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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page IV — #4
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Table des
matières
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
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L’attitude du thérapeute 59
Le style des questionnements 61
Le feedback 64
Le renforcement positif 68
Le discours psychoéducatif 68
La prescription des tâches 69
La structure des entretiens 70
Une relation de collaboration 73
L’alliance thérapeutique dans la 3e vague 75
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Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
XI
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Préface
Dr Alain GÉRARD
A PÉRIODE HEUREUSE où les leçons se donnaient de vive voix n’est plus. La parole vive
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PRÉFACE
C’est le second défi périlleux que cet ouvrage se propose de relever, car toute forme de
psychothérapie est une technique doublée d’un art.
Le Docteur Christine Mirabel-Sarron est une formidable pédagogue, plusieurs de ses ouvrages
l’ont bien démontré. Elle est au-delà une extraordinaire thérapeute et cela, elle n’explique
pas pourquoi. Sa modestie l’en empêche, mais ses patients eux le savent et nous le disent.
Bonne lecture.
VI
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Introduction
EPUIS CES DERNIÈRES DÉCENNIES, on observe une forte progression de la demande de
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INTRODUCTION
• La quatrième leçon a pour objectif de repérer les difficultés qui peuvent apparaître dans
l’alliance thérapeutique. Sont-elles dues au patient ? à ses cognitions ? à la présence
de comorbidités ? à l’interaction thérapeute-patient ? Comprendre ces difficultés permet
de mieux les désamorcer par la mise en place de stratégies adaptées.
• La cinquième leçon détaille le déroulement et le contenu des premiers entretiens
avec le patient déprimé. N’oublions pas que le style du déprimé est particulier, son
discours aussi. Le thérapeute doit donc adapter sa conduite des entretiens à celui-ci.
• La sixième leçon examine l’analyse fonctionnelle, ou comment poser une indication de
TCC. Les principaux modèles d’analyse fonctionnelle y sont décrits, avec de nombreuses
illustrations cliniques.
• La septième leçon aborde la notion de contrat thérapeutique et des difficultés
rencontrées dans la formulation des objectifs.
• La huitième leçon traite des stratégies comportementales à mettre en place pour
soigner la dépression : planification, formulation en sous-étapes, résolution de problème,
toutes ces techniques seront appuyées d’exemples cliniques.
• La neuvième leçon aborde l’activation comportementale afin d’augmenter l’engagement
du patient dans des activités adaptatives et dans l’apprentissage de la résolution de
problème.
• Les dixième et onzième leçons visent à l’identification des pensées dépressives et à
la mise en place de méthodes pour les dépasser. Le vécu de chaque situation est très
personnel. Ainsi, deux personnes ne penseront pas, ne ressentiront pas et ne réagiront
2 pas de la même manière dans une même situation. Mais la dépression colore négativement
ces interprétations et leur accorde une valeur absolue. Ces chapitres visent à apprendre
aux patients déprimés à repérer leurs pensées dysfonctionnelles, à faire le lien avec leurs
symptômes, et à les mettre à distance à l’aide de techniques de décentration : examen
de l’évidence, recherche d’alternatives de pensée. Encore une fois, de nombreux exemples
et cas cliniques étayent le propos.
• La douzième leçon traite de la façon de déjouer les biais de pensée.
• Les treizième et quatorzième leçons détaillent l’identification des schémas cognitifs
et les différentes méthodes d’assouplissement. Ce travail ne se pratique pas avec
tous les patients, car il nécessite du temps et une réelle demande de la part de l’individu.
Plusieurs alternatives existent : modifier radicalement le schéma, l’assouplir, le conserver.
Chacune est abordée à la fin de l’ouvrage.
• La dernière leçon aborde le rôle de la TCC dans la prévention des rechutes dépressives
ainsi que l’apport complémentaire d’autres démarches thérapeutiques ayant prouvé
leur efficacité dans la prévention des rechutes, telles que la thérapie cognitive basée sur
la pleine conscience.
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Introduction
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Leçon 1
Les indispensables
sur la dépression
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Objectifs
Transmettre un savoir pratique sur la dépression
Combattre les idées reçues sur la dépression
et les traitements
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PLAN DE LA LEÇON
Le traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Le traitement pharmacologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Les thérapies comportementales et cognitives . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
Les indications de la thérapie cognitive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
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« Nous avons deux oreilles et une bouche : deux raisons pour écouter et une pour se taire. »
Alain Golay
« Une nuit, après mon vingt-neuvième anniversaire, je me réveillais aux petites heures
avec une sensation de terreur absolue. Il m’était souvent arrivé de sortir du sommeil
en ayant une telle sensation, mais cette fois-ci, c’était plus intense que cela ne l’avait
jamais été. Le silence nocturne, les contours estompés des meubles dans la pièce
obscure, le bruit lointain d’un train, tout me semblait si étrange, si hostile, et si
totalement insignifiant que cela créa en moi un profond dégoût du monde. Mais ce qui
me répugnait le plus dans tout cela, c’était ma propre existence. À quoi bon continuer
à vivre avec un tel fardeau de misère ? Pourquoi poursuivre cette lutte ? En moi, je
sentais qu’un profond désir d’annihilation, de ne plus exister, prenait largement le
pas sur la pulsion instinctive de survivre. »
Eckart Tolle, 2000
La dépression est un trouble psychiatrique caractérisé par une altération de l’humeur allant
de la tristesse à la mélancolie.
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La dépression est une maladie qu’il faut soigner
• Une personne sur cinq sera touchée une fois dans sa vie par la dépression.
• En France, on estime que 9 millions de personnes entre 15 et 75 ans ont vécu ou
vivront une dépression.
• Selon l’Organisation mondiale de la santé, la dépression est la première cause
d’incapacité dans le monde (OMS, 2017).
• Il n’y a pas une dépression mais des dépressions, ce qui rend son diagnostic
difficile.
• De fait, la moitié seulement des sujets déprimés entreprennent une démarche de
soin dans les trois mois qui suivent les premiers troubles.
• Il s’agit d’un trouble universel, fréquent et grave.
• La dépression est deux fois plus fréquente chez les femmes.
• La dépression est dix fois plus fréquente qu’en 1960.
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Cette affection se rencontre avec une extrême fréquence au point qu’elle constitue la
deuxième cause de handicap dans le monde. La France arriverait même en tête du classement
mondial selon l’OMS, avec un taux de 21 %, devant les États-Unis qui ont un taux estimé à
19,2 %. On estime qu’elle atteindra ainsi un Français sur cinq un jour dans sa vie. Tous les
âges, tous les milieux socioculturels sont concernés mais les femmes, davantage exposées,
représentent les deux tiers des sujets déprimés, sans que l’on connaisse l’exacte raison de
leur vulnérabilité.
La dépression constitue une urgence médicale du fait du potentiel suicidaire, ce qui fait de la
reconnaissance de la maladie une priorité absolue pour le personnel soignant. Il importe de
mettre en œuvre le plus tôt possible un traitement médicamenteux antidépresseur efficace,
voire une psychothérapie.
Le suicide
La dépression est une cause importante de suicide (70 % environ des 12 000 suicides
parmi 300 000 tentatives de suicides annuels).
Ce retard apporté au diagnostic initial se révèle d’autant plus préoccupant que la dépression
est dotée d’un génie évolutif particulier, qui conduit dans la moitié des cas à une rechute
de la maladie à court ou moyen terme.
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Au fur et à mesure des épisodes, il existe un raccourcissement des intervalles libres, avec
un retour de plus en plus difficile vers l’état antérieur. Des taux de 50 % de récidive après
le premier épisode dépressif, de 70 % après le deuxième et de 90 % après le troisième sont
retenus.
Ainsi Judd en conclut que la dépression unipolaire est une maladie chronique qui dure
toute la vie, dont le risque de récidive dépasse 80 %, le rendant ainsi plus vulnérable aux
rechutes dépressives. Sur une période de suivi de 25 ans, les patients dépressifs unipolaires
auraient en moyenne environ cinq autres épisodes.
Dès lors s’impose la nécessité de mettre en place un véritable traitement contre la
rechute dépressive. L’élaboration de cette aide passe par un élargissement de l’éventail
des soins ouverts, par l’usage de prises en charges psychologiques. Parmi celles-ci les
thérapies comportementales et cognitives (TCC) ont largement démontré leur efficacité
dans l’accélération de la rémission clinique et la prévention des rechutes et récidives.
Au-delà du diagnostic de la maladie, la prévention des rechutes et récidives dépressives
constitue par conséquent la préoccupation de tout thérapeute.
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Dans le cas particulier des patients bipolaires traités par stabilisateurs de l’humeur, 37 %
d’entre eux conservent des fluctuations de l’humeur. L’objectif de cette approche préventive
repose sur l’association d’un traitement pharmacologique et psychothérapique qui permet
d’augmenter l’observance médicamenteuse, la connaissance de la maladie, la diminution
du taux de récidives dépressives, l’amélioration de la qualité de vie en réduisant les
conséquences psychosociales du trouble.
Idées reçues
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La même conceptualisation de diminution des taux de rechutes et récidives dépressives
est partagée dans l’indication des TCC pour les états dépressifs associés à un trouble
pathologique de la personnalité ou encore associé à un trouble addictif.
Les études scientifiques ont conduit à mieux connaître les facteurs de risque des
rechutes dépressives : qualité de l’observance médicamenteuse, posologie des traitements
antidépresseurs, composantes psychologiques personnelles. Ces travaux ont donné lieu à
des recommandations internationales sur la conduite de la prescription de médicaments
antidépresseurs et sur l’indication d’une psychothérapie pour prévenir les rechutes. Toutes
ces informations guident les thérapeutes, tant dans la mise en œuvre d’un traitement
pharmacologique que dans l’indication des TCC, dans le but de diminuer la vulnérabilité aux
rechutes.
L’origine de la dépression n’est pas exactement connue, mais aujourd’hui est évoquée
une hypothèse multifactorielle intégrant des composantes biologiques, environnementales,
psychosociales, des vulnérabilités psychologiques propres à l’individu.
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FAIRE LE DIAGNOSTIC
Le diagnostic de la dépression est des plus difficiles à faire, car ce trouble se manifeste
souvent par un ensemble de symptômes banals, non spectaculaires. De plus, il existe des
formes trompeuses qui peuvent accroître la difficulté du diagnostic.
Cependant, quelle que soit sa forme, on retrouve de façon constante dans le tableau clinique
des signes cardinaux toujours à rechercher.
• De nombreuses classifications ont catégorisé les dépressions en différents sous-types.
• Il y a quarante ans, les classifications traditionnelles des dépressions reposaient sur
des théories étiopathogéniques. Aujourd’hui elles sont athéoriques et reposent sur la
description de symptômes aisément identifiables.
• Ainsi, la communauté scientifique internationale cherche à définir des critères caractéri-
sant les grandes maladies. Cette définition de critères cliniques unanimement reconnus
par tous, quelle que soit la culture, permet de comparer les études et les enquêtes faites 9
dans des pays différents.
Les typologies récentes distinguent les états dépressifs, non pas sur des critères étiologiques,
mais sur des indices plus quantitatifs (dépression d’intensité légère, modérée, état dépressif
majeur ou caractérisé). Les références nosologiques les plus utilisées sont les critères du
manuel diagnostique américain des troubles mentaux DSM-5) et ceux de la classification de
l’Organisation mondiale de la santé, la CIM 10.
Ces critères cliniques permettent de définir des catégories de maladies.
Pour exemple, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini comme suit les critères
qui conduisent au diagnostic de dépression caractérisée (dite majeure).
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Critères généraux :
• L’épisode dépressif doit durer au moins deux semaines.
• Absence de symptômes hypomaniaques ou maniaques répondant aux critères d’un
épisode maniaque ou hypomaniaque à un moment quelconque de la vie du sujet.
• L’épisode n’est pas imputable à l’utilisation d’une substance psychoactive ou à un
trouble mental organique identifié.
Toutes les grandes études sur le traitement des états dépressifs font référence à des mêmes
formes de dépressions comme définies par ces classifications.
• Les classifications évolutives distinguent les formes chroniques, qui durent au moins
deux années, et les formes avec ou sans caractéristiques saisonnières.
• Les cliniciens complètent leur évaluation de la dépression par des mesures de
psychopathologie quantitative.
• Elles concernent l’évaluation de l’intensité, de la sévérité de la dépression.
• On distingue alors des hétéro-évaluations et des auto-évaluations. Des échelles,
questionnaires, permettent au clinicien et au chercheur d’estimer l’intensité d’un état
dépressif.
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Chacun de ces signes peut mettre la « puce à l’oreille » au clinicien, mais c’est avant tout
leur association et leur persistance depuis au moins trois semaines qui doivent l’alerter.
Toutefois, la suspicion éveillée par cet ensemble de signes doit être confirmée par l’entretien
clinique et par tous les exemples apportés par le patient.
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Les idées suicidaires, présentes dans presque 80 % des cas, s’intègrent dans ce désespoir
de la vie vécue, même si elles sont rarement exprimées. Elles prennent des formes et des
intensités variables, et vont d’idées floues du style : « Si je pouvais ne pas me réveiller et
m’endormir à tout jamais », jusqu’à des pensées plus organisées et de véritables projets
suicidaires.
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• Charlotte Rampling
« Un jour, on ne peut plus se battre, on est face au vide. »
« Une terreur archaïque, comme si on portait toutes les peurs de nos ancêtres. »
• Muriel Robin
« Lors de ma dernière dépression, mon cerveau, on aurait pu se coucher dedans,
tellement il y avait de la place. »
• Michel Delpech
« C’était comme un château de cartes qui s’écroule. J’ai été envahi par une lame
de fond, je me suis retrouvé totalement déstructuré, paniqué. »
• Claude Berri
« Depuis plus de six mois, je suis en dépression. Moi qui résistais à tous les
malheurs. »
« Je reprends des antidépresseurs. J’ai la tête dans du coton. Je ne me sens bien
qu’à partir de 6 heures du soir. J’ai beau produire deux films, Le bison d’Isabelle
Nanty et Les sentiments de Noémie Lvovsky, je ne fais rien de mes journées. Je
reste allongé sur mon lit et je déprime. »
• Dalida (1933-1987)
« La vie m’est insupportable. Pardonnez-moi. »
• Renaud, 51 ans
« J’ai essayé de soigner ma dépression par de mauvais médicaments, les pastis
mélangés à des antidépresseurs, des anxiolytiques et des neuroleptiques. »
« Mentalement, j’étais une épave. »
12 • Jim Harrison, 66 ans
« Au cours de mon existence, j’ai traversé sept dépressions que l’on peut qualifier
de cliniques. »
• Mais aussi, Louis XV, Gérard de Nerval, Auguste Comte, Abraham Lincoln, Ray
Charles, etc.
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Signes psychologiques
« Nous avons trop coutume de nous juger pendant nos moments d’abattement et de
dépression. »
Robert Johnson
L’humeur triste se caractérise par des pensées modifiées, marquée par une vision négative
de l’existence et de soi-même (pessimisme, idées de mort) : « Je ne vaux rien », « Je 13
ne suis plus capable de rien », « J’ai ruiné ma famille »... Ces pensées dépressives sont
pour l’essentiel de tonalité négative pour plus de trois quarts d’entre elles. On parle d’un
monologue intérieur dépressogène. Elles concernent pour une part la représentation que
le sujet a de lui-même : « Je suis nul », sa représentation de l’entourage : « Je suis un
boulet pour tout le monde », « Ils ne me comprennent pas » et une représentation du
futur inenvisageable : « Je ne vois pas de solution », « Je ne sais pas de quoi sera fait
demain. »
Ces pensées négatives dépressives qui alimentent l’humeur triste amènent le patient à une
attitude repliée et léthargique, « puisque rien n’est possible de toute façon ».
Le cercle de la léthargie
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L’injonction : « Je ne suis plus capable de faire quoi que ce soit » est concrètement
confirmée. Cette réaction en chaîne, les psychologues l’appellent le cercle de la
léthargie, cercle qui est bien difficile à briser.
Signes émotionnels
Le sujet déprimé n’a plus de goût à rien, n’a plus envie de rien, il ne ressent plus de plaisir
pour les activités qui lui plaisaient auparavant, tout lui paraît insurmontable et la tristesse
s’installe. Il a le sentiment que tout va mal, que tout est noir.
Signes comportementaux
La difficulté à agir, les problèmes de concentration et de mémoire entraînent des difficultés
à communiquer et un repli sur soi-même qui conduisent à un isolement douloureux. Le
patient ne peut plus lire, ni écrire, ni regarder des émissions de télévision, ni de films au
cinéma. La communication avec les autres lui semble tout aussi fatigante, il perd souvent
le fil de la conversation, a le sentiment que les autres vont à un autre rythme et préfère
alors annuler les rencontres ou se mettre en retrait.
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Signes physiques
Un certain nombre de caractéristiques non verbales existent, assez subtiles, mais néanmoins
perceptibles avec une certaine vigilance. Le patient a un faciès terne, une voix éteinte,
des gestes plus rares, une démarche lourde, dénuée d’initiative. Son activité générale est
ralentie, tout lui demande un effort car il se heurte, de façon quotidienne, à la fatigue, aux
troubles du sommeil, aux douleurs physiques et aux sensations d’oppression.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 16 — #28
La dépression forme avec la phobie sociale un duo complexe. La phobie sociale touche près
des trois quarts des personnes déprimées. Comme l’ont montré trois études successives,
menées durant les dix dernières années auprès de nombreux patients hospitalisés à Paris
pour dépression, seuls 20 % environ conservent cette phobie après rémission de l’état
dépressif, un pourcentage normal qui correspond à la moyenne nationale d’un Français sur
cinq souffrant d’anxiété sociale. La dépression a donc pour effet de multiplier par quatre cet
effet phobique, voire de l’induire chez certaines personnes qui ne connaissaient pas du tout
la peur des autres avant d’être déprimées. Inversement, on sait que les sujets présentant
une phobie sociale depuis plus de dix années ont deux fois plus de risque de faire une
dépression que les autres.
Bien évidemment, si d’autres phobies existaient avant la dépression, elles persisteront
au fur et à mesure de l’évolution de la dépression. D’autres manifestations anxieuses,
obsessionnelles et compulsives, peuvent également apparaître. Le besoin d’ordre, de propreté,
de rangement est plus fort que d’habitude chez le sujet en début de dépression.
L’anxiété et la dépression sont deux troubles psychologiques fréquents et souvent associés,
sans qu’il faille pour autant les confondre. En effet, dans plus de 60 % des cas, le sujet
déprimé présente des manifestations anxieuses invalidantes troublant le tableau clinique.
Le sujet anxieux est une personne plutôt fébrile, sur le qui-vive, toujours aux aguets dans
l’imminence d’une catastrophe éventuelle. Il a du mal à tenir en place et ne prend pas le
temps de vivre. Il se projette toujours dans le futur en pensant aux obstacles qui pourraient
se présenter. L’anxiété peut prendre chez le sujet déprimé des formes tellement multiples et
16 variées que les manifestations dépressives pourront presque passer inaperçues derrière une
anxiété massive, rendant le diagnostic d’autant plus difficile.
Des troubles dépressifs ou anxieux très intenses pourront motiver des soins en milieu
hospitalier.
Le tableau 1.1 ci-contre résume les différences cliniques principales entre manifestations
anxieuses et manifestations dépressives.
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Absence de
Il se projette en
Représentation représentation du futur,
permanence vers le
qui semble sans issue ;
du futur futur, en évoquant les
les pensées se tournent
difficultés potentielles.
davantage vers le passé.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 18 — #30
18 Les prévalences par âge auraient évolué différemment selon le sexe. Chez les hommes de
18-24 ans, alors que l’EDC avait diminué entre 2005 et 2010 (- 2,6 points) une augmentation
de près de 4 points est constatée entre 2010 et 2017. Seule la prévalence de l’EDC chez
les hommes de 45-54 ans a connu une diminution entre 2010 et 2017 (- 3,8 points) alors
qu’elle avait augmenté de près de 7 points sur la précédente période. Chez les femmes,
par rapport à 2010, une augmentation importante est constatée chez les 35-44 ans (+ 5,5
points) et chez les 65-75 ans (+ 3,3 points). L’EDC a progressé de près de 4 points chez les
55-64 ans par rapport à 2005.
L’ÉVOLUTION
Une autre information clinique est fondamentale dans la prise en charge thérapeutique :
l’évolution sous traitement d’un état dépressif est marquée, dans la moitié des cas, par des
rechutes.
Plusieurs études cliniques ont permis de mettre au jour les facteurs de risque des rechutes,
et la prévention des récidives dépressives est une priorité pour tous.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 19 — #31
18 %
16 15,6
15,1
14,0 13,9
14
0
18-24 ans 25-34 ans 35-44 ans 45-54 ans 55-64 ans 65-75 ans
Figure 1.1. Prévalence de l’EDC déclaré au cours des 12 derniers mois chez les 18-75 ans,
selon le sexe et la classe d’âge (données baromètre santé 2017)
Mais avant d’analyser les résultats des différents travaux scientifiques, il importe de préciser
le génie évolutif de la maladie dépressive, en définissant exactement les notions de guérison,
rémission, récidive et rechute.
19
De la dépression à la guérison
En général, l’amélioration de l’état dépressif vers la guérison se fait toujours selon le même
schéma en trois étapes.
Dans un premier temps, on constate une amélioration des symptômes de la dépression, qui
se traduit par une diminution de l’intensité des troubles, voire la disparition de certains
d’entre eux. Vient une période de convalescence, pendant laquelle le patient se sent mieux,
même si certains symptômes persistent à faible intensité. Six mois plus tard, on peut parler
de guérison, quand tous les troubles ont disparu.
Il s’agit par conséquent d’un trouble qui évolue vers la guérison sous traitement, mais qui
nécessite une thérapie assez longue pour obtenir une résolution complète des troubles. À
compter de la phase du déclenchement aigu, les perturbations durent plusieurs mois et
l’amélioration doit être surveillée en permanence.
Classiquement, les troubles de l’humeur sont réputés de pronostic relativement favorable :
70 % des patients réagissent positivement dès la prescription du premier antidépresseur.
La dépression s’améliore franchement entre quatre et huit semaines. Cependant, 30 à
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• Rémission stable : un intervalle de temps prolongé durant lequel les symptômes
dépressifs sont absents ou assez minimes.
• Rémission instable/partielle : intervalle de temps durant lequel un certain nombre
de symptômes dépressifs sont présents (partielle) ou seulement sporadiques
(instable).
• Rétablissement : la fin de l’épisode dépressif suite à une longue période de rémission
(par exemple 6 à 12 mois). Le patient ici n’est plus dans l’épisode dépressif.
– Le sexe : environ une femme sur cinq rechute après un épisode dépressif, contre
un homme sur dix ;
– L’âge : lorsqu’il est compris entre 30 et 40 ans lors du premier épisode dépressif ;
– La situation de famille : les individus vivant seuls, qu’ils soient célibataires, veufs
ou divorcés, sont plus vulnérables ;
– Les antécédents familiaux de dépressions ;
– L’absence d’une structuration sociale : habitat, emploi, entourage amical ;
– Des événements stressants : la grossesse et l’accouchement, par exemple.
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! La dépression récurrente
Le caractère récurrent fait partie des aspects cliniques de la dépression. Après un épisode
dépressif caractérisé, le risque de rechute est de 50 %, il passe à 70 % après le second
épisode et à près de 90 % après le troisième. La fréquence de survenue d’une récurrence
dépressive serait de 64 % à 5 ans, de 80 % à 10 ans et de 85 % à 15 ans (Mueller et al., 1999).
La répétition des épisodes dépressifs a des conséquences sur le plan clinique (qualité de vie,
réponse au traitement, suicide, etc.) mais aussi sur le plan neurobiologique (sensibilisation
au stress, modification hippocampique, etc.) et neuropsychologique (persistance de troubles
mnésiques après rémission, etc.). Les facteurs de risque de ces récurrences seraient
essentiellement cliniques, les deux principaux étant le nombre d’épisodes dépressifs
antérieurs, avec un risque significativement augmenté à partie du troisième épisode et
la persistance de symptômes résiduels (Hardeveld et al., 2010). D’autres facteurs seraient
22 également impliqués, tels que les événements de vie stressants (les premiers épisodes étant
davantage liés à des facteurs de stress aigu tels que deuils, séparations, pertes d’emploi,
etc., le rôle de ces événements diminuant après chaque épisode), les caractéristiques de
l’épisode index (sévérité de l’épisode, intensité de l’humeur dépressive, augmentation de
l’appétit), l’existence de comorbidités psychiatriques (notamment la phobie sociale) ou
encore le sevrage tabagique (Olié et Courtet, 2010).
! La dépression bipolaire
L’intérêt porté aux épisodes dépressifs caractérisés survenant dans le cadre d’un trouble
bipolaire est assez récent (Mirabel-Sarron et Leygnac-Solignac, 2015). Les EDC représente-
raient les trois quarts de la durée des épisodes survenant dans le cadre d’un trouble bipolaire
de type I et 90 % de la durée de ceux du trouble bipolaire de type II (Judd et al., 2003).
Certaines études indiquent que des symptômes du trouble bipolaire peuvent être détectés
pour approximativement un quart des patients diagnostiqués d’un trouble dépressif
caractérisé. D’autres études suggèrent que la prévalence de caractéristiques d’un trouble
bipolaire serait proche des 50 % chez les patients souffrant d’un trouble dépressif caractérisé
(Angst et al., 2011). Les causes explicatives possibles de cette difficulté à établir un
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diagnostic correct pourraient inclure une difficulté pour le patient à percevoir les symptômes
maniaques, la perception de l’hypomanie comme étant « normale », le fait d’omettre les
membres de la famille dans l’entretien d’évaluation ou encore le fait de centrer l’observation
clinique sur l’euphorie plutôt que sur l’irritabilité ou l’humeur dysphorique. Soulignons que
la 5e édition du DSM ajoute les caractéristiques mixtes comme critère de spécificité des
troubles dépressifs. Ainsi, un patient qui présente un épisode dépressif caractérisé avec au
moins trois symptômes hypomaniaques sera diagnostiqué d’un trouble dépressif mixte.
En termes de présentation clinique les dépressions bipolaires présenteraient plus fréquem-
ment que les dépressions unipolaires (Henry, 2009) :
– des symptômes atypiques ;
– des caractéristiques psychotiques ;
– des tableaux d’états mixtes dépressifs ;
– des dépressions agitées et anxieuses ;
– des dépressions « anergiques » ;
– des dépressions avec irritabilité et attaques de paniques.
En termes d’évolution, les dépressions bipolaires ont un âge de début plus précoce, des
récurrences plus fréquentes et chez la femme une survenue en post-partum plus fréquente.
Le sommeil et l’appétit seraient augmentés par rapport à la dépression unipolaire, et le
ralentissement psychomoteur plus important. Toujours sur le plan évolutif, la dépression
bipolaire serait caractérisée par une durée plus brève des épisodes, le caractère récurrent
des épisodes dépressifs, une saisonnalité des dépressions, un premier épisode apparaissant 23
plus précocement que dans le trouble unipolaire et une tendance à l’épuisement de l’effet
des antidépresseurs.
LE TRAITEMENT
Le traitement pharmacologique
Le traitement universellement employé et qui a largement fait ses preuves est le traitement
pharmacologique basé sur la prescription de médicaments antidépresseurs.
Ces médicaments agissent dans l’aire cérébrale, au niveau de la connexion entre les cellules
cérébrales ou neurones en corrigeant les perturbations de la transmission du message
chimique intercellulaire.
Les antidépresseurs sont prescrits à tous les patients qui présentent un état dépressif,
quelles qu’en soient l’origine et les circonstances de survenue.
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Les représentations mentales associées aux médicaments psychotropes sont fort nombreuses
et s’appliquent particulièrement au médicament antidépresseur. Certaines idées reçues ont
la vie longue et peuvent encore constituer des blocages très dommageables à la prise du
traitement.
D’après l’Organisation mondiale de la santé, moins d’un patient sur deux observerait
fidèlement la prescription de l’antidépresseur effectuée par le médecin. Cette information
justifie que l’on accompagne la rédaction de l’ordonnance d’explications sur le mode d’action,
sur le rôle et sur les effets secondaires possibles du médicament... Parmi les réflexions les
plus fréquemment émises par le patient ou son entourage, il faut citer :
« Je ne veux pas être dépendant d’un médicament » ;
« Je ne veux pas être guidé par de la chimie » ;
« Je ne veux pas être somnolent et abruti à longueur de journée » ;
« Je ne veux pas que cela change ma personnalité » ;
« Je ne veux pas faire comme tous les gens autour de moi » ;
« Je préfère une aide psychologique » ;
« Je préfère prendre des plantes, des choses douces. »
Il est compréhensible de penser que personne n’a vraiment envie de prendre un médicament
antidépresseur, mais il est indispensable si la dépression est avérée.
L’attitude psychoéducative du prescripteur, sa disponibilité pour répondre à toutes les
questions sont autant d’atouts pour aider le patient déprimé à suivre son traitement.
24 De plus, les avancées de la recherche pharmaceutique ont contribué à augmenter cette
observance grâce à l’apparition des nouvelles générations d’antidépresseurs, qui allient
tout à la fois l’efficacité et la tolérance avec beaucoup moins d’effets secondaires. La prise
régulière de l’antidépresseur est essentielle car son délai d’action est long. En moyenne, au
moins une quinzaine de jours sont nécessaires avant que se traduisent les premiers effets
favorables du traitement.
• C’est une molécule chimique qui agit sélectivement au niveau cérébral dans l’espace
entre deux cellules, un lieu hautement actif en échanges chimiques.
• Les médicaments antidépresseurs permettent l’augmentation du taux de sérotonine,
de noradrénaline, rendant de nouveau efficace la transmission chimique entre les
neurones.
• Découverts dans les années 1960, ils portent des noms qui représentent leur
caractéristique chimique ou leur mode d’action ; ils s’appellent successivement
IMAO (pour inhibiteur de la monoamine oxydase), puis tricycliques et depuis
une quinzaine d’années ISRS (pour inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine).
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• Leur administration peut s’accompagner d’effets secondaires qui disparaissent le
plus souvent après quelques jours.
• Les nouveaux antidépresseurs sont des produits plus ciblés, aux actions spécifiques
et donc moins efficaces pour tous, mais ils entraînent moins d’effets indésirables.
Cette meilleure tolérance assure une bonne prise médicamenteuse.
• Ils doivent être pris suffisamment longtemps pour assurer une parfaite régulation
du dysfonctionnement chimique.
• Leur prise n’entraîne aucun effet d’accoutumance ou de dépendance.
• Un temps de latence de huit à quinze jours est habituel avant que l’antidépresseur
n’agisse, en attendant son effet spécifique sur la dépression.
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Les indications actuelles se sont développées depuis les années 1980, en s’étendant
notamment aux dépressions d’intensité majeure, hospitalisées. Par la suite, ces thérapies
se sont adaptées pour d’autres troubles dépressifs tout en gardant la forme d’une thérapie
brève et structurée, c’est le cas des dépressions bipolaires.
Les contre-indications actuelles restent les épisodes mélancoliques, les dépressions
délirantes et les dépressions associées à une détérioration mentale.
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Simons 1986 1 an 66 % 43 % 30
Miller 1989 6 à 12 40 % 13 % 45
mois
Shean 1992 1 an et 50 % – 37
demi
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RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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NOTES
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Leçon 2
Objectifs
Transmettre un savoir théorique et pratique
Mieux comprendre et expliquer la démarche TCC
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PLAN DE LA LEÇON
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« Apprendre sans réfléchir est vain. Réfléchir sans apprendre est dangereux. »
Confucius
L’impuissance apprise
Seligman, dans les années 1970, estime que la dépression peut résulter de la perte du
sentiment de contrôle d’un sujet sur son environnement. Les événements de vie sont
alors perçus comme incontrôlables, et les renforcements positifs comme indépendants
des comportements du sujet, d’où l’apparition d’un apragmatisme, d’une passivité, d’une
résignation, et une diminution des conduites adaptatives. Ce modèle appelé d’« impuissance
apprise » est démontré expérimentalement aussitôt chez le mammifère et reste un modèle
de référence pour l’étude des médicaments antidépresseurs.
Un parallèle est effectué par Seligman entre les comportements observés chez l’animal après
l’impuissance apprise et la symptomatologie dépressive de l’être humain. L’auteur observe
qu’il était possible de développer chez le chien un comportement très proche de celui de
l’humain déprimé. Ce tableau est composé de passivité, de difficultés à apprendre, de perte
de toute agressivité, d’amaigrissement... En effet, un chien mis dans l’incapacité d’éviter
l’apparition d’une stimulation désagréable abandonne sans chercher à échapper à cette
34
stimulation. L’animal a ainsi perdu la capacité d’initier une réponse. Cet abandon n’est pas
sans rappeler la perte de motivation chez l’humain, après une agression à laquelle il n’a pas
pu se soustraire (sévices répétés par exemple). La deuxième conséquence est la perte de
la capacité à apprendre. L’animal, qui a acquis cet abandon de l’action par l’impossibilité
de contrôle des situations défavorables, ne tirera pas profit d’une expérience positive de
laquelle il arrive à s’échapper. De la même manière, un sujet déprimé évoque de multiples
raisons pour ne pas agir de façon constructive, car de toute évidence il pense que rien ne
réussira.
Le signe principal de l’impuissance apprise est la passivité. Tout organisme qui a fait
l’expérience d’événements défavorables incontrôlés présente des difficultés pour faire face
à de nouveaux traumatismes.
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négatifs de leur vie. Les signes de dépression apparaîtraient lorsque le sujet subit ces
expériences de vie négative qu’il croit ne pas pouvoir contrôler.
En somme, au cours de cette expérience, le fait d’apprendre que le renforcement est
indépendant de son comportement forge chez le sujet un sentiment d’incontrôlabilité.
Abramson, Seligman et Teasdale (1978) distinguent trois dimensions aux attributions :
1. L’internalité : la cause est d’origine personnelle et non pas liée à une caractéristique de
la situation.
2. La stabilité : la cause persiste dans le temps et n’est pas transitoire.
3. La globalité : la cause affecte d’autres événements et n’est pas liée uniquement à
l’événement premier.
Chacune de ces dimensions a ses conséquences propres. Ainsi l’internalité affecterait l’estime
de soi, la stabilité influencerait la persistance de l’effet de l’impuissance apprise, maintenant
ainsi la réaction dépressive dans le temps ; enfin la globalité entraînerait la généralisation
des déficits acquis aussi bien aux niveaux motivationnel et cognitif qu’émotionnel.
D’après ces auteurs, la dépression qui survient secondairement à des événements négatifs
serait déterminée par des attributions causales destinées à rendre compte de ces événements.
L’intensité de la symptomatologie dépressive est d’autant plus grande que le sujet effectue
des attributions internes, stables et globales. Seligman précise l’effet du temps sur ce
conditionnement. L’impuissance apprise peut disparaître avec le temps. Elle est d’autant
plus longue à perdre qu’il existe un passé de situations traumatisantes inévitables. Chez 35
l’être humain, on connaît la possibilité de voir disparaître dans un délai variable une
dépression réactionnelle à un deuil.
Tableau 2.1. Comparaison de la symptomatologie dépressive
entre animal et être humain
Animal Humain
Amaigrissement Anorexie
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Dès les années 1975, le nouveau prédicat théorique sur lequel repose la démarche de TCC est
que dans les troubles thymiques, il existerait une modification du fonctionnement cognitif
qui précéderait et interagirait avec le mouvement émotionnel. La TCC a pour objet d’agir
sur certaines de ces modifications cognitives afin d’améliorer l’humeur dépressive. Elle agit
en particulier sur trois composantes : les cognitions ou pensées dépressives négatives, les
processus ou biais de raisonnement, et les schémas cognitifs (règles de pensées apprises au
cours du développement de l’individu et qui guident ses comportements et ses interactions
sociales).
La pensée dépressive pessimiste est expliquée par une suite d’erreurs logiques effectuées
dans le traitement des informations externes ou internes, le déprimé privilégiant involon-
tairement les informations négatives au détriment des informations de nature positive ou
neutre.
Ces auto-verbalisations négatives appelées encore cognitions dépressives forment le
monologue intérieur du sujet déprimé qui consolide sa tristesse. Toutes ces perturbations
cognitives proviendraient de l’activation de schémas dépressogènes stockés dans sa mémoire
à long terme.
Les cognitions
Dans ce modèle, la cognition est envisagée comme une pensée consciente ou une image
mentale qui accompagne le vécu émotionnel de l’individu et interagit avec elle. Les premières
36 cognitions étudiées sont celles de l’état dépressif, elles sont négatives, pessimistes et
concernent tout à la fois, l’individu, les autres et le futur (Beck, 1979).
Si une action thérapeutique permet d’agir sur les cognitions dépressives, négatives de
l’individu alors les émotions de tristesse, de culpabilité et de désespoir diminueront.
Élisabeth, 46 ans, déprimée, nous dit d’elle-même : « Je ne me sens pas très bien. J’ai du mal à
parler, à me concentrer. J’ai des idées noires. Cela ne va peut-être pas très bien dans ma tête.
J’ai beaucoup de difficultés à tout faire, cela m’inquiète. J’ai l’impression que c’est plus grave
que de la dépression. J’ai peur de ne pas pouvoir m’en sortir. Je me sens très mal. »
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Il est à noter que le vécu d’une situation est très personnel. Une même condition engendre
de la tristesse chez une personne, de l’anxiété chez une autre, et de la colère chez une
troisième.
Exemple
Au cours d’une conversation, votre interlocuteur fait une grimace :
– un premier auditeur pourra penser : « Je le dégoûte » et ressentira de la tristesse et de la
culpabilité ;
– un deuxième auditeur se dira : « Il a mal quelque part » et suscitera l’inquiétude ou la peine ;
– un troisième auditeur pourrait se dire : « Il se moque de moi » et sera en colère.
Ces réactions cognitives et leur vécu émotionnel sont dépendants de chacun d’entre nous.
Ces cognitions déclenchent une boucle d’interaction. La pensée structure le vécu émotionnel
qui à son tour influence le mode de pensée construisant petit à petit le discours intérieur
du sujet.
37
« Un cercle vicieux s’installe entre la pensée et l’émotion : elles s’attisent l’une l’autre.
Le schéma de pensée crée une réflexion amplifiée de lui-même sous la forme d’une
émotion qui continue d’alimenter la pensée d’origine. En ressassant mentalement des
idées sur la situation, l’événement ou la personne ayant causé l’émotion, la pensée
alimente l’émotion, qui à son tour déclenche la forme-pensée, et ainsi de suite. »
E. Tolle
• Spécifiques
• Précises
• Brèves : sorte de phrase en style télégraphique.
• Involontaires : elles ne sont pas l’aboutissement d’une réflexion, d’un raisonnement
ou d’une délibération à propos d’un événement ou d’un sujet.
• Autonomes : elles ne s’enchaînent pas logiquement.
• Plausibles
• Raisonnables : leur validité est acceptée sans confrontation avec la réalité.
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• Négatives : les thèmes sont dominés par l’autocritique.
• Douloureuses
• Spontanées : elles apparaissent dans des circonstances qui contredisent leur
contenu. Même si l’expérience ne les valide pas, elles continuent à faire irruption
dans la pensée du sujet jusqu’à la résolution de l’état dépressif.
• Idiosyncrasiques : leur contenu est lié intimement aux problèmes du sujet.
Toujours dans le but d’identifier les phénomènes de cet étage superficiel des cognitions,
Hollon et Kendall (1980, 1986) ont construit le questionnaire des pensées automatiques ou
ATQ (Automatic Thoughts Questionnaire ; traduction française et validation de Bouvard et
al., 1992), qui répertorie les cognitions dépressives (1991). Il comporte 30 items.
Ce questionnaire comprend 21 pensées automatiques typiques du patient dépressif. Cet
outil sert tout à la fois à évaluer la fréquence des cognitions et à les identifier en début
de thérapie. Le score obtenu est une mesure des phénomènes cognitifs. Le total de cet
auto-questionnaire va de 30 à 150. Un patient déprimé obtient des scores compris entre 90
38
et 130.
L’encadré suivant présente un extrait de la version française de l’ATQ.
Pour chaque pensée, veuillez indiquer à quelle fréquence la pensée a été la vôtre
durant la dernière semaine. La cotation s’effectue sur une échelle allant de « Pas du
tout » à « Tout le temps ».
1. J’ai la plus grande difficulté à faire face au monde.
2. Je ne suis pas bon.
3. Pourquoi je ne réussis jamais.
4. Personne ne me comprend.
5. J’ai laissé tomber les autres.
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Beck (1971, 1976) propose une première typologie des erreurs de raisonnement rencontrées
chez le patient anxieux ou dépressif. Il dénombre ainsi six variétés d’erreurs : la surgé-
néralisation, l’abstraction sélective et l’inférence arbitraire d’une part, la maximalisation,
la minimisation et la personnalisation d’autre part. Pour lui, ces processus existent chez
tous les êtres humains, mais il s’effectue dans la psychopathologie psychiatrique une
dysrégulation quantitative avec une sur-utilisation de certains d’entre eux.
Le thérapeute repérera assez vite ces biais de raisonnement, qui amènent le patient à
une représentation partielle de la réalité. Au cours de la thérapie, il apprendra au sujet
déprimé à repérer et à nommer ses mécanismes de raisonnements trop largement utilisés
au détriment d’un jugement plus large.
Les processus cognitifs définis par Beck ont été repris et développés par ses élèves, puisque
Wright, Thase, Beck et Ludgate en ont décrit une vingtaine dans leur ouvrage sur la prise en
charge cognitive des patients hospitalisés (1993). L’encadré suivant récapitule les processus
cognitifs listés par Wright.
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9. La personnalisation : l’interprétation d’une situation ou d’un comportement est
mise en relation avec une caractéristique négative de soi-même.
10. L’abstraction sélective : des événements indésirables ou négatifs sont davantage
rappelés que des événements neutres ou positifs.
11. L’évitement cognitif : les sentiments et les événements déplaisants sont perçus
comme insurmontables, ils sont alors supprimés ou évités.
12. Focalisation somatique : le sujet a tendance à interpréter les stimuli internes
(palpitations, souffle court...) comme des indicateurs fiables d’une catastrophe
imminente, une attaque cardiaque, par exemple.
! La surgénéralisation
La surgénéralisation est le fait de considérer un cas singulier comme une règle générale.
L’application de cette règle à toutes sortes de situations conduit le patient déprimé à
construire des prédictions négatives pour le présent et le futur. Par exemple, un déprimé
dont le dernier week-end passé chez des amis s’est fort mal déroulé déclare : « Je ne me
rendrai plus jamais nulle part. »
Devant une pensée globale formulée par un sujet déprimé, qui a la forme d’une conclusion
du type « Je suis indigne », il est possible de rechercher la pensée primaire source de cette
surgénéralisation.
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Devant une surgénéralisation formulée par un patient, le thérapeute est amené à rechercher
un syllogisme sous-jacent ayant donné forme à cette conclusion générale. Le syllogisme
constitue un des modes de raisonnement privilégié de l’esprit humain. Il se constitue de
deux prémisses, l’une mineure et l’autre majeure, qui additionnées mènent directement à la
conclusion générale (voir « techniques syllogistiques », p. 236).
Marie, 51 ans, explique au cours d’un entretien : « Je suis indigne. » Le thérapeute recherche,
par un questionnement ouvert du type : « Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? », d’autres pensées
sous-jacentes susceptibles de former un syllogisme. Une première prémisse est isolée : « Si les
autres ne m’aiment pas, je suis indigne. » La deuxième prémisse, plus spécifique, s’avère être :
« Jean ne m’aime pas. » Aussitôt, le patient tire de cette dernière une conclusion générale : « Je
suis indigne. » La première prémisse globale fait partie de la structure psychologique du sujet,
elle est réactivée par une diversité de situations, tandis que la seconde prémisse est liée à un
événement spécifique.
! L’abstraction sélective
L’abstraction sélective est l’extraction d’un détail négatif d’une situation, puis son utilisation
hors de son contexte initial. Cette perception sélective néglige d’autres aspects importants
d’une situation vécue ; le sujet n’en perçoit pas la signification globale mais s’enferme dans
sa première conclusion même si tous les éléments de réalité sont contraires.
! L’inférence arbitraire
L’inférence arbitraire est l’émission d’une conclusion sans lien logique avec la réalité.
Jacques, déprimé, se dit : « Ma petite amie n’ose pas rompre et me faire de la peine. » Pourtant,
aucun élément de réalité ne plaide en faveur d’une rupture prochaine.
! La personnalisation
La personnalisation est l’attribution à soi-même de la responsabilité d’événements néfastes.
Elle évoque un mécanisme d’attribution interne.
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Hervé, déprimé depuis quelques mois, explique : « Si ma femme est restée tout le dimanche assise
sur le canapé du salon, c’est parce que je suis déprimé. » En fait, l’immobilisme de son épouse
pendant une partie de l’après-midi recevait bien d’autres explications : fatigue, préoccupations
familiales, décision à prendre pour l’un de leurs enfants... Mais la première idée venue à l’esprit
du patient est une pensée de responsabilité, qui l’implique personnellement négativement.
! La maximalisation
La maximalisation est l’exagération d’un événement mineur pour le sujet.
Maria est déçue par la couleur de l’imperméable qu’elle vient d’acheter. « Il ne convient pas à
mon teint. » et regrette aussitôt son achat. Sa journée prend une tonalité dramatique. Tout va
aller mal comme cet imperméable... Maria en est convaincue.
! La minimisation
La minimisation est la moindre prise en compte des ressources personnelles et des réussites.
Janine, retraitée, déprimée depuis une année environ, se plaint de ne plus avoir le goût de
faire la cuisine : « Je ne fais plus d’effort et prépare tous les jours la même chose. » Or le
42 compte rendu des journées passées par la patiente montre qu’elle réussit de temps en temps
des préparations cuisinées passées sous silence, comme des tomates farcies que son mari a
appréciées. « C’était facile » complète-t-elle...
Les moments agréables et les actions réussies sont, de ce fait, occultés, parce qu’allant de
soi et étant très inférieurs à tout ce qu’elle savait faire auparavant.
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trop naïf, que je fais trop souvent confiance aux autres » ; dans d’autres cas, il s’agit
d’une conclusion trop rapide provenant d’un processus d’abstraction sélective au cours
duquel le patient n’a pris en compte qu’une petite partie de la réalité, celle qui était
négative en ignorant les autres facettes de la situation. Ces erreurs sémantiques sont,
pour le thérapeute, très riches en informations aussi bien sur la représentation qu’à
l’individu de lui-même que sur la nature des contextes de vie qui l’ont amené à tirer
cette conclusion globale.
2. Le style dichotomique, qui est une forme de pensée manichéenne. Le sujet envisage
les situations en termes extrêmes et absolus. Cette perception rigide et simplifiée
des événements conduit à des attitudes radicales, tout en maintenant l’inhibition du
déprimé. Les pensées prennent les formes suivantes : « Si je ne taille pas toute ma
rangée de rosiers aujourd’hui, autant ne rien faire » ou « Je nettoie toute ma maison
pour que cela ait un air propre ou je ne fais rien. »
Ce raisonnement absolutiste confine le sujet déprimé dans l’inaction, car, pour lui, faire un
peu ne sert à rien. Beaucoup de techniques thérapeutiques pendant la thérapie cognitive
auront pour objet de déjouer ce mode de pensée extrême.
Une stratégie comportementale classique est de séquencer l’action prévue et de réaliser
une partie après l’autre jusqu’à obtenir au final la globalité de l’objectif.
Ainsi Jean, 53 ans, déprimé après un licenciement économique, est déjà un peu amélioré sur le
plan de l’humeur et souhaite reprendre une activité. Il envisage d’égaliser sa haie de conifères
autour de sa maison. Cet objectif très ambitieux pouvant être source d’échec vu son ampleur, 43
nous lui suggérons de segmenter son projet. Jean est rassuré par cette proposition et divise la
réalisation prévue en sept tâches réparties en trois jours : louer la tronçonneuse, couper la haie
avant droite, couper la haie avant gauche, ramasser les branches du devant, terminer la haie du
côté droit et ramasser, finir la haie du côté gauche et ramasser, enfin, achever par la taille de la
haie du fond du jardin. De plus, il accepte de demander de l’aide pour le ramassage puis pour le
déblaiement à la déchetterie.
Tout n’est pas simple. Jean ne s’était pas livré à une telle activité depuis plus de cinq ans
et se fatigue, la seconde étape de la haie du demi-jardin droit se solde par des difficultés, le
maniement de la tronçonneuse se révèle plus laborieux que prévu... Et Jean commence à avoir
des pensées négatives du type : « Je ne finirai jamais au bout de mes trois jours de location du
matériel. »
Après ces débuts difficiles, Jean prend de l’assurance, et atteint tout juste son objectif le
troisième jour, aidé par deux de ses voisins.
Dès la deuxième étape, Jean, contrarié comme tout débutant qui se bat avec un nouvel engin,
était de nouveau prêt à basculer dans le processus dichotomique. Sa pensée négative le menaçait
et risquait de tout lui faire arrêter. Mais Jean était déjà à un stade de la thérapie (environ
neuvième séance) qui lui permettait de déjouer les pensées pessimistes.
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Retrouvons Jean qui nous dit : « Je dois avoir fini à la fin du troisième jour de location, tout
doit être taillé, il faut que ma maison ait une allure correcte. » Dans la réalité, Jean pouvait
donc prendre son temps bien davantage. Aucun événement ne le poussait à finir à une date fixe.
Il pouvait louer la machine un jour supplémentaire ou encore la louer plusieurs fois en espaçant
les coupes... Jean se créait seul cette obligation dans le temps.
On voit ainsi nombre de personnes dont le discours entier est ponctué par ces injonctions :
il faut que je me lève, il faut que je m’habille, il faut que je mange...
Le thérapeute amène ces patients à identifier ces impératifs catégoriques, puis à tester leur
véracité dans la réalité. Dans la majorité des cas, ces obligations sont imposées par le sujet
lui-même et constituent même dans certains cas un mécanisme de lutte contre l’inhibition
dépressive. Malheureusement, les objectifs ainsi fixés sont démesurés. Le patient ne peut
les atteindre du fait de sa dépression. Paradoxalement, ces impératifs l’enferment alors dans
davantage d’inhibition.
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Fréquence
Pas du tout Occasionnel La plupart Presque tout
(Cela n’est (1-2 jours sur du temps le temps
jamais arrivé) la semaine (3-5 jours sur (6-7 jours sur
écoulée) la semaine la semaine
Intensité écoulée) écoulée)
J’y ai cru... 0
Un peu (30 %) 1 2 3
Beaucoup
2 3 4
(31 % à 70 %)
Énormément
3 4 5
(plus de 70 %)
45
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Dans cet objectif, 55 sujets déprimés participent à l’étude et suivent pendant six mois une
TCC à raison d’un entretien par semaine (programme de Beck). Les résultats montrent que
le niveau d’interférence décroît significativement pour le matériel auto-référent chez les
patients dont la TCC a été un véritable succès par rapport à la dépression. Pour les sujets
très améliorés, le concept de soi négatif observé en phase dépressive apparaît donc moins
marqué après le retour à la normothymie.
Segal propose, pour l’interprétation des résultats expérimentaux, qu’il existerait une
réorganisation des informations auto-référentes négatives dans la structure cognitive
du sujet.
Plusieurs études se succèdent et confirment l’hypothèse que les sujets ayant connu
l’expérience dépressive ont un plus haut niveau d’activation de leurs schémas cognitifs
activés pendant la phase dépressive (pris sous la forme d’attitudes dysfonctionnelles
évaluées par la DAS). Les études montrent qu’il existe plus de pensées dysfonctionnelles
quand le patient se sent le plus mal. En revanche, quand le patient se sent mieux, il n’existe
pas de réactivation de pensées dysfonctionnelles.
La différence entre sujets déprimés et non déprimés ne résiderait donc pas dans leur manière
de penser, mais dans leur procédure d’évaluation qui fait appel, chez les sujets ayant connu
la dépression, à des croyances psychologiques personnelles facilement activables.
La réactivité cognitive
Quand ils se sentent tristes, les anciens déprimés réactivent des modèles de pensées
qu’ils avaient déjà expérimentés pendant la dépression.
Segal nomme cet effet « la réactivité cognitive » (2001).
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Cette réactivité cognitive pourrait croître avec le nombre d’épisodes. Le mécanisme pourrait
expliquer le constat fait en clinique : le premier épisode dépressif résolu est souvent précédé
d’un épisode de vie stressant, mais progressivement les événements de vie stressants jouent
un rôle moindre et les épisodes dépressifs ultérieurs sont de plus en plus faciles à déclencher
(Ingram, Miranda et Segal, 1998). Il est ainsi constaté 45 % d’événements stressants avant
le premier épisode dépressif, 35 % avant le deuxième épisode, 25 % avant le troisième
épisode dépressif.
La vulnérabilité cognitive serait abordée dans le processus de la TCC de deux manières :
d’une part le repérage et l’évaluation des pensées négatives dépressives, d’autre part la
confrontation au cours de la technique de « l’examen de l’évidence » qui constitue une des
méthodes de recherche d’alternatives de pensées. Cette technique est apprise au patient
dans la première moitié de la thérapie (cf. Leçon 6).
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De nombreuses études validées ont démontré l’efficacité des TCC sur l’amélioration des
symptômes dépressifs des troubles unipolaires à court et moyen termes.
Ces thérapies brèves ont montré leur efficacité dans l’accélération de la rémission clinique
et la diminution du taux des récidives dépressives. Elles agissent au niveau des symptômes
en augmentant le taux d’activités volontaires du patient ; au niveau des modes de pensées
dépressifs en les confrontant à la réalité et au niveau des vulnérabilités psychologiques
personnelles en identifiant des « schémas cognitifs » qui contribuent fortement à l’état
dépressif et à ses rechutes.
• Dobson en 1989 répertorie 28 études effectuées entre 1977 et 1987, et conclut sa
méta-analyse par un effet positif de la TCC chez 70 % des patients déprimés.
• La même année commence la plus grande étude multicentrique sous l’égide du National
Institute for Mental Health (NIMH), qui inclut le plus grand nombre de patients. Les sujets
sont répartis aléatoirement en quatre groupes : TCC seule, thérapie interpersonnelle,
Imipramine seule, placebo. Après 6, 12 et 18 mois, les patients des trois premiers
groupes s’améliorent plus que ceux du groupe placebo. Les dépressions très sévères
réagissent mieux aux antidépresseurs. Le groupe sous thérapie cognitive n’obtient pas
de meilleurs résultats que le groupe sous thérapie interpersonnelle. De très nombreuses
publications seront issues de cette étude, qui sert désormais de référence, afin d’identifier
les différents processus de changement opérés par chaque démarche. 49
• D’autres publications contemporaines ouvrent une nouvelle voie où les TCC deviennent une
alternative efficace pour les patients qui ne répondent pas au traitement antidépresseur.
Une deuxième série d’essais cliniques a pour objectif d’évaluer l’impact des thérapies
comportementales et cognitives à moyen et long terme.
• Gloagen et al. répertorient 78 études publiées entre 1985 et 1996. Ils excluent rapidement
30 études, la plupart non randomisées ou sans groupe contrôle. Les 48 études retenues
montrent un effet préventif des TCC : en moyenne 29 % des patients ayant suivi une TCC
rechutent à un an, contre 60 % des patients sous antidépresseurs. La revue montre que
les patients qui bénéficient des deux approches combinées réduisent de 60 % le taux de
rechutes et obtiennent ainsi un gain considérable.
• Quelques années plus tard, Vittengl poursuit cette revue de littérature. Toutes les études
constatent même après arrêt de la thérapie à un an, un taux de récidive très réduit, de
29 % à un an, et de 54 % à deux ans.
• Ces taux peuvent être similaires à d’autres approches psychothérapiques, mais sont bien
meilleurs qu’avec les traitements pharmacologiques seuls.
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• Jarrett et al., en 2001, conduisent la première étude qui compare l’efficacité de la TCC à
long terme sur deux années de suivi, en ajoutant ou non des entretiens de consolidation
chez les patients répondeurs à la thérapie. 84 % des patients, répondeurs, sont répartis
par randomisation en deux groupes, (un groupe contrôle et un groupe bénéficiant de dix
séances supplémentaires de TCC). La phase d’entretien de la thérapie permet de réduire
le risque de rechutes de manière significative : 10 % versus 31 % au premier re-test à
huit mois. Ce résultat s’accentue à deux ans de suivi, avec un taux de récidive de 16 %
pour le groupe avec TCC prolongée contre 67 % pour le groupe contrôle.
• Un dernier résultat très intéressant pour les patients dont l’état de rémission (après la
phase aiguë de thérapie) reste instable et précaire, la phase d’entretien de TCC permet
de réduire significativement le risque de rechutes et de récidives (37 % versus 62 %).
Une troisième vague d’études explore l’effet des TCC chez des patients à haut risque de récidive,
en particulier des patients souffrant de symptômes résiduels.
• Paykel et al. incluent 158 patients, en rémission partielle avec des symptômes résiduels
existants depuis deux mois jusqu’à 18 mois selon les sujets après randomisation
en deux groupes : une prise en charge de soutien et de conseils ou une prise en
charge TCC (méthode de Beck de 16 séances, réparties sur 20 semaines). Le traitement
pharmacologique a été poursuivi à l’identique. Les taux de rechutes cumulés à 68 semaines
de suivi sont de 47 % dans le groupe contrôle et de 29 % dans celui traité par TCC.
Les recherches actuelles s’orientent vers l’identification des bons répondeurs aux thérapies
50 médicamenteuses ou psychothérapiques : quelle est la méthode psychothérapique la plus
efficace pour quel type de patient ? Pour quelle forme de maladie ?
• Pour exemple, Bagby et al. se proposent d’identifier des aspects de personnalité qui
favoriseraient l’indication et l’optimisation du traitement offert aux sujets déprimés.
L’ensemble de ces travaux nous permet de conclure à une spécificité d’action des TCC qui
s’illustre par :
– une rémission plus rapide des symptômes dépressifs ;
– une action initiale sur les contenus de pensée pessimistes, désespérés voire suicidaires ;
– une action primaire cognitive puis physiologique inverse à celle des antidépresseurs.
L’importance des changements précoces en TCC est confirmée par l’étude de Derubeis et
al. Au cours des quatre premières semaines, l’amélioration du désespoir, de l’humeur et
de l’estime de soi apparaît plus précocement que l’amélioration de la symptomatologie
neurovégétative ou de la motivation, alors que pour le traitement pharmacologique aucune
modalité temporelle caractérisant le changement n’a été remarquée.
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L’hypothèse serait que la TCC implique une participation active du patient qui activerait dès
le début de la thérapie des stratégies pour faire face à la réalité.
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RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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NOTES
53
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Leçon 3
Comment créer
une bonne alliance
54
thérapeutique
avec un patient déprimé ?
Objectifs
Développer une relation de collaboration
Mettre en œuvre les techniques d’entretien
propres aux TCC
Avoir un discours éducatif
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PLAN DE LA LEÇON
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Les études linguistiques appliquées aux discours produits par les patients psychiatriques se
sont largement multipliées tout en laissant le champ des troubles thymiques moins explorés.
Les recherches menées sur les perturbations du langage chez les patients déprimés ont été
caractérisées par l’hétérogénéité des méthodes d’analyse employées et par la diversité des
hypothèses testées. Ces études ont observé le comportement verbal de déprimés recevant
un traitement pharmacologique mais ont peu pris en considération des sujets déprimés
poursuivant une thérapie verbale. Si unanimement les travaux reconnaissent que le discours
du sujet dépressif est constitué de phrases courtes aux thèmes monocordes et redondants,
peu d’études abordent les aspects quantitatifs.
Historiquement, seul le travail mené par Andreasen (1976) apporte davantage de résultats.
L’auteur confirme l’idée généralement admise que la structure syntaxique du discours du
sujet déprimé n’est pas altérée.
La comparaison d’indices grammaticaux produits par des patients déprimés et par des
56 patients maniaques montre que le déprimé utilise plus de pronoms personnels, la première
personne du singulier, et plus de verbes d’états (verbe être, par exemple) que le maniaque.
En revanche le patient maniaque se réfère plus aux objets du monde et s’exprime plus en
verbes d’action.
Enfin une analyse thématique du contenu verbal rend compte que le déprimé donne à
entendre un discours de blâme et d’auto-dévalorisation. À l’opposé, le maniaque offre un
discours de complétude, d’accomplissement, voire de mégalomanie.
Si nous nous tournons vers l’autre côté du miroir, le discours interne, que le sujet déprimé
se tient à lui-même, sans le verbaliser à l’extérieur, est caractérisé pour Beck par un
monologue intérieur constitué d’une succession de pensées pessimistes (cognitions ou
« pensées automatiques »). Elles sont plausibles, spontanées et involontaires. Le sujet ne
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peut empêcher leur survenue. Ces pensées spontanées, non précédées par un raisonnement,
forment le mode de pensée dépressif. Ce mode de pensée pessimiste et désespéré est
dangereux pour l’individu, qui adhère à ces raisonnements engendrés par la maladie
dépressive, dans la mesure où ces pensées sont déduites de son système de croyances
dépressif et à ses représentations négatives de lui-même.
« La pensée passe des commentaires, fait des spéculations, émet des jugements,
compare, se plaint, aime, n’aime pas, et ainsi de suite. Ce que cette pensée énonce
ne correspond pas automatiquement à la situation dans laquelle vous vous trouvez
dans le moment. Elle ravive peut-être un passé proche ou lointain ou bien alors
imagine et rejoue d’éventuelles situations futures. Dans ces moments-là, “la voix
intérieure” imagine souvent que les choses tournent mal et envisage des résultats
négatifs. Cette bande sonore s’accompagne parfois d’images visuelles ou de “films
mentaux”. Et même si ce que la voix dit correspond à la situation du moment, elle
l’interprétera en fonction du passé. »
E. Tolle
Les cognitions dépressives, en grande majorité de continu négatif, ont pour thèmes
l’auto-dépréciation, le sentiment de perte ou de rejet par les autres, l’exagération des
difficultés, l’exigence tyrannique envers soi-même.
L’auto-dépréciation est le noyau à partir duquel s’organisent logiquement les autres
cognitions. Une perception de soi-même diminuée conduit donc à ressentir exagérément 57
les difficultés et à anticiper négativement l’avenir.
Un patient déprimé dont le discours intérieur est envahi à plus de 75 % de pensées
négatives du type « Je suis nul », « Je n’y arriverai pas », « Je ne suis décidément plus
capable de faire quoi que ce soit » ne construira pas de projet, restera prostré dans une
forme d’inaction qui a été appelée « le cercle de la léthargie ».
Les cognitions dépressives du type « Je n’y arriverai plus jamais », « Je ne me reconnais
pas », « Je suis devenue une autre personne » traduisent ces phénomènes.
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Les cognitions ne sont pas :
• des réflexions,
• contrôlées,
• lentes,
• celles des autres,
• l’expression de faits réels.
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Les futures recherches et les explorations menées par la radio imagerie nous permettront de
mieux encore comprendre les dysfonctionnements cognitifs accompagnant l’état dépressif.
Si les entretiens sont d’une durée habituelle de 45 minutes, ils peuvent être réduits
au moins de moitié (15-20 minutes) et seront toujours fonction de la fatigabilité, des
difficultés d’attention, de concentration du sujet déprimé.
L’ATTITUDE DU THÉRAPEUTE 59
L’empathie
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• Puis, le psychologue E.B. Titchener inventa le terme d’empathie dans les années
1920, à partir du grec empatheia (sentir intérieurement). Pour lui, l’empathie dérive
d’une sorte d’imitation physique de l’affliction d’autrui, imitation qui suscite les
mêmes sentiments en soi.
• D’un point de vue évolutionniste, on peut considérer que les concepts d’empathie,
d’intuition, d’altruisme, de sensibilité sociale, de contagion des émotions et de
communication non verbale impliquent tous un processus cognitif de communica-
tion directe et immédiate ou encore syncrétique et non conscient par opposition
à un système de traitement de l’information.
! La créativité
Au fil des séances, la spontanéité, la créativité et l’ingéniosité du thérapeute sont mises à
contribution dans la sélection des techniques cognitives à utiliser. Même si cette thérapie
est bien structurée, le thérapeute fait en effet largement appel à son intuition et à son
expérience pour mettre en œuvre les approches qui lui semblent les plus pertinentes. Il peut
ainsi faire part d’expériences personnelles au cours desquelles les cognitions ont amené
des émotions désagréables, pour montrer que les stratégies thérapeutiques sont utiles pour
tous, en veillant à ne pas dévoiler sa vie privée.
Voici quelques exemples de patients déprimés qui illustrent concrètement les différents
mécanismes cognitifs.
60
Exemples
« J’étais en retard, j’ai vu le car arriver, j’ai couru mais il ne m’a pas attendu, j’étais en colère et je
me suis dit que ce n’était vraiment pas mon jour. »
« J’ai tenté de joindre un ami pour confirmer un rendez-vous, j’ai eu directement son répondeur,
j’ai été déçue, et je me suis dit qu’il n’avait pas entendu son téléphone. »
Le patient se reconnaît le plus souvent dans ces témoignages qu’il complète alors par des
expériences personnelles.
Par ailleurs, le clinicien incite son patient à la patience. Il lui explique que l’acquisition de
ces procédures demande du temps.
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compte des croyances et des interprétations du patient sans le persuader de leurs éventuels
illogismes. Au contraire, il amène le patient à confronter ses prédictions et ses cognitions
avec la réalité afin d’établir leur niveau d’adéquation.
En dehors de l’établissement de la relation d’aide, le thérapeute peut néanmoins se montrer
momentanément directif au cours de l’abord de certaines stratégies thérapeutiques comme
à l’identification des cognitions et des émotions jusqu’au moment où le patient utilise seul
ces procédures ; dès lors le thérapeute est moins incitatif et poursuit avec le patient la
démarche exploratoire vers les schémas cognitifs.
Pour ce faire, dès les années 1970, Beck décrit un style relationnel propre aux thérapeutes
cognitifs. Ce style constitue une base fondamentale, que le thérapeute utilise dès les
premiers entretiens même si aucune indication de TCC n’est encore posée.
Question ouverte : question pour laquelle il n’y a pas de réponses préétablies proposées
au répondant, celui-ci est donc entièrement libre dans sa réponse.
Question fermée : question pour laquelle la personne interrogée se voit proposer un
choix parmi des réponses préétablies (par exemple oui/non).
Question inductive : a pour point de départ des situations concrètes et accessibles à
l’observateur et a pour but d’amener à dégager des concepts, des principes ou des
règles applicables.
Question déductive : a pour point de départ des concepts, des définitions, des principes,
des règles à appliquer et a pour but de les mettre en pratique par des applications
concrètes.
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comportements qui vous gênent le plus ? Décrivez-moi les relations que vous avez avec
votre famille ?... »
Ce questionnement reconstitue progressivement l’anamnèse, les antécédents et les facteurs
de stress psychosociaux.
Les entretiens suivants permettent de réaliser une analyse fonctionnelle des troubles et
évaluent leurs conséquences internes, émotionnelles et externes sur la qualité des relations
interpersonnelles.
Enfin, ce type de questions permet d’apprécier certaines capacités du sujet : comment
fait-il face à des situations problématiques pour lui ? Quel est son niveau de confiance en
lui ? Comment peut-il mettre en place des alternatives de pensées sans s’enfermer dans une
interprétation unique et absolue de la réalité ?
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P — Le matin je tourne en rond chez moi, je n’arrive pas à commencer quelque chose et je reste
assis dans mon fauteuil.
T — Que pourriez-vous entreprendre ?
P — J’ai tout le jardin à désherber. J’ai plein de bricolage à faire dans mon appartement.
T — Sur quels critères jugez-vous que quelqu’un d’autre est un fainéant ?
P — C’est quelqu’un qui se laisse aller, qui fait faire les choses par les autres. C’est une personne
qui utilise les autres, qui s’économise.
T — Parmi ces critères, lesquels appliquez-vous à vous-même ?
Le problème global s’envisage ainsi sous différentes facettes concrètes, ce qui soulage
le patient, en proie à une émotion désagréable et floue. L’action du thérapeute est de
faire formuler de façon spécifique le problème. Il fait expliciter les difficultés et obstacles
rencontrés et fait préciser les termes vagues dans une démarche de concrétisation. Il
conduit ainsi son patient à envisager un problème général qui lui semble insurmontable,
en plusieurs composantes maîtrisables.
La démarche socratique
Le dialogue d’inspiration socratique mène le patient à s’auto-évaluer et à argumenter ses
prédictions.
Le questionnement socratique se compose d’une succession de questions inductives ou
déductives, choisies par le thérapeute, qui conduit le patient vers une conclusion plus 63
générale. Le patient déprimé est guidé par le thérapeute vers une appréhension plus globale
et plus argumentée des événements. Une situation donnée ne donne pas lieu à une seule
interprétation, mais à une multitude de représentations possibles. Tout au long de cette
progression, le patient découvre peu à peu des schémas de croyance sous-jacents, sortes
de règles fondamentales qui influencent ses perceptions.
L’exemple suivant est celui d’une femme d’une trentaine d’années souffrant d’une humeur
dépressive et d’un trouble des conduites alimentaires.
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T — Si vous comptez le nombre de fois où vous avez cédé à la tentation, par rapport au nombre
de fois où vous vous êtes contrôlée, quelle proportion cela représente-t-il ?
P — Une fois sur vingt peut-être.
T — Si vous vous contrôlez vingt fois et que vous cédez une fois, est-ce que cela veut dire que
vous êtes faible ?
P — Je ne crois pas.
T — Qu’est-ce que vous pourriez en dire d’autre ?
Cette démarche permet de montrer à la patiente qu’en dépit de son humeur dépressive,
elle a pu maintenir ses objectifs alimentaires, auxquels elle tient, et que sa fréquence
« d’échecs » demeure faible.
LE FEEDBACK
Il s’agit, par définition, d’une rétroaction opérée par le thérapeute ou par le patient, afin
d’augmenter la probabilité d’émission d’un comportement. C’est donc un renforcement
positif. Beck, dans son guide thérapeutique, utilise aussi ce terme dans un sens proche
de celui de reformulation. Ce feedback, tel qu’il est défini par Beck, répond à plusieurs
objectifs.
Il permet tout d’abord de s’assurer que thérapeute et patient suivent une même direction,
64 qu’ils débattent bien du même problème, de développer la relation collaborative en proposant
en fin d’entretien des interventions telles que : « Y a-t-il quelque chose que je vous
ai dit au cours de la séance qui vous ait irrité, ou pour laquelle vous souhaitez plus
d’éclaircissements ? »
Le feedback opère encore une autre action fondamentale, celle d’améliorer la mémorisation
des propos du thérapeute et par conséquent l’apprentissage des différentes techniques
cognitives abordées en séance. L’utilisation régulière de cette rétroaction verbale favorise
l’intégration des techniques cognitives apprises au patient.
Plusieurs travaux scientifiques (Bandura, 1977) ont montré que la pratique active d’un
résumé par celui qui observe, qui écoute, le rend bien plus apte à apprendre et à retenir
les informations délivrées. Des scientifiques hollandais ont montré en 1993, à l’aide
d’enregistrements d’entretiens de thérapies cognitives de patients déprimés, que le sujet
s’approprie les feedbacks dès la sixième séance de thérapie. En effet, s’ils sont formulés
en début de thérapie par le thérapeute, celui-ci propose peu à peu au patient de s’engager
dans ces reformulations, qu’il utilise spontanément en fin de thérapie.
Dernier atout, le feedback possède une fonction de renforcement positif, fondamentale
dans la relation interpersonnelle, étant donné le processus décrit par Lewinsohn de perte
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• Action exercée sur les causes d’un phénomène par le phénomène lui-même.
• Processus de régulation de la communication qui permet à l’émetteur originel de
savoir si le récepteur a bien compris le message et de l’adapter en conséquence.
• Synonyme de rétroaction et de rétrocontrôle.
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Ce test vous a permis de constater le décalage qu’il peut y avoir entre la perception d’une
situation et sa réalité.
P — Oui, en effet. Le but de cet exercice était de savoir si mes amis ne voulaient plus me voir,
comme je le supposais. Et en plus Marilyne m’a proposé une nouvelle sortie.
Un deuxième exemple pour témoigner de la variété des situations possibles.
Quelques jours avant le neuvième entretien de thérapie cognitive, alors que l’intensité de l’état
dépressif est modérée.
THÉRAPEUTE — Bonjour Monsieur. Comment s’est déroulée votre semaine ?
PATIENT — Cette semaine, cela a été très bien jusqu’à dimanche et lundi, le grain de sable, je
n’ai pas pu me rendre à mon travail. J’étais mal. Je ne me suis pas levé.
T — Aujourd’hui nous sommes mercredi ; qu’avez-vous fait depuis lundi ?
P — Je suis resté chez moi. Hier j’ai eu honte de retourner à mon travail.
T — Nous allons examiner davantage cette situation dans quelques instants, ainsi que les
pensées qui ont accompagné ces quarante-huit dernières heures. Que vous avais-je demandé de
faire pour aujourd’hui ?
P — Je devais travailler sur mon schéma, j’y ai beaucoup pensé mais je n’ai rien écrit.
T — Qu’est-ce que je vous avais demandé d’autre ?
P — De recontacter un ami d’enfance, un confident qui compte beaucoup pour moi. Je l’ai
appelé et nous allons nous voir.
T — C’est bien, vous avez pu reprendre ce contact qui vous était cher puisque vous avez le
projet de vous rencontrer... En ce qui concerne le schéma, la dernière entrevue montrait votre
hésitation entre plusieurs formulations : « Il faut que je sois le premier, sinon je ne vaux rien »
ou bien encore : « Si je pense ne pas être le premier dans une entreprise, je préfère ne pas
66 la commencer », etc. Souhaitez-vous aujourd’hui continuer ce travail sur la formulation de ce
schéma ou un autre objectif vous paraît-il plus urgent ?
Du fait de la plus grande inhibition du patient, le feedback est dans ce deuxième exemple
plus alternatif. Le patient effectue le rappel des prescriptions demandées et le thérapeute
fait une synthèse très courte du dernier entretien. L’attitude du thérapeute est guidée par
l’état émotionnel du patient déprimé.
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THÉRAPEUTE — En début de séance nous avions choisi comme objectif la pensée : « Mon mari est
responsable de ma dépression. » Pourriez-vous me rappeler toutes les autres hypothèses, toutes
les autres circonstances qui vous ont semblé participer à votre état dépressif ?
PATIENT — Nous avons vu qu’à cette même période, je venais d’interrompre une thérapie que
je suivais depuis quelques mois parce que je n’avais pas confiance. J’en ai aussi assez de mon
travail, j’aimerais changer, trouver autre chose, je ne sais pas ce que je veux faire.
T — Tout à fait. Vous aviez dit, il y a quelques instants, que certes vous aviez des difficultés
de communication avec votre mari et un besoin affectif qui n’était plus satisfait. Mais d’autres
facteurs se surajoutaient au contexte, comme l’arrêt de votre thérapie et votre lassitude
professionnelle. Est-ce bien cela ?
P — Oui.
T — Pourriez-vous estimer à nouveau votre niveau de conviction par rapport à votre croyance
initiale : mon mari est responsable de ma dépression ?
P — 55 %.
T — Votre conviction est passée de 100 à 55 % et notre démarche exploratoire vous a permis
d’identifier d’autres facteurs liés à l’environnement et personnels. Vous avez pu réaliser tout à
fait convenablement ce cheminement en dépit de votre concentration amoindrie. On peut penser
que vous pourriez donc reproduire prochainement cette démarche.
67
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LE RENFORCEMENT POSITIF
Le thérapeute s’attache à valoriser son patient. Dans son mode d’interaction avec un sujet
déprimé, il se développe un rapport de coopération. Le patient déprimé est ainsi étayé par
un climat de confiance et d’authenticité. Le sujet déprimé attend une compréhension de
la part du thérapeute, parce qu’il se sent rejeté, incompris de son milieu familial, social
ou professionnel. Son humeur dépressive et anxieuse lui fait envisager, au travers de ses
cognitions, un avenir sans espoir, en proie à une maladie mentale irréversible. Il a besoin
de se sentir écouté par un spécialiste de la dépression connaissant ses conséquences
comportementales et cognitives.
Le thérapeute favorise les renforcements positifs verbaux à chaque tâche réalisée, à chaque
progrès effectué par le patient. Il reste dans son style interactionnel, toujours gratifiant,
car de nombreux travaux, dont ceux de Lewinsohn, ont démontré combien le sujet déprimé
subit douloureusement l’absence ou l’inaccessibilité aux renforcements positifs personnels
ou environnementaux. De plus, sachant que le renforcement positif permet d’augmenter
la probabilité d’émission du comportement renforcé, le patient poursuit plus aisément
la réalisation des objectifs demandés ou encore ses auto-observations sur son carnet de
thérapie. Ce processus aide le patient à se définir comme une personne capable de prendre
en charge progressivement sa thérapie.
Une excellente occasion se présente au moment de la revue du travail personnel à effectuer
68 entre les séances :
« Je suis heureux pour vous que pendant cette soirée vous ayez pu prendre du bon
temps. »
« J’espère que vous approuvez que vous êtes capable de faire... »
« Comme c’est formidable que vous ayez été capable de faire ce dont vous aviez besoin. »
« C’est impressionnant comment vous n’avez pas suivi vos pensées négatives. »
LE DISCOURS PSYCHOÉDUCATIF
• Il permet d’améliorer la qualité des informations cliniques transmises pour réagir
précocement devant des signes d’alerte. Les mots-clés en sont la collaboration,
l’information et la confiance.
• Il permet également de diminuer l’incompréhension de la maladie pour le bien-être
psychologique du patient, le faisant passer d’une position de culpabilité à une position
responsable avec acceptation de la nécessité du déroulement thérapeutique.
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Un certain nombre d’étudiants sont sceptiques sur la prescription de ces tâches à domicile
et sur la capacité du sujet déprimé à les effectuer.
En fait, plusieurs éléments contribuent à leur réalisation :
• En premier lieu, l’adaptation des exercices. Le patient déprimé est tout à fait capable de
réaliser toutes ses tâches, car elles sont toujours adaptées à l’individu, si le travail est
choisi en tenant compte des difficultés du sujet déprimé, de son ralentissement et de ce
qui le préoccupe... Chez un patient déprimé hospitalisé dont la dépression est intense,
les entretiens sont courts en durée, du fait de sa fatigue et de sa concentration limitée ;
les exercices quotidiens seront également adaptés à ses aptitudes.
Tous les exercices sont commencés en séance avec le thérapeute, afin que le patient ait un
modèle à suivre, le « modeling participatif ».
70 • En second lieu, et de manière tout aussi importante, vient le respect du travail accompli
pour la séance de TCC. Le patient, qui a réalisé une tâche souvent difficile pour lui
dans un esprit de collaboration et de confiance, sera sensible à la démarche faite par le
thérapeute pour prendre connaissance du travail réalisé et pour lui poser des questions
exploratoires complémentaires, afin de mieux comprendre encore son fonctionnement
psychologique et cognitif.
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☞
• Engager le patient dans la prise en charge de sa thérapie, c’est-à-dire le conduire
à s’autonomiser progressivement du thérapeute, en devenant capable entre les
séances de mieux gérer les situations émotionnelles et de reprendre des activités
propres, jusque-là empêchées par la dépression.
! Le début de séance
Le choix du thème abordé dans la séance : « Quels problèmes devrons-nous noter sur la
liste des sujets à discuter aujourd’hui ? » Le patient sélectionne la situation émotionnelle
qu’il veut travailler en séance, parce qu’elle l’a particulièrement touché.
De cette façon, il participe activement à l’organisation du contenu de la séance, appelé
techniquement « l’agenda ». Chaque séance est ainsi consacrée plus spécifiquement à
l’analyse précise d’une situation personnelle qui a fait souffrir le patient et que celui-ci
choisit comme situation cible à travailler.
71
L’interaction se manifeste, par exemple, dans le dialogue : « Quel est votre niveau de
conviction par rapport à cette première pensée qui a surgi dans votre esprit : “Je ne vaux
rien”, lorsque votre ami ne vous a pas salué ? »
Chaque séance débute par l’établissement d’un agenda avec le patient, c’est-à-dire du choix
de la situation-problème à examiner et de l’explicitation du programme de la séance de
thérapie :
« Aujourd’hui nous allons aborder ensemble cette idée : “Je ne vois pas le futur pour moi”
et nous réserverons la fin de la séance pour faire le point sur votre prise médicamenteuse. »
De ce fait, à l’agenda succède la prise en compte des événements survenus depuis la séance
précédente et la réalisation des exercices prescrits. Le thérapeute demande au patient un
relevé écrit de ses activités. Pendant toute la thérapie, l’auto-enregistrement par écrit des
comportements, des émotions et des cognitions est préconisé. Ce relevé, réalisé sous forme
d’emploi du temps par exemple, favorise non seulement la prise de conscience des activités
quotidiennes réalisées, mais aussi la sensation de contrôle du patient sur sa vie.
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Ce début de séance est privilégié pour faire le point sur l’état du patient, pour mettre en
évidence les moments de la vie quotidienne qui deviennent moins pénibles à affronter et
pour renforcer le sujet dans ses progrès.
! Le milieu de séance
La partie centrale de l’entretien est consacrée au travail sur les cognitions dépressives
associées à différentes inhibitions. Thérapeute et patient deviennent alors co-examinateurs
de tels processus mentaux.
! La fin de séance
La fin de l’entretien est l’occasion de montrer la progression des points de vue par rapport à
la cognition choisie comme objectif de séance. Thérapeute et patient définissent ensemble
les exercices à réaliser hors entretiens. Le résultat de cette expérimentation permet au
patient de confirmer ou d’infirmer sa prédiction et de réajuster son attitude par rapport à
ses pensées pessimistes.
Enfin le feedback de fin de séance contribue à lever les ambiguïtés de compréhension et à
éclaircir éventuellement les attitudes émotionnelles du patient et du thérapeute apparues
en cours de séance.
72
Un cadre formel et informel
Ce cadre formel semi-structuré évolue en fonction du stade de la thérapie. Les premières
séances visent à recueillir des données cliniques et anamnestiques, puis à expliciter le
modèle de la thérapie. Aussi le thérapeute prend-il une part plus importante au début. Par
la suite, les temps de parole du thérapeute et du patient vont s’inverser progressivement.
Le patient devient plus actif, prend plus d’initiatives, son style verbal est plus narratif et
plus argumenté (Mirabel-Sarron et Blanchet).
L’aménagement du cadre formel porte également sur la durée des entretiens. Le temps
imparti aux séances est d’une quarantaine de minutes environ. Cependant, si l’état dépressif
est majeur et si le patient présente beaucoup de difficultés de concentration, diminuer la
durée des entretiens de moitié est possible. Le patient sera reconnaissant au thérapeute de
sa flexibilité, de sa compréhension, le climat de confiance s’établira plus facilement et la
démarche thérapeutique n’en sera que facilitée plus tard.
En somme, les points forts de cette thérapie tiennent aux qualités tout à la fois formelles et
informelles du cadre. Côté informel, ce cadre semi-structuré laisse au thérapeute la possibilité
d’exprimer son ingéniosité et sa créativité. Côté formel, la structure montre tout son intérêt
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Cette relation collaborative est reconnue par plusieurs auteurs comme essentielle à la
démarche thérapeutique cognitive. La collaboration permet au patient déprimé de moins
se sentir diminué dans son estime de soi déjà très amoindrie par la dépression. Le patient
sent qu’il a un rôle dans la relation thérapeutique. Patient et thérapeute partagent dans
l’entretien leurs points de vue, leurs perceptions, leurs représentations et les émotions
ressenties.
« La pierre n’a point besoin d’être autre chose que pierre. Mais de collaborer, elle
s’assemble et devient temple. »
Antoine de Saint-Exupéry
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Comme dans les TCC traditionnelles, la relation thérapeute-patient est très interactive,
collaborative, dans laquelle chacun échange ses points de vue dans le but de résoudre
au mieux les difficultés du sujet. Le thérapeute très empathique, ouvert et participatif
construit avec le patient une alliance thérapeutique forte facilitant l’acquisition d’outils
psychologiques utiles à la gestion émotionnelle.
En revanche, les outils des deux premières vagues sont employés dans une démarche parfois
différente. Par exemple l’exposition n’est pas utilisée pour réduire les émotions difficiles
75
mais pour aider les patients à s’engager vers ce qui compte réellement pour eux. On ne
recherche donc ni l’habituation ni l’extinction, comme c’est le cas pour les TCC classiques.
En ce qui concerne le langage, il n’est pas proposé de modifier les pensées, mais de faire
une défusion en lui redonnant sa place de convention arbitraire ; on ne recherche pas
d’alternative de pensée. Le questionnement ouvert est utilisé mais cette fois-ci pour explorer
le champ des conséquences et la confrontation aux valeurs de l’individu. Ici, le travail
cognitif consiste à faire prendre conscience au patient de l’efficacité ou inefficacité de ses
comportements sur les événements psychologiques qu’il cherche à contrôler. Le thérapeute
guide le patient en lui posant des questions sur la durée passée à chercher des solutions
à son « problème » et sur les différentes voies et méthodes qu’il a explorées. Il lui fait
appréhender les conséquences de ses évitements au regard du but recherché : dans quelle
mesure parvient-il au contrôle des événements ? Est-ce que chaque tentative de contrôle
est efficace ? De façon définitive ? À quel prix ? À quoi doit-il renoncer pour être en accord
avec ses valeurs ?
Les trois grands modèles thérapeutiques (TCD, ACT et MBCT) recourent volontiers à des
métaphores et des exercices pour essayer de diminuer l’emprise des processus verbaux.
En effet, les métaphores ne comportent ni prescription, ni directive, elles ne nécessitent
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pas d’adhésion rigide à des règles verbales. Cela permet de rendre accessibles des notions
théoriques souvent difficiles à introduire par un discours linéaire et logique, et plus faciles
à illustrer par des images. Il est plus facile de se rappeler une métaphore, si bien qu’elle
pourra servir au patient dans de nombreux domaines et l’aider à changer.
Le rôle de la relation thérapeutique est différent dans les approches de la troisième vague.
Le thérapeute est également soumis à la philosophie contextuelle et il doit lui-même
pratiquer l’acceptation, la pleine conscience et la distanciation, etc. – il est d’ailleurs
nommé « instructeur » dans les démarches MBSR et MBCT.
Dans l’alliance thérapeutique, le thérapeute a facilement recours à un moment de pleine
conscience de deux minutes environ qu’il propose de faire avec le patient quand il sent que
le patient se dissocie, se déconnecte, est effacé, se détache, ou se perd dans ses pensées. Il
est souvent utile d’attirer l’attention là-dessus – et de mettre en évidence ce qui arrive à la
relation avec le patient pendant ces moments-là. Par ailleurs l’ACT préconise au thérapeute
d’exprimer ses propres valeurs au patient.
Par exemple, « j’aimerais que vous sachiez que je suis ici dans ce cabinet à travailler avec
76 vous dans un seul et unique but : vous aider à créer une vie meilleure, une vie qui vaut
la peine d’être vécue à vos yeux », ou « je m’engage à vous aider à changer votre vie de
sorte que vous y trouviez plus de sens, une finalité et un certain épanouissement ». Dit
avec sincérité, cela devient un message puissant qui unit le thérapeute et le patient dans
une cause commune – et incroyablement intéressante (Harris 2012).
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RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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Leçon 4
Quand l’alliance
thérapeutique a du mal
78
à se mettre en place
Objectifs
Identifier les facteurs de résistance
Amener le patient à devenir un collaborateur actif
dans le processus thérapeutique
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 79 — #91
PLAN DE LA LEÇON
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« La collaboration est un attelage à deux, où presque toujours, l’un tire plus que l’autre. »
Jacques Normand
Deux ouvrages se consacrent aux problèmes d’alliance thérapeutique avec le patient déprimé,
celui de Judith Beck (2005) et celui de Robert Leahy (2007) nous proposent différentes
stratégies thérapeutiques quand l’alliance avec le patient déprimé est difficile à mettre en
place. Cette difficulté concernerait environ 30 % des sujets en période dépressive.
Le thérapeute doit alors rendre prioritaire la construction de l’alliance thérapeutique même
si cela nécessite plusieurs entretiens supplémentaires, avant même de construire quelque
contrat thérapeutique que ce soit.
Il est indispensable de comprendre et de conceptualiser quand le problème arrive : est-il
est dû au thérapeute ? aux cognitions du patient ? à la combinaison des deux ?
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Le patient qui ment, celui qui doute de l’expertise du thérapeute, ou encore qui accuse le
thérapeute de ne pas le prendre en charge ; tous ces cas prennent un sens le plus souvent
en termes de symptômes.
Dans les autres cas moins évidents, il est important d’être vigilant à l’expression émotionnelle
du patient, l’émergence de ses affects durant la séance, le ton de sa voix, le choix des mots,
l’expression faciale, etc.
Ces comportements d’alerte sont très nombreux, ils doivent immédiatement attirer notre
attention car ils vont fortement interférer sur la qualité de la relation thérapeutique.
Des défauts de réponse du patient peuvent venir du style même du patient et non pas des 81
carences de l’alliance thérapeutique comme nous l’avons vu précédemment.
Jean devient nerveux au milieu de la séance, il s’agite sur sa chaise, ne regarde plus le soignant,
alors le thérapeute en l’interrogeant met à jour ce qu’il est en train de penser : « S’il découvrait
ma vie sexuelle, il me jugerait. Il ne voudrait plus jamais me voir. »
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Il est important que le thérapeute reconnaisse que les pensées, les croyances du patient
ont du sens dans l’expérience ; mais que le thérapeute qui est un observateur plus rationnel
n’adhère pas nécessairement à ces pensées ou représentations.
Prenons le cas d’une personne présentant une pathologie narcissique déprimée qui croit qu’elle
est inférieure et que les autres lui sont supérieurs. Elle pense constamment que les autres ne la
respectent pas, mais aussi que les petits événements sont difficiles.
Ce schéma s’active également dans la relation thérapeutique. Lorsqu’elle vient demander de
l’aide en thérapie, elle se perçoit immédiatement comme étant dans une position inférieure. Elle
surveille toutes les intentions du thérapeute, s’étonne de certains de ses propos, fait des demandes
inappropriées – comme de proposer des rendez-vous en dehors des entretiens –, elle utilise un
vocabulaire sophistiqué, n’évoque que ses succès professionnels, etc.
Le thérapeute considère que si elle la confronte à ses remarques négatives, critiques, elle
activera alors encore plus son schéma d’infériorité. « Dites-moi ce que faisait votre ancienne
82 thérapeute, que je ne fais pas et qui vous aide plus ? » Quand elle blague au sujet de
l’apparence de son bureau, elle rit avec lui. Elle montre ainsi que l’on peut recevoir des
critiques, en rire, en faire une blague sans diminuer son estime de soi.
La résistance morale
« Les mauvaises choses arrivent aux mauvaises gens. »
« J’ai raison de me sentir pas bien, vu comme il me traite. »
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En début de séance
Le feedback peut être intéressant en début de séance quand le thérapeute a l’hypothèse
que le patient a eu une réaction émotionnelle négative par rapport à la séance précédente :
« Vous avez paru irritable, au cours de la dernière séance mais je ne vous l’ai pas dit. J’ai
pensé qu’au cours du dernier entretien, je vous avais poussé au niveau de la recherche
d’emploi. Est-ce que vous avez ressenti cela ? » Le patient est encouragé à donner du
feedback, ce qui permettra d’identifier d’éventuelles pensées dysfonctionnelles.
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En fin de séance
L’expression du feedback est essentielle en fin de séance.
Identifier les réactions du patient augmente considérablement l’alliance thérapeutique :
« Qu’est-ce que vous diriez à propos de notre séance d’aujourd’hui ? », « Qu’est-ce que dans
la séance vous n’auriez pas compris ? », « Est-ce qu’il y a quelque chose que vous aimeriez
approfondir ? ». Le patient résume le contenu et le processus de la thérapie.
Pour construire cette alliance le thérapeute doit passer plus de temps sur la relation
thérapeutique et en passer moins sur les problèmes de vie du patient.
Une bonne alliance est un outil efficace pour modifier les croyances dysfonctionnelles du
patient envers lui-même et envers les autres.
• Utilisation du renforcement positif (cf. Leçon 3).
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Le message transmis est que le thérapeute n’oublie pas le patient quand il est ailleurs,
quand il n’est pas dans son bureau et qu’il pense beaucoup plus aux façons de l’aider qu’il
ne le croit.
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Schizoïde 2% 2à5%
Antisociale 1 à 12 % 35 %
Borderline 8% 30 %
Histrionique 10 % 15 %
Évitant 30 à 50 % 5 à 15 %
Dépendante 50 % 5 à 15 %
Obsessionnelle- 10 à 20 % 5%
compulsive
86 Les valeurs concernant les patients déprimés hospitalisés sont très variables et ne sont
citées dans ce tableau qu’à titre d’exemple.
De nombreux travaux ont montré que ces troubles étaient corrélés à certains schémas
cognitifs particuliers qui sont rassemblés dans le tableau suivant :
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Beaucoup de ses patients souffrent du sentiment de ne pas être bien considérés ni estimés par
les autres. Ces patients ont tous des difficultés à maintenir des relations interpersonnelles en
ayant la peur constante d’être blessés : « Les autres sont injustes », « Je suis constamment
blessé », ou encore « Rien de ce que je fais n’a d’intérêt ».
Ces différents schémas cognitifs du patient filtrent l’information verbale et non verbale en
provenance du thérapeute et amènent le patient à des attitudes qui peuvent surprendre ou
désorienter le soignant.
Devant toute attitude contraire à la bonne mise en place de l’alliance thérapeutique, il
est nécessaire d’élaborer des hypothèses sur les schémas potentiellement activés, et de se 87
donner le temps pour discuter avec le patient de ses attitudes « contre-productives ».
Pour faciliter cette discussion et aborder ces comportements sans pour autant renforcer un
sentiment de « mise à l’écart » ou de critiques, il sera important d’être particulièrement
empathique.
Le thérapeute doit percevoir des indices verbaux et non verbaux qui témoignent de l’inconfort
du patient.
Si le patient perçoit la compétence et l’intimité, la relation sera bonne. Il est donc important
d’évaluer le style du patient. Par exemple :
– Un patient narcissique répondra mieux avec un thérapeute différent de lui.
– Un patient dépendant appréciera un thérapeute directif qui le prend en charge dans la
séance.
– Cela ne sera pas le cas en revanche du patient obsessionnel.
Les attentes des patients sont différentes ; certains se sentent plus à l’aise avec une
approche académique, d’autres si on entre directement en résolution de problème, d’autres
encore si le thérapeute est d’emblée empathique, en gérant la résolution de problème.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 88 — #100
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Beck et al. (1990) présentent le profil cognitif du trouble de personnalité limite sous forme
d’un tableau synthétique, reproduit ci-après (tableau 4.4).
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 90 — #102
Ce profil rend compte des caractéristiques centrales de la vision de soi et des autres, des
principales croyances, ainsi que des stratégies comportementales typiques observées dans
le trouble limite : de fait, Beck et al. postulent que l’interaction entre ces trois types de
croyances (croyances principales, relatives à la vision de soi, et à la vision des autres)
conduit à l’élaboration des principales stratégies comportementales.
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Stone (2000) a proposé pour sa part une synthèse de ce profil cognitif du trouble limite
selon Beck et al. articulée autour de 9 schémas inadaptés : de par sa clarté, nous avons
souhaité reproduire cette synthèse, et la présentons ci-après sous la forme d’un tableau :
Dépendance excessive
Crainte de perdre
le contrôle émotionnel 91
Enfin, Beck et al. rappellent que, bien qu’un grand nombre de schémas cognitifs présents
dans d’autres troubles de la personnalité sont actifs au sein du trouble limite, les 3 schémas
cognitifs suivants sont considérés comme étant des présuppositions-clés chez les patients
borderline :
« Le monde est dangereux et malveillant » ;
« Je suis impuissant et vulnérable » ;
« Je suis fondamentalement inacceptable ».
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Devant cette souffrance hétérogène Beck et al. ont proposé une adaptation des stratégies
interpersonnelles pour augmenter l’alliance thérapeutique.
RÉSUMÉ DE LA LEÇON
92 – du patient ?
– de ses cognitions ?
– des troubles associés ?
– de l’interaction thérapeute-patient ?
• Le thérapeute doit toujours observer son patient, ce qu’il dit, ce
qu’il fait, omet de dire ou ne fait pas.
• Le thérapeute doit toujours être à l’écoute de ses cognitions.
• Trois séances suffisent à donner un aperçu de l’alliance thérapeu-
tique.
• Adaptée, la relation thérapeutique avec le patient borderline est
possible.
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NOTES
93
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Leçon 5
94
Objectifs
Évaluer la demande de soins
Initier une prise de contact : établissement
d’une relation positive de collaboration
Vérifier les problèmes pour lesquels vient le patient
Procéder à une évaluation quantitative
par questionnaires et échelles
Conclure sur l’orientation thérapeutique
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PLAN DE LA LEÇON
95
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Il s’agit d’un entretien clinique classique dont le style sera plutôt circonstancié et narratif.
L’objectif de cet entretien est une prise de contact avec le patient. D’une part, il permet
d’établir un diagnostic symptomatologique et, d’autre part, de faire préciser la souffrance du
patient et ce qu’il attend de l’entrevue. Lors du premier entretien, l’attitude du thérapeute
tendra à mettre le consultant en confiance et à favoriser la communication avec lui.
• Le thérapeute, après avoir serré la main du patient et lui avoir donné le bonjour, se
présente :
« Je suis le Dr..., je suis psychiatre... dans cette institution et je m’occupe particulièrement
des consultations de thérapies comportementales et cognitives. »
• Se nommer, donner sa fonction et son rôle dans une institution permet au patient de
connaître un peu mieux son interlocuteur, ce qui diminuera des interrogations diverses
du type :
« Qui est-il ? », « Qu’est-ce qu’il fait ici ? », « C’est un médecin, je me suis peut-être
trompé, c’est tellement grand cet hôpital... »
• Le thérapeute adoptera donc une attitude ouverte, à la fois verbale et non verbale.
• Sur le plan corporel, il se placera en face de son patient en le regardant sans le dévisager
et sans se plonger dans son dossier. Son attitude globale fera preuve d’ouverture : souple,
calme et congruente aux propos tenus par le patient.
• Sur le plan verbal, le thérapeute posera un certain nombre de questions ouvertes pour 97
faciliter le discours de son interlocuteur :
« Pourriez-vous me dire ce qui vous amène jusqu’à cette consultation de thérapie
comportementale et cognitive ? Qu’est-ce qui vous gêne et qu’est-ce qui vous a motivé à
venir consulter ? Par quel intermédiaire avez-vous eu notre adresse ? »
Le sujet déprimé
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• Je comprends comment il fonctionne.
• J’identifie ses problèmes.
• Je respecte sa souffrance.
L’évaluation lors de ce premier entretien doit prendre en compte quatre axes : des facteurs
précipitants, des facteurs prédisposants, des éléments descriptifs de l’état dépressif et les
facteurs de maintien.
• Les facteurs précipitants sont aussi bien une diminution des sources actuelles de
renforcement dans l’environnement du sujet ou bien encore des traumatismes ;
• Les facteurs prédisposants comprennent le faible niveau d’habileté sociale, mais aussi le
niveau élevé d’exigences personnelles ou encore d’autocritique ;
• La modification de l’affect qui succède à ces facteurs contribue à la constitution du
tableau clinique de la dépression, qui associe la tristesse, l’inhibition psychomotrice et
la survenue de troubles physiques qui entretiennent l’autodépréciation ;
• Les facteurs d’entretien de la dépression sont à rechercher ; ils peuvent être de nature
sociale, comme la sympathie soudaine de l’entourage du fait de la dépression, ou de
nature environnementale comme l’évitement de l’activité professionnelle ou l’évitement
d’actions désagréables.
Tous les éléments sémiologiques sont notés par le praticien. Il demandera au patient un
98 travail personnel entre les séances qui permet de compléter les éléments cliniques recueillis
pendant ce premier entretien.
Ce travail personnel guidé par le thérapeute est intitulé « tâche au domicile », il fait partie
de manière systématique de la procédure d’évaluation de cette souffrance thymique.
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Les sujets déprimés, malgré leur ralentissement, leur perte de goût pour leurs activités
habituelles, sont participatifs dans l’échange relationnel : la conduite de l’entretien
d’évaluation s’effectue aisément.
La demande du travail personnel entre les séances est expliquée : son but, sa contribution
à la compréhension de la souffrance dépressive, mais aussi sa flexibilité. Si une tâche est
demandée pendant trois jours consécutifs, il vaut mieux un seul jour fait correctement, du
mieux que le peut le patient, plutôt que trois jours réinventés dans la salle d’attente qui
précède l’entretien.
Il ne s’agit en aucun cas d’un devoir à bien faire, qui sera jugé, mais tout simplement le
relevé d’une information concrète, telle qu’elle se déroule sur le moment, à l’instant.
Ce travail est primordial pour le patient déprimé, qui par ses réponses aux questions avec
toute son authenticité, et sa bonne volonté est pris au piège de sa pensée dépressive, de
son auto-dépréciation, et de ses biais de pensées qui excluent de son champ de conscience
un certain nombre d’informations qui risquent d’être fort précieuses dans la thérapie.
La première tâche d’auto-observation que Beck publie spécifiquement pour les sujets
déprimés est la tâche de l’emploi du temps (Beck et al., 1979).
L’emploi du temps
Le patient reporte sur un cahier les circonstances d’apparition de son comportement
problème (heure, lieu, en compagnie de qui, durée du comportement, etc.). Ainsi est
réalisée une ligne de base comportementale.
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Il est classique de demander au sujet déprimé de noter son « emploi du temps », c’est-à-dire
l’ensemble de ses occupations par tranche horaire sur une durée d’une semaine (activity
scheduling de Beck et al., 1979).
Cette auto-observation classique permet de connaître le taux d’activités du patient déprimé
seul ou avec les autres. En effet, la grande majorité de ces patients présentent un
ralentissement psychomoteur, des inhibitions, la perte d’envie à mener une action même
sympathique, et la perte quasi-totale du plaisir même pour les activités jugées plaisantes
avant la dépression.
Du fait de la diminution des actions (fréquence de comportements), il est très important
de connaître ceux qui subsistent : activités de toilette, d’habillage, domestiques, contacts
téléphoniques...
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Élisabeth est hospitalisée pour un premier épisode dépressif majeur apparu dans les suites d’un
deuil. L’état dépressif est d’intensité majeure : pour Élisabeth tout est difficile, même de faire
sa toilette. Elle inscrit, avec l’aide d’une infirmière, son emploi du temps :
« Lundi :
– Huit heures : distribution des médicaments, l’infirmière arrive, je suis réveillée depuis
longtemps.
– Huit heures trente : petit-déjeuner avec les autres malades, je n’ai pas faim, je reste peu de
temps, ne parle pas.
– Neuf heures jusqu’à onze heures : je reste dans mon lit, je somnole, je suis fatiguée.
– Onze heures : l’infirmière vient me chercher et m’accompagner pour ma toilette ; si elle n’était
pas là, je serais restée dans mon lit.
– Midi et demi : déjeuner en salle à manger. Je prends le plat principal. J’écoute les autres,
mais ne prends pas part à la conversation.
– Treize heures : je me recouche et somnole.
101
– Quinze heures : ma voisine de chambre a une visite, je reste sur mon lit, épuisée. Je pense
au passé.
– Dix-huit heures : dîner en salle à manger. Les autres patients me poussent à aller en salle de
télévision, je reste quelques instants et repars dans ma chambre. »
Nous apprenons par le relevé d’Élisabeth que, pour elle, toute activité est pénible et l’aide d’une
tierce personne lui est indispensable pour l’accompagner lors de sa toilette et aux repas. En
revanche, elle se rend aux activités collectives (repas, télévision) qui la fatiguent vite, elle les
fuit assez rapidement, pour retourner sur son lit et repenser aux événements plus ou moins
heureux du passé.
• Le perfectionnisme
• Le besoin d’approbation
• Croyance forte d’une origine organique aux problèmes
• Sentiment d’être jugé, critiqué
• Impression d’être contrôlé, de révéler sa vie personnelle
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• Raisonnement émotionnel
• Distractibilité
Mais aussi :
• Trop de tâches en même temps
• Une prescription trop précoce
• La non-vérification de la difficulté pour le patient
• La non prise en connaissance des tâches réalisées par le patient
Ces fiches rendent le patient plus attentif à mieux préciser les comportements invalidants
mais aussi ceux qui sont adaptés.
Ainsi, il est thérapeutique de demander au patient déprimé de noter chaque jour pendant une
semaine une situation émotionnellement satisfaisante et une situation émotionnellement
non satisfaisante, sans rechercher la plus pertinente, ni la plus significative. En cela,
l’auto-observation apporte par elle-même une modification positive du comportement.
Enfin, dans la poursuite de la prise en charge thérapeutique, il faut aussi considérer que
l’auto-observation constitue une source importante d’évaluation des changements opérés
au cours de la prise en charge.
Pour évaluer ces changements, il existe également des outils de mesure de l’état dépressif
élaborés par certains pays, puis traduits, adaptés et validés dans différentes populations.
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Ainsi, les différents instruments d’évaluation sont communément utilisés, et les résultats
observés dans la population française bien connus. On distingue deux sortes d’outils
d’évaluation, certains très cliniques, permettant d’évaluer l’intensité de l’état dépressif,
d’autres beaucoup plus cognitifs, dont l’utilisation permet d’évaluer les dysfonctionnements
psychologiques du sujet déprimé.
L’hétéro-évaluation
Tous ces instruments sont présentés et détaillés dans plusieurs ouvrages classiques d’outils
d’évaluation clinique en psychiatrie.
Le choix des échelles pour évaluer la sévérité de l’état dépressif est large, mais il faut citer
notamment : L’échelle de dépression de Hamilton.
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Les items de l’échelle sont cotés de zéro à deux ou de zéro à quatre. Les cotations de zéro à
quatre correspondent à des symptômes absents, douteux, légers, moyens ou importants. La
note totale de la version à 17 items varie de zéro à 62.
L’hétéro-évaluation n’est pas suffisante à elle seule pour estimer la souffrance du patient.
L’utilisation conjointe d’une hétéro-évaluation et d’un auto-questionnaire est indispensable
pour élaborer des hypothèses sur la souffrance émotionnelle du déprimé. En effet, les
concordances et non concordances de résultats entre hétéro- et auto-évaluations n’amènent
pas le thérapeute aux mêmes conclusions sur le fonctionnement psychologique du patient.
104 En revanche, ces données seront très riches en informations et contribueront à l’élaboration
d’hypothèses psychologiques. D’un point de vue statistique, les outils sont corrélés dans
60 % des cas. Pour les 40 % restants, deux cas de figure peuvent se présenter :
Le score au BDI traduit une souffrance supérieure au score de l’HDRS : cela peut être dû à
la présence d’un trouble anxieux ou d’un trouble de la personnalité ;
Le score à l’HDRS traduit une souffrance supérieure au score du BDI : cela peut être dû à
un phénomène de désirabilité sociale, ou de déni de la souffrance de la part du patient.
L’auto-évaluation
Les auto-questionnaires se présentent sous forme d’un ensemble de propositions (ou items)
mesurant les différents symptômes cliniques, comportementaux et cognitifs. Les documents
écrits sont présentés au patient qui les remplit seul. Le score global de chaque questionnaire
reflète l’intensité du trouble :
– le questionnaire des pensées automatiques ;
– le questionnaire de désespoir ;
– l’inventaire pour la dépression de Beck ou BDI ;
– l’échelle des attitudes dysfonctionnelles.
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Ces quatre auto-questionnaires montrent des scores globaux d’autant plus élevés que la
dépression est intense.
Le choix de l’instrument est fonction des habitudes du thérapeute. Tous ces outils
d’évaluation sont utilisés dans les protocoles de recherche chez les patients déprimés du
fait de leurs qualités formelles et statistiques. En fonction de sa sensibilité, le questionnaire 105
donne des résultats nettement différents d’un individu à un autre et varie chez le même
individu à des moments différents de l’évolution de ses difficultés psychologiques et de son
traitement. Leur fidélité permet de donner des résultats comparables dans des situations
comparables. Et leur validité assure la mesure d’une dimension psychologique comme la
dépression et non pas d’autre chose.
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Pour la version à 13 items, le score global s’étend entre 0 et 39. Un état dépressif modéré
est retenu pour un score supérieur à 10 et un état dépressif majeur pour une note supérieure
à 19. Cet instrument, élaboré à partir de cognitions de sujets déprimés, est considéré
comme une mesure cognitive.
Le tableau suivant présente un extrait de l’inventaire pour la dépression de Beck.
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En complément, l’état de désespoir, si souvent associé à l’état dépressif, peut être évalué par
l’échelle de désespoir (Hopelessness Scale ou HS, Beck et al., 1974, traduction française par
Bouvard et al., 1992). Il s’agit d’une mesure du pessimisme et de la potentialité suicidaire.
Trois facteurs sont individualisés : les sentiments vis-à-vis du futur, la perte de motivation
et les attentes vis-à-vis de l’avenir.
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! Le questionnaire du désespoir
Il s’agit d’un questionnaire d’auto-évaluation de 21 items. Le sujet attribue un caractère
vrai ou faux à chacun des items en cochant la colonne appropriée.
Neuf items reflètent le pessimisme s’ils sont cotés faux et onze items le reflètent s’ils sont
cotés vrais. Plus la note est haute, plus le pessimisme en termes de « vue négative du
futur » est grand et plus le risque suicidaire est élevé.
Le score total s’échelonne entre 0 et 20, un score de 13 a été retrouvé chez des sujets
ayant commis une tentative de suicide. Ainsi le seuil de 12 est retenu communément pour
représenter un seuil d’alerte du risque de passage à l’acte suicidaire.
La définition du terme de cognitions n’a été remise en cause par aucun thérapeute
du mouvement cognitif. Si d’autres questionnaires ou échelles ont été développés plus
récemment pour d’autres symptomatologies, les deux questionnaires précédemment cités
restent les outils principaux d’identification des cognitions dépressives, soit l’ATQ et la HS.
D’autres échelles et questionnaires existent pour évaluer les troubles associés. Ils ne
seront décrits ici qu’à titre d’exemple. Par exemple, il est habituel de remplir une échelle
d’hétéro-évaluation et des auto-questionnaires concernant la souffrance anxieuse générale,
si souvent associée à la souffrance dépressive (cf. Leçon 1).
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RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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NOTES
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Leçon 6
Comment poser
une indication de TCC
114
de la dépression ?
Objectifs
Identifier les problèmes pour lesquels le patient
vient consulter
Mener une analyse fonctionnelle
Établir des hypothèses avec le patient sur
le ou les problèmes et établir des priorités
Établir une hiérarchie des niveaux des problèmes
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PLAN DE LA LEÇON
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L’ANALYSE FONCTIONNELLE
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Émile, 61 ans, déprimé depuis six mois malgré un traitement médicamenteux bien prescrit, cite
comme comportements problèmes un apragmatisme (ou impossibilité de mener une action),
des difficultés de communication avec son fils aîné et une absence totale de relation avec le
monde extérieur. L’objectif principal analysé sera l’apragmatisme qui est le plus invalidant pour le
patient et dont la modification (dans le sens de l’amélioration) permettra la reprise de démarches
pour sa recherche d’emploi, pour ses dossiers sociaux et pour reprendre des contacts divers.
Chacune des dimensions explorées (niveau d’anxiété, etc.) est évaluée par le patient sur une
échelle subjective graduée de 0 à 100 : 0 pour « pas de difficulté » et 100 pour « anxiété
extrême » (ou toute autre graduation facilitant le repérage par le sujet).
Cette observation émotionnelle permet de préciser clairement les problèmes cibles choisis
comme objectif de la thérapie. L’observation des symptômes a pour but d’obtenir une
description précise et aussi objective que possible des comportements altérés, sources de
souffrance.
Yasmine, 35 ans, est hospitalisée pour une dépression. La plupart de ses contacts familiaux et
amicaux ont été rompus. Elle ne se sentait plus capable de répondre au téléphone, elle n’ouvrait
plus son courrier et avait profondément honte d’elle-même. Cependant elle doit appeler à présent
117
sa sœur, ce qui lui paraît impossible. Nous lui proposons alors de réaliser en jeu de rôle cet
entretien téléphonique, afin d’évaluer les différents niveaux de difficultés que représente cet
appel.
Le jeu de rôle pratiqué avec Yasmine révèle une augmentation forte de l’anxiété avant de
téléphoner à sa sœur, avec l’apparition d’une cognition : « J’ai peur de déranger », « Elle va
probablement comprendre cette nouvelle hospitalisation, mais pas son mari ». Une fois la
communication téléphonique débutée, l’angoisse baisse brutalement et elle est soulagée d’avoir
renoué contact avec sa sœur.
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! L’auto-enregistrement cognitif
L’enregistrement comportemental permet d’établir une ligne de base appréciant le
comportement avant tout traitement. Il est complété par un auto-enregistrement cognitif
mené en parallèle. Le thérapeute demande au patient, au moment du comportement
problème, de noter la qualité de l’émotion ressentie ainsi que le discours, la phrase ou
l’image qui se présente aussitôt à son esprit.
Ainsi Yasmine transcrit la situation pénible de ne pouvoir se lever, puis note une émotion de
tristesse et de découragement et surprend l’idée : « Je ne m’en sortirai jamais. »
Pour faciliter cette identification le thérapeute pratique en séance cet exercice avec le
patient en lui apprenant à distinguer toutes ces composantes psychologiques, notées selon
un diagramme à quatre colonnes. La première colonne est consacrée à résumer la situation,
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la deuxième colonne aux émotions, la troisième aux pensées spontanées, enfin la quatrième
colonne rapporte le comportement immédiatement adopté.
Si nous reprenons les éléments décrits par Yasmine ci-dessus dans un diagramme, nous
pouvons ainsi observer la séquence suivante :
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honte. Dans le passé, un premier événement a encore renforcé le schéma. Lorsque Doris s’est
séparée de son premier petit ami, celui-ci ne lui a plus adressé la parole pendant deux années.
Et cette attitude a étayé la croyance : « Si vous ne faites pas ce que nous voulons, alors nous
ne voulons plus rien faire avec vous. »
Le travail cognitif proposé consiste à aborder ces difficultés de discrimination de ses souhaits
et de ceux des autres, des conséquences redoutées de rejet, puis à lui proposer des exercices sur
son vécu de honte.
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Il s’agit sûrement du modèle le plus simple, mais il traduit en même temps des principes
fondamentaux de l’approche comportementale de « renforcements » décrits par Skinner.
Les expériences de Skinner mettent en évidence la notion de renforcement, c’est-à-dire le
fait que le comportement de tout être vivant est modifié par les conséquences de ses actes.
Ainsi lorsque varie le débit de renforcements disponibles, le comportement varie. Lorsque
dans l’environnement les renforcements positifs sont moins nombreux, il y a de fortes
probabilités pour que les réponses du sujet diminuent. Le renforcement positif, comme
tout renforcement, peut être de nature variée (action, objet matériel, contact social...). Il
permet l’augmentation de la probabilité du comportement.
Sabine est déprimée, elle a de grandes difficultés à se préparer : se laver, s’habiller. Avec 121
son thérapeute, elle construit un programme de planification d’activités de telle manière que
chacune d’entre elles lui permette d’accéder à un renforcement positif, c’est-à-dire une activité
qui lui plaisait avant sa dépression. Ainsi, en se préparant et en s’habillant, Sabine accède à la
possibilité d’aller voir une amie dans l’immeuble voisin. Le renforcement que constitue la visite
prévue augmente chez Sabine la probabilité de s’apprêter.
Jean présente un état dépressif majeur qui l’a conduit à une hospitalisation, il a perdu beaucoup
de poids ces deux dernières semaines et ne mange quasiment rien. Un système de renforcement
est mis en place avec son thérapeute. Si Jean finit son repas qui est léger, il a un café, un vrai
moment de plaisir pour lui avant sa dépression. En revanche, il ne peut avoir son café s’il ne
termine pas son plat et son yaourt. Le café sert de renforcement pour augmenter chez Jean la
prise d’un repas minimal régulier.
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découler. Le sujet phobique évite le plus souvent l’objet phobogène ; l’évitement lui est
devenu habituel. Le sujet déprimé, pour sa part, fuit le plus souvent les autres par manque
de confiance en lui, dévalorisation ou perte de tout élan vital... L’évitement des autres
l’empêche d’être confronté aux autres personnes, dont il admet cependant le caractère
inoffensif. Cela se traduit par une souffrance de phobie sociale chez plus des trois quarts
des sujets déprimés en phase d’état de dépression.
Après rémission de la dépression dans sa phase aiguë, moins d’un sujet déprimé sur cinq
conserve une souffrance psychologique de type phobie sociale.
Les informations recueillies par l’entretien permettent au thérapeute de tracer un diagramme
avec des flèches d’interactions entre ces trois éléments que sont les stimuli, l’organisme et
les conséquences. Cependant, au niveau des situations, on distingue la nature de la situation,
les interprétations émises et les émotions associées qui, en termes de conséquences, vont
entraîner des attitudes et des comportements.
Jeanne, 42 ans, vient consulter parce qu’une peur de la solitude entraîne chez elle une sensation
de mal-être ainsi que des idées suicidaires. À l’entretien, elle est triste, authentiquement
déprimée, et décrit cette « phobie de la solitude » apparue en même temps que sa dépression.
Découvrons l’analyse fonctionnelle menée selon le modèle SORC.
Stimulus : quelles sont les situations de solitude, dans quels lieux, etc. ?
Organisme : Quels sont les symptômes physiques ressentis, par quel mécanisme expliquer le
comportement problème ? (conditionnement classique : un premier épisode de solitude a pu
engendrer des manifestations physiques d’anxiété aiguë motivée par la crainte que le partenaire
122 ait eu un accident, ce couple solitude-anxiété aiguë se répétant ensuite indissociablement).
S’agit-il d’un conditionnement opérant dans un contexte de conflit conjugal où le mari refuse
que sa femme sorte quand il est au travail, créant un ensemble de cognitions et d’émotions
négatives entre les deux époux ?
Réponses de la patiente : quelles sont sa conduite et ses cognitions avant d’être seule, comment
prépare-t-elle ces moments ?
Conséquences : la patiente est-elle assez renforcée lorsqu’il n’y a pas de manifestations d’angoisse
un après-midi où elle se sent seule ? Quelles sont les conséquences sur le milieu extérieur ?
Quelles sont les conséquences sur elle-même : alcoolisation, prise de médicaments, émotions
négatives ?
C’est le récit circonstancié de la patiente et celui de son mari qui nous permettront de compléter
ce diagramme. Chacun des conjoints sera vu séparément, en commençant par la jeune femme
qui a demandé cette consultation.
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I. Elle a une bonne capacité d’imagerie mentale, on lui demande de chercher une image mentale
agréable, sécurisante, qu’elle trouve aussitôt : elle s’imagine étendue, ses forces décroissent,
comme si elle allait mourir sereine.
D. Un traitement anxiolytique et antidépresseur est prescrit depuis plusieurs années et apporte
un certain mieux-être. Il existe une automédication importante de prise de tranquillisants,
surtout quand elle est seule et absorbe des doses massives pouvant potentiellement la mettre
en danger.
E. Elle attend beaucoup de cette démarche thérapeutique, dont elle a connu l’existence par des
articles de presse.
A. L’attente thérapeutique du thérapeute sera fonction de l’entretien avec le conjoint pour
mieux comprendre la dynamique du couple, ainsi que d’une évaluation psychométrique de la
personnalité de la patiente faite par un psychologue, même si l’entretien clinique permet de
repérer des éléments en faveur de tel ou tel fonctionnement de personnalité.
Modèle SECCA
Un troisième modèle est représenté par la grille SECCA proposée par Cottraux en 1985 :
– S pour situation ;
– E pour émotion ;
– C pour croyances personnelles ;
– C pour conséquences sur l’environnement ;
– A pour anticipations : ce que le patient redoute ou prévoit par rapport à la situation.
124
Jeanne déclare, selon ce modèle : « Je vais devenir folle », « Je ne vais plus me contrôler »,
« Je suis capable de faire n’importe quoi ».
S (ou situation), qui est de rester seule chez elle quand son mari est parti au travail.
E (ou émotions), de type tristesse, désespoir et abandon.
C (ou croyances personnelles) : « C’est épouvantable de ressentir ce mal-être, je ne peux rien
contre. » Comportement observable : prostration, « Je me replie sur moi-même. » Cognitions :
monologue intérieur : « Cette douleur est intenable, je ne vois plus de solution. »
C ou (conséquences sur l’environnement) : son mari l’appelle régulièrement de son travail. Une
voisine lui rend visite...
A ou : « Je ne vais jamais m’en sortir, mon mari va en avoir assez et me quitter. »
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La moindre perspective que le contact entre deux personnes qui l’accompagnent puisse mal
se passer augmente son anxiété. L’augmentation de sa fréquence cardiaque après avoir monté
quelques marches met Jeanne en état d’alerte. La moindre sensation physique inquiétante, même
si elle est en compagnie, se traduit par des demandes de réassurance et une certaine fébrilité.
Jeanne ne peut plus rester seule chez elle, aussitôt apparaît une symptomatologie anxieuse
invalidante, de jour comme de nuit.
La patiente est désespérée, elle ne voit plus comment elle va s’en sortir.
Son accompagnement permanent renforce son évitement d’être seule. Depuis des mois elle n’est
jamais restée seule quelque part, même quelques minutes.
Le traitement pharmacologique qui, cependant, ne réduit pas tous ses symptômes est un
renforçateur.
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Cette démarche en sept étapes permet un examen complet du comportement dans ses
spécificités, son histoire et ses interactions avec autrui.
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Alain, 35 ans est enseignant. Il vient consulter en urgence pour une première récidive dépressive.
Sa première dépression remonte à plus de cinq ans, à la fin de ses études universitaires. À cette
époque, il avait traîné avant de consulter, accusant la fatigue, le stress des examens... Cette
fois-ci ses symptômes sont très évocateurs et il demande une consultation en urgence à un
spécialiste, se refusant à revivre le même cauchemar.
Conceptualisation du cas d’Alain : « Je suis inférieur aux autres » (fils unique, très protégé
par sa mère, il se décrit comme un enfant très anxieux).
Règles conditionnelles : « Je dois avoir la protection de quelqu’un de fort sur lequel je puisse
compter », « Je dois tout faire parfaitement pour obtenir l’approbation des autres. »
Comportements : il n’a que trois amis, connus il y a une quinzaine d’années ; il va faire
régulièrement avec eux du sport en étant le plus parfait possible. Il est très apprécié
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professionnellement, des missions lui étant confiées par le directeur. Ses amis d’aujourd’hui
sont les amis de sa femme. Il évite davantage les autres, même ceux qu’il ne redoutait pas
comme ses élèves, a le souci permanent de bien faire et refuse tout arrêt maladie malgré
son état.
Pensées automatiques : « Je suis généralement apprécié des gens », « J’ai toujours peur
de ne pas savoir devant un examen, quand on me pose une question... », « Ma femme a
du mal à prendre bien les choses, elle perd patience, elle va me quitter », « Je ne peux
pas m’occuper de mes enfants, je me sens mal », « Mes amis m’aident, sans me le dire
ouvertement. »
Affects : dépression et anxiété. Dépression d’apparition récente avec réveil au milieu de la
nuit, aboulie, sentiment d’incapacité, voire d’indignité.
Déroulement thérapeutique :
– J-0 : octobre. Premières consultations d’évaluation. Prescription d’un traitement anti-
dépresseur.
– J-21 : contrat thérapeutique comprenant des entretiens de thérapie cognitive selon le
modèle de Beck.
– J-60 : le patient est totalement asymptomatique. Poursuite de la thérapie cognitive et
maintien du traitement antidépresseur.
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est l’aînée d’une fratrie de trois enfants. Elle vivra avec ses frères et sœurs chez sa mère. Il
n’existe pas de notion de prise de boisson alcoolisée chez aucun des parents ni d’antécédent
psychiatrique familial.
La première récidive date de 1995 : état dépressif majeur, prescription du même antidépresseur
qu’au cours du premier épisode. La rémission survient progressivement.
La deuxième récidive apparaît au cours de l’été 1999 sans raison apparente. L’état dépressif
majeur est d’intensité modérée moins intense que quatre ans auparavant. Les antidépresseurs
prescrits sont changés du fait des nombreux effets secondaires ressentis (somnolence, troubles
digestifs...). Ils ne peuvent donc pas être prescrits à dose efficace. Une rémission partielle de
l’état dépressif est obtenue avec présence de symptômes résiduels anxieux.
Une troisième récidive survient fin 2002 avec réapparition d’un état dépressif majeur d’intensité
sévère faisant discuter une hospitalisation en milieu psychiatrique. Elle vit dans la région
parisienne depuis un an après une mutation professionnelle souhaitée.
Nous proposons une TCC et un traitement antidépresseur que la patiente accepte devant la
répétition de ses dépressions.
Analyse synchronique
L’analyse synchronique montre par exemple comme situation douloureuse qu’elle exprime en
entretien : « Je suis à mon travail, d’habitude mes collègues viennent me chercher pour aller au
restaurant d’entreprise, je les attends, je ne comprends pas, elles sont en retard. Je finis par
les appeler et j’apprends qu’elles y sont allées sans moi (situation problème). Je me dis alors
(cognition) : “je suis inintéressante. Je suis un fardeau pour elles. Je n’ai rien à dire. Je ne
mérite pas leur amitié.” » Jacqueline sombre alors dans une profonde tristesse (émotion), est
prostrée devant son bureau (comportement) et ne va pas déjeuner.
130 Autre situation : Jacqueline est débordée devant la charge de travail et ses difficultés à fixer
son attention, à se concentrer, elle se dit : « Je ne peux pas demander de l’aide des collègues
de l’autre service, elles vont penser que je suis nulle. Je sais qu’elles ont moins de travail en
ce moment, mais elles risquent de refuser » (cognition). Elle se sent de plus en plus coupable
(émotion) et a du mal à fixer son attention (comportement).
Devant l’évocation de plusieurs situations difficiles pour Jacqueline, il ressort une modification
du fonctionnement cognitif (cognitions pessimistes qui entraînent un comportement inhibé,
apragmatique). Le discours de Jacqueline sur son histoire dépressive, sur ses relations aux autres
au travail ou dans sa vie privée permettent de formuler des hypothèses quant à sa représentation
psychologique d’elle-même (schémas cognitifs).
Conceptualisation clinique
Nous constatons, comme il est classique, que la répétition des états dépressifs majeurs se
fait avec raccourcissement des intervalles libres et retour de plus en plus difficile vers l’état
antérieur depuis la deuxième récidive. Dès lors la rémission est lente, partielle, avec apparition
de symptômes résiduels et probablement une vulnérabilité acquise et progressive aux événements
stressants d’abandon et de perte.
Ces facteurs de stress précipitant les états dépressifs sont retrouvés pendant les entretiens.
Il existe aujourd’hui une perturbation du traitement de l’information due à l’épisode actuel d’état
dépressif majeur, qui fait deviner une vulnérabilité psychologique interne et ancienne (schémas
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cognitifs – règles de pensées apprises au cours du développement de l’individu qui guident ses
comportements et ses interactions sociales).
Le contrat thérapeutique comporte une quinzaine de séances de thérapie cognitive, à raison d’une
séance tous les quinze jours, suivies d’une période de consolidation de douze à dix-huit mois
comprenant un entretien mensuel ou bimensuel consacré au travail sur les schémas cognitifs.
La première étape est la présentation du modèle cognitif suivie par l’identification des pensées
négatives dépressives.
Jacqueline rapporte alors qu’elle est dans son lit, le réveil sonne pour qu’elle se lève afin de
partir au travail, elle se dit alors : « Je n’en peux plus, cette journée me paraît impossible » ;
elle se sent mal, triste et n’arrive pas à se lever malgré les encouragements de son compagnon.
Jacqueline apprend ensuite à analyser ce type de situations pénibles, sources de blocage pour
elle, avec des méthodes de décentration.
Après une dizaine de séances, la patiente est en mesure d’identifier ses schémas cognitifs. Le
thérapeute cognitif est comme un guide qui propose des moyens psychologiques que le patient
utilise pour avancer dans sa démarche de gestion émotionnelle.
Jacqueline découvre ainsi quatre schémas cognitifs :
1. « Je suis très exigeante avec moi-même pour donner une image parfaite aux autres. »
2. « Je recherche sans cesse l’approbation des autres avant de prendre toute décision personnelle
ou non. »
3. « Si les autres ne me témoignent pas leur reconnaissance, je me sens rejetée. »
4. « Si je me sens moins intelligente, moins active, moins entreprenante, alors je me culpabilise
de ne pas être à la hauteur. »
Chaque schéma est ensuite travaillé individuellement dans le but de les assouplir. La patiente 131
réfléchit ensuite sur l’interaction de ces quatre schémas entre eux et propose un modèle de
fonctionnement afin de pouvoir définir des modalités pratiques pour sortir du système. Pendant
deux années, la patiente travaille sur l’assouplissement de ces schémas, les entretiens ont lieu
dorénavant une fois par mois.
En conclusion
Les facteurs de récidives ont été sa prise en charge thérapeutique discontinue, une tolérance et
une observance thérapeutiques difficiles, une posologie de prescription pas toujours adéquate
du fait des effets secondaires et l’existence d’une double vulnérabilité cognitive d’une part
acquise face aux événements stressants d’abandon et de séparation, cette vulnérabilité cognitive
dépressogène étant d’autre part intrinsèque et représentée par les schémas cognitifs. Les
quatre schémas cognitifs de Jacqueline montrent combien la reconnaissance des autres, leur
approbation, est cruciale, et qu’elle développe ainsi des comportements actifs, perfectionnistes,
avec des exigences personnelles extrêmes pour ne pas les décevoir. Sa vulnérabilité dépressogène
réside dans cette dépendance au regard de l’autre, à un regard externe approbateur sans lequel
elle se sent culpabilisée, rejetée, abandonnée.
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Ariane vient consulter pour dépression. Son score à l’inventaire abrégé de dépression de Beck,
de quinze points, reflète une dépression modérée. Elle a beaucoup de difficultés à prendre
des décisions, sa cognition habituellement associée est : « Ce que je fais n’est jamais assez
bien », croyance qui entraîne des émotions comme la tristesse, la culpabilité ou encore de
l’irritabilité.
Au travail, elle perd du temps, et se sent non performante. En dehors des périodes de forte
autocritique, elle travaille correctement et il est important de lui faire repérer également ces
moments de moindre autocritique.
132
L’auto-enregistrement met en évidence que les forts moments de culpabilité et de
dévalorisation sont secondaires à des circonstances où elle se sent critiquée par les autres,
la critique étant toujours perçue et interprétée dans le sens d’une inefficacité personnelle.
Comme le thérapeute TCC en a l’habitude, il fait noter à la patiente l’intensité et la fréquence
de ses comportements problèmes, mais aussi les périodes où le comportement problème est
absent ou diminué en intensité.
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• Dans la logique traditionnelle, proposition particulière, comprise comme implicite
à la thèse, ou incluse à celle-ci ; dans la logique moderne, formule figurant en tête
d’une déduction et qui, à la différence d’un axiome, n’a qu’un caractère transitoire.
Afin de pouvoir échafauder ses hypothèses cognitives, le thérapeute se pose les questions
suivantes :
« Qu’est-ce que tous ces problèmes ont en commun ? »
« Quelles croyances aurait une personne qui a de tels comportements ? »
« Quels sont les thèmes communs dans les pensées automatiques ? »
« Quelle est la signification du problème principal ? »
« Quels sont les antécédents et les conséquences du problème ? »
Dans le cas d’Ariane, une première règle conditionnelle apparaît dès le premier entretien :
« Si je ne fais pas tout parfaitement, alors je ne pourrai pas me réaliser dans ma vie. » Ses
propos conduisent le thérapeute à lui proposer un ensemble d’hypothèses cognitives : « Je suis
inadéquate, les autres me critiquent et abusent de moi, le monde n’est pas satisfaisant pour
moi », « Je n’obtiens aucune approbation des autres, il y a quelque chose de mauvais en moi, je
suis une méchante fille, on me l’a toujours dit, je ne peux qu’être rejetée... »
Toutes les hypothèses sont discutées avec le patient qui propose également les siennes.
Une fois les hypothèses échafaudées, des vérifications et des modifications s’opèrent tout
au long de la thérapie.
133
Pour Ariane, durant le deuxième entretien clinique, plusieurs liens ont été faits entre la règle
conditionnelle : « Si je ne fais pas tout parfaitement, alors je ne pourrai pas me réaliser dans
ma vie » et ses symptômes dépressifs d’incapacité et de culpabilité. Si le lien est apparu évident
à la patiente sur le plan professionnel alors que son emploi lui demande une créativité et une
productivité importantes en tant que chef de produit, elle n’a pas pris conscience du poids de
cette règle conditionnelle dans ses loisirs. Dans sa vie familiale, son schéma retentit sur sa
manière d’élever ses enfants, sur sa disponibilité auprès de son conjoint et sur ses relations
avec leurs amis.
Cette règle d’exigence personnelle très élevée augmente encore le sentiment d’incapacité,
de dévalorisation des performances, dû à la dépression.
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Dans la vie d’Ariane, le thérapeute recherche les événements qui ont activé les processus cognitifs
sous-jacents. Il retrouve, dans les semaines qui précèdent la survenue de l’épisode dépressif
majeur, un conflit relationnel important au travail. Elle s’est trouvée confrontée à l’impératif
de réduire le délai de préparation d’un projet pour des raisons de budgétisation. Seuls deux
mois lui ont été accordés alors qu’elle devait disposer de six mois. Elle a essayé d’expliquer, de
présenter ses arguments, mais la réponse de sa hiérarchie a été ferme et déterminée : si Ariane
s’obstine dans son refus, le dossier sera confié à une autre personne. Ariane a l’impression d’être
incomprise et désapprouvée. Elle se sent très mal, incapable de fonctionner et ne sait plus
comment prendre son dossier.
134
Dernière étape : construction du programme thérapeutique
Le thérapeute propose et décrit le programme thérapeutique élaboré à partir de ces
hypothèses. C’est à ce moment qu’il explique et discute des difficultés ou des problèmes
susceptibles de survenir en cours de prise en charge.
Il est ainsi proposé à Ariane une thérapie cognitive individuelle. Elle est incitée à construire
un programme d’objectifs comportementaux à atteindre, afin de pouvoir réaliser les activités
qu’elle souhaite.
Elle est aussi encouragée à améliorer son réseau social, sans pour autant que ces activités soient
orientées vers le fait d’obtenir l’approbation des autres.
Dès ce moment, le thérapeute peut anticiper la difficulté selon laquelle Ariane va rechercher
son approbation de différentes manières au cours de la thérapie. Toute intervention du
thérapeute ressentie ou interprétée comme une critique pourra entraîner chez elle un
mouvement émotionnel pénible et se traduire par toute une variété d’attitudes.
Dans cette dernière étape, notre conceptualisation est proposée au patient et discutée avec
lui.
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Jacques, cadre dans une entreprise, souffre d’un deuxième épisode dépressif. Lors du premier
entretien, sa manière de parler de lui, de toutes ses obligations au travail, dans sa maison, dans
sa famille ainsi que le fait qu’il vit sa dépression comme une faillite totale de sa personne, nous
fait entrevoir dès ce moment deux règles de pensées : « Je dois donner toujours une bonne
image de moi » et « Si je ne fais pas les choses parfaitement, alors je serai rejeté. »
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Au fil des entretiens, le premier schéma devient : « Je suis une mauvaise fille » et le second
schéma : « Je n’ai aucune valeur » qui s’associe à un troisième : « Le monde me fait peur. »
Une troisième possibilité, qui ne doit pas nous paniquer, est la difficulté voire l’impossibilité
de formuler une hypothèse satisfaisante au bout de ces trois voire cinq premiers entretiens
avec le patient.
Les symptômes dépressifs de Claude se révèlent brutalement dans les suites immédiates d’un
licenciement économique. Très apragmatique, ce patient parle peu et répond pauvrement aux
questions sur ses difficultés à agir. La culpabilité liée au chômage, la peur de mettre en danger
l’avenir financier de sa famille qui n’a pas d’autres revenus, l’autodépréciation et l’aboulie sont
au centre de son discours. En dehors des symptômes de dépression, l’auto-centration permanente
dévoile des traits de perfectionnisme quand il parle de son ancienne activité professionnelle.
La dévalorisation de soi et la culpabilité, très envahissantes, ne laissent pas entrevoir d’autres
hypothèses. Ses enfants et sa femme sont décrits comme ayant beaucoup de courage de supporter
cette situation.
C’est seulement après une période de thérapie comportementale, c’est-à-dire après avoir constitué
une liste d’objectifs à atteindre, établi des renforcements personnels et s’être remis en mouvement
que le patient est capable d’exprimer des cognitions sur son environnement et sur ses premières
expériences quotidiennes. L’élargissement des expériences concrètes fournit un ensemble de
pensées automatiques qui conduisent, vers la huitième séance de thérapie, à des hypothèses
sur ses schémas cognitifs. Le patient sort de son repli. Puis il décrit les différentes interactions
familiales renforçant son apragmatisme et son désespoir.
Trois schémas sont repérés : « Si je ne fais pas tout parfaitement, je ne suis rien », « Je dois
136 être au top », « Les autres me sont hostiles. »
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RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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Leçon 7
Construire le contrat
thérapeutique
138
Objectifs
Établir des hypothèses avec le patient
sur le ou les problèmes et établir des priorités
Proposer une méthode et des techniques
et les expliquer
Rédiger le contrat thérapeutique
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PLAN DE LA LEÇON
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« Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite. »
Henry Ford
L’histoire de l’analyse fonctionnelle, ainsi nommée par P. Lévy au début du XXe siècle,
est assez récente. Son objet est d’étendre le champ de l’analyse à des espaces abstraits
dont les éléments ne sont plus des nombres, mais des fonctions. La généralisation
de notions telles que continuité, dérivation, différentiation, intégration, notions
reposant sur le concept de limite, suppose la définition d’une topologie sur un espace
fonctionnel, les propriétés étudiées dépendant de la topologie choisie.
D’autres freins encore liés aux processus psychologiques de la maladie dépressive s’y
rajoutent, c’est pourquoi nous allons présenter l’ensemble des procédures qui vous aideront
à construire le contrat thérapeutique avec le patient déprimé.
Il s’agit d’un consensus portant sur les rôles attendus et les objectifs du traitement. Ce
contrat est construit en collaboration avec le patient. Il précise les objectifs concrets
à atteindre et les moyens techniques pour y parvenir. Ces moyens techniques peuvent
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être soit des stratégies thérapeutiques comportementales ou cognitives bien codifiées,
soit des entretiens reposant, par exemple, sur les principes du conditionnement
opérant.
Dans ce contrat figurent également un certain nombre d’éléments pratiques qui sont
clairement explicités :
– Quand (heure et rythme des séances, voire nombre total ou durée totale
approximative) ;
– Comment et où il prend place (dans un cabinet libéral, avec des séances d’une
durée de 30 minutes par exemple) ;
– Ce qu’il peut améliorer (contact avec les autres, pouvoir entrer chez un commerçant,
voire affronter un groupe de personnes avec une moindre gêne) ;
– Ce qu’il ne peut pas améliorer avec ce contrat (tendance perfectionniste,
méticulosité, goût pour l’ordre) ;
– Ce qui doit y être fait (un apprentissage à une méthode de relaxation afin de
diminuer l’anxiété physique) ;
– Quel traitement sera préconisé (du fait de l’anxiété importante, le maintien du
traitement pharmacologique anxiolytique tout au long de l’apprentissage des
stratégies thérapeutiques est discuté) ;
– Sur combien de temps se déroulera la TCC ?
– Les honoraires sont précisés, ainsi que les possibilités ou non de prise en charge.
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L’objectif principal
L’objectif principal, cible de la démarche thérapeutique, découle de l’analyse des comporte-
ments altérés mentionnés par le sujet déprimé et ayant fait l’objet de l’analyse fonctionnelle.
Ainsi pour Yasmine, Claude et Alain, l’impossibilité de faire, d’entreprendre, de réaliser la moindre
tâche quotidienne est devenue l’objectif principal de la thérapie. En revanche pour Doris, Jacques
et Janine, l’objectif premier est de rétablir une qualité de relation interpersonnelle.
• Convention, accord de volontés ayant pour but d’engendrer une obligation d’une
ou de plusieurs personnes envers une ou plusieurs autres.
• Quatre conditions sont nécessaires pour la validité du contrat : le consentement
des parties, la capacité de contracter, un objet certain, une cause licite.
– S comme Spécifique
– M comme Mesurable
– A comme Acceptable
– R comme Réaliste
– T comme Temporellement défini
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THÉRAPEUTE — Quelles sont les difficultés que vous ressentez aujourd’hui, qui sont liées à la
dépression et que vous souhaiteriez voir s’améliorer ?
PATIENT — Tout d’abord c’est d’être en paix avec moi-même. J’ai du mal à me lever. Je n’ai pas
envie de manger. J’ai envie de ne rien faire. Je pense que lorsque les autres gens se lèvent, ils
ont envie de plein de choses. Je n’ai plus la force de garder le contact avec mes amis.
T — À partir de ce que vous venez de dire, quels objectifs concrets pourriez-vous atteindre ?
P — Si je pouvais reprendre mes activités, la lecture, le bricolage, l’écriture.
T — Nous pouvons définir des objectifs par rapport à vous-même. Qu’est-ce que vous aimiez faire
avant la dépression et que vous n’avez plus envie de faire ou que vous vous sentez incapable de
réaliser en ce moment ?
P — Mes amis sont si gentils. Ils m’ont appelé à l’hôpital. Je ne peux pas leur téléphoner, je
suis mal, je ne veux pas qu’ils me voient comme cela.
T — Pourrait-on envisager un objectif concernant votre entourage, quand vous vous sentirez un
peu mieux, que vous aurez repris un peu d’activités ? 143
P — J’aimerais recontacter mes anciens collègues, mais j’ai honte. J’aimerais bien retourner au
club de sport pour les regarder jouer. Je devrais faire des promenades avec mon chien.
T — Ces objectifs comportementaux sont très intéressants, ils définissent exactement ce que
vous ne pouvez plus faire actuellement et que vous aimeriez recommencer dès que ce sera
possible. Nous allons dans un instant les reprendre un à un pour encore mieux les préciser. De
plus, par rapport à l’avenir, que pourriez-vous définir comme objectif ?
P — Je serai peut-être mort d’ici là.
T — Qu’entendez-vous par là ?
P — Je n’ai pas d’idée noire, ce n’est pas cela, mais nous sommes tous mortels.
T — Il est vrai que tous les hommes sont mortels ; pour autant, ne nous interdisons pas de
formuler des projets pour un avenir proche, voire plus lointain, nous ne connaissons pas le jour
de notre disparition.
P — Je ne vois pas le futur.
T — Vous me disiez au dernier entretien que votre projet de retraite était de vivre à la campagne
pendant la belle saison et de résider à Paris pendant l’hiver.
P — J’aimerais aller à la campagne, revoir mon jardin, faire un tour en forêt. C’est impossible
avec cette fatigue.
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T — Je comprends bien que tout cela vous paraisse impossible aujourd’hui, que c’est difficile,
mais il est important de définir ensemble des buts à moyen et long terme. Nous reviendrons sur
ce sujet dans quelques instants. Si je reprends déjà les objectifs que vous avez déjà cités, ils
sont au nombre de quatre :
– téléphoner à d’anciens collègues ;
– aller promener votre chien ;
– retourner dans votre jardin ;
– faire un tour en forêt.
Je vous propose de revenir sur chacune de ces possibilités.
Olivia en est à son quatrième épisode dépressif. Elle relate en séance une semaine type lorsqu’elle
n’est pas déprimée. En voici un extrait :
« Jeudi :
– 8 h 00 : Lever. Je prends ma douche et m’habille
– 8 h 20 : Petit-déjeuner. Je me prépare un jus d’orange maison
– 9 h 00 : Départ pour le travail en vélib
– 9 h 30-12 h 30 : Matinée au travail. Réunion avec les collaborateurs, résolution du problème
de lancement de la nouvelle ligne. Appels téléphoniques
– 12 h 30-13 h 30 : Déjeuner avec Marine et Jeanne
– 13 h 30-18 h 00 : Travail. Réunion avec les collaborateurs
– 18 h 10 : Rendez-vous chez l’esthéticienne
– 19 h 00 : Je rentre à la maison en vélib
– 19 h 30 : Télévision
– 20 h 15 : Préparation d’un gratin
– 21 h 00 : Repas
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 145 — #157
– 21 h 20 : Télévision
– 23 h 20 : Coucher. Lecture
Vendredi
– 8 h 00 : Lever. Je prends ma douche et m’habille
– 8 h 30 : Petit-déjeuner rapide
– 9 h 00 : Départ pour le travail en vélib
– 9 h 30-12 h 30 : Matinée au travail. Cartons pour le futur déménagement. Réunion. Appels
téléphoniques
– 12 h 30-13 h 30 : Déjeuner avec Marine et Jeanne
– 13 h 30-18 h 00 : Travail
– 18 h 30 : Rendez-vous avec Léa. Séance de cinéma
– 20 h 30 : Dîner à l’extérieur avec Léa et d’autres amis
– 01 h 20 : Coucher
Samedi
– 10 h 30 : Lever. Petit-déjeuner
– 11 h 10 : Arrosage des plantes
– 11 h 30 : Douche. Habillage
– 12 h 10 : Marché aux légumes et fleuriste
– 13 h 30 : Repas chez les parents
– 15 h 00 : Retour à la maison en vélib
– 15 h 30 : Sieste 145
– 18 h 00 : Cours de pilates avec Léa
– 19 h 30 : Café avec Léa
– 20 h 30 : Retour à la maison
– 21 h 00 : Repas
– 21 h 30 : Télévision
– 00 h 00 : Coucher. Lecture »
✐ ✐
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 146 — #158
Par exemple, Jeanne, déprimée, a une symptomatologie marquée par de l’inhibition comporte-
mentale. Elle décrit les objectifs suivants :
« Objectif concernant le soi : me maquiller les yeux tous les jours. »
« Objectif concernant les autres : appeler Léa tous les trois jours. »
« Objectif concernant le futur : refaire la peinture de mon salon. »
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 147 — #159
À l’aide de ces procédures, le sujet déprimé formule une dizaine d’objectifs, classés dans
l’ordre du plus facilement accessible au plus difficilement accessible, pendant la séance
avec le thérapeute. Chaque objectif est ensuite repris, afin que le patient puisse en définir
la fréquence minimale.
Le but n’est pas de revenir à un taux d’activité identique à la période précédant la dépression, 147
mais de pouvoir reprendre progressivement des activités qui lui faisaient habituellement
plaisir. La fréquence et la durée définies avec le thérapeute sont considérées par le sujet
comme le minimum acceptable.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 148 — #160
Aussi son objectif principal vise-t-il à réinstaurer des activités. L’objectif secondaire est de
développer de nouvelles activités qu’elle avait toujours souhaité faire depuis des années.
Les objectifs thérapeutiques, définis au cours puis en dehors des séances, sont les suivants,
classés du moins difficile au plus difficile :
1. Me maquiller les yeux tous les week-ends.
2. Appeler Léa tous les trois jours.
3. Me lever au plus tard à 11 h 30 tous les matins.
4. Aller au marché au moins une fois par semaine.
5. Accepter une sortie au moins une fois tous les quinze jours.
6. Repeindre ma chambre.
7. Me rendre à un cours de danse salsa une fois par semaine.
8. Trouver un emploi...
Cette liste n’est pas exhaustive
Parallèlement à cette liste, Jeanne a également exprimé des objectifs non comportementaux,
centrés sur son hyper-perfectionnisme.
Les techniques thérapeutiques incluront une étape psychoéducative pour améliorer sa connais-
sance de la dépression, des techniques comportementales (planification, séquençage en
sous-étapes et résolution de problème), afin d’apprendre et de développer des stratégies
pour lutter contre l’inhibition, et des techniques cognitives pour lutter contre les postulats
perfectionnistes. La durée de la thérapie proposée est de 12 séances de 45 minutes, à l’issue
desquelles une réévaluation sera proposée.
148
Le contrat est ensuite daté et signé par le patient, mais aussi par le thérapeute.
RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 149 — #161
NOTES
149
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Leçon 8
Les techniques
comportementales
150
Objectifs
Mettre en œuvre un programme de changement
La planification des activités
Le séquençage en sous-étapes
La résolution de problème
L’affirmation de soi
La relaxation
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 151 — #163
PLAN DE LA LEÇON
151
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 152 — #164
Un programme structuré d’activités est proposé par Lewinsohn en 1974. Le principe consiste
à augmenter la probabilité de survenue des événements agréables et renforcements positifs,
et à diminuer la probabilité de survenue des événements pénibles. La démarche comporte
12 séances très structurées : la période initiale est l’évaluation du contenu hédonique et de
la fréquence des événements jouant un rôle dans l’existence du sujet ; puis le patient se
centre sur l’apprentissage d’habiletés spécifiques permettant de modifier ses interactions
avec l’environnement : relaxation, affirmation de soi, techniques de contrôle de pensée,
planification de l’activité. Cette stratégie, basée sur le conditionnement opérant, intègre
en fait des méthodes telles que : l’entraînement aux habiletés sociales, la mesure des
caractéristiques subjectives du plaisir ressenti et de l’accomplissement perçu de l’action.
Cinq études contrôlées évaluent l’efficacité de ce programme, mais la disparité des
échantillons et des méthodes de recherche ne permet pas de conclure quant à son efficacité
(Blackburn et Cottraux, 2001).
En pratique ces programmes sont très utilisés, très bien acceptés par les individus déprimés.
152 Dans le but de mesurer ces événements plaisants, Lewinsohn construit une échelle, la
Pleasant Events Schedule (PES ; Lewinsohn, Mc Filamy, 1975 ; traduction par Cottraux,
1985). Cet auto-questionnaire propose une liste de 120 situations pour lesquelles il est
demandé d’évaluer le niveau de plaisir ressenti et le niveau d’accomplissement de l’action.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 153 — #165
Tableau 8.1. Liste des événements agréables (PES - Pleasant Events Scale)
Consignes : Nous vous demandons tout d’abord de remplir la colonne
« fréquence » (Colonne F) en répondant à la question suivante : le mois
dernier, combien de fois avez-vous réalisé les activités suivantes ?
Pour chaque item, mettre une croix dans la colonne de votre choix :
0 = « Cela ne m’est jamais arrivé »,
1 = « Cela m’est arrivé un peu » (de 1 à 6 fois),
2 = « Cela m’est arrivé souvent » (7 fois et plus).
Ensuite, reprendre la liste des événements et remplir la colonne « Plaisir »
(Colonne P) selon le niveau de plaisir :
0 = « C’était désagréable »,
1 = « C’était parfois désagréable » (modérément plaisant),
2 = « C’était plaisant »
Nous vous demandons de remplir la colonne P pour chaque activité de la liste.
Si vous n’avez pas eu l’occasion de pratiquer une activité durant le mois qui
vient de s’écouler, cotez-la en fonction de ce que vous imaginez pouvoir
ressentir en la réalisant. Faites une moyenne en cas d’items à plusieurs
activités.
F P FxP
0 1 2 0 1 2
4 Parler de sports.
L’analyse de ce modèle précise la nature des causes de la dépression, qu’elles soient liées au
milieu ou à l’individu. Le facteur causal le plus important est sans doute la diminution de
renforcements venant du milieu. Cette perte de renforcement peut être occasionnelle, par
exemple un déménagement, qui rompt le contact avec les amis et les voisins et conduit la
personne à se sentir coupée de ses habitudes. De même, un individu qui change de travail
n’a plus d’interactions avec ses anciens collaborateurs, ses chefs, ses subordonnés. Mais il
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peut s’agir de la perte réelle de la source des renforcements, à l’occasion d’une séparation,
d’un divorce ou d’un deuil... Par ailleurs, l’inhibition est préjudiciable au déprimé, dans la
mesure où il perd l’occasion d’obtenir de son entourage des stimulations agréables de la vie
courante. De ce fait, le déprimé engage moins souvent la conversation, il n’encourage pas au
bon moment l’attitude favorable d’un proche et il diminue le nombre de ses interlocuteurs
à un moment où il est plus dépendant du renforcement social qu’un autre individu.
Tout le monde connaît cette série animée où Popeye ingurgite des épinards quand il
est en difficulté pour se doter d’une super-force et combattre Brutus qui tente par
tous les moyens de séduire sa fiancée Olive.
Lors de sa sortie aux États-Unis, la popularité de ce dessin animé a renforcé les ventes
des épinards.
Il n’était pas rare d’ailleurs d’entendre certaines mamans dire à leurs enfants : « Mange
des épinards, tu seras fort comme Popeye. »
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La thérapie proposée par Lewinsohn vise à restaurer les renforcements positifs en augmentant
le niveau, la qualité et l’étendue des activités et des rencontres du sujet. Différentes d’un
individu à l’autre, les techniques comportementales utilisées dépendent des circonstances
responsables du faible taux de renforcements positifs d’une personne. Un programme
d’actions est construit avec le patient, il comprend des objectifs à atteindre, utiles ou
plaisants, choisis par le sujet déprimé car ils sont peu ou pas du tout effectués avec la
dépression. Chaque objectif déterminé permettra, quand il sera atteint, d’accéder soit à
un plaisir propre à la personne soit à un contact, une interaction avec les autres très
satisfaisante donc renforçante.
Les techniques comportementales comprennent un entraînement aux habiletés sociales
et une programmation d’activités plaisantes. Le sujet évalue la progression de ses
comportements par l’intermédiaire du questionnaire PES. Au total, la thérapie comprend
une dizaine de séances.
Par la suite, Lewinsohn a fait évoluer son programme thérapeutique (1980) en y intégrant
les dernières données de la psychologie cognitive sous forme d’une approche systématisée
des pensées pessimistes engendrées par la dépression.
Il propose ainsi un programme structuré multimodal, composé de douze séances, incluant
les étapes suivantes : le contrôle de l’anxiété, à partir de l’apprentissage à la relaxation,
l’entraînement aux habiletés sociales, l’initiation aux techniques cognitives, l’abord des 155
techniques de gestion du temps et l’introduction progressive des activités plaisantes.
Il amène également le patient à distinguer deux notions psychologiques souvent confondues
chez le déprimé : l’accomplissement d’une tâche et le vécu de plaisir ressenti à effectuer
cette tâche.
• État de contentement que crée chez quelqu’un la satisfaction d’une tendance, d’un
besoin, d’un désir : Cette musique lui procure un immense plaisir. Éprouver du plaisir
à lire.
• Ce qui plaît, divertit, procure à quelqu’un ce sentiment agréable de contentement :
Le plaisir de la table.
• S’emploie dans des formules de politesse pour exprimer un quelconque consente-
ment, agrément : Quel plaisir de voyager avec vous !
• Jouissance sexuelle, volupté : Donner du plaisir à son partenaire.
• Oublie roulée en cornet.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 156 — #168
• Mener une fonction, une période jusqu’à leur terme, les achever : Accomplir son
mandat.
• Réaliser, exécuter un projet, une action : Accomplir la volonté de quelqu’un.
La majorité des sujets déprimés évaluent ces deux composantes très négativement. Lorsqu’on
leur demande d’apprécier par une note A l’accomplissement de l’action et par une note P
le plaisir ressenti, la majorité d’entre eux accordent en effet une note basse à ces deux
dimensions, même si la tâche souhaitée a été réalisée.
Jacqueline, 56 ans, décide de préparer pour la première fois depuis le début de sa dépression
un plat cuisiné très simple pour le déjeuner du dimanche avec son mari. Sur son carnet de
thérapie, elle s’attribue les notes : pour A de 3 sur 10 et pour P de 3 sur 10 également, alors
que le plat était réalisé, qu’elle reconnaissait qu’il était plutôt réussi et qu’elle s’était détendue
pendant une partie de la préparation. Comme Jacqueline n’a pas ressenti de plaisir, l’acte de
préparation du plat a donc été démesurément minimisé. Le thérapeute lui demande, après une
discussion reprenant avec elle les différents temps de l’expérience, de réévaluer cette notation.
Elle s’attribue alors une nouvelle note de 8 sur 10 pour l’accomplissement et gardera sa note de
3 pour le plaisir associé.
Pour beaucoup de personnes déprimées, le plaisir reste toujours faible voire inexistant du
fait de la dépression encore active.
Le sujet déprimé, de plus, imagine que l’autre éprouve des plaisirs beaucoup plus forts...
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En collaboration avec le thérapeute, le patient programme les activités qu’il pourra envisager
dans les jours suivants. Ces activités sont abordées dans le sens d’une difficulté croissante.
Le choix des activités tient compte de leur fréquence dans la vie du sujet, de leur opportunité
de réalisation, de leur niveau de difficulté et de leur apport de satisfaction, voire de plaisir.
Cet enregistrement présente plusieurs intérêts. Il montre au sujet que, pour certaines
activités, il peut éprouver un certain plaisir ; il lui permet également de confronter sa
croyance anticipatoire à la réalité.
157
Bien que le sujet présente généralement une conviction absolue vis-à-vis du contenu de
sa « pensée automatique », il n’en connaît pas en fait sa validité. Le fait de confronter sa
prédiction à l’expérience lui permet de définir les limites de sa prédiction et de modifier
secondairement son comportement.
Le déprimé qui ne souhaite plus du tout rentrer à son domicile du fait de la croyance : « Je
suis incapable de rester seul chez moi » va tester cette affirmation par une série de tâches
progressives. Dans un premier temps, il a pour objectif de rester seul une heure chez lui, de
prendre son courrier et des papiers qui lui manquent. Au bout de trois semaines, le patient
passe un week-end seul chez lui, qui se déroule agréablement et découvre certains voisins
dans l’immeuble passés inaperçus auparavant. Les séjours de plus en plus prolongés à son
domicile lui permettent de connaître les différentes situations difficiles et de développer
des stratégies pour y faire face.
Dans cette démarche, il est possible de s’aider de jeux de rôles préparatoires ou de séances
de répétition en imagination.
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LE SÉQUENÇAGE EN SOUS-ÉTAPES
Cette technique permet au sujet de définir des sous-étapes de réalisation d’un objectif qu’il
s’est fixé, en accord avec le clinicien.
Pourquoi des sous-étapes ? Parce que la dépression altère et fige la planification, une
fonction cérébrale qui se met en place vers l’âge de 11-12 ans.
En procédant par sous-étapes, l’individu oblige son cerveau à réutiliser cette fonction de
planification. En effet, elle n’est pas perdue, mais par contre, la dépression en altère le
fonctionnement automatique.
158 Par exemple, Gilles a ressenti la veille des difficultés dans la réalisation de son objectif « mettre la
table une fois par semaine au dîner ». Alors qu’il se trouvait devant le buffet de sa salle à manger,
il a ressenti une forte angoisse en se disant qu’il « se sentait incapable ». Le comportement
immédiat a alors consisté à rester sur sa chaise, recroquevillé.
Par exemple, ici, il a été décidé en accord avec Gilles qu’une première sous-étape à son objectif
pourrait consister à poser quatre jeux de couverts sur la table. Il s’agit ici de la sous-étape la
moins difficile pour lui car « les couverts se trouvent dans le buffet situé juste à côté de la
table » et qu’ils ne « risquent pas de se briser ». Une fois à l’aise avec cette étape de résolution
sur une certaine période de temps, il pourra alors passer à l’étape suivante, qui consiste à poser
quatre assiettes sur la table, etc.
Fanny, quant à elle, a choisi de regarder une vidéo de Tai Chi. Le séquençage en sous-étape
consistera à regarder de courts extraits de vidéo sur internet (5 minutes), puis un quart d’heure
d’un DVD, etc.
Enfin, Annie a décidé de se lever à 7 h 00 une fois par semaine. La difficulté est qu’elle se lève
actuellement à 12 h 00. Aussi, elle décide de commencer par « se lever au plus tard à 11 h 00 »
une fois par semaine, puis une fois que la réalisation sera confortable pour elle, de passer à « au
plus tard 10 h 00 », etc.
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Dans certains cas, le séquençage en sous-étapes ne permet pas de résoudre tous les
problèmes. Il sert principalement en cas de blocage et d’inhibition. En revanche, certains
problèmes concrets nécessitent une prise de décision assez rapide et ne relèvent pas toujours
de la démarche en sous-étapes. On utilise alors la technique de résolution de problème.
LA RÉSOLUTION DE PROBLÈME
Selon les auteurs, la technique de résolution de problème est considérée comme une
tâche comportementale ou cognitive. La démarche même de la thérapie cognitive est un
apprentissage à la résolution de problèmes, fondé sur des stratégies comme la décentration,
l’élaboration de réponses alternatives...
La résolution de problème comporte classiquement sept étapes :
1. Définir et préciser le problème à résoudre. Faire expliciter le problème de manière
concrète, précise, spécifique et connaître le contexte de survenue.
2. Rechercher toutes les solutions possibles, quel que soit leur degré de pertinence. Il est
important que le nombre de solutions apportées soit le plus large possible, même si
certaines peuvent apparaître non conventionnelles au regard du patient. Ces solutions
doivent cependant être réalistes. En lister au moins 8 le plus spontanément possible.
3. S’entraîner, toujours par écrit, et répéter la démarche régulièrement (durée : 10 159
à 20 minutes).
4. Reprendre chacune des solutions proposées et examiner leurs avantages et leurs
inconvénients. Chaque avantage et chaque inconvénient est noté sur 100. (À quel point
cette solution représente un avantage pour moi ? À quoi point celle-ci représente-t-elle
un inconvénient ?) Évaluer l’éventualité de leur mise en application par le sujet et les
conséquences qui en découleraient.
5. Hiérarchiser les solutions, de la plus confortable à la moins confortable.
6. Mettre en œuvre la solution la plus confortable.
7. Estimer les résultats en regardant comment le patient a pu résoudre son problème initial
par la mise en œuvre de la solution choisie.
Si les résultats obtenus sont peu satisfaisants, choisir une seconde solution de la liste et la
mettre en œuvre.
À titre exceptionnel, redéfinir le problème en fonction des aspects qui restent non résolus...
Et reprendre le même programme avec ces six étapes.
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Cas de Nathalie
Étape 1 – Problème cible
Reprendre la photographie
Étape 2 – Liste des solutions possibles
Faire un safari-photo avec ma fille
Prendre des photos dans la maison
Toujours garder l’appareil photo sur moi
Prendre l’appareil photo pour me rendre au travail
Faire des photos dans les expositions et les musées
Faire des photos dans le quartier
Étape 3 – Avantages et inconvénients de chaque solution
Safari-photo avec ma fille :
Avantage : sortie avec ma fille (90 %)
Inconvénient : coût (70 %)
Prendre des photos dans la maison (chats, etc.) :
Avantage : facile (100 %)
Inconvénient : ennuyeux (80 %)
Toujours garder l’appareil photo sur moi :
Avantage : occasion de faire des photos (70 %)
Inconvénient : lourdeur de l’appareil (80 %)
160
Prendre l’appareil photo pour me rendre au travail :
Avantage : beaucoup de sujets (90 %)
Inconvénient : lourdeur de l’appareil (80 %)
Faire des photos dans les expositions et les musées :
Avantage : nouvelles œuvres (70 %)
Inconvénient : loin du domicile (90 %)
Faire des photos dans le quartier :
Avantage : facile (100 %)
Inconvénient : vite limité (50 %)
Étape 4 – Hiérarchisation
Faire des photos dans le quartier
Prendre des photos dans la maison
Faire un safari-photo avec ma fille
Prendre l’appareil photo pour me rendre au travail
Toujours garder l’appareil photo sur moi
Faire des photos dans les expositions et les musées
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 161 — #173
La dépression s’accompagne d’une baisse de l’estime de soi qui a pour conséquence une
diminution, voire un évitement des relations interpersonnelles. De plus, un certain nombre
de sujets déprimés, malgré un traitement antidépresseur bien conduit et une amélioration
clinique, restent passifs et évitent le contact social. Une thérapie d’affirmation de soi,
qui comprend un apprentissage de la communication verbale et non verbale, et permet
l’expression d’une plus large palette émotionnelle, est tout à fait légitime chez les sujets
qui ne parviennent pas à exprimer leurs idées ou leurs sentiments, une fois la dépression
améliorée.
Au cours de la TCC, le thérapeute peut être amené à prescrire des tâches ponctuelles
d’affirmation de soi en tant qu’épreuve de réalité.
Bruno, jeune homme déprimé, n’ose pas se rendre à une réunion de travail, il se dit : « Je
n’ai rien d’intéressant à leur apporter, je vais passer pour un imbécile. » Un travail cognitif de
recherches d’alternatives de pensées, couplé à des jeux de rôle d’entraînement à l’expression
verbale, permettra au patient de se rendre plus aisément à la réunion et, sur place, de se rendre
compte des capacités d’expression de chacun.
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LA RELAXATION
L’avis d’une indication de relaxation chez un sujet déprimé est très partagé selon les auteurs.
Certains évaluent favorablement son apport sur la diminution de l’anxiété associée à la
dépression. Pour d’autres, sa pratique semble déconseillée du fait de l’émergence accrue
d’idées négatives qui deviennent envahissantes, voire dangereuses en raison d’un risque
accru de passage à l’acte suicidaire.
L’évaluation des résultats des exercices prescrits est faite par le clinicien et par le patient à
partir de critères comportementaux bien définis, pour pallier les difficultés spécifiques du
dépressif.
162
LIMITES ET RÉSOLUTION
Une fois revue la liste des objectifs, le thérapeute demande à Claire de classer les objectifs dans
leur ordre d’importance. Elle choisit de vouloir s’engager dans des activités plus plaisantes pour
elle. Écrire, regarder des sites liés à ces centres d’intérêt sur internet...
Le clinicien lui donne le choix sur le thème de discussion de la séance : qu’est-ce qu’elle envisage
cette semaine, qu’est-ce qu’elle prévoit comme tâche au domicile.
Claire indique à la séance suivante qu’elle a entrepris plusieurs activités.
Après quelques améliorations, la patiente va activer la croyance suivante : si je vais mieux, mon
mari et le psy auront des attentes encore plus grandes vis-à-vis de moi.
Une technique de résolution de problème et de jeu de rôle sera alors utilisée pour déjouer cette
pensée.
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RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 164 — #176
Leçon 9
L’activation
comportementale
164
Objectifs
Transmettre un savoir théorique et pratique sur
l’activation comportementale d’hier
et d’aujourd’hui
Proposer des techniques et les expliquer
Le monitoring des activités et de l’humeur
La planification d’activités
La place des valeurs
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 165 — #177
PLAN DE LA LEÇON
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 166 — #178
L traitement de la dépression n’est pas nouvelle, mais ces dernières années ont
connu un regain d’intérêt pour cette démarche. Cette vague d’intérêt plus récente
s’inscrit dans le contexte d’une longue histoire de recherches et de pratiques
cliniques, qui n’ont eu de cesse d’évoluer depuis les premiers modèles développés par
Lewinsohn et ses collaborateurs.
Bien que Lewinsohn et ses collaborateurs aient été pionniers dans le développement d’un
modèle comportemental et dans la mise en œuvre de stratégies d’activation comportementale
dans le traitement de la dépression, le terme d’activation comportementale n’apparaît que
bien plus tard.
Selon Dimidjian et al. (2011), sa première utilisation en psychothérapie apparaît en 1990
(Hollon et Garber, 1990) et est définie comme « un ensemble de procédures cliniques
utilisées dans la thérapie cognitive pour la dépression ».
En 2011, Dimidjian et ses collaborateurs précisent cette définition.
L’activation comportementale est alors définie comme une approche thérapeutique brève,
structurée, qui vise à :
166
– augmenter l’engagement de l’individu dans des activités adaptatives (qui sont souvent
celles qui sont associées à une expérience de plaisir ou de maîtrise) ;
– diminuer l’engagement de l’individu dans des activités qui maintiennent la souffrance
dépressive ou qui augmentent le risque de favoriser la dépression, etc. ;
– apprendre la résolution de problèmes qui limitent l’accès aux récompenses et réguler les
conduites d’aversion.
Ainsi, elle diminue l’engagement dans des activités qui maintiennent la souffrance dépressive
ou qui risqueraient de favoriser la dépression.
Le traitement cible directement ces objectifs ou se concentre sur les processus psycho-
logiques qui les inhibent (par exemple l’évitement). Dans ce but, plusieurs techniques
comportementales peuvent être proposées, telles que le monitoring des activités et de
l’humeur, la planification d’activités, la résolution de problème, etc.
Ces quarante dernières années ont vu apparaître de nombreuses articulations de cette
démarche, qui s’est considérablement enrichie au fil des ans.
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9 • L’activation comportementale
Dès 1971, Lewinsohn propose un premier modèle comportemental pour la dépression basé sur
l’hypothèse selon laquelle l’absence relative d’éléments renforçants dans l’environnement de
l’individu jouerait un rôle essentiel dans le développement et le maintien de la dépression.
La diminution de renforcement résulterait de la combinaison de quatre facteurs :
1. Une diminution de la quantité de situations qui ont un potentiel renforçateur pour un
individu donné ;
2. Une diminution de la disponibilité de ces éventuels renforçateurs dans l’environnement ;
3. Le manque d’habiletés qui permettent de vivre les contingences de renforcement (comme
c’est le cas par exemple des habiletés sociales) ;
4. Une augmentation de l’exposition à des situations stressantes ou pénibles (Lewinsohn,
1974 ; Lewinsohn, Sullivan et Grosscup, 1980).
Ainsi, lorsque les sources de renforcements positifs sont perdues, l’individu ne s’engage
plus dans des activités qui lui procurent du plaisir et de la satisfaction, et la dépression
apparaît. Si ces sources essentielles de renforcement sont perdues, alors la prise en charge
doit se focaliser sur le rétablissement de contacts avec ces renforcements positifs (avec
la planification d’activités) et l’apprentissage de compétences nécessaires pour obtenir et
maintenir un contact avec ces sources de renforcements positifs (avec un entraînement aux
compétences sociales). 167
Lewinsohn est ainsi le premier auteur à proposer un programme TCC incluant la reprise
d’activités agréables, génératrices de plaisir et de satisfaction, pour augmenter les
renforcements positifs personnels et interpersonnels de l’individu déprimés.
En 1996, une étude publiée par Jacobson et ses collaborateurs relance l’intérêt pour
l’approche comportementale, qui recevait alors moins d’attention. Les auteurs ont évalué
l’impact des différentes composantes de la TCC auprès de 152 patients déprimés. Trois prises
en charge thérapeutiques sont comparées :
1. Activation comportementale (AC), incluant la planification d’activité ;
2. TCC avec AC et modification des pensées automatiques dysfonctionnelles ;
3. TCC avec AC, modification des pensées automatiques dysfonctionnelles et modification
des schémas.
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Les résultats de cette étude ont montré que le groupe de patients ayant suivi un
programme d’activation comportementale seul obtenaient d’aussi bons résultats en termes
de diminution de la symptomatologie dépressive, des pensées négatives et des attributions
dysfonctionnelles que les deux autres groupes. Une étude de suivi à 2 ans (Gortner et
al., 1998) confirme des bénéfices maintenus à deux ans, avec des résultats équivalents
pour les trois groupes. Ces résultats ont ainsi suggéré qu’une prise en charge purement
comportementale pouvait être efficace et qu’elle ne l’était pas davantage en ajoutant des
techniques cognitives. Il serait ainsi possible que les techniques comportementales soient
aussi efficaces dans la modification des pensées dysfonctionnelles que les techniques visant
directement à modifier les pensées.
Suite à cette étude jalon, la composante comportementale a été développée de manière à
constituer une prise en charge à part entière et plusieurs programmes sont apparus.
Sur la base de ce premier protocole élaboré par Jacobson et al (1996), Martell, Addis et
Jacobson (2001) élaborent par la suite un manuel de thérapie plus complet sur l’activation
comportementale, qui s’intéresse plus particulièrement à l’évitement comportemental ainsi
qu’à une série d’autres stratégies afférentes liées de façon plus indirecte à l’activation
comportementale.
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9 • L’activation comportementale
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Cette première étape du traitement vise à identifier les comportements actuels du patient
afin d’observer son niveau d’activité, ses comportements d’évitement et de rumination, et
d’évaluer les liens entre son humeur et ses activités au quotidien.
Cette phase s’appuie le plus souvent sur une grille d’auto-observation, ou monitoring des
activités quotidiennes, remplie par le patient durant la semaine, comprenant l’ensemble de
ses activités sur la journée et l’humeur associée à chaque activité.
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9 • L’activation comportementale
comprenne le contexte dans lequel ces activités sont réalisées. Ce relevé se fait heure par
heure, sur une journée de la semaine, et est prescrit durant minimum 3 semaines.
D’autres évaluations peuvent être ajoutées, comme l’humeur, afin d’identifier les états
émotionnels, la coloration d’humeur associée à chaque activité, de constater les fluctuations
de l’humeur, en fonction du type d’activité, du moment de la journée, etc.
Cette formule sert à faire le suivi de votre niveau d’activité et de votre humeur. Indiquez dans
chaque case votre activité principale pendant cette période et votre humeur dépressive (0 à 10)
vécue lors de la période concernée. Il est important de remplir cette formule au moins une fois par
jour et surtout de ne pas attendre la fin de la semaine pour le faire.
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En fonction de ce qui est amené par le patient, ce monitoring peut cibler de manière plus
précise certains comportements (par exemple, le temps passé au lit) ou encore certains
états émotionnels qui accompagnent les activités (par exemple, tristesse en regardant la
télévision).
! La planification d’activités
172
Une étape fondamentale de l’activation comportementale vise à déterminer ce que le patient
souhaiterait mettre ou remettre en place dans sa vie, en tenant compte du niveau d’activité
actuel. Dans le programme de Martell, Addis et Jacobson (2001), cette planification cible
des comportements précis liés à des évitements propres à l’individu. Dans le programme de
Lejuez et al. (2002, 2010), ces activités visent des objectifs à long terme que le patient se
fixe.
La planification de l’action se base sur un objectif choisi en fonction des valeurs de
l’individu, de ce qui est important pour lui actuellement. Cet objectif est ensuite transformé
en objectif SMART. Il est rendu spécifique, mesurable, accessible aujourd’hui, reproductible
et temporellement défini.
Les difficultés dans la mise en œuvre de cet objectif et les solutions possibles sont
envisagées. La planification est envisagée en détail : ce que le patient va faire précisément,
à quel moment, etc. Elle a l’avantage de présenter la journée en plusieurs petites tâches
fractionnées, surmontables pour l’individu.
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9 • L’activation comportementale
On peut citer parmi les domaines de vie importants : les relations (familiales, sociales,
amoureuses), le travail, la formation, les activités sportives et récréatives, le travail
bénévole, etc.
Par exemple si la valeur choisie par un patient est d’être un bon parent, alors les activités 173
pourraient être : prendre du temps pour jouer avec les enfants, leur lire quelque chose ou
discuter avec eux.
Une fois que ces domaines de vie et valeurs sont identifiés, le patient s’en sert pour définir,
planifier et mener à bien des activités quotidiennes.
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avec votre partenaire ? Si vous n’avez pas de partenaire, quel genre de partenaire
souhaiteriez-vous ?
4. Études/formation : voudriez-vous poursuivre des études ou suivre une formation
spécialisée ? Y a-t-il un sujet sur lequel vous désirez en apprendre davantage ?
Qu’est-ce qui est important pour vous en matière d’études et de formation ?
5. Emploi/carrière : quel genre de travail aimeriez-vous faire ? Quel genre de
travailleur aimeriez-vous être ? Qu’est-ce qui est important pour vous concernant
le travail ?
6. Hobbies/loisirs : y a-t-il des centres d’intérêt spécifiques que vous voudriez
développer ou de nouvelles activités auxquelles vous souhaiteriez vous adonner ?
Qu’est-ce qui est important pour vous en termes de loisirs ?
7. Bénévolat/bienfaisance/activités sociales : quelles contributions souhaiteriez-vous
apporter à la collectivité ?
8. Problème de santé physique et psychologique : qu’est-ce qui est important pour
vous en matière de santé générale, de régime alimentaire, de sommeil, d’activité
physique ?
9. Spiritualité : êtes-vous une personne spirituelle ? Si oui, que représente la
spiritualité pour vous ? Que signifie une vie spirituelle pour vous ?
10. Responsabilités : quelles nouvelles responsabilités quotidiennes vous procure-
raient un sentiment d’accomplissement ?
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9 • L’activation comportementale
• 1re étape : écrire une journée d’activités. Pour chacune de ces activités, attribuer
une note d’humeur durant chaque heure entre - 10 et + 10.
• 2e étape : choisir un objectif à partir de ces valeurs.
• 3e étape : transformer l’objectif en objectif spécifique, mesurable, atteignable et
reproductible « SMART ».
• 4e étape : planifier et réaliser l’objectif puis lui donner une note d’accomplissement
et une note de plaisir, selon un grade en dix points.
Il se peut que l’activité ne soit pas aussi plaisante qu’auparavant ou encore qu’elle
ne soit pas aussi plaisante que vous l’auriez souhaité, mais ce n’est pas l’objectif
principal. Le but est de s’activer.
• 5e étape : identifier les obstacles. Comment faire pour les contrecarrer une prochaine
fois ?
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RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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9 • L’activation comportementale
NOTES
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Leçon 10
Objectifs
Établir un agenda de séance
Faire choisir un problème
(récent, typique, fréquent)
Définir les déclencheurs et les émotions
Optimiser l’identification des cognitions
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PLAN DE LA LEÇON
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« Connais-toi toi-même. »
Socrate
LE POSTULAT COGNITIF
Les données de la littérature s’accordent sur le postulat selon lequel la dépression résulte
d’une altération de la logique du sens. Ce trouble de l’humeur génère une vision altérée,
déformée négativement, de soi-même et des événements.
• Proposition que l’on demande d’admettre avant un raisonnement, que l’on ne peut
démontrer et qui ne saurait être mise en doute.
• Principe de base, qui ne peut être mis en discussion : Les postulats politiques de
la gauche.
• En Suisse, vœu qu’un parlementaire transmet au pouvoir exécutif après qu’il a été
approuvé par la majorité de l’assemblée.
• Temps qui précède le noviciat, dans une communauté religieuse.
La TCC fait prendre conscience au patient déprimé de son discours intérieur, composé d’une
180 succession de cognitions pessimistes, pour les soumettre à un examen critique et en dégager
une représentation du monde plus rationnelle qu’émotionnelle. Elle est aujourd’hui séparée
en deux grandes parties bien individualisées.
La première partie consiste à identifier et à examiner rationnellement les pensées dépressives
pessimistes. Elle permet à tout individu déprimé d’acquérir une mise à distance émotionnelle
et un contrôle de ses pensées douloureuses de dévalorisation, d’incapacité, de culpabilité,
sources de tristesse voire de désespoir... Cette partie comprend une dizaine de séances
après l’analyse fonctionnelle et la proposition du contrat thérapeutique.
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6. Identification des schémas cognitifs.
7. Techniques de modification, d’assouplissement des schémas cognitifs.
8. Entretiens de consolidation.
• Selon le dictionnaire du Larousse, une émotion est une réaction affective transitoire
d’assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de
l’environnement.
• Pour un physiologiste comme Dantzer (2002), « le terme d’émotion désigne des
181
sentiments que chacun de nous peut reconnaître en lui-même par introspection
ou prêter aux autres par extrapolation ».
• Pour un psycho-comportementaliste comme Ekman (1992) les émotions sont des
entités psychophysiologiques et comportementales discrètes en nombre fini : les
émotions de base qui ont en commun un déclenchement rapide, une courte durée,
une survenue spontanée, une évolution automatique, et des réponses cohérentes.
• Les « émotions » désignent aujourd’hui pour un grand nombre de spécialistes,
uniquement les émotions dites « primaires » : la peur, la surprise, la colère, la joie,
la tristesse, et le dégoût.
Le clinicien a trois possibilités pour expliquer ces interactions : débuter par la pensée
biaisée négative, le vécu émotionnel, ou le comportement souvent inhibé ou bloqué. Il
peut formuler le modèle ainsi :
« Vous êtes aujourd’hui déprimé, votre humeur est triste, voire sombre. Pour certains psychiatres,
un des facteurs de vulnérabilité à la dépression, facteur qui aurait contribué à votre état émotionnel
actuel, est un système de pensées fortement négatif qui pilote vos états émotionnels et vos
comportements.
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Imaginez, par exemple, que vous perceviez un bruit sec de claquement dans la nuit. La pensée
“C’est peut-être un voleur qui essaye de fracturer la porte” va induire une réaction anxieuse, qui
vous amène à vous barricader solidement chez vous.
En revanche, la pensée “Ma maison tombe en ruine” entraîne une émotion de tristesse ; “C’est
le volet que je ne suis pas capable de réparer depuis un mois” et vous vous blottirez sous votre
couette, tétanisé.
Ou encore si vous pensez au moment du bruit : “Ce sont encore les voisins qui font du bruit”, vous
ressentirez de la colère et peut-être appellerez-vous la police pour tapage nocturne.
Ces pensées qui traversent rapidement l’esprit et emportent votre adhésion ne sont en fait qu’une
des interprétations possibles de la situation. C’est aussi ce qui se passe lorsqu’on perçoit l’éclat
de lumière émis par une pierre précieuse. L’éblouissement occulte les autres reflets de la gemme.
Il suffit pourtant de faire pivoter la pierre pour en apprécier les différents reflets.
Dans la thérapie, nous procéderons de même et envisagerons la situation concrète sous tous les
angles possibles, c’est-à-dire avec toutes ses alternatives de pensées. L’apprentissage de cette
ouverture de pensée a pour conséquence un soulagement émotionnel lié à une représentation
plus élargie de la réalité. Les derniers entretiens de cette thérapie ont pour objectif de dévoiler vos
schémas de pensée sous-jacents, l’un de vos “talons d’Achille” pour la dépression.
Sous une apparente simplicité, cette démarche a l’avantage d’être structurée. Vous pourrez la
reproduire seul, même à distance de la thérapie.
Souhaitez-vous que nous reprenions ensemble certains aspects de cette présentation ? »
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7. Leur durée est limitée. D’après Ekman, les émotions de base durent quelques
secondes, non des minutes et encore moins des heures ou des jours.
8. Le mécanisme de perception est automatique. Quand l’émotion surgit, elle le fait
brusquement.
9. La survenue est spontanée. Elle n’est pas délibérément choisie et elle est difficile
à éviter.
La thérapie est conditionnée par l’approche évaluative de l’analyse fonctionnelle qui 183
amène à définir les objectifs.
Ce temps évaluatif nécessite entre trois et cinq séances jusqu’à la proposition du
contrat thérapeutique et sa rédaction définitive. La précipitation du thérapeute nuit
toujours à la thérapie.
Le soignant a besoin de prendre son temps afin d’expliquer au patient les différentes
étapes, de le faire participer aux entretiens, et de tenir compte de ses difficultés
d’attention et de concentration. Il s’adapte par conséquent au rythme de l’individu et
privilégie la construction d’une alliance thérapeutique forte, nécessaire à la suite de
la TCC.
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Le thérapeute consacre donc plusieurs séances pour apprendre au patient à repérer ces
cognitions, difficiles à « capturer », parce que fugaces.
Souvent l’individu n’est conscient que des situations déclenchantes et des réactions
émotionnelles associées, sans avoir pris le temps d’identifier la cognition intermédiaire.
Cependant l’expérience clinique montre que les sujets acquièrent, au fil des séances, la
capacité d’être de fins observateurs de leurs propres pensées ; ils deviennent de vrais experts
d’eux-mêmes.
En 1987, Beck définit un ensemble de cognitions qu’il intègre dans une liste, la CCL (Cognitive
Check List, traduite en langue française par Hautekeete et al., 1992). Elle répertorie des
cognitions, leurs contextes pathologiques de survenue et la tonalité émotionnelle associée.
Les cognitions liées à des affects dépressifs y sont différenciées de celles liées à des états
anxieux.
Ainsi, les affects dépressifs sont engendrés par des cognitions telles que : « Personne ne
peut m’aider, je ne mérite pas d’être aimé, plus personne ne me respecte, je ne surmonterai
jamais mes problèmes. » En revanche, l’état anxieux est précédé de propos tels que :
« Qu’arrivera-t-il si j’échoue ? Je suis en train de perdre la raison, quelque chose pourrait
arriver qui ruinerait mon apparence, quelque chose d’horrible va arriver. »
184
L’encadré suivant ne représente qu’une partie de ce questionnaire. Le questionnaire complet
détaille les 43 cognitions de la CCL et l’état émotionnel associé.
1. Vous vivez une situation d’inconfort ou de douleur physique, vous vous dites :
– Je suis en train de devenir un être humain déficient ou dépressif.
– Il y a quelque chose de très mauvais en moi.
– Je vais avoir un accident.
– Je vais être blessé.
– Je vais être pris au piège.
– Je ne suis pas une personne en bonne santé.
– Personne ne viendra à temps pour m’aider.
– Qu’adviendra-t-il si je deviens malade ou invalide.
– Je vais avoir une crise cardiaque.
2. Dans votre évaluation des choses, vous vous dites :
– La vie ne vaut pas la peine d’être vécue.
– Rien ne pourra plus jamais m’aider.
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– Je ne pourrai jamais surmonter mes problèmes.
– Je suis devenu non séduisant.
– Je pourrais blesser quelqu’un, je fais attention.
– Quelqu’un pourra me prendre ce qu’il veut.
– Je suis en train de perdre la raison.
– Quelque chose pourrait arriver qui ruinerait mon apparence physique.
– Quelque chose pourrait arriver à quelqu’un, je fais attention.
3. Dans des situations sociales, vous vous dites :
– Je ne serai jamais aussi bon que les autres.
– Il n’y a pas de signe d’encouragement, je suis sûr d’échouer.
– Je veux savoir quoi dire.
– Je suis indigne.
– Je suis en situation d’échec.
– Je pourrais me comporter comme un imbécile.
– Les autres pourraient rire de moi.
Le questionnaire comporte dans sa forme usuelle une échelle numérique. Pour chaque item,
il est demandé au patient d’évaluer la fréquence de ses cognitions entre 0 (jamais) et 4
(toujours présentes). La somme des scores donne des totaux différenciés.
Cette liste peut servir de guide pour distinguer les divers contextes émotionnels.
• D’après ces items, la dépression est évoquée par : « Personne ne peut m’aider » ; « je
suis indigne » ; « je n’ai jamais été aussi performant que les autres personnes » ; « la
vie ne vaut pas la peine d’être vécue » ; « je ne mérite pas d’être aimé » ; « personne n’a 185
envie de me revoir » ; « rien ne viendra plus jamais m’aider » ; « plus personne ne me
respecte » ; « je ne mérite pas l’attention ou l’affection des autres » ; « je ne surmonterai
jamais mes problèmes » ; « je suis devenu non séduisant » ; « je suis indigne » ; « je
suis une épave sociale » ; « j’ai perdu le seul ami que j’avais » ; « personne ne peut
m’apporter de soins » ; « soit je vis soit je meurs » ; « je suis devenu un être humain
déficient ».
• L’état anxieux est suggéré par : « Je suis en train de retomber en arrière » ; « il n’y
a pas de signe d’encouragement » ; « je suis sûr d’échouer » ; « je veux savoir quoi
dire » ; « j’aime avoir assez de temps pour faire un bon travail » ; « qu’arrivera-t-il sur
mon chemin si j’échoue ? » ; « il sera irrité par moi » ; « je suis en train de perdre
la raison » ; « je pourrais faire une erreur » ; « je me conduis comme un imbécile » ;
« les autres se moqueront de moi » ; « quelque chose pourrait arriver qui ruinerait mon
apparence physique » ; « il y a des choses qui sont mauvaises en moi » ; « je vais avoir
un accident » ; « quelque chose d’horrible va arriver » ; « je vais être blessé » ; « quelque
chose va arriver à quelqu’un » ; « je fais attention » ; « je pourrais être pris au piège » ;
« je ne suis pas une personne en bonne santé » ; « que se passera-t-il si personne ne
vient me chercher à temps pour m’aider ? » ; « qu’arrivera-t-il si je deviens malade et
invalide ? » ; « je vais avoir une crise cardiaque ».
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Les cognitions de la liste non répertoriées dans l’anxiété ou la dépression ont moins de
spécificité.
Un répertoire de techniques permet au thérapeute et au patient d’observer les cogni-
tions. Une auto-observation prolongée est nécessaire avant l’emploi d’autres stratégies
complémentaires.
La situation même de l’entretien engendre chez le sujet des cognitions que le thérapeute
cherche à mettre en évidence par des questions inductives du type : « Comment ressentez-
vous le fait de rencontrer un psy ? », « Comment appréhendez-vous la situation de venir
dans mon bureau ? », « Comment vous êtes-vous imaginé cet entretien alors que vous
m’attendiez ? »
Émotions et cognitions
186
• L’interprétation de la façon dont s’organise le processus émotionnel constitue un
des thèmes de prédilection des recherches et théories d’inspiration cognitive et a
ouvert des débats qui sont loin d’être clos.
• James et De Lange en ont marqué l’origine : le sujet confronté à la situation émo-
tionnelle réagit corporellement et c’est de la perception de cet état physiologique
que naîtra l’émotion.
• À cette conception s’oppose celle de Cannon qui affirme que c’est d’abord la
perception centrale de la situation qui déterminera l’émotion.
• En fait, le vrai débat sera ouvert par les expériences de Schachter et Singer en
1962, qui vont être reprises et développées par de nombreux auteurs avec le
résultat suivant : un état émotionnel résulte de la conjonction d’une activation
physiologique et de la ou des cognition(s) appropriée(s) pour rendre compte de
cette activation et permettre de trouver des réponses adaptées.
• En sens inverse, si les cognitions déterminent les émotions, ces dernières orientent
et influencent quant à elles les cognitions : elles jouent un rôle dans l’attention
sélective, la mémorisation à long terme, la prise de décisions...
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 187 — #199
• Les termes d’émotion et d’humeur sont habituels, ils sont souvent utilisés de
manière interchangeable et confuse. Comment les distinguer ?
• La dépression, par définition, implique un abaissement de l’humeur. L’humeur est
définie comme un état affectif qui bouge lentement sur un ou deux jours, et
faiblement lié à des objets ou situations spécifiques.
• À l’opposé, les émotions sont des réactions adaptatives, rapides, qui interviennent
en réponse à de multiples stimuli spécifiques. Leur expression est subjective,
physique (tachycardie, sueurs...) et comportementale. Les émotions représente-
raient un mode biologique d’adaptation aux changements environnementaux. Elles
permettent à l’être humain de faire face aux situations « extrêmes » et assurent sa
survie.
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Le relevé produit en cours d’entretien est donné au patient, il lui servira de modèle pour
l’inciter à observer ses cognitions.
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Le jeu de rôle
La technique du jeu de rôle s’utilise dans le cas où la situation problème inclut une relation
interpersonnelle. Thérapeute et patient reproduisent la scène et là encore le sujet livre à
voix haute les pensées engendrées par la mise en situation.
Cet exemple illustre l’utilité du jeu de rôle dans l’observation des cognitions produites en
situation de relations sociales.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 190 — #202
RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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NOTES
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Leçon 11
Déjouer le piège
des pensées négatives
192
dépressives
Objectifs
Se décentrer des pensées automatiques négatives
en recherchant d’autres alternatives
Enregistrement des pensées alternatives
Examen de l’évidence
Examen de l’évidence pour et contre
Éléments du scénario
Recherche d’alternatives de pensées
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 193 — #205
PLAN DE LA LEÇON
193
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« Nous ne pouvons pas changer le monde, mais nous pouvons changer d’idée. »
Gérald Jampolsky
194 Comme pour l’identification des pensées dépressives, la recherche des pensées alternatives
débute en séance avec le clinicien, pour être poursuivie par le sujet en dehors des entrevues.
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• Qui paraît logique, raisonnable, conforme au bon sens ; qui raisonne avec justesse :
Un esprit rationnel.
L’EXAMEN DE L’ÉVIDENCE
Claude présente une dépression sévère avec un total apragmatisme. Vers le septième entretien
de thérapie cognitive, il choisit de réaliser sur sa liste d’objectifs comportementaux une activité
plaisante pour lui avant la dépression et qui lui semble abordable aujourd’hui : passer l’aspirateur.
La séance suivante, le patient arrive effondré et très pessimiste. Il explique dans le feedback de
début d’entretien : « Je ne suis vraiment capable de rien. » Le clinicien lui propose de revenir
sur cette pensée. 195
THÉRAPEUTE — Vous me dites, si j’ai bien compris, que « vous n’êtes capable de rien », comme
résumé des jours écoulés depuis la dernière séance de thérapie ?
PATIENT — Oui. J’avais décidé en fin d’entretien de passer une fois l’aspirateur dans la semaine,
dans le salon, ça me semblait facile. Je n’y suis pas arrivé, je suis totalement découragé.
T — Je vous propose que nous reprenions plus en détail cette situation et, pour mieux la
comprendre, je vous propose de reprendre cette journée où vous aviez décidé de passer l’aspirateur
dans votre salon.
P — Mardi matin en me levant, je me sentais bien et je me suis dit : aujourd’hui je vais passer
l’aspirateur dans la salle à manger. Le matin, je me suis levé, habillé, je me sentais en forme.
T — Qu’avez-vous fait durant cette matinée ?
P — Des petites choses de la maison, comme tout le monde.
T — Qui était avec vous à ce moment-là ?
P — J’étais tout seul, ma femme avait décidé d’aller chez une amie.
T — Qu’en avez-vous pensé ?
P — J’étais d’accord, elle a besoin de souffler, ce n’est pas drôle pour elle de me voir toujours
mal. Je me sentais mieux et capable de rester seul.
T — Que s’est-il passé dans la matinée ?
P — Je me suis senti dynamique et j’ai décidé pour la première fois de me faire à manger.
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T — Qu’avez-vous fait ?
P — J’ai pour la première fois pris un plat dans le congélateur que j’ai chauffé.
T — Que faites-vous habituellement ?
P — Je bricole, un yaourt, un fruit, sans appétit.
T — Ensuite qu’avez-vous fait ?
P — J’ai déjeuné tranquillement. J’ai rangé la cuisine. Je me suis senti fatigué. Je suis monté
dans le salon. Je me suis allongé sur le canapé et j’ai dormi.
T — Qu’avez-vous pensé de cette sieste ?
P — Je m’étais beaucoup bougé depuis le matin, j’étais fatigué.
T — Qu’avez-vous fait par la suite ? À l’issue de votre sieste, il était quelle heure environ ?
P — Seize heures environ. Je me suis dit : tu vas passer l’aspirateur. Je me suis levé. Je me suis
rendu au placard de l’aspirateur. Je n’ai pas pu.
T — Dites-moi précisément ce qu’il s’est passé ?
P — J’ai ouvert le placard où sont tous les balais, l’aspirateur... J’ai regardé l’aspirateur. Je me
sentais très las. J’ai refermé le placard. Je suis retourné m’asseoir sur le canapé, accablé.
T — Qu’avez-vous pensé devant le placard de l’aspirateur ?
P — Je me suis dit : tu dois passer l’aspirateur, tu l’avais prévu, c’est juste à côté et toutes les
forces me manquaient, j’avais l’impression que je n’allais plus tenir debout.
T — Si je peux résumer ces premières informations, vous avez en quelques heures pensé : « Je
suis en forme », « Pour la première fois je me fais à manger », « Je me sens capable de rester
seul », « Je prévois de passer l’aspirateur », « Je fais un tas de bricoles chez moi, comme tout
le monde » et parce que vous n’avez pas réalisé l’objectif que vous aviez prévu, vous concluez
196 que vous n’êtes capable de rien ?
P — Oui. C’est exagéré. Je me sentais tellement bien le matin, que je pensais que tout redevenait
possible. J’avais presque oublié la fatigue, la dépression.
T — Que pourriez-vous dire maintenant avec ce résumé du début de journée ?
P — J’avais fait beaucoup de choses depuis le matin, qui n’étaient pas prévues, qui sont venues
toutes seules. J’ai pensé alors que l’aspirateur serait facile aussi. Je m’en étais fait un devoir.
J’ai été tellement déçu. Mais je vois aujourd’hui que j’ai fait de cette journée une journée noire
du fait de l’échec de l’objectif, alors que j’avais fait beaucoup de choses inhabituelles et avec
succès.
Il réactive ainsi un ensemble d’autres représentations possibles de la scène qu’il a vécue.
Dans quelques cas, l’émotion est tellement vive que le patient n’arrive pas à suivre cette
démarche pas à pas ; il est possible de travailler alors par imagerie mentale.
Cécile, 42 ans, arrive effondrée en consultation, me disant qu’un événement catastrophique est
survenu, son mari ne lui a pas dit bonsoir comme tous les autres soirs. Il va la quitter.
Sa conviction est absolue et elle signale qu’elle en a parlé à sa voisine, elle-même divorcée, qui
partage son sentiment.
Toute démarche par auto-questionnement est impossible et nous l’invitons à reprendre l’épisode
en imagination.
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THÉRAPEUTE — Je vous propose que nous reprenions ensemble le déroulement de cette soirée.
Vous m’indiquiez que la situation a eu lieu au retour de votre mari, imaginez le début de cette
soirée, fermez les yeux, quelle heure était-il ?
PATIENTE — Environ 20 heures peut-être.
T — Que faisiez-vous avant l’arrivée de votre mari ?
P — Je préparais le dîner, dans ma cuisine.
T — Que s’est-il passé ?
P — Je finissais de préparer le repas, mon mari n’était pas rentré, il était en retard, je
m’inquiétais.
T — À quelle heure rentre votre mari les autres soirs ?
P — Il rentre très régulièrement le soir, vers 19 heures, mais en ce moment je sais qu’il a
beaucoup de réunions.
T — Si je me permets de résumer le début de cette soirée, vous me dites être convaincue que
votre mari veut vous quitter, car il ne vous a pas dit bonsoir comme tous les autres jours en
rentrant de son travail.
P — Oui. Ce n’est pas normal, il m’a toujours embrassée chaque soir en rentrant...
T — Que fait-il habituellement, quand il rentre à votre domicile ?
P — Il me dit toujours bonsoir, et là il n’est pas passé me voir, il est allé directement dans son
bureau, je suis sûre qu’il va me quitter.
T — Que fait-il habituellement le soir ?
P — Il me dit bonsoir, puis va dans son bureau.
T — Que fait-il dans son bureau le soir ?
197
P — Il travaille à ses dossiers et nous dînons quand il a fini ; là je n’en pouvais plus, je suis
allée directement me coucher meurtrie.
T — Souvenez-vous quand il est rentré, qu’est-ce qu’il vous a dit, quel était le son de sa voix ?
P — Il ne m’a rien dit, il est allé immédiatement dans son bureau et a téléphoné, à son fils je
crois, d’après ce que j’ai entendu.
T — Que vous souvenez-vous d’autre ?
P — Il avait un pas saccadé, il s’est enfermé dans son bureau. J’ai compris qu’il ne voulait pas
que je le dérange. Il veut me quitter.
T — Que pouvez-vous me dire sur son fils ?
P — Il m’avait téléphoné dans l’après-midi pour joindre son père de façon urgente. Il a beaucoup
de soucis de travail, en ce moment.
T — Que pourriez-vous en dire ?
P — Mon mari est toujours très soucieux pour son fils, il a déjà eu beaucoup d’ennuis. En ce
moment cela tombe mal, avec toutes ses réunions de fin d’année, il est déjà très fatigué, il m’en
a parlé, il n’y a pas assez d’effectifs en ce moment à son bureau.
Le travail en imagerie mentale lui a permis de remettre en place tous les éléments du contexte
interagissant avec elle. Après ce travail d’une bonne quinzaine de minutes, elle conclut qu’elle
ne s’était concentrée que sur elle-même en se sentant abandonnée, en ne prenant en compte ni
la surcharge de travail de son mari, ni les soucis avec son fils, ni les réunions exceptionnelles de
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 198 — #210
fin d’année... Elle s’enfermait dans ses raisonnements sans du tout accéder aux informations de
contexte qui sont cependant là.
Ces deux démarches procèdent de la découverte guidée : le patient reprend comme un film,
image après image, toutes les séquences de l’action, afin de reconstituer l’ensemble de la
représentation mentale de la situation émotionnelle. Il réactive ainsi pas à pas différentes
facettes, émotions, que la cognition principale a laissées dans l’ombre.
Le thérapeute propose, après cette démarche en séance qui est le plus souvent immédiate-
ment comprise, de reproduire avec une autre situation cet examen de l’évidence, dans la
semaine qui suit.
Cette démarche de découverte guidée de l’ensemble des représentations mentales attachées
à une situation de détresse demande du temps, et un examen de l’évidence, comme cité
ci-dessus, requiert généralement une bonne vingtaine de minutes. Au cours d’une séance
de thérapie, un seul examen de l’évidence peut être pratiqué, par questionnement direct ou
par imagerie mentale, car cette démarche pragmatique est longue. Le cheminement du sujet
est lent, toujours guidé par le questionnement ouvert et socratique du soignant. Cependant
le patient obtient un réel soulagement émotionnel et saura assez vite répliquer seul cette
démarche d’investigation concrète.
D’autres méthodes de l’examen de l’évidence sont aussi possibles et procèdent d’une
démarche plus directive, plus brève.
198
Examen de l’évidence « pour et contre »
Le thérapeute demande au client de rechercher cinq arguments qui vont dans le même
sens que sa première cognition notée dans son carnet de thérapie ; puis de trouver cinq
autres arguments qui vont dans le sens inverse de la cognition dépressive. Cela est appelé
recherche de l’évidence pour et recherche de l’évidence contre.
Olivier, cadre en entreprise, déprimé dans un contexte professionnel de stress, pratique
ainsi un examen des arguments pour et contre.
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Marc est déprimé, il vit seul ; le matin, avant de partir pour son travail, il prend son café à la
brasserie en face de chez lui. Il signale la brutale tristesse qui l’a envahi un matin alors qu’il
regardait dans la rue les passants, assis devant son café.
Les éléments principaux qui structurent la scène psychologique sont de trois ordres :
1. Marc prend son café.
2. Contexte : tôt le matin, dans une brasserie de son quartier.
3. Il regarde les passants.
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Ces éléments primaires sont ceux que l’on dessinerait en premier, s’il fallait reproduire la
situation évoquée par le patient sous forme d’un cartouche de bande dessinée. Ce sont les
éléments fondamentaux structuraux qui donnent un sens à la situation et qui doivent être
présents pour comprendre la situation sans explication.
La première étape est donc de définir les facteurs principaux, puis de rechercher par facteur
au moins deux points de vue possibles.
Cet examen de l’évidence met au jour des pensées pessimistes, mais aussi des pensées relatives
au passé, à une expérience amoureuse qu’il regrette et à son point de vue sombre sur les hommes
200 et la société.
Sous l’effet de l’émotion, la focalisation de la pensée sur un point de vue unique et tout
à fait convaincant lui a fait oublier tous les autres éléments qui interviennent dans la
scène psychologique. Mais cette reconstruction du contexte personnel, environnemental,
lui permet un réancrage dans la réalité et construit un ensemble de points de vue plus
rationnels qu’émotionnels.
Remettre en contexte...
Un nouveau patient dit à son psychanalyste :
« Docteur, venez-moi en aide. Je suis persuadé que je suis un oiseau.
– Tenez, perchez-vous là, en mangeant quelques graines de millet. J’enferme mon chat dans la
pièce à côté et vous allez me siffler toute votre histoire. »
Dans « uneblague.com »
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« Savez-vous, demande-t-il, qui vous venez d’interroger ? Ce n’est pas un fou, c’est notre directeur-
adjoint.
– Eh bien, dit la dame, vexée, je vous jure qu’à l’avenir je ne me laisserai plus jamais prendre aux
apparences. »
Dans « uneblague.com »
Questionnaire de décentration
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5. Est-ce que je pose des questions auxquelles on ne peut répondre ?
6. Pourquoi ne suis-je pas différent ? Pourquoi cela n’arrive qu’à moi ? Pourquoi la
vie est-elle si injuste ?
7. Est-ce que je pense en termes de tout ou rien ?
8. Est-ce que j’utilise une forme d’ultimatum dans mes pensées ?
9. Est-ce que je me condamne comme personne sur la base d’un seul élément ?
10. Est-ce que je me concentre sur mes faiblesses, oubliant mes côtés forts ?
11. Est-ce que je me blâme pour quelque chose dont je ne suis pas responsable ?
12. Est-ce que je considère comme personnel quelque chose qui a peu ou pas à voir
avec moi.
13. Est-ce que j’attends de moi d’être parfait ?
14. Est-ce que j’utilise une double évaluation ?
15. Est-ce que je ne considère que le côté noir des choses ?
16. Est-ce que j’exagère les risques de désastre ?
17. Est-ce que je m’inquiète de la manière dont devraient être les choses plutôt que
de les accepter et de les traiter telles quelles sont réellement ?
18. Est-ce que je suppose que je ne peux rien faire pour changer ma situation ?
19. Est-ce que je cherche à prédire l’avenir plutôt que simplement à l’expérimenter ?
202 En pratique, cette liste est trop longue à utiliser pour un sujet déprimé, fatigué, à qui il reste
des troubles de concentration ; mais le soignant peut s’en inspirer pour aider son patient à
prendre du recul par rapport à ses pensées dépressives négatives et culpabilisantes.
Citons un exemple illustratif.
Christophe, âgé de 38 ans, se débat avec sa deuxième récidive dépressive. Parvenu à la huitième
séance, il note sur une de ses feuilles d’auto-enregistrement :
Situation : « J’attends dans un magasin, on ne vient pas me servir. »
Émotions : « Désespoir. »
Pensée : « Je n’existe pour personne. »
Alternatives : « Je vais me manifester pour que l’on s’occupe de moi. »
« Cela ne fait que quelques minutes que je suis entré dans cette boutique, le commerçant est
probablement occupé. »
« Je regarde en attendant ce qu’il y a dans la boutique pour bien préciser mon choix. »
La recherche de ces alternatives de pensées n’est pas facile pour un individu qui est souvent
absorbé par ses pensées négatives. Le thérapeute peut façonner cette démarche à l’aide du
questionnaire suivant :
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Pendant les deux premières séances d’apprentissage, le sujet dépressif a du mal à prendre
du recul critique par rapport à sa première pensée négative. Quand le patient est en
difficulté, le thérapeute propose les stratégies de modeling participatif et cherche avec lui
les différents points de vue possibles de la situation problème. Il peut ainsi proposer son
point de vue à chacune des questions posées, en alternance avec lui.
Grinberger et Padevski comparent ce travail quotidien de décentration avec l’apprentissage
d’une langue étrangère. Élaborer les premiers essais, les premiers mots, les premières
phrases semble tout aussi laborieux que trouver des alternatives de pensées. Parler la
langue étrangère sera toujours un acte volontaire, de la même manière que se décentrer
dans une situation émotionnellement pénible. Mais, plus l’exercice de la langue est quotidien,
plus il est facile de construire des phrases et d’acquérir certains automatismes. Et, comme
pour le langage, avec de l’entraînement, il trouvera des alternatives de tête en quelques
secondes et en ressentira le bienfait immédiat.
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Les méthodes de décentration ont pour but de mieux gérer les émotions de tristesse, de
culpabilité, de désespoir du sujet déprimé. Cet effet émotionnel est mesuré lors d’une étape
d’évaluation de ses pensées et de ses émotions, où le patient estime son niveau d’adhésion
à ses cognitions et apprécie le niveau d’intensité de ses émotions.
204
L’auto-évaluation a pour but de montrer au soigné comment sa démarche cognitive
d’ouverture de pensée a tout à la fois modifié le niveau de conviction associé à la cognition
négative de départ et transformé son niveau de ressenti émotionnel.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 205 — #217
Pour apprécier son évolution, il réestime son niveau d’adhésion à sa première cognition en
la notant sur ses feuilles d’auto-enregistrement dans une cinquième colonne. Cette dernière
colonne ajoutée au relevé personnel du patient inclut donc le nouveau niveau de conviction
associé à la cognition initiale ainsi que la nouvelle estimation du niveau émotionnel.
Quelques émotions
Après l’identification des pensées alternatives, le patient réévalue son niveau émotionnel
qui, dans notre expérience clinique, est généralement diminué de moitié.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 206 — #218
J’ai inclus dans les conclusions des convictions personnelles qui étaient superflues, mais que
j’avais envie de formuler (40 %) ;
Je peux m’être trompée et avoir établi de mauvaises estimations (20 %) ;
Je reprendrai ce dossier pour en voir les failles une prochaine fois (20 %).
Nouvelle estimation de la croyance associée à la cognition initiale : 25 % ;
Nouvelle estimation du niveau émotionnel : Tristesse (20 %). Irritabilité (20 %).
Le travail cognitif se poursuit en appliquant hors séance des exercices qui font partie intégrante
de la thérapie.
LA CONFRONTATION À LA RÉALITÉ
« Le plaisir peut s’appuyer sur l’illusion, mais le bonheur repose sur la réalité. »
Chamfort
Les prescriptions d’exercices définis en collaboration avec le patient ont deux objectifs.
Le premier est la confrontation à la réalité des prédictions ou des conclusions émises par
le sujet déprimé. Le deuxième objectif, qui découle du premier, est la reprise d’activités
inhibées par certaines cognitions.
Ces exercices étaient donc le processus de modification des pensées dysfonctionnelles.
Définis d’un commun accord, ils doivent être expliqués quant à leurs buts à long terme, mais
206 aussi guidés dans leur réalisation pratique. Ainsi, il est souvent souhaitable que le sujet se
fixe des rendez-vous avec lui-même pour réaliser ces épreuves ou bien qu’il définisse une
unité de lieu et de temps (« Je le ferai le soir chez moi et j’y consacrerai une quinzaine
de minutes »). Si l’exercice semble trop difficile ou s’il s’avère non réalisable en pratique,
soignant et patient définissent alors des sous-étapes.
Cette procédure a été suivie par Claude et la tâche en illustration a été demandée à la fin du
troisième entretien. À cette époque, elle ne faisait plus face aux activités domestiques. Le
clinicien lui a demandé de faire la vaisselle une fois dans la semaine, prescription qui a suscité
les propos suivants au quatrième entretien :
THÉRAPEUTE — Vous aviez pour exercice de faire une fois la vaisselle au cours de la semaine et
vous venez de me dire que cela a été impossible du fait d’une idée permanente : « et tout va se
briser ». Comment avez-vous abordé cet exercice ? Qu’avez-vous pu réaliser ?
PATIENT — J’ai rassemblé la vaisselle sur la table et je n’ai rien pu faire d’autre. Je pensais que
j’allais tout casser par maladresse.
T — Pouvons-nous envisager cette situation en trois sous-étapes ? La première est de rassembler
la vaisselle sur la table, ce que vous avez tout à fait bien réalisé. La deuxième étape est
l’empilement de la vaisselle dans le bac de l’évier. Enfin la troisième étape est le lavage de la
vaisselle.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 207 — #219
P — Oui.
T — Nous allons examiner ensemble, au cours de cet entretien, votre idée que tout va vous
échapper des mains et se casser et, une fois que cette pensée sera pour vous moins floue, moins
invalidante, vous pratiquerez la première, puis la deuxième étape de la vaisselle.
P — D’accord.
Cet exemple simple reflète bien les problèmes quotidiens des sujets déprimés. L’exécution de
cette activité élémentaire a redonné confiance à cette patiente, qui a repris spontanément
bon nombre d’initiatives dans sa maison, sans être guidée par le soignant. Même si le travail
cognitif et comportemental est quelquefois lent, le bénéfice se généralise rapidement à
plusieurs secteurs de la vie de l’individu.
S’il existe un blocage dans la réalisation d’un exercice en dépit de son abord gradué, il
est possible d’utiliser la technique de répétition en imagination. En cours de séance, le
thérapeute fait visualiser mentalement l’expérience difficile, afin d’identifier les blocages.
Cette scène est visualisée le nombre de fois nécessaire pour qu’elle ne soit plus source de
pensées inhibitrices. C’est à partir du moment où la situation est imaginée sans gêne qu’il
est demandé au patient de la réaliser concrètement.
L’encadré suivant résume les différentes étapes de la démarche thérapeutique du combat
des pensées négatives dépressives.
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qui présentent des gênes physiques altérant l’écriture. Par exemple, les sujets qui souffrent
de tremblements des extrémités des membres supérieurs par anxiété ou par effet iatrogène
(effet secondaire de certains antidépresseurs) ou par maladie organique (Parkinson). Cet
auto-enregistrement est considéré quelquefois comme l’explicitation de pensées intimes
que le patient souhaite garder secrètes. Ces écrits sont alors conservés par le soignant.
Dans un ordre d’idée similaire, l’auto-enregistrement des cognitions se transforme parfois
en la rédaction d’un journal prolixe. Le patient peut conserver ce mode rédactionnel dont il
a ressenti le besoin ; toutefois il lui est demandé, quelques instants avant son entretien,
de souligner les passages qui correspondent aux pensées dépressives.
Au cours des entretiens consacrés à l’identification des pensées dysfonctionnelles, le
thérapeute a une attitude ouverte, compréhensive et encourageante. L’initiation à cette
approche d’auto-observation quotidienne est à renforcer parce qu’inhabituelle et distante
d’une recherche de liens de causalité.
RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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NOTES
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Leçon 12
Objectifs
Aider au repérage des processus cognitifs
Utilisation du discours socratique
Recherche des processus d’attribution
dysfonctionnelle
Identification des processus à partir d’exemples
du carnet de thérapie
Identification des processus à partir de
questionnaires
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PLAN DE LA LEÇON
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Distorsion
N° Définition Exemple
cognitive
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 216 — #228
La thérapie a commencé depuis au moins huit séances, le patient déprimé sait désormais
utiliser efficacement les différentes modalités de décentration, et gère rapidement,
efficacement, ces moments émotionnels pénibles en « désamorçant » l’émotion dévastatrice.
Il reprend confiance en lui petit à petit, il avance dans sa liste d’objectifs écrits dans son
contrat thérapeutique, son humeur dépressive est en cours d’amélioration, et il remarque,
216
comme le soignant, qu’un certain nombre de situations pénibles se répète, toujours sur le
même mode, et que pourtant il aurait pu agir ou réagir autrement, il en avait les moyens.
L’identification des biais cognitifs permet de répondre en grande partie à cette question.
Elle amène le patient à identifier les mécanismes opérants dans ces répétitions.
« Il vous est certainement déjà arrivé de croiser dans la rue des déments qui parlent
sans arrêt tout haut ou tout bas. En réalité, ce n’est pas très différent de ce que
vous et tous les gens « normaux » faites, sauf que vous le faites en silence. La voix
passe des commentaires, fait des spéculations, émet des jugements, compare, se
plaint, aime, n’aime pas, et ainsi de suite. Ce que cette voix énonce ne correspond
pas automatiquement à la situation dans laquelle vous vous trouvez dans le moment.
Elle ravive peut-être un passé proche ou lointain ou bien alors imagine et rejoue
d’éventuelles situations futures... Et même si ce que la voix dit correspond à la
situation du moment, elle l’interprétera en fonction du passé. »
Eckart Tolle
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 217 — #229
Si tous les auteurs s’accordent à constater ces altérations, seule la méthode thérapeutique
de Beck et de ses élèves intègre un temps spécifique pendant lequel le patient déprimé
apprend à repérer ses processus cognitifs les plus dysfonctionnels, puis développe des
moyens pour les réguler.
Dans ces approches, trois méthodes principales sont utilisées : l’identification en cours
d’entretien par l’utilisation du discours socratique ; la recherche en cours et en dehors des
séances des processus d’attribution perturbés, et la technique d’auto-identification à partir
des situations émotionnelles déjà travaillées sur le carnet de thérapie.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 218 — #230
Découvrons une seconde vignette clinique qui illustre le processus de maximalisation des
événements négatifs.
THÉRAPEUTE — Vous me dites que cette semaine, vous avez eu une pensée qui revenait
continuellement : « Je n’ai pas eu de chance dans la vie » et que vous souhaitez en parler
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aujourd’hui. D’accord ! Examinons cette pensée ensemble. Sur quels éléments pouvez-vous
fonder cette conclusion ?
PATIENT — Je ne sais pas.
T — Quels sont les moments de votre vie qui vous font dire cela ?
P — Déjà tout petit, j’étais en très mauvaise santé, c’est ce que me disaient mes parents. Je
suis né prématuré.
T — Quels autres événements sont intervenus ?
P — J’ai tout le temps été malade des intestins. C’est toujours pareil, le médecin n’a toujours
rien trouvé de grave depuis des années que je vais le voir. Il me dit que j’aurai toujours ces
problèmes. J’ai aussi une très mauvaise dentition. J’ai perdu mes dents les unes après les autres.
T — D’accord, vous avez eu des problèmes de santé dans l’enfance, puis des troubles intestinaux
chroniques et de nombreux soins dentaires. Certes vous avez eu divers soucis de santé, mais
pensez-vous qu’une personne arrivée à la cinquantaine n’a pas accumulé divers ennuis de santé
perturbants, mais sans grande gravité ?
P — Non. Je n’ai pas eu une belle existence. J’ai eu des problèmes professionnels. Je ne suis
pas tout seul à avoir été mis en préretraite, mais j’aurais pu passer au travers. En fait, ce qui
m’a fait le plus de mal, c’est d’avoir arrêté de travailler au moment où j’avais un très bon poste.
T — Y a-t-il eu encore d’autres événements de vie pénibles qui confortent votre idée : « Je n’ai
pas eu de chance dans la vie ? »
P — Non.
T — Est-ce que des préoccupations de santé certes quasi permanentes et l’arrêt de votre activité
professionnelle sans votre plein accord sont des éléments qui permettent d’aboutir à cette
conclusion si grave : je n’ai pas eu de chance dans ma vie ? Ces problèmes de santé qui ont
probablement rendu votre vie pénible et votre cessation d’activité à un moment où vous étiez 219
épanoui dans votre travail : ce sont des éléments à prendre en considération, mais citez-moi
également les éléments plus positifs, plus heureux de votre vie.
La poursuite de « l’examen » de l’évidence montre que Monsieur P a tendance à maximiser les
événements négatifs survenus dans sa vie et à minimiser la portée des événements positifs
(une vie de couple en harmonie, des enfants qui ne posent pas de problèmes, un travail qui l’a
passionné toute sa vie et quelques activités de loisirs où il aime se retrouver au calme). Cet
examen systématique aide le patient à prendre conscience de la disproportion émotionnelle
engendrée par les événements négatifs de sa vie. Il envisage désormais sa situation en tenant
compte de tous les éléments positifs, qui lui permettront d’aboutir à une conclusion plus nuancée.
Bien que les processus cognitifs soient vraisemblablement infinis et variables avec les
individus, un certain nombre d’entre eux semblent se retrouver plus fréquemment dans la
pratique clinique chez les patients déprimés. En conséquence, la mise en évidence des biais
cognitifs opérants peut être facilitée par les questions suivantes :
– Est-ce que je ne fais attention qu’aux mauvais côtés des choses ?
(Abstraction sélective où le sujet se centre sur un détail hors du contexte.)
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– Est-ce que je ne me rends pas responsable de quelque chose qui n’était pas de mon fait ?
(La personnalisation est la surestimation de l’étendue des liens entre des événements
particuliers et l’individu.)
– Est-ce que je me condamne sur la base d’un seul événement ?
(La surgénéralisation est une conclusion tirée à partir d’un seul événement.)
– Est-ce que cette vision des choses est la seule possible ?
(L’inférence arbitraire représente des conclusions formulées à partir d’informations
inadéquates.)
– Est-ce que je n’envisage pas la situation en des termes opposés et extrêmes ?
(Le style dichotomique de pensée répartit les informations en couples d’opposés :
succès-échec, bon-mauvais.)
– Est-ce que je n’envisage pas la situation de façon démesurée, est-ce que je ne donne pas
trop d’importance à l’événement ?
(La maximalisation tend à ne faire envisager que les conséquences désagréables qui
peuvent apparaître dans une situation.)
– N’y a-t-il pas d’autres facteurs responsables de la situation ?
Marie-Pierre est très gênée par une agoraphobie très invalidante apparue au moment de son
220 épisode dépressif, elle a pour conséquence une claustration à son domicile. En accord avec la
patiente, le thérapeute évalue avec elle les représentations mentales associées à cette phobie.
Sur l’auto-enregistrement de ses cognitions, Marie-Pierre a noté :
Situation : J’ai besoin d’aller faire une course et je me sens incapable de sortir.
Émotions : Tristesse. Accablement.
Pensée associée : Je suis lâche.
Comportement : Je reste chez moi.
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En aboutissant à cette conclusion, la patiente change d’expression. Jusqu’alors, elle était très
sombre et crispée, elle devient beaucoup plus détendue en ajoutant : « Ma vision des événements
était démesurée. S’il m’arrivait quelque chose à l’extérieur, il existe des assistances d’urgence
qui préviendraient ma famille. » La patiente observe non seulement une maximalisation des
conséquences négatives de la situation, mais une présentation dichotomique extrême des
arguments. La confrontation de la réalité avec ses représentations anticipatoires lui a permis de
dédramatiser la situation et d’envisager des sorties non accompagnées.
Afin d’assurer une continuité avec ce travail cognitif, l’examen de l’évidence se poursuit par la
prescription d’exercices.
Marie-Pierre programme une sortie de son domicile.
Thérapeute et patiente ont construit ensemble la liste des sorties possibles, par ordre de
difficultés croissantes :
1. Sortie pour me rendre à la boulangerie acheter du pain.
2. Aller à la poste chercher un paquet en instance...
L’exemple de Marine montre comment l’humeur influence le style attributionnel. Âgée de 27 ans,
elle pense avoir échoué à un concours en raison d’une mauvaise épreuve de mathématiques...
Elle se dit alors : « Je suis incapable en toutes choses. »
Ce mode d’attribution est interne, parce qu’elle relie l’échec à une incompétence personnelle.
De plus, cette attribution est stable, parce qu’elle relie l’échec à un trait personnel. Enfin
cette attribution est globale, parce qu’elle peut être utilisée et expliquer des échecs dans
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Revenons à Sabine qui, au cours d’une situation d’entretien avec son directeur du personnel, a eu
la pensée douloureuse : « J’ai toujours tout échoué professionnellement et sentimentalement. »
L’examen de l’évidence a circonscrit l’événement précis, source de ce constat négatif. Par la suite,
le clinicien propose d’évaluer la part de responsabilité attribuée au patient dans cet événement.
THÉRAPEUTE — Si nous reprenons votre pensée resituée dans le contexte de votre premier emploi :
« J’ai toujours tout échoué professionnellement et affectivement », pourriez-vous me citer les
facteurs qui ont conduit à cet échec personnel et à votre demande de transfert ?
222
PATIENTE — J’ai accepté un poste de trop grande envergure.
T — Quels ont été les autres facteurs ?
P — Je suis arrivée dans un secteur financier que je ne connaissais pas du tout. La charge de
travail était très importante et j’ai accumulé du retard.
T — Quels sont encore les autres éléments de ce contexte de travail ?
P — C’était une société étrangère qui demande un rendement quasi immédiat, tout le monde est
stressé et, comme le contexte économique commençait à devenir difficile, il fallait davantage
débattre les affaires.
T — Nous venons de voir que si, à cette époque, vous étiez stressée, d’autres éléments ont
également contribué à ce sentiment de ne plus faire face et d’échouer. En effet, vous n’aviez pas
toutes les compétences pour ce poste et le contexte de rentabilité et la nécessité de négocier
de nouvelles affaires ne vous permettaient pas une adaptation progressive.
C’est la recherche collaborative des facteurs qui ont contribué au sentiment d’échec. La part
de responsabilité du sujet est ajustée et réestimée.
Un autre exemple illustre la stratégie de réattribution à partir d’une pensée dépressive.
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Marthe rentre chez elle pour une première sortie au cours de son hospitalisation.
THÉRAPEUTE — Vous venez de me dire, d’après vos notes sur votre carnet de thérapie, que vous
avez passé un week-end morose en famille et que l’idée qui vous est venue est : « Je rends tout
mon entourage triste. » Je vous propose d’examiner cette pensée à moins que vous ne souhaitiez
aborder un autre sujet ?
PATIENTE — Non. Ce week-end a été très triste. Nous avons passé le dimanche dans le salon,
personne ne parlait. Mon mari et un de mes fils étaient assis sur le canapé sans dire un mot. Je
le vois bien, je rends toute ma famille triste.
T — En dehors de votre humeur triste, citez-moi les autres facteurs, les autres événements qui
ont rendu votre mari préoccupé ?
P — Mon mari venait d’apprendre qu’un de nos enfants ne s’était pas rendu à l’école le vendredi
et s’était promené avec des copains. Pour lui, les études comptent beaucoup. Il ne comprend
pas cette attitude.
T — Y avait-il d’autres problèmes ?
P — Il est toujours soucieux de notre situation financière, parce que nous avons un lourd crédit
pour payer la maison. On doit faire attention.
T — Avait-il encore d’autres sujets de préoccupations ?
P — Je ne souris pas. Je parle peu. Tout mon aspect extérieur n’aide pas à la communication et
je viens encore d’être hospitalisée.
T — Donc votre mari est soucieux à cause de votre tristesse, des contraintes financières qui
obligent la famille à se restreindre et de l’attitude d’un de vos fils vis-à-vis de l’école. Y a-t-il
encore d’autres faits ?
P — Non.
T — Qu’est-ce qui expliquerait l’attitude de votre fils maintenant ? 223
P — Mon fils a des difficultés scolaires ; il ne sait pas ce qu’il fera plus tard.
T — Y aurait-il encore d’autres facteurs à envisager ?
P — Non.
T — Pourriez-vous, après l’examen de tous ces éléments ayant contribué à cette ambiance
morose du week-end, évaluer en pourcentage votre responsabilité ?
P — Peut-être 40 %.
T — Sur vos feuilles d’auto-enregistrement, vous aviez noté un niveau d’adhésion de 100 % à la
cognition : « Je rends tout mon entourage triste. » Le réexamen de votre part de responsabilité
aboutit en fait à une attribution personnelle de 40 %. Comment ressentez-vous émotionnellement
cette situation ?
P — Je me sens moins triste. Je ne suis pas seule en cause.
T — J’aimerais que vous reproduisiez ce type de démarche quand vous vous attribuez la
responsabilité d’un événement, afin de vérifier que cette attribution n’est pas limitée à un seul
facteur sans tenir compte de tous les paramètres.
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Madeleine observe au travers de ses écrits que sa tendance principale est d’endosser la
responsabilité de tous les événements qui tournent mal.
Pour mettre à distance ses pensées négatives culpabilisantes, elle analyse rationnellement la
situation, étape par étape. Elle tente ainsi de mieux comprendre les événements associés à son
biais de pensée habituel et de lutter contre ce mécanisme.
Madeleine a noté :
Situation : J’appelle mon fils pour lui demander des nouvelles, il se dit fatigué.
Émotion : Gêne, culpabilité.
Pensée première : Je n’aurais pas dû l’appeler, je l’ai fatigué, je l’ennuie avec toutes mes questions.
Comportement : Je raccroche rapidement.
Le sujet repère quel est le mécanisme privilégié presque en permanence et lui donne un
nom, avec ses propres mots.
Pour faciliter cette approche, le thérapeute peut proposer au patient de répondre aux
questions suivantes : « Comment appellerais-je le mécanisme qui explique que la première
pensée qui me vient est celle-là, par comparaison avec les autres pensées fournies ? » Le
soignant aide le patient à repérer ce ou ces processus, par un questionnement déductif.
Cela consiste à identifier rapidement le processus cognitif utilisé en excès, puis de le
bloquer : « Je te reconnais, tu es le piège dans lequel je tombe sans cesse en ce moment.
Je ne te crois plus et j’examine de plus près la situation. » Ce blocage et cette analyse
systématique des événements feront disparaître en quelques semaines l’utilisation excessive
de ce mécanisme trop courant.
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Fréquence
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2. Divination (aussi appelé dramatisation) : Je prédis l’avenir de manière négative
et je crois que ce sera tellement terrible que je ne serai pas en mesure de le supporter.
Exemples : « Je vais échouer et ce sera insupportable » ; « Je vais être tellement
bouleversé que je ne serai pas en mesure de me concentrer à l’examen ».
Fréquence
228
RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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NOTES
229
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Leçon 13
Objectifs
Repérer les règles de fonctionnement dysfonctionnel
Mettre en pratique des techniques d’identification
des schémas cognitifs
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PLAN DE LA LEÇON
231
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« Ainsi, vous voyez et jugez dorénavant le présent avec les yeux du passé
et vous en avez une vision totalement déformée. »
Eckhart Tolle
232
La vulnérabilité cognitive à la dépression prend la forme de schémas de pensée, de croyances
sur soi, l’environnement, le monde et le futur qui se sont construites pendant l’histoire de
l’individu et régulent tous ses comportements. Ces schémas cognitifs adoptent différentes
formulations.
Dans la dépression, Beck parle de « schémas dépressogènes ». Dans la mémoire à long
terme, les schémas dépressogènes s’articulent avec d’autres schémas cognitifs anxiogènes,
de troubles de la personnalité...
Différentes propositions de l’organisation de ces schémas ont été proposées : ils peuvent
se structurer entre eux et constituer des constellations autour d’éléments communs ; quand
ces constellations sont encore plus développées et représentent une manière caractéristique
de traiter l’information, on peut parler de « mode ».
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Les uns sont de type conditionnel : « Si je ne fais pas tout parfaitement, je n’aurai pas
l’amour des autres », d’autres se présentent comme des injonctions : « Il faut que je fasse
tout de sorte à obtenir l’approbation des autres, sinon je ne suis rien », d’autres enfin encore
ont une forme inconditionnelle : « Je veux qu’on m’aime. » Mais quel que soit leur type,
c’est la rigidité et l’inflexibilité des schémas liées à leur caractéristique arbitraire, exagérée
et irraisonnable qui les rendent inadaptés à la vie quotidienne actuelle du patient. C’est
cette inadéquation aux expériences de vie du sujet qui amène la souffrance émotionnelle
dépressive et/ou anxieuse.
Ces nombreux schémas de pensée se structurent en constellations, et il est habituel de
distinguer des schémas secondaires périphériques de schémas centraux primaires. Au cours
de la TCC, le patient déprimé identifie tout d’abord des schémas secondaires. Par la suite, il
détermine, à partir de ces formulations, la règle générale sous-jacente, nommée schéma
central.
Comme pour l’abord des cognitions, une première étape d’identification s’impose avant
233
les phases d’évaluation puis de modification. Le thérapeute cognitif a à sa disposition de
nombreuses voies pour dévoiler les schémas cognitifs, tout en respectant l’état d’esprit de
la découverte guidée.
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Prenons l’exemple de Paul qui recopie à partir de son carnet toutes les situations fortement
émotionnelles et les pensées automatiques associées. Il constate que toutes ces pensées sont
d’ailleurs négatives. Les situations de départ sont très variées : alors qu’il déjeune chez ses
parents, chez sa sœur, auprès de clients au cours de rendez-vous extérieurs... C’est l’ensemble de
ces situations, très éprouvantes pour Paul, et les pensées associées qui lui permettront d’obtenir
une formulation de schéma : « Tout ce que je fais doit servir aux autres. »
Éléonore prépare durement un concours qu’elle réussit, mais elle n’est pas satisfaite se disant :
« Dans la vie, je n’ai fait que travailler durement. » Elle entrevoit pour règle implicite : « Si je
travaille durement, quitte à fournir beaucoup d’effort, alors j’accéderai à une situation qui me
rendra heureuse. »
Éléonore constate que beaucoup d’autres situations engendrent la même insatisfaction émotion-
nelle : la pratique de cours de danse, l’investissement dans un bénévolat d’alphabétisation...
234 « Ces pensées appartiennent au conditionnement mental, qui est le fruit de toute
votre histoire personnelle et celui de l’état d’esprit collectif et culturel dont vous avez
hérité. Ainsi, vous voyez et jugez dorénavant le présent à travers les yeux du passé et
vous en avez une vision totalement déformée. Il est fréquent que, chez une personne,
cette voix intérieure soit son pire ennemi... Écoutez aussi souvent que possible ces
pensées. Prêtez particulièrement attention aux schémas de pensée répétitifs, à ces
vieux disques qui jouent et rejouent les mêmes chansons peut-être depuis des années.
C’est ce que j’entends quand je vous suggère d’observer le penseur. »
E. Tolle
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 235 — #247
Ainsi Violette parvient à sa douzième séance de thérapie cognitive. Pour cet entretien, elle
apporte la liste des cognitions qui lui ont paru les plus importantes. Ce sont :
« Mon travail n’a pas d’intérêt. »
« Je ne peux pas lire. »
« Je suis incapable de faire une conférence. »
« Je ne peux pas exécuter de travail de synthèse. »
« Je n’arrive pas à aborder les autres. »
« Je suis seule. »
« Mon cerveau ne marche plus. »
La patiente précise que ces idées ont un rapport pour elle avec un niveau de performance
professionnelle à conserver, qui secondairement va influencer le jugement des autres. Plusieurs
propositions de schémas sont suggérées par Violette. Elles seront examinées une à une.
Ce sont : « Si j’exécute ce travail avec autant de doute et de difficultés, c’est pire que de ne pas
travailler », « Si j’ai tant de difficultés à faire mon travail, ça ne vaut pas la peine de garder ce
poste », « Si je n’accomplis pas mon travail avec succès, je ne peux pas aller vers les autres. »
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 236 — #248
Jacqueline relève dans ses notes : « Il faut que je sois prête, je dois être à la hauteur, il faut
que ce soit propre, il faut tenir le coup... »
À partir d’une dizaine d’exemples, elle suggère comme point commun : « Je fais tout en fonction
du regard des autres. »
Techniques syllogistiques
Le syllogisme est une forme de style, un raisonnement logique, étudié dans les cours de
philosophie, qu’Aristote a été le premier à formaliser. Il se compose de trois éléments : une
prémisse mineure, une prémisse majeure et une conclusion. L’exemple le plus connu est :
Prémisse mineure : Socrate est un homme ;
Prémisse majeure : tous les hommes sont mortels ;
Conclusion : donc Socrate est mortel.
Les recherches en sciences cognitives montrent que le raisonnement humain fonctionne
236 naturellement avec des syllogismes. Ils nous permettent de déduire bon nombre de
conclusions sans que nous ayons besoin de tout expliciter.
Exemples de syllogismes
« Toute injustice est défendue ; « Aucun chien n’est un oiseau ;
or, l’usure est une injustice ; Médor est un chien ;
donc l’usure est défendue. » donc Médor n’est pas un oiseau. »
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 237 — #249
Autre exemple.
Prémisse mineure : « Un certain nombre de mes élèves n’ont pas eu de bonnes notes malgré tout
mon investissement. »
Conclusion : « Je suis en tort, mon directeur va mal me juger. »
Anne note comme prémisse majeure : « Même si je fais tout ce qui doit être fait, les autres ne
me récompensent pas et je me remets en cause. »
Cette méthode est utile quand le patient note peu de choses sur son carnet. La difficulté
réside dans le choix de situations qui sont traitées par la même prémisse majeure. En effet,
chaque patient a plusieurs schémas secondaires activés. Le thérapeute oriente vers le choix
de deux ou trois situations qui auraient, dans le traitement de l’information, la même
prémisse majeure.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 238 — #250
Les formulations aussi abruptes des schémas sont susceptibles de réactiver les pensées
de suicide, même chez un patient qui allait mieux. De ce fait, beaucoup de thérapeutes
préfèrent utiliser chez le patient déprimé une autre des nombreuses procédures pour isoler
les schémas cognitifs.
Une autre de ses limites, comme pour toutes les méthodes précédentes, est une identification
ponctuelle d’un schéma parmi d’autres, qui ne permet pas de visualiser l’ensemble des
schémas secondaires.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 239 — #251
Catégorie 1 :
– Je ne vais pas m’en sortir.
– Je ne vais pas trouver d’idée.
– À la maison cela sera pareil.
– Je n’ai plus de travail.
– Je n’ai rien à me mettre avec ma prise de poids.
– Je ne retrouverai jamais une vie normale.
– Vais-je y arriver ?
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 240 — #252
Catégorie 2 :
– Elle ne va pas m’aider.
– Elle ne regarde pas mon ouvrage.
– Elles sont distantes.
– Je vais me faire attraper.
– Il y croit toujours.
– Il oublie mes difficultés.
Résumé de la patiente : « Je vis en fonction des autres et de leur regard. »
Catégorie 3 :
– Il faudrait que je fasse plus d’efforts.
– C’est dur de revenir à la normale, même avec la thérapie.
– Je n’aime pas l’entendre.
– Je suis anxieuse.
240 – Il faudrait que je sois chez moi pour les aider.
– Je me sens prise au piège.
– Il ne semble pas comprendre la progression de ma thérapie.
Résumé de la patiente : « Je fais tout par devoir. »
La difficulté de cette méthode est qu’il ne s’agit en aucun cas de regrouper les cognitions
en fonction de leurs thèmes. Dans notre dernier exemple, Marthe aurait alors trouvé pour
thèmes : elle-même, sa mère, son mari, ses enfants, son travail... Il s’agit là de catégories
psychologiques du patient, intuitives, incompréhensibles de l’extérieur et dont on ne peut
suivre la logique.
Les schémas répertoriés sont des schémas secondaires. Certains sont des vulnérabilités
dépressogènes, d’autres des vulnérabilités anxiogènes et pour d’autres encore ce sont des
schémas de personnalité. Les schémas de personnalité seront beaucoup plus longs à modifier
que tous les autres schémas.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 241 — #253
C’est le cas de Jacques, qui, après avoir lu trois pensées automatiques de la semaine issues
de situations professionnelles pénibles, s’exclamera : « C’est incroyable, je suis complètement
entier : si je ne me perçois pas comme convaincant, alors je me sens rejeté. »
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 242 — #254
Par exemple :
– Attitudes liées à l’approbation : le questionnaire évalue la façon dont les individus
mesurent leur estime de soi. Une estime de soi tributaire de l’approbation des autres
indique que les individus sont dépendants de ce que les gens pensent et disent d’eux ;
– Attitudes liées à l’amour : les patients mesurent leur valeur en fonction de l’amour que
les autres leur témoignent. L’amour est un besoin dont l’absence de satisfaction rend la
vie de l’individu intolérable ;
– Attitudes liées à la réussite : l’individu considère que le travail est une façon d’augmenter
son estime de soi et sa satisfaction ;
– Attitudes liées au perfectionnisme : le DAS permet de mesurer les exigences de perfection
absolue des individus. Les erreurs sont jugées comme intolérables ;
– Attitudes liées aux exigences et aux obligations : le sujet attend que tous ses besoins
soient satisfaits par les autres ;
– Attitudes liées à l’omnipotence : l’individu a tendance à se considérer comme centre de
l’univers et responsable de ce qui arrive. Il se sent alors souvent envahi par un sentiment
de culpabilité ;
– Attitudes liées à l’autonomie : le questionnaire mesure la capacité à trouver le bonheur,
par exemple en soi-même.
Cependant, malgré ces différents facteurs, si le score global de l’échelle permet de distinguer
les sujets déprimés des autres, cet instrument évalue le taux d’attitudes dysfonctionnelles.
242 Il guide le patient vers la découverte du libellé de chacun de ses schémas.
En pratique, son utilisation est soumise à certaines conditions. En effet, les difficultés
d’attention et de concentration de l’individu déprimé peuvent l’empêcher de comprendre
les items et de compléter seul la totalité du questionnaire.
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– Si je ne réussis pas tout le temps, les gens ne me respecteront pas.
– Prendre même un risque léger est ridicule, car perdre est susceptible d’être un
désastre.
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“Mirabel-Sarron-Docteur_NE79886_BAT” (Col. : Workbook) — 2020/8/28 — 16:42 — page 245 — #257
Les quatre premiers schémas de base confinent à un niveau de détresse du type « enfant
vulnérable » qui procure anxiété, tristesse...
– Cinquième schéma : punition – exclusion
Il y a une opposition excessive du père, avec des critères d’exigence élevée de la part du
parent. Ceci induit un sentiment de terreur, d’impuissance, par rapport à cette personne
qui évoque donc le parent par son aspect physique ou moral. Le patient se met en
position de victime et s’auto-dénigre ;
– Sixième schéma : échec
La personne a le sentiment d’être inadéquate par rapport aux autres ;
– Septième schéma : dépendance
Dans la définition de Young, il ne s’agit pas du tout de la notion psychologique de
dépendance affective, mais de la dépendance fonctionnelle, c’est-à-dire l’incapacité à
gérer ses problèmes quotidiens, à s’organiser dans la vie sans l’aide des autres ;
– Huitième schéma : vulnérabilité
C’est la peur d’être frappé à tout moment par un événement imprévisible : la maladie,
la perte de contrôle émotionnel, les accidents, l’agression physique, les catastrophes
naturelles... ;
– Neuvième schéma : fusion de soi atrophié
Quand la relation entre deux personnes est trop fusionnelle, leur proximité est excessive,
au détriment d’une individuation ;
– Dixième schéma : tout m’est dû
Il s’agit d’un schéma primaire, inconditionnel, acquis dans le modèle de « l’enfant gâté ». 245
Le sujet qui a ce schéma impose tout : ses horaires... et ne comprend pas pourquoi on
lui fait une remarque négative...
– Onzième schéma : discipline de soi
La maîtrise de soi est insuffisante, il manque de discipline, avec une importante
intolérance à la frustration.
Deuxième catégorie : les schémas stratégiques ou schémas conditionnels. Ils ne seront cités
ici que les schémas de stratégie les plus fréquents, mais il peut y en avoir d’autres.
– Schéma 1 : exigence élevée
Il compense le plus souvent le schéma d’imperfection ;
– Schéma 2 : capitulation
Il prend généralement trois formes : l’assujettissement, le sacrifice de soi et la recherche
d’approbation. Le sujet laisse tomber alors ce qui lui est personnel, ce qui est important
pour lui de peur de devoir faire face à des conséquences négatives importantes ;
– Schéma 3 : Assujettissement
C’est le contrôle excessif de soi, de son comportement, qui se traduit par une abdication
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des décisions personnelles, afin que l’autre personne ne se fâche pas ou n’abandonne
pas ;
– Schéma 4 : Sacrifice de soi
Il correspond au besoin démesuré de répondre aux besoins des autres, au détriment de
ses propres besoins. Il s’agit d’une forme d’assujettissement par abnégation ;
– Schéma 5 : Besoin d’approbation
C’est le besoin excessif d’obtenir la reconnaissance des autres au détriment d’un soi plus
autonome. L’estime de soi repose alors essentiellement sur la réaction des autres. Le
sujet va constamment s’organiser pour plaire aux autres.
Dans le programme thérapeutique proposé par Beck, l’identification des schémas et leur
modification ne sont abordées que dans la deuxième partie de la thérapie (soit vers la
dixième séance environ).
Le patient déprimé identifie ses schémas secondaires, puis évalue l’activation respective de
chacun de ses schémas. Cette étape est intitulée l’identification du taux d’activation des
schémas.
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Ils sont :
– stables ;
– construits à partir d’expériences de la petite enfance ;
– des règles morales ;
– inconditionnels ;
– permanents ;
– pas directement accessibles...
Dans tous les cas, il est important de connaître le taux d’activation des schémas cognitifs
identifiés à ce stade de la thérapie.
Pendant la thérapie cognitive, il est usuel de demander au sujet d’observer sur une période
d’environ quatre semaines le taux d’activité de ses schémas. Pour réaliser ce projet, le
patient note sur un bristol le libellé de chaque schéma, puis repère, chaque fois qu’il est
confronté à une situation désagréable, lequel des schémas est à l’origine de son émotion et
de sa cognition. Chaque identification est notée sur le bristol par un bâtonnet. À l’issue de
ce mois d’observation, il est habituel de constater qu’un ou deux schémas sont très actifs,
alors que les autres sont beaucoup moins opérants.
Le travail de gestion puis d’assouplissement des schémas débute par les schémas les plus
activés et qui gênent donc encore considérablement le traitement de l’information du sujet. 247
Pour résumer, le schéma est une croyance très forte à propos de soi-même, qui a été apprise
à un âge précoce. La croyance est si puissante qu’elle est vécue comme vraie. Le schéma
est ressenti généralement comme confortable et rassurant, si l’on ne tient pas compte des
conséquences négatives qu’il entraîne dans la vie de la personne. Le but de la thérapie est
d’identifier l’ensemble des schémas activés par l’humeur dépressive.
Et si le patient voulait arrêter après cette dizaine de séances ?
Il est important d’en discuter et de pouvoir répondre aux questions suivantes, avant de
donner un conseil.
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RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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NOTES
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Leçon 14
250
Objectifs
Se familiariser avec les techniques
comportementales et cognitives
d’assouplissement des schémas cognitifs
Méthodes comportementales
Techniques cognitives
Techniques affectives et interpersonnelles
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PLAN DE LA LEÇON
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« Observez le penseur. »
Eckhart Tolle
Les stratégies utilisées pour modifier les schémas cognitifs ont pour but de rendre plus
flexibles ces règles mentales, afin qu’elles ne puissent plus être source de souffrance
émotionnelle pour l’individu. Différentes approches comportementales, cognitives, affectives
ou interpersonnelles sont utilisables. La réécriture du schéma en schéma reformulé,
ou nouveau schéma, précède une confrontation à la réalité actuelle, avant une phase
d’ajustement et d’appropriation.
Notre pratique clinique nous incite à nous montrer mesuré quant à la possibilité de
reformulation et à préférer parler de meilleure gestion des schémas, présumant que certains
ne pourront pas être reformulés. À cet égard, Beck et Freeman considèrent quatre stades de
modification des schémas, que nous décrivons ci-après dans l’encadré.
La force des schémas vient du fait que leur maintien instaure un comportement rigide.
L’individu amplifie les événements qui sont congruents à son schéma et amoindrit ceux qui
ne le sont pas. Le schéma lui paraît inflexible et réel.
Pour rendre les conséquences de son schéma moins douloureuses, le patient a recours
252 à différentes stratégies cognitives, en particulier des évitements cognitifs, affectifs
et comportementaux. Ainsi, il ne peut identifier ses pensées dans certaines situations
émotionnelles. Il développe des stratégies de compensation à l’encontre des prédictions du
schéma, donnant l’illusion d’un comportement adapté. C’est l’ensemble de ce fonctionnement
schématique, marqué tout à la fois par des stratégies d’adaptation, d’évitement et de
compensation qui constitue, pour Beck, la vulnérabilité dépressogène à l’origine de la
rechute dépressive.
Beck suggère que le travail psychothérapeutique sur les schémas cognitifs dépressogènes
réduit significativement le taux de rechutes dépressives, en diminuant l’importance d’un
des facteurs de vulnérabilité cognitive.
La différenciation des changements possibles du contenu des schémas par la TCC montre des
possibilités fort différentes, allant du stade 1 « remplacement du schéma », qui correspond
à une réécriture totale du schéma cognitif, au stade 4, « camouflage du schéma ». Dans
ce dernier cas, le schéma n’est pas modifié dans son contenu, mais le thérapeute a pu
apprendre au patient des stratégies d’adaptation différentes de celles induites par le schéma,
entraînant moins de souffrance.
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Cette règle prise en exemple peut être reformulée totalement chez les uns et pas du tout
chez les autres. Tout dépend des circonstances qui ont mené à l’acquisition de ce schéma et
254
des différents facteurs de maintien. La nature et le contenu du schéma ne prédisent donc
pas la possibilité de reformulation.
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– Oui !
– Ah ! Et tu pisses plus au lit alors ?
– Non je pisse toujours autant mais maintenant je m’en fous ! »
Dans « blagues.net »
Exemple de « camouflage »
Le schéma « Je dois toujours obtenir l’approbation des autres, dans toutes circonstances, même
s’il s’agit de mon mari et de mes enfants. »
Cependant l’acquisition de certaines techniques comportementales d’affirmation de soi lui permet
d’être moins à la recherche de l’approbation à tout prix dans ses comportements.
Les méthodes de modification du contenu du schéma sont fort variées et se sont largement 255
développées grâce à différents auteurs. Chacun d’entre eux partage le même prédicat de la
thérapie cognitive, mais propose des outils différents et complémentaires afin de modifier
les schémas cognitifs.
Comme nous l’avons déjà mentionné, parmi tous ces schémas qui se révèlent, il existe
aussi bien des schémas dépressogènes, anxiogènes que ceux associés à des troubles de la
personnalité. Ces derniers, plus rigides, nécessitent plus de temps pour s’assouplir.
Pour tous les auteurs (Beck, Young, Weiss, etc.) une première étape consiste à faire le bilan
des conséquences du schéma. Il s’agit d’établir la liste des avantages et inconvénients de
conserver cette règle psychologique en l’état. Pour ce faire, la technique de pondération
est utilisée.
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La technique de pondération
La technique de pondération est encore communément appelée « méthode des avantages
et désavantages du schéma ».
Il faut rappeler que le schéma cognitif a été utile au sujet à un moment donné de sa vie pour
adapter ses attitudes et ses comportements au contexte relationnel de son environnement.
Le thérapeute examine alors avec le patient, pour chacun de ses champs d’activité (famille,
santé, loisirs, travail, amis...), l’intérêt de maintenir un tel système de croyances.
Par exemple, Liliane, architecte, a entrepris une thérapie cognitive au cours d’un deuxième
épisode dépressif. Elle identifie deux schémas très activés encore, dont : « Je dois tout réussir
parfaitement pour avoir l’approbation des autres. »
Ensuite le total des croyances positives et négatives est effectué pour chaque colonne. Pour
cette patiente, le schéma représente 80 % d’avantages et 150 % d’inconvénients. Devant ce
bilan beaucoup plus négatif que positif, elle prend conscience des limites imposées par cette
croyance absolue. Ce constat la pousse à développer un questionnement sur elle-même et
les autres : qu’est-ce que l’approbation des autres ? Comment se manifeste l’approbation des
autres, comment est-ce que je manifeste mon approbation ? À quelle fréquence, dans quels
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domaines, cette approbation m’est-elle plus nécessaire et dans quels autres domaines a-t-elle
moins d’importance ? Si je n’ai pas cette approbation, que cela signifie-t-il ?
Par le biais de ce questionnement mené en collaboration avec le thérapeute, elle découvre qu’elle
peut obtenir l’approbation des autres par bien d’autres manières, et même, à l’extrême, qu’elle
peut tout à fait s’en passer dans certains secteurs de sa vie (faire les commissions, emmener ses
enfants au sport...).
Dans cette démarche d’assouplissement du schéma, le sujet est généralement encouragé par
ses proches qui observent une meilleure adaptabilité de ses conduites. De tels renforcements
sociaux assureront la continuité du changement.
THÉRAPEUTE — Ce que vous me dites me donne l’impression d’être un contrat obligatoire que vous
auriez signé : Si je fais tout parfaitement, je serai aimé de tous ; et donc sans l’approbation de
tous, vous ne pouvez pas être heureux. Est-ce que j’ai bien compris ?
PATIENT — Oui, je crois que j’ai toujours cru cela depuis que je suis enfant. Ma mère disait
toujours : « Si tu le fais bien, je te ferai un beau cadeau. » 257
T — Vous avez donc rédigé ce contrat alors que vous étiez enfant. Mais maintenant que vous
êtes adulte, pensez-vous que ce contrat est encore pertinent ?
P — Je ne l’ai jamais pensé comme cela. Je n’ai jamais pensé que je continuais à appliquer un
contrat de mon enfance.
T — Les contrats ne sont pas nécessairement permanents, ils peuvent être modifiés, améliorés,
amendés. Votre contrat n’est plus applicable parce qu’il est trop général, trop absolu. Combien
de personnes devront vous témoigner leur affection après que vous avez réalisé bien les choses,
pour que vous soyez heureux ?
Le thérapeute amène ainsi l’individu à prendre conscience de ses contrats imposés, de leurs
origines et de leurs restrictions induites dans la vie d’adulte.
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Après avoir fait la liste des arguments en faveur du schéma et des éléments en sa défaveur,
il est demandé au patient de réévaluer la proportion de vérité contenue dans le schéma,
qui au départ reste encore élevée.
Ainsi pour Liliane, le jugement des autres reste important, mais elle développe plus d’actions
sans en tenir compte.
La méthode d’auto-exposition
La méthode d’auto-exposition s’inspire des principes mêmes des thérapies comportementales.
Bien qu’il s’agisse d’une des premières méthodes décrites historiquement, elle reste
cependant très utilisée pour son efficacité dès lors qu’elle peut s’appliquer. Elle est souvent
choisie si le schéma se présente sous forme d’impératif : « Il faut que... »
Le patient commence par décrire les conséquences qui pourraient advenir s’il enfreignait
cette règle morale. Une fois ces prédictions établies, il évalue le niveau de probabilité de
survenue pour chacune d’elles. Enfin, quand il se sent prêt, il transgresse cette règle dans
des situations de sa vie tout d’abord très simples et sans danger.
Ces exercices de transgression sont construits en collaboration avec le soignant, en prenant
le temps. L’expérimentation débutera quand le patient se sentira prêt.
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Cette technique lui permet de mesurer les conséquences réelles du non-respect du schéma.
Le sujet se constitue un nouveau répertoire de comportements qu’il peut envisager sans
crainte pour le futur.
Retrouvons Pierre :
« Si je ne fais pas tout parfaitement, je ne serai pas aimé des autres. »
Il établit la liste des situations où ce schéma l’amène à des comportements extrêmes.
La première situation de cette liste, estimée par le patient potentiellement modifiable, est
l’invitation de ses copains d’enfance à dîner chez lui. En effet, ils sont cinq amis à avoir gardé
des contacts depuis l’adolescence et, à tour de rôle, chaque mois, ils s’invitent réciproquement.
Pierre prend ce jour-là une journée de congé annuel pour faire les courses au marché, prépare
sa maison et le repas afin que tout soit parfait le soir. En discutant de cette situation, de son
vécu intérieur, le patient explique que si tout n’était pas ainsi, ses amis remettraient en cause
probablement leur amitié et ne viendraient plus chez lui. Il réalise également que sa conclusion
est peut-être exagérée et qu’une amitié de plus de vingt ans ne peut être remise en cause
pour un repas. Il décide, après plusieurs semaines de réflexion et de travail cognitif avec le
thérapeute, de choisir comme exercice de transgression du schéma : renoncer à sa journée de
congé annuel, traditionnellement dédiée à la préparation du dîner, et de commander un repas
tout prêt. Pierre propose avec angoisse des pizzas et des glaces. Ses amis sont très contents, le
complimentent et lui disent que c’est beaucoup plus agréable, un repas où il reste à table avec
eux, qu’il est plus détendu et qu’ils profitent davantage du plaisir d’être ensemble.
Très surpris par ces conséquences positives, Pierre continuera ses expérimentations de
transgression du schéma, à son rythme, sur plusieurs autres situations définies et travaillées
préalablement avec le thérapeute.
259
Sabine pense qu’elle ne peut pas être aimée des autres. Elle tente alors l’expérimentation de
sourire à au moins cinq personnes dans la journée. Elle note sur un relevé quotidien sa prédiction
attendue d’après son schéma négatif, par exemple : « Il ne me regardera même pas. »
Elle renouvelle les expérimentations afin de constater la progression des résultats. Elle est de
plus en plus à l’aise, constate que les personnes répondent à ses sourires, et sa croyance négative
sur elle-même se modifie.
Sabine passe du schéma : « Je ne peux pas être aimée par les autres » à « Je ne suis pas
appréciée par certaines personnes, mais visiblement appréciée par d’autres. »
La nouvelle formulation du schéma est à son tour éprouvée. Le patient pratique de nouvelles
expérimentations, jusqu’à conforter le schéma reformulé. Il est habituel d’estimer qu’une bonne
vingtaine de répétitions de l’expérimentation sont nécessaires pour consolider le nouveau schéma.
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À la différence des techniques précédentes, qui visent à mieux gérer le schéma, les
techniques cognitives ont pour objectif d’en modifier davantage le contenu.
La technique du continuum
La technique du continuum est d’utilisation usuelle pour modifier les schémas. Elle ne
peut être mise en œuvre qu’après avoir défini avec le patient les termes qui reflètent sa
représentation de lui-même. Elle porte sur le thème principal de la croyance.
Par exemple, pour le schéma : « Si je fais tout parfaitement, alors j’obtiens la reconnaissance
des autres », la discussion porte tout d’abord sur le terme de reconnaissance : que signifie
ce concept de reconnaissance, comment cela se présente-t-il pour l’individu, qu’est-ce qu’il
en attend ?
260
Pour le schéma : « Si je ne peux pas participer à une discussion, cela signifie que je suis un
incapable », là encore la discussion porte tout d’abord sur la notion d’incapacité, qu’est-ce
que le sujet entend par cette valeur ?
Avec le schéma : « Si je ne peux pas être disponible et aider les autres, alors je ne vaux
rien », la discussion portera sur le concept de valeur de soi. La prise en compte de cette
dernière proposition conduit à demander au patient de construire un segment de droite
avec deux extrémités. L’une des extrémités représente une personne sans valeur et l’autre
extrémité une personne qui vaut quelque chose. Ce segment de droite constitue un bipôle
de la valeur de soi, qui est ensuite gradué de dix en dix. Il est ensuite demandé au patient
de se situer sur cette graduation.
Murielle, à qui nous avons emprunté ce schéma, se situe le jour de l’entretien à 10 sur cent, car
une amie à qui elle avait adressé un courrier électronique ne lui a pas répondu. Elle pense : « Je
n’ai pas été assez gentille, j’aurais dû lui écrire plus tôt. »
On demande alors à la patiente de choisir différentes personnes de sa famille, ou d’autres
personnages, et de les situer sur le continuum de valeur personnelle. Murielle place à une aussi
piètre évaluation le directeur administratif de son entreprise, mais situe très positivement des
amis et des collègues de travail.
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Il est demandé ensuite à Murielle de nous indiquer quelle valeur sur le continuum elle aimerait
atteindre, et elle nous indique la graduation 60. Cette valeur peut nous apparaître comme
faible, mais beaucoup de patients déprimés, ou en rémission de dépression depuis peu de
temps, présentent une faible estime d’eux-mêmes et ne peuvent donc pas se projeter dans une
représentation personnelle très positive.
Nous demandons alors à Murielle de définir par des adjectifs ce qu’elle entend par « pas de
valeur » ; elle nous décline alors les adjectifs égoïste, égocentrique, susceptible. Pour chacun de
ces qualificatifs, elle établit de nouveaux bipôles dont les scores vont de zéro à cent, par exemple :
zéro pour jamais susceptible jusqu’à cent pour toujours susceptible. Muriel s’évalue sur chacun
de ces bipôles. Elle note alors respectivement 60 pour la susceptibilité, 30 pour l’égoïsme et 20
pour l’égocentrisme. La valeur moyenne pour ces trois qualificatifs donne une note d’environ
37, nettement supérieure à l’appréciation globale de la valeur d’elle-même située vers 10.
Cette discordance dans sa propre évaluation permet au patient de poursuivre son investigation
intérieure sur la définition de la valeur de soi, sur la définition de ses propres critères, voire
la définition de nouveaux critères. Elle prend peu à peu conscience de la généralisation dans
laquelle l’entraîne son schéma.
Murielle évalue quotidiennement sur les mêmes bipôles sa valeur globale et son évaluation
d’après les trois qualificatifs. Chaque fois également qu’une circonstance contredit le schéma,
elle s’évalue de nouveau sur les quatre bipôles. Peu à peu Murielle développe un point de vue
plus nuancé de sa valeur personnelle et ne la relie plus systématiquement au bien ou à l’aide
qu’elle peut apporter aux autres.
Prenons l’exemple de Maryse dont le schéma central est : « Je ne peux pas être aimée », avec
pour schéma secondaire : « Si je suis sympathique avec les autres et que je vais vers eux, ils
vont me rejeter. »
Maryse cherche les circonstances qui confirment le schéma et celles qui le contredisent.
Circonstances qui confirment le schéma :
– Entre zéro et dix ans : Je suis souvent chez ma grand-mère, presque tous les week-ends et
tous les jours jusqu’au dîner.
– Quand ma mère vient me chercher, elle discute longuement avec sa mère.
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Par l’intermédiaire de cette démarche, le sujet est amené à comparer des informations
provenant de sa mémoire autobiographique (ou mémoire épisodique) qu’il a répertoriées
par tranche d’âge, et des données issues de sa mémoire sémantique, sous la forme du libellé
du schéma, qui est une généralisation.
La mémoire autobiographique
« La mémoire autobiographique est une mémoire à très long terme qui joue un rôle
majeur dans la construction et le maintien de notre identité. Elle emmagasine les
informations et les souvenirs personnels d’un individu, accumulés depuis son plus
jeune âge, à l’origine du sentiment de continuité dans le temps. » (p. 349)
Guilleri-Girard, Quinette, Piolino, Desgranges et Eustache1
Cette comparaison d’une donnée généralisée à des données discrètes recherchées dans
l’histoire de vie consiste à rapprocher les idées générales issues des différentes relations avec
l’entourage à des souvenirs spécifiques. Le patient peut apprécier le degré de concordance de
ces deux types de représentation et constate que le schéma le conduit à « surgénéraliser »
sans tenir compte d’un certain nombre d’éléments autobiographiques chargés de sens
psychologique. Le niveau plus ou moins élevé de concordance de ces informations permet
de juger de la cohérence représentationnelle du sujet (cité par Miglovitz, 2002). Les défauts
de concordance permettent au sujet de facilement restructurer le schéma et de créer une
nouvelle formulation plus opérationnelle et fidèle de la vision de lui-même. 263
Ces schémas ou surgénéralisations qui se perpétuent depuis l’enfance sont considérés par
le patient comme des vérités sur lui-même, que le test d’historicité permet de discuter puis
de reformuler.
Pour favoriser cette reformulation, il est demandé dans un premier temps au patient de
relire attentivement tous les événements autobiographiques en accord avec le schéma,
puis de le reformuler sous forme d’une phrase unique reflétant le processus psychologique
commun. D’une même manière, il est demandé ensuite d’effectuer la même procédure avec
tous les exemples historiques qui contredisent le schéma et de les résumer également sous
forme d’une phrase : « Autrefois..., aujourd’hui... »
Le patient constate alors que les deux phrases ne se ressemblent plus du tout, qu’elles ne
contiennent pas les mêmes ingrédients psychologiques.
Pour expliquer ce processus, nous pouvons aider le patient par différentes métaphores :
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« C’est comme l’eau de l’Océan atlantique, elle est affichée à une certaine température comme
si elle était une masse homogène et cette température peut vous dissuader complètement
d’aller vous y baigner. Cependant, si vous entrez dans cette mer, vous constatez que si la
plus grande partie est en effet à une température modérée, des courants vraiment chauds,
très différents, s’y entremêlent ; mais de l’extérieur ou au travers d’une information de
température globale, vous ne discernez pas courant froid et courant chaud. Il est en de
même pour les schémas. Apprendre à repérer le courant chaud, bon pour vous, et l’exploiter
pleinement permettra d’appréhender autrement cet océan. »
La reformulation globale du schéma intègre ces deux processus.
Liliane effectue un travail sur l’un de ses schémas : « Ils ne me reconnaissent pas à ma juste
valeur. »
Éléments négatifs en
Éléments positifs consolidant la
Âge contradiction avec la
règle
règle
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De 21 à Je travaille et ça marche
25 ans bien.
Nous faisons l’hypothèse avec Liliane que cette recherche effrénée d’approbation des autres
est probablement encore un schéma secondaire palliatif dissimulant un schéma primaire
d’imperfection, de vulnérabilité ou autre que cette jeune patiente verbalisera quelques
entrevues plus tard.
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Marc nous rapporte qu’il a souvent entendu que sa mère considérait s’être sacrifiée pour les
élever, pour qu’ils fassent de bonnes études et qu’ils arrivent à de bonnes situations.
Par un questionnement inductif, le thérapeute invite le patient à réfléchir sur les différentes
parts de responsabilités. Il commence par s’interroger sur la vie de sa mère : quel âge avait-elle ?
Comment a-t-elle pris cette décision d’arrêter sa carrière professionnelle ? Quelle était l’attitude
de son père ? Que faisait son père à l’époque ? Quel était le projet familial de sa mère ? Que
faisait sa mère en dehors de la maison ? Quelles étaient ses relations avec les autres ? Quel
discours tenait-elle avec son frère et sa sœur ? Le patient réattribue sa part de responsabilité
dans le sacrifice maternel.
Les réponses fournies par Marc permettent de montrer que le sacrifice de sa mère est en rapport
avec sa solitude dans une grande maison à la campagne en périphérie de la ville, la perte de ses
relations professionnelles, l’absence relative de son mari qui est très pris dans son travail et qui
rentre toujours très tard. Le patient se rappelle que son père rentrait toujours bien après son
coucher...
Marc reprend chacun de ces facteurs explicatifs et leur attribue un pourcentage de responsabilité ;
la part prise par la naissance de Marc ne représente plus que 15 % de responsabilité, alors qu’en
début d’entretien, le patient s’accordait la responsabilité entière du sacrifice maternel.
L’avocat du diable
266
La technique dite de « l’avocat du diable » poursuit le travail de reformulation du schéma.
Le thérapeute entreprend une discussion avec le patient en prenant parti pour le schéma.
Le patient doit alors défendre un nouveau point de vue, en prenant parti contre le schéma.
Dans l’exemple de Marc, le thérapeute pourrait dire : « Eh oui, Marc, vous n’auriez pas dû naître,
votre mère aurait pu faire une belle carrière professionnelle. »
PATIENT — Elle aurait pu reprendre par la suite son activité professionnelle, rester en contact
avec ses collègues, mais ne l’a pas fait.
THÉRAPEUTE — Elle s’est sacrifiée pour vous élever.
P — Elle a choisi de nous élever, de s’occuper de nous à temps plein en restant à la maison. Elle
aurait pu faire un autre choix, maintenir son activité et nous faire garder. Elle aurait au moins
pu maintenir des contacts.
T — Elle n’avait pas le temps. Elle devait s’occuper de vous.
P — Non parce que même plus tard lorsque nous avons grandi, elle est restée seule à la maison,
sans rien faire, sans voir personne. Elle n’a pas cherché à reprendre des contacts ou à faire de
nouvelles activités pour rencontrer de nouvelles personnes...
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Le patient argumente alors sa position après un travail préliminaire sur le contenu et les
origines de son schéma. Cette méthode permet d’évaluer si une modification du schéma
commence à s’opérer.
Elles sont surtout utilisées à visée de modification des schémas cognitifs de personnalité.
Ces schémas de personnalité sont considérés comme plus stables, plus globaux et plus rigides
et méritent d’être abordés non seulement avec toutes les techniques comportementales
et cognitives citées ci-dessus, mais également par l’intermédiaire d’approches plus
émotionnelles.
Une exploration des expériences vécues dans l’enfance est ainsi souvent nécessaire.
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mentale, en demandant au patient de fermer les yeux, de penser au passé : des images
peuvent remonter spontanément.
L’utilisation des sensations physiques est également un excellent médiateur, nous l’avons
constaté chez un bon nombre de personnes.
• Emploi d’un terme concret pour exprimer une notion abstraite par substitution
analogique.
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• Chez Lacan, processus qui consiste à substituer un signifiant à un autre, qui en
devient refoulé.
Bien sûr d’autres métaphores sont possibles, plus spécifiques au contenu du schéma.
La réinterprétation des expériences de l’enfance est effectuée par le patient avec son regard
d’adulte. Le sujet peut constater qu’il a joué un rôle pendant qu’il était enfant, rôle qu’il
n’avait pas compris à l’époque ou qui n’était pas forcément dans son propre intérêt, mais qui
remplissait une fonction pour ses parents comme la fonction de confident, ou la fonction de
réassurance, ou la fonction encore de protection de l’un des parents... Mais cette fonction
l’a privé de l’attention privilégiée de l’un de ses parents qui a été peu empathique avec lui.
Il est souvent utile, pour poursuivre ce travail sur les expériences passées, de pratiquer des
jeux de rôle au cours desquels des conversations imaginaires avec les parents ont lieu, le
thérapeute jouant alternativement le parent, puis l’enfant (technique des deux chaises, par
exemple).
Dans la technique des deux chaises, le thérapeute joue le rôle du parent, le patient celui
de l’enfant. Souvent, ces rôles sont inversés quand le sujet a du mal à prendre le rôle de
l’adulte ou de l’enfant, même si à la fin de l’exercice, le patient doit adopter le rôle d’enfant.
Par exemple, pour Marc, la technique des deux chaises pourrait commencer par : « Revoyons
ensemble la scène que vous avez évoquée la dernière fois. Vos parents se disputent, vous
entendez votre mère dire qu’elle a tout sacrifié pour vous. Comment vous sentez-vous à ce
moment-là en temps qu’enfant, Marc ? » 269
PATIENT — J’ai peur. J’ai peur qu’elle s’en aille à cause de moi, qu’elle nous quitte.
THÉRAPEUTE — Et qu’aimeriez-vous dire à votre mère à ce moment-là ?
P — Je ne sais pas. Rien. J’aimerais rentrer dans un trou de souris.
T — Je vais faire le petit Marc : « Tu me fais peur maman. Tu cries et moi je suis un enfant, ça
me fait peur. J’ai besoin que tu me rassures. » Comment votre mère réagirait-elle alors ?
P — Elle se mettrait en colère. Elle dirait qu’elle se sacrifie suffisamment comme ça, que je
devrais avoir honte de lui dire ça après tout ce qu’elle a fait pour moi.
T — Que ressentiriez-vous alors ?
P — De la colère. Je trouverais ça injuste. Et de la peur aussi, la peur qu’elle ne m’aime plus.
T — Et que voudriez-vous lui dire en tant que petit Marc ?
P — Que c’est injuste. Que c’est elle la maman. Que c’est son rôle de me rassurer, que je ne suis
qu’un enfant et que j’ai peur, que j’aimerais qu’elle me prenne dans ses bras et me dise qu’elle
m’aime.
T — Comment réagirait-elle alors ?
P — Je ne sais pas. Elle resterait bouche bée je pense...
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La thérapie cognitive a permis l’identification de quatre schémas secondaires. Ils sont présentés
dans leur forme originale, puis dans leur reformulation.
Après l’identification, le patient émet une hypothèse quant aux rapports entretenus entre ces
quatre schémas dont un dénominateur commun lui apparaît clairement, qu’il nomme schéma
central. Cette interrelation entre ces schémas secondaires lui évoque plusieurs souvenirs.
À partir de ses éléments autobiographiques, le patient rédige son scénario de vie dans lequel les
différents schémas cognitifs prennent sens.
270
Les schémas cognitifs de Marc :
– Schéma 1 : si j’estime qu’une chose est bonne pour l’autre, alors je la lui impose sans tenir
compte de ses souhaits.
– Schéma 1 reformulé : je ne dois pas vouloir faire à tout prix le bonheur des autres contre leur
gré.
– Schéma 2 : si je me sens remis en cause, alors je rejette l’autre et je deviens agressif.
– Schéma 2 reformulé : je ne me sens pas remis en cause trop facilement et uniquement
par des indices comportementaux des personnes. Alors je ne m’attribue plus dorénavant la
responsabilité exclusive de leur contact froid ou distant.
– Schéma 3 : si je suis investi dans une cause sociale, de groupe, alors je me bats pour obtenir
la reconnaissance de ses droits.
– Schéma 3 reformulé : avant de me lancer dans une cause sociale qui m’est proposée par mon
environnement proche, j’évalue ma disponibilité et mes priorités.
– Schéma 4 : si j’ai des désirs, des besoins ou des aspirations personnelles, je suis alors
incapable de les exprimer et je préfère me consacrer aux autres.
– Schéma 4 reformulé : lorsque je prends conscience d’un souhait, d’un besoin personnel, je
mets en œuvre ce qu’il faut pour y parvenir.
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• Groupe d’étoiles voisines sur la sphère céleste, présentant une figure convention-
nelle déterminée, à laquelle on a donné un nom particulier.
• Région du ciel dans laquelle se trouve ce groupe d’étoiles.
• Ensemble de satellites de télécommunications placés sur des orbites polaires
circulaires, dans des plans différents, de manière à couvrir l’ensemble du globe.
• Groupe de choses éparses : « Une constellation de taches sur un habit. »
• Littéraire. Groupe de personnes illustres, éminentes : « Une constellation de
savants. »
Il est alors possible de construire une hypothèse dynamique du fonctionnement des schémas
cognitifs entre eux. Le patient formule une hypothèse dynamique qui lui rappelle aussitôt
des « patterns interpersonnels » connus dans son histoire.
Dès que le patient a isolé ce pattern comportemental, affectif et cognitif relationnel, il lui
est demandé d’autres exemples, y compris dans la vie quotidienne dans laquelle il répète
toujours ce schéma d’interaction.
En observant ses quatre schémas, qui peuvent apparaître contradictoires pour un observateur
externe comme le thérapeute, Marc postule que le quatrième et dernier schéma est à l’origine
de ses difficultés émotionnelles et relationnelles. À partir de cette hypothèse, il estime que
les schémas 1 et 3 sont des stratégies de lutte qui le protègent. Le schéma 2 témoigne des
processus de personnalisation, d’attribution interne et globale du patient déprimé qui ne se 271
sent pas comme les autres.
Cette même règle exprime la sensibilité au rejet potentiel de l’autre, qui maintient également le
schéma de non-expression de ses besoins propres.
Le schéma central proposé par Marc : « Je n’ai aucune valeur personnelle. » l’amène à ne pas
respecter ses besoins propres et l’entraîne dans une quête de reconnaissance des autres.
Les schémas 1 et 3 sont considérés comme des schémas stratégiques de contre-attaques, où
Marc s’investit pour les autres, pour des causes sociales, pour le bien-être d’autrui en s’oubliant
lui-même. Ces éléments constituent là encore des facteurs de maintien du schéma central.
Ce travail de mise en question des schémas évoque de nombreux souvenirs à Marc dans toutes
les tranches d’âge de sa vie. Il rédige à partir de ces données personnelles son scénario de vie.
Le travail se poursuit dans la recherche de l’impact de ses schémas sur ses épisodes dépressifs
récurrents.
Le scénario de vie rédigé comme une rédaction autobiographique permet au sujet de mettre
en évidence des interactions répétitives dans lesquelles il est amené à jouer certains rôles.
De fait, le sujet est conduit à se poser différentes questions : « Comment changer ce rôle, y
renoncer ? » Là encore le patient évaluera les avantages et les inconvénients de la poursuite
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de ce système interpersonnel, puis réfléchira sur les composantes qu’il souhaiterait changer
pour se sentir plus libre et interrompre la répétition du scénario.
Après ces différentes étapes de questionnement des schémas cognitifs, vient sa reformulation.
Une phase de consolidation du nouveau schéma est nécessaire, qui s’appuie sur deux
méthodes essentielles :
• La méthode du continuum : la personne relit plusieurs fois par semaine son nouveau
schéma et note, par une croix sur une échelle analogique, son degré de conviction dans
sa nouvelle croyance et son évolution.
• Le journal des expériences positives : le journal des expériences positives est tenu par
le patient, sur son carnet, dans un relevé en trois colonnes. La première recueille
les situations redoutées, la deuxième colonne la prédiction selon le nouveau schéma
reformulé et la dernière colonne résume les résultats de la situation. Le soignant
encourage le patient à maintenir ce travail quotidiennement pendant un bon mois, à la
fin duquel il lui est demandé de réévaluer le niveau de croyance envers l’ancien schéma
et le niveau de croyance envers le nouveau schéma.
272 Bien souvent le sujet poursuit plus longuement ce travail d’écriture. Il objective que les
résultats obtenus dans la gestion de situations redoutées autrefois, à cause de son ancien
schéma, se déroulent maintenant favorablement ; ainsi le degré de confiance augmente
peu à peu.
Le travail d’assouplissement des schémas cognitifs réduit la vulnérabilité du sujet à la
dépression et, en corollaire, minimise le risque de rechutes. Il peut s’échelonner sur plus
d’une année, avec des entretiens beaucoup plus espacés (1 fois par mois environ). Cette
période est appelée par certains « phase de consolidation ». Il est même conseillé de suivre
le patient sur une période de temps global de 18 mois à 2 ans, afin de développer les
stratégies de prévention des rechutes dépressives. On peut s’attendre avec le travail sur les
schémas cognitifs à un résultat encore plus important sur la vulnérabilité cognitive. En effet
toutes les études d’évaluation internationales des TCC sur la dépression reposent sur une
prise en charge de douze séances en moyenne, un temps rendant impossible le travail sur les
schémas. Les résultats de ces études sont extrêmement favorables à court et long termes sans
le travail sur ces postulats psychologiques. Il est donc légitime de penser, conformément
aux théories cognitives de la dépression, qu’un travail complémentaire d’identification et
d’assouplissement des schémas apporterait encore un gain dans l’efficacité du soin.
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Le secret du succès
Un jour, on demanda à un grand professeur de médecine :
« Professeur, quel est le secret de votre succès ?
— Deux mots : bonnes décisions.
— Mais, comment prenez-vous les bonnes décisions ?
— Un mot : l’expérience.
— Hum... et comment acquérez-vous de l’expérience ?
— Deux mots : mauvaises décisions. »
Dans « Centre-Psychothérapie.fr »
RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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Leçon 15
Comment prévenir
les rechutes ?
274
Objectifs
Optimiser la prévention des rechutes dépressives
Faire le point des études internationales
concernant la TCC pour patients déprimés
Envisager les démarches complémentaires
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PLAN DE LA LEÇON
275
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276 Les interventions qui visent à réduire les rechutes et récidives peuvent se mettre en place
dès les deux stades des phases aiguës. Ces interventions psychologiques ont des effets
préventifs au moins sous trois aspects :
– d’une part, l’intervention psychologique en phase aiguë (stade 2) a un effet préventif
(délivrer une TCC en phase aiguë montre un effet réellement protecteur par rapport au
processus de rechute) ;
– la prise en charge psychologique doit être continuée chez les patients répondeurs pendant
la phase d’état (la continuation des entretiens psychologiques montre un effet sur la
réduction du taux de risque de rechute) ;
– l’indication privilégiée est posée chez des patients aux symptomatologies résiduelles,
qui sont au stade 3.
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En phase aiguë de la dépression, le patient apprend une démarche psychologique qui l’amène
à mettre à distance ses pensées négatives dépressives, à obtenir un soulagement émotionnel
et à récupérer une liberté d’action. En phase de rémission partielle de la dépression, une
deuxième partie de la thérapie se consacre à l’identification des vulnérabilités cognitives
pour réduire la probabilité des rechutes, par l’identification de facteurs de vulnérabilités
tels que les schémas cognitifs.
De très nombreuses études ont évalué ces gains, nous les présenterons en trois groupes.
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84 % des patients, répondeurs, sont répartis par randomisation en deux groupes (un groupe
contrôle et un groupe bénéficiant de dix séances supplémentaires de TCC). Ils constatent
que la phase d’entretien de la thérapie permet de réduire le risque de rechutes de manière
significative : 10 % versus 31 % au premier test à huit mois. Ce résultat s’accentue à deux
ans de suivi, avec un taux de récidive de 16 % pour le groupe avec TCC prolongée contre
67 % pour le groupe contrôle. Enfin, chez les patients dont l’état de rémission (après la
phase aiguë de thérapie) reste instable et précaire, avec persistance de symptômes résiduels,
la phase d’entretien de TCC permet de réduire significativement le risque de rechutes et de
récidives (37 % contre 62 %).
Ainsi, l’association d’entretiens pendant la phase aiguë et pendant la phase d’entretien (30
séances au total) permet de faire reculer franchement les taux de rechutes et récidives.
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En 2001, Segal et deux autres ténors de la recherche sur les processus psychologiques
de la dépression, Teasdale et Williams, proposent une nouvelle démarche thérapeutique
TCC, toujours dans le but d’améliorer le taux de guérison et de diminuer le taux de
rechutes dépressives chez des sujets multi-récurrents : c’est la démarche MBCT (pour
Mindfulness-Based Cognitive Therapy), initiée par Segal, Teasdale et Williams. La prise de
conscience du moment présent (mindfulness) et l’acceptation sont les pierres angulaires de
cette approche qui vise à réduire la réactivité cognitive aux contenus de pensée, ou à des
émotions associées à des patterns dépressifs anciens.
Teasdale et Williams (2002) sont partis du constat que le moteur cognitif de la dépression
est une certaine forme de rumination mentale. Dans une période de fragilité, l’individu
active certaines pensées concernant sa valeur, son état d’humeur, son avenir.
Si ces pensées sont de nature verbale (plutôt qu’imagée), abstraite (plutôt que concrète),
orientée vers le passé ou le futur (plutôt que vers le présent), un processus de bouclage
cognitif se met automatiquement en place : ces pensées générales alimentent un schéma
dépressif, qui lui-même active en retour ces mêmes pensées. Une rétroaction s’installe
entre pensées générales et schémas dépressifs, installant un mode ruminatif qui détériore
l’humeur. Dans l’esprit de Segal et ses collaborateurs, l’entraînement à la pleine conscience
est un véritable antidote à ce fonctionnement. L’apprentissage d’un ensemble d’outils 279
favorise la prise de conscience des processus mentaux automatiques (les ruminations et
pensées) et augmente la capacité à se désengager volontairement de ces automatismes
néfastes. De fait, différentes études ont montré que l’entraînement à la pleine conscience
améliorait les capacités de flexibilité mentale et diminuait les ruminations abstraites. Outre
cet entraînement cognitif, la pleine conscience implique un développement des capacités
d’acceptation émotionnelle. En permettant de rester présent aux sensations, pensées et
émotions pénibles (plutôt qu’en les évitant), la pratique de la pleine conscience entraîne
la capacité de tolérer ces expériences aversives. Une forme d’exposition remplace donc la
réponse spontanée d’évitement expérientiel.
Un autre processus développé par ce programme est la conscience des sensations corporelles,
de la respiration, des marqueurs corporels de nos émotions. Il en résulte une plus grande
prise de conscience de ses émotions. Un nouveau rapport se met en place entre la personne
et tous ses vécus mentaux et émotionnels, lui permettant de choisir les actions les plus
justes pour elle.
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participant est amené à devenir plus conscient de ses propres signes personnels précurseurs
d’une dépression, des signes d’alerte de rechutes et de toute variation émotionnelle pour
mieux y faire face. Cela nécessite donc un engagement ferme, et ne s’envisage qu’en période
d’euthymie.
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La durée totale de ce programme multifocal est d’environ une année (avec 2 heures en
groupe et 1 entretien individuel hebdomadaire). De nombreuses études attestent de son
efficacité.
Pour conclure, les études cliniques et protocoles de recherches continuent à développer de
nouvelles démarches en TCC pour encore mieux prévenir les rechutes dépressives, en tenant
compte à la fois du nombre de rechutes et de la singularité du patient.
Aujourd’hui le terme « TCC » ne représente pas un modèle théorique ou thérapeutique
unique, mais plutôt une large famille de théories et d’interventions qui incluent à la fois les
modèles traditionnels et ceux qui sont basés sur l’acceptation et la pleine conscience. Ainsi,
comme toutes les disciplines scientifiques, les TCC ne sont pas statiques, mais en évolution.
L’ensemble des publications nous permet de conclure à une spécificité d’action des TCC qui
s’illustre par une rémission plus rapide des symptômes dépressifs ; une action préventive
sur le taux de rechutes dépressives est largement confirmée ; une phase de continuation
des entretiens faisant passer la thérapie de 12 à 20 entretiens représente encore un gain
dans la prévention, plus encore chez les sujets à haut risque de récidives.
Les stratégies récentes du type MBCT augmentent encore le pouvoir préventif de la TCC
initiale et s’envisagent quand le sujet est en rémission clinique. Cet ajout de huit séances
optimise la consolidation. Que ce soit la TCC ou la MBCT, elles opèrent toutes deux sur les
opérations cognitives du sujet déprimé, de manière privilégiée sur les schémas cognitifs,
mais aussi sur les différentes opérations de régulation des émotions. L’hypothèse actuelle
serait que la TCC, comme la MBCT, permettrait un accès aux schémas cognitifs devenu 283
impossible du fait des rechutes successives.
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RÉSUMÉ DE LA LEÇON
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Conclusion
A DÉPRESSION EST UN TROUBLE universel, fréquent, récurrent, aux retentissements
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Annexe
Guide d’auto-évaluation
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ANNEXE
LES COGNITIONS
– Ne suis-je pas en train de confondre une idée avec sa réalisation ?
(Avoir la croyance qu’un fait est vrai ou va arriver ne signifie pas qu’il est vrai ou qu’il
va arriver nécessairement.)
– Est-ce que ma pensée serait jugée pertinente par une autre personne ?
– Quels sont les éléments de la réalité qui sous-tendent ma cognition ?
(Ma pensée peut être vraie, mais je ne peux pas la considérer comme une conclusion
absolue sans avoir examiné minutieusement l’évidence, la réalité sous ses différents
angles.)
– Est-ce que mon point de vue est le seul possible ?
(Comment pourrais-je analyser cette situation autrement ?)
– Comment aurais-je analysé cette situation avant d’être déprimé ?
(Comment une autre personne percevrait-elle cette situation ?)
288 – Quelle est l’influence de ma pensée sur mon comportement ?
(Est-ce que je fais ce que je veux ? Est-ce que cette pensée va dans le sens de mon
épanouissement, des objectifs que j’ai fixés dans ma vie ? Est-ce que ma manière de
penser va dans le sens de ce que je veux ? Quels sont les avantages et les inconvénients
de ce mode de pensée ? Si les conséquences négatives de ma pensée sont supérieures aux
conséquences positives, comment puis-je envisager l’événement sous tous ses angles et
reformuler l’importance de ma pensée initiale ?)
LES PROCESSUS
– Est-ce que j’ai tendance à formuler ma pensée en tout ou rien ?
– Est-ce que j’ai tendance à utiliser certains mots quand je parle ?
(Comme : « toujours », « jamais », « tout le monde », « personne » ou à avoir des éva-
luations moins tranchées et plutôt sous une forme plus modérée du type « quelquefois »,
« certains ».)
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Guide d’auto-évaluation
– Est-ce que je ne me condamne pas à partir d’un seul événement ? (Est-ce que je ne tiens
compte que de mes faiblesses et non pas de mes atouts dans l’évaluation d’une situation ?)
– Est-ce que je suis en train de m’attribuer la responsabilité d’un fait dont je ne suis pas la
seule cause ?
– Est-ce que j’attends de moi une attitude parfaite dans mes actes, alors que ce n’est tout
simplement pas possible continuellement.
– Est-ce que je me suis construit des normes d’appréciation trop élevées, incluant beaucoup
trop d’exigences ?
– Est-ce que j’attends de moi plus que ce que j’attends des autres, comme si je possédais en
fait deux niveaux différents d’évaluation ?
(Si j’étais quelqu’un d’autre, comment évaluerais-je mon comportement, mon attitude ?)
– Est-ce que j’envisage les situations comme des désastres, comme si je ne pouvais pas
changer le cours des événements ?
– Est-ce que j’exagère l’importance de certaines attitudes ?
(Évaluer les conséquences d’un tel comportement sur sa vie aussi bien sur une semaine,
quelques mois que sur toute la vie.)
– Est-ce que je pense que rien ne peut changer ma situation ? (ou : Est-ce que j’envisage le
futur comme une nouvelle expérience ? Ce que j’ai pu faire ou ce que j’ai pu vivre dans le
passé n’est pas nécessairement lié à ce que je vais faire et à ce que je vais vivre dans le
futur.)
Cette auto-évaluation permet au sujet d’élaborer une réflexion critique sur ses propres 289
cognitions, afin de lui permettre de prendre une certaine distance par rapport à ses activités
cognitives. Ces interrogations permettent une restructuration cognitive.
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Liste des
encadrés
Le point sur la dépression, p. 6
Idées reçues, p. 8
Critères diagnostiques d’épisodes dépressifs majeurs, p. 10
Exemples de questions pour dépister la dépression, p. 11
Conséquences de la dépression à éviter à tout prix, p. 11
Quelques personnages célèbres ayant connu la dépression, p. 12
Le cercle de la léthargie, p. 13
Identifier la singularité individuelle de la dépression, p. 14
L’expérience d’un déprimé célèbre, p. 15
L’évolution de la dépression : définitions, p. 20
Facteurs de risques de récidives, p. 21
Qu’appelle-t-on « médicament antidépresseur » ? p. 24
Caractéristiques des thérapies comportementales et cognitives de la dépression, p. 26
Indications principales de la thérapie cognitive, p. 27
Caractéristiques des cognitions dépressives, p. 37
Extrait du questionnaire des pensées automatiques ATQ, p. 38
Processus cognitifs listés par Wright, p. 39
Extrait du questionnaire des Distorsions Cognitives, p. 45
La réactivité cognitive, p. 47
Caractéristiques d’une thérapie comportementale et cognitive, p. 48
La radio imagerie pour mieux comprendre, p. 51
Caractéristiques de la relation soignant-soigné, p. 56
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Liste des
tableaux
Dépression et anxiété, p. 17
Indications actuelles de la thérapie cognitive, p. 28
Évaluation des thérapies comportementales et cognitives à long terme, p. 29
Synthèse des études, p. 86
Correspondances entre les troubles de la personnalité, les stratégies comportementales et
les schémas cognitifs de Beck, p. 86
Sous-catégories du trouble de personnalité limite, p. 89
Profil cognitif du trouble de la personnalité limite, p.90
Schémas cognitifs inadaptés dans le trouble de la personnalité limite, p. 91
Liste des événements agréables (PES - Pleasant Events Scale), p. 153
Récapitulatif des modes et schémas selon Young, p. 246
Programme de thérapie comportementale et cognitive basée sur la pleine conscience, p. 280
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