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en psychopathologie
du traumatisme
P S Y C H O S U P
Khadija Chahraoui
15 cas cliniques
en psychopathologie
du traumatisme
Vulnérabilités
et sens du trauma psychique
Illustration de couverture
Franco Novati
Introduction 1
1. Introduction 5
2. Syndromes psychotraumatiques, états de stress
post-traumatique, névroses traumatiques 5
2.1 Intérêts et limites de la description de l’état de stress
post-traumatique dans le DSM 6
2.2 Le modèle psychanalytique des névroses traumatiques 9
3. Dimensions psychopathologiques et cliniques
des syndromes psychotraumatiques 11
3.1 Le traumatisme psychique 12
3.2 Le syndrome de répétition 13
3.3 La signification du syndrome de répétition 16
3.4 Remaniements et altération de la personnalité post-traumatique 16
3.5 Les troubles associés 17
3.6 Les conséquences psychosociales du trauma
et le traumatisme second 18
4. Trois cas cliniques 19
4.1 Observation n° 1 : Dina 19
4.2 Observation n° 2 : Florence 23
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. Introduction 33
2. Effroi et répétition traumatique 33
3. Traumatisme psychique et co-construction du sens 34
3.1 L’enjeu thérapeutique 34
3.2 Activité narrative, élaboration et dégagement du traumatisme 34
VIII 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
1. Introduction 55
2. Traumatisme et crise psychique 55
2.1 La crise traumatique comme moment critique de changement :
entre désorganisation et réorganisation 55
2.2 Dimensions existentielle, phénoménologique et clinique
de la crise traumatique 56
2.3 Crise et interventions psychologiques 58
2.4 Difficultés de restauration psychique et redondance
entre crise traumatique et crise de vie 59
3. Observation n° 6 : « Ghislaine ou l’adolescence figée » 60
3.1 Présentation 60
3.2 L’accident 60
Table des matières IX
1. Introduction 81
2. Troubles psychiques postopératoires et en réanimation 81
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. Introduction 105
2. Deuil traumatique, syndrome psychotraumatique
et rituels de deuil 105
2.1 Les morts traumatiques 105
2.2 Complications et pathologies du deuil 106
2.3 Deuil traumatique 106
2.4 Syndrome psychotraumatique et deuil traumatique 108
2.5 Le deuil : un processus de transformation 109
2.6 Deuil et rituels de deuil 111
3. Observation n° 11 : « Alya, la perte du double »,
un exemple de deuil traumatique au Maghreb 114
3.1 Présentation clinique 114
3.2 Discussion : deuil traumatique et perte 116
3.3 Deuil traumatique et changement du statut social 117
Table des matières XI
1. Introduction 129
2. Traumatismes psychiques chez les demandeurs d’asile 129
2.1 Vulnérabilité psychique et psychopathologique des populations
réfugiées 129
2.2 Effets psychiques des traumatismes extrêmes et intentionnels 130
2.3 Traumas extrêmes et attaques des contenants familiaux
et culturels 131
2.4 Exil, pertes et transmissions 132
3. Observation n° 13 : Paul et la folie meurtrière
des hommes 133
3.1 Présentation 133
3.2 L’exil : un parcours chaotique 134
3.3 La disparition des enfants, l’attente, le temps suspendu 135
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. Introduction 155
2. L’écoute clinique des psychotraumatismes 155
2.1 L’apport de Ferenczi dans l’écoute des psychotraumatismes :
place de la relation thérapeutique et du contre-transfert 155
2.2 Psychothérapies psychodynamiques brèves et « expérience
émotionnelle corrective » 157
2.3 De la sensibilité empathique à la question des enveloppes
psychiques 158
2.4 Les difficultés de l’écoute empathique et l’analyse
du contre-transfert dans les psychotraumatismes 160
3. Un exemple d’écoute : le cas du harcèlement
sexuel traumatique au travail 163
3.1 Le harcèlement sexuel au travail 163
3.2 Psychopathologie du harcèlement sexuel traumatique 163
3.3 Qualité de l’écoute du clinicien 165
4. Observation n° 15 : Andréa et les voix du passé 166
4.1 Le premier entretien 166
4.2 Discussion : harcèlement traumatique,
quelle écoute du clinicien ? 167
4.3 Le début du processus associatif : les voix du passé 169
4.4 Conclusion 171
Conclusion 173
Bibliographie 175
Index des notions 187
Introduction
PSYCHOPATHOLOGIE
CLINIQUE
DES SYNDROMES
PSYCHOTRAUMATIQUES
aire
m
S o m
1. Introduction ................................................................................ 5
2. Syndromes psychotraumatiques, états de stress
post-traumatique, névroses traumatiques .............................. 5
3. Dimensions psychopathologiques et cliniques
des syndromes psychotraumatiques ........................................11
4. Trois cas cliniques .....................................................................19
Psychopathologie clinique des syndromes psychotraumatiques 5
1. Introduction
Pa
Les syndromes psychotraumatiques présentent des dimensions
cliniques et psychopathologiques bien spécifiques qui sont au nombre rt
de trois : 1) l’étiologie traumatique, 2) les symptômes de répétition et
3) l’altération de la personnalité. L’approche psychodynamique a proposé
une théorie cohérente du traumatisme et de ses différents effets qui reste
ie
une référence majeure aujourd’hui pour comprendre ces syndromes.
2. Syndromes psychotraumatiques,
états de stress post-traumatique,
névroses traumatiques
être comprise qu’en référence à un événement ancien qui n’a pas été
liquidé en son temps.
Mais dès 1897, Freud (1887-1902) confie dans ses lettres à Fliess qu’il
ne croit plus aux scènes de séduction racontées par ses patientes et
pense qu’il s’agit là de fantasmes. La théorie traumatique de type inte-
ractif s’estompe alors, pendant quelques années, au profit d’une théorie
psychanalytique qui accorde une importance plus grande aux fantasmes
inconscients, à la réalité psychique et à la sexualité infantile. Le danger
traumatique devient dans ce cadre théorique essentiellement interne et
d’ordre pulsionnel.
Ce n’est que dans les années vingt que Freud revient sur la théorie du
traumatisme. Les dégâts tant physiques que psychiques de la Première
Guerre mondiale, chez les soldats mais aussi dans la population, amènent
Freud et un bon nombre de psychopathologues à se pencher sérieuse-
ment sur l’étude des névroses traumatiques. Freud (1915, 1919, 1920)
reconnaît alors les spécificités de cette pathologie et pose, en 1920, les
éléments déterminants d’une métapsychologie du traumatisme. Du
point de vue topique, le traumatisme se définit comme une effraction
psychique étendue du pare-excitations provoquant au niveau écono-
mique un envahissement et un débordement du système par une quantité
importante d’énergie non liée. Le psychisme est débordé ici par absence
de préparation par l’angoisse (angoisse signal). Sur le plan clinique, le
sujet est fixé psychiquement au traumatisme, en témoignent les phéno-
mènes de répétition (rêves de répétition, ruminations mentales, réactions
de sursaut) qui le ramènent inlassablement à la situation traumatique
initiale. Pour Freud (1920), la répétition a pour fonction de tenter de
maîtriser la représentation de l’événement traumatique et d’abréagir la
force de cette première impression.
Sandor Ferenczi, psychanalyste contemporain de Freud, ne cessera
au cours de ses travaux de souligner la valeur traumatique des événe-
ments violents de la réalité. Concernant les traumatismes sexuels, il
critique l’abandon par Freud de sa neurotica et pense que les analystes
sous-estiment l’importance des expériences traumatiques réelles de la
toute première enfance (1933). Selon Ferenczi, le traumatisme sexuel a
bien une origine externe et a des conséquences immédiates au niveau
du moi, il fait partie de la réalité et non d’un processus inconscient : il
s’agit d’une séduction sexuelle par un adulte à l’encontre d’un enfant. Ce
traumatisme annihile toute possibilité de réaction chez ces enfants, il agit
comme un anesthésique, arrête toute espèce d’activité psychique, main-
tient chez les victimes un clivage de la personnalité, provoque l’anéan-
tissement du sentiment de soi, conduit l’enfant à une identification à
Psychopathologie clinique des syndromes psychotraumatiques 11
gestes de secours, mais en vain, car la victime est décédée. Depuis, elle
a développé un état dépressif et anxieux avec un syndrome de répéti-
tion comprenant principalement des images intrusives. Nous l’avons
rencontrée à l’occasion d’un premier et unique entretien d’évaluation
à la demande de l’équipe avant de la réorienter vers un suivi de secteur.
Nous présentons ici quelques extraits d’entretien.
Psy. – Qu’est-ce qui vous est arrivé ?
Dina. – Disons l’événement perturbateur, le dernier parce qu’il y a eu
des tas de choses avant, mais celui qui a fini par me conduire ici, c’est
que j’ai découvert mon oncle qui s’est, disons… mon oncle nous a dit
qu’il allait se pendre et on y a pas cru avec mon père et mes frères, mais
20 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
Dina. – Oui, surtout que j’ai une phobie de la mort, j’ai vraiment très
peur des morts, tout ce qui est mort, puisque bon il y a 2 ans, j’ai vu mon
cousin pareil qui était jeune qui était décédé d’un accident de moto, donc
je l’ai vu mort chez mon oncle, quoi là aussi j’ai eu énormément de mal
à l’accepter, c’était très, très dur, un traumatisme, et j’ai une phobie de
la mort qui est terrible, je ne toucherais jamais un oiseau mort, euh je
pourrais avoir un poisson rouge mort, il pourrira dans le bocal, mais je
ne l’enlèverai pas. Ça, c’est… […]
Psy. – Il y a des cauchemars ?
Dina. – Non là je n’en fais plus… en fait tant que je m’occupe, il n’y a
pas de problème, ce n’est pas que des cauchemars, c’était tout au cours
de la journée et puis bien sûr j’étais très agressive et tout et ce qui allait
avec quoi, des pleurs, euh agressive, euh mais bon je me sentais persé-
cutée, c’est surtout qui ça me dérangeait encore plus que le fait de le voir.
Psy. – Vous aviez juste l’impression que les gens parlaient de vous ou
vous les entendiez ?
Dina. – Non je ne les entendais pas dire mais oui je savais qu’on parlait
de moi et, c’est sûr, il se racontait plein de choses… j’avais l’impression
que tout le monde ne parlait que de ça et que si je passais quelque part,
ils parlaient de ce qui se passait.
Psy. – Vous aviez l’impression de ne pas être reconnue dans votre
douleur à vous parce que les gens vous rajoutent encore autre chose. Vous
avez déjà souffert de voir un proche mort et les gens parlent de vous…
Dina. – Bon pour eux c’est parce que sur la lettre qu’il a laissée, il nous
a mis un mot comme quoi on avait qu’à vivre avec ça voilà… il espère
qu’on vivra toute notre vie avec ça… Alors…
Psy. – C’est difficile.
Dina. – Oui surtout qu’il n’y avait pas de raison, simplement il disait
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
tout le temps qu’il allait se pendre et puis on ne l’a pas cru… C’est tout…
[…]
Psy. – Est-ce que ça va mieux depuis que vous êtes à l’hôpital ?
Dina. – Oui ça va mieux, mais depuis que je vais en permission, j’ai
peur de l’extérieur… c’est limite si je reviendrai pas tout de suite quoi.
Alors pareil, arrivée chez moi je m’occupe, je m’occupe et puis ça passe,
j’arrive à faire passer que si je m’occupe… mais je n’arrive pas à avoir
un moment de repos…
22 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
4.1.1 Discussion
Dina a été confrontée à un traumatisme extrême, la découverte du
suicide d’un proche et malgré les premiers soins, elle n’a pas pu sauver
son oncle. Cet événement a créé une véritable sidération de l’appareil
psychique et Dina ne comprend pas ce qui lui est arrivé. Quand je lui
demande ce qu’elle ressent, elle ne peut pas expliquer et cherche ses
mots ; ce n’est pas de la peine ou de la tristesse dit-elle ; c’est le « choc ».
En effet, il s’agit bien d’un choc traumatique qui se traduit chez elle
par un syndrome de répétition typique avec au premier plan des images
intrusives ou flashs visuels qui sont vécus dans une grande détresse. Elle
voit son oncle pendu partout et ces scènes de reviviscence entraînent
une angoisse massive ; elle a peur de devenir folle. Les images intrusives
sont si envahissantes qu’elle se met sous les draps, terrorisée comme une
petite fille. Les scènes de reviviscence sont également accompagnées de
sensations cénesthésiques (elle a perpétuellement la sensation de la peau
du corps de son oncle sur ses mains).
On perçoit bien le recours massif aux comportements d’évitement
pour ne pas voir et pour ne pas penser au traumatisme ; elle adopte
ainsi un comportement d’hyperactivité où elle s’occupe constamment,
ce qui lui permet de faire le vide et de ne pas penser. Cette observation
montre comment le traumatisme psychique et ses effets parviennent
à envahir complètement l’espace mental de cette patiente, qui a alors
recours à une lutte anxieuse pour ne pas être perturbée par ces images
obsédantes. Mais l’hyperactivité et les conduites d’évitement ne suffisent
plus à contrôler les images traumatiques, et l’hospitalisation apparaît
pour Dina la dernière solution pour se protéger de ces flashs visuels.
On constate également qu’elle développe secondairement des phobies
autour de la mort en relation avec l’impact de ce suicide, ce qu’elle relie
spontanément à un autre événement, le décès brutal, dans un accident
de moto, du fils de cet oncle. Ces deux événements traumatiques ont
sans doute une signification particulière dans l’histoire familiale qu’il
faudra interroger et élaborer.
La dimension d’altération de la personnalité est bien présente. Dina
ne se sent pas déprimée, contrairement au diagnostic établi par les
psychiatres ; au contraire, elle se décrit comme plus agressive, en état
d’hypervigilance constant : « Je me sens beaucoup plus speed. ». Elle
développe également une hypersensibilité (pleurs fréquents) avec un
état de méfiance vis-à-vis des autres et une tendance à se replier sur
elle-même.
Enfin, la culpabilité apparaît comme centrale dans le tableau clinique
et Dina l’exprime à plusieurs reprises. En effet, son oncle a écrit plusieurs
Psychopathologie clinique des syndromes psychotraumatiques 23
fois pour formuler son intention suicidaire, mais la famille ne l’a pas cru.
On peut sans doute comprendre les aspects de persécution présentés par
Dina, en particulier l’impression que tout le monde parle d’elle, comme
une projection de sa propre culpabilité, impossible à élaborer.
l’impression que c’est plus moi qui était jugée que ce jeune…
Psy. – Oui. Et cette agression, vous pouvez me dire comment ça s’est
passé ?
Florence. – Ben c’est vrai que cela a été un quiproquo et au départ, j’ai
surpris ce jeune qui avait un couteau… donc il aurait pu blesser les autres
jeunes du groupe… je l’ai pris en train de l’utiliser donc j’ai voulu… à un
moment donné, je lui ai pris et je savais pas comment faire, si je devais
le garder moi ou le donner à mon chef, et il s’est avéré que j’en ai parlé
à ma collègue, qui est allée voir mon chef. En fait, il a immédiatement
convoqué le jeune sans me le dire en le réprimandant en mon absence
24 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
Florence. – Oui, j’ai eu peur parce que j’habitais pas très loin du lieu
de mon travail, et donc je me suis dit que c’était pas que des menaces,
que ça pouvait aller plus loin… […]
Psy. – Et par la suite, est-ce que ces scènes sont revenues dans la tête ?
Florence. – Oui… oui… encore maintenant… par exemple, je me dis :
j’aurais dû faire ça, ou pourquoi on est arrivé là, ou qu’est-ce que j’aurais
pu faire pour ne pas en arriver là, ou… j’arrive pas à trouver de solution…
[…]
Psy. – Est-ce qu’il y a eu des rêves ?
Florence. – Oui, mais j’ai du mal à me souvenir… mais je me sens
oppressée la nuit… ce qui est le plus difficile, j’ai toujours peur la nuit…
c’est vrai que le soir, c’est toujours très difficile… j’étouffe, j’ai l’impres-
sion qu’on essaye de me poignarder et que je ne peux rien dire, je ne
peux pas crier, je ne peux rien dire, je ne peux rien dire et puis je me
rends compte que c’est pas la réalité, et puis j’ai vraiment mal, alors je
ne sais pas si c’est de me crisper ou de…
4.2.1 Discussion
Florence est hospitalisée pour un état dépressif majeur avec idées
suicidaires. Elle présente une grande détresse et a complètement perdu
confiance en elle. Les affects dépressifs sont particulièrement saillants
avec un net sentiment de culpabilité et une importante dévalorisation
de soi.
Mais cette symptomatologie est ici fortement intriquée avec une
problématique psychotraumatique qui est centrale. En effet, toutes
les difficultés de Florence ont commencé après son agression par ce
jeune. À ce premier entretien, elle a beaucoup de mal à exprimer et à
comprendre ce qui s’est vraiment passé et ce qu’elle a ressenti. Sa pensée
a l’air confuse, figée, tout se mélange pour Florence ; on observe ici les
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
dérange quoi… enfin je suis peut-être pas très claire dans ce que je dis
mais… je supporte pas d’être redevable euh… je ne suis plus la personne
indépendante que j’étais avant et ça me dérange…
4.3.1 Discussion
Alice a vécu un très grave accident de la route où elle a failli mourir. Le
traumatisme psychique est lié à l’intensité et à la violence du choc, qui
survient de manière inattendue. Elle se rappelle encore avec vivacité ce
bruit assourdissant de la collision puis ce moment d’inconscience qu’il
est intéressant de souligner. En effet, Alice évoque des faux souvenirs
dans la période qui suit le choc et elle imagine tous ses proches près d’elle.
On peut faire l’hypothèse que ces faux souvenirs ont une fonction essen-
tielle, celle de reconstituer un moment de blanc, de vide et de rupture
psychiques lié à cet état ; c’est un aspect que l’on retrouve souvent chez
des patients qui ont eu une perte de connaissance prolongée ou une
période de coma (voir chapitre 4).
Le choc traumatique est aussi en relation avec l’annonce de sa propre
mort, ce qui a constitué un profond bouleversement pour elle et a remis
en question tout son équilibre. Ses proches l’ont imaginée morte, et tous
soulignent qu’elle est une miraculée. Ce vécu spécifique semble avoir
laissé des traces psychiques ineffaçables ainsi qu’une incompréhension
durable.
On observe chez Alice une évolution du syndrome de répétition avec
en premier lieu la place des images intrusives ou flashs visuels qui se
transforment progressivement en ruminations incessantes de l’événe-
ment traumatique. On perçoit bien les tentatives de maîtrise de celui-ci
à travers ce qu’elle appelle elle-même son besoin de reconstitution : « j’y
pensais tout le temps, j’en parlais tout le temps parce que j’avais besoin
de reconstituer l’événement ».
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
EFFROI, RÉPÉTITION
ET CO-CONSTRUCTION
DU SENS
DU TRAUMATISME
PSYCHIQUE
aire
m
S o m
1. Introduction ...............................................................................33
2. Effroi et répétition traumatique ..............................................33
3. Traumatisme psychique
et co-construction du sens ...................................................... 34
4. Observation n° 4 : Georges,
« la mort en direct » ................................................................. 36
5. Observation n° 5 : Thibaut, « culpabilité,
mort et répétition traumatique » ........................................... 43
Effroi, répétition et co-construction du sens du traumatisme psychique 33
1. Introduction
Pa
À partir de la clinique de l’effroi et de la répétition, nous montre-
rons comment les sujets confrontés à un traumatisme psychique majeur rt
tentent de donner un sens à leur vécu et comment celui-ci est co-construit
dans la psychothérapie. Deux suivis cliniques de patients présentant un
état de stress post-traumatique aigu permettent d’illustrer ces aspects.
ie
2. Effroi et répétition traumatique
En tant que clinicien, on ne peut être que frappé par les récits des
patients où le temps semble s’être arrêté à l’instant traumatique. Le
sujet narre très souvent cet épisode comme s’il y était encore et dans les
moindres détails comme dans un cliché photographique : les odeurs, les
sons, les sensations sont présents et actuels comme si le temps s’était
immobilisé à jamais sans pouvoir reprendre son cours.
3. Traumatisme psychique
et co-construction du sens
de chaque patient qui sont tous différents même s’ils présentent des
psychopathologies identiques.
4. Observation n° 4 : Georges,
« la mort en direct »
4.1 Présentation
Georges, un homme de 40 ans, hospitalisé en service de rééducation-
réadaptation, est adressé à ma consultation par le psychiatre référent.
Georges a eu un accident de moto très grave où il a été percuté violem-
ment par une voiture. Cet accident a laissé des séquelles importantes,
de multiples fractures des deux jambes, qui l’immobilisent en fauteuil
roulant depuis de longues semaines. D’après le psychiatre, il est très
affecté par cet événement et il souffre de nombreuses reviviscences
traumatiques.
Quand je reçois Georges la première fois, c’est une personne agréable
et souriante, et je suis assez étonnée par un certain contraste entre l’appa-
rente carrure solide et forte de cet homme à la taille imposante et une
très grande sensibilité qu’il a du mal à maîtriser. Je lui demande de me
raconter ce qui lui est arrivé. Il m’explique qu’il ne va pas bien depuis son
accident ; il a manqué de mourir et il ne se remet pas de cela. Il ajoute
que ses enfants et sa femme ont failli le perdre, et il pleure longuement
à cette idée.
Effroi, répétition et co-construction du sens du traumatisme psychique 37
4.2 L’accident
À ma demande, Georges fait le récit de son accident. La scène est
demeurée gravée dans sa mémoire dans les moindres détails et quand
il la raconte, nous avons l’impression qu’elle est restée suspendue dans
le temps. Il roulait doucement à moto et une voiture qui doublait l’a
percuté de face. Il m’explique que sa grande chance est d’avoir été éjecté
de sa moto, car celle-ci a été entièrement pulvérisée par le choc. Lui a
fait un énorme bond et est venu s’écraser par terre. Il se souvient de ce
moment comme un film qui tourne au ralenti et toutes les images sont
présentes. En effet, il se rappelle le bruit du choc assourdissant, il se revoit
clairement être éjecté au-dessus de sa moto, son envolée qui dure à peine
quelques secondes, sa chute à terre très violente, ses jambes qui touchent
le sol en premier. Pas une seconde et pas une image ne lui échappent, et
à aucun moment il n’a perdu connaissance. Il n’a d’abord rien ressenti
sur le coup puis, après deux ou trois minutes, de vives douleurs dans les
jambes sont apparues. Les secours sont alors arrivés et on l’a transporté
en hélicoptère aux urgences.
Je demande à Georges ce qu’il a ressenti au cours de ce choc, il me
répond que cela a été extrêmement violent pour lui et qu’il s’est vu mort.
C’est cette image qui le marque le plus : pendant son envolée, il a cru
qu’il vivait sa mort en direct.
L’automobiliste responsable de l’accident n’a eu aucune blessure, et
Georges se rappelle avoir été profondément furieux contre lui.
ne l’ai jamais dit à personne, c’est la première fois que j’en parle », il
sanglote à nouveau.
Ce fut un moment important de la thérapie qui a été vécu dans une
forte intensité émotionnelle à la fois sur le plan transférentiel et contre-
transférentiel. Georges venait effectivement de déposer quelque chose
d’essentiel pour lui et à la fois de très touchant. En même temps, il
semble qu’il avait enfin donné un sens à cet événement traumatique, à
la question pourquoi ça m’est arrivé ? Pourquoi n’était-il pas mort ? Il
avait une réponse : son père l’avait sauvé, et ne l’avait pas abandonné !
40 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
rencontre, que le thérapeute soit touché par l’histoire de son patient pour
construire, co-construire une représentation significative du traumatisme
(Ciccone et Ferrant, 2009). Seul, le patient est pris dans cette angoisse de
mort qui tourne en boucle et dont il ne sait que faire.
En partant de ce contact et de cette proximité empathique, il s’agit de
donner un sens à l’événement qui consiste d’abord à rétablir le système
associatif et à rendre une cohérence à l’histoire de vie de Georges, histoire
qui a subi une rupture et une discordance. Le rétablissement du système
associatif passe par des inductions qui sont proposées par le clinicien
et qui ont deux objectifs. Le premier porte sur le contenu, il s’agira par
exemple de comprendre les contextes de vulnérabilité, les événements
passés qui contribuent à donner un sens au traumatisme présent. Le
deuxième porte sur un niveau plus formel, c’est-à-dire que les contenus
ont ici moins d’importance ; ce qui est fondamental, c’est davantage
la possibilité d’intégrer l’événement dans une suite associative et dans
une chronologie individuelle permettant de relier l’avant et l’après du
traumatisme psychique ; ce qui est en jeu ici, c’est l’activité narrative.
sauvé par son père mort qui fait et produit du sens et lui permet de
résoudre le traumatisme psychique.
La question du sens dans le traumatisme psychique est donc complexe
et non réductible à des dimensions causales ; elle est liée aux histoires et
imaginaires singuliers de chacun et elle se construit dans l’ici et main-
tenant de la psychothérapie. Cette construction et co-construction du
sens redonne une cohérence interne et externe à son histoire et à son
parcours de vie, ce qui permet de démarrer une nouvelle chronologie
avec d’autres projets et buts existentiels.
4.7 Conclusion
On peut être assez étonné par la rapidité de la prise en charge psycholo-
gique chez Georges. Pourtant, elle est assez classique avec des patients qui
souffrent d’un syndrome psychotraumatique aigu et qui ont été pris en
charge précocement après le traumatisme psychique. De plus, Georges ne
présente aucune autre psychopathologie majeure associée, ni de troubles
de la personnalité, ni d’antécédents psychiatriques. Ainsi, la sémiologie
observée est essentiellement focalisée sur le syndrome psychotrauma-
tique. À cela s’ajoutent différents facteurs qui jouent également un rôle
positif : un environnement social, familial et affectif très soutenant ainsi
qu’une détermination et un engagement personnel très importants dans
la volonté de s’en sortir. Avec ces patients, les psychothérapies psycho-
dynamiques brèves avec leur principe d’activité et de focalisation consti-
tuent de bonnes indications (Gilliéron, 2004).
5.1 Présentation
Je rencontre Thibaut, 30 ans, trois mois après un accident de la route
qui a occasionné le décès d’un tiers. Il souffre d’insomnies, de difficultés
d’endormissement et d’un sentiment d’épuisement permanent. Il est
particulièrement perturbé par des « flashs » visuels répétitifs de l’accident
qu’il ne parvient pas à contrôler et qui l’empêchent de s’endormir. Il se
dit aussi très irritable, triste, et n’a plus de goût à rien. Il a du mal à se
concentrer dans son travail et a tendance à s’isoler, ce qui entraîne des
44 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
charge qu’il me raconte pour la première fois un rêve : il est dans une
banque et arrivent deux malfaiteurs cagoulés qui veulent la caisse et le
prennent en otage. Il se retrouve ensuite au poste de police, car on le
croit complice des malfaiteurs puisqu’il a été retrouvé avec eux. Il doit
rester en garde à vue 48 heures. Il ressent un grand sentiment d’injustice.
Mais le lendemain matin, on finit par le libérer en lui signifiant qu’il
n’est pas coupable de ce qui est arrivé…
Quand je demande à Thibaut ses associations en rapport avec ce rêve,
il ne voit rien et ne fait aucun lien, il me dit seulement que ce dernier
l’a bien fait rire ! Nous échangeons un sourire et je lui réponds que c’est
sans doute un rêve de dénouement de son histoire, qu’il se sent peut-
être moins responsable aujourd’hui. Thibaut acquiesce en m’informant
qu’il a eu des nouvelles récemment du petit garçon blessé rentré chez lui
après sa période de convalescence et qu’il était étonné à ce moment de
ne pas penser à son père décédé. Toutefois, en racontant cela, on lit une
légère tristesse et crispation sur son visage. Thibaut a beaucoup avancé
dans l’élaboration de sa culpabilité, mais cet accident constituera sans
doute une blessure durable qui cicatrisera progressivement avec le temps.
Fantasmes de culpabilité
Ciccone (1999) a appelé « fantasmes de culpabilité » ces culpabilités conscientes
que l’on observe dans un contexte traumatique. Il s’agit selon lui de scéna-
rios reconstruits dans lesquels le sujet se désigne comme responsable de ce
qui arrive, même s’il n’y est pour rien. Pour Ciccone, ces fantasmes ont une
double fonction, d’une part ils permettent d’atténuer l’impact traumatique
du traumatisme, le sujet devenant actif là où il a subi l’événement de manière
passive. Et d’autre part, ce fantasme rend possible un mouvement d’appro-
priation, le sujet devenant sujet d’une histoire étrangère qui s’impose à lui.
Dans cette logique, la culpabilité permet alors de s’approprier, de contrôler,
de maîtriser et de penser le traumatisme. Elle participe d’un mouvement
d’appropriation psychique qui est très important alors que le traumatisme a
pour conséquences l’anéantissement et la perte de contrôle et de maîtrise.
Effroi, répétition et co-construction du sens du traumatisme psychique 51
TRAUMATISME,
CRISE PSYCHIQUE
ET CRISES DE VIE
aire
m
S o m
1. Introduction ...............................................................................55
2. Traumatisme et crise psychique ..............................................55
3. Observation n° 6 : « Ghislaine
ou l’adolescence figée »........................................................... 60
4. Observation n° 7 : « Béatrice, agression
et crise familiale » .................................................................... 69
Traumatisme, crise psychique et crises de vie 55
1. Introduction
Pa
La notion de crise psychique éclaire de manière singulière la clinique
psychotraumatique en introduisant un point de vue dynamique permet- rt
tant de donner un sens au vécu traumatique. Nous développerons dans
ce chapitre la clinique des syndromes psychotraumatiques chroniques,
sous l’angle d’une crise psychique non résolue, éventuellement redon-
ie
dante avec une autre crise de vie sous-jacente, ce que nous illustrerons
avec deux observations.
2.4 D
ifficultés de restauration psychique
et redondance entre crise traumatique
et crise de vie
L’absence de résolution de la psychopathologie psychotraumatique,
tout particulièrement dans les formes chroniques, peut comporter une
valeur dynamique et défensive en figeant une autre crise de vie person-
nelle sous-jacente et non résolue. C’est souvent dans cette redondance
entre crise traumatique et crise de vie sous-jacente que l’on peut saisir
la vulnérabilité et les difficultés de réorganisation et de restauration du
sujet.
Ainsi, la question que doit se poser tout clinicien face à la chronicité
de ces syndromes et dans une perspective de changement thérapeutique
n’est pas seulement « pourquoi cette personne développe cette psycho-
pathologie psychotraumatique » (on trouvera toujours des éléments
de compréhension en rapport avec les spécificités du traumatisme
psychique). Ce qu’il faut interroger, c’est pourquoi le sujet ne parvient
pas à se rétablir et à se restaurer. Le décalage proposé dans ce type de
questionnements ouvre de nouvelles perspectives de compréhension et
d’accompagnement clinique pour ces sujets.
Ainsi, l’impossible restauration psychique de la crise traumatique peut
être liée à la non-résolution d’une autre crise de vie sous-jacente (crise
d’adolescence, crise conjugale, crise familiale…). L’accès à cette crise de
vie nécessite en premier lieu un travail de dégagement du sujet face à la
sidération traumatique. C’est ce que nous développerons dans les deux
observations suivantes.
60 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
3. Observation n° 6 : « Ghislaine
ou l’adolescence figée »
3.1 Présentation
Ghislaine est une jeune fille de 20 ans adressée à ma consultation à la
suite d’une hospitalisation en psychiatrie après une tentative de suicide.
Elle est décrite comme une personnalité schizoïde ayant des « appétences
médicamenteuses », et l’interne de psychiatrie suspecte une entrée dans
la schizophrénie. Ses troubles ont commencé il y a deux ans après un
accident de voiture. Toutes les tentatives psychothérapeutiques se sont
révélées jusque-là infructueuses, Ghislaine n’ayant jamais pu franchir le
cap du premier ou du deuxième entretien.
Ghislaine m’apparaît au premier entretien comme une grande adoles-
cente, mince, athlétique, et je suis très frappée par son extrême immobi-
lité et l’attitude figée de tous ses membres. Son regard est fixe et intense,
son visage pâle et triste. Elle parle lentement, ses réponses sont brèves,
mais précises, puis suivies de temps d’arrêt comme si tout se figeait sur
le plan psychique.
3.2 L’accident
Quand je lui demande de me raconter ce qui lui est arrivé, Ghislaine
m’explique que son accident a entièrement bouleversé son existence et
qu’elle ne se sent plus la même depuis. Elle se souvient des moindres
détails de cet accident, qu’elle narre longuement ; lors d’une journée très
pluvieuse, elle a perdu le contrôle de son véhicule. Le souvenir est encore
très vif. L’accident a provoqué de multiples fractures et d’importantes
lésions des jambes, qui ont nécessité de très nombreuses hospitalisa-
tions avec interventions chirurgicales, orthopédiques et greffes de tissus
pendant près de deux ans. Mais Ghislaine est complètement rétablie
maintenant sur le plan physique. Lorsque je lui demande si elle a eu
peur pendant cet accident, Ghislaine me répond qu’elle n’en a pas eu
le temps, et que c’est surtout la vision de ses jambes ensanglantées et
abîmées qui l’a marquée.
Traumatisme, crise psychique et crises de vie 61
3.5.3 Le contre-transfert
Nous voulons souligner la nécessité de l’analyse du contre-transfert
dans les suivis avec ces patients qui provoquent souvent chez le clini-
cien, et c’est aucun doute une des raisons de l’échec thérapeutique, une
grande monotonie, lassitude et rejet. Les patients traumatisés entraînent
souvent une attitude contre-transférentielle spécifique qui est de figer
ou de sidérer la pensée du thérapeute. Cela implique pour le clinicien
de bien comprendre et analyser ces états de figement liés au processus
traumatique, puis de mobiliser activement le travail associatif par des
propositions dans une dimension contenante et empathique. L’enjeu
thérapeutique sera d’essayer de retrouver toute la singularité et la dyna-
mique psychique du sujet derrière ce figement traumatique qui peut
avoir une valeur défensive.
Traumatisme, crise psychique et crises de vie 65
conflictuelle. Ghislaine évoque aussi dans son enfance une mère très
occupée ayant peu de temps à lui consacrer. Elle exprime ainsi son senti-
ment de solitude dans l’enfance, sa peur d’être seule, ses phobies le
soir, ses difficultés d’endormissement, et sa mère qui ne la rassurait pas
suffisamment.
3.8 Conclusion
Le travail thérapeutique entrepris avec Ghislaine a ainsi permis de
sortir de la sidération traumatique et de donner une issue à sa crise
adolescente. Elle a trouvé dans sa vie socioprofessionnelle une autre
forme de compromis à sa dépendance en travaillant avec son père, mais
on peut penser que celle-ci se joue cette fois sur le terrain d’une insertion
sociale dont on peut espérer qu’elle a été réussie et durable et qu’elle a
constitué une étape pour accéder à une définitive autonomie.
Il faut souligner pour conclure cette observation le danger et l’impasse
si l’on avait considéré la crise grave de Ghislaine comme une entrée
pathologique dans la schizophrénie. Kestemberg (1962) soulignait déjà
que devant toute crise grave de l’adolescent, il fallait être attentif à déceler
le début d’une schizophrénie et éviter l’erreur méthodologique « qui
consiste à prendre la partie (les symptômes) pour le tout (le moi) », c’est-
à-dire faire une analogie entre les symptômes présentés et les positions
psychotiques, névrotiques ou perverses, et qu’il fallait également éviter
l’erreur technique qui consisterait à « manier les adolescents comme des
psychotiques ou des pervers ». Le sujet adolescent doit être considéré
comme un sujet à part entière, c’est-à-dire un adolescent « en proie à
un remaniement évolutif remettant en cause ses investissements libidi-
naux » (Kestemberg, 1962).
Traumatisme, crise psychique et crises de vie 69
4.1 Présentation
Béatrice est une femme de 45 ans qui m’est adressée pour une prise
en charge psychologique. Son parcours médical est dense, elle a eu de
très nombreuses consultations et investigations pour des douleurs très
violentes au bras et à la nuque. Elle souffre d’une algodystrophie de la
main gauche à la suite d’une agression physique, ce qui l’a conduite à
arrêter son activité professionnelle de sage-femme. Elle est orientée dans
le service de psychiatrie par son médecin rhumatologue qui diagnos-
tique un état dépressif. Dans ses multiples consultations psychiatriques
et médicales, elle est décrite comme une personnalité revendicatrice
ayant un rapport très conflictuel avec les médecins. Le dernier psychiatre
consulté diagnostique un état de stress post-traumatique et me l’adresse.
Béatrice est une grande femme brune avec une apparence très tonique.
Elle parle fort et se présente comme une personne très irritée et très en
colère contre le corps médical, qui n’a pas su la soigner.
4.2 L’agression
Elle m’explique spontanément que ses problèmes ont commencé il
y a deux ans. Elle a été victime d’une agression ; deux hommes l’ont
menacée avec un couteau pour lui retirer son sac à main, mais Béatrice
s’est défendue et les deux malfaiteurs se sont emparés du sac de manière
violente en la blessant gravement à la main. Elle raconte que sa main
« pissait le sang », « qu’elle ne pouvait pas la regarder… ». Elle a été
conduite en urgence par les secours vers la clinique la plus proche mais,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
ces deux derniers sont atteints, les sujets sont déstabilisés et profondé-
ment blessés dans leur narcissisme et leur estime de soi, ce qui déve-
loppe une angoisse profonde et ingérable. Le changement passe par une
modification de cet équilibre et par la possibilité d’assouplir les défenses
antérieures. Ce qui implique de nouveaux investissements et un travail
d’élaboration psychique permettant de mobiliser autrement l’organisa-
tion défensive.
doute son désir de travailler dans une maternité où elle retrouvait cette
ambiance du passé. Mais aujourd’hui, elles sont toutes décédées, Béatrice
pleure longuement à l’évocation de ces pertes. On peut penser que la
perte de sa profession en relation avec l’investissement affectif dont elle
a fait l’objet réactive ces deuils douloureux. En revanche, Béatrice décrit
un père absent, dépensier, marginal, qui avait quitté le domicile familial.
Elle ne parle que très peu de lui. Elle semble avoir reproduit ce schéma
familial en épousant un mari plus âgé et régulièrement absent à cause
de son travail à l’étranger.
4.10 Conclusion
Avec le cas de Béatrice, nous percevons comment le traumatisme
peut entraîner une désorganisation durable sur des niveaux différents
(psychique, physique, familial, conjugal, professionnel et social) qu’il
est important de bien observer pour comprendre le sujet dans toute sa
spécificité et sa singularité. Nous voyons comment les aspects descrip-
tifs et diagnostiques sont très insuffisants pour rendre compte de cette
révolution intérieure et de ce bouleversement profond liés au trauma-
tisme. Celui-ci ne peut être appréhendé qu’en intégrant un point de vue
dynamique dans le cadre d’une approche clinique et phénoménologique
permettant de resituer le sujet dans une subjectivité et intersubjectivité
donnant du sens à la situation de crise.
Le cas de Béatrice montre l’articulation complexe entre une crise trau-
matique et une crise de vie sous-jacente qui sont liées et redondantes,
qui empêche ainsi tout travail de restauration psychique.
Il s’agit aussi avec ces patients, comme nous l’avons déjà souligné
pour le cas Ghislaine, de s’attarder sur l’analyse contre-transférentielle.
En effet les défenses opératoires de ces sujets peuvent lasser le clinicien
et entraîner des attitudes de monotonie et de rejet. Ce dernier doit alors
comprendre les particularités de ce contre-transfert et développer une
certaine souplesse au niveau de l’attitude thérapeutique, et tout particu-
lièrement de la notion de contenance (au sens bionien, voir chapitre 2).
Avec certains de ces patients, ce n’est pas nécessairement l’élaboration
poussée des conflits sous-jacents qui permet la résolution de la crise, mais
l’écoute et la disponibilité du thérapeute dans la durée.
Envisager le traumatisme comme une situation de crise met l’accent
sur les possibilités et les capacités de réorganisation du sujet. Il s’agit de
travailler sur ce qui permet le changement, et pas seulement sur la vulné-
rabilité et la désorganisation. Autrement dit, il s’agit de travailler avec
les ressources et les compétences du sujet. Cette vision positive et opti-
miste, même si les situations cliniques sont autrement plus complexes,
est nécessaire pour un engagement conjoint du thérapeute et du patient,
ce qui facilite l’alliance thérapeutique, moteur essentiel du changement
(De Roten, 2011).
Traumatisme, crise psychique et crises de vie 77
TRAUMATISME
PSYCHIQUE
ET MÉDECINE
aire
m
S o m
1. Introduction ...............................................................................81
2. Troubles psychiques postopératoires
et en réanimation......................................................................81
3. Observation n° 8 : Thiméo ou l’inquiétante étrangeté .......... 86
4. Observation n° 9 : « Naji, le survivant » ...................................91
5. Observation n° 10 : Miguel ou la quête compulsive du sens.... 97
Traumatisme psychique et médecine 81
1. Introduction
Pa
rt
Les traumatismes psychiques ont souvent été décrits dans des contextes
de grande violence collective (guerres, catastrophes) ou individuelle
(accidents, viols), mais très peu en milieu médical alors qu’ils sont assez
fréquents. Après une brève revue de la littérature et un point théorico-
clinique, nous illustrerons les dimensions cliniques et psychopatholo-
ie
giques spécifiques de ces traumatismes avec trois observations dans des
contextes médicaux liés à la réanimation et à la chirurgie.
avec l’histoire et la subjectivité des sujets. C’est ce que nous nous propo-
sons d’appréhender à travers les trois observations suivantes.
3. Observation n° 8 : Thiméo
ou l’inquiétante étrangeté
3.1 Présentation
Thiméo est un homme âgé de 58 ans, marié avec deux enfants, qui a
des antécédents de diabète ; il a été hospitalisé en service de réanima-
tion pour insuffisance rénale aiguë, choc septique, thrombose veineuse
compliquée d’embolie pulmonaire. Après une admission aux services
d’urgences par son médecin traitant pour l’apparition d’une paralysie
faciale et de troubles visuels avec vomissements, il a présenté un état
d’agitation avec épuisement respiratoire. Il a donc été transféré en réani-
mation et a fait l’objet d’une assistance respiratoire avec intubation,
ventilation artificielle et sédation le plongeant dans un coma artificiel.
Le dossier médical indique qu’après un état très instable, il s’est progres-
sivement amélioré et les sédatifs ont été arrêtés après 15 jours avec un
réveil favorable et une extubation au bout de trois semaines.
Je rencontre Thiméo trois mois après sa sortie d’hospitalisation dans
le cadre d’une consultation psychologique systématique que nous avons
mise en place en post-réanimation pour explorer les difficultés psycho-
logiques liées à un séjour en réanimation.
angoisse. Il a l’impression d’être encore attaché sur son lit comme il l’a
été pendant la période de coma artificiel. Il a très peur, dès que la nuit
tombe, de revivre ces moments à chaque fois. Il se sent très anxieux
depuis ce séjour, fatigué et puis surtout très irritable, ce que sa femme a
aussi constaté. Ainsi, il a l’impression toujours présente de ne « pas être
sorti de la réanimation ».
Thiméo présente les symptômes assez typiques d’un état de stress post-
traumatique aigu avec fixation à l’événement, symptômes d’intrusion et
de reviviscence, et irritabilité. Il n’a par ailleurs aucune autre psychopa-
thologie associée et n’a aucun antécédent psychiatrique.
88 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
3.5 La frayeur
On pourrait imaginer que l’expérience de mort imminente vécue par
Thiméo a été à l’origine du trauma psychique, mais cela ne semble pas
être le cas, car elle n’a pas été ressentie comme un sentiment de menace
vitale. En effet, Thiméo est capable de narrer ce moment particulier
de manière construite en lui donnant un sens et en le verbalisant sans
expression d’angoisse : « Ben en fait, c’est comme quand on va à la
morgue… comme si on rentre dans une autre vie quoi… Ben ça, je l’ai
vu, ça… Là j’ai vu, j’étais pour rentrer heu, puis on m’a retenu, enfin je
me suis arrêté, j’étais juste à la limite de rentrer dans le tunnel si vous
voulez, et ça, je l’ai vu… Je sais qu’on m’avait déjà raconté des choses
comme ça, mais j’n’y croyais pas, mais là vraiment, je l’ai vu… mais enfin
c’est pas ce qui me marque le plus, ce qui me marque le plus, c’est…
l’horreur que j’ai vue… »
Les paroles de Thiméo définissent bien le caractère traumatique, il
peut donner un sens à l’expérience de mort imminente, mais pas aux
visions d’horreur. C’est donc l’aspect effrayant de ces images qui produit
un effet de fixation et de répétition chez lui. La dimension d’effroi et de
sidération devant ces horreurs et ces crimes auxquels il assiste impuissant
rend compte d’une composante centrale du traumatisme.
garde des bribes de souvenirs : « ces images me faisaient mal parce que
je ne pouvais pas bouger, je ne pouvais ni appeler au secours ni rien du
tout… Puis je voyais personne arriver heu bon… j’ai trouvé le temps
long, j’ai trouvé le temps long, c’est… de pas bouger… De rien pouvoir
faire, c’est terrible… j’étais attaché, même la ceinture, les jambes, enfin
les bras, heu, là je suis marqué par ça… je me souviens encore que je
serrais les poings pour pouvoir me défaire heu, c’était vraiment la… et
je me souviens que je voulais… essayer de… tout casser quoi ».
4.1 Présentation
Naji est un homme de 44 ans, originaire d’Algérie, marié et père de
quatre enfants. Je le reçois la première fois en service de gastro-entéro-
logie, où il est hospitalisé pour des douleurs abdominales et épigastriques
rebelles. Il se plaint de fréquents vertiges qui entraînent souvent des
chutes et de violentes céphalées qui se calment difficilement. Il a un
sommeil très perturbé. Il dort très peu, avec des nuits agitées. Son état
général est très altéré et il souffre d’un amaigrissement important.
et réanimation
Selon Naji, tous ces troubles sont consécutifs à une gastrectomie
partielle, pratiquée il y a 4 ans pour un ulcère décompensé. Il me raconte
ainsi son histoire médicale ; il a subi il y a 15 ans une intervention
chirurgicale pour une appendicite. Puis, peu de temps après, sont appa-
rues des douleurs à l’estomac qui restent stables pendant de nombreuses
années et ne demandent aucun traitement d’urgence. Mais 8 ans plus
tard, l’état de Naji s’aggrave et les lésions de l’estomac nécessitent le
recours à une gastrectomie partielle. Cette intervention est vécue dans
une totale incompréhension pour Naji, qui imagine que les médecins
ont introduit un objet en plastique à l’intérieur de son corps. Il ressent
92 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
sifs, Naji me répond que ces malheurs ont été interprétés comme une
malédiction dont l’origine remonterait au grand-père paternel. Il évoque
ainsi l’existence de conflits de famille et de problèmes de « jalousie » en
rapport avec ce grand-père. Cette malédiction familiale est exprimée à
travers une étiologie traditionnelle ayant cours dans les pays du Maghreb
et appelée tab’a. Ce terme signifie littéralement « poursuite », et tab’a
renvoie à la répétition des échecs et des malheurs qui peut concerner une
personne ou une famille (Aouttah, 1993). Ce type de malédiction a par
ailleurs tendance à se répéter et se transmet d’une génération à l’autre.
Parmi les causes de la tab’a, on retrouve une punition, une violation
d’endroits sacrés, un mauvais sort, la jalousie ou le non-paiement d’une
96 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
dette (Aouattah, 1993). Naji m’expliquera plus tard qu’en ayant quitté
son pays d’origine, il pensait pouvoir échapper à cette tab’a.
Mais le contexte de l’intervention chirurgicale, associé à la peur de
mourir, à la reviviscence du décès du père, à la perte récente de sa petite
fille et à la naissance de son premier fils est venu réactiver toute cette filia-
tion problématique et ces nombreux deuils enkystés auxquels il tentait
d’échapper depuis plusieurs années. Le traumatisme, par son action
d’effraction de l’enveloppe psychique, d’anéantissement de l’identité
et de véritable pulvérisation des défenses habituelles, est venu rappeler
avec une violence inouïe cette lourde réalité psychique liée à son histoire.
5.1 Présentation
Je reçois Miguel, lors d’un entretien psychologique, pendant son
hospitalisation dans un service de gastro-entérologie pour douleurs
abdominales, vomissements et vertiges. C’est un patient bien connu
de l’équipe médicale qui me l’adresse et qui diagnostique ses troubles
comme fonctionnels.
Miguel est un homme de 50 ans, de forte corpulence. Il est marié et a
deux enfants (de 23 et 18 ans). Il est originaire du Portugal et vit depuis
30 ans en France. Ouvrier du bâtiment pendant de nombreuses années,
il est aujourd’hui en arrêt maladie.
À ma demande, il relate volontiers l’histoire de sa maladie. Son discours
se présente d’abord comme assez factuel : il expose soigneusement son
parcours médical, décrivant avec minutie ses nombreuses hospitalisa-
tions et consultations et les effets négatifs de tous les traitements entre-
pris. Puis son discours prend la forme d’une véritable hémorragie de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
de sa chute au titre d’un accident du travail, mais celle-ci lui est refusée,
car la déclaration est tardive. Miguel, contrarié, voit alors ses troubles
redoubler d’intensité ; il prend un congé maladie, jugé trop long par son
employeur, qui finit par le licencier.
Après plusieurs mois de difficultés s’ensuit une période de calme où
Miguel va mieux et il reprend une activité dans une entreprise de maçon-
nerie dirigée par un de ses cousins. Mais très rapidement, il s’aperçoit
que le travail ne lui convient pas, et les disputes fréquentes avec son
patron l’amènent à démissionner. Peu de temps après, les douleurs du
pied reprennent et, cette fois, il doit être hospitalisé pour subir une inter-
vention chirurgicale. Miguel explique maintenant, de manière presque
compulsive, que cette intervention est à l’origine de tous ses maux : il
ne l’a pas comprise, les médecins se sont trompés, il n’a pas été informé,
cette intervention a été inutile… Il décrit un réveil post-chirurgical trau-
matique sur le plan psychique : une grande angoisse s’empare de lui, il
est envahi par la peur de mourir, il se sent désorienté, perdu, dans l’inca-
pacité de donner un sens à ce qui lui arrive. Peu après cette première
intervention chirurgicale apparaissent d’autres troubles : asthénie, perte
d’appétit, dépressivité, irritabilité, impuissance sexuelle, altération du
sommeil avec terreurs et sursauts nocturnes. Miguel ne se sent plus le
même ; « si faible et maladif » alors qu’il était, avant, « si fort et si gai ».
À partir de ce moment, il commence à s’isoler, adresse à peine la parole
à sa femme et à ses enfants ; ses pensées sont dorénavant accaparées par
la douleur et la colère.
Ce n’est que le début d’un long parcours médical car, depuis huit
ans, Miguel souffre des mêmes troubles. Depuis huit ans, il est réguliè-
rement hospitalisé, il a subi sept nouvelles interventions chirurgicales
au pied, motivées par des infections répétitives. Ces interventions n’ont
fait qu’accentuer les douleurs initiales. Toutes les hospitalisations sont
vécues dans une angoisse intense. Il se plaint de ses nuits agitées, il a
peur, il croit entendre des bruits, il dort très peu, se réveille en sursaut,
avec de très forts battements de cœur et dans un état d’effroi. De plus,
il exprime son incompréhension et sa colère contre les médecins qui,
dit-il, se sont trompés et sont responsables de son état.
Après avoir longuement écouté Miguel dans son histoire médicale,
je lui demande de me parler de lui et de sa famille. D’abord étonné par
ma question, il y répond tout de même : son ton change, il devient
moins vif et son expression s’inhibe. Les relations avec sa femme sont
difficiles, ils se disputent très souvent, mais c’est surtout sa femme qui
se plaint : elle lui reproche d’avoir changé. Miguel explique alors que
Traumatisme psychique et médecine 99
DEUIL TRAUMATIQUE,
SYNDROME
PSYCHOTRAUMATIQUE
ET RITUELS DE DEUIL
aire
m
S o m
1. Introduction
Pa
Le décès d’un proche est sans doute l’événement le plus douloureux
qui soit dans la vie d’un individu, et plus particulièrement quand celui-ci rt
est soudain et brutal. La clinique nous amène à observer régulièrement
l’impact de ces morts violentes ou traumatiques qui peuvent donner lieu
à des pathologies du deuil, parfois compliquées de syndromes psycho-
ie
traumatiques. L’absence de rituels de deuil dans ces situations constitue
souvent un facteur de vulnérabilité dans la non-résolution du deuil.
vivants et les morts. Ainsi, les rituels ont également une fonction
collective de socialisation, celle d’assurer la continuité du groupe ;
face à un élément perturbateur tel que la mort, le collectif joue un
rôle en tentant de remettre de l’ordre et de réorganiser la vie de
manière cohérente.
en France est vécu dans une grande solitude avec un défaut de portage
du groupe familial resté au pays. Être enterré sur une terre loin de celle
de ses ancêtres est probablement l’un des plus grands dilemmes du
migrant, même si l’on constate ces dernières années des changements
dans l’organisation de ces rites, qui sont pris en charge de plus en plus
par les communautés d’appartenance.
− Les situations de catastrophe (tremblements de terre, inondations, guerres)
entraînent de nombreux morts et disparus qui ne pourront pas
bénéficier des cérémonies d’enterrement ; l’impact psychique de la
disparition des corps et de l’empêchement des rites dans ces contextes
peut être considérable (Bacqué, 2003). Par ailleurs, dans de nombreux
114 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
fil, elle se décrit comme dans un état d’irréalité, elle marche au milieu
de la nuit jusqu’à la gare pour rejoindre sa sœur, mais elle ne trouve pas
de transport. Elle rentre alors à nouveau chez elle et rappelle la personne
qui lui a téléphoné en lui demandant si sa sœur est vraiment décédée. Il
lui répond seulement : « Que Dieu te donne la patience. » À ce moment,
Alya raconte qu’elle n’a pas crié, qu’elle n’a pas pleuré, et qu’elle a seule-
ment dit : « Nous sommes à Dieu et nous reviendrons à Dieu. » À ces
paroles, elle éclate en sanglots, et décrit sa grande affection et sa grande
proximité pour sa sœur : « On était comme des jumelles, on faisait tout
ensemble, c’était mon amie, ma confidente, ma sœur… »
Le corps est ramené après 5 jours et le jour de l’enterrement, c’est Alya
qui s’occupe de tous les préparatifs funéraires. Elle dépose le cercueil de sa
sœur dans le corbillard (contrairement aux habitudes, car ce sont plutôt
les hommes qui ont cette fonction) mais, juste après, elle perd l’usage de
la parole et est hospitalisée sans pouvoir assister à la suite des funérailles,
qui durent trois jours selon les coutumes musulmanes. Elle explique cet
état de mutisme par son incrédulité à croire en la mort de sa sœur : « Je
ne croyais pas à sa mort, parce que je n’ai pas vu l’accident, je n’ai pas
vu le corps. » En effet, le corps a été rapatrié dans un cercueil scellé et n’a
donc fait l’objet d’aucun préparatif conforme aux rites usuels (en parti-
culier la préparation du corps, la toilette du mort…). Après une semaine
d’hospitalisation, Alya reprend son travail, mais elle pleure tout le temps
et écoute sans arrêt les chansons nostalgiques d’Oum Khalthoum1, qui
chantait « mon histoire est terminée puisque tu n’es plus avec moi ».
Six mois après le décès de sa sœur, le mauvais sort semble s’acharner
sur Alya et, cette fois, c’est son mari qui meurt d’un accident vasculaire
cérébral. Là encore, Alya dit qu’elle n’a pas pleuré, ou plutôt précise qu’on
ne l’a pas laissée pleurer. Elle s’occupe à nouveau seule des funérailles de
son mari, dépose le cercueil dans le corbillard et, comme pour sa sœur,
elle est hospitalisée avant même la fin de l’enterrement en service de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
4.1 Présentation
Denis est un patient âgé de 42 ans, hospitalisé en psychiatrie à sa
demande pour d’importants problèmes d’angoisse et une forte insomnie.
Il avait été régulièrement suivi il y a plusieurs années en addictologie pour
des conduites de dépendance (toxicomanie et alcoolisme). Ce patient
allait mieux depuis quelques années, il était stabilisé, avec un abandon
des prises de toxiques mais, depuis un an, il avait repris ses consomma-
tions d’alcool. Il m’est adressé par son psychiatre référent à cause d’une
problématique psychotraumatique récente. En effet, la dégradation de
son état fait suite à l’incendie qui a touché le foyer dans lequel il vivait
depuis une dizaine d’années et où il se sentait bien, car ce foyer jouait
un rôle de cadre familial contenant pour lui. Cet incendie a provoqué de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
envie de vivre. Ses journées et ses nuits sont hantées par le souvenir
de l’événement traumatique : les cadavres calcinés, la fumée noire, les
enfants qui crient, les personnes qu’il tente de sauver, ses voisins qu’il
aimait tant et qui ont disparu. Ces personnes perdues étaient comme sa
famille. Il est envahi par des flashs visuels et des cauchemars répétitifs,
et ne dort plus depuis un an. C’est dans ce contexte qu’il s’est remis à
l’alcool pour pouvoir dormir. La mairie l’a relogé dans un appartement,
mais il est seul et n’a plus goût à rien.
J’écoute longuement Denis et après un moment, face à ce discours
hémorragique, qui semble complètement déconnecté de son corps au
contraire très ralenti et face à ce déferlement d’images, de pensées et
de ressentis non structurés où tout se mélange, je lui propose de me
raconter comment s’est passé cet événement. Mon objectif était ici de
l’aider à réorganiser sa pensée et de commencer à réaliser un travail sur
le narratif pour permettre de réintroduire de la cohérence et un ordre
chronologique face à cette confusion psychique la plus totale.
Denis raconte alors longuement l’événement avec des détails très
précis, la scène est encore très présente et son déroulé et sa description
semblent interminables dans son récit. Denis se voit encore ce soir-là dire
au revoir à ses amis comme d’habitude. Et puis dans la nuit, l’alarme se
déclenche, il se réveille brusquement et ouvre sa porte d’entrée, mais la
fumée pénètre comme un souffle violent. Il regarde par la fenêtre, mais
il est au 6e étage ! Il ressort donc, prend une couverture, descend les
escaliers. Il essaie en même temps d’emmener un maximum de voisins ;
il en a aidé beaucoup, dit-il. Des scènes terribles refont surface : les vitres
qui éclatent, les cris des enfants dans le couloir, des personnes qui prient
et crient… Il se retrouve à un moment avec deux enfants dans les bras
qui crient, il les sauve et il est pris de douleurs en se demandant où sont
leurs parents. Enfin, alors qu’il remonte au premier étage pour tenter de
sauver une personne âgée qu’il connaît bien, la fumée et le feu sont trop
importants pour pouvoir descendre à nouveau au rez-de-chaussée et il
décide alors de lancer un matelas du premier étage et de sauter ensuite
avec cet homme. Denis dit qu’il était jeune et qu’il n’a pas pensé que
ce monsieur ne supporterait pas la chute, en effet ce dernier est décédé
en tombant.
Le vécu de culpabilité est intense et exprimé dès la première séance :
« si j’avais pu le sauver, il serait vivant aujourd’hui… je regrette je n’ai
pas pu sauver tout le monde… j’ai essayé… j’ai fait ce que j’ai pu… »,
dit-il complètement meurtri.
Deuil traumatique, syndrome psychotraumatique et rituels de deuil 121
J’insiste à cet entretien sur le fait qu’il ait essayé de sauver beaucoup
de personnes et que lui-même ait failli mourir, et qu’il en ait réchappé
de justesse. Il me répond qu’il a frôlé la mort de près et aussi celle des
autres et que depuis, il est envahi par les souvenirs des morts et n’a plus
goût à rien.
TRAUMATISME ET EXIL
aire
m
S o m
1. Introduction
Pa
La psychopathologie du traumatisme dans les situations d’exil repré-
sente une clinique spécifique, en particulier chez les demandeurs d’asile rt
qui ont vécu des événements extrêmes et des traumas cumulatifs qui ont
des effets graves sur le plan de la santé, auxquels s’ajoute un contexte de
grande précarité sociale qui augmente la vulnérabilité. Le traumatisme
ie
peut aussi mettre en évidence des problématiques autour du deuil, de la
perte et des difficultés de transmission psychique chez les sujets migrants.
2. Traumatismes psychiques
chez les demandeurs d’asile
2.2 E
ffets psychiques des traumatismes extrêmes
et intentionnels
Les traumatismes extrêmes participent à une véritable déstructuration
de l’identité du sujet avec de profondes atteintes et effractions du corps et
de la psyché, en particulier dans les cas de torture (Bessoles, 2005 ; Sironi,
2004) et de viols. Ces derniers ont constitué de tout temps de véritables
armes de guerre utilisées de manière systématique dans les conflits armés
pour détruire physiquement et psychiquement non seulement la victime,
mais aussi des communautés et leurs valeurs (Guoguikian, 2010). Ces
actes de barbarie entraînent une véritable déshumanisation et ont des
effets très graves sur le long terme aussi bien à un niveau individuel que
collectif (Bessoles, 2005 ; Sironi, 2004).
Pour Sironi (1999, 2004), ces actes représentent des traumatismes
intentionnels délibérément provoqués par un humain ou un système sur
un sujet donné, ou sur un groupe d’individus. Ils se caractérisent par des
« processus spécifiques » qui sont induits par des systèmes persécuteurs
(tortionnaires, totalitaires, concentrationnaires, esclavagisants, etc.),
dans le but de provoquer des destructions psychologiques et des décul-
turations. La connaissance de ces processus, de leurs circonstances, struc-
tures et mécanismes est centrale dans le traitement thérapeutique pour
pouvoir déconstruire leurs effets délétères. Les symptômes présentés par
les sujets victimes de torture seraient ainsi organisés de manière logique
selon l’intentionnalité des persécuteurs (Sironi, 2004). Les actes de torture
s’inscrivent dans une interaction paradoxale de type « double lien »
qui contraint d’abord au dévoilement (« parle, sinon on continue ») et
ensuite au silence (« si tu parles, on recommence » ; Sironi, 2004). Cette
double injonction paradoxale empêche toute projection temporelle et
crée une clinique de l’aliénation très spécifique qui dépasse le tableau
classique des états de stress post-traumatique (Bessoles, 2008, 2005).
Traumatisme et exil 131
des hommes
3.1 Présentation
Paul est un homme de 42 ans vivant en France depuis 3 ans. Il demande
l’asile après avoir fui son pays natal, en proie à une guerre brutale et
fratricide. Il a subi de graves violences physiques et sexuelles, mais aussi
un exil traumatique et chaotique avec la disparition de ses enfants.
Je le rencontre lors d’une première consultation où il est adressé par
le psychiatre référent à cause de ses nombreux troubles somatiques et
134 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
ne m’en dira pas plus. Quand il narre cet épisode, son regard est absent,
il n’est plus là avec moi, il est ailleurs. Je l’assure de mon soutien et nous
stoppons là l’évocation de ces traumatismes ; le plus important pour
Paul est de le ramener à la vie, dans l’ici-maintenant, et aussi dans ses
projets. En effet, la remémoration de ces instants traumatiques peut être
trop déstabilisante.
Depuis ces événements, Paul a perdu une totale confiance en l’autre,
et en particulier les personnes originaires du même pays que lui.
Dernièrement, il s’est montré très méfiant envers une femme exilée
vivant dans son foyer. Il l’a aperçue près de son studio et a trouvé de
l’eau devant la porte, il ne comprend pas, il pense qu’elle lui veut du
mal ; son discours apparaît à la limite d’un vécu persécutif et paranoïde.
Je le reprends en lui disant que les traces d’eau retrouvées devant une
porte ont généralement une signification particulière dans son pays. Paul
acquiesce en soulignant qu’il peut s’agir de sorcellerie, mais il n’adhère
pas à ces croyances traditionnelles. Nous continuons tout de même sur
cette étiologie et je lui demande si au pays il pense que des personnes
pouvaient lui en vouloir. Paul me répond qu’il avait très bien réussi dans
son pays, qu’il était heureux, qu’il avait fondé une famille, et que ceux
qui l’ont dénoncé en voulaient à son bonheur. L’abord de cette étiologie
traditionnelle permet ainsi pour la première fois, dans le suivi clinique,
de faire un lien entre l’histoire passée de Paul et le présent.
3.6 Discussion
3.6.1 Complexité et cumul des traumatismes extrêmes
Cette observation montre la complexité de la clinique psychopatholo-
gique rencontrée chez les patients réfugiés ayant vécu des traumatismes
extrêmes. Ces derniers ont des effets d’anéantissement de l’individu dans
ses croyances et son identité, et rendent très difficile la reconstruction
psychique. Comme on peut le remarquer, les traumatismes extrêmes
sont toujours multiples et se cumulent avec de nombreux facteurs de
vulnérabilité associés à l’exil, aux pertes, aux ruptures et au contexte de
vie incertain liés aux procédures d’asile. Il est nécessaire de prendre en
compte toute cette complexité dans la compréhension et le suivi de ces
patients.
Chez Paul, la disparition des enfants est une problématique essentielle.
Elle est fréquemment rencontrée chez les exilés qui ont dû fuir rapide-
ment leur pays, de manière urgente, sans le temps de préparer leur départ,
d’informer leur famille, dans un contexte souvent dramatique où seule
la survie compte (Dutertre, 2011). Les enfants laissés au pays ou disparus
sont l’objet d’une souffrance et d’une douleur indescriptibles, violentes,
impossibles à penser. Elles imposent aux sujets de vivre dans un doute
et une attente interminables. La culpabilité est intense et centrale ; dans
certains cas, elle est indicible et peut faire l’objet de véritables censures
dans certaines familles qui imposent le silence sur ces morts au reste de
la fratrie, ce qui pose toute la question de la transmission du traumatique
(Dutertre, 2011).
Il faut certainement une grande dose d’humanité et d’énergie pour
survivre à ces traumatismes effroyables qui, sans doute, ne peuvent
être affrontés que par des théories ou des idéologies collectives solides.
Paul représente ainsi un exemple d’une évolution assez favorable par
son rattachement à une dimension spirituelle et altruiste qui donne un
nouveau sens et une cohérence à sa vie.
Le clinicien ne peut-être indifférent à ces souffrances extrêmes, et il
se sent parfois impuissant, confronté à de telles réalités. En ce sens, le
contre-transfert nécessite à chaque fois d’être élaboré, comme nous le
développerons plus loin.
4. Cliniques de l’exil
renoncements nécessaires qui sont gérés plus ou moins bien par ceux qui
le vivent. Mais l’exil peut également constituer une occasion formidable
de transformation, de métissage, de développement et de richesse, aussi
bien pour l’individu que pour la société qui l’accueille.
Aujourd’hui, les problématiques de l’exil doivent aussi être perçues
dans le contexte de la modernité actuelle, en particulier la révolution
dans la communication qui a transformé sans doute radicalement les
rapports entre les individus et a permis à de nombreux migrants de garder
des liens de plus grande proximité avec leur famille d’origine, ce qui n’a
pas toujours été le cas.
village natal, les ambiances d’antan, les parfums, mais aussi la colère
pour la « terre-mère » qui n’a pas su garder et protéger ses enfants.
De nombreux migrants sont pris dans ce dilemme affectif. Pourtant,
tant que ce dilemme existe, il assure la survie psychique et les projets.
En effet, oublier, c’est mourir. Ce conflit interne est fort bien exprimé
par un de nos patients réfugié qui vient d’obtenir un titre de séjour en
France ; c’est une bonne nouvelle pour lui, c’est un cadre supérieur et
il peut enfin s’installer en France avec des projets de vie et de travail.
Pourtant, il se sent comme à la croisée d’un carrefour ne sachant quelle
voie emprunter. Cette incertitude est liée à un tiraillement interne avec
ce double de lui-même resté au pays et à un rêve de retour aussi bien
144 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
5.1 Présentation
Tawfik est un homme de 48 ans, originaire d’un pays du Maghreb. Il
vit en France depuis plus de 20 ans avec sa femme et ses enfants. Il est
adressé par un médecin de l’hôpital pour de nombreux troubles d’allure
fonctionnelle. Il se plaint de diverses douleurs épigastriques et muscu-
laires à type de picotements dans le dos et les épaules. Ses douleurs sont
associées à des vertiges, des chutes, une asthénie intense et des troubles
du sommeil.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
lui : « on me laissait toujours dans un coin », dit-il. Ses ressentiments sont
liés au fait que personne ne lui ait jamais parlé de son père. Tawfik est
désespéré de ne garder aucune image de lui. De plus, on lui a longtemps
caché la vérité sur la mort de son père. Il conclut de cette longue série
associative : « Les parents ne peuvent pas s’occuper de leurs enfants et les
enfants ne peuvent pas porter leurs parents… c’est ce qui m’est arrivé ! »
Ce moment de la psychothérapie est très important, car il me permet
de resituer dans la relation transférentielle les différents sentiments
d’abandon et de ruptures présentes et passées que Tawfik exprime pour
la première fois, et il semble aussi en prendre conscience. C’est après
ce moment précis de la psychothérapie que nous allons avoir accès au
véritable événement traumatique.
5.4 Discussion
5.4.1 Spécificité du cadre thérapeutique
L’observation de Tawfik montre toute la complexité de ces tableaux
cliniques où seule la psychopathologie somatique est au premier plan,
sans aucune possibilité d’expression et d’élaboration de la probléma-
tique sous-jacente. On voit ici l’intérêt de penser, de créer, parfois de
« bricoler » des dispositifs techniques et thérapeutiques innovants
permettant que la parole se délie. Ici, le dispositif créé, associant un
co-thérapeute interprète, a facilité l’expression de la problématique du
patient par le passage d’une langue à une autre, à l’aide de nombreuses
métaphores culturelles. Le passage d’une langue à l’autre est symbolique-
ment important, car il signifie aussi le passage et le lien entre différents
univers culturels. La thérapie de relaxation a aussi permis à ce patient
de dérouler un discours associatif et un vécu singulier à partir de l’utili-
sation des métaphores. Ainsi, les nombreuses associations ont permis à
ce patient de se dégager progressivement des plaintes somatiques et de
l’enkystement des douleurs.
PSYCHOTRAUMATISMES :
QUELLE ÉCOUTE
DU CLINICIEN ?
aire
m
S o m
1. Introduction
Pa
La psychothérapie des traumatismes psychiques nécessite de s’inté-
resser en premier lieu à la dimension de l’écoute du clinicien, en la consi- rt
dérant comme une modalité technique et thérapeutique centrale. Cela
nous amène à développer les modèles psychodynamiques de l’empathie
et du contre-transfert en soulignant la place centrale de l’intersubjecti-
ie
vité. Le cas d’une patiente victime de harcèlement sexuel traumatique
au travail sera présenté pour illustrer ces points.
cathartique des premières séances ne peut avoir lieu que dans un tel
climat de compréhension empathique.
Bien que ces dimensions puissent apparaître simples ou banales, elles
relèvent pourtant de la condition même du processus thérapeutique.
En clinique, nous sommes souvent amené à rencontrer des patients qui
n’ont parfois jamais verbalisé leurs difficultés, leurs angoisses, et la possi-
bilité de parler et d’être attentif à sa vie intérieure n’est pas un travail
qui va de soi. Pourtant, l’enjeu thérapeutique est d’amener ces patients à
retrouver des significations et une cohérence interne à ce qu’ils viennent
de vivre. Ainsi, l’écoute empathique sans jugement, positive, du clinicien
est ce qui permet au patient d’être accompagné dans ce voyage intérieur
et de ne pas en avoir peur.
doit-il être traité ? Sinon, quelles sont les autres modalités de l’interven-
tion thérapeutique ?
Chez Andréa, les humiliations répétées sont en elles-mêmes sources
d’un processus traumatique et aliénant qui se comprend sans doute à
la lumière de sa relation particulière à son patron, et en particulier par
son admiration passée pour ce dernier. Il y a donc chez elle une lourde
déception qui doit être interrogée en fonction de ce qu’elle peut réactiver
dans son histoire, sans toutefois méconnaître les aspects traumatiques
de la situation de harcèlement. Il est important de s’interroger sur la
manière dont cet événement prend sens dans l’histoire d’un sujet, non
pas dans le cadre d’une théorie explicative et rétrospective, mais comme
un moyen de réappropriation subjective d’une histoire individuelle qui a
été effractée et qui nécessite d’être reconstruite en donnant de nouvelles
significations aussi bien au présent qu’au passé.
4.4 Conclusion
Andréa a pu se reconstruire après toutes ces années, l’accompagne-
ment psychologique a constitué une grande part de ce soutien, mais
cela a été aussi possible grâce à la reconnaissance du préjudice subi et
à la réparation qui ont été essentielles dans son parcours. À la fin de la
psychothérapie, malgré les blessures toujours présentes, Andréa avait
recouvré son tempérament actif, la force de se battre à nouveau, et elle
avait trouvé un nouvel emploi.
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Bibliographie 185
A D
activité narrative 34, 42 demandeurs d’asile 129
altération de la personnalité 5, 11, désorganisation 55
22, 70 deuil compliqué 106
analyse contre-transférentielle 76 deuils enkystés 94
angoisse signal 10 deuil traumatique 94, 105, 106, 107
apport clinique 57 difficultés des processus de deuil
apport phénoménologique 57 109, 144
dimension transculturelle 140
B disparition des enfants 135
dissociation psychique 173
blocage de la fonction d’amour et double 142
de relation à autrui 17 douleur de l’exil 143
blocage de la fonction de filtration
de l’environnement 17
blocage de la fonction de présence
E
17 écoute empathique 158, 159, 167
écoute inférentielle 168
C effroi 12, 33
élaboration psychique 49
cauchemars 70 émotions brusques 73
– répétitifs 63 émotions durables 73
choc traumatique 29 empathie 139, 156, 159
clinique de l’extrême 83 – intuitive 159
co-construction du sens 40 – profane 160
colère 124 – professionnelle 160
complications et pathologies du enveloppes contenantes 160
deuil 106 enveloppes psychiques 158
conséquences psychosociales du état de stress aigu 82
trauma 18 étiologie profane 96
contenance 35, 76 exil 113, 129, 132
contre-transfert 36, 64 – intérieur 114, 141
– culturel 140 expérience émotionnelle corrective
corps étranger 9, 33 157
crise de vie 59 extrêmes 85
crise psychique 55
crise psychotraumatique 67
crise traumatique 55, 76
F
culpabilité 22, 43, 47 fantasmes de culpabilité 50
– traumatique 52 « flashs » visuels 43
188 15 cas cliniques en psychopathologie du traumatisme
T traumatisme sexuel 10
traumatismes intentionnels 130
« tact » 158 travail de deuil 109
technique analytique 156 troubles délirants et confusionnels
théorie de l’après-coup 9 82
transmission 132, 149 troubles psychiques en réanimation
– psychique 133, 144 médicale 82
trauma extrême 42, 131 troubles psychiques postopératoires
traumatisme durable 73 81
traumatisme médical 96
traumatisme psychique 40
V
traumatisme relationnel 13, 99
traumatisme second 18, 70 vécu de mort imminente 33
traumatismes extrêmes 130 vécu post-migratoire 140
Composition : SoftOffice (38)