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Aurélie Docteur

Psychologue, Dr en psychologie
C.M.M.E. / Centre de Psychothérapies
GHU Psychiatrie et Neurosciences
Centre Hospitalier Sainte Anne

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28-29 juin 2019
Caractéristiques générales des TCCs

• Psychothérapie verbale de durée brève (15-20 séances)


• Se centrent sur les difficultés du patient dans « l'ici et
maintenant »
• Leur but est d’apprendre au patient certaines compétences
psychologiques afin de l’aider à mieux faire face à ses
problèmes
• L’indication est posée ou non après des entretiens
préliminaires (analyse fonctionnelle)
• De 70 à 90% de bons répondeurs dans la dépression
La dépression
• La dépression est un trouble de l’humeur universel et
grave.
• Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, en 2017, la
1ère cause d’incapacité dans le monde
• La dépression est considérée comme un problème majeur
de santé publique.
• 322 millions de personnes dans le monde
• Un taux en augmentation de 18% depuis 2005
• Un diagnostic précoce, un traitement rapidement instauré
et suivi suffisamment longtemps sont les meilleurs
garants d’une évolution favorable.
Le patient déprimé

• Une tristesse inhabituelle


• Une perte d’intérêt pour tous les domaines de la vie, une
incapacité à éprouver du plaisir
• Une fatigue
• Un ralentissement général
• Un sentiment d’inutilité, une culpabilité excessive
• Une diminution de l’attention, de la capacité à prendre des
décisions
• Une dégradation du sommeil
• Des troubles de l’appétît
• Des idées noires voire suicidaires
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Evolution de la dépression
• La maladie dépressive présente un génie évolutif qui conduit
à la récidive dans la moitié des cas.
• Les auteurs retiennent des taux de 50 % de récidive après le
premier épisode dépressif, de 70 % après le deuxième et de
90 % après le troisième avec un retour de plus en plus
difficile vers l’état antérieur.
• Ces récidives interfèrent gravement avec leur vie
personnelle : perte d’emploi, augmentation de la mortalité,
etc...
• La poursuite du traitement antidépresseur est considéré
comme le meilleur traitement préventif des rechutes et
récidives.
Les TCCs dans la dépression
• 4 générations d’études
– Efficacité à court terme pour différentes populations de patients déprimés: ados,
adultes, personnes âgées
– Efficacité à moyen et long terme
– Efficacité chez les patients à haut risque de récidive
– Identification des bons répondeurs à la TCC
• Au total
– Efficace pour 70% des patients
– Moitié moins de rechutes à un an après TCC (29%) comparé aux ADM seuls (60%).
Réduction de 60% ds rechutes si combinaison TCC + ADM
– Une phase de consolidation réduirait encore plus le risque de rechute à 2 ans
• Une spécificité d’action des TCC, avec :
– Une rémission plus rapide des symptômes dépressifs
– Une action initiale sur les contenus de pensée pessimistes, désespérés voire
suicidaires
– Une action primaire cognitive puis physiologique inverse à celle des antidépresseurs.
Le modèle de Lewinsohn (1968, 1976)

• La dépression : hypothèses:
– D’une perte de contrôle du sujet sur l’environnement,
– D’une diminution des renforcements positifs indépendants
des comportements du sujet,
– D’une diminution des conduites adaptatives
• Thérapie de conditionnement opérant de Lewinsohn (1968)
• Réintroduction hiérarchisée, progressive, de comportements
qui étaient plaisants pour l’individu avant l’apparition de son
état dépressif caractérisé.
TCC Lewinsohn, 1976

• Thérapie modulaire en 12 séances


• Module 1 relaxation
• Module 2 affirmation de soi
• Module 3 cognitions dépressives
• Module 4 gestion du temps
• Module 5 prescription d’activités plaisantes

5 études d’évaluation très hétérogènes


Le modèle cognitif de Beck

• Dépression = traitement de l’information


dysfonctionnel
• 3 éléments cognitifs :
• Schémas
• Processus de distorsion
• Cognitions
Plan

• La relation au patient déprimé

• Les entretiens préliminaires et l’analyse fonctionnelle

• L’activation comportementale

• L’identification des cognitions et stratégies de décentration


Première partie

La relation au patient déprimé


Comprendre le sujet déprimé

• Il n’y a pas de petite dépression.


• Il est toujours dans une grande souffrance.
• Je reconnais sa dépression.
• J’observe le patient.
• Je constate ce qu’il dit, ce qu’il fait, ce qu’il ne fait pas et ce
qu’il ne dit pas.
• Je comprends comment il fonctionne.
• J’identifie ses problèmes.
• Je respecte sa souffrance.
Le discours dépressif

• Le patient est inattentif, interrompt sans cesse le clinicien.


• Les phrases sont courtes, les thèmes monocordes et redondants
• Il est tourné exclusivement vers le passé.
• Il se plaint, accuse les autres de ses souffrances.
• Il se dévalorise, utilise le « je », beaucoup de verbes d’état et peu de
verbes d’action
• Il est incapable de remettre en cause ses cognitions.

• Des troubles cognitifs dans 90% des cas, y compris lors d’un
premier épisode
• Une durée habituelle des entretiens qui peut être réduite en fonction
de la fatigabilité des patients
La construction de l’alliance thérapeutique

• Collaboration active avec le patient


• Constitution d’une équipe avec le patient où le thérapeute joue
le rôle de guide en tant quexpert
• Empathie
• Compréhension
• Prise en compte des signes verbaux et non-verbaux
• Formulation de feed-back
• Ne pas être trop directif ni en confrontation

Le but : construire la relation avec chaque individu.


La structure des entretiens avec le patient
déprimé
• Formelle, elle est explicitée au patient pour servir de repère
stable
• En 3 temps
– Début de séance: le choix de la situation problème a aborder, la
définition de l’agenda de la séance
– Milieu de séance
– Fin de séance et choix des tâches

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Les critères de qualité de la relation
thérapeutique
• Accessibilité aux pensées automatiques
• Capacité à différencier les émotions
• Acceptation d’une part de responsabilité personnelle au changement
• Acceptation d’une démarche rationnelle
• Qualité de l’alliance au cours de la séance
• Qualité de l’alliance en dehors (réseau extérieur, prises en charge
précédentes)
• Caractère chronique des problèmes
• Stratégies de sécurité mises en œuvre par le patient
• Capacité du patient à se focaliser sur un problème
• Degré d’attente vis-à-vis de la thérapie
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A vous de vous entraîner

Questionnement ouvert
Reformulations (+ question ouverte)
Renforcement positif
Discours psychoéducatif
Les difficultés dans l’alliance thérapeutique

• Le problème peut venir


– Du patient: sa relation aux autres, des comportements qui
alertent, ses cognitions, ses croyances,…
– Du thérapeute, de l’interaction thérapeute/patient: s’il a fait
une erreur, s’il a voulu aller trop vite, s’il n’a pas été
suffisamment clair, le thérapeute s’excuse

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Deuxième partie

Les entretiens préliminaires et l’analyse


fonctionnelle
Buts des premiers entretiens

• Recueillir des informations cliniques


• Remonter le cours de l’histoire de la maladie, reconstituer
l’anamnèse, identifier les répercussions
• Repérer la symptomatologie
• Évaluer la demande du patient

• Mener une analyse fonctionnelle


• Comprendre les différents facteurs qui contribuent à la
souffrance dépressive du patient selon 4 axes
– Les facteurs précipitants – en plus ou en moins
– Les facteurs prédisposants –habiletés sociale, niveau d’exigence,…
– La modification des affects selon 3 axes:
humeur/pensée/comportement
– Les facteurs de maintien
Constitution de l’agenda des séances

• Le thérapeute initie le patient à l’agenda.


• L’individu choisit un problème concret et actuel à résoudre.
• Ce problème est étudié et permet d’introduire les différents
outils cognitifs.
Pièges :
– Le sujet ne respecte pas l’agenda,
– Souhaite aborder plusieurs problèmes,
– est en attente de conseils,
– n’a pas perçu la dimension d’apprentissage des techniques
TCC.
Exemple de situation problème

« Je n’arrive pas à écrire sur mon cahier.


Ecrire enferme les mots »

Comment sortir de cette situation problème?

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Définition des tâches à domicile

• Définies toujours sur le dernier quart de la séance


• Définies en collaboration avec le patient et validées par lui
• Débutées en séance par écrit (modeling participatif)
• La fréquence de réalisation et la durée est fonction de
l’intensité de la dépression
Faire face à une tâche non réalisée

Un ensemble de raisons de non-compliance aux tâches chez le


patient :
– Le perfectionnisme ;
– Le besoin d’approbation ;
– Sentiment d’être jugé, critiqué ;
– Raisonnement émotionnel ;
– Distractibilité.
La mise en échec favorise le désespoir, le sentiment d’incapacité,
d’autocritique, et de dévalorisation.
Stratégies pour augmenter la compliance

• Vérifier la clarté de l’instruction


• Choisir une tâche la moins effrayante possible
• Donner une tâche précise, spécifique
• Expliquer comment faire, et la fréquence
• Technique de modeling (répétition, exemple personnel écrit)
• Expliquer l’utilité de la tâche, séquencer en étapes
• Donner un sens à la tâche
• Faire expliciter les raisons de la prescription
• Faire choisir au patient
• Trouver un facteur d’engagement dans la tâche, recherche
bénéfice-coût de la tâche
Analyse de la non réalisation des tâches

• Agenda de la séance totalement consacré à l’analyse de la


non-réalisation des tâches.
• Coût et bénéfices de ne pas les faire.
• Qu’avez-vous pensé à ce moment là ?
• Recherche d’alternatives de pensées.
L’analyse fonctionnelle

1. Les problèmes comportementaux ;


2. Hypothèses sur les différents schémas cognitifs « Je ne peux
pas être aimé », « Je ne peux pas prendre soin de moi » ,
« Je ne peux pas être aidé » ;
3. Expériences de l’enfance ;
4. Mode de fonctionnement habituel du sujet (prise de décision,
…)

Conceptualisation du cas clinique

Plusieurs modèles de conceptualisation depuis 1989 (Pearson,


Beck,…) permettent de comprendre pourquoi le patient réagit
à certaines situations d’une certaine manière.

Identifie les comportements et les activités cognitives qui seront


les cibles de la thérapie.
Analyse fonctionnelle synchronique de Nadine
-SECCA-

• Situation: Appeler sa soeur


• Emotions : désespoir
• Cognitions: « je n’y arriverai pas », « elle ne va pas
comprendre », croyances personnelles : « rien ne marche »,
« c’est moi le problème », « je ne m’en sortirai jamais »
• Comportements ouverts : reste couchée, s’enferme dans sa
chambre, ne répond pas aux appels
• Anticipation : « Je ne m’en sortirai jamais, tout le monde va
m’abandonner »

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Analyse fonctionnelle diachronique de Nadine
• Données structurales
• il existerait une notion d’alcoolisme chronique chez le père et de
dépression chez la mère (elle aurait connu plusieurs dépressions dans
sa vie mais la fréquence n’a pas pu être détaillée, sa mère n’a jamais
été suivie, ni sur le plan pharmacologique ni psychothérapeutique).
• Sur le plan personnel, Nadine ne présente aucun critère vie entière ou
actuel pour une addiction (alcool, drogues) ou un trouble alimentaire
(anorexie, boulimie). Elle ne consomme pas de tabac. Elle a connu
des épisodes dépressifs dans le passé, avec une durée d’intervalle libre
qui s’est raccourcie au fur et à mesure des épisodes. Elle présente des
éléments de perfectionnisme repérés au PDQ-4 (pour Personnality
Diagnostic Questionnaire, 13), pour lequel le souci pour le détail, les
choses bien faites, et la recherche de contrôle sont au premier plan.

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• Facteurs de maintien : mauvaise observance
médicamenteuse, exigences familiales, vulnérabilité
psychologique personnelle ayant trait au perfectionnisme
• Facteur déclenchant initial invoqué : départ de l’aîné du
domicile familial
• Facteurs précipitants : départ de son fils cadet du domicile,
périodes de clôtures de bilans professionnels
• Traitements précédents : nombreux antidépresseurs (ruptures
de traitements), sismothérapie
• Maladies physiques : RAS

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Conclusion de l’analyse fonctionnelle
• Comme il est classique de le constater dans le trouble dépressif récurrent, la
répétition des épisodes se fait avec un raccourcissement des durées
d’intervalles libres et un retour de plus en plus difficile à l’état antérieur. Au
fur et à mesure des épisodes nous retrouvons une toxicité des épisodes
précédents, avec le maintien de symptômes résiduels comme les troubles de
la concentration et la persistance de croyances sur elle-même et le monde
absolues et très négatives. Il existe une vulnérabilité psychologique
personnelle probablement ancienne aux situations d’abandon et de stress à
laquelle Nadine s’est adaptée au cours du temps en définissant des règles de
fonctionnement autour du besoin d’avoir tout sous contrôle et de rechercher
l’approbation de l’autre, des règles que les circonstances précédant
l’épisode actuel (départ du fils, période de clôture des bilans sur le plan
professionnel) sont probablement venus perturber. Cette vulnérabilité
psychologique, réactivée dans ce contexte de souffrance dépressive colore
ses comportements au quotidien : vouloir tout contrôler, quitte à ne plus rien
faire.
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Jeux de rôle collectif

Mme T, 53 ans, ingénieur


4ème EDC
Partiellement améliorée par ADM
Contexte de difficultés professionnelles
Pas d’antécédents familiaux

Quelles questions pour l’analyse fonctionnelle?


Constructions des objectifs

Le patient construit la liste de ses problèmes ici et maintenant.


Ses objectifs sont personnels et doivent être SMART
Comportements que le sujet souhaite modifier. « Si vous vous
sentiez mieux, qu’aimeriez-vous faire ? »
Le patient hiérarchise ses difficultés.
Pièges :
– objectifs trop larges, dysfonctionnels, inappropriés.
– liste des sentiments pénibles.
Objectifs hiérarchisés de T (1)

• Objectifs professionnels :

– Augmenter les échanges informels avec mes collègues au


moins 2 fois par semaine;
– Réunir plus souvent mes collaborateurs, (une fois par
semaine)
– Voir mes collaborateurs individuellement au moins une
fois par mois
– Prendre un repas midi et soir
– Profiter de la pause pour déjeuner avec un collaborateur
– Dîner avec des amis une fois par mois environ
– Prendre des rendez-vous réguliers avec mon directeur sans
attendre sa venue dans mon bureau;
Objectifs hiérarchisés de T (2)

• Objectifs personnels :
– Brancher mon répondeur téléphonique systématiquement
après 22h;
– Rappeler au moins un correspondant par jour;
– Envisager un week-end hors de Paris tous les deux mois;
– Accepter des invitations à des sorties une fois par mois;
– Reprendre le ménage une fois par semaine
– Reprendre une activité sportive une fois par semaine au
moins.
Troisième partie

L’activation comportementale
Le cercle vicieux de la léthargie

• Le fait d’être inactif, de ne pas faire d’activité, de ne pas


bouger, maintient l’humeur dépressive.

Dépression

Culpabilité Perte d’énergie,


Désespoir Fatigue,
Découragement Perte d’intérêt
Sentiment
d’inefficacité Diminution d’activités,
Négligence des
responsabilités
Inertie
Les conséquences du cercle vicieux de la
léthargie
 Comportementale
 Inactivité, procrastination, évitements multiples,
 Emotionnelle
 Sentiment d’inefficacité,
 Culpabilité,
 Découragement,
 Désespoir,
 Cognitive
– Ruminations,
– Diminution de l’estime de soi « Je ne fais plus rien, je ne réussis
plus rien, je ne fais que des erreurs, je suis un incapable, je suis en
colère contre moi, je ne me supporte plus » 39
Définition de l’activation
comportementale
Dimidjian (2001) définit l’activation comportementale comme une
approche thérapeutique brève, structurée, qui augmente
l’engagement de l’individu.

 Dans des activités adaptatives,


 Dans l’apprentissage à la résolution de problèmes
• pour faciliter l’accès aux récompenses
• pour réguler ses conduites d’aversion.

Ainsi, elle diminue l’engagement dans des activités qui maintiennent


la souffrance dépressive ou qui risqueraient de favoriser la dépression.
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Les buts

 Briser le cercle vicieux de la dépression en se remettant en


action.
Le fait d’être inactif maintient l’humeur dépressive

 Le prix à payer de l’inactivité : la fatigue, l’augmentation des


pensées négatives.

• Déceler le niveau d’activation du patient et de l’humeur


associée.

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Les 5 étapes de l’activation
comportementale

 1ère étape : Ecrire une journée d’activités : pour chacune de ces


activités : attribuer une note d’humeur durant chaque heure entre -10
et +10.
 2ème étape : Choisir un objectif à partir de ces valeurs.
 3ème étape : Transformer l’objectif en objectif spécifique,
mesurable, atteignable et reproductible « SMART ».
 4ème étape : Planifier et réaliser l’objectif puis lui donner une note
d’accomplissement et une note de plaisir, selon un grade en dix
points.
 5ème étape : Identifier les obstacles : Comment faire pour les
contrecarrer une prochaine fois ?
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S’organiser pour s’activer

Feuille d’auto-enregistrement activité-humeur : .

• Auto-enregistrement des activités quotidiennes et de


l’humeur.
• Semaine du ________ au ________

Cette formule sert à faire le suivi de votre niveau d’activités


et de votre humeur.

• Indiquez dans chaque case votre activité et votre


humeur (-5 à +5).

• Il est important de remplir cette grille au moins une fois


par semaine.
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S’organiser pour s’activer

Avant-midi dimanche Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi

05:00-06:00

06:00-07:00

07:00-08:00

08:00-09:00

09:00-10:00

10:00-11:00

11:00-12:00

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Pourquoi cette auto-enregistrement ?

• L’auto-enregistrement donne une idée très précise de ce


que le patient fait de ses journées,

• Il indique où il passe la majeure partie de son temps.

• Il met en évidence les satisfactions apportées.

• Il vient contrecarrer les pensées du type « je ne fais


rien » ou encore « je n’aime rien ».

• Il indique les moments où les efforts sont mobiliser.


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Aline ancienne déprimée
autoentrepreneur
 Lever 7h00 : 0
 Le matin entre 8h00 et 12h00 : +1
 Le travail toute la matinée : +1
 Déjeuner 12h00 : +1
 Début d’après-midi 14h00 : elle se sent fatiguée , en à marre des clients : -1
 Vers 16h00 : n’en peut plus de travailler : -2
 17h00 : va en séance de groupe de relaxation : elle se sent très bien : +3
 Elle rentre chez elle, prépare le repas : +2
 Son mari rentre et lui pose un tas de questions : Est-ce que tu as pensé
à faire ceci ? À faire cela ? chute brutale de l’humeur à -2

 Dîner : -1
 Puis après diner : va lire seule dans sa chambre, lui fait du bien : +1
 22h00 : s’endort

Commentaire d’Aline : « je me suis aperçue de ce qui me faisait du mal dans la


journée ; cela m’a permis de mettre en place quelques adaptations ».
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Béatrice présente des troubles anxieux
Lever toujours difficile : elle se sent angoissée avec beaucoup
de manifestations physiques douloureuses. -2
8h00 : elle se prépare : -1
9h00 : elle sort, se rend à un rendez-vous : +1
11h00 : deux heures plus tard, elle se sent fatiguée dans la rue : -1
12h00 : repas : +1
13h00 : montée de l’angoisse anticipatoire au rendez-vous, et attaque de panique : +3
14h00 : elle sort, elle part : +1
15h00 : le rendez-vous se passe bien : avec des amies +2
16h00 : elle retourne chez-elle : +1
18h00 : prépare le diner : +1
20h00 : dine seule au calme : +1
21h00 : le soir : écoute de la musique et cela lui fait du bien +1

23h00 : coucher : apaisée

Commentaire de Béatrice : elle remarque que son humeur va mieux quand


elle sort ; puis quand elle voit des gens. En revanche, chute de l’humeur avec
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la fatigue physique.
Sylvie : Perfectionniste

une journée de week-end


 8h00 : lever : 0
 9h00-12h00 : toute la matinée elle s’occupe aux tâches ménagères : 0
 12h00 : elle prépare le repas : 0
 13h00 : repas avec toute la famille, les trois enfants : 0
 15h00 : dispute, conflit avec son mari : pleure -3
 16h00-18h00 : va jardiner deux heures : +2
 19h00 : préparation du diner avec les enfants : +1
 20h00 : diner : +1
 21h00 : et le soir, regarde une émission télé qu’elle aime : +1
 23h00 : coucher : +1

Commentaire : même si elle s’active, pas de sentiment positif


« rien n’est assez bien ».
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Gérard doit séquencer

Gérard : Pour l’objectif trier mes papiers 15 min, je les ai triés, mais je
les ai laissés comme ça, ils trainent sur le bureau, sur des tables … il
faudrait que j’achète des pochettes !
T : : c’est une première étape. Si un quart d’heure par semaine, c’est
compliqué, qu’est-ce-qu’on pourrait envisager ?
Gérard : Il faudrait que je prenne quelques heures et ce serait réglé !
T : Est-ce que cet objectif est SMART.
Gérard répond : non et puis les papiers, continuent à arriver.
T : que proposez vous ?
Autre participant : tu peux en trier trois par jour
Gérard répond : Ok !
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Le contrat d’objectifs

 Chaque patient détermine des buts à court, moyen et long


termes, en rapport avec leurs évitements.
 Le sujet est encouragé à ne définir que des buts à court terme.
 Le thérapeute l’encourage à apprendre des activités qui pourront
être satisfaisantes voire source de plaisir.

 Les buts sont transformés en objectif S.M.A.R.T.


 Le patient est encouragé à évaluer ses actions et à identifier les
obstacles.
 Le thérapeute reprend les situations avec le sujet : dialogues,
jeux de rôle, etc.. pour définir des comportements alternatifs 50
Les obstacles dans la dépression (1)

• Les patients qui pensent que se reposer leur redonne de


l’énergie, de la motivation (« si je retrouve de l’énergie, alors
je pourrais mener des actions, et retrouver du désir»).

51
Les obstacles dans la dépression (2)
Le niveau de difficultés

Les sujets déprimés ont souvent tendance à choisir des activités :


• extrêmement difficiles à accomplir.
• éloignées de leurs valeurs,
• associées à un renforcement différé plutôt qu’immédiat.

Il est important de choisir des activités qui apportent un certain


renforcement positif immédiat;
-pour supplanter le comportement dépressif
-amener finalement la personne à mener une vie conforme à ses
valeurs.

52
Plaisir et accomplissement
Consignes officielles
• Une note (P10) signifie que vous avez eu énormément de
plaisir à faire cette activité.

• Une note (P0) signifie que vous n’avez eu aucun plaisir à faire
cette activité.

• Une note (A10) signifie que vous avez eu le sentiment d’avoir


accompli l’action

• Une note (A0) signifie que vous ne maîtrisez pas vraiment bien
l’activité et que vous n’avez pas l’impression d’avoir accompli
l’action
53
Pourquoi cette auto-enregistrement ?
 L’auto-enregistrement permet d’avoir des attentes réalistes en
fonction du niveau d’activités actuel.
 Il estime le degré de satisfaction et de plaisir apporté par les
activités journalières.
 Il permet de reprendre le contrôle de sa vie.
 Il augmente le taux d’accomplissements un peu plus dans sa
journée d’activités.
 Une activité procure souvent plus de plaisir qu’on l’aurait cru
avant de la faire.
 Ce travail aide à mieux planifier le temps et retirer le maximum
des activités de la journée.

54
Réaliser l’objectif puis lui donner une note
d’accomplissement

Béatrice a réalisé son objectif avec :

 Un accomplissement 4 sur 10
 Un plaisir 5 sur 10.

55
Les problèmes rencontrés au cours des
auto-enregistrements

 Penser que vous ne faites rien. Exemple : regarder la télévision


confortablement assis dans un fauteuil est une activité tout comme
le fait d’aller au lit ou de regarder par la fenêtre.

 Prendre tout en note : on ne fait jamais rien : c’est évident que


certaines activités sont moins utiles que d’autres mais c’est
important de les prendre en note plutôt que d’écrire « rien ».

 Le sentiment de dépassement doit être évalué en fonction de l’état


actuel. Une tâche simple peut aujourd’hui exiger plus d’énergie
qu’elle ne l’exigerait habituellement. Donc, restez souple avec soi-
56
même.
La planification des actions

La planification à l’avantage de présenter la journée en


plusieurs petites tâches surmontables au lieu d’une longue
journée sans fin.

Choisir le meilleur moment pour faire sa planification:


• La veille au soir ? Le matin très tôt ?
• Le plan sera plus réaliste avec des idées claires

57
La gestion des imprévus

Si le plan n’a pas été respecté, se poser les questions suivantes :

 Qu’est ce qui peut expliquer que cela n’a pas fonctionné ?


 Est-ce que le temps a été surestimé ou sous-estimé ?
 Y avait-il assez d’énergie pour toutes les tâches prévues ?
 Est-ce qu’il y avait des objectifs trop élevés, compte tenu de
la situation ?
 Le plan contenait-il un équilibre entre les activités plaisantes
et les activités plus exigeantes ?
 Est-ce que le plan était bloqué par des pensées pessimistes ?

58
La gestion des imprévus en 3 étapes

1. Accepter l’imprévu et suivre ses actions comme prévues.


2. Penser aux alternatives possibles plutôt que de ne rien
faire.
3. Ne pas tenter de rattraper ce qui n’a pas pu être fait,
demain offre d’autre opportunités.

59
Que retenir de ce relevé ?

 Prendre le temps de voir comment s’est déroulée la journée.


 Si le patient a respecté son plan avec satisfaction, il est
encouragé à le répéter.

 Observez les conditions qui ont fait en sorte que cela


fonctionne

60
Consignes pour résoudre des problèmes.

En cas de difficultés à enclencher l’action :

Détailler exactement toutes les actions (marcher jusqu’à la


cuisine, prendre le savon…) ce petit truc aide à ne pas penser
à la fatigue et à la perte d’intérêt.

61
La planification doit être souple

• Etre souple
 La planification est seulement un guide.
 Le plan est là pour aider et non pour nuire. Soyez toujours
assez souple pour adapter le plan, si besoin.
 Si des imprévus se présentent, reporter certaines actions.
 Déplacer une activité pour une autre n’est pas un problème
 Mais se figer sur un imprévu, mal réagir en ruminant et en
procrastinant impactent l’humeur.

62
Ne pas être déranger pendant la
planification.

• Vérifier l’équilibre entre les activités plaisantes et celles


plus exigeantes
• Utiliser des aides mémoires, des alertes, pour ne pas
oublier la planification.
• Débuter sa journée par une activité qui procure de
l’accomplissement, elle augmentera la motivation pour
les autres actions.
• Se récompenser pour chaque accomplissement
(exemple : écouter un morceau de musique)
• Éviter le plus possible de s’allonger sur un lit dans la
journée
63
Pièges à la planification de l’action

1. Passer directement du domaine de vie aux choix de


l’objectif sans tenir compte des valeurs : la valeur oriente
vers la sélection d’activité, augmente la probabilité
d’accomplissement d’activité qui auront du sens.
2. Ne pas être spécifique : ne pas décrire tous les éléments
du salon que vous souhaitez nettoyer.
3. Ne pas être trop général : ne pas écrire simplement
ménage
4. Planifier davantage la qualité que la quantité.
5. Si la tâche n’est pas terminé, s’arrêter quand-même.
6. L’importance est de respecter l’état d’esprit du plan et
non pas de le terminer
64
Se récompenser

1. Se récompenser pour l’effort fourni et non pour la


quantité de travail ou encore pour le travail terminé.
2. Récompenser chaque effort par des petits plaisirs.
3. Si une tâche prend moins de temps, en profiter pour
s’accorder un moment plaisant.
4. Arrêter l’activité avant qu’elle ne devienne trop difficile
ou trop épuisante.
5. Se féliciter pour la partie accomplie,
6. Ne pas s’attendre à un miracle, le but est de se remettre en
action et non pas de se débarrasser de sa dépression, de
son anxiété…
7. Penser aux objectifs à court terme. 65
4ème partie

Identification des cognitions et stratégies


de décentration
Les cognitions

• Les pensées automatiques constituent le concept clé de la


psychothérapie cognitive de Beck.
• Ces pensées surgissent spontanément, sans aucun effort de la part
de l’individu.
• Dans les troubles psychologiques, les pensées automatiques sont
souvent déformées, extrêmes ou inadéquates. Elles s’enracinent
dans les croyances négatives de base.
• Par exemple, Linda n’arrive pas à se décider à postuler pour un
emploi parce qu’elle croit que sa candidature ne sera pas retenue par
la direction.
• La thérapie cognitive peut aider à comprendre que cette pensée
automatique vient de ce que son père lui disait souvent: « Elle ne
pourra rien faire de bon dans la vie. Une femme est faite pour rester
à la maison. »
Caractéristiques des cognitions dépressives
(1/2)
• Spécifiques
• Précises
• Brèves : sorte de phrase en style télégraphique
• Involontaires : elles ne sont pas l'aboutissement d'une
réflexion, d'un raisonnement ou d'une délibération à propos
d'un événement ou d'un sujet
• Autonomes : elles ne s’enchaînent pas logiquement
• Plausibles
• Raisonnables : leur validité est acceptée sans confrontation
avec la réalité
Caractéristiques des cognitions dépressives
(2/2)
• Négatives : les thèmes sont dominés par l'autocritique
• Douloureuses
• Spontanées : elles apparaissent dans des circonstances qui
contredisent leur contenu. Même si l'expérience ne les valide
pas, elles continuent à faire irruption dans la pensée du sujet
jusqu'à la résolution de l'état dépressif
• Idiosyncrasiques : leur contenu est lié intimement aux
problèmes du sujet
La triade cognitive de Beck

• Beck a recensé ces cognitions et en fournit un classement. Il


décrit alors la « triade cognitive négative », en distinguant,
dans l’ordre :
– les pensées qui concernent le sujet ;
– Les pensées qui intéressent le monde environnant ;
– les pensées qui traitent du futur.
Identification des cognitions
• Le patient se familiarise avec le modèle de Beck (interaction
cognition-émotion-comportement).
• La perception des évènements influence nos comportements.

Situation Cognition Réaction Comportement


émotionnelle immédiat
Chez moi, devant Je peux pas noter découragement Je souffle
mon cahier de ca enferme les
thérapie mots
Jeu de rôle collectif

Je joue Mme T
A vous d’identifier mes cognitions
Examen de l’évidence, recherche d’alternative
de pensée
• Nécessite une répétition régulière.
• Comparaison avec l’apprentissage d’une langue étrangère.
Etape longue (au moins six séances).
Pièges :
– Initier trop précocement.
– Répétition de la technique trop difficile, seul.
– Vouloir absolument avancer dans le déroulement de la
TCC alors que le patient n’a pas acquis l’étape précédente.
Recherche d’alternatives: Exemple clinique
(1/3) Christophe boucle émotionnelle
• Christophe, âgé de 38 ans, se débat avec sa deuxième récidive
dépressive. Parvenu à la huitième séance, il note sur une de ses
feuilles d’auto-enregistrement :
– Situation : « J'attends dans un magasin, on ne vient pas me servir. »
– Émotions : « Désespoir. »
– Pensée : « Je n'existe pour personne. »
– Alternatives :
• « Je vais me manifester pour que l'on s'occupe de moi. »
• « Cela ne fait que quelques minutes que je suis entré dans cette boutique, le
commerçant est probablement occupé. »
• « Je regarde en attendant ce qu'il y a dans la boutique pour bien préciser mon choix. »
• La recherche de ces alternatives de pensées n'est pas facile pour un individu qui
est souvent absorbé par ses pensées négatives. Le thérapeute peut façonner cette
démarche à l'aide du questionnaire suivant :
Recherche d’alternatives: Exemple
clinique (2/3) Christophe 2 questions
– Que pourrais-je penser dans cette même situation ?
• Ce sont les réponses livrées dans l'exemple ci-dessus. Cependant l'argumentation peut
être élargie.
– Que penserais-je d'autre, dans une situation analogue ?
• Notre patient recherche d'autres situations où une émotion analogue a été ressentie.
Christophe se souvient alors que ce même sentiment s'est reproduit lors d'une attente
dans un bar-tabac et lors d'une attente dans un pressing. Il recherche alors d'autres
pensées. Que pourrais-je penser d'autre globalement dans toute situation
d'attente ?
– Que penserait quelqu'un d'autre face au même événement ?
• Ce dernier exemple illustre la décentration de personne. Il lui est demandé de prendre
la place d'une autre personne - d'une personne qu'il connaît et dénomme dans son
esprit : père, mère, femme, mari. Il se rend compte qu'il tenait peu compte de
l'observation des individus et qu'il concentrait son attention uniquement sur lui-même.
Notre patient se met à la place de son épouse et il se rend compte que celle-ci
penserait : « Je suis contente de venir m'acheter de nouvelles chaussures » ou : « Il y a
de merveilleuses choses dans cette boutique » ; ou encore : « Si je ne trouve pas ce que
je souhaite ici, il a plein d'autres possibilités dans le quartier. »
Recherche d’alternatives: Exemple clinique
(3/3) Christophe 2 dernières questions
– Une autre question à se poser est :
– Si j’étais un observateur externe à cette situation, comme si j’étais un
cameraman qui filme cette scène, qu’est-ce que j’en penserais ?
Il trouve pour réponses : « Cet homme a du mal à se décider, il semble
hésitant » ; « Il ne trouve rien à son goût » ; « Quelque chose n’a pas
l’air de lui convenir. »
– Dernière question possible :
– Si j’avais quinze années de moins, qu’est-ce que j’aurais pensé dans la
même situation ?
« Ils ne sont pas commerçants, je vais aller dans une autre boutique » ;
« J’ai tout mon temps, aujourd’hui j’ai pris mon après-midi » ; « Je
profite de cette attente pour laisser un message sur le portable de ma
fille. »
A vous de vous entraîner

Pensez à un petit tracas de la journée,


une situation émotionnellement déplaisante
Remplissez le tableau à 4 colonnes
Notez votre niveau d’adhésion à votre pensée
et l’intensité de votre émotion
Répondez aux 4 questions
Réévaluez pensée et émotion

77
Conclusion 1

Avec un sujet déprimé majeur, le thérapeute prend son temps:


– Pour se mettre en phase avec un patient souvent ralenti.
– Pour respecter son déficit attentionnel.
– Pour mettre en place l’alliance thérapeutique.
– Pour réaliser la conceptualisation individuelle.

La thérapie n’apportera un bénéfice que dans 2 ou 3 mois.


Conclusion 2

Butler (2006): synthèse de 28 méta-analyses sur l’efficacité des


TCCs qui conclu à leurs effets favorables.
Dobson (2011) estime que la TCC est une grande réussite en
termes de prise en charge psychothérapeutique efficace et
qu’elle le restera si tant est que les théoriciens, les chercheurs
et les cliniciens continuent d'examiner et d'évaluer les données
probantes, les modèles conceptuels et les voies de réflexion
associées à ces approches.
Le but ultime est le bien-être des patients et c’est en répondant au
mieux à leur univers cognitif que nous faisons évoluer les
théories et les pratiques de la TCC.
Bibliographie

Mirabel-Sarron C. La Dépression, comment en sortir ? Collection


« Guide pour s’aider soi-même ». Odile Jacob, 2002, format
Pocket 2008.
Mirabel-Sarron C, Docteur A. Apprendre à soigner les dépressions
avec la thérapie cognitive. Editions Dunod, 2013
Mirabel-Sarron C, Leygnac-Solignac I. Les troubles bipolaires, de
la cyclothymie au syndrome maniaco-dépressif : comprendre,
traiter et prévenir les rechutes, Editions Dunod, mars 2009,
seconde édition janvier 2011, à paraître avril 2015.
Mirabel-Sarron C. Critères d’évaluation des thérapeutiques
comportementales et cognitives dans la dépression. Académie
de Médecine, bulletin de l’Académie, 2010, 194, 3 : pp 805-
815.
Vera L, Mirabel-Sarron C. L’entretien en Thérapie
Comportementale et Cognitive. Editions Dunod, 2014.

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