minimisation de leur vécu ou des remarques bles-
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doit faire
Face à quelqu’un qui vit une émotion, l’une des attitudes les plus courantes
consiste à proposer directement des solutions (Il faut, vous devriez, si j’étais
vous, dans cette situation, je…). C’est un mode d’intervention très présent
dans les entreprises et autres organisations axées sur les résultats. L’orienta-
tion vers les solutions est un mode d’intervention extrêmement utile s’il est
1. Le terme « mode d’intervention » est plus complet que celui de comportement. Il fait référence
non seulement au discours mais aussi à notre regard sur l’autre.
110 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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précoce et sans que l’autre ne le demande, ce qui lui enlève son autonomie
de décision. Le mode d’orientation vers les solutions n’est efficace que lors-
que la personne s’est réellement sentie écoutée et que l’intensité émotion-
nelle a baissé. Dans ce cas, la solution provient d’ailleurs souvent de la
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personne elle-même.
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2.2.4 Le mode d’intervention orienté vers la consolation : dire à l’autre
que cela va aller
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Ce type d’intervention trouve son origine dans notre malaise face aux
émotions de l’autre et dans notre tendance à nous identifier à son ressenti.
Ce type d’intervention part d’une bonne intention mais son efficacité est
limitée. En disant à l’autre que « ça va aller », on nie la gravité du
problème et, ce faisant, l’émotion correspondante. Cela peut donner
l’impression à l’autre que l’on minimise sa souffrance. L’effet peut être
aussi de le déresponsabiliser, de le pousser à se sentir victime et de le
priver ainsi de ses possibilités de prise de conscience et de meilleure
compréhension de la situation. Ce mode d’intervention peut rassembler des
comportements très différents, qui ont cependant tous en commun l’inten-
tion de consoler. Être à l’écoute du vécu de quelqu’un implique de
comprendre ce qu’il vit sans s’identifier à lui.
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de prendre conscience de nos tendances à juger, à moraliser, à amener nos
propres solutions ou à consoler. Lorsque nous les avons repérées, nous
pouvons nous pencher sur le vécu de l’autre sans nous y laisser aller.
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Exemple
Expression de l’interlocuteur :
« Il n’y a plus rien qui va, je suis vraiment nul, je vais faire échouer le projet… »
Reformulation simple (comportant le risque d’irriter) :
« Tu me dis que tu te sens nul et que tu vas faire échouer le projet, c’est cela ? »
Reformulation du vécu :
« Apparemment les choses sont difficiles pour toi en ce moment et cela affecte ta
confiance en toi ? »
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Exemple : « L’entretien a été très difficile. À la fin de la journée, je
me suis senti vraiment déçu. »
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Cette grille d’analyse est bien sûr loin d’être exhaustive et représente une
simplification de la diversité des interactions possibles. Elle permet cepen-
dant de prendre un certain recul par rapport à notre manière d’interagir avec
quelqu’un qui vit une émotion, en identifiant notamment les attitudes qui
peuvent être vécues comme une minimisation ou une disqualification de
l’émotion par l’interlocuteur.
Par ailleurs, une écoute véritable des émotions, telle qu’envisagée ici, peut
sembler passive car elle peut donner l’impression de ne pas agir. Pourtant,
cette écoute a un impact important et représente un véritable catalyseur de
changement. Selon Rogers (Rogers, 1961 ; Rogers et Dymond, 1954), une
personne qui vit une situation émotionnellement difficile peut passer par
différentes phases, si elle est écoutée de manière empathique :
– Au début, la personne se définit de façon plutôt négative, elle vit mal ses
émotions.
114 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
– Elle perçoit ensuite que son interlocuteur ne la juge pas et elle peut
commencer à explorer plus librement ses sentiments. Elle peut commen-
cer à accepter son ressenti.
– La personne se comprend mieux elle-même.
– Elle entame enfin une dynamique de changement.
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Un interlocuteur qui se sent compris sera plus disposé à appliquer les
outils de régulation émotionnelle que nous aborderons notamment aux
chapitres 6, 8 et 9.
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3 CONCLUSION
L’expression et l’écoute des émotions sont les deux facettes d’une même
compétence clé qui concerne les processus de communication et se trouve
donc au cœur de nos vies.
L’expression des émotions est cruciale pour le développement et la régula-
tion des relations interpersonnelles : elle fournit des informations essentiel-
les à nos interlocuteurs, permet la construction des liens affectifs et contribue
à l’intégration sociale. Au niveau individuel, elle est associée à de très
nombreux bénéfices, notamment en termes de santé physique et mentale, et
ceci bien que les mécanismes qui expliquent ces bénéfices soient encore
largement inconnus. Ceci étant posé, nous avons également vu que l’expres-
sion des émotions n’est pas toujours fonctionnelle : dans certains cas,
l’expression de l’émotion n’est pas adaptative. C’est donc la flexibilité à
pouvoir exprimer ou ne pas exprimer, ainsi que la capacité à moduler son
expression de manière adaptée aux circonstances qui nous semble caractéri-
ser une expression fonctionnelle. En ce qui concerne la compétence d’écoute
des émotions d’autrui, nous avons défini un certain nombre d’attitudes qui
peuvent gêner l’expression de notre interlocuteur et certaines autres qui
peuvent faciliter cette expression.
Dans le chapitre suivant, nous allons explorer comment mieux compren-
dre ses émotions afin d’être moins réactifs face aux situations les plus diffici-
les.
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LA COMPRÉHENSION
DES ÉMOTIONS1
Chapitre 6
1 LA PERSPECTIVE THÉORIQUE
satisfaits, les plantes meurent sans état d’âme. Les êtres humains ont égale-
ment des besoins physiologiques indiscutables, comme se nourrir, boire ou
dormir. L’insatisfaction de ces besoins engendrera chez l’être humain un
ensemble d’émotions (ex : anxiété, frustration, colère…), visant à stimuler la
satisfaction des besoins et à augmenter ainsi les chances de survie.
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À la différence d’organismes plus simples, les besoins physiologiques ne
sont pas les seuls paramètres indispensables à notre équilibre. Au-delà de la
satisfaction des besoins biologiques, notre ajustement requiert également la
satisfaction de besoins psychologiques (ex. relationnels et affectifs). L’insa-
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Perception et
évaluation
Facilitation à l'action
Besoins
Émotion Situation déclenchante
Information
Figure 6.1
L’interaction émotion/environnement
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l’opposé, les émotions agréables, dites « positives », comme la joie, le ravis-
sement ou l’amusement, nous signalent que nos besoins sont satisfaits.
Tableau 6.1
Exemples de relations entre émotions et satisfaction des besoins
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La théorie de l’autorégulation
La théorie de l’autorégulation de Carver et Scheier (Carver et Scheier, 1990)
illustre bien ce concept. Selon cette théorie, les émotions font partie d’un système
complexe orienté vers des buts qui autorégulent les actions des individus en fonc-
tion de leurs objectifs. Le comportement d’une personne est régulé par un proces-
sus de feed-back : l’individu compare les résultats qu’il obtient à une valeur de
référence (ses buts). Si la comparaison révèle un écart entre la valeur de réfé-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Valeur de
référence
COMPARATEUR
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Input :
perception
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Output :
Impact sur + Comportement
l'environnement
Influences extérieures
Figure 6.2
La théorie de l’autorégulation
1. Abraham Maslow (1908-1970) est considéré le père de l’approche humaniste. Il est surtout
connu pour son explication de la motivation par la hiérarchie des besoins. Son approche, très
originale pour son époque, était plus centrée sur la psychologie positive que sur l’anormalité.
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 121
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Besoins d'accomplissement de soi
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Besoins physiologiques
Survie, faim, soif, repos, abris, sexualité,…
Figure 6.3
La pyramide de Maslow
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Growth) de Clayton P. Alderfer (1972). Ce dernier reprend les catégories de
Maslow et les répartit entre besoins d’existence, besoins relationnels et
besoins de développement.
Citons aussi la théorie de l’échelle de développement humain de Max-
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1.4 En résumé
Tout en nous démarquant du principe de hiérarchisation, nous postulons, à la
suite de Maslow, Max-Neef, Ryan et Deci, que les besoins biologiques et
psychologiques :
– sont fondamentaux et universels ;
– se différencient des moyens (à rapporter aux buts et ressources) utilisés
pour les satisfaire et qui sont situationnels. Nous prenons les buts en
considération mais les envisageons comme autant de moyens possibles de
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 123
répondre à nos besoins. Les besoins sont donc pour nous à un niveau
conceptuellement supérieur à celui des buts.
– n’ont pas de valence : ils ne sont ni bons, ni mauvais par nature ;
– sont des paramètres indispensables à l’équilibre et au bien-être des
individus : si les émotions négatives sont activées par des besoins menacés
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ou insatisfaits, et les émotions positives déclenchées par la satisfaction des
besoins, alors à long terme, l’insatisfaction répétée des besoins risque
d’avoir un impact sur la santé mentale et physique.
Un certain nombre de recherches apportent des arguments dans ce sens.
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Parmi ces études, celle de Timmerman et Acton sur les relations entre insatis-
faction des besoins et désordres alimentaires émotionnels a montré que moins
une personne était satisfaite dans ses besoins fondamentaux, plus elle avait de
chance de s’engager dans des comportements boulimiques (Timmerman et
Acton, 2001). Les recherches montrent aussi que plus les individus satisfont
leurs besoins fondamentaux, moins ils ont de chances de consommer des
stupéfiants (García-Aurrecoechea, Díaz-Guerrero et Medina-Mora, 2007),
plus ils sont motivés à réussir académiquement (Faye et Sharpe, 2008) et plus
ils rapportent un niveau élevé de bien-être, tant personnel que relationnel
(Bettencourt et Sheldon, 2001 ; Patrick, Knee, Canevello et Lonsbary, 2007).
Selon d’autres chercheurs, un grand nombre de difficultés et de pathologies
psychologiques trouvent leur origine dans la non-réalisation de ces besoins
(Ryan et Deci, 2005 ; Ryan, Deci, Grolnick et La Guardia, 2006). La notion de
besoin est également centrale dans la gestion des conflits. Pour de nombreux
auteurs, l’origine des conflits se trouve dans l’insatisfaction des besoins fonda-
mentaux. Un travail sur ces besoins apparaît comme un élément central de la
résolution des conflits (Burton, 1990 ; Kelman, 1996).
124 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
Tableau 6.2
La matrice des besoins de Max-Neef
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Subsistance Santé physique Nourriture, toit, Nourrir, Environnement
et mentale travail habiller, se social et de vie
reposer,
travailler
Protection Soin, adaptabi- Sécurité sociale, Coopérer, pla- Environnement
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Travailler sur nos besoins permet de diminuer notre réactivité à l’environne-
ment et de devenir plus résilients. Cet apprentissage est un processus
progressif qui doit être envisagé sur le moyen et le long terme, et qui ne
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remplace donc pas les outils de régulation que nous verrons au chapitre 7.
Le concept de besoins fondamentaux est utile à bien des égards : il permet
aux individus de donner du sens à leur expérience et de disposer d’indica-
tions pour prendre soin de leur bien-être. Mais il donne en outre un sens
différent aux émotions dites négatives, lequel peut permettre aux individus
d’accepter celles-ci au lieu de les éviter.
Cet éclairage nouveau – qui présente les émotions comme un indicateur
du degré de satisfaction des besoins – disqualifie la catégorisation entre
bonnes et mauvaises émotions. Cette catégorisation, qui attache une conno-
tation morale aux émotions négatives (peur, colère, envie, etc.) a pour effet
d’amplifier les effets d’évitement des émotions négatives et est à la base de
nombreuses difficultés émotionnelles. La présente théorie conçoit au
contraire toutes les émotions comme potentiellement utiles en vertu du
message qu’elles délivrent en regard de nos besoins. Nous soutenons qu’une
telle conception contribue à faire baisser le caractère conflictuel des
émotions « négatives » et à en faciliter l’accueil (Kotsou, 2008).
Dans cette partie pratique, nous verrons comment utiliser ces concepts
afin, d’une part, de mieux accueillir nos émotions et, d’autre part, de prendre
soin de ce qui les motive, c’est-à-dire nos besoins fondamentaux. Nous le
ferons à partir de trois compétences de base : (1) la capacité à accueillir nos
émotions, (2) la capacité à reconnaître nos besoins et (3) la capacité à agir
pour satisfaire nos besoins.
Nous illustrerons ces compétences à partir de trois exemples sur lesquels
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
☞
126 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
☞
– Bert vient de se faire convoquer par son directeur, Albert. Celui-ci lui annonce
qu’il est licencié, parce que ses résultats ne sont pas à la hauteur de ce que
l’entreprise attend, surtout dans ce contexte économique difficile.
– Chantal a été nommée responsable d’un nouveau projet et travaille énormé-
ment depuis un an. Elle se sent très fatiguée et réagit à fleur de peau. Son collè-
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gue Pierre vient de lui faire un commentaire sur le dernier rapport qu’elle a
défendu en réunion. Elle le prend mal et lui répond en haussant le ton. Il s’ensuit
un échange vif qui débouche sur un conflit.
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Affect négatif
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Figure 6.4
Conséquences respectives de la suppression et de l’accueil des émotions
(adaptation de Barlow et al., cités dans Philippot, 2007)
Émotion et comportement
Notre difficulté à accueillir certaines émotions se pose surtout lorsque nous les
considérons comme négatives. Or, il est important de bien comprendre
qu’aucune émotion n’est négative en tant que telle. Par définition, elles nous
renseignent sur le niveau de satisfaction de nos besoins et, dans cette optique,
elles sont toutes utiles. Néanmoins, il est important de différencier l’émotion du
comportement qu’elle induit. En effet, ce n’est pas parce que l’émotion est utile
que les comportements qu’elle provoque le sont également. Contrairement à ce
que pensent beaucoup d’entre nous, la colère n’est pas une émotion négative
dans l’absolu car elle nous renseigne sur nos frustrations et nous insuffle l’énergie
nécessaire pour réagir à la situation. En revanche les comportements violents qui
résultent d’une colère mal gérée sont délétères.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
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chée par un stimulus externe (les remarques de Marc, le licenciement, le
commentaire de Pierre). Ce déclencheur est à distinguer de la cause de
l’apparition de l’émotion (le besoin d’estime, le besoin de sécurité, le besoin
de repos et de reconnaissance), qui résulte de l’insatisfaction ou de la
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menace qui plane sur nos besoins. Dans des situations de survie, face à une
émotion de base (comme la peur), le stimulus déclencheur de l’émotion et la
cause de l’émotion se confondent. En revanche, dans des situations ou pour
des émotions plus complexes, les besoins ne sont pas directement liés au
déclencheur. Le risque d’interprétation est alors plus grand, tout comme le
risque de mal identifier le besoin sous-jacent.
Exemple 1 (simple)
La peur à la vue d’un scorpion (élément déclencheur) se confond avec le besoin
menacé (sécurité).
Exemple 2 (complexe)
Une remarque blessante sur notre efficacité professionnelle (élément déclencheur)
fera naître en nous une émotion dont les racines sont peut-être à chercher dans le
besoin de reconnaissance ainsi contrecarré.
Émotion
3
2 Besoins
1
Événement
déclencheur
Figure 6.5
Déclencheur, émotion et besoin
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 129
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l’émotion, qui correspond à un processus négatif relié à l’évitement (« que
faire pour éviter le danger ? ») plutôt que sur nos besoins, qui correspondent
davantage à un processus d’approche (« que faire pour les satisfaire ? »).
Identifier nos besoins n’est pas facile car c’est un raisonnement auquel
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I
N
T
E Situation
R déclenchante
P
R
É
T
A Émotion
T
I
O
N
Besoins
Figure 6.6
Composantes du processus de déclenchement de l’émotion
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– De quel aspect fondamental de ma vie me parle cette émotion ?
– Quel est le message apporté par cette émotion ?
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Lorsque nous avons compris quel était le besoin en jeu, se pose alors la ques-
tion de la manière d’en prendre soin. Pour ce faire, il est fondamental de
distinguer les besoins des moyens mis en place pour les satisfaire. Alors que
les besoins sont universels mais limités, les moyens sont illimités mais
contextuels et culturellement influencés (le besoin de reconnaissance est un
besoin universel, et on pourrait imaginer une multitude de moyens pour y
répondre : une promotion, les remerciements du responsable, le développe-
ment de nos propres compétences, etc.). Comme il y a de nombreuses façons
de satisfaire un besoin, il est bon de laisser notre créativité s’exprimer pour
choisir le moyen le plus efficace ou le plus accessible, au lieu de se focaliser
sur un moyen impossible à mettre en œuvre. (Chantal a besoin de repos et
aimerait partir en vacances, malheureusement sa situation professionnelle ne
le lui permet pas pour l’instant. De quelle autre manière pourrait-elle répon-
dre à ce besoin ?) Dans le cas où nous ne trouvons pas le moyen qui apporte-
rait un bien-être concret, nous pouvons travailler sur nos pensées et nos
croyances, comme nous le verrons au chapitre 7.
La distinction entre besoins et moyens a toute son importance. Les
moyens que nous cherchons à mobiliser peuvent se trouver en nous (prati-
quer la relaxation) mais sont le plus souvent dans notre environnement et
dépendent de facteurs externes. Souvent, nous ne les maîtrisons pas totale-
ment et nos buts peuvent se révéler inaccessibles (attendre de la reconnais-
sance d’un responsable qui n’estime pas devoir la donner, vouloir partir en
vacances alors que nous n’en avons pas les moyens). À ce moment-là, il est
essentiel de ne pas se focaliser sur l’échec de la stratégie mais d’en envisager
une autre (pour répondre à notre besoin de reconnaissance et d’estime de soi,
nous pouvons peut-être faire du théâtre, travailler à reconnaître nos propres
qualités, nous engager dans des activités qui ont du sens pour nous ; pour
prendre soin de nous, nous pouvons nous offrir un massage, faire une séance
de relaxation, aller parler avec un(e) ami(e) réconfortant(e), prendre un
bain…). Les recherches montrent que les individus qui accordent une grande
importance à des buts extrinsèques (apparence, popularité, richesse) tendent
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 131
à être en moins bonne santé mentale que ceux qui se centrent sur des para-
mètres intrinsèques (intimité, développement personnel) (Kasser, Ryan, Zax
et Sameroff, 1995). D’autres études ont également montré que lorsque leurs
besoins sont contrariés, les individus orientés vers des buts extrinsèques ont
tendance à se tourner vers des substituts (comme le tabac et l’alcool) plutôt
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que d’être conscients de l’importance de ces besoins (Williams, Cox,
Hedberg et Deci, 2000).
Avoir assez
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LIBERTÉ
Ne pas travailler Travailler à son
(Besoin) propre compte
Partir en
Travailler sa
vacances
confiance en soi
sac à dos
Figure 6.7
Différents moyens possibles pour répondre au même besoin
1982).
3 CONCLUSION
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terme. Il est capital d’accueillir l’émotion parce que l’évitement émotionnel
est à la base de nombreuses pathologies. Identifier le besoin sous-jacent à
l’émotion facilite l’accueil de celle-ci car cela lui confère un sens positif :
l’émotion nous informe que notre équilibre est menacé et qu’une action doit
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À LA RÉGULATION
DES ÉMOTIONS1
INTRODUCTION
Chapitre 7
1 ÉMOTIONS FONCTIONNELLES
ET DYSFONCTIONNELLES
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Outre le fait qu’elles facilitent l’adaptation à l’environnement, les émotions
colorent l’existence. C’est grâce à elles que nous nous sentons pleinement
vivants. Il serait dès lors absurde de prôner une répression ou une régulation
à tout va ! Il est au contraire fondamental de pouvoir s’ouvrir aux émotions,
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loisir sa colère, sa tristesse ou encore sa jalousie, etc.
Les règles d’expression émotionnelle (Ekman, Sorenson et Friesen, 1969)
renvoient aux normes en matière d’expression des émotions : quelle(s)
émotion(s) peut-on ou doit-on exprimer dans tel contexte ? Chaque culture,
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chaque famille, chaque entreprise possède ses propres normes. Les différen-
ces culturelles au niveau émotionnel sont relativement connues et l’on
oppose souvent, à raison, les Asiatiques – de nature plus réservée – aux
Américains – plus expressifs (Matsumoto, 1990). Il en va de même au niveau
des entreprises et, notamment, des secteurs professionnels. Ainsi, les agen-
ces de publicité sont connues pour avoir des normes émotionnelles très
labiles : on n’hésite pas à y afficher ses émotions ni à y exprimer des
émotions extrêmes (surtout si l’on fait partie du team créatif !). Les banques
prescrivent au contraire un environnement relativement dénué d’émotions (à
l’exception d’occasions telles que drinks, family days, team buildings, etc.).
Une caractéristique commune à de nombreuses entreprises, surtout dans les
services en contact avec la clientèle, réside néanmoins en la valorisation de
l’expression des émotions positives et l’inhibition des émotions négatives –
notons que c’est l’inverse dans les entreprises de pompes funèbres et d’huis-
siers de justice – (Hochschild, 1983). On retrouve de telles différences de
normes entre les familles. Alors que certaines familles valorisent l’expres-
sion des émotions, ces dernières constituent un sujet tout à fait tabou dans
d’autres. Il existe aussi des familles dans lesquelles il est permis d’exprimer
des émotions positives (joie, intérêt, enthousiasme) mais où l’expression
d’émotions négatives (ex. tristesse, colère, peur) est proscrite. Dans d’autres
familles, c’est l’inverse.
En résumé, les normes sociales imposent de réguler les émotions qui ne
cadrent pas avec les règles d’expression émotionnelle propres au groupe
d’appartenance. Nous avons tous dû, au moins une fois dans notre vie, régu-
ler notre colère afin de ne pas nous emporter en public, ne pas laisser perce-
voir notre agacement face à des clients particulièrement contrariants, ou
conserver notre sourire à la vue d’un cadeau qui ne nous plaisait absolument
pas. Les exemples et les situations qui attestent de la nécessité de réguler ses
émotions abondent.
138 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
2 L’OBJET DE LA RÉGULATION
ÉMOTIONNELLE
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Comme nous l’avons suggéré dans les lignes qui précèdent, ce que l’on
entend par « régulation émotionnelle » ne se limite pas simplement à « se
défaire de ses émotions négatives ». En réalité, la régulation émotionnelle
recouvre l’ensemble des processus par lesquels l’individu va modifier son
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1. La valence renvoie au caractère positif (plaisante) versus négatif (déplaisante) d’une émotion.
Les émotions de valence négative sont la tristesse, la colère, la peur, la honte, etc. Les émotions
de valence positive sont la joie, l’intérêt, la fierté, etc.
INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 139
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Bien que les individus tentent le plus souvent de se défaire de leurs émotions
négatives, la régulation émotionnelle ne se limite pas aux émotions négati-
ves. Il arrive ainsi que l’on doive réduire l’intensité d’émotions positives, par
exemple diminuer la joie liée à la réussite d’un examen en présence d’un ami
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qui a échoué.
Pour complexifier encore les choses, la régulation émotionnelle ne vise
pas toujours à diminuer l’intensité des émotions, elle peut également viser à
maintenir ou à augmenter l’intensité des émotions.
Il existe donc 4 grands types de régulation émotionnelle, selon que l’on
augmente ou diminue l’émotion, et selon que cette dernière est de valence
positive ou négative (Gross, 2008). Le tableau 7.1 schématise ces quatre
formes de régulation.
Tableau 7.1
Les quatre formes de régulation émotionnelle
Diminuer Augmenter
Diminuer l’anxiété liée à une Augmenter l’expression de tris-
Émotion échéance imminente, ou la tris- tesse dans le cas des employés
négative tesse occasionnée par une rupture de pompes funèbres, etc.
sentimentale, etc.
Les deux formes de régulation les plus fréquentes sont la diminution des
émotions négatives et l’augmentation des émotions positives (Gross,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
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lorsque nous nous efforçons de trouver drôle la dernière blague racontée
par notre collègue ou (c) pour soutenir la performance, lorsque nous
tentons d’augmenter son intérêt pour un cours ou une tâche. Le chapitre 9
détaillera les stratégies les plus efficientes pour maximaliser ou prolonger
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l’individu parce qu’elle rend la régulation rapide et peu coûteuse en termes
de ressources investies. Néanmoins, comme nous le verrons plus loin, cette
automatisation joue aussi parfois contre l’individu parce qu’elle rend tout
changement à ce niveau beaucoup plus difficile.
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4 L’IMPORTANCE DE LA RÉGULATION
ÉMOTIONNELLE
Nous avons vu que les émotions devaient être régulées lorsqu’elles ne sont
pas en accord avec les normes en matière d’expression émotionnelle ou
lorsqu’elles ont des conséquences négatives pour le bien-être de l’individu,
pour sa performance ou pour autrui.
De manière plus générale, les recherches ont montré que la capacité à régu-
ler ses émotions était une aptitude essentielle, et que cette aptitude avait des
conséquences fondamentales dans au moins cinq grands domaines de la vie.
ment tristes, si nous ne parvenons pas à contrôler notre jalousie, les gens
finiront par nous tourner le dos !
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facilement.
Les mêmes processus restent d’application dans le monde professionnel.
Les personnes qui gèrent bien leurs émotions sont ainsi plus performantes
dans les tâches qu’elles doivent effectuer. Ainsi, les équipes hospitalières
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diabète, les maladies gastro-intestinales, les maladies cardiovasculaires et,
même, certains cancers (ex. Blumenthal et al., 2005 ; Lehrer, Isenberg et
Hochron, 1993 ; Spiegel et Giese-Davis, 2003 ; Thurin et Baumann, 2003).
La raison est simple : les émotions ont une contrepartie biologique. Lorsque
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gèrent pas leur argent de manière rationnelle. Ce phénomène s’observe dans
la vie quotidienne mais également, et de manière plus surprenante peut-être,
au niveau des investissements en bourse. Comme l’ont montré les psycholo-
gues Kahneman et Tversky, les investisseurs ne réagissent pas de la même
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manière aux pertes qu’aux gains. Ce déséquilibre a fait l’objet d’une des
théories les plus influentes en économie : la théorie des perspectives ou
« prospect theory » (Kahneman et Tversky, 1979), pour laquelle les auteurs
ont d’ailleurs reçu le prix Nobel d’économie. Son principe est illustré dans la
figure 7.1.
Figure 7.1
Le rapport entre valeur objective et valeur subjective
dans la théorie des perspectives
« gagner 10 000 €, c’est chouette, mais en perdre 10 000 est une catastrophe ».
Nous allons donc tâcher d’éviter les pertes plutôt que de maximiser les gains.
Deuxièmement, la manière dont la courbe s’aplanit avec le temps, tant
pour les gains que pour les pertes, indique qu’après avoir atteint un certain
seuil, le sentiment positif ou négatif qui suit les gains ou les pertes
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n’augmente plus de manière significative, et ce quelle que soit la valeur de
ces gains ou de ces pertes. Ainsi, une fois que nous nous sentons bien après
un certain gain, il est peu probable que nous nous sentions beaucoup mieux
en gagnant plus. De même, une fois que nous nous sentons mal après un
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certain niveau de perte, il est peu probable que nous nous sentions beaucoup
plus mal en perdant plus. Cette théorie rend ainsi compte d’une observation
que les modèles rationnels économiques ne pouvaient expliquer : la tendance
des investisseurs à vendre prématurément les actions qui rapportent, et à
conserver trop longtemps celles qui déclinent.
D’un point de vue émotionnel, la théorie des perspectives (prospect
theory) peut être conceptualisée en termes de fierté et de regret (Salovey,
2001). Les individus tendent à rechercher la fierté et à éviter le regret. Lors-
que nous vendons une action qui rapporte, nous pouvons être fiers de nos
gains. Nous pouvons également nous féliciter d’avoir eu raison sur la qualité
de l’action. En revanche, si nous vendions une action qui périclite, nous
accuserions une perte tangible regrettable. Nous devrions également admet-
tre nous être trompés quant à la qualité de cette action. Tant que nous ne
vendons pas, la perte n’est pas réelle et nous ne nous sommes pas encore
« vraiment » trompés. Pas de vente, pas de regret.
L’influence des émotions sur les comportements des investisseurs met en
évidence l’utilité d’une bonne gestion émotionnelle. Les individus capables
de réguler leur joie et leur regret auront davantage tendance à poser les bons
comportements.
Nous venons de voir pourquoi il était capital de pouvoir réguler ses
émotions. Il suffit toutefois de regarder autour de soi pour se rendre compte
que les individus diffèrent considérablement dans leur capacité à gérer leurs
émotions. Dans la section suivante, nous allons examiner la provenance de
ces différences.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les facteurs qui influencent les aptitudes de régulation d’un individu peuvent
être regroupés en deux grandes classes : les facteurs génétiques et les
facteurs environnementaux.
146 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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Hariri, 2008 pour une méta-analyse). Les sujets porteurs de l’allèle court
sont plus réactifs émotionnellement. Le second, COMT, est davantage en
lien avec les zones frontales et détermine en partie la qualité de la régulation.
Ainsi, 5-HTT expliquerait que certains aient plus vite peur que d’autres et
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COMPT expliquerait pourquoi certains ont du mal à réguler cette peur (voir
point 7. ci-dessous : « Réactivité et régulation ») (Lonsdorf et al., 2009).
Il est important de bien comprendre cette notion de vulnérabilité. Être
vulnérable veut dire être à risque. Une personne dite « à risque » ne va pas
automatiquement présenter le problème. Elle ne le présentera que si elle
combine ce facteur de risque génétique avec des facteurs de risques environ-
nementaux. Une personne qui possède l’allèle court du transporteur 5-
HTTLPR est plus vulnérable : elle risque plus de présenter des troubles
émotionnels qu’une personne avec un allèle long. Néanmoins, une personne
avec un allèle court peut gérer ses émotions de manière efficace si les
facteurs environnementaux lui sont favorables. Ainsi, une personne porteuse
de l’allèle court qui n’est pas confrontée à des événements de vie excessive-
ment stressants dans l’enfance, qui a des parents chaleureux, qui gèrent bien
leurs émotions et qui lui apprennent à bien gérer les siennes, régulera proba-
blement mieux ses émotions qu’une personne porteuse de l’allèle long mais
qui a été abusée durant son enfance, dont les parents parlaient peu et régu-
laient mal leurs émotions.
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émotions. L’enfant apprend dès son plus jeune âge par observation
(Bandura, 1965). Le comportement des parents a ainsi une grande impor-
tance sur le développement de l’enfant. Un enfant qui voit ses parents se
mettre en colère régulièrement, casser des objets quand ils sont énervés,
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boire pour anesthésier leurs émotions retiendra ces manières d’agir et aura
tendance à les reproduire (voir Thompson, 1994).
– Le troisième facteur est relatif aux événements traumatiques. De
nombreuses études ont montré que l’exposition précoce à un événement
traumatique affecte profondément le fonctionnement cérébral et endocri-
nien de l’enfant, le rendant plus vulnérable face aux événements de vie
ultérieurs (ex. Schore, 2001 ; Heim et Nemeroff, 2001). Une dépression
ou un stress chronique et élevé chez la mère durant la grossesse rendra
également l’enfant plus vulnérable (ex. Essex, Klein, Cho et Kalin, 2002).
Il est à noter que nous parlons ici des facteurs qui vont façonner les capa-
cités d’un individu à réguler ses émotions dans l’absolu. Nous ne parlons pas
des événements qui, au cours de la vie, vont faciliter ou au contraire dégrader
la capacité d’un individu à gérer ses émotions. Il va de soi, par exemple,
qu’une accumulation d’événements de vie difficiles rendra la gestion des
émotions difficile chez toute personne en raison de l’épuisement de ses
ressources (Baumeister, 2002).
6 UNE CONFIGURATION
ET UN FONCTIONNEMENT PARTICULIERS
DU CERVEAU
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
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Figure 7.2
Situation du cortex préfrontal dans le cerveau
(Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ed/BrainLobes-
Labelled.jpg)
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7 RÉACTIVITÉ ET RÉGULATION
ÉMOTIONNELLE
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présence d’une situation pertinente (ce que nous ressentons subjectivement par
de l’anxiété), et le corps se met parallèlement et immédiatement en état d’alerte
(augmentation du rythme cardiaque, etc.). Le cortex préfrontal a toutefois la
possibilité de diminuer, voire de supprimer l’émotion. C’est ce qui se passe lors-
que nous nous disons « allons, une petite présentation orale, ce n’est quand
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même pas la mort ! Il y a des choses bien plus graves que cela dans la vie, des
gens qui risquent leur vie en Irak », etc. Lorsque nous tenons ce genre de monolo-
gue intérieur, nous activons notre cortex préfrontal, ce qui s’accompagne d’une
désactivation progressive de l’amygdale.
8 CONCLUSION
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LA RÉGULATION
DES ÉMOTIONS
NÉGATIVES1
Chapitre 8
est allé trop loin), certaines personnes ne se sentent vivre que si elles éprou-
vent des émotions négatives (recherche de l’émotionnalité), et d’autres se
complaisent même dans la douleur (ex. masochisme). Nous ne nous attarde-
rons pas sur ces cas ici ; ils sont trop complexes que pour pouvoir être traités
brièvement avec le respect qui leur est dû. En outre, ces individus sortent du
cadre de la régulation émotionnelle puisque tel n’est pas leur objectif. Nous
renvoyons donc le lecteur vers les théories psychanalytiques et systémiques,
plus à même d’éclairer ces problématiques.
Les individus qui choisissent délibérément de ne pas réguler leurs
émotions négatives – en dépit de leur capacité à le faire – sont à distinguer de
156 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
ceux qui souhaitent les réguler, mais qui en sont incapables. On peut en effet
souhaiter sincèrement se défaire d’une émotion négative et ne pas y arriver.
Ceci peut être dû soit à un répertoire de régulation composé de stratégies
essentiellement dysfonctionnelles (voir la seconde partie du chapitre) ou à un
manque de ressources. La régulation a en effet un coût et, si les ressources
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ont été appauvries précédemment, l’individu n’en disposera pas suffisam-
ment pour la régulation. Les études montrent ainsi que l’on gère moins bien
ses émotions lorsqu’on est extrêmement fatigué (voir Dahl, 1999), lorsqu’on
a épuisé ses ressources à la gestion d’autres émotions (Stucke et Baumeister,
2006 ; ex. il est plus difficile de gérer la perte de son emploi si l’on vient de
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Martin, 2005). Il existe deux mécanismes qui peuvent conduire ces person-
nes à sélectionner systématiquement des situations qui ne favorisent pas leur
épanouissement personnel. Soit elles anticipent mal les émotions que la
situation risque de provoquer, soit elles ne les prennent pas en compte au
moment de prendre leur décision (Hsee et Hastie, 2006).
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Figure 8.1
Processus de sélection d’une situation et biais potentiels
à détailler ici trois biais de prédiction majeurs : les biais d’impact, les
biais de projections et les biais de mémoire 1. Nous sommes tous victimes
de ces biais. Ceci dit, les recherches montrent que les individus les plus
sensibles à ces biais sont également ceux qui ont le plus de difficultés à
gérer leurs émotions (Dunn, Brackett, Ashton-James, Schneiderman et
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Salovey, 2007).
ces émotions. Ainsi, les personnes engagées dans une relation sentimen-
tale surestiment l’intensité et la durée de tristesse qu’engendrerait une
rupture. C’est l’une des raisons qui expliquent que certaines personnes
engagées dans une relation nuisible persévèrent malgré tout. De même,
les jeunes chargés de cours à l’Université ont tendance à surestimer la
joie d’être nommés à titre définitif et la tristesse s’ils n’obtiennent pas le
poste convoité (Wilson et Gilbert, 2003). C’est également ce qui les
conduit à travailler excessivement, certains allant jusqu’à mettre leur
santé en danger pour obtenir ledit poste.
Les biais de mémoire. Nos prédictions du futur sont très largement basées
sur nos souvenirs du passé (Quoidbach, Hansenne et Mottet, 2008 ; Sudden-
dorf et Corballis, 2007). Cependant, notre mémoire est loin d’être parfaite et
les biais qui affectent nos souvenirs affectent par conséquent également nos
prédictions (Karney et Coombs, 2000 ; Wirtz, Kruger, Scollon et Diener,
2003).
1. Nous renvoyons le lecteur intéressé par l’affective forecasting aux travaux de Daniel Gilbert et
Tim Wilson.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 159
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ment froide. De manière purement objective, cette deuxième expérience est la
pire des deux puisqu’elle implique 60 secondes d’inconfort sévère plus
30 secondes d’inconfort modéré (au lieu de 60 d’inconfort sévère). Cependant,
lorsque l’on demandait ensuite aux participants de choisir laquelle des deux
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Les règles de décision. Dans bon nombre de cas, nous basons nos choix sur
des règles de décision (« ne pas gaspiller », « rechercher la diversité ») plutôt
que sur nos prédictions affectives.
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Ainsi, par exemple, dans une étude sur la règle « ne pas gaspiller », des cher-
cheurs ont demandé à des participants d’imaginer qu’ils avaient, par erreur,
réservé deux week-ends de ski aux mêmes dates : un week-end à 100 dollars
dans le Michigan et un week-end à 50 dollars dans le Wisconsin. Ne pouvant
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effectuer les deux voyages en même temps ni se faire rembourser, les participants
étaient forcés de choisir entre les deux destinations. Malgré le fait que les cher-
cheurs avaient dit préalablement aux participants que le voyage au Wisconsin
était de loin le plus agréable, la majorité des participants choisissaient le Michi-
gan (destination pour laquelle ils avaient dépensé le plus d’argent) (Arkes et
Blumer, 1985).
De même, dans une étude sur la règle « rechercher la diversité » un chercheur a
demandé à des étudiants de prédire le plaisir qu’ils éprouveraient s’ils pouvaient
manger pendant plusieurs jours consécutifs leur friandise préférée ou un mélange
de différentes variétés de friandises (une différente chaque jour). Alors que la
plupart des étudiants prédisaient qu’ils retireraient davantage de plaisir à
manger leur bonbon préféré, au moment de sélectionner une des deux options, la
majorité d’entre eux choisissaient le mélange de friandise (Simonson, 1990). Ils
basaient ainsi leur choix sur une règle de décision selon laquelle il est bon de
choisir la diversité, plutôt que sur l’anticipation de leurs émotions futures.
De la même manière, nous aurons souvent tendance à baser nos choix (de
partenaire, de travail) sur des attributs observables ou mesurables et néglige-
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 161
rons souvent les attributs moins mesurables qui sont pourtant beaucoup plus
importants pour notre bien-être.
■ Résumé
Une première manière de gérer ses émotions implique d’anticiper les
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émotions que différentes situations futures sont susceptibles de provoquer, et
de les prendre en compte dans notre décision de nous confronter ou non à ces
situations. Ce faisant, on tâchera toujours d’évaluer les coûts/bénéfices
émotionnels à court et à long terme. On privilégiera la confrontation si celle-
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de plus qu’une promenade en hiver alors que les autres détestent marcher
dans le froid.
1. Alors que la sélection de la situation relève clairement de la gestion a priori, cette section-ci se
situe entre la gestion a priori et la gestion a posteriori. Comme nous le verrons par la suite, la
frontière entre évaluation et réévaluation est floue. Dans un souci de clarté conceptuelle et péda-
gogique, nous distinguerons toutefois les deux.
162 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
Si une même situation peut donner lieu à des émotions différentes chez
des individus différents, aucune situation n’a donc, intrinsèquement, le
pouvoir de déclencher une émotion1.
L’émotion dépend donc, non pas de la situation en tant que telle, mais de
la perception que l’individu en a. Une situation a priori négative, telle que la
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vue d’une énorme tarentule, peut ainsi ne déclencher aucune émotion chez
un passionné d’arachnoïdes. De même, une situation a priori neutre peut
induire des émotions fortement négatives si elle est évaluée comme une
menace. Une convocation chez son supérieur hiérarchique (événement
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neutre tant qu’on ne s’y est pas rendu) fera ainsi craindre d’emblée le pire à
certains.
Si l’émotion est le fruit de la perception de la situation et non de la situa-
tion per se, cela signifie que nous disposons d’un moyen très puissant pour
modifier nos émotions : changer notre perception de la situation (Ochsner et
Gross, 2005) ou des ressources dont nous disposons (Bandura, 1997).
La régulation a priori via la perception de la situation est le résultat de
l’automatisation de réévaluations répétées. Autrement dit, une personne qui
s’efforce, via un processus de régulation a posteriori (voir plus loin), de
réévaluer positivement les sessions d’examen, les présentations orales, etc.,
va finir par percevoir ces situations différemment avec le temps.
Les moines bouddhistes, par exemple, sont des grands spécialistes de la
régulation a priori. D’une part, ils réfléchissent à chacune de leurs actions
afin de s’assurer qu’elle contribuera à leur épanouissement à long terme.
D’autre part, leur philosophie de vie leur permet de prendre du recul vis-à-
vis des événements, d’accepter les choses comme elles viennent, de ne
jamais juger une situation comme étant bonne ou mauvaise sans avoir pu
constater les bénéfices futurs qu’elle pourrait éventuellement apporter
(Chödrön, 2002).
Avant de conclure, il est à noter que cette section peut être mise en lien
avec le chapitre 6 parce que l’automatisation de réévaluations répétées abou-
tira à une évaluation spontanée différente et, par là même, à un niveau de
réactivité différent.
1. Il est à noter, toutefois, que des situations peuvent automatiquement donner lieu à des émotions
chez un individu donné par effet de conditionnement.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 163
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priori stressant tel que la création et le lancement d’une société peut être en effet
perçue comme une menace ou un défi. Les personnes qui l’évaluent comme une
menace auront tendance à se focaliser sur les pertes potentielles inhérentes à la
situation (pertes financières, perte de l’estime de soi si la société ne marche
pas, etc.). A contrario, les personnes qui l’évaluent comme un défi auront cons-
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cience des pertes potentielles mais se focaliseront sur les gains (augmentation du
pouvoir d’achat, augmentation de l’estime de soi si la société marche, etc.).
L’évaluation comme menace augmente le stress (tant au niveau psychologique
que biologique), tandis que l’évaluation comme défi le diminue (à ces deux
niveaux également) (ex. Gaab, Rohleder, Nater et Ehlert, 2005 ; Tomaka, Blas-
covich, Kelsey et Leitten, 1993). Des études ont également montré que l’évalua-
tion comme défi était associée à une meilleure performance financière
subséquente (ex. Drach-Zahavy et Erez, 2002).
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• soit par expérience personnelle. L’apprentissage pourra se faire en une
fois si l’émotion déclenchée par la situation est suffisamment forte (ex. si
l’on se brûle au troisième degré avec une friteuse, la vue de l’huile
bouillante déclenchera une réaction affective automatique) ou en plusieurs
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Figure 8.2
Les différentes familles de stratégies de régulation a posteriori
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 165
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pourquoi il est nécessaire d’avoir plusieurs – et non pas une – stratégies de
régulation dans son répertoire. Disposer d’une seule stratégie, si efficace
soit-elle, est très risqué. Supposons que nous ayons un(e) excellent ami(e) à
qui nous confions tous nos tracas depuis l’enfance. Chaque fois que nous
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rectes.
• Les méthodes directes visent à modifier directement la source de
l’émotion indésirable. Par exemple faire enfin réparer cette imprimante
qui ne marche qu’une fois sur deux, ou répéter un exposé afin d’être plus
compétent(e) – et donc moins stressé(e) – le jour J. Les personnes qui
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1993 ; Struthers, Perry et Menec, 2000), probablement parce qu’en solu-
tionnant plus rapidement les problèmes, les personnes sont moins – et
moins longtemps – parasitées par leurs émotions négatives.
• Les méthodes indirectes visent également à modifier la situation, mais
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gravement en pâtir dans le premier cas de figure, celle de Monsieur dans le
second cas de figure. Ce couple pourrait décider de consulter… ou non. Les théo-
ries systémiques (voir par exemple Albernhe et Abernhe, 2008 ou Dessoy, 1997)
mettent en avant qu’il existe souvent un ensemble de bénéfices secondaires expli-
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éléments négatifs tandis qu’une émotion positive focalise l’attention sur les
éléments positifs. C’est ce type de spirale qui a donné lieu, dans le langage
commun, aux expressions « voir tout en noir » et « voir tout en
rose ». Comme nous l’avons vu plus haut, ce mécanisme est adaptatif dans la
mesure où il permet un traitement plus rapide de la menace en situation de
danger. Néanmoins, si fonctionnelle soit-elle, cette torche attentionnelle
n’aide évidemment pas à la restauration d’une humeur positive puisqu’elle
maintient l’individu dans un état morose. L’individu qui n’y prend pas garde
risquera donc facilement de tomber dans un état de rumination dans lequel il
ressassera encore et encore la situation – n’en percevant que les aspects
négatifs – et où une pensée négative en entraînera une autre.
168 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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repenser à un souvenir heureux, imaginer les vacances à venir, etc.
– La distraction externe, qui consiste à faire autre chose, par exemple une
activité qui procure du plaisir (faire du sport, regarder la télévision, lire,
sortir, etc.).
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☞
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 169
☞
qui nécessitent d’être solutionnés sereinement (ex. nous sommes en rage contre
notre conjoint et nous risquons de dire des choses qui dépassent notre pensée).
Dans ce type de cas, la distraction s’avérera être une stratégie optimale. En revan-
che, la distraction risque d’avoir des effets secondaires (si elle est l’unique stratégie
employée) dans le cas d’événements majeurs faisant fréquemment intrusion à la
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conscience (ex. dans le cas de traumatismes) ou dans le cas d’événements nécessi-
tant un traitement plus complexe (ex. querelles fréquentes avec le conjoint, etc.).
Ces problèmes-là demandent en effet à être traités en profondeur, sous peine de
voir la situation empirer à long terme.
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■ La réévaluation de la situation
Par définition, si une situation donne lieu à une émotion, c’est que nous la
percevons d’une certaine manière. Réévaluer la situation correspond à modi-
fier la perception que nous en avons. Une telle réévaluation requiert un effort
cognitif. Il faudra d’ailleurs un certain temps avant que ce processus ne
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s’automatise (voir point 1.1.2, « L’évaluation de la situation »). Néanmoins,
les efforts de l’individu qui essayera systématiquement d’appliquer cette
stratégie seront récompensés. Tout processus suffisamment répété finit par
s’automatiser, même s’il est extrêmement complexe. Les automobilistes en
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Comme le suggère cet exemple, nos émotions sont souvent le fruit d’une
perception partielle ou distordue de la réalité. C’est ce que soutenaient déjà
Aaron Beck et Albert Ellis en leur temps (Beck, 1976 ; Ellis, 1974), et c’est
également l’idée défendue par David Burns, un célèbre professeur de Stan-
ford. Ce dernier a mis en évidence différents processus de distorsion de la
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réalité, que nous résumons dans le tableau 8.1 (Burns, 1999). Selon Burns,
nous serions beaucoup plus heureux si nous faisions systématiquement la
chasse à nos distorsions cognitives.
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Tableau 8.1
Les principaux processus de distorsion cognitive (Burns, 1999)
raisse négatif.
tion d’une petite remarque
Le filtre mental – Se centrer sur un détail
négative. Je suis obsédé(e)
hors contexte, en occultant
par cette remarque et j’ignore
des faits plus importants et
les nombreux commentaires
en lui ôtant sa signification
favorables.
réelle.
On me félicite pour mon tra-
vail mais je me dis : « ce n’est
Rejeter les expériences
pas encore assez bon » ou
Le rejet du positif positives en se disant
« n’importe qui aurait pu faire
qu’elles ne comptent pas.
ce que j’ai fait ».
☞
172 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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Exagérer l’importance de Je pense « c’est certain, je
La catastrophisation et ses problèmes et/ou mini- vais me faire virer » parce
la minimisation miser l’importance de ses que mon supérieur m’a fait
qualités. une remarque sur un détail.
« Je me sens coupable, donc
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LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 173
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de situation comme une mer agitée. Vous vous trouvez au milieu de l’océan et
avez l’impression d’être submergé(e) par les vagues, etc. Celles-ci vous apparais-
sent hautes et hostiles et vous ne voyez qu’elles. Vous avez l’impression que vous
ne vous en sortirez jamais. Essayez toutefois, l’espace d’un instant, d’imaginer
que vous montez à bord d’un avion et que vous prenez de la hauteur. Vous survo-
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lez à présent l’océan. Que voyez-vous ? En réalité, vous voyez un peu de remous
à un endroit précis mais, globalement, la mer vous apparaît calme…
Prenons l’exemple des embouteillages. Nous pouvons certes pester sur le temps
perdu, la laideur de l’autoroute, l’odeur des gaz d’échappement, etc. Mais nous
pouvons également modifier notre perception de la situation, en essayant de voir
le bon côté des choses, de trouver un sens positif à la situation. Le bon côté des
embouteillages est qu’en nous empêchant d’agir, ils nous forcent à prendre le
temps de réfléchir. Ils nous accordent peut-être aussi un moment de répit entre le
travail et les enfants, moment que nous pouvons mettre à profit pour écouter de la
musique, téléphoner à nos amis, etc.
Le second précepte : « À quelque chose malheur est bon » est, au fond, assez
proche du premier. Il indique que, contrairement à l’impression qui se dégage
lorsque l’on est au cœur d’une situation que l’on estime négative, la plupart des
événements, si noirs ou douloureux soient-ils, comportent un aspect positif. Ce
dicton, qui s’accorde parfaitement avec les recherches scientifiques menées à ce
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
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s’abstenir de juger de la valeur de l’événement. Plutôt que de le catégoriser
comme totalement négatif, mieux vaut lui laisser le bénéfice du doute. Les
bouddhistes1 illustrent ceci au travers de l’exemple suivant.
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■ L’acceptation
Les stratégies évoquées ci-dessus s’appliquent pour bon nombre de situa-
tions. Toutefois, il existe malheureusement certains événements parfaitement
incontrôlables, abominables et monstrueux, tels que les génocides, les viols,
ou la perte d’un proche dans des circonstances particulièrement atroces. De
tels événements sont difficiles à réévaluer positivement et on ne peut pas
forcément en attendre de bénéfices à long terme. Pour de tels événements, la
meilleure solution – en termes de changement cognitif – est l’acceptation.
Accepter ne signifie pas adhérer à ce qui s’est passé, ou se rendre complice.
Il s’agit simplement de cesser de se battre dans le vide, d’arrêter de se blâmer
ou de blâmer autrui/la vie pour quelque chose que l’on ne peut pas/plus
changer. Il est à noter que l’acceptation ne s’apparente en rien à de l’impuis-
1. Exemple communiqué par Tania Manfredini, sur base d’une conférence de Pema Chödrön.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 175
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l’événement présent ne présage en rien du futur (Linehan, 1993).
L’acceptation requiert un double processus cognitif. Il s’agit tout d’abord
d’accepter l’existence de choses que l’on ne peut pas changer. La réussite de
ce processus engendre des pensées du type : « Il ne sert à rien d’essayer de se
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battre contre le passé : ce qui est fait est fait », « Essayer de changer le passé
m’empêche seulement de vivre pleinement le présent », « Le moment
présent est le résultat de toutes mes décisions passées. Le futur sera le résul-
tat de mes décisions présentes » (McKay et al., 2007). Il s’agit ensuite
d’accueillir pleinement les émotions suscitées par la situation. L’individu est
ainsi amené à prendre une position d’observateur par rapport à son émotion,
à constater et à prendre acte de l’émotion présente, sans chercher à la fuir.
L’acceptation peut paraître simple en apparence mais elle demande un
effort, tout comme les autres stratégies de gestion émotionnelle. Accepter
requiert en effet de lâcher prise, d’accepter que l’on ne puisse pas tout
contrôler et que l’on éprouve des émotions désagréables. Ce travail sur soi
confère toutefois de nombreux bénéfices. Les recherches ont en effet montré
qu’accepter pleinement les événements difficiles et les émotions qu’ils
engendrent améliorait le bien-être (accepter ses émotions négatives permet
paradoxalement de les diminuer) et la santé physique (via une meilleure
immunité et une meilleure résistance à la douleur) (Burns, Carroll, Ring,
Harrison et Drayson, 2002 ; McCracken et Eccleston, 2003). C’est sans
doute la raison pour laquelle différentes formes de thérapies se centrent sur
cette capacité d’acceptation. Les plus connues sont la mindfulness (Baer,
2003 ; Langer, 1989 ; Segal et al., 2002) la « Dialectical Behavior
Therapy1 » (DBT ; Linehan, 1993) et l’« Acceptance and Commitment
Therapy » (ACT ; Hayes, Strosahl et Wilson, 1999).
Dans la présente section, nous avons examiné une famille de stratégies
visant à modifier nos pensées afin de changer nos émotions. La section
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
suivante abordera une autre manière de réguler ses émotions : les exprimer.
qui n’est pas à l’origine de l’émotion (ex. lorsque l’on raconte à une amie la
dernière dispute que l’on a eue avec notre conjoint, ou lorsque l’on rediscute
entre amis d’un accident auquel on vient d’assister). Nous désignerons sous
le nom d’« expression clarificatrice » le partage de l’émotion avec la
personne qui en est la cause (ex. lorsque l’on dit à un ami/son conjoint que
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l’on s’est senti(e) blessé(e) par son comportement).
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de « sortir ce que l’on a sur le cœur », ou encore d’« ouvrir le couvercle de la
marmite à pression ». En réalité, un impressionnant corpus de recherches a
démontré qu’il n’en était rien : ce prétendu effet cathartique n’existe pure-
ment et simplement pas. Parler n’a, en soi, aucun effet bénéfique. Le partage
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social n’a donc pas d’impact direct sur la diminution de l’émotion. Qu’on ne
s’y trompe pas, toutefois. Si le partage social n’a pas d’effet direct (catharti-
que), il a toutefois de nombreux effets bénéfiques indirects. Nous les résu-
mons ci-après (à partir de Rimé, 2007).
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Assistance dans la modification de la situation. Faire du partage social
permet à autrui de fournir une aide concrète (ex. fournir un logement le
temps que la crise de couple s’apaise) ou de donner des conseils ou des
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■ L’expression clarificatrice
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même si elle ne répond pas franchement aux avances qui lui sont faites, elle ne
met pas assez clairement ses limites. Il sent monter en lui la jalousie et la colère.
De retour à la maison, il sait qu’il a deux possibilités : s’énerver et faire une
scène, ou exprimer posément ce qu’il a ressenti. Il opte pour cette dernière possi-
bilité.
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dire (ex. trop alcoolisé, trop occupé ou trop tendu), cette technique n’aura
aucun effet, quelle que soit la forme employée.
Nous avons à présent exposé quatre familles de stratégies de régulation. Il
reste dès lors une dernière branche du modèle à développer : les techniques
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physio-relaxantes.
■ La relaxation dirigée
Il existe de nombreuses techniques de relaxation dirigée, mais les deux plus
connues sont sans aucun doute celle de Schultz et celle de Jacobson. Ces
techniques, dont les protocoles peuvent être retrouvés sur Internet, visent à
détendre tour à tour les différents muscles du corps afin d’aboutir à un état de
relâchement complet (Schultz, 1958 ; Jacobson, 1987).
De nombreuses personnes s’estiment trop actives pour pratiquer la relaxa-
tion ou pensent qu’« elles n’ont pas la personnalité pour pratiquer ce genre
de choses ». Une étude a récemment testé la véracité de ces stéréotypes et
montré qu’ils étaient infondés : l’effet de la relaxation ne dépend pas de la
personnalité (Sulmon, 2003). En d’autres termes, nous pouvons tous bénéfi-
cier des effets de la relaxation, à condition de nous y mettre ! Et ces bénéfi-
ces ne sont pas des moindres. On a montré, il y a longtemps déjà, que la
pratique quotidienne de la relaxation avait un effet positif sur la performance
au travail (Peters, Benson et Porter, 1977) et qu’elle réduisait les manifesta-
tions psychologiques et physiques du stress (voir Murphy, 1996 pour une
revue). La relaxation augmente également significativement le bien-être, les
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 181
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ce n’est qu’après un entraînement suffisant qu’elles deviennent efficaces.
■ La relaxation personnelle
Nous avons évoqué dans la section précédente les réticences de certaines
personnes à faire usage de techniques de relaxation. Les preuves scientifi-
ques ne viennent pas à bout de toutes les résistances et il ne sert à rien de
forcer les individus à pratiquer des activités qu’ils n’apprécient guère. Si un
individu n’est pas sensible à la relaxation dirigée, il pratiquera toutefois
spontanément des activités qu’il juge relaxantes : prendre un bain, écouter de
la musique, etc. Ces activités peuvent être utilisées à des fins de régulation
également.
Les techniques de relaxation personnelle sont les techniques individuelles,
non dirigées et non méthodiques, que les individus adoptent spontanément
pour se relaxer. McKay, Wood et Brantley (2007) ont répertorié un ensemble
d’activités relaxantes « naturelles » pouvant être pratiquées à des fins de
régulation. Elles sont basées sur des sens différents, mais visent toutes à
induire un relâchement de la tension musculaire et/ou physiologique. Nous
reprenons certains de leurs exemples dans le tableau 8.2 et renvoyons le
lecteur à leur ouvrage pour une description complète.
182 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
Tableau 8.2
Exemples de techniques de relaxation personnelle
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L’odeur est un sens très puissant. Beaucoup d’odeurs ont été inconsciemment condi-
tionnées à des choses positives ou négatives et il est dès lors important d’identifier et
de choisir des odeurs qui nous apaisent.
– Prendre une douche chaude (ou tiède en été) et apprécier la sensation de l’eau qui
coule sur le corps (ou balnéothérapie, etc.).
– Demander un massage à sa/son partenaire ou à un(e) ami(e).
– Caresser son animal domestique.
! Techniques basées sur le goût
Manger et boire peuvent être des actes apaisants. Néanmoins, manger ou boire à
des fins de régulation peut s’avérer très délétère : si l’on se met à manger ou à boire
chaque fois que l’on souhaite se calmer, on court le risque de développer, tôt ou tard,
des troubles alimentaires et/ou alcooliques.
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rapides (mais souvent plus coûteuses en termes d’efforts cognitifs), telles la
distraction interne (penser à quelque chose de plaisant) ou le changement
cognitif (réévaluation, acceptation de la situation).
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1.3 En résumé
Les stratégies présentées dans les sections qui précèdent constituent autant
d’outils de gestion émotionnelle ayant fait preuve de leur efficacité. Néan-
moins, chaque individu aura des affinités particulières avec certaines straté-
gies plutôt que d’autres. L’essentiel est cependant d’avoir plusieurs stratégies
à sa disposition, afin de pouvoir faire face au plus grand nombre de situations
possibles. De manière générale, il est à noter que la régulation émotionnelle
sera d’autant plus efficace qu’elle intervient tôt. La métaphore des chutes du
Niagara1 illustre bien ce point. Lorsque le bateau se trouve loin de la chute, il
a tout le loisir de modifier sa trajectoire et de rejoindre le bord. Plus il se
rapproche de la chute, plus il devient difficile à maîtriser. Juste avant la
chute, il atteint un point irréversible au-delà duquel il n’est plus maîtrisable
et est condamné à tomber. Il en va de même avec nos émotions. Si nous ne
régulons pas notre colère rapidement, nous atteignons un point de non-retour
au-delà duquel il devient très difficile de la maîtriser.
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modèle que les stratégies fonctionnelles. Ainsi, à côté des stratégies fonc-
tionnelles susmentionnées, chaque famille de stratégies comporte un certain
nombre de stratégies dysfonctionnelles. Nous les présentons ci-dessous.
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Les individus qui n’anticipent pas les émotions que telle ou telle situation
pourrait induire et/ou qui ne prennent pas ces émotions en compte au
moment de leur décision courent le risque d’éprouver des émotions particu-
lièrement pénibles par la suite. Il existe trois formes dysfonctionnelles de
régulation a priori.
S’il est fonctionnel d’éviter les situations susceptibles d’amener plus de souf-
frances que de bonheurs, il est dysfonctionnel d’éviter les situations anxiogè-
nes à court terme mais susceptibles d’amener des bénéfices à long terme
(Luminet, 2002). Il est ainsi néfaste d’éviter de se confronter à ses examens
sous prétexte qu’ils induisent des émotions négatives. Il en va de même avec
les phobies. Éviter l’objet de sa phobie (ex. araignées) ou les lieux qui y sont
liés (ex. caves, greniers, certains pays) permet de réduire les manifestations
d’anxiété à court terme mais augmente drastiquement l’anxiété lors de la
confrontation inattendue avec l’objet ou la situation phobogène, et conduit à se
priver de certaines possibilités (ex. visiter certains pays).
Le fait d’éviter systématiquement les situations anxiogènes (en négligeant
les bénéfices que leur confrontation pourrait amener) est lié à de piètres indi-
cateurs de santé, tant au niveau psychologique que physique (voir Penley et
al., 2002 et Suls et Fletcher, 1985 pour revues).
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 185
2.1.3 La procrastination
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tion constitue une stratégie de réponse à l’ennui (ex. ne pas arriver à se
mettre au travail lorsque la tâche est ennuyante) ou au stress (ex. reporter à
plus tard afin d’éviter de se confronter au problème). Elle peut également
provenir d’une gestion déficiente des impulsions (ex. lorsque l’on remet une
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tâche à plus tard parce qu’on lui préfère une activité qui procure une gratifi-
cation immédiate) (Cornil, 2008 ; Steel, 2007).
Même si elle permet une diminution du stress à court terme, la procrasti-
nation conduit le plus souvent à davantage de stress et de problèmes de
santé à long terme (Sirois et Pychyl, 2002 ; Tice et Baumeister, 1997). La
relation avec la performance au travail est, quant à elle, complexe. Dans la
majorité des cas, la procrastination mène à une moins bonne performance
académique et professionnelle (ex. Steel, Brothen et Wambach, 2001 ; Tice
et Baumeister, 1997). On observe l’inverse toutefois chez certains
individus : ces adeptes de la « dernière minute » ne semblent travailler effi-
cacement que sous pression (Steel, 2007). Pour de telles personnes, la
procrastination représente un outil stratégique de maximisation de la
performance (Chun Chu et Choi, 2005).
L’impuissance acquise désigne l’état d’un individu qui pense qu’il n’a aucun
contrôle sur la situation et que toute tentative de solution sera vaine.
L’impuissance acquise est souvent le résultat de traumatismes répétés
(ex. abus sexuels), sur lesquels l’individu n’avait pas de prise au départ
(ex. parce que trop jeune). Les individus qui souffrent d’impuissance acquise
adoptent une position passive par rapport à l’adversité, de sorte qu’ils ne
cherchent plus à modifier les situations problématiques, même quand ils en
auraient objectivement le pouvoir. Les individus souffrant d’impuissance
acquise sont très vulnérables à la dépression (Peterson, Maier et Seligman,
1993).
186 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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nelle lorsqu’elle est orientée vers l’action, c’est-à-dire lorsqu’elle vise à trou-
ver des solutions et qu’elle permet de générer plusieurs pistes, dont les
« pour et contre » sont ensuite soupesés. La rumination est toutefois
dysfonctionnelle lorsqu’elle est effectuée passivement, que l’on ressasse un
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■ Le déni
Nous avons mentionné précédemment qu’il était important de distinguer la
distraction du déni. Le déni implique un refus de reconnaître l’existence
même du problème, sa gravité ou ses conséquences potentielles, alors que la
distraction implique une prise de distance momentanée par rapport à un
problème dont l’existence est reconnue. Si le déni est temporairement
protecteur au niveau émotionnel (en déniant le problème, l’individu se
protège de la souffrance y afférente), il entrave la recherche de solution
(ex. dans le cas d’une relation de couple qui se détériore ou d’une annonce
de restructuration) et peut ainsi conduire à une aggravation de la situation
(ex. divorce ou chômage).
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particulièrement délétère dans la mesure où elle entrave fortement la qualité
des rapports sociaux. C’est probablement pour cette raison que les études
montrent que l’utilisation répétée de cette stratégie est associée à de piètres
indicateurs de bien-être sur le long terme (ex. Affleck, McGrade, Allen et
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■ Le retrait social
Le retrait social constitue tout autant une stratégie de régulation qu’une
tendance à l’action naturellement associée à certaines émotions (ex. honte,
tristesse). Certaines émotions, telles que la honte ou la tristesse, induisent en
effet une tendance vers le retrait social. Dans le cas de la honte ou de la tris-
tesse, le retrait est initialement fonctionnel car il permet de prendre du recul,
de réfléchir sur soi et, le cas échéant, de déterminer ce qu’il y a lieu de faire
188 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
pour éviter que de telles situations se reproduisent. Cette réponse est néan-
moins dysfonctionnelle si elle perdure car elle favorise alors la rumination,
contribuant à maintenir l’émotion négative.
Le retrait social comme stratégie de régulation est utilisé par les individus
pensant qu’ils parviendront à mieux gérer leur émotion en se mettant tempo-
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rairement à l’écart (ex. s’en aller afin d’éviter d’exploser de colère). Il s’agit
d’une stratégie fonctionnelle dès lors que l’individu met réellement ce retrait
à profit pour laisser l’émotion retomber, prendre distance par rapport à la
situation et réfléchir. Il vaut ainsi parfois mieux sortir de la pièce qu’exploser
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de colère sur son enfant ou s’énerver sur son conjoint et dire des choses que
l’on pourrait regretter. Notons que si le retrait est clairement plus fonctionnel
que la violence physique/verbale ou l’abus d’alcool, il comporte le risque de
blesser ou d’offenser l’interlocuteur, qui peut se sentir rejeté ou privé de la
possibilité de discuter (DeLongis et Preece, 2002 ; Repetti, 1992). Dans de
telles situations, il vaut mieux prévenir l’interlocuteur des raisons pour
lesquelles on s’éloigne temporairement et du temps que ce retrait est supposé
durer (ex. « j’ai besoin de prendre l’air pour me calmer, je reviens dans deux
heures »).
■ L’expression inadéquate
Cette stratégie réfère à l’expression des émotions à un moment ou d’une
manière qui ne soit pas acceptable pour l’interlocuteur. Ainsi, il ne serait
pas approprié pour un individu financièrement aisé d’exprimer sa colère
d’avoir perdu de l’argent en bourse en présence d’une personne démunie.
De même, il n’est sans doute pas judicieux d’exprimer à son conjoint la
tristesse qu’a occasionné le départ d’une collègue alors que celui-ci a un
travail urgent à rendre ou qu’il est en colère après avoir eu un agent des
services publics en ligne. Si l’interlocuteur et/ou le moment est mal choisi,
la personne sera ignorée ou rabrouée par son interlocuteur, ce qui ne fera
qu’aggraver son état émotionnel. Comme exposé en détail au chapitre 5, la
manière et le moment choisi d’exprimer ses émotions est aussi importante
que l’expression elle-même.
■ L’agression verbale
L’agression constitue souvent une tentative de réponse aux émotions de
colère, culpabilité et honte. Il s’agit d’une stratégie délétère pour deux
raisons. La première est évidente : l’agression demeure rarement sans suite.
L’individu court donc le risque de voir ses interlocuteurs se détourner de lui
ou lui répondre vertement, engendrant une spirale sans fin. La seconde raison
est davantage contre-intuitive. Si l’agression est généralement utilisée dans
le but de décharger l’émotion et de réduire l’activation physiologique, elle a
en réalité l’effet exactement opposé. Ainsi, les personnes agressives présen-
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 189
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À côté des techniques physio-relaxantes fonctionnelles, il existe au moins
deux techniques dites « à double tranchant » qui sont très délétères
lorsqu’elles sont utilisées comme stratégies de régulation. L’utilisation
d’alcool ou d’anxiolytiques afin d’anesthésier des émotions négatives que
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l’on ne parvient pas à gérer autrement représente, à court terme, une straté-
gie d’une efficacité redoutable. L’individu y recourra généralement par
mesure d’économie : boire un verre (ou prendre un calmant) permet de se
défaire plus rapidement de l’émotion indésirable et requiert moins d’effort.
Toutefois, celui qui n’y prend pas garde pourra être tenté de recourir à ce
type de stratégie de plus en plus fréquemment et de tomber, tôt ou tard,
dans l’abus.
■ L’abus d’alcool
Nous ne parlons pas ici de l’abus d’alcool festif, c’est-à-dire des soirées un
peu trop arrosées qui suivent une bonne nouvelle. L’abus d’alcool comme
stratégie de régulation désigne une consommation excessive d’alcool en vue
d’oublier un problème ou d’anesthésier les émotions qu’il engendre. Si cette
stratégie est relativement inoffensive lorsqu’elle est utilisée exceptionnelle-
ment, elle est délétère lorsque l’alcool est l’une des stratégies de régulation
privilégiées de l’individu. L’abus d’alcool endommage la santé mentale et
physique à long terme (ex. Single, Rehm, Robson et Van Truong, 2000). Il
altère en outre significativement la performance au travail (Mangione et al.,
1999).
■ L’abus d’anxiolytiques
Tout comme l’alcool, les anxiolytiques sont inoffensifs dès lors qu’ils sont
utilisés occasionnellement ou durant de courtes périodes, par exemple pour
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augmentées pour obtenir le même effet). La plupart des molécules anxiolyti-
ques engendrent une dépendance à moyen terme. L’arrêt devient alors diffi-
cile, impliquant un véritable processus de sevrage.
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3 CONCLUSION
Tableau 8.3
Synthèse des principales stratégies de régulation des émotions
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Anticipation des émotions
que des situations futures
Non-anticipation des émo-
(prévisibles) pourraient
tions que des situations
provoquer et :
futures (prévisibles) pour-
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Régulation
a posteriori
Modification Modification directe Impuissance acquise
de la situation ou indirecte
ou la colère ont perduré au cours des siècles. Prenons le cas d’un homme des
cavernes doté de gènes « de la peur » particulièrement développés : moins
enclin à partir taquiner le mammouth, il avait beaucoup plus de chances de
survivre que celui qui en était dépourvu. Vivant plus longtemps, il avait par
conséquent plus de chances de se reproduire et de transmettre ses gènes de la
peur à sa progéniture. C’est la théorie de l’évolution. Mais à quoi servent la
joie, la fierté ou l’intérêt d’un point de vue évolutionniste ? Pourquoi un
homme des cavernes heureux aurait-il eu plus de chances de survivre et de se
reproduire ? Tout simplement parce que les émotions positives apportent de
nouvelles ressources qui augmentent les chances de survie (voir figure 9.2).
Comment expliquer cela ?
196 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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attention sur les éléments menaçants et nous prépare à fuir – les émotions
positives élargissent notre façon de penser et notre répertoire de
comportements (Fredrickson, 1998, 2001). En effet, nous ressentons typi-
quement des émotions positives dans des situations où nous ne sommes pas
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Figure 9.1
Problème des 9 points
personnes chez qui on a induit une humeur négative ou neutre (Isen, Daub-
man et Nowicki, 19871).
Au niveau des comportements, les émotions positives augmentent la
tendance à s’engager dans des activités variées : la joie et le bonheur par
exemple poussent les individus à interagir et à jouer ; l’intérêt motive à
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explorer l’environnement (Frijda et Mesquita, 1994). Ainsi, les personnes
chez qui on a induit des émotions positives portent un intérêt plus marqué à
se lancer dans un grand nombre d’activités sociales, physiques ou de loisirs
(Cunningham, 1988a) et sont plus enclines à initier la conversation avec
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Ainsi, par exemple, une étude a montré que lorsque l’on demandait à des partici-
pants de regarder un film induisant des émotions négatives, directement suivi soit
d’un film amusant, soit d’un film neutre, les sujets récupéraient un rythme cardia-
que normal plus rapidement lorsque le second film était amusant (Fredrickson et
Levenson, 1998). Une autre recherche portant sur les personnes en deuil, a
également montré que les individus qui souriaient véritablement (sourire de
Duchenne) en parlant de leur conjoint décédé étaient davantage à même de
prendre de la distance par rapport au chagrin et de se remettre plus rapidement
de cette perte que les personnes qui n’étaient pas capables de sourire (Keltner et
Bonanno, 1997).
1. La solution nécessite d’être « créatif » en pensant autrement. Pour résoudre le problème, il faut
sortir du cadre formé par les neuf points.
198 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
Isen et Levin (1972) ont par exemple réalisé une étude à ce sujet dans les cabi-
nes téléphoniques publiques des centres commerciaux. L’expérience était la
suivante : à certains moments, un expérimentateur plaçait discrètement une pièce
de 10 centimes à l’endroit où l’on récupère la monnaie, et, à d’autres, il ne
plaçait rien. Les clients du centre commercial qui utilisaient la cabine téléphoni-
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que pouvaient donc trouver « par chance » une pièce de monnaie (groupe
émotions positives) ou ne rien trouver (groupe contrôle). Un complice de l’expéri-
mentateur suivait les personnes juste après leur coup de téléphone et laissait
tomber une farde remplie de papiers sur le sol. Conformément aux hypothèses
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des chercheurs, les personnes qui avaient préalablement trouvé une pièce de
monnaie dans la cabine aidaient davantage à ramasser les papiers que les
personnes du groupe contrôle.
Figure 9.2
Mécanisme adaptatif des émotions positives
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 199
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Une étude récente de Barbara Fredrickson illustre ce phénomène (Fredrickson,
Cohn, Coffey, Pek et Finkel, 2008). Les participants devaient suivre un
programme de 10 semaines basé sur la méditation « loving-kindnessa » visant à
induire quotidiennement des émotions positives. Au fur et à mesure des semaines,
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ces émotions amenaient les participants à se sentir plus compétents, mieux dans
leur peau et à envisager un plus grand nombre de manières d’atteindre leurs
objectifs. En outre, leurs relations avec les autres s’amélioraient et ils recevaient
davantage de support social. Ces nouvelles ressources augmentaient quant à
elles la satisfaction et la qualité de vie des participants sans que les émotions
positives n’aient un effet direct sur celles-cib.
Par ailleurs, les nouvelles ressources conduisaient également à de nouvelles
opportunités de vivre des émotions positives, et ainsi de suite…
a. Le lecteur trouvera des explications plus détaillées sur ce type de méditation dans les sections
qui suivent.
b. En langage statistique, on parle de « médiation ». L’effet des émotions positives sur la satisfac-
tion dans la vie n’est pas direct. La variable indépendante « émotions positives » influence la
construction de ressources (médiateur) qui, à son tour, agit sur la variable dépendante
« satisfaction dans la vie ».
Les gens plus heureux ont également un réseau d’amis plus étendu et
bénéficient d’un support social plus important. Ainsi, 26 % des gens qui
disent avoir moins de cinq amis proches se considèrent comme très heureux
alors que ce nombre passe à 40 % pour les personnes qui ont plus de cinq
amis (Myers, 20001).
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De plus, contrairement à l’expression populaire « imbécile heureux », les
recherches montrent que les personnes heureuses sont en fait plus flexibles,
plus inventives, plus ingénieuses et plus productives au travail. Elles sont
meilleures leaders, meilleurs négociateurs et gagnent davantage d’argent.
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Une étude a montré que les étudiants qui se disaient heureux en première
année d’Université avaient, seize ans plus tard (aux alentours de trente-cinq
ans), des salaires significativement plus élevés que leurs condisciples moins
heureux. Cet effet était, par ailleurs, indépendant du statut socio-économique
initial des étudiants (Diener, Nickerson, Lucas et Sandvik, 2002).
Enfin, les émotions positives renforcent notre système immunitaire : les
gens heureux sont en meilleure santé et vivent plus longtemps ! La célèbre
« Nun study » de Danner, Snowdon et Friesen (2001) présente à cet égard
des résultats surprenants. Ces auteurs ont analysé les lettres de motivation
que cent quatre-vingts religieuses avaient envoyées à la mère supérieure lors
de leur entrée au couvent dans les années trente. Deux juges indépendants
(ne connaissant pas les hypothèses de l’étude) avaient pour mission de clas-
ser ces lettres selon le type de mots à caractère émotionnel qu’elles conte-
naient (positif, négatif ou neutre). Alors que les conditions de vie de ces
sœurs étaient parfaitement identiques, l’espérance de vie des différents grou-
pes était drastiquement différente. C’est ce qu’illustre la figure 9.3.
1. Notons toutefois que la nature corrélationnelle des données ne permet pas de déterminer le sens
de la causalité.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 201
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Figure 9.3
Pourcentage de sœurs ayant atteint l’âge de 75, 85 et 95 ans sur base des émo-
tions exprimées dans leur lettre de motivation à 20 ans
Savoir tirer le meilleur profit de nos émotions positives, c’est donc non
seulement agréable, mais c’est aussi améliorer bien d’autres aspects de notre
vie : énergie, confiance et estime de soi, efficacité relationnelle, productivité
au travail, santé mentale et même physique.
Enfin, le dernier bénéfice, et non des moindres, des émotions positives,
c’est qu’en devenant plus heureux nous faisons profiter notre partenaire,
notre famille, notre communauté et la société dans son ensemble, des avanta-
ges que nous-mêmes tirons de cette situation. Des chercheurs de la presti-
gieuse Harvard Medical School ont récemment trouvé que le bonheur se
répandait dans les réseaux sociaux de la même manière qu’un virus (Fowler
et Christakis, in press).
Dans une étude considérant le bonheur de cinq mille personnes sur une période de
20 ans, ces chercheurs ont montré que lorsqu’une personne devient plus heureuse,
cet accroissement de bonheur se propage dans son réseau social jusqu’à trois
degrés de séparation. Ainsi le bonheur déclenche une réaction en chaîne : lorsque
le degré de bonheur d’une personne augmente significativement, ses amis vivant
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
a. Paradoxalement, l’inverse n’est pas vrai pour la tristesse, qui a tendance à se répandre beaucoup
moins facilement.
202 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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Comme pour les émotions dites « négatives », il est possible de distinguer
différents types de stratégies de régulation pour les émotions positives.
Nous envisagerons d’abord les stratégies de régulation a priori, qui corres-
pondent aux actions que nous pouvons mener en amont pour améliorer notre
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humeur générale et être ainsi plus réceptifs aux déclencheurs d’émotions posi-
tives (voir chapitre précédent). Nous aborderons ensuite les stratégies de régu-
lation a posteriori, qui renvoient aux actions que nous pouvons entreprendre
pour profiter au maximum de nos émotions positives au moment où nous les
vivons et pour les faire durer le plus longtemps possible (figure 9.4).
Figure 9.4
La régulation des émotions positives
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mentalement et physiquement.
de plus de 75 ans pour un séjour un peu particulier dans lequel les personnes
devaient prétendre avoir 20 ans de moins. L’ensemble de l’environnement avait
été soigneusement reconstitué pour simuler l’année 1959 : les vêtements, la musi-
que, les journaux et même de fausses cartes d’identité d’époque. En une seule
semaine, l’âge mental et physique de ces personnes a réellement diminué ! Leurs
doigts se sont allongés (le raccourcissement des doigts est un signe de vieillesse).
Leur niveau d’intelligence, leur force musculaire et leur souplesse ont augmenté.
Enfin, ces participants ont été jugés plus jeunes que leur âge par un panel de
juges indépendants.
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coller sur le mur de notre bureau. Même si au bout d’un moment, nous ne
faisons plus attention aux choses qui nous entourent, celles-ci continuent à
nous influencer de manière inconsciente. En fait, l’influence des stimuli
affectifs est d’autant plus forte que ceux-ci ne sont pas conscients (Murphy
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et Zajonc, 1993). Combien d’entre nous n’ont pas déjà passé des mois voire
des années dans un environnement de travail triste et déprimant, préparant
ainsi notre cerveau à de sombres pensées ?
L’auto-priming positif consiste à façonner son environnement pour qu’à
son tour, il façonne nos actions et nos pensées.
Qui parmi nous n’a jamais « pesté » à répétition contre un robinet qui ferme
mal, une lampe qui ne fonctionne plus ou un ordinateur capricieux, sans
pourtant se résoudre à régler définitivement le problème, si ce n’est après des
semaines, des mois voire des années ? L’être humain a certes une capacité
d’adaptation hors du commun, mais le revers de la médaille, c’est qu’il est
également capable de laisser perdurer des situations légèrement désagréables
pendant très longtemps. Petit à petit, ces situations peuvent affecter notre
moral, parfois même de manière inconsciente. Quand on regarde tous les
bénéfices que nous procurent les émotions positives, le jeu n’en vaut pas la
chandelle ! Les recherches montrent que la capacité d’agir rapidement sur
nos petites contrariétés est reliée au bien-être (Billings et Moos, 1981) et à la
santé (Penley et al., 2002). Alors, dans la mesure du possible, appelons rapi-
dement le plombier, remplaçons sans tarder nos ampoules usagées et ache-
tons une clé USB pour sauvegarder nos fichiers importants. Bref,
simplifions-nous la vie en prenant l’habitude de faire régulièrement le point
sur nos petites contrariétés quotidiennes. Dans bon nombre de cas, celles-ci
peuvent être réglées en une demi-journée.
Avez-vous jamais été à ce point absorbé par ce que vous étiez en train de
faire – en écrivant, en dessinant, en surfant sur Internet, en jouant aux échecs,
ou tout simplement en discutant – que vous en avez totalement perdu la
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tration et de maîtrise d’une activité passionnante dans laquelle nous sommes
profondément absorbés jusqu’à oublier le temps qui passe et l’environne-
ment extérieur. Lorsque nous sommes dans un état de flow, nous nous
sentons généralement forts et efficaces, au top de nos capacités. Complète-
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ment inconscients de ce qui nous entoure, nous faisons les choses pour le
simple plaisir de les faire.
La clé pour vivre des expériences de flow est de s’engager dans des activi-
tés parfaitement équilibrées entre compétence personnelle et exigence de la
tâche (voir figure 9.5). Une tâche trop compliquée (vouloir jouer les
morceaux de Jimmy Hendricks alors que l’on est à son premier cours de
guitare) entraînera très souvent de la frustration ou de l’anxiété. À l’inverse,
une tâche trop simple (ex. jouer Jeux interdits pour le guitariste émérite) sera
mortellement ennuyeuse.
Figure 9.5
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Expériences de flow
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même à augmenter notre bonheur (Lyubomirsky, 2008).
Lyubomirsky, 2008)
1. S’efforcer d’accomplir quelque chose de difficile, de nouveau ou qui nous tient
à cœur et découvrir que la récompense vient plus du processus, du chemin
parcouru que la destination : atteindre des expériences de flow implique de
pousser son esprit et/ou son corps jusque dans ses derniers retranchements.
S’engager dans des activités (travail, maison, hobbies…) qui mobilisent nos
compétences et notre expertise.
2. Faire attention à bien faire attention !
Trop souvent nos pensées ne sont pas directement dirigées vers ce que nous
faisons, et notre attention est perturbée par des pensées parasites (« quelle heure
est-il ? », « quand mange-t-on ? », « dure journée hier au boulot ! »). Avec un peu
d’entraînement et d’effort, il est possible d’augmenter notre contrôle sur nos facul-
tés attentionnelles. Nous pouvons apprendre à repérer nos pensées automatiques
et à recentrer notre attention sur la tâche que nous effectuons.
3. Il est également possible de vivre des expériences de flow lors de nos conver-
sations avec autrui.
Nous avons certainement tous déjà fait l’expérience d’une discussion tellement
captivante que nous n’avions plus conscience du temps qui passait ou du monde
alentour. D’après Martin Seligman (cité par Lyubomirsky, 2008), la clé de ce
type de conversation est de s’intéresser profondément et authentiquement à
l’autre. Posons des questions ouvertes (« que s’est-il passé ensuite ? », « qu’en as-
tu pensé ? ») plutôt que fermées (« c’était bien ? ») en essayant d’en apprendre le
plus possible sur notre interlocuteur, sur ce qui le préoccupe, sur ses
émotions, etc.
4. Le lieu de travail est par essence un lieu de prédilection pour déployer nos
compétences et être amené à vivre le flow. Nul besoin pour cela d’être musicien,
chirurgien ou homme d’affaires. Les recherches montrent en effet qu’il est possi-
ble d’envisager son travail de trois manières différentes et que, contrairement à
ce que l’on pourrait imaginer, ces optiques dépendent largement de l’individu et
non uniquement de la profession considérée. On peut ainsi considérer son
travail : 1˚ comme une obligation purement alimentaire, 2˚ comme une étape
dans un plan de carrière ou 3˚ comme une vocation (Wrzesniewski, McCauley,
Rozin et Schwartz, 1997). Ainsi, on trouvera aussi bien parmi les chirurgiens que
parmi les éboueurs des personnes qui considèrent leur job comme ennuyeux et
purement alimentaire (« j’en ai marre de devoir tout expliquer à ces patients »,
☞
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 207
☞
« ramasser les poubelles est vraiment dégradant, heureusement que cela paye
bien… ») ou des personnes qui le trouvent au contraire important et porteur de
sens (« sauver des vies », « maintenir les rues propres et servir ses concitoyens »).
Les recherches montrent bien entendu que ce sont les travailleurs appartenant à
cette troisième catégorie qui sont les plus heureux. Changer la vision que nous
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avons de notre travail est donc en partie de notre ressort ; de même, nous
pouvons nous fixer des objectifs ou des challenges personnels afin de rendre
notre travail plus enrichissanta et mobiliser nos compétences pour atteindre ainsi
ces fameuses expériences de flow (Wrzesniewski et Dutton, 2001).
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2.1.5 La gratitude
Exprimer de la gratitude est une stratégie très efficace pour atteindre le
bonheur. La gratitude peut prendre de nombreuses formes selon les contextes
et les personnes : c’est l’émerveillement, c’est la reconnaissance, c’est pren-
dre conscience de l’abondance dans laquelle nous vivons, c’est remercier
quelqu’un d’important dans notre vie, remercier Dieu ou la Vie en
général, etc. C’est aussi savourer les choses et ne pas les prendre pour acqui-
ses. La gratitude est un antidote contre les émotions négatives (Froh, Sefick
et Emmons, 2008 ; Sheldon et Lyubomirsky, 2006 ; Wood, Maltby, Gillett,
Linley et Joseph, 2008). Elle protège de l’envie, de la jalousie, de l’hostilité,
du stress et de la tristesse. Communément associée au fait de dire « merci » à
quelqu’un qui nous fait un cadeau, la gratitude est en fait beaucoup plus
large. La gratitude, c’est par exemple remercier ce vieil ami, cet ancien
professeur, ce collègue qui nous a soutenu ou conseillé dans les moments
difficiles ; c’est chérir les bons moments passés avec notre famille, c’est
passer en revue tous les aspects positifs de notre existence et en remercier la
vie, autrement dit porter notre attention sur la part de chance que nous avons,
en mesurant combien notre sort pourrait être moins enviable.
Des recherches récentes ont pu mettre en évidence les nombreux bénéfices
de la gratitude. Les gens qui éprouvent beaucoup de gratitude sont en
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Ainsi, dans une des premières études sur la gratitude, Emmons et McCullough
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(2003) ont demandé à un groupe d’étudiants d’énumérer, chaque semaine
pendant trois mois, cinq choses pour lesquelles ils ressentaient de la gratitude
dans leur vie : parents aimants, petit(e) ami(e), moment passé entre amis, etc.
Comparé aux autres groupes de participants – un groupe devait citer cinq événe-
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ments arrivés au cours de la semaine et l’autre cinq choses qui les avaient irrités –,
le groupe « gratitude » rapportait être plus optimiste et plus satisfait dans la vie
au terme de l’étude. De plus, la pratique de la gratitude a également eu un effet
sur la santé. Ainsi le groupe « gratitude » a rapporté moins de symptômes tout au
long de l’étude (moins de maux de tête, de maux de gorge, de nausées, de
problèmes de peau, etc.) et a passé en moyenne plus de temps à faire du sport
que les deux autres groupes.
Par ailleurs, les personnes chez qui l’ont induit de la gratitude s’engagent plus
volontiers dans des comportements pro-sociaux, même à l’égard de parfait
inconnu (Bartlett et DeSteno, 2006).
2.1.7 La méditation
Pratiquée par les bouddhistes depuis des millénaires, la méditation a récem-
ment attiré l’attention des scientifiques. En effet, un nombre grandissant
d’études semblent indiquer que la méditation est reliée au bien-être (Baer,
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2003 ; Kabat-Zinn, 2003 ; Segal et al., 2002 ; Wallace et Shapiro, 2006).
Ainsi, la méditation aiderait les personnes à gérer le stress, l’anxiété, les
douleurs chroniques et un grand nombre d’autres maladies (voir Kabat-Zinn,
2003). La méditation est maintenant incluse dans diverses formes de théra-
pies et donne d’excellents résultats dans le traitement et la prévention de la
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Le professeur Richard Davidson et ses collègues ont étudié les effets de la médita-
tion sur le cerveau et le système immunitaire (Davidson et al., 2003). Des partici-
pants volontaires étaient repartis aléatoirement en deux groupes : un atelier
quotidien de médiation ou une liste d’attente. Après seulement huit semaines de
pratique, l’activité du cerveau des personnes du « groupe méditation » avait
changé. Plus précisément, les tracés électro-encéphalographiques révélèrent que
la partie antérieure gauche de leur cerveau – zone dédiée aux émotions positives
et aux comportements d’approche – était plus active qu’avant l’entraînement et
significativement différente de celle du groupe contrôle (qui, lui, n’avait pas
évolué). De plus, la méditation avait également un effet positif sur le système
immunitaire : les participants du « groupe méditation » produisaient plus d’anti-
corps que les participants affectés à liste d’attente après qu’on leur eut injecté un
vaccin contre la grippe.
Pratiquer la LKM
1. S’installer dans une position confortable et fermer les yeux. Le dos est droit
sans être trop tendu ni courbé.
2. Respirer profondément par le ventre et se détendre.
3. Continuer à respirer profondément pendant quelques minutes tout en centrant
l’attention sur le centre de la poitrine, là où se trouve le cœur. Il est parfois diffi-
cile de maintenir l’attention sur la respiration et les sensations corporelles. Lors-
que l’esprit s’égare vers d’autres pensées, ce n’est pas grave, il suffit simplement
d’en prendre conscience et de recentrer son attention sur le moment présent.
☞
210 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
☞
4. Tout en continuant l’exercice de respiration, imaginer une personne que nous
aimons et qui nous aime ou nous aimait profondément (un ami très proche, un
parent, etc.) ; imaginer cette personne se tenant à côté ou en face de nous.
5. Visualiser la personne et laisser venir à l’esprit tout l’amour, la tendresse et la
reconnaissance que nous avons pour elle. Une fois imprégné de ces sentiments
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positifs, souhaiter à la personne imaginée d’être en sécurité, d’être heureuse et
d’être en bonne santé.
6. Imaginer ensuite toute l’affection que cette personne à pour nous. Visualiser
qu’elle projette ces émotions positives directement sur nous (ex : rayonnement,
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1. Outre les éléments théoriques sur lesquels elles se fondent, ces stratégies ont systématiquement
été associées au bonheur et à la satisfaction de vie dans nos propres recherches (voir Nelis,
Quoidbach, Hansenne et Mikolajczak, en préparation).
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 211
non seulement nous rapporter certains des avantages liés au bonheur (souri-
res en retour, renforcement de l’amitié, réussite à l’école ou au travail ;
Lyubomirsky et al., 2005) mais peut également nous rendre réellement plus
heureux.
En effet, l’expression physique d’une émotion en augmente l’intensité :
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c’est la théorie du feedback corporel (Adelmann et Zajonc, 1989). Selon ce
principe, notre visage, notre corps et notre voix envoient des signaux à notre
cerveau, l’informant sur ce que nous sommes en train de vivre et nous
conduisant, de ce fait, à ressentir l’état en question. Ainsi, lorsque nous
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Figure 9.6
Illustration de la tâche dans l’étude de Strack, Martin et Stepper (1998)
Un autre type de preuve de cet effet du feedback facial vient des recher-
ches menées sur des personnes dont les expressions faciales sont totalement
figées. Le syndrome de Mobius est une affection de naissance qui provoque
212 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
chez les individus qui en souffrent une impossibilité de bouger les muscles
faciaux. Ces personnes ont ainsi en permanence une expression neutre sur le
visage. Bon nombre de ces patients déclarent qu’ils sont incapables de
ressentir les émotions. Ils peuvent seulement les penser. « Je pense de
manière heureuse ou triste… mais je ne me sens pas réellement heureux ou
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triste » déclare ainsi un homme souffrant du syndrome de Mobius (Cole,
1998, p. 127). On constate donc que l’incapacité d’exprimer physiquement
une émotion influence la capacité à la ressentir.
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Une autre étude étonnante de Finzi et Wasserman (2006) apporte également des
éléments en faveur de la théorie du feedback corporel. Partant du principe que
les personnes profondément dépressives affichent en permanence des expres-
sions faciales de tristesse, ces chercheurs ont enrôlé dans une recherche expéri-
mentale 10 femmes cliniquement déprimées qui ne répondaient pas aux
traitements psychothérapeutiques et pharmacologiques classiques. La dépression
de ces patientes durait depuis deux à dix-sept ans selon les cas. Les chercheurs
leur ont injecté la forme A de la toxine paralysante botulique, plus connue sous le
nom de Botox au niveau des rides du front. Deux mois plus tard, neuf des dix
participantes n’étaient plus déprimées, et la dixième montrait une amélioration
de l’humeur. Les conclusions de cette étude n’en sont toutefois encore qu’au stade
préliminaire. En effet, les chercheurs n’ont pas utilisé de « groupe contrôle »
(c’est-à-dire un groupe de patientes déprimées à qui l’on aurait injecté un
placebo par exemple). De plus, on ne peut pas exclure le fait qu’une partie des
résultats pourraient être dus à l’effet du regard des autres : sans rides, les patien-
tes étaient peut-être perçues comme plus sympathiques et plus attirantes, ce qui
améliorait leurs relations sociales et par là même leur humeur.
Malgré ces limites, les résultats de cette première étude n’en demeurent pas
moins surprenants !
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des augmentations. Les retraités disent à leurs amis qui travaillent toujours
que les années dorées de la retraite ne sont plus bien loin… Il semble que
nous vivions et que nous savourions très rarement le moment présent,
pensant que ce qui compte le plus est pour le futur : « Je serai tellement
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Figure 9.7
Vivre au présent… Pas facile !
(Source : http://www.cartoonbank.com/product_details.asp ?sid=120707)
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d’apprécier et de prendre du plaisir aux choses banales de leur vie, de vivre
chaque jour comme si c’était le premier et le dernier (Lyubomirsky, 2008).
Les chercheurs définissent le fait de savourer l’instant présent comme la
direction délibérée de l’attention et de la conscience vers l’expérience posi-
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tive en cours (Bryant, 1989). Quand nous nous arrêtons pour sentir des fleurs
au lieu de marcher devant, nous savourons ! Quand nous émergeons soudai-
nement d’une conversation entre amis en prenant conscience du plaisir que
nous avons à partager ce moment, nous savourons ! C’est la différence
subtile entre savourer et vivre une expérience de flow : savourer implique de
faire un pas de côté hors de l’expérience (« que les roses sentent bon ! »),
alors que le flow implique une complète immersion dans l’expérience1.
La capacité à savourer l’instant présent a été associée au bien-être dans
plusieurs recherches empiriques (Bryant, 1989 ; Meehan et al., 1993). Ainsi,
savourer est positivement relié à l’optimisme, à un locus de contrôle interne
efficient, à l’estime de soi ainsi qu’à la satisfaction de vie. De plus, les
personnes capables de capturer la joie du moment présent sont moins
susceptibles de tomber en dépression et de vivre des émotions telles que le
stress, la culpabilité ou la honte (Bryant, 2003). Par ailleurs, les personnes
qui pratiquent les formes de méditation d’inspiration bouddhiste de type
mindfulness, dont l’essentiel consiste à diriger son attention sur le moment
présent et les sensations corporelles, voient leur qualité de vie s’améliorer
(Shapiro, Astin, Bishop et Cordova, 2005 ; Surawy, Roberts et Silver, 2005),
leur stress diminuer (Kabat-Zinn et al., 1992 ; Weinstein, Brown et Ryan,
sous presse) et leur santé s’améliorer (voir Grossman, Niemann, Schmidt et
Walach, 2004).
Bien sûr, « c’est plus facile à dire qu’à faire ».
Comme pour toutes les stratégies visant à augmenter le bonheur, il faut
faire preuve d’efforts et de motivation afin de savourer l’instant présent.
Notre attention est souvent accaparée par des pensées persistantes et intrusi-
ves au sujet du passé (anciennes conversations, tâches non réalisées, problè-
mes non résolus…) ou du futur (soucis, projets à mener à bien…) ; il faut
faire preuve d’efforts réels pour rediriger notre attention vers l’expérience
positive « ici et maintenant ».
1. Bien sûr, dans l’idéal, savourer requiert de ne pas trop sortir de l’expérience présente. En effet,
se demander trop fréquemment « est-ce que je suis en train de savourer ? » ou « suis-je en train
de prendre assez de plaisir ? » conduit inévitablement à se distraire de l’amusement !
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 215
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dans notre quotidien. Il faut beaucoup d’efforts pour apprendre à apprécier
ces choses à nouveau et arrêter de les considérer comme acquises.
Les recherches montrent cependant que prendre quelques minutes par jour
pour réapprendre à apprécier une activité agréable que nous avons l’habitude
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d’« expédier » rapidement (ex : manger notre sandwich de midi, prendre une
douche, marcher jusqu’à l’arrêt de bus, écouter la radio en voiture, etc.)
permet d’augmenter significativement le sentiment de bonheur et de réduire
les symptômes dépressifs (Seligman, Rashid et Parks, 2006).
Dans une étude de Bryant, Smart et King (2005), les participants devaient établir
une liste de souvenirs positifs et se replonger deux fois par jour dans un moment
décrit. La consigne suivante leur était donnée :
« Tout d’abord, consultez votre liste de souvenirs et choisissez-en un dans lequel
vous replonger. Asseyez-vous, respirez profondément, relaxez-vous, fermez les
yeux et commencez à repenser à votre souvenir. Laissez les images associées à
ce souvenir envahir votre esprit. Essayez de vous représenter les événements
associés à celui-ci. Laissez votre esprit vagabonder librement à travers tous les
détails de votre souvenir. »
Conformément à l’hypothèse des chercheurs, les participants qui ont réalisé cet
exercice régulièrement ont vu leur niveau de bonheur augmenter considérable-
ment. En outre, plus les participants imaginaient leurs souvenirs de manière
détaillée et précise, plus ils ressentaient d’émotions positives.
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me donnent aussi confiance en moi. Je me dis en quelque sorte “tu l’as déjà
fait avant, tu peux le refaire maintenant”. Si les choses vont mal, j’utilise mes
souvenirs afin de déterminer comment je pourrais améliorer les choses plutôt
que de penser à tout ce qui ne va pas ».
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Dans une autre étude, sur les couples cette fois, les chercheurs ont égale-
ment montré qu’il pouvait être particulièrement bénéfique de se souvenir
conjointement des moments heureux. Ils ont demandé à des couples de se
souvenir ensemble le plus précisément possible d’un grand moment de rire
commun. Cette simple manipulation suffisait à augmenter significativement
le niveau de satisfaction des couples par rapport à leur relation (Bazzini,
Stack, Martincin et Davis, 2007).
Enfin, l’effet positif du voyage mental dans le temps fonctionne également
lorsque nous imaginons le futur. Une étude récente montre que le simple fait
d’imaginer tous les soirs avec le plus de détails possible quatre événements
positifs qui pourraient arriver le lendemain suffit à augmenter significative-
ment le niveau de bonheur des participants (Quoidbach, Woodet Hansenne,
sous presse).
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faire un petit cadeau pour célébrer la bonne nouvelle. En effet, Dunn, Aknin
et Norton (2008) ont montré que dépenser de l’argent pour les autres indui-
sait davantage d’émotions positives que de le dépenser pour soi. Ces cher-
cheurs ont ainsi distribué de l’argent à des étudiants en leur demandant soit
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de le dépenser pour se faire plaisir, soit pour faire plaisir à quelqu’un d’autre
(petit cadeau, don à une œuvre de charité, etc.). Alors que préalablement à
l’étude, la grande majorité des participants déclaraient préférer dépenser de
l’argent pour eux, les résultats montrent que les dépenses « pro-sociales »
augmentent le niveau de bonheur de manière significativement plus impor-
tante que les dépenses personnelles. Par ailleurs, cette étude montre égale-
ment que le montant du cadeau importe peu : 5 euros suffisent à nous rendre
plus heureux !
Le fait de partager ses propres succès avec ses proches est par ailleurs
associé à un niveau élevé d’émotions positives et de bien-être (Langston,
19941). Ne minimisons pas notre bonne fortune, nos efforts, nos forces ou
notre ingéniosité. Les recherches montrent que, loin d’être un péché
mortel, l’émotion de fierté est associée à de nombreuses conséquences
positives2. Dans une étude récente, Williams et DeSteno (2009) ont ainsi
induit de la fierté authentique chez certains participants en prétendant que
leur performance lors d’une tâche d’acuité visuelle était absolument hors du
commun. Dans une seconde partie de l’expérience, les sujets devaient résou-
dre un problème en groupe. Les résultats montrent que les participants fiers
avaient davantage d’influence et étaient plus appréciés par les autres
membres du groupe que les participants contrôles (humeur neutre).
1. Signalons bien sûr qu’il convient d’éviter de tomber dans la vantardise. Si promouvoir une
image particulièrement positive de soi peut être efficace lorsque nous rencontrons quelqu’un
pour la première fois, cette stratégie s’avère délétère pour les relations avec des personnes plus
proches (Tice, Butler, Muraven et Stillwell, 1995).
2. À ce niveau, il est important de distinguer la fierté authentique (fierté bêta), qui survient à la
suite d’un accomplissement ou d’un succès réel, de la fierté hubristique (d’après le concept grec
d’hubris) (fierté alpha), qui provient d’une surestimation générale de sa propre valeur (Tracy et
Robins, 2007b). Les recherches montrent que la fierté authentique est associée à de nombreuses
variables positives (ex : estime de soi, agréabilité) alors que la fierté hubristique corrèle avec des
traits moins enviables comme le narcissisme ou la disposition à ressentir de la honte (Tracy et
Robins, 2007a).
218 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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tionnelles. Nous aborderons ces stratégies délétères de manière relativement
succincte car elles représentent, pour la plupart, le corollaire opposé des stra-
tégies fonctionnelles. On distingue typiquement quatre stratégies délétères,
quatre mauvaises habitudes face aux événements positifs qui nous arrivent.
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3 CONCLUSION
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nous avons montré les avantages que nous en retirions dans la vie quoti-
dienne. Nous avons vu qu’un nombre important d’études démontrent les
effets bénéfiques des émotions positives sur nos cognitions (ex : créativité),
nos comportements (ex : résilience), sur nos relations sociales (ex :
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DES ÉMOTIONS1
L’UTILISATION
Chapitre 10
1 L’INFLUENCE DE L’HUMEUR
SUR LES PROCESSUS COGNITIFS
Dans les chapitres précédents, nous avons déjà réfuté une vision dichotomi-
que de l’être humain, dans laquelle les émotions et les cognitions seraient
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
indépendantes. Dans les lignes qui suivent, nous appuierons notre propos et
montrerons que les processus cognitifs « froids » et désincarnés n’existent
pour ainsi dire pas. Les émotions exercent en effet une influence considéra-
ble sur notre pensée. Elles influencent ce que nous percevons, ce dont nous
nous souvenons, la manière dont nous traitons l’information et dont nous
interprétons les événements, les jugements que nous posons et les décisions
que nous prenons.
224 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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Tout d’abord, les émotions biaisent l’orientation de l’attention, de sorte
que les personnes d’humeur positive prêtent plus attention aux stimuli
positifs dans l’environnement, alors que l’inverse est vrai pour les indivi-
dus d’humeur négative (voir Eich, Kihlstrom, Bower, Forgas et Niedenthal,
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2000 pour une revue). D’une part, les personnes d’humeur positive détec-
tent prioritairement les stimuli positifs alors que les individus de mauvaise
humeur détectent prioritairement les stimuli négatifs. D’autre part, les
recherches ont montré que si l’on présente des images plaisantes ou déplai-
santes à des participants chez qui l’on a précédemment induit une humeur
gaie ou triste, les participants d’humeur joyeuse passent plus de temps à
regarder les images plaisantes tandis que les participants d’humeur triste
passent plus de temps à regarder les images déplaisantes. Un questionnaire
post-test a révélé que les participants n’avaient pas conscience de cet effet.
Ces biais d’orientation et de durée d’attention expliquent en partie que les
personnes amoureuses « voient tout en rose » et que les individus déprimés
« voient tout en noir ». Il est à noter toutefois que ces biais sont plus mani-
festes chez les individus qui régulent mal leurs émotions que chez ceux qui
les régulent bien. Lorsqu’ils sont d’humeur négative, ces derniers ont en
effet – à cause ou en conséquence de leurs aptitudes supérieures de régula-
tion – une tendance à transformer rapidement les biais congruents avec
l’humeur en biais incongruents. Focaliser son attention sur des stimuli
positifs quand on est d’humeur maussade facilite en effet la régulation de
l’humeur.
Ensuite, les émotions influencent la manière dont nous allons percevoir
les choses. Dans une étude expérimentale prototypique du genre, des cher-
cheurs (Fredrickson et Branigan, 2005) ont présenté à des participants
différentes formes telles que celle représentée sur la figure 10.1 ci-dessous.
Les sujets devaient décider laquelle des deux formes du bas était la plus
similaire à la forme du dessus. En réalité, il n’existe pas de bonne réponse
car l’une (celle de gauche) est similaire par sa forme globale (c’est un
triangle) tandis que l’autre (celle de droite) est identique au niveau du
détail (elle est composée de carrés). Notons que les positions respectives
des formes étaient contrebalancées dans l’étude, de sorte qu’une réponse à
droite ne signifiait pas toujours une réponse « détail ». L’étude a montré
que les participants chez qui l’on avait induit une humeur positive avaient
tendance à considérer les choses dans leur globalité (et choisissaient donc
les triangles) tandis que les individus chez qui l’on avait induit une humeur
négative avaient tendance à percevoir les choses dans le détail (et choisis-
saient donc les carrés).
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 225
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Figure 10.1
Exemple de stimuli utilisés dans l’étude de Fredrickson et Branigan (2005)
☞
226 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
☞
une humeur triste parvenaient plus difficilement à « raccrocher » après un
moment de distraction que les participants chez qui l’on avait induit une humeur
gaie (Smallwood, Fitzgerald, Miles et Phililips, 2009). Les auteurs expliquent
cela par un phénomène de rumination : l’humeur négative induirait davantage
de ruminations, lesquelles empêcheraient l’individu de se focaliser pleinement sur
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la tâche en cours.
1.3 Le jugement
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L’humeur influence tant les éléments sur lesquels nous fondons notre juge-
ment que la nature de ce jugement (positif ou négatif).
Lorsqu’on présente à des participants des messages publicitaires, on cons-
tate que les individus d’humeur positive prêtent plus attention aux aspects
superficiels de l’annonce, tels que l’attractivité ou le statut de l’émetteur
(Petty, DeSteno et Rucker, 2001). Ils seront ainsi fort influencés par les
publicités qui présentent un beau graphisme, un beau mannequin ou une
figure d’autorité (ex. un médecin qui vous dit que la crème usqua est bonne
pour votre peau). A contrario, les personnes d’humeur négative ont tendance
à se focaliser sur le contenu du message et à répondre en fonction de la
qualité des arguments (ex. la crème usqua est bonne parce qu’elle contient
tels et tels agents actifs, qui ont telles et telles propriétés). Les personnes
d’humeur maussade traitent donc les messages persuasifs de manière beau-
coup plus approfondie que les personnes de bonne humeur (voir Mackie,
Asuncion et Rosselli, 1992 ; Schwarz, Bless et Bohner, 1991 pour revues).
Les publicitaires utilisent aujourd’hui ces résultats de recherche pour optimi-
ser leur communication. Ainsi, lorsqu’ils conçoivent une publicité qui figu-
rera lors d’un concert, ils privilégient en général un « emballage attractif »
plutôt qu’une communication exposant les arguments rationnels en faveur du
produit.
Outre son impact sur le traitement de l’information disponible, l’humeur
influence également la nature du jugement, de sorte que celui-ci est générale-
ment congruent avec l’humeur. Une étude a ainsi montré que les individus
réagissaient plus positivement à des slogans sociopolitiques lorsqu’ils étaient
de bonne humeur (par exemple, après avoir reçu un repas gratuitement) que
quand ils étaient de mauvaise humeur (après avoir été exposés à des odeurs
désagréables) (Razran, 1940). Dans le même ordre d’idée, les personnes qui
ont reçu un petit cadeau gratuit dans un magasin jugent ensuite leur vie et
leurs biens (ex. le fonctionnement de leur téléviseur) de manière plus posi-
tive que ceux qui n’ont rien reçu (Isen, Shalker, Clark et Karp, 1978). Il en va
de même avec nos relations interpersonnelles. Après avoir subi une induction
d’humeur (ex. via des extraits de films drôles ou tristes), les participants chez
qui on a induit une humeur positive décrivent leurs amis d’une manière beau-
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 227
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tait de telle sorte qu’il y ait autant d’arguments favorables que défavorables à
son endroit. Les résultats ont montré que les participants de bonne humeur
jugeaient le candidat positivement et se disaient prêts à l’engager, alors que
leurs pairs de mauvaise humeur considéraient ce même candidat comme
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l’humeur sur le jugement sera beaucoup plus puissant dans le cas des
couples mal assortis (Forgas, 1993). Ceci s’explique par le fait que les
couples mal assortis sont plus « surprenants » et que, pour donner sens à une
telle situation, nous devons davantage faire appel à nos propres expériences
et souvenirs. C’est comme lorsque nous devons juger la relation que nous
entretenons avec notre partenaire : un tel jugement est complexe et demande
de faire la synthèse d’un grand nombre d’expériences stockées en mémoire.
Dans ce cas, l’humeur exercera une influence importante sur notre jugement
parce qu’elle influencera fortement la nature des événements rappelés. Les
personnes d’humeur positive se souviendront d’événements plus agréables et
se formeront donc une meilleure impression de leur couple que les personnes
228 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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(Sedikides, 1995).
La bonne humeur n’a pas que des effets bénéfiques ! Nous avons vu que les
émotions positives conduisent les individus à envisager les choses de manière
plus globale et moins analytique. Cela conduit également les individus d’humeur
positive à utiliser davantage de stéréotypes pour fonder leur jugement. Ainsi,
dans une étude de Bodenhausen, Kramer et Süsser (1994), les participants
devaient juger de la culpabilité de l’auteur d’un crime sur base d’une description
ambiguë après que leur humeur eut été manipulée ou non. Pour une moitié des
participants, l’auteur des faits se nommait Juan Garcia alors que pour l’autre, il
s’appelait John Garner. Hormis les noms, la description des faits était exactement
identique. La figure 10.2 illustre les résultats de Bodenhausen et de ses collègues.
Coupable
7
6
5 Juan Garcia
Humeur Humeur
John Garner
positive neutre
Induction d'humeur
Figure 10.2
Effet de l’humeur sur le jugement de la culpabilité d’un criminel
en fonction de l’origine de son nom
Les résultats montrent qu’alors que le jugement des participants est préservé en
condition neutre, il est fortement biaisé lorsque les participants sont d’humeur
positive : les participants d’humeur positive jugent la culpabilité du suspect plus
probable lorsque celui-ci est d’origine hispanique.
Tout d’abord, notre humeur influence notre perception du risque et, en parti-
culier, notre perception de la probabilité d’occurrence d’un certain nombre
d’événements désagréables. Ainsi, les personnes chez qui l’on induit une
émotion négative estiment qu’ils ont une plus grande probabilité de perdre
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 229
leurs amis, d’être victimes d’un crime, de divorcer dans les cinq ans ou
encore de vivre une guerre atomique que les participants chez qui l’on induit
une humeur positive (Mayer, Gaschke, Braverman et Evans, 1992). De
manière générale, les personnes d’humeur négative surestiment les risques
tandis que les personnes d’humeur positive les sous-estiment.
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Outre son influence sur la perception des risques, l’humeur influence aussi
la prise de risque. Néanmoins, la direction des effets n’est pas claire à ce
jour. Selon certaines études, l’humeur positive augmenterait la prise de
risque tandis que l’humeur négative la diminuerait (Spies, Hesse et Brandes,
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1997 ; Yuen et Lee, 2003). Étant donné que d’autres études obtiennent des
résultats radicalement opposés (Mittal et Ross, 1998 ; Leith et Baumeister,
1996), il semble que les effets soient plus complexes qu’attendus. Des études
récentes (voir encart ci-après) sur l’effet des émotions spécifiques fournis-
sent une première piste d’explication à ces résultats mitigés. Elles devront
toutefois être complétées par des recherches ultérieures.
sant de noter que la joie provoque le même effet que la colère : les personnes
heureuses choisissent également le programme B. Comment cela se fait-il ?
Lerner et Keltner expliquent ce phénomène par un processus qu’ils nomment
« tendance à l’évaluation » (appraisal tendency). Pour comprendre cet effet, il
faut avoir en tête deux éléments. Premièrement, une émotion se déclenche
communément à la suite de l’évaluation que nous faisons de la situation (ou
appraisal). Nous évaluons les situations non seulement en termes de valence
(positive-négative), mais également en prenant en compte d’autres dimensions
comme le contrôle (contrôlable-incontrôlable) ou la certitude (issue certaine-
incertaine). Des situations de même valence (ex. négatives) peuvent ainsi différer
☞
230 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
☞
en termes de certitude et induire ainsi des émotions différentes. Une situation
évaluée comme négative et dont l’issue est incertaine provoquera généralement
de la peur, tandis qu’une situation évaluée comme négative mais dont l’issue est
certaine provoquera typiquement de la colère (ex. Roseman, 1984 ; Scherer,
2001). Deuxièmement, l’émotion subjective s’accompagne de changements
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physiologiques, cognitifs et comportementaux destinés à aider l’individu à faire
face à l’événement déclencheur. Ces changements persistent cependant souvent
au-delà de la situation déclencheuse et continuent à guider les pensées et le
comportement des individus (voir Gasper et Clore, 1998 ; Raghunathan et Pham,
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1999).
C’est ce qui explique la « tendance à l’évaluation » : chaque émotion active une
prédisposition à évaluer les caractéristiques des situations futures comme similai-
res aux caractéristiques de la situation déclencheuse. Ainsi, la joie et la colère,
bien que de valence opposée, impliquent toutes deux des situations déclencheu-
ses où notre degré de certitude est relativement élevé. Les participants joyeux ou
en colère jugeront donc l’issue du programme B (une chance sur trois de sauver
tout le monde) comme plus certaine. À l’inverse, les individus chez qui l’on induit
la peur percevront le programme B comme comprenant trop d’incertitude et
préféreront le programme A.
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l’influence de l’humeur est importante. Nous avons vu ci-dessus que
l’humeur influençait l’interprétation des dires d’un candidat ambigu et
l’appréciation que l’« employeur » s’en faisait (Baron, 1987). Ces résultats
ont été répliqués, sous une forme ou une autre, dans plusieurs études. Dans
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l’une d’elle, on induisait un état négatif chez la moitié des participants puis
on demandait à tous les participants d’écouter et de retranscrire simultané-
ment sur papier une liste de mots. Les mots étaient des homophones dont le
sens était soit neutre (ex. cent), soit négatif (sang). Les participants maussa-
des retranscrivaient – et donc interprétaient – beaucoup plus fréquemment
les mots dans leur sens négatif que les participants n’ayant pas subi d’induc-
tion d’humeur (ex. Halberstadt, Niedenthal et Kushner, 1995 ; Richards,
Reynolds et French, 1993).
1.7 La mémoire
L’humeur exerce une double action sur la mémoire : elle affecte tant la
nature du rappel (mood-congruent memory) que la qualité de celui-ci (mood-
dependent memory).
Tout d’abord – et sans surprise en regard de ce que nous avons vu ci-
dessus – l’humeur affecte la nature du rappel, de sorte que les souvenirs
seront plus fréquemment congruents avec l’humeur. Ainsi, si l’on demande à
des individus d’étudier une liste de mots et puis qu’on procède à une induc-
tion d’humeur positive ou négative, les participants joyeux se rappelleront
mieux des mots positifs, tandis que les participants tristes se souviendront
davantage des mots négatifs (Ucros, 1989). D’autres recherches ont répliqué
cet effet et montré, par exemple, que les personnes de bonne humeur se
remémorent plus facilement les souvenirs heureux de leur enfance ou leurs
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
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(Ucros, 1989 ; voir Eich et Macaulay, 2000 pour une revue). En d’autres
termes, on se rappelle plus facilement une information quand on est dans le
même état d’humeur au moment du rappel que celui dans lequel on était
lorsque l’on a mémorisé l’information. Se remettre dans l’état d’humeur de
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que lorsqu’il s’agit d’être persuasif, les personnes d’humeur négative produi-
sent des arguments de meilleure qualité que les personnes d’humeur positive
(Forgas, Ciarrochi et Moylan, 2000). Ces résultats sont en accord avec l’idée
que les émotions négatives favorisent un traitement analytique et systémati-
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2 L’INFLUENCE DE L’HUMEUR
SUR LES COMPORTEMENTS
émotions positives et négatives ont une série d’autres effets au niveau inter-
personnel. Nous décrirons ci-dessous ceux qui sont les mieux documentés.
Tout d’abord, on observe que les personnes chez qui on a induit une
humeur positive sont plus communicatives, plus chaleureuses, plus à l’aise et
plus constructives en situation sociale que les personnes chez qui l’on a
induit une humeur négative (Forgas, 2002 ; Forgas et Gunawardene, 2000).
1. Il est à noter que cette colère doit se limiter au ring, sous peine de gaspiller de l’énergie utile par
ailleurs.
234 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
Ces effets sont également saillants dans la vie quotidienne. Combien de fois
nos proches ne font-ils pas les frais de notre mauvaise humeur lorsque nous
avons eu une mauvaise journée ? Ce qui est intéressant, toutefois, c’est que
la majorité des participants de ces études n’avaient pas conscience de
l’influence de leur humeur sur leur comportement.
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Avoir conscience que même de légères différences d’humeur peuvent
affecter profondément la manière dont nous agissons avec autrui – et par
conséquent la manière dont nous sommes perçus socialement – est un avan-
tage indéniable. En effet, les recherches montrent que l’on se forge une
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opinion sur base d’un petit nombre d’éléments et que l’on tend ensuite à
sélectionner l’information qui confirme cette première impression
(Dougherty, Turban et Callender, 1994 ; Leyens et Yzerbyt, 1997 pour une
revue). Dès lors, avoir conscience de l’influence de notre humeur sur notre
comportement est fondamental, surtout lorsque nous interagissons pour la
première fois avec quelqu’un.
En dépit des effets exposés ci-dessus, l’humeur positive n’a pas que des
effets bénéfiques. Lorsqu’il s’agit de formuler une requête, les personnes
d’humeur positive sont beaucoup plus directes – voire même parfois impo-
lies – que les personnes d’humeur négative, qui sont beaucoup plus circons-
pectes et courtoises dans leur demande. Ces effets apparaissent être d’autant
plus puissants que la demande est complexe (Forgas, 1998, 1999).
Néanmoins, et peut-être paradoxalement, les individus d’humeur positive
sont plus efficaces en situation de négociation. Ils sont en effet plus optimis-
tes quant à l’issue de celle-ci et utilisent des stratégies plus positives et
coopératives que leurs pairs d’humeur négative, lesquels sont plus pessimis-
tes et par conséquent moins coopératifs.
3 DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE…
Nos émotions influencent ce que nous percevons, ce dont nous nous souve-
nons, la manière dont nous traitons l’information, la façon dont nous inter-
prétons les événements, les jugements que nous faisons, les décisions que
nous prenons et la manière dont nous agissons.
Il est fondamental de connaître et de repérer ces effets afin de s’en servir
lorsqu’ils peuvent optimiser notre fonctionnement et de s’en libérer
lorsqu’ils peuvent compromettre notre jugement ou notre performance. Des
exemples nous permettront d’illustrer notre propos.
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 235
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par exemple décorer le sapin et la maison pour le réveillon, faire notre comp-
tabilité et rédiger une lettre condoléances pour un(e) ami(e) qui a perdu un
proche. Les recherches présentées ci-dessus suggèrent que nous devrions
privilégier la décoration de la maison si nous sommes de bonne humeur et
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ce cas-ci, le candidat), mais elle risque pourtant d’affecter tout autant notre
jugement.
Lorsque des décisions importantes doivent être prises, il importe d’analy-
ser la source de l’émotion. Si celle-ci est causée par la personne ou la situa-
tion en question, alors elle constitue une source d’information précieuse. En
revanche, si l’émotion préexistait avant la décision à prendre ou le jugement
à poser, elle risque de biaiser indûment notre jugement. Fort heureusement,
les études ont montré qu’identifier son humeur et la source de celle-ci suffit à
faire disparaître les biais1 dans bon nombre de cas (voir par exemple
Berkowitz et Troccoli, 1990).
236 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
4 CONCLUSION
Dans ce chapitre, nous avons vu que les émotions influençaient tant nos
pensées que nos comportements. Nos émotions colorent notre perception,
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notre mémoire, notre jugement, etc., pour le meilleur et pour le pire. De
manière générale, les émotions provoquent des biais de congruence, de sorte
que nous tendons à percevoir prioritairement les stimuli positifs lorsque nous
sommes heureux et les stimuli négatifs lorsque nous sommes malheureux. Il
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en va de même avec nos souvenirs, nos choix, nos interprétations et nos juge-
ments. Nous avons noté toutefois que ces biais dits « biais de congruence
avec l’humeur » se muaient fréquemment en biais d’incongruence chez les
personnes ayant des aptitudes de régulation élevées.
1. Prendre conscience de l’influence potentielle de l’humeur sur le jugement peut éliminer le biais
dans certains cas, mais peut le renverser dans d’autres. Par crainte de mal juger un candidat en
raison de notre mauvaise humeur, nous pouvons tomber dans le travers inverse et finir par trop
bien le juger.
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 237
Tableau 10.1
Tableau de synthèse pour une meilleure utilisation des émotions
Exemples Humeur
Thématique Conseils
d’activités privilégiée
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Organiser Regarder un film amusant avant
une fête, d’organiser l’enterrement de vie de
conduire un garçon d’un ami. Commencer par
Créativité Positive
brainstorming une blague ou une distribution de
dans une nourriture avant d’entamer une
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quelques grandes idées attractives.
Au contraire, par un lundi matin gris
et pluvieux, nous privilégierons un
Convaincre
Positive message plus détaillé, basé sur des
un auditoire,
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ÉMOTIONNELLES1
DÉVELOPPEMENT
COMPÉTENCES
DURABLE DES
VERS UN
Chapitre 11
1 LA NATURE DU CHANGEMENT
de ne plus boire autant, d’arrêter de fumer, de perdre enfin ces fichus kilos en
trop, ou de lutter contre notre tendance à la timidité, la colère, le
désordre, etc., les exemples d’échecs sont nombreux.
Pourtant certains individus y arrivent, et souvent on les entend dire que
telle personne, telle expérience ou tel livre a profondément transformé leur
vie.
Changer est donc possible.
Un petit récapitulatif de l’état de la connaissance scientifique sur la nature
du changement devrait nous aider à déterminer plus précisément notre marge
de manœuvre.
242 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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génétique et ligne de base
Changer est difficile, ce n’est pas nouveau ! De nombreuses études scientifi-
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de la version longue du gène 5-HTT (Hariri et al., 2002).
Ces différences génétiques ne déterminent pas à elles seules la vie
émotionnelle d’un individu mais interagissent fortement avec l’environne-
ment. Ainsi, les personnes possédant la forme courte du gène 5-HTT qui
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à s’adapter aux situations les plus extrêmes est donc remarquable et, selon
ces études, il semble qu’elle les amène à revenir à une situation émotionnelle
en adéquation avec leur « potentiel de départ ». D’une manière générale,
Suh, Diener et Fujita (1996) estiment que seuls les événements positifs ou
négatifs récents (i.e. survenus moins de trois mois auparavant) affectent
notre bien-être1.
1. Il existe cependant un certain nombre d’événements pour lesquels nous ne nous adaptons
jamais complètement. Pour une discussion détaillée du principe d’adaptation hédonique, nous
renvoyons à la revue de Frederick et Loewenstein (1999).
244 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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1.2 Le changement est possible :
motivation et neuro-plasticité
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l’espace) de ces chauffeurs sont plus larges que celles des participants
contrôles et qu’il existe une relation directe entre le nombre d’année d’expé-
rience et la taille de l’hippocampe. Afin de stocker la multitude de nouvelles
informations spatiales, le cerveau adulte de ces personnes a vu sa structure se
modifier au fil des ans (Maguire et al., 2000).
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Ces recherches ont par la suite été répliquées de nombreuse fois sur des
musiciens (Gaser et Schlaug, 2003 ; Munte, Altenmuller et Jancke, 2002),
des patients en cours de psychothérapie (Linden, 2006), des personnes prati-
quant la méditation (Brefczynski-Lewis, Lutz, Schaefer, Levinson et David-
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son, 2007)…
Les résultats sont unanimes : le cerveau humain est conçu pour apprendre
sans cesse. Il apparaît donc qu’à force d’entraînement, nous pouvons vérita-
blement transformer notre cerveau.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Notre cerveau comprend une multitude de voies neuronales. En fait,
chacun ou chacune de nos réflexes, de nos habitudes, de nos façons de nous
comporter ou de penser peut être envisagé(e) sous la forme de voies neuro-
nales. Certaines sont larges et épaisses, constituées d’une multitude de
neurones, d’autres sont plus fines et moins développées (voir figure 11.1).
Voies peu
renforcées Voies
renforcées
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 11.1
Illustration des différentes voies neuronales
246 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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s’élargissent pour se transformer en rivière. Plus l’eau s’écoule et plus la
rivière s’élargit. En grandissant, la rivière augmente sa capacité à capter
l’eau aux alentours : encore plus d’eau vient alors s’écouler et elle grandit de
plus belle. La rivière se transforme en fleuve.
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dans nos relations, nous amènent à nous concentrer sur le négatif ou dimi-
nuent notre estime de nous-mêmes.
Grâce aux progrès en matière d’imagerie cérébrale, nous savons
aujourd’hui situer ces réseaux de neurones positifs et négatifs.
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Ainsi, au niveau du cortex préfrontal, les voies neuronales liées aux inter-
prétations et aux émotions positives se situent principalement dans le lobe
gauche du cerveau. Celles liées aux émotions négatives dans le lobe droit
(voir par exemple Davidson, Jackson et Kalin, 2000). L’analyse des tracés
électro-encéphalographiques des personnes heureuses et positives montre
que leur cortex préfrontal gauche est plus actif que celui des personnes pessi-
mistes, négatives ou déprimées (Urry et al., 2004). D’autres évidences
proviennent des recherches sur les moines bouddhistes qui montrent eux
aussi une plus forte activation du cortex préfrontal gauche que du cortex
droit (typiquement dédié au traitement des émotions négatives), même au
repos (Flora, 2005). Le célèbre moine bouddhiste français Mathieu Ricard a
récemment participé à une étude IRMf pour l’université du Wisconsin. Lors-
que l’on compare ses images IRMf à celles de 150 autres personnes contrô-
les, le centre des émotions positives dans le cerveau de ce moine atteint un
niveau d’activation jamais égalé à ce jour (Barasch, 2005).
Ces constatations sont à mettre sur le compte de la pratique quotidienne de
la méditation : une étude récente montre que même les personnes débutantes
qui pratiquent la méditation pendant huit semaines voient l’activation de leur
cortex préfrontal gauche au repos augmenter significativement (Davidson et
al., 2003).
Nul besoin donc de se retirer vingt ans dans les montagnes du Tibet, pour
modifier l’anatomie de son cerveau !
Parallèlement, un nombre grandissant d’études indique que notre cerveau
peut également changer à la suite d’une psychothérapie (pour une revue voir
Linden, 2006). Seulement quatre heures de thérapie cognitive-comportemen-
tale (TCC) permettent par exemple à des patients arachnophobes de retrou-
ver une activité cérébrale comparable à celle des personnes non phobiques
lorsqu’elles sont exposées à des vidéos d’araignées (Paquette et al., 2003).
Nous pouvons donc changer ! Et pas seulement à un niveau superficiel ;
nous pouvons littéralement transformer l’anatomie de notre cerveau et
ainsi maximiser les chances que les événements que nous vivons, les situa-
tions dans lesquelles nous nous trouvons soient automatiquement traité(e)s
par une voie neuronale plus positive.
248 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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2 COMMENT CHANGER ?
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1. Traduction libre.
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 249
À l’instar de ces auteurs, nous pensons que changer durablement ses habi-
tudes ne s’improvise pas. C’est un travail de longue haleine pour lequel il est
préférable d’établir un plan d’action préalable. En effet, si l’intention de
changer est une condition nécessaire pour réussir à mettre en place de
nouveaux comportements, elle n’est certainement pas suffisante (Orbell et
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Sheeran, 1998). En fait, les méta-analyses sur la question montrent que
l’intention d’adopter un nouveau comportement ne résulte en un changement
comportemental réel que dans une minorité de cas (Sheeran, Webb et
Gollwitzer, 2005).
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Qu’il s’agisse d’un énième divorce provoqué par la même raison que les
précédents, de licenciements répétés pour un manque d’esprit d’équipe
persistant, d’échecs successifs dus à un trac insurmontable, une ou plusieurs
compétences émotionnelles spécifiques insuffisamment développées sont
souvent à l’origine de souffrances et de problèmes récurrents.
La stratégie de remédiation consiste à travailler ses faiblesses.
1. Notre approche se fonde entre autres sur les travaux de Lyubomirsky (2008), Locke et Latham
(1990 ; 2002), Strecher et al. (1995).
250 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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Cette stratégie est payante :
– lorsque certaines de nos faiblesses nous posent régulièrement problème
ou, plus grave, quand elles sont devenues une réelle source de souffrance ;
– lorsque nous sommes véritablement motivés à transformer positivement
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notre vie.
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longueur d’onde.
À ce propos, dans son célèbre cours de psychologie positive déjà évoqué
plus haut, le professeur de Harvard Tal Sharar évoque une étude non publiée
de Langer et Thompson illustrant bien ce mécanisme inconscient de résis-
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Langer et Thomson ont présenté à leurs sujets une liste de traits de personnalité,
en apparence négatifs, et leur ont demandé lesquels ils souhaiteraient changer
en eux. La plupart des participants cochaient la majorité de ces traits. Ils dési-
raient, par exemple, être moins rigides, moins perfectionnistes, culpabiliser moins
ou, au contraire, être plus insouciants, plus joyeux, etc. Les chercheurs ont ensuite
demandé aux sujets d’indiquer, parmi les traits de personnalité proposés, ceux
qu’ils avaient réussi à changer au cours des années précédentes. Dans une
seconde partie de la recherche, les auteurs ont soumis une deuxième liste de
traits en demandant aux participants d’évaluer l’importance que chacun de ceux-
ci avait pour eux. Cette deuxième liste présentait en fait l’aspect positif des traits
de personnalité repris dans la première : par exemple la constance était reprise
comme correspondant positif de la rigidité, l’empathie comme celui de la culpa-
bilité, le réalisme comme celui de la critique systématique, etc.
Les résultats de l’étude montrent que plus les individus considéraient l’aspect posi-
tif d’un trait de personnalité comme important, plus ils affirmaient avoir des diffi-
cultés à changer ce dernier (voir tableau 11.1). Ainsi par exemple, ceux qui
avaient le plus de mal à dépasser leur rigidité étaient également ceux qui accor-
daient le plus d’importance au fait d’être constants. En d’autres termes, malgré le
désir conscient d’être moins rigides, ils n’étaient pas prêts à renoncer à être
quelqu’un de constant et fiable. Ces freins inconscients les empêchaient en fait de
changer.
252 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
Tableau 11.1
Exemples de caractéristiques que les participants désiraient changer
et pertes inconscientes associées
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généralement changer changement
Rigidité Constance/Fiabilité
Crédulité Loyauté
Sévérité Sérieux
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Perfectionnisme Motivation/ambition
Tracas/anxiété Responsabilité
Culpabilité Empathie/sensibilité
Se relaxer plus Avance sur les autres
Tout critiquer Réalisme
Bonheur Il faut souffrir pour réussir
FORCES FORCES
FREINS LEVIERS
ÉQUILIBRE
Figure 11.2
Dynamique du changement
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 253
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ner ce qu’elles considèrent comme des qualités primordiales.
Prendre un moment pour lister l’ensemble des traits que nous voulons
changer, tout en recherchant les caractéristiques positives associées (les
« bénéfices cachés ») que nous voulons conserver, est un premier pas vers le
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changement. Cela nous permet de faire tomber les barrières mises en place
par notre inconscient.
« Le plus petit changement effectué au sein d’un système rigide entraîne une
réaction en chaîne qui finit par modifier le système tout entier » (Paul Watz-
lawick).
Pour Paul Watzlawick (ex. Watzlawick, Weakland et Fisch, 1974), l’être
humain a tendance à commettre une erreur fondamentale lorsqu’il conçoit de
grands changements : penser que seule une solution gigantesque et radicale,
à la mesure du problème, a des chances de succès. Ainsi par exemple, on
entendra souvent une personne arachnophobe ou terrorisée par le vide dire
que son trouble est tellement sérieux que seule une journée parmi les myga-
les ou un stage intensif de saut en parachute pourront la guérir. Selon Watz-
lawick, ces solutions extrêmes sont très souvent vouées à l’échec. Prévoir de
grands bouleversements est le meilleur moyen de ne rien changer du tout !
Face à l’énormité de la tâche, notre arachnophobe trouvera certainement
toutes les « bonnes raisons » de rester à la maison lorsque l’occasion de
manipuler des mygales se présentera (ex : « trop de travail ce week-end »,
« ce n’est pas le bon moment », « la prochaine fois, c’est sûr ! »…). D’une
manière générale, vouloir bousculer radicalement nos habitudes n’a pour
résultat que d’augmenter les forces de freins.
Nous partageons en grande partie ce point de vue. Augmenter ses compé-
tences émotionnelles requiert une « politique des petits pas ». Si nous
sommes quelqu’un de très anxieux, cela ne sert à rien de vouloir devenir
quelqu’un de décontracté, confiant et serein du jour au lendemain. En se
fixant des objectifs raisonnables, nous réduisons la résistance au change-
ment. Les nouveaux comportements, même peu spectaculaires, provoquent
néanmoins progressivement un changement de logique, une nouvelle repré-
sentation des situations et des problèmes. Par le jeu des rétroactions et des
réactions en chaînes, nous augmentons lentement mais sûrement nos compé-
tences émotionnelles.
254 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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2.4 Se fixer des objectifs calibrés et opérationnels :
la méthode « PEACE »
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1. Cette méthode constitue un outil personnel inspiré de la célèbre méthode des objectifs SMART
(voir par ex. Doran, 1993 ; Rubin, 2002) dont l’efficacité est largement reconnue
(ex. Bovend’Eerdt, Botell et Wade, 2009 ; Bowles, Cunningham, De La Rosa et Picano, 2007)
et des travaux sur la distinction « objectifs d’approche/objectifs d’évitement » (ex. Darnon,
Harackiewicz, Butera, Mugny et Quiamzade, 2007), la « self-efficacy » (voir Bandura, 1997) et
l’importance des feedbacks dans la fixation d’objectif (ex. Bandura et Cervone, 1983 ; Becker,
1978 ; Strang, Lawrence et Fowler, 1978).
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 255
Tableau 11.2
Caractéristiques des objectifs dans la méthode PEACE
Positif
L’objectif doit être formulé par une phrase positivea.
Tel le skieur qui doit se concentrer sur son chemin plutôt que sur les arbres à
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éviter, des objectifs négatifs (éviter les arbres) sont généralement plus difficiles
P
à atteindre que des objectifs positifs (passer par le chemin visualisé).
Par ailleurs, la formulation doit être la plus spécifiqueb possible et mettre en
évidence l’action à réaliser, les actes à faire, en précisant qui fait quoi, où, à
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La réflexion sur des dates butoirs permet par la suite de suivre la réalisation
de nos objectifs, ce qui entretient notre motivation. Cette réflexion sur les
délais mène à la structuration de notre plan de développement personnel.
a. Voir notamment Darnon, Harackiewicz, Butera, Mugny et Quiamzade (2007) ; Elliot et Harac-
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kiewicz (1996) ; Sideridis (2008) ; Van Yperen, Elliot et Anseel (sous presse).
b. Voir à ce sujet la méta-analyse de Locke et Latham (1990) qui montre que les objectifs spécifi-
ques conduisent à une performance plus élevée que les objectifs du type « faire de son mieux ».
La taille des effets varie de moyenne à large en fonction des études.
c. Le terme « capable » renvoie à la notion d’auto-efficacité de Bandura (1997) dont de nombreu-
ses recherches ont montré le rôle clé pour l’atteinte des objectifs (voir Locke et Latham, 2002).
Après avoir choisi l’orientation globale de notre plan d’action, identifié les
freins et leviers et nous être fixé un ensemble d’objectifs opérationnels, il
nous faut maintenant choisir les moyens d’y répondre.
Tout au long de ce livre, nous avons passé en revue un vaste ensemble de
techniques, d’exercices et d’activités visant à développer les compétences
émotionnelles. Il n’existe cependant pas UNE SEULE recette miracle.
Chacun d’entre nous a des besoins, des intérêts, des valeurs, des ressour-
ces et des affinités personnelles qui lui sont propres. Ainsi, une stratégie de
régulation ou une technique de communication bénéfique pour une personne
peut se révéler inefficace voire contre-productive pour une autre. Par exem-
ple, une personne extravertie pourra facilement prolonger la durée de ses
émotions positives en les partageant avec autrui. Cet exercice pourra, au
contraire, se révéler particulièrement stressant pour une personne introvertie.
Le fait de tenir un journal de gratitude se révélera certainement plus utile
pour elle. Après tout, nous ne sommes pas tous sensibles ou intéressés par la
méditation, le yoga ou l’écriture d’un journal intime. L’importance de cette
notion d’adéquation entre activités et personnes est mise en évidence par un
nombre grandissant de recherches empiriques (voir Lyubomirsky, 2008).
Certaines personnes réussissent à perdre du poids par la pratique intensive
d’un sport ou à arrêter de fumer à l’aide de patchs alors que pour d’autres,
c’est un régime protéiné ou le dernier livre d’Allen Carr qui constituera la clé
du succès. La notion d’adéquation personne-activité apparaît comme
évidente et relativement intuitive quand il s’agit de perdre du poids ou de se
débarrasser d’une addiction. Mystérieusement, cette notion n’est presque
jamais prise en considération dans le domaine du développement personnel.
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 257
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émotionnelles, c’est d’établir quels exercices et quels conseils sont faits pour
nous. Il s’agit de sélectionner les activités qui collent le mieux avec notre
personnalité afin de rester motivés dans nos efforts de changement.
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1 2 3 4 5 6 7
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Pas du tout Relativement Beaucoup
3 CONCLUSION
LES PERSPECTIVES
D’AVENIR DANS
LE DOMAINE
DES COMPÉTENCES
ÉMOTIONNELLES1
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bera aux chercheurs de déterminer quelles sont les étapes (au niveau neuro-
logique et cognitif) du processus d’identification des émotions chez
l’individu fonctionnel, quelles sont les origines possibles des pathologies de
l’identification et, finalement, quels sont les moyens de remédier à de tels
déficits.
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cation des besoins et évitement émotionnel nous paraît également intéressant
à étudier.
Le septième chapitre visait à introduire la notion de régulation émotion-
nelle. Nous avons évoqué l’importance de cette compétence dans les cinq
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plus facile à mettre en pratique – et donc plus efficace – pour les individus
ayant un QI élevé comparativement à ceux ayant un QI faible. De même,
l’efficacité du partage social pourrait varier en fonction du degré d’extraver-
sion de l’individu.
Dans le neuvième chapitre, nous avons présenté les principales stratégies
permettant, d’une part, de favoriser l’émergence d’émotions positives et,
d’autre part, d’intensifier ou de prolonger ces dernières. La recherche sur les
émotions positives n’en est encore toutefois qu’à ses débuts. Si un nombre
grandissant d’études indiquent que cultiver la joie, la gratitude ou l’émer-
veillement favorise l’ajustement dans de multiples domaines, de nombreuses
264 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
questions restent encore sans réponse. Quelles sont les stratégies les plus
efficaces ? Le sont-elles pour tout le monde ou est-ce que certaines différen-
ces individuelles viennent ponctuer leur effet ? L’effet des émotions positives
authentiques est-il le même que celles que nous cultivons stratégiquement ?
Les recherches futures devront apporter des réponses à ces questions.
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Le dixième chapitre s’est focalisé sur la manière dont nous pouvions utili-
ser nos émotions. Nous y avons découvert que nos émotions influençaient la
manière dont nous pensons et agissons. Nous avons vu qu’il existait un
certain nombre de circonstances dans lesquelles nous pouvions tirer parti de
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nos émotions – tant positives que négatives – et nous avons appris comment
utiliser celles-ci afin d’optimiser notre pensée et nos comportements. Cette
compétence étant l’une des moins étudiées, de nombreuses questions restent
sans réponse. Par exemple, quels sont ses substrats neuronaux ? La capacité
à utiliser ses émotions implique-t-elle une connaissance explicite des effets
des émotions sur la pensée et le comportement ?
Finalement, le onzième et dernier chapitre a adressé la question du déve-
loppement des compétences émotionnelles. Peut-on vraiment améliorer ses
compétences ? Nous avons vu qu’un tel changement était difficile, mais loin
d’être impossible. Nos structures neuronales nous prédisposent à réagir de
certaines manières plutôt que d’autres en situation émotionnelle, et ce fonc-
tionnement cérébral ne peut être modifié du jour au lendemain. De nombreu-
ses études montrent toutefois que le cerveau est doté d’une certaine
plasticité, laquelle rend le changement possible. La question majeure émer-
geant à l’issue de ce chapitre est : quelles sont les conditions nécessaires et
suffisantes à l’émergence/au maintien du changement ? Existe-t-il un seuil
de compétence en dessous/au-dessus duquel l’amélioration n’est plus
possible ? Comment rendre le changement durable ?
Bien que les lignes qui précèdent aient soulevé l’existence de nombreuses
interrogations en suspens, il serait incorrect de dire que la recherche dans le
domaine des compétences émotionnelles a généré plus de questions que de
réponses. Des progrès majeurs ont été accomplis au cours de la dernière
décennie. Les chercheurs ont montré l’importance des compétences
émotionnelles en regard de l’adaptation de l’individu à son environnement et
ils ont mis en lumière de très nombreux processus cognitifs, physiologiques
et neuroendocriniens sous-jacents à ces compétences. Il incombe maintenant
à la communauté scientifique et aux praticiens de déterminer la meilleure
manière d’utiliser ces connaissances afin d’améliorer le fonctionnement des
individus, et de la société plus largement. En particulier, il nous semble que
la recherche dans le domaine des compétences émotionnelles gagnerait à
passer progressivement d’une perspective descriptive (ex. quelles sont les
conséquences d’un déficit au niveau des compétences émotionnelles ; quels
sont les substrats biologiques de ces compétences) à une perspective appli-
quée. Au vu des conséquences individuelles, interpersonnelles et sociétales
délétères engendrées par un déficit des compétences émotionnelles, les
LES PERSPECTIVES D’AVENIR DANS LE DOMAINE DES COMPÉTENCES… 265
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moyens de répondre à cette sollicitation.
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gratitude 207 performance 141
priming 203
H prospect theory 144
habileté 8
R
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humeur 202
réactivité émotionnelle 117, 149
I–J réévaluation de la situation 170
imagerie par résonance magnétique regard 77
fonctionnelle 244 règles d’expression émotionnelle 137
intelligence émotionnelle 4 régulation 135, 140
intuition 235 – a posteriori 162
jugement 102 – a priori 156
relations sociales 141
M répression 15
méditation 209, 247 résilience 197
méthode des jumeaux 242 respiration diaphragmatique 181
mindfulness 102
modèle de Scherer 48 S
modification santé physique 143
– biologique 14 savourer 210
– comportementale 15 sourire de Duchenne 76
– expressive 15 système 253
mood-congruent memory 231 – sympathique 31
mood-dependent memory 231
moyens 122, 130 T
tendance
N – à l’action 14
neuro-plasticité 244 – à l’évaluation 229
non-expression des émotions 92 théorie de l’élargissement et
de la construction 196
O théories de l’évaluation 49
objectifs 254
ouverture aux émotions 42 V
vocabulaire émotionnel 44
P
paralangage 82 W
partage social des émotions 96, 176 writing paradigm 94
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A E
Allen L.B. 42 Eich E. 224
Argyle M. 77 Ekman P. 45, 69, 74, 76
Ellis A. 171
B Ellsworth P. 74
Bagby R. 40 Emmons 207
Bandura A. 147, 162
Barlow D.H. 42, 126
F
Bastin P. XX Feldman-Barrett L. 46
Baumann N. 143 Fisch R. 126
Baumeister R.F. 156 Folkman S. 161
Ben-Sharar T. 203, 248 Forgas J.P. 224
Fredrickson B.L. 196
Bonanno G.A. 92
Friesen P. 76
Bower G.H. 230
Friesen W. 74
Bruchon-Schweitzer M. 166
Frijda N.H. 18
Bryant F.B. 213
Furnham A. 7
C G
Carver C.S. 119 Gardner H. 5
Cook M. 77 Gilbert D.T. 158
Cosmides L. 24 Goleman D. 5
Côté S. XX Gottman J.M. 98
Csikszentmihalyi M. 205 Grégoire J. 141
Gross J.J. 16, 92, 139
D
Damasio A. 13 H
Darwin C. 68 Hall E. 85
Davidson R.J. 30, 76, 147, 247 Hall J. 66
Deci E.L. 122 Hansenne M. 158, 242
Diener E. 197, 243 Hariri A.R. 146
308 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
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K R
Kabat-Zinn J. 102, 209 Rimé B. 96
Kahneman D. 144 Rogers C. 91
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