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© Dunod, 2019

ISBN : 9782100803255
 
 
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Table des matières

Présentation des auteurs 15

Introduction. Le psychologue et la loi 17

PARTIE 1
LE PSYCHOLOGUE ET LE DROIT

1 Le droit et l’arborescence du droit 27

2 Les sources du droit 33


3 Le droit civil 37

4 Le droit pénal 45


Le droit pénal repose sur la notion d’infraction
47
Les infractions sont classées en trois niveaux
de gravité 48
La contravention 48
Le délit 49
Le crime 50
L’infraction est constituée lorsque sont réunis
trois éléments constitutifs 52
L’élément légal 52

L’élément moral 52

L’élément matériel 53

Le déclenchement de la procédure pénale 54


La main courante 62
La constitution de partie civile 64
La prescription de l’action publique 65

5 Le droit pénal des mineurs 69

6 Les magistrats 75

7 Les juridictions d’appel et de pourvoi 79

8 La Cour européenne des droits de l’Homme 81

PARTIE 2
LE PSYCHOLOGUE : SON STATUT, SES
OBLIGATIONS ET SES DEVOIRS

9 Le titre de psychologue et son usage 87

10 Le psychothérapeute : une réglementation spécifique 89

11 Le psychologue et ses statuts 91


La fonction publique hospitalière 91
La fonction publique territoriale 93
La protection judiciaire de la jeunesse 94
L’Éducation nationale 94

12 Les obligations du psychologue 99

13 Le psychologue et ses devoirs 101

PARTIE 3
LE PSYCHOLOGUE ET L’USAGER

14 L’établissement ou service social ou médico-social (ESSMS)


109

15 La loi du 2 janvier 2002 113


Les 5 orientations prioritaires 114
Les 7 droits fondamentaux de l’usager 115
Les 7 outils à mettre en place 116
La double obligation d’évaluation 116
Un rapport du Conseil des droits de l’homme
de l’ONU 117
16 Les droits fondamentaux reconnus à chaque citoyen 119
Le droit au respect de la vie privée 121
Le droit à l’image 122

PARTIE 4
LE PSYCHOLOGUE ET SA RESPONSABILITÉ

17 La responsabilité est personnelle 131


Limiter les risques 133
La responsabilité des responsables 134
La responsabilité collective 135

18 Les responsabilités juridiques 137


La responsabilité civile 137
La responsabilité civile des parents 140

Assurer sa responsabilité civile 142

La responsabilité pénale 143


La responsabilité professionnelle 146
L’obligation de moyens 147

Le droit de retrait 149

La responsabilité disciplinaire 152

PARTIE 5
LE PSYCHOLOGUE ET LE RESPECT
DE LA VIE PRIVÉE

19 Trois outils juridiques pour lutter contre la diffusion


des informations 159

20 Le cadre légal du secret professionnel 161


Être soumis au secret par état 162
Être soumis au secret par profession 163
Être soumis au secret par fonction ou mission
temporaire 164
Le cas particulier des fonctionnaires 165
21 Un raisonnement simple et quelques légendes 167
Les professionnels « de terrain » ne sont pas
soumis au secret 174
Le biais de confirmation 175
L’expérience de Rosenthal et l’effet Pygmalion
176
Des dérives probablement dangereuses 177
Le « secret médical » n’existe pas 179

22 L’accès à l’information à caractère secret 183


Le caractère secret de l’information 183
La réunion de synthèse 187

23 Le partage de l’information 189


Le partage de l’information médicale 190
Le partage de l’information en protection
de l’enfance 193
Le partage de l’information à la MDPH 194
Le partage de l’information entre
les professionnels de l’action sociale 196
Le partage de l’information entre
les professionnels des CHRS 199

24 La révélation de l’information 201


Quand la loi autorise : la « levée du secret » 201
Quand la loi autorise : les fonctionnaires 203
Quand la loi impose : l’obligation de signaler
204
L’obligation de dénoncer les crimes 204
L’obligation d’informer les autorités judiciaires ou administratives
207
Le dilemme du professionnel astreint au secret 210

La vulnérabilité 214

PARTIE 6
LE PSYCHOLOGUE ET SES ÉCRITS

25 Les écrits du psychologue dans le cadre d’une mission


judiciaire 225
Les expertises 225
Le statut d’expert 226

Les expertises en matière pénale 227

Les expertises en matière civile 229

Les documents judiciaires hors expertise 231


Les écrits en matière pénale 232

Les écrits en matière civile 234

Pour conclure sur l’écrit psychologique


en matière judiciaire 237

26 Les écrits du psychologue hors mission judiciaire 239


Les notes dans le dossier de l’usager et
dans le dossier médical 240
Les notes personnelles 247
Les attestations et certificats 250
La correspondance 255
Les protocoles et comptes rendus d’examen
psychologique 257
Les informations préoccupantes et signalements
258
Les rapports d’activité 259

27 Les responsabilités du psychologue face à ses écrits 263


Le langage des psychologues 263
La protection des données à caractère
personnel 264
La conservation et l’archivage des documents
268
Les obligations en matière judiciaire 270
Les notions de faux, de diffamation
et de dénonciation calomnieuse ou mensongère
272
Le faux 272

La diffamation 274

La dénonciation calomnieuse et mensongère 276

PARTIE 7
LE PSYCHOLOGUE ET LE NUMÉRIQUE

28 L’enregistrement vidéo et audio des personnes 283

29 La télépsychologie 287

PARTIE 8
LE PSYCHOLOGUE ET LA RECHERCHE

30 Les principes fondamentaux à toute recherche impliquant


l’être humain 297

31 La recherche impliquant la personne humaine


et les comités de protection des personnes 301

32 Les spécificités de la recherche en psychologie 307

33 Les responsabilités du psychologue-chercheur 311


La loi informatique et libertés 311
Le code de la propriété intellectuelle 313

PARTIE 9
LE PSYCHOLOGUE ET LA FAMILLE

34 Le droit de la famille 321

35 L’autorité parentale 325


Les parents ont des droits et probablement
des devoirs 326
Les parents ont des obligations 335
L’obligation d’instruction 335

L’obligation alimentaire 339

L’obligation de soins 340

Les parents ont des interdictions 342


L’autorité parentale : une notion très récente
343
La définition de l’autorité parentale 348
36 L’acquisition de l’autorité parentale et de son exercice 357
Quand papa et maman sont mariés entre eux
358
Quand papa et maman ne sont pas mariés
entre eux 359
Quand les géniteurs non mariés ne veulent pas
être parents 362
Quand la filiation découle d’une adoption 364

37 L’autorité parentale et l’exercice de l’autorité parentale 371


Le retrait de l’autorité parentale 372
La suspension et la délégation d’exercice 373

38 L’autorité parentale et son exercice après un divorce 377

39 L’autorité parentale des parents mineurs 381

40 L’autorité parentale et son exercice en cas de placement


383

41 Le délaissement d’enfant 387

42 L’autorité parentale et la santé de l’enfant 389

43 L’autorité parentale et les biens de l’enfant 403

PARTIE 10
LE PSYCHOLOGUE ET LA PROTECTION
DE L’ENFANCE

44 L’autorité parentale offre une grande liberté éducative 411


45 Le schéma de la protection de l’enfance en France 415
Le système de protection administrative 418
L’évaluation d’une situation d’enfant en danger ou en risque de l’être
421
La réalisation des mesures d’assistance éducative et de placement
424
Le système de protection judiciaire 430

46 L’obligation de signaler 437

47 Information préoccupante ou signalement ? 441


L’information préoccupante (IP) 444
Le signalement 445
Quoi transmettre et comment ? 447

PARTIE 11
LE PSYCHOLOGUE ET LES VIOLENCES
AU SEIN DU COUPLE

48 Contexte juridique historique 459

49 Les outils juridiques de protection des victimes de violences


au sein du couple 465
La protection des conjoints victimes 465
Le dépôt de plainte 466

L’engagement de la procédure judiciaire 471

Les suites de l’action publique 472

Le dispositif « Téléphone grave danger » (TGD) 477

L’ordonnance de protection 478

La protection des enfants 480


50 Le rôle du psychologue 485
Comprendre le cycle de la violence conjugale
485
Connaître le dispositif de protection
des victimes 486
Poser la question 486
Signaler les situations de danger 487

Liste des sigles 489

Index des notions  495

Bibliographie 503
Présentation des auteurs

Mélanie DUPONT
Psychologue, docteure en psychologie, Mélanie Dupont
exerce auprès d’enfants et d’adolescents victimes de
violences physiques, psychologiques, sexuelles à l’Unité
Médico-Judiciaire de l’Hôtel-Dieu à Paris. Elle enseigne à
l’École des Psychologues Praticiens et à l’Université Paris
Ouest-Nanterre La Défense. Elle préside l’association Centre
de Victimologie pour Mineurs (CVM) qui a pour mission
d’informer sur les maltraitances faites aux enfants et
adolescents, et de former les professionnels de l’enfance sur
ce thème (www.cvm-mineurs.org).
Pierre-Brice LEBRUN
Ancien éducateur, Pierre-Brice Lebrun enseigne le droit dans
le secteur social et médico-social. Il donne régulièrement
des conférences partout en France et intervient en intra
dans différentes structures (profdedroit.net). Il a coordonné
aux éditions Dunod le Grand dictionnaire de la petite
enfance (2018), dont il a rédigé les entrées juridiques, il est
l’auteur du Maxifiches Le droit en action sociale (2016) et de
l’Aide-mémoire La protection de l’enfance (nouvelle édition
à paraître, février  2020). Il publie régulièrement des
analyses juridiques dans plusieurs revues professionnelles,
comme La Gazette Santé Social, dont il fait partie du comité
de rédaction.
Introduction
Le psychologue et la loi

LE DROIT n’est pas un ensemble de règles compliquées qu’il


faut respecter, parfois sans les comprendre : le droit est une
«  boîte à outils  » qui permet à ceux qui savent l’utiliser de
faire respecter leurs droits, et de protéger ceux qui ne
peuvent pas le faire eux-mêmes. C’est une sorte de version
moderne – et pacifique – de l’épée de Zorro  : jadis, David
terrassait Goliath avec sa fronde, aujourd’hui, il utiliserait
probablement un code civil. La connaissance du droit peut
souvent aider le psychologue – et tous les travailleurs
sociaux ou médico-sociaux – à mieux comprendre une
situation, à la réparer ou à l’améliorer. Il permet également
de désamorcer des conflits, de trouver des solutions
modérées  : la règle de droit, quand elle est rappelée, a
souvent des vertus éducatives, apaisantes. Mal utilisé, par
contre, il peut faire beaucoup de dégâts  : un mauvais
conseil peut avoir de graves conséquences. Il peut
compliquer, envenimer une procédure qui, parfois, aurait pu
être évitée.
Il paraît par exemple difficile de travailler sur la parentalité
sans comprendre la logique et les principes de l’autorité
parentale, difficile d’accompagner la victime de violences
intrafamiliales sans maîtriser le mécanisme de la plainte
(qui peut se déposer par courrier), difficile de correctement
l’orienter quand on croit que l’abandon du domicile conjugal
existe, que la main courante a une valeur quelconque, ou
qu’elle va se transformer – par un procédé magique
merveilleux – en la plainte  que la victime n’a pas voulu
déposer.
Il paraît tout aussi difficile de protéger efficacement un
enfant sans maîtriser la procédure qui permet de faire
suspendre l’exercice de l’autorité parentale du parent
maltraitant, ou en répétant, ce qui est faux, que les
décisions du juge des enfants s’imposent aux décisions du
juge aux affaires familiales (c’est même le contraire).
Cet ouvrage écrit à quatre mains va apporter des
explications, des précisions détaillées à l’ensemble de ces
questions, et à beaucoup d’autres.
Il va donner du droit une vision active, utilitaire, positive et
concrète.
Nul désir de la part des auteurs de transformer les
psychologues en juristes (vivre dans une société d’avocats
serait un cauchemar), nul souhait d’en faire des docteurs en
droit, seulement, ce serait déjà bien, des secouristes,
capables de se repérer dans un univers juridique et
judiciaire parfois labyrinthique, capables d’avoir de bons
réflexes (en droit, il est souvent urgent de ne rien faire  :
nous y reviendrons) pour éviter le sur-accident.
Un citoyen est un individu – mineur ou majeur – capable
d’exercer ses droits et de les faire respecter. Chacun
devrait, dès son plus jeune âge, être compétent en droit  :
former des citoyens devrait être la mission principale des
cours d’instruction civique. Chaque professionnel de l’action
sociale et médicosociale, quels que soient son diplôme, sa
formation, devrait avoir une connaissance en droit. Il n’est
pourtant que très peu enseigné dans les écoles de
travailleurs sociaux, il est absent, on peut le déplorer, des
études du psychologue, et cet ouvrage se propose
modestement d’essayer d’y remédier.
On ne peut pas se sentir citoyen quand on n’est pas capable
de faire respecter ses droits. L’impression de ne pas être
entendu, écouté, provoque un sentiment d’injustice qui peut
conduire à des réactions violentes, mais, quand un message
n’est pas entendu, est-ce toujours la faute du destinataire ?
Parfois, le message est inaudible (la main courante rend par
exemple la victime inaudible). Le droit le rend audible, et
l’amplifie.
Le droit est une matière ludique, vivante et stratégique, qui
permet à chacun de vivre en collectivité  : le droit en est la
règle du jeu, et il est préférable – pour apprécier la partie,
s’amuser, ne pas être vaincu d’office – de connaître les
règles du jeu auquel on est obligé de jouer (pour les
connaître, il faut les apprendre, pour les apprendre, il faut
qu’elles soient accessibles  : nous revoici en classe
d’instruction civique).
Le philosophe Montesquieu (1689-1755), un des pères
spirituels de notre droit, défend l’idée que les lois sont faites
«  pour les gens de peu d’entendement  » (De l’esprit des
lois, 1748)  : un peuple intelligent est capable de s’auto-
discipliner, il n’a pas besoin de lois (cela fonctionne aussi
dans une structure d’accueil, une famille). Les lois tuent le
bon sens, la réflexion (cela s’applique aussi aux protocoles,
aux procédures) et l’intelligence. L’inflation d’obligations et
d’interdictions restreint la liberté, et tue la loi. Montesquieu,
toujours lui, affirme également que «  les lois inutiles
affaiblissent les lois nécessaires » : ne dit-on pas que « trop
de lois tuent la loi  »  ? Le discours des auteurs de cet
ouvrage ne sera d’ailleurs jamais légaliste  : nulle volonté
que chacun respecte la loi, surtout sans réfléchir (il est bien
au contraire des lois qu’il ne faut pas respecter, et la
Constitution nous en donne le droit). Volonté affichée, au
contraire, revendiquée, affirmée, assumée, des auteurs, que
les lois qui protègent l’usager et ses droits fondamentaux ne
soient pas ignorées, détournées, bafouées.
Le respect d’autrui ne se discute pas, surtout si autrui –
rabaissé à sa qualité d’usager – n’est pas en mesure de se
défendre lui-même, de faire lui-même respecter ses droits.
Montesquieu, encore lui, a théorisé le principe
constitutionnel de «  séparation des pouvoirs  » (les trois
pouvoirs principaux détenus par l’État, législatif, exécutif et
judiciaire, doivent être indépendants les uns des autres,
sans être tout à fait autonomes, ils doivent se contrôler et
se compléter pour maintenir entre eux un équilibre subtil,
parfois précaire). Il pensait que «  tout homme  qui a du
pouvoir est porté à en abuser  » et que la seule manière de
l’éviter, est de mettre en place plusieurs contre-pouvoirs,
parce que «  le pouvoir arrête le pouvoir » (Montesquieu, De
l'esprit des lois, 1748).
Le droit donne au citoyen du pouvoir, il est un contre-
pouvoir très efficace face à l’État, face aussi aux Goliath
d’aujourd’hui qui œuvrent dans le secteur économique.
Le paradoxe peut sembler surprenant, mais la connaissance
du droit permet de s’en affranchir  : le connaître permet de
moins le respecter, d’avoir la capacité d’en assumer les
conséquences, avec intelligence et discernement.
C’est une des questions centrales posée par le droit  : la
responsabilité.
Elle est le contrepoids de la liberté ; être responsable, c’est
assumer les risques de son choix  ; être responsable, c’est
être libre.
Le droit n’interdit rien, ou pas grand-chose : il permet tout,
dans les limites du respect de la liberté d’autrui, à condition
que chacun assume ses actes et leurs conséquences.
En cela, il pose de nombreuses questions philosophiques,
éthiques et déontologiques.
Le droit est une matière littéraire issue de la philosophie,
dans laquelle la précision des mots a une importance
capitale, ce qui devrait plaire aux psychologues,
professionnels de la parole.
L’application du droit est toujours une question de
positionnement personnel, défini selon un curseur subjectif,
qui se heurte, dans le secteur social et médico-social, au
sacro-saint positionnement d’équipe, qui nie – souvent par
lâcheté, par couardise – toute subjectivité personnelle,
comme si chacun n’était rien, comme si chacun devait se
méfier de lui-même et se reposer sur d’autres pour savoir ce
qu’il doit penser. Comme si ce que pense l’autre était
mieux. Nier l’importance d’un positionnement personnel
dilue la responsabilité, et restreint donc la liberté. Nier
l’importance d’un positionnement personnel est contraire à
l’esprit même du droit : l’intime conviction des jurés est par
définition intime, et le vote, dans une démocratie, n’est pas
un travail d’équipe. La psychologie sociale n’a jamais
prouvé qu’être en groupe rendait plus intelligent (on peut le
vérifier dans les tribunes d’un stade de foot, ou dans une
troupe de majorettes), et la sagesse populaire a plusieurs
fois montré ses limites.
La Constitution française permet à chacun de ne pas
respecter les lois qu’en toute subjectivité, il considère
oppressantes (ce qui ne l’empêchera pas d’en assumer les
conséquences  : exercer un droit ou un devoir peut se
révéler dangereux).
Le non-respect de certaines lois peut parfois être considéré
comme un devoir  : l’apartheid, l’esclavage, le nazisme,
étaient légaux, organisés par des lois. Les lois doivent être
respectées quand elles garantissent la liberté d’autrui, le
respect de sa vie privée ou l’exercice de ses droits  : nous
serons, sur ces points, intransigeants.
Les droits et les devoirs sont subjectifs.
Les droits et le droit ne sont pas des synonymes, les
confondre (évoquer le droit des usagers au lieu des droits
des usagers) est source de confusions, d’amalgames.
Les droits et les devoirs doivent être distingués des
obligations et des interdictions.
Les interdictions et les obligations sont objectives. Elles
relèvent du droit.
Exercer ses droits et ses devoirs n’est jamais obligatoire, ne
pas respecter une obligation ou une interdiction est toujours
condamnable. Il est donc fondamental d’identifier ce qui
relève de l’obligation, de l’interdiction, du droit ou du devoir.
Chaque citoyen, en démocratie, a tous les droits, même,
nous l’avons vu, celui de ne pas respecter la loi, à condition
d’en assumer les conséquences et de respecter la liberté
d’autrui.
Chaque citoyen, en démocratie, a aussi la liberté de définir
lui-même ses devoirs, en toute subjectivité : ai-je le droit en
tant que parent d’imposer ma religion à mon enfant ? Est-ce
mon devoir de croyant de le faire baptiser ou circoncire, ou
mon devoir de parent de le laisser choisir quels préceptes
religieux il voudra plus tard respecter ?
La conception du devoir relève de l’éthique et de la
déontologie  : Maurice Papon et Jean Moulin ont fait leur
devoir (ce que chacun d’entre eux considérait comme son
devoir), Jean Moulin en a assumé les conséquences, et
Maurice Papon a répété jusqu’à la fin de sa vie qu’il avait
« la conscience tranquille ».
La loi attribue des droits – que chacun est libre d’exercer ou
non, mais que chacun doit pouvoir exercer réellement s’il le
souhaite.
Elle crée de nouveaux droits (celui pour les personnes de
même sexe de se marier), supprime d’anciens droits (en
février  1938, celui du mari de corriger physiquement son
épouse).
Certains revendiquent de nouveaux droits (celui, par
exemple, de mourir dans la dignité) ou contestent des droits
acquis (l’avortement est régulièrement remis en cause, en
France et ailleurs), ce qui peut donner lieu à des débats
idéologiques passionnés.
La loi attribue des droits, mais nul ne peut définir les devoirs
d’autrui (et encore moins les lui rappeler)  : il appartient à
chacun de définir ses devoirs, grâce aux apports évolutifs
de son éducation, de ses valeurs, de ses convictions
politiques, philosophiques ou confessionnelles. L’exercice
des droits et des devoirs relève d’un positionnement
personnel, et aussi, souvent d’une question de curseur  :
jusque quand vais-je accepter ?
À partir de quand vais-je refuser (c’est la célèbre expérience
de Stanley Milgram) ?
À partir de quand vais-je déposer plainte (en procédure
pénale, on évoque le « seuil d’intolérabilité »), ou signaler ?
Les réponses à ces questions s’inscrivent dans un cadre
juridique, légal ou réglementaire, mais relèvent d’une
réflexion personnelle que les auteurs vont tenter, à travers
cet ouvrage, d’enrichir.
Enfin, la justice est l’organisation humaine mise en place
par un État pour faire appliquer le droit sur son territoire.
Le droit, dans une démocratie, est souvent juste, ou alors, le
peuple ne fait pas son boulot.
La justice l’est parfois, et c’est au peuple à le vérifier,
puisqu’elle est rendue en son nom.
Partie 1

Le psychologue
et le droit

LA LOI et le psychologue ne sont pas toujours bons copains. Ils ne se lient pas
volontiers d’amitié. L’univers de l’un semble à mille lieues de l’univers de
l’autre. Leurs logiques respectives ne paraissent pas compatibles. L’idée de
base de cet ouvrage est de raconter le droit aux psychologues, de
l’expliquer de manière simple et concrète.
Nous allons commencer par poser ici – pour que chacun arrive à s’y
retrouver – des repères quasi géographiques qui vont transformer cette
inaccessible «  jungle juridique  » en un parc paysager où il fera bon se
promener.
Le droit n’est pas compliqué  : il est subtil. La réponse juridique à une
question en apparence simple est souvent le résultat d’une équation. Elle
nécessite que soient mis en perspective un certain nombre d’articles issus
de différents codes, de jurisprudences et de principes juridiques. Cette
réponse, on ne la trouve que rarement dans un seul code. On ne devient pas
juriste en feuilletant le Dalloz, pas plus qu’on ne devient médecin en
feuilletant le Vidal  : consulter un code n’est souvent pour un profane que
source de confusions et d’amalgames. C’est pourquoi il existe des livres de
droit.
Chapitre 1

Le droit et l’arborescence
du droit

LE DROIT civil et le droit pénal font partie du droit privé, par opposition au
droit public.
Le droit public organise le fonctionnement des personnes publiques (l'État,
ses institutions et ses administrations, les collectivités territoriales, les
établissements publics, etc.) : le droit constitutionnel, le droit fiscal, le droit
administratif, font partie du droit public.
Le droit privé concerne les personnes privées  : les personnes physiques et
les personnes morales (les entreprises, les associations).

Le droit public est de la compétence des juridictions


administratives, composées de magistrats de l’ordre
administratif (tribunal administratif, Cour administrative
d’appel, Conseil d’État).
Le droit privé est de la compétence des juridictions
judiciaires, composées de magistrats de l’ordre judiciaire
(juridictions civiles et pénales de premier ressort, Cour
d’appel, Cour de Cassation). Apportons une petite précision
sémantique  : judiciaire renvoie à la justice, juridique, au
droit (une disposition juridique, une procédure judiciaire).
Le droit pénal est parfois qualifié de droit mixte, parce que
deux parties s’affrontent, celui qui a commis l’infraction
(privé) et celui qui requière la sanction au nom de la société
(le ministère public). Le ministère public est exercé par le
parquet, placés sous l’autorité du ministre de la justice. Le
ministère public représente la société et défend ses intérêts.
Le droit de la santé, détaillé dans le code de la santé
publique (CSP), le droit de la sécurité sociale, détaillé dans
le code de la sécurité sociale (CSS) et le droit de l’action
sociale, contenu dans le code de l’action sociale et des
familles (CASF) font partie du droit public.
Le droit public et le droit privé forment le droit interne, qu’il
faut différencier du droit international et du droit
communautaire (européen).
Le droit processuel est le droit qui détaille la procédure
(procédure civile, procédure pénale, contentieux
administratif)  ; ne pas respecter la procédure, c’est ne pas
lui permettre d’aboutir, d’où la nécessité de savoir comment
procéder pour faire aboutir une plainte ou une requête.
Le code de procédure pénale détaille la manière dont les
enquêteurs travaillent pour caractériser les infractions
prévues par le code pénal.
La justice est l’organisation mise en place par un État pour
faire respecter les droits et les obligations de chacun par
l’application du droit.
La justice ne fait pas le droit : elle l’applique.
Le droit est voté par le pouvoir législatif (le parlement) et
exécuté par le pouvoir exécutif (le gouvernement et ses
représentants).
Les règles de droit sont adoptées par un pouvoir élu que le
peuple doit surveiller : c’est ce qui rend le droit légitime.
La justice doit chaque jour préciser le droit, adapter une loi –
qui a forcément une portée générale – à un cas particulier :
c’est ce que l’on appelle la jurisprudence.
La jurisprudence est la mémoire de la justice, elle regroupe
l’ensemble des décisions de l’ensemble des juridictions
françaises (pas loin de 5  millions de décisions par an). Elle
est toujours indicative, et n’a jamais valeur d’une loi, ou
d’un règlement  : c’est une source indirecte du droit. Elle
enrichit la réflexion des magistrats. Elle est souvent utilisée
comme argument par les avocats, mais elle n’a qu’une
valeur d’exemple, et peut-être suivie, ou contredite, par les
juges  : par contre, plus la juridiction d’où elle provient est
élevée (Cour de Cassation pour le droit privé, Conseil d’État
pour le droit public), plus elle a de valeur morale. Le rôle de
ces juridictions suprêmes est aussi de « dire le droit », c’est-
à-dire d’harmoniser la manière dont il est rendu sur le
territoire de la République. Beaucoup de décisions
judiciaires n’ont d’importance que pour ceux qu’elles
concernent ; d’autres, par analogie, peuvent avoir un intérêt
collectif : on dit alors qu’elles font jurisprudence (elles vont
être publiées, étudiées).
On parle de jurisprudence constante lorsque toutes les
décisions vont à peu près dans la même direction, de
jurisprudence contraire lorsque plusieurs décisions
apportent des réponses différentes à une question
identique. Les juges ne sont jamais obligés de suivre la
jurisprudence, mais, si elle est constante, ils risquent d’être
désavoués en appel s’ils n’en respectent pas les principes :
ils ont donc intérêt à bien motiver leurs décisions, qui
pourront entraîner un revirement de jurisprudence.
On ne peut pas regretter que la justice évolue, et elle évolue
souvent plus vite que le droit, parce que, quand une loi est
votée, elle existe : pour la faire disparaître, pour l’abroger, il
faut voter une autre loi, ce qui demande du temps, et de
l’énergie (on parle alors de délégifération).
De vieilles lois tout à fait obsolètes continuent donc à vivre
tranquillement sans que personne ne s’en soucie. On ne les
utilise plus, on ne les fait plus respecter : on dit qu’elles sont
tombées en désuétude (mais, en théorie, un policier peut
toujours verbaliser).
L’exemple le plus souvent utilisé est celui de l’interdiction
faite aux femmes de porter un pantalon. Il s’agit de la loi du
26  brumaire an  VIII (17  novembre 1799), qui interdit aux
femmes de s’habiller en homme « dans les quatre-vingt-une
communes du département de la Seine et les communes de
Saint-Cloud, Sèvres et Meudon  », c’est-à-dire de porter un
pantalon, à moins d’obtenir une autorisation préfectorale,
mais « cette autorisation ne peut être donnée qu'au vu d'un
certificat d'un officier de santé » (d’un médecin).
Deux circulaires préfectorales sont venues assouplir cette
interdiction en autorisant le port du pantalon «  si la femme
tient par la main les rênes d’un cheval  » (1892) ou «  un
guidon de bicyclette  » (1909). La peintre Rosa Bonheur
(1822-1899), qui a été la première femme à recevoir la
Légion d'Honneur des mains mêmes de l'impératrice
Eugénie (en 1865), portait les cheveux courts et s'habillait
de pantalons grâce à un permis de police renouvelable tous
les six mois qui l’autorisait, «  pour raison de santé  », à
s'habiller en homme, sans qu'elle puisse, sous ce qui était
considéré comme «  un travestissement  », paraître aux
spectacles, bals et autres lieux de réunion ouverts au public.
Le 29  avril 2010, un projet de loi de délégifération a été
déposé à l’Assemblée nationale, et cette interdiction – qui
n’était valable qu’à Paris et en petite couronne – a été
abrogée.
Cette réalité existe dans tous les pays du Monde : le 22 avril
2015, le gouvernement d’une région du nord de l’Islande a
abrogé un décret de 1615 qui autorisait les habitants de la
région à tuer les Basques qui mettaient un pied sur le sol
islandais (pour de sombres histoires de baleiniers et de
chasse à la baleine).
Parfois, un juge courageux, ou aventureux, tente de faire
progresser la loi, mais il se retrouve désavoué par la Cour
d’appel, ou la Cour de Cassation, ou les deux. Le tribunal
d'instance du IVe arrondissement de Paris a par exemple
retenu, en 1975, que «  l'évolution des mœurs a désormais
donné au terme de concubinage le sens de cohabitation de
couple, et n'y attache plus, comme auparavant, la nécessité
d'une différence de sexe entre partenaires  ». Il a donc
accepté que le bail de l’appartement occupé par un couple
homosexuel, dont l’un des deux partenaires venait de
décéder, soit mis au nom de l’autre, sur le principe du « bail
glissant » qui permet, lors du décès du locataire, le transfert
du bail au «  concubin notoire  ». Il ajoutait qu'il serait
«  contraire à la protection due à la vie privée de restreindre
l'application de la loi en se fondant sur la sexualité des
personnes  ». En appel, l’avocat général a demandé à la
Cour d'adapter la jurisprudence «  à la réalité de la société
actuelle  », et de donner les mêmes droits au logement à
tous les concubins, hétéros comme homosexuels, mais la
Cour ne l’a pas suivi, au motif que « le concubinage ne peut
résulter que d'une relation stable et continue ayant
l'apparence du mariage, donc entre un homme et une
femme  », ce qu’a – à l’époque – confirmé la Cour de
Cassation. La définition du concubinage, insérée dans le
code civil en novembre 1999 (en même temps que le PACS),
précise désormais que «  le concubinage est une union de
fait, caractérisée par une vie commune présentant un
caractère de stabilité et de continuité, entre deux
personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent
en couple » (code civil, art. 515-8).
La loi n’évolue pas toujours très vite, mais elle précède
parfois de plusieurs siècles les évolutions de la société  :
l’édit de juillet 1682, signé par Louis XIV, interdit, dans tout
le royaume, de brûler les sorcières, mais, à Bournel (Lot-et-
Garonne), une femme accusée de sorcellerie a été brûlée
par des paysans le 28 juillet 1826 ; une autre, pour la même
raison, a été jetée vivante dans un four à Camalès (Hautes-
Pyrénées) en 1856.
La jurisprudence est une illustration, qui permet d’expliquer
un concept juridique, ou le contenu de l’article d’un code, ou
encore, d’étayer une position.
Elle permet aussi de préciser concrètement une disposition
légale.
Les parents restent obligés alimentaires de leur enfant
majeur (code civil, art. 371-2) : la loi ne précise pas jusqu’à
quel âge, ou dans quels cas, c’est à la justice, quand elle est
saisie, de décider au cas par cas. La jurisprudence en la
matière permet de préciser que l’obligation alimentaire
court – en moyenne – jusqu’à 25/26 ans, essentiellement
lorsque l’enfant suit réellement des études, ou qu’il se
retrouve lui-même parent. Et qu’elle est en moyenne de
250 euros mensuels.
C’est aussi la jurisprudence qui a longtemps limité –
heureusement de plus en plus – le droit coutumier de
correction reconnu aux parents jusque très récemment (le
droit d’administrer claques et fessées à leur enfant mineur).
La jurisprudence inspire le législateur qui peut l’utiliser pour
compléter, modifier, réformer les lois en vigueur. La 2e
chambre civile de la Cour de Cassation a par exemple,
interdit la garde alternée par deux arrêts successifs, le
21 mars 1983 et le 2 mai 1984, mais les juges aux affaires
familiales (qui étaient alors «  aux affaires matrimoniales  »)
ont néanmoins continué à la prononcer (ils exigeaient que
les deux parents soient d’accord pour limiter les recours).
Rappelons que la «  garde alternée  » n’a jamais légalement
existé, la résidence alternée actuellement en vigueur est
apparue avec la loi du 4  mars 2002 relative à l'autorité
parentale.
Il a été plusieurs fois envisagé de la systématiser en cas de
divorce (ce qui en fait est déjà le cas, mais rares sont ceux
qui l’ont compris  : nous y reviendrons dans le chapitre sur
l’autorité parentale).
Précisons – cet ouvrage se veut pratique et concret – qu’une
décision judiciaire s’appelle ordonnance lorsqu’elle est
rendue par un juge seul, elle s’appelle jugement lorsqu’elle
est rendue par un tribunal, ou un juge seul au nom d’un
tribunal (le juge aux affaires familiales rend seul une
ordonnance de non-conciliation, et un jugement de divorce
au nom du tribunal de grande instance qu’il représente).
Elle s’appelle arrêt lorsqu’elle est rendue par une Cour (Cour
d’assises ou d’appel, Cour de Cassation), ou par le Conseil
d’État (qui est au droit public ce que la Cour de Cassation
est au droit privé).
Chapitre 2

Les sources du droit

LE DROIT a des sources directes et indirectes. Les sources directes du droit


sont, dans l’ordre d’importance, les Traités internationaux, le droit de l’Union
européenne, la Constitution, la loi et le règlement  : on appelle cela «  la
hiérarchie des normes ».

La  hiérarchie des normes est le classement hiérarchisé de


l'ensemble des normes qui compose le système juridique
d'un État : une norme inférieure doit toujours respecter une
norme supérieure (un décret doit respecter la loi qui doit
respecter la Constitution, etc.).
Le concept de hiérarchie des normes a été théorisé par
Hans Kelsen (1881-1973), il ne fonctionne que si son respect
est contrôlé par une juridiction  : c’est en France le rôle du
Conseil Constitutionnel.
LA HIÉRARCHIE DES NORMES

La Constitution est généralement considérée comme la norme la plus


élevée, mais la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la Cour
européenne des droits de l’Homme (CEDH) considèrent les engagements
internationaux des États membres de l’Union comme supérieurs à leurs
normes nationales.
Le sommet de la pyramide est donc occupé par le bloc de constitutionnalité,
qui comprend les articles de la Constitution de la Cinquième République
(1958), la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (1789), le
Préambule de la Constitution de la Quatrième République (1946) et la
Charte de l'environnement (2004). Vient ensuite le bloc de conventionalité,
qui comprend les traités et les accords internationaux (dont la Convention
européenne des droits de l'Homme, la Déclaration universelle des droits de
l’Homme et la Convention relative aux Droits de l'Enfant, appelée souvent
«  convention internationale des Droits de l'Enfant  »), et les normes de
l'Union européenne (traités, règlements et directives communautaires).
Juste en dessous, le bloc de légalité comprend (dans l’ordre) les  lois
organiques, les  lois ordinaires, les  lois de finances et de financement de
la sécurité sociale, les lois référendaires, et les  ordonnances. Arrivent enfin
les règles non écrites dont la violation est considérée comme une violation
de la règle de droit : les principes généraux du droit (PGD).
Ils ont été créés ou confirmés par la jurisprudence et ne proviennent
d’aucune loi : on les dit d’origine jurisprudentielle. C’est le cas, par exemple,
du droit à l’image, déduit des dispositions du code civil qui protègent la vie
privée, ou du devoir de réserve imposé aux fonctionnaires, qui découle de
leur obligation de discrétion professionnelle.
En bas de la pyramide, le bloc réglementaire comprend, par ordre
décroissant, les décrets (décrets simples, décrets en Conseil des ministres,
décrets en Conseil d'État), les arrêtés (ministériels ou interministériels,
préfectoraux, régionaux, départementaux, municipaux), les actes
réglementaires des collectivités territoriales (certaines délibérations) et des
établissements publics. La base de la pyramide est constituée des textes les
moins importants, et les plus nombreux, qui composent le bloc contractuel
(l'ensemble des contrats et des conventions), et des actes administratifs de
moindre importance, absents du bloc réglementaire (comme les circulaires,
qui n’ont aucun pouvoir normatif).

Les sources indirectes du droit sont la jurisprudence, la


doctrine et la coutume.
Le droit a également des sources historiques et
philosophiques.
La doctrine est l’étude du droit, de l’esprit de la loi et de son
application.
Elle était jadis, d’où son nom, l’apanage des docteurs en
droit, c’est-à-dire des professeurs d’université, qui publient
et enseignent leur analyse et leurs réflexions, afin de faire
évoluer la compréhension que chacun peut en avoir.
La coutume est une règle orale issue d’un usage prolongé :
elle est source indirecte du droit tant qu’elle n’est pas
illégale. Les rédacteurs du premier code civil des Français,
publié en 1804, ont tenté d’harmoniser les coutumes
régionales, de les étendre à l’ensemble du territoire national
(on appelle souvent ce code «  Code Napoléon  », mais ce
surnom lui a été donné cinquante ans plus tard par un
Napoléon III en quête de légitimité…).
Le droit coutumier est l'ensemble des règles, consacrées par
l'habitude, tolérées par l'autorité et par la justice  : nous
avons déjà cité le droit coutumier de correction, accordé par
la jurisprudence aux parents et aux enseignants (Tribunal de
Police de Bordeaux, 18  mars 1981), on peut lui ajouter le
droit, reconnu à la femme mariée, de signer chèques et
contrats du nom de son mari, qui n’est pourtant qu’un nom
d’usage sans valeur légale (ou le droit d’organiser des
corridas dans les villes et villages où une réelle tradition
existe).
La loi peut venir mettre un terme à cette tolérance en
déclarant la coutume illégale  : quand les châtiments
corporels seront explicitement interdits, les parents et les
enseignants ne pourront plus exercer leur droit subjectif de
corriger physiquement les enfants (la récente réforme, qui
représente une belle avancée, reste tout de même
relativement peu précise, et très interprétable).
Le droit a aussi de très importantes sources historiques : les
étudier permet de mieux comprendre son évolution, et sa
logique. Le code Hammurabi, rédigé à Babylone à la
demande du roi mésopotamien Hammurabi (1792-1750 av.
J.-C.), a été publié en 1750 av. J.-C.
Il est exposé au Louvre : c’est un bloc de basalte noir haut
de 2,5 mètres, gravé de 252 articles.
Il est probablement à l’origine de l’adage « Nul n’est censé
ignorer la loi  »  : Hammurabi en a fait installer plusieurs à
travers tout son royaume pour que son peuple ait accès aux
lois qu’il devait respecter. On y trouve déjà les principes de
contrat, de responsabilité et de réparation du dommage.
On connaît aussi l’existence du code babylonien d’Ur-
Nammu (2100 av. J.-C.), qui a été moins étudié.
Les principes du code Hammurabi se sont propagés autour
de la Méditerranée, ils ont été repris par les Grecs, puis par
les Romains qui nous les ont imposés quand, en 50 av. J.-C.,
ils ont envahi la Gaule. Le code Justinien a été publié en 529
par l’Empereur Justinien (527-565), à Constantinople,
nouvelle capitale du Saint empire romain germanique : il est
la base du droit romain dont nous respectons aujourd’hui
encore les principes (que les Européens conquis ont ensuite
diffusés au hasard de leurs conquêtes). Le code Justinien est
composé de douze livres (droit ecclésiastique, procédure
judiciaire, droit privé, pénal, fiscal administratif). Il a limité la
puissance paternelle, reconnu aux enfants naturels (nés
hors mariage) un droit de succession (effectif en France en
1972), et amélioré la condition de la femme (en cas de
divorce, de succession de son mari défunt). Il est à l’origine
de la présomption de paternité (code civil, art. 312).
Le droit, enfin, repose sur la réflexion des philosophes qui en
ont inventé les principes, dont nous ne saurions trop vous
conseiller de lire les ouvrages principaux.
Cesare Beccaria a théorisé l’esprit de notre droit pénal dans
son ouvrage Des délits et des peines (1764)  : son travail a
tellement inspiré les concepteurs de notre droit pénal que le
premier code pénal de la République s’est appelé Code des
délits et des peines (25 octobre 1795).
Jean-Jacques Rousseau a posé les bases de notre droit civil
dans son ouvrage Du contrat social (1762). Il a théorisé la
notion de contrat « qui paraît juste entre hommes libres ».
Son travail – basé sur les travaux des philosophes grecs
comme Platon ou Aristote, ou arabo-andalous comme
Averroès – a inspiré les Révolutionnaires et les concepteurs
de notre droit civil.
Montesquieu a imaginé la démocratie et détaillé son
fonctionnement dans son livre De l’esprit des lois (1748).
Chapitre 3

Le droit civil

SI LA VIE en collectivité est un jeu, un jeu de société, le droit civil en est la


règle (civil vient du latin civis, qui est à l’origine de « cité », de « société »,
de «  civisme  »). L’étude du droit civil devrait être la base de l’instruction
civique  : chaque citoyen pourrait alors comprendre comment fonctionne la
société dans laquelle il évolue. Il apprendrait à exercer les droits dont il
dispose, et accepterait peut-être plus volontiers de respecter les devoirs
qu’il s’imposerait. Il serait capable d’exiger le respect de ses droits, ce qui le
rendrait moins vulnérable aux yeux de ceux qui tentent parfois d’abuser de
son ignorance. Il comprendrait la raison de certaines interdictions.

Le droit civil propose une organisation qui permet d’éviter


que surviennent des dommages.
Lorsqu’un dommage survient, le droit civil en exige la
réparation, qui ne peut être que pécuniaire, à moins d’être
négociée à l’amiable entre les parties : quand le droit pénal
punit les infractions, le droit civil impose la réparation des
dommages.
Le droit civil établit que celui qui cause à autrui un
préjudice, un dommage, même involontairement, doit en
assumer les conséquences (il doit en répondre)  : c’est le
fondement de la responsabilité civile (code civil, art. 1240),
à laquelle nous allons plus en avant dans cet ouvrage
consacrer une large partie.
Le préjudice peut être moral, matériel, corporel, esthétique,
etc.
La responsabilité contractuelle est une forme de
responsabilité civile  : la compagnie aérienne doit assumer
les conséquences du préjudice que me cause son retard, ou
l’annulation de mon vol, le fournisseur d’accès à Internet
doit assumer les conséquences des incessantes coupures
qui me causent un dommage moral, peut-être financier, etc.
Le droit au respect de la vie privée (code civil, art. 9) permet
à celui qui estime que sa vie privée n’a pas été – ou n’est
pas – respectée, de saisir une juridiction civile pour obtenir
réparation du préjudice qu’il subit. Le droit à l’image en est
un dérivé jurisprudentiel qui me permet de demander
réparation du dommage que me cause l’édition d’une
photographie de moi ou de mon enfant mineur.
Le droit civil est compilé dans le code civil, la manière de
l’appliquer est détaillée dans le code de procédure civile.
La procédure civile relève du droit processuel (le droit des
procédures), comme la procédure pénale (la manière
détaillée d’appliquer le droit pénal) et le contentieux
administratif (la manière détaillée d’appliquer le droit
administratif).
Le droit civil est composé du droit des personnes (droit de la
famille, état civil, mariage, divorce, filiation, etc.), du droit
des obligations (contrats, etc.) et du droit des biens
(propriété, successions, etc.).
Il est de la compétence des juridictions civiles que sont le
tribunal d’instance (TI) et de grande instance (TGI). La
récente réforme de la justice a fusionné les tribunaux
d’instance et de grande instance (loi de programmation
pour la justice 2018-2022, adoptée en mars 2019). Elle fait
du tribunal d’instance une antenne du tribunal de grande
instance – rebaptisé tribunal judiciaire – ce qui, pour le
moment, pour le justiciable, ne change rien, ou pas grand-
chose.
Le droit civil dispose d’un outil principal  : le contrat (qu’il
faut toujours lire et comprendre avant de signer, parce qu’il
est souvent difficile de s’en défaire).
Le contrat peut être moral, ou tacite (mariage, achat d’une
baguette à la boulangerie, etc.) ou écrit (bail, contrat
d’assurance, contrat de mariage, etc.).
Dans le secteur privé, le contrat de travail à durée
indéterminée peut être oral, mais le contrat à durée
déterminée doit être écrit, car il précise un terme  : un
contrat de travail non écrit est donc réputé à durée
indéterminée dès qu’une première feuille de paie est éditée
(mais il est plus prudent d’attendre la fin des trois premiers
mois pour le revendiquer, période d’essai oblige).
On peut rédiger le contrat soi-même (sous seing privé) ou le
faire transcrire par un notaire : il sera alors authentique. Un
bail locatif peut-être authentique ou sous seing privé : signé
devant notaire, il peut, s’il n’est pas respecté, être exécuté
par un huissier (saisie du loyer, etc.) sans que le tribunal
n’ait à se prononcer. Le coût d’un bail authentique est de
0,5 fois à 1,5 fois le montant d’un loyer mensuel (selon les
notaires), à partager entre locataire et propriétaire (c’est
une obligation). Le mariage est un contrat tacite dont le
divorce est la résiliation, le contrat de mariage est un
contrat par lequel les époux déterminent leur régime
matrimonial et fixent le statut de leurs biens pendant le
mariage, et au jour de son éventuelle dissolution.
Le droit civil protège le citoyen (il peut demander et obtenir
la réparation pécuniaire des dommages qu’il subit), le
locataire et le propriétaire, le consommateur (dates de
péremption, délais de rétractation), il protège la famille et
les personnes qui en ont le plus besoin (la protection de
l’enfance ou la protection des majeurs dits «  vulnérables  »
relèvent du droit civil).
Le droit civil, contrairement au droit pénal (qui punit en
infligeant une peine), ne sanctionne pas  : il n’est pas
répressif, et rarement coercitif (précisons néanmoins qu’il
existe une «  amende civile  » infligée par les juridictions
civiles pour sanctionner les abus de procédure). Il n’a pas
vocation à entraîner l’intervention des services de police ou
de gendarmerie (dont la formation en droit civil – ils sont les
premiers à le déplorer – est très réduite). Une décision civile
a beaucoup moins de portée impérative qu’une décision
pénale.
Le compagnon violent qui ne respecte pas une ordonnance
d’éloignement prononcée par le juge aux affaires familiales
(JAF) ne risque pas grand-chose, contrairement à celui qui
ne respecte pas une obligation liée à son contrôle judiciaire
ou à son sursis avec mise à l’épreuve.
La police peut alors intervenir sans attendre et il peut être
incarcéré.
Le code pénal précise bien que «  le fait, pour une personne
faisant l'objet d'une ou plusieurs obligations ou interdictions
imposées dans une ordonnance de protection (…) de ne pas
se conformer à cette ou ces obligations ou interdictions est
puni de deux ans d'emprisonnement et de 15  000  euros
d'amende  » (art.  227-4-2), mais, si le coupable est
condamné, il le sera à l’issue d’une procédure pénale,
engagée par le dépôt d’une plainte. On en revient toujours
au droit pénal pour lutter efficacement contre les violences
au sein du couple.
Celui qui ne verse pas une pension alimentaire ne risque –
au civil – que l’intervention d’un huissier, mais le
bénéficiaire de cette obligation peut – s’il le souhaite, c’est
un droit, pas une obligation – déposer plainte avec
constitution de partie civile pour abandon de famille (code
pénal, art.  227-3)  : l’abandon de famille (qui n’est que
pécuniaire) est un délit passible du tribunal correctionnel,
puni de deux ans d’emprisonnement et de 15  000  euros
d’amende.
Lorsque les services de police ou de gendarmerie
interviennent dans un conflit parental (droit de visite, etc.),
ils ne font pas respecter l’autorité parentale, dont, c’est bien
dommage, ils ne maîtrisent pas les subtilités : ils privilégient
la moins mauvaise des solutions pour éviter que, dans
l’urgence, la situation ne dégénère, et renvoient les parents
vers leurs avocats respectifs, ou vers le juge.
On saisit par courrier les juridictions civiles de premier
ressort, que sont le tribunal d’instance (TI) et le tribunal de
grande instance (TGI), futur tribunal judiciaire : ils ont pour
mission d’arbitrer, avant un éventuel appel, les litiges civils.
On ne dépose pas plainte : la plainte permet d’engager une
action pénale.
On dépose plainte quand on est victime d’une infraction
(cela relève du droit pénal), pas quand on subit un
dommage (cela relève du droit civil).
Lorsque quelqu’un, en marge d’une conférence, d’un cours,
d’une formation, nous interroge sur une action judiciaire
qu’il a engagée, ou voulu engager, qui n’a pas abouti, ou
pas démarré, la plupart du temps, il s’est trompé de porte :
le droit pénal a une porte (c’est la plainte), le droit civil, une
autre porte (c’est la saisine de la juridiction compétente).
Le tribunal d’instance (TI) a des compétences multiples. Il
juge les litiges liés à la location (loyers impayés, calcul des
charges locatives ou de copropriété, travaux, etc.), quel
qu’en soit le montant, et aux crédits à la consommation (un
crédit à la consommation est forcément inférieur à
75 000 euros, et la durée de son remboursement supérieure
à trois mois). Il juge les autres litiges inférieurs à
10  000  euros. Il siège à juge unique, et l’avocat n’y est
jamais obligatoire. On le saisit par simple courrier.
Le juge des tutelles siège au tribunal d’instance. La récente
réforme des tribunaux d’instance l’a transformé en juge des
contentieux de la protection (JCP). Il est compétent pour
placer un majeur sous sauvegarde de justice, curatelle ou
tutelle. Il gère également les droits des absents, dont il
assure la représentation. En droit, un disparu n’est pas
décédé, mais il est forcément mort, lors d’un événement
tragique, alors qu’un absent, personne ne sait où il n’est, ni
s’il est vivant, ou non. Le personnage de L’Italien, une
chanson interprétée par Serge Reggiani, raconte le retour
d’un absent, qui a mis 18 ans à trouver des allumettes dans
une rue du Massachusetts… Et Michel Serrault, dans le film
d’Étienne Chatilliez, Le bonheur est dans le pré (1995) joue
le rôle d’un absent. Pour eux, le juge des tutelles aurait pu
mettre en place une mesure d’administration et de
représentation similaire à une tutelle.
La tutelle des mineurs est en théorie de la compétence du
juge des tutelles des mineurs, c’est-à-dire du juge aux
affaires familiales (JAF) qui siège au tribunal de grande
instance (code de l’organisation judiciaire, art.  L213-3-1)  :
cette disposition, effective depuis le 1er  janvier 2010, n’a
jamais été réellement mise en place. Le juge des tutelles
prononce toujours l’émancipation des mineurs, en attendant
que le JAF exerce réellement cette fonction.
Il y avait jadis au moins un tribunal d’instance par
arrondissement (l’arrondissement est un découpage du
département à la tête duquel se trouve une sous-
préfecture), mais les réformes successives en ont fait
disparaître quelques-uns.
LA SAISINE DU TRIBUNAL D’INSTANCE

Le tribunal d’instance est compétent pour les  litiges entre particuliers,


ou  entre un particulier et une entreprise, pour lesquelles la demande est
inférieure à 10 000 euros (code de l’organisation judiciaire, art. L. 221-4).
Les demandes supérieures à 10 000 euros doivent être soumises au TGI par
l’intermédiaire d’un avocat.
L’assistance d’un avocat n’est jamais obligatoire devant le tribunal
d’instance.
Le montant du dommage est évalué par celui qui le subit (le demandeur). Il
peut y ajouter une somme forfaitaire pour se faire rembourser «  les frais
exposés  » (code de procédure civile, art.  700), tels que recommandés,
photocopies, déplacements, frais d’huissier, frais prévisionnels d’huissier,
éventuels honoraires d’avocat, etc. (on demande traditionnellement
1 500 euros pour en obtenir, avec un peu de chance, 250 ou 500).
La loi 2019-222 du  23  mars 2019  de programmation 2018-2022 et de
réforme pour la justice a décidé la fusion du tribunal d’instance (TI) et du
tribunal de grande instance (TGI) pour créer, à compter du 1er janvier 2020,
le tribunal judiciaire, mais la procédure détaillée ici ne devrait pas être
fondamentalement modifiée.
Le TI compétent est en principe celui du lieu du domicile du défendeur (celui
qui se défend de l’action du demandeur), ou du siège social, s’il s’agit d’une
entreprise (code de procédure civile, art.  42 et 43). Il existe quelques
exceptions à ce principe : en matière d’achats de produits ou de prestations
de service, par exemple, le tribunal compétent est celui dont dépend le lieu
de la livraison ou de l’exécution (CPC, art. 46). Le TI peut être saisi dans un
délai de 5 ans après les faits. Il siège à juge unique (un seul juge).
Si le litige porte sur une somme inférieure à 4  000  euros, le tribunal
d’instance  peut être saisi par une simple déclaration au greffe (CPC,
art. 843), rédigée sur papier libre ou via un formulaire CERFA (N° 11764*08),
qui expose sommairement les faits et les demandes, qui doivent être
argumentés. On y ajoute les mentions prévues à l’article 58 du code de
procédure civile (identification des parties, objet de la demande, date, etc.)
et on lui joint la copie de toutes les pièces justificatives. La saisine doit être
précédée d’une tentative de conciliation (on la demande par courrier au TI
ou via le CERFA – 15728*01). Les jugements sont rendus «  en premier et
dernier ressort » (l’appel est impossible).
Si le litige porte sur une somme supérieure à 4 000 euros (mais inférieure à
10  000), la solution la plus simple est de saisir le TI d’une demande de
conciliation argumentée (toute l’histoire racontée dans l’ordre
chronologique, étayée par la copie de tous les documents cités, numérotés,
répertoriés). Le TI convoquera les parties et la conciliation sera menée par
le juge (CPC, art.  834). Si elle n’aboutit pas, l'affaire pourra «  être
immédiatement jugée si les parties y consentent (…) selon les modalités de
la présentation volontaire  » (CPC, art. 835). Si l’une des parties refuse que
l’affaire soit immédiatement jugée, le demandeur pourra saisir le TI «  aux
fins de jugement  » selon le principe de l’assignation. Il devra faire rédiger
une assignation par un huissier de justice, qui la notifiera au défendeur au
plus tard  15 jours  avant l’audience (code de procédure civile, art.  837 à
840). L’appel est possible, dans un délai d’un mois (il faut alors saisir la Cour
d’appel, ce qui nécessite un avocat).
Que le litige soit inférieur ou supérieur à 4 000 euros, le tribunal, à l’issue de
l’audience, pourra rendre immédiatement sa décision, ou la mettre en
délibéré, c’est-à-dire : la rendre plus tard, après réflexion (le délai est alors
de plusieurs semaines, ou de plusieurs mois, pour cause d’embouteillages).
La décision sera de toute manière adressée  par courrier  à chacune des
parties. Il est prudent de la faire ensuite notifier par huissier, qui pourra
également l’exécuter (si l’exécution n’est pas immédiate et volontaire).
Tous les litiges sont potentiellement concernés (la livraison non conforme
d’un canapé ou la pose contestable de fenêtres, les retards aériens, l’achat
d’un chien dans un chenil lorsqu’il est malade, ou d’une race autre que celle
annoncée, le refus de réparation d’un lave-linge au motif fallacieux d’une
pièce hors garantie, le non-respect de la vie privée, etc.).

Le tribunal de grande instance (TGI) juge les litiges liés à la


construction, à la propriété et aux crédits immobiliers, quel
qu’en soit le montant. Il examine les autres litiges
supérieurs à 10  000  euros. Le TGI siège en audience
collégiale de trois juges (le président est entouré de deux
assesseurs  : c’est l’application du principe dit «  de
collégialité  »). L’avocat y est toujours obligatoire  : c’est
donc à lui de saisir le tribunal. Il y a au moins un TGI par
département.
Le juge aux affaires familiales (JAF) siège au TGI. Il y
examine les litiges familiaux (divorce, obligations
alimentaires, nom de famille, prénom, exercice de l’autorité
parentale, etc.)  : nous le retrouverons dans le chapitre
consacré au psychologue et à la famille.
L’assistance d’un avocat n’est pas toujours obligatoire
devant le JAF.
Chapitre 4

Le droit pénal

LE DROIT pénal est un droit répressif  : il définit les infractions et fixe, pour
chacune, la peine encourue, c’est-à-dire la peine théorique maximale,
appelée aussi « peine principale », à laquelle peut être ajoutée une « peine
complémentaire  » (retrait de permis, inéligibilité, interdiction d’exercer tel
ou tel métier, etc.). La peine encourue peut être, par le tribunal, remplacée
par une «  peine de substitution  » (travail d’intérêt général, bracelet
électronique, jours-amendes, etc.).

L’aspect répressif du droit pénal (il punit d’une peine les


infractions commises) a des vertus préventives  : celui qui
sait qu’il risque une punition peut avoir tendance à éviter de
commettre l’infraction. En théorie, cela fonctionne peu, à
part, peut-être, sur la route quand approche un radar, mais
l’aspect dissuasif de la sanction – argument défendu entre
autres par les partisans de la peine de mort – n’a jamais été
prouvé, bien au contraire (les États les plus violents des USA
sont ceux où la peine de mort est la plus pratiquée, les plus
paisibles, ceux où la peine de mort a été abolie).
Cesare Beccaria estime que la sanction doit être cantonnée
au procès, à la sentence prononcée, que l’incarcération n’en
fait pas partie : elle a pour but de préparer la réinsertion du
détenu.
Elle risque, à défaut, d’encourager la récidive  : c’est ce qui
se passe en France (un taux de délinquance historiquement
bas, un taux de réitération et de récidive extrêmement
élevé  : le système pénal et carcéral français fabrique la
délinquance qu’il est censé combattre).
Précisons la différence entre réitération et récidive : les faits
sont réitérés lorsqu’ils sont renouvelés avant le procès, la
récidive impose que les faits soient renouvelés après que la
condamnation a été prononcée.
Le taux de réitération est très élevé parce que la justice
pénale – débordée, elle manque de moyens – est parfois
très longue à réagir alors que l’on sait depuis longtemps
qu’une réponse immédiate a beaucoup plus d’effet qu’une
réponse différée, d’autant plus qu’elle place l’auteur en
attente de procès dans une zone d’incertitude peu propice à
la construction de projets d’avenir.
Le droit pénal est compilé dans le code pénal. Le premier
code pénal français a été publié le 6  octobre 1791 sous le
nom de «  code criminel  », à la fois code pénal et code de
procédure pénale. Il invente l’enquête sociale et introduit la
notion de discernement, définit comme «  la faculté que
possède une personne de savoir si un acte accompli par elle
est bon ou mauvais, susceptible ou non de punition  ». Il
reconnaît la minorité comme circonstance atténuante.
Il est remplacé, le 25 octobre 1795, par le code des délits et
des peines, ainsi nommé en référence à l’ouvrage de Cesare
Beccaria, puis par le code pénal impérial de 1810.
Le nouveau code pénal l’a remplacé le 1er mars 1994.
La justice pénale était auparavant rendue selon les
principes du code Louis, nom donné (en l’honneur de Louis
XIV) aux «  ordonnances sur la réformation de la justice
criminelle  » de 1670 qui, pour la première fois, codifient la
justice criminelle.
La procédure pénale décrit la manière de procéder pour
appliquer le droit pénal.
Elle est compilée dans le code de procédure pénale  : entré
en vigueur le 2 mars 1962, il remplace le code d’instruction
criminelle promulgué le 16 novembre 1808.
Elle relève du droit processuel (le droit des procédures),
comme la procédure civile et le contentieux administratif.

LE DROIT PÉNAL REPOSE SUR LA NOTION


D’INFRACTION

L’infraction est une action ou une omission, volontaire ou


involontaire, prévue et réprimée par la loi ou par le
règlement, qui engage la responsabilité pénale de son
auteur, et qui ne se justifie pas par l’exercice d’un droit ou
l’accomplissement d’un devoir (la légitime défense est un
fait justificatif, l’euthanasie active le deviendra peut-être un
jour et ne pourra plus être assimilée à un assassinat).
Les délits et les crimes sont d’origine législative, les
contraventions, d’origine réglementaire, c’est-à-dire : créées
par décrets (c’est pour cette raison que certains articles –
du code de la santé publique, du code de l’action sociale et
des familles – commencent par L, que d’autres commencent
par R).
Une infraction peut être de commission, d’omission ou de
commission par omission.
L’auteur de l’infraction de commission est actif  : il commet
l’infraction de manière volontaire ou involontaire, ce qui
n’est pas une excuse. Il accomplit un acte interdit par la loi
ou par le règlement. Les infractions de commission sont les
plus fréquentes : agression, vol, homicide.
L’auteur de l’infraction d’omission (ou par omission) est
passif  : il commet une infraction en s’abstenant
volontairement de faire quelque chose que la loi impose
(non-paiement d’une pension alimentaire, non-signalement
d’une personne vulnérable mise en danger par autrui, non-
assistance à personne en péril, etc.).
L’auteur de l’infraction de commission par omission est
passif, mais son omission est assimilée à un acte positif : la
distinction ne présente d'intérêt que si la loi ne punit pas
l'omission (et elle ne la punit pas toujours).
Un exemple  ? L’incendie. L'incendie volontaire est
sanctionné, l’incendie involontaire ne l’est pas (il est
assimilé à un accident), mais celui qui déclenche un
incendie parce qu’il a mal éteint sa cigarette commet une
infraction en s’abstenant volontairement de faire ce qui
aurait évité que survienne l’incendie.

LES INFRACTIONS SONT CLASSÉES EN TROIS


NIVEAUX DE GRAVITÉ

La peine encourue détermine si une infraction est une


contravention, un délit ou un crime (code pénal, art. 111-1).

▶  La contravention
C’est l’infraction la moins grave. Elle est commise par un
contrevenant qui contrevient à un règlement. On ne paye
pas une contravention  : on la commet  ; constatée, elle
entraîne le paiement d’une amende (code pénal, art.  131-
12).
Les contraventions de cinquième classe, les plus graves,
peuvent être sanctionnées de peines privatives ou
restrictives de droits (code pénal, art.  131-14), comme la
suspension du permis de conduire, le retrait du permis de
chasse ou l’immobilisation du véhicule.
La moitié des infractions est constituée en France de
contraventions (environ 6 millions par an). Les plus connues
relèvent du code de la route, mais la diffamation et l’injure
non publiques sont, par exemple, des contraventions (code
pénal, art. R621-1, R621-2)
Les contraventions sont classées en cinq niveaux de gravité,
de la première classe (la moins grave) à la cinquième classe
(la plus grave), les amendes s’échelonnent de 38  euros au
plus à 1 500 euros au plus, 3 000 en cas de récidive (code
pénal, art. 131-13).
Les contraventions des quatre premières classes ont été
pour la plupart forfaitisées (code de procédure pénale,
art. 529) : en payant moins, volontairement (sans être jugé)
et tout de suite, le contrevenant évite l’audience devant le
tribunal de police. L’amende forfaitaire est minorée si le
contrevenant la règle dans des délais plus courts, majorée
s’il la règle avec retard.
La contravention peut se contester, d’abord de manière
gracieuse en écrivant à l’officier près le ministère public,
puis, si nécessaire, de manière contentieuse, en demandant
à être convoqué devant le tribunal de police, où la peine
encourue n’est plus l’amende forfaitaire, mais l’amende
majorée.
Les contraventions relèvent du tribunal de police (code de
procédure pénale, art.  521), souvent installé physiquement
dans les locaux du tribunal d’instance. Il siège à juge
unique.
Il statue en premier et dernier ressort pour les
contraventions des quatre premières classes  : il n’est
possible d’interjeter appel que pour les contraventions de la
5e classe (on ne dit pas «  faire appel  », mais «  interjeter
appel » : le droit est une discipline littéraire qui possède son
propre vocabulaire). L’assistance d’un avocat n’est jamais
obligatoire au tribunal de police.
Le ministère public (le parquet) est représenté, pour les
contraventions des quatre premières classes, par l’officier
près le ministère public (un commissaire ou un commandant
de police) ou, en théorie, à la demande du juge, par le maire
ou l’un de ses adjoints (code de procédure pénale, art. 46).
Il est représenté, pour les contraventions de la 5e classe, par
le procureur de la République ou l’un de ses substituts.
Les contraventions des quatre premières classes commises
par des mineurs sont de la compétence du tribunal de
police, les contraventions de la 5e classe commises par des
mineurs sont de la compétence du tribunal pour enfants.

▶  Le délit
C’est l’infraction la plus médiatisée. La plupart des vols,
l’agression sexuelle, les violences volontaires et les
homicides involontaires sont des délits. Le viol et les
homicides volontaires sont des crimes, comme le vol
commis avec l’usage ou sous la menace d'une arme, ou en
bande organisée (c’est-à-dire : sous la direction d’un chef).
Les délits, commis par un délinquant, sont punis d’une
peine d'emprisonnement de dix ans au plus et d'amende
(code pénal, art. 131-3).
Les délits commis par des majeurs relèvent du tribunal
correctionnel.
Les délits commis par des mineurs, du tribunal pour enfants.
Le tribunal correctionnel est composé d’un président et de
deux assesseurs, mais il peut siéger « à juge unique » (code
de procédure pénale, art. 398) pour juger un certain nombre
de délits, précisément énumérés (code de procédure
pénale, art.  398-1), qui encourent une peine
d’emprisonnement inférieure à cinq ans.
L’assistance d’un avocat n’est jamais obligatoire au tribunal
correctionnel (mais fortement conseillée), même en
« comparution immédiate » (immédiatement après la garde
à vue).

▶  Le crime
C’est l’infraction la plus grave. Il est puni d’une peine
d’amende et d’une peine de réclusion ou de détention
criminelles (code pénal, art.  131-1). La peine maximale est
la réclusion criminelle ou la détention criminelle à
perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans (code
pénal, art. 132-23).
La détention criminelle sanctionne les crimes politiques, la
réclusion, les crimes de droit commun (la détention
criminelle n’est plus prononcée en France depuis fort
longtemps).
Les crimes ne causent pas tous la mort  : le viol, la
séquestration, la mutilation (etc.) sont des crimes sans être
des homicides.
Les homicides volontaires sont des crimes  : on les appelle
des meurtres.
Les meurtres prémédités sont des assassinats (code pénal,
art. 221-3).
Les crimes commis par des majeurs relèvent de la Cour
d’assises.
Les crimes commis par des mineurs, du tribunal pour
enfants (mineurs de moins de 16 ans) ou de la Cour
d’assises des mineurs (mineurs de plus de 16 ans).
La Cour d’assises est composée d’un président et de deux
assesseurs, assistés de six jurés tirés au sort sur les listes
électorales des élections nationales (les ressortissants d’un
État membre de l’Europe peuvent voter aux élections
locales, mais ne peuvent pas être jurés).
L’avocat est toujours obligatoire en Cour d’assises.
LES INFRACTIONS SEXUELLES

L’agression sexuelle est un délit. Le viol est un crime. Le viol est une
atteinte sexuelle avec pénétration, quelle qu’elle soit (buccale, vaginale,
anale). L’attouchement n’existe pas (il faut éviter d’utiliser ce terme qui
semble minorer la gravité des faits). Toute atteinte sexuelle sans
pénétration est une agression. Il convient d’éviter également l’utilisation du
terme «  abus sexuel  »  : un abus est un usage excessif, ce qui peut laisser
supposer qu’il existerait un «  usage  » sexuel qui ne soit pas excessif. On
remplace avantageusement «  abus sexuel  » par «  atteinte sexuelle  ». On
évitera enfin d’invoquer le « détournement de mineur », d’abord parce qu’il
a disparu du code pénal le 1er  mars 1994, ensuite, parce qu’il n’avait rien
de sexuel. Il punissait le fait d’enlever ou de détourner un mineur (code
pénal, ancien art. 356), de le « détourner du droit chemin », comme dans la
parabole de Pinocchio (il faut relire la version originelle de Carlo Collodi,
c’est une fable éducative assez jubilatoire). Le détournement de mineur a
d’ailleurs été principalement remplacé par les délits de provocation (code
pénal, art.  227-18 et suivants) et de corruption de mineur (code pénal,
art. 227-22), qui ne sont pas sexuels.
La mauvaise interprétation provient probablement du deuxième alinéa de
l’article 356 de l’ancien code pénal : «  lorsqu’une mineure ainsi enlevée ou
détournée aura épousé son ravisseur, celui-ci ne pourra être poursuivi que
sur la plainte des personnes qui ont qualité pour demander l'annulation du
mariage et ne pourra être condamné qu'après que cette annulation aura été
prononcée  ». L’idée était de lutter contre les mariages «  achetés  » et les
mineures «  corrompues  » par des cadeaux, des présents, des promesses  :
épouser sa victime était considéré (jusqu’en 1994  !) comme une
circonstance atténuante.
Nous aborderons plus tard la notion de «  majorité sexuelle  », bien qu’elle
n’existe pas réellement, et qu’elle se retrouve moins claire qu’auparavant,
alors même que la réforme devait la simplifier.

L’INFRACTION EST CONSTITUÉE LORSQUE SONT


RÉUNIS TROIS ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS

L’élément légal, l’élément moral, et l’élément matériel sont


les trois éléments qui permettent que l’infraction soit
constituée, c’est-à-dire  : qu’elle existe et puisse être
poursuivie.

▶  L’élément légal
L’infraction est prévue et réprimée par la loi  ou par le
règlement, parce qu’il n’y a pas de crime, pas de peine sans
loi : c’est l’élément légal.
Cette règle a été théorisée par Cesare Beccaria pour lutter
contre l’arbitraire. Il n’y a pas d’infraction s’il n’y a pas de
texte qui la prévoit et la réprime (code pénal, art.  111-1 à
111-4).
Il n’existe par exemple pas de texte en droit français
réprimant l’anthropophagie, et la zoophilie n’est
sanctionnée que depuis l’adoption de la loi 2004-204 du
9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions
de la criminalité (code pénal, art. 521-1) : il fallait avant que
l’animal souffre.

▶  L’élément moral
L'auteur de l'infraction doit avoir agi avec discernement,
sans contrainte, en pleine possession de ses facultés
mentales, parce qu’il «  n'y a point de crime ou de délit sans
intention de le commettre  » (code pénal, art.  121-3). C'est
l'élément moral, parfois appelé « élément intentionnel ». La
personne qui était «  atteinte, au moment des faits, d’un
trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son
discernement ou le contrôle de ses actes  » (code pénal,
art.  122-1), peut être considérée comme pénalement
irresponsable, comme «  la personne qui a agi sous l’empire
d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pas pu
résister  » (code pénal, art.  122-2), qui bénéficiera tout au
moins de circonstances atténuantes (un automobiliste dont
le véhicule glisse sur une plaque de verglas ou fait de
l’aquaplaning, un banquier qui ouvre le coffre parce que sa
femme et son fils sont retenus en otage, etc.).
SOUS L'EMPIRE OU SOUS L'EMPRISE ?

L'article 122-2 du code pénal préfère «  sous l'empire  », l'article R234-1 du


code de la route aussi («  même en l'absence de tout signe d'ivresse
manifeste, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e
classe le fait de conduire un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique »).
Empire et emprise sont des paronymes, c’est-à-dire des mots qui, sans avoir
la même signification, ont une très forte ressemblance phonétique (comme
pomme et paume, conservations et conversations).
L'empire est l'ascendant, l'influence morale de quelqu'un ou de quelque
chose sur une personne, sur une de ses facultés : il est donc correct de dire
sous l'empire de la colère, de la passion, ou, comme André Gide, «  sous
l'empire du haschisch, je ne peux pas me retenir de voler  » (Les Faux-
monnayeurs, 1925).
L'emprise est l'ascendant intellectuel ou moral exercé par quelqu'un ou
quelque chose sur un individu : on a de l'emprise sur quelqu'un.
Les deux expressions sont donc quasi équivalentes dans les situations
lexicographiques où elles signifient «  influence intellectuelle ou morale,
ascendant ».

▶  L’élément matériel
L'infraction doit être matérialisée par un début d’exécution,
parce que la simple intention coupable n'est pas
punissable : c'est l'élément matériel de l'infraction.
La tentative «  est constituée dès lors que, manifestée par
un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou
n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances
indépendantes de la volonté de son auteur  » (code pénal,
art. 121-5).
La tentative est punissable dès lors que l’auteur des faits a
commencé (par exemple, à forcer la porte  : c’est un
élément matériel) et qu’il ne s’est pas arrêté de lui-même (il
a été dérangé par le déclenchement d’une alarme, par le
propriétaire ou par une ronde de la police municipale).
En conséquence, l’auteur de l'infraction est «  la personne
qui  commet les faits incriminés  » (code pénal, art.  121-4),
mais aussi celle « qui tente de commettre un crime ou, dans
les cas prévus par la loi, un délit  » (idem). La tentative est
toujours punissable pour les crimes.
Elle l’est parfois pour les délits. Elle ne l’est jamais pour les
contraventions.
Le complice d'un crime ou d'un délit est «  la personne qui
sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la
préparation ou la consommation  » (code pénal, art. 121-7),
ainsi que «  la personne qui par don, promesse, menace,
ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une
infraction ou donné des instructions pour la commettre  »
(idem).
Le complice est donc actif, il ne peut pas être passif : la non-
dénonciation d’un crime par un psychologue, ou le non-
signalement d’une personne vulnérable mise en danger par
autrui ne permettent pas que le psychologue en question
soit considéré comme complice.
Il n’a pas assisté l’auteur, et il n’a pas provoqué l’infraction.
Il pourra par contre être poursuivi pour non-dénonciation
d’un crime (code pénal, art.  434-1), ou non-signalement
d’une personne vulnérable mise en danger par autrui (code
pénal, art.  434-1), infractions correctionnelles punies de
trois ans d’emprisonnement et de 45  000  euros d’amende.
Bien évidemment, nous y reviendrons.
Les pénalistes s’accordent désormais à ajouter à cette
trinité juridique un quatrième élément constitutif : l'élément
juste (celui qui justifie l’infraction) ou injuste (celui qui ne la
justifie pas). L'infraction qui peut se justifier, par exemple en
cas de légitime défense (code pénal, art.122-5 et 122-6) ou
par l’ordre de la loi (code pénal, art.  122-4 CP), n’est pas
constituée (sous certaines conditions, la responsabilité
pénale de l’auteur n’est pas engagée, ou atténuée).

LE DÉCLENCHEMENT DE LA PROCÉDURE PÉNALE

L’infraction doit être constatée par un officier de police


judiciaire (OPJ), par un agent de police judiciaire (APJ) ou,
dans certains cas, un agent de police judiciaire adjoint
(APJA), ou encore portée à la connaissance du procureur de
la République, qui reçoit « les plaintes et les dénonciations »
(code de procédure pénale, art.  40). Il décide alors de
l’opportunité des poursuites (code de procédure pénale,
art.  40-1). Il reçoit également les signalements  : nous y
reviendrons (on dénonce un coupable, on signale une
victime, ou des faits : ce n’est pas du tout la même chose,
on ne peut pas être poursuivi pour un signalement erroné
s’il a été fait de bonne foi, on peut l’être pour une
dénonciation qui s’avère calomnieuse). Lorsque le parquet
décide de poursuivre, on dit qu’il engage l’action publique.
Le dépôt d’une plainte est souvent indispensable pour que
débute la procédure pénale.
On ne peut déposer plainte que quand on est soi-même
victime, ou son enfant mineur. Civilement incapable, un
mineur ne peut pas déposer plainte (pas plus qu’un majeur
en tutelle) : il peut néanmoins se présenter dans un service
de police ou de gendarmerie, qui pourra l’entendre, établir
un procès-verbal d’audition et le transmettre – sans prévenir
les parents – au procureur de la République.
Il peut également écrire directement au procureur, ou
demander à un adulte de le faire à sa place.
Il peut aussi se faire assister d’un avocat : le mineur capable
de discernement a d’office droit à l’aide juridictionnelle
(quel que soit son âge). Nous y reviendrons.
Le dépôt d’une plainte s’effectue dans un commissariat de
police ou une brigade de gendarmerie (quelques
expériences existent de pré-plaintes déposées sur Internet,
qui donnent lieu ensuite à une convocation devant un
officier de police judiciaire, elles vont vraisemblablement se
généraliser).
Le procureur peut, dans certains cas (homicides, infractions
commises sur la voie publique, etc.), engager des
poursuites sans qu’une plainte soit déposée  : c’est aussi le
cas lorsque la victime de l’infraction peut être considérée
comme vulnérable (au titre de l’article 434-3 du code
pénal). C’est la base légale du signalement  : quiconque
ayant connaissance d’une personne vulnérable mise en
danger par autrui est obligée de signaler la situation au
parquet pour que la victime soit protégée, et que l’auteur de
l’infraction (agression physique, psychologique, sexuelle,
économique ou financière, etc.) soit poursuivi, et peut-être
condamné. Le signalement au parquet d’une personne qui
ne peut pas être considérée comme vulnérable ne donnera
lieu à aucune action publique  : il ne se passera rien tant
qu’elle ne déposera pas plainte. C’est un des freins à la lutte
contre les violences au sein du couple  : la nécessité d’un
dépôt de plainte.
Le procureur de la République peut classer la plainte sans
suite (pareil pour le signalement, la dénonciation). Il peut
privilégier une solution alternative (médiation et
composition pénale, comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité, injonction, etc.). Il peut ordonner
une enquête préliminaire (code de procédure pénale,
art.  75), qu’il confie aux services de police et/ou aux
services sociaux, lorsqu’il estime ne pas disposer d’assez
d’informations.
Il peut aussi engager des poursuites, et saisir, ou non, un
juge chargé d’instruire la plainte  : se déroule alors
l’information judiciaire, l’enquête qui mène au procès.
Le jour de l’audience pénale, le magistrat du parquet qui
exerce le ministère public requiert la sanction  : c’est une
action publique engagée au nom de la société.
La sanction n’est pas une vengeance, elle n’est pas
demandée par la victime qui, pour être partie au procès,
doit se constituer partie civile.
Lorsque la victime demande la sanction, c’est la vengeance,
lorsque le procureur requiert la sanction, c’est la justice.
La victime ne peut d’ailleurs pas interjeter appel si la
sanction est trop légère  à son goût  : seul le parquet et le
condamné ont cette possibilité. L’action pénale n’est pas
une action privée (elle ne peut interjeter appel – si elle s’est
constituée partie civile – que sur le montant des indemnités
qui lui a été alloué).
LES POLICIERS ET GENDARMES SONT-ILS OBLIGÉS DE
PRENDRE UNE PLAINTE ?

Les officiers de police judiciaire (OPJ) ne sont pas – contrairement à une idée
fortement répandue – obligés de recevoir les plaintes  : ils sont, nuance,
tenus de les recevoir (code de procédure pénale, art.  15-3), c’est-à-dire
qu’ils en ont le devoir, et non l’obligation.
Un devoir, c’est subjectif. Une obligation, c’est impératif, et le non-respect
d’une obligation peut entraîner une sanction. Il n’existe aucune sanction
légale qui permettrait de condamner un OPJ qui aurait refusé d’enregistrer
une plainte. On lui demande, sans le dire ouvertement, d’effectuer un
premier tri, de ne prendre que les plaintes susceptibles d’aboutir.
Les autres, il les transforme en main courante, ou en procès-verbal
d’audition.
Le droit est une discipline littéraire. Les mots ont une grande importance  :
être tenu est « plus fort » que pouvoir, « moins fort » que devoir.
Nous retrouverons ce «  est tenu  » dans le second alinéa (le second
paragraphe) de l’article 40 du code de procédure pénale  : «  (…) tout
fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance
d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur
de la République  ». Il n’y est heureusement pas obligé, ce serait, pour
certaines professions, intenable. En son âme et conscience, selon son
propre curseur subjectif, il portera à la connaissance du procureur de la
République ce qu’il estimera qu’il est de son devoir de porter à la
connaissance du procureur de la République. L’article 40 du code de
procédure pénale  peut autant permettre à un fonctionnaire de ne pas
respecter la voie hiérarchique pour signaler un enfant victime de
maltraitance (on peut alors lui trouver des vertus positives), qu’être utilisé
par un autre pour communiquer au parquet, parce qu’il estime que c’est son
devoir, les coordonnées d’étrangers en situation irrégulière, afin qu’ils
soient plus facilement arrêtés, et expulsés. Un devoir, c’est subjectif.

La loi «  Guigou  » a mis fin à la territorialité de la plainte  :


depuis le 1er  janvier 2001, la plainte se dépose devant
n’importe quel OPJ, charge à lui «  de les transmettre (…) au
service ou à l'unité de police judiciaire territorialement
compétent » (code de procédure pénale, art. 15-3).
Le dépôt de plainte est matérialisé par un procès-verbal, il
donne lieu à la délivrance immédiate d'un récépissé à la
victime, qui, si elle en fait la demande, peut obtenir une
copie du procès-verbal. C’est la principale utilité d’un dépôt
de plainte effectué dans un commissariat de police ou une
brigade de gendarmerie : recevoir un récépissé.
Il pourra – selon les cas – être transmis à l’assureur, ou
permettre la résiliation d’un contrat.
La victime peut aussi déposer plainte en adressant un
courrier au procureur de la République, mais elle
n’obtiendra aucun récépissé (il est donc conseillé d’envoyer
le courrier en LRAR), elle n’aura par contre pas à endurer
une audition (c’est une des raisons invoquées par les
victimes de violences au sein de leur couple pour ne pas
déposer plainte), n’aura pas à convaincre le policier, parfois
dubitatif, de la véracité ou de la gravité des faits, et ne
prendra pas le risque de voir sa plainte transformée en main
courante.
Elle sera convoquée plus tard, par un OPJ saisi par le
parquet, pour être entendue, mais son courrier restera au
dossier. Il est plus simple de choisir ses mots en rédigeant
une lettre qu’en répondant à des questions, parfois
orientées, d’un policier.
On peut aussi se faire aider, par un travailleur social, un
psychologue, un proche, etc. Beaucoup de victimes qui
hésitent à déposer plainte arriveraient ainsi probablement à
s’y résoudre…
Il est toujours préférable que la plainte soit corroborée par le
certificat d’un médecin légiste (le certificat d’un autre
médecin, de famille, de PMI, n’est qu’un témoignage parmi
d’autres). Le médecin légiste, comme son nom l’indique –
legis signifie «  de la loi  » – est reconnu par la justice pour
ses compétences (il n’assure pas que des autopsies). Il est
compétent pour les violences physiques, sexuelles, et
psychologiques. Il est parfois (très souvent, semble-t-il)
difficile d’accéder à un médecin légiste, et beaucoup d’UMJ
(unités médico-judiciaires) exigent d’être requises par la
police après qu’une plainte a été déposée. Nulle disposition
légale ne rend possible cette exigence, pourtant de plus en
plus répandue, c’est donc illégal, et inacceptable.
On évoque, comme d’habitude, des raisons économiques et
un manque de moyens alloués aux UMJ, mais est-ce à la
victime d’en faire les frais ? La volonté politique affichée est
de lutter efficacement contre les violences intrafamiliales,
mais les ministères se renvoient la balle sur la prise en
charge financière d’un meilleur accueil des victimes. En
théorie, une victime doit pouvoir être examinée par un
médecin légiste au sein d’une unité médico-judiciaire même
si elle décide de ne pas déposer plainte (ce qui est son
droit). En théorie, l’équipe médicale ou médicosociale
l’informe sur les démarches judiciaires et – si la victime
souhaite déposer plainte – contacte le service de police
concerné pour qu’un OPJ spécialement formé se déplace et
l’auditionne.
En théorie. En réalité, c’est très rarement le cas.
Le meilleur moyen de lutter contre les violences
intrafamiliales (mais aussi contre le harcèlement, etc.) est
d’augmenter les moyens des UMJ, de multiplier les
consultations de victimologie, et de rendre les deux
aisément accessibles (si des associations militantes lisent
ces lignes, qu’elles n’hésitent pas à s’en mêler  !). Nous
reviendrons sur cette question dans le chapitre consacré au
psychologue et aux violences, mais aussi dans celui qui va
traiter de l’autorité parentale et de son exercice  : le
certificat du médecin légiste peut considérablement
appuyer une demande de suspension de l’exercice de
l’autorité parentale (et nous commencerons le chapitre en
question en expliquant la différence entre l’autorité
parentale et son exercice).
Il est aussi possible de déposer plainte par l’intermédiaire
d’un avocat directement auprès d’un juge d’instruction, en
se constituant partie civile.
L’AIDE JURIDICTIONNELLE

L'aide juridictionnelle (AJ) est une aide financière accordée – sous conditions
de ressources (sauf aux mineurs : elle est de droit) – à qui ne peut assumer
le coût d’une procédure judiciaire, civile ou pénale (qu’il soit mis-en-
examen, prévenu, demandeur, défendeur, partie civile, etc.). L'aide
juridictionnelle est financée par l’État. Elle se demande – avant ou pendant
la procédure – au Bureau d’aide juridictionnel (BAJ) du tribunal concerné
(juridiction civile ou pénale, prud’hommes, tribunal administratif, etc.). Les
sommes engagées avant la demande d'aide ne sont pas remboursées. Il
existe évidemment un CERFA 15626*01, qui se télécharge en ligne). L’aide
juridictionnelle permet de choisir son avocat, qui peut la refuser. Il ne faut
pas confondre l’aide juridictionnelle avec l’avocat commis d’office : l’avocat
commis d’office est désigné par le bâtonnier, il doit être payé lorsque son
client ne relève pas de l’aide juridictionnelle, ou ne la demande pas. Celui
qui bénéficie de l’AJ peut choisir son avocat, ou demander au bâtonnier (le
«  chef  local  » des avocats, élu par eux) de lui en désigner un d’office  : la
saisine du bâtonnier et la demande d’AJ sont deux démarches différentes. Il
est possible de changer d'avocat en cours de procédure  : il suffit de le
signaler au bureau d'aide juridictionnelle qui a accordé l'aide.

Les trois conditions


L'aide juridictionnelle est attribuée sous trois conditions : les ressources du
demandeur sont inférieures à un plafond, son action en justice n'est pas
irrecevable, fantaisiste ou dénuée de fondement, et il ne dispose pas d'une
assurance de protection juridique susceptible de couvrir ces frais (le CERFA
15173*01 «  Attestation de non-prise en charge par l’assureur  » doit être
joint à la demande).

La protection juridique
La protection juridique est un contrat spécifique qui permet que la
compagnie d’assurance prenne en charge tout ou partie des frais de
procédure, ou fournisse les services nécessaires pour assurer la défense ou
la représentation de l'assuré dans une procédure civile, pénale,
administrative ou autre (code des assurances, art. L. 127-1). Les dommages
et intérêts obtenus sont versés en priorité à l'assuré (qui ne peut pas
solliciter l'aide juridictionnelle), puis à l'assureur, pour le couvrir des
dépenses engagées.
Les professionnels, que nous encourageons fortement à souscrire un contrat
de responsabilité civile professionnelle (RCP), veilleront à ne pas se
contenter d’un contrat de protection juridique, qui ne verse pas aux
victimes de dommages et intérêts (et à choisir une RCP qui inclut une
protection juridique).

Les barèmes
Le niveau d’AJ dépend de la situation financière (revenus, patrimoine) et du
nombre de personnes à charge. Les personnes suivantes sont considérées à
charge si elles vivent habituellement au foyer : la personne qui vit en couple
avec le demandeur (PACS, mariage, concubinage) si elle n'a pas de
ressources, ses enfants mineurs au 1er  janvier de l'année en cours (de
moins de 25 ans, s'ils sont étudiants ou invalides), ses ascendants (parents,
grands-parents, etc.) dont les ressources ne dépassent pas l’allocation de
soutien aux personnes âgées (ASPA). Les ressources prises en compte sont
celles du demandeur, de la personne avec qui elle vit en couple (on ne
dénoncera jamais assez cet amalgame entre concubinage non déclaré – qui
ne crée pas de communauté d’intérêt – et mariage, facteur de précarité), et
des autres personnes vivant au foyer (salaire d’un enfant, retraite d'un
parent, etc.). Il s’agit toujours des ressources nettes, perçues avant
d’éventuels abattements fiscaux.
Si la procédure oppose plusieurs personnes d’un foyer, seules les ressources
du demandeur sont prises en compte. Les ressources prises en compte sont
celles de l’année précédente, si elles ont changé (séparation, etc.), les
ressources actuelles sont prises en compte.
Le montant retenu correspond à la moyenne des ressources perçues au
cours de la période considérée.
Certaines ressources sont exclues (prestations familiales, prestation de
compensation du handicap, aide personnalisée de retour à l'emploi,
allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité, aide
personnalisée au logement, allocation de logement sociale et prime
d'activité), mais certains éléments du patrimoine (comme des biens
immobiliers) peuvent être pris en compte.

Pour une personne seule


Source : Service-public.fr (2019)
Il existe un simulateur en ligne, pour calculer ses droits à l’aide
juridictionnelle : www.justice.fr/simulateurs

La prise en charge totale ou partielle


Les honoraires de l’avocat sont pris en charge en partie ou en totalité selon
que le demandeur bénéficie de l'aide juridictionnelle partielle ou totale. Le
droit de plaidoirie, dû devant certaines juridictions et fixé à 13 euros, reste
toujours à la charge du demandeur.
Selon le taux de l'aide partielle accordée, l'État prend en charge une partie
de la rémunération des avocats et des officiers publics ou ministériels
(huissiers, notaires, etc.), mais il prend toujours en charge la totalité des
autres frais relatifs aux procédures ou actes pour lesquels l'aide
juridictionnelle partielle a été accordée (expertises, enquêtes sociales, etc.).
Il convient de signer avec son avocat une Convention d’honoraires pour
déterminer le montant des honoraires complémentaires à l’AJ partielle
(conclure une telle Convention est d’ailleurs conseillé même en l’absence
d’AJ).

Les procédures concernées


Toutes les procédures civiles, pénales, administratives sont concernées par
l’AJ, du premier ressort (le premier tribunal saisi) au pourvoi (en Cour de
Cassation). L'aide juridictionnelle peut être accordée pour un procès en
matière gracieuse ou contentieuse, comme le divorce, même par
consentement mutuel, pour une transaction ou une médiation, pour faire
exécuter une décision de justice (par un huissier) ou pour une procédure de
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC),
l’équivalent français du «  plaider coupable  » cher aux séries-télé
américaines…

Le cas particulier des mineurs


Le mineur «  capable de discernement  » (code civil, art.  388-1) peut, dans
toute procédure qui le concerne (civile, pénale, disciplinaire), être entendu
seul, accompagné d’une personne (majeure) de son choix, ou assisté d’un
avocat. S'il choisit d'être assisté d’un avocat (qu’il peut librement choisir),
ou si le juge lui en désigne un, le mineur bénéficie de droit de l'aide
juridictionnelle (article 9-1 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide
juridique, complété par la loi 93-22 du 8  janvier 1993). La plupart des
Barreaux (regroupements d’avocats par tribunal de grande instance, ou par
département) tient à disposition une liste des «  avocats d’enfants  » (qui
acceptent les clients mineurs en aide juridictionnelle) et organise des
permanences dédiées. L’avocat de l’enfant ne sera pas l’avocat de son ou
de ses parent(s), il ne portera que la parole de l’enfant et n’aura aucun
compte à leur rendre.

LA MAIN COURANTE

Il ne faut pas confondre la plainte et la main courante.


La main courante n’est en aucun cas assimilable à une
plainte  : elle ne permet pas, ou très rarement, que des
poursuites soient engagées. La main courante est une
manière d’informer les services de police : elle n’est qu’une
mention dans un journal de bord.
Elle existe probablement, sous des formes différentes,
depuis la mise en place des premiers services de police par
Philippe Auguste (1165-1223), au XIIIe siècle, à Paris, mais
s’est largement développée sous l’impulsion de Fouché,
ministre de la police sous le Directoire, le Consulat, l’Empire
et la Restauration (de juillet  1799 à septembre  1815), qui
l’utilisait essentiellement à des fins politiques, pour
enregistrer les dénonciations qui lui permettaient de déjouer
complots et conspirations.
Une légende tenace, assez amusante, assure que la main
courante a été inventée par Eugène-François Vidocq (il a
dirigé la Sûreté, ancêtre de la police judiciaire, de  1811
à  1827), et qu’il avait confié le soin d’en tenir le registre à
un ancien bagnard, habile pickpocket, surnommé Main
Courante…
En gendarmerie, la main courante est appelée procès-verbal
de renseignement judiciaire  : le procès-verbal de
renseignement judiciaire est systématiquement transmis
pour information au procureur de la République,
contrairement à la main courante, mais son contenu –
comme celui d’une main courante – n’est que très rarement
vérifié par les services de police ou de gendarmerie. Ce
n’est donc en aucun cas une preuve.
Le droit est assez simple, et souvent binaire  : coupable ou
innocent, plainte ou pas plainte, célibataire ou marié, etc. Il
n’existe pas de « troisième voie » au milieu, qui permettrait
de n’avoir que les avantages des deux statuts (quand je
dépose une main courante, je ne dépose pas plainte, mais
c’est «  comme si  » et ça a les mêmes effets, quand je me
pacse, je ne me marie pas, mais c’est « comme si » et ça a
les mêmes effets, ce qui est entièrement faux…).
Emmanuel Kant (1724-1904) a fort bien énoncé que «  tout
choix est un renoncement », il faut donc choisir entre deux
solutions, et en assumer les conséquences, positives et
négatives.
En procédure pénale, on évoque le «  seuil d’intolérabilité  »
pour définir le moment où une victime dépose plainte. Il est
forcément subjectif, et personnel. Là encore, c’est une
question de curseur.
MAIN COURANTE OU PLAINTE ?

Une main courante ne se transforme jamais en plainte (ce qui ne


respecterait pas le droit de la victime de ne pas déposer plainte), et une
accumulation de mains courantes ne peut jamais être considérée comme
une preuve : il suffirait sinon d’aller raconter plusieurs fois des sornettes au
commissariat pour fabriquer des preuves, faire condamner un innocent ou
gagner son divorce, mais un mensonge, heureusement, ne devient pas une
vérité à force d’être répété ! En dehors des cas de vulnérabilité qui rendent
possible un signalement, la victime ne pourra être considérée comme
victime présumée que lorsqu’elle aura déposé plainte, une fois atteint son
« seuil d’intolérabilité  ». Elle deviendra victime si la culpabilité de l’auteur
est établie par le tribunal : jusqu’au prononcé de la sentence, il est présumé
innocent. Le rôle d’un psychologue est alors probablement d’accompagner
cette victime vers le dépôt de plainte, de l’aider à définir ce seuil
d’intolérabilité, de lui permettre de prendre conscience que ce qu’elle subit
n’est pas tolérable.
La main courante la plus célèbre est celle que doit déposer la «  femme
battue » qui s’enfuit, qui ferait obstacle aux poursuites pour «  abandon du
domicile conjugal ».
D’abord, l’abandon du domicile conjugal  n’existe pas (et n’a jamais existé)
en droit français, ensuite, en imaginant qu’il existe, informer la police que
l’on abandonne le domicile conjugal alors que c’est interdit, ressemble
quand même beaucoup à un aveu, qui pourrait être utilisé par le conjoint
abandonné. En aucun cas cette main courante pour « abandon du domicile
conjugal  » ne permettra d’empêcher le père de voir ses enfants. La seule
solution, en l’espèce, est le dépôt de plainte et la saisine du juge aux
affaires familiales d’une requête de suspension d’exercice de l’autorité
parentale. Elle sera facilitée si la plainte est corroborée par un certificat
établi par un médecin légiste. Si des associations militantes lisent ces
lignes, nous sommes quelques-uns à tenter de convaincre les
parlementaires que voter une loi qui impose, dans ces conditions, la saisine
systématique du JAF par le parquet, serait une idée excellente, et nous
serions ravis d’être soutenus…
Nous nous proposons d’approfondir plus tard ce sujet.

LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE

La victime qui souhaite voir indemnisé le préjudice


(matériel, moral, esthétique, etc.) que l’infraction commise
lui a fait subir doit se constituer partie civile (code de
procédure pénale, art.  85 à 91). La réparation ne peut être
que pécuniaire  : l’amende va dans les caisses du trésor
public alors que les dommages et intérêts sont versés à la
victime par le condamné.
La victime doit avoir subi un préjudice direct, indirect ou
collectif pour se constituer partie civile.
Elle peut se constituer partie civile du jour où elle dépose
plainte (par courrier), jusqu’au jour de l’audience.
Il faut être majeur. Le ou les parent(s) peuvent se constituer
partie civile, ensemble ou séparément, pour leur enfant
mineur victime. Un administrateur ad hoc, à défaut, pourra
être nommé, et se constituera partie civile dans l’intérêt du
mineur.
La victime qui se constitue partie civile peut, si elle le
souhaite, se faire assister d’un avocat, ce n’est jamais
obligatoire  : il aura accès au dossier et pourra plaider à
l’audience. La victime doit demander une somme précise,
qu’elle détaille et justifie. Elle peut lui ajouter le
remboursement forfaitaire de tous les frais engagés
(affranchissements, photocopies, temps consacré à la
procédure, honoraires d’avocat ou d’huissier, etc.) au titre
de l’article 475 du code de procédure pénale. La
constitution de partie civile permet aussi à la victime d’être
partie à la procédure, c’est-à-dire d’être informée à chaque
étape, et d’être convoquée à l’audience. La victime, qui ne
s’est pas constituée partie civile, est considérée, au mieux,
comme une sorte de témoin. Elle n’a accès à aucun élément
du dossier.

LA PRESCRIPTION DE L’ACTION PUBLIQUE

On dispose, pour déposer plainte, d’un délai, appelé délai de


prescription de l’action publique.
Il est d’un an pour la victime d’une contravention (code de
procédure pénale, art. 9).
Il est de six ans pour la victime d’un délit (code de
procédure pénale, art.  8), de vingt ans pour certains délits
plus graves (apologie du terrorisme, infractions relatives
aux matières et aux armes nucléaires, aux armes
biologiques, etc.).
Il est de vingt ans pour la victime d’un crime (code de
procédure pénale, art. 7), de trente ans pour certains crimes
particulièrement graves (terrorisme, direction ou
organisation d’un trafic de stupéfiants, fabrication,
importation et exportation de stupéfiants, etc.).
Le délai est de dix ans à compter de sa majorité pour un
délit sexuel commis contre un mineur, de vingt ans à
compter de sa majorité pour certains délits sexuels
aggravés (mineur de moins de 15 ans, commis par un
ascendant).
Il est de trente ans à compter de sa majorité pour un crime
commis contre un mineur.
L’extension du délai de prescription concernant les mineurs
(et les atteintes sexuelles en général) est depuis longtemps
revendiquée par l’opinion publique, à qui la loi 2018-703 du
3  août 2018 renforçant la lutte contre les violences
sexuelles et sexistes est venue donner raison, en oubliant
une réalité qu’il va falloir supporter  : plus le délai entre
l’agression et la plainte est long, moins il est possible de
rassembler des preuves, plus les souvenirs s’émoussent,
moins les témoignages sont fiables, et le doute profite
toujours à l’accusé. Il faut donc s’attendre à une
multiplication des relaxes (en tribunal correctionnel) et des
acquittements (en Cour d’assises  : la Cour d’assises utilise
un vocabulaire qui lui est propre).
Les infractions de presse (comme la diffamation) se
prescrivent en trois mois, en un an s’il s’agit de propos
racistes. La prescription recommence à chaque nouvelle
publication (ou partage) sur Internet et les réseaux sociaux.
Les crimes contre l’Humanité et le génocide sont
imprescriptibles.
Délais de prescription d’infractions sur mineurs
Notes
1. Le délai de prescription commence au jour de l'infraction.

2. Le délai de prescription commence au jour de la majorité.


Chapitre 5

Le droit pénal des mineurs

LE CODE criminel de 1791 fixe l'âge de la majorité pénale à 16 ans. Il


suggère au juge de prononcer des mesures éducatives ou des peines
atténuées, mais la notion de mesure éducative reste floue. Le mineur sans
discernement doit être remis à ses parents, ou «  placé dans une maison
d’éducation correctionnelle pour y être élevé et détenu  » (ancêtre de nos
structures à vocation éducative). Le mineur avec discernement peut être
incarcéré, mais pour une durée plus courte que s’il était majeur.

Les mineurs sont incarcérés avec les majeurs, jusqu’à ce


que la loi du 5 août 1850 sur l’éducation et le patronage des
jeunes détenus, créée des établissements spécialisés,
colonies pénitentiaires et bagnes pour enfants : la première
école d’éducateurs spécialisés est inaugurée à Toulouse
pour former le personnel d’encadrement.
Les colonies pénitentiaires et les bagnes pour enfants
disparaîtront en décembre 1958.
Le code d’instruction criminelle de 1808 (remplacé en 1959
par le code de procédure pénale) et le code pénal impérial
français de 1810 fixent la majorité pénale à 18 ans. Ils
conservent la notion de discernement qu’esquisse le code
criminel de 1791  : le président du tribunal «  si l’accusé a
moins de dix-huit ans » doit «  à peine de nullité » se poser
la question du discernement (code d’instruction criminelle,
art. 340).
La loi du 12  avril 1906 confirme que, «  lorsque le prévenu
ou l’accusé aura moins de 18 ans, s’il est décidé qu’il a agi
sans discernement, il sera acquitté  ; mais il sera, selon les
circonstances, remis à ses parents ou conduit dans une
colonie pénitentiaire pour y être élevé et détenu pendant le
nombre d’années que le jugement déterminera et qui,
toutefois, ne pourra excéder l’époque où il aura atteint sa
majorité » (ancien code pénal, art. 66).
C’est probablement dans cet acquittement pour défaut de
discernement qu’est née la légende – encore véhiculée et
enseignée aujourd’hui – de «  l’irréfragable irresponsabilité
pénale des mineurs », qui n’existe plus depuis longtemps.
La majorité pénale ne doit pas être confondue avec la
responsabilité pénale  : le mineur «  capable de
discernement  » est pénalement responsable dès sa
naissance des infractions qu’il commet avec discernement
(code pénal, art 122-8), mais il bénéficie jusqu’à ses 18 ans
des effets de sa minorité, considérée, aujourd’hui encore,
comme une circonstance atténuante.
Le discernement a été introduit dans le droit par le code
criminel de 1791, qui le définit comme «  la faculté que
possède une personne de savoir si un acte accompli par elle
est bon ou mauvais, susceptible ou non de punition ».
Les premiers pas d’une justice spécifique aux mineurs
remontent au 22 juillet 1912.
La fonction de juge des enfants est créée, mais il n’y en a
qu’un, à Paris, et il n’est compétent que pour le
département de la Seine (Paris et sa petite couronne).
Ce n’est encore qu’un juge répressif, l’assistance éducative
(la protection des mineurs) lui sera confiée par l’ordonnance
du 23 décembre 1958.
La Première Guerre mondiale met un terme à cette
évolution, la seconde voit l’émergence de l’ordonnance du
2  février 1945, rédigée principalement par Jean Chazal
(1907-1991), à la demande du docteur Raymond Grasset,
secrétaire d’État à la famille et à la santé du gouvernement
vichyste de Pierre Laval. Il inspire à l'écrivain Gilbert
Cesbron le personnage de Julien Lamy, juge du roman
Chiens perdus sans collier (1954), campé par Jean Gabin
dans le film éponyme (1955). L’ordonnance sera
promulguée à la Libération par le général De Gaulle, chef du
gouvernement provisoire mis en place par le Comité
français de la libération nationale. Elle a été modifiée près
de quarante fois en soixante-treize ans  : ce n’est pas donc
pas le vieux texte obsolète que certains s’amusent à décrire
(un député, récemment, consultant la version d’origine,
déplorait qu’elle soit toujours rédigée « en anciens francs »).
L’ORDONNANCE DE 2 FÉVRIER 1945

L’Ordonnance du 2 février 1945 adapte le droit pénal et la procédure pénale


à la minorité.
Elle s’articule autour de quatre principes :
1. le privilège de juridiction (les mineurs au moment des faits sont jugés
par une juridiction spécialisée, juge des enfants, tribunal pour enfants ou
Cour d’assises des mineurs) ;
2. l’excuse de minorité (une circonstance atténuante qui peut être retirée
aux mineurs de plus 16 ans) ;
3. la primauté de l’éducatif sur le répressif ;
4. la personnalité du mineur doit être prise en compte.
Elle prévoit trois catégories de peines :
1. les mesures d’avertissement (admonestation, remise à parents),
accessibles sans limite d’âge et mentionnées au casier judiciaire (qui,
depuis 2004, ne s’efface plus à la majorité) ;
2. les sanctions éducatives, créées par la loi du 9  septembre 2002 (séjour
en centre éducatif fermé, stage de citoyenneté d'un mois maximum)
pour les mineurs de plus de 13 ans ;
3. les sanctions pénales (prison et amende), accessibles aux mineurs de
plus de 13 ans (de 20 à 120 heures de travail d’intérêt général pour les
mineurs de plus de 16 ans).
Un mineur peut donc être jugé dès sa naissance lorsqu’il
commet une infraction avec discernement (la notion même
de discernement disparaît si la loi détermine un âge).
Il ne risque une peine d’amende ou de prison qu’à partir de
13 ans (au moment des faits) et un travail d’intérêt général
(TIG) à partir de 16 ans (au moment des faits).
Le 28  juillet 2018, un mineur de 10 ans a été mis en
examen par un juge d’instruction de Bobigny pour
«  incendie volontaire ayant entraîné la mort  », (code pénal,
art.  322-10), une infraction criminelle qui relève – pour un
adulte – de la Cour d’assises, passible de la réclusion
criminelle à perpétuité et de 150  000  euros d'amende. Il
avait, deux jours plus tôt, allumé un incendie qui a provoqué
la mort de quatre personnes, une mère enceinte et ses trois
enfants, piégés au 18e étage d’une tour d’Aubervilliers.
L’enfant – laissé seul par sa mère partie travailler en
attendant l’arrivée de la personne qui devait le garder – a
joué, à l’étage du dessous, avec un chiffon et un briquet. Il
n’a pas pu éteindre les flammes qui se sont rapidement
propagées. Le juge d’instruction a retenu le caractère
«  volontaire  » des faits lorsqu’il l’a mis en examen. Il l’a
ensuite placé chez son père, en province.
La responsabilité pénale est personnelle (code pénal,
art.  121-1), ses parents ne risquent donc rien, sauf s’il est
établi qu’ils se sont rendus coupables de délaissement
(code pénal, art.  227-1), ou qu’ils se sont soustraits sans
motif légitime à leurs obligations légales «  au point de
compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou
l'éducation  » de leur enfant (code pénal, art.  227-17). Il
semblerait en l’espèce que la mère de l’enfant, chez qui il
avait sa résidence habituelle, a été entendue pour une
suspicion de délaissement, qu’aucune défaillance n’a été
constatée, et aucune infraction retenue contre elle.
Les parents n’ont en conséquence jamais à payer les
amendes infligées à leur enfant mineur, même dans le bus
quand il n’a pas son ticket (c’est le résultat de la subtile
addition des articles  121-1 et 122-8 du code pénal). Ils ne
pourront pas faire l’objet d’une procédure de saisie, et
l’huissier devra attendre que le contrevenant ait des
revenus propres pour le poursuivre. Il en va de même pour
la ceinture de sécurité : si l’enfant de moins de 13 ans n’est
pas attaché, le conducteur sera verbalisé, s’il a plus de 13
ans, c’est lui qui sera verbalisé (comme n’importe quel
occupant du véhicule). Mais rien n’empêche le conducteur
de ne pas démarrer tant que ses passagers ne sont pas
attachés…
Les parents – ou leur assurance – doivent par contre réparer
pécuniairement les dommages causés, au titre de leur
responsabilité civile (code civil, art. 1242).
Le 6  novembre 2012, la chambre criminelle de la Cour de
Cassation a estimé que « la responsabilité de plein droit […]
incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle
de l’enfant a été fixée, quand bien même l’autre parent,
bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement,
exercerait conjointement l’autorité parentale ».
Chapitre 6

Les magistrats

LES MAGISTRATS qui interviennent au civil et au pénal sont des magistrats de


l’ordre judiciaire, par opposition aux magistrats de l’ordre administratif, qui
interviennent dans les juridictions administratives.
Les magistrats sont du siège (les juges) ou du parquet (le procureur et ses
substituts). Ces appellations proviennent de la symbolique de l’audience  :
les magistrats du siège restent assis pendant l’audience, ils prennent la
parole assis, alors que le ministère public doit se lever pour s’adresser à eux
(et il se levait jadis sur le parquet) ou pour requérir la peine (le réquisitoire a
lieu après les plaidoiries des parties civiles et avant la plaidoirie de l’avocat
de la défense). Il ne peut d’ailleurs s’adresser qu’à eux, en aucun cas
directement aux témoins ou à la personne mise en cause, qui ne
s’adressent qu’au tribunal.
Le vocabulaire judiciaire est truffé de dénominations symboliques  : le
barreau des avocats tire par exemple son nom du barreau qui soutient la
barre à laquelle viennent s’exprimer les justiciables et les témoins. Le
message est clair  : sans barreau, plus de barre, plus de parole. Elle était,
sous l’ancien régime, remplacée par la sellette, sorte de petit tabouret
inconfortable qui, au pied de l’estrade, mettait le mis-en-cause mal assis en
situation d’infériorité pendant le réquisitoire et son dernier interrogatoire
avant le prononcé de la sentence.

La formation des magistrats du siège et du parquet est


identique. Ils sont polyvalents  : il n’existe pas de formation
spécifique de juge des enfants, de juge d’instruction, de
procureur ou de juge des tutelles. Ils peuvent changer
d’affectation, au gré des mutations ou de l'avancement, ils
peuvent aussi, à leur demande, passer du parquet au siège,
du siège au parquet.
Les juges du siège, qui jugent et qui instruisent, sont placés
sous l’autorité du Conseil supérieur de la magistrature
(CSM). Ils sont relativement indépendants et inamovibles.
Le Conseil supérieur de la magistrature, composé en partie
de magistrats élus par leurs pairs, est garant de leur
indépendance. Il est aussi leur instance disciplinaire.
Le parquet, installé au tribunal de grande instance (TGI), est
composé du procureur de la République et de ses adjoints,
assistés des substituts.
Il travaille sous l'autorité du Garde des Sceaux, ministre de
la justice.
Il est placé sous la hiérarchie du parquet général de la Cour
d'appel, composé du procureur général et des avocats
généraux, qui représentent le ministère public devant la
Cour d’appel et la Cour d’assises.
Le parquet exerce la fonction du ministère public : il défend
les intérêts de la société, et requiert en son nom la peine qui
lui paraît appropriée (une célèbre formule rappelle que le
parquet est libre de requérir la peine qu’il estime juste, bien
qu’il dépende du ministère de la justice : la plume est serve,
mais la parole est libre).
Le procureur de la République est également l’autorité de
tutelle des officiers de l’état civil, il est le supérieur
hiérarchique de tous les officiers de police judiciaire (OPJ),
dont font partie le maire et ses adjoints. En pénal, le
procureur reçoit les plaintes, les rapports de police, les
signalements et les dénonciations (code de procédure
pénale, art.  40). Il décide des suites à leur donner  : on dit
qu’il a l’opportunité des poursuites. En civil, il requiert les
mesures de protection des majeurs, des mineurs, ou donne
dans la procédure son avis écrit, comme pour un retrait
d’autorité parentale, une adoption (code de procédure
civile, art. 1170), la révocation d’une adoption simple (code
de procédure civile, art.  1177). Il peut interjeter appel des
décisions des juridictions pénales et de certaines décisions
des juridictions civiles.
Les magistrats de l’ordre administratif siègent dans les
juridictions administratives, tribunal administratif (au moins
un par région), cours administratives d’appel et Conseil
d’État. Les magistrats de l’ordre administratif ne sont
généralement pas issus de la même filière que les
magistrats de l’ordre judiciaire  : ce sont souvent d’anciens
élèves de l’ENA (École nationale d’administration). Les
magistrats de l’ordre administratif sont assistés par des
greffiers.
Le tribunal administratif examine en premier ressort les
contentieux entre un particulier et une administration ou
une collectivité territoriale, entre les administrations elles-
mêmes, entre un employeur public et son agent (les
fonctionnaires ne sont pas salariés, ils ne perçoivent pas de
salaire, mais un traitement), entre une personne privée et
un établissement public, ou un organisme privé chargé
d’une mission de service public. Il examine le contentieux
électoral des élections municipales et départementales. Il
est compétent pour annuler une décision administrative
(arrêté municipal ou préfectoral, décision d’un hôpital, d’un
lycée, d’une université, permis de construire, etc.), pour
déterminer la réparation d’un préjudice causé par une
administration ou par l’un de ses représentants (un accident
de la route avec un véhicule municipal, par exemple), et
pour examiner les contestations sur le montant des impôts.
Chapitre 7

Les juridictions d’appel


et de pourvoi

LES JURIDICTIONS de premier ressort (ou de première instance) sont celles qui
jugent en premier lieu, avant un éventuel appel ou un hypothétique pourvoi.

Les décisions du tribunal administratif sont susceptibles


d’appel devant la Cour administrative d’appel. La juridiction
suprême du droit administratif est le Conseil d’État  : un de
ses deux rôles (il est également le conseiller juridique du
gouvernement) est de remplir les mêmes missions que la
Cour de Cassation pour le droit privé. On se pourvoit devant
le Conseil d’État comme on se pourvoit en Cour de
Cassation.
La Cour d’appel est compétente en civil et en pénal. Elle
rejuge l’affaire : on dit qu’elle juge sur le fond. Elle rend un
jugement potentiellement différent du premier ressort. On
ne fait pas appel  : on interjette appel. Les jugements des
cours s’appellent des arrêts.
L’appel des décisions du tribunal d’instance et du tribunal
de grande instance est possible  si le montant du litige est
supérieur à 4  000  euros  : le jugement est sinon rendu en
dernier ressort (ce qui n’empêche pas de se pourvoir en
Cour de Cassation). L’appel n’est pas possible en tribunal de
police, et pour les condamnations correctionnelles
inférieures à 1 500 euros.
L’appel des arrêts de la Cour d’assises se déroule devant
une Cour d’assises d’appel, composée de trois juges et de
neuf jurés (trois de plus qu’en première instance).
La Cour de Cassation n’examine pas les faits : elle juge sur
la forme et « dit le droit ».
Sa jurisprudence et ses avis ont pour les tribunaux une
importante valeur morale.
On se pourvoit devant la Cour de Cassation, pour qu’elle
relève les vices de forme et les vices de procédure. Elle
rejette le pourvoi quand elle confirme le jugement  : il
devient alors définitif, à moins d’envisager de saisir une
juridiction européenne. Elle casse le jugement (d’où son
nom) quand elle estime que le droit n’a pas été respecté  :
l’affaire est alors renvoyée devant une autre Cour d’appel,
ou Cour d’assises d’appel.
Chapitre 8

La Cour européenne
des droits de l’Homme

LA COUR européenne des droits de l’Homme (CEDH) est compétente pour


juger et condamner les 47 États qui ont à ce jour ratifié la Convention
européenne des droits de l’Homme (CEDH), dont le véritable nom est
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales (adoptée le 4 novembre 1950, elle est entrée en vigueur le
3 septembre 1953).

Le citoyen qui estime qu’un de ses droits fondamentaux a


été bafoué par l’un des 47  États peut saisir la Cour après
avoir épuisé tous les recours dans l’État mis en cause, c’est-
à-dire, en France, après que la Cour de Cassation ou le
Conseil d’État a rendu son arrêt.
La Cour européenne des droits de l'homme est une
juridiction internationale créée en 1959 par le Conseil de
l’Europe pour assurer le respect des engagements souscrits
par les États signataires de la Convention européenne des
droits de l’Homme
Elle fonctionne en permanence et siège à Strasbourg.
Elle se compose de 47 juges (un par État signataire).
Le non-respect de la Convention de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales par un des pays
signataires peut être sanctionné par la Cour européenne des
droits de l’Homme, comme le non-respect de la Déclaration
universelle des droits de l’Homme (DUDH) adoptée le
10  décembre 1948 par l’Organisation des Nations Unies
(ONU) peut être sanctionné par la Cour internationale de
Justice (CIJ), l'organe judiciaire principal de l’ONU, qui siège
au Palais de la Paix de La Haye (Pays-Bas), mais la CIJ ne
peut pas être saisie par un simple citoyen, contrairement à
la CEDH.
En une cinquantaine d’années, la CEDH a rendu plus de
12  000 arrêts  : ils s’imposent aux États, qui sont
régulièrement obligés de modifier leur législation interne
pour se conformer aux décisions de la Cour. La France a été
condamnée plus de 600 fois par la CEDH pour avoir enfreint
les dispositions de la Convention européenne des droits de
l'homme (sur les conditions de détention, l’accueil des
étrangers, la reconnaissance de la filiation, etc.).
La lente émergence d’une justice internationale pourra
probablement permettre, à terme, de faire respecter les
droits de l’Homme à l’échelle de la planète, mais elle est
encore balbutiante, parce qu’elle touche à la souveraineté à
laquelle les États sont très attachés.
Partie 2

Le psychologue :
son statut, ses
obligations
et ses devoirs

LA PROFESSION de psychologue est réglementée depuis 1985. Elle est gérée


par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. L’usage du
titre de psychologue est défini par la loi 85-772 du 25  juillet 1985. Il est
réservé aux «  titulaires d'un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une
formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en
psychologie préparant à la vie professionnelle et figurant sur une liste fixée
par décret en Conseil d'État ou aux titulaires d'un diplôme étranger reconnu
équivalent aux diplômes nationaux exigés  ». En France, ce diplôme est
délivré par les universités, par l’École des Psychologues Praticiens, par le
Conservatoire national des arts et métiers pour le diplôme de psychologue
du travail. Sont également considérés comme donnant accès au titre de
psychologue, le diplôme d’État de psychologie scolaire et le diplôme d’État
de conseiller d’orientation-psychologue (décret 90-255 du 22 mars 1990).
Un master recherche et un doctorat en psychologie ne permettent pas
l’usage professionnel du titre de psychologue, du fait de l’absence de stage
professionnalisant dans ces parcours. Ces diplômes restent en France
surtout un accès à une carrière universitaire. Il convient donc d’obtenir un
master professionnel en psychologie pour user du titre de psychologue.
Certaines universités ont récemment trouvé la parade et proposent un
master comprenant les deux casquettes  : professionnel et recherche. Un
deux en un !
Chapitre 9

Le titre de psychologue
et son usage

LE TITRE est protégé, son usurpation constitue un délit puni d’un an


d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (code pénal, art. 433-17).

Il donne accès à de multiples champs  d’exercice  : dans le


secteur médico-social, de la santé, de la justice, de la police,
de l’armée, dans le domaine des transports, de
l’environnement, de l’éducation, du sport, du travail, de la
recherche, etc. La richesse de la profession de psychologue
tient dans cette diversité d’exercice professionnel. Chacun
est ensuite confronté à sa propre déontologie et à la
nécessité de se former spécifiquement selon sa pratique, le
diplôme donnant souvent des apports théoriques généraux.
Cette richesse constitue dans le même temps un point de
fragilité de la profession. La multiplicité des pratiques rend
difficile une organisation globale, les différents champs se
heurtant aux spécificités des uns et des autres, ainsi qu’aux
différentes approches psychothérapeutiques. D’où
l’incapacité encore actuelle des psychologues à se
structurer ensemble en une entité commune.
Chapitre 10

Le psychothérapeute :
une réglementation spécifi
que
CE N’EST qu’en 2004, soit vingt ans après la législation autour du titre de
psychologue, que le titre de psychothérapeute est réglementé. Jusqu’alors,
toute personne souhaitant déposer sa plaque de psychothérapeute pouvait
le faire, laissant une ouverture aux personnes malveillantes de profiter
d’une population fragilisée. La lutte contre l’emprise sectaire était un des
principaux enjeux de cette réglementation. L’article 52 de la loi n° 2004-806
du 9  août 2004 indique, dès son introduction, que pour user du titre de
psychothérapeute, les professionnels doivent s’inscrire au registre national
des psychothérapeutes auprès de l’agence régionale de Santé (ARS). Cette
inscription est obligatoire avant toute utilisation du titre de
psychothérapeute. Une liste est constituée et disponible pour le public et
mentionne les formations que le psychothérapeute a suivies. Seuls les
médecins, les psychologues et les psychanalystes peuvent s’inscrire sur le
registre. Exception a été faite pour les psychanalystes qui n’ont pas besoin
de justifier d’un doctorat de médecine ou d’un master en psychologie pour
user du titre de psychothérapeute, du moment qu’ils sont régulièrement
enregistrés dans les annuaires de leurs associations.

En 2010, une précision est apportée sur la formation


nécessaire pour user du titre de psychothérapeute  : le
professionnel doit avoir validé une formation en
psychopathologie clinique de 400  heures minimum, et un
stage pratique d’une durée minimale de cinq mois (décret
2010-534 du 20  mai 2010). La formation doit apporter des
connaissances au niveau du développement, du
fonctionnement et des processus psychiques, des critères
de discernement des grandes pathologies psychiatriques,
des différentes théories se rapportant à la psychopathologie
et des principales approches utilisées en psychothérapie.
Deux ans plus tard, l’instruction n° DGOS/RH2/2012/308 du
3  août 2012 accorde une dispense totale de formation
théorique et de stages complémentaires à tous les
professionnels pouvant faire usage du titre de psychologue,
et en mesure d’attester avoir accompli un stage
professionnel d’une durée minimale de 500  heures au sein
d’un établissement de santé, social, ou médico-social, public
ou privé. Les psychologues ne pouvant justifier
l’accomplissement du stage professionnel doivent compléter
leur formation pratique par un stage de deux mois.
Seuls quelques établissements de formation en
psychopathologie clinique sont agréés pour délivrer le titre
de psychothérapeute  : l’association française de thérapie
comportementale et cognitive (AFTCC), l’école des
psychologues praticiens (EPP), l’école pratique des hautes
études en psychopathologies (EPHEP), l’UFR sciences
humaines et sociales de Metz et l’université Paul Valéry –
Montpellier 3.
Chapitre 11

Le psychologue
et ses statuts

LE TITRE de psychologue permet d’exercer dans de multiples établissements.


Émergent alors des spécialités, telles que psychologue clinicien,
psychologue de la santé, psychologue spécialisé en neuropsychologie,
psychologue social, etc. Ces spécialités ne correspondent pas à un titre
reconnu par l’État, seuls les titres de psychologue et psychothérapeute le
sont. Ils permettent uniquement de préciser le champ de compétences du
professionnel. Le psychologue doit en revanche respecter la réglementation
spécifique concernant son lieu d’exercice. Ces statuts renvoient à des
obligations différentes en termes de secret professionnel et de
responsabilité.

LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE

Le statut des psychologues est fixé par le décret 91-129 du


31  janvier 1991 portant statut particulier des psychologues
de la fonction publique hospitalière.
Ils sont un corps classé en catégorie A (fonction
d’encadrement).
Un psychologue exerçant au sein de la fonction publique
hospitalière est fonctionnaire, il est donc soumis au devoir
de réserve et à l’obligation de discrétion professionnelle.
Le devoir de réserve concerne l’expression des opinions
personnelles susceptibles de porter atteinte à l’image du
service public. Il s’applique pendant et hors temps de
travail. C’est aussi un «  devoir de loyauté  » envers
l’employeur et la hiérarchie, que le fonctionnaire n’est pas
autorisé à critiquer  : sa liberté de conscience reste intacte,
mais sa liberté d’expression est limitée (ce qui est
également conforme à son obligation de neutralité).
La discrétion professionnelle impose au fonctionnaire de ne
pas divulguer des informations ou documents dont il a
connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de
ses fonctions (loi du 13  juillet 1983 portant droits et
obligations des fonctionnaires, art.  26), sous peine de
sanctions disciplinaires (le non-respect de l’obligation de
discrétion engage donc la responsabilité disciplinaire de
celui qui ne la respecte pas, et potentiellement sa
responsabilité civile, pour atteinte à la vie privée).
Tous les fonctionnaires ne sont pas soumis au secret
professionnel, contrairement à une idée largement
répandue. L’article 26 de la loi du 13  juillet 1983 précise
qu’ils y sont tenus « dans le cadre des règles instituées dans
le code pénal  ». Ce fameux code indique que les
fonctionnaires, comme tout professionnel, sont tenus au
secret professionnel par état, par profession ou en raison
d’une fonction ou d’une mission temporaire (code pénal,
art. 226-13).
Ce texte est souvent sujet à interprétation mais il indique
bien que les psychologues ne sont pas tenus au secret
professionnel, s’ils n’entrent pas dans ces cas de figure (les
psychologues, ne sont, en tant que psychologues, pas
soumis au secret professionnel «  par état  »). Ils sont
uniquement, lorsqu’ils sont fonctionnaires, soumis au devoir
de réserve et à l’obligation de discrétion professionnelle.
Nous verrons plus tard comment ils peuvent être astreints
au secret professionnel «  par profession  » ou «  par
mission ».
En 2016, une loi est venue renforcer les obligations des
fonctionnaires en réaffirmant les principes déontologiques
fondamentaux  : exercice de ses fonctions avec dignité,
impartialité, intégrité et probité, obligation de neutralité,
respect du principe de laïcité, liberté de conscience des
usagers (loi 2016-483 du 20 avril 2016 portant sur les règles
déontologiques dans l’exercice des missions de
fonctionnaire). Cette loi est surtout venue cadrer les
pratiques pouvant amener des conflits d’intérêts et/ou
d’enrichissement illicite (via la déclaration de situation
patrimoniale)  ; ainsi que les cumuls d’activité. Elle a été
complétée par une note d’information en juillet  2017
(DGOS/RH4/DGCS/4B/2017/227).

LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

Les psychologues territoriaux constituent un cadre


d’emplois médico-social de catégorie A (décret 92-853 du
28  août 1992) portant statut particulier du cadre d’emplois
des psychologues territoriaux. Il s’agit de tous les
psychologues des services d’aide sociale à l’enfance (ASE),
de protection maternelle et infantile (PMI) et d’insertion, des
services de gestion des ressources humaines, ou toute autre
fonction au sein des communes, départements, régions et
structures intercommunales (communautés
d’agglomération, métropoles, etc.).
Comme leurs collègues de la fonction publique hospitalière,
les psychologues territoriaux sont soumis au devoir de
réserve et à l’obligation de discrétion professionnelle,
susceptibles d’engager leur responsabilité disciplinaire.
En revanche, le secret professionnel concerne ceux qui
travaillent au sein des services départementaux de
protection maternelle et infantile (code de la santé publique,
art.  L2112-9) et des services de l’aide sociale à l’enfance
(code de l’action sociale et des familles, art.  L221-6)  : ils
sont soumis au secret professionnel «  par profession  » et
sont donc susceptibles d’engager leur responsabilité
disciplinaire, leur responsabilité civile, pour non-respect de
la vie privée, et leur responsabilité pénale, (le non-respect
du « secret professionnel » est un délit passible du tribunal
correctionnel).

LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Les psychologues de la protection judiciaire de la jeunesse


sont également de catégorie A, nommés par arrêté du
Garde des Sceaux, ministre de la justice. Ils exercent leurs
fonctions auprès de mineurs et jeunes majeurs confiés par
l’autorité judiciaire aux établissements et services du
secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
Depuis 2013, les professionnels de la PJJ, et donc les
psychologues, sont soumis au secret professionnel «  par
profession » :
«  Les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse ayant, pour
l'exercice de leur mission, à connaître d'informations relatives à la
situation des mineurs pris en charge et de leur famille dans les
établissements et services, sont soumis au secret professionnel dans les
conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal » (décret
2013-977 du 30 octobre 2013).

Ils sont aussi, comme tous les fonctionnaires (et les


contractuels de la fonction publique), soumis à l’obligation
de discrétion professionnelle et au devoir de réserve.

L’ÉDUCATION NATIONALE

Il existait, jusqu’en 2017, deux corps de psychologues au


sein de l’Éducation nationale  : les psychologues scolaires,
exerçant au sein des établissements de premier degré, et
les conseillers d’orientation psychologues, exerçant dans les
établissements de second degré et du supérieur.
Les psychologues scolaires étaient recrutés parmi les
professeurs des écoles munis d’un titre de psychologue. Ils
appartenaient statutairement au corps des professeurs des
écoles.
Les conseillers d’orientation psychologues pouvaient, quant
à eux, faire usage du titre de psychologue depuis 1993
(décret 93-536 du 27 mars 1993).
Cette différence de statut avait des conséquences sur les
modalités de recrutement, d’avancement et de
rémunération. Dans un souci d’harmonisation, depuis le
1er  février 2017, les psychologues exerçant dans les
établissements scolaires sont regroupés au sein d’un corps
unique des psychologues de l’Éducation nationale (décret
2017-120 du 1er  février 2017). Cette création d’un corps
unique prévoit que les psychologues de l’Éducation
nationale exercent soit dans la spécialité «  éducation,
développement et apprentissages  » (EDA) qui concerne les
écoles maternelles et élémentaires, soit dans la spécialité
«  éducation, développement et conseil en orientation
scolaire et professionnelle  » (EDO) qui concerne les
établissements de second degré, ainsi que l'enseignement
supérieur.
Ce corps de psychologues est classé dans la catégorie A.
Nous ne pouvons que conseiller au lecteur à visiter le site
de l’association française des psychologues de l’Éducation
nationale (AFPEN) pour de plus amples informations.
Tout comme les psychologues de la fonction publique
hospitalière, les psychologues de l’Éducation nationale sont
soumis à l’obligation de discrétion professionnelle et au
devoir de réserve, mais pas au secret professionnel (auquel
ne sont bien sûr pas soumis non plus les enseignants  : ce
qui signifie qu’ils n’ont accès à aucune information à
caractère secret, et confirme bien que tous les
fonctionnaires ne sont pas soumis au secret).
MISSIONS ET ÉVOLUTION DE CARRIÈRE DES
PSYCHOLOGUES

Les psychologues hospitaliers et territoriaux «  exercent les fonctions,


conçoivent les méthodes et mettent en œuvre les moyens et techniques
correspondant à la qualification issue de la formation qu'ils ont reçue. Ils
étudient et traitent à ce titre, au travers d'une démarche professionnelle
propre, les rapports réciproques entre la vie psychique et les
comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l'autonomie de la
personnalité.  Ils contribuent à la détermination, à l'indication et à la
réalisation d'actions préventives et curatives assurées par les
établissements et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs
tant sur le plan individuel qu'institutionnel. Ils entreprennent, suscitent ou
participent à tous travaux, recherches ou formations que nécessitent
l'élaboration, la réalisation et l'évaluation de leur action. En outre, ils
peuvent collaborer à des actions de formation  » (décret 91-129 du
31 janvier 1991).
Comparativement aux missions des psychologues hospitaliers et
territoriaux, le respect de l’indépendance des psychologues de la PJJ
nécessaire à l'exercice de leurs fonctions cliniques est souligné  : «  les
psychologues suscitent ou entreprennent un travail spécifique visant les
problématiques des jeunes et de leurs familles. Ils contribuent à la définition
et à la mise en œuvre des projets éducatifs et d'orientation, tant sur le plan
individuel qu'institutionnel  » (décret 96-158 du 29  février 1996 portant
statut particulier du corps des psychologues de la protection judiciaire de la
jeunesse). La recherche et la formation constituent toujours une des
missions des psychologues, notamment par des formations organisées par
les centres de formation de la protection judiciaire de la jeunesse.
Les psychologues de l’Éducation nationale contribuent, par leur expertise,
«  à la réussite scolaire de tous les élèves, à la lutte contre les effets des
inégalités sociales et à l'accès des jeunes à une qualification en vue de leur
insertion professionnelle  » (décret 2017-120, art.  3). Ils mobilisent leurs
compétences professionnelles «  au service des enfants et des adolescents
pour leur développement psychologique, cognitif et social  », mais aussi
«  auprès des équipes éducatives, dans l'ensemble des cycles
d'enseignement  »  : ils participent alors «  à l'élaboration des dispositifs de
prévention, d'inclusion, d'aide et de remédiation  ». Ils interviennent
notamment auprès des élèves en difficulté, des élèves en situation de
handicap, des élèves en risque de décrochage ou des élèves présentant des
signes de souffrance psychique. Ils «  concourent à l'instauration d'un climat
scolaire bienveillant et, lorsque les circonstances l'exigent, participent aux
initiatives prises par l'autorité académique dans le cadre de la gestion des
situations de crise  ». Des spécificités existent ensuite selon qu’ils exercent
au sein des écoles maternelles, primaires, d’un réseau d'aides spécialisées
aux élèves en difficulté (RASED), ou de collèges, lycées (CIO).
La titularisation du poste de psychologue passe par l’obtention d’un
concours suivi d’un stage d’une année. Pour les psychologues territoriaux,
une fois nommés, des formations de professionnalisation sont prévues tout
au long de leur carrière. Pour les psychologues de l’Éducation nationale, des
formations sur l’institution, sur la spécialité choisie et des temps d’analyse
de la pratique sont proposés, ainsi que des mises en situation
professionnelle sont proposées.
En 2017, la réforme des parcours professionnels, carrière et rémunération
des fonctionnaires (PPCR) a modifié l’échelonnement indiciaire et visé une
revalorisation de carrière pour les psychologues de la fonction publique
hospitalière (décret 2017-658 du 27 avril 2017) et territoriale (décret 2017-
545 du 13  avril 2017). Le décret concernant les psychologues de la PJJ est
sorti en 2018 (décret n°  2018-381 du 22  mai 2018) dont certaines
dispositions n’entreront en vigueur qu’en 2021. L’objectif est d'harmoniser
les carrières entre les fonctions publiques via les modalités d'avancement
d'échelon avec un cadencement unique. Malheureusement, les
modifications du montant indiciaire et de la durée des échelons se révèlent
finalement désavantageuses (par exemple, diminution de 27  euros de
salaire brut pour un psychologue ayant quatre années d’ancienneté).
L’obtention d’un doctorat commence à être – faiblement – reconnue, et
prend la forme d’une bonification d’ancienneté de deux ans pour les
psychologues ayant obtenu leur thèse à compter du 1er janvier 2017.
Soulignons que la majorité des psychologues exerçant au sein de la fonction
publique est contractuelle et ne bénéficie pas de cette réforme, le salaire
d’un contractuel ne connaissant aucune évolution indiciaire.

 
SECRET PROFESSIONNEL ET STATUTS DU
PSYCHOLOGUE

Tous les psychologues exerçant dans le public, qu’ils soient titulaires ou


contractuels, sont soumis au devoir de réserve et à l’obligation de
discrétion. En revanche, l’obligation de secret professionnel diffère selon
leurs statuts.
 
 
Et le psychologue en libéral ? Il n’est pas soumis au secret professionnel, ni
au devoir de réserve, ni à l’obligation de discrétion. Toutes ces nuances sont
approfondies dans le chapitre consacré au respect de la vie privée.
Chapitre 12

Les obligations
du psychologue

LA LOI 85-772 du 25  juillet 1985 impose au psychologue d’enregistrer son


diplôme auprès de l’agence régionale de santé (ARS).
Il s’agit de la seule obligation professionnelle du psychologue.
Les autres obligations proviennent du statut que le psychologue a au sein
de son établissement, en fonction des situations auxquelles il est confronté :
nous en discuterons tout au long de cet ouvrage.

Il est donc demandé au psychologue de s’inscrire au


répertoire national d’automatisation des listes (ADELI), qui
recense les professionnels de santé réglementés en
mentionnant leurs lieux d’exercice et leurs diplômes, qu’ils
exercent en libéral ou en tant que salarié (arrêté du 27 mai
1998, modifié par l'arrêté du 14 novembre 2002, relatif à la
mise en place d'un nouveau traitement automatisé de
gestion des listes départementales des personnes
autorisées à faire usage du titre de psychologue, des
praticiens autorisés à faire usage du titre ostéopathe et des
professions réglementées par le code de la santé publique
et le code de l'action sociale et des familles).
Le répertoire permet de gérer les listes départementales
des professions réglementées telles que psychologue,
d’élaborer des statistiques et d’informer les professionnels
sur l’état des lieux de la profession selon le département.
Le défaut d’enregistrement est constitutif du délit d’exercice
illégal de la profession, mais seulement pour les
professionnels de santé, dont le psychologue ne fait pas
partie.
Un infirmier, un masseur-kinésithérapeute, un
psychomotricien, un orthophoniste (etc.) peut se voir
condamner à une amende ou, en cas de récidive, à de
l’emprisonnement, s’il ne s’est pas inscrit sur les listes
(Circulaire  DHOS/P  2 no  2005-225 du 12  mai 2005 relative
aux conditions d’exercice des professions de santé et aux
sanctions pénales applicables pour l’exercice illégal et
l’usurpation de titre).
Concernant le psychologue, aucune sanction ne semble
prévue.
Rappelons que pour user du titre de psychothérapeute, le
professionnel doit également s’inscrire sur le registre
national des psychothérapeutes. L’inscription se fait auprès
du directeur de l’ARS du département du lieu d’exercice du
professionnel. Pour les psychologues-psychothérapeutes,
deux démarches similaires d’enregistrement sont donc à
effectuer.
COMMENT S’INSCRIRE SUR LA LISTE ADELI ?

L’inscription doit se faire dans le mois suivant la première prise de fonction


lorsque le psychologue est nouvellement diplômé, quel que soit le mode
d’exercice, auprès de la délégation départementale du lieu d’exercice
(circulaire DHOS/DREES/2002/143 du 21  mars 2003 relative à
l'enregistrement des diplômes de psychologues au niveau départemental).
Si plusieurs lieux d’exercice il y a, il convient de s’enregistrer au sein de la
délégation du lieu d’exercice principal. Un psychologue ne peut être
enregistré qu’au sein d’un seul département. Dès qu’il connaît un
changement de situation professionnelle, il doit en informer l’ARS. Un
numéro d’enregistrement est ensuite attribué à chaque psychologue, qui
permet d’offrir une protection à l’usager et de lutter contre les usurpations
de titre. Il convient, pour valider l’inscription, de fournir  : l’original du
diplôme, la copie d’une pièce d’identité et le formulaire d’inscription CERFA
n° 12269*02 dûment complété et signé.
Chapitre 13

Le psychologue
et ses devoirs

LE STATUT de psychologue n’impose qu’une seule obligation  : un diplôme.


Les devoirs que chaque psychologue doit respecter sont définis par la
réglementation de son lieu d’exercice, et par lui-même.
Les obligations sont objectives et impératives, les devoirs ne sont que
subjectifs, ils renvoient chacun à sa propre éthique, à sa propre déontologie.

Néanmoins, un texte guide leur pratique  : le code de


déontologie des psychologues.
Rédigé en 1996, il a été réactualisé en 2012.
Deux limites s’imposent très rapidement à la portée de ce
texte  : non reconnu légalement, il n’a aucune valeur
juridique. Et le texte réactualisé de 2012 n’a pas été validé
par certaines organisations professionnelles  : il n’est pas
reconnu par tous.
Nous avons donc un texte de référence dont le psychologue
ne peut se servir légalement et qui sème une discorde au
sein des organisations de psychologues : de quoi perdre les
psychologues eux-mêmes (mais qui symbolise bien les
tourments de la profession) !
Le code de 2012, signé par seize organisations regroupées
sous le sigle GIRéDéP (groupe inter-organisationnel pour la
réglementation de la déontologie des psychologues), vise à
protéger le public des mésusages de la psychologie et de
l’utilisation de méthodes et techniques se réclamant
abusivement de la psychologie. Six principes généraux
donnent les grandes lignes fondamentales à tout exercice
de la psychologie : le respect des droits de la personne (en
se référant à la législation en vigueur), la nécessité d’une
compétence particulière perpétuellement actualisée, la
responsabilité professionnelle, morale au-delà des
responsabilités civiles et pénales, la rigueur de la pratique
du psychologue, son intégrité et sa probité, et le respect du
but assigné, bien souvent l’autonomie de la personne.
Malgré sa non-reconnaissance légale, le code de
déontologie constitue, à notre sens, un texte primordial à
tout exercice de la profession.
D’autres ouvrages sont indispensables à toute bibliothèque
de psychologue, notamment ceux d’Odile Bourguignon et de
Dana Castro.
La problématique du code soulève de fait la problématique
d’une instance représentative des psychologues  : de
multiples organisations professionnelles existent, mais
aucune ne fait consensus. Ordre des psychologues,
fédération des psychologues, syndicat des psychologues
(etc.), quelle forme cela doit-il prendre ?
En 2014, le syndicat national des psychologues (SNP) et la
CFDT se sont prononcés pour un haut conseil des
psychologues, qui serait garant du respect du code de
déontologie – avec pouvoir disciplinaire –, référent
déontologique pour tout professionnel, tiers dans les
contentieux impliquant des psychologues, force de
propositions auprès des pouvoirs publics, interlocuteur
privilégié concernant la profession, et enfin, observatoire de
la profession.
À l’heure actuelle, psychologues et usagers peuvent
demander avis à la commission nationale consultative de
déontologie des psychologues (CNCDP). Cette commission
se charge de donner des avis sur la pratique des
psychologues au regard du code de déontologie. Elle
n’intervient que de manière consultative et n’a pas de
pouvoir disciplinaire.

Le code de déontologie engage-t-il une


responsabilité du psychologue s’il est inséré dans
son contrat de travail ? Dans quelle situation ?
De quelle responsabilité s’agit-il ?
Non, bien sûr. Le code de déontologie des psychologues n’a aucune valeur
légale, contrairement, par exemple, au code de déontologie des médecins,
inséré par décret au code de la santé publique. Cela ne signifie pas qu’il
n’a aucune valeur  : il propose, plus qu’il n’impose, des principes, des
règles de bonne conduite, des valeurs communes.
Son contenu est trop subjectif pour être impératif  : il relève plutôt de la
philosophie que du droit.
La mention du code de déontologie des psychologues dans le contrat de
travail n’a donc qu’une portée symbolique. Le code de déontologie des
médecins permet, par contre, que leur responsabilité soit engagée devant
leur conseil de l’Ordre (il s’agit ici d’une sorte de responsabilité
disciplinaire, le conseil de l’Ordre siégeant comme conseil de discipline)  :
un médecin peut donc indépendamment être condamné, ou pas, par la
justice civile, par la justice pénale, et par ses pairs (même chose pour les
avocats, les dentistes, etc.). Il est par contre possible – et conseillé –
d’insérer dans le contrat de travail du psychologue (mais aussi de
l’éducateur, de la secrétaire, etc.) un certain nombre d’obligations et
d’interdictions qui pourraient engager sa responsabilité disciplinaire si elles
ne sont pas respectées, comme l’obligation de discrétion professionnelle
ou de confidentialité (l’obligation de discrétion ne s’applique de fait que
dans le secteur public).
Partie 3

Le psychologue
et l’usager

LES DROITS des usagers (et non « le droit des usagers ») ont été officiellement
consacrés par la loi 2002-2 du 2  janvier 2002 rénovant l'action sociale et
médico-sociale, que connaissent bien les psychologues qui interviennent
dans un établissement ou un service social ou médico-social (ESSMS). Le
dictionnaire définit l’usager – terme controversé popularisé par cette loi –
comme le client d’un service financé par des fonds publics, celui qui utilise
un service public dans lequel il ne lui est pas possible de s’impliquer (un
usager de la SNCF, par exemple). Yann Le Pennec définit l’usager comme la
« forme dégradée du citoyen » (Lien social 533, 25 mai 2000).
L’usager d’un ESSMS est pourtant un citoyen avant tout, principal financeur
de l’action sociale, par l’intermédiaire de son travail et de l’impôt.
La loi 2002-2 précise même qu’il est « au cœur du dispositif », acteur de sa
prise en charge.
Les psychologues utilisent très rarement ce terme d’usager, privilégiant les
notions de patient, ou de client, selon leur approche thérapeutique  : une
personne bénéficiant de la prise en charge d’un psychologue sera un usager
s’il consulte dans un ESSMS, un client s’il consulte en libéral.
Le terme patient désigne une personne prise en charge par un soignant,
dont les psychologues ne font pas partie. Tout psychologue devra en tout
cas – quel que soit le statut de celui qu’il accompagne – respecter ses droits
fondamentaux, garantis par la Constitution : ils sont inaliénables.
Chapitre 14

L’établissement
ou service social
ou médico-social (ESSMS)
LES PSYCHOLOGUES sont nombreux à travailler pour un établissement ou
service social ou médico-social, à y effectuer des interventions, des
vacations, ponctuelles ou régulières  : ceux-là seront probablement
intéressés par ce chapitre, qui détaille le statut de ces structures, alors
qu’aux autres, il pourra sembler abstrait.

L’ESSMS est un établissement public ou privé (souvent


associatif) relevant de la politique sociale, qui regroupe
l’ensemble des actions censées améliorer les conditions de
vie d’une société. Le médico-social s’intéresse à la
médecine sociale : il tient compte du contexte social et des
conditions sanitaires d’une population.
Les établissements ou services d’action sociale  sont
principalement soumis aux dispositions du code de l’action
sociale et des familles (CASF). Les établissements ou
services d’action médico-sociale sont principalement soumis
aux dispositions du code de la santé publique (CSP).
L'ouverture et l'exploitation d'un ESSMS sont réglementées,
et conditionnent son financement. Elles relèvent
principalement de l'Agence régionale de santé (ARS), du
conseil départemental ou du préfet de région, parfois de
plusieurs d'entre eux. Les ESSMS sont répertoriés dans le
Fichier national des établissements sanitaires et sociaux
(FINESS), géré par le ministère du travail, de l’emploi, de la
formation professionnelle et du dialogue social (les
gouvernements qui se succèdent ont la désagréable
habitude de modifier les noms des ministères, de leur
attacher ou de leur retirer telle ou telle compétence).
La loi du 9  août 2004 relative à la politique de santé
publique (CSP, art. L.  1411-1) considère que les
établissements sanitaires et ESSMS sont tous des acteurs de
la politique de santé publique, et leur gouvernance a été
confiée aux Agences régionales de santé (loi du 21  juillet
2009 dite HPST pour «  hôpital, patients, santé, territoire  »,
art. 18). Le social et le médical, jadis assez éloignés l’un de
l’autre, ne cessent de se reprocher, pas forcément de leur
plein gré, et le social se retrouve de plus en plus sous la
tutelle des autorités médicales. L’ARS a même absorbé le
1er  avril 2018 l’Agence nationale de l'évaluation et de la
qualité des établissements et services sociaux et médico-
sociaux (ANESM), l’autorité chargée de surveiller
l’application des principes de la loi 2002-2, qui n’avait
jamais démontré son utilité (elle édictait également des
«  recommandations de bonne pratique  » que l’on pouvait
largement se dispenser de lire).
La loi 2002-2 du 2 janvier 2002 rappelle que l'action sociale
et médico-sociale exerce des « missions d'intérêt général et
d'utilité sociale » qu’elle cite (code de l’action sociale et des
familles, art. L. 311-1) :
évaluation et prévention des risques sociaux et médico-
sociaux, information, investigation, conseil, orientation,
formation, médiation et réparation ;
protection administrative ou judiciaire de l'enfance et de
la famille, de la jeunesse, des personnes handicapées,
des personnes âgées ou en difficulté ;
actions éducatives, médico-éducatives, médicales,
thérapeutiques, pédagogiques et de formation adaptées
aux besoins de la personne, à son niveau de
développement, à ses potentialités, à l'évolution de son
état ainsi qu'à son âge ;
actions d'intégration scolaire, d'adaptation, de
réadaptation, d'insertion, de réinsertion sociales et
professionnelles, d'aide à la vie active, d'information et de
conseil sur les aides techniques ainsi que d'aide au
travail ;
actions d'assistance dans les divers actes de la vie, de
soutien, de soins et d'accompagnement, y compris à titre
palliatif ;
actions contribuant au développement social et culturel,
et à l'insertion par l'activité économique.
Ces missions sont «  accomplies par des personnes
physiques ou des institutions sociales et médico-sociales »,
c’est-à-dire «  des institutions sociales et médico-sociales
[…] gestionnaires d'une manière permanente
d’établissements et services sociaux et médico-sociaux  ».
La loi 2002-2 du 2  janvier 2002 a complété la liste des
établissements sociaux et médico-sociaux en introduisant
de nouvelles catégories (centres de ressources, équipes
mobiles, structures d’accueil pour handicapés vieillissants,
appartements de coordination thérapeutique, lieux de vie et
d’accueil non traditionnels, etc.). Elle a entériné la
diversification des modes de prise en charge (permanents,
temporaires ou séquentiels, avec ou sans hébergement, à
temps complet ou partiel, en internat ou en accueil familial,
à domicile ou en milieu ouvert, etc.).
QUELS SONT LES ESSMS ?

Les établissements et services sociaux et médico-sociaux sont listés dans le


code de l’action sociale et des familles (art. L.  312-1). On y retrouve les
établissements relevant de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), qui est une
compétence du département, les maisons d’enfants à caractère social
(MECS), les clubs de prévention spécialisée, les services d’action éducative
en milieu ouvert (AEMO) ou d’action éducative à domicile (AED). On y
retrouve également les établissements destinés à l’accueil des enfants
handicapés et inadaptés, qui est une compétence partagée entre
l’Assurance maladie et l’État  : en font partie les centres médico-psycho-
pédagogiques (CMPP), les instituts médico-éducatifs (IME), médico-
pédagogiques (IMP) ou médico-professionnels (IMPRO), les instituts
thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) et les services d’éducation
spéciale et de soins à domicile (SESSAD), ainsi que les Centres d’action
médico-sociale précoce (CAMSP), pour les enfants de 0 à 6 ans (compétence
partagée entre l’Assurance maladie et le département). Les centres d'action
éducative (CAE) et les foyers d'action éducative (FAE) de la protection
judiciaire de la jeunesse (PJJ) relèvent – comme les services éducatifs auprès
du tribunal (SEAT) – du ministère de la justice. Les établissements et
services d’aide par le travail (ESAT) accueillent des adultes porteurs d’un
handicap mental ou physique, ils relèvent de l’État (et de la rentabilité de
leur activité commerciale). Les établissements pour personnes âgées
dépendantes (EHPAD), les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou
d'aide à domicile (SAAD), les maisons d’accueil spécialisées (MAS) et les
foyers d’accueil médicalisés (FAM), les centres d’hébergement et de
réinsertion sociale (CHRS) et les centres d’accueil et d’accompagnement à
la réduction de risques pour l’usager de drogues (CAARUD) sont des ESSMS,
comme les foyers de jeunes travailleurs (FJT), les centres d’accueil pour
demandeurs d’asile (CADA) et les services qui mettent en œuvre des
mesures de protection des majeurs (sauvegarde, curatelles, tutelles).
Le champ du social et du médico-social est donc extrêmement vaste, et
s’adresse à tous les publics. Ces établissements peuvent être financés par
l’État, le conseil départemental, la sécurité sociale, parfois le ministère de la
santé (etc.) : il est difficile de s’y retrouver, avec tous ces financeurs, toutes
ces autorités de tutelle, qui n’ont pas les mêmes critères, les mêmes
demandes, les mêmes exigences, la même logique…
Chapitre 15

La loi du 2 janvier 2002

SURNOMMÉE « loi des 7 » (ou « des 5 à 7 »), la loi du 2 janvier 2002 rappelle,
en se basant sur 5 orientations prioritaires, les 7 droits fondamentaux de
l’usager. Elle impose aux structures de réfléchir à la mise en place de 7
outils, et de se soumettre tous les 7 ans à une évaluation externe (à une
évaluation interne tous les 5 ans). Elle a pour objectif affiché d’interroger les
pratiques, pour permettre à chaque professionnel, chaque structure, de se
remettre en question, mais elle est trop souvent considérée comme une fin
en soi. Les structures – et surtout leurs directions – se soucient de moins en
moins de respecter la loi (en général), elles se contentent souvent de
respecter celle-là à la lettre, parfois jusqu’à la caricature, comme si elle était
la seule, l’Unique. Certains la considèrent comme une sorte de texte sacré
qui détient la Vérité, mais il y a plusieurs manières de lire, d’interpréter et
de comprendre un texte sacré : la lecture tolérante est inspirante, la lecture
intégriste laisse peu de place à la réflexion.

Contrairement à sa légende, elle n’attribue aucun droit


nouveau à celui qu’elle appelle «  usager  » et limite même
les droits qui lui étaient préalablement reconnus (par
exemple par la loi  du 6  juin 1984  relative aux  droits des
familles dans leurs rapports avec les services chargés de la
protection  de la famille  et de l'enfance). L’usager est un
citoyen comme les autres, titulaire des mêmes droits et
obligations, et les droits des usagers sont nés le
26  août  1789, lorsqu’a été adoptée la Déclaration
universelle des droits de l’Homme et du citoyen. Une loi
spécifique (qui ne s’adresse qu’à une partie de la
population) est forcément discriminante  : celle-ci crée une
sous-catégorie de citoyens dont la vie est différemment
réglementée, dont les droits fondamentaux peuvent être
légalement bafoués, pour les nécessités du service ou de la
prise en charge. L’usager se retrouve obligé de respecter
«  pour son bien  » un fonctionnement institutionnel qui lui
est imposé. On lui attribue «  un référent  » qu’il choisit
rarement. Sa vie privée se retrouve en open space «  pour
son bien  » parce que les professionnels «  ont besoin  »
d’échanger. On discute de lui dans des «  réunions de
synthèse  » auxquelles il a rarement accès (ce qui n’est
d’ailleurs pas acceptable). L’exercice de ses libertés
fondamentales lui est régulièrement refusé «  pour son
bien  » (droit d’aller et venir, droit de refuser des soins ou
une prise en charge, droit à la sexualité, droit de boire de
l’alcool, etc.), mais l’équipe a tout de même la gentillesse –
pour se mettre en conformité avec les préceptes de cette loi
– de lui faire signer – et à ses parents, son curateur ou son
tuteur – son « projet personnalisé » à la conception duquel il
a pu « être associé ».

LES 5 ORIENTATIONS PRIORITAIRES

1. affirmer les droits fondamentaux (mais subjectifs) des


bénéficiaires (appelés usagers) et les promouvoir par la
création d’outils (CASF, art. L. 311-3) ;
2. élargir les missions des établissements et modes
d’accueil et diversifier leurs interventions pour mieux les
adapter à la diversité des besoins (CASF, art. L. 311-1) ;
3. améliorer le pilotage du dispositif  par la planification, la
programmation, la mise en place de schémas
d’organisation sociale et médico-sociale pluriannuels
(pour 5 ans) au niveau départemental, régional et
national, et instaurer un système unique de réelle
coordination entre les différents acteurs ;
4. rénover le statut des établissements sociaux et médico-
sociaux (ESSMS) ;
5. soumettre tous les établissements à une double
obligation d’évaluation.

LES 7 DROITS FONDAMENTAUX DE L’USAGER

1. droit au respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie


privée, de son intimité, de sa sécurité ;
2. droit au libre choix entre les prestations adaptées qui lui
sont offertes dans le cadre d’un service à domicile ou
d’une admission au sein d’un établissement spécialisé ;
3. droit à une prise en charge et un accompagnement
individualisé et de qualité adaptés à son âge et à ses
besoins, favorisant son développement, son autonomie et
son insertion, et respectant son consentement éclairé, qui
doit systématiquement être recherché ;
4. droit à la confidentialité des informations le concernant
(mais alors : pourquoi inventer un « secret partagé  » qui
n’existe pas, mais bafoue ce droit ?) ;
5. droit d’accès à toute information le concernant ou
concernant sa prise en charge ;
6. droit à une information adaptée sur ses droits
fondamentaux et sur les voies de recours ;
7. droit de participer directement à l’élaboration et la
modification de son projet d’accueil et
d’accompagnement.

LES 7 OUTILS À METTRE EN PLACE

1. un livret d’accueil (CASF, art. L.  311-4), qui ne doit


obligatoirement comporter que la charte des droits et
libertés des personnes accueillies et le règlement de
fonctionnement, le reste est laissé à l’appréciation de la
structure (Circulaire 138 DGAS du 24 mars 2004) ;
2. la charte des droits et libertés de la personne accueillie
(arrêté du 8  septembre 2003, inspirée de la charte de la
personne hospitalisée annexée à la circulaire  95-22 du
6 mai 1995, relative aux droits des patients hospitalisés) ;
3. le contrat de séjour ou le document individuel de prise en
charge (décret 2004-1274 du 26 novembre 2004) ;
4. le règlement de fonctionnement de l’établissement ou du
service (CASF, art. L.  311-7, décret 2003-1095 du
14 novembre 2003) ;
5. le conseil de vie sociale, ou une autre forme de
participation (CASF, art. L.  311-6, décret 2004-287 du
25 mars 2004) ;
6. le projet d’établissement ou de service (CASF, art. L. 311-
8) ;
7. le recours possible de l’usager à une «  personne
qualifiée  » qui pourra intervenir dans tout contentieux
avec l’établissement (CASF, art. L.  311-5, décret 2003-
1094 du 21 novembre 2003).

LA DOUBLE OBLIGATION D’ÉVALUATION

Ces outils sont rarement, par les structures, considérés


comme des outils, mais plutôt comme des finalités  : peu
importe que le conseil de vie sociale (CVS) ne serve pas à
grand-chose, ou que le livret d’accueil soit illisible,
l’important est qu’ils existent. L’objectif n’est d’ailleurs pas
qu’ils soient utiles, mais que l’évaluateur constate qu’ils
sont là, en soit satisfait et rende une évaluation positive (ce
qui est toujours le cas). La loi du 2 janvier 2002 impose en
effet aux ESSMS une double évaluation  : interne tous les 5
ans (doit en découler une démarche continue d'amélioration
de la qualité), externe tous les 7 ans. Elle est alors réalisée
par un évaluateur agréé jadis par l’agence nationale de
l'évaluation et de la qualité des établissements et services
sociaux et médico-sociaux (ANESM), aujourd’hui par l’ARS.
Le coût souvent prohibitif (d’autant plus que beaucoup de
structures ont recruté des « responsables qualité » pour les
accompagner dans le respect de cette loi), et l’énergie
démesurée qu’absorbe cette évaluation externe sont
rarement utiles, et la qualité de la prise en charge se
dégrade un peu partout, par manque de personnel, de
moyens, par la multiplication des protocoles et procédures
qui tuent les initiatives des intervenants sociaux et médico-
sociaux, transformés en simples exécutants tracés,
chronométrés (de 5 minutes à 7 minutes en EHPAD pour un
petit-déjeuner, 10 minutes pour une toilette dans des
établissements bénéficiant d’une évaluation positive),
déresponsabilisés…
L’évaluation externe imposée par la loi 2002-2 du 2 janvier
2002 a un effet pervers  : elle légitime de fait toutes les
pratiques, même les plus contestables.
Le bilan d’évaluation externe est systématiquement positif,
les pratiques et les prises en charge sont donc correctes, et
conformes à « la » loi.
L’évaluateur se moque de savoir si la loi (en général) est
respectée, il a rarement les compétences pour s’interroger
sur le respect du secret professionnel, de l’autorité
parentale, des droits fondamentaux de l’usager. Il ne
s’intéresse qu’à la loi de 2002, et son intervention a souvent
pour effet de bafouer un peu plus les droits des usagers,
tant il exige d’écrits, de rapports et de projets rangés dans
des dossiers de plus en plus épais, de moins en moins
sécurisés, de moins en moins accessibles à l’usager, de
partages d’informations, de protocoles et de procédures.
UN RAPPORT DU CONSEIL DES DROITS
DE L’HOMME DE L’ONU

Cette analyse négative n’est pas très populaire dans le


secteur social ou médico-social, surtout depuis que sa
gouvernance, au grand dam des professionnels de terrain, a
été confiée à des managers soucieux de réduire les coûts,
de satisfaire les financeurs et de tenir à jour des tableaux
Excel.
Néanmoins, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, lors
de sa 40e session (25  février – 22  mars 2019), a étudié le
Rapport de la visite en France de Catalina Devandas-Aguilar,
Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes
handicapées (point 3 de l’ordre du jour de cette session) qui
devrait les faire réfléchir.
La Rapporteuse spéciale dresse un constat alarmant et
adresse au gouvernement français 40 recommandations qui
peuvent laisser penser que tout ne va pas si bien.
Elle recommande par exemple «  de veiller à ce que toutes
les personnes handicapées puissent exercer leur capacité
juridique, et de supprimer à cet effet toutes les formes
officielles ou officieuses de prise de décisions
substitutives  »  : on peut imaginer qu’elle vise les entrées
abusives en EHPAD (la rapporteuse a constaté que «  loin
d’être protégées, les personnes sous tutelle en France sont
privées de leurs droits et exposées à la maltraitance et au
risque d’être placées en institution  »), ou les autorisations
de soins et d’opérer qui, en l’absence de tout cadre légal, se
développent et se rigidifient, allant, c’est un comble, jusqu’à
retarder ou empêcher les soins. Elle recommande
également à la France «  de fermer les institutions médico-
éducatives existantes et de scolariser tous les enfants
handicapés qui s’y trouvaient dans des établissements
ordinaires, en veillant à leur apporter le soutien dont ils ont
besoin  », mais aussi «  de fermer progressivement tous les
établissements pour personnes handicapées et de
transformer les services actuellement offerts aux personnes
handicapées en services de proximité, ce qui suppose de
mettre des logements adaptés à leur disposition  ». Elle
suggère «  d’inscrire la désinstitutionalisation des personnes
handicapées au rang des priorités et d’envisager
sérieusement d’établir un moratoire sur les nouvelles
admissions  » et de «  veiller à ce que le système de
protection sociale favorise la citoyenneté active, l’inclusion
sociale et la participation à la vie de la société, plutôt que
de proposer des solutions qui conduisent à la mise à l’écart
des personnes handicapées  ». C’était justement un des
objectifs affichés de la loi 2002-2  : pourrait-on en déduire
qu’elle a échoué ?
Chapitre 16

Les droits fondamentaux


reconnus à chaque citoyen

CHAQUE citoyen, mineur ou majeur, qu’il soit usager ou client du


psychologue, se voit reconnaître par la Constitution, sur le sol français, des
droits fondamentaux, inaliénables, imprescriptibles, qui ne peuvent lui être
retirés, auxquels il ne peut renoncer, dont l’existence ne peut être négociée,
ou adaptée  : ces droits doivent être respectés par chaque professionnel,
chaque structure, sans aucune possibilité d’y déroger.

On les appelle « droits naturels » car ils sont inhérents à la


condition humaine : un droit naturel s’applique à tous, il est
réciproque et légitime, le violer est illégal, et immoral.
Les droits naturels relèvent de l’égalité, de la liberté, du
droit à la vie et à la propriété.
L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen (1789) en définit quatre  : la liberté, la propriété, la
sûreté, et la résistance à l'oppression (notons en passant
que notre Déclaration des  droits  de l'homme et du citoyen
de 1789 n’est que la sixième, ou septième, à voir le jour, les
Anglais, avant nous, en ont rédigé trois, et la première, la
Charte du Manden, est malienne : elle date de 1222).
Le droit de résister à l’oppression (théorisé surtout par John
Locke, philosophe anglais de la fin du XVIIe) permet à chacun
de ne pas respecter une loi qu’il estime oppressante, ou
injuste (c’est un des arguments utilisés par ceux, par
exemple, qui combattent l’obligation de vacciner les
enfants). Il lui donne la liberté de résister, ce qui ne
l’empêchera pas d’en assumer les conséquences (nous ne
rappellerons jamais assez  que la liberté a comme
contrepoids la responsabilité), être libre de faire, ou non,
n’exclut pas le risque d’être condamné (il n’y aurait sinon
aucune résistance glorieuse).
Le droit à la sûreté inclut la sécurité sous toutes ses formes
(sécurité alimentaire, des médicaments, services de police,
de renseignements, d’urgence et de protection, etc.), mais
représente aussi la garantie dont chacun dispose contre
l'arbitraire, d'une arrestation, d'un emprisonnement ou
d'une condamnation (on parle alors de sécurité juridique : le
principe de sécurité juridique protège les citoyens contre les
effets secondaires négatifs du  droit, incohérences,
complexités ou changements trop fréquents des lois et des
règlements).
La propriété est considérée comme « inviolable et sacrée »
(Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, art. 17) :
«  Nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique,
légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste
et préalable indemnité. »

La liberté pourrait justifier un chapitre, un ouvrage entier,


mais d’autres, déjà, avant nous, s’y sont risqués. Comme
droit naturel et imprescriptible de l'Homme, elle comprend
la liberté de conscience (croire et penser ce que l’on veut,
dont découle le principe de laïcité), la liberté d’expression
(qu’il est néanmoins parfois nécessaire de limiter en
interdisant les propos homophobes, révisionnistes,
discriminatoires, etc.), la liberté d’aller et venir (mais aussi
la liberté d’association, de réunion, de la presse, etc.).
La liberté est constituée des droits que chacun est libre
d’exercer, et des devoirs que chacun est libre de s’imposer
ou non.
Elle est définie comme «  le pouvoir de faire tout ce qui ne
nuit pas aux droits d'autrui  », ce qui a donné l’adage
populaire «  la liberté des uns s’arrête là où commence celle
des autres  ». Limiter la liberté d’expression pose
d’importantes questions philosophiques, l’actualité récente
nous l’a rappelé  : là encore intervient la notion de curseur
subjectif (où se termine l’humour, où commence l’insulte  ?
où se termine la dérision, la caricature, où commence
l’offense  ? où se termine la plaisanterie, où commence
l’agression ?). Chacun apporte à ces questions une réponse
personnelle, un peuple pourrait collectivement apporter à
ces questions qui le concernent une réponse philosophique,
constitutionnelle, si telle était l’orientation du débat (qui
peut difficilement se contenter d’un hashtag).

LE DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

Chacun a droit au respect de sa vie privée (code civil,


art.  9), qui comprend essentiellement trois attributs  : les
choix personnels, qui doivent être respectés (impossible,
donc, de placer mamie en EHPAD sans son accord, même si
elle est sous tutelle), la confidentialité des informations, qui
doit être préservée, et le « droit à l’image ».
Le droit au respect de la vie privée est rappelé par la
Convention européenne des droits de l’homme (art.  8), il
apparaît dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne (art.  7), mais il est absent de nos textes
fondamentaux nationaux.
Le 18  janvier 1995, le Conseil Constitutionnel lui a
néanmoins attribué la valeur de droit constitutionnel, sur le
fondement de la liberté personnelle garantie par l’article 2
de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le
code civil n’en fait mention que depuis la loi du 17  juillet
1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels
des citoyens  : la vie privée est donc une notion assez
récente, que nous aborderons plus en détail dans le chapitre
consacré au psychologue et à la vie privée.

LE DROIT À L’IMAGE

Le «  droit à l’image  » n’est pas d’origine légale ou


réglementaire (aucun article d’un code ne le définit)  : il a
été construit – sur la base de l’article  9 du code civil – par
les juridictions civiles, jugement après jugement. Il est donc
d’origine jurisprudentielle. Il s’exerce lorsque l’utilisation, la
reproduction d’une image, fixe ou animée, cause un
dommage à celui qu’elle représente (ou à ses représentants
légaux)  : la simple édition d’une photo (l’afficher au mur,
c’est l’éditer) ne suffit pas pour obtenir réparation, il faut
que cette édition cause un dommage. L’exercice du droit à
l’image repose donc sur l’engagement de la responsabilité
civile, non pas du photographe, mais de l’éditeur de l’image
en question  : celui qui subit un préjudice peut demander
réparation devant une juridiction civile, tribunal d’instance
(dommage inférieur à 10 000 euros) ou de grande instance
(dommage supérieur à 10 000 euros).
La 17e  chambre du TGI de Paris, spécialisée dans les
affaires de presse (c’est à Paris que se trouve le siège social
des plus importants journaux ou magazines), a par exemple
rappelé que «  toute personne peut interdire la reproduction
de ses traits  » (14 mai 1975), et la Cour de Cassation, que
« chaque personne dispose d’un droit exclusif sur son image
et peut de manière discrétionnaire en autoriser la
reproduction » (2e chambre civile, 17 mars 1977).
Le droit à l’image ne doit pas être confondu avec le droit de
l’image, qui protège la propriété intellectuelle de l’auteur du
cliché (le petit signe © qui apparaît auprès des photos
publiées indique qui en possède les droits de reproduction).
L’autorisation, signée par le ou les parent(s), de
photographier leur enfant (appelée souvent «  autorisation
de prise de vue  »), est inutile  : prendre une photo est
rarement interdit, à condition de ne pas l’éditer, quelle que
soit la confidentialité du support ou de l’exposition.
L’autorisation de photographier quelqu’un n’autorise en
aucun cas que la photo soit éditée.
Il est donc préférable d’appeler «  autorisation d’édition  »
cette «  autorisation de prise de vue  ». L’autorisation en
question n’est en théorie valable que pour une seule photo,
pour un seul support, mais nous allons ici en profiter pour
rappeler deux principes qui pourront être utiles aux
professionnels confrontés à d’autres questions du même
type.
Tout d’abord, «  plus une autorisation est générale, moins
elle a de valeur  », ensuite, «  plus le risque est important,
plus il convient de prendre de précautions ».
Il faut donc éviter les autorisations qui autorisent tout et
n’importe quoi  : une autorisation doit être précise, et
permettre à celui qui aura éventuellement à répondre de
ses actes d’établir que l’autorisation était valable pour cette
photo-là, ce jour-là, sur ce support-là, dans cette situation
précise, etc.
Lorsque les photos sont affichées à l’intérieur d’une
structure, le risque de poursuite est très faible  : un
règlement intérieur bien construit remplacera
avantageusement les autorisations (en mentionnant par
exemple que «  des photos des enfants sont susceptibles
d’être prises pendant les activités, certaines sont
susceptibles d’être affichées sur les panneaux prévus à cet
effet, les parents pourront, ensemble ou séparément, en
demander le retrait, qui sera immédiat  »). Lorsque les
photos sont affichées, utilisées, projetées en dehors de la
structure (blog, journal, plaquette, vidéo, etc.), l’autorisation
mentionne le support avec précision (public, tirage,
diffusion, etc.). Il peut parfois être prudent de faire signer
les parents au dos de la photo (ou de sa photocopie) dont ils
acceptent la publication (date, signature). Il peut aussi être
utile de faire signer aux parents une autorisation valable
pour l’année scolaire et pour un seul support (panneau
d’exposition, journal interne à la structure, etc.), en
n’oubliant jamais de faire signer une nouvelle autorisation
en cas de parution dans un autre support. Le principe est le
même avec le majeur en tutelle (le majeur en curatelle ou
en sauvegarde peut l’autoriser lui-même).
Il existe une tolérance des tribunaux pour les photos
d’information, ou d’expression artistique, mais il n’est pas
raisonnable de croire qu’à partir de sept  personnes
présentes sur la même photo, les poursuites ne sont plus
possibles : aucune ne doit être reconnaissable, à moins que
la photo, prise dans un lieu public, rende compte d’un
événement public clairement identifiable, et qu’elle, ou sa
légende, ne cause aucun dommage.
La Cour de Cassation définit le lieu public comme «  un lieu
accessible à tous sans autorisation spéciale de quiconque,
que l’accès en soit permanent ou subordonné à certaines
conditions, heures ou causes déterminées ».
Le droit à l’image peut également se retrouver devant les
juridictions pénales, lorsque «  l’image d’une personne se
trouvant dans un lieu privé  » est fixée (lorsque la personne
est photographiée, ou filmée), enregistrée ou transmise,
sans son consentement  : le cliché porte alors atteinte à la
vie d’autrui (code pénal, art.  226-1). C’est le photographe
qui engage sa responsabilité, pas l’éditeur (qui pourra
néanmoins être poursuivi au civil en réparation de
dommages, ou – dans des cas extrêmes – pour recel, défini
comme «  le fait de détenir ou de bénéficier d'un bien ou du
produit d'une infraction  »). Les «  paroles prononcées à titre
privé ou confidentiel » relèvent du même cadre et du même
article.
Partie 4

Le psychologue
et sa responsabilité

LA RESPONSABILITÉ, quand elle est juridique et qu’elle concerne une personne


physique, peut être civile, pénale ou disciplinaire. Elle peut être
contractuelle quand elle concerne une personne morale. Il faut différencier
les personnes physiques des personnes morales  : une personne physique
est un individu, une personne morale, une entité juridique (une entreprise,
une association, une collectivité territoriale).
La responsabilité contractuelle est engagée en cas de mauvaise exécution
ou d'inexécution totale ou partielle des obligations (souvent réciproques)
prévues par un contrat (code civil, art. 1231-1). Elle peut être administrative
quand elle concerne une administration (l’État, une collectivité territoriale,
etc.). Elle peut être éthique, pédagogique, éducative, déontologique (etc.)
quand elle est morale  : la responsabilité morale est la conscience que
chacun a de sa propre responsabilité (on peut s’estimer responsable,
indépendamment de ce qu’en dit la justice, ou penser au contraire ne pas
être responsable des faits dont on est accusé, et avoir ainsi – à tort ou à
raison – la conscience tranquille). La responsabilité morale n’est pas du
domaine de la loi, plutôt de la philosophie. Elle est éminemment subjective,
et découle des valeurs propres à chacun. La responsabilité juridique est
objective.
Être responsable, c’est répondre de ses actes, les assumer, et en assumer
les conséquences.
Chacun, dès sa naissance, est (par action) responsable de ce qu’il fait (de ce
qu’il dit, de ce qu’il écrit, etc.), et (par omission) de ce qu’il ne fait pas (de
ce qu’il ne dit pas, de ce qu’il n’écrit pas, etc.), même par inadvertance,
imprudence ou négligence : ne rien faire n’est donc pas la meilleure solution
pour ne prendre aucun risque. Chacun, dans sa vie privée et professionnelle,
peut donc être amené à répondre de ses actes, à en assumer les
conséquences, pénales, civiles (pécuniaires) et disciplinaires.
La responsabilité est l’indispensable contrepoids de la liberté : celui qui a la
chance de vivre en démocratie est libre de faire ce qu’il veut, en toute
liberté, à condition d’en assumer les conséquences. La liberté est la faculté
de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : chacun est donc libre de faire ce
qu’il veut, à condition d’en assumer les conséquences, et de ne pas nuire à
autrui. Être responsable, c’est être libre (libre de faire ou de ne pas faire,
libre de dire ou de ne pas dire, libre d’écrire ou de ne pas écrire, etc.), libre
aussi d’assumer ses choix.
Il faut s’éloigner de la liberté pour s’éloigner de la responsabilité : il est plus
sûr d’être un simple exécutant qu’un professionnel qui – à juste titre –
revendique une certaine liberté d’action (le colonel Paul Tibbets qui pilotait
l’Enola Gay le 6 août 1945 n’a pas été condamné, mais promu et médaillé :
il n’a fait qu’obéir aux ordres).
Multiplier les interdits, c’est remplacer la réflexion et le bon sens par
l’obéissance.
Déresponsabiliser, c’est soumettre.
Nous avons cité Beccaria, Kant, Montesquieu, nous pouvons donc citer
Michel Berger  : «  tant de libertés pour si peu de bonheur  » («  Résiste  »,
France Gall). Il est temps que les professionnels prennent conscience que la
loi n’interdit pas grand-chose, qu’elle permet tout, que ce sont eux, dans les
structures où ils interviennent, qui, au nom de la peur du risque,
construisent des murs et multiplient les interdits, toujours liberticides,
comme s’il était possible d’écarter un danger en le rendant illégal, comme
s’il était possible d’atteindre le « risque zéro ».
Vivre est risqué, ce serait bien que tous intègrent cette réalité, et
apprennent à la gérer au quotidien.
Un programme canadien de prévention des atteintes sexuelles, Mon corps
est mon corps, conseille par exemple de donner aux enfants des outils pour
se protéger et se défendre – le jeu des trois questions, etc. – plutôt que de
leur interdire de sortir, ou de parler à un inconnu, surtout que le risque, pour
un enfant, provient surtout, statistiquement, de ceux qu’il connaît.
Il ne faut pas confondre responsabilité et culpabilité  : le coupable (dans le
langage juridique) a commis, volontairement ou non, une infraction. Il a fait
quelque chose d’interdit qui a vocation à être puni : la culpabilité relève du
droit pénal, contrairement au sentiment de culpabilité, cher aux
psychologues. Le responsable doit assumer, et réparer, mais il ne sera pas
puni. En règle générale, le coupable est aussi responsable : il est puni et se
retrouve dans l’obligation de réparer (par le versement de dommages et
intérêts).
On peut être responsable sans être coupable de quoi que ce soit (il est
possible de causer involontairement un dommage sans commettre la
moindre infraction), on peut aussi être coupable sans être responsable :
«  N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au
moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli
son discernement ou le contrôle de ses actes » (code pénal, art. 122-1).
Celui qui bénéficie d’une irresponsabilité pénale reste civilement
responsable  : il ne sera pas puni (pas de procès, pas de prison, pas
d’amende), mais il devra réparer (code civil, art. 414-3).
La responsabilité peut être une charge difficile à porter, d’autant plus qu’il
n’existe, en droit français, aucune décharge  : celui qui est autorisé à faire
quelque chose reste responsable des éventuelles conséquences de ses
actes (la responsabilité d’un animateur autorisé par les parents à emmener
un enfant à la piscine sera recherchée en cas de noyade, la responsabilité
d’un psychologue utilisant la photo d’un patient pourra être recherchée si
survient un dommage imprévu, même si le patient a donné son accord : on
ne donne jamais son accord pour un imprévu, c’est pourquoi la portée de
toute autorisation est limitée). Il conviendrait donc que les professionnels –
crèches, écoles, centres de loisirs, CMPP, etc. – cessent de faire signer – aux
parents, à l’usager, au tuteur, etc. – tout un tas de papiers totalement
inutiles, dont l’inflation fait vivre la société dans un climat anxiogène de
perpétuelle paranoïa.
Combien de fois avons-nous entendu des structures justifier des interdits
par la peur d’être responsable ? S’il se fait renverser par une voiture, je suis
responsable  ! Non  : c’est le conducteur de la voiture, qui est responsable.
S’il lui arrive quelque chose, je suis responsable ! Non : c’est celui qui sera à
l’origine de ce quelque chose, qui est responsable. S’il tombe, je suis
responsable ! Non : s’il tombe, personne n’est responsable. Si son père a bu
et qu’il a un accident, je suis responsable, si je le confie à sa grande sœur
mineure, je suis responsable ! Non plus.
Chacun est responsable de ses actes, pas de ce qui arrive par accident, ou
par le fait d’autrui.
Quant à la responsabilité morale, elle disparaît vite quand il convient
d’adresser un signalement au procureur de la République  : c’est pas à moi
de le faire, si je me trompe, je suis responsable, je ne veux pas d’ennuis, je
l’ai dit à ma chef (variante : à l’assistante sociale), elle a qu’à le faire, c’est
pas mon travail ! Non plus : ne pas signaler une personne vulnérable mise
en danger par autrui est un délit (le dire à sa chef, à l’assistante sociale, ce
n’est pas signaler).
Une autorisation, le respect d’un protocole, ne sont pas des décharges
(éventuellement des arguments que pourra utiliser celui qui aura à en
répondre), tout comme l’ordre d’un supérieur hiérarchique, fût-il écrit, «  ne
constitue pour l'auteur d'une infraction ni un fait justificatif ni une excuse lui
permettant d'échapper aux conséquences de cette infraction  » (Chambre
criminelle de la Cour de Cassation, 4 octobre 1989).
L’autorisation signée par un parent (au moins) de laisser un enfant rentrer
seul – quel que soit son âge – met fin à la prise en charge, à l’obligation de
surveillance qui incombe à tout professionnel (qui n’est qu’une obligation de
moyens) : en aucun cas le professionnel et la structure ne pourront voir leur
responsabilité engagée s’il arrive «  quelque chose  » à l’enfant sur le trajet
de retour (mais si, ce jour-là, une tempête de neige ou un cyclone ravage la
ville, le bon sens du professionnel sera de garder l’enfant dans la structure,
et de prévenir ses parents). Et si le professionnel pense que l’enfant est trop
jeune, trop immature pour rentrer seul, après en avoir discuté avec les
parents sans pouvoir les convaincre, il adressera – s’il le juge utile – une
information préoccupante (IP) au service départemental de l’aide sociale à
l’enfance (ASE) ou un signalement au parquet, et il en assumera les
éventuelles conséquences.
La loi du 13  juillet 1983, déjà citée, rappelle au fonctionnaire qu’il est
« responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées », et ce «  quel
que soit son rang dans la hiérarchie  » (art.  28). Le supérieur hiérarchique
«  n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent par la
responsabilité propre de ses subordonnés  » (ce qui montre bien, au
passage, que la responsabilité des subordonnés sera d’abord recherchée,
avant que l’on ne s’intéresse, éventuellement, à la responsabilité «  par
ricochet » de leur supérieur, mais tous ceux qui ont joué à faire au bord de
l’eau ricocher un caillou savent bien que plus il avance, le caillou, moins il
fait d’éclaboussures).
Chapitre 17

La responsabilité
est personnelle

IL N’EST PAS possible, juridiquement, d’être responsable d’une structure,


d’une équipe, d’un groupe. Chaque membre du groupe, chaque
professionnel de l’équipe est responsable de ses actes et de leurs
conséquences  : il n’aurait sinon aucune liberté, aucune marge de
manœuvre.

Le maire, le président d’une association, ne peuvent


sérieusement pas être tenus responsables de tout ce qui
peut se produire sur le territoire de la commune, ou de tous
les dommages qui peuvent survenir pendant les activités
organisées par l’association.
Le maire et le président sont des personnes physiques  ; la
commune et l’association, des personnes morales. Les
personnes morales – comme les personnes physiques –
doivent assurer leur responsabilité civile.
Le maire et le président représenteront éventuellement la
personne morale devant les tribunaux (en qualité de
représentant légal), mais c’est bien la personne morale qui
sera condamnée à verser des dommages et intérêts, pas
son représentant  : il faudrait qu’une faute soit
personnellement reprochée au maire, ou au président, pour
qu’ils puissent être poursuivis en leur nom propre.
Les personnes morales assument généralement une
responsabilité civile par défaut, lorsqu’aucune responsabilité
personnelle ne peut être engagée  : lorsqu’un accident
survient pendant un séjour, qui cause un dommage, si la
faute n’est imputable à personne (la faute est le fait
générateur du dommage), c’est la responsabilité civile de
l’organisateur qui sera probablement engagée.
Une personne morale peut également voir engagée sa
responsabilité pénale, elle risque alors une amende (difficile
de mettre une association en prison) dont le montant
maximal «  est égal au quintuple de celui prévu pour les
personnes physiques » (code pénal, art. 131-38).
La ville de Strasbourg a ainsi été jugée responsable en 2001
de la catastrophe dite « du Parc de Pourtalès ». Un platane
centenaire de 40 mètres, sous l'effet d'une mini-tornade,
s'est abattu sur les spectateurs d'un concert de plein air, 13
personnes ont été tuées, 97 autres blessées. Le tribunal
correctionnel de Strasbourg a condamné la ville à
150  000  euros d'amende. Il lui a été reproché un manque
d’organisation  : malgré l’alerte émise par Météo France,
personne n’a voulu prendre la responsabilité d’annuler le
concert, mais personne – qui aurait pu être mis en cause
personnellement – n’avait réellement la légitimité de le
faire.
Les parents ne sont pas responsables de leur enfant  : un
collégien peut se voir infliger deux heures de colle, un
mineur peut se retrouver en prison.
Il faut d’ailleurs cesser de les appeler «  responsables
légaux  »  : ils sont les «  représentants légaux  » de leur
enfant (et cette appellation doit toujours apparaître au
pluriel).
Les parents doivent répondre des dommages causés par
leur enfant : ils en sont civilement responsables, jusqu’à sa
majorité ou son émancipation (code civil, art. 1242).
Les éducateurs, les animateurs, les enseignants (etc.), ne
sont pas responsables des enfants qu’ils encadrent, ils ne
sont responsables que de la qualité de leur encadrement,
dont ils pourront «  par ricochet  » avoir à répondre si, mal
encadré lorsqu’il est sous leur autorité (et non «  sous leur
responsabilité  »), l’enfant commet une infraction, cause ou
subit un accident.

LIMITER LES RISQUES

S’il n’est pas possible de faire disparaître tout risque de voir


engager sa responsabilité, il est souhaitable de les limiter  :
pour cela, il est tout d’abord indispensable d’anticiper.
Anticiper est le contraire d’improviser, cela permet
d’identifier en amont les risques potentiels, et de trouver
une solution pour les limiter (apprendre aux enfants les
consignes de sécurité adéquates, imaginer une progression
dans l’autonomie pour rendre possible un « quartier libre »,
améliorer le processus d’inscriptions des enfants pour être
en mesure d’identifier les titulaires de l’exercice de
l’autorité parentale, ce qui n’est jamais le cas, etc.).
Anticiper permet aussi d’improviser  : il est impossible de
tout prévoir, mais on improvise mieux quand on peut faire
reposer sa décision improvisée sur un socle solide et
réfléchi.
Anticiper va aussi permettre d’argumenter, et peut-être de
convaincre.
C’est ce qui est demandé devant un tribunal (ou pendant
une enquête de police) : argumenter pour justifier ses actes,
et convaincre le tribunal qu’ils étaient justifiés (celui qui
s’en sort le mieux dans un procès n’est pas forcément le
moins coupable, mais toujours le plus convaincant). La
justice est sensible aux arguments justificatifs  : souvenez-
vous des éléments constitutifs de l’infraction, et de
l’élément juste ou injuste. La légitime défense, quand elle
est reconnue, est une infraction justifiée  : je l’ai frappé, ou
tué, pour me défendre, c’était proportionné et nécessaire.
L’euthanasie est – pour le moment – une infraction justifiée :
un homicide volontaire prémédité (un assassinat) sur une
personne vulnérable justifié par son état de santé et sa
souffrance (etc.).
Enfin, pour limiter les risques, il convient de comprendre le
principe de l’obligation de moyens, que nous allons bientôt
aborder.

LA RESPONSABILITÉ DES RESPONSABLES

Un supérieur hiérarchique n’est évidemment pas


responsable des dommages causés ou des infractions
commises par ses subordonnés, il ne leur laisserait sinon,
aucune liberté.
Il faut résister à la tentation de l’appeler «  responsable  »
(responsable de service, responsable de structure, etc.),
d’une part parce qu’il ne l’est pas (plus on monte dans
l’échelle hiérarchique, moins on est responsable), d’autre
part parce que l’effet induit est pervers : il sous-entend que,
si le chef est responsable, ses subordonnés ne le sont pas.
Ils ne voient donc pas la nécessité – c’est bien dommage –
d’assurer leur responsabilité civile professionnelle (RCP), et
pensent – c’est absurde – qu’un ordre, une consigne, un
protocole les déresponsabilise (je suis couvert !).
Il est plus facile de diriger une équipe qui se croit en partie
irresponsable, qu’une équipe qui se sait libre de discuter, de
contester les ordres, les consignes, les protocoles (c’est la
même chose avec les enfants  : le «  t’inquiète, j’assume  »
d’un ado qui a séché les cours peut à juste titre énerver ses
parents, alors que le fait qu’il assume devrait les encourager
à le féliciter). Déresponsabiliser une équipe, c’est la
soumettre (contresigner un rapport, interdire les initiatives,
etc.), mais remplacer la réflexion et le bon sens de chaque
professionnel par de l’obéissance peut – surtout dans le
secteur social et médico-social – s’avérer dangereux, et
contre-productif (c’est aussi peut-être moins valorisant pour
le chef).
La déresponsabilisation passe toujours par une sorte
d’infantilisation.
Les militaires ont des médailles, les chefs, des signatures  :
c’est le même principe…
Nommer «  responsable  » un supérieur hiérarchique cache
peut-être un autre effet pervers, encore plus dérangeant ; il
est toujours préférable de définir un chef par une posture
active (je dirige, je coordonne, j’anime, je décide, je mène :
je fais) que par une posture immobile (je suis). La posture
immobile est souvent source d’une force d’inertie
remarquable (La Liberté guidant le peuple, de Delacroix,
était debout sur les barricades, le drapeau à la main, elle
emmenait la troupe, on parlerait moins d’elle si elle était
restée assise derrière un bureau à inventer des protocoles
ou signer des ordres de mission).

LA RESPONSABILITÉ COLLECTIVE

Les épouses qui continuent à porter le nom de leur mari ont-


elles une responsabilité, disons collective, dans la difficulté
d’instaurer en France une réelle égalité hommes/femmes ?
Napoléon a estimé qu’il n’était pas nécessaire de légiférer
sur le sujet  : l’épouse porterait le nom de son mari «  en
signe d’allégeance légitime ».
Il n’y a jamais eu le moindre texte de loi sur le sujet  :
l’épouse est libre de porter, ou non, le nom de son mari, le
mari peut décider de porter le nom de son épouse, ou les
deux, de porter les deux noms réunis par un trait d’union, et
ce nom dit « d’usage » n’a aucune valeur légale.
Quelle image d’égalité donne un couple où madame porte le
nom de monsieur  ? Où les enfants portent le nom de
monsieur (alors que, depuis le 1er  janvier 2005, quatre
possibilités différentes existent)  ? Où le nom de monsieur
est inscrit sur la boîte aux lettres, et systématiquement sur
la carte nationale d’identité de madame (le contraire est
extrêmement difficile à obtenir)  ? Où les factures sont
souvent au nom de monsieur, comme le compte joint ?
Le «  compte conjoint  » a été mis en place pour que
monsieur puisse encaisser le salaire de madame auquel,
jusqu’en 1965, elle n’avait pas accès sans son accord.
Cela le conforte ainsi dans son rôle de «  chef de famille et
de la communauté  » (code civil, ancien art.  1388, 1942),
détenteur de la toute-puissance (le «  chef de famille  » a
disparu le 4 juin 1970).
On peut également s’interroger sur la responsabilité
collective, dans la déliquescence de la vie politique
française, des électeurs qui élisent dix fois, à des postes
divers, un maire mis en examen douze fois, ou sur celle des
fumeurs dans l’état de la planète, quand on sait qu’un
mégot de cigarettes pollue à lui seul entre 500 et 1000 litres
d’eau avec les résidus des 4000 substances chimiques que
contient une cigarette, et qu’il met une douzaine d’années à
disparaître…
Chapitre 18

Les responsabilités
juridiques

LA RESPONSABILITÉ pénale impose à chacun d’assumer les conséquences des


infractions qu’il commet, volontairement ou non (donc, d’accepter le risque
de la peine encourue, et la réalité de la peine infligée, d’amende ou de
prison).
La responsabilité civile impose à chacun de réparer pécuniairement les
dommages qu’il cause à autrui, volontairement ou non (code civil, art. 1240
et suivants).
La responsabilité disciplinaire impose à chacun d’assumer ses actes devant
l’autorité dont il dépend, qui peut le sanctionner (l’enfant devant ses
parents, le collégien devant le conseil de discipline, le sportif devant sa
fédération, le salarié devant son employeur, etc.).
La responsabilité administrative est la responsabilité disciplinaire des
fonctionnaires, ou la responsabilité de l’administration envers ses
administrés.

LA RESPONSABILITÉ CIVILE

La responsabilité civile est personnelle (code civil,


art.  1240), même si le dommage est causé
involontairement, par négligence ou imprudence (code civil,
art. 1241) : ne pas l’avoir fait exprès n’est pas une excuse,
le préjudice est le même pour la victime (au pénal,
l’homicide involontaire est un délit quand l’homicide
volontaire est un crime).
Il y a toujours une faute à l’origine d’un dommage : la faute
est le fait générateur.
La faute peut être une action ou une omission : elle engage
la responsabilité civile.
Le majeur placé sous un régime de protection reste
civilement responsable de ses actes, comme «  celui qui a
causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire
d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation »
(code civil, art. 414-3).
Chacun est responsable du dommage qu’il a causé par son
propre fait, ou par le fait «  des choses  » qu’il a «  sous sa
garde  » (code civil, art.  1242), ce qui, potentiellement,
s’applique à n’importe quel objet (un pot de géraniums qui
tombe d’un appui de fenêtre, un parasol qui s’envole, une
tondeuse à gazon qui s’emballe, etc.). Il n’est pas
nécessaire d’être le propriétaire de cette «  chose  »  : juste
de l’avoir « sous sa garde ». On retrouve le même principe
avec les animaux :
« Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son
usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que
l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé  » (code civil,
art. 1243).

Vous êtes donc responsable des dommages que pourrait


causer le bichon de votre belle-sœur alors qu’en son
absence, pour rendre service, vous avez accepté de le
garder, ou de le promener (pareil avec le poney ou le cheval
du centre équestre). Enfin, le propriétaire d'un bâtiment
«  est responsable du dommage causé par sa ruine,
lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou
par le vice de sa construction » (code civil, art. 1244).
Celui qui est responsable du dommage causé par le fait des
choses qu’il a sous sa garde l’est aussi «  des personnes
dont il doit répondre  » (code civil, art.  1242)  : c’est la
responsabilité civile du fait d’autrui. Les «  maîtres et les
commettants  » (on dirait aujourd’hui : les employeurs) sont
par exemple «  responsables du dommage causé par leurs
domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils
les ont employés  » (on remplacerait aujourd’hui
«  préposés  » par «  salariés  »). La précision «  dans les
fonctions auxquelles ils les ont employés  » est importante,
puisqu’elle permet de différencier la faute «  de service  »
imputable à l’employeur (le commettant) de la faute
«  détachable du service  » imputable à l’employé  : nous y
reviendrons pour traiter de la responsabilité civile
professionnelle (RCP).
L’artisan est responsable des dommages causés par son
apprenti, et ce principe n’est pas extensible aux stagiaires
accueillis dans une structure.
Le stagiaire – s’il est majeur – est responsable de ses actes,
au même titre qu’un diplômé, et celui qui l’encadre ou
l’accompagne ne peut voir sa responsabilité engagée que
«  par ricochet  » s’il a confié au stagiaire une tâche, une
mission manifestement trop compliquée pour lui (ou si sans
la lui confier, il ne l’a pas empêché de mener l’action qui a
causé le dommage). Si le stagiaire est mineur, celui qui
l’encadre ou l’accompagne peut voir sa responsabilité
engagée si le stagiaire cause un dommage  : sa minorité le
rend civilement irresponsable.
Les instituteurs sont responsables «  du dommage causé par
leurs élèves […] pendant le temps qu'ils sont sous leur
surveillance  » (code civil, art.  1242), c’est-à-dire «  durant
les heures d'activité scolaire  » qui commencent «  dix
minutes avant l'entrée en classe », et se poursuit « pendant
les récréations  » (code de l’éducation, art. D.  321-12). La
responsabilité de l’État se substituera à la responsabilité des
enseignants «  à la suite ou à l’occasion d’un fait
dommageable commis soit par les enfants ou jeunes gens
qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit à ces
enfants ou jeunes gens dans les mêmes conditions  » (loi du
5  avril 1937, art.  2). Ils «  ne pourront jamais être mis en
cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses
représentants  » que l’enfant soit victime ou responsable du
dommage, sauf en cas de «  fautes, imprudences ou
négligences invoquées contre eux comme ayant causé le
fait dommageable  » (idem). C’est ce qui est arrivé en 1996
à un instituteur qui a oublié de refermer la fenêtre après la
récréation  : Sarah, 10 ans, a fait une chute mortelle du
deuxième étage. L’instituteur a été reconnu coupable
d'homicide involontaire par le tribunal correctionnel de
Bobigny, condamné à cinq mois d'emprisonnement avec
sursis et à 120  000  euros de dommages et intérêts, qu’il a
donc dû verser lui-même aux parents de la victime (ou son
assurance de responsabilité civile professionnelle). Les juges
ont estimé qu’il avait commis une «  faute caractérisée, qui
exposait les élèves à un risque d’une particulière gravité et
qu’il ne pouvait ignorer ». Il « connaissait la dangerosité liée
à l'ouverture des fenêtres  », et que «  la probabilité que les
enfants s'assoient sur leur rebord était d'autant plus grande
qu'ils avaient ce jour-là dans la classe une liberté accrue ».
La Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement le
2  décembre 2004 en estimant que «  le professeur (était)
responsable d'un manquement caractérisé à des obligations
professionnelles essentielles », ce qui est considéré comme
une faute à caractère personnel, et la chambre criminelle de
la Cour de Cassation a confirmé son arrêt.

▶  La responsabilité civile des parents


C’est par le biais du même article que les parents «  en tant
qu'ils exercent l'autorité parentale  » sont civilement
responsables des dommages causés par «  leur enfant
mineur habitant avec eux » (code civil, art. 1242).
En fait, non  : le mineur est civilement responsable des
dommages qu’il cause (code civil, art.  1240), mais ses
parents en assument solidairement (avec lui) la
responsabilité (parce que le mineur, civilement incapable du
fait de sa minorité, ne peut pas s’assurer, et n’a pas les
ressources nécessaires pour verser une réparation
pécuniaire). Il en va de même si les dommages sont
consécutifs à une infraction  : la responsabilité pénale du
mineur est engagée, mais ses parents vont devoir verser à
la victime les dommages et intérêts que le tribunal lui a
attribués (si elle s’est constituée partie civile).
Ne confondons pas «  dommages et intérêts  » (civil) et
amende (pénal) !
Le mineur émancipé devient civilement responsable de ses
actes (code civil, art.  413-7), mais il est toujours considéré
comme un mineur par la justice pénale.
Il n’est pas nécessaire que les parents commettent une
faute (par exemple de surveillance) pour que leur
responsabilité civile soit engagée : il suffit que le dommage
existe.
Ils bénéficient toutefois – en théorie – d’une possibilité de se
décharger de cette responsabilité, en prouvant « qu'ils n'ont
pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ».
Si l’enfant était confié à un tiers, ce sera peut-être à lui de
répondre du dommage, et d’en assumer les conséquences,
puisque chacun est responsable du fait des personnes dont
il doit répondre, c’est-à-dire des personnes placées sous sa
responsabilité, qui ne sont pas ou ne peuvent pas être
responsables d’elles-mêmes (les mineurs non-émancipés et
les majeurs placés sous le régime de la tutelle).
La Cour de Cassation a néanmoins tendance à écarter,
depuis quelques années, cette possibilité qui rendrait les
parents civilement responsables par défaut, elle leur
attribue même une responsabilité présumée, comparable à
une garantie civile :
«  Pour que la responsabilité de plein droit des père et mère exerçant
l’autorité parentale sur un mineur habitant avec eux puisse être
recherchée, il suffit que le dommage invoqué par la victime ait été
directement causé par le fait, même non fautif, du mineur  » (Assemblée
plénière de la Cour de Cassation, 13 décembre 2002).

Elle ajoute que «  seule la force majeure ou la faute de la


victime peut exonérer les père et mère de cette
responsabilité ».
Il faut donc que deux conditions soient réunies  : que les
parents exercent l’autorité parentale (l’exercice de l’autorité
parentale peut être, nous le verrons, provisoirement
suspendu, et tous les parents, titulaires de fait de l’autorité
parentale, n’en ont pas l’exercice), et que l’enfant mineur
habite avec eux (lorsqu’un enfant est confié au service de
l’aide sociale à l’enfance, c’est le conseil départemental qui
en devient civilement responsable).
La Cour de Cassation a récemment estimé, dans un arrêt
surprenant (chambre criminelle, 6 novembre 2012), que « la
responsabilité […] incombe au seul parent chez lequel la
résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien
même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et
d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité
parentale ».
Cet arrêt est surprenant parce qu’il remet en cause le
principe de coparentalité et d’égalité entre les parents que
la loi développe progressivement depuis une quarantaine
d’années (exactement depuis la loi « Malhuret » du 22 juillet
1987 sur l’autorité parentale conjointe).

▶  Assurer sa responsabilité civile


La responsabilité civile s’assure, contrairement à la
responsabilité pénale (dans certains cas, les dommages et
intérêts attribués au pénal à la partie civile sont pris en
charge par l’assurance, mais jamais l’amende). La
responsabilité civile s’assure, mais la relation d’un assuré
avec son assureur est contractuelle  : il est donc préférable
de lire – et de comprendre, puis de conserver – le contrat
d’assurance avant de le signer (le contrat, pas la brochure,
et c’est le même conseil pour tous les contrats). Il ne s’agit
pas d’un contrat type commun à toutes les compagnies, qui
couvre forcément les mêmes sinistres : beaucoup d’assurés
s’aperçoivent trop tard qu’ils n’étaient pas assurés pour ce
qui leur est arrivé.
L’assurance de responsabilité civile est obligatoire pour les
propriétaires de véhicules depuis le 27  février 1958.
L’assurance scolaire est obligatoire depuis le 6  août 1943
pour «  les élèves et étudiants des établissements publics
d’enseignement », donc pendant toute la scolarité, collège,
lycée compris, et université  : c’est une assurance de
responsabilité civile spécifique (comprise la plupart du
temps dans le contrat «  multirisques habitation  »). Les
bailleurs publics et les propriétaires privés peuvent réclamer
à leur locataire une attestation d’assurance de
responsabilité civile locative qui doit être renouvelée chaque
année  : c’est une obligation légale pour le locataire de
souscrire une telle assurance et d’en fournir annuellement
la preuve à son propriétaire (loi 89-462 du 6  juillet 1989,
art.  7). Le non-respect de cette obligation, après une mise
en demeure et un délai d’un mois, peut entraîner la
résiliation du bail.
Concernant le psychologue, qu’il soit salarié, fonctionnaire
ou professionnel libéral, au-delà d’un engagement
contractuel d’assurance de responsabilité civile personnelle
(qui le couvrira pour les éventuels dommages commis dans
sa vie privée), il lui est nécessaire d’avoir une assurance de
responsabilité civile professionnelle (RCP) que nous
détaillerons plus tard.

LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
La responsabilité pénale est également personnelle :
«  Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait » (code pénal,
art. 121-1).

Le mineur capable de discernement est pénalement


responsable des crimes, délits ou contraventions dont il a
été reconnu coupable (code pénal, art.  122-8). Il relève
d’une «  loi particulière qui détermine les mesures de
protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation  »
dont il peut faire l'objet  : il s’agit de l’Ordonnance du
2 février 1945, que nous avons déjà abordé, tout comme la
notion du discernement.
Les parents ne sont jamais (et n’ont jamais été en droit
français) pénalement responsables des infractions
commises par leur enfant mineur : ils ne peuvent donc pas
être sanctionnés à leur place ou avec eux, et ne sont jamais
tenus de payer les amendes infligées à leur enfant, puisque
le mineur est pénalement responsable dès sa naissance
(code pénal, art. 122-8).
L’huissier du Trésor ne pourra en saisir le montant que sur
les biens ou les revenus propres au mineur, quitte à
attendre qu’il devienne majeur.
La responsabilité pénale peut être atténuée par des
circonstances atténuantes (code pénal, art. 122-1 à 122-8),
ou aggravée par des circonstances aggravantes (s’attaquer
à un mineur, une personne vulnérable, être armé,
commettre l’infraction à plusieurs, ou avec violence, etc.).
Quelques possibilités, essentiellement jurisprudentielles,
permettent que soit engagée «  la responsabilité pénale du
fait d’autrui  », qui peut être indirecte (celui qui n’est pas
personnellement poursuivi est tenu de payer les amendes
prononcées contre le complice ou l’auteur de l’infraction,
mais cela doit être précisé dans le jugement), ou directe
(celui qui n'est ni auteur ni complice est personnellement
poursuivi et personnellement condamné).
C’est le cas du directeur de publication d’un journal  : il est
responsable des infractions de diffamation commises dans
ses colonnes. Le cafetier (titulaire de la Licence IV qui lui
permet de servir de l’alcool) est responsable si son barman
sert une boisson alcoolisée à un mineur, le débitant de
tabac si son employé vend des cigarettes à un mineur, etc.
Un seul patron de restaurant a été, par ricochet, condamné
par un tribunal correctionnel pour «  homicide involontaire
par violation délibérée d'une obligation de sécurité et de
prudence, blessures involontaires avec incapacité inférieure
ou égale à trois mois, vente de boissons par un débitant à
une personne manifestement ivre  » alors qu’un de ses
clients a causé un accident mortel avec 2,65 grammes
d’alcool dans le sang. Le conducteur a été condamné à un
an de prison avec sursis et à une annulation de son permis
de conduire, le propriétaire du restaurant à trois mois de
prison avec sursis (le conducteur s’est constitué partie civile
pour demander des dommages et intérêts au restaurateur,
mais il a été débouté).
Vous ne risquez donc rien si un de vos amis vous quitte
alcoolisé après une soirée sympathique et cause ou subit un
accident  : c’est lui, le responsable (ce qui ne doit pas vous
empêcher – l’obligation de moyens, toujours – de tenter de
le convaincre de dormir dans le canapé, d’essayer de lui
subtiliser ses clés, etc.). Et votre employeur ne risque rien si
vous causez un accident après avoir bu une coupe de
champagne pour fêter au boulot l’anniversaire de Josiane : il
va néanmoins très souvent interdire l’alcool sur le lieu de
travail et vous servir du Champomy© (il va aussi interdire
les relations sexuelles entre résidents, et tout un tas
d’autres choses, pour se protéger, mais la question
philosophique posée par la recrudescence en France des
risques d’attentat est ici la même  : jusqu’à quelle limite
sommes-nous prêts à renoncer à notre liberté pour avoir la
sensation d’être protégés ?).
Après les professionnels, les enseignants, les parents, les
amis, il y a les maires, et les présidents d’association,
convaincus d’être responsables de tout.
La loi 2000-647 du 10  juillet 2000 tendant à préciser la
définition des délits non intentionnels (dite loi Fauchon), a
pourtant réduit considérablement les possibilités d’engager
la responsabilité pénale des personnes physiques (maire,
président, etc.) qui n'ont pas causé directement le
dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la
situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui
n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter (code
pénal, art.  121-3). Elles ne sont pénalement responsables
que s'il est établi qu'elles ont personnellement violé de
façon manifestement délibérée une obligation particulière
de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le
règlement, ou commis une faute caractérisée qui exposait
autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne
pouvaient ignorer : cette loi a permis que les maires (et plus
largement « les décideurs publics » que sont les proviseurs,
les chefs d’entreprise, etc.) ne soient plus poursuivis en leur
nom propre lorsqu’un accident survenait sur le territoire de
leur commune, dans leur établissement scolaire ou dans
leur usine…
ENGAGER LA RESPONSABILITÉ PÉNALE

La responsabilité pénale de l’auteur d’une infraction est engagée par la


plainte déposée par la victime (ou au nom de la victime si elle est mineure).
Elle enclenche l’action publique conduite par le procureur de la République :
c’est lui qui va requérir la sanction, au nom de la société, et non la victime
ou ses ayants droit (c’est la différence entre la justice et la vengeance). Le
signalement d’une personne vulnérable mise en danger par autrui
(vulnérable au sens de l’article 434-3 du code pénal) au procureur de la
République lui permet également d’engager l’action publique sans plainte.
Lorsque l’infraction a lieu dans un lieu public, sa simple existence engage
l’action publique, souvent matérialisée par l’intervention d’un fonctionnaire
de police ou de gendarmerie, ou par l’action d’un radar.
La constitution de partie civile engage, devant la même juridiction pénale,
dans la même procédure, la responsabilité civile de l’auteur ou de ses
responsables légaux (qui sera, ou seront, probablement condamnés à verser
des dommages et intérêts).
Nous avons évoqué dans un chapitre précédent le dépôt de plainte par
courrier.

LA RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE

Les responsabilités civile et pénale sont personnelles  : la


responsabilité civile ou pénale du directeur (personne
physique) ou de l’employeur (personne morale) n’est donc
pas forcément engagée lorsqu’un salarié cause un
dommage sur son temps de travail, encore moins lorsqu’il
commet une infraction, dont il devra répondre seul (un
employeur n’a, par exemple, jamais à payer une amende
infligée sur le temps de travail, même si elle concerne un
véhicule de service, puisque la responsabilité pénale est
personnelle).
La question sera donc de déterminer qui aura à réparer le
dommage causé pendant le temps de travail  : l’employeur
(si la faute de son salarié lui est imputable car elle a le
caractère d’une faute « de service ») ou le salarié (si elle lui
est personnellement imputable parce qu’elle a le caractère
d’une faute « détachable du service »).
Le cadre est clair pour les fonctionnaires (des trois fonctions
publiques), il concerne également, par analogie, les salariés
du secteur privé.
Les salariés du privé n’ont pas de loi spécifique qui
s’applique à leur responsabilité professionnelle, c’est donc
le droit commun qui s’applique, et la jurisprudence définit
les mêmes nuances entre «  faute de service  » et «  faute
personnelle ».
Les fonctionnaires bénéficient dans leurs fonctions d'une
protection organisée par la collectivité ou l’administration
dont ils dépendent (loi 83-634 du 13 juillet 1983, art. 11) : si
un fonctionnaire est poursuivi par un tiers pour faute de
service, la collectivité publique doit «  le couvrir des
condamnations civiles prononcées contre lui ».
Cette protection, appelée «  protection fonctionnelle  » est
due «  dans la mesure où une faute personnelle détachable
de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce
fonctionnaire  ». Lorsqu’une faute personnelle est imputable
à l’agent, l’administration, la collectivité, n’a alors pas à
prendre en charge le paiement d’éventuels dommages et
intérêts. Elle n’a pas à lui accorder sa protection. C’est le
même principe dans le secteur privé.
La faute de service découle d’un acte qui s’inscrit dans le
cadre strict des missions, elle ne résulte d’aucune infraction,
même involontaire.
La faute personnelle découle d’un acte qui ne s’inscrit pas
dans le cadre strict des missions du fonctionnaire, ou elle
est le résultat d’une infraction, même involontaire.
Un ordre venu de la hiérarchie ne déresponsabilise pas
forcément celui qui l’exécute  : tout fonctionnaire, quel que
soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de
l'exécution des tâches qui lui sont confiées (loi 83-634 du
13  juillet 1983, art.  28). Il  doit bien sûr se conformer aux
instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas
où l'ordre donné est «  manifestement illégal et de nature à
compromettre gravement un intérêt public  », d’autant plus
que «  n'est pas pénalement responsable la personne qui
accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si
cet acte est manifestement illégal  » (code pénal, art.  122-
4).
Celui qui accomplit un «  acte manifestement illégal  »
engage évidemment sa responsabilité personnelle.

▶  L’obligation de moyens
L’obligation de moyens est l’obligation faite à chacun de
déployer, à son niveau, tous les moyens possibles pour
éviter la catastrophe (moyens matériels, humains,
pédagogiques, etc.).
L’obligation de moyens est l’obligation de faire son travail le
mieux possible, en fonction des moyens dont on dispose
(mieux un animateur de restauration scolaire va surveiller
d’enfants, moins il sera en mesure d’empêcher de sortir,
avec ceux qui rentrent déjeuner à la maison, celui qui devait
« manger à la cantine »). Le mieux possible : cette subtilité
est empruntée à Aldous Huxley, dont Le meilleur des
mondes était en fait «  le meilleur des mondes possibles  »
cher à Voltaire et Candide. L’obligation de faire son travail le
mieux possible ne suffit pas  : il faut pouvoir en justifier.
C’est la fameuse traçabilité des actions.
Une récente jurisprudence vient confirmer son importance :
« (…) attendu que le club nautique était tenu d'une obligation de sécurité
de moyens et non de résultat, de sorte que le seul fait, survenu, selon
l'arrêt, dans des circonstances indéterminées, que l'enfant de sept ans ait
chuté en revenant du cours de voile ne saurait impliquer qu'il aurait
manqué à son obligation de sécurité  ; que le moyen ne peut être
accueilli » (1re chambre civile, Cour de Cassation, 9 mai 2019).

Chacun doit déployer tous les moyens possibles pour éviter


la catastrophe, sa hiérarchie – quand elle existe – doit lui
donner les moyens de faire son travail le mieux possible, et
il doit les réclamer quand il ne les a pas, pour alerter sa
hiérarchie, et ainsi la responsabiliser.
L’obligation de moyens est aussi l’obligation de réclamer les
moyens  : celui qui ne les réclame pas ne peut pas se
plaindre de ne pas les avoir.
L’obligation de moyens appartient au salarié, à l’employé, à
l’agent.
L’obligation de lui donner les moyens, à sa hiérarchie.
Il faut alerter par écrit sa hiérarchie, si nécessaire à
plusieurs reprises, quand on ne dispose pas des moyens
nécessaires pour remplir correctement sa mission
(personnel défaillant, locaux vétustes, inadaptés ou
dégradés, etc.).
Ne pas alerter la hiérarchie fait naître le risque de devoir
répondre, seul, du dommage.
Il est indispensable de pouvoir en justifier (donc, de garder
des traces écrites).
Précisons que les courriels ne sont recevables qu’envoyés
d’une adresse nominative (pas psychologue@) à une
adresse nominative (Cour de Cassation, 20 mai 2010).

▶  Le droit de retrait


Le professionnel à bout d’argument qui ne voit pas la
situation évoluer peut exercer son droit de retrait. Le droit
de retrait s’exerce dans deux situations  : lorsqu’un
professionnel se retrouve face à une «  situation de travail
dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un
danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé  » ou
lorsqu’il constate une défectuosité dans les systèmes de
protection (code du travail, art. L 4131-1).
Le droit de retrait peut s’exercer seul ou en groupe, et il ne
peut avoir pour conséquence de mettre qui que ce soit en
danger (je cesse d’encadrer un groupe de jeunes et je m’en
vais en les laissant livrés à eux-mêmes, ou je laisse un
collègue seul avec eux).
Le travailleur qui exerce son droit de retrait doit alerter
immédiatement son employeur (si possible par courrier, en
cas d’urgence par courriel ou par téléphone).
On estime qu’il y a danger grave et imminent lorsque l’on
se retrouve en présence d'une menace susceptible de
provoquer une atteinte sérieuse à l'intégrité physique d'un
travailleur, dans un délai très rapproché  : ce n’est pas la
possibilité de répondre à un danger passé (les contrôleurs
qui exercent leur droit de retrait après l’agression d’un de
leurs collègues sont hors-la-loi).
La défectuosité des systèmes de protection (un
encadrement insuffisant, un professionnel dangereux, des
locaux non adaptés, un véhicule pas en état de rouler, etc.)
permet également d’exercer son droit de retrait, lorsque le
travailleur est directement concerné  : je refuse
d’accompagner des jeunes dans ces conditions, je
m’organise autrement, je refuse de prendre le volant de ce
véhicule, j’y vais à pied, je refuse de mener mon activité
dans cette salle, j’emmène mon public ailleurs (etc.). Quand
la sécurité de l’usager est en jeu, c’est au professionnel à
intervenir, pour mettre l’usager en sécurité  : le droit de
retrait ne peut pas être invoqué (pas question qu’il se retire
de la situation, bien au contraire).
L’employeur ne peut pas demander à l’agent de reprendre
son activité dans une situation de travail où persiste un
danger grave et imminent résultant notamment d'une
défectuosité du système de protection, et la Cour de
Cassation précise qu’il suffit que la crainte soit légitime, et
que le salarié soit de bonne foi (17  octobre 1989). Le droit
de retrait ne peut faire l’objet d’aucune sanction, d’aucune
retenue de salaire (code du travail, art.  L4131-3), ce n’est
pas un abandon de poste quand le salarié reste à disposition
de son employeur, il ne peut pas être assimilé à une grève,
puisqu’il n’a pas pour but de faire pression sur l’employeur,
et que le salarié ne revendique rien d’autre que la fin du
danger.
Le droit de retrait existe également dans le secteur public :
il permet aux agents des trois fonctions publiques de se
retirer, seul ou en groupe, d’une situation de travail dont ils
ont un motif raisonnable de penser qu'elle présente un
danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, ou
s'ils constatent une défectuosité dans les systèmes de
protection. Il est défini par l’article 5-6 du décret 82-453 du
28  mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail
ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique
(modifié par le décret 95-680 du 9 mai 1995).
Une victime de harcèlement au sein de son travail ne peut
pas exercer son droit de retrait  : elle peut déposer plainte
contre son harceleur supposé.
L’ASSURANCE DE LA RESPONSABILITÉ
PROFESSIONNELLE

L’employeur, public ou privé, ne peut pas assurer ses salariés pour les
fautes « détachables du service » qui leur seraient reprochées.
Le contrat d’assurance – aussi complet soit-il – de l’employeur n’assure pas
ses agents ou employés, il l’assure, lui, contre les «  fautes de service  »
causées pour son compte par ses préposés dans les fonctions auxquelles il
les emploie (souvenez-vous de l’article 1242 du code civil).
Il peut donc s’avérer utile, ou prudent, de s’assurer soi-même (les
psychologues pensent souvent qu’ils sont protégés dans leur activité
salariée), c’est-à-dire de souscrire un contrat spécifique «  responsabilité
civile professionnelle  » (RCP) qui assurera les conséquences des fautes
détachables du service (parfois possible par la signature d’un avenant au
contrat « multirisques habitation »).
Le contrat « multirisques habitation » est un contrat « vie privée » : il cesse
de produire ses effets lorsque l’assuré commence à travailler, même
bénévolement.
Ce contrat ne doit pas être confondu avec celui qui assure la voiture du
psychologue dont le travail impose des déplacements. Pour les libéraux,
cette assurance de responsabilité professionnelle est plus que conseillée.
Elle ne doit pas être confondue avec le contrat qui assure le local où se
déroulent les séances. La fédération française de football a souscrit un
contrat collectif qui assure tous les footballeurs par l’intermédiaire de la
licence : les organismes représentatifs ou fédérateurs des psychologues ne
pourraient-ils pas en faire autant ? Certaines associations professionnelles le
font, et le contrat inclus dans l’adhésion leur amène beaucoup d’adhérents.
L’école (par exemple d’éducateurs) ne peut pas assurer l’étudiant pendant
son stage par le biais d’une convention  : la convention n’assure que les
fautes de service, jamais les fautes détachables du service (il est donc
prudent d’exiger que les stagiaires souscrivent une RCP, ce qui aura aussi
pour effet de leur rappeler qu’ils sont responsables).
Il ne faut pas confondre «  responsabilité civile professionnelle  » et
protection juridique (code des assurances, art. L.  127-1 à L.  127-8, loi
n° 2007-210 du 21 février 2007).
La protection juridique est un contrat spécifique qui permet seulement que
la compagnie d’assurance prenne en charge tout ou partie des frais de
procédure, ou fournisse les services nécessaires pour assurer la défense ou
la représentation de l'assuré dans une procédure civile, pénale,
administrative ou autre (code des assurances, art. L. 127-1).
Les dommages et intérêts obtenus sont versés en priorité à l'assuré (qui ne
peut pas solliciter l'aide juridictionnelle), puis à l'assureur, pour le couvrir
des dépenses engagées.

LA RESPONSABILITÉ DISCIPLINAIRE

La responsabilité disciplinaire est la responsabilité que


chacun est susceptible d’engager devant l’autorité dont il
dépend : les parents ou l’enseignant (etc.) pour un mineur,
l’employeur pour un salarié, l’arbitre pour un joueur (un
carton rouge, c’est une sanction disciplinaire), le conseil
d’administration pour l’adhérent ou le directeur d’une
association, etc.
Histoire d’introduire le chapitre suivant, précisons que
quand le non-respect de la vie privée engage la
responsabilité civile et le non-respect du secret
professionnel engage la responsabilité pénale, le non-
respect de l’obligation de discrétion ou de confidentialité
engage la responsabilité disciplinaire.
L’autorité parentale attribue aux parents un droit coutumier
de correction qui les autorise à punir leur enfant, c’est-à-
dire  : à engager sa responsabilité disciplinaire. C’est un
droit, pas une obligation  : on peut le considérer comme un
devoir, ou s’interdire de l’exercer. C’est subjectif, comme
tous les droits. Le droit de correction a longtemps été une
tolérance, pas un droit prévu par la loi, mais cette tolérance
a tendance à se restreindre  : on ne pouvait par exemple
plus, depuis 1981, utiliser d’ustensiles, ceinture, badine ou
martinet (etc.). Plusieurs tentatives d’interdire les claques et
les fessées ont échoué, au Parlement ou devant le Conseil
Constitutionnel jusqu’au 10  juillet 2019, date à laquelle la
France, après plusieurs condamnations par différentes
juridictions européennes, a complété la définition de
l’autorité parentale en précisant qu’elle «  s’exerce sans
violences physiques ou psychologiques  » (code civil,
art.  371-1). La France a plusieurs fois été condamnée par
différentes juridictions européennes pour ne pas avoir
légiféré sur le sujet.
Ce droit issu de la coutume était reconnu par la justice aux
parents et aux enseignants (TP Bordeaux, 18 mars 1981). Il
a été confirmé par plusieurs jurisprudences. Il n’était
reconnu ni aux beaux-parents, ni aux autres professionnels
de l’enfance.
Le mari pouvait jadis engager la responsabilité disciplinaire
de son épouse  : le «  droit de correction marital  » lui
permettait de la punir et de la corriger pour la faire obéir.
Le « chef de famille » est l’héritier du pater familias romain :
il « doit protection à sa femme », et elle lui doit obéissance
(ancien code civil, art.  213). Ce devoir d’obéissance de la
femme mariée n’a été aboli que le 18  février 1938. Il
n’apparaît réellement dans la loi qu’entre le XIIe et le XVIe
siècle, il n’est ensuite fait mention que d’une «  puissance
maritale » (ancien code civil, art. 1388) au nom de laquelle
le mari continue à détenir sur son épouse un «  droit
coutumier de correction  » qui sera aboli en même temps
que le devoir d’obéissance de l’épouse.
La responsabilité disciplinaire des salariés du secteur privé
repose sur peu de textes.
L’employeur a le libre choix de la sanction (mise à pied,
licenciement, etc.). Le salarié pourra la contester devant le
conseil des prud’hommes, qu’une récente réforme vient
d’affaiblir considérablement (nous évoquions la
responsabilité collective  : les dernières élections
prud’homales de 2008 ont vu grimper à 75  % le taux
d’abstention).
La responsabilité disciplinaire des agents du secteur public
repose sur des textes assez précis, qui prévoient des
procédures proches des procédures judiciaires, et des
sanctions proportionnelles que le salarié peut contester
devant le tribunal administratif.
La loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations
des fonctionnaires dispose  que «  toute faute commise par
un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice
de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans
préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi
pénale » (art. 29).
La responsabilité administrative du fonctionnaire peut donc
être engagée parallèlement à des poursuites pénales, ou en
l’absence de poursuites pénales.
L’agent – selon la gravité de la faute qui lui est reprochée –
risque une sanction disciplinaire (loi du 13  juillet 1983,
art. 89) du premier groupe (avertissement, blâme, exclusion
pour une durée maximale de trois jours), du deuxième
groupe (abaissement d'échelon, exclusion pour une durée
de quatre à quinze jours), du troisième groupe
(rétrogradation, exclusion pour une durée de seize jours à
six mois) ou du quatrième groupe (mise à la retraite d'office,
révocation). Les sanctions des deuxième, troisième et
quatrième groupes ne peuvent être infligées que par le
conseil de discipline, en partie constitué de fonctionnaires
élus par leurs pairs, et présidé par un juge administratif.
L’avertissement n’est pas mentionné au dossier de l’agent,
le blâme et l'exclusion temporaire pour une durée maximale
de trois jours sont effacés du dossier après trois ans, si
aucune autre sanction n'est intervenue.
Partie 5

Le psychologue
et le respect
de la vie privée

LE DROIT au respect de la vie privée (code civil, art. 9) est – aux côtés de la
liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression – un droit
naturel, imprescriptible de l’Homme. Le Conseil Constitutionnel considère
que la liberté implique le respect de la vie privée (Décision 99-416, 23 juillet
1999). Il en a fait une composante de l’article 2 de la Déclaration de 1789,
qui rappelle que «  le but de toute association politique est la conservation
des droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». Le droit au respect de
la vie privée comprend essentiellement trois attributs : les choix personnels
et le «  droit à l’image  » doivent être respectés, la confidentialité des
informations doit être garantie.
Nous allons ici nous intéresser principalement à la confidentialité, et donc,
au secret professionnel, mais le droit au respect de la vie privée peut aussi
être invoqué pour, par exemple, poursuivre devant la justice civile des
voisins trop bruyants.
La solution aux troubles du voisinage n’est pas pénale, la loi n’interdit pas
de faire du bruit, on en fait tous, et «  trop  » de bruit est éminemment
subjectif. Quand le bruit cause un dommage, la solution est civile : il ne faut
pas appeler la police, mais saisir le tribunal d’instance pour obtenir
réparation (précisons que lutter contre le tapage, nocturne et diurne, est
une responsabilité du maire, qui entre dans l’exercice de ses pouvoirs de
police administrative spéciale).
Chapitre 19

Trois outils juridiques


pour lutter
contre la diffusion
des informations
CHACUN dispose de trois outils juridiques pour lutter contre la diffusion des
informations auxquelles – en toute subjectivité – il attribue un caractère
confidentiel : l’action civile, l’action pénale et l’action disciplinaire.

L’action civile permet de saisir la justice civile pour obtenir


la réparation d’un dommage  : elle engage la responsabilité
civile de l’auteur (personne physique ou morale) et s’exerce
contre quiconque (voisin, collègue, professionnel,
employeur, etc.), soumis ou non au secret professionnel. La
réparation pécuniaire  est attribuée selon l’importance du
(ou des) préjudice(s) subi(s), au titre de l’article  1240 du
code civil, base de la responsabilité civile.
L’action pénale peut s’exercer – par le dépôt d’une plainte –
à l’encontre d’une personne soumise au secret
professionnel, qui commet un délit en révélant, partageant,
diffusant « une information à caractère secret » (code pénal,
art. 226-13). Elle encourt en conséquence une peine de « un
an de prison et 15  000  euros d’amende  ». La plainte peut
être assortie d’une constitution de partie civile, qui
permettra à la victime de voir réparé(s) son ou ses
préjudices (préjudice moral, matériel, corporel, frais de
procédure, etc.) : la plainte engage la responsabilité pénale
de l’auteur, la constitution de partie civile, sa responsabilité
civile (dans la même procédure, devant le même tribunal).
L’action disciplinaire peut être exercée par l’autorité dont
dépend le professionnel (ou le bénévole) mis en cause pour
n’avoir pas respecté cette confidentialité : celui qui s’estime
victime demande à l’employeur (l’autorité du salarié, du
bénévole) d’engager la responsabilité disciplinaire de
l’agent, pour qu’il soit sanctionné. Le bénévolat n’est pas un
loisir, mais un travail non-rémunéré  : à ce titre,
l’intervention d’un bénévole s’inscrit dans une organisation
hiérarchique, et le bénévole doit respecter les mêmes
obligations qu’un salarié (il est d’ailleurs prudent de lui faire
signer un contrat lors de son recrutement). L’employeur est
libre de choisir la sanction, qui peut être symbolique. Il est
libre aussi de ne pas sanctionner, et même de cautionner
les dérives de l’équipe qu’il dirige (ou de sacraliser le
« secret partagé » qui – bien évidemment – n’existe pas).
L’employeur du secteur privé doit appuyer la sanction sur
une base légale  : il faut qu’une clause de discrétion ou de
confidentialité soit mentionnée dans le contrat de travail ou
dans le contrat qui lie le bénévole à la structure (dans le
règlement intérieur, le projet de fonctionnement, ou la fiche
de poste, elle n’aura pas la même valeur).
La clause sera la base légale de la sanction  : aucune
profession n’est astreinte de fait à la confidentialité ou à la
discrétion (discrétion et confidentialité sont ici synonymes),
pas même celle de psychologue (ni sa pratique libérale).
L’obligation de discrétion ou de confidentialité ne peut être
dans le secteur privé que contractuelle  : la confidentialité
n’existe pas dans la loi (ce qui n’est pas une raison pour ne
pas la respecter, par éthique, par déontologie, par respect),
et «  l’obligation de discrétion  professionnelle  » n’est
légalement imposée qu’aux agents de la fonction publique
(loi du 13 juillet 1983, art. 26).
Chapitre 20

Le cadre légal
du secret professionnel

IL EST donc possible d’être soumis au secret par état, par profession, par
fonction ou mission temporaire.
C’est le cadre légal du secret professionnel, posé par l’article 226-13 du
code pénal :

« La révélation d’une information à caractère secret par une personne


qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison
d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an
d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

Un article de loi vient systématiquement préciser le cadre


légal, profession par profession, situation par situation  :
c’est ce qu’en droit on appelle l’élément légal.
L’élément légal est l’élément qui permet l’application de la
loi  : l’élément légal qui permet la verbalisation d’un excès
de vitesse est l’article R423-2 du code de la route.
L’élément légal qui permet d’engager la responsabilité
disciplinaire d’un fonctionnaire pour non-respect de
l’obligation de discrétion professionnelle est l’article 26 de la
loi du 13  juillet 1983 portant droits et obligations des
fonctionnaires. L’élément légal qui permet d’engager la
responsabilité disciplinaire d’un salarié du privé pour non-
respect de l’obligation de discrétion professionnelle ou de
confidentialité est la mention de cette obligation dans son
contrat de travail : à défaut – pour absence d’élément légal
– il ne pourra pas être sanctionné. Il faut donc rechercher
l’élément légal pour tordre le coup aux légendes juridiques :
il est aisément accessible (dans les codes, sur
legifrance.gouv.fr), d’autant plus que «  nul n’est censé
ignorer la loi  » (principe qui n’apparaît nulle part en droit
français).
Ces notions d’état, de profession, de fonction ou de mission
temporaire sont source d’amalgames et de confusions, nous
allons donc développer un raisonnement simple qui va
permettre à tout le monde de s’y retrouver. Corrigeons déjà
une croyance malheureusement bien installée  : les
psychologues ne sont pas soumis au secret professionnel
par leur titre (c’est-à-dire  : par état). Ils pourront
éventuellement l’être en fonction de l’institution dans
laquelle ils travaillent (c’est-à-dire : par profession), si la loi
le prévoit.

ÊTRE SOUMIS AU SECRET PAR ÉTAT

Les assistants de service social sont soumis au secret


professionnel «  par état  » (du fait de leur diplôme) parce
que l’article L 411-3 du code de l’action sociale et des
familles (CASF) le prévoit : c’est l’élément légal.
Les psychologues ne sont pas soumis au secret
professionnel « par état » parce qu’aucun élément légal ne
le prévoit, mais ils pourront l’être « par profession » ou par
«  fonction ou mission temporaire  » lorsqu’un élément légal
le prévoira.
Les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues
(CSP, art.  L4323-3), les infirmiers et infirmières (CSP,
art.  L4314-3), les orthophonistes, les orthoptistes (CSP,
art.  L4344-2), les médecins (CSP, art.  R4127-4), les
dentistes (CSP, art. R4127-206), les audioprothésistes (CSP,
art.  L4363-1), les assistants de service social (CASF,
art. L411-3), les avocats (art. 66-5 de la loi du 31 décembre
1971), les vétérinaires (C. rural, art.  R242-33), les sages-
femmes (CSP, art.  R4127-303) et les pharmaciens (CSP
art.  R4235-5) sont soumis au secret professionnel «  par
état » (du fait de leur diplôme).
Les aides-soignants, les ergothérapeutes, les secrétaires
dites «  médicales  » et les psychomotriciens (etc.) ne sont
pas soumis au secret professionnel «  par état  » (du fait de
leur diplôme) parce que nul élément légal ne vient l’établir.

ÊTRE SOUMIS AU SECRET PAR PROFESSION

Les agents du service pénitentiaire d’insertion et de


probation (SPIP) sont tenus au secret professionnel «  par
profession » (code de procédure pénale, art. D581), c’est-à-
dire par leur employeur. Ce n’est pas l’employeur qui le
décide  : c’est la loi. La loi précise que les agents ou les
salariés de certaines structures sont tous soumis au secret
professionnel, quels que soient leur diplôme, leurs fonctions.
Les agents du SPIP ne sont d’ailleurs pas titulaires d’un
diplôme spécifique  : ils ont réussi un concours accessible à
l’issue de différents parcours.
C’est également le cas de «  toute personne appelée à
collaborer au service départemental de protection
maternelle et infantile  » (CSP, art.  L2112-9) et de «  toute
personne appelée à participer aux missions du service de
l’aide sociale à l’enfance » (CASF, art. L221-6).
Vous remarquerez, à chaque fois, entre parenthèses, la
présence de l’élément légal.
Les psychologues (comme les éducateurs, les secrétaires,
etc.) sont soumis au secret professionnel « par profession »
(du fait de leur employeur) lorsqu’ils travaillent pour le
service départemental de l’aide sociale à l’enfance (ASE),
pas pour un de ses sous-traitants (MECS associative, etc.) :
un lien de subordination est nécessaire (l’article précise les
«  missions du service de l’aide sociale à l’enfance » pas les
« missions de l’aide sociale à l’enfance »).
Les membres de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH
(CASF, art.  L241-10) et les personnels de la protection
judiciaire de la jeunesse (art.  3-1 du décret 2007-1573 du
6  novembre 2007, ajouté le 30  octobre 2013) sont
également soumis au secret professionnel «  par
profession  », comme les personnels des centres
d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) qui ne
peuvent échanger qu’entre eux «  les informations
confidentielles dont ils disposent, qui sont strictement
nécessaires à la prise de décision  » (CASF, art.  L345-1,
depuis la loi 2014-873 du 4  août 2014 pour l’égalité réelle
entre les femmes et les hommes). Leur droit de partager
des informations est donc limité, et ne s’exerce pas en
dehors de l’équipe. Le cadre est identique pour «  les
personnes appelées à intervenir dans l'instruction des
demandes de prise en charge, l'évaluation et l'orientation
des personnes ou familles (…)  ayant recours au dispositif
d'accueil, d'hébergement et d'accompagnement vers
l'insertion et le logement  » (CASF, art.  L345-2-10), c’est-à-
dire les professionnels qui interviennent dans les services
intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO). Elles peuvent
également «  échanger entre elles les informations
confidentielles dont elles disposent et qui sont strictement
nécessaires à la prise de décision ».
Les professionnels prenant en charge une personne âgée
dans le cadre de la méthode d'action pour l'intégration des
services d'aide et de soins dans le champ de l'autonomie
(MAIA) sont également tenus au secret professionnel «  par
profession » (CASF, art. 113-3).
ÊTRE SOUMIS AU SECRET PAR FONCTION OU
MISSION TEMPORAIRE

Les personnes soumises au secret professionnel par fonction


ou mission temporaire n’y sont soumises que
ponctuellement, quand la loi le prévoit, pour les activités
d’une commission, d’une instance, etc.
Les membres de la commission pour les droits et
l’autonomie de la personne handicapée (CDAPH) sont, par
exemple, soumis au secret professionnel «  par fonction ou
mission temporaire » (CASF, art. L241-10) : tous ne sont pas
professionnels, il y a parmi eux les bénévoles de différentes
associations d’usagers, les représentants de plusieurs
administrations, etc. (voir CASF, art.  R241-24 pour plus
d’informations).
C’est également le cas des membres de la commission de
surendettement des particuliers (code de la consommation,
art. L331-11), des membres de la commission des relations
avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, (CSP,
art. L1112-3), des agents du service d’accueil téléphonique
concourant à la protection des mineurs maltraités et de
l’observatoire national de l’enfance en danger (CASF,
art.  L226-9)  : le psychologue libéral qui répond, quatre
heures par semaine au 119 (allô enfance en danger) est
ponctuellement soumis au secret professionnel «  par
fonction ou mission temporaire  » dans le cadre de ses
vacations.
C’est encore le cas de « toute personne appelée à intervenir
dans l'instruction, l'attribution ou la révision des admissions
à l'aide sociale, et notamment les membres des conseils
d'administration des centres communaux ou
intercommunaux d'action sociale, ainsi que toute personne
dont ces établissements utilisent le concours  » (CASF,
art.  L133-5), et «  des personnes appelées à intervenir (…)
dans l’instruction des demandes d’attribution du revenu de
solidarité active et dans l’élaboration et la mise en œuvre
du projet personnalisé d’accès à l’emploi ou d’un contrat
d’insertion conclu avec les intéressés » (CASF, art. L262-44).

LE CAS PARTICULIER DES FONCTIONNAIRES

L’article 26 de la loi du 13  juillet 1983 portant droits et


obligations des fonctionnaires astreint les fonctionnaires à
l’obligation de discrétion professionnelle, dont découle leur
«  devoir de réserve  », ce «  devoir de loyauté  » d’origine
jurisprudentielle.
Il rappelle également que «  les fonctionnaires sont tenus au
secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans
le code pénal  », ce que d’aucuns comprennent – surtout
dans la fonction publique territoriale – comme «  tous les
fonctionnaires sont tenus au secret professionnel  », alors
qu’ils n’y sont tenus que «  dans le cadre des règles
instituées dans le code pénal  ». Ils peuvent donc – comme
tout le monde – être soumis au secret professionnel par
état, par profession, ou  en raison d'une fonction ou d'une
mission temporaire (code pénal, art. 226-13). Le cadre légal
est ensuite complété par des dispositions particulières  : le
fameux élément légal. Si tous les fonctionnaires étaient
tenus au secret professionnel, pourquoi un article spécifique
le répéterait-il pour les agents de la PMI et de l’ASE, pour les
agents du service pénitentiaire d’insertion et de probation,
les membres de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH, et les
personnels de la PJJ, qui sont tous fonctionnaires (ou au
moins contractuels, ce qui, en l’espèce, revient au même) ?
On ne trouve d’ailleurs dans la jurisprudence aucune
condamnation pénale de fonctionnaire pour non-respect du
secret professionnel, hormis des fonctionnaires astreints par
état, profession, fonction ou mission temporaire (et aucun
membre de l’Éducation nationale – à l’exception des
assistants de service social, des médecins et infirmières
scolaires, soumis «  par état  » – ne pense raisonnablement
être tenu au secret professionnel).
Chapitre 21

Un raisonnement simple
et quelques légendes

IL CONVIENDRAIT probablement que nos législateurs – aidés par quelques


techniciens – réfléchissent sérieusement à une loi transversale sur le secret
professionnel, en rappelant qu’il n’est pas un outil de travail pour les
équipes, mais une garantie, pour l’usager ou le patient, que soit respectée
sa vie privée. Cette loi horizontale pourrait reprendre, et fédérer, toutes ces
informations verticales éparses, confuses, parfois contradictoires. Il est
possible que ce soit l’origine du problème  : il n’existe aucune loi sur le
secret professionnel, mais une constellation de textes – qui utilisent des
termes différents, des formules différentes, des logiques différentes –
élaborés par différents ministères, qui se contredisent, chacun prêchant
pour sa paroisse, comme si elle était isolée sur une île déserte.

En attendant un tel texte, nous ne pouvons que revenir aux


fondamentaux du droit (l’existence ou non d’un élément
légal) pour interpréter le peu que nous avons.
Cela va également nous permettre de tordre au passage le
cou à quelques légendes.
La première assure que les curés et autres évêques ou
cardinaux sont soumis au secret professionnel «  par état  »
(dans la légende, ce «  par état  » ne concerne d’ailleurs
qu’eux). On a beau chercher : aucun élément légal ne vient
le confirmer. C’est donc faux  : les curés et autres ministres
du culte catholique ne sont légalement, en France, soumis à
aucun secret. Ce serait d’ailleurs, dans une République
laïque comme la nôtre, problématique, que les ministres du
culte catholique le soient, mais pas les pasteurs,
protestants, pentecôtistes ou évangélistes, les imams, les
rabbins, les moines bouddhistes, etc.
Les ministres du culte catholique sont soumis à un «  secret
sacramentel » par le Canon 983 du code de droit canonique
de 1983 (abrégé en CIC, d’après son nom latin). Il est
considéré comme « inviolable », et le confesseur qui le viole
«  encourt l'excommunication  » (Can. 1388). Le secret
sacramentel ne serait donc pas un secret professionnel
continu (par état), mais ponctuel (par mission temporaire),
qui ne s’appliquerait que dans le cadre d’une confession et
ne pourrait engager qu’une responsabilité disciplinaire.
En 2010, «  l'affaire Bissey  » a vu la condamnation, par le
tribunal correctionnel de Caen (Calvados), de Mgr  Pierre
Pican, évêque de Bayeux-Lisieux, à trois mois de prison
avec sursis pour non-dénonciation d'atteintes sexuelles sur
mineurs, au motif que «  les faits ne lui avaient pas été
révélés dans le cadre d'une confession ».
En 2019, Mgr  Philippe Barbarin, archevêque de Lyon et
primat des Gaules, a été condamné à six mois de prison
avec sursis pour la même raison, alors que le parquet, dans
son habituelle grande indépendance, n’avait requis aucune
peine (gageons que la Cour d’appel va le relaxer).
Les deux prélats s’en sont bien sortis : ils encouraient « trois
ans d'emprisonnement et 45  000  euros d'amende  » (code
pénal, art. 434-3).
Le code de droit canonique, promulgué par Jean-Paul II, est
celui qui régit l’église latine.
Le droit canonique est un pendant chrétien du droit
coranique  : imaginez la réaction des foules – et de nos
politiques de tout bord – si un tribunal français rend un jour
une décision basée sur un principe de droit coranique, mais
la catho-laïcité «  à la française  » considère toujours avec
bienveillance ce qui émane de l’Église catholique.
Si la loi ne reconnaît aucun secret sacramentel, la
jurisprudence – qui, avec la coutume, est une source
indirecte du droit – s’en chargera donc !
La Cour de Cassation – dont la mission est pourtant de
« dire le droit » – a plusieurs fois reconnu – allant même plus
loin que les dispositions canoniques – que les ministres du
culte catholique «  sont tenus de garder le secret sur les
révélations qui leur sont faites dans le cadre de l'exercice de
leur ministère  sacerdotal ou en raison de ce ministère  »
(Chambre criminelle, 11 mai 1959).
La circulaire du ministère de la justice du 11  août 2004
relative au secret professionnel des ministres du culte et
aux perquisitions et saisies dans les lieux de culte rappelle
que «  l'ensemble des règles de droit pénal et de procédure
pénale, mais également la pratique judiciaire, doivent
s'efforcer de respecter un équilibre entre la nécessité de
parvenir à la manifestation de la vérité toutes les fois que
l'autorité judiciaire est saisie de faits susceptibles de
recevoir une qualification pénale et le respect des
convictions et des pratiques religieuses ». Bref.
Il existe donc un secret « par état », qui est permanent, un
secret « par profession », lié à l’emploi occupé, et un secret
« par mission ou fonction temporaire », lié – quand la loi le
prévoit – à certaines tâches, à certains conseils, certaines
commissions, certaines missions ponctuelles.
Le médecin, soumis «  par état  », est susceptible, à tout
moment, d’exercer ce qui est plus qu’une profession, mais
bien un état  : celui de médecin (le fameux  : Y a-t-il un
médecin dans l’avion ?). On voit bien la différence entre un
médecin, qui, à tout moment, même dans sa vie privée,
peut être sollicité, et se retrouver détenteur d’informations
médicales, et un éducateur de l’aide sociale à l’enfance,
soumis au secret « par profession » qui, une fois sa journée
terminée, n’a pas vocation à se retrouver détenteur
d’informations liées à sa profession (j’ai rarement entendu :
Y a-t-il un éducateur de l’aide sociale à l’enfance dans
l’avion ?).
Les professionnels soumis «  par état  » le sont en
permanence parce que ce secret n’est pas lié à ce qu’ils
font, mais à ce qu’ils sont : médecins, infirmières, assistant
de service social, etc. Hippocrate, dans son fameux
serment, le confirme pour les médecins :
« Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors, de
l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être
divulgué. »

Les professionnels soumis « par profession » ne le sont que


dans le cadre de leur profession. On peut changer de
profession, d’employeur, on ne change pas d’état. Un
médecin, même retraité, sans frontières, hospitalier ou
libéral, est un médecin  : toute personne qui se confie à lui
se confie à un médecin. On évoque alors le «  colloque
singulier  » entre le médecin et son patient. Les
professionnels soumis «  par mission ou fonction
temporaire  » ne le sont que temporairement, de manière
ponctuelle.
Une autre légende est très populaire parmi les
professionnels : il existerait un « secret missionnel » auquel
seraient, sans exception, soumis tous les acteurs de la
protection de l’enfance, mais – une fois de plus – nul
élément légal ne vient confirmer cette certitude très ancrée.
Lorsque le code de l’action sociale et des familles aborde la
question du secret, il évoque bien « les missions », mais ce
sont les « missions du service de l’aide sociale à l’enfance »
(CASF, art.  L221-6)  : les missions du service, qui sont
définies (CASF, art.  L221-1), pas celles des différents
professionnels. Il s’agit bien d’un secret «  par profession  »
qui ne concerne que les agents du service départemental de
l’aide sociale à l’enfance (ASE), et non ses sous-traitants
(MECS associative, etc.).
Ce raisonnement est d’ailleurs confirmé par l’article du code
de l’action sociale et des familles qui crée le «  secret
partagé » lié à la protection de l’enfance (CASF, L226-2-2).
Il précise que «  les personnes soumises au secret
professionnel qui mettent en œuvre la politique de
protection de l'enfance [...] ou qui lui apportent leur
concours sont autorisées à̀ partager entre elles des
informations à caractère secret afin d'évaluer une situation
individuelle, de déterminer et de mettre en œuvre les
actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur
famille peuvent bénéficier ».
Si le « secret missionnel » les concernait tous, pourquoi cet
article prendrait-il la précaution de réserver le partage
d’informations à ceux qui sont soumis au secret
professionnel ?
On raconte aussi que tous les psychologues sont soumis au
secret professionnel suite à l’arrêt 01-80.456 de la Cour de
Cassation, qui précise que «  si un psychologue n'a pas la
qualité de médecin, cette profession est elle aussi soumise
au secret professionnel établi par l'article 226-13 du code
pénal ».
Cet arrêt existe, il a été rendu le 26  juin 2001 par la
Chambre criminelle. Elle n’était pas interrogée sur le sujet,
mais sur la recevabilité d’une plainte avec constitution de
partie civile, et ce n’est pas la Cour de Cassation, qui
formule ces mots, mais la chambre d’accusation de la Cour
d’appel d’Orléans. Ils sont extraits d’un arrêt du
23  novembre 2000 de la chambre d’accusation de la Cour
d’appel, et apparaissent d’ailleurs entre guillemets dans
l’arrêt de la Cour de Cassation. On redescend donc d’un
étage, et même de deux, de la Cour de Cassation, instance
suprême du droit français, à une simple chambre de Cour
d’appel.
On voudra bien noter qu’il s’agit là d’un arrêt isolé, et
qu’une telle question ne peut pas être considérée comme
réglée par un seul arrêt rendu vingt ans plus tôt (la justice
ne fait pas la loi, elle se contente de l’appliquer, et elle dit,
parfois, des bêtises).
On raconte aussi que les psychologues sont tous soumis au
secret depuis une loi de 2017 qui les cite parmi les
professionnels de santé astreints au secret.
Nous avons tout d’abord, sans succès, tenté d’identifier et
de retrouver cette loi, puis, une recherche par mot-clé dans
le code de la santé publique (CSP) nous a révélé que 43
articles contiennent le mot «  psychologue  ». Nous avons
donc, sans plus de succès, entrepris de les relire tous (vous
pouvez aisément faire la même chose sur le site
legifrance.gouv.fr) : aucun ne dresse de liste – avec ou sans
psychologues dedans – de professionnels astreints au secret
(il existe – nous l’avons déjà expliqué – un article pour
chaque profession, ou situation, que les juristes appellent
l’élément légal).
Il y a, enfin, l'article L 2213-1 du code de la santé publique :
il concerne l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et
utilise une formulation qui, en effet, prête à confusion.
Il prévoit que «  lorsque l'interruption de grossesse est
envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en
péril grave la santé de la femme, l'équipe pluridisciplinaire
chargée d'examiner la demande de la femme comprend au
moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en
gynécologie-obstétrique, membre d'un centre
pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un praticien
spécialiste de l'affection dont la femme est atteinte, un
médecin choisi par la femme  et une personne qualifiée
tenue au secret professionnel, qui peut être un assistant
social ou un psychologue (...) ».
Le site secretpro.fr, dans un article signé Laurent Puech (qui
cite plusieurs avis convergents), pense qu’il s’agit tout
simplement d’une erreur, «  l'association psychologue-secret
professionnel touche en effet un large public, du simple
citoyen aux policiers et gendarmes, en passant par des
médecins et travailleurs sociaux » (l’analyse détaillée est en
accès libre).  D’après Benoit Bruyère (auteur de Les
psychologues et le secret professionnel, Armand Colin,
2011), cité dans ce même article, «  les travaux
préparatoires [de cette loi] nous indiquent simplement que
dans l'esprit des sénateurs (...) qui débattaient de la
composition de la commission pluridisciplinaire, le
psychologue est soumis au secret professionnel  ». Il ajoute
qu’« aucune justification n'est cependant avancée ».
Il peut apparaître peu rassurant pour la population que le
législateur (ici, les sénateurs) ne maîtrise pas la loi, c’est
pourtant une réalité, même si nul n’est censé l’ignorer : les
sénateurs et les députés n’ont pas tous fait une fac de droit,
et leur connaissance empirique se nourrit aussi de légendes,
d’amalgames et de confusions (récemment, la députée
LREM de l'Isère, Caroline Abadie, qui porte pourtant la
réforme de l’autorité parentale, a par exemple affirmé en
commission que «  le juge pouvait évidemment déchoir les
parents de leur autorité  parentale  », ce qui fait beaucoup
d’erreurs en une seule phrase).
On peut continuer à gloser pendant des heures sur cette
question du secret, elle se heurtera toujours à la même
réponse juridique, immuable, d’absence d’élément légal.
On peut aussi s’interroger sur ce qui pousse les
psychologues à vouloir absolument être soumis au secret
(c’est-à-dire à se balader en permanence avec, au-dessus
de la tête, le risque d’un an de prison et de 15  000  euros
d’amende) : un besoin de reconnaissance ? une incapacité à
se taire sans cette épée de Damoclès  ? l’envie un peu
masochiste de vivre dangereusement ?
Le code de déontologie des psychologues cite six fois le
secret professionnel, appelant à son respect, ou exigeant
qu’il soit garanti  quel que soit le lieu d’exercice  : c’est une
aberration sans fondement, qui explique peut-être aussi que
plus personne ne s’y retrouve. C’est tout de même très
dévalorisant pour la profession que les trente organisations
signataires considèrent que le psychologue est incapable de
respecter la confidentialité ou la discrétion (qui n’apparaît
pas une fois dans le code en question) si on ne le menace
pas d’une peine de prison.
Il serait donc bien incapable de garantir quoi que ce soit si
on ne l’y forçait pas ?
Parler à tort et à travers est ainsi tristement relégué au rang
de simple interdit au lieu d’être érigé en tabou moral,
éthique ou déontologique : je n’ai pas besoin de la loi pour
me taire si j’estime que c’est mon devoir.
On peut également, avant de passer à autre chose,
s’inspirer du docteur Théodore Woodward, professeur à la
faculté de médecine de l'Université du Maryland
(Baltimore)  : il n’y a pas de zèbre à trouver dans des
jurisprudences oubliées ou des lois inconnues, pas de liste
planquée au fond d’un vieux recueil, les sabots que l’on
entend sont tout simplement ceux d’un cheval, et les
psychologues ne sont pas – en l’état actuel de la loi –
soumis au secret professionnel par état.

LES PROFESSIONNELS « DE TERRAIN » NE SONT


PAS SOUMIS AU SECRET

Les professionnels «  de terrain  », ceux qui interviennent


directement auprès de l’usager, du patient (aides-soignants,
psychologues, éducateurs, etc.), ne sont pas soumis au
secret professionnel. La meilleure manière de préserver un
secret est tout de même d’en réserver l’accès  : si tous les
professionnels étaient soumis au secret, il n’y aurait plus de
secret, puisqu’il serait connu de tous. On peut, par exemple,
trouver étonnant que les agents du service départemental
d’aide sociale à l’enfance (ASE) soient soumis au secret
«  par profession  » alors que les éducateurs d’une maison
d’enfants à caractère social (MECS) associative ne le sont
pas. En fait, ce n’est pas étonnant. Ils ne le sont pas, pour –
au moins – deux raisons : protéger la vie privée de l’enfant
et de ses parents, qui n’a pas vocation à devenir un sujet de
conversation (cela évite aussi l’étiquetage de l’enfant), et
rendre les observations de l’équipe qui l’encadre au
quotidien aussi fiables qu’intéressantes.
L’analyse d’un psychologue aura beaucoup plus de valeur si
elle s’appuie sur ce qu’il a réellement vu, entendu, constaté,
sur ce que l’usager ou le client lui a confié, révélé, que si
elle se base sur le contenu d’un dossier, rédigé par d’autres,
mâtiné de leur propre subjectivité, de leurs propres
représentations (et le jeu dit «  du téléphone arabe  » est là
pour pointer la déperdition et la transformation d’une
information diffusée).
L’usager, le patient, le client marquent le tempo, le
professionnel qui travaille à leur contact avance à leur
vitesse. Ils se livrent, avec leurs mots, jusqu’à une limite
qu’ils fixent eux-mêmes, en toute subjectivité. Le
professionnel a pour mission de faire progresser cette limite
en instaurant une relation de confiance, en la développant :
dépasser la limite en ouvrant un dossier, quand on n’est pas
soumis au secret professionnel, c’est entrer par effraction
dans la vie privée de quelqu’un qui – s’il est pris en charge
par un professionnel ou une équipe – est déjà en situation
de dépendance : ne pas respecter ses droits fondamentaux
relève donc d’une forme d’abus de faiblesse. Certes, il faut
y consacrer du temps, et le temps, c’est de l’argent, ce dont
manque cruellement le secteur social, médical ou médico-
social  : l’usager, le patient, doivent-ils en subir les
conséquences ?
Moins l’équipe aura d’informations, plus ses observations
seront objectives  : de nombreuses études scientifiques ont
démontré que chacun – parfois involontairement – voit ce
qu’on lui dit de voir, et privilégie, de manière inconsciente,
mais sélective, les informations qui viennent confirmer
l’idée dominante, en se focalisant sur ce qui va «  dans le
bon sens ».
Il est parfois difficile de remettre en cause le contenu d’un
dossier, de ne pas partager l’avis de l’expert, son
diagnostic, sa vision. Il est aussi plus confortable d’aller
dans le même sens que tout le monde  : nager à contre-
courant est épuisant. Nous verrons dans le paragraphe
«  réunion de synthèse  » comment une équipe pourra faire
circuler cette information.  Respecter ces principes
fondamentaux n’interdit bien sûr pas la coordination, le
travail en équipe ou en partenariat avec des intervenants
extérieurs.

LE BIAIS DE CONFIRMATION

Le biais de confirmation (ou «  biais de confirmation


d'hypothèse  ») est souvent utilisé pour expliquer les
catastrophes aériennes, quand les pilotes ont mal compris
la situation en n’exploitant qu’une partie des informations
que l’avion leur donnait (on le retrouve dans le rapport
d’enquête qui a suivi la disparition le 1er  juin 2009, de
l'Airbus A330-200 d'Air France qui effectuait le vol Rio-de-
Janeiro – Paris). Le terme a été inventé par le psychologue
britannique Peter C. Wason (On the failure to eliminate
hypotheses in a conceptual task, in Quarterly Journal of
Experimental Psychology, 1960).
Le biais de confirmation est un biais cognitif qui consiste à
privilégier les informations qui confirment ce que l’on pense,
sans considération de leur véracité, et à écarter celles qui
accréditent d’autres thèses, d’autres hypothèses (les
théories complotistes, ou extrémistes, se nourrissent de
sources qui confirment ou affirment leur position en
écartant les informations contradictoires). Le biais de
confirmation est par exemple invoqué pour expliquer la
persévérance de conviction (la croyance persiste malgré
l’accumulation de preuves contraires) et la primauté
irrationnelle (les premières données collectées ont plus
d’importance). Le biais de confirmation renforce les
croyances (et le droit appliqué au secteur social ou médico-
social en déborde) face à des preuves contraires (apportées
en l’espèce par des codes, des textes, des raisonnements
qui se heurtent aux pratiques et à ce que «  tout le monde
sait  »). Les individus confrontés à des preuves qui
contredisent leur croyance ont même tendance à se
refermer davantage sur leur croyance initiale, c’est pourquoi
certaines croyances persistent alors que leurs preuves
initiales ont été éliminées. Le biais de confirmation –
inhérent à la nature humaine – peut conduire le
professionnel à rechercher des preuves, à privilégier des
éléments, des incidents compatibles avec le contenu du
dossier ou « la réputation » de la personne prise en charge.

L’EXPÉRIENCE DE ROSENTHAL ET L’EFFET


PYGMALION
Le psychologue américain Robert Rosenthal  a voulu vérifier
l’hypothèse  selon laquelle l’individu se conforme à ce que
l’on attend de lui par rapport au stéréotype dont il est
l’objet.
En 1950, il a séparé aléatoirement 12 rats en deux groupes
(A et B), et demandé à deux groupes d’étudiants en
psychologie de faire passer aux rats un test de labyrinthe.
Le premier groupe s’est vu confier les rats du groupe A que
Rosenthal leur a dit avoir sélectionnés parce qu’ils sont de
bonne lignée et intelligents.
Le deuxième groupe s’est vu confier les rats du groupe B
que Rosenthal leur a présentés comme «  de mauvaise
lignée » avec « du mal à apprendre ».
L’analyse des  résultats  confirme que les étudiants se sont
comportés différemment avec leurs rats  : les étudiants du
premier groupe ont manifesté à leurs rats davantage de
sympathie, de chaleur, d’amitié, et les rats du groupe A ont
été nettement plus performants.
En 1964, Rosenthal renouvelle l’expérience en  milieu
scolaire défavorisé, pour voir si le préjugé
d’un  enseignant  sur les capacités d’un  élève  influence ses
résultats scolaires. Il fait passer des tests d’intelligence à
tous les enfants avant de les séparer de manière aléatoire. Il
explique aux enseignants qu’il a séparé les élèves qui ont
de bonnes dispositions et ceux qui en ont moins. Lors d’un
nouveau test, un an plus tard, les enfants dont on avait dit
qu’ils avaient de bonnes aptitudes ont obtenu de meilleurs
résultats que les autres  : c’est ce que Rosenthal
appelle l’effet Pygmalion.
L’expérience a été menée plus de 345 fois en dix ans, et les
résultats confirment que l’attente d’une personne vis-à-vis
du comportement d’une autre peut conduire à sa propre
confirmation.
Elle a été renouvelée en France dans les années 80 avec
des groupes de soutien en mathématiques, et des résultats
identiques.

DES DÉRIVES PROBABLEMENT DANGEREUSES

Dans une société où savoir est valorisant, et vécu comme


indispensable (ventes massives des titres de la presse
people, émissions de téléréalité, chaînes d’information en
continu, réseaux sociaux, etc.), il est de plus en plus difficile
de protéger sa vie privée, de faire respecter ses choix quand
ils semblent contraires à la bien-pensance ambiante,
conformiste et politiquement correcte.
Il est aussi, à ce titre, de plus en plus difficile de refuser les
soins, ou la prise en charge : au nom d’une non-assistance à
personne en danger qui n’existe pas en droit français, le
risque d’être aidé contre son gré augmente en fonction de
l’âge.
Comme il convient de donner à cet interventionnisme
forcené une apparence de légalité, les CLIC (centres locaux
d'information et de coordination destinés aux personnes
âgées «  en perte d’autonomie  ») et autres structures
adeptes de la méthode MAIA (méthode d'action pour
l'intégration des services d'aide et de soins dans le champ
de l'autonomie) vont très vite évoquer – pour passer outre
un refus – l’absence de consentement «  éclairé  » (un
consentement éclairé est généralement un consentement
d’accord avec moi), l’altération du discernement. Si cela ne
suffit pas, il restera le risque pour la personne concernée et
pour son entourage (avec l’exemple de la vieille dame
armée d’une gazinière qui va faire sauter tout l’immeuble,
ce qui – rappelons-le – n’est jamais arrivé).
L’article L113-3 du code de l’action sociale et des familles
(CASF) soumet au secret professionnel les professionnels
prenant en charge une personne âgée dans le cadre de la
méthode MAIA. Il légalise le partage d'informations au sein
de ces mêmes MAIA, et précise que, lorsque la personne
concernée est hors d'état de consentir aux échanges
d'informations, son représentant légal ou, à défaut, sa
«  personne de confiance  » peuvent le faire à sa place (la
personne âgée se retrouve donc « pour son bien » privée de
ses droits fondamentaux). Ce n’est pourtant pas du tout le
rôle de la personne de confiance, qui doit seulement «  être
consultée » au cas où la personne qui l’a désignée «  serait
hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir
l'information nécessaire à cette fin  » (CSP, art.  L1111-6)  :
elle rend alors «  compte de la volonté de la personne  » et
« son témoignage prévaut sur tout autre témoignage ».
Lorsque les professionnels d’un CLIC se retrouvent face à
une personne âgée qui refuse l’aide, ils doivent se
coordonner et travailler en commun pour avoir une vision
globale de la situation (donc, même si je refuse la prise en
charge, je suis pris en charge), et «  cette réflexion
collaborative doit impérativement s’appuyer sur un compte
rendu de tout ce qui a été proposé, tenté, réalisé (notions
de transparence et de traçabilité)  » (extrait du cahier des
charges approuvé par décret qui fixe les modalités selon
lesquelles sont évalués les besoins ainsi que les moyens
déployés pour assurer le suivi des personnes concernées).
Ce n’est pas fini :
«  La coordination est également essentielle en amont du refus d’aide, au
moment de l’évaluation des besoins de la personne âgée – que la
demande d’aide provienne de la personne elle-même, de ses proches, d’un
voisin ou d’un travailleur social. »

En clair  : mon voisin appelle le CLIC et je me retrouve


évalué par des professionnels qui vont se coordonner en
s’appuyant sur un compte rendu que je n’ai pas sollicité.
Et après, on s’étonne que l’ONU s’offusque…

LE « SECRET MÉDICAL » N’EXISTE PAS

On appelle «  secret médical  » l’ensemble des informations


médicales qui ne peuvent être échangées qu’entre
professionnels de santé soumis au secret, mais on ne trouve
l’expression dans aucun code, aucun texte. Le médecin,
«  dans l'intérêt des patients  », est soumis au secret
professionnel, qui «  couvre tout ce qui est venu à [sa]
connaissance (…) dans l'exercice de sa profession, c'est-à-
dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce
qu'il a vu, entendu ou compris » (code de la santé publique,
art. R4127-4, code de déontologie médicale, art. 4).
Seuls les professionnels de santé soumis au secret  ont
accès aux informations médicales, même les plus anodines.
Ainsi, le contenu du carnet de santé – délivré aux parents
lors de la déclaration de naissance de l’enfant – est protégé
par le secret professionnel  : le service des inscriptions
scolaires, le centre de loisirs et l’école n’ont pas accès aux
informations qu’il contient, et «  nul ne peut en exiger la
communication » (CSP, art. L. 2132-1).
Seuls un médecin, une infirmière ou un autre professionnel
de santé astreint au secret (dentiste, kiné, orthophoniste,
etc.) sont autorisés à le consulter, et il doit leur être
transmis sous pli cacheté portant la mention «  secret
médical ».
Seul un médecin ou une infirmière peut vérifier la situation
de l’enfant au regard des vaccinations obligatoires, dont les
parents doivent justifier lors de l’inscription scolaire (CSP,
art. R. 3111-17).
Ils doivent en justifier, mais pas à n’importe qui, et ils
peuvent en toute légalité refuser d’indiquer les dates de
vaccinations sur la fiche dite « sanitaire » à remplir lors de
l’inscription.
Vacciner son enfant est bien une obligation. Le président du
conseil départemental – qui dirige le service de PMI – peut
informer le procureur de la République (CSP, art. R. 3111-2)
du refus de vacciner. Le procureur pourra requérir
«  l’amende prévue pour les contraventions de 5e  classe  »
(d’un maximum de 1  500  euros) à l’encontre des
«  personnes titulaires de l'autorité parentale ou qui ont la
charge de la tutelle d'un mineur  » s’ils n’ont pas respecté
ces obligations vaccinales (CSP, art. R. 3 116-2).
La réitération du refus pourra être sanctionnée « de six mois
d'emprisonnement  et de  3  750  euros  d'amende  » (CSP,
art. L3116-4).  Le code pénal prévoit également «  deux ans
d’emprisonnement et 30  000  euros d’amende  » pour les
parents qui se soustraient «  sans motif légitime à leurs
obligations légales au point de compromettre la santé, la
sécurité, la moralité ou l’éducation de [leur] enfant  » (code
pénal, art.  227-17). Les parents qui seraient poursuivis
pourraient invoquer devant la justice leur droit
constitutionnel de résister à l’oppression  : à eux d’être
convaincants…
Le médecin, en l’absence de contre-indication médicale,
peut vacciner l’enfant malgré le refus de ses parents
puisqu’il s’agit d’une obligation.
Les psychologues n’ont accès à aucune information
médicale (dont le dossier médical)  : ce ne sont pas des
professionnels de santé. Un professionnel de santé soumis
au secret (dont la responsabilité peut être engagée s’il en
dit trop) pourra leur communiquer les «  informations
strictement nécessaires  à la coordination ou à la continuité
des soins, à la prévention, ou au suivi médico-social et
social  », dans la limite «  du périmètre de leurs missions  »
(CSP, art. R1110-1) : voilà ce que l’on appelle à tort « secret
partagé ».
Le secret dit «  médical  » est néanmoins le plus vieux de
tous les secrets professionnels (c’est aussi le plus ancien de
tous les secrets dits « partagés »). Le serment d’Hippocrate
(460 à 370 av. J.-C.), le plus ancien médecin grec sur lequel
les historiens disposent de sources fiables, l’affirmait
déjà en 450 av. J.-C., ce que l’Ordre des médecins français a
traduit en 1996  par «  admis dans l'intimité des personnes,
je tairai les secrets qui me seront confiés ; reçu à l'intérieur
des maisons, je respecterai les secrets des foyers  ». En
France et en Europe, le secret professionnel n’a longtemps
concerné que «  les médecins, chirurgiens et autres officiers
de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes  »
(code pénal, anc. art. 378).
Le secret dit «  médical  » est aussi, en théorie, le secret le
plus absolu, dont le partage est le plus encadré. Le médecin
est toutefois obligé  de déclarer les naissances et les décès
(à l’officier de l’état civil)  ; de déclarer les maladies
contagieuses dont la liste est fixée réglementairement (par
exemple, la méningite, pour que l’entourage du malade
puisse être vacciné), et les maladies vénériennes,
éventuellement sous forme nominative lorsque le malade,
en période contagieuse, refuse d'entreprendre ou poursuivre
le traitement (à l’agence régionale de santé). Il est tenu
d'indiquer le nom du malade et les symptômes présentés
sur les certificats d'internement, et de signaler au préfet les
alcooliques dangereux pour autrui (etc.).
Le médecin «  doit veiller à ce que les personnes qui
l'assistent dans son exercice soient instruites de leurs
obligations en matière de secret professionnel et s'y
conforment » (CSP, art. R4127-72). Il doit aussi « veiller à ce
qu'aucune atteinte ne soit portée par son entourage au
secret qui s'attache à sa correspondance professionnelle  ».
Certains (les secrétaires médicales, par exemple, et les
assistants médico-administratifs de la fonction publique
hospitalière) comprennent souvent la première phrase
comme « si j’assiste un médecin, je suis soumis au secret »,
et c’est ainsi qu’on la leur explique, alors qu’elle dit le
contraire  : les personnes qui assistent le médecin doivent
être sensibilisées au fait que, n’étant pas astreintes au
secret, elles n’ont pas accès à toutes les informations. Les
secrétaires, fussent-elles médicales, n’apparaissent dans
aucun code et ne sont soumises à aucun secret, même si le
nom de leur profession peut le laisser penser.
On retrouve la même erreur d’interprétation dans l’article
L1110-4 du code de la santé publique (CSP)  : puisque
«  toute personne prise en charge par un professionnel de
santé, un établissement ou service, un professionnel ou
organisme concourant à la prévention ou aux soins (…), un
professionnel du secteur médico-social ou social ou un
établissement ou service social et médico-social (…) a droit
au respect de sa vie privée et du secret des informations la
concernant  », que ce secret «  couvre l'ensemble des
informations concernant la personne venues à la
connaissance du professionnel, de tout membre du
personnel de ces établissements, services ou organismes et
de toute autre personne en relation, de par ses activités,
avec ces établissements ou organismes  », et qu’il
«  s'impose à tous les professionnels intervenant dans le
système de santé », tout le monde est soumis au secret !
Cet article est souvent utilisé pour démontrer que les
professionnels (par exemple dans un hôpital) sont tous
soumis au secret, alors qu’il dit le contraire : puisque « toute
personne (…) a droit au respect de sa vie privée et du secret
des informations la concernant  », si «  des informations
concernant la personne  » viennent «  à la connaissance du
professionnel, de tout membre du personnel de ces
établissements, services ou organismes et de toute autre
personne en relation, de par ses activités, avec ces
établissements ou organismes  », elles doivent être tenues
secrètes.
En clair : il est nécessaire de les taire.
Il faut tout de même être de mauvaise foi pour comprendre
que « viennent à la connaissance du professionnel  » signifie
qu’il a y accès  ! Si le hasard fait qu’il entend, constate,
remarque quelque chose, il respecte le droit inaliénable du
patient au respect de sa vie privée, et il évite de l’ébruiter,
ou – s’il l’estime nécessaire – il s’en va le confier à un
collègue soumis au secret (l’aide-soignant à l’infirmière, le
psychologue au psychiatre, l’éducateur à l’assistant de
service social, à l’infirmier ou au médecin, etc.).
Chapitre 22

L’accès à l’information
à caractère secret
 

LA QUESTION récurrente des professionnels, en matière de secret, est  : que


puis-je dire ? Elle est mal posée. La vraie question devrait être : que puis-je
savoir ?
Les professionnels qui ne sont pas soumis au secret professionnel n’ont
accès à aucune information à caractère secret  : ils n’ont pas accès au
dossier, et la réunion souvent appelée « de synthèse » ne doit en aucun cas
se transformer en un open space où tout peut se dire, tout peut s’échanger,
tout peut se partager.

LE CARACTÈRE SECRET DE L’INFORMATION

L’origine mythologique du secret professionnel est


amusante. Midas, roi de Phrygie au VIIIe siècle avant J.-C., est
au hasard d’une promenade interpellé par Apollon pour
déterminer qui de lui ou de Pan joue le mieux de la flûte ou
de la lyre. Midas trouve que Pan est meilleur musicien
qu’Apollon, et Apollon, mauvais joueur, change ses oreilles
en oreilles d'âne. Midas les cache sous le bonnet phrygien,
mais son barbier les découvre, et Midas lui fait jurer de ne
jamais le répéter. Le secret pèse tellement sur les épaules
de ce pauvre barbier qu’il finit par creuser un trou dans la
terre auquel, en toute discrétion, il le révèle, ce qui le
soulage (aujourd’hui, on appelle ça la supervision), mais les
roseaux, qui poussent après un orage révèlent le secret du
roi quand la brise les agite…
Celui qui est astreint au secret n’en devient pas muet pour
autant  : seules les informations à caractère secret sont
concernées par le secret professionnel.
Les professionnels peuvent bien évidemment échanger
entre eux leurs observations, et des informations factuelles,
se rendre mutuellement compte de leurs actions
respectives, de l’avancée du projet ou de la prise en charge.
Les informations factuelles s’opposent aux informations à
caractère secret, qui doivent être protégées, pour que soit
protégée la vie privée de l’usager, du patient, du résident
(etc.).
Il n’existe pas de définition légale du caractère secret d’une
information  : il s’agit d’une information à laquelle l’usager
ou le patient donne en toute subjectivité un caractère
secret, parce qu’il estime qu’elle relève de sa vie privée
telle qu’il la définit.
En clair  : ce qui est secret pour l’un ne sera pas forcément
secret pour l’autre, et la limite posée par chacun doit être
respectée (encore une question de curseur subjectif).
Néanmoins, la santé (diagnostics, traitements, maladies,
vaccinations) a un caractère secret, comme la sexualité, et
tout ce qui relève de l’intimité. Les revenus et le patrimoine
ont également un caractère secret (il existe un secret
bancaire, un secret fiscal). Le passé peut être considéré
comme secret (il existe un droit à l’oubli), surtout le passé
judiciaire (la vérification systématique du casier judiciaire
est parfois indispensable, par exemple pour exercer
certaines professions, mais elle n’a pas vocation à être
rendue publique).
Que doit faire un psychologue soumis au secret
professionnel
face à une demande de divulgation d’identité de
son patient ?
Un psychologue n’a aucune raison de divulguer l’identité de son client, et
le secret professionnel n’a rien à voir là-dedans (le mot « patient » renvoie
à une démarche de soins, et le psychologue n’est pas considéré par la loi
comme un professionnel de santé). S’il travaille en institution, il pourra
difficilement refuser de dire qu’il a reçu telle ou telle personne  : seul le
contenu de l’entretien a vocation à rester confidentiel (idem pour
l’infirmière, le médecin). Le rendez-vous en lui-même est une donnée
factuelle, comme le nom et le prénom (que le règlement RGPD impose
néanmoins de protéger). Il arrive d’ailleurs au psychologue – selon le cadre
dans lequel s’inscrit son intervention – de discuter avec des tiers (les
parents d’un enfant, les enseignants, les membres d’une équipe
pluridisciplinaire, etc.), et le nom de la personne n’est alors pas la donnée
la plus sensible à préserver.

Il est possible que le respect du secret professionnel et de la


vie privée s’oppose aux besoins ressentis par certains
professionnels et aux pratiques actuelles, qui tendent vers
une transparence quasi absolue des usagers, avec
génogrammes intégrés et implication des familles, mais une
pratique illégale, ou peu respectueuse d’un droit
fondamental, est une pratique maltraitante  : le Conseil de
l’Europe (dans sa définition de la maltraitance) considère
(depuis 1992) le non-respect de l’intimité et la privation ou
la violation de droits  comme des violences psychiques ou
morales au même titre que la limitation de la liberté.
Comment exiger du respect de la part d’un usager, d’un
résident, d’un patient, quand la structure bafoue ses droits
constitutionnels  ? Les pratiques doivent s’adapter aux
usagers, pas l’inverse.
Il paraît difficile, dans une même structure, de parler de
bientraitance et d’instaurer, en parallèle, un «  secret
partagé ». Un secret, par définition, ne peut pas se partager.
La différence est mince entre partager un secret et trahir la
confiance (et «  trahir pour son bien  » s’apparente tout de
même un peu à « une bonne gifle »). Le pouvoir que prend
«  celui qui sait  » est énorme  : comment un usager peut-il
s’affirmer face à quelqu’un qui sait tout de lui  ? On peut
parfois se demander si savoir n’a pas remplacé agir, si, à
force de dire ce que l’on fait, on fait toujours ce que l’on dit,
comme si l’annonce avait remplacé l’action, ce qui est déjà
le cas en politique. Les professionnels semblent parfois
penser que la quantité d’informations qu’ils détiennent
prouve leur compétence, qu’en partageant ces informations,
en étoffant le dossier, en allongeant le rapport, ils le
démontrent, et c’est probablement ce que, de plus en plus,
exigent les hiérarchies, et les financeurs, mais quelle est
l’utilité  de tout cela  ? Qu’est-ce que cela apporte à
l’usager  ? Un dossier n’a pas vocation à justifier du travail
d’une équipe, d’un professionnel ou d’une structure  : il ne
rassemble que ce qui est utile à l’usager. Un dossier épais
est suspect  : il démontre que personne n’a de la situation
une vision synthétique.

Que doit faire un psychologue convoqué par un


service
de police, de gendarmerie ou un magistrat ?
Il doit y répondre ou peut refuser d’y répondre, mais à ses risques et périls.
La liberté de dire ou de taire a pour contrepoids la responsabilité : il devra
donc assumer les éventuelles conséquences de ses silences. Qu’il soit ou
non soumis au secret professionnel ne change pas grand-chose  :
contrairement à une autre idée très répandue, le secret professionnel n’est
pas opposable à la police et à la justice. Le procureur de la République ou
l'officier de police judiciaire (OPJ) « peut, par tout moyen, requérir de toute
personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute
administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations
intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique
ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces
informations, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être
opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel  » (code
de procédure pénale, art. 60-1). Le fait de s'abstenir de répondre dans les
meilleurs délais à cette réquisition est puni d'une amende de 3 750 euros.
Le «  motif légitime  » fait essentiellement référence aux quelques
exceptions qui concernent les médecins, les avocats et les journalistes
(dont les sources sont protégées depuis la loi du 4 janvier 2010 relative à
la  protection  du secret des sources des journalistes, dite Loi Dati). La
circulaire de la Chancellerie du 14 mars 2004 (qui détaille le contenu de la
loi du 9  mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité dite Perben II) explique «  aux officiers de police judiciaire et
juges d’instruction » que «  ces dispositions donnent désormais clairement
aux enquêteurs le droit de procéder à des réquisitions, même
préliminaires, auprès des organismes sociaux, fiscaux ou bancaires, qui ne
pourront pas opposer le secret professionnel pour refuser de remettre les
documents requis ».
Le psychologue tatillon évitera, en cas de perquisition, de demander au
policier de lui présenter un mandat, ou une commission rogatoire  : le
mandat de perquisition n’existe pas en droit français (nous avons hérité
cette formule des séries télé américaines) et la commission rogatoire,
forcément délivrée par un juge, apparaît dans moins de 20  % des
enquêtes (nulle commission rogatoire en cas de flagrance ou d’enquête
préliminaire, et pas d’équivalent  : avoir la qualité d’OPJ suffit). Le
psychologue (qui ne pourra pas être accompagné pendant son audition)
utilisera donc, en son âme et conscience, son «  curseur subjectif  » pour
déterminer ce qu’il dira et ce qu’il taira, en espérant que cela convienne à
celui qui l’interroge, qui saura se faire convaincant…

LA RÉUNION DE SYNTHÈSE

Les professionnels « de terrain » ne sont généralement pas


soumis au secret professionnel, ce qui rend leurs
observations beaucoup plus fiables. Ils peuvent ainsi mieux
se consacrer à leur travail et à ses spécificités, sans avoir à
porter le poids de toutes ces informations pas toujours
faciles à gérer, ou à digérer  : respecter le secret protège
aussi le professionnel qui est au quotidien en contact avec
l’usager. C’est souvent lui, pourtant, qui en sait le plus, c’est
à lui que l’usager, le patient, se confie, à son rythme, avec
ses mots : c’est à l’usager – nous l’avons dit – de décider du
tempo (et laisser du temps au temps est fondamental pour
instaurer une relation digne de ce nom).
La réunion de synthèse permet aux professionnels qui ne
sont pas soumis au secret professionnel, qui n’ont pas accès
à ce fameux «  dossier de l’usager  » ou du patient, de
partager leurs observations avec leurs collègues, de les
«  faire remonter  » aux professionnels soumis au secret
professionnel (assistant de service social, infirmière,
médecin, etc.), qui vont les centraliser, en faire la synthèse
pour pouvoir «  faire redescendre  » (sous leur entière et
unique responsabilité) les informations strictement
nécessaires aux professionnels qui en ont besoin.
La réunion de synthèse n’est pas une réunion d’échanges
ou de discussion, ni une réunion d’équipe, mais bien une
réunion de synthèse, qui permettra à quelques-uns d’avoir
de la situation une vision synthétique. Elle va également
permettre aux professionnels d’harmoniser leurs pratiques.
La réunion de synthèse ne concerne qu’un usager, pas tous
les résidents, elle ne réunit que les professionnels qui le
prennent en charge, pas toute l’équipe, et elle se déroule en
la présence de l’usager, ce qui est la moindre des choses (il
est d’ailleurs amusant de constater comme le vocabulaire
se transforme et les jugements tranchés s’assouplissent
quand l’usager est présent). L’usager, c’est l’enfant, le
résident, le patient, pas sa famille, ses parents, son tuteur,
qui n’ont pas accès à toutes les informations. On attribue à
Nelson Mandela, parfois à Gandhi, parfois aux deux, la
phrase «  tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait
contre moi ». Qu’elle soit de lui ou de quelqu’un d’autre, elle
devrait inspirer les professionnels qui travaillent avec des
humains. Une réunion de synthèse devrait donc toujours
commencer par rappeler qui, autour de la table, est soumis
au secret professionnel, sans tenir compte des légendes
tenaces véhiculées par les uns et les autres. Rien
n’empêche – bien au contraire – qu’elle se déroule en
plusieurs étapes, avec de moins en moins de participants  :
une fois que l’enseignant a dit ce qu’il avait à dire et a
obtenu les réponses à ses questions, il peut aller retrouver
ses élèves, et la réunion se termine en petit comité, entre
professionnels soumis au secret.
Le psychologue qui travaille en institution aura des
observations extrêmement pertinentes à partager en
équipe, et l’équipe lui apportera probablement de
précieuses indications qui enrichiront son travail.
Il en aura d’autres à «  faire remonter  » de manière plus
protégée au psychiatre, ou à l’assistant de service social,
qui pourront lui communiquer les « informations strictement
nécessaires » à sa prise en charge. La complémentarité des
interventions est indispensable, elle disparaît lorsque les
spécificités de chaque métier sont niées.
Quand tous les intervenants détiennent les mêmes
informations, la vision particulière de chacun s’émousse au
profit d’une vision unique, harmonisée. La pluridisciplinarité
n’a de sens que si les profils de chacun se complètent, elle
n’en a aucun s’ils se confondent.
Il n’y a guère que dans les secteurs social et médico-social
qu’une stricte répartition des rôles, avec des limites
établies, est vécue comme du corporatisme  : dans le
secteur médical, l’anesthésiste, l’infirmière, le chirurgien
connaissent leurs limites respectives (et l’hôtesse de l’air ne
revendique pas d’être dépositaire des informations dont
dispose le commandant de bord  : pourtant, sans un
personnel de cabine pour 50 passagers, un avion ne décolle
pas, même si un commandant de bord expérimenté est aux
commandes).
Chapitre 23

Le partage de
l’information

LA PERSONNE – astreinte ou non au secret – est dépositaire de l’information,


elle n’en est pas propriétaire  : elle ne peut donc pas librement l’utiliser, la
répéter, la révéler. Une réflexion éthique et déontologique, personnelle,
professionnelle, doit être menée en permanence au sein des équipes, pour
que soit protégée et respectée l’intimité de la vie privée de l’usager, pour
que ne soient échangées, dans un cadre sécurisé, que les informations
strictement nécessaires, pour que les dossiers ne soient pas à la disposition
de tous, quel que soit leur support, et que la confidentialité de leur contenu
soit préservée. Il existe, bien sûr, pour les personnes astreintes au secret,
des «  cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret » (code pénal,
art.  226-14) pour que la révélation de l’information devienne possible (on
évoque alors souvent, à tort, la « levée » du secret). Il ne faut pas confondre
partage de l’information et révélation de l’information, qui obéissent à deux
logiques différentes.

Le secret dit «  partagé  » entre les professionnels de santé


existe depuis toujours : il semble par exemple normal que le
chirurgien puisse partager des informations avec
l’anesthésiste et l’infirmière, que l’obstétricien puisse
échanger avec la sage-femme et le pédiatre de la PMI avec
la puéricultrice. L’article L.  1110-4 du code de la santé
publique (qui a été modifié par la loi 2016-41 du 26 janvier
2016 de modernisation de notre système de santé)
dispose :
«  Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels
identifiés des informations relatives à une même personne prise en
charge, à condition qu'ils participent tous à sa prise en charge et que ces
informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la
continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et
social. »

LE PARTAGE DE L’INFORMATION MÉDICALE

Trois critères doivent être réunis, pour que ce partage soit


légal :
1. Le patient est dûment informé de son droit d'exercer une
opposition à l'échange et au partage de ces informations.
Il peut exercer ce droit à tout moment : nul besoin, donc,
d’avoir son accord, qui ne l’empêcherait de toute façon
pas de poursuivre par la suite. L’accord est présumé en
absence d’opposition.
Par contre, «  le partage, entre des professionnels ne
faisant pas partie de la même équipe de soins,
d'informations nécessaires à la prise en charge d'une
personne requiert son consentement préalable, recueilli
par tout moyen » (CSP, art. L. 1110-4).
Il est tout de même étonnant de constater que,
subitement, l’accord de la personne vaut de l’or, le voici
éclairé, alors qu’elle est généralement considérée comme
n’étant pas en capacité d’autoriser elle-même les soins
qu’elle reçoit, ce que la loi pourtant prévoit  : le
consentement des patients (ou des usagers) est éclairé
quand cela arrange les professionnels, altéré quand ils
n’ont pas envie de s’enquiquiner à lui expliquer les
tenants et les aboutissants de l’intervention qu’il va
subir…
Même le mineur peut s'opposer à ce que le professionnel
de santé discute avec ses parents «  afin de garder le
secret sur son état de santé » (CSP, art. L. 1111-5) : dans
ce cas, « le médecin ou la sage-femme peut se dispenser
d'obtenir le consentement du ou des titulaires de
l'autorité parentale sur les décisions médicales à prendre
lorsque l'action de prévention, le dépistage, le diagnostic
ou l'intervention s'impose pour sauvegarder la santé
d'une personne mineure  ». Il est toutefois demandé au
médecin ou la sage-femme de «  s'efforcer d'obtenir le
consentement du mineur à cette consultation  ». Si le
mineur maintient son opposition, il doit se faire
« accompagner d'une personne majeure de son choix ». Il
en est de même pour l’IVG : « la femme enceinte qui ne
veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un
médecin ou à une sage-femme l'interruption de sa
grossesse » (CSP, art. L2212-1), même si elle est mineure
(CSP, art.  L2212-4)  : elle doit alors se faire
«  accompagner dans sa démarche par la personne
majeure de son choix » (CSP, art. L2212-4).
2. Le partage s’inscrit dans l’effectivité des soins  : la
personne est « prise en charge ».
3. Le partage doit se limiter aux informations «  strictement
nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins,
à la prévention ou à son suivi médico-social et social ».
Le décret 2016-994 du 20  juillet 2016 a ouvert une brèche
dans le secret dit « médical », mais cette brèche est moins
importante qu’on peut le croire au premier abord  : sans
remettre en cause le principe du secret, il crée une
ambiguïté supplémentaire, en introduisant dans le code de
la santé publique un chapitre intitulé «  Conditions
d’échange et de partage d’informations entre professionnels
de santé et autres professionnels des champs social et
médico-social  » (art.  R1110-1 à R1110-3). Il autorise le
partage d’informations médicales entre professionnels de
santé astreints au secret dit «  médical  », et professionnels
non médicaux, même non astreints au secret. Il instaure
toutefois une «  double limite  » (CSP, art.  R1110-1)  : seules
les «  informations strictement nécessaires à la coordination
ou à la continuité des soins, à la prévention, ou au suivi
médico-social et social de ladite personne  » peuvent être
partagées, dans le cadre « du périmètre [des] missions » de
celui à qui elles sont transmises (précisions que les articles
R viennent préciser le contenu des articles L, selon le
principe des décrets d’application  : le R1110-1 précise
l’étendue de l’article L. 1110-4).
Cette double limite n’a pas forcément été repérée, ou
comprise, ou ils ont préféré l’écarter, par ceux qui en ont
déduit que le secret lié à la santé ne pouvait plus leur être
opposé, ce qui assez révélateur de la place qu’ils en sont
venus, réforme après réforme, à concéder à l’usager.
Si la brèche n’est pas maîtrisée, elle pourrait, à terme,
provoquer le naufrage du travail social lui-même, dont le
respect de la personne accompagnée, hébergée, encadré
est l’essence même. Sans ce respect, il n’y a plus de
relation de confiance envisageable, le dialogue est biaisé,
les rôles sont mélangés et les spécificités des professions
s’estompent, confirmant qu’il est donc possible de
supprimer tous les diplômes existants, et leurs formations,
pour mettre en place un seul et unique cursus universitaire
de « travailleur social ». Ceux qui, aujourd’hui, ne se battent
pas contre le partage du secret et des informations
confidentielles, seront complices de ce naufrage  : même si
le règlement les y autorise (issus d’un décret, ces
dispositions sont réglementaires, pas législatives), ces
professionnels non médicaux devraient, par éthique, par
déontologie, par respect pour l’usager, refuser d’avoir accès
à des informations sanitaires et médicales qui, la plupart du
temps, ne leur sont d’aucune utilité.
Les professionnels de santé sont donc désormais autorisés –
dans le respect de cette double limite, mais sont-ils
conscients de son existence ? – à échanger ou partager des
informations relatives à la même personne prise en charge
avec toute une série de professionnels plus ou moins
formés, plus ou moins diplômés (CSP, art. R1110-2) :
les assistants de service social ;
les ostéopathes, chiropracteurs, psychologues et
psychothérapeutes, aides médico-psychologiques (AMP),
accompagnants éducatifs et sociaux (AES) ;
assistants maternels et assistants familiaux ;
éducateurs et aides familiaux, personnels pédagogiques
occasionnels des accueils collectifs de mineurs,
permanents des lieux de vie ;
particuliers accueillant des personnes âgées ou
handicapées ;
mandataires judiciaires à la protection des majeurs
(MJPM) et délégués aux prestations familiales ;
non-professionnels de santé salariés des établissements
et services et lieux de vie et d’accueil ;
non-professionnels de santé mettant en œuvre la
méthode MAIA ;
non-professionnels de santé membres de l’équipe
médico-sociale compétente pour l’instruction des
demandes d’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Le professionnel qui souhaite échanger des informations
relatives à une personne prise en charge avec un autre
professionnel doit informer préalablement la personne
concernée de la nature des informations qui vont être
échangées, de l’identité ou de la qualité du destinataire
(CSP, art.  R1110-3). Il n’est écrit nulle part qu’elle doit
donner son accord  : la personne prise en charge – qui est
très souvent vulnérable – ne peut donc plus s’opposer à ce
que sa vie privée soit étalée sans son accord  ! Si elle est
«  hors d’état d’exprimer sa volonté, seule l’urgence ou
l’impossibilité  » de l’informer «  peut dispenser le
professionnel ou la personne participant à sa prise en
charge de l’obligation d’information préalable  ». On
l’informera plus tard, quand son état de santé le permettra,
et l’échange sera mentionné dans le dossier médical, ce qui
devrait plaire au Comité des droits de l’homme de l’ONU si,
après s’être intéressé aux personnes handicapées, il vient
faire un tour dans nos hôpitaux et nos structures médico-
sociales (dont, rappelons-le, il recommande la fermeture).

LE PARTAGE DE L’INFORMATION EN PROTECTION


DE L’ENFANCE

Il existe une possibilité très encadrée de partage


d’informations entre «  les personnes soumises au secret
professionnel qui mettent en œuvre la politique de
protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ou qui lui
apportent leur concours  » (CASF, art. L226-2-2). Elles «  sont
autorisées à partager entre elles des informations à
caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de
déterminer et de mettre en œuvre les actions de protection
et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier
[…] ».
Ce partage ne concerne que «  les personnes soumises au
secret professionnel  », ce qui confirme que le «  secret
missionnel  » lié à la protection de l’enfance n’existe pas
(sinon, elles le seraient toutes, soumises au secret), et qui
limite le partage  : un professionnel de la protection de
l’enfance pourra écouter un professeur des écoles (qui n’est
pas soumis au secret), mais il ne pourra pas lui dire grand-
chose de la vie privée de l’enfant et de sa prise en charge
(cela n’empêche en aucun cas le dialogue). Le professionnel
pourra recueillir les très pertinentes observations de
l’enseignant, qui l’aideront à avoir, de la situation, une
vision synthétique  : tout cela est somme toute très
cohérent.

LE PARTAGE DE L’INFORMATION À LA MDPH


Les membres de l’équipe pluridisciplinaire de la maison
départementale des personnes handicapées (MDPH) sont
tenus au secret « par profession » (CASF, art. L241-10).
Ils sont autorisés, «  dans la limite de leurs attributions  », à
«  échanger entre eux tous éléments ou informations à
caractère secret dès lors que leur transmission est
strictement limitée à ceux qui sont nécessaires à
l'évaluation de sa situation individuelle et à l'élaboration du
plan personnalisé de compensation du handicap  » (CASF,
art. L241-10).
Deux remarques  : ils ne peuvent échanger qu’entre eux
(donc : pas en dehors de l’équipe, avec les partenaires, les
familles, etc.), et ce partage est autorisé «  dans la limite de
leurs attributions », c’est-à-dire que seuls les professionnels
de santé peuvent avoir accès aux informations médicales.
Les autres doivent se contenter des «  informations
strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité
des soins, à la prévention, ou au suivi médico-social et
social de ladite personne » (CSP, art. R1110-1).
Les membres de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH
peuvent également communiquer aux membres de la
commission pour les droits et l’autonomie de la personne
handicapée (CDAPH), tenus au secret «  par fonction ou
mission temporaire » (CASF, art. L241-10), «  tous éléments
ou informations à caractère secret dès lors que leur
transmission est strictement limitée à ceux qui sont
nécessaires à la prise de décision ».
On retrouve ici la logique d’un partage d’informations à
caractère secret qui n’est envisageable qu’entre personnes
astreintes au secret professionnel, ce qui devrait être la
norme. Malheureusement, les membres de l’équipe
pluridisciplinaire de la MDPH peuvent également « échanger
avec un ou plusieurs professionnels qui assurent cet
accompagnement les informations nécessaires relatives à la
situation de la personne handicapée, dès lors que celle-ci ou
son représentant légal dûment averti a donné son accord  »
(CASF, art. L241-10).
L’accord du représentant légal n’est pas acceptable, le
comité des droits de l’homme de l’ONU l’a relevé. Il se
heurte au droit fondamental, naturel et inaliénable, que
chacun possède, de voir respectée sa vie privée, d’autant
plus que la notion de «  représentant légal  » est floue pour
beaucoup de professionnels (il ne peut s’agir, pour un
mineur, que d’une personne exerçant l’autorité parentale,
ou, pour un majeur, d’un tuteur).
Il est en contradiction avec le droit aux soins et le droit de
chacun de refuser les soins.
Il crée également un droit «  à deux vitesses  » qui permet
que les droits fondamentaux d’une personne affaiblie soient
bafoués par ceux qui, en théorie, ont pour mission de la
défendre.
L’accord de la personne handicapée n’est pas acceptable
non plus  : elle est prise en charge, son consentement est
donc vicié, et le vice de consentement emporte la nullité
d’un contrat (code civil, art.  1130). Il est difficile – pour
quelqu’un qui sollicite une allocation, une aide, une
reconnaissance – de résister à la MDPH : la pression, même
amicale et souriante, est une violence morale. Il n’est pas
acceptable qu’une personne handicapée physique puisse
renoncer à un droit inaliénable, alors qu’une personne
valide ne le peut pas.
Si la personne handicapée est mineure, ou considérée
comme vulnérable, obtenir son accord pourrait même être
considéré comme un abus de faiblesse :
«  Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende
l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit
d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à
son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son
auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique
résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques
propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette
personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement
préjudiciables » (code pénal, art. 223-15-2).

LE PARTAGE DE L’INFORMATION ENTRE


LES PROFESSIONNELS DE L’ACTION SOCIALE

L’article L.  121-6-2 du code de l’action sociale et des


familles (CASF), créé par la loi 2007-297 du 5  mars 2007
relative à la prévention de la délinquance, est un peu – c’est
probablement une bonne chose – tombé dans l’oubli (en
droit, on préférera la formule « tombé en désuétude »), mais
il existe toujours et doit, en théorie, être respecté. Il partait
du constat, discutable, que l’action des travailleurs sociaux
ne sert à rien, ou à pas grand-chose, qu’il faut mettre de
l’ordre là-dedans, améliorer leur coordination et confier la
gestion du dispositif à un acteur de terrain irréprochable : le
maire, transformé, dans sa commune, en « pivot de l’action
sociale  ». On imagine sans peine la masse de travail que
cela représente pour le maire de Paris, ou de Marseille  !
L’amalgame délinquance-pauvreté, qui peut sembler exact
quand le projecteur est bien orienté, était au passage
renforcé.
On allait voir ce qu’on allait voir  : le maire allait régler le
problème, faire des économies, et supprimer la
délinquance ! Les maires, dans leur ensemble, en rêvaient,
ils le clamaient haut et fort (oubliant qu’ils sont, depuis
bientôt deux siècles, officiers de police judiciaire, et que, de
cette compétence, ils ne font pas grand-chose), ils l’ont eu,
et, bien évidemment, ils ont oublié de s’en saisir,
probablement pour ne pas avoir à gérer une telle usine à
gaz, ou à assumer son inutilité totale.
On a aussi imaginé, à la même époque, un conseil des
droits et devoirs des familles (CDDF), présidé par le maire,
qui, comme un conseil de discipline, secoue les parents
défaillants pour qu’ils reprennent en main leurs gamins
délinquants : une centaine a été mise en place, la plupart a
aujourd’hui disparu.
L’article en question permet le partage d’informations à
caractère secret entre professionnels de l’action sociale,
mais uniquement à l’issue d’un long processus préalable qui
n’est jamais mis en place  : il est l’ancêtre de ce «  secret
partagé » arrivé dix ans plus tard…
Le processus est le suivant :
un professionnel de l'action sociale constate que
l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou
matérielles d'une personne ou d'une famille appelle
l'intervention de plusieurs professionnels ;
il en informe le maire de la commune de résidence et le
président du conseil départemental ;
si l'efficacité et la continuité de l'action sociale le rendent
nécessaire, le maire (qui peut aussi s’autosaisir ou être
saisi par le président du conseil départemental) désigne
un coordonnateur parmi les professionnels qui
interviennent auprès de cette personne ou de cette
famille (il lui faut d’abord consulter le président du conseil
départemental, puis obtenir l’accord de l’employeur du
coordonnateur pressenti, les agents du conseil
départemental sont nommés en priorité) ;
le coordonnateur désigné se retrouve soumis «  par
mission » au secret professionnel ;
les professionnels réunis autour de lui sont autorisés à
partager entre eux des informations à caractère secret,
afin d'évaluer la situation, de déterminer les mesures
d'action sociale nécessaires, et de les mettre en œuvre,
mais le partage de ces informations est limité à ce qui est
strictement nécessaire à l'accomplissement de la mission
d'action sociale  : en l’absence de coordinateur désigné
par le maire, le partage n’est pas possible (les
informations en question ne peuvent être communiquées
à des tiers «  sous peine des sanctions prévues à
l'article 226-13 du code pénal », CASF, art. L. 121-6-2).
Le professionnel qui intervient seul et le coordonnateur
«  sont autorisés à révéler au maire et au président du
conseil départemental, ou à leur représentant […], les
informations confidentielles qui sont strictement nécessaires
à l'exercice de leurs compétences » (CASF, art. L. 121-6-2).
Lorsqu'il apparaît qu'un mineur «  est susceptible d'être en
danger au sens de l'article  375 du code civil, le
coordonnateur ou le professionnel intervenant seul […] en
informe sans délai le président du conseil départemental, et
le maire est informé de cette transmission  » (CASF, art.
L. 121-6-2).
Ces dispositions – toujours en vigueur – donnent aux maires
– qui devraient être destinataires de tout – un pouvoir
extrêmement important. Ils ne s’en sont pas saisis, c’est
vraisemblablement une bonne chose (d’autant plus que les
fonctionnaires qui les entourent ne sont pas soumis au
secret professionnel, et que le suivi des dossiers, des
coordinateurs, nécessiterait la création d’un fichier
conséquent).

Que doit faire un psychologue s’il souhaite


partager
une information par téléphone ou courriel ? Avec
un confrère,
une assistante sociale, un médecin, la directrice
d’une école ?
Il est tout d’abord utile de préciser que le contenu d’un courriel est aussi
susceptible d’engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de
celui qui l’émet, qu’un courrier, un rapport, une conversation
téléphonique  : le cadre légal du secret professionnel, de l’échange ou du
partage d’informations, du respect de la vie privée, sont bien évidemment
identiques quel que soit le média utilisé. Il convient donc d’être aussi
prudent que d’habitude.
Le problème du courriel, c’est le destinataire  : il peut le transmettre, le
réexpédier, le faire suivre, à quantité d’interlocuteurs, sans que l’émetteur
n’en soit informé, et ces nouveaux destinataires vont eux-mêmes pouvoir
le diffuser, le transmettre, le partager, voire le transformer (on évitera les
pièces jointes en Word, pour préférer celles en PDF, dont le contenu est
plus difficile à modifier, certains PDF peuvent même être sécurisés).
Légalement, ce sera à l’expéditeur d’origine d’assumer la responsabilité
des éventuelles conséquences, alors que le courriel a totalement échappé
à son contrôle : il est donc fortement conseillé – surtout quand il contient
des informations susceptibles de relever de la vie privée – d’utiliser le
courriel avec modération, uniquement avec des interlocuteurs que l’on
connaît, et de bien s’entendre avec eux sur ce qu’ils vont en faire.
On précisera en objet COURRIER PERSONNEL, ou DOCUMENT
CONFIDENTIEL, voire SECRET MÉDICAL – NE PAS OUVRIR, et on prendra
soin de mentionner DIFFUSION RESTREINTE – NE PAS FAIRE SUIVRE en bas
de message  : ce ne sont pas d’imparables talismans, seulement des
précautions de base qui s’inscrivent dans la logique de l’obligation de
moyens.
L’autre problème du courriel, c’est qu’il peut être lu par n’importe qui  : il
est donc indispensable de privilégier les adresses nominatives, et de
proscrire les service@, contact@, psychologue@ (etc.), surtout pour
transmettre des informations sensibles.
Lorsqu’il part d’une adresse nominative vers une adresse nominative, le
courriel est un courrier  : l’ouvrir sans y être autorisé peut être considéré
comme une atteinte au secret des correspondances (code pénal, art. 226-
15).
Les nouvelles technologies offrent de nouvelles solutions pour protéger la
vie privée (dossiers sécurisés, accès verrouillés, traçabilité des connexions,
etc.), il serait dommage de ne pas en profiter, et de les utiliser a contrario.
Bien évidemment, l’utilisation du téléphone, ou du courriel, doit être
limitée, même si c’est la police au bout du fil : il faut toujours s’assurer de
l’identité réelle de son correspondant, ne pas hésiter à rappeler (après
avoir vérifié le numéro), à demander une confirmation écrite (pour la
police, une convocation, ou qu’un équipage se déplace, ce qui peut agacer
le correspondant, mais que ne ferait-on pas pour préserver la vie privée
d’un usager, d’un patient, d’un résident ?).
On fera aussi très attention aux télécopies : on sait rarement où se trouve
le fax chez le correspondant, qui récupère les pages que l’on envoie, et ce
qu’il en fait avant qu’elles n’arrivent entre les mains de leur destinataire.

LE PARTAGE DE L’INFORMATION ENTRE


LES PROFESSIONNELS DES CHRS
Les personnels des centres d'hébergement et de réinsertion
sociale (CHRS) sont tenus au secret professionnel «  par
profession » (CASF, art. L345-1).
Cette disposition, assez récente, apparaît dans le dernier
alinéa de l’article précité.
Elle a été ajoutée par la loi du 4  août 2014 pour l'égalité
réelle entre les femmes et les hommes  : auparavant, les
professionnels des CHRS n’étaient pas tenus au secret
professionnel.
L’effet pervers de cette « avancée » a été de supprimer un
grand nombre de postes d’assistant de service social, ce qui
réduit la pluridisciplinarité des intervenants, présentée
pourtant comme source d’efficacité, et permet à l’État de
faire des économies.
Les personnels des CHRS peuvent «  échanger entre eux les
informations confidentielles dont ils disposent, qui sont
strictement nécessaires à la prise de décision ».
Cette rédaction est intéressante, il serait bien qu’elle puisse
être reprise ailleurs  : les professionnels en question ne
peuvent échanger qu’entre eux (il s’agit donc d’un secret
interne) les informations confidentielles dont ils disposent
(celles que le résident a bien voulu porter à leur
connaissance).
Il est probable que cette analyse ne soit pas très répandue
dans les structures concernées, c’est bien dommage  : il
s’agit, pour une fois, d’un «  secret partagé  » assez
respectueux.
Chapitre 24

La révélation de
l’information

LA LOI, parfois, impose ou autorise la révélation du secret, dans certaines


conditions, à des interlocuteurs désignés  : quand elle l’impose, c’est une
obligation (code pénal, art.  434-1 et 434-3), quand elle l’autorise, c’est un
droit (code pénal, art.  226-14) et un devoir pour les fonctionnaires, qui
peuvent alors s’affranchir de leur hiérarchie (code de procédure pénale,
art. 40).

QUAND LA LOI AUTORISE : LA « LEVÉE DU


SECRET »

L’article  226-13 du code pénal (déjà cité) crée le délit de


non-respect du secret professionnel. L’article 226-14 précise
qu’il n'est pas applicable dans certaines situations :
lorsqu’il s’agit d’informer les autorités judiciaires,
médicales ou administratives de privations ou de sévices,
y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations
sexuelles, qui ont été infligées à un mineur ou à une
personne vulnérable ;
lorsqu’un médecin ou un professionnel de santé porte à la
connaissance du procureur de la République ou de la
cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des
informations préoccupantes (CRIP) relatives aux mineurs
en danger ou qui risquent de l'être, les sévices ou
privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou
psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui
permettent de présumer que des violences physiques,
sexuelles ou psychiques de toute nature ont été
commises sur un mineur ou une personne vulnérable (les
mineurs sont considérés comme vulnérables, nous allons
en reparler).
L'accord de la victime sera indispensable au médecin ou
au professionnel de santé si elle ne peut pas être
considérée comme vulnérable. Cela ne s’applique pas à
d’autres professions, et le signalement a peu de chances
d’aboutir en l’absence de plainte déposée par la victime.
Cet article a surtout pour intérêt de «  lever le secret  »
dont un professionnel de santé ne peut se libérer.
Cet article a été modifié par la loi 2015-1402 du
5  novembre 2015 tendant à clarifier la procédure de
signalement de situations de maltraitance par les
professionnels de santé  : il était auparavant réservé aux
médecins, il désignait comme unique interlocuteur le
procureur de la République ;
lorsqu’un professionnel de la santé ou de l'action sociale
veut informer le préfet (à Paris, le préfet de police) du
caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des
personnes qui le consulte et dont il sait qu'elles
détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur
intention d'en acquérir une (on parle alors de
« signalement préventif »).
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les
conditions prévues par cet article «  ne peut engager la
responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur,
sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi  » (code
pénal, art.  226-14). Rappelons qu’un signalement signale
des faits, ou une victime (en reprenant entre guillemets ses
dires, par exemple), et qu’une dénonciation dénonce un
coupable (dénoncer est parfois discutable sur un plan
éthique, et risqué  : le dénoncé peut déposer plainte pour
dénonciation calomnieuse).

QUAND LA LOI AUTORISE : LES FONCTIONNAIRES

Le second alinéa (paragraphe) de l’article 40 du code


procédure pénale prévoit que « tout fonctionnaire qui, dans
l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un
crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au
procureur de la République et de transmettre à ce magistrat
tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont
relatifs ». Il en va de même pour toute autorité constituée et
tout officier public.
Il est important de bien comprendre la portée de cet article,
et ses limites.
Le fonctionnaire n’est en aucun cas obligé de le faire : nulle
sanction n’est prévue.
Le fonctionnaire «  est tenu  »  : «  être tenu  » est
probablement plus fort que « pouvoir » (quand je peux, j’ai
le droit, je le fais si je veux), et moins fort que «  devoir  »
(quand je dois, c’est une obligation, je n’ai en théorie pas le
choix). On retrouve la même rédaction dans l’article 15-3 du
code pénal : « les officiers et agents de police judiciaire sont
tenus de recevoir les plaintes (…). »
Ils n’y sont clairement pas obligés  : c’est un devoir, et un
devoir est subjectif.
Les fonctionnaires ont donc la possibilité d’informer le
procureur de la République quand ils estiment, en leur âme
et conscience et en toute subjectivité, qu’il est de leur
devoir de le faire. Ils peuvent aussi ne pas le faire quand ils
estiment, en leur âme et conscience et en toute
subjectivité, qu’il est de leur devoir de ne pas le faire.
Cet article autorise par contre clairement le fonctionnaire –
qu’il soit ou non soumis au secret professionnel – à
contourner sa voie hiérarchique pour s’adresser directement
au procureur de la République (et cet article est au singulier,
ce qui, au passage, confirme, une fois de plus, que le
signalement au procureur de la République est un acte
personnel, pas un travail d’équipe).

QUAND LA LOI IMPOSE : L’OBLIGATION DE


SIGNALER

Informer, signaler, porter à la connaissance, donner avis


(etc.) : la loi « lève » le secret, elle autorise à « signaler » la
situation d’un mineur ou d’une personne vulnérable aux
autorités compétentes.
Elle rappelle aussi, à plusieurs reprises, que protéger les
plus faibles est un devoir pour chacun.
Cela suffirait, si les théories de Montesquieu étaient
intégrées par le plus grand nombre (lui-même doutait que
cela arrive un jour) : chacun, n’écoutant que sa conscience,
ferait spontanément ce qu’il jugerait bon de faire, avec un
sens du devoir exacerbé qui limiterait les interdictions et les
obligations posées par l’État, et augmenterait en
conséquence la liberté de tous.
Ces principes philosophiques se heurtent malheureusement
à la nature humaine, qui ne va probablement pas en
s’améliorant, et l’État pose de plus en plus d’obligations et
d’interdictions. Il faut ici lever un tabou : les professionnels
signalent peu, ils signalent mal, ils signalent n’importe quoi,
et souvent n’importe comment, tenter de les obliger à
signaler est vraisemblablement un mal nécessaire (dont les
effets positifs tardent à se faire sentir  : il faudrait
probablement plus de condamnations pour que les
professionnels passent plus rapidement de la discussion, de
l’hésitation et de la réunion à l’action).
Il existe deux obligations de «  signaler  », assorties de la
même sanction (trois ans d’emprisonnement et
45  000  euros d’amende)  : l’obligation de dénoncer les
crimes (code pénal, art. 434-1) et l’obligation d’informer les
autorités judiciaires ou administratives lorsqu’une personne
vulnérable est en danger (code pénal, 434-3).

▶  L’obligation de dénoncer les crimes


Quiconque «  ayant connaissance d’un crime dont il est
encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont
les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux
crimes qui pourraient être empêchés doit en informer les
autorités judiciaires ou administratives  » (code pénal,
art. 434-1). On notera le « quiconque » : encore un singulier,
qui concerne tout le monde, sans exceptions. On rappellera
qu’un crime peut être un homicide volontaire, mais aussi un
viol (une atteinte sexuelle avec pénétration), des actes de
torture, un enlèvement, une séquestration et certaines
mutilations (sur mineur ou personne vulnérable), la
direction et l’organisation d’un trafic de stupéfiants, la
fabrication de fausse monnaie (etc.). On précisera enfin que
les précautions oratoires (encore possible de prévenir,
crimes qui pourraient être empêchés, etc.) sont là pour
dissuader la dénonciation de criminels morts  : le décès du
mis-en-cause interdit que soit vérifiée la dénonciation, et
cela porte atteinte à sa mémoire.
La peine «  est portée à cinq ans d'emprisonnement et à
75  000  euros d'amende  » si le crime «  constitue une
atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation (…) ou un
acte de terrorisme » (code pénal, art. 434-2).
Il existe quelques exceptions (la France a historiquement un
peu de mal avec les dénonciations). Elles concernent « les
parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les
frères et sœurs et leurs conjoints, de l'auteur ou du
complice du crime », mais aussi « le conjoint de l'auteur ou
du complice du crime, ou la personne qui vit notoirement en
situation maritale avec lui  ».  Ceux-ci peuvent, en toute
légalité, ne pas dénoncer (il ne leur est bien évidemment
pas interdit de le faire). Ces exceptions disparaissent
lorsque les crimes sont commis sur des mineurs (sur des
mineurs de moins de 15 ans jusqu’au 1er janvier 2000). Elles
disparaissent aussi lorsque le crime constitue une atteinte
aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de
terrorisme. Une autre exception concerne «  les personnes
astreintes au secret  », mais nous la traitons dans un
paragraphe séparé.
Celui qui ne signale pas, ou ne dénonce pas, ne peut pas
être considéré comme complice (mais il peut être condamné
pour ne pas avoir signalé, ou dénoncé).
Le  complice d'un crime (ou d'un délit) est celui qui,
«  sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la
préparation ou la consommation  », ainsi que celui qui «  par
don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de
pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des
instructions pour la commettre » (code pénal, art. 121-7). Le
complice de l'infraction « sera puni comme auteur ».
Celui qui ne signale pas, ou ne dénonce pas, ne peut pas
être condamné pour «  non-assistance à personne en
danger  », d’abord parce que cela n’existe pas, ensuite,
parce que l’infraction de «  non-assistance à personne en
péril » n’est pas constituée.
Le droit est une discipline littéraire : danger et péril ne sont
pas synonymes !
Le péril est ponctuel, on peut l’écarter par une action
immédiate, le danger est continu, on ne peut pas le régler
par une action immédiate  : une noyade, un AVC, un arrêt
cardiaque représentent un péril, des violences familiales
représentent un danger.
Quiconque «  s'abstient volontairement de porter à une
personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou
pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action
personnelle, soit en provoquant un secours  » (code pénal,
art.  223-6) encourt cinq ans d'emprisonnement et
75  000  euros d'amende (sept ans et 100  000  euros si la
victime a moins de 15 ans). Idem s’il n’essaie pas
d’empêcher « par son action immédiate, sans risque pour lui
ou pour les tiers  » un crime ou un délit contre l'intégrité
corporelle d’une victime.
Deux manières, donc, de se protéger d’une condamnation :
provoquer les secours (appeler le 15, le 112, le 17), ou
intervenir directement sans prendre de risques, et sans en
faire courir à autrui. On notera que le mot «  danger  »
n’apparaît pas une seule fois dans l’article. On rappellera
que la «  non-assistance à personne en péril  » a été
instaurée par la loi du 25 octobre 1941 portant obligation de
dénoncer les crimes et de secourir les personnes en danger.
Elle permettait surtout de poursuivre ceux qui ne prêtaient
pas assistance aux officiers des troupes d’occupation
lorsqu’ils étaient attaqués par la Résistance. Elle a été
abrogée, et remplacée, par l'ordonnance du 25  juin 1945
concernant le concours des citoyens à la justice et à la
sécurité publique, qui a introduit le mot « péril ».

Si un psychologue, soumis ou non au secret, reçoit


d’un
de ses clients la révélation qu’il a commis un
crime,
doit-il le signaler ? le dénoncer ? se taire ?
Il doit le dénoncer s’il est encore possible de prévenir ou de limiter les
effets de ce crime, ou si l’auteur est susceptible de commettre de
nouveaux crimes qui pourraient être empêchés (code pénal, art. 434-1). Il
risque à défaut trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. S’il
est astreint au secret professionnel, il peut – en son âme et conscience –
décider de se taire, ce qui pourra lui être reproché (la liberté – de dire ou
de ne pas dire – a toujours la responsabilité comme contrepoids). S’il n’est
pas astreint au secret professionnel, il peut – en son âme et conscience –
décider de se taire, ce qui pourra lui être reproché sans qu’il puisse – pour
se défendre – utiliser l’argument prévu au dernier alinéa de l’article (qui
crée une exception pour les personnes astreintes au secret).
Il doit également le signaler si la victime était mineure ou vulnérable (code
pénal, art.  434-3). Il risque à défaut la même peine, portée à cinq ans
d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende si la victime avait moins de
15 ans au moment des faits. S’il est astreint au secret professionnel, il
peut – en son âme et conscience – décider de se taire, même si la victime
a moins de 15 ans, ce qui pourra également lui être reproché (mais – s’il
est astreint au secret professionnel – il pourra – dans les deux cas – être
poursuivi s’il parle  : le non-respect du secret professionnel est un délit
passible d’un an de prison et de 15  000  euros d’amende.). S’il n’est plus
possible de prévenir ou de limiter les effets du crime, si l’auteur n'est plus
susceptible d’en commettre de nouveaux qui pourraient être empêchés, et
que la victime était majeure au moment des faits, nulle obligation de
dénoncer (et nulle interdiction, bien sûr).

▶  L’obligation d’informer les autorités


judiciaires ou administratives
Quiconque « ayant connaissance de privations, de mauvais
traitements ou d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à
un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se
protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une
infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un
état de grossesse  » doit «  en informer les autorités
judiciaires ou administratives  » (code pénal, art.  434-3).
S’abstenir de le faire est un délit puni de «  trois ans
d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ». La peine
(depuis la loi du 3  août 2018 renforçant la lutte contre les
violences sexuelles et sexistes) est portée «  à cinq ans
d'emprisonnement et 75  000  euros d'amende  » lorsque la
victime est «  un mineur de quinze ans  » (comprendre  : de
moins de 15 ans). Une seule exception concerne «  les
personnes astreintes au secret  »  : nous en reparlerons. On
notera une fois de plus le «  quiconque  », un singulier qui
concerne tout le monde, et l’absence, parmi les autorités à
prévenir, du chef, du sous-chef, du directeur, de l’assistante
sociale, du médecin, etc.
Les autorités judiciaires sont le procureur de la République
et le service qu’il dirige, appelé le parquet, à qui sont
adressés les signalements (et le terme signalement ne doit
être utilisé que dans ce cadre, pour éviter amalgames et
confusions).
Les autorités administratives sont le président du conseil
départemental, et le service de l’aide sociale à l’enfance
(ASE) qu’il dirige, à qui sont adressées les informations
préoccupantes (qui ne peuvent pas concerner les personnes
majeures).
Le signalement rend compte (de manière factuelle) de
«  privations, de mauvais traitements ou d'agressions ou
atteintes sexuelles », qui sont forcément causés par autrui,
et constituent une infraction : on ne signale au parquet que
des personnes mises en danger par autrui.
La protection des personnes qui se mettent en danger elles-
mêmes est de la compétence des services sociaux ou
médico-sociaux. Elle relève du soin, de la prise en charge ou
de l’accompagnement (et une requête de curatelle, ou de
tutelle, n’est pas un signalement, c’est une requête, qui
répond à des exigences de fond et de forme différentes).
Notons tout de même que se mettre en danger est un droit
(fumer, faire du parapente, de l’alpinisme sans corde,
plonger seul au milieu de piranhas, etc.), comme refuser les
soins, la prise en charge, l’aide sociale, etc.
Les professionnels qui ont compris qu’ils ne peuvent pas
être poursuivis pour «  non-assistance à personne en
danger  » sont soulagés  : en cas de péril, il leur suffira
d’appeler le SAMU.
Le signalement a pour vocation de permettre au procureur
d’engager des poursuites  : quand il est mal rédigé, il offre
souvent l’impunité au coupable, ou retarde
considérablement l’intervention des services ad hoc.
Le signalement ne peut concerner que des victimes qui ne
sont « pas en mesure de se protéger en raison de leur âge,
d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou
psychique ou d'un état de grossesse  », c’est-à-dire  : des
personnes vulnérables.
Une victime qui n’est pas vulnérable est en mesure de se
protéger en déposant plainte.
Le signalement d’une victime qui n’entre pas dans la
définition de la vulnérabilité sera classé sans suite.

Un directeur d’établissement peut-il exiger de lire,


de signer
ou de contresigner un signalement ou une
information
préoccupante émanant d’un psychologue ?
La réponse n’est pas la même pour une information préoccupante  et un
signalement. Aucune disposition légale ne permet au psychologue (et à
tout autre professionnel) de refuser que son supérieur hiérarchique lise,
signe ou contresigne une information préoccupante (tout professionnel
soumis au secret pourra refuser si son supérieur ne l’est pas). Par contre,
aucune disposition légale ne l’oblige à faire lire, signer ou contresigner son
écrit par qui que ce soit.
Sa responsabilité disciplinaire pourra être engagée s’il ne respecte pas les
directives de sa hiérarchie ou les protocoles en vigueur dans
l’établissement, qui peuvent bien évidemment être contestés, en amont,
de manière institutionnelle.
Un signalement est un document adressé au procureur de la République,
qui lui permet d’engager des poursuites (il pourra, en parallèle, requérir
une mesure de protection auprès du juge des tutelles ou du juge des
enfants, mais un signalement n’est pas une requête). Le signalement est
une alternative à la plainte quand la victime peut être considérée comme
vulnérable (au titre de l’article 434-3 du code pénal). Le signalement doit
être rédigé par une seule personne, et signé par elle. Il respecte les règles
de la procédure pénale, et ne relève pas d’une logique sociale. Il s’écrit à
la première personne du singulier («  je  », jamais «  nous  »). Il est factuel,
précis et descriptif (tel jour, telle heure, à tel endroit, dans tel cadre, j’ai
vu, constaté, entendu, etc.). Il cite entre guillemets les questions des uns
et les réponses des autres, le plus fidèlement possible, et conserve le
vocabulaire qui a réellement été employé. Il n’est lu ou contresigné par
personne. Si plusieurs professionnels veulent signaler, chacun rédige son
propre courrier, le plus vite possible, sans tenir compte de ce qu’ont vu,
entendu, constaté les autres. Il est préférable que l’ensemble parte en
même temps. Le contenu d’un signalement n’est pas discuté en équipe, ou
mentionné dans un rapport  : procéder de la sorte constitue un délit
d’entrave à la saisine de la justice, et risque d’offrir l’impunité au
coupable, en empêchant l’officier de police judiciaire de mener son
enquête (vous venez de comprendre pourquoi de nombreux parents
maltraitants n’ont jamais été poursuivis alors que leurs enfants sont placés
et leurs droits, limités).
Il est fortement conseillé aux structures de désigner une personne-
ressource pour accompagner les professionnels dans la rédaction. Cette
personne-ressource intervient hors hiérarchie. Il serait préférable qu’elle
soit soumise au secret professionnel. La direction pourra accompagner
d’un courrier institutionnel le ou les signalements qui lui seront transmis
sous pli cacheté.

▶  Le dilemme du professionnel astreint


au secret
Le professionnel soumis au secret peut en toute impunité
s’affranchir de l’obligation de signaler une personne
vulnérable en danger, fût-elle mineure (code pénal, art. 434-
3), ou de dénoncer un crime, même commis sur un mineur
et/ou sur un mineur de moins de quinze ans (code pénal,
art. 434-1).
Le dernier alinéa (paragraphe) des deux articles
précédemment cités lui donne cette possibilité.
Il le met face à ses responsabilités, à son intime conviction :
parler ou se taire devient un véritable cas de conscience. Le
professionnel soumis au secret peut, en toute légalité,
choisir de préserver les informations dont il est dépositaire :
le secret professionnel n’est pas, ici, une interdiction de
parler, plutôt une possibilité risquée de se taire (et nous
avons vu qu’être responsable, c’est prendre les risques de
son choix). Il aura peut-être, en effet, à répondre de son
silence devant la justice, il faudra alors que son
argumentation arrive à convaincre le tribunal  qu’il a bien
fait de se taire : à défaut, il sera condamné. Une possibilité
offerte par la loi n’est jamais un blanc-seing, il est toujours
nécessaire de convaincre le tribunal que l’acte était justifié
(l’élément juste ou injuste est le quatrième élément
constitutif de l’infraction, aux côtés de l’élément légal,
moral et matériel, on le retrouve par exemple dans les
affaires d’euthanasie, ou de légitime défense).
Il est bien évident que l’obligation d’informer définie par ces
deux articles s’impose à tous, professionnels ou non,
salariés, libéraux, bénévoles, etc. Elle s’impose à quiconque.
UNE CONDAMNATION SUITE À UN SIGNALEMENT

Le 30 avril 2019, le tribunal administratif (TA) de Clermont-Ferrand


a condamné le CHU Estaing de Clermont-Ferrand pour un
signalement abusif de maltraitance sur un bébé d’un an rédigé par
un pédiatre du CHU.
La presse locale s’en est fait l’écho  : cela va probablement dissuader bon
nombre de professionnels susceptibles un jour de devoir signaler une
situation dont ils auraient connaissance, ce qui – rappelons-le – est une
obligation pour «  quiconque  » (code pénal, art.  434-3). Signaler est
également un droit pour les médecins, et l’un des rares cas où leur secret
peut être levé (code pénal, art.  226-14). Ce dernier article précise même
que «  le signalement aux autorités compétentes effectué dans les
conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité
civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas
agi de bonne foi ».
Le droit est une discipline stratégique : essayons donc de comprendre ce qui
s’est passé…
Notons tout d’abord que le médecin n’a lui-même pas été poursuivi.
Les parents du bébé – qui leur a été retiré pendant dix jours – auraient pu
déposer plainte contre lui, par exemple pour dénonciation calomnieuse
(code pénal, art 226-10).
Il y a alors de fortes chances pour que leur plainte ait été classée sans suite.
Le médecin aurait pu invoquer les termes de l’article 226-14 du code pénal
(ci-dessus), mais aussi le fait que «  n'est pas pénalement responsable la
personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions
législatives ou réglementaires  » (code pénal, art.  122-4). Sa responsabilité
pénale n’a donc pas été engagée.
Les parents ont préféré poursuivre le CHU – en tant que personne morale de
droit public – devant le tribunal administratif pour obtenir réparation des
dommages subis (placement brutal de l’enfant, garde à vue des parents,
traumatisme vécu par les deux autres enfants du couple, etc.). Ils auraient
également pu poursuivre le médecin – et son assurance RCP – devant la
juridiction civile (le médecin, même fonctionnaire, est une personne
physique de droit privé), puisque « tout fonctionnaire, quel que soit son rang
dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont
confiées » (loi du 13 juillet 1983, article 28).
Le CHU a été condamné à leur verser 5 000 euros de dommages et intérêts
(la procédure civile de réparation s’exerce devant la juridiction
administrative lorsque la personne mise en cause est une administration ou
une collectivité territoriale). Le tribunal a estimé que le signalement était
fondé sur un « diagnostic erroné […] de nature à engager la responsabilité »
du CHU. Il a pointé que le syndrome du «  bébé secoué  » ne peut être
évoqué, «  fût-ce seulement à titre de possibilité, qu’en présence d’un
hématome sous-dural », ce qui, en l’espèce, n’était pas le cas.
Nous répétons depuis le début de cet ouvrage que la liberté (par exemple
de signaler) a toujours comme contrepoids la responsabilité, et que chacun
est responsable des dommages qu’il cause, même involontairement. Ici,
l’avocate de la famille semble avoir développé deux arguments principaux :
le CHU ne s’est jamais excusé, et n’a jamais répondu à la question « existe-
t-il dans l’établissement une procédure interne et collective pour
appréhender les suspicions de maltraitance sur mineurs, comme le
recommande la Haute autorité de santé  ?  ». La mise en place d’une
procédure interne pour appréhender les suspicions de maltraitance sur
mineurs relève de l’obligation de moyens, que nous avons évoquée dans le
chapitre sur la responsabilité civile (développer tous les moyens possibles
pour éviter le problème). Nous avons d’ailleurs conseillé la désignation
d’une personne-ressource susceptible d’accompagner les professionnels qui
estiment nécessaire de signaler. Nous avons également conseillé à tous nos
lecteurs de souscrire un contrat d’assurance pour couvrir leur responsabilité
civile professionnelle (RCP) : il serait tout de même problématique que, pour
éviter d’éventuels ennuis, somme toute assez rares, les professionnels
préfèrent ne pas intervenir lorsqu’un mineur ou une personne vulnérable
sont en danger…
L’Isère n’est pas très éloignée du Puy-de-Dôme (300 kilomètres), et le
psychiatre d’un schizophrène meurtrier y a été condamné pour homicide
involontaire alors que le centre hospitalier dans lequel il travaillait a été
relaxé (bien que le parquet eût requis à son encontre une amende de
100 000 euros avec sursis).
Le 15 mai 2018, la Cour d’appel de Grenoble a condamné un psychiatre du
CH de Saint-Égrève à 18 mois d'emprisonnement avec sursis pour homicide
involontaire (une peine identique à celle prononcée par le tribunal
correctionnel de Grenoble en première instance). Il avait autorisé un patient
schizophrène à sortir dans le parc de l'établissement (ni surveillé, ni
clôturé), il s'était enfui et avait mortellement poignardé un passant.
Le patient a été reconnu pénalement irresponsable (code pénal, art. 122-1),
le juge d'instruction a conclu à un non-lieu général mais la famille de la
victime a fait appel, et trois médecins ont été mis en examen, ainsi que
l’hôpital (un juge d’instruction, des mis en examen  : nous sommes au
pénal). Le médecin qui suivait le patient et son chef de service (ce qui
illustre que les chefs ne sont pas responsables des actes de leurs
subordonnés) ont bénéficié d’un non-lieu (le juge d’instruction a estimé qu’il
n’y avait pas lieu de les poursuivre) et le psychiatre a été condamné.
On voit bien, à travers ces deux exemples, que la justice répond au coup par
coup, avec sa propre subjectivité, aux questions de culpabilité et de
responsabilité qui lui sont posées. Elle doit toujours adapter, à une situation
précise, particulière, des textes et des principes d’ordre général. Elle prend
en compte tous les éléments, tous les arguments développés – au cours de
l’instruction et pendant l’audience – par les parties (mis en cause, ministère
public, parties civiles). Elle ne rejuge jamais deux fois « la même affaire »,
elle se penche toujours sur des affaires différentes, qui peuvent se
ressembler, mais qui mettent en scène d’autres individus, dans d’autres
circonstances, un autre environnement qu’elle doit s’efforcer de
comprendre. L’étude de la jurisprudence permet de mieux appréhender les
jugements, de dégager une logique… qui peut à tout moment être
contredite.

▶  La vulnérabilité
La personne vulnérable est définie comme «  un mineur ou
une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en
raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une
déficience physique ou psychique ou d'un état de
grossesse  » (code pénal, art.  434-3)  : l’âge, la maladie,
l’infirmité, la déficience physique ou psychique et l’état de
grossesse sont des causes de vulnérabilité quand ils limitent
la possibilité que chacun a de se protéger.
Ces deux critères doivent se cumuler  : la cause et
l’impossibilité de se protéger.
En clair  : toutes les victimes ne peuvent pas être
considérées comme vulnérables.
La vulnérabilité peut être physique, ou psychique, ou les
deux, et ses conséquences ne sont pas forcément
identiques. Il n’existe pas de reconnaissance de
vulnérabilité comme il existe une reconnaissance du
handicap : la vulnérabilité est une notion subjective laissée,
d’abord, à l’appréciation du professionnel qui rédige le
signalement, qui doit en convaincre le procureur de la
République, ensuite au parquet, et aux juges,
éventuellement aidés par des experts (médecins,
psychologues, psychiatres).
La vulnérabilité a essentiellement quatre conséquences :
1. elle est une circonstance aggravante lorsque la personne
vulnérable est victime d’une atteinte physique,
psychologique, économique (on parle alors d’abus de
faiblesse), sexuelle, etc. Il faut pour cela que sa
« particulière vulnérabilité » soit « apparente ou connue »
de l’auteur des faits : cette précision importante apparaît
dans différents articles du code pénal (code pénal,
art. 222-29 par exemple) ;
2. elle peut être une circonstance atténuante lorsque la
personne vulnérable est auteur d’une infraction. Les
mineurs sont vulnérables, et l’excuse de minorité prévue
par l’ordonnance du 2  février 1945 est une circonstance
atténuante (qui atténue la responsabilité). Le code pénal
prévoit également que «  n'est pas pénalement
responsable la personne qui était atteinte, au moment
des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique
ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses
actes » (art. 122-1) : on parle ici d’irresponsabilité pénale.
Un lien entre la cause de vulnérabilité et l’acte doit
exister (difficile, par exemple, pour une femme enceinte
d’utiliser sa grossesse pour justifier un vol ou un
stationnement gênant, mais, comme disent les avocats,
« cela se plaide ») ;
3. elle peut déboucher sur une mesure de protection : toutes
les personnes vulnérables n’ont pas vocation à se
retrouver sous curatelle, mais toutes les personnes
placées sous mesure de protection sont de facto
vulnérables. Le mineur est placé sous une mesure de
protection appelée minorité, qui le protège autant de lui-
même que d’autrui, et qui peut être renforcée par une
mesure d’assistance éducative. Les majeurs en curatelle
et en tutelle ont été placés sous mesure de protection
parce qu’ils étaient «  dans l’impossibilité de pourvoir seul
à [leurs] intérêts en raison d’une altération,
médicalement constatée, soit de [leurs] facultés
mentales, soit de [leurs] facultés corporelles de nature à
empêcher l’expression de [leur] volonté  » (code civil,
art. 425) ;
4. elle permet que le procureur de la République engage des
poursuites (en droit, on préférera l’expression «  engage
l’action publique  ») sans plainte  : c’est la base légale du
signalement. Si des éléments objectifs viennent confirmer
la vulnérabilité, il est conseillé de les utiliser pour
convaincre le procureur ou le substitut qui lira le
signalement (mise sous protection d’un majeur,
sauvegarde médicale, soins psychiatriques sans
consentement, etc.). Le signalement est donc une
alternative à la plainte quand une personne vulnérable
est mise en danger par autrui.
LA PROTECTION DES MAJEURS

La loi du 3 janvier 1968, qui a remplacé le régime d'interdiction destiné aux


majeurs qui se trouvaient «  dans un état habituel d'imbécillité, de démence
ou de fureur » (code civil, ancien art. 489) décrété le 29 mars 1803, a créé
les sauvegardes (médicale ou de justice), les curatelles et les tutelles (avec
ou sans conseil de famille). Elle a été réformée par la loi du 5  mars 2007
portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui a conservé les
deux sauvegardes, les deux tutelles, et fondu en deux (simple et renforcée)
les trois curatelles (simple, aggravée et renforcée).
La réforme avait pour objectif de réduire le nombre de mesures (c’est raté,
certaines structures les ont même systématisées sans raison pour leurs
résidents) et de favoriser les mesures familiales (exercées à titre gratuit,
elles sont peu – ou pas – surveillées).
Elle avait aussi pour objectif de transférer les mesures «  sociales  »
(personnes endettées, addictions, etc.) vers de nouvelles mesures moins
onéreuses, gérées (et financées) par les conseils départementaux, comme
la mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) et la mesure
d’accompagnement judiciaire (MAJ).
L’altération médicalement constatée des facultés mentales ou corporelles
de nature à empêcher l'expression de la volonté (code civil, art. 425) a donc
remplacé les anciennes causes de mise sous protection  : prodigalité,
oisiveté, intempérance.
Le principe est simple  : la majorité est fixée à 18 ans. Il n’existe pas de
majorité partielle, aménagée, limitée ou différée. Un mineur devient majeur
le jour de ses 18 ans, quel que soit son état de santé, et ses parents
n’exercent plus, sur lui, la moindre autorité parentale.
La loi dispose qu’à cet âge « chacun est capable d'exercer les droits dont il a
la jouissance  » (code civil, art.  414), mais, «  pour faire un acte valable, il
faut être sain d'esprit » (code civil, art. 414-1). L’insanité d’esprit constitue
évidemment un vice du consentement.
Le majeur qui n’est pas sain d’esprit doit être assisté (curatelle), ou
représenté (tutelle), pour recevoir la protection de sa personne et de ses
biens que son état ou sa situation rend nécessaire (code civil, art.  415). Il
reste civilement responsable des conséquences de ses actes (code civil,
art.  414-3), et pourra probablement bénéficier au pénal de circonstances
atténuantes pour «  trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son
discernement ou le contrôle de ses actes  » (code pénal, art.  122-1). Il
conserve l’exercice de ses droits fondamentaux, ce qu’une charte des droits
et libertés de la personne majeure protégée, souvent affichée, rarement
respectée, rappelle à tous.
Les mesures de protection des majeurs sont de la compétence du juge des
tutelles, qui siège au tribunal d’instance. Les deux vont théoriquement
changer de nom au 1er  janvier 2020  : le juge des contentieux de la
protection siégera dans une «  antenne  » du tribunal judiciaire, nouvelle
appellation du tribunal de grande instance, et le tribunal d’instance
disparaîtra en tant que juridiction, sans, paraît-il, impacter les procédures
dont il avait vocation à être saisi (ce «  nouveau  » juge préfigure
probablement la prochaine disparition de la mission civile du juge des
enfants, qui devra se recentrer sur sa mission pénale de répression lorsque
la protection de l’enfance aura été totalement confiée aux conseils
départementaux : c’est l’explication du pluriel de « contentieux »).
En cas de désaccord, entre la personne protégée et son mandataire, le juge
des tutelles doit être saisi.
La sauvegarde de justice (code civil, art.  433 à 439) est une mesure
provisoire, limitée à un an. Elle est renouvelable une fois. Elle permet au
juge des tutelles saisi d'une procédure de curatelle ou de tutelle de protéger
au plus vite une personne qui a besoin d'une protection juridique
temporaire, ou d'être représentée pour l'accomplissement de certains actes
déterminés. Elle prend généralement fin par placement sous curatelle, ou
sous tutelle.
Le juge nomme un mandataire «  spécial  » pour accomplir un ou plusieurs
actes, même de disposition, qu’il énumère dans son ordonnance (c’est en
cela que le mandat est spécial  : le mandataire ne peut faire que ce pour
quoi il est nommé).
La personne placée sous sauvegarde conserve l'exercice de ses droits, mais
ne peut faire seule un acte pour lequel le mandataire a été désigné.
La sauvegarde peut également résulter d'une déclaration faite par un
médecin au procureur de la République (code civil, art.  434), dans les
conditions prévues par l'article L. 3211-6 du code de la santé publique, qui
précise que «  le médecin qui constate que la personne à laquelle il donne
ses soins a besoin […] d'être protégée dans les actes de la vie civile peut en
faire la déclaration au procureur de la République du lieu de traitement ».
Le médecin ne doit pas être inscrit sur une liste : il faut juste qu’il « donne
ses soins ».
Son certificat ne peut pas être facturé 160  euros (comme celui qui permet
l’ouverture d’une curatelle, ou d’une tutelle). Il est prudent d’envoyer cette
déclaration en LRAR.
On l’appelle alors « sauvegarde médicale » : il s’agit d’une mesure virtuelle
(sans mandataire), mais les actes que la personne protégée a passés et les
engagements qu'elle a contractés pendant la durée de la mesure – et dans
les trois ans précédents – pourront être annulés ou réduits pendant cinq ans.
Si un psychiatre (n’importe quel psychiatre) confirme le premier certificat, la
personne se retrouve sous sauvegarde de justice.
La curatelle peut être prononcée s'il est établi que la sauvegarde de justice
ne peut assurer une protection suffisante (code civil, art. 440). Il s’agit d’une
mesure d’assistance et de contrôle qui ne crée aucune incapacité  : le juge
peut placer sous curatelle «  la personne qui, sans être hors d'état d'agir
elle-même, a besoin […] d'être assistée ou contrôlée d'une manière
continue dans les actes importants de la vie civile  ». Sa durée ne peut
excéder cinq ans (code civil, art. 441). Le juge peut la renouveler pour une
même durée (code civil, art.  442), ou «  lorsque l'altération des facultés
personnelles de l'intéressé n'apparaît manifestement pas susceptible de
connaître une amélioration selon les données acquises de la science […]
pour une durée plus longue qu'il détermine ».
La personne placée en curatelle n'est pas frappée d'incapacité, mais elle a
besoin de l'assistance de son curateur (qui se manifeste par l'apposition de
sa signature à côté de celle de la personne protégée) pour un certain
nombre d’actes (introduire une action ou se défendre en justice, faire une
donation, se marier, signer la convention par laquelle elle conclut un pacte
civil de solidarité, conclure un mandat de protection future, etc.).
Elle choisit librement son lieu de résidence (code civil, art. 459-2), et signe
seule – bien qu’elles n’existent pas – les autorisations de soins et d’opérer
(code civil, art. 458 et 459).
Elle conserve l’autorité parentale et le droit de l’exercer librement.
Il existe une curatelle dite «  simple  », dans laquelle le curateur n’a pas la
signature sur les comptes en banque, et une curatelle dite « renforcée », qui
permet au curateur de gérer les revenus et le patrimoine de la personne en
curatelle sur un compte ouvert à son nom (code civil, art. 472). Le curateur
est cantonné, sauf exceptions, à la gestion des biens. La mission de
« protection de la personne » qu’il aime mettre en avant (et que le code civil
ne détaille guère) n’est rien de plus que l’obligation d’organiser la prise en
charge de la personne protégée (passage d’une infirmière, livraison de
repas, mise en place d’une aide à domicile, organisation des transports,
etc.).
La tutelle est une mesure de représentation (code civil, art.  440). La
personne en tutelle est représentée par son tuteur, qui agit à sa place,
quand le curateur se contente d’assister et de contrôler. La personne en
tutelle est frappée d'incapacité civile, mais cette incapacité n’est que
relative depuis la réforme de 2007 (auparavant, le statut de la personne en
tutelle était comparable à celui d’un mineur). Le juge peut organiser la
tutelle avec ou sans conseil de famille. En l’absence de conseil de famille, il
prend seul les décisions. Le conseil de famille, qu’il préside, est composé
d'au moins quatre membres, qu’il désigne.
La personne en tutelle conserve le droit d’accomplir seule « les actes dont la
nature implique un consentement strictement personnel  » (code civil,
art.  458). Elle conserve également son droit de vote. Elle choisit librement
son lieu de sa résidence (impossible, donc, d’utiliser la tutelle pour
« placer » une personne âgée en EHPAD), entretient librement des relations
personnelles avec tout tiers, parent ou non, et a le droit d'être visitée ou
hébergée par ces mêmes tiers (il n’est donc pas possible qu’elle fugue,
terme non juridique réservé aux mineurs). Elle peut être assistée ou
représentée par son tuteur pour faire des donations. Elle peut faire un
testament avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille (à se
demander ce qu’elle fait sous tutelle…). Elle peut révoquer le testament fait
avant ou après l'ouverture de la tutelle (mais le testament fait avant reste
valable). Elle peut se marier ou se pacser, avec l’autorisation du juge ou du
conseil de famille, mais l’autorisation n’est donnée qu’après audition des
futurs conjoints. La personne en tutelle conserve l’autorité parentale, mais
elle ne peut plus l’exercer (son tuteur n’a aucun pouvoir sur ses enfants
mineurs : il convient donc de saisir le JAF).
Partie 6

Le psychologue
et ses écrits

LE PSYCHOLOGUE entretient parfois un rapport ambigu avec les écrits.


Professionnel de la parole, il pense souvent ne pas avoir à laisser une trace
écrite de son intervention. Les obligations différentes du psychologue selon
qu’il soit soumis ou non au secret professionnel et la méconnaissance du
cadre légal maintiennent la confusion autour de ce qui peut et doit être écrit
concernant une personne.
Tout professionnel, et donc psychologue, peut être amené, dans l’exercice
de sa profession, à établir un écrit à la demande d’un tiers, souvent la
personne elle-même, ou à prendre des notes sur ce qu’il a entendu, vu, sur
les personnes qu’il rencontre.
Les « documents psychologiques » n’existent pas dans la loi. Cette absence
de définition ne signifie pas pour autant qu’aucun texte n’encadre ces
documents.
Toute pratique psychologique, comme toute pratique au contact de
personnes, est guidée essentiellement par deux textes fondamentaux : la loi
« informatique et libertés » de 1978 sur les données à caractère personnel,
et les lois de 2002 sur la réglementation en matière d’accès au dossier de la
personne.
La première indique que toute personne a accès à l’intégralité des
informations la concernant (loi n°  78-17 du 6  janvier 1978 relative à
l’informatique, aux fichiers et aux libertés). Elle «  peut exiger du
responsable d'un traitement que soient, selon les cas, rectifiées,
complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère
personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques,
périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la
conservation est interdite » (art. 40). La seconde spécifie l’accessibilité des
personnes à leur dossier, qu’elles aient été reçues en établissement de
santé, on parle alors de dossier médical ou patient (loi du 4 mars 2002), ou
en établissement social ou médico-social, on parle alors de dossier de
l’usager (loi du 2 janvier 2002).
Tout document contenant des données à caractère personnel est disponible
à l’usager. Il doit également être informé de la tenue de toute forme de
document rapportant des éléments le concernant, le professionnel devant
répondre aux exigences du règlement général de la protection des données
(RGPD) mis en place en juin 2018.
Les écrits impliquent les règles encadrant le secret professionnel, selon que
le psychologue y soit ou non soumis, et engagent la responsabilité
personnelle, professionnelle, civile et pénale de celui qui les rédige (et non
de celui qui les signe).
Deux cadres peuvent se distinguer :
les écrits rédigés lors d’une mission judiciaire. Le psychologue occupe
aujourd’hui une place essentielle dans le champ judiciaire, en
intervenant à différents moments des procédures pénales et civiles. Les
documents qu’il rédige dans ce cadre font référence à des textes de loi
précis auxquels le psychologue doit répondre.
les écrits hors mission judiciaire. Ce sont les documents réalisés
quotidiennement par l’ensemble des psychologues, quelle que soit leur
activité, mais qui constituent souvent les documents les plus
problématiques, du fait d’une méconnaissance des lois entourant leur
pratique.
Le psychologue devra se questionner pour chaque document qu’il peut
réaliser sur l’origine de la demande de l’écrit, le contexte dans lequel il
survient, le cadre réglementaire qui l’entoure, les objectifs attendus, le
contenu de cet écrit, la transmission et la communication des informations
psychologiques, et leur devenir.
Chapitre 25

Les écrits du psychologue


dans le cadre
d’une mission judiciaire

LES EXPERTISES

Un magistrat, qu’il intervienne en matière pénale ou civile,


peut faire appel à des professionnels extérieurs pour qu’ils
lui apportent un éclairage dans un domaine particulier qui
ne relève pas de sa compétence. Un médecin, un plombier,
un géomètre, un horticulteur, un biologiste, un graphologue,
un bijoutier, un ébéniste, un comptable… ou un
psychologue peuvent être requis dans ce contexte, en tant
qu’«  auxiliaire de justice  ». Ils mettent une part de leur
activité au service de la justice. L’examen ordonné par le
magistrat concerne des personnes impliquées dans une
affaire judiciaire, qu’elles soient victimes ou auteurs
présumés, détenus, parents en conflit, personnes dites
« vulnérables » en danger, etc.
Deux cadres d’intervention sont possibles : soit par le biais
d’une expertise réalisée par un expert judiciaire inscrit sur
une liste d’experts tenue par la Cour d’appel, soit par le
biais d’une mission judiciaire ordonnée par un juge à tout
professionnel, expert ou non.
Bien souvent, le terme «  expertise  » est galvaudé
puisqu’utilisé dès qu’il s’agit d’une mission judiciaire, alors
qu’il n’est censé désigner que les actes commis par un
expert.
Depuis quelques années, on constate un essor de l’activité
expertale des psychologues, du fait d’une reconnaissance
de leurs compétences par les magistrats, et de la rareté de
plus en plus prégnante des psychiatres.
La mission d’expertise confiée au psychologue requiert la
conjonction de trois éléments  : une mission diligentée par
un juge, la réalisation de celle-ci et un rapport écrit
répondant strictement aux questions du magistrat, dont le
contenu pourra être débattu au cours d’une audience. Tout
rapport d’expertise judiciaire est discutable et contestable,
selon le principe du contradictoire. Il doit apporter des
éléments de compréhension au juge afin qu’il appréhende
au mieux la situation, sans pour autant avoir l’obligation de
suivre l’avis de l’expert. Tous les documents rédigés dans le
cadre d’une expertise sont des documents judiciaires. Ils ne
font pas partie du dossier de l’usager, mais ils sont
consultables au tribunal, selon les règles de procédure civile
ou de procédure pénale.
En matière civile, les différentes parties, dont l’usager, ont
accès à ce rapport, par l’intermédiaire de leur avocat. En
matière pénale, le mis-en-examen et la victime présumée
peuvent y avoir accès par l’intermédiaire de leur avocat
(pour la victime, seulement si elle se constitue partie civile).

▶  Le statut d’expert


La loi 71-498 du 29 juin 1971 définit et encadre la pratique
des experts judiciaires, tout en signalant la possibilité pour
un juge de faire appel à une personne de son choix, qu’elle
soit experte ou non. C’est au psychologue de procéder à la
demande d’inscription sur une liste d’experts près la Cour
d’appel ou agréée par la Cour de Cassation. Parmi les
conditions nécessaires pour déposer sa candidature est
stipulé le fait d’exercer ou d’avoir exercé pendant un temps
suffisant une profession ou une activité en rapport avec sa
spécialité, qui confère une qualification suffisante (art. 2 du
décret 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts
judiciaires). L’expert est un professionnel qualifié et
expérimenté dans sa spécialité, reconnu pour sa
compétence et son autorité dans son domaine par ses pairs
et par l’institution judiciaire qui le nomme «  homme de
l’art  » (conseil national des compagnies d’experts de
justice).
Lors de son inscription initiale, l’expert prête serment
devant la Cour d’appel «  d’accomplir sa mission, de faire
son rapport et de donner son avis en son honneur et
conscience » (art. 6 de la loi n° 71-498). Tout expert suit les
règles de déontologie de l’expert en justice rédigées par le
conseil national des compagnies d’experts de justice (1978,
actualisé en 2012) qui, comme le code de déontologie des
psychologues, n’est pas reconnu légalement.
Le statut d’expert engage la responsabilité pénale, par
exemple dans le cas de faux ou de violation du secret de la
procédure judiciaire (dit «  secret de l’instruction  »), et la
responsabilité civile si un dommage est causé lors de cette
pratique, comme le non-respect de la vie privée.
Chaque écrit produit par un psychologue dans le cadre
d’une expertise doit donc prendre en compte le magistrat
requérant et sa juridiction (qui ?), les missions définies dans
la réquisition (quoi ? et quels objectifs ?), la finalité de l’écrit
(à qui est-il transmis  ? exposition lors d’un procès  ?). Les
rapports d’expertise psychologique ont souvent une
influence considérable dans la procédure judiciaire.
Néanmoins, le juge n’est jamais lié aux conclusions du
psychologue, il reste indépendant et impartial.

▶  Les expertises en matière pénale


Elles sont encadrées par le code de procédure pénale.
Plusieurs magistrats peuvent avoir recours à des experts
psychologues  : le juge d’instruction, le président de Cour
d’assises, ou encore le juge des enfants. Chaque expertise
est encadrée par des textes réglementaires (par exemple,
les articles 156 à 169 du code de procédure pénale pour les
expertises requises par le juge d’instruction). Mais chaque
demande de juge ne rentre pas forcément dans le cadre
d’une expertise. Le juge des enfants peut demander un
examen médico-psychologique, pouvant être réalisé par des
psychologues non experts.
Il convient donc au psychologue de pouvoir se référer aux
textes encadrant sa pratique.
Les missions d’expertise formulées par le magistrat doivent
être des questions précises, «  d’ordre technique  », et donc
spécifiques aux qualifications du professionnel, d’où
l’importance d’une connaissance suffisante des magistrats
sur les fonctionnements psychologiques, afin qu’ils puissent
bien formuler leurs interrogations.
L’expert ne doit répondre qu’à ce qui lui est demandé, dans
la limite de ses compétences.
Aucune affirmation de culpabilité ne peut être évoquée dans
l’expertise, ni aucune conclusion qui pourrait se substituer
au travail du magistrat. Il n’est pas demandé au
psychologue d’être enquêteur ou juge de la situation.
Le rapport d’expertise doit contenir la description des
opérations réalisées et leurs conclusions. Il pourrait faire
l’objet d’une exposition lors d’une audience. Il appartient au
dossier et non aux parties, contrairement aux expertises
civiles.
Petite précision concernant le rapport d’expertise demandé
par le juge des enfants  : il ne peut ni ne doit être
communiqué par les parties ou les avocats dans le cadre
d’une autre procédure. Ainsi, un rapport issu d’une
procédure devant le juge des enfants ne fait pas partie des
débats devant le juge aux affaires familiales, mais peut y
être ajouté sur demande du JAF (code de procédure civile,
art.  1072-1 et 1187-1). Cette demande s’appelle un «  soit
transmis ».

▶  Les expertises en matière civile


La différence fondamentale entre procédure civile et
procédure pénale est le principe du contradictoire. Alors
que, dans l’expertise pénale, le secret de l’instruction est la
règle, et l’expert n’a qu’un seul interlocuteur, le juge qui l’a
nommé  ; dans l’expertise civile, les différentes parties,
demandeur et défendeur, ont une place beaucoup plus
importante et participative. Une des distinctions réside dans
le fait que, dans certains cas de figure, notamment les
demandes du juge aux affaires familiales ou de la
commission d’indemnisation des victimes d’infractions
(CIVI), les parties ont accès à l’intégralité de la procédure
d’expertise et peuvent la discuter (code de procédure civile,
art. 263 à 284-1).
Une exception néanmoins concerne les expertises réalisées
dans le cadre de l’assistance éducative, elles peuvent être
exclues du dossier par le juge, lorsque leur consultation
«  ferait courir un danger physique ou moral grave au
mineur, à une partie ou à un tiers » (CPC, art. 1187).
Autre différence, la rémunération de l’expert. Dans le cadre
pénal, elle est systématiquement à la charge de la justice
(et donc du contribuable). Elle s’inscrit dans le cadre défini
par l’article R  93 du code de procédure pénale. Dans le
cadre civil, elle incombe souvent aux parties.
Le cadre de toute intervention d’un professionnel auprès
d’une juridiction civile regroupe les grandes lignes du cadre
réglementaire des expertises pénales (code de procédure
civile, art. 232 à 248). Le psychologue expert «  doit remplir
personnellement la mission qui lui est confiée  » par le juge
de manière claire et précise, «  avec conscience, objectivité
et impartialité  ». Cette mission délimite le champ et l’objet
d’intervention du psychologue, et la finalité de son écrit. Il
doit veiller au respect de la vie privée, en se gardant de tout
jugement de valeur, d'appréciation d'ordre juridique, et ne
répondre qu’à ce qui lui est demandé. Il ne peut aborder
d’autres questions que si les parties ont donné leur accord
préalable et ne peut révéler d’autres informations dont il
pourrait avoir connaissance à l'occasion de l'exécution de sa
mission. Le psychologue peut recueillir toute information
orale ou écrite auprès de personnes, du moment que leur
identité et le lien de parenté ou d’alliance avec les parties,
ou de subordination ou collaboration avec elles, sont
indiqués. Enfin, le rapport d’expertise constitue toujours,
même en procédure civile, uniquement un élément parmi
d’autres pour le juge, et ne peut constituer le seul document
permettant une décision judiciaire, « le juge n'est pas lié par
les constatations ou les conclusions du technicien ».
L’EXPRESSION DU MINEUR EN JUSTICE

Un mineur peut être entendu par un juge (juge aux affaires familiales, juge
des enfants, juge d’instruction, etc.) ou par une personne désignée par lui
dans toute procédure civile ou pénale le concernant.
La procédure pénale obéit aux règles du code de procédure pénale
(rappelons que le mineur est pénalement responsable dès sa naissance, à
condition d’avoir agi avec discernement).
S’il est suspecté, le mineur peut être entendu seul par un officier de police
judiciaire. Son audition est filmée. Il est systématiquement assisté d’un
avocat, obligatoire pour les mineurs à toutes les étapes de la procédure.
S’il est victime, il peut être entendu seul, assisté d’un avocat, ou d’une
personne de son choix dont un psychologue (code de procédure pénale,
art.  706-51-1 et 706-53)  : «  les auditions ou confrontations d’un mineur
victime sont réalisées sur décision du procureur de la République ou du juge
d’instruction, le cas échéant à la demande du mineur ou de son
représentant légal, en présence d’un psychologue ou d’un médecin
spécialistes de l’enfance ou d’un membre de la famille du mineur ou de
l’administrateur ad hoc. »
Au civil, aucun âge minimum n’est fixé, seule la capacité de discernement
de l’enfant constitue le critère d’appréciation à la tenue de son audition
(code civil, art. 388-1).
Cette notion de discernement permet de ne pas rigidifier la procédure, tout
en ouvrant une grande disparité des pratiques selon le niveau de
connaissance des juges sur la psychologie de l’enfant.
Le mineur peut en faire lui-même la demande auprès du juge, par simple
courrier, à tout moment de la procédure (code de procédure civile, art. 338-
2). Il doit être informé de ce droit par le ou les titulaires de l’autorité
parentale ou par toute autre personne. Il a la possibilité d’être assisté par un
avocat, ou accompagné par la personne de son choix (code civil, art. 388-1).
Si le mineur choisit d'être assisté d’un avocat, ou si le juge lui en désigne un
d’office, le mineur bénéficie de droit de l'aide juridictionnelle (article 9-1 de
la loi 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, complété par la loi
93-22 du 8  janvier 1993). La plupart des Barreaux (regroupements
d’avocats par tribunal de grande instance, ou par département) tient à
disposition une liste des «  avocats d’enfants  » (qui acceptent les clients
mineurs en aide juridictionnelle) et organise des permanences dédiées.
L’avocat de l’enfant ne sera pas l’avocat de son ou de ses parent(s), il ne
portera que la parole de l’enfant et n’aura pas de compte à leur rendre.
Dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel, qui peut désormais se
régler devant notaire, si l’enfant veut s’exprimer (il doit être informé de
cette possibilité par le notaire), le divorce est renvoyé devant le tribunal de
grande instance (le notaire est alors incompétent).
Le juge peut refuser d’auditionner le mineur seulement dans le cas d’une
absence de discernement de ce dernier (il faudra néanmoins l’évaluer) ou
sur le fait que la procédure ne le concerne pas (code de procédure civile,
art.  338-4). Il peut mandater une personne pour procéder à l’audition. Elle
doit exercer ou avoir exercé une activité dans le domaine social,
psychologique ou médico-psychologique, et n’avoir aucun lien avec les
parties (code de procédure civile, art.  338-9). Cette audition peut donc en
théorie être réalisée par un psychologue. Le juge ou toute personne
désignée par lui, « fait un compte rendu de cette audition dans le respect de
l’intérêt de l’enfant » (code de procédure civile, art. 338-12).
Dans la procédure civile, le compte rendu est soumis au principe du
contradictoire, il est donc accessible à toutes les parties, dont les parents
dans le cadre d’une procédure JAF (le JE peut retirer par ordonnance
motivée des documents au dossier).

LES DOCUMENTS JUDICIAIRES HORS EXPERTISE

Comme nous l’avons vu, le juge peut désigner toute autre


personne de son choix pour recourir à un examen
psychologique, sans qu’elle soit inscrite sur une liste
d’experts.
Cette pratique dépend surtout de la juridiction qui requiert
l’avis du professionnel et de la disponibilité des
psychologues inscrits sur une liste d’experts.
Les documents rédigés dans ce contexte ne prennent pas
l’appellation «  expertise psychologique  » mais «  expertise
médico-psychologique  », «  évaluation de retentissement
psychologique », « enquête de personnalité », « évaluation
pluridisciplinaire », etc.
Tout psychologue peut réaliser ces écrits, souvent dans le
cadre de la mission qui lui est confiée par son institution
(aide sociale à l’enfance, service pénitentiaire d’insertion et
de probation, unité médico-judiciaire, service d’insertion et
de prévention de la délinquance ou de réinsertion sociale,
protection judiciaire de la jeunesse, etc.).
De la même manière que pour les expertises, la mission
confiée au psychologue doit contenir trois éléments  : une
mission clairement définie par le magistrat, la réalisation de
celle-ci et un rapport écrit répondant strictement aux
questions, qui pourra être débattu au cours d’une audience.

▶  Les écrits en matière pénale


Il s’agit des rapports répondant aux réquisitions judiciaires
du procureur de la République (code de procédure pénale,
art.  60 et 77-1), aux enquêtes de personnalité émanant du
juge d’instruction (code de procédure pénale, art. 81 et 81-
1), ou encore aux évaluations pluridisciplinaires demandées
par le juge de l’application des peines (JAP), soit dans le
cadre d’un aménagement de peine (code de procédure
pénale, art.  712-5 à 712-7  : permission de sortir, libération
conditionnelle, bracelet électronique, etc.), soit dans le
cadre d’un suivi socio-judiciaire pour évaluer l’indication
d’injonction de soin (code pénal, art. 131-36-1, art. 763-1 à
763-9). Ces demandes peuvent concerner une personne
mise en examen, incarcérée, ou une victime.
Lorsque le psychologue intervient en amont du jugement, il
s’agit d’apporter un éclairage sur le parcours de vie et la
personnalité de l’auteur, ou de la victime, présumés à
l’autorité judiciaire. Lorsqu’il intervient auprès de personnes
condamnées, il s’agit d’apporter son concours pour évaluer
les suites à donner aux peines prononcées.
Le professionnel mandaté par ces magistrats, non expert,
doit prêter serment, par écrit, d’apporter son concours à la
justice en son honneur et conscience.
LA NOTION D’INCAPACITÉ TOTALE DE TRAVAIL

L’incapacité totale de travail (ITT) est l’unité de mesure utilisée en droit


pénal qui permet au magistrat de qualifier le niveau de gravité de
l’infraction. Même si elle existe dans le code pénal depuis 1860 (alors
incapacité de travail total personnel), puis actualisée en 1994, il n’existe pas
de définition légale de l’ITT, souvent présentée comme la «  durée pendant
laquelle une victime éprouve une gêne notable dans les actes de la vie
courante (manger, dormir, se laver, s’habiller, faire ses courses, se
déplacer, se rendre au travail)  ». Son appréciation est d’origine
jurisprudentielle. Elle apparaît dans le code pénal à l’article 222-13,
uniquement sous l’angle des conséquences de son évaluation  : «  les
violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit
jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois
ans d'emprisonnement et de 45  000  euros d'amende lorsqu'elles sont
commises…  » En cas de violences volontaires, sans circonstances
aggravantes, une ITT inférieure ou égale à huit jours constitue une
contravention relevant du tribunal de police. Elle ne peut être punie que
d’une amende. Une ITT supérieure à huit jours constitue un délit relevant du
tribunal correctionnel. Il s’agit d’une notion purement pénale, bien distincte
d’un arrêt de travail, et qui ne concerne pas l’activité professionnelle. Cela
correspond à la période d’indisponibilité pendant laquelle la victime
présumée ne peut plus exercer les actes essentiels de la vie courante sans
pour autant les interdire. Cette quantification est évaluée par des médecins,
souvent légistes, et des psychiatres, au sein des unités médico-judiciaires
(UMJ). Devant l’inexistence d’une définition claire de l’ITT et ce, malgré les
recommandations de la haute autorité de santé (HAS) en 2011, les
pratiques sont disparates d’une structure à l’autre, l’évaluation pouvant
considérer conjointement ou indépendamment la gêne physique et
psychologique. Dans certaines régions, des psychologues participent à
l’établissement de l’ITT avec les médecins.
Les missions des psychologues s’élargissent sans cesse
dans ce domaine. Pour exemple, l’évaluation demandée par
le magistrat au préalable d’une libération conditionnelle de
personnes condamnées à un crime  : jusqu’en 2014, elle
était confiée exclusivement au médecin psychiatre qui
devait évaluer la dangerosité du condamné, le risque de
récidive et la possibilité qu’il suive un traitement. Depuis
cette date, il est prévu parmi les critères nécessaires à toute
libération conditionnelle une «  évaluation pluridisciplinaire
de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de
l'observation des personnes détenues et assortie d'une
expertise médicale  » réalisée soit par deux experts
médecins psychiatres, soit par un expert médecin
psychiatre et un expert psychologue (CPP, art. 730-2).
LA SPÉCIFICITÉ DES MINEURS

Une expertise médico-psychologique est spécifiée pour les mineurs victimes


d’infractions telles que le crime, la torture, le viol ou les agressions
sexuelles, etc. «  Les mineurs victimes de l'une des infractions mentionnées
à l’article 706-47 peuvent faire l'objet d'une expertise médico-
psychologique destinée à apprécier la nature et l'importance du préjudice
subi et à établir si celui-ci rend nécessaires des traitements ou des soins
appropriés. Une telle expertise peut être ordonnée dès le stade de l'enquête
par le procureur de la République  » (CPP, art.  706-48). L’expertise des
mineurs est également une pratique spécifique d’un point de vue clinique.
Des protocoles d’entretiens validés par la recherche scientifique existent
tels que le protocole NICHD (National Institute of Child Health and Human
Development  ; Morville et al., 2016  ; Cyr et al., 2002) qui standardise le
recueil de la parole de l’enfant victime et permet d’optimiser la fiabilité, la
quantité et la qualité des informations.
Jusqu’à l’affaire dite «  d’Outreau  » (2005), la notion de crédibilité était
souvent demandée par les magistrats. Suite aux travaux de la commission
d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la
justice dans cette affaire (rapport de l’Assemblée nationale n°  3125), des
changements se sont opérés dans les missions confiées aux psychologues.
La notion de crédibilité n’apparaît plus comme telle mais reste encore
parfois questionnée de manière détournée  : «  dire si la victime est
particulièrement impressionnable ou influençable  », «  préciser dans quelle
mesure ses déclarations peuvent être prises en considération », « dire si son
discours révèle des tendances à l’affabulation ou à la mythomanie et si ses
déclarations sur les faits semblent dignes de foi  ; ou si ses déclarations
peuvent être prises en considération ».

▶  Les écrits en matière civile


Nous retrouvons ici les demandes faites par le juge aux
affaires familiales et le juge des enfants. Depuis 2012, le
psychologue peut notamment intervenir dans le cadre d’une
mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) ordonnée
par un juge des enfants dans le cadre de procédures civiles
(assistance éducative) et pénales (dans la phase
d’instruction).
Cette mesure est réalisée par les services de protection
judiciaire de la jeunesse, le secteur public ou le secteur
associatif habilité.
La note du 23  mars 2015 relative à la mesure judiciaire
d’investigation éducative en précise les contours et les
modalités de réalisation :
« Son objectif est de recueillir des éléments sur la personnalité du mineur,
sur sa situation familiale et sociale et d’analyser les difficultés qu’il
rencontre. En matière pénale, elle vise notamment à proposer des
hypothèses sur le sens des actes commis par le mineur afin d’engager un
travail avec ce dernier et sa famille. Dans le cadre d’une procédure
d’assistance éducative, les informations et les préconisations contenues
dans le rapport écrit doivent permettre au juge de vérifier si les conditions
d’une intervention judiciaire sont réunies et de proposer si nécessaire des
réponses en termes de protection et d’éducation, adaptées à la situation
des intéressés. »

Le rapport rédigé dans le cadre d’une MJIE doit faire


figurer les éléments du parcours antérieur du mineur et les
éventuelles réponses sociales, administratives et judiciaires
apportées dans le passé, ainsi que :
en assistance éducative : la personnalité et les conditions
de vie du mineur et de ses parents, l’existence d’un
danger pour la santé, la sécurité, la moralité de l’enfant,
le caractère gravement compromis de ses conditions
d’éducation et de son développement physique, affectif,
intellectuel et social (code civil, art.  375  ; code de
procédure civile, art. 1183 et 1184).
en matière pénale : la situation matérielle et morale de la
famille, la personnalité et les antécédents du mineur, sa
fréquentation scolaire, ses aptitudes et son attitude à
l'école, les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été
élevé, sa santé, son développement psychologique, les
moyens appropriés à son éducation (art.  8 et art.  8-1 de
l’ordonnance du 2 février 1945).
La mesure est mise en œuvre par une équipe
pluridisciplinaire réunissant cadres de direction, éducateurs,
assistants sociaux, psychologues, médecins, conseillers
d’orientation et/ou d’insertion, et également les services
spécialisés s’occupant du mineur tels que les hôpitaux, les
centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), les services
de protection maternelle et infantile (PMI), etc. Les
psychologues participent à cette mesure et rédigent des
comptes rendus qui sont intégrés dans le rapport final de
l’évaluation pluridisciplinaire à destination du juge des
enfants.
Il n’existe aucun secret professionnel «  par fonction ou
mission temporaire » spécifique à la MJIE. La note précitée,
et celles qui l’ont précédée, rappellent, de manière
alambiquée, que «  la conduite de la MJIE répond aux
différentes exigences liées au secret professionnel, à
l’information partagée et aux droits des usagers  », ce que
d’aucuns comprennent comme «  notre service est soumis
au secret professionnel », alors que c’est le contraire qui est
laborieusement expliqué…
Les psychologues font également partie de la commission
pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle mise en place par le
président du conseil départemental (CASF, art. D.  223-26),
«  chargée d'examiner […] la situation des enfants confiés à
l'aide sociale à l'enfance depuis plus d'un an lorsqu'il existe
un risque de délaissement parental ou lorsque le statut
juridique de l'enfant paraît inadapté à ses besoins  ». Elle
examine tous les six mois la situation des enfants de moins
de deux ans. Les psychologues réalisent alors des examens
psychologiques et des évaluations qui permettent
d’apporter des éclaircissements sur le fonctionnement
psychique d’un mineur et de son entourage, et d’évaluer les
besoins psychiques. Les interventions des psychologues
peuvent se réaliser lors d’entretiens individuels ou en
présence d’autres professionnels impliqués dans la
protection de l’enfance. Ils participent au projet de
traitement et préparent l’aide psychothérapeutique. Leurs
rapports sont partagés en commission pluridisciplinaire et
potentiellement transmis au juge des enfants, lorsque celui-
ci est saisi. Les membres de cette commission ne semblent
pas soumis au secret professionnel «  par fonction ou
mission temporaire ».
Enfin, les psychologues peuvent intervenir dans le cadre des
procédures d’adoption. Parmi les investigations possibles
ordonnées par le président du conseil départemental, une
évaluation du contexte psychologique doit être réalisée, soit
par des psychologues territoriaux ou des médecins
psychiatres (code de l’action sociale et des familles,
art.  R225-4). Le psychologue participe également aux
procédures d’agrément pour les «  familles d’accueil  »
(assistants familiaux).

POUR CONCLURE SUR L’ÉCRIT PSYCHOLOGIQUE


EN MATIÈRE JUDICIAIRE

Les psychologues sont particulièrement sollicités par les


autorités judiciaires, que ce soit en matière civile ou pénale.
Les dernières évolutions d’utilisation des compétences du
psychologue dans le cadre psycho-légal révèlent une place
de plus en plus prépondérante du psychologue dans le
champ judiciaire. Il ne vient plus seulement en appui du
médecin ou du médecin psychiatre, mais est sollicité pour
ses compétences propres. Les objectifs du rapport
psychologique ainsi que sa communication doivent être
connus et intégrés par le psychologue missionné. Le
contexte de la mission conditionne également la
temporalité  : certains écrits devront être réalisés
rapidement, voire parfois dans l’urgence  ; d’autres
nécessiteront des délais plus importants. Le secret s’impose
à toute mission judiciaire, l’écrit pourra être partagé, selon
les circonstances, avec le juge requérant, d’autres
professionnels en charge de la situation de la personne,
voire la personne elle-même. Le contenu et la méthodologie
employée par le psychologue ne sont pas mentionnés dans
les textes législatifs. Chaque psychologue est seul décideur
de sa démarche à partir du moment où elle répond à la
mission qui lui est confiée.
Chapitre 26

Les écrits du psychologue


hors mission judiciaire

LÀ se compliquent les choses. Bien souvent, les psychologues distinguent


leurs écrits en fonction de leur nature, que ce soit des documents officiels
ou de travail.

Deux règles sont à retenir  : tout écrit évoquant la situation


d’une personne est accessible à la personne elle-même (loi
78-17 du 6  janvier 1978) et toute personne a le droit
d’accéder aux informations la concernant (lois du 2  janvier
et 4 mars 2002). Peu importe qu’il s’agisse de brouillons, de
notes dites «  personnelles  », de comptes rendus, de
courriers :
«  Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa
santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et
établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet
d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats
d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration
ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en
œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de
santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été
recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge
thérapeutique ou concernant un tel tiers  » (code de la santé publique,
art. L1111-7).

Une autre règle est à respecter  : tout recueil de données à


caractère personnel, de surcroît données de santé, doit faire
l’objet d’une information auprès de l’usager et doit répondre
aux exigences du règlement général de la protection des
données (RGPD).

LES NOTES DANS LE DOSSIER DE L’USAGER ET


DANS LE DOSSIER MÉDICAL

Différents dossiers peuvent exister concernant une


personne, qu’elle ait été accueillie au sein d’un
établissement social ou médico-social, ou qu’elle ait été
accueillie en établissement de santé. Dans le premier cas, il
s’agit du dossier de l’usager, encadré par la loi du 2 janvier
2002. Dans le second, du dossier médical, encadré par la loi
du 4 mars 2002. Ces dossiers contiennent des données sur
la personne, couvertes par le secret professionnel, car
rédigées par des professionnels de santé. Les psychologues
peuvent écrire dans ce dossier, ils n’y sont pas obligés, mais
ils n’ont pas accès aux « informations à caractère secret  »,
et à la moindre information médicale, couvertes par le
secret professionnel.
La loi du 2 janvier 2002 rénovant le code de l’action sociale
et des familles (CASF) a introduit l’obligation pour les
établissements du social et du médico-social de donner un
droit d’accès à l’usager à toutes les informations relatives à
sa prise en charge. Ce droit existait déjà, mais il était
largement méconnu. Les établissements pensent devoir
créer un dossier unique de la personne (DUP) qui recueille
toutes les données et écrits des professionnels utiles pour la
conception et la conduite des actions menées envers
l’usager. La réglementation a plus ou moins précisé le
contenu de ce dossier, en fonction des établissements,
qu’ils interviennent dans le cadre de la protection judiciaire
de la jeunesse (circulaire AD 87-7 du 19  novembre 1987),
de l’accueil des enfants ou adolescents présentant des
déficiences intellectuelles ou inadaptés en IME, en SESSAD
(CASF, art. D.312-37) ou en ITEP (CASF, art. D. 312-59-6), ou
qu’il s’agisse de pouponnières (CASF, art.  312-37 et 312-
151).
Pour les autres établissements, il n’existe pas de
réglementation spécifique.
Un dossier médical peut faire partie du dossier de l’usager.
Il est soumis à la même réglementation que celle mise en
place par la loi du 4  mars 2002 concernant les
établissements de santé. Cette loi a modifié les modalités
d’accès au dossier de la personne et instauré la notion de
«  dossier médical  »  : toute personne peut accéder aux
informations de santé la concernant (CSP, art.  L1111-7).
Chaque patient accueilli dans un établissement de santé
public ou privé doit avoir un dossier médical qui contient
«  les informations formalisées recueillies lors des
consultations externes dispensées dans l'établissement, lors
de l'accueil au service des urgences ou au moment de
l'admission et au cours du séjour hospitalier  » (CSP, art.  R
1112-2). Plus largement appelé «  dossier du patient  », il
comprend le dossier médical, le dossier de soins infirmiers,
tous deux réglementés, et les dossiers de soins des autres
paramédicaux, non précisés par la législation. Une seule
règle  : toutes les informations concernant les soins
dispensés à la personne doivent se trouver dans son dossier
(CSP, art. R. 1112-2). Que le dossier soit sous format papier
ou en version informatisée, le droit d’accès du patient est
identique.
La haute autorité de santé (HAS) définit le dossier du
patient comme «  un outil de communication, de
coordination et d'information entre les acteurs de soins et
avec les patients. Il permet de suivre et de comprendre le
parcours hospitalier du patient. Il est un élément primordial
de la qualité des soins en permettant leur continuité dans le
cadre d'une prise en charge pluri-professionnelle et
pluridisciplinaire. Le rôle et la responsabilité de chacun des
différents acteurs pour sa tenue doivent être définis et
connus » (HAS, 2008). Doivent y figurer les écrits médicaux
et de soins infirmiers, les conclusions d’examens médicaux,
le type de prise en charge prévu, les prescriptions, et le
consentement écrit du patient si nécessaire. Il est fait état
«  des informations relatives aux soins dispensés par les
autres professionnels de santé  », ainsi que «  les
correspondances échangées entre professionnels de
santé ».
Le psychologue n’apparaît pas dans la liste des
professionnels de santé du code de la santé publique
(quatrième partie de la partie législative), à la différence
des médecins, pharmaciens, dentistes, infirmiers, sages-
femmes, aides-soignants, ambulanciers, masseurs-
kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes,
psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes,
prothésistes, diététiciens, etc.
Cela questionne quant à la place des écrits des
psychologues et à l’accès par l’usager aux informations le
concernant d’un point de vue psychologique. Des tentatives
ont eu lieu pour clarifier la position des écrits
psychologiques au sein de ce dossier, notamment par la
HAS et la commission d’accès aux documents administratifs
(CADA).
Des recommandations de bonnes pratiques ont été émises
par la HAS en 2003.
Elles indiquent que «  le dossier du patient contient
l’ensemble des informations produites par les professionnels
de santé qu’il s’agisse des médecins, des paramédicaux et
d’autres professionnels tels que les psychologues ou les
travailleurs sociaux  », qu’il «  est une mémoire écrite des
informations cliniques, biologiques, diagnostiques et
thérapeutiques d’un malade, à la fois individuelle et
collective, constamment mise à jour  » (Dossier du patient.
Amélioration de la qualité de la tenue et du contenu
réglementation et recommandations, p. 18). La constitution
d’un dossier unifié du patient est nécessaire.
«  La continuité des soins nécessite le partage des informations entre tous
les professionnels prenant ou ayant pris en charge le patient à quelque
titre que ce soit et dans les limites de ce qui est nécessaire à leur mission.
Les rapports d'un psychologue ou d'un travailleur social ont un statut que
la législation et la réglementation n’ont pas plus précisé que la
jurisprudence. Toutefois, ils peuvent faire partie intégrante du dossier du
patient s’ils ont été réalisés par un professionnel au sein d’une équipe
dirigée par un médecin et qu’ils ont été joints au dossier du patient dont ils
sont indivisibles.  Ainsi, les informations recueillies par un psychologue ou
un travailleur social doivent pouvoir être accessibles aux autres
professionnels, si elles sont utiles à la prise en charge du patient. Dans
tous les cas, la notion du contact avec le psychologue ou le travailleur
social doit figurer par écrit dans le dossier médical » (ibid., p. 22).

Le 11  mai 2006, la Commission d’accès aux documents


administratifs (CADA) indique que les documents émanant
d’un psychologue (rapport, bilans psychologiques, rapports
d’enquête sociale) ne constituent pas des documents
médicaux, sauf s’ils sont joints au dossier médical :
«  Ne sont pas considérés en revanche comme des documents médicaux
les documents qui ont été établis par une autorité administrative et non
par un médecin, tels qu’un arrêté d’hospitalisation d’office ou le rapport
d’un psychologue ou d’un travailleur social, à moins qu’ils ne fassent
partie intégrante du dossier médical » (conseil 20062025).

Ces recommandations de bonnes pratiques ne sont pas


légalement reconnues. En revanche, elles peuvent être
opposables au professionnel. Cela signifie que même s’il ne
s’agit pas de textes réglementaires, les recommandations
de bonnes pratiques sont considérées par le Conseil d’État
comme des données de références, acquises par la science,
dont les professionnels doivent tenir compte. En cas de
poursuites judiciaires, ces recommandations ont été
considérées comme des arguments pour des médecins et
professionnels de santé (Conseil d’État, 12/01/2005, 25600 ;
26/09/2005, 270234  ; 27/04/2011, 334396). On revient
néanmoins à la case départ puisque les psychologues ne
sont pas des professionnels de santé, et ne peuvent donc
être concernés par ces arguments.
L’usager peut consulter son dossier depuis que la loi
Informatique et Libertés (1978) a clarifié l’accès pour les
dossiers informatisés. Les lois de 2002 ont permis au
patient/usager d’avoir un droit d’accès direct aux
informations de santé le concernant, sans obligation de faire
appel à un médecin, et aux informations concernant sa prise
en charge.
Elles ont également précisé les personnes ayant accès à ce
dossier.
L’usager peut accéder directement aux informations le
concernant ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’il aura
désigné.
Un mineur a accès aux informations de santé le concernant,
qui doivent être adaptées à son niveau de maturité, ainsi
que les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale. Le
mineur peut s’opposer à ce qu’un médecin communique
aux titulaires des informations le concernant (CSP,
art.  R1111-6). Cela signifie que devant chaque demande
d’accès d’un parent exerçant l’autorité parentale, le
médecin doit informer le mineur qu’il peut s’y opposer.
Un majeur en tutelle a le droit de recevoir directement les
informations le concernant et de participer à sa prise en
charge, l’information délivrée devant s’adapter à son niveau
de discernement. Le tuteur désigné exerce le droit d’accès
au dossier médical de cette personne, sans qu’il soit
nécessaire d’obtenir l’accord préalable du majeur concerné,
ce qui est en contradiction totale avec les principes de
respect de la vie privée (de la personne en tutelle) et du
secret professionnel auquel le mandataire judiciaire à la
protection des majeurs (MJPM) n’est pas soumis.
On peut espérer que l’éthique des professionnels palliera
cette incongruité (le médecin est en «  colloque singulier  »
avec son patient, qu’il soit mineur ou majeur protégé).
Les personnes en curatelle ou sauvegarde de justice
exercent elles-mêmes leur droit d’accès, sans conditions
particulières.
Un ayant droit d’une personne décédée peut accéder aux
informations concernant le défunt seulement si ces données
sont nécessaires pour connaître les causes de la mort,
défendre la mémoire du défunt ou faire valoir ses droits. Si
la personne décédée a clairement exprimé de son vivant
une volonté contraire, l’ayant droit se voit refuser cet accès.
Dans les situations concernant un patient en soins
psychiatriques sans consentement (SPSC), sur décision du
préfet ou à la demande d’un tiers, la consultation du dossier
peut être subordonnée à la présence d’un médecin désigné
par le patient «  en cas de risques d’une gravité
particulière  » (CSP, art.  L1111-7). En cas de refus par ce
dernier, la commission départementale des soins
psychiatriques est saisie.
Cette exception est également prévue pour toute personne
pour qui la consultation de son dossier sans
accompagnement lui ferait courir des risques, que ce soit du
fait de la nature même des informations ou de l’état de
fragilité de l’usager.
La présence d’une tierce personne est alors recommandée,
sans être obligatoire. La charte des droits et libertés de la
personne accueillie (prévue par l’arrêté du 8  septembre
2003) va dans ce sens en prévoyant que «  la
communication des informations et documents par les
personnes habilitées à les communiquer en vertu de la Loi,
s’effectue avec un accompagnement adapté de nature
psychologique, médicale, thérapeutique ou socio-
éducative ».
Au total, les écrits psychologiques dans le dossier – de
l’usager ou du patient – ne sont pas légalement définis. Il
n’existe aucune obligation légale, pour les psychologues,
d’inscrire des données concernant l’usager dans le dossier
médical, seulement une recommandation. Néanmoins,
l’absence de traçabilité pourra être préjudiciable au
professionnel mis-en-cause (par le patient, sa hiérarchie, la
justice ou une compagnie d’assurance), qui peinera à
justifier de la pertinence de sa prise en charge. Cela renvoie
à une décision individuelle. Le psychologue est seul
responsable de la forme et du contenu de ses notes dans le
dossier. Ces écrits deviennent des documents médicaux dès
lors qu’ils sont intégrés au dossier médical de l’usager, qui y
a accès.
Chaque psychologue doit respecter les limites de la vie
privée de l’usager, définies par lui-même. Il est renvoyé à sa
propre éthique dans les informations dont il a connaissance
et qu’il souhaite transmettre à l’ensemble de l’équipe ayant
accès au dossier médical : quelle pertinence à partager telle
information ? Autant il paraît indispensable d’avoir une trace
de l’intervention d’un psychologue auprès d’un usager,
autant le contenu paraît plus complexe et nécessaire à
questionner. Certains diront qu’indiquer seulement les jours
de consultation entre le psychologue et l’usager, et le type
d’intervention réalisée par le psychologue (entretien
d’évaluation, de soutien, d’orientation, psychothérapie, etc.)
suffiront au dossier médical. D’autres trouveront ces
informations trop restrictives et préféreront indiquer des
éléments actuels de symptomatologie psychologique
(symptômes dépressifs, anxieux, psycho-traumatiques, de
trouble du comportement, de type psychotique, etc.) afin de
participer au diagnostic et à la prise en charge. D’autres
encore rédigeront un compte rendu de chaque séance
psychothérapeutique, en notant tout élément de vie auquel
la personne est confrontée, ou toute hypothèse
diagnostique. Cette troisième option nous semble ne pas
répondre au respect de la vie privée de l’usager. Ce dernier,
même s’il a donné son accord au psychologue, peut ne pas
souhaiter que les membres de l’équipe soient informés des
confidences qu’il lui fait. De la même manière, le
psychologue peut et doit réfléchir à la compréhension du
fonctionnement psychique de l’usager, mais n’a en aucun
cas à le faire à la vue de tous, comme si les autres membres
de l’équipe participaient à la psychothérapie. Enfin, rendre
accessible des hypothèses thérapeutiques à l’usager peut le
bouleverser, soit parce qu’elles sont trop précoces et qu’il
n’a pas eu le temps de faire son chemin psychologique et le
confrontent brutalement à ses problématiques, soit parce
que ces hypothèses resteront uniquement des hypothèses.
Tout psychologue doit se positionner entre données
descriptives importantes à transmettre dans le dossier de
l’usager participant à la prise en charge et aux soins, et
données intimes, privées que l’usager préfère ne pas
diffuser à tous.
LE DOSSIER MÉDICAL PERSONNEL

Les structures de santé et médico-sociales ont opté depuis la loi n°  2004-
810 du 13  août 2004 pour un déploiement généralisé de systèmes
d’information patient créant le dossier médical personnel (DMP). Ces
systèmes sont des outils permettant de centraliser toutes les informations
concernant un usager/patient au sein d’un dossier unique. L’usager
bénéficie d’un identifiant unique et dispose d’un seul dossier reprenant
différents volets (administratif, médical, de soins, social, etc.). La volonté
affichée est de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins
et de faciliter le travail des professionnels de santé. Cette informatisation
doit suivre les mêmes réglementations quant à la confidentialité, au secret
professionnel et à l’accès à la personne aux informations la concernant que
le dossier papier. Les institutions doivent veiller à sécuriser et réserver
l’accès au dossier, avec des codes d’identification personnels permettant
une traçabilité parfaite de celui qui consulte, de celui qui écrit. Les
professionnels doivent de leur côté se résoudre à ne pas accéder à tout, et
faire attention à ce qu’ils écrivent. Des inquiétudes surviennent lorsque, par
exemple, un étudiant stagiaire psychologue rapporte avoir eu accès au
dossier gynécologique d’une patiente. Plusieurs structures réfléchissent à
l’heure actuelle pour savoir quelle forme prendrait le dossier psychologique.
LES NOTES PERSONNELLES

Ce sont les écrits les plus sujets à confusion. Il s’agit de


toutes les notes prises par le psychologue dans le cadre de
son activité  : notes d’entretien, d’observation, prenant la
forme de brouillons, avec des annotations, des raccourcis,
des abréviations, des sigles, correspondant au langage
propre à chaque psychologue. Y figurent souvent des
hypothèses, des associations, questionnements,
digressions, reflétant le cheminement de pensée du
psychologue au fur et à mesure de son travail avec l’usager.
Ces notes peuvent servir de base pour la rédaction des
comptes rendus que le psychologue est amené à faire. Ces
notes, pour beaucoup, n’appartiennent qu’au professionnel,
et ne sont pas accessibles à l’usager. La réalité est plus
complexe, comme ce chapitre va tenter de l’expliquer.
La CADA a donné différents avis concernant les notes
manuscrites, en distinguant les notes inscrites dans le
dossier médical des notes non inscrites dans le dossier
médical.
En 2002, elle estime que «  les documents inachevés,
revêtant le caractère de simples brouillons et repris ensuite
dans un document définitif  » se trouvent exclus du dossier
médical et donc non transmissibles au patient (avis
n°  20024609). En 2004, elle prend une position autre en
confirmant l’accès à la personne des notes personnelles
«  dans la mesure où [elles] ont contribué à l’établissement
du diagnostic, même si les praticiens n’ont pas jugé utile de
les formaliser davantage  » (avis n°  20041645). En 2005,
l’ANAES (future HAS) reprend la position de la CADA de
2002 et précise que, dans la mesure où certaines notes « ne
sont pas destinées à être conservées, réutilisées ou
échangées et ne contribuent pas à l’élaboration et au suivi
diagnostic et du traitement ou à une action de prévention,
elles peuvent être considérées comme personnelles et ne
pas être communiquées  ». La destruction de ces notes par
le professionnel est alors obligatoire. En 2006, à la demande
d’un usager souhaitant avoir accès aux notes personnelles
non formalisées et documents émanant de professionnels
n’ayant pas acquis la qualification de professionnel de santé
– donc les psychologues –, la CADA a confirmé la
communicabilité des notes personnelles non formalisées au
patient dans la mesure où elles ont été incluses dans le
dossier médical et qu’elles ont «  contribué à l’élaboration et
au suivi du diagnostic, du traitement ou d’une action de
prévention appliqués au patient  » (avis n°  20061864). La
CADA stipule bien le fait qu’à partir du moment où les notes
figurant dans le dossier ont un rapport avec la prise en
charge thérapeutique de l’usager, elles lui sont
communicables. Seules les informations du dossier médical
recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en
charge thérapeutique ou concernant un tel tiers sont
exclues du droit à communication (CSP, art. L1111-7), ce qui
reste éminemment discutable.
En 2004, la Cour administrative d’appel de Paris a indiqué
que «  les notes manuscrites du médecin traitant qui ont
contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du
traitement de l’intéressée (…) et qui ont été conservées par
l’hôpital font partie du dossier médical  » (arrêt 03PA01769
du 30 septembre 2004).
En 2012, des changements du code de santé publique
s’opèrent concernant les notes personnelles des médecins.
Ils deviennent les seuls professionnels de santé à ne pas
avoir à transmettre leurs notes au patient :
« Indépendamment du dossier de suivi médical prévu par la loi, le médecin
doit tenir pour chaque patient une fiche d'observation qui lui est
personnelle  ; cette fiche est confidentielle et comporte les éléments
actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Les
notes personnelles du médecin ne sont ni transmissibles ni accessibles au
patient et aux tiers. Dans tous les cas, ces documents sont conservés sous
la responsabilité du médecin » (CSP, art. R4127-45).
Ces notes perdent leur caractère personnel si elles sont
détenues et conservées au sein du dossier médical. Cet
article n’est valide que pour les médecins et ne saurait
l’être par analogie pour les notes des psychologues.
Plus récemment, en 2015, et concernant spécifiquement les
psychologues, le tribunal administratif de Melun a statué
que les notes personnelles des psychologues font partie
intégrante du dossier médical et sont communicables à la
demande. Un patient demande l’accès à son dossier
médical et constate que les notes prises par la psychologue
de l’établissement hospitalier qui l’a suivi n’y figurent pas. Il
saisit le tribunal administratif qui juge que «  considérant
que les notes manuscrites par un psychologue clinicien sont
des documents qui font partie du dossier médical de Mme X
en tant qu’elles participent à l’élaboration d’un diagnostic et
des soins qui lui sont délivrés  ; que, par suite, le centre
hospitalier Y n’est pas fondé à soutenir que de tels
documents ne relèveraient pas des dispositions de l’article
L.1111-7 du code de la santé publique précitées  ;
considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il
puisse être valablement opposé à la requérante les
dispositions du décret 91-129 du 31  janvier 1991 portant
statut particulier des psychologues, le refus de
communication des notes prises par une psychologue
clinicienne est entaché d’illégalité  ; qu’il y a donc lieu
d’annuler le refus de communication de ces notes  »
(16  octobre 2015, 1504175). Le tribunal administratif
considère donc bien que l’ensemble des informations
recueillies au sujet du patient, dont les notes manuscrites
d’un psychologue, à partir du moment où elles participent à
sa prise en charge, sont communicables au patient, hormis
celles recueillies auprès de tiers.
Au total, les notes manuscrites, même s’il s’agit de
brouillons ou de documents inachevés, du moment qu’elles
participent à l’élaboration et au suivi de la prise en charge
du patient ou de l’usager, lui sont communicables.
Or, on se doute que si le psychologue prend des notes, il
écrit sur la personne.
Deux situations sont exclues de cette transmission. D’une,
que le professionnel ne conserve pas ses notes et les
supprime à la fin de son suivi, dans un intérêt temporaire,
ayant par exemple aidé à la rédaction d’un compte rendu
finalisé. De deux, il peut prendre des notes personnelles
dans le cadre de la recherche – dans ce cas, ces notes
doivent être anonymisées, et surtout avoir été obtenues
après le consentement de l’usager de participer à une
recherche. Ces écrits ne font pas partie du dossier médical,
le patient a néanmoins accès à un retour de sa participation
à la recherche. Cet aspect est précisé dans le volet de cet
ouvrage consacré à la recherche.
Les textes cités concernent uniquement la transmission des
écrits au patient réalisés en institution, dans le cadre du
dossier patient. Aucun texte ni aucun avis de la HAS ou de
la CADA ne fait mention des écrits des psychologues dans le
cadre d’une pratique libérale.
Les notes du psychologue ne font pas partie du dossier
médical dans ce contexte, il s’agit alors de notes
personnelles. Elles entrent dans le cadre de l’article L 1111-
7 du code de santé publique  : tout usager pouvant avoir
accès aux informations le concernant.

Que doit faire un psychologue de ses notes dites


personnelles
lorsqu’il quitte définitivement une institution ?
Que doit faire
un psychologue de ses notes personnelles au
moment
de la cessation de son activité en libéral ?
Tous les documents appartenant au dossier médical ou de l’usager restent
au sein de l’établissement et sont astreints aux délais de conservation
définis par la loi. Le professionnel, en cas de départ de l’établissement, ne
peut emporter les dossiers avec lui. Concernant les notes personnelles,
nous avons vu qu’elles étaient temporaires et devaient être détruites.
Nous ne pouvons que souligner l’importance d’un compte rendu de prise
en charge psychologique pour la continuité des soins, au moment du
départ du psychologue.

LES ATTESTATIONS ET CERTIFICATS

Il s’agit de tous les documents que les psychologues


rédigent à la demande de l’usager qui lui sont directement
remis en main propre. Ce dernier va souvent communiquer
ces documents à des tiers (médecin, juge, mutuelle, etc.).
Certificat et attestation n’ont pas la même valeur officielle.
Si on s’en tient aux définitions, un certificat est un
document écrit, officiel, dûment signé d’une personne
autorisée qui atteste un fait (Larousse).
Une attestation est une déclaration témoignant d’une
situation ou d’un fait.
Les psychologues ne font pas partie des personnes
autorisées à rédiger des certificats, contrairement, par
exemple, aux médecins.
L’utilisation de l’un ou l’autre terme amène bien souvent
une confusion chez les usagers, en quête d’un document
écrit qui aurait une valeur légale (d’autant plus que « valeur
légale » ne veut rien dire).
Deux types d’attestation sont le plus souvent demandés :
une attestation de consultations ou de suivi (elle fait
figurer uniquement les nom, prénoms, date de naissance
de l’usager et dates de rencontres  : il s’agit
d’informations factuelles, ne touchant pas à la vie privée
de l’usager) ;
une attestation concernant le contenu des consultations :
la vie privée de l’usager devient alors l’enjeu de cet écrit.
Si la pratique du psychologue est soumise au secret
professionnel, le psychologue n’a pas à transmettre quoi
que ce soit comme données sur l’usager, même avec son
accord. Si le psychologue n’est pas soumis au secret
professionnel, à lui de bien réfléchir à l’objectif et aux
enjeux de son écrit, avec le principe de confidentialité.
Une attestation ne peut qu’attester de ce qui est vu,
constaté, entendu, et porter uniquement sur des
personnes ou situations que le psychologue a examinées
personnellement. Il ne peut faire état d’autres éléments,
sous peine d’être poursuivi, par exemple pour
dénonciation calomnieuse (CP, art.  226-10), ou faux
témoignage. Il convient de privilégier ce qui est de l’ordre
des constatations avec la formule-type «  le patient
présente ce jour tel symptôme », de ce qui est de l’ordre
de propos ou faits rapportés par le patient lui-même, la
formule « selon ses dires » sera alors privilégiée.
Cet écrit constate, décrit, n’interprète pas et ne juge pas :
«  Chaque fois que le psychologue s’aventure, dans une attestation, sur le
registre de la causalité, au lieu de s’en tenir à ses constatations, il s’arroge
un pouvoir, assimilable peut-être au don de clairvoyance, qui ne fait pas
partie de ses compétences professionnelles » (Andronikof, 2011).

Au psychologue de bien réfléchir aux conséquences de ses


écrits, tant dans la protection qu’il a à apporter à l’usager
que de sa propre protection, ces attestations étant souvent
demandées dans le cas de litiges et pouvant être
instrumentalisées consciemment ou inconsciemment par
l’usager ou la partie adverse.
Le psychologue peut ainsi se trouver confronté à un usager
qui lui demande d’attester de son état dépressif pour
justifier son burn-out auprès de son entreprise alors même
que cette personne subit d’autres événements de vie
impactant potentiellement son état psychique (deuil,
séparation, etc.). Son entreprise, ayant eu accès à ce
document, pourrait justifier de l’incapacité de cette
personne à accomplir ses missions pouvant aller jusqu’à
une mise au placard. Aucun lien de cause à effet ne peut
être objectivé, il n’en reste pas moins que cette attestation
pourra servir les différentes parties selon l’orientation
qu’elles souhaiteront lui donner.
Dans le même temps, le psychologue peut se trouver
confronté à un usager demandant une attestation de ses
symptômes psychotraumatiques à la suite des attentats
conditionnant son accès à une indemnisation du Fonds de
Garantie. L’empathie et la compassion du psychologue à
l’égard de cet usager pourraient conditionner sa réponse.
Concernant les mineurs, le principe de confidentialité prime.
D’autant que, bien souvent, ces attestations sont
demandées par les parents dans le cas de conflits
conjugaux qui deviennent conflits parentaux. Le
psychologue se trouve alors au cœur du conflit, souvent
instrumentalisé dans un processus plus ou moins conscient
du ou des parents. On se retrouve dans des situations
aberrantes où un des parents demande au psychologue
d’attester par écrit que l’autre parent n’est pas un «  bon
parent  », qu’il ne s’occupe pas bien de l’enfant, et le
psychologue atteste que le parent incriminé n’est pas en
capacité de prendre soin de son enfant, sans même l’avoir
rencontré ! Si des inquiétudes existent sur les capacités de
tel ou tel parent, il incombe au psychologue de transmettre
une information préoccupante au service départemental de
l’aide sociale à l’enfance (à la cellule de recueil des
informations préoccupantes), ou un signalement au
procureur de la République. On entre alors dans le cadre de
la protection de l’enfance.
Sur la forme de l’attestation, l’article 14 du code de
déontologie des psychologues donne des lignes directrices :
«  Les documents émanant d'un psychologue (attestation, bilan, certificat,
courrier, rapport, etc.) portent son nom, l'identification de sa fonction ainsi
que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise
du destinataire. Le psychologue n'accepte pas que d'autres que lui-même
modifient, signent ou annulent les documents relevant de son activité
professionnelle. Il n'accepte pas que ses comptes rendus soient transmis
sans son accord explicite, et il fait respecter la confidentialité de son
courrier. »

Pour les psychologues travaillant en institution, il est


préférable que le courrier soit à l’en-tête de l’institution.

Que doit faire le psychologue face au refus de sa


direction
de transmettre des attestations aux usagers ? 
Un psychologue travaille depuis une dizaine d’années dans une institution.
Il a pris l’habitude de réaliser, de manière régulière, à la demande des
intéressés, des attestations de suivi psychologique. Elles témoignent de la
durée du suivi, des observations sur la symptomatologie observée et
abordent parfois le contenu des rencontres («  le patient dit que…  »).  Le
nouveau directeur lui interdit désormais de transmettre ces attestations
aux résidents, sans préciser pourquoi. Il s’interroge  : est-ce un droit pour
l'usager de recevoir une attestation s’il la demande  ? Le directeur de
l'institution peut-il poser cette interdiction ? Cette interdiction ne peut-elle
pas être perçue comme abus de pouvoir  ? Le psychologue se demande
également si ces attestations entrent dans le cadre de sa fonction de
psychologue, ou dans le cadre de ses missions…
Le professionnel qui travaille dans une institution doit respecter les
directives de sa hiérarchie, qui peut organiser, limiter, cadrer sa pratique,
il n’a pas la même liberté, la même latitude qu’en libéral. S’il ne les
respecte pas, il est susceptible d’engager sa responsabilité disciplinaire. La
psychologie ne déroge pas à cette règle. Le nouveau directeur a donc
parfaitement le droit d’interdire la transmission aux résidents de ces
attestations, cela ne constitue en aucun cas un abus de pouvoir (l’idée
n’est pas ici de se prononcer sur l’opportunité d’une telle interdiction, mais
bien sur sa légalité).
Il n’existe aucun texte de loi, ou réglementaire, qui vienne préciser les
composantes d’une «  fonction  » de psychologue, qui s’imposeraient à lui
quelles que soient ses missions  : les limites de la fonction d’un
psychologue salarié d’une institution découlent des missions qui lui sont
confiées par sa direction. Cela peut être difficile à vivre, c’est pour cela
qu’il existe moult statuts de travailleur indépendant.
La réponse se complique quand on ajoute l’usager à cette relation duelle
employeur-employé  : il a évidemment le droit de solliciter une telle
attestation (même si ce droit n’apparaît nulle part). Le psychologue a donc
le droit de la lui délivrer, à ses risques et périls (la liberté de faire a
toujours comme contrepoids la responsabilité). Il a aussi le droit de
signifier à l’usager le refus de sa hiérarchie, qui lui est opposable.
Il arrive souvent que des droits se télescopent (la mère a, par exemple, le
droit, lors de son accouchement, de «  demander que le secret de son
admission et de son identité soit préservé  », mais l’enfant a le droit de
connaître ses origines, les parents ont le droit de divorcer, mais l’enfant a
le droit d’être élevé par ses deux parents, etc.). Le droit impose à chacun
de se positionner, selon un curseur subjectif, et d’en assumer les
conséquences  : c’est ce qui le rend ludique, et stratégique, mais aussi
terriblement humain.

Les attestations et certificats peuvent être utilisés en justice


mais n’ont pas la même valeur qu’une attestation de
témoin. Celle-ci doit respecter des conditions de forme,
notamment faire apparaître que le témoin a pris
connaissance des conséquences pénales s’il produit et/ou
fait usage d’une attestation ou certificat faisant état de faits
matériellement inexacts, ou d’une attestation ou certificat
falsifié (code pénal, art.  441-7). Il risque alors un an
d’emprisonnement et 15  000  euros d’amende. Un modèle
d’attestation de témoin est disponible en ligne (CERFA
n°  11527-02). Rappelons qu’un témoin est une personne
physique qui peut certifier sous serment l'existence d'un fait
dont elle a une connaissance personnelle. Les psychologues
sont rarement témoins du contenu de leurs attestations.

Contenu d’une attestation


Statut de l’écrit : « Attestation »
Coordonnées du psychologue  : nom, prénom, fonction,
institution/cabinet libéral, adresse, numéro de téléphone, courriel,
numéro ADELI
Lieu, date de rédaction de l’écrit
Coordonnées du destinataire
Cadre de l’intervention du psychologue et contexte de la demande
La phrase type : « Je, soussignée Mélanie Dupont, psychologue à l’Unité
Médico-Judiciaire de l’Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis Notre Dame 75004
Paris, atteste avoir assuré le suivi psychologique de Monsieur François
X, né le X, de septembre 2017 à juin 2018. »
«  Attestation établie à la demande de l’intéressé(e), remis en main
propre, pour servir et faire valoir ce que de droit ».
Un rappel du nom du psychologue, accompagné d’une signature

LA CORRESPONDANCE

Il s’agit des courriers d’orientation des patients, des


courriers entre professionnels et des courriels entre
professionnels ou à destination des usagers.
La correspondance privée correspond à tout message
exclusivement destiné à une ou plusieurs personnes
physiques ou morales, déterminées et individualisées. Elle
est protégée par le droit pour tous au respect de sa vie
privée (code civil, art.  9). Ouvrir, supprimer, retarder ou
détourner des correspondances, qu’elles soient arrivées à
destination ou en chemin, en prendre frauduleusement
connaissance constitue un délit puni d’un an
d’emprisonnement et de 45  000  euros d’amende. Ces
infractions concernent la correspondance postale et
électronique. Pour prouver l’infraction, il faut démontrer la
mauvaise foi de l’auteur (code pénal, art.  226-15). Voilà
pourquoi il est interdit aux facteurs d’ouvrir le courrier.
Au vu du développement d’internet, ces textes se sont
enrichis par la loi 91-646 du 10  juillet 1991 relative au
secret des correspondances émises par la voie des
communications électroniques :
«  Le secret des correspondances émises par la voie des communications
électroniques est garanti par la loi. Il ne peut être porté atteinte à ce
secret que par l’autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d’intérêt
public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-ci. »

Comme pour le facteur, les fournisseurs de messagerie


électronique et les fournisseurs d’accès à internet sont
tenus de respecter le secret des courriers électroniques. Ils
ont depuis 2017 l’obligation de recueillir le consentement de
l’utilisateur qui les autorise ou non à exploiter le contenu
des correspondances électroniques privées (décret 2017-
428 du 28  mars 2017 relatif à la confidentialité des
correspondances électroniques privées).
LA MENTION « CONFIDENTIEL » PROTÈGE-T-ELLE LE
COURRIER ?

Seul le destinataire d’un courrier peut l’ouvrir, d’où l’importance d’indiquer


le bon destinataire. Dans le cas de courrier reçu au sein des institutions,
seule la correspondance adressée à des professionnels astreints au secret
professionnel ne peut être ouverte, et c’est de la responsabilité du
professionnel en question d’informer son entourage sur ses obligations et de
protéger sa correspondance (code de la santé publique, art. R 4127-72).
Si le psychologue souhaite adresser par voie postale, au psychiatre d’un
centre médico-psychologique, un courrier d’orientation concernant un
patient, il est indispensable d’inscrire son nom sur l’enveloppe, s’il n’est pas
connu, «  à l’attention du psychiatre du CMP X  », et d’ajouter la mention
« secret médical ». Une autre solution consiste en une enveloppe cachetée,
adressée au Docteur X, revêtue de la mention «  secret médical  », glissée
dans une enveloppe plus grande, affranchie et adressée au CMP (le
secrétariat qui ouvre le courrier ouvre rarement les sous-enveloppes).
La mention « confidentiel » n’a aucune valeur. L’employeur peut ouvrir tout
courrier qui lui est adressé. Un courrier adressé à un psychologue non
soumis au secret professionnel peut donc être ouvert par l’employeur.

Concernant les courriers électroniques, disposer d’une


adresse courriel professionnelle institutionnelle nominative
est censé protéger des risques de divulgation des données
et d’intrusion dans le système informatique par des
personnes malveillantes. L’institution se doit de mettre en
place une sécurisation de transmission des données, via un
dispositif de cryptage ou chiffrement, et mettre à disposition
de ces salariés une messagerie sécurisée. Rappelons par
ailleurs que toute utilisation d’adresse courriel
professionnelle doit être professionnelle et peut être
soumise au regard de la hiérarchie, comme l’usage de tout
matériel informatique professionnel. Le psychologue en
libéral envoie souvent de sa messagerie personnelle via les
grands fournisseurs, Gmail, Yahoo, Hotmail (etc.), qui ne
protègent pas du piratage informatique et donc du risque de
divulgation des données personnelles. Vigilance donc dans
ce qui est transmis dans ces messages, le professionnel
étant responsable de ce qu’il écrit et envoie.
Ces échanges entrent dans le cadre de l’article L 1111-7 du
code de santé publique et sont bien évidemment
accessibles à l’usager. La déontologie veut que tout courrier
transmis au sujet d’un patient soit lu au préalable au patient
et ait obtenu son accord.  Nous privilégions d’ailleurs une
transmission directe à l’usager de tout courrier le
concernant, à sa charge ensuite de transmettre cet écrit aux
professionnels vers qui il est orienté, s’il le souhaite.

LES PROTOCOLES ET COMPTES RENDUS D’EXAMEN


PSYCHOLOGIQUE

Le compte rendu d’examen psychologique est à destination


première de l’usager. Certains psychologues écrivent un
compte rendu à destination de la personne différent de celui
intégré au dossier médical. Or, s’il est intégré au dossier
médical, ou même s’il ne l’est pas, tout comme les notes
personnelles ou courriers, il est accessible à la personne. De
la même manière, les protocoles d’examen se rapprochent
des notes personnelles, et suivent donc le même parcours.
Une fois que l’usager a le document à sa disposition, il
peut le transmettre à qui il le souhaite. Il est donc important
de bien expliquer à la personne les conséquences de la
transmission, et de bien clarifier son contenu afin qu’il soit
compréhensible, notamment pour les non-psychologues.
En 2010, la première conférence de consensus organisée
par des psychologues a eu lieu sur la pratique de l’examen
psychologique et l’utilisation des mesures en psychologie de
l’enfant (disponible sur le site de l’APPEA – www.appea.org).
Elle a donné lieu à des recommandations, qui semblent tout
aussi valables pour l’examen psychologique de l’adulte. Un
chapitre entier est consacré à la communication des
résultats, avec comme recommandations :
les résultats de l’examen font l'objet d'un document écrit,
daté et signé par le psychologue qui l'a réalisé ;
le compte rendu doit fournir non seulement des
informations factuelles, mais également une
interprétation des résultats, une description du
fonctionnement global de l’enfant et des propositions
d’action ;
la communication du compte rendu écrit doit être faite à
l’enfant et à ses représentants légaux dans le cadre d'un
entretien (précisons que dans le cas de séparation
conjugale, il est conseillé de faire parvenir une version à
chaque parent) ;
la communication du compte rendu à des tiers doit être
faite dans le respect des règles du secret professionnel et
avec l'accord des intéressés.

LES INFORMATIONS PRÉOCCUPANTES


ET SIGNALEMENTS

Ces écrits concernent tout document informant les services


sociaux ou le procureur de la République d’une situation de
danger concernant un mineur ou un adulte considéré
comme vulnérable (l’adulte vulnérable doit être mis en
danger par autrui, s’il se met en danger seul, le procureur
n’est pas compétent, la solution est peut-être médicale,
sociale, familiale, mais pas judiciaire). La protection de
certains majeurs et la protection de l’enfance font l’objet
d’autres chapitres de cet ouvrage dans lesquels ces écrits
seront clarifiés.
Précisons juste dès maintenant le grand principe  : tout
psychologue doit informer les autorités compétentes d’un
danger dont il aurait connaissance, subi par un enfant, un
adolescent ou une personne dite « vulnérable », c’est-à-dire
incapable se protéger «  en raison de son âge, d'une
maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou
psychique ou d'un état de grossesse » (code pénal, art. 434-
3). S’il ne le fait pas, il peut être poursuivi et condamné à
une peine «  de trois ans d'emprisonnement et de
45 000 euros d'amende ».
Le fonctionnaire «  qui, dans l'exercice de ses fonctions,
acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu
d'en donner avis sans délai au procureur de la République et
de transmettre à ce magistrat tous les renseignements,
procès-verbaux et actes qui y sont relatifs  » (code de
procédure pénale, art. 40). Aucune sanction n’est prévue s’il
ne le fait pas : c’est un devoir, pas une obligation.
Aucune information ne doit être donnée à l’usager ou à ses
proches dans le cas d’un signalement, surtout dans un souci
de ne pas interférer avec l’enquête qui va suivre.
Dans le cas d’une information préoccupante, il convient
d’évaluer si informer ou non les usagers de l’envoi de cet
écrit est dans l’intérêt de l’enfant.

LES RAPPORTS D’ACTIVITÉ

Ces écrits sont essentiels à toute pratique psychologique en


institution. Ils apportent une lisibilité de la pratique,
permettent d’éclaircir les activités et le rôle du psychologue
au sein de la structure, une meilleure connaissance par la
hiérarchie, les autres professionnels, voire les partenaires
extérieurs dans le cas de communication plus large de ce
rapport.
Ils permettent d’évaluer l’évolution de l’activité du
psychologue, participent à la reconnaissance
professionnelle, et valorisent la diversité et la richesse des
missions.
Le rapport d’activité consiste en un inventaire des activités
réalisées par le psychologue, prenant la forme d’un bilan
quantitatif et qualitatif. Il peut être l’occasion d’un travail de
réflexion sur la place du psychologue dans l’institution, la
prise en charge des usagers ou encore les pistes de
recherche à réaliser.
Ce document est adressé au chef de service, au
«  responsable  » de pôle, à la direction, à tout supérieur
hiérarchique administratif et fonctionnel.
Bien évidemment, aucune donnée nominative sur tel ou tel
patient n’y figure, il s’agit seulement d’un compte rendu
plus ou moins détaillé des activités du psychologue durant
l’année.

Exemple de rapport d’activité


L’activité clinique  : présentation de la consultation  psychologique  ;
nombre de patients orientés, rencontrés  ; type de problématiques  ;
nombre de rendez-vous réalisés, annulés, non honorés  ; réalisation de
groupes, d’ateliers thérapeutiques, de bilans psychologiques, etc.
La participation à la vie du service : aux réunions d’équipes, staff, aux
réunions thématiques, institutionnelles, accueil de stagiaires, etc.
La participation à la vie institutionnelle : rencontres avec les collègues,
avec d’autres professionnels  ; rôle spécifique au sein de l’institution  :
membre de tel ou tel comité, collège, regroupement, etc.
La participation à la recherche : rédaction d’articles ; participation à des
protocoles de recherche  ; communications réalisées  ; enseignements
dispensés, etc.
La formation continue  : participation à des colloques, séminaires  ;
inscriptions universitaires ; formation à des approches thérapeutiques.
Bilan qualitatif et perspectives futures.

Contrairement aux autres écrits réalisés par le psychologue


concernant un usager où la prudence est de mise quant aux
informations partagées, le rapport d’activité doit, à notre
sens, être d’une grande transparence quant aux activités,
missions et rôles que le psychologue a réalisés durant
l’année. Il constitue un véritable outil de communication à
valoriser par les psychologues.
LES ÉCRITS DES ÉTUDIANTS STAGIAIRES

Il est étonnant de constater la pauvreté des textes concernant les devoirs et


obligations des étudiants stagiaires, alors qu’une grande préoccupation a
lieu concernant la protection de leur statut, notamment avec le décret 2014-
1420 du 27 novembre 2014 relatif à l’encadrement des stages. On ne peut
que souligner l’importance de ces évolutions en faveur des stagiaires, afin
que les stages constituent réellement des expériences professionnalisantes,
et plus seulement de l’exploitation de petites mains par les structures. Il ne
faudrait néanmoins pas en oublier les obligations des étudiants stagiaires.
L’article 39 du code de déontologie des psychologues, dans sa version de
2012, indique  qu’il «  est enseigné aux étudiants que les procédures
psychologiques concernant l'évaluation des individus et des groupes
requièrent la plus grande rigueur scientifique et éthique dans leur
maniement (prudence, vérification) et leur utilisation (secret professionnel
et devoir de réserve), et que les présentations de cas se font dans le respect
de la liberté de consentir ou de refuser, de la dignité et du bien-être des
personnes présentées ».
Les étudiants stagiaires, à partir du moment où une convention est signée
entre la structure d’accueil, l’université ou l’école référente, et le stagiaire,
sont soumis aux mêmes règles que les employés de la structure. Ils doivent
respecter le règlement intérieur de l’institution. Ils ne sont néanmoins pas
soumis au secret professionnel et ne seront soumis au devoir de réserve et
à l’obligation de discrétion, dans le secteur public et le secteur privé, que si
la convention de stage le mentionne expressément : les deux engagent sa
responsabilité civile, et disciplinaire.
Il est donc primordial que toute convention de stage indique ces obligations.
Cela permet de protéger les usagers, et les étudiants eux-mêmes. On ne
saurait que conseiller, aux enseignants et aux maîtres de stage, de
sensibiliser les étudiants durant leur formation, et en tout début de leur
stage. On en profitera pour attirer leur attention sur l’utilité d’un contrat de
responsabilité civile professionnelle (RCP) qui les couvrira des dommages
qu’ils sont susceptibles de causer pendant leur stage (la convention de
stage ne les assure qu’en partie : ils devront assumer les conséquences des
fautes « détachables du service » qui ont la qualité de fautes personnelles).
Ces obligations concernent bien évidemment les écrits produits par les
stagiaires psychologues. Toute note, tout protocole d’examen réalisé par un
étudiant stagiaire psychologue, à partir du moment où il porte sur un
usager, où il participe à sa prise en charge, est accessible à l’usager. Cela
renvoie aux textes et recommandations concernant les notes personnelles
des psychologues.
Cela interroge sur une pratique largement répandue où le stagiaire possède
un carnet de notes reprenant les entretiens auxquels il a assisté en tant
qu’observateur, carnet de notes qui souvent se balade en dehors de
l’institution... Si l’étudiant stagiaire participe à la prise en charge de
l’usager, ses écrits doivent rester dans le dossier du patient, tenu par le
psychologue. La responsabilité du psychologue, référent de stage, peut
possiblement se voir engagée, par ricochet.
Le rapport de stage des étudiants doit également faire attention à ne pas
divulguer des informations qui ne devraient pas l’être. C’est à la structure
d’accueil de veiller à la restriction.
Enfin, certains étudiants réalisent un mémoire clinique sur leur lieu de
stage. Au-delà de l’anonymat des patients rencontrés, il est obligatoire de
demander l’accord écrit de chaque personne pour participer à ce travail.
Cette question est approfondie dans le chapitre sur la recherche en
psychologie.
Les étudiants stagiaires en psychologie sont malheureusement peu
informés/formés sur ces questions de responsabilité dans leurs écrits : c’est
aux psychologues de les sensibiliser sur le sujet.
Chapitre 27

Les responsabilités
du psychologue
face à ses écrits
 

LES ÉCRITS des psychologues sont susceptibles d’engager les trois


responsabilités du professionnel qui les rédige. Au-delà d’une responsabilité
morale et déontologique qui n’engage pas juridiquement le psychologue, ce
dernier peut voir engager sa responsabilité pénale (par exemple pour
entrave à la saisine de la justice, violation du secret professionnel s’il y est
soumis, etc.). Il pourra également voir engager sa responsabilité civile, si
son écrit cause un préjudice (moral, matériel) à l’usager, par exemple pour
non-respect de la vie privée. Il devra alors pécuniairement réparer le
dommage causé. Enfin, en matière disciplinaire, l’institution pourra prendre
des mesures en cas de non-respect de la réglementation interne.

LE LANGAGE DES PSYCHOLOGUES

Dans tous types de documents, le psychologue se doit de


s’assurer, quel que soit son destinataire, que son écrit est
clair, précis, complet, rédigé dans un langage intelligible et
adapté. Il doit être compréhensible par tout un chacun.
Ceux qui liront le document ne seront pas forcément des
psychologues, ils n’auront pas reçu de formation dans ce
domaine. N’oublions pas que le destinataire principal est
l’usager lui-même. Le psychologue se doit d’être explicite
dans ce qu’il rédige, que ce soit pour une attestation, un
compte rendu, un mail, des notes, et vigilant sur la
compréhension par tous de son propos.
Rien ne sert d’écrire si personne ne comprend !

LA PROTECTION DES DONNÉES À CARACTÈRE


PERSONNEL

Depuis juin  2018, la France a adapté la loi informatique et


libertés aux recommandations européennes, et mis en
application le règlement général de protection des données
(RGPD), qui renforce le droit de l’usager à la protection de
ses données à caractère personnel (loi n° 2018-493 relative
à la protection des données). La protection de la personne
est au centre de cette loi :
« Toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui
sont faits des données à caractère personnel la concernant » (art. 1).

Une donnée à caractère personnel est toute information


relative à une personne physique qui permet de l’identifier
directement ou indirectement (RGPD, art.  4)  : directement
par un nom, une photo, une adresse postale, un courriel ou
un numéro de téléphone ; indirectement par le recoupement
de plusieurs informations comme l’âge, le sexe, la ville, les
diplômes de la personne, etc. Que ces informations soient
confidentielles ou publiques, elles sont des données à
caractère personnel et sont soumises à une protection
particulière. Dès qu’une base de données faisant apparaître
des informations nominatives est créée (un simple tableau
de suivi des patients par exemple), elle entre dans le cadre
de cette loi.
Le RGPD est venu définir les données de santé qui jusque-là
n’étaient pas spécifiées.
Ce sont les «  données relatives à la santé physique ou
mentale, passée, présente ou future, d’une personne
physique qui révèlent des informations sur l’état de santé
de cette personne  ». Elles sont soumises à plus de
protection car estimées plus sensibles. Les données
psychologiques entrent dans cette définition. Les
dispositions du RGPD s’appliquent donc à tout psychologue,
libéral ou salarié, qui traite des données à caractère
personnel. La plupart du temps, ces données concernent les
informations recueillies sur les usagers. Elles peuvent
également concerner les informations recueillies par des
psychologues employant des salariés ou faisant appel à des
fournisseurs qui tiennent des documents comportant des
données à caractère personnel. Peu importe si ces données
sont conservées sur papier ou ordinateur, elles sont
concernées par le RGPD. Ce règlement abolit la nécessaire
déclaration préalable à la CNIL concernant un traitement de
données à caractère personnel mais instaure l’obligation de
démontrer à tout moment la conformité du professionnel
aux exigences du RGPD.
LES EXIGENCES DU RGDP

Pour être en conformité aux exigences du RGPD, il faut désormais :


mettre en place un registre recensant l’ensemble des fichiers de données
à caractère personnel (la CNIL met un modèle à disposition sur son site
internet) ;
assurer délivrer une information «  de façon concise, transparente,
compréhensible et aisément accessible » au patient, notamment de son
droit d’accès, de rectification, d’opposition (etc.), et détailler par écrit les
modalités d’information ;
renseigner les actions menées pour garantir la sécurité des données ;
dans le cas de traitements de données à caractère personnel de grande
échelle, désigner un délégué à la protection des données (pour les
psychologues en libéral, cette condition n’est pas nécessaire).

Concernant les données de santé, le RGPD n’impose plus de


déclaration à la CNIL à partir du moment où la personne a
donné son consentement exprès, et où le traitement de
données est réalisé par un professionnel soumis au secret
professionnel. On retrouve ici toute la complexité du secret
professionnel pour les psychologues  : la définition des
données de santé indique que les données psychologiques
appartiennent à cette définition mais la plupart des
psychologues ne sont pas soumis au secret professionnel.
On retiendra que la déclaration à la CNIL n’est plus
obligatoire mais que le psychologue doit être
particulièrement vigilant à l’information qu’il transmet à
l’usager, afin que ce dernier puisse librement consentir aux
conditions de traitement des données de santé le
concernant. L’information transmise aux usagers peut
s’effectuer par un affichage dans la salle d’attente, sans
obligation de recueillir le consentement individuel de
chaque usager.
LES MENTIONS OBLIGATOIRES CONCERNANT
L’INFORMATION AUX USAGERS

L’article 13 du RGPD définit les mentions obligatoires de l’information  à


transmettre aux usagers :
l’identité et les coordonnées du responsable du traitement  ; si un
délégué à la protection des données est désigné, il faut également faire
apparaître ses coordonnées ;
les finalités du traitement des données à caractère personnel ;
les destinataires des données si elles sont partagées ;
la durée de conservation des données ;
le droit d’accès de l’usager aux données à caractère personnel le
concernant, ainsi que son droit à la rectification, à l’effacement, à la
limitation du traitement, son droit d’opposition et son droit de retirer son
consentement à tout moment ;
le droit de l’usager de déposer une réclamation auprès d’une autorité de
contrôle.

Le RGPD oblige à respecter des règles de sécurité pour


protéger les données des patients, notamment contre toute
tentative d’accès à ces données par des personnes
malveillantes ou toute perte ou destruction accidentelle qui
pourrait survenir. Il incombe au responsable du traitement –
le professionnel libéral ou l’institution pour les
professionnels salariés – de mettre en place les mesures
techniques appropriées pour préserver l’intégrité et la
confidentialité des données. Si le professionnel passe par un
prestataire de service, il est nécessaire qu’il puisse lui
garantir un niveau de sécurité adapté (à faire mentionner
dans le contrat ou dans un avenant).
En cas de non-respect de ces dispositions, l’autorité de
contrôle, la CNIL, dispose de mesures allant d’une demande
de mise en conformité à l’amende lourde. L’usager qui
subirait une divulgation de ses données à caractère
personnel peut engager une procédure pénale (code pénal,
art.  226-16 à 226-24) envers le responsable du traitement
de ses données, le psychologue lui-même s’il exerce en
libéral, le psychologue et l’établissement en institution.
Nous retenons trois principaux articles constituant une
atteinte aux droits de la personne :
1. ne pas respecter la loi encadrant le traitement de fichiers,
que ce soit par volonté ou par négligence (code pénal,
art. 226-16) ;
2. ne pas respecter les délais de conservation des données
(code pénal, art. 226-20) ;
3. divulguer des informations à caractère personnel  issues
de ces données et à cette occasion, porter atteinte à la
vie privée de la personne concernée (code pénal,
art. 226-22).
Ces faits sont punis des mêmes peines  : cinq ans
d'emprisonnement et 300  000  euros d'amende. Le code
pénal prévoit également les informations nécessaires à
transmettre aux personnes concernées par le traitement de
leurs données personnelles. Le professionnel qui ne
respecte pas cette obligation d’information commet une
contravention et encourt une amende (code pénal, art.  R
625-10 à R 625-13).
L’institution peut par la suite prendre des mesures
disciplinaires si la divulgation des données à caractère
personnel a été causée par un non-respect du règlement
interne par le psychologue, notamment des mesures de
sécurité mises en place par l’institution.
En cas de violation de données à caractère personnel, c’est-
à-dire, « une violation de la sécurité entraînant, de manière
accidentelle ou illicite, la destruction, la perte, l'altération, la
divulgation non autorisée de données à caractère personnel
transmises, conservées ou traitées d'une autre manière, ou
l'accès non autorisé à de telles données  » (CNIL), le
responsable du traitement des données a l’obligation de la
notifier à la CNIL (art. 33 du RGPD). La notification doit être
transmise dans les meilleurs délais (72 heures si possible au
plus tard après la prise de connaissance de la violation). La
CNIL se charge ensuite d’évaluer si la violation ne porte pas
atteinte aux données personnelles ou ne présente pas de
risque pour les droits et libertés des personnes, si le
responsable du traitement a correctement informé les
personnes concernées, et si des mesures techniques de
protection, antérieures à la violation, étaient appropriées. Le
responsable du traitement des données doit donc
communiquer la violation de ses données à la personne
concernée dans les meilleurs délais (art. 34 du RGDP).

LA CONSERVATION ET L’ARCHIVAGE DES


DOCUMENTS

Au-delà de la loi Informatique et Libertés, la conservation et


l’archivage du dossier médical sont encadrés par le décret
2006-6 du 4  janvier 2006 relatif à l’hébergement de
données de santé à caractère personnel et modifiant le
code de la santé publique :
« Toute personne qui héberge des données de santé à caractère personnel
recueillies à l'occasion d'activités de prévention, de diagnostic, de soins ou
de suivi social et médico-social, pour le compte de personnes physiques ou
morales à l'origine de la production ou du recueil de ces données ou pour
le compte du patient lui-même, réalise cet hébergement dans les
conditions prévues au présent article.  L'hébergement, quel qu'en soit le
support, papier ou numérique, est réalisé après que la personne prise en
charge en a été dûment informée et sauf opposition pour un motif
légitime » (code de santé publique, art. L1111-8).

Conserver un dossier permet une continuité des soins, de


répondre à la demande d’accès de l’usager et peut servir de
preuve dans le cas d’engagement de responsabilités
pénales ou civiles.
Les écrits psychologiques qu’ils soient réalisés au sein d’une
institution ou en pratique libérale, doivent respecter ces
règles :
«  Le psychologue recueille, traite, classe, archive, conserve les
informations et les données afférentes à son activité selon les dispositions
légales et réglementaires en vigueur. Il en est de même pour les notes
qu’il peut être amené à prendre au cours de sa pratique professionnelle.
Lorsque ces données sont utilisées à des fins d’enseignement, de
recherche, de publication ou de communication, elles sont impérativement
traitées dans le respect absolu de l’anonymat  » (code de déontologie des
psychologues, art. 26).

En institution, la conservation, l’archivage et la sécurisation


des données sont sous la responsabilité du directeur
d’établissement qui veille à ce que toutes les dispositions
soient prises pour assurer la garde et la confidentialité des
informations conservées (code de la santé publique, art.  R
1112-7). Au psychologue de se renseigner sur ces
dispositions et de les respecter, au risque de sanctions
disciplinaires. La conservation des notes personnelles du
psychologue concernant un usager, non inclues dans le
dossier médical (mais, rappelons-le, qui doivent être
temporaires pour être considérées comme personnelles),
est sous sa responsabilité, il doit en assurer la
confidentialité. Prudence avec des dossiers ou notes qui
trainent dans les bureaux. C’est au psychologue de prévoir
une mise sous clé, sécurisant ainsi les informations
personnelles qu’il a pu recueillir et noter. Vigilance
également concernant tout élément concernant un usager
qui sortirait du bureau du psychologue et de
l’établissement, que ce soit en version papier ou
informatique (comme des clés USB).

Que doit faire un psychologue qui perd sa clé USB


comprenant des données à caractère personnel ?
Prenons la situation d’un psychologue qui amène chez lui un dossier
concernant un patient (ce qu’il ne doit jamais faire  !), mais l’oublie
malencontreusement à l’arrêt de bus. Une personne récupère ce dossier et
publie ensuite les informations qu’il a trouvées sur les réseaux sociaux, en
citant le nom du patient. Le psychologue, en tant que responsable du
traitement, peut être poursuivi au pénal et au civil pour non-respect du
traitement des données et atteinte à la vie privée. Un cryptage ou
chiffrement des clés USB et un verrouillage automatique des ordinateurs
portables sont vivement conseillés afin d’anticiper toute atteinte à la
sécurité des données qui pourrait découler d’un vol, de la perte ou de la
destruction accidentelle d’un matériel informatique. L’agence nationale de
la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) propose des
recommandations de sécurisation des données. Il est également conseillé
de faire des sauvegardes de ses dossiers, d’en sécuriser la conservation.

LES DÉLAIS DE CONSERVATION DES DOSSIERS


PATIENTS

Les délais de conservation des dossiers patients pour les établissements


sont :
de  30 ans à compter de la date du dernier séjour ou de la dernière
consultation externe de l’usager majeur dans l’établissement ou du jour
de la majorité pour les mineurs (délais de prescription maximale de
l’action civile et de l’action pénale) ;
de 10 ans à compter de la date du décès de la personne, si son dernier
passage au sein de l’établissement est de moins de 10 ans au moment
de son décès.
Ces délais sont suspendus dès qu’un recours est déposé tendant à mettre
en cause la responsabilité médicale de l’établissement de santé ou de
professionnels de santé. À l’issue de ces délais, le dossier médical peut être
détruit, sur décision du directeur d’établissement après avis du médecin
responsable de l’information médicale. Certains dossiers peuvent être
conservés pour des raisons d’intérêt scientifique, statistique ou historique
(CSP, art.  1112-7). Les écrits psychologiques appartenant au dossier
médical sont concernés par ces délais. Le psychologue travaillant en libéral
est tenu aux mêmes délais de conservation de ses dossiers que les
professionnels institutionnels. Sa responsabilité peut être engagée devant la
juridiction civile par l’usager qui estime subir un dommage, par la perte de
son dossier, ou par son contenu.
Les dossiers médicaux deviennent librement communicables à toute
personne (y compris à celles qui ne justifient pas de la qualité d’ayant droit)
à l’expiration d’un délai de 25 ans à compter du décès d’une personne ou
de 120 ans à compter de la date de sa naissance si la date de décès n’est
pas connue (Code du patrimoine, article L.213-2).

LES OBLIGATIONS EN MATIÈRE JUDICIAIRE

Le psychologue, expert ou non, est astreint à deux


obligations  en matière judiciaire  : répondre positivement à
une réquisition d’un magistrat de procéder à un examen
médico-psychologique et transmettre tout document
concernant un usager au magistrat en charge d’une
enquête pénale. Dans la première situation, le refus de
répondre à une réquisition émanant d’un magistrat pour
réaliser un examen médico-psychologique peut, en matière
civile, entraîner une amende :
« Celui qui sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu’il en a
été légalement requis, peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine
d’astreinte ou d’amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts  »
(code civil, art. 10).

En matière pénale, ce refus est puni de l'amende prévue


pour les contraventions de la 2e classe, soit 150  euros
maximum (code pénal, art. 131-13).
Dans le deuxième cas, un procureur de la République ou un
juge d’instruction peuvent contraindre un psychologue, ou
tout autre professionnel, à leur transmettre tous documents
utiles concernant un usager. Si le psychologue refuse, il peut
être condamné à une amende :
«  Le fait de s'abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette
réquisition est puni d'une amende de 3 750 euros » (CPP, art. 60-1).

Le secret professionnel, si le psychologue y est soumis,


n’est pas opposable à la justice :
« Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l’officier de
police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne de tout
établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration
publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant
l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un
traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations,
notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans
motif légitime, l'obligation au secret professionnel » (CPP, art. 60-1, 77-1-1
et 99-3).

Seuls les avocats et les médecins (qui bénéficient d’un


cadre particulier), les journalistes (dont les sources sont
protégées) et les professionnels couverts par le «  secret-
défense » peuvent s’opposer à cette demande.

Que doit faire un psychologue si sa déontologie lui


commande
de ne pas transmettre un document aux autorités
judiciaires ?
Il peut – à ses risques et périls – refuser de le transmettre : la Constitution
reconnaît à chaque citoyen un «  droit de résister à l’oppression  »
(article  2), mais la liberté (de ne pas transmettre) est compensée par la
responsabilité (de devoir en répondre). Le mieux, pour que les documents
ne soient pas saisis, est qu’ils n’apparaissent pas au dossier, ce qui plaide
pour un dossier synthétique, expurgé de toute information sensible (les
éducateurs de prévention qui travaillent avec des délinquants laissaient
jadis le soin à ceux qu’ils accompagnaient de conserver leur dossier à leur
domicile, et ne les connaissaient que par leur surnom).

N’oublions pas également que lorsque le psychologue


intervient dans le cadre d’une réquisition judiciaire, il est
tenu au secret. S’il révèle des informations concernant la
procédure, il peut être poursuivi pour non-respect du secret
professionnel (code pénal, art. 226-13) ou, à la marge, pour
entrave à la saisine de la justice, punie de trois ans
d'emprisonnement et de 45  000  euros d'amende (code
pénal, art. 434-3).

LES NOTIONS DE FAUX, DE DIFFAMATION


ET DE DÉNONCIATION CALOMNIEUSE
OU MENSONGÈRE

Trois notions juridiques encadrent les écrits et peuvent être


reprochées pénalement au professionnel à l’origine de
l’écrit :
le faux en écriture ;
la diffamation ;
la dénonciation calomnieuse ou mensongère.

▶  Le faux
Le faux est défini comme :
« Toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice
et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit, ou tout autre
support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour
effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences
juridiques » (code pénal, art. 441-1).

On distingue deux infractions  : le faux (établir un faux) et


l’usage de faux (se servir d’un faux qui a été établi). Les
cinq éléments constitutifs du faux sont (Hurson, CNCDP,
2011) :
un écrit, quelle que soit sa forme (manuscrit,
dactylographié, photocopié, etc.) ;
une valeur probatoire du document (les documents
sociaux sont considérés comme des documents ayant une
valeur juridique) ;
une altération de la vérité qui constitue l’élément
matériel du faux (l’altération peut être une fausse
signature, l’affirmation fausse qu’une personne était
présente, la constatation de faits faux comme étant vrais,
une omission, etc.) ;
une notion de préjudice qui peut être social (faux en
écritures publiques), matériel (fausse reconnaissance de
dettes), moral (atteinte à l’honneur ou à la réputation
d’une personne).
une intention coupable : l’auteur a conscience d’altérer la
vérité.
Un psychologue peut être poursuivi pour faux et usage de
faux si ces cinq éléments sont réunis. Il encourt alors trois
ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
S’il établit une attestation rapportant des faits
matériellement inexacts, s’il falsifie une attestation
originairement sincère ou s’il fait usage d’une attestation
inexacte ou falsifiée, il peut être puni d’un an
d’emprisonnement et 15  000  euros d’amende (code pénal,
art. 441-7).
Enfin, la délivrance d’une fausse attestation par corruption,
qu’elle soit active ou passive, est punissable de deux ans
d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. La corruption
se définit tant du côté de celui qui la réalise que de celui qui
l’accepte. Corrompre un professionnel consiste à lui
suggérer, enjoindre ou forcer par la menace d’établir une
attestation rapportant de faux éléments. Si le professionnel
obtempère sous la menace, il pourra invoquer l’article 122-2
du code pénal :
«  N'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire
d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister. »

Profitons-en pour préciser que la méconnaissance du droit


peut aussi être salutaire, puisque «  n'est pas pénalement
responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur
sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir
légitimement accomplir l'acte  » (code pénal, 122-3). Il est
toutefois conseillé de ne pas en abuser, d’autant plus que
connaître l’existence de cet article démontre a contrario une
certaine connaissance de la matière juridique…
Se faire corrompre consiste à solliciter ou accepter des
avantages financiers ou autres en échange de la rédaction
d’une fausse attestation, en usant de son titre professionnel
(code pénal, art.  441-8). La peine est portée à cinq ans
d'emprisonnement et à 75  000  euros d'amende lorsque la
personne à l’origine du faux exerce une profession médicale
ou de santé, et que l'attestation faisant état de faits
inexacts dissimule ou certifie faussement l'existence d'une
maladie, d'une infirmité ou d'un état de grossesse, ou
fournit des indications mensongères sur l'origine d'une
maladie ou d'une infirmité ou sur la cause d'un décès.

▶  La diffamation
La diffamation est traitée différemment selon qu’elle soit
publique ou non publique. Dans le premier cas, elle
constitue un délit de presse avec de lourdes amendes, alors
que, dans le second cas, elle est une contravention punie
d’une amende de 1re classe, comme l’injure non publique.
Le montant maximal est alors de 38  euros (code pénal,
art. R 621-1 et R 621-2).
La diffamation publique est définie comme «  toute
allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à
l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps
auquel le fait est imputé  » (loi du 29  juillet 1881 sur la
liberté de la presse). Le fait de publier ou reproduire
l’allégation est punissable même si elle est faite sous forme
dubitative, ou si elle vise une personne ou un corps non
expressément nommés, du moment que l’identification est
possible.
La peine concernant la diffamation publique commise
envers des particuliers peut atteindre 120  000  euros
d’amende (art.  32 de la loi précitée), voire 450  000  euros
d’amende et un an d’emprisonnement selon les
circonstances aggravantes constituées par l’origine de la
personne, son appartenance ou sa non-appartenance, vraie
ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une
religion déterminée, ou son sexe, son orientation sexuelle
ou identité de genre ou son handicap. La prescription des
délits de presse est de trois mois.
Les quatre éléments constitutifs de la diffamation sont
(Hurson, CNCDP, 2011) :
la précision et la qualification des faits incriminés (les
propos évoqués sont susceptibles de porter une réelle
atteinte à l’honneur ou à la réputation de la personne,
celui qui invoque la diffamation doit mentionner la
qualification exacte de l’infraction reprochée) ;
la nécessaire existence d’une preuve (la vérité des faits
diffamatoires doit être établie) ;
une personne identifiable (la diffamation doit viser une
personne identifiable, physique ou morale, qui est la
seule à pouvoir agir en justice) ;
la mauvaise foi de l’auteur de la diffamation (l’intention
coupable est nécessaire).
Si l’écrit du psychologue contient une allégation et qu’il
devient public (journal, presse, blog, affichage, etc.), il peut
être qualifié de diffamatoire et constituer un délit.
Si l’écrit du psychologue contient une allégation ou injure
mais n’est pas diffusé publiquement, il ne peut être qualifié
de diffamatoire et constituera seulement une contravention.
LES RÉSEAUX SOCIAUX : ESPACE PUBLIC, OU PRIVÉ ?

Le 10  avril 2013, la première chambre civile de la Cour de Cassation a


estimé que « la seule publication d’injures sur un réseau social ne suffit pas
pour constituer le délit d’injure publique » (pourvoi 11-19.530). Elle a retenu
le principe de «  communauté d’intérêt  »  : un groupe «  d’amis  Facebook  »
est «  un groupe de personnes liées par une appartenance commune, des
aspirations et des objectifs partagés », des critères de sélection existent, le
lieu n’est donc pas public, mais privé.
Le 5 janvier 2017, elle a même précisé que «  le terme d’ami employé pour
désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux
sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du
terme, et que l'existence de contacts entre ces différentes personnes par
l'intermédiaire de ces réseaux ne suffit pas à caractériser une partialité
particulière  » (pourvoi 16-12.394). Elle a alors défini l’amitié comme «  une
connaissance intime, une proximité qu’un réseau social ne peut parvenir à
susciter  », et considéré que le réseau social n’était qu’un «  moyen de
communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes
centres d'intérêt ».
Pour la Cour, si les propos incriminés sont accessibles à tous, l’injure est
publique, s’ils ne le sont pas, l’injure est privée. Il s’agit donc
essentiellement d’une question de réglage de confidentialité, mais l’enjeu
est important au vu des peines (de 38 euros à 45 000 euros d’amende).
La chambre sociale de la Cour de Cassation a jugé, le 12 septembre 2018,
qu’une salariée qui avait dénigré son employeur dans un groupe Facebook
fermé composé de quatorze amis ne pouvait pas être licenciée pour faute
grave, puisqu’il s’agissait d’une conversation privée (pourvoi 16-11.690), ce
qui confirme la distinction opérée depuis longtemps par l’ensemble des
juridictions entre les propos publics, accessibles à tous, et les propos privés,
tenus dans un cercle restreint auquel ne peuvent accéder que des
personnes autorisées.
La faute sérieuse a été retenue pour des propos injurieux tenus sur «  un
mur  » en accès libre (CA Lyon, 24  mars 2014, arrêt 13/03463), et la faute
grave pour des insultes sur «  un mur  » dont l’accès n’avait pas été limité
aux seuls « amis » (CA Aix-en-Provence, 27 mars 2015, arrêt 13/20847), ou
lorsque le «  mur  » du salarié – sur lequel avaient été publiés des propos
« particulièrement déplacés et déplaisants » – comportait trop d’amis (179)
pour caractériser « une sphère privée d’échanges » et « un public limité »,
surtout dans «  la toute petite ville  » concernée (CA Aix-en-Provence,
5  février 2016, arrêt 14/13717). La Cour a également relevé qu’ils
constituaient « un usage abusif d'Internet sur le poste de travail  » (qui, lui
aussi, peut être sanctionné).
Une diffamation prononcée dans un lieu fermé n'est pas forcément une
diffamation non publique  : dans une cour d'immeuble, même clôturée et
verrouillée, parce qu'ils peuvent être entendus par tout le monde, elle sera
considérée comme publique.
Twitter, par exemple, ne permet pas de limiter la diffusion ou l’accessibilité
du message : un tweet ne peut donc pas être considéré comme privé.

▶  La dénonciation calomnieuse et mensongère


La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre
une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à
entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou
disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement
inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice
ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité
ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité
compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à
l'employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans
d'emprisonnement et de 45  000  euros d'amende (code
pénal, art.  226-10). On parle de dénonciation calomnieuse.
La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de
l'acquittement, de la relaxe ou du non-lieu, établissant que
le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas
imputable à la personne dénoncée  : il faut donc attendre
que la procédure, judiciaire ou disciplinaire, aboutisse (à une
relaxe, à un acquittement), ou que les poursuites soient
abandonnées (non-lieu ou classement sans suite). La
dénonciation peut également être mensongère quand elle
dénonce «  à l'autorité judiciaire ou administrative des faits
constitutifs d'un crime ou d'un délit qui ont exposé les
autorités judiciaires à d'inutiles recherches » sans incriminer
qui que ce soit. Elle est punie de six mois d'emprisonnement
et de 7 500 euros d'amende (code pénal, art. 434-26).
Partie 7

Le psychologue
et le numérique

LE NUMÉRIQUE a infiltré la pratique des psychologues de multiples manières,


c’est ce que l’on appelle aujourd’hui la cyberpsychologie, l’étude des
phénomènes mentaux appliquée au cyberespace, à savoir le monde virtuel,
artificiel et recréé. Le Canada, avec Stéphane Bouchard, est l’un des
précurseurs qui s’est intéressé scientifiquement à ce nouvel espace en
publiant des recherches montrant l’intérêt de l’utilisation du numérique en
psychologie. En France, l’Institut du Virtuel est créé en 2010 dans l’objectif
de promouvoir le débat scientifique sur le rapport humain au virtuel.
Le premier champ d’application en plein développement concerne les
approches thérapeutiques qui bénéficient aujourd’hui de nouveaux outils
comme les jeux vidéo ou la réalité virtuelle. Un autre champ en plein essor,
est celui de la télépsychothérapie, autrement dit la psychothérapie par
internet, souvent par vidéoconférence. Ces deux champs nécessitent des
aménagements déontologiques en réflexion par de nombreux psychologues,
sans oublier un cadre réglementaire.
Chapitre 28

L’enregistrement vidéo
et audio des personnes

CERTAINS psychologues enregistrent, par l’intermédiaire de la vidéo ou de


l’audio, les séances avec leurs patients, et utilisent ces enregistrements le
plus souvent dans le cadre de la supervision ou de l’enseignement.
Ces pratiques sont encadrées par des lois, dont on retient une chose : le fait
de demander une autorisation au patient.

Malheureusement, peu de psychologues connaissent les


réglementations qui sous-tendent ces autorisations, en
conséquence de quoi, elles ne comportent pas les bonnes
mentions ; et ne sont donc pas valables.
Les deux principes fondamentaux qui encadrent ces
enregistrements sont le droit à l’image et le droit au respect
de la vie privée. Chaque personne a un droit exclusif sur son
image et l’utilisation qui en est faite. Il est donc nécessaire
d’obtenir le consentement écrit de la personne pour la
captation, l’enregistrement, et/ou la conservation de son
image, qu’elle soit sous forme de photographie, de vidéo ou
d’audio.
L’accord de la personne est d’autant plus nécessaire pour la
diffusion et l’édition de son image, puisque c’est dans ce
contexte que l’atteinte à la vie privée va être soulevée.
L’accord écrit de la personne doit préciser la date et le lieu
d’enregistrement de l’image et l’utilisation spécifique qui va
en être faite. Un accord donné par une personne pour être
enregistrée en vidéo ne donne pas pour autant l’accord de
la personne pour que sa vidéo soit diffusée. Toute
autorisation d’ordre général, qui ne ferait pas apparaître le
type de diffusion prévue n’est pas valable, tout comme une
autorisation de diffusion lors d’un enseignement n’est pas
une autorisation de diffusion pour une conférence
s’adressant à un grand public. Chaque autorisation doit
donc être très précise quant à la diffusion envisagée  : elle
doit permettre d’attester que le professionnel a eu l’accord
de la personne pour diffuser telle image d’elle à tel endroit
dans tel cadre (par exemple, afficher la photo d’une
personne participant à un atelier thérapeutique au sein de
l’institution où elle est prise en charge).
Si le professionnel souhaite utiliser l’enregistrement dans un
but différent de l’autorisation initiale, il doit demander à
nouveau l’accord de la personne.
Si la personne concernée par l’enregistrement de son image
constate un mésusage de l’enregistrement et de la
diffusion, elle peut saisir la commission nationale
Informatique et Liberté (CNIL) pour contester la diffusion de
son image : toute personne physique a le droit de s’opposer
à ce que des données à caractère personnel la concernant –
dont font partie photos, etc. – fassent l’objet d’un
traitement.
Elle peut saisir la juridiction civile (tribunal d’instance ou de
grande instance), pour demander le retrait des images la
concernant et solliciter des dommages et intérêts, en
réparation du préjudice subi, matériel et/ou moral (dont elle
fixe elle-même le montant, qui doit être en rapport avec le
préjudice). Sans préjudice avéré, la juridiction civile est
incompétente.
L’action est dirigée contre l’éditeur de la photo, c’est-à-dire,
le président du conseil départemental (en son nom
propre  !), de l’association ou, plus largement, du conseil
d’administration, le maire de la commune, etc. (un people
ne poursuit jamais un paparazzi, mais toujours Closer). Elle
sera dirigée contre le professionnel s’il travaille en libéral.
La responsabilité pénale du professionnel est engagée si la
diffusion de l’image de la personne porte atteinte à sa vie
privée (dans le cas du people, c’est le paparazzi qui est
alors poursuivi).
«  Constitue une infraction le fait de volontairement porter atteinte à
l’intimité de la vie privée d’autrui en captant, enregistrant ou transmettant
des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, sans que l’auteur de
ces paroles n’ait donné son consentement. Constitue la même infraction le
fait de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image d’une personne se
trouvant dans un lieu privé, sans son consentement. »

Aucun enregistrement vidéo ou audio sans consentement  !


Celui qui filme quelqu’un à son insu encourt un an
d’emprisonnement et 45  000  euros d’amende (code pénal,
art. 226-1).
On peut considérer que le consentement de la personne est
présumé à partir du moment où elle a vu qu’on la prenait en
photo (elle a posé, elle a souri), et qu’elle ne s’y est pas
opposée, mais cela ne concerne que l’enregistrement, pas
la diffusion. En effet, enregistrer l’image de quelqu’un dans
un lieu public est légal, c’est son utilisation – que l’on
appellera son édition : afficher une photo au mur ou en fond
d’écran, c’est l’éditer – qui est condamnable.
La première étape est donc d’informer et de demander
l’accord de la personne pour capter et enregistrer la
rencontre. La deuxième étape est d’informer et de
demander l’accord de la personne pour l’utilisation précise
de cet enregistrement.
Seul ce cadre exclusif de diffusion sera autorisé.
Le fait de conserver, porter ou laisser porter à la
connaissance du public ou d’un tiers ces enregistrements,
sans consentement de la personne concernée, constitue
aussi une infraction (code pénal, art. 226-2).
Le consentement du mineur – dans ce cadre – n’a aucune
valeur juridique, comme sa signature en général, mais il
peut être recueilli, au moins de manière éducative et
pédagogique, par respect pour lui. L’accord de l’un de ses
représentants légaux est indispensable. L’accord des deux,
même s’ils sont séparés, divorcés, n’est pas nécessaire  :
c’est un acte usuel de l’autorité parentale (voir le chapitre
sur l’autorité parentale). Néanmoins, l’autre (celui qui n’a
pas donné son accord) pourra saisir la juridiction civile pour
faire réparer le préjudice qu’il a subi ou qu’aura subi, à son
avis, son enfant (les parents n’ont pas tous forcément le
même sens de l’humour). La subjectivité est toujours très
importante dans la définition d’un préjudice.
Un majeur sous curatelle peut librement consentir (il est
néanmoins prudent que le curateur confirme le
consentement en contresignant l’autorisation), un majeur
sous tutelle n’a pas cette possibilité  : son tuteur doit
consentir, en tant que représentant légal.
L’enregistrement vidéo et audio d’une personne constituant
des données à caractère personnel, de surcroît des données
de santé, les dispositions du règlement général de la
protection des données (RGPD) doivent être respectées (loi
n° 2018-493 relative à la protection des données).
 

Modèle d’autorisation d’enregistrement


et de diffusion audio et vidéo
Je soussigné(e)… (nom et prénom du patient) autorise M./Mme… (nom et
prénom du psychologue), psychologue, à faire un enregistrement vidéo et
audio de la séance du… (date) et à présenter cet enregistrement dans le
contexte suivant… (indiquer le contexte précis de diffusion de la vidéo  :
conférences et enseignements s’adressant à des professionnels de santé
et médico-sociaux ; supervisions s’adressant à des professionnels de santé
et médico-sociaux  ; conférences s’adressant au grand public  ; radio  ;
télévision ; sur le site internet www...).
Une autorisation entièrement manuscrite a plus de valeur qu’une version
informatique.
Une seule attestation peut suffire et comporter l’ensemble des signatures
des concernés (père, mère et enfant par exemple). Il est cependant
nécessaire de faire autant d’originaux que de signataires, sachant que
chaque personne concernée doit se voir remettre une version du
document. La plateforme Eduscol «  Internet responsable  » propose des
modèles d’autorisation d’enregistrement et de diffusion pour différents
contextes.
Chapitre 29

La télépsychologie

DES NOUVELLES formes de pratiques psychologiques apparaissent, en quelque


sorte une psychologie « alternative », où le cyberespace s’immisce dans la
relation thérapeutique patient/psychologue.

Deux champs sont à distinguer :


La psychothérapie par visioconsultation, répondant à un
cadre strict qui fait l’objet de recherches scientifiques
démontrant l’efficacité du dispositif (entre autres,
Bouchard et al., 2004, Haddouk, 2016) ;
Les plateformes de consultations en ligne 24/24, 7/7,
mettant à disposition des psychologues qui répondent
instantanément à la demande d’une personne. Ces sites
vantent la qualification de leurs psychologues, des tarifs à
moindre coût (1  €/la minute), une disponibilité de jour
comme de nuit (« consulter un psychologue le dimanche
soir dans votre canapé  » est maintenant possible),
permettent un large choix de professionnels avec photos
à l’appui et visibilité de leur disponibilité en direct.
Des groupes de parole en ligne par visioconférence sont
également possibles, à des tarifs particulièrement bas.
Le cadre éthique et déontologique est principalement
discuté dans le premier champ via de multiples publications
scientifiques sur l’aspect thérapeutique d’une telle
approche. Malheureusement, il l’est beaucoup moins dans le
second champ.
Le code de déontologie des psychologues évoque ces
dispositifs :
« Le psychologue privilégie la rencontre effective sur toute autre forme de
communication à distance et ce quelle que soit la technologie de
communication employée. Le psychologue utilisant différents moyens
télématiques (téléphone, ordinateur, messagerie instantanée,
cybercaméra) et du fait de la nature virtuelle de la communication,
explique la nature et les conditions de ses interventions, sa spécificité de
psychologue et ses limites » (article 27).

Avant d’aborder la pratique de la téléconsultation chez les


psychologues, il est intéressant de regarder comment
d’autres professions sont réglementées dans ce domaine.
Les médecins disposent depuis une dizaine d’années de
textes législatifs encadrant la télémédecine, dans lesquels
par ailleurs les psychologues apparaissent.
En 2009, une nouvelle forme de médecine fait donc son
apparition dans la loi :
« La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant
les technologies de l'information et de la communication. Elle met en
rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de
santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et,
le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient.
Elle permet d'établir un diagnostic, d'assurer, pour un patient à risque, un
suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis
spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des
produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou
d'effectuer une surveillance de l'état des patients. La définition des actes
de télémédecine ainsi que leurs conditions de mise en œuvre sont fixées
par décret, en tenant compte des déficiences de l'offre de soins dues à
l'insularité et l'enclavement géographique  » (code de la santé publique,
art. L 6316-1).

Cette définition est intéressante pour les psychologues


puisqu’y figurent les «  autres professionnels apportant leurs
soins aux patients », ce que font les psychologues.
Les médecins libéraux et hospitaliers utilisant la
télémédecine doivent s’assurer que «  les professionnels de
santé et les psychologues  » participant à ces activités sont
formés et compétents pour utiliser ce dispositif (code de la
santé publique, art. R6316-9).
Le décret 2010-1229 du 19  octobre 2010 vient préciser les
actes médicaux relevant de la télémédecine (parmi lesquels
sont cités les psychologues) :
La téléconsultation  : la consultation à distance d’un
patient par un professionnel médical. Une aide peut être
apportée directement au patient par l’intermédiaire d’un
professionnel de santé lorsqu’il s’agit d’une assistance
médicale, ou d’un psychologue lorsqu’il s’agit d’une
assistance « d’ordre social » ;
La télé-expertise : la sollicitation à distance de l’avis d’un
ou de plusieurs professionnels médicaux particulièrement
compétents dans un domaine, dans le souci de la prise en
charge du patient ;
La télésurveillance médicale  : la possibilité pour un
professionnel médical d’interpréter à distance les
données concernant un patient et de prendre des
décisions concernant sa prise en charge ;
La téléassistance médicale  : l’assistance d’un
professionnel médical à un autre professionnel de santé
pour la réalisation d’un acte.
Ces actes nécessitent le consentement libre et éclairé de la
personne concernée (code de la santé publique, art. R6316-
2).
Cette loi permet une évolution considérable de la médecine,
avec comme principal objectif la lutte contre les déserts
médicaux. Dans le même temps, elle a ouvert la porte aux
plateformes de conseils en médecine. En 2016, le conseil
national de l’Ordre des médecins publie un rapport de
mission sur la télémédecine en distinguant téléconsultation
et télé-conseil.
Dans le premier cas, il y a forcément un examen somatique
du patient, avant ou après, alors que dans le second, c’est
seulement un conseil sur Internet.
Le rapport met en garde contre les offres parallèles de
prestations médicales téléphoniques ou informatiques ne
répondant pas aux textes réglementaires, et entraînant un
risque de dérives allant vers «  une ubérisation de la
médecine  ». La téléconsultation médicale est réglementée
et doit être soumise à autorisation auprès de l’ARS qui
protège les patients et maîtrise les dépenses de l’assurance
maladie. Ce qui n’est pas le cas des sites commerciaux qui
profitent d’un flou juridique puisque le télé-conseil n’est pas
encadré par la loi.
Quid également de la certitude d’avoir un vrai médecin au
bout du téléphone ou encore d’une sécurisation des
données personnelles ?
Concernant les pratiques psychologiques, aucun texte
réglementaire spécifique à cette profession n’existe, le flou
juridique devient alors un épais brouillard. Il n’en reste pas
moins des lois générales à respecter  reprenant le droit à
l’image, le respect de la vie privée, la sécurisation des
données personnelles, le secret professionnel et le partage
d’informations, l’accès au dossier, les obligations de
discrétion et de confidentialité, etc.
La vigilance doit être particulièrement de mise pour les
interventions de télé-psychothérapie, d’un point de vue
réglementaire mais surtout pour offrir au patient  un cadre
sécurisé. Ce dernier doit recevoir un document écrit au
préalable à toute séance en visioconsultation informant de
la procédure comportant les éléments évoqués  : aucun
enregistrement de la consultation ne sera réalisé  ; aucune
donnée ne sera partagée  ou utilisée  ; le psychologue est
seul dans son bureau lors de la séance  ; le psychologue
utilise un logiciel garantissant la sécurité des données. Ces
éléments d’information viennent s’ajouter aux éléments
indispensables que l’usager doit recevoir en cas de
traitement de données à caractère personnel le concernant
(RGPD, art.13).
LES OBLIGATIONS CONCERNANT LA CAPTATION ET
L’ENREGISTREMENT VIDÉO

Le droit à l’image
Chaque personne a un droit exclusif sur son image et l’utilisation qui en est
faite. Il est nécessaire d’obtenir le consentement écrit de la personne pour
la captation, l’enregistrement, la conservation et/ou la diffusion publique de
son image, qu’elle soit sous forme de photographie ou de vidéo. L’accord
pour une consultation est tacite, et une autorisation de captation n’est pas
une autorisation de diffusion.

Le respect de la vie privée et la confidentialité des échanges


Porter volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en
captant par vidéo l’image et les paroles confidentielles d’une personne sans
son consentement est un délit.
Les consultations ne peuvent donc se faire à la vue d’autres personnes,
dans un bureau ouvert, qui permettrait à d’autres d’entendre ce qui se dit,
sans que la personne concernée soit informée et consentante.

La sécurisation des données par internet


Très souvent oubliée, elle est pourtant indispensable. Un risque important
de divulgation des données à caractère personnel et d’intrusion dans les
systèmes informatiques existe. Internet est synonyme d’absence générale
de confidentialité. Plusieurs mesures permettent d’assurer cette
sécurisation. L’ordinateur utilisé pour la vidéoconférence doit comporter un
dispositif d’authentification fort (mot de passe entre autres), et personne
d’autre que le professionnel ne peut avoir accès à la visioconsultation. Il est
fortement conseillé d’utiliser un antivirus régulièrement mis à jour afin de
lutter contre les tentatives de piratage. Enfin, l’utilisation de logiciels de
visioconsultation doit être conditionnée à un procédé de cryptage ou
chiffrement.
Le risque de non-utilisation de ces protections est entre autres la possibilité
de prise de contrôle à distance du système informatique par une personne
malveillante, avec divulgation des informations recueillies. La révélation
publique de ces informations peut porter atteinte à l’intimité de la vie privée
d’autrui (code pénal, art.  226-1). Le psychologue en sera responsable,
pénalement et civilement, il est celui qui a mis en œuvre le traitement de
données à caractère personnel, c’est donc à lui d’en assurer la sécurité. Il
pourra être poursuivi pour ne pas avoir fait appel au bon prestataire de
service lui garantissant la sécurité des données à caractère personnel de
ses patients (c’est ce que nous appelions tout à l’heure l’obligation de
moyens). Il doit mettre en place les mesures techniques et
organisationnelles appropriées pour préserver l’intégrité et la confidentialité
des échanges.
Au-delà de la responsabilité pénale du professionnel, sa responsabilité civile
est engagée, la personne concernée pourra enclencher une procédure civile
pour obtenir des dommages et intérêts au vu du préjudice qu’elle a subi,
ainsi que sa responsabilité morale. N’oublions pas non plus la réputation du
professionnel…
Il semblerait que des logiciels tels que Skype ou WhatsApp proposent depuis
début 2018 des nouvelles fonctionnalités de protection pour les
conversations privées, qui ne semblent disponibles que sous certaines
versions… Pour les psychologues intervenant sur des plateformes de
consultations en ligne, il est indispensable de vérifier que le prestataire de
services garantisse un niveau de sécurité adapté au risque (cryptage des
données), condition qui doit apparaître dans le contrat. Le paiement en ligne
sécurisé n’est pas suffisant.
La CNIL met à disposition un guide sur la sécurité des données personnelles
(2018) et l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information
(ANSSI) propose dix règles de base de la sécurité sur Internet.

Le respect du traitement des données personnelles


Le règlement général sur la protection des données (RGPD) est entré en
application en juin  2018. Il vise à alléger les obligations en matière de
formalités préalables, comme la déclaration à la CNIL obligatoire pour tout
traitement de données à caractère personnel et de données de santé (hors
cadre de recherche). Aujourd’hui, plus de formalités à accomplir auprès de
la CNIL mais une obligation de démontrer, à tout moment, la conformité des
exigences du RGPD en traçant toutes les démarches entreprises,
notamment la mise en place d’un registre recensant les fichiers de
traitement de données à caractère personnel, l’information donnée aux
usagers, les mesures réalisées pour garantir la sécurité de leurs données
(voir chapitre sur la protection des données). Chaque professionnel traitant
des données à caractère personnel doit tenir disponible ces informations
que la CNIL peut demander à tout moment. En cas de non-respect de ces
obligations, les réponses de la CNIL peuvent aller du simple avertissement à
de lourdes amendes administratives. La télémédecine ne fait plus l’objet de
demande d’autorisation auprès de la CNIL  : on en déduit donc que les
psychologues ayant recours à la téléconsultation n’ont plus obligation de
faire de déclaration à la CNIL. En revanche, ils doivent respecter les
exigences du RGDP.
Partie 8

Le psychologue
et la recherche

DÈS LE DÉBUT de ses études, le psychologue est confronté à la recherche, par


la réalisation de mémoires cliniques ou de recherche validant son diplôme.
Durant sa carrière, il peut poursuivre un parcours universitaire via le
doctorat, devenir enseignant-chercheur, s’associer à un laboratoire de
recherche ou tout simplement, être inscrit dans des protocoles
institutionnels de recherche. Toute méthodologie de recherche doit
respecter des règles éthiques et juridiques. Quelle que soit sa position dans
la recherche, qu’il soit à l’initiative ou chercheur associé, le psychologue
doit participer au respect de ces règles. Là aussi, sa responsabilité pénale,
civile et administrative peut être engagée.
Chapitre 30

Les principes
fondamentaux
à toute recherche
impliquant l’être humain
L’HISTOIRE a malheureusement connu des événements dramatiques au cours
desquels les dérives de la recherche médicale ont montré à quel point
l’éthique est indispensable à toute expérimentation sur l’homme.

En 1947, à la suite du procès de Nuremberg des médecins


du régime nazi, le premier code à valeur internationale des
règles fondamentales à respecter dans le cadre de
recherches conduites chez l’homme naît sous la forme d’une
liste de dix critères, le «  Code de Nuremberg  ». Ce texte
annonce la naissance de la bioéthique moderne au niveau
international. Il servira de base en France à la loi Huriet de
1988 sur la protection des personnes qui se prêtent à des
recherches biomédicales, et aux lois de bioéthique de 1994.
Les dix préceptes déontologiques et de maximes morales
sont1 :
1. Le consentement volontaire du sujet humain est
absolument essentiel. Cela veut dire que la personne
concernée doit avoir la capacité légale de consentir  ;
qu’elle doit être placée en situation d’exercer un libre
pouvoir de choix, sans intervention de quelque élément
de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de
duperie ou d’autres formes sournoises de contrainte ou
de coercition  ; et qu’elle doit avoir une connaissance et
une compréhension suffisantes de ce que cela implique,
de façon à lui permettre de prendre une décision éclairée.
Ce dernier point demande que, avant d’accepter une
décision positive par le sujet d’expérience, il lui soit fait
connaître : la nature, la durée, et le but de l’expérience ;
les méthodes et moyens par lesquels elle sera conduite ;
tous les désagréments et risques qui peuvent être
raisonnablement envisagés ; et les conséquences pour sa
santé ou sa personne, qui pourraient possiblement
advenir du fait de sa participation à l’expérience.
L’obligation et la responsabilité d’apprécier la qualité du
consentement incombent à chaque personne qui prend
l’initiative de, dirige ou travaille à, l’expérience. Il s’agit
d’une obligation et d’une responsabilité personnelle qui
ne peuvent pas être déléguées impunément.
2. L’expérience doit être telle qu’elle produise des résultats
avantageux pour le bien de la société, impossibles à
obtenir par d’autres méthodes ou moyens d’étude, et pas
aléatoires ou superflus par nature.
3. L’expérience doit être construite et fondée de façon telle
sur les résultats de l’expérimentation animale et de la
connaissance de l’histoire naturelle de la maladie ou
autre problème à l’étude, que les résultats attendus
justifient la réalisation de l’expérience.
4. L’expérience doit être conduite de façon telle que soient
évitées toute souffrance et toute atteinte, physiques et
mentales, non nécessaires.
5. Aucune expérience ne doit être conduite lorsqu’il y a une
raison a priori de croire que la mort ou des blessures
invalidantes surviendront  ; sauf, peut-être, dans ces
expériences où les médecins expérimentateurs servent
aussi de sujets.
6. Le niveau des risques devant être pris ne doit jamais
excéder celui de l’importance humanitaire du problème
que doit résoudre l’expérience.
7. Les dispositions doivent être prises et les moyens fournis
pour protéger le sujet d’expérience contre les
éventualités, même ténues, de blessure, infirmité ou
décès.
8. Les expériences ne doivent être pratiquées que par des
personnes scientifiquement qualifiées. Le plus haut degré
de compétence professionnelle doit être exigé tout au
long de l’expérience, de tous ceux qui la dirigent ou y
participent.
9. Dans le déroulement de l’expérience, le sujet humain doit
être libre de mettre un terme à l’expérience s’il a atteint
l’état physique ou mental où la continuation de
l’expérience lui semble impossible.
10.   Dans le déroulement de l’expérience, le scientifique qui
en a la charge doit être prêt à l’interrompre à tout
moment, s’il a été conduit à croire – dans l’exercice de la
bonne foi, de la compétence du plus haut niveau et du
jugement prudent qui sont requis de lui – qu’une
continuation de l’expérience pourrait entraîner des
blessures, l’invalidité ou la mort pour le sujet
d’expérience.
En 1964, l’association médicale mondiale (AMM) rédige la
Déclaration d’Helsinki qui établit les principes éthiques
applicables à la recherche médicale impliquant des êtres
humains. Les comités d’éthique de la recherche (CER) sont
créés, avec pour mission une évaluation de chaque projet
de recherche chez l’homme sur le plan éthique avant toute
réalisation. Ce texte est à destination des médecins mais
toute personne engagée dans une recherche impliquant des
êtres humains est invitée à adopter ces principes, qui ont
été réactualisés en 2013.
En 1974, les États-Unis adoptent des lois sur la recherche
médicale, le National Research Act, et créent des comités
d’éthique, les Institutional Review Board.
En 1978, un petit groupe de rédacteurs en chef de revues
médicales générales se réunit à Vancouver afin d’établir les
directives attendues des manuscrits qui leur sont soumis. Ils
élaborent les «  exigences uniformes pour les manuscrits
soumis aux revues biomédicales  » et deviennent
l’International Committee of Medical Journal Editors (ICMJE),
aujourd’hui référence dans les recommandations pour toute
publication scientifique. Ces exigences soulignent la
nécessité pour les chercheurs de demander un avis éthique
avant toute mise en œuvre d’une recherche impliquant
l’être humain, qu’il s’agisse de recherches médicales ou en
sciences humaines et sociales.
En France, le comité consultatif national d’éthique (CCNE)
voit le jour en 1983, en étant le premier comité d’éthique au
monde. Il rappelle que «  toute investigation expérimentale
sur l’être humain doit se faire selon une démarche
scientifique irréprochable, dans le respect de la liberté
d’action des personnes, de leur sécurité, du principe de
justice ; et que le consentement libre, éclairé et exprès des
personnes qui se prêtent à la recherche ne décharge pas les
chercheurs de leur responsabilité morale et scientifique  ».
Ce n’est qu’en 1988 que la loi vient encadrer les essais
biomédicaux sur l’être humain avec la loi Huriet. Elle crée
les comités consultatifs de protection des personnes dans la
recherche biomédicale (CCPPRB), les futurs comités de
protection des personnes (CPP).

Notes
1. Traduction française de P. Amiel, 2011.
Chapitre 31

La recherche impliquant
la personne humaine
et les comités de protectio
n des personnes
EN 2004, la loi relative à la politique de la santé publique instaure les
comités de protection des personnes qui viennent encadrer la recherche
biomédicale, qui deviendra, avec la loi 2012-300 du  5  mars 2012, dite loi
Jardé, la « recherche impliquant la personne humaine ».

Cela dépasse donc le cadre biomédical stricto sensu.


Trois catégories de recherches sont définies (code de la
santé publique, art. L1121-1) :
1. Les recherches interventionnelles qui comportent une
intervention sur la personne non justifiée par sa prise en
charge habituelle ;
2. Les recherches interventionnelles qui ne comportent que
des risques et des contraintes minimes, dont la liste est
fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis
du directeur général de l'agence nationale de sécurité du
médicament et des produits de santé ;
3. Les recherches non interventionnelles qui ne comportent
aucun risque ni contrainte, dans lesquelles tous les actes
sont pratiqués et les produits utilisés de manière
habituelle.
Les principes éthiques sont clairement énoncés (code de la
santé publique, art.  L1121-2). Aucune recherche impliquant
la personne humaine ne peut être effectuée :
si elle ne se fonde pas sur le dernier état des
connaissances scientifiques et sur une expérimentation
préclinique suffisante ;
si le risque prévisible encouru par les personnes qui se
prêtent à la recherche est hors de proportion avec le
bénéfice escompté pour ces personnes ou l'intérêt de
cette recherche ;
si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique
de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer
sa condition ;
si la recherche impliquant la personne humaine n'a pas
été conçue de telle façon que soient réduits au minimum
la douleur, les désagréments, la peur et tout autre
inconvénient prévisible lié à la maladie ou à la recherche,
en tenant compte particulièrement du degré de maturité
pour les mineurs et de la capacité de compréhension pour
les majeurs hors d'état d'exprimer leur consentement.
L'intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche
impliquant la personne humaine prime toujours sur les seuls
intérêts de la science et de la société. La recherche
impliquant la personne humaine ne peut débuter que si
l'ensemble de ces conditions est rempli. Leur respect doit
être constamment maintenu. En France, la recherche
impliquant la personne humaine ne donne lieu à aucune
contrepartie financière directe ou indirecte pour les
participants (code de la santé publique, art. L1121-11).
Toute recherche impliquant la personne humaine ne peut
être mise en œuvre qu’après avis favorable d’un comité de
protection des personnes (CPP). La loi prévoit notamment
une protection particulière pour les femmes enceintes, les
personnes privées de liberté sur décision de justice, les
personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, les
mineurs ou les majeurs sous mesure de protection (code de
la santé publique, art. L1121-4 à L1121-8).
Les CPP sont codécideurs dans l’autorisation de mener des
recherches impliquant la personne humaine. Ils sont
chargés d’évaluer les projets de recherche et d’émettre un
avis préalable sur leurs conditions de validité. Ils ont pour
mission de s’assurer que le promoteur de la recherche
garantisse les principes éthiques, notamment la protection
des participants à la recherche, la pertinence d’une telle
recherche et sa qualité méthodologique.
En médecine, l’avis favorable d’un CPP est obligatoire, en
plus de l’autorisation de l’agence nationale du médicament
et des produits de santé (ANSM) et d’une déclaration à la
CNIL, avant de débuter une recherche.

La recherche en psychologie relève-t-elle des


comités de protection
des personnes ? Est-elle considérée comme une
recherche impliquant
la personne humaine ? Comme une recherche
interventionnelle
ou non interventionnelle ?
En 2015, le comité d'éthique du laboratoire de psychologie PSY-NCA de
l'université de Rouen a interpellé le ministre de l’enseignement supérieur
et de la recherche sur la question de savoir si les recherches en
psychologie relèvent ou non des comités de protection des personnes.
La ministre de l’époque, Najet Vallaud-Belkacem, a répondu que la loi Jardé
n’a pas vocation à s’appliquer aux recherches en psychologie, excepté si
elles répondent à la définition de l’article L1121-1 du code de la santé
publique.
En 2016 (décret 2016-1537), puis en 2017 (décret 2017-884), les textes
sont venus préciser le terme «  recherche impliquant la personne
humaine  ». Ainsi, sont considérées comme recherche impliquant la
personne humaine «  les recherches organisées et pratiquées sur des
personnes volontaires saines ou malades, en vue du développement des
connaissances biologiques ou médicales  ». Ne sont pas des recherches
impliquant la personne humaine au sens de la loi «  les recherches, bien
qu’organisées et pratiquées sur des personnes saines ou malades, qui
visent à réaliser des expérimentations en sciences humaines et sociales
dans le domaine de la santé ».
Cela signifierait que la recherche réalisée en psychologie est exclue du
code de la santé publique.
Néanmoins, en avril  2018, deux arrêtés viennent semer le trouble en
tentant de clarifier les recherches interventionnelles avec risques et
contraintes minimes et les recherches non interventionnelles. Ces deux
textes orientent la recherche en psychologie comme une «  recherche
impliquant la personne humaine ».
Le premier (arrêté du 12  avril 2018 fixant la liste des recherches
mentionnées au 2e de l’article L.1121-1 du code de la santé publique) fait
apparaître que les recherches interventionnelles avec risques et
contraintes minimes peuvent être menées par des professionnels de santé
hors professions médicales si la recherche ne nécessite pas la présence
d’un médecin.
Les psychologues ne faisant pas partie des professionnels de santé, ils ne
seraient donc pas concernés par ce type de recherche. Cependant, cet
arrêté liste les interventions pouvant être réalisées dans le cadre des
recherches interventionnelles du 2e. Y figurent  les «  techniques de
psychothérapie et de thérapies cognitivo-comportementales dans le cadre
d’un protocole établi et validé par un professionnel disposant des
compétences appropriées dans ce domaine ». Cela voudrait-il dire que les
psychologues sont concernés par ces recherches ou que ces recherches ne
peuvent être réalisées que par des médecins
psychiatres/psychothérapeutes ?
Le second arrêté (du 12  avril 2018 fixant la liste des recherches
mentionnées au 3° de l’article L.1121-1 du code de la santé publique)
concernant les recherches non interventionnelles stipule que les
«  entretiens, observations, tests et questionnaires qui ne peuvent mettre
en jeu la sécurité de la personne ou conduire à la modification de sa prise
en charge habituelle et dont les contraintes et inconvénients apportés à la
personne qui se prête à la recherche sont négligeables  » font partie des
actes ou procédures pouvant être réalisés dans ce cadre. Il n’est pas fait
état des professionnels en charge de ces recherches.
Nous pouvons en conclure que l’avis d’un CPP est vivement conseillé. Nous
pouvons également rappeler qu’un arrêté se situe tout en bas de la
hiérarchie des normes, et qu’il n’est respectable que si lui-même respecte
les normes qui lui sont supérieures. Le cadre mériterait d’être pour le
moins éclairci, et précisé, pour que l’énergie dépensée en amont soit
utilisée, à meilleur escient, dans la recherche elle-même.
En l’état actuel des textes, deux mouvements s’opèrent dans le sens d’une
homogénéisation des pratiques éthiques dans la recherche en psychologie
et d’un déploiement des CPP en sciences humaines et sociales. D’une, la
nécessité d’avoir un avis favorable d’un CPP pour toute publication dans
une revue scientifique référencée. De deux, la réflexion des universitaires
en psychologie, qui tentent de porter un message commun auprès du
ministère. Les comités d’éthique dédiés aux recherches en sciences
humaines se développent mais ne disposent pas, à l’heure actuelle, de
règles communes reconnaissant la spécificité des recherches dans ce
domaine. La société française de psychologie (SFP) a proposé en 2003 un
code éthique de la recherche, en s’appuyant sur le code des conduites des
chercheurs dans les sciences du comportement humain proposé par
Caverni en 1998. Il vient compléter la partie consacrée à la recherche du
code de déontologie des psychologues (2012), toujours non reconnu d’un
point de vue légal…
Tout le monde s’accorde sur un point  : la nécessité de mieux former les
psychologues à cette question. En ce sens, l’arrêté du 25 mai 2016 fixant
le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la
délivrance du diplôme national de doctorat stipule que les écoles
doctorales veillent à ce que chaque doctorant reçoive une formation à
l’éthique de la recherche et à l’intégrité scientifique. C’est un début…
Chapitre 32

Les spécificités
de la recherche
en psychologie
LA PSYCHOLOGIE regroupe différents domaines allant de la psychologie
expérimentale à la psychanalyse. La réflexion éthique doit être permanente,
tant en clinique qu’en recherche, d’autant plus lorsque l’objet de recherche
est un être humain rendu vulnérable par son fonctionnement psychique. On
ne peut que déplorer le peu de publications en psychologie rapportant le
cadre éthique de leurs recherches, et l’absence, souvent, observée de ce
cadre dans les mémoires de recherche des étudiants en psychologie.

Rappelons les principes fondamentaux de la recherche que


le comité consultatif national d’éthique a édités :
1. Principe de respect et d’autonomie des personnes  : la
recherche doit respecter la dignité de la personne. Celle-
ci doit être informée de tous les aspects susceptibles
d’influencer son consentement et de sa liberté de
participer ou non à la recherche.
Nous reviendrons sur la notion de consentement avec des
populations vulnérables.
2. Principe de bienfaisance et de non-malfaisance  : le
chercheur est responsable du bien-être physique et
psychique des participants. Il doit évaluer les
bénéfices/risques de l’intervention pour la personne.
Cette balance doit être forcément positive pour les
bénéfices, il convient tout du moins de les maximiser et
de minimiser les inconvénients.
3. Principe de justice  : le recrutement et la sélection des
participants doivent se faire dans un souci d’équité et
d’égalité. Les participants à la recherche doivent être
ceux qui en bénéficient. Il incombe enfin aux chercheurs
de veiller à la protection spéciale des personnes
vulnérables.
Ces trois principes imposent au chercheur d’assurer «  la
liberté des sujets et leur autodétermination en prenant soin
de ne pas tomber dans la manipulation, prévenir les
dommages et la souffrance, et respecter la vie privée des
sujets et de leur famille  » (Bouaziz et al., 2011). Cela
englobe bien évidemment l’anonymat des participants.
Autant pour certains domaines, le principe fondamental qui
guide l’éthique de la recherche, à savoir le consentement
libre et éclairé de chaque participant, est simple  : un
protocole de recherche est élaboré avec recrutement
spécifique de participants informés de la recherche et
consentants. Autant pour d’autres domaines, cela est plus
complexe.
La psychanalyse en est l’exemple type. La recherche dans
ce domaine se mêle souvent à la clinique, en s’appuyant sur
la cure analytique en elle-même. L’éternelle question de la
position du chercheur-clinicien. Combien de publications,
notamment de cas cliniques, sont réalisées sans accord du
sujet. Aucune critique de notre part concernant l’intérêt
clinique et théorique d’une telle approche, la recherche en
psychanalyse est indispensable, seulement une réflexion
éthique sur une méthodologie qui questionne quant à
l’exposition – même anonyme – d’analyse de processus
psychiques d’un sujet non informé, encore moins
consentant à cette démarche. Il nous semble, avec d’autres
(Bourguignon, 2008), antagoniste d’être à la fois chercheur
et clinicien auprès d’une même personne. Les enjeux et les
objectifs ne sont pas les mêmes, les attentes des deux
protagonistes sont inverses selon la situation : qui aide qui ?
En clinique, c’est le professionnel qui est censé aider la
personne. En recherche, c'est le participant qui aide le
professionnel. En revanche, la reprise d’une psychanalyse
achevée dans un objectif de recherche, avec accord du
sujet, semble tout à fait pertinente et respectant les
principes éthiques.
Le consentement de la personne participant à la recherche
pose encore de multiples questions. Comment obtenir un
consentement libre et éclairé se basant sur une information
loyale et complète sans interférer avec l’objectif de la
recherche  ? Comment obtenir un consentement libre et
éclairé avec des personnes en situation de fragilité qui
peuvent seulement consentir à l’autorité  que détient la
personne  ? Ou encore avec des personnes qui s’imaginent
que leur participation à la recherche pourrait leur apporter
des privilèges, par exemple pour les personnes
incarcérées  ? Comment obtenir un consentement libre et
éclairé lorsque la personne souffre de troubles mentaux, qui
remettent en question son information et son autonomie ?
La liste est longue, les recherches sur les sujets vulnérables
doivent être traitées avec une attention particulière en
prenant en compte le niveau d’interférence que les
difficultés psychiques peuvent avoir sur le libre arbitre de la
personne, et ses capacités de jugement pour donner son
consentement.
La méthodologie doit également prévoir les conséquences
de la participation d’une personne à la recherche,
notamment les modalités d’un suivi psychologique si
nécessaire ou encore une explicitation complète de la
recherche a posteriori, surtout si l’information initiale n’était
pas précise.  Le CCNE donne d’ailleurs l’avis suivant  en
s’appuyant sur l’article L1122-1-4 du code de la santé
publique :
«  Si certains aspects de la recherche sont délibérément cachés dans
l’intérêt de l’étude, les sujets recevront à la fin de la recherche des
explications complètes sur les objectifs de la recherche et l’usage qui va
en être fait. À ce moment, la personne pourra infirmer ou confirmer son
consentement » (avis n° 38).

Cette réflexion éthique est indispensable à tout projet de


recherche, avant sa mise en œuvre. L’intérêt des comités de
protection des personnes est d’évaluer objectivement si la
recherche assure la protection des participants et de guider
tout chercheur dans sa méthodologie.
Chapitre 33

Les responsabilités
du psychologue-chercheur

LA RECHERCHE englobe toutes les responsabilités précédemment citées que le


psychologue doit avoir en tête dans sa pratique. Il n’en reste pas moins que
des spécificités existent concernant le cadre de la recherche.

LA LOI INFORMATIQUE ET LIBERTÉS

En premier lieu, la responsabilité pénale. Elle s’arrime à la


loi informatique et libertés. Elle est engagée dans le cas du
non-respect du droit de la personne lors du traitement
informatique des données personnelles (code pénal,
art. 226-16).
Le traitement des données à caractère personnel est
longuement expliqué dans le chapitre sur la responsabilité
du psychologue face à ses écrits  : des spécificités existent
néanmoins quant au traitement de données concernant la
recherche.
L’information des participants et leur consentement sont
une mesure indispensable sous peine de sanctions en cas
de non-respect. Lors de traitement de données à caractère
personnel ayant pour fin la recherche dans le domaine de la
santé, le fait de ne pas avoir préalablement informé
individuellement les personnes sur le compte desquelles
des données à caractère personnel sont recueillies ou
transmises, de leur droit d’accès, de rectification et
d’opposition, de la nature des données transmises et des
destinataires de celles-ci  est punissable de cinq ans
d’emprisonnement et de 300  000  euros d’amende (code
pénal, art. 226-16).
La même peine est encourue lorsque le chercheur traite les
données malgré l’opposition de la personne concernée ou,
en l'absence du consentement éclairé et exprès de la
personne, ou encore s'il s'agit d'une personne décédée,
malgré le refus exprimé par celle-ci de son vivant (code
pénal, art. 226-19-1).
Repensons aux publications ne faisant pas apparaître le
consentement des participants…
La loi va d’ailleurs plus loin en spécifiant quelles
informations doivent être portées à la connaissance de la
personne concernée, que les informations soient recueillies
physiquement ou par voie de questionnaire :
l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant,
de celle de son représentant ;
la finalité poursuivie par le traitement auquel les données
sont destinées ;
le caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;
les conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut
de réponse ;
les destinataires ou catégories de destinataires des
données ;
ses droits d'opposition, d'interrogation, d'accès et de
rectification.
La personne doit également disposer d’informations, si elle
le souhaite, concernant l’utilisation de ses données à
caractère personnel, la finalité de leur traitement, ou leur
communication. Elle peut avoir accès à une copie des
données la concernant. Si ces informations ne sont pas
disponibles et si la personne concernée dépose plainte, le
chercheur encourt une amende prévue pour les
contraventions de la 5e classe (code pénal, art.  R625-10 et
R625-11).
La divulgation de ces données à caractère personnel
recueillies lors d’un traitement informatique, qui entraîne
une atteinte à la vie privée de la personne, est une
infraction punissable de cinq ans d’emprisonnement et de
300  000  euros d’amende (code pénal, art.  226-22). Le fait
de commettre cette infraction par négligence ou
imprudence diminue les peines mais ne les supprime pas.
Encore que, même si «  nul n’est censé ignorer la loi  »,
«  n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie
avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en
mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte  »
(code pénal, art. 122-3).
Le plaignant pourra également engager une procédure
auprès de la juridiction civile pour être dédommagé d’un
éventuel préjudice.
Toute recherche incluant dans sa méthodologie un recueil et
un traitement de données à caractère personnel est
concernée par cette loi. En plus de la demande d’un avis
d’un comité de protection des personnes, le chercheur doit
procéder à une déclaration auprès de la commission
nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), avant
toute mise en œuvre de sa recherche. Celle-ci ne donnera
d’ailleurs son aval qu’après avis d’un CPP (loi 2018-493 du
20  juin 2018 relative à la protection des données
personnelles)  : refuser de communiquer des
renseignements à la CNIL ou transmettre des informations
non conformes au contenu des enregistrements est puni
d’un an d’emprisonnement et de 15  000  euros d’amende
(loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, art. 51).
LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Les responsabilités civile et pénale du psychologue


chercheur sont engagées dans le cas de contrefaçon,
autrement dit le plagiat, définie par le code de la propriété
intellectuelle (loi 2014-315 du 11  mars 2014 renforçant la
lutte contre la contrefaçon).
« L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa
création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous »
(code de la propriété intellectuelle, art. L111-1).

Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel,


inaliénable, imprescriptible et transmissible à cause de mort
aux héritiers de l’auteur (CPI, art. L121-1). Sont notamment
considérés comme œuvres de l’esprit les livres, brochures et
autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques, les
conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres
œuvres de même nature (CPI, art. L112-2).
L’auteur dispose du droit d’exploitation de son œuvre :
«  Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le
consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est
illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la
transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé
quelconque » (CPI, art. L122-4).

Le non-respect de ces dispositions, comme le fait de plagier,


est un délit et les sanctions encourues sont de nature
pénale, du ressort du tribunal correctionnel :
« Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou
de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au
mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une
contrefaçon et toute contrefaçon est un délit » (art. L335-2).

La reproduction, la représentation ou la diffusion d’une


œuvre – et donc d’un écrit – constituent le même délit. En
France, la contrefaçon est punie de trois ans
d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. L’auteur
devra déposer plainte auprès du procureur de la République.
En matière civile, l’auteur, ses ayants droit ou ses ayants
cause, peuvent engager une procédure auprès de la
juridiction civile compétente, qui pourra protéger l’auteur et
son œuvre, par l’ordonnance de la saisie des exemplaires
constituant une reproduction illicite de l’œuvre, la saisie des
recettes provenant de sa reproduction, représentation ou
diffusion, ou encore la suspension des représentations ou
fabrications de l’œuvre (code de la propriété intellectuelle,
art. L332-1).
La juridiction pourra aussi fixer des dommages et intérêts en
fonction du manque à gagner et la perte subis par l’auteur,
du préjudice moral causé à ce dernier, et des bénéfices que
l’auteur du plagiat a réalisés.
Les mémoires des étudiants en psychologie sont
particulièrement concernés par ces lois. Malheureusement,
nous constatons encore bien trop souvent le non-respect de
la propriété intellectuelle en oubliant d’utiliser des
guillemets ou citer la source de l’écrit dans le texte et dans
la bibliographie ; et l’absence de toute réflexion éthique. Les
responsabilités pénale et civile incombent à l’étudiant  ; la
responsabilité morale à ses enseignants et aux
responsables universitaires passant fréquemment à la
trappe ces questions dans les contenus de cours.
Partie 9

Le psychologue
et la famille

LE PSYCHOLOGUE est perpétuellement confronté à la famille, quels que soient


son lieu et champ d’exercice. Les premiers concernés sont les psychologues
qui travaillent auprès d’enfants ou d’adolescents, mais tous sont
susceptibles de rencontrer des situations familiales parfois complexes,
même dans le domaine des ressources humaines.
Peu de psychologues connaissent le cadre légal qui régit la famille.
Cette méconnaissance, ajoutée aux mésusages de vocabulaire et aux
légendes urbaines, entraîne souvent des difficultés de positionnement de la
part du psychologue, difficultés renforcées par les mécanismes psychiques
familiaux, parfois très confusionnants.
L’objectif de ce chapitre n’est pas de faire des psychologues des avocats
spécialistes du droit de la famille, mais bien de leur permettre d’en saisir
toutes les subtilités, notamment les grands principes  : par exemple, la
distinction entre l’autorité parentale et l’exercice de l’autorité parentale ; la
disparition (depuis 1993  !) du terme «  garde  de l’enfant  » au profit de
« résidence habituelle de l’enfant » (avoir la résidence habituelle de l’enfant
ne signifie d’ailleurs pas avoir l’exercice exclusif de l’autorité parentale) ; ou
encore, que le droit de visite et d’hébergement prévu par l’ordonnance du
juge aux affaires familiales ne constitue qu’une préconisation qui n’entraîne
aucune sanction pénale si elle n’est pas respectée, à moins que l’un des
deux parents abuse de ses droits au détriment de «  l’intérêt de l’enfant »,
érigé en critère suprême…
Chapitre 34

Le droit de la famille

LE DROIT civil est constitué du droit des personnes, du droit des obligations
et du droit des biens. Il est compilé dans le code civil, la manière de
l’appliquer, dans le code de procédure civile. Il fixe les règles de la vie en
société, arbitre les litiges et impose la réparation des dommages. Il est de la
compétence des juridictions civiles, tribunal d’instance (TI) et tribunal de
grande instance (TGI).

La réforme (en cours) va transformer le tribunal de grande


instance en tribunal judiciaire, et faire disparaître le tribunal
d’instance : il ne sera plus qu’une antenne locale du tribunal
judiciaire, qui continuera à connaître les procédures qu’il
traite actuellement. On peut les saisir par simple courrier (le
tribunal d’instance), ou avec l’assistance d’un avocat (le
tribunal de grande instance).
Le droit de la famille est une composante du droit des
personnes, qui s’intéresse à l’individu de sa naissance à son
décès. L’état civil témoigne de l’état d’une personne (née,
décédée, mariée, célibataire, etc.) au regard du droit civil.
Pacsé, concubin, divorcé ne sont pas des statuts, ils n’ont
pas à être renseignés, notamment dans les formulaires un
peu trop indiscrets. L’état civil est, depuis la Révolution, de
la compétence du maire, officier de l’état civil, et des
fonctionnaires qu’il désigne, les officiers délégués de l’état
civil, qui tiennent à jour les registres (des naissances, des
mariages, des décès), et délivrent les actes. Leur autorité de
tutelle est le procureur de la République.
Le droit civil est un droit protecteur. Il protège la famille et
les individus qui la composent  : le mariage impose aux
époux des obligations réciproques, la filiation, l’adoption et
le divorce sont encadrés, pour éviter les abus, et obliger
chacun, si nécessaire, à assumer ses responsabilités.
Rappelons tout de même que le PACS a fait rentrer la
répudiation dans le code civil, puisqu’il permet une
séparation sur décision unilatérale, qui prend effet sans
délais, et met un terme aux conventions préalables.
Le droit civil protège aussi plus largement le citoyen, qui
peut demander et obtenir la réparation pécuniaire des
dommages qu’il subit, et le consommateur (de la date de
péremption des yaourts au délai de rétractation du
démarchage à domicile).
Le droit civil confie au juge aux affaires familiales (JAF), qui
siège au tribunal de grande instance (TGI), d’importants
pouvoirs en matière de protection des individus et de la
famille. L’assistance éducative est une compétence civile du
juge des enfants (JE). La protection des majeurs est de la
compétence du juge des tutelles (JT), qui siège au tribunal
d’instance. La réforme (en cours) des tribunaux d’instance
devrait le transformer en juge des contentieux de la
protection.
En théorie, depuis la loi 2009-526 du 12  mai 2009 de
simplification et de clarification du droit et d'allégement des
procédures (applicable au 1er  janvier 2010), la fonction de
juge des tutelles des mineurs appartient au juge aux
affaires familiales (code de l’organisation judiciaire,
art.  L213-3-1). Le JAF devrait prononcer l'émancipation,
gérer l'administration légale et la tutelle des mineurs, ainsi
que celle des pupilles de la nation. Une circulaire
ministérielle du 4  août 2009 adressée aux Présidents de
cours d'appel a envisagé l’éventuel report de ces
modifications, dont nous sommes, aujourd’hui, sans
nouvelles.
Les jugements civils sont généralement exécutoires par
huissier, mais certaines décisions du juge aux affaires
familiales (JAF) ou du juge des enfants (JE), nous le verrons,
ne sont qu’indicatives, bien qu’elles soient vécues comme
impératives (visite médiatisée, fréquence du droit de visite
et d’hébergement, etc.).
Le non-respect de certaines décisions civiles constitue une
infraction  : le non-paiement d’une «  pension alimentaire  »
est par exemple un délit qualifié d’abandon de famille,
passible «  de deux ans d'emprisonnement et de
15 000 euros d'amende » (code pénal, art. 227-3). Ce n’est
pas le cas de toutes les décisions civiles (nous reparlerons
de la non-représentation d’enfant – et pas  : non-
présentation – sur laquelle on raconte beaucoup de
bêtises…).
Chapitre 35

L’autorité parentale

LE MINEUR, en France, est placé de fait sous une mesure de protection


appelée «  minorité  », exercée par ses parents, ou, plus exactement  : par
ceux qui exercent l’autorité parentale.

L’autorité parentale est un ensemble de droits (et


probablement de devoirs), mais aussi d’obligations et
d’interdictions, dont on parle peu (elles n’apparaissent
même pas, nous le déplorons, dans la définition légale de
l’autorité parentale). Les droits et les devoirs sont
subjectifs  : ils sont la base de la liberté éducative des
parents, qui élèvent leur enfant comme bon leur semble,
avec comme seule limite l’interdiction de le mettre en
danger.
Lorsque l’autorité parentale est défaillante, lorsqu’elle ne
s’exerce pas dans l’intérêt de l’enfant, il peut être considéré
«  en danger ou en risque de l’être  »  : une mesure
d’assistance éducative a alors vocation à être mise en
place, pour renforcer l’autorité parentale et assister les
parents dans leur mission éducative.
La mesure d’assistance éducative ne prend pas en charge
l’enfant, elle ne le protège pas directement  : ce n’est pas
son rôle. Elle assiste les parents.
Lorsque cette assistance ne paraît pas suffisante, ou
malheureusement pas possible, ou contraire à l’intérêt de
l’enfant, la seule solution, pour le protéger, est d’écarter ses
parents, c’est-à-dire  : de suspendre l’exercice de leur
autorité parentale (c’est une compétence exclusive du JAF,
que ne possède pas le juge des enfants).
La majorité et l’émancipation de l'enfant mettent un terme
à l'autorité parentale (l’émancipation est une sorte de
mainlevée de la mesure appelée minorité).
L’émancipation peut être prononcée «  s'il y a de justes
motifs, par le juge des tutelles, à la demande des père et
mère ou de l'un d'eux  » (code civil, art.  413-1) lorsque le
mineur «  aura atteint l'âge de seize ans révolus  ». Si la
demande est présentée par un seul parent (le mineur ne
peut pas lui-même demander son émancipation), «  le juge
décidera, après avoir entendu l'autre, à moins que ce
dernier soit dans l'impossibilité de manifester sa volonté  ».
Le mineur sans père ni mère pourra «  être émancipé à la
demande du conseil de famille  » (code civil, art.  414-3).
Précisons que «  le mineur est émancipé de plein droit par le
mariage » (code civil, art. 414-1), mais que «  le mariage ne
peut être contracté avant dix-huit ans révolus  » (code civil,
art.  144, depuis la loi du 4  avril 2006 renforçant la
prévention et la répression des violences au sein du couple
ou commises contre les mineurs). Il est néanmoins « loisible
au procureur de la République du lieu de célébration du
mariage d'accorder des dispenses d'âge pour des motifs
graves » (code civil, art. 145).

LES PARENTS ONT DES DROITS ET PROBABLEMENT


DES DEVOIRS

Les parents exercent leur autorité parentale pour élever,


éduquer et protéger leur enfant « dans sa sécurité, sa santé
et sa moralité  ». Ils doivent «  assurer son éducation  » et
«  permettre son développement, dans le respect dû à sa
personne » (code civil, art. 371-1).
L’élever est traditionnellement compris comme le nourrir, le
soigner, le faire grandir (qui est l’exacte origine
étymologique), des notions très botaniques, qui permettent
d’imaginer toute une série d’engrais culturels, si possible
naturels (le socialiser, l’ouvrir à l’art, aux autres, au goût, au
monde, aux plaisirs, etc.), parfois surnaturels (lui enseigner
la peur ou la haine de l’autre, etc.).
L’éduquer est souvent présenté comme «  lui imposer un
cadre  » (un maître éduque son chien, ou ses élèves, les
parents se demandent comment bien éduquer leur enfant,
et l’éducateur spécialisé était jadis un maton chargé
d’encadrer les mineurs incarcérés en maison d’éducation
surveillée  : la loi du 13  août 1936 rappelle que sa fonction
est composée de «  rééducation morale, formation
professionnelle et maintien de la discipline  »).
Étymologiquement, contrairement à une idée très répandue,
éduquer vient moins du latin educere (conduire hors de), qui
est bien sympathique et très pédagogique, mais d’educare
(nourrir, instruire, prendre soin), tant pis pour Albert
Jacquard, Jean Epstein et tous ceux qui ont bâti leurs
théories sur cette erreur de traduction (et rappelons que le
pédagogue était, pour les Grecs, l’esclave chargé de
conduire les enfants à l'école).
Le protéger, c’est éviter de le mettre en danger, lui
permettre de vivre en sécurité.
L’article 2 de la Déclaration universelle des droits de
l’Homme adoptée le 26 août 1789 (qui n’est pas la première
de l’histoire, tant s’en faut, mais la septième, ou la
huitième) rappelle que «  le but de toute association
politique  » (les parents représentent bien une forme
d’association politique, certes dictatoriale) «  est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l'homme » donc, de l’enfant (même si Olympe de Gouges a
été guillotinée le 3  novembre  1793 pour avoir osé ajouter
«  et de la femme  »), et que «  ces droits sont la liberté, la
propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ».
Le droit à la sûreté, dont fait partie la sécurité (sécurité
affective, protection contre les punitions arbitraires, etc.),
est donc bien réel, même si imaginer qu’il est toujours
respecté, par l’État ou ses représentants, relève de l’utopie
humaniste.
Un enfant en danger est – aux yeux de la loi française – un
enfant dont «  la santé, la sécurité ou la moralité, les
conditions de son éducation ou de son développement
physique, affectif, intellectuel et social sont gravement
compromises » (code civil, art. 375).
L’appellation générique «  en danger  » recouvre deux
situations  : l’enfant «  en danger ou en risque de l’être  »
(selon la formulation imposée par la loi du  5  mars
2007 réformant la protection de l'enfance), qui a vocation à
faire l’objet d’une information préoccupante adressée à
l’aide sociale à l’enfance, et l’enfant victime de
maltraitances avérées (c’est-à-dire reposant sur des faits,
paroles, constatations, etc.), qui doit être signalé au
procureur de la République (qui pourra saisir le juge des
enfants et engager parallèlement des poursuites).
Les parents ont des droits, que la loi leur attribue et qu’ils
exercent, ou non, en toute subjectivité, et aussi des devoirs,
qui ne sont pas listés, puisqu’ils reposent principalement sur
la conception que chacun a de son rôle de parent (il n’est
donc pas acceptable de rappeler aux parents «  leurs droits
et leurs devoirs »).
Un de ces droits a longtemps fait débat : le droit coutumier
de correction, qui permet aux parents d’administrer claques
et fessées.
On raconte partout – «  à l’heure où nous mettons sous
presse  » – qu’il vient de disparaître, que la France est
devenue le 56e pays abolitionniste, après le Kosovo (le
27  juin, son parlement a adopté un texte précis, et
ambitieux), mais est-ce vraiment le cas ?
Le 10 juillet 2019, la loi relative à l’interdiction des violences
éducatives ordinaires a été adoptée, mais elle a été en
grande partie vidée de sa substance.
On peut en effet regretter la disparition de la référence
explicite aux châtiments ou punitions corporels contenue
dans la version initiale de la proposition de loi.
Un nouvel alinéa a été inséré dans l’article 371-1 du code
civil (qui définit l’autorité parentale), pour préciser que
«  l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou
psychologiques  ». Dans la formation obligatoire de «  tout
assistant maternel agréé  », une initiation «  à la prévention
des violences éducatives ordinaires » (CASF, art. L421-14) a
été ajoutée.
La violence physique est désormais interdite, c’est bien,
mais elle l’était déjà, et pour beaucoup de parents, donner
une fessée, une claque, mettre au coin, ce n’est ni violent,
ni maltraitant  : vont-ils se sentir concernés  ? Il n’est pas
certain que cette avancée législative mette réellement un
terme aux violences éducatives dites « ordinaires » (lire à ce
sujet les analyses de l’observatoire des violences éducatives
ordinaires sur son site Internet www.oveo.org). Il faut
également attendre les premiers jugements sur cette
question pour voir comment les juges vont interpréter cette
interdiction des « violences physiques ou psychologiques » :
que vont-ils trouver violent  ? que vont-ils tolérer  ? où
commence la violence, où se termine la sévérité ?
Le droit de donner des claques et des fessées est en effet,
depuis toujours, un droit coutumier toléré par la
jurisprudence, qui n’apparaît dans aucun code.
La justice reconnaît, à ceux qui exercent l’autorité
parentale, un «  pouvoir disciplinaire pouvant
éventuellement s’exercer sur de jeunes enfants sous forme
de gifles ou de tapes inoffensives  » administrées «  dans un
but éducatif  » (tribunal de police de Bordeaux, 18  mars
1981). Le niveau de tolérance a, on peut s’en réjouir,
tendance à diminuer depuis le début du XXe siècle.
Le juge qui, le 18 mars 1981, présidait le tribunal de police
de Bordeaux, a toutefois estimé que «  les châtiments
corporels ou même le traditionnel droit de correction ne
correspondent plus à l’état de nos mœurs  ». Et, en
nommant gifles et tapes, on peut imaginer que le magistrat
a voulu interdire l'usage du martinet (tradition française) ou
de tout autre instrument, et «  inoffensives  » peut être
compris de deux manières  : qui ne fait pas trop mal, mais
surtout « qui n’offense pas ».
Le papa qui a été condamné le 14  octobre 2013 par le
tribunal correctionnel de Limoges pour avoir administré une
fessée déculottée à son fils de neuf ans l’a été pour
essentiellement deux raisons  : la volonté d’humilier en
baissant le pantalon (qu’il semble avoir reconnue) et le
différé de la punition, qui n’a pas été réactionnelle
(contrairement à la gifle donnée par François Bayrou en
2002 à un enfant qui lui faisait les poches).
Le papa en question a écopé de 500  euros d’amende  avec
sursis (qu’il ne devra donc payer qu’en cas de récidive), et a
dû verser 150 euros de dommages et intérêts à la mère de
l’enfant qui avait porté plainte. La sanction a donc été
symbolique (contrairement à ce qu’a pu laisser croire le
déchaînement médiatique), et la justice probablement un
peu manipulée dans le cadre d’un divorce conflictuel…
Le tribunal de police de Bordeaux, auteur de la
jurisprudence précitée, a été saisi par la plainte des parents
de William, un garçon de dix ans, giflé, le 24 juin 1980, par
son institutrice de CM2. Elle était poursuivie pour violences
légères (code pénal, art.  R624-1). Les violences légères ne
causent aucune interruption temporaire de travail (ITT),
elles sont considérées comme des contraventions de 4e
classe, et punies d’une amende de 750 euros maximum. Le
juge l’a relaxée en rappelant que le droit coutumier de
correction est reconnu aux parents et aux enseignants.
En effet, contrairement à une idée largement répandue, les
punitions corporelles ne sont pas interdites dans les écoles
françaises  : elles n’ont été depuis 1887 que déconseillées
par plusieurs circulaires successives (rappelons qu’une
circulaire n’a pas de pouvoir normatif, elle ne peut ni
interdire, ni imposer). Elles ne le sont toujours pas : le texte
qui vient d’interdire les violences envers les enfants n’en dit
mot. Les enseignants sont d’ailleurs, jusqu’à présent,
presque toujours relaxés par les tribunaux lorsque les
parents déposent plainte contre eux : le droit de réprimer un
comportement grossier, insolent et perturbateur a été
reconnu au professeur à Saint-Quentin (1982), à Rennes
(1984 et 1991) et à Dijon (1991). La Cour d’appel d’Angers a
relaxé un professeur qui avait donné des gifles et même des
«  coups de pied dans les fesses  » à une élève qui
«  cherchait depuis longtemps l’incident  » (13  novembre
1982). La Cour de Cassation reconnaît depuis plus d’un
siècle aux enseignants un droit de correction en raison de
leurs fonctions, «  comparable à un moindre degré à celui
des parents, qui justifie certaines gifles ou soufflets  »
(chambre criminelle, 18 février 1889, 21 février 1967). Elle a
estimé que l’enseignant qui s’était rendu coupable d'un
geste de violence sur un élève perturbant le déroulement
d'un cours avait exercé «  un droit coutumier de correction
manuelle des élèves par les maîtres, assimilé à celui
reconnu aux père et mère de l'enfant, qui constitue un fait
justificatif d'usage » (l’usage et la coutume sont en droit des
notions très voisines). Il devait être relaxé puisqu’il
apparaissait que ce droit avait été «  exercé de manière
adaptée, mesurée et nécessaire à la bonne tenue des
élèves et au maintien de l'ordre dans la classe  » (Chambre
criminelle, février  1998, tribunal de police de Sarlat,
11 septembre 1997).
Les enseignants qui ont été condamnés l’ont été parce que
la justice a estimé qu’ils avaient dépassé les limites fixées
par la jurisprudence, comme ce professeur d’un collège de
Berlaimont (Nord) qui a jeté par terre les affaires d’un élève
de sixième qui refusait de les enlever d'une table, avant de
le plaquer contre un mur. L’enfant l’a alors traité de
connard, ce qui lui a valu une gifle, avant d’être de nouveau
plaqué contre le mur. Le père (qui était gendarme) a déposé
plainte pour violence aggravée sur mineur de quinze ans
(code pénal, art.  222-13). Le professeur a été condamné à
500  euros d’amende (tribunal correctionnel d’Avesnes-sur-
Helpe, 13  août 2008)  : le tribunal a considéré que le
comportement du professeur avait provoqué la réaction de
l’enfant.
La loi pénale française condamne pourtant les violences  :
frapper un enfant, considéré comme une personne
vulnérable, est une circonstance aggravante, et l'autorité
parentale – depuis le 4  mars 2002 – doit plutôt, dit la loi,
s’exercer dans le respect dû à la personne de l'enfant (code
civil, art. 371-1).
Le code pénal prévoit des peines de 5 à 30 ans de prison et
de fortes amendes, pour celui qui commet des violences
habituelles sur un mineur de moins de 15 ans (code pénal,
art.  222-14), avec ou sans ITT, ou des violences aggravées
sur un mineur de moins de 15 ans avec une ITT de plus de
huit jours (code pénal, art.  222-12), avec une ITT de moins
de huit jours ou sans ITT (code pénal, art. 222-13).
La justice, par l'intermédiaire de la jurisprudence, reconnaît
pourtant souvent, aux parents et aux enseignants, un
pouvoir disciplinaire à but éducatif qui, pour rester légitime,
«  doit s’exercer de manière inoffensive  » (chambre
criminelle de la Cour de Cassation, 31 janvier 1995). Elle se
borne en fait à constater qu’il s’agit là d’un droit issu de la
coutume, et la coutume, dans une démocratie, est plus
importante que la loi tant qu’elle n’est pas illégale.
La coutume permet par exemple à la femme mariée de
signer des chèques au nom de son mari (alors qu’il s’agit
seulement d’un nom d’usage), et c’est au nom de la
coutume (et de l’esprit de la loi) que le premier mariage
homosexuel célébré à Bègles (33) a été annulé.
L’observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO)
d’Olivier Maurel milite depuis longtemps pour l’adoption
d’une loi «  anti fessée  » (et plus largement pour
l’interdiction de toutes punitions corporelles). Il proposait
d’ajouter, au second alinéa de l’article 371-1 du code civil,
que les parents «  s’abstiennent à [l’égard de l’enfant] de
toute punition corporelle et de tout châtiment humiliant  ».
Plusieurs propositions de loi ont été déposées par des
députés dans les dix dernières années, elles ont toutes été
rejetées, par l’Assemblée nationale (2010), par le Sénat
(2019) ou par le Conseil Constitutionnel (2016), avant que
n’aboutisse (enfin) celle du 10 juillet 2019 : si elle peut être
considérée comme décevante, elle n’en représente pas
moins une avancée appréciable (et la presse qui tourne en
boucle sur l’interdiction de la fessée va peut-être
involontairement combler les carences et imprécisions du
texte adopté).
Précisons que ce droit coutumier de correction reconnu aux
enseignants ne l’est pas aux éducateurs, animateurs,
psychologues, ou autres professionnels de l’encadrement
des mineurs (ni aux beaux-pères, belles-mères et grands-
parents). Une assistante maternelle professionnelle qui avait
«  donné à un enfant de 8 ans placé chez elle des fessées
trop appuyées  » a pourtant été dispensée de peine après
avoir été reconnue coupable «  aux motifs que le droit de
correction manuel reconnu aux parents de substitution
devait être exercé avec mesure » (Cour d’appel de Bourges,
1er avril 1999).
Le Conseil de l’Europe a plusieurs fois demandé aux États
membres de revoir leur législation, et le Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe a adopté le 26  mars 1985
une recommandation qui estime que «  les châtiments sont
un mal qu’il faut au moins décourager avant de l’interdire ».
La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a estimé
le 23  septembre 1998 qu’un beau-père qui avait «  frappé
avec beaucoup de force  » et avec une canne un enfant de
neuf ans (tradition anglaise) ne pouvait invoquer le moyen
de défense du «  châtiment raisonnable » qui avait pourtant
convaincu les juridictions de son pays.
La Grande-Bretagne a interdit les châtiments corporels à
l’école publique en 1986 et dans les établissements privés
en 1999, mais elle se refuse à les interdire à la maison s’ils
sont appliqués «  dans un cadre aimant et affectueux  »,
selon la formulation adoptée en janvier  2000. La Cour
européenne des droits de l’Homme a conclu qu’il y avait eu
violation de l’article  3 de la Convention  européenne des
droits de l’Homme qui interdit la torture et les traitements
inhumains ou dégradants.
Les claques et les fessées sont déjà interdites dans 56 pays
du monde (sur 196), dont 32 des 47 états membres du
Conseil de l’Europe1.
La Suède a été la première, en mars 1979, à légiférer sur la
question.
La Cour suprême du Canada a autorisé, le 30 janvier 2004,
après un long débat, «  tout instituteur, père ou mère, ou
toute personne qui remplace le père ou la mère  » (code
criminel, art. 43, extrait) «  à employer la force pour corriger
un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins,
pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable
dans les circonstances  ». Elle autorise explicitement dans
ses attendus à frapper sur les fesses (et seulement sur les
fesses) les enfants âgés de 2 à 12 ans.
En France, le père disposait jadis d’un droit paternel
d’incarcération appelé « correction paternelle » créé par un
Édit royal de 1639 (signé, donc, par Louis XIII), qui imposait
la soumission de l’enfant à l’autorité de son père, puisque
« la révérence naturelle des enfants envers leurs parents est
le lien de la légitime obéissance des sujets envers leur
souverain  ». Si «  l’autorité du père était bafouée, la paix
familiale compromise ou que le père avait de graves sujets
de mécontentement », il pouvait faire incarcérer son enfant
par la puissance publique. L’expression a été reprise en
1804 : si le père avait «  des sujets de mécontentement très
graves sur la conduite d’un enfant  » (code civil ancien,
art.  375), il pouvait exiger l’incarcération pour une durée
maximale d’un mois (moins de seize ans) ou de six mois
(plus de seize ans). Le «  président du tribunal
d’arrondissement  » devait «  délivrer l’ordre d’arrestation  »
(code civil ancien, art. 376), mais, pour les mineurs de plus
de seize ans, il pouvait, «  après en avoir conféré avec le
commissaire du Gouvernement » (l’ancêtre du procureur), le
refuser, ou « abréger le temps de la détention requis par le
père » (code civil ancien, art. 377).
La justice était alors peu respectueuse du droit des enfants,
qui étaient même incarcérés avec les majeurs jusqu’à
l’adoption de la loi du 5  août 1850 sur l’éducation et le
patronage des jeunes détenus, qui a institué trois catégories
d’établissements :
les établissements pénitentiaires (mineurs enfermés au
titre de la correction paternelle) ;
les colonies pénitentiaires publiques ou privées (mineurs
acquittés pour manque de discernement et jeunes
condamnés de six mois à deux ans d’emprisonnement) ;
les colonies correctionnelles (mineurs condamnés à plus
de deux ans d’emprisonnement et insoumis ou rebelles
des colonies pénitentiaires).
La colonie de Mettray (Indre-et-Loire), inaugurée le
22 janvier 1840, était une colonie pénitentiaire : Jean Genet
y évoque sa détention dans son roman Miracle de la Rose
(1946). Les colonies pénitentiaires et les colonies
correctionnelles sont aussi appelées bagnes d’enfants  :
Louis Roubaud, journaliste, leur consacre un livre qui
raconte le quotidien et les révoltes des enfants détenus, Les
enfants de Caïn (1932).
Le 31  décembre 1927, les colonies correctionnelles et
pénitentiaires sont par décret rebaptisées maisons
d'éducation surveillée, mais appelées maisons de
redressement ou maisons de correction (et les colons
deviennent des pupilles). Le corps des moniteurs-
éducateurs, ancêtres des éducateurs, est créé en 1935  :
titulaires du diplôme d’assistant social ou du certificat
d’aptitude à l’enseignement des enfants arriérés (créé en
1909), ils sont chargés de la formation professionnelle et de
la discipline.
Le 30  octobre 1935, un décret-loi sonne le glas du droit
paternel d’incarcération : il remplace la correction paternelle
par le placement en maison d'éducation surveillée ou en
institution (un autre décret, le même jour, abroge la loi qui
permet d’incarcérer les mineurs vagabonds). L'ordonnance
du 1er  septembre 1945 crée au sein de l’administration
pénitentiaire la direction de l'Éducation surveillée  : elle
dispense une formation professionnelle aux mineurs. Les
pouvoirs du père seront encore réduits par l’ordonnance du
23  décembre 1958 qui créera l’assistance éducative et
attribuera, au juge des enfants, un rôle civil de protection en
partant du principe qu’un mineur délinquant est souvent un
mineur qui n’a pas été protégé assez tôt.

LES PARENTS ONT DES OBLIGATIONS


Si les droits et les devoirs sont subjectifs, les obligations et
les interdictions sont objectives  : il n'est jamais obligatoire
d’exercer ses droits et ses devoirs, mais celui qui ne
respecte pas ses obligations s'expose toujours à une
sanction pénale.

▶  L’obligation d’instruction
Si la scolarité est un droit pour les enfants, c’est une
obligation pour leurs parents, «  entre six ans et seize ans »
(code de l’éducation, art. L. 131-1).
Les règles relatives à l'âge de l'instruction obligatoire sont
susceptibles d'être modifiées à la rentrée 2019
(abaissement à  trois ans), mais elles n’apparaissent pas
encore dans le code.
L’instruction peut être donnée dans des établissements
scolaires, publics ou privés, ou «  dans les familles, par les
parents, ou l'un d'entre eux, ou toute personne de leur
choix  » (code de l’éducation, art. L.  131-2). Le non-respect
de l’obligation d’instruction est un délit qui peut être
sanctionné de «  deux ans d'emprisonnement et de
30 000 euros d'amende » (code pénal, art. 227-17).
LA LUTTE CONTRE L’ABSENTÉISME ET LE
DÉCROCHAGE SCOLAIRES

L’absentéisme scolaire constitue un risque important de décrochage


scolaire. Les parents ou les personnes qui exercent l’autorité parentale sont
immédiatement prévenus par les professionnels de l’école, par téléphone,
SMS ou courrier électronique, de toute absence du mineur. Ils doivent faire
connaître sans délai au chef d'établissement les motifs de cette absence.
Les motifs d'absence légitime sont détaillés dans le code de l’éducation  :
maladie de l'enfant, maladie transmissible ou contagieuse d'un membre de
la famille, réunion solennelle de famille, empêchement résultant de la
difficulté accidentelle des communications et absence temporaire des
personnes responsables lorsque les enfants les suivent (CE, art. L131-8).
Les autres motifs «  sont appréciés par l'autorité de l'État compétente en
matière d'éducation  », c’est-à-dire l’inspecteur d’académie, représenté par
le chef d’établissement.
Nul besoin de certificat médical  en cas de maladie de l’enfant  : la
justification de l’absence par les parents suffit (décret 66-104 du 18 février
1966) sauf «  dans les cas de maladies contagieuses énumérées dans
l'arrêté interministériel du 3 mai 1989 », qui précise les durées et conditions
d'éviction. La circulaire n° 2004-054 du 23 mars 2004 relative au contrôle et
promotion de l'assiduité des élèves soumis à l'obligation scolaire a confirmé
ces dispositions cinquantenaires, mais les habitudes sont difficiles à perdre.
S’ils ne justifient pas d’un motif légitime, l’élève est convoqué par le
conseiller principal d'éducation. Il lui rappelle ses obligations en matière
d'assiduité et peut lui infliger une punition « adaptée à sa situation ».
Si l’élève manque la classe sans motif légitime ni excuses valables au moins
quatre demi-journées dans le mois, le chef d'établissement en informe
l’inspecteur d’académie, qui adresse aux parents un avertissement. Il peut
aussi les convoquer, pour leur rappeler leurs obligations, et les sanctions
pénales encourues. Il s’entretient avec eux de la situation, et tente de
trouver des solutions. Il les informe «  sur les dispositifs et les actions de
soutien à la parentalité » (CE, art. R131-6), et peut faire appel aux services
de l’aide sociale à l’enfance (ASE) du conseil départemental, ou à la caisse
d'allocations familiales. Il peut également diligenter une enquête sociale,
pour mieux comprendre l’environnement familial.
En cas d’absentéisme « lourd » (plus de dix demi-journées par mois), le chef
d'établissement réunit les membres concernés de la communauté éducative
(l'équipe éducative dans le premier degré ou la commission éducative dans
le second degré), «  afin de rechercher l'origine du comportement de l'élève
et de proposer les mesures qui peuvent être prises pour y remédier  » (CE,
art. R131-7). Il propose aux parents, ou à ceux qui assument leur rôle, une
procédure d’accompagnement adaptée et contractualisée. Un personnel
d’éducation référent est désigné pour assurer un suivi personnalisé auprès
de l'élève concerné (un professeur, en particulier le professeur principal,
l'assistant de service social, l'infirmier, le conseiller principal d'éducation, le
conseiller d'orientation-psychologue, etc.). Il suit les mesures mises en
œuvre et travaille avec la famille, pour éviter que le dialogue soit rompu.
Si la situation ne s’améliore pas, le chef d'établissement saisit à nouveau
l’inspecteur d’académie. Il lui transmet le dossier individuel de suivi de
l'absentéisme de l'élève. L’inspecteur d’académie peut convoquer ses
parents par pli recommandé. Le service de l’ASE et «  des représentants
d'autres services de l'État » peuvent participer à l’entretien, qui a pour but
de rappeler, une nouvelle fois, les obligations légales en matière d'assiduité
scolaire et les sanctions pénales auxquelles s'exposent les parents (CE,
art. R131-7). Il propose de nouvelles mesures de nature éducative ou sociale
ainsi que des dispositifs d'accompagnement à la famille. En dernier recours,
l'inspecteur d'académie peut saisir le procureur de la République (CE,
art.  L131-9). En effet, si l’instruction est un droit pour les enfants (CE,
art.  L111-2, Convention internationale des droits de l’Enfant, art.  28), elle
est aussi (depuis la loi du 28  mars 1882) une obligation pour les parents
(CE, art.  L131-1). Comme toutes les obligations, son non-respect est
passible de sanctions. Le procureur de la République peut se contenter d’un
rappel à la loi. Il peut aussi poursuivre «  l'un ou l'autre parent d'un enfant
soumis à l'obligation scolaire ou pour toute personne exerçant à son égard
l'autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue  » devant le
tribunal de police (CP, art.  R624-7). Il leur est alors reproché «  de ne pas
imposer à l'enfant l'obligation d'assiduité scolaire sans faire connaître de
motif légitime ou d'excuse valable ou en donnant des motifs d'absence
inexacts  »  : ces faits contraventionnels sont punis «  de l'amende prévue
pour les contraventions de la 4e classe  » (750  euros). Il peut également
poursuivre devant le tribunal correctionnel (TC) le parent qui s’est soustrait
« sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la
santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur  » (CP,
art. 227-17) : il s’agit d’un délit, puni de deux ans d'emprisonnement et de
30  000  euros d'amende. La mère d'un collégien qui, pendant deux ans, a
multiplié les absences (79  demi-journées au cours du premier trimestre de
sa 6e redoublée), a été condamnée à 4 mois de prison avec sursis (TC
Valenciennes, février  2015)  : devant les policiers, elle a invoqué des
problèmes d’asthme, sans produire la moindre preuve, elle ne s’est jamais
présentée à l'atelier de parentalité vers lequel elle avait été orientée, elle
refusait de collaborer avec les services éducatifs mandatés par le juge des
enfants, et elle n’est pas venue à son procès. Une autre a été condamnée à
12 mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois
ans, en raison de l’absentéisme répété de ses deux filles, âgées de 14 et 15
ans, qui auraient manqué 279 demi-journées de cours pour l'une, et 94 pour
l'autre (TC Laon, mai 2010). Les peines de prison pour cause d’absentéisme
sont assez rares en France, mais beaucoup plus fréquentes en Grande-
Bretagne  : 133 parents d’élèves ont été emprisonnés entre  2000 et  2010,
mais le taux d’absentéisme, dans le même temps, a progressé de 0,3 %. En
France, la loi 2013-108 du 31  janvier 2013 a abrogé la suspension des
allocations familiales (en cas d’absentéisme injustifié), et supprimé le
Contrat de responsabilité parentale (CRP) qui permettait la mise en place
d’un travail, au cœur des familles, avec les parents, pour les accompagner
et les remobiliser (une suppression ou une suspension des allocations est de
nouveau évoquée par le gouvernement…).
Le chef d'établissement, dans un souci de prévention, doit informer les
collectivités territoriales et les autorités concernées par la protection de
l'enfance des mesures prises contre l'absentéisme et le décrochage scolaire.
Il doit être informé, en retour, du soutien dont il peut bénéficier afin de
mener à bien les missions d'accompagnement des personnes
«  responsables  » de l'enfant et de prévention de l'absentéisme (CE,
art.  L131-8). Les services de l’Éducation nationale sont encouragés à
conclure des conventions de partenariat pour faciliter la mobilisation des
services municipaux et départementaux, des équipes de prévention
spécialisée et des associations qui peuvent constituer des partenaires
pertinents.

Quelques chiffres
Les élèves perdent en moyenne, du fait de leurs absences, 5,9 % du temps
d’enseignement (et autant du fait des absences des enseignants du second
degré). Les absences non justifiées d’au moins quatre demi-journées par
mois concernent en moyenne 4,4  % des élèves, mais ce taux varie d’un
établissement à l’autre : 10 % des établissements concentrent la moitié des
élèves absentéistes. La proportion d’élèves absents de façon non justifiée
quatre demi-journées ou plus dans le mois atteint 2,8  % des collégiens
(moyenne annuelle, stable depuis cinq ans), 5,2  % des élèves de lycée
d’enseignement général et technologique et 13,1  % des élèves de lycée
professionnel. Les élèves absents plus de dix demi-journées par mois de
manière non justifiée représentent 1  % sur l’ensemble des établissements,
mais les lycées professionnels connaissent trois fois plus d’absentéisme
lourd que les lycées d’enseignement général et technologique, et sept fois
plus que les collèges.

Textes de référence
Loi 2013-108 du 31  janvier 2013 (modifie les dispositions légales de lutte
contre l'absentéisme scolaire)
Décret n°  2014-1376 du 18  novembre 2014 relatif à la prévention de
l'absentéisme scolaire
Circulaire interministérielle n° 2014-159 du 24 décembre 2014 relative à la
prévention de l'absentéisme scolaire.

▶  L’obligation alimentaire
Elle dépasse la simple alimentation, et recouvre «  le
minimum vital  » (nourriture, vêture, couchage, etc.). Elle
prend parfois la forme d’une « contribution à l'entretien et à
l'éducation de l’enfant  » (appelée couramment «  pension
alimentaire ») versée par un parent à celui chez qui l’enfant
a sa « résidence habituelle ». Le non-respect de l’obligation
alimentaire décidée par un tribunal est un délit qualifié
d’abandon de famille puni de «  deux ans d'emprisonnement
et de 15 000 euros d'amende » (code civil, art. 227-3 CP). Il
est fortement conseillé aux parents qui en déterminent « à
l’amiable  » le montant de rédiger une convention et de la
faire homologuer par le juge aux affaires familiales (code
civil, art.  373-2-7, code de procédure civile, art.  1143). Un
simple courrier suffit, et la convention acquiert force
exécutoire. Elle est opposable aux tiers. Elle est applicable
même en cas de désaccord. L’obligation alimentaire «  ne
cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur  » (code
civil, art.  371-2)  : la jurisprudence (qui permet de
comprendre comment la justice applique concrètement le
droit) suggère qu’elle perdure surtout si l’enfant est
étudiant, qu’elle cesse vers 24/26 ans, et que son montant
mensuel moyen est de 250 euros.
L’obligation alimentaire naît du mariage (elle s’applique
entre époux, entre époux et beaux-parents) ou de la filiation
(entre ascendants et descendants). Elle est toujours
réciproque, proportionnelle («  dans la proportion du besoin
de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les
doit », code civil, art. 208), et révisable.
Lorsqu’elle n’a pas été réciproque, elle disparaît  : s’ils n’en
ont pas bénéficié lorsqu’ils étaient enfants, ils ne devront
probablement pas, devenus adultes, la respecter pour leurs
parents vieillissants. La loi prévoit un seul cas dérogatoire. Il
concerne les enfants «  retirés de leur milieu familial par
décision judiciaire durant une période d'au moins trente-six
mois cumulés au cours des douze premières années de leur
vie » (code de l’action sociale et des familles, art. L132-6) :
ces enfants sont « dispensés de droit de fournir cette aide »
sauf «  décision contraire du juge aux affaires familiales  ».
Seul le juge aux affaires familiales peut imposer le montant
d’une «  pension  » ou d’une contribution, par exemple à la
prise en charge d’une personne âgée placée en institution
(le conseil départemental n’a que la possibilité de proposer
un montant qu’il calcule selon des barèmes qui changent
d’un département à l’autre).
L’AIDE AU RECOUVREMENT DES PENSIONS
ALIMENTAIRES (ARPA)

La Caisse d’allocations familiales (CAF) ou la Mutualité sociale agricole


(MSA) peuvent intervenir en cas de pension alimentaire impayée, ou
partiellement payée (rappelons que le bénéficiaire peut également déposer
plainte et se constituer partie civile).
La CAF et la MSA s’occupent de recouvrer les sommes dues.
Celui – ou celle – qui élève seul l’enfant les saisit d’une  demande
d'allocation de soutien familial (ASF), qui permet d’obtenir à la fois l’ASF
(115,64 euros par mois par enfant) et le recouvrement des impayés (l’ASF
est versée au titre d’avance), ou, si le parent vit en couple, d’une demande
d’Aide au recouvrement des pensions alimentaires (ARPA).
Si le montant de la contribution n’a pas encore été fixé par le juge
(l’ordonnance fera office de titre exécutoire), l’ASF peut être versée pendant
quatre mois (et au-delà, sur présentation d'un justificatif de l'engagement
de la procédure).
L’ASF et l’ARPA se demandent en ligne (ou via le CERFA 12038*03).

▶  L’obligation de soins
«  Le fait, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou toute autre
personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou ayant autorité sur
un mineur de quinze ans, de priver celui-ci d'aliments ou de soins au point
de compromettre sa santé est puni de sept ans d'emprisonnement et de
100 000 euros d'amende » (code pénal, art. 227-15).

La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a précisé


que « constitue notamment une privation de soins le fait de
maintenir un enfant de moins de six ans sur la voie publique
ou dans un espace affecté au transport collectif de
voyageurs, dans le but de solliciter la générosité des
passants  ». L’obligation vaccinale fait partie de cette
obligation de soins : créée en 1938 (diphtérie), elle a évolué
au fil des années. En 2017, elle ne portait plus que sur «  les
vaccinations antidiphtérique et antitétanique  » (code de la
santé publique, art. L.  3111-2) et antipoliomyélitique (CSP,
art. L. 3111-2), sauf contre-indication médicale reconnue. Le
Conseil Constitutionnel a confirmé, le 20  mars 2015, que
ces dispositions étaient «  conformes à la Constitution  »
(décision 2015-458). Elle a récemment été renforcée  :
depuis le 1er  janvier 2018, onze vaccins sont obligatoires
« pour l’admission ou le maintien dans toute école, garderie,
colonie de vacances ou autre collectivité d’enfants  » (CSP,
art. L.  3111-2-1). Cette obligation ne concerne que les
enfants nés après le 1er  janvier 2018. Le refus de se
soumettre, ou de soumettre ceux sur lesquels on exerce
l’autorité parentale aux obligations de vaccination, ou d’en
entraver l’exécution, peut être puni par un tribunal
correctionnel «  de six mois d’emprisonnement et de
3 750 euros d’amende  » (CSP, art. L.  3116-4). Le ministère
de la Santé assure que cet article va disparaître, mais nulle
action concrète n’est encore venue confirmer cette
affirmation  : supprimer la peine encourue reviendrait à
supprimer, de fait, l’obligation (le non-respect d’une
obligation – ou d’une interdiction – est toujours pénalisé). Le
code pénal prévoit également «  deux ans
d’emprisonnement et 30  000  euros d’amende  » pour les
parents qui se soustraient «  sans motif légitime à leurs
obligations légales au point de compromettre la santé, la
sécurité, la moralité ou l’éducation  » de l’enfant (art.  227-
17). Les anti-vaccins utilisent plusieurs arguments, dont le
droit naturel et inaliénable de résister à l’oppression présent
dans les déclarations des droits de l’Homme et du citoyen
de 1789 (art. 2) et dans la Constitution du 24 juin 1793 (elle
crée la Première République), qui proclame que «  la
résistance à l'oppression est la conséquence des autres
Droits de l'homme  » (art.  33), qu’il y a «  oppression contre
le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé »
(art. 34), et que « quand le gouvernement viole les droits du
peuple, l'insurrection  est, pour le peuple et pour chaque
portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus
indispensable des devoirs  » (art.  35). Le 6  mai 2019, le
Conseil d'État a validé le passage de 3 à 11  vaccins
obligatoires pour les enfants. Il a débouté la Ligue nationale
pour la liberté des vaccinations, qui l'avait saisi pour
contester cette extension, en estimant que l'extension du
nombre de vaccins obligatoires n'était pas contraire au
« droit à l'intégrité physique et au respect de la vie privée »,
et qu’elle était justifiée «  par la protection de la santé
publique ».

LES PARENTS ONT DES INTERDICTIONS

Les parents ont l’interdiction de se soustraire «  sans motif


légitime  » à leurs obligations légales (code pénal, art.  227-
17) «  au point de compromettre la santé, la sécurité, la
moralité ou l'éducation  » de leur enfant mineur. Ils
encourent à défaut deux ans d'emprisonnement et
30 000 euros d'amende. On évoque ici une « responsabilité
éducative  » des parents, qui ont l’obligation d’exercer leur
autorité parentale.
Les parents ont également l’interdiction d’avoir des
relations sexuelles, même consenties, avec leurs enfants
mineurs. La fameuse « majorité sexuelle » (qui n’existe pas
réellement et que nous évoquerons plus tard) ne concerne
pas les relations sexuelles avec « un ascendant » ou « toute
autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou
de fait  » (code pénal, art.  227-26), qui sont alors
systématiquement qualifiées de viol ou d’agression
sexuelle.
L’inceste a été réintroduit dans le code pénal par la loi
2016-297 du 14  mars 2016 relative à la protection de
l'enfant, qui précise que «  les viols et les agressions
sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis
par un ascendant ; un frère, une sœur, un oncle, une tante,
un neveu ou une nièce  ; le conjoint, le concubin d'une des
personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par
un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes
mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur la victime une
autorité de droit ou de fait » (code pénal, art. 222-31-1).
L’inceste est une notion qui appartient essentiellement au
vocabulaire des sciences humaines (anthropologie,
psychologie, sociologie, ethnologie). Il n’apparaissait pas
sous ce nom dans le code pénal, qui le qualifiait d’agression
sexuelle ou de viol par ascendant ou personne ayant
autorité, mais plusieurs associations ont réclamé, à cor et à
cri, son retour, croyant sans doute qu’il n’était pas pénalisé.
Elles ont malheureusement fini par l’obtenir, transformant
un tabou  moral  en un simple interdit légal, ce qui en
diminue considérablement la portée. Le même article avait
déjà été modifié, mais le Conseil Constitutionnel l’avait
déclaré contraire à la Constitution (décision n°  2011-163,
QPC du 16  septembre 2011) parce que trop peu précis. En
droit civil, dans le cadre de la filiation, l’inceste est défini
comme « un rapport charnel entre proches parents ou alliés
dont le mariage est prohibé par la loi  », et l’enfant né d’une
relation incestueuse ne peut avoir de filiation établie
qu’envers un seul de ses deux parents (code civil, art. 310-
2). La filiation est généralement établie envers la mère, lors
de l’accouchement, il est alors totalement impossible
d’établir la filiation avec l’autre parent, par quelque moyen
que ce soit (adoption, reconnaissance, recherche en
paternité ou maternité). Il faut que la mère « accouche sous
X » pour que la filiation soit établie avec le père (qui aurait
reconnu sa paternité à la naissance, ou avant).
Le code pénal donne désormais une définition de l’inceste,
mais cela ne change pas grand-chose, il n’est toujours
pénalisé que si l’un des deux partenaires est mineur et que
l’autre est un ascendant ou une personne ayant autorité de
droit ou de fait, ou si, majeur, il n'est pas réellement
consentant  : une fille majeure peut toujours avoir des
relations sexuelles consenties avec son père, un frère et une
sœur peuvent avoir des relations sexuelles consenties
pendant leur minorité, et après leur majorité (l’inceste
impose le viol ou l’agression sexuelle, donc, l’absence de
consentement, et des mineurs peuvent consentir à avoir
entre eux des relations sexuelles).
L’AUTORITÉ PARENTALE : UNE NOTION
TRÈS RÉCENTE

Le code civil des Français promulgué le 21  mars 1804


reprend le principe de la «  puissance paternelle  » (patria
potestas) héritée du droit romain. Il organise la famille
autour du «  chef de famille  » (pater familias) dont les
enfants portent le nom (le nom patronymique a été
remplacé le 1er  janvier 2005 par le nom de famille)  :
l’obéissance au père est le socle de la société, elle
correspond au respect dû à l’autorité qui gouverne le pays
(la patrie est la terre du père, le patriote l’aime plus que
tout).
La mère, pendant la durée de la première guerre mondiale
(loi du 3  juin 1915), dispose de l'autorité paternelle en
l'absence du père (pas de la puissance, mais de l’autorité,
qui n’est ni maternelle, ni parentale).
La loi du 4  juin 1970 remplace la puissance paternelle par
l’autorité parentale. Le père n’est plus «  chef de famille  ».
L’autorité parentale est conjointe dans les familles dites
«  légitimes  » (quand papa et maman sont mariés
ensemble), mais un seul des deux parents dispose de
l’autorité parentale dans les familles dites «  naturelles  »
(quand papa et maman ne sont pas mariés ensemble), ou
après un divorce.
La loi du 11 juillet 1975 réforme le divorce. Les époux sont à
égalité, l’adultère est dépénalisé, et l'autorité parentale est
attribuée à celui qui a obtenu la garde de l'enfant (l’un des
parents – souvent le père – peut alors totalement disparaître
de la vie de l’enfant, comme dans la chanson Le téléphone
pleure, interprétée par Claude François).
La loi du 22 juillet 1987, dite « Malhuret » (Claude Malhuret
a été secrétaire d'État chargé des droits de l'Homme de
1986 à 1988) attribue l'autorité parentale conjointe à tous
les parents, mariés, non-mariés, séparés ou divorcés. Elle
préfigure l’égalité entre parents consacrée par les lois
suivantes, dont les parents – et les professionnels – n’ont
toujours pas intégré les dispositions. La logique est enfin de
«  substituer le couple parental au couple conjugal  »  : un
parent est un parent quel que soit son statut marital.
La loi du 8  janvier 1993 sépare l'autorité parentale de
l'exercice de l'autorité parentale  : ces deux notions
complémentaires sont dissociées, on peut avoir l’un sans
avoir l’autre (un parent peut avoir l’autorité et être privé du
droit de l’exercer, un tiers peut exercer par délégation une
autorité qu’il ne possède pas). L’autorité parentale peut être
retirée (la déchéance aussi, a disparu) et l’exercice peut
être suspendu, ou délégué. On évoque, en droit, la capacité
de jouissance (je suis, je jouis, je bénéficie) et la capacité
d’exercice (j’exerce les droits dont je jouis). Chacun d’entre
nous a connu cette situation : un mineur jouit des droits que
la loi lui attribue, mais ses parents, jusqu’à sa majorité, les
exercent à sa place (ils sont ses représentants légaux). Ils
sont censés les exercer dans son intérêt (code civil, art. 371-
1), qui reste tout de même son intérêt supposé.
La loi du 8  janvier 1993 remplace symboliquement le juge
aux affaires matrimoniales par le juge aux affaires familiales
(JAF), le juge de « toutes les familles » (même non mariées).
Le JAF se voit attribuer la compétence exclusive de
l'exercice de l'autorité parentale (le juge des enfants ne
peut ni le modifier, ni l’aménager, ni le restreindre, ce que
les professionnels de la protection de l’enfance ont du mal à
intégrer). Elle fait disparaître la notion de «  garde de
l’enfant  » qu’elle remplace par la «  résidence principale de
l’enfant  » afin de respecter l’égalité entre les parents
(maman a la garde, papa, un droit de visite, n’exprime pas
réellement une situation où chacun a les mêmes droits).
L’exercice de l’autorité parentale n’est pas limité par le droit
de visite et d’hébergement établi lors d’un divorce, d’une
séparation  : il devient donc purement indicatif lorsque les
deux parents exercent l’autorité parentale. Nulle disposition
légale ne vient confirmer ou étayer l’idée que le droit de
visite est limitatif, rien n’empêche donc le parent chez qui
l’enfant n’a pas sa résidence (rappelons que « la garde » a
disparu) d’aller chercher son enfant à la sortie de l’école,
qui ne pourra en aucun cas refuser de le lui remettre (ce
serait un délit de non-représentation d’enfant). Les deux
parents doivent arriver à s’entendre (rappelons la logique
de la loi Malhuret : elle s’applique aussi aux parents). Si l’un
des deux abuse de ses droits, et que cela nuit à l’enfant, il
pourra voir suspendu l’exercice de son autorité parentale
(son droit de visite deviendra alors impératif).

Que doit faire le psychologue quand une mère


l’informe que le père
de leurs enfants, dont elle est séparée, vient les
voir tous les soirs
à la sortie de l’école, alors que l’ordonnance du
JAF stipule que
la résidence principale des enfants est chez leur
mère et que leur père
a un droit de visite et d’hébergement un week-
end sur deux ? Comment
le psychologue peut comprendre cette situation,
et quels éléments
doit-il chercher à connaître pour bien
accompagner cette famille ?
Le psychologue peut comprendre qu’il est face à un père qui assume ses
responsabilités, ce qui est plutôt bien. Il exerce au quotidien son autorité
parentale et ne se soucie pas de ses enfants seulement un week-end sur
deux, ce qui peut difficilement lui être reproché.
Nul texte ne prévoit que l’autorité parentale ne s’exerce que pendant le
droit de visite et d’hébergement, bien au contraire : «  chacun des père et
mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter
les liens de celui-ci avec l'autre parent  » (code civil, art.  373-2). Les
réformes successives ont rendu l’ordonnance du JAF purement indicative
et mis les deux parents à égalité, même en cas de divorce ou de
séparation, qui sont désormais «  sans incidence sur les règles de
dévolution de l'exercice de l'autorité parentale  » (code civil, art.  373-2).
L’ordonnance fixe un droit a minima. Il convient tout de même de vérifier
que le père a conservé l’exercice de l’autorité parentale, ce qui est la règle
(la suspension est l’exception), et d’informer le procureur de la République
pour qu’il saisisse le JAF afin qu’il statue «  sur les modalités d'exercice de
l'autorité parentale » (code civil, art. 373-2-8) si l’un des parents abuse de
ses droits, et que l’enfant en souffre.

La loi du 5  juillet 1996 relative à l'adoption  remplace la


déchéance de l'autorité parentale, jugée trop infamante, par
le retrait de l'autorité parentale, qui peut être prononcé, à
titre exceptionnel, par le tribunal de grande instance (TGI),
la Cour d’assises ou le tribunal correctionnel (code civil,
art.  378 et 378-1). Il ne faut pas confondre le retrait
d’autorité parentale et la suspension de son exercice.
Le 30  décembre 1996, le parlement adopte une résolution
du 3e parlement des enfants qui proclame que «  l'enfant ne
doit pas être séparé de ses frères et sœurs, sauf si cela n'est
pas possible ou si son intérêt commande une autre
solution  » (code civil, art.  371-5). Cette proposition a été
défendue le 1er  juin 1996 par le représentant des élèves de
la classe de CM2 de l'école élémentaire Louis Pasteur de
Limeil-Brévannes (Val de Marne). L’aide sociale à l’enfance
(ASE) doit veiller «  à ce que les liens d'attachement noués
par l'enfant avec ses frères et sœurs soient maintenus, dans
l'intérêt de l'enfant  » (CASF, art.  L221-1)  : c’est un apport
(tardif) de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de
l'enfant (il aura fallu vingt ans pour que cette disposition
s’impose enfin à l’ASE).
La loi du 4  mars 2002 consacre définitivement l'égalité
entre le père et la mère  : la «  résidence principale  » de
l’enfant est remplacée par sa «  résidence habituelle  ». Elle
impose une nouvelle définition de l’autorité parentale (code
civil, art. 371-1), et fait disparaître la dernière utilisation de
«  garde  » (les parents ont droit et devoir de garde, de
surveillance et d’éducation). Elle crée la résidence alternée,
qui apparaît même comme prioritaire  : «  la résidence de
l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun
des parents ou au domicile de l'un d'eux  » (code civil,
art.  373-2-9). La résidence de l’enfant est en fait
systématiquement alternée – même lorsqu’elle n’est pas
précisée dans le jugement – si les deux parents exercent
l’autorité parentale, puisqu’ils sont à égalité.
Rappelons que deux arrêts de la 2e chambre civile de la
Cour de Cassation ont interdit ce que les juges appelaient
«  garde alternée  » (les 21  mars 1983 et 2  mai 1984),
certains ont néanmoins continué à la prononcer, lorsque les
deux parents étaient d’accords (pour éviter ou limiter les
recours), ce qui illustre aussi l’effet limité de la
jurisprudence, même émanant de la plus haute juridiction
française.
Le 4  mars 2002, une autre loi, applicable au 1er  janvier
2005, fait disparaître le nom patronymique (le nom du père)
au profit du nom de famille  : elle permet aux parents
(mariés, pacsés, concubins, célibataires, etc.) d’attribuer à
leur enfant le nom de famille de leur choix (le nom du père,
de la mère ou des deux, accolés dans n’importe quel ordre).
La loi du 8  janvier 1993 avait déjà autorisé les parents à
donner à l’enfant le prénom de leur choix, et de son
orthographe (code civil, art.  57). L’officier de l’état civil ne
peut pas refuser de l’inscrire dans l’acte de naissance, mais
«  lorsque ces prénoms ou l'un d'eux, seul ou associé aux
autres prénoms ou au nom, lui paraissent contraires à
l'intérêt de l'enfant ou au droit des tiers à voir protéger leur
nom de famille, [il] en avise sans délai le procureur de la
République  », qui «  peut saisir le juge aux affaires
familiales ». Ensuite, « si le juge estime que le prénom n'est
pas conforme à l'intérêt de l'enfant ou méconnaît le droit
des tiers à voir protéger leur nom de famille, il en ordonne
la suppression sur les registres de l'état civil  ». Il peut
attribuer à l'enfant «  un autre prénom qu'il détermine lui-
même à défaut par les parents d'un nouveau choix qui soit
conforme aux intérêts susvisés  », et «  mention de la
décision est portée en marge des actes de l'état civil de
l'enfant ».

LA DÉFINITION DE L’AUTORITÉ PARENTALE

Le chapitre du code civil «  De l'autorité parentale


relativement à la personne de l'enfant  » s’ouvre sur un
article codifié en 1803, qui a survécu à toutes les réformes,
toutes les évolutions, qui rappelle que « l'enfant, à tout âge,
doit honneur et respect à ses père et mère  ». En 2014, le
projet de loi relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de
l'enfant (APIE) qui envisageait de développer la
coparentalité et de mettre en place une sorte de beau-
parentalité, voulait rendre ce respect réciproque  : «  les
parents et les enfants se doivent mutuellement respect,
considération et solidarité. » Elle n’a jamais vu le jour.
La définition actuelle de l’autorité parentale provient de la
loi du 4  mars 2002. Elle précise que «  l'autorité parentale
est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité
l'intérêt de l'enfant  » (art.  371-1). On peut – au passage –
regretter que la notion d’obligation n’apparaisse pas. En
pointant ainsi «  l'intérêt de l'enfant  », la France s’est mise
en conformité avec la Convention des Nations Unies pour
les droits de l’enfant (souvent affublée de l’acronyme CIDE
et appelée Convention internationale des droits de l’enfant).
Initiée par la Pologne en 1978, elle a été approuvée par
l’Assemblée générale des Nations Unies le 20  novembre
1989, et ratifiée par la France le 7 août 1990. L’article 18 de
la Convention rappelle que ceux qui élèvent l’enfant
«  doivent être guidés avant tout  » par son «  intérêt
supérieur  ». L’intérêt supérieur de l’enfant est aussi «  la
considération primordiale  » en matière d’adoption
(article  21), bien que le «  droit à l’enfant  » puisse parfois
apparaître comme opposé aux «  droits de l’enfant  ». La
France, dans sa législation interne, n’a pas conservé la
notion de « supérieur ».
La primauté de l’intérêt de l’enfant a ainsi conduit le
législateur à réécrire certains articles du code civil, comme
celui qui interdisait aux parents de «  faire obstacle aux
relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents »
(code civil, ancien art.  371-4). Il était considéré comme
instaurant un droit pour les grands-parents de voir leurs
petits-enfants, puisque, «  à défaut d'accord entre les
parties, les modalités de ces relations sont réglées par le
juge aux affaires familiales  ». La loi du 4  mars 2002 a
modifié sa rédaction  : c’est l'enfant qui, désormais, «  a le
droit d'entretenir des relations personnelles avec ses
ascendants  », et «  seul l'intérêt de l'enfant peut faire
obstacle à l'exercice de ce droit ». Une précédente rédaction
exigeait «  des motifs graves  » pour «  faire obstacle à ce
droit  ». L’intérêt de l’enfant a remplacé celui de ses
ascendants. L’article 371-4 indique aujourd’hui que, «  si tel
est l'intérêt de l'enfant », le juge aux affaires familiales peut
fixer «  les modalités des relations entre l'enfant et un tiers,
parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de
manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à
son éducation, à son entretien ou à son installation, et a
noué avec lui des liens affectifs durables  », visant
explicitement les beaux-parents.
Le beau-parent, dans la loi française, n’a aucun statut,
même lorsqu’il est marié avec un des deux parents, et qu’il
a des enfants avec lui  : il reste le beau-parent de l’enfant
dont il n’est pas le parent. Il est considéré comme un tiers,
au même titre qu’un grand-parent, un tonton ou une baby-
sitter. Comme eux, il peut être autorisé, par un des deux
parents (sans l’accord de l’autre) et par écrit, à aller
chercher l’enfant à l’école, à la crèche, au centre de loisirs
(etc.).
Il est, comme tout tiers, comme toute structure dans
laquelle a été placé l’enfant, même sur décision judiciaire,
limité aux «  actes usuels relatifs à sa surveillance et à son
éducation  » (code civil, art.  373-4). Les actes usuels de
l’autorité parentale (code civil, art.  372-2) sont
exclusivement réservés aux parents, ou aux délégataires de
l’exercice de l’autorité parentale (rappelons que la
délégation d’exercice est une compétence exclusive du juge
aux affaires familiales, le juge des enfants n’a aucune
compétence en la matière, même lorsqu’il rend une
ordonnance de placement).
LES ACTES USUELS

On évoque souvent les actes usuels et les actes non-usuels, bien que les
actes non-usuels n’existent pas dans la loi, qui prévoit par contre deux
types d’actes usuels  : les actes usuels de l’autorité parentale (code civil,
art.  372-2) et les actes usuels relatifs à la surveillance et à l’éducation  de
l’enfant (code civil, art. 373-4).
Comme les actes non usuels n’existent pas, chacun s’autorise à les définir
comme bon lui semble (de nombreux services de l’ASE ont publié des
guides sur la question, dont le contenu et les préconisations sont souvent
extrêmement discutables), mais un acte non-usuel ne peut réellement être
compris que comme un acte important de l’autorité parentale qui nécessite
la signature des deux parents, s’ils exercent conjointement l’autorité
parentale.
Il ne concerne pas les tiers, cantonnés aux actes usuels relatifs à la
surveillance et à l’éducation de l’enfant. L’ASE gagnerait donc à ne pas s’en
mêler, et à ne pas piétiner les plates-bandes parentales, ou à le faire
légalement, en saisissant le juge aux affaires familiales au titre de l’article
377 du code civil pour solliciter une délégation d’exercice.
Les actes usuels de l’autorité parentale sont réservés à ceux qui exercent
l’autorité parentale. Celui qui n'a pas l'exercice, mais qui s'occupe de
l'enfant (tiers, tuteur, beau-père, foyer dans lequel l'enfant est placé,
assistant familial, etc.) ne peut accomplir que  les actes usuels relatifs à sa
surveillance et à son éducation.
Chaque parent peut faire seul un acte usuel de l’autorité parentale relatif à
la personne de l’enfant, et la double signature – de plus en plus souvent
exigée – n’est pas obligatoire dans ces situations, qui sont les plus
fréquentes  : «  à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est
réputé agir avec l'accord de l'autre ».
Cette présomption cesse si l’autre parent a préalablement manifesté par
écrit son désaccord. S’il le manifeste après, à défaut d’accord entre parents,
il ne lui restera que la solution de saisir le juge aux affaires familiales, qui
tranchera dans l’intérêt de l’enfant.

Des définitions inexistantes


La loi ne définit pas l’acte usuel de l’autorité parentale, c’est donc aux juges
d’en ajuster les limites.
Leur réflexion en la matière peut s’inspirer de quelques définitions
intéressantes...
La première a failli – si la réforme avait abouti – venir compléter l’article
372-2 du code civil, qui aurait alors précisé que «  l’accord des parents est
requis pour effectuer les actes importants de l’autorité parentale  » (sous-
entendu  : des deux parents). Les actes usuels de l’autorité parentale
auraient alors été différenciés des actes importants de l’autorité parentale,
en définissant les actes importants comme ceux « qui engagent l’avenir de
l’enfant ou qui touchent à ses droits fondamentaux ».
Cet avant-projet de réforme porté par Nadine Morano avait surtout pour
objectif de créer un  statut pour le beau-parent  et pour le tiers vivant au
domicile d’enfants dont ils ne sont pas les parents. Le député Jean Léonetti
a été chargé de l’analyser. Il a remis le 7  novembre 2009 au Premier
ministre un rapport intitulé «  Intérêt de l’enfant, autorité parentale et droits
des tiers  », dans lequel il estime que «  c’est à la jurisprudence d’apprécier,
dans chaque cas d’espèce, s’il s’agit d’un acte usuel ou bien d’un acte
grave, inhabituel, pour lequel une décision collégiale s’impose  ». Il
considère ensuite « qu’un acte est important ou non usuel, s’il rompt avec le
passé ou s’il engage l’avenir de l’enfant  » et précise que «  tout choix
inhabituel ou important dans la vie de l’enfant requiert l’accord
systématique des deux parents ». Reste à déterminer ce qui est important…
La chambre spéciale des mineurs de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,
saisie d’une question liée à l’assistance éducative, a proposé une définition
très aboutie des actes usuels relatifs à la surveillance et à l’éducation de
l’enfant (donc : qui peuvent être posés par tout tiers). Il s’agit, d’après elle,
«  des actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n’engagent pas l’avenir
de l’enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe
essentielle et ne présentent aucun risque grave apparent pour l’enfant, ou
encore, même s’ils revêtent un caractère important, des actes s’inscrivant
dans une pratique antérieure non contestée » (arrêt 2011/325 du 28 octobre
2011).

Des jurisprudences qui se contredisent


Les actes usuels de l’autorité parentale – qui ne nécessitent donc pas la
double signature – ont été définis par la justice, au gré des procédures  :
ainsi, les demandes de carte d’identité et de passeport (selon le Conseil
d’État, 8 février 1999), même si une procédure de divorce est engagée, sont
des actes usuels de l’autorité parentale (le CERFA 15646*01 d’autorisation
de sortie de territoire ne doit d’ailleurs être signé que par un seul « titulaire
de l’autorité parentale » : « de l’exercice » aurait été plus judicieux).
La première inscription de l’enfant dans un établissement scolaire n’est pas
un acte usuel de l’autorité parentale, comme l’inscription dans une école
religieuse (d’un enfant qui était auparavant scolarisé dans le public), dans
une école avec des « méthodes pédagogiques particulières » ou au cours de
catéchisme (CA Toulouse, 7  novembre 2006). La réinscription d’un enfant
dans le même établissement ou dans un établissement identique constitue
un acte usuel de l’autorité parentale, mais les décisions relatives à
l’orientation, le choix des langues, des options, des sections, des filières ou
du type d’enseignement, ou d’arrêter la scolarité avant la majorité
nécessitent le consentement des deux parents  : ce sont des actes
importants.
La Cour administrative d’appel de Paris a de son côté établi que «  chacun
des parents peut obtenir, au titre des actes usuels bénéficiant de la
présomption d’accord de l’autre parent, l’inscription ou la radiation d’une
école de leur enfant mineur, sans qu’il soit besoin d’établir qu’il dispose de
l’accord exprès de l’autre parent, dès lors qu’il justifie exercer,
conjointement ou exclusivement, l’autorité parentale sur cet enfant et
qu’aucun élément ne permet à l’administration de mettre en doute l’accord
réputé acquis de l’autre parent » (CA Paris, 2 octobre 2007).
On peut également considérer que «  les justifications des absences
scolaires, ponctuelles et brèves, de l’enfant, même présentées seulement
par oral par la mère ou le père sont des actes usuels qui n’ont pas à être
portés à la connaissance de l’autre parent par l’administration  » (tribunal
administratif de Melun, 18 décembre 2007).
Les sorties scolaires «  à la journée  » relèvent de la catégorie des actes
usuels (mais nul besoin d’autorisation : ce sont des activités qui s’inscrivent
dans le cadre scolaire, elles sont obligatoires, sauf si leurs horaires
débordent des horaires normaux), mais les voyages scolaires (ou stages
sportifs), surtout à l’étranger, nécessitent la double signature, si on en croit
l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui estime que l’inscription d’un
enfant à deux semaines de séjour de vacances ne constitue pas un acte
usuel (26 mars 2010).
Les soins obligatoires, habituels, constituent des actes usuels de l’autorité
parentale, mais soumettre l’enfant à un traitement lourd, comportant des
effets secondaires importants, à une hospitalisation prolongée, ne sont pas
des actes usuels, comme le choix du médecin traitant de l’enfant, qui relève
du choix commun des parents (CA Toulouse, 7 novembre 2000). Rappelons
ici que, depuis la réforme de l’autorité parentale du 4  mars 2002, «  les
enfants de parents tous deux assurés d'un régime d'assurance maladie et
maternité peuvent être rattachés en qualité d'ayant droit à chacun des deux
parents » (code de la sécurité sociale, art. 161-15-3).
La Cour de Cassation estime qu’une circoncision est un acte usuel si elle
relève de la nécessité médicale, mais la Cour d’appel de Lyon affirme
qu’une circoncision rituelle est une décision grave «  qui ne peut être prise
que d’un commun accord entre les parents et avec le consentement de
l’enfant, dès lors qu’il est âgé de onze ans » (CA Lyon, 25 juillet 2007).
Il est possible d’aligner les arrêts pendant des heures, tant la jurisprudence
sur le sujet est abondante, et parfois contradictoire, mais, malgré leur
nombre, elles ne resteraient que des exemples. Et il est difficile de
demander à la loi d’être plus précise  : elle ne le serait en l’espèce jamais
assez (mais aucune jurisprudence, à notre connaissance, ne concerne les
rendez-vous avec un psychologue  : soit on considère qu’ils entrent dans la
catégorie «  des soins habituels  », et ce sont des actes usuels de l’autorité
parentale, soit on les considère comme «  un traitement lourd, comportant
des effets secondaires importants », et l’accord des deux est exigé, ce que
confirme à demi-mot le code de déontologie des psychologues). Et rien
n’empêche le psychologue courageux de prendre le risque de devoir
s’expliquer avec le parent opposé à la prise en charge, ou qui n’était pas
demandeur…
Il est aussi possible d’imaginer – soyons optimistes – que si l’autorité
parentale était exercée conjointement par les deux parents, comme la loi le
prévoit et non comme la légende le raconte, le pouvoir d’obstruction de
l’un, qui est souvent sa seule forme d’expression, sa seule possibilité
d’affirmation, aurait moins de raisons de s’exprimer. On peut aussi espérer
que des parents réellement «  à égalité  » arriveraient plus facilement à
renouer le dialogue, éventuellement aidés par un psychologue ou un
médiateur familial, dans l’intérêt de leur enfant…

La précédente définition de l’autorité parentale, issue de la


loi du 4  juin 1970, érigeait la protection de l’enfant en
finalité  : «  l'autorité appartient aux père et mère pour
protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. »
Elle affirmait aussi qu’ils « ont à son égard droit et devoir de
garde, de surveillance et d'éducation  » (code civil, ancien
art. 371-2).
La définition actuelle rappelle que l’autorité parentale
«  appartient aux parents jusqu'à la majorité ou
l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité,
sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et
permettre son développement, dans le respect dû à sa
personne  ». On retrouve ici la mise en danger de l’enfant
comme limite à la liberté éducative de ses parents  : un
enfant est considéré «  en danger ou en risque de l’être  »
lorsque sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger,
quand «  les conditions de son éducation ou de son
développement physique, affectif, intellectuel et social sont
gravement compromises » (code civil, art. 375).
Le dernier alinéa de l’article 371-1 du code civil rappelle que
«  les parents associent l'enfant aux décisions qui le
concernent, selon son âge et son degré de maturité  », et
différentes procédures viennent organiser, faciliter,
encourager l’expression de l’enfant en justice (code civil,
art. 388-1).
L’article suivant, depuis le 4  mars 2002, précise que
« chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation
des enfants à proportion de ses ressources, de celles de
l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant  », et que
«  cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque
l'enfant est majeur » (code civil, art. 371-2).

Notes
1. Source : www.endcorporalpunishment.org
Chapitre 36

L’acquisition de l’autorité
parentale
et de son exercice
L’AUTORITÉ parentale et son exercice s’acquièrent lors de l’établissement de
la filiation, qui est le lien juridique qui relie l'enfant à ses parents.
L’exercice peut également s’obtenir par délégation, mais pas l’autorité, qui
ne se délègue pas (même si, dans les structures sociales et médico-sociales,
on évoque volontiers la DAP, délégation d’autorité parentale : ce n’est qu’un
raccourci lexical).

La filiation paternelle le relie à son père, la filiation


maternelle, à sa mère.
La réforme du 4 juillet 2005 (applicable au 1er juillet 2006) a
fait disparaître les termes de filiation légitime et naturelle,
mais l’autorité parentale et son exercice s’acquièrent
toujours de manière différente si les parents sont, ou non,
mariés entre eux (ou en cas d’adoption).
La filiation, une fois établie, peut être contestée devant le
tribunal de grande instance  : la maternité, en apportant la
preuve que la mère n'a pas accouché de l'enfant, la
paternité, en apportant la preuve que le mari ou l'auteur de
la reconnaissance n'est pas le père (la fiabilité des tests
ADN a considérablement allégé et raccourci les procédures).
QUAND PAPA ET MAMAN SONT MARIÉS ENTRE EUX

Lorsque les parents sont mariés entre eux, le mari de la


mère est automatiquement considéré comme le père, en
application du principe de présomption de paternité (code
civil, art.  312). On la retrouve déjà dans le code Justinien  :
publié le 15 décembre 533, à Constantinople, il a largement
inspiré les rédacteurs de notre code civil (Le père est celui
que le mariage désigne).
La déclaration de naissance doit être faite à la mairie du lieu
de naissance dans les cinq jours qui suivent
l’accouchement. Elle permet la rédaction de l’acte de
naissance. Elle donne à la mère l'autorité parentale et son
exercice. Elle donne au mari de la mère, considéré comme
le père, l'autorité parentale et son exercice. Les parents
mariés se retrouvent donc, dès la naissance, tous les deux
titulaires de l’autorité parentale et de son exercice. Le mari,
présumé père, n’a aucune démarche à effectuer. Le mariage
est une sorte de reconnaissance anticipée et universelle que
les enfants portés par l’épouse seront ceux du couple (qui
découle du devoir de fidélité). Les futurs époux sont
d’ailleurs considérés, dès la cérémonie, comme de futurs
parents, puisque l’officier de l’état civil leur donne lecture
de l’article 371-1 du code civil, qui définit l’autorité
parentale (code civil, art. 75).
La présomption de paternité peut être écartée «  lorsque
l'acte de naissance de l'enfant ne désigne pas le mari en
qualité de père  » (code civil, art.  313)  : rien n’empêche en
effet une femme mariée d’accoucher en demandant que
l’état civil de son mari ne soit pas enregistré (on dit qu’elle
accouche « sous son nom de jeune fille », ou « en tant que
femme et non d’épouse », mais aucune de ces formules n’a
d’existence légale). Elle peut également être écartée
lorsqu’une séparation de corps a été prononcée par le juge
aux affaires familiales (la séparation de corps est la
première étape sur la route qui mène au divorce).
Le père biologique de l’enfant (le géniteur, que l’on appelle
aussi « père de naissance ») peut aussi le reconnaître (si ce
n’est pas le mari)  : cela va provoquer une contestation de
paternité.
Le pacte civil de solidarité (PACS) et le concubinage sont –
comme la séparation ou le divorce – sans incidence sur la
filiation ou sur l’acquisition de l’autorité parentale  : les
pacsés et les concubins sont aux yeux de la loi des
célibataires (comme les veufs et les divorcés).

QUAND PAPA ET MAMAN NE SONT PAS MARIÉS


ENTRE EUX

La mère non-mariée devait auparavant «  reconnaître


l’enfant  », selon l’expression consacrée, qui est inexacte  :
un parent ne reconnaît pas son enfant, mais sa paternité, ou
sa maternité. On parle de reconnaissance volontaire  : il
reconnaît volontairement être le père – ou la mère – de
l’enfant. Elle pouvait le faire dès la conception (on appelait
« sur le ventre » la reconnaissance anticipée de la mère), et
sans délai  : la déclaration de naissance lui attribuait
l'autorité parentale, et la reconnaissance, l'exercice, à
condition qu'elle survienne avant les un an de l’enfant. Elle
devait, sinon, saisir le JAF pour qu'il lui attribue, ou non,
l'exercice.
La mère confondait souvent cette démarche (issue pourtant
de revendications féministes) avec la déclaration de
naissance. On entend souvent parler d’une «  déclaration
anticipée  » qui, bien évidemment, n’existe pas, puisque
l’acte de naissance doit énoncer «  le jour, l'heure et le lieu
de la naissance (…)  » (code civil, art.  57), qui peuvent
réserver des surprises…
La mère non-mariée n’a plus besoin (depuis le 1er  juillet
2006) de reconnaître qu’elle est la mère de son enfant : « la
filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation
de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant » (code civil,
art.  311-25). La mère est toujours désignée dans l’acte de
naissance de l’enfant, sauf lorsqu’elle demande «  lors de
l'accouchement (…) que le secret de son admission et de
son identité soit préservé » (code civil, art. 326).
L’ACCOUCHEMENT « SOUS X » ET L’ACCÈS AUX
ORIGINES PERSONNELLES

L'accouchement dit «  sous X  » a été créé par le décret législatif pour la


protection des naissances du 2  septembre 1941  : il autorise la femme à
demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé
lors de son accouchement (code civil, art.  326). Il ne lui est demandé
aucune pièce d'identité, aucune enquête n'est entreprise (CSP, art. L. 1112-
28), et les frais sont pris en charge par le service de l'aide sociale à
l'enfance (ASE) du département dans lequel est installé l'établissement
(CASF, art. L.  222-6). Les frais sont également pris en charge si la femme,
sans demander le secret de son identité, confie immédiatement l’enfant au
service de l'aide sociale à l'enfance. Une femme peut en effet accoucher,
déclarer la naissance de son enfant et le confier aussitôt à l’adoption.
L’accouchement anonyme et l’abandon à la naissance sont accessibles aux
mineures, sans limite d’âge.
La femme peut, si elle le souhaite, attribuer trois prénoms à l’enfant  : le
troisième lui servira de nom de famille. Par défaut, l'officier de l'état civil, ou
l’officier de l’état civil délégué, le fera lorsqu’il rédigera l'acte de naissance.
Il est inexact d’affirmer que la mère de l’enfant sera désignée par un X : « si
les père et mère de l'enfant ou l'un d'eux ne sont pas désignés à l'officier de
l'état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet » (code
civil, art.  57). Elle pourra ensuite, à sa demande ou avec son accord,
bénéficier d'un accompagnement psychologique et social mis en place par
l’ASE. L'enfant, confié au service départemental de l'aide sociale à
l'enfance, est placé en pouponnière. La femme dispose d'un délai de
réflexion de deux mois, à l'issue duquel l'enfant est déclaré adoptable. Les
enfants «  nés sous X  » constituent l’essentiel des bébés adoptables en
France, dont le nombre varie d’une année sur l’autre (entre 450  et 700,
selon la situation économique du pays). On estime à 400 000 le nombre de
personnes vivantes « nées sous X ».
La loi 2002-93 du 22  janvier 2002 tente de concilier deux droits
fondamentaux  : celui de la mère à accoucher dans l’anonymat, et celui de
l'enfant à connaître ses origines personnelles.
Elle s'efforce de mettre le droit français en conformité avec la convention
internationale des droits de l’enfant qui estime que l’enfant a, «  dans la
mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par
eux  » (article  7). Le «  dans la mesure du possible  » permet le divorce,
l’adoption, et l’accouchement anonyme (qui n’existe qu’en France, et au
Luxembourg).
Elle prévoit que la femme est informée des conséquences juridiques de sa
demande et de l'importance pour toute personne de connaître ses origines
et son histoire (CASF, art. L.  222-6). Elle est «  invitée à laisser (…) des
renseignements sur sa santé et celle du père, les origines de l'enfant et les
circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé, son identité ». Elle
est «  informée qu'elle peut à tout moment donner son identité sous pli
fermé ou compléter les renseignements qu'elle a donnés au moment de la
naissance  ». Elle est également «  informée de la possibilité qu'elle a de
lever à tout moment le secret (…)  ». Son identité, à défaut, ne pourra être
communiquée, par le conseil national d’accès aux origines personnelles
(CNAOP), que si elle l’accepte, ou si elle est décédée, sauf si elle a exprimé
une volonté contraire (CASF, art. L.  147-6). Le pli fermé que la mère est
invitée à laisser est conservé par les services du conseil national d'accès
aux origines personnelles (CNAOP). Il est remis à l'enfant s'il en fait un jour
la demande. Les femmes qui ont «  accouché sous X  » avant sa création
peuvent faire parvenir un pli au CNAOP.
Le CNAOP (dont le fonctionnement est prévu par les articles L.  147-1 à
L. 147-11 du code de l’action sociale et des familles) ne lève le secret que
lorsque les deux parties ont donné leur accord. Il reçoit les demandes
d'accès formulées par l'enfant majeur, par ses descendants majeurs s'il est
décédé, par ses représentants légaux s’il est mineur ou par son tuteur s’il
est sous tutelle (CASF, art. L. 147-2). Il reçoit également la déclaration de la
mère de naissance (ou du père, mais c’est plus rare), par laquelle chacun
d'entre eux autorise la levée du secret de sa propre identité, les
déclarations d'identité formulées par leurs ascendants, leurs descendants et
leurs collatéraux privilégiés (frères et sœurs, neveux et nièces et cousins et
cousines). Le père et la mère de naissance peuvent également l’interroger
sur leur recherche éventuelle par l'enfant.
Dans chaque département, le président du conseil départemental, « désigne
au sein de ses services au moins deux personnes chargées d'assurer les
relations avec le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles,
d'organiser, dès que possible, la mise en œuvre de l'accompagnement
psychologique et social dont peut bénéficier la femme et de recevoir, lors de
la naissance, le pli fermé » (CASF, art. L. 223-7).
La loi du 22  janvier 2002 facilite également la reconnaissance de l’enfant
«  né sous X  » par son père, qui peut saisir le procureur de la République
pour qu’il procède « à la recherche des date et lieu d'établissement de l'acte
de naissance de l'enfant » (code civil, art. 62-1).
La loi du 5 juillet 1996 a déjà fait évoluer l'accouchement anonyme vers un
accouchement secret, en autorisant les père et mère de naissance (la
formule est plus jolie que « les géniteurs ») à lever à tout moment le secret
de leur identité, ou à communiquer des renseignements non identifiants qui
étaient conservés dans le dossier de l'enfant (qui ne lui est communiqué
qu'à sa demande). L'enfant adopté a, en effet, le droit d’accéder à son
dossier depuis la loi du 17  juillet 1978, mais pas à son acte de naissance
original, qui reste impubliable (impossible à consulter) pendant cent ans : un
nouvel acte de naissance est rédigé lorsqu’il est adopté en adoption
plénière (la quasi-totalité des enfants «  nés sous X  » fait l’objet d'une
adoption plénière). L'adoption plénière est irrévocable : l'accès de l’enfant à
ses origines est sans effet sur son état civil et sa filiation, « il ne fait naître ni
droit ni obligation au profit ou à la charge de qui que ce soit  » (CASF, art.
L. 147-7). L'enfant « né sous X » qui retrouve sa mère, son père biologique,
reste – s’il a été adopté – l'enfant de ses parents adoptifs, sans possibilité de
récupérer sa véritable filiation.
La loi 2009-61 du 16  janvier 2009 a rendu possible la recherche en
maternité pour les enfants « nés sous X » en modifiant l’article 325 du code
civil qui, auparavant, l’interdisait formellement : l’accouchement secret l’est
donc de moins en moins.

Le père non-marié doit toujours reconnaître qu’il est le père


de l’enfant pour que la filiation soit établie à son égard  :
contrairement à la mère, qui accouche, ce qui rend
indiscutable sa maternité, aucun lien officiel ne le rattache à
la mère, et donc, à l’enfant.
Il peut le reconnaître dès la conception, et sans délai, dans
n’importe quelle mairie de France, dans n’importe quel
tribunal d’instance ou de grande instance, dans n'importe
quelle ambassade ou consulat de France à l’étranger,
devant n’importe quel notaire.
Il n’a besoin d’aucune preuve  : la reconnaissance est
déclarative.
La mère ne peut pas s’y opposer (elle pourra contester sa
paternité s’il n’est pas le géniteur).
La reconnaissance lui attribue l'autorité parentale et
l'exercice, à condition qu'elle survienne avant les un an de
l’enfant (il devra sinon, saisir le JAF pour qu'il lui attribue, ou
non, l'exercice). Un mineur peut reconnaître sa paternité ou
sa maternité, il peut déclarer seul la naissance de son
enfant, un majeur en curatelle et en tutelle également (code
civil, art. 358).

QUAND LES GÉNITEURS NON MARIÉS


NE VEULENT PAS ÊTRE PARENTS

La mère, même mineure, peut forcer le père à reconnaître


sa paternité durant les dix années qui suivent la naissance
de l’enfant en engageant une action en recherche de
paternité (code civil, art. 328) devant le tribunal de grande
instance. L’assistance d’un avocat est obligatoire. L’action
est également ouverte à l'enfant (code civil, art.  327), qui
dispose alors d’un délai de dix ans à compter de sa majorité
(code civil, art 321). L'action peut être exercée contre le
prétendu parent ou contre ses héritiers (code civil, art. 328).
Il existe également une action en recherche de maternité
qui est désormais admise même si la mère a demandé que
son anonymat soit préservé : elle est réservée à l’enfant qui
doit «  prouver [par tout moyen] qu'il est celui dont la mère
prétendue a accouché  » (code civil, art.  325). Il dispose du
même délai de dix ans à compter de sa majorité.
Il existe également une action à fins de subsides qui permet
que le géniteur assume la responsabilité pécuniaire de
l’enfant sans être considéré comme le père ou la mère.
L’ACTION À FINS DE SUBSIDES

L’action à fins de subsides (code civil, art. 342 à 342-8) se déroule devant le


tribunal de grande instance, elle peut être menée par «  l’enfant dont la
filiation paternelle n'est pas légalement établie  » (code civil, art.  342), ou
par sa mère, à l’encontre de «  celui qui a eu des relations avec sa mère
pendant la période légale de la conception ». Elle peut être exercée – avec
l’assistance d’un avocat – pendant toute la minorité de l'enfant ou «  dans
les dix années qui suivent sa majorité ». Elle peut continuer à être versée à
un enfant devenu majeur. Bien évidemment, «  le défendeur peut écarter la
demande en faisant la preuve par tous moyens qu'il ne peut être le père de
l'enfant  » (code civil, art.  342-4)  : en pratique, la justice ordonne un test
ADN (code civil, art. 16-10 à 16-13). Elle est recevable en cas d’adultère, ou
s'il existait entre le père et la mère un empêchement à mariage. Rappelons
que le mariage est prohibé entre ascendants, descendants, frères et sœurs,
oncles, tantes, neveux et nièces (code civil, art. 161 à 163), mais qu’il «  est
loisible au Président de la République de lever, pour des causes graves  »
certaines de ces prohibitions (code civil, art.  164). Un enfant né de deux
personnes qui ne peuvent légalement contracter mariage ne verra sa
filiation établie qu’envers un seul des deux. L’action à fins de subsides ne
crée aucune filiation, seulement une obligation alimentaire. Elle cessera «  si
la filiation paternelle de l'enfant vient à être établie par la suite à l'endroit
d'un autre que le débiteur  » (code civil, art.  342-8). Il existe aussi une
allocation de soutien familial (ASF), qui peut être versée par la Caisse
d’allocations familiales (CAF) ou la Mutualité sociale agricole (MSA) pour
«  tout enfant dont la filiation n'est pas légalement établie à l'égard de l'un
ou l'autre de ses parents ou à l'égard de l'un et de l'autre  » (code de la
sécurité sociale, art. L523-1). Le père, la mère ou la personne physique qui
assume la charge effective et permanente de l'enfant peut en bénéficier.
Elle cesse d’être due si celui qui la perçoit «  se marie, conclut un pacte civil
de solidarité ou vit en concubinage » (code de la sécurité sociale, art. L523-
2). La mention du concubinage est ici très contestable, et injuste  : elle
impose au partenaire du parent d’assumer la charge d’un enfant sur lequel
il n’a aucun droit (précisons qu’il peut s’il le souhaite, selon les cas, le
reconnaître, ou l’adopter). Rappelons tout de même que le concubinage est
une union de fait qui ne se déclare pas (code civil, art.  515-8), que le
nombre de concubins n’est pas limité, et que les concubins ne sont pas
obligés d’habiter sous le même toit…

QUAND LA FILIATION DÉCOULE D’UNE ADOPTION

L’adoption apparaît dans le droit français en 1804, avec


l’arrivée du code civil, mais seules les personnes de plus de
50 ans, sans enfant légitime, peuvent adopter (50 ans
représente l’âge auquel elles n'espèrent plus avoir de
descendants naturels). L’adoption ne doit surtout pas
concurrencer l’institution du mariage, dont la finalité reste la
descendance. On ne peut alors adopter qu’un homme de
plus de 25 ans, à des fins essentiellement successorales, et
de protection du nom de famille (ou pour donner à des
enfants naturels, adultérins, un statut « honorable »). Il est
nécessaire de lui avoir, dans sa minorité «  et pendant six
ans au moins fourni des secours et donné des soins
ininterrompus  ». On peut aussi adopter «  celui qui aurait
sauvé la vie à l’adoptant, soit dans un combat, soit en le
retirant des flammes ou des flots  » (code civil, ancien
art. 345). Il existe aussi une « tutelle officieuse » qui permet
à «  tout individu âgé de plus de cinquante ans, et sans
enfants ni descendants légitimes » qui souhaite «  durant la
minorité d’un individu, se l’attacher par un titre légal, pourra
devenir son tuteur officieux, en obtenant le consentement
des père et mère de l’enfant, ou du survivant d’entre eux,
ou, à leur défaut, d’un conseil de famille, ou enfin, si
l’enfant n’a point de parents connus, en obtenant le
consentement des administrateurs de l’hospice où il aura
été recueilli, ou de la municipalité du lieu de sa résidence »
(code civil, ancien art. 361).
L’idée d’adopter des enfants est assez récente  : la loi du
19  juin 1923 permet l’adoption simple de mineurs. Le
décret-loi du 29  juillet 1939 crée l’adoption plénière (qu’il
appelle «  légitimation adoptive  »). L’adoption simple se
transforme en « adoption ordinaire ».
Le décret-loi du  29  juillet 1939  relatif à la famille et à la
natalité française (appelé « code de la famille ») encourage
le repeuplement de la France. Il aggrave les peines qui
sanctionnent l’avortement, crée des brigades de police
chargées de traquer les «  faiseuses d’anges  » (on les
surnomme «  police du ventre  ») et de surveiller les
hôpitaux. Il institue une prime à la naissance du premier
enfant si elle survient dans les deux premières années du
mariage. Il sera remplacé en 1956 par le code de la famille
et de l’aide sociale (CFAS) qui deviendra, le 1er janvier 2001,
le code de l’action sociale et des familles (CASF).
La loi du 11  juillet 1966 organise l’adoption simple, et
l’adoption plénière.
L’adoption plénière est la plus connue. Elle est irrévocable
(code civil, art. 359), mais peut être «  pour motifs graves  »
transformée en adoption simple (code civil, art.  360). Elle
permet à l’enfant de devenir pleinement l’enfant de ses
parents adoptifs (qui obtiennent l’autorité parentale et son
exercice), et d’obtenir la nationalité française (code civil,
art.  20). Elle concerne principalement des bébés âgés d’au
moins deux mois (voir le chapitre sur l’accouchement
anonyme), qui sont en France peu nombreux (moins de 700
par an, pour  10  000 nouvelles demandes), ou des enfants
étrangers (plus de 75  % des 5  000 adoptions annuelles).
L’adoption plénière est prononcée par le tribunal de grande
instance après que l’enfant a été accueilli «  au foyer du ou
des adoptants depuis au moins six mois  » (code civil,
art.  345). C’est une sorte de période d’essai (appelée
«  placement en vue de l'adoption plénière  ») qui voit
échouer environ une adoption sur dix. Le tribunal vérifie,
avant de statuer, «  dans le cas où l'adoptant a des
descendants (…) si l'adoption n'est pas de nature à
compromettre la vie familiale » (code civil, art. 353).
Elle substitue un nouvel état civil à l'état civil de l'adopté  :
les adoptant(s) apparaissent sur le nouvel acte comme les
parents géniteurs (et l’acte originel est impubliable pendant
cent ans  : il est interdit de le consulter, et impossible d’en
obtenir une copie). L’adopté prend le nom de son ou de ses
adoptant(s), et peut changer de prénom. Il doit avoir moins
de 15 ans (code civil, art. 345), mais l’adoption simple peut
être transformée en plénière jusqu’à la majorité, et dans les
deux ans suivants.
L’adoption simple «  est permise quel que soit l'âge de
l'adopté » (code civil, art. 360). Elle est portée en marge de
son acte de naissance originel  : on dit qu’il y a
« superposition des états civils ». L’adopté accole à son nom
celui de son ou de ses adoptant(s), conserve son nom de
famille, ou prend celui de son ou de ses adoptant(s). Il garde
des liens avec sa famille d'origine et n’obtient pas la
nationalité française (code civil, art.  21). Il devient obligé
alimentaire et héritier des deux familles, mais n'est pas
héritier réservataire dans sa famille adoptive. L'adoption
simple est révocable pour motifs graves lorsque l'adopté est
majeur, à sa demande ou à la demande de l'adoptant (code
civil, art.  370). Lorsqu’il est mineur, la révocation ne peut
être demandée que par le ministère public.
L'adoption – simple ou plénière – peut être demandée par
«  deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de
deux ans ou âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans »
(code civil, art. 343), ou «  par toute personne âgée de plus
de vingt-huit ans » (code civil, art. 343-1), donc : célibataire.
Cette disposition ouvrait déjà la voie à l’adoption à une
personne homosexuelle, mais pas à un couple homosexuel,
puisque le couple devait être marié, ce qui est confirmé par
l’article 346 du code civil  : «  nul ne peut être adopté par
plusieurs personnes si ce n'est par deux époux. » C’était un
des enjeux principaux du «  mariage pour tous  ». Si
l'adoptant «  est marié et non séparé de corps, le
consentement de son conjoint est nécessaire à moins que
ce conjoint ne soit dans l'impossibilité de manifester sa
volonté » : un seul des deux époux peut donc adopter sans
l’autre (qui ne sera pour l’enfant qu’un beau-père, ou une
belle-mère). Une nouvelle adoption peut néanmoins être
prononcée après décès de l'adoptant, ou des deux
adoptants, ou après le décès de l'un des deux adoptants, si
la demande est présentée par le nouveau conjoint du
survivant d'entre eux (code civil, art.  346). Les adoptants
doivent « avoir quinze ans de plus » que l’enfant (code civil,
art.  344), mais «  le tribunal peut, s'il y a de justes motifs,
prononcer l'adoption lorsque la différence d'âge est
inférieure  ». L’enfant de plus de treize ans «  doit consentir
personnellement à son adoption » (code civil, art. 345, code
civil, art. 360), et, pour une adoption plénière, il est entendu
quel que soit son âge (code civil, art. 353).
L'adoption plénière de l'enfant du conjoint est facilitée, elle
laisse subsister sa filiation d’origine à l’égard de ce conjoint
et de sa famille, et l’agrément n’est pas nécessaire. La
condition d'âge de l’adoptant n'est pas exigée (code civil,
art.  343-2), elle est réduite à dix ans entre l’adoptant et
l’enfant (code civil, art.  344). Elle est permise «  lorsque
l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce
conjoint » (il n’a qu’un seul parent : reconnaître sa paternité
ou sa maternité envers lui serait alors plus simple), lorsque
l'enfant «  a fait l'objet d'une adoption plénière par ce seul
conjoint et n'a de filiation établie qu'à son égard  », lorsque
«  l'autre parent que le conjoint s'est vu retirer totalement
l'autorité parentale  », ou «  lorsque l'autre parent que le
conjoint est décédé et n'a pas laissé d'ascendants au
premier degré  » ou encore «  lorsque ceux-ci se sont
manifestement désintéressés de l'enfant  » (code civil,
art. 345-1).
Les enfants adoptables (code civil, art.  347) sont «  les
enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de
famille ont valablement consenti à l'adoption  », les pupilles
de l'État et «  les enfants déclarés abandonnés (…) » (pour
qui un délaissement parental a été prononcé par le tribunal
de grande instance). Le consentement à l’adoption est
donné par les parents (code civil, art. 348) ou l’un des deux
(code civil, art.  348 et 348-1), ou encore par le conseil de
famille (code civil, art.  348-2), «  après avis de la personne
qui (…) prend soin de l'enfant ».
L’adoption se déroule en deux phases  : l’agrément délivré
par le président du conseil départemental (sauf pour
l’adoption du conjoint et certaines adoptions simples), et le
prononcé de l’adoption par le tribunal de grande instance.
LA KAFÂLA

La kafâla, appelée «  recueil légal  » en France et en Algérie, est une sorte


d’adoption temporaire prévue par le droit musulman, une «  tutelle sans
filiation  » qui, depuis la loi 2016, a les mêmes effets qu’une délégation
d’exercice de l’autorité parentale.
Elle est assez répandue au Maroc et en Algérie, où elle est formalisée par un
juge ou un notaire (un adoul). Le droit musulman (ou droit coranique) a créé
la kafâla pour pallier l’interdiction religieuse  de l'adoption (appelée
« tabâni  »), prohibée par l'islam. La religion catholique possède également
ses règles juridiques (le droit canon), beaucoup ont été intégrées à notre
droit républicain (le mariage, la filiation, l’interdiction de travailler le
dimanche), d’autres, qui n’ont pourtant aucune base légale, font partie
intégrante de notre société (le baptême, le secret de la confession, etc.). Il
existe même un code Dalloz de droit canon. La Tunisie, la Turquie, la
Somalie, le Liban et l'Indonésie sont les seuls pays musulmans à avoir
légalisé l’adoption telle que nous la connaissons en Europe.
L’enfant concerné par la kafâla (le makfoul) conserve le nom de sa famille
d’origine, et n’a pas, dans la famille qui l’accueille (la famille kafilate), les
mêmes droits d’héritage qu’un enfant «  légitime  », mais le recueillant (le
kafil) doit considérer l'enfant comme le sien et agir avec lui «  de la même
manière qu'un père le ferait avec son fils  » (code la famille algérien,
art. 116). Il existe de multiples possibilités de révoquer la kafâla (qui prend
fin à la majorité du garçon et au mariage de la fille), elle constitue donc un
statut précaire, et peut difficilement être considérée, en France, comme une
adoption (en application de l’article 370-3 du code civil, la Cour de
Cassation l’a maintes fois répété).
Les kafâla notariale (adoulaire) et judiciaire cohabitent au Maroc : la kafâla
notariale s’applique aux enfants dont les parents consentent au recueil (une
sorte de « consentement à l’adoption » qui existe aussi en droit français) et
organisent le placement d'un enfant au sein de sa famille (neveu, nièce,
etc.), ou entre les parents biologiques et les kafils.
Elle n’est accordée qu’aux couples mariés (ou femmes célibataires
majeures) de confession musulmane (sans condition de nationalité).
La kafâla judiciaire concerne les enfants abandonnés.
Elle est prononcée par le juge des mineurs.
L’enfant de plus de 12 ans doit donner son consentement (de plus de 13 ans
en France pour une adoption). Le juge et le notaire doivent vérifier que la
mesure est conforme à son intérêt. En Algérie, l’engagement est unilatéral,
mais le consentement de l’enfant est exigé quand il a un père et une mère
(celui des parents pour un enfant de moins de 16 ans, selon l’article 42 du
code civil algérien). L’avis de l’enfant abandonné n’est pas sollicité (son
accord encore moins).
Le «  recueil légal  » confère la tutelle légale à son bénéficiaire et lui ouvre
droit aux mêmes prestations familiales et scolaires que pour l’enfant
légitime. En cas de décès du kafil, la charge du «  recueil légal  » est
transmise à ses héritiers (s’ils refusent, il est placé).
La kafâla est reconnue par la Convention internationale des droits de
l’enfant (CIDE), dont l’article 20 précise que «  tout enfant qui est
temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans
son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une
protection et une aide spéciale de l'État » et que cette protection peut être
« une kafâla de droit islamique ».
Il n’est pas nécessaire d’obtenir un exequatur, mais c’est tout de même
conseillé.
L’exequatur est la traduction en droit français d’un jugement ou d’une
convention légalement formée dans le droit d’un pays étranger. L’obtention
de l’exequatur permet au jugement concerné de produire ses effets en
France. La demande d’exequatur se dépose au tribunal de grande instance
et nécessite l’assistance d’un avocat.
La kafâla judiciaire est reconnue de plein droit sur le territoire français  : il
n’est donc en principe pas nécessaire d’en solliciter d’exequatur (circulaire
du 22 octobre 2014 relative aux effets juridiques du recueil légal en France).
Le kafil se retrouve de fait «  tiers digne de confiance  » (pour les enfants
avec une filiation établie et des parents vivants) ou tuteur (dans le cas
d’enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins). L’enfant accueilli
peut obtenir une carte de séjour, mais le kafil doit saisir le juge aux affaires
familiales pour se faire déléguer l’exercice de l’autorité parentale. En
pratique, un jugement d’exequatur permet au kafil de prouver plus
facilement le rapport qui l’unit à l’enfant qu’il prend en charge  : il est plus
facile pour les administrations de se référer à une décision française (pour
l’octroi de certains droits tels que prestations sociales, bourses, etc.). La
demande d’exequatur des kafâla notariales est systématiquement rejetée.
Chapitre 37

L’autorité parentale
et l’exercice de l’autorité
parentale
L'AUTORITÉ parentale n’appartient qu’aux parents (code civil, art.  371-1),
personne d'autre ne peut en être titulaire, même provisoirement, même si
les parents en sont privés ou s’ils sont décédés, sauf – nous venons de le
voir – dans le cas d'une adoption.

L'autorité parentale est virtuelle. Un parent qui n’est


titulaire que de l'autorité parentale ne peut ni signer, ni
autoriser ou interdire, ni inscrire son enfant, à l’école ou
ailleurs  : ce sont des prérogatives réservées aux titulaires
de l'exercice de l'autorité parentale.
L'exercice de l'autorité parentale permet d’exercer l’autorité
parentale  : ces deux notions complémentaires sont
dissociées depuis la loi du 8 janvier 1993.
Les deux parents sont habituellement titulaires de l'autorité
parentale et de son exercice.
Ils se retrouvent donc «  à égalité  » quelle que soit leur
situation de couple (mariés, séparés, divorcés, remariés,
concubins, etc.), et la double signature n’est pas souvent
obligatoire.

Que doit faire le psychologue lorsqu’un parent,


qui était auparavant d’accord avec la
psychothérapie de son enfant, souhaite
aujourd’hui l’interrompre, en désaccord avec
l’autre parent ?
La réponse est un peu la même que d’habitude : il doit faire ce qu’il estime
devoir faire, en son âme et conscience, dans l’intérêt de l’enfant, et il doit
en assumer les éventuelles conséquences (mettre brutalement un terme à
une psychothérapie peut aussi avoir, pour l’enfant, des conséquences
négatives, que le psychologue devra assumer, au moins sur un plan
éthique, à moins que le parent qui continuait à souhaiter la prise en charge
ne le poursuive pour «  mise en danger délibéré de la vie d’autrui (…)  »).
Quand deux avis contraires sont exprimés (poursuivre/interrompre la prise
en charge), le professionnel peut les écouter, mais ne peut en respecter
qu’un : à lui de choisir lequel (et de pouvoir argumenter, justifier son choix
si la justice l’interroge). Il peut également rédiger un signalement ou une
information préoccupante, s’il estime que c’est nécessaire.

LE RETRAIT DE L’AUTORITÉ PARENTALE

L’autorité parentale peut être retirée  : le 5  juillet 1996, le


retrait a remplacé la déchéance, jugée trop infamante
(l’exercice ne peut qu’être suspendu).
Le retrait peut être prononcé par le tribunal de grande
instance, la Cour d’assises ou le tribunal correctionnel (code
civil, art. 378 et 378-1), contrairement à la suspension et la
délégation d’exercice qui sont de la compétence du JAF. Le
retrait peut être total ou partiel (code civil, art.  379-1), ce
qui est rare (il est alors plus simple et plus efficace de
suspendre l’exercice). Le retrait total de l'autorité parentale
s'étend à tous les enfants mineurs nés au moment du
jugement (code civil, art. 379), il les dispense de l'obligation
alimentaire.
Le retrait – dans les faits – est définitif : l’enfant, considéré
comme abandonné, est adoptable. Néanmoins, « les père et
mère qui ont fait l'objet d'un retrait total de l'autorité
parentale […] pourront, par requête, obtenir du tribunal de
grande instance, en justifiant de circonstances nouvelles,
que leur soient restitués, en tout ou partie, les droits dont ils
avaient été privés  » (code civil, art.  381). La demande en
restitution ne pourra être formée qu'un an au plus tôt après
le jugement. Si elle est rejetée, elle ne pourra être
renouvelée qu'après une nouvelle période d'un an, mais
«  aucune demande ne sera recevable lorsque, avant le
dépôt de la requête, l'enfant aura été placé en vue de
l'adoption ».

LA SUSPENSION ET LA DÉLÉGATION D’EXERCICE

Si l’intérêt de l’enfant le commande, l'exercice de l'autorité


parentale peut être confié à l’un des deux parents par le
juge aux affaires familiales (code civil, art.  373-2-1)  :
l’exercice de l’autre est suspendu. La suspension est
provisoire, mais peut durer jusqu'à la majorité de l'enfant.
Elle s’entend «  jusqu’à nouvel ordre  ». Elle est toujours
formalisée par une ordonnance (différente de l’ordonnance
de divorce, qui n’a jamais à être communiquée à des tiers).
Sa mainlevée sera formalisée par une autre ordonnance.
L’exercice de l’autorité parentale  est une compétence
exclusive du JAF  : le juge des enfants n’a aucune
compétence en la matière. Les mesures d’assistance
éducative, administrative ou judiciaire, viennent assister les
parents dans leur rôle éducatif. Elles n’ont pas vocation à se
substituer à eux  : l'autorité parentale continue donc à être
exercée par les parents (code civil, art.  373-4), même en
cas de placement.
En pratique, le parent privé de l'exercice de l'autorité
parentale  conserve l’autorité parentale (il reste parent),
mais il ne peut plus l’exercer  : il ne peut plus signer,
autoriser, interdire, aller chercher l’enfant à l’école sans
l’accord écrit de l’autre, etc. (le titulaire du permis de
conduire le conserve en cas de suspension, mais ne peut
plus conduire). Il devient un tiers, dont l’intervention est
limitée aux «  actes usuels relatifs à [la] surveillance et à [l’]
éducation  » de l’enfant. Un droit de visite, et même
d’hébergement ne peut lui être refusé « que pour des motifs
graves » (code civil, art. 373-2-1).
La suspension de l’exercice de l’autorité parentale devrait
être systématiquement demandée au JAF par la victime de
violences intrafamiliales, pour protéger l’enfant des
pressions ou des violences de l’autre parent. Le parent
victime n’a aucune autre solution pour limiter les droits du
parent maltraitant (croire que la main courante déposée au
commissariat est suffisante est absurde). La suspension
sera probablement accordée par le JAF si la plainte déposée
est corroborée par le certificat d’un médecin légiste. Elle
peut se demander en référé (code de procédure civile,
art.  1073)  : l’assistance d’un avocat n’est en principe pas
nécessaire, mais la saisine se fait par assignation, ce qui
exige quelques compétences (après avoir obtenu une date
d’audience auprès du greffe, le demandeur doit assigner le
défendeur, c’est-à-dire le convoquer). L’audience de référé
se tient dans un délai de trois à six semaines, mais il est
possible, dans les cas très urgents, de demander un « référé
d'heure à heure  » (code de procédure civile, art.  485), qui
aura lieu dans les 48 heures si l’urgence le justifie. Le parent
demandeur en profitera pour solliciter du JAF, s’il est marié,
une contribution aux charges du mariage (code civil,
art.  214), et une contribution à l’entretien et à l’éducation
de l’enfant (code civil, art. 371-2).
Si l'un des père et mère «  décède ou se trouve privé de
l'exercice de l'autorité parentale  » (code civil, art.  373-1),
l'autre l’exerce seul. Le parent privé de son exercice
conserve «  le droit et le devoir de surveiller l'entretien et
l'éducation de l'enfant » (code civil, art 373-2-1). Il doit être
informé «  des choix importants relatifs à la vie de ce
dernier  », et respecter son obligation alimentaire (art.  371-
2).
L’exercice peut également être délégué par le JAF, avec
(code civil, art. 377) ou sans (code civil, art. 377-1) l’accord
des parents, à un tiers (personne physique) ou à l’aide
sociale à l’enfance (code civil, art. 377-1) : il est délégué de
manière provisoire, par ordonnance, jusqu’à nouvelle
ordonnance, mais le provisoire peut durer jusqu'à la
majorité de l'enfant.
Le tiers délégataire peut effectuer «  les actes usuels de
l’autorité parentale » (code civil, art. 372-2), alors qu’il est –
en l’absence de délégation – cantonné aux actes usuels
relatifs à la surveillance et à l’éducation  de l’enfant (code
civil, art. 373-4).
La suspension et la délégation peuvent être totales, ou
partielles (ce qui est assez rare).
LE TIERS DIGNE DE CONFIANCE

Le tiers digne de confiance (TDC) n’est pas défini par le code civil, qui
précise juste que, «  si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants
peut décider de le confier (…) à un autre membre de la famille ou à un tiers
digne de confiance » (code civil, art. 375-3).
Le tiers arrive en troisième position, après « l’autre parent » et « un membre
de la famille  », juste avant le service départemental de l'aide sociale à
l'enfance, un «  service ou à un établissement habilité pour l'accueil de
mineurs  » (…) et «  un service ou à un établissement sanitaire ou
d'éducation, ordinaire ou spécialisé » (ce qui permet au juge des enfants de
placer le mineur en hôpital psychiatrique  : le dispositif de soins
psychiatriques sans consentement ne s’applique qu’aux personnes
majeures).
L’article 375-3 du code civil nous confirme que, «  lorsque l'enfant a été
confié à un tiers, l'autorité parentale continue d'être exercée par les père et
mère  » (code civil, art.  375-3), et que ce tiers «  accomplit tous les actes
usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation  ». Le tiers est «  la
personne à qui l'enfant a été confié », par le juge ou par les parents. Le tiers
peut être n’importe qui, membre de la famille ou professionnel (tonton est
un tiers, l’assistant familial est un tiers, papy est un tiers, le beau-père est
un tiers, etc.). L’ASE est un tiers. Seuls les parents qui exercent l’autorité
parentale ne sont pas considérés comme des tiers. Le tiers n’a aucun statut
particulier (même le tiers digne de confiance, et espérons qu’ils le sont
tous), il ne peut prétendre à des aides particulières s’il héberge l’enfant.
Celui qui souhaite exercer l’autorité parentale (personne physique ou
morale, comme l’aide sociale à l’enfance) doit saisir le juge aux affaires
familiales (qui en a la compétence exclusive) pour obtenir une délégation
d’exercice (code civil, art. 377), que le juge est libre de lui accorder, ou non.
Chapitre 38

L’autorité parentale
et son exercice
après un divorce
LE DIVORCE et la séparation n’ont aucune incidence sur l’autorité parentale et
sur son exercice (code civil, art. 373-2). Rappelons la petite phrase extraite
de l’exposé des motifs de la loi du 22 juillet 1987 sur l'exercice de l'autorité
parentale  dite «  loi Malhuret  »  : «  il faut substituer le couple parental au
couple conjugal. » En clair : les parents sont aussi bien parents mariés que
célibataires ou séparés, divorcés, etc. Leur situation matrimoniale n’a
aucune incidence sur leur statut de parent. La loi du 8  janvier 1993
modifiant le code civil relative à l'état civil, à la famille et aux droits de
l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales a remplacé la notion de
«  garde  » par celle de «  résidence principale  », puis la loi du  4  mars
2002 relative à l'autorité parentale a remplacé « résidence principale » par
«  résidence habituelle  », pour se rapprocher de l’idée d’égalité (un parent
qui « a la garde » semble avoir plus de droits que celui qui n’a que « un droit
de visite et d’hébergement »).

La loi du 8 janvier 1993 a également séparé – nous l’avons


vu – l’autorité parentale de son exercice. Elle n’a pas précisé
que l’autorité parentale d’un parent ne s’exerce que
pendant ses week-ends ou «  sa semaine  »  : les deux
parents l’exercent donc tous les jours, et papa peut aller
chercher son enfant à l’école le mardi ou le jeudi même si le
jugement stipule «  un week-end sur deux  » (ou «  une
semaine sur deux » si l’enfant est en résidence alternée).
Si l’école refuse de le lui remettre, nous lui conseillons de
déposer plainte et de se constituer partie civile pour « non-
représentation d’enfant » (code pénal, art. 227-5).
C’est pour cette raison que l’école n’a pas accès au
jugement de divorce, qu’il faut absolument refuser de
communiquer, d’abord au nom du respect de la vie privée
(code civil, art. 9), ensuite parce qu’elle risque d’en déduire
des informations fausses concernant l’exercice de l’autorité
parentale, et d’exiger le respect « à la lettre » d’un droit de
visite qui – depuis 25 ans – n’existe plus que dans son
imagination…
La loi du 8 janvier 1993 a en effet rendu le droit de visite et
d’hébergement indicatif, a minima.
Certains parents peuvent s’en satisfaire, d’autres non.
Ils sont alors condamnés à s’entendre, dans l’intérêt de
l’enfant, d’ailleurs «  chacun des père et mère doit maintenir
des relations personnelles avec l'enfant et respecter les
liens de celui-ci avec l'autre parent » (code civil, art. 373-2).
En cas de désaccord, il appartient au «  parent le plus
diligent  » de saisir le JAF (code civil, art.  373-2) «  des
difficultés que l'exercice partagé de l'autorité parentale
pourrait générer par les parents, l'un d'eux, le délégataire
ou le ministère public  » (code civil, art.  377-1). Il tiendra
compte, entre autres, de «  l'aptitude de chacun des parents
à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre  »
(code civil, art.  373-2-11). Il pourra décider – si tel est
l’intérêt de l’enfant – d’une suspension totale ou partielle de
l’exercice de l’autorité parentale.

Un psychologue doit-il avoir l’autorisation des


deux parents pour
rencontrer un enfant ? Les consultations chez le
psychologue
et la psychothérapie relèvent-elles d’actes
usuels ? Une maman
qui affirme « avoir la garde de l’enfant à 100 % »
ne souhaite pas
demander l’autorisation au papa pour que
l’enfant soit suivi :
est-ce possible ? Si elle dit avoir prévenu le papa,
doit-on la croire
et ne pas prévenir le père ?
Le psychologue n’a pas besoin de l’autorisation des deux parents pour
rencontrer ou recevoir un enfant : dans l’absolu, il n’a même pas besoin de
l’accord d’un des deux, et rien ne s’oppose à ce qu’il reçoive un enfant qui
souhaite lui parler (il lui est alors fortement déconseillé de se faire
rémunérer, ce qui pourrait être apparenté à un abus de faiblesse). L’accord
d’un seul suffit, qui n’a pas besoin d’être formalisé par une signature si le
psychologue ne fait pas signer des contrats à tous ses clients. L’accès à la
santé est un acte usuel de l’autorité parentale (et rappelons que
l’autorisation de soins et d’opérer n’a aucune existence légale). Le
psychologue pourra probablement commencer par reprendre avec la
maman cette notion de «  garde  » (la toute-puissance sous-entendue par
l’expression « la garde à 100 % » n’est peut-être pas étrangère aux soucis
de communication rencontrés par les parents ?). Il pourra lui expliquer les
évolutions législatives qui mettent à égalité les deux parents lorsqu’ils
exercent conjointement l’exercice de l’autorité parentale (si la mère
l’exerce seule, la question du père ne se pose pas), et lui conseiller
éventuellement de saisir le JAF d’une demande de suspension d’exercice
de l’autorité parentale, si l’attitude du père semble le justifier. Il discutera
ensuite avec l’enfant de la possibilité de prévenir son père : c’est l’intérêt
de l’enfant, qui prime, pas celui de sa maman.

Un psychologue doit-il transmettre le compte


rendu écrit
de l’examen psychologique aux deux parents
dans le cas
d’une séparation, ou un seul exemplaire suffit ?
Le divorce et la séparation n’ont aucune incidence sur l’autorité
parentale  et sur son exercice (code civil, art.  373-2), les deux parents –
même séparés, divorcés – sont égaux, et le psychologue n’a pas à prendre
parti. Néanmoins, le psychologue n’est pas un soignant  : celui qui le
consulte est son client, il n’a de relation qu’avec lui (et les articles du code
de la santé publique qui recommandent au médecin d’obtenir le
consentement des parents ne le concernent pas). Bien qu’il n’existe
aucune réponse légale indiscutable à cette question (le psychologue est
libre de faire «  au mieux  » en fonction de la situation, en veillant à
privilégier l’intérêt de l’enfant), nous pouvons conseiller au psychologue de
ne discuter a priori qu’avec son client, qui sera le demandeur, père ou
mère, du compte rendu en question, et de l’informer que, si l’autre parent
se manifeste, il ne pourra pas refuser de lui en remettre copie (rien par
contre dans la loi n’impose au psychologue de prévenir l’autre parent).
Chapitre 39

L’autorité parentale
des parents mineurs
LES PARENTS mineurs peuvent déclarer la naissance de leur enfant, ils
peuvent choisir ses noms et prénoms et le père peut reconnaître sa
paternité pour établir la filiation. Ils seront ainsi titulaires de l’autorité
parentale, mais la minorité est une incapacité d’exercice, ils ne pourront
donc l’exercer qu’une fois majeurs.

Les parents des parents mineurs ne sont que les grands-


parents de l’enfant  : ils n’ont donc ni autorité parentale, ni
exercice.
L’enfant n’ayant pas, dans ses premiers mois, une vie
sociale très développée, si les parents sont presque
majeurs, il suffira d’attendre. Si les parents sont loin d’être
majeurs, il sera probablement nécessaire qu’un adulte
saisisse le JAF afin d’obtenir une délégation d’exercice (pour
que les parents mineurs puissent s’affirmer dans leur rôle
de parents, il est peut-être préférable que cet adulte ne soit
pas un de leurs parents, ce qui n’interdit pas à leurs parents
d’être très présents).
Cela se complique si un parent est mineur, et l’autre non : le
parent mineur a intérêt à demander à un adulte de son
choix de saisir le JAF pour obtenir une délégation d’exercice,
histoire de ne pas laisser l’autre parent tout décider, seul.
Chapitre 40

L’autorité parentale
et son exercice
en cas de placement
L'EXERCICE de l'autorité parentale – nous l’avons vu – ne peut être suspendu
que par le juge aux affaires familiales (code civil, art.  373)  : le juge des
enfants n’a aucune compétence en la matière. L'autorité parentale continue
donc à être exercée par les parents (code civil, art. 373-4), même en cas de
placement, ce qui est logique  : les mesures d’assistance éducative,
administrative ou judiciaire, viennent assister les parents dans leur rôle
éducatif, elles n’ont pas vocation à se substituer à eux, mais à «  les
remettre en selle ».

Le juge des enfants émet donc des préconisations pour


améliorer la situation : placement, visite médiatisée, AEMO,
etc. Même le juge aux affaires familiales ne « peut organiser
le droit de visite dans un espace de rencontre désigné à cet
effet  » que pour un «  parent qui n'a pas l'exercice de
l'autorité parentale  » (code civil, art.  373-2-1). Le juge des
enfants confie la mise en place de ses préconisations à des
équipes de travailleurs sociaux, dont font souvent partie des
psychologues  : il leur revient de convaincre les parents de
respecter les préconisations du juge des enfants. Ils sont –
en théorie – formés pour (pas pour surveiller des parloirs,
pondre des rapports ou épaissir des dossiers).
Cela peut prendre du temps, et demander beaucoup
d’énergie, mais les travailleurs sociaux disposent d’un
atout  : ils peuvent – sans l’accord du juge, puisque les
parents exercent l’autorité parentale – alléger, adapter ou
renforcer la mesure.
Si leur pouvoir de conviction ne suffit pas, ou si les parents
sont dangereux, toxiques, nocifs pour l’enfant, la seule
solution pour les contraindre à respecter les préconisations
du juge des enfants, sera de saisir le JAF, pour qu’il se
prononce sur l’exercice de l’autorité parentale.
Qui peut le saisir  ? Le particulier, l'établissement ou le
service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a
recueilli l'enfant ou un membre de la famille (code civil,
art.  377). Il pourra «  demander au juge des enfants de lui
transmettre copie de pièces du dossier en cours » (code de
procédure civile, art. 1072-1) : le juge aux affaires familiales
doit en effet vérifier systématiquement si une procédure
d'assistance éducative est ouverte.
Le juge des enfants pourra ne «  pas transmettre certaines
pièces lorsque leur production ferait courir un danger
physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un
tiers » (code de procédure civile, art. 1187-1), et le juge aux
affaires familiales lui transmettra copie de sa décision.
Ah oui  : contrairement à la légende, les décisions du juge
des enfants ne s’imposent pas au JAF  : c’est le contraire  !
Les décisions du juge des enfants ne peuvent, par exemple,
pas «  faire obstacle à la faculté qu'aura le juge aux affaires
familiales de décider (…) à qui l'enfant devra être confié  »
(code civil, art. 375-3).
Le juge des enfants « peut exceptionnellement dans tous les
cas où l'intérêt de l'enfant le justifie, autoriser la personne,
le service ou l'établissement à qui est confié l'enfant à
exercer un acte relevant de l'autorité parentale en cas de
refus abusif ou injustifié ou en cas de négligence des
détenteurs de l'autorité parentale, à charge pour le
demandeur de rapporter la preuve de la nécessité de cette
mesure » (code civil, art. 375-7).
Le terme important est  : exceptionnellement (et cela
confirme bien que les parents ont conservé leur autorité
parentale, et qu’ils sont les seuls à pouvoir l’exercer).
Il est courant que le juge des enfants soit à ce titre saisi
pour des motifs futiles ou fantaisistes  : inscrire l’enfant au
foot ou à la piscine, l’autoriser à participer à l’anniversaire
d’un copain, se couper les cheveux (etc.), qui ne nécessitent
pourtant aucune autorisation…
Les parents – même et surtout en cas de placement –
doivent être acteurs de tout ce qui concerne l’enfant (soins,
scolarité, courses, loisirs, etc.) : ils ne sont pas, on l’entend
parfois, des partenaires (ils ne doivent pas seulement « être
associés », ou sollicités pour signer une autorisation).
L’équipe doit les accompagner  : le but de toute mesure
d’assistance éducative est le retour de l’enfant dans sa
famille. Si ce n’est pas le cas, il faut réfléchir à activer la
procédure de délaissement parental, ou, a minima, solliciter,
dans l’intérêt de l’enfant, une délégation d’exercice de
l’autorité parentale. L’ASE, la «  famille d’accueil  »
(l’assistant familial), la MECS (etc.) ne sont que des tiers,
qui ne peuvent accomplir que «  les actes usuels relatifs à
[la] surveillance et à [l’] éducation  » de l’enfant, puisque,
« lorsque l'enfant a été confié à un tiers, l'autorité parentale
continue d'être exercée par les père et mère  » (code civil,
art. 375-3).
L’OBTENTION DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE

La loi 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant prévoit


que l’enfant «  recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de
nationalité française ou (…) confié au service de l'aide sociale à l'enfance »
pourra obtenir la nationalité française au bout de trois ans, contre cinq
auparavant (code civil, art. 21-12). L'enfant qui a été « recueilli en France et
élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années
au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un
organisme privé (…) » pourra lui aussi «  réclamer la nationalité française ».
L'enfant «  qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de
nationalité française  » pourra, jusqu'à sa majorité, déclarer «  qu'il réclame
la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en
France  » (l'obligation de résidence «  est supprimée lorsque l'enfant a été
adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence
habituelle en France »).
Chapitre 41

Le délaissement d’enfant

L’ARTICLE 350 du code civil prévoyait que «  l’enfant recueilli par un


particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont
les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui
précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, est déclaré
abandonné par le tribunal de grande instance ».

Il précisait que «  sont considérés comme s'étant


manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui
n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au
maintien de liens affectifs  »  : les travailleurs sociaux – qui
sont de grands sensibles – en ont conclu qu’une simple
carte postale pour Noël constituait un obstacle
insurmontable au prononcé de l’abandon, qui permettait
pourtant à l’enfant d’être adopté.
La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant a
abrogé cet article, et inséré dans le code civil un chapitre
intitulé «  De la déclaration judiciaire de délaissement
parental ».
Est désormais considéré comme délaissé l’enfant dont les
parents «  n'ont pas entretenu avec lui les relations
nécessaires à son éducation ou à son développement
pendant l'année qui précède l'introduction de la requête,
sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque
cause que ce soit » (code civil, art. 381-1).
La « demande en déclaration de délaissement parental » est
transmise au tribunal de grande instance «  par la personne,
l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale
à l'enfance qui a recueilli l'enfant, après que des mesures
appropriées de soutien aux parents leur ont été proposées »
(code civil, art.  381-2). La demande peut également être
présentée par le procureur de la République, d'office ou sur
proposition du juge des enfants.
Le délaissement peut concerner les deux parents, ou un
seul.
Il «  n'est pas déclaré si, dans l’année, un membre de la
famille a demandé à assumer la charge de l'enfant, et si sa
demande est jugée conforme à son intérêt de ce dernier ».
Lorsqu'il déclare l'enfant délaissé, le tribunal délègue, par la
même décision, l'exercice de l’autorité parentale à celui qui
recueille l'enfant.
On évitera de confondre le délaissement parental,
procédure judiciaire légale, avec «  le délaissement, en un
lieu quelconque, d'une personne qui n'est pas en mesure de
se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou
psychique » qui est puni « de cinq ans d'emprisonnement et
de 75 000 euros d'amende » (code pénal, 223-3), de quinze
à vingt ans de réclusion criminelle s’il «  a entraîné une
mutilation ou une infirmité permanente  » ou «  provoqué la
mort » (code pénal, 223-4).
Chapitre 42

L’autorité parentale
et la santé de l’enfant

LE CODE de la santé publique ne fait nulle part mention d’une quelconque


«  autorisation de soins et d’opérer  ». Il prévoit au contraire que «  toute
personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des
informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant
sa santé  » (CSP, art.  L1111-4). D’ailleurs, «  aucun acte médical ni aucun
traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la
personne ».

Il ne précise pas – il aurait pu – que la personne en question


doit être majeure  : un mineur prend donc, avec le
professionnel de santé, les décisions concernant sa santé.
Son consentement est indispensable  puisque «  le
consentement de la personne examinée ou soignée doit
être recherché dans tous les cas  » (CSP, art.  R4127-36). Si
le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, «  le
médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été
prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité  ». Ces
articles correspondent au code de déontologie des
médecins, mais la formulation est similaire dans la partie
législative du code de la santé publique  : lorsque «  la
personne est hors d'état d'exprimer sa volonté […], aucune
intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf
urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance
[…] ou la famille, ou à défaut, un des proches ait été
consulté » (CSP, art. L1111-4).
Notons tout d’abord que la personne de confiance citée
dans cet article ne concerne que les majeurs (CSP, art.
L. 1111-6). Remarquons ensuite que, «  ait été consulté » ne
veut pas, et n’a jamais voulu dire, «  ait signé ou autorisé
quoi que ce soit ». Notons enfin que, «  en cas d’urgence, ou
d’impossibilité », il n’est pas nécessaire de consulter qui que
ce soit, or, les autorisations de soin et d’opérer exigées lors
des inscriptions et des admissions sont justement prévues
pour être utilisées en cas d’urgence. Remarquons aussi,
pour terminer, que le professionnel (personne physique) ou
la structure (personne morale) n’est pas cité parmi les
personnes qui doivent être consultées (pas plus, pour les
majeurs, que le tuteur ou le curateur). L’ASE, pour ne citer
qu’elle, ne s’en occupera donc pas : il s’agit a minima d’un
acte usuel de l’autorité parentale.
Le consentement des parents apparaît dans un seul article :
«  Sous réserve des dispositions de l’article L1111-5, un médecin appelé à
donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de
prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur
consentement » (CSP, art. R4127-42), mais, «  en cas d'urgence, même si
ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins
nécessaires. »

Le médecin «  doit s’efforcer  »  : ce n’est donc pas


indispensable.
Le «  sous réserve des dispositions de l’article L1111-5  » a
son importance  : les articles L1111-5 et L1111-5-1
permettent au médecin, à la sage-femme et à l’infirmier de
«  se dispenser d'obtenir le consentement du ou des
titulaires de l'autorité parentale sur les décisions médicales
à prendre lorsque le traitement ou l'intervention s'impose
pour sauvegarder la santé d'une personne mineure, dans le
cas où cette dernière s'oppose expressément à la
consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale afin
de garder le secret sur son état de santé  » (CSP, art.
L. 1111-5).
On doit s’en remettre au droit commun, puisqu’aucun âge
n’est précisé, et utiliser la notion de discernement (code
civil, art.  388-1)  : le mineur «  capable de discernement  »
peut s'opposer expressément à la consultation du ou des
titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur
son état de santé. On part généralement du principe qu’il
est capable de discernement quand il est capable de
verbaliser et d’argumenter son opposition.
Une seule condition (la même que pour l’avortement d’une
mineure)  : le mineur se fait accompagner d'une personne
majeure de son choix (et il n’est écrit nulle part que cette
personne – qui peut être un éducateur, un psychologue, etc.
– doit signer quelque chose  : elle n’autorise rien et ne se
prononce pas, elle se contente – c’est déjà bien –
d’accompagner le mineur).
Cette possibilité reconnue aux mineurs apparaît plusieurs
fois dans le code :
« La personne mineure qui souhaite garder le secret sur un traitement ou
une intervention dont elle fait l'objet dans les conditions prévues à l'article
L. 1111-5 peut s'opposer à ce que le médecin qui a pratiqué ce traitement
ou cette intervention communique au titulaire de l'autorité parentale les
informations qui ont été constituées à ce sujet » (CSP, art. R1111-6).

Le mineur peut interdire à ses parents d’accéder à son


dossier médical et le médecin est tenu de respecter sa
décision. Le mineur peut également exiger «  que l'accès du
titulaire de l'autorité parentale aux informations concernant
son état de santé ait lieu par l'intermédiaire d'un médecin
(…) ».
Or donc, le mineur pourrait garder le secret sur son état de
santé, mais il ne pourrait pas, seul, accepter deux points de
suture, bien qu’une mineure enceinte puisse consentir seule
à son avortement, se faire prescrire un moyen de
contraception ou se faire délivrer une «  pilule du
lendemain » sans en informer ses parents ?
Personne ne peut imaginer que la matière juridique soit
aussi incohérente…
La hiérarchie des normes donne le dernier mot au code
civil  : «  le consentement de l'intéressé doit être recueilli
préalablement (…)  » à toute intervention thérapeutique
(art. 16-3).
Les parents peuvent exercer leur autorité parentale pour
imposer des soins à leur enfant (être vacciné, aller chez le
dentiste, avaler ses médicaments), mais le médecin devra
obtenir le consentement du mineur pour des soins plus
importants (impossible par exemple pour un parent
d’imposer une IVG à sa fille).
Vous vous demandez peut-être d’où vient cette
« autorisation de soins et d’opérer » ?
Elle a probablement été inventée, dans les années soixante-
dix, par les services du ministère de la jeunesse et des
sports, qui l’a fait apparaître au verso de son modèle de
«  fiche sanitaire  », repris par l’ensemble des communes et
des associations d’éducation populaire.
Une question surprenante était, sur cette fiche, posée aux
parents : « j’autorise l’organisateur à appeler les secours en
cas d’urgence  : oui – non  ». On peut légitimement se
demander ce qu’aurait fait l’organisateur face à un enfant
blessé dont les parents auraient répondu  non. Il aurait
probablement appelé les secours  : à quoi sert alors la
question ?
Vous vous demandez peut-être aussi à quoi sert cette
« autorisation de soins et d’opérer » ?
Une autorisation n’est jamais une décharge : le médecin est
pourtant persuadé qu’elle le couvre, mais de quoi ? Elle ne
sert à rien, ou à pas grand-chose, elle permet surtout que
l’enfant ne soit pas soigné, ou tardivement ; elle autorise un
parent à s’opposer aux soins, sans avoir à se justifier (par
exemple lors d’un divorce conflictuel, ou à cause de
croyances).
Bien évidemment – on peut s’en réjouir – « dans le cas où le
refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité
parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des
conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur
sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables  »
(CSP, art. L1111-4). Indispensables ne signifie pas « urgence
vitale  »  : les soins apportés par un psychiatre ne sont-ils
jamais indispensables ?
Le médecin risque plus en ne soignant pas qu’en soignant
sans autorisation  : il peut être poursuivi pour «  refus de
soins  » (CSP, art. R.  4127-47), pour «  non-assistance à
personne en péril » (code pénal, art. 223-6) ou pour «  mise
en danger délibérée de la vie d’autrui  » (code pénal,
art. 223-1).
Quelle serait, en cas de suicide, par exemple, la
responsabilité d’un psychiatre – ou d’un psychologue – qui
aurait mis un terme à la prise en charge à la demande d’un
parent, sans tenir compte de la volonté exprimée par
l’autre, ou par l’enfant  ? Ne peut-on penser, quand le
psychiatre met un terme à une prise en charge parce qu’un
parent l’exige, qu’il pense plus à sa propre sécurité (ne pas
avoir d’ennuis) qu’à celle de l’enfant à qui il est censé
prodiguer des soins ?
Bien sûr, un psychologue n’est pas un médecin, aucun de
ces articles n’est de facto applicable au psychologue  : un
raisonnement par analogie permet seulement d’alimenter
une réflexion.
Même le conseil national de l’Ordre des médecins, sur son
site Internet, dans ses «  Commentaires du code de
déontologie  », rappelle qu’un consentement écrit est
souvent demandé aux titulaires de l’autorité parentale
«  d'avance et systématiquement  » (sous l’article  36
«  Consentement du malade  »). Il estime que «  cette
méthode n'est pas satisfaisante, faute d’information sur
l’intervention qui se révélerait ultérieurement nécessaire  ;
elle risque de dénaturer la confiance et de perturber
d'emblée la relation normale entre les patients et le
médecin  ». Il ajoute «  le consentement écrit n'a d'ailleurs
pas une valeur juridique absolue  ». Le médecin assumera
seul – ou avec ses collègues – les conséquences d’une
éventuelle issue tragique, d’un refus de soins ou d’une
intervention jugée ensuite inutile.
Il conviendrait surtout de plus souvent rappeler au médecin
qu’il «  doit être le défenseur de l'enfant lorsqu'il estime que
l'intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par
son entourage  » (CSP, art.  R4127-43, code de déontologie,
art.  43). On peut aussi suggérer aux psychologues
d’intégrer ce principe à leur propre code de déontologie.
On évoque souvent, à titre d’exemple, la situation d’un
médecin psychiatre qui, à Marseille, a pris en charge un
enfant malgré le refus exprimé par son père par courrier
recommandé.
On ignore, dans cette histoire, si le refus a été exprimé
avant la prise en charge, ou après, et ce détail aurait son
importance. Le psychiatre a été sanctionné, non pas par la
justice, mais par le conseil de l’Ordre, qui a reconnu la
violation des dispositions de l’article R. 4127-42 du code de
la santé publique. Le médecin a interjeté appel et la Cour
d’appel de Nîmes a confirmé la décision du conseil de
l’Ordre (CA Nîmes, 15 septembre 2009, RG n° 07/0421). On
peut déplorer que la jurisprudence des conseils de l’Ordre à
travers la France soit assez fluctuante. On peut aussi
remarquer qu’on ne sait rien du fond de cette histoire, et
que cette jurisprudence est assez isolée.

UN MINEUR PEUT-IL CONSULTER UN PSYCHOLOGUE


UN MINEUR PEUT IL CONSULTER UN PSYCHOLOGUE
SANS L’ACCORD
DE SES PARENTS ?

Rien dans la loi n’interdit à un psychologue de recevoir un mineur sans


l’accord de ses parents, et rien n’interdit à un mineur de consulter un
psychologue sans l’accord de ses parents (rien d’ailleurs n’interdit à un
mineur de consulter un médecin ou une infirmière sans l’accord de ses
parents, et rien n’interdit à un mineur – pour sortir du secteur médical – de
consulter un assistant de service social sans l’accord de ses parents).
L’article 10 du code de déontologie des psychologues prévoit que «  le
psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs
protégés par la loi (…) », mais il reste vague sur les modalités quand il
ajoute «  (…) en tenant compte de leur statut, de leur situation et des
dispositions légales et réglementaires en vigueur », ce qui ne veut pas dire
grand-chose.
Il se contredit ensuite quand il précise que « l’évaluation, l’observation ou le
suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par
le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou
au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité
parentale ou des représentants légaux  » (code de déontologie des
psychologues, art. 11).
Lors des missions judiciaires d’évaluation et d’observation, le consentement
des détenteurs de l’autorité parentale n’est pas requis (les parents
maltraitants n’auraient sinon qu’à ne pas consentir pour ne pas être
inquiétés), et il ne s’agit pas « des détenteurs de l’autorité parentale », mais
de ceux qui l’exercent, ce qui change tout (et tend à démontrer que les
rédacteurs de cet article devraient se procurer le livre que vous tenez entre
les mains).
Soyons positifs en concluant que, d’après le code de déontologie des
psychologues, seul «  le suivi au long cours  » est concerné par le
consentement parental, pas la consultation (reste à déterminer quand
commence le «  long cours  »). Rappelons tout de même que ce code n’a
aucune valeur juridique  : il se contente ici de préconiser, de donner au
psychologue des arguments pour adopter une position dont il assume les
éventuelles conséquences.
Il est en tout cas indispensable que le mineur vienne de son plein gré, et la
question devra se poser s’il est accompagné, d’autant plus que «  le
psychologue ne peut aliéner l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa
profession sous quelque forme que ce soit  » (code de déontologie des
psychologues, art. 7).
Précisons qu’une autorisation signée par qui n’exerce pas l’autorité
parentale (assistant familial, grand-père, beau-parent, frère ou sœur majeur,
etc.), n’aurait de toute manière aucune valeur.
Il faut aussi que le mineur puisse – quand il le souhaite – mettre un terme
aux entretiens.
Le psychologue réfléchira alors à la nécessité – si la situation du mineur le
justifie – d’adresser une information préoccupante au service départemental
de l’aide sociale à l’enfance (ASE), ou un signalement au procureur de la
République.
Le seul risque que prend le psychologue envers les parents est qu’ils
mettent fin aux entretiens : recevoir un mineur qui le souhaite n’est pas une
infraction, ne pas le recevoir pourrait même être poursuivi (comme un refus
de soins, par exemple, ou une discrimination liée à l’âge). Un souci légal se
cache néanmoins dans un pli de cette situation  : la rémunération du
psychologue. Il devra recevoir le mineur gratuitement (continuons dans
l’analogie médicale, puisque le code de déontologie des psychologues
n’aborde pas le sujet : selon l’article R4127-67 du code de la santé publique,
le médecin «  est libre de donner gratuitement ses soins  »). Le mineur est
vulnérable  : percevoir de l’argent de sa part pourrait être défini – tout au
moins par ses parents – comme un abus de faiblesse, passible de « trois ans
d'emprisonnement et de 375  000  euros d'amende  » (code pénal, art.  223-
15-2), auxquels peut s’ajouter «  l'interdiction (…) d'exercer l'activité
professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de
laquelle l'infraction a été commise, pour une durée de cinq ans au plus  »
(code pénal, art. 223-15-3).

LA MAJORITÉ SEXUELLE

Il n’existe pas réellement, en droit français, de majorité sexuelle. La formule


a été créée en 2012 par le Conseil Constitutionnel  : «  majorité sexuelle
définie comme l’âge à partir duquel un mineur peut valablement consentir à
des relations sexuelles (avec ou sans pénétration) avec une personne
majeure à condition que cette dernière ne soit pas en position d’autorité à
l’égard du mineur  » (décision 2011-222 QPC du 17  février 2012). L’âge de
15 ans est déduit des termes de l’article 227-25 du code pénal (entre 1832
et  1994, il était déduit de l’ancien article  331 du code pénal, qui réprimait
l’attentat à la pudeur). L’article, créé par le nouveau code pénal de 1994, a
été modifié par la loi 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les
violences sexuelles et sexistes, dite Loi Schiappa, qui en a considérablement
compliqué la compréhension, et l’application. Cette « majorité sexuelle » est
fixée en France à 15 ans pour les garçons et pour les filles depuis
l’ordonnance 45-1456 du 2 juillet 1945 (relations hétérosexuelles) et depuis
la loi 82-683 du 4 août 1982 (relations homosexuelles).
L’homosexualité a été dépénalisée en France par le code pénal
révolutionnaire de 1791 (qui crée aussi le discernement, l’excuse de
minorité et l’enquête sociale obligatoire pour les mineurs). Elle a ensuite été
pénalisée pendant quarante ans (1942-1982), mais seulement pour les
relations homosexuelles entre un majeur et un mineur, qui ne pouvait pas y
consentir  : la loi du 6  août 1942, adoptée par le gouvernement de Vichy,
incrimine «  quiconque aura commis un acte impudique ou contre-nature
avec un individu mineur du même sexe » (code pénal, ancien art. 331). Le
code pénal impérial de 1810 ne comportait aucune discrimination à
l’encontre des homosexuels, pas plus que le code civil de 1804 n’interdisait
explicitement le mariage entre personnes de même sexe  : on le doit
probablement à Cambacérès, Archichancelier de l’Empire (sorte de premier
ministre) et homosexuel notoire (on aurait donc pu le légaliser  plus
simplement, en modifiant, dans un article du code civil, une phrase
considérée par certains comme ambiguë). Sous l’Ancien régime, on brûlait
les homosexuels, appelés « sodomites » (le dernier couple exécuté l’a été le
6 juillet 1750 en place de Grève, l’actuelle place de l’Hôtel de Ville de Paris),
mais on brûlait aussi les sorcières (la dernière en 1826 dans le Lot-et-
Garonne).
La majorité sexuelle a été fixée à 11 ans par la loi du 28 avril 1832 (elle a
introduit la majorité sexuelle dans le droit français, et aboli le pilori), à 13
ans par la loi du 13 mai 1863. Il n’a jamais existé sur ce sujet de différence
d’âge entre filles et garçons. Rappelons également que le détournement de
mineur a disparu du code le 1er mars 1994, et n’a jamais rien eu de sexuel :
il punissait le fait de soustraire un mineur aux adultes ayant autorité sur lui
(code pénal, ancien art.  227-8). Il se référait à la majorité civile, pas à la
majorité sexuelle. Il a été remplacé par les délits de provocation (code
pénal, art. 227-18) et de corruption de mineur (code pénal, art. 227-22).
L’article  227-25 du code pénal punit désormais «  de sept ans
d'emprisonnement et de 100  000  euros d'amende  » le majeur qui exerce
«  une atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans  » (comprendre  : de
moins de 15 ans). La notion d’atteinte sexuelle remplace avantageusement
celle d’abus sexuel (un abus est un usage excessif). Elle regroupe
l’agression sexuelle (qui est un délit) et le viol (qui est un crime). La peine
encourue par le majeur qui exerçait «  sans violence, menace, contrainte ou
surprise, une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans »
était auparavant de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Une relation sexuelle sans violence, menace, contrainte ou surprise est
forcément consentie  : la violence, la contrainte et la surprise sont, avec la
menace, constitutives de l’agression (code pénal, art.  222-22). Avant la loi
«  Schiappa  », le mineur ne pouvait pas avoir de rapports sexuels avec un
majeur, même consentis, avant d’avoir 15 ans : son éventuel consentement
était vicié (frappé d’un vice), ce qui le rendait irrecevable. Toute relation
sexuelle d’un majeur avec un mineur de moins de 15 ans était donc
qualifiée d’agression (sans pénétration) ou de viol (avec pénétration). Ce qui
reste stable depuis la loi Schiappa est que le mineur ne peut pas avoir de
rapports sexuels, même consentis, avec un ascendant, avec «  toute autre
personne ayant [sur lui] une autorité de droit ou de fait  », ou avec «  une
personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions  » (code
pénal, art. 227-27). La loi estime que le mineur n’est pas suffisamment mûr
pour que son consentement soit recevable si l’adulte a sur lui une autorité
familiale, professionnelle ou ponctuelle. Il n’existe par contre aucune
disposition pénale qui permette de sanctionner les relations sexuelles sans
violence, menace, contrainte ou surprise entre un adulte et un mineur de
plus de 15 ans, mais une différence d’âge jugée excessive entre un majeur
et un mineur de plus de 15 ans pourra constituer une circonstance
aggravante s’il s’agit d’une agression ou d’un viol, ou de prostitution
(interdite aux mineurs, elle est passible de lourdes peines).
L’âge de la «  majorité sexuelle  » – souvent compris comme l’âge à partir
duquel un mineur peut avoir des relations sexuelles – est en fait l’âge à
partir duquel il peut avoir des relations sexuelles avec un majeur.
Il n’existe aucune disposition légale qui limite ou interdise les relations
sexuelles consenties entre mineurs, même en institution ou en centre de
vacances  : interdire en ces lieux les relations sexuelles entre mineurs (ou
plus largement entre usagers) n’est donc pas acceptable, ni respectueux de
leurs droits fondamentaux.
Il n’appartient évidemment pas aux encadrants – ou aux psychologues – de
s’assurer a priori du consentement des mineurs. Ils devront intervenir a
posteriori en cas de défaut de consentement, en signalant l’agression ou le
viol au procureur de la République. La meilleure manière de limiter les
agressions sexuelles est de mener des actions d’éducation et de prévention
des atteintes, ce que permet par exemple le programme canadien Mon
corps est mon corps, outil particulièrement intéressant pour évoquer les
violences sexuelles avec les enfants, les attitudes problématiques des
adultes envers eux, leurs propres sensations, et surtout la recherche d’aide
(avec par exemple «  le jeu des trois questions  »), mais qui fait
malheureusement penser que les enfants peuvent aisément dire non à un
adulte.
Un principe de jurisprudence estime que la différence d’âge doit rendre le
consentement plausible. L’UNESCO, qui, en janvier  1999, a défini la
pédophilie lors d’un colloque à Paris comme «  la relation sexuelle avec un
enfant de moins de 13 ans  », estime que la différence d’âge avec le
partenaire ne devait pas être supérieure à cinq ans (in Principes directeurs
internationaux sur l’éducation sexuelle, 2009). La psychiatrie définit en effet
la pédophilie comme «  une attirance sexuelle pour les enfants prépubères ;
elle ne concerne pas les atteintes sexuelles sur les jeunes adolescents
pubères, et il faut également la distinguer de l’inceste, qui se limite
strictement au cadre familial ».
Il a été maintes fois envisagé de fixer un âge précis pour qualifier de pédo-
criminelle une atteinte sexuelle. L’âge de 14 ans a été évoqué : repris par le
droit canon (le droit de l’Église catholique), il était en vigueur chez nos
ancêtres les romains (il n’avait rien à voir avec le fameux « âge de raison »
établi à 7 ans, qui n’existe pas en droit français).
La loi Schiappa – qui a modifié l’article 227-25 du code pénal, et aggravé la
peine encourue – promettait de fixer un âge légal du consentement (ou de
«  présomption de non-consentement  »)  : elle ne l’a pas fait. L’article en
question stipule désormais que «  hors le cas de viol ou de toute autre
agression sexuelle, le fait, par un majeur, d'exercer une atteinte sexuelle sur
un mineur de quinze ans est puni de sept ans d'emprisonnement et de
100 000 euros d'amende  ». On peut s’interroger sur le «  hors le cas de viol
ou de toute autre agression sexuelle  »  : le viol et l’agression sont des
atteintes sexuelles. Il est probable – les explications de la ministre elle-
même sont confuses – que l’article signifie qu’en cas de viol ou d’agression
sexuelle, les peines seront plus importantes  : c’est exact pour un viol sur
mineur (20 ans de réclusion criminelle), inexact pour une agression sexuelle
sur mineur (7 ans d’emprisonnement et 100  000  euros d’amende). Cette
nouvelle loi n’a rien changé. Elle a même probablement complexifié la
situation, puisque c’est désormais à la victime de prouver qu’elle n’était pas
consentante, alors que la rédaction précédente l’affirmait sans détours. En
2018, deux affaires médiatisées à outrance, mal expliquées, mal comprises,
ont ébranlé l’opinion publique, chacun s’est indigné, s’est exprimé, et
poussé le gouvernement à réagir dans l’urgence, sans réfléchir, ce qui, on
peut le déplorer, est de plus en plus courant.

Que peut-on comprendre des dernières évolutions législatives en


matière de violences sexuelles sur mineurs ?
Les changements apportés par la loi dite «  Schiappa  » ont
malheureusement apporté beaucoup de confusions et de complexifications,
tentons néanmoins d’en faire une synthèse un peu plus claire :
Pour les moins de 15 ans :
Un rapport sexuel d’un mineur de moins de 15 ans avec un majeur
constitue forcément une atteinte sexuelle qu’il conviendra de qualifier
d’agression (sans pénétration) ou de viol (avec pénétration)  : le non-
consentement était de fait, mais la nouvelle rédaction de l’article 227-17
du code pénal laisse encore plus qu’avant place à l’interprétation, ce
sera donc à la victime de démontrer son non-consentement (c’est-à-dire
qu’il y a eu violence, menace, contrainte ou surprise, ou corruption).
Pour les plus de 15 ans :
Un rapport sexuel d’un mineur de plus de 15 ans avec un majeur « ayant
une autorité de droit ou de fait  » sur lui, ou avec «  une personne qui
abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions  » (code pénal,
art.  227-27) constitue forcément une atteinte sexuelle qu’il conviendra
de qualifier d’agression (sans pénétration) ou de viol (avec pénétration).
Le non-consentement est de fait.
Un rapport sexuel d’un mineur de plus de 15 ans avec un majeur n’ayant
aucune autorité de droit ou de fait, ou n’ayant aucune autorité sur le
mineur du fait de ses fonctions, peut constituer une atteinte sexuelle
seulement si la victime démontre son non-consentement (qu’il y a eu
violence, menace, contrainte ou surprise).

LA CONTRACEPTION
La loi 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption de grossesse et à la
contraception a prolongé de dix à douze semaines le délai légal pour que
soit pratiquée l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Elle a également
supprimé l’autorisation parentale pour qu’une mineure utilise une méthode
de contraception  : «  le consentement des titulaires de l'autorité parentale
ou, le cas échéant, du représentant légal n'est pas requis pour la
prescription, la délivrance ou l'administration de contraceptifs aux
personnes mineures » (CSP, art. L. 5134-1). La délivrance de contraceptifs,
la réalisation d'examens de biologie médicale en vue d'une prescription
contraceptive, la prescription de ces examens ou d'un contraceptif, ainsi
que leur prise en charge, sont protégées par le secret pour les personnes
mineures (ce qui signifie que leurs parents n’ont pas à en être informés).
Le médecin ou la sage-femme «  peut se dispenser d'obtenir le
consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale sur les décisions
médicales à prendre lorsque l'action de prévention, le dépistage, le
diagnostic, le traitement ou l'intervention s'impose pour sauvegarder la
santé d'une personne mineure, dans le cas où cette dernière s'oppose
expressément à la consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale
afin de garder le secret sur son état de santé » (CSP, art. L1111-5). Il en va
de même pour l'infirmier, qui « peut se dispenser d'obtenir le consentement
du ou des titulaires de l'autorité parentale sur les décisions à prendre
lorsque l'action de prévention, le dépistage ou le traitement s'impose pour
sauvegarder la santé sexuelle et reproductive d'une personne mineure  »
(CSP, art.  L1111-5-1). Ils doivent s'efforcer d'obtenir le consentement du
mineur à cette consultation, mais, s’il maintient son opposition, «  le
médecin ou la sage-femme peut mettre en œuvre l'action de prévention, le
dépistage, le diagnostic, le traitement ou l'intervention » : dans ce cas, «  le
mineur se fait accompagner d'une personne majeure de son choix  ». On
retrouve cette «  personne majeure  » dans les situations d’interruption
volontaire de grossesse, mais également dans les modalités d’expression du
mineur en justice (code civil, art. 388-1).
Rappelons – on ne le fera jamais assez – que, de toute façon, «  le médecin
doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé
est mal compris ou mal préservé par son entourage » (CSP, art. R4127, code
de déontologie, art. 43°.
On peut donc – par analogie – estimer que rien n’interdit à un ou une
mineur(e) de consulter un médecin, un dentiste, ou un psychologue (la loi
ne l’interdit pas).
Le seul consentement de la personne mineure est requis lorsque ses liens
de famille sont rompus, et qu’elle «  bénéficie à titre personnel du
remboursement des prestations en nature de l'assurance maladie et
maternité et de la couverture complémentaire (…) ».
Les centres de planification ou d'éducation familiale «  sont autorisés à
délivrer, à titre gratuit, des médicaments, produits ou objets contraceptifs,
aux mineurs désirant garder le secret  » (CSP, art. L.  2311-4). Les frais
d'examens de biologie médicale ordonnés en vue de prescriptions
contraceptives sont supportés par les centres de planification ou
d'éducation familiale. Le décret n°  2013-248 du 25  mars 2013 instaure la
délivrance gratuite, en pharmacie, sur prescription médicale, «  pour les
mineures âgées d'au moins quinze ans (…), des spécialités
pharmaceutiques à visée contraceptive inscrites sur la liste des spécialités
remboursables (…) ainsi que des dispositifs médicaux à visée contraceptive
inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (…)  » (CSP,
art.  R322-9). Elles n’ont bien évidemment pas à présenter une pièce
d’identité pour prouver leur âge  : c’est au médecin prescripteur à inscrire
sur l’ordonnance « mineure de plus de 15 ans », le pharmacien – qui pourra
ainsi se faire rembourser le produit par la CPAM – devra s’en contenter (tout
refus doit être immédiatement signalé au parquet, et au conseil de l’Ordre
des pharmaciens).
La loi 2000-1209 du 13 décembre 2000 relative à la contraception d'urgence
institue le principe de la délivrance de produits de contraception d'urgence
pour les mineures en difficulté. La «  délivrance aux mineures des
médicaments ayant pour but la contraception d'urgence et qui ne sont pas
soumis à prescription médicale obligatoire s'effectue à titre gratuit dans les
pharmacies » (CSP, art. L. 5134-1). Dans les établissements d'enseignement
du second degré, «  les infirmiers peuvent (…), dans les cas d'urgence,
administrer aux élèves mineures et majeures une contraception
d'urgence ». Ils «  s'assurent de l'accompagnement psychologique de l'élève
et veillent à la mise en œuvre d'un suivi médical, notamment en orientant
l'élève vers un centre de planification ou d'éducation familiale ».

L’INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE

La mineure enceinte qui voulait avoir recours à l’interruption volontaire de


grossesse (IVG) devait obtenir « le consentement de l'une des personnes qui
exerce l'autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal » (CSP,
ancien art. L.  162-7). Ce consentement devait bien évidemment «  être
accompagné de celui de la mineure célibataire enceinte, ce dernier étant
donné en dehors de la présence des parents ou du représentant légal  » (la
mineure mariée est émancipée par son mariage). Le juge des enfants
pouvait intervenir, au titre de l’article 375 du code civil, s’il estimait que « la
santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé  » était en
danger, et que l’IVG relevait d’une mesure d'assistance éducative. Il pouvait
être saisi par le mineur lui-même, ou par le ministère public, ou se saisir
d'office, à titre exceptionnel, mais rien ne lui interdisait d’en informer les
parents, puisqu’il «  doit toujours s'efforcer de recueillir l'adhésion de la
famille à la mesure envisagée » (code civil, art. 375-1).
Le positionnement personnel des juges des enfants pouvait aussi relever
d’une certaine défiance envers l’IVG.
La loi 2001-588 du 4  juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de
grossesse et à la contraception a mis fin à cette situation : désormais, « si la
femme mineure non émancipée désire garder le secret (…),  l'interruption
volontaire de grossesse ainsi que les actes médicaux et les soins qui lui sont
liés peuvent être pratiqués (…) » (CSP, art. L. 2212-7).
La mineure se fait alors accompagner «  par la personne majeure de son
choix ».
Rien (dans la loi) n’empêche le psychologue d’être ce tiers sans statut.
Le médecin doit néanmoins s'efforcer, dans l'intérêt de la mineure,
«  d'obtenir son consentement pour que le ou les titulaires de l'autorité
parentale ou, le cas échéant, le représentant légal soient consultés  », ou
tout au moins vérifier que cette démarche a été faite lors de l'entretien
préalable, obligatoire pour les mineures, facultatif pour les majeures (CSP,
art. L.  2212-4). Une deuxième consultation est obligatoirement proposée
aux mineures après l'intervention. L’interruption volontaire de grossesse est
gratuite pour les mineures (qui disposent du même délai que les majeures).
Les mineures peuvent également «  accoucher sous X  », ou donner leur
enfant à l’adoption sitôt après l’accouchement.
Chapitre 43

L’autorité parentale
et les biens de l’enfant

L’ADMINISTRATION légale des biens de l’enfant permet à ses parents de gérer


ses biens et ses revenus jusqu’à sa majorité ou son émancipation. Elle
appartient à chacun des deux parents s’ils exercent conjointement l’autorité
parentale (code civil, art. 382), ou « à celui des parents qui exerce l'autorité
parentale ». Lorsqu’elle est exercée en commun, «  chacun d'eux est réputé,
à l'égard des tiers, avoir reçu de l'autre le pouvoir de faire seul les actes
d'administration portant sur les biens du mineur  » (code civil, art.  382-1)  :
une seule signature suffit pour effectuer un acte d’administration (de
gestion courante du patrimoine). La signature des deux est indispensable
pour un acte de disposition (qui engage le patrimoine de manière durable et
substantielle). On retrouve ici le principe de l’acte usuel de l’autorité
parentale et de l’acte important dit « non-usuel », qui « rompt avec le passé
et engage l'avenir de l'enfant, ou qui touche à ses droits fondamentaux ».

Lorsque les intérêts de l'administrateur légal, ou des


administrateurs légaux «  sont en opposition avec ceux du
mineur  », ils peuvent saisir le juge des tutelles pour lui
demander «  la nomination d'un administrateur ad hoc  »
(code civil, art.  383). Le juge peut également procéder à
cette nomination à la demande du ministère public, du
mineur lui-même ou d'office (ce qui signifie que n’importe
qui peut l’informer d’une situation, et qu’il pourra
s’autosaisir). Si les intérêts du mineur sont en opposition
avec ceux d'un des deux administrateurs légaux, le juge des
tutelles peut autoriser l'autre à représenter l'enfant pour un
ou plusieurs actes déterminés. Précisons qu’un
administrateur ad hoc (ad hoc, qui a donné adéquat, signifie
« pour ceci ») peut être nommé par n’importe quel juge (ou
par le procureur en cas d’urgence) dans n’importe quelle
procédure, civile ou pénale, lorsque «  les intérêts d'un
mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses
représentants légaux  » (code civil, art.  388-2).
L'administrateur ad hoc doit être indépendant de la
personne morale ou physique à laquelle le mineur est
confié, par exemple dans le cadre d'une procédure
d'assistance éducative (l’enfant confié à l’ASE se retrouvait
souvent avec l’ASE comme administrateur ad hoc, ce qui
pouvait constituer un conflit d’intérêts).
L'administrateur légal est responsable de tout dommage
résultant d'une faute quelconque qu'il commet dans la
gestion des biens du mineur (les deux parents,
solidairement). Il peut avoir à en répondre pendant cinq ans
à compter de la majorité de l'enfant, ou de son
émancipation. En cas de désaccord entre les
administrateurs légaux, le juge des tutelles peut être saisi
pour autoriser, ou non, un acte (code civil, art. 387), et son
autorisation – formalisée par une ordonnance – est
indispensable pour les actes les plus importants, comme la
vente d’un immeuble ou l’acceptation d’une succession
(code civil, art.  387-1 et 387-2). Le juge peut également
exercer un contrôle sur les comptes, ponctuel ou régulier.
L'administration légale était, jusqu’au 1er  janvier 2016, dite
«  pure et simple  » quand elle était exercée par les deux
parents, et « sous contrôle judiciaire » (du juge des tutelles)
quand un seul des deux parents exerçait l’autorité
parentale. Jusqu’à l’adoption de la loi 85-1372 du
23  décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les
régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des
biens des enfants mineurs, l'administration légale était
« exercée par le père avec le concours de la mère (…) », ce
qui créait pour le moins un déséquilibre sexiste (une des
dernières survivances du chef qui se comporte «  en bon
père de famille »).
L’administration légale des biens de l’enfant permet aussi à
ses parents de jouir des biens et de ses revenus, jusqu’à ses
16 ans (code civil, art.  386-2). La jouissance légale ne
s'étend ni aux biens que l'enfant peut acquérir par son
travail, ni à ceux qui lui sont donnés ou légués sous la
condition expresse que les parents n'en jouiront pas. Idem
pour la somme qu'il pourrait percevoir au titre de
l'indemnisation des victimes (code civil, art. 386-4).
Partie 10

Le psychologue
et la protection
de l’enfance

LA LOI française instaure une mesure de protection particulière à toute


personne âgée de moins de dix-huit ans  : la minorité. Chacun, dès sa
majorité, «  est capable d'exercer les droits dont il a la jouissance  » (code
civil, art. 414).
La loi reconnaît qu’un mineur n’est pas en capacité de se protéger lui-même
à cause de sa vulnérabilité (code pénal, art. 434-3), qu’il convient donc de
mettre en place le cadre nécessaire pour assurer sa protection. Cette
protection s’exerce même au pénal, lorsque le mineur est l’auteur d’une
infraction  : c’est le principe de l’excuse de minorité mise en place par
l’ordonnance du 2 février 1945.
Les détenteurs de l’autorité parentale – et surtout de son exercice – sont les
premiers concernés par cette vulnérabilité. Lorsqu’ils ne sont pas en mesure
de respecter leurs obligations, que la manière dont ils élèvent leur enfant
est contraire à son intérêt, une mesure d’assistance éducative –
administrative ou judiciaire – a vocation à être mise en place pour qu’ils
soient assistés dans leur mission éducative, et accompagnés.
S’ils sont dans une réelle incapacité, d’autres se substitueront à eux, de
manière provisoire ou définitive : c’est la suspension – et la délégation – de
l’exercice de l’autorité parentale, et la procédure de délaissement parental,
que les services sociaux ont beaucoup de mal à activer.
La protection de l’enfance est une responsabilité qui incombe à chaque
citoyen, individuellement. Toute personne qui a des inquiétudes sur la
situation d’un mineur «  en danger ou en risque de l’être  » doit faire le
nécessaire pour qu’il soit pris en charge.
Dans le cadre professionnel, cette intervention est encadrée par les lois
concernant «  la levée  » du secret professionnel (pour ceux qui y sont
astreints).
Ce chapitre souhaite transmettre des informations simples et claires sur le
schéma de la protection de l’enfance, pour que chaque psychologue puisse,
face à ces situations, face à leur complexité et leurs difficultés, intervenir de
manière adaptée et pertinente.
La maltraitance des mineurs (mais également des majeurs dits
«  vulnérables  ») est transversale. Elle se retrouve dans tout milieu, tout
champ professionnel, tout contexte culturel ou religieux. Elle plonge souvent
les professionnels dans un sentiment d’isolement et d’impuissance, et les
confronte à une charge émotionnelle lourde, qui n’aide souvent pas à
prendre une distance nécessaire à l’analyse de ces situations.
Connaître le cadre législatif, le dispositif de protection de l’enfance, les
démarches concernant l’information préoccupante et le signalement,
permettront aux psychologues, nous l’espérons, d’être outillés pour faire
face à ces situations. N’oublions pas qu’un des freins à la transmission
d’une situation préoccupante d’un mineur est le manque d’informations et
de formation sur les modalités de signalement et de conduite à tenir
(Beuchot-Malzac, 2011).
Chapitre 44

L’autorité parentale
offre une grande
liberté éducative
LE CHAPITRE sur l’autorité parentale a bien défini les contours de son exercice
et surtout de ses limites. L’intérêt de l’enfant est la finalité des droits et
devoirs des détenteurs de l’autorité parentale. Ils doivent « le protéger dans
sa sécurité, sa santé et sa moralité », assurer «  son éducation et permettre
son développement, dans le respect dû à sa personne » (code civil, art. 371-
1). Les parents ont donc une grande liberté éducative et pédagogique dans
ce qu’ils souhaitent transmettre à leur(s) enfant(s). Les croyances, les
valeurs, les principes, les règles, sont autant d’éléments d’éducation que
chaque parent devra personnellement définir, dans une liberté de choix
(imposer ou non une religion, l’inscrire au football plutôt qu’au théâtre, lui
acheter un téléphone portable à 7 ans ou à 18, etc.).

La seule limite à ces droits est contenue dans l’article 371-1


du code civil qui définit l’autorité parentale  : la mise en
danger de l’enfant.
Autant battre son enfant à coups de ceinture tous les soirs
est aujourd’hui considéré quasi unanimement comme une
mise en danger, autant lui donner quelques fessées de
temps en temps est resté longtemps un acte non
consensuel concernant le danger.
Ce n’est que le 10  juillet 2019 que le législateur a
définitivement adopté l’interdiction du fameux «  droit
coutumier de correction  » hérité du code civil de 1804.
Après de multiples divisions sur les propositions de loi
antérieures, le code civil fait maintenant apparaître que
«  l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou
psychologiques  » (cette mention sera lue lors des mariages
et figurera sur la première page du carnet de santé des
enfants).
Il est possible d’appeler Clitorine ou Jésunette son enfant,
mais pas Nutella ou Mohamed Merah. Les parents peuvent
librement choisir les prénoms de leur enfant, mais, depuis le
8 janvier 1993, « lorsque ces prénoms ou l'un d'eux, seul ou
associé aux autres prénoms ou au nom, lui paraissent
contraires à l'intérêt de l'enfant ou au droit des tiers à voir
protéger leur nom de famille, l'officier de l'état civil en avise
sans délai le procureur de la République  » (code civil,
art. 57), qui peut saisir le juge aux affaires familiales.
C’est donc là que la difficulté apparaît  : l’évaluation de la
mise en danger auquel est confronté un enfant,
éminemment subjective.
La réforme de la protection de l’enfance de 2007 a fait
apparaître la notion de « mineurs en danger ou en risque de
l’être », en la substituant – malheureusement – à « enfants
maltraités » et « mauvais traitements ». Le danger concerne
la santé, la sécurité, la moralité d’un mineur ; ainsi que son
éducation, son développement physique, affectif,
intellectuel et social.
S’ils sont gravement compromis, des mesures d’assistance
éducative peuvent être ordonnées par la justice, ou
proposées par le conseil départemental, « chef de file » en
matière de protection de l’enfance. Ces mesures peuvent
être demandées par le mineur lui-même, ses parents,
individuellement ou conjointement, par son tuteur ou le
service auquel il a été confié  ; ou encore par le ministère
public (code civil, art. 375).
Mais qu’est-ce qui met en danger la sécurité, la santé, la
moralité ou l’éducation d’un enfant ?
À partir de quand peut-on considérer qu’il est en danger ?
La subjectivité de la définition permet à quiconque
d’informer les autorités judiciaires (le parquet) ou
administratives (le conseil départemental) lorsqu’il a un
doute raisonnable et réfléchi, étayé par des faits, qu’un
enfant est en danger ou en risque de l’être (cette
subjectivité est un élément supplémentaire en faveur du
signalement individuel au détriment du signalement
d’équipe, qui n’existe dans aucun code, aucun texte légal
ou réglementaire).
C’est à partir de ce moment-là qu’on entre dans le champ
de la protection de l’enfance, régi par un principe  : la
subsidiarité.
Le principe de subsidiarité repose sur le caractère
subsidiaire d’un élément, c’est-à-dire qui s’ajoute à
l’élément principal pour venir le renforcer et suppléer ce qui
fait défaut chez lui.
Beaucoup utilisé en politique, ce principe est parfois repris
dans le champ social pour définir les niveaux de
responsabilité en protection de l’enfance. Le premier niveau
d’autorité compétente  sont les détenteurs de l’autorité
parentale  : les parents exercent seuls le premier niveau de
protection de leur enfant. Si ce premier niveau ne peut
assurer cette responsabilité, un autre niveau d’autorité est
activé  : l’intervention administrative (le conseil
départemental).
C’est ici qu’intervient l’information préoccupante. On voit
bien ici la subsidiarité des services publics par rapport à
l’autorité parentale. Dans la mesure du possible, il s’agit de
protéger l’enfant par des mesures sociales qui nécessitent
le consentement des parents. Enfin, si l’intervention
administrative n’aboutit pas à la protection de l’enfant
(impossibilité ou refus des parents de collaborer avec l’aide
sociale à l’enfance, mesures de protection administratives
insuffisantes pour assurer la protection du mineur), un
dernier échelon peut être activé  : l’intervention judiciaire
(État) qui pourra agir sans l’accord des parents (lui-même
composé de deux niveaux : le juge des enfants qui ordonne
des mesures et le juge aux affaires familiales qui suspend
l’exercice de l’autorité parentale si les parents refusent de
respecter les préconisations du juge des enfants).
C’est la subsidiarité de la protection judiciaire par rapport à
l’intervention sociale (code de l’action sociale et des
familles, art. L226-4).
Lorsque les maltraitances subies par l’enfant présentent un
caractère de gravité qui justifie que des poursuites pénales
soient engagées, les professionnels doivent s’adresser
directement au dernier échelon, le procureur de la
République : c’est le signalement.
LA MALTRAITANCE

En 1987, le Conseil de l’Europe a défini la maltraitance comme une violence


qui se caractérise « par tout acte ou omission commis par une personne, s’il
porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté
d’une autre personne ou compromet gravement le développement de sa
personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière ».
En 1992, il complète cette définition par une typologie des actes de
maltraitance :
violences physiques (coups, brûlures, ligotages, soins brusques sans
information ou préparation, non satisfaction des demandes pour des
besoins physiologiques, violences sexuelles, meurtres, etc.) ;
violences psychiques ou morales (langage irrespectueux ou dévalorisant,
absence de considération, chantages, abus d’autorité, comportements
d’infantilisation, non-respect de l’intimité, injonctions paradoxales, etc.) ;
violences matérielles et financières (vols, exigence de pourboires,
escroqueries diverses, locaux inadaptés, etc.) ;
violences médicales ou médicamenteuses (manque de soins de base,
non-information sur les traitements ou les soins, abus de traitements
sédatifs ou neuroleptiques, défaut de soins de rééducation, non prise en
compte de la douleur, etc.) ;
négligences actives (sévices, abus, abandons, manquements pratiqués
avec la conscience de nuire) ;
négligences passives (relevant de l’ignorance, de l’inattention de
l’entourage) ;
privation ou violation de droits (limitation de la liberté de la personne,
privation de l’exercice des droits civiques, d’une pratique religieuse,
etc.).
Chapitre 45

Le schéma
de la protection de l’enfan
ce
en France
LA PROTECTION de l'enfance « vise à garantir la prise en compte des besoins
fondamentaux de l'enfant, à soutenir son développement physique, affectif,
intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son
éducation, dans le respect de ses droits » (CASF, art. L112-3).

Elle comprend :
des actions de prévention en faveur de l'enfant et de ses
parents  : prévenir les difficultés auxquelles les parents
peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs fonctions
éducatives ;
l'organisation du repérage et du traitement des situations
de danger ou de risque de danger pour l'enfant, ainsi que
les décisions administratives et judiciaires prises pour sa
protection.
Le service de l’aide sociale à l’enfance a pour mission
d’accompagner les familles, de les soutenir, et de mettre en
œuvre des actions adaptées, pouvant aller jusqu’à une prise
en charge partielle ou totale de l’enfant. L’enfant est
associé aux décisions qui le concernent «  selon son âge et
son degré de maturité  » (code civil, art.  371-1). Les
interventions sont également en faveur des jeunes majeurs
de moins de 21 ans «  connaissant des difficultés
susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ».
La France dispose d’un système de protection de l’enfance à
double entrée  : administratif et judiciaire. L’intervention de
l’un ou de l’autre dépend du niveau de gravité du danger
encouru par le mineur, et des éventuelles infractions dont il
serait victime.
La définition de la mise en danger étant volontairement
floue, rappelons la définition de la maltraitance, qui pourrait
préciser quelques éléments  : la maltraitance à enfant
désigne les violences et la négligence envers toute
personne de moins de 18 ans. Elle s’entend de toutes les
formes de mauvais traitements physiques et/ou affectifs, de
sévices sexuels, de négligence ou de traitement négligent,
d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un
préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa
survie, son développement ou sa dignité, dans le contexte
d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir
(OMS). Outre les violences physiques, psychologiques,
sexuelles, et les négligences lourdes (volontaires ou par
omission), les violences au sein du couple, la maltraitance
fœtale, les «  bébés secoués  » ou encore le syndrome de
Münchhausen par procuration sont autant de formes que
peut prendre la maltraitance.
LES INSTANCES GOUVERNEMENTALES DE LA
PROTECTION DE L’ENFANCE

Le secrétaire d’État à la protection de l’enfance : créé début 2019,


il a pour mission de proposer des mesures pour garantir la sécurité, la
santé et l’éducation des enfants, il est rattaché au Ministre de la Santé.
Le défenseur des enfants : institué par la loi du 6 mars 2000, il est une
autorité indépendante chargée « de défendre et de promouvoir les droits
de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international
régulièrement ratifié ou approuvé  ». En 2009, le gouvernement décide
de le supprimer, puis de le rattacher en 2011 au Défenseur des droits,
qui lui-même remplace le Médiateur de la République. Le défenseur des
enfants devient alors un de ses trois adjoints. Ses missions restent les
mêmes : assurer le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, défendre et
promouvoir ses droits. Tout citoyen peut lui transmettre des réclamations
à partir du moment où il estime que les droits de l’enfant ne sont pas
respectés. Un mineur lui-même peut le saisir
(https://defenseurdesdroits.fr/fr/competences/missions-objectifs/defense-
des-droits-de-lenfant).
Le conseil national de la protection de l’enfance (CNPE)  : institué
par la réforme de 2016, et chargé de proposer au gouvernement les
orientations nationales de la politique de protection de l'enfance, de
formuler des avis sur toute question s'y rattachant et d'en évaluer la
mise en œuvre, il est directement rattaché au Premier ministre.
Le groupement d’intérêt public (GIP) enfance en danger (GIPED),
porté par l’État et les départements, a pour mission de gérer deux
entités :
le service national d’accueil téléphonique de l’enfance en
danger (SNATED). Crée en 1989, il s’agit du 119
(https://www.allo119.gouv.fr/), le numéro national gratuit qui permet
de répondre 24h/24 et 7j/7 à des appels concernant des situations
d’enfants en danger ou en risque de l’être. Les écoutants conseillent,
orientent les appelants et si nécessaire, transmettent les informations
aux départements (via une information préoccupante à la CRIP). Le
service a donc un rôle de prévention et de protection active (c’est la
raison pour laquelle les appels sont confidentiels mais pas
anonymes). Les écoutants sont d’ailleurs soumis au secret
professionnel «  par fonction ou mission temporaire  ». Rappelons
d’ailleurs que «  l'affichage des coordonnées du service d'accueil
téléphonique est obligatoire dans tous les établissements et services
recevant de façon habituelle des mineurs  » (CASF, art.  226-8), les
affiches sont disponibles gratuitement en contactant le 119.
l’observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE),
anciennement ONED, observatoire national de l’enfance en danger) :
institué en 2004, son objectif est d’améliorer les connaissances en
matière de protection de l’enfance, notamment par le recensement
des pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge
concernant les enfants en risque et en danger, le recueil et l’analyse
des données et des études sur la protection de l’enfance, ainsi que le
développement et le financement de recherches en la matière
(https://onpe.gouv.fr/). L’ONPE reçoit notamment les données
relatives à l’enfance en danger par l’intermédiaire des observatoires
départementaux (CASF, art. 226-3-1).
l’observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS)
évalue les politiques éducatives et sociales, notamment celles
consacrées à la protection de l’enfance. Il regroupe des ministères,
des associations, des fédérations, des départements, des organismes
concernés par la protection de l’enfance. Il organise des recherches,
des enquêtes, des investigations sur le terrain, accompagne les
initiatives des collectivités territoriales, et diffuse les résultats des
différentes études auprès des administrations de l’État, des
départements et plus localement. Jusqu’à la réforme de la protection
de l’enfance de 2007, l’ODAS avait pour mission le recensement des
mineurs en danger, aujourd’hui confié à l’ONPE.
la réforme en cours de la protection de l’enfance, qui aboutira
peut-être avant la fin de l’année 2019, prévoit de fusionner toutes ces
entités (CFPE, ONPE, agence française de l’adoption, etc.) en une
agence française de protection de l’enfance (AFPE) qui harmonisera
les pratiques sur l’ensemble du territoire et gérera un fichier national
des familles d’accueil.

LE SYSTÈME DE PROTECTION ADMINISTRATIVE

Lorsque les parents ne sont pas en mesure de répondre à


leur obligation de protéger leur enfant, le premier niveau
d’intervention est donc la protection administrative, encore
appelée intervention sociale. Il s’agit de toutes les situations
d’enfant en danger ou en risque de l’être, et non pas
maltraités (qui doivent être signalés au Procureur de la
République).
Ce système relève d’une responsabilité départementale,
laissant malheureusement chaque département définir son
propre fonctionnement et ses propres institutions.
En 1958, l’assistance éducative est créée et confie la
protection de l’enfance au juge des enfants. Antérieurement
juge pénal, répressif, chargé de poursuivre et condamner
les mineurs ayant commis des infractions, il devient alors
aussi un juge civil, chargé de protéger les mineurs. En 1986,
l’action sociale est décentralisée et confiée aux conseils
généraux. La protection de l’enfance s’organise, l’ASE
devient l’entité prenant en charge la protection de
l’enfance. Depuis le 6  janvier 1986, plus aucun enfant n’a
été confié à la DDASS  ! Celle-ci a alors focalisé ses actions
sur sa mission sanitaire, elle a été remplacée le 1er  avril
2010 par l’Agence régionale de santé (ARS).
Le service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) est placé sous
l’autorité du président du conseil départemental (CASF,
art. L221-2).
Il est chargé des missions suivantes (CASF, art. L221-1) :
apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique
tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de
l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant
de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de
ces mineurs ou de compromettre gravement leur
éducation ou leur développement physique, affectif,
intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et
majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des
difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles
de compromettre gravement leur équilibre ;
organiser, dans les lieux où se manifestent des risques
d'inadaptation sociale, des actions collectives visant à
prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la
promotion sociale des jeunes et des familles ;
mener en urgence des actions de protection en faveur
des mineurs mentionnés au 1° du présent article ;
pourvoir à l'ensemble des besoins des mineurs confiés au
service et veiller à leur orientation, en collaboration avec
leur famille ou leur représentant légal ;
mener, notamment à l'occasion de l'ensemble de ces
interventions, des actions de prévention des situations de
danger à l'égard des mineurs et, sans préjudice des
compétences de l'autorité judiciaire, organiser le recueil
et la transmission des informations préoccupantes
relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la
moralité sont en danger ou risquent de l'être ou dont
l'éducation ou le développement sont compromis ou
risquent de l'être, et participer à leur protection. Notons
que toute personne participant aux missions du service
de l'aide sociale à l'enfance est tenue au secret
professionnel « par profession » (CASF, art. 221-6) ;
veiller au repérage et à l'orientation des mineurs victimes
ou menacés de violences sexuelles, notamment des
mineures victimes de mutilations sexuelles ;
veiller à ce que les liens d'attachement noués par l'enfant
avec d'autres personnes que ses parents soient
maintenus, voire développés, dans son intérêt supérieur ;
veiller à la stabilité du parcours de l'enfant confié et à
l'adaptation de son statut sur le long terme ;
veiller à ce que les liens d'attachement noués par l'enfant
avec ses frères et sœurs soient maintenus, dans l'intérêt
de l'enfant.
Depuis la réforme de 2016, dans chaque département, un
médecin référent « protection de l'enfance » est désigné. Il
est chargé d'organiser les modalités de travail régulier et les
coordinations nécessaires entre les services
départementaux et la CRIP, et les médecins libéraux et
hospitaliers ainsi que les médecins de santé scolaire du
département (CASF, art.  L221-2). Les services de l’ASE
peuvent faire appel à des organismes publics ou privés
habilités, ou à des personnes physiques, pour l’aider à
accomplir leurs missions. Il contrôle les personnes
physiques ou morales à qui il a confié des mineurs.
L’assistant maternel accueille à son domicile des enfants de
un à trois ans, il est salarié par le(s) parent(s), alors que
l’assistant familial (appelé «  famille d’accueil  ») est salarié
de l’ASE et accueille de manière permanente des mineurs et
des jeunes majeurs de moins de 21 ans  : il ne faut pas les
confondre.
LA PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE

Créés en 1945, les services de protection maternelle et infantile (PMI) sont


placés sous l’autorité du conseil départemental depuis 1989. Ils sont dirigés
par un médecin, et regroupent des professionnels qualifiés des domaines
médical, paramédical, social et psychologique (CSP, art.  L2112-1). Ils ont
pour mission (CSP, art. L2112-2) :
des consultations prénuptiales, prénatales et postnatales et des actions
de prévention médico-sociale en faveur des femmes enceintes ;
des consultations et des actions de prévention médico-sociale en faveur
des enfants de moins de six ans ainsi que l'établissement d'un bilan de
santé pour les enfants âgés de trois à quatre ans, notamment en école
maternelle ;
des activités de planification familiale et d'éducation familiale ainsi que
la pratique d'interruptions volontaires de grossesse par voie
médicamenteuse ;
des actions médico-sociales préventives à domicile pour les femmes
enceintes et pour les enfants de moins de six ans requérant une
attention particulière, assurées à la demande ou avec l'accord des
intéressés ;
le recueil d'informations en épidémiologie et en santé publique ;
l'édition et la diffusion des supports d'information sanitaire destinés aux
futurs conjoints ;
des actions d'information sur la profession d'assistant maternel et des
actions de formation initiale destinées à aider les assistants maternels
dans leurs tâches éducatives.
Il est prévu que le médecin de PMI puisse établir une liaison avec le service
de santé scolaire, via la transmission du dossier médical des enfants suivis à
l’école maternelle (CSP, art.  2112-5). Il est bien stipulé l’importance que
joue la PMI dans le repérage et la prévention des situations de maltraitance
à enfants  : que ce soit lors des consultations ou des visites à domicile,
lorsque les professionnels de la PMI constatent «  que l'état de santé de
l'enfant requiert des soins appropriés  », ils se doivent «  d’aider la famille
ayant en charge l'enfant à prendre toutes autres dispositions utiles ». Si « la
santé ou le développement de l'enfant sont compromis ou menacés par des
mauvais traitements, et sans préjudice des compétences et de la saisine de
l'autorité judiciaire, le personnel en rend compte sans délai au médecin
responsable du service qui provoque d'urgence toutes mesures
appropriées  ». Enfin, «  lorsqu'un médecin du service départemental de
protection maternelle et infantile estime que les circonstances font obstacle
à ce que l'enfant reçoive les soins nécessaires, il lui appartient de prendre
toutes mesures relevant de sa compétence propre à faire face à la situation.
Il en rend compte au médecin responsable du service » (CSP, art. L2112-6).
Les agents de la PMI sont soumis au secret professionnel « par profession ».

L’ASE intervient donc à deux niveaux  : l’évaluation et la


réalisation des mesures d’assistance éducative et de
placement.
▶  L’évaluation d’une situation d’enfant
en danger ou en risque de l’être
L’évaluation a été réorganisée en 2007 avec la réforme de
la protection de l’enfance. Depuis cette date, toute situation
inquiétante concernant un enfant en danger ou en risque de
l’être doit être transmise à la cellule de recueil des
informations préoccupantes (CRIP) du département. On
parle alors d’information préoccupante (IP). Comme chaque
département définit sa propre organisation du système de
protection de l’enfance, la CRIP n’aura pas forcément cette
appellation, et il convient à chaque professionnel de se
renseigner sur les coordonnées de la cellule au sein de son
département.
L’objectif de la création de ces CRIP était l’amélioration du
dispositif d'alerte, d'évaluation et de signalement afin de
regrouper en une seule et même entité des professionnels
aux compétences différentes évaluant la situation familiale,
afin de croiser les regards et de favoriser les analyses
conjointes. Précisons qu’une telle cellule avait déjà été
rendue obligatoire par la loi du 10  juillet 1989  relative à la
prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs
et à la  protection de l'enfance, mais que seule la Seine-et-
Marne l’avait mise en place. En règle générale (chaque
cellule a son fonctionnement), la CRIP recueille l’information
préoccupante qui lui a été directement transmise (par
courrier postal ou électronique). L’équipe pluridisciplinaire
(parfois pas si pluridisciplinaire que ça, selon les
départements et les budgets…) évalue dans un premier
temps le danger encouru par l’enfant via cet écrit. Notons
dès maintenant l’importance d’un écrit clair, explicite,
détaillé, qui transmettra aux professionnels de la CRIP
toutes les informations utiles et pertinentes pour cette
évaluation.
Le président du conseil départemental, par l’intermédiaire
de la CRIP, peut prendre trois mesures suite à cette
évaluation  : soit il estime qu’il n’y a aucun élément de
danger et ne donne pas suite à l’écrit (d’où l’importance
d’être explicite), soit il estime qu’il y a un éventuel danger,
et il transmet à l’aide sociale à l’enfance les inquiétudes
pour que les travailleurs sociaux diligentent une enquête
sociale auprès de la famille, soit il estime que le danger est
immédiat et/ou qu’une maltraitance est commise à
l’encontre du mineur et transmet l’IP au procureur de la
République afin qu’il puisse prendre des mesures de
protection immédiate et/ou ouvre une enquête pénale
(CASF, art. L226-4).
Un mineur lui-même et les détenteurs de l’autorité
parentale peuvent directement solliciter les services de
l’aide sociale à l’enfance, démarche que tout psychologue
peut encourager, et accompagner  : les parents vont devoir
contractualiser, autant qu’ils soient associés dès le début.
LES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS

«  Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge
de dix-huit ans accomplis » (code civil, art. 388). La réforme de la protection
de l’enfance de 2016 a ajouté des précisions quant à l’évaluation de la
minorité «  en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge
allégué n’est pas vraisemblable  ». Dans ces situations, des examens
radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge peuvent être
demandés uniquement sur décision de l’autorité judiciaire et avec l’accord
de l’intéressé. Il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir
d'un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires
et secondaires. Il est bien stipulé qu’une marge d’erreur existe (aucun
consensus n’est à l’heure actuelle trouvé par les médecins), que ces
examens ne peuvent, à eux seuls, permettre de déterminer si l’intéressé est
mineur et surtout, que « le doute profite à l’intéressé ».
Lorsqu’une situation de mineur privé temporairement ou définitivement de
la protection de sa famille est signalée aux autorités, un échange réciproque
(!) doit alors avoir lieu entre les instances : lorsque l’ASE signale un mineur
non accompagné au procureur de la République ou au juge des enfants, ces
derniers demandent au ministre de la justice de lui communiquer les
informations pour chaque département permettant l’orientation du mineur
concerné (code civil, art. 375-5). Il serait plus logique de saisir le JAF – ou le
juge des tutelles – mais les procédures institutionnalisées ne le prévoient
pas, ce qui est regrettable.
De son côté, le président du conseil départemental qui, rappelons-le, dirige
les services de l’aide sociale à l’enfance, doit transmettre au ministre de la
justice «  les informations dont il dispose sur le nombre de mineurs privés
temporairement ou définitivement de la protection de leur famille dans le
département » (CASF, art. L221-2-2).
C’est le ministre de la justice qui fixe les «  objectifs de répartition
proportionnée des accueils de ces mineurs entre les départements, en
fonction de critères démographiques et d'éloignement géographique  »
(CASF, art. L221-2-2), alors que c’est le président du conseil départemental
qui «  met en place un accueil provisoire d’urgence d’une durée de cinq
jours, à compter de sa prise en charge  » (CASF, art.  R221-11) pour la
personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement
de la protection de sa famille.
Durant cette période d’accueil, les investigations nécessaires doivent être
menées afin d’évaluer la situation de la personne. Si la minorité est actée,
l’intéressé est confié à l’aide sociale à l’enfance sur décision de justice.
L’ASE ne devient pas le représentant légal de l’enfant, contrairement à ce
qu’elle aime affirmer  : seuls les titulaires ou délégataires de l’autorité
parentale le sont, et l’ASE ne saisit jamais, ou presque jamais, le JAF, aux
fins de se le voir déléguer.
C’est au bout de trois années après son arrivée qu’un enfant recueilli sur
décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou
confié au service de l’ASE peut réclamer la nationalité française (code civil,
art. 21-12).

▶  La réalisation des mesures d’assistance


éducative et de placement
Si l’évaluation des services de l’aide sociale à l’enfance
amène à penser que le mineur est en danger ou en risque
de l’être, «  si sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en
danger, si les conditions de son éducation ou de son
développement physique, affectif, intellectuel et social sont
gravement compromises  » (code civil, art.  375), des
mesures d’assistance éducative peuvent être prises afin de
renforcer l’autorité parentale et d’assister les parents dans
leur mission éducative. Ces mesures peuvent être
administratives ou judiciaires.
Il est nécessaire d’utiliser un bon vocabulaire pour bien
saisir la mission fondamentale de l’assistance éducative  :
elle ne prend pas en charge l’enfant, elle ne le protège pas
directement. Son rôle est d’assister les parents. La
collaboration et le travail avec la famille sont donc les
enjeux premiers de cette assistance. Ce n’est que dans le
cas où cette dernière n’apparaît pas suffisante ou
impossible, ou contraire à l’intérêt de l’enfant, que le juge
aux affaires familiales (JAF) peut être saisi par «  le
particulier, l'établissement ou le service départemental de
l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou un
membre de la famille  » (code civil, art.  377) afin de se
prononcer sur une suspension (ou une délégation) de
l’exercice de l’autorité parentale, dont il a – rappelons-le
une fois encore – la compétence exclusive.
La protection administrative consiste en un ensemble de
prestations d’aide sociale à l’enfance accordées par décision
du président du conseil départemental où la demande est
présentée (CASF, art.  L222-1). Les prestations peuvent
prendre la forme d’une aide éducative à domicile (AED),
d’une aide éducative budgétaire (AEB) ou d’un
accompagnement en économie sociale et familiale (AESF)
réalisés par une conseillère en économie sociale et familiale
(CESF), d’une mesure judiciaire d’aide à la gestion du
budget familial (MJAGBF), d’un placement ou d’un accueil de
jour (CASF, art. L222-4-2).
LA MESURE JUDICIAIRE D’AIDE À LA GESTION DU
BUDGET FAMILIAL (MJAGBF)

La MJAGBF (mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial) a été


créée par la loi du 5  mars 2007 portant réforme de la protection juridique
des majeurs, et organisée par le décret d’application 2008-1486 du
30  décembre 2008 relatif au placement des mineurs et à la mesure
judiciaire d'aide à la gestion du budget familial. Elle remplace la TPS-E
(tutelle aux prestations sociales-enfant). La MJAGBF a vocation à être
ordonnée par le juge des enfants lorsque les prestations familiales ou le
revenu de solidarité active [RSA] versé aux personnes isolées qui assument
la charge d'un ou de plusieurs enfants (ou à la femme isolée en état de
grossesse qui a effectué la déclaration de grossesse et les examens
prénataux) «  ne sont pas employés pour les besoins liés au logement, à
l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants, et que l'AESF [CASF, art.
L.  222-3] n'apparaît pas suffisant  » (code civil art.  375-9-1 CC). Les
allocations sont alors versées à une personne physique ou morale qualifiée,
dite «  déléguée aux prestations familiales  ». Le délégué s’efforce de
recueillir l'adhésion des bénéficiaires et de répondre aux besoins liés à
l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants. Il exerce auprès de la
famille une action éducative visant à rétablir les conditions d'une gestion
autonome des prestations. Le juge fixe la durée de la mesure, qui ne peut
excéder deux ans, mais peut être renouvelée par décision motivée.
Le juge des enfants peut être saisi par le ou les représentants légaux du
mineur (code de procédure civile, art. 1200-3) ; l'allocataire ou l'attributaire
des prestations ; le procureur de la République ; le maire de la commune de
résidence de l'allocataire ou de l'attributaire des prestations, ou son
représentant au sein du Conseil pour les droits et devoirs des familles, ou le
maire de la commune de résidence du mineur, conjointement avec
l'organisme débiteur des prestations familiales. Le juge peut se saisir
d'office à titre exceptionnel. Le président du conseil départemental peut
signaler au procureur de la République toute situation pour laquelle
l'accompagnement en économie sociale et familiale est insuffisant. L'affaire
est instruite et jugée en chambre du conseil (code de procédure civile,
art.  1200-8), c’est-à-dire qu’elle n’est pas publique (la chambre du conseil
est la pièce, attenante à la salle d’audience, dans laquelle les juges se
retirent pour délibérer), au siège du tribunal pour enfants ou au siège d'un
tribunal d'instance situé dans le ressort. La décision du juge des enfants est
susceptible d'appel dans un délai de quinze jours (code de procédure civile,
art. 1200-11).

La décision de placement peut donc se faire sans que le


juge des enfants soit saisi (CASF, art. L221-2-1) : il est alors
contractualisé avec au moins un des deux titulaires de
l’exercice de l’autorité parentale. L’accord des deux n’est
pas indispensable si celui qui s’y oppose n’a pas
préalablement manifesté son désaccord (code civil, art. 372-
2). Il pourra, à défaut, saisir le juge des enfants. Bien
évidemment, «  l'autorité parentale continue d'être exercée
par les père et mère  », le service « gardien  » ne peut faire
que «  les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son
éducation » (code civil, art. 373-4).
Les mesures sont prises pour une durée maximale d’un an,
renouvelable (CASF, art. L223-5).
Elles sont mises en œuvre en accord avec les parents, ou à
leur demande.
L’objectif est de leur apporter un soutien éducatif et
matériel afin de valoriser et renforcer leurs compétences
parentales.
La protection judiciaire, appelée assistance éducative par le
code civil (art.  375 et suivant), est de la compétence du
juge des enfants. Il peut être saisi directement par le
mineur, les détenteurs de l’autorité parentale et les services
de l’aide sociale à l’enfance. Ces derniers peuvent
également aviser le procureur de la République afin qu’il
saisisse le juge des enfants lorsqu’un mineur est en danger,
quand les mesures administratives n’ont pas permis de
remédier à la situation, que la famille refuse toute
intervention du service de l’ASE ou lorsqu’il est impossible
d’évaluer sa situation (CASF, art. 226-4).
La saisine directe du juge des enfants ne permet pas
l’engagement de poursuites pénales à l’encontre de l’auteur
des maltraitances  : il offre au coupable une certaine
impunité (les poursuites ne peuvent être engagées que par
le procureur de la République).
Les décisions du juge des enfants sont financées par le
conseil départemental et mises en œuvre par les services
de l’ASE.
On ne peut que déplorer la tendance actuelle à la
judiciarisation des mesures administratives qui démontre
l’inefficacité des interventions proposées et la difficulté des
services, trop encombrés par les protocoles et les demandes
hiérarchiques, à vraiment prendre le temps de travailler
avec les familles. On peut également déplorer cette forme
de couardise qui conduit les directions à vouloir en
permanence «  se couvrir  » en exigeant la signature des
deux parents, ce qui est contraire à la loi et surtout à
l’intérêt de l’enfant.
LA PROTECTION JEUNE MAJEUR (PJM) ET LE CONTRAT
JEUNE MAJEUR (CJM)

La « protection jeune majeur » est de la compétence du juge des enfants, le


contrat jeune majeur, de l’aide sociale à l’enfance.
Les dernières données de l’INSEE (2016) concernant les corrélations entre
placement dans l’enfance et précarité de la situation de logement à l’âge
adulte révèlent une nouvelle fois les difficultés importantes que rencontrent
les jeunes ayant bénéficié des services de l’ASE à leur majorité : 34 % des
moins de 30 ans utilisateurs et utilisatrices des services d’hébergement
temporaire et de restauration gratuite sont des anciens « enfants de l’ASE »
(48 % chez les femmes). Le conseil économique, social et environnemental
(CESE) s’est – à nouveau – prononcé en juin  2018 («  Prévenir les ruptures
dans les parcours en protection de l’enfance  ») en faveur d’un meilleur
accompagnement des jeunes majeurs (au-delà des jeunes majeurs, il
propose de nombreuses préconisations pour l’amélioration de la protection
de l’enfance). L’objectif est de rendre plus visible les dispositifs dédiés et de
sécuriser le parcours des enfants et adolescents. Afin d’empêcher les
«  sorties sèches  » des jeunes à leurs 18 ans de l’ASE, le CESE définit les
axes à renforcer : garantir un parcours d’accompagnement vers l’insertion,
garantir des ressources financières, garantir l’accès au logement, favoriser
la transition vers l’autonomie, tout en soulignant l’importance de
reconnaître aux jeunes un «  droit d’expérimenter  » nécessitant une plus
grande souplesse de la part des services. Ces mesures s’appuient sur la
possibilité (qui existe depuis 1974  !), pour le jeune, de bénéficier d’un
«  contrat jeune majeur  ». Il permet une prolongation de la protection
pendant trois années après la majorité  et repose sur deux articles  : la
protection de l’enfance peut «  également être destinée à des majeurs de
moins de vingt et un ans connaissant des difficultés susceptibles de
compromettre gravement leur équilibre  » (CASF, art.  112-3), et «  peuvent
être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de
l’aide sociale à l’enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de
moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale
faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants » (CASF, art. 222-5).
Un entretien est organisé par le président du conseil départemental avec le
jeune un an avant sa majorité pour faire le bilan de son parcours et
envisager les conditions de son accompagnement vers l’autonomie (CASF,
art. 222-5-1).
Un contrat est conclu entre les différents intervenants afin «  d'offrir aux
jeunes de seize à vingt et un ans une réponse globale en matière éducative,
culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d'emploi et de
ressources  » (CASF, art.222-5-2). Le jeune, qui souhaite bénéficier de ce
contrat, doit en faire la demande au président du conseil départemental, en
précisant les difficultés qu’il connaît et son projet d’avenir. L’accord et le
maintien de ce dispositif restent toutefois facultatifs (la charge financière
incombe aux départements), le conseil d’État en 1996 a estimé que le
président du conseil départemental n’est pas tenu d’accorder ou de
maintenir cette aide, il dispose « d’un pouvoir d’appréciation ».
La systématisation de ce dispositif est recommandée depuis des années,
elle apparaît même dans la loi du  5  mars 2007  réformant la protection de
l'enfance, qui n’a eu que peu d’impact.
Le 7 mai 2019, une proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement
des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie a été adoptée en première
lecture.
Reste à savoir si elle aboutira...
Elle instaure une obligation pour le président du conseil départemental de
s’engager à (CASF, prévision de l’article L. 222-5-2-1) :
orienter le jeune vers le ou les dispositifs de droit commun correspondant
à ses besoins en termes d’études supérieures, de formation ou d’accès à
un dispositif d’accompagnement socio-professionnel
garantir l’accès du jeune à un logement ou un hébergement
correspondant à ses besoins
accompagner le jeune dans ses démarches d’accès aux droits et aux
soins
assurer, le cas échéant, un accompagnement éducatif
De son côté, le « jeune s’engage à entreprendre toute démarche ou action
visant à lui permettre d’accéder à l’autonomie et, le cas échéant, à suivre
les études ou la formation définie dans le contrat ». Cette proposition de loi
prévoit une prolongation du contrat d’accès à l’autonomie pour les jeunes
de plus de 21 ans, « afin de leur permettre de terminer leur scolarité ou le
cycle universitaire ou la formation professionnelle engagé » (CASF, prévision
de l’article L. 222-5-2-1). Tout jeune pourrait également solliciter un
entretien avec le président du conseil départemental jusqu’à ces 25 ans
révolus (CASF, prévision de l’article L222-5-1-1). La protection jeune majeur
(PJM) est exactement identique, sauf qu’aucun contrat n’est signé : elle est
imposée à l’ASE par le juge des enfants.

LE SYSTÈME DE PROTECTION JUDICIAIRE

Deux voies sont possibles pour que la protection judiciaire


soit déclenchée :
soit un signalement adressé par «  quiconque  »
directement au procureur de la République, qui pourra
prendre des mesures de protection immédiate et ouvrir
une enquête pénale si des infractions ont été commises à
l’égard du mineur ;
soit une sollicitation d’un juge des enfants par le mineur,
ses parents, ou les services de l’aide sociale à l’enfance.
La protection judiciaire ne se réalise pas avec l’accord des
parents, elle leur est imposée, même si le juge «  doit
toujours s'efforcer de recueillir l'adhésion de la famille à la
mesure envisagée et se prononcer en stricte considération
de l'intérêt de l'enfant  » (code civil, art.  375-1). Ils
continuent toutefois «  à exercer tous les attributs de
l’autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette
mesure  » (code civil, art.  375-7). Les décisions du juge ne
sont en fait que des préconisations  : les acteurs sociaux
chargés de mettre en œuvre la protection vont devoir
convaincre les parents de les respecter, ce qui peut s’avérer
difficile. Les travailleurs sociaux pourront – de leur propre
initiative – les aménager, les alléger, ou les renforcer. Si les
parents refusent malgré tout de collaborer, il conviendra de
saisir le juge aux affaires familiales (code civil, art.  377).
Rappelons qu’il est seul compétent pour se prononcer sur la
suspension de l’exercice de l’autorité parentale, et qu’en
l’absence de suspension, totale ou partielle, de cet exercice,
il ne peut être imposé aux parents la moindre limitation ou
le moindre aménagement de leur droit de visite. Les
décisions du JAF ou du JE d’organiser le droit de visite des
parents dans un espace de rencontre ou d’imposer la
présence d’un tiers lors de l’exercice de ce droit de visite,
lors de placements ou de divorce ou séparation, resteront à
titre indicatif si aucune décision n’a été prise sur les
conditions d’exercice de l’autorité parentale. Par ailleurs, le
juge des enfants ne peut intervenir après une décision d’un
JAF que « si un fait nouveau de nature à entraîner un danger
pour le mineur s’est révélé postérieurement à (cette)
décision  », et la décision du juge des enfants ne peut faire
obstacle à la faculté du JAF de décider à qui l’enfant doit
être confié (code civil, art. 375-3).
Les parents peuvent également être poursuivis par la justice
pénale en cas de maltraitance.
On ne parle donc plus d’enfants en danger ou en risque de
l’être, mais d’enfants victimes de maltraitances.
Le juge des enfants doit tenter de maintenir le mineur dans
son milieu familial (code civil, art 375-2). Il peut ordonner
une mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE)
permettant l’évaluation de la situation familiale (voir le
chapitre sur les écrits du psychologue), une mesure
d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) proposant
une aide éducative aux parents afin de développer leurs
capacités d’éducation et de protection envers leur enfant.
Si, malgré le travail engagé, la protection de l’enfant n’est
pas assurée, le juge peut prononcer une mesure de
placement chez l’un des parents, chez un autre membre de
la famille ou chez un tiers digne de confiance, soit dans un
service départemental de l’ASE (code civil, art.  375-3). Ce
placement peut être séquentiel, et agrémenté d’une AEMO
lorsqu’il se déroule au sein de la famille. Le juge peut
également ordonner l’interdiction de sortie du territoire (IST)
de l’enfant (code civil, art.  375-7). La durée d’une mesure
ne peut pas excéder deux ans, renouvelable sur décision
motivée (code civil, art.  375). Les frais concernant
l’entretien et l’éducation de l’enfant restent à la charge de
ses parents tant que ceux-ci conservent l’exercice de
l’autorité parentale (code civil, art. 375-8).
OPPOSITION OU INTERDICTION DE SORTIE DE
TERRITOIRE ?

Une opposition à la sortie du territoire (OST) peut être demandée en


préfecture (c’est une procédure administrative), une interdiction de sortie
du territoire (IST) peut être ordonnée par un juge (c’est une procédure
judiciaire).
En cas d’urgence, face à un risque avéré, l’un des parents peut s’opposer à
la sortie du territoire de son enfant mineur : il présente au préfet, sur papier
libre, une demande d'opposition à la sortie du territoire (OST), qui doit être
motivée.
En cas d’extrême urgence, le commissariat de police et la brigade de
gendarmerie sont compétents. L’OST est provisoire  : elle ne dure que 15
jours.
Le parent demandeur doit saisir la justice pour obtenir une interdiction de
sortie du territoire (IST), à défaut, le préfet saisit le procureur de la
République.
L’interdiction de sortie du territoire (IST) est prononcée par le juge aux
affaires familiales (code civil, art.  373-2-6) ou, dans le cadre d’une
assistance éducative, par le juge des enfants (code civil, art.  375-7)  : l’IST
ordonnée par le JAF a un caractère relatif (elle peut être facilement levée),
mais la mesure d’interdiction de sortie du territoire prononcée par le juge
des enfants a un caractère absolu : l’enfant ne peut pas quitter le territoire,
même avec l’accord de ses deux parents.

Schéma de recueil, d’évaluation et de


traitement des informations
concernant un enfant maltraité, en danger ou
en risque de l’être

L’ADMINISTRATEUR AD HOC

En matière civile, un administrateur ad hoc peut être nommé par n’importe


quel juge, dans n’importe quelle procédure, lorsque «  les intérêts d'un
mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux »
(code civil, art. 388-2).
En cas d’urgence, il peut être nommé par le procureur de la République (ou,
par défaut, par le juge des tutelles).
En matière pénale, le procureur de la République ou le juge d’instruction
désigne un administrateur ad hoc «  lorsque la protection des intérêts [de
l’enfant] n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou
par l'un d'entre eux  » (code de procédure pénale, art.  706-50).
L'administrateur ad hoc «  assure la protection des intérêts du mineur et
exerce, s'il y a lieu, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile ».
On peut le définir comme une «  personne physique ou morale désignée par
décision judiciaire dans le cadre d’une procédure civile ou pénale qui se
substitue aux représentants légaux pour exercer leurs droits aux nom et
place du mineur et assurer une mission d’accompagnement adaptée et
effective le temps de la procédure  » (ministère de la Justice, guide
méthodologique, 2014). Il est le représentant provisoire du mineur, mais ne
détient ni autorité parentale, ni exercice. Il ne peut intervenir que dans la
procédure pour laquelle il a été nommé (ad hoc, qui a donné adéquat,
signifie « pour ceci »)
L’administrateur ad hoc peut être un membre de la famille, un proche du
mineur, ou à défaut (toujours dans l’intérêt de l’enfant), une personne
désignée dans une liste d’administrateurs ad hoc (code de procédure civile,
art. 1210-1).
La personne qui veut apparaître sur cette liste doit «  s’être signalée depuis
un temps suffisant par l'intérêt qu'elle porte aux questions de l'enfance et
par sa compétence  » (code de procédure pénale, art. R53). Mission très
humaine, elle ne donne pas lieu au versement d’une rémunération, mais à
une indemnité et un remboursement des frais de déplacement, sauf si
l’administrateur ad hoc fait partie des proches du mineur, auquel cas,
aucune indemnisation n’est prévue.
Il doit – dans tous les cas – être indépendant de la personne morale ou
physique à laquelle le mineur est confié (code civil, art. 388-2), par exemple
dans le cadre d'une procédure d'assistance éducative (l’enfant confié à
l’ASE se retrouvait souvent avec l’ASE comme administrateur ad hoc, ce qui
pouvait constituer un conflit d’intérêts).
Le Ministère de la Justice (2014) conseille également d’éviter, dans la
mesure du possible, de désigner l’avocat du mineur.
L'administrateur ad hoc intervient lorsque la protection des intérêts du
mineur n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou
par l'un d'entre eux, en raison de leur indifférence, de conflits d'intérêts ou
de défaillance.
Le Ministère de la Justice recommande de procéder à la désignation
systématique d’un administrateur ad hoc dans les procédures concernant
des infractions sexuelles intrafamiliales au regard de la «  nécessité
impérieuse de protéger les intérêts du mineur ».
L’intervention de l’administrateur ad hoc comporte deux missions :
L’exercice du mandat judiciaire : il exerce au pénal les droits afférents à la
partie civile, notamment en se constituant partie civile. Il va choisir un
avocat, procéder à la saisine de la commission d’indemnisation des victimes
d’infractions pénales (CIVI). Il peut faire appel des décisions de justice. Ces
droits sont exercés en concertation avec l’avocat de l’enfant.
L’accompagnement du mineur durant la procédure  : mission cruciale,
l’administrateur ad hoc doit veiller au respect de l’enfant, à la prise en
considération de sa parole et de ses droits et surtout, il doit être disponible
pour lui. L’enfant doit pouvoir le joindre ou le rencontrer aussi souvent qu’il
le souhaite. L’administrateur ad hoc doit lui expliquer la procédure, le rôle
de chacun des intervenants, il doit pouvoir répondre à ses interrogations et
appréhensions dans un langage adapté à son niveau de maturité. En qualité
de représentant du mineur, il l’accompagne lors de tous les actes de
procédure, les audiences ou encore les entretiens avec son avocat.
Il existe une autre liste d’administrateurs ad hoc désignés pour la
représentation des mineurs maintenus en zone d'attente ou demandeurs du
statut de réfugié (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit
d'asile, art.  111-13). «  Lorsqu'un étranger mineur non accompagné d'un
représentant légal n'est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la
République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, lui désigne
sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci assiste le mineur durant son
maintien en zone d'attente et assure sa représentation dans le cadre des
procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien. Il
assure également la représentation du mineur dans toutes les procédures
administratives et juridictionnelles afférentes à son entrée en France  »
(CESEDA, art. L 221-5). Les indemnités sont beaucoup plus détaillées du fait
de la multitude de procédures que les mineurs non accompagnés (MNA)
doivent réaliser pour bénéficier de la protection de la France (CESEDA,
art. R111-20).
Chapitre 46

L’obligation de signaler

TOUT CITOYEN est investi d’une obligation de porter à la connaissance de


l’autorité administrative (conseil départemental) ou judiciaire (procureur de
la République) la situation de tout mineur (ou personne adulte vulnérable)
« en danger ou en risque de l’être », ou victime de maltraitance, dont il a eu
connaissance, sous peine de sanctions pénales (l’adulte vulnérable doit être
mis en danger par autrui  : il a le droit de se mettre en danger tout seul,
nulle action judiciaire ne pourra l’en empêcher, c’est à la limite du ressort
d’une action sociale, un signalement n’a jamais pour but de « se couvrir »).

L’article 434-3 du code pénal prévoit que le «  fait, pour


quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais
traitements ou d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à
un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se
protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une
infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un
état de grossesse, de ne pas en informer les autorités
judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas
informer ces autorités tant que ces infractions n'ont pas
cessé est puni de trois ans d'emprisonnement et de
45 000 euros d'amende ».
Un psychologue ayant connaissance de faits de
maltraitance avérée (physique, psychologique, etc.) ou de
violences sexuelles à l’encontre d’un mineur (mineur au
moment des faits) doit adresser un signalement au
procureur de la République (autorité judiciaire), même si les
faits sont survenus des mois avant la révélation au
psychologue (la prescription commence à compter de la
majorité de la victime et peut durer 30 ans). Le psychologue
dépositaire, par exemple, des révélations d’une personne de
28 ans qui lui dit avoir été violée durant sa minorité (elle
pourra donc déposer plainte jusqu’à ses 48 ans) doit
effectuer un signalement et peut s’en affranchir. Cette
faculté, théoriquement réservée aux professionnels soumis
au secret, nécessite qu’il soit en mesure de justifier son
silence, en s’appuyant sur des considérations éthiques, ou
déontologiques, ou sur le respect de la volonté de sa cliente
devenue majeure (qu’il peut accompagner vers un dépôt de
plainte).
Un psychologue ayant connaissance d’un enfant «  en
danger ou en risque de l’être » doit en informer la cellule de
recueil des informations préoccupantes du département
(autorité administrative). L’équivalent n’existe pas pour les
personnes majeures, même vulnérables.
Le texte est bien clair là-dessus, deux infractions sont
considérées : soit le fait de ne pas informer les autorités de
la connaissance de tels faits, soit le fait de laisser perdurer
la maltraitance subie par le jeune. Cet article considère
désormais tous les mineurs (donc moins de 18 ans), il ne
concernait auparavant que les mineurs de moins de 15 ans
(jusqu’en 2016).
Depuis 2018, le fait de ne pas révéler ces maltraitances
commises sur un mineur de moins de 15 ans constitue une
circonstance aggravante et porte les peines à cinq ans
d’emprisonnement et 75  000  euros d’amende. Un
psychologue dépositaire d’une révélation d’un jeune de 17
ans déclarant avoir été violé lorsqu’il avait 6 ans, doit faire
un signalement au procureur. Si ce même jeune a 19 ans au
moment de la révélation, un signalement peut être envoyé,
mais, puisque le jeune est majeur, le psychologue peut
aussi l’encourager à déposer plainte (avec constitution de
partie civile). Ces dispositions sont nuancées pour les
professionnels soumis au secret professionnel  : ils doivent
mais ils peuvent ne pas…

Un mineur de 14 ans révèle, au psychologue qu’il


rencontre,
que son cousin l’a agressé sexuellement lorsqu’il
avait 10 ans.
Ses parents sont au courant et ne veulent pas
déposer plainte,
ils disent « gérer en famille ». Que doit faire le
psychologue ?
D’un point de vue strictement légal, au titre de l’article 434-3 du code
pénal, le psychologue doit signaler l’agression sexuelle. S’il n’est pas
soumis au secret professionnel, il ne peut pas invoquer le droit de le
préserver prévu par le dernier alinéa (paragraphe) de l’article en question.
La situation est extrêmement délicate, et le psychologue – qui se retrouve
face à un cas de conscience – peut tout de même se poser quelques
questions avant de prendre la décision de signaler, ou non  : qu’est-ce
qu’un signalement va apporter à l’enfant  ? à sa famille  ? Un signalement
n’a ni vocation à compliquer la situation, la vie d’une victime, ni à
«  couvrir  » le professionnel dépositaire de l’information. La question ne
précise pas, c’est bien dommage, l’âge du cousin  : s’il était majeur, un
signalement est probablement nécessaire  ; mais l’est-il tout autant s’il
était mineur  ? quelle était alors la différence d’âge entre les deux
garçons ? La loi ne prévoit pas, en l’espèce, de « degré de gravité », une
« simple » caresse non sollicitée est bien une agression (rappelons que les
attouchements n’existent pas dans la loi  : ils doivent être qualifiés
d’agression), mais quelle était la gravité de celle-ci  ? doit-elle réellement
être judiciarisée  ? L’auteur avait-il conscience de commettre une
agression, ou est-ce une découverte qui a « mal tourné » ? Deux garçons
du même âge ou presque qui jouent à « touche-pipi » doivent-ils vraiment
se retrouver devant un juge, un tribunal pour enfants ? N’existe-t-il aucun
autre moyen d’aider la victime, dont pourrait disposer le psychologue  ?
Rappelons toutefois que, s’il ne signale pas, le psychologue, en théorie,
encourt trois ans de prison et 45  000  euros d’amende, qui peuvent être
assortis d’une interdiction d’exercer (c’est une peine complémentaire)…

Une jeune fille de 14 ans raconte à son


psychologue
qu’elle a eu une relation sexuelle avec un garçon
de son âge,
qu’elle ne sait pas si elle était d’accord, entre
agréable et
désagréable, elle a accepté parce qu’elle avait
peur qu’il aille
voir ailleurs. Elle lui dit avoir peur d’être enceinte
depuis
mais ne souhaite pas que ses parents soient au
courant.
Que doit faire le psychologue ?
Rappelons tout d’abord le cadre légal des relations sexuelles entre
mineurs : la « majorité sexuelle » déduite de l’article 227-25 du code pénal
sous-entend que les relations sexuelles sont libres entre mineurs, sous
réserve que leur différence d’âge rende leur consentement plausible (15
ans est l’âge à partir duquel ils peuvent librement avoir des relations
sexuelles consenties avec un majeur qui n’a sur eux aucune autorité,
même ponctuelle).
La jeune fille raconte qu’elle ne sait pas si elle était d’accord, mais précise
qu’elle a accepté. Elle ne fait état d’aucune pression, si ce n’est la peur
que le garçon « aille voir ailleurs », ce dont il ne semble même pas l’avoir
menacée. Il est peu probable que l’atteinte sexuelle – en l’occurrence  : le
viol – soit caractérisée, et il n’est pas forcément indispensable qu’une
première expérience sexuelle entre deux adolescents se retrouve exposée
en justice, d’autant plus qu’elle ne souhaite pas que ses parents soient au
courant, ce qui est son droit (en cas de signalement, ils seront
immédiatement informés, en tant que représentants légaux de la victime).
Le psychologue peut l’orienter vers un centre de planning familial
(www.ivg.gouv.fr/les-centres-de-planification-ou-d-education-familiale.html)
ou vers le numéro vert national, anonyme et gratuit (0800 08 11 11) qui
lui expliquera qu’une mineure peut recourir à l’IVG sans l’accord de ses
parents (et qu’il existe d’autres solutions de prise en charge de la mère et
de l’enfant). Elle doit pour l’intervention être accompagnée d’un adulte de
son choix (rien n’interdit que ce soit le psychologue). Le psychologue peut
aussi lui proposer de l’aider à en parler à ses parents…

Une jeune fille de 14 ans se rend dans un service


de planning familial
pour une interruption volontaire de grossesse
sous anonymat.
Lors de l’entretien avec le psychologue, elle
révèle que cette grossesse
est survenue suite à un viol. Que doit faire le
psychologue ?
La réponse du juriste « bourrin » est claire : le viol est un crime, la victime
est mineure, le crime est donc aggravé, et le violeur est susceptible de
commettre de nouveaux viols (rien ne nous indique le contraire), le
psychologue (et plus largement « quiconque » en ayant connaissance) doit
sans hésiter dénoncer le crime (code pénal, art. 434-1). Il doit aussi penser
aux conséquences pour la victime, mineure de moins de 15  ans, qu’il
convient de protéger, éventuellement contre son gré  : il doit donc – c’est
aussi une obligation – signaler qu’elle a été victime (code pénal, art. 434-
3). Oui mais, s’il signale, ou dénonce, les parents de la mineure seront
informés, en tant que représentants légaux, et l’IVG est compromise (le
fœtus est la seule preuve de l’auteur de l’atteinte sexuelle, il devra être
recueilli pour analyse, et la recherche de preuves, dans une procédure
pénale, est très encadrée), or la mineure a droit à une IVG, et au respect
de son anonymat (CSP, art.  L 2212-1 et suivants). Bref  : il doit faire son
devoir, c’est-à-dire ce que, en son âme et conscience, il juge nécessaire de
faire, et en assumer les conséquences.
Chapitre 47

Information préoccupante
ou signalement ?

C’EST souvent à ce niveau que les confusions apparaissent. Autant il existe


une définition réglementaire de l’information préoccupante, autant il n’en
existe pas pour le signalement.
Du fait des disparités départementales, chacun en fait sa propre définition
et utilise son propre vocabulaire. Le signalement relève de la procédure
pénale, il est susceptible de permettre l’engagement de poursuites, et de se
retrouver en Cour d’assises, ce qui n’est absolument pas le cas d’une
information préoccupante. Le signalement n’a d’ailleurs pas à être mis dans
le dossier dit «  de l’usager  »  : il ne sera consultable qu’au tribunal, avec
l’assistance d’un avocat, selon les règles particulières de la procédure
pénale.

Dans certains départements, tout écrit, quel qu’il soit, est


une IP  ; dans d’autres, tout signalement est transmis à la
CRIP alors qu’il est censé être adressé au procureur de la
République. S’il ne lui est pas adressé, aucune poursuite ne
pourra être engagée.
Ceci est d’autant plus dommageable que ces écrits
n’apportent pas la même réponse à la situation de l’enfant
(administrative ou judiciaire), et ne se rédigent pas de la
même façon.
Nous ne pouvons que conseiller au psychologue de prendre
attache avec les autorités administratives (la CRIP) de son
département pour avoir une vision la plus claire possible du
fonctionnement local et surtout, de pouvoir disposer de
coordonnées des personnes-ressources (par exemple, le
parquet des mineurs, son e-mail, son numéro de télécopie).
L’information préoccupante concerne les enfants «  en
danger ou en risque de l’être ».
Elle est transmise aux services de l’aide sociale à l’enfance
(ASE), par l’intermédiaire de la CRIP. Elle repose sur une
évaluation de la situation qui peut émaner de l’équipe.
Le signalement concerne un enfant maltraité.
Il est transmis au procureur de la République. Il est factuel,
descriptif, écrit à la première personne du singulier par celui
qui a constaté, ou reçu les confidences.
Les psychologues, comme tous travailleurs sociaux, ne sont
pas formés pour évaluer et traiter des situations délictuelles
ou criminelles qui restent de la compétence de la police ou
de la gendarmerie, saisies par le procureur de la
République.
SIGNALEMENT DE MALTRAITANCE SUR MINEURS, NON-
ASSISTANCE EN PÉRIL
OU DÉNONCIATION DE CRIMES ?

Il ne faut pas confondre le signalement de maltraitances commises sur un


mineur ou une personne vulnérable (l’article 434-3 du code pénal), avec
deux autres articles :
La non-assistance à personne en péril – et non en danger, qui
n’existe pas – vise « quiconque s'abstient volontairement de porter à une
personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers,
il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un
secours » (code pénal, art. 223-6). Le péril est imminent, ponctuel, il doit
menacer la vie ou la santé de la victime, et peut (contrairement à un
danger) être empêché, ou limité, par une action immédiate (l’AVC est un
péril, la noyade aussi, l’arrêt cardiaque…). Le péril est rarement
provoqué intentionnellement par quelqu’un. L’abstention de porter
secours peut se matérialiser par une absence d’aide, ou d’alerte auprès
des services concernés (police, SAMU, etc.), alors que la personne
témoin est en état de le faire et qu’elle ne s’expose pas à des risques
pour elle, pour la personne en péril ou pour des tiers. Il pourra par
exemple être reproché à un passant de ne pas avoir assisté la victime
d’un accident de la route, alors qu’il ne pourra pas lui être reproché de
ne pas être intervenu dans un immeuble en feu (sauter dans les flammes
peut apparaître risqué…).
Dans les deux cas néanmoins, il peut lui être reproché de ne pas avoir
provoqué les secours.
La même peine (cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende)
est encourue par toute personne qui n’empêche pas, «  par son action
immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un
délit contre l'intégrité corporelle de la personne » (s’interposer dans une
bagarre, protéger une femme, un mineur victime de coups, etc.). Les
peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100  000  euros
d'amende «  lorsque le crime ou le délit contre l'intégrité corporelle de la
personne […] est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la
personne en péril […] est un mineur de quinze ans ».
L’obligation de dénoncer les crimes et les criminels  : quiconque,
particulier ou professionnel, «  ayant connaissance d'un crime dont il est
encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs
sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être
empêchés  » doit en informer les autorités judiciaires ou administratives
(code pénal, art.  434-1). On parle bien de crimes, pas de délits, encore
moins de contraventions. La peine encourue est de «  trois ans
d'emprisonnement et […] 45  000  euros d'amende  ». Les effets
mentionnés dans cet article visent autant de futures victimes
potentielles, qu’une ancienne victime qui a besoin d’entendre, pour
entamer sa reconstruction, qu’elle a été victime (les conséquences
psychologiques à long terme).
Imaginons une antiquaire qui, de bonne foi, a acheté des antiquités à un
particulier, qui apprend par la suite qu’elles ont été dérobées lors d’un
cambriolage au cours duquel la propriétaire de l’appartement a été
sauvagement tuée à coups de tisonnier. Elle est coupable de recel, à l’insu
de son plein gré. L’antiquaire se souvient très bien de celui qui lui a vendu
les objets  : elle doit donc le dénoncer. Il n’est pas question ici d’un
signalement, puisque la victime a déjà été identifiée, et que l’antiquaire ne
la connaît pas.
La subtilité sémantique entre signalement et dénonciation est ici
primordiale : on dénonce un coupable, on signale des faits, ou une victime.
Une dénonciation mensongère (code pénal, art.  434-26) ou calomnieuse
(code pénal, art. 226-10) sont des infractions : il faut donc être très sûr de
ses informations  ! Heureusement, un signalement malheureux «  ne peut
engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf
s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi » (code pénal, art. 226-14).
L’idée véhiculée par l’article 434-1 du code pénal est aussi de dissuader la
dénonciation de criminels morts  : leur décès fait obstacle à toute enquête,
et les faits qui leur sont – peut-être à tort – reprochés portent atteinte à leur
mémoire.
Il n’existe aucune obligation de dénoncer de futurs crimes (même
terroristes), parce qu’en droit français, la simple intention n’est pas
punissable.
On a pu utiliser, avec DAESH, l’article 411-4 du code pénal, qui punit (de
trente ans de détention criminelle et de 450  000  euros d'amende) «  le fait
d'entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une
entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec
leurs agents, en vue de susciter des hostilités ou des actes d'agression
contre la France » (DAESH se revendiquait État, ce n’est pas le cas de tous
les mouvements terroristes).
La France a avec les dénonciations (et la délation) un lourd passif, ce qui
constitue vraisemblablement un facteur freinant…
Il existe deux exceptions. La première concerne le dépositaire de
l’information dont l’auteur du crime ou son complice sont des parents
proches (père, mère, enfants, conjoints, frères, sœurs, etc.). Il peut
s’abstenir de dénoncer, sauf si la victime est mineure. La seconde concerne
le dépositaire soumis au secret professionnel, qui peut – à ses risques et
périls – préférer protéger le secret : il aura peut-être à convaincre le tribunal
qu’il a eu raison de se taire…

L’INFORMATION PRÉOCCUPANTE (IP)


L'information préoccupante «  est une information transmise
à la cellule départementale pour alerter le président du
conseil départemental sur la situation d'un mineur,
bénéficiant ou non d'un accompagnement, pouvant laisser
craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en
danger ou en risque de l'être ou que les conditions de son
éducation ou de son développement physique, affectif,
intellectuel et social sont gravement compromises ou en
risque de l'être » (CASF, art. R226-2-2).
La finalité de cette transmission «  est d'évaluer la situation
d'un mineur et de déterminer les actions de protection et
d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier  ». Un
enfant «  en danger ou en risque de l’être  » n’est pas
maltraité  : il vit une situation sociale qui risque de
compromettre sa santé, sa sécurité, sa moralité ou les
conditions de son éducation. Il a vocation à bénéficier d’une
mesure de protection administrative mise en place par
l’ASE, contractualisée avec ses parents, qui sont libres de
l’accepter ou non et participent à son élaboration (CASF,
art. L 223-2).
L’IP concerne uniquement les situations de mineurs,
puisqu’elle est transmise à l’aide sociale à l’enfance (il
n’existe pas d’équivalent, nous l’avons dit, pour les majeurs,
même vulnérables).
Le professionnel à l’origine de l’écrit rapporte tout élément
d’information social, psychologique, susceptible de laisser
craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou
en risque de l’être.
Sauf intérêt contraire de l’enfant, il doit informer de cette
transmission les père, mère ou toute autre personne
exerçant l’autorité parentale ou le tuteur, selon des
modalités adaptées (CASF, art.  L226-2-1), alors qu’il est
formellement interdit de discuter d’un signalement avec qui
que ce soit (c’est un délit d’entrave à la saisine de la
justice).
Le professionnel transmet son écrit au président du conseil
départemental où réside l’enfant, le plus souvent à la cellule
de recueil des informations préoccupantes (CRIP).

LE SIGNALEMENT

Seules les situations faisant apparaître que l’enfant est


victime de maltraitance avérées, qu’il est gravement atteint
dans son intégrité physique et/ou psychique et que les faits
dont il est victime peuvent constituer une infraction pénale
relèvent d’un signalement.
Rappelons que l'auteur du signalement n'est pas tenu
d'apporter la preuve des faits  : c’est le travail des
fonctionnaires de police ou de gendarmerie.
Le signalement consiste en la saisine du procureur de la
République (les commissariats ou gendarmeries disposent
de leurs coordonnées), qui peut alors intervenir de trois
manières : en imposant une mesure de protection judiciaire
immédiate pour l’enfant victime de maltraitances
(placement par exemple), en saisissant le juge des enfants
(et/ou le JAF), et/ou en poursuivant les auteurs des délits ou
crimes commis à son encontre.
Le signalement peut également concerner des majeurs dits
vulnérables, toute « personne qui n'est pas en mesure de se
protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une
infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un
état de grossesse » (code pénal, art. 434-3).
Le signalement est éminemment individuel : aucun code ni
texte légal ou réglementaire ne prévoit de signalement
d’équipe (tous les articles du code pénal ou de procédure
pénale qui l’évoquent sont au singulier  : celui qui, tout
fonctionnaire, le médecin, quiconque, etc.).
Il est absolument interdit de transmettre un double du
signalement à la CRIP, même si tous les guides le
préconisent  : c’est un délit d’entrave à la saisine de la
justice, et cela risque de convaincre le procureur – qui n’est
pas formé pour faire à ces situations – d’attendre
l’évaluation de la CRIP – qui n’est pas formée pour
confondre des criminels.
Il est aussi totalement interdit – contrairement à
l’information préoccupante – d’informer les détenteurs de
l’autorité parentale  : c’est encore un délit d’entrave à la
saisine de la justice, et cela risque de les encourager à faire
sur l’enfant – pour qu’il se taise ou démente – une pression
très intense…
LE SYNDROME GENOVESE

Le 17  mars 1964, une jeune femme, Kitty Genovese, a été violée (et
poignardée) durant plus d'une demi-heure dans une rue de New York.
L'enquête a identifié sans difficulté 37 témoins  : aucun n’a appelé les
secours, tous ont pensé que les secours étaient forcément déjà prévenus,
puisqu’ils n’étaient pas les seuls sur les lieux. Le «  syndrome Genovese  »
(appelé aussi «  effet du témoin  » ou «  effet spectateur  » est très présent
dans des situations d’enfant en danger, et en cas d’accident sur
l’autoroute). Il consiste à s'en remettre à autrui lors d'une situation
d'urgence : plus le nombre de personnes informées d’une situation exigeant
une réaction est important, plus les chances que l’un d’entre eux se décide
à réagir sont faibles. La probabilité d’aide est inversement proportionnelle
au nombre de personnes informées. De là à imaginer que vouloir
absolument traiter cette problématique en équipe permet à chacun de ne
rien faire, il n’y a qu’un pas que – bien évidemment – nous ne franchirons
pas, mais le «  syndrome Genovese  » (théorisé en 1968  par Bibb Latané et
John Darley, dont les recherches ont été publiées en 1970) plaide lui aussi
pour une réaction et une intervention personnelles…

Enfin, une plainte déposée par un parent pour des faits


concernant son enfant n’empêche pas le professionnel, s’il a
été dépositaire de la révélation des violences, de
transmettre un rapport au procureur ou aux services de
police qui ont été saisis, pour témoigner et renforcer le
contenu de la plainte (en mentionnant les références de la
plainte). Cela peut venir renforcer la parole de l’enfant et
permettre de s’assurer que les autorités judiciaires sont
informées des faits. Rappelons que la plainte a plus de
chance d’être traitée lorsqu’elle est déposée par courrier
adressé au procureur de la République. Elle permet alors de
se constituer partie civile. Le psychologue peut aider la
victime majeure ou le(s) parent(s) de la victime mineur à
verbaliser, rédiger la plainte. En cas de doute (les parents
ont-ils réellement déposé plainte  ?), le psychologue qui
l’estime nécessaire rédige et envoie un signalement.

QUOI TRANSMETTRE ET COMMENT ?

L’information préoccupante, tout comme le signalement, est


un écrit rapportant des faits, des constatations, des
observations, des paroles entre guillemets (questions et
réponses), tous les éléments qui peuvent constituer une
présomption de sévices, de privation ou de délaissement,
de maltraitance, etc. Cet écrit va permettre aux
destinataires (procureur de la République, ou professionnels
de la CRIP) d’avoir une pleine connaissance de la situation
et de l’évaluer au mieux afin de pouvoir y répondre de
manière adaptée.
Malheureusement, de nombreux écrits sont inexploitables  :
manque de faits précis, signalement d’équipe, collectif,
rédigé par la direction, édulcoré, contenant trop d’éléments
subjectifs, de considérations générales, méconnaissance
des termes à employer, minimisation des faits, etc.
L’IP ou le signalement ne doivent pas faire ou rechercher la
preuve des faits signalés, ils doivent transmettre fidèlement
ce qui a été vu ou entendu.
L’objet du signalement est d’apporter une présomption de
ce qu’un enfant ou une personne vulnérable a subi, et non
pas de ce que quelqu’un a fait.
Il ne sera ainsi pas fait mention de l’auteur présumé mais
des paroles ou comportements de l’enfant, on privilégiera
alors la formule  : «  l’enfant me dit que  : “papa me donne
des coups tous les soirs”  », plutôt que «  le père porte des
coups à son enfant tous les soirs ».
Les informations et les propos sont retranscrits mots pour
mots, entre guillemets, tels qu’ils ont été entendus ou
observés, en évitant tout commentaire, interprétation ou
appréciation personnelle. Le professionnel note avec
précision le contexte et les circonstances dans lesquelles
l’enfant a fait ses révélations, il retranscrit les questions
éventuelles auxquelles elles font suite. Il veille à utiliser :
le style direct pour les faits constatés : « je constate » est
souvent mieux que « j’ai constaté » ;
le style indirect pour les éléments confiés : « l’enfant me
dit que » ;
le conditionnel pour les éléments non vérifiés  : «  le père
aurait quitté le domicile » ;
les guillemets pour les questions et les propos rapportés :
« je demande à l’enfant : “…”, il me répond : “…” ».
Si le mineur rapporte des violences physiques, il est
important de pouvoir avoir un avis médical, afin de s’assurer
des soins et de rédiger un éventuel certificat médical. Il
n’est pas permis au psychologue d’emmener l’enfant chez
le médecin, et le certificat d’un médecin légiste est toujours
nettement préférable à celui d’un médecin traitant, qui sera,
par la justice, considéré comme un simple témoignage.
Quelques interdits doivent inspirer l’action du psychologue :
ne jamais remettre son écrit à un tiers, le conjoint ou tout
autre membre de la famille ;
ne jamais le remettre directement à un avocat ;
ne jamais rédiger un écrit attestant que les enfants sont
perturbés par l’attitude de l’un ou l’autre parent ;
ne jamais certifier que les symptômes constatés sont les
stigmates de sévices actuels imputables à l’un des
conjoints, sans preuve des circonstances de survenue.
Les éléments indispensables à l’écrit :
l’auteur du rapport (coordonnées, profession, institution le
cas échéant),
l’identité de l’enfant concerné (nom, prénoms, date de
naissance, établissement scolaire),
les coordonnées des parents (non, prénoms, âge, adresse
postale, numéro de téléphone),
la composition familiale,
le motif de consultation,
la procédure d’entretien, outils, méthode,
le motif de l’information préoccupante ou du signalement,
les événements et le lieu du danger,
les sources  : révélations directes ou informations
rapportées,
le niveau de compréhension de l’enfant, son attitude,
l’attitude de la famille,
les écrits éventuels rédigés par les personnels
dépositaires d’informations et de confidences
les personnes associées à l’évaluation (seulement dans le
cas de l’IP, chacun rédigera son écrit dans le cadre du
signalement),
les interventions effectuées.
Face à un doute, nous ne pouvons que conseiller au
professionnel de ne pas rester seul face à la situation et de
contacter soit le 119, soit la CRIP de son département.

Modèle indicatif d’IP/de signalement


EN-TÊTE INSTITUTION (le cas échéant)
SIGNALEMENT JUDICIAIRE/INFORMATION PREOCCUPANTE
En date du X
Destinataires
Parquet de (signalement)
CRIP de (information préoccupante)
Renseignements concernant le professionnel à l’origine de l’écrit
Nom, prénom
Qualité
Institution
Adresse
Téléphone
E-mail
Si personne associée à l’écrit, le signaler
Renseignements concernant la famille
Enfant  concerné  : Nom, prénom, date de naissance, adresse,
établissement scolaire
Mère : Nom, prénom, date de naissance, adresse, téléphone, profession
Père : Nom, prénom, date de naissance, adresse, téléphone, profession
Situation matrimoniale
Fratrie
Personnes vivant au domicile de l’enfant
Informations sur la situation
Motif de l’intervention de la psychologue
Éléments préoccupants
Révélation/faits/comportement de l’enfant
Interventions réalisées
Personnes informées du signalement/IP
À Paris, le
Signature
Nom Prénom
Fonction
Coordonnées

L’OBLIGATION DE FORMATION DES PROFESSIONNELS

Deux codes font apparaître la formation des professionnels comme une


nécessité  : le code de l’éducation et le code de l’action sociale et des
familles.
«  Les médecins, l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les
travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels enseignants, les
personnels d'animation sportive, culturelle et de loisirs et les personnels de
la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale
reçoivent une formation initiale et continue, en partie commune aux
différentes professions et institutions, dans le domaine de la protection de
l'enfance en danger. Cette formation comporte un module pluridisciplinaire
relatif aux infractions sexuelles à l'encontre des mineurs et leurs effets  »
(code de l’éducation, art. L542-1).
En 2009, un décret est venu préciser les thèmes de cette formation (code
de l’éducation, art. D542-1) :
l'évolution et la mise en perspective de la politique de protection de
l'enfance en France, notamment au regard de la Convention
internationale des droits de l'enfant ;
la connaissance du dispositif de protection de l'enfance, de la prévention
à la prise en charge, en particulier celle de son cadre juridique, de son
organisation et de ses acteurs, de ses stratégies et de ses types
d'interventions, ainsi que des partenariats auxquels il donne lieu ;
la connaissance de l'enfant et des situations familiales, notamment celle
des étapes du développement de l'enfant et de ses troubles, de
l'évolution des familles, des dysfonctionnements familiaux, des moyens
de repérer et d'évaluer les situations d'enfants en danger ou risquant de
l'être ;
le positionnement professionnel, en particulier en matière d'éthique, de
responsabilité, de secret professionnel et de partage d'informations.
«  La formation continue a plus particulièrement pour objectifs la
sensibilisation au repérage de signaux d'alerte, la connaissance du
fonctionnement des dispositifs départementaux de protection de l'enfance
ainsi que l'acquisition de compétences pour protéger les enfants en danger
ou susceptibles de l'être ».
Au-delà des formations aux étudiants (formation initiale), le décret prévoit
des sessions de formation réunissant « différents professionnels intervenant
notamment sur un même territoire, afin de favoriser leurs connaissances
mutuelles, leur coordination et la mise en œuvre de la protection de
l'enfance sur le territoire concerné ».
Vaste et alléchant programme  ! Malheureusement, le texte ne prévoit pas
de budgets spécifiques à ces formations…
Parallèlement, du côté du code de l’action sociale et des familles, il est
prévu que les cadres territoriaux qui prennent des dispositions relatives à la
protection de l’enfance et en fixent les modalités de mise en œuvre,
«  doivent avoir suivi une formation adaptée à l'exercice de ces missions  »
(CASF, art. L226-12-1). Là aussi, un décret (2008-774) est venu réglementer
cette formation  : elle doit être d’une durée de 240  heures, débuter dans
l’année suivant leur prise de fonction et se dérouler sur un temps maximum
de 18 mois (CASF, art. D226-1-1).
Elle comprend une partie théorique (200  heures dont 30 effectuées en
commun avec les professionnels d’autres institutions intervenant dans le
champ de la protection de l’enfance) et un stage pratique (40 heures). Cette
formation comprend quatre domaines de compétence (CASF, art.  D226-1-
2) :
être capable de situer la prévention et la protection de l'enfance dans
une perspective historique et philosophique ;
connaître les principes directeurs des théories et des pratiques des
sciences humaines concernant le développement de l'enfant et de la
famille ;
maîtriser le dispositif de protection de l'enfance et le cadre législatif et
réglementaire ;
être capable de se situer dans le dispositif de protection de l'enfance.
Nous ne pouvons que souligner le bien-fondé de ces articles, et l’impérieuse
nécessité de bénéficier d’une formation en protection de l’enfance lorsque
l’on travaille auprès d’enfants et d’adolescents. On ne peut que déplorer le
rétrécissement des budgets au fur et à mesure des années. Espérons que
cet ouvrage pourra contribuer à éclairer les professionnels sur l’aspect
législatif de ce domaine !
Partie 11

Le psychologue
et les violences
au sein du couple

LE PSYCHOLOGUE est particulièrement concerné par les violences au sein du


couple. Leur fréquence, quelles que soient la catégorie socio-
professionnelle, la culture ou la religion de la famille, confronte le
psychologue à y penser régulièrement, si ce n’est systématiquement, dans
un souci de repérage  ; et à accompagner les victimes. Il nous paraît
essentiel de bien connaître le cadre légal de la lutte contre ce type de
violences afin de pouvoir adopter une posture professionnelle adaptée.
Comprendre qu’un professionnel ne peut pas se substituer à une victime
pour déposer plainte, qu’aucun signalement n’aboutira si cette victime est
majeure et qu’elle ne peut pas être considérée comme vulnérable, permet
de mieux orienter les personnes concernées. Le travail du psychologue est
d’accompagner la victime dans son processus sachant que, statistiquement,
cinq départs du domicile seront tentés par une victime de violences au sein
du couple avant un départ définitif (Sadlier, 2015).
Chapitre 48

Contexte juridique
historique

LA juridique des violences au sein du couple en France ne


RECONNAISSANCE

date pas du XXIe siècle, mais du XIXe siècle, et les positionnements actuels
en font de plus en plus une violence genrée, faisant disparaître le fait que
les hommes en sont également victimes : ils représentent 11 % des victimes
de violences intrafamiliales, selon l'Observatoire national de la délinquance
et des réponses pénales (ONDRP).

Le vocabulaire juridique impose également de distinguer


deux notions  : les violences conjugales, commises au sein
d’un couple marié, des violences au sein du couple,
commises entre des personnes vivant en concubinage ou
Pacsées.
Ces différences de statuts étaient de taille puisqu’un mari
était autorisé à battre son épouse (jusqu’à l’adoption de la
loi du 18  février 1938 portant modification des textes du
code civil relatifs à la capacité de la femme mariée), alors
que ce n’était pas le cas pour les concubins ou
compagnons. On évoque alors « la puissance maritale » de
ce « chef de famille » (il le restera jusqu’au 11 juillet 1970),
héritier du pater familias romain : s’il «  doit protection à sa
femme  », elle lui doit obéissance (code civil ancien,
art. 213). Cette obéissance signifiait, dès le Moyen-Âge, une
soumission totale, sous peine de violences autorisées par la
société :
«  En plusieurs cas, les hommes peuvent être excusés de mauvais
traitements envers leurs femmes, sans que la Justice ait le droit de s'en
mêler. Car il est permis à l'homme de battre sa femme pourvu que la
chose n'aille pas jusqu'à la tuer ou même l'estropier, surtout si sa femme
s'est attiré ces mauvais traitements par quelque faute grave, comme le
refus d'obéir à ses commandements  » (Coutumes de Beauvaisis, Philippe
de Beaumanoir, 1283).

Les menaces de mort, les mauvais traitements poussés à


l’extrême, l’entretien public de maîtresses ne sont alors pas
des raisons pour abandonner le domicile conjugal.
Une exception néanmoins  pour les faits qui seraient
contraires à la foi ou aux bonnes mœurs  : l’autorité du
clergé peut interférer dans les affaires maritales (Vanneau,
2016).
Concernant les violences au sein du couple à l’égard des
hommes, dans la logique d’infériorité de la femme, tout
mari qui ne peut canaliser son épouse est condamné à être
humilié en public du fait de son incompétence à tenir son
ménage, véritable manquement à sa masculinité et attaque
à l’honneur. La peine encourue se nomme « chevauchée ».
Les hommes qui se « laissent » battre par leur femme sont
condamnés à être ridiculisés en chevauchant un âne à
l’envers, à travers la foule, dans un concert de casseroles et
d’insultes  : à l’humiliation de maltraitance par leur femme,
s’ajoute l’humiliation publique. On comprend aisément
pourquoi le mari maltraité préfère taire les sévices subis
(Vanneau, 2006).
En 1791, le premier code pénal (intitulé Des délits et des
peines en référence aux travaux et théories de Cesare
Beccaria) prend une mesure législative «  révolutionnaire  »,
stipulant qu’un homme est pénalement responsable s’il se
rend coupable de coups et blessures sur les enfants, les
vieillards ou les femmes. Le fait de maltraiter sa femme
constitue même une circonstance aggravante (art. 14, loi du
22 juillet 1791).
Alors que le premier code civil confirme l’allégeance de la
femme à son mari, il fait apparaître la notion de violences
entre époux, qu’ils soient hommes ou femmes, comme
cause de divorce :
«  Les époux pourront réciproquement demander le divorce pour excès,
sévices ou injures graves, de l’un d’eux envers l’autre » (code civil ancien,
art. 231).

Rappelons que le divorce a été autorisé par la loi


20  septembre 1792, il a ensuite été abrogé le 8  mai 1816,
sous la Restauration (de la monarchie), et n’a été rétabli
que le 27  juillet 1884, sous la Troisième République (cet
article  231 avait alors disparu). Malgré la loi, le droit
coutumier persiste, appelé «  droit marital de correction  »,
comparable au «  droit coutumier de correction  » qui
permettait, jusqu’au 10 juillet 2019, aux parents de donner
à leurs enfants claques et fessées. Cette persistance du
droit coutumier se trouve renforcée par la nouvelle version
du code pénal de 1810 qui excuse «  le meurtre commis par
l’époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l’instant
où il les surprend en flagrant délit dans la maison
conjugale » (code pénal ancien, art. 324). En 1825, un arrêt
de la Cour de Cassation vient autoriser les femmes victimes
de violences conjugales à demander l’application des
articles du code pénal prévoyant les peines pour coups et
blessures  volontaires (code pénal ancien, art.  309 à 318).
Les violences conjugales, jusqu’alors cantonnées aux
juridictions civiles, relèvent enfin du droit pénal. Cette
reconnaissance s’accompagne en 1839 d’une condamnation
d’un époux pour « attentat à la pudeur » sur son épouse. Un
premier jalon s’établit également concernant l’introduction
dans le droit de délits et crimes constitués par les violences
sexuelles au sein du couple  : les rapports sexuels entre
époux sont interdits s’ils sont imposés par des violences
ayant laissé des traces. L’importance des certificats
médicaux est déjà d’actualité.
C’est l’origine de la célèbre maxime « dura lex, sed lex » (la
loi est dure, mais c’est la loi), qui a permis à son
concepteur, le philosophe anarchiste Pierre-Joseph
Proud’hon (1809-1865), auteur également de la célèbre
phrase «  la propriété, c’est le vol  », de justifier l’incapacité
juridique de la femme mariée :
«  Il restera toujours, en accordant à celle-ci toutes les conditions
d'éducation, de développement et d'initiative possibles, qu'en somme la
prépondérance est acquise au sexe fort dans la proportion de trois contre
deux, ce qui veut dire que l'homme sera le maître et que la femme obéira :
Dura lex, sed lex  » (in  De la justice dans la Révolution et dans l’Église,
1858, tome 3).

La loi du 18  février 1938 autorise la femme à s'inscrire à


l'université sans l'autorisation de son mari. Elle peut passer
un contrat pour ses biens propres, accepter une donation, et
séjourner dans un hôpital ou une clinique sans être accusée
d’abandon de domicile. Elle devient civilement capable (elle
avait auparavant le statut d’un mineur, ou d’un majeur en
tutelle)  : elle peut avoir une carte d’identité, un passeport,
et ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de son
époux (le compte « conjoint » permettait que le salaire de la
femme soit versé sur un compte géré par son mari, elle ne
pouvait effectuer de retraits qu’avec son autorisation). Elle
peut également «  ester en jugement sans l’autorisation de
son mari  » (code civil ancien, art.  215)  : auparavant, une
femme victime de violences conjugales ne pouvait déposer
plainte contre son mari qu’avec… son accord  ! Le
mari  conserve néanmoins (jusqu’au 1er  juillet 1976) «  le
choix de la résidence de la famille (…)  ; la femme est
obligée d'habiter avec lui, et il est tenu de la recevoir  »
(code civil ancien, art.  215), la possibilité de s’opposer à
l’exercice d’une profession par son épouse, et la puissance
paternelle (jusqu’au 1er  janvier 1971). Rappelons également
qu’avant la loi du 11  juillet 1975 (applicable au 1er  juillet
1976), l'adultère était une infraction pénale, sanctionnée
plus sévèrement pour l'épouse, qui encourait une peine
d'emprisonnement de 3 mois à 2 ans (code pénal ancien,
art. 337), alors que le mari infidèle ne risquait qu'une peine
d'amende (de 100 à 2000 francs en 1810), uniquement s’il
avait entretenu sa concubine au domicile conjugal (c’était
alors la seule possibilité légale pour l’épouse de déposer
plainte contre son mari).
Les mouvements féministes des années 70 permettent une
accélération de la prise de conscience sociétale des
violences faites aux femmes. La reconnaissance pénale des
violences sexuelles évolue également  : le viol est pénalisé
depuis 1810 (code pénal, ancien art.  331, dans la section
«  attentats aux mœurs  », aux côtés de l’adultère), mais la
loi du 23 décembre 1980 vient le définir (code pénal, ancien
art. 332).
Le consentement a longtemps été supposé dans l’intimité
d’un couple marié : le viol entre époux a été reconnu pour la
première fois le 5  septembre 1990 par la Chambre
criminelle de la Cour de Cassation (elle l’avait admis le
17  juillet 1984 pour un couple en instance de divorce)  : le
«  devoir conjugal  » n’est qu’un devoir, pas une obligation
(chacun peut l’exercer à sa convenance en respectant la
liberté de l’autre  : les droits et les devoirs sont toujours
subjectifs). La loi du 4  avril 2006 précise que «  la
présomption de consentement des époux à l’acte sexuel ne
vaut que jusqu’à preuve du contraire  » (code pénal,
art.  222-22), mais cette mention disparaît le 9  juillet 2010,
et l’article 222-22 est désormais ainsi rédigé :
«  Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont
été imposés à la victime (…), quelle que soit la nature des relations
existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les
liens du mariage. »
En 1994, le code pénal institue les violences conjugales
comme une circonstance aggravante du délit d’atteintes
volontaires à la personne (code pénal, art. 222-13).
Les années 2000 voient la promulgation de lois visant plus
d’égalité entre hommes et femmes, notamment au sein du
couple. La loi du 26  mai 2004 relative au divorce conserve
le divorce par faute (code civil, art. 242), qui reste l’un des
quatre divorces possibles. La faute est définie comme «  des
faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des
devoirs et obligations du mariage sont imputables à son
conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie
commune ». Elle ne doit pas forcément être grave si elle est
renouvelée et qu’elle rend intolérable le maintien de la vie
commune (la jurisprudence réserve quelques exemples
savoureux, comme l’immixtion de la belle famille, la
pratique intensive d’un sport de ballon par le mari, l’élevage
de reptiles ou de rapaces, le tuning, etc.).
En 2003, les résultats de la première enquête nationale sur
les violences faites aux femmes tombent (Jaspard et al.,
2003). Deux données sont reprises massivement par les
médias à l’époque  : une femme sur dix est victime de
violences conjugales et 50  000 viols conjugaux ont été
perpétrés au cours de l’année de l’enquête. L’ampleur du
phénomène apparaît, surtout l’ampleur du silence qui
recouvre les violences sexuelles au sein du couple.
Chapitre 49

Les outils juridiques


de protection
des victimes de violences
au sein du couple
LES LÉGISLATIONS en vigueur concernent la lutte contre les violences
physiques, sexuelles et psychologiques commises au sein d’un couple,
hétérosexuel ou homosexuel, et s’appliquent aux relations actuelles et
passées.

LA PROTECTION DES CONJOINTS VICTIMES

Il existe des procédures pénales, et des procédures civiles,


mais les procédures civiles ne sont jamais coercitives, d’où
l’importance de bien connaître les lois afin de guider de
manière adaptée une victime de violences au sein de son
couple  : pour être reconnue victime, elle devra d’abord
déposer plainte. Sans plainte, il n’y a – par définition – pas
de victime, donc  : pas de coupable. Les procédures civiles
gèrent les violences au sein du couple. Les procédures
pénales les combattent.
Il est une réalité qu’il nous est difficile de cautionner, mais
qui – comme toute réalité – s’impose alors même qu’elle
n’est pas acceptable : c’est à la victime de déménager.
C’est profondément injuste, mais elle ne sera jamais en
sécurité si elle reste au domicile.
Elle n’aura pas toujours un homme en armes devant sa
porte, et les services de police, très sollicités par ailleurs, ne
sont pas toujours réactifs (dans de nombreuses grandes
agglomérations, un seul équipage est disponible la nuit).
Et cette réalité se heurte à une autre réalité, pour la rendre
encore plus douloureuse  : tandis que les gouvernements
successifs multiplient les effets de manche, le nombre de
place d’hébergement d’urgence pour les femmes (ou les
hommes) forcés de quitter le domicile avec ou sans
enfant(s) est indigent, et indigne d’une «  République
sociale  » (Constitution, art.  1) comme la nôtre. Pire  : il ne
progresse guère, malgré les annonces tonitruantes.
Si la lutte contre les violences devait réellement devenir une
Grande Cause Nationale, quatre points devraient être traités
en priorité :
l’augmentation considérable du nombre de places
disponibles dans les centres d’hébergement d’urgence ;
l’augmentation considérable du nombre de consultations
de victimologie accessibles (sur le modèle du CASA de
Rouen) ;
la saisine systématique du JAF par le procureur de la
République, à réception de la plainte, lorsqu’elle est
corroborée par le certificat d’un médecin légiste ;
le placement immédiat de l’auteur présumé sous contrôle
judiciaire, lorsque la plainte est corroborée par le
certificat d’un médecin légiste.

▶  Le dépôt de plainte


Un des freins aux révélations de violences conjugales réside
dans la difficulté des victimes à faire enregistrer leur plainte.
Contrairement à une légende urbaine, les policiers ou
gendarmes ne sont pas obligés – nous l’avons vu – de
recevoir une plainte, ils ne sont que tenus «  de recevoir les
plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi
pénale » (code de procédure pénale, art. 15-3). Leur devoir
est d’enregistrer la plainte, ou de ne pas l’enregistrer s’il ne
l’estime pas recevable : un devoir est toujours subjectif.
Toute victime peut, par contre, déposer plainte dans le
commissariat ou la gendarmerie de son choix, sans que
puisse lui être objectée une question de territorialité : c’est
à la police ou à la gendarmerie de la transmettre «  au
service ou à l’unité de police judiciaire territorialement
compétent ».
En matière de violences conjugales, une circulaire de 2014
du ministère de la Justice « affirme le principe d’un dépôt de
plainte suivi d’une enquête pénale lorsqu’une victime de
violences au sein du couple se présente dans un service de
police ou une unité de gendarmerie  ». Elle «  rappelle le
caractère très exceptionnel du recueil des déclarations sur
main courante ou procès-verbal de renseignement
judiciaire » (circulaire du 24 novembre 2014 d’orientation de
politique pénale en matière de lutte contre les violences au
sein du couple et relative au dispositif de téléassistance
pour la protection des personnes en grave danger). La
volonté exprimée par cette circulaire est louable, mais peu
suivie d’effets sur le terrain (une circulaire n’a aucun
pouvoir normatif, elle ne peut rien imposer, et ne change en
fait pas grand-chose au cadre légal existant).
L’enregistrement systématique de la plainte, nommé
« protocole plainte », qui reste théorique, ce que confirme la
plupart des victimes, permet aux parquets de poursuivre les
faits qui resteraient inexistants pénalement s’ils étaient
confinés à une main courante. Néanmoins, les magistrats
étant de plus en plus sensibilisés au cycle de la violence au
sein du couple et au phénomène d’emprise, il semblerait
que de plus en plus de poursuites soient engagées… à
condition qu’une plainte soit déposée !
Le dépôt de plainte donne lieu à un procès-verbal, conservé
par la police, et à la délivrance immédiate d’un récépissé à
la victime (et d’un document lui permettant de se constituer
partie civile). Le 5e plan de mobilisation et de lutte contre
toutes les violences faites aux femmes (2017-2019) prévoit
une systématisation de transmission des copies des procès-
verbaux à la victime, même en l’absence de demande de
cette dernière.
Ce dépôt de plainte peut se réaliser que les faits de
violences soient récents ou anciens, du moment qu’ils
respectent les délais de prescription (6 ans pour des coups
et blessures volontaires, 30 ans pour un viol). Il n’est en
aucun cas nécessaire de disposer d’un certificat médical au
moment du dépôt de plainte, mais la constatation par un
médecin légiste, indépendamment de plainte, reste
fortement conseillée : elle seule peut corroborer la plainte.
LE CERTIFICAT MÉDICAL

Il est conseillé, pour la suite de la procédure judiciaire, de faire constater les


blessures – physiques, sexuelles, psychologiques – dont souffrirait la victime
suite aux violences qu’elle a subies. Cette constatation doit être réalisée par
un médecin – de préférence légiste – dans les suites immédiates des
violences, hors soins éventuels, afin que celui-ci puisse établir un certificat
médical initial de constatation (le certificat d’un médecin traitant n’a pas la
même valeur juridique, et judiciaire). Ce certificat décrit les blessures et leur
contexte de survenue, et peut constituer un élément de preuve utile, même
si la victime dépose plainte longtemps après les faits (voir le tableau des
peines encourues pages suivantes). Il corrobore les faits évoqués dans la
plainte. Il permet au médecin légiste – dans le cadre d’une enquête pénale –
de préciser les blessures dans son rapport destiné à l’autorité judiciaire et
de définir au mieux l’incapacité totale de travail (ITT), qui participe à la
qualification des faits et peut définir leur gravité. Une légende persistante
veut qu’une réquisition judiciaire soit indispensable pour rencontrer un
médecin légiste dans une unité médico-judiciaire (UMJ) : rien dans la loi ne
vient confirmer cette légende, qui a probablement pour origine le manque
de moyens chronique dont souffrent les hôpitaux.
Rappelons enfin – nous l’avons déjà abordé, et détaillé – que
la plainte se dépose normalement par courrier (LRAR)
adressé au procureur de la République (code de procédure
pénale, art.  40), et qu’un psychologue, professionnel de la
parole, est plus compétent qu’un Officier de police judiciaire
(OPJ) pour aider la victime à verbaliser ce qu’elle subit : rien
ne lui interdit – bien au contraire – de prendre la plainte
sous la dictée de la victime, et de la lui faire signer
lorsqu’elle sera prête, peut-être au bout de plusieurs
séances. Il n’oubliera pas de lui conseiller de se constituer
partie civile.

Un psychologue peut-il faire une information


préoccupante
ou un signalement pour informer la CRIP ou le
procureur
de la République d’une situation de violences
conjugales ?
La CRIP n’est compétente que pour les mineurs, il n’existe aucun
équivalent pour les majeurs, quelle que soit leur situation (victime de
violences, personnes âgées dites «  vulnérables  », personnes souffrant de
troubles psychiques, etc.).
Le conseil départemental (dont dépend la CRIP) n’a pas, pour les majeurs,
de service comparable à celui de l’aide sociale à l’enfance (ASE), et la loi
ne prévoit pas, pour les majeurs, de mesures comparables aux mesures
d’assistance éducative (il existe bien des mesures de protection des
majeurs, curatelles, tutelles, mais leur portée est très limitée, et ne relève
pas – encore – du conseil départemental).
La victime peut, par contre, à sa demande, être prise en charge de
différentes manières par les services sociaux (hébergement d’urgence
lorsque des places sont disponibles, etc.). L’information préoccupante (IP)
adressée à la CRIP ne peut donc concerner qu’un mineur, qui peut être
victime, directement ou indirectement, de violences intrafamiliales  : elle
peut, bien évidemment, être rédigée par un psychologue.
Le signalement adressé au procureur de la République peut concerner un
mineur, ou un majeur vulnérable mis en danger par autrui.
Si le majeur ne peut pas être considéré comme vulnérable (au titre de
l’article 434-3 du code pénal), le signalement ne pourra pas aboutir.
Si le majeur se met en danger tout seul, le signalement ne pourra pas
aboutir  : c’est aux services sociaux d’intervenir (et de requérir
éventuellement une mesure de protection).
Le signalement peut bien évidemment être rédigé par un psychologue.
Il est toujours nécessaire, avant de rédiger une IP ou un signalement, de se
poser une question stratégique  : quel est le but, le résultat attendu  ? La
mise en place d’une action éducative à domicile (AED) va-t-elle, par
exemple, aider la mère victime de violences, ou renforcer sa culpabilité en
lui faisant passer pour une «  mauvaise mère  »  ? Le droit ne propose-t-il
pas d’autres outils pour répondre plus efficacement à la spécificité de la
situation ?
Il faut absolument résister aux signalements « pour se couvrir » ou « pour
le dire  » ou «  pour faire quelque chose  »  : ils peuvent donner bonne
conscience, mais ils sont souvent inutiles, ou pires : contre-productifs.
Précisons qu’un enfant est considéré « en danger ou en risque de l’être »
lorsque ses parents le mettent en danger, ou ne lui apportent pas la
protection nécessaire  : en cas de violences intrafamiliales, un des deux
parents est aussi victime, et tout disposé – si on lui en donne les moyens –
à protéger l’enfant. Le recours au juge des enfants est donc fortement
déconseillé, qui va compliquer la situation, le JAF doit être privilégié…

▶  L’engagement de la procédure judiciaire


Seule la plainte déclenche une procédure judiciaire,
contrairement à la main courante qui permet seulement de
consigner des déclarations, à titre d’information. La mise en
mouvement de l’action publique par le procureur de la
République est conditionnée au dépôt de plainte. Le retrait
de plainte est possible, très souvent le cas dans les
violences conjugales, mais il n’entraîne pas forcément
l’arrêt des poursuites pénales (aux USA, il est rédhibitoire,
ce que nous apprennent quantité de séries télévisées), qui
reste la prérogative du procureur de la République :
« La renonciation à l’action civile ne peut arrêter ni suspendre l’exercice de
l’action publique » (code de procédure pénale, art. 2).

Le procureur juge de l’opportunité des poursuites, quelle


que soit l’attitude de la victime envers l’auteur supposé des
violences.
Suite au dépôt de plainte, le procureur peut opter pour une
action de médiation, qui est une alternative aux poursuites
(code de procédure pénale, art.  41-1), et «  demander à
l'auteur des faits de résider hors du domicile ou de la
résidence du couple et, le cas échéant, de s'abstenir de
paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords
immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, de faire
l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou
psychologique  ». Il n’ordonne pas, il n’exige pas  : il
demande, généralement «  lorsque sont en cause des faits
de violences susceptibles d'être renouvelés et que la
victime la sollicite  ». Il peut également «  préciser les
modalités de prise en charge des frais afférents à ce
logement pendant une durée qu'il fixe et qui ne peut
excéder six mois ».
L’ABANDON DU DOMICILE CONJUGAL

Le fait de subir des violences au sein du couple justifie évidemment le


départ du domicile de la victime, d’autant que l’abandon du domicile
conjugal n’existe pas. Cet abandon ne pourra être reproché qu’au civil à
celui qui est parti, dans le cadre d’une procédure de divorce  : ce ne sera
évidemment pas le cas si une plainte a été déposée, surtout corroborée par
les constatations d’un médecin légiste. Il n’est pas nécessaire de déposer
une main courante, qui, en l’espèce, comme souvent, ne sert à rien. En
aucun cas la plainte (et encore moins la main courante) ne peut empêcher
un des parents, fût-il violent, de voir ses enfants : il est indispensable que le
JAF soit saisi en référé, voire en référé «  d’heure à heure  », pour qu’il se
prononce sur l’exercice de l’autorité parentale du parent maltraitant (c’est
pourquoi nous voudrions que sa saisine par le procureur de la République
soit automatique).

▶  Les suites de l’action publique


Une fois saisi par le dépôt de plainte, le procureur de la
République  peut (pour simplifier) prendre plusieurs
décisions judiciaires :
classement sans suite qui peut être immédiat (2 947 126
sur 4  241  508 plaintes reçues en 2017), ou différé
(160 501) ;
poursuite de l’auteur en citation directe devant le tribunal
concerné (29  446 orientations vers le tribunal de police,
500  025 vers le tribunal correctionnel, dont 92  564
reconnaissances préalables de culpabilité, l’équivalent
français du « plaider coupable ») ;
ouverture d’une information judiciaire avec transmission
du dossier à un juge chargé de l’instruction (48 854 vers
le juge des enfants, 16 936 vers le juge d’instruction) ;
mesures alternatives (538  620, Les chiffres-clés de la
justice 2018, pour l’année 2017) tels que rappel à la loi,
mesure de réparation, orientation de l'auteur des faits
vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle,
médiation pénale (dans le cas de violences commises par
un conjoint sur l’autre conjoint, elle n’est possible que si
la victime en fait expressément la demande), composition
pénale, injonction de soins, etc. (code de procédure
pénale, art. 41-1).
Tableau des peines encourues selon le type
d’infractions
▶  Le dispositif « Téléphone grave danger »
(TGD)
Depuis 2014, le procureur de la République peut, «  en cas
de grave danger menaçant une personne victime de
violences de la part de son conjoint, de son concubin ou de
son partenaire lié par un pacte civil de solidarité » (code de
procédure pénale, art. 41-3-1), attribuer à la victime, « pour
une durée renouvelable de six mois et si elle y consent
expressément, un dispositif de téléprotection lui permettant
d'alerter les autorités publiques  ». Le dispositif fonctionne
aussi «  lorsque les violences ont été commises par un
ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par une
personne ayant été liée à elle par un pacte civil de
solidarité ». Il peut même, avec l’autorisation de la victime,
permettre sa géolocalisation au moment où elle déclenche
l'alerte.
Le dispositif TGD ne peut être attribué qu'en l'absence de
cohabitation entre la victime et l'auteur des violences, et
lorsque ce dernier a fait l'objet d'une interdiction judiciaire
d'entrer en contact avec la victime dans le cadre d'une
ordonnance de protection (seule mesure civile), d'une
alternative aux poursuites, d'une composition pénale, d'un
contrôle judiciaire, d'une assignation à résidence sous
surveillance électronique, d'une condamnation, d'un
aménagement de peine ou d'une mesure de sûreté.
Elle peut se faire à tous les stades de la procédure judiciaire.
Ce dispositif vise à prévenir les nouvelles violences que
pourrait subir une victime de violences conjugales de la part
de son conjoint ou ancien conjoint. Concrètement, il s’agit
d’un téléphone portable disposant d’un bouton
préprogrammé permettant à la personne victime de joindre
– immédiatement et simplement – un service de
téléassistance accessible 7  jours sur 7, 24  heures sur 24.
L’écoutant de la plateforme téléphonique évalue la situation
et, si besoin, demande l’intervention immédiate des forces
de l’ordre (police et gendarmerie), via un canal dédié.
En 2017, année de la généralisation du dispositif à toute la
France, le ministère de la Justice a indiqué que
543  téléphones étaient disponibles dans les juridictions
métropolitaines : plus de 600 victimes ont pu en bénéficier.
Sur l’année 2016, les forces de l’ordre ont été sollicitées
222 fois par la plateforme de téléassistance, 36  auteurs de
violences ont été interpellés.
Le 5e  plan de mobilisation et de lutte contre toutes les
violences faites aux femmes (2017-2019) prévoit son
amplification et sa généralisation en Outre-mer.
Il est également applicable en cas de grave danger
menaçant une personne victime de viol.

▶  L’ordonnance de protection
En parallèle de la procédure pénale, une procédure civile
peut être enclenchée  : le code civil prévoit les mesures de
protection spécifiques aux victimes de violences conjugales,
par l’intermédiaire du juge aux affaires familiales (JAF). Une
demande auprès d’un JAF peut se faire sans avoir déposé
plainte, ou après avoir déposé plainte. Elle se mettra en
place plus rapidement et prendra fin lorsque la procédure
pénale – plus contraignante – prendra le relais. Elle se
réalise sous la forme d’une requête, c’est-à-dire d’une lettre
rédigée sur papier libre dans laquelle sont exposés les
motifs de la demande, avec toutes les pièces justificatives.
La saisie en urgence – on dit  : en référé – d’un JAF dans le
cas de violences exercées au sein du couple ou par un
ancien conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS qui
mettent en danger la victime et des enfants, peut permettre
la délivrance d’une ordonnance de protection (code civil,
art.  515-9). Cette saisie se fait soit par la personne elle-
même, soir par le procureur de la République, dans le cas où
une procédure pénale engagée, si la personne en est
d’accord.
Cette ordonnance, délivrée après appréciation du JAF de la
dangerosité pour la victime et les enfants, permet (code
civil, art. 515-11) :
d’interdire au conjoint violent de recevoir ou de
rencontrer certaines personnes spécialement désignées
par le juge aux affaires familiales, dont la victime et les
enfants, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de
quelque façon que ce soit (mais cela n’a aucune portée
réelle si le parent violent conserve l’exercice de l’autorité
parentale) ;
de se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité
parentale (pour que le JAF le suspende, il faut le lui
demander  : un juge, pour rester impartial, ne peut
répondre qu’aux questions qu’on lui pose, sans se les
poser lui-même) ;
d’interdire au conjoint violent de détenir ou de porter une
arme (s’il détient une arme, ou a manifesté son intention
d’en acquérir une, il faut le signaler au préfet, comme le
prévoit l’article 226-14 du code pénal, qui autorise le
psychologue à le faire lui-même) ;
de statuer sur la résidence des conjoints en précisant
lequel des deux continuera à résider dans le logement
commun et sur les modalités de prise en charge des frais
afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières,
la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui
n'est pas l'auteur des violences, même s'il a bénéficié
d'un hébergement d'urgence ;
d’autoriser la victime à dissimuler son domicile ou sa
résidence et à élire domicile chez l'avocat qui l'assiste ou
la représente ou auprès du procureur de la République
près le tribunal de grande instance pour toutes les
instances civiles dans lesquelles elle est également
partie  ; elle peut également élire domicile chez une
personne morale qualifiée (une association) ;
de prononcer l'admission provisoire à l'aide
juridictionnelle de la victime.
Ces mesures sont prises pour une durée maximale de six
mois, avec possibilité de prolongation à la condition qu’une
requête en divorce ou séparation de corps soit déposée
(code civil, art.515-12). Elles peuvent également être prises
dans les cas de menaces de mariage forcé (code civil,
art.515-13), avec interdiction de sortie du territoire pour la
personne menacée, même majeure. En 2015, 1  737
ordonnances de protection ont été prononcées (5e plan de
mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites
aux femmes).
Les biens matériels et immatériels du couple peuvent être
protégés par le JAF, qui prescrit «  toutes les mesures
urgentes  », «  si l’un des époux manque gravement à ses
devoirs et met en péril les intérêts de la famille » (code civil,
art.220-1). Il peut par exemple interdire à un conjoint de
vendre la maison familiale, sans le consentement de l’autre
(ce qui est de toute manière impossible, sauf si elle lui
appartient en propre), de vendre les meubles, la voiture, de
résilier le bail, de déménager le mobilier, etc.
Le non-respect des obligations et interdictions de
l’ordonnance de protection «  est puni de deux ans
d’emprisonnement et de 15  000  euros d’amende  » (code
pénal, art. 227-4-2).

LA PROTECTION DES ENFANTS

Les politiques actuelles, depuis la ratification par la France


en 2014 de la Convention dite d’Istanbul (convention du
Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la
violence à l’égard des femmes et la violence domestique),
qui rappelle que «  toute violence faite aux femmes est
également une violence faite aux enfants  », visent trois
objectifs :
améliorer le repérage et le traitement des situations de
violences conjugales exposant des enfants (4  millions
d’enfants seraient concernés par l’exposition aux
violences au sein du couple en France) ;
protéger la mère et ses enfants dans la durée, pendant et
après la séparation ;
accompagner les enfants qui ont été victimes de
violences conjugales.
Les violences à l’encontre d’une personne commises «  par
le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à
la victime par un pacte civil de solidarité » sont pénalement
aggravées «  lorsqu'un mineur assiste aux faits  » (code
pénal, art.  222-13), la peine encourue est alors portée à 5
ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Au-delà de l’exposition à la violence conjugale, véritable
violence psychologique, les enfants sont également souvent
la cible des violences physiques et sexuelles de la part du
conjoint violent. Les chiffres diffèrent d’une étude à l’autre,
mais on estime qu’entre 20 et 60  % des conjoints violents
sont aussi des parents violents (Centre Hubertine Auclert,
2017). Ils peuvent subir également des violences par
ricochet, en s’interposant lors des violences du couple pour
protéger un des parents.
On entre alors dans le cadre de la protection de l’enfance, et
des mesures de protection applicables en cas de
maltraitance. Elles sont détaillées dans le chapitre consacré
à cette thématique. Cela invite fortement le professionnel à
questionner les violences que peuvent subir les enfants
dans les contextes de violences au sein du couple.
En ce sens, lorsque le juge aux affaires familiales délivre
une ordonnance de protection en raison de violences
susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants, il
en informe sans délai le procureur de la République (code
civil, art.515-11). Ce dernier peut ordonner un placement
provisoire de l’enfant en urgence, interdire sa sortie du
territoire s’il estime qu’il existe des éléments de danger.
Cette ordonnance sera suivie d’une saisine du juge des
enfants dans un délai de huit jours (code civil, art. 375-5).
Le problème de la saisine du juge des enfants est qu’elle va
stigmatiser le parent victime, en le faisant passer, lui aussi
pour un «  mauvais parent  »  : le recours au JAF doit être
privilégié pour donner au parent victime les moyens de
protéger ses enfants (suspension d’exercice, obligations
alimentaires, etc.) et de se protéger lui-même.
Lorsqu’un JAF décide d’une ordonnance de protection, il
peut se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité
parentale (code civil, art.  515-11), si la demande lui a été
faite. Il peut prendre les mesures permettant de garantir la
sauvegarde des intérêts des enfants mineurs et ordonner
l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français (IST),
sans l’autorisation des deux parents (code civil, art.  373-2-
6).
L’exercice du droit de visite est de plus en plus encadré
dans ces contextes du fait qu’il constitue un nouveau
moment d’exposition aux violences. Tout comme la
médiation pénale, la médiation familiale, n’est pas
obligatoire dans le cas de violences commises par l’un des
parents sur l’autre parent ou sur l’enfant (code civil,
art.  373-2-10). Le dernier plan de mobilisation et de lutte
contre toutes les violences faites aux femmes souhaite
l’interdire, en s’appuyant sur la Convention d’Istanbul. La
convention cadre nationale relative à la médiation familiale
et aux espaces de rencontre (2016-2018) prévoit que la
«  médiation familiale doit être exclue lorsque le médiateur
familial a connaissance de violences conjugales, et qu’il
doit, dans ce cas, en aviser le magistrat mandant et orienter
le parent victime vers les associations de référence  ». En
2008, une étude menée en Seine-Saint-Denis rapporte que
la moitié des meurtres de femmes par le conjoint sont
commis lors de l’exercice de ce droit, d’où la nécessité
première de suspendre l’exercice de l’autorité parentale du
parent violent.
Pour pallier les difficultés des professionnels à suspendre cet
exercice, des dispositifs spécifiques sont déployés, qui
s’appuient sur la «  parentalité en parallèle  » de Karen
Sadlier (5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les
violences faites aux femmes, 2017)  : espaces de rencontre
protégés visant à assurer la sécurité de l’enfant et protéger
le parent victime  ; mise en place de la mesure
d’accompagnement protégé prévoyant l’accompagnement
de l’enfant par un tiers entre son domicile et le lieu
d’exercice du droit de visite du parent auteur, actions
d’accompagnement à la parentalité en direction des parents
victimes et de leurs enfants. Ces dispositifs sont en cours
d’expérimentation, principalement en Seine-Saint-Denis,
fréquemment à l’initiative des dispositifs de lutte contre les
violences faites aux femmes.

Un enfant peut-il être reconnu victime de


violences conjugales
s’il n’est pas directement la cible des violences ?
Quelles démarches peut-il entreprendre ?
Un enfant ne peut pas être reconnu victime de violences conjugales,
puisque les violences conjugales ne s’exercent qu’au sein d’un couple
marié, et « être reconnu victime » ne veut, en droit, pas dire grand-chose.
L’auteur des violences pourra être condamné au pénal, si la victime
majeure dépose plainte, ou si la situation de l’enfant (victime indirecte ou
« par ricochet ») est signalée au procureur de la République, et que celui-ci
engage l’action publique (de l’importance de lui adresser un signalement
factuel, précis, synthétique, etc.).
L’enquête, puis le procès, permettront de pointer toutes les violences,
toutes les victimes, et de qualifier les faits, dont la gravité, ou la répétition,
pourront aggraver la peine encourue.
L’enfant pourra également voir réparé – de manière pécuniaire, sous forme
de dommages et intérêts – le préjudice qu’il a subi (que ce préjudice soit
physique, psychologique, économique, etc.) : il est pour cela indispensable
que le parent qui a déposé plainte se constitue partie civile, en son nom et
au nom de l’enfant. Les dommages et intérêts peuvent également être
accordés par une juridiction civile (tribunal d’instance, de grande
instance), mais se constituer partie civile permet que le volet pénal (la
condamnation) et le volet civil (le dédommagement) soient gérés en
même temps, par la même juridiction (c’est donc plus simple, et
potentiellement plus rapide).
La minorité de l’enfant ne lui permet pas d’engager, seul, des démarches :
il ne peut pas déposer plainte (mais rien ne lui interdit de se signaler lui-
même au procureur de la République). Il ne peut pas se constituer partie
civile. Il pourra par contre déposer plainte après sa majorité, et se
constituer partie civile (le délai de prescription peut être de 30 ans).
Il peut aussi, mineur, quel que soit son âge, à condition d’être « capable de
discernement », se faire assister d’un avocat (code civil, art. 388-1) : il est
indispensable d’informer les mineurs (tous les mineurs) sur cette
possibilité (la plupart des Barreaux diffusent des affiches et organisent des
permanences d’avocats d’enfants). Le « juge des tutelles […] ou, à défaut,
le juge saisi de l'instance  » pourront également lui désigner «  un
administrateur ad hoc chargé de le représenter  » (code civil, art.  388-2).
L’avocat assiste, l’administrateur ad hoc représente  : les deux
interviennent de manière concertée. L’administrateur ad hoc a vocation à
intervenir à chaque fois que, «  dans une procédure, les intérêts d'un
mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants
légaux ». L’administrateur ad hoc pourra se constituer partie civile au nom
de l’enfant, évaluer le préjudice, faire saisir et placer la somme que la
justice lui attribuera.
Chapitre 50

Le rôle du psychologue

LES VIOLENCES conjugales sont transversales, tout psychologue peut être


confronté à ces situations. Son intervention va du repérage à la prise en
charge. Plusieurs étapes nous semblent indispensables pour que le
psychologue puisse jouer son rôle de professionnel incontournable dans la
lutte contre les violences au sein du couple.

COMPRENDRE LE CYCLE DE LA VIOLENCE


CONJUGALE

La violence au sein du couple n’est pas un conflit de couple.


La différence tient dans le rapport de force asymétrique
comprenant un dominant et un dominé. Le premier
maintient un climat de terreur et d’emprise sur le second
qui se retrouve sous dépendance, incapable de pouvoir se
défendre et de réagir. C’est un processus  : ce
fonctionnement s’installe et se développe au fur et à
mesure de la répétition des violences pour aboutir à un total
isolement physique et psychique de la victime. On parle de
cycle de la violence conjugale du fait d’une répétition de
différentes phases  : un climat de tension instauré par le
conjoint violent qui humilie, menace, dévalorise. Cette
escalade va aboutir à une explosion de violences
maintenant la victime dans un climat de terreur. Vient
ensuite une période d’accalmie durant laquelle l’auteur
minimise et justifie ses comportements, bien souvent
provoqués par les attitudes de la victime, pour finir sur des
fausses excuses et promesses d’avenir meilleur. Ces phases
se succèdent et se répètent, ce qui renforce l’emprise sur la
victime. Sans prise en considération par le professionnel du
pouvoir de l’auteur des violences sur la victime, aucune
compréhension ne peut se faire concernant ce type de
violences et son fonctionnement propre. Deux réactions des
intervenants extérieurs se retrouvent souvent : l’une qui va
consister à rejeter la victime, ne comprenant pas sa
position, «  elle y retourne, faut savoir ce qu’elle veut  !  »  ;
l’autre qui se manifeste par l’épuisement et l’impuissance
professionnels chez des intervenants compatissants ayant
mis en place des mesures de protection pour la victime,
sans succès. D’où l’importance d’un travail en réseau.

CONNAÎTRE LE DISPOSITIF DE PROTECTION


DES VICTIMES

Informer clairement et précisément de leurs droits les


victimes de violences conjugales participe à la prévention et
à la prise en charge de ces violences. Plus le dispositif est
connu par le professionnel, moins il aura d’appréhension
face à une situation de violences conjugales, tant dans son
repérage que dans sa prise en charge. Cette connaissance
permet également de guider les victimes dans leurs
démarches, de faire appel aux juridictions compétentes en
fonction de ce qu’elles souhaitent, de conseiller à une
victime de faire constater ses blessures par un médecin
généraliste, ou tout simplement de pouvoir se repérer dans
ce que rapporte la personne des démarches qu’elle a
effectuées.
POSER LA QUESTION

Avoir une bonne connaissance du fonctionnement du cycle


de la violence conjugale, maîtriser les outils juridiques peut
faciliter l’investigation par le professionnel de ces violences.
Comme pour toute violence, tant qu’on ne pose pas la
question, on n’a pas de réponse. Les violences intimes sont
difficilement et laborieusement révélées. Les professionnels
ont un rôle de repérage et se doivent de questionner les
violences éventuellement subies par les personnes qu’ils
rencontrent que ce soient des femmes ou des hommes, et
quel que soit le milieu socioprofessionnel. Même si les
données montrent que les hommes sont moins victimes que
les femmes au sein du couple, ils la subissent et rencontrent
encore plus de difficultés  : l’humiliation des violences qui
contraint au silence, une non-reconnaissance sociétale à
l’opposé d’une reconnaissance de plus en plus effective des
violences faites aux femmes, un manque de crédibilité face
aux forces de l’ordre et une absence de structures dédiées,
contrairement aux structures recevant des femmes.
Face à des révélations de violences au sein du couple, une
évaluation de l’urgence et de la gravité de la situation est
indispensable afin de prendre les mesures nécessaires.

SIGNALER LES SITUATIONS DE DANGER

Plusieurs cas de figure peuvent amener le professionnel à


signaler au procureur de la République les faits de violences
dont il a connaissance (voir le chapitre qui traite de cette
question). Les professionnels astreints au secret
professionnel sont autorisés à révéler les privations, les
sévices et les violences sexuelles dont est victime une
personne vulnérable (code pénal, art.  226-14). Le
signalement aux autorités compétentes ne peut pas
engager leur responsabilité civile, pénale ou disciplinaire,
sauf s'il est établi qu'il est de mauvaise foi (aux autorités
compétentes  : pas à son chef, ses collègues, l’assistante
sociale, les partenaires …). Tout fonctionnaire «  est tenu
[de] donner avis sans délai au procureur de la République  »
lorsque «  dans l'exercice de ses fonctions, [il] acquiert la
connaissance d'un crime ou d'un délit » (code de procédure
pénale, art.  40). Le signalement d’une personne vulnérable
mise en danger par autrui est – nous l’avons vu – une
obligation pour quiconque (code pénal, art. 434-3).
LE 3919

Un numéro national d’écoute gratuit et anonyme s’adresse aux femmes


victimes de toutes formes de violences (conjugales, sexuelles, au travail,
mutilations sexuelles, mariage forcé), aux proches, et professionnels  : le
3919.
Il est ouvert du lundi au vendredi de 9  heures à 22  heures, le samedi, le
dimanche et les jours fériés de 9  heures à 18  heures Il est, depuis sa
création en 2014, géré par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF).
Il peut permettre aux professionnels d’évoquer les situations rencontrées,
de demander conseils auprès de spécialistes habitués de ces situations. Il
permet aux victimes une première étape pour trouver du soutien et de
l’aide.
L’appel n’apparaît pas sur la facture téléphonique.
Ce numéro n’est pas un appel d’urgence, il ne doit pas être confondu avec
le Téléphone grave danger (TGD).
On pourra aussi consulter de site internet de la mission interministérielle
pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite
des êtres humains (MIPROF)  : www.stop-violences-femmes.gouv.fr. Il
contient des informations utiles pour les professionnels (outils
pédagogiques, modèles d’attestation, etc.), pour les victimes et les proches
de victimes.
Liste des sigles

ADELI : répertoire national d’automatisation des listes


AEB : aide éducative budgétaire
AED : aide éducative à domicile
AEMO : assistance éducative en milieu ouvert
AES : accompagnant éducatif et social
AESF : accompagnement en économie sociale et familiale
AFPE : agence française pour la protection de l’enfance
AFPEN  : association française des psychologues de
l’Éducation nationale
AMM : association médicale mondiale
AMP : aides médico-psychologiques
ANESM  : agence nationale de l'évaluation et de la qualité
des établissements et services sociaux et médico-sociaux
ANSM : agence nationale du médicament et des produits de
santé
ANSSI  : agence nationale de la sécurité des systèmes
d’information
APJ : agent de police judiciaire
APJA : agent de police judiciaire adjoint
ARPA : aide au recouvrement des pensions alimentaires
ARS : agence régionale de santé
ASE : aide sociale à l’enfance
ASF : allocation de soutien familial
CAARUD  : centre d’accueil et d’accompagnement à la
réduction de risques pour l’usager de drogues
CADA : commission d’accès aux documents administratifs
CADA : centre d’accueil pour demandeurs d’asile
CAE : centre d'action éducative
CAF : caisse d’allocations familiales
CAMSP : centre d’action médico-sociale précoce
CASF : code de l’action sociale et des familles
CCNE : comité consultatif national d’éthique
CCPPRB  : comité consultatif de protection des personnes
dans la recherche biomédicale
CDAPH  : commission pour les droits et l’autonomie de la
personne handicapée
CDDF : conseil des droits et devoirs des familles
CE : conseil d’état
CEDH : cour européenne des droits de l’homme
CER : comité d’éthique de la recherche
CESE : conseil économique, social et environnemental
CESF : conseiller en économie sociale et familiale
CESEDA : code de l'entrée et du séjour des étrangers et du
droit d'asile
CHRS : centre d'hébergement et de réinsertion sociale
CIDE : convention internationale des droits de l’enfant
CIO : centre d’information et d’orientation
CIVI  : commission d’indemnisation des victimes
d’infractions
CJM : contrat jeune majeur
CLIC : centre local d'information et de coordination
CMPP : centre médico-psycho-pédagogique
CNAOP : conseil national d’accès aux origines personnelles
CNIL  : commission nationale de l’informatique et des
libertés
CNCDP : commission nationale consultative de déontologie
des psychologues
CNPE : conseil national de la protection de l’enfance
CP : code pénal
CPC : code de procédure civile
CPI : code de la propriété intellectuelle
CPP : comité de protection des personnes
CPP : code de procédure pénale
CRIP : cellule de recueil des informations préoccupantes
CRP : contrat de responsabilité parentale
CSM : conseil supérieur de la magistrature
CSP : code de la santé publique
CSS : code de la sécurité sociale
CVS : conseil de vie sociale
DAP : délégation d’autorité parentale
DUP : dossier unique de la personne
EHPAD  : établissements d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes
ENA : école nationale d’administration
ESAT : établissement et services d’aide par le travail
ESSMS : établissement ou service social ou médico-social
FAE : foyer d'action éducative
FAM : foyer d’accueil médicalisé
FINES  : fichier national des établissements sanitaires et
sociaux
FJT : foyers de jeunes travailleurs
GIP : groupement d’intérêt public
GIPED : groupement d’intérêt public enfance en danger
GIRéDéP  : groupe inter-organisationnel pour la
réglementation de la déontologie des psychologues
HAS : haute autorité de santé
HPST : hôpital, patients, santé, territoire
ICMJE : international committee of medical journal editors
IME : institut médico-éducatif
IMP : institut médico-pédagogique
IMPRO : institut médico-professionnel
IP : information préoccupante
IST : interdiction de sortie du territoire
ITT : incapacité totale de travail
ITEP : institut thérapeutique, éducatif et pédagogique
IVG : interruption volontaire de grossesse
JAF : juge aux affaires familiales
JAP : juge de l’application des peines
JCP : juge du contentieux et de la protection
JE : juge des enfants
JT : juge des tutelles
MAIA  : méthode d'action pour l'intégration des services
d'aide et de soins dans le champ de l'autonomie
MAS : maison d’accueil spécialisée
MECS : maison d’enfants à caractère social
MDPH  : maison départementale des personnes
handicapées
MIPROF  : mission interministérielle pour la protection des
femmes contre les violences et la lutte contre la traite des
êtres humains
MJIE : mesure judiciaire d’investigation éducative
MJAGBF  : mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget
familial
MJPM : mandataire judiciaire à la protection des majeurs
MSA : mutualité sociale agricole
ODAS  : observatoire national de l’action sociale
décentralisée
OMS : organisation mondiale de la santé
ONDRP  : observatoire national de la délinquance et des
réponses pénales
ONPE : observatoire national de la protection de l’enfance
OPJ : officier de police judiciaire
OST : opposition à la sortie du territoire
OVEO : observatoire de la violence éducative ordinaire
PACS : pacte civil de solidarité
PJJ : protection judiciaire de la jeunesse
PJM : protection jeune majeur
PMI : protection maternelle et infantile
PPCR  : parcours professionnels, carrière et rémunération
des fonctionnaires
RASED : réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté
RCP : responsabilité civile professionnelle
RGPD : règlement général de la protection des données
SAAD : service d'aide à domicile
SEAT : service éducatif auprès du tribunal
SESSAD  : service d’éducation spéciale et de soins à
domicile
SFP : société française de psychologie
SIAO : service intégré de l'accueil et de l'orientation
SNATED  : service national d’accueil téléphonique de
l’enfance en danger
SNP : syndicat national des psychologues
SPIP : service pénitentiaire d’insertion et de probation
SPSC : soins psychiatriques sans consentement
SSIAD : service de soins infirmiers à domicile
TC : tribunal correctionnel
TDC : tiers digne de confiance
TI : tribunal d’instance
TIG : travaux d’intérêt général
TGD : téléphone grave danger
TGI : tribunal de grande instance
TP : tribunal de police
UMJ : unité médico-judiciaire
Index des notions

A
abandon de famille, 40, 323, 339
abandon du domicile conjugal, 17, 64, 64, 472, 472
absentéisme scolaire, 336, 338, 338, 338
accès aux origines personnelles, 359, 361, 361
accompagnement en économie sociale et familiale, 425, 426
accouchement anonyme, 360, 360, 361, 365
accouchement secret, 361, 362
accouchement sous X, 343, 359
acte de naissance, 348, 358, 358, 359, 359, 360, 361, 361, 365
acte non usuel, 351
acte usuel de l’autorité parentale, 286, 350, 351, 351, 351, 351, 352, 352, 352,
353, 353, 374, 379, 390, 403
acte usuel relatif à la surveillance et à l’éducation, 351, 351, 352, 374
action à fins de subsides, 363, 363, 363
administrateur ad hoc, 64, 230, 404, 435, 435, 435, 435, 435, 435, 436, 436,
436, 436, 436, 483
administration légale, 322, 403, 404, 405
admonestation, 71
adoption plénière, 361, 364, 365, 365, 366, 366
adoption simple, 76, 364, 365, 365, 365, 365, 367, 385
agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, 269, 292
agence régionale de santé, 99, 181
aide au recouvrement des pensions alimentaires, 340
aide éducative à domicile, 424
aide éducative budgétaire, 424
aide juridictionnelle, 55, 59, 59, 60, 60, 61, 61, 61, 61, 62, 152, 230, 479
aide sociale à l’enfance, 93, 93, 97, 129, 141, 163, 163, 169, 170, 174, 208,
232, 253, 328, 336, 374, 375, 395, 413, 415, 418, 422, 422, 423, 423, 424,
424, 427, 429, 429, 431, 442, 445, 470
allocation, 60, 61, 193, 195, 336, 338, 340, 340, 363, 426
anonymat, 261, 269, 308, 360, 362, 440, 440
assistance éducative, 70, 229, 234, 235, 235, 322, 335, 352, 384, 401, 404,
418, 424, 427, 432, 435
assistant familial, 351, 375, 385, 395, 420
assistant maternel, 328, 420, 420
atteinte à la vie privée, 92, 267, 269, 283, 313
autorité paternelle, 344

B
beau-parent, 153, 339, 348, 349, 349, 352, 395
biais de confirmation, 175, 175, 175

C
capacité de jouissance, 344
carnet de santé, 179, 412
cellule de recueil des informations préoccupantes, 253, 421, 438, 445
centres médico-psycho-pédagogiques, 111, 236
charte des droits et libertés de la personne, 116, 216, 245
chef de famille, 135, 153, 343, 344, 459
circonstance atténuante, 46, 51, 52, 70, 71, 143, 214, 216
citoyen, 18, 21, 21, 81, 82, 107, 107, 114, 119, 172, 271, 322, 409, 416, 437
code de déontologie des psychologues, 101, 103, 103, 173, 227, 253, 260, 269,
288, 305, 354, 394, 394, 394, 395, 395
code de déontologie médicale, 179
code de la santé publique, 47, 99, 103, 109, 171, 191, 240, 242, 268, 302, 304,
379, 389
comité consultatif national d’éthique, 300, 307
comité de protection des personnes, 302, 313
commission d’accès aux documents administratifs, 242
commission d’indemnisation des victimes d’infractions, 229, 436
commission nationale consultative de déontologie des psychologues, 102
conciliation, 43, 43
concubin, 30, 321, 342, 477, 478, 480
concubinage, 30, 60, 359, 363, 459
confidentialité, 103, 115, 121, 152, 157, 157, 160, 160, 160, 162, 173, 189, 246,
251, 252, 256, 266, 276, 290, 291, 291, 291
conseil de vie sociale, 116, 116
conseil national d’accès aux origines personnelles, 360
conseillère en économie sociale et familiale, 425
consentement éclairé, 115, 178, 312, 394
contentieux administratif, 28, 38, 47
contestation de paternité, 358
contraception, 391, 399, 399, 400, 401
contrat jeune majeur, 429, 429, 429
contravention, 47, 48, 48, 48, 48, 48, 48, 48, 49, 49, 49, 49, 49, 49, 53, 54, 65,
180, 233, 267, 271, 274, 275, 312, 330, 337
contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, 374
contribution aux charges du mariage, 374
contrôle judiciaire, 40, 404, 466, 477
convention internationale des droits de l’enfant, 360
coparentalité, 142, 348
correction paternelle, 333, 334, 335
cour administrative d’appel, 79
cour européenne des droits de l'homme, 34, 81, 332
coutume, 34, 35, 35, 153, 169, 330, 331, 332
crime, 48, 50, 51, 52, 52, 54, 54, 54, 54, 65, 65, 137, 204, 205, 205, 207, 207,
207, 210, 233, 234, 396, 440, 443, 444
culpabilité, 56, 62, 63, 128, 213, 228, 470, 472
curatelle, 41, 123, 208, 215, 216, 217, 217, 217, 218, 218, 244, 286
cyberpsychologie, 281

D
déclaration de naissance, 179, 358, 359, 359
décrochage scolaire, 336, 336, 338
défenseur des enfants, 416
délais de conservation des dossiers, 270, 270
délégation d’autorité parentale, 357
délit, 40, 48, 49, 51, 52, 54, 54, 65, 65, 87, 93, 129, 137, 201, 207, 207, 210,
233, 255, 274, 275, 275, 291, 314, 323, 335, 337, 339, 345, 396, 445, 446,
446
dénonciation calomnieuse, 202, 211, 251, 272, 272, 276, 277
dénonciation mensongère, 443
déontologie, 21, 101, 102, 102, 102, 102, 103, 103, 103, 160, 192, 227, 257,
271, 389, 393, 393, 400
détournement de mineur, 51, 396
devoir de réserve, 34, 91, 92, 92, 93, 94, 95, 97, 98, 165, 261, 261
diffamation, 48, 66, 144, 272, 272, 274, 274, 274, 274, 275, 275, 275, 275, 276
dignité, 22, 92, 115, 261, 307, 416
discernement, 46, 52, 55, 62, 69, 69, 70, 70, 70, 70, 71, 90, 128, 143, 178, 215,
216, 230, 230, 230, 231, 244, 334, 390, 396, 483
discrétion professionnelle, 92, 162
divorce, 36, 38, 39, 43, 61, 231, 322, 344, 344, 345, 359, 360, 373, 377, 377,
378, 379, 392, 461, 461, 461, 463, 472, 479
doctrine, 34, 35
dommages et intérêts, 60, 60, 64, 128, 131, 140, 140, 140, 142, 144, 146, 147,
152, 211, 271, 284, 292, 314, 330, 483
dossier de l’usager, 187, 223, 226, 240, 240, 241, 246
dossier médical personnel, 246, 246
droit à l’enfant, 349
droit à l’image, 34, 38, 121, 122, 122, 122, 124, 157, 283, 290, 291
droit coutumier de correction, 31, 35, 152, 153, 328, 330, 330, 332, 412, 461
droit de l’enfant, 349, 368, 416
droit de retrait, 149, 149, 149, 149, 149, 149, 150, 150, 150
droit de visite et d’hébergement, 73, 319, 323, 345, 346, 346, 377, 378
droit et obligation des fonctionnaires, 92, 153, 162, 165
droit inaliénable, 182, 196
droit naturel, 119, 120, 157, 341
droit paternel d’incarcération, 333, 335

E
éducateur, 69, 103, 132, 151, 163, 169, 174, 182, 193, 235, 272, 327, 332, 334,
391
élément légal, 52, 52, 52, 161, 161, 162, 162, 163, 163, 166, 167, 168, 170,
171, 173, 210
émancipation, 42, 132, 322, 326, 326, 354, 403, 404
enfant en danger ou en risque de l’être, 418, 421, 421
entrave à la saisine de la justice, 210, 263, 272, 445, 446, 446
état civil, 38, 76, 181, 321, 348, 358, 358, 360, 361, 365, 377, 412
excuse de minorité, 71, 214, 396, 409
exequatur, 368, 368, 369
expertise psychologique, 231
expression de l’enfant en justice, 354
F
famille d’accueil, 237, 385, 418, 420
faute de service, 146, 146, 147
faux témoignage, 251
filiation, 38, 82, 322, 339, 343, 357, 357, 357, 357, 359, 359, 361, 362, 363,
364, 366, 367, 367, 369, 381
formation des professionnels, 453, 453

G
garde alternée, 32, 32, 347
garde de l’enfant, 319, 345
géniteur, 358, 361, 362, 362, 363, 365
grands-parents, 60, 332, 349, 381

H
haute autorité de santé, 233, 241
homosexualité, 396

I
inceste, 342, 342, 343, 397
information à caractère secret, 95, 159, 170, 183, 183, 184, 184, 194, 194, 195,
195, 197, 197, 240
information préoccupante, 129, 201, 208, 209, 209, 253, 258, 259, 328, 372,
395, 409, 413, 417, 419, 421, 422, 441, 441, 442, 444, 444, 446, 447, 450,
451, 470, 470
instruction civique, 18, 19, 37
intégrité, 92, 102, 115, 149, 206, 266, 291, 305, 342, 414, 443, 445
interdiction de sortie du territoire, 432, 432, 432, 432, 479
intérêt de l’enfant, 259, 319, 325, 326, 349, 351, 372, 373, 378, 379, 380, 385,
411, 424, 428, 435
intérêt supérieur, 349, 416, 419
interruption temporaire de travail, 330
interruption volontaire de grossesse, 172, 399, 399, 401, 401, 401, 401, 440
intime conviction, 20, 210
intimité, 115, 180, 184, 185, 189, 285, 291, 291, 414, 463
irresponsabilité pénale, 70, 128, 215

J
jugement, 32, 43, 79, 79, 80, 347, 368, 369, 378
jurisprudence, 28, 28, 29, 30, 31, 31, 31, 32, 34, 80, 146, 166, 169, 213, 329,
331, 339, 347, 352, 394
juriste, 18, 25, 171, 440

L
laïcité, 92, 120, 168
liberté, 20, 20, 20, 21, 21, 21, 119, 119, 120, 120, 120, 121, 121, 127, 127, 157,
207, 212, 254, 308, 325, 327, 414
liberté d’autrui, 20, 21, 21
liberté d’expression, 92, 120, 121
lieu public, 124, 124, 145, 285
loi 2002-2 du 2 janvier 2002, 107, 110, 111, 117

M
main courante, 17, 18, 57, 58, 62, 62, 62, 62, 63, 63, 63, 64, 64, 374, 467, 471,
472
mainlevée, 326, 373
maison d’enfant à caractère social, 111, 111, 174
majorité pénale, 69, 69, 70
majorité sexuelle, 51, 342, 395, 395, 396, 397, 439
maltraitance, 57, 118, 185, 202, 211, 212, 409, 414, 414, 414, 416, 421, 422,
431, 437, 437, 438, 442, 445, 447, 460, 481
mandataire judiciaire à la protection des majeurs, 244
mariage, 31, 38, 39, 39, 60, 322, 326, 358, 364, 366, 367, 463, 479
médiation familiale, 481
médiation pénale, 472, 481
mesure d’assistance éducative, 215, 325, 325, 373, 383, 385, 409, 412, 421,
424, 424, 432, 470
mesure d’assistance éducative en milieu ouvert, 432
mesure éducative, 69
mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial, 425, 426
mesure judiciaire d’investigation éducative, 234, 235, 432
mineur non accompagné, 423, 423, 436
ministère public, 28, 49, 49, 56, 75, 76, 76, 213, 366, 378, 401, 404, 413
minorité, 46, 70, 71, 139, 140, 215, 325, 326, 343, 363, 364, 381, 409, 423,
423, 438, 483

N
nom de famille, 43, 343, 347, 348, 360, 364, 365, 412
nom patronymique, 343, 347
non-assistance à personne en danger, 177, 206, 208
non-assistance à personne en péril, 47, 206, 206, 392, 442
non-représentation d’enfant, 323, 345, 378

O
obligation alimentaire, 31, 43, 339, 339, 339, 363, 372, 374, 481
obligation de dénoncer les crimes et les criminels, 443
obligation de discrétion professionnelle, 34, 91, 92, 93, 94, 95, 103, 160, 161,
165
obligation de moyens, 129, 133, 144, 147, 147, 147, 148, 148, 199, 212, 291
obligation de signaler, 204, 437
obligation de soins, 340, 340
obligation d’instruction, 335, 335
obligation vaccinale, 340
officier de police judiciaire, 54, 55, 186, 210, 230, 271
opposition à la sortie du territoire, 432, 432
ordonnance de non-conciliation, 32
ordonnance d’éloignement, 40
ordonnance du 2 février 1945, 70, 214, 235, 409
origines personnelles, 360

P
pacte civil de solidarité, 218, 342, 359, 363, 477, 480
parquet, 28, 49, 55, 55, 56, 56, 64, 75, 75, 76, 76, 76, 129, 208, 208, 214, 400,
413
partage de l’information, 189, 189, 190, 193, 194, 196, 199
partie civile, 40, 56, 56, 59, 64, 64, 64, 64, 64, 65, 146, 160, 171, 226, 435, 436,
447, 467, 469, 483
peine complémentaire, 45, 439
peine de substitution, 45
peine principale, 45
pension alimentaire, 40, 47, 323, 339, 340
père de naissance, 358
personne de confiance, 389, 390
personne vulnérable, 47, 54, 54, 55, 129, 133, 145, 204, 209, 210, 214, 214,
214, 215, 215, 308, 331
placement, 211, 217, 335, 350, 365, 373, 383, 383, 383, 385, 421, 424, 425,
426, 426, 429, 432, 445
placement provisoire, 481
plainte, 17, 28, 40, 40, 40, 41, 41, 55, 55, 55, 55, 56, 56, 56, 57, 57, 57, 57, 58,
58, 58, 59, 62, 62, 63, 63, 63, 63, 64, 65, 145, 146, 150, 159, 171, 209, 209,
314, 374, 438, 438, 439, 447, 462, 465, 466, 466, 466, 466, 467, 467, 467,
468, 468, 468, 471, 471, 472, 478, 482, 483
préjudice, 37, 38, 38, 38, 64, 64, 77, 122, 137, 153, 159, 160, 234, 263, 271,
273, 286, 314, 416, 483, 483
prescription de l’action publique, 65, 65
présomption de paternité, 36, 358, 358
procédure civile, 28, 38, 38, 47, 60, 226, 229, 230, 231, 292, 321, 435, 478
procédure pénale, 28, 28, 38, 40, 46, 54, 55, 63, 71, 169, 209, 226, 229, 230,
440, 441, 446, 478, 478
propriété intellectuelle, 122, 313, 313, 313, 314, 315
protection de l’enfance, 39, 170, 193, 194, 407, 409, 409, 409, 412, 412, 413,
413, 415, 416, 416, 416, 417, 417, 417, 418, 418, 421, 423, 481
protection des majeurs, 76, 112, 193, 215, 216, 322, 470
protection des majeurs dits « vulnérables », 39
protection fonctionnelle, 147
protection jeune majeur, 429, 429, 430
protection judiciaire de la jeunesse, 94, 94, 94, 96, 112, 164, 232, 235, 240
protection maternelle et infantile, 93, 93, 97, 163, 236, 420, 420, 421
psychothérapeute, 89, 89, 89, 90, 91, 100, 192, 304
puissance paternelle, 36, 343, 344, 462

Q
quiconque, 205, 208, 211, 211, 430

R
rapport d’expertise psychologique, 227
recherche de maternité, 362
recherche de paternité, 362
recherche impliquant la personne humaine, 301, 301, 302, 302, 302, 302, 303,
303, 304
récidive, 46, 46, 48, 100, 233, 329
référé, 374, 472, 478
règlement général de la protection des données, 223, 240, 286
réitération, 46, 46, 46, 180
réparation, 36, 37, 38, 39, 43, 64, 77, 110, 122, 124, 138, 140, 157, 159, 211,
211, 321, 322, 472
représentant légal, 131, 132, 195, 195, 286, 345, 404, 423, 426, 435, 435, 435,
436, 436
résidence alternée, 32, 347, 378
résidence habituelle, 72, 73, 141, 319, 339, 347, 377, 386
résidence principale, 345, 346, 347, 377
respect d’autrui, 19
respect de la vie privée, 38, 43, 93, 98, 121, 121, 152, 155, 157, 157, 182, 198,
227, 229, 244, 246, 263, 283, 290, 291, 342, 378
responsabilité civile, 37, 38, 60, 73, 93, 122, 131, 132, 134, 137, 137, 137, 138,
138, 140, 141, 142, 142, 142, 143, 146, 146, 152, 198
responsabilité civile professionnelle, 60, 134, 139, 140, 143, 151, 151
responsabilité contractuelle, 38, 127
responsabilité disciplinaire, 92, 93, 93, 103, 137, 137, 152, 152, 152, 152, 153,
153, 153, 160, 161, 168, 209, 254
responsabilité éducative, 342
responsabilité pénale, 47, 54, 70, 72, 93, 132, 137, 140, 142, 143, 143, 143,
144, 145, 145, 145, 146, 152, 160, 211, 227, 263, 285, 292, 295, 311
retrait de l’autorité parentale, 372
révélation de l’information, 189, 201

S
sanction éducative, 71
sanction pénale, 71, 100, 335, 336, 337, 437
sauvegarde de justice, 41, 217, 217, 217, 244
sauvegarde médicale, 215, 217
secret médical, 179, 179, 179, 256
secret partagé, 115, 160, 170, 180, 185, 197, 200
secret professionnel, 92, 92, 92, 93, 94, 95, 97, 98, 152, 157, 159, 161, 161,
162, 162, 162, 163, 163, 163, 163, 164, 164, 164, 164, 165, 165, 167, 167,
168, 169, 170, 171, 171, 172, 172, 173, 173, 174, 174, 178, 179, 179, 181,
181, 183, 183, 184, 184, 184, 185, 187, 194, 195, 197, 198, 199, 200, 201,
207, 207, 210, 223, 236, 236, 240, 244, 246, 256, 256, 258, 261, 261, 263,
271, 271, 272, 290, 409, 417, 419, 421
séparation de corps, 358, 479
seuil d’intolérabilité, 22, 63, 63
signalement, 55, 55, 56, 63, 76, 129, 129, 145, 202, 202, 202, 202, 203, 208,
208, 208, 208, 209, 209, 209, 209, 209, 210, 211, 211, 211, 212, 258, 259,
372, 395, 409, 414, 421, 430, 437, 438, 438, 439, 440, 441, 441, 441, 441,
442, 442, 443, 443, 445, 445, 445, 445, 445, 446, 446, 446, 447, 447, 447,
448, 448, 450, 450, 451, 470, 470, 470, 470, 470, 470, 470, 483, 487
soins psychiatriques sans consentement, 215, 244, 375
subsidiarité, 413, 413, 413, 414

T
télépsychothérapie, 281
témoin, 65, 75, 75, 254, 442, 446
tiers digne de confiance, 369, 375, 375, 375, 432
titularisation, 96
travail d’intérêt général, 45, 71, 72
tutelle, 41, 41, 55, 76, 112, 118, 121, 123, 141, 208, 215, 216, 217, 217, 218,
218, 244, 286, 364, 367, 368, 426

U
unité médico-judiciaire, 58, 58, 232, 233, 468
usager, 19, 105, 107, 107, 107, 107, 113, 114, 114, 114, 253, 254, 264, 266,
266, 266, 266, 441

V
violence au sein du couple, 40, 56, 326, 416, 455, 457, 459, 459, 460, 465, 465,
467, 472, 480, 481, 485, 485, 487
violence éducative ordinaire, 328, 328, 329, 332
visioconsultation, 287, 290, 291
vulnérabilité, 63, 196, 209, 214, 214, 214, 214, 214, 215, 215, 409, 409
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Ouvrages utilisés
Code civil, Dalloz, 2019
Code de déontologie des psychologues, 2012
Code de l’action sociale et des familles, Dalloz, 2019
Code de la santé publique, Dalloz, 2019
Code de la sécurité sociale, Dalloz, 2019
Code de procédure civile, Dalloz, 2019
Code de procédure pénale, Dalloz, 2019
Code pénal, Dalloz, 2019

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