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P S Y C H O S U P

Introduction
à la psychocriminologie

Catherine Blatier
Une première édition de cet ouvrage est parue en 2010,
chez le même éditeur, dans la collection Topos +.

Illustration de couverture
Franco Novati

© Dunod,
© Dunod, 20142015
Paris,
5 rueLaromiguière,
5 rue Laromiguière, 75005
© Dunod, 201475005Paris
Paris
www.dunod.com
www.dunod.com
5 rue Laromiguière, 75005 Paris
ISBN
ISBN 978-2-10-070528-9
978-2-10-071476-6
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-070528-9
Table des matières

Introduction 1

Chapitre 1 La criminalité et la justice pénale 5

1. Déviance, délinquance et criminalité 7


1.1 L’étude des formes et de l’importance
des actes criminels 10
1.2 Quelles sont les activités des criminologues ? 12
2. Les infractions pénales et les peines 13
2.1 Les contraventions 14
2.2 Les délits 15
2.3 Les crimes 20
2.4 Les modalités des peines 22
2.5 Quelques principes 25
2.6 Des institutions 26
3. La justice pénale en quelques chiffres 29
3.1 Statistiques pénitentiaires 37
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3.2 L’évolution des réponses pénales 39


3.3 La compréhension psycho-criminologique
et l’émergence de modèles 47

Chapitre 2 Les théories explicatives du crime


et le modèle bio-psycho-social 49

1. Les explications précontemporaines


de la criminalité 51
2. Les facteurs biologiques :
l’approche biomédicale du criminel 53
VI Introduction à la psychocriminologie

2.1 Théories initiales 53


2.2 Biologie contemporaine et criminalité 54
2.3 Neuro-anatomie et neurochimie 63
3. Les théories sociales et psychologiques
contemporaines du crime 66
3.1 Les théories culturalistes 66
3.2 Les théories de la tension 74
3.3 Les théories rationalistes 76
3.4 La théorie des opportunités 79
3.5 L’analyse stratégique 80
3.6 La criminologie environnementale 83
3.7 Les théories de la réaction sociale 84
3.8 Quelques conceptions psychologiques
du passage à l’acte 87

Chapitre 3 Les criminalités spécifiques 101

1. La criminalité routière 103


2. Les hooligans ou la violence dans les stades 108
3. Les homicides 112
3.1 La situation internationale en matière d’homicide 113
3.2 La situation en France 114
3.3 La réponse pénale aux homicides 116
4. Les parricides 121
5. Les mineurs délinquants 125
6. La délinquance des seniors 132
7. Les crimes en col blanc 133
8. La criminalité organisée et le terrorisme 135
Table des matières VII

8.1 La criminalité organisée 135


8.2 Le terrorisme 140
9. La cybercriminalité 143
10. Les tueurs et tueuses en série 147
11. Le profiling 156

En guise de conclusion 157

Bibliographie 159

Index des notions 177

Index des auteurs 179


Introduction

Les affaires criminelles constituent une grande part des


actualités rapportées par la presse, la télévision et le réseau
Internet. Elles représentent, avec les questions d’insécurité,
l’un des sujets les plus sensibles, particulièrement en période
électorale. En effet, elles concernent chaque citoyen à travers
la protection de sa personne, de ses proches et de ses biens. Le
domaine de la psycho-criminologie est relativement récent.
Il n’était pas très prisé des chercheurs, particulièrement des
psychologues, il y a une trentaine d’années. Depuis, l’engoue-
ment pour un secteur aussi vaste et impliquant autant de
phénomènes psychologiques n’a cessé de croître. Les questions
posées vont de la nature de l’acte criminel jusqu’à ses fonde-
ments psychologiques, sociaux et parfois biologiques. S’il est
difficile de fournir dans tous les cas une explication aux actes
délinquants ou criminels, la connaissance psychopathologique
peut aider à donner un sens à une action qui bien souvent ne
paraît pas en avoir.
Les psychologues sont appelés pour saisir le sens et la portée
des actes commis par les délinquants mineurs ou majeurs.
L’objectif vise à limiter la commission de ces actes, mais aussi
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la récidive. Les missions des psychologues sont vastes : elles


vont de l’intervention à la thérapie, à l’expertise et passent
par la recherche sur ces phénomènes. Elles intègrent la dimen-
sion de la prévention, qui représente un champ extraordinaire
puisque sont concernés tous les comportements antécédents
de la délinquance.
Le mode de construction du concept de criminologie est
particulier, puisqu’il est issu de différentes disciplines scienti-
fiques. De ce fait, la criminologie couvre un domaine étendu,
qui va de l’étude du phénomène criminel à la dynamique
criminelle et traite aussi de la dimension étiologique. La
2 Introduction à la psychocriminologie

psycho-criminologie recouvre la compréhension de la crimino-


logie en partant des individus qui la vivent, en tant qu’auteurs
ou victimes.
En tant que discipline appliquée, la psycho-criminologie
comporte deux aspects. Le premier porte sur la compréhen-
sion scientifique des phénomènes. Le second concerne le
traitement des individus impliqués dans les crimes et délits.
De nombreuses questions se posent : quelles sont les causes
du crime et comment mieux les identifier ? Qui sont les
auteurs ? Quel soutien est offert aux victimes ? Comment les
jeunes deviennent-ils délinquants ? Sont-ils de plus en plus
nombreux ? Quel est le degré d’efficacité des interventions
judiciaires, sociales, psychosociales ? Ces questions sont vastes
et aucun ouvrage ne peut prétendre à l’exhaustivité. Toutefois,
nous souhaitons que le lecteur puisse trouver ici des réponses
utiles à un problème qui n’est pas nouveau, mais pour lequel
la recherche issue du monde entier a fait des progrès considé-
rables au cours des dernières années. De nombreux étudiants,
professionnels ou personnes intéressées y trouveront la possi-
bilité de mieux connaître ce domaine passionnant qu’est celui
de la compréhension du crime.
Il est clair que ce que nous pouvons comprendre du crime
est une combinaison entre des éléments généraux, que l’on
peut retrouver dans différentes situations criminelles et des
éléments individuels, propres à chaque auteur. Le crime
conserve donc toujours un caractère de singularité que les
psychologues tiennent à rappeler. En effet, la prise en charge
de personnes auteurs ou victimes se fait à partir d’éléments
théoriques généraux, mais elle doit intégrer les informations
issues du donné individuel.
Nous présenterons en premier lieu les aspects objectifs de
la criminologie et de la justice pénale, puis dans un deuxième
temps, les théories explicatives du crime à partir des théo-
ries biologiques, sociales et psychologiques qui ont fondé la
Introduction 3

criminologie. Des criminalités spécifiques seront abordées,


telles que la criminalité routière, les hooligans, les homicides,
les mineurs délinquants, la délinquance des seniors, les crimes
en col blanc, la criminalité organisée et le terrorisme, la cyber-
criminalité et les tueurs en série.
1
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tre

LA CRIMINALITÉ
ET LA JUSTICE
PÉNALE
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So m

1. Déviance, délinquance et criminalité...................... 7


2. Les infractions pénales et les peines...................... 13
3. La justice pénale en quelques chiffres................... 29
La psycho-criminologie a ceci de particulier qu’elle est référée
au cadre légal et judiciaire. C’est pourquoi il apparaît essentiel
de connaître les bases juridiques relatives à la délinquance des
mineurs et des majeurs, l’évolution concernant la criminalité,
tout comme les différentes réponses pénales.
Avant de nous lancer dans ce vaste programme et dans l’ap-
proche de la compréhension du crime, qui constitue l’objet
de cet ouvrage, nous devons examiner les différents termes, à
savoir la déviance, la délinquance et la criminalité.

1. Déviance, délinquance et criminalité

La déviance est un terme parfois utilisé à tort pour décrire


la délinquance. Pourtant, la distinction est aisée car la délin-
quance recouvre les actes dont la liste est répertoriée par le
Code pénal et dont la commission ouvre la possibilité d’une
condamnation. Au contraire, la déviance concerne des actes
admis ou reconnus comme tels par un groupe social, sans
référence au droit et à la justice pénale. La déviance peut
donc être le fait de tout groupe ou toute personne se situant
à un moment donné en marge des normes et habitudes de la
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société dans laquelle il ou elle se trouve inscrit(e) de fait. La


déviance renvoie à l’idée de norme sociale ou morale et a la
particularité d’être évolutive. Quelqu’un peut être déviant par
rapport à la microsociété dans laquelle il évolue. On rejoint
alors la définition que donne Becker (1963) des outsiders, indi-
vidus qui s’écartent de la norme et, de ce fait, ne peuvent en
rendre parfaitement compte. Si les études sur la déviance sont
souvent porteuses des valeurs de ceux qui les conduisent, elles
ont malgré tout constitué un apport essentiel à la compré-
hension de la délinquance. Elles ont resitué l’individu dans
son contexte social, alors que la tendance consistait parfois à
8 Introduction à la psychocriminologie

favoriser plutôt la responsabilité de l’individu. Elles ont égale-


ment mis en évidence les effets considérables de la stigmatisa-
tion et de l’étiquetage (labelling).
L’étude de la délinquance nécessite de prêter attention à de
nombreux facteurs. En effet, les faits connus, répertoriés par les
services de police et de gendarmerie, ne représentent pas tous
les cas de délinquance. Le nombre de faits repérés est générale-
ment en deçà de la réalité, c’est du moins ce que montrent les
enquêtes de délinquance auto-déclarée. Tout en étant moins
tributaire de la réaction sociale, la délinquance n’en est pas
moins dépendante. Une recrudescence des vols, par exemple, a
un impact sur la société dans laquelle elle se produit, qui peut
alors souhaiter un recours accru à la pénalisation.
Enfin, le crime, dans une approche sociologique, a long-
temps été considéré comme un effet de la déviance. Le crime
représentait pour Durkheim « tout acte prévu comme tel par
la loi et donnant lieu à l’application d’une peine de la part
de l’autorité supérieure » (1895). Cette définition assimilait
l’acte criminel et l’acte délinquant. La distinction a été faite
ultérieurement dans la loi. On constate donc une différence
entre une approche juridique, psychologique et sociale du
crime. En effet, selon cette dernière, un acte délinquant peut
être considéré comme criminel, en nature du moins ; c’est ce
qu’estiment les Anglo-Saxons, qui utilisent régulièrement le
terme de « crime » pour désigner une conduite antisociale en
général.
Lorsque Durkheim écrivait « Nous appelons crime tout
acte puni et nous faisons du crime ainsi défini l’objet d’une
science spéciale, la criminologie », il inaugurait des années
de recherche en vue de la compréhension du phénomène
criminel. La définition de Pires (1998) rejoint cette dernière
lorsqu’il décrit un champ d’étude et une activité complexe de
connaissance interdisciplinaire, de nature à la fois scientifique
et éthique, ayant pour but l’élucidation et la compréhension
La criminalité et la justice pénale 9

de la question criminelle au sens large. Depuis, la crimino-


logie représente l’étude pluridisciplinaire du criminel et de la
criminalité et concerne des spécialistes issus principalement
du droit, de la psychologie, de la psychiatrie et de la socio-
logie. Des analyses politiques et économiques réalisées de nos
jours apportent un regard supplémentaire à la compréhension
du crime. L’analyse du phénomène criminel se fait habituel-
lement à travers celle du délit, du délinquant, du crime, du
criminel, de la victime et des réponses juridiques et sociales.
L’objectif de la psycho-criminologie est la connaissance et
la compréhension des conduites délinquantes et criminelles
et la mise en œuvre de méthodes pour les faire évoluer. Les
processus psychologiques ou psychopathologiques suscep-
tibles de conduire aux comportements délinquants ainsi que
les interventions de traitement et de prévention font partie
intégrante de cette discipline.
Il existe des approches variées en criminologie. La plupart
des personnes n’en connaissent que les aspects les plus média-
tiques. S’attachant à la compréhension du crime et de son
auteur, de la délinquance et des moyens de la prévenir, la
criminologie traite autant de son objet (le crime ou la délin-
quance), que des réponses qui y sont apportées. En outre, le
criminologue développe des méthodes d’analyse du risque de
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récidive. La victimologie est souvent rapprochée de la crimino-


logie. Elle s’intéresse aux difficultés rencontrées par les victimes
et développe des moyens de prévention.
Cet ouvrage de psycho-criminologie aborde donc ces diffé-
rents domaines de la criminologie. Ils vont d’une construction
des connaissances sur la criminalité, le criminel et le crime, qui
constituent les trois niveaux d’appréhension du phénomène
criminel décrits par Pinatel, à une criminologie appliquée aux
situations de délinquance et aux personnes qui les vivent.
L’attention sera principalement portée sur les auteurs d’actes
délinquants et criminels, les victimes n’étant pas oubliées, mais
10 Introduction à la psychocriminologie

l’importance des questions à traiter les concernant impose que


leur soient consacrés des ouvrages spécifiques.

1.1 L’étude des formes et de l’importance


des actes criminels
On aura compris que dans cette diversité, on s’efforce de
mieux comprendre les différents types d’actes délinquants ou
criminels et d’analyser leurs spécificités. On conçoit que la
problématique des vols n’est pas semblable à celle des trafics
de stupéfiants, ni a fortiori à celle des violences conjugales.
L’approche du criminel et de sa problématique peut se faire
dans un effort de compréhension globale, selon un modèle
bio-psycho-social. La composante biologique intègre l’ana-
lyse des facteurs génétiques, neuro-anatomiques et neuro-
chimiques. Elle s’associe à la composante psychologique, qui
comprend les problèmes de la personnalité, d’interactions dans
la famille, avec les pairs, ainsi que l’adaptabilité à des situations
particulières. Ces deux explications s’associent à une troisième,
la composante sociale, qui regroupe les facteurs sociaux, cultu-
rels et économiques.
Comme toutes les approches interdisciplinaires, la crimino-
logie se heurte à des questions de méthode. Elle requiert celles
des sciences juridiques, sociales et psychologiques. La crimino-
logie théorique développe des concepts et des méthodes à partir
des sciences humaines, du droit et de la philosophie. En tant
que discipline appliquée, la criminologie cherche à résoudre
des problèmes concrets concernant des individus criminels ou
des situations criminelles. La criminologie clinique s’intéresse
à l’étude du délinquant afin de comprendre les processus de
la délinquance, l’agir délinquant et les moyens de traitement
du délinquant. Cette étude des délinquants, des processus qui
conduisent à la délinquance, des modalités de peine, comme
des traitements et de leurs effets, est fondamentale.
La criminalité et la justice pénale 11

Il existe une sociologie du droit qui, selon la définition de


Jacques Faget (2002), se préoccupe d’analyser le phénomène
de la production législative, d’étudier l’effectivité ou non des
textes de loi et la fonction du droit dans la société (au sens
large du code et des modes alternatifs de régulation juridique).
Dans le cadre des sciences humaines et sociales, la psycho-
logie s’attache à décrire et à analyser les comportements qui
font partie de son domaine de compétence, mais elle constitue
aussi une discipline appliquée, qui formalise les connaissances
en vue de leur utilisation, notamment par les tribunaux, la
police, les services éducatifs et socio-judiciaires. Les faits sont
des éléments de la réalité qui, au moment où ils sont étudiés,
sont mis en lumière par différentes théories. L’analyse empi-
rique suppose une théorie qui positionne le regard de l’obser-
vateur par rapport aux faits à observer. Il est évident que les
facteurs criminogènes sont liés à la trajectoire de vie de l’indi-
vidu comme à son environnement passé et/ou actuel. Situer
l’origine d’une attitude, l’étiologie d’une conduite, permet de
mieux connaître un phénomène, mais surtout de mieux le
prévenir. C’est à ce titre que l’approche préventive doit être
développée (Blatier, 2006).
Plusieurs expressions sont utilisées pour évoquer les travaux
de psychologie appliquée à la justice : psychologie légale,
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psychologie « judiciaire » ou « du judiciaire », psychologie


criminelle, psycho-criminologie. La meilleure expression en
anglais serait sans doute psychology for the law, pour définir
l’apport de la psychologie à la compréhension de cette vaste
question qu’est le phénomène criminel. Nous retiendrons
ici celle de « psycho-criminologie », qui est très largement
reconnue.
12 Introduction à la psychocriminologie

1.2 Quelles sont les activités


des criminologues ?
Les questions dont traitent les criminologues sont vastes,
elles concernent tous les problèmes liés :
• à la délinquance, à la criminalité et à leur évolution, aux
facteurs de risque et de protection, aux institutions judiciaires
et pénales, à la situation dans les prisons et aux actions qui y
sont menées ;
• à la délinquance des mineurs, à son évaluation, aux
programmes de réadaptation, au suivi en milieu ouvert ou
fermé, à la prévention, à la violence et à ses conséquences ;
• aux enfants et à leur famille : maltraitance, enfance en
danger moral ou physique, violences conjugales, divorces et
conflits relatifs au droit de garde des enfants.
• aux délinquants et criminels, aux facteurs et processus
criminogènes, à la prévention de la récidive, à l’efficacité de la
peine, au traitement psychologique en fonction des types de
délinquance (acquisitive, agressive, sexuelle, etc.).

Une meilleure connaissance de l’ensemble de ces questions


peut contribuer à l’amélioration des examens psychologiques
ou médico-psychologiques d’auteurs et de victimes, des tech-
niques d’entretien, de l’audition des victimes et des présumés
auteurs, de l’assistance aux victimes, de la prise en compte du
témoignage des enfants et des adultes, de leur crédibilité, du
traitement psychothérapeutique des délinquants, ainsi que
de l’aide aux détenus et aux personnes libérées. Le travail du
psycho-criminologue se fait en coordination avec de nombreux
professionnels parmi lesquels on peut citer sans être exhaustif
les magistrats, les gendarmes, les policiers, les avocats, les
travailleurs sociaux, les éducateurs, les assistants sociaux, les
conseillers de probation, les responsables des établissements.
Certains criminologues remplissent une fonction de profilers,
le plus souvent en complément d’un travail de psychologue.
La criminalité et la justice pénale 13

Le rôle du profiler (ou de la « profileuse », comme Carine


Hutsebaut ou Micki Pistorius) est de relier des événements et
informations favorisant l’identification d’un délinquant ou
d’un criminel dont l’identité est inconnue. Le profiler s’aide
des données recueillies par la police judiciaire sur les lieux
d’un crime et de toutes les informations provenant d’autres
crimes de même nature ayant été commis dans le monde, en
vue d’établir un portrait-robot de la personnalité du criminel.
Chacun de ces domaines d’intervention donne lieu à la mise
en œuvre d’études spécifiques. La recherche tient donc une
place très importante en psycho-criminologie.
Pour commencer la description des aspects objectifs de la
criminologie, nous devons nous faire une bonne représenta-
tion du droit en vigueur et des situations pénales qui y sont
associées. C’est dans cet esprit que nous allons aborder le
chapitre des infractions pénales et des peines, qui rappelle les
catégories identifiées dans le Code pénal français.

2. Les infractions pénales et les peines

La peine a pour fonctions de sanctionner l’auteur de l’in-


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fraction et de favoriser son amendement, son insertion ou


sa réinsertion (art. 130-1 Code pénal ; loi n° 2014-896 du
15 août 2014-art.1). Dans les limites fixées par la loi, la juri-
diction détermine la nature, le quantum et le régime des peines
prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de
la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation maté-
rielle, familiale et sociale. Toute peine prononcée par la juri-
diction doit être individualisée (art. 132-1).
Le droit français opère des distinctions dans les actes délin-
quants. Pour se les représenter, on peut examiner les infrac-
tions et les peines qui leur sont associées. Dans le Code pénal,
14 Introduction à la psychocriminologie

il existe trois grandes catégories d’infractions, classées selon


leur gravité : les contraventions, les délits et les crimes. Les
lois évoluent continuellement, c’est pourquoi les informations
présentées ici sont destinées à donner une première informa-
tion sur ces questions.

2.1 Les contraventions


Les contraventions représentent les infractions jugées par le
tribunal de police et punies d’une peine contraventionnelle.
Le tribunal de police siège au tribunal d’instance et statue à
juge unique, avec l’assistance d’un greffier. Le ministère public
est représenté par le procureur de la République, par un de ses
substituts ou par le commissaire de police. Les peines contra-
ventionnelles encourues par les personnes physiques sont :
• l’amende ;
• les peines privatives ou restrictives de droits prévues à
l’article 131-14 du Code pénal ;
• la peine de sanction-réparation.

Ces peines ne sont pas exclusives d’une ou de plusieurs des


peines complémentaires telles qu’une suspension ou un retrait
du permis de conduire ou du permis de chasser, ou une obliga-
tion de stage de citoyenneté ou de sensibilisation à la sécurité
routière.
Les contraventions sont réparties en cinq classes. Elles ne
sont jamais punies d’une peine d’emprisonnement, même
en cas de récidive. Les peines contraventionnelles peuvent
se cumuler. L’action publique est prescrite au bout d’un an.
La prescription de la peine, qui correspond au délai au-delà
duquel il n’est plus possible de demander au condamné la
réalisation de la peine prononcée, est de deux ans.
Pour donner un ordre d’idées, le montant de l’amende est
actuellement compris entre 38 euros maximum et 1 500 euros
pour les contraventions de la 1re à la 5e classe (doublement
La criminalité et la justice pénale 15

possible en cas de récidive). Pour toutes les contraventions de


la 5e classe, une ou plusieurs des peines privatives ou restric-
tives de droits suivantes peuvent être prononcées (art. 131-14) :
la suspension du permis de conduire, l’immobilisation du véhi-
cule, la confiscation d’une arme dont le condamné est proprié-
taire, le retrait du permis de chasser, l’interdiction d’émettre
des chèques, la confiscation d’objets ayant servi à l’infraction.
La peine d’amende ne peut être prononcée avec une des
peines privatives ou restrictives de droits énumérées à l’ar-
ticle 131-14. En revanche, les peines privatives ou restrictives
de droits énumérées à cet article peuvent être prononcées
cumulativement. Le règlement qui réprime une contraven-
tion de la cinquième classe peut en outre prévoir la peine
complémentaire d’interdiction, pour une durée de trois ans au
plus d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le
retrait de fonds par le tireur auprès du tiré, ou autres que des
chèques certifiés. Le règlement qui réprime une contravention
de la cinquième classe peut également prévoir, à titre de peine
complémentaire, la peine de travail d’intérêt général pour une
durée de vingt à cent vingt heures (art. 131-17). La prescription
de la peine est le délai à la fin duquel une peine ne peut plus
être exécutée. Pour les contraventions, elle est de trois ans.
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2.2 Les délits


Les délits sont les infractions jugées par le tribunal correc-
tionnel et punies d’une peine correctionnelle. Il s’agit d’une
peine d’emprisonnement ou d’une peine d’amende actuelle-
ment au moins égale à 3 750 euros. Le tribunal correctionnel
est composé soit d’un juge unique, soit de trois magistrats
professionnels du tribunal de grande instance. En comparu-
tion immédiate, le tribunal correctionnel statue toujours en
collégialité, représentée par trois juges. Le ministère public est
présent en la personne du procureur de la République ou d’un
de ses substituts.
16 Introduction à la psychocriminologie

Les peines correctionnelles encourues par les personnes


physiques sont :
• l’emprisonnement ;
• l’amende ;
• le jour-amende ;
• la contrainte pénale ;
• le stage de citoyenneté ;
• le travail d’intérêt général ;
• les peines privatives ou restrictives de droit ;
• les peines complémentaires (prévues à l’article 131-10) ;
• la sanction-réparation.
Les délits peuvent être punis d’une peine d’emprisonnement.
Les peines d’emprisonnement délictuelles maximales sont
actuellement de dix ans ; au-delà, on parle de réclusion crimi-
nelle (terme habituellement réservé aux crimes). Les peines
d’emprisonnement vont de dix ans pour la peine la plus élevée
à six mois pour la moins élevée. Ainsi, selon l’article 131-4 du
Code pénal, l’échelle des peines d’emprisonnement en matière
correctionnelle comprend (art 131-4 du Code pénal) :
• 10 ans d’emprisonnement (par exemple : pour vol avec
violence et en réunion, ou dans un transport collectif, ou pour
trafic de stupéfiants) ;
• 7 ans d’emprisonnement (par exemple pour vol avec
violence et en réunion) ;
• 5 ans d’emprisonnement (par exemple pour vol avec
violence légère, cession illicite de stupéfiants en vue de la
consommation personnelle) ;
• 3 ans d’emprisonnement (par exemple pour vol simple) ;
• 2 ans d’emprisonnement (par exemple pour destruction
ou dégradation du bien d’autrui) ;
• 1 an d’emprisonnement (par exemple pour harcèlement
sexuel) ;
• 6 mois d’emprisonnement (par exemple pour bizutage) ;
La criminalité et la justice pénale 17

• 2 mois d’emprisonnement (par exemple pour racolage


public).

La juridiction peut prononcer une peine de jours-amende


consistant pour le condamné à verser au Trésor une somme
dont le montant global résulte de la fixation par le juge d’une
contribution quotidienne pendant un certain nombre de jours.
Le montant de chaque jour-amende est déterminé en tenant
compte des ressources et des charges du prévenu. Le nombre
de jours-amende, qui ne peut excéder 360, est déterminé en
tenant compte des circonstances de l’infraction (art. 131-5).
La peine de jours-amende ne peut être prononcée cumulati-
vement avec la peine d’amende.
La juridiction peut aussi décider d’une contrainte pénale.
Elle est prononcée en tenant compte de la personnalité
du condamné, du fait qu’il ne soit pas considéré comme
dangereux, de sa situation familiale, matérielle et sociale.
La contrainte pénale est une sanction pénale alternative à
la prison, le condamné étant soumis à certaines obligations.
Seuls les auteurs d’un délit punissable d’une peine de 5 ans de
prison maximum (vols, dégradations, usage de stupéfiants,
délits routiers, violences…) peuvent être mis sous contrainte
pénale. D’une durée de 6 mois à 5 ans, la contrainte consiste
par exemple à : répondre aux convocations du juge de l’appli-
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cation des peines ou du travailleur social désigné pour le suivi,


recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les
renseignements nécessaires à son suivi, prévenir le travailleur
social de ses changements d’emploi, ou de résidence ou de
tout déplacement dont la durée excéderait 15 jours et rendre
compte de son retour.
À la place de l’emprisonnement, il peut être prescrit au
condamné d’accomplir un stage de citoyenneté, dont les moda-
lités, la durée et le contenu sont fixés par décret en Conseil
d’État. Ce stage a pour objet de lui rappeler les valeurs répu-
blicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine
18 Introduction à la psychocriminologie

sur lesquelles est fondée la société. La juridiction précise si


ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes
contraventionnelles de la troisième classe, doit être effectué
aux frais du condamné. Cette peine ne peut être prononcée
contre le prévenu qui la refuse ou n’est pas présent à l’audience
(art. 131-5-1).
Sur décision du tribunal, le condamné peut être soumis à des
mesures supplémentaires (travail d’intérêt général, injonction de
soins…). La situation du condamné est réévaluée au moins une
fois par an et plus en cas de besoin. En cas de non-respect de
l’ensemble de ses obligations, le condamné risque l’application
de la peine de prison fixée au moment du procès initial.
En cas de délit, peuvent aussi être prononcées une ou
plusieurs des peines privatives ou restrictives de liberté suivantes :
la suspension ou l’annulation du permis de conduire, l’inter-
diction de détenir ou de porter une arme, le retrait du permis
de chasser, l’interdiction d’émettre des chèques, d’exercer une
activité professionnelle ou sociale en lien avec la commission
de l’infraction, ou encore de paraître dans certains lieux, de
fréquenter certains condamnés ou certaines personnes spécia-
lement désignées par la juridiction, notamment la victime de
l’infraction.
La juridiction peut également prescrire, toujours à la place
de l’emprisonnement, que le condamné accomplira, pour une
durée de quarante à deux cent dix heures, un travail d’intérêt
général non rémunéré au profit soit d’une personne morale de
droit public, soit d’une personne morale de droit privé chargée
d’une mission de service public ou d’une association, habilitées
à mettre en œuvre des travaux d’intérêt général. De même, la
peine de travail d’intérêt général ne peut être prononcée contre
le prévenu qui la refuse ou qui n’est pas présent à l’audience.
Le président du tribunal, avant le prononcé du jugement,
informe le prévenu de son droit de refuser l’accomplissement
d’un travail d’intérêt général.
La criminalité et la justice pénale 19

L’emprisonnement ne peut être prononcé cumulativement


avec une des peines privatives ou restrictives de droits prévues
à l’article 131-6, ni avec la peine de travail d’intérêt général.
La juridiction peut également prononcer une peine de sanc-
tion-réparation à la place ou en même temps que la peine
d’emprisonnement. Elle peut retenir cette possibilité lorsqu’un
délit est puni à titre de peine principale d’une seule peine
d’amende.
La sanction-réparation consiste dans l’obligation pour le
condamné de procéder, dans le délai et selon les modalités
fixées par la juridiction, à l’indemnisation du préjudice de la
victime. Avec l’accord de la victime et du prévenu, la répara-
tion peut être exécutée en nature. Elle peut alors consister en
la remise en état d’un bien endommagé ; cette remise en état
est réalisée par le condamné lui-même ou par un professionnel
qu’il choisit et dont il rémunère l’intervention. L’exécution de
la réparation est constatée par le procureur de la République
ou son délégué. Si le condamné ne respecte pas l’obligation de
réparation, il encourt le montant maximum de l’amende qui
peut lui être infligé ou la durée maximum d’emprisonnement,
qui ne peut toutefois excéder six mois.
L’instruction, facultative en cas de délit, se tient devant
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le juge d’instruction, sauf voie de recours exercée devant la


chambre de l’instruction. La comparution immédiate est la
procédure par laquelle un prévenu est traduit immédiatement
après sa garde à vue devant le tribunal correctionnel pour être
jugé. Cette procédure n’est actuellement prévue par la loi que
si l’auteur est majeur, et en cas de délit puni d’un à dix ans
d’emprisonnement (en cas de flagrant délit), ou de deux à
sept ans après enquête préliminaire. Elle peut également être
mise en œuvre lorsqu’un crime a été correctionnalisé. En vue
de la comparution immédiate, le procureur demande au juge
des libertés et de la détention le placement en détention provi-
soire. Ce dernier doit entendre l’intéressé avant de le placer
20 Introduction à la psychocriminologie

en détention provisoire ; s’il refuse le placement en détention


provisoire, la procédure de comparution immédiate s’arrête
aussitôt. S’il accepte le placement, la personne est placée en
détention provisoire en attendant le prononcé du jugement.
La durée de la détention ne peut toutefois pas excéder sept
jours. En matière délictuelle, l’action publique est prescrite au
bout de trois ans. La prescription de la peine est de cinq ans.
De façon analogue à la comparution immédiate, depuis la loi
du 5 mars 2007, les mineurs de plus de treize ans peuvent
faire l’objet d’une procédure spécifique de présentation immé-
diate devant le juge des enfants. Cette procédure concerne les
mineurs déjà connus par les juges des enfants. Ils sont alors
jugés par le tribunal pour Enfants dans un délai de 10 jours à
un mois, sauf renonciation expresse du mineur en accord avec
son avocat et ses parents.

2.3 Les crimes


Les crimes représentent les infractions jugées par la cour
d’assises et punies d’une peine criminelle. Aux crimes est
associée une peine de réclusion criminelle. La cour d’assises
est composée de trois magistrats professionnels (un président
conseiller de cour d’appel et deux assesseurs) assistés d’un gref-
fier, et de neuf jurés en premier ressort, douze en appel. Les
jurés sont des citoyens de plus de 23 ans tirés au sort dans
la population française à partir des listes électorales. La cour
d’assises des mineurs règle les cas des mineurs de plus de 16 ans
impliqués dans des crimes. La cour d’assises spéciales règle les
actes de terrorisme. Un magistrat du ministère public soutient
l’accusation.
Pour chaque crime, la loi prévoit une ou plusieurs peines.
Les crimes peuvent être commis contre les personnes ou contre
les biens et la chose publique. En voici quelques exemples :
les crimes contre les personnes concernent les homicides, les
La criminalité et la justice pénale 21

meurtres passionnels, les meurtres collectifs, les parricides, les


matricides, les infanticides, les sévices à enfants ; dans cette
catégorie, on intègre aussi les infractions sexuelles telles que
l’attentat à la pudeur, le viol, l’inceste. Les crimes contre les
biens et la chose publique intègrent l’escroquerie, l’incendie
volontaire, le crime en col blanc, etc.
Les peines sont des peines de réclusion criminelle ou de
détention criminelle et/ou d’amende, accompagnées le cas
échéant de peines complémentaires si la loi le prévoit.
Les peines criminelles encourues par les personnes physiques
sont :
• la réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpé-
tuité (par exemple pour assassinat) ;
• la réclusion criminelle ou la détention criminelle de
trente ans au plus (par exemple pour meurtre, trafic interna-
tional de stupéfiants en bande organisée) ;
• la réclusion criminelle ou la détention criminelle de
vingt ans au plus (par exemple pour tortures sur mineur de
15 ans ou organisation de groupement terroriste) ;
• la réclusion criminelle ou la détention criminelle de
quinze ans au plus (par exemple pour viol).

La durée de la réclusion criminelle ou de la détention crimi-


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

nelle est de dix ans au moins. Les peines de réclusion criminelle


ou de détention criminelle ne sont pas exclusives d’une peine
d’amende et d’une ou de plusieurs des peines complémentaires.
Les peines criminelles de droit commun sont punies par la
réclusion criminelle et les peines criminelles politiques sont
punies par la détention criminelle. La réclusion criminelle
ou la détention criminelle remplacent les travaux forcés ; la
réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité
remplacent depuis 1960 les travaux forcés à perpétuité. En fait,
cette réclusion criminelle à perpétuité n’est jamais exécutée en
totalité, les prisonniers étant souvent libérés avant la fin de leur
22 Introduction à la psychocriminologie

peine, soit par l’effet d’une grâce, soit pour bonne conduite.
Abolie par la loi du 9 octobre 1981, la peine de mort, qui avait
été présentée comme une mesure d’intimidation conforme au
principe de l’exemplarité de la peine, était fort heureusement,
depuis le début du xxe siècle, de moins en moins appliquée.
L’instruction est obligatoire pour les crimes et se tient à
deux degrés : en premier devant le juge d’instruction et en
second devant la chambre de l’instruction. La prescription
de la peine est de vingt ans. Les peines prévues pour chaque
infraction sont des peines maximales : la cour a donc la possi-
bilité de prononcer une peine moins forte, selon ce qui lui
semble convenable. Elle peut diminuer la peine, sous réserve
d’un seuil minimum (1 ou 2 ans selon que la peine encourue
est une peine perpétuelle ou à temps) éventuellement assortie
du sursis.
Outre la peine principale, la loi envisage pour certaines infrac-
tions une ou plusieurs peines complémentaires. Lorsqu’elles
sont prévues, la cour d’assises se détermine sur leur application.
Les peines complémentaires prononcées contre les personnes
physiques sont variées : interdiction (par exemple d’exercer des
droits civiques ou une fonction publique), déchéance, incapa-
cité ou retrait d’un droit, injonction de soins ou obligation de
faire, immobilisation ou confiscation d’un objet, confiscation
d’un animal, fermeture d’un établissement ou affichage de la
décision prononcée, ou encore diffusion de celle-ci, soit par la
presse écrite, soit par tout moyen de communication au public
par voie électronique.

2.4 Les modalités des peines


Le principe concernant le prononcé d’une peine est celui de
l’individualisation. Le ministère considère des décisions favo-
rables à l’accusé et des décisions défavorables.
La criminalité et la justice pénale 23

2.4.1 Les décisions favorables à l’accusé


Pour les peines inférieures ou égales à 5 ans d’emprison-
nement, la cour peut décider que la peine prononcée sera en
tout ou en partie assortie du sursis, qui suspend totalement ou
partiellement l’exécution de la peine. Le sursis peut être simple
ou avec mise à l’épreuve. Dans ce dernier cas, le délai d’épreuve
ne peut être inférieur à 18 mois ni excéder 3 ans. Pendant cette
période, le condamné doit se soumettre aux obligations fixées
par la cour (par exemple ne pas fréquenter certains lieux). Il
doit répondre aux convocations et se soumettre, à compter
de sa libération, aux mesures d’aide et de contrôle du juge de
l’application des peines. Ces mesures sont destinées à assurer
sa réinsertion sociale, à pourvoir à l’indemnisation des victimes
ou à prévenir le renouvellement de l’infraction.
Depuis la loi 2014-896 du 15 août 2014, un rendez-vous obli-
gatoire est mis en place pour évaluer la situation des détenus
aux deux tiers de leur peine, afin d’envisager leur sortie progres-
sive de prison. Cette « libération sous contrainte » (libération
comportant des mesures de restriction, d’obligation et/ou de
surveillance) peut être décidée par le juge d’application des
peines, en fonction du parcours et du projet d’insertion de la
personne détenue. Ce dernier détermine si les personnes en
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voie de sortie de prison peuvent bénéficier d’aménagements


tels que le régime de semi-liberté, le placement extérieur, la
surveillance électronique ou la libération conditionnelle.

2.4.2 Les décisions défavorables à l’accusé


Pour les majeurs condamnés, une période de sûreté peut
assortir les condamnations aux peines les plus sévères. Pendant
cette période, toute mesure de faveur envers les condamnés est
exclue (suspension ou fractionnement de peine, permissions
de sortie, semi-liberté et libération conditionnelle). Toutefois,
des autorisations de sortie sous escorte et des réductions de
24 Introduction à la psychocriminologie

peine peuvent être accordées pendant cette période, mais les


réductions ne sont imputables que sur la partie de la peine
excédant cette durée.
C’est la loi qui prévoit une période de sûreté obligatoire ou
facultative. La période de sûreté obligatoire peut être ordonnée
pour un certain nombre de crimes très graves (crimes contre
l’humanité, crimes terroristes, meurtres aggravés, tortures et
actes de barbarie, etc.). Cette période obligatoire ne concerne
que les condamnations à une peine supérieure ou égale à
10 ans. La durée de la période de sûreté obligatoire est de
la moitié de la peine en cas de condamnation à une peine
à temps, ou de 18 ans en cas de condamnation à la réclu-
sion criminelle à perpétuité. Toutefois, la cour d’assises peut,
par décision spéciale, fixer la durée de la période de sûreté
jusqu’aux deux tiers de la peine (pour les peines à temps), ou
jusqu’à 22 ans (pour les peines de réclusion criminelle à perpé-
tuité). À l’égard des personnes condamnées pour meurtre ou
assassinat perpétré sur un mineur de 15 ans et moins, précédé
ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, la
cour d’assises peut, par décision spéciale, porter la durée de la
période de sûreté à 30 ans ou décider, en cas de condamnation
à perpétuité, que le condamné ne pourra bénéficier d’aucun
aménagement de sa peine, quel que soit le temps écoulé depuis
sa condamnation.
La période de sûreté facultative peut être ordonnée en dehors
des cas où la loi ne fixe pas expressément une période de sûreté
(par exemple dans le cas d’un meurtre simple). La cour d’as-
sises peut prononcer une période de sûreté à condition de
condamner à une peine supérieure à 5 ans d’emprisonnement
sans sursis. La décision de la durée est prise à la majorité absolue
lors des délibérations. La durée de la période de sûreté ne peut
pas être supérieure aux deux tiers de la peine prononcée, ou
22 ans en cas de réclusion criminelle à perpétuité.
La criminalité et la justice pénale 25

2.5 Quelques principes


En vertu de l’article 55 de la Constitution du 4 octobre
1958, les traités ratifiés par la France ont une valeur préé-
minente aux lois. La loi pénale nationale est donc soumise
aux normes internationales. Ainsi, par exemple, une décision
rendue par un juge français ne peut-elle s’opposer à un prin-
cipe de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales depuis sa ratification
par la France en 1973. Il existe deux sources de droit pénal en
France : la loi et le règlement, la première étant votée par le
Parlement (Assemblée nationale et Sénat). Seul le législateur
est compétent en matière de crimes et de délits, contraire-
ment à ce qui se passe en matière civile ou commerciale, où
la coutume ne peut être source de droit pénal. Le règlement
repose sur le pouvoir exécutif en matière de contravention.
Cette compétence est exercée par le gouvernement ou par les
autorités locales, préfet ou maire. La loi française s’applique
aux infractions commises sur le territoire français, quelle que
soit la nationalité de l’auteur ou de la victime de l’infraction.
Au plan pénal, la loi française est applicable pour tout Français
commettant un crime hors du territoire de la République ou
un délit commis dans les mêmes conditions si les faits sont
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punis par la législation du pays où il a été commis. Il est


fait application du présent article alors même que le prévenu
aurait acquis la nationalité française postérieurement au fait
qui lui est imputé. De même, la loi pénale française est appli-
cable à tout crime, ainsi qu’à tout délit puni d’emprisonne-
ment commis par un Français ou par un étranger hors du
territoire de la République lorsque la victime est de nationalité
française au moment de l’infraction.
26 Introduction à la psychocriminologie

2.6 Des institutions


L’étude de la criminologie impose la présentation de
quelques institutions dans lesquelles elle est exercée. Nous
évoquerons assez rapidement la question des mineurs, car nous
l’avons traitée dans un autre ouvrage (Blatier, 2014).

2.6.1 Les maisons de justice et du droit


Le choix de rapprocher la justice des citoyens afin d’accélérer
le traitement de certains petits litiges a conduit à la création des
maisons de justice et du droit dans les communes ou les quar-
tiers, comme antennes des palais de justice. Des magistrats, des
policiers, des travailleurs sociaux, des avocats y tiennent des
permanences et traitent des affaires de petite délinquance. Les
mesures de réinsertion ainsi que les mesures alternatives aux
poursuites de petits litiges y sont traitées. La médiation et la
conciliation sont privilégiées. Les maisons de justice et du droit
ont une fonction importante notamment pour l’information,
le conseil juridique et la prévention.

2.6.2 Le rôle du juge des libertés et de la détention


Le juge des libertés et de la détention est un magistrat du
siège (magistrature assise) désigné par le président du tribunal
de grande instance. Il est spécialement compétent pour
ordonner, pendant la phase d’instruction d’une affaire pénale,
le placement en détention provisoire d’une personne mise en
examen ou la prolongation de la détention provisoire et pour
examiner les demandes de mise en liberté. Il est saisi par une
ordonnance motivée du juge d’instruction. Il est compétent en
matière d’enquêtes de police puisqu’il peut autoriser certaines
mesures policières telles que des écoutes téléphoniques ou des
perquisitions de nuit.
La criminalité et la justice pénale 27

2.6.3 Le rôle du juge de l’application des peines


Le juge de l’application des peines (JAP) est un magistrat du
tribunal de grande instance. Il est notamment chargé de suivre
l’exécution des peines privatives ou restrictives de liberté. Son
action s’inscrit dans un objectif de réinsertion et de préven-
tion de la récidive. Il détermine les principales modalités de
l’exécution des peines et veille à ce qu’elles soient adaptées à
la personnalité du condamné, à son comportement et à ses
efforts en vue de sa réinsertion sociale. Le JAP (juge de l’appli-
cation des peines) est assisté d’un service spécifique : le service
pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de l’adminis-
tration pénitentiaire. Le JAP est compétent pour prononcer
des mesures d’aménagement de peine en milieu fermé. Il peut
décider d’un placement à l’extérieur, d’une semi-liberté, d’une
réduction, d’un fractionnement et d’une suspension de peine,
d’une libération conditionnelle et d’un placement sous surveil-
lance électronique. En milieu ouvert, le JAP est chargé de suivre
et de contrôler le condamné dans l’exécution de sa peine. Il
s’agit, en général, d’un emprisonnement avec sursis et mise à
l’épreuve, d’un ajournement du prononcé de la peine, d’un
travail d’intérêt général, d’une liberté conditionnelle ou d’un
suivi socio-judiciaire.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le JAP peut délivrer un mandat d’amener en cas d’inobser-


vation par le condamné des obligations qui lui incombent,
ainsi qu’un mandat d’arrêt. En milieu libre (sursis avec mise
à l’épreuve, libération conditionnelle), le JAP vérifie que les
condamnés respectent leurs obligations (recherche d’emploi,
traitement médical, etc.).

2.6.4 Les établissements


de l’administration pénitentiaire
L’administration pénitentiaire est responsable des personnes
placées sous main de justice et privées de liberté et de celles qui
28 Introduction à la psychocriminologie

font l’objet d’une mesure de liberté surveillée ou d’un contrôle


judiciaire. Divers types de centres sont susceptibles d’accueillir
des détenus en fonction de la durée de la peine. Les maisons
d’arrêt accueillent en principe des prévenus (détenus en attente
de jugement) et des détenus condamnés à des peines de moins
d’un an ou dont le reliquat de peine n’excède pas un an, ou
les condamnés en attente d’affectation dans un établissement
pour peine (centre de détention ou maison centrale), ou pour
lesquels une procédure d’appel est en cours, ou bien qui sont
en cours de jugement pour une autre affaire. On compte une
maison d’arrêt (au moins) par département. Près des deux tiers
des établissements pénitentiaires sont des maisons d’arrêt.
Les établissements pour peine sont divisés en maisons
centrales, centres de détention, centres de semi-liberté et
centres pour peines aménagées, en fonction du type de popu-
lation pénale qu’ils accueillent. Il existe également des établis-
sements pénitentiaires spécialisés dans l’accueil des mineurs.
Les condamnés à une longue peine et/ou présentant des risques
sont détenus dans les maisons centrales, à vocation sécuritaire.
Les centres de détention sont des établissements pénitentiaires
recevant des détenus majeurs condamnés à des peines de durée
moyenne qui présentent les meilleures perspectives de réin-
sertion. La détention doit viser la resocialisation des détenus.
Des centres de semi-liberté permettent à des condamnés d’asso-
cier travail ou études à l’extérieur et peine d’emprisonnement
(le condamné retournant au centre de détention le soir). Des
personnels socio-éducatifs assistent les personnes condamnées
dans leur recherche de travail ou leur réinsertion. Les centres
pour peines aménagées (CPA) sont des établissements péniten-
tiaires qui reçoivent des personnes condamnées à de courtes
et moyennes peines, à moins d’un an de leur libération. Ils
ont pour objectif de développer un nouveau mode de prise
en charge de la petite et moyenne délinquance en donnant la
priorité à la réinsertion et à la prévention de la récidive. Le but
est également d’amener les condamnés à mettre en place un
La criminalité et la justice pénale 29

projet individuel dans le cadre d’un aménagement de peine.


L’affectation en CPA vise à favoriser l’autonomie et le sens des
responsabilités des détenus avec, à l’issue, le prononcé d’un
aménagement de peine (semi-liberté, placement à l’extérieur
ou libération conditionnelle, placement sous surveillance
électronique).
La France présente donc un dispositif conséquent d’accueil
de détenus, même si la surpopulation des maisons d’arrêt
impose une modification drastique des procédures d’accueil.
Pour avoir une bonne représentation de l’ensemble de la
justice pénale, il est fondamental de prendre connaissance de
l’ampleur du phénomène. C’est pourquoi nous allons examiner
les données chiffrées des crimes et délits afin de mieux estimer
ce qu’elles recouvrent.

3. La justice pénale en quelques chiffres

Les auteurs de la délinquance et de la criminalité graves


sont connus pour être, pour la plupart, de sexe masculin, en
moyenne âgés de 30 à 35 ans. Si cette activité concerne les
cités et les quartiers des zones suburbaines, elle se présente
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

aussi sous d’autres formes, touchant des personnes habitant


des quartiers plus aisés.
Nous avons évoqué dans différents ouvrages (Blatier, 2014 ;
Blatier et Robin, 2000) les précautions nécessaires à l’examen
des statistiques de la délinquance produites chaque année
par différents services et différents pays. Ces statistiques ne
reflètent pas l’ensemble du phénomène, mais informent sur
les faits de délinquance connus des services. C’est pourquoi
toute étude comparative entre les pays est complexe : les faits
de délinquance ne sont pas identifiés de façon semblable par
toutes les nations. L’un des problèmes majeurs est que les
30 Introduction à la psychocriminologie

politiques en matière criminelle ont des conséquences diffé-


rentes tant sur l’activité des services que sur les résultats quan-
tifiables de l’action des professionnels. Si le nombre de policiers
affectés à un quartier sensible est augmenté, le nombre de
faits de délinquance repérés sera plus important. Il faut donc,
pour évaluer l’importance de la délinquance, tenir compte
de façon concomitante de plusieurs éléments. On comprend
donc que présenter des données fiables sur la délinquance et
la criminalité soit une opération difficile. Les dépôts d’infor-
mations dans les mains courantes de gendarmerie et de police
sont également intéressants ; de même, les dépôts de plainte
rendent compte d’une partie de l’activité délinquante d’une
ville. Or il arrive fréquemment que les victimes d’incivilités
ou d’actes de vandalisme ne portent pas plainte. Les consé-
quences de tels actes sont assumées financièrement par les
assurances ou par les victimes elles-mêmes. Pourtant, certains
actes plus graves comme des viols ne sont pas non plus portés
à la connaissance des services de police et de gendarmerie. Les
victimes semblent craindre l’effet de la procédure plus qu’elles
n’espèrent en tirer un bénéfice.
Les statistiques émanant des services du ministère de la
Justice et de l’Administration pénitentiaire constituent une
autre source d’information. Ces données sont actualisées tous
les mois. Elles rendent compte de l’évolution sur quelques
années de l’activité des prisons, en étroite dépendance avec
celle des tribunaux. Les statistiques pénales des tribunaux
présentent l’activité des délinquants comme celle des services
de traitement de la délinquance (police, gendarmerie, tribu-
naux, prisons). Si un gouvernement appelle à une plus grande
vigilance vis-à-vis des auteurs d’agression sexuelle, par exemple,
une augmentation des chiffres relatifs aux délinquants sexuels
incarcérés ne devra pas être considérée uniquement comme le
reflet d’une augmentation de cette forme de criminalité, mais
pourra signaler une attention accrue des gendarmes, un temps
La criminalité et la justice pénale 31

plus important accordé par les services de police au traitement


des crimes sexuels, une accélération du traitement judiciaire
de ces affaires et/ou encore une plus grande pénalisation de
celles-ci (par exemple en allongeant la durée de la peine).
En outre, ces statistiques ne reflètent que la délinquance
répertoriée. Les informations sur les délinquants qui ont été
appréhendés servent à établir et à développer les connaissances
sur le phénomène criminel. Nous ne connaissons donc la
plupart du temps ce phénomène qu’à travers les faits traduits
devant la justice. Les statistiques elles-mêmes sont particuliè-
rement travaillées et finissent par poser la question de leur
fiabilité1. On finit par s’intéresser beaucoup plus à l’évolution
par rapport à l’année précédente qu’aux chiffres eux-mêmes.
Par voie de conséquence on peut se demander quelle politique
peut être conduite à partir de telles données.
Voici donc les statistiques en matière pénale, qui rendent
autant compte de l’état de la délinquance et de la crimina-
lité en France que des modalités de leur traitement et de leur
évolution (tableau 1.1, p. 32-34).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

1. Cf . le rapport à l’Assemblée nationale de la mission relative à la mesure


statistique des délinquances et de leurs conséquences, par les députés
Jean-Yves Le Bouillonnec et Didier Quentin, le 24 avril 2013.
Tableau 1.1 – Criminalité et délinquance constatées par les services de police et de gendarmerie (2012). 32
Direction centrale de la police judiciaire.
Gendarmerie nationale Police nationale Total
année 2012
(services de police et unités part part
de gendarmerie) nombre variation dans nombre variation dans nombre variation
le total le total
Atteintes volontaires à l’Intégrité 113 590 17,32% 23,44 370 974 –0,06% 76,56 484 564 3,54%
physique
Violences physiques non crapuleuses 70 584 13,62% 28,52 176 893 –1,48% 71,48 247 477 2,40%
dont homicides et tentatives d’homicides
pour autre motifs 548 9,60% 29,41 1 315 4,95% 70,59 1 863 6,27%
coups et blessures volontaires 57 540 6,64% 29,78 135 660 –1,99% 70,22 193 200 0,43%
prises d’otages dans un autre but,
séquestrations 468 –9,13% 22,36 1 625 –4,52% 77,64 2 093 –5,59%
homicides commis contre enfants de
moins de 15 ans 24 –22,58% 51,06 23 –11,54% 48,94 47 –17,54%
violences, mauvais traitements et
Introduction à la psychocriminologie

abandons d’enfants 7 289 105,32% 34,23 14 005 –2,33% 65,77 21 294 19,03%
violences à dépositaires autorité 4 715 32,18% 16,27 24 265 1,89% 83,73 28 980 5,84%
Violences physiques crapuleuses 10 544 16,14% 8,50 113 452 1,26% 91,50 123 996 2,38%
dont règlements de compte entre malfaiteurs 13 –38,10% 20,63 50 38,89% 79,37 63 10,53%
homicides et tentatives d’homicides pour
voler ou à l’occasion de vols 27 –12,90% 28,42 68 41,67% 71,58 95 20,25%
prises d’otages à l’occasion de vols 17 325,00% 70,83 7 –46,15% 29,17 24 41,18%
vols à main armée (armes à feu) 1 277 –9,11% 24,00 4 044 –6,41% 76,00 5 321 –7,07%
vols avec arme blanche 1 116 –6,92% 13,34 7 248 –6,36% 86,66 8 364 –6,43%
vols avec violence sans arme 8 094 26,09% 7,35 102 035 2,16% 92,65 110 129 3,60%
Violences sexuelles 11 026 38,87% 41,17 15 757 –1,09% 58,83 26 783 12,20%
dont viols sur majeur(e)s 1 564 –0,06% 31,51 3 399 –0,56% 68,49 4 963 –0,40%
viols sur mineur(e)s 2 949 19,54% 49,80 2 973 0,58% 50,20 5 922 9,20%
harcèlements sexuels et autres agressions
sexuelles contre des majeur(e)s 1 802 47,83% 30,41 4 124 –1,79% 69,59 5 926 9,38%
harcèlements sexuels et autres agressions
sexuelles contre des mineur(e)s 4 711 75,20% 47,24 5 261 –1,81% 52,76 9 972 23,92%
Menaces de violences 21 436 21,24% 24,84 64 872 1,89% 75,16 86 308 6,10%


Atteintes aux biens 654 807 3,99% 30,23 1 510 943 –0,39% 69,77 2 165 750 0,90%
Vols à main armée (armes à feu) 1 277 –9,11% 24,00 4 044 –6,41% 76,00 5 321 –7,07%
Vols avec violences sans arme à feu 9 210 20,90% 7,77 109 283 1,54% 92,23 118 493 2,82%
Vols avec entrée par ruse 2 043 –24,81% 25,66 5 918 1,34% 74,34 7 961 –6,97%
Cambriolages 150 700 11,01% 42,74 201 926 2,20% 57,26 352 626 5,79%
dont vols par effraction de résidences
principales et secondaires 98 688 13,38% 42,16 135 402 4,78% 57,84 234 090 8,24%
vols par effraction de locaux industriels,
commerciaux ou financiers 29 793 –0,36% 49,54 30 346 –9,58% 50,46 60 139 –5,24%
Vols liés à l’automobile et aux deux roues
à moteur 179 404 2,96% 32,86 366 551 –3,00% 67,14 545 955 –1,12%
Vols simples au préjudice des particuliers 192 525 –2,53% 30,86 431 310 3,03% 69,14 623 835 1,25%
Autres vols simples (a l’étalage, chantiers,
etc...) 65 392 3,43% 37,72 107 990 –2,03% 62,28 173 382 –0,04%
Destructions et dégradations de biens 54 256 14,99% 16,04 283 921 –3,66% 83,96 338 177 –1,08%
Escroqueries et infractions
économiques et financières 104 699 –11,66% 33,93 203 877 –11,94% 66,07 308 576 –11,85%
Escroqueries, faux et contrefaçons 91 358 –11,87% 33,32 182 799 –13,69% 66,68 274 157 –13,09%
Délinquance économique et financière 10 176 –1,23% 37,98 16 615 8,04% 62,02 26 791 4,32%
Infractions à la législation sur les chèques
(sf chèques volés) 3 165 –30,38% 41,49 4 463 2,20% 58,51 7 628 –14,42%
Criminalité organisée et délinquance
spécialisée 77,59
6 409 –2,70% 22,41 22 187 0,02% 28 596 –0,60%
Phénomènes de type urbain 83,79
4 743 31,82% 16,21 24 515 1,71% 29 258 5,62%
Violences à dépositaires de l’autorité 83,73
4 715 32,18% 16,27 24 265 1,89% 28 980 5,84%
Violences entre bande 89,93
28 –9,68% 10,07 250 –12,89% 278 –12,58%
Interventions pour différends
familiaux 92,15
17 327 –6,33% 7,85 203 418 1,90% 220 745 1,20%
Infractions révélées par l’action 75,45
90 574 4,31% 24,55 278 389 –5,80% 368 963 –3,50%
des services
12 243 10,85% 33,34 24 477 –3,89% 66,66 36 720 0,57%
Recels
La criminalité et la justice pénale

75 –1,32% 14,48 443 7,00% 85,52 518 5,71%


Proxénétisme 72,43
51 774 7,68% 27,57 135 987 –0,24% 187 761 1,82%
Infractions à la législation sur les stupéfiants
dont trafic et revente de stupéfiants 7 490 –17,63% 35,44 13 647 –2,02% 64,56 21 137 –8,19%
33

Débits de boissons, Alcool, Tabac 378 5,00% 41,36 536 –15,06% 58,64 914 –7,77%

34


Délits à la police des étrangers 8 689 –7,09% 11,11 69 551 –16,93% 88,89 78 240 –15,94%
Port ou détention d’armes prohibées 5 068 –1,11% 15,76 27 087 –7,00% 84,24 32 155 –6,12%
Délits des courses et jeux 19 –34,48% 5,21 346 25,82% 94,79 365 20,07%
Délits d’interdiction de séjour et de paraître 103 13,19% 36,27 181 9,04% 63,73 284 10,51%
Atteintes à l’environnement 2 204 –17,88% 85,79 365 5,19% 14,21 2 569 –15,24%
Chasse et pêche 1 188 –7,62% 93,76 79 –2,47% 6,24 1 267 –7,32%
Faux documents d’identité 600 –12,92% 8,99 6 073 1,74% 91,01 6 673 0,23%
Faux documents concernant circulation
véhicules 981 –2,29% 25,15 2 919 3,07% 74,85 3 900 1,67%
Autres faux documents administratifs 1 532 36,06% 36,47 2 669 3,73% 63,53 4 201 13,57%
Travail clandestin 4 933 –0,62% 47,58 5 434 4,54% 52,42 10 367 2,02%
Emploi d’étranger sans titre de travail 621 –8,14% 22,84 2 098 –7,04% 77,16 2 719 –7,30%
Marchandage – prêt de main d’œuvre 166 –32,24% 53,55 144 –4,00% 46,45 310 –21,52%
Infractions routières (*) 146 991 –7,10% 51,67 137 514 –5,60% 48,33 284 505 –6,38%
Introduction à la psychocriminologie

Conduites sans permis de conduire 32 711 7,60% 34,37 62 462 –2,60% 65,63 95 173 0,68%
Conduites sous l’emprise d’un état
alcoolique 77 594 –16,95% 55,19 63 009 –11,07% 44,81 140 603 –14,41%
Conduites sous l’emprise de produits
stupéfiants 21 011 17,18% 72,15 8 110 10,61% 27,85 29 121 15,28%
Conduites sous l’emprise d’un état
alcoolique et sous l’emprise de produits
stupéfiants 2 286 20,70% 52,99 2 028 20,50% 47,01 4 314 20,60%
Les grands excès de vitesse 13 389 –8,11% 87,54 1 905 14,14% 12,46 15 294 –5,83%
La criminalité et la justice pénale 35

Pour donner une idée des condamnations, sur une année


donnée, plus de 686 000 ont été prononcées, dont près de
2 700 crimes, 639 000 délits, 45 000 contraventions de
5e classe1. Parmi les affaires portées devant la justice, un certain
nombre se révèle non poursuivables. Parmi ces affaires pour-
suivables, près de 39 % ont donné lieu à des procédures alter-
natives2 réparties comme suit :
• médiations et réparations pour les mineurs (5 %) ;
• orientations vers des structures sanitaires, sociales ou
professionnelles (3 %) ;
• régularisations ou plaignants désintéressés (22 %) ;
• rappels à la loi, avertissements (50 %) ;
• autres poursuites ou sanctions non pénales (20 %).
Par ailleurs, le bilan des offices centraux témoigne de l’impli-
cation de l’ensemble des services contre toutes les formes de
la délinquance pour lesquelles il constate une recrudescence.
Nous pouvons en citer ici quelques-uns. L’Office central de
lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’informa-
tion et de la communication (OCLCTIC) traite chaque année
des affaires de terrorisme, xénophobie, chantage, violence
sur Internet, ou encore de pédopornographie, incitation à
l’usage de stupéfiants, incitation à la violence urbaine. L’Office
central pour la répression de la grande délinquance financière
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(OCRGDF) surveille des comptes bancaires et des transferts


d’argent et lutte contre le blanchiment. L’Agence de gestion
et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)
a conduit à l’arrestation d’auteurs de vols à main armée
d’agences bancaires, de bureaux de poste ou de commerces.
L’office central pour la répression des violences aux personnes
(OCRVP) est chargé de coordonner sur le plan national la lutte

1. Les chiffres clés de la Justice, 2013.


2. INHESJ/ONDRP-Rapport 2013.
36 Introduction à la psychocriminologie

contre les infractions violentes à l’encontre des personnes et


s’occupe des disparitions inquiétantes de personnes. Il est
composé de fonctionnaires de la police nationale et de mili-
taires de la gendarmerie nationale et travaille au bénéfice de
ces deux directions. Dans le cadre de sa mission de police
judiciaire, il est placé sous le contrôle de l’autorité judiciaire.
L’OCRVP est compétent en matière de lutte contre les infrac-
tions violentes à l’encontre des personnes et notamment les
homicides, tentatives d’homicides et autres violences graves
contre l’intégrité physique ou psychique de la personne, les
viols et agressions sexuelles et leurs tentatives, la pédopor-
nographie, les séquestrations et les enlèvements. Il est ainsi
responsable du bon fonctionnement du dispositif national
« Alerte-Enlèvement ». À cet égard, il est chargé, notamment,
de la gestion et de l’exploitation des appels téléphoniques ainsi
que des courriers électroniques. L’Office central pour la répres-
sion de la traite des êtres humains (OCRTEH) a démantelé un
certain nombre de réseaux de proxénétisme. L’Office central
pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS)
place en garde à vue et fait écrouer des trafiquants, suite à des
commissions rogatoires, y compris internationales ; il opère
des saisies douanières et arrête des passeurs. L’Office central
de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) a permis la
mise hors d’état de nuire d’équipes structurées de malfaiteurs
itinérants, spécialistes de la criminalité organisée agissant sur
l’ensemble du territoire national mais également à l’étranger.
Ces services sont très spécialisés, alors que l’ensemble de la
délinquance concerne des délits et des crimes de nature plus
commune. Les peines de prison sont habituellement requises
pour les crimes et les délits les plus graves. Le temps passé en
prison varie en fonction des faits, mais on peut reconnaître un
temps moyen d’incarcération. Dans l’ensemble des condamnés
pour délit, plus des trois quarts font un séjour en prison infé-
rieur ou égal à un an, le temps moyen étant de 7,2 mois en
2005, de 8,4 mois en 2007 et de 9,8 mois en 2012. Les données
La criminalité et la justice pénale 37

présentées ici sont les plus détaillées accessibles à ce jour. Elles


permettent de préciser l’activité des délinquants comme les
réponses judiciaires.

3.1 Statistiques pénitentiaires


Les statistiques permettent de faire une comparaison entre
différentes années et de voir l’évolution pour chaque caté-
gorie. Voici pour commencer une comparaison entre quelques
années, bien que les intervalles ne soient pas égaux entre ces
années (tableau 1.2).

Tableau 1.2 – Population pénitentiaire en milieu fermé au 1er janvier

Année 1991 1998 2008 2013 2014


Nombre Nombre %
Population incarcérée
Catégorie
pénale des
45 420 53 845 64 003 78 363 77 883
personnes
incarcérées
Prévenus 20 580 21 591 16 797 16 795 16 622 21,3
Condamnés 24 840 32 254 47 206 61 568 61 261
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Sexe
Hommes 41 944 51 709 61 624 75 639 75 193
Femmes 1 969 2 136 2 379 2 724 2 690 3,45
Âge 24 76 77 0,1
Moins
500 593 650 0,9
de 16 ans
De 16 ans
à moins 4 433 4 147 4 894 61 66 6,9
de 18 ans

38 Introduction à la psychocriminologie


Année 1991 1998 2008 2013 2014
Nombre Nombre %
De 18 ans
à moins 8 912 8 484 10 867 640 668 17,3
de 21 ans
De 21 ans
à moins 10 396 10 698 12 382 5 446 5 412 20,4
de 25 ans
De 25 ans
à moins 11 992 15 621 16 689 13 610 13 506 26,4
de 30 ans
De 30 ans
à moins 5 483 9 132 10 685 16 099 15 872 16,3
de 40 ans
De 40 ans
à moins 1 744 3 673 5 395 20 658 20 541 8,0
de 50 ans
De 50 ans
à moins 429 1 421 2 364 12 674 3,7
de 60 ans
60 ans
12 745 6 203 6 241
ou plus
Nationalité (en %)
Français 68,0 69,8 80,9 2 901 2 903 36,6
Étrangers 28,5 24,4 19,0 Européens Européens
Non
0,2 0,1 0,1 5 215 5 330
déclarée
Source : sous-direction de la Statistique, des Études
et de la Documentation, 2014.

En janvier 2014, le nombre de personnes sous écrou était


de 77 883. Près de 9 591 étaient placées sous surveillance
électronique en aménagement de peine et 570 en fin de
peine, et près 647 condamnés étaient placés à l’extérieur non
hébergés, soit 67 075 écroués détenus. Parmi ces derniers,
La criminalité et la justice pénale 39

16 622 étaient prévenus, dont 1 765 condamnés en semi-


liberté, 375 condamnés en placement à l’extérieur hébergés, et
48 313 condamnés sans aménagement de peine. La proportion
de femmes écrouées représente 3,45 % (soit 2 690 femmes),
dont un tiers de prévenues (707). Les mineurs représentent 1 %
de l’ensemble des détenus (soit 734), dont 62 % de prévenus.
Actuellement plus de 170 000 personnes sont suivies en milieu
ouvert. La France dispose de 190 établissements pénitentiaires
(98 maisons d’arrêt, 85 établissements pour peine, 6 établisse-
ments pénitentiaires pour mineurs). Sept nouveaux établisse-
ments pour majeurs et deux quartiers pour les courtes peines
(QCP) devraient ouvrir, soit 5 130 places supplémentaires. De
plus, 103 services pénitentiaires d’insertion et de probation
(SPIP) accompagnent les détenus.
Au cours d’une année, en fonction notamment des poli-
tiques pénales, les statistiques de la population écrouée peuvent
évoluer, comme en témoigne le tableau 1.3. Le taux de déten-
tion est de 99,1 personnes détenues pour 100 000 habitants.
L’âge moyen de ces personnes est de 34,3 ans.

Tableau 1.3 – Répartition de la population écrouée détenue


selon la catégorie pénale et le sexe au 1er septembre 2014
(direction de l’Administration pénitentiaire).
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Catégorie
Hommes Femmes Total
pénale
Prévenus 15 206 703 16 795
Condamnés 59 542 2 026 61 568
Total 75 639 2 724 78 363

3.2 L’évolution des réponses pénales


Il est intéressant de réaliser une comparaison de la délin-
quance et de la criminalité au cours des années. On peut ainsi
regarder, par exemple, entre 1995 et 2005, en intégrant les
40 Introduction à la psychocriminologie

années intermédiaires, et ajouter des données plus récentes,


de 2012 et 2014. Il ne s’agit donc pas d’une stricte compa-
raison entre ces deux premières années mais de la prise en
compte d’une certaine évolution. Lorsque ce sera possible, car
un certain nombre de catégories ont changé, on indiquera les
chiffres récents.
Le premier constat est que la population carcérale n’a cessé
d’augmenter : de 51 623 en 1995 (47 160 en 1991) elle est
passée à 62 438 en 2005, à 68 244 en 2009, et à 67 075 en
2014 en raison de décisions politiques visant à renforcer les
peines alternatives (statistiques de l’Administration péniten-
tiaire). Les incarcérations sont principalement effectuées pour
des délits (entre 70 % et 80 %) plutôt que pour des crimes.
On a assisté à une augmentation du recours à la comparu-
tion immédiate, qui a doublé au cours de ces années, et aux
mandats de dépôts. La répression a été plus importante et le
nombre de mises en détention a suivi une nette croissance.
On compte au moins 10 000 condamnations de plus tous
les 10 ans. Le taux de prévenus sur dix ans a évolué de façon
inverse : il est passé de 33,6 % en 2005 à 25 % en 2014. En
1995, le vol et le trafic de stupéfiants représentaient les infrac-
tions les plus importantes, de l’ordre de 20 %. Il est passé à
14,2 % en 2012. En 2005, les détenus ont principalement
été incarcérés pour des faits de viol et d’agression sexuelle
(7 962), violence, et violence sur mineur (6 382), trafic de
stupéfiants (5 581), vol qualifié (3 269) et pour crime de sang
(3 226). En 10 ans, on a assisté à une augmentation de 11 %
des violences sur mineur et de 9 % des viols et agressions
sexuelles. En 2012, les condamnations faisaient principale-
ment suite à des violences volontaires (15 236, soit 26.5 %),
au trafic de stupéfiants (8 175, soit 14,2 %), au viol, à l’agres-
sion ou aux atteintes sexuelles (7 722, soit 13,4 %) ou au vol
qualifié (6 479, soit 11,3 %).
La criminalité et la justice pénale 41

On note en une dizaine d’années une augmentation de la


durée des peines pour les crimes et les délits. Les peines crimi-
nelles d’une durée de 20 à 30 ans ont été plus nombreuses.
Le taux de condamnations à perpétuité est resté stable. L’âge
moyen des détenus est passé de 29,8 ans en 1995 à 32,2 ans
en 2005 pour les hommes et de 29,8 ans à 34,5 ans pour les
femmes ; en 2014, il est resté stable pour les femmes et s’est
établi à 34,1 ans pour les hommes. Les mineurs comme les
jeunes majeurs âgés de 18 à 21 ans sont en nombre stable (en
moyenne respectivement 700 et 4 600). Les condamnations
prononcées pour les moins de 21 ans ont été d’une durée
moyenne inférieure à une année. Les mineurs, les femmes
et les personnes de plus de 50 ans ont été plus nombreux
dans la catégorie des prévenus que dans celle des condamnés.
L’incrimination des femmes concerne en premier lieu des
crimes de sang et des meurtres (20 %). Celle des hommes porte
sur des violences sexuelles (22,5 %). Les femmes sont plus
nombreuses à être condamnées qu’auparavant. En revanche,
le taux de féminité en détention est assez constant (3,6 % en
2005, 3,7 % en 2009, et 3,4 % en 2014).
Le niveau scolaire des détenus est très faible. Actuellement
plus de 60 % suivent une formation de base de type alphabéti-
sation, illettrisme, remise à niveau, préparation au certificat de
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formation générale. La plupart des détenus sont de nationalité


française (79,3 % comme indiqué en 2005) ou européenne
(36.9 % comme indiqué en 2012).
Si les peines privatives de liberté (fermes) représentent un
cinquième des sanctions pour les délits et environ 90 % pour
les crimes, en matière de délit les sanctions les plus fréquentes
sont le sursis total ou le sursis simple avec mise à l’épreuve
ou non, et l’amende. Les peines privatives de liberté ne sont
pas exécutées dans leur totalité en détention et il est probable
que cette tendance se renforce, notamment avec la loi 2014-
896 sur l’individualisation des peines. Certains y voient une
42 Introduction à la psychocriminologie

érosion des peines, tandis que d’autres insistent dans le sens


de la recommandation du Conseil de l’Europe sur la nécessité
de favoriser l’aménagement des peines de façon à encourager
la réadaptation du condamné (comme le mentionnait déjà
Aubusson de Carvalay, 2002). Toutefois, ce mouvement doit
être réalisé vers une individualisation de la peine avec un
accompagnement pour que la mesure soit porteuse de sens.
Sans cela, les aménagements de peine risquent de perdre toute
signification pour l’évolution personnelle du détenu et de se
cantonner à une simple facilitation du processus lié au milieu
fermé.
L’analyse de l’évolution des condamnations recensées par
l’Administration pénitentiaire permet de rendre compte d’une
plus grande pénalisation au fil des ans (Lemoussu, 2004). Pour
les crimes et délits les plus couramment sanctionnés, l’aug-
mentation de la durée de l’emprisonnement ferme et de la
réclusion criminelle (dénomination de la privation de liberté
à partir de 10 ans pour les crimes) est nette (cf. tableau 1.4).
Cette augmentation correspond à une tendance de fond
constatée dans les études réalisées sur les condamnés depuis
le début des années 1970, par une multiplication par deux ou
par trois des longues peines, en particulier entre 5 et 20 ans.
La loi du 10 août 2007 sur les peines planchers a introduit des
peines minimales en cas de récidive et prévu des conditions
de dérogation.
La criminalité et la justice pénale 43

Tableau 1.4 – Flux annuels d’entrées sous écrou et indicateur


du temps moyen passé sous écrou (Tournier, OPALE, 2012).

1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010


(Métro- (Métro- (Métro- (Métro- (Métro- (Métro- (France (France
pole) pole) pole) pole) pole) pole) entière) entière)
Entrées
annuelles 77 117 96 955 82 917 78 442 82 860 65 251 85 542 82 725
(E)
Population
moyenne 27 757 37 306 42 777 45 537 52 141 46 333 59 791 67 317
(P)1
Durée
moyenne
sous écrou 4,3 4,6 6,2 7,0 7,6 8,5 8,4 9,8
(d, en
mois)2
12

Les peines minimales ont été retenues dans environ 40 % des


cas éligibles. L’impact sur les peines prononcées a été surtout
sur l’augmentation du quantum d’emprisonnement ferme.
Après quelques années d’expérimentation, ce dispositif n’a
pas été jugé efficace et il a été proposé de le supprimer. La
suppression des peines planchers est intervenue par la loi du
15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renfor-
çant l’efficacité des sanctions pénales.
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Les aménagements de peine sont encore trop rares : plus


des trois quarts des condamnés détenus sortent de prison sans
bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle, d’une
semi-liberté, ou d’un placement à l’extérieur. La solution qui se

1. Moyenne sur les effectifs au premier jour de chaque mois (statistiques


de l’administration pénitentiaire).
2. Cet indicateur du temps moyen passé sous écrou (d) est calculé à partir
de la formule P = E × d (où P est l’effectif moyen au cours de l’année
et E le nombre de mises sous écrou dans l’année), formule qui repose
sur l’hypothèse de stationnarité (mises sous écrou annuelles constantes,
calendriers des sorties identiques pour toutes les cohortes d’écroués).
44 Introduction à la psychocriminologie

développe est celle du placement sous surveillance électronique.


Elle intervient soit comme mesure de contrôle judiciaire, soit
d’aménagement de peine comportant un système électronique
de contrôle à distance de la présence ou de l’absence d’une
personne sur un lieu où elle a été assignée par une décision de
justice. Ce placement peut être ordonné soit par le juge d’ins-
truction ou le juge des libertés et de la détention dans le cadre
d’un contrôle judiciaire pour une personne prévenue, soit par le
juge de l’application des peines pour une personne condamnée
à une peine privative de liberté. La juridiction de jugement peut
prononcer une mesure de placement sous surveillance électro-
nique dès l’audience de jugement. Cette mesure, qui requiert
l’accord des intéressés, concerne les personnes prévenues ou
condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté
dont la durée n’excède pas un an ou les personnes condam-
nées avec un reliquat de peine inférieur ou égal à un an. Les
seules conditions sont celles d’avoir un domicile fixe ou un
hébergement stable, au moins pendant la durée du placement
sous surveillance électronique, et de posséder une ligne de
téléphone fixe. Une enquête de faisabilité est réalisée, permet-
tant d’étudier la situation matérielle, familiale et sociale de
la personne. Le dispositif consiste en un bracelet, porté à la
cheville ou au poignet, dont l’émetteur transmet des signaux
à un récepteur situé dans le lieu d’assignation. Les heures d’as-
signation sont établies en fonction d’une éventuelle activité
professionnelle ou d’un stage, de la vie familiale ou de l’inser-
tion sociale du condamné. Le récepteur transmet les informa-
tions à un centre de surveillance. Si la personne ne respecte
pas les heures d’assignation ou tente d’enlever son bracelet, le
système lance une alarme au centre de surveillance. En cas de
non-respect de la mesure, la personne peut être placée en déten-
tion. Actuellement, les personnes bénéficiaires de cette mesure,
contrairement à la majorité des autres personnes entrant en
prison, sont mariées ou vivent maritalement, ont un niveau
scolaire plus élevé, exercent majoritairement une activité
La criminalité et la justice pénale 45

professionnelle ou recherchent un emploi. La surpopulation


carcérale incite à un recours accru à cette mesure, notamment
pour les prévenus et les courtes peines.

3.2.1 Délinquance des mineurs et délinquance


des majeurs
Il existe différentes sources susceptibles de prendre la mesure
du crime en France et dans les pays européens. La question a
déjà été traitée pour ce qui concerne la délinquance des mineurs
en Europe (Blatier et Robin, 2000). Les faits de délinquance sont
majoritairement commis par des adultes. La part prise par les
mineurs est variable selon les catégories et les pays ; elle peut
atteindre jusqu’à 25 %.
Les mineurs débutent le plus souvent leurs actes délinquants
autour de l’âge de treize ans. Soit cette délinquance est transi-
toire et s’arrête autour de 18 ou 19 ans, soit elle se constitue en
phénomène persistant jusqu’à 25 ou 30 ans, voire plus. Certains
auteurs comme Gottfredson et Hirschi estiment que ces chiffres
reflètent plus une distribution des crimes que la propension à
commettre ces crimes. En effet, il est fondamental de considérer
la délinquance des mineurs comme un phénomène sur lequel
il est possible d’intervenir.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les mineurs délinquants se rendent principalement respon-


sables d’actes de vandalisme, de vols et de cambriolages. On
connaît le mode d’entrée dans la délinquance et son développe-
ment. Nous ne détaillerons pas ici la délinquance des mineurs
car elle a fait l’objet d’un vaste ouvrage auquel le lecteur peut
se référer (Blatier, 2014). À partir de 18-25 ans, l’abandon de
l’activité délinquante a été expliqué par une modification du
comportement due le plus souvent à un changement social,
familial ou une insertion professionnelle. Pour mieux connaître
les spécificités de la délinquance, le recours à une méthode de
recueil d’informations peut se révéler très utile.
46 Introduction à la psychocriminologie

3.2.2 Méthode de délinquance auto-rapportée


L’une des premières mesures de délinquance auto-rapportée
a été réalisée par Nye et Short. Ces chercheurs ont eu l’idée
de questionner des personnes sur des actes qu’elles auraient
commis, parmi lesquels figuraient des actes de délinquance.
Cette pratique, basée sur l’anonymat, repose sur l’aveu, par
les individus eux-mêmes, des actes commis pénalement
répréhensibles. Elle a été depuis lors très utilisée (par Eliott
et Huizinga, ou encore Junger-Tas). Les enquêtes de délin-
quance auto-révélée portent bien évidemment une marque
de suspicion : on peut se demander si les personnes inter-
rogées déclarent bien la vérité. Il n’est pas possible de s’en
assurer parfaitement. Toutefois, un certain nombre de ces
études comprennent des questions qui se recoupent, ce qui
permet de vérifier la tendance des personnes à dire la vérité
ou à la travestir. L’intérêt d’une telle méthode a été analysé par
Hindelang, Hirschi et Weis. Ces chercheurs ont montré une
assez bonne corrélation (de .72) entre les informations données
par les parents concernant les actes de délinquance de leur
enfant et la délinquance auto-rapportée par ces derniers. Des
résultats similaires ont été obtenus dans des études ultérieures.
Le constat effectué par Born (1983, 2005) à partir d’enquêtes
réalisées auprès de délinquants avérés est que les jeunes les
plus conformes aux normes ont tendance à moins révéler
et les jeunes les plus délinquants à en rajouter. Ces derniers,
se sachant identifiés par la justice, n’hésitent pas à en faire
mention, voire à ajouter quelques méfaits. Dans une autre
analyse, Born a pu constater la concordance entre les données
de délinquance auto-révélée et les dossiers du parquet de la
jeunesse à la même époque, montrant que certains jeunes
étaient effectivement déjà installés dans la délinquance et que
certaines déclarations étaient très concordantes.
Il apparaît donc que la méthode de délinquance auto-révélée
peut renforcer la connaissance du phénomène délinquant, en
élargissant la représentation que nous avons (cf. les travaux de
La criminalité et la justice pénale 47

Roché, 2003) : non pas simplement les délinquants répertoriés


par un système policier doublé d’un système judiciaire, mais
les faits de délinquance au quotidien, qu’ils soient repérés ou
non par la police ou la gendarmerie.

3.3 La compréhension psycho-criminologique


et l’émergence de modèles
Comme nous l’avons vu, la psychologie a apporté son
concours à la criminologie, car elle était susceptible d’ap-
porter des explications au phénomène criminel. Il s’agissait
alors d’essayer de comprendre les motivations de l’acte délin-
quant comme la personnalité du délinquant ou du criminel.
Finalement, ces deux approches ont été rapidement considé-
rées comme indissociables.
La psychologie appliquée à la criminologie s’efforce de
mieux comprendre le criminel et les processus de son enga-
gement dans la criminalité. Elle met au point des mesures de
protection pour éviter l’entrée dans la criminalité et analyse
l’intérêt des mesures de suivi pour la prévention de la récidive.
La criminologie clinique vise à développer un soin approprié au
criminel en fonction de sa problématique psychologique et des
faits commis. On comprend dès lors pourquoi la criminologie
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

clinique a été longtemps critiquée par la criminologie de la


réaction sociale. Elle a repris de la vigueur à la suite des travaux
de Pinatel sur la personnalité criminelle, de ceux de LeBlanc
sur la personnalité délinquante, et des réflexions autour de
la question des délinquants sexuels et de leur traitement. La
criminologie clinique a développé peu à peu une approche
centrée sur l’individu, en vue d’une meilleure connaissance
du criminel, de sa conduite et des possibilités de modification
de celle-ci.
On pourrait faire débuter une approche criminologique
centrée sur l’individu à l’apport de Tarde et de Dilthey à la
48 Introduction à la psychocriminologie

fin du xixe siècle, cherchant à comprendre l’individu et son


psychisme à partir des signes manifestes. C’est sous l’influence
de De Greef, insistant sur la concordance biologique et psycho-
logique, que la théorie se forgea une base pluridisciplinaire.
Il fut suivi par Di Tullio et Lombroso, prônant avec Garofalo
la réalisation d’un examen médico-social et psychologique
et l’intégration des informations de la famille du sujet, cet
examen permettant de réintégrer les éléments biologiques et
sociologiques.
Kretschmer travailla à l’identification des tempéraments,
Sheldon repéra des types, en fonction de besoins et de réac-
tions. On distingua des asociaux (alcooliques, criminels d’ha-
bitude) et des antisociaux (agressifs, énergiques). Plus tard,
des professionnels du monde socio-judiciaire distinguèrent
les délinquants d’occasion des délinquants d’habitude. Les
premiers présentaient une délinquance temporaire, s’expri-
mant à la faveur d’un contexte précis ou se trouvant dans un
état psychologique particulier (voir le crime passionnel). Ce
n’est donc pas parce qu’il s’agissait d’un délinquant d’occasion
que le crime n’était pas grave ; au contraire, le délinquant
d’habitude était considéré le plus souvent comme étant mal
adapté socialement.
La criminologie s’est donc efforcée peu à peu de construire
des théories susceptibles d’expliquer le crime et la criminalité.
Nous allons les explorer.
2
Cha
pi
tre

LES THÉORIES
EXPLICATIVES
DU CRIME
ET LE MODÈLE
BIO-PSYCHO-SOCIAL
aire
m
So m

1. Les explications précontemporaines


de la criminalité........................................................... 51
2. Les facteurs biologiques :
l’approche biomédicale du criminel........................... 53
3. Les théories sociales et psychologiques
contemporaines du crime........................................... 66
1. Les explications précontemporaines
de la criminalité

Les premiers efforts pour comprendre et expliquer le crime


ont porté, avec les travaux de Lombroso, sur l’homme criminel.
La psycho-criminologie reposait alors sur la connaissance du
délinquant. À la suite du courant d’analyse majoritairement
médical, une orientation sociale a été donnée, notamment
par Ferri, distinguant cinq catégories de criminels : les crimi-
nels-nés, les aliénés, les criminels d’habitude, les criminels
d’occasion et les criminels par passion. Il a repéré une absence
d’évolution dans la criminalité d’un milieu donné en l’absence
de modification des conditions sociales. Au début du xxe siècle,
Garofalo, magistrat professeur de droit criminel, s’efforça de
rassembler toutes les disciplines intéressées à l’étude du crime,
responsable selon lui d’une atteinte aux sentiments altruistes
primordiaux que sont la pitié et la probité. Garofalo qui repré-
sente, avec Lombroso et Ferri, l’École positive italienne, marqua
ainsi un déplacement de l’intérêt de l’individu à la société.
Un ajout considérable fut apporté par le belge Quetelet sur
des points précis dans l’analyse de la criminalité : âge, sexe,
degré d’instruction, influence des saisons, fréquence des délits
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

par individu et par année. Cet effort d’objectivation ne sera


jamais démenti. À partir d’éléments repérés et traités au titre
de variables, Quetelet projeta une probabilité statistique de
commission de différents crimes pour un individu en fonction
de certains de ces paramètres.
L’école positive repérée dans la seconde moitié du xixe siècle
travaille sur la personnalité criminelle. Le terme de positive
est appliqué en vertu du fait que, de façon systématique, se
fondant sur une analyse empirique des causes du crime et de la
délinquance, cette théorie conclut que les facteurs personnels,
sociaux et environnementaux déterminent le comportement
52 Introduction à la psychocriminologie

criminel. À ce titre, plusieurs théories modernes pourraient être


appelées positives. Le système de valeur des criminels inspire
leur comportement : vivre dans un milieu dont les valeurs sont
délinquantes conduit à la délinquance. Si ce milieu n’est pas
porteur de valeurs délinquantes, l’individu n’est pas poussé à
la délinquance.
C’est pourquoi Gabriel Tarde, à la fin du xixe siècle, a défendu
l’idée d’une délinquance liée au milieu et à l’environnement
familial. On insista alors sur le rôle de l’acteur, dans un envi-
ronnement plus ou moins favorable. Ses travaux sur l’imitation
ont été souvent repris, à partir de trois idées phares :
• le facteur de proximité ;
• de hiérarchie, car les supérieurs sont plus imités ;
• l’effet de mode, qui joue plus favorablement encore dans
un sens de récence (les modes les plus récentes prenant le pas
sur les plus anciennes).

Depuis certains fondateurs comme Ferri (1857-1929), la


criminologie a retenu l’importance des facteurs socio-écono-
miques de la délinquance, tels que la densité de population, le
chômage, la misère. Elle s’est alors présentée essentiellement
comme une sociologie criminelle s’intéressant aux interactions
entre ces différents facteurs d’ordre biologique et social, aux
niveaux individuel et collectif. La criminologie sociologique est
apparue alors en tant que telle avec, au fil du temps, l’élabora-
tion de différentes théories, principalement de quatre types :
• les théories culturalistes, qui s’intéressent aux raisons indi-
viduelles et sociales de la délinquance ;
• les théories de la tension, qui expliquent l’écart entre le
souhait d’intégrer une société et les difficultés afférentes ;
• les théories rationnelles, qui insistent sur la responsabilité
de l’auteur et de son choix dans les crimes ;
• les théories dites de la réaction sociale, qui considèrent
l’interaction entre le délinquant et la réponse du système
pénal.
Les théories explicatives du crime 53

Nous détaillerons chacune de ces théories après avoir décrit


l’approche biomédicale du criminel.

2. Les facteurs biologiques :


l’approche biomédicale du criminel

Une question fréquente concernant la délinquance et


la criminalité porte sur l’existence de facteurs héréditaires
ou congénitaux. La psychologie s’intéresse fortement à ces
données biologiques.

2.1 Théories initiales


Jusqu’au milieu du xixe siècle, la criminologie a surtout été
dominée par une approche médicale. D’inspiration darwi-
nienne, certaines conceptions des causes de la délinquance
apparaissent aujourd’hui surannées. C’est le cas de la théorie
de Lombroso, évaluant l’homme criminel à partir de l’examen
morphologique de détenus, repérant un violeur par des oreilles
allongées, des yeux plus rapprochés, un crâne aplati et un
menton allongé. Il y ajouta quelques caractéristiques psycho-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

logiques et environnementales. Il reste que Lombroso a déve-


loppé une criminologie s’appuyant sur des méthodes précises.
De même Kretschmer, comme Sheldon (1940), a associé la
physiologie à des traits de caractère dans une théorie fondée
sur le somatomorphisme : les endomorphes (trapus, aux
membres courts, extravertis, aimant un certain confort), les
mésomorphes (aux épaules carrées, musclés, actifs, étaient
vus comme dynamiques et agressifs), les ectomorphes (aux
membres fins et au corps allongé, repérés comme introvertis
et hypocondriaques). Ces hypothèses n’ont reçu aucune
vérification.
54 Introduction à la psychocriminologie

Il a beaucoup été question du chromosome masculin surnu-


méraire notamment repéré par Sandberg, XYY, qui aurait été
plus localisé dans les prisons et les asiles. Or on estime à 1/1 000
les personnes présentant un tel capital génétique. Il s’agit en
fait d’une forme de trisomie qui produit chez l’individu une
taille élevée, un QI inférieur à la norme, une affectivité moins
marquée, une agressivité précoce et une absence de sentiment
de culpabilité. Certains y ont vu une prédisposition à la délin-
quance. Toutefois les études n’ont montré l’existence que d’un
petit nombre de personnes XYY et une faiblesse représentant
une vulnérabilité plus psychiatrique que violente.

2.2 Biologie contemporaine et criminalité


2.2.1 Mécanismes biologiques de l’agressivité
Les neurosciences comportementales, grâce aux progrès de
l’imagerie cérébrale anatomique et fonctionnelle, permettent
de mieux comprendre le fonctionnement cérébral normal et
pathologique. Les sites impliqués dans le déclenchement des
accès de violence sont situés sur les aires frontales et préfron-
tales, dans l’amygdale, l’hippocampe et l’hypothalamus, qui
composent le système limbique.
On repère ainsi que des patients à la personnalité de type
antisocial présentent, sans lésion cérébrale, une réduction
de 11 % de leur cortex préfrontal. Raine et ses collaborateurs
(2000) montrent que ces mêmes personnes ont une réduc-
tion de leur activité nerveuse périphérique autonome impli-
quée dans la réaction physiologique aux émotions en cas de
stress. Cependant des anomalies anatomiques du cortex céré-
bral frontal ont été repérées dans d’autres pathologies telles
que la toxicomanie ou la schizophrénie et ne sont donc pas
spécifiques des conduites agressives (Combalbert, Bret-Dibat
et Favard, 2002).
Les théories explicatives du crime 55

Il a souvent été montré dans l’examen de personnes ayant


commis des actes de violence des dommages cérébraux tels
que des traumatismes crâniens ou des lésions cérébrales. C’est
pourquoi on peut considérer que toute personne possède une
capacité à développer une violence agressive habituellement
inhibée dont le contrôle peut être réduit par des facteurs biolo-
giques. Dans certains cas, à la suite par exemple de l’absorption
de drogues, le système limbique impliqué dans les émotions
est dégagé du lien avec le cortex cérébral permettant l’analyse
des situations. Lorsqu’il s’associe à des lésions de la structure
cérébrale, ce syndrome est appelé syndrome du dyscontrôle
épisodique.
Des anomalies corticales du thalamus et de l’amygdale
peuvent être constatées chez des meurtriers, dont on suppose
une difficulté à réguler les pulsions agressives qui dépendent
de structures sous-corticales et ce, en raison d’un déficit des
processus de contrôle préfrontaux. Les différents types de
noyaux de l’amygdale sous-tendent des comportements diffé-
rents. La stimulation du noyau central induit peur et fuite,
la lésion du même noyau conduisant à une irritabilité et à
une tendance à l’agression. La stimulation du noyau médian
conduit à l’agression et à l’irritabilité, mais sans réaction de
fuite. Enfin, l’imagerie cérébrale fonctionnelle révèle un déficit
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de l’utilisation de glucose radioactif qui rend compte de l’acti-


vité neuronale générale chez certains meurtriers. Il reste encore
beaucoup à découvrir sur ces marqueurs neurobiologiques et
environnementaux. Si les structures temporales et frontales
sont fréquemment mises en avant dans les cas de violence et
de meurtre, les dysfonctions multi-sites sont de plus en plus
identifiées. Outre ces aspects cérébraux, les aspects génétiques
sont également explorés.
56 Introduction à la psychocriminologie

2.2.2 Génétique et sociobiologie :


études des jumeaux et études d’adoption
Il est reconnu que le potentiel génétique ne peut être consi-
déré comme cause d’un comportement délinquant, tout au
plus comme un facteur de prédisposition. En effet, même à
capital génétique proche, l’environnement potentialise l’ex-
pression des gènes.
Les personnes qui travaillent avec des délinquants savent que
les condamnés ont souvent des parents délinquants (Osborn
et West avaient initialement situé cette proportion à 40 %).
La génétique ne peut être sérieusement considérée comme un
facteur responsable sans examen des études sur les jumeaux et
sur les enfants adoptés. Parmi les dossiers des tribunaux, des
prisons et de la police analysés par Wilson et Herrnstein, on
retrouvait, pour les jumeaux monozygotes, un taux de concor-
dance criminelle plus élevé que pour les jumeaux dizygotes.
D’autres études, réalisées sur de nombreuses années (Hutchings
et Mednick) ont porté sur des jumeaux séparés pendant
deux ans pour les uns et vingt-trois ans pour les autres, et ont
comparé les résultats des deux échantillons. Les chercheurs
ont pu mettre en avant un facteur congénital dans la proba-
bilité d’une conduite criminelle. L’effet de la génétique repéré
par Mednick dans la commission de crimes contre les biens
est net selon lui chez les personnes d’intelligence plus faible.
L’influence génétique apparaît stable de l’enfance à l’adoles-
cence pour le comportement antisocial en général (Baker et al.,
2009) de même que pour les mesures d’agressivité proactive
et réactive (Tuvblad et al., 2009). L’âge d’entrée dans la délin-
quance est souvent considéré comme un modérateur des effets
génétiques dans la criminalité.
En revanche, Flint, Corley et DeFries (1995) ont montré
des marqueurs génétiques de traits psychologiques tels que
l’émotion : sur de petits échantillons toutefois, apparaissait une
Les théories explicatives du crime 57

légère différence lorsque le père biologique et le père adoptif


étaient criminels et lorsque les parents biologiques comme
adoptifs étaient criminels. L’une des études les plus connues a
été publiée par Hutchings et Mednick en 1984 et a porté sur des
fils adoptés. À plusieurs reprises, la proportion de fils adoptés
et condamnés pour crime a été examinée. Une première étude
sur 662 jumeaux a montré que si le père biologique et le père
adoptif étaient criminels, 36,2 % des enfants qui n’avaient
pas vécu ensemble pendant plusieurs années étaient devenus
criminels.
Schulsinger (1977, 1988) a par ailleurs identifié 57 psycho-
pathes parmi 4 853 enfants adoptés à Copenhague. Comparés
aux familles biologiques de 57 enfants adoptés non psycho-
pathes, toutes choses étant égales par ailleurs (milieu, catégorie
socioprofessionnelle, âge à l’adoption, âge actuel), les familles
biologiques des adoptés psychopathes présentaient le plus de
traits psychopathiques, alors que ceux-ci ne connaissaient pas
leur famille d’origine.
Pour ce qui concerne la criminalité, des études d’adop-
tion permettent de faire la part entre l’influence génétique
et l’influence de l’environnement. Dans un échantillon de
plus de 4 000 garçons adoptés (75 % avant l’âge d’un an et
88 % avant l’âge de deux ans), la proportion de ceux qui sont
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

devenus des criminels était plus forte encore parmi ceux dont
les parents biologiques étaient criminels. Lorsque seuls les
parents biologiques étaient criminels, 19,6 % sont devenus
criminels. Lorsque les parents biologiques et les parents adop-
tifs étaient criminels, l’étude a montré que 16,5 % sont devenus
criminels. Lorsque seuls les parents adoptifs étaient criminels,
15,8 % sont devenus criminels. Enfin, dans le cas où les quatre
parents n’étaient pas criminels, 15,3 % des enfants le sont
devenus. Dans cette étude les facteurs biologiques semblent
donc plus déterminants que les facteurs environnementaux. Il
reste qu’au global, le poids des facteurs génétiques va dépendre
58 Introduction à la psychocriminologie

des circonstances sociales et des facteurs sociaux et environ-


nementaux (cf. la méta-analyse de Rhee et Waldman, 2002).
Une étude longitudinale sur des jumeaux a montré que si l’un
des jumeaux présente un comportement antisocial l’autre le
présente également, à partir des évaluations des parents, des
enseignants et des enfants et adolescents eux-mêmes, le taux
de concordance dépassant les 90 % (Baker et al., 2008).
Les principales études d’adoption ont montré que le risque
génétique est amplifié dans un environnement négatif (tel
que de la maltraitance ou la présence à la maison d’un parent
adoptif déjà condamné par la loi). Inversement il existe des
facteurs protecteurs dans l’environnement, qui constituent
une aide considérable contrebalançant les prédispositions
génétiques. Ce champ de recherches reste extrêmement impor-
tant et on attend beaucoup des résultats de telles études.
La sociobiologie vise essentiellement à expliquer des phéno-
mènes humains à partir d’observations chez les animaux.
Wilson, biologiste américain, puis Jeffery aux États-Unis,
et Buikhuisen aux Pays-Bas ont fortement développé cette
approche. Certains individus qui ont des caractéristiques
physiques mâles présentent un chromosome X surnuméraire,
ce qui constitue le syndrome de Klinefelter (XXY). Il s’agit
d’une erreur de division cellulaire avec différentes variantes
(XXY, XXXY, XXYY, XXXXY, XXXYY). La fréquence est de
1 sur 500 dans la population générale. Il existe des signes
physiques (peu de musculature, tendance à l’obésité, gyné-
comastie) et des troubles neuromoteurs. Les enfants sont plus
fragiles et plus vulnérables au stress. Il n’existe pas véritable-
ment de lien avec les délits sexuels, bien que des cas de pédo-
philie et d’agression sexuelle commis par des sujets atteints
d’un syndrome de Klinefelter aient été rapportés. Certains
auteurs ont recensé plus de délits contre les biens chez les
XXY. Les recherches se poursuivent pour savoir notamment si
des cas de délinquance sexuelle peuvent être associés à un tel
syndrome, qui pourrait concerner un cas Klinefelter sur trois.
Les théories explicatives du crime 59

Il existe d’autres déterminants biologiques pouvant impliquer


des comportements criminels.

2.2.3 Importance des déterminants hormonaux


L’étude des hormones sexuelles a permis depuis longtemps
de constater que les hommes agressifs et les agresseurs sexuels
avaient un niveau de testostérone élevé. Le taux circulant
de testostérone serait lié aux actes de violence, mais on ne
distingue pas de différence selon le type de violence commis
(sexuelle notamment). Certains liens ont été faits entre le taux
de testostérone et la réponse à la menace agressive, la provo-
cation ou le manque de tolérance à la frustration. Mednick et
ses collaborateurs ont émis l’hypothèse que les androgènes
prénataux circulants prédisposaient le cerveau fœtal, par un
mécanisme biochimique, à une agressivité ultérieure accrue.
À l’inverse, un faible taux de testostérone présent depuis le
début du développement sexuel, comme c’est le cas dans le
syndrome de Klinefelter, ne semble pas empêcher le comporte-
ment sexuel agressif. Au cours de l’adolescence, les hormones
et le comportement ont une influence réciproque (Susman,
Granger, Murowchick, Ponirakis et Worrall, 1996).
Pour les personnes les plus violentes, on préconise des
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

anti-androgènes, telles la cyprotérone et la médroxyprogesté-


rone, qui affaiblissent l’agressivité et se révèlent agissantes sur
certains délinquants sexuels. En ce qui concerne les femmes,
certaines études avancent qu’elles commettraient plus de
crimes dans la période péri-menstruelle (les 4 jours précédant
et les 4 jours suivant les règles). Un lien entre menstruations
et criminalité n’est pas encore assurément démontré. D’autres
informations sont connues au point de vue biologique. Par
exemple, les psychopathes montrent une plus lente restau-
ration de la conductivité de la peau par rapport à des non-
psychopathes. Cette mesure est corrélée avec la récidive. Une
étiologie biologique au comportement sexuel déviant n’a pas
60 Introduction à la psychocriminologie

été montrée, sauf dans des cas de démence ou encore lors


d’un usage sérieux d’alcool ou de drogue, et dans des cas où
le facteur biologique entraîne un problème de personnalité
(image de soi, atteinte intellectuelle).
De nombreux travaux ont été réalisés sur l’homme agressif
mais aussi à partir de domaines connexes à la biologie, dans le
cadre d’approches neurophilosophiques (Karli, 1987, 1995) ou
neuropsychologiques (Damasio, 1995, 2003, 2010) analysant
le comportement agressif ou violent et visant une appropria-
tion (plaisir) ou la cessation d’une action (expérience affective
déplaisante) (Allain, 2000).

2.2.4 Biologie et développement cognitif


et comportemental
L’intelligence de 12 000 jeunes de 14 à 22 ans a été testée
au cours de quinze années. Herrnstein et Murray (1994), dans
une étude longitudinale réalisée aux États-Unis dans les années
1990 (« The Bell Curve »), ont testé le QI d’adolescents et de
jeunes adultes, et leur ont fait passer des questionnaires de
délinquance auto-déclarée. Ils ont montré que les jeunes au QI
plus bas étaient les plus criminalisés. Ils se sont demandé si une
difficulté cognitive représentée par un QI bas entraînait une
désaffection de l’école, une moins bonne capacité à évaluer les
conséquences des actes ou à se situer en société, et donc un
plus fort taux de délinquance. Ils ont avancé l’idée que ceux
dont le QI était plus faible étaient aussi ceux qui se faisaient le
plus appréhender, sans doute les moins rusés pour échapper à
la police. Par ailleurs, selon cette théorie, un QI élevé pouvait
éviter le développement d’un comportement délinquant chez
des garçons trouvant plus aisément un emploi et s’insérant
mieux dans la société.
L’effet Flynn (du nom du philosophe James Flynn) repré-
sente le fait que la population mondiale a en moyenne un gain
en intelligence de plusieurs points constatable tous les 50 ans.
Les théories explicatives du crime 61

Toutefois cette évolution est limitée et ne concerne pas le voca-


bulaire ou l’intelligence verbale. Il existe des délinquants qui
ont un QI très élevé ou montrent une certaine « intelligence »
dans leurs méfaits, mais ceci reste rare.
Recensant de nombreuses études, Jeffery met en évidence
que les délinquants non incarcérés ont un QI moyen de 90 à
93 (selon les études) et les délinquants incarcérés un QI moyen
de 85. La plupart des études montrent une différence de cinq
à six points. Cela dit, Goodman et d’autres considèrent ces
différences comme représentant une variation normale dans
la population et estiment que ces quelques points peuvent être
associés au mensonge, au vol et aux troubles des conduites.
Il est connu que les dispositions émotionnelles déterminées
par la biologie entrent dans le traitement de l’information
et la détermination comportementale, et que les variables
sociales ou le degré de scolarisation ont une forte influence
sur le développement de l’intelligence. Ceci peut expliquer
pourquoi de nombreuses recherches font état d’un QI inférieur
des criminels.
Il reste de nombreuses questions sur le lien entre le QI et
l’intelligence (Leman-Langlois, 2007). La première repose sur
la supposition que le QI est mesuré de façon unifiée, ce qui
n’est pas certain. Cette mesure n’intègre pas les variables fami-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

liales et d’éducation, susceptibles de modifier radicalement le


QI dans le temps. Enfin, les études devraient porter sur une
délinquance auto-déclarée plutôt que répertoriée. Malgré ces
réserves, il faut reconnaître que les programmes anti-récidive
destinés aux détenus et intégrant l’acquisition de compétences
cognitives donnent les meilleurs résultats.
Par ailleurs, les recherches sur les troubles de l’apprentis-
sage et la délinquance juvénile ont commencé tôt et sont
actuellement complétées par les études sur les enfants hype-
ractifs. En effet, le nombre d’enfants hyperactifs augmentant,
le traitement par Ritaline a poussé des chercheurs à mieux
62 Introduction à la psychocriminologie

comprendre les liens entre ce qu’on appelle aujourd’hui le


trouble/déficit de l’attention avec hyperactivité et la délin-
quance. La proportion des troubles d’apprentissage (au sens
d’attention) est grande. Les enfants atteints de TDAH ont plus
de risque de quitter l’école, d’avoir un niveau scolaire plus
faible, d’avoir peu d’amis, de devenir délinquants, d’avoir des
grossesses adolescentes. Or l’hérédité de ces enfants montre
un même type de déficit de l’inhibition et de la concentration
que celui qu’ils présentent. Leur génétique se renforce à travers
l’environnement. L’étude de Tuvblad et al. (2009) montre que
la covariation entre le comportement antisocial et le trouble
déficit de l’attention est en partie expliquée par les gènes. Les
études sur les jumeaux montrent que l’environnement familial
agit peu sur l’apparition du trouble, ce qui est en faveur d’une
étiologie génétique pour une plus faible part renforcée par des
facteurs environnementaux.
Des recherches sont réalisées dans d’autres directions, notam-
ment celle de la physiologie des émotions. Une des hypothèses
a été de considérer que les psychopathes avaient des difficultés
à ressentir de la peur ou de l’anxiété. Leur activité électroder-
male a été étudiée. Elle a permis de rendre compte de la physio-
logie des émotions, le système nerveux autonome innervant
les glandes sudoripares de la peau et initiant un potentiel élec-
trique. Cette activité semble plus faible que celle d’individus
non psychopathes qui supportent des conséquences punitives
à un degré inhabituel. Dans leur cas, une stimulation déplai-
sante semble donc moins anticipée, peut-être du fait d’un
niveau d’anxiété moindre ? Des études montrent l’existence
d’un déficit frontal ventral chez les psychopathes, qui n’existe
pas chez les non-psychopathes. Les lésions ventrales causent
en général une grande distractibilité, de l’irritabilité, une
désinhibition des pulsions sexuelles, une hyperréactivité, une
impulsivité, une absence de considération des conséquences
des comportements, une absence d’altruisme, une tendance
à commettre des actes antisociaux et violents. Ce n’est pas le
Les théories explicatives du crime 63

cas par exemple des lésions dorso-latérales, qui engendrent


des troubles de l’orientation temporo-spatiale, de l’apathie,
une absence de la spontanéité dans les réactions. La recherche
intègre donc des données issues de la neuropsychologie de
façon à traiter au mieux ces patients.
Au plan développemental, citons les effets des troubles
prénatals. L’existence de liens entre délinquance et tabagisme
maternel pendant la grossesse a été montrée (Hodgins, Kratzer
et McNeil, 2002) et ce, quelles que soient la situation socio-
économique, les éventuelles maladies mentales, la délinquance
des parents ou la consommation d’alcool. Les mères enceintes
qui fument sont aussi plus nombreuses à être délinquantes.
Par ailleurs, des « anomalies physiques mineures » sont des
troubles fréquents dans la population générale, mais on a
constaté que le cumul de plusieurs d’entre elles était lié à un
certain nombre de troubles et notamment à la délinquance
violente.
Dans le même ordre d’idées, on estime que les délinquants
à vie sont des gens différents des délinquants adolescents.
Dans le cas des premiers, Moffitt émet l’hypothèse que les
problèmes neuropsychologiques de l’enfant interagissent
pendant tout son développement de façon cumulative avec
son environnement criminogène, pour aboutir à une person-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

nalité pathologique.
D’autres hypothèses ont été élaborées à partir de bases
neuro-anatomiques ou neurochimiques.

2.3 Neuro-anatomie et neurochimie


Le substrat pour le comportement agressif est organisé et
influencé par deux classes d’hormones sexuelles : les œstro-
gènes et les androgènes. Il est modifié par le stress et le système
hormonal qui, en retour, transforment l’attitude par rapport
au stress, incluant les neuromodulateurs, tels que l’hormone
64 Introduction à la psychocriminologie

corticolibérine (CRF, corticotropin-releasing factor) et l’axe


hypophysio-surrénalien. Il est affecté par de nombreux neuro-
transmetteurs (sérotonine, norépinéphrine, dopamine, acétyl-
choline et acide gamma-amino-butyrique, GABA).
Chez l’animal, l’agression implique surtout l’aire hypotha-
lamique latérale, l’hypothalamus médian et la substance grise
péri-acqueducale, qui entrent en résonance avec la réactivité
émotionnelle propre à chaque sujet, concernant notamment
le septum et l’amygdale. Pourtant, ces découvertes ne peuvent
être étendues stricto sensu à l’homme. En effet, chez l’homme
interviennent des structures plus nombreuses mais aussi des
phénomènes tels que la mémoire, la culture, les échanges au
sujet des expériences.
Actuellement, le lobe frontal est le sujet de nombreux
travaux : une lésion de la région orbito-médiane entraîne une
impulsivité et des activités non appropriées. Les structures
temporales et frontales sont principalement invoquées dans le
cas des meurtriers ou des hommes violents, même si des loca-
lisations multi-sites sont analysées pour les comportements
violents.
Les études de neurochimie montrent qu’un déficit de neuro-
transmetteurs, en particulier les amines et la sérotonine, est
impliqué dans l’agressivité et la psychopathie (Anderson et
Kiehl, 2013). La dopamine est liée à des problèmes d’appren-
tissage et à des troubles psychiques (troubles de l’attention, de
l’apprentissage, schizophrénie notamment). La consommation
de cocaïne, laquelle inhibe le transporteur présynaptique de
la dopamine, peut déclencher des comportements agressifs ou
violents. Le déficit de sérotonine est lié à une agressivité plus
forte, une impulsivité et une tendance suicidaire. Son rôle dans
l’agressivité est maintenant mieux connu et a permis de mettre
au point des substances séréniques calmant l’impulsivité et
l’agressivité par stimulation des récepteurs post-synaptiques
(5HT1B).
Les théories explicatives du crime 65

On sait également que la norépinéphrine est liée à un


comportement antisocial, l’acétylcholine à la dépendance
(alcoolique, toxicomaniaque). Il ne faudrait pas en conclure
que le fait de combler l’un ou l’autre de ces déficits supprime-
rait tout problème. En effet, si un déficit est présent, il prend
sa mesure à partir du vécu et de l’environnement. Il existe des
personnes qui présentent un déficit sérotoninergique et ne
sont pas pour autant agressives. Il apparaît que la sérotonine
est négativement corrélée avec l’agressivité affective tandis
que la norépinéphrine, la dopamine et l’acétylcholine le sont
positivement. Inversement, la sérotonine, la norépinéphrine
et la dopamine sont négativement corrélées avec l’agressivité
prédatrice tandis que l’acétylcholine l’est positivement.
L’équilibre de ces neurotransmetteurs va de pair avec un
équilibre dans la gestion des émotions et du stress. Toutefois,
les recherches ne permettent pas d’affirmer qu’un apport de
sérotonine, par exemple, pourrait limiter l’agressivité. Le déficit
des fonctions exécutives repéré chez des jeunes et localisé au
niveau des lobes frontaux concerne l’attention, la concentra-
tion, le raisonnement, l’inhibition de comportements inap-
propriés (Seguin et al., 1999).
Le lien entre biologie et criminalité peut se faire à divers
niveaux : des gènes peuvent être présents de façon différente
chez les criminels et intervenir comme facteur causal ; des
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

neuromédiateurs peuvent influencer l’agressivité (Calzada-


Reyes, 2013 ; Schug et al., 2011). Enfin, certains facteurs comme
l’intelligence limitée peuvent constituer un frein dans la prise
de décision. L’intrication des facteurs sociaux et de personna-
lité rend plus complexe l’analyse biologique et neuropsycho-
logique de tels comportements.
Les explications du crime ne tiennent pas seulement compte
des aspects biologiques mais aussi des aspects sociaux. La vie
des personnes en société constitue le substrat de théories
sociales et psychologiques du crime.
66 Introduction à la psychocriminologie

3. Les théories sociales


et psychologiques contemporaines
du crime

3.1 Les théories culturalistes


Comme leur nom l’indique, les théories culturalistes s’ap-
puient sur la considération des difficultés liées à l’acculturation
de migrants et aux racines de la délinquance. Selon elles, la
délinquance est la résultante d’une désorganisation sociale et
morale due à des problèmes dans l’organisation de la société
renforcés par l’immigration. Elle est également le fruit d’asso-
ciations entre délinquants et la conséquence de conflits de
culture ou de tensions propres aux individus.

3.1.1 La désorganisation sociale et morale


L’idée du crime comme résultant d’une désorganisation
sociale et morale vient de la rencontre de chercheurs avec
certains quartiers se désorganisant peu à peu et devenant crimi-
nogènes. Ces quartiers hébergent différentes communautés
ethniques, dans une certaine pauvreté, parmi lesquelles se
trouvent beaucoup de familles ou vivant d’aides sociales. Des
déménagements fréquents empêchent une certaine stabilité
de la population et le développement d’un véritable support
social (amis, voisins, famille). Ces quartiers sont peu ou mal
surveillés, la délinquance s’y développe aisément.
C’est surtout l’École de Chicago qui a développé l’idée d’un
lien entre pauvreté et délinquance, à partir de l’analyse des
événements qui se sont déroulés dans cette ville. En près de
cent ans (1840-1930), la population de Chicago a augmenté
de plus de 800 %. Plus de la moitié de la population n’était pas
constituée d’Américains, mais principalement d’Allemands, de
Russes, de Polonais ou d’Irlandais. La croissance économique
Les théories explicatives du crime 67

de la ville a contribué au développement de certains quar-


tiers difficiles. Les sociologues ont alors décidé d’étudier sur
le terrain les bandes d’adolescents dans les quartiers pauvres.
Trasher, par exemple, a recensé 1 313 gangs dans Chicago et
étudié leur localisation dans la ville et leur mode de structura-
tion. On a donc assez tôt montré le lien entre désorganisation
sociale et délinquance.
Clifford Shaw, sociologue des années 1930 à Chicago,
montre que la délinquance peut être expliquée par l’existence
de zones urbaines de « détérioration morale », dénommées
delinquency areas. Ces zones fortement criminalisées accueillent
des personnes socio-économiquement défavorisées. Avec
Henry McKay, Shaw entame la lecture de dossiers de jeunes
délinquants de ces quartiers sur trois périodes de six ans,
entre 1900 et 1933. Ils distinguent les zones limitrophes au
centre-ville, dans lesquelles la désorganisation de l’ordre social
est plus importante que dans les autres quartiers, du fait des
taux plus élevés de chômage, de suicide, de familles séparées,
de présence de criminalité adulte. Ces zones comptent plus de
délinquance juvénile. Ils décrivent les 3 D des désavantages liés
à la pauvreté : dommages physiques, dégradation sociale, dété-
rioration morale. Les habitants y résident quelque temps avant
de déménager, la mobilité y est importante. Plus intéressante
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

encore est leur découverte selon laquelle dans le temps, quels


que soient les habitants (Polonais, Allemands, Italiens, etc.),
le taux de criminalité dans certains quartiers reste semblable,
ce qui est en faveur de la thèse de « quartiers criminogènes ».
Shaw et McKay se lanceront dans de vastes projets de prise en
charge de ces jeunes en s’appuyant sur les communautés elles-
mêmes et leurs propres ressources (église, sport, famille, etc.)
et en repérant les plus opérantes pour créer des associations,
réhabiliter les quartiers et organiser des loisirs.
De nombreux autres travaux ont ensuite décrit les liens
entre les caractéristiques des quartiers et leurs taux de crimi-
nalité. Ils varient cependant pour ce qui est de l’importance
68 Introduction à la psychocriminologie

de facteurs comme le faible revenu, la mobilité résidentielle, la


composition ethnoculturelle, l’efficacité collective, c’est-à-dire
le degré de confiance et de réciprocité dans un quartier, et la
désorganisation sociale caractérisée par la diminution de l’in-
fluence des règles sociales sur le comportement (Brantingham
et Brantingham, 1981 ; Cohen et Felson, 1979 ; Roncek et
Maier, 1991 ; Sampson et Lauritsen, 1997).
Cette théorie de la désorganisation sociale qui associe ville et
délinquance a fondé des travaux des années 1990 (voir Cusson,
1998).
Des doctrines actuelles poursuivent également cette idée
selon laquelle la désorganisation doit être repérée comme
facteur criminogène. La théorie dite de la « fenêtre brisée »
souligne que le fait de laisser des bâtiments ou des automobiles
abandonnés (Wilson et Kelling, 1982) entraîne une multiplica-
tion des incivilités (fenêtres brisées, graffitis, ordures abandon-
nées). Ces éléments peuvent être pris comme cause ou effet.
Cette théorie s’appuie sur une expérience du psychologue
Philip Zimbardo, de l’université de Stanford. Dans une rue
du Bronx, à New York, il fait déposer une voiture sans plaque
d’immatriculation, capot ouvert. La voiture est peu à peu
mise en pièces : au bout de 10 minutes, la batterie et le radia-
teur ont été prélevés. Au bout de 24 heures, toutes les pièces
importantes ont disparu. Puis le temps de la destruction arrive :
vitres brisées, sièges lacérés. Enfin, ce qui reste de la voiture
devient un terrain de jeu pour les enfants. Zimbardo fait la
même expérience dans une rue d’un quartier calme de Palo
Alto, en Californie. Au bout d’une semaine, le véhicule est
toujours intact. Zimbardo prend alors une masse et commence
à casser la voiture. Des personnes du quartier le rejoignent
et la voiture est renversée puis détruite en quelques heures.
Cette expérience montre le changement de comportement
suscité par le message implicite du véhicule vandalisé. Elle
précise comment le désordre remet en cause un des principes
Les théories explicatives du crime 69

des sociétés libérales, qui est le respect du droit de propriété.


La théorie des « fenêtres brisées », bien connue de toutes les
politiques de lutte contre les incivilités, montre combien les
dégradations suscitent de nouvelles détériorations. Elle a été
validée en prenant la délinquance comme variable dépendante
et les facteurs économiques et sociaux comme variables indé-
pendantes, le degré de désordre du quartier étant une variable
médiatrice. Selon cette théorie, toutes choses égales par ailleurs,
la délinquance ordinaire dépend principalement du degré de
désordre du quartier (Gassin, 2003 ; Skogan, 1990).
Sutherland a estimé devoir compléter cette approche en
intégrant l’influence des autres sur le développement et la
poursuite du comportement délinquant.

3.1.2 L’association différentielle (Sutherland)


Pour Sutherland, le comportement criminel est appris, au
contact d’autres personnes, essentiellement à l’intérieur d’un
groupe restreint. Cet apprentissage comporte des techniques,
des raisonnements, des attitudes. Le principe de l’association
différentielle fonctionne pour les délinquants pour lesquels
l’interprétation des règles est principalement négative ; ce prin-
cipe vaut inversement pour les non-délinquants, pour lesquels
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

les règles sont à prépondérance positive.


Cette théorie ne retient pas les explications biologiques ou
héréditaires de la criminalité (Sutherland l’évoque en 1924 dans
son ouvrage intitulé Criminology, qu’il révisera et publiera cinq
fois jusqu’en 1947). L’intérêt de Sutherland (1947) est d’insister
sur les facteurs sociologiques et d’introduire des facteurs indi-
viduels comportementaux dans l’analyse du crime. Il consi-
dère que la délinquance est apprise par l’association avec des
individus délinquants. Le comportement criminel découle,
comme d’autres comportements, de processus d’influence.
Le principe de l’association différentielle de Sutherland pose
70 Introduction à la psychocriminologie

qu’un individu appartient, tout au long de sa vie, à des groupes


(famille, amis, etc.), qui jouent un rôle fondamental dans son
entrée ou non dans la délinquance. L’association différentielle
indique que le groupe est plus porteur de valeurs délinquantes
que de valeurs non délinquantes, ce qui conduit l’individu à
faire reposer sa décision sur ce rapport de forces et à adopter
le comportement le plus valorisé. Les adolescents qui vivent
dans un milieu pauvre ont plus de risque de rencontrer des
jeunes délinquants et donc d’adopter leurs valeurs, par associa-
tion différentielle. Les délinquants sont semblables aux autres
individus. Ils s’affilient comme eux et choisissent les valeurs
de leurs pairs tout comme d’autres le font. Sutherland rappelle
que tous ont le même but d’enrichissement : les uns le réalisent
par le travail, d’autres par le vol. On a reproché à Sutherland
de faire de l’individu un être principalement marqué par son
milieu, ses amis, sans véritable capacité de choix.
Sa théorie des associations différentielles repose sur neuf
points, les quatre premiers étant les plus importants (Sutherland
et Cressey, 1966) :
1. Le comportement criminel est appris ; en termes négatifs,
cela revient à dire que le comportement criminel, en tant
que tel, n’est pas héréditaire.
2. Il est appris au contact d’autres personnes par un processus
de communication.
3. Il s’apprend surtout à l’intérieur d’un groupe restreint de
relations personnelles.
4. Lorsque la formation criminelle est apprise, elle
comprend : a) l’enseignement des techniques de commis-
sion de l’infraction, parfois très complexes et parfois très
simples, b) l’orientation des mobiles, des tendances impul-
sives, des raisonnements et des attitudes.
5. L’orientation des mobiles et des tendances impulsives est
fonction de l’interprétation favorable ou défavorable des
dispositions légales.
Les théories explicatives du crime 71

6. Un individu devient criminel lorsque les interprétations


défavorables au respect de la loi l’emportent sur les inter-
prétations favorables.
7. les associations différentielles peuvent varier quant à la
fréquence, la durée, l’antériorité et l’intensité.
8. la formation criminelle par association avec des modèles
criminels ou anti-criminels met en jeu les mêmes méca-
nismes que ceux impliqués dans toute autre formation.
9. Tandis que le comportement criminel est l’expression
d’un ensemble de besoins et de valeurs, il ne s’explique
pas par ces besoins et ces valeurs puisque le comportement
non criminel est l’expression des mêmes besoins et des
mêmes valeurs.

Il est clair que selon cette théorie des associations différen-


tielles, tout individu assimile le milieu dans lequel il vit, sauf
à être contrecarré par un autre modèle.
En complément de cette approche, Louis Wirth (dans un
article intitulé « Le phénomène urbain comme mode de vie »)
indiquait que le jeune délinquant est placé dans un conflit de
culture lorsqu’il voit sa culture méprisée par les autres et ne
peut plus dès lors la reconnaître comme sienne.
S’intéressant au milieu du travail, Sutherland met en
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

évidence la protection dont certains délinquants bénéficient


en quelque sorte du fait de leur statut social. C’est le cas de
certaines formes de criminalité comme la délinquance des
milieux d’affaires, dite délinquance en col blanc. Sutherland
s’est demandé pourquoi un individu fait son entrée dans la
délinquance et y demeure ou, au contraire, pourquoi il n’y
entre ou n’y demeure pas. On n’est pas loin de l’analyse
psychologique du comportement criminel.
Pour Robert Merton (1938), la déviance surgit quand, au
lieu d’accepter les objectifs et les moyens institutionnalisés,
une personne cherche de nouvelles modalités d’adaptation.
Il s’est également intéressé à l’association différentielle. Il a
72 Introduction à la psychocriminologie

recensé cinq grands types d’adaptation dépendant de l’attitude


du jeune vis-à-vis des valeurs de la société et des moyens qu’il
se donne pour s’y intégrer ou ceux de sa révolte. Le jeune qui se
montre conformiste admet les valeurs de la société et y adapte
sa conduite. Celui qui est innovateur développe des objectifs
reconnus et socialement valorisés, y compris parfois en ayant
recours à des moyens condamnables. Le jeune qui favorise
le ritualisme respecte les normes sociales mais les isole des
valeurs ; il pourra mettre en avant son obéissance à l’autorité.
Celui qui devient marginal se retire du milieu social, tandis que
le rebelle ou le révolutionnaire refusent valeurs et normes et
luttent contre des règles édictées. Il ne faut donc pas négliger,
selon Merton, l’importance des facteurs sociaux qui poussent
à la déviance.
Cependant, à elle seule, la théorie des associations différen-
tielles ne suffit pas à expliquer toute la délinquance. Considérée
en lien avec la théorie du contrôle social (Hirschi), elle apparaît
plus complète.

3.1.3 Les conflits de culture (Sellin)


Thorsten Sellin, en 1938, se situe dans la même perspec-
tive culturaliste que Sutherland. Il estime que plus grand est
l’écart entre la culture de naissance et la culture du lieu de
vie, plus fort est le risque de délinquance. Il repère deux types
de conflit : (1) lorsque la culture de l’immigrant s’oppose à la
culture du pays d’accueil ou (2) lorsque des éléments de l’an-
cienne culture continuent à être transmis par les parents aux
enfants nés sur le sol de la terre d’accueil. L’idée sous-jacente
est qu’un groupe familial fort peut contrebalancer une culture
délinquante d’un groupe de pairs.
Dans cette perspective, Ronald Akers, à travers la théorie
de l’apprentissage social, et Robert Clark, à travers la
théorie des groupes de référence, ont cherché à développer
l’idée d’un comportement déviant appris. Le modèle est le
Les théories explicatives du crime 73

conditionnement opérant, qui fait intervenir pour un meilleur


apprentissage l’administration d’une récompense ou l’annu-
lation d’une punition. Un comportement est d’autant mieux
acquis (1) qu’il permet un renforcement différentiel, c’est-à-
dire qu’il procure plus de bénéfice et moins de punitions par
rapport à un comportement inverse, (2) qu’il suit l’influence
des groupes sociaux affiliatifs (copains, famille, école, etc.). Le
comportement déviant s’acquiert suivant deux conditions :
un renforcement différentiel par rapport à un comportement
conformiste (ou autrement déviant) et la reconnaissance de
l’entourage, le comportement déviant étant valorisé ou au
moins perçu comme une nécessité.
Jeffery (1965) estime que la théorie de Sutherland ne fait pas
assez de place à des états organiques, émotionnels, à des raisons
sociales qui conduisent au crime. Il pense que le délinquant
n’est pas parvenu à se construire à partir de modèles identifi-
catoires parentaux, culturels et sociaux dont certains étaient
défaillants et que, de ce fait, il est comme un aliéné social
n’ayant pas adopté les valeurs de la société. Sutherland n’in-
tègre pas le fait que les produits du crime renforcent celui-ci,
tout comme l’absence de punition. Plutôt qu’une absence de
punition, il souligne l’idée de ne pas être pris, ce qui rapproche
la conception de Jeffery d’une théorie du contrôle social.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

3.1.4 Les théories de sous-culture


(Cloward et Ohlin ; Cohen)
En combinant les associations différentielles de Sutherland
et Merton, la désorganisation sociale de Shaw et McKay et
l’anomie durkheimienne, des chercheurs se sont situés concep-
tuellement au-delà des culturalistes, en étant proches des théo-
riciens de la tension. Ces chercheurs, Cloward et Ohlin (1960),
réunissent dans une théorie l’anomie, les associations différen-
tielles de Sutherland et Merton et la désorganisation sociale de
Shaw et McKay. Leur idée est que la position dans la structure
74 Introduction à la psychocriminologie

sociale des individus a peu de probabilité d’être modifiée et que


ces individus cherchent une réponse à la tension générée (on
retrouve la théorie de Merton). Selon Shaw et McKay, certains
jeunes répondent à cette tension par la délinquance. Dans ce
cas, les pairs peuvent constituer des modèles pour l’acquisi-
tion de biens (on retrouve l’association différentielle). D’autres
répondent à cette tension par la délinquance mais sans véri-
table structuration ni modèle. Dans ce cas, la délinquance se
réalise tous azimuts et est plus aisément réprimée. Aucune inté-
gration ne se fait à la société. D’autres encore, n’ayant choisi ni
la délinquance par affiliation ni la délinquance désordonnée,
privilégient la consommation de drogue pour répondre à la
tension et se rallient à d’autres toxicomanes.
Cohen (1955, 1967) explique la délinquance juvénile
par l’opposition au modèle valorisé par le système scolaire
(l’ambition, les valeurs autres que celles de la classe ouvrière).
L’adolescent délinquant se situe en dehors du modèle de l’école
et se trouve rejeté par l’institution ; il abandonne peu à peu l’ef-
fort de conformisme et adopte une sous-culture délinquante.
Cette idée de sous-culture délinquante n’est pas présente chez
Matza (1964), car elle repose sur la considération de valeurs
délinquantes différentes des valeurs non délinquantes et
suppose que le délinquant conforme ses actes à ses valeurs.
En d’autres termes, le délinquant est baigné dans la même
culture que tous : il connaît les lois, la valeur de la punition,
les valeurs morales. La référence des délinquants n’est donc
pas une sous-culture mais bien la culture dominante.

3.2 Les théories de la tension


Toute société crée des dysfonctionnements susceptibles de
générer de la délinquance. Dans une société donnée, les indi-
vidus tendent à s’accorder sur des normes, des interdits, des
valeurs, qui fondent les liens et favorisent le développement
Les théories explicatives du crime 75

d’une certaine conscience commune. Les problèmes liés à


l’accès difficile au modèle existant de réussite sociale et de
bien-être entraînent une frustration chez certains individus qui
n’espèrent plus en la société. L’absence de solidarité, la désa-
grégation des liens sociaux marquent la perte de ces valeurs
communes.
On rattache couramment à ces théories les travaux de
Durkheim sur l’anomie. Une société anomique est une société
malade, qui se dégrade par manque de règles morales et juri-
diques. Le passage à l’acte n’est plus le point de mire. La réac-
tion sociale devient l’objet d’étude. Le crime devient partie
intégrante de la société et ce, de façon quasi inéluctable. La
théorie de l’anomie a eu un retentissement très fort, en insis-
tant sur le fait que les individus se sentant poussés vers un
objectif qu’ils ne peuvent atteindre se trouvent frustrés. Ces
avancées n’ont été reprises que bien plus tard en sociologie
criminelle.
Les défenseurs de ces théories de la tension (strain theo-
ries) sont principalement Merton et Cohen. Merton consi-
dère que la structure sociale est plus responsable d’anomie
que la pauvreté. La preuve en est selon lui que dans les pays
pauvres, la délinquance se développe moins que dans les pays
riches. Les individus qui se sentent exclus de la société et de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ses valeurs considèrent qu’ils n’ont pas eu la même chance


que les autres. L’anomie est invoquée pour expliquer l’écart
entre le souhait d’intégration dans une société et l’impossibi-
lité ressentie de sa réalisation, qui conduit à la délinquance
certains individus issus de milieux défavorisés. Merton (1938)
souligne l’importance d’une tension entre les buts du groupe
social poussant à l’acquisition de biens et le travail nécessaire
pour les obtenir légalement. De ce fait, le recours à des moyens
illégaux est le moyen pour l’adolescent ou l’adulte de résoudre
cette tension. Les différents modes de réponse à la tension
vont, selon Merton, de la conformité au groupe à l’innovation
76 Introduction à la psychocriminologie

(l’innovation en s’efforçant par de nouveaux moyens illicites


d’obtenir ce que les autres ont obtenu de façon licite), à la
rébellion ou au retrait dans la marginalisation. Ces moyens
peuvent constituer un substrat pour la délinquance. Les théo-
ries de la tension considèrent que la plupart des individus sont
honnêtes et ne sont pas portés à la délinquance, sauf en cas
de soumission à une forte tension. Elles mettent en avant le
conflit intérieur dans lequel se trouve l’individu, conflit généré
par le milieu social (généralement pauvre), l’association avec
des pairs (généralement des garçons) et l’âge (adolescent ou
jeune adulte).
Cohen estime également que la théorie de l’anomie rend
surtout compte de la délinquance économique des milieux
défavorisés et peu des jeunes qui répondent par la délinquance
à une tension liée à leur recherche identitaire ou à un senti-
ment d’injustice subie. La théorie de la tension est donc assez
partielle.

3.3 Les théories rationalistes


Ces théories cherchent à montrer que les causes du compor-
tement délinquant ne se trouvent pas uniquement dans tel ou
tel facteur précis ou leur combinaison car l’individu a une part
non négligeable de responsabilité dans l’entrée dans la délin-
quance. Sykes et Matza (1957), notamment, considèrent qu’il
faut une certaine rationalité des délinquants pour adopter cette
conduite, car il leur faut acquérir certaines techniques. Selon
eux, les délinquants ne sont pas totalement délinquants ; ils
adoptent des comportements déviants mais aussi des compor-
tements conventionnels. La théorie de la « neutralisation » de
Sykes et Matza pose que les délinquants cherchent à échapper
à la demande qui leur est faite de présenter des comportements
conventionnels. Les auteurs listent des techniques de neutrali-
sation : déni de responsabilité, déni du mal fait à autrui, déni
de la victime ou de son attitude, condamnation de tous ceux
Les théories explicatives du crime 77

qui commettent les mêmes actes. Ces techniques annihilent,


neutralisent, les effets jusque-là inhibiteurs liés à l’engagement
et représentent des justifications à violer la loi pénale.
Des enquêtes de délinquance auto-révélée en France ont
prouvé que les faits de délinquance étaient commis par
des personnes de toutes les classes sociales. Cela suffit pour
démentir le lien trop souvent opéré entre pauvreté et délin-
quance. L’augmentation sérieuse de la délinquance à partir des
années 1960 dans les pays occidentaux a continué à entamer
les théories culturalistes, qui ne pouvaient expliquer une telle
croissance et durent abandonner la thèse de la pauvreté comme
responsable de la délinquance.
La théorie du contrôle social avec Hirschi affirme que chaque
individu est un délinquant potentiel : en fonction des circons-
tances, quelqu’un peut commettre différents actes délinquants.
Dès lors, il ne s’agit plus de chercher à comprendre pourquoi
certains sont délinquants, mais pourquoi les autres ne le sont
pas. Pour Gottfredson et Hirschi (1990), toute personne qui
ne s’engage pas dans la délinquance possède des facultés
de contrôle personnel. Selon Hirschi, c’est la force du lien
de l’individu à la société qui garantit des conduites sociales
conformes à la loi tandis qu’une faiblesse de ce lien est corrélée
à la commission d’actes délinquants. Chez l’adolescent, le lien
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

social s’exprime préférentiellement à travers l’école, la famille


et les pairs.
La théorie du contrôle social souligne l’importance des liens
sociaux, qui participent de ce contrôle sous quatre formes :
l’attachement, l’engagement, l’implication et la conviction.
Quand les liens aux membres de la société ou du groupe
social sont distendus, l’individu ne bénéficie plus de leur
effet inhibant le comportement délinquant. Il se trouve seul
face à la loi, avec ses motivations propres pour la respecter.
L’attachement des délinquants à la société constitue donc un
élément important, on ne peut pas considérer que l’existence
78 Introduction à la psychocriminologie

ou l’inexistence de ce lien leur soit égale. La capacité d’atta-


chement correspond aussi à la possibilité de tenir compte de
l’avis d’autrui.
Cette théorie insiste aussi sur la notion d’engagement, qui
recouvre la participation : un individu qui est engagé dans une
vie sociale (famille, travail, etc.) respecte les lois pour éviter des
conséquences néfastes sur le système qu’il a mis en place pour
sa vie. Les personnes qui s’engagent dans la délinquance ont
un faible contrôle d’elles-mêmes. Elles ont également beaucoup
de difficultés à garder un travail et des relations affectives. Elles
sont plus promptes à développer des conduites délinquantes,
probablement parce que le coût induit par ces conduites appa-
raît moindre que celui de conduites conventionnelles. Nous
reviendrons sur cette notion de contrôle de soi et d’appren-
tissage des règles sociales, qui renvoie au processus dévelop-
pemental de l’enfance.
La troisième forme est l’implication, qui représente un autre
facteur protecteur vis-à-vis de la délinquance. Si un jeune est
impliqué dans une activité éloignée de la délinquance, et en
fonction de son degré, il est protégé par cette implication. C’est
le cas de beaucoup de jeunes qui investissent le sport ou la
musique et sont moins sujets à des sollicitations délinquantes.
La dernière forme est la conviction en l’intérêt des normes
sociales, car le comportement adopté est fonction de la
croyance ou de la certitude de la fiabilité de cet investissement.
Les théories dites du choix rationnel insistent sur le fait que
le délinquant réalise des choix en pesant le pour et le contre.
En quelque sorte, il fait un calcul au moment de ses choix. Le
life style model entre dans ce cadre, car les personnes fréquen-
tant des délinquants ou les mêmes lieux que les délinquants
sont plus vulnérables à la délinquance. On associe souvent
ces théories du choix rationnel à trois autres théories (Gassin,
2003) : celle des opportunités de Cohen et Felson, celle de
l’analyse stratégique de Cusson et celle de l’analyse géogra-
phique de la criminologie environnementale de Brantingham.
Les théories explicatives du crime 79

3.4 La théorie des opportunités


Ce que la théorie des opportunités apporte de nouveau
consiste à dire que la criminologie augmente proportionnel-
lement aux opportunités criminelles, c’est-à-dire aux situa-
tions qui se présentent aux délinquants potentiels. Cohen et
Felson (1979) ne s’intéressent pas aux raisons individuelles
qui poussent au crime mais aux facteurs sociaux qui créent
des opportunités. Ils choisissent d’analyser le crime à partir
des caractéristiques du criminel plutôt que de celles du
contrevenant.
Les opportunités sont repérables à travers trois éléments
convergents : un délinquant motivé, une cible intéressante
et l’absence de gardien. Si l’un des trois éléments manque,
le risque est moindre, mais lorsque tous sont réunis, il est
maximal. On peut ainsi remarquer une augmentation des
situations cibles depuis que nombre d’hommes et de femmes
travaillent : les lieux d’habitation sont laissés sans surveil-
lance plus longtemps. En outre, il existe si peu de gardiens
d’immeuble que leur présence dans un endroit donné est
ponctuelle. Les délinquants peuvent d’autant plus aisément
répondre à la tension que leur projet se trouve en phase avec
certaines opportunités créées par la société, facilitations invo-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

lontaires de la part des victimes. Si les opportunités se multi-


plient, les vols, cambriolages et crimes sont plus nombreux.
Cette théorie met l’accent sur les facteurs situationnels
provoquant l’occasion criminelle. En ce sens, elle opère un
certain rééquilibrage avec les théories fondées sur les caractéris-
tiques biologiques ou psychologiques, ou encore sur les condi-
tions socio-économiques. En outre, elle prépare le domaine
de la prévention situationnelle, que nous avons évoquée par
ailleurs dans son fonctionnement en Europe (Blatier et Robin,
2000), qui consiste à mettre hors d’atteinte les cibles poten-
tielles, par divers systèmes de vidéosurveillance, d’alarme et de
80 Introduction à la psychocriminologie

protection. Il reste qu’il est plus difficile pour des personnes


de se prémunir d’une victimisation potentielle en matière de
crime.

3.5 L’analyse stratégique


L’expression « analyse stratégique » recouvre différentes
appellations antérieures : la théorie des choix rationnels, la
théorie des opportunités et la criminologie de l’acte (Tremblay,
Cusson et Clermont, 1992). L’analyse stratégique insiste sur
les rapports dialectiques entre délinquants et victimes, trans-
gresseurs et forces de l’ordre. La criminalité est conçue comme
la résultante des réactions des délinquants face à l’ensemble
des contrôles sociaux qui font pression sur eux. Cette théorie
étudie tant les décisions qui conduisent au crime que celles qui
mènent à l’abandon d’une conduite criminelle. Elle s’intéresse
aux situations pré-criminelles, vise à cerner l’impact d’une sanc-
tion éventuelle dans la décision, analyse l’attitude des victimes
et de la police sur le choix décisionnel des délinquants. En effet,
on peut dire qu’il existe des stratégies des délinquants pour
atteindre leur but comme des stratégies des victimes pour affai-
blir l’impact de la victimisation. Il faut reconnaître avec Cohen
que les opportunités favorisent la délinquance : par exemple,
le téléphone portable devenu objet répandu et d’utilisation
quotidienne est de ce fait d’une revente facile.
Pour connaître les buts du délinquant dans le passage à
l’acte, Cusson (1985) distingue quatre finalités : l’action (le
jeu ou l’excitation attirent le délinquant), l’appropriation (par
convoitise, désir d’utilisation, de possession, à titre d’expé-
dient, de supplément ou pour faire la fête), l’agression (en
guise de vengeance ou pour se défendre), la domination (par
recherche de puissance, de cruauté, ou encore de prestige).
La rationalité n’est pas très grande dans le passage à l’acte
Les théories explicatives du crime 81

délinquant : les finalités sont simples et tant que le passage à


l’acte peut y répondre, le délinquant n’a pas lieu de les changer.
En effet, le criminel évalue le bénéfice escompté et le coût
probable d’une telle opération, ce qui relève d’une analyse
stratégique, que connaissent bien les économistes (Fontanel,
2000). L’analyse stratégique intègre les facteurs liés à l’éco-
nomie de l’acte. Tout comportement humain repose sur
une motivation, un moyen, un résultat. Les actes peuvent
être considérés comme cohérents ou comme aléatoires. Les
actes cohérents constituent une réponse positive à la ques-
tion suivante : l’utilité de cet acte est-elle jugée par son auteur
comme supérieure à son coût ? On parle de coût généralisé de
l’acte (G), qui inclut son coût financier (P), son coût temporel
(T), son coût énergétique (l’énergie qui a été nécessaire pour
le réaliser (W)), le coût psychologique (C), qui représente le
franchissement des barrages dans le champ des valeurs, selon
l’expression de Kurt Lewin. Le coût généralisé peut se traduire
dans l’équation : G = a1P + a2T + a3W + a4C, où a1, a2, a3 et
a4 sont des coefficients de pondération et d’homogénéisation
des unités P, W, T et C.
L’autre dynamique d’explication de l’acte est la notion d’uti-
lité. Outre les actes reconnus comme cohérents, il existe des
actes aléatoires qui sont déterminés par des logiques diffé-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

rentes. La traditionnelle évaluation coût/bénéfice ne fonde


pas les actes de la même façon. L’utilité psychologique est
plus importante. Deux types de comportements peuvent être
identifiés : des comportements d’incertitude, motivés par un
fait retenu de façon spontanée et non élaborée, et des compor-
tements de prise de risque, dans lesquels l’individu fait en
quelque sorte un pari.
Chez la plupart des personnes, les actes cohérents repré-
senteraient 90 % de l’activité, et les actes aléatoires 10 %. À
partir de ce constat assez général, les actes délinquants ont été
examinés. On suppose, au vu d’un certain nombre d’entretiens
82 Introduction à la psychocriminologie

avec des délinquants, que les actes aléatoires dépassent les 10 %


et que leurs comportements de prise de risque motivent un
grand nombre d’actes. L’évaluation des utilités et des coûts des
actes cohérents ne seraient pas les mêmes chez les délinquants
et chez les non-délinquants. Plus précisément, les coefficients
de pondération dans l’équation du coût généralisé seraient
différents dans les deux populations. Ainsi le vol, l’escroquerie,
qui correspondent à l’acquisition d’un bien sans coût finan-
cier, sont associés à un coût psychologique bien moindre que
pour un non-délinquant cherchant à s’approprier un bien en
le payant. De même l’appréciation de l’utilité matérielle et
l’impact psychologique ne sont pas les mêmes pour le délin-
quant que pour le non-délinquant.
Le choix suppose qu’il n’y a pas de différence initiale entre
un délinquant et un non-délinquant. Les uns et les autres pour-
suivent les mêmes buts. Toutefois, certains ont une plus forte
propension à la délinquance. Ils ont peut-être aussi plus d’op-
portunités, ou bien font un calcul coût-bénéfice en faveur de
l’acte délinquant. C’est toute la question de la réponse pénale
qui est posée ici. Un vol d’auto-radio est rarement pénalisé, à
tel point que les jeunes eux-mêmes finissent par penser que le
risque d’être appréhendé par la police est très faible. L’enquête
de Roché (2003) montre que la propension au passage à l’acte
chez les jeunes, y compris chez ceux qui n’ont pas affaire à la
justice, est significativement liée au jugement normatif porté
sur la gravité de l’acte et que la tendance au comportement
délinquant s’accroît avec la propension à penser ces actes délic-
tueux comme peu graves. Le jugement porté sur la gravité des
actes tend à être associé à la perception des risques qui y sont
liés : ainsi les actes jugés les plus sérieux sont aussi ceux pour
lesquels est perçu un plus fort degré de risque.
La délinquance peut s’expliquer par l’analyse des décisions
humaines dont la rationalité est limitée. On a longtemps pensé
que les causes du crime se trouvaient dans la personnalité de
Les théories explicatives du crime 83

leur auteur. Les travaux que nous venons d’examiner montrent


qu’il faut également s’interroger sur le comportement et le
bénéfice escompté de l’acte délinquant. L’analyse stratégique
repose pour le délinquant sur une certaine logique qui le
conduit à adapter sa démarche aux difficultés en conservant
l’objectif visé. Il ne faut pas oublier que le délinquant est
souvent marqué par l’attitude de la société ou de la justice,
des forces de police, à l’égard des contrevenants et que sa
démarche est empreinte de leur réaction supposée. L’analyse
stratégique intègre l’idée que le délinquant évalue l’intérêt et
le coût de l’opération, que la délinquance soit occasionnelle
ou habituelle.

3.6 La criminologie environnementale


Cette approche découle de la connaissance que l’on a de
zones ou de quartiers susceptibles d’héberger des personnes
recherchées pour délinquance, viol, meurtre, etc. En effet, les
criminels ont le plus souvent recours à des circuits habituels :
ils ont plus de probabilité de fréquenter les mêmes magasins
(Brantingham et Brantingham, 1981). L’environnement est
intégré dans l’analyse des tendances criminogènes de certains
quartiers et peut servir de repérage, pour une activité que l’on
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

pourrait nommer le profilage cartographique. Cette approche


peut surtout être utilisée dans le cadre de la prévention, car
elle suppose une connaissance des environnements crimino-
gènes et devrait impliquer des mesures d’intervention et d’as-
sistance appropriées. Elle ne constitue pas une théorie globale
d’examen du crime mais vient plutôt compléter les approches
sociales qui ont été décrites, en indiquant la nécessité de tenir
compte du milieu dans lequel évolue le délinquant. Le crime
mapping représente une analyse géo-criminelle permettant de
repérer des secteurs potentiels d’agression et des zones dans
lesquelles les criminels ont plus de probabilité de se trouver,
84 Introduction à la psychocriminologie

à partir de l’examen de leurs précédents méfaits (cf. Kasprzyk


et al., 2012).

3.7 Les théories de la réaction sociale


Les théories dites de la réaction sociale considèrent une
absence de différence sur le fond entre délinquants et non-
délinquants. Dès lors, la stigmatisation des délinquants
entraîne ceux-ci à adopter un véritable statut de délinquant.
Il existe différents courants dans ces théories. Nous évoquerons
les principaux : la tendance interactionniste et la criminologie
critique.

3.7.1 La tendance interactionniste


L’analyse des objectifs de l’action délinquante a été le but
de la théorie interactionniste, qui est apparue à la suite de
la théorie du contrôle social. Elle repose sur une conception
psychosociologique de l’acte déviant qui dépend d’interactions
et aboutit à un repérage de certains comme déviants ou délin-
quants. Toutefois il faut dire que cela ne fonctionne pas ainsi
car premièrement, les étiquettes sont multiples et deuxième-
ment, le devenir des personnes ne peut coller à l’ensemble de
ces étiquettes. Cette tendance a eu des appellations variées :
« théorie de l’étiquetage », « théorie de la stigmatisation »,
social reaction approach, interactionist theory. On est donc passé
de l’étude de la motivation des délinquants à celle de l’impact
de la réaction sociale sur les délinquants et son rôle dans la
production des phénomènes délinquants. L’interactionnisme
insiste sur la propagation de la délinquance du fait de l’orga-
nisation sociale. Les sociologues américains représentant ce
qu’on a appelé la « seconde école de Chicago », avec parmi eux
Becker (1963), Lemert (1967) et Goffman (1968), ont montré
qu’une déviance suppose un processus de stigmatisation. Ces
Les théories explicatives du crime 85

auteurs considèrent que les théories précédentes ne tenaient


pas suffisamment compte du rôle de la société et des institu-
tions dans l’approche du phénomène criminel que contribuent
à définir le Code pénal et les réponses judiciaires.
Selon eux, la désignation de l’acte de transgression en fait un
acte de déviance. Lemert parle alors de « déviance primaire »
pour évoquer la transgression elle-même et de « déviance
secondaire » pour évoquer cette désignation. La dénomination
d’une personne comme déviante à partir de quelques éléments
comportementaux stigmatise celle-ci : « Les groupes sociaux
créent la déviance en inventant des règles dont l’infraction
constitue la déviance » (Becker, 1973). La personne en ques-
tion renforce les tendances ainsi désignées et recherche un
certain conformisme avec l’image qui est donnée d’elle. Ainsi
des carrières de déviants se créent-elles par l’effet de cette stig-
matisation initiale. Becker s’appuie sur la notion d’engagement
et évoque la « carrière criminelle ». Si la cause de la déviance se
situe principalement dans la société, l’étude du déviant comme
celle de ses motivations devient inutile.
Lemert développe l’idée de self-fulfilling prophecy, une
prophétie qui se réalise par elle-même, pour caractériser l’effet
d’une stigmatisation : identifier quelqu’un comme déviant,
même s’il ne l’est pas beaucoup, l’ancre dans un comporte-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ment, renforcé par le regard d’autrui et les effets des inter-


ventions institutionnelles (augmentation des vérifications
d’identité, etc.). En d’autres termes, une fois l’étiquette posée,
la personne finit par devenir ce qui est prédit.
L’intérêt de cette théorie porte surtout sur la prévention de
la récidive, puisque tous, fort heureusement, ne récidivent pas.
Becker souligne que les délinquants ont les mêmes pensées
que les non-délinquants. Il s’agit dès lors de comprendre pour-
quoi les premiers commettent des actes délinquants et pas les
seconds.
86 Introduction à la psychocriminologie

3.7.2 La criminologie critique


Ce courant d’idées lancé en Angleterre par Denis Chapman
(1968) a trouvé un écho aux États-Unis, puis en France à la
suite des événements de mai 1968. Pour les tenants de cette
option idéologique, il ne faut pas se contenter d’étudier le
monde, il faut chercher à le changer. Le crime est une créa-
tion de la bourgeoisie pour maintenir sa domination dans la
lutte des classes. Le mode d’action principal est l’opposition,
la dénonciation des procédures jugées inacceptables. La crimi-
nologie critique n’a pas toujours été une force de proposition,
notamment lorsqu’elle considère que tout crime est un acte
politique, mais elle constitue encore une source d’inspiration
pour certains écrits criminologiques. Ces idées ont développé
une criminologie de la réaction sociale, qui se décentre de
l’auteur et des faits pour se pencher de façon privilégiée sur la
réaction sociale suscitée par les faits, et sur la victime.
Nous avons vu que les théories culturalistes s’intéressaient
à la délinquance comme étant le reflet d’une culture et d’un
système de valeurs. Les théories de l’action insistaient sur
les situations et l’environnement qui favorisent un passage
à l’acte, les théories de la réaction sociale situant la délin-
quance comme réponse à des phénomènes de stigmatisation.
La criminologie a donc évolué, passant d’une approche centrée
sur l’individu criminel à celle des facteurs de la criminologie,
puis à celle des processus, pour aboutir à une criminologie de
la réaction sociale, dans laquelle c’est le contrôle social qui
produit la déviance et non l’inverse. Ce n’est plus tant l’acte
qui importe mais la façon dont la société y répond, et c’est
cette réponse qui contribue à créer la délinquance. Dès lors,
l’analyse sociologique de la réaction sociale porte sur l’applica-
tion des peines, le fonctionnement des tribunaux, de la police,
les réactions des victimes et de la société.
L’approche sociologique a donc le mérite de compléter
l’approche biologique dans la compréhension du phénomène
Les théories explicatives du crime 87

criminel. Cette analyse prend son sens avec l’approche psycho-


logique où, dès le jeune âge, des facteurs sont susceptibles
d’expliquer l’apparition de la délinquance.

3.8 Quelques conceptions psychologiques


du passage à l’acte
La grande avancée réalisée par De Greef (1956) a été de
considérer le processus criminogène à partir du point de vue
du criminel. Il recueille des informations auprès des criminels
sur leur motivation au passage à l’acte. Il examine l’origine
du processus criminel en intégrant des variables personnelles
et situationnelles. L’émergence de la pensée criminelle pour
un auteur apparaît suivant trois étapes. La première, appelée
« acquiescement mitigé », marque l’apparition consciente ou
inconsciente de l’idée criminelle et son acceptation par le futur
criminel. La deuxième étape, appelée « assentiment formulé »
constitue un moment de crise, au cours de laquelle l’auteur
commence à passer à l’acte par des menaces, parfois des tenta-
tives de passage à l’acte, qui n’aboutissent pas. L’état de tension
du futur criminel est très important. La troisième phase est
celle du passage à l’acte, à la faveur d’une réflexion perçue
comme provocante ou d’un détail anodin mais appelant une
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

réponse de la part du criminel. Le sentiment d’injustice subi


par le criminel est fort : le crime se justifie par la nécessité de
se faire justice. Un tel sentiment, s’il reste accidentel, ne génère
pas d’attitude criminogène. Cette explication représente une
compréhension d’une succession d’étapes plutôt que l’inter-
vention simultanée de divers facteurs.
Au-delà de l’agieren freudien, généralement traduit par « mise
en acte », l’agir a pour Balier (1996) le même sens qu’acting
et « passage à l’acte », à savoir une substitution de la pensée
par l’acte. La réalisation de l’acte remplace alors le travail de
mentalisation. Parmi les agirs, Balier distingue néanmoins les
88 Introduction à la psychocriminologie

passages à l’acte, associés à une certaine forme de mentalisa-


tion, et les recours à l’acte, manifestations de toute-puissance
face à un objet externe susceptible de réveiller le traumatisme
irreprésentable et constituant une menace d’anéantissement
(ex : viol). En dehors de l’acte, le sujet serait protégé par le
clivage et le déni de la réalité.
La compréhension psycho-criminologique du passage à
l’acte consiste en une démarche intégrative, d’un savoir pluri-
référencé s’organisant autour de trois axes : la position subjec-
tive (histoire, dimensions psychique et psychopathologique
éventuelle), la scène de l’acte (période précédant l’acte, mode
opératoire, période postérieure à l’acte) et le contexte global.
La psycho-criminologie prend en compte différents niveaux
de lecture de l’acte : sa trace, sa visibilité, sa matérialité et les
dimensions subjectives et historiques. Il s’agit de prendre en
considération plusieurs éléments pouvant expliquer le lien
entre l’auteur et l’acte. La théorie de la personnalité crimi-
nelle de Pinatel (1975, 1987) explique l’acte par la mise en
œuvre des différents traits de personnalité. De Greeff (1931)
insiste sur la prise en compte du vécu subjectif de l’auteur
pour comprendre et analyser le développement de son acte
(appréhension de l’environnement et réaction face à celui-ci).
Le processus criminel intervient chez des personnes au fonc-
tionnement psychologique normal comme chez d’autres au
fonctionnement pathologique. Par ailleurs, les comportements
criminels sont présents dans diverses entités nosographiques.
On retrouve ainsi les mêmes étapes du développement de
l’acte chez des schizophrènes ayant commis des homicides que
chez des sujets ne présentant pas de pathologie psychiatrique
(Lorettu et al., 1998). Selon Lorettu, plus le sujet avance dans
le processus, plus l’influence de la pathologie est importante.
Celle-ci ne serait pas la cause du passage à l’acte mais elle
jouerait un grand rôle dans son déroulement en amplifiant
et accentuant les distorsions perceptives de la réalité (Moulin,
Les théories explicatives du crime 89

2008). Toutefois, la « théorie du criminel fou » (en référence


à Pinel), qui induit une causalité entre pathologie mentale et
comportement violent n’est pas encore jugée obsolète.

3.8.1 Complexes familiaux et identifications


L’importance des carences du milieu familial dans le déve-
loppement des comportements délictueux et criminels a été
mise en avant depuis longtemps. Aichhorn distinguait trois
constellations familiales susceptibles de favoriser l’apparition
de conduites criminelles. La première était celle du délinquant
par excès d’amour : l’attachement de la mère à son enfant a un
caractère égocentrique et narcissique tel que l’enfant répond
davantage aux désirs et aux besoins de la mère. Celle-ci a
tendance à ne rien refuser à son enfant, lequel reste fixé dans
une réalité où domine le principe de plaisir. Le père est le
plus souvent absent ou très effacé. Le garçon n’est pas prêt à
affronter les exigences de la réalité. Il y répond avec impulsi-
vité, rage et violence. Le second type de constellation familiale
est celui du délinquant par excès de sévérité. L’enfant, rare-
ment unique, est l’objet d’un excès de sévérité, de mauvais
traitements (violence verbale, physique). Il ressent alors une
frustration grandissante avec le temps et nourrit une rage
impuissante au sein de sa famille. Déçu, meurtri, trompé, il
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

devient méfiant et récalcitrant face à toute forme d’autorité


qu’il conçoit comme injuste. Faute d’un modèle identificatoire
valable, l’enfant s’identifie à la sévérité et à cette façon violente
de traiter les autres. Le troisième type de constellation fami-
liale est celui du délinquant par excès d’amour et de sévérité :
l’enfant est confronté à l’effet combiné des deux types d’inte-
ractions parentales. Il en découle une rébellion vis-à-vis de
ses parents. Cette violence prend le pas sur le développement
d’habiletés sociales.
Selon Winnicott, la présence d’une tendance antisociale
chez l’enfant est à l’origine des comportements criminels et
90 Introduction à la psychocriminologie

délinquants. La tendance antisociale fait suite à une dépri-


vation, c’est-à-dire à la perte d’une personne ou d’une expé-
rience positive pour l’enfant. La criminalité résulte d’un conflit
psychique animé par une angoisse liée à l’envie de détruire
dirigée contre une personne que le sujet aime et dont il a
besoin.
Différents auteurs d’orientation psychodynamique ont
avancé des hypothèses pour expliquer le comportement délin-
quant. Lagache reprend l’idée d’un acte criminel découlant
de l’échec des identifications moralisatrices. Il avance deux
hypothèses : soit le futur criminel est élevé dans un milieu de
délinquants, s’identifiant à eux et reproduisant leur code de
valeurs déviantes, soit le futur délinquant a souffert de carences
affectives au cours de son enfance et n’a pu former un surmoi
« normal » respectant l’autorité. Finalement, le criminel se
caractérise par la persistance d’un égocentrisme infantile lié
à des anomalies de l’identification et par conséquent de la
socialisation.
C’est à Friedlander que l’on doit le concept de délinquance
latente, marquant la formation d’un caractère antisocial. La
formation d’un tel caractère peut être évitée par le développe-
ment de trois capacités spécifiques : l’aptitude à tolérer le délai
dans la satisfaction des désirs, l’acceptation de gratifications
substitutives et la capacité à maintenir un désir refoulé en lui
opposant une attitude contraire.
Le travail avec des détenus a permis à Balier (2000) de repérer
chez des criminels une prédominance des pulsions agressives
en lien avec une désintrication pulsionnelle. Celle-ci donne à
l’agressivité une tendance incontrôlable à la décharge. L’acte
se substitue entièrement à la pensée, dont les contenus sont
très pauvres. La difficulté d’élaboration à partir de leurs rêves
indique selon Balier un défaut de symbolisation et de représen-
tation chez ces détenus. Le moi débordé par des pulsions agres-
sives désintriquées se tourne vers l’utilisation et la possession
Les théories explicatives du crime 91

d’objets comme solution économique à ce débordement


(passage à l’acte).
L’approche psychodynamique distingue les délinquants
commettant quelques actes transitoires ou ceux commettant
un crime à caractère symbolique reposant, par exemple, sur
un sentiment de culpabilité et ceux dont les actes délinquants
ou criminels constituent une forme prédominante et stable
de décharge pulsionnelle. Casoni et Brunet (2003) montrent
certaines caractéristiques dans l’histoire de ces derniers. Les
parents des criminels échouent souvent à exercer une fonction
de pare-excitation essentielle au développement. De ce fait,
l’enfant ou l’adolescent en viennent à considérer les tensions
internes comme dangereuses et devant être rejetées. La voie de
l’agir est alors privilégiée comme solution psychique, même
temporaire, à l’excès de tensions internes. Le moi s’allie au moi
idéal, favorisant les fantaisies de grandeur et de puissance de ce
dernier. Le surmoi peut être excessif et cruel, projeté sur l’exté-
rieur, à travers les parents, les figures d’autorité et la société
en général. L’interprétation de l’approche psychodynamique
ne s’arrête pas au passage à l’acte mais s’étale sur la période
post-délictuelle.

3.8.2 Le crime par sentiment de culpabilité


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La contribution majeure de Freud en criminologie repose


sur le repérage d’un sentiment de culpabilité précédant l’acte.
Ce sentiment inconscient aurait une fonction d’apaisement
en procurant une cause extérieure définie. Le sujet resterait
incapable d’expliquer les raisons de son crime. En effet, si
le criminel parvient à nommer sa culpabilité, par exemple
à travers le meurtre, il ne peut en donner les raisons. Pour
Freud le crime provient de la conscience de la culpabilité. Face
à ce sentiment de culpabilité démesuré, le sujet est envahi
par un besoin de punition qui le pousse au crime. Ce schéma
ne convient pas à tous les criminels, c’est pourquoi Freud y
92 Introduction à la psychocriminologie

adjoint deux autres figures de criminels : le criminel sans culpa-


bilité, narcissique, profondément inscrit dans la transgression
et ayant atteint un haut degré d’agressivité et le criminel idéa-
liste, dont l’acte vient au titre de dédommagement des préju-
dices précoces subis, de nature traumatique.
Plus tard, Reik identifiera le « besoin d’avouer » et évoquera
la compulsion d’aveu où le sujet indiquerait quelque chose
qu’il n’avait pas l’intention consciente de communiquer et
qu’il avouerait à son insu, en se trahissant. Pour Reik, l’acte
criminel repose sur un désir de s’infliger une peine : la compul-
sion d’aveu reflète la culpabilité à l’origine de l’acte, qui prend
racine très tôt dans la vie du sujet. C’est aussi ce que défend
Mélanie Klein, qui situe l’origine de la problématique délin-
quante ou criminelle au cours de la première année de vie,
plus précisément au stade oral du développement. Affirmant
dans un premier temps, à l’instar de Freud, que le criminel
agit sous l’influence d’un sentiment de culpabilité, elle avance
ensuite que le criminel souffre plutôt d’un important senti-
ment d’angoisse déterminé par un surmoi primitif très sévère.
Une personne présentant des tendances criminelles possède un
surmoi fixé à un niveau très précoce du développement. Selon
Mélanie Klein, un tel type de surmoi, construit au cours de la
première année de vie, est presque entièrement dominé par la
loi du talion. De même, le criminel présente des difficultés rela-
tionnelles importantes liées à la grande méfiance qu’il ressent
envers autrui. Il se sent notamment persécuté, ce qui le pousse
à détruire les choses et les personnes autour de lui. De ce fait,
on pourrait reconnaître que les racines psychologiques de la
paranoïa et de la criminalité sont semblables. Puisque l’objet
persécuteur détesté est en même temps l’objet d’amour, le
criminel resté fixé à cette problématique primitive où le clivage
joue un rôle déterminant, se sent contraint de détester et de
persécuter cet objet d’amour. Les actes criminels apparaissent
ainsi sous l’aspect paradoxal d’être essentiellement défensifs,
à l’encontre d’un entourage projectivement construit par le
Les théories explicatives du crime 93

sujet comme menaçant et destructeur. L’attitude criminelle


résulterait d’une fixation aux angoisses primitives et donc aux
mécanismes de défense associés (déni, projection, clivage).
Dans cette perspective, les conduites criminelles sont envisa-
gées comme de véritables productions défensives sous-tendues
par des conflits intrapsychiques primitifs.
La question du sentiment de culpabilité a longuement
été évoquée dans les travaux sur la délinquance. Dans les
procédures de traitement judiciaire, on attend toujours que
le délinquant reconnaisse les faits et exprime un sentiment
de culpabilité, des excuses, de telle façon que le tribunal et
les victimes puissent exercer leur pardon. Bien souvent au
contraire, les délinquants nient les faits, ou ne les recon-
naissent pas à leur importance, se trouvent des excuses, ou
encore élaborent des justifications surprenantes.
L’étude du sentiment de culpabilité doit être précédée
par celle de la reconnaissance des faits et de l’attribution de
responsabilité par leur auteur. Si le délinquant se reconnaît
responsable des faits qui lui sont reprochés, on peut considérer
qu’il s’agit d’un premier pas vers une possible modification
ultérieure du comportement. L’aptitude à reconnaître les faits
peut être identifiée à travers la notion de lieu de contrôle et
d’attribution, deux dimensions pouvant refléter des processus
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d’internalité. On sait depuis les études de McNamee et de


Kohlberg (1966) que le comportement est fortement lié au
niveau de jugement moral.

3.8.3 Les délinquants et le jugement moral


Le développement moral a été décrit par Piaget à partir du
stade individuel (jusqu’à 3 ans), puis du stade de l’égocen-
trisme (de 3 à 5-6 ans), celui de la coopération naissante (7 à
11 ans) avec recherche des règles, et celui de la coopération
mutuelle (11 ou 12 ans à 13-14 ans), qui marque un accord au
sujet des règles. La conception de la règle en général suit trois
94 Introduction à la psychocriminologie

stades : subie (venant de l’autorité), hétéronome (construite


par un autrui reconnu), consensuelle (construite en collabora-
tion). De son côté, Kohlberg considère six stades du jugement
moral avec trois niveaux principaux. Le pré-conventionnel,
essentiellement centré sur l’individu, le conventionnel, qui
s’appuie sur la notion d’ordre, et le post-conventionnel, fondé
sur des principes abstraits de justice et d’équité.
On se demande régulièrement si une personne qui a fait un
séjour en prison, dont on peut estimer qu’elle a transgressé les
normes sociales et dans certains cas socio-morales, conserve
un certain jugement moral. Songeons à ces détenus qui invec-
tivent les délinquants sexuels, notamment les pédophiles :
« Ça ne se fait pas de toucher les petits garçons », « Quand je
pense que “ça” s’attaque aux petites filles ! », etc. Il serait faux
de considérer que ces détenus n’ont pas de jugement moral,
puisqu’ils en font état dans ces réflexions. Dès lors, pourquoi
des normes morales sont-elles reconnues tandis que d’autres,
le plus souvent des normes sociales, ne le sont pas ?
On pourrait penser qu’il existe une différence de degré, que
les normes les plus fortes seraient les normes morales et des
normes reconnues par une société qui les instituerait dans
des textes juridiques. Les frontières des catégories ne sont
pas si nettement définies. Ainsi, certaines normes sociales,
par exemple le fait de voler le bien d’autrui, sont plutôt des
normes socio-morales. Le fait de martyriser des enfants, avant
de constituer une norme sociale, représente une norme morale.
Il faut ici entendre le terme de norme « morale » comme une
norme communément admise, qui fonde les normes sociales
et éventuellement les lois. Du fait de ce recoupement des caté-
gories, on préférera le terme plus général de normes socio-
morales. Si donc les détenus mettent au ban de la prison les
délinquants sexuels, les qualifiant de « pointeurs », c’est que
leur jugement moral est au moins partiellement opérant.
Pourquoi dès lors n’a‑t‑il pas été efficace dans l’affaire qui les
a conduits en prison ? Pour aborder cette vaste question nous
Les théories explicatives du crime 95

avons comparé les niveaux de jugement moral de détenus


avec ceux d’une population contrôle, des personnes connues
pour n’avoir jamais été condamnées ni avoir commis des actes
susceptibles d’entraîner une condamnation.
Pour savoir si les délinquants s’estiment généralement
responsables de leurs actes, deux populations masculines, l’une
composée de 80 détenus et l’autre de 92 personnes n’ayant
pas eu affaire avec la justice, ont été comparées essentielle-
ment sur leur jugement moral et leur lieu de contrôle (locus of
control ; Rotter, 1966), qui représente l’anticipation faite par un
individu du lien entre un comportement et un renforcement.
Les individus dont le lieu de contrôle est interne estiment
pouvoir agir directement sur les événements ; ceux dont le lieu
de contrôle est externe ont tendance à penser que les événe-
ments ne dépendent pas de leur intervention, mais plutôt de la
chance, du hasard, ou du pouvoir d’autrui. Le LOC peut ainsi
être considéré comme une attribution de causalité interne,
mais certaines personnes peuvent, tout en faisant une attribu-
tion interne, ne pas percevoir une relation de causalité entre
le comportement et le renforcement. Par exemple, un détenu
peut reconnaître les faits qui lui sont imputés : « C’est bien
moi qui ai commis ce vol à main armée », et l’annoncer au
tribunal. Pourtant, si on lui demande s’il se considère respon-
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sable de ce vol, il dira qu’il a été pris sur le fait par des vigiles
intervenus à une heure où ils ne devaient pas faire de ronde.
Pour considérer qu’une personne est proche d’un sentiment
de responsabilité, il faut qu’elle associe un LOC interne et une
attribution personnelle de responsabilité. C’est pourquoi nous
avons choisi d’explorer la situation socio-cognitive particulière
des prisonniers, en étudiant leurs attributions en plus du lieu
de contrôle (LOC).
Les personnes du groupe n’ayant pas eu affaire à la justice
ont attesté n’avoir jamais commis de délit grave. Les détenus
étaient des condamnés purgeant une peine en centre de
96 Introduction à la psychocriminologie

détention. Les attributions en matière de stabilité et de contrô-


labilité du comportement ont été évaluées par le question-
naire d’attribution sur l’acte délinquant (McKay, traduction
et validation Blatier, 1999c), le lieu de contrôle par l’échelle
de LOC-Prison (Abdellaoui et Blatier, 1998). Les personnes qui
n’ont pas eu affaire à la justice, qui constituaient le groupe
témoin, se sont montrées plutôt internes. Les détenus ont
présenté un fort degré de contrôlabilité et se sont montrés
plutôt internes (c’est plus vrai encore pour les plus âgés), ce
qui pourrait être considéré comme une aptitude à s’estimer
responsables de leurs actes. La stabilité est moindre que dans
le groupe témoin ; elle est d’autant plus élevée que le détenu
a passé du temps en prison, soit au cours de la condamnation
actuelle, soit cumulée avec une condamnation antérieure.
McKay et ses collaborateurs (1996) ont montré nécessaire que
les détenus puissent concevoir les causes de leurs comporte-
ments comme internes, contrôlables et sujettes à modification
(c’est-à-dire instables) pour envisager raisonnablement d’avoir
recours à certains programmes de traitement du comportement
destinés aux délinquants. Les résultats de notre étude montrent
que plus les détenus ont passé de temps en prison, plus ils ont
des jugements socio-normatifs stables sur des comportements
déviants et délinquants. Ce résultat mérite réflexion (Blatier,
2000b).
D’autres auteurs ont discuté la théorie de Kohlberg en esti-
mant qu’elle décrivait bien le développement du jugement
moral, mais qu’elle n’intégrait pas suffisamment le fait que
les individus marquent souvent une distance entre leur juge-
ment et leur conduite : l’intention n’est pas nécessairement
suivie par l’action (Tsujimoto et Emmons, 1983). De multiples
facteurs, notamment situationnels, peuvent rompre le lien
entre le jugement moral et l’action.
Nous avions déjà réalisé une étude auprès de personnes
n’ayant pas eu affaire à la justice, afin de déterminer dans
Les théories explicatives du crime 97

quelle mesure les individus reconnaissent une règle comme


valable, disent la suivre souvent, mais s’autorisent dans
certains cas à la transgresser. L’échelle de jugement moral, que
nous avons construite dans la lignée des travaux de Kohlberg
(Blatier, Berthoin et Pénicault, 1998), interroge sur trois types
de situations, individuelles, conventionnelles et morales,
mettant en jeu des comportements normatifs. Elle repose sur
les stades de Kohlberg mais institue une réponse additionnelle
permettant de préciser lorsque la décision comportementale de
transgression est prise du fait d’une circonstance jugée excep-
tionnelle. Nous avions déjà repéré ce phénomène en utilisant
le même outil auprès d’étudiants. Ils avaient montré qu’on
peut avoir recours à un stade antérieur, même lorsqu’on est à
un stade avancé et qu’on est capable, dans des circonstances
jugées spéciales, de transgresser des règles dont on reconnaît
par ailleurs l’utilité.
Nous avons repris l’expérience avec des détenus, afin de les
comparer à d’autres personnes. Il s’agissait de connaître les
caractéristiques du recours des détenus à des réponses quali-
fiées d’aménagées (lorsque la décision comportementale de
transgression est liée à une circonstance jugée exceptionnelle ;
par exemple, habituellement la personne ne lit pas le cour-
rier destiné à une autre personne mais cette fois-là elle a jugé
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

opportun de le faire, à titre exceptionnel). Une population


contrôle a été créée, de personnes de même âge, condition
sociale et niveau scolaire que les détenus et n’ayant jamais
commis d’acte de délinquance susceptible d’entraîner une
condamnation. Il était probable que les détenus utiliseraient
au moins aussi fréquemment les réponses aménagées que les
personnes n’ayant jamais eu affaire à la justice.

3.8.4 Résultats
Les détenus se situent en moyenne au stade 4 de Kohlberg,
stade de l’orientation vers la loi et l’ordre. La moyenne aux
98 Introduction à la psychocriminologie

situations conventionnelles est plus faible que la moyenne


aux situations individuelles, laquelle est inférieure à celle des
situations morales. Les personnes n’ayant pas eu affaire à la
justice ont des résultats similaires, mais en moyenne moins
élevés. Ces résultats donnent deux indications importantes. La
première est que les situations individuelles sont plus forte-
ment investies que les situations conventionnelles ; on peut
se demander si c’est un reflet de l’individualisme qui prévaut
dans la société. La seconde indication porte sur le jugement
moral, globalement plus élevé chez les détenus : ils présentent
les mêmes types de réponse que les personnes n’ayant pas
eu affaire à la justice mais répondent peut-être en termes de
désirabilité sociale en renforçant leur jugement sur les normes
socio-morales.
En ce qui concerne la réponse aménagée, les détenus l’uti-
lisent plus souvent que les personnes n’ayant pas eu affaire à la
justice. L’internalisation correspond au passage d’une requête
externe à une exigence posée par l’individu pour lui-même.
Le concept d’internalisation fait appel à des processus moti-
vationnels, cognitifs et sociocognitifs dont on peut constater
qu’ils ne sont pas indépendants de l’âge : plus la première
incarcération est intervenue tôt dans la vie, plus le score de
jugement moral est bas. Les détenus de moins de 30 ans et
de niveau scolaire inférieur au baccalauréat ont un juge-
ment moral moindre et choisissent plus souvent la réponse
aménagée. Ce jugement n’est pas non plus indépendant du
vécu : le fait d’être condamné à une longue peine augmente
le jugement sur les situations conventionnelles, sauf pour les
non-récidivistes qui ont passé plus de 36 mois en détention et
dont le jugement moral est plus faible. Enfin, les récidivistes
font plus de réponses aménagées que les non-récidivistes et ce,
particulièrement pour les situations conventionnelles.
Ces études donnent des informations plus précises sur
le jugement moral. Il apparaît que les jugements aux situa-
tions conventionnelles sont réalisés à partir de critères
Les théories explicatives du crime 99

correspondant à des stades moins avancés que les jugements


opérés aux situations individuelles ou morales. Ces jugements
aux situations conventionnelles sont plutôt fondés sur des
stades faisant appel à l’évitement de la sanction. Les détenus
font plus souvent le choix de la réponse aménagée, ce qui
montre qu’ils connaissent effectivement les normes, sans que
cela n’entraîne pour autant le comportement correspondant.
Ils exercent leur jugement moral en renforçant les données
individuelles et intègrent peu d’éléments qui pourraient avoir
des conséquences sur l’ensemble de la société. On constate que
l’âge, le niveau d’études, le statut pénal et le temps passé en
prison ont un impact différentiel. L’augmentation du jugement
moral peut constituer un préalable à l’amélioration du compor-
tement. On gagnera toujours à développer chez les délin-
quants, notamment les plus jeunes, les capacités de réflexion
et de résolution de problèmes, ce qui va au-delà du dévelop-
pement intellectuel. On pourra également initier de nouveaux
modes de peine permettant que la prison ne conforte pas les
tendances antisociales. Enfin, on pourra susciter la prise en
compte de l’intérêt collectif au-delà de l’intérêt individuel par
des réponses diverses ou des sanctions qui aient une efficacité
démontrée.
Bien entendu, on pourra regretter que ce type d’études
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ne modifie pas les comportements et vise essentiellement


à décrire, évaluer des situations ou déterminer les bonnes
pratiques. Toutefois, avec Anne Wyvekens (2004), on pourra
aussi poser la question suivante : « Le souci d’évaluation, la
notion de bonne pratique et ses usages sont-ils définitivement
des curiosités anglo-saxonnes, incompréhensibles aux menta-
lités hexagonales ? »
Les entretiens que nous avons réalisés avec des détenus
à différentes occasions (expertises, entretiens de recherche)
confirment qu’ils connaissent généralement les lois et les règles
socio-morales. Ils sont particulièrement sensibles à tout ce
100 Introduction à la psychocriminologie

qui concerne un sentiment d’injustice subie. Leur jugement


moral tient peu compte des effets cumulatifs de certains actes
antisociaux et s’appuie principalement sur une appréciation
ponctuelle. Quant aux mineurs, ils se font très dépendants
de l’appréciation de leurs parents. Ces derniers restent pour
eux une référence : ils ne souhaitent pas les décevoir. C’est
pourquoi il est fondamental de travailler avec les parents pour
encourager une évolution positive du jugement moral. Pour
les adultes, on constate que le jugement moral est susceptible
d’évoluer et d’entraîner un comportement plus adapté à la
société.
En comparant des adolescents non délinquants à des jeunes
délinquants (score à la Psychopathy CheckList (PCL) inférieur
à 27) et des jeunes psychopathes (score à la PCL supérieur ou
égal à 29), Trevethan et Walker (1989) ont montré que, tant
pour des situations morales hypothétiques que réelles, il existe
des différences entre délinquants et non-délinquants, mais le
niveau de jugement moral des jeunes psychopathes est proche
de celui des délinquants. Ces résultats sont confirmés dans
d’autres études, qui montrent des différences nettes concer-
nant le jugement moral entre délinquants (dont le jugement
moral est plus développé) et non-délinquants, mais pas entre
délinquants et psychopathes (Chandler et Moran, 1990).
Après avoir discuté d’éléments fondamentaux de la problé-
matique délinquante et criminelle, et de la considération des
délinquants vis-à-vis des normes sociales et morales, nous
allons poursuivre en examinant différents types de criminalité.
Nous commencerons par la criminalité routière.
3
Cha
pi
tre

LES CRIMINALITÉS
SPÉCIFIQUES
aire
m
So m

1. La criminalité routière.............................................. 103


2. Les hooligans ou la violence dans les stades......... 108
3. Les homicides........................................................... 112
4. Les parricides........................................................... 121
5. Les mineurs délinquants.......................................... 125
6. La délinquance des seniors..................................... 132
7. Les crimes en col blanc............................................ 133
8. La criminalité organisée et le terrorisme............... 135
9. La cybercriminalité.................................................. 143
10. Les tueurs en série.................................................. 147
11. Le profiling.............................................................. 156
1. La criminalité routière

Le volume des infractions routières relevées chaque année


par les services de police et de gendarmerie connaît une progres-
sion régulière. L’adoption de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004
portant adaptation de la justice aux évolutions de la crimina-
lité a contribué à cette inflation. Cette loi a créé de nouveaux
délits et transformé en délits des contraventions de cinquième
classe. Un tiers des délits représente des infractions relatives à
l’alcoolémie au volant. Les délits liés à l’usage de stupéfiants
sont en augmentation. Si l’on examine les données chiffrées
de la Sécurité routière, on constate que les délits liés au permis
de conduire (conduite sans permis, conduite malgré la suspen-
sion ou l’annulation, refus de restituer son permis malgré sa
notification de retrait, etc.) comme les délits d’usage de fausses
plaques ou de plaques portant un numéro d’immatriculation
attribué à un autre véhicule sont également en progression. En
matière contraventionnelle, le nombre de défauts de port de la
ceinture de sécurité a tendance à diminuer. La part relative des
infractions liées à l’alcoolémie se maintient autour de 3 % avec
une augmentation des conduites en état alcoolique. La part
des conducteurs ayant une alcoolémie illégale dans les acci-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dents mortels est assez stable depuis une quinzaine d’années,


de l’ordre de 17 %. Les fortes alcoolémies prédominent (taux
moyen 1,6 g/l dans les accidents corporels). Le permis à points
semble jouer un rôle important de modération des comporte-
ments selon l’Observatoire national interministériel de Sécurité
routière (ONISR). Entre 2000 et 2010 la mortalité routière a
été diminuée par deux. Si les hommes sont majoritairement
représentés dans les dossiers de retrait de points (70 %), la
tendance est à une augmentation de la part des femmes. La
part des dossiers concernant la tranche d’âge des moins de
26 ans continue à s’amenuiser. Corrélativement, la part des
dossiers traités pour les plus de 50 ans a progressé et atteint près
104 Introduction à la psychocriminologie

d’un tiers. Le nombre de permis invalidés pour défaut de points


connaît une augmentation significative depuis 2002. Cette
évolution tient à la fois à l’augmentation des contrôles routiers
et au durcissement des barèmes de retrait de points. Même si le
nombre de conducteurs n’ayant plus de points semble relati-
vement marginal (moins de 2 pour 1 000 des conducteurs titu-
laires du permis de conduire en France), son évolution mérite
une attention particulière. Au cours d’une année, on compte
près de 70 000 dossiers de permis de conduire invalidés (dont
le solde de points est nul) ; 94 % de ces permis sont détenus
par des hommes.
Par ailleurs, le nombre de tués sur une année dépasse
les 4 000 en Allemagne, en France et en Italie, les 2000 en
Espagne et au Royaume-Uni, voisine les 900 au Portugal et
en Belgique, et les 700 aux Pays-Bas. On constate les efforts
réalisés par certains pays pour réduire la mortalité sur les
routes. Le nombre de tués rapporté au nombre total d’habi-
tants représente le risque d’être tué sur une route pour un
habitant d’un pays donné. Ce nombre est encore est plus fiable
puisqu’il permet véritablement une comparaison. Il était en
2012, selon les statistiques de la Sécurité routière, de 73 par
million d’habitants en Belgique, de 62 en Italie, 56 en France
comme en Espagne, 44 en Allemagne, 32 aux Pays-Bas, et 28 au
Royaume-Uni. Le recours au contrôle automatisé de la vitesse
et l’augmentation de la sévérité des sanctions susceptibles
d’être prononcées pour les infractions routières ont joué dans
la baisse du nombre de tués sur les routes françaises. Toutefois,
ce chiffre ne saurait suffire à établir un constat positif car il
n’intègre pas les personnes blessées. En effet, la référence en
France est à tort le nombre de décès dans les six jours qui
suivent l’accident alors que les autres pays européens consi-
dèrent les décès survenus dans les 30 jours. En faisant ainsi le
calcul, on aboutirait alors pour la France à un nombre de tués
bien plus important. Bien évidemment, les décès survenus à
la suite d’un accident dans l’année ne sont pas comptabilisés.
Les criminalités spécifiques 105

On n’intègre pas non plus les handicaps ni les traumatismes


graves. Face à cette situation, la réponse sociale principale est
l’intervention auprès des usagers de la route. Pour la modifi-
cation des comportements, il existe des mesures légales (défi-
nition d’une aptitude à la conduite après 65 ans), des mesures
de pénalisation (multiplication des condamnations), des tech-
niques (abaissement du seuil de vitesse excessive, augmen-
tation du nombre de contrôles tels que les enregistrements
radars, mise au point de méthodes de dépistage de la conduite
avec usage de stupéfiants, de médicaments ou d’alcool) ou
de prévention (multiplication des actions de sensibilisation).
Une étude réalisée par Roché, Bègue et Astor (2004) auprès
d’adolescents montre la présence de variables identiques dans
la délinquance de rue et la délinquance routière : le fait d’être
un garçon, le nombre d’amis délinquants, la gravité perçue du
comportement et l’impulsivité. Il apparaît que pour ces jeunes,
plus la sanction pénale est probable, plus la gravité perçue
est importante. En revanche, la gravité n’est pas affectée par
la dissuasion des parents ni par d’éventuelles conséquences
pour l’intégrité physique personnelle. Une atteinte possible à
l’intégrité physique d’autrui est considérée comme fait grave
mais, pour autant, le comportement n’est pas nécessairement
affecté par cette perception.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Un autre aspect important de la délinquance routière est


la conduite sous l’emprise de l’alcool ou d’un stupéfiant. La
conduite sous l’empire d’un état alcoolique représente une part
importante de l’activité de certains tribunaux correctionnels.
En effet, les dépistages positifs sont variables d’un départe-
ment à un autre. Dans les deux tiers des cas, la sanction est
une peine d’emprisonnement, souvent assortie d’un sursis.
Une peine principale ou complémentaire réside dans une
mesure restrictive du permis de conduire (suspension, annu-
lation, etc.). L’article L. 234 -1 du Code de la route dispose que
même en l’absence de tout signe d’ivresse manifeste, le fait
de conduire un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique
106 Introduction à la psychocriminologie

caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang égale


ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentra-
tion d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0,40 milli-
gramme par litre est puni de deux ans d’emprisonnement et de
4 500 euros d’amende1. Le risque d’accident dû à l’usage d’al-
cool est deux fois plus grand pour les personnes ayant atteint
ce seuil d’alcoolémie par rapport aux personnes n’ayant pas
consommé d’alcool. En revanche, en matière de stupéfiants,
aucun seuil n’a été fixé parce que les études sont insuffisantes
pour permettre de préciser les effets de la consommation de
produits stupéfiants sur la capacité de conduire.
La délinquance routière est plus le fait de certains pays. Les
Français ne se situent pas dans ceux qui ont les meilleures
attitudes au volant. Pour un même nombre de kilomètres
parcourus, le risque d’être tué pour les femmes est près de trois
fois moins élevé que pour les hommes. Les femmes font aussi
neuf fois moins que les hommes l’objet de condamnations
pour délit routier.
L’enquête de Roché et ses collaborateurs montre qu’il existe
des liens entre la délinquance routière et la délinquance de rue
chez les adolescents, et qu’un certain nombre de facteurs sont
communs aux deux types de délits et/ou prises de risques. Elle
montre également un lien entre la performance et l’intégration
scolaire des élèves et leur délinquance routière et confirme cette
relation pour la délinquance de rue. La relation des policiers et
gendarmes avec les jeunes, la fréquence et la qualité de cette
relation, sont des facteurs qui peuvent peser sur les comporte-
ments, de même que l’importance du rôle des copains et amis
dans les perceptions de la gravité des transgressions.
Le comportement au volant est particulièrement intéres-
sant parce que la situation donne à certains conducteurs un
sentiment de puissance Des automatismes sont mis en jeu, y

1. En 2014.
Les criminalités spécifiques 107

compris de conduite hors normes. Un excès de vitesse, d’alcool,


une absence de ceinture de sécurité sont des comportements
présentés par des personnes qui développent une relation
particulière au risque (Berdoulat, Vavassori et Muñoz Sastre,
2012). Toutefois, dans ce domaine, il n’existe pas de représen-
tation dichotomique, de personnes totalement exemptes de
comportements hors des règles de sécurité et d’autres qui, par
insouciance ou recherche du plaisir ou du risque, adopteraient
de tels comportements. Certaines personnes recherchent dans
la conduite automobile un sentiment de contrôle et de puis-
sance qui détermine leurs décisions au volant. C’est surtout
le caractère général du conducteur, sa prudence ou sa prise de
risque habituelles, qui sont déterminants.
Le caractère dominant des auteurs d’infractions au Code de
la route est leur manque de sentiment de responsabilité. Les
réponses face à la condamnation peuvent être extrêmes, tradui-
sant une certaine violence qui s’est exprimée sur la route :
souvent le condamné nie les faits ou les banalise. À l’inverse, il
entre dans une culpabilité dont il sort difficilement. La prison
peut représenter un moyen de payer sa dette. La délinquance
routière se présente comme le signe d’une problématique
personnelle. La mise en danger de soi ou d’autrui sur la route
doit être considérée comme un symptôme et être examinée de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

façon sérieuse. Ce comportement fréquent chez les adolescents


peut être banalisé ou assimilé à un comportement prétendu-
ment « sportif ». Les auteurs de délinquance ou de criminalité
routière sont souvent des personnes en mal d’affirmation de
soi. C’est pourquoi le travail psychothérapeutique peut s’ac-
compagner d’une aide socio-éducative permettant une réin-
sertion qui intègre un nouveau rapport à la route.
108 Introduction à la psychocriminologie

2. Les hooligans ou la violence


dans les stades

Les phénomènes de violence dans les stades se présentent


sous diverses formes : invasions du terrain avec attaques des
joueurs ou de l’arbitre, bagarres entre supporters, destructions
matérielles aux abords ou dans le stade, etc. Dans le sport,
certains considèrent que l’agressivité est ritualisée et qu’il ne
faut donc pas grand-chose pour qu’elle sorte du rite et entre
dans la réalité. Leyens et Rimé estiment que le spectacle de la
violence peut éveiller ou attiser celle du spectateur. C’est le plus
souvent le cas lors de rencontres footballistiques. Au début, le
football était joué localement, les joueurs étant essentiellement
des ouvriers dont c’était le loisir. Les ouvriers anglais jouaient
au football, de même que les Italiens souhaitant porter des
revendications sociales ; au contraire, les aristocrates jouaient
plutôt au rugby. À la suite des nombreux incidents qui émail-
lèrent les matchs de football du début du xxe siècle, des tunnels
furent mis en place pour l’entrée des joueurs ainsi que des
grilles pour éviter les envahissements de terrain. C’est surtout à
partir des années 1960 que les supporters rivaux furent séparés,
ce qui entraîna le conflit à se poursuivre en dehors des stades.
Les skinheads, jeunes violents au crâne rasé, montraient un
comportement plus extrémiste, surtout après 1968 et jusqu’en
1980. L’augmentation de la répression se fit en parallèle à une
planification précise des actes des hooligans. Certains jeunes
faisaient du hooliganisme un mode de vie. Dans les années
1990, ces manifestations diminuèrent, en partie du fait d’une
nouvelle loi sanctionnant les comportements violents lors
des rencontres sportives, permettant de placer des caméras de
surveillance dans et aux abords des stades, mais aussi du fait
des incitations envers les groupes de supporters à gérer eux-
mêmes leurs camarades.
Les criminalités spécifiques 109

Si les hooligans appartiennent le plus souvent aux classes


sociales les plus faibles, la possibilité leur est donnée par
l’agressivité de se réunir, d’être reconnus et d’avoir le senti-
ment d’un certain pouvoir. La violence est alors l’expression de
leur refus de la société ou des difficultés qu’ils y rencontrent.
Pour certains, il s’agirait, selon Ehrenberg, d’une quête de
reconnaissance sociale et d’une « rage de paraître ». Assister
à un spectacle violent n’aurait pas forcément un effet libéra-
toire de l’agressivité. Le niveau d’excitation des spectateurs est
augmenté à la fois par le jeu, sa technique, les points marqués
par son équipe et, de façon négative, par les buts adverses, le
jeu agressif des joueurs, les décisions de l’arbitre. Les fonda-
teurs de certains groupes de supporters sont originaires des
classes supérieures (Mignon). Dans tous les cas, l’identifica-
tion à l’équipe qu’ils encouragent et la recherche d’excitation
entrent dans la violence dont ils font preuve. Les comporte-
ments violents apparaissent le plus souvent lors de la deuxième
mi-temps, encore plus si la défaite se profile. La tension monte
alors en même temps que les antagonismes.
Le drame du Heysel a modifié l’approche du hooliga-
nisme, qui était présent dans des pays tels que l’Allemagne, la
Belgique, la France et les Pays-Bas. Les événements tragiques
lors de la finale de la coupe d’Europe des clubs champions ont
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relancé de nombreuses recherches et justifié le développement


d’une législation et d’une réglementation internationales. À
partir de ce moment, les travaux de recherche ont porté essen-
tiellement sur les processus d’apprentissage de la violence :
mimétisme, conformité aux normes du groupe, concurrence
intergroupes, carrière déviante, etc. (Bromberger ; Giulianotti ;
Mathias ; Zani et Kirchle). L’aspect contagieux du compor-
tement violent a été souligné, car un simple incident peut
générer une rixe. L’individu est identifié au groupe auquel
il appartient, les écharpes et vêtements de même couleur y
contribuent (Zimmerman). C’est pourquoi certains auteurs
110 Introduction à la psychocriminologie

ont souhaité rattacher ces mouvements à la crise identitaire


adolescente et post-adolescente et à une logique intergroupes.
Au contraire, la théorie de la vulnérabilité sociétale, dans les
années 1990, considérait que les expériences psychologiques
négatives des jeunes s’estimant en échec par rapport à la société
leur permettaient de compenser ces difficultés en investissant
leur équipe et leur groupe de supporters. Cette opportunité
leur permettait également de susciter l’intérêt des médias et la
méfiance de la police et des supporters des équipes adverses.
Certains mouvements d’extrême droite ont même infiltré des
groupes de supporters. Selon Bodin (1999b), si ces violences
semblent moins s’exercer en France, c’est que le contrôle poli-
cier y est très renforcé, d’où le déplacement de la violence plus
loin des stades.
La plupart des faits de violence en lien avec le sport se
produisent avec le football (56 %) : sentiments hostiles et
belliqueux reposant sur des stéréotypes et stigmatisant les
groupes adverses, loyauté et solidarité au sein de chacun des
groupes. Les échanges donnent lieu à compétition et sont
prétexte à différenciation (Bodin, 2002 : enquête auprès de
2 393 spectateurs et supporters de basket-ball, football, rugby et
volley-ball). Les supporters du football sont également presque
les seuls avec ceux du basket-ball à se déplacer pour tous les
matchs. Le noyau dur des clubs de supporters est composé
des plus anciens et des plus assidus. L’analyse des groupes
de supporters allemands, anglo-saxons, belges et français
(Dupuis ; Roumestan) montre qu’ils se décomposent en deux
entités essentielles : le noyau dur, comprenant les leaders, qui
comporte de 10 à 200 membres selon l’importance du groupe,
et les « suiveurs », qui composent le reste du groupe, de 50
à 2 500 membres en France. Les suiveurs participent ponc-
tuellement aux actions du groupe qu’ils recherchent pour des
raisons d’amitié et d’ambiance. Les membres des noyaux durs
sont plus souvent impliqués dans les événements hooligans
Les criminalités spécifiques 111

(direction des Affaires criminelles et des Grâces ; Rouibi, 1994 ;


Malatesta et Jaccoud, 2002).
Certains ont identifié un groupe à risque représentant une
menace pour la sécurité et dont les actes sont planifiés et orga-
nisés (Comeron, 2003). Ce groupe appelé side se compose de
deux ou trois meneurs chargés de la gestion des activités du
groupe et des stratégies globales ou ponctuelles (actions à
mener). Il s’appuie sur un noyau dur de spectateurs fidèles
présents à tous les matchs et qui se considèrent comme des
hooligans professionnels. Ce noyau se subdivise en sous-
groupes. Tout d’abord, les desperados, jeunes marginalisés
et défavorisés économiquement, souvent impliqués dans la
délinquance urbaine et ayant parfois déjà connu la prison.
Viennent ensuite les durs, qui présentent des comportements
délinquants uniquement lors des matchs, mais dont l’insertion
socioprofessionnelle est correcte. Enfin, les individualistes ne
sont présents que lors des matchs et ne fréquentent pas le
groupe pendant la semaine. Un autre groupe est appelé kop,
terme issu de l’histoire militaire anglaise en référence à une
colline d’Afrique du Sud du nom de Spion Kop qui, dans la
guerre des Boers, vit tomber 900 soldats anglais. Son nom fut
donné à une tribune de Liverpool en mémoire des victimes. Il
s’agissait de places debout, dont le billet était peu onéreux, et
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qui accueillaient des spectateurs déchaînés. Le kop est composé


des plus fervents supporters revêtus des couleurs du club,
encourageant les joueurs de leur fanfare et de leurs chants. À
la différence du side, qui fonctionne selon une logique d’af-
frontement avec les sides adverses, le kop ne représente pas, en
principe, le groupe le plus à risque.
Au niveau répressif, la lutte contre la violence dans les stades
a été intensifiée. La violence et le hooliganisme ne sont pas
aisés à prendre en charge hors d’un programme de préven-
tion et des mesures d’accompagnement. Des programmes de
prévention intègrent la nécessité que chaque pays fixe des
112 Introduction à la psychocriminologie

seuils de tolérance, assure un accompagnement des supporters,


contribue au maintien de l’ordre et à la mise en place d’un
système permanent de coopération s’appuyant sur des offi-
ciers de liaison et des observateurs ; exerçant des mesures de
contrôle de supporters à risque identifiés et ciblés ; engageant
une responsabilisation de l’organisateur au minimum dans les
domaines de l’infrastructure, la billetterie, le contrôle d’accès
et répartition des supporters dans le stade ; incitant à une
politique de sanctions dans le cadre d’un partenariat avec tous
les acteurs de terrain (Comeron et Vanbellingen, 2003). Par
ailleurs, en prévention situationnelle, les techniques comme
la vidéosurveillance ont une fonction de dissuasion mais ont
assez peu d’effet en termes d’intimidation réelle. Enfin, notons
qu’il existe encore trop peu d’études sur les hooligans et leurs
carrières déviantes (Bodin et al., 2013).

3. Les homicides

La criminalité violente a augmenté en France de façon signi-


ficative au cours des dernières années. Cet état de fait suscite
de nombreuses questions : est-ce un phénomène repéré dans
différents pays ou bien circonscrit à quelques États ? Quelle
est la part des mineurs dans ces crimes ? Du point de vue
de la recherche, l’homicide est probablement le crime qui
se prête le mieux à une comparaison internationale, car les
pays s’accordent au sujet de la définition de cette catégorie.
L’homicide est également un indicateur intéressant, car il s’as-
socie fréquemment à des vols qualifiés, des voies de fait ou des
agressions sexuelles. Du fait de cette association, il peut rendre
compte du niveau de violence d’une société. L’homicide reflète
donc en partie l’état de la criminalité d’un pays donné.
Les criminalités spécifiques 113

On ne peut considérer la question des homicides unique-


ment en France. C’est pourquoi nous avons réalisé une analyse
comparée des homicides en France et aux États-Unis (Blatier
et al., 2010).

3.1 La situation internationale


en matière d’homicide
La comparaison des taux d’homicides pour 100 000 habi-
tants est intéressante à faire pour différents pays, car elle
permet de porter un regard plus éclairé sur l’évolution de la
criminalité et sa perception. En effet, du fait d’une large média-
tisation des homicides, la perception de leur importance est
rendue assez sujette à caution, En 2011, l’information la plus
récente indiquait que le taux d’homicides pour 100 000 habi-
tants était (par ordre décroissant) de 33,4 en Colombie, de 10,2
en Russie, de 4,2 aux États-Unis, de 1,6 au Canada, de 1,1 en
France, 1,1 en Angleterre et au Pays de Galles. Il ne faut pas
oublier que cette catégorie reste, du point de vue de la compa-
raison internationale, très sujette à fluctuation en raison du
caractère collectif de certains homicides, du fait du terrorisme
(voir en Irak ou en Israël) ou de coups de force et d’assassinats
collectifs (voir les massacres au Rwanda, par exemple, dans
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une école en Ossétie en 2004, ou encore dans une école de


Newtown, Connecticut, en décembre 2012, où 20 enfants et
six adultes avaient été tués par un jeune homme lourdement
armé, etc.). De telles disparités ne peuvent laisser sans réaction
des gouvernements qui s’interrogent sur la stabilité interne
de leur pays. Elles questionnent également les médecins et les
psychologues qui espèrent assurer des équilibres plus robustes
dans certaines sociétés. Nous poserons quelques jalons pour
expliquer pourquoi certains pays ont un taux d’homicides
moindre. Mais avant cela, examinons la situation française.
114 Introduction à la psychocriminologie

3.2 La situation en France


Depuis de nombreuses années, les statistiques indiquent une
forte croissance de la délinquance et la criminalité en France.
Cette hausse s’inscrit dans la tendance observée depuis plus
de quarante ans. Elle ne provient pas des homicides puisque
cette catégorie est à la baisse depuis des années, de même que
les tentatives d’homicide. La hausse tient essentiellement aux
coups et blessures volontaires et aux menaces et chantages.
Les femmes sont moins impliquées que les hommes dans les
homicides comme dans les tentatives d’homicide (de l’ordre de
10 %). Les femmes tuent moins que les hommes et font moins
partie des victimes. De même, les personnes plus âgées sont
moins violentes et se font moins tuer. La catégorie des homi-
cides concerne essentiellement des hommes jeunes (85 % ;
cf. les travaux de Mucchielli), qu’ils soient auteurs ou victimes.
Les villes et les banlieues sont les lieux les plus fréquents des
homicides. La plupart des homicides sont commis par des
personnes majeures. Toutefois, il est utile de considérer l’évo-
lution des faits de violence des adolescents.

3.2.1 Des adolescents délinquants, rarement homicides


Les homicides commis par les mineurs restent actuellement
peu nombreux en France. Il s’agit essentiellement de garçons.
Chez ces adolescents, le crime n’est généralement pas prémé-
dité et se révèle le plus souvent être une conséquence fâcheuse
d’une altercation qui tourne mal.
Le taux d’homicides des 15-24 ans aux États-Unis est bien
plus élevé que celui d’autres pays. Pour cette tranche d’âge
l’homicide est la deuxième cause de mortalité aux États-Unis.
Comment expliquer le faible taux d’homicides en France rela-
tivement à d’autres pays ? Les législations sont-elles très diffé-
rentes entre les États-Unis et l’Europe ? La façon de considérer
l’acte homicide varie‑t‑elle d’un pays à l’autre ? Trois facteurs
Les criminalités spécifiques 115

principaux peuvent être évoqués : la faible présence des armes


à feu, l’amélioration des conditions de vie, la réponse pénale
apportée aux homicides.

3.2.2 La présence des armes à feu


Des éléments de la vie sociopolitique ou socio-économique
peuvent expliquer le taux d’homicides élevé de certains pays
comme l’Afrique du Sud ou la Colombie. C’est pourquoi la
compréhension de ce phénomène est de grande importance
pour les politiques. Une des questions souvent discutée en
France est celle de l’accès des citoyens aux armes à feu. La
plupart des hommes politiques et beaucoup de Français esti-
ment préférable de ne pas libéraliser la législation en matière
de port d’armes, au motif que la présence des armes à feu
augmenterait le taux d’homicides dans le pays. Ils précisent
qu’ils ne souhaitent pas voir la situation française en matière
d’homicide se rapprocher de celle des États-Unis. En effet,
dans de nombreux domaines de la vie sociale des Européens
et notamment des Français, le modèle dominant, celui auquel
on se réfère, pour l’imiter ou s’en démarquer, est le modèle
américain. Pourtant, peu de Français savent que des travaux
de recherche indiquent que la législation sur les armes à feu
n’est pas seule responsable du taux d’homicides d’un pays. En
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

effet, le taux d’homicides hors arme à feu aux États-Unis est


plus élevé que ceux réunis des homicides avec et hors armes à
feu de pays européens. Cette première remarque indique une
nette différence : l’homicide est plus fréquent aux États-Unis
que dans d’autres pays comparables. Cette différence ne repose
pas sur une seule année, il s’agit d’un constat ancien.
Le taux d’homicides varie selon les régions. De même, la
comparaison État par État américain montre que certains,
comme le Dakota du Nord ou le New Hampshire, ont des
taux d’homicides semblables à ceux de la France. Le taux de
criminalité violente a suivi une forte décroissance dans une
116 Introduction à la psychocriminologie

vingtaine d’États américains, qui ne s’est pas démentie avec


la libéralisation du port d’arme dissimulée. La corrélation a
été établie entre le taux d’homicide et la présence des armes à
feu dans un pays. Pourtant, une politique libérale en matière
d’armes à feu et un faible taux d’homicide peuvent être asso-
ciés : c’est le cas en Norvège. La législation sur les armes a un
impact plus important sur les citoyens qui ne commettent
pas de crimes que sur les criminels eux-mêmes : les premiers
ne se fournissent plus en armes et se trouvent démunis face à
leurs agresseurs, particulièrement les femmes et les personnes
âgées, qui luttent moins facilement au corps à corps. Le taux
d’homicide des États-Unis apparaît plutôt comme un taux
moyen, qui de ce fait ne reflète pas la situation exacte d’un
immense territoire. L’absence de libéralisation des armes à feu
en France ne peut donc pas être invoquée seule pour expliquer
la valeur du taux d’homicide. Un autre facteur de la baisse du
nombre d’homicides en France est celui de la réponse pénale
aux homicides, qui peut constituer un facteur de dissuasion.

3.3 La réponse pénale aux homicides


Au cours des années, la France a accru la durée de pénalisa-
tion des homicides. Pour l’homicide involontaire (considéré
comme un délit) avec ou sans alcoolémie, la peine de prison est
passée de 8,8 mois en 1998 à 10,1 mois en 2001, à 11,1 mois
en 2002, et à 13,4 mois en 2008. Pour l’homicide volontaire
(considéré comme un crime), nous avons déjà évoqué plus
haut l’augmentation de la peine de prison, passée de 12,6 en
1998 à 14,6 en 2002 et à 16 ans en 2008. De 1998 à 2008, l’aug-
mentation de la durée de la peine de prison pour homicide a
été considérable et plus marquée que pour les autres crimes.
Il est difficile d’aller au-delà de ces années dans l’analyse des
chiffres, comme il est rare d’avoir accès à une durée moyenne
de peine de prison pour un crime ou un délit donné.
Les criminalités spécifiques 117

Certains homicides sont considérés comme involontaires, ils


constituent des délits d’imprudence (par exemple l’atteinte à
l’intégrité physique mesurée en incapacité de travail). Il s’agit
alors d’une faute d’imprudence ou de négligence, ou d’inob-
servation des règlements. Certains auteurs d’homicides sont
exonérés partiellement ou totalement de leur responsabilité. La
légitime défense représente un fait justificatif qui supprime le
caractère délictueux d’un acte accompli en riposte à une agres-
sion. La personne n’encourt alors aucune sanction du fait de
son irresponsabilité tant pénale que civile. La loi insiste sur la
nécessaire proportion entre les moyens employés et la gravité
de la menace. Ainsi ne peut-on répondre par des coups à des
menaces ou des injures. De même, la personne qui cherche à
faire cesser une infraction contre un bien ne peut pas invoquer
la légitime défense si elle commet un homicide.
L’existence d’un lien entre incarcération et diminution
du taux d’homicides a été avancée par Spelman (2000), qui
explique avec l’aide de statistiques qu’un quart de la baisse de
la criminalité globale des années 1990 aux États-Unis est dû à
la hausse des incarcérations. D’autres études indiquent que ce
résultat n’est pas probant : une hausse des incarcérations aux
États-Unis et une baisse au Canada ont été toutes deux liées à
une réduction des homicides. Ces informations étaient sans
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

doute connues des législateurs français lorsqu’ils ont renforcé


la pénalisation des homicides. Toujours est-il que le nombre de
détenus pour homicide est assez important en France, puisqu’il
dépasse les 6 000. Un élément de dissuasion peut donc être
la menace de l’incarcération. Dans une étude sur 122 homi-
cides, Mucchielli (2008) montre que près des deux tiers n’ont
pas de diplôme, sont issus de milieux populaires et que 59 %
sont inactifs. Plus de huit fois sur dix, la victime et l’auteur se
connaissaient. La situation des femmes est un peu différente.
Elles sont en nombre bien moins important. Un point est à
118 Introduction à la psychocriminologie

noter : les crimes de sang représentent la principale catégorie


pénale d’incarcération pour les femmes.
Les jeunes représentent une catégorie que l’on peut consi-
dérer un peu à part : les mineurs sont en général traités de
façon particulière, dans des locaux spéciaux, les jeunes majeurs
sont détenus avec les majeurs mais ils peuvent être assimilés au
groupe des jeunes du point de vue des actes commis. Il existe
également des mesures judiciaires d’assistance aux jeunes en
difficulté qui s’étendent jusqu’à 21 ans. Pour donner une idée,
au 1er juillet 2013, 47 jeunes de moins de 21 ans étaient incar-
cérés pour homicide volontaire et 134 étaient condamnés pour
homicide et atteinte involontaire à l’intégrité de la personne
(voir tableau 3.1 ci-contre). Parmi eux, 37 jeunes femmes de
moins de 30 ans étaient incarcérées pour meurtre, dont quatre
pour meurtre ou assassinat commis sur un mineur de 15 ans
ou moins.
Les criminalités spécifiques 119

Tableau 3.1 – Nombre de personnes détenues pour homicide


en métropole selon le motif d’incarcération et l’âge au 1er juillet 2013
(statistiques de la population prise en charge en milieu fermé.
Direction de l’Administration pénitentiaire)
l’infraction/

60 ans et +
Nature de

à 18 ans

à 21 ans

à 25 ans

à 30 ans

à 40 ans

à 50 ans

à 60 ans
16 ans

De 16

De 18

De 21

De 25

De 30

De 40

De 50

Total
âge

<

Assassinat ou
meurtre commis
0 3 4 20 32 72 88 53 33 305
sur mineur
de 15 ans
Meurtre,
assassinat 0 2 38 185 390 881 786 587 322 3 191
sur adulte
ACTES
0 5 42 205 422 953 874 640 355 3 496
VOLONTAIRES
Homicide
et atteinte
involontaire
0 0 4 25 51 49 60 50 17 256
à l’intégrité de
la personne (faits
de vie ordinaire)
Homicide
et atteinte
involontaire
0 3 31 153 323 546 389 210 57 1 712
à l’intégrité de
la personne (lié
à la circulation)
Homicide
et atteinte
involontaire
à l’intégrité de 1 5 91 237 300 445 309 158 61 1 607
la personne
(autre infraction
sur la personne)
ACTES
1 8 126 415 674 1 040 758 418 135 3 575
INVOLONTAIRES
TOTAL
1 13 168 620 1 096 1 993 1 632 1 058 490 7 071
HOMICIDES
120 Introduction à la psychocriminologie

La situation française n’est pas comparable à la situation


américaine en matière d’homicide. La réponse judiciaire des
États-Unis s’insère dans une ligne politique clairement définie
depuis de nombreuses années, marquée par une tradition plus
répressive. Il est probable que la législation française comme la
jurisprudence limitent grandement les cas de légitime défense,
ce qui peut ensuite constituer un frein sur la commission des
homicides. Par comparaison, en Angleterre, la lutte contre la
criminalité a été importante au cours des dernières années et les
atteintes aux biens ont suivi un particulier recul. Les violences
et les coups et blessures ont sensiblement augmenté, mais pas
l’homicide. La volonté répressive s’est traduite dans l’aboli-
tion de la présomption d’irresponsabilité pour les mineurs de
14 ans, la suppression des allocations familiales des mineurs
délinquants, l’intensification du recours aux placements en
Maison de redressement pour les 12-15 ans, l’instauration de
couvre-feux et les tests de dépistage pour les toxicomanes. La
méthode se montre partiellement efficace.
Nous l’avons vu, le principal facteur de protection des homi-
cides des adolescents est encore souvent considéré comme l’ab-
sence de légalisation du port d’armes. Les recherches montrent
qu’il ne peut s’agir du seul facteur. La baisse actuelle du nombre
d’homicides peut également être due à leur plus forte pénalisa-
tion. Il faut donc invoquer une combinaison de facteurs, tels
que le fait que la légitime défense soit plus rarement invoquée
en France. On peut se demander si les Français n’ont pas une
certaine réticence par rapport à l’acte homicide, estimant que
c’est un acte grave, moralement peu acceptable, qu’ils rempla-
ceraient plus fréquemment par de la violence.
Les personnes convaincues d’homicide sont généralement
des personnes d’un milieu socio-économique défavorisé, agis-
sant souvent sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue. Un
peu plus de la moitié de ces personnes n’a pas d’antécédent
judiciaire. Les autres ont été condamnées pour des atteintes
Les criminalités spécifiques 121

aux biens, pour divers faits de délinquance et parfois pour


des atteintes aux personnes. Elles sont issues de familles aux
relations le plus souvent conflictuelles accompagnées pour
certaines de violence. Leur niveau scolaire est faible, ce qui
limite leurs possibilités d’évolution sociale et économique.
La dimension impulsive des homicides a été assez peu traitée
jusqu’ici. Elle mériterait cependant un développement qui
pourrait éclairer le travail de prévention concernant les rela-
tions interindividuelles dans certaines familles et la dynamique
impulsive qui s’y déploie.
Les homicides constituent donc une catégorie à part dans
les atteintes aux personnes. L’analyse permet de sortir des
clichés rapides selon lesquels un plus faible nombre d’armes
en circulation est seul responsable d’un taux plus faible. Les
homicides se déclinent suivant différentes catégories selon le
lien de parenté avec la personne victime.

4. Les parricides

Les parricides représentent différents homicides intrafami-


liaux : filicide, uxoricide, maricide, fratricide et sororicide. Le
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

filicide désigne le meurtre d’un enfant par le père ou la mère.


L’uxoricide est le meurtre de la conjointe, le maricide celui du
conjoint. Le fratricide et le sororicide sont définis respective-
ment comme le meurtre du frère ou de la sœur. Le terme parri-
cide, issu du latin parricidia (assassin d’un proche) désigne :
• l’acte d’assassiner le père, la mère, le grand-père, la
grand-mère ;
• l’acte d’assassiner une personne établie dans une relation
comparable à celle d’un père (par exemple le président d’un
pays) ;
• l’auteur de cet acte.
122 Introduction à la psychocriminologie

Nous développerons ici le parricide au sens du meurtre des


ascendants.
Le parricide n’est pas une incrimination en tant que telle :
on parle de « meurtre d’un ascendant légitime ou naturel ou
sur les pères ou mères adoptifs ». L’article 221-4 du Code pénal
affirme que le meurtre parricide peut être puni de la réclusion
criminelle à perpétuité.
L’homicide intrafamilial en général et le parricide en particu-
lier constituent la destruction du lien de sang, lien le plus étroit
et le plus fondamental des êtres humains. Lorsque les conflits
transgénérationnels ne permettent plus de communication, ce
lien « sacré » peut être perturbé avec des distensions sévères
et des cassures. Cet acte criminel représente entre 2 à 3 %
des homicides en France soit environ 30 cas par an auxquels
s’ajoutent 3 à 7 tentatives. Le parricide est dans neuf cas sur dix
un geste masculin dont la victime est le père dans les deux tiers
des cas (dans les autres cas il peut s’agir d’un autre ascendant)
(Bénézech, 2002 ; Marleau, 2003 ; Millaud, 1996). Il pourrait
exister des variations culturelles : Orban rapporte qu’au Pays
de Galles, le matricide par les fils est la forme la plus commune
de parricide. La majorité des crimes parricides est commise par
des adultes chez lesquels on note la fréquence particulière de
syndromes psychotiques ; dans un cas sur deux ce sont des
mères psychotiques qui tuent leurs enfants (Stroud, 2001). Les
enfants et les adolescents parricides présentent moins fréquem-
ment des troubles psychotiques.
Depuis trois décennies, plusieurs auteurs tentent de
comprendre des actes parricides d’adolescents et d’adultes et
d’élaborer des profils distincts. Selon leurs travaux, les adultes
parricides présentent souvent un trouble mental, généra-
lement une schizophrénie, au moment du passage à l’acte
tandis que les adolescents parricides agissent habituellement
dans un contexte non psychotique. Il n’existe pas chez eux
de structure de personnalité parricide, mais des défaillances
Les criminalités spécifiques 123

des processus de mentalisation (Marty, 2003). Dans d’autres


travaux, il est question de troubles ou de traits de personnalité
du groupe B, notamment des troubles ou traits narcissiques
(Auclair et al., 2006). Ces adolescents parricides présentent des
défenses psychiques contre l’échec et s’efforcent de faire face
à des exigences élevées et parfois au dénigrement des parents.
Certains autres adolescents ont des troubles ou traits limites
et/ou antisociaux, associés à de l’impulsivité. Ils exercent un
mode relationnel instable, intense et conflictuel avec l’un des
parents ou les deux. Les éléments communs aux adolescents
qui agressent leurs deux parents montrent que ces derniers
sont souvent exigeants et ont des attentes élevées. Se percevant
comme moins que rien, ces adolescents ont tendance à penser
que leurs parents sont la cause de leurs problèmes, à les iden-
tifier comme des persécuteurs et à viser leur élimination pour
en finir avec ces difficultés. Les adolescents qui tuent leur père
lui reprochent souvent des propos dénigrants et humiliants,
ou bien de la violence envers eux ou envers leur famille. La
probabilité du meurtre est plus forte si l’identité même de la
personne est menacée (le moi) (Holcomb, 2002 ; Marty, 1997 ;
Auclair et al., 2006). Le besoin de reconnaissance et d’affir-
mation de soi de ces adolescents est manifeste ; l’acte violent
vise à restaurer une image positive et plus juste d’eux-mêmes
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(Holcomb, 2000). Le meurtre de la mère est plus considéré


comme l’élimination des obstacles à la réalisation de leurs
projets.
Près des deux tiers des femmes parricides (76 %) sont âgées
de 19 ans et moins. L’âge moyen est de 17,7 ans. Si la mère est
la victime, elle représente souvent un obstacle à la formation
de l’identité de sa fille, et si le père est la victime, le parricide
représente fréquemment une réponse à une menace d’abandon
ou de rejet/indifférence du père. Autre encore est le cas de l’acte
parricide visant à se protéger ou à protéger un membre de sa
famille, souvent la mère ou la sœur.
124 Introduction à la psychocriminologie

Une étude réalisée par Le Bihan et Bénézech (2004) sur


42 parricides admis en hospitalisation d’office en unité pour
malades difficiles est intéressante pour aborder les troubles
psychologiques de ces criminels. La pathologie la plus fréquente
de ces parricides est la psychose schizophrénique où le meurtre
fait suite à un sentiment ancien de haine ou de frustration.
Entre 40 % et 60 % des parricides sont schizophrènes. Les actes
parricides sont souvent suivis de suicide. Les parricides patho-
logiques sont le fait d’hommes (9 hommes pour 1 femme) en
majorité célibataires, sans enfant, sans emploi régulier, ayant
des antécédents judiciaires ou familiaux de violence et/ou de
maladie mentale, avec des précédents de refus de soin et d’arrêt
de prise en charge et de traitement.
Un parricide célèbre est Pierre Rivière, jeune Normand qui
en 1835 tua de sang-froid à coups de serpe sa mère enceinte de
sept mois, sa sœur de dix-huit ans et son frère âgé de sept ans.
Une fois arrêté, il relata dans un écrit autobiographique les
circonstances de son geste. Son cas a longuement alimenté
le débat autour de la distinction entre criminalité et folie et a
été décrit par Michel Foucault (1973). Dans la série des affaires
ayant défrayé la chronique, citons également les sœurs Papin.
Le crime de Christine (1905-1937) et Léa (1911-2001) Papin,
deux sœurs employées de maison, auteurs du double meurtre
de leurs patronnes en février 1933, inspira de nombreuses
discussions autour du passage à l’acte (Dupré, 1984 ; Fleury,
1994 ; Lacan, 1933 ; Legendre, 1989 ; Racamier, 1955).
En dehors de ces affaires criminelles sordides heureusement
rares, il est beaucoup plus fréquent d’entendre parler de délin-
quance. Sur ce chapitre de la délinquance, les mineurs sont
régulièrement cités.
Les criminalités spécifiques 125

5. Les mineurs délinquants

On peut considérer trois périodes récentes importantes pour


analyser l’évolution de la délinquance et de la criminalité des
mineurs : 1993-1997, 1997-2001 et depuis 2001. L’une des
plus fortes augmentations récentes de la délinquance et de
la criminalité des mineurs a été observée entre 1993 et 1997,
puisqu’en quatre ans, le nombre de mises en cause de mineurs
a augmenté de 65 %. Pour comprendre cet accroissement, il
faut compter avec l’augmentation du taux de réitération, c’est-
à-dire du nombre de mises en cause par mineur au cours d’une
année donnée. Il faut intégrer aussi la réaction des institutions
pénales. En effet, de 1993 à 1997, une attention particulière
a été portée par les magistrats du Parquet à la délinquance
des mineurs. Avec le renforcement du recours aux mesures de
réparation (qui ont pris un large essor surtout à partir de 1993)
les policiers ont été encouragés à repérer les mineurs. Les poli-
ciers avaient en effet le sentiment que les mineurs seraient plus
nombreux à être poursuivis et qu’un nombre moins important
de dossiers serait laissé en suspens. Enfin, le nombre des mises
en cause de mineurs a augmenté plus vite que le nombre d’af-
faires concernant les mineurs, sans doute parce que le nombre
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de mineurs impliqués dans chaque affaire s’est élevé (vol en


réunion, racket à plusieurs, voies de fait en réunion).
Il est également intéressant de se pencher sur la seconde
période récente, de 1997 à 2001, car elle montre l’évolution
des faits de violence (Mucchielli, 2002). Le nombre des mineurs
mis en cause par les services de police et de gendarmerie a
augmenté de 14,9 % entre 1997 et 2001. Les mineurs représen-
taient à eux seuls 21 % du total des mis en cause, mineurs et
majeurs. Sur la période 1992-2001, le pourcentage de mineurs
mis en cause pour vol dans l’ensemble des mineurs mis en
cause s’est abaissé de 69,7 % à 49,6 %. Pendant cette même
126 Introduction à la psychocriminologie

période, le pourcentage de mineurs mis en cause pour des


crimes et délits contre les personnes a pratiquement doublé,
passant de 8,7 % à 15,4 % (Warsmann, 2002). Si on examine
l’évolution par tranche d’âge, on remarque que sur l’ensemble
des mineurs mis en cause, la part des jeunes âgés de 16 à 18 ans
a légèrement régressé (– 2 % en 2001), celle des 14-16 ans s’est
stabilisée, tandis que celle des moins de 13 ans a augmenté.
Les faits montrent donc différentes tendances dans cette délin-
quance : une évolution vers la violence et un rajeunissement,
que l’on constate depuis 2001. La part de la délinquance des
mineurs dans la délinquance globale est passée de 21 % en
1998 à 18 % actuellement.
La délinquance des mineurs ayant fait l’objet d’un ouvrage
spécifique (Blatier, 2014), nous ne développerons pas ces
aspects ici.
Les criminalités spécifiques 127

Tableau 3.2 – Part des mineurs dans l’ensemble des personnes


condamnées par âge et pour quelques types d’infraction
(source : ministère de la Justice, 2012)

Part
Part Part
Part des des mineurs
des des
mineurs dans la
13- 16-
< 13 ans délinquance
16 ans 18 ans
globale
Homicides
0 0,8 4,0 4,8
volontaires
Coups et violences
0 2,7 6,5 9,2
volontaires
Crimes

Viols et attentats
2,8 19,4 6,2 28,4
à la pudeur
Vols, recels,
0,2 3,7 11,7 15,6
destructions
Atteinte à la sûreté
0 0 0 0
publique
Vols, recels 0,6 10,1 13,0 23,7
Escroquerie,
0,3 4,6 5,6 10,4
abus de confiance
Coups et violences
0,6 6,6 7,4 14,6
volontaires
Destructions,
Délits

1,7 14,4 14,7 30,8


dégradations
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Circulation routière 0 0,2 0,8 1,0


Chèques 0 0,8 2,8 3,6
Atteinte aux mœurs 2,9 9,9 3,3 16,2
Stupéfiants 0 2,2 5,1 7,3
IPDAP* 0,2 3,7 7,0 10,8
* IPDAP = infractions à personnes dépositaires de l’autorité publique ; outrages,
rebellions et violences.

Environ 700 mineurs sont incarcérés en France, le plus


souvent pour vol et différents types de violence. Il existe diffé-
rentes peines, outre la prison, parmi lesquelles on peut citer
128 Introduction à la psychocriminologie

l’ajournement de peine, la dispense de mesure ou de peine,


l’admonestation, la remise à parents, la mesure de réparation,
la liberté surveillée, la sanction éducative, le contrôle judi-
ciaire, le sursis avec mise à l’épreuve, le travail d’intérêt général.
Ces mesures peuvent être assorties d’un placement en centre
éducatif fermé (CEF) ou renforcé (CER). Ces centres éducatifs
fermés sont des établissements publics ou des établissements
privés habilités. Ils peuvent accueillir entre 10 et 12 mineurs
de 13 à 18 ans ayant commis des crimes ou des délits, placés
sous contrôle judiciaire et condamnés à une peine assortie d’un
sursis avec mise à l’épreuve, ou des jeunes en libération condi-
tionnelle. La plupart sont reçus dans le cadre d’un contrôle
judiciaire et y restent après leur condamnation avec sursis
avec mise à l’épreuve. Au sein de ces centres, les mineurs font
l’objet de mesures de surveillance et de contrôle assurées par
la Protection judiciaire de la jeunesse. Un suivi socio-judiciaire
(SSJ) est une peine qui contraint le condamné auteur d’une ou
plusieurs infractions sexuelles à se soumettre à des mesures de
surveillance et d’assistance sous le contrôle du juge des enfants
faisant fonction de juge d’application des peines. Cette dispo-
sition visant à prévenir la récidive peut comporter plusieurs
obligations : interdiction de se rendre dans certains lieux, de
fréquenter certaines personnes, d’exercer une activité profes-
sionnelle ou sociale impliquant des contacts réguliers avec
les mineurs, injonction de soins. En cas de non-respect par le
mineur de ces obligations, le juge peut mettre à exécution la
peine d’emprisonnement fixée lors du prononcé du SSJ (suivi
socio-judiciaire). L’emprisonnement peut être remplacé par un
stage de citoyenneté d’un mois maximum, mis en œuvre par la
Protection judiciaire de la jeunesse avec le concours des collec-
tivités territoriales, des établissements publics, des personnes
morales de droit privé ou des personnes physiques participant
à des missions d’intérêt général, notamment d’accès au droit.
Les aménagements de peine peuvent être proposés
aux mineurs. Parmi ces aménagements, on peut citer : la
Les criminalités spécifiques 129

semi-liberté, qui permet à un condamné d’exercer des acti-


vités à l’extérieur de jour, le placement à l’extérieur pour la
réalisation d’activités contrôlées par l’administration ou pour
suivre une formation, la libération conditionnelle, qui permet
la libération anticipée d’un condamné manifestant des efforts
sérieux de réadaptation sociale, dans le cadre d’un régime d’as-
sistance et de contrôle et enfin, le placement électronique, qui
peut être associé au contrôle judiciaire (la loi d’orientation
et de programmation pour la justice, dite « loi Perben I », a
largement remanié l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délin-
quante). Elle a distingué des établissements pénitentiaires pour
mineurs (EPM), premières prisons spécialisées. La loi a permis
aussi la création de dizaines de centres éducatifs fermés (CEF).
Cette loi a été suivie par la loi Perben II (2004) portant adapta-
tion de la justice aux évolutions de la criminalité et qui pose
les principes généraux en matière de justice des mineurs.
La refonte de l’ordonnance de 1945 n’a réduit que très
partiellement ces chiffres. En effet, il semble que la pénali-
sation a actuellement auprès des jeunes un effet de stimula-
tion pour éviter d’être appréhendé plutôt que pour éviter la
commission d’actes délictueux. Les prises en charge éducatives
peuvent s’inspirer de celles réalisées en Belgique, en Suisse
ou au Canada de façon à mieux prévenir le développement
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de ces conduites délinquantes dans le cadre de la prévention


secondaire (voir Blatier, 2006). Les enquêtes de délinquance
auto-déclarée (à ce jour très peu ont été réalisées en France)
montrent un écart certain entre la réalité de la délinquance
commise par les mineurs et l’identification effectuée par
les services de police et de gendarmerie ou par l’activité des
tribunaux.
130 Introduction à la psychocriminologie

Tableau 3.3 – Pourcentage des condamnations


sur le total des condamnations des mineurs et majeurs,
selon l’âge et la nature de la peine principale

Mineurs
13-16 ans 16-18 ans
< 13 ans
Prison 0 2,3 4,0
Amendes 0 0,2 0,7
Peines de substitution 0 1,7 3,6
Mesures éducatives 5,7 46,8 47,3
Sanctions éducatives 8,0 51,6 40,0
Dispenses de peine 1,4 12,5 14,2
Toutes peines 0,3 3,4 4,6
Source : ministère de la Justice, 2012.

Les catégories d’âge repérées par le droit (mineurs délin-


quants, jeunes majeurs) soulignent la particularité de la
personnalité en formation à l’adolescence. Des mineurs vivent
un débordement temporaire de délinquance, d’autres ont
commencé très tôt une carrière délinquante, passant d’une
délinquance acquisitive, diversifiée, à un véritable comporte-
ment antisocial. Si l’adolescence est propice aux transgressions
des normes, la question se pose pour les mineurs qui vont
largement au-delà (Coslin, 1999). Certains auteurs considèrent
avec Walgrave (1992) que ces manifestations sont le reflet
d’une vulnérabilité sociétale. De ce fait, les jeunes se montrent
très sensibles dans leurs rapports avec les institutions sociales.
L’influence des pairs est déterminante dans l’ampleur que
peut prendre le comportement délinquant, d’autant que les
pairs délinquants ont plus d’influence que les pairs d’influence
positive, ce qui amène certains jeunes à participer à des bandes
ou à des gangs. Ce dernier facteur est en réalité celui qui pèse
le plus dans l’adoption des conduites délinquantes, suivi de la
réaction sociale négative et des effets de l’école. Ces questions
Les criminalités spécifiques 131

sont largement développées dans l’ouvrage sur la prévention


de la délinquance dès la petite enfance (Blatier, 2006).
Des facteurs de prédiction ont été répertoriés et analysés
comme tels dans des recherches portant sur de nombreuses
années. L’identification de ces facteurs de prédiction pour-
rait servir de base théorique à un programme de prévention
auprès des enfants agressifs, qui présentent des difficultés de
relation aux autres ou des troubles de la personnalité ou qui,
très jeunes, commettent des actes délinquants, d’autant plus si
ces actes sont graves eu égard au jeune âge de leur auteur. Ceci
renforce l’idée que nous défendons selon laquelle les interven-
tions doivent être précédées de recherches visant à établir une
meilleure connaissance des phénomènes.
Il est évident que la délinquance des mineurs est aussi un
reflet du lien des jeunes à leurs parents, à l’école, au monde
actif dans lequel ils s’efforcent d’entrer. Les difficultés occa-
sionnées par cette période de leur vie sont aussi rencontrées
par des jeunes majeurs sur lesquels des professionnels de la
justice veillent. En effet, dans l’exercice de leur liberté, ces
jeunes majeurs souhaitent être accompagnés par un éducateur
et poursuivre leur insertion avec plus d’assurance. S’ils avaient
été jusque-là aidés par un éducateur de la Protection judiciaire
de la jeunesse, il est fréquent qu’ils demandent à poursuivre
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cette action jusqu’à leurs 21 ans, afin d’assurer un ancrage dans


la société sans plus avoir recours au crime ou à la délinquance.
Pour ceux qui avaient été aidés au titre de l’assistance éduca-
tive, le suivi est destiné à donner de l’assurance à ces jeunes
devenus majeurs pour débuter leur vie autonome et assurer les
démarches de leur vie socioprofessionnelle.
La délinquance a constamment été l’objet d’une attention
spéciale au cours des élections en France. Elle représente non
seulement un enjeu, les jeunes étant l’avenir de la société,
mais également un souci constant pour la société française
attentive à la transmission des codes et valeurs. Cependant,
132 Introduction à la psychocriminologie

l’attention accordée à la justice des mineurs n’est pas toujours


proportionnée à l’intérêt qu’on dit y porter.

6. La délinquance des seniors

La délinquance des « vieux » est un objet d’étude émergent


depuis quelques années (Ferrey, 2005). En effet, si la représenta-
tion que l’on se fait de la vieillesse est souvent celle d’un temps
paisible, on découvre que certaines personnes âgées peuvent
être considérées comme des délinquants. Il s’agit pour l’essen-
tiel d’hommes. Comparativement à la majorité de la popu-
lation délinquante, caractérisée par un âge situé entre 20 et
35 ans, les délinquants âgés de 60 ans sont considérés comme
de « vieux délinquants ». On sait combien cette tranche d’âge
conserve de possibilités physiques et intellectuelles. Le minis-
tère de l’Intérieur a travaillé sur le contexte stratégique de la
sécurité intérieure à l’horizon 2025 en intégrant cette crimi-
nalité senior. Les délits sexuels constituent près de 50 % des
inculpations chez les plus de 60 ans. Viennent en second les
délits pour coups et blessures volontaires (CBV) et les crimes
par homicide. Ces faits concernent surtout la sphère familiale
et l’entourage proche. Certains auteurs sont atteints de troubles
caractériels ou de délires psychiatriques. Si cette délinquance
concerne beaucoup plus les États-Unis ou le Japon, elle est
malgré tout présente en France. En 2008, les délinquants âgés
de plus de 60 ans représentaient 3,69 % de la population carcé-
rale française selon les statistiques du ministère de la Justice. Le
suivi socio-judiciaire était destiné pour 21 % à des personnes
de plus de 60 ans. On s’attendrait à ce que cette délinquance
« grise » concerne les vols, les escroqueries financières ou encore
les homicides. Pourtant, l’augmentation de la criminalité des
seniors est liée à une précarité et un isolement importants.
De même, le vol à l’étalage est un des principaux délits des
Les criminalités spécifiques 133

japonais âgés. Le Japon a vu tripler la délinquance des seniors


de plus de 70 ans au cours des dernières années. Dénommée
délinquance des seniors, délinquance des vieux, délinquance
sénile ou encore délinquance grise, elle commence à alerter
sérieusement les pouvoirs publics. Elle intéressera certainement
plus de chercheurs dans les années à venir.

7. Les crimes en col blanc

La criminalité en col blanc (white collar criminality) a été


définie comme telle par Sutherland lors de l’assemblée de
l’American Sociological Society de 1937. Dans sa définition,
les crimes en col blanc concernaient surtout des personnes
de statut social élevé qui, au cours de leurs activités profes-
sionnelles, commettaient des actes économiquement domma-
geables pour la société et en violation des lois. Sutherland
regrettait que cette forme de crime suscite peu d’intérêt. Il
soulignait son peu de visibilité et son traitement particulier par
des procédures judiciaires et des sanctions différentes (cours
spéciales et arbitrage, notamment). Aujourd’hui, ces crimes en
col blanc peuvent relever de la corruption active ou passive
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suivant les articles 433-1 et 433-11 du Code pénal, de l’abus de


confiance (art. 314-1 du Code pénal). L’abus de confiance est
le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui,
des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été
remis et qu’elle a accepté à charge de les rendre, de les repré-
senter ou d’en faire un usage déterminé. Autre crime en col
blanc, l’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom
ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie,
soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une
personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son
préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds,
des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à
134 Introduction à la psychocriminologie

consentir un acte opérant obligation ou décharge (art. 313-1


du Code pénal). L’abus de biens sociaux représente le fait pour
un gérant de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de
la société, un usage qu’il sait contraire à l’intérêt de celle-ci,
à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou
entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indi-
rectement (art. 241-3-4 et 242-6-3 du Code de commerce). La
banqueroute représente, en cas d’ouverture d’une procédure
de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, un acte
visant à retarder la procédure en la dissimulant (fausse comp-
tabilité) ou en aggravant la situation par des achats excessifs
(art. L. 654-2 du Code de commerce).
Dans le cadre de sa conception des associations différen-
tielles, Sutherland considère le délinquant en col blanc ainsi
que le voleur à la tire comme des délinquants cherchant à
reproduire les modes de rationalisation de leur environne-
ment social leur permettant de justifier leur comportement
délictueux à partir de pensées communes, même si elles sont
arbitraires.
La criminalité en col blanc ou criminalité d’affaires, ou
encore criminalité astucieuse, constitue une catégorie à part
entière depuis certaines affaires fortement médiatisées, dont
les auteurs ont longtemps été considérés comme des délin-
quants à part, inscrits ponctuellement dans la délinquance. La
réalité a montré que ces cols blancs peuvent ressembler à des
délinquants de carrière. Ils sont identifiés comme tels par leurs
crimes commis dans le domaine professionnel et le monde
des affaires. La définition a été élargie aux crimes contre les
biens commis sans violence mais réalisés par tromperie, ruse
ou abus. Cependant, des vols ou des détournements de fonds
dans les entreprises par exemple ne sont pas toujours signalés
lorsqu’ils sont commis par un employé, car ils constitueraient
une contre-publicité pour l’entreprise. Les crimes en col blanc
résultent aussi de marchés obtenus dans le cadre d’accords
Les criminalités spécifiques 135

entre différents pays ne reposant pas sur des lois identiques,


dans lesquels les délinquants estiment pouvoir utiliser le flou
existant pour gagner de l’argent.
Enfin, on constate un rapprochement de la criminalité
d’affaires et de la criminalité organisée, parce que des faits de
criminalité économique sont commis par des organisations
criminelles, ou encore parce que des entreprises se mettent
en lien avec des organisations criminelles pour diversifier leur
marché (Queloz, 2002). La criminalité en col blanc est la plus
coûteuse financièrement et pourtant la plus rarement péna-
lisée. Toutefois, on peut noter que les difficultés rencontrées
par les banques au cours des années 2008-2010 ont conduit à
un fort resserrement de la réponse judiciaire.

8. La criminalité organisée
et le terrorisme

8.1 La criminalité organisée


La criminalité organisée préoccupe les gouvernements en ce
qu’elle porte atteinte à la légalité nationale et internationale et
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parce qu’elle a le plus souvent des implications sur la sécurité


des États. Elle concerne la corruption, le blanchiment d’argent,
le trafic de drogue, le trafic d’êtres humains et peut voisiner
le terrorisme. Les organisations criminelles s’appuient sur des
différences existant entre les lois des États pour prospérer, d’où
la nécessité pour eux de renforcer leur coopération.
L’étude du crime organisé au sens large du terme pose un
problème de fond. Il ne s’agit pas d’un événement ponctuel ; il
s’organise comme un processus complexe mettant en relation
une pluralité d’éléments. Il faut donc développer des méthodes
qui permettraient de saisir ce processus.
136 Introduction à la psychocriminologie

Le fonctionnement du groupe dans la criminalité organisée


est semblable à celui de bandes organisées ou de mafias. Dans
les faits, il est parfois difficile d’exclure la catégorie du terro-
risme de la criminalité organisée tant cette dernière emprunte
au terrorisme.
Le terrorisme international a concerné la France et la menace
implique encore la mise en œuvre de mesures importantes,
renforcées depuis l’attentat du 7 janvier 2015 contre l’hebdo-
madaire Charlie Hebdo. Les actes de terrorisme sont considérés
comme des infractions autonomes punies de peines aggravées,
soit en association avec un crime ou un délit, soit en tant
qu’acte de terrorisme écologique, association de malfaiteurs
terroristes ou participation au financement du terrorisme.
Comme pour la criminalité organisée, la lutte anti-terroriste
concerne de nombreux services en France et s’appuie sur une
coopération internationale. Pour l’ensemble du territoire
national, une seule juridiction composée de magistrats spécia-
lisés est compétente et centralise les poursuites, mène l’instruc-
tion et procède au jugement.
Les différents Conseils de l’Union européenne ont établi des
objectifs pour prévenir et contrôler le terrorisme et la crimina-
lité organisée : renforcement de la collecte et de l’analyse de
données relatives à la criminalité organisée grâce à un groupe
composé des représentants des institutions, administrations
publiques, autorités locales, associations ; interdiction de
l’infiltration du secteur public et du secteur privé licite par
la criminalité organisée, renforcement de la prévention de la
criminalité organisée et des partenariats entre le système de
justice pénale et la société civile, amélioration de la législa-
tion, du contrôle et des cadres réglementaires aux niveaux
national et communautaire, renforcement des enquêtes dans le
domaine de la criminalité organisée, renforcement d’Europol,
dépistage, gel, saisie et confiscation des produits du crime,
renforcement de la coopération entre les autorités répressives
Les criminalités spécifiques 137

et les autorités judiciaires au niveau national et au niveau de


l’Union européenne, renforcement de la coopération avec les
pays candidats à l’adhésion, renforcement de la coopération
avec les pays tiers et d’autres organisations internationales.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la coopération
internationale contre le terrorisme a été renforcée notamment
par des résolutions des Nations unies et le rapprochement vers
des sanctions pénales reconnues dans l’Union avec des magis-
trats ayant des compétences équivalentes et une forte coopéra-
tion policière. Actuellement, le groupe Europol est compétent
en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, le trafic
d’armes, de produits nucléaires, de voitures volées, la traite des
êtres humains, le blanchiment d’argent et la criminalité liée
aux réseaux d’immigration clandestine. Il peut avoir recours à
une base de données ADN européenne. Il existe de nombreux
programmes intervenant dans la prévention et la lutte contre
la criminalité organisée, qui intègrent jusqu’à la prévention
de l’exploitation sexuelle des enfants.
La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant sur « l’adap-
tation de la justice aux évolutions de la criminalité orga-
nisée » a doté la criminalité organisée d’un véritable statut
juridique. Avant 2004, le droit pénal français réprimait indi-
rectement la participation à une organisation criminelle sans
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lui donner de véritable définition juridique. De manière géné-


rale, les formes les plus graves de la criminalité organisée et
de la délinquance organisée regroupent essentiellement des
atteintes à la personne, telles que l’assassinat, les tortures et
actes de barbarie, l’enlèvement et la séquestration, lorsqu’ils
sont commis en bande organisée, les trafics de stupéfiants, le
proxénétisme, la traite des êtres humains, les actes de terro-
risme, ainsi que certaines infractions contre les biens ou l’État,
comme le vol aggravé, le blanchiment, les délits en matière
d’armes ou d’entrée irrégulière des étrangers, ainsi que les asso-
ciations de malfaiteurs en vue de commettre ces infractions.
138 Introduction à la psychocriminologie

Du point de vue criminologique, la criminalité organisée se


caractérise par l’ensemble des activités illicites (criminelles et
délictuelles) préparées ou commises par une pluralité d’indi-
vidus, dans le but d’obtenir des profits d’ordre économique,
caractérisées par une organisation méthodique des opérations,
sans considération des frontières nationales.
La criminalité organisée est définie par le Conseil de l’Union
européenne comme une « association structurée de plus de
deux personnes, établie dans le temps et agissant de façon
concertée en vue de commettre des infractions punissables
d’une peine privative de liberté, que ces infractions constituent
une fin en soi ou un moyen pour obtenir des avantages patri-
moniaux et, le cas échéant, influencer indûment le fonction-
nement d’autorités publiques » (art. 1.1 du 3 décembre 1998).
Le crime organisé serait donc le fait d’organisations possé-
dant les traits suivants :
1. une collaboration entre plus de deux personnes ;
2. (impliquant) des tâches spécifiques attribuées à chacune
d’entre elles ;
3. sur une période de temps assez longue ou indéterminée ;
4. avec une forme de discipline et de contrôle ;
5. par de personnes suspectées d’avoir commis des infrac-
tions pénales graves ;
6. agissant au niveau international ;
7. recourant à la violence ou d’autres moyens d’intimidation ;
8. utilisant des structures commerciales ou de type
commercial ;
9. se livrant au blanchiment d’argent ;
10. exerçant une influence sur les milieux politiques, les
médias, l’administration publique, le pouvoir judiciaire
ou l’économie ;
11. agissant pour le profit et/ou pour le pouvoir.
Les criminalités spécifiques 139

Pour être qualifiée comme un agent du crime organisé, une


organisation doit posséder au moins six critères, avec obligatoi-
rement les critères 1, 5 et 11. Ces trois seuls critères définissent
la bande criminelle structurée. L’ensemble de tous les critères
réunis définit le niveau le plus structuré de la criminalité
organisée, à savoir la mafia. La destination de l’argent dérobé
par la criminalité organisée vise à financer l’organisation, ses
membres, la corruption afférente au fonctionnement de l’orga-
nisation, et l’investissement après blanchiment, notamment
dans l’immobilier.
Selon Brodeur (1998), le crime organisé constitue une délin-
quance d’approvisionnement, de produits revendus avec un
profit énorme, comme c’est le cas des grands réseaux de vente
de drogues ou d’armes, de vol et de recel de véhicules automo-
biles ou d’œuvres d’art. Une grande partie du crime organisé
consiste en de telles activités illégales d’approvisionnement
en biens et services partiellement ou totalement prohibés et
dans le recyclage illicite du profit de ces trafics. Les principaux
marchés échangent des personnes (prostitution, esclavage),
des organes, des animaux vivants ou chassés pour une partie
de leur corps (peau, ivoire, corne), et des produits bruts ou
manufacturés (drogue, alcool, cigarettes, armes et diverses
substances dont la circulation est prohibée ou entravée). Les
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services proposés par les organisations criminelles sont histo-


riquement la protection et la médiation, et concernent davan-
tage aujourd’hui le passage clandestin des immigrants et la
fabrication de faux papiers.
La criminalité organisée est difficile à étudier, car on connaît
peu ses soubassements dont la plupart restent secrets. Cusson
(1998) choisit de considérer la mafia comme un archétype d’or-
ganisation criminelle. Il s’intéresse à la mafia sicilienne (Cosa
Nostra), qui est connue de l’intérieur grâce aux « repentis »
mais aussi aux études de magistrats, sociologues, historiens, et
journalistes (Arlacchi et Calderone, 1992 ; Falcone et Padovani,
1991 ; Matard-Bonucci, 1994 ; Padovani, 1995). Il estime que
140 Introduction à la psychocriminologie

la mafia sicilienne reste la seule grande organisation criminelle


connue grâce à des données sûres issues de l’observation et des
entrevues avec des repentis entre 1950 et 1980.
La mafia se caractérise par son fonctionnement interne
et ses rapports particuliers avec l’État et la société. Ce fonc-
tionnement interne présente trois caractéristiques (Cusson,
1998) : des familles autonomes contrôlant un territoire, un
réseau lâche de familles ayant des rites communs, s’échan-
geant des services et maintenant entre elles une paix précaire,
et des membres recrutés pour leur capacité à tuer et pour leur
supériorité criminelle sur des délinquants ordinaires. Dans ses
relations extérieures, la mafia instaure trois éléments essentiels
à sa survie : une connivence avec la population locale facilitée
par la culture anti-étatique (comme c’est le cas en Sicile) et par
les services rendus, l’immunité contre les poursuites pénales
assurée par la corruption, le contrôle des votes et l’intimida-
tion, un système d’extorsion-protection érigeant la mafia en
police privée criminelle.

8.2 Le terrorisme
Le terrorisme est un crime contre la société, il repose sur la
violence et l’intimidation. Au niveau du droit pénal, « l’infrac-
tion doit être en relation avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public
par l’intimidation et la terreur ». Par l’extrême violence, qu’ils
déploient, les actes terroristes visent à faire céder le gouverne-
ment en place, en créant une peur collective au sein de la popu-
lation. Les discours des hommes politiques aux prises avec des
actes terroristes ont été étudiés dans le but d’appréhender les
mécanismes psychologiques à l’œuvre tant chez les terroristes
que chez les victimes. Hormis les conditions économiques,
politiques, sociales, géostratégiques, religieuses, etc., invoquées
pour soutenir et motiver des individus à l’action terroriste,
Casoni et Brunet (2003) dégagent du discours des terroristes un
Les criminalités spécifiques 141

fonctionnement psychologique particulier. Ce discours, qu’il


soit de nature religieuse ou politique, répond toujours à une
logique d’exclusion hostile. Les mécanismes psychologiques
utilisés sont principalement le recours au clivage, l’idéalisation
du groupe d’appartenance comme celle d’une idéologie ou
d’un dogme, la projection sur l’autre d’une partie inacceptable
de soi, permettant de conserver et d’accentuer l’auto-idéalisa-
tion et l’illusion de pureté ou de vérité absolue, le désir de se
protéger de ce qui a été projeté sur l’autre, soit en s’en isolant,
soit en l’attaquant.
Les cibles des terroristes sont souvent des citoyens étran-
gers au conflit, notamment des femmes et des enfants. Ce
choix de cible entraîne un mouvement identificatoire chez
les victimes pouvant aller jusqu’à l’identification à l’agresseur.
On connaît surtout ce processus (initialement décrit par Anna
Freud) chez les victimes de prises d’otages. Le drame qui s’est
joué entre agresseur et victime est alors transposé dans la réalité
interne du sujet, provoquant une série d’émotions conflic-
tuelles. Ainsi, une partie du psychisme, identifiée aux victimes,
ressent des affects de peur, de terreur, de tristesse, mais l’autre
partie, dans une identification inconsciente aux terroristes,
ressent de la colère ou de la haine. Le moi assailli cède soit à
l’identification aux victimes, soit à l’identification à l’agres-
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seur. Dans certains cas, cette dernière solution semble plus


économique : elle permet de se libérer rapidement des affects
de tristesse et de désespoir. Pour ne pas se sentir impuissant,
la personne opte (souvent inconsciemment) pour l’utilisation
des ressources de son agressivité. Elle associe alors clivage et
projection pour manifester cette agressivité et son désir de
vengeance. L’agressivité peut constituer une défense contre
la dépression et le désir de vengeance permet de projeter sur
autrui une partie de soi considérée comme mauvaise ou trop
hostile. Certains témoins adoptent le discours du terroriste.
Ce mécanisme de défense a pour but de calmer l’angoisse en
ayant recours à la vengeance, voie la plus spontanée. L’illusion
142 Introduction à la psychocriminologie

qui consiste à croire qu’en tuant un persécuteur externe on


pourrait être libéré de ses propres démons, peut constituer une
motivation puissante chez tout individu angoissé, en situation
de crise ou de deuil (Casoni et Brunet, 2003). Si l’angoisse
est très massive, le désir de destruction peut s’étendre au-delà
des individus terroristes à des groupes entiers alors considérés
comme des persécuteurs. Ce fonctionnement psychologique
aurait pu être identifié lors de guerres religieuses, de l’exter-
mination de juifs par les nazis, lors des luttes entre Tutsis et
Hutus, etc. Il se caractérise en termes de clivage et de projection
et est aisément utilisé par les leaders pour concentrer l’atten-
tion de la population sur une cible extérieure plutôt que sur
des questions intérieures à un état ou à une situation donnée.
L’objectif du terroriste est de détruire un sentiment de sécu-
rité psychologique individuel et collectif en suscitant un déses-
poir profond par l’identification de la population aux victimes
innocentes ou en favorisant le recours à un fonctionnement
régressé où l’agressivité est dominante. C’est ce que dénon-
çait Searles, repérant dans le terrorisme un effort pour rendre
l’autre fou, de désespoir et de rage. Enfin, la recherche sur le
terrorisme montre une composante essentielle de la psycho-
logie des terroristes (Bencheikh, 1998) : la tendance suicidaire,
comme composante refoulée qui se ranime au moment où la
personne décide de rejoindre le groupe terroriste. Risquer ainsi
sa mort permet d’exercer sa pulsion de mort dans la violence,
quitte à en périr. L’idée de martyr vient rapidement ensuite : à
la douleur de la pensée de mourir se greffe, selon cet auteur, un
plaisir ambivalent sadomasochiste qui consiste à infliger de la
douleur aux autres, tout en la subissant par identification à la
victime ou en attendant sa propre mort ou son interpellation
inévitable.
L’étude du crime organisé et du terrorisme pose un problème
de fond, car il s’agit de processus complexes pour lesquels des
méthodes spécifiques peuvent encore être approfondies. Le
peu de recherches sur la criminalité organisée et le terrorisme,
Les criminalités spécifiques 143

comparativement à la criminalité et à la délinquance, est un


indice de ce manque.

9. La cybercriminalité

Le terme « cybercriminalité » est un vocable générique défi-


nissant l’ensemble des infractions pénales susceptibles d’être
commises sur les réseaux de télécommunication en général et
plus particulièrement le réseau Internet. La cybercriminalité
recouvre deux types d’infractions pénales : les infractions direc-
tement liées aux technologies de l’information et de la commu-
nication dans lesquelles l’informatique est l’objet même du
délit, et les infractions dont la commission est liée ou facilitée
par ces technologies et pour lesquelles l’informatique n’est
qu’un moyen.
Depuis quelques années, la population mondiale a notable-
ment accru son accès à Internet. De ce fait, la cybercriminalité
est en hausse. Les crimes commis par le recours à la technologie
informatique concernent des fraudes bancaires, des annonces
frauduleuses (annonces d’objets volés, de gains mirifiques),
des vols d’informations (à titre individuel par le vol d’identité,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

pour l’industrie ou encore pour la recherche), des proposi-


tions illicites (pédophilie ou corruption de mineurs, porno-
graphie d’enfants, incitation à la haine raciale ou provocation
à la discrimination de personnes en raison de leur origine, de
leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap),
menaces ou incitations à la violence ou à commettre des infrac-
tions, injure ou diffamation, escroquerie (information pour la
production de drogues, d’explosifs, copies illégales de musique,
vidéos ou jeux, etc.). Ajoutons à cette liste non exhaustive la
diffusion de virus informatiques par esprit ludique ou mauvaise
intention.
144 Introduction à la psychocriminologie

La cybercriminalité de type escroquerie est une activité jugée


très lucrative, comme en témoigne le dernier rapport sur les
menaces à la sécurité Internet. En France, les escroqueries, abus
de confiance et fraudes aux cartes bancaires représentent 84 %
des cyberinfractions constatées par les services de police et de
gendarmerie. Les pirates et autres organisations criminelles
cherchent à tirer toujours plus de profit de leurs attaques en
ligne. Les dernières observations montrent que le cybercri-
minel est extrêmement compétent et intelligent. Le nombre
de sites d’enchères au marché noir ne cesse d’augmenter : il
s’agirait d’un marché illégal de plusieurs milliards de dollars.
Un éditeur allemand de solutions antivirus a réalisé une étude
sur les tarifs de la cybercriminalité. L’envoi d’e-mails indé-
sirables (spams) y est décrit comme peu cher, de même que
l’achat d’une liste de quatre-vingts millions d’adresses e-mail,
à spammer soi-même, ou encore le lancement d’une attaque
par procuration, via un réseau d’ordinateurs infectés, ne coûte
qu’une dizaine d’euros par heure, avec dix minutes d’essai
généralement offertes. L’évolution de la cybercriminalité
concerne également les diverses infractions qui sont commises
et se renouvellent à vive allure, rendant tout type de classifi-
cation dépassée à peine publiée.
Il est difficile de présenter les profils de personnalité pouvant
être associés à la catégorie des individus cybercriminels qui
cherchent à mettre en péril ou à utiliser à leurs fins la sécu-
rité de l’information. Ces profils de personnalité peuvent
être associés, selon Marc Ouimet, professeur à l’université de
Montréal, consultant clinique auprès d’organismes publics et
privés, à des troubles mentaux de type délirant (mégalomanie,
persécution), à des troubles sexuels (exhibitionnisme, voyeu-
risme, fétichisme, pédophilie, sadisme, masochisme) ou à des
troubles de la personnalité de type paranoïaque, schizoïde,
schizotypique, limite, narcissique, ou antisocial. Du point de
vue de la prévention, il est nécessaire de parvenir à décrire
Les criminalités spécifiques 145

le développement de ces états psychopathologiques, afin de


relever les problématiques éducatives et familiales des enfants
et des adolescents qui peuvent conduire à des comportements
juvéniles cybercriminels.
Beaucoup de contacts sont opérés sur Internet pour diffé-
rentes activités illicites. Dans le tableau 3.4 émanant des signa-
lements à l’Office central de lutte contre la criminalité liée
aux technologies de l’information et de la communication
(OCLCTIC), on peut constater que les mineurs sont une cible
privilégiée, notamment concernant les sites d’images pédo-
pornographiques qui représentent les infractions les plus
importantes (**), suivies d’autres infractions assez importantes
(*) notamment la diffusion pédopornographique peer to peer. La
pornographie et la recherche de partenaires mineurs sont parti-
culièrement développées sur Internet (voir le grooming, action
de manipuler des enfants à des fins sexuelles sur Internet).
Dès lors, les moyens de prévention tant auprès des mineurs
que des annonceurs doivent être eux aussi très importants. Ce
tableau rend également compte de signalements réalisés par
le biais d’Internet relatifs à des injures ou des incitations à la
haine ou à la discrimination.
146 Introduction à la psychocriminologie

Tableau 3.4 – Typologie des signalements reçus par la plateforme nationale


de signalement de l’OCLCTIC (Assouline)

Catégorie Infraction/mode opératoire


Contestation de crimes contre l’humanité.
Provocation publique à la haine et à la
discrimination raciale, ethnique ou religieuse*.
Provocation publique à la haine et la discrimination en
Discriminations
raison d’orientations sexuelles.
Apologie de crimes de guerre et contre l’humanité.
Injures et diffamations xénophobes ou
discriminatoires*.
Sites d’images ou vidéos pédo-
pornographiques**.
Diffusion pédo-pornographique peer to peer *.
Atteintes sur
les mineurs Diffusion d’images à caractère violent ou
pornographique ou de nature à porter
gravement atteinte à la dignité humaine
susceptibles d’être vues par un mineur*.
Propositions de nature sexuelle sur Internet
(grooming)/exhibitionnisme*.
Réseaux d’adoption illégale.
Atteintes sur
Provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants.
les mineurs
Provocation des mineurs à la commission d’autres délits.
Agression sexuelle sur mineur (dénonciation ou
commission devant webcam).
Mouvements Provocation à s’armer contre la puissance publique ou
extrémistes une partie de la population.
Diffusion de procédés permettant la fabrication d’engins
Violences explosifs.
urbaines
Provocation directe à un attroupement armé.
Provocation aux actes de terrorisme et apologie.
Terrorisme
Menaces et actes d’intimidation dans un but terroriste.
Trafic de cigarettes.
Trafics Autres contrefaçons.
Trafic de stupéfiants.
Les criminalités spécifiques 147

10. Les tueurs en série

L’histoire a révélé l’existence de tueurs en série dont


certains sont bien connus, comme Gilles de Rais ou Marie de
Brinvilliers. On connaissait aussi des femmes empoisonneuses
(telle Gessina Gottfried) et des meurtriers (tels Jack l’Éventreur
ou encore Joseph Vacher qui imita ce dernier).
À la fin du xxe siècle apparaît la dénomination de « tueur
en série ». Le FBI, par Robert Ressler (1988), introduisit celui
de serial killer, expression devenue fréquente au cinéma. Le
meurtrier en série prémédite des crimes souvent fantasmés et
planifiés dans le détail. Hickey (1997) désigne par tueur en série
tout agresseur homme ou femme qui commet avec prémédita-
tion au moins trois meurtres séparés dans le temps. L’intervalle
entre les actes meurtriers va de quelques jours à quelques
années. Holmes et De Burger (1988) estiment que le meurtre
en série concerne au moins trois victimes sur une période de
plus de 30 jours, avec une période d’accalmie significative entre
chaque crime. Bénézech (1992) qualifie de tueur en série un
criminel « à partir de trois homicides sans mobile apparent
et de sang-froid ». Le meurtre de bordée (spree murder) définit
deux meurtres ou plus commis en des lieux différents, mais
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sans période de latence entre les crimes, par exemple lorsqu’un


détenu s’échappe de prison et commet des meurtres successifs.
Les tueurs en série ne sont pas assimilables aux tueurs lors de
massacres. Le meurtre de masse (mass murder) correspond au
massacre d’un groupe de personnes en une seule fois (même
si cela peut durer des heures) dans une zone géographique
148 Introduction à la psychocriminologie

proche1. Au contraire, le tueur en série peut assassiner dans


des villes ou des pays différents. Il peut échapper longtemps
à la police ou encore se trouver incarcéré pour d’autres motifs
(Dieu, 2012 ; Hirschelmann, 2012).
Les tueurs en série sont essentiellement des hommes, bien
que les femmes ne soient pas totalement étrangères à ce type
de crime. Hickey (1997) a recensé 62 femmes parmi 399 tueurs
en série américains entre 1800 et 1995. Parmi ces femmes, les
deux tiers ont agi seules (Senninger, 2004, 2005). Les crimi-
nels multirécidivistes sévissent majoritairement aux États-
Unis : 75 % des 200 tueurs en série recensés ces 30 dernières
années vivaient aux États-Unis (Vézard, 2002). Ils agissent
généralement seuls, mais peuvent avoir un complice. Le crime
est souvent commis près de leur domicile. 60 % d’entre eux
signent leur premier crime avant l’âge de 30 ans ; deux tiers des
crimes sont reconnus comme organisés (Senninger, 2005). Les
victimes sont majoritairement des inconnus, principalement
des femmes seules, jeunes adultes ou d’âge moyen, corres-
pondant aux fantasmes sexuels du tueur ou à ses souhaits de
contrôle ou de gain financier. Les victimes sont principale-
ment attaquées à l’arme blanche. Les tueurs en série ne sont
pas forcément issus des catégories socio-économiques les plus
faibles : en France, 9 % sont de classe supérieure, 66 % de
classe moyenne et 25 % de milieu défavorisé. Un sur trois est
un enfant adopté, contre 12 % des tueurs en série américains
(Bourgoin, 2003).
Dans la majorité des cas, selon le FBI, les tueurs en série ont
eu une enfance difficile, avec des carences affectives. Il s’agit

1. C’est le cas d’Anders Behring Breivik qui, en 2011, tua 69 personnes


(principalement des adolescents) sur l’île d’Utøya en Norvège, ou de
Nordine Amrani, auteur de la tuerie de Liège en 2011, qui fit 7 morts
et 122 blessés. Les tueurs de masse sont généralement des personnes
isolées, psychotiques pour certaines, qui peuvent avoir une revendica-
tion à adresser à la société.
Les criminalités spécifiques 149

d’un maternage et/ou un paternage insuffisamment bon (père


absent, parents alcooliques, etc.), une carence ou un isolement
affectif, un traumatisme physique, psychique ou sexuel dans
la petite enfance, de multiples changements rendant difficile
un enracinement social, ou encore un climat de violence ou
d’inadaptation sociale (Nemo, 1994 ; Zagury, 1996). C’est aussi
le cas de Guy Georges, orphelin placé de maisons d’accueil en
foyers ou en maisons de correction. L’enfant métis a été aban-
donné à la naissance par sa mère et n’a découvert l’identité de
son père qu’au moment de son arrestation en 1998. Dans sa
famille d’accueil, les démonstrations d’affection étaient rares,
l’autorité et l’ordre régnaient et la sexualité y était un sujet
tabou. Comme beaucoup de tueurs en série, il en est venu
progressivement à l’idée du meurtre. Adolescent, il commença
par voler dans le porte-monnaie de sa mère adoptive, puis
accumula les petits délits : vol à l’étalage, vol de moto, vol à
la roulotte… Lorsqu’il était arrêté, il portait toujours sur lui un
poignard, une paire de ciseaux ou un tournevis. À 14 ans, il
tenta d’étrangler ses deux sœurs adoptives ; à 17 ans, il agres-
sait des femmes en les violant puis en les tuant.
Dietz (1986) distingue cinq catégories de tueurs en série : le
meurtrier psychopathe sadique sexuel, le meurtrier de bordée,
les membres d’entreprises ou d’organisations criminelles, les
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

empoisonneurs en série (veuves noires qui assassinent leurs


maris les uns après les autres, anges de la mort qui tuent ceux
qu’ils sont censés protéger, garde-malades, baby-sitters, etc.)
qui mènent à la mort des victimes affaiblies par l’âge ou la
maladie, et enfin les psychotiques.
Les tueurs en série ont été classés par Holmes et Holmes
selon le mobile de leurs actes :
• le tueur en série qui présente des visions : ses actes
répondent à des ordres hallucinatoires (c’est le cas des
psychotiques) ;
150 Introduction à la psychocriminologie

• le tueur en série qui se pense investi de la mission de


rétablir la justice à travers ses actes meurtriers ;
• le tueur en série hédoniste, avec trois sous-types : le meur-
trier par plaisir ou avidité sexuelle (intéressé autant par le corps
des victimes vivantes que mortes), le meurtrier motivé par la
frayeur qu’il peut susciter chez sa victime, qui utilise fréquem-
ment la torture et se montre très intéressé à déjouer les plans
de la police qui s’efforce de le retrouver ;
• le meurtrier par recherche du gain (argent, assurance,
bénéfices divers), dont le but est de vivre dans le confort après
avoir soutiré l’argent de son conjoint, d’une personne dépen-
dante ou d’un inconnu ;
• le meurtrier qui recherche le pouvoir et le contrôle sur
ses victimes : cette recherche de domination et d’humiliation
s’exprime souvent par la sexualité, mais aussi par le sadisme
et le cannibalisme, s’appuyant là encore sur la terreur occa-
sionnée chez la victime.

Il est fréquent que le meurtre en série soit commis avec des


actes de torture et de barbarie, y compris sur la victime après
sa mort (Aiken, 2001). Le scénario criminel peut être conçu
de longue date, avec minutie, et utiliser tous les moyens pour
se souvenir de la cruauté avec laquelle il a été mis en œuvre
(enregistrement vidéo, conservation d’objets ayant appar-
tenu à la victime, etc.). Le meurtrier utilise souvent une arme
blanche ou ses mains et recherche un contact physique avec
la victime. De sordides affaires ont été révélées depuis celles de
Jack l’éventreur ou de l’étrangleur de Boston. Régulièrement
le projecteur est focalisé sur un tueur en série qui s’attaque à
des personnes vulnérables (le plus souvent des femmes, des
prostituées, des SDF, des enfants, des personnes âgées) puis
disparaît avant de laisser un nouveau cadavre. Bien des cas
avaient laissé penser que les tueurs en série ne s’attaquaient
qu’à des personnes de même race qu’eux, généralement
moins âgés qu’eux, jusqu’à l’arrestation d’Arthur Shawcross,
Les criminalités spécifiques 151

qui assassina entre 1988 et 1990 treize femmes (des femmes


blanches comme des femmes noires). Les profilers s’attachent
à connaître le mode opératoire des tueurs en série qui ont
recours à la même méthode ou fondent leur acte criminel
sur un même mobile. Il peut exister un point commun entre
les victimes, qui permet de trouver des indices sur l’identité
du tueur en série. La recherche du contrôle sur la victime, du
pouvoir, de l’argent, ou encore d’une relation sexuelle suffisent
comme mobiles du meurtre.
Les tueurs en série ont généralement autour de 30 ans, font
le plus souvent partie des catégories socioprofessionnelles
ouvrières ou des classes moyennes. Selon Stéphane Bourgoin
(2003), l’âge moyen des serial killers au moment de leur premier
crime est de 27,2 ans et de 31,4 lors de leur dernier meurtre.
Beaucoup ont souffert émotionnellement ou ont été abusés
par leurs parents. Leur enfance a souvent été marquée par les
trois caractéristiques suivantes : énurésie, torture d’animaux,
expériences de type pyromaniaque. Plusieurs tueurs en série
ont révélé dans les entretiens réalisés pendant leur détention
une admiration pour les forces de police et pour l’autorité en
général. L’arrestation qui met fin à leurs actes meurtriers met
un terme à un processus qu’ils n’arrivaient pas à stopper. En
termes psychopathologiques, les tueurs en série sont plutôt
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

des personnalités pathologiques borderline, antisociales ou


narcissiques. Si le comportement antisocial est manifeste et
s’ils montrent une absence de remords et de culpabilité, la
psychopathie n’est pourtant pas toujours avérée. En revanche,
un sadisme principalement sexuel est fréquent ainsi qu’une
dimension d’emprise. La transformation de la menace interne
en jubilation contribue au retournement actif-passif, défini
comme un acte lié à une angoisse de passivation et d’anéan-
tissement (Villerbu, 2008). Le crime est souvent considéré
comme une sorte de rituel par l’assassin. Ce dernier présente
une certaine peur de la sexualité et ne peut faire l’amour
152 Introduction à la psychocriminologie

qu’avec une victime réduite à l’impuissance, évanouie ou


morte (Bourgoin, 2003). La sérialité repose sur le retour dans
le réel d’une situation traumatique qui se rappelle à l’auteur
(Harrati, Vavassori, Villerbu, 2003).
Certains tueurs en série auraient eu une relation étrange
à leur mère, dominatrice et castratrice. De cette interaction
maternelle pathogène résulteraient des difficultés à nouer
des relations avec une femme : le seul moyen de s’en libérer
serait de la tuer ou de supprimer toute personne qui la repré-
sente symboliquement. Ainsi l’individu établirait-il une sorte
de thérapie individuelle dont l’objectif serait de se libérer
psychologiquement de l’emprise de sa mère. Edmund Kemper
illustre bien ce cas : tueur en série aux États-Unis, il a connu
une enfance difficile avec une mère tyrannique, le rabaissant
constamment et allant jusqu’à l’enfermer dans une cave. À
l’âge de 14 ans, il commettait ses premiers meurtres. Il tua
essentiellement des femmes, principalement des étudiantes,
par identification à sa mère, qui travaillait à l’université, puis
finit par la tuer elle-même, avant de se rendre à la police. En
tuant celle-ci, il a retrouvé l’origine de ses actes si violents,
dont le but était, selon Zagury (1996), « d’effacer en acte toute
trace en lui-même de cette mère omnipotente, destructrice et
vampirisante ». Bien que cette hypothèse soit intéressante, elle
n’est valable que pour une partie des tueurs en série, d’une part
parce qu’ils n’ont pas tous été abusés ou castrés symbolique-
ment par leur mère et, d’autre part, parce que cette explication
vaudrait pour les tueurs en série qui abusent des femmes, or
certains agressent aussi des enfants et des homosexuels.
D’autres auteurs supposent que le tueur en série chercherait
à renaître à travers le meurtre. Bénézech estime que le tueur
« se soigne en tuant les autres ». Le meurtre en série ne serait
pas si immotivé qu’on le pense, et selon Zagury, il serait un
moyen de préserver « une économie psychique en perdition,
menacée par la pulsion de mort, s’accordant un sursis par la
Les criminalités spécifiques 153

mise à mort de la victime ». À travers l’acte meurtrier, le sujet


chercherait donc à lutter contre une angoisse de mort prédomi-
nante chez lui, à repousser et à agir sur autrui la dévitalisation
qu’il sent à l’œuvre en lui-même, une dévitalisation due à un
traumatisme antérieur et qui expliquerait son aptitude à nier
les émotions et les affects de sa victime. Son passage à l’acte
lui permettrait d’éprouver un « sentiment d’omnipotence, un
triomphe » (Senninger, 2006).
Pour d’autres auteurs, bien que d’accord sur le fait que
l’origine du comportement destructeur et répétitif provien-
drait d’un traumatisme passé, il s’agirait plutôt d’un désir de
vengeance suite aux blessures narcissiques engendrées par
ce traumatisme. L’individu chercherait à réparer ce qui lui a
été fait, à infliger aux autres ce qu’il a dû subir. L’agressivité
serait alors employée au service d’un moi mégalomaniaque et
se déploierait dans le cadre d’une perception archaïque de la
réalité. L’individu ne ressentirait alors aucune empathie pour
ses victimes et se croirait tout-puissant. Le fait qu’il ait eu à
subir dans le passé une injustice lui donnerait l’impression
d’avoir tous les droits : « J’ai le droit d’être une exception et
de passer par-dessus les scrupules qui arrêtent les autres gens.
Je puis commettre des injustices parce qu’une injustice a été
commise à mon égard » (Senninger, 2004).
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La plupart des tueurs en série étudiés par Allely et ses colla-


borateurs (2014) montrent la présence d’une interaction de
facteurs biologiques, psychologiques et sociologiques et une
proportion importante de tueurs en série comme de tueurs de
masse qui présenteraient des troubles neurodéveloppementaux.
Le FBI distingue deux catégories de tueurs en série : les orga-
nisés et les psychotiques qui, du fait de leur pathologie, sont
désorganisés (voir tableau 3.5).
154 Introduction à la psychocriminologie

Tableau 3.5 – Les tueurs en série (FBI)

Tueurs en série Tueurs en série


organisés désorganisés
Quotient
Élevé Moyen
intellectuel
Compétence
Correcte Socialement immature
sociale
Peu qualifié/
Emploi Souvent qualifié
grande instabilité
Sexualité Compétent Incompétent
Père absent,
Caractéristiques
délinquant Mère pathogène
familiales
ou violent
Discipline
Inconsistante Sévère
durant l’enfance
Relations Socialement
Solitaire
sociales superficiel
Comportement
Dans le contrôle Disposition anxieuse
durant le crime
Alcool durant
Oui Non
le crime
Réaction face
Suit le crime Peu d’intérêt
aux médias
Type de crime Planifié Spontané
Suivant un type
Victime choisie Inconnue
spécifique
La personnalise La dépersonnalise
Conversation
Peu de conversation
maîtrisée
Attitude face
à la victime Exige une victime Violence envers
soumise la victime
Victime attachée Victime non attachée

Les criminalités spécifiques 155

☞ Actes agressifs
Actes sexuels
Actes commis avant de donner
post-mortem
la mort
Possible Non

Sadisme sexuel Cache le corps, ne


Corps laissé sur place
laisse pas
avec les preuves
de preuves

Le modèle motivationnel de l’homicide sexuel de Groth


et Burgess suit un processus en cinq phases, qui expliquent
l’évolution d’un individu devenant tueur en série. Le premier
facteur concerne un environnement social négligent ou reje-
tant (absence de lien, abus, négligence), associé au deuxième
facteur représenté par des événements déstructurants précoces
(abus physiques et sexuels guidant la motivation et la vie
sociale). Ces enfants battus ou abusés se montrent distants et
inadaptés à une vie sociale et affective. Le troisième facteur est
constitué de fantasmes de contrôle et de domination interve-
nant en compensation du traumatisme. Le quatrième associe
des comportements auto et hétéro-agressifs qui s’aggravent
avec l’adolescence, se manifestant par de la cruauté envers les
animaux, de la pyromanie, des interventions dégradantes avec
des fantasmes importants. Enfin, le cinquième facteur consiste
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

en une répétition des comportements violents avec le besoin


d’une augmentation des fantasmes agressifs pour calmer une
tension toujours plus forte.
Les femmes serial killer sont peu nombreuses, moins sadiques
que les tueurs en série masculins. Elles utilisent généralement
des moyens discrets pour tuer leur victime, ce qui leur permet
d’agir durant des années sans se faire remarquer. Kelleher
et Kelleher expliquent que les femmes serial killer sont plus
prudentes, précises, méthodiques et discrètes que les hommes
lorsqu’elles commettent leurs crimes. Ils ont examiné une
centaine d’affaires depuis 1900 et ont découvert une durée
156 Introduction à la psychocriminologie

moyenne de 8 ans avant qu’une femme tueuse en série ne soit


arrêtée, alors que pour un homme, la moyenne est de 4 ans.
Leur principal motif serait le sentiment de toute-puissance
procuré par les crimes. Cette définition n’intègre pas les terro-
ristes, les criminelles de guerre ou les tueuses à gages. Leurs
motivations concernent le contrôle ou le pouvoir, l’argent, l’ex-
citation, le sexe ou la drogue, alors que celles des hommes sont
dans l’ordre le contrôle, le sexe, l’excitation, l’argent (venant
bien après). De nombreuses études s’accordent donc pour dire
que les femmes et les hommes tueurs en série n’utilisent pas
les mêmes méthodes et n’ont pas les mêmes motivations.

11. Le profiling

La technique du profiling ou profilage a été développée au


xxe siècle afin de multiplier les possibilités d’arrestation des
meurtriers. Le profilage a pour objectif l’établissement d’un
profil probable de la personne de l’auteur à partir des éléments
du dossier criminel et, si possible, de sa personnalité : mode
opératoire, choix de la victime, antécédents, style de vie, lieux,
armes, sévices, mise en scène, ainsi que toute information
susceptible de révéler des informations sur le fonctionnement
psychologique de l’auteur. Si certaines nuances sont appor-
tées lorsqu’il est question de profilage psychologique, profilage
comportemental ou profilage médico-légal, la réalité de chaque
rapport de profilage balaie un champ assez large qui atténue
ces distinctions initiales.
Le profilage est demandé dans des affaires complexes telles
que des homicides, des agressions sur enfants, des viols, des
prises d’otages, des incendies criminels, des cambriolages,
des enlèvements. Il se différencie du travail criminalistique
en ce qu’il va essentiellement porter sur les caractéristiques
Les criminalités spécifiques 157

psychologiques de l’auteur. Dans des cas difficiles comme les


prises d’otages, son rôle d’évaluation des risques est crucial.
À la différence des États-Unis où les profilers sont des offi-
ciers enquêteurs pouvant se faire aider par des psychologues,
les profilers (ou profileurs dans la version francisée) européens
sont pour la plupart des psychologues ou des psychiatres
experts spécialisés en criminologie. Ils peuvent rapprocher les
caractéristiques observées chez le criminel de celles présentées
dans des cas similaires ou bien partir des faits et des éléments
objectifs pour tracer les grands traits du comportement d’un
criminel précis.
Le profilage repose sur l’examen du dossier, les dépositions,
les éléments de l’enquête, les photos, les différents rapports,
le dossier médico-légal. Il s’intéresse aux circonstances de la
commission du crime, aux relations de l’auteur ou de la (des)
victime(s), aux motivations du choix de celle-ci, et examine
les fantasmes associés, ainsi que d’éventuels troubles psycho-
pathologiques ou psychopathiques.
Il existe des logiciels d’aide au profilage, essentiellement
pour l’évaluation diagnostique d’une éventuelle maladie
mentale ; mais ils n’expliquent en rien les données du passage
à l’acte. On reproche d’ailleurs parfois aux profileurs l’absence
de fiabilité d’une procédure qui apparaît plus instinctive que
standardisée. Cette technique est particulièrement complexe.
Il existe des techniques d’investigation complémentaires
mises en place par la police scientifique et technique, notam-
ment le fichier national automatisé des empreintes génétiques
(FNAEG) et le fichier automatisé des empreintes digitales
(FAED).
Le profilage reste un moyen fort utile pour déterminer
les principales caractéristiques de criminels ou de preneurs
d’otage, qui contribue de façon intéressante à la résolution de
certaines affaires.
En guise de conclusion

Nous avons développé ici quelques éléments essentiels au


sujet du phénomène criminel dans une perspective psycho-
criminologique. La connaissance du crime ne peut se passer
des aspects objectifs et statistiques. Ils permettent une meil-
leure approche des théories explicatives du crime dont le
modèle bio-psycho-social peut rendre compte de façon assez
complète. Les théories sociales et psychologiques contempo-
raines ont été analysées. Elles constituent un support pour
l’approche clinique permettant de donner une explication du
crime. Des criminalités spécifiques ont également été étudiées,
comme la criminalité routière, les homicides, la délinquance
des mineurs, la cybercriminalité, la délinquance en col blanc
et les tueurs en série.
Ces fondements sont nécessaires pour aborder les aspects
plus cliniques de la criminalité. La compréhension du crime
reste souvent délicate pour l’observateur. Si la fonction du
crime réside bien dans ce que Zagury (2002) qualifie comme
la transformation de la menace en triomphe, de la passivité
en activité, de la détresse en toute-puissance, du traumatisme
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

subi en traumatisme infligé, alors le travail des psychologues


est vaste. L’acte délinquant ou criminel ne peut recevoir une
seule explication d’ordre biologique ou social, car la dyna-
mique psychologique de chaque individu est également à
saisir dans sa complexité. C’est pourquoi la psycho-crimino-
logie dont nous venons de présenter les bases se présente
comme une discipline en plein essor, qui associe un ancrage
juridique et une application clinique, et qui donne lieu à de
nombreux travaux scientifiques.
160 Introduction à la psychocriminologie

Nous espérons que le lecteur aura pu ainsi mieux envisager


le travail du psycho-criminologue, qui cherche à saisir la dyna-
mique criminelle en s’efforçant d’aider à la modification de
trajectoires délinquantes ou criminelles par une meilleure
compréhension des motivations des actes et de leurs auteurs.
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Index des notions

A F
agressivité 54, 64 femmes 39
attachement 77
H
B homicides 112
biologie 54, 60 hooligans 108
hormones 59
C
I
contrôle social 72, 73
implication 78
conviction 78
intelligence 56
crimes 8, 20 internalisation 98
– en col blanc 133
criminalité 54 J
– organisée 135
– routière 103 jugement moral 93
culpabilité 91
M
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cybercriminalité 143
mineurs 45, 125
D
délinquance auto-déclarée 8
P
déviance 8 pairs 10, 130
parricides 121
E passage à l’acte 87
personnalité 156
engagement 78 profiler 13
établissements profiling 156
pénitentiaires 28 psychopathie 64
180 Introduction à la psychocriminologie

R T
récidive 1, 128 terrorisme 135
tueurs en série 147
S
séniors 132
stigmatisation 8
suivi socio-judiciaire 128
Index des auteurs

A D
Abdellaoui (S.) 96 Damasio (A.) 60
Allain (H.) 60 De Greef (E.) 48, 87
Allely (C.) 153 Dieu (E.) 148
Astor (S.) 105
Aubusson de Carvalay (B.) F
42
Faget (J.) 11
B
G
Balier (C.) 87
Becker (H.) 7, 84 Gottfredson (M. R.) 45, 77
Bègue (L.) 105 Gottman (E.) 84
Bénézech (M.) 122
Born (M.) 46 H
Bourgoin (S.) 148, 151, 152
Harrati (S.) 152
Brantingham (P. J.) 68, 78,
Hindelang (M. J.) 46
83
Hirschelmann (A.) 148
Brantingham (P. L.) 68, 83
Hirschi (T.) 45, 72, 77
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Brunet (L.) 91, 140


J
C
Jeffery (C. R.) 58, 61, 73
Casoni (D.) 91, 140
Cloward (R.) 73
Cohen (A. K.) 74, 76
K
Cohen (L. E.) 68 Karli (P.) 60
Coslin 130 Kohlberg (L.) 96, 97
Cusson (M.) 78, 140
182 Introduction à la psychocriminologie

L R
LeBlanc (M.) 47 Raine (A.) 54
Leman-Langlois (S.) 61 Roché (S.) 47, 82, 105, 106

M S
Matza (D.) 76 Seguin (J.) 65
McKay (H.) 67, 73 Sellin (T.) 72
McKay (M. M.) 96 Senninger (J. L.) 153
Merton (R.) 71, 73, 75 Shaw (C.) 67, 73
Moulin (V.) 89 Sutherland (E. H.) 69, 73,
Mucchielli (L.) 114, 117, 133
125 Sykes (G.) 76

O V
Ohlin (L.) 73 Vavassori (S.) 152
Villerbu (L. M.) 152
P
W
Pinatel (J.) 47, 88
Wyvekens (A.) 99
Q
Z
Queloz (N.) 135
Zagury (D.) 149, 152
Zimbardo (L.) 68

Composition : Soft Office (38)

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