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© Dunod, 2019

ISBN : 9782100792207

Conseillère éditoriale : Christine Mirabel-Sarron

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écrite de l'éditeur.
Remerciements

Je remercie Christine Mirabel-Sarron de sa confiance.


Merci à Perrine Seguin, ma collègue et co-animatrice des groupes
de gestion des émotions, pour sa relecture attentive du manuscrit et
ses remarques toujours pertinentes.
Merci à Marième Sarr pour son aide dans la réalisation de différents
tableaux et graphiques.
Merci à toute l’équipe de psychiatrie de l’hôpital Lariboisière-
Fernand-Widal avec qui nous travaillons avec confiance et bonne
humeur ainsi qu’à mes stagiaires Dauphine Misson et Anouk
Bonnelle.
Merci surtout à tous nos patients qui ont inspiré et contribué à ce
livre et qui nous aident à progresser continuellement dans notre
pratique.
Préface

C ela fait bien longtemps que vous avez des hauts et des bas dans
une même journée ; vos émotions comme la colère vous
débordent ou vous submergent, et c’est bien difficile de vous
contrôler. Les autres vous qualifient de « soupe au lait », ou encore
de bien susceptible… L’annulation d’une amie est vécue comme un
véritable abandon ; une remarque est perçue comme un « coup de
poing »… Vous vous sentez vide – c’est très angoissant – alors vous
avez besoin de vous remplir rapidement de quelque chose : la
nourriture par exemple… Vous réagissez rapidement, impulsivement
dans la plupart des cas. Parfois, sous l’emprise de l’angoisse, vous
vous scarifiez, ou vous avez des conduites à risque, vous ne savez
plus qui vous êtes… Vous êtes nombreux à vivre ces expériences
difficiles, et comme toute autre souffrance de l’organisme, elle se
diagnostique et se traite. Cet ouvrage est fait pour vous.
Catherine Musa, psychologue, a une longue expérience de la prise
en charge en psychothérapie. Elle vous propose dans cet ouvrage
une description claire de cette hyperréactivité émotionnelle et vous
conseille un ensemble d’aides psychologiques sous la forme d’auto-
observations guidées, pour identifier vos fragilités en même temps
que des moyens pour agir sur elles.
Vous découvrirez dans une première partie la description d’une
souffrance émotionnelle qui s’est appelée tour à tour la personnalité
émotionnellement labile, le trouble limite de personnalité ou encore
trouble « borderline ». Cette souffrance polymorphe, dont nous
avons souvent du mal à faire le tour et qui s’associe à bien d’autres
perturbations psychologiques dont les états dépressifs, les
consommations de substances, les conduites boulimiques, est bien
difficile à repérer et un bon nombre d’années peuvent s’écouler
avant qu’un diagnostic soit porté et que vous puissiez bénéficier des
soins les plus appropriés.
La seconde partie du livre vous enseigne un ensemble de stratégies
thérapeutiques qui ont largement montré leur efficacité dans la
régulation de vos émotions, dans l’amélioration de votre qualité de
vie et de vos relations aux autres. Les stratégies psychologiques
présentées sont issues de différents courants de la psychologie :
association de la psychologie clinique, des techniques
comportementales et cognitives des plus classiques aux plus
innovantes, des approches sur les schémas psychologiques
précoces de l’enfance devenus inadaptés à l’âge adulte et un
ensemble d’outils qui favorisent une communication plus
harmonieuse pour vous et pour les autres.
Le travail proposé est clair et progressif. Il vous permettra de repérer
vos émotions dévastatrices, les circonstances qui les déclenchent,
de cohabiter dans un premier temps plus paisiblement avec elles –
puisque de toute façon elles sont là – et de les mettre à distance
petit à petit. Catherine Musa a de nombreuses années d’expérience
dans la prise en charge psychologique des personnalités
émotionnellement labiles, selon ce programme multidimensionnel.
Découvrez vite ce livre, bonne lecture !

Dr Christine Mirabel-Sarron
Table des matières

Remerciements 3

Préface 5

PARTIE 1
COMPRENDRE

1 Qu’est-ce que le trouble de personnalité borderline ? 15


Définition 15
Historique 17
La fréquence et l’évolution du trouble borderline 19
L’apport des neurosciences 20
Est-ce génétique ? 21
Abus et négligences 22
Les troubles psychiatriques associés
au trouble borderline 24
Dépression et trouble borderline 24
Troubles bipolaire et borderline 24
Troubles des conduites alimentaires et trouble borderline 25
Addictions et trouble borderline 25
Troubles anxieux et trouble borderline 25

2 Ai-je le trouble borderline ? 27


J’ai du mal à gérer mes émotions 27
J’ai peur qu’on m’abandonne 29
Je me sens vide 31
Je ne sais pas qui je suis 31
Je suis impulsif/ive 33
Je me fais du mal 35
J’ai des problèmes relationnels 36
Je suis parano, je me sens bizarre 37

3 Comment l’expliquer ? 41
La théorie psychanalytique 41
La théorie de l’attachement 43
L’attachement sécure 44

L’attachement insécure 45

La théorie cognitive et la théorie des schémas 47


Les modes 50

L’enfant vulnérable 50

L’enfant coléreux et impulsif 51

Le parent punitif 51
Le protecteur détaché 52
Le mode de l’adulte sain 52

La théorie comportementale dialectique 52

PARTIE 2
CHANGER

4 J’apprends à reconnaître et à gérer mes émotions 59


À quoi servent nos émotions ? 59
Je prends conscience de mes émotions 62
J’accepte mes émotions 69
Je m’expose 70
Je fais face à la détresse 72
Je me distrais 72

Je m’apaise 76

Je développe « la pleine conscience » 78


J’augmente la fréquence de mes émotions positives
82

5 J’apprends à penser différemment 93


L’approche cognitive des émotions 93
J’identifie mes pensées automatiques 95
Je prends conscience de mes erreurs d’interprétation
ou « distorsions cognitives » 98
Je modifie mes pensées automatiques 103

6 Je travaille sur mes schémas 109


Les schémas précoces inadaptés 109
J’identifie mes schémas 113
J’identifie mes stratégies d’adaptation
dysfonctionnelles 119
La modification des schémas 124
J’analyse mes schémas (conceptualisation) 125

Je conteste mes schémas 128


Je travaille sur mes souvenirs traumatiques : la technique de re-parentage
130
La lettre aux parents 131
Je pardonne à mes parents 134
Je modifie les comportements qui maintiennent mes schémas 136

7 J’apprends à résoudre mes problèmes 147


La résolution de problèmes 147
Ma fiche de résolution de problèmes 152

8 J’apprends à mieux communiquer 157


Les différents types de communication 157
Quel est mon profil d’affirmation de soi ? 158
La communication affirmée 161
Faire une demande 162

Savoir refuser 164

Formuler un sentiment négatif, une critique 167

Répondre à une critique 169

La critique injustifiée et/ou floue 171

Gérer et résoudre des conflits 171


Les exercices d’affirmation de soi 176

9 Et les médicaments ? 179


Les antidépresseurs 180
Les régulateurs de l’humeur ou « thymorégulateurs »
180
Les antipsychotiques ou neuroleptiques 181
Les anxiolytiques et les hypnotiques 181
Conclusion 181

10 Conseils à l’entourage 183


Comprendre le comportement et la façon de penser
des personnes borderline 184
Communiquer avec votre proche borderline 185
Validez ses émotions 185

Exprimez votre vision de la situation 186

Demandez un changement de comportement si nécessaire 186

Faites connaître vos limites personnelles 187

La gestion des crises 187


Les crises de colère 187

Les automutilations 188

Menaces de suicide 190

Mon enfant est borderline 191


En couple avec une personne borderline 193
Un de mes parents est borderline 194
Obtenir de l’aide pour votre proche 196
Conclusion 199

Annexes. 201

Bibliographie 215
Partie​1

Comprendre
Chapitre 1

Qu’est-ce que le trouble


de personnalité borderline ?

Vous êtes tout le temps à fleur de peau.


Vous ressentez un sentiment de mal-être presque constant. Vous
vous sentez vide.
Vous avez peur des gens, de leur jugement, qu’ils ne vous aiment
pas et surtout qu’ils vous abandonnent.
D’ailleurs vous ne vous sentez pas aimable. Quand on vous aime
vous vous demandez pourquoi. Vous vous dites que la personne qui
vous aime ne vous voit pas vraiment tel que vous êtes.
Vous êtes souvent susceptible face aux propos de votre entourage
et réagissez au quart de tour.
Vous avez souvent le sentiment d’être agressé par les propos de
ceux qui vous entourent et vous éprouvez le besoin de les bousculer
à votre tour.
Vous vous demandez tout le temps si vous avez une place sur terre,
à quoi ça sert de vivre.
Vous avez tendance à calmer vos angoisses par des comportements
compulsifs, addictifs, automutilants ou violents.
Vous souffrez sans doute d’un trouble borderline. Ce livre vous est
dédié.
Définition
Le trouble de la personnalité borderline, introduit dans la
classification américaine des troubles mentaux, le DSM, en 1980,
reste un trouble mal connu en France, à la fois du grand public, mais
également des professionnels de la santé mentale.

Personnalité = ensemble de caractéristiques psychologiques permanentes d’un


individu qui le rend reconnaissable et différent des autres.

La souffrance des personnes ayant un trouble borderline est mal


comprise : souvent banalisée par l’entourage, dans la mesure où
leurs symptômes sont considérés comme un signe de mauvais
caractère ou de manque de volonté d’agir, et stigmatisée par le
milieu médical qui l’associe à des expressions du type :« des
patients impossibles à traiter », « difficiles », « résistants »,
« manipulateurs ».
Cette vision est en train de changer : de nouvelles approches
théoriques et des thérapeutiques plus efficaces sont proposées et
les recherches scientifiques montrent une évolution souvent très
positive de ce trouble dans le temps.
« Depuis aussi longtemps que je me souvienne je suis trop émotive. Le moindre
signe de désapprobation des autres me plonge dans une angoisse. La souffrance
des autres me fait pleurer, l’incivilité même minime me fait bondir, un compliment me
rend euphorique. Je réagis à tout, trop fort et tout le temps. Pour gérer, j’ai
commencé très tôt à fumer du cannabis, puis j’ai essayé d’autres drogues plus fortes.
Je suis devenue dépendante. Mes relations sentimentales se terminent toujours mal.
Je suis jalouse, possessive, j’ai peur que mes partenaires me quittent. Je leur rends
la vie infernale et du coup, ce que je crains par-dessus tout, finit par arriver : ils
m’abandonnent. Au niveau professionnel, c’est la catastrophe, j’ai été très bonne
élève, j’ai eu mon bac avec mention mais depuis je me cherche… J’ai commencé et
arrêté plusieurs études, j’ai eu de nombreux petits boulots que je quitte rapidement
dès que le patron ou les collègues m’insupportent. Par moments c’est très dur, je
désespère, je me sens vide, je ne sais pas qui je suis, je n’en peux plus de cette
vie… » Caroline

Les personnes souffrant du trouble de la personnalité borderline


éprouvent des états émotionnels intenses, survenant brusquement
et souvent difficilement contrôlables. Il peut s’agir de sentiments
violents de désespoir, de solitude, d’irritation ou d’anxiété. Dans
leurs relations sociales et intimes, des conflits minimes suffisent à
déclencher des crises de colère violentes. Certaines de leurs
difficultés, comme la dépendance ou des conduites d’automutilation,
sont en fait des tentatives pour gérer des émotions souvent trop
violentes à supporter. Il arrive fréquemment que certaines tentent de
se suicider pour mettre fin à leurs souffrances. En moyenne 8 %
d’entre elles décèdent prématurément par suicide.
Mais le trouble de la personnalité borderline n’est pas uniquement
synonyme de difficultés. Les personnes concernées possèdent
souvent des aptitudes particulières et peuvent, entre autres, être très
créatives, vivantes et appréciées pour leur enthousiasme. Les
sentiments négatifs ne sont pas les seuls à être très intensément
éprouvés, puisqu’il en va de même des sentiments positifs comme la
joie ou l’amour. Cependant, ces sentiments peuvent rapidement
basculer, la joie se transformer brusquement en désespoir, ou
l’affection en colère.
Voici les critères diagnostiques du trouble borderline selon la
dernière version du manuel diagnostic des troubles psychiatriques
(le DSM-V). Pour que le diagnostic puisse être retenu, cinq des neuf
critères suivants doivent être présents :
1. Efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés.
2. Mode de relations interpersonnelles instables et intenses
caractérisées par l’alternance entre des positions extrêmes
d’idéalisation excessive et de dévalorisation.
3. Perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de
l’image ou de la notion de soi.
4. Impulsivité marquée dans au moins deux domaines
potentiellement dommageables (par exemple, dépenses,
sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises
de boulimie).
5. Répétition de comportements, de gestes ou de menaces
suicidaires, ou d’automutilations.
6. Instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur (par
exemple, état de malaise épisodique intense, irritabilité ou anxiété
durant habituellement quelques heures et rarement plus de
quelques jours).
7. Sentiments chroniques de vide et d’ennui.
8. Colères intenses et inappropriées ou difficulté à contrôler sa
colère (par exemple, fréquentes manifestations de mauvaise
humeur, colère constante ou bagarres répétées).
9. Apparition transitoire dans des situations de stress d’idées
persécutoires ou de symptômes dissociatifs sévères.

Historique
En 1938, le psychanalyste américain Adolph Stern écrit un article qui
fera date dans l’histoire de la psychanalyse et de la psychiatrie. Il
utilise le terme borderline pour désigner un groupe de patients qui,
selon lui, n’étaient ni névrotiques ni psychotiques mais « à la limite »,
c’est-à-dire entre ces deux types de fonctionnements.
Ce qui caractérisait, selon lui, ces patients, était leur estime de soi
extrêmement fragile, leur hypersensibilité à la critique et leur
tendance à tantôt idéaliser, tantôt dévaloriser les personnes
importantes de leur entourage, psychothérapeutes inclus.

En France, le terme borderline a été traduit par état-limite, qui est également souvent
utilisé. Pour rajouter à la confusion, la classification internationale des maladies
psychiatriques, la CIM-10 (en français), utilise également le terme de personnalité
émotionnellement labile.

Une névrose : mot créé en 1777 par un médecin écossais, William Cullen (1710-
1790), et introduit en France par le célèbre psychiatre Philippe Pinel (1745-1826). Le
terme est utilisé pour désigner les maladies du système nerveux par opposition aux
maladies somatiques, c’est-à-dire aux maladies du corps.
Le terme est par la suite utilisé par Sigmund Freud pour nommer des troubles
psychiques tels que les phobies ou les obsessions, troubles dont le patient a
pleinement conscience.
C’est le psychiatre allemand Emil Kreaplin (1856-1926) qui utilise le premier le terme
psychose pour désigner les états psychiques caractérisés par une altération profonde
de la conscience. Le patient psychotique peut avoir des pensées, des convictions, des
expériences bizarres comme des « hallucinations », qui ne correspondent pas à la
réalité. Il peut être « délirant » : penser par exemple qu’on peut lire dans ses pensées,
qu’on le persécute, qu’il a des pouvoirs spéciaux. Ceci est pour lui une expérience
souvent terrifiante.
Les psychoses les plus fréquentes sont les différentes formes de la schizophrénie. Des
états psychotiques peuvent aussi apparaître d’une manière transitoire sous l’influence
d’un grand choc psychologique ou certaines drogues (cannabis, amphétamines,
drogues hallucinogènes…).
La distinction entre psychose et névrose est aujourd’hui de moins en moins utilisée,
voire totalement abandonnée en psychiatrie.

La littérature psychanalytique poursuivra l’exploration de ce


concept : ainsi Melitta Schmideberg (1904-1983) proposera par
exemple que la problématique majeure de ces patients soit la
difficulté à réguler leurs émotions et les décrit comme « instables de
façon stable ».
La psychanalyste suisse Germaine Guex sera la première à mettre
l’accent sur le syndrome d'abandon des patients borderline. C’est en
travaillant avec les enfants appelés alors caractériels, qu’elle
comprend qu’il s'agissait d'enfants qui avaient généralement subi un
abandon plus ou moins précoce, qui se manifestait par une
insécurité affective et un besoin constant d'obtenir des preuves
d'amour pour assurer une certaine sécurité.
Otto Kernberg aux États-Unis et Jean Bergeret en France
continueront à travailler sur la prise en charge de ces patients en
proposant une approche centrée sur la problématique d’abandon.

Otto Kernberg, né en 1928, est un psychanalyste américain célèbre pour son travail
sur les personnalités limites et narcissiques. Né à Vienne, il fuit avec sa famille
l’Allemagne nazie pour s’installer d’abord au Chili puis aux États-Unis dans les
années 1960.
Devenu professeur de psychiatrie dans la prestigieuse Université de Cornell en 1976, il
développe son travail sur les personnalités borderline et propose une
psychothérapie adaptée et validée scientifiquement : la thérapie focalisée sur le
transfert.
Il est auteur d’un livre de référence sur les patients borderline : Les Troubles limites de
la personnalité.

À partir des années 1970-1980, la psychiatrie descriptive est née


avec le désir de se recentrer sur ce qui est observable, notamment
les symptômes et les comportements des patients, sans faire
référence aux considérations théoriques et aux problèmes
intrapsychiques trop difficiles à évaluer scientifiquement. Ainsi
apparaît le premier DSM (Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders) qui devient rapidement « la Bible » des
psychiatres dans le monde entier. La distinction entre névrose et
psychose est abandonnée et les problèmes psychiques sont
catégorisés en « troubles ».
Il faudra attendre le DSM-III pour introduire et définir le diagnostic du
trouble borderline, sur la base des travaux de John Gunderson et
Margaret Singer aux États-Unis, avec des critères opérationnels
encore aujourd’hui dans la toute dernière version du DSM : le DSM-
V apparu en 2015.
La dernière décennie du xxe siècle voit la consolidation du diagnostic
et l’apparition de nouvelles approches thérapeutiques efficaces
comme la Thérapie comportementale dialectique de Marsha Linehan
et la Thérapie des schémas de Jeffrey Young.
Des études épidémiologiques longitudinales, publiées dans les
années 2000 (Zanarini et al.), ont permis de constater que le
pronostic des patients borderline, contrairement à ce que l’on a
longtemps pensé, était plutôt favorable dans une grande majorité
des cas et bien meilleur que certaines autres maladies
psychiatriques.

La fréquence et l’évolution du trouble


borderline
Le trouble borderline est relativement fréquent, il touche environ 2 %
de la population générale. Cette prévalence semble varier selon les
pays, ainsi le trouble est plus fréquent dans les sociétés modernes
industrialisées que dans les sociétés traditionnelles.
Ceci pourrait être expliqué d’une part, par la fragilisation du noyau
familial dans nos sociétés individualistes et, d’autre part, comme le
suggère Theodore Millon, psychologue américain, par les
changements sociaux survenus après la deuxième guerre mondiale
dans les sociétés occidentales, qui ont rendu le trouble borderline
plus fréquent en raison de la disparition des supports sociaux et
communautaires.
Le trouble borderline semble également être plus fréquent chez la
femme que chez l’homme. 70 % des personnes diagnostiquées sont
des femmes. Cependant, beaucoup de spécialistes considèrent que
cette différence observée dans les études épidémiologiques est due
d’une part au fait que les hommes consultent moins en psychiatrie,
et d’autre part que le trouble s’exprime différemment chez les
femmes qui présentent plus de comportements autodestructeurs
(automutilations, suicides) et chez les hommes qui présentent plus
de conduites hétéro-agressives (envers les autres).
Comme nous l’avons mentionné dans la section précédente,
l’évolution du trouble borderline est souvent très positive,
contrairement à certaines idées reçues. Ainsi, une étude de Mary
Zanarini et ses collaborateurs a suivi un groupe de 290 patients
borderline, en les évaluant à deux, quatre, six, huit, dix, douze et
seize ans d’évolution. L’étude a démontré que la grande majorité des
patients était en rémission et ne présentait plus les critères
diagnostiques du trouble borderline selon le DSM (entre 78 et
99 % !). Certains critères semblent toutefois plus résistants au
changement que d’autres : alors que l’impulsivité et les conduites
auto-agressives disparaissent avec l’âge, l’instabilité affective et la
peur de l’abandon paraissent plus stables. Ces études ont permis
d’identifier les variables associées à une évolution favorable, telles
que le jeune âge, l’absence d’abus sexuel dans l’enfance, un bon
niveau d’études, ou encore un haut degré d’agréabilité (c’est-à-dire
être chaleureux, confiant, altruiste).
Les personnalités borderline célèbres

La personne borderline la plus célèbre est certainement Marylin Monroe. On sait


qu’elle avait été abandonnée à la fois par son père à sa naissance et par sa mère qui
souffrait d’une schizophrénie. Toute sa vie, Marylin souffrit de ces sentiments
d’abandon et de vide, d’une identité instable en gérant toutes ses difficultés avec de
l’alcool et des drogues.
La princesse Diana est un autre exemple, comme le propose sa biographe Sally Bedel
Smith. Elle souffrait elle aussi d’une peur de l’abandon, d’une dépression chronique,
d’une instabilité émotionnelle, de crises de boulimie et d’un sentiment de vide.
Deux stars de la musique rock, morts tragiquement, Amy Winehouse et Kurt Cobain,
chanteur du groupe Nirvana, ont également probablement souffert de ce trouble.
De nombreux personnages au cinéma présentent des symptômes de personnalité
borderline par exemple : Glenn Close dans « Liaisons Fatales », Winona Ryder dans
« Une vie volée », Meryl Streep dans « Bons baisers d’Hollywood », Béatrice Dalle
dans « 37°2 le matin ».

L’apport des neurosciences


Les progrès en neurosciences et en neuro-imagerie depuis le début
du siècle ont permis de mieux comprendre certaines caractéristiques
du trouble borderline.
La plupart des études en imagerie cérébrale ont démontré des
changements au niveau de l’hippocampe et de l’amygdale chez les
personnes borderline en comparaison avec des individus témoins.

L'amygdale est une structure cérébrale essentielle au décodage des émotions, et en


particulier des stimuli menaçants. Son action peut être comparée à un système
d’alarme qui s’active en cas de danger.
L’hippocampe joue un rôle clé dans la mémoire et l’apprentissage : il stocke de façon
temporaire les souvenirs, qui sont ensuite transmis à d’autres régions du cerveau.
Le cortex pré-frontal est la partie du cerveau qui nous aide à « contrôler » nos
réflexes. Il aide à réguler la réponse émotionnelle en inhibant l’hyper-réactivité de
l’amygdale.
Ces deux structures jouent un rôle primordial dans la mémorisation,
en ce qui concerne l’hippocampe, et au niveau des émotions, en ce
qui concerne l’amygdale. Elles sont très sensibles aux effets du
stress, particulièrement lorsque celui-ci est chronique.
Des études montrent que l’amygdale est particulièrement réactive
chez les personnes borderline.
Il existerait également un problème de « communication » entre le
cortex pré-frontal et l’amygdale dans le trouble borderline. Le cortex
pré-frontal permet d’inhiber l’activité de l’amygdale et du cerveau
limbique (qui est le siège des émotions) en général. Il semblerait que
le cortex pré-frontal des individus borderlines soit moins actif et
régule ainsi moins bien l’hyperactivation de l’amygdale.
Il faut cependant souligner que les perturbations et les anomalies
retrouvées chez les personnes borderline ne sont pas vraiment
spécifiques : nous les retrouvons en fait dans la plupart des
maladies psychiatriques.
Il est également important de garder à l’esprit que la démonstration
par imagerie d’un fonctionnement cérébral particulier n’implique
absolument pas de lien de causalité. Les dysfonctionnements
observés dans le trouble borderline pourraient en être également
l’effet. Nous savons depuis une dizaine d’années maintenant que
notre cerveau et ses connexions neuronales sont « plastiques »
c’est-à-dire qu’elles évoluent en fonction de nos interactions avec
l’environnement. Nous pourrions ainsi imaginer que les expériences
traumatiques précoces peuvent laisser des traces sur le cerveau en
développement d’un enfant.

Est-ce génétique ?
Les études génétiques classiques consistent à comparer les
proches, au plan génétique, (la famille) de personnes souffrant d’un
trouble aux proches de personnes indemnes de ce trouble. Ces
études ont permis de montrer que l’influence génétique est présente
dans le trouble borderline mais qu’elle est moins importante que
dans certains autres troubles psychiatriques. Le « taux de
concordance » chez les « vrais » jumeaux, appelés
« monozygotes », c’est-à-dire ayant exactement les mêmes gènes,
est de 25 % pour le trouble borderline alors qu’il est de 50 % pour la
schizophrénie, une maladie psychiatrique grave. Le risque de
présenter un trouble borderline si un membre de la famille en est
atteint est de 10 % alors qu’il est de 1 % dans la population
générale. Il faut noter cependant que les individus de ces études ont
partagé le même environnement familial. Il n’est par conséquent pas
possible de démêler les influences psychosociales de l’influence
génétique.
Les études en génétique cherchent depuis quelques années à
étudier les « endophénotypes » c’est-à-dire des caractéristiques
cliniques ou biologiques qui correspondent non pas au trouble dans
sa globalité mais à une de ces parties.
Ainsi pour le trouble borderline l’un des endophénotypes étudiés est
« l’impulsivité ».
Les chercheurs sont partis du constat qu’un déficit en sérotonine,
l’un des neurotransmetteurs les plus répandus dans le cerveau,
facilite les conduites impulsives et ils ont observé qu’une variation
touchant le gène du transporteur de la sérotonine pourrait favoriser
des comportements impulsifs.
Ces découvertes sont à modérer à la lumière d’une autre discipline
scientifique, appelée l’épigénétique. Celle-ci étudie l’influence de
l’environnement sur l’expression des gènes. Ainsi une étude
épigénétique récente montre que les maltraitances et le stress vécus
dans l’enfance transforment de façon permanente l’expression de
certains gènes dans le sens d’une plus grande vulnérabilité au
stress.
Pour conclure, les prédispositions génétiques dans le trouble
borderline sont probables, mais leur influence est certainement
modérée.
Comme pour d’autres troubles psychiatriques, il existe certainement
une intrication complexe entre l’environnement et les gènes dans
l’étiologie de ce trouble, avec toutefois un rôle prépondérant attribué
aux facteurs environnementaux précoces comme nous allons le voir
dans la partie suivante.

Abus et négligences
« Cécile est abandonnée par sa mère toxicomane à cinq ans. Elle est alors élevée
par son père qu’elle qualifie de “trop présent” car il cherchait à contrôler sa vie et ses
fréquentations. Lors de son adolescence, il abuse d’elle sexuellement, ce qui
entraîne chez Cécile une confusion entre affection et sexualité qui se répercutera
dans ses relations sentimentales. Elle se marie jeune et a deux enfants, ce qui
réactive le dégoût pour son père puis se généralise à tous les hommes, y compris
son mari, dont elle se sépare par la suite. Elle sombre alors dans une dépression qui
dure deux ans et se fait hospitaliser. »
« Victor est originaire du Pérou et a été adopté par ses parents à 18 mois. Sa mère
adoptive est froide et s’occupe peu de lui. Son père, plus chaleureux, est toutefois
très absent car surinvesti dans son travail. À huit ans, il est abusé à plusieurs
reprises par un cousin beaucoup plus âgé et se trouve alors plongé dans une grande
confusion quant à sa sexualité et ses sentiments amoureux. Au lycée, il découvre
son homosexualité et souffre alors d’humiliation et d’homophobie. Il se replie sur lui-
même et n’a plus d’amis. Ses résultats scolaires chutent. Il ne parle plus avec ses
parents adoptifs qui le critiquent en permanence. On lui diagnostique alors un
tempérament dépressif. Après son bac, il se lance dans le dessin mais souffre
toujours de solitude et de dépression, ce qui le pousse à commettre plusieurs
tentatives de suicide. Il est d’abord diagnostiqué bipolaire puis plus tard borderline. »

Comme Cécile et Victor, de nombreuses personnes borderline ont


souffert de maltraitances dans leur enfance.
Lorsque nous parlons de la maltraitance infantile, nous avons
l’habitude de distinguer les abus des négligences. Trois différents
types d’abus sont identifiés :
l’abus physique : être blessé physiquement ;
l’abus sexuel : être soumis aux comportements sexuels d’une
autre personne (en général plus âgée) ;
l’abus émotionnel : être soumis à des comportements
émotionnellement stressants, en général exprimés verbalement.
Deux types de négligences sont distingués :
les négligences physiques : lorsque l’adulte ne prend pas soin de
l’enfant, ne lui donne pas suffisamment à manger, ne lui achète
pas de vêtements adaptés, ne le soigne pas en cas de maladie,
ne l’emmène pas chez le médecin…
les négligences émotionnelles : lorsque les adultes ignorent les
besoins émotionnels et les souffrances psychiques de l’enfant
(l’anxiété, la tristesse, la honte).
Négligence émotionnelle chez la souris

Les chercheurs ont identifié chez la souris des mères particulièrement « bonnes » qui
passent leur temps à lécher et toiletter leurs petits et qui voûtent leur dos pendant
l’allaitement. Ils ont également identifié des mères négligentes qui ne s’impliquent pas
suffisamment dans les soins de leurs petits. Le « bon » comportement maternel a une
influence sur le développement de certains circuits cérébraux des souriceaux et
notamment ceux impliqués dans la gestion du stress. De plus, les comportements
maternels influencent même l’expression du génome chez leurs petits : en fonction du
type de soins reçu (« bon » ou « mauvais »), il y aura des modifications durables,
parfois sur trois générations dans l’expression de certains gènes et notamment ceux
impliqués dans la gestion du stress, l’agressivité et les apprentissages. Ces
transformations ne sont toutefois pas définitives : si les souriceaux maltraités sont
confiés suffisamment tôt à de « bonnes mères », ils ne développeront pas, ou d’une
manière beaucoup plus atténuée, les perturbations biologiques observées chez ceux
restés avec les « mauvaises » mères. L’environnement favorable peut donc modifier le
destin de ces souriceaux et de leur progéniture !

Nous rencontrons souvent dans notre travail clinique avec les


patients borderline des histoires de maltraitances comme celles de
Cécile et de Victor. Les études scientifiques mettent en évidence que
40 à 70 % des personnes borderline rapportent avoir été abusées
sexuellement et 25 % à 70 % l’auraient été physiquement.
Nous supposons que la négligence physique et émotionnelle est
encore plus fréquente mais celle-ci est difficilement étudiée
scientifiquement, notamment à cause de son intrication fréquente
avec les abus (un enfant abusé a souvent été négligé également !)
Les abus et négligences existent dans tous les milieux sociaux.
Nous savons qu’ils peuvent être extrêmement néfastes pour le
développement intellectuel et émotionnel des enfants. Néanmoins,
même si le milieu dans lequel nous grandissons a une importance
considérable sur notre vie, des changements favorables, un travail
approfondi en psychothérapie, des rencontres et des
relations positives peuvent nous permettre de changer notre destin
et celui de nos enfants.

Les troubles psychiatriques associés


au trouble borderline

Le trouble borderline peut coexister, mais aussi être confondu avec


de nombreux autres troubles psychiques.

▶ Dépression et trouble borderline


La dépression est un état qui dure toute la journée, pendant au
moins deux semaines, et qui est dominé par la tristesse, la fatigue et
la difficulté à éprouver de l’intérêt et du plaisir. Il existe très souvent
des troubles du sommeil et de l’appétit associés.
Si vous êtes borderline, vous ressentez probablement souvent de la
tristesse, cependant, celle-ci est souvent réactionnelle à un
événement et peut disparaître aussi rapidement qu’elle est
survenue. Il se peut également que vous présentiez une tristesse
chronique, qui perdure depuis de nombreuses années. On parle
dans ce cas de « dysthymie ». Parfois, suite à des événements
difficiles, vous avez déjà connu un véritable « épisode dépressif
majeur » qui n’a malheureusement peut-être pas suffisamment
répondu aux traitements médicamenteux classiques.

▶ Troubles bipolaire et borderline


Depuis la récente médiatisation des troubles bipolaires, beaucoup de
personnes borderline ont cru se reconnaître dans le trouble bipolaire.
En effet, les symptômes du trouble bipolaire : les changements
d’humeur, l’impulsivité, l’irritabilité peuvent vous faire penser à vos
difficultés.
Il se peut d’ailleurs que vous ayez déjà reçu à tort un diagnostic de
trouble bipolaire et que le traitement thymorégulateur recommandé
n’ait pas été très efficace pour vous.
Il existe plusieurs types de troubles bipolaires : le Type I se
caractérise par des périodes de manie (euphorie, exaltation,
désinhibition, grande énergie, délire) qui peuvent durer plusieurs
semaines d’affilée en alternance (ou pas) avec des périodes de
dépression qui vont également durer minimum deux semaines.
Le Type II se caractérise par des accès « d’hypomanie » c’est-à-dire
des formes atténuées des épisodes maniaques, qui perturbent
beaucoup moins le fonctionnement professionnel et social du
patient.
À la différence du trouble borderline, les changements d’humeur
dans le trouble bipolaire sont beaucoup plus durables et ne
changent pas au cours de la même journée. De plus, chez ces
patients, nous n’observons pas d’angoisse d’abandon, de
perturbation de l’identité, ni de dépendance affective, si
caractéristiques de la pathologie borderline. Par ailleurs, une fois
sortie de son épisode hypo/maniaque ou dépressif, la personne
souffrant de trouble bipolaire fonctionne plutôt bien.
Il arrive néanmoins que certaines personnes souffrent des deux
troubles à la fois. Ainsi, une étude de Mary Zanarini (2004) trouve
que 10 % des borderline présentent également un trouble bipolaire.

▶ Troubles des conduites alimentaires


et trouble borderline
Les problèmes de boulimie et d’anorexie sont très fréquents dans le
trouble borderline.
L’anorexie pure, « restrictive » est plutôt rare. Les personnes borderline
alternent généralement entre des périodes de restriction et des crises
de boulimie. Les patients décrivent souvent un sentiment de vide qui
précède la crise, le besoin de se remplir… C’est également une
manière de gérer d’autres émotions trop envahissantes et intenses,
comme l’agressivité ou la tristesse.

▶ Addictions et trouble borderline


Les personnes borderline, dont vous faites peut-être partie, sont très
nombreuses à avoir recours aux drogues, à l’alcool, ou encore au
tabac pour gérer leurs émotions. D’autres addictions sont également
observées : aux jeux vidéo, au sexe… Tout ce qui peut permettre
d’atténuer la souffrance, de s’en distraire… L’effet apaisant de ces
addictions est souvent de courte durée et une fois passé vous vous
sentez généralement encore plus déprimé(e) et vide. Des études
montrent que l’usage de ces substances facilite aussi le passage à
l’acte suicidaire à cause de leur effet désinhibiteur.

▶ Troubles anxieux et trouble borderline


Les sujets borderline présentent souvent des problèmes d’anxiété.
Plusieurs études ont montré une fréquence élevée des troubles
anxieux tels que les attaques de panique, l’agoraphobie, l’anxiété
sociale et surtout le trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Un trouble de stress post-traumatique (TSPT), se développe suite à
un événement traumatique dans lequel l’intégrité corporelle du sujet
a été mise en danger. Il se caractérise par un état d’alerte et une
peur permanente, et une reviviscence douloureuse du traumatisme
(cauchemars, « flashs » des images de l’événement).
L’association du TSPT et du trouble borderline est relativement
fréquente. Comme nous l’avons vu dans la partie précédente,
beaucoup de sujets borderline ont été abusés ou maltraités dans
leur enfance. Les abus et maltraitances chroniques sont une des
causes les plus fréquentes du TSPT. Beaucoup d’enfants maltraités
et abusés peuvent développer les deux troubles une fois devenus
adultes, ce qui a amené certains spécialistes à considérer le trouble
borderline comme une forme du TSPT.
Les attaques de panique sont des crises d’anxiété très intenses
souvent associées à des symptômes physiques comme
l’accélération du rythme cardiaque, des difficultés à respirer, des
vertiges, de la transpiration. Pendant ces crises, nous pouvons avoir
l’impression de devenir fou, de faire une crise cardiaque, ou encore
de s’évanouir. D’autres symptômes peuvent être au premier plan
comme la dépersonnalisation, c’est-à-dire l’impression de ne pas
être vraiment là, dans son corps, ou la déréalisation, c’est-à-dire
l’impression que les choses autour de nous se déforment.
Certains peuvent développer par la suite la peur de ces crises, « la
peur d’avoir peur » et commencent à éviter des endroits jugés
dangereux tels que des espaces clos, des transports, la foule. Cela
devient alors une agoraphobie.
Une autre phobie peut coexister avec le trouble borderline : la
phobie sociale ou la peur du jugement et du regard des autres. La
très faible estime de soi, la peur du rejet et de l’abandon
prédisposent certains sujets borderline à développer de l’anxiété
sociale. Cette phobie les amène ainsi à éviter de parler en groupe,
d’engager des conversations avec des personnes qu’elles ne
connaissent pas ou peu, de s’affirmer, ou elles ne peuvent le faire
que sous l’effet de l’alcool ou des drogues.
Chapitre 2

Ai-je le trouble borderline ?

V ous allez peut-être vous reconnaître dans les symptômes et les


témoignages des patients borderline de ce chapitre. Il est
cependant préférable que votre diagnostic soit établi par un
psychiatre ou un psychologue spécialisé dans la prise en charge de
ce trouble, bien qu’il faille reconnaître qu’il existe une certaine
réticence chez les professionnels de santé mentale à communiquer
ce diagnostic aux patients. Ceci est bien dommage car la plupart des
patients vivent l’annonce du diagnostic comme un soulagement. Il
leur permet de mettre un nom sur ce qu’ils ressentent, de mieux se
comprendre et par la suite, de mettre en place des stratégies pour
faire face à leurs difficultés. Nous savons bien qu’il est plus facile de
combattre un ennemi que l’on connaît !
Néanmoins, il faut éviter de s’enfermer dans un diagnostic un peu
comme si cela devenait « une carte d’identité », car comme nous
l’avons vu dans le chapitre précédent le trouble borderline n’est pas
stable et évolue, souvent positivement, à travers le temps. Et
notamment lorsqu’une psychothérapie adaptée est entreprise
suffisamment longtemps.

J’ai du mal à gérer mes émotions


« Il y a des jours où je me réveille avec le sentiment que l’existence me pèse comme
une chape de plomb. Tout me semble vain, sans issue, et tout ce que j’entreprends
est voué à l’échec. En même temps, il suffit que dans la même journée je reçoive un
compliment, que quelqu’un m’approuve ou m’encourage et j’ai alors l’impression que
je pourrais soulever des montagnes, résoudre n’importe quelle difficulté́ avec le
sourire. Dans l’autre sens, c’est la même chose. Il suffit d’une critique, d’un seul mot
ou d’un seul regard pour me faire tomber au fond du trou. Alors je me retire
complètement, je débranche le câble du téléphone, je romps tous mes contacts, je ne
dis plus rien, on ne peut plus m’atteindre. » Sarah

Ceci est peut-être la caractéristique principale du trouble borderline.


Vos réactions émotionnelles sont très fortes, imprévisibles, souvent
déclenchées par des situations qui peuvent paraître banales ou sans
importance pour votre entourage. Votre humeur peut changer très
brusquement. La tristesse, l’angoisse, la colère peuvent alterner au
cours de la même journée, parfois même sans raison apparente. Les
émotions positives (joie, enthousiasme) sont plus rares et de courte
durée. En général toutefois, et en dehors des fluctuations, l’émotion
de base est celle de tristesse.
Un exemple classique de réactivité émotionnelle est le coup de fil ou
le message adressé à un ami, resté sans réponse pendant quelques
heures, qui plongera la plupart d’entre vous dans une détresse et
une angoisse profonde.
La colère n’est jamais loin non plus, comme en témoigne Katia :
« Je peux devenir furieuse face à une contrariété minime, comme quelqu’un qui me
pousse involontairement dans le métro. Je ressens une colère violente qui monte,
que j’ai du mal à contrôler… Il m’arrive de disputer des parfaits inconnus, voire de les
insulter. Je me suis mise ainsi plusieurs fois en danger… »

En effet, vous êtes hypersensible : « TOUT » vous atteint. Des


paroles maladroites, des petits gestes et attitudes de votre
entourage, comme le froncement des sourcils ou une attitude
légèrement distante vont être interprétés comme le signe d’une
désapprobation et vont perturber votre estime de soi déjà
extrêmement fragile. Vos réponses seront souvent excessives,
démesurées par rapport à la situation concernée.
Vos émotions se déclenchent facilement et deviennent rapidement
intenses et elles s’atténuent lentement. Anne raconte :
« Lorsque je me mets en colère cela peut durer des heures. Je vais fulminer et
ruminer et cela va m’empêcher de faire quoi que ce soit d’autre. »

Votre hypersensibilité vous permet également de percevoir


rapidement l’état émotionnel des autres et d’en être plus
profondément affecté que la plupart de gens. Les psychologues
appellent ce phénomène « l’hyper-empathie ». En effet, vous allez
souvent être profondément bouleversé par la souffrance des autres :
voir des SDF dans la rue peut vous faire pleurer, des films ou des
reportages sur la souffrance des réfugiés vont déclencher des
sanglots.
Il arrive que vous projetiez sur l’autre votre propre souffrance,
comme en témoigne l’exemple de Leslie :
« Quand je reçois des courriers d’associations caritatives concernant des orphelins
en France ou à l’étranger je suis toujours envahie d’une tristesse immense en
pensant au manque d’amour de ces orphelins. Je n’ai compris que récemment que la
souffrance de ces enfants me renvoyait aux manques affectifs et à la solitude durant
ma propre enfance. »

Vous pouvez également projeter des émotions négatives sur les


autres. Vous pouvez, par exemple, conclure que quelqu’un vous
méprise alors que vous projetez en fait votre mauvaise estime de
vous-même sur l’autre. Il s’agit là de ce que les psychothérapeutes
appellent « un mécanisme de défense », « la projection ».
Kathy est extrêmement susceptible. Elle se sent facilement humiliée et notamment
par sa sœur qui a, selon ses critères, mieux réussi dans sa vie professionnelle et
sentimentale. Kathy provoque régulièrement des disputes avec celle-ci car elle
interprète la moindre de ses remarques comme une critique. Kathy « projette »
inconsciemment sa mauvaise estime d’elle-même « dans la tête » de sa sœur. Elle
projette également sa jalousie et sa colère contre sa sœur en croyant que celle-ci la
déteste.

J’ai peur qu’on m’abandonne


Si vous souffrez d’un trouble « borderline », vous avez constamment
peur que les gens vous quittent, vous abandonnent, vous rejettent.
C’est une peur envahissante et omniprésente déclenchée
facilement, comme nous l’avons déjà vu, par des événements
banals.
Marianne témoigne :
« Un soir j’ai téléphoné à mon amoureux ; il m’a répondu qu’il regardait une émission
à la télé et qu’il allait me rappeler. J’ai essayé de lire pour “tuer le temps”. Il ne
m’avait toujours pas rappelée. J’ai attendu encore en vain. J’ai commencé à me
sentir angoissée, j’ai été prise par une terrible peur d’être abandonnée. Au moment
où mon téléphone a sonné, à 22h30, j’avais déjà pris la décision de rompre avec lui,
de le quitter avant qu’il ne me quitte. Le film qu’il regardait venait tout juste de se
terminer. Je me suis sentie ridicule. »

L’abandon peut être vécu comme une perte totale du sens de la vie,
comme l’exprime Sonia :
« J’avais 13 ans quand mon père est mort et plus tard j’ai compris que j’avais vécu ce
décès comme un abandon. À 15 ans, j’ai sombré dans une sorte de “dépression
existentielle”. Je lisais des ouvrages des philosophes existentialistes, je ruminais
l’absurdité de la vie, le manque de sens. Puis un jour, un ami m’a fait essayer
l’héroïne et je me souviens d’avoir pensé que cette drogue donnait un sens à ma vie.
Je savais pourquoi je me réveillais le matin. Mes journées étaient organisées en
fonction de l’argent à trouver, du dealer à appeler et du “shoot” du soir. L’héroïne
avait comblé un vide, le vide laissé par mon père… »

Pour beaucoup d’entre vous, l’angoisse d’abandon est le problème


principal, à l’origine des autres symptômes. N’ayant généralement
pas pu former dans les premières années de votre vie une relation
d’attachement stable et sécurisante, vous gardez cette angoisse de
perdre l’affection de vos proches. Dans l’histoire de la plupart des
personnes borderline on retrouve des séparations, des abandons,
des carences affectives survenus dans l’enfance. Ceci vous rend
hyper-vigilant à tout signe de rejet ou de trahison chez l’autre.
Lorsque vous êtes en couple, vous êtes en général très jaloux et
possessif. Vous avez constamment besoin d’être rassuré.
Julien témoigne :
« Je suis extrêmement jaloux. Lorsqu’on sort avec mon ami, je ne supporte pas qu’il
parle à un autre homme, même quelques minutes. Je lui fais des scènes terribles, je
vérifie son téléphone, je l’espionne sur Facebook. »

Plus vous vous attachez à une personne, plus cette relation vous
angoisse. Vous vous sentez dépendant et vous craignez l’abandon.
Vous ne pouvez pas vivre sans relation fusionnelle. Parfois vous
reproduisez le même schéma dans vos relations amicales, qui
deviennent elles aussi fusionnelles et conflictuelles.
Il peut vous arriver de vous sentir seul même lorsque votre
partenaire ou vos proches sont physiquement présents. Et lorsque
ceux-ci s’absentent les sentiments de solitude et de désespoir
peuvent devenir envahissants. Vous allez alors vouloir vous rassurer
en cherchant à maintenir le contact à tout prix, en envoyant trop de
messages, en appelant trop souvent l’autre, en lui faisant des
reproches s’il ne répond pas immédiatement. Tous ces
comportements risquent paradoxalement de provoquer justement,
surtout en début de relation, cet abandon tant redouté. Il en va de
même pour les comportements agressifs. Lorsque vous doutez de
l’autre vous pouvez devenir violent, provoquer des disputes en
permanence, ce qui va également souvent finir par lasser votre
partenaire et l’inciter à rompre.
Virginie témoigne :
« Toutes mes relations se déroulent selon le même schéma : après un début souvent
passionnel des deux côtés, je crois percevoir des signes de lassitude chez l’autre.
Ceci m’angoisse terriblement et je me mets à demander des preuves d’amour. Je
l’étouffe de sms, je cherche à le voir tout le temps, je l’accable de reproches s’il ne
l’accepte pas, je lui fais des scènes si je m’aperçois qu’il jette même un regard furtif à
une autre femme. Et plus je le fais, plus il s’éloigne, jusqu’à disparaître
complètement. »

Parfois cette peur de l’abandon vous pousse à abandonner l’autre


avant de devenir trop dépendant.
Ainsi, Marine raconte :
« Chaque fois que je tombe amoureuse d’un homme, je ressens un besoin de
m’éloigner : je vais soit partir en voyage, soit sortir avec un autre homme, soit l’éviter
en permanence. À la fin il finit par se décourager… »

Paradoxalement, la peur de l’abandon peut être accompagnée de la


peur d’un rapprochement affectif. Si l’autre vous semble trop proche
et trop amoureux, cela vous fait peur car vous avez l’impression
d’étouffer. Vous allez alors devenir distant et chercher à provoquer
une rupture. Vous avez besoin d’une relation fusionnelle tout en la
craignant.

Je me sens vide
« Je me sens souvent comme une coquille vide. Je ne ressens aucune émotion, tout
m’est égal. Je ne suis pas triste, je n’arrive pas d’ailleurs à pleurer, je ne me sens pas
vraiment exister. J’ai essayé de remplir le vide en mangeant et en me faisant vomir,
en prenant des drogues, en regardant la télévision, en sortant tout le temps… J’ai
tout essayé. Rien ne marche. » Joëlle

Un sentiment chronique de vide, décrit comme un sentiment viscéral


intérieur est souvent ressenti par les personnes borderline. Il ne
s’agit ni d’ennui ni d’angoisse existentielle. Cet état est associé à la
solitude et à un grand besoin affectif. Les patients borderline utilisent
des expressions telles que « vide », « manque », « aucun sentiment,
aucune pensée, aucun rêve » pour décrire leur vécu.
« Lorsque je rentre chez moi le soir l’angoisse m’envahit. Je suis seule, je n’ai rien à
faire, personne à appeler. Cette angoisse c’est l’angoisse du vide que je ressens à
l’intérieur de moi, c’est comme un trou qui m’aspire. Je me mets alors souvent à
manger sans faim pour me remplir. Je me gave littéralement et ensuite je vomis. »
Florence

Nous faisons l’hypothèse que ce vide intérieur peut, une fois encore,
venir de l’absence de sécurité affective dans l’enfance qui ne vous a
pas permis de vous construire une identité suffisamment solide.
Une autre explication possible de ce sentiment de vide semble être
le besoin, que beaucoup d’entre vous décrivent, de vous couper de
vos sentiments, de vos pensées, de vos désirs depuis votre petite
enfance, afin d’éviter d’être débordés par vos émotions. Cette
tendance à vous « couper » d’une partie de vous-même peut alors
être vue comme un mécanisme de protection. Celui-ci permet dans
un premier temps la gestion des émotions pénibles mais crée dans
un deuxième temps ce sentiment de vide qui devient à son tour
source d’angoisse.
Je ne sais pas qui je suis
« Je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas ce que je veux, je ne sais pas où je vais, ni
ce que j’aime. Je ne sais même pas si je préfère les hommes ou les femmes, parfois
j’ai même l’impression que je n’existe pas… » Pierre

Vous connaissez peut-être ce sentiment de ne pas savoir vraiment


qui vous êtes, ce que vous voulez dans votre vie, ce que vous aimez
ou pas ?
Lorsque cette problématique est particulièrement présente on peut
même avoir l’impression de ne pas vraiment exister.
Cette perturbation de l’identité aura souvent des conséquences
néfastes dans votre vie personnelle et professionnelle et va créer
une grande instabilité. Comme vous avez du mal à savoir ce que
vous voulez vraiment, vous changez souvent d’avis, cela peut se
répercuter à la fois au niveau de vos relations affectives et de votre
vie professionnelle. Vous changez peut-être souvent de travail ou
d’orientation comme en témoigne Linda :
« J’ai été caissière, coiffeuse, puis barmaid, serveuse, vendeuse, et aujourd’hui j’ai
envie de m’occuper des animaux et je compte entreprendre une formation de
toilettage de chiens. »

Au contraire, certains ont une stabilité professionnelle exceptionnelle


et ont l’impression que ce domaine de leur vie n’est pas touché. Ils
se décrivent comme « une autre personne » au travail, où ils ne
laissent pas transparaître leurs difficultés, au prix d’un certain
manque d’authenticité.
Vous avez peut-être une perception fragmentée de vous-même.
Cette perception peut changer plusieurs fois au cours de la même
journée, un peu comme un acteur qui jouerait plusieurs rôles en
même temps. Cette perception de soi varie souvent en fonction de
l’humeur qui, comme on l’a déjà vu, est très changeante elle-même.
Elle peut également varier en fonction de l’entourage. Vous avez
envie de plaire, d’être aimé, vous cherchez l’approbation au point
d’oublier qui vous êtes vraiment.
C’est la psychanalyste Helen Deutsch qui a décrit la personnalité « as if » qui fait
« comme si » pour être aimée sans savoir ce qu’elle veut et qui elle est réellement.
Donald Winnicott, psychanalyste anglais, parle du « faux self » ou « faux soi » et note
que ces personnes se construisent en fonction des désirs des autres. Dans leurs
efforts pour obtenir la reconnaissance et l’amour de leur entourage, ces personnes ont
développé une extraordinaire capacité d’imitation qui leur donne une apparence de
« normalité ». Pourtant cela sonne faux. Il y a un manque d’authenticité perceptible, un
manque de chaleur affective. L’idée de s’engager dans une relation d’amour et de
« faire tomber le masque » les terrorise car elles ont peur de revivre les traumatismes
de leur enfance : des abandons, des déceptions, de la tristesse.

Dans son film « Zelig », sorti en 1983, Woody Allen illustre le problème d’identité
instable dû au besoin d’être aimé et la peur du rejet. Le personnage principal, Leonard
Zelig, y change d’apparence physique et de personnalité en fonction de son
interlocuteur, comme un caméléon : en présence des personnes obèses il devient
obèse, avec un jazzman sa peau fonce et il se met à jouer de la trompette, en
présence des psys il se laisse pousser la barbe et porte des lunettes rondes.

Je suis impulsif/ive
L’impulsivité est la tendance à agir rapidement sans réfléchir aux
conséquences de ses actes. Elle comporte quatre caractéristiques
principales : l’absence de préméditation, l’urgence de l’action, la
recherche de sensations fortes et le manque de persévérance.
Vous avez probablement du mal à tolérer les frustrations, auxquelles
vous réagissez d’une manière impulsive. Les émotions intenses que
vous éprouvez vous poussent à agir sans réfléchir.
« J’ai perdu plusieurs emplois car j’en suis parti en claquant la porte suite à des
incidents minimes : une remarque sur mon retard le matin, un client un peu exigeant,
une collègue distante. » Philippe

Je suis impulsif/ive si…

⬜ Il m’arrive souvent de dire la première chose qui me passe par l’esprit sans
réfléchir.
⬜ J’achète souvent des choses sans savoir si je peux vraiment me le permettre.
⬜ J’ai tendance à agir sans réfléchir.
⬜ J’aime les sports et les jeux dans lesquels il faut réagir très rapidement.
⬜ Je ne planifie jamais rien à l’avance.
⬜ J’ai du mal à me concentrer et à prêter attention aux détails.
⬜ J’interromps souvent les autres, je ne les laisse pas terminer leurs phrases.

À l’extrême, le passage à l’acte impulsif peut prendre diverses


formes : consommation de substances toxiques telles que l’alcool ou
des drogues, crises de boulimie, automutilations, rapports sexuels
non protégés, etc. Le but est de ne pas/plus ressentir la souffrance.

Paula est fille unique et vient d’une famille très conflictuelle. Son père est alcoolique.
Elle est abusée sexuellement à plusieurs reprises dans son enfance par ses amis. À
l’école, elle est maltraitée par des élèves plus âgés et se sent exclue socialement.
Elle est marginale, n’a pas d’amis, et commence à fumer du cannabis à 14 ans.
Elle recherche les expériences dangereuses, se mutile, se fait vomir et essaye
différentes drogues. Au lycée, elle commence l’héroïne : « ça me désinhibait, ça me
rendait moins timide. » Elle aimait cette prise de risque car cela lui donnait
l’impression de jouer avec la mort. Ses parents la surprotègent et la laissent faire.
Elle se décrit elle-même comme une « enfant gâtée » car ils ne lui refusent aucun de
ses caprices. Elle se décide à arrêter l’héroïne cinq ans plus tard, quand sa meilleure
amie avec laquelle elle avait commencé à en prendre meurt d’une overdose.

L’impulsivité peut se manifester par la recherche de sensations


fortes :
« J’aime les sensations fortes : je pratique du saut à l’élastique, je conduis très vite
en dépassant les limitations de vitesse, au ski je fais du hors-piste. J’ai besoin de
repousser mes limites pour me sentir vivre. » Karim

La difficulté à persévérer a également été associée à l’impulsivité.


C’est un problème majeur pour beaucoup d’entre vous.
« Je n’arrive pas à poursuivre les choses jusqu’au bout. Tous les ans en septembre
je m’inscris à plusieurs activités : peinture, yoga, zumba, etc., et à chaque fois
j’abandonne au bout de quelques semaines. » Marine

« J’ai horreur des tâches administratives, je n’arrive pas à me concentrer dessus.


D’une manière générale, je me déconcentre facilement sauf quand quelque chose
me passionne. » Tanya

Ces problèmes de concentration liés à l’impulsivité vont orienter


certains d’entre vous vers un médecin spécialiste du trouble du
déficit de l’attention (TDAH) et il est possible que celui-ci vous
prescrive un traitement médicamenteux, qui peut avoir une certaine
efficacité, au moins pendant un temps.
L’impulsivité explique également les difficultés que vous pouvez
avoir à gérer votre argent, à vous organiser, à respecter les horaires
et les contraintes d’une manière générale. Ceci peut poser de
nombreux problèmes au quotidien, notamment dans la vie
professionnelle, et c’est peut-être une des raisons qui poussent
certains d’entre vous à choisir des professions libérales et artistiques
dans lesquelles vous pouvez vous épanouir en dépit de ces
difficultés.
Enfin, l’impulsivité peut être un handicap au niveau des soins : il
n’est pas rare par exemple que les patients borderline interrompent
leur psychothérapie prématurément. En effet, après une phase
initiale d’enthousiasme, l’intérêt s’émousse et il va être difficile pour
vous de maintenir l’effort de régularité et de respect des horaires.
Les domaines de l’impulsivité

achats inconsidérés ;
prises de risques sur la route ;
crises de boulimie ;
prises de substances (drogues, alcool) ;
prises de risques dans les pratiques sexuelles ;
insultes et comportements violents ;
automutilations ;
tentatives de suicide ;
vols, délinquance ;
difficultés à persévérer, à se concentrer, à s’organiser, à respecter les horaires...

Pour terminer, rappelons-nous que l’impulsivité n’est pas une


fatalité : d’une part elle s’atténue considérablement avec l’âge,
comme le démontrent de nombreuses études. D’autre part, elle peut
s’améliorer grâce à une psychothérapie.

Je me fais du mal
« À l’adolescence je me suis mise à m’entailler les bras. J’utilisais des “cutters”, des
lames de rasoir, des tessons de verre. Je l’ai fait pendant plusieurs mois, presque
chaque jour. Je le faisais pour me punir. Parce que j’étais là. Parce que j’étais qui
j’étais. Je le faisais aussi pour me sentir. Pour sentir que j’étais là, que j’existais,
peut-être comme la personne qui se pince le bras pour s’assurer qu’elle est bien
réveillée. » Manon

Considéré comme un symptôme très spécifique du trouble


borderline, ce comportement d’automutilation peut avoir des
fonctions psychologiques diverses, dont certaines ne sont pas
forcément conscientes :
apaiser des émotions fortes : de nombreux patients borderline
expliquent que la douleur physique leur permet de soulager la
souffrance psychique ;
se punir : lorsque la honte et la culpabilité sont envahissantes ;
retourner l’agressivité contre soi : lorsqu’il est impossible
d’exprimer sa colère aux autres ;
atténuer des sentiments de vide et d’irréalité : la douleur physique
donne à certains un sentiment d’exister et atténue ainsi le
sentiment de vide ;
se distraire : tout comme les autres comportements impulsifs, les
automutilations permettent de ne pas penser, de détourner
l’attention de l’émotion pénible.
Les automutilations peuvent être très mal comprises par votre
entourage qui y verra parfois une tentative d’attirer l’attention sur soi
ou une tentative de manipulation dans le but d’obtenir quelque
chose. Notre expérience clinique ainsi que les études menées sur le
sujet nous montrent que ce n’est absolument pas le cas. D’ailleurs,
bien qu’il existe une certaine tendance à l’exhibition des cicatrices
parmi les plus jeunes, celles-ci sont généralement soigneusement
dissimulées.
Une autre forme d’auto-agressivité encore plus grave est la tentative
de suicide. Le taux de suicide des patients borderline est vingt fois
plus élevé que dans la population générale. Comme dans le cas des
automutilations, les tentatives de suicide ont diverses raisons :
atténuer son désespoir, se punir, se venger, ou appeler à l’aide.
« Chaque fois que je fais une tentative de suicide je me débrouille consciemment ou
inconsciemment pour que mes proches me découvrent rapidement. Je n’ai pas
forcément envie de mourir, j’ai plutôt envie de les alerter sur ma souffrance et ma
solitude. » Clara

Très souvent les tentatives de suicide sont provoquées par des


problèmes relationnels qui engendrent un sentiment d’abandon.
Après une dispute ou une rupture, l’angoisse et le désespoir sont si
forts que le suicide paraît être la seule issue possible. Le but n’en
est pas toujours de mourir mais plutôt d’arrêter la souffrance.
« Lorsque je sens que cela va très mal dans une relation, que mon partenaire
s’éloigne et commence à me parler de rupture, l’angoisse et la douleur morale qui
m’envahissent sont si fortes que j’ai l’impression que la seule façon de sortir de cette
souffrance est de me supprimer. Je cherche alors la voie la plus facile et j’avale plein
de cachets. » Aline

Laura, est une enfant non désirée, née dans un contexte parental très conflictuel
entre un père très autoritaire qui lui faisait peur et une mère soumise. Dès son plus
jeune âge, elle est mise en nourrice et séparée de ses parents pendant qu’ils partent
en vacances, ce qui provoqua chez elle un sentiment précoce d’abandon. Fille
unique, elle dit avoir souffert de solitude dans son enfance. Elle commence à avoir
des idées suicidaires dès l’école primaire, tétanisée par l’autorité qui y régnait et qui
lui rappelait son père. Elle pensait alors à « se jeter par la fenêtre pour tomber dans
la cour ».
Son adolescence est difficile, elle a de nombreux complexes physiques liés au retard
de sa formation féminine, et fait sa première tentative de suicide en 6e, alors qu’elle
n’avait que 12 ans. Elle se met alors à pratiquer la scarification afin d’extérioriser la
douleur qu’elle ressent au fond d’elle-même. Elle finit par se décourager et quitter le
système scolaire qui ne lui semble pas adapté à sa personnalité.
Affectivement, elle entretient des relations amoureuses compliquées, souvent
violentes, et dont les ruptures la dévastent et la conduisent à de nouvelles tentatives
de suicide car elles réactivent fortement son sentiment d’abandon.

Les animaux aussi ont recours à des


comportements auto-agressifs

Les vétérinaires ont observé depuis longtemps des comportements d’automutilation


chez les animaux : des oiseaux qui s’arrachent les plumes, des chevaux ou des singes
qui se mordent jusqu’au sang, des chiens ou des chats qui se grattent compulsivement
jusqu’à se faire mal. Trois causes à ces comportements ont été identifiées : le stress,
l’ennui et la solitude. Ils ont également noté que ces comportements peuvent
s’atténuer voire disparaître lorsqu’on diminue les facteurs de stress ou l’isolement. Par
exemple, le fait d’introduire d’autres animaux, tels que des lapins ou des poules, dans
l’écurie d’un cheval qui se mord va faire cesser ses comportements d’automutilation.

J’ai des problèmes relationnels


« J’ai eu beaucoup de relations, souvent éphémères. J’ai du mal à construire une
relation qui dure. Soit je me lasse vite, en général quand l’autre est trop “gentil”, trop
disponible, soit c’est l’autre qui se lasse et me quitte, souvent à cause de mes
caprices ou mes “crises de nerfs”. C’est la même chose dans mes relations amicales
ou avec mes collègues, les relations ne durent pas. En général, je m’enthousiasme
vite pour quelqu’un mais, parfois tout aussi rapidement, je suis déçue et je ne
pardonne pas, je préfère “couper les ponts”. » Diane

Les difficultés interpersonnelles sont considérées comme un


symptôme très caractéristique du trouble borderline.
En effet, la difficulté à maintenir des relations stables à la fois dans
la vie privée et professionnelle est une source de souffrance
importante et une difficulté majeure.
Plusieurs de vos problèmes décrits précédemment peuvent
expliquer cette instabilité :
1. Votre hypersensibilité et votre difficulté à réguler vos
émotions : la moindre remarque peut agir comme une étincelle et
provoquer un conflit.
2. Votre peur du rejet et de l’abandon. Nous avons vu que,
paradoxalement, en craignant l’abandon, vous allez
inconsciemment le provoquer et notamment en créant des
situations conflictuelles.
3. Votre impulsivité. Étant donné que vos mots et vos actes
dépassent souvent rapidement vos pensées, les conflits et les
ruptures sont très fréquents.
4. Votre vision des autres en « noir et blanc » : l’image que vous
vous faites des autres manque souvent de nuances, vous adorez
ou vous détestez, et cela peut changer du jour au lendemain. Les
partenaires, les amis, les collègues, les thérapeutes sont idéalisés
pendant un certain temps puis dévalorisés ensuite.
5. La régression. En cas de stress ou de crise, il peut vous arriver
de « régresser », de vous comporter comme un enfant. En
général, un enfant capricieux : vous êtes exigeant voire
tyrannique avec vos proches, vous faites des chantages affectifs,
vous piquez des crises de colère. Cela vous peut vous rendre
difficile à vivre et mène encore une fois à la rupture.
Parmi ces difficultés, la vision en noir et blanc, appelée aussi la
« pensée dichotomique » par les cognitivistes (voir partie 2,
chapitre 5) ou « clivage » par les psychanalystes est
particulièrement impressionnante et incompréhensible pour
l’entourage. Vous avez du mal à accepter de ressentir des émotions
contradictoires vis-à-vis de vos proches. Vous n’arrivez pas à tolérer
les incohérences et les ambiguïtés humaines. Une fois qu’une
personne vous a déçu, vous la rejetez complètement. Vous pouvez
passer ainsi de l’idéalisation de l’autre à la haine car pour vous
l’autre est soit bon soit mauvais, il n’y a pas d’intermédiaire, pas de
nuance.

Je suis parano, je me sens bizarre


« Je sais que, par moments, je deviens “parano” avec mon entourage. Je peux avoir
l’impression que mes amis se voient entre eux et m’évitent délibérément, que mes
parents cherchent à me faire hospitaliser contre mon gré, que quelqu’un me suit dans
la rue. Heureusement cela ne dure jamais longtemps même si je reste méfiant à la
base… » Tristan

La paranoïa est un sentiment très humain dont on fait tous


l’expérience à des degrés divers. Elle peut aller de la simple
méfiance jusqu’aux états délirants où le contact avec la réalité est
perdu.
Quand on a vécu des événements traumatiques, comme beaucoup
de personnes borderline, quand on a été agressé, trahi ou violé dans
l’enfance, il n’est pas étonnant que la méfiance naturelle de l’être
humain soit renforcée.
Il arrive dans des situations de grand stress que vous développiez
des idées irrationnelles. Vous pouvez par exemple imaginer que
votre entourage cherche à vous faire du mal, vous évite
délibérément, se moque de vous, vous trahit, voire que vos proches
complotent contre vous. Ceci est encore plus fréquent suite à une
consommation excessive de certaines drogues comme la cocaïne,
des amphétamines ou le cannabis. Dans ces cas-là, vous pouvez
devenir hyper-vigilant : vous scrutez les visages des autres, vous
écoutez attentivement leurs discussions pour y trouver des signes
qui confortent vos suspicions, vous fouillez dans les téléphones de
vos partenaires, etc.
Dans une grande majorité des cas, ces états paranoïaques sont
transitoires. Ils disparaissent rapidement et vous êtes capable de
reconnaître rétrospectivement leur caractère irrationnel.
Outre les idées paranoïaques, il peut vous arriver de vous sentir
« bizarre ».
Caroline décrit :« Par moments il m’arrive d’avoir l’impression de ne
pas vraiment être là, dans mon corps. Je m’observe agir, parler,
vivre de l’intérieur. Cela peut être extrêmement angoissant. »
Cette sensation, appelée la dépersonnalisation, est en général un
symptôme de stress intense. Elle peut toutefois arriver dans des
situations anodines.
Une autre sensation, la déréalisation peut également survenir en
état de grande anxiété : les choses autour de soi se déforment,
changent de structure, de couleur, de taille…
Brian témoigne :
« Quand je suis très angoissé les choses se déforment autour de moi, elles
deviennent plus petites, ou plus grandes ou floues. Elles paraissent irréelles. »

La dépersonnalisation et la déréalisation disparaissent généralement


spontanément sans traitement médicamenteux, avec l’atténuation du
stress.

Dans son étude de 250 patients borderline évalués régulièrement sur seize ans,
Mary Zanarini et son équipe trouvent que 87 % des patients peuvent présenter par
moments des idées paranoïaques et 76 % des perceptions inhabituelles comme la
dépersonnalisation et la déréalisation. Avec le temps, seize ans plus tard, la fréquence
de ces pensées diminue significativement à 43 % pour les idées paranoïaques et 26 %
pour les perceptions bizarres.
Chapitre 3

Comment l’expliquer ?

P ont été proposées pour expliquer la souffrance


lusieurs théories
des personnes borderline. Les principales techniques
psychothérapeutiques en sont issues.

La théorie psychanalytique
La psychanalyse est une théorie complexe du fonctionnement
psychique et une forme de psychothérapie élaborée au xixe siècle
par Sigmund Freud. En simplifiant, nous pouvons dire que son idée
principale est que les symptômes sont l’expression de conflits
inconscients entre tendances psychiques opposées : les pulsions et
les forces qui s’opposent à leur satisfaction (le Surmoi). Ces conflits
seraient dus à des événements vécus dans l’enfance et l’accent est
mis davantage sur la manière dont l’événement a été vécu que sur
son caractère objectif. Pendant longtemps la psychanalyse a
considéré que les patients borderline étaient « non traitables ». En
effet, le dispositif psychanalytique classique (patient allongé sur un
divan) et la méthode d’associations libres ne parvenaient pas à
améliorer ces patients, voire les aggravaient.
S’éloignant du modèle psychanalytique classique, Otto Kernberg
(cf. chapitre 1) propose que les sujets borderline ont été exposés
trop tôt à des niveaux de stress très élevés (séparations, agressions,
douleurs physiques prolongées) débordant leurs capacités à les
gérer. Le débordement de tensions va entraver la formation de la
personnalité : difficultés à tolérer l’anxiété, à contrôler ses pulsions
agressives, une identité mal définie et un « surmoi » mal et
insuffisamment construit. À l’origine de ces problèmes il y a un
« clivage » de la structure psychologique interne. Il y a à la fois un
clivage entre les bons et les mauvais objets (équivalent de la pensée
« en noir et blanc » décrite précédemment) et entre les
représentations du soi et de l’autre. Kernberg proposa une forme
particulière de psychothérapie psychanalytique pour traiter le trouble
borderline : « la psychothérapie focalisée sur le transfert ». Dans ce
travail, le psychanalyste est particulièrement attentif à verbaliser et
interpréter les sentiments conscients et inconscients que le patient
va éprouver vis-à-vis de lui.
En opposition avec Kernberg, Jean Bergeret, psychanalyste
français, affirme qu’il n’existe pas une structure « état limite », mais
que cette pathologie correspond plutôt à une absence de structure.
L’angoisse principale chez ces patients est celle de la « perte
d’objet », l’objet étant dans le langage psychanalytique l’objet
d’amour, ce qui les prédispose à la dépression et à la dépendance à
l’autre.
André Green, un autre psychanalyste français, propose que ce soit
l’impossibilité de l’accès au langage et à la symbolisation à la
période où les traumatismes sont vécus qui soit particulièrement
destructrice pour le développement de la personnalité de l’enfant.
Les traumatismes étant non seulement des situations d’abus mais
également toutes les négligences dont l’enfant a souffert dans une
période « pré-verbale » de sa vie. Selon Green, traiter un
traumatisme c’est avant tout commencer à pouvoir le penser, ce que
la personne borderline n’arrive pas à faire. Il lui est impossible de
mettre en mots ses traumatismes car elle n’a pas pu les enregistrer
dans sa mémoire de manière symbolique comme des souvenirs dont
on peut parler. Elle aura des traces mnésiques perceptives ou
sensorielles de son traumatisme, associées à un sentiment de vide.
Selon Green, le discours du borderline « n’est pas une chaîne de
mots, de représentations ou d’affects mais ressemble à un collier
dont le fil serait rompu ». Ce sera le rôle du psychanalyste de créer
un cadre et des outils qui permettront au patient de penser et de
traiter ce qui n’a pas pu être exprimé.
Quelques concepts-clés de la psychanalyse

Le Moi : La partie la plus consciente de notre personnalité. Le Moi a un rôle de


médiateur entre les intérêts respectifs du ça, du surmoi et du monde extérieur afin de
trouver un certain équilibre. C’est la personnalité propre du sujet.
Le Ça : La partie la plus inconsciente de notre psychisme. Le Ça est la source de nos
pulsions.
Le Surmoi : La voix en nous qui dit « il ne faut pas », une sorte de loi morale qui agit
sur nous et serait le résultat d’une intériorisation des interdits parentaux.
Le Transfert : Processus selon lequel le patient réactualise ses conflits infantiles en
projetant sur le thérapeute l'image de ses parents et les sentiments (désirs,
expériences pénibles) qu'il a éprouvés envers eux.

La théorie de l’attachement
Si vous souffrez d’un trouble borderline, vous ressentez sans doute
une angoisse d’abandon. Vous vivez dans la crainte constante de
perdre l’autre, d’être quitté ou rejeté. Selon beaucoup de spécialistes
cette crainte fondamentale pourrait venir de vos toutes premières
interactions sociales.
Selon la théorie de l’attachement, notre capacité à faire confiance et
à aimer dépend de la qualité de notre relation avec notre première
figure d’attachement, celle qui procure les soins (nourriture, sécurité,
bains), en général, mais pas toujours, notre mère.
Les premiers modes d’attachement se construiraient donc dès la
naissance et persisteraient jusqu’à l’âge adulte.
La dépression chez les bébés à l’orphelinat

Dans les années 1940, le psychanalyste René Spitz suivit pendant plusieurs années
deux groupes de nouveau-nés : le premier placé dans un orphelinat où une seule
infirmière s’occupait de sept enfants ; et le second dans une crèche située dans une
prison où la mère prisonnière pouvait prodiguer chaque jour à son enfant soins et
affection. Il constate rapidement chez les enfants de l’orphelinat un syndrome
particulier qu’il appelle « l’hospitalisme », semblable à une dépression et caractérisé,
après une phase de pleurs, par de l’indifférence, de l’abattement et un amaigrissement
important. De plus, au niveau du développement intellectuel et moteur qui est
comparable au début de l’étude entre les deux groupes, les enfants de l’orphelinat
présentent un plus grand retard intellectuel et moteur, et sont moins curieux, moins
enjoués et plus sujets aux infections comparativement aux enfants de la prison.

John Bowlby, pédiatre et psychanalyste anglais, a cherché à


observer les modes de relation entre un bébé et ses parents. Il a
décrit la façon dont un bébé s’attache à sa mère ou à toute autre
personne qui dispense les soins (nourriture, confort, bains, sécurité)
qu’il va appeler la « figure d’attachement ». Dans une perspective
« évolutionniste », Bowlby remarque qu’en s’attachant
instinctivement à leur « donneur de soins », les bébés augmentent
leur chance de survie ainsi que leur sentiment de sécurité
psychologique, ce qui va favoriser leur adaptation. Étudiant les
réactions des enfants à la séparation avec leurs figures
d’attachement, Bowlby a constaté que celles-ci étaient variables et
influencées à la fois par l’attitude des figures d’attachement et par la
présence de « dangers » dans l’environnement. Il observe trois
phases caractéristiques :
1. Phase de protestation à la séparation : l’enfant pleure, appelle
ses parents, s’agite, cherche à les suivre. Il est inconsolable.
Deux ou trois jours après, ces réactions s’atténuent.
2. Phase de désespoir : l’enfant refuse de manger, d’être habillé. Il
ne demande rien et demeure inactif. Son état ressemble à celui
du deuil.
3. Phase de détachement : il accepte la présence des personnes
qui s’occupent de lui, les soins, la nourriture, les jouets. Si l’enfant
revoit ses parents à ce moment-là, il crie ou pleure. Quelquefois, il
ne les reconnaît pas ou se détourne d’eux.
Cette réaction à la séparation constitue selon Bowlby la base des
réactions de peur et d’anxiété chez l’homme. Les enfants ayant vécu
de telles expériences de séparation ou qui en ont été menacés
présentent des conduites d’attachement anxieux.

La séparation chez les jeune singes


En 1958, Harry Harlow, psychologue chercheur, conduit une expérience sur la
séparation chez les jeunes singes macaques. Celle-ci aura un retentissement
scientifique exceptionnel car elle réfutera un des aspects fondamentaux de la théorie
psychanalytique : l’idée que la motivation première de l’être humain est la satisfaction
de ses pulsions (de faim, de désir sexuel).
Dans cette expérience, les petits singes, séparés de leur mère très précocement et
isolés socialement, montrent les mêmes signes de désespoir et d’abattement que
ceux observés chez les bébés humains. Lorsqu’on leur propose par la suite en guise
de mère substitutive deux mannequins en fil de fer : l’un avec un biberon incorporé et
l’autre revêtue de peluche, les petits singes s’attachent plus intensément à la figure
en peluche démontrant ainsi que le besoin d’un contact chaleureux est plus important
que la « satisfaction pulsionnelle ».

La psychologue américaine Mary Ainsworth a observé dans un


dispositif expérimental particulier appelé « la situation étrange »,
deux catégories d’attachement chez les jeunes enfants de un an :
l’attachement « sécure » et l’attachement « insécure », ce dernier
pouvant prendre trois formes différentes.

La situation étrange
Dans cette procédure expérimentale de quelques minutes, la mère et l’enfant sont
placés dans une salle de jeu tandis qu’un chercheur enregistre la situation derrière
une glace sans tain. Huit étapes différentes, de trois minutes chacune, sont
expérimentées, avec notamment le départ et le retour de la mère en présence ou non
d’un étranger dans la pièce. Les réactions de l’enfant, en particulier lors des
retrouvailles avec la mère (manifestations de joie, d’anxiété ou d’évitement),
renseignent le chercheur sur la qualité́ de son lien d’attachement et son sentiment de
sécurité.

▶ L’attachement sécure
Les enfants ayant un attachement sécure protestent lorsque leur
mère quitte la pièce mais se consolent rapidement et continuent à
jouer. Ils sont heureux lorsque leur mère revient et, après l’avoir
accueillie chaleureusement, reprennent tranquillement leurs jeux.
▶ L’attachement insécure
Trois différents types d’attachement insécure ont été observés :
L’attachement évitant : les enfants protestent peu quand leur
mère part et manifestent peu de réaction à son retour.
L’attachement anxieux-ambivalent : les enfants protestent très
violemment au moment de la séparation et n’arrivent pas à
s’apaiser par la suite ni à se remettre à jouer. Le retour de leur
mère ne les apaise pas non plus et ils peuvent manifester un
comportement paradoxal, par exemple s’agripper à elle tout en
exprimant leur colère.
L’attachement désorganisé : les enfants se comportent d’une
manière confuse, contradictoire et désorientée.
Les recherches ultérieures ont montré qu’environ 65 % des enfants
dans la population générale ont un attachement sécure, les 35 %
restant étant divisés entre les différents types insécures. Les études
ont également démontré que le type d’attachement d’un parent était
prédictif de celui de son enfant. De plus, le type d’attachement d’un
enfant varie en fonction du parent. Ainsi un enfant peut être évitant
avec sa mère et sécure avec son père. Selon la plupart des études,
les sujets borderline ont un attachement insécure du type anxieux-
ambivalent ou désorganisé.
Une autre étude démontre que 70 % des sujets présentent à l’âge
adulte le même type d’attachement qu’à l’âge d’un an. Ceci ne veut
évidemment pas dire que « tout se joue avant l’âge d’un an » mais
cela vous montre à quel point les peurs sont profondément ancrées
et qu’il est difficile, mais pas impossible, de les modifier.
La théorie de l’attachement postule que nous construisons, à partir
de notre type d’attachement et dès notre plus jeune âge, des
« modèles internes ». (Ce concept ressemble beaucoup aux
schémas précoces inadaptés de J. Young, décrits ci-après.) Nos
modèles internes nous permettent d’anticiper et d’interpréter les
comportements des autres et de construire notre estime de soi.
Ainsi, si vous avez un attachement sécure vous aurez une image
positive à la fois de vous-même et des autres. L’attachement
insécure de type ambivalent pourrait être la cause de votre faible
estime de vous-même et de votre peu de confiance dans l’autre. Il
pourrait ainsi être à l’origine de votre angoisse d’abandon. Si vous
avez cet attachement vous vous attendez à être abandonné tout le
temps et vous cherchez inconsciemment à valider vos modèles
internes en provoquant les abandons que vous craignez. Vos
modèles internes ont ainsi une influence considérable sur vos
relations et ils sont relativement résistants au changement.
Deux psychanalystes anglais Anthony Bateman et Peter Fonagy,
élèves de l’école de Bowlby, ont développé une approche
psychothérapeutique originale pour le trouble borderline directement
inspirée par la théorie de l’attachement et appelée la « thérapie
basée sur la mentalisation ».
Cette thérapie a pour but de développer les capacités de
mentalisation, souvent insuffisantes, des patients borderline. La
mentalisation est la capacité de se voir comme les autres nous
voient et inversement notre capacité de voir les autres comme ils se
voient. Pour simplifier, la mentalisation est notre capacité de nous
voir du dehors et de voir les autres de l’intérieur.
Encore très peu connue et pratiquée en France, elle serait selon
plusieurs études une psychothérapie efficace pour les patients
borderline.

La théorie cognitive et la théorie des schémas


Selon l’approche cognitive d’Aaron Beck, psychiatre américain, les
difficultés des patients borderline viennent de leurs schémas, c’est-
à-dire de leurs croyances profondes et inconscientes qui
déterminent leur perception d’eux-mêmes et du monde, leurs
relations avec les autres, leurs émotions et leurs comportements.

Les schémas sont des représentations mentales abstraites qui résument de façon
structurée des événements, des objets ou des situations. Stockés en mémoire à long
terme, ils permettent d'analyser, de sélectionner, de structurer et d'interpréter des
informations nouvelles. Ils servent donc en quelque sorte de modèle pour traiter
l'information et diriger les comportements.

Le but de la thérapie cognitive classique est de modifier ou


remplacer les schémas dysfonctionnels des patients borderline.
Selon Beck, la personne borderline a trois croyances profondes :
1. Je suis impuissant et vulnérable.
2. Le monde est malveillant et dangereux.
3. Je suis totalement inacceptable.
La tendance à penser de façon dichotomique, « en noir ou blanc »
est une autre source de souffrance chez le patient borderline qui a
du mal à avoir une vision nuancée des autres et des événements.
Élève d’Aaron Beck, Jeffrey Young psychologue américain, cherche
à adapter la théorie cognitive classique à la prise en charge des
patients borderline.
Il remarque que les schémas n’ont pas uniquement un contenu
cognitif, comme Beck le propose, mais également un contenu
émotionnel et sensoriel. Selon Young : « Un schéma n’est pas
seulement une croyance dont vous pouvez parler à quelqu’un
d’autre au niveau du raisonnement logique, c’est une partie de votre
identité, une partie de votre conscience de soi. » Ayant une origine
infantile, le schéma se forme souvent avant l’acquisition du langage,
donc il reste inconscient (non verbal), basé principalement sur une
impression, un climat émotionnel.
Selon Young « les schémas précoces inadaptés », à l’origine de la
plupart de nos difficultés émotionnelles, sont :
constitués de souvenirs, d’émotions, de cognitions et de
sensations corporelles ;
élaborés au cours de l’enfance ou de l’adolescence ;
enrichis tout au long de notre vie ;
dysfonctionnels de façon significative.
La personne adulte qui fait l’expérience de l’activation d’un de ses
schémas, vit cette expérience émotionnelle d’une façon semblable à
ce qu’elle a vécu lors de l’élaboration de son schéma. Cela est dû à
notre besoin de continuité cognitive, de vision stable de soi-même et
du monde, même si celle-ci est en fait imprécise ou erronée.

Annie, par exemple, a développé un schéma d’abandon, une croyance profonde


qu’elle sera toujours abandonnée par les personnes qu’elle aime. Ses parents ont
divorcé lorsqu’elle avait 5 ans, son père a quitté le foyer familial et a donné très peu
de nouvelles par la suite. Devenue jeune femme, Annie a souvent été attirée par des
hommes séducteurs incapables de s’engager et s’est ainsi toujours retrouvée
abandonnée. Annie répétait ainsi son schéma dans sa vie sentimentale. Elle en était
prisonnière.

Marianne, artiste peintre, a été abusée sexuellement par un ami de ses parents à
l’âge de 12 ans. Elle a développé le schéma méfiance/abus : la croyance profonde
qu’on va toujours abuser d’elle. Elle n’a jamais connu de relation stable. Jusqu’à ses
18 ans, elle a évité toute relation sentimentale. Dès qu’un garçon cherchait à
s’approcher d’elle, elle devenait glaciale. Les hommes lui faisaient peur. En arrivant à
Paris pour ses études, elle commence à boire et prendre des drogues. Elle a ses
premiers rapports sexuels avec un inconnu dans une fête et continue par la suite à
collectionner des amants d’un soir, sans véritable plaisir ni sentiments. Elle se sent
« sale », a l’impression qu’on se sert d’elle, de son corps, mais elle ne peut pas
s’empêcher de recommencer. Elle perpétue sans le savoir son schéma de
méfiance/abus et répète le scénario traumatique originel.

Les principaux schémas dysfonctionnels fréquemment retrouvés


dans le trouble borderline seront décrits plus précisément dans la
deuxième partie (chapitre 6).
Les caractéristiques des schémas précoces inadaptés sont les
suivantes :
1. Les schémas ne sont pas tous d’origine traumatique mais ils sont
tous destructifs et sont principalement causés par des
expériences nocives vécues au cours de notre enfance et notre
adolescence.
Dans l’exemple d’Annie, le divorce de ses parents, puis l’éloignement progressif de
son père ont contribué au développement du schéma d’abandon.

2. Au moment où ils se forment, nos schémas correspondent à des


représentations de notre environnement et sont basés sur la
réalité.
Ainsi dans l’exemple de Marianne le schéma de « méfiance/abus » se forme au
moment où elle a été réellement abusée.

3. La nature dysfonctionnelle des schémas se manifeste plus tard au


cours de la vie, au moment où nous commençons à perpétuer nos
schémas dans nos interactions avec les autres, avec des
perceptions qui ne sont plus exactes, ni adaptées.
Marianne et Annie ont inconsciemment cherché à valider leurs schémas dans leurs
relations sentimentales.

4. Les schémas sont dimensionnels, ce qui signifie qu’ils peuvent


avoir différents niveaux d’envahissement et de gravité, en fonction
de différentes périodes de la vie.
Ainsi par exemple David, qui présente un schéma d’abandon, développé suite au
décès de sa mère à l’âge de 10 ans, a pu vivre des relations stables, s’entourer
d’amis, accéder à une carrière professionnelle satisfaisante jusqu’à son divorce à
l’âge de 40 ans, qui le précipite dans une dépression. Son schéma n’avait jamais été
réactivé précédemment.
Nora, de son côté, a perdu son père très tôt. Son schéma d’abandon était
particulièrement fort. Elle n’a jamais pu former une relation amoureuse stable.

Les expériences nocives de l’enfance sont, en association avec


notre tempérament inné, à l’origine de nos schémas. Les schémas
qui se développent le plus tôt et sont les plus destructeurs trouvent
leur origine dans l’environnement familial. En effet, la dynamique
familiale d’un enfant correspond, pour lui, à celle du monde.
Lorsqu’à l’âge adulte nous nous trouvons dans des situations qui
activent nos schémas, nous revivons des événements difficiles de
notre enfance. Les schémas développés plus tardivement dans la
vie sont généralement moins envahissants ou moins puissants.
Young propose que des besoins affectifs fondamentaux non comblés
au cours de l’enfance et/ou de l’adolescence contribuent au
développement des schémas.
Il définit cinq besoins affectifs fondamentaux :
1. Le besoin de sécurité (qui comprend la stabilité, la sécurité,
l’éducation attentive et l’acceptation). Les schémas les plus
destructeurs, les plus fondamentaux sont liés à l’absence de
sécurité affective et physique dans l’enfance. Le besoin de se
sentir aimé, le besoin d’un attachement sécurisant, d’appartenir à
un groupe est un besoin fondamental de l’être humain. De
nombreuses études en psychologie du développement
démontrent que l’insatisfaction de ces besoins peut créer des
problèmes graves dans les apprentissages. Sans sécurité
affective, l’enfant ne peut pas s’ouvrir au monde, explorer,
apprendre… La qualité du lien d’attachement (sécurisant ou
insécurisant) aura également une influence considérable sur la
capacité à former des relations affectives stables et satisfaisantes
à l’âge adulte. Le développement des schémas d’abandon, de
carence affective, d’isolement social est lié à la frustration de ce
besoin fondamental. Ce besoin est également menacé dans les
familles où règne un climat d’abus, de violence, de disputes,
d’imprévisibilité. L’enfant grandit en ressentant continuellement la
peur et en développant une méfiance excessive à l’égard des
autres.
2. L’autonomie, la compétence et le sens de l’identité.
L’autonomie est l’aptitude à se détacher de nos parents pour vivre
de façon indépendante. C’est notre capacité à avoir une vie
propre, une identité, une orientation sans dépendre d’une manière
excessive des opinions et des conseils de nos parents. Les
parents sereins, qui favorisent l’autonomie de leur enfant, vont
l’aider à développer et à faire confiance à son jugement, à s’ouvrir
aux autres. A l’inverse des parents trop protecteurs, anxieux qui
ne vont pas permettre la satisfaction de ce besoin et vont
favoriser le développement de schémas dysfonctionnels comme
celui de « dépendance » ou de « vulnérabilité ».
3. La liberté d’exprimer ses besoins et ses émotions. En
écoutant l’enfant, en l’incitant à dire ce qu’il pense, ce qu’il ressent
et ce qu’il a envie de faire, les parents permettent à l’enfant de
mieux se connaître, de se respecter et d’affirmer ses droits et ses
besoins.
4. La spontanéité et le jeu. Dans certaines familles, les enfants
n’ont pas la possibilité d’être spontanés ou de jouer. Soit parce
qu’un des membres de la famille est malade et il faut s’en occuper
et/ou éviter de le déranger, soit parce que l’accent est mis sur le
travail scolaire et/ou domestique. Les parents sont excessivement
exigeants. La réussite, le devoir sont valorisés, au détriment des
plaisirs.
5. Les limites et l’autocontrôle. Pour devenir des adultes
épanouis, les enfants ont également besoin de limites. Celles-ci
leurs permettront de développer de la persévérance, un
autocontrôle et un respect des autres. Dans un contexte familial
où l’enfant a trop de liberté, où il n’y a pas ou trop peu de règles,
où les caprices sont toujours satisfaits, l’enfant risque de devenir
un adulte égoïste, capricieux, égocentrique. Il aura du mal à
poursuivre des buts si la récompense n’est pas immédiate, n’aura
pas de discipline de travail et aura par conséquent du mal à
réaliser ses ambitions.
Ces besoins sont universels et un individu équilibré sur le plan
psychologique est une personne dont les besoins fondamentaux ont
été comblés. Le but de la psychothérapie des schémas est de vous
aider à trouver des moyens adaptés pour satisfaire vos besoins
affectifs fondamentaux. Nous en reparlerons dans la deuxième
partie de ce livre (Partie 2, chapitre 6).

▶ Les modes
À partir de son travail avec les patients borderline, Young constate
qu’à certains moments, face à des événements de vie
particulièrement stressants, plusieurs schémas peuvent être activés
en même temps. Il appelle cet état particulier « un mode » de
fonctionnement.
Il identifie dix modes, regroupés en quatre grandes catégories : les
modes de l’enfant (quatre modes), les modes du parent
dysfonctionnel (deux modes), les modes des stratégies d’adaptation
dysfonctionnelles (trois modes) et le mode de l’adulte sain.
Cinq modes sont particulièrement pertinents pour la compréhension
du fonctionnement borderline.
▶ L’enfant vulnérable
Ce mode est expérimenté lors de l’activation de la plupart des
schémas fondamentaux : ceux d’abandon, de méfiance, de carence
affective, d’imperfection et d’isolement social. Dans ce mode vous
ressentez de la peur, de la tristesse, de la honte. Vous vous sentez
mal-aimé, sans valeur, indigne d’être aimé. C’est comme si vous
redeveniez de nouveau l’enfant malheureux de votre enfance.
Lorsque vous vous installez durablement dans ce mode vous
pouvez présenter un épisode dépressif.
Marine est en état de dépression depuis que son mari l’a quittée il y a un an. Elle est
en permanence dans le mode « enfant vulnérable » avec un sentiment de ne pas
être aimée et le sentiment de ne pas être digne d’amour. Le départ de son mari a
réactivé plusieurs de ses schémas (abandon, imperfection, isolement) développés au
cours de son enfance, suite au divorce de ses parents et au départ de son père.
Marine a pu retrouver ces souvenirs et travailler sur ses schémas en psychothérapie.

▶ L’enfant coléreux et impulsif


Ce mode peut être déclenché lorsque les besoins émotionnels et/ou
physiques de base ne sont pas satisfaits. La colère devient alors une
réponse aux besoins non comblés.
Dans ce mode vous réagissez avec de la colère et de l’agressivité à
la frustration.
Dans les situations où elle ressent de l’injustice ou de l’humiliation, Nadia décrit des
accès de très forte colère, pouvant durer plusieurs heures et qu’elle n’arrive pas à
maitriser. Pendant ces crises il lui est arrivé d’agresser physiquement des personnes
jugées « fautives » ou de retourner sa colère contre elle-même en se scarifiant. Elle a
perdu plusieurs postes à cause de ses colères. Le scénario est souvent le même :
elle va juger que son supérieur hiérarchique s’est comporté d’une manière injuste en
favorisant un collègue et ceci va réactiver le mode « enfant en colère ».

Ce mode peut également être déclenché par la frustration des


pulsions et des désirs du moment. Par exemple, vous êtes sans
doute dans ce mode s’il vous est difficile de vous occuper des
tâches ennuyeuses ou routinières. Vous vous sentez très vite frustré
et vous abandonnez.
▶ Le parent punitif
Dans ce mode vous cherchez à vous punir lorsque les choses ne se
passent pas comme elles le devraient. Ce mode correspond à
l’internalisation de la voix du parent qui a été critique, punitif et vous
rejetait. Les signes de ce mode sont le dégout de soi, la critique de
soi, le déni de soi, les automutilations, les tentatives de suicide et les
comportements autodestructeurs.

▶ Le protecteur détaché
Ce mode s’active lorsque vous cherchez à vous détacher de vos
émotions. La prise de substances comme des drogues ou de l’alcool
est fréquemment associée à ce mode. La dépersonnalisation, le
sentiment de vide, l’ennui font partie de ce mode.

▶ Le mode de l’adulte sain


Ce mode est la partie saine et adulte de votre personnalité. Elle vous
aide à combler vos besoins affectifs fondamentaux. L’objectif de la
psychothérapie est de favoriser la croissance de ce mode, tout en
vous apprenant à reconnaître puis à modérer, ou guérir les autres
modes.
Le travail sur les modes nécessite d’être abordé avec un
psychothérapeute.

La théorie comportementale dialectique


Dans les années 1990, une psychologue américaine, Marsha
Linehan, propose une approche originale du trouble borderline : la
théorie comportementale dialectique et développe des techniques
thérapeutiques innovantes.
Elle s’inspire à la fois des théories cognitives et comportementales,
de la philosophie d’Hegel et Marx et du bouddhisme zen.
Elle qualifie sa théorie de « bio-psycho-sociale », proposant que les
difficultés du sujet borderline seraient liées, d’une part à une
vulnérabilité émotionnelle d’origine génétique, et, d’autre part, à son
environnement social « invalidant ».

La dialectique est un mode de raisonnement qui consiste à analyser la réalité en


confrontant des idées, en apparence contradictoires, et à chercher à les dépasser.
La philosophie dialectique considère que tout se développe dans l’unité des
contraires : ce mouvement est le principe d'évolution du monde et de la pensée
humaine.

Ainsi, la personne souffrant d’un trouble borderline serait née avec


une vulnérabilité biologique qui provoque une difficulté de régulation
des émotions.
Linehan propose trois dimensions de cette vulnérabilité :
1. Une hypersensibilité aux stimulations extérieures : les
réactions sont rapides et le seuil de tolérance est bas.
2. Une réactivité élevée : les réactions émotionnelles sont très
intenses.
3. Un retour lent au niveau de base : les réactions émotionnelles
sont de longue durée.
Par ailleurs, l’environnement familial joue un rôle primordial dans le
développement de ce trouble. Selon Linehan, cet environnement est
invalidant : il n’apprend pas à l’enfant à reconnaître et à exprimer
ses émotions et, lorsque ce dernier le fait, ses propos et ses
comportements sont disqualifiés et rejetés. Ainsi, le jeune enfant a
très tôt l’impression que ses réactions émotionnelles sont mauvaises
ou incorrectes.
Elle décrit trois dilemmes « dialectiques » qui caractérisent le sujet
borderline :
1) Vulnérabilité émotionnelle/auto-invalidation
La personne borderline n’a pas appris à reconnaître ses émotions et
à les considérer comme justifiées. Puisque dans l’enfance ses
émotions étaient qualifiées comme inadéquates par ses parents, elle
a appris à ne pas se faire confiance et à compter sur les autres pour
interpréter la réalité.
2) Passivité active/compétences apparentes
La personne borderline recherche activement l’aide des autres pour
résoudre ses problèmes, tout en étant capable dans un milieu
sécurisant de faire preuve de grandes compétences de résolution de
ces mêmes problèmes. La grande dépendance vis-à-vis des autres
peut devenir source de culpabilité et de honte.
3) Crises aiguës/inhibition des émotions
Les personnes borderline oscillent entre deux extrêmes : d’une part
l’inhibition totale de leurs émotions, qui peut se traduire par une
véritable difficulté à les ressentir et les comprendre et, d’autre part,
les débordements émotionnels souvent intenses voire explosifs.
Émilie témoigne :
« La plupart du temps j’ai l’impression de ne rien ressentir, d’être vide mais, par
moments, un événement minime va me précipiter dans une angoisse profonde ou
dans une colère noire. »

Linehan propose une thérapie « dialectique » aux patients


borderline. Soulignant l’esprit contradictoire du borderline, elle
propose une thérapie qui va permettre la synthèse, tout en oscillant
en permanence entre les techniques contradictoires d’un côté de
l’acceptation et de l’autre côté de la nécessité du changement.
Nous allons vous présenter certains exercices thérapeutiques issus
de cette approche dans la deuxième partie de ce livre.

L’histoire de Marsha Linehan


À l’âge de 17 ans, Marsha Linehan est hospitalisée contre son gré. Elle est souvent
attachée et mise à l’isolement pour éviter qu’elle ne se scarifie ou se brûle avec des
cigarettes. Ces mesures la rendent encore plus dépressive et suicidaire. En 2011,
devenue psychothérapeute connue, elle dévoile ce passé et son diagnostic de
trouble borderline, dans une interview au New York Times : « C’était comme si j’étais
quelqu’un d’autre […] Je me sentais complètement vide […] ; Je n’avais aucun
moyen de communiquer ma souffrance, pas moyen de comprendre. »
Après de nombreuses hospitalisations, des diagnostics erronés, des médicaments
inefficaces, des études de psychologie et une initiation à la méditation zen, et enfin,
après des années de travail auprès des patients borderline, Marsha Linehan publie
en 1993 un livre qui expose une méthode de traitement originale du trouble
borderline : la thérapie comportementale-dialectique basée sur un modèle bio-
psycho-social.
À ce jour, c’est l’une des psychothérapies les plus pratiquées aux États-Unis pour
prendre en charge le trouble borderline et dont l’efficacité a été démontrée dans de
nombreuses études scientifiques.

Notes


Partie​2

Changer
Chapitre 4

J’apprends à reconnaître
et à gérer mes émotions

« Au commencement était l’émotion. »


Louis-Ferdinand Céline

À quoi servent nos émotions ?


Souvent, il vous arrive de considérer vos émotions comme des
obstacles, des erreurs ou des faiblesses. Vos émotions vous font
trop souffrir. Vous cherchez alors à les contrôler et à les empêcher
de se manifester.
« Je suis constamment à fleur de peau. » « Je suis hypersensible. »
« Je suis en permanence irritable, un rien peut me faire exploser. »
« Je suis hyper-émotive. » « Je n’arrive pas à gérer mes émotions. »
Émotions… Mais, au fait, de quoi parlons-nous exactement ?
« L’émotion est un trouble, une agitation passagère ou un état
affectif intense, caractérisés par une brusque perturbation physique
et mentale. » (Larousse)
Nos émotions sont en effet des réactions complexes à des situations
internes (une pensée, une douleur) ou externes (par exemple un
examen) qui produisent des changements corporels, cognitifs et
comportementaux.
Au niveau corporel, nos émotions produisent des changements
internes : du rythme cardiaque, de nos sécrétions hormonales, de
notre respiration, ou encore de nos muscles. Elles produisent
également des changements externes, notamment de l’expression
de notre visage.
Au niveau cognitif, nos émotions s’accompagnent de certains biais
de pensées, appelées distorsions cognitives, dont nous parlerons au
chapitre suivant. En effet, nos émotions suivent parfois nos pensées
( Si je pense à ma rupture je deviens triste ) mais peuvent également
les précéder (Si je suis triste je vais ruminer des pensées tristes ).
Au niveau comportemental, nos émotions modifient notre façon
d’agir. Un processus bien étudié par les chercheurs est notre
réaction face à la peur. Celle-ci nous pousse à agir de trois manières
différentes (les 3 « F » en anglais : fight, flight, freeze) : soit en
combattant le danger, soit en le fuyant, soit en se figeant. Par
exemple, si vous êtes agressé dans le métro par un individu, vous
pourriez l’agresser à votre tour (en lui criant dessus ou en le
repoussant), vous pourriez également vous éloigner, fuir le wagon,
ou vous pourriez rester figé, incapable de réagir, dans l’attente d’une
aide. Ces trois réactions de combat, de fuite ou de sidération vont
dépendre à la fois de notre personnalité mais aussi des
caractéristiques de la situation du danger.
Nos émotions fondamentales

Suite aux travaux de Darwin, il est généralement considéré qu’il existe six émotions
fondamentales : la peur, la colère, la tristesse, la joie, la surprise et le dégoût.
Certains psychologues ajoutent également la honte, la culpabilité et l’amour à cette
liste d’émotions fondamentales.
Ces émotions sont universelles et s’accompagnent d’expressions faciales identiques et
reconnues dans toutes les cultures.

Nous pouvons observer que la palette des émotions négatives est


bien plus fournie que celle des positives. Ceci explique
probablement notre tendance à vouloir les atténuer, les ignorer, voire
à les refouler. Nos émotions négatives nous dérangent.
Pourtant, nos émotions ont une valeur adaptative et sont
indispensables à notre survie. Elles ont plusieurs fonctions
fondamentales :
1. Elles sont une source d’information : par exemple, le fait de
ressentir la peur nous informe sur l’existence d’un danger dans
l’environnement, la colère nous signale une injustice, le dégoût
nous informe sur la toxicité de certains aliments.
2. Elles facilitent le passage à l’action : la peur nous permet de fuir,
la colère de nous défendre avec force, le dégoût d’éviter des
aliments avariés, la tristesse d’obtenir du soutien…
3. Nos émotions favorisent la communication avec autrui : elles
servent à communiquer rapidement l’état de l’environnement (par
exemple, l’expression de peur est plus rapide pour signaler un
danger que la parole). Elles permettent également d’encourager
ou de décourager certains comportements chez autrui sans
passer par la parole (par exemple, pensez au regard réprobateur
de votre mère ou au froncement de sourcils de votre père !).
Distinction entre les émotions primaires
et les émotions secondaires

Les émotions primaires sont les réponses émotionnelles directes d’un individu dans
une situation et correspondent à une évaluation réaliste ou pas, d’un événement. La
plupart de vos émotions sont des émotions primaires.
Julie, par exemple, ressent de la colère lorsqu’elle pense être victime d’une injustice de
la part d’un professeur.
Les émotions primaires surviennent généralement rapidement et sont assez brèves.
Elles sont fonctionnelles car elles nous fournissent des informations utiles et nous
permettent d’agir d’une manière adaptée. L’expression des émotions primaires est
saine lorsqu’elle est modérée et adaptée.
Les émotions secondaires, moins fréquentes, ne sont pas des réponses directes à
une situation mais plutôt des réponses à une émotion primaire. Elles peuvent être
problématiques car elles font écran à ce que vous ressentez réellement. Ainsi, par
exemple, la colère peut être une émotion secondaire à la peur ou à la tristesse. La
tristesse peut être la colère retournée contre soi et ainsi de suite…

Lorsque la gestion des émotions devient problématique…


Il arrive néanmoins, notamment lorsqu’on souffre d’un trouble
borderline, que les émotions perdent leur fonction adaptative et
deviennent alors dysfonctionnelles et source de souffrance. Des
stratégies inadaptées se mettent en place, souvent inefficaces voire
néfastes. Il est alors indispensable d’apprendre à réguler ses
émotions.
« Je suis quelqu'un d'extrêmement émotif et j'ai beaucoup de mal à contrôler mes
émotions. Étant un homme, j'ai d’autant plus honte d'avoir les larmes aux yeux pour
pas grand-chose (un beau paysage, un événement joyeux ou une histoire triste par
exemple). Facilement touché et ému, je peux également, du fait de ma trop grande
susceptibilité, “exploser” à cause d’une petite “vanne”. Il en faut peu pour me
déstabiliser, ce qui me pose de grands problèmes dans ma vie de tous les jours.
Surtout avec mon entourage car, n'arrivant absolument pas à contrôler mes
émotions, les autres ne le comprennent pas ou en profitent quand ils y ont un
intérêt. »

Nous avons vu que les difficultés à réguler vos émotions sont dues,
selon Marsha Linehan, (cf. chapitre précédent) à une vulnérabilité
émotionnelle caractérisée par :
une très forte sensibilité ;
des réponses émotionnelles très intenses ;
un retour lent à l’état émotionnel de base ;
et surtout une non-acceptation de vos états émotionnels.
De plus, pour tenter de gérer vos émotions, vous allez mettre en
place des stratégies inadéquates, et notamment celle de l’évitement,
qui aura pour résultat l’invalidation, voire l’amplification de vos
émotions. Ainsi vous allez :
réprimer vos émotions : essayer de ne pas les ressentir (par
exemple, ne pas accepter votre sentiment d’inquiétude face au
problème de santé d’un proche en vous convainquant que « ce
n’est pas grave, il n’y a pas de problème… », essayer de penser à
autre chose) ;
modifier vos émotions : les annihiler à l’aide de l’alcool, le
cannabis, le tabac, la nourriture, des conduites à risque, des
comportements d’auto ou d’hétéro-agressivité, … ;
transformer vos émotions : par exemple, transformer votre
tristesse due à une critique en colère, permettant de focaliser le
problème sur les autres et de ne pas vous remettre en question.
Cependant, même si ces stratégies peuvent parfois soulager à court
terme, généralement, elles ne sont pas efficaces très longtemps. Les
émotions et pensées douloureuses reviennent inlassablement par
« effet rebond », encore plus intenses et durables.

Je prends conscience de mes émotions


Afin de valider vos émotions, il est important d’apprendre à les
reconnaître, les nommer et les comprendre. Cela permet à la fois de
prendre une distance par rapport à l’émotion et de l’accepter. Pour
ce faire, nous vous proposons un exercice inspiré de la thérapie
comportementale et dialectique de Marsha Linehan.

Exercices d’identification de mes émotions


Pour chaque émotion, notez les mots qui décrivent le mieux ce que
vous ressentez, les situations qui les déclenchent, vos sensations,
vos comportements et les conséquences associées, en vous servant
des exemples donnés :

COLÈRE
Mes mots de colère
Je suis en colère, je suis amer(e), je ressens du dédain, de la haine, de l’hostilité, de
l’irritation, de la jalousie, de la répugnance, de l’outrage, de la rage, du ressentiment,
du mépris, de la rancune, de l’agacement, de la vengeance, de l’aversion, du dégoût,
de la cruauté…

Les situations qui déclenchent ma colère


Quand je perds le pouvoir, mon statut, quand on ne me respecte pas, quand je suis
insulté(e), quand les choses ne se passent pas comme je l’aimerais ou comme
prévu, quand je n’obtiens pas quelque chose que je désire, quand je ressens de la
douleur physique, quand je ressens une émotion douloureuse, quand une activité
importante ou source de plaisir est interrompue, repoussée ou arrêtée…

Ce que je ressens quand je suis en colère


Raideur musculaire, chaleur, rougeur du visage, accélération cardiaque, serrement
dans la poitrine, respiration lourde, sensation d’être engourdi(e) émotionnellement,
voire sensation de dépersonnalisation…

Ce que je fais quand je suis en colère


Je fronce les sourcils, je serre les dents ou les poings, je souris sarcastiquement, je
parle fort, je crie, je hurle, je critique, j’insulte, j’attaque verbalement, voire
physiquement, je fais des gestes menaçants, je jette ou casse des objets, je frappe
violemment dans quelque chose, je pars en claquant la porte…

Les conséquences de ma colère


Je ne fais attention qu’au détail qui m’a mis(e) en colère, je rumine sur la situation qui
m’a mis(e) en colère, je me remémore d’autres situations qui m’ont mis(e) en colère,
je me brouille avec mes proches, mes collègues, le conflit s’empire, je ressens une
honte intense, de la culpabilité, je suis irritable pour le reste de la journée et passe
ma colère sur les gens que je rencontre ensuite…

TRISTESSE
Mes mots de tristesse
Je suis triste, déprimé(e), malheureux(se), cafardeux(se), mélancolique. Je me sens
désappointé(e), morose, abattu(e), désespéré(e), misérable, à l’agonie. Je ressens
de la douleur, de la souffrance, du chagrin…

Les situations qui déclenchent ma tristesse


Quand je me sens seul(e), rejeté(e), abandonné(e), quand je suis séparé(e) de mes
proches, quand quelqu’un me manque, quand je suis critiqué(e), désapprouvé(e),
quand je me sens impuissant(e), quand je n’obtiens pas ce que je veux, quand les
choses tournent mal, quand je pense à la mort des personnes que j’aime, un décès
d’un proche, quand je vois ou j’entends parler des souffrances des autres…

Ce que je ressens quand je suis triste


Je me sens fatigué(e), à plat, sans énergie, au ralenti, léthargique, apathique, vide.
J’ai envie de rester au lit. Je n’arrive pas à éprouver du plaisir. Je ressens un poids
dans ma poitrine et/ou dans mon ventre. Je suis essoufflé(e)…

Ce que je fais quand je suis triste


Je pleure, je ne fais rien, je reste au lit, je m’isole, je parle peu, lentement, d’une voix
basse et monotone, je bouge lentement, je dis des choses tristes, je me dévalorise,
je me tiens affaissé(e)…

Les conséquences de ma tristesse


Je me sens irritable, coupable, je me critique, je m’éloigne de mes proches, j’arrête
toute activité agréable, j’ai des insomnies, je n’ai pas faim, je n’arrive pas à me
concentrer, j’ai des problèmes de mémoire…
PEUR
Mes mots de peur
Je suis anxieux(se), angoissé(e), inquiet(ète), nerveux(se), tendu(e), stressé(e),
intimidé(e), stupéfait(e), en alerte, affolé(e), effrayé(e), terrorisé(e). J’ai peur, je
crains, je me fais du souci, j’ai la trouille. Je me sens en insécurité, bloqué(e). Je suis
en état de choc…

Les événements qui déclenchent ma peur


Quand je suis dans une situation nouvelle, non familière, quand je suis seul(e), dans
le noir, quand je me retrouve dans une situation où j’ai été menacé(e) ou blessé(e)
par le passé ou qui y ressemble, quand je suis dans une situation où j’ai vu d’autres
personnes être menacées ou blessées, quand je perds le contrôle, quand je crois
que quelqu’un peut me rejeter, me critiquer, ne pas m’aimer, me désapprouver,
quand je pense devoir « être à la hauteur », quand je dois parler en public, quand je
crois que je peux perdre quelqu’un ou quelque chose, quand je pense être atteint
d’une maladie, quand je crois ou pense que je pourrais mourir…

Ce que je ressens quand j’ai peur


Je transpire, je tremble, je rougis, j’ai le cœur qui bat fort, j’ai la sensation d’étouffer,
j’ai des vertiges, j’ai les muscles tendus, j’ai froid, j’ai chaud, j’ai la chair de poule, j’ai
la nausée, j’ai la diarrhée, je me sens agité(e)…

Ce que je fais quand j’ai peur


J’évite, je m’échappe, je fuis, je cours, je me cache, je ne parle pas, je suis figé(e), je
crie, je bégaie, j’hésite, je remets à plus tard, j’attaque…

Les conséquences de ma peur


Je perds le contrôle, j’ai honte, je suis triste, je suis en colère, je me sens
dépersonnalisé(e)…

HONTE
Mes mots de honte
J’ai honte, j’ai des regrets, des remords, je suis embarrassé(e), humilié(e), je me
sens coupable, nul(le)…

Les événements qui déclenchent mon sentiment de honte


Faire, sentir ou penser quelque chose que je crois (ou des gens que j’aime croient)
être immoral ou faux, quand je me rappelle de quelque chose de faux, de honteux ou
d’immoral que j’ai fait dans le passé, quand un aspect très privé de ma vie est
dévoilé, quand on se moque de moi, quand on rit de moi, quand je me sens rejeté(e),
quand je suis critiqué(e) (en privé ou encore pire en public), quand j’échoue, quand je
me remémore mes échecs, quand je me sens stupide ou inférieur(e) aux autres…

Ce que je ressens quand j’ai honte


J’ai chaud, je rougis, j’ai un poids sur la poitrine, j’ai une boule dans le ventre…

Ce que je fais quand j’ai honte


Je me cache ou me dissimule le visage, je baisse la tête, je baisse ou ferme les yeux,
j’évite, je m’échappe, je fuis, je m’excuse, je demande pardon, je donne des cadeaux,
j’essaye de me « rattraper »…

Les conséquences de ma honte


J’évite de penser, j’essaye de bloquer mes émotions : je m’alcoolise, je prends des
drogues, je fais tout pour me distraire. Je me sens seul(e), je suis en colère contre
moi-même ou les autres, je prends des résolutions pour changer…

JOIE
Mes mots de joie
Je suis joyeux(se), gai(e), heureux(se), satisfait(e), enthousiaste, optimiste, ravi(e),
emballé(e), excité(e), euphorique, en extase. Je ressens du plaisir, du bonheur, de
l’espoir, un élan, de l’ardeur, de la passion. Je m’amuse, je me sens d’humeur joviale,
je jubile…

Les situations qui provoquent ma joie


Quand j’ai du succès dans une tâche, quand j’atteins un résultat, quand je reçois de
l’estime, du respect, des éloges, quand je me sens aimé(e), quand je suis
amoureux(se), quand je ressens du plaisir, quand je fais une activité que j’apprécie,
quand je me sens appartenir à un groupe, quand je reçois de l’amitié, quand je suis
avec des personnes que j’aime et qui m’aiment…

Ce que je ressens quand je suis joyeux


Je me sens excité(e), plein(e) d’énergie, actif(ve), j’ai envie de rire, je rougis, mon
cœur s’accélère…

Ce que je fais quand je suis joyeux


Je souris, je parle vite et beaucoup, je dis des choses positives, je suis enthousiaste,
je fais plein de choses…

Les conséquences de ma joie


Je suis aimable, amical avec les autres, je pardonne, je fais des choses gentilles
pour moi-même et pour les autres, je vois le bon côté des choses, je me souviens et
j’anticipe d’autres moments joyeux, ma joie se répand autour de moi…

Un exercice simple pour exprimer ses émotions

(Exercice de Pennebaker)
Trouvez un endroit et un moment où vous ne serez pas dérangé.
Écrivez au sujet de ce qui vous préoccupe, de ce que vous avez tendance à éviter et
qui influence votre vie d’une manière négative.
Écrivez au minimum 15 minutes par jour pendant au moins 3 jours consécutifs.
Écrivez continuellement sans vous inquiéter de la grammaire, sans vous censurer.
Si c’est plus facile, utilisez un dictaphone pour parler au lieu d’écrire.
Relisez ce que vous avez écrit de temps en temps pour voir comment votre pensée a
pu changer par rapport à vos émotions.

J’accepte mes émotions


En 1932, un théologien allemand Rienhold Niebhur écrivit la prière de la sérénité qui
devint célèbre après avoir été adoptée par le mouvement des Alcooliques Anonymes :
Puis-je avoir la sérénité
d'accepter les choses que je ne peux changer,
le courage
de changer ce qui peut l’être,
et la sagesse
d'en connaître la différence.

L’acceptation est un processus actif : il s’agit d’accueillir totalement


l’émotion douloureuse et d’accepter l’existence des choses que l’on
ne peut pas changer.
Essayez de prendre une position d’observateur par rapport à votre
émotion, d’en prendre conscience, de l’accueillir sans chercher à la
fuir. Accepter ce n’est pas approuver, ce n’est pas se résigner, ce
n’est pas abandonner. Accepter c’est simplement ne pas lutter
contre les choses qui se sont déjà passées ou qui sont en train de
se passer (comme vos émotions). Une fois que vous avez accepté
ce qui vous perturbe vous pouvez chercher à le changer. Car, « il est
impossible de quitter un endroit avant d’y être réellement arrivé »
(L. Greenberg, 2002). Par exemple, vous devez accepter d’avoir été
licencié, pour pouvoir commencer à chercher un nouveau travail. Ou
vous pouvez accepter de ressentir de l’anxiété quand vous devez
parler en public, tout en cherchant des stratégies pour diminuer cette
anxiété.
Si nous les accueillons, nos émotions négatives deviennent déjà
moins douloureuses, elles nous informent sur les situations et nos
réactions, et nous permettent ensuite, une fois que « l’orage
émotionnel » est passé, de décider en toute connaissance de faire
ce qu’il y a de mieux pour nous, ou au contraire, de ne pas faire ce
qui nous est nocif.
L’acceptation favorise l’engagement dans l’action de manière lucide,
réfléchie et clairvoyante, et non la « réaction » automatique, souvent
impulsive et inappropriée, qui fait habituellement suite aux états
émotionnels.
Paradoxalement, accepter ses émotions est le meilleur moyen pour
ne pas être débordé par elles. Plutôt que « je ne devrais pas souffrir
autant, pourquoi, pourquoi ? », se dire « cette souffrance est là, en
ce moment, je dois l’accueillir », puis l’utiliser pour progresser, agir et
ainsi la limiter.
Une métaphore fréquemment utilisée pour illustrer la nécessité de
l’acceptation de vos émotions négatives est celle des vagues : si
vous imaginez vos émotions comme des vagues puissantes prêtes
par moments à vous emporter, essayez, au lieu de lutter, de vous
laisser flotter ou de surfer sur elles. « On ne peut arrêter les vagues,
mais on peut apprendre à surfer » (Jon Kabat-Zinn).
Quelques exercices pour accepter ses
émotions :

1. Observez le va-et-vient de vos émotions, qui viennent et repartent. Nous avons vu


que les émotions sont associées à des sensations physiques : le cœur qui
s’accélère, un estomac noué, une douleur ou une oppression dans la poitrine, etc.
Observez ces sensations physiques et « lâchez prise ». Ne cherchez pas à les
modifier, ne les jugez pas (en collant des étiquettes « bon » ou « mauvais » par
exemple).
2. Dites-vous que vous acceptez ce que vous ressentez :
« J’accepte de me sentir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . en ce moment. »
3. Dites-vous que vous acceptez l’événement à l’origine de votre émotion. Cherchez à
accepter à la fois des petits tracas du quotidien, mais aussi des événements
douloureux : une maladie chronique, une rupture sentimentale ou encore un abus
dont vous auriez été victime enfant.
4. Énoncez l’événement à voix haute : « J’ai été licencié(e) », « Mon ami est parti »,
« Je n’ai pas assez d’argent », « Je suis en surpoids »…
5. Écrivez ce que vous ressentez puis lisez et relisez.

L’acceptation peut paraître simple mais elle demande un grand effort


de lâcher prise, d’accepter qu’on ne puisse pas tout contrôler et
d’éprouver des émotions désagréables, voire de la souffrance.

Je m’expose
Lorsque nous sommes envahis par une émotion, lorsqu’elle tourne à
l’obsession, lorsqu’elle nous empêche d’avancer, nous pouvons aller
encore plus loin dans le travail d’acceptation des émotions
négatives : nous pouvons chercher à l’affronter pleinement, à lui
faire face en faisant des exercices « d’exposition ». Il s’agit de porter
notre attention sur elle et sur les sensations corporelles et pensées
qui l’accompagnent. Cet exercice peut se faire avec un
psychothérapeute ou tout seul.

La technique de l’exposition est une technique thérapeutique ancienne, très efficace


et validée scientifiquement. Elle est utilisée couramment dans les thérapies
comportementales et cognitives pour traiter divers troubles comme des phobies ou le
syndrome du stress post-traumatique. La recherche scientifique a clairement démontré
que l’évitement des émotions négatives peut soulager à court terme mais ne fait que
les renforcer à long terme. Et à l’inverse, le fait de « s’exposer », d’affronter l’émotion,
est certes douloureux dans un premier temps mais bénéfique ensuite.

Exercice d’exposition à l’émotion négative envahissante


1. S’isoler. Assurez-vous que vous n’allez pas être dérangé et prévoyez au moins
une demi-heure si votre émotion est forte.
2. Partez de l’événement qui vous a perturbé. Évaluez l’intensité de votre émotion
sur une échelle de 0 à 10. Cela vous permettra d’évaluer l’efficacité de cet
exercice et éventuellement d’en programmer un deuxième si l’intensité reste
élevée.
3. Fermez les yeux pour mieux accueillir et ressentir votre émotion. Concentrez-
vous tout d’abord quelques instants sur votre respiration. Puis mettez-vous à
l’écoute de votre corps, de vos sensations corporelles. Que ressentez-vous ? :
une oppression ? une douleur ? une tension ? des palpitations ? Notez les
sensations et localisez-les. Observez-les, sans essayer de les modifier. Prenez le
temps de les ressentir et restez avec cela.
4. Ensuite, laissez venir ce qui vient : des émotions, d’autres sensations, des
pensées, des images, des souvenirs…
Aussi douloureux que cela puisse être, ne cherchez pas à écarter ce qui vient,
accueillez-le, concentrez-vous là-dessus. Laissez venir les images et les pensées
les plus douloureuses.
Accueillez l’émotion. Laissez-la venir sans la réprimer. Si vous en ressentez le
besoin, exprimez votre émotion (sans vous faire du mal) en pleurant, en tapant
dans un oreiller, en criant.
Dans les moments les plus difficiles, répétez-vous que les émotions sont
transitoires, qu’elles passent, qu’elles vont s’atténuer, que vous finirez par moins
souffrir. L’intensité de l’émotion va suivre cette courbe :

Et, en effet, après la tempête le beau temps revient toujours : l’émotion est moins
forte, vous ressentez peut-être une fatigue. Prévoyez du temps pour vous
reposer.
En général on ressent de l’apaisement après cet exercice. On se sent vidé mais
aussi libéré d’un poids. Si l’émotion est très intense, il faudra peut-être répéter
l’exercice plusieurs fois avant de constater que l’intensité émotionnelle diminue.

Je fais face à la détresse


▶ Je me distrais
Il peut y avoir des moments où vos émotions sont tellement intenses
et difficiles à supporter que le seul moyen de les gérer est de vous
en distraire, malheureusement, souvent par la douleur physique
(scarifications) ou d’autres actions autodestructrices.
Nous savons tous qu’un des meilleurs moyens de tolérer une
souffrance psychique ou physique intense est de focaliser l’attention
sur quelque chose d’autre. C’est ce que les psychothérapeutes
appellent les « techniques de distraction » qui peuvent paraître en
contradiction complète avec les stratégies d’acceptation et
d’exposition aux émotions décrites plus haut. Ces stratégies sont
toutefois parfois indispensables lors des états émotionnels trop
intenses, et peuvent permettre d’éviter les comportements impulsifs
autodestructeurs. L’idée est d’être dans une position « dialectique » :
tout en acceptant vos émotions, après les avoir analysées et
comprises, vous décidez de vous en distraire.
Certaines activités peuvent favoriser cette stratégie de « gestion de
crise ».

Voici des exemples :


Activités
Lire, écrire, faire du yoga, regarder un film, faire un jeu, faire la cuisine, faire du
bricolage ou du coloriage, jardiner, aller marcher, courir, nager, faire le ménage…
Aider quelqu’un
Devenir bénévole, envoyez une lettre de remerciements à quelqu’un, préparer un
repas pour quelqu’un, rendre service…
Induire des émotions opposées
Lire un roman sentimental si je suis en colère, écouter de la musique épique ou
exaltante ou regarder un humoriste si je suis triste, lire des livres de développement
personnel si je suis désespéré(e), faire de la relaxation si je suis angoissé(e)…
S’échapper en pensées
Penser à des choses agréables, s’imaginer en voyage, dans un paysage
paradisiaque ou dans un lieu rassurant et confortable, penser aux personnes
gentilles avec moi…
Stimuler son activité intellectuelle
Compter jusqu’à 10, 50 ou 100, se répéter un leitmotiv, résoudre des problèmes de
logique, lire un roman en langue étrangère, s’informer sur un sujet d’actualité…
Stimuler ses 5 sens
Serrer des glaçons dans sa main, manger un aliment piquant, faire du sport, malaxer
une balle antistress, prendre une douche froide, boire un café fort…

Le coloriage est une excellente technique de distraction. Essayez


avec ce mandala :
La relaxation aussi. Essayez.

Un exercice de relaxation
Installez-vous confortablement sur un fauteuil ou une chaise. Fermez vos yeux.
Inspirez l’air en gonflant le ventre. Expirez. Inspirez. Expirez. Continuez cette
respiration lente, abdominale pendant quelques instants. Visualisez le trajet d’air
qui entre dans vos narines, la trachée et remplit les poumons.
Concentrez-vous maintenant sur votre main droite. Fermez votre poing droit en le
serrant fort. Sentez bien la tension dans le poing et dans l’avant-bras. Relâchez
complètement. Notez bien la différence entre l’état de tension et celui de détente.
Pliez maintenant votre bras et contractez fort le haut du bras. Concentrez-vous
sur cette sensation de tension. Relâchez complètement en notant bien, encore
une fois la différence entre l’état de tension et celui de détente.
Fermez maintenant votre poing gauche et serrez-le fort. De nouveau, vous vous
concentrez sur la sensation de tension dans le poing et l’avant-bras. Puis, vous
relâchez complètement en appréciant encore une fois, la différence entre l’état de
tension et celui de détente.
Contractez maintenant le haut du bras gauche. Vous le contractez fort, vous vous
concentrez sur la tension et vous relâchez complètement.
Concentrez-vous maintenant sur vos pieds et, en gardant vos deux talons bien
plantés dans le sol, soulevez vos orteils et tirez-les vers votre tête. Tirez fort,
sentez bien la tension au niveau de la plante des pieds, des chevilles et des
mollets. Puis, relâchez complètement et appréciez, comme à chaque fois, la
différence entre l’état de tension et celui de détente.
Serrez maintenant vos genoux l’un contre l’autre. Serrez fort, sentez bien la
tension au niveau des genoux et des cuisses. Puis, relâchez complètement.
Serrez maintenant vos muscles fessiers. Relâchez complètement. Rentrez votre
ventre. Puis gonflez-le…et durcissez-le. Puis relâchez complètement. Notez,
comme à chaque fois, la différence entre l’état de tension et celui de détente.
En jetant vos épaules en arrière, cambrez votre dos. Sentez bien une tension au
niveau de tous les muscles du dos. Du bas jusqu’au haut du dos. Puis, relâchez
complètement. Sentez tous les muscles de votre dos se détendre complètement.
Haussez maintenant vos épaules jusqu’aux oreilles. Relâchez complètement.
Laissez vos épaules tomber complètement détendues. Tentez maintenant de
toucher votre poitrine avec le menton. Tirez sur la nuque. Relâchez. Reposez
votre tête contre le dossier du fauteuil.
Tournez maintenant votre tête à droite en tirant fort. Puis à gauche. Revenez au
centre. Appréciez la différence entre l’état de tension et celui de détente.
Plissez votre front en soulevant les sourcils. Relâchez. Froncez vos sourcils,
serrez vos yeux. Relâchez. Serrez vos lèvres. Relâchez. Serrez vos dents.
Relâchez.
Prenez maintenant une grande inspiration et retenez le souffle. Très
progressivement, expirez. Sentez toute tension quitter votre corps dans cette
expiration.
En effet, vos mains, vos bras sont complètement détendus, ainsi que vos jambes,
votre bassin, votre ventre, votre dos, vos épaules et votre cou. Votre front est
lisse, vos sourcils sont détendus, vos paupières sont lourdes, vos joues et vos
lèvres sont détendues. Votre mâchoire est lourde. Votre visage tout entier est
détendu et lisse. Votre corps tout entier est complètement détendu et
agréablement lourd.

Vous avez certainement déjà essayé certaines de ces stratégies.


Elles vous ont peut-être aidé à tolérer votre émotion et à ne pas agir
impulsivement. Essayez-en d’autres afin de trouver celles qui seront
les plus efficaces pour vous et notez-les ci-dessous pour vous en
rappeler en cas de crise.
Mes stratégies de distraction

▶ Je m’apaise
Vous pouvez également essayer d’apaiser vos émotions en faisant
appel à tous vos sens. Pour chaque sens, testez les nombreux
exemples ci-dessous, découvrez-en d’autres et notez vos préférés.
Grâce à l’ouïe
Quelle est la musique que vous aimez et qui vous apaise ?
Confectionnez-vous votre playlist de chansons favorites à écouter
dès que vous en aurez besoin. Quels sont les autres sons que vous
aimez ? Pensez à une variété de sons qui vous procurent de la joie
ou du bien-être. Pensez aux sons quotidiens qui vous réconfortent.

Par exemple : écouter de la musique classique, relaxante, jazz, etc., des livres audio,
jouer d’un instrument ou demander à quelqu’un qui sait en jouer, téléphoner à un
ami, lire à haute voix, écouter le ronronnement d’un chat, etc.

Les sons qui m’apaisent :


Grâce à la vue
Notez toutes les choses que vous aimez regarder. Essayez de
trouver une grande variété de belles choses que vous pourriez
regarder quand vous ressentez un mal-être.
Pensez à des éléments de la nature, à l’art et à l’architecture. Faites
une liste des choses que vous pouvez voir en restant chez vous, en
sortant marcher, en prenant la voiture, etc…

Par exemple : feuilleter un bon livre d’art ou de photo, disposer une belle table,
regarder le ciel, admirer une fleur, aller au musée, au zoo, etc.

Les vues qui m’apaisent :


Grâce à l’odorat
Beaucoup d’odeurs peuvent procurer des sensations agréables et
apaisantes. Faites une liste d’odeurs que vous aimez et qui vous
apaisent.

Par exemple : une pelouse mouillée, une bougie parfumée, une crème ou une huile
corporelle, un sachet de lavande, du pain chaud, du linge propre, etc.

Les odeurs qui m’apaisent :


Grâce au toucher
Les sensations du toucher peuvent être très intenses. Quelles sont
les choses que vous pouvez faire pour stimuler le toucher et vous
procurer du bien-être ?

Par exemple : s’offrir un massage ou le demander à quelqu’un, aller nager, prendre


un bain, se rouler dans une couette, se masser les pieds, donner la main ou
demander un câlin, marcher pieds nus, plonger les pieds dans une bassine d’eau
chaude, caresser un chat, etc.

Les sensations du toucher qui m’apaisent :

Grâce au goût
Les saveurs sont apaisantes. Faites une liste de choses que vous
pouvez manger ou goûter et que vous trouvez apaisantes.

Par exemple : manger lentement votre plat favori, préparer des toasts, boire du thé
ou du chocolat chaud, acheter de beaux aliments inhabituels, sucer lentement un
bonbon ou un carré de chocolat (pas la tablette !), etc.

Les saveurs qui m’apaisent :

Je développe « la pleine conscience »


« Que chacun examine ses pensées, il les retrouvera toutes occupées au passé et à
l’avenir.
Nous ne pensons presque point au présent. » Blaise Pascal
« Il n’y a rien de plus important qu’ici et maintenant. » Anonyme

Marsha Linehan fut une des premières thérapeutes à proposer des


techniques issues de la méditation bouddhiste zen, et notamment la
pleine conscience, dans la psychothérapie des patients borderline.

Qu’est-ce que « la pleine conscience » ? La pleine conscience consiste à porter son


attention sur le moment présent, sans jugement. C’est une manière d’être ouvert à la
vie telle qu’elle se présente à nous, à nos émotions, à notre corps et ce, d’instant en
instant.

Développer la pleine conscience, c’est tout simplement apprendre à


être plus présent.
Plus présent à soi et au monde qui nous entoure :
Plus présent à soi en prenant conscience du simple fait d’être là,
vivant, de respirer. Prendre conscience aussi de ses pensées, de
ses émotions, de ses sensations.
Plus présent au monde qui nous entoure, en prenant le temps de
l’écouter, le contempler et de le ressentir. Prendre conscience de
toutes ces choses qui sont là mais qu’on ne voyait plus, trop
absorbé par nos problèmes.
Pratiquer la pleine conscience, c’est s’arrêter un court instant et
revenir dans le moment présent. C’est se placer en observateur de
soi-même pour prendre conscience que l’on vit, et prendre
conscience de ce que l’on fait. Prendre un instant pour « être » au
milieu de deux instants « faire ».
Être et faire sont deux éléments très importants de notre vie, mais
nous vivons dans un monde où l’on passe de plus en plus de temps
à « faire », et on oublie de plus en plus « d’être ».

Et la méditation ? C’est un des outils pour développer sa pleine conscience.


« S’arrêter et observer, les yeux fermés, ce qui se passe en soi (sa propre respiration,
ses sensations corporelles, le flot incessant des pensées) et autour de soi (sons,
odeurs, …). Seulement observer, sans juger, sans attendre quoi que ce soit, sans rien
empêcher d’arriver à son esprit, mais aussi sans s’accrocher à ce qui y passe. C’est
tout. C’est simple. C’est la méditation de pleine conscience. » Christophe André

Il s’agit d'une qualité de présence et d’attention à votre expérience


telle qu’elle se manifeste, sous forme de sensations, pensées,
émotions, instant après instant. La pleine conscience se base sur
l’acceptation, la bienveillance et l’absence de tout jugement critique.
La pleine conscience peut vous aider à gérer vos émotions en
facilitant leur reconnaissance et leur acceptation, en favorisant la
prise de distance par rapport à vos pensées, en diminuant vos
ruminations négatives. Elle permet de développer une meilleure
connaissance et gestion de soi : votre « intelligence expérientielle ».
Vous pouvez commencer votre entraînement à la pleine conscience
avec les exercices simples décrits ci-dessous. Vous pouvez
également trouver d’autres exercices sur internet (adresses en
annexe). De nombreux ouvrages proposent également des CDs
intégrés, comme Méditer jour après jour de Christophe André. Enfin
il existe, un peu partout en France, des thérapeutes qui proposent
des cycles de formation sur 8 ou 10 séances. Vous trouverez leur
liste sur le site dont l’adresse est en annexe de cet ouvrage.
Quelques exercices de pleine conscience à faire sans
modération :
Respirer en pleine conscience
C‘est un exercice facile à faire régulièrement dans la journée, n’importe où et
n’importe quand. Arrêtez-vous une à deux minutes pour observer votre respiration.
Arrêtez tout ce que vous êtes en train de faire et concentrez-vous uniquement sur
votre respiration.
Observez-la : observez simplement l’air entrer et sortir. Ressentez votre ventre et
votre poitrine se gonfler légèrement, puis se dégonfler. Ne cherchez surtout pas à
modifier quoi que ce soit, juste laissez votre respiration « respirer d’elle-même ».
Visualisez le trajet de l’air. Et dès que vous prenez conscience que vous n’êtes plus
concentré(e) sur votre respiration, que diverses pensées traversent votre esprit,
notez-le avec bienveillance, et revenez tranquillement à votre respiration.
Faites-le maintenant pour voir.
Arrêtez de lire et faites quelques respirations en pleine conscience, ou juste une.
Arrêtez-vous… et inspirez profondément… puis expirez… Mettez-y toute votre
attention. Ce ne sont pas juste vos poumons qui respirent, c’est votre corps tout
entier. Chaque cellule de votre corps s’arrête et profite de cette respiration.

Marcher en pleine conscience


Marchez, peu importe l’endroit. Que vous soyez en ville ou à la campagne, dans un
jardin ou sur une rue très fréquentée. Commencez par ralentir votre marche. Essayez
de sentir vos pieds sur le sol, vos jambes qui avancent toutes seules, vos pieds dans
vos chaussures, le ballant de vos bras, la position de votre buste, de votre tête, de
vos épaules, comment est dirigé votre regard, les sensations de vos vêtements sur
votre peau, pas après pas.
Puis reprenez votre marche comme d’habitude.
Vous pouvez peut-être prendre conscience des différences qui existent entre votre
marche habituelle et cette marche un peu plus consciente.

Pleine conscience : l’exercice du scanner corporel


Au cours de cet exercice, votre esprit va inévitablement s’éloigner de votre corps, de
temps en temps. C’est normal, c’est comme cela que fonctionne l’esprit. Quand vous
le remarquez, notez-le avec bienveillance en observant où l’esprit est parti, en vous
disant par exemple « ah j’étais en train de penser à… ». Puis ramenez doucement
votre attention sur la partie du corps sur laquelle vous étiez en train de vous
concentrer.
Installez-vous confortablement sur une chaise ou un matelas, le dos bien droit, les
épaules relâchées. Laissez vos yeux se fermer doucement sachant qu’à tout moment
vous pouvez les rouvrir si vous en ressentez le besoin.
Prenez tout d’abord conscience de votre position : permettez à votre dos d’être aussi
droit que possible, sans raideur. Laissez vos reins se creuser légèrement et vos
épaules s’ouvrir tranquillement. Votre nuque reste droite. Laissez vos mains posées
sur les cuisses de la manière qui leur convient. Ressentez bien vos doigts, prêtez
attention à toutes les sensations qui peuvent se présenter ou pas dans vos doigts :
des sensations de contact avec le tissu de votre vêtement, des sensations de
picotement ou de chaleur ou aucune sensation particulière. Puis dirigez votre
attention dans vos deux mains… Explorez les sensations dans vos mains puis vos
avant-bras. Remontez tranquillement à votre rythme vers le haut des bras et explorez
les sensations qui y sont présentes. Prenez le temps de vraiment les ressentir.
Du mieux que vous pouvez, mettez-vous à l’écoute de ce que vous ressentez, même
s’il n’y a rien de particulier à ressentir.
Prenez conscience maintenant de vos pieds, de ce que vous êtes en train de
ressentir dans vos orteils. Vous allez peut-être noter la sensation de contact entre
vos orteils ou de picotement ou de chaleur ou aucune sensation particulière. Prenez
le temps de les ressentir puis, tranquillement, dirigez votre conscience sur vos pieds :
les plantes de pieds, les coups de pieds, les talons et notez toutes les sensations qui
y sont présentes.
Quand vous serez prêt, tranquillement, et à votre rythme, vous dirigerez votre
attention vers vos mollets… Notez toutes les sensations présentes dans vos mollets
sans chercher à trouver une sensation particulière. Soyez simplement conscient de
ce qui est là en ce moment… Puis dirigez votre attention vers les tibias… Remontez
tranquillement jusqu’aux genoux… le dessus et l’arrière de vos deux genoux, puis
portez maintenant votre attention sur vos cuisses… Notez peut-être la sensation de
contact entre une partie de vos cuisses et la chaise…Et à présent, prêtez votre
attention à ce que vous ressentez dans votre bas ventre, puis remontez jusqu’au
ventre et notez toutes les sensations présentes avec bienveillance et curiosité. Votre
ventre se soulève peut-être légèrement à chaque inspiration puis retombe à chaque
expiration… Ne cherchez pas à créer ou modifier ce mouvement. Notez simplement
le mouvement de votre respiration…
Puis tournez votre attention vers votre poitrine. Vous sentez peut-être votre cœur qui
est là et bat.
Maintenant prenez pleinement conscience de votre dos. Remontez depuis vos reins
lentement jusqu’aux épaules, puis à votre nuque.
Puis concentrez-vous sur votre visage. Prenez doucement conscience des muscles
de vos mâchoires… de vos lèvres… de vos joues… de votre nez… de vos
paupières… de votre front… et de toute votre tête.
Vous avez maintenant conscience de votre corps en entier, une conscience globale
de tout votre corps, qui est là, enraciné dans le moment présent… qui respire
tranquillement.

Pleine conscience des sons


Arrêtez ce que vous êtes en train de faire et asseyez-vous là où vous êtes. Sur une
chaise, sur le sol. Prenez une position digne et confortable. Ensuite fermez les yeux
et écoutez votre respiration, votre corps, les battements de votre cœur, les pensées
qui s’agitent dans votre tête. Écoutez les sons environnants. Les sons au premier
plan dans la pièce où vous vous trouvez. Puis les sons des pièces environnantes.
Puis les sons du dehors.
Il n’est pas nécessaire de guetter les sons ou de chercher certains sons en
particulier, mais simplement d’ouvrir votre esprit du mieux que vous pouvez, afin qu’il
soit réceptif à cette conscience des sons, d’où qu’ils surgissent… des sons proches
ou des sons lointains… d’intensités différentes. Vous pouvez les localiser :
surviennent-ils devant vous, derrière vous, sur les côtés… au-dessus, en dessous de
vous… peut-être même en vous. Du mieux que vous pouvez, ne cherchez pas à
donner une signification à ces sons. Concentrez-vous plutôt sur leurs qualités
sensorielles, leur volume, le timbre de ces sons, leur sonorité, leur durée, l’impact à
vos oreilles, quel type de bruit, plutôt sec, plutôt aigu, ou grave ? Ouvrez-vous du
mieux que vous pouvez à un large espace sonore autour de vous… en essayant
d’être conscient des sons les plus évidents, ainsi que des sons les plus subtils… Et
essayez également d’être conscient de l’espace entre les sons… d’être conscient du
silence. Je vous laisse faire l’expérience pendant quelques instants…
Du mieux que vous pouvez, essayez d’entendre ces sons comme de simples
sensations… Et quand vous vous surprenez à penser à propos des sons, à les
décrire, à les commenter, alors reconnectez-vous simplement, du mieux que vous
pouvez, avec beaucoup de douceur, à la conscience directe de leurs qualités
sensorielles. Et si un son vous agace, essayez de voir à ce moment-là à quoi vous
vous êtes identifié, puis revenez simplement à la perception sensorielle de ce son…
Continuez à écouter. Vous entendez peut-être vos propres pensées ? Laissez-les
passer comme des nuages dans le ciel. Sans vous y accrocher. Peut-être entendrez-
vous alors le son du silence…

Faire du thé en pleine conscience


Faites chaque geste lentement en vous concentrant. Soyez pleinement conscient de
votre main qui soulève la bouilloire, du contact entre l’anse de la bouilloire et la
paume de votre main, du poids de la bouilloire. Puis versez l’eau chaude dans une
tasse. Écoutez le bruit de l’eau qui tombe. Observez la vapeur chaude qui s’en
émane. Sentez-le parfum du thé qui s’en dégage.

Chaque action de la vie quotidienne peut se transformer en moment


de pleine conscience si elle est vécue pleinement. Chaque tâche de
la vie quotidienne peut être un entraînement à la pleine conscience :
que ce soit manger, faire la cuisine ou la vaisselle, prendre sa
douche, se brosser les dents, jardiner, ou encore conduire sa
voiture.
Peu importe la situation, il s’agit simplement d’être plus présent à ce
que l’on fait et d’y consacrer toute notre attention.
Faites l’expérience de la pleine conscience aussi souvent que vous
le pouvez. Cela pourrait vous être d’une grande aide dans la gestion
de vos émotions.

J’augmente la fréquence de mes émotions


positives

Les émotions positives apportent de nombreux bénéfices


psychologiques. Les études scientifiques montrent qu’elles ont un
effet sur notre façon de penser, sur nos comportements et sur nos
relations sociales.
Au niveau des pensées, les émotions positives nous permettent de
mieux intégrer et organiser les informations et d’être plus créatifs
face aux problèmes.
Au niveau des comportements, elles augmentent notre tendance à
s’engager dans des activités variées : sports, jeux, exploration de
notre environnement.
Les émotions positives apportent également de nombreux bénéfices
au niveau de nos relations sociales. Les études montrent qu’elles
incitent les autres à venir vers nous (exemple des sourires) et
facilitent les comportements d’aide et de coopération.
Et surtout, cultiver les émotions positives nous permet à la fois
d’atténuer l’impact des événements négatifs et de nous remettre de
nos émotions négatives plus rapidement.
Alors comment favoriser la survenue des émotions positives ?
1. Modifiez votre environnement.
Nul besoin d’être un scientifique pour savoir que notre
environnement a un effet indéniable sur nos émotions. Mais les
chercheurs ont démontré que l’environnement pouvait nous
transformer mentalement et physiquement. Ainsi, dans une étude
célèbre, Ellen Langer montre un effet puissant de l’environnement
sur le vieillissement cognitif et physique. En une seule semaine, des
personnes de 75 ans plongées dans un environnement
soigneusement reconstitué pour ressembler à celui de leur jeunesse
(les années 1960) ont rajeuni physiquement (force musculaire,
souplesse augmentée) et intellectuellement (augmentation de leur
QI qui baisse normalement avec l’âge).
Une autre étude du même chercheur montre que 40 % des
personnes que l’on a déguisées en pilotes de chasse et placées
dans un simulateur de vol voient leur vue s’améliorer !
Pour profiter de cet extraordinaire pouvoir de l’environnement Tal
Ben Shahar, un professeur renommé d’Harvard, nous conseille de
nous entourer de choses positives : des photos des gens que l’on
aime, des tableaux que nous admirons, des personnalités qui nous
inspirent, des objets qui nous mettent de bonne humeur. Nous
pouvons également imprimer nos citations favorites et les coller sur
les murs. Même si nous risquons de ne plus faire attention à ces
choses qui nous entourent au bout d’un moment, celles-ci continuent
de nous influencer de manière inconsciente.
2. Pratiquez une activité physique.
Dire que l’activité physique est bénéfique pour la santé est une
évidence. Elle nous protège contre de nombreuses maladies,
améliore notre qualité de sommeil et notre vie sexuelle. Elle nous
protège également contre les maladies neurodégénératives telles
que les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson. Elle nous aide à
contrôler notre poids. L’activité physique a un effet très positif sur
notre santé mentale également : par exemple une étude de cent
cinquante-six patients déprimés démontre que la pratique d’un sport,
trois fois par semaine pendant trente minutes, a un effet comparable
aux antidépresseurs au bout de quatre mois, et même un effet
supérieur dans la prévention de la rechute.
En effet, pratiquer une activité sportive est un excellent outil de
gestion des émotions : cela permet d’évacuer les tensions
accumulées et d’obtenir un état d’apaisement. De plus, c’est
bénéfique pour l’estime de soi si défaillante des personnes
borderline.
Alors qu’attendez-vous ? Essayez de programmer des séances de
sport (cela peut être de la marche tout simplement), pas
nécessairement longues, trente minutes suffisent, au moins trois fois
par semaine.
3. Partagez.
80 % des gens éprouvent le besoin de raconter ce qu’ils viennent de
vivre à un proche. Ce réflexe est appelé par les psychologues « le
partage social ».
Tant les événements positifs que négatifs suscitent ce besoin de
parler. Les études scientifiques montrent que plus l’émotion est forte
plus ce partage social est marqué, c’est-à-dire qu’il est plus fréquent,
implique plus de personnes et est plus impératif.
Plusieurs effets positifs du partage social ont été démontrés :
Restauration du sentiment d’appartenance. Lorsque nous
sommes envahis d’émotions négatives nous avons souvent
l’impression d’être coupés du monde. Suite à une rupture
sentimentale par exemple, la tristesse nous donnera
l’impression d’être différent et à part, seul à percevoir
l’absurdité du monde. Le fait de partager l’événement et nos
émotions avec les autres contribuera à restaurer le sentiment
d’appartenance et le lien social.
Obtention de l’affection, de la tendresse et du soutien de nos
proches, ce qui nous aide à nous apaiser.
Assistance dans la résolution d’une situation difficile : à la fois
de l’aide concrète matérielle ainsi que de l’aide morale.
Aide à la réévaluation cognitive : un des meilleurs moyens de
modifier son émotion consiste à modifier la perception qu’on a
de la situation (cf. Partie 2, chapitre 5). Nos interlocuteurs
peuvent nous aider à changer notre interprétation de la
situation en donnant leur point de vue.
Aide à la distraction. Le partage social peut également nous
aider à nous distraire de nos émotions négatives : nos proches
peuvent nous emmener au cinéma, sortir, nous « changer les
idées ».
Attention toutefois : pour être efficace, il faut bien choisir ses
interlocuteurs ! Évitez de partager vos émotions avec des personnes
qui sont susceptibles d’agir maladroitement ou qui ne sont pas à
l‘écoute.
Le partage social est un excellent outil de gestion des émotions car
les études montrent qu’il prolonge les émotions positives et diminue
les émotions négatives.
4. Faites-vous plaisir : programmez des activités agréables.
S’engager dans des activités agréables ou sources de satisfaction
est une très bonne façon de cultiver des émotions positives.
Choisissez au moins une activité positive à réaliser quotidiennement.
Vous pouvez vous aider de la liste ci-dessous.
Liste non-exhaustive d’idées d’activités positives
Activités agréables :
écouter de la musique,
regarder ses photos,
dessiner, colorier, faire des mandalas, peindre,
écrire,
lire (livre, magazine, BD…),
regarder un film,
aller au cinéma,
aller ou faire du théâtre,
aller à un spectacle, concert, exposition, musée,
aller se promener dans son lieu préféré ou l’imaginer s’il est loin,
aller prendre un café à l’extérieur, s’acheter une viennoiserie,
aller au restaurant,
se cuisiner un bon repas,
se préparer une belle table pour manger (nappe, belle vaisselle, bougies…),
faire du tricot, de la couture, des activités manuelles,
faire un jeu, un puzzle,
faire du shopping, ses courses,
décorer sa maison,
regarder de belles choses (tableau, photo, paysage…),
caresser des animaux,
s’occuper de ses plantes, jardiner,
faire du sport : marche, course à pied, piscine, danse…
faire de la relaxation, du Yoga, de la méditation,
prendre soin de soi : bain moussant, masque du visage, se faire les ongles…
passer un moment avec des enfants,
rendre un service à quelqu’un,
téléphoner ou voir des amis,
faire du bénévolat, de l’humanitaire.
Activités de satisfaction :
s’occuper de ses papiers administratifs (trier, répondre…),
lire/répondre à son courrier, ses mails,
faire le ménage,
faire du rangement,
repasser,
faire la vaisselle,
cuisiner,
faire les courses,
honorer ses rendez-vous.

En programmant tous les jours des activités sources d’émotions


positives, vous allez remarquer leur impact favorable sur votre
humeur et ainsi leur effet positif sur votre capacité à gérer vos
émotions négatives.

Exercice
Rédigez ci-dessous votre liste d’activités positives pour toujours l’avoir sous la main,
écrite noir sur blanc, pour les jours où vous n’auriez rien envie de faire et que vous
ne sauriez même plus ce qui vous fait du bien…

Liste de mes activités positives

5. Ressentez et exprimez de la gratitude.


La gratitude semble être l’antidote des émotions négatives. Elle
protège de l’envie, de la jalousie, de la tristesse. Elle est donc,
comme les études scientifiques le démontrent, très fortement
associée au bien-être psychologique.
La gratitude peut s’exprimer sous différentes formes : s’émerveiller,
reconnaître la chance que l’on a, remercier quelqu’un d’important
dans notre vie, remercier Dieu (pour les croyants) ou pourquoi pas
remercier la Vie, et aussi savourer les choses et ne pas les prendre
pour acquises.
6. Construisez votre « boîte de ressources »
Pour chasser les émotions négatives ou apaiser des moments de
crises vous pourriez vous fabriquer une « boîte à ressources ».
Il s’agit de trouver ou de vous fabriquer une jolie boîte et d’y installer
des petits objets, des dessins, des souvenirs, des mots qui vous
apaisent ou vous procurent du bonheur. Ainsi, vous pouvez par
exemple y placer des photos de moments de bonheur et de
personnes aimées, des petits mots doux, un galet ramassé lors
d’une super promenade, un cadeau d’un proche, un morceau de
tissu, vos bonbons ou chocolats préférés, un coquillage, un livre, etc.
Vous pourrez ainsi ouvrir votre boîte lorsque vous en ressentirez le
besoin et retrouver des émotions agréables. Cette boîte à
ressources vous permettra également de cultiver du positif dans
votre vie quotidienne et d’apprendre à prendre soin de vous, à être
bienveillant avec vous-même.
Voici deux exemples de boîtes de ressources confectionnées par
nos patientes :

La boîte de Samia
des coquillages ;
une rose séchée ;
des bougies avec une odeur agréable ;
deux bisounours ;
deux petites licornes ;
une coquille de noix ;
un livre : Célibataire mais enviée ;
une grille de Sudoku ;
des feutres ;
un papillon ;
une petite peluche oiseau qui reproduit le chant d’un oiseau ;
une photo de sa filleule ;
une photo de sa meilleure amie ;
une photo du fils d’une amie ;
une lettre d’une famille adressée à son équipe professionnelle.

La boîte de Marion
une petite boîte avec des cœurs dedans, fabriquée par sa fille ;
deux trèfles à 4 feuilles ;
un billet de deux dollars, souvenir d’un voyage aux Etats-Unis ;
une médaille de la Vierge Miraculée ;
un porte-clefs « You are loved » offert par un ami ;
une statuette d’une danseuse cambodgienne ;
une petite peluche ;
une petite tablette de chocolat noir ;
le bracelet de naissance de sa fille ;
trois cartes avec des citations positives ;
une photo d’un moine bouddhiste qu’elle a prise quand elle l’a rencontré ;
un DVD avec sa comédie musicale préférée.

Vous pourriez également vous créer un dossier numérique sur votre


ordinateur ou téléphone avec une playlist de musiques joyeuses,
votre film comique préféré, des photos de bons souvenirs, des
images positives…
7. Visualisez votre « lieu calme »
Nous connaissons tous le pouvoir des images mentales sur nos
émotions et nos pensées. Par exemple, il peut nous arriver d’avoir
des « flashs » nous rappelant de mauvais souvenirs. Mais l’imagerie
mentale peut également être utilisée d’une manière plus positive,
pour procurer de la sérénité, voire de la joie.
Un exercice bien connu d’imagerie positive est celui du « lieu
calme ». Il s’agit de retrouver l’image d’un endroit où nous nous
sentons parfaitement détendu et en sécurité.
Cela peut être une plage, un sentier à la campagne, la vue des
montagnes ou votre chambre. Certains pourraient préférer créer un
endroit imaginaire : un gros nuage blanc et doux, une maison
extraordinaire, un jardin paradisiaque…
À vous maintenant : fermez vos yeux et imaginez votre lieu sûr. Un
endroit où vous vous sentez parfaitement détendu et calme.
Visualisez-le avec le plus de détails possibles. Faites appel à tous
vos sens. Notez ce que vous y voyez, sentez, entendez… Décrivez-
le ensuite ici :
Vous pourrez faire appel à cette image chaque fois que vous en
ressentirez le besoin.
8. Écrivez et lisez votre scripte d’encouragement
Les personnes souffrant d’un trouble borderline sont souvent très
douées lorsqu’il s’agit d’encourager les autres. Elles ont cependant
beaucoup de mal à s’encourager elles-mêmes et à se tenir un
discours intérieur positif. Bien au contraire, nous observons souvent
une voix intérieure très critique et pessimiste chez les personnes
borderline.
Bien que vous viviez des moments difficiles, essayez de vous
encourager comme vous le feriez avec un(e) ami(e).
Mon discours d’auto-encouragement
9. Rappelez-vous les moments positifs
De nombreuses études de psychologie cognitive ont démontré notre
tendance à avoir des biais mnésiques congruents avec notre
humeur. Ainsi, si nous sommes tristes, nous allons avoir plus de
facilités à nous rappeler des souvenirs tristes, ce qui va forcément
accentuer notre tristesse. C’est le cercle vicieux ! Heureusement,
l’inverse est également vrai. Alors pour faciliter le rappel des
moments positifs, vous pouvez utiliser la méthode bien connue du
carnet des « positifs » :
Notez tous les soirs trois moments positifs de la journée. Cela peut
être :
un sourire d’un passant dans la rue ;
un compliment reçu ;
un rayon de soleil qui se diffuse dans sa chambre au moment du
réveil ;
une tasse de thé parfumée ;
le bonjour endormi d’un enfant ;
le parfum de sa douche ;
la douceur d’un vêtement ;
un déjeuner savoureux avec une amie…
Cela vous permettra de vous endormir sur des souvenirs agréables.
Vous pourrez également relire votre petit carnet régulièrement pour
vous rappeler que votre quotidien est fait d’une multitude de petits
moments de plaisir, de petites choses anodines qui font du bien
lorsqu’on en prend conscience.

Un autre exercice proposé par une de nos patientes, Stéphanie,


consiste à avoir une « boîte d’événements heureux » de l’année en
cours. Stéphanie note chaque événement heureux et sa date sur un
petit papier de couleur et l’ajoute dans sa boîte au fur et à mesure de
l’année. Vous pouvez également y déposer des photos, des
souvenirs de l’événement : tickets, fleur séchée, etc., la réussite d’un
examen, une belle rencontre, un voyage… Lorsqu’elle « broie du
noir », elle ressort la boîte et se rappelle tous les événements
positifs de l’année. Elle démarre une nouvelle boîte chaque année.

Samantha, elle, a un grand vase en verre très beau dans lequel elle
met un petit galet à chaque fois qu’elle est fière d’elle ou heureuse.
Cela lui fait une belle décoration. Vous pouvez également utiliser des
billes de couleur ou des coquillages, etc.

Ces idées vous inspirent-elles pour créer votre propre manière de


prendre conscience et vous rappeler des moments de petits et
grands bonheurs vécus ?
Résumé

Vous avez appris dans ce chapitre à comprendre l’utilité de vos émotions, à les
identifier et à mieux les connaître.
Vous avez également appris à les accepter.
Nous vous avons proposé quelques techniques simples de « gestion de crise »
fondées sur la distraction et l’auto-apaisement.
Enfin, apprendre à gérer ses émotions, c’est aussi apprendre à vivre en pleine
conscience et augmenter la fréquence de ses émotions positives.

Notes


Chapitre 5

J’apprends à penser
différemment

« Si quelque objet extérieur te chagrine, ce n’est pas lui,


c’est le jugement que tu portes sur lui qui te trouble. »
Marc Aurèle, Empereur romain, iie siècle après Jésus-Christ

L’approche cognitive des émotions


Le terme « cognition » issu du mot latin « cognoscere » (connaître, prendre
connaissance) est utilisé en psychothérapie cognitive pour désigner une pensée ou
une image mentale. Ainsi, l’approche cognitive étudie l’influence de nos pensées sur
nos émotions et nos comportements.

Nous pensons généralement que notre détresse est causée par un


événement ou une situation extérieure.

Par exemple :
Delphine : « Fabrice ne répond pas à mes messages, je suis vraiment en colère ! »,
Philippe : « Mon supérieur m’a dit qu’il était insatisfait de mon travail, je suis
découragé. »

Cela pourrait être représenté ainsi :


Toutefois, ce que nous ressentons dans une situation donnée
dépend non seulement de cette situation, mais aussi de la façon
dont nous la percevons ou du sens que nous lui donnons. Dans les
exemples précédents, Delphine est en colère parce qu’elle pense
que son ami ne la respecte pas et Philippe est découragé parce qu’il
se dit qu’il n’arrivera jamais à satisfaire son supérieur. Ainsi, ce n’est
pas la situation elle-même qui provoque les émotions négatives de
Delphine et de Philippe mais plutôt leur façon de l’interpréter : leurs
pensées. L’idée que nos réactions émotionnelles soient déterminées
par ce que nous pensons est une des hypothèses de base de la
thérapie cognitive.

Pour illustrer l’effet des pensées sur vos émotions et vos comportements imaginons
la situation suivante : Vous êtes dans un café en train d’attendre un ami qui a une
bonne demi-heure de retard. Vous n’arrivez pas à le joindre…

Dans chacun des exemples précédents, la situation est la même : un


ami est en retard. Toutefois, comme on vient de le voir, nous
pouvons avoir diverses pensées pour interpréter la situation. C’est
ce qu’on appelle des pensées automatiques en thérapie cognitive.
Il s’agit des pensées qui nous viennent à l’esprit subitement, d’une
manière peu consciente et involontaire et qui déterminent l’émotion
que nous ressentirons (dans l’exemple : la peur, la colère, la
tristesse ou l’indifférence) et le comportement qui en découlera
(dans l’exemple : appel des proches, message agressif, départ ou
lecture).
Ces pensées automatiques influencent davantage nos réactions
émotionnelles et comportementales que la situation elle-même.

J’identifie mes pensées automatiques


En général, les pensées automatiques sont si brèves et si
rapidement remplacées par les émotions intenses qui s’ensuivent,
que vous ne les remarquez pas.
La capacité à prendre conscience de vos pensées automatiques et
de les évaluer lors d’une situation troublante est une étape
essentielle pour pouvoir modifier votre façon d’interpréter les
événements, et ainsi l’intensité de vos émotions. Essayez de vous
poser la question suivante :« Qu’est-ce qui m’est venu à l’esprit
lorsque j’ai constaté que j’étais bouleversé(e) ? »

Exercice
Réfléchissez à un événement qui vous a bouleversé aujourd’hui ou au cours des
derniers jours et qui vous a causé de l’angoisse, de la tristesse ou de la colère.
Tentez de vous rappeler ce à quoi vous pensiez à ce moment-là. En vous
remémorant les pensées que vous avez eues lors de cette situation, vous pourriez
découvrir les pensées automatiques qui vous sont venues à l’esprit et dont vous
n’étiez pas conscient à ce moment-là.
En identifiant vos pensées automatiques, il vous sera plus facile de
déterminer la nature de l’émotion qui en a résulté et de comprendre
pourquoi la situation vous a tant bouleversé.
Afin de vous aider dans votre démarche d'identification des pensées
automatiques, nous allons vous proposer un outil très utile : le
tableau d'auto-observation que vous pourrez remplir à chaque fois
que vous ressentez une émotion négative.
L’objectif de cet exercice est de vous aider à prendre conscience de
vos pensées automatiques pour pouvoir, dans un deuxième temps,
les remettre en question, les évaluer et éventuellement, les rectifier.
L’idée est de remplir ce tableau par écrit à chaque fois que vous
ressentez une émotion négative. Le fait d’écrire est particulièrement
bénéfique car le simple fait de noter permet souvent de prendre un
peu de distance par rapport à l’événement et à nos pensées et ainsi
d’atténuer l’émotion et de changer nos comportements néfastes. Il
faudrait donc idéalement toujours avoir un carnet sur vous dans
lequel vous pourriez reproduire ce tableau, voire le préparer en
avance.
Toutefois, il n’est pas toujours possible de noter les événements au
moment où ils arrivent. Vous pouvez par exemple être en pleine
conversation, ou en voiture. Dans ce cas vous pouvez faire deux
choses :
1. Lorsque vous ressentez une émotion négative, essayez de vous
arrêter mentalement, de vous mettre sur « PAUSE » et de vous
observer (même si vous êtes en pleine dispute). Identifiez ce qui
se passe, ce que vous ressentez, ce que vous pensez et ce que
vous faites.
2. Ensuite, dès que vous le pourrez, notez ces éléments dans votre
carnet d’auto-observation.
Nous venons de voir que lors d'une situation difficile, des pensées
automatiques surgissent en vous et déclenchent des émotions
pénibles, des sensations physiques désagréables ou encore des
comportements indésirables voire autodestructeurs. En travaillant à
modifier vos pensées automatiques, vous arriverez à atténuer vos
émotions pénibles et à modifier votre comportement.

Je prends conscience de mes erreurs


d’interprétation ou « distorsions cognitives »

Jusqu'ici vous avez appris à observer et à identifier vos pensées


automatiques. Nous allons maintenant passer à l'étape de la
« modification ».
Pour vous aider à modifier vos pensées automatiques, un moyen
efficace consiste à prendre conscience de la façon dont ces pensées
sont construites. Les pensées automatiques se forment au moyen
d'une opération mentale que l'on nomme « distorsion cognitive ».
Pour utiliser une image, on peut dire que la distorsion cognitive est la
paire de lunettes avec laquelle vous percevez la réalité. Ainsi, si
vous portez des lunettes teintées en rose, vous verrez la vie en rose
et si vous portez des lunettes teintées en noir, vous verrez la vie en
noir.
Votre interprétation des faits change selon la paire de lunettes que
vous portez. Si vous portez des lunettes noires, vous vous voyez
comme un « bon à rien », vous vous sentez mal aimé ou encore
vous percevez l'avenir comme une suite d'échecs sans fin. Si vous
portez des lunettes roses, vous vous sentez capable de tout, vous
aimez tout le monde et l'avenir vous appartient. Dans un cas comme
dans l'autre, votre perception et votre interprétation des faits ne
correspondent pas vraiment à la réalité. Il faut enlever ces paires de
lunettes déformantes et chausser des lunettes transparentes, c’est-
à-dire objectives, pour arriver à mieux percevoir la réalité telle qu'elle
est.
L'identification des distorsions cognitives vous permettra d'enlever
votre paire de lunettes déformantes et de modifier vos pensées
automatiques. Nous allons vous présenter les distorsions cognitives
les plus courantes. Lisez-les attentivement. Trouvez celles qui
s’appliquent à vous et donnez des exemples.

Les distorsions cognitives les plus fréquentes


1. La pensée dichotomique (aussi appelée pensée en « tout ou
rien », ou « noir ou blanc ») Je considère une situation ou une
personne en les plaçant dans seulement deux catégories extrêmes,
« soit tout blanc, soit tout noir », au lieu de les placer sur un
continuum. Il n’y a pas de place pour la nuance dans un tel mode de
pensée.

Exemples : « J’ai fait une erreur, donc ma performance a été un échec. » « J’ai
mangé plus que prévu, donc j’ai complètement gâché mon régime, autant arrêter. »

Mes exemples :
2. L’inférence arbitraire (ou conclusion sans preuve)
Je tire une conclusion de façon arbitraire, en l’absence de preuve.
Exemples : « Je suis sûre qu’elle m’en veut. » ; « Je ne vais jamais y arriver. » ;
« Mon fils est en retard. Quelque chose de grave a dû lui arriver. »

Mes exemples :
3. Le raisonnement émotionnel
Je me sers de mes émotions et sensations comme s'il s'agissait de
preuves.
Plus une sensation est intense, plus une émotion est vive, plus cette
sensation ou cette émotion me semble refléter la réalité.

Exemples : « Je sens qu’elle ne m’aime pas, donc ce doit être la vérité » ; « Je me


sens désespérée, donc mes problèmes doivent être impossibles à résoudre » ; « Si
je suis angoissé tout le temps, c'est bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas. »

Mes exemples :
4. Exagération (maximalisation) et minimalisation
J’amplifie le négatif et je minimise le positif. D'un côté, j’exagère la
portée d'une difficulté, l'ampleur d'un problème ou la nature d'une
tâche à accomplir. De l'autre côté, je minimise (ou sous-estime) mes
qualités, mes réussites, ou encore ma capacité à résoudre des
problèmes.

Exemple d'exagération : « J'ai fait une erreur au travail, tout le monde va le savoir et
je serai complètement ridicule aux yeux de tous. »
Exemple de minimalisation : « J'ai trouvé la solution au problème simplement parce
que j'ai eu un coup de chance. »

Mes exemples :
5. L’abstraction sélective
Je me focalise sur des détails négatifs et perds de vue l'ensemble de
la situation.

Exemples : Julie passe une agréable soirée avec des gens sympathiques et
intéressants, elle s'amuse, elle danse, lorsque quelqu'un renverse du vin sur sa
chemise. À cause de cet incident, elle en conclut que la soirée est totalement
gâchée.
Chloé, lors d’une présentation au travail, remarque qu’un de ses collègues ne
l’écoute pas. À partir de ce moment-là, elle focalise toute son attention sur lui, ce qui
perturbe son intervention.
David, joueur de tennis, gagne lors d'une rencontre sportive. Mais au lieu de s'en
réjouir, il passe plusieurs jours à ressasser les erreurs qu'il a commises pendant le
match et à s'en faire le reproche.

Mes exemples :
6. La généralisation
Je généralise à partir d’une situation bien spécifique. J’utilise des
termes comme « jamais », « toujours », « tout », « rien ».

Exemples :« Elle ne veut pas sortir avec moi. J'ai toujours tout raté en amour, je
resterai seul et malheureux toute ma vie. »
« J'ai été licencié de mon entreprise, ce n'est pas étonnant, je rate tout ce que je fais
dans la vie. »

Mes exemples :
7. La personnalisation
Je surévalue le lien entre un événement externe et moi-même.
soit dans le sens d’une responsabilité excessive et exclusive ;

Exemples : « Si mon fils travaille mal à l’école, c’est parce que je suis une mauvaise
mère. » « C’est de ma faute tous les malheurs qui nous arrivent. »

soit dans le sens d’un nombrilisme négatif.

Exemples : « Je vois deux collègues discuter et rire. C’est sûrement de moi qu’elles
se moquent. » « Mon téléphone vient de tomber en panne alors que je viens de
l’acheter. Ça n’arrive qu’à moi ! »

Mes exemples :
Tout le monde a des pensées automatiques négatives et des
distorsions cognitives de temps à autre. Toutefois, lorsqu’on souffre
d’un trouble borderline, on est plus souvent susceptible d’avoir des
pensées automatiques et des distorsions cognitives qui induisent ou
renforcent nos réactions émotionnelles. Pour mieux gérer ses
émotions, il est par conséquent très utile de prendre conscience de
ses erreurs d’interprétation.

Notez ci-dessous vos distorsions cognitives les plus fréquentes :

L'identification de vos distorsions cognitives a pour but de vous aider


à modifier vos pensées automatiques. En prenant conscience de vos
distorsions, vous pouvez commencer à prendre de la distance par
rapport à vos pensées automatiques, à les questionner et, enfin, à
les modifier. Par exemple, si vous pensez souvent en « tout ou
rien », vous pouvez essayer de développer une perception plus
nuancée de la situation. Ou encore, si vous réalisez que vous
minimisez sans cesse vos capacités, vous pouvez tenter de vous
évaluer de façon plus objective, par exemple en demandant l'opinion
d'une personne qui vous connaît bien. Et ainsi de suite, selon la
distorsion observée.

Je modifie mes pensées automatiques


Modifier vos pensées automatiques, ébranler vos certitudes,
accepter de regarder avec d'autres yeux et d'écouter avec d'autres
oreilles. C'est accepter, avant tout, que vos pensées ne soient pas la
réalité et qu’elles puissent même en être très éloignées. Enfin, c'est
formuler une nouvelle façon de vous parler intérieurement quand
vous rencontrez de nouveau une situation semblable.
Pour modifier vos pensées automatiques vous pouvez essayer de
les interroger en vous posant des questions, par exemple :
Quelles preuves viennent supporter cette idée ?
Réexaminez la situation, cherchez les indices qui valident votre
pensée.
Quelles preuves vont à l’inverse ?
Cherchez des preuves allant à l’encontre de votre pensée.
Y a-t-il d’autres interprétations ou d’autres points de vue
possibles ?
Essayez de formuler une interprétation différente de la situation.
Vous pouvez également essayer de vous « décentrer » c’est-à-dire
vous mettre à la place ou dans la tête de quelqu’un d’autre. Pour ce
faire vous pouvez imaginer un ami ou quelqu’un que vous admirez
pour son calme et sa sagesse.
Que penserait ou dirait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . dans
cette situation ?
Une autre manière de se décentrer est de se demander :
Si . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (toujours le même ami
calme et sage) pensait cela que lui dirais-je ?
En effet il est toujours plus facile d’analyser une situation lorsque l’on
n’est pas directement impliqué. Et nous sommes toujours plus
bienveillants pour un ami que pour nous-mêmes.
Vous pouvez également vous « décentrer » en vous projetant dans
le rôle d’un observateur ou dans l’avenir :
Si j’observais cette situation de l’extérieur qu’en penserais-je ?
Que penserai-je de cette situation dans dix ans ?
Se projeter dans l’avenir permet de prendre du recul par rapport aux
situations et de relativiser l’importance de certains événements.

Voici un exemple de Nathalie :


Je suis entrée dans la cafétéria de mon entreprise et j’ai remarqué Séverine, une
collègue. Celle-ci était en pleine conversation, ne m’a pas regardée et ne m’a pas dit
bonjour.
Mes pensées automatiques : Elle m’ignore pour me montrer qu’elle ne m’aime pas.
Dans un premier temps Nathalie a cherché à remettre en question ses pensées
automatiques :
Quelles sont les preuves qui valident mes pensées ?
Elle ne me regarde pas.
Quelles preuves vont à l’encontre de ma pensée ?
Elle regarde son interlocuteur et parle d’une manière animée. Elle a l’air absorbée
par cette conversation.
Y a-t-il une autre interprétation ou un autre point de vue possible ?
Séverine est prise par sa conversation, elle ne m’a pas remarquée.
Nathalie a également cherché à se « décentrer » de sa position :
Que penserait ou dirait Julie (sa meilleure amie) dans cette situation ?
Elle me dirait que c’est sans importance, qu’on ne peut pas toujours être apprécié
par tout le monde.
Si Julie pensait cela, que lui dirais-je ?
Je lui dirais que Séverine ne l’a probablement pas remarquée.

Si j’observais cette situation de l’extérieur qu’en penserais-je ?


Que je fais toute une histoire pour pas grand-chose.
Que penserai-je de cette situation dans dix ans ?
Je ne m’en souviendrai sans doute même plus car ce n’est pas important.

Après ce questionnement, Nathalie a essayé de formuler d’autres pensées, appelées


« pensées alternatives » en thérapie cognitive. Elle les a notées dans son tableau
d’auto-observation :

Vous aussi vous pouvez chercher à remettre en question vos


pensées qui vous font souffrir. Formulez des pensées
« alternatives » et notez-les dans un tableau d’auto-observation
comme celui ci-après.
Résumé

L’approche cognitive va vous permettre de remettre en question votre façon


d’interpréter les événements et ainsi d’atténuer vos souffrances.
Elle part de plusieurs principes :
1. Nos pensées influencent nos émotions et nos comportements.
2. Nos pensées reflètent parfois une vision biaisée de la réalité.
3. En prenant conscience de nos pensées automatiques et de nos distorsions
cognitives nous pouvons modifier notre façon d’interpréter les événements.
4. La modification de nos pensées entraînera un effet bénéfique sur nos émotions et
nos comportements.

Notes


Chapitre 6

Je travaille sur mes schémas

« La croyance que je considère comme vraie… est celle qui me permet de faire le meilleur
usage
de ma force, me donne les meilleurs moyens de transformer mes vertus en action. »
André Gide

Les schémas précoces inadaptés


Nos pensées automatiques et nos distorsions cognitives décrites au
chapitre précèdent reflètent nos croyances profondes. Ces croyances,
appelés aussi « schémas » dans la thérapie cognitive, se développent au
cours de notre enfance et adolescence et vont influencer notre vision du
monde et de nous-mêmes tout au long de notre vie. Ces schémas sont
essentiels à notre sentiment d’identité et nous avons tendance
inconsciemment à les valider par besoin de continuité et de cohérence. Ils
peuvent être positifs ou négatifs, adaptés ou inadaptés.
Nous avons exposé la théorie des schémas de Jeffrey Young dans la
première partie de ce livre. Pour rappel, cet auteur propose l’existence de
schémas précoces inadaptés à l’origine de nos difficultés émotionnelles et
liés à nos besoins fondamentaux insatisfaits. Voici une liste des principaux
schémas décrits par Jeffrey Young. Vous allez probablement vous
reconnaître dans plusieurs d’entre eux :
1. Abandon/instabilité
Si vous avez ce schéma vous avez toujours l’impression que les gens
auxquels vous tenez vous abandonneront. Pour cette raison, vous vous
accrochez trop à vos proches et ce faisant vous les poussez à s’éloigner.
La moindre séparation ou absence de nouvelle vous angoisse ou vous
met en colère. Vous êtes toujours sur le qui-vive, à la recherche de signes
d’abandon ou de rejet, ce qui peut vous rendre excessivement jaloux et
possessif. Parfois vous rejetez les autres ou vous les quittez par peur
d’être rejeté. Parfois vous évitez toute relation sentimentale pour vous
protéger. Très souvent vous choisissez des partenaires instables ou non
disponibles.
2. Manque affectif
Vous avez la certitude que vos besoins affectifs ne seront jamais comblés.
Vous avez l’impression que personne ne pourrait vraiment vous aimer et
vous comprendre. Vous ne savez pas exprimer vos besoins affectifs et
vous choisissez des partenaires froids et distants.
3. Méfiance/abus
Vous vous attendez à ce que les autres vous fassent souffrir, vous
maltraitent, vous humilient, mentent, trichent et profitent de vous. Vous
avez peut-être aussi le sentiment d'être constamment défavorisé par
rapport aux autres ou de toujours « tirer la courte paille ». Vous êtes
souvent considéré comme « parano » car vous avez tendance à voir de la
malveillance partout.
Ce schéma vous pousse à vous tenir à distance des autres, à vous
protéger excessivement. Parfois vous maltraitez les autres par peur qu’ils
vous maltraitent, vous vous retrouvez ainsi « bourreau » et « victime » à la
fois.
4. Isolement/aliénation
Vous vous sentez isolé, coupé du reste du monde, différent des autres.
Vous avez l’impression de ne faire partie d'aucun groupe ou communauté.
L’origine de ce schéma provient souvent d’une discrimination réelle vécue
dans l’enfance. Vous avez peut-être été mis à l’écart par les autres
enfants à cause de votre physique, à cause d’un talent particulier, ou
encore à cause d’un niveau social différent des autres. Vous avez par
conséquent développé l’idée que vous n’étiez pas comme les autres.
5. Imperfection/honte
Vous vous jugez imparfait, « mauvais », inférieur ou incapable. Vous
pensez que le révéler entraînerait la perte de l'affection des autres. Vous
êtes souvent hypersensible aux critiques, à l'abandon et au blâme. Vous
manquez de confiance en vous, vous ne vous aimez pas. Vous pouvez
ressentir de la honte vis-à-vis de vous-même à cause des imperfections
perçues, internes (par exemple : égoïsme, colère, désirs sexuels
inacceptables) ou externes (par exemple : défaut physique, gêne sociale).
6. Échec
Vous croyez que vous avez échoué, que vous échouerez dans l’avenir,
que vous êtes incapable de réussir aussi bien que les autres (études,
carrière, sports, etc.). Vous vous jugez souvent stupide, inepte, sans
talent, ignorant, inférieur aux autres, etc.
7. Dépendance/incompétence
Ce schéma vous fait croire que vous êtes incapable de faire face seul aux
responsabilités quotidiennes comme prendre soin de vous-même, gérer
votre budget, résoudre des problèmes, faire preuve de bon sens, aborder
de nouvelles tâches, prendre des décisions. Vous dites souvent « je suis
incapable de… ».
8. Vulnérabilité/peur du danger
Vous avez une peur exagérée que des événements inévitables ou
incontrôlables (crimes, accidents, catastrophes naturelles…) ou des
maladies incurables (cancers, sida…) vous tombent dessus.
Ce schéma est souvent transmis par des parents anxieux et
surprotecteurs.
9. Fusionnement/ personnalité atrophiée
Vous avez un attachement émotionnel excessif à une ou plusieurs
personnes, souvent vos parents, au détriment d'une adaptation sociale
normale. Vous pensez ne pas pouvoir survivre à l'autre, ou être heureux
sans lui. Vous pouvez avoir le sentiment d'être étouffé par les autres, ou
douter de vous-même, de votre propre identité.
10. Assujettissement
Vos comportements, l'expression de vos émotions, vos décisions sont
totalement soumis aux autres pour éviter leur colère, des représailles ou
l’abandon. Vous pensez que vos propres désirs, vos opinions et vos
sentiments ne comptent pas pour les autres. Vous avez beaucoup de mal
à vous affirmer, mais parfois, « quand la coupe est pleine », vous
explosez car il existe souvent chez vous une colère refoulée contre les
personnes auxquelles vous vous soumettez.
11. Abnégation
Vous avez un souci exagéré de toujours considérer les autres avant vous-
même. Les raisons de cette abnégation sont en général : la peur de faire
de la peine aux autres, éviter de vous sentir coupable d'égoïsme ou
encore pour maintenir un contact perçu comme nécessaire. Vous êtes
souvent trop sensible aux souffrances des autres. Vous pouvez éprouver
le sentiment que vos propres besoins ne sont jamais satisfaits, d'où un
ressentiment envers les autres.
12. Surcontrôle
Le contrôle excessif de vos réactions spontanées (émotions, pensées,
paroles, actions) s’est développé pour éviter la désapprobation d'autrui,
les catastrophes, le chaos ou par peur de ne pouvoir maîtriser vos
impulsions.
Cela inclut :
la répression de la colère et de l'agressivité ;
la répression d’impulsions positives (joie, affection, excitation sexuelle,
plaisir à jouer) ;
le besoin compulsif d'ordre et de précision ;
l'adhérence excessive à la routine et aux rituels ;
la difficulté à reconnaître vos faiblesses, ou à exprimer facilement vos
propres sentiments ou besoins.
Ces attitudes sont souvent également attendues des proches.
13. Idéaux exigeants
Vous avez la conviction de devoir atteindre et maintenir un niveau de
perfection dans votre comportement et vos « performances ». Ces
exigences amènent une tension constante. S'arrêter dans ses efforts ou
se détendre devient impossible. Votre regard est constamment critique
vis-à-vis de vous-même, mais également des autres. Par conséquent,
vous souffrez de déficits de plaisir, de bien-être, d’estime de soi, de
satisfaction personnelle…
Dans ce schéma, on retrouve :
du perfectionnisme, c’est-à-dire une importance excessive attachée aux
détails et une sous-estimation de votre performance ;
des règles rigides, l'importance du devoir. Ces règles s'appliquent à de
nombreux aspects de votre vie : moral, relationnel, professionnel…
une préoccupation constante d'efficacité : toujours faire plus et mieux.
Ce schéma peut aussi être une stratégie de compensation d’un schéma
d’échec, d’imperfection ou d’exclusion.
14. Droits personnels exagérés
Vous avez besoin d'obtenir exactement ce que vous voulez, sans
considérer ce que cela peut coûter aux autres. Vous pouvez avoir une
tendance excessive à vous affirmer de manière agressive ou sans
prendre en compte les besoins des autres. Vous avez des exigences
excessives à l’égard des autres et pouvez manquer d'empathie.
15. Contrôle de soi/ autodiscipline insuffisants
Vous avez du mal à supporter la frustration de vos désirs. Vous avez une
grande difficulté à accepter les refus et les contraintes, à contrôler vos
émotions et vos impulsions.

J’identifie mes schémas


À vous maintenant ! Trouvez vos principaux schémas en remplissant le
questionnaire de Jeffrey Young ci-après :
Le Questionnaire des schémas de Young (YSQ S1)
Cotation du Questionnaire des schémas de Young
Cotation : Pour chaque schéma : noter le nombre d’items côtés 5 ou 6
le schéma est dysfonctionnel à partir de 3 items côtés 5 ou 6.
Interprétation :
Questions 1 à 5 : Manque affectif
6 à 10 : Abandon/instabilité
11 à 15 : Méfiance/abus
16 à 20 : Isolement social
21 à 25 : Imperfection/honte
26 à 30 : Échec
31 à 35 : Dépendance/incompétence
36 à 40 : Peur du danger
41 à 45 : Fusionnement/personnalité atrophiée
46 à 50 : Assujettissement
51 à 55 : Abnégation
56 à 60 : Surcontrôle émotionnel
61 à 65 : Idéaux exigeants
66 à 70 : Droits personnels exagérés
71 à 75 : Contrôle de soi/autodiscipline insuffisants

Mes schémas dysfonctionnels :

J’identifie mes stratégies d’adaptation


dysfonctionnelles

Nos schémas dirigent nos vies souvent sans que nous en ayons
conscience. Ils influencent notre façon de penser, d’agir et de ressentir.
Les schémas « se battent pour exister » selon Jeffrey Young. Nous
mettons inconsciemment en place plusieurs mécanismes pour assurer
leur survie : d’une part les distorsions cognitives décrites au chapitre
précédent, d’autre part, des stratégies d’adaptation dysfonctionnelles.

Exemples
Ainsi, Hector, victime de violence parentale dans son enfance, développe un schéma de
méfiance/abus et devient un adolescent rebelle et violent. Il est passé plusieurs fois devant
le juge pour mineurs pour des agressions.
Quant à Kevin, qui a lui aussi subi de la violence de la part de son père alcoolique et
développe le schéma de méfiance/abus, il devient un adulte craintif, peu affirmé et, par
conséquent, souvent victime dans sa vie professionnelle et sentimentale.

Hector et Kevin ont vécu le même type d’expérience et ont développé le


même schéma, cependant, leur façon de réagir a été différente. Ils ont
développé des stratégies d’adaptation différentes pour faire face à leur
schéma de méfiance/abus. Hector lutte, il combat son schéma en
adoptant un comportement opposé : il devient « le bourreau » pour ne pas
être « la victime ». Kevin lui se soumet à son schéma, il reste toujours la
victime qu’il a été.
Aucun des deux n’a réussi à se libérer de son schéma. Ils en restent
prisonniers et continuent malgré eux à le valider.
Vos stratégies d’adaptation se mettent en place dès votre enfance et
peuvent varier en fonction des périodes de vie ou des situations. Le même
schéma peut, par conséquent, donner lieu à des stratégies diverses. Le
développement de vos stratégies est influencé par de nombreux facteurs,
à la fois environnementaux (des événements de vie, vos ressources
affectives) et innés (votre tempérament).
Il existe trois stratégies d’adaptation aux schémas. Elles se fondent en
grande partie sur les trois types de défense vis-à-vis du danger, observés
dans les études scientifiques sur le stress : la sidération, la fuite ou le
combat.
Les trois stratégies d’adaptation aux schémas sont :
1. la soumission (la sidération) ;
2. l’évitement (la fuite) ;
3. la compensation (le combat).
1) La stratégie de soumission
Cette stratégie vous fait « obéir » inconsciemment à votre schéma. Vous
acceptez le schéma et ce qu’il dicte comme étant vrai. Par exemple, si
vous avez un schéma de manque affectif vous choisirez un conjoint qui
donne peu d’affection et ne comblera pas vos besoins. Dans cette relation
vous serez passif/ve et accommodant(e). Si vous avez un schéma
d’abandon, vous choisirez des partenaires instables et/ou infidèles. Vous
aurez tendance à vous comporter d’une manière excessivement
dépendante ou capricieuse et jalouse, ce qui incitera votre partenaire à
s’éloigner, voire à rompre.
En utilisant cette stratégie vous rejouez sans cesse le scénario original,
vous reproduisez des relations vécues dans l’enfance et vous obéissez
inconsciemment à vos schémas.

Claire : schémas d’abandon et méfiance/abus


Claire est abandonnée par sa mère alcoolique à trois ans. Elle est alors élevée par son père
qu’elle qualifie de « trop présent » car il cherchait à contrôler sa vie et ses fréquentations.
Lors de son adolescence, il abuse d’elle, ce qui entraîne chez Claire une confusion entre
affection et sexualité qui se répercutera dans ses relations sentimentales avec les hommes.
Celles-ci sont « compulsives ». Claire s’engage dans de nombreuses histoires mais devient
vite harcelante envers les hommes qu’elle fait fuir et provoque ainsi inconsciemment
l’abandon qu’elle redoute tant. Elle revit ainsi l’abandon de sa mère et en souffre beaucoup.
Dans sa recherche de partenaires, il lui arrive également de se mettre en danger, elle a ainsi
été violée à plusieurs reprises.

2) La stratégie d’évitement
Si vous utilisez la stratégie d’évitement vous tentez d’arranger votre vie de
façon à ne jamais activer votre schéma. Vous essayez de vivre sans avoir
conscience du schéma, comme si celui-ci n’existait pas. Vous évitez d’y
penser. Vous évitez de le ressentir. Pour reprendre l’exemple du schéma
abandon, si vous adoptez la stratégie d’évitement vous allez éviter les
relations intimes : vous n’aurez pas de conjoint(e), vous n’aurez pas ou
peu d’amis, ainsi vous ne prendrez pas le risque d’être abandonné(e). Le
fait d’éviter ne vous permet pas de confronter votre schéma à la réalité et
donc éventuellement de l’infirmer. En fait, cette stratégie maintient tout
autant le schéma que la précédente.
L’évitement peut-être également psychologique. Vous évitez de ressentir
et de penser à votre schéma en ayant recours aux comportements
addictifs : une consommation de substances (l’alcool, des drogues, des
médicaments), des crises de boulimie, des achats compulsifs, des
automutilations, des jeux vidéo, la pratique trop intensive du sport…

Katia : schémas d’isolement social et d’imperfection


Katia a développé des schémas d’isolement social et d’imperfection très tôt dans sa vie.
Petite fille réservée, en surpoids, elle a souvent été malmenée et rejetée par ses pairs. Elle
se sentait différente. Au collège elle était mise à l’écart, les autres adolescents l’évitaient.
Elle n’a jamais eu de petit ami. Devenue adulte, elle s’est mise elle-même à éviter toutes les
situations sociales. Elle ne sort jamais, fréquente surtout les membres de sa famille, parle
très peu à ses collègues. L’évitement ne lui permet pas d’invalider ses schémas
d’imperfection et d’isolement social.

3) La stratégie de compensation ou de contre-attaque


Vous combattez votre schéma par des pensées, des émotions, des
comportements et des styles relationnels qui vont à l’opposé. Par
exemple, si vous avez un schéma d’imperfection vous allez passer votre
vie à chercher la réussite, voire à vous valoriser excessivement vis-à-vis
des autres. Certaines personnes qui paraissent « narcissiques » luttent en
fait contre une faible estime d’elle-même et un schéma d’imperfection.
En utilisant cette stratégie vous tentez de combattre votre schéma, d’agir
sur lui, pour vous prouver le contraire mais cela est fait d’une manière
inadaptée, excessive. Pour prendre de nouveau l’exemple du schéma de
manque affectif, si vous êtes dans la compensation vous pourriez
chercher à être aimé et entouré d’une façon excessive : en ayant un
conjoint, des amants, une tribu d’enfants, un grand réseau social, en étant
président(e) d’une association, etc. Vous pourriez être affectivement
exigeant(e) avec vos proches. Cette compensation vous oblige à
continuellement combattre vos schémas, ce qui, paradoxalement, les
maintient.

Charles : schémas d’abandon, imperfection/honte/exigences


élevées
Enfant adopté, Charles a été très tôt travailleur et perfectionniste, toujours premier de sa
classe. Devenu adulte il a eu une brillante carrière, a gagné beaucoup d’argent, s’est
entouré de nombreux amis et a épousé une femme « parfaite » avec laquelle il a eu trois
beaux enfants. Suite à un échec professionnel, il s’est effondré. Son travail en
psychothérapie lui a permis de réaliser qu’il avait cherché toute sa vie, en vain, à compenser
son schéma d’imperfection/honte, lié à l’abandon de sa mère biologique. « Je pense que j’ai
toujours cru qu’on m’avait abandonné parce que je n’étais pas suffisamment bien,
suffisamment digne d’amour. Être parfait, réussir, était un moyen d’éviter d’autres
abandons. »

Comme nous venons de le voir, les stratégies d’adaptation à nos schémas


permettent de les perpétuer et de les valider. Ce processus n’est souvent
pas conscient et il est indispensable d’en prendre conscience pour pouvoir
modifier vos schémas.
Réfléchissez sur vos propres stratégies d’adaptation. Vous en utilisez
peut-être une principale pour composer avec vos principaux schémas
inadaptés ? Plus souvent, nous développons différentes stratégies en
fonction des schémas et des situations qui les réactivent.
Voici quelques exemples de stratégies associées aux cinq schémas
fondamentaux :
Exercice
Identifiez vos schémas principaux et les stratégies qui les maintiennent comme l’a fait Sarah
dans l’exemple ci-dessous :
Sarah : schémas d’abandon et d’imperfection
Schéma 1 : Abandon
Stratégie(s) : Compensation
Exemples : Je n’ai jamais de relations qui durent car je quitte mes partenaires rapidement
dès que je sens qu’ils s’attachent à moi. Quand je suis avec quelqu’un, je lui mène « la vie
dure », je ne suis jamais disponible, je n’appelle jamais.

Schéma 2 : Imperfection
Stratégie(s) : Compensation, Évitement
Exemples : Je dois toujours tout réussir. Je me lance toujours de nouveaux défis. Je suis
perfectionniste. Dans ma vie intime, j’évite de m’ouvrir aux autres, de révéler mes
sentiments.
Mes schémas et stratégies d’adaptation :
Schéma 1 :
Stratégies :
Exemples :
Schéma 2 :
Stratégies :
Exemples :
Schéma 3 :
Stratégies :
Exemples :
Schéma 4 :
Stratégies :
Exemples :

Vous pouvez continuer sur votre petit carnet…

La modification des schémas


Une fois vos schémas identifiés, vous vous demandez certainement
comment changer.
La « réparation » des schémas précoces inadaptés n’est pas facile. Vos
schémas sont composés de souvenirs, d’émotions, de sensations
corporelles, de pensées et de croyances. Leur modification passe donc à
la fois par des techniques comportementales, cognitives et émotionnelles
que nous allons vous présenter.

▶ J’analyse mes schémas (conceptualisation)


Après avoir identifié vos principaux schémas et vos stratégies
d’adaptation, réfléchissez à leurs origines. Trouvez les événements
passés au cours desquels ils se sont formés et renforcés. Identifiez
également les principales situations qui les déclenchent. Notez vos
pensées automatiques et les distorsions cognitives habituelles, vos
émotions réactivées et vos comportements qui en découlent. Notez
également les conséquences de vos réactions. Faites cet exercice pour
chacun de vos principaux schémas. Vous pouvez vous aider des figures 1
et 2 qui permettent de conceptualiser les schémas. La figure 1 vous
montre comment Annie a conceptualisé ses principaux schémas. La
figure 2 est à reproduire et à remplir pour conceptualiser vos propres
schémas. Vous pouvez remplir une figure par schéma ou par groupe de
schémas.
Figure 1. La fiche de conceptualisation d’Annie.
Figure 2. Ma fiche de conceptualisation.

▶ Je conteste mes schémas


Les circonstances de votre vie vous ont convaincu de la validité de vos
schémas. Il est important toutefois d’examiner l’évidence qui soutient votre
schéma et les arguments qui l’invalident.
Ceci est appelé l’exercice des « pour et contre ».

Exemple
Paul, musicien de 34 ans, séducteur, a un schéma de méfiance particulièrement développé.
Il n’a aucune confiance en ses partenaires. Il est jaloux et possessif, veut tout contrôler. Ses
relations amoureuses ont souvent été marquées par des conflits violents.
Son psychothérapeute lui demande de réexaminer toutes ses relations sentimentales pour
trouver des preuves de trahison. En déroulant ainsi son passé, il a été obligé de constater
qu’aucune de ses partenaires ne l’avait trahi.

Vous aussi vous pouvez faire cet exercice. Pour invalider votre schéma
vous devez énumérer tous les arguments pour et contre lui, depuis votre
naissance.
Dans la plupart des cas, cet exercice vous prouvera l’invalidité de votre
schéma. Cependant, il arrive, surtout si vous avez adopté la stratégie de
soumission au schéma, que les arguments « pour » l’importent. Dans ce
cas, analysez les arguments et cherchez comment vous pourriez y
remédier. Par exemple, si vous avez un schéma d’échec et que vous êtes
en effet sorti très tôt du système scolaire et avez raté beaucoup
d’opportunités professionnelles, analysez les comportements qui ont
contribué à ces échecs, qui ont ainsi validé votre schéma. Puis, essayez
de trouver comment modifier la situation, comment « désobéir » à votre
schéma : en vous inscrivant aux cours du soir, en refaisant votre CV, en
préparant vos entretiens d’embauche, en demandant de l’aide à certains
membres de votre entourage…
Mon
schéma :…………………………………………………………………………
……….
Arguments qui confirment mon Arguments contre mon schéma
schéma
Continuez cet exercice pour vos autres schémas sur votre carnet.

▶ Je travaille sur mes souvenirs traumatiques :


la technique de re-parentage
Réfléchissez sur les origines de votre schéma : trouvez des souvenirs
d’enfance qui y sont associés et effectuez l’exercice ci-dessous :

Exercice de re-parentage en imagerie


1. Partez d’un événement récent où vous avez ressenti une émotion négative forte en lien
avec un de vos schémas.
2. Dans un endroit calme où vous ne serez pas dérangé, fermez les yeux et laissez
remonter des souvenirs en lien avec cette émotion et le schéma associé.
3. Choisissez le souvenir le plus ancien ou celui qui vous paraît le plus douloureux.
4. Laissez l’émotion vous envahir et observez l’enfant ou l’adolescent que vous étiez dans
ce souvenir comme si vous regardiez un film. Prenez le temps de vous représenter cet
enfant : à quoi ressemble-t-il ? Comment est-il habillé ? Où se trouve-t-il ? Que fait-il ?
Que ressent-il ? De quoi a-t-il besoin ?
5. Puis entrez dans l’image en tant qu’adulte que vous êtes aujourd’hui. Laissez l’enfant
vous exprimer ce qui le fait souffrir. Demandez-lui de quoi il aurait besoin. Vous pouvez
imaginer que vous le serrez dans vos bras et qu’il peut se blottir et se confier à vous.
6. Rassurez-le en vous impliquant. Dites-lui ce qu’il aurait besoin d’entendre : « Je suis là
pour toi » ; « Je ne t’abandonnerai pas » ; « Je suis fier(e) de toi ».
7. Ensuite, défendez-le contre ceux qui lui ont fait du mal en leur disant ce que vous pensez
d’eux (comme s’ils ne vous connaissaient pas). Par exemple : « Ce n’est pas normal de
faire ou dire cela à un enfant. »

Vous pouvez faire cet exercice chaque fois qu’une émotion douloureuse
vous envahit. Il vous paraîtra certainement ridicule au début. Il vous
intimidera mais essayez de le faire régulièrement et vous serez surpris de
l’effet positif qu’il pourrait vous procurer.
Cet exercice a pour but de réconforter l’enfant en vous, de le protéger, de
le conseiller et de lui manifester de l’amour et de l’empathie. Essayez de
rester attentif(ve) aux besoins de votre enfant intérieur en permanence : à
chaque fois que vous éprouvez une émotion douloureuse posez-vous les
questions : « Quel besoin se cache derrière cette émotion ? De quoi a
besoin mon enfant intérieur en ce moment même ? A-t-il besoin d’être
écouté ou protégé ? A-t-il peur ? » Puis prenez le temps de répondre à ce
besoin : en visualisant un échange avec lui ou tout simplement en lui
parlant, ou encore juste en vous occupant de vous/lui. Essayez d’être un
« bon parent » pour vous-même.
Il est possible que vous ayez du mal à vous occuper de votre enfant
intérieur. Vous réagissez peut-être envers lui comme vos parents l’ont fait
avec vous. S’ils ont été négligents, vous aurez tendance à ignorer ses
besoins ; s’ils ont été critiques, vous aurez tendance à le critiquer (« Tu es
ridicule de pleurer pour une broutille ») ; s’ils vous ont maltraité, vous
serez auto-destructeur. Pour entretenir une relation bienveillante avec
votre enfant intérieur et prendre soin de lui, vous devez dépasser les
modèles que vos parents vous ont transmis.
Pour aller plus loin, vous pouvez également chercher à travailler sur les
souvenirs à l’origine de vos schémas et sur le re-parentage avec une
thérapie spécifique appelée EMDR (« Eye Movement Desensitization and
Reprocessing »). Cette technique particulière, dont l’efficacité a été
prouvée dans le traitement des psychotraumatismes, est utilisée par des
psychothérapeutes formés, regroupés dans une association dont
l’adresse se trouve en annexe.

▶ La lettre aux parents


Écrivez une lettre au(x) parent(s) ou tout autre proche (un grand-parent,
une nourrice, un instituteur…), qui a contribué à la formation de vos
principaux schémas.
Il est très important d’exprimer vos émotions vis-à-vis des personnes qui
sont impliquées dans le développement de vos schémas.
Vos émotions refoulées contribuent à vous paralyser, à vous enfermer
dans le rôle de l’enfant vulnérable. Écrivez une lettre à chaque personne
qui vous a blessé. Vous devez pour cela surmonter votre culpabilité. Les
comportements de vos proches s’expliquent peut-être par leurs propres
souffrances, une maladie, des conditions de vie difficile, des parents peu
affectueux, etc. Cela ne doit pas vous préoccuper dans un premier
temps : contentez-vous de dire ce que vous ressentez et pensez. Dites ce
qu’ils ont fait de mal, ce qui vous a fait souffrir, ce que vous ressentiez
alors et ce que vous ressentez aujourd’hui.
Vous n’allez probablement pas envoyer cette lettre, ce n’est d’ailleurs
souvent pas conseillé. L’important est seulement d’exprimer vos
sentiments. Vous savez qu’il y a très peu de possibilité que vos proches
changent ou vous demandent pardon pour ce qu’ils ont fait. Le but de
cette lettre n’est pas le changement de vos parents mais plutôt votre
propre changement. Elle vous permettra d’accepter ce qui s’est passé et
d’avancer dans la vie.
Voici la lettre écrite par Marion, une de nos patientes :
La lettre aux parents de Marion
Toi ma mère,
Je te déteste. Mais je t’aime autant que je peux te détester.
Tu es ma mère. Mais je dois faire le deuil d’une mère
aimante que j’aurais rêvé avoir. Compréhensive, douce et
présente.
Tu as été envahie par tes angoisses que tu nous as fait
subir.
Pourquoi tant de violence dans notre quotidien ? Pourquoi
as-tu agi avec tant d’égoïsme ? Tu n’as pensé qu’à toi, à tes
problèmes. Tu ne te rends pas compte de cette absence
d’amour et de violence. Tu nous as jeté ton besoin d’amour
à la figure sans nous en donner. Tu as seulement rempli ton
rôle nourricier.
Je culpabilise en plus d’avoir tant de haine à ton égard.
Mais tu nous as fait du mal. Je n’arrive pas à m’en détacher
et tout cela me pourrit ma vie d’aujourd’hui.
Tu nous as aimées dans la colère, dans la violence. Ta
tentative de suicide n’est qu’un exemple parmi des milliers
que j’ai en tête. Tu m’as transmis ta peur de l’abandon. Tu
as idéalisé une vie de famille qui n’était pas réelle et
réalisable. Tu voulais la perfection dans ton couple et des
enfants parfaits.
Tu as pourtant cherché à te remettre en question sans
accepter de le faire. Tu es malheureuse et te complains
dans ton malheur. Je ne suis pas là pour t’écouter et je ne le
veux pas. Ce n’est peut-être pas la bonne solution… J’ai du
mal à t’accepter telle que tu es. Tu es trop toxique pour
moi. Mais te rejeter n’est pas non plus une solution. Elle
me fait encore plus souffrir…
Je souhaite ta mort autant que je ne la veux pas.
Je n’ai que toi, tu es ma mère.
Toi mon père,
J’ai vu tant de déception dans ton regard le jour où tu as lu
mon journal intime. J’en suis encore traumatisée et j’en ai
toujours les larmes aux yeux. Je ne suis pas l’enfant parfaite
que tu as rêvé d’avoir. Tout ce que je fais désormais, je le
fais pour me racheter. Et regarde où cela me mène…
Je t’ai pardonné les infidélités qui ont tant fait souffrir ma
mère. Même tes discours offensants et blessants que tu as
pu me tenir contre elle en sa présence, dans le but que je
ne lui ressemble pas. Je te pardonne parce que tu n’étais
pas heureux avec elle et que tu voulais le meilleur pour
nous. Tu as enfin réussi à te détacher d’elle pour essayer de
vivre ton propre bonheur.
Mais, les blessures que tu as infligées à ma mère, je les
ressens et les vis au quotidien : ma peur des hommes, la
peur qu’ils m’abandonnent. Il fallait en plus que je sois
toujours la meilleure.
Je veux simplement vivre ma vie. Être heureuse telle que je
suis sans avoir à rechercher ton amour.
À vous deux,
Mais je ne peux pas vous tenir rigueur de tout. Je dois
prendre ma vie en main et me détacher de vous. Accepter
votre absence d’amour, votre mauvaise éducation et faire
ma vie.
Vous avez fait comme vous avez pu, avec les armes que
vous aviez. Je le comprends mais je n’arrive pas à vous
pardonner. C’est trop difficile. Je dois pourtant sortir de ma
zone de confort et tout accepter. M’accepter moi aussi telle
que je suis. Soigner mes blessures d’enfant que vous m’avez
infligées.
À votre tour maintenant d’écrire la ou les vôtre(s) ! Prenez un crayon et
une feuille, installez-vous tranquillement, commencez… et vous verrez
que les mots vont venir d’eux-mêmes…

▶ Je pardonne à mes parents


Nous perdons beaucoup en sérénité du fait de notre difficulté à pardonner.
Pardonner ne signifie pas effacer ce qui a été fait, oublier ou absoudre.
Mais plutôt décider de ne pas rester prisonnier du ressentiment, arrêter de
souffrir. C’est essayer de « tourner la page ». « Le pardon ne fait pas
oublier le passé, mais élargit le futur », Paul Boese.
Pardonner à vos parents n’est pas une nécessité absolue. S’ils vous ont
gravement négligé ou beaucoup abusé de vous, il se peut que vous ne
puissiez jamais le faire. C’est votre droit. Certains d’entre vous
parviendront peut-être à leur pardonner en comprenant que vos parents
eux-mêmes ont agi en fonction de leurs propres schémas et expériences
de vie.
Ainsi, Magalie, qui participait à des séances de psychothérapie de groupe,
a pu pardonner à sa mère abusive et violente après avoir entendu,
semaine après semaine, les témoignages de souffrance et de culpabilité
d’Émilie qui, dans des accès de colère incontrôlables, insultait son fils.
Jean-Philippe a pu lui aussi pardonner à ses parents et l’a fait par écrit :
Papa, maman,
Et déjà quarante ans que vous m'avez conçu tous les deux,
le temps passe si vite… Je vous écris cette lettre
aujourd'hui pour déjà vous remercier de tout ce que vous
avez fait pour moi, mon éducation et l'amour que vous
m'avez donné. Ensemble nous avons eu des hauts et des bas
durant ces quarante années, des périodes très difficiles, des
crises, des engueulades et des déchirements alors qu'au
fond nous nous aimons très fort… Je sais que je n'ai jamais
été dans la norme et que j'ai toujours été un peu décalé de
par ma sexualité et mes choix de vie, mes voyages et mon
caractère. Mais merci d'avoir toujours été là pour moi et de
m'avoir accepté tel que je suis, je sais que vous avez
beaucoup évolué et appris par rapport à moi et
qu'aujourd'hui vous êtes très ouverts d'esprit et que, par
exemple, rencontrer un de mes copains ne sera plus jamais
un problème et c'est déjà une très grande satisfaction pour
moi… Cette année passée a été très difficile comme vous
le savez et je m'excuse de vous avoir fait subir tout ça le
temps que j'étais à la maison l'été dernier… Mais mon
arrivée à Paris a été un vrai nouveau départ positif pour
moi. Je sais aujourd'hui quel est mon problème, j'ai un
trouble borderline et j'ai des clefs aujourd'hui pour mieux
l'appréhender et le gérer. Et je pense que je vais dans la
bonne direction. Je fais une thérapie de groupe qui me fait
avancer déjà beaucoup, et m'a permis de rencontrer des
gens comme moi. Je ne promets pas d'être parfait
dorénavant mais je vais essayer de gérer mes émotions
différemment et de manière plus saine. J'espère vraiment
pouvoir évoluer et changer dans le bon sens, et pouvoir
vous prouver un jour que vous pouvez être fiers de moi et
de ma vie.
Je sais que je vous ai souvent reproché des choses sur mon
éducation, des manques que j'ai pu avoir, ou que j'ai pu
vous faire culpabiliser sur certaines choses, mais je sais que
vous avez fait du mieux que vous pouviez avec ce que vous
aviez à l'époque… Je sais aujourd'hui que vous n'allez pas
être là pour toujours et je veux profiter un maximum de
vous et passer les meilleurs moments possibles dans les
années à venir… Alors même si cette vie est difficile pour
moi, même très difficile à certains moments, c'est un
combat depuis longtemps, j'espère un jour trouver une
raison à ma présence sur terre et sublimer mon trouble et
mes problèmes, mieux gérer mes émotions et ma sensibilité
pour en faire sortir quelque chose de positif… Alors merci
pour cette vie que vous m'avez donnée…
Jean-Phi

▶ Je modifie les comportements qui maintiennent


mes schémas
Pour chaque schéma ou groupe de schémas, faites une liste détaillée des
comportements qui le(s) maintiennent. Réfléchissez ensuite à des
comportements alternatifs.
Voici la liste d’Annabelle pour le schéma d’abandon/rejet :
Comportements qui Comportements alternatifs
maintiennent mon schéma
d’abandon/rejet
Je m’accroche à Philippe et je Je pourrais cesser de lui demander
tente de le contrôler. Je lui sans cesse s’il m’aime. Je pourrais
demande sans arrêt des signes limiter le nombre de messages que
d’affection. Je lui demande je lui envoie.
toujours des comptes, je le harcèle
de messages…
Je provoque des disputes lorsqu’il Je pourrais cesser de lui poser des
s’absente trop longtemps à mon questions sur le temps qu’il passe
goût. en dehors de chez nous.
Je suis obsédée par la vie de Je pourrais m’occuper de moi et de
Philippe au point d’en oublier la ce qui compte pour moi : voir mes
mienne. amis, lire, aller à des expositions,
m’inscrire au cours d’espagnol.
Je harcèle mes amis lorsqu’ils ne Je pourrais laisser mes amis
répondent pas immédiatement à respirer, sans me sentir
mes messages. abandonnée chaque fois qu’ils
sont occupés de leur côté.
Lorsqu’ils ne répondent pas à mes
messages, j’attends le plus
longtemps possible avant de les
relancer.
Je me fâche avec mes amis pour Je pourrais essayer d’être moins
des broutilles, je les accable de exigeante envers les autres ou
reproches, « je boude ». m’affirmer avec mes amis sans les
agresser.
Je m’intéresse souvent aux gens Je pourrais ne pas m’intéresser à
qui sont froids ou critiques. Je ces personnes et plutôt aller vers
cherche à leur plaire à tout prix. des gens chaleureux et aimables.

Samuel a fait une liste pour les schémas d’imperfection et d’échec. Ces
deux schémas sont très souvent associés.
Comportements qui Comportements alternatifs
maintiennent mes schémas
d’imperfection et d’échec
J’abandonne toutes mes Je pourrais trouver une nouvelle
formations avant d’obtenir un formation et y rester jusqu’au
diplôme. diplôme.
Je ne travaille pas pour les Je pourrais essayer de m’organiser
examens. et de travailler dès le début de ma
formation. Je pourrais essayer de
travailler à la bibliothèque.
Je pourrais essayer de travailler
avec un(e) ami(e).

Je ne soigne pas mon apparence Je pourrais faire plus attention à


physique. mon apparence physique.
Je me dévalorise souvent devant Je pourrais essayer de dire des
les autres. choses positives sur moi devant
les autres.
Je me laisse complètement aller Je pourrais essayer de manger
sur la nourriture, je ne fais pas de plus sainement et de pratiquer un
sport. sport régulièrement, en me fixant
des objectifs réalistes et
progressifs.
Je procrastine sur tout ce qu’il y à Je pourrais essayer de faire une
faire : courriers, démarches « to-do » liste et de me fixer 1 ou 2
administratives, ménage... priorités à faire par jour.

Je suis toujours en retard partout Je pourrais essayer d’arriver à


et j’ai souvent perdu des « jobs » à l’heure, en prévoyant un temps
cause de cela, voire des amis. toujours plus large que mon
estimation habituelle.

Maintenant c’est à vous, remplissez un tableau par schéma ou groupe de


schémas :
Comportements qui maintiennent Comportements alternatifs
mon/mes schémas
…………………………………
Une fois votre liste terminée, essayez d’adopter les comportements
alternatifs dans la vie de tous les jours. C’est souvent plus facile à dire
qu’à faire. Soyez patients, tout processus de changement a des hauts et
des bas. C’est un peu comme si vous faisiez un sevrage. Vos
comportements sont souvent compulsifs, vous avez du mal à leur résister,
donc les changer va demander du temps et des efforts. Néanmoins, un
comportement est souvent plus facile à modifier qu’une pensée (ou une
façon de penser !)
Comme en témoigne Sabine, mère de trois enfants en bas âge, qui a les
schémas méfiance/abus et imperfection :
« Dans le métro, en route pour chez moi je me répète sans cesse des consignes
comportementales. Je me dis que je ne vais pas réagir aux petites provocations de mes
enfants, que je vais rester calme, que je vais me montrer aimante… Cependant, une fois
arrivée à la maison toutes mes bonnes résolutions s’envolent et j’explose au moindre
incident. C’est comme si je voulais me prouver que j’étais une mauvaise mère, indigne de
l’amour de mes enfants… J’essaye de ne pas me décourager. Certains jours j’y arrive mieux
que d’autres. Je continue à réfléchir à toutes les stratégies qui peuvent m’éviter ces
dérapages. J’ai décidé aussi de recommencer une psychothérapie, c’est plus facile lorsqu’on
se sent accompagné. »

Il est en effet souvent utile de vous faire accompagner dans ce travail de


modification de vos schémas par un psychothérapeute.
Pour vous aider à modifier vos comportements problématiques, vous
pouvez également remplir une « Fiche Mémo-Flash ».
Voici l’exemple de la fiche de Valérie :
Fiche de schéma Mémo-Flash
d’après Young (2003)

Description de la situation actuelle


À l’instant je me sens (émotion) en colère
parce que (situation) ma chef ne m’a pas donné les jours de
vacances que j’ai demandés.

Identification de schéma(s)
Cependant, je sais que cela est produit par mon schéma (schéma en
cause)
droits personnels exagérés.
Je sais que l’origine en est (origine du schéma) l’éducation de mes
parents qui ne me posaient pas de limites, tout en me négligeant.

Mise à l’épreuve de la réalité


Même si je pense que (pensée négative) cette chef est une garce.
La réalité en fait est que (pensée rationnelle) elle ne peut pas accorder
des congés en août à tout le monde et je suis la dernière arrivée
dans la société.

Instruction comportementale
C’est pourquoi même si j’ai envie de (comportement dysfonctionnel) dire
ses quatre vérités à ma chef et claquer la porte de cette entreprise,
je pourrais à la place (comportement adapté) ne pas réagir sur un
coup de tête et programmer mes vacances pour juillet, car ce job
me plaît beaucoup et ça serait dommage de le quitter.

Maintenant c’est à vous :

Fiche de schéma Mémo-Flash


d’après Young (2003)
Situation actuelle
À l’instant je me sens (émotion) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
........

parce que (situation) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


.......
..........................................................
.........

Identification de schéma(s)
Cependant, je sais que cela est produit par mon schéma (schéma en
cause)
..........................................................
.........

Je sais que l’origine en est (origine du schéma) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


........
..........................................................
.........

Mise à l’épreuve de la réalité


Même si je pense que (pensée négative) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
..........
..........................................................
.........

La réalité en fait est que (pensée rationnelle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


..........
..........................................................
.........

Instruction comportementale
C’est pourquoi même si j’ai envie de (comportement dysfonctionnel) . . .
...........
..........................................................
.........

Je pourrais à la place (comportement adapté) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


...........
..........................................................
.........

Cette fiche peut être remplie chaque fois que vous avez l’impression qu’un
de vos schémas est réactivé. Vous pouvez la reproduire sur un carnet que
vous pourriez toujours avoir sur vous.
Résumé

Les schémas précoces inadaptés sont des croyances profondes sur nous-mêmes et nos
relations avec les autres qui se sont développées au cours de notre enfance et/ou de notre
adolescence. Ils sont rarement verbalisés ou conscients. Plus ils sont élaborés tôt et plus ils
seront difficiles à changer. Nous cherchons tous inconsciemment à valider nos schémas, à les
perpétuer. Ceci se fait par le bais des stratégies d’adaptation. Il est important de les identifier
pour pouvoir modifier ou atténuer nos schémas dysfonctionnels. Les schémas les plus
précoces sont aussi généralement les plus résistants au changement. Ainsi, vous pourriez
modifier certains schémas et apprendre à gérer les autres. Plusieurs types de stratégies vous
sont proposés dans ce chapitre pour vous aider à vous libérer de l’emprise de vos
schémas inadaptés : des stratégies cognitives, émotionnelles et comportementales.

Notes


Chapitre 7

J’apprends à résoudre
mes problèmes

« Ce n’est pas parce qu’un problème n’a pas été résolu qu’il est impossible à
résoudre. »
Agatha Christie

La résolution de problèmes
Trouvez-vous anormal d’avoir des problèmes ?
Avez-vous tendance à essayer de ne pas y penser ?
Passez-vous plus de temps à penser à vos problèmes qu’aux
solutions permettant de les résoudre ?
Voyez-vous vos problèmes comme des menaces plutôt que des
défis à relever ?
Il vous est probablement déjà arrivé de vous sentir démuni(e) ou
impuissant(e) face à une situation, de la considérer comme « trop
compliquée ». Il est alors tentant d’essayer de ne pas y penser, de la
fuir, plutôt que de l’affronter. Non seulement cette stratégie
d’évitement ne va pas résoudre votre problème mais elle va
également donner lieu à des ruminations et engendrer des émotions
négatives. Parfois, au contraire, vous allez réagir trop rapidement,
sans réfléchir à tous les aspects du problème ou aux conséquences
de vos réactions, ce qui va encore aggraver le problème au lieu de
le résoudre.
Alors comment faire ?
La méthode de résolution de problèmes qui suit vous permet de
décomposer les étapes par lesquelles nous procédons
habituellement lorsque nous sommes face à un problème à
résoudre. Ces étapes peuvent vous aider à structurer vos idées et à
mieux gérer vos difficultés. Cette stratégie vous aidera à percevoir
vos difficultés comme des problèmes à résoudre et non comme des
menaces. Elle vous permettra également d’accroître votre sentiment
d’efficacité personnelle.

1) Définissez le problème à résoudre


Avant de tenter de régler un problème, il importe de bien le définir et
de le rendre très concret. Parfois, cette seule étape permet de
modifier certaines perceptions et de régler une bonne part du
problème qui vous préoccupe. Trouver des solutions à une difficulté
qui demeure vague et confuse ou à plusieurs problèmes à la fois
peut être décourageant. Assurez-vous de séparer les problèmes s’il
y en a plusieurs. Afin de préciser la nature de la difficulté, posez-
vous les questions suivantes :
Qu’est-ce qui me dérange ?
Quelle est la situation que je veux faire cesser ?
Dans quel contexte ce problème apparaît-il ? (quand ? où ?
comment ? avec qui ?)
Qu’est-ce que je ressens ?
Est-ce bien mon problème ?
Questionnez-vous aussi sur le but que vous souhaitez atteindre au
terme de ce processus. Quelle sera la situation, une fois ce
problème résolu ?

Exemple
Ce qui dérange Stéphanie c’est le fait de ne plus avoir de temps pour elle, pour ses
amis et d’être constamment pressée. Elle se sent fatiguée, à bout et est irritable avec
son compagnon, ce qu’il lui reproche parfois. Elle sent aussi qu’elle manque de
temps pour étudier, malgré le fait que cela lui tienne à cœur. Cependant, Stéphanie
doit aussi travailler pour arriver à joindre les deux bouts. Elle doit suivre ses cours à
l’université et travailler à mi-temps.

On peut formuler ainsi le problème de Stéphanie : « Je suis


surchargée, je manque de temps. »
2) Générez des solutions
Cette étape consiste à dresser un inventaire, le plus large possible,
des solutions au problème que vous avez identifié, sans juger pour
l’instant leur valeur ou leur réalisme. Un des risques ici est d’opter
pour vos solutions habituelles ou de n’envisager que les solutions
extrêmes. Souvent, la solution se trouve dans une action que vous
n’avez peut-être jamais envisagée. Un autre risque est de porter un
jugement trop rapide sur les idées qui vous viennent en tête et de
rejeter des solutions originales, pouvant être constructives.
Que pourriez-vous faire ?
Imaginez toutes les solutions possibles, même les plus farfelues,
sans vous censurer. Il peut être utile à cette étape d’aller chercher
de l’information additionnelle (exemple : consulter une personne de
votre entourage, des ressources comme Internet…).

Les solutions trouvées par Stéphanie :


abandonner ses études ;
arrêter son travail ;
diminuer son temps de travail ;
réorganiser ses horaires de travail pour dégager davantage de temps ;
changer de travail et en chercher un autre moins fatigant :
aller uniquement aux cours obligatoires et se procurer les notes de ses
camarades pour les autres ;
suivre un cours de moins ;
emprunter de l’argent à ses parents ;
prendre un crédit étudiant ;
diminuer ses dépenses (partager un appartement ou vendre sa voiture).

3) Évaluez les solutions


Après avoir formulé toutes vos idées, il est temps de passer à la
prise de décision. Souvent, la solution réside dans une combinaison
de plusieurs éléments de solution. Pesez le pour et le contre des
options et la faisabilité de celles-ci. Procédez par élimination. Vous
pouvez également les noter en utilisant une échelle de 0 à 10 puis
les trier. Ne cherchez pas la solution parfaite (ce qui est très rare !)
mais une bonne solution (elles sont plus nombreuses !).
4) Choisissez une ou des solution(s)
Le processus de résolution de problèmes risque parfois d’être
stoppé à cette étape : plutôt que de courir le risque de vous tromper,
il peut être tentant de préférer ne rien choisir. Assurez-vous de
pouvoir mettre vous-même en œuvre la solution choisie et de ne pas
compter uniquement sur les autres.

Le choix de Stéphanie
Stéphanie a choisi de combiner trois solutions :
suivre un cours de moins ;
réorganiser ses heures de travail pour dégager du temps libre ;
demander un crédit.

5) Appliquez la/les solution(s) choisie(s)


Décidez des étapes à accomplir afin d’appliquer votre solution et…
passez à l’action ! Il n’est pas nécessaire d’être certain(e) qu’il s’agit
de LA bonne solution avant de l’essayer. Les meilleures solutions du
monde ne régleront rien si vous ne les appliquez pas !
Certains comportements tels que remettre à plus tard ou certaines
craintes telles que la peur du jugement ou des critiques peuvent
vous faire hésiter à mettre en application la solution choisie. Il est
important d’en prendre conscience. Prendre une décision entraîne
certaines conséquences, qu’il faut anticiper et évaluer. Surtout,
n’oubliez pas que passer à l’action amène souvent un sentiment de
satisfaction et augmente votre confiance en vous.

Mise en application des solutions de Stéphanie


Stéphanie prendra un cours de moins à la prochaine session, afin d’arriver à mieux
concilier ses études et son travail. Elle a aussi réorganisé ses horaires de travail en
les regroupant d’avantage. Enfin, elle a fait une demande pour un crédit, pour
diminuer le stress lié aux fins de mois difficiles et aux imprévus.
6) Évaluez les solutions appliquées
Laissez-vous un peu de temps pour voir si le problème est vraiment
réglé. Définissez ce délai par avance : un mois plus tard, par
exemple. Vous sentez-vous soulagé(e) ? Votre objectif est-il atteint ?
Prenez une minute pour identifier ce que vous en retenez.
Si, au contraire, le problème persiste après quelques temps,
reprenez chacune des étapes de la résolution de problèmes.
Certains éléments peuvent vous apparaître sous un nouveau jour.

L’évaluation des solutions appliquées par Stéphanie


Stéphanie se sent encore stressée par moments, mais elle dort mieux et a une plus
grande marge de manœuvre dans ses horaires. En regroupant ses heures de travail
sur 3 jours au lieu de 4, elle a dégagé du temps pour ses études. Cela lui permet
aussi d’avoir plus de temps pour son compagnon et ses loisirs. Pour l’instant, elle
considère avoir retrouvé un état confortable. Elle réévaluera la situation au besoin.

Laissez-vous une période d’ajustement pour pratiquer vos habiletés


de résolution de problèmes. Soyez patient(e), et permettez-vous de
vous améliorer graduellement. L’important est d’agir, d’initier un
mouvement plutôt que de demeurer passif/ve et de vous isoler face
aux difficultés. Le simple fait de définir votre problème par écrit et de
vous pencher sur les solutions possibles permet de diminuer vos
inquiétudes, même si le problème ne peut être réglé totalement. Il
existe aussi des problèmes pour lesquels la solution ne dépend pas
de nous et qui peuvent par conséquent être impossibles à résoudre.
Nous devons alors apprendre à les accepter (voir chapitre 4).

Appliquez maintenant cette technique aux problèmes qui génèrent


des émotions négatives dans votre vie.

Ma fiche de résolution de problèmes


1) Mon problème est :
2) Ma liste de solutions possibles :
1)
2)
3)
4)
5)
6)
7)
8)
3) J’évalue chaque solution
4) Je choisis la/les solution(s)
Mes solutions sont :

5) Je planifie la mise en œuvre des solutions :


✔ Solution 1 :
Que dois-je faire exactement ?
Quand ?
Par quel moyen ou comment ?
Quelles pourraient en être les conséquences et comment vais-je les
gérer ?
✔ Solution 2
Que dois-je faire exactement ?
Quand ?
Par quel moyen ou comment ?
Quelles pourraient en être les conséquences et comment vais-je les
gérer ?
✔ Solution 3
Que dois-je faire exactement ?
Par quel moyen ou comment ?
Quelles pourraient en être les conséquences et comment vais-je les
gérer ?
6) J’évalue les résultats
Mon problème est résolu :

Résumé

La technique de résolution de problèmes permet d’aborder les problèmes d’une


manière constructive. Elle consiste en six étapes qui vous aident à structurer vos
idées, à mieux gérer vos émotions et à accroître votre sentiment d’efficacité
personnelle.

Notes

Chapitre 8

J’apprends à mieux communiquer

« Entre
ce que je pense,
ce que je veux dire,
ce que je crois dire,
ce que je dis,
ce que vous avez envie d’entendre,
ce que vous croyez entendre,
ce que vous entendez,
ce que vous avez envie de comprendre,
ce que vous comprenez,
il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer.
Mais essayons quand même… »
Encyclopédie du savoir relatif et absolu, Edmond Wells

Les différents types de communication


Lorsque nous ne disons pas clairement ce que nous ressentons et ce que
nous pensons, nous éprouvons des émotions négatives : la frustration, la
colère, l’anxiété, la culpabilité. Parfois c’est le contraire, nous exprimons
nos sentiments brutalement, sans égard pour l’autre, ce qui entraîne à la
fois de la culpabilité et des conflits.
« Je ne dis jamais ce que je pense réellement. J’ai trop peur. Peur de déplaire, peur qu’on
me rejette. Je n’ose jamais refuser de rendre un service, même quand cela me dérange
beaucoup. Par contre, moi je ne demande jamais quoi que ce soit. » Corinne
« Je ne sais pas dire les choses calmement. Je suis agressif, j’explose, ce qui bien
évidemment fait qu’on n’écoute pas ce que je dis. Je suis tout de suite disqualifié comme
« colérique », « soupe au lait » et finalement on ne me prend jamais au sérieux. » Éric
Savoir exprimer le plus directement, simplement et sincèrement possible
ce que nous pensons, voulons et ressentons, tout en étant à l'écoute de
l'autre et en le respectant, c’est être affirmé.
Cette manière d’être et de communiquer est la base de la confiance en
soi, souvent défaillante chez les personnes borderline.
Deux autres styles de communication ont été distingués : la
communication passive/inhibée, et la communication agressive. Il n’est
pas rare lorsqu’on souffre du trouble borderline de passer de la
communication passive à la communication agressive sans jamais réussir
à s’affirmer, comme en témoigne Jessica :
« Souvent je ne dis rien pendant un certain temps, puis un jour une “goutte d’eau fait
déborder le vase” et je fais alors une crise violente pour un événement minime. Je n’arrive
pas à exprimer mes besoins sereinement. »

Le tableau suivant décrit les principales caractéristiques de ces trois types


de communication. Vous remarquerez l’importance du langage « non
verbal » ou « langage du corps ». En effet, il arrive souvent que le contenu
de nos propos (message verbal) ait moins d’importance que la façon dont
on le dit (comportement non verbal).
Quel est mon profil d’affirmation de soi ?
À vous maintenant ! Remplissez le questionnaire ci-dessous afin de
déterminer quel est votre profil de communication.
Le questionnaire d’affirmation de soi de Rathus
Indiquez à quel degré les affirmations suivantes sont caractéristiques de
votre comportement. Veuillez utiliser la cotation ci-dessous et mettre une
note à chaque affirmation :
Résultats : Calculez le score total du questionnaire en faisant la somme de toutes les
réponses. Le score peut varier de – 90 à + 90.
Si votre score est très négatif : vous présentez des difficultés d’affirmation de soi.
Si votre score est proche de 0 : vous présentez un comportement affirmé.
Si votre score est très positif : vous avez tendance à avoir un comportement agressif.

La communication affirmée
Pour résumer, les principes généraux d’une communication affirmée sont :
Avoir un comportement non verbal adéquat : regarder l’autre, voix
audible, posture affirmée, etc.
Écouter son interlocuteur avant de vouloir être écouté.
Privilégier le « je » sur le « tu ». Par exemple dire « Je me suis
senti…lorsque tu m’as dit ou fait… » plutôt que « Tu m’as dit ou fait ».
Exprimer son ressenti personnel au lieu d’interpréter les intentions
de l’autre. Par exemple : « J’ai eu l’impression que… » plutôt que « tu
cherches toujours à… ».
Être dans l’empathie :« Je comprends ton point de vue mais… »
Parler des comportements plutôt que porter des jugements. Par
exemple : « Tu as fait ceci… » plutôt que « Tu es un… ».
Parler de faits précis et ponctuels plutôt que généraliser. Par
exemple : « Tel jour, dans telle situation, il s’est passé ceci… » plutôt
que « C’est toujours pareil avec toi, chaque fois tu… ».
Éviter les justifications et les explications excessives.
Il est utile de s’affirmer dans toutes les interactions sociales de la vie
quotidienne. Toutefois, il existe quelques situations où il est
particulièrement important de savoir communiquer d’une manière
affirmée, notamment : faire une demande, formuler un refus, faire une
critique ou répondre à une critique. Nous allons les passer en revue et
donner quelques règles de communication qui s’y appliquent.

▶ Faire une demande


De nombreuses personnes n’osent pas demander un service par peur du
refus. Tout se passe comme si une demande banale (par exemple :
« Peux-tu me prêter ton vélo samedi prochain ? ») mettait en jeu leur
personne tout entière. Le refus est vécu comme un rejet ou un signe de
manque de considération (« Il a refusé car il ne m’aime pas » ou « Elle ne
me respecte pas »). Pour ne pas s’exposer à ce risque, elles préfèrent ne
pas demander. Pour d’autres, demander un service signifie se montrer
« faible » voire « inférieur ». Dans ce cas ils choisissent de ne rien
demander pour préserver leur estime de soi souvent fragile. La bonne
question à se poser est « Qu’est-ce que je risque en demandant ? » et la
réponse est bien évidemment « Rien, sauf un refus. » Osez demander
tout en acceptant que l’autre puisse refuser car « Mieux vaut un refus
qu’un regret ».
Dans le tableau qui suit, vous trouverez dans la première colonne une
liste de pensées qui peuvent vous empêcher de faire une demande et
d’exprimer ainsi vos besoins. Vous trouverez dans la deuxième colonne
des pensées « alternatives » (voir chapitre 5) qui sont plus constructives
et peuvent au contraire vous aider à affirmer vos besoins.
Les pensées automatiques qui Les pensées alternatives
empêchent de faire des
demandes
Demander c’est être « faible ». Demander c’est exprimer ses
besoins. Tout le monde a des
besoins. Cela ne fait pas de moi
un être inférieur.
Je vais déranger l’autre. Je vais lui demander si cela le
dérange.
Je n’ai pas le droit d’exprimer mes J’ai le droit comme tout le monde
besoins. d’exprimer mes besoins.
Les autres devraient deviner mes Les autres ne peuvent pas deviner
besoins. mes besoins si je ne les exprime
pas.
Inutile de demander car de toute Qui ne demande rien n’a rien… Au
manière on va me refuser… moins j’aurai fait la demande. Je
n’aurai pas de regrets.
Demander c’est s’exposer au Je dois accepter la possibilité que
risque d’un refus que je ne pourrais cette demande précise puisse être
pas supporter. refusée.
Si on me refuse un service c’est Un refus n’est pas un rejet. Le
que l’on ne m’aime pas. refus porte sur ma demande
précise et non pas sur moi en tant
que personne.

C’est à vous :
Mes pensées automatiques Mes pensées alternatives
par rapport aux demandes
Maintenant que vous avez remis en question les pensées qui vous
empêchent de vous affirmer, vous allez avoir besoin de quelques conseils
pour passer à l’action.
Alors, comment faire ?
1. Déterminez votre objectif.
2. Choisissez un moment adéquat (par exemple : « As-tu 5 minutes ?
J’aimerais te parler »).
3. Exprimez directement et précisément votre demande en utilisant le
« Je » (pas d’explications excessives) (par exemple : « Je souhaiterais
prendre une demi-journée demain après-midi s’il vous plaît. »).
4. En cas de refus, répétez votre demande (technique du disque rayé)
en tenant compte de la position de l’autre (par exemple : « Je
comprends bien…mais j’aimerais… »).

La technique du disque rayé élaborée par le psychologue américain Zev Wanderer, dans les
années 1960, consiste à répéter toujours la même chose calmement, comme un disque vinyle
rayé.

5. En cas de nouveau refus, exprimez vos émotions (par exemple : « Je


suis gêné de devoir insister ») en tenant compte de celles de l’autre
(empathie) (par exemple : « Je comprends que cela ne vous arrange
pas, mais… ») ; chercher un compromis.
6. Terminez de façon adéquate en fonction de la réponse :
Réponse positive : remerciez.
Réponse négative : verbalisez votre déception avec empathie
(par exemple : « Je suis déçu(e) que vous ne m’accordiez pas ma
demi-journée mais je comprends vos arguments. »).

▶ Savoir refuser
Il nous est parfois difficile de refuser de rendre un service par peur de
perdre l’affection de nos proches. Nous avons des pensées du type : « Si
je refuse, il/elle va se fâcher contre moi et il/elle va me rejeter. » Il peut en
effet arriver que notre interlocuteur soit déçu voire irrité face à notre refus
mais dans ce cas ce n’est manifestement pas un vrai ami mais plutôt une
personne nocive pour nous. Un ami ne nous en tiendra pas rigueur
longtemps.
Paradoxalement, c’est en fait notre difficulté à refuser qui va contribuer à
détériorer notre relation à l’autre car elle fait naître en nous des
ressentiments qui tôt ou tard deviennent « toxiques » et nous pousseront
soit à éviter, soit à agresser les personnes concernées.
Pour refuser d’une manière affirmée, il faut déjà se donner le droit de dire
« NON ».
Résumons encore une fois dans un tableau les pensées automatiques les
plus fréquentes et les pensées alternatives concernant le refus :
Les pensées automatiques Les pensées alternatives
par rapport aux refus
Si je refuse l’autre va se mettre en Cela peut arriver. Cependant si je
colère. formule mon refus calmement, en
respectant l’autre, il est peu
probable qu’il se mette en colère.
Si je refuse je vais blesser l’autre. Encore une fois cela peut arriver.
Si je formule mon refus avec de
l’empathie, en respectant l’autre, le
risque de le blesser est très faible.
Si je refuse l’autre va me rejeter/ne Si cela arrive cela voudrait dire
va plus m’aimer. que ce n’est pas un véritable ami.
Nos amis doivent être capables
d’entendre nos besoins et
d’accepter nos limites.
Dire « non » c’est égoïste. Il est normal et souhaitable de
penser à soi et de respecter ses
limites avant de penser aux autres.
Si j’ai dit « oui » je ne peux pas J’ai le droit de changer d’avis et de
revenir en arrière. dire « non » après avoir dit « oui ».

À vous maintenant :
Mes pensées automatiques Mes pensées alternatives
par rapport aux refus
Voici quelques conseils pour refuser d’une manière affirmée :
1. Donnez-vous quelques instants pour réfléchir à la demande et être
sûr de votre réponse, sinon reportez-là à plus tard.
2. Dites « NON », ce doit être votre premier mot (par exemple : « Non, je
suis désolé » et pas « Oui mais »), et répondez brièvement, sans
donner de justifications excessives. Une explication simple suffit.
3. Faites preuve d’empathie (par exemple : « Je comprends l’importance
que cela a pour toi mais je ne peux pas t’écouter maintenant »).
4. Répétez le refus si l’autre insiste, un peu comme un disque rayé (par
exemple : « Non, je suis désolée, je ne peux pas t’écouter
maintenant »). En général, deux à trois répétitions sur un ton calme
mais ferme suffisent pour arrêter l’autre.
5. Cherchez éventuellement un compromis ou suggérez d’autres
solutions (par exemple : « Je pourrais t’appeler demain soir pour qu’on
en parle »).
6. Si l’autre insiste, exprimez vos émotions négatives (par exemple :
« Cela me gêne que tu insistes »).
7. Signifiez que la discussion est close (par exemple : « Ma réponse est
définitive : c’est non »).
Selon le contexte :
Face à un ami : exprimez votre difficulté à refuser (par exemple :
« Je suis vraiment désolé et embarrassé d’avoir à te dire non »).
Sachez dire « NON » après avoir dit « OUI » (par exemple : « Je suis
désolé, j’ai accepté trop vite. En fait, je dois refuser. Je comprends que
mon changement d’avis te dérange mais je ne peux pas. »)

▶ Formuler un sentiment négatif, une critique


Vous avez du mal à formuler des critiques ? Vous pouvez là encore avoir
l’impression que si vous critiquez vos amis ceux-ci vont vous rejeter, ou se
mettre en colère. Cela peut arriver mais dans une vraie amitié nous
devrions pouvoir exprimer ce que nous pensons, ressentons et attendons
de l’autre, si nous l’exprimons correctement. Cela ne peut qu’améliorer la
relation alors que nous taire nous fera accumuler silencieusement les
reproches et ainsi risquer « d’exploser » un jour pour une « broutille ».
Les pensées automatiques Les pensées alternatives
qui empêchent la critique
Je vais blesser l’autre. Cela est possible mais pour obtenir
un changement et me faire
respecter il est nécessaire de
pouvoir dire ce qui me dérange. Si
je le fais avec empathie ma critique
ne sera pas blessante.
Je vais déclencher un conflit. Cela est possible mais si je
formule une critique constructive
qui porte sur un comportement
précis cela peut au contraire
améliorer notre relation.
Je dois rester positif. Je ne dois Je dois formuler des critiques si j’ai
pas être trop exigeant(e). l’impression que mes besoins ne
sont pas respectés ou satisfaits.
Cela ne sert à rien, il/elle ne peut Il existe toujours la possibilité que
pas changer. l’autre change s’il en comprend
l’importance.
À vous maintenant :
Mes pensées automatiques Mes pensées alternatives
qui m’empêchent de critiquer

Voici la technique pour bien formuler une critique :


1. Avant : préparez ce que vous allez dire : réfléchissez au
comportement qui vous ennuie chez l’autre et ce que vous aimeriez
qu’il change.
2. Choisissez un moment approprié : assurez-vous que la personne
n’est pas pressée (par exemple : « Je peux te parler ? ») et qu’elle est
seule.
3. La critique doit porter sur un comportement ou un fait précis et
non sur la personne. Évitez le « tu » (par exemple : « Tu es
insensible », « Tu es égoïste »). Privilégiez le « je » (par exemple :
« Quand tu ne me rappelles pas je… », « Quand tu sors sans me
prévenir je… »).
4. Ne faites qu’une seule critique à la fois, évitez de « vider votre sac ».
Restez calme !
5. Décrivez la situation précisément, brièvement et objectivement (par
exemple : « Romain, je t’ai attendu une bonne dizaine de minutes à
chacun de nos rendez-vous »).
6. Précisez les conséquences émotionnelles et/ou matérielles de la
situation (par exemple : « Cela m’agace d’attendre », « Je perds mon
temps »).
7. Utilisez de l’empathie (« Je comprends que ce n’est pas facile pour toi
de t’organiser MAIS… »).
8. Demandez un changement positif, précis, réalisable par l’autre, en
employant encore la première personne du singulier (Par exemple :
« J’apprécierais beaucoup que tu fasses un effort pour être à l’heure
lors de nos prochains rendez-vous. »).

▶ Répondre à une critique


Accepter une critique est probablement un vrai défi pour vous. Étant très
sensible, voire susceptible, la moindre remarque, même justifiée, peut
provoquer votre colère ou votre désarroi.
Examinons tout de suite les pensées automatiques et les pensées
alternatives lorsque vous êtes critiqué.
Espace
Les pensées automatiques Les pensées alternatives
par rapport aux critiques
Si l’on me critique c’est parce que On peut critiquer un de mes
l’on ne m’aime pas. comportements tout en
m’appréciant par ailleurs.
Si l‘on me critique je ne vaux rien. Je dois accepter d’être comme tout
le monde : « imparfait ». Cela ne
veut pas dire que je ne vaux rien.
Tout le monde fait, a fait ou fera
des erreurs.
On cherche à me blesser/humilier. C’est possible dans certains cas.
Néanmoins si la critique est
justifiée, formulée sans agressivité
et si elle porte sur un
comportement précis qui gêne
l’autre, son but n’est pas de
m’humilier ou de me faire du mal.
Si l’on me critique c’est que je le Cela est possible mais ce n’est pas
mérite. toujours le cas. Je vais d’abord
examiner la critique et décider si
elle est justifiée ou pas.

C’est à vous :
Mes pensées automatiques Mes pensées alternatives
par rapport aux critiques

Dans le but de vous aider à mieux réagir face aux critiques il est tout
d’abord utile d’apprendre à les distinguer. Comme nous venons de le voir
dans la section précédente, une critique doit porter sur un comportement
précis et non pas être un adjectif disqualifiant (« Tu es souvent en retard à
nos rendez-vous » et non « Tu n’es pas fiable »).
Ensuite, nous différencions deux types de critiques : les critiques
justifiées et les critiques injustifiées et/ou floues.
Une critique est justifiée si vous êtes d’accord avec ce que l’on vous
reproche. Dans ce cas-là il faut l’accepter, sachant que tout le monde
commet des erreurs et : « Personne n’est parfait ». Il faut alors avoir le
courage de reconnaître vos erreurs. Ceci comporte plusieurs avantages :
1. Cela vous permettra de travailler sur vous et de vous améliorer, car
comment changer quelque chose que vous ne (re)connaissez pas ?
2. Cela aura un impact positif sur votre relation avec l’autre.
3. Cela permettra de soulager l’autre et ainsi d’éviter des conflits inutiles.
Mettez-vous à sa place et rappelez-vous des situations inverses où
vous avez été apaisé lorsque la personne qui vous avait causé des
torts l’a reconnu.
Alors, quelle est la meilleure façon de répondre à une critique justifiée ?
Voici quelques conseils :
1. Reconnaissez votre erreur et les conséquences matérielles et/ou
émotionnelles sur l’autre : par exemple « Oui, c’est vrai. J’ai
tendance à toujours arriver en retard à nos rendez-vous et je
comprends que cela t’agace. »
2. Choisissez de changer de comportement ou non, ou bien négociez
un compromis :
Changement : par exemple « J’essayerai d’être plus ponctuel à
l’avenir. »
Non-changement : par exemple « Je suis malheureusement
incapable d’être à l’heure. J’essaye d’y remédier mais je n’y arrive
pas la plupart du temps. »
Négociez un compromis : par exemple « Je comprends que mes
retards t’agacent. Je vais au moins essayer de te prévenir à temps si
je vois que je n’arrive pas à partir à l’heure et non plus à la dernière
minute. »

▶ La critique injustifiée et/ou floue


Vous considérez que la critique est injustifiée lorsque vous n’êtes pas
d’accord avec ce que l’on vous reproche. Certaines critiques injustifiées
peuvent aussi être « floues », c’est-à-dire qu’elles ne portent pas sur des
comportements précis (« On ne peut pas compter sur toi ») et sont
particulièrement manipulatrices. Dans tous les cas, il existe plusieurs
façons de répondre qui sont décrites ci-dessous :
1. Émettez à votre tour une critique sur la forme : le ton utilisé, le
caractère généralisateur des propos, le fait que la critique soit émise en
public. Par exemple : « Tu es blessée par mon comportement. Je
trouve ta critique injuste et assez peu argumentée (description de la
situation). Cela me blesse (conséquences émotionnelles). Je
préférerais que tu me fasses des critiques plus constructives, en
m’indiquant des moyens de progresser si mon comportement ne te
convient pas (suggestion d’un changement positif). Je serais plus
disposée à écouter tes critiques et à en tenir compte » (formulation
des conséquences positives si l’autre accepte de changer).
2. Si la critique est très violente et que la personne insiste, protégez-vous
en arrêtant la discussion calmement mais fermement : par
exemple : « Je ne veux pas discuter avec toi tant que tu me parleras de
cette manière. »
3. Face à des critiques manipulatrices, « floues », vous pouvez aussi
utiliser la technique du brouillard qui consiste à lasser son interlocuteur
et à lui montrer que ses critiques n’ont aucune prise sur vous. Par
exemple : « C’est possible, peut-être, c’est ton opinion… »

▶ Gérer et résoudre des conflits


Quand deux personnes se bloquent sur une divergence de point de vue,
que cela empoisonne leurs relations et occasionne des disputes, nous
parlons de « conflit ». Il fait naître en nous des sentiments d’hostilité, de
haine, de peur, ainsi que de la souffrance. Lorsqu’on souffre d’un trouble
borderline, il est fréquent que les conflits mènent à la rupture. L’enjeu
consiste donc pour vous à améliorer votre gestion des conflits pour éviter
d’en arriver à des solutions radicales que vous risquez de regretter par la
suite.
La première étape est de prendre conscience de l’existence d’un conflit
avec une personne en partant de votre vécu émotionnel : vous vous
sentez agressif/ve, en colère, frustré(e), déçu(e), confus(e)…
Ensuite prenez conscience de vos pensées négatives et cherchez des
pensées alternatives qui vont vous aider à gérer le conflit.
Espace

Les pensées négatives Les pensées alternatives


par rapport aux conflits
S’il y a des conflits il faut rompre. Il est normal d'avoir des problèmes
L’autre est « toxique » pour moi. et des points de vue différents avec
une personne. Il faut chercher à les
résoudre avant de rompre tout lien.
Quand il y a un conflit je dois être Il faut toujours essayer de garder
aussi agressif que l’autre et ne pas son calme face à l’agressivité de
me « laisser faire. » l’autre.
Si quelqu’un m’a blessé je dois Il faut essayer de sortir de
riposter. l’escalade et plutôt mettre fin à la
discussion si l’autre est blessant.
Il vaut mieux éviter de parler des Il ne faut pas éviter les problèmes,
problèmes. il est important d’essayer de les
régler. Il faut régler le problème
avec la personne concernée le plus
tôt possible au lieu de se plaindre à
d'autres ou de ressasser et
d’entasser les récriminations.

Mes pensées automatiques Mes pensées alternatives


par rapport aux conflits
Voici tout d’abord quelques règles générales pour gérer les conflits :

Commencez la discussion calmement et prenez le temps de respirer tout au long,


particulièrement au moment où vous sentez que vous commencez à vous énerver.
Gardez un ton bas, même si votre interlocuteur a tendance à monter le ton. On s'entend
mieux à 35 décibels qu'à 90.
Si vous percevez que l'autre « s'énerve » et monte le ton, proposez de reporter la
discussion à plus tard, tout en disant que vous voulez en reparler au plus tôt.
Présentez la discussion comme une façon d’améliorer votre relation.
« Il est important que nous puissions discuter de nos problèmes ouvertement et sans
agressivité. »
Tenez compte du principe de la « balle au mur » : c'est la même balle qui revient et elle
revient avec la même force que lorsque vous l’avez expédiée contre le mur. Si vous
critiquez d’une manière agressive, vous risquez d'être critiqué agressivement. Si vous
complimentez… À vous de choisir !
Communiquez vos besoins, désirs, attentes et vos émotions, et non pas des jugements.
Touchez votre partenaire au cours de la discussion, avec bienveillance et tendresse. Et
regardez-le dans les yeux.
Évitez les expressions à l'emporte-pièce : « J'en ai marre ». Ne soyez pas sarcastique.
N’utilisez pas des mots comme « toujours » ou « jamais ».
N'abordez qu'un seul sujet à la fois, surtout si c'est un sujet délicat. N'en profitez surtout
pas pour vider votre sac.
Laissez votre interlocuteur s'exprimer jusqu'à la fin, une fois que vous avez terminé de
vous exprimer.
À défaut d'être d'accord avec votre interlocuteur ou de comprendre, exprimez de
l’empathie : « C'est vrai que cela doit être difficile à vivre. »

Lorsque vous êtes en conflit avec une personne vous pouvez également
essayer d’appliquer la méthode de résolution de problèmes décrite au
chapitre 7.
1. Première étape indispensable : les deux personnes concernées doivent
reconnaître l’existence du problème. Vous devez également tous les
deux avoir envie de le régler.

Exemple : Margaux et Raphaël, en couple depuis deux ans, se disputent sans cesse et
notamment parce que Margaux a l’impression que Raphaël ne lui consacre pas assez de
temps.

2. Définissez le problème clairement : Margaux et Raphaël sont d’accord


pour constater qu’ils ne passent pas assez de temps ensemble.
3. Explorez toutes les solutions possibles, même les plus absurdes.
Exemple des solutions trouvées par Margaux et Raphaël
Solution 1 : Raphaël arrête ses parties de foot le weekend.
Solution 2 : Margaux accepte de sortir avec Raphaël et ses amis de temps en temps.
Solution 3 : Margaux se couche moins tôt le soir.
Solution 4 : Raphaël rentre plus tôt de son travail au moins deux soirs dans la semaine.
Solution 5 : Se retrouver pour déjeuner ensemble au moins une fois par semaine.
Solution 6 : Trouver une activité sportive commune (piscine, cours de gym, vélo…)
Solution 7 : Partir un weekend quelque part ensemble.
Solution 8 : Programmer des sorties au moins deux fois par mois en tête à tête.
Solution 9 : Voir un thérapeute de couple.

4. Évaluez et choisissez la meilleure solution.


Il est important que les deux personnes se prononcent sur la pertinence
des solutions. Vous pouvez tous les deux donner une note de 0 à 10 à
chaque solution, en discutant des avantages et inconvénients de chaque
solution. La meilleure solution est celle qui est la plus facile à appliquer et
qui convient le mieux à tous les deux.

Dans l’exemple de Margaux et Raphaël

Margaux et Raphaël décident de choisir les solutions 4, 6 et 8 sur lesquelles ils sont le plus
d’accord et qui leur semblent les plus faciles à appliquer.
5. Application des solutions choisies
Souvenez-vous qu’il faut maintenant réfléchir aux différents aspects et étapes de la mise en
place des solutions choisies (comment, quand, dans quel ordre ?) et de leurs conséquences.
Raphaël a décidé de rentrer plus tôt de son travail deux fois dans la semaine, les lundis et
les jeudis. Le couple a également décidé d’aller à la piscine ensemble les dimanches matins
et d’aller au cinéma ou voir des spectacles le premier et le quatrième vendredi de chaque
mois. C’est Margaux qui s’occupera de la réservation des places pour les spectacles.
6. Vérifiez les résultats
Choisissez ensemble une date pour vérifier que les solutions choisies et appliquées ont été
efficaces. Dans le cas contraire, réfléchissez et choisissez de nouvelles solutions.
Margaux et Raphaël ont fait un bilan trois mois après : ils jugent leur relation plus
satisfaisante. Ils ont l’impression de se voir plus et de partager davantage de choses. Ils
continuent à appliquer les solutions choisies.

▶ Les exercices d’affirmation de soi


Les compétences interpersonnelles ne peuvent s’apprendre qu’en
pratiquant régulièrement. Si vous faites partie des personnes borderline
qui ont du mal à s’affirmer et sont plutôt inhibées il faudrait essayer de
vous exercer. Rappelez-vous du principe de l’exposition des thérapies
comportementales (Partie 2, chapitre 4) : plus on affronte quelque chose,
plus on pratique, mieux cela se passe. Il faut s’entraîner, exactement
comme pour apprendre n’importe quelle compétence telle que jouer de la
musique ou parler une langue étrangère. Si aucune situation ne se
présente spontanément vous pouvez la provoquer. Voici une liste
d’exercices d’affirmation de soi. Essayez d’en choisir plusieurs à pratiquer
régulièrement plusieurs fois dans la semaine.

Idées d’exercices d’affirmation de soi


Communiquer :
appeler ses amis,
parler de soi,
écouter l’autre.
Aller dans un magasin essayer des vêtements, des chaussures… repartir sans rien
acheter et sans se justifier, en remerciant juste le vendeur pour le temps qu’il a passé.
Refuser de prêter un objet/de l’argent.
Refuser de rendre un service.
Refuser de parler au téléphone : « Je suis occupé(e) actuellement, quand puis-je vous/te
rappeler ? »
Refuser l’invitation d’un proche.
Refuser d’accompagner quelqu’un en voiture.
Refuser de regarder le film imposé par le conjoint.
Refuser un verre d’alcool supplémentaire chez un ami.
Exprimer votre désaccord avec l’opinion de quelqu’un (d’un inconnu, d’un proche, de
votre supérieur…).
Formuler une critique à un proche sur un comportement/ une situation qui vous dérange.
(Par exemple : temps passé ensemble, implication dans les tâches domestiques,
disponibilité, etc.)
Demander un service à un ami/collègue.
Demander à passer devant les autres avec un seul article dans une queue de
supermarché.
Demander une cigarette à un inconnu.
Demander un verre d’eau dans un café.
Demander son chemin/l’heure à un passant.
Demander la provenance d’un objet, vêtement.
Demander de changer de table au restaurant.
Au restaurant : changer un steak trop cuit, réchauffer un plat, changer une bouteille de
vin.
Emprunter quelque chose à son voisin.
Emprunter de l’argent à un ami.
Demander à quelqu’un de ne pas fumer.
Demander de la monnaie à un commerçant sans rien acheter.
Demander des renseignements.
Demander de parler plus fort à un enseignant, orateur/collègue.
Demander de répéter.
Dire que l’on est d’accord ou que l’on n’est pas d’accord avec ce que vient de dire
l’orateur à une réunion/conférence.
Dire que l’on n’a pas compris et demander des explications supplémentaires lors d’un
cours/conférence/réunion.
Poser une question lors d’un cours/ conférence/ réunion.
Demander de partir avant la fin d’un cours/ une réunion.

Ma liste d'exercices d'affirmation de soi

1)
2)
3)
4)
5)
6)
7)
8)

Résumé

Il est important d’apprendre à communiquer ses besoins d’une manière affirmée et dans le
respect de l’autre. Dans ce but il faut être attentif à la fois à son comportement verbal et non
verbal ainsi qu’à sa façon de penser. Plusieurs thèmes d’affirmation de soi ont été abordés
dans ce chapitre : la demande, les refus, les critiques et la gestion des conflits. L’accent a été
mis également sur la nécessité de pratiquer l’affirmation de soi au quotidien.
Chapitre 9

Et les médicaments ?

« Le mal fait supporter les médicaments. »


Proverbe maghrébin

B ien qu’il n’existeaucun traitement spécifique recommandé pour


le trouble borderline, plusieurs classes de médicaments utilisés
pour traiter les maladies psychiques peuvent avoir une efficacité sur
certains de ses symptômes.
Ces médicaments appelés « psychotropes » ont une action sur les
neurotransmetteurs. Les neurotransmetteurs sont des substances
chimiques libérées par les neurones qui assurent la transmission
des messages d’un neurone à l’autre. Pour rappel : notre cerveau
est composé d’environ cent milliards de neurones !
Les principaux neurotransmetteurs

La dopamine : elle contrôle la stimulation de plusieurs zones du cerveau, et joue en


particulier un rôle primordial dans la motivation physique.
Une importante carence en dopamine (comme dans la maladie de Parkinson), peut
rendre impossible certains mouvements. Inversement, un excès de dopamine
déclencherait des hallucinations et un état psychotique.
La sérotonine : la « molécule du bonheur », elle a un effet essentiel sur l'humeur et
l'anxiété : à concentration élevée, elle rend optimiste et serein. Elle aurait également
des effets sur le sommeil, la douleur, l'appétit et la pression artérielle.
Le GABA : il favorise le calme et la relaxation, diminue la tonicité musculaire, ralentit le
rythme cardiaque, réduit les convulsions de l’épilepsie, ainsi que les spasmes
musculaires. Le GABA semble favoriser la relaxation, alors que des niveaux bas de ce
neurotransmetteur entraînent des difficultés d’endormissement et de l’anxiété.
La noradrénaline : elle contrôle la libération des hormones qui régulent la fertilité, la
libido, l’appétit et le métabolisme. Elle module également l’attention, l’apprentissage et
facilite la réponse aux signaux de récompense. La caféine, qui augmente la
noradrénaline du cerveau, améliore la capacité à accomplir des tâches répétitives et
ennuyeuses.
Le glutamate : c'est le neurotransmetteur le plus courant (1/3 des transmissions
neuronales). Une carence en glutamate entraîne des difficultés d'apprentissage et de
mémorisation à long terme.
L’acétylcholine : elle est impliquée, entre autres, dans la soif, l’éveil, l’attention, la
mémoire, la sexualité. C'est le premier neurotransmetteur qui a été découvert.

Il existe quatre grandes catégories de psychotropes et ils peuvent


tous avoir une utilité dans la prise en charge du trouble borderline.

Les antidépresseurs
Ils permettent l’augmentation du taux de sérotonine et de
noradrénaline dans certaines zones de notre cerveau. Ils permettent
d’améliorer l’humeur et de traiter les états dépressifs et anxieux.
Leur administration peut s’accompagner d’effets secondaires qui
disparaissent en général au bout de quelques jours. Leur effet n’est
pas immédiat : ils doivent être pris suffisamment longtemps (de huit
à quinze jours) pour que les premiers signes d’amélioration de
l’humeur apparaissent.
Ils n’entraînent aucun effet d’accoutumance ni de dépendance.
Néanmoins, ils doivent être arrêtés progressivement car leur arrêt
brutal peut provoquer des symptômes physiques désagréables, bien
que transitoires.

Les régulateurs de l’humeur


ou « thymorégulateurs »
Ils appartiennent à des familles chimiques différentes : lithium,
antiépileptiques, ou antipsychotiques « atypiques ». Leur indication
principale est le traitement des épisodes d’excitation (les
« hypo/manies ») et la prévention des rechutes dans les troubles
bipolaires. Dans ces troubles ils doivent être pris en continu pendant
des années, voire à vie. Leur administration nécessite une
surveillance médicale régulière (notamment dans le cas du lithium).
Ils peuvent être prescrits pour soulager l’hyperréactivité émotionnelle
dans le trouble borderline.

Les antipsychotiques ou neuroleptiques


Ces médicaments ont été initialement développés pour traiter les
états psychotiques. Ils inhibent les récepteurs dopaminergiques.
Certains neuroleptiques bloquent également les récepteurs de la
sérotonine.
Les nouveaux neuroleptiques dits « atypiques » (Aripiprazole,
Olanzapine…) sont souvent utilisés comme régulateurs de l’humeur
et peuvent ainsi montrer une certaine efficacité dans le traitement de
l’hyperréactivité émotionnelle du trouble borderline. Ils n’entraînent
pas de dépendance ni d’accoutumance. Toutefois, ils peuvent avoir
des effets indésirables : tremblements, sécheresse de la bouche,
hypotension et prise de poids.

Les anxiolytiques et les hypnotiques


Ces substances agissent sur diverses émotions (anxiété, irritabilité,
colère) et sont associées à un effet de relâchement musculaire (effet
myorelaxant) et un effet antiépileptique. Ils peuvent également
faciliter l’endormissement. Ils agissent principalement sur le
neurotransmetteur GABA.
Il existe de nombreux médicaments dans cette catégorie qui ont
chacun leurs propres particularités de durée d’action, de modalité
d’administration et d’effet spécifique.
Leur durée d’utilisation est généralement limitée pour éviter des
problèmes de dépendance. D’ailleurs, ils sont très peu prescrits
dans le trouble borderline à cause des risques d’abus et
d’accoutumance.

Conclusion
En pratique, les médicaments les plus utilisés dans le traitement du
trouble borderline sont les antidépresseurs qui peuvent avoir un effet
sur les symptômes dépressifs et anxieux.
Dans une moindre mesure, certains neuroleptiques atypiques
pourraient vous aider à réguler votre humeur et atténuer vos
émotions négatives.
Il est recommandé de faire appel à un médecin spécialiste, c’est-à-
dire un psychiatre, pour obtenir une éventuelle prescription de
psychotropes. Celui-ci saura identifier avec vous les symptômes
« cibles » et saura évaluer la nécessité d’un traitement. Le cas
échéant, il pourra vous expliquer son mode d’action et ses effets
indésirables. Il est très important de vous conformer strictement aux
dosages prescrits et aux modalités de prise qui vous seront
recommandés.
Pour terminer, rappelons encore une fois qu’il n’existe aucun
médicament qui guérit le trouble de la personnalité borderline.
Néanmoins, les différents psychotropes peuvent aider à soulager
certains symptômes ou traiter les troubles comorbides (voir partie 1,
chapitre 1).
Résumé

Les médicaments qui peuvent aider à gérer certains symptômes du trouble borderline
sont appelés des psychotropes. Ils ont une action sur les principaux
neurotransmetteurs dans notre cerveau. Les différentes catégories de psychotropes
sont : les antidépresseurs, les thymorégulateurs, les neuroleptiques, les anxiolytiques
et les hypnotiques.
Chapitre 10

Conseils à l’entourage

« Plus tu deviens proche de quelqu’un, plus le tact et la courtoisie sont


nécessaires. »
Oliver Wendell Holmes

L ’un de vos proches a un trouble borderline ? Votre conjoint,


enfant, ou encore parent ? Vous venez peut-être d’apprendre
l’existence et la nature de ce trouble ? Il se peut que vous ayez
sollicité de nombreux professionnels de santé mentale pour votre
proche avant d’entendre parler de ce diagnostic. En effet, ce trouble
n’est pas toujours reconnu, même par les spécialistes, car il peut
être facilement confondu avec d’autres pathologies mentales et le
diagnostic différentiel n’est pas toujours évident. Parfois, ce sont les
addictions qui sont au premier plan et qui masquent les problèmes
sous-jacents. D’autres fois encore, les médecins peuvent hésiter à
communiquer ce diagnostic qui semble encore stigmatisant. Pour
toutes ces raisons, il vous a peut-être fallu des années avant de
comprendre de quoi souffre votre proche.
En lisant la description des symptômes de ce trouble dans le premier
chapitre de ce livre vous en avez probablement identifié plusieurs
chez votre proche : angoisse d’abandon, impulsivité, addictions,
difficulté à gérer ses émotions… Tous ces symptômes ont une
incidence importante sur votre relation avec votre proche borderline.
Ce trouble est toujours une épreuve, tant pour la personne atteinte
que pour son entourage, comme en témoigne Pierre, le père de
Margaux, qui souffre d’un trouble borderline :
« Margaux est tellement sensible et susceptible que parfois je n’ose même pas lui
parler en dehors de “Peux-tu me passer le pain ?” à table, par exemple. Ceci est vrai
pour le reste de la famille également. Nous avons tous l’impression de devoir
“marcher sur des œufs”. Elle pique des crises de colères pour “un rien”, nous hurle
dessus, nous insulte. Parfois, elle se scarifie ou se tape la tête contre un mur.
Certains jours, plus rares, elle est de très bonne humeur, volubile, affectueuse. Nous
sommes complètement désemparés. Nous avons beaucoup de mal à lui faire
respecter des limites : arriver à l’heure, participer aux tâches domestiques, s’occuper
de son chat. Nous essayons d’être fermes, sans crier, tout en lui montrant que nous
sommes là pour elle, prêts à l’écouter si elle a envie de se confier à nous. »

Si l’écoute et l’échange sont un moyen de faire face ensemble à ce


trouble, il est important de :
savoir garder de justes distances pour éviter les relations
fusionnelles intenses ;
ne pas dramatiser les accès de colère des personnes borderline ;
ne pas porter de jugement sur leurs comportements impulsifs,
dangereux, qui sont des appels à l’aide. Les personnes borderline
ont avant tout besoin que leur entourage leur rappelle leur
affection et leur inquiétude ;
les encourager à partager leur ressenti tout en les rassurant sur
leurs qualités, leur valeur ;
reconnaître le sentiment d’injustice ou de rébellion contre l’autorité
qu’elles ressentent fréquemment, tout en leur rappelant les
réalités quotidiennes auxquelles chacun est confronté.

Comprendre le comportement et la façon


de penser des personnes borderline

De nombreuses études en psychologie cognitive et sociale ont


démontré que nous traitons souvent l’information venant du monde
extérieur d’une manière biaisée. Nous interprétons tous la majorité
des situations que nous vivons en fonction de nos croyances
profondes. Ces croyances, appelées aussi les « schémas » (cf.
chapitre 6), se forment tout au long de notre vie en fonction de nos
expériences ou de notre milieu socio-culturel et familial.
Vous avez souvent remarqué que votre proche borderline sur-réagit
à certains événements qui vous paraissent insignifiants ? Vous avez
l’impression qu’il ment ou déforme les faits ? Tout comme vous, il
cherche inconsciemment à valider ses schémas. Mais ses schémas
sont très destructeurs, rigides et se réactivent très facilement. Ainsi,
un SMS auquel vous n’aurez pas répondu dans l’heure peut
provoquer des idées noires, un retard ou une plaisanterie, une crise
de colère. Vous avez l’impression que vous devez peser tous vos
mots et comportements, et qu’en dépit de tous vos efforts, vous
n’arriverez pas à éviter les conflits ?
Il est important de toujours garder à l’esprit les principaux
schémas/croyances des personnes borderline :
Je vais être abandonné(e)/rejeté(e).
Je ne peux pas faire confiance aux autres.
Je suis profondément mauvais(e), marqué(e) par des défauts.
Je suis différent(e) des autres.
Je dois être aimé(e) par toutes les personnes qui comptent pour
moi et tout le temps, sinon je ne vaux rien. Je ne peux pas
supporter la frustration. Si je n’obtiens pas ce que je désire, je
dois réagir.
Pour être aimé(e) je dois être parfait(e) dans tout ce que je fais.
Votre proche va ainsi (sur)réagir à chaque fois que ses croyances
sont réactivées. D’autres fois, il peut inconsciemment chercher à
valider ses schémas, par exemple lorsqu’il vous appelle dix fois dans
la journée, bien que vous lui ayez dit que vous étiez très occupé(e).
Vous risquez alors de vous mettre en colère et de le rejeter, ce qui
va confirmer son schéma d’abandon/rejet.

Communiquer avec votre proche borderline


La communication avec votre proche peut être extrêmement difficile
du fait de ses difficultés à gérer ses émotions.
Effectivement, une personne atteinte d’un trouble borderline :
ressent les émotions avec plus d’intensité ;
ses émotions sont parfois déclenchées par des situations qui vous
semblent anodines ;
elle a beaucoup de mal à apaiser ses émotions ;
elle va exprimer ses émotions d’une manière impulsive et
excessive.
Alors comment faire pour aider votre proche dans la gestion de ses
émotions et diminuer les conflits entre vous ?

▶ Validez ses émotions


Bien que vous ayez du mal à comprendre les émotions de votre
proche, il est important que vous les validiez.
Voici quelques principes à appliquer à ce sujet :
écoutez votre proche en pleine conscience, c’est-à-dire d’une
manière très concentrée, sans penser à ce que vous allez
répondre, sans juger, sans interrompre, sans poser de questions
et proposer des solutions ;
ne jugez pas ses sentiments, ne les niez pas (« Tu n’es pas
triste, tu me manipules ! »), ne les banalisez pas (« Ce n’est pas
grave »), ne débattez pas du fait qu’ils sont justifiés ou non (« Tu
n’as aucune raison de t’énerver ») ;
reformulez ce que votre proche vous a dit au sujet de ses
sentiments et essayez d’explorer les sentiments associés non-
exprimés. Parfois, une émotion peut en cacher une autre. Ainsi,
par exemple, la colère peut masquer la tristesse (souvent
déclenchée par le sentiment d’abandon) ou vice-versa ;
demandez à votre proche si vos perceptions sont justes ;
vérifiez votre interprétation de ses sentiments (« J’ai l’impression
que tu es énervé(e) parce que j’ai parlé à Marco pendant
quelques minutes. Ai-je raison ? ») ;
montrez de l’empathie, essayez de vous mettre à sa place
(« Cela a dû te blesser » ou « Je comprends que tu l’aies mal
vécu »).

Exemple
Pauline : « Je ne supporte pas de te voir parler avec tes amis sur Facebook pendant
des heures alors que je suis à côté. »
Mikaël : « Tu es en colère parce que j’ai passé beaucoup de temps sur Facebook
(reformulation). Est-ce parce que tu as l’impression que je ne m’intéresse plus à toi,
voire que je ne t’aime plus ? (interprétation) Ai-je raison ? Est-ce cela que tu
ressens ? (vérification) Je comprends que l’idée que je ne m’intéresse plus à toi
puisse t’angoisser. »

▶ Exprimez votre vision de la situation


Une fois que vous aurez validé les émotions de votre proche,
affirmez votre point de vue.
Ainsi, dans l’exemple précèdent, Mikaël reconnaît qu’il a passé
beaucoup de temps sur Facebook car cela lui faisait du bien
d’échanger avec ses amis. Pendant ce temps, Pauline lisait à côté
de lui et il aime ces moments où ils sont l’un à côté de l’autre sans
forcément communiquer. Il sait aussi qu’il aime Pauline
profondément. Il peut alors lui dire : « Il est vrai que j’ai passé
beaucoup de temps sur Facebook aujourd’hui, cela m’a fait plaisir de
discuter avec mes amis. Tu lisais à côté de moi et cela me faisait du
bien de sentir ta présence. Je t’aime et j’aime passer du temps avec
toi, même si on ne communique pas. »
Exprimez-vous clairement et évitez les justifications. Restez centré
sur votre message. Si votre proche est en colère répétez-lui
calmement : « Je comprends ou j’entends ce que tu ressens, mais
moi je vois les choses autrement. »

▶ Demandez un changement de comportement si


nécessaire
Il est raisonnable de demander à votre proche de changer de
comportement si celui-ci vous dérange (« Peux-tu s’il-te-plaît arrêter
de me crier dessus ? »).
Par contre, il n’est pas raisonnable de lui demander de changer son
ressenti (« Peux-tu s’il te plaît arrêter d’être jalouse et méfiante ? »).
Bien que votre proche puisse avoir envie de changer ses façons
d’agir, il ne peut pas modifier ses ressentis si facilement. Par
exemple, lorsque vous êtes triste, vous est-il si facile de ne plus
l’être ?

▶ Faites connaître vos limites personnelles


Choisissez un moment où vous et votre proche êtes tous les deux
détendus et de bonne humeur. Souvent, lorsque tout va bien, nous
avons du mal à aborder les sujets « épineux », de crainte de
provoquer un conflit. C’est pourtant le bon moment pour discuter des
choses qui vous préoccupent et vous tiennent à cœur. Vous pouvez
utiliser la procédure décrite au chapitre 8 pour formuler un sentiment
négatif ou faire une critique.

Exemple
Tu m’as téléphoné six fois hier matin alors que j’étais au travail et en réunion
(description de la situation). Ceci m’a empêché de me concentrer et je me suis
inquiété pour toi, pensant que tu ne te sentais pas bien (précision des conséquences
sur soi). Je sais que c’est dur pour toi de rester seule toute la journée et que tu
t’ennuies (empathie), mais si je ne te rappelle pas c’est parce que je suis occupé. Tu
sais que tu peux à tout moment m’envoyer un SMS d’urgence si besoin, et que de
toute manière je t’appelle toujours à l’heure du déjeuner, mais je ne peux pas
répondre le reste du temps (affirmation des limites personnelles). Peux-tu s’il te plaît
essayer de ne pas me téléphoner en journée ? (demande de changement)

Il est probable toutefois que ce message ait du mal à passer auprès


de votre proche car il/elle est très sensible à la critique. Un
comportement affirmé de votre part peut être vécu comme un rejet.
Il/elle risque par conséquent de contre-attaquer et vous devrez faire
votre possible pour éviter un conflit, tout en restant affirmé sur votre
position.

La gestion des crises


▶ Les crises de colère
La gestion des crises de colère est un des défis les plus difficiles
pour le proche d’une personne borderline.

« Quand Laura, ma compagne, se mettait à me crier dessus, je criais encore plus fort
en retour, elle me traitait de tous les noms et je faisais pareil. Je commençais à
détester la personne que j’étais devenu. C’était comme si elle savait exactement sur
quel bouton appuyer pour éveiller ma colère. » Adrien, ami de Laura, souffrant d’un
trouble borderline.

Il est primordial d’essayer d’éviter de vous mettre en colère vous-


même. Ceci ne ferait qu’aggraver la situation. Votre but est d’apaiser
la colère de la personne borderline ou, lorsque cette colère semble
trop forte, d’éviter le conflit à tout prix. Dans ce dernier cas, le mieux
à faire est de vous retirer.
Vous pouvez dire : « Je ne veux pas continuer la discussion avec toi
tant que tu continues à crier. Je suis disposé à t’écouter et t’aider si
tu me dis calmement ce que tu veux et ce dont tu as besoin. »
Il est important de parler calmement et fermement. N’oubliez pas
que votre comportement non-verbal (le ton de votre voix, vos gestes,
votre regard) est au moins aussi, voire plus important que vos
paroles.
Vous pouvez essayer d’utiliser une des phrases ci-dessous (notez
qu’elles ne stigmatisent pas votre proche) :
« Je veux bien en parler avec toi mais il m’est difficile de le faire
maintenant. »
« Nous parlerons plus tard quand la situation sera plus calme. Je
veux t’écouter attentivement et je ne peux pas le faire
maintenant. »
« Je ne peux pas t’écouter avant que les choses se calment. »
« Laisse-moi un moment pour me calmer et ensuite nous
pourrons discuter. »
Si la colère de votre proche ne se calme pas vous pouvez :
vous retirer dans une autre pièce ;
sortir faire un tour ;
aller chez un/une ami(e) ;
appeler un membre de votre famille et lui demander de venir chez
vous ;
rentrer chez vous si vous n’habitez pas avec votre proche. Il est
important toutefois de lui dire ou lui envoyer un message lui
expliquant que vous avez besoin de couper le contact pendant
quelques heures/jours.
Une fois l’orage passé, il est également utile de discuter de ses
crises de colère. Exposez vos limites : dites-lui clairement qu’à
chaque fois qu’il/elle se mettra en rage, vous partirez/vous
éloignerez/vous ne discuterez pas. Rassurez-le/la cependant, en lui
disant que si vous partez, vous reviendrez, ou que vous êtes prêt à
reprendre la conversation une fois qu’il/elle sera plus calme.
Expliquez-lui également que s’il/elle se calme, vous ne partirez pas.
C’est à lui/elle qu’appartient la décision.

▶ Les automutilations
Vous vous sentez probablement effrayé, en colère, impuissant, voire
dégoûté face aux comportements d’automutilation de votre proche.
Comment faire face ? Il faut pouvoir établir un équilibre subtil :
montrer votre inquiétude et votre soutien, tout en prenant garde de
ne pas « renforcer » malgré vous ce comportement autodestructeur,
ni d’aggraver la honte de votre proche.
À ne pas faire :
Ne cherchez pas à éliminer tous les objets tranchants de la maison,
ni à surveiller votre proche en permanence. Vous pouvez cependant,
en accord avec lui, rendre l’accès aux objets tranchants moins facile
(éloigner des cutters ou des trombones de la chambre de votre ado
par exemple). Malheureusement, comme le note Soraya « Si ma fille
est déterminée à se faire du mal elle en trouvera le moyen. »
1. Ne définissez pas votre proche en fonction des automutilations.
Essayez de ne pas leur accorder trop d’importance.
2. Ne vous étendez pas sur les détails de l’automutilation lorsque
vous en parlez avec lui.
3. Évitez surtout les leçons de morale, les sermons, les
manifestations de dégoût.
4. Évitez les menaces (« Si tu le refais je te quitte !»).
Ce que vous pouvez faire :
1. Si votre proche menace de se faire du mal, informez-en son
psychothérapeute ou son médecin, voire les deux, sans lui
cacher.
2. Restez calme et parlez d’un ton neutre. Il est très important de ne
pas paniquer pour ne pas renforcer sa crise émotionnelle.
3. Si vous pouvez, obtenez le traitement médical/psychologique
approprié le plus rapidement possible. « Je t’emmène voir ton
médecin » ou « Je vais appeler ta psychothérapeute pour obtenir
un RDV en urgence », voire « Nous allons consulter au service
d’urgence psychiatrique ». Ceci doit être exécuté avec
bienveillance et fermeté.
4. Manifestez votre empathie et écoutez-le. Montrez-lui que vous
essayez de comprendre ce qu’il ressent. Demandez-lui ce que
vous pouvez faire pour l’aider.
5. Montrez-lui de l’affection et de l’acceptation, tout en lui précisant
que vous préféreriez qu’il choisisse une façon différente
d’affronter ses problèmes.
6. Soulignez le positif et encouragez-le : « Tu avais réussi à ne plus
te scarifier depuis trois semaines. Je sais que tu peux te remettre
sur la bonne voie. »
7. Explorez avec lui des solutions alternatives proposées par Marsha
Linehan (cf. chapitre 4), telles que serrer des glaçons, prendre
une douche froide, crier, taper dans un coussin etc.
▶ Menaces de suicide
Malheureusement, il faut garder en tête que 8 à 10% des personnes
borderline se suicident. Leurs menaces ne sont donc pas à prendre
à la légère, même si elles vous paraissent représenter une tentative
de manipulation. Il faut, dans la plupart des cas, avoir recours à une
aide psychiatrique d’urgence : en allant directement au service
d’urgence psychiatrique de votre ville ou de votre secteur. Si votre
proche refuse et se trouve dans un état d’agitation importante vous
devez appeler un service médical d’urgence qui se déplacera (le 15).

Ce que vous ne devez pas faire :


Ne vous disputez pas. Ne commencez pas à débattre avec votre
proche du sérieux de son désir de mourir (« C’est comme cela à
chaque fois quand tu n’es pas contente… Tu vas finir par te
calmer dans une demi-heure… »).
Évitez les accusations. N’accusez surtout pas la personne
borderline de vous manipuler (« Tu me fais du chantage
affectif. »).
Ne cédez pas aux menaces. Bien qu’il faille prendre les
menaces au sérieux et demander de l’aide médicale d’urgence, il
ne faut pas céder aux menaces de la personne borderline et
accepter ses demandes. Si vous le faites (par exemple : ne pas
partir au ski avec vos amis), vous allez rester en colère contre
elle, ce qu’elle finira par percevoir assez vite et ce qui la plongera
de nouveau dans le désespoir. D’autre part, si vous cédez, cela
l’encouragera inconsciemment (voire consciemment) à
recommencer.

Que pouvez-vous faire ?


Dans un livre consacré à la gestion des tentatives de suicide par la
psychothérapie cognitive, Thomas Ellis et Cory Newman donnent un
exemple de réponse à une menace de suicide dans une situation de
rupture sentimentale (reformulation libre) :
« Je regrette infiniment que ma décision te blesse mais notre relation
ne fonctionne plus. La valeur de ta vie ne devrait pas se fonder sur
notre relation. Tu sais bien que notre relation ne peut pas se
poursuivre parce que j’y reste de crainte que tu meures et que tu y
restes parce que tu te crois incapable de vivre sans moi. Ce n’est
pas de l’amour. Tu comptes pour moi et c’est pour cela que je veux
que tu vives. Je veux que tu fasses ton propre bonheur et que tu
trouves une valeur à ta vie, sans moi. »
Ce type de réponse doit s’accompagner des paroles suivantes : « Je
dois te conduire à l’hôpital/aux Urgences de psychiatrie », et d’une
action ferme et bienveillante.
Vous montrez ainsi à votre proche que vous prenez sa menace au
sérieux, ce qui justifie une réaction sérieuse. Vous accordez ainsi
une attention appropriée à sa demande d’aide tout en lui faisant
comprendre que vous ne pouvez pas lui apporter l’aide
professionnelle dont il a besoin.

Mon enfant est borderline


« Marie était une enfant très sensible et attachante. Nous étions
fusionnelles jusqu’à ses deux ans et la naissance de son frère. À ce
moment-là, j’ai eu des complications médicales et j’ai dû demander à
ma mère de la prendre chez elle pendant un mois. Lorsqu’elle est
revenue à la maison, je lui ai présenté son petit frère et elle s’est
mise à pleurer. J’ai compris plus tard qu’elle avait vécu cet
éloignement et l’arrivée de son frère comme un abandon. En effet,
elle était très jalouse de son frère et l’agressait fréquemment.
Comme c’était elle qui, la plupart du temps, commençait les
disputes, je passais mon temps à la gronder. Puis nous avons
divorcé avec son père et celui-ci a été par la suite relativement
absent de l’éducation de nos enfants, qui en ont tous les deux
souffert. Vers l’âge de 14 ans, Marie a commencé à être très
agressive avec moi. Ses résultats scolaires ont chuté et elle a
commencé à consommer du cannabis, ce que j’ai appris plus tard. À
la maison, elle ne respectait pas les limites. Elle rentrait tard des
soirées, n’allait pas à l’école certains jours. Tout commentaire de ma
part la rendait furieuse. Les portes claquaient, elle hurlait. J’ai été
complètement dépassée. Je me sentais à la fois coupable et
impuissante. J’essayais de poser des limites mais cela ne marchait
pas du tout. Elle ne faisait que ce qu’elle voulait. Un jour j’ai
remarqué des coupures sur ses jambes et j’ai compris qu’elle se
scarifiait. J’en ai parlé à notre médecin de famille qui m’a conseillé
une psychologue qui la suit toujours, et aujourd’hui elle va mieux et
réussit ses études. » Laurence, mère de Marie, 17 ans
Pour les parents d’un enfant souffrant d’un trouble borderline, le
regard des professionnels de la santé mentale à leur égard peut
constituer une difficulté supplémentaire, comme Marion en
témoigne :
« En tant que parent, et spécialement en tant que mère, j’ai souvent
été plus ou moins directement accusée du mal-être de ma fille. Cette
attitude des professionnels de la santé m’est presque plus difficile à
supporter que les crises de colère et les insultes de ma fille. C’est
comme hurler pour appeler un sauveteur en mer en voyant ma fille
se noyer, courir ensuite pour la sauver, puis recevoir un coup dans le
ventre du sauveteur qui m’accuse de délibérément noyer ma fille. Et
le pire c’est que pendant ce temps, ma fille continue à couler et crier
à l’aide. »
Il est important de vous rappeler que vous avez fait ce que vous
avez pu en tant que parent. Vous aussi vous êtes le « produit » de
votre propre histoire familiale, ainsi que celle des générations
précédentes. Vous avez comme tout le monde des schémas, dont
certains sont dysfonctionnels. Vous avez peut-être cherché à faire
un travail sur vous et entrepris une psychothérapie ? Dans tous les
cas, le fait d’être en train de lire ce livre aujourd’hui signifie que vous
voulez aider votre enfant du mieux que vous le pouvez et c’est cela
le plus important.
Bénédicte témoigne :
« Quand Eva est née, j’ai eu du mal à m’attacher à elle. Blonde aux
yeux bleus, elle ressemblait physiquement à ma belle-mère et était
très différente de moi qui suis très brune. Je n’arrivais pas à me
reconnaître en elle et à l’aimer. Notre relation était difficile, je ne la
comprenais pas. Elle était très sensible, pleurait “pour un rien”, ce
qui m’énervait car moi, je cherchais toujours à contrôler mes
émotions. Je voyais bien qu’elle souffrait mais je n’arrivais pas à lui
parler. À 15 ans, elle est devenue anorexique puis boulimique. J’ai
entrepris une psychothérapie au moment de sa première
hospitalisation. Elle aussi. Nous avons même eu des séances de
thérapie familiale. Tout cela nous a aidées et petit à petit Eva a
commencé à aller mieux. Aujourd’hui, cinq ans après, nous avons
une relation apaisée et elle va beaucoup mieux. »
D’une manière générale, il faut rester confiant car les études qui
évaluent le pronostic des adolescents borderline trouvent une
évolution généralement positive à l’âge adulte. Ainsi, une étude
montre qu’à 2 ans, 60% des adolescents borderline (âgés de 15 à
18 ans au moment de l’inclusion dans l’étude) ne répondent plus aux
critères de ce trouble.

En couple avec une personne borderline


« Alexis dit qu'il est fou amoureux de moi mais son comportement
est souvent extrême et contraire aux sentiments qu'il proclame. Il me
demande toujours trop d'attention, d'affection, sans toutefois en
donner en retour. Il prend des décisions sur un coup de tête et ne
reconnaît pas facilement le tort qu'il cause. Il est capable de
changements d'humeur aussi soudains que violents, de la bonne
humeur à la colère ou à l'enfermement dans le mutisme... Sans
raison ou pour des “broutilles”. Il m'idéalise, m'idolâtre un moment,
puis me rabaisse, me critique à tout propos, tout cela parfois en
même temps. Il est charmant en public, mais sombre et pessimiste
en privé et tout le monde est convaincu que nous formons un couple
parfait. Il a bu pendant plusieurs années, jusqu'à ce que son
problème d'alcool s’aggrave au point de lui causer de très gros
ennuis et l’emmène en cure de désintoxication. Avant la cure, il se
jetait sur l'alcool à la moindre émotion, difficulté ou contrariété.
Depuis qu'il ne boit plus, il consomme des sucreries (gâteaux,
chocolat, glaces...) sensiblement de la même façon que l'alcool. Il
me téléphone plusieurs fois par jour et se montre charmant au
téléphone alors qu'il peut être parfaitement odieux en face-à-face. Il
ne supporte pas la moindre remarque sur son comportement et se
vexe systématiquement. Il se convainc très vite que tel ou tel
propos, remarque, attitude... est dirigé(e) contre lui et il provoque
des conflits. Il ment très souvent ou fait des promesses qu'il ne
tiendra jamais. Il commence les choses et ne les finit jamais. Il est
très jaloux et possessif, il regarde mon téléphone, me fait des
“crises” si je ne réponds pas à ses messages dans l’heure. Il refuse
de suivre un traitement ou une psychothérapie, il peut commencer,
mais il va tout laisser tomber dès qu'il se sent mieux ou dès que la
thérapie atteint un point sensible. » Aurélie, compagne d’Alexis
Être en couple avec une personne borderline peut vous demander
beaucoup d’efforts, surtout au début de la relation lorsque sa peur
d’être abandonnée est très présente. Dans l’idéal, si vous êtes
prêt(e) à vous investir dans cette relation, vous pourriez essayer de
suivre ces conseils :
évitez de parler de votre passée et notamment de vos « ex ».
Prévenez si possible votre famille/vos amis de ne jamais en parler
devant votre partenaire ;
ne la comparez pas à d'autres, à moins de lui dire qu'elle est
mieux, car une personne borderline manque cruellement de
confiance en soi ;
rassurez-la régulièrement, en lui disant que vous ne
l'abandonnerez pas, c'est l'une des peurs fondamentales des
personnes borderline ;
dites-lui et montrez-lui souvent que vous l'aimez ;
il serait souhaitable de ne rien lui cacher et donc accepter qu'elle
puisse vouloir regarder vos emails ou votre téléphone de temps
en temps. Cela lui passera quand elle prendra confiance en elle
ou si elle constate qu'elle peut avoir confiance en vous ;
contactez-la souvent au cours de la journée, même très
brièvement, pour lui montrer que vous pensez à elle ;
acceptez également qu'elle vous appelle/contacte fréquemment.
Si vous êtes occupé, dites-lui gentiment et essayez de la
recontacter une fois libre ;
parlez régulièrement de projets futurs ensemble. Cela va la
sécuriser ;
en cas de menace ou de harcèlement, partez ou isolez-vous, tout
en la rassurant et en lui disant que vous n'allez pas la quitter mais
que vous avez juste besoin d’une courte pause ;
aidez-la à trouver une activité ou un but dans la vie. Cela va
l'aider à prendre confiance en elle et à apprécier certains
moments sans vous ;
si elle fait des efforts pour changer, reconnaissez-les. Il est difficile
de se battre contre ses difficultés et d’entendre dire qu'on ne
changera jamais ;
essayez de lui pardonner ses comportements impulsifs et
destructeurs. Elle fait certainement cela pour savoir si vous
l’aimez vraiment et à quel point. Si vous lui pardonnez, lorsqu'elle
aura compris que vous tenez vraiment à elle, ça lui passera petit à
petit.
Bien évidemment, ces conseils sont des recommandations
« générales ». Il est avant tout important de prendre en compte vos
limites personnelles en les partageant avec votre partenaire, et
d’agir en conséquence.

Un de mes parents est borderline


Votre parent a toujours été complètement imprévisible ?
Extrêmement affectueux et gentil par moments et plein de rage et
violent à d’autres ? Vous avez passé votre enfance à craindre ses
réactions ? Vous êtes-vous souvent senti coupable en pensant que
tous ces changements d’humeur étaient de votre faute ?
« J’ai eu l’impression de grandir avec Docteur Jekyll et Monsieur
Hyde. Ma mère changeait de personnalité parfois d’une minute à
l’autre. Des commentaires les plus anodins comme “Je ne trouve
pas mon livre de maths” pouvaient la mettre en rage ou la faire
pleurer. À un moment elle pouvait être assise tranquillement sur le
canapé puis se lever d’un bond comme une furie et venir me crier
dessus et m’insulter parce qu’elle venait d’apercevoir une de mes
chaussures qui traînait dans le salon. Elle était affectueuse, aimante
et très sensible à la souffrance des autres. Elle pleurait parfois
lorsqu’en nous promenant nous croisions des mendiants dans la rue.
Tout cela me déconcertait énormément. » Raphaël, fils d’une mère
borderline
« Pendant toute mon enfance mes parents se sont énormément
disputés. De ce que j’ai compris mon père buvait et faisait beaucoup
de crises de jalousie à ma mère, qui a fini par le quitter. Au moment
du divorce, j’ai eu très peur pour lui. Il était effondré et pleurait
énormément. Il buvait beaucoup. Par moments il s’en prenait à nous,
ses enfants. On avait peur de lui. Il lui arrivait de prononcer des
phrases qui me glaçaient le sang : “Je ne sais pas ce que je ferai
quand ta mère sera partie. Je ne me sens pas capable de continuer
à vivre seul. Vous serez peut-être mieux sans moi.” Après le divorce
on passait un week-end sur deux chez lui, mais c’était souvent une
catastrophe. Il nous attendait avec impatience mais ne s’occupait
pas beaucoup de nous. Le réfrigérateur était souvent vide, on
passait notre temps à regarder la télévision. Puis de temps en temps
il se “réveillait”, devenait très affectueux, énergique, nous proposant
des sorties ou de bricoler avec lui. Aujourd’hui encore, je ne sais
jamais comment je vais le retrouver, mais cela me perturbe
beaucoup moins. J’ai appris à l’accepter tel qu’il est, j’ai appris son
histoire et je sais qu’il a lui-même beaucoup souffert dans son
enfance. Je lui ai pardonné et je tente de profiter des bons
moments. » Andréa, fille d’un père borderline
En réponse à l’instabilité émotionnelle de votre parent borderline
vous avez peut-être développé vous-même un certain nombre de
croyances dysfonctionnelles :
« Tu ne peux pas faire confiance aux autres. »
« Il ne faut pas montrer tes sentiments car on pourrait se moquer de
toi ou te rejeter. »
« Tu es coupable d’avoir été un poids pour ta mère (ou ton père) car
t’élever lui a demandé des sacrifices. »
« Tu dois satisfaire les besoins des autres avant les tiens. »
Vous soufrez probablement vous-même d’insécurité affective, ou de
faible estime de soi. Vous êtes peut-être en colère. Il serait important
de consulter vous-même un psychothérapeute pour pouvoir
surmonter ces difficultés et les traumatismes de votre enfance. Il
faudra certainement dans un premier temps faire un travail sur
l’acceptation de votre enfance et de votre parent. Puis vous engager
sur le chemin du pardon pour pouvoir vous reconstruire.

Obtenir de l’aide pour votre proche


Une des difficultés majeures peut être d’encourager votre proche
borderline à consulter. Ceci est d’autant plus vrai s’il s’agit de votre
enfant et d’un adolescent.
Voici quelques conseils à suivre :
1. Parlez ouvertement à votre proche en vous concentrant sur sa
difficulté majeure, les automutilations par exemple, ou sa
consommation de drogues. N’en profitez pas pour vider votre sac
et faire la liste de tous ses comportements problématiques (« Tes
disputes avec tes frères », « tes scènes de jalousie », etc.).
Suggérez-lui qu’il pourrait bénéficier d’une écoute attentive et
neutre de la part d’un professionnel et d’une aide dans la gestion
de ses problèmes.
2. Soyez patient. Votre proche n’est peut-être pas encore prêt.
Parfois, s’il s’agit de votre adolescent, il peut percevoir la situation
comme un rapport de force. S’il accepte la
psychothérapie/consultation, il admet qu’il a un problème donc
vous « gagnez » et il « perd ». Le fait de le laisser choisir le
moment, de ne pas trop insister pourrait éviter ce problème.
3. Une fois d’accord, prévenez-le que le psychothérapeute pourrait
ne pas lui convenir. Rassurez-le en lui disant que trouver le
« bon » psychothérapeute avec lequel il se sentira à l’aise peut
nécessiter un certain temps et plusieurs rendez-vous.
4. Renseignez-vous bien sur les différents types de thérapie et le
psychothérapeute qu’on vous recommande. Il est préférable qu’il
ait une expérience avec la prise en charge des personnes
borderline et s’il s’agit de votre enfant, des jeunes. Il est aussi
fortement recommandé de s’adresser à un psychothérapeute qui
soit psychologue clinicien ou psychiatre, formé aux thérapies
comportementales et cognitives (TCC), à la thérapie des schémas
et la thérapie comportementale dialectique (TCD). Ce sont des
approches particulièrement adaptées au traitement des
problèmes des personnes borderline. Vous trouverez des
coordonnées de ces psychothérapeutes sur le site de l’AFTCC
(adresse en annexe).
5. Encouragez votre proche à rester en psychothérapie. Ceci n’est
pas évident pour plusieurs raisons : l’effort matériel (temps,
argent) qui lui est demandé, la souffrance engendrée par la prise
de conscience de ses difficultés, l’impatience face à l’absence de
progrès rapides.
6. Dans le cas où votre proche continue à refuser le traitement,
ACCEPTEZ-LE. Il a peut-être besoin de temps. Il ne sert à rien
d’insister, cela peut au contraire le braquer. Vous devez « lâcher
prise ». Cette métaphore, utilisée par Paul Mason et Randi Kreger
dans un livre qui s’adresse aux proches de personnes borderline,
pourrait vous aider : « Imaginez un phare, sa lumière guide les
navires à bon port mais c’est le capitaine du bateau qui assume
une part de responsabilité pour son propre sort. Il peut choisir de
se laisser guider par le phare ou suivre son propre chemin. Le
gardien du phare n’est pas responsable des décisions du
capitaine. Tout ce qu’il peut faire est de veiller à ce que son phare
soit le plus efficace possible. »
Conclusion

« Celui qui déplace une montagne commence par déplacer de petites pierres. »
Confucius

C e livre a pour but de vous donner de l’espoir : certes, vos


difficultés sont grandes et vos souffrances souvent
insupportables. Cependant, il existe comme vous l’avez vu
différentes techniques de psychothérapie qui pourraient vous aider :
des techniques émotionnelles, cognitives, de résolution de
problèmes et comportementales.
Bien évidemment aucune d’entre elles n’est LA solution miracle.
Certaines vous conviendront, d’autres pas… certaines marcheront
un certain temps, d’autres pas du tout… C’est en les essayant que
vous allez pouvoir les choisir, les adapter à vos besoins et aux
situations que vous vivez. Vous allez ainsi, petit à petit, vous
constituer votre « boîte à outils » personnelle qui vous aidera à gérer
vos émotions et vos relations personnelles. Par la suite, c’est la
régularité dans la pratique de ces techniques qui sera déterminante
pour un effet thérapeutique, car selon la métaphore bien connue,
c’est en pratiquant nos gammes qu’on finit par bien jouer du piano.
Il se peut que vous ressentiez le besoin de vous faire accompagner
dans ce travail. Un psychologue ou un psychiatre formé aux
thérapies comportementales et cognitives pourrait vous aider (pour
les coordonnées voir en Annexes).
Bien que le chemin puisse vous paraître long et difficile vous savez
que vous n’avez pas le choix : il faut vous mettre en route, pas à
pas, pour apprendre à vivre plus sereinement avec vous-même et
avec les autres.
Annexes
Fiche de schéma Mémo-Flash
d’après Young (2003)

Description de la situation actuelle


À l’instant je me sens (émotion) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
........
parce que (situation) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.......
..........................................................
.........

Identification de schéma(s)
Cependant, je sais que cela est produit par mon schéma (schéma en
cause)
..........................................................
.........
Je sais que l’origine en est (origine du schéma) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
........
..........................................................
.........

Mise à l’épreuve de la réalité


Même si je pense que (pensée négative) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
..........
..........................................................
.........
La réalité en fait est que (pensée rationnelle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
..........
..........................................................
.........

Instruction comportementale
C’est pourquoi même si j’ai envie de (comportement dysfonctionnel) . . .
...........
..........................................................
.........

je pourrais à la place (comportement adapté) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


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Fiche de schéma Mémo-Flash


d’après Young (2003)

Description de la situation actuelle


À l’instant je me sens (émotion) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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parce que (situation) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Identification de schéma(s)
Cependant, je sais que cela est produit par mon schéma (schéma en
cause)
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Je sais que l’origine en est (origine du schéma) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Mise à l’épreuve de la réalité


Même si je pense que (pensée négative) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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La réalité en fait est que (pensée rationnelle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Instruction comportementale
C’est pourquoi même si j’ai envie de (comportement dysfonctionnel) . . .
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je pourrais à la place (comportement adapté) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


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Fiche de schéma Mémo-Flash


d’après Young (2003)

Description de la situation actuelle


À l’instant je me sens (émotion) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
........
parce que (situation) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Identification de schéma(s)
Cependant, je sais que cela est produit par mon schéma (schéma en
cause)
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Je sais que l’origine en est (origine du schéma) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Mise à l’épreuve de la réalité


Même si je pense que (pensée négative) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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La réalité en fait est que (pensée rationnelle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Instruction comportementale
C’est pourquoi même si j’ai envie de (comportement dysfonctionnel) . . .
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je pourrais à la place (comportement adapté) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


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Quelques adresses utiles
Pour trouver un thérapeute formé aux thérapies comportementales et
cognitives :
Association Française de Thérapies Comportementales et Cognitives
(AFTCC)
http://www.aftcc.org
Association Francophone de Formation et de Recherche en Thérapie
Comportementale et Cognitive (AFFORTHECC) http://www.affothec.org
Pour trouver un thérapeute formé à l’EMDR : www.emdr-france.org
Pour trouver un thérapeute formé à la méditation en pleine conscience :
http://www.association-mindfulness.org
Site avec matériel de méditation disponible en ligne :
http://mindfulness.cps-emotions.be

Lectures recommandées
Sur le Trouble Borderline :
Borderline. Retrouver son équilibre. Dominique Page, Éditions Odile
Jacob, 2006.
Les Borderlines. Bernard Granger, Daria Karakalic, Éditions Odile Jacob,
2012.
Manuel du borderline. Martin Desseilles, Bernadette Grosjean, Nader
Perroud, Éditions Eyrolles, 2014.
Sur les émotions :
La force des émotions. François Lelord, Christophe André, Éditions Odile
Jacob, 2001.
Tristesse, Peur, Colère. Agir sur ses émotions. Stéphanie Hahusseau,
Éditions Odile Jacob, 2011.
Sur la pleine conscience
Méditer jour après jour. Christophe André, L’Iconoclaste, 2011.
Méditer : 108 leçons de pleine conscience. Jon Kabat-Zinn, Marabout,
2011.
Sur la thérapie des schémas :
Comment ne pas se gâcher la vie. Stéphanie Hahusseau, Odile Jacob,
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Sur l’affirmation de soi :
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Notes

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