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S U P

Les compétences
émotionnelles

Sous la direction de
Moïra Mikolajczak
P S Y C H O
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ISBN 978-2-10-071481-0
© Dunod, Paris, 2009
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À Cécile
À Cornélie
À Caroline
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LISTE DES AUTEURS
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Ouvrage réalisé sous la direction de :


Moïra MIKOLAJCZAK Chargée de recherches au Fonds National Belge de
la Recherche Scientifique (attachée à la Faculté de
Psychologie de l’Université catholique de Louvain)
et chargée d’enseignement à la Louvain School of
Management (Belgique).

Avec la collaboration de :
Jordi QUOIDBACH Chercheur en psychologie à l’Université de Liège
(Belgique), consultant-formateur en gestion des
émotions et efficacité relationnelle.
Ilios KOTSOU Consultant et formateur dans le domaine du manage-
ment, il est aussi chercheur en psychologie des
émotions à l’Université catholique de Louvain
(Belgique).
Delphine NÉLIS Chercheur en psychologie à l’Université de Liège
(Belgique), elle se consacre à la mesure et au déve-
loppement des compétences émotionnelles.
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TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS XVII

AVANT-PROPOS XIX

CHAPITRE 1 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES :


HISTORIQUE ET CONCEPTUALISATION (Moïra Mikolajczak) 1

1 Historique de la notion de « compétences émotionnelles » 4


2 Vers une définition des compétences émotionnelles 7

CHAPITRE 2 LES ÉMOTIONS (Moïra Mikolajczak) 11

1 Introduction 13
2 Qu’est-ce qu’une « émotion » ? 14
2.1 Un système à cinq composantes 14
2.2 Émotion, humeur et tempérament 15
3 Les déclencheurs de l’émotion 16
4 Les fonctions des émotions 18
4.1 L’émotion comme source d’information 18
4.2 L’émotion comme facilitateur de l’action 18
4.3 L’émotion comme support à la décision 21
4.4 L’émotion comme outil indispensable à l’adaptation 23
X LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

5 Les bases neurobiologiques de l’émotion 26


5.1 Les substrats neuronaux 26
5.1.1 L’amygdale 26
5.1.2 Le cortex préfrontal 29
5.1.3 Le noyau accumbens 30

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5.2 Les substrats neuro-endocriniens 31
5.2.1 Le système (ortho)sympathique 31
5.2.2 L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien 33
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6 Conclusion 34

CHAPITRE 3 L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS (Delphine Nélis) 37

1 L’importance de l’identification de ses émotions 39


1.1 L’identification comme prémisse à la régulation 39
1.2 L’identification comme prémisse à l’utilisation 40
1.3 L’identification indispensable à l’adaptation
à l’environnement : la preuve par l’alexithymie 40
2 Les processus sous-jacents
à l’identification des émotions 42
2.1 Les prérequis 42
2.1.1 L’ouverture aux émotions 42
2.1.2 La richesse du vocabulaire émotionnel 44
2.2 L’identification de l’émotion proprement dite 48
2.2.1 L’identification de l’émotion à partir des cognitions 49
2.2.2 L’identification de l’émotion à partir des modifications
biologiques 53
2.2.3 L’identification de l’émotion à partir des tendances
à l’action 55
3 Différents niveaux de conscience émotionnelle 56
4 Conclusion 57

CHAPITRE 4 L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI


(Delphine Nélis) 59

1 L’importance de l’identification des émotions d’autrui 61


2 Identifier les émotions d’autrui au travers de la communication
verbale 63
3 Identifier les émotions d’autrui au travers de la communication
non verbale 65
TABLE DES MATIÈRES XI

3.1 Les fonctions du message non verbal 66


3.2 Les différents signaux non verbaux 67
3.2.1 Les expressions faciales 67
3.2.2 Le regard 77
3.2.3 Les postures 80

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3.2.4 Les gestes 81
3.2.5 Le paralangage 82
3.2.6 La distance 85
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4 Conclusion 87

CHAPITRE 5 L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS (Ilios Kotsou) 89

1 L’expression des émotions 91


1.1 L’expression des émotions : un débat controversé 91
1.2 Les éléments en faveur de l’expression des émotions 92
1.2.1 L’importance de l’expression des émotions
sur le plan individuel 92
1.2.2 L’importance de l’expression des émotions sur le plan social 95
1.2.3 Les mécanismes sous-jacents aux bénéfices de l’expression
des émotions 97
1.3 Les éléments en faveur de la non-expression
des émotions 98
1.4 Concilier les résultats sur l’expression
et la non-expression 99
1.5 L’apprentissage de l’expression des émotions 100
1.6 L’expression adaptée des émotions en pratique 101
1.6.1 Exprimer ses émotions oralement 101
1.6.2 Exprimer ses émotions en situation difficile 101
1.6.3 Exprimer ses émotions par écrit 104
2 L’écoute des émotions d’autrui 108
2.1 L’importance de l’écoute des émotions 108
2.2 Les différents modes d’écoute 109
2.2.1 Le mode d’intervention orienté solutions 109
2.2.2 Le mode d’intervention orienté vers le jugement,
l’évaluation 110
2.2.3 Le mode d’intervention orienté vers l’interprétation 110
2.2.4 Le mode d’intervention orienté vers la consolation 111
2.2.5 Le mode d’intervention orienté vers l’investigation 111
2.2.6 Le mode d’intervention orienté vers la compréhension 112
XII LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

3 Conclusion 114

CHAPITRE 6 LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS (Ilios Kotsou) 115

1 La perspective théorique 117

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1.1 L’émotion comme information sur les besoins 117
1.2 Besoins et valence de l’émotion 118
1.3 Les théories des besoins humains 120
1.4 En résumé 122
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2 La dimension pratique du travail sur les besoins 125


2.1 Les apports du travail sur les besoins 125
2.2 L’accueil des émotions 126
2.3 La reconnaissance des besoins 127
2.4 La satisfaction des besoins 130
3 Conclusion 132

CHAPITRE 7 INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS


(Moïra Mikolajczak) 133

1 Émotions fonctionnelles et dysfonctionnelles 136


2 L’objet de la régulation émotionnelle 138
3 Les différentes formes de régulation émotionnelle 139
4 L’importance de la régulation émotionnelle 141
4.1 Les relations sociales 141
4.2 La performance (académique ou professionnelle) 141
4.3 Le bien-être et les troubles psychologiques 142
4.4 La santé physique 143
4.5 La gestion des ressources matérielles 144
5 Les sources de différences entre les individus 145
5.1 Les facteurs génétiques 146
5.2 Les facteurs environnementaux 146
6 Une configuration et un fonctionnement particuliers du cerveau 147
7 Réactivité et régulation émotionnelle 149
8 Conclusion 150
TABLE DES MATIÈRES XIII

CHAPITRE 8 LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES


(Moïra Mikolajczak) 153

1 Les stratégies de régulation fonctionnelles 156


1.1 La régulation a priori 156

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1.1.1 La sélection de la situation 156
1.1.2 L’évaluation de la situation 161
1.2 La régulation a posteriori 163
1.2.1 La gestion de la situation 165
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1.2.2 La ré-orientation de l’attention 167


1.2.3 Le changement cognitif 169
1.2.4 L’expression des émotions 175
1.2.5 Les techniques physio-relaxantes 180
1.3 En résumé 183
2 Les avatars de la régulation émotionnelle :
les stratégies dysfonctionnelles 183
2.1 Les avatars de la régulation a priori 184
2.1.1 La confrontation dysfonctionnelle 184
2.1.2 L’évitement dysfonctionnel 184
2.1.3 La procrastination 185
2.2 Les avatars de la régulation a posteriori 185
2.2.1 La gestion de la situation 185
2.2.2 L’orientation de l’attention 186
2.2.3 Le changement cognitif 186
2.2.4 L’expression des émotions 187
2.2.5 Les techniques physio-relaxantes 189
3 Conclusion 190

CHAPITRE 9 LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES


(Jordi Quoidbach) 193

1 L’importance des émotions positives 195


1.1 Les émotions positives du point de vue de l’évolution 195
1.2 Les bénéfices des émotions positives dans la vie quotidienne 199
2 Les stratégies de régulation des émotions positives 202
2.1 Les stratégies de régulation « a priori » : doper son humeur ! 202
2.1.1 La modification de l’environnement 203
2.1.2 L’« auto-priming » positif 203
2.1.3 Supprimer les petites contrariétés 204
XIV LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2.1.4 Les expériences de flow 204


2.1.5 La gratitude 207
2.1.6 L’activité physique 208
2.1.7 La méditation 209
2.2 Les stratégies de régulation a posteriori : savourer 210

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2.2.1 L’expression physique des émotions : agir comme
quelqu’un d’heureux 210
2.2.2 Être présent 213
2.2.3 Le voyage mental dans le temps 215
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2.2.4 Le partage social 216


2.3 Les stratégies délétères 218
3 Conclusion 219

CHAPITRE 10 L’UTILISATION DES ÉMOTIONS (Moïra Mikolajczak


et Jordi Quoidbach) 221

1 L’influence de l’humeur sur les processus cognitifs 223


1.1 La perception et l’attention 224
1.2 La pensée divergente-convergente 225
1.3 Le jugement 226
1.4 La perception et la prise de risque 228
1.5 Les choix (ou l’exposition sélective) 230
1.6 L’interprétation des événements 231
1.7 La mémoire 231
1.8 Les répertoires de pensées et d’actions 232
2 L’influence de l’humeur sur les comportements 233
3 De la théorie à la pratique… 234
3.1 Optimiser l’effet des émotions 235
3.2 Identifier et corriger les sources de biais 235
4 Conclusion 236

CHAPITRE 11 VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES


ÉMOTIONNELLES (Jordi Quoidbach) 239

1 La nature du changement 241


1.1 Le changement est difficile : déterminisme génétique
et ligne de base 242
1.2 Le changement est possible : motivation et neuro-plasticité 244
TABLE DES MATIÈRES XV

2 Comment changer ? 248


2.1 Choisir un plan d’action global : 3 stratégies possibles 249
2.1.1 La stratégie de remédiation 249
2.1.2 La stratégie d’excellence 250
2.1.3 La stratégie de polyvalence 250

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2.2 Identifier les freins et leviers 250
2.3 Petits changements et réactions en chaîne 253
2.4 Se fixer des objectifs calibrés et opérationnels :
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la méthode « PEACE » 254


2.5 Des activités adaptées 256
3 Conclusion 258

CHAPITRE 12 LES PERSPECTIVES D’AVENIR DANS LE DOMAINE


DES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES (Moïra Mikolajczak,
Jordi Quoidbach, Delphine Nélis et Ilios Kotsou) 259

BIBLIOGRAPHIE 267

INDEX DES NOTIONS 305

INDEX DES AUTEURS 307


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REMERCIEMENTS
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Ce livre n’aurait pas pu voir le jour sans la collaboration et le soutien de nos


proches, de nos collègues et de notre éditeur. Nous remercions chaleureuse-
ment Dunod, et plus particulièrement Jean Henriet et Marie-Laure Davezac-
Duhem, pour leur enthousiasme, leur temps et leurs conseils avisés. Merci
également à nos promoteurs de thèse respectifs – Olivier Luminet, Michel
Hansenne et Jacques Grégoire – d’avoir soutenu nos recherches sur les
compétences émotionnelles. Ces recherches ont été menées dans un environ-
nement riche et stimulant, et nous remercions à ce titre tous nos étudiants et
collègues de l’Université catholique de Louvain et de l’Université de Liège.
Nos remerciements s’adressent également à Cécile Husquet, Magali Lahaye,
Astrid Mikolajczak, Josette et Martin Husquet, Huguette Nelis, Joëlle Gode-
froid, Sophie Suttor, Rachel Parotte, Cécile Mathys, Ivan Toussaint,
Delphine Grynberg, Bernard Rimé, Caroline Lesire et Françoise Hecquard
pour leurs relectures minutieuses et leurs remarques constructives. Finale-
ment, nous ne pouvons manquer de remercier nos proches pour leur soutien
indéfectible. Merci d’avoir enrichi notre pensée, soutenu nos projets, et fait
preuve de tant de patience et de compréhension.


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AVANT-PROPOS
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Après avoir été longtemps considérées comme des phénomènes perturbant


l’exercice de la raison, les émotions ont finalement acquis leurs lettres de
noblesse. Les recherches menées à la fin du XXe siècle ont en effet mis en
évidence que les émotions remplissent un ensemble de fonctions indispensa-
bles à l’adaptation de l’être humain à son environnement. Les émotions faci-
litent ainsi la détection du danger (ex. Öhman, 2001), préparent l’organisme
à faire face à une série de situations (ex. Frijda, 1986), accélèrent et orientent
les processus de prise de décision (ex. Bechara et Damasio, 2005), guident
les interactions sociales (ex. Keltner et Kring, 1998) et améliorent la
mémoire des événements importants (ex. Luminet et Curci, 2009 ; Phelps,
2006).
Si les théories actuelles mettent l’accent sur le caractère fonctionnel des
émotions, il est aisé de constater que les émotions sont loin d’être toujours
fonctionnelles. La colère peut conduire à dire des choses que l’on regrette
par la suite, la jalousie risque de provoquer un comportement possessif, et un
excès d’enthousiasme peut amener l’individu à acquérir un bien qui dépasse
son budget. La vie quotidienne regorge d’exemples d’émotions potentielle-
ment dysfonctionnelles.
Comment concilier dès lors les recherches qui montrent que les émotions
sont fondamentalement adaptatives (ex. Damasio, 1994 ; Oakley et Johnson-
Laird, 1987) avec celles qui suggèrent que les émotions sont au cœur de
nombreux problèmes et désordres psychologiques (ex. Philippot, 2007 ;
Power et Dalgleish, 1997) ? La notion de compétence émotionnelle réconci-
lie précisément ces points de vue. Ce qui détermine l’adaptation, ce ne sont
pas tant les émotions, mais ce que l’individu en fait (ou n’en fait pas). Les
individus capables d’identifier leurs émotions, d’en extraire la valeur infor-
mative, de les réguler si elles sont inadaptées au contexte (i.e. ayant des
compétences émotionnelles élevées) optimiseront leur adaptation à l’envi-
ronnement tandis que les autres l’hypothéqueront.
De nombreuses recherches supportent cette idée et montrent que de
piètres compétences émotionnelles sont associées à un risque accru de déve-
XX LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

lopper des troubles psychologiques (Gross et Levenson, 1997), à des rela-


tions sociales et conjugales de moins bonne qualité (Lopes, Salovey, Côté et
Beers, 2005 ; Schutte et al., 2001), et à une moindre performance académi-
que et professionnelle (ex. Leroy et Grégoire, 2007 ; Van Rooy et Viswesva-
ran, 2004). Un déficit au niveau des compétences émotionnelles participe

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également à la genèse ou au pronostic de nombreuses maladies somatiques,
telles que le diabète (ex. Bastin, Luminet, Buysschaert et Luts, 2004), les
troubles gastro-intestinaux (ex. Porcelli et al., 2003) ou encore les maladies
coronariennes (ex. Suls, Wan et Costa, 1995). Une étude prospective sur cinq
ans a montré que de faibles compétences émotionnelles sont associées à un
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risque accru de mortalité (Kauhanen, Kaplan, Cohen, Julkunen et Salonen,


1996).
Le rôle crucial des compétences émotionnelles dans l’adaptation nous a
conduits à y consacrer l’essentiel de nos travaux. Cet ouvrage vise à partager
les connaissances que nous avons acquises dans ce domaine. Il est à noter
que les premiers chapitres sont essentiellement théoriques et utilisent par
conséquent un langage très technique. Les chapitres qui suivent sont nette-
ment plus pratiques ; ils ont été rédigés en langage vulgarisé et sont agré-
mentés de multiples exemples de la vie quotidienne. Ces chapitres ont été
conçus pour fournir des clés pratiques aux lecteurs soucieux de développer
leurs compétences émotionnelles (ou celles d’autrui) sur une base scientifi-
quement fondée. Outre son utilité dans un processus de développement indi-
viduel, ce livre trouve des applications multiples en psychothérapie,
psychologie de la santé et psychologie des apprentissages.
Avant de laisser au lecteur le soin de découvrir l’ouvrage, il nous incombe
de préciser que la présente tentative reste modeste dans la mesure où il nous
était impossible de tout couvrir. Les compétences émotionnelles sont en lien
avec de nombreux autres domaines des sciences affectives et de la psycholo-
gie en général. Nous avons donc dû effectuer des choix, parfois douloureux.
Nous avons ainsi fait l’impasse sur les substrats neurobiologiques des
compétences émotionnelles, ne présentant que les notions de base nécessai-
res à la compréhension de notre propos. Le lecteur désireux d’approfondir le
volet neurobiologique pourra consulter, par exemple, l’ouvrage de Belzung
(2007). De même, nous avons privilégié une présentation générale des
compétences émotionnelles, sans évoquer les spécificités liées aux patholo-
gies particulières. La grande majorité des désordres psychologiques sont
associés à un déficit des compétences émotionnelles. Toutefois, leur remé-
diation dans le cadre d’un trouble nécessite une compréhension approfondie
de la pathologie consacrée. Nous renvoyons le lecteur soucieux d’en savoir
davantage sur ce sujet vers les ouvrages spécialisés (ex. Philippot, 2007).
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CONCEPTUALISATION1
LES COMPÉTENCES
ÉMOTIONNELLES :
HISTORIQUE ET
Chapitre 1

1. Par Moïra Mikolajczak.


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Aussi prototypiques soient-elles, ces histoires sont véridiques. Nous les


rapportons ici parce qu’elles illustrent l’importance de ce qu’on appelle
aujourd’hui les « compétences émotionnelles » (aussi appelées
« intelligence émotionnelle »). Les compétences émotionnelles désignent
la capacité – mise en pratique – à identifier, à comprendre, à exprimer, à
gérer et à utiliser ses émotions et celles d’autrui. Elles jouent un rôle essen-
tiel dans la santé mentale, la santé physique, la performance au travail et
les relations sociales.

Xavier est marié depuis quinze ans et a deux enfants. Il a une belle situation, une
belle voiture et une belle maison. Certains diraient de lui qu’il a « tout pour être
heureux ». Néanmoins, depuis quelque temps, sa vie familiale tourne au désastre.
Sa femme se plaint qu’il ne l’a jamais comprise et demande le divorce. Ses
enfants, jeunes adolescents, se détournent de lui. L’ambiance familiale se détériore
jour après jour et il a le vague sentiment que les raisons de cet échec lui échap-
pent. Dieu sait qu’il aime pourtant ses proches… mais il ne sait ni le leur montrer ni
comment leur parler. Au bureau, c’est pareil. Alors que certains de ses collègues
sont adulés par leurs collaborateurs, Xavier n’arrive pas à instaurer un rapport
sympathique avec son équipe. On lui a rapporté qu’il était perçu comme froid et
distant. Depuis quelques mois, son rôle de manager lui semble malaisé : il voit bien
que Françoise quitte l’entreprise plus tôt depuis la naissance de son enfant, que
l’efficacité de Jean a diminué après qu’un cancer a été diagnostiqué chez sa
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

femme, et que Martine est absente depuis la rupture avec son fiancé… Mais, ici
encore, il n’arrive pas à se mettre dans leur peau et ne sait pas comment réagir.
Marie a vingt-sept ans. Malgré une enfance perturbée, elle semble en apparence
avoir réussi sa vie. Elle a un travail passionnant et Marc, son fiancé, l’a récem-
ment demandée en mariage. Pourtant, Marie ne va pas bien. Elle est régulière-
ment en proie au désespoir et souffre quotidiennement de violents maux de tête.
Elle se sent dépassée par sa charge de travail, et reporte son stress sur son
fiancé, qui ne sait plus comment réagir. Leur relation se détériore de jour en
jour alors que Marc est la personne à qui Marie tient le plus. Tout serait si simple
si Marie arrivait à gérer son stress et à faire la paix avec son passé…


4 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


Vincent a trente-cinq ans, il est physiquement très séduisant et, à défaut de le
qualifier de génie, son QI est sans conteste au-dessus de la moyenne. Il est issu
de la classe moyenne, ses parents sont professeurs et ses quatre frères et sœurs
ont une vie stable, sans problème particulier. Vincent a le don pour séduire les
femmes et, en ce sens, on pourrait dire que lui aussi « a tout pour être

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heureux »… Seulement voilà, Vincent est accro à l’alcool et à la cocaïne et il est
seul car ses amis se sont éloignés de lui. Il fait actuellement face à deux procès
pour violence, vient de perdre son travail et n’a plus de voiture suite à un énième
accident où il est en tort… La vie de Vincent a toujours été chaotique. Tout petit
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déjà, il accumulait les renvois, changeait d’école chaque année et ne cessait de


se chamailler avec ses frères et sœurs.
Comment Vincent en est-il arrivé là ? Lorsqu’il est triste, déçu ou frustré, il boit ou
se drogue pour oublier. Lorsqu’il est en colère, il frappe ou, au mieux, il déverse
un flot d’insultes et de menaces sur son interlocuteur, avant de sortir en claquant
la porte. Vincent a pourtant le cœur sur la main… mais il est incapable de gérer
ses émotions…

L’objectif de cet ouvrage est de fournir aux lecteurs une synthèse des
connaissances disponibles à ce jour sur les compétences émotionnelles.
Dans ce chapitre, nous exposerons les facteurs historiques ayant conduit à
l’émergence de cette notion, et en approfondirons la définition. La suite de
l’ouvrage consistera en une présentation détaillée des différentes compé-
tences émotionnelles. Nous découvrirons, d’une part, les processus qui
sous-tendent chaque compétence et, d’autre part, en quoi celles-ci sont
essentielles au bon fonctionnement de l’individu. À l’issue de la lecture, le
lecteur disposera donc d’un ensemble de connaissances théoriques sur les
compétences émotionnelles mais, également, d’une base pratique pour les
développer.

1 HISTORIQUE DE LA NOTION
DE « COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES »

Bien que certains se soient déjà intéressés aux compétences émotionnel-


les dans les années vingt, la recherche dans ce domaine n’a pris son essor
que dans les années quatre-vingt-dix, à la suite de la naissance du
concept d’intelligence émotionnelle. L’intelligence émotionnelle [IE] est
un terme hybride qui fut considéré au départ comme un oxymoron, c’est-
à-dire un terme fédérant des concepts/idées perçu(e)s comme contradic-
toires. L’intelligence est en effet traditionnellement associée à l’idée de
HISTORIQUE ET CONCEPTUALISATION 5

raison, de processus évolués et de haut niveau, tandis que les émotions


sont volontiers associées à l’idée de passion, d’irrationalité et considé-
rées à ce titre comme des processus primaires, voire inférieurs. La notion
d’intelligence émotionnelle renvoie à l’idée que la capacité à identifier, à
comprendre, à gérer, et à utiliser ses émotions (et celles d’autrui) est au

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moins aussi importante pour la réussite que les capacités dites intellec-
tuelles.
Différents auteurs peuvent être considérés comme précurseurs du
concept de compétence émotionnelle. On peut tout d’abord citer Thorndike
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qui, dès 1920, souligne l’importance de « l’habileté à identifier ses propres


états internes, motivations et comportements (ainsi que ceux des autres), et
à interagir avec autrui de manière optimale sur base de ces informations »
(Thorndike, 1920). Vient ensuite Gardner, qui propose en 1983 d’adjoindre
à l’intelligence classique (QI) une intelligence « personnelle » à deux
versants : l’intelligence intrapersonnelle et l’intelligence interpersonnelle.
Il définit la première comme étant « la connaissance introspective de soi :
le sentiment d’être vivant, l’expérience de ses émotions, la capacité à les
différencier puis à les nommer, à en tirer les ressources pour comprendre et
orienter son comportement » (Gardner, 1983 ; traduction française de
1993, p. 40) et la seconde comme « la capacité à repérer ce qui distingue
les individus, et en particulier les différences d’humeur, de tempérament,
de motivation et d’intention. L’intelligence interpersonnelle permet de
déceler les projets et désirs de l’autre, même s’ils sont dissimulés » (1993,
p. 38-39). L’idée fait son chemin dans la communauté scientifique et
conduit Salovey et Mayer1 à suggérer en 1990 l’idée d’une « intelligence
émotionnelle ». Celle-ci renverrait à « la capacité à raisonner au sujet des
émotions et à les utiliser afin d’enrichir la pensée » et inclurait « la capa-
cité à identifier les émotions, à générer les émotions adéquates pour facili-
ter la pensée, à comprendre les émotions et à gérer ses émotions de
manière à promouvoir la croissance émotionnelle et intellectuelle »
(Mayer, Salovey et Caruso, 2004, p. 197). Mayer et Salovey construisent
un test pour mesurer l’intelligence émotionnelle et sont les premiers à
mener des recherches scientifiques sur la question.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Le concept serait peut-être resté lettre morte si Daniel Goleman – journa-


liste scientifique de son état – ne l’avait pas popularisé dans son livre L’Intel-
ligence émotionnelle (Goleman, 1995). Le succès fut immédiat et dépassa les
attentes les plus folles de son auteur dans la mesure où ce livre figure
aujourd’hui parmi les plus grands best-sellers du XXe siècle ! Le succès de

1. Bien qu’on crédite typiquement la naissance du concept d’intelligence émotionnelle à Salovey


et Mayer (1990), le terme avait déjà été utilisé auparavant par d’autres auteurs tels que Leuner
(1966), Payne (1986) et Greenspan (1989). Toutefois, aucun de ces auteurs ne l’avait vraiment
défini, ni n’avait proposé d’instruments de mesure.
6 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

cet ouvrage et du concept qui le sous-tend est attribuable à plusieurs phéno-


mènes, dont l’un des plus saillants est sans doute le fait qu’il constitue une
réponse au pessimisme généré par l’ouvrage The Bell Curve (Hernstein et
Murray, 1994). Ce dernier, à l’origine d’intenses controverses, affirme que le
quotient intellectuel (QI) est normalement distribué dans la population 1,

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qu’il a une forte composante génétique, qu’il est difficile à modifier, et qu’il
différerait selon l’appartenance ethnique. Il montre également que le QI
diffère en fonction de la classe socio-économique, et qu’il détermine forte-
ment le degré de succès professionnel. Hernstein et Murray contredisent
ainsi l’idée – fondatrice des USA puisque figurant dans leur Déclaration
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d’indépendance – que « tous les hommes sont créés égaux ». Dès le début,
Goleman positionne son ouvrage en réponse à celui de Hernstein et Murray.
Selon lui, l’intelligence émotionnelle est aussi, si pas même deux fois, plus
importante que le QI dans la prédiction du succès professionnel et personnel
(Goleman, 1998, p. 34) ; en outre elle peut être apprise. Il n’en fallait pas
plus pour susciter l’enthousiasme. Comme le soulignent certains, l’intelli-
gence émotionnelle est un concept rassurant à bien des égards car elle
confirme ce que beaucoup pensent tout bas : la réussite est loin de dépendre
uniquement des capacités intellectuelles.
L’intelligence émotionnelle a donné lieu à un véritable engouement et au
développement parallèle d’un « marché des émotions » : livres, tests, forma-
tions, conférences, etc. Les tests d’intelligence émotionnelle ont atteint des
prix jamais atteints dans le domaine de l’évaluation psychologique (jusqu’à
25 € par tête pour certains tests). S’il est effectivement important de souli-
gner l’influence des compétences émotionnelles dans la prédiction du
succès, il faut toutefois rester vigilant et ne pas verser dans la tendance oppo-
sée, celle de surestimer leur importance. Les recherches actuelles (voir par
exemple Van Rooy et Viswesvaran, 2004) tendent à montrer que l’intelli-
gence émotionnelle est aussi, mais pas plus, importante que le QI dans
l’adaptation et la réussite de l’individu.
Il est à noter que l’appellation « intelligence émotionnelle » a suscité
d’intenses controverses dans la communauté scientifique, celle-ci préférant
réserver le statut d’intelligence aux habiletés purement cognitives. Dans la
suite de notre propos, nous préférerons dès lors le terme de compétences
émotionnelles (originellement proposé par Saarni, 1988) à celui d’intelli-
gence émotionnelle.

1. La distribution de l’intelligence émotionnelle suit une courbe en cloche (= dite courbe de


Gauss) : la plupart des individus ont un QI moyen, une minorité un QI très élevé et une autre
minorité un QI très faible.
HISTORIQUE ET CONCEPTUALISATION 7

2 VERS UNE DÉFINITION


DES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Le nombre et la nature des compétences émotionnelles diffèrent selon les

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modèles (voir pour exemple Bar-On, 1997 ; Lane, Quinlan, Schwartz,
Walker et Zeitlin, 1990 ; Mayer et Salovey, 1997 ; Petrides et Furnham,
2003), de sorte qu’il est difficile de donner une définition des compétences
émotionnelles qui soit acceptée par tous. Cette absence de consensus n’a rien
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de surprenant puisque plusieurs décennies de recherches n’ont pas non plus


abouti à une définition consensuelle de l’intelligence générale (pour une
revue des définitions, modèles et controverses dans le domaine de l’intelli-
gence, voir Matthews, Zeidner et Roberts, 2002, p. 86-131) ni de la person-
nalité (voir par exemple Block, 1995 ; Goldstein, Zedeck et Goldstein,
2002 ; Hansenne, 2007 ; Ones et Anderson, 2002).
En dépit des différences, un relatif consensus se dégage toutefois autour
de l’idée que les compétences émotionnelles (CE) réfèrent aux différences
dans la manière dont les individus identifient, expriment, comprennent, utili-
sent et régulent leurs émotions et celles d’autrui. Ces cinq grandes compé-
tences (voir tableau 1.1) semblent former le cœur autour duquel s’articulent
ou duquel découlent toutes les autres.

Tableau 1.1
Les cinq compétences émotionnelles de base

Versant intrapersonnel (soi) Versant interpersonnel (autrui)

Les personnes ayant des compétences émotionnelles élevées…

… sont capables d’identifier leurs … sont capables d’identifier


Identification
émotions les émotions d’autrui
… comprennent les causes et
… comprennent les causes et con-
Compréhension conséquences des émotions
séquences de leurs émotions
d’autrui
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

… sont capables d’exprimer leurs


… permettent aux autres
Expression émotions, et de le faire de manière
d’exprimer leurs émotions
socialement acceptable
… sont capables de gérer leur
… sont capables de gérer les
Régulation stress et leurs émotions (lorsque cel-
émotions et le stress d’autrui
les-ci sont inadaptées au contexte)
… utilisent les émotions des
… utilisent leurs émotions pour
autres pour accroître leur effi-
accroître leur efficacité (au niveau
Utilisation cacité (au niveau de la
de la réflexion, des décisions,
réflexion, des décisions,
des actions)
des actions)
8 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Ces compétences se déclinent sur trois niveaux (Mikolajczak, 2008b ;


Mikolajczak, 2008a) : connaissances, habiletés et dispositions.
Le premier niveau est le niveau des connaissances. Ce niveau renvoie aux
connaissances implicites et explicites de l’individu à propos de chacune des
cinq dimensions1. Si l’on prend l’exemple de la dimension « régulation des

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émotions », ce premier niveau comprend les connaissances que possède l’indi-
vidu quant à l’efficacité de différentes stratégies de gestion des émotions. Les
recherches ont montré que les individus diffèrent sensiblement à ce sujet
(Loewenstein, 2007). De nombreuses personnes ne savent pas, par exemple,
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que face à une situation difficile, il est plus efficace de réévaluer positivement
la situation que de chercher à « masquer » son émotion.
Le second niveau est le niveau des habiletés. Ce niveau correspond à la
capacité de l’individu à appliquer ses connaissances en situation émotion-
nelle. Pour reprendre l’exemple de la régulation des émotions, le niveau des
habiletés correspond à la capacité de l’individu à implémenter une stratégie
donnée. Par exemple, ce dernier est-il capable de réévaluer positivement une
situation initialement perçue comme hautement négative ? La question n’est
pas ici de savoir si l’individu a tendance à réévaluer positivement les situa-
tions au quotidien, mais bien s’il est capable de le faire si on le lui demande.
Le troisième niveau est celui des dispositions (ou traits). Ce niveau réfère
à la propension de l’individu à se comporter de telle ou telle manière dans les
situations émotionnelles en général. Par exemple, l’individu a-t-il tendance à
réévaluer positivement les situations négatives ? Utilise-t-il régulièrement
cette stratégie ?
Ces trois niveaux de compétence interagissent entre eux mais ne sont que
modérément corrélés. Ainsi, les connaissances ne se traduisent pas toujours
en habilités, lesquelles ne sont pas toujours utilisées au quotidien. On peut
très bien savoir que la meilleure stratégie pour diminuer son stress avant un
examen est de réévaluer la situation positivement, et être pourtant totalement
incapable de réévaluer positivement sa propre session. De même, on peut
être capable de réévaluer positivement une situation si quelqu’un (ex. un
ami, un psy, un coach) nous le demande, et pourtant ne pas penser spontané-
ment à utiliser ce type de stratégie.
L’utilité de distinguer ces trois niveaux n’est pas que théorique. Un tel
modèle a au moins deux grandes implications pratiques. La première
concerne le diagnostic. Les praticiens (recruteurs, coaches, formateurs ou
thérapeutes) confrontés à un individu ayant un déficit au niveau des compé-
tences émotionnelles devront déterminer si l’origine du problème réside dans
un déficit au niveau des connaissances, dans un déficit au niveau des habile-

1. En langage scientifique, ce niveau correspond au nombre de nœuds et au nombre de liens dans


la toile multimodale des concepts en lien avec les émotions.
HISTORIQUE ET CONCEPTUALISATION 9

tés, ou dans une difficulté à utiliser ses connaissances et habiletés au quoti-


dien. Seule la mesure distincte des trois niveaux permettra de le déterminer.
La seconde implication pratique concerne la formation. Dès lors que les
connaissances ne se traduisent pas forcément en habiletés et, surtout, que les
habiletés ne sont pas nécessairement utilisées au quotidien, tout processus de

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formation devra, s’il veut être efficace, obligatoirement impliquer un suivi
des participants. Quelques jours de formation suffiront en effet à fournir des
connaissances et à enseigner de nouvelles habiletés. Un suivi des participants
à plus long terme sera toutefois nécessaire afin de maximiser les chances que
ceux-ci mettent en pratique ce qui leur aura été enseigné en formation.
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Traits = dispositions
(Propension à se
comporter de telle ou
telle manière en situation
émotionnelle)
Habiletés
(Habileté à appliquer
ses connaissances en
situation émotionnelle et
à implémenter une
stratégie donnée)

Connaissances
(Complexité et étendue
du réseau conceptuel
émotionnel)

Figure 1.1
Modèle des compétences émotionnelles à trois niveaux

À présent que nous avons défini ce que l’on entend par compétences
émotionnelles et que nous avons exposé les implications pratiques d’une
telle définition, nous allons nous arrêter un instant sur la notion d’émotion.
Qu’est-ce qu’une émotion ? À quoi les émotions servent-elles ? Quels sont
leurs corrélats neurobiologiques ? Le chapitre suivant s’attachera à répondre
à ces questions et fournira au lecteur les bases nécessaires à la compréhen-
sion de la suite de notre propos.
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LES ÉMOTIONS1
Chapitre 2

1. Par Moïra Mikolajczak.


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1 INTRODUCTION

Comme nous le soulignions en introduction de cet ouvrage, les émotions ont


longtemps été considérées comme des phénomènes passionnels, susceptibles
d’entraver le bon fonctionnement de la raison. Dans l’Antiquité déjà, les
stoïciens mettaient en exergue la supériorité de la raison et exhortaient leurs
pairs à réprimer leurs émotions.
Ne laisse aucune émotion de la chair, qu’elle soit de douleur ou de plaisir, af-
fecter la partie suprême et souveraine de l’âme [c’est-à-dire la raison]. Assure-
toi qu’elles n’interagissent pas : la raison doit se limiter au domaine qui est le
sien et confiner les émotions à leur territoire propre.
(Marc Aurèle, Méditations, V, 26, cité par Matthews et al., 2002)

Un changement progressif dans la perception des émotions a eu lieu à la


Renaissance (ex. Érasme, Éloge de la folie) et puis au XIXe, le siècle des
romantiques. Les émotions ont non seulement pu s’exprimer, mais on a
également pris conscience que celles-ci pouvaient conduire l’homme à
faire de grandes choses. L’idée que les émotions puissent être fonctionnel-
les a fait son chemin depuis les romantiques, mais ce n’est que depuis une
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

vingtaine d’années que l’intérêt pour les émotions s’est accru dans le
monde scientifique. Cet intérêt est à mettre en lien avec les travaux du
neurologue Antonio Damasio. Ce chercheur portugais, immigré aux États-
Unis, a en effet mis en évidence que les émotions, loin de colorer seule-
ment la vie des individus, étaient absolument indispensables à leur survie
(Damasio, 1994). Dans les lignes qui suivent, nous allons tenter de donner
un aperçu de ce que sont les émotions, des situations dans lesquelles elles
apparaissent et du rôle qu’elles jouent en regard de l’adaptation de l’être
humain à son environnement.
14 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2 QU’EST-CE QU’UNE « ÉMOTION » ?

2.1 Un système à cinq composantes

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Lorsque l’on parle d’émotion, on pense habituellement à la conscience
subjective et immatérielle qu’on a du phénomène, au ressenti (ex. « je
ressens que j’ai peur »). L’émotion est toutefois bien plus qu’un phénomène
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impalpable. Il s’agit en réalité d’un phénomène à multiples facettes, dont


certaines sont parfaitement objectivables. Parmi ces facettes, on retrouve
l’activité neuronale (ex. activation de l’amygdale cérébrale, voir point 5.1.1
ci-dessous), l’activation physiologique (ex. augmentation du rythme cardia-
que), les pensées qui traversent l’esprit, les sensations corporelles (ex. boule
dans le ventre), l’expression faciale (ex. expression de peur,
rougissement, etc.), la modification de la posture (ex. retrait), etc. La cons-
cience subjective est probablement un produit émergeant de ces différents
phénomènes.
Klaus Scherer, un chercheur suisse, a proposé de catégoriser les différen-
tes manifestations de l’émotion en cinq grandes dimensions (Scherer, 2001).
Afin de les illustrer, prenons l’exemple d’une frayeur survenant à la vue d’un
chien se précipitant sur nous.
La première dimension renvoie aux pensées suscitées par la situation
(ex. ce chien aboie et n’a pas l’air commode, je n’ai rien pour me défendre).
La seconde dimension renvoie aux modifications biologiques. Nous y
reviendrons en détail plus avant dans ce chapitre mais précisons d’ores et
déjà que celles-ci recouvrent trois types de manifestations, en cascade : (1)
les modifications neuronales (ex. activation de l’amygdale), (2) les modifica-
tions physiologiques (ex. variations du rythme cardiaque, de la pression
sanguine, de la conductance cutanée, de la température corporelle, du rythme
respiratoire) et (3) les manifestations neuro-végétatives (ex. dans le cas de la
peur : sueurs, palpitations et oppression respiratoire).
La troisième dimension concerne les tendances à l’action. Nous revien-
drons également ultérieurement sur ce point, mais notons déjà que chaque
émotion induit une impulsion, une envie pressante de faire quelque chose.
Ainsi, la peur induit généralement l’envie de fuir (dans notre exemple, pren-
dre ses jambes à son cou), la honte, le désir de se volatiliser ou de rentrer
sous terre, la colère, la tentation de frapper, etc. Le fait que ces tendances à
l’action donnent ou non lieu à l’action proprement dite est fonction de sa
faisabilité, des contraintes sociales, ou de contraintes d’ordre personnel. Par
exemple, certaines personnes auront envie de pleurer en situation de détresse
mais ne le feront pas parce que le lieu n’est pas approprié (ex. au bureau),
qu’elles souhaitent paraître fortes ou qu’elles sont pudiques.
LES ÉMOTIONS 15

La quatrième dimension réfère aux modifications expressives et


comportementales. Si l’individu ne cherche pas à la dissimuler aux yeux
d’autrui, l’émotion s’accompagne d’une modification au niveau de l’expres-
sion faciale (ex. expression de peur : sourcils levés, bouche ouverte), de la
gestuelle (ex. mains levées), de la posture (ex. en retrait) et de la voix

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(ex. chevrotante). Ces modifications expressives et comportementales consti-
tuent la composante la plus saillante pour l’œil extérieur.
Finalement, la cinquième et dernière dimension renvoie à l’expérience
subjective, au ressenti (ex. je ressens que j’ai peur).
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Ces cinq composantes vont souvent de pair, mais pas toujours (voir encart
ci-dessous).

La dissociation des composantes : le cas des répresseurs


Les différentes composantes de l’émotion sont corrélées entre elles. Cela signifie
que lorsqu’une composante est présente, les autres le sont souvent aussi. La corré-
lation n’est toutefois pas parfaite car l’être humain a la possibilité d’agir sur
certaines composantes, comme par exemple la gestuelle ou l’expression faciale.
On peut être très triste ou en colère, et masquer cette émotion aux yeux d’autrui si
le contexte n’invite pas à l’expression émotionnelle.
Néanmoins, au-delà des considérations stratégiques qui peuvent conduire à une
dissociation des composantes chez n’importe quel individu, il existe également
des formes pathologiques de dissociation. La répression, par exemple, consiste
en une dissociation des composantes physiologiques et subjectives (Derakshan et
Eysenck, 1997). Les individus répresseurs n’ont pas conscience d’être stressés ou
d’éprouver une émotion, alors qu’ils présentent paradoxalement une activation
physiologique importante (Derakshan et Eysenck, 1999). Ces individus sont
particulièrement vulnérables aux maladies psychosomatiques car leur absence de
conscience émotionnelle les empêche de réguler leurs émotions et de diminuer
l’activation physiologique correspondante.

2.2 Émotion, humeur et tempérament


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Émotions, humeurs, affects, tempérament… Les mots qui décrivent nos états
émotionnels sont nombreux et souvent indistinctement utilisés dans le
langage courant. Dans la littérature scientifique cependant, ces termes
renvoient à des concepts différents qu’il convient de définir brièvement.
Selon Luminet (2002), les émotions sont des états relativement brefs (de
quelques secondes à quelques minutes) provoqués par un stimulus ou par
une situation spécifique (ex. je suis heureuse parce je vais me marier).
Comme nous l’avons vu ci-dessus, elles s’expriment tant au niveau physiolo-
gique, que comportemental et subjectif.
16 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Les humeurs, en revanche, persistent longtemps (quelques heures à quel-


ques jours) et sont d’intensité faible à modérée (impression diffuse, tendance
à demeurer à l’arrière-plan de la conscience). Elles sont déclenchées par un
élément qui n’est pas nécessairement identifiable (ex. je me sens d’humeur
joyeuse en général) et elles n’ont pas de corrélat comportemental ou physio-

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logique saillant. Il a parfois été avancé que les émotions seraient plus
complexes et comporteraient davantage de catégories que les humeurs.
L’affect est un terme plus général reprenant à la fois les émotions et les
humeurs.
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Finalement, le tempérament réfère à la toile de fond, l’état émotionnel de


base de l’individu, sa prédisposition naturelle à éprouver tel ou tel type
d’émotions et d’humeurs.
Certains individus sont, par exemple, caractérisés par un tempérament dit
« négatif ». Ces individus sont plus réactifs aux aspects aversifs des situa-
tions et tendent à éprouver beaucoup plus d’affects négatifs que positifs. Sur
cette toile de fond négative, l’individu pourrait, à la suite d’une injustice
majeure dont il ne se remettrait pas immédiatement, être d’humeur coléri-
que. Sans être manifestement en colère, cette humeur diffuse va le rendre
plus réactif aux situations potentiellement génératrices de colère.
Le tempérament influence l’humeur, qui influence à son tour les émotions.
L’inverse est vrai également, mais dans une moindre mesure. Il faudra que
les émotions incongruentes1 avec l’état d’humeur soient plus intenses pour
avoir un impact en retour sur celui-ci.

3 LES DÉCLENCHEURS DE L’ÉMOTION

Les émotions apparaissent dans deux grandes classes de situations : celles


qui mettent à mal (ou à bien) les objectifs de l’individu et celles qui mettent à
mal ses croyances fondamentales.
Les premières situations ont trait à l’atteinte des buts. Il s’agit de l’ensem-
ble des situations pertinentes en regard des objectifs de l’individu. Les
émotions négatives apparaissent dans les situations qui menacent l’atteinte
des buts. La fonction des émotions positives n’est pas totalement établie,
mais il semblerait que la plupart d’entre elles apparaissent dans des situa-
tions où l’individu réalise ses objectifs. Comme le souligne Gross (2007),

1. Une émotion incongruente avec l’état d’humeur est une émotion qui n’a pas la même valence
que celui-ci (ex. émotion positive survenant sur une humeur négative, émotion négative surve-
nant sur une humeur positive).
LES ÉMOTIONS 17

ces objectifs peuvent être durables et essentiels à l’image de soi (ex. vouloir
être une bonne mère) ou transitoires et secondaires (ex. vouloir manger des
pâtes à la bolognaise ce soir). Ces objectifs peuvent être conscients et
complexes (ex. vouloir grimper les échelons dans son entreprise) ou incons-
cients et simples (ex. vouloir retirer sa main d’une taque chaude). Ils peuvent

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être largement partagés et compris au sein d’une même culture (ex. vouloir
réussir à l’école) ou particuliers et quelque peu mystérieux aux yeux des
autres (ex. vouloir acheter un tournevis de collection). Quels que soient
l’objectif et la situation, c’est leur signification pour l’individu qui donne
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lieu à l’émotion. Si la personne, la situation, ou ce que cette situation signifie


pour la personne change, l’émotion changera également (ou disparaîtra).

Exemple : l’émotion de peur survenant à la vue d’un pitbull


L’émotion de peur survenant à la vue de ce chien provient du fait que l’animal
menace l’un des objectifs de l’individu (la préservation de son intégrité physi-
que). Il est à noter que ce n’est pas la situation elle-même qui cause l’émotion
mais bien la perception subjective que l’individu en a. Si l’individu possède lui-
même un pitbull et ne craint pas cette race de chien, il n’aura pas peur. Dans le
cas qui nous occupe, l’individu perçoit le chien comme menaçant un de ses
objectifs (intégrité) parce que (1) le chien est perçu comme dangereux (« On m’a
dit que les pitbulls étaient dangereux et celui-ci aboie et a l’air agressif ») (2) les
ressources pour faire face à la situation sont perçues comme insuffisantes (« je
n’ai rien pour me défendre ») et (3) les tendances à l’action générées par la situa-
tion sont socialement inacceptables (« je ne peux pas prendre mes jambes à mon
cou devant tout le monde ! »).

Le second type de situations déclenchant prototypiquement des émotions


a trait aux croyances fondamentales (Janoff-Bulman, 1992). Les croyances
fondamentales sont des croyances de base qui aident l’humain à fonctionner
et à donner sens au chaos. Ces croyances, mises en évidence par Janoff-
Bulman, sont au nombre de trois : (1) le monde environnant est globalement
bienveillant (personne ne fait le mal par pur plaisir), (2) le monde est globa-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

lement juste (chacun reçoit ce qu’il mérite) et (3) je suis globalement


meilleur(e) que la moyenne des individus de mon groupe d’appartenance.
Ces croyances sont implicites. Elles sont là pour nous permettre de donner à
la réalité un semblant de cohérence et de survivre sans sombrer dans la folie.
Toute situation qui constitue un démenti à l’une de ces croyances va
provoquer une émotion. Ainsi, si nous voyons à la télévision l’image d’un
pédophile arrêté pour le meurtre sauvage d’un enfant de 4 ans, nous éprouve-
rons une émotion car cela contredira la croyance selon laquelle le monde est
bienveillant. Si nous apprenons qu’un individu qui a travaillé dur, élevé 4
enfants et fait le bien toute sa vie, est décédé d’un cancer fulgurant trois mois
18 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

après avoir pris sa retraite alors qu’il n’avait jamais fumé, nous aurons une
émotion parce que cette histoire contredit la croyance selon laquelle le
monde est juste et que chacun y reçoit ce qu’il mérite. Finalement, si l’on
nous dit qu’en regard de l’humanité, ce n’est pas très grave si nous mourons
demain, nous aurons une émotion car cela contredit la croyance selon

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laquelle nous sommes meilleur(e) et donc plus utile à la planète que la
majorité des gens.
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4 LES FONCTIONS DES ÉMOTIONS

En dépit des conceptions des stoïciens grecs, il semble peu probable que les
émotions soient une aberration de la nature (Matthews et al., 2002). En
réalité et comme nous allons le voir ci-après, les émotions sont cruciales et
indispensables à notre survie et à notre adaptation.

4.1 L’émotion comme source d’information


La première fonction de l’émotion est le corollaire direct du point précédent.
Nous avons vu que l’émotion n’apparaissait que dans les situations pertinen-
tes pour l’individu. L’émotion et sa nature informent donc l’individu sur la
réalisation de ses objectifs, sur la satisfaction de ses besoins. Nous revien-
drons amplement sur cette question au chapitre 6 mais retenons dès à présent
que l’émotion est TOUJOURS porteuse d’un message (Clore, Gasper et
Garvin, 2001). Une émotion négative signale qu’un obstacle entrave
l’atteinte de l’objectif tandis qu’une émotion positive signale que l’objectif
est atteint ou est en bonne voie de l’être. Par exemple, l’échec à un examen
ou le refus d’une promotion seront généralement accompagnés de colère ou
de tristesse. À l’inverse, l’obtention d’un diplôme ou d’une promotion sera le
plus souvent accompagnée de joie ou de fierté.
L’émotion ne sert toutefois pas qu’à nous informer sur notre rapport au
monde. Comme nous l’exposerons ci-dessous, elle sert aussi à faciliter le
passage à l’action.

4.2 L’émotion comme facilitateur de l’action


Lorsque nous avons défini l’émotion, nous avons vu que l’une de ses cinq
composantes était la « tendance à l’action ». Le propre d’une émotion est ainsi
de faciliter certains comportements, tout en en inhibant d’autres (Frijda, 1986).
LES ÉMOTIONS 19

Pour quoi faire ? Comme nous le verrons ci-dessous de manière plus approfon-
die, l’ultime fonction des émotions est de faciliter l’adaptation de l’individu à
son environnement. L’émotion constitue un guide de comportement, dont
l’objectif est de permettre à l’individu d’agir vite et bien. La peur facilite ainsi
la fuite et inhibe toute une série de comportements inappropriés tels que sauter

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de joie, rire, etc. De même, la colère encourage l’individu à lutter pour se
défendre. Nous avons répertorié les tendances à l’action associées à sept
émotions de base1 (Plutchik, 1980). Elles sont résumées dans le tableau 2.1.
Tableau 2.1
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Tendances à l’action et fonctions adaptatives de sept émotions de base

Fonction Stimulus
Émotion Comportement Corrélat biologique
adaptative déclencheur
Le corps est paralysé
l’espace d’un instant afin de
laisser à l’individu le temps
de décider de la réaction
Peur Protection Menace S’enfuir
appropriée. Simultané-
ment, le sang est dirigé vers
les muscles afin de préparer
l’organisme à la fuite.
L’énergie est également
dirigée vers les muscles,
Obstacle, Mordre, afin de décupler la force de
Colère Destruction
injustice frapper l’individu et de lui permet-
tre de se défendre vigou-
reusement.
La tristesse induit un ralen-
tissement et une baisse de
Échec, perte
Pleurer, motivation pour les activités
Réinsertion/ d’une per-
Tristesse appeler à de la vie quotidienne, per-
réflexion sonne aimée
l’aide mettant de mesurer les con-
ou d’un objet
séquences de la perte et de
réorienter ses buts.
Le dégoût s’accompagne
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Objet/subs- Vomir, fréquemment de nausées,


tance jeter au loin, ce qui refléterait une tenta-
Dégoût Rejet
immonde/per- rejeter du tive primitive de rejeter les
sonne nuisible groupe substances toxiques.

1. Les émotions de base sont les émotions que l’on retrouverait dans toutes les cultures et qui
auraient un pattern d’expression faciale et physiologique relativement spécifique et distinctif.
Les émotions secondaires seraient formées par la combinaison d’émotions de base. Contraire-
ment aux émotions primaires, elles seraient culturellement déterminées.
20 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

☞ La surprise provoque un
haussement des sourcils qui
élargit le champ visuel et
Objet nou- S’arrêter,
Surprise Orientation permet à l’individu de dis-
veau, soudain alerter
poser de davantage
d’informations sur l’événe-

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ment inattendu.

La joie s’accompagne
d’une inhibition des senti-
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ments négatifs et d’un


accroissement de l’énergie
Atteinte d’un Sauter de
Joie Exploration disponible. L’individu se
objectif joie, explorer
donne des buts plus variés
et accomplit avec plus de
facilité les objectifs qu’il
s’assigne.

L’amour s’accompagne
Amour, Affiliation, Présence d’un Partager, d’une sécrétion d’hormones
tendresse reproduction être cher prendre soin propices à la confiance en
l’autre et à la coopération.

Avant de clôturer ce point, deux éléments doivent être soulignés.


Tout d’abord, il faut noter qu’une émotion particulière ne correspond pas
toujours à un challenge adaptatif particulier. La joie, par exemple, est présen-
tée ici comme étant la tendance à l’action suivant un succès. Il va de soi
qu’elle peut aussi s’éprouver dans d’autres contextes, tels que le soulage-
ment d’avoir échappé à un danger. Le tableau ci-dessus vise à présenter les
choses telles qu’elles se présentent en général.
Ensuite, s’il est vrai que l’émotion facilite certains comportements, il
s’agit bien de tendances à l’action, pas de prescriptions. Il est donc impor-
tant de ne pas confondre émotion et instinct. L’émotion crée une tendance
en faveur d’un certain type de comportement, l’instinct impose un certain
type de comportement. Au contraire de l’instinct, l’émotion permet une
accommodation particulièrement flexible à l’environnement, et ce via un
découplage du stimulus et du comportement1. Nous verrons plus loin que
c’est précisément ici que les différences individuelles prendront tout leur
sens. Ainsi, là où tel individu en colère se laissera emporter par les tendances
de réponse qui lui sont associées (frapper, détruire) et cognera sur son adver-
saire, tel autre utilisera le temps de latence que la nature lui a imparti afin de

1. Le cortex préfrontal (centre de la réflexion et du contrôle) a la possibilité de modérer la projec-


tion amygdale (centre des émotions) – cortex moteur (contrôle des réponses motrices).
LES ÉMOTIONS 21

mettre en œuvre une stratégie d’ajustement plus constructive (s’éloigner et


reporter la conversation à plus tard).

4.3 L’émotion comme support à la décision

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Les études de Damasio (pour une synthèse, voir Damasio, 1994) sur les
patients présentant une lésion cérébrale au niveau des circuits neuronaux de
l’émotion1 montrent que les émotions sont indispensables aux processus de
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décision. C’est l’accident tragique d’un certain Phineas Gage qui a permis de
mettre en évidence l’importance des émotions dans la prise de décision.

En 1848, Phineas P. Gage est âgé de 25 ans. Il est en bonne santé et en parfaite
possession de ses moyens. C’est un chef d’équipe respecté par ses hommes et ses
supérieurs. Il dirige à cette époque une partie des travaux de construction des voies
ferrées en Nouvelle-Angleterre. Sa tâche n’est pas aisée : il faut maintenir un tracé
le plus rectiligne possible mais les couches rocheuses sont extrêmement dures. Il
faut dès lors faire exploser la roche. C’est Phineas Gage en personne qui tasse la
poudre au moyen d’une barre de fer. Cette barre de fer mesure un mètre dix de
long, trois centimètres de diamètre et pèse 6 kg. Cet après-midi-là, Phineas
commence à tasser la poudre sans que son collègue ait eu le temps de verser le
sable protecteur. La poudre explose et la barre de fer traverse le crâne de Phineas,
avant d’atterrir 30 mètres plus loin, couverte de sang et de tissu cérébral.
La barre a pénétré sous la joue gauche de Phineas pour ressortir par le sommet
de son crâne. Nonobstant ce traumatisme, Phineas n’est pas mort. Il est capable
de parler et de s’extraire, presque sans aide, de la charrette qui l’a mené chez le
Docteur Harlow. Ce dernier soignera Phineas durant de long mois. Gage se réta-
blit et s’en sort à première vue parfaitement indemne : il parle bien, ne souffre
d’aucun déficit neurologique apparent et d’aucune paralysie. Il ne voit plus de
l’œil gauche mais a conservé la vue du côté droit.
Nous avons dit « à première vue » parce qu’en dépit de son excellent rétablisse-
ment physique général, Gage n’est plus le même. Il se ruine et perd sa famille,
ses amis et son travail. Malgré son intelligence, Gage est devenu incapable de
gérer son argent, de maintenir des relations sociales de qualité et de conserver
un emploi stable. Il décède le 21 mai 1861 (13 ans après l’accident) des suites
d’une crise d’épilepsie.

1. Ces lésions concernaient le cortex préfrontal ventro-médian, l’amygdale, ou encore le cortex


insulaire/somato-sensoriel.
22 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

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Figure 2.1
Quatre représentations de Phineas Gage

(Source : « Four representations of Phineas Gage », in M. Macmillan (2006),


« Restoring Phineas Gage : A 150th Retrospective », J. Hist. Neurosci. 9, 46-66)

Dans un ouvrage devenu célèbre (L’Erreur de Descartes, 1994), le


neurobiologiste Antonio Damasio a réanalysé le cas « Phineas Gage » et
étudié de nombreux patients ayant une lésion cérébrale analogue 1. Alors
que les fonctions cognitives (attention, mémoire, raisonnement…) de ces
patients sont relativement préservées, Damasio observe que ces patients
deviennent, comme Gage, incapables de s’adapter au monde qui les
entoure : ils prennent des décisions systématiquement désavantageuses,
leurs relations sociales et conjugales se détériorent rapidement, leur vie
professionnelle se dégrade et ils se ruinent financièrement. Le contraste
entre la qualité de leur raisonnement et la pauvreté de leurs décisions est
frappant. Ces patients sont en effet capables de détailler les différentes
réponses possibles dans une situation, de considérer les conséquences de

1. C’est-à-dire touchant le cortex orbito-frontal ou le cortex préfrontal ventro-médian.


LES ÉMOTIONS 23

chaque option et de juger de la valeur de chacune d’elles. Toutefois, même


en possession de l’information nécessaire, ces patients sont incapables
d’implémenter la bonne décision.
Comment expliquer cet apparent paradoxe ? Aussi curieux que cela puisse
paraître, la réponse est à rechercher du côté des émotions. Le centre nerveux

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des émotions ayant été touché chez ces patients, ceux-ci sont incapables de
traiter l’information émotionnelle et ne génèrent donc quasiment plus de
réponse physiologique en situation émotionnelle. Chez un individu
« normal », toute situation de choix constitue une situation émotionnelle,
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surtout si l’une des options est risquée. Une option risquée déclenche donc
une réponse physiologique plus marquée (augmentation du rythme cardia-
que, mains moites, etc.) qu’une option sûre. Cette différence d’activation
physiologique peut être très marquée (ex. si l’on hésitait entre sauter d’un
pont et rester sur le bord) ou extrêmement légère et non perceptible cons-
ciemment par l’individu (ex. si l’on hésite entre aller au cinéma ou faire une
ballade). La réponse physiologique représente un indicateur du niveau de
risque associé à chaque option. Ces réponses physiologiques constituent
donc un système automatique (il n’est pas indispensable d’en être conscient
pour qu’elles soient efficaces) permettant d’accélérer le processus de choix
(nous ne devons pas peser le pour et le contre de chaque option pendant des
heures) et de faire pencher la balance en faveur des options biologiquement
avantageuses.
Privés de cette activation physiologique, les individus cérébro-lésés au
niveau des circuits émotionnels ne disposent plus de ces « messagers » qui
permettent d’orienter le comportement et la prise de décision. Par exemple,
sans émotion de honte, ces patients peuvent continuer à se ridiculiser en
public sans que cela ne les touche. De la même manière, sans préférence
émotionnelle pour un choix ou un autre, ils se voient incapables de choisir
entre deux options équivalentes sur le plan rationnel. En outre, privées de
l’émotion « stress/peur » qui empêche de prendre un ensemble de voies
« risquées » (ex. jouer au casino, spéculer dangereusement en bourse, etc.),
ces personnes posent de nombreux choix dont l’issue se révèle le plus
souvent désastreuse.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

4.4 L’émotion comme outil indispensable à l’adaptation


Se basant sur la théorie de l’évolution de Darwin (1959), la psychologie
évolutionnaire conçoit les émotions comme l’héritage d’une sélection natu-
relle opérée durant le pléistocène. Deux chercheurs américains, Leda Cosmi-
des et John Tooby, ont synthétisé un impressionnant corpus de recherche en
psychologie et en anthropologie des émotions (voir Cosmides et Tooby,
2000). Ils modélisent l’esprit comme une sorte de « boîte » bondée de
programmes très spécifiques, chaque programme étant né et spécialement
24 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

conçu pour traiter un problème adaptatif particulier (ex. vigilance face aux
prédateurs, mise en sommeil, etc.). Pour ces auteurs, l’existence de ces
micro-programmes crée toutefois un problème adaptatif plus large dans
certaines circonstances : s’ils sont simultanément activés, ils peuvent déli-
vrer des ordres contradictoires. Prenons l’exemple de notre ancêtre montant

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la garde durant la nuit devant sa grotte. Les programmes qui président à
l’endormissement (c’est la nuit) sont en conflit avec ceux qu’appelle la vigi-
lance par rapport aux prédateurs (il doit monter la garde). Afin d’éviter ce
type de problème adaptatif, l’humain doit être équipé de programmes
d’ordre supérieur qui coordonnent les sous-programmes (en activent
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certains, et en désactivent d’autres) en fonction des demandes de l’environ-


nement. Selon Cosmides et Tooby (2000), les émotions constituent de tels
programmes. Ainsi, la peur que génère l’idée d’un possible prédateur crée
une priorité biologique : elle accélère le rythme cardiaque, empêchant ainsi
la mise en sommeil (on remarque tous qu’il est difficile de dormir si le cœur
bat la chamade parce que l’on a peur). La peur possède donc une fonction
adaptative : il eût en effet été désastreux pour nos ancêtres que les signaux
proprioceptifs activent la mise en sommeil alors qu’au même moment, la vue
d’un lion aurait exigé la mise en œuvre du programme de fuite. Les émotions
représentent donc une réponse fonctionnelle au problème adaptatif posé par
l’orchestration des programmes d’ordre inférieur. Les émotions orchestrent
ainsi les réponses des différents systèmes (cognitif, physiologique, etc.) afin
que l’organisme puisse répondre de manière optimale lors de la confronta-
tion à certaines situations.

Le rôle d’orchestration joué par les émotions


Cosmides et Tooby (2000) illustrent le rôle d’orchestration joué par les émotions
par l’exemple suivant. Imaginons que vous dormiez seul(e) chez vous, et que
vous perceviez soudain des indices (ex. bruits) suggérant la présence possible
d’un voleur. L’émotion qui s’ensuit est la peur (d’être volé, attaqué, etc.). Lorsque
les caractéristiques de la situation indiquent que l’individu est confronté à une
situation où son intégrité est menacée, l’émotion orchestre l’activation ou la modi-
fication du fonctionnement d’un ensemble de programmes. On observe ainsi les
modifications suivantes.
1. Un changement dans la perception et l’attention. Ce changement
concerne essentiellement deux choses : l’orientation de l’attention et le seuil de
perception. Premièrement, on observe un biais dans l’orientation de l’attention en
faveur des stimuli ayant une valeur informative quant à la menace que représente
la situation. Le temps mis pour détecter les stimuli négatifs sera considérablement
réduit et ils seront détectés prioritairement aux stimuli positifs. Deuxièmement, le
seuil de perception d’un ensemble de stimuli est abaissé, de sorte que l’acuité
visuelle et auditive augmente. Vous verrez ainsi des ombres et entendrez des
bruits (ex. mouvements de branches, craquements de plancher) que vous ne
percevez pas d’ordinaire.


LES ÉMOTIONS 25


2. Une modification des motivations et priorités. Votre sécurité devient
prioritaire et toutes les autres motivations passent au second plan : vous n’avez
plus faim, plus soif, plus mal, plus de désir sexuel, et la réussite de vos examens
ou de ceux de vos enfants importe peu. En résumé, seuls les objectifs à court
terme (la survie) comptent et tous les autres passent au second plan. C’est le cas

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même si l’examen a lieu le lendemain matin et qu’il a été votre principale source
de préoccupation pendant des semaines.
3. Un biais de mémoire en faveur des souvenirs potentiellement utiles dans la
situation. Vous vous remémorerez le contenu de cet article que vous avez lu il y a
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cinq ans et qui expliquait les 10 manières de se défendre lors d’une agression.
Vous vous souviendrez soudain du numéro de votre voisine que vous croyiez
avoir oublié, et vous vous rappellerez en un éclair de tous les endroits de votre
maison qui pourraient potentiellement servir de cachette.
4. Un changement dans la catégorisation des choses. Telle pièce
précédemment classée comme sûre (ex. le salon) devient dangereuse (parce que
le voleur pourrait vite vous y trouver) alors que tel petit recoin sombre et invisible
au fond du jardin auparavant catégorisé comme « dangereux », devient mainte-
nant « sûr » (parce que vous pourriez vous y cacher).
5. Une hyper-activation des systèmes d’inférence spécialisés. Quelle
est la trajectoire de l’individu ? Quelle est la direction de son regard ? À partir
de ces informations, votre cerveau va inférer s’il est possible que le voleur vous
ait aperçu, et en tirer les conséquences.
6. L’activation de systèmes d’apprentissage spéciaux. D’une part, la
situation sera enregistrée comme dangereuse et tous les éléments qui y ont contri-
bué seront également catégorisés comme tels. Vous admettrez ainsi pour sûr et
pour longtemps qu’il faut fermer la porte d’entrée à double tour et ne pas laisser
de fenêtre entrouverte dans le salon. D’autre part, vous apprendrez bien plus
facilement à faire quelque chose qui pourrait vous tirer de ce mauvais pas
(ex. utiliser un pistolet ; grimper sur un mur, etc.) que si vous n’étiez pas sous
l’emprise de la peura.
7. Des changements physiologiques. Nous reviendrons ultérieurement sur
ce point mais précisons déjà que la peur stimule la production de diverses hormo-
nes, telles que l’adrénaline et le cortisol, qui ont pour fonction de fournir à l’orga-
nisme l’énergie nécessaire pour faire face à l’ennemi. Cette augmentation de
l’apport énergétique se fait, entre autres, via une augmentation du rythme cardia-
que (pour que l’oxygène et le sucre soient acheminés plus rapidement vers les
tissus), une transformation des graisses en sucres dans le foie, et une mise au
repos des systèmes alors inutiles tels le système reproducteur ou digestif (afin que
le sang soit orienté en priorité vers les muscles et le cerveau).

a. Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que, si la peur est un meilleur motivateur
d’apprentissage qu’une humeur neutre, ses bénéfices sont inférieurs à ceux d’une humeur posi-
tive. Nous sommes donc loin de préconiser la coercition comme motivateur d’apprentissage.
26 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

En conclusion, on voit clairement comment ces différents changements


augmentent la probabilité de survie. Nous avons pris ici l’exemple de la peur,
mais chaque émotion de base est associée à des changements physiologi-
ques, cognitifs et comportementaux qui visent à optimaliser l’adaptation du
sujet à son environnement.

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5 LES BASES NEUROBIOLOGIQUES
DE L’ÉMOTION
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Cette section vise à donner au lecteur un aperçu des substrats neurobiologiques


de l’émotion. Dans un souci pédagogique, nous nous limiterons au strict
nécessaire. En d’autres mots, nous présenterons les principales structures céré-
brales et hormones impliquées, laissant volontairement les autres de côté.

5.1 Les substrats neuronaux


Le circuit émotionnel de l’humain implique des connexions uni- ou bidirec-
tionnelles entre un ensemble de structures. Nous exposerons, de manière
volontairement simplifiée, le rôle des trois principales d’entre elles : l’amyg-
dale, le cortex préfrontal et le noyau accumbens. Nous invitons le lecteur
souhaitant un exposé exhaustif de la circuiterie émotionnelle à consulter des
ouvrages spécialisés et, en particulier, les travaux de Kevin Ochsner
(ex. Ochsner et Gross, 2005 ; Ochsner, Bunge, Gross et Gabrieli, 2002).

5.1.1 L’amygdale
Comme l’illustre la figure 2.2, l’amygdale appartient à un ensemble de struc-
tures situées sous le cortex. L’amygdale est souvent perçue comme étant LE
siège par excellence de l’émotion. C’est partiellement correct dans la mesure
où l’amygdale s’active lorsque nous éprouvons une émotion (Costafreda,
Brammer, David et Fu, 2008 ; Phan, Wager, Taylor et Liberzon, 2002). Il faut
garder à l’esprit, néanmoins, que d’autres structures peuvent s’activer en
parallèle, telles que les ganglions de la base pour les émotions positives ou
encore l’insula dans le cas de la tristesse (Lane, Reiman, Ahern, Schwartz et
Davidson, 1997). Le rôle de l’amygdale est d’assigner une valeur de récom-
pense ou de punition aux stimuli qui lui arrivent au travers de nos cinq sens.
Ainsi, l’amygdale s’active chaque fois que l’être humain est confronté à un
stimulus potentiellement pertinent, qu’il soit aversif ou hédonique. Plus le
stimulus est pertinent (en d’autres termes, plus l’individu doit y faire atten-
LES ÉMOTIONS 27

tion), plus l’amygdale s’active. Elle s’active donc particulièrement en cas de


danger et représente ainsi une zone clé dans le déclenchement de la peur
(LeDoux, 1998). Une suractivation de l’amygdale a été observée dans le
cadre des troubles anxieux, des phobies sociales et du stress post-traumati-
que (Phan, Fitzgerald, Nathan et Tancer, 2006 ; Rauch, Shin et Wright,

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2003 ; Shin, Rauch et Pitman, 2006 ; Stein, Goldin, Sareen, Zorrilla et
Brown, 2002). Une lésion de l’amygdale conduit à une incapacité à éprouver
certaines émotions (spécifiquement la peur, qui est peu représentée dans
d’autres structures que l’amygdale). L’individu privé d’amygdale est ainsi
capable d’identifier le danger (ex. percevoir qu’il y a un voleur devant lui et
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qu’il devrait avoir peur) mais incapable de ressentir la peur qui y est norma-
lement liée. Cette incapacité à ressentir la peur est hautement problématique
puisque les réponses comportementales1, cognitives2 et physiologiques3
nécessaires à la survie ne sont pas déclenchées.

Figure 2.2
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Localisation de l’amygdale, du cortex préfrontal et du noyau accumbens


(Source : http://thebrain.mc-
gill.ca/flash/i/i_03/i_03_cr/i_03_cr_que/i_03_cr_que.html)

1. Ex. tendance à s’enfuir.


2. Ex. biais attentionnel dans la détection d’un autre danger potentiel, tel un complice ; remémora-
tion rapide des informations utiles dans la situation, etc.
3. Ex. apport accru d’énergie aux muscles et au cerveau.
28 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

L’amygdale est en effet en relation avec les différentes structures qui sont
responsables de l’augmentation des réflexes, des expressions faciales, de
l’activation du système sympathique (aboutissant à l’augmentation du
rythme cardiaque) et hypothalamo-hypophyso-surrénalien (aboutissant à
l’augmentation des réserves de glucose de l’organisme et sa distribution

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privilégiée au cerveau et aux muscles). Nous reviendrons en détail plus loin
sur ces deux derniers systèmes.
Il est à noter que l’activation de l’amygdale peut se faire de deux maniè-
res, que LeDoux (1998) a appelées « voie courte » et « voie longue » (voir
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figure 2.3). Dans la voie courte, rapide mais imprécise, le thalamus sensoriel
active directement l’amygdale en réponse à un stimulus en provenance d’un
des cinq sens. Dans la voie longue, plus lente mais plus précise, l’informa-
tion est envoyée du thalamus au cortex sensoriel, lequel « décidera ou non »
d’activer l’amygdale.

Cortex sensoriel

Voie longue

Thalamus sensoriel Amygdale


Voie courte

Stimulus potentiellement Réponse émotionnelle


dangereux

Figure 2.3
La voie courte et la voie longue

Afin de bien saisir les implications respectives de ces voies, prenons


un exemple. Imaginons que nous rentrions du travail et que nous appe-
lions nos enfants afin que ceux-ci descendent nous dire bonjour. Aucun
d’entre eux ne répond. Nous trouvons cela curieux et pénétrons dans le
salon. Au moment où nous passons la porte, un individu se jette sur
nous, par-derrière, en hurlant. Dans ce cas, l’information en provenance
de nos sens (toucher, audition) est directement envoyée à l’amygdale
afin que celle-ci déclenche les réponses cognitives, comportementales et
physiologiques nécessaires pour faire face au danger (voir point 4.4. ci-
LES ÉMOTIONS 29

dessus). Nous allons donc détecter plus rapidement les autres stimuli
menaçants, notre cœur va battre la chamade, et nous allons nous apprê-
ter à courir ou à frapper. Toutefois, parallèlement à sa communication à
l’amygdale, le thalamus sensoriel va également informer le cortex
sensoriel. Ce dernier va procéder à une analyse beaucoup plus raffinée

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de l’information sensorielle que le thalamus, et déterminer que le cri et
le toucher de la personne qui s’est jetée sur nous est celui de notre fils de
14 ans. Nous allons donc nous rendre compte que ce que nous avions
pris pour une tentative d’agression n’était que la dernière blague de
notre fils cadet. Notre cœur va cesser de s’emballer et nous allons
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reprendre nos esprits. Cette voie longue prenant davantage de temps, il


se peut que la voie courte nous ait conduit(e) à agir impulsivement et à
frapper notre fils dans une tentative de défense dans l’intervalle.
Blagueurs, attention…
La voie courte permet donc de se préparer au danger avant même de
savoir de quoi il s’agit (il vaut mieux prendre notre fils pour un voleur
que l’inverse). C’est ainsi que nous pouvons retirer notre main d’une
plaque brûlante avant même d’avoir consciemment réalisé qu’elle était
chaude, ou freiner brutalement et réaliser seulement après qu’une
voiture allait nous percuter. La différence de temps de réaction de la
voie courte et de la voie longue est extrêmement brève (moins d’une
seconde) mais elle peut clairement faire la différence en termes de
survie.
À présent que nous avons présenté la zone responsable de l’activation
émotionnelle, nous allons nous tourner vers la zone responsable de sa modu-
lation. Nous avons vu ci-dessus que le cortex sensoriel avait la possibilité de
moduler l’activité de l’amygdale si le stimulus sensoriel ne correspondait pas
à ce qu’avait « perçu » le thalamus (ex. si nous avons pris notre fils pour un
voleur, ou un bout de caoutchouc pour un scorpion). Si le cortex sensoriel
décide qu’il s’agit d’une fausse alerte, l’activation de l’amygdale va de facto
cesser. Si le cortex confirme la perception du thalamus (si l’individu est bien
un voleur, s’il y a bien un scorpion), l’activation de l’amygdale va perdurer
ou s’amplifier, et le cortex sensoriel ne pourra plus rien y changer. Une autre
zone pourra toutefois entrer en jeu et moduler le niveau d’activité afin de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

nous permettre de garder un minimum de sang-froid. Il s’agit du cortex


préfrontal.

5.1.2 Le cortex préfrontal


Le cortex préfrontal est situé, comme son nom l’indique, derrière le front.
Cette zone est responsable de nombreuses fonctions cognitives supérieu-
res, telles que la mémoire de travail, le traitement linguistique, la pensée
abstraite, l’apprentissage de règles, l’attention sélective, et la sélection
des réponses motrices adéquates (Fuster, 2008). En réalité, le cortex
30 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

préfrontal est LE centre de contrôle de l’individu. Il permet d’analyser


une situation-problème, d’élaborer un plan d’action, de le maintenir en
mémoire, d’initier les étapes nécessaires à la réalisation de l’objectif,
d’inhiber les actions ou les informations qui entravent l’atteinte de celui-
ci, et de contrôler finalement si le but est atteint. Bref, c’est dans le cortex

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préfrontal que tout se planifie et que tout se contrôle ! Nos études, nos
courses, notre chemin, etc. C’est là aussi que se détermine la résistance à
la tentation et, assez logiquement… le contrôle des émotions (Davidson,
2004 ; Ochsner et al., 2002) ! Si une émotion n’est pas appropriée au
contexte, la partie antérieure du cortex cingulaire va s’activer et signaler
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au cortex préfrontal la présence d’un conflit, d’un problème à résoudre


(Botvinick, Cohen et Carter, 2004 ; Kerns et al., 2004). Ce dernier va nous
permettre d’analyser la situation et de décider de la stratégie de régulation
appropriée.

5.1.3 Le noyau accumbens


À l’instar de l’amygdale, le nucleus accumbens est chargé de signaler à
l’individu la présence de stimuli pertinents dans l’environnement. Toutefois,
contrairement à l’amygdale qui s’active préférentiellement – bien que non
exclusivement – en réponse aux stimuli négatifs, le nucleus accumbens
signale plutôt la présence de stimuli appétitifs (Cooper et Knutson, 2008). Le
nucleus accumbens s’active donc particulièrement quand nous mangeons ou
avons des rapports sexuels, ainsi que lorsque nous anticipons ces activités
(ex. Kelley et al., 2002).
C’est la raison pour laquelle les chercheurs l’ont surnommé « le centre du
plaisir ».

Des chercheurs (Olds et Milner, 1954) ont montré que si l’on stimulait le nucleus
accumbens chez un rat à chaque fois que ce dernier pressait un levier, il ne
s’arrêtait plus de le presser, pas même pour boire ou manger. Les rats de cette
expérience sont ainsi morts de faim et de soif, tout en étant paradoxalement au
comble de l’extase ! Sachant que des drogues telles que la cocaïne ou les
amphétamines sont de puissants stimulateurs du nucleus accumbens, on
comprend sans peine la puissance des addictions à ces substances, ainsi que le
fait que certains individus dépendants préfèrent consacrer le peu d’argent qu’il
leur reste à leur dose plutôt qu’à manger.
LES ÉMOTIONS 31

5.2 Les substrats neuro-endocriniens


Dans la section précédente, nous avons tenté de comprendre comment le
cerveau générait et modulait nos émotions. Dans la présente section, nous
nous intéresserons aux systèmes responsables des manifestations physiologi-

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ques de l’émotion (ex. augmentation du rythme cardiaque, etc.). Comme
nous l’avons vu ci-dessus, l’amygdale envoie en effet des signaux aboutis-
sant à la mise en activité de deux systèmes : le système sympathique et l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien (ex. Feldman et Weidenfeld, 1998).
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5.2.1 Le système (ortho)sympathique


Le système sympathique – ou orthosympathique – est l’un des deux systè-
mes responsables des manifestations physiologiques de l’émotion. Son
action repose sur la libération de la noradrénaline et de l’adrénaline. Celles-
ci agissent principalement au niveau cardio-pulmonaire, en induisant une
dilatation des bronches, une accélération du rythme cardiaque et une cons-
triction des vaisseaux sanguins. L’objectif de ces réactions est de faciliter la
respiration (afin d’absorber un maximum d’oxygène) et d’amener un maxi-
mum de sang (et donc d’énergie, sous forme d’oxygène et de sucre essentiel-
lement) le plus rapidement possible aux tissus. Parallèlement à son action
cardio-respiratoire, l’activation du système sympathique conduit également à
l’érection des poils (« chair de poule1 ») et à une augmentation de l’activité
des glandes sudoripares (production plus importante de sueur) afin d’éviter
la surchauffe de l’organisme.
En résumé, c’est l’activation du système sympathique qui est responsable
des sensations corporelles qui accompagnent nos émotions : le cœur qui bat
la chamade, la sueur, la chair de poule, etc.
Si l’action du système sympathique est indéniablement avantageuse à
court terme, elle est clairement délétère à long terme. Des émotions trop
intenses et à des fréquences trop rapprochées (ex. en temps de guerre) ou
des émotions qui se prolongent exagérément (parce qu’elles sont mal régu-
lées) constituent des facteurs de risque dans le déclenchement et l’aggrava-
tion des maladies cardiovasculaires (hypertension, infarctus du
myocarde, etc.).

1. Il est à noter que le rôle de la chair de poule n’est pas totalement compris aujourd’hui. Certains
prétendent qu’il s’agirait d’un mécanisme archaïque permettant aux mammifères (et donc à
l’être humain) d’apparaître plus large face aux prédateurs. C’est ce qui expliquerait pourquoi on
a la chair de poule lorsqu’on a peur. Ce mécanisme n’est toutefois plus utile aux être humains,
qui ont perdu l’essentiel de leur pilosité au cours de l’évolution.
32 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Stimuli physiques (ex.


froid) ou psychologiques
(ex. examens)

Stimuli biologiques

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Stress perçu
(ex. virus, bactérie,…)

Système
nerveux
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central

Hypothalamus

Stimulation du système Libère la corticolibérine


nerveux périphérique (CRH Cortico-Releasing
sympathique Hormone)

L'hypophyse libère
l'ACTH (hormone
adrénocorticotrope) et
de la STH (hormone
somatotrope)

Les glandes médullo- Les glandes cortico-


surrénales libèrent les surrénales libèrent les
catécholamines corticoïdes (gluco-
(adrénaline, corticoïdes) [cortisol et
noradrénaline,…) cortisone] et minérallo-
corticoïdes [aldostérone
et corticostérones]

– accélération du – augmentation de – transformation des graisses


rythme cardiaque l'activité des glandes en sucres dans le foie
– constriction des sudoripares (–› sueur) – baisse de l'immunité
vaisseaux sanguins – pilo-érection – ralentissement de la
– dilatation des (–› chair de poule) cicatrisation des plaies
bronches – mise au repos de divers
– diminution de la systèmes
motilité du gros
intestin

Figure 2.4
Activation des systèmes sympathique (en gris foncé) et hypothalamo-
hypophyso-surrénalien (en gris clair) en réponse au stress
LES ÉMOTIONS 33

Le système parasympathique et le malaise vagal


Il est à noter que le système (ortho)sympathique a un homologue : le système
parasympathique, qui a un effet presque point pour point opposé. L’action du
système parasympathique repose en grande partie sur le nerf vague, dont la

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stimulation entraîne la production d’acétylcholine. Celle-ci induit une diminution
du rythme cardiaque, une dilatation des vaisseaux sanguins, une augmentation
des sécrétions digestives et de la motilité intestinale, etc.
Ainsi, alors que l’amygdale recrute le système (ortho)sympathique pour nous
permettre de faire face à l’événement inducteur d’émotion, le cortex préfrontal
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mobilise quant à lui le système parasympathique pour réguler l’émotion (Thayer


et Brosschot, 2005).
Une rupture d’équilibre entre le système sympathique (qui accélère le rythme
cardiaque) et le système parasympathique (qui ralentit le rythme cardiaque) peut
provoquer un malaise vagal (aussi appelé « syncope vagale »). La perte de
connaissance est due à la chute de tension provoquée par une trop forte vasodi-
latation et un ralentissement exagéré du rythme cardiaque. Les maux de ventre,
vomissements et/ou diarrhées qui l’accompagnent sont dus aux effets de l’acétyl-
choline au niveau digestif. La syncope vagale peut avoir de multiples causes,
dont certaines sont d’ordre psychologique. Des efforts excessifs dans le but de
contrôler ses émotions ou une mise en jeu excessive du système parasympathique
en réponse à une émotion forte sont de nature à causer ce trouble.

5.2.2 L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien


L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) est le système responsa-
ble des autres manifestations de l’émotion. Il est à noter que, contrairement
au système sympathique, l’axe HHS ne s’active pas pour toutes les émotions.
Celles qui l’activent le plus sont le stress, la peur et l’anxiété (Dickerson et
Kemeny, 2004). Ceci n’a rien d’étonnant dans la mesure où l’axe HHS
permet d’augmenter l’apport énergétique de l’organisme et que ceci est
surtout nécessaire lorsque ce dernier se sent menacé et doit fournir une
réponse de type « fight or flight1 ». Le stress donne donc typiquement lieu à
une activation de l’axe HHS, parallèlement à l’activation du système sympa-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

thique (Kemeny, 2003).


Le rôle de l’axe HHS est, d’une part, de permettre à l’organisme de dispo-
ser de suffisamment d’énergie pour faire face à la situation et, d’autre part,
d’assurer que cette énergie soit distribuée prioritairement aux tissus les plus
utiles pour fuir ou se battre. L’action du système HHS repose sur la libéra-
tion du cortisol, aussi appelé « hormone de stress ». La libération de celui-ci
induit tout d’abord une transformation des graisses en sucres dans le foie. Le

1. « Combat » ou « fuite ».
34 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

sang sera ainsi plus sucré, ce qui permettra d’augmenter l’apport énergétique
aux tissus. Ensuite, le cortisol va mettre un ensemble de systèmes au repos,
afin de s’assurer que le sang (et donc l’énergie) soit distribué en priorité là où
l’individu en a le plus besoin : le cerveau (pour réfléchir tactiquement où
frapper et/ou où fuir) et les muscles (pour frapper ou courir). Parmi les systè-

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mes mis au repos, on retrouve le système digestif, le système reproducteur, et
autant de systèmes qui ne sont pas directement utiles dans la situation et/ou
dont l’action consommerait de l’énergie plus profitable ailleurs. Parallèle-
ment à cette mise à disposition d’énergie, le cortisol induit également une
baisse des réponses immunitaires, ainsi qu’un ralentissement de la cicatrisa-
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tion des plaies. Ici encore, l’explication est à rechercher du côté de l’évolu-
tion. Lorsque nos ancêtres couraient pour échapper à un danger et qu’ils
s’écorchaient à une branche dans leur fuite, il ne fallait absolument pas que
l’énergie nécessaire à la course soit consommée par la blessure. Les réac-
tions immunitaires et de cicatrisation sont ainsi reportées à plus tard, lorsque
l’individu sera en zone sûre et que son niveau de stress (et donc de cortisol)
sera redescendu.
Nous n’avons pas exposé l’ensemble des effets du cortisol mais cette
brève présentation laisse pressentir combien ces effets, tellement adaptatifs à
court terme, peuvent devenir nocifs si le stresseur se prolonge ou si le stress
est mal régulé (Selye, 1978). Parmi ces conséquences délétères, on retrouve,
entre autres, une altération de la glycémie (facteur d’aggravation du diabète),
des troubles gastro-intestinaux (ex. syndrome du colon irritable), une plus
grande sensibilité aux virus (en raison de la baisse d’immunité), et des trou-
bles sexuels – baisse du désir – (voir Thurin et Baumann, 2003 pour une
revue).

6 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons montré que les émotions étaient loin d’être
dysfonctionnelles et qu’elles avaient même une valeur adaptative. Nous
avons ainsi vu qu’elles constituaient une source d’information précieuse,
qu’elles facilitaient l’action en fournissant un guide de comportement,
qu’elles assistaient la prise de décision, et qu’elles nous permettaient d’agir
vite et bien dans toute une série de situations. Nous avons vu également que
les émotions nous permettaient de réagir face au danger avant même que
nous ayons consciemment perçu et analysé la nature de celui-ci.
Dans la seconde partie du chapitre, nous avons abordé la manière dont les
émotions sont représentées dans le cerveau. Nous avons ainsi expliqué le
rôle de l’amygdale, du nucleus accumbens (deux structures centrales dans la
génération des émotions négatives et positives) et du cortex préfrontal (struc-
LES ÉMOTIONS 35

ture essentielle à la régulation de l’émotion). Nous avons ensuite passé en


revue les modifications neuro-endocrines responsables des manifestations
physiques de l’émotion (cœur qui bat la chamade, mains moites, etc.) en
nous attardant plus spécifiquement sur le système sympathique et l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien.

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Tout ceci constitue une base qui nous permettra de mieux comprendre les
chapitres ultérieurs. Il nous permet, par exemple, d’entrevoir pourquoi
certains éprouvent des difficultés à gérer leurs émotions, et d’anticiper les
conséquences potentielles de ces difficultés en termes de santé.
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L’IDENTIFICATION
DES ÉMOTIONS1
Chapitre 3

1. Par Delphine Nélis.


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L’identification des émotions est la première compétence émotionnelle


que nous aborderons dans cet ouvrage. Le présent chapitre sera consacré au
versant intrapersonnel (identification de ses propres émotions) de celle-ci,
tandis que le chapitre suivant se focalisera sur son versant interpersonnel
(identification des émotions d’autrui).
D’apparence basique, la capacité à identifier ses émotions est une compé-
tence fondamentale. Elle constitue en effet le pilier sur lequel se développent
les compétences émotionnelles complexes, telles que la régulation ou l’utili-
sation des émotions.

1 L’IMPORTANCE DE L’IDENTIFICATION
DE SES ÉMOTIONS

1.1 L’identification comme prémisse à la régulation


Afin d’illustrer l’importance de l’identification de ses propres émotions,
voici le témoignage de Claire, 35 ans.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Claire, 35 ans
Mon mari et moi séjournions à Barcelone. Un soir, nous nous sommes rendus à
un spectacle grand public dont l’affiche était assez exceptionnelle. Une foule
impressionnante se pressait aux portes du théâtre. Tout à coup, j’eus l’impression
de mourir ! Je n’arrivais plus à respirer, j’avais la sensation d’avoir le « souffle
coupé », d’étouffer. J’étais envahie par de grosses bouffées de chaleur, j’avais
des vertiges, je pensais m’évanouir. Mon corps tremblait, les battements de mon
cœur s’accéléraient, etc. Je ne savais pas du tout ce qu’il m’arrivait, j’avais
l’impression de perdre la tête ! Mon mari essayait de me calmer, mais en vain.
Cet épisode m’a terrorisée et restera le souvenir le plus pénible de notre voyage.
40 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Ce témoignage nous montre à quel point il est important de pouvoir iden-


tifier ce que l’on ressent afin d’être capable de le gérer. Claire n’a pas
compris ce qu’il lui arrivait ce soir-là. Ce n’est que bien après qu’elle a pris
conscience que les symptômes ressentis étaient des signes d’anxiété liés à la
situation (la foule). Si elle avait identifié à cet instant que l’accélération des

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battements de son cœur, ses vertiges, et ses bouffées de chaleur, étaient des
signes d’anxiété, elle aurait pu anticiper et gérer la crise beaucoup plus
adéquatement. Aujourd’hui, Claire peut identifier ces symptômes et gérer
efficacement les émotions provoquées par ces situations anxiogènes.
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1.2 L’identification comme prémisse à l’utilisation

Comme nous le verrons en détail au chapitre 11 consacré à l’utilisation des


émotions, certaines émotions facilitent certaines formes de pensée ou
certains comportements. Nous pouvons ainsi optimiser notre fonctionnement
en choisissant d’effectuer prioritairement les tâches qui sont congruentes
avec notre état émotionnel. Une utilisation judicieuse des émotions requiert
toutefois l’identification préalable de celles-ci.

1.3 L’identification indispensable à l’adaptation


à l’environnement : la preuve par l’alexithymie
L’identification de ses propres émotions est essentielle pour l’adaptation de
l’être humain à son environnement. Les recherches menées sur l’alexithymie
ont montré que pouvoir identifier correctement ses émotions est primordial
pour la santé mentale, la santé physique et les relations sociales. L’alexithy-
mie se caractérise par (1) une difficulté à identifier ses émotions et à les
distinguer des sensations corporelles, (2) une difficulté à exprimer les états
émotionnels, (3) un mode de pensée opératoire tourné vers les aspects
concrets de l’existence (Bastin et al., 2004 ; Taylor, Bagby et Parker, 1997).
Il est difficile pour l’alexithymique de mettre des mots sur ce qu’il éprouve,
d’identifier et de distinguer les états émotionnels dans lesquels il se trouve.
Son vocabulaire émotionnel est plutôt limité. Quand il doit décrire son état
émotionnel, il donnera plutôt une impression générale de bien-être ou de
mal-être.
Ce déficit au niveau de l’identification et de l’expression des émotions
n’est pas sans conséquences sur la santé dans ses dimensions physiques,
psychologiques et sociales, toutes trois en interactions réciproques (Bastin et
al., 2004). Au niveau de la santé mentale, des études montrent que des
personnes ayant un niveau élevé d’alexithymie ont plus de risque de tomber
en dépression que les individus n’ayant pas de difficultés à identifier leurs
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 41

émotions. L’alexithymie augmente aussi la vulnérabilité vis-à-vis d’autres


psychopathologies telles que l’anxiété, l’hypocondrie, les troubles de la
dépendance ou les troubles alimentaires. Au niveau de la santé physique,
l’alexithymie accroît le risque d’hypertension (Jula, Salminen et Saarijarvi,
1999 ; Todarello, Taylor, Parker et Fanelli, 1995), de douleur chronique

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(Papciak, Feuerstein, Belar et Pistone, 1986), de problèmes intestinaux (Fava
et Pavan, 1976), et la sévérité du diabète (Abramson, McClelland, Brown et
Kelner, 1991). Finalement, l’alexithymie entretiendrait une relation négative
avec la longévité (Kauhanen et al., 1996).
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Comment un problème d’identification de ses émotions peut-il conduire


à des problèmes de santé ? Quatre explications ont été avancées (Lumley,
Stettner et Wehmer, 1996). Premièrement, le déficit dans l’identification
des émotions pourrait conduire à un déficit dans la régulation des
émotions, laquelle se traduirait par une hyper-réactivité physiologique.
Deuxièmement, l’alexithymie pourrait indirectement endommager la
santé. L’incapacité des alexithymiques à réguler leurs émotions via des
stratégies de régulation adaptées (comme par exemple le partage social des
émotions) les conduirait à chercher à anesthésier leurs émotions via des
comportements addictifs ou compulsifs (i.e. fumer, abuser de substances,
etc.). Des études montrent que la prévalence de l’alexithymie est plus
élevée chez les alcooliques et les cocaïnomanes (Haviland, Hendryx, Shaw
et Henry, 1994 ; Kauhanen, Julkunen et Salonen, 1992). Troisièmement,
l’alexithymie pourrait engendrer une perception perturbée du fonctionne-
ment somatique (ex. confondre les manifestations physiologiques d’une
émotion avec les indicateurs d’une maladie) et augmenter ainsi la
fréquence des plaintes somatiques. Dans ce cas de figure, l’alexithymique
ne serait pas plus souvent malade mais aurait simplement l’impression
subjective d’être plus souvent malade. Enfin, l’alexithymie pourrait indi-
rectement influencer la santé via des difficultés au niveau social. L’individu
alexithymique a en effet tendance à s’isoler, à développer de faibles
compétences sociales, à nouer peu de relations et à bénéficier de ce fait
d’un support social restreint (Lumley, Ovies, Stettner, Wehmer et Lakey,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1996). L’alexithymique ne bénéficie donc pas de l’effet protecteur du


support social sur la santé.
Nous pouvons maintenant comprendre aisément pourquoi l’alexithymie
est liée à une espérance de vie plus courte (Kauhanen et al., 1996). Le fait
d’éprouver des difficultés à nommer ses émotions conduit à toute une série
de problèmes psychologiques et physiques ainsi qu’à des relations sociales
plutôt difficiles. Il est donc primordial de pouvoir identifier ses propres
émotions afin de se sentir bien psychologiquement, physiquement et sociale-
ment. Il est à noter que ce trouble provoque une grande souffrance pour
l’alexithymique mais également pour son entourage.
42 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2 LES PROCESSUS SOUS-JACENTS


À L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

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La suite de ce chapitre sera consacrée à la présentation des différents proces-
sus participant à l’identification des émotions. Nous évoquerons d’abord les
prérequis en termes d’ouverture aux émotions et de richesse du vocabulaire
émotionnel. Nous verrons ensuite comment les cognitions, les tendances à
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l’action et les réponses physiologiques peuvent être utilisées comme indica-


teurs de notre état émotionnel.

2.1 Les prérequis


2.1.1 L’ouverture aux émotions
En général, nous sommes ouverts à certaines émotions ou à certains états
comme la joie, la fierté ou la satisfaction, alors que nous tentons de nier
l’existence ou d’éliminer systématiquement la colère, la peur ou encore la
tristesse. Cependant, tant les émotions négatives que les émotions positives
nous informent sur nous-mêmes, sur le monde extérieur et sur les rapports
que nous entretenons avec ce dernier. L’émotion est donc une source capitale
d’informations (i.e. la culpabilité m’informe que je me suis probablement
mal conduit avec quelqu’un). Si nous tentons de supprimer l’émotion, nous
allons éliminer le message véhiculé par celle-ci, mais cette négation ne chan-
gera rien à la situation (si je me suis mal comporté(e), ignorer ma culpabilité
ne va rien changer à la situation). Ignorer l’émotion empêche d’agir de
manière appropriée (aller m’excuser). Une émotion négative est un signal
d’alarme indiquant qu’il y a un problème et qu’une action doit être initiée
pour le résoudre. Refouler ses émotions est dangereux parce que cela conduit
à se priver du message qu’elles véhiculent (voir figure 3.1).
Le fait d’être ouvert à ses émotions, tant positives que négatives, est donc
une prémisse indispensable à tout processus d’identification. Le fait d’être
ouvert à ses émotions n’implique pas forcément de laisser perdurer une
émotion dysfonctionnelle. Être ouvert à ses émotions signifie simplement
accepter leur existence et en extraire la valeur informative avant de décider
de les utiliser ou de les réguler.
Les thérapies dites « de la troisième vague » (mindfulness, dialectical
behavioral therapy, acceptance and commitment therapy) mettent toutes un
accent prononcé sur l’ouverture aux émotions1. Selon ce courant, nous cher-
cherions trop souvent à éviter d’emblée nos émotions négatives. Ceci nous
aboutirait à un cercle vicieux, résumé par Barlow et Allen (2004), et Philip-
pot (2007).
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 43

2. Tentative

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1. Émotion de suppression/
perçue comme d'évitement
intolérable ou ou de refoulement
inacceptable
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3. Difficulté
de régulation
et amplification
de l'émotion

Figure 3.1
Le cercle vicieux de l’évitement émotionnel

Bon nombre de difficultés d’identification des émotions proviennent d’une


attitude défensive par rapport aux émotions. Les personnes qui éprouvent des
difficultés à identifier leurs émotions perçoivent souvent ces dernières
comme un ennemi de la raison ou de l’équilibre psychique. Ainsi en allait-il
de cet homme d’affaires au bord de la dépression qui nous dit un jour : « Je
ne peux pas me permettre d’identifier mes émotions, sous peine de
m’écrouler. » Cet homme pensait qu’en ignorant ses émotions, il se sentirait
mieux (ou, alternativement, qu’en identifiant ses émotions, son état empire-
rait). Mais les émotions sont comparables à un enfant qui pleure. Ce n’est
pas parce que nous l’ignorons qu’il arrêtera de pleurer. Et s’il arrête, ce sera
probablement pour faire une bêtise afin d’attirer notre attention d’une autre
manière – à l’instar des émotions, qui choisiront d’autres voies (ex. somati-
ques) pour se faire entendre.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Nous l’avons vu dans cette section, l’ouverture aux émotions est la


première étape nécessaire à leur identification. Il s’agit toutefois d’une
condition nécessaire mais non suffisante. Certaines personnes peuvent être
ouvertes à leurs émotions et éprouver des difficultés par ailleurs. Disposer
d’un vocabulaire émotionnel suffisamment étendu – afin de pouvoir discri-
miner finement entre les différentes émotions que l’on éprouve – est une
autre condition indispensable. Nous aborderons ce point ci-dessous.

1. Il existe un instrument de mesure permettant de mesurer l’ouverture aux émotions : le


« Mindfulness Attention Awareness Scale » (MAAS) (Brown et Ryan, 2003).
44 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2.1.2 La richesse du vocabulaire émotionnel


Un autre prérequis nécessaire à l’identification de ses émotions est de dispo-
ser d’un vocabulaire émotionnel suffisamment riche et complexe. En effet, le
langage ne permet pas seulement d’exprimer aux autres ce que l’on ressent,
il est également indispensable à la compréhension personnelle de ses propres

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états émotionnels. Peu importe dans ce cas si les mots sont ceux communé-
ment partagés pour désigner telle ou telle émotion ; ce qui compte, c’est que
l’individu ait à sa disposition un nombre suffisant de signifiants pour dési-
gner l’ensemble des nuances de sa vie affective. S’il ne dispose que de quatre
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termes pour désigner ses émotions (ex. joie-tristesse-honte-colère), il ne


pourra identifier et distinguer que ces quatre émotions. En revanche, s’il
dispose d’un vocabulaire émotionnel riche et complexe, il sera en mesure de
discriminer finement entre une multitude d’états émotionnels distincts.
Dans cette section, nous présenterons le travail des principaux auteurs
ayant cherché à représenter et à nommer le nuancier émotionnel des êtres
humains. Si les nuanciers de Plutchik (1980) et de Feldman-Barrett et
Russell (1998) apparaîtront élémentaires aux lecteurs qui identifient facile-
ment leurs émotions, il faut garder à l’esprit qu’il n’en va pas de même pour
les personnes sévèrement alexithymiques. Ces dernières ont en effet de gran-
des difficultés à discriminer entre différentes émotions de même valence
(ex. faire la distinction entre la colère, la peur ou la tristesse).
De l’Antiquité au siècle des Lumières, des philosophes tels qu’Aristote ou
Descartes avaient déjà essayé de dresser une liste des principales émotions.
Plus récemment, divers chercheurs (Ekman, 1992a ; Izard, 1977 ; Panksepp,
1989 ; Plutchik, 1980 ; Tomkins, 1980) ont tenté de dresser une liste des
émotions primaires, ou encore appelées émotions de base. Pour ces scientifi-
ques, il existerait un certain nombre d’émotions qui diffèrent les unes des
autres de manière importante. La variabilité entre les théories est
importante : Ekman recense six émotions primaires tandis qu’Izard en
compte dix (voir tableau 3.1). Les émotions telles que la colère et la peur se
retrouvent dans chaque théorie tandis que d’autres sont spécifiques à chaque
auteur. Les émotions dites primaires sont présentes dans toutes les cultures et
elles ont un support biologique.
Tableau 3.1
Les émotions primaires selon différentes théories

Panksepp
Izard (1977) Plutchik (1980) Tomkins (1980) Ekman (1992)
(1989)

Colère Colère Colère Colère Colère

Détresse Dégoût Dégoût Peur Dégoût

Joie Joie Joie Attente Joie



L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 45


Peur Peur Peur Panique Peur

Surprise Surprise Surprise Surprise

Tristesse Tristesse Mépris Tristesse

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Mépris Acceptation Honte

Honte Anticipation Intérêt

Intérêt Détresse
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Culpabilité

Amour

Comme nous venons de le voir, les émotions primaires sont peu nombreu-
ses. L’ensemble des autres émotions que nous ressentons sont appelées
émotions secondaires ou émotions complexes. Elles ne sont pas universelles
et résulteraient de la combinaison d’émotions primaires.
Comment identifier une émotion de base ? Ekman propose neuf critères
afin de détecter une émotion de base (Ekman, 1992a) :
– elle possède une expression faciale universelle ;
– elle est présente chez d’autres primates que l’humain ;
– elle a un pattern de réponses physiologiques spécifiques ;
– elle est rapidement déclenchée ;
– elle apparaît spontanément ;
– elle est associée à des stimuli déclencheurs universels distincts ;
– elle est évaluée automatiquement ;
– elle a une durée limitée ;
– elle a des réponses émotionnelles ou des composantes convergentes.
Selon Plutchik, les émotions secondaires résultent de la combinaison
d’émotions primaires (Plutchik, 1980). Les émotions primaires (au nombre
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

de huit selon cet auteur) se situent au second niveau de son modèle (voir
figure 3.2) et correspondent aux couleurs primaires. Elles forment quatre
paires opposées : joie-tristesse, acceptation-dégoût, peur-colère, surprise-
anticipation. Les sections inférieures et supérieures au second niveau reflè-
tent des intensités différentes d’une même émotion. Par exemple, l’irritation
(intensité faible), la colère (intensité moyenne) et la rage (intensité élevée).
Chaque émotion primaire peut être vue au milieu d’un continuum avec, aux
extrémités de ce dernier, la même émotion variant en intensité. Les émotions
secondaires résulteraient d’une combinaison d’émotions primaires. Par
exemple, le mépris résulte de la colère et du dégoût (voir figure 3.2).
46 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES
opti

o ur

sérénité
mism

am

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acceptation
e

intérêt
joie

ag anticipation confiance
res n
extase issio
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sion soum
vigilance admiration
irritation, rage,
colère terreur peur appréhension
agacement fureur e
nc
stu

na

g
pu
fa

cra
cti

ré détresse, int
ris
on

e,
mép dégoût chagrin surprise eff
roi

tristesse distraction
ennui
déc
s
ord

epti
rem

souci
on

Figure 3.2
Le modèle de Plutchik (Plutchik, 1980)

Une autre approche consiste à considérer les émotions comme un point


dans un espace bidimensionnel (voir figure 3.3) (Feldman-Barrett et Russell,
1998 ; Posner, Russell et Peterson, 2005). En général, deux axes suffisent à
représenter un grand nombre d’états émotionnels. Un premier axe est celui
de la valence. Elle désigne le degré selon lequel l’émotion est jugée plaisante
ou déplaisante (agréable/désagréable ; positive/négative). Le deuxième axe
correspond à l’activation physiologique1. Ce dernier se rapporte au niveau de
vigilance ou d’activation produit par l’émotion, c’est-à-dire le niveau de
sensations suscité par l’émotion. Ces dimensions sont indépendantes.
Par exemple, la joie se caractérise par une activation et une valence
élevées. Le stress est représenté par une valence négative et une activation
plutôt élevée. L’approche dimensionnelle permet de représenter facilement
des émotions nuancées mais également des transitions entre différents états
émotionnels.

1. Arousal en anglais.
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 47

tendu ACTIVATION alerte


nerveux excité

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stressé joyeux

contrarié heureux
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DÉPLAISANT PLAISANT

triste content

déprimé serein

ennuyé détendu
épuisé calme
DÉSACTIVATION

Figure 3.3
Modèle multidimensionnel de Feldman-Barrett et Russell (1998)

(Source : Feldman-Barrett et Russell (1998), « Independence and bipolarity in the


structure of current affect », Journal of Personality and Social Psychology, p. 4,
figure 1 »).
Ainsi, ces deux modèles peuvent nous aider à nommer l’émotion ressentie
et à évaluer son intensité. Si nous avons des difficultés pour identifier nos
émotions, nous pouvons essayer de décrire ces émotions selon les deux axes
– activation physiologique/valence – afin de pouvoir les nommer correcte-
ment. N’oublions pas qu’une même émotion peut varier en intensité et dès
lors se nommer différemment.
Il est à noter que l’étendue du vocabulaire émotionnel est à la fois une
cause et une conséquence de l’aptitude à identifier ses émotions. Une
personne qui dispose d’un vocabulaire étendu sera plus à même de discrimi-
ner finement entre différents états émotionnels. Mais la réciproque est vraie
également. Un individu qui parvient à faire la différence entre des états
émotionnels proches mais néanmoins distincts sera certainement plus à
même de retenir les signifiants associés.
48 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Les différences culturelles au niveau du vocabulaire émotionnel


Certaines émotions présentes dans notre culture ne se retrouvent pas dans
d’autres. Les Esquimaux utka n’ont pas de mots pour nommer la colère et ne
l’expriment pas. À l’inverse, des émotions absentes de notre culture sont présen-

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tes dans d’autres. Par exemple, l’amae est un terme présent dans la culture japo-
naise. Il désigne une émotion qui correspond à l’attachement, au fait de se livrer
à l’autre. Verguenza ajena est un mot employé en Espagne. Il décrit une émotion
que l’on peut ressentir lorsque quelqu’un fait preuve d’un comportement inadé-
quat. Les habitants de l’île de Tahiti (Levy, 1984) n’ont que très peu de mots pour
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décrire les émotions liées à la tristesse.

Nous venons d’évoquer deux prérequis indispensables à l’identification de


ses émotions : l’ouverture à ces dernières et la richesse du vocabulaire
émotionnel. Dans les sections qui suivent, nous partirons du principe que
l’individu satisfait à ces deux conditions : il est ouvert à ses émotions et il
dispose d’un nombre de signifiants suffisant pour traduire l’ensemble des
nuances de ses états affectifs. Nous allons à présent examiner comment
l’individu peut identifier l’émotion en jeu, c’est-à-dire mettre en correspon-
dance un état émotionnel donné avec le signifiant correspondant.

2.2 L’identification de l’émotion proprement dite


Les recherches menées jusqu’à ce jour se sont essentiellement concentrées
sur les conséquences d’un déficit dans l’identification des émotions (voir
point 1.3. sur l’alexithymie, ci-dessus). Elles n’ont, en revanche, pas ou peu
investigué comment un individu donné parvenait à identifier ses émotions
(sur quoi se base-t-on ? quels sont les mécanismes impliqués ?) et, par voie
de conséquence, par quels moyens il était possible de remédier à d’éventuels
déficits dans l’identification des émotions. Les sections qui suivent sont par
conséquent partiellement spéculatives dans la mesure où les thèses sur
lesquelles elles se basent n’ont pas encore été testées empiriquement. Nous
jugeons toutefois celles-ci suffisamment pertinentes pour être présentées ici,
et gageons que leur diffusion augmentera la probabilité qu’elles soient mises
à l’épreuve des faits. Il est, en effet, marquant de constater à quel point la
littérature est muette sur les pistes de traitement d’un trouble que l’on sait
pourtant incommodant à de multiples niveaux.
Bellighausen (2007) propose une remédiation basée sur le modèle de
Scherer (2001). Pour rappel, Scherer définit l’émotion comme un système à
cinq dimensions. La première dimension renvoie aux pensées suscitées par la
situation. La seconde dimension correspond aux modifications biologiques.
La troisième dimension concerne les tendances à l’action. La quatrième
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 49

dimension se réfère aux modifications expressives et comportementales.


Enfin, la cinquième et dernière dimension renvoie à l’expérience subjective,
au ressenti de l’individu. Selon Bellinghausen, si l’identification des
émotions est déficitaire – c’est-à-dire si la composante subjective du modèle
de Scherer fait défaut – on devrait pouvoir apprendre à l’individu à utiliser

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les autres dimensions comme autant de portes (ou d’indicateurs) de
l’émotion en jeu (voir figure 3.4).
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Cognitions : la vie est


injuste, je ne suis pas
respecté…

Identification
de l'émotion
´ COLÈRE »
Modifications
biologiques : Tendances à
augmentation du rythme l'action : frapper,
cardiaque, bouffées
de chaleur, tension détruire,
musculaire… grommeler,…

Figure 3.4
Identifier l’émotion à partir des différentes composantes émotionnelles

2.2.1 L’identification de l’émotion à partir des cognitions

La première dimension renvoie aux pensées (ou « cognitions ») qui accom-


pagnent l’épisode émotionnel. Selon Bellinghausen (2007), identifier ces
pensées (ex. « la manière dont il se comporte à mon égard est terriblement
injuste ») peut faciliter l’identification des émotions (ex. la colère). Ce sont
en effet ces pensées, c’est-à-dire l’évaluation cognitive entourant un événe-
ment, qui induisent l’émotion (Arnold, 1960).
Selon les théories cognitives de l’évaluation (appraisal theory) (Frijda,
1986 ; Roseman, Spindel et Jose, 1990 ; Scherer, 1984, 1998 ; Smith et
Ellsworth, 1985), la perception et l’évaluation cognitive d’une situation
déterminent le type et l’intensité de l’émotion éprouvée par un individu
(Scherer, 2000). Dans les années quatre-vingt, les théories de l’évaluation se
sont multipliées et ont dégagé un ensemble de critères d’évaluation jouant un
50 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

rôle dans la différenciation des émotions (voir tableau 3.2). Tous ces modèles
varient quant au nombre de critères d’évaluation qu’ils proposent mais la
convergence des dimensions entre les différents modèles est importante.

L’idée principale des théories de l’évaluation est que les émotions sont

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produites et différenciées à partir de l’évaluation cognitive que l’individu
fait de la situation. C’est donc notre évaluation cognitive de l’événement
qui produit une émotion spécifique et c’est ce qui explique que deux indi-
vidus puissent ressentir des émotions différentes en réponse à une situa-
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tion identique. Le conflit peut provoquer de la colère chez un individu et


de la tristesse ou de la culpabilité chez un autre. L’objectif des théories
cognitives de l’évaluation est de déterminer les critères d’évaluation qui
amènent un individu à ressentir une émotion spécifique. L’évaluation de
ces critères sera différenciée pour chacun et amènera à une émotion parti-
culière.

Selon Scherer, l’évaluation de la situation se base sur cinq grands critères :


la nouveauté (elle correspond à l’évaluation du caractère nouveau ou inhabi-
tuel d’un stimulus), l’agrément intrinsèque (qui repose sur l’évaluation du
caractère agréable ou désagréable du stimulus), la pertinence par rapport aux
buts et besoins de l’individu (l’évaluation de l’opportunité de l’événement en
termes de besoins, de buts), le potentiel de maîtrise (dans quelle mesure puis-
je faire face à la situation ?) et l’accord avec les standards (dans quelle
mesure les actions et les conséquences des émotions face à la situation sont-
elles en accord avec les standards internes – personnels – et externes –
normes sociales – de l’individu ?).

Ces théories de l’évaluation ont été testées à maintes reprises. Générale-


ment, on demande aux participants de se remémorer un épisode émotionnel
et ensuite ils doivent répondre à des questions concernant les critères
d’évaluation (Roseman, 2001 ; Scherer, 1998 ; Smith et Ellsworth, 1985).
Une alternative est de demander aux participants de lire des scénarios cons-
truits sur base des profils d’évaluation prédits et par rapport auxquels les
participants doivent indiquer leurs réactions émotionnelles probables (Smith
et Lazarus, 1993). Une autre possibilité est d’induire des émotions pour
ensuite analyser les processus d’évaluation (Folkman et Lazarus, 1985 ;
Smith et Ellsworth, 1987). On peut également étudier ces processus sur le
terrain. Par exemple, dans une célèbre étude, Scherer et Ceschi (1997) ont
interviewé et filmé des voyageurs ayant perdu leurs bagages. Bien que les
voyageurs fussent soumis à la même expérience émotionnelle, ils rappor-
taient des émotions et sentiments variés. Plus l’événement était perçu
comme un obstacle aux objectifs du voyageur, plus ce dernier se montrait en
colère et inquiet.
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 51

Tableau 3.2
Critères d’évaluation de différents modèles
(Source : Niedenthal, Krauth-Gruber et Ric (2008), Comprendre les émotions,
Wavre, Mardaga, p. 25, tableau 1.3)

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Scherer Frijda Roseman Smith/Ellsworth

Nouveauté
Changement
– Soudaineté Activité
– Familiarité attentionnelle
Familiarité
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– Prévisibilité

Agrément
Valence Agrément
intrinsèque

Importance
Rapports aux buts
Focus Appétitif/aversif Certitude
– Pertinence
Certitude Motivation
– Degré de certitude
Certitude
dans la prédiction
des conséquences
Présence
– Attente
Ouvert/fermé Obstacle
– Opportunité
Urgence Consistance perçu/effort anti-
– Urgence
cipé

Potentiel de maîtrise
Action humaine
– Causalité : interne Intention/soi-autrui Action
– Causalité : externe
– Contrôle Modificabilité
Contrôle
– Puissance Contrôlabilité Potentiel de contrôle
situationnel
– Ajustement

Accord avec les stan-


dards Pertinence des
Légitimité
– Standards externes valeurs
– Standards internes
52 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Tableau 3.3
Exemples de prédictions de profils d’évaluation générées
pour trois émotions spécifiques
(Source : Scherer et Sangsue (2004), « Le système mental en temps que composant
de l’émotion », in Kirouac, G. (éd.), Cognition et Émotions, PUL, Québec, p. 16,

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tableau 2)

Critères d’évaluation Colère/Rage Peur/Panique Tristesse

Nouveauté
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- Soudaineté Élevée Élevée Basse


- Familiarité Basse Ouvert Basse
- Prévisibilité Basse Basse Ouvert

Agrément intrinsèque Ouvert

Rapports aux buts


- Pertinence Ordre Corps Ouvert
- Degré de certitude Très élevé Élevé Très élevé
dans la prédiction des
conséquences
- Attente Dissonante Dissonante Ouvert
- Opportunité Enrayée Enrayée Enrayée
- Urgence Élevée Très élevée Basse

Potentiel de maîtrise
- Causalité : interne Autrui Autrui/nature Ouvert
- Causalité : externe Intentionnelle Ouvert Chance/négative
- Contrôle Élevée Ouvert Très bas
- Puissance Élevée Très basse Basse
- Ajustement Élevé Bas Moyen

Accord avec les


standards
- Standards externes Bas Ouvert Ouvert
- Standards internes Bas Ouvert Ouvert

(Note : « ouvert » signifie que ce critère n’inclut pas une évaluation spécifique)
Le modèle de Roseman définit 5 critères d’évaluation (évaluation de la
situation, certitude de l’événement, perception de soi, origine de l’événe-
ment et état de motivation) qui, suivant leurs valeurs, caractérisent
13 émotions distinctes (Roseman, 2001). Par exemple, l’espoir correspond à
l’état mental où un événement a été évalué comme incertain et consistant
avec les buts de l’individu. La simplicité du modèle permet de le traduire
facilement en un ensemble de règles déterminant quels états mentaux déclen-
chent quelles émotions chez un individu.
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 53

En résumé, selon ces théories de l’évaluation cognitive, l’émotion


ressentie par l’individu dépend de l’évaluation qu’il fait de la situation sur
les différents critères. Selon Bellinghausen (2007), si l’individu ne
parvient pas à identifier son émotion, il devrait être possible de lui appren-
dre à déduire celle-ci à partir des différents critères mis en évidence dans

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les théories de l’évaluation. Les recherches futures devront mettre cette
idée à l’épreuve et déterminer dans quelle mesure les théories de l’évalua-
tion pourraient servir de base à une remédiation des compétences d’identi-
fication.
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2.2.2 L’identification de l’émotion à partir des modifications biologiques


La deuxième dimension du modèle de Scherer regroupe les modifications
biologiques (Scherer, 2001). Afin de déterminer si cette dimension peut
constituer un indicateur de l’émotion en jeu, il faut préalablement répondre
à la question suivante : « Existe-t-il des patterns de réponses physiologi-
ques spécifiques à chaque émotion ? » L’examen de la littérature révèle
qu’il existe des différences physiologiques en fonction de la valence de
l’émotion ressentie (Cacioppo et Berntson, 1999). Les émotions négatives
sont caractérisées par une activation du système nerveux autonome plus
importante (rythme cardiaque plus élevé, pression sanguine supérieure,
constriction des pupilles, etc.) que les émotions positives. On ne dispose
pas de suffisamment de preuves scientifiques à ce jour pour déterminer
avec certitude qu’il existe un pattern physiologique caractéristique de
chaque émotion de base. En effet, bien que des patterns physiologiques
spécifiques à certaines émotions aient été mis en évidence dans plusieurs
études (Cacioppo, Klein, Berntson et Hatfield, 1993 ; Zajonc et McIntosh,
1992), les résultats sont loin d’être définitifs et généralisables. C’est
Ekman qui fut l’un des premiers à suggérer que l’activité du système
nerveux autonome était spécifique à chaque émotion. Dans une de ses
études (Ekman, Levenson et Friesen, 1983), il montre que le rythme
cardiaque est plus élevé pour les émotions de peur, de colère et de tristesse
que pour les émotions de dégoût, de surprise et de joie. La colère se carac-
tériserait par une température corporelle plus élevée, à la différence de la
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

peur et de la tristesse. La tristesse se distinguerait également des autres


émotions par une réponse électrodermale basse par rapport aux émotions
de colère, de peur et de dégoût.
Des chercheurs (Stemmler, Heldmann, Pauls et Scherer, 2001) ont induit
en laboratoire l’émotion de peur et de colère chez des participants. Pour
induire la peur, ils ont utilisé des menaces réalistes (i.e. devoir parler en
public dans des conditions d’évaluation sévères ou subir une prise de
sang). Pour la colère, les participants étaient insultés et harcelés par l’expé-
rimentateur. Les résultats montrent des profils de réponses physiologiques
différentes pour la peur et la colère. Ces chercheurs expliquent les résultats
54 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

par les exigences fonctionnelles et adaptatives dans des situations suscitant


ces deux émotions. La peur est caractérisée par une accélération du rythme
cardiaque et de la respiration visant à augmenter l’approvisionnement de
sang dans le cœur et le cerveau pour pouvoir fuir. La colère se caractérise
en revanche par une augmentation de la pression sanguine et de la résis-

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tance périphérique, visant à accroître la force musculaire nécessaire lors
d’un combat.
Ces recherches permettent de supposer qu’il existe un pattern physiologi-
que spécifique à certaines émotions. Elles ne permettent toutefois pas d’affir-
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mer qu’il existe une configuration typique et spécifique des paramètres


physiologiques propres à chaque émotion (si c’était le cas, les recherches ne
l’ont pas encore mis en évidence). De plus, des différences inter-individuel-
les et/ou culturelles dans les patterns physiologiques propres à chaque
émotion ont été rapportées par différents auteurs (Levenson, Ekman, Heider
et Friesen, 1992 ; Philippot et Rimé, 1997).
Au vu de ces données, il apparaît plausible que les individus capables
d’identifier leurs émotions se basent sur un pattern d’activation partiellement
spécifique pour déterminer la nature de celles-ci (ce qu’ils font probablement
conjointement avec d’autres indicateurs). Il apparaît aujourd’hui prématuré
d’utiliser les données issues de la recherche sur les corrélats physiologiques
afin de mettre au point des outils de remédiation pour les personnes souffrant
d’un déficit dans l’identification de leurs émotions. Il s’agira toutefois d’une
voie de recherche prometteuse lorsque les patterns d’activation spécifiques
auront été clairement mis en évidence. Le Massachusetts Institute of Techno-
logy (MIT) a récemment mis au point un système d’identification des
émotions à l’attention des personnes autistes, basé sur les patterns d’expres-
sion faciale des émotions (voir les travaux du Affect Media Lab au MIT). Le
système analyse l’expression faciale de la personne autiste, et lui renvoie un
feedback vocal sur l’émotion qu’elle ressent. L’objectif est d’aider la
personne autiste à mettre des mots sur ses émotions (c’est-à-dire à mettre des
mots sur ses états internes). Il est possible que les patterns d’activation
physiologiques puissent un jour servir de base à la conception d’outils simi-
laires.

L’interprétation erronée des sensations physiologiques


Des erreurs d’interprétation de nos sensations physiologiques peuvent être
commises, comme le démontre l’étude ci-dessous (Dutton et Aron, 1974). Trente-
quatre hommes étaient répartis en deux conditions. Dans la première condition
(anxiété forte), ils devaient traverser un pont suspendu formé de planches en
bois, situé au-dessus d’un canyon. Dans la deuxième condition (anxiété faible),


L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 55


ils devaient simplement traverser un pont en béton, facile d’accès. À la fin de la
traversée, une tierce personne (homme ou femme) jouant le rôle du compère les
attendait afin de leur poser quelques questions d’ordre démographique et de les
interroger sur l’interprétation d’une planche d’un test projectif (TAT) (Murray,
1943). Cette interprétation fournissait un indice de l’imaginaire sexuel des parti-

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cipants. Le compère proposait également son numéro de téléphone aux partici-
pants, prétextant que celui-ci pourrait leur être utile s’ils souhaitaient des
informations complémentaires relatives à l’étude. Les résultats montrent que les
scores de l’imaginaire sexuel des sujets ayant traversé le pont suspendu sont plus
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élevés que les scores des participants ayant traversé le pont non suspendu et ce,
principalement, lorsque le participant était abordé par une dame. Le constat est
identique en ce qui concerne le taux d’acceptation du numéro de téléphone du
compère féminin et, ensuite, le nombre d’appels émis par les participants vers le
compère féminin. Cette étude montre que le fait d’avoir vécu une émotion forte
augmente l’attirance sexuelle vers le comparse lorsqu’il s’agit d’une femme. Ces
participants ont interprété leur émotion de peur ou d’anxiété liée à la traversée
du pont comme une attraction sexuelle envers le compère féminin. Ceci nous indi-
que que nous pouvons ressentir une émotion et identifier cette dernière comme un
autre état émotionnel.

2.2.3 L’identification de l’émotion à partir des tendances à l’action


La troisième dimension du modèle de Scherer (2001) regroupe les tendances
à l’action. Comme nous l’avons vu auparavant, chaque émotion incite à agir
d’une certaine manière (ex. fuir dans le cas de la peur, frapper dans le cas de
la colère, rire dans le cas de la joie). Bellinghausen (2007) suggère qu’identi-
fier nos tendances à l’action peut aider à identifier nos émotions. Ainsi, si j’ai
envie de fuir, je ressens probablement de la peur ou de la honte. Si j’ai envie
de frapper quelqu’un, je suis vraisemblablement envahi par la colère. Il est à
noter que tant le désir de poser certains comportements (sans qu’ils soient
nécessairement posés) que les comportements effectivement posés peuvent
servir d’indicateurs de l’émotion que nous ressentons.
Ainsi, ces différentes dimensions (cognitions, sensations physiologiques,
tendances à l’action1) peuvent être vues comme des portes d’entrée pour
nous aider à identifier les différents états émotionnels dans lesquels nous
nous trouvons.

1. La quatrième dimension renvoie aux modifications expressives et comportementales. Cette


dimension nous servira à identifier les émotions qu’autrui ressent plutôt que les nôtres.
56 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

3 DIFFÉRENTS NIVEAUX DE CONSCIENCE


ÉMOTIONNELLE

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Dans les sections précédentes, nous avons insisté sur l’importance d’identi-
fier ses émotions et présenté différents moyens pour y parvenir. Selon Lane
et Schwartz (1987), l’identification des émotions ne fonctionnerait toutefois
pas sur le mode du « tout ou rien ». Ils proposent un modèle de conscience
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émotionnelle (Lane et Schwartz, 1987). Selon ce modèle, l’habileté à recon-


naître et à décrire ses émotions et celles des autres est une habileté cognitive
qui se développe. Le modèle implique donc un processus développemental
similaire à ceux que Piaget décrivait pour d’autres habiletés cognitives. Le
processus développemental consiste en la transition d’un traitement incons-
cient à un traitement conscient de ce que nous ressentons.
Lane et Schwartz (1987) décrivent cinq niveaux de conscience
émotionnelle : (1) l’individu a conscience des sensations corporelles asso-
ciées à l’émotion, (2) il reconnaît les tendances à l’action suscitées par
l’émotion, (3) il est capable d’identifier et de nommer les émotions, (4)
l’individu prend conscience des émotions complexes ou des mélanges
d’émotions et (5) il est capable de se représenter et d’apprécier la complexité
de ses expériences émotionnelles et de celles d’autrui. Ces cinq niveaux
décrivent l’organisation cognitive de l’expérience émotionnelle et varient en
complexité. Ces niveaux sont hiérarchiquement liés, c’est-à-dire que le fonc-
tionnement de chaque niveau complète et modifie le fonctionnement des
niveaux antérieurs.
Ces cinq stades se distinguent par les différents niveaux de conscience
qu’ils impliquent.
Les niveaux 1 (sensations physiques) et 2 (tendances à l’action) sont des
composantes fondamentales de l’émotion. Ces deux dimensions impliquent
des processus implicites car ils se produisent automatiquement la plupart du
temps mais peuvent également se produire de manière consciente. Il s’agit
dès lors de la conscience primaire. Les niveaux 3, 4 et 5 impliquent un
certain degré de conscience, c’est-à-dire une conscience émotionnelle secon-
daire qui se construit à partir de la conscience primaire (Philippot, 2007).
Ces niveaux de conscience sont sur le même continuum bien qu’il soit néces-
saire de les distinguer afin de pouvoir se situer au niveau de notre capacité de
conscience émotionnelle.
Sur cette base, un questionnaire a été développé, le « Levels of Emotional
Awareness Scale » (LEAS) (Lane et al., 1990). Cette échelle mesure la capa-
cité à décrire ce que nous ressentons et ce que ressentent les autres en situa-
tion émotionnelle. Le LEAS est composé de 20 scénarios impliquant deux
personnes. Chaque scénario est suivi de deux questions : « Comment te
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS 57

sentirais-tu dans cette situation ? », « Comment est-ce que l’autre personne


se sentirait ? »

Voici un exemple de situation : « Vous et votre ami travaillez dans le même

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service. Un prix de la meilleure performance est attribué chaque année. Vous
avez travaillé dur pour obtenir cette distinction. Le gagnant est annoncé, c’est
votre ami. Comment vous sentez-vous ? Comment se sent votre ami ? »
La personne répond aux deux questions librement et il n’y a pas de limitation de
mots. Le système de cotation est fondé sur le récit des réponses verbales. Les
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réponses sont cotées de la manière suivante :


0 : l’individu ne fournit pas de réponses émotionnelles. Il utilise le mot « se
sentir » pour décrire une pensée plutôt qu’une émotion (« je me sens stupide »).
1 : l’individu a conscience des sensations physiologiques (« je me sens
malade »).
2 : l’individu utilise des mots qui ne différencient pas les émotions (« je me sens
mal »).
3 : l’individu utilise des mots qui différencient les émotions ressenties (« triste, en
colère »).
4 : l’individu emploie plus d’un mot pour désigner une émotion, ce qui témoigne
d’une conscience émotionnelle et d’un vocabulaire plus riche.

Cette mesure semble fidèle et elle montre des corrélations modérées avec
différentes mesures d’intelligence émotionnelle (Ciarrochi, Chan, Caputi et
Roberts, 2001). Le niveau de conscience émotionnelle prédit également la
capacité à reconnaître les émotions d’autrui, que ce soit à travers la commu-
nication verbale ou non verbale (Lane et al., 1996). Finalement, des niveaux
élevés de conscience émotionnelle sont associés à une meilleure gestion du
stress (Stanton, Kirk, Cameron et Danoff-Burg, 2000) et à une activation
plus importante du cortex cingulaire antérieur (Lane et al., 1998).
Ces recherches corroborent donc l’idée que les aptitudes d’identification
sont une base nécessaire au développement de compétences émotionnelles
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

plus complexes (ex. régulation des émotions).

4 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous nous sommes centrés sur une compétence émotion-
nelle de base – et pourtant non moins fondamentale – : la capacité à identifier
ses émotions. Dans un premier temps, nous avons montré en quoi l’identifi-
58 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

cation de ses propres émotions était importante. D’une part, nous avons vu
que la capacité à identifier ses émotions était nécessaire au développement
de compétences émotionnelles plus complexes, telles que la régulation ou
l’utilisation des émotions. D’autre part, nous avons découvert que des diffi-
cultés au niveau de la reconnaissance d’émotions peuvent avoir des répercus-

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sions négatives dans différents domaines tels que la santé mentale, la santé
physique et les relations sociales. Dans la seconde partie de ce chapitre, nous
avons passé en revue les différents processus sous-jacents à l’identification
des émotions. Nous avons souligné l’importance d’être ouvert aux émotions
et de ne pas les réprimer. Nous avons également vu qu’enrichir notre vocabu-
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laire émotionnel nous permettait de décrire plus efficacement ce que nous


ressentions. Enfin, nous avons proposé d’utiliser les différentes composantes
de l’émotion (pensées, sensations physiologiques et tendances à l’action)
comme autant de clés afin de faciliter l’identification de nos émotions.
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L’IDENTIFICATION
DES ÉMOTIONS
D’AUTRUI1
Chapitre 4

1. Par Delphine Nélis.


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Dans le chapitre précédent, nous nous sommes penchés sur la capacité à


identifier nos propres émotions. Ce chapitre-ci abordera l’identification des
émotions d’autrui. Cette compétence émotionnelle est nécessaire et utile car
elle nous renseigne sur l’état de(s) (l’)individu(s) avec lequel/lesquels nous
interagissons. Comme nous le verrons ci-après, elle nous permet d’optimiser
non seulement la qualité de nos interactions avec nos interlocuteurs, mais
également notre adaptation à l’environnement.

1 L’IMPORTANCE DE L’IDENTIFICATION
DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

L’exemple ci-dessous illustre l’importance de l’identification des émotions


d’autrui.

Vous décidez de demander à votre patron une augmentation salariale, justifiée


de votre point de vue. Vous pénétrez dans son bureau afin de lui faire part de
votre requête. Il vous informe du peu de temps dont il dispose et vous remarquez
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

qu’il semble agité. Il ne vous accorde que peu d’attention, fait les cent pas
pendant que vous lui parlez, fronce les sourcils, se tourne les pouces, parle
fort, etc.
L’instant choisi pour solliciter une augmentation n’est pas optimal et ne vous
permettra probablement pas d’atteindre votre objectif. Quels sont les indices qui
auraient pu vous permettre d’anticiper que le moment pour formuler votre requête
était mal choisi ? Deux types d’indicateurs coexistent dans cette situation : les
indices verbaux et non verbaux. Au niveau verbal, votre patron vous informe du
peu de temps dont il dispose. Cette réponse vous indique d’ores et déjà que vous


62 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


n’êtes probablement pas le/la bienvenu(e). D’autre part, de nombreux signaux
non verbaux sont émis lors de l’interaction. Ceux-ci sont de nature à vous rensei-
gner sur l’état émotionnel de votre supérieur (agitation, regard, expression
faciale, gestes, intonation de la voix). Un individu sensible à ces différents
signaux aurait sans doute postposé sa demande d’augmentation.

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La capacité à percevoir et à identifier les émotions d’autrui a été étudiée de
longue date en psychologie sociale, clinique, cognitive et développementale.
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Cette capacité est fondamentale pour un ensemble de raisons, synthétisées


par Keltner et Kring (1998).
Tout d’abord, les émotions constituent un indicateur de l’état de nos
relations avec autrui. Des émotions négatives peuvent refléter une tension
relationnelle, là où des émotions positives indiquent généralement que la
relation fonctionne présentement bien. Ensuite, les émotions informent sur
les besoins et attentes de l’interlocuteur. En effet, et comme nous le
verrons plus avant dans cet ouvrage, les émotions sont le plus souvent asso-
ciées à un besoin. L’embarras vise à éliciter le pardon (Keltner et Buswell,
1997), la tristesse vise à éliciter l’affection et/ou l’aide (Campos, Campos et
Barrett, 1989 ; Eisenberg et al., 1989), et la colère vise à éliciter la peur et/ou
la réparation (Dimberg et Öhman, 1996). Identifier les émotions de nos
congénères permet donc de connaître leurs besoins/attentes, et d’y répondre.
Les émotions permettent en outre d’informer rapidement autrui sur
l’état de l’environnement. Un simple changement d’expression faciale
suffira à communiquer une menace imminente à notre interlocuteur et à le
faire réagir en conséquence en quelques dixièmes de secondes à peine. Fina-
lement, les émotions permettent de renforcer ou, au contraire, de découra-
ger certains comportements chez l’interlocuteur. Les parents renforceront
ainsi certains comportements de leurs enfants par un sourire et en répriman-
deront d’autres par un haussement de sourcils.
La capacité à décoder les émotions d’autrui est primordiale dans la régu-
lation des échanges interpersonnels et dans l’adaptation sociale. Les
recherches ont montré que les individus ayant un déficit dans la capacité à
décoder les émotions de leurs congénères éprouvaient des difficultés à
maintenir des relations sociales de qualité. Dès le plus jeune âge, ces
enfants sont moins appréciés par leurs pairs et développent des relations
moins profondes avec leurs camarades (Nowicki et Duke, 1994). Des diffi-
cultés dans la reconnaissance des émotions d’autrui sont associées à la
rumination, à la dépression et à l’anxiété (Lahaye, Luminet, Van Broeck,
Bodart et Mikolajczak, soumis à publication ; Rieffe, Oosterveld, Miers,
Meerum Terwogt et Ly, 2008). Ces difficultés relationnelles persistent à
l’âge adulte et se manifestent tant au niveau des relations amicales que
conjugales et professionnelles.
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 63

Sachant que l’homme est un être social et que le support social joue un
rôle protecteur en regard de la santé mentale et physique (Bruchon-Schweit-
zer, 2002 ; Rosenthal, Hall, DiMatteo, Rogers et Archer, 1979), il est proba-
ble qu’un déficit dans l’identification des émotions d’autrui aura des
conséquences qui dépasseront largement le cadre des relations sociales.

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2 IDENTIFIER LES ÉMOTIONS D’AUTRUI
AU TRAVERS DE LA COMMUNICATION
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VERBALE

Dans l’introduction, nous avons insisté sur la fonction de communication des


émotions. Au travers de leurs émotions, nos interlocuteurs nous transmettent
une information qu’il importe de décoder adéquatement.
Avant d’exposer comment les expressions faciales, les gestes, la posture
nous renseignent sur l’état émotionnel de notre interlocuteur, nous allons
nous attarder un instant sur cette notion de communication.
Communiquer signifie échanger de l’information. La communication
nous permet de nous adapter à l’environnement et d’y fonctionner de
manière optimale. On distingue deux modes de communication : la commu-
nication digitale et la communication analogique. Selon Watzlawick, l’un
des plus grands spécialistes de la communication, « on ne peut pas ne pas
communiquer, qu’on le veuille ou non. Parole ou silence, activité ou inacti-
vité, tout a valeur de message » (Watzlawick, Beavin et Jackson, 1972). Un
passager assis dans un train, les yeux fermés, communique un message : il ne
veut parler à personne et n’a pas envie qu’on lui adresse la parole. Dans cette
situation, il y a communication, tout autant que lors d’un débat animé.
La communication digitale réfère aux mots que nous utilisons pour trans-
mettre de l’information. Elle repose sur une convention sémantique que
chacun connaît, mais la relation entre l’objet et le mot est arbitraire : il n’y a
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

aucun rapport entre les deux en dehors de cette convention. En effet, il n’y a
aucune raison particulière pour que les lettres « c, h, i, e, n » désignent un
animal spécifique. Pourquoi « chien » et pas « caput », « cient » ou encore
« tulit » ? Néanmoins, cet accord arbitraire nous est très utile car il nous
permet d’échanger de l’information.
Le deuxième type de communication est la communication analogique.
Elle a un rapport plus direct avec ce qu’elle représente. Si une personne nous
demande l’heure en chinois (communication digitale), nous risquons de ne
rien comprendre. En revanche, si cette même personne nous montre son
poignet (communication analogique), nous serons certainement en mesure
64 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

de l’aider. Le mode analogique regroupe toute forme de communication non


verbale. Cette dernière ne se restreint pas aux mouvements corporels ; elle
englobe les gestes, les postures, les mimiques, l’intensité de la voix, etc. Tout
individu utilise ces deux modes de communication.
La communication digitale, les mots, nous permettent d’échanger des

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idées, des savoirs ; ce type de communication nous renseigne sur le contenu
du message. En revanche, la communication analogique, le non-verbal, nous
renseigne davantage sur le cadre relationnel de l’échange (émotions,
rapport hiérarchique, etc.). Certains d’entre nous pensent qu’un animal de
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compagnie peut nous comprendre parfaitement. Un chien, un chat ou tout


autre animal ne comprend bien sûr pas le sens des mots mais il peut sans
doute comprendre la communication analogique qui accompagne nos paro-
les (intonation de la voix, gestes, etc.).

Tableau 4.1
Les deux types de communications et leurs canaux
(Source : Salem (2005), L’Approche thérapeutique de la famille, Paris, Masson,
p. 48, tableau 2.1)

Type de communication Canal Exemple

Parole
Communication digitale Verbal
Écriture

Expressions faciales
Mimiques
Gestes
Non verbal
Postures
Communication analogique Mouvements corporels
Intonation de la voix
Paraverbal
Débit de paroles
Pauses
Silences

Il est à noter que ces deux modes de communication (voir tableau 4.1)
peuvent se compléter ou se contredire. Nous pouvons ainsi accepter verbale-
ment une requête alors que notre langage non verbal traduit une réticence. La
plupart des êtres humains peuvent efficacement travestir leur communication
digitale mais peu parviennent à travestir leur communication analogique.
Certains arriveront encore à masquer l’expression faciale de leur émotion
mais, la plupart du temps, cette dernière se traduira subtilement dans la voix
ou la posture. De manière générale, le moyen le plus sûr d’identifier
l’émotion de notre interlocuteur est d’observer son langage non verbal. C’est
la raison pour laquelle nous y consacrerons la plus grande partie de ce chapi-
tre. Qu’on ne s’y trompe pas toutefois. Il importera, si possible, de confirmer
cette impression verbalement auprès de notre interlocuteur par la suite. Il
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 65

existe en effet un certain nombre de biais – sur lesquels nous reviendrons


plus loin dans ce chapitre – par lesquels nous avons tendance à projeter notre
propre état émotionnel sur notre interlocuteur (Forgas, 2002).

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3 IDENTIFIER LES ÉMOTIONS D’AUTRUI
AU TRAVERS DE LA COMMUNICATION
NON VERBALE
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Comme nous venons de le mentionner, l’importance du message non verbal


dans le décodage des émotions est supérieure à l’importance du message
verbal. Le langage non verbal inclut l’expression faciale, les gestes, l’intona-
tion de la voix, etc. Contrairement à la communication verbale, l’émetteur
n’est pas toujours conscient qu’il envoie un message non verbal. Lorsque
nous émettons un message, nous avons tendance à nous focaliser sur les
mots que nous employons et à oublier que notre discours s’accompagne de
gestes, de mimiques, etc. Pourtant, ces signaux constituent de précieux indi-
cateurs pour l’interlocuteur averti.
Albert Mehrabian est mondialement connu pour ses travaux sur l’impor-
tance des messages verbaux et non verbaux. Ceux-ci ont mené à la célèbre
règle 7 % – 38 % – 55 % (Mehrabian, 1981). Selon Mehrabian, il y aurait
essentiellement trois éléments dans la communication : les mots, la voix et le
langage du corps. Dans une conversation, 7 % du message serait transmis par
les mots, 38 % du message serait transmis par le paralangage qui se réfère à
la dimension vocale mais non verbale de la parole (ex. intonation de la voix,
vitesse de débit, pauses) et 55 % par le langage corporel (ex. expressions
faciales, gestes, postures). Bien que les mots ne comptent que pour un infime
pourcentage, il est néanmoins nécessaire d’en tenir compte pour pouvoir
répondre de manière efficace. Les éléments non verbaux sont particulière-
ment importants pour communiquer les émotions, spécifiquement lorsqu’il y
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

a une divergence entre les mots et le langage corporel.


Les recherches de Mehrabian, et spécifiquement les pourcentages accor-
dés aux trois éléments de la communication, ont été fortement critiquées.
Chaque situation est particulière et cette règle ne correspond pas à toutes les
situations que nous rencontrons. Pour certains spécialistes en communica-
tion non verbale (Burgoon, Buller et Woodall, 1996), les recherches de
Mehrabian minimisent l’importance des mots. Selon eux, la proportion du
langage non verbal et verbal dépend du contexte. S’il n’y a pas de consensus
sur les pourcentages exacts, les spécialistes s’accordent toutefois sur le fait
que plus de la moitié de la communication se fait de manière non verbale.
66 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

La capacité à lire les messages non verbaux est dès lors essentielle. Elle
permet de mieux comprendre l’autre, et de s’adapter à nos interlocuteurs,
mais également à notre environnement. Imaginez que vous êtes en train de
marcher dans un bois avec un ami. Soudainement votre ami perçoit un
danger. Son comportement va changer immédiatement : ses yeux vont

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s’écarquiller, il va reculer ou s’immobiliser, l’intonation de sa voix va
changer, etc. Ces manifestations non verbales vont vous communiquer la
présence du danger avant même qu’il ait eu le temps – ni même la nécessité
– de vous la communiquer verbalement.
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3.1 Les fonctions du message non verbal


Lorsque nous communiquons, les messages non verbaux vont interagir avec
les messages verbaux de différentes façons. Le message non verbal peut
avoir six fonctions : il remplace, répète, complète, accentue, contredit ou
régule le message verbal (Knapp et Hall, 1992).
Les messages non verbaux peuvent tout d’abord se substituer à certains
messages verbaux. Notre culture nous fournit un répertoire de gestes et
d’expressions qui sont des équivalents de certains messages verbaux comme
« oui », « non », « bonjour », « au revoir », etc. Nos préférences et nos répul-
sions peuvent aussi être exprimées sans mots, en souriant, en frappant dans
les mains, en fronçant les sourcils, etc.
Un message non verbal peut ensuite répéter, compléter, ou accentuer la
communication verbale, afin d’en faciliter la compréhension. Parfois, un
mouvement des mains ou une longue pause pendant une conversation donne
une importance particulière à une partie du message afin que nous puissions
discerner ce qui est le plus important pour l’émetteur.
Il arrive aussi que le message verbal contredise le non-verbal.

Imaginez cette conversation entre un couple qui vient de se quereller. La femme


demande à son mari : « Tu es toujours fâché ? ». Le mari répond : « Non, pas du
tout. ». Sa femme réplique : « J’ai pourtant l’impression que tu es toujours en colère
contre moi. — Je te dis que je ne suis plus en colère ! », répond-il. Les paroles du
mari fournissent un message tandis que l’intonation de sa voix en laisse entendre
un autre. Lorsque les signaux non verbaux contredisent le message verbal, nous
pouvons penser qu’il y a un certain malaise dans la relation. Dans ce cas, l’interlo-
cuteur sera invité à porter une attention particulière aux signaux non verbaux. Le
canal non verbal fournit en effet des informations à propos (1) des intentions de la
personne et de son état émotionnel et (2) de l’état de la relation.

La dernière fonction du comportement non verbal est de réguler nos


conversations. On peut ainsi, par exemple, toucher le bras de quelqu’un pour
signaler que l’on voudrait prendre la parole.
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 67

3.2 Les différents signaux non verbaux


Nous allons maintenant passer en revue les différents signaux non verbaux
qui peuvent nous renseigner sur l’état émotionnel d’autrui. La plupart des
études portant sur l’identification des émotions se sont centrées sur les

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expressions faciales, raison pour laquelle une importante partie de ce chapi-
tre sera consacrée à ce sujet. Nous aborderons également d’autres signaux
non verbaux comme le regard, les gestes, la posture, le paralangage, ou
encore la distance. Il importe de préciser à ce stade que nous ne considérons
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pas que les signaux non verbaux soient les seuls à même de nous informer
avec certitude sur l’état de notre interlocuteur et de la relation. Nous pensons
plutôt qu’il est nécessaire de prendre en compte l’interaction des différents
messages (verbaux et non verbaux). Les signaux non verbaux ne doivent pas
être observés de manière isolée ; ils font partie de la relation et doivent être
pris en compte au même titre que le message verbal ou le contexte.

3.2.1 Les expressions faciales


Un premier moyen d’identifier l’émotion d’autrui est d’observer l’expression
faciale. Les capacités d’identification des expressions faciales émotionnelles
sont présentes dès la naissance (voir encart ci-dessous). L’expression faciale
fait partie intégrante du comportement d’un individu et représente un aspect
important de la communication non verbale. En effet, si nous voyons
quelqu’un éclater de rire, nous pourrons en déduire dans la majorité des cas
qu’il ressent de la joie ou, tout du moins, une émotion positive. De même,
des yeux écarquillés, une bouche légèrement entrouverte et des sourcils levés
peuvent nous laisser supposer que l’individu éprouve de la peur ou de la
surprise. Nous pouvons ainsi connaître l’état émotionnel des différents inter-
venants d’un débat télévisé même après avoir coupé le son de la télévision !
Mais attention, un visage peut en cacher un autre. L’information provenant
des comportements non verbaux peut être ambiguë et peut ne pas toujours
communiquer l’intention véritable ou l’état émotionnel authentique de
l’individu qui les adopte. Par exemple, un des comportements non verbaux
les plus fréquents est le sourire. Celui-ci peut exprimer – ou se mélanger
avec – différents états émotionnels. En effet, le sourire peut communiquer un
état de contentement, d’extase, d’approbation (ou encore un comportement
de séduction) mais il peut aussi exprimer le mépris, la soumission ou encore
l’anxiété. Ainsi, il est communément admis qu’un comportement non verbal
ne peut pas être entièrement compris si l’information contextuelle n’est pas
prise en compte.
68 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Le développement de la reconnaissance des expressions faciales


émotionnelles
Le développement de la capacité à décoder l’expression faciale des émotions
s’étend sur toute la durée de l’enfance. L’aptitude à reconnaître les expressions

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rudimentaires d’autrui apparaît tôt après la naissance (Izard et Ellis, 1971).
Certaines cellules du cortex temporal, une région impliquée dans la reconnais-
sance des visages, seraient présentes dès six semaines après la naissance
(Rodman, Skelly et Gross, 1991). D’autres aires du cortex temporal associées
également à la reconnaissance des visages sont développées totalement six mois
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après la naissance (Rodman, 1994). Le nourrisson, dès dix semaines, serait


capable de distinguer les expressions de joie, de colère et de tristesse (Haviland
et Lelwica, 1987). Des niveaux élevés de testostérone, plus communs chez les
garçons, peuvent entraver le développement des régions temporales, ce qui les
conduit à être moins aptes, en moyenne, à reconnaître les expressions faciales
que les filles (Bachevalier, Hagger et Bercu, 1989). La capacité à discriminer des
expressions émotionnelles authentiques d’expressions émotionnelles inauthenti-
ques ne survient qu’à la fin de l’enfance (Gosselin, 2005). La capacité à identi-
fier les émotions déclinerait avec l’âge. Les personnes âgées feraient plus
d’erreurs dans l’identification des expressions d’émotions négatives et neutres
que les jeunes (McDowell, Harrison et Demaree, 1994). Les seniors auraient
également des difficultés à discriminer les différentes émotions produites par
d’autres canaux non verbaux comme la voix (Allen et Brosgole, 1993).

■ Les expressions faciales universelles


Les recherches relatives à l’identification d’expressions faciales émotionnel-
les sont nombreuses. Le débat portant sur le caractère universel ou non des
expressions faciales a commencé il y a plus de cent ans. C’est Charles
Darwin qui fut l’un des premiers à s’intéresser à cette question. Dans The
Expression of the Emotions in Man and Animals (1872/1998), il présente une
théorie portant sur l’universalité des expressions faciales émotionnelles.
Darwin a mené une série de recherches qui le conduisent à affirmer que : « le
même état d’esprit s’exprime à travers le monde avec une remarquable
uniformité… ». Selon lui, les expressions faciales émotionnelles sont innées
et adaptatives. Cependant, la rigueur et la méthodologie avec lesquelles ont
été menées ces études peuvent être critiquées sur différents plans.
Un psychologue social, Otto Klineberg, a remis en cause la théorie de
Darwin. Bien qu’il reconnaisse que quelques patterns de comportements
sont universels comme les pleurs ou les rires, Klineberg soutient que les
expressions faciales de colère, de peur, de dégoût, de tristesse, sont spécifi-
ques à la culture et non universelles. Par exemple, il montre que les
descriptions d’expressions faciales émotionnelles décrites dans la littéra-
ture chinoise sont différentes de celles du peuple occidental (Klineberg,
1954).
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 69

Des dizaines d’années après The Expression of the Emotions in Man and
Animals et à la suite des travaux de Klineberg, les psychologues se sont à
nouveau penchés sur cette même question : « Les expressions faciales
émotionnelles sont-elles universelles ou spécifiques à chaque culture ? »

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Pour tenter de répondre à cette question, Ekman, un psychologue américain
considéré comme un des pionniers dans l’étude des émotions et de leurs expres-
sions faciales, se rend en Papouasie/Nouvelle-Guinée. La tribu papoue est si
isolée que personne n’y a jamais vu de photos d’allochtones, de magazines ou
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de télévision. Les Papous n’ont donc pas pu apprendre les expressions faciales
« universelles » via les médias. Ekman adopte la méthodologie suivante. Il
raconte une histoire aux individus (ex. « un ami vient vous rendre visite et vous
êtes content ») et leur demande ensuite de choisir parmi trois expressions faciales
émotionnelles celle qui correspond le mieux à la situation décrite. Six histoires
étaient racontées, exprimant six émotions différentes (joie, tristesse, peur, colère,
dégoût et surprise). Les résultats montrent que les Papous choisissent, pour
chaque histoire, la même expression faciale que les personnes testées dans
21 cultures alphabétisées (Ekman et Friesen, 1971). La seule exception est que
les Papous n’ont pas distingué (ils confondent) les expressions exprimant la peur
de celles exprimant la surprise. Inversement, les expressions faciales émotionnel-
les des membres de la tribu sont reconnues correctement par une population
d’étudiants américains.

Ces résultats appuient l’hypothèse selon laquelle l’association entre


certaines expressions faciales et certaines émotions est universelle. Ce carac-
tère universel peut s’expliquer par un certain nombre de facteurs non exclu-
sifs tels que l’évolution, l’existence d’un programme de neurones innés ou
encore les expériences d’apprentissage communes au développement
humain indépendantes de la culture (Allport, 1924 ; Asch, 1952 ; Darwin,
1872/1998 ; Izard, 1969 ; Tomkins, 1963).
Les preuves croissantes du caractère universel des expressions faciales
émotionnelles n’impliquent pas l’absence de différences culturelles dans
l’expression faciale de l’émotion. Les différences culturelles peuvent se
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

manifester au niveau des déclencheurs d’une émotion, au niveau des consé-


quences du comportement suscité par l’émotion ainsi qu’au niveau des
règles de conventions sociales (Ekman et Friesen, 1969).
Indépendamment des différences culturelles dans les déclencheurs ou les
conséquences de l’émotion, il existerait six expressions faciales émotionnel-
les universelles. Cela ne veut pas dire, toutefois, que les expressions faciales
se produisent à chaque fois que nous ressentons une émotion car nous
sommes, en général, capables d’inhiber nos expressions faciales émotionnel-
les lorsque cela est nécessaire. D’autre part, lorsque nous affichons une
expression faciale donnée, cela ne signifie pas que l’émotion soit toujours
70 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

réellement ressentie. Nous sommes en effet capables de générer une expres-


sion faciale factice si la situation le requiert (même si des études montrent
qu’une expression spontanée est différente d’une expression fabriquée)
(Ekman, 1992b).
Depuis les premières études publiées sur les expressions faciales, les

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travaux se sont multipliés plaidant en faveur du caractère universel des
expressions faciales. Différents arguments appuient cette hypothèse :
– Des études ont montré que les expressions faciales émotionnelles appa-
raissent chez des enfants aveugles (Charlesworth et Kreutzer, 1973). Ce
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résultat suggère que les émotions et leurs expressions sont innées et géné-
tiquement programmées.
– Des recherches menées sur les primates ont montré que les expressions
faciales qui sont universelles chez les humains le sont également chez les
singes (Chevalier-Skolnikoff, 1973 ; Hauser, 1993). Ces travaux plaident
également en faveur du caractère inné et biologique des émotions et de
leurs expressions.
– Les émotions représentées par les expressions faciales universelles corres-
pondent aux taxinomies des émotions retrouvées dans les différents langa-
ges à travers le monde (Romney, Boyd, Moore, Batchelder et Brazill,
1996 ; Shaver, Murdaya et Fraley, 2001).
En résumé, pouvons-nous déterminer le nombre d’émotions possédant
une expression faciale particulière ? Des preuves solides sont avancées pour
les émotions de joie, de colère, de dégoût, de tristesse, de peur et de surprise.
Ekman pense que la peur et la surprise ont des expressions faciales distinctes
(Ekman, 1999). Cette distinction est uniquement rapportée dans les cultures
alphabétisées. Certains auteurs (Ekman et Friesen, 1986 ; Ekman et Heider,
1988 ; Matsumoto, 1992) ont aussi mis en évidence que le mépris (émotion
dans laquelle on se sent moralement supérieur à une autre personne) possède
une expression faciale universelle bien que cette évidence se vérifie unique-
ment dans les cultures alphabétisées. La fierté répondrait également à une
expression non verbale se caractérisant par un petit sourire, la tête légère-
ment inclinée vers l’arrière et les bras qui se soulèvent au-dessus de la tête ou
les mains sur les hanches (voir figure 4.1) (Tracy et Robins, 2004). Il reste à
déterminer le caractère universel ou non de l’expression non verbale de la
fierté. Selon Keltner, il existerait également une expression faciale univer-
selle de l’embarras (Keltner, 1995).
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 71

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Figure 4.1
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Posture exprimant la fierté

(Source : Tracy et Robins (2004), « Show your pride : Evidence for a discrete
emotion expression », Psychologica Science, 15, 194-197)

■ Caractéristiques des expressions faciales universelles


Le tableau 4.2 résume les principales caractéristiques des différentes expres-
sions faciales émotionnelles. Ce sont ces caractéristiques qui permettent
d’identifier – et de différencier – les expressions faciales de nos interlocu-
teurs. Par souci pédagogique, les photos présentées sont caricaturales :
72 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

l’émotion est exprimée à son intensité maximale. Même si nous exprimons


rarement nos émotions de manière aussi intense dans la vie quotidienne (un
ensemble de contraintes sociales pèse sur l’expression de nos émotions), les
différents ingrédients sont pourtant présents. L’art consiste à les repérer,
même lorsqu’ils sont exprimés extrêmement brièvement (durant seulement

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quelques millisecondes) ou très subtilement (à très faible intensité).

Tableau 4.2
Les six émotions universelles et leurs caractéristiques faciales
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(Source : illustrations d’expressions faciales (neutre, tristesse, joie, peur, dégoût,


colère) issues du « Montreal Set of Facial Displays of Emotion » (MSFDE), images
téléchargées à partir de l’adresse suivante : http://www.psychophysiolab.com,
« Illustration de l’expression faciale de surprise provenant du site internet :
http://www.neurologicalcorrelates.com »)

Émotion Caractéristiques de l’expression faciale

Expression neutre

Tous les muscles du visage sont détendus

Tristesse

Visage tombant
Abaissement des commissures des lèvres
Sourcils en position oblique
Éventuellement pleurs

Joie
Sourire
Éventuellement rire
Visage détendu
Coins des lèvres tirés vers l’arrière (par
les muscles zygomatiques)
Pommettes relevées
Plissements au coin des yeux


L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 73


Surprise

Sourcils levés
Yeux écarquillés

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Bouche entrouverte
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Peur

Yeux grands ouverts


Bouche légèrement entrouverte
Lèvres légèrement tendues et tirées vers
l’arrière
Sourcils levés

Dégoût

Visage fermé
Sourcils en « V »
Yeux plissés
Lèvre supérieure tirée vers le haut
Nez froissé
Pommettes relevées

Colère
Sourcils plissés par le muscle corrugateur
(muscle se situant le long de l’arcade
sourcilière)
Lignes verticales entre les sourcils
Soulèvement des paupières
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Bouche fermée
Lèvre inférieure vers l’avant et lèvres
serrées

Afin de définir au mieux les expressions faciales correspondant aux


émotions de base et de pouvoir ensuite les mesurer, Ekman a mis au point un
système nommé « Facial Action Coding System » (FACS) (Ekman, Friesen
et Hager, 1978). Le FACS est un guide qui permet de classifier les comporte-
ments faciaux en se basant sur les muscles qui produisent ces mouvements.
74 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Le FACS décrit l’expression émotionnelle à partir de 43 mouvements des


muscles du visage. Chaque mouvement correspond à une unité d’action
(action unit, AU) et est symbolisé par un nombre. Par exemple, AU17 se
réfère au muscle mentalis qui correspond à la contraction du menton,
laquelle peut apparaître en situation de doute ou de mécontentement.

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L’AU12 se réfère à l’activation du muscle zygomatique, qui caractérise le
sourire. Les scientifiques utilisent le FACS dans leurs recherches pour déter-
miner avec exactitude les émotions exprimées par les sujets d’expérimenta-
tion. Ce programme permet également de déterminer les expressions
émotionnelles exprimées très brièvement ou très subtilement. Le FACS a
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ainsi été utilisé à de nombreuses reprises pour faciliter l’analyse d’entretiens


filmés dans le cadre d’enquêtes judiciaires. L’expertise que Paul Ekman a
développée au travers du FACS l’a récemment conduit dans l’industrie du
cinéma, où il a travaillé avec les graphistes de chez Pixar sur l’expression
émotionnelle de personnages de dessins animés.

■ Différences individuelles et culturelles dans l’expression des émotions : les


règles d’affichage (display rules)
Malgré l’existence d’expressions faciales émotionnelles universelles, il
existe des différences individuelles et culturelles importantes dans l’expres-
sion des émotions (Ekman, Friesen et Ellsworth, 1972).

Ekman et al. (1972) ont comparé des individus japonais et américains. Des
données de l’anthropologie suggèrent que les Japonais ont des règles d’expres-
sion différentes, notamment en ce qui concerne la non-expression d’affects néga-
tifs en présence d’une personne représentant l’autorité. Dans la première partie
de l’expérience, les sujets étaient seuls dans une pièce et regardaient des extraits
de films suscitant différentes émotions. Une caméra enregistrait leurs expressions
faciales pendant qu’ils regardaient les films. Les expressions de dégoût, de tris-
tesse, de peur et de colère étaient exprimées de manière identique dans les deux
groupes. Ces résultats plaident en faveur du caractère universel des émotions.
Dans la deuxième partie de l’étude, un expérimentateur était présent dans la
pièce avec les sujets. Les expressions des Américains étaient identiques à celles
exprimées lorsqu’ils étaient seuls, tandis que les Japonais masquaient leurs affects
négatifs et souriaient, comme le veut la culture japonaise. En une seule expé-
rience, Ekman a montré que les expressions faciales étaient universelles mais que
les modalités d’expression de celles-ci différaient selon la culture.

Ekman et Friesen ont introduit le terme « cultural display rules » pour


rendre compte des différences culturelles dans les expressions faciales
émotionnelles (Ekman et Friesen, 1969). Ces règles d’expression relèvent
d’un apprentissage concernant ce qui peut-être exprimé, à qui, quand et dans
quelles circonstances. Dans notre culture, les hommes apprennent à ne pas
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 75

pleurer. Les vendeurs apprennent à masquer leur irritation face à un client


désagréable. Nous apprenons tous à sourire lorsque nous recevons un
cadeau, même lorsque celui-ci nous déplaît. Ces règles d’expressions
seraient apprises de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte. Elles varient d’une
culture à l’autre, d’une ethnie à l’autre, d’une famille à l’autre, etc.

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Il importe de garder ces règles d’expression à l’esprit lorsque nous cher-
chons à identifier l’état émotionnel de notre interlocuteur. Ce n’est pas parce
que notre subordonné nous sourit qu’il est heureux. En effet, les règles
d’expression émotionnelle imposent à une personne de niveau hiérarchique
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inférieur de « faire bonne figure » en présence d’un supérieur hiérarchique. Il


faudra dès lors aller à la recherche d’indices plus subtils permettant de
connaître l’état émotionnel authentique de notre collaborateur. C’est ce que
nous évoquerons au point suivant.

Déficits dans l’identification des émotions d’autrui


De nombreuses recherches ont étudié les troubles de l’identification des émotions
(Borod, 2000 ; Davidson, 2003). Ces troubles s’observent chez des individus
atteints de traumatismes crâniens, de lésions cérébrales droites et/ou frontales
(Bechara, Damasio et Damasio, 2000) mais aussi chez des personnes atteintes
de psychopathologie ou d’un syndrome particulier (Blair et al., 2004 ; Phillips,
Drevets, Rauch et Lane, 2003).
Par exemple, des difficultés dans la reconnaissance des émotions sont présentes
dans la schizophrénie (Brune, 2005 ; Kohler et al., 2003). Cette dernière est un
trouble neuropsychiatrique affectant l’unité psychique, intellectuelle et émotion-
nelle du sujet. Les travaux sur le fonctionnement émotionnel de la personne schi-
zophrène montrent que celle-ci éprouve des difficultés non seulement à exprimer
et à ressentir ses propres émotions mais aussi à identifier celles des autres. Des
explications différentes ont été avancées quant à la nature de ce déficit. Pour
certains, cette carence représenterait une anomalie dans le traitement de l’infor-
mation à caractère émotionnel. Pour d’autres, elle serait le reflet d’anomalies
cognitives déjà répertoriées comme des capacités attentionnelles réduites, l’alté-
ration de la mémoire de travail, etc. Des études ont rapporté que les individus
atteints de schizophrénie ont un déficit plus prononcé pour le traitement des
émotions négatives que pour le traitement des émotions positives (Bryson, Bell,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Lysaker et Zito, 1997). La présence d’anomalies dans le traitement des expres-


sions faciales émotionnelles se retrouve chez les patients dépressifs. La reconnais-
sance chez ces individus serait biaisée par leur humeur du moment. Ces déficits
semblent s’améliorer après un traitement par antidépresseurs (Bediou, Saoud,
Harmer et Krolak-Salmon, 2008). Des difficultés dans le décodage des expres-
sions faciales se retrouvent également chez les alcooliques. Ces derniers auraient
tendance à surestimer l’intensité des expressions émotionnelles et commettraient
plus d’erreurs dans la reconnaissance des expressions de colère et de mépris
(Philippot et al., 1999).


76 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


Les enfants atteints de troubles envahissants du développement (TED) éprouvent
également de grandes difficultés à interpréter leurs propres émotions et celles
d’autrui (Celani, Battacchi et Arcidiacono, 1999). Les troubles envahissants du
développement se divisent en 5 catégories : trouble autistique, syndrome de Rett,
syndrome désintégratif de l’enfant, syndrome d’Asperger et troubles envahissants

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du développement non spécifiés.
Les TED se caractérisent par des altérations au niveau des relations sociales, du
langage, de la communication verbale et non verbale. Les enfants atteints de TED
ont du mal à déchiffrer les émotions, particulièrement les émotions dites sociales
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qui se traduisent par une expression faciale particulière telle qu’un sourire ou un
froncement de sourcils. Ces déficits représentent un handicap sévère pour
l’enfant, qui a de nombreuses difficultés à s’adapter au monde social. Elles
peuvent priver l’enfant de communication avec les autres et le conduire à l’isole-
ment social.

■ Expression authentique et inauthentique


Peut-on masquer délibérément une expression faciale ? Peut-on arriver à
tromper les autres en exprimant une expression faciale adéquate à la situa-
tion mais qui ne reflète pas notre propre émotion ? Autrement dit, des efforts
volontaires permettent-ils d’inhiber une expression faciale non désirable
dans un certain type de situation ?
Regardez un instant la photo ci-dessous, voyez-vous quelque chose de
particulier ?

Figure 4.2
Sourire authentique et inauthentique
(Source : Time Magazine (2005), « The science of happiness », USA, p. 25)

Duchenne, un neurologue français, a distingué le sourire qui reflète la joie


d’autres types de sourires (Duchenne, 1862). Ekman a repris les travaux de
Duchenne et répliqué ses résultats (Ekman, Davidson et Friesen, 1990). Il
baptisa le vrai sourire « sourire de Duchenne », en hommage à celui qui
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 77

l’avait mis en évidence pour la première fois. Lorsque notre sourire exprime
une joie sincère, le grand muscle zygomatique et le muscle orbicularis oculi,
situé autour des yeux se contractent (voir figure 4.2, photo de droite). Lors-
que nous sourions par politesse, l’orbicularis oculi n’est pas contracté (voir
photo de gauche). Il n’est pas aisé de produire un vrai « faux sourire », parce

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qu’il est difficile de contracter volontairement l’orbicularis oculi. Ekman
soutient en outre que même si nous y arrivions, la contraction ne se ferait pas
au même moment de chaque côté de l’œil.
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Des travaux en neurologie (Myers, 1976 ; Tschiassny, 1953) ont montré que les
expressions faciales volontaires et involontaires impliquaient des trajets neuro-
naux différents. Des patients atteints de certains types de lésions cérébrales sont
incapables de sourire sur demande mais ils sont capables de sourire lorsqu’ils
sont joyeux. Des lésions dans d’autres régions du cerveau produisent le pattern
inverse. Le patient est capable de sourire sur demande mais pas spontanément.

Qui d’entre nous n’a jamais dû sourire par politesse, que ce soit avec ses
collègues, avec ses proches, ou en réponse à une blague idiote d’un supérieur
hiérarchique ? Maintenant, vous connaissez une astuce qui vous permettra de
savoir si votre humour est réellement drôle ou non !
Une première clé pour identifier l’émotion d’autrui est donc l’expression
faciale. L’expression du visage nous renseigne sur l’état émotionnel de la
personne que nous avons en face de nous. Si nous demandons à une personne
comment elle va et qu’elle nous répond : « ça va fort bien, merci » avec une
expression faciale de tristesse (abaissement des commissures des lèvres,
sourcils obliques), nous pouvons supposer que la réponse de la personne est
en incohérence avec son expression faciale. Il est probable que cette
personne soit triste et que la norme sociale l’ait contrainte à répondre positi-
vement. Néanmoins, avant de juger définitivement, il nous faudra dès lors
partir à la recherche d’autres indices afin de confirmer notre hypothèse.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

3.2.2 Le regard

C’est à Argyle, un psychologue social, que nous devons la plupart des


recherches effectuées sur le regard. Il semblerait que le regard indique
davantage l’intensité de l’émotion que la nature de l’émotion. Dans une
étude portant sur des interactions en face-à-face, les regards de chaque inter-
locuteur occupent 60 % du temps de la conversation, 30 % sont alloués aux
regards mutuels. Chez les couples se disant heureux, il y a une plus grande
proportion de regards mutuels que chez les couples présentant certaines diffi-
cultés (Argyle et Cook, 1976).
78 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Le regard a plusieurs fonctions (Argyle et Cook, 1976). Une de ses fonc-


tions est de faire savoir que le canal de communication est ouvert (en regar-
dant l’autre, je l’invite à parler ou je montre que je l’écoute). Une autre
fonction est de demander une rétroaction (je te regarde pour que tu réagisses
à mes propos). Le regard peut également nous informer sur la nature de la

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relation (relation positive : regard attentif ; relation négative : évitement du
regard). Celui qui écoute regarde en moyenne deux fois plus que celui qui
parle. Celui qui écoute regarde celui qui parle afin d’obtenir des informations
visuelles qui complètent les informations verbales. Celui qui parle regarde
celui qui écoute dans le but d’obtenir une réaction par rapport à ses propos.
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Sans ce regard, le récepteur peut ne pas répondre. Le regard permet donc à


l’émetteur d’envoyer des signaux et permet au récepteur d’obtenir des infor-
mations quant au discours. La durée, la direction et la nature des regards
seraient dépendantes de la culture (Argyle et Cook, 1976).
Le professeur Baron-Cohen, mondialement réputé pour ses recherches sur
l’autisme, a mis au point avec d’autres collaborateurs un test qui évalue la
capacité à décoder les émotions complexes et les intentions d’autrui unique-
ment via le regard. Ce questionnaire est conçu pour évaluer comment un indi-
vidu peut interpréter l’état mental d’autrui. Ce test, appelé le « Reading the
Mind in the Eyes Test » (RMET – Baron-Cohen, Jolliffe, Mortimore et
Robertson, 1997), se compose de 36 items. Chaque item est une photographie
d’un regard et l’individu doit choisir entre quatre propositions quel est l’état ou
l’émotion représenté(e) par le regard (voir ci-dessous). Ce test aide au diagnos-
tic de l’autisme et du syndrome d’Asperger. Il est aussi utilisé avec d’autres
populations cliniques telles que les personnes présentant des lésions cérébrales
(Stone, Baron-Cohen et Knight, 1999). Ce test n’est pas corrélé avec le QI
(Baron-Cohen, Wheelwright, Hill, Raste et Plumb, 2001). Il est surtout utilisé
afin d’évaluer les difficultés sociales inhérentes à certaines pathologies. Les
recherches portant sur les liens entre le RMET et des indicateurs de santé, de
performance et de bonheur n’en sont pas à leurs débuts.
Dans une de ses études, le professeur Baron-Cohen évalue la capacité à
décoder les émotions de base (colère, dégoût, joie, etc.) et les états mentaux
complexes (arrogance, culpabilité, séduction, etc.) à travers trois indices non
verbaux : l’expression faciale complète, le regard et la bouche (Baron-Cohen,
Wheelwright et Jolliffe, 1997). Les participants doivent reconnaître l’état
émotionnel présenté via le visage, les yeux et la bouche. Lorsqu’il s’agit de
détecter une émotion de base, les scores de reconnaissance sont plus élevés
quand l’expression faciale complète est présentée. Les yeux et la bouche sont
des indicateurs moins puissants. En revanche, lorsqu’un état émotionnel
complexe est proposé, les deux indicateurs les plus efficaces sont les yeux et
l’expression faciale. Les scores d’identification sont semblables lorsque
l’expression faciale ou les yeux seuls sont présentés. Lorsque seule la bouche
est proposée, les scores de reconnaissance sont inférieurs. Cette expérience a
été répliquée avec des personnes autistes et des individus atteints du syndrome
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 79

d’Asperger. Ces deux groupes ont des scores inférieurs au RMET et leur
amygdale n’est pas activée lorsqu’ils complètent ce test, contrairement à des
personnes sans trouble particulier (Baron-Cohen et al., 1999).
Au niveau de l’œil, la taille de la pupille refléterait également le désir
(Hess et Polt, 1960). Lors d’une expérience, la pupille se dilatait chez les

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participants qui regardaient des photos de mannequins. L’attraction sexuelle
ou le plaisir seraient indicés par la taille de la pupille.
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Figure 4.3
Exemple d’item du RMET (Baron-Cohen et al., 2001)

Items téléchargés à partir de http://www.autismresearchcen-


tre.com/tests/eyes_test_adult.asp : Préoccupé ; Reconnaissant ; Exigeant ;
Implorant. Réponse : voir note de bas de page1.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 4.4
Exemple d’item du RMET (Baron-Cohen et al., 2001)

1. Préoccupé.
80 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Items téléchargés à partir de http://www.autismresearchcen-


tre.com/tests/eyes_test_adult.asp : Joueur ; Réconfortant ; Exaspéré ; Lassé.
Réponse : voir note de bas de page1.

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Figure 4.5
Exemple d’item du RMET (Baron-Cohen et al., 2001)

Items téléchargés à partir de http://www.autismresearchcen-


tre.com/tests/eyes_test_adult.asp : Plaisantin ; Déconcerté ; Envieux ;
Convaincu. Réponse : voir note de bas de page2.

3.2.3 Les postures


Les postures et les gestes sont des indices non verbaux importants, ils sont
les premiers indicateurs perceptibles à l’approche d’autrui. Darwin décrivait
déjà certains mouvements et postures associés à des émotions spécifiques
(Darwin, 1872/1998 ; voir tableau 4.3). Par la suite, d’autres chercheurs ont
également spécifié des mouvements particuliers associés à diverses émotions
(ex. Bloch, Orthous et Santibáñez, 1987 ; Wallbott, 1998). Wallbott décrit
une série de mouvements accompagnant certaines émotions. Par exemple, la
colère s’illustrerait par le rehaussement des épaules, des mouvements laté-
raux, rapides et dynamiques. La tristesse s’accompagnerait d’une posture
repliée, de mouvements lents. Aussi des postures droites sont-elles jugées
positives, tandis que des postures penchées vers l’avant sont perçues comme
négatives (Schouwstra et Hoogstraten, 1995). L’expression du corps fournit
une information à propos de l’état émotionnel de l’individu mais signale
aussi ses tendances à l’action. À titre d’exemple, les expressions corporelles
associées à la peur peuvent signaler la présence d’une menace mais elles

1. Joueur.
2. Envieux.
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 81

nous renseignent aussi sur les intentions comportementales que l’individu va


adopter afin de traiter cette menace : fuir, se battre ou encore ne pas bouger.
Ainsi, les expressions corporelles révèlent un lien étroit entre émotions et
comportements adaptatifs.
Les mouvements corporels et les postures sont-ils des indicateurs fiables

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de l’émotion ressentie ? La question est toujours débattue. Tandis que certai-
nes études ont montré que des mouvements corporels spécifiques accompa-
gnent certaines émotions, d’autres soutiennent que les mouvements
corporels sont des indicateurs de l’intensité de l’émotion et non de sa spécifi-
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cité. Selon Ekman, les expressions faciales nous renseignent à un niveau


qualitatif (i.e. quelle émotion est ressentie) tandis que les mouvements
corporels nous renseignent à un niveau quantitatif (i.e. l’intensité ressentie)
(Ekman, 1965).

3.2.4 Les gestes


La perspective ontogénique soutient l’idée que les gestes sont un système
d’expression différent et indépendant du système de la parole. Le langage
gestuel se serait progressivement transféré aux vocalisations et donc aux
expressions verbales. Les gestes seraient un mode primitif de représentation
cognitive. Il y aurait une continuité entre les signaux préverbaux et verbaux
(Hewes, 1976). Ceci est évident avec les enfants, qui arrivent d’abord à poin-
ter du doigt avant de pouvoir parler. Les interactions au cours desquelles la
densité d’informations rapportée est importante sont accompagnées de plus
de gestes que les interactions peu denses en informations (Bull et Brown,
1977). Le comportement gestuel dépend aussi de la nature de l’information
communiquée (Riseborough, 1982). Lorsqu’un individu parle dans une
langue étrangère, son discours est accompagné de plus de gestes que
lorsqu’il parle dans sa langue maternelle (Grand, Marcos, Freedman et
Barroso, 1977). Il y a donc une relation positive entre complexité du discours
et gestes.
Ekman et Friesen ont répertorié cinq grandes catégories de gestes (Ekman
et Friesen, 1969). La première catégorie est celle des gestes emblématiques.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Cette gestuelle est directement traduisible en mots. Elle est le plus souvent
émise de manière consciente et délibérée. Notons que ces gestes varient
d’une culture à l’autre. Par exemple, le geste signifiant OK (un rond avec les
doigts) fait référence à l’argent au Japon et à une obscénité en Grèce et au
Brésil. Le deuxième groupe fait référence aux gestes illustratifs. Ces
derniers renforcent les messages verbaux qu’ils accompagnent. Par exemple,
tout en disant non, tourner la tête de gauche à droite. Les gestes régulateurs
contrôlent, règlent ou coordonnent les propos des interlocuteurs. Hocher la
tête pour signifier à son interlocuteur de continuer son discours, diriger le
bras vers la personne qui doit prendre la parole. Il existe également des
gestes adaptatifs. Ils permettent de satisfaire un besoin personnel. Ils
82 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

peuvent être dirigés vers soi ou vers les autres. Par exemple, se frotter les
yeux parce que nous avons sommeil, retirer un cheveu de la veste de son
interlocuteur. La dernière catégorie regroupe les gestes affectifs, qui
communiquent une signification émotionnelle comme sauter de joie, tendre
les bras vers quelqu’un. Ces gestes peuvent être conscients et intentionnels

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ou apparaître inconsciemment.
Tableau 4.3
Observations de Darwin quant aux gestes et postures associés aux émotions
les plus courantes (Darwin, 1872/1998)
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Divers mouvements sans but particulier :


sauter, danser, frapper dans les mains,
Joie
taper des pieds, hochement de la tête,
secousses du corps

Immobilité, passivité, tête penchée en


Tristesse
avant, repliée sur la poitrine

Fierté Tête et corps droits

Mouvements nerveux, maladresse, évite-


Honte
ment, regard vers le bas

Tête enfoncée dans les épaules, immobi-


lité, mouvements convulsifs, mains entou-
Peur, terreur, horreur rant le visage, corps en recul, bras
tendus, soulèvement des épaules avec
repliement des bras sur la poitrine

Gestes frénétiques, agitation des poings


et des mains, tête droite, allongement du
Colère, rage
buste, poings serrés, tension des jambes,
redressement des épaules

Gestes de protection, d’éloignement,


buste ou corps en recul, soulèvement des
Dégoût
épaules, comme si on voulait pousser plus
loin ou se protéger

Éloignement, gestuelle des mains


Mépris

3.2.5 Le paralangage
Le paralangage se rapporte à la dimension vocale mais non verbale de la
parole. Il fait donc référence au timbre de la voix, au débit, aux pauses
pendant un discours. Une enquête menée sur les cinq continents a révélé
des changements au niveau de la voix pour les différentes émotions
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 83

étudiées (Wallbott et Scherer, 1986a). Ce résultat n’est pas surprenant.


Darwin déjà pressentait l’importance des indicateurs vocaux comme infor-
mations renseignant sur l’état émotionnel d’autrui. À l’inverse des études
sur les expressions faciales, il a fallu de nombreuses années avant que
l’étude de la voix soit réellement prise en compte. Ceci peut s’expliquer

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par le fait qu’il est difficile de capturer et d’analyser les vocalisations. Ces
dernières années, le développement de la technologie a rendu ces explora-
tions plus faciles. Différentes études ont été entreprises et montrent que
nos performances de reconnaissance vocale sont supérieures au hasard
(Scherer, Johnstone et Klasmeyer, 2003). En outre, la reconnaissance
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d’émotions exprimées vocalement ne serait pas contrainte par des frontiè-


res langagières et culturelles : nous sommes capables d’identifier les
émotions d’individus s’exprimant dans une langue que nous ne compre-
nons pas (Scherer, Banse et Wallbott, 2001). Chez les animaux, la colère,
l’hostilité, les états dominants sont généralement exprimés par des vocali-
sations fortes et discordantes alors que les états de peur, de tristesse,
d’impuissance se caractérisent par une augmentation des vocalisations
aiguës à faibles résonances. Ces patterns de vocalisations se retrouveraient
également chez l’homme (Scherer, 1985). Les études menées dans le
domaine de la voix sont assez nombreuses mais manquent souvent de rigu-
eur théorique et méthodologique. Nous présenterons ci-dessous les résul-
tats les plus robustes.
Plusieurs études ont mis en relation certaines émotions spécifiques et
différents paramètres vocaux liés à la fréquence (intonation), au temps
(nombre de syllabes produites par minute), ou à l’amplitude (intensité de la
voix). À titre d’exemple, l’irritation est caractérisée par une fréquence et
une intensité élevées (Eldred et Price, 1958 ; Roessler et Lester, 1976). La
tristesse se caractérise par une diminution de la fréquence (Wallbott et
Scherer, 1986b) et de l’intensité (Eldred et Price, 1958 ; Van Bezooijen,
1984). Nous ne nous attarderons pas sur les caractéristiques spécifiques de
la voix car les paramètres relèvent d’un langage complexe qui ne sera pas
détaillé ici. Plus simplement, il a été montré que lors d’une émotion de
peur, des changements au niveau de la mélodie, du rythme et au niveau
d’autres caractéristiques du discours se produisent (Bonner, 1943).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Plusieurs études ont examiné les caractéristiques vocales du discours dans


l’espoir de définir une signature vocale pour chaque émotion de base. Ces
recherches n’ont pas (encore) abouti puisque, par exemple, la joie et la
colère peuvent produire toutes les deux des sons à amplitude et fréquence
élevées. Néanmoins, la fréquence d’un son semble refléter l’éveil (calme –
excitation). Les études confirment le lien de l’expression vocale avec le
niveau général d’éveil ressenti par la personne qui parle (Streeter, MacDo-
nald, Apple, Krauss et Galotti, 1983).
Le rythme du discours peut également nous renseigner sur l’état émotion-
nel d’autrui. Le rythme renvoie au nombre de mots prononcés en un laps de
84 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

temps donné. Un rythme rapide semblerait être lié à la peur ou à la colère


alors qu’un rythme lent apparaîtrait dans la douleur ou la dépression (Barn-
lund, 1968). Certaines personnes peuvent contrôler leur rythme mais
l’émotion est alors transmise via d’autres canaux non verbaux (expressions
faciales, etc.).

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Les changements au niveau de la voix ont également été étudiés dans des
populations psychopathologiques, comme par exemple les personnes dépres-
sives. Les études montrent des différences entre un discours provenant d’une
personne non dépressive et un discours émis par une personne dépressive.
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Les dépressifs parlent à une intensité très basse (Eldred et Price, 1958 ;
Moses, 1954 ; Whitman et Flicker, 1966 ; Zuberbier, 1957) et leur discours
est ralenti (Zuberbier, 1957). Après une thérapie, l’intensité tend à augmenter
(Hargreaves et Starkweather, 1964). D’autres études (Moses, 1954 ;
Newman et Mather, 1938) ont montré que les individus dépressifs ont
tendance à employer, de manière répétitive, les mêmes intonations (plutôt
basses), ce qui donne une impression d’un discours monotone. Au niveau de
l’articulation, elle est imprécise et molle. Le stress influencerait clairement
certains paramètres vocaux et en particulier provoquerait une augmentation
de la fréquence des mots dans le discours (Ekman, Friesen et Scherer, 1976 ;
Scherer, 1981).

L’intonation de la voix ne nous renseigne pas uniquement sur l’état émotionnel


d’autrui mais elle donne aussi de l’information quant au sens de la phrase
(Knapp, 1978).
1. Il a donné cet argent à Jacques. (C’est le seul à avoir donné de l’argent ;
personne d’autre).
2. Il a donné cet argent à Jacques. (Il a donné l’argent, il ne l’a pas prêté).
3. Il a donné cet argent à Jacques. (C’est cet argent qu’il a donné en particulier).
4. Il a donné cet argent à Jacques. (C’est de l’argent, pas un chèque).
5. Il a donné cet argent à Jacques. (Le receveur est Jacques, pas Éric ou Jean-
Pierre).
6. Il a donné cet argent à Jacques ? (Pourquoi donner cet argent à Jacques et
pas à Marc ?).

Le paralangage (intonations, fréquence de débit, pauses, etc.) aide à


reconnaître l’état émotionnel dans lequel l’individu se trouve. Cet indica-
teur est particulièrement utile lorsque aucun autre signal non verbal n’est
disponible, comme c’est le cas pour la radio et le téléphone. Lorsque deux
informations non verbales sont à disposition, les individus ont tendance à
attribuer l’état émotionnel de l’orateur à partir de son expression faciale
(Ekman et Friesen, 1969 ; Zaidel et Mehrabian, 1969). Notons que le
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 85

contexte joue également un rôle important dans l’attribution d’une émotion


aussi bien à partir de l’expression faciale que de l’expression vocale (Wall-
bott, 1988).
Le silence fait également partie du paralangage. Dans notre société, le
silence est souvent perçu comme négatif et nous avons tendance à essayer

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de le combler au plus vite. Le silence sera privilégié dans les moments
d’écoute. Le silence peut être positif dans certaines situations et négatif
dans d’autres. Il faut adapter son silence aux situations. Il existerait
plusieurs types de silence (Myers et Myers, 1990). Le silence qui fait
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preuve d’intérêt, le silence de la réflexion, le silence qui souligne que deux


personnes ne s’apprécient pas, le silence des personnes qui n’ont rien à
dire, le silence peut aussi signifier le refus de coopération ou encore une
contrariété. Le silence communique donc de l’information émotionnelle
(intérêt, irritation, indifférence) mais sa signification sera à rechercher du
côté du contexte ou des indicateurs connexes (expression faciale, gestuelle)
fournis par l’interlocuteur.

Les expressions vocales émotionnelles sont-elles universelles


ou spécifiques à une culture donnée ?
Il semblerait que les expressions vocales émotionnelles soient en partie universel-
les et en partie culturelles. Van Bezooijen, Otto et Heenan montrent qu’un groupe
de Néerlandais et de Japonais est capable de reconnaître à travers la voix d’un
orateur allemand les différentes émotions suscitées par ce dernier (Van Bezooi-
jen, Otto et Heenan, 1983). Des chercheurs (Scherer et al., 2001) ont demandé
à des habitants de neuf pays (Allemagne, Suisse, Royaume-Uni, Pays-Bas, États-
Unis, Italie, France, Espagne et Indonésie) de juger l’émotion ressentie par un
orateur prononçant différentes phrases. Les résultats montrent 66 % de bonnes
réponses, toutes émotions (joie, peur, colère, tristesse et expression neutre) et tous
pays confondus. Ainsi, un Italien reconnaît la peur à partir de la voix aussi bien
qu’un Anglais. Toutefois, l’Allemagne a un taux de réponses correctes de 74 %
alors que l’Indonésie présente un taux de 52 %. Nous pouvons donc constater
une certaine variabilité culturelle au niveau des réponses correctes. Bien que le
taux d’exactitude pour les émotions de colère, de peur, de tristesse et l’expression
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

neutre soit très élevé (de 74 % à 88 %), il y a une considérable baisse du taux de
réponses correctes pour la joie (48 %). Les différents pays font les mêmes
erreurs ; ils confondent la joie avec l’expression neutre. La peur est fréquemment
confondue avec la tristesse ainsi que la tristesse avec l’expression neutre.

3.2.6 La distance
Edward Hall, anthropologue américain, assied les bases de la proxémique
dans les années soixante. Pour Hall, la communication passe par des données
spatiales dont le contenu est propre à chaque culture.
86 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

La proxémique s’intéresse aux distances physiques entre deux personnes


lors d’une interaction. Quatre types de distances pouvant intervenir dans les
relations interpersonnelles sont décrits par Hall : les distances intime,
personnelle, sociale et publique (Hall, 1966/1971).
La distance intime est égale ou inférieure à 45 cm. À cette distance très

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proche, les messages sont confidentiels puisque l’on considère que les
personnes murmurent. Chacun partage ses secrets et ses émotions. Nous
pouvons toucher l’autre aisément, sentir son odeur et son parfum.
La distance personnelle varie entre 45 cm et 1 m 20. C’est la distance que
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nous prenons lorsque nous parlons à des amis, des collègues. Nous échan-
geons des opinions, des idées, etc. Si, en revanche, un de nos interlocuteurs
veut nous confier une information privée, il va se rapprocher et le ton de sa
voix va diminuer. Ceci est le signe qu’un secret est en train de se révéler.
La distance sociale correspond à 3 m 60 maximum. Elle sépare deux person-
nes ne se connaissant pas particulièrement mais en relation momentanée. Les
informations échangées sont non personnelles et peuvent être entendues par un
autre public. Il s’agit par exemple de la distance classique établie entre les
commerçants et les clients. Dès que le vendeur vous accompagne dans le maga-
sin la distance diminue, ce qui favorise des échanges plus spontanés.
La distance publique se situe entre 3 m 60 et plus de 7 m. Il s’agit de la
distance entre un orateur et son public. Celle-ci caractérise une relation entre
personnes qui ne se connaissent pas du tout. L’information communiquée est
publique et destinée à un nombre de personnes limité.
Ces différentes distances ont été observées chez des individus américains
masculins et féminins de classe moyenne. Pour Hall, chaque culture humaine
définit de façon différente la dimension des bulles et des activités qui y sont
appropriées. Il n’y a pas de convention quant aux bonnes distances interper-
sonnelles requises. Les distances d’interaction varient selon les cultures. Les
habitants des pays nordiques et les Japonais interagissent à des distances
plus grandes que les citoyens des pays latins. Le contact physique est égale-
ment beaucoup plus rare (Forston et Larson, 1968 ; Watson et Graves, 1966).
Les distances varient aussi selon l’image que nous avons de l’autre. Si je
n’apprécie pas la personne que je dois rencontrer, lors de l’interaction,
j’aurai tendance à garder mes distances. Ce ne sera pas le cas si je pense que
la personne que je vais rencontrer est sympathique et chaleureuse. Les statuts
des interlocuteurs déterminent également la distance. Lors d’une interaction
avec notre patron ou avec un ami, la distance ne sera pas la même. Enfin, la
distance varie selon la tâche à accomplir. Les individus seront plutôt côte à
côte si la tâche nécessite une coopération, face-à-face s’il s’agit de compéti-
tion (Hargie, 1997).
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI 87

Les biais dans le décodage des comportements non verbaux


Notre humeur influence considérablement nos pensées, nos jugements et nos
comportements interpersonnels (Forgas, 2002). Ce phénomène est appelé
« affect congruence » (congruence avec l’humeur. Il est établi que l’humeur joue

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un rôle important dans beaucoup de nos jugements et de nos comportements.
Elle influence nos attitudes et nos croyances, nos impressions à propos de nous-
mêmes et des autres, la façon de nous exprimer et aussi la façon de négocier
(Forgas, 1995 ; Forgas, 1999, 2002 ; Forgas et George, 2001 ; Moylan,
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2000 ; Sedikides, 1995). Au niveau interpersonnel, nous aurons tendance à


interpréter le comportement de l’autre selon notre humeur. Par exemple, le
même sourire est évalué comme amical par des personnes d’humeur positive et il
est jugé peu commode lorsque l’individu est d’humeur négative (Forgas, Bower et
Krantz, 1984). Les conjoints d’humeur positive sont plus sensibles et plus cons-
cients des états émotionnels de leur partenaire que les époux d’humeur négative.
Lorsqu’une personne se sent anxieuse, elle aura tendance à juger les autres
comme plus agressifs (Feshbach et Singer, 1957). D’autres facteurs peuvent
entraver l’identification des émotions d’autrui (Flury et Ickes, 2001). Si l’individu
est incapable d’exprimer ce qu’il ressent, que ce soit par le langage verbal ou
non verbal, l’interlocuteur aura des difficultés à cerner son état émotionnel. Il
s’agira de faire preuve de motivation pour identifier les émotions d’autrui. Si
l’individu n’est pas motivé et attentif à autrui, son identification ne sera pas opti-
male. Enfin, les soucis, le stress peuvent accaparer l’individu, ce qui l’empêchera
de décoder les émotions d’autrui car ses pensées et son attention sont focalisées
sur ses problèmes.

4 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous nous sommes intéressés à l’identification des


émotions d’autrui. Dans la première partie, nous avons vu que les émotions
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d’autrui communiquent un éventail d’informations qu’il est essentiel de


pouvoir décoder. Les individus qui ont des difficultés à identifier les
émotions de leurs congénères ont non seulement des relations sociales de
pauvre qualité, mais présentent également une moins bonne adaptation à
l’environnement. Dans la seconde partie de ce chapitre, nous avons passé en
revue les différents moyens par lesquels nous pouvons décoder l’état
émotionnel d’autrui. Au vu du poids relatif des indices verbaux et non
verbaux dans la communication, nous nous sommes centrés essentiellement
sur le langage non verbal. Nous avons montré que les expressions faciales,
les mouvements corporels, les gestes et les différents paramètres de la voix
constituent autant d’indicateurs de l’état émotionnel de nos interlocuteurs.
88 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Nous avons présenté les caractéristiques des différentes émotions sur chacun
de ces indices non verbaux. Finalement, nous avons invité le lecteur à la
prudence ; les règles d’expression émotionnelle et/ou les objectifs de l’indi-
vidu à un moment donné influencent la manière dont les émotions sont expri-
mées. Il importe donc de ne pas se fier à un seul indicateur, mais de

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considérer l’ensemble des indicateurs disponibles. Lorsque cela est possible,
il convient toujours d’essayer de se voir confirmer verbalement l’impression
ressentie. C’est en effet l’une des seules manières de s’assurer que nous
n’avons pas projeté notre propre état émotionnel sur notre interlocuteur.
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DES ÉMOTIONS1
L’EXPRESSION
ET L’ÉCOUTE
Chapitre 5

1. Par Ilios Kotsou.


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La capacité à exprimer ses émotions est la deuxième grande compétence


émotionnelle. On peut la diviser en deux selon qu’elle s’applique à nos
émotions ou à celles des autres. Intimement liée à la première compétence,
qui consiste à identifier les émotions, cette deuxième compétence nous
permet, lorsque nous la maîtrisons, d’exprimer nos émotions de manière
adaptée au contexte et à nos objectifs, et de faciliter l’expression des
émotions de nos interlocuteurs.
Ce chapitre sera structuré en deux parties. Dans la première, nous aborde-
rons l’expression des émotions, en commençant par la question du caractère
adaptatif de l’expression. Nous envisagerons tant les éléments en faveur de
l’expression des émotions que les éléments en faveur de la non-expression.
Nous conclurons cette première partie par quelques pistes pratiques pour une
expression plus adaptée.
Dans la deuxième partie, consacrée à l’écoute des émotions d’autrui, nous
nous intéresserons à l’importance de l’écoute, puis aux difficultés qu’elle
entraîne, et nous illustrerons ces points par une application pratique inspirée
des travaux de Carl Rogers (Rogers et Dymond, 1954).

1 L’EXPRESSION DES ÉMOTIONS


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1.1 L’expression des émotions : un débat controversé


Est-il plus bénéfique pour le bien-être d’un individu d’exprimer ou de ne pas
exprimer ses émotions ? Cette question n’est pas simple et fait toujours
débat. L’expression des émotions est un processus complexe qui ne nous
semble pas offrir de réponse univoque.
92 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Exprimer ou ne pas exprimer ses émotions se justifie en fonction du


contexte.
Au-delà des réponses simples qui caractérisent certaines prises de posi-
tions, la recherche nous montre qu’exprimer, comme dissimuler (ou
supprimer) ses émotions, peut être adaptatif, et que ces deux comporte-

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ments peuvent aussi avoir un coût (Bonanno, 2001 ; Bonanno, Papa,
Lalande, Westphal et Coifman, 2004). Les émotions ne sont pas un phéno-
mène unidimensionnel mais font partie de processus complexes en interac-
tion avec l’environnement. Pour aborder cette complexité, nous
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présenterons d’abord les études en faveur de l’expression des émotions.


Nous passerons ensuite très brièvement en revue quelques études qui
montrent que l’expression des émotions n’est pas toujours bénéfique. Nous
tenterons ensuite de présenter un modèle intégratif permettant d’expliquer
ces résultats contradictoires. Nous nous intéresserons aussi à l’apprentis-
sage de l’expression des émotions avant de conclure par quelques pistes
pour une expression plus adaptée. Cette dernière partie se veut résolument
pratique. Nous présenterons tout d’abord comment exprimer oralement au
mieux ses émotions, particulièrement dans les situations émotionnellement
tendues. Nous terminerons ensuite par quelques réflexions sur l’expression
écrite des émotions.

1.2 Les éléments en faveur de l’expression des émotions


1.2.1 L’importance de l’expression des émotions sur le plan individuel
■ Les effets délétères de la non-expression des émotions
La capacité à exprimer ses émotions affecte aussi bien la santé physique que
mentale. À ce niveau, les travaux de James Gross sur les effets de la suppres-
sion des émotions sont particulièrement éloquents. La plupart de ses recher-
ches incluent une comparaison entre deux stratégies de régulation, qui sont,
d’une part, la suppression de l’émotion et, d’autre part, la réévaluation
cognitive, dont nous parlerons plus en détail au chapitre 8. Ainsi par exem-
ple, à la suite de la projection d’un film suscitant le dégoût, les participants à
qui l’on avait demandé de masquer leur émotion afin qu’elle ne soit pas
perceptible de l’extérieur ont vu leur réponse physiologique augmenter
(Gross, 2002), en comparaison du groupe à qui l’on avait demandé de rééva-
luer le film cognitivement. La suppression semble également avoir des
conséquences sur les plans social et relationnel : dans un contexte d’échange
interpersonnel, les personnes confrontées à des interlocuteurs à qui on avait
demandé de masquer leurs émotions ont vu leur pression artérielle augmen-
ter (Butler et al., 2003).
Gross et ses collègues ont aussi observé que les individus ayant tendance à
éviter de manifester leurs émotions vivent et expriment moins d’émotions
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 93

positives et font état de plus d’expériences émotionnellement négatives


(John et Gross, 2007). La suppression des émotions est également associée à
un moins bon fonctionnement interpersonnel, ainsi qu’à une qualité de vie
inférieure (Gross et John, 2003). Dans le même ordre d’idées, une étude
récente (Caska et al., 2009) montre que la suppression de la colère est asso-

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ciée à une mauvaise qualité de sommeil chez des patients souffrant de
cardiopathie coronarienne.
Par ailleurs, la suppression des émotions semble également avoir un
impact négatif sur la mémoire des stimuli émotionnels (Richards et Gross,
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2006). Dans leur étude, Richards et Gross ont montré que les personnes qui
supprimaient leurs expressions émotionnelles durant la projection d’un film
induisant le dégoût se rappelaient moins bien les détails visuels du film que
les personnes qui ne cherchaient pas à supprimer l’expression de leurs
émotions.
Toujours en ce qui concerne les effets délétères de la non-expression des
émotions, certaines études ont fait le lien entre l’axe 2 du trait d’alexithymie,
qui concerne la difficulté à verbaliser ses émotions, et certaines pathologies.
Dans le cas du diabète, des chercheurs de l’Université catholique de Louvain
ont ainsi montré que les enfants qui ont des difficultés à exprimer leurs senti-
ments présentaient un moins bon contrôle glycémique (Housiaux, Luminet,
Van Broeck et Dorchy, 2008). Ces résultats viennent confirmer ceux qui ont
déjà été observés pour la même pathologie chez les adultes (Luminet, de
Timary, Buysschaert et Luts, 2006 ; Manfrini et al., 2006 ; Manfrini et al.,
2005 ; Topsever et al., 2006). Enfin, il semble que l’inhibition des émotions
pendant de longues périodes peut exacerber le stress et avoir un impact négatif
sur le fonctionnement du système immunitaire ainsi que, de manière générale,
sur la santé (Berry et Pennebaker, 1993).

■ Les effets positifs de l’expression des émotions

Instructions pour l’écriture expressive des émotions selon


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

le paradigme de Pennebaker (2000)


– Trouver un endroit et un moment où nous ne serons pas dérangés.
– Écrire au sujet de ce qui nous préoccupe, de ce que nous avons tendance à
éviter et qui influence notre vie négativement.
– Écrire au minimum 15 minutes par jour pendant au moins 3 jours consécutifs.
– Écrire continuellement sans s’inquiéter de la grammaire et sans se censurer.
– Si c’est plus facile, utiliser un dictaphone pour parler au lieu d’écrire.
– Revoir ce que l’on a écrit de temps en temps afin de voir comment notre pensée
a pu changer par rapport à nos émotions.
94 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Partant du constat des aspects délétères de la non-expression ou de l’inhibi-


tion des émotions, de nombreuses recherches se sont intéressées aux liens
entre l’expression des émotions liées aux expériences traumatiques et la
santé physique et mentale. Ces recherches tendent à montrer que la santé
peut être améliorée par l’expression (écrite ou orale) des émotions. Un des

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chercheurs les plus connus dans ce domaine est le professeur James Penne-
baker, de l’université d’Austin au Texas. Ce chercheur est à l’origine du
writing paradigm (littéralement, « paradigme de l’écriture »), qui est utilisé
dans la plupart de ces recherches.
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Dans une expérience prototypique basée sur le writing paradigm (Penne-


baker, Kiecolt-Glaser et Glaser, 1988), les auteurs ont demandé à des
étudiants d’écrire, durant quatre jours consécutifs, soit sur une expérience
traumatique soit sur un sujet superficiel. Le but de l’étude était d’évaluer
l’effet de l’expression des émotions sur les fonctions immunitaires et la
santé. Conformément aux hypothèses des chercheurs, les résultats montrent
qu’exprimer verbalement ou par écrit une expérience traumatique améliore
la santé physique, accroît les fonctions immunitaires et est associé à un
nombre moins important de consultations médicales dans les mois qui
suivent. Une autre étude a montré que l’expression des émotions pouvait
également être associée à de meilleurs résultats académiques et à une baisse
des plaintes somatiques (Lumley et Provenzano, 2003).
Par ailleurs, une étude récente de l’université de Californie (Lieberman et
al., 2007) a montré que le simple fait de nommer les émotions ressenties
diminuait la réactivité de l’amygdale aux images émotionnellement négati-
ves. Les chercheurs ont demandé aux participants de regarder des photos
exprimant diverses émotions (peur, colère ou joie). Une partie de l’exercice
consistait à associer les photos exprimant les mêmes émotions, l’autre à
nommer les émotions exprimées. Il est ressorti que quand les participants
devaient nommer les émotions, l’activité cérébrale s’intensifiait dans la
région du langage et diminuait dans la zone associée à la détresse.
La majorité des études réalisées sur l’expression des émotions ont analysé
l’expression du stress ou d’autres émotions dites « négatives ». On a ainsi
observé, par exemple, que l’expression constructive de la colère était en rela-
tion avec un meilleur contrôle de la douleur physique (Graham, 2008).
Cependant, de plus en plus d’études soulignent un effet comparable en ce qui
concerne les émotions positives. Les personnes exprimant des émotions
positives font le constat d’une meilleure humeur et de moins de problèmes
de santé (Burton et King, 2008). Elles se rendent également moins fréquem-
ment chez le médecin (Burton et King, 2004).
Nous n’allons que très brièvement aborder ici les bénéfices spécifiques de
l’expression des émotions positives, le concept d’émotions positives étant
abordé de manière extensive dans le chapitre 9. On peut néanmoins citer ici
plusieurs exemples significatifs :
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 95

– dans les relations de couple, lorsque l’un des partenaires exprime des
émotions positives et que l’autre y réagit de manière enthousiaste, on
observe un plus grand bien-être relationnel, plus d’intimité, ainsi qu’une
satisfaction mutuelle plus grande (Gable, Reis, Impett et Asher, 2004) ;
– dans un contexte organisationnel, Barsade a montré que l’expression

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d’émotions positives peut influencer favorablement la performance d’un
groupe (Barsade, 2002) ;
– par ailleurs, il a été démontré qu’exprimer régulièrement une émotion
positive, comme la gratitude, avait des conséquences positives, tant sur la
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santé physique que sur la santé mentale de l’individu (Emmons, 2007).


Il apparaît donc qu’exprimer et partager des émotions positives présente
des bénéfices importants, tant sur le plan personnel que sur le plan social.
De manière plus globale, plusieurs méta-analyses se sont penchées sur
l’efficacité globale de l’expression des émotions (Frattaroli, 2006 ; Frisina,
Borod et Lepore, 2004 ; Smyth, 1998). Ces études confirment toutes, à des
degrés divers, l’efficacité de cette compétence. Que ce soit oralement ou par
écrit, exprimer ses émotions semble engendrer de nombreux bénéfices.

1.2.2 L’importance de l’expression des émotions sur le plan social


L’expression des émotions contribue à résoudre les problèmes de la vie en
société. Les expressions émotionnelles sont cruciales pour le développement
et la régulation des relations interpersonnelles et ont un impact sur l’ensem-
ble de notre vie sociale (Frijda et Mesquita, 1994 ; Keltner et Kring, 1998).
Les expressions émotionnelles d’un individu vont induire des réponses
émotionnelles chez les autres. Ces réponses sont des éléments centraux
d’interactions sociales importantes comme la séduction, la création de liens,
l’apaisement ou la réconciliation (Keltner et Haidt, 2001).
L’émotion est donc un facteur régulateur des relations sociales : la
manière dont nous exprimons nos émotions fournit de nombreuses informa-
tions à nos interlocuteurs. Elle les renseigne sur les antécédents de la situa-
tion, la signification de nos réactions, ainsi que sur les comportements
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

potentiels à venir (Keltner et Kring, 1998). Par l’expression de nos émotions,


l’interlocuteur reçoit des informations sur l’effet qu’a son comportement sur
notre relation, ce qui doit donc aussi lui permettre, en fonction de ses objec-
tifs, d’éventuellement réajuster son comportement, s’il n’est pas adapté. Les
émotions servent aussi à motiver ou à décourager certains comportements
chez les autres. L’expression d’émotions positives tant chez les parents que
leurs enfants permet de renforcer et d’accroître la fréquence de comporte-
ments désirés (Tronick, 1989). Par contraste, l’expression d’émotions négati-
ves a l’effet opposé (Klinnert, Campos, Sorce, Emde et Svejda, 1983).
L’expression des émotions influence les relations en participant au dévelop-
pement et à la communication de normes de comportement.
96 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

L’expression des émotions joue également un rôle dans la construction des


liens affectifs et de l’intimité entre les personnes. Collins et Miller ont
montré que les personnes qui se livrent de manière plus intime ont tendance
à être plus appréciées que les personnes qui se dévoilent moins. Ces mêmes
personnes apprécient également davantage la personne qui les écoute

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(Collins et Miller, 1994). Les bénéfices de l’expression des émotions vont
donc dans les deux sens, entre celui qui exprime et celui qui écoute (Rimé,
2009). La figure 5.1 illustre ce phénomène.
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Personne A Personne B
Besoin de partager
une émotion

Exprime des Éprouve


émotions de l'intérêt

Exprime encore
Vit des émotions
plus d'émotions

Sentiment d'unité – Empathie – Similarités perçues

Reçoit compréhension, Ressent de la


aide compréhension
et soutien et l'envie de soutien

Aime B davantage Aime A davantage

Figure 5.1
La dynamique interpersonnelle du partage social des émotions
(d’après Rimé, 2009)

L’expression et le partage d’émotions semblent également jouer un rôle


extrêmement important au niveau sociétal en renforçant la cohésion sociale.
Les émotions elles-mêmes ont une caractéristique fondamentalement
sociale qui est leur propension à être communiquées. Bernard Rimé (Rimé,
Philippot, Boca et Mesquita, 1992) parle du « partage social des émotions »
pour rendre compte de ce phénomène. « Le partage social de l’émotion
concerne la réévocation de l’épisode émotionnel dans un langage sociale-
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 97

ment partagé et implique, au moins à un niveau symbolique, la présence d’un


destinataire » (Luminet, 2002). Les études de l’équipe de Bernard Rimé
(voir Rimé, 2005 pour une synthèse) démontrent que, lorsque un individu vit
une émotion, il la partage dans près de 80 % des cas avec au moins une autre
personne. Cette autre personne relatera l’événement à quelques intimes, qui

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répercuteront sans doute également l’information. Ces partages successifs
entraînent une diffusion très importante des expériences émotionnelles dans
l’entourage social d’un individu.
L’émotion motive un processus de partage et de communication, ce qui
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explique que la plupart des secrets soient dévoilés et portés à la connaissance


d’un nombre relativement important de personnes. L’équipe de Bernard
Rimé a aussi mis en évidence que le partage social des émotions produisait
des bénéfices plus sociaux qu’individuels. Ce processus aurait un rôle fonda-
mental dans la cohésion sociale : il renforcerait les liens sociaux et aurait une
action positive sur les croyances fondamentales de l’individu. Dans cette
perspective, le partage social contribue à l’intégration sociale et à la cons-
truction d’une mémoire collective de certains événements (Rimé, 2005,
2009).
L’expression et le partage social des émotions seront également abordés
dans d’autres chapitres, notamment dans les chapitres 8 et 9, qui traitent de
la régulation des émotions positives et négatives.

1.2.3 Les mécanismes sous-jacents aux bénéfices de l’expression


des émotions
Une littérature solide supporte l’idée que l’expression des émotions est béné-
fique mais les mécanismes qui expliquent ces bénéfices restent encore à
explorer. Plusieurs théories tentent d’y apporter une explication.
L’hypothèse de la théorie de la catharsis postule que l’expression de
sentiments refoulés dans le subconscient suffit à avoir un effet salutaire sur
l’individu. Bien qu’elle soit l’une des croyances les plus populaires, peu
d’éléments factuels supportent cette théorie. Au contraire, il semble que
livrer ses émotions oralement ou par écrit provoque une augmentation des
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

affects négatifs à court terme plutôt qu’un soulagement et que les bénéfices
physiques de l’expression ne soient pas reliés à la quantité d’émotions ou de
détresse exprimée ou rapportée juste après l’écriture (Smyth, 1998).
Très proche de la théorie précédente, la théorie des processus inhibi-
teurs attribue à l’inhibition de nos pensées, comportements et émotions des
effets délétères sur la santé, par un mécanisme comparable au fonctionne-
ment du stress. Encourager un individu à parler ou à écrire à propos d’un
événement inhibé devrait donner lieu à une amélioration de sa santé.
Plusieurs études se sont penchées sur cette théorie sans résultats probants
jusqu’à aujourd’hui (Greenberg et Stone, 1992 ; Pennebaker et al., 1988).
98 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Une autre hypothèse attribue ces effets au travail cognitif. Le fait d’expri-
mer permettrait à l’individu de réorganiser cognitivement les représentations
de son expérience émotionnelle (Kennedy-Moore et Watson, 1999). En inté-
grant les pensées et émotions qui y sont reliées de manière cohérente,
l’événement pourrait être traité et oublié de manière plus efficace. Cette

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théorie est aujourd’hui supportée par de nombreuses recherches (Campbell
et Pennebaker, 2003 ; Klein et Boals, 2001).
La théorie de l’intégration sociale, quant à elle, met en exergue les effets
potentiels de l’expression des émotions sur l’intégration sociale (Rimé,
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1995), qui, à son tour, aurait des conséquences positives sur l’individu. Cette
théorie, dont nous avons parlé au paragraphe précédent, est largement
supportée empiriquement.
Enfin, l’hypothèse de l’exposition explique les bénéfices obtenus par les
effets positifs de la confrontation (Wolpe, 1968). Une exposition répétée au
stimulus émotionnel pourrait conduire à l’extinction du lien conditionné
entre l’événement et les réactions de l’individu. Parallèlement, l’individu
changerait sa représentation de l’événement (Foa et Kozak, 1986 ; Meadows,
1999).

1.3 Les éléments en faveur de la non-expression


des émotions

Si, comme nous venons de le voir, de très nombreuses recherches supportent


la thèse de l’importance de l’expression des émotions, d’autres études
montrent que l’expression des émotions s’avère délétère dans certaines
circonstances. Au niveau individuel, l’expression chronique de la colère est,
par exemple, un facteur de risque pour les maladies cardio-vasculaires
(Adler et Matthews, 1994). L’expression des émotions peut augmenter la
détresse (Laird, 1974) et interférer avec les tentatives de « coping » (Nolen-
Hoeksema, 1991). Au niveau interpersonnel, une expression incontrôlée des
émotions peut avoir un effet négatif sur les relations (Tavris, 1989). La
colère, par exemple, peut affecter négativement l’issue d’une tentative de
résolution de conflit. L’expression de la colère dans le couple peut amener
les conjoints à se sentir plus mal et avoir, in fine, des conséquences négatives
sur la relation (Bradbury et Fincham, 1990 ; Gottman, 1993 ; Gottman et
Levenson, 1986).
La capacité à dissimuler ses sentiments peut également être utile dans un
très grand nombre de situations sociales (lors d’une présentation en public
ou lors d’une médiation dans un conflit). Cette idée est reprise dans les
thèses évolutionnistes sur la valeur adaptative du mensonge (de Waal,
1989).
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 99

1.4 Concilier les résultats sur l’expression


et la non-expression
Il apparaît donc qu’exprimer ou supprimer ses émotions peut être adaptatif et
que ces deux options peuvent aussi avoir un coût. Comment alors concilier

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ces postulats en faveur de l’expression ou de la non-expression ? À l’instar
de Bonanno, nous pensons que le plus important n’est pas d’exprimer ou de
supprimer ses émotions mais la flexibilité à adopter le comportement le plus
adapté au contexte (Bonanno, 2001 ; Bonanno et al., 2004 ; Parrott, 1993).
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Bonanno et ses collègues (2004) ont testé empiriquement cette hypothèse. Les
sujets – des étudiants en première année d’Université – ont été soumis à une
tâche où ils devaient successivement augmenter l’expression de leur émotion, la
supprimer, et enfin réagir naturellement. L’hypothèse était que les individus les
plus flexibles (qui pouvaient le mieux et augmenter et supprimer l’expression de
leurs émotions) seraient ceux qui s’adapteraient le mieux à leurs deux premières
années d’Université et présenteraient le plus bas niveau de détresse à l’issue de
ce cycle. L’étude a montré que les sujets les plus flexibles tendaient à avoir une
meilleure adaptation à long terme alors que les sujets les moins flexibles
semblaient moins bien s’adapter. Partant de ces recherches, nous défendons
l’importance de l’adaptation à l’environnement et appelons à développer la
capacité des individus à choisir, en fonction de la situation, d’exprimer avec plus
ou moins d’intensité ou de ne pas exprimer leurs émotions.

Outre l’importance de cette notion de flexibilité, nous pensons que les


bénéfices potentiels de l’expression des émotions sont également liés à la
manière dont les émotions sont exprimées.
Nous ne prétendons en effet pas qu’il serait souhaitable d’exprimer toutes
ses émotions de n’importe quelle manière. Comme l’a souligné Bernard
Rimé, l’expression de ses émotions ne peut directement induire des bénéfi-
ces sur l’état émotionnel d’un individu (Rimé, 2005). Le bénéfice lié à
l’expression des émotions dépend de ce qui est exprimé, à qui et de quelle
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

manière. L’expression de la colère dans un couple peut amener les partenai-


res à mieux se comprendre et à résoudre leur conflit si l’émotion est expri-
mée de manière adaptée. A contrario, la même émotion mal exprimée peut
contribuer à détériorer la relation (Kennedy-Moore et Watson, 1999). Une
expression adaptée se définit toujours en relation au contexte dans lequel elle
prend place et aux individus impliqués. Une expression adaptée au contexte
doit l’être tant du point de vue du contenu du message que de sa forme
(intensité, durée, ton, etc.).
100 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

1.5 L’apprentissage de l’expression des émotions


L’expression des émotions est définie par des règles. Celles-ci définissent
ce qui peut être exprimé, à qui, quand et dans quelles circonstances. Inté-
grées dans le processus de socialisation, ces règles sont également influen-

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cées par l’expérience personnelle de chaque individu. Des chercheurs ont
montré que dans des familles où l’expression de la colère et du stress était
moins élevée, les enfants avaient plus de facilité à s’exprimer par rapport
aux situations difficiles qu’ils pouvaient vivre. Lorsqu’un événement
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émotionnel négatif survenait, ils en parlaient plus facilement avec leurs


parents (Dunn et Brown, 1994). La capacité à exprimer ses émotions
semble donc fortement corrélée au contexte relationnel et à la manière dont
l’émotion a été perçue et vécue dans le contexte familial. Une recherche a
montré que les parents qui exprimaient leurs émotions de manière plus
élaborée avaient des enfants qui géraient mieux leurs propres affects
(Denham, Bassett et Wyatt, 2008).
À l’âge scolaire, l’enfant a déjà intériorisé qu’il n’est pas bon d’expri-
mer tout ce qu’il ressent. Cet apprentissage se développe en même temps
que celui du contrôle volontaire des expressions faciales et du mensonge
(Philippot, 2007). Par ces processus, l’enfant apprend ce qui, dans son
contexte social, est souhaitable, bienvenu voire attendu, en matière
d’expression des émotions. En fonction de ses expériences, il apprend
aussi à remplacer l’expression de certaines émotions, considérées comme
inacceptables, par d’autres qui sont admises. Il apprend à exprimer des
émotions qu’il ne vit pas réellement pour en tirer des bénéfices particuliers.
Par exemple, même s’il est insatisfait par le cadeau qu’il vient de recevoir à
son anniversaire, un enfant apprendra à feindre la joie plutôt que la décep-
tion pour ne pas heurter un parent ou passer pour un capricieux. Autre
exemple : un garçon aura souvent tendance à manifester de la colère
lorsqu’il a peur car c’est ce qui est encore généralement attendu d’un
homme dans notre culture. En fonction de notre éducation et de nos expé-
riences, exprimer ce que nous ressentons et le faire de manière adaptée
n’est pas une chose aisée. Si exprimer ses émotions a été découragé dans
notre contexte de développement, nous n’aurons pas les mêmes comporte-
ments que si nous avions grandi dans un environnement où les émotions
étaient facilement accueillies et partagées.
Heureusement, les études sur la plasticité neuronale montrent que
l’apprentissage émotionnel est possible à tout âge (Davidson et al., 2003 ;
Lazar et al., 2005) et pas uniquement dans l’enfance.
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 101

1.6 L’expression adaptée des émotions en pratique


1.6.1 Exprimer ses émotions oralement
■ En général

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Exprimer ses émotions nécessite la mise au point d’un message. Parler à la
première personne est le seul moyen d’assumer la responsabilité de ses
émotions et permet d’être plus authentique et proche de ce qu’on vit.
À cet égard, il est intéressant d’utiliser la formule « Je me sens », afin de
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bien distinguer les émotions qui nous appartiennent, des jugements – qui
sont tournés vers autrui et culpabilisateurs. Cette formule permet une expres-
sion consciente des affects et évite de donner naissance à un jugement (je
sens que tu es désagréable). Les messages de projection et de généralisation
(c’est désagréable, personne ne m’apprécie) ou ceux qui imputent la respon-
sabilité à l’autre (tu es désagréable, agressif) risquent de leur côté d’être
reçus comme des accusations.

La manière la plus simple de commencer cet apprentissage est de se comporter


comme avec une langue étrangère, au moyen de simples énoncés, comme dans
le modèle suivant :
Je ME sens…
Je me sens en colère
Ou
Je me sens joyeux
Ou
Je me sens frustré
Ou
Je me sens apaisé
Ou
Je me sens triste
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Nous allons développer ce point plus en détail dans le paragraphe suivant,


consacré à la communication en situation émotionnellement difficile.

1.6.2 Exprimer ses émotions en situation difficile


Comment communiquer lorsque la situation à laquelle nous devons faire face
est émotionnellement difficile ?
Lorsque nous sommes face à un nœud, à une tension relationnelle,
pouvoir s’affirmer s’avère fondamental. Comme nous l’avons dit précédem-
102 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

ment, une des fonctions de nos émotions est de faire passer un message, de
communiquer avec notre environnement. Lorsque nous n’exprimons pas
clairement ce que nous ressentons, nous privons nos interlocuteurs d’une
information essentielle pour nous comprendre et réagir en conséquence dans
la relation.

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En se basant sur de nombreuses recherches et travaux dans le domaine,
notamment ceux de Rogers (Rogers, 1961 ; Rogers et Farson, 1987) et de
Rozenberg (2003), nous proposons de découper la compétence d’affirmation
de soi en quatre grandes capacités :
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– la capacité à décrire sans jugement ce qui déclenche l’émotion ;


– la capacité à exprimer les émotions de manière adaptée ;
– la capacité à exprimer ce qui motive l’expression des émotions : les besoins ;
– la capacité à proposer des solutions.
Il existe de nombreux ouvrages consacrés à l’affirmation de soi. Dans ce
chapitre, nous avons décidé de nous limiter aux aspects qui sont directement
liés à l’expression des émotions : nous nous intéresserons donc aux deux
premières étapes. Le thème de l’importance des besoins sera exploré dans le
chapitre suivant, consacré à la compréhension des émotions.

■ La capacité à décrire sans jugement ce qui déclenche l’émotion


Chaque être humain perçoit le monde différemment : la grille de référence
avec laquelle il donne du sens à son univers d’aujourd’hui se construit à
travers l’ensemble de ses expériences passées. L’idée de ce qui est bon ou
mauvais, triste ou joyeux, beau ou laid le conditionne à travers ses apprentis-
sages. Même si ce biais est pris en compte par l’individu, celui-ci n’en a pas
moins tendance à croire que sa vision du monde est la bonne (Haidt, 2006 ;
Snyder et Swann, 1978). Nous détestons certains aliments que d’autres
peuvent trouver délicieux et décrétons que c’est l’aliment qui est mauvais
alors que c’est nous qui n’en apprécions pas le goût. Classifier, catégoriser et
juger est un processus de fonctionnement habituel et automatique, mais il
n’en est pas moins à la base de nombreux conflits (Haidt, 2006). Quand un
individu se sent jugé, critiqué ou évalué, il risque de se mettre en position
défensive, ce qui rend la communication difficile (Rogers et Farson, 1987).
Une des compétences de base, en situation d’affirmation de soi, sera donc de
savoir décrire une situation sans porter de jugement. Savoir observer et
décrire sans jugement implique une attitude plus empathique, une moindre
tendance à être contaminé par la détresse émotionnelle et une meilleure
capacité à décrire ses sentiments (Dekeyser, Raes, Leijssen, Leysen et
Dewulf, 2008). C’est une des compétences de base travaillées dans l’appro-
che « mindfulness » (Kabat-Zinn, 1990).
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 103

Application
Imaginons que vous ayez prêté votre appartement à un ami pendant les vacan-
ces. À votre retour, vous le trouvez sens dessus dessous. Vous décidez de lui en
parler car cette situation vous a réellement mis hors de vous.

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Voilà la manière dont vous pourriez envisager de vous exprimer :
« Tu n’as vraiment aucun respect pour les choses qu’on te confie » Jugement
« On voit bien que la propreté, ce n’est pas ton truc » Supposition
« On ne t’a sûrement pas appris ça quand tu étais jeune » Supposition
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« Tu aurais pu faire attention » Moralisation


« L’appartement est vraiment dégoûtant » Jugement
Ces réflexions, même si elles semblent justifiées, risquent de créer une relation
tendue et de mettre votre interlocuteur sur la défensive.
Une description objective de la situation pourrait ressembler à :
« Je t’ai confié mon appartement bien rangé, il y a 15 jours, et, maintenant, je ne
le reconnais plus. »
« Quand je t’ai confié mon appartement, je l’avais rangé et nettoyé. Maintenant,
je vois de la vaisselle sale dans l’évier et la poubelle ne semble pas avoir été
sortie. »

Une description objective se base uniquement sur les faits, sur ce qui est
concrètement observable, sur des dates et des objets précis. Faire cet exer-
cice, dans le cadre de situations qui nous dérangent, permet de bien différen-
cier les comportements extérieurs qui ne nous conviennent pas et nos
interprétations et jugements personnels sur ces comportements. En évitant de
mélanger les deux, nous serons plus clairs et plus efficaces dans nos rela-
tions. En outre, la description la plus factuelle possible des actes reprochés
permet de faire un premier constat objectif, sur lequel l’autre peut tomber
d’accord. Il est plus difficile en effet d’argumenter sur le fait qu’un évier
contient de la vaisselle sale que sur une affirmation subjective telle que « la
propreté, ce n’est pas ton truc ». C’est donc une première étape vers la
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

recherche d’un accord avec l’autre.

■ La capacité à exprimer ses émotions de manière adaptée


Nous venons de voir que l’expression des émotions a un rôle social fonda-
mental. Cette expression est au cœur de l’affirmation de soi : si nous n’expri-
mons pas clairement nos émotions à nos interlocuteurs, il y a peu de chances
qu’ils nous comprennent réellement. Cette compétence demande de faire la
différence entre expression d’émotions et expression de pensées, opinions ou
jugements. En situation difficile ou conflictuelle, les individus expriment
plus facilement leurs impressions, suppositions, jugements – ce qu’ils
104 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

pensent de leurs émotions et sentiments – plutôt que ce qu’ils ressentent réel-


lement (Shearouse, 2003).
Comme cela a été évoqué plus haut, remplacer le pronom « tu » par le
pronom « je » peut également être une piste de solution pour exprimer ses
émotions de manière plus juste et sans heurter autrui. En effet, lorsque nous

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utilisons le « tu », nous attaquons directement la personne et non son
comportement indésirable. Séparer la personne du problème est un gage de
communication plus efficace (Steinel, Van Kleef et Harinck, 2008). Selon
Gottman et Levenson, ce sont les attitudes insultantes, dominatrices ou
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défensives et non les conflits en eux-mêmes qui sont dommageables pour les
relations (Gottman et Levenson, 1999, 2000). En évitant un langage accusa-
teur, notre message devient plus facile à entendre par l’autre et le risque de le
blesser est réduit. De plus, si l’interlocuteur est de mauvaise foi, nous
donnons beaucoup moins de prise à une contre-attaque.
Parvenir à l’expression authentique des émotions n’est pas une chose
facile : ce n’est pas seulement une question de mots. Si l’on utilise une
formule toute faite pour s’exprimer, il y a toutes les chances que cela ne
fonctionne pas (Rogers et Farson, 1987). Cette attitude doit provenir d’une
intention sincère, qui transparaîtra aussi au travers du langage non verbal.
Pour la dimension non verbale de la communication, nous vous renvoyons au
chapitre 2, où elle a été abordée de manière extensive.

Exemple
« Tu es vraiment énervant » (message en « tu », qui peut être perçu comme une
agression).
« Je me sens nerveux(se) » (message en « je », dans lequel nous prenons la
responsabilité de nos sentiments).

Les quelques étapes que nous venons de décrire permettent d’utiliser les
émotions afin de créer des relations plus saines et plus harmonieuses à long
terme. Une relation authentique est possible dès lors que l’individu est
connecté à ses émotions, qu’il peut les conscientiser, les vivre et les commu-
niquer (Rogers, 1983).

1.6.3 Exprimer ses émotions par écrit


L’écriture est un bon moyen d’identifier et d’exprimer ses émotions pour leur
donner du sens et mieux les comprendre. Ceci peut permettre également de
conscientiser les dynamiques personnelles et relationnelles que nous avons
tendance à répéter. Selon Pennebaker, retranscrire des situations stressantes
est une manière simple et efficace de maîtriser ses problèmes et de se libérer
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 105

de leurs effets néfastes. Non seulement cela clarifie l’esprit, mais cela aide
également à acquérir et à retenir de nouvelles informations et facilite les
processus de résolution de problèmes (Pennebaker, Kiecolt-Glaser et Glaser,
1997). Écrire peut nous aider à mieux nous connaître, à comprendre les
messages de nos émotions et à prendre soin de nos besoins de manière plus

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efficace. En nous appuyant sur les travaux de Pennebaker, nous proposons ici
quelques points de repères sur l’utilité que peut avoir la tenue d’un journal.
Tenir un journal de bord nous permet notamment de :
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■ Clarifier notre vécu


Que se passe-t-il en moi maintenant ? Qu’est-ce qui est important pour moi
maintenant ?
Exprimer par écrit son vécu aide à le clarifier. L’écriture permet d’identi-
fier, de discriminer dans nos expériences de vie les événements qui nous ont
marqués. Écrire rend ce que nous ressentons plus concret et plus précis. Cela
nous permet de prendre du recul. Même quand nous croyons ne pas savoir ce
que nous ressentons, il est possible d’écrire sans réfléchir. L’écriture finit par
faire sens, sans qu’on l’ait anticipé, « comme si » notre main ne nous appar-
tenait pas vraiment et savait mieux que nous. Une autre variante possible est
d’écrire comme si nous nous adressions à quelqu’un en qui nous avons entiè-
rement confiance.

■ Prendre conscience de nos réussites et de nos apprentissages


De la même façon qu’un parent peut ne pas avoir conscience des change-
ments quotidiens lorsque son enfant grandit, nous avons rarement une image
claire de notre parcours et de nos apprentissages. Écrire nos objectifs, nos
difficultés et nos succès, nous permet de mesurer l’ampleur du chemin
accompli, de faire le bilan, de nous réorienter, de rechercher une certaine
cohérence.

■ Préparer un entretien
Lorsque nous voulons parler à quelqu’un mais que la charge affective risque
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d’être trop forte, écrire avant la rencontre peut s’avérer être d’une grande
utilité. Cela nous permet de mieux nous comprendre et de clarifier ce que
nous voulons exprimer. De cette façon, face à la personne, nous serons capa-
bles de communiquer de manière plus juste et plus sereine et, si nous
perdons un peu nos moyens, les notes prises pourront nous aider.

■ Souligner ce qui est important


Un journal peut aussi nous servir à noter une idée, une citation, une phrase
qui nous touche particulièrement. Il n’y a pas de règles précises pour un jour-
nal de bord, chacun peut l’utiliser de la manière qui lui convient le mieux.
106 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Certaines personnes aiment y dessiner, d’autres y faire des collages ou des


montages, etc. En relation d’aide, le journal de bord s’avère être un outil
important d’observation, recueil d’informations privilégiées.

■ Identifier et nommer son ressenti

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Dans le but d’exprimer nos émotions et de les gérer, nous pouvons nous
entraîner à les identifier et à les nommer. Cela permet de prendre une
distance par rapport à l’émotion et de se sentir capable d’agir plutôt que de
subir (Greenberg, 2002).
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Le tableau 5.1 ci-après n’est pas exhaustif mais permet d’élargir son voca-
bulaire émotionnel. Avoir un lexique plus étendu aide à préciser sa pensée et
à trouver les mots qui correspondent le mieux à l’expérience vécue.
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 107

Tableau 5.1
Lexique associé aux émotions de base

Joie Joie (suite) Colère Tristesse Dégoût Surprise Peur

agréable heureux agacé abattu amer alerte affolé

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allègre hilare contrarié accablé dégoûté abasourdi alarmé
amusé jouette crispé affecté désabusé atterré angoissé
béat joueur de mau- affligé désen- baba anxieux
bien dis- jovial vaise anéanti chanté confondu apeuré
posé joyeux humeur atterré désillu- confus choqué
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charmé radieux courroucé attristé sionné consterné craintif


captivé ravi enragé bouleversé écœuré décon- déconcerté
comblé réjoui écœuré cafardeux horripilé certé dérouté
confiant regonflé en colère chagriné incom- désorienté désemparé
content remonté énervé consterné modé ébahi désorienté
de bonne revigoré enragé déchiré ulcéré ébaubi déstabilisé
humeur riant exaspéré défait ébouriffé effaré
décon- rieur excédé déprimé embar- effarouché
tracté satisfait fâché désabusé rassé épouvanté
délivré serein frustré désen- émerveillé glacé de
détendu stimulé furieux chanté épaté peur
ébloui stupéfait haineux désespéré époustouflé horrifié
égayé surexcité irrité désolé estomaqué inquiet
émerveillé touché mécontent ému étonné intimidé
émoustillé vibrant nerveux éploré étourdi mal à
ému vivant remonté lugubre frappé l’aise
en extase vivifié malheu- interdit mal assuré
enjoué reux interloqué paniqué
en harmo- maussade médusé sur le qui-
nie mélancoli- pantois vive
enchanté que penaud terrifié
encouragé morose quinaud transi
enjoué navré renversé tremblant
enthou- nostalgique saisi
siaste peiné sidéré
épanoui sombre sot
euphorique soucieux soufflé
exalté taciturne stupéfait
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

excité stupéfié
folâtre stupide
fou suffoqué
gai surpris
gaillard
guilleret
108 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2 L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

Nous venons de voir l’importance de la capacité à exprimer ses émotions. Le


versant complémentaire de cette faculté est de savoir aussi écouter et faciliter

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l’expression émotionnelle de ses interlocuteurs. Nous allons aborder cette
deuxième capacité en nous intéressant d’abord brièvement à l’importance
d’être capable d’écouter les émotions d’autrui. Puis, nous verrons les diffi-
cultés que sa mise en œuvre peut entraîner, thème que nous illustrerons
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ensuite de manière plus pratique.

2.1 L’importance de l’écoute des émotions


Être capable d’écouter les émotions d’autrui est une compétence sociale très
importante. Selon Carl Rogers, une écoute adaptée contribue à la création
d’une relation positive : elle aide l’interlocuteur à ne pas rester en position
défensive, ce qu’il ferait s’il se sentait critiqué, évalué ou moralisé. L’écoute
s’avère un moyen efficace de montrer que l’on respecte quelqu’un et, à
l’instar d’autres comportements, elle est contagieuse (Rogers et Farson,
1987). Les études en psychologie du développement montrent que les
enfants régulent mieux leurs émotions et acquièrent des attitudes plus cons-
tructives lorsque les parents ont une attitude d’acceptation et d’encourage-
ment face à leurs émotions négatives. Les effets sont opposés lorsque les
parents dénigrent, disqualifient, punissent ou lorsque les émotions négatives
de l’enfant induisent un stress chez les parents (Denham, 1998 ; Denham et
al., 2008). Il a aussi été constaté que, quand les parents répondent de manière
agressive, minimisent ou punissent les émotions de l’enfant, les enfants
expriment des émotions négatives plus intenses avec leurs pairs (Fabes,
Leonard, Kupanoff et Martin, 2001). Ces effets délétères du déni, de la
disqualification ou encore de la minimisation des émotions se retrouvent
dans les théories de la gestion des émotions en relation d’aide (Porter et
Dutton, 1987 ; Rogers, 1951 ; Rogers et Dymond, 1954).
L’importance d’écouter les émotions d’autrui est aussi à mettre en relation
avec la difficulté que peuvent avoir nos interlocuteurs à s’exprimer. Même si
un individu pense qu’il est important d’exprimer ses émotions, il peut être
difficile pour lui de faire, par peur d’être incompris, voire même rejeté ou
trahi (Kennedy-Moore et Watson, 1999). Les qualités d’écoute et de facilita-
tion de l’interlocuteur peuvent alors faire toute la différence.
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 109

2.2 Les différents modes d’écoute


Exprimer son vécu émotionnel implique que notre interlocuteur soit capable
d’écouter et d’accueillir notre message. Or, il est fréquent que l’entourage
exprime une certaine résistance. Des études réalisées sur des patients cancé-

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reux ont montré qu’une majorité de ceux-ci ont l’impression que leurs
proches refusent, d’une manière ou d’une autre, d’entendre leurs difficultés.
Ces patients rapportent de nombreux comportements négatifs de la part de
leur entourage, comme la minimisation de leur vécu ou des remarques bles-
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santes, qui les découragent de partager leur expérience (Lehman, Ellard et


Wortman, 1986). Chez les patients souffrant de douleur chronique, le
manque de compréhension et d’écoute de la part des proches est également
considéré comme un problème récurrent (Herbette, 2002 ; Herbette et Rimé,
2004). Rimé (1999) montre qu’à l’exception de liens d’attachement intimes,
les personnes qui expriment leur souffrance sont davantage rejetées par leurs
proches que par le personnel soignant.
Ces réactions défensives s’expliquent entre autres par le fait que la situa-
tion vécue par l’autre nous renvoie à notre propre vulnérabilité. La prise de
distance et le refus d’écouter constituent en fait des moyens de protection.
Sur base des travaux de Rogers, Porter et son équipe (Porter et Dutton,
1987) se sont penchés sur les difficultés à écouter les émotions d’autrui lors
de nos interactions. À l’aide d’enregistrements de centaines d’entretiens
conduits dans le cadre de relations thérapeutiques, ces chercheurs ont
analysé les comportements et attitudes typiques des relations interpersonnel-
les. Ainsi, selon Porter (Porter et Dutton, 1987), nous pouvons typiquement
réagir de six façons différentes lorsqu’un interlocuteur nous fait part de son
vécu émotionnel : proposer des solutions, juger, interpréter, consoler, investi-
guer, et comprendre (i.e. écouter les émotions). À l’exception du dernier, ces
« modes d’intervention1 », peuvent freiner la bonne compréhension du vécu
affectif de l’interlocuteur.

2.2.1 Le mode d’intervention orienté solutions : dire à l’autre ce qu’il


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

doit faire

Face à quelqu’un qui vit une émotion, l’une des attitudes les plus courantes
consiste à proposer directement des solutions (Il faut, vous devriez, si j’étais
vous, dans cette situation, je…). C’est un mode d’intervention très présent
dans les entreprises et autres organisations axées sur les résultats. L’orienta-
tion vers les solutions est un mode d’intervention extrêmement utile s’il est

1. Le terme « mode d’intervention » est plus complet que celui de comportement. Il fait référence
non seulement au discours mais aussi à notre regard sur l’autre.
110 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

utilisé au bon moment, en tenant compte des spécificités, des besoins et de la


vision du monde de l’interlocuteur. Dans certaines situations, il est important
de donner la solution sans attendre, par exemple en situations d’urgence ou
en cas de demande explicite de l’interlocuteur.
Cependant, la plupart du temps, cette façon de faire est utilisée de manière

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précoce et sans que l’autre ne le demande, ce qui lui enlève son autonomie
de décision. Le mode d’orientation vers les solutions n’est efficace que lors-
que la personne s’est réellement sentie écoutée et que l’intensité émotion-
nelle a baissé. Dans ce cas, la solution provient d’ailleurs souvent de la
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personne elle-même.

2.2.2 Le mode d’intervention orienté vers le jugement, l’évaluation :


dire à l’autre ce qui est vrai/faux, bon/mauvais
Une deuxième attitude courante est de juger la personne qui expose son
problème. La moralisation constitue l’une des formes les plus subtiles et les
plus communes de jugement. Ce dernier définit l’autre par rapport à une
règle. Nous avons recours en permanence au jugement pour évaluer le
monde qui nous entoure. L’attitude d’évaluation est souvent moralisatrice, de
type « Je sais ce qui est bon, à privilégier et ce qui est mauvais, à éviter ou à
proscrire ». Elle renvoie à nos perceptions, à nos a priori et à nos idées toutes
faites sur les situations et sur les gens.
Juger est utile, en tant que fonction, puisque les catégories bâties à partir
de notre système de valeurs nous permettent de reconnaître rapidement les
situations, pour mieux nous y adapter. Cela s’avère néanmoins très destruc-
teur dans le domaine des relations, en particulier face à quelqu’un qui vit une
émotion. Le jugement est souvent vécu comme une agression qui menace
l’identité de la personne et il provoque des réactions défensives (contre-atta-
que, fuite, communication fermée). Une telle attitude a rarement pour effet
de permettre à la personne de se sentir comprise dans son ressenti et renforce
plutôt les émotions négatives. Une écoute sans jugement se distingue par
l’absence de commentaire personnel (approbation ou désapprobation) ou de
connotation morale.

2.2.3 Le mode d’intervention orienté vers l’interprétation :


dire à l’autre quelles sont ses raisons d’agir
Dans ce cas de figure, l’intervenant interprète le ressenti de son interlocuteur.
Il relit ses propos à partir d’une grille de lecture personnelle, en cherchant
une signification aux comportements ou aux émotions de l’autre. « À mon
avis, tu agis comme cela car tu as un problème avec l’autorité. » Par ce type
d’intervention, le message que l’on donne à son interlocuteur est que l’on
connaît mieux que lui ses raisons d’agir. Le risque est alors grand d’auto-
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 111

alimenter une hypothèse de départ à l’aide d’indices permettant de la confir-


mer. Si on veut aider réellement une personne à exprimer et à comprendre ce
qu’elle vit, il est donc recommandé d’éviter d’interpréter. Au lieu d’égarer la
conversation sur des interprétations de contenu, il est essentiel de garder
l’émotion et la personne au centre de l’échange.

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2.2.4 Le mode d’intervention orienté vers la consolation : dire à l’autre
que cela va aller
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Ce type d’intervention trouve son origine dans notre malaise face aux
émotions de l’autre et dans notre tendance à nous identifier à son ressenti.
Ce type d’intervention part d’une bonne intention mais son efficacité est
limitée. En disant à l’autre que « ça va aller », on nie la gravité du
problème et, ce faisant, l’émotion correspondante. Cela peut donner
l’impression à l’autre que l’on minimise sa souffrance. L’effet peut être
aussi de le déresponsabiliser, de le pousser à se sentir victime et de le
priver ainsi de ses possibilités de prise de conscience et de meilleure
compréhension de la situation. Ce mode d’intervention peut rassembler des
comportements très différents, qui ont cependant tous en commun l’inten-
tion de consoler. Être à l’écoute du vécu de quelqu’un implique de
comprendre ce qu’il vit sans s’identifier à lui.

2.2.5 Le mode d’intervention orienté vers l’investigation :


creuser en fonction de nos intérêts personnels
Adopter une attitude d’investigation consiste à se transformer en enquêteur
et à analyser les faits au lieu de se centrer sur le vécu de son interlocuteur.
Procéder à un interrogatoire poussé présente le désavantage de mettre une
forte pression sur la personne interrogée et risque de noyer le véritable enjeu
sous trop de détails. En outre, le questionnement reflète souvent une curiosité
personnelle, plutôt qu’une attention centrée sur l’autre. L’interrogation est
une phase importante de l’entretien mais une réflexion sur le choix et la
pertinence de chaque question doit guider le processus. Bien utilisée, la
démarche vise à obtenir uniquement des éléments nécessaires à la compré-
hension et reste en rapport avec le vécu et la vision du monde de l’interlocu-
teur. Quelques questions, bien orientées et posées dans le respect et l’écoute
de l’autre, ouvrent un dialogue constructif, là où un interrogatoire trop
poussé aura l’effet inverse.
Pour éviter ces possibles dérives, il apparaît plus efficace, face à une
émotion, d’intervenir sur un mode d’orientation basé sur la compréhension
(Rogers et Farson, 1987).
112 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2.2.6 Le mode d’intervention orienté vers la compréhension : montrer


que l’on entend et comprend ce que l’autre vit
Le mode d’intervention orienté vers la compréhension a pour objectif de
saisir le vécu émotionnel de l’interlocuteur, tout en lui faisant ressentir que
nous avons compris ce vécu. La première étape de cette compréhension est

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de prendre conscience de nos tendances à juger, à moraliser, à amener nos
propres solutions ou à consoler. Lorsque nous les avons repérées, nous
pouvons nous pencher sur le vécu de l’autre sans nous y laisser aller.
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De nombreux outils existent pour mettre en œuvre cette démarche de


compréhension :
• Poser des questions ouvertes sur le vécu émotionnel : « Qu’as-tu ressenti
à ce moment-là ? », « Quel impact cela a-t-il eu sur toi ? », ou encore
« Comment as-tu vécu la situation ? ».
• Offrir à l’autre une reformulation de son vécu, consistant à mettre en
évidence dans son discours ce qui relève directement du registre des
émotions. Reformuler le vécu de son interlocuteur est différent d’une
simple répétition des propos tenus, cette dernière offrant le risque de l’irri-
ter.

Exemple
Expression de l’interlocuteur :
« Il n’y a plus rien qui va, je suis vraiment nul, je vais faire échouer le projet… »
Reformulation simple (comportant le risque d’irriter) :
« Tu me dis que tu te sens nul et que tu vas faire échouer le projet, c’est cela ? »
Reformulation du vécu :
« Apparemment les choses sont difficiles pour toi en ce moment et cela affecte ta
confiance en toi ? »

La reformulation du vécu replace les émotions au premier plan. La forme


interrogative permet à l’autre de refuser la formulation ou de la corriger. Les
risques d’incompréhension et de fermeture sont ainsi réduits.
• Utiliser le silence. Prendre le temps de s’accorder des pauses silencieuses
(par exemple, après une question ouverte sur les sentiments) a pour effet
de créer un espace dans lequel l’autre peut entrer en contact avec son
ressenti et parvenir à l’exprimer. En observant des entretiens, nous avons
constaté que l’intervenant brisait fréquemment le silence, juste au moment
où son interlocuteur était sur le point d’exprimer quelque chose d’impor-
tant. Utiliser le silence avec pertinence n’est pas chose facile : un silence
peut sembler une éternité, même quand il ne dure que quelques secondes.
L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS 113

• Focaliser et repréciser. Insister sur un mot ou une expression qui semble


contenir une information importante sur le vécu de l’interlocuteur est un
moyen notable d’amener l’autre à se connecter à une émotion. Souligner
le dernier mot peut déjà suffire à encourager l’interlocuteur à développer
et à préciser sa pensée.

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Exemple : « L’entretien a été très difficile. À la fin de la journée, je
me suis senti vraiment déçu. »
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Proposition 1 : « Tu me dis que tu t’es senti déçu, c’est ça… ? »


Proposition 2 : « Déçu ? »

• Reformuler positivement. Cela consiste à faire ressortir la dimension


positive des messages. Cela paraît simple mais la mise en pratique est
difficile, en raison de nos tendances à souligner les aspects négatifs et à
prendre les choses personnellement. Reformuler positivement revient à
mettre en évidence les besoins de la personne, au lieu de répéter sa plainte
ou sa critique.

Exemple : « Il n’y a jamais personne qui écoute ici… »


Reformulation simple : « Personne ne t’écoute ?… »
Reformulation positive : « Tu aimerais te sentir plus écouté ? »

Cette grille d’analyse est bien sûr loin d’être exhaustive et représente une
simplification de la diversité des interactions possibles. Elle permet cepen-
dant de prendre un certain recul par rapport à notre manière d’interagir avec
quelqu’un qui vit une émotion, en identifiant notamment les attitudes qui
peuvent être vécues comme une minimisation ou une disqualification de
l’émotion par l’interlocuteur.
Par ailleurs, une écoute véritable des émotions, telle qu’envisagée ici, peut
sembler passive car elle peut donner l’impression de ne pas agir. Pourtant,
cette écoute a un impact important et représente un véritable catalyseur de
changement. Selon Rogers (Rogers, 1961 ; Rogers et Dymond, 1954), une
personne qui vit une situation émotionnellement difficile peut passer par
différentes phases, si elle est écoutée de manière empathique :
– Au début, la personne se définit de façon plutôt négative, elle vit mal ses
émotions.
114 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

– Elle perçoit ensuite que son interlocuteur ne la juge pas et elle peut
commencer à explorer plus librement ses sentiments. Elle peut commen-
cer à accepter son ressenti.
– La personne se comprend mieux elle-même.
– Elle entame enfin une dynamique de changement.

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Un interlocuteur qui se sent compris sera plus disposé à appliquer les
outils de régulation émotionnelle que nous aborderons notamment aux
chapitres 6, 8 et 9.
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3 CONCLUSION

L’expression et l’écoute des émotions sont les deux facettes d’une même
compétence clé qui concerne les processus de communication et se trouve
donc au cœur de nos vies.
L’expression des émotions est cruciale pour le développement et la régula-
tion des relations interpersonnelles : elle fournit des informations essentiel-
les à nos interlocuteurs, permet la construction des liens affectifs et contribue
à l’intégration sociale. Au niveau individuel, elle est associée à de très
nombreux bénéfices, notamment en termes de santé physique et mentale, et
ceci bien que les mécanismes qui expliquent ces bénéfices soient encore
largement inconnus. Ceci étant posé, nous avons également vu que l’expres-
sion des émotions n’est pas toujours fonctionnelle : dans certains cas,
l’expression de l’émotion n’est pas adaptative. C’est donc la flexibilité à
pouvoir exprimer ou ne pas exprimer, ainsi que la capacité à moduler son
expression de manière adaptée aux circonstances qui nous semble caractéri-
ser une expression fonctionnelle. En ce qui concerne la compétence d’écoute
des émotions d’autrui, nous avons défini un certain nombre d’attitudes qui
peuvent gêner l’expression de notre interlocuteur et certaines autres qui
peuvent faciliter cette expression.
Dans le chapitre suivant, nous allons explorer comment mieux compren-
dre ses émotions afin d’être moins réactifs face aux situations les plus diffici-
les.
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LA COMPRÉHENSION
DES ÉMOTIONS1
Chapitre 6

1. Par Ilios Kotsou.


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Dans ce chapitre, nous nous intéresserons à la compréhension des


émotions. Comment expliquer ce qui provoque en nous de l’émotion ?
Comprendre les causes profondes de nos émotions permet-il de modifier les
conséquences de ces dernières ? Comprendre nos émotions peut-il nous
rendre moins réactifs émotionnellement ? Si oui, comment ?
Dans la première partie de ce chapitre, nous nous pencherons successive-
ment sur la valeur informative de l’émotion en regard de la satisfaction de
nos besoins, et sur la théorie des besoins. Dans la deuxième partie nous
verrons comment l’accueil des émotions, la reconnaissance des besoins
sous-jacents, et la prise en charge de ces derniers permettent de diminuer la
réactivité émotionnelle.

1 LA PERSPECTIVE THÉORIQUE

1.1 L’émotion comme information sur les besoins


Comme nous l’avons vu au chapitre 2, l’émotion a une fonction
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

informative : elle véhicule un message. L’émotion fonctionne comme un


baromètre de notre capacité d’adaptation et de notre état d’équilibre par
rapport à l’environnement. Tel un voyant lumineux sur le tableau de bord
d’un véhicule, l’émotion nous indique, entre autres, si nos besoins sont satis-
faits ou non. L’émotion est donc un indicateur du niveau de satisfaction de
nos besoins.
La nécessité de satisfaire des besoins n’est pas propre à l’être humain.
Depuis les organismes les plus simples, tous les êtres vivants ont des besoins
à satisfaire pour survivre et se développer. La plupart des plantes ont besoin
d’eau, de sels minéraux, de lumière pour survivre. Si ces besoins ne sont pas
118 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

satisfaits, les plantes meurent sans état d’âme. Les êtres humains ont égale-
ment des besoins physiologiques indiscutables, comme se nourrir, boire ou
dormir. L’insatisfaction de ces besoins engendrera chez l’être humain un
ensemble d’émotions (ex : anxiété, frustration, colère…), visant à stimuler la
satisfaction des besoins et à augmenter ainsi les chances de survie.

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À la différence d’organismes plus simples, les besoins physiologiques ne
sont pas les seuls paramètres indispensables à notre équilibre. Au-delà de la
satisfaction des besoins biologiques, notre ajustement requiert également la
satisfaction de besoins psychologiques (ex. relationnels et affectifs). L’insa-
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tisfaction de ces besoins engendrera une émotion, afin d’augmenter la proba-


bilité qu’ils soient satisfaits et de restaurer ainsi notre équilibre.
Il est intéressant de noter la différence entre besoins de survie et besoins
psychologiques.
Les besoins de survie de base (boire, manger, etc.) sont facilement identi-
fiables et leur satisfaction peut être objectivée (boisson, nourriture, etc.). Les
besoins psychologiques (stimulation, activité, estime, amitié, connexion,
intimité) sont non seulement moins facilement identifiables, mais l’impact
de leur insatisfaction ne sera pas identique ni même immédiat et leurs condi-
tions de satisfaction sont également moins objectivables. Par exemple, ce qui
répond au besoin d’estime de soi varie en fonction des individus et des
contextes. La complexité de nos émotions peut être mise en relation avec les
nombreux besoins nécessaires à notre équilibre.

Perception et
évaluation
Facilitation à l'action

Besoins
Émotion Situation déclenchante

Information

Figure 6.1
L’interaction émotion/environnement

1.2 Besoins et valence de l’émotion


La valence de l’émotion (positive ou négative) dépend de la satisfaction ou
non du besoin et son intensité nous renseigne sur l’importance du besoin et
sur son degré de satisfaction.
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 119

L’intensité de l’émotion est directement liée à la pertinence (ou à l’impor-


tance) de l’événement pour l’individu : si un événement n’est pas significatif
pour un individu, il ne générera pas d’émotion (voir chapitre 2).
Les émotions dites « négatives », comme la peur, la colère ou la tristesse,
sont des expériences qui nous signalent que nos besoins sont insatisfaits. À

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l’opposé, les émotions agréables, dites « positives », comme la joie, le ravis-
sement ou l’amusement, nous signalent que nos besoins sont satisfaits.
Tableau 6.1
Exemples de relations entre émotions et satisfaction des besoins
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Émotion Besoin État du besoin

Joie Partage, échange Satisfait

Tristesse Partage, échange Menacé

Contentement Sécurité, protection Satisfait

Peur Sécurité, protection Menacé

Colère Croissance Menacé

Fierté Croissance Satisfait

Il est à noter que le tableau 6.1 n’est qu’un exemple ; la dynamique


émotion/besoin est situationnelle.

La théorie de l’autorégulation
La théorie de l’autorégulation de Carver et Scheier (Carver et Scheier, 1990)
illustre bien ce concept. Selon cette théorie, les émotions font partie d’un système
complexe orienté vers des buts qui autorégulent les actions des individus en fonc-
tion de leurs objectifs. Le comportement d’une personne est régulé par un proces-
sus de feed-back : l’individu compare les résultats qu’il obtient à une valeur de
référence (ses buts). Si la comparaison révèle un écart entre la valeur de réfé-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

rence et l’état présent, l’individu ajuste son comportement en conséquence.


Dans la vie quotidienne, nous rencontrons souvent des difficultés dans l’atteinte
de nos objectifs et nous devons agir en fonction de ces difficultés. Certains de
nos objectifs sont contradictoires. L’évaluation de rapprochement ou d’éloigne-
ment par rapport à ces buts expliquerait l’activation d’émotions positives ou
négatives.
120 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Valeur de
référence
COMPARATEUR

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Input :
perception
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Output :
Impact sur + Comportement
l'environnement

Influences extérieures

Figure 6.2
La théorie de l’autorégulation

1.3 Les théories des besoins humains


Plusieurs chercheurs d’horizons conceptuels très différents se sont intéressés
aux besoins. Dans les années trente, un psychologue de Harvard, Henry
Murray, décrivait déjà un modèle complet des besoins et processus de moti-
vation (Murray, 1938). Le psychanalyste américain Erich Fromm considérait
les besoins comme étant de nature existentielle, et il en dénombre huit :
représentation mentale, relation, attachement, identité, unité, transcendance,
effectivité et stimulation (Fromm, 1947). Proche de la pensée de Fromm, la
théorie des besoins la plus répandue est celle d’Abraham Maslow (1954).
Figure marquante de la psychologie humaniste1, il considère que l’homme
n’atteint le plein développement de son psychisme que s’il satisfait ses
besoins sur différents plans : physiologie, sécurité, amour (appartenance),
estime (reconnaissance) et accomplissement de soi (créativité). Ces besoins
sont généralement représentés de manière hiérarchisée sous la forme d’une
pyramide découpée en cinq niveaux (figure 6.3).

1. Abraham Maslow (1908-1970) est considéré le père de l’approche humaniste. Il est surtout
connu pour son explication de la motivation par la hiérarchie des besoins. Son approche, très
originale pour son époque, était plus centrée sur la psychologie positive que sur l’anormalité.
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 121

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Besoins d'accomplissement de soi
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Apprendre, se développer, évoluer, créer

Besoins d'estime de soi


Être respecté, se sentir utile et compétent, réussir,…

Besoins d'amour et d'appartenance


Être accepté, aimé, compris
Appartenir à un groupe (famille, couple, nation,…)

Besoins de sécurité (physique et psychologique)


Santé, emploi, confiance, propriétés personnelles, stabilité,…

Besoins physiologiques
Survie, faim, soif, repos, abris, sexualité,…

Figure 6.3
La pyramide de Maslow

Selon ce modèle, une personne ne peut accéder à la satisfaction d’un


besoin de niveau supérieur que si ceux du niveau inférieur sont raisonnable-
ment satisfaits. Par exemple, un individu ne peut se sentir en sécurité
(niveau 2) que si son besoin de trouver à manger est satisfait (niveau 1).
Maslow s’est surtout intéressé aux motivations supérieures de l’homme
(accomplissement de soi), aux états de plénitude ainsi qu’aux fondements de
la santé psychique.
Dans la théorie des besoins de David McClelland, fondée sur les travaux
de Murray (1938), trois types de besoins sont liés à la motivation au travail :
les besoins de réalisation, de pouvoir et d’affiliation (McClelland, 1958).
Harmer et Henderson, dans la lignée du travail de Maslow, ont développé un
modèle hiérarchique de quatorze besoins fondamentaux dans le cadre des
soins infirmiers (Harmer et Henderson, 1939).
C’est essentiellement la hiérarchisation des besoins (à la base du modèle de
Maslow) qui a été remise en question. De nombreuses études ont montré que
l’individu pouvait chercher à satisfaire des besoins d’ordre supérieur même
lorsque ceux du niveau inférieur demeuraient insatisfaits. Le besoin d’estime
(niveau 4) ou de reconnaissance (niveau 3) pourrait, par exemple, amener un
122 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

employé à négliger le besoin de sécurité ou de santé (niveau 2) par un investis-


sement excessif dans son travail qui serait socialement valorisé.
D’autres théories, plus contemporaines, ont repris cette conception des
besoins fondamentaux, mais sans établir de hiérarchie entre eux. Parmi
celles-ci, nous pouvons citer la théorie ERG (Existence, Relatedness et

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Growth) de Clayton P. Alderfer (1972). Ce dernier reprend les catégories de
Maslow et les répartit entre besoins d’existence, besoins relationnels et
besoins de développement.
Citons aussi la théorie de l’échelle de développement humain de Max-
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Neef et collègues (Max-Neef, Elizalde et Hopenhayn, 1986). Ces auteurs ont


défini neuf besoins universels : la subsistance, l’affection, la protection, la
compréhension, la participation, le temps pour soi, la créativité, l’identité et
enfin la liberté. Chacun de ces besoins peut être satisfait sur quatre modes
existentiels, celui de « l’avoir » (les biens), du « faire » (les actions) de
« l’être là » et de « l’être » (voir tableau 6.2 ci-après). Selon Max-Neef, le
besoin n’est pas défini seulement de manière négative, comme un vide, mais
il révèle également notre humanité et nos potentialités.
La théorie de l’auto-détermination de Ryan et Deci (Ryan, 1995 ; Ryan et
Deci, 2000) représente également une approche contemporaine de la motiva-
tion et de la personnalité expliquant l’équilibre et le bien-être en fonction de
la satisfaction de trois types de besoins fondamentaux que sont l’autonomie,
la compétence et la relation. Ces derniers sont considérés comme étant innés,
universels et essentiels. Ils s’appliquent à tous les êtres humains quels que
soient leur genre, leur groupe d’appartenance ou leur culture. Lorsqu’ils sont
satisfaits, ils mènent au développement psychologique, à l’intégrité et au
bien-être. Dans le cas contraire, les individus manifestent des signes de mal-
être et de dysfonctionnement. Selon cette théorie, la satisfaction de ces
besoins favorise un fonctionnement optimal dans les registres du développe-
ment social et du bien-être personnel. De très nombreuses recherches se font
actuellement dans ce courant, dans des domaines aussi divers que la santé, la
motivation au travail, l’éducation ou la confiance en soi.

1.4 En résumé
Tout en nous démarquant du principe de hiérarchisation, nous postulons, à la
suite de Maslow, Max-Neef, Ryan et Deci, que les besoins biologiques et
psychologiques :
– sont fondamentaux et universels ;
– se différencient des moyens (à rapporter aux buts et ressources) utilisés
pour les satisfaire et qui sont situationnels. Nous prenons les buts en
considération mais les envisageons comme autant de moyens possibles de
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 123

répondre à nos besoins. Les besoins sont donc pour nous à un niveau
conceptuellement supérieur à celui des buts.
– n’ont pas de valence : ils ne sont ni bons, ni mauvais par nature ;
– sont des paramètres indispensables à l’équilibre et au bien-être des
individus : si les émotions négatives sont activées par des besoins menacés

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ou insatisfaits, et les émotions positives déclenchées par la satisfaction des
besoins, alors à long terme, l’insatisfaction répétée des besoins risque
d’avoir un impact sur la santé mentale et physique.
Un certain nombre de recherches apportent des arguments dans ce sens.
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Parmi ces études, celle de Timmerman et Acton sur les relations entre insatis-
faction des besoins et désordres alimentaires émotionnels a montré que moins
une personne était satisfaite dans ses besoins fondamentaux, plus elle avait de
chance de s’engager dans des comportements boulimiques (Timmerman et
Acton, 2001). Les recherches montrent aussi que plus les individus satisfont
leurs besoins fondamentaux, moins ils ont de chances de consommer des
stupéfiants (García-Aurrecoechea, Díaz-Guerrero et Medina-Mora, 2007),
plus ils sont motivés à réussir académiquement (Faye et Sharpe, 2008) et plus
ils rapportent un niveau élevé de bien-être, tant personnel que relationnel
(Bettencourt et Sheldon, 2001 ; Patrick, Knee, Canevello et Lonsbary, 2007).
Selon d’autres chercheurs, un grand nombre de difficultés et de pathologies
psychologiques trouvent leur origine dans la non-réalisation de ces besoins
(Ryan et Deci, 2005 ; Ryan, Deci, Grolnick et La Guardia, 2006). La notion de
besoin est également centrale dans la gestion des conflits. Pour de nombreux
auteurs, l’origine des conflits se trouve dans l’insatisfaction des besoins fonda-
mentaux. Un travail sur ces besoins apparaît comme un élément central de la
résolution des conflits (Burton, 1990 ; Kelman, 1996).
124 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Tableau 6.2
La matrice des besoins de Max-Neef

Besoins Être Avoir Faire Interagir


fondamentaux (qualités) (choses) (actions) (situations)

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Subsistance Santé physique Nourriture, toit, Nourrir, Environnement
et mentale travail habiller, se social et de vie
reposer,
travailler
Protection Soin, adaptabi- Sécurité sociale, Coopérer, pla- Environnement
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lité, autonomie système de nifier, prendre social, foyer


santé, travail soin de, aider
Affection Respect, sens de Amitiés, famille, Partager, pren- Espaces
l’humour, relations avec la dre soin de, d’intimité et de
générosité, nature faire l’amour, rencontres
sensualité exprimer son
vécu
Compréhen- Esprit critique, Littérature, Analyser, Écoles, familles,
sion curiosité, professeurs, étudier, méditer, universités,
intuition éducation investiguer communautés
Participation Réceptivité, Responsabilités, Coopérer, Associations,
dévouement, devoirs, travail, contredire, fêtes, églises,
sens de droits exprimer son voisinages
l’humour opinion
Loisir Imagination, Jeux, fêtes, paix Se relaxer, Paysages,
tranquillité, d’esprit s’amuser, se nature, espaces
spontanéité rappeler intimes, espa-
ces de solitude
Création Imagination, Compétences, Inventer, Espaces
audace, inventi- outils, travail, construire, d’expression,
vité, curiosité techniques travailler, ateliers, public
composer,
interpréter
Identité Sens de l’appar- Langage, reli- Se connaître, se Lieux de notre
tenance, estime gions, travail, développer, vie quotidienne
de soi, consis- coutumes, s’engager
tance valeurs, normes
Liberté Autonomie, pas- Égalité des droits Être en désac- Partout
sion, estime de cord, choisir,
soi, ouverture prendre des
d’esprit risques,
développer sa
conscience
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 125

2 LA DIMENSION PRATIQUE DU TRAVAIL


SUR LES BESOINS

2.1 Les apports du travail sur les besoins

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Travailler sur nos besoins permet de diminuer notre réactivité à l’environne-
ment et de devenir plus résilients. Cet apprentissage est un processus
progressif qui doit être envisagé sur le moyen et le long terme, et qui ne
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remplace donc pas les outils de régulation que nous verrons au chapitre 7.
Le concept de besoins fondamentaux est utile à bien des égards : il permet
aux individus de donner du sens à leur expérience et de disposer d’indica-
tions pour prendre soin de leur bien-être. Mais il donne en outre un sens
différent aux émotions dites négatives, lequel peut permettre aux individus
d’accepter celles-ci au lieu de les éviter.
Cet éclairage nouveau – qui présente les émotions comme un indicateur
du degré de satisfaction des besoins – disqualifie la catégorisation entre
bonnes et mauvaises émotions. Cette catégorisation, qui attache une conno-
tation morale aux émotions négatives (peur, colère, envie, etc.) a pour effet
d’amplifier les effets d’évitement des émotions négatives et est à la base de
nombreuses difficultés émotionnelles. La présente théorie conçoit au
contraire toutes les émotions comme potentiellement utiles en vertu du
message qu’elles délivrent en regard de nos besoins. Nous soutenons qu’une
telle conception contribue à faire baisser le caractère conflictuel des
émotions « négatives » et à en faciliter l’accueil (Kotsou, 2008).
Dans cette partie pratique, nous verrons comment utiliser ces concepts
afin, d’une part, de mieux accueillir nos émotions et, d’autre part, de prendre
soin de ce qui les motive, c’est-à-dire nos besoins fondamentaux. Nous le
ferons à partir de trois compétences de base : (1) la capacité à accueillir nos
émotions, (2) la capacité à reconnaître nos besoins et (3) la capacité à agir
pour satisfaire nos besoins.
Nous illustrerons ces compétences à partir de trois exemples sur lesquels
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

nous reviendrons tout au long du chapitre. Il s’agit des cas de Géraldine, de


Bert et de Chantal.

Le cas de Géraldine, Bert et Chantal


– Géraldine vient d’emménager dans une maison commune avec trois autres
personnes. Depuis le début, elle a d’énormes difficultés avec Marc, un des colo-
cataires. Elle a l’impression que celui-ci la méprise et essaye de la diminuer
devant les autres. Ce soir elle se trouve au salon, Marc rentre et lui dit : « Tiens,
tu as une vraiment une drôle de tête ce soir ! »


126 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


– Bert vient de se faire convoquer par son directeur, Albert. Celui-ci lui annonce
qu’il est licencié, parce que ses résultats ne sont pas à la hauteur de ce que
l’entreprise attend, surtout dans ce contexte économique difficile.
– Chantal a été nommée responsable d’un nouveau projet et travaille énormé-
ment depuis un an. Elle se sent très fatiguée et réagit à fleur de peau. Son collè-

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gue Pierre vient de lui faire un commentaire sur le dernier rapport qu’elle a
défendu en réunion. Elle le prend mal et lui répond en haussant le ton. Il s’ensuit
un échange vif qui débouche sur un conflit.
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2.2 L’accueil des émotions


Envisager les émotions négatives comme ayant une fonction positive (nous
renseigner sur nos besoins) est un moyen puissant de se réconcilier avec
elles. La démarche d’accueil des émotions sans jugement est un processus
clinique bien connu qui, pour utiliser le langage paradoxal cher à l’école de
Palo Alto, permet « d’éviter l’évitement » (Fisch, Weakland et Segal, 1982).
Il tient d’ailleurs une place centrale dans diverses approches psychothéra-
peutiques, notamment dans la thérapie centrée sur les émotions de Green-
berg (Greenberg, 2002), les thérapies basées sur la pleine conscience (Kabat-
Zinn, 2003 ; Segal, Williams et Teasdale, 2002) ou la thérapie d’acceptation
et d’engagement (Hayes, 2004).
Le choix du terme « accueil » et non « acceptation » vise à souligner le
processus actif et conscient d’attention et d’ouverture. La plupart des indivi-
dus n’adoptent cette attitude d’accueil que face aux émotions identifiées
comme positives (amour, joie, contentement) car leurs signaux sont agréa-
bles, alors qu’ils cherchent au maximum à se débarrasser des émotions
« négatives ». Cependant, ce n’est pas parce que le message n’est pas agréa-
ble qu’il faut pour autant supprimer le messager. L’objectif est d’adopter la
même attitude d’accueil face aux émotions négatives, que les individus sont
d’ordinaire enclins à éviter.
Pour Barlow et ses collègues, l’évitement émotionnel peut entraîner de
nombreux troubles psychopathologiques (Barlow, Allen et Choate, 2004).
L’évitement, s’il peut être fonctionnel face à une menace physique externe
(j’évite un quartier dangereux ou une route où la circulation est par trop
chaotique), s’avère inefficace face aux émotions. Comme l’évitement nous
empêche de prendre conscience du message porté par nos émotions, un
cercle vicieux risque de s’instaurer : non seulement l’émotion persiste et se
renforce, mais la situation ne se règle pas et le mal-être interne augmente
(Philippot, 2007). Accueillir les émotions permet de mieux connaître nos
besoins importants. Savoir que celles-ci nous parlent de nos besoins nous
permet de les accepter plus facilement. Cela nous permet donc aussi de
mieux vivre nos émotions.
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 127

Émotion perçue Tentative de


Échec de la
comme intolérable, suppression de
suppression
inacceptable l'émotion

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Affect négatif
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Émotion perçue Rétablissement


Accueil de
comme tolérable, naturel de
l'émotion
acceptable l'humeur

Figure 6.4
Conséquences respectives de la suppression et de l’accueil des émotions
(adaptation de Barlow et al., cités dans Philippot, 2007)

Émotion et comportement
Notre difficulté à accueillir certaines émotions se pose surtout lorsque nous les
considérons comme négatives. Or, il est important de bien comprendre
qu’aucune émotion n’est négative en tant que telle. Par définition, elles nous
renseignent sur le niveau de satisfaction de nos besoins et, dans cette optique,
elles sont toutes utiles. Néanmoins, il est important de différencier l’émotion du
comportement qu’elle induit. En effet, ce n’est pas parce que l’émotion est utile
que les comportements qu’elle provoque le sont également. Contrairement à ce
que pensent beaucoup d’entre nous, la colère n’est pas une émotion négative
dans l’absolu car elle nous renseigne sur nos frustrations et nous insuffle l’énergie
nécessaire pour réagir à la situation. En revanche les comportements violents qui
résultent d’une colère mal gérée sont délétères.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

2.3 La reconnaissance des besoins


Dans notre exemple, il serait intéressant que Géraldine, après avoir pris le temps
d’identifier son émotion (la colère), se pose la question des besoins sous-jacents
à ce sentiment. Peut être a-t-elle besoin de respect et d’estime d’elle-même et
qu’elle sent ces besoins menacés par le comportement de Marc ?
Bert sent de l’anxiété et du dégoût. L’anxiété est reliée à son besoin de
sécurité face à la perspective de perdre son emploi, le dégoût à la nécessité
de se protéger de comportements qu’il considère comme nuisibles (l’entre-
prise qui le remercie après 15 ans de loyaux services).
128 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Chantal a besoin de repos et de prendre soin d’elle-même. Elle a certaine-


ment aussi besoin de reconnaissance, ce qu’elle espère trouver en s’investis-
sant à fond dans ce nouveau projet.
Différencier le déclencheur de l’émotion du besoin insatisfait aide à
comprendre ce qui motive nos états affectifs. L’émotion est souvent déclen-

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chée par un stimulus externe (les remarques de Marc, le licenciement, le
commentaire de Pierre). Ce déclencheur est à distinguer de la cause de
l’apparition de l’émotion (le besoin d’estime, le besoin de sécurité, le besoin
de repos et de reconnaissance), qui résulte de l’insatisfaction ou de la
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menace qui plane sur nos besoins. Dans des situations de survie, face à une
émotion de base (comme la peur), le stimulus déclencheur de l’émotion et la
cause de l’émotion se confondent. En revanche, dans des situations ou pour
des émotions plus complexes, les besoins ne sont pas directement liés au
déclencheur. Le risque d’interprétation est alors plus grand, tout comme le
risque de mal identifier le besoin sous-jacent.

Exemple 1 (simple)
La peur à la vue d’un scorpion (élément déclencheur) se confond avec le besoin
menacé (sécurité).
Exemple 2 (complexe)
Une remarque blessante sur notre efficacité professionnelle (élément déclencheur)
fera naître en nous une émotion dont les racines sont peut-être à chercher dans le
besoin de reconnaissance ainsi contrecarré.

Quand nous ressentons une émotion désagréable, nous nous focalisons


souvent sur l’événement déclencheur sans travailler au niveau du besoin (voir
figure 6.5). Nous devrions pourtant procéder de manière opposée. En effet, la
focalisation sur le déclencheur amplifiera l’émotion, tandis que la recherche et
la compréhension du besoin à l’origine de celle-ci la diminueront.

Émotion
3

2 Besoins

1
Événement
déclencheur

Figure 6.5
Déclencheur, émotion et besoin
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 129

Seligman, un des pères de la psychologie positive, pense que notre


cerveau a tendance à fonctionner de manière négative (2005). Pour lui, notre
système attentionnel s’oriente d’abord vers les aspects négatifs de l’environ-
nement afin d’affronter rapidement les dangers. Lors d’un épisode émotion-
nel, nous avons tendance à nous focaliser en priorité sur le déclencheur de

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l’émotion, qui correspond à un processus négatif relié à l’évitement (« que
faire pour éviter le danger ? ») plutôt que sur nos besoins, qui correspondent
davantage à un processus d’approche (« que faire pour les satisfaire ? »).
Identifier nos besoins n’est pas facile car c’est un raisonnement auquel
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nous ne sommes pas habitués. Nous cherchons le plus souvent la « cause »


de notre émotion à l’extérieur. Ce processus facilite la recherche de la cause
(ou du « coupable ») – que l’on identifie beaucoup plus rapidement – mais a
pour effet pervers nous priver de toute emprise sur elle. Dans notre exemple,
Géraldine se sent remontée contre Marc, Bert en veut à Albert et Chantal
estime que le commentaire de Pierre est la cause de son mal-être. Si nos
personnages restent ainsi focalisés sur le déclencheur, ils auront beaucoup de
mal à mobiliser leurs moyens pour répondre efficacement à leurs besoins.

I
N
T
E Situation
R déclenchante
P
R
É
T
A Émotion
T
I
O
N
Besoins

Figure 6.6
Composantes du processus de déclenchement de l’émotion
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

La manière dont nous interprétons le déclencheur a aussi toute son impor-


tance. Pouvoir travailler sur la manière dont nous évaluons les événements
(la manière dont Géraldine interprète la remarque de Marc dans notre exem-
ple) est un point qui sera traité au chapitre 7, plus particulièrement dans la
partie sur la réévaluation cognitive.
Le schéma ci-dessus décrit le contexte dans lequel se déroule l’émotion :
– stimulus ou élément déclencheur (externe ou interne) ;
– évaluation cognitive (ou interprétation) de l’impact potentiel du stimulus
sur le besoin et du besoin sur lequel l’émotion apporte une information ;
130 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

– émotion déclenchée par le stimulus.

Comprendre mes besoins


– Qu’est-ce qui est réellement important pour moi dans cette situation ?

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– De quel aspect fondamental de ma vie me parle cette émotion ?
– Quel est le message apporté par cette émotion ?
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2.4 La satisfaction des besoins

Lorsque nous avons compris quel était le besoin en jeu, se pose alors la ques-
tion de la manière d’en prendre soin. Pour ce faire, il est fondamental de
distinguer les besoins des moyens mis en place pour les satisfaire. Alors que
les besoins sont universels mais limités, les moyens sont illimités mais
contextuels et culturellement influencés (le besoin de reconnaissance est un
besoin universel, et on pourrait imaginer une multitude de moyens pour y
répondre : une promotion, les remerciements du responsable, le développe-
ment de nos propres compétences, etc.). Comme il y a de nombreuses façons
de satisfaire un besoin, il est bon de laisser notre créativité s’exprimer pour
choisir le moyen le plus efficace ou le plus accessible, au lieu de se focaliser
sur un moyen impossible à mettre en œuvre. (Chantal a besoin de repos et
aimerait partir en vacances, malheureusement sa situation professionnelle ne
le lui permet pas pour l’instant. De quelle autre manière pourrait-elle répon-
dre à ce besoin ?) Dans le cas où nous ne trouvons pas le moyen qui apporte-
rait un bien-être concret, nous pouvons travailler sur nos pensées et nos
croyances, comme nous le verrons au chapitre 7.
La distinction entre besoins et moyens a toute son importance. Les
moyens que nous cherchons à mobiliser peuvent se trouver en nous (prati-
quer la relaxation) mais sont le plus souvent dans notre environnement et
dépendent de facteurs externes. Souvent, nous ne les maîtrisons pas totale-
ment et nos buts peuvent se révéler inaccessibles (attendre de la reconnais-
sance d’un responsable qui n’estime pas devoir la donner, vouloir partir en
vacances alors que nous n’en avons pas les moyens). À ce moment-là, il est
essentiel de ne pas se focaliser sur l’échec de la stratégie mais d’en envisager
une autre (pour répondre à notre besoin de reconnaissance et d’estime de soi,
nous pouvons peut-être faire du théâtre, travailler à reconnaître nos propres
qualités, nous engager dans des activités qui ont du sens pour nous ; pour
prendre soin de nous, nous pouvons nous offrir un massage, faire une séance
de relaxation, aller parler avec un(e) ami(e) réconfortant(e), prendre un
bain…). Les recherches montrent que les individus qui accordent une grande
importance à des buts extrinsèques (apparence, popularité, richesse) tendent
LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS 131

à être en moins bonne santé mentale que ceux qui se centrent sur des para-
mètres intrinsèques (intimité, développement personnel) (Kasser, Ryan, Zax
et Sameroff, 1995). D’autres études ont également montré que lorsque leurs
besoins sont contrariés, les individus orientés vers des buts extrinsèques ont
tendance à se tourner vers des substituts (comme le tabac et l’alcool) plutôt

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que d’être conscients de l’importance de ces besoins (Williams, Cox,
Hedberg et Deci, 2000).

Avoir assez
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Changer de d'argent pour ne


travail, pas devoir
d'habitation, etc. y penser

LIBERTÉ
Ne pas travailler Travailler à son
(Besoin) propre compte

Partir en
Travailler sa
vacances
confiance en soi
sac à dos

Figure 6.7
Différents moyens possibles pour répondre au même besoin

Distinguer besoins et moyens permet de se responsabiliser et d’être plus


autonomes. Pour pouvoir agir de manière efficiente, il est important d’être
centrés et de diriger notre énergie vers ce qui est sous notre contrôle. Barlow
a mis en évidence que la perte de contrôle était un des éléments déclencheurs
du cycle de l’anxiété (Barlow, 2002). Nous centrer sur les ressources dispo-
nibles contribue à diminuer notre anxiété et permet de développer la
confiance en nos ressources et notre sentiment d’auto-efficacité (Bandura,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1982).

Distinguer besoins et moyens


Lorsque nous sommes contrariés devant un besoin insatisfait, il est utile de rééva-
luer la frontière entre besoin et moyen.
– « Quel besoin se cache derrière ce que je désire ? »
– « Ai-je plusieurs alternatives pour y répondre ? »
– « De quelle autre manière pourrais-je satisfaire ce besoin ? »
132 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

3 CONCLUSION

Comprendre l’origine de nos émotions permet de diminuer notre réacti-


vité émotionnelle et d’améliorer notre équilibre émotionnel à long

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terme. Il est capital d’accueillir l’émotion parce que l’évitement émotionnel
est à la base de nombreuses pathologies. Identifier le besoin sous-jacent à
l’émotion facilite l’accueil de celle-ci car cela lui confère un sens positif :
l’émotion nous informe que notre équilibre est menacé et qu’une action doit
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être entreprise afin de le restaurer. L’étape de l’identification des besoins


permet aussi de clarifier nos objectifs. Dans le choix de l’action à entrepren-
dre, on attachera une importance toute particulière au paramètre de contrôla-
bilité. Il est important de nous centrer sur les moyens et ressources qui sont
en notre pouvoir plutôt que sur les éléments qui échappent à notre influence.
Dans cette optique, les émotions, et plus singulièrement les émotions
négatives, ne sont plus un élément gênant dont il faut se débarrasser. Elles
font partie d’un système régulateur qui nous informe sur ce qui est réelle-
ment important pour notre bien-être – nos besoins – et nous donne des indi-
cations essentielles pour mieux les satisfaire.
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À LA RÉGULATION
DES ÉMOTIONS1
INTRODUCTION
Chapitre 7

1. Par Moïra Mikolajczak.


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Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, les émotions constituent des


systèmes très efficaces. Il s’agit néanmoins de mécanismes très anciens. Si
les émotions étaient probablement parfaitement ajustées à l’existence de nos
ancêtres des cavernes, l’homme moderne doit, quant à lui, les réguler beau-
coup plus souvent.
Tout d’abord, notre espérance de vie est trois fois plus longue que celle de
nos prédécesseurs, ce qui fait autant d’épisodes émotionnels en plus.
Ensuite, la société moderne offre bon nombre de situations génératrices
d’émotions auxquelles nos ancêtres n’étaient pas confrontés. Par exemple,
ces derniers n’avaient pas d’argent et ne connaissaient donc nullement les
tentations y afférant. En outre, nul besoin pour eux de réguler l’enthousiasme
lié à la vue d’un vêtement ou d’un cabriolet magnifiques mais impayables !
De la même manière, ils ne connaissaient pas les émotions très particulières
que génèrent certains chauffards, ni non plus la colère mêlée d’impuissance
que nous ressentons dans les embouteillages !
Bref, la vie quotidienne nous fournit notre lot d’émotions et certaines
d’entre elles doivent être régulées. En effet, aussi fonctionnelles soient-elles,
les émotions peuvent incontestablement nous amener à avoir des paroles ou
à poser des actes regrettables (Gross, 2008). C’est le cas, par exemple, lors-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

que l’ennui nous conduit à procrastiner au lieu d’avancer ou lorsqu’un accès


de colère à l’encontre d’un agent communal ne fait qu’aggraver notre situa-
tion.
Le présent chapitre constitue une introduction à la régulation émotion-
nelle. Nous y découvrirons quand les émotions doivent être régulées, quelles
sont les différentes formes de régulation et pourquoi il est si important d’être
capable de réguler ses émotions. Nous tenterons également d’expliquer
pourquoi certains individus parviennent relativement aisément à réguler
leurs émotions, alors que d’autres se retrouvent littéralement submergés par
ces dernières.
136 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

1 ÉMOTIONS FONCTIONNELLES
ET DYSFONCTIONNELLES

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Outre le fait qu’elles facilitent l’adaptation à l’environnement, les émotions
colorent l’existence. C’est grâce à elles que nous nous sentons pleinement
vivants. Il serait dès lors absurde de prôner une répression ou une régulation
à tout va ! Il est au contraire fondamental de pouvoir s’ouvrir aux émotions,
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de jouir des bénéfices qu’elles apportent. Nous devons en revanche être en


mesure de réguler nos émotions lorsqu’elles sont dysfonctionnelles, c’est-à-
dire quand elles sont en désaccord avec nos objectifs ou qu’elles sont inap-
propriées au contexte.
(1) Il existe un ensemble de situations dans lesquelles l’émotion doit être
régulée parce qu’elle est en désaccord avec les objectifs de l’individu. Les
plus fréquentes sont les suivantes :
– l’émotion nuit au bien-être de l’individu. Le sentiment de honte qui suit un
faux pas doit ainsi être régulé afin de préserver le bien-être ;
– l’émotion nuit à la performance au travail. La tristesse liée à une dispute
avec le conjoint ou l’excitation à la perspective d’une bonne soirée doivent
être régulées si elles nuisent à la concentration ;
– l’émotion a un effet délétère sur autrui, effet que l’individu souhaite éviter. Il
est utile, par exemple, de réguler la colère que l’on éprouve vis-à-vis de son
employeur afin de ne pas la reporter sur ses proches en rentrant à la maison.
(2) Il existe d’autres situations dans lesquelles l’émotion doit être régulée
parce qu’elle ne concorde pas avec les règles d’expression émotionnelle.

Considérons un instant la situation suivante. Vous faites la file à la poste pour


réceptionner un colis. Comme la majorité des employés du pays, vous vous y
rendez sur le temps de midi car les guichets sont fermés à l’heure où vous quittez
le bureau. La file paraît longue mais, avec un peu de chance, vous disposerez de
juste assez de temps pour courir acheter un sandwich avant de retourner
travailler. Après 25 minutes d’attente, c’est bientôt votre tour. C’est malheureuse-
ment le moment choisi par une personne âgée pour envoyer un recommandé.
Entre les « je ne sais pas lire le formulaire, les caractères sont trop petits » et les
« vous ai-je dit que mon fils cadet, vous savez celui qui est parti en France, etc. »,
vous perdez patience et vous sentez monter en vous la colère. Votre cœur
s’accélère, votre tension grimpe, le feu vous monte aux joues et vos poings se
crispent. Vous préparez une remarque cinglante à l’attention de cette personne.
Pourtant au dernier moment, vous pincez vos lèvres et vous vous abstenez. Vous
réalisez qu’un accès de colère ne ferait qu’aggraver la situation, pour vous, pour
la cliente et pour l’employé.
INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 137

Ainsi que l’illustre l’exemple ci-dessus, le bon fonctionnement des


rapports sociaux dépend en grande partie de la manière dont les individus
expriment et régulent leurs émotions. Il s’agit même là d’une condition sine
qua non à la pérennité de la civilisation (Gross et Thompson, 2007). On a
vite fait d’imaginer, en effet, le désordre qui régnerait si chacun exprimait à

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loisir sa colère, sa tristesse ou encore sa jalousie, etc.
Les règles d’expression émotionnelle (Ekman, Sorenson et Friesen, 1969)
renvoient aux normes en matière d’expression des émotions : quelle(s)
émotion(s) peut-on ou doit-on exprimer dans tel contexte ? Chaque culture,
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chaque famille, chaque entreprise possède ses propres normes. Les différen-
ces culturelles au niveau émotionnel sont relativement connues et l’on
oppose souvent, à raison, les Asiatiques – de nature plus réservée – aux
Américains – plus expressifs (Matsumoto, 1990). Il en va de même au niveau
des entreprises et, notamment, des secteurs professionnels. Ainsi, les agen-
ces de publicité sont connues pour avoir des normes émotionnelles très
labiles : on n’hésite pas à y afficher ses émotions ni à y exprimer des
émotions extrêmes (surtout si l’on fait partie du team créatif !). Les banques
prescrivent au contraire un environnement relativement dénué d’émotions (à
l’exception d’occasions telles que drinks, family days, team buildings, etc.).
Une caractéristique commune à de nombreuses entreprises, surtout dans les
services en contact avec la clientèle, réside néanmoins en la valorisation de
l’expression des émotions positives et l’inhibition des émotions négatives –
notons que c’est l’inverse dans les entreprises de pompes funèbres et d’huis-
siers de justice – (Hochschild, 1983). On retrouve de telles différences de
normes entre les familles. Alors que certaines familles valorisent l’expres-
sion des émotions, ces dernières constituent un sujet tout à fait tabou dans
d’autres. Il existe aussi des familles dans lesquelles il est permis d’exprimer
des émotions positives (joie, intérêt, enthousiasme) mais où l’expression
d’émotions négatives (ex. tristesse, colère, peur) est proscrite. Dans d’autres
familles, c’est l’inverse.
En résumé, les normes sociales imposent de réguler les émotions qui ne
cadrent pas avec les règles d’expression émotionnelle propres au groupe
d’appartenance. Nous avons tous dû, au moins une fois dans notre vie, régu-
ler notre colère afin de ne pas nous emporter en public, ne pas laisser perce-
voir notre agacement face à des clients particulièrement contrariants, ou
conserver notre sourire à la vue d’un cadeau qui ne nous plaisait absolument
pas. Les exemples et les situations qui attestent de la nécessité de réguler ses
émotions abondent.
138 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2 L’OBJET DE LA RÉGULATION
ÉMOTIONNELLE

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Comme nous l’avons suggéré dans les lignes qui précèdent, ce que l’on
entend par « régulation émotionnelle » ne se limite pas simplement à « se
défaire de ses émotions négatives ». En réalité, la régulation émotionnelle
recouvre l’ensemble des processus par lesquels l’individu va modifier son
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émotion. La régulation émotionnelle peut servir à modifier différents para-


mètres (Gross et Thompson, 2007).
• Le type d’émotion
Le cas le plus classique de régulation est de tenter de passer d’une
émotion négative à une absence d’émotion, voire à une émotion positive. Par
exemple, essayer de transformer l’ennui (pour une tâche, une conversation)
en intérêt. Ceci étant dit, on choisit aussi parfois, mais plus rarement, de
changer de type d’émotion au sein de la même valence1 affective. C’est le
cas lorsque l’on essaye de convertir sa tristesse ou sa déception en colère
après avoir été trompé par son (sa) partenaire.
• L’intensité de l’émotion
On peut rester dans le même registre émotionnel mais choisir de diminuer
simplement l’intensité de l’émotion ressentie. On peut ainsi réguler l’excita-
tion que l’on ressent à la perspective des vacances afin de pouvoir se concen-
trer et clôturer les dossiers en cours. De même, on peut choisir de rester en
colère à l’égard d’un(e) subordonné(e) qui a abusé du système mais décider
de modérer cette colère afin qu’elle ne handicape pas notre propre travail.
• La durée de l’émotion
Il s’agit ici de prolonger ou au contraire d’écourter une émotion. Nous
pouvons, par exemple, savourer un moment de bonheur afin de le prolonger
un maximum. On peut aussi tourner la page et écourter la tristesse que l’on a
éprouvée à la suite de la perte d’un emploi.
• Une ou plusieurs composantes de l’émotion
Il est possible de modifier toutes les composantes de l’émotion, de sorte
de ne plus rien ressentir du tout, ou de modifier uniquement la composante
expressive afin que l’on ne puisse pas deviner de l’extérieur ce que l’on
ressent à l’intérieur.

1. La valence renvoie au caractère positif (plaisante) versus négatif (déplaisante) d’une émotion.
Les émotions de valence négative sont la tristesse, la colère, la peur, la honte, etc. Les émotions
de valence positive sont la joie, l’intérêt, la fierté, etc.
INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 139

3 LES DIFFÉRENTES FORMES


DE RÉGULATION ÉMOTIONNELLE

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Bien que les individus tentent le plus souvent de se défaire de leurs émotions
négatives, la régulation émotionnelle ne se limite pas aux émotions négati-
ves. Il arrive ainsi que l’on doive réduire l’intensité d’émotions positives, par
exemple diminuer la joie liée à la réussite d’un examen en présence d’un ami
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qui a échoué.
Pour complexifier encore les choses, la régulation émotionnelle ne vise
pas toujours à diminuer l’intensité des émotions, elle peut également viser à
maintenir ou à augmenter l’intensité des émotions.
Il existe donc 4 grands types de régulation émotionnelle, selon que l’on
augmente ou diminue l’émotion, et selon que cette dernière est de valence
positive ou négative (Gross, 2008). Le tableau 7.1 schématise ces quatre
formes de régulation.

Tableau 7.1
Les quatre formes de régulation émotionnelle

Diminuer Augmenter
Diminuer l’anxiété liée à une Augmenter l’expression de tris-
Émotion échéance imminente, ou la tris- tesse dans le cas des employés
négative tesse occasionnée par une rupture de pompes funèbres, etc.
sentimentale, etc.

Masquer sa joie lorsqu’on a Essayer de profiter un maxi-


obtenu une promotion qu’un collè- mum du dernier jour des vacan-
Émotion positive
gue espérait ou lorsqu’on a réussi ces, augmenter son intérêt pour
un examen qu’un ami a raté, etc. un cours, etc.

Les deux formes de régulation les plus fréquentes sont la diminution des
émotions négatives et l’augmentation des émotions positives (Gross,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Richards et John, 2006). La diminution des émotions négatives est la forme


de régulation la plus fréquente (id.). Nous la pratiquons dans de nombreuses
situations, certaines tout à fait banales comme le stress des embouteillages
ou celui d’avoir perdu nos clés, d’autres dont les enjeux sont beaucoup plus
importants comme une rupture sentimentale ou la colère d’avoir été traité
injustement. Dans toutes ces situations, nous essayons de diminuer l’inten-
sité de nos émotions négatives afin de maintenir un fonctionnement normal.
Le chapitre 8 sera entièrement consacré à cette question. Nous y découvri-
rons quelles sont les stratégies les plus efficaces pour gérer nos émotions
négatives.
140 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

La seconde forme de régulation émotionnelle la plus fréquente est la


maintenance ou l’augmentation de l’intensité des émotions positives.
Différentes raisons nous conduisent à pratiquer cette forme de régulation.
Ce peut être (a) par pur hédonisme, lorsque nous essayons de prolonger un
moment de bonheur, (b) pour répondre à des contraintes sociales comme

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lorsque nous nous efforçons de trouver drôle la dernière blague racontée
par notre collègue ou (c) pour soutenir la performance, lorsque nous
tentons d’augmenter son intérêt pour un cours ou une tâche. Le chapitre 9
détaillera les stratégies les plus efficientes pour maximaliser ou prolonger
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ses affects positifs.


La diminution des émotions positives et l’augmentation des émotions
négatives sont plus rares, mais elles sont néanmoins utiles dans certaines
situations. La plupart des individus ne pratiquent l’augmentation des
émotions négatives que dans des situations spécifiques et à des dessins
bien particuliers. Les exemples les plus classiques sont l’augmentation
ou la maintenance d’un certain niveau d’anxiété afin de soutenir la
performance avant une évaluation importante (voir Tamir, 2005). Un
autre exemple fréquent consiste à augmenter les manifestations de tris-
tesse afin de recevoir du soutien ou de l’affection (Shipman, Zeman,
Nesin et Fitzgerald, 2003), ou à augmenter les manifestations de colère
afin d’intimider l’adversaire et d’arriver à ses fins (Clark, Pataki et
Carver, 1996 ; Tiedens, 2001). Comme nous l’avons souligné ci-dessus,
certaines professions requièrent l’expression d’émotions négatives et
exigent des employés qu’ils soient capables de générer et d’augmenter
facilement des émotions négatives. C’est le cas, par exemple, des huis-
siers de justice à qui l’on demande de se mettre en colère afin d’intimider
les débiteurs et d’augmenter ainsi la probabilité que ceux-ci remboursent
leurs dettes.
Finalement, il existe des situations qui requièrent de diminuer, voire de
supprimer ses émotions positives. On utilise cette forme de régulation afin
de faciliter sa performance (ex. lorsque l’on essaye de différer son excita-
tion à l’idée du week-end afin de finir les tâches en cours), afin de s’aligner
aux normes en matière d’expression émotionnelle (ex. on ne saute pas de
joie en comité de direction ou lors d’un examen oral, même si l’on vient
d’apprendre une bonne nouvelle) ou afin de répondre à des contraintes
sociales. Ainsi, même si vous débordez de bonheur et de fierté après
l’obtention d’une promotion ou la réussite d’un examen, il sera indispensa-
ble de masquer votre joie si votre ami n’a pas obtenu la même promotion
ou a échoué à l’examen.
En dépit de l’existence de ces quatre formes de régulation émotionnelle,
nous nous centrerons sur les deux formes les plus fréquentes. Le chapitre 8
se focalisera sur la diminution des émotions négatives. Le chapitre 9 abor-
dera l’augmentation des émotions positives.
INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 141

Avant de développer notre propos, il est important de préciser que la régu-


lation peut être faite de manière contrôlée (consciente) ou automatique
(inconsciente). En fait, la plupart des épisodes de régulation se déroulent en
dehors du champ de la conscience. À force d’être répétés, les processus de
régulation s’automatisent. Cette automatisation facilite grandement la vie de

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l’individu parce qu’elle rend la régulation rapide et peu coûteuse en termes
de ressources investies. Néanmoins, comme nous le verrons plus loin, cette
automatisation joue aussi parfois contre l’individu parce qu’elle rend tout
changement à ce niveau beaucoup plus difficile.
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4 L’IMPORTANCE DE LA RÉGULATION
ÉMOTIONNELLE

Nous avons vu que les émotions devaient être régulées lorsqu’elles ne sont
pas en accord avec les normes en matière d’expression émotionnelle ou
lorsqu’elles ont des conséquences négatives pour le bien-être de l’individu,
pour sa performance ou pour autrui.
De manière plus générale, les recherches ont montré que la capacité à régu-
ler ses émotions était une aptitude essentielle, et que cette aptitude avait des
conséquences fondamentales dans au moins cinq grands domaines de la vie.

4.1 Les relations sociales


Les individus qui gèrent mal leurs émotions ont moins d’amis, ont des rela-
tions sociales et conjugales de moindre qualité, et rencontrent plus
fréquemment des conflits interpersonnels (ex. Lopes et al., 2005 ; Schutte
et al., 2001). Ces personnes sont aussi moins appréciées par leurs pairs
(ex. Gross, 2002). Tout cela est relativement logique : si nous nous mettons
constamment en colère envers nos proches, si nous sommes perpétuelle-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ment tristes, si nous ne parvenons pas à contrôler notre jalousie, les gens
finiront par nous tourner le dos !

4.2 La performance (académique ou professionnelle)


Les étudiants qui éprouvent des difficultés à gérer leurs émotions réussis-
sent significativement moins bien à l’école et à l’Université (ex. Gumora et
Arsenio, 2002 ; Leroy et Grégoire, 2007). Deux processus participent sans
doute à cet effet : la gestion des émotions négatives (anxiété, ennui) et la
142 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

gestion des émotions positives (intérêt, enthousiasme). Les étudiants qui ne


parviennent pas à diminuer l’anxiété ou l’ennui que leur inspire un cours
passent souvent plus de temps à ruminer ou à procrastiner qu’à étudier. De
même, les étudiants qui n’arrivent pas à maintenir leur intérêt pour une
matière ou leur enthousiasme à l’égard d’un projet abandonneront plus

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facilement.
Les mêmes processus restent d’application dans le monde professionnel.
Les personnes qui gèrent bien leurs émotions sont ainsi plus performantes
dans les tâches qu’elles doivent effectuer. Ainsi, les équipes hospitalières
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dans lesquelles les infirmier(e)s ont de bonnes capacités à gérer leurs


émotions prodiguent des soins de meilleure qualité et respectent plus volon-
tiers les normes d’hygiène de l’hôpital (Quoidbach et Hansenne, 2009). La
capacité à gérer ses émotions joue également un rôle majeur dans les profes-
sions de service. Les vendeurs qui gèrent bien leurs émotions voient leurs
clients plus satisfaits et plus enclins à refaire appel aux services de l’entre-
prise (Grandey, 2003).
Finalement, les recherches ont montré que les personnes qui gèrent mal
leurs émotions ont statistiquement plus de risques de se retrouver au
chômage que les autres (Mikolajczak, Luminet, Leroy et Roy, 2007). Il y a,
ici aussi, au moins deux explications possibles à cet effet : l’une est relative à
l’obtention d’un travail, l’autre concerne la perte de son travail. Les person-
nes qui ont du mal à gérer leur anxiété (ex. lors d’un entretien d’embauche)
éprouvent plus de difficultés à obtenir du travail. Celles qui ont du mal à
gérer leur colère ont plus de difficultés à garder leur emploi (altercations
avec le supérieur, les clients, etc.).

4.3 Le bien-être et les troubles psychologiques


De manière peu surprenante, les personnes qui ne parviennent pas à gérer
leurs émotions rapportent être moins heureuses et avoir une qualité de vie
inférieure aux autres. Les études indiquent que ces dernières sont en
outre beaucoup plus à risque de développer des troubles psychologiques
que les autres (ex. tomber en dépression, souffrir de crises d’angoisse,
développer des phobies multiples ou faire un burn-out) (ex. Gross et
Munoz, 1995 ; Mikolajczak, Luminet et al., 2007 ; Mikolajczak, Luminet
et Menil, 2006 ; Mikolajczak, Menil et Luminet, 2007). À nouveau, ceci
apparaît relativement logique : il n’y a rien d’étonnant à ce que les
personnes qui ne parviennent pas à réguler leur tristesse finissent par
faire une dépression, que les personnes qui ne parviennent pas à réguler
leur peur finissent par développer l’une ou l’autre phobie, que celles qui
ne parviennent pas à réguler leur colère finissent par présenter des trou-
bles du comportement, etc.
INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 143

4.4 La santé physique


La difficulté à réguler ses émotions, et spécifiquement la difficulté à dimi-
nuer ses émotions négatives, constitue un facteur de risque dans le dévelop-
pement ou l’aggravation de différentes maladies, telles que l’asthme, le

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diabète, les maladies gastro-intestinales, les maladies cardiovasculaires et,
même, certains cancers (ex. Blumenthal et al., 2005 ; Lehrer, Isenberg et
Hochron, 1993 ; Spiegel et Giese-Davis, 2003 ; Thurin et Baumann, 2003).
La raison est simple : les émotions ont une contrepartie biologique. Lorsque
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l’on est en colère, on ne se dit pas simplement « je suis en colère » mais on


éprouve physiquement cette colère : on a le cœur qui s’accélère, les muscles
des bras et des mains qui se crispent, les joues en feu, etc. Ces manifestations
sont le résultat de changements au niveau de l’activité de différents neuro-
transmetteurs et de la libération de certaines hormones.
Comme nous l’avons vu au chapitre 2, le stress engendre une cascade de
réactions qui aboutissent à la libération d’une hormone appelée cortisol. À
court terme, la libération du cortisol est fonctionnelle car elle fournit à
l’organisme l’énergie nécessaire (sucres, oxygène) pour faire face au stres-
seur. Le cortisol permet ainsi la transformation des graisses en sucres dans le
foie, l’orientation prioritaire du sang vers le cerveau et les muscles (afin de
pouvoir réfléchir et, le cas échéant, se battre ou courir), la mise au repos des
systèmes qui ne sont pas directement utiles à la gestion de la menace
(comme par exemple les systèmes digestif et reproducteur). De même, les
réactions immunitaires sont temporairement amoindries afin que, si l’indi-
vidu se blesse durant sa fuite, l’énergie ne soit pas consommée par la bles-
sure mais reste disponible pour l’action. Aussi fonctionnelle que soit l’action
du cortisol à court terme, elle pose problème lorsqu’elle est prolongée. Ainsi,
lorsqu’un stress persiste ou qu’il n’est pas régulé, on observe, entre autres,
un dérèglement de la glycémie (facteur d’aggravation du diabète), des trou-
bles gastro-intestinaux, une baisse du désir sexuel (à cause de la mise au
repos de ces systèmes), et une vulnérabilité accrue aux virus (en raison de la
baisse prolongée de l’immunité). Parallèlement à la libération du cortisol, le
stress engendre la libération d’adrénaline, laquelle a pour fonction d’accélé-
rer le rythme cardiaque afin de dépêcher l’apport d’oxygène et de sucre dans
les tissus.
Ces mêmes médiateurs chimiques et/ou d’autres interviennent dans diffé-
rentes émotions, avec le même résultat : un effet positif à court terme et un
effet délétère si l’émotion n’est pas régulée. Ainsi, les personnes qui se
mettent en colère pour un rien ont significativement plus de risques de déve-
lopper des troubles cardio-vasculaires (en raison de l’accélération prolongée
du rythme cardiaque).
144 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

4.5 La gestion des ressources matérielles


La gestion des ressources matérielles et financières constitue un aspect
important de notre vie, parce qu’il est directement lié à notre subsistance.
Contrairement à ce qu’ont longtemps cru les économistes, les individus ne

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gèrent pas leur argent de manière rationnelle. Ce phénomène s’observe dans
la vie quotidienne mais également, et de manière plus surprenante peut-être,
au niveau des investissements en bourse. Comme l’ont montré les psycholo-
gues Kahneman et Tversky, les investisseurs ne réagissent pas de la même
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manière aux pertes qu’aux gains. Ce déséquilibre a fait l’objet d’une des
théories les plus influentes en économie : la théorie des perspectives ou
« prospect theory » (Kahneman et Tversky, 1979), pour laquelle les auteurs
ont d’ailleurs reçu le prix Nobel d’économie. Son principe est illustré dans la
figure 7.1.

Figure 7.1
Le rapport entre valeur objective et valeur subjective
dans la théorie des perspectives

On observe principalement deux choses dans cette figure (Salovey, 2001).


Premièrement, la valeur subjective d’une unité de gain est inférieure à celle
d’une unité de pertes. Le sentiment positif qui suit un gain X est inférieur au
sentiment négatif qui suit la perte de la même somme. En d’autres termes,
INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 145

« gagner 10 000 €, c’est chouette, mais en perdre 10 000 est une catastrophe ».
Nous allons donc tâcher d’éviter les pertes plutôt que de maximiser les gains.
Deuxièmement, la manière dont la courbe s’aplanit avec le temps, tant
pour les gains que pour les pertes, indique qu’après avoir atteint un certain
seuil, le sentiment positif ou négatif qui suit les gains ou les pertes

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n’augmente plus de manière significative, et ce quelle que soit la valeur de
ces gains ou de ces pertes. Ainsi, une fois que nous nous sentons bien après
un certain gain, il est peu probable que nous nous sentions beaucoup mieux
en gagnant plus. De même, une fois que nous nous sentons mal après un
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certain niveau de perte, il est peu probable que nous nous sentions beaucoup
plus mal en perdant plus. Cette théorie rend ainsi compte d’une observation
que les modèles rationnels économiques ne pouvaient expliquer : la tendance
des investisseurs à vendre prématurément les actions qui rapportent, et à
conserver trop longtemps celles qui déclinent.
D’un point de vue émotionnel, la théorie des perspectives (prospect
theory) peut être conceptualisée en termes de fierté et de regret (Salovey,
2001). Les individus tendent à rechercher la fierté et à éviter le regret. Lors-
que nous vendons une action qui rapporte, nous pouvons être fiers de nos
gains. Nous pouvons également nous féliciter d’avoir eu raison sur la qualité
de l’action. En revanche, si nous vendions une action qui périclite, nous
accuserions une perte tangible regrettable. Nous devrions également admet-
tre nous être trompés quant à la qualité de cette action. Tant que nous ne
vendons pas, la perte n’est pas réelle et nous ne nous sommes pas encore
« vraiment » trompés. Pas de vente, pas de regret.
L’influence des émotions sur les comportements des investisseurs met en
évidence l’utilité d’une bonne gestion émotionnelle. Les individus capables
de réguler leur joie et leur regret auront davantage tendance à poser les bons
comportements.
Nous venons de voir pourquoi il était capital de pouvoir réguler ses
émotions. Il suffit toutefois de regarder autour de soi pour se rendre compte
que les individus diffèrent considérablement dans leur capacité à gérer leurs
émotions. Dans la section suivante, nous allons examiner la provenance de
ces différences.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

5 LES SOURCES DE DIFFÉRENCES


ENTRE LES INDIVIDUS

Les facteurs qui influencent les aptitudes de régulation d’un individu peuvent
être regroupés en deux grandes classes : les facteurs génétiques et les
facteurs environnementaux.
146 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

5.1 Les facteurs génétiques


Des chercheurs ont récemment découvert l’existence de deux gènes impli-
qués dans les troubles de la régulation émotionnelle. Le premier, 5-HTT,
détermine en partie la réactivité de l’amygdale (voir Munafo, Brown et

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Hariri, 2008 pour une méta-analyse). Les sujets porteurs de l’allèle court
sont plus réactifs émotionnellement. Le second, COMT, est davantage en
lien avec les zones frontales et détermine en partie la qualité de la régulation.
Ainsi, 5-HTT expliquerait que certains aient plus vite peur que d’autres et
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COMPT expliquerait pourquoi certains ont du mal à réguler cette peur (voir
point 7. ci-dessous : « Réactivité et régulation ») (Lonsdorf et al., 2009).
Il est important de bien comprendre cette notion de vulnérabilité. Être
vulnérable veut dire être à risque. Une personne dite « à risque » ne va pas
automatiquement présenter le problème. Elle ne le présentera que si elle
combine ce facteur de risque génétique avec des facteurs de risques environ-
nementaux. Une personne qui possède l’allèle court du transporteur 5-
HTTLPR est plus vulnérable : elle risque plus de présenter des troubles
émotionnels qu’une personne avec un allèle long. Néanmoins, une personne
avec un allèle court peut gérer ses émotions de manière efficace si les
facteurs environnementaux lui sont favorables. Ainsi, une personne porteuse
de l’allèle court qui n’est pas confrontée à des événements de vie excessive-
ment stressants dans l’enfance, qui a des parents chaleureux, qui gèrent bien
leurs émotions et qui lui apprennent à bien gérer les siennes, régulera proba-
blement mieux ses émotions qu’une personne porteuse de l’allèle long mais
qui a été abusée durant son enfance, dont les parents parlaient peu et régu-
laient mal leurs émotions.

5.2 Les facteurs environnementaux


Nous avons dit plus haut qu’une personne avec un allèle court pouvait gérer
ses émotions de manière efficace si les facteurs environnementaux lui étaient
favorables. De la même manière, une personne possédant l’allèle long pourra
mal gérer ses émotions si les facteurs environnementaux lui sont défavora-
bles.
Quels sont les principaux facteurs environnementaux déterminant la capa-
cité à gérer ses émotions ?
– Le premier facteur est ce qu’on appelle l’attachement, c’est-à-dire la
qualité du lien entre l’enfant et ses parents (Bowlby, 1973). L’affection
que les parents témoignent à l’enfant, la tendresse physique, la sécurité du
lien, la capacité des parents à identifier les besoins de l’enfant et à y
répondre adéquatement, etc., contribueront à déterminer ce que l’on
appellera la « réactivité émotionnelle » de l’enfant. Un enfant dit
INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 147

« sécurisé » éprouvera moins d’émotions négatives et les ressentira de


manière beaucoup moins intense qu’un enfant dit « insécurisé » (Cassidy,
1994 ; Thompson, 1994). Le travail de régulation sera donc moins difficile
pour le premier que pour le second.
– Le second facteur concerne la capacité des parents à gérer leurs

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émotions. L’enfant apprend dès son plus jeune âge par observation
(Bandura, 1965). Le comportement des parents a ainsi une grande impor-
tance sur le développement de l’enfant. Un enfant qui voit ses parents se
mettre en colère régulièrement, casser des objets quand ils sont énervés,
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boire pour anesthésier leurs émotions retiendra ces manières d’agir et aura
tendance à les reproduire (voir Thompson, 1994).
– Le troisième facteur est relatif aux événements traumatiques. De
nombreuses études ont montré que l’exposition précoce à un événement
traumatique affecte profondément le fonctionnement cérébral et endocri-
nien de l’enfant, le rendant plus vulnérable face aux événements de vie
ultérieurs (ex. Schore, 2001 ; Heim et Nemeroff, 2001). Une dépression
ou un stress chronique et élevé chez la mère durant la grossesse rendra
également l’enfant plus vulnérable (ex. Essex, Klein, Cho et Kalin, 2002).
Il est à noter que nous parlons ici des facteurs qui vont façonner les capa-
cités d’un individu à réguler ses émotions dans l’absolu. Nous ne parlons pas
des événements qui, au cours de la vie, vont faciliter ou au contraire dégrader
la capacité d’un individu à gérer ses émotions. Il va de soi, par exemple,
qu’une accumulation d’événements de vie difficiles rendra la gestion des
émotions difficile chez toute personne en raison de l’épuisement de ses
ressources (Baumeister, 2002).

6 UNE CONFIGURATION
ET UN FONCTIONNEMENT PARTICULIERS
DU CERVEAU
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

L’interaction des facteurs génétiques et environnementaux aboutit à une


configuration et à un fonctionnement particuliers du cerveau.
Les corrélats cérébraux des différences individuelles dans la régulation
émotionnelle sont encore, à l’heure actuelle, très peu connus. Néanmoins, un
chercheur américain, Richard Davidson, a découvert que les personnes qui
régulaient bien leurs émotions avaient le cortex préfrontal gauche propor-
tionnellement plus activé que le droit, même au repos (ex. Davidson, 2004 ;
Davidson, 1998).
148 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

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Figure 7.2
Situation du cortex préfrontal dans le cerveau
(Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ed/BrainLobes-
Labelled.jpg)

Les hémisphères gauche et droit du cortex préfrontal correspondraient à


deux systèmes fondamentaux, chacun sous-tendant différentes formes de
motivations et d’émotions. L’hémisphère gauche du cortex préfrontal faci-
literait les comportements appétitifs et générerait des affects liés à l’appro-
che, comme par exemple l’enthousiasme, la fierté. À l’inverse,
l’hémisphère droit du cortex préfrontal faciliterait le retrait des sources de
stimulation aversives et générerait des affects liés à l’évitement, comme la
peur ou le dégoût.

Un ensemble d’études a montré qu’une asymétrie gauche du cortex


préfrontal (c’est-à-dire un hémisphère gauche proportionnellement plus
actif) a des conséquences significatives sur l’affectivité et la régulation
émotionnelle. Par exemple, les personnes qui présentent une asymétrie
gauche éprouvent plus d’émotions positives que leurs pairs ayant une asymé-
trie à droite, récupèrent plus vite suite à un événement négatif, présentent un
niveau de cortisol plus bas ainsi qu’une réponse immunitaire plus élevée,
tant au repos qu’en réponse à un stresseur (voir Davidson, 2004 pour une
revue). L’induction expérimentale d’une asymétrie via une stimulation
magnétique transcrânienne produit les mêmes effets, suggérant que c’est
INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 149

l’asymétrie préfrontale qui cause les différences d’affectivité et de régula-


tion, et non l’inverse (Allen, Harmon-Jones et Cavender, 2001 ; Schutter,
Van Honk, Postma et de Haan, 2001).

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7 RÉACTIVITÉ ET RÉGULATION
ÉMOTIONNELLE
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L’interaction des facteurs génétiques et environnementaux influence :


– la réactivité émotionnelle, c’est-à-dire la réaction initiale de l’individu à
une situation potentiellement émotionnelle. Cette réactivité dépend essen-
tiellement de l’activation des aires sous-corticales (c’est-à-dire du système
limbique) et, en particulier, de l’amygdale (voir chapitre 2). L’amygdale a
en quelque sorte un rôle de radar. Il s’agit en effet d’une structure ayant
pour but d’attirer l’attention de l’individu, de lui signaler la présence de
stimuli pertinents dans l’environnement. L’amygdale s’active ainsi parti-
culièrement en présence de stimuli menaçants ou désagréables, mais elle
s’active également dans le cas de stimuli appétitifs (Costafreda et al.,
2008 ; Phan et al., 2002). Tout comme il y a des radars plus perfectionnés
que d’autres, il y a aussi des amygdales plus réactives que d’autres. Le
degré de réactivité de l’amygdale est le produit des gènes de l’individu et
de son environnement. Les personnes très anxieuses sont souvent caracté-
risées par une hyper-vigilance : leur amygdale est en quelque sorte
« hyper-perfectionnée » et s’active au quart de tour (Etkin et Wager,
2007). Elle prend parfois même du « bruit » pour un stimulus pertinent !
Même s’il est possible qu’elle leur sauve un jour la vie, cette hyper-vigi-
lance a beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages car elle génère de
très nombreuses fausses alertes (Stein, 2003). L’amygdale des personnes
anxieuses crie beaucoup plus vite au danger et génère donc davantage
d’émotions à réguler ;
– la capacité à réguler le niveau de réactivité initial. Cette modulation se
fait, au niveau cérébral, via l’activation du cortex préfrontal. C’est dans
cette zone que l’on retrouve également la mémoire de travail, le traitement
linguistique, etc. (Fuster, 2008). Le cortex préfrontal est le principal
centre de contrôle des émotions (Davidson, 2004 ; Ochsner et al., 2002).
Cependant, là encore, des différences individuelles existent : certaines
personnes activent automatiquement et aisément leur cortex préfrontal
alors que d’autres non.
150 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Un exemple pour illustrer la réactivité et la régulation


Prenons la peur, celle de ne pas être performant lors de la présentation orale des
résultats annuels d’une entreprise. Le radar (l’amygdale) informe l’individu de la

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présence d’une situation pertinente (ce que nous ressentons subjectivement par
de l’anxiété), et le corps se met parallèlement et immédiatement en état d’alerte
(augmentation du rythme cardiaque, etc.). Le cortex préfrontal a toutefois la
possibilité de diminuer, voire de supprimer l’émotion. C’est ce qui se passe lors-
que nous nous disons « allons, une petite présentation orale, ce n’est quand
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même pas la mort ! Il y a des choses bien plus graves que cela dans la vie, des
gens qui risquent leur vie en Irak », etc. Lorsque nous tenons ce genre de monolo-
gue intérieur, nous activons notre cortex préfrontal, ce qui s’accompagne d’une
désactivation progressive de l’amygdale.

Les individus qui éprouvent le plus de difficultés à gérer leurs émotions


sont ceux qui ont à la fois une réactivité émotionnelle élevée et des capacités
de régulation faibles. Diminuer sa réactivité par rapport aux situations
émotionnelles est possible mais au prix d’un travail important. Le chapitre 6
a été entièrement consacré à cette question. Le chapitre 8 sera consacré aux
stratégies de régulation proprement dites.

8 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons commencé par expliquer ce qu’était la régula-


tion émotionnelle, à quoi elle servait et quelles en étaient les différentes
formes. Nous avons ainsi mis en évidence que l’on pouvait modifier la nature
même de l’émotion ou seulement son intensité, sa durée ou sa composante
expressive. Nous avons vu également que, même si l’on cherche le plus
souvent à diminuer ses émotions négatives, il existe d’autres formes de régu-
lation, telles que l’augmentation d’émotions positives ou l’augmentation
d’émotions négatives. Ensuite, nous avons exposé les conséquences d’une
bonne/mauvaise gestion des émotions et observé que la qualité de la gestion
émotionnelle avait des conséquences dans les cinq domaines majeurs de la
vie des individus, à savoir leur santé mentale, leur santé physique, leur
performance au travail, leurs relations sociales et la gestion de leurs ressour-
ces matérielles. En dépit de l’importance de la régulation, nous avons montré
que les individus différaient fortement dans leurs capacités à réguler leurs
émotions et que ces différences avaient une origine tant génétique qu’envi-
ronnementale. Ces différences trouvent leur expression dans le choix de stra-
tégies de régulation très distinctes face à un même événement émotionnel.
INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 151

Ces stratégies seront exposées dans les chapitres suivants. Le chapitre 8


approfondira les stratégies les plus efficaces (et, brièvement, les plus délétè-
res) lorsqu’il s’agit de diminuer ses émotions négatives. Le chapitre 9
présentera les stratégies les plus efficientes (et, brièvement, les plus délétè-
res) pour augmenter ses affects positifs.

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LA RÉGULATION
DES ÉMOTIONS
NÉGATIVES1
Chapitre 8

1. Par Moïra Mikolajczak.


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Ce chapitre sera consacré à l’exposé des différentes stratégies de gestion


émotionnelle étudiées dans la littérature. Dans une première partie, nous
présenterons un modèle fonctionnel de la régulation émotionnelle. Nous
découvrirons les stratégies qui permettent de diminuer l’émotion négative (à
court terme) et d’améliorer la santé mentale et physique (à long terme). Afin
de faciliter la lecture et l’organisation conceptuelle de ces stratégies, nous les
avons organisées sous forme d’un modèle. Il est à noter qu’aucune stratégie
ne peut être qualifiée d’efficace pour tout le monde et dans toutes les situa-
tions. Les stratégies que nous présentons dans ce chapitre ont été retenues
parce que ce sont celles qui ont démontré les effets les plus forts, pour le plus
grand nombre de personnes, dans un grand nombre de situations. Dans une
seconde partie, nous présenterons les avatars de la régulation émotionnelle :
nous exposerons brièvement les stratégies dysfonctionnelles et leurs effets.
Dans la suite de notre propos, nous partirons de l’hypothèse que l’émotion
n’est pas fonctionnelle dans le contexte où se trouve l’individu (d’où la
nécessité de la réguler) et que celui-ci souhaite la réguler. Ce dernier point
peut sembler aller de pair avec le premier, mais c’est loin d’être toujours le
cas. Il existe en effet une série de raisons qui peuvent conduire un individu à
délibérément choisir de maintenir une humeur négative. Outre les situations
de maintien stratégique (ex. choisir de ne pas réguler la tristesse due à un
comportement irrespectueux du conjoint afin que ce dernier comprenne qu’il
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

est allé trop loin), certaines personnes ne se sentent vivre que si elles éprou-
vent des émotions négatives (recherche de l’émotionnalité), et d’autres se
complaisent même dans la douleur (ex. masochisme). Nous ne nous attarde-
rons pas sur ces cas ici ; ils sont trop complexes que pour pouvoir être traités
brièvement avec le respect qui leur est dû. En outre, ces individus sortent du
cadre de la régulation émotionnelle puisque tel n’est pas leur objectif. Nous
renvoyons donc le lecteur vers les théories psychanalytiques et systémiques,
plus à même d’éclairer ces problématiques.
Les individus qui choisissent délibérément de ne pas réguler leurs
émotions négatives – en dépit de leur capacité à le faire – sont à distinguer de
156 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

ceux qui souhaitent les réguler, mais qui en sont incapables. On peut en effet
souhaiter sincèrement se défaire d’une émotion négative et ne pas y arriver.
Ceci peut être dû soit à un répertoire de régulation composé de stratégies
essentiellement dysfonctionnelles (voir la seconde partie du chapitre) ou à un
manque de ressources. La régulation a en effet un coût et, si les ressources

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ont été appauvries précédemment, l’individu n’en disposera pas suffisam-
ment pour la régulation. Les études montrent ainsi que l’on gère moins bien
ses émotions lorsqu’on est extrêmement fatigué (voir Dahl, 1999), lorsqu’on
a épuisé ses ressources à la gestion d’autres émotions (Stucke et Baumeister,
2006 ; ex. il est plus difficile de gérer la perte de son emploi si l’on vient de
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subir une rupture sentimentale) ou lorsque l’on manque physiquement


d’énergie (voir Gaillot et Baumeister, 2007 pour une revue ; il est ainsi plus
difficile de gérer ses émotions si l’on a faim ou soif). Ainsi, il peut arriver à
tout le monde, même aux personnes ayant d’ordinaires de très bonnes capa-
cités de gestion émotionnelle, d’être « émotionnellement dépassé ».

1 LES STRATÉGIES DE RÉGULATION


FONCTIONNELLES

Il existe deux grandes familles de stratégies de régulation : la régulation a


priori et la régulation a posteriori.

1.1 La régulation a priori


La « régulation a priori » correspond aux efforts menés afin de désamorcer
l’émotion AVANT qu’elle ne se manifeste (Gross, 2007). Il existe deux gran-
des familles de régulation a priori : la sélection de la situation et l’évaluation
de la situation.

1.1.1 La sélection de la situation


Ceci concerne essentiellement l’anticipation des émotions induites par une
situation et la prise en compte de ces émotions dans la sélection des situa-
tions auxquelles on va s’exposer. Par exemple, si les personnes nonchalantes
m’insupportent, ce n’est peut-être pas une bonne idée d’engager un collabo-
rateur nonchalant dans mon équipe. Pouvoir anticiper les émotions que l’on
va ressentir dans différentes situations1 et en tenir compte au moment de
prendre une décision facilite la régulation des émotions (Loewenstein,
2007). C’est ce qu’on appelle la gestion préventive des émotions.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 157

Des études ont révélé qu’alors que certaines personnes sélectionnaient


avantageusement les situations, d’autres se retrouvaient systématiquement
dans des situations pénibles. En d’autres termes, la probabilité que ces
dernières soient exposées à des événements négatifs était beaucoup plus
élevée que la probabilité due au hasard (Bolger et Schilling, 1991 ; Suls et

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Martin, 2005). Il existe deux mécanismes qui peuvent conduire ces person-
nes à sélectionner systématiquement des situations qui ne favorisent pas leur
épanouissement personnel. Soit elles anticipent mal les émotions que la
situation risque de provoquer, soit elles ne les prennent pas en compte au
moment de prendre leur décision (Hsee et Hastie, 2006).
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La figue 8.1 illustre ce processus.


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 8.1
Processus de sélection d’une situation et biais potentiels

■ Les problèmes liés à l’anticipation


Il existe de nombreuses sources d’erreurs lorsque nous anticipons nos
émotions futures. Par souci de concision et de clarté nous nous limiterons

1. C’est ce que les Anglo-Saxons appellent l’affective forecasting.


158 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

à détailler ici trois biais de prédiction majeurs : les biais d’impact, les
biais de projections et les biais de mémoire 1. Nous sommes tous victimes
de ces biais. Ceci dit, les recherches montrent que les individus les plus
sensibles à ces biais sont également ceux qui ont le plus de difficultés à
gérer leurs émotions (Dunn, Brackett, Ashton-James, Schneiderman et

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Salovey, 2007).

Les biais d’impact. Si nous sommes généralement capables de prédire la


valence et le type d’émotion qu’une situation future produira, les recher-
ches montrent que nous sur-estimons souvent l’intensité et la durée de
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ces émotions. Ainsi, les personnes engagées dans une relation sentimen-
tale surestiment l’intensité et la durée de tristesse qu’engendrerait une
rupture. C’est l’une des raisons qui expliquent que certaines personnes
engagées dans une relation nuisible persévèrent malgré tout. De même,
les jeunes chargés de cours à l’Université ont tendance à surestimer la
joie d’être nommés à titre définitif et la tristesse s’ils n’obtiennent pas le
poste convoité (Wilson et Gilbert, 2003). C’est également ce qui les
conduit à travailler excessivement, certains allant jusqu’à mettre leur
santé en danger pour obtenir ledit poste.

Les biais de projection. Le biais de projection consiste dans le fait de


confondre notre état physiologique (viscéral) au moment de faire une prédic-
tion avec ce que nous ressentirions lors de l’événement en question
(Loewenstein, O’Donoghue et Rabin, 2003). Ainsi, lorsque des participants
doivent prédire juste après avoir dîné combien ils apprécieraient un délicieux
petit-déjeuner le lendemain matin, la majorité sous-estiment leur plaisir réel.
Ces participants projettent leur état de satiété actuel dans le futur (Loewens-
tein et al., 2003 ; Gilbert, Gill et Wilson, 2002 ; Read et Van Leeuwen,
1998). Ces biais de projections peuvent conduire à des choix que nous
regretterons par la suite. Par exemple, les personnes qui font leurs courses
lorsqu’elles ont faim achètent plus de nourriture que nécessaire.

Les biais de mémoire. Nos prédictions du futur sont très largement basées
sur nos souvenirs du passé (Quoidbach, Hansenne et Mottet, 2008 ; Sudden-
dorf et Corballis, 2007). Cependant, notre mémoire est loin d’être parfaite et
les biais qui affectent nos souvenirs affectent par conséquent également nos
prédictions (Karney et Coombs, 2000 ; Wirtz, Kruger, Scollon et Diener,
2003).

1. Nous renvoyons le lecteur intéressé par l’affective forecasting aux travaux de Daniel Gilbert et
Tim Wilson.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 159

Une étude de Kahneman et collègues illustre ce phénomène (Kahneman, Fredrick-


son, Schreiber et Redelmeier, 1993). Les participants étaient amenés à vivre
deux expériences déplaisantes successives : plonger leur main dans un basin
d’eau glacée pendant 60 secondes et plonger leur main dans un bassin d’eau
glacée pendant 60 secondes puis 30 secondes dans un bassin d’eau moyenne-

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ment froide. De manière purement objective, cette deuxième expérience est la
pire des deux puisqu’elle implique 60 secondes d’inconfort sévère plus
30 secondes d’inconfort modéré (au lieu de 60 d’inconfort sévère). Cependant,
lorsque l’on demandait ensuite aux participants de choisir laquelle des deux
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expériences ils préféraient revivre (prédiction), ceux-ci déclaraient préférer la


deuxième plutôt que la première ; ils basaient ainsi leur jugement uniquement sur
la fin de l’événement.

■ Les problèmes liés à la non-prise en compte des anticipations


Afin de maximiser notre bien-être émotionnel, nous devons non seulement
nous prémunir des différents biais afin d’imaginer le plus précisément possi-
ble les conséquences d’une situation, mais également être capables d’utiliser
ces prédictions au moment de choisir entre différentes options. Les études
indiquent que nous ne faisons qu’un usage limité de nos prédictions. Ainsi,
au lieu de choisir les situations qui maximisent les émotions positives (ou
minimisent les émotions négatives), nous avons tendance à choisir les situa-
tions qui rapportent le plus à court terme (impulsivité), qui sont en accord
avec nos règles de décision, ou encore dont les critères de décisions nous
semblent les plus objectifs.

L’impulsivité. S’il est fondamental d’anticiper nos émotions futures et de


les prendre en compte dans nos décisions, il faut bien évidemment
TOUJOURS évaluer les choses à court et à long terme. Certaines situations
déclenchent des émotions négatives à court terme mais ont un bénéfice –
c’est-à-dire contribuent à la présence d’émotions positives – à long terme.
C’est le cas d’un exposé oral ou d’une session d’examen par exemple.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Éviter ces situations parce qu’elles déclenchent des émotions négatives


serait hautement dysfonctionnel car cela équivaudrait à se priver de la
possibilité d’obtenir la promotion ou le diplôme convoité. Ce serait donc se
rendre la vie plus difficile, ce qui générerait à long terme plus – et non
moins – d’émotions négatives.
Il importe donc d’anticiper et de prendre en compte les émotions futures
ET d’évaluer les coûts/bénéfices émotionnels à court et à long terme avant de
décider de se confronter ou d’éviter la situation. On privilégiera la confronta-
tion si celle-ci engendre plus de bénéfices que de coûts à long terme ; on
optera pour l’évitement dans le cas contraire.
160 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Les règles de décision. Dans bon nombre de cas, nous basons nos choix sur
des règles de décision (« ne pas gaspiller », « rechercher la diversité ») plutôt
que sur nos prédictions affectives.

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Ainsi, par exemple, dans une étude sur la règle « ne pas gaspiller », des cher-
cheurs ont demandé à des participants d’imaginer qu’ils avaient, par erreur,
réservé deux week-ends de ski aux mêmes dates : un week-end à 100 dollars
dans le Michigan et un week-end à 50 dollars dans le Wisconsin. Ne pouvant
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effectuer les deux voyages en même temps ni se faire rembourser, les participants
étaient forcés de choisir entre les deux destinations. Malgré le fait que les cher-
cheurs avaient dit préalablement aux participants que le voyage au Wisconsin
était de loin le plus agréable, la majorité des participants choisissaient le Michi-
gan (destination pour laquelle ils avaient dépensé le plus d’argent) (Arkes et
Blumer, 1985).
De même, dans une étude sur la règle « rechercher la diversité » un chercheur a
demandé à des étudiants de prédire le plaisir qu’ils éprouveraient s’ils pouvaient
manger pendant plusieurs jours consécutifs leur friandise préférée ou un mélange
de différentes variétés de friandises (une différente chaque jour). Alors que la
plupart des étudiants prédisaient qu’ils retireraient davantage de plaisir à
manger leur bonbon préféré, au moment de sélectionner une des deux options, la
majorité d’entre eux choisissaient le mélange de friandise (Simonson, 1990). Ils
basaient ainsi leur choix sur une règle de décision selon laquelle il est bon de
choisir la diversité, plutôt que sur l’anticipation de leurs émotions futures.

Le désir d’être rationnel. La plupart des individus essayent de prendre les


décisions les plus rationnelles possibles (Shafir, Simonson et Tversky, 1993 ;
Simonson et Nowlis, 2000). Paradoxalement, ce désir de rationalité peut
amener à prendre des décisions… irrationnelles.

Ainsi, lorsque l’on demande à des participants d’indiquer lequel de deux


morceaux de chocolat ils préfèrent manger (un chocolat à 50 centimes en forme
de cœur ou un chocolat à 2 dollars en forme de cafard), la majorité des sujets
choisissent le chocolat en forme de cœur. Cependant, lorsque les participants ont
la possibilité de repartir avec l’un des deux morceaux, la plupart d’entre eux
sélectionnent le morceau le plus cher. Ils se basent donc sur un critère « objectif »
(i.e. le prix) plutôt que sur le plaisir que leur apportera l’expérience (la prédiction
affective) pour prendre leur décision (Hsee, Yu, Zhang, Xi et Bay, 2003).

De la même manière, nous aurons souvent tendance à baser nos choix (de
partenaire, de travail) sur des attributs observables ou mesurables et néglige-
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 161

rons souvent les attributs moins mesurables qui sont pourtant beaucoup plus
importants pour notre bien-être.

■ Résumé
Une première manière de gérer ses émotions implique d’anticiper les

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émotions que différentes situations futures sont susceptibles de provoquer, et
de les prendre en compte dans notre décision de nous confronter ou non à ces
situations. Ce faisant, on tâchera toujours d’évaluer les coûts/bénéfices
émotionnels à court et à long terme. On privilégiera la confrontation si celle-
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ci engendre plus de bénéfices que de coûts à long terme ; on optera pour


l’évitement dans le cas contraire.

1.1.2 L’évaluation de la situation 1


Ce point-ci vise la gestion de situations que d’aucuns trouveraient négati-
ves mais que l’individu va s’efforcer de percevoir positivement afin de ne
pas laisser à l’émotion le temps de l’envahir totalement (d’où sa place dans
la catégorie « régulation a priori »). En effet, ce n’est pas la situation elle-
même qui déclenche l’émotion mais la perception que l’individu a de
l’événement (Lazarus & Folkman, 1984) ou de ses ressources pour y faire
face (Bandura, 1997). Il en résulte qu’il n’existe aucun stimulus ou aucune
situation sur terre ayant le pouvoir de déclencher uniformément la même
émotion, avec la même intensité chez tous les individus. Même des situa-
tions que l’on imagine consensuelles, comme la mort des parents ou la vue
d’une grosse mygale, donnent lieu à des différences importantes entre les
individus. Les personnes ayant été maltraitées ou abusées par leurs parents
pourront être soulagées – plutôt qu’affligées – par le décès de ceux-ci. De
même, les passionné(e)s de mygales ne les craignent pas et en possèdent
souvent chez eux dans un vivarium. Si des stimuli/situations comme celles-
là ne donnent pas lieu aux mêmes émotions, imaginez les situations de la
vie de tous les jours ! D’aucuns vivront la perspective d’un exposé oral
comme une torture là où d’autres y verront un challenge enthousiasmant ;
certains se réjouiront à l’idée de sauter en parachute alors que ce même
saut constituerait un cauchemar pour bien d’autres ; les uns n’aiment rien
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

de plus qu’une promenade en hiver alors que les autres détestent marcher
dans le froid.

1. Alors que la sélection de la situation relève clairement de la gestion a priori, cette section-ci se
situe entre la gestion a priori et la gestion a posteriori. Comme nous le verrons par la suite, la
frontière entre évaluation et réévaluation est floue. Dans un souci de clarté conceptuelle et péda-
gogique, nous distinguerons toutefois les deux.
162 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Si une même situation peut donner lieu à des émotions différentes chez
des individus différents, aucune situation n’a donc, intrinsèquement, le
pouvoir de déclencher une émotion1.
L’émotion dépend donc, non pas de la situation en tant que telle, mais de
la perception que l’individu en a. Une situation a priori négative, telle que la

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vue d’une énorme tarentule, peut ainsi ne déclencher aucune émotion chez
un passionné d’arachnoïdes. De même, une situation a priori neutre peut
induire des émotions fortement négatives si elle est évaluée comme une
menace. Une convocation chez son supérieur hiérarchique (événement
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neutre tant qu’on ne s’y est pas rendu) fera ainsi craindre d’emblée le pire à
certains.
Si l’émotion est le fruit de la perception de la situation et non de la situa-
tion per se, cela signifie que nous disposons d’un moyen très puissant pour
modifier nos émotions : changer notre perception de la situation (Ochsner et
Gross, 2005) ou des ressources dont nous disposons (Bandura, 1997).
La régulation a priori via la perception de la situation est le résultat de
l’automatisation de réévaluations répétées. Autrement dit, une personne qui
s’efforce, via un processus de régulation a posteriori (voir plus loin), de
réévaluer positivement les sessions d’examen, les présentations orales, etc.,
va finir par percevoir ces situations différemment avec le temps.
Les moines bouddhistes, par exemple, sont des grands spécialistes de la
régulation a priori. D’une part, ils réfléchissent à chacune de leurs actions
afin de s’assurer qu’elle contribuera à leur épanouissement à long terme.
D’autre part, leur philosophie de vie leur permet de prendre du recul vis-à-
vis des événements, d’accepter les choses comme elles viennent, de ne
jamais juger une situation comme étant bonne ou mauvaise sans avoir pu
constater les bénéfices futurs qu’elle pourrait éventuellement apporter
(Chödrön, 2002).
Avant de conclure, il est à noter que cette section peut être mise en lien
avec le chapitre 6 parce que l’automatisation de réévaluations répétées abou-
tira à une évaluation spontanée différente et, par là même, à un niveau de
réactivité différent.

1. Il est à noter, toutefois, que des situations peuvent automatiquement donner lieu à des émotions
chez un individu donné par effet de conditionnement.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 163

L’évaluation comme menace et comme défi


Deux types d’évaluations de la situation ont retenu plus particulièrement l’atten-
tion des chercheurs : l’évaluation d’une situation comme menace (threat) et
l’évaluation de celle-ci comme un défi (challenge). L’évaluation d’un événement a

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priori stressant tel que la création et le lancement d’une société peut être en effet
perçue comme une menace ou un défi. Les personnes qui l’évaluent comme une
menace auront tendance à se focaliser sur les pertes potentielles inhérentes à la
situation (pertes financières, perte de l’estime de soi si la société ne marche
pas, etc.). A contrario, les personnes qui l’évaluent comme un défi auront cons-
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cience des pertes potentielles mais se focaliseront sur les gains (augmentation du
pouvoir d’achat, augmentation de l’estime de soi si la société marche, etc.).
L’évaluation comme menace augmente le stress (tant au niveau psychologique
que biologique), tandis que l’évaluation comme défi le diminue (à ces deux
niveaux également) (ex. Gaab, Rohleder, Nater et Ehlert, 2005 ; Tomaka, Blas-
covich, Kelsey et Leitten, 1993). Des études ont également montré que l’évalua-
tion comme défi était associée à une meilleure performance financière
subséquente (ex. Drach-Zahavy et Erez, 2002).

1.2 La régulation a posteriori


La « régulation a posteriori » correspond aux efforts menés dans le but de
moduler l’émotion après qu’elle a émergé.
Cette régulation a posteriori concerne typiquement trois grandes classes
de situations :
– Les situations imprévues1 qui déclenchent une émotion négative.
– Les situations que l’individu savait génératrices d’émotions négatives
mais qu’il ne pouvait raisonnablement éviter parce que les bénéfices à
long terme étaient plus importants que leur coût à court terme.
– Les situations qui déclenchent une évaluation négative conditionnée
(Kotsou, 2008, communication personnelle). La perception que l’individu
a d’une situation est, au moins la moitié du temps, un processus automati-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

que qui résulte d’un apprentissage (LeDoux, 1998). Cet apprentissage


peut se faire :
• soit par transmission orale, si on nous dit par exemple : « Le serpent à
sonnette est un animal dangereux. Si tu en vois un, prends garde. » L’indi-
vidu qui n’aura pas été plus loin dans la découverte des serpents aura une
réaction de peur à la vue de n’importe quel serpent puisqu’il sera incapa-
ble de différencier l’inoffensif du venimeux.

1. Ou non correctement anticipées.


164 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

• soit par observation. Si nous voyons quelqu’un se faire agresser rue


Haute par une personne vêtue d’un pantalon rouge et d’une veste verte,
nous aurons probablement peur chaque fois que nous traverserons la rue
Haute ou que nous nous trouverons face à une personne portant un panta-
lon rouge et une veste verte.

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• soit par expérience personnelle. L’apprentissage pourra se faire en une
fois si l’émotion déclenchée par la situation est suffisamment forte (ex. si
l’on se brûle au troisième degré avec une friteuse, la vue de l’huile
bouillante déclenchera une réaction affective automatique) ou en plusieurs
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fois si l’expérience émotionnelle n’est pas suffisamment forte (ex. si


quelqu’un nous agace répétitivement par le manque de nuance de ses
propos, un jour le seul son de sa voix dans le couloir risque de déclencher
de l’agacement).
Lorsqu’il est nécessaire de réguler ses émotions, diverses stratégies
peuvent être utilisées (voir figure 8.2). Afin de bien comprendre le schéma et
les différentes stratégies de régulation émotionnelle a posteriori, nous avons
choisi de les exposer à travers la métaphore de la stratégie militaire. L’idée
générale de la stratégie militaire est que pour abattre l’ennemi, il faut l’atta-
quer de toutes parts. Pour la régulation a posteriori, l’idée est la même : si
l’émotion est jugée dysfonctionnelle, il faut mettre en œuvre autant de straté-
gies qu’il est nécessaire pour l’atténuer. Ces stratégies peuvent être mises en
place simultanément ou successivement.

Figure 8.2
Les différentes familles de stratégies de régulation a posteriori
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 165

Comme indiqué sur le schéma, il existe cinq grandes familles de stratégies


de régulation a posteriori : la modification de la situation, la ré-orientation
de l’attention, le changement cognitif, le partage avec autrui, et les techni-
ques physio-relaxantes. Nous les présentons tour à tour ci-dessous.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est peut-être nécessaire de préciser

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pourquoi il est nécessaire d’avoir plusieurs – et non pas une – stratégies de
régulation dans son répertoire. Disposer d’une seule stratégie, si efficace
soit-elle, est très risqué. Supposons que nous ayons un(e) excellent ami(e) à
qui nous confions tous nos tracas depuis l’enfance. Chaque fois que nous
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sommes confrontés(e) à une difficulté, nous l’appelons. Il/elle a toujours été


là pour nous et trouve toujours les mots pour nous apaiser. Appeler notre
ami(e) est sans nul doute une stratégie fonctionnelle. Toutefois, si c’est la
seule stratégie que nous avons à notre disposition, nous courons un risque
sérieux : celui de nous retrouver en bien mauvaise posture s’il lui arrivait
quelque chose. Si caricatural que cet exemple puisse paraître, les individus
qui n’ont qu’une seule stratégie dans leur répertoire ne sont pas si rares. De
nombreuses personnes ne peuvent gérer leurs émotions qu’en les partageant
(ex. raconter leurs soucis à leurs amis) et se retrouvent complètement décon-
certées le jour où leurs amis leur font comprendre qu’ils en ont assez de
porter leurs problèmes. D’autres personnes gèrent leurs émotions en se réfu-
giant dans leur travail et perdent totalement pied le jour où elles prennent
leur retraite… Il est par conséquent fondamental d’avoir non pas une, mais
plusieurs stratégies à sa disposition. Ainsi, si une technique n’est pas/plus
applicable, d’autres sont disponibles. Il est à noter que l’ordre dans lequel
nous présenterons les différentes stratégies n’a pas réellement d’importance.
Les recherches n’ont, en effet, pas encore montré que certaines d’entre elles
soient préférables à d’autres1. La seule chose importante est de vérifier si la
situation peut ou non être modifiée.

1.2.1 La gestion de la situation


Comme son nom l’indique, l’objectif visé est de se libérer de l’émotion en se
débarrassant du problème qui l’induit2 (Gross, 1998b ; Lazarus et Folkman,
1984). On distingue typiquement les méthodes directes des méthodes indi-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

rectes.
• Les méthodes directes visent à modifier directement la source de
l’émotion indésirable. Par exemple faire enfin réparer cette imprimante
qui ne marche qu’une fois sur deux, ou répéter un exposé afin d’être plus
compétent(e) – et donc moins stressé(e) – le jour J. Les personnes qui

1. Cette question n’a pas encore été étudiée.


2. Cette méthode est connue sous le nom de problem-focused coping dans la littérature sur le
stress.
166 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

posent des actions concrètes afin de modifier les situations génératrices


d’émotions indésirables sont plus heureuses (ex. Billings et Moos, 1981)
et ont également une meilleure santé physique (ex. Penley, Tomaka et
Wiebe, 2002). Cette stratégie conduit également à une meilleure perfor-
mance académique et professionnelle (ex. Lee, Ashford et Jamieson,

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1993 ; Struthers, Perry et Menec, 2000), probablement parce qu’en solu-
tionnant plus rapidement les problèmes, les personnes sont moins – et
moins longtemps – parasitées par leurs émotions négatives.
• Les méthodes indirectes visent également à modifier la situation, mais
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elles nécessitent l’intervention d’une tierce personne. C’est le cas


lorsqu’on fait appel à son entourage afin de solutionner un problème
qu’on ne parvient pas à résoudre seul(e) (ex. on éprouve des difficultés
dans la rédaction d’un rapport et on demande l’aide d’un collègue/cama-
rade). Dans les deux cas, modifier la situation implique que l’on exprime
sa requête, ses besoins à un tiers. La meilleure manière d’exprimer ses
besoins a été exposée au chapitre 5.

Demander de l’aide : est-ce toujours bénéfique ?


Demander de l’aide pour résoudre un problème qu’on ne peut solutionner seul(e)
est sans conteste une stratégie efficace. Les psychologues ont de longue date mis
en évidence les effets positifs de la capacité à demander et obtenir un support en
cas de difficulté. Les personnes qui sont capables de faire appel et de recevoir
l’aide d’autrui sont moins stressées et ont une meilleure santé physique (voir
Bruchon-Schweitzer, 2002 pour une revue). Néanmoins, solliciter constamment
l’aide de ses proches et/ou collègues peut avoir des effets pervers. Nous souli-
gnions au début de ce chapitre l’importance d’avoir non pas une, mais plusieurs
stratégies de régulation dans son répertoire. Cette recommandation trouve ici
une autre illustration. Les personnes qui comptent systématiquement sur les autres
pour solutionner leurs problèmes (et, par là même, diminuer leurs émotions néga-
tives) sont perçues par autrui (et finissent par se percevoir elles-mêmes) comme
moins compétentes, moins indépendantes, moins fortes et plus immatures (Rosen,
1983, Shapiro, 1983 ; voir Newman, 1994 pour une revue).

Si la modification de la situation est une stratégie de choix pour se défaire


d’une émotion, elle n’est toutefois pas toujours envisageable. C’est le cas,
par exemple, des maladies incurables. À plus petite échelle, on ne trouve pas
toujours les moyens de faire cesser les pleurs de son enfant et on ne se débar-
rasse pas facilement d’un collaborateur imbuvable.
Outre les situations qu’il est objectivement impossible à modifier, il existe
également toute une série de situations désagréables qui pourraient être
modifiées, mais que l’individu va laisser perdurer parce qu’elles apportent
certains bénéfices secondaires.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 167

Prenons le cas de difficultés sexuelles dans un couple. Imaginons – premier cas


de figure – qu’elles proviennent de Madame, trop inhibée au lit. Supposons –
deuxième cas de figure – qu’elles viennent de Monsieur, qui éjacule précoce-
ment. Dans chacun des cas, les deux partenaires pourraient être insatisfaits de la
qualité de leur vie sexuelle. La confiance en soi de Madame pourrait même

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gravement en pâtir dans le premier cas de figure, celle de Monsieur dans le
second cas de figure. Ce couple pourrait décider de consulter… ou non. Les théo-
ries systémiques (voir par exemple Albernhe et Abernhe, 2008 ou Dessoy, 1997)
mettent en avant qu’il existe souvent un ensemble de bénéfices secondaires expli-
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quant la perpétuation des situations problématiques, malgré l’immense souf-


france que ces dernières peuvent engendrer. Dans le premier cas de figure,
Madame pourrait trouver un certain bénéfice à devoir « passer à la casserole »
moins souvent… et Monsieur pourrait se dire que tant que son épouse est inhi-
bée, elle ne sera pas tentée d’aller voir ailleurs. Le même raisonnement pourrait
être effectué dans le second cas de figure. Madame pourrait se dire que l’éjacu-
lation précoce diminue le risque que son époux la trompe. De son côté, Monsieur
pourrait finalement y trouver son compte et se dire qu’on est bien moins fatigué le
lendemain après des relations sexuelles de cinq minutes qu’après avoir batifolé
pendant une heure…
Si, à l’instar de cet exemple, la situation perdure en raison de bénéfices secon-
daires, il faudra (1) mettre ceux-ci en évidence, (2) déterminer si ceux-ci justifient
ou non la persistance du problème et (3) agir en conséquence. Si la situation est
objectivement impossible à modifier, il faudra envisager l’utilisation d’une autre
stratégie de régulation.

Nous décrivons les autres familles de stratégies ci-dessous.

1.2.2 La ré-orientation de l’attention


Le propre d’une émotion est de donner lieu à un mécanisme d’attention
sélective. L’émotion agit ainsi comme une sorte de « torche attentionnelle » :
elle éclaire certaines choses, les mettant ainsi à l’avant-plan et en laisse
d’autres dans l’ombre. Une émotion négative focalise ainsi l’attention sur les
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

éléments négatifs tandis qu’une émotion positive focalise l’attention sur les
éléments positifs. C’est ce type de spirale qui a donné lieu, dans le langage
commun, aux expressions « voir tout en noir » et « voir tout en
rose ». Comme nous l’avons vu plus haut, ce mécanisme est adaptatif dans la
mesure où il permet un traitement plus rapide de la menace en situation de
danger. Néanmoins, si fonctionnelle soit-elle, cette torche attentionnelle
n’aide évidemment pas à la restauration d’une humeur positive puisqu’elle
maintient l’individu dans un état morose. L’individu qui n’y prend pas garde
risquera donc facilement de tomber dans un état de rumination dans lequel il
ressassera encore et encore la situation – n’en percevant que les aspects
négatifs – et où une pensée négative en entraînera une autre.
168 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Un moyen efficace de réguler son émotion consistera donc à briser cette


spirale et à la faire repartir dans l’autre sens. Comment ? En orientant son
attention sur autre chose, c’est-à-dire en se distrayant (Gross, 2007). Il existe
deux grandes formes de distraction (McKay, Wood et Brantley, 2007) :
– La distraction interne, qui consiste à penser à autre chose. Par exemple,

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repenser à un souvenir heureux, imaginer les vacances à venir, etc.
– La distraction externe, qui consiste à faire autre chose, par exemple une
activité qui procure du plaisir (faire du sport, regarder la télévision, lire,
sortir, etc.).
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Dans les deux cas, initier le processus de distraction réclamera un effort de


la part de l’individu puisque cela requerra de briser la spirale dans laquelle
l’émotion l’a entraîné.

Ne vaut-il pas mieux affronter les problèmes plutôt que s’en


distraire ?
La question est loin d’être triviale et fait encore aujourd’hui débat parmi les
psychologues. Alors que certains avancent que la distraction est une stratégie
hautement délétère, d’autres soutiennent qu’il s’agit au contraire d’une stratégie
extrêmement efficace. Une manière de solutionner le débat est de considérer les
preuves scientifiques à l’appui de l’une et l’autre conceptions.
Les partisans de la vision dysfonctionnelle avancent comme principal argument
« l’effet rebond » : plus nous chercherions à nous distraire d’un événement néga-
tif, plus celui-ci reviendrait (rebondirait) ultérieurement à la conscience (Wenzlaff
et Wegner, 2000). Une méta-analyse récente a toutefois nuancé cet effet, en
montrant qu’il s’appliquait effectivement pour les personnes souffrant de troubles
cliniques, mais pas aux autres (Baeyens, 2006). Un second argument avancé
par les tenants de la vision dysfonctionnelle est que faire face à la situation et aux
émotions qu’elle suscite engendre moins d’émotions négatives à long terme que
de s’en distraire (Philippot, Neumann et Vrielynck, 2008 ; Vrielynck et Philippot,
sous presse).
Les partisans de la vision fonctionnelle montrent quant à eux que la distraction
conduit à une réduction de l’intensité de l’émotion et à une meilleure récupération
cardiovasculaire (ex. Morrow et Nolen-Hoeksema, 1990 ; Neumann, Waldstein,
Sellers 3rd, Thayer et Sorkin, 2004 ; Nolen-Hoeksema et Morrow, 1993 ; Nolen-
Hoeksema, Morrow et Fredrickson, 1993).
Une manière de réconcilier ces points de vue est de prendre en compte la nature
du problème et son rapport à l’individu. La distraction est une stratégie particuliè-
rement efficace pour (1) les problèmes mineurs (ex. nous passons une excellente
soirée au restaurant en compagnie de notre conjoint(e) mais notre voisine de table
nous regarde avec mépris) ; (2) les problèmes insolubles (ex. la fête annuelle du
quartier bat son plein en face de notre maison et le bruit nous empêche de dormir ;
nous avons préparé et répété au mieux notre présentation orale du lendemain mais
nous sommes encore anxieux) ; (3) les événements suscitant des émotions intenses


LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 169


qui nécessitent d’être solutionnés sereinement (ex. nous sommes en rage contre
notre conjoint et nous risquons de dire des choses qui dépassent notre pensée).
Dans ce type de cas, la distraction s’avérera être une stratégie optimale. En revan-
che, la distraction risque d’avoir des effets secondaires (si elle est l’unique stratégie
employée) dans le cas d’événements majeurs faisant fréquemment intrusion à la

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conscience (ex. dans le cas de traumatismes) ou dans le cas d’événements nécessi-
tant un traitement plus complexe (ex. querelles fréquentes avec le conjoint, etc.).
Ces problèmes-là demandent en effet à être traités en profondeur, sous peine de
voir la situation empirer à long terme.
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À ce stade, il nous semble fondamental d’adresser brièvement la question


du déni et, surtout, de le distinguer de la distraction. Un exemple nous aidera
à saisir rapidement la différence entre les deux, ainsi que les implications de
celle-ci. Prenons-le cas d’un parent qui apprend que son fils est dépendant de
l’héroïne. Le parent qui dénie partira faire du sport en refusant de reconnaître
la réalité de la situation. Il refusera d’accepter que son enfant puisse se
droguer et, en conséquence, ne prendra aucune mesure pour aider son fils,
épauler son conjoint ou empêcher que ses autres enfants ne se droguent eux
aussi. Le parent qui se distrait partira faire du sport afin de s’empêcher de
réagir sur le coup de la colère et d’apaiser, au moins temporairement, sa tris-
tesse. Il sera ainsi en mesure de réfléchir plus calmement à ce qu’il y a lieu
de faire et d’aller discuter avec son fils sans s’énerver. En résumé, la grande
différence entre la distraction et le déni est que la personne qui dénie refuse
de reconnaître l’existence même du problème, sa gravité ou ses conséquen-
ces potentielles, alors que la personne qui se distrait a pleinement conscience
de la réalité de la situation. Pour prendre un exemple relatif au monde du
travail, la personne qui dénie la réalité d’une annonce de restructuration ne
ressentira certes pas d’émotion, mais cette réaction sera hautement dysfonc-
tionnelle car elle l’empêchera de s’adapter à la réalité de cette situation, de
commencer à rechercher un nouvel emploi ou de se renseigner pour négocier
au mieux sa prime de licenciement.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1.2.3 Le changement cognitif

Nous l’avons vu précédemment, l’émotion dépend non pas de la situation en


tant que telle, mais bien de la perception que l’individu en a. C’est donc
l’évaluation de la situation et non la situation elle-même qui détermine
l’émotion (Lazarus et Folkman, 1984).
La conséquence est évidente : changer notre perception permet de changer
notre émotion (Ochsner et Gross, 2005). Il existe différentes manières de
modifier notre perception de la situation. Les deux plus communes sont la
réévaluation de la situation et l’acceptation.
170 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

■ La réévaluation de la situation
Par définition, si une situation donne lieu à une émotion, c’est que nous la
percevons d’une certaine manière. Réévaluer la situation correspond à modi-
fier la perception que nous en avons. Une telle réévaluation requiert un effort
cognitif. Il faudra d’ailleurs un certain temps avant que ce processus ne

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s’automatise (voir point 1.1.2, « L’évaluation de la situation »). Néanmoins,
les efforts de l’individu qui essayera systématiquement d’appliquer cette
stratégie seront récompensés. Tout processus suffisamment répété finit par
s’automatiser, même s’il est extrêmement complexe. Les automobilistes en
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savent quelque chose : ils apprennent à conduire au prix de temps, d’efforts


et de sueur mais, peu après, ils conduisent en mode purement automatique et
parviennent même à téléphoner simultanément !
Différentes techniques peuvent aider à réévaluer la situation. Nous les
détaillons ci-dessous.
1. Examiner ses croyances
Cette technique consiste à examiner les arguments en faveur de ce que
nous pensons et ressentons ET à rechercher les arguments qui, au contraire,
contredisent nos pensées et notre ressenti (McKay et al., 2007).

Mon supérieur hiérarchique vient de m’envoyer un courriel relativement sec, me


demandant de modifier différentes choses dans le projet que je lui ai remis. Il n’y
a aucun commentaire sur les aspects positifs de mon travail. Je me sens dévalo-
risé(e).
L’examen de mes pensées me conduit à identifier la croyance suivante : « Il
pense que je suis nul(le). »
Les arguments en faveur de ce que je pense et ressens sont les suivants :
– Normalement, quelqu’un qui pense quelque chose de positif devrait le dire.
Les arguments en défaveur de ce que je pense et ressens sont les suivants :
– Les supérieurs pointent souvent le négatif mais ne soulignent pas forcément le
positif.
– Cela allait peut-être de soi pour mon patron que le reste du projet était bon.
– Mon supérieur était peut-être pressé et il serait par conséquent allé à l’essentiel,
ce que je devais modifier, réservant les commentaires généraux sur la qualité de
mon travail pour l’évaluation de fin d’année.
Bref, si je me décentre quelques instants de ma personne, il existe des arguments
qui contredisent ce que je pense et donc ce que je ressens. Si mon supérieur
pensait que j’étais nul(le), m’aurait-il confié ce projet ? S’il pensait que mon
travail était médiocre, ne m’aurait-il pas convoqué dans son bureau pour un
entretien beaucoup plus sérieux que ces deux ou trois modifications ?
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 171

Comme le suggère cet exemple, nos émotions sont souvent le fruit d’une
perception partielle ou distordue de la réalité. C’est ce que soutenaient déjà
Aaron Beck et Albert Ellis en leur temps (Beck, 1976 ; Ellis, 1974), et c’est
également l’idée défendue par David Burns, un célèbre professeur de Stan-
ford. Ce dernier a mis en évidence différents processus de distorsion de la

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réalité, que nous résumons dans le tableau 8.1 (Burns, 1999). Selon Burns,
nous serions beaucoup plus heureux si nous faisions systématiquement la
chasse à nos distorsions cognitives.
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Tableau 8.1
Les principaux processus de distorsion cognitive (Burns, 1999)

Processus de distorsion Explication Exemple


Si je mange une cuillère de
crème glacée alors que je suis
supposé(e) être au régime et
que je me dis : « J’ai complè-
Percevoir les choses selon tement raté mon régime. »
La pensée du « tout ou un mode binaire, en noir Cette pensée – erronée – est
rien » ou blanc ou en mode « ça dysfonctionnelle, tant au
passe ou ça casse ! ». niveau des émotions
(ex. désespoir) qu’au niveau
des comportements (ex. finir
par manger toute la crème
glacée) qu’elle engendre.
Si je n’obtiens pas le rendez-
vous souhaité avec le parte-
Généraliser à partir d’un naire convoité et que je pense
La sur-généralisation
élément, d’un événement. que je suis nul(le), que c’est
toujours comme ça, que je ne
plairai jamais à personne.
– Se centrer sur un détail
Je reçois de nombreux com-
négatif et s’y attarder de
mentaires positifs au sujet de
sorte que l’ensemble appa-
ma présentation, à l’excep-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

raisse négatif.
tion d’une petite remarque
Le filtre mental – Se centrer sur un détail
négative. Je suis obsédé(e)
hors contexte, en occultant
par cette remarque et j’ignore
des faits plus importants et
les nombreux commentaires
en lui ôtant sa signification
favorables.
réelle.
On me félicite pour mon tra-
vail mais je me dis : « ce n’est
Rejeter les expériences
pas encore assez bon » ou
Le rejet du positif positives en se disant
« n’importe qui aurait pu faire
qu’elles ne comptent pas.
ce que j’ai fait ».


172 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

☞ « Mon supérieur ne m’a pas


Tirer des conclusions défini-
regardé, il pense sûrement
Tirer des conclusions tives en l’absence de preu-
que je suis incompétent(e). »
hâtives ves suffisantes ou à partir
« Je vais rater mon entretien,
d’un seul fait.
j’en suis sûr(e) ! »

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Exagérer l’importance de Je pense « c’est certain, je
La catastrophisation et ses problèmes et/ou mini- vais me faire virer » parce
la minimisation miser l’importance de ses que mon supérieur m’a fait
qualités. une remarque sur un détail.
« Je me sens coupable, donc
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Penser que les émotions


cela prouve que je suis une
négatives reflètent nécessai-
Le raisonnement émo- personne détestable » ou :
rement la réalité des
tionnel « Je me sens en colère, donc
choses : « Je ressens ça,
cela prouve que je suis
donc cela doit être vrai. »
traité(e) injustement. »
« Si le projet n’aboutit pas, ce
sera entièrement de ma
Se sentir responsable des
faute », « Si mon équipe a
La personnalisation échecs et attribuer les réus-
réussi, c’est par chance, pas
sites au hasard
grâce à mes compétences de
manager ».

Si l’examen des croyances ne conduit pas à l’identification de distorsions


et que l’événement est « objectivement » potentiellement stressant
(ex. examen, surcharge de travail, etc.), il reste encore trois façons de rééva-
luer la situation : relativiser, rechercher les points positifs et rechercher les
bénéfices à long terme.
2. Relativiser
Relativiser consiste à examiner si l’on ne donne pas trop d’importance à la
situation et/ou à comparer la situation actuelle à des situations bien pires. Les
questions suivantes sont typiques du processus de relativisation :
« Est-ce vraiment si important ? »
« Ne suis-je pas en train de faire une montagne d’une souris ? »
« Me mettrais-je dans cet état si je devais mourir demain ? »
« Comparée à ce que j’ai vécu de pire, cette situation n’est-elle pas
accessoire ? »
« Comparée à la guerre, aux soldats qui se battent en Irak, aux personnes
qui meurent de faim, ma situation est-elle vraiment si pénible ? »

Un moine bouddhiste prenait la métaphore suivante pour symboliser le processus


de relativisation. Lorsque vous êtes dans une situation pénible, disait-il, par exem-
ple une situation qui suscite en vous beaucoup d’émotions négatives, comme de
la colère, de la déception et de la tristesse, il est aisé de se représenter ce type


LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 173


de situation comme une mer agitée. Vous vous trouvez au milieu de l’océan et
avez l’impression d’être submergé(e) par les vagues, etc. Celles-ci vous apparais-
sent hautes et hostiles et vous ne voyez qu’elles. Vous avez l’impression que vous
ne vous en sortirez jamais. Essayez toutefois, l’espace d’un instant, d’imaginer
que vous montez à bord d’un avion et que vous prenez de la hauteur. Vous survo-

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lez à présent l’océan. Que voyez-vous ? En réalité, vous voyez un peu de remous
à un endroit précis mais, globalement, la mer vous apparaît calme…

3. Chercher les points positifs


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La sagesse populaire renferme bon nombre d’adages très utiles à la régu-


lation émotionnelle. Le premier stipule que « tout est une question de
perspective ». C’est ce que nous avancions précédemment. Selon que nous
sommes en pleine mer ou que nous la survolons, nous ne percevons pas du
tout les vagues de la même manière. Mais, même dans l’eau, nous ne ressen-
tirons pas les choses de la même façon, suivant que nous nous laissons porter
par le courant ou que nous nageons contre celui-ci. Une même vague peut
ainsi être perçue comme un obstacle ou comme un coup de pouce.

Prenons l’exemple des embouteillages. Nous pouvons certes pester sur le temps
perdu, la laideur de l’autoroute, l’odeur des gaz d’échappement, etc. Mais nous
pouvons également modifier notre perception de la situation, en essayant de voir
le bon côté des choses, de trouver un sens positif à la situation. Le bon côté des
embouteillages est qu’en nous empêchant d’agir, ils nous forcent à prendre le
temps de réfléchir. Ils nous accordent peut-être aussi un moment de répit entre le
travail et les enfants, moment que nous pouvons mettre à profit pour écouter de la
musique, téléphoner à nos amis, etc.

Le second précepte : « À quelque chose malheur est bon » est, au fond, assez
proche du premier. Il indique que, contrairement à l’impression qui se dégage
lorsque l’on est au cœur d’une situation que l’on estime négative, la plupart des
événements, si noirs ou douloureux soient-ils, comportent un aspect positif. Ce
dicton, qui s’accorde parfaitement avec les recherches scientifiques menées à ce
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

sujet, nous encourage également à nous décentrer du négatif et à regarder le bon


côté des choses : quel est le point positif de la situation ? Quel bénéfice puis-je
en retirer ? Si mon supérieur me fait une remarque, ce n’est certes pas très gai ;
mais le positif, c’est que cela me donne l’occasion de m’améliorer. De même,
se disputer avec son conjoint n’est jamais agréable mais ce peut être l’occasion
de mettre certaines choses au point afin d’éviter des difficultés plus graves à
l’avenir. Qu’on ne s’y trompe pas, toutefois. Alors qu’elle peut paraître simple à
effectuer « à froid », la recherche des points positifs « à chaud » requiert un
effort cognitif important. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, les
émotions négatives attirent l’attention sur les éléments négatifs de la situation
(ex. Bradley, Mogg et Lee, 1997).
174 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

4. Chercher les bénéfices à long terme


Il se peut que les aspects positifs de la situation ne se manifestent pas
immédiatement mais qu’ils constituent une conséquence à nettement plus
long terme de l’événement. Si la recherche des aspects positifs se révèle
infructueuse dans le présent, une manière fonctionnelle de penser est de

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s’abstenir de juger de la valeur de l’événement. Plutôt que de le catégoriser
comme totalement négatif, mieux vaut lui laisser le bénéfice du doute. Les
bouddhistes1 illustrent ceci au travers de l’exemple suivant.
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Après 70 ans de dur labeur, un paysan chinois et sa femme espéraient pouvoir


arrêter de travailler et que leur fils unique subvienne à leurs besoins. Peu de
temps avant de prendre leur retraite, le fils fit une grave chute et fut amputé d’une
jambe. Les paysans furent abattus : ils chérissaient leur fils plus que tout au
monde et ne pouvaient supporter de le voir comme ça. Ils se demandèrent en
outre comment ils trouveraient encore la force de travailler dès lors qu’il leur
fallait subvenir à la fois à leurs besoins et à ceux de leur fils.
La situation leur paraissait injuste et dramatique, et elle l’était certainement. Néan-
moins, peu de temps après, la guerre éclata et les hommes valides du pays furent
réquisitionnés. À l’exception du fils en question, tous les hommes du village quittè-
rent leur famille et nombre d’entre eux ne revinrent jamais. Les paysans furent ravis
de garder leur fils près d’eux et de pouvoir lui choisir une magnifique épouse, ce
qui aurait été difficile en présence de concurrents valides. La présence de leur fils à
leurs côtés leur donna la force de travailler jusqu’à leur mort.

Cet exemple peut paraître éloigné de nos préoccupations quotidiennes,


mais il n’en est rien. Les exemples fourmillent de divorces aboutissant à une
vie conjugale et sexuelle plus épanouissante. De même, combien de licencie-
ments ne permettent-ils pas des réorientations de carrière fructueuses ?

■ L’acceptation
Les stratégies évoquées ci-dessus s’appliquent pour bon nombre de situa-
tions. Toutefois, il existe malheureusement certains événements parfaitement
incontrôlables, abominables et monstrueux, tels que les génocides, les viols,
ou la perte d’un proche dans des circonstances particulièrement atroces. De
tels événements sont difficiles à réévaluer positivement et on ne peut pas
forcément en attendre de bénéfices à long terme. Pour de tels événements, la
meilleure solution – en termes de changement cognitif – est l’acceptation.
Accepter ne signifie pas adhérer à ce qui s’est passé, ou se rendre complice.
Il s’agit simplement de cesser de se battre dans le vide, d’arrêter de se blâmer
ou de blâmer autrui/la vie pour quelque chose que l’on ne peut pas/plus
changer. Il est à noter que l’acceptation ne s’apparente en rien à de l’impuis-

1. Exemple communiqué par Tania Manfredini, sur base d’une conférence de Pema Chödrön.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 175

sance acquise, laquelle est une acceptation fataliste, désespérée, et condui-


sant à l’adoption d’une attitude passive lors d’événements négatifs ultérieurs
(Seligman, 1972). L’acceptation dont on parle ici est un processus actif. Il
s’agit en effet d’accueillir totalement l’événement douloureux et les
émotions qu’il provoque, mais en gardant à l’esprit que, si douloureux soit-il,

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l’événement présent ne présage en rien du futur (Linehan, 1993).
L’acceptation requiert un double processus cognitif. Il s’agit tout d’abord
d’accepter l’existence de choses que l’on ne peut pas changer. La réussite de
ce processus engendre des pensées du type : « Il ne sert à rien d’essayer de se
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battre contre le passé : ce qui est fait est fait », « Essayer de changer le passé
m’empêche seulement de vivre pleinement le présent », « Le moment
présent est le résultat de toutes mes décisions passées. Le futur sera le résul-
tat de mes décisions présentes » (McKay et al., 2007). Il s’agit ensuite
d’accueillir pleinement les émotions suscitées par la situation. L’individu est
ainsi amené à prendre une position d’observateur par rapport à son émotion,
à constater et à prendre acte de l’émotion présente, sans chercher à la fuir.
L’acceptation peut paraître simple en apparence mais elle demande un
effort, tout comme les autres stratégies de gestion émotionnelle. Accepter
requiert en effet de lâcher prise, d’accepter que l’on ne puisse pas tout
contrôler et que l’on éprouve des émotions désagréables. Ce travail sur soi
confère toutefois de nombreux bénéfices. Les recherches ont en effet montré
qu’accepter pleinement les événements difficiles et les émotions qu’ils
engendrent améliorait le bien-être (accepter ses émotions négatives permet
paradoxalement de les diminuer) et la santé physique (via une meilleure
immunité et une meilleure résistance à la douleur) (Burns, Carroll, Ring,
Harrison et Drayson, 2002 ; McCracken et Eccleston, 2003). C’est sans
doute la raison pour laquelle différentes formes de thérapies se centrent sur
cette capacité d’acceptation. Les plus connues sont la mindfulness (Baer,
2003 ; Langer, 1989 ; Segal et al., 2002) la « Dialectical Behavior
Therapy1 » (DBT ; Linehan, 1993) et l’« Acceptance and Commitment
Therapy » (ACT ; Hayes, Strosahl et Wilson, 1999).
Dans la présente section, nous avons examiné une famille de stratégies
visant à modifier nos pensées afin de changer nos émotions. La section
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

suivante abordera une autre manière de réguler ses émotions : les exprimer.

1.2.4 L’expression des émotions


Il faut, en réalité, distinguer deux stratégies dans cette famille, selon que
l’interlocuteur est ou n’est pas la cause de l’émotion. La littérature désigne
sous le nom de « partage social » le partage d’émotions avec un interlocuteur

1. Thérapie comportementale dialectique.


176 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

qui n’est pas à l’origine de l’émotion (ex. lorsque l’on raconte à une amie la
dernière dispute que l’on a eue avec notre conjoint, ou lorsque l’on rediscute
entre amis d’un accident auquel on vient d’assister). Nous désignerons sous
le nom d’« expression clarificatrice » le partage de l’émotion avec la
personne qui en est la cause (ex. lorsque l’on dit à un ami/son conjoint que

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l’on s’est senti(e) blessé(e) par son comportement).

■ Le partage social de l’émotion


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Considérons un instant les situations suivantes : vous profitez de votre vendredi


soir pour vous détendre devant la télévision lorsque vous être saisi par le bruit
d’une déflagration. Vous éteignez le poste et entendez des cris. Vous vous préci-
pitez dehors et voyez un individu s’enfuir, une arme au poing. La scène est totale-
ment surréaliste dans la mesure où vous habitez un quartier paisible. Votre voisin
d’en face vous explique alors qu’un individu a fait irruption chez lui, qu’il
semblait avoir bu et/ou être sous l’influence d’une substance. Cet individu récla-
mait de l’argent et a tiré plusieurs fois au plafond, sans doute pour l’intimider…
Votre voisin, tétanisé, lui a donné tout son argent et l’individu s’est ensuite enfui…
Vous calmez votre voisin et restez à ses côtés jusqu’à l’arrivée de la police. Vous
retournez chez vous très remué…
Cela fait plusieurs semaines que votre partenaire a un comportement bizarre…
vous ne le/la reconnaissez plus. D’ordinaire attentionnée(e), il/elle est devenu(e)
distant(e), etc. Au début, vous avez mis cela sur le compte du stress : il/elle
travaille beaucoup et n’a peut-être pas la tête à votre couple pour le moment…
Ces derniers jours, vos soupçons s’étaient toutefois portés ailleurs et vous venez
de découvrir le pot aux roses : votre partenaire a « craqué » pour quelqu’un
d’autre. Vous avez eu une violente dispute avec lui/elle et vous êtes à présent
complètement dévasté(e), etc.

Les études montrent que, dans des situations émotionnelles de ce type,


80 % des personnes interrogées éprouvent le besoin de raconter ce qu’ils
viennent de vivre à un proche (Rimé, 2005). Dans ces deux situations, il eût
donc été fort probable que vous eussiez appelé un(e) ami(e) afin de raconter
ce qui vous était arrivé. C’est ce qu’on appelle le partage social (Rimé,
Mesquita, Philippot et Boca, 1991).
Tant les événements positifs que les événements négatifs suscitent ce
besoin de parler. Par ailleurs, le partage social est d’autant plus marqué (plus
impératif, plus fréquent et impliquant un plus grand nombre de personnes)
que l’émotion causée par l’événement est forte (Rimé, Finkenauer, Luminet,
Zech et Philippot, 1998).
Le partage social est un excellent outil de régulation parce qu’il prolonge
les émotions positives et diminue les émotions négatives (Rimé, 2005,
2007).
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 177

Toutefois, les raisons pour lesquelles le partage social est bénéfique ne


sont pas celles que l’on croit. C’est ce qu’a montré Bernard Rimé, un cher-
cheur belge qui a consacré toute sa carrière à l’étude du partage social. Une
croyance largement répandue stipule qu’il est bénéfique de parler à la suite
d’un épisode émotionnel afin de « se décharger », de « cracher le morceau »,

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de « sortir ce que l’on a sur le cœur », ou encore d’« ouvrir le couvercle de la
marmite à pression ». En réalité, un impressionnant corpus de recherches a
démontré qu’il n’en était rien : ce prétendu effet cathartique n’existe pure-
ment et simplement pas. Parler n’a, en soi, aucun effet bénéfique. Le partage
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social n’a donc pas d’impact direct sur la diminution de l’émotion. Qu’on ne
s’y trompe pas, toutefois. Si le partage social n’a pas d’effet direct (catharti-
que), il a toutefois de nombreux effets bénéfiques indirects. Nous les résu-
mons ci-après (à partir de Rimé, 2007).

Restauration du sentiment d’appartenance, du lien social. L’expérience


d’événements très négatifs ou traumatiques conduira fréquemment à un
sentiment de rupture avec l’environnement social : nous nous sentons coupés
du monde, nous avons l’impression que nous sommes les seuls à vivre ce que
nous vivons, que les autres ne peuvent pas comprendre ce que nous ressen-
tons. Lorsque nous sommes extrêmement tristes (ex. après une rupture
amoureuse, lors de la perte d’un être cher), il arrive même que nous ne
comprenions pas comment les autres peuvent continuer à vivre normalement
alors que nous sommes si malheureux. Nous sommes comme « hors de la
réalité » : les autres nous apparaissent comme des pantins s’agitant
frénétiquement ; nous avons le sentiment d’être les seuls à percevoir l’absur-
dité du monde, l’infinie tristesse de la réalité. Le fait de partager l’événement
avec autrui contribue à restaurer le lien social et le sentiment
d’appartenance : en parlant de l’événement, nous re-tissons autant de ponts
avec autrui.

Obtention d’affection, de chaleur, de tendresse. Le partage social permet à


autrui de prendre connaissance de la situation et d’anticiper les besoins qui
pourraient y être liés. Les émotions négatives telles que la tristesse ou la peur
s’accompagnent fréquemment d’un besoin accru de réassurance, d’affection,
de chaleur humaine. Partager son émotion augmente la probabilité d’être
rassuré(e) et/ou entouré(e).

Expression d’estime, valorisation. Toutes les émotions négatives dites « à


caractère social » s’accompagnent généralement d’une baisse de l’estime de
soi. C’est typiquement le cas de la honte, de l’embarras, de la culpabilité, de
la jalousie, et de l’envie. Outre ces grands classiques, d’autres émotions
négatives peuvent s’accompagner d’une baisse de l’estime de soi. C’est, par
exemple, le cas des hommes qui ne s’accordent pas le droit à la peur. Dans
ces cas-là, faire du partage social peut permettre d’être revalorisé. Si l’on
178 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

reprend l’exemple des coups de feux ci-dessus, cette valorisation pourrait se


manifester comme suit : « Allons, c’est normal que tu aies eu peur. Des
coups de feu en bas de chez soi, ce n’est pas tous les jours que ça arrive ! À
ta place, je n’aurais même pas osé sortir de chez moi de peur que le voleur
revienne… C’est dire comme tu es courageux ! »

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Assistance dans la modification de la situation. Faire du partage social
permet à autrui de fournir une aide concrète (ex. fournir un logement le
temps que la crise de couple s’apaise) ou de donner des conseils ou des
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informations qui pourront faciliter ou accélérer la mise en place d’une solu-


tion (ex. donner le nom d’un thérapeute de couple ou donner des conseils sur
la manière dont on peut gérer la question du désir extraconjugal).

Aide à la réévaluation cognitive. Nous avons vu ci-avant que l’une des


meilleures manières de modifier son émotion consistait à modifier la percep-
tion que l’on avait de la situation. Il est parfois difficile de modifier soi-
même la manière dont on voit les choses et c’est précisément là que le
partage social peut s’avérer utile. Nos proches, extérieurs à la situation,
peuvent nous suggérer une autre manière de considérer la situation et nous
offrir ainsi un autre regard sur les choses (ex. « C’est normal d’avoir du désir
pour quelqu’un d’autre après 14 ans de mariage, toi aussi tu as eu du désir
pour d’autres personnes, et puis, ce n’est pas parce qu’il/elle a du désir pour
quelqu’un d’autre qu’il/elle va passer à l’acte », etc.).

Aide à la distraction. Le partage social permet à autrui de savoir que « nous


ne sommes pas dans notre assiette » et qu’il serait peut-être nécessaire de
nous changer les idées. Nos proches pourront ainsi nous aider à nous
distraire (ex. nous emmener au cinéma, au restaurant, etc.) et contribuer ainsi
utilement à nous tirer vers le haut.
Tous ces bénéfices contribueront au sentiment d’apaisement, de consola-
tion que l’on ressent après s’être engagé dans le partage social de nos
émotions. Le bénéfice du partage social est donc bien réel. Il ne vient simple-
ment pas d’un effet de catharsis mais de l’ensemble des autres bénéfices
énumérés ci-dessus.
Avant d’exposer la dernière famille de stratégies de régulation (les tech-
niques physio-relaxantes), il semble indispensable de préciser que le
partage social ne peut être efficace que si l’interlocuteur est bien choisi. Il
faut donc éviter de partager ses émotions avec des personnes qui sont
susceptibles de réagir maladroitement ou qui ne peuvent pas entendre ce
que l’on a à dire (soit parce qu’elles sont peu réceptives de nature, soit
parce qu’elles sont momentanément indisponibles pour écouter). Notons
que ceci est vrai également pour l’expression clarificatrice, que nous
présentons ci-après.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 179

■ L’expression clarificatrice

Prenons l’exemple suivant : un couple se rend à une soirée au cours de laquelle


la jeune femme se fait aborder par une autre personne. Son époux juge que,

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même si elle ne répond pas franchement aux avances qui lui sont faites, elle ne
met pas assez clairement ses limites. Il sent monter en lui la jalousie et la colère.
De retour à la maison, il sait qu’il a deux possibilités : s’énerver et faire une
scène, ou exprimer posément ce qu’il a ressenti. Il opte pour cette dernière possi-
bilité.
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Comme nous l’avons souligné antérieurement, ce qui distingue l’expres-


sion clarificatrice du partage social, c’est l’origine de l’émotion. Dans le
premier cas, l’émotion est indépendante de l’interlocuteur alors que, dans
le second, ce dernier en est la cause. Ainsi que l’illustre cet exemple,
l’expression clarificatrice consiste à exprimer à son interlocuteur, de
manière posée et constructive, les émotions induites par son comporte-
ment.
Comme nous l’avons vu au chapitre 5, l’expression clarificatrice pour-
suit un double objectif : d’une part, permettre à l’individu de prendre
connaissance de l’état émotionnel de son partenaire d’interaction et,
d’autre part, de favoriser la résolution du problème. L’idée est donc
d’exprimer constructivement ses émotions afin de permettre à l’autre (1)
d’en prendre connaissance (l’autre n’a pas nécessairement perçu ou identi-
fié l’émotion) et (2) de réagir en conséquence. L’interlocuteur pourra alors
soit démontrer que l’émotion n’a pas lieu de perdurer (ex. malentendu),
soit rectifier le tir et adapter son comportement, ou encore décider de ne
rien faire. Si l’on reprend l’exemple ci-dessus, l’épouse pourrait soit expli-
quer à son mari que l’homme qui la « séduisait » visait uniquement à
rendre sa propre femme jalouse et que le jeu de séduction était donc feint.
Étant donné qu’elle n’était pas vraiment visée et qu’elle ne trouvait pas du
tout cet homme attirant, elle n’a pas jugé bon de mettre outrancièrement
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ses limites. Dans ce cas, l’expression des émotions du mari a permis à


l’épouse de lui expliquer que sa jalousie était compréhensible, mais qu’elle
n’avait pas lieu de perdurer. Dans le second cas de figure, l’épouse pourrait
reconnaître que son comportement prêtait à confusion et qu’elle aurait dû
mettre plus clairement ses limites. Elle pourrait promettre d’essayer
d’éviter l’ambiguïté la prochaine fois. Dans le troisième cas de figure,
l’épouse pourrait dire à son mari qu’il n’a qu’à l’accepter comme elle est et
que, tant qu’elle ne le trompe pas, il n’a rien à dire. Dans ce dernier cas, il
incombera sans doute au mari d’utiliser une autre stratégie de régulation !
L’expression clarificatrice ne résout donc pas automatiquement le
problème, mais elle augmente fortement la probabilité qu’il le soit.
180 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Notons qu’afin que ses effets soient optimaux, l’expression émotionnelle


doit être effectuée diplomatiquement ET au bon moment. Nous avons exposé
au chapitre 5 différentes techniques permettant d’exprimer son ressenti de
manière acceptable pour l’interlocuteur. Outre la forme, le choix du moment
est primordial. Si l’interlocuteur n’est pas en état d’entendre ce qu’on a à lui

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dire (ex. trop alcoolisé, trop occupé ou trop tendu), cette technique n’aura
aucun effet, quelle que soit la forme employée.
Nous avons à présent exposé quatre familles de stratégies de régulation. Il
reste dès lors une dernière branche du modèle à développer : les techniques
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physio-relaxantes.

1.2.5 Les techniques physio-relaxantes


Les techniques physio-relaxantes ont pour but d’agir directement sur le
corps, en induisant un relâchement musculaire, une baisse du rythme cardia-
que et de la tension artérielle. En résumé, elles visent à supprimer la compo-
sante physiologique de l’émotion. Cela ne supprime pas forcément les
pensées négatives mais, lorsque notre corps est détendu et que nous sommes
ainsi ressourcés, il est plus facile de faire face aux difficultés (McKay et al.,
2007). Les techniques physio-relaxantes visent à retrouver l’énergie néces-
saire pour modifier la situation et/ou pour changer notre manière de la perce-
voir.
Le relâchement de la tension musculaire et physiologique peut se faire de
différentes manières. Il existe 2 grandes techniques : la relaxation dirigée et
la relaxation personnelle.

■ La relaxation dirigée
Il existe de nombreuses techniques de relaxation dirigée, mais les deux plus
connues sont sans aucun doute celle de Schultz et celle de Jacobson. Ces
techniques, dont les protocoles peuvent être retrouvés sur Internet, visent à
détendre tour à tour les différents muscles du corps afin d’aboutir à un état de
relâchement complet (Schultz, 1958 ; Jacobson, 1987).
De nombreuses personnes s’estiment trop actives pour pratiquer la relaxa-
tion ou pensent qu’« elles n’ont pas la personnalité pour pratiquer ce genre
de choses ». Une étude a récemment testé la véracité de ces stéréotypes et
montré qu’ils étaient infondés : l’effet de la relaxation ne dépend pas de la
personnalité (Sulmon, 2003). En d’autres termes, nous pouvons tous bénéfi-
cier des effets de la relaxation, à condition de nous y mettre ! Et ces bénéfi-
ces ne sont pas des moindres. On a montré, il y a longtemps déjà, que la
pratique quotidienne de la relaxation avait un effet positif sur la performance
au travail (Peters, Benson et Porter, 1977) et qu’elle réduisait les manifesta-
tions psychologiques et physiques du stress (voir Murphy, 1996 pour une
revue). La relaxation augmente également significativement le bien-être, les
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 181

indicateurs de santé des personnes souffrant de maladies telles que le cancer,


les céphalées, ou encore l’hypertension (voir Carlson et Hoyle, 1993 et
Luebbert, Dahme et Hasenbring, 2001 pour des méta-analyses). Il est à noter
que, pour être efficaces en situation de stress, les techniques de relaxation
doivent avoir été pratiquées et automatisées en situation de repos. En effet,

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ce n’est qu’après un entraînement suffisant qu’elles deviennent efficaces.

La respiration diaphragmatique : prudence !


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La respiration diaphragmatique est une méthode de respiration parfois proposée


par les psychothérapeutes dans le cadre de la gestion du stress et de l’anxiété.
Cette technique consiste à remplir les poumons d’air en gonflant le bas du ventre
plutôt que le thorax. L’objectif est de diminuer le rythme de la respiration et
augmenter son amplitude. Les recherches menées sur le sujet démontrent toutefois
que son efficacité n’est que relative (ex. Schmidt et al., 2000) et qu’elle est même
contre-indiquée chez les personnes ayant des troubles respiratoires (Cahalin,
Braga, Matsuo et Hernandez, 2002).

■ La relaxation personnelle
Nous avons évoqué dans la section précédente les réticences de certaines
personnes à faire usage de techniques de relaxation. Les preuves scientifi-
ques ne viennent pas à bout de toutes les résistances et il ne sert à rien de
forcer les individus à pratiquer des activités qu’ils n’apprécient guère. Si un
individu n’est pas sensible à la relaxation dirigée, il pratiquera toutefois
spontanément des activités qu’il juge relaxantes : prendre un bain, écouter de
la musique, etc. Ces activités peuvent être utilisées à des fins de régulation
également.
Les techniques de relaxation personnelle sont les techniques individuelles,
non dirigées et non méthodiques, que les individus adoptent spontanément
pour se relaxer. McKay, Wood et Brantley (2007) ont répertorié un ensemble
d’activités relaxantes « naturelles » pouvant être pratiquées à des fins de
régulation. Elles sont basées sur des sens différents, mais visent toutes à
induire un relâchement de la tension musculaire et/ou physiologique. Nous
reprenons certains de leurs exemples dans le tableau 8.2 et renvoyons le
lecteur à leur ouvrage pour une description complète.
182 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Tableau 8.2
Exemples de techniques de relaxation personnelle

À chaque sens, sa technique (adaptation de McKay et al., 2007, p. 24-28).

! Techniques basées sur l’odorat

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L’odeur est un sens très puissant. Beaucoup d’odeurs ont été inconsciemment condi-
tionnées à des choses positives ou négatives et il est dès lors important d’identifier et
de choisir des odeurs qui nous apaisent.

– Se blottir contre son partenaire si son odeur est apaisante.


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– Faire brûler des bâtons d’encens.


– Se rendre dans un parc, s’étendre sur l’herbe et s’imprégner de l’odeur.
! Techniques basées sur la vision
La vision est un sens important chez l’humain et une large portion du cerveau est
dédiée au traitement de l’information en provenance de nos yeux.

– Se rendre dans un endroit que l’on aime et admirer le paysage.


– Regarder le soleil se coucher ou admirer un ciel étoilé.
– Allumer un feu ou des bougies et observer les flammes.
! Techniques basées sur l’ouïe
De nombreux sons ont des propriétés relaxantes. Bien que certains sons aient des
propriétés relaxantes particulières, les goûts varient selon les individus. Une musique
qui n’est pas appréciée ne sera pas relaxante.

– Mettre de la musique apaisante (musique lounge, musique classique, celtique, etc.).


– Écouter ses CD favoris.
– Écouter la nature si l’on habite à la campagne.
! Techniques basées sur le toucher
Notre peau recouvre entièrement notre corps et elle recouvre un ensemble de termi-
naisons nerveuses qui envoient les sensations directement au cerveau. Il s’agit donc
d’une porte d’entrée de choix pour se relaxer !

– Prendre une douche chaude (ou tiède en été) et apprécier la sensation de l’eau qui
coule sur le corps (ou balnéothérapie, etc.).
– Demander un massage à sa/son partenaire ou à un(e) ami(e).
– Caresser son animal domestique.
! Techniques basées sur le goût
Manger et boire peuvent être des actes apaisants. Néanmoins, manger ou boire à
des fins de régulation peut s’avérer très délétère : si l’on se met à manger ou à boire
chaque fois que l’on souhaite se calmer, on court le risque de développer, tôt ou tard,
des troubles alimentaires et/ou alcooliques.

Il va de soi que cette liste ne constitue nullement un relevé exhaustif des


techniques physio-relaxantes. Elle vise simplement à donner au lecteur un
bref aperçu de la myriade de possibilités qui s’offrent à celui ou celle qui
souhaite se détendre. Des combinaisons sont possibles – et même souhaita-
bles – telles que prendre un bain aux huiles essentielles dans une salle de
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 183

bain éclairée à la bougie et avec un fond sonore apaisant. On peut aussi


regarder un bon film, emmitouflé(e) dans une couette.
Les techniques physio-relaxantes évoquées ci-dessus ont une efficacité
indubitable, mais la plupart d’entre elles requièrent de disposer d’un mini-
mum de temps. Elles peuvent donc être remplacées par des techniques plus

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rapides (mais souvent plus coûteuses en termes d’efforts cognitifs), telles la
distraction interne (penser à quelque chose de plaisant) ou le changement
cognitif (réévaluation, acceptation de la situation).
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1.3 En résumé
Les stratégies présentées dans les sections qui précèdent constituent autant
d’outils de gestion émotionnelle ayant fait preuve de leur efficacité. Néan-
moins, chaque individu aura des affinités particulières avec certaines straté-
gies plutôt que d’autres. L’essentiel est cependant d’avoir plusieurs stratégies
à sa disposition, afin de pouvoir faire face au plus grand nombre de situations
possibles. De manière générale, il est à noter que la régulation émotionnelle
sera d’autant plus efficace qu’elle intervient tôt. La métaphore des chutes du
Niagara1 illustre bien ce point. Lorsque le bateau se trouve loin de la chute, il
a tout le loisir de modifier sa trajectoire et de rejoindre le bord. Plus il se
rapproche de la chute, plus il devient difficile à maîtriser. Juste avant la
chute, il atteint un point irréversible au-delà duquel il n’est plus maîtrisable
et est condamné à tomber. Il en va de même avec nos émotions. Si nous ne
régulons pas notre colère rapidement, nous atteignons un point de non-retour
au-delà duquel il devient très difficile de la maîtriser.

2 LES AVATARS DE LA RÉGULATION


ÉMOTIONNELLE : LES STRATÉGIES
DYSFONCTIONNELLES
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Dans la section précédente, nous avons présenté un modèle de régulation


fonctionnel ou « adaptatif ». En d’autres termes, nous avons présenté les
stratégies qui ont été démontrées efficaces dans la littérature scientifique. Les
recherches ont ainsi montré que l’utilisation des stratégies exposées ci-
dessus était associée à une baisse de l’activation physiologique, à de
meilleurs indicateurs de santé (mentale et physique), à des relations sociales

1. Extraite de McKay, Wood et Matthews (2007).


184 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

de meilleure qualité et à une meilleure performance au travail que l’utilisa-


tion des stratégies présentées ci-après. Ces dernières ont quant à elles été
qualifiées de dysfonctionnelles parce qu’associées à de mauvais indicateurs
sociaux, de santé et de performance.
Ces stratégies dysfonctionnelles peuvent être placées dans le même

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modèle que les stratégies fonctionnelles. Ainsi, à côté des stratégies fonc-
tionnelles susmentionnées, chaque famille de stratégies comporte un certain
nombre de stratégies dysfonctionnelles. Nous les présentons ci-dessous.
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2.1 Les avatars de la régulation a priori

Les individus qui n’anticipent pas les émotions que telle ou telle situation
pourrait induire et/ou qui ne prennent pas ces émotions en compte au
moment de leur décision courent le risque d’éprouver des émotions particu-
lièrement pénibles par la suite. Il existe trois formes dysfonctionnelles de
régulation a priori.

2.1.1 La confrontation dysfonctionnelle

La confrontation dysfonctionnelle désigne la confrontation à une situation


évitable, dont l’issue négative était prévisible, et dont la confrontation n’est
pas susceptible d’apporter des bénéfices substantiels à long terme. On pour-
rait parler de confrontation dysfonctionnelle lorsque quelqu’un s’engage
dans une relation amoureuse avec un(e) partenaire réputé(e) violent(e).

2.1.2 L’évitement dysfonctionnel

S’il est fonctionnel d’éviter les situations susceptibles d’amener plus de souf-
frances que de bonheurs, il est dysfonctionnel d’éviter les situations anxiogè-
nes à court terme mais susceptibles d’amener des bénéfices à long terme
(Luminet, 2002). Il est ainsi néfaste d’éviter de se confronter à ses examens
sous prétexte qu’ils induisent des émotions négatives. Il en va de même avec
les phobies. Éviter l’objet de sa phobie (ex. araignées) ou les lieux qui y sont
liés (ex. caves, greniers, certains pays) permet de réduire les manifestations
d’anxiété à court terme mais augmente drastiquement l’anxiété lors de la
confrontation inattendue avec l’objet ou la situation phobogène, et conduit à se
priver de certaines possibilités (ex. visiter certains pays).
Le fait d’éviter systématiquement les situations anxiogènes (en négligeant
les bénéfices que leur confrontation pourrait amener) est lié à de piètres indi-
cateurs de santé, tant au niveau psychologique que physique (voir Penley et
al., 2002 et Suls et Fletcher, 1985 pour revues).
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 185

2.1.3 La procrastination

La procrastination renvoie au fait de remettre à plus tard des tâches qui


devraient être effectuées immédiatement (ex. différer l’étude d’un cours, la
préparation d’un exposé, la résolution d’un problème, etc.). La procrastina-

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tion constitue une stratégie de réponse à l’ennui (ex. ne pas arriver à se
mettre au travail lorsque la tâche est ennuyante) ou au stress (ex. reporter à
plus tard afin d’éviter de se confronter au problème). Elle peut également
provenir d’une gestion déficiente des impulsions (ex. lorsque l’on remet une
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tâche à plus tard parce qu’on lui préfère une activité qui procure une gratifi-
cation immédiate) (Cornil, 2008 ; Steel, 2007).
Même si elle permet une diminution du stress à court terme, la procrasti-
nation conduit le plus souvent à davantage de stress et de problèmes de
santé à long terme (Sirois et Pychyl, 2002 ; Tice et Baumeister, 1997). La
relation avec la performance au travail est, quant à elle, complexe. Dans la
majorité des cas, la procrastination mène à une moins bonne performance
académique et professionnelle (ex. Steel, Brothen et Wambach, 2001 ; Tice
et Baumeister, 1997). On observe l’inverse toutefois chez certains
individus : ces adeptes de la « dernière minute » ne semblent travailler effi-
cacement que sous pression (Steel, 2007). Pour de telles personnes, la
procrastination représente un outil stratégique de maximisation de la
performance (Chun Chu et Choi, 2005).

2.2 Les avatars de la régulation a posteriori

En ce qui concerne la régulation a posteriori, les stratégies dysfonctionnelles


à chaque étape sont les suivantes :

2.2.1 La gestion de la situation


■ L’impuissance acquise
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

L’impuissance acquise désigne l’état d’un individu qui pense qu’il n’a aucun
contrôle sur la situation et que toute tentative de solution sera vaine.
L’impuissance acquise est souvent le résultat de traumatismes répétés
(ex. abus sexuels), sur lesquels l’individu n’avait pas de prise au départ
(ex. parce que trop jeune). Les individus qui souffrent d’impuissance acquise
adoptent une position passive par rapport à l’adversité, de sorte qu’ils ne
cherchent plus à modifier les situations problématiques, même quand ils en
auraient objectivement le pouvoir. Les individus souffrant d’impuissance
acquise sont très vulnérables à la dépression (Peterson, Maier et Seligman,
1993).
186 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2.2.2 L’orientation de l’attention


■ La rumination
Ruminer équivaut à ressasser sans arrêt les mêmes pensées, à tourner et
retourner un événement dans son esprit. La rumination peut être fonction-

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nelle lorsqu’elle est orientée vers l’action, c’est-à-dire lorsqu’elle vise à trou-
ver des solutions et qu’elle permet de générer plusieurs pistes, dont les
« pour et contre » sont ensuite soupesés. La rumination est toutefois
dysfonctionnelle lorsqu’elle est effectuée passivement, que l’on ressasse un
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épisode négatif sans vraiment essayer de trouver de solution ou d’appliquer


celles que l’on a dégagées, que l’on se focalise sur les émotions ou les
aspects négatifs, que l’on recherche des responsables ou que l’on s’engage
dans un questionnement du type « pourquoi moi ? ».
La rumination est à proscrire parce qu’elle augmente l’intensité et la durée
des émotions négatives (Bushman, 2002 ; Morrow et Nolen-Hoeksema,
1990). Une étude sur 2 ans menée sur des individus initialement non dépres-
sifs a montré que la tendance à ruminer prédit non seulement le risque de
tomber en dépression mais également le nombre d’épisodes dépressifs ainsi
que la durée de ceux-ci (Robinson et Alloy, 2003). Outre son impact négatif
sur le bien-être, la rumination entrave également la performance, probable-
ment parce qu’elle réduit les ressources cognitives disponibles (Watkins et
Brown, 2002).

■ Le déni
Nous avons mentionné précédemment qu’il était important de distinguer la
distraction du déni. Le déni implique un refus de reconnaître l’existence
même du problème, sa gravité ou ses conséquences potentielles, alors que la
distraction implique une prise de distance momentanée par rapport à un
problème dont l’existence est reconnue. Si le déni est temporairement
protecteur au niveau émotionnel (en déniant le problème, l’individu se
protège de la souffrance y afférente), il entrave la recherche de solution
(ex. dans le cas d’une relation de couple qui se détériore ou d’une annonce
de restructuration) et peut ainsi conduire à une aggravation de la situation
(ex. divorce ou chômage).

2.2.3 Le changement cognitif


■ La catastrophisation
Elle renvoie à une dramatisation de la situation actuelle ou à l’anticipation de
conséquences négatives résultant d’un épisode futur. Il s’agit en quelque
sorte de l’inverse de la réévaluation positive puisque l’individu focalise ici
son attention sur ce qui pourrait mal tourner.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 187

■ La recherche d’un bouc émissaire


Cette stratégie consiste à blâmer un tiers pour l’occurrence du problème
et/ou pour son incapacité à le résoudre (ex. blâmer son employé ou son
conjoint pour une erreur dont on est personnellement responsable ; reporter
sur ses proches l’énervement accumulé au travail). Il s’agit d’une stratégie

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particulièrement délétère dans la mesure où elle entrave fortement la qualité
des rapports sociaux. C’est probablement pour cette raison que les études
montrent que l’utilisation répétée de cette stratégie est associée à de piètres
indicateurs de bien-être sur le long terme (ex. Affleck, McGrade, Allen et
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McQueeney, 2003 ; Bulman et Wortman, 1977).

2.2.4 L’expression des émotions


■ La suppression expressive
Cette stratégie consiste à réguler les manifestations visibles de l’émotion
(ex. expression faciale, posture, voix) afin de « masquer » son ressenti aux
yeux d’autrui. Cette technique est dysfonctionnelle pour deux raisons. D’une
part, supprimer la composante expressive de l’émotion ne change rien aux
autres composantes de celle-ci, de sorte que l’intensité de l’émotion ressentie
ne diminue pas, pas plus d’ailleurs que l’activation physiologique correspon-
dante (en réalité, ces dernières augmentent même !) (Gross, 1998a ; Gross et
Levenson, 1997). D’autre part, les émotions feintes sont souvent ressenties
comme telles par les partenaires de l’interaction sociale. Des études ont ainsi
montré que les individus présentaient une augmentation de la pression arté-
rielle lorsque l’expression émotionnelle de leur interlocuteur était inauthenti-
que. Cette augmentation de la pression artérielle va de pair avec une
diminution de la satisfaction ressentie dans l’interaction, et une réduction de
l’envie d’interagir à nouveau (Butler et al., 2003 ; Grandey, Fisk, Mattila,
Jansen et Sideman, 2005).
Étant donné qu’un certain nombre d’émotions ne peuvent s’exprimer sous
peine de déroger aux normes d’expression émotionnelle ou de blesser son
interlocuteur, il faut essayer de réévaluer la situation ou d’utiliser une autre
technique de régulation des émotions plutôt que de simplement « masquer
son émotion » aux yeux d’autrui (voir chapitre 5 pour les exceptions).

■ Le retrait social
Le retrait social constitue tout autant une stratégie de régulation qu’une
tendance à l’action naturellement associée à certaines émotions (ex. honte,
tristesse). Certaines émotions, telles que la honte ou la tristesse, induisent en
effet une tendance vers le retrait social. Dans le cas de la honte ou de la tris-
tesse, le retrait est initialement fonctionnel car il permet de prendre du recul,
de réfléchir sur soi et, le cas échéant, de déterminer ce qu’il y a lieu de faire
188 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

pour éviter que de telles situations se reproduisent. Cette réponse est néan-
moins dysfonctionnelle si elle perdure car elle favorise alors la rumination,
contribuant à maintenir l’émotion négative.
Le retrait social comme stratégie de régulation est utilisé par les individus
pensant qu’ils parviendront à mieux gérer leur émotion en se mettant tempo-

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rairement à l’écart (ex. s’en aller afin d’éviter d’exploser de colère). Il s’agit
d’une stratégie fonctionnelle dès lors que l’individu met réellement ce retrait
à profit pour laisser l’émotion retomber, prendre distance par rapport à la
situation et réfléchir. Il vaut ainsi parfois mieux sortir de la pièce qu’exploser
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de colère sur son enfant ou s’énerver sur son conjoint et dire des choses que
l’on pourrait regretter. Notons que si le retrait est clairement plus fonctionnel
que la violence physique/verbale ou l’abus d’alcool, il comporte le risque de
blesser ou d’offenser l’interlocuteur, qui peut se sentir rejeté ou privé de la
possibilité de discuter (DeLongis et Preece, 2002 ; Repetti, 1992). Dans de
telles situations, il vaut mieux prévenir l’interlocuteur des raisons pour
lesquelles on s’éloigne temporairement et du temps que ce retrait est supposé
durer (ex. « j’ai besoin de prendre l’air pour me calmer, je reviens dans deux
heures »).

■ L’expression inadéquate
Cette stratégie réfère à l’expression des émotions à un moment ou d’une
manière qui ne soit pas acceptable pour l’interlocuteur. Ainsi, il ne serait
pas approprié pour un individu financièrement aisé d’exprimer sa colère
d’avoir perdu de l’argent en bourse en présence d’une personne démunie.
De même, il n’est sans doute pas judicieux d’exprimer à son conjoint la
tristesse qu’a occasionné le départ d’une collègue alors que celui-ci a un
travail urgent à rendre ou qu’il est en colère après avoir eu un agent des
services publics en ligne. Si l’interlocuteur et/ou le moment est mal choisi,
la personne sera ignorée ou rabrouée par son interlocuteur, ce qui ne fera
qu’aggraver son état émotionnel. Comme exposé en détail au chapitre 5, la
manière et le moment choisi d’exprimer ses émotions est aussi importante
que l’expression elle-même.

■ L’agression verbale
L’agression constitue souvent une tentative de réponse aux émotions de
colère, culpabilité et honte. Il s’agit d’une stratégie délétère pour deux
raisons. La première est évidente : l’agression demeure rarement sans suite.
L’individu court donc le risque de voir ses interlocuteurs se détourner de lui
ou lui répondre vertement, engendrant une spirale sans fin. La seconde raison
est davantage contre-intuitive. Si l’agression est généralement utilisée dans
le but de décharger l’émotion et de réduire l’activation physiologique, elle a
en réalité l’effet exactement opposé. Ainsi, les personnes agressives présen-
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 189

tent davantage de risque de développer des maladies cardio-vasculaires (voir


Miller, Smith, Turner, Guijaro et Hallet, 1996 pour une méta-analyse).

2.2.5 Les techniques physio-relaxantes

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À côté des techniques physio-relaxantes fonctionnelles, il existe au moins
deux techniques dites « à double tranchant » qui sont très délétères
lorsqu’elles sont utilisées comme stratégies de régulation. L’utilisation
d’alcool ou d’anxiolytiques afin d’anesthésier des émotions négatives que
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l’on ne parvient pas à gérer autrement représente, à court terme, une straté-
gie d’une efficacité redoutable. L’individu y recourra généralement par
mesure d’économie : boire un verre (ou prendre un calmant) permet de se
défaire plus rapidement de l’émotion indésirable et requiert moins d’effort.
Toutefois, celui qui n’y prend pas garde pourra être tenté de recourir à ce
type de stratégie de plus en plus fréquemment et de tomber, tôt ou tard,
dans l’abus.

■ L’abus d’alcool
Nous ne parlons pas ici de l’abus d’alcool festif, c’est-à-dire des soirées un
peu trop arrosées qui suivent une bonne nouvelle. L’abus d’alcool comme
stratégie de régulation désigne une consommation excessive d’alcool en vue
d’oublier un problème ou d’anesthésier les émotions qu’il engendre. Si cette
stratégie est relativement inoffensive lorsqu’elle est utilisée exceptionnelle-
ment, elle est délétère lorsque l’alcool est l’une des stratégies de régulation
privilégiées de l’individu. L’abus d’alcool endommage la santé mentale et
physique à long terme (ex. Single, Rehm, Robson et Van Truong, 2000). Il
altère en outre significativement la performance au travail (Mangione et al.,
1999).

■ L’abus d’anxiolytiques
Tout comme l’alcool, les anxiolytiques sont inoffensifs dès lors qu’ils sont
utilisés occasionnellement ou durant de courtes périodes, par exemple pour
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

combattre l’anxiété liée à une opération chirurgicale ou à la suite d’un événe-


ment qui dépasse momentanément les ressources de l’individu (ex. agres-
sion). L’utilisation d’anxiolytiques de manière prolongée n’est pas
recommandée, et ce, pour au moins deux raisons. Premièrement, en dépit de
leur effet myorelaxant (détente musculaire), les anxiolytiques, à l’instar de la
relaxation classique, n’induisent pas de modification des pensées. Ils doivent
dès lors être conjugués avec l’application d’autres stratégies de régulation
(ex. modification de la situation ou réévaluation positive). La dépendance
aux anxiolytiques provient souvent de l’adoption par l’individu d’une posi-
tion passive : il attend que le médicament fasse effet. Et cette attente dépasse
fréquemment le cadre du seul relâchement musculaire : l’individu attend que
190 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

le médicament le libère de ses émotions négatives, voire même résolve le


problème. Ces attentes irréalistes conduisent l’émotion négative à perdurer,
appelant la prise d’un autre médicament et ainsi de suite. Cette dépendance
psychique est aggravée par le fait que les anxiolytiques ont, sur le plan phar-
macologique, une forte tolérance (c’est-à-dire que les doses doivent être

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augmentées pour obtenir le même effet). La plupart des molécules anxiolyti-
ques engendrent une dépendance à moyen terme. L’arrêt devient alors diffi-
cile, impliquant un véritable processus de sevrage.
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3 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons proposé un modèle de la régulation émotion-


nelle et explicité en détail les stratégies les plus efficaces et, plus brièvement,
celles à proscrire (voir tableau de synthèse 8.3, ci-contre). Ce modèle a une
visée tant descriptive qu’utilitaire. Au niveau descriptif, il vise d’une part à
fournir un cadre de classification théorique des processus de régulation
émotionnelle et, d’autre part, à offrir une grille d’analyse et de compréhen-
sion des processus à l’œuvre chez un individu donné. Au niveau utilitaire, il
peut servir de base à un travail d’amélioration de ses compétences émotion-
nelles, via une démarche de développement personnel, thérapeutique ou de
coaching. Dans le chapitre suivant, nous allons aborder la régulation des
émotions positives. La capacité à prolonger et/ou à intensifier nos états
d’humeur positifs est en effet au moins aussi importante pour le bien-être
que la capacité à réguler nos émotions négatives.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES 191

Tableau 8.3
Synthèse des principales stratégies de régulation des émotions

Famille de stratégie de Stratégies généralement Stratégies généralement


régulation fonctionnelles dysfonctionnelles

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Anticipation des émotions
que des situations futures
Non-anticipation des émo-
(prévisibles) pourraient
tions que des situations
provoquer et :
futures (prévisibles) pour-
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– confrontation aux situa-


raient provoquer et :
tions susceptibles d’apporter
– confrontation à
des bénéfices à court ou à
Régulation a priori des situations délétères
long terme (même si elles
à long terme ;
induisent des émotions
– évitement de situations
négatives à court terme) :
susceptibles d’apporter des
– évitement des situations
bénéfices à long terme ;
qui ne sont pas susceptibles
– procrastination.
d’apporter des bénéfices à
court ou à long terme.

Régulation
a posteriori
Modification Modification directe Impuissance acquise
de la situation ou indirecte

Ré-orientation Distraction Rumination


de l’attention Déni

Changement cognitif Réévaluation de la situation Catastrophisation


(via un examen des croyan-
ces, une relativisation, une
recherche de sens positif) Recherche de boucs émis-
Acceptation saires

Expression des émotions Partage social Retrait social


Expression clarificatrice Suppression des émotions
Expression inadéquate
Agression verbale

Techniques physio- Relaxation dirigée Abus d’alcool


relaxantes Relaxation personnelle Abus d’anxiolytiques
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LA RÉGULATION
DES ÉMOTIONS
POSITIVES1
Chapitre 9

1. Par Jordi Quoidbach.


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Dans le chapitre précédent, nous avons abordé l’importance de bien gérer


nos émotions négatives. En effet, nous avons vu qu’une mauvaise régulation
émotionnelle pouvait avoir un impact majeur dans les quatre grands
domaines de la vie : relations sociales, performance, bien-être, santé mentale
et physique.
De la même manière qu’il est bénéfique d’apprendre à gérer nos émotions
négatives, il est intéressant d’apprendre à augmenter l’intensité et la durée
de nos émotions positives afin d’en tirer le meilleur. Mais pourquoi ? Pour-
quoi devrions-nous faire « des efforts » pour être plus heureux ?

1 L’IMPORTANCE DES ÉMOTIONS


POSITIVES

1.1 Les émotions positives du point de vue de l’évolution


On comprend facilement pourquoi des émotions telles que la peur, la jalousie
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ou la colère ont perduré au cours des siècles. Prenons le cas d’un homme des
cavernes doté de gènes « de la peur » particulièrement développés : moins
enclin à partir taquiner le mammouth, il avait beaucoup plus de chances de
survivre que celui qui en était dépourvu. Vivant plus longtemps, il avait par
conséquent plus de chances de se reproduire et de transmettre ses gènes de la
peur à sa progéniture. C’est la théorie de l’évolution. Mais à quoi servent la
joie, la fierté ou l’intérêt d’un point de vue évolutionniste ? Pourquoi un
homme des cavernes heureux aurait-il eu plus de chances de survivre et de se
reproduire ? Tout simplement parce que les émotions positives apportent de
nouvelles ressources qui augmentent les chances de survie (voir figure 9.2).
Comment expliquer cela ?
196 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Dans sa désormais célèbre théorie des émotions positives, la théorie de


l’élargissement et de la construction, le professeur Barbara Fredrickson
montre qu’à l’inverse des émotions négatives qui recentrent notre attention
sur des éléments particuliers pour limiter nos comportements à ceux initiale-
ment utiles à notre survie – la peur, par exemple, nous pousse à centrer notre

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attention sur les éléments menaçants et nous prépare à fuir – les émotions
positives élargissent notre façon de penser et notre répertoire de
comportements (Fredrickson, 1998, 2001). En effet, nous ressentons typi-
quement des émotions positives dans des situations où nous ne sommes pas
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en danger. Les processus psychologiques qui recentrent notre attention et


facilitent une réponse rapide et décisive ne sont pas dominants dans pareilles
circonstances. Les émotions positives qui peuvent alors se manifester – la
joie, la fierté, le contentement ou l’amour par exemple – nous indiquent en
quelque sorte que « tout va bien », que nos besoins sont satisfaits ou en
bonne voie de l’être. Ces émotions ont donc un effet complémentaire et anta-
goniste à celui des émotions négatives : elles nous disposent à être plus
ouverts.
Concrètement, les émotions positives agissent principalement à trois
niveaux : sur nos pensées, sur nos comportements et sur nos relations socia-
les.
Au niveau des pensées (aussi appelées cognitions), les émotions positives
poussent les individus à faire de nouvelles connexions entre leurs idées, à
mieux intégrer et organiser les informations, et à générer de nouvelles solu-
tions face aux problèmes (Isen, 1999). Imaginons par exemple que nous
soyons amenés à résoudre le problème suivant : « Reliez ces 9 points en
quatre traits seulement. Vous ne pouvez pas lever le crayon de la feuille. »

Figure 9.1
Problème des 9 points

De nombreuses études montrent que les personnes de bonne humeur (qui


ont par exemple été exposées au préalable à une séquence vidéo amusante)
résolvent plus facilement et plus rapidement ce genre de problème que les
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 197

personnes chez qui on a induit une humeur négative ou neutre (Isen, Daub-
man et Nowicki, 19871).
Au niveau des comportements, les émotions positives augmentent la
tendance à s’engager dans des activités variées : la joie et le bonheur par
exemple poussent les individus à interagir et à jouer ; l’intérêt motive à

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explorer l’environnement (Frijda et Mesquita, 1994). Ainsi, les personnes
chez qui on a induit des émotions positives portent un intérêt plus marqué à
se lancer dans un grand nombre d’activités sociales, physiques ou de loisirs
(Cunningham, 1988a) et sont plus enclines à initier la conversation avec
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autrui que les personnes dans un état négatif ou neutre (Cunningham,


1988b). Par ailleurs, les émotions positives permettent de récupérer plus
rapidement des émotions négatives et d’augmenter la capacité de résilience.

Ainsi, par exemple, une étude a montré que lorsque l’on demandait à des partici-
pants de regarder un film induisant des émotions négatives, directement suivi soit
d’un film amusant, soit d’un film neutre, les sujets récupéraient un rythme cardia-
que normal plus rapidement lorsque le second film était amusant (Fredrickson et
Levenson, 1998). Une autre recherche portant sur les personnes en deuil, a
également montré que les individus qui souriaient véritablement (sourire de
Duchenne) en parlant de leur conjoint décédé étaient davantage à même de
prendre de la distance par rapport au chagrin et de se remettre plus rapidement
de cette perte que les personnes qui n’étaient pas capables de sourire (Keltner et
Bonanno, 1997).

Enfin, les émotions positives apportent également de nombreux bénéfices


au niveau des relations sociales.
Les études ont montré que le sourire des nouveau-nés provoque automati-
quement un sentiment d’amour et d’attachement chez les personnes qui s’en
occupent, ce qui contribue à assurer la survie de l’enfant (Lyubomirsky, King
et Diener, 2005). Le sourire de Duchenne et le rire apportent des informa-
tions sur nos intentions amicales, invitant ainsi les autres à se rapprocher
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

(Frijda et Mesquita, 1994). Les recherches sur les interactions mère-enfant


illustrent comment les personnes qui interagissent avec un individu expri-
mant des émotions positives commencent elles-mêmes à sentir et à exprimer
ce type d’émotions (Haviland et Lelwica, 1987).
Les émotions positives facilitent également les comportements d’aide et
de coopération (Isen, 1999).

1. La solution nécessite d’être « créatif » en pensant autrement. Pour résoudre le problème, il faut
sortir du cadre formé par les neuf points.
198 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Isen et Levin (1972) ont par exemple réalisé une étude à ce sujet dans les cabi-
nes téléphoniques publiques des centres commerciaux. L’expérience était la
suivante : à certains moments, un expérimentateur plaçait discrètement une pièce
de 10 centimes à l’endroit où l’on récupère la monnaie, et, à d’autres, il ne
plaçait rien. Les clients du centre commercial qui utilisaient la cabine téléphoni-

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que pouvaient donc trouver « par chance » une pièce de monnaie (groupe
émotions positives) ou ne rien trouver (groupe contrôle). Un complice de l’expéri-
mentateur suivait les personnes juste après leur coup de téléphone et laissait
tomber une farde remplie de papiers sur le sol. Conformément aux hypothèses
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des chercheurs, les personnes qui avaient préalablement trouvé une pièce de
monnaie dans la cabine aidaient davantage à ramasser les papiers que les
personnes du groupe contrôle.

Ainsi que le montrent ces études, les émotions positives contribuent à


construire et à renforcer les liens sociaux.
En conclusion, les émotions positives favorisent la créativité, motivent les
individus à s’engager dans des activités qui améliorent leurs compétences
personnelles, aident à se remettre plus rapidement des émotions négatives et
renforcent les liens sociaux. Notre homme des cavernes qui dispose des
gènes le programmant à ressentir la joie, le contentement ou la gratitude va
donc, via l’expérience de ces émotions, construire ses ressources intellec-
tuelles, sociales et physiques. Ces nouvelles ressources augmenteront non
seulement sa satisfaction dans la vie mais aussi ses chances de survie (voir
figure 9.2). Plus fort, plus intelligent et bénéficiant de relations agréables et
durables avec les autres, il trouvera plus facilement une partenaire pour se
reproduire et transmettra dès lors ses gènes du bonheur aux générations
suivantes.

Opportunités Émotions Construction Satisfaction


positives de ressources dans la vie et
Survie
• Événements • Joie • Connaissances
positifs • Intérêt • Compétences
• Activités • Gratitude • Support social
agréables • Fierté • Santé
• Capacité à •…
prendre du
plaisir

Figure 9.2
Mécanisme adaptatif des émotions positives
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 199

Notons qu’émotions positives et nouvelles ressources sont également


reliées entre elles dans un cercle vertueux : les émotions positives conduisent
l’individu à construire de nouvelles ressources qui, à leur tour, élargissent les
opportunités de vivre des émotions positives.

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Une étude récente de Barbara Fredrickson illustre ce phénomène (Fredrickson,
Cohn, Coffey, Pek et Finkel, 2008). Les participants devaient suivre un
programme de 10 semaines basé sur la méditation « loving-kindnessa » visant à
induire quotidiennement des émotions positives. Au fur et à mesure des semaines,
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ces émotions amenaient les participants à se sentir plus compétents, mieux dans
leur peau et à envisager un plus grand nombre de manières d’atteindre leurs
objectifs. En outre, leurs relations avec les autres s’amélioraient et ils recevaient
davantage de support social. Ces nouvelles ressources augmentaient quant à
elles la satisfaction et la qualité de vie des participants sans que les émotions
positives n’aient un effet direct sur celles-cib.
Par ailleurs, les nouvelles ressources conduisaient également à de nouvelles
opportunités de vivre des émotions positives, et ainsi de suite…

a. Le lecteur trouvera des explications plus détaillées sur ce type de méditation dans les sections
qui suivent.
b. En langage statistique, on parle de « médiation ». L’effet des émotions positives sur la satisfac-
tion dans la vie n’est pas direct. La variable indépendante « émotions positives » influence la
construction de ressources (médiateur) qui, à son tour, agit sur la variable dépendante
« satisfaction dans la vie ».

1.2 Les bénéfices des émotions positives


dans la vie quotidienne
Au-delà de leur caractère adaptatif pour la survie et la reproduction, les
émotions positives jouent également un rôle crucial dans notre vie de tous les
jours. Voici une petite liste non exhaustive de leurs bénéfices, telles qu’ils
ressortent des études scientifiques menées sur la question (Lyubomirsky et
al., 2005).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Comparés aux personnes maussades ou neutres, les gens heureux sont


plus sociables, plus énergiques, plus charitables, plus coopératifs et sont plus
appréciés des autres. On apprendra donc sans surprise que les gens heureux
ont davantage de chances de se marier et de le rester. Dans une étude où ils
suivaient des étudiantes sur plusieurs années, des chercheurs de l’université
de Californie ont notamment montré que les filles qui souriaient sur la photo
de fin d’année étaient, en comparaison avec les autres filles de leur promo-
tion, proportionnellement plus nombreuses à être mariées à vingt-sept ans et,
à cinquante-deux ans, à être satisfaites de leur mariage et ce, indépendam-
ment de leur apparence physique (Harker et Keltner, 2001).
200 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Les gens plus heureux ont également un réseau d’amis plus étendu et
bénéficient d’un support social plus important. Ainsi, 26 % des gens qui
disent avoir moins de cinq amis proches se considèrent comme très heureux
alors que ce nombre passe à 40 % pour les personnes qui ont plus de cinq
amis (Myers, 20001).

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De plus, contrairement à l’expression populaire « imbécile heureux », les
recherches montrent que les personnes heureuses sont en fait plus flexibles,
plus inventives, plus ingénieuses et plus productives au travail. Elles sont
meilleures leaders, meilleurs négociateurs et gagnent davantage d’argent.
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Une étude a montré que les étudiants qui se disaient heureux en première
année d’Université avaient, seize ans plus tard (aux alentours de trente-cinq
ans), des salaires significativement plus élevés que leurs condisciples moins
heureux. Cet effet était, par ailleurs, indépendant du statut socio-économique
initial des étudiants (Diener, Nickerson, Lucas et Sandvik, 2002).
Enfin, les émotions positives renforcent notre système immunitaire : les
gens heureux sont en meilleure santé et vivent plus longtemps ! La célèbre
« Nun study » de Danner, Snowdon et Friesen (2001) présente à cet égard
des résultats surprenants. Ces auteurs ont analysé les lettres de motivation
que cent quatre-vingts religieuses avaient envoyées à la mère supérieure lors
de leur entrée au couvent dans les années trente. Deux juges indépendants
(ne connaissant pas les hypothèses de l’étude) avaient pour mission de clas-
ser ces lettres selon le type de mots à caractère émotionnel qu’elles conte-
naient (positif, négatif ou neutre). Alors que les conditions de vie de ces
sœurs étaient parfaitement identiques, l’espérance de vie des différents grou-
pes était drastiquement différente. C’est ce qu’illustre la figure 9.3.

Le côté obscur des émotions positives ?


Si les émotions positives offrent de nombreux bénéfices et sont très largement
adaptatives de manière générale, il existe un nombre restreint de situations spéci-
fiques pour lesquelles elles se révèlent contre-productives. Ainsi, l’humeur positive
nous rend par exemple moins critiques face à la qualité de certains arguments,
augmente notre recours à l’utilisation de stéréotypes et nous amène à prendre
plus de risques. Ces effets délétères seront largement abordés dans le
chapitre 10.

1. Notons toutefois que la nature corrélationnelle des données ne permet pas de déterminer le sens
de la causalité.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 201

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Figure 9.3
Pourcentage de sœurs ayant atteint l’âge de 75, 85 et 95 ans sur base des émo-
tions exprimées dans leur lettre de motivation à 20 ans

Savoir tirer le meilleur profit de nos émotions positives, c’est donc non
seulement agréable, mais c’est aussi améliorer bien d’autres aspects de notre
vie : énergie, confiance et estime de soi, efficacité relationnelle, productivité
au travail, santé mentale et même physique.
Enfin, le dernier bénéfice, et non des moindres, des émotions positives,
c’est qu’en devenant plus heureux nous faisons profiter notre partenaire,
notre famille, notre communauté et la société dans son ensemble, des avanta-
ges que nous-mêmes tirons de cette situation. Des chercheurs de la presti-
gieuse Harvard Medical School ont récemment trouvé que le bonheur se
répandait dans les réseaux sociaux de la même manière qu’un virus (Fowler
et Christakis, in press).

Dans une étude considérant le bonheur de cinq mille personnes sur une période de
20 ans, ces chercheurs ont montré que lorsqu’une personne devient plus heureuse,
cet accroissement de bonheur se propage dans son réseau social jusqu’à trois
degrés de séparation. Ainsi le bonheur déclenche une réaction en chaîne : lorsque
le degré de bonheur d’une personne augmente significativement, ses amis vivant
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

dans un périmètre d’environ 2 kilomètres ont 25 % de chance de devenir plus


heureux aussi. Les amis de ses amis ont quant à eux environ 10 % de chance de
devenir plus heureux et les amis des amis de ses amis environ 5,6 %a ! Comparati-
vement, la probabilité d’être durablement plus heureux après une augmentation
financière de 5 000 dollars (environ 3 500 euros) par an se chiffre à 2 %. Notre
bonheur peut ainsi dépendre des fluctuations émotionnelles de personnes que nous
ne connaissons même pas ! Pour paraphraser Boris Vian : « Le bonheur de tous est
fait du bonheur de chacun. »

a. Paradoxalement, l’inverse n’est pas vrai pour la tristesse, qui a tendance à se répandre beaucoup
moins facilement.
202 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2 LES STRATÉGIES DE RÉGULATION


DES ÉMOTIONS POSITIVES

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Comme pour les émotions dites « négatives », il est possible de distinguer
différents types de stratégies de régulation pour les émotions positives.
Nous envisagerons d’abord les stratégies de régulation a priori, qui corres-
pondent aux actions que nous pouvons mener en amont pour améliorer notre
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humeur générale et être ainsi plus réceptifs aux déclencheurs d’émotions posi-
tives (voir chapitre précédent). Nous aborderons ensuite les stratégies de régu-
lation a posteriori, qui renvoient aux actions que nous pouvons entreprendre
pour profiter au maximum de nos émotions positives au moment où nous les
vivons et pour les faire durer le plus longtemps possible (figure 9.4).

Figure 9.4
La régulation des émotions positives

2.1 Les stratégies de régulation « a priori » :


doper son humeur !
Nous l’avons vu tout au long de ce livre, l’état de satisfaction de nos besoins
et notre humeur de base nous rendent plus ou moins réceptifs aux différents
déclencheurs émotionnels, c’est-à-dire aux différents événements qui nous
arrivent. Dès lors, la première stratégie pour vivre plus d’émotions positives
sera d’essayer d’améliorer notre humeur générale afin d’être plus sensible
aux petits plaisirs de la vie. Voici une liste non exhaustive d’activités et de
conseils issus des recherches pour y parvenir.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 203

2.1.1 La modification de l’environnement

Nul besoin d’être scientifique pour s’en convaincre, notre environnement a


un effet indéniable sur nos émotions et sur notre humeur. En fait, le pouvoir
de l’environnement est si puissant qu’il peut véritablement nous transformer

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mentalement et physiquement.

En 1979, le professeur de Harvard Ellen Langer a mené une étude remarquable


à ce sujet (voir Ben-Sharar, 2006). Elle a emmené un groupe de personnes âgées
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de plus de 75 ans pour un séjour un peu particulier dans lequel les personnes
devaient prétendre avoir 20 ans de moins. L’ensemble de l’environnement avait
été soigneusement reconstitué pour simuler l’année 1959 : les vêtements, la musi-
que, les journaux et même de fausses cartes d’identité d’époque. En une seule
semaine, l’âge mental et physique de ces personnes a réellement diminué ! Leurs
doigts se sont allongés (le raccourcissement des doigts est un signe de vieillesse).
Leur niveau d’intelligence, leur force musculaire et leur souplesse ont augmenté.
Enfin, ces participants ont été jugés plus jeunes que leur âge par un panel de
juges indépendants.

L’influence des choses qui nous entourent et le pouvoir de l’esprit sont


formidables. C’est pourquoi 40 % des personnes que l’on déguise en pilotes
de chasse et que l’on place dans un simulateur de vol voient leur vue
s’améliorer (Langer, 1989). C’est pourquoi aussi les personnes à qui l’on
présente de manière subliminale des mots liés à la vieillesse ont de moins
bonnes performances aux tests de mémoire et quittent le laboratoire plus
lentement et en marchant de manière plus voûtée que les gens à qui l’on
présente des mots associés à la réussite et au succès (Bargh et Chartrand,
1999 ; Bargh, Chenet Burrows, 1996).

2.1.2 L’« auto-priming » positif

Comment mettre à profit ce pouvoir de l’environnement ? Partant notam-


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ment des recherches mentionnées précédemment, Tal Ben Sharar nous


recommande de nous « primer1 » positivement, c’est-à-dire de préparer notre
cerveau à la joie, l’énergie et l’efficacité (Ben-Sharar, 2006). Pour ce faire, le
professeur du cours le plus populaire de Harvard, nous conseille de nous

1. Le priming ou « amorçage » en français renvoie au phénomène bien connu des psychologues


selon lequel l’exposition préalable (souvent inconsciente) à un stimulus peut influencer la
réponse aux stimuli suivants. Ainsi, les participants exposés préalablement, de manière sublimi-
nale, à des images plaisantes (ou déplaisantes) jugent plus (ou moins) favorablement des images
neutres qui suivent (e.g. Murphy et Zajonc, 1993).
204 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

entourer de choses positives. On peut ainsi agrémenter notre environnement


de travail ou notre lieu de vie de photos des gens ou des lieux qui nous sont
chers, de peintures que nous aimons, d’images de nos héros ou des person-
nes qui nous inspirent, d’objets qui nous mettent de bonne humeur. Nous
pouvons également, par exemple, imprimer nos citations favorites et les

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coller sur le mur de notre bureau. Même si au bout d’un moment, nous ne
faisons plus attention aux choses qui nous entourent, celles-ci continuent à
nous influencer de manière inconsciente. En fait, l’influence des stimuli
affectifs est d’autant plus forte que ceux-ci ne sont pas conscients (Murphy
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et Zajonc, 1993). Combien d’entre nous n’ont pas déjà passé des mois voire
des années dans un environnement de travail triste et déprimant, préparant
ainsi notre cerveau à de sombres pensées ?
L’auto-priming positif consiste à façonner son environnement pour qu’à
son tour, il façonne nos actions et nos pensées.

2.1.3 Supprimer les petites contrariétés1

Qui parmi nous n’a jamais « pesté » à répétition contre un robinet qui ferme
mal, une lampe qui ne fonctionne plus ou un ordinateur capricieux, sans
pourtant se résoudre à régler définitivement le problème, si ce n’est après des
semaines, des mois voire des années ? L’être humain a certes une capacité
d’adaptation hors du commun, mais le revers de la médaille, c’est qu’il est
également capable de laisser perdurer des situations légèrement désagréables
pendant très longtemps. Petit à petit, ces situations peuvent affecter notre
moral, parfois même de manière inconsciente. Quand on regarde tous les
bénéfices que nous procurent les émotions positives, le jeu n’en vaut pas la
chandelle ! Les recherches montrent que la capacité d’agir rapidement sur
nos petites contrariétés est reliée au bien-être (Billings et Moos, 1981) et à la
santé (Penley et al., 2002). Alors, dans la mesure du possible, appelons rapi-
dement le plombier, remplaçons sans tarder nos ampoules usagées et ache-
tons une clé USB pour sauvegarder nos fichiers importants. Bref,
simplifions-nous la vie en prenant l’habitude de faire régulièrement le point
sur nos petites contrariétés quotidiennes. Dans bon nombre de cas, celles-ci
peuvent être réglées en une demi-journée.

2.1.4 Les expériences de flow

Avez-vous jamais été à ce point absorbé par ce que vous étiez en train de
faire – en écrivant, en dessinant, en surfant sur Internet, en jouant aux échecs,
ou tout simplement en discutant – que vous en avez totalement perdu la

1. Voir à ce sujet le point « modification de la situation » (chapitre 8).


LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 205

notion du temps ? Peut-être n’avez-vous même pas remarqué dans ce genre


de situation que vous aviez faim, mal au dos, ou besoin d’aller aux toilettes
depuis un bon moment ! Si la réponse à cette question est oui, alors vous
avez déjà vécu ce que Mihaly Csikszentmihalyi (1990) a appelé une expé-
rience de flow. Le flow (en français : « flux, courant ») est cet état de concen-

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tration et de maîtrise d’une activité passionnante dans laquelle nous sommes
profondément absorbés jusqu’à oublier le temps qui passe et l’environne-
ment extérieur. Lorsque nous sommes dans un état de flow, nous nous
sentons généralement forts et efficaces, au top de nos capacités. Complète-
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ment inconscients de ce qui nous entoure, nous faisons les choses pour le
simple plaisir de les faire.
La clé pour vivre des expériences de flow est de s’engager dans des activi-
tés parfaitement équilibrées entre compétence personnelle et exigence de la
tâche (voir figure 9.5). Une tâche trop compliquée (vouloir jouer les
morceaux de Jimmy Hendricks alors que l’on est à son premier cours de
guitare) entraînera très souvent de la frustration ou de l’anxiété. À l’inverse,
une tâche trop simple (ex. jouer Jeux interdits pour le guitariste émérite) sera
mortellement ennuyeuse.

Figure 9.5
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Expériences de flow

En quoi le flow favorise-t-il les émotions positives ?


La première raison est évidente : parce qu’une expérience de flow repré-
sente en soi un mélange d’émotions positives : amusement, sentiment
d’épanouissement et d’accomplissement. Deuxièmement, puisque les expé-
riences de flow sont intrinsèquement gratifiantes, elles nous poussent à
vouloir les répéter. Et plus ces expériences se répéteront, moins nous les
trouverons difficiles. En d’autres termes, notre compétence augmentera. Par
conséquent, pour continuer à retirer du plaisir de ces activités, il faudra en
206 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

augmenter la difficulté à chaque fois. Les expériences de flow nous poussent


ainsi vers le haut dans un cercle vertueux. Plus compétents, nous nous senti-
rons plus forts, plus utiles, ayant plus de contrôle sur notre vie et sur notre
environnement. Tous ces facteurs contribuent à donner du sens et de la
richesse à notre existence, à améliorer notre humeur quotidienne et par là

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même à augmenter notre bonheur (Lyubomirsky, 2008).

Comment augmenter ses expériences de flow au quotidien ? (Selon


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Lyubomirsky, 2008)
1. S’efforcer d’accomplir quelque chose de difficile, de nouveau ou qui nous tient
à cœur et découvrir que la récompense vient plus du processus, du chemin
parcouru que la destination : atteindre des expériences de flow implique de
pousser son esprit et/ou son corps jusque dans ses derniers retranchements.
S’engager dans des activités (travail, maison, hobbies…) qui mobilisent nos
compétences et notre expertise.
2. Faire attention à bien faire attention !
Trop souvent nos pensées ne sont pas directement dirigées vers ce que nous
faisons, et notre attention est perturbée par des pensées parasites (« quelle heure
est-il ? », « quand mange-t-on ? », « dure journée hier au boulot ! »). Avec un peu
d’entraînement et d’effort, il est possible d’augmenter notre contrôle sur nos facul-
tés attentionnelles. Nous pouvons apprendre à repérer nos pensées automatiques
et à recentrer notre attention sur la tâche que nous effectuons.
3. Il est également possible de vivre des expériences de flow lors de nos conver-
sations avec autrui.
Nous avons certainement tous déjà fait l’expérience d’une discussion tellement
captivante que nous n’avions plus conscience du temps qui passait ou du monde
alentour. D’après Martin Seligman (cité par Lyubomirsky, 2008), la clé de ce
type de conversation est de s’intéresser profondément et authentiquement à
l’autre. Posons des questions ouvertes (« que s’est-il passé ensuite ? », « qu’en as-
tu pensé ? ») plutôt que fermées (« c’était bien ? ») en essayant d’en apprendre le
plus possible sur notre interlocuteur, sur ce qui le préoccupe, sur ses
émotions, etc.
4. Le lieu de travail est par essence un lieu de prédilection pour déployer nos
compétences et être amené à vivre le flow. Nul besoin pour cela d’être musicien,
chirurgien ou homme d’affaires. Les recherches montrent en effet qu’il est possi-
ble d’envisager son travail de trois manières différentes et que, contrairement à
ce que l’on pourrait imaginer, ces optiques dépendent largement de l’individu et
non uniquement de la profession considérée. On peut ainsi considérer son
travail : 1˚ comme une obligation purement alimentaire, 2˚ comme une étape
dans un plan de carrière ou 3˚ comme une vocation (Wrzesniewski, McCauley,
Rozin et Schwartz, 1997). Ainsi, on trouvera aussi bien parmi les chirurgiens que
parmi les éboueurs des personnes qui considèrent leur job comme ennuyeux et
purement alimentaire (« j’en ai marre de devoir tout expliquer à ces patients »,


LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 207


« ramasser les poubelles est vraiment dégradant, heureusement que cela paye
bien… ») ou des personnes qui le trouvent au contraire important et porteur de
sens (« sauver des vies », « maintenir les rues propres et servir ses concitoyens »).
Les recherches montrent bien entendu que ce sont les travailleurs appartenant à
cette troisième catégorie qui sont les plus heureux. Changer la vision que nous

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avons de notre travail est donc en partie de notre ressort ; de même, nous
pouvons nous fixer des objectifs ou des challenges personnels afin de rendre
notre travail plus enrichissanta et mobiliser nos compétences pour atteindre ainsi
ces fameuses expériences de flow (Wrzesniewski et Dutton, 2001).
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a. Ce que les Anglo-Saxons appellent job crafting (Wrzesniewski et Dutton, 2001).

2.1.5 La gratitude
Exprimer de la gratitude est une stratégie très efficace pour atteindre le
bonheur. La gratitude peut prendre de nombreuses formes selon les contextes
et les personnes : c’est l’émerveillement, c’est la reconnaissance, c’est pren-
dre conscience de l’abondance dans laquelle nous vivons, c’est remercier
quelqu’un d’important dans notre vie, remercier Dieu ou la Vie en
général, etc. C’est aussi savourer les choses et ne pas les prendre pour acqui-
ses. La gratitude est un antidote contre les émotions négatives (Froh, Sefick
et Emmons, 2008 ; Sheldon et Lyubomirsky, 2006 ; Wood, Maltby, Gillett,
Linley et Joseph, 2008). Elle protège de l’envie, de la jalousie, de l’hostilité,
du stress et de la tristesse. Communément associée au fait de dire « merci » à
quelqu’un qui nous fait un cadeau, la gratitude est en fait beaucoup plus
large. La gratitude, c’est par exemple remercier ce vieil ami, cet ancien
professeur, ce collègue qui nous a soutenu ou conseillé dans les moments
difficiles ; c’est chérir les bons moments passés avec notre famille, c’est
passer en revue tous les aspects positifs de notre existence et en remercier la
vie, autrement dit porter notre attention sur la part de chance que nous avons,
en mesurant combien notre sort pourrait être moins enviable.
Des recherches récentes ont pu mettre en évidence les nombreux bénéfices
de la gratitude. Les gens qui éprouvent beaucoup de gratitude sont en
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

moyenne plus heureux (Watkins, Woodward, Stone et Koths, 2003 ; Wood,


Joseph et Maltby, 2009) et dorment mieux (Wood, Joseph, Lloyd et Atkins,
2009). Ils ont plus d’espoir dans la vie, vivent plus fréquemment des
émotions positives, sont plus empathiques, moins matérialistes et pardonnent
plus facilement que les autres (McCullough, Emmons et Tsang, 2002). La
propension à éprouver de la gratitude est également reliée au fonctionnement
de la mémoire autobiographique : les individus reconnaissants sont capables
de se remémorer davantage de souvenirs positifs (Watkins, Grimm et Kolts,
2004). En outre, plus une personne a tendance à éprouver de la gratitude,
moins elle se sent déprimée, anxieuse, seule ou envieuse (McCullough et al.,
2002 ; Wood et al., 2008).
208 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Le lien entre la gratitude et les bénéfices mentionnés ci-dessus ne


s’observe pas uniquement au niveau des corrélations mais également de
manière causale.

Ainsi, dans une des premières études sur la gratitude, Emmons et McCullough

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(2003) ont demandé à un groupe d’étudiants d’énumérer, chaque semaine
pendant trois mois, cinq choses pour lesquelles ils ressentaient de la gratitude
dans leur vie : parents aimants, petit(e) ami(e), moment passé entre amis, etc.
Comparé aux autres groupes de participants – un groupe devait citer cinq événe-
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ments arrivés au cours de la semaine et l’autre cinq choses qui les avaient irrités –,
le groupe « gratitude » rapportait être plus optimiste et plus satisfait dans la vie
au terme de l’étude. De plus, la pratique de la gratitude a également eu un effet
sur la santé. Ainsi le groupe « gratitude » a rapporté moins de symptômes tout au
long de l’étude (moins de maux de tête, de maux de gorge, de nausées, de
problèmes de peau, etc.) et a passé en moyenne plus de temps à faire du sport
que les deux autres groupes.
Par ailleurs, les personnes chez qui l’ont induit de la gratitude s’engagent plus
volontiers dans des comportements pro-sociaux, même à l’égard de parfait
inconnu (Bartlett et DeSteno, 2006).

2.1.6 L’activité physique


Clamer les nombreux bénéfices de l’exercice physique sur la santé semble
aujourd’hui une évidence. L’activité physique nous protège contre de
nombreuses maladies (maladies cardiaques, diabète, cancer du colon, hyper-
tension…), améliore notre qualité de sommeil et notre vie sexuelle ; elle
nous protège également contre les dégénérescences cognitives telles que les
maladies d’Alzheimer ou de Parkinson et nous aide à contrôler notre poids
(voir par exemple Biddle, Fox et Boutcher, 2000 ; Kahn et al., 2002).
Mais les effets positifs de l’activité physique ne se limitent pas à la santé.

Dans une étude remarquable de la Duke Medical School, cent cinquante-six


patients dépressifs ont été affectés de manière aléatoire dans trois groupes. Les
patients du premier groupe devaient pratiquer une activité physique encadrée
(vélo ou jogging) trente minutes trois fois par semaine pendant quatre mois. Le
second groupe était placé sous un traitement pharmacologique classique : la
sertraline. Enfin, le troisième groupe combinait activité physique et antidépresseur.
Après quatre mois, les chercheurs ont constaté que les trois groupes montraient
une amélioration dans des proportions équivalentes : l’activité physique avait
exactement la même efficacité que les antidépresseurs ! Mais ce n’est pas tout.
Six mois plus tard, les patients qui s’étaient remis de leur dépression montraient
un taux de rechute significativement plus bas dans le groupe « activité physique »
que dans le groupe « antidépresseur » (Babyak et al., 2000).
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 209

2.1.7 La méditation
Pratiquée par les bouddhistes depuis des millénaires, la méditation a récem-
ment attiré l’attention des scientifiques. En effet, un nombre grandissant
d’études semblent indiquer que la méditation est reliée au bien-être (Baer,

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2003 ; Kabat-Zinn, 2003 ; Segal et al., 2002 ; Wallace et Shapiro, 2006).
Ainsi, la méditation aiderait les personnes à gérer le stress, l’anxiété, les
douleurs chroniques et un grand nombre d’autres maladies (voir Kabat-Zinn,
2003). La méditation est maintenant incluse dans diverses formes de théra-
pies et donne d’excellents résultats dans le traitement et la prévention de la
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dépression (Teasdale et al., 2000).

Le professeur Richard Davidson et ses collègues ont étudié les effets de la médita-
tion sur le cerveau et le système immunitaire (Davidson et al., 2003). Des partici-
pants volontaires étaient repartis aléatoirement en deux groupes : un atelier
quotidien de médiation ou une liste d’attente. Après seulement huit semaines de
pratique, l’activité du cerveau des personnes du « groupe méditation » avait
changé. Plus précisément, les tracés électro-encéphalographiques révélèrent que
la partie antérieure gauche de leur cerveau – zone dédiée aux émotions positives
et aux comportements d’approche – était plus active qu’avant l’entraînement et
significativement différente de celle du groupe contrôle (qui, lui, n’avait pas
évolué). De plus, la méditation avait également un effet positif sur le système
immunitaire : les participants du « groupe méditation » produisaient plus d’anti-
corps que les participants affectés à liste d’attente après qu’on leur eut injecté un
vaccin contre la grippe.

Il existe de nombreuses formes de méditation. Nous avons choisi de


détailler ici une technique plus particulièrement centrée sur les émotions
positives, facile à pratiquer et dont les effets sur le bien-être, les relations
sociales et la santé ont été scientifiquement démontrés (Fredrickson et al.,
2008 ; Hutcherson, Seppala et Gross, 2008 ; Johnson et al., 2009 ; Pace et
al., 2009) : la LKM (loving-kindness meditation).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Pratiquer la LKM
1. S’installer dans une position confortable et fermer les yeux. Le dos est droit
sans être trop tendu ni courbé.
2. Respirer profondément par le ventre et se détendre.
3. Continuer à respirer profondément pendant quelques minutes tout en centrant
l’attention sur le centre de la poitrine, là où se trouve le cœur. Il est parfois diffi-
cile de maintenir l’attention sur la respiration et les sensations corporelles. Lors-
que l’esprit s’égare vers d’autres pensées, ce n’est pas grave, il suffit simplement
d’en prendre conscience et de recentrer son attention sur le moment présent.


210 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


4. Tout en continuant l’exercice de respiration, imaginer une personne que nous
aimons et qui nous aime ou nous aimait profondément (un ami très proche, un
parent, etc.) ; imaginer cette personne se tenant à côté ou en face de nous.
5. Visualiser la personne et laisser venir à l’esprit tout l’amour, la tendresse et la
reconnaissance que nous avons pour elle. Une fois imprégné de ces sentiments

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positifs, souhaiter à la personne imaginée d’être en sécurité, d’être heureuse et
d’être en bonne santé.
6. Imaginer ensuite toute l’affection que cette personne à pour nous. Visualiser
qu’elle projette ces émotions positives directement sur nous (ex : rayonnement,
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nuage, chaleur, lumière…).


7. Imaginer une personne que nous ne connaissons pas bien et pour laquelle
nous éprouvons des sentiments relativement neutres (un nouveau collègue, une
personne récemment rencontrée, une connaissance…) et rediriger les émotions
positives offertes et reçues vers cette personne tout en lui souhaitant d’être en
sécurité, d’être heureuse et d’être en bonne santé.
8. Imaginer une personne pour laquelle nous éprouvons des sentiments négatifs pour
le moment (un collègue difficile, une personne avec laquelle nous nous sommes
disputés…) et rediriger les émotions positives offertes et reçues vers cette personne
tout en lui souhaitant d’être en sécurité, d’être heureuse et d’être en bonne santé.
9. Visualiser enfin nos émotions positives s’étendre à tous les êtres humains en
leur souhaitant d’être en sécurité, d’être heureux et d’être en bonne santé.

2.2 Les stratégies de régulation a posteriori : savourer


Un repas arrosé entre amis, des vacances en amoureux, un projet enfin fina-
lisé, un service rendu par un ami, trois cases de 100 euros sur un ticket de
loterie à gratter… Les occasions de vivre des émotions positives sont
nombreuses. Que faire pour en tirer un maximum de profit ?
La régulation a posteriori, nous l’avons vu, correspond aux efforts menés
dans le but de moduler l’émotion après qu’elle a émergé. Il existe quatre
grands moyens de profiter au mieux de nos émotions positives : l’expression
physique de l’émotion, le fait d’« être présent », le voyage mental dans le
temps et le partage social1.

2.2.1 L’expression physique des émotions : agir comme quelqu’un d’heureux


Aussi simple que cela puisse paraître, agir comme quelqu’un d’heureux
(sourire, s’investir, faire semblant d’être énergique et enthousiaste, etc.) peut

1. Outre les éléments théoriques sur lesquels elles se fondent, ces stratégies ont systématiquement
été associées au bonheur et à la satisfaction de vie dans nos propres recherches (voir Nelis,
Quoidbach, Hansenne et Mikolajczak, en préparation).
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 211

non seulement nous rapporter certains des avantages liés au bonheur (souri-
res en retour, renforcement de l’amitié, réussite à l’école ou au travail ;
Lyubomirsky et al., 2005) mais peut également nous rendre réellement plus
heureux.
En effet, l’expression physique d’une émotion en augmente l’intensité :

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c’est la théorie du feedback corporel (Adelmann et Zajonc, 1989). Selon ce
principe, notre visage, notre corps et notre voix envoient des signaux à notre
cerveau, l’informant sur ce que nous sommes en train de vivre et nous
conduisant, de ce fait, à ressentir l’état en question. Ainsi, lorsque nous
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manifestons les expressions physiques de la joie, de la peur ou du dégoût, il


est probable que nous commencions à les ressentir, à tout le moins de
manière modérée. Relâcher ou froncer les sourcils, sourire ou faire la moue,
ouvrir les mains ou les serrer, nous conduit généralement à faire l’expérience
de plus de joie ou au contraire de plus d’irritation.
Une célèbre étude de Strack, Martin et Stepper (1988), illustrée dans la
figure 9.6 ci-après, a par exemple montré que les personnes à qui l’on
demandait de regarder un dessin animé amusant tout en tenant un stylo entre
leurs dents (simulant ainsi le sourire) trouvaient rétrospectivement le dessin
animé plus drôle que les participants à qui on avait demandé de regarder la
même séquence vidéo en tenant le stylo entre leurs lèvres (simulant ainsi un
air renfrogné).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 9.6
Illustration de la tâche dans l’étude de Strack, Martin et Stepper (1998)

Un autre type de preuve de cet effet du feedback facial vient des recher-
ches menées sur des personnes dont les expressions faciales sont totalement
figées. Le syndrome de Mobius est une affection de naissance qui provoque
212 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

chez les individus qui en souffrent une impossibilité de bouger les muscles
faciaux. Ces personnes ont ainsi en permanence une expression neutre sur le
visage. Bon nombre de ces patients déclarent qu’ils sont incapables de
ressentir les émotions. Ils peuvent seulement les penser. « Je pense de
manière heureuse ou triste… mais je ne me sens pas réellement heureux ou

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triste » déclare ainsi un homme souffrant du syndrome de Mobius (Cole,
1998, p. 127). On constate donc que l’incapacité d’exprimer physiquement
une émotion influence la capacité à la ressentir.
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Une autre étude étonnante de Finzi et Wasserman (2006) apporte également des
éléments en faveur de la théorie du feedback corporel. Partant du principe que
les personnes profondément dépressives affichent en permanence des expres-
sions faciales de tristesse, ces chercheurs ont enrôlé dans une recherche expéri-
mentale 10 femmes cliniquement déprimées qui ne répondaient pas aux
traitements psychothérapeutiques et pharmacologiques classiques. La dépression
de ces patientes durait depuis deux à dix-sept ans selon les cas. Les chercheurs
leur ont injecté la forme A de la toxine paralysante botulique, plus connue sous le
nom de Botox au niveau des rides du front. Deux mois plus tard, neuf des dix
participantes n’étaient plus déprimées, et la dixième montrait une amélioration
de l’humeur. Les conclusions de cette étude n’en sont toutefois encore qu’au stade
préliminaire. En effet, les chercheurs n’ont pas utilisé de « groupe contrôle »
(c’est-à-dire un groupe de patientes déprimées à qui l’on aurait injecté un
placebo par exemple). De plus, on ne peut pas exclure le fait qu’une partie des
résultats pourraient être dus à l’effet du regard des autres : sans rides, les patien-
tes étaient peut-être perçues comme plus sympathiques et plus attirantes, ce qui
améliorait leurs relations sociales et par là même leur humeur.
Malgré ces limites, les résultats de cette première étude n’en demeurent pas
moins surprenants !

Enfin, notons que dans le monde réel, à l’extérieur du laboratoire, si nous


sourions, le monde à tendance à sourire avec nous. Les gens nous répondent
plus positivement, entament plus facilement la conversation, se confient plus
facilement, nous donnent plus volontiers un coup de main… Ainsi dans une
étude déjà ancienne, des chercheurs ont demandé à certains serveurs de bar
de sourire légèrement et à d’autres de sourire très largement lorsqu’ils
s’adressaient aux clients. Les résultats ont montré que plus les serveurs
souriaient, plus les pourboires qu’ils percevaient étaient importants (Tidd et
Lockard, 1978).
En résumé, sourires et rires, même lorsqu’ils ne sont pas spontanés,
procurent tout de même un léger sentiment de bien-être en envoyant à notre
cerveau un signal qu’il interprète comme celui d’une véritable émotion. De
plus, nous nous attirons ainsi la sympathie et l’affection des autres, ce qui en
retour augmente également nos émotions positives.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 213

2.2.2 Être présent


Les parents disent à leurs enfants d’être sages pour obtenir des cadeaux à
Noël. Les professeurs disent à leurs élèves d’étudier beaucoup afin d’avoir
de bonnes notes, d’aller à l’Université et de trouver un bon travail. Les mana-
gers incitent leurs employés à se surpasser afin d’obtenir des promotions et

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des augmentations. Les retraités disent à leurs amis qui travaillent toujours
que les années dorées de la retraite ne sont plus bien loin… Il semble que
nous vivions et que nous savourions très rarement le moment présent,
pensant que ce qui compte le plus est pour le futur : « Je serai tellement
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heureux le jour de ma promotion », « Si je fais tout ça, c’est pour pouvoir


acheter ma maison l’année prochaine », etc. Bien souvent, nous postposons
notre bonheur immédiat, en tâchant de nous convaincre que demain sera
meilleur qu’aujourd’hui.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 9.7
Vivre au présent… Pas facile !
(Source : http://www.cartoonbank.com/product_details.asp ?sid=120707)

Mais l’habileté à savourer les expériences présentes positives de notre vie


est un des ingrédients les plus importants du bonheur (Bryant, 1989 ;
Meehan, Durlak et Bryant, 1993). La plupart des gens comprennent réelle-
ment ce que savourer veut dire après l’arrêt soudain d’une douleur ou après
avoir eu extrêmement peur. Quand nous avons horriblement mal à une dent
214 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

et que la douleur s’arrête, nous sommes soudainement ravis de ne plus rien


sentir. Quand nous sommes en pleine crise d’allergie et que les symptômes
se calment, nous réalisons à quel point il est agréable de respirer normale-
ment. Après une expérience de mort imminente ou un diagnostic médical
alarmant, la plupart des gens sont capables (du moins temporairement)

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d’apprécier et de prendre du plaisir aux choses banales de leur vie, de vivre
chaque jour comme si c’était le premier et le dernier (Lyubomirsky, 2008).
Les chercheurs définissent le fait de savourer l’instant présent comme la
direction délibérée de l’attention et de la conscience vers l’expérience posi-
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tive en cours (Bryant, 1989). Quand nous nous arrêtons pour sentir des fleurs
au lieu de marcher devant, nous savourons ! Quand nous émergeons soudai-
nement d’une conversation entre amis en prenant conscience du plaisir que
nous avons à partager ce moment, nous savourons ! C’est la différence
subtile entre savourer et vivre une expérience de flow : savourer implique de
faire un pas de côté hors de l’expérience (« que les roses sentent bon ! »),
alors que le flow implique une complète immersion dans l’expérience1.
La capacité à savourer l’instant présent a été associée au bien-être dans
plusieurs recherches empiriques (Bryant, 1989 ; Meehan et al., 1993). Ainsi,
savourer est positivement relié à l’optimisme, à un locus de contrôle interne
efficient, à l’estime de soi ainsi qu’à la satisfaction de vie. De plus, les
personnes capables de capturer la joie du moment présent sont moins
susceptibles de tomber en dépression et de vivre des émotions telles que le
stress, la culpabilité ou la honte (Bryant, 2003). Par ailleurs, les personnes
qui pratiquent les formes de méditation d’inspiration bouddhiste de type
mindfulness, dont l’essentiel consiste à diriger son attention sur le moment
présent et les sensations corporelles, voient leur qualité de vie s’améliorer
(Shapiro, Astin, Bishop et Cordova, 2005 ; Surawy, Roberts et Silver, 2005),
leur stress diminuer (Kabat-Zinn et al., 1992 ; Weinstein, Brown et Ryan,
sous presse) et leur santé s’améliorer (voir Grossman, Niemann, Schmidt et
Walach, 2004).
Bien sûr, « c’est plus facile à dire qu’à faire ».
Comme pour toutes les stratégies visant à augmenter le bonheur, il faut
faire preuve d’efforts et de motivation afin de savourer l’instant présent.
Notre attention est souvent accaparée par des pensées persistantes et intrusi-
ves au sujet du passé (anciennes conversations, tâches non réalisées, problè-
mes non résolus…) ou du futur (soucis, projets à mener à bien…) ; il faut
faire preuve d’efforts réels pour rediriger notre attention vers l’expérience
positive « ici et maintenant ».

1. Bien sûr, dans l’idéal, savourer requiert de ne pas trop sortir de l’expérience présente. En effet,
se demander trop fréquemment « est-ce que je suis en train de savourer ? » ou « suis-je en train
de prendre assez de plaisir ? » conduit inévitablement à se distraire de l’amusement !
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 215

En outre, selon le processus d’adaptation hédonique (Brickman et Camp-


bell, 1971), nous prenons de moins en moins de plaisir aux choses qui nous
exaltaient au début : le fait de traverser un superbe parc sur le chemin du
travail, la dernière chanson à la mode à la radio, l’odeur de notre nouvelle
veste en cuir. Avec le temps ces sensations de plaisir finissent par se fondre

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dans notre quotidien. Il faut beaucoup d’efforts pour apprendre à apprécier
ces choses à nouveau et arrêter de les considérer comme acquises.
Les recherches montrent cependant que prendre quelques minutes par jour
pour réapprendre à apprécier une activité agréable que nous avons l’habitude
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d’« expédier » rapidement (ex : manger notre sandwich de midi, prendre une
douche, marcher jusqu’à l’arrêt de bus, écouter la radio en voiture, etc.)
permet d’augmenter significativement le sentiment de bonheur et de réduire
les symptômes dépressifs (Seligman, Rashid et Parks, 2006).

2.2.3 Le voyage mental dans le temps


La capacité à voyager mentalement dans le temps, c’est-à-dire à se replonger
dans un souvenir ou à imaginer notre futur, est un élément clé de notre vie
émotionnelle (MacLeod et Conway, 2005 ; MacLeod et Salaminiou, 2001 ;
Quoidbach et al., 2008).
Les recherches scientifiques ont montré que la capacité à voyager menta-
lement dans le temps augmentait significativement le bonheur.

Dans une étude de Bryant, Smart et King (2005), les participants devaient établir
une liste de souvenirs positifs et se replonger deux fois par jour dans un moment
décrit. La consigne suivante leur était donnée :
« Tout d’abord, consultez votre liste de souvenirs et choisissez-en un dans lequel
vous replonger. Asseyez-vous, respirez profondément, relaxez-vous, fermez les
yeux et commencez à repenser à votre souvenir. Laissez les images associées à
ce souvenir envahir votre esprit. Essayez de vous représenter les événements
associés à celui-ci. Laissez votre esprit vagabonder librement à travers tous les
détails de votre souvenir. »
Conformément à l’hypothèse des chercheurs, les participants qui ont réalisé cet
exercice régulièrement ont vu leur niveau de bonheur augmenter considérable-
ment. En outre, plus les participants imaginaient leurs souvenirs de manière
détaillée et précise, plus ils ressentaient d’émotions positives.

Ce n’est pas tout ! Se replonger dans d’heureux souvenirs permet aussi de


mieux apprécier le présent, d’augmenter son estime de soi et de vivre des
émotions positives plus intenses de manière générale (Bryant et al., 2005 ;
Lyubomirsky, Sousa et Dickerhoof, 2006). Ces résultats statistiques sont
remarquablement illustrés et synthétisés dans le témoignage d’une partici-
216 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

pante de recherche (Bryant et al., 2005, p. 237) : « Repenser aux bons


moments du passé me permet de me sentir mieux dans le présent. Cela
m’aide à apprécier davantage les choses. Cela me donne une idée de où j’en
étais à ce moment-là, d’où j’en suis maintenant et, au final, d’où j’aimerais
être. Cela m’aide à comprendre le présent et à le gérer […]. Ces souvenirs

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me donnent aussi confiance en moi. Je me dis en quelque sorte “tu l’as déjà
fait avant, tu peux le refaire maintenant”. Si les choses vont mal, j’utilise mes
souvenirs afin de déterminer comment je pourrais améliorer les choses plutôt
que de penser à tout ce qui ne va pas ».
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Dans une autre étude, sur les couples cette fois, les chercheurs ont égale-
ment montré qu’il pouvait être particulièrement bénéfique de se souvenir
conjointement des moments heureux. Ils ont demandé à des couples de se
souvenir ensemble le plus précisément possible d’un grand moment de rire
commun. Cette simple manipulation suffisait à augmenter significativement
le niveau de satisfaction des couples par rapport à leur relation (Bazzini,
Stack, Martincin et Davis, 2007).
Enfin, l’effet positif du voyage mental dans le temps fonctionne également
lorsque nous imaginons le futur. Une étude récente montre que le simple fait
d’imaginer tous les soirs avec le plus de détails possible quatre événements
positifs qui pourraient arriver le lendemain suffit à augmenter significative-
ment le niveau de bonheur des participants (Quoidbach, Woodet Hansenne,
sous presse).

2.2.4 Le partage social


Les psychologues sociaux ont montré qu’un des éléments permettant de
distinguer les relations amoureuses durables n’était pas la manière dont les
partenaires réagissaient mutuellement aux difficultés de l’autre mais bien la
manière dont ils réagissaient aux bonnes nouvelles (Gable et al., 2004) !
Comment avons-nous réagi la dernière fois que notre partenaire (ou qu’un
ami) nous a annoncé une bonne nouvelle ? Étions-nous excités et enthousias-
tes ou au contraire avons-nous ignoré, minimisé ou critiqué cet événement
positif ? La réussite et la chance des autres peuvent parfois nous mettre mal à
l’aise, nous rendre jaloux (« pourquoi est-ce lui qui a gagné ce voyage et pas
moi ? ») ou nous angoisser (« cette promotion signifie-t-elle que je la verrai
moins ? »).
Apprenons à nous réjouir des bonnes choses qui arrivent à nos proches.
Les études montrent que si un partenaire ou un ami proche reçoit de notre
part un soutien et perçoit un plaisir authentique quand il partage une bonne
nouvelle, la relation, la confiance et l’intimité s’en trouvent renforcées. Nous
pouvons commencer dès aujourd’hui à répondre avec intérêt et enthousiasme
aux événements positifs qui arrivent aux gens que nous aimons. Une étude a
montré que les gens qui s’y essayaient trois fois par jour, même pour de peti-
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 217

tes nouvelles, étaient significativement plus heureux et moins déprimés après


une semaine seulement (Lyubomirsky, 2008) !
La prochaine fois qu’un proche nous annonce quelque chose avec enthou-
siasme, accordons-lui toute notre attention, posons-lui des questions, revi-
vons l’expérience avec lui et, si l’occasion se présente, n’hésitons pas à lui

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faire un petit cadeau pour célébrer la bonne nouvelle. En effet, Dunn, Aknin
et Norton (2008) ont montré que dépenser de l’argent pour les autres indui-
sait davantage d’émotions positives que de le dépenser pour soi. Ces cher-
cheurs ont ainsi distribué de l’argent à des étudiants en leur demandant soit
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de le dépenser pour se faire plaisir, soit pour faire plaisir à quelqu’un d’autre
(petit cadeau, don à une œuvre de charité, etc.). Alors que préalablement à
l’étude, la grande majorité des participants déclaraient préférer dépenser de
l’argent pour eux, les résultats montrent que les dépenses « pro-sociales »
augmentent le niveau de bonheur de manière significativement plus impor-
tante que les dépenses personnelles. Par ailleurs, cette étude montre égale-
ment que le montant du cadeau importe peu : 5 euros suffisent à nous rendre
plus heureux !
Le fait de partager ses propres succès avec ses proches est par ailleurs
associé à un niveau élevé d’émotions positives et de bien-être (Langston,
19941). Ne minimisons pas notre bonne fortune, nos efforts, nos forces ou
notre ingéniosité. Les recherches montrent que, loin d’être un péché
mortel, l’émotion de fierté est associée à de nombreuses conséquences
positives2. Dans une étude récente, Williams et DeSteno (2009) ont ainsi
induit de la fierté authentique chez certains participants en prétendant que
leur performance lors d’une tâche d’acuité visuelle était absolument hors du
commun. Dans une seconde partie de l’expérience, les sujets devaient résou-
dre un problème en groupe. Les résultats montrent que les participants fiers
avaient davantage d’influence et étaient plus appréciés par les autres
membres du groupe que les participants contrôles (humeur neutre).

1. Signalons bien sûr qu’il convient d’éviter de tomber dans la vantardise. Si promouvoir une
image particulièrement positive de soi peut être efficace lorsque nous rencontrons quelqu’un
pour la première fois, cette stratégie s’avère délétère pour les relations avec des personnes plus
proches (Tice, Butler, Muraven et Stillwell, 1995).
2. À ce niveau, il est important de distinguer la fierté authentique (fierté bêta), qui survient à la
suite d’un accomplissement ou d’un succès réel, de la fierté hubristique (d’après le concept grec
d’hubris) (fierté alpha), qui provient d’une surestimation générale de sa propre valeur (Tracy et
Robins, 2007b). Les recherches montrent que la fierté authentique est associée à de nombreuses
variables positives (ex : estime de soi, agréabilité) alors que la fierté hubristique corrèle avec des
traits moins enviables comme le narcissisme ou la disposition à ressentir de la honte (Tracy et
Robins, 2007a).
218 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2.3 Les stratégies délétères


Si les quatre types de comportements exposés précédemment nous permet-
tent de maintenir ou d’augmenter nos émotions positives, bon nombre
d’entre nous ont également recours à des stratégies de régulation dysfonc-

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tionnelles. Nous aborderons ces stratégies délétères de manière relativement
succincte car elles représentent, pour la plupart, le corollaire opposé des stra-
tégies fonctionnelles. On distingue typiquement quatre stratégies délétères,
quatre mauvaises habitudes face aux événements positifs qui nous arrivent.
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L’inhibition de l’expression émotionnelle (vs. l’expression physique de


l’émotion) consiste à cacher ses émotions positives aux yeux des autres (par
pudeur, timidité ou peur de susciter la jalousie, par exemple).
L’inattention (vs. être présent) renvoie à la tendance à s’engager dans des
activités ou des pensées non reliées – voire contre-productives – à l’événe-
ment positif en cours (ex : penser à ses tracas, aux choses à faire plus
tard…).
Le focus négatif peut lui aussi être opposé, dans une certaine mesure, au
fait d’être présent. Ce comportement consiste à orienter son attention sur les
éléments négatifs ou non optimaux d’une situation. Certaines personnes
semblent en effet particulièrement habiles à « tiquer » sur LE détail négatif
d’un événement agréable (ex. lenteur du service lors d’un excellent repas
entre amis). Si l’orientation systématique de l’attention vers le négatif est
connue pour être une des caractéristiques les plus saillantes de la dépression
(ex. Teasdale, 1983), les formes moins extrêmes de focus négatif sont égale-
ment nuisibles à nos émotions positives. Ainsi, la simple tendance à maximi-
ser les situations, c’est-à-dire à rechercher systématiquement le « meilleur
coup » possible (ex. visiter 30 appartements avant de choisir le meilleur,
rechercher assidûment le job idéal, etc.) est négativement reliée aux
émotions positives, à l’optimisme, à l’estime de soi et à la satisfaction dans
la vie (Schwartz et al., 2002).
Les attributions externes (vs. voyage mental positif dans le temps) se
rapportent au fait d’attribuer les causes d’un événement positif à des raisons
sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. Certaines personnes repenseront
ainsi à leur succès en termes de chance ou minimiseront leur rôle (ex : « Si
j’ai obtenu 19/20 à cet examen, c’est parce que les questions étaient très
faciles », « Cette personne doit être désespérée pour m’inviter à boire un
verre car je ne suis pas une personne très séduisante »). Les recherches ont
montré que cette tendance à attribuer les événements à des causes externes
était largement associée à la dépression (voir Sweeney, Anderson et Bailey,
1986 pour une méta-analyse sur le sujet).
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES 219

3 CONCLUSION

Nous avons débuté ce chapitre en soulignant l’importance des émotions


positives. Nous avons exposé leur raison d’être en regard de l’évolution, puis

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nous avons montré les avantages que nous en retirions dans la vie quoti-
dienne. Nous avons vu qu’un nombre important d’études démontrent les
effets bénéfiques des émotions positives sur nos cognitions (ex : créativité),
nos comportements (ex : résilience), sur nos relations sociales (ex :
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altruisme) et sur notre santé (ex : meilleure réponse immunitaire).


Nous avons ensuite proposé un modèle de la régulation des émotions posi-
tives en présentant les stratégies les plus efficaces pour améliorer notre
humeur au quotidien (régulation a priori) et pour savourer les émotions posi-
tives en tant que telles (régulation a posteriori).
Outre sa visée théorique et scientifique, ce chapitre a un objectif pratique.
Il peut en effet servir de base au lecteur intéressé pour mettre en place des
interventions et/ou plans de développement personnel afin d’augmenter la
fréquence, l’intensité et/ou la durée de ses propres émotions positives.
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DES ÉMOTIONS1
L’UTILISATION
Chapitre 10

1. Par Moïra Mikolajczak et Jordi Quoidbach.


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Nous avons vu que les émotions étaient indispensables à l’adaptation de


l’être humain à son environnement et l’avons illustré à maintes reprises (voir
chapitre 2, point 4 pour une synthèse). D’un autre côté, nous avons montré
que les émotions n’étaient pas toujours fonctionnelles et qu’elles devaient
par conséquent être fréquemment régulées. L’art est évidemment de pouvoir
distinguer les émotions qui optimisent notre fonctionnement de celles qui
l’entravent. Pour cela, il est essentiel de comprendre comment les émotions
influencent nos pensées et notre comportement.
L’objectif de ce chapitre sera de fournir au lecteur un aperçu de l’influence
des émotions sur les processus cognitifs et les comportements, afin de lui
permettre d’en tirer le meilleur parti.

1 L’INFLUENCE DE L’HUMEUR
SUR LES PROCESSUS COGNITIFS

Dans les chapitres précédents, nous avons déjà réfuté une vision dichotomi-
que de l’être humain, dans laquelle les émotions et les cognitions seraient
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

indépendantes. Dans les lignes qui suivent, nous appuierons notre propos et
montrerons que les processus cognitifs « froids » et désincarnés n’existent
pour ainsi dire pas. Les émotions exercent en effet une influence considéra-
ble sur notre pensée. Elles influencent ce que nous percevons, ce dont nous
nous souvenons, la manière dont nous traitons l’information et dont nous
interprétons les événements, les jugements que nous posons et les décisions
que nous prenons.
224 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

1.1 La perception et l’attention


Les émotions influencent tant ce sur quoi nous allons diriger notre attention
que la manière dont nous allons percevoir ce qui fait l’objet de notre atten-
tion.

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Tout d’abord, les émotions biaisent l’orientation de l’attention, de sorte
que les personnes d’humeur positive prêtent plus attention aux stimuli
positifs dans l’environnement, alors que l’inverse est vrai pour les indivi-
dus d’humeur négative (voir Eich, Kihlstrom, Bower, Forgas et Niedenthal,
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2000 pour une revue). D’une part, les personnes d’humeur positive détec-
tent prioritairement les stimuli positifs alors que les individus de mauvaise
humeur détectent prioritairement les stimuli négatifs. D’autre part, les
recherches ont montré que si l’on présente des images plaisantes ou déplai-
santes à des participants chez qui l’on a précédemment induit une humeur
gaie ou triste, les participants d’humeur joyeuse passent plus de temps à
regarder les images plaisantes tandis que les participants d’humeur triste
passent plus de temps à regarder les images déplaisantes. Un questionnaire
post-test a révélé que les participants n’avaient pas conscience de cet effet.
Ces biais d’orientation et de durée d’attention expliquent en partie que les
personnes amoureuses « voient tout en rose » et que les individus déprimés
« voient tout en noir ». Il est à noter toutefois que ces biais sont plus mani-
festes chez les individus qui régulent mal leurs émotions que chez ceux qui
les régulent bien. Lorsqu’ils sont d’humeur négative, ces derniers ont en
effet – à cause ou en conséquence de leurs aptitudes supérieures de régula-
tion – une tendance à transformer rapidement les biais congruents avec
l’humeur en biais incongruents. Focaliser son attention sur des stimuli
positifs quand on est d’humeur maussade facilite en effet la régulation de
l’humeur.
Ensuite, les émotions influencent la manière dont nous allons percevoir
les choses. Dans une étude expérimentale prototypique du genre, des cher-
cheurs (Fredrickson et Branigan, 2005) ont présenté à des participants
différentes formes telles que celle représentée sur la figure 10.1 ci-dessous.
Les sujets devaient décider laquelle des deux formes du bas était la plus
similaire à la forme du dessus. En réalité, il n’existe pas de bonne réponse
car l’une (celle de gauche) est similaire par sa forme globale (c’est un
triangle) tandis que l’autre (celle de droite) est identique au niveau du
détail (elle est composée de carrés). Notons que les positions respectives
des formes étaient contrebalancées dans l’étude, de sorte qu’une réponse à
droite ne signifiait pas toujours une réponse « détail ». L’étude a montré
que les participants chez qui l’on avait induit une humeur positive avaient
tendance à considérer les choses dans leur globalité (et choisissaient donc
les triangles) tandis que les individus chez qui l’on avait induit une humeur
négative avaient tendance à percevoir les choses dans le détail (et choisis-
saient donc les carrés).
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 225

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Figure 10.1
Exemple de stimuli utilisés dans l’étude de Fredrickson et Branigan (2005)

1.2 La pensée divergente-convergente

Le style de pensée varie également en fonction de notre humeur. Ainsi, les


individus d’humeur positive ont-ils une pensée divergente et heuristique,
tandis que les individus d’humeur négative ont une pensée convergente,
analytique et systématique (Schwarz et Bless, 1991). Les individus joyeux
sont plus créatifs, font plus d’associations inhabituelles, catégorisent les
choses de manière plus large et plus inclusive. Ainsi, là où les individus tris-
tes ne percevraient pas de similitude entre un chameau et un ascenseur, les
individus joyeux vous diraient plus facilement que les deux appartiennent à
la catégorie « transport » (Isen et Daubman, 1984). En revanche, si l’on
demandait à ces personnes de relire un texte et de repérer les erreurs, les
individus heureux passeraient plus facilement à côté des fautes d’orthogra-
phe que les individus tristes.
L’humeur positive va donc augmenter la performance pour les tâches qui
requièrent de la créativité mais diminuer la performance pour les tâches
requérant un traitement systématique de l’information (par exemple, des
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

corrections d’examens). L’inverse sera vrai pour l’humeur négative (Schwarz


et Bless, 1991).

Pensée systématique… certes… mais pas toujours concentrée !


L’humeur négative facilite le traitement systématique de l’information. Il semble
toutefois que l’individu maussade n’analyse pas toujours celle-ci en étant pleine-
ment concentré. Une récente étude montre que, dans une tâche requérant une
attention soutenue, l’humeur négative conduit à plus de « décrochages » atten-
tionnels que l’humeur positive. De plus, les participants chez qui l’on avait induit


226 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


une humeur triste parvenaient plus difficilement à « raccrocher » après un
moment de distraction que les participants chez qui l’on avait induit une humeur
gaie (Smallwood, Fitzgerald, Miles et Phililips, 2009). Les auteurs expliquent
cela par un phénomène de rumination : l’humeur négative induirait davantage
de ruminations, lesquelles empêcheraient l’individu de se focaliser pleinement sur

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la tâche en cours.

1.3 Le jugement
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L’humeur influence tant les éléments sur lesquels nous fondons notre juge-
ment que la nature de ce jugement (positif ou négatif).
Lorsqu’on présente à des participants des messages publicitaires, on cons-
tate que les individus d’humeur positive prêtent plus attention aux aspects
superficiels de l’annonce, tels que l’attractivité ou le statut de l’émetteur
(Petty, DeSteno et Rucker, 2001). Ils seront ainsi fort influencés par les
publicités qui présentent un beau graphisme, un beau mannequin ou une
figure d’autorité (ex. un médecin qui vous dit que la crème usqua est bonne
pour votre peau). A contrario, les personnes d’humeur négative ont tendance
à se focaliser sur le contenu du message et à répondre en fonction de la
qualité des arguments (ex. la crème usqua est bonne parce qu’elle contient
tels et tels agents actifs, qui ont telles et telles propriétés). Les personnes
d’humeur maussade traitent donc les messages persuasifs de manière beau-
coup plus approfondie que les personnes de bonne humeur (voir Mackie,
Asuncion et Rosselli, 1992 ; Schwarz, Bless et Bohner, 1991 pour revues).
Les publicitaires utilisent aujourd’hui ces résultats de recherche pour optimi-
ser leur communication. Ainsi, lorsqu’ils conçoivent une publicité qui figu-
rera lors d’un concert, ils privilégient en général un « emballage attractif »
plutôt qu’une communication exposant les arguments rationnels en faveur du
produit.
Outre son impact sur le traitement de l’information disponible, l’humeur
influence également la nature du jugement, de sorte que celui-ci est générale-
ment congruent avec l’humeur. Une étude a ainsi montré que les individus
réagissaient plus positivement à des slogans sociopolitiques lorsqu’ils étaient
de bonne humeur (par exemple, après avoir reçu un repas gratuitement) que
quand ils étaient de mauvaise humeur (après avoir été exposés à des odeurs
désagréables) (Razran, 1940). Dans le même ordre d’idée, les personnes qui
ont reçu un petit cadeau gratuit dans un magasin jugent ensuite leur vie et
leurs biens (ex. le fonctionnement de leur téléviseur) de manière plus posi-
tive que ceux qui n’ont rien reçu (Isen, Shalker, Clark et Karp, 1978). Il en va
de même avec nos relations interpersonnelles. Après avoir subi une induction
d’humeur (ex. via des extraits de films drôles ou tristes), les participants chez
qui on a induit une humeur positive décrivent leurs amis d’une manière beau-
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 227

coup plus favorable et bienveillante que lorsqu’ils sont d’humeur négative,


où ils ont tendance à être plus critiques et moins indulgents.
C’est ce qu’illustre également une recherche menée dans le monde du
travail. Des participants devaient juger de la qualité d’un candidat pour un
poste. Durant l’« entretien d’embauche », le candidat (comparse) se présen-

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tait de telle sorte qu’il y ait autant d’arguments favorables que défavorables à
son endroit. Les résultats ont montré que les participants de bonne humeur
jugeaient le candidat positivement et se disaient prêts à l’engager, alors que
leurs pairs de mauvaise humeur considéraient ce même candidat comme
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médiocre et refusaient de l’engager (Baron, 1987).


Cette influence de l’humeur sur le jugement ne concerne pas que notre
vie, nos relations ou nos biens matériels, mais également nous-mêmes. Dans
une étude à ce sujet, des individus étaient filmés durant une interaction avec
un comparse et seuls les individus ayant émis un nombre équivalent de
comportements positifs et négatifs (évalués par des juges indépendants)
étaient retenus pour la seconde partie de l’étude. Ces participants-là faisaient
ensuite l’objet d’une induction d’humeur positive ou négative puis devaient
visionner leur interaction et juger leur performance. Les résultats indiquent
que les individus d’humeur positive se jugent plus sympathiques et plus
compétents que les individus d’humeur négative (Forgas et al., 1984).
Ces études expérimentales viennent ainsi confirmer un ensemble d’obser-
vations de la vie quotidienne. En effet, qui n’a jamais souhaité que son
professeur soit de bonne humeur le jour de l’examen ? Qui ne s’est jamais
senti(e) laid(e) et peu attirant(e) en passant devant le miroir après avoir reçu
une mauvaise nouvelle, et sexy et séduisant(e) en passant devant le même
miroir après avoir reçu une bonne nouvelle ?
Il est à noter que l’humeur exerce un effet d’autant plus puissant que la
personne ou la chose à juger requiert un traitement long et complexe de
l’information (Forgas, 1994). Ainsi, si l’on vous demande de vous former
une opinion à propos de couples moyennement attractifs mais bien assortis
(partenaires de même niveau d’attractivité) et de couples d’attractivité
moyenne mais mal assortis (un partenaire beau et un laid), l’effet de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

l’humeur sur le jugement sera beaucoup plus puissant dans le cas des
couples mal assortis (Forgas, 1993). Ceci s’explique par le fait que les
couples mal assortis sont plus « surprenants » et que, pour donner sens à une
telle situation, nous devons davantage faire appel à nos propres expériences
et souvenirs. C’est comme lorsque nous devons juger la relation que nous
entretenons avec notre partenaire : un tel jugement est complexe et demande
de faire la synthèse d’un grand nombre d’expériences stockées en mémoire.
Dans ce cas, l’humeur exercera une influence importante sur notre jugement
parce qu’elle influencera fortement la nature des événements rappelés. Les
personnes d’humeur positive se souviendront d’événements plus agréables et
se formeront donc une meilleure impression de leur couple que les personnes
228 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

d’humeur négative, qui souffriront du biais inverse. Il en va de même lorsque


nous devons porter un jugement sur nous-mêmes : l’influence de l’humeur
sera d’autant plus saillante lorsque l’on devra juger des aspects périphériques
(et donc moins familiers) de nous-mêmes. Elle sera réduite lorsque nous
devrons juger des composantes centrales (et donc familières) de nous-mêmes

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(Sedikides, 1995).

Les émotions positives augmentent le recours aux stéréotypes


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La bonne humeur n’a pas que des effets bénéfiques ! Nous avons vu que les
émotions positives conduisent les individus à envisager les choses de manière
plus globale et moins analytique. Cela conduit également les individus d’humeur
positive à utiliser davantage de stéréotypes pour fonder leur jugement. Ainsi,
dans une étude de Bodenhausen, Kramer et Süsser (1994), les participants
devaient juger de la culpabilité de l’auteur d’un crime sur base d’une description
ambiguë après que leur humeur eut été manipulée ou non. Pour une moitié des
participants, l’auteur des faits se nommait Juan Garcia alors que pour l’autre, il
s’appelait John Garner. Hormis les noms, la description des faits était exactement
identique. La figure 10.2 illustre les résultats de Bodenhausen et de ses collègues.
Coupable

7
6
5 Juan Garcia
Humeur Humeur
John Garner
positive neutre

Induction d'humeur

Figure 10.2
Effet de l’humeur sur le jugement de la culpabilité d’un criminel
en fonction de l’origine de son nom

Les résultats montrent qu’alors que le jugement des participants est préservé en
condition neutre, il est fortement biaisé lorsque les participants sont d’humeur
positive : les participants d’humeur positive jugent la culpabilité du suspect plus
probable lorsque celui-ci est d’origine hispanique.

1.4 La perception et la prise de risque

Tout d’abord, notre humeur influence notre perception du risque et, en parti-
culier, notre perception de la probabilité d’occurrence d’un certain nombre
d’événements désagréables. Ainsi, les personnes chez qui l’on induit une
émotion négative estiment qu’ils ont une plus grande probabilité de perdre
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 229

leurs amis, d’être victimes d’un crime, de divorcer dans les cinq ans ou
encore de vivre une guerre atomique que les participants chez qui l’on induit
une humeur positive (Mayer, Gaschke, Braverman et Evans, 1992). De
manière générale, les personnes d’humeur négative surestiment les risques
tandis que les personnes d’humeur positive les sous-estiment.

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Outre son influence sur la perception des risques, l’humeur influence aussi
la prise de risque. Néanmoins, la direction des effets n’est pas claire à ce
jour. Selon certaines études, l’humeur positive augmenterait la prise de
risque tandis que l’humeur négative la diminuerait (Spies, Hesse et Brandes,
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1997 ; Yuen et Lee, 2003). Étant donné que d’autres études obtiennent des
résultats radicalement opposés (Mittal et Ross, 1998 ; Leith et Baumeister,
1996), il semble que les effets soient plus complexes qu’attendus. Des études
récentes (voir encart ci-après) sur l’effet des émotions spécifiques fournis-
sent une première piste d’explication à ces résultats mitigés. Elles devront
toutefois être complétées par des recherches ultérieures.

Au-delà de l’humeur positive versus négative : l’effet différentiel


des émotions spécifiques
L’influence des émotions sur la perception du risque et la prise de décision ne se
limite pas à l’humeur en général. Les émotions spécifiques (joie, peur,
colère, etc.) ont chacune un effet particulier. Considérez par exemple le
problème suivant.
Un dangereux virus venu d’Asie menace de tuer 600 personnes et le gouverne-
ment vous sollicite par referendum afin de choisir entre deux solutions pour
combattre ce fléau (A et B). Si le programme A est adopté, 200 personnes seront
sauvées. En revanche, si le programme B est choisi, il y a une chance sur trois
que les 600 personnes soient sauvées et deux chances sur trois que personne ne
soit sauvé. Quel programme choisissez-vous ?
Tout dépend de vos émotions ! Des chercheurs (Lerner et Keltner, 2001) ont ainsi
trouvé que les personnes anxieuses ou chez qui ils ont induit une émotion de peur
préfèrent largement le programme A, c’est-à-dire celui où l’incertitude est la plus
faible. À l’inverse les personnes de nature colérique ou chez qui on induit de la
colère, choisissent majoritairement le programme B, plus incertain. Il est intéres-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

sant de noter que la joie provoque le même effet que la colère : les personnes
heureuses choisissent également le programme B. Comment cela se fait-il ?
Lerner et Keltner expliquent ce phénomène par un processus qu’ils nomment
« tendance à l’évaluation » (appraisal tendency). Pour comprendre cet effet, il
faut avoir en tête deux éléments. Premièrement, une émotion se déclenche
communément à la suite de l’évaluation que nous faisons de la situation (ou
appraisal). Nous évaluons les situations non seulement en termes de valence
(positive-négative), mais également en prenant en compte d’autres dimensions
comme le contrôle (contrôlable-incontrôlable) ou la certitude (issue certaine-
incertaine). Des situations de même valence (ex. négatives) peuvent ainsi différer


230 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


en termes de certitude et induire ainsi des émotions différentes. Une situation
évaluée comme négative et dont l’issue est incertaine provoquera généralement
de la peur, tandis qu’une situation évaluée comme négative mais dont l’issue est
certaine provoquera typiquement de la colère (ex. Roseman, 1984 ; Scherer,
2001). Deuxièmement, l’émotion subjective s’accompagne de changements

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physiologiques, cognitifs et comportementaux destinés à aider l’individu à faire
face à l’événement déclencheur. Ces changements persistent cependant souvent
au-delà de la situation déclencheuse et continuent à guider les pensées et le
comportement des individus (voir Gasper et Clore, 1998 ; Raghunathan et Pham,
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1999).
C’est ce qui explique la « tendance à l’évaluation » : chaque émotion active une
prédisposition à évaluer les caractéristiques des situations futures comme similai-
res aux caractéristiques de la situation déclencheuse. Ainsi, la joie et la colère,
bien que de valence opposée, impliquent toutes deux des situations déclencheu-
ses où notre degré de certitude est relativement élevé. Les participants joyeux ou
en colère jugeront donc l’issue du programme B (une chance sur trois de sauver
tout le monde) comme plus certaine. À l’inverse, les individus chez qui l’on induit
la peur percevront le programme B comme comprenant trop d’incertitude et
préféreront le programme A.

1.5 Les choix (ou l’exposition sélective)


L’humeur influence aussi nos choix et, comme pour les jugements, ceux-ci
tendent à être congruents avec notre état émotionnel. Ainsi, les personnes
d’humeur négative ont-elles tendance à choisir des musiques et des films
tristes alors que les personnes de bonne humeur préfèrent écouter des musi-
ques et regarder des films gais (Synder, 1988 communication personnelle à
Bower, cité dans Bower, 1991). Il en va de même lorsque l’on demande à des
individus ayant subi une induction d’humeur d’indiquer combien de temps
ils comptent consacrer à différents types d’activités la semaine suivante. Les
personnes temporairement joyeuses rapportent vouloir consacrer davantage
de temps à des activités légères et plaisantes tandis que leurs pairs temporai-
rement déprimés prévoient de consacrer plus de temps à des activités sérieu-
ses, lourdes et solitaires. Finalement, les individus de bonne humeur
préfèrent la compagnie d’individus de bonne humeur, et vice versa (Wenzlaff
et Prohaska, 1989).
Ces résultats, répliqués dans de nombreuses études et combinés à ceux
présentés plus haut sur l’attention, indiquent que l’humeur du sujet façonne
en partie son environnement. Comme nous le verrons ci-dessous, ces recher-
ches ont d’importantes implications pour la régulation émotionnelle. Elles
ont également des implications interpersonnelles : si l’on veut faire pencher
quelqu’un en faveur d’un choix plutôt qu’un autre, il peut être utile de jouer
sur son humeur…
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 231

1.6 L’interprétation des événements


L’humeur influence de manière considérable l’interprétation que nous
faisons des événements, le sens que nous donnons au monde qui nous
entoure. Assez logiquement, plus les choses sont floues et/ou ambiguës, plus

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l’influence de l’humeur est importante. Nous avons vu ci-dessus que
l’humeur influençait l’interprétation des dires d’un candidat ambigu et
l’appréciation que l’« employeur » s’en faisait (Baron, 1987). Ces résultats
ont été répliqués, sous une forme ou une autre, dans plusieurs études. Dans
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l’une d’elle, on induisait un état négatif chez la moitié des participants puis
on demandait à tous les participants d’écouter et de retranscrire simultané-
ment sur papier une liste de mots. Les mots étaient des homophones dont le
sens était soit neutre (ex. cent), soit négatif (sang). Les participants maussa-
des retranscrivaient – et donc interprétaient – beaucoup plus fréquemment
les mots dans leur sens négatif que les participants n’ayant pas subi d’induc-
tion d’humeur (ex. Halberstadt, Niedenthal et Kushner, 1995 ; Richards,
Reynolds et French, 1993).

1.7 La mémoire

L’humeur exerce une double action sur la mémoire : elle affecte tant la
nature du rappel (mood-congruent memory) que la qualité de celui-ci (mood-
dependent memory).
Tout d’abord – et sans surprise en regard de ce que nous avons vu ci-
dessus – l’humeur affecte la nature du rappel, de sorte que les souvenirs
seront plus fréquemment congruents avec l’humeur. Ainsi, si l’on demande à
des individus d’étudier une liste de mots et puis qu’on procède à une induc-
tion d’humeur positive ou négative, les participants joyeux se rappelleront
mieux des mots positifs, tandis que les participants tristes se souviendront
davantage des mots négatifs (Ucros, 1989). D’autres recherches ont répliqué
cet effet et montré, par exemple, que les personnes de bonne humeur se
remémorent plus facilement les souvenirs heureux de leur enfance ou leurs
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

souvenirs positifs de la semaine précédente. C’est l’inverse que l’on observe


chez les personnes d’humeur négative. Lorsqu’on ne va pas bien, non seule-
ment on voit tout en noir (voir points A, C et E ci-dessus) mais on a égale-
ment tendance à se rappeler davantage d’événements négatifs (Matt,
Vazquez et Campbell, 1992). C’est la fameuse spirale négative du dépressif.
Notons que, comme pour l’attention, ces biais sont plus manifestes chez les
individus qui régulent mal leurs émotions que chez ceux qui les régulent
bien. Lorsqu’ils sont d’humeur négative, ces derniers ont en effet tendance à
transformer rapidement les biais congruents avec l’humeur en biais incon-
gruents (Josephson, Singer et Salovey, 1996). Se remémorer de bons souve-
232 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

nirs quand on est de mauvaise humeur facilite en effet la restauration d’une


humeur positive.
Outre son influence sur les éléments rappelés, l’humeur influence égale-
ment la qualité du rappel. La mémoire est meilleure lorsque l’humeur au
moment du rappel concorde avec l’humeur au moment de l’encodage

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(Ucros, 1989 ; voir Eich et Macaulay, 2000 pour une revue). En d’autres
termes, on se rappelle plus facilement une information quand on est dans le
même état d’humeur au moment du rappel que celui dans lequel on était
lorsque l’on a mémorisé l’information. Se remettre dans l’état d’humeur de
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l’encodage est donc utile pour faciliter le rappel.


Les pages qui précèdent pourraient laisser croire que l’humeur positive est
toujours bénéfique. Même si c’est souvent vrai, c’est loin d’être toujours le
cas. Nous venons de voir qu’être d’humeur négative pouvait faciliter le
rappel d’informations encodées dans un état maussade. Ainsi, si nous étions
déprimé(e) le jour où nous avons étudié notre examen de philo, mieux vaut
nous remettre dans le même état d’humeur le jour de l’examen. Nous
améliorerons ainsi la qualité de notre performance.
Outre le cas de la congruence d’humeur encodage-rappel, il semble que
l’humeur négative protège contre un certain nombre de distorsions lors du
rappel. C’est ce que nous illustrons par le cas du témoignage oculaire ci-dessous.

L’humeur positive n’est pas toujours bénéfique !


Le cas du témoignage oculaire
Un chercheur (Forgas, 2000) a montré à des participants des extraits vidéo de
scènes complexes (tels que des mariages ou des vols). Une semaine plus tard, il a
induit une humeur positive ou négative chez ces mêmes participants. Il a ensuite
demandé à ceux-ci de re-raconter ce qu’ils avaient vu en répondant à différentes
questions qui contenaient ou non de l’information erronée au sujet de la scène. Il
a observé que les participants d’humeur positive avaient davantage tendance à
incorporer l’information erronée dans leur récit. Les mêmes résultats ont été obser-
vés dans une étude de terrain où des étudiants devaient raconter à l’expérimenta-
teur un accident mis en scène durant un cours. À nouveau, les témoignages des
étudiants d’humeur positive étaient davantage déformés.

1.8 Les répertoires de pensées et d’actions


En accord avec les effets démontrés aux points A et B, les émotions positives
élargissent les répertoires de pensées et d’actions, tandis que les émotions
négatives les restreignent. Si l’on induit une humeur positive ou négative à
des participants et qu’on leur demande ensuite de dresser une liste des
choses qu’ils souhaitent faire, les participants d’humeur joyeuse établiront
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 233

une liste significativement plus longue que les participants maussades


(Fredrickson et Branigan, 2005).
Il est à noter que si notre répertoire de pensées et/ou d’actions est plus
étendu lorsque nous sommes d’humeur joyeuse, la qualité de nos pensées
n’est peut-être pas proportionnelle à leur nombre. Une étude suggère en effet

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que lorsqu’il s’agit d’être persuasif, les personnes d’humeur négative produi-
sent des arguments de meilleure qualité que les personnes d’humeur positive
(Forgas, Ciarrochi et Moylan, 2000). Ces résultats sont en accord avec l’idée
que les émotions négatives favorisent un traitement analytique et systémati-
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que de l’information. Les individus d’humeur maussade trouvent peut-être


plus facilement les failles du raisonnement de l’autre et construisent sans
doute leur argumentation à partir d’une analyse plus systématique de la ques-
tion.

2 L’INFLUENCE DE L’HUMEUR
SUR LES COMPORTEMENTS

Notre humeur n’influence pas seulement notre manière de penser ou de


planifier nos comportements. Elle a également un impact considérable sur
les comportements que nous posons effectivement.
Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, les émotions encouragent
l’individu à adopter certains comportements plutôt que d’autres (voir
tableau 2.1, p. 19-20). La colère prédispose ainsi à l’agressivité tandis que la
joie prédispose à l’exploration. Connaître ces effets est important. Cela
permet en effet de générer stratégiquement les émotions utiles dans telle ou
telle situation. Par exemple, un boxeur a tout intérêt à susciter en lui de la
colère juste avant de monter sur le ring. Cela lui permettra d’accroître son
niveau d’énergie, de décupler sa force1 et d’augmenter ses chances de vain-
cre son adversaire.
Outre les tendances à l’action associées aux émotions spécifiques, les
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

émotions positives et négatives ont une série d’autres effets au niveau inter-
personnel. Nous décrirons ci-dessous ceux qui sont les mieux documentés.
Tout d’abord, on observe que les personnes chez qui on a induit une
humeur positive sont plus communicatives, plus chaleureuses, plus à l’aise et
plus constructives en situation sociale que les personnes chez qui l’on a
induit une humeur négative (Forgas, 2002 ; Forgas et Gunawardene, 2000).

1. Il est à noter que cette colère doit se limiter au ring, sous peine de gaspiller de l’énergie utile par
ailleurs.
234 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Ces effets sont également saillants dans la vie quotidienne. Combien de fois
nos proches ne font-ils pas les frais de notre mauvaise humeur lorsque nous
avons eu une mauvaise journée ? Ce qui est intéressant, toutefois, c’est que
la majorité des participants de ces études n’avaient pas conscience de
l’influence de leur humeur sur leur comportement.

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Avoir conscience que même de légères différences d’humeur peuvent
affecter profondément la manière dont nous agissons avec autrui – et par
conséquent la manière dont nous sommes perçus socialement – est un avan-
tage indéniable. En effet, les recherches montrent que l’on se forge une
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opinion sur base d’un petit nombre d’éléments et que l’on tend ensuite à
sélectionner l’information qui confirme cette première impression
(Dougherty, Turban et Callender, 1994 ; Leyens et Yzerbyt, 1997 pour une
revue). Dès lors, avoir conscience de l’influence de notre humeur sur notre
comportement est fondamental, surtout lorsque nous interagissons pour la
première fois avec quelqu’un.
En dépit des effets exposés ci-dessus, l’humeur positive n’a pas que des
effets bénéfiques. Lorsqu’il s’agit de formuler une requête, les personnes
d’humeur positive sont beaucoup plus directes – voire même parfois impo-
lies – que les personnes d’humeur négative, qui sont beaucoup plus circons-
pectes et courtoises dans leur demande. Ces effets apparaissent être d’autant
plus puissants que la demande est complexe (Forgas, 1998, 1999).
Néanmoins, et peut-être paradoxalement, les individus d’humeur positive
sont plus efficaces en situation de négociation. Ils sont en effet plus optimis-
tes quant à l’issue de celle-ci et utilisent des stratégies plus positives et
coopératives que leurs pairs d’humeur négative, lesquels sont plus pessimis-
tes et par conséquent moins coopératifs.

3 DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE…

Nos émotions influencent ce que nous percevons, ce dont nous nous souve-
nons, la manière dont nous traitons l’information, la façon dont nous inter-
prétons les événements, les jugements que nous faisons, les décisions que
nous prenons et la manière dont nous agissons.
Il est fondamental de connaître et de repérer ces effets afin de s’en servir
lorsqu’ils peuvent optimiser notre fonctionnement et de s’en libérer
lorsqu’ils peuvent compromettre notre jugement ou notre performance. Des
exemples nous permettront d’illustrer notre propos.
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 235

3.1 Optimiser l’effet des émotions


Utiliser ses émotions implique de choisir, parmi les tâches que nous devons
faire, celles qui peuvent être optimisées par notre humeur du moment.
Supposons que nous ayons plusieurs tâches à réaliser à l’approche des fêtes,

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par exemple décorer le sapin et la maison pour le réveillon, faire notre comp-
tabilité et rédiger une lettre condoléances pour un(e) ami(e) qui a perdu un
proche. Les recherches présentées ci-dessus suggèrent que nous devrions
privilégier la décoration de la maison si nous sommes de bonne humeur et
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réserver la comptabilité et la lettre de condoléances pour un moment où nous


serons moins gais. L’humeur négative nous permettra d’être plus systémati-
que et consciencieux dans l’établissement de nos comptes ou d’être plus en
phase avec l’état émotionnel de notre ami(e) endeuillé(e) et de trouver ainsi
les mots justes.

3.2 Identifier et corriger les sources de biais


Nous avons vu ci-dessus que les émotions biaisaient la pensée. Cet effet
n’est pas toujours problématique, cependant. Il est normal que notre juge-
ment soit biaisé en défaveur d’un candidat à l’embauche qui se comporterait
étrangement durant l’entretien. En outre, dans des circonstances où l’on doit
juger sur base d’un minimum d’informations objectives et où bon nombre de
candidats ont un profil équivalent, les émotions ont une valeur informative
indéniable. On « sent » mieux tel ou tel candidat (ce candidat suscite plus
d’émotions positives que les autres) et ce que l’on appelle « l’intuition »
n’est en réalité rien d’autre qu’une préférence émotionnelle pour un choix ou
un autre. L’information fournie par les émotions est extrêmement utile dans
ces situations. Si deux candidats ont un profil quasi équivalent mais que l’on
« sent » paradoxalement mieux le candidat un rien plus faible, mieux vaut
laisser son jugement se biaiser en faveur de ce candidat. Il faut être très vigi-
lant, en revanche, lorsque l’humeur précède la chose/personne à juger (ex. si
l’on était de bonne ou de mauvaise humeur avant l’entretien). Dans ce cas,
l’émotion n’est pas déclenchée par la situation ou la personne à juger (dans
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ce cas-ci, le candidat), mais elle risque pourtant d’affecter tout autant notre
jugement.
Lorsque des décisions importantes doivent être prises, il importe d’analy-
ser la source de l’émotion. Si celle-ci est causée par la personne ou la situa-
tion en question, alors elle constitue une source d’information précieuse. En
revanche, si l’émotion préexistait avant la décision à prendre ou le jugement
à poser, elle risque de biaiser indûment notre jugement. Fort heureusement,
les études ont montré qu’identifier son humeur et la source de celle-ci suffit à
faire disparaître les biais1 dans bon nombre de cas (voir par exemple
Berkowitz et Troccoli, 1990).
236 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

4 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons vu que les émotions influençaient tant nos
pensées que nos comportements. Nos émotions colorent notre perception,

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notre mémoire, notre jugement, etc., pour le meilleur et pour le pire. De
manière générale, les émotions provoquent des biais de congruence, de sorte
que nous tendons à percevoir prioritairement les stimuli positifs lorsque nous
sommes heureux et les stimuli négatifs lorsque nous sommes malheureux. Il
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en va de même avec nos souvenirs, nos choix, nos interprétations et nos juge-
ments. Nous avons noté toutefois que ces biais dits « biais de congruence
avec l’humeur » se muaient fréquemment en biais d’incongruence chez les
personnes ayant des aptitudes de régulation élevées.

Outre ces biais de congruence, il existe un ensemble d’autres biais, affec-


tant le style de pensée (ex. divergente et créatrice en cas d’humeur positive
ou, au contraire, convergente et analytique en cas d’humeur négative), les
répertoires de pensées et d’actions (plus étendus mais de moindre qualité en
cas d’humeur positive), et les comportements (plus assertifs mais souvent
plus constructifs en cas d’humeur positive).

Nous avons conclu en soulignant la nécessité de connaître l’existence et la


nature de ces biais afin de pouvoir tirer le meilleur parti de nos émotions
(maximiser les effets lorsque l’émotion est utile pour la tâche en cours ;
supprimer ces biais lorsque l’émotion est non pertinente). Le tableau 10.1 ci-
contre reprend les principales situations où nous pouvons tirer profit de la
force de nos émotions.

1. Prendre conscience de l’influence potentielle de l’humeur sur le jugement peut éliminer le biais
dans certains cas, mais peut le renverser dans d’autres. Par crainte de mal juger un candidat en
raison de notre mauvaise humeur, nous pouvons tomber dans le travers inverse et finir par trop
bien le juger.
L’UTILISATION DES ÉMOTIONS 237

Tableau 10.1
Tableau de synthèse pour une meilleure utilisation des émotions

Exemples Humeur
Thématique Conseils
d’activités privilégiée

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Organiser Regarder un film amusant avant
une fête, d’organiser l’enterrement de vie de
conduire un garçon d’un ami. Commencer par
Créativité Positive
brainstorming une blague ou une distribution de
dans une nourriture avant d’entamer une
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équipe… séance de brainstorming en équipe.


Travail de
groupe, Mettre ses collaborateurs de bonne
demande humeur (offrir un petit cadeau,
Coopération Positive
d’aide, diffuser une musique d’ambiance,
appel à la valoriser les autres, etc.).
générosité…
Faire adhérer
autrui à des Mettre les autres de bonne humeur
Manipulation arguments Positive pour diminuer leur capacité
simplistes ou d’analyse
fallacieux…
Choisir une journée où nous sommes
Acheter une
de relativement mauvaise humeur
nouvelle TV,
Évaluation de la avant d’effectuer un achat important.
mener un Négative
qualité Éviter de juger de la qualité d’une
entretien
personne ou d’un objet lorsque nous
d’embauche…
sommes particulièrement joyeux.
Corriger un
Rien de tel qu’une après-midi
Travail texte, remplir
Négative maussade pour traquer les fautes
de précision une déclara-
d’orthographe !
tion d’impôt
Nous sommes plus chaleureux
Demande Demander une lorsque nous sommes de bonne
Neutre
délicate augmentation humeur… mais la bonne humeur
amène souvent à manquer de tact.
Mettre les autres de bonne humeur
Résolution de Positive et si l’on veut favoriser le compromis.
Négociation
conflit négative Mettre les négociateurs de mauvaise
humeur si l’on veut figer les positions.
Étudier, Positive Se remettre dans l’état d’humeur
Mémoire passer et de l’encodage facilite le rappel.
un examen négative

238 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

☞ Adapter le message à l’humeur


du public cible.
Un vendredi après-midi sous un soleil
radieux, nous préférerons un contenu
humoristique, un PowerPoint
attrayant, un message résumé en

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quelques grandes idées attractives.
Au contraire, par un lundi matin gris
et pluvieux, nous privilégierons un
Convaincre
Positive message plus détaillé, basé sur des
un auditoire,
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Persuasion et faits précis.


vendre
négative L’inverse est vrai également ! Si notre
un produit
contenu est léger et nos arguments
discutables, veillons à accompagner
notre message d’une bonne dose
d’humour (démarrer la présentation
par une blague, inclure des illustra-
tions amusantes…). Au contraire, si
nous désirons exacerber le sens criti-
que de nos interlocuteurs, privilé-
gions un « emballage » plus sombre.
Prendre conscience de notre état
émotionnel afin de prendre
Investir la meilleure décision possible.
en bourse, Émotions La joie ou la colère nous amènent-
Évaluation
miser tous spécifi- elles à sous-estimer les risques ?
des risques
ses jetons ques Au contraire, un épisode de peur
au poker vécu quelques minutes auparavant
nous conduira peut-être à
une prudence excessive…
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ÉMOTIONNELLES1
DÉVELOPPEMENT

COMPÉTENCES
DURABLE DES
VERS UN
Chapitre 11

1. Par Jordi Quoidbach.


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Tout au long de ce livre, nous avons approfondi les différentes compéten-


ces émotionnelles et montré leur importance pour le bon fonctionnement des
individus.
À travers de nombreuses recherches scientifiques et des exemples de la vie
quotidienne, nous vous avons livré certaines clés pour une vie émotionnelle
plus harmonieuse et des relations sociales plus efficaces.
Mais peut-on réellement changer, ou sommes-nous voués à retomber tôt
ou tard dans nos vieux travers ? Comment, après la lecture de ce livre, passer
de la théorie à une amélioration durable de nos compétences émotionnelles ?
Et comment, après les premières semaines d’enthousiasme, maintenir sa
motivation et continuer à progresser ?

1 LA NATURE DU CHANGEMENT

Nombre d’entre nous – scientifiques compris – doutent de la capacité des


êtres humains à changer véritablement. Ne dit-on pas « chassez le naturel…
il revient au galop » ? En effet, qu’il s’agisse de tenir cette bonne résolution
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

de ne plus boire autant, d’arrêter de fumer, de perdre enfin ces fichus kilos en
trop, ou de lutter contre notre tendance à la timidité, la colère, le
désordre, etc., les exemples d’échecs sont nombreux.
Pourtant certains individus y arrivent, et souvent on les entend dire que
telle personne, telle expérience ou tel livre a profondément transformé leur
vie.
Changer est donc possible.
Un petit récapitulatif de l’état de la connaissance scientifique sur la nature
du changement devrait nous aider à déterminer plus précisément notre marge
de manœuvre.
242 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Nous commencerons par présenter les recherches montrant que changer


n’est pas facile. Dans un deuxième temps, nous montrerons que changer est
malgré tout possible.

1.1 Le changement est difficile : déterminisme

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génétique et ligne de base
Changer est difficile, ce n’est pas nouveau ! De nombreuses études scientifi-
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ques menées au niveau individuel, groupal ou encore sociétal viennent


confirmer ce constat.
Ainsi, il apparaît que notre capacité à changer est en partie déterminée
biologiquement. Des décennies de recherche en génétique comportementale
montrent que notre caractère et nos comportements sont profondément déter-
minés par notre bagage génétique. On estime ainsi globalement que 40 % de
notre personnalité est déterminée à la naissance par nos gènes (Hansenne,
2007).
Ces estimations sont principalement obtenues grâce à la « méthode des
jumeaux ». En effet, puisqu’ils ont le même génome, toute différence consta-
tée entre une paire de jumeaux monozygotes (ou « vrais jumeaux ») est
forcément due à l’effet de l’environnement.

Dans les études classiques de jumeaux, les chercheurs calculent la corrélation


entre une mesure qui les intéresse chez les deux membres de plusieurs paires de
jumeaux monozygotes. On calcule aussi la même corrélation chez des paires de
jumeaux dizygotes, lesquels n’ont pas le même génome. Les deux corrélations
sont ensuite comparées. Si les jumeaux monozygotes sont davantage semblables
que les jumeaux dizygotes pour la mesure en question, les chercheurs peuvent
conclure (et quantifier) que la ressemblance observée est due à des facteurs
génétiques. On a par exemple constaté que les mesures d’extraversion corrèlent
fortement chez les jumeaux monozygotes (.51) tandis qu’elles ne corrèlent que
faiblement chez les jumeaux dizygotes (.18). Cela veut dire que les « vrais »
jumeaux se ressemblent d’avantage pour ce trait de personnalité, ce qui indique
que l’extraversion est partiellement génétiquement déterminée (voir Hansenne,
2007 pour une présentation détaillée de la méthode des jumeaux).

Des études sur les jumeaux monozygotes aux recherches d’ingénierie


génétique sur les rats de laboratoire, un nombre grandissant d’études mettent
en évidence le rôle clé joué par le gène 5-HTT dans la capacité de régulation
des émotions (Hariri et Holmes, 2006). Comme nous l’avons vu précédem-
ment dans cet ouvrage, ce gène impliqué dans le transport de la sérotonine
existe sous deux formes : la forme à allèle long et la forme à allèle court. Les
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 243

personnes possédant la forme courte sont plus sensibles au stress et à la


dépression que les personnes possédant la forme longue du gène 5-HTT. Par
exemple, lorsqu’elles sont exposées à des images de visages menaçants dans
un scanner, les personnes pourvues d’allèles courts montrent une activation
de l’amygdale presque cinq fois supérieure à celle des personnes pourvues

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de la version longue du gène 5-HTT (Hariri et al., 2002).
Ces différences génétiques ne déterminent pas à elles seules la vie
émotionnelle d’un individu mais interagissent fortement avec l’environne-
ment. Ainsi, les personnes possédant la forme courte du gène 5-HTT qui
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subissent plusieurs traumatismes tels qu’une perte d’emploi ou un divorce


sont 33 % à tomber en dépression. Dans les mêmes conditions, seulement
17 % des personnes aux allèles longs feront une dépression. Les gènes ne
déclenchent pas la dépression mais abaissent son seuil de déclenchement
(Caspi et al., 2003).
Parallèlement, de nombreux chercheurs s’accordent sur le fait que 50 %
de notre bonheur est imputable à des facteurs génétiques qui déterminent en
quelque sorte l’aptitude de chacun à être heureux, certains étant mieux dotés
que d’autres par dame Nature (Lyubomirsky, 2008). Certains auteurs vont
même jusqu’à clamer que vouloir être plus heureux est aussi futile que de
vouloir augmenter sa taille (Lykken et Tellegen, 1996).
Pour certains chercheurs, les gènes détermineraient la ligne de base de la
vie affective de l’individu, à laquelle il aurait tendance à retourner indépen-
damment des événements qu’il vit. Ainsi, si le mariage, les gains financiers,
la perte d’emploi ou les accidents peuvent nous rendre plus heureux ou
malheureux à court terme, l’influence de ces événements sur notre bonheur à
long terme apparaît comme relativement faible. Une célèbre étude de Brick-
man, Coates et Janoff-Bulman (1978) montre que les gagnants de la loterie
nationale auraient une augmentation seulement transitoire de leur niveau de
bonheur et que, les premiers moments d’euphorie passés, ils ne sont en fin de
compte pas plus heureux que les autres. De même, les prisonniers incarcérés
pour de longues périodes s’adaptent eux aussi étonnamment bien à leurs
nouvelles conditions de vie (Flanagan, 1980). La capacité des êtres humains
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

à s’adapter aux situations les plus extrêmes est donc remarquable et, selon
ces études, il semble qu’elle les amène à revenir à une situation émotionnelle
en adéquation avec leur « potentiel de départ ». D’une manière générale,
Suh, Diener et Fujita (1996) estiment que seuls les événements positifs ou
négatifs récents (i.e. survenus moins de trois mois auparavant) affectent
notre bien-être1.

1. Il existe cependant un certain nombre d’événements pour lesquels nous ne nous adaptons
jamais complètement. Pour une discussion détaillée du principe d’adaptation hédonique, nous
renvoyons à la revue de Frederick et Loewenstein (1999).
244 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

En conclusion, les recherches sur le caractère inné de certaines de nos


réactions permettent d’expliquer que nous ne pouvons pas changer du jour
au lendemain ou du tout au tout. Nous bénéficions cependant d’une four-
chette d’amélioration que nous pouvons exploiter…

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1.2 Le changement est possible :
motivation et neuro-plasticité
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Si les études exposées précédemment montrent que changer nos comporte-


ments et nos habitudes est difficile, un examen attentif des données de ces
recherches révèle cependant que le changement est malgré tout possible.
En effet, ces chercheurs tombent dans un piège classique que l’on peut
typiquement qualifier d’« erreur de la moyenne » : ils concluent que le chan-
gement est impossible car, en moyenne, les personnes ne changent pas. Mais
si l’on regarde les données dans le détail, on s’aperçoit qu’un certain nombre
de personnes changent pourtant.
Ainsi, par exemple, si en moyenne les gagnants de la loterie ou les couples
qui se marient retournent à leur ligne de base de bien-être après quelques
années, certains voient leur niveau de bonheur à jamais transformé. Un chan-
gement personnel durable est donc possible et la question que se posent les
scientifiques du courant positif aujourd’hui n’est plus de savoir si oui ou non
il est possible d’améliorer nos compétences émotionnelles ou de devenir plus
heureux, mais comment ces changements sont possibles.
À quoi ressemble le changement d’un point de vue physiologique ?
Jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, bon nombre de scientifiques
pensaient que les structures de notre cerveau étaient définitivement fixées.
Pour certains ces structures se fixaient de manière définitive à trois ans, pour
d’autre à sept ans mais, dans l’ensemble, le cerveau se « figeait » tôt ou tard
durant le développement. Ces conceptions ne faisaient que renforcer le doute
des scientifiques quant à la capacité de l’individu à changer durablement sa
personnalité, son estime de soi ou son niveau général de bien-être.
Ces conceptions ont cependant été balayées vers la fin des années quatre-
vingt-dix avec l’avènement de l’IRMf (ou imagerie par résonance magnéti-
que fonctionnelle).
Ces dix dernières années, un nombre grandissant d’études ont montré que
le cerveau d’un individu évoluait jusqu’au jour de sa mort. Ce phénomène
est connu sous le nom de « neuro-plasticité ».
Ainsi, par exemple, dans une de ces études, le professeur Maguire et son
équipe de l’University College London ont passé le cerveau de seize chauf-
feurs de taxi londoniens au scanner. Leurs résultats montrent que certaines
parties de l’hippocampe (zone du cerveau dédiée à la navigation dans
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 245

l’espace) de ces chauffeurs sont plus larges que celles des participants
contrôles et qu’il existe une relation directe entre le nombre d’année d’expé-
rience et la taille de l’hippocampe. Afin de stocker la multitude de nouvelles
informations spatiales, le cerveau adulte de ces personnes a vu sa structure se
modifier au fil des ans (Maguire et al., 2000).

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Ces recherches ont par la suite été répliquées de nombreuse fois sur des
musiciens (Gaser et Schlaug, 2003 ; Munte, Altenmuller et Jancke, 2002),
des patients en cours de psychothérapie (Linden, 2006), des personnes prati-
quant la méditation (Brefczynski-Lewis, Lutz, Schaefer, Levinson et David-
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son, 2007)…
Les résultats sont unanimes : le cerveau humain est conçu pour apprendre
sans cesse. Il apparaît donc qu’à force d’entraînement, nous pouvons vérita-
blement transformer notre cerveau.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Notre cerveau comprend une multitude de voies neuronales. En fait,
chacun ou chacune de nos réflexes, de nos habitudes, de nos façons de nous
comporter ou de penser peut être envisagé(e) sous la forme de voies neuro-
nales. Certaines sont larges et épaisses, constituées d’une multitude de
neurones, d’autres sont plus fines et moins développées (voir figure 11.1).

Voies peu
renforcées Voies
renforcées
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 11.1
Illustration des différentes voies neuronales
246 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Pour expliquer le fonctionnement de ces voies neuronales, on peut prendre


l’analogie de la dynamique des cours d’eau.
En cas de forte pluie, l’eau coule en créant d’abord de petits ruisseaux. Au
fur et à mesure qu’elle s’y écoule, l’eau entraîne sur son passage des
morceaux de terre et de rochers. Petit à petit, les ruisseaux se creusent et

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s’élargissent pour se transformer en rivière. Plus l’eau s’écoule et plus la
rivière s’élargit. En grandissant, la rivière augmente sa capacité à capter
l’eau aux alentours : encore plus d’eau vient alors s’écouler et elle grandit de
plus belle. La rivière se transforme en fleuve.
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La plasticité cérébrale… pour le meilleur et pour le pire


Si les exemples ci-dessus montrent à quel point la neuroplasticité est essentielle
pour l’être humain, il est important de signaler qu’elle peut également nous
desservir. Trop de stress peut ainsi par exemple altérer les structures du cerveau
en réduisant la taille de l’hippocampe (Glaser, 2000). Parallèlement, les recher-
ches sur les troubles de l’humeur montrent que les patients dépressifs présentent
des différences structurales dans différentes régions du cerveau telles que l’hippo-
campe et plusieurs zones du cortex préfrontal. Certaines de ces différences sont
directement proportionnelles à la durée des épisodes dépressifs, ce qui laisse
suggérer que c’est la dépression qui altère ainsi les structures du cerveau
(Sheline, 2003).

Notre cerveau fonctionne un peu de la même manière. Lorsque nous


posons un nouveau comportement (ex : nous exprimons clairement nos
émotions et nos besoins) ou une nouvelle façon de penser (ex : nous nous
efforçons de réévaluer positivement une situation), une nouvelle voie neuro-
nale est créée. Au début, celle-ci est très fine et peu développée, constituée
seulement d’une poignée de neurones. Mais au fur et à mesure que nous
cultivons ce comportement ou ce type de pensée, cette voie se développe. En
grandissant, la probabilité que de plus en plus d’expériences passent par
cette voie augmente également. Le circuit se renforce de lui-même à la
manière d’un cercle vertueux (ou vicieux lorsqu’il s’agit de nos mauvaises
habitudes).
Prenons l’exemple d’une personne avec une voie neuronale consacrée à
l’évaluation de « ce qui ne va pas » particulièrement renforcée. Un événe-
ment quelconque comme un repas au restaurant risque d’être « attiré » dans
cette voie et ainsi d’être interprété comme négatif (« le serveur était
désagréable », « le temps d’attente était beaucoup trop long »…).
Parallèlement, toujours comme pour une rivière, une voie neuronale peu
utilisée finit par rétrécir (se remplir de terre). Ce phénomène se produit donc
aussi bien pour nos voies neuronales « positives » que « négatives », pour
nos bonnes et nos mauvaises habitudes.
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 247

Comme le disait Charles C. Noble : « Nous déterminons d’abord nos


habitudes et puis nos habitudes nous déterminent. »
Le défi de ce livre est de nous aider à créer et/ou à fortifier nos voies posi-
tives, celles qui nous rendent plus heureux, plus à l’écoute de nos émotions,
plus énergiques, plus optimistes, tout en déforçant les voies qui nous freinent

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dans nos relations, nous amènent à nous concentrer sur le négatif ou dimi-
nuent notre estime de nous-mêmes.
Grâce aux progrès en matière d’imagerie cérébrale, nous savons
aujourd’hui situer ces réseaux de neurones positifs et négatifs.
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Ainsi, au niveau du cortex préfrontal, les voies neuronales liées aux inter-
prétations et aux émotions positives se situent principalement dans le lobe
gauche du cerveau. Celles liées aux émotions négatives dans le lobe droit
(voir par exemple Davidson, Jackson et Kalin, 2000). L’analyse des tracés
électro-encéphalographiques des personnes heureuses et positives montre
que leur cortex préfrontal gauche est plus actif que celui des personnes pessi-
mistes, négatives ou déprimées (Urry et al., 2004). D’autres évidences
proviennent des recherches sur les moines bouddhistes qui montrent eux
aussi une plus forte activation du cortex préfrontal gauche que du cortex
droit (typiquement dédié au traitement des émotions négatives), même au
repos (Flora, 2005). Le célèbre moine bouddhiste français Mathieu Ricard a
récemment participé à une étude IRMf pour l’université du Wisconsin. Lors-
que l’on compare ses images IRMf à celles de 150 autres personnes contrô-
les, le centre des émotions positives dans le cerveau de ce moine atteint un
niveau d’activation jamais égalé à ce jour (Barasch, 2005).
Ces constatations sont à mettre sur le compte de la pratique quotidienne de
la méditation : une étude récente montre que même les personnes débutantes
qui pratiquent la méditation pendant huit semaines voient l’activation de leur
cortex préfrontal gauche au repos augmenter significativement (Davidson et
al., 2003).
Nul besoin donc de se retirer vingt ans dans les montagnes du Tibet, pour
modifier l’anatomie de son cerveau !
Parallèlement, un nombre grandissant d’études indique que notre cerveau
peut également changer à la suite d’une psychothérapie (pour une revue voir
Linden, 2006). Seulement quatre heures de thérapie cognitive-comportemen-
tale (TCC) permettent par exemple à des patients arachnophobes de retrou-
ver une activité cérébrale comparable à celle des personnes non phobiques
lorsqu’elles sont exposées à des vidéos d’araignées (Paquette et al., 2003).
Nous pouvons donc changer ! Et pas seulement à un niveau superficiel ;
nous pouvons littéralement transformer l’anatomie de notre cerveau et
ainsi maximiser les chances que les événements que nous vivons, les situa-
tions dans lesquelles nous nous trouvons soient automatiquement traité(e)s
par une voie neuronale plus positive.
248 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

La question qu’il nous reste à traiter à présent est celle du « comment ».


Comment changer ? Comment faire pour modifier durablement nos structu-
res neuronales afin d’échapper au déterminisme du retour à la ligne de base ?
C’est ce que nous allons aborder dans la suite de ce chapitre.

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2 COMMENT CHANGER ?
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Les livres de développement personnel sont extrêmement révélateurs de la


manière dont le changement est perçu dans nos sociétés occidentales.
Stephen Covey (1989) de la Harvard Business School a analysé l’ensem-
ble de la littérature dédiée au développement personnel au cours des deux
cents dernières années. Les résultats de son travail montrent qu’il existe une
différence majeure entre la façon dont on concevait le changement entre le
début du XIXe siècle et les années trente, et la manière dont il est conçu
depuis cette période.
Entre 1800 et 1930, l’accent était mis sur le travail acharné et la persévé-
rance permettant d’acquérir un caractère plus fort et plus vertueux. C’était
l’approche du changement profond acquis au terme de longs et courageux
efforts. À partir des années trente, la tendance s’inverse : on voit fleurir un
grand nombre d’ouvrages proposant une recette miracle : « Les cinq secrets
du bonheur », « Les trois étapes pour réussir », etc. autrement dit, des solu-
tions faciles… pour des questions difficiles.
Pour certains auteurs, comme Tal Ben-Sharar (2006), professeur à
Harvard, l’augmentation du taux de dépression constaté ces dernières décen-
nies – 29,5 % dans les années soixante contre 40.5 % actuellement aux
États-Unis – peut être notamment expliquée par cette culture de la recette
miracle.
Certes, la dépression est mieux mesurée et plus vite diagnostiquée
qu’autrefois, mais cela n’explique certainement pas l’ensemble du phéno-
mène. Pour Tal Ben Sharar, nous ne sommes plus assez préparés à lutter.
Le célèbre psychologue américain Martin Seligman (2004, p. 84), père de
la psychologie positive, est du même avis et affirme que « la croyance selon
laquelle nous pouvons utiliser des raccourcis pour obtenir ce que nous dési-
rons en faisant l’impasse sur la pratique assidue des forces et vertus person-
nelles est stupide. Cela mène (…) à des légions d’individus déprimés malgré
l’abondance de richesses et mourant littéralement de faim spirituellement 1 ».

1. Traduction libre.
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 249

À l’instar de ces auteurs, nous pensons que changer durablement ses habi-
tudes ne s’improvise pas. C’est un travail de longue haleine pour lequel il est
préférable d’établir un plan d’action préalable. En effet, si l’intention de
changer est une condition nécessaire pour réussir à mettre en place de
nouveaux comportements, elle n’est certainement pas suffisante (Orbell et

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Sheeran, 1998). En fait, les méta-analyses sur la question montrent que
l’intention d’adopter un nouveau comportement ne résulte en un changement
comportemental réel que dans une minorité de cas (Sheeran, Webb et
Gollwitzer, 2005).
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Afin de maximiser les chances de succès dans le développement de nos


compétences émotionnelles, nous proposons une méthode en quatre étapes 1.
Il s’agira dans l’ordre de :
– choisir un plan d’action global ;
– identifier les freins et leviers ;
– se fixer des objectifs calibrés et opérationnels ;
– choisir des activités adaptées.

2.1 Choisir un plan d’action global :


3 stratégies possibles
La première étape pour développer nos compétences émotionnelles est de
choisir un plan d’action général (Lyubomirsky, 2008).
Les thérapeutes, coaches personnels et formateurs en entreprises distin-
guent typiquement trois stratégies de développement personnel : la stratégie
de remédiation, la stratégie d’excellence et la stratégie de polyvalence.
Chacune de ces stratégies répond à un contexte et à des enjeux personnels
différents. Il s’agira donc de choisir celle qui est la plus adaptée à notre situa-
tion.

2.1.1 La stratégie de remédiation


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Qu’il s’agisse d’un énième divorce provoqué par la même raison que les
précédents, de licenciements répétés pour un manque d’esprit d’équipe
persistant, d’échecs successifs dus à un trac insurmontable, une ou plusieurs
compétences émotionnelles spécifiques insuffisamment développées sont
souvent à l’origine de souffrances et de problèmes récurrents.
La stratégie de remédiation consiste à travailler ses faiblesses.

1. Notre approche se fonde entre autres sur les travaux de Lyubomirsky (2008), Locke et Latham
(1990 ; 2002), Strecher et al. (1995).
250 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Elle consiste en un important travail de fond : ancrées dans des réseaux


neuronaux renforcés depuis des années, nos mauvaises habitudes ont la dent
dure. S’attaquer à nos faiblesses s’avère souvent tellement difficile que beau-
coup se découragent. Cependant, en dépit des difficultés, les bénéfices à long
terme d’une telle stratégie valent largement les efforts fournis.

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Cette stratégie est payante :
– lorsque certaines de nos faiblesses nous posent régulièrement problème
ou, plus grave, quand elles sont devenues une réelle source de souffrance ;
– lorsque nous sommes véritablement motivés à transformer positivement
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notre vie.

2.1.2 La stratégie d’excellence


La stratégie d’excellence consiste, quant à elle, à concentrer ses efforts pour
améliorer le ou les domaines dans lesquels nous excellons le plus, l’objectif étant
ici de devenir un expert « hyper-spécialisé » dans l’une ou l’autre compétence.
Cette stratégie est payante :
– quand nous n’avons pas de faiblesses majeures ou que celles-ci ne nous
causent pas vraiment de souci ;
– quand nos compétences favorites sont une importante source de plaisir ou
de ressources (ex. nous adorons écouter et aider nos proches à exprimer
leurs émotions, nous aimons jouer les négociateurs, résoudre les difficul-
tés relationnelles, etc.) ;
– quand la situation requiert un expert (ex. le poste que nous convoitons
nécessite d’excellentes capacités de gestion de conflits/communica-
tion/gestion du stress, etc.).

2.1.3 La stratégie de polyvalence


Cette dernière stratégie vise à travailler toutes les compétences de manière
égale et relativement modérée. L’idée ici est d’augmenter notre flexibilité
comportementale : savoir faire un peu de tout.
Cette stratégie est payante :
– Quand nous n’avons pas de forces ou de faiblesses majeures.
– Quand nous évoluons dans un contexte changeant.

2.2 Identifier les freins et leviers


Après avoir déterminé la direction globale que nous voulons prendre, il
nous faut nous poser une deuxième question cruciale : voulons-nous réelle-
ment changer ?
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 251

Cette question n’est pas triviale.


Bien sûr, consciemment, nous voulons tous mieux vivre avec nos
émotions, être plus heureux ou plus efficaces dans nos relations, mais il est
important de « poser également cette question à notre inconscient ». Car,
parfois, conscient et inconscient ne sont pas pour ainsi dire… sur la même

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longueur d’onde.
À ce propos, dans son célèbre cours de psychologie positive déjà évoqué
plus haut, le professeur de Harvard Tal Sharar évoque une étude non publiée
de Langer et Thompson illustrant bien ce mécanisme inconscient de résis-
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tance au changement (Ben-Sharar, 2006).

Langer et Thomson ont présenté à leurs sujets une liste de traits de personnalité,
en apparence négatifs, et leur ont demandé lesquels ils souhaiteraient changer
en eux. La plupart des participants cochaient la majorité de ces traits. Ils dési-
raient, par exemple, être moins rigides, moins perfectionnistes, culpabiliser moins
ou, au contraire, être plus insouciants, plus joyeux, etc. Les chercheurs ont ensuite
demandé aux sujets d’indiquer, parmi les traits de personnalité proposés, ceux
qu’ils avaient réussi à changer au cours des années précédentes. Dans une
seconde partie de la recherche, les auteurs ont soumis une deuxième liste de
traits en demandant aux participants d’évaluer l’importance que chacun de ceux-
ci avait pour eux. Cette deuxième liste présentait en fait l’aspect positif des traits
de personnalité repris dans la première : par exemple la constance était reprise
comme correspondant positif de la rigidité, l’empathie comme celui de la culpa-
bilité, le réalisme comme celui de la critique systématique, etc.
Les résultats de l’étude montrent que plus les individus considéraient l’aspect posi-
tif d’un trait de personnalité comme important, plus ils affirmaient avoir des diffi-
cultés à changer ce dernier (voir tableau 11.1). Ainsi par exemple, ceux qui
avaient le plus de mal à dépasser leur rigidité étaient également ceux qui accor-
daient le plus d’importance au fait d’être constants. En d’autres termes, malgré le
désir conscient d’être moins rigides, ils n’étaient pas prêts à renoncer à être
quelqu’un de constant et fiable. Ces freins inconscients les empêchaient en fait de
changer.
252 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Tableau 11.1
Exemples de caractéristiques que les participants désiraient changer
et pertes inconscientes associées

Traits que les participants désiraient Perte inconsciente associée au

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généralement changer changement
Rigidité Constance/Fiabilité
Crédulité Loyauté
Sévérité Sérieux
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Perfectionnisme Motivation/ambition
Tracas/anxiété Responsabilité
Culpabilité Empathie/sensibilité
Se relaxer plus Avance sur les autres
Tout critiquer Réalisme
Bonheur Il faut souffrir pour réussir

Cette étude montre donc l’importance de s’interroger, avant toute entre-


prise de changement, sur les éléments positifs, les avantages que nous reti-
rons d’un état donné.
Cette dynamique peut-être schématisée comme un champ de forces en
présence (figure 11.2). Dans un système, forces de changement et forces
antagonistes (de différentes intensités) sont en équilibre. Le changement ne
peut s’opérer que si les forces vers le changement sont plus fortes que celles
vers le statu quo. On peut donc favoriser le changement soit en augmentant
les « forces leviers » soit en diminuant les « forces freins ».

FORCES FORCES
FREINS LEVIERS
ÉQUILIBRE

Vers le statu quo Vers le changement

Figure 11.2
Dynamique du changement
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 253

Ainsi, les personnes tracassées et anxieuses, par exemple, devront peut-


être effectuer un travail psychologique préalable afin de prendre conscience
des caractéristiques positives associées à l’anxiété – comme la prudence ou
le souci attentif du détail, qui ont en général pour elles beaucoup d’impor-
tance – et comprendre que changer ne signifie pas nécessairement abandon-

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ner ce qu’elles considèrent comme des qualités primordiales.
Prendre un moment pour lister l’ensemble des traits que nous voulons
changer, tout en recherchant les caractéristiques positives associées (les
« bénéfices cachés ») que nous voulons conserver, est un premier pas vers le
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changement. Cela nous permet de faire tomber les barrières mises en place
par notre inconscient.

2.3 Petits changements et réactions en chaîne

« Le plus petit changement effectué au sein d’un système rigide entraîne une
réaction en chaîne qui finit par modifier le système tout entier » (Paul Watz-
lawick).
Pour Paul Watzlawick (ex. Watzlawick, Weakland et Fisch, 1974), l’être
humain a tendance à commettre une erreur fondamentale lorsqu’il conçoit de
grands changements : penser que seule une solution gigantesque et radicale,
à la mesure du problème, a des chances de succès. Ainsi par exemple, on
entendra souvent une personne arachnophobe ou terrorisée par le vide dire
que son trouble est tellement sérieux que seule une journée parmi les myga-
les ou un stage intensif de saut en parachute pourront la guérir. Selon Watz-
lawick, ces solutions extrêmes sont très souvent vouées à l’échec. Prévoir de
grands bouleversements est le meilleur moyen de ne rien changer du tout !
Face à l’énormité de la tâche, notre arachnophobe trouvera certainement
toutes les « bonnes raisons » de rester à la maison lorsque l’occasion de
manipuler des mygales se présentera (ex : « trop de travail ce week-end »,
« ce n’est pas le bon moment », « la prochaine fois, c’est sûr ! »…). D’une
manière générale, vouloir bousculer radicalement nos habitudes n’a pour
résultat que d’augmenter les forces de freins.
Nous partageons en grande partie ce point de vue. Augmenter ses compé-
tences émotionnelles requiert une « politique des petits pas ». Si nous
sommes quelqu’un de très anxieux, cela ne sert à rien de vouloir devenir
quelqu’un de décontracté, confiant et serein du jour au lendemain. En se
fixant des objectifs raisonnables, nous réduisons la résistance au change-
ment. Les nouveaux comportements, même peu spectaculaires, provoquent
néanmoins progressivement un changement de logique, une nouvelle repré-
sentation des situations et des problèmes. Par le jeu des rétroactions et des
réactions en chaînes, nous augmentons lentement mais sûrement nos compé-
tences émotionnelles.
254 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Ainsi, nous échouerons très certainement à devenir serein en un jour. En


revanche, si nous nous efforçons de réévaluer positivement les situations
négatives, et que nous ne renonçons pas à appliquer cette technique, même
dans les moments de découragement, nous deviendrons progressivement
plus détendus et plus heureux.

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2.4 Se fixer des objectifs calibrés et opérationnels :
la méthode « PEACE »
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L’importance de définir des objectifs réellement opérationnels dans le cadre


d’un plan de développement personnel ou de changement comportemental a
été mise en évidence par de nombreuses recherches empiriques (Cullen,
Baranowski et Smith, 2001 ; Kolb et Boyatzis, 1970 ; Locke et Latham,
1990 ; Strecher et al., 1995).
Imaginons une personne qui, suite à la lecture de ce livre, déciderait
d’améliorer ses compétences émotionnelles. Un de ses objectifs prioritaires
serait par exemple d’« améliorer ses relations avec les autres ». Avec un
objectif ainsi défini, cette personne a toutes les chances d’échouer et d’être
démoralisée au bout de quelques semaines.
Qui sont « les autres » ? Que signifie réellement « améliorer une
relation » ? Quand l’objectif est-il supposé être atteint ? Est-il réaliste ?
Souvent, nous nous fixons des objectifs trop flous, trop généraux, ou
simplement inadaptés, lesquels conduisent à une moindre performance
(Latham, 2001 ; Locke, 1968).
Une méthode simple mais particulièrement efficace permet d’affiner
progressivement nos objectifs, afin de mettre toutes les chances de réussite
de notre côté.
Il s’agit de vérifier que chacun de nos objectifs répond aux 5 critères de
l’acronyme P.E.A.C.E.1 repris dans le tableau 11.2 ci-contre.

1. Cette méthode constitue un outil personnel inspiré de la célèbre méthode des objectifs SMART
(voir par ex. Doran, 1993 ; Rubin, 2002) dont l’efficacité est largement reconnue
(ex. Bovend’Eerdt, Botell et Wade, 2009 ; Bowles, Cunningham, De La Rosa et Picano, 2007)
et des travaux sur la distinction « objectifs d’approche/objectifs d’évitement » (ex. Darnon,
Harackiewicz, Butera, Mugny et Quiamzade, 2007), la « self-efficacy » (voir Bandura, 1997) et
l’importance des feedbacks dans la fixation d’objectif (ex. Bandura et Cervone, 1983 ; Becker,
1978 ; Strang, Lawrence et Fowler, 1978).
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 255

Tableau 11.2
Caractéristiques des objectifs dans la méthode PEACE

Positif
L’objectif doit être formulé par une phrase positivea.
Tel le skieur qui doit se concentrer sur son chemin plutôt que sur les arbres à

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éviter, des objectifs négatifs (éviter les arbres) sont généralement plus difficiles
P
à atteindre que des objectifs positifs (passer par le chemin visualisé).
Par ailleurs, la formulation doit être la plus spécifiqueb possible et mettre en
évidence l’action à réaliser, les actes à faire, en précisant qui fait quoi, où, à
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quel moment, avec quelles ressources.


Enjoué
Quel est l’enjeu ? Qu’est-ce que nous gagnons à réaliser cet objectif ? En
quoi nous est-il utile, nécessaire ou agréable ?
Savoir ce que nous apporte la réalisation de l’objectif, que ce soit en termes
E social, émotionnel, financier, symbolique ou autre, nous permet de mieux
mesurer l’énergie que nous sommes prêts à y consacrer, les engagements que
nous prenons. C’est ici également que doit se poser la question des forces
freins définies précédemment. Existe-t-il des bénéfices cachés à l’ancienne
situation ? Que ne sommes-nous pas prêts à sacrifier ?
Accompagné de conditions de réussite
Un objectif est mesurable lorsqu’il existe un – ou plusieurs – indicateur(s) nous
permettant de savoir de façon précise quand l’objectif est atteint. Les indica-
teurs permettent également de suivre l’état d’avancement de notre objectif.
Ces feedbacks sont essentiels pour entretenir notre motivation.
A
Il doit donc exister un indicateur qui va mesurer le degré de réalisation de
l’objectif, et un seuil à partir duquel l’objectif est réalisé. Par exemple : cette
semaine, le nombre de personnes à qui nous désirons exprimer verbalement
notre gratitude (indicateur) doit être au moins égal à 10 (seuil). Aujourd’hui
nous en sommes à 6 (feedback).
Contrôlable
L’objectif est-il réaliste ? Disposons-nous des moyens nécessaires à la mise en
œuvre ou à la réalisation de l’objectif ? Nous sentons-nous capablesc de le
réaliser ?
Un objectif sous contrôle, c’est un souhait sur lequel nous avons prise ou sur
C lequel nous pensons pouvoir agir de manière déterminante.
Exemple : « Demain, je voudrais faire de la voile avec cinq copains sous le
soleil. » La condition « soleil » n’est pas sous contrôle car, à ce jour, nous ne
disposons pas de techniques nous permettant de contrôler la météo. En revan-
che, un objectif tel que « demain, j’emmène cinq copains faire de la voile »
peut être sous contrôle.

256 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

☞ Échelonné dans le temps


Situer l’action dans le temps et fixer des échéances permet de savoir si l’on
s’engage dans le court ou le long terme, et de doser son énergie en fonction
de la durée. Espérons-nous des résultats dès le lendemain, dans une semaine
E ou dans un mois ? Répondre à une telle question permet d’éviter de nombreu-
ses frustrations.

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La réflexion sur des dates butoirs permet par la suite de suivre la réalisation
de nos objectifs, ce qui entretient notre motivation. Cette réflexion sur les
délais mène à la structuration de notre plan de développement personnel.
a. Voir notamment Darnon, Harackiewicz, Butera, Mugny et Quiamzade (2007) ; Elliot et Harac-
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kiewicz (1996) ; Sideridis (2008) ; Van Yperen, Elliot et Anseel (sous presse).
b. Voir à ce sujet la méta-analyse de Locke et Latham (1990) qui montre que les objectifs spécifi-
ques conduisent à une performance plus élevée que les objectifs du type « faire de son mieux ».
La taille des effets varie de moyenne à large en fonction des études.
c. Le terme « capable » renvoie à la notion d’auto-efficacité de Bandura (1997) dont de nombreu-
ses recherches ont montré le rôle clé pour l’atteinte des objectifs (voir Locke et Latham, 2002).

2.5 Des activités adaptées

Après avoir choisi l’orientation globale de notre plan d’action, identifié les
freins et leviers et nous être fixé un ensemble d’objectifs opérationnels, il
nous faut maintenant choisir les moyens d’y répondre.
Tout au long de ce livre, nous avons passé en revue un vaste ensemble de
techniques, d’exercices et d’activités visant à développer les compétences
émotionnelles. Il n’existe cependant pas UNE SEULE recette miracle.
Chacun d’entre nous a des besoins, des intérêts, des valeurs, des ressour-
ces et des affinités personnelles qui lui sont propres. Ainsi, une stratégie de
régulation ou une technique de communication bénéfique pour une personne
peut se révéler inefficace voire contre-productive pour une autre. Par exem-
ple, une personne extravertie pourra facilement prolonger la durée de ses
émotions positives en les partageant avec autrui. Cet exercice pourra, au
contraire, se révéler particulièrement stressant pour une personne introvertie.
Le fait de tenir un journal de gratitude se révélera certainement plus utile
pour elle. Après tout, nous ne sommes pas tous sensibles ou intéressés par la
méditation, le yoga ou l’écriture d’un journal intime. L’importance de cette
notion d’adéquation entre activités et personnes est mise en évidence par un
nombre grandissant de recherches empiriques (voir Lyubomirsky, 2008).
Certaines personnes réussissent à perdre du poids par la pratique intensive
d’un sport ou à arrêter de fumer à l’aide de patchs alors que pour d’autres,
c’est un régime protéiné ou le dernier livre d’Allen Carr qui constituera la clé
du succès. La notion d’adéquation personne-activité apparaît comme
évidente et relativement intuitive quand il s’agit de perdre du poids ou de se
débarrasser d’une addiction. Mystérieusement, cette notion n’est presque
jamais prise en considération dans le domaine du développement personnel.
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES… 257

Bon nombre de livres nous proposent en effet d’accroître notre efficacité


relationnelle ou notre bien-être grâce à « dix étapes », « sept conseils » ou
encore deux ou trois « activités miracles ».

En fait, l’unique « secret » pour augmenter durablement ses compétences

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émotionnelles, c’est d’établir quels exercices et quels conseils sont faits pour
nous. Il s’agit de sélectionner les activités qui collent le mieux avec notre
personnalité afin de rester motivés dans nos efforts de changement.
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C’est précisément parce que bon nombre de livres/formations font


l’impasse sur cette question de l’adéquation personne-activité que nous
avons présenté dans ce livre un grand nombre de techniques. Leur point
commun est qu’elles ont toutes scientifiquement prouvé leur efficacité pour
une majorité de personnes. Mais parce qu’aucune technique n’est efficace
chez tout le monde, il incombe à chacun de déterminer, parmi les activités
proposées, celles qui fonctionnent le mieux pour elle/lui.

Comment choisir parmi les nombreuses stratégies, conseils et exercices


présentés à travers cet ouvrage, les activités optimales pour nous ?

Le professeur Sonja Lyubomirsky, intégrant différentes données issues


des recherches sur la motivation, a récemment créé à cette fin un outil parti-
culièrement intéressant : le Diagnostic d’Adéquation Personne – Activité (ou
Person-Activity Fit Diagnostic ; Lyubomirsky, 2008).

Le principe consiste à évaluer chaque activité selon les cinq dimensions de


motivation suivantes :

• Facilité : je pourrais continuer à pratiquer cette activité/technique car elle


me semble totalement naturelle et je pourrais ainsi m’y tenir facilement.

• Plaisir : je pourrais continuer à pratiquer cette activité/technique car sa


réalisation même me semble agréable. Je la trouve intéressante, amusante
ou stimulante.

• Valeur : je pourrais continuer à pratiquer cette activité/technique car elle


est en adéquation avec mes valeurs et mes idéaux. C’est quelque chose
d’important pour moi (même si ce n’est pas forcément agréable).

• Culpabilité : je pourrais continuer à pratiquer cette activité/technique car


je me sentirais coupable, gêné ou stressé si je ne l’utilisais pas.

• Obligation : je pourrais continuer à pratiquer cette activité/technique car


cela ferait plaisir à quelqu’un et/ou la situation dans laquelle je me trouve
m’y oblige.
258 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Ainsi pour chacune des activités ou des techniques proposées il s’agit de :


1. Attribuer une note de 1 à 7 pour les cinq dimensions selon l’échelle
suivante :

1 2 3 4 5 6 7

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Pas du tout Relativement Beaucoup

2. Additionner les notes aux dimensions « FACILITÉ », « PLAISIR » et


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« VALEUR » et soustraire ensuite les notes de « CULPABILITÉ » et


« OBLIGATION ».
SCORE D’ADÉQUATION = (FACILITÉ + PLAISIR + VALEUR) –
(CULPABILITÉ + OBLIGATION).
Le score total de chaque activité représente son niveau d’adéquation pour
nous. En privilégiant les activités aux scores élevés, nous maximisons les
chances de rester motivé et d’atteindre, par conséquent, les objectifs que
nous nous sommes fixés.

3 CONCLUSION

Si des prédispositions génétiques et des comportements ancrés depuis des


années dans nos habitudes rendent le changement difficile, les recherches sur
la plasticité du cerveau offrent de nouvelles perspectives optimistes. Certes,
nous ne changeons pas du tout au tout ou du jour au lendemain, mais la four-
chette d’amélioration dont nous disposons est relativement importante.
Ainsi, 40 % de notre bien-être psychologique seraient entièrement sous notre
contrôle. En planifiant savamment notre plan de développement personnel,
en nous fixant des objectifs bien définis et en choisissant les moyens les plus
adéquats pour nous d’y répondre, nous maximisons nos chances de dévelop-
per durablement nos compétences émotionnelles.
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Chapitre 12
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LES PERSPECTIVES
D’AVENIR DANS
LE DOMAINE
DES COMPÉTENCES
ÉMOTIONNELLES1

1. Par Moïra Mikolajczak, Jordi Quoidbach, Delphine Nelis et Ilios Kotsou.


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À l’heure où nous clôturons cet ouvrage, il apparaît clairement que, si un


long chemin a été parcouru depuis les premiers travaux sur les compétences
émotionnelles, de nombreux points d’ombre restent à éclaircir. La présente
conclusion passe en revue les différents chapitres et évoque, pour chacun
d’eux, les principales directions de recherches à venir.
Dans le premier chapitre, nous avons défini l’objet de ce livre, à savoir les
compétences émotionnelles. Bien qu’il n’y ait pas encore de consensus défi-
nitif sur le nombre et la nature des principales compétences émotionnelles,
nous avons vu que cinq compétences semblaient cruciales pour l’adaptation
du sujet à son environnement : (1) l’identification des émotions, (2) l’expres-
sion des émotions, (3) la compréhension des émotions, (4) la régulation des
émotions et (5) l’utilisation des émotions. Les recherches futures devront
examiner dans quelle mesure ces cinq compétences émotionnelles forment
un tout cohérent (par ex. si ces cinq compétences émotionnelles sont les plus
déterminantes de l’adaptation du sujet à l’environnement ou si d’autres
compétences émotionnelles doivent être ajoutées au modèle ; si ces compé-
tences émotionnelles sont sous-tendues par des différences cérébrales struc-
turelles communes, etc.). En outre, les chercheurs devront déterminer à quel
point les compétences intrapersonnelles (ex. capacité à identifier ou à gérer
ses propres émotions) sont liées et déterminantes des compétences interper-
sonnelles (ex. capacité à identifier ou à gérer les émotions d’autrui).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Le deuxième chapitre consistait en une introduction générale aux


émotions. Nous avons exposé ce que sont les émotions, à quoi elles servent
et quels sont leurs substrats biologiques. Les pistes de recherche futures dans
le domaine des émotions sont multiples mais dépassent le cadre du présent
projet.
Dans le troisième chapitre, nous avons insisté sur l’importance de la capa-
cité à identifier ses émotions, laquelle constitue une prémisse cruciale au
développement de compétences émotionnelles plus complexes. Ce chapitre a
fait ressortir un étonnant paradoxe. Bien qu’un nombre grandissant d’études
souligne l’importance de la compétence d’identification des émotions et les
262 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

conséquences négatives résultant d’un déficit à ce niveau, il n’existe prati-


quement aucune étude mettant au jour les processus par lesquels les indivi-
dus identifient leurs émotions. De même, la littérature est pratiquement
muette sur la manière de traiter les déficits d’identification. Les recherches
ultérieures devront nécessairement se pencher sur ces questions. Il incom-

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bera aux chercheurs de déterminer quelles sont les étapes (au niveau neuro-
logique et cognitif) du processus d’identification des émotions chez
l’individu fonctionnel, quelles sont les origines possibles des pathologies de
l’identification et, finalement, quels sont les moyens de remédier à de tels
déficits.
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Le quatrième chapitre portait sur l’identification des émotions d’autrui.


Nous avons exposé les processus verbaux et non verbaux sous-jacents à la
reconnaissance des émotions de nos semblables et avons souligné l’impor-
tance de cette compétence émotionnelle pour l’ajustement social. Cette
compétence émotionnelle est, avec la régulation émotionnelle, l’une des
mieux documentées. Les processus sous-jacents ainsi que les sources de
difficultés dans la reconnaissance des émotions d’autrui ont été largement
investigués. Néanmoins, la manière de remédier à d’éventuels déficits à ce
niveau a été peu étudiée. Il s’agit d’une lacune regrettable dans la mesure où
de nombreuses psychopathologies sont caractérisées par un déficit dans la
reconnaissance des émotions d’autrui (ex. autisme, schizophrénie, etc.).
Le cinquième chapitre a approfondi la compétence d’expression des
émotions. Cette compétence est fondamentale, tant d’un point de vue social
(l’expression des émotions permet la construction des liens affectifs, l’inté-
gration sociale et la communication des dangers et opportunités au groupe)
qu’individuel (l’expression des émotions est associée à une meilleure santé
physique et mentale). Nous avons vu également que l’expression de
l’émotion n’était pas toujours adaptative. La flexibilité entre suppression et
expression ainsi que la capacité d’exprimer ses émotions de manière adaptée
au contexte apparaissent aujourd’hui comme des paramètres déterminants de
l’ajustement. Les recherches futures devront approfondir ces questions et
explorer plus avant la question des formes d’expression et d’écoute des
émotions. Existe-t-il des formes d’expression des émotions plus adaptées
que d’autres ? Si oui, quels sont leurs effets sur la santé et sur la qualité des
relations sociales ?
Dans le sixième chapitre, nous nous sommes intéressés à la compréhen-
sion des émotions. Nous avons vu que comprendre l’origine de nos émotions
contribue à diminuer notre réactivité émotionnelle et à améliorer notre équi-
libre émotionnel à long terme. Nos émotions ont en effet un rôle informateur
essentiel. Elles nous signalent qu’une fonction importante – un besoin – est,
ou n’est pas, satisfaite. Percevoir l’émotion comme une source d’information
sur le degré de satisfaction de nos besoins contribue à réduire le caractère
conflictuel des émotions négatives et la tendance à l’évitement émotionnel, à
la base de nombreuses difficultés psychologiques. Les émotions, et singuliè-
LES PERSPECTIVES D’AVENIR DANS LE DOMAINE DES COMPÉTENCES… 263

rement les émotions négatives, n’apparaissent plus comme un attribut gênant


mais comme une source d’information et de motivation essentielle à notre
bien-être à long terme. Les relations entre la conscience qu’un individu a de
ses besoins, sa réactivité émotionnelle et ses capacités de régulation
émotionnelle sont un thème porteur pour la recherche. Le lien entre identifi-

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cation des besoins et évitement émotionnel nous paraît également intéressant
à étudier.
Le septième chapitre visait à introduire la notion de régulation émotion-
nelle. Nous avons évoqué l’importance de cette compétence dans les cinq
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grands domaines de l’existence (santé mentale, santé physique, relations


sociales, performance au travail et gestion des ressources matérielles), les
différentes formes de régulation émotionnelle (qui comprennent la diminu-
tion et l’augmentation des émotions positives et négatives, respectivement),
et l’origine des différences individuelles dans la capacité à réguler ses
émotions. La principale direction de recherche concerne ce dernier point.
Les études antérieures ont en effet mis en évidence de nombreuses différen-
ces fonctionnelles entre les individus qui gèrent bien leurs émotions et ceux
qui les gèrent moins bien. Les recherches futures devront déterminer dans
quelle mesure ces différences individuelles sont également sous-tendues par
des différences structurelles dans la configuration du cerveau.
Dans le huitième chapitre, nous avons exposé les principales stratégies
permettant d’anticiper ou de réguler les émotions négatives. Nous avons
évoqué cinq grandes familles de régulation (la modification de la situation, la
réorientation de l’attention, le changement cognitif, le partage social et les
techniques physio-relaxantes), et présenté les stratégies les plus étudiées
dans chacune d’elles. Ce chapitre laisse entrevoir deux directions de recher-
ches majeures. Tout d’abord, l’efficacité des différentes stratégies fonction-
nelles doit être comparée. La littérature a en effet départagé les stratégies
globalement fonctionnelles des stratégies dysfonctionnelles. Toutefois, on ne
sait pas si certaines stratégies dites fonctionnelles doivent être préférées à
d’autres. Une comparaison des tailles d’effet et du coût/bénéfice des diffé-
rentes stratégies dans différents contextes devrait être réalisée à cette fin.
Ensuite, une attention particulière devrait être portée aux modérateurs de ces
effets. Il n’est pas impossible, par exemple, que la réévaluation cognitive soit
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

plus facile à mettre en pratique – et donc plus efficace – pour les individus
ayant un QI élevé comparativement à ceux ayant un QI faible. De même,
l’efficacité du partage social pourrait varier en fonction du degré d’extraver-
sion de l’individu.
Dans le neuvième chapitre, nous avons présenté les principales stratégies
permettant, d’une part, de favoriser l’émergence d’émotions positives et,
d’autre part, d’intensifier ou de prolonger ces dernières. La recherche sur les
émotions positives n’en est encore toutefois qu’à ses débuts. Si un nombre
grandissant d’études indiquent que cultiver la joie, la gratitude ou l’émer-
veillement favorise l’ajustement dans de multiples domaines, de nombreuses
264 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

questions restent encore sans réponse. Quelles sont les stratégies les plus
efficaces ? Le sont-elles pour tout le monde ou est-ce que certaines différen-
ces individuelles viennent ponctuer leur effet ? L’effet des émotions positives
authentiques est-il le même que celles que nous cultivons stratégiquement ?
Les recherches futures devront apporter des réponses à ces questions.

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Le dixième chapitre s’est focalisé sur la manière dont nous pouvions utili-
ser nos émotions. Nous y avons découvert que nos émotions influençaient la
manière dont nous pensons et agissons. Nous avons vu qu’il existait un
certain nombre de circonstances dans lesquelles nous pouvions tirer parti de
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nos émotions – tant positives que négatives – et nous avons appris comment
utiliser celles-ci afin d’optimiser notre pensée et nos comportements. Cette
compétence étant l’une des moins étudiées, de nombreuses questions restent
sans réponse. Par exemple, quels sont ses substrats neuronaux ? La capacité
à utiliser ses émotions implique-t-elle une connaissance explicite des effets
des émotions sur la pensée et le comportement ?
Finalement, le onzième et dernier chapitre a adressé la question du déve-
loppement des compétences émotionnelles. Peut-on vraiment améliorer ses
compétences ? Nous avons vu qu’un tel changement était difficile, mais loin
d’être impossible. Nos structures neuronales nous prédisposent à réagir de
certaines manières plutôt que d’autres en situation émotionnelle, et ce fonc-
tionnement cérébral ne peut être modifié du jour au lendemain. De nombreu-
ses études montrent toutefois que le cerveau est doté d’une certaine
plasticité, laquelle rend le changement possible. La question majeure émer-
geant à l’issue de ce chapitre est : quelles sont les conditions nécessaires et
suffisantes à l’émergence/au maintien du changement ? Existe-t-il un seuil
de compétence en dessous/au-dessus duquel l’amélioration n’est plus
possible ? Comment rendre le changement durable ?
Bien que les lignes qui précèdent aient soulevé l’existence de nombreuses
interrogations en suspens, il serait incorrect de dire que la recherche dans le
domaine des compétences émotionnelles a généré plus de questions que de
réponses. Des progrès majeurs ont été accomplis au cours de la dernière
décennie. Les chercheurs ont montré l’importance des compétences
émotionnelles en regard de l’adaptation de l’individu à son environnement et
ils ont mis en lumière de très nombreux processus cognitifs, physiologiques
et neuroendocriniens sous-jacents à ces compétences. Il incombe maintenant
à la communauté scientifique et aux praticiens de déterminer la meilleure
manière d’utiliser ces connaissances afin d’améliorer le fonctionnement des
individus, et de la société plus largement. En particulier, il nous semble que
la recherche dans le domaine des compétences émotionnelles gagnerait à
passer progressivement d’une perspective descriptive (ex. quelles sont les
conséquences d’un déficit au niveau des compétences émotionnelles ; quels
sont les substrats biologiques de ces compétences) à une perspective appli-
quée. Au vu des conséquences individuelles, interpersonnelles et sociétales
délétères engendrées par un déficit des compétences émotionnelles, les
LES PERSPECTIVES D’AVENIR DANS LE DOMAINE DES COMPÉTENCES… 265

recherches devraient déterminer, d’une part, s’il est possible de prévenir


certains déficits (ex. en incluant les compétences émotionnelles dans le
cursus scolaire) et, d’autre part, quelles sont les méthodes les plus efficaces
pour remédier aux déficits existants. La demande en prévention et en remé-
diation est en effet croissante et il appartient aux chercheurs de trouver les

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INDEX DES NOTIONS

A compétences émotionnelles à trois ni-


acceptation 174 veaux 9
accueil 126 connaissance 8
adaptation 13 conscience émotionnelle 56
adéquation personne-activité 256 cortex préfrontal 26
cortisol 143
affective forecasting 157
créativité 225
alexithymie 40
croyances fondamentales 17
amygdale 26
cultural display rules 74
apprentissage 100
auto-détermination 122 D
autorégulation 119 déclencheur 128
axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien disposition 8
33 distance 85
distorsion cognitive 171
B
bénéfices E
– cachés 253 écoute des émotions 108
– secondaires 166 effet rebond 168
besoins 117 émotions
biais de congruence avec l’humeur 236 – primaires 44
bien-être 142 – secondaires 45
bonheur 198, 244 évitement 126
buts 119 évolution 195
expérience subjective 15
C expression
changement 241 – clarificatrice 179
communication – des émotions 91
– analogique 63 – des émotions positives 94
– digitale 63 – faciales 67
306 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

F patterns de réponses physiologiques 53


flexibilité 99 pensée 14
flow 204 – convergente 225
– divergente 225
G perception 224
gestes 81 – du risque 228

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gratitude 207 performance 141
priming 203
H prospect theory 144
habileté 8
R
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humeur 202
réactivité émotionnelle 117, 149
I–J réévaluation de la situation 170
imagerie par résonance magnétique regard 77
fonctionnelle 244 règles d’expression émotionnelle 137
intelligence émotionnelle 4 régulation 135, 140
intuition 235 – a posteriori 162
jugement 102 – a priori 156
relations sociales 141
M répression 15
méditation 209, 247 résilience 197
méthode des jumeaux 242 respiration diaphragmatique 181
mindfulness 102
modèle de Scherer 48 S
modification santé physique 143
– biologique 14 savourer 210
– comportementale 15 sourire de Duchenne 76
– expressive 15 système 253
mood-congruent memory 231 – sympathique 31
mood-dependent memory 231
moyens 122, 130 T
tendance
N – à l’action 14
neuro-plasticité 244 – à l’évaluation 229
non-expression des émotions 92 théorie de l’élargissement et
de la construction 196
O théories de l’évaluation 49
objectifs 254
ouverture aux émotions 42 V
vocabulaire émotionnel 44
P
paralangage 82 W
partage social des émotions 96, 176 writing paradigm 94
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INDEX DES AUTEURS

A E
Allen L.B. 42 Eich E. 224
Argyle M. 77 Ekman P. 45, 69, 74, 76
Ellis A. 171
B Ellsworth P. 74
Bagby R. 40 Emmons 207
Bandura A. 147, 162
Barlow D.H. 42, 126
F
Bastin P. XX Feldman-Barrett L. 46
Baumann N. 143 Fisch R. 126
Baumeister R.F. 156 Folkman S. 161
Ben-Sharar T. 203, 248 Forgas J.P. 224
Fredrickson B.L. 196
Bonanno G.A. 92
Friesen P. 76
Bower G.H. 230
Friesen W. 74
Bruchon-Schweitzer M. 166
Frijda N.H. 18
Bryant F.B. 213
Furnham A. 7
C G
Carver C.S. 119 Gardner H. 5
Cook M. 77 Gilbert D.T. 158
Cosmides L. 24 Goleman D. 5
Côté S. XX Gottman J.M. 98
Csikszentmihalyi M. 205 Grégoire J. 141
Gross J.J. 16, 92, 139
D
Damasio A. 13 H
Darwin C. 68 Hall E. 85
Davidson R.J. 30, 76, 147, 247 Hall J. 66
Deci E.L. 122 Hansenne M. 158, 242
Diener E. 197, 243 Hariri A.R. 146
308 LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Hochschild A. 137 Phelps E.A. XIX


Philippot P. 42, 126, 168
I–J
Plutchik R. 45
Isen A.M. 226 Porcelli P. XX
Jacobson E. 180
Porter E. 109
Janoff-Bulman R. 17

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K R
Kabat-Zinn J. 102, 209 Rimé B. 96
Kahneman D. 144 Rogers C. 91
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Kauhanen J. XX Russell J.A. 46


Keltner D. XIX, 62, 229 Ryan R.M. 122
Kennedy-Moore E. 98
Knapp M.L. 66 S
Kotsou I. 125 Saarni C. 6
Kring A.M. XIX, 62 Salovey P. 5, 144
L Scheier M.F. 119
Scherer K.R. 14, 48, 49, 83
Lane R.D. 56
Langer E.J. 203, 251 Schutte N.S. 141
Latham G.P. 254 Schwartz G.E. 56
Lazarus R.S. 161 Segal L. 126
LeDoux J.E. 27 Seligman M. 129, 175, 248
Lerner J.S. 229 Suls J. XX
Leroy V. XX
Linehan M.M. 175 T
Locke E.A. 254 Taylor G. 40
Lopes P.N. 141 Tellegen A. 243
Luminet O. 15, 93, 142
Thorndike E.L. 5
Lykken D. 243
Thurin J.-M. 143
Lyubomirsky S. 197, 243
Tooby J. 24
M
U–V
Maslow A. 120
Matsumoto D. 137 Urry H.L. 247
Matthews G. 7 Van Rooy D.L. XX
Max-Neef M. 122 Viswesvaran C. XX
Mayer J.D. 5
Mikolajczak M. 142 W
Murray H. 120 Wallbott H.G. 83
Watson J.C. 98
N
Watzlawick P. 63
Niedenthal P.M. 224
Weakland J.H. 126
Nolen-Hoeksema S. 168
Wilson T.D. 158
P Wood A.M. 207
Parker J. 40
Pennebaker J.W. 93 Z
Petrides K.V. 7 Zeidner M. 7

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