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P S Y C H O S U P

Sous la direction de
Gustave-Nicolas Fischer
et Cyril Tarquinio

Psychologie de la santé :
applications
et interventions
Illustration de couverture :
Franco Novati

©©Dunod,
Dunod, 2014
2014
5 rue Laromiguière, 75005 Paris
© Dunod, 2014
5 rue Laromiguière,
www.dunod.com 75005 Paris
5 rue www.dunod.com
Laromiguière, 75005 Paris
ISBN 978-2-10-070528-9
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-071979-2
ISBN 978-2-10-070528-9
Liste des auteurs
Ouvrage réalisé sous la direction de :

Gustave-Nicolas Fischer : Professeur honoraire de psychologie de la santé. Ancien directeur du


Laboratoire de Psychologie de Metz.

Cyril Tarquinio : Professeur de psychologie clinique et psychologie de la santé. Directeur de l’équipe


EPSAM/APEMAC EA 4360 de l’Université de Lorraine.

Avec la collaboration de :

Fanny Bassan, Psychologue, psychothérapeute à Thionville (57), Université de Lorraine EPSAM/


APEMAC EA 4360, Metz.

Marie-Jo Brennstuhl, Psychologue, docteur en Psychologie, Université de Lorraine EPSAM/APEMAC


EA 4360, Metz.

Bernard Cadet, Professeur de Psychologie, Centre d’Études et de Recherches sur les Risques et
Vulnérabilités (CERReV, EA 3918), Campus 1, Université de Caen-Basse-Normandie.

Odile Cantero, Maître de Conférences, Centre de recherches en psychologie de la santé, Université


de Lausanne, Lausanne.

Véronique Christophe, Professeur de psychologie sociale et de la santé, Université de Lille 3, unité de


recherches en sciences cognitives et affectives URECA EA 1059.

Marie-Lou Costantini, Maître de Conférences, Université de Lorraine EPSAM/APEMAC EA 4360, Metz.

Virginie Dodeler, Maître de Conférences, CRPCC, Université de Rennes 2, Rennes.

Gwenael Domenech-Dorca, INSERM U 1018, Paris.

Alain Giami, INSERM U 1018, Paris.

William Houlle, Psychologue, doctorant, Université de Lorraine EPSAM/APEMAC EA 4360, Metz.

Charles Martin Krumm, Maître de conférences (HDR) IFEPS Angers, CREAD EA 3875, ESPE Bretagne.

Jean-Marie Le Gall, Mission Innovation Recherche Expérimentation (Mire), AIDES.


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Coralie Mercerat, Doctorante, Université de Lausanne & Université du Québec à Montréal (UQAM).

Marion Mora, INSERM U912, SESSTIM, Marseille.

Emilie Moreau, INSERM U 1018, Paris.

Marie Préau, Professeur de psychologie de la santé, Groupe de Recherches en Psychologie Sociale


(EA 4163), Université Lumière-Lyon 2.

Anne-Christine Rat, Docteur en médecine, rhumatologue, Maître de Conférences, Université de


Lorraine, EPSAM/APEMAC EA 4360, Nancy.

Martine Regourd-Laizeau, Psychologue, docteur en psychologie, Université de Lorraine, EPSAM/


APEMAC EA 4360, Metz.
IV Psychologie de la santé : applications et interventions

Daniela Rojas-Catro, Groupe de Recherches en Psychologie Sociale (EA 4163), Université Lumière-
Lyon  2. Mission Innovation Recherche Expérimentation (MIRE).

Marie Santiago, Professeur de psychologie de la santé, Centre de recherches en psychologie de la


santé. Université de Lausanne, Lausanne.

Rebecca Shankland, Maître de Conférences en psychologie, Laboratoire Interuniversitaire de


Psychologie, Université Pierre Mendès-France, Grenoble.

Bruno Spire, Inserm U912, Sesstim, Marseille, Mission Innovation Recherche Expérimentation (Mire),
AIDES.

Lionel Strub, Psychologue, docteur en psychologie, Université de Lorraine, EPSAM/APEMAC EA


4360, Metz

Fanny Vallet, Post-doctorante en psychologie sociale de la santé, Université de Lille 3, unité de


recherches en sciences cognitives et affectives URECA EA 1059, Cancéropôle Nord-Ouest.

Anne Vuillemin, Professeur, Faculté du sport, Université de Lorraine, EPSAM/APEMAC EA 4360, Nancy.
Table des matières

Introduction 1

Partie 1
Aspects théoriques et méthodologiques des interventions

Chapitre 1 L’apport de la psychologie positive dans les démarches


de psychologie de la santé 11

1. Éléments théoriques 13
1.1 La psychologie positive, quelles définitions ? 13
1.2 La psychologie positive, quelles origines et pourquoi maintenant ? 14
1.3 La psychologie positive, quelles assises scientifiques ? 16
2. Champs et terrains d’application 17
2.1 Interventions au niveau de l’individu 17
2.2 Interventions au niveau des groupes : l’exemple de l’Appreciative Inquiry 21
2.3 Intervention au niveau des institutions 23
3. Perspectives pour la mise en œuvre 24
3.1 La psychothérapie positive 25
3.2 Le modèle VIA, vers une amélioration des qualités psychométriques
et un ajustement 27
3.3 Le programme « Comprehensive Soldier Fitness » (CSF) 27
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4. Conclusion : quelles limites et quelles perspectives ? 28

Chapitre 2 Les démarches d’éducation thérapeutique 35

1. Éléments théoriques 37
1.1 Définition, textes réglementaires 37
1.2 Modèles théoriques utilisés 38
2. Champs et terrains d’application 42

3. Perspectives pour la mise en œuvre 48

4. Conclusion 51
VI Psychologie de la santé : applications et interventions

Chapitre 3 L’activité physique pour préserver la santé 57

1. Introduction 59
2. Éléments théoriques 59
2.1 Bénéfices sur la santé associés à l’activité physique 60
2.2 Effets de la sédentarité sur la santé 62
2.3 Recommandations sur l’activité physique et la sédentarité 63
3. Champs et terrains d’application 64
3.1 La prescription de l’activité physique 64
3.2 Vers un parcours activité physique intégré au parcours de soins 68
3.3 Expériences de prescription de l’activité physique 69
4. Perspectives pour la mise en œuvre 69
4.1 Intégration d’un conseil en activité physique dans les soins primaires 69
4.2 Place du médecin dans la promotion de l’activité physique 70
4.3 Barrières ou freins à la prescription 71
4.4 Justification de la place des professionnels
en activité physique adaptée (APA) 71
5. Conclusion 72

Chapitre 4 Le conseil en santé sexuelle 83

1. Introduction 85
2. La santé sexuelle 86
2.1 Le concept de santé sexuelle 86
2.2 Les principes opérationnels de la santé sexuelle 88
3. Éléments théoriques : contexte, définition et contours de la notion
de conseil en santé sexuelle 89
3.1 Le conseil : une forme d’écoute clinique 89
3.2 Le conseil : une dimension de la relation d’aide 90
3.3 Les spécificités du conseil en santé sexuelle 90
3.4 Le modèle du « Brief Sexuality Communication » 92
4. Champs et terrains d’application 93
4.1 Le conseil en santé sexuelle dans le cadre du travail infirmier
dans le champ du cancer 93
Table des matières VII

4.2 Le conseil en santé sexuelle dans le cadre de groupes


de parole de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) 98
5. Discussion et perspectives 102
5.1 La santé sexuelle 103
5.2 Les droits sexuels 104
5.3 Le conseil en santé sexuelle selon la WAS (2008) 104

Chapitre 5 Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 109

1. Introduction 111
2. Éléments théoriques 111
2.1 Définitions 111
2.2 Éléments de psychothérapie 112
2.3 Introduction à certaines interventions psychothérapeutiques 113
2.4 Vécu de la maladie 116
2.5 Facteurs de risque et comorbidité dans les maladies chroniques 117
2.6 Interventions psychothérapeutiques dans le cadre
de maladies chroniques 118
3. Champs et terrains d’application 122
3.1 Interventions complexes et essais randomisés contrôlés 123
3.2 Vers de nouvelles formes d’évaluation des systèmes complexes 129
4. Perspectives pour la mise en œuvre 136
4.1 Débuter une intervention psychothérapeutique :
l’importance de l’anamnèse 136
4.2 Réflexions sur la structure de l’intervention 138
4.3 Le patient, le thérapeute et l’alliance thérapeutique 139
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5. Conclusion 140

Chapitre 6 Quelle place pour les recherches interventionnelles


en prévention du VIH, enjeux théoriques et méthodologiques
pour la psychologie sociale de la santé 149

1. Éléments théoriques 151


1.1 Infection par le VIH : des données épidémiologiques
aux actions de santé publique 151
VIII Psychologie de la santé : applications et interventions

1.2 L’évolution des paradigmes de prévention : de la prise de risque


à la réduction des risques 151
1.3 De l’approche communautaire à la recherche communautaire 155
1.4 Un nouvel outil de réduction des risques : l’accès rapide au dépistage 156
2. Le champ de la prévention du VIH/sida 158
2.1 La recherche ANRS-DRAG 158
2.2 Une intervention en milieu communautaire 158
2.3 Les enjeux de la mise en œuvre : l’analyse d’implantation 161
2.4 Des résultats probants aux données éclairantes sur les conditions
d’implantation 162
3. Conclusion 164

Partie 2
Les principaux domaines et terrains d’application

Chapitre 7 Comportements alimentaires et interventions préventives 173

1. Introduction 175
1.1 Un problème majeur de santé publique 175
1.2 La prévention des deux extrêmes 175
2. Éléments théoriques 176
2.1 Pressions culturelles et sociales 177
2.2 Modèles de compréhension 178
2.3 Modèles de prévention 181
3. Champs et terrains d’application 183
3.1 Évolution de la prévention des troubles des conduites alimentaires 183
3.2 La communication préventive 185
4. Perspectives pour la mise en œuvre 187
4.1 De la prévention des problématiques alimentaires
à la promotion de la santé 187
4.2 Risques et limites des interventions préventives 188
4.3 Pistes pour la communication préventive 188
Table des matières IX

Chapitre 8 Le cancer comme champ d’intervention psychosociale 195

1. Introduction 197
2. Quelques éléments contextuels et méthodologiques 197
2.1 L’exemple du dépistage des cancers 199
2.2 La question de l’ajustement face au cancer 201
3. Champs et terrains d’application 204
3.1 Un programme d’accompagnateur au dépistage du cancer colorectal
dans un centre de santé communautaire 204
3.2 Intervention complexe dans le cadre de l’amélioration
de la qualité de vie de femmes atteintes d’un cancer du sein 206
4. Conclusion 212

Chapitre 9 Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé


et de la maladie 219

1. Introduction 221
2. Éléments théoriques 222
2.1 Options retenues pour le traitement des CRPS 222
2.2 Repères sémantiques et conceptuels 223
2.3 Les conduites à risque pour la santé : caractéristiques théoriques 224
2.4 Repères paradigmatiques : la distinction comportements
à risque et conduites à risque 225
2.5 Le principe de compatibilité : une exigence majeure 226
2.6 Les propriétés saillantes des CRPS 226
2.7 Évaluation des risques pour la santé à partir des valeurs personnelles 226
2.8 Évaluation des conduites à risque pour la santé : apports des théories 228
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3. Champs et terrains d’application 230


3.1 Les CRPS sous l’angle nosographique 230
3.2 La recherche d’un critère opérationnel 231
3.3 Les références sociales, culturelles et groupales
comme processus régulateurs 231
3.4 Les CRPS comme entités observables et « déconstructibles » 233
3.5 Études de terrain numéro 1 et 2 : la dynamique
des risques à l’adolescence et ses effets 233
3.6 Étude de terrain 3 238
X Psychologie de la santé : applications et interventions

4. Perspectives pour la mise en œuvre 240


4.1 La démarche conjonctive de qualité 240
4.2 Les obstacles et les écueils 241
4.3 L’évaluation et la mesure des conduites : deux étapes essentielles 242
4.4 La validité des questionnaires de dépistage/filtrage 242
4.5 Les démarches diagnostiques 243
4.6 Des états à la dimension 244
4.7 Prévention des CRPS 245
5. Conclusion prospective 247

Chapitre 10 Traitement de la douleur et aide psychologique 257

1. Éléments théoriques 259


1.1 Qu’est-ce que la douleur ? 259
1.2 Quels sont les mécanismes de la douleur ? 261
1.3 La douleur apparaît-elle toujours seule ? 264
2. Champs et terrains d’application 266
2.1 Thérapies cognitivo-comportementales (TCC) 266
2.2 EMDR 269
3. Perspectives de mise en œuvre 271
3.1 Objectifs de l’évaluation psychologique 272
3.2 Grille d’entretien 272
3.3 « Feuille de route » du praticien 273

Chapitre 11 Psychologie communautaire et psychologie communautaire de la santé 279

1. Origines et fondements théoriques 281


1.1 Origines et définitions 281
1.2 Principes et valeurs actuels 283
1.3 Proximité entre psychologie communautaire
et psychologie critique de la santé 285
2. Terrain d’application à propos de deux recherches
en psychologie communautaire 286
2.1 Remettre en question les stigmatisations des travailleuses du sexe
à Calcutta : contexte matériel et changements symboliques
(Cornish, 2006) 287
Table des matières XI

2.2 Besoins en santé de la communauté sourde : adaptations


méthodologiques et engagement communautaire (Cantero, 2013) 289
3. Champs d’action communautaires 292
3.1 Rôles et méthodes d’intervention communautaire des psychologues 292
4. Conclusion 294

Chapitre 12 Concevoir des centres de soins propices à la guérison :


apports de la psychologie de l’environnement 299

1. Introduction 301
2. Éléments théoriques : caractéristiques physiques
des espaces hospitaliers et santé des patients 302
2.1 Les facteurs d’ambiance 303
2.2 Le contrôle 304
2.3 Privacité et espace personnel 305
2.4 Les distractions positives 305
2.5 Les éléments naturels 306
2.6 Le wayfinding 307
3. Champs et terrains d’application 308
4. Perspectives pour la mise en œuvre 313
5. Conclusion 316

Index des notions 323


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Introduction

Le Traité de psychologie de la santé (Fischer, 2002), ainsi que l’ouvrage les Concepts fondamentaux de
la psychologie de la santé (Fischer et Tarquinio, 2006), ont présenté les principaux thèmes, les modèles
et les méthodes de ce nouveau domaine de la psychologie, en vue de leur utilisation dans le cadre
des programmes universitaires dans cette nouvelle discipline.
Le présent ouvrage porte sur les diverses applications et les domaines d’intervention de la psycho-
logie de la santé. Il est conçu comme le volet pratique des précédents avec, en particulier la présen-
tation des travaux de terrain et les interventions préconisées par la psychologie de la santé.
En effet, les orientations actuelles de la psychologie de la santé sont des orientations pratiques
centrées sur des programmes d’actions ou d’intervention issue des savoirs théoriques et des modèles
méthodologiques de cette spécialité.
Ces diverses actions ont pour objectif, d’une part, d’améliorer la qualité de vie des personnes
malades en vue de réduire divers impacts négatifs et, d’autre part, d’intervenir en amont en vue de
prévenir certains risques de santé en préconisant le développement de comportements sains.
Dans le cadre des interventions en psychologie de la santé, un élément souvent crucial est celui
du comportement des personnes concernées face aux actions de changement préconisé ; il pose en
particulier la question de la mobilisation des ressources personnelles et/ou sociales par rapport aux
objectifs souhaités.
L’analyse des diverses formes de réponses aux démarches d’intervention montre l’importance
de l’adaptation et de ses dimensions dynamiques et complexes quant à la capacité de changement
psychologique dans de telles situations. De nombreuses actions de changement dans le domaine de
la psychologie de la santé s’articulent ainsi autour de la problématique et des processus d’adaptation.
On peut, en effet, se demander ce qu’est une intervention en psychologie de la santé et en quoi
elle se distingue des autres approches ? Un ouvrage récent dirigé par Moïra Mikolajczak (2013) est
consacré aux interventions en psychologie de la santé. Bien que proposant plusieurs illustrations
dans le domaine, cet ouvrage ne donne pas clairement, s’il en est, les bases et les contours de ce type
d’entreprise. On pourrait ne pas poser la question et considérer que le champ de la psychologie de
la santé se suffit à lui-même pour configurer la nature même de ce type d’interventions. Peut-être la
psychologie de la santé est-elle une discipline appliquée et son questionnement fondamental n’a‑t‑il
qu’une seule finalité, la critique du modèle biomédical pour une ouverture plus heuristique ? Le
texte fondateur d’Engel (1977) proposait d’ailleurs de dépasser ce modèle et de le complexifier par
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une prise en compte des facteurs sociaux et psychologiques qui influençaient la santé et la maladie.
D’une approche biomédicale trop restrictive, il fallait de toute urgence passer à une intégration
bio-psycho-sociale. Tous les psychologues de la santé sans exception se retrouvent dans une telle
posture épistémique. C’est dans la mise en œuvre que les problèmes vont se poser faisant alors
ressurgir les radicalismes idéologiques et historiques de la psychologie (stigmatisation de telle ou
telle approche ou méthode).
À vrai dire, les travaux de la psychologie de la santé font l’objet de nombreuses critiques portant
aussi bien sur les méthodes (évitement de la prise en compte du contexte, suppression de la flexibilité
des modèles, exclusion des vécus concrets, etc.) que sur les postulats épistémologiques et théoriques
(mise au service de la médicalisation et de l’individualisme de notre société, exclusion du sens du
projet humain, etc.). En effet, on ne peut que s’étonner de cet engagement de la psychologie de la
santé dans une volonté de faire science, à tout prix et en tout temps, quitte à faire l’économie de la
complexité pour la rationalité de dispositifs d’investigation qui œuvrent dans une réalité épurée et
2 Psychologie de la santé : applications et interventions

à des années-lumière de ce que vivent les sujets dont il est question. Il ne s’agit pas de renoncer aux
rigueurs qu’imposent certaines méthodologies, mais de les compléter par une compréhension et
une prise en compte de la complexité des paramètres. La recherche est pleine d’études rondement
menées, respectueuses des canons méthodologiques en vogue. A contrario, les études de terrain (moins
rigoureuses sur le plan méthodologique, mais plus heuristiques quant à la portée des informations
qu’elles convoquent), se lisent plus rarement dans les revues spécialisées. Prenons par exemple les
comportements d’addiction : tabac, alcool, drogue… La tâche de la psychologie de la santé est à
cet égard de chercher pourquoi et comment se développent de tels comportements, comment se
construisent les représentations relatives à la santé et à la maladie et comment elles agissent sur les
utilisateurs. Concernant les mesures à utiliser, une des préconisations de la psychologie de la santé
est de chercher à identifier quelles attitudes seraient de nature à faire naître des comportements
désirables en vue de promouvoir des changements dans ces domaines.
Par rapport à de telles approches, les critiques sont toujours les mêmes et confinent parfois au
ridicule notamment lorsque l’on tente de comprendre ce qui se joue dans des contextes naturels où
il est impossible de randomiser et aberrant de réduire la complexité des conduites à la réponse à tel
ou tel questionnaire. La cohérence du dispositif méthodologique est la règle, au prix du sens et de la
portée des résultats obtenus. Certes ces résultats servent les chercheurs et leurs publications ce qui est
une bonne chose. Mais l’intervention en psychologie de la santé ne doit pas servir ce seul et réducteur
objectif. Il s’agit sur le terrain d’interroger des pratiques complexes portant sur des situations vécues
dans des contextes d’un particularisme parfois déconcertant et dans lesquelles les méthodes doivent
se plier et s’ajuster aux contraintes de terrain, et non d’avoir une posture inverse où il s’agirait de
modifier le terrain pour l’adapter aux méthodes… Santiago (2012), dans une critique acerbe mais
juste de certaines orientations de la psychologie de la santé, parle de « petite psychologie », suivant
le terme de Pignarre (2006), ancrée sur des « petites études par questionnaires » et fondée sur une
méthodolâtrie (Bruner, 1990) a-contextualisée. Par « petite psychologie », Marie Santiago entend ici
« une tendance qui prétend réduire la complexité du monde aux seules explications psychologiques,
en diffractant le sujet en facteurs isolés de son contexte et de son développement. Ces réduction-
nismes biologique et méthodologique a-théorique “figent” les soins, leur sens et l’organisation de
leur prise en charge dans une “normativité” hors vivant (Canguillem, 1966). Hors vivant parce que
privée du sens, de l’évolution permanente et du contexte qui fondent la vie humaine ».
Nous ne partageons pour autant pas cette distinction qui est faite entre petite et grande psycho-
logie. Il nous semble en revanche qu’une réflexion s’impose et qu’il conviendrait de la clarifier
notamment en ce qui concerne la configuration des interventions en psychologie de la santé.
Quel est alors le fondement d’une intervention en psychologie de la santé ? Il faut d’abord
souligner que la santé n’est pas un objet à proprement parler, mais une configuration de processus
interdépendants et interagissant à des niveaux divers et dont la finalité est de créer un équilibre
global par rapport à une façon de vivre et dont les dysfonctionnements peuvent constituer des
risques de maladies.
Certes, il y a les objets que sont la santé et la maladie qui pourraient être en soi une spécificité. En
effet, envisager des conduites de santé comme l’observance thérapeutique, optimiser les dispositifs
d’éducation thérapeutique, comprendre les impacts de la maladie pour les malades, ainsi que pour
leur famille ne sont pas des thématiques triviales. En tout cas, on admettra aisément, que ces travaux
se distinguent par leur implication, d’autres consacrés à l’avis des étudiants en psychologie ou leurs
expectations dans telles ou telles situations simulées et scénarisées. Les objets santé et maladie, nous
confrontent sans doute à un niveau de responsabilité nouveau, parce que les résultats obtenus ont,
dans la plupart des cas, des effets, en ceci qu’ils peuvent conduire à de nouvelles préconisations ou de
nouvelles orientations concernant l’accueil, l’orientation ou la prise en charge des malades. Ainsi, on
Introduction 3

peut considérer que les objets de la psychologie sont en soi les porteurs non seulement d’une identité
qui fonde le cadre et le contexte de l’intervention, mais aussi d’une responsabilité particulière, du
fait même de ces effets sur la promotion de la santé ou la prise en charge de la maladie par exemple.
La spécificité de l’intervention en psychologie de la santé peut-elle se définir au regard des
méthodes utilisées ? Ici encore, il est difficile de répondre par l’affirmative car les méthodes d’inves-
tigations et de recherche restent fondamentalement celles de la discipline, qu’il s’agisse d’approches
qualitatives (techniques d’entretiens, observations…), quantitatives (expérimentations, enquêtes…)
ou mixtes.
Reste les théories ! Rappelons que la psychologie de la santé fait appel à de nombreuses disciplines
(psycho-neuro-immunologie, psychosomatique, psychodynamique, hygiène, traumatologie, toxico-
logie, psychopharmacologie, etc.), mais au sein même de la psychologie elle convoque aisément les
savoirs de la psychologie clinique, de la psychologie sociale, de la psychologie de l’environnement
de la psychologie cognitive ou de la psychologie de la personnalité. Son intérêt est d’identifier les
dimensions sociales, psychologiques et leurs répercussions biologiques, de manière à aider l’individu
à trouver en lui et autour de lui des ressources pour faire face à la maladie et à adopter des compor-
tements préventifs. Elle peut inclure une dimension épidémiologie, en étudiant certains facteurs
individuels, sociaux, psychoaffectifs et d’environnement matériel, en jeu dans l’apparition et le
développement des épidémies et pandémies.
La psychologie de la santé ne peut donc pas être réduite à un schéma fondé sur des théories
que l’on chercherait à appliquer à des situations diverses. La psychologie de la santé est aussi une
intervention dans le sens d’une pratique. Et en tant que pratique, elle a à étudier les domaines
concrets dans lesquels se posent des problèmes complexes de santé, pour identifier les facteurs
psychologiques et sociaux qui interviennent, en déterminant leur prévenance relative, ainsi que
leurs relations mutuelles. Cela indique que la pratique de terrain confronte le psychologue de la
santé à des réalités extrêmement complexes qui ne peuvent être à proprement parler comprises, ni
intégrables à des théories. Il s’agit donc de recueillir des données concrètes mais complexes, pour
les traiter avec des méthodes rigoureuses, ce qui bien souvent nécessite l’élaboration de nouvelles
techniques et l’adaptation des méthodes de recherche validée scientifiquement. Dans cette perspec-
tive, une intervention en psychologie de la santé pourrait se configurer en termes d’ingénierie et de
prise en compte de la complexité.
L’ingénierie psychologique dans le domaine de la santé peut se définir comme un ensemble de
méthodes et de compétences qui visent à aider des psychologues, des associations, des usagers, des
institutions, des services publics, des hôpitaux ou des services hospitaliers à conduire des actions
permettant d’améliorer, de maintenir, les conduites de santé ou de potentialiser le changement et
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’adaptation chez les personnes malades quels que soient leur situation de vie et le stade de déve-
loppement de leur maladie. L’ingénierie en psychologie de la santé pourrait s’envisager comme un
processus (psychosocial, clinique…) de changement portant autant sur des dispositifs institution-
nels ou relationnels en vue de préconiser des formes d’actions nouvelles, que sur le changement
des comportements de santé. Elle naît à partir du moment où l’on essaie, à la fois, de formaliser les
innovations conduites par les acteurs de terrain et d’opérationnaliser les avancées les plus récentes
des différents savoirs et théories, c’est-à-dire quand on essaie de tenir les deux bouts (et non pas un
au détriment de l’autre) du dispositif. Précisons d’emblée qu’une telle conception de l’intervention
en psychologie de la santé peut s’inscrire dans tous les champs de la psychologie, qu’il s’agisse de
la psychologie sociale ou de la psychologie clinique par exemple. Ce qui compte étant de convo-
quer les cadres référents théoriques et les méthodes les plus indiqués au regard de la situation qu’il
convient d’envisager et de traiter.
4 Psychologie de la santé : applications et interventions

On peut distinguer au moins quatre grandes phases propres à cette démarche d’ingénierie que
sont l’analyse, la conception, la réalisation et l’évaluation.

•  L’analyse : il s’agit ici d’analyse des besoins d’intervention. L’un des enjeux consiste à faire
émerger une demande parfois, sous-jacente et de la faire préciser. Toute demande s’inscrit dans
une histoire, c’est pourquoi l’analyse de la demande consiste en une prise de connaissance
du problème, de son contexte spécifique et global, des acteurs impliqués et concernés par le
problème ou le projet. Identifier le problème qui motive la demande est la première étape. Il faut
le décrire à partir des informations obtenues (leur origine, contexte, etc.). Il faut ensuite décrire
le cadre organisationnel, identifier les acteurs concernés et leurs positions, opinions par rapport
au problème ou au projet d’intervention. L’analyse de la demande consiste à trier, organiser les
éléments recueillis au cours des entretiens menés auprès des acteurs, au cours d’une analyse
de documents (internes, dossiers, rapports, littérature), d’observations ouvertes réalisées sur le
terrain. L’analyse conduit à une reformulation en termes d’objectifs opérationnels.

•  La conception : cette étape doit permettre d’imaginer des dispositifs innovants, de créer des
actions spécifiques et adaptées à l’environnement. Cette étape, et les différents éléments de
réflexion et de construction, est négociée avec le commanditaire par le biais d’avant-projets.
Il s’agit pour le psychologue de la santé d’expérimenter, d’imaginer des dispositifs innovants
ou spécifiques, de proposer des réponses adaptées, de formuler les objectifs, d’expérimenter,
d’accompagner les décisions, de planifier et coordonner le projet. Le lien avec l’état de l’art est
à ce stade essentiel, car il est impossible d’argumenter d’une posture de terrain sans la référer
clairement non seulement à un ou plusieurs champs théoriques, mais aussi à l’état du savoir
en ce qui concerne le domaine sur lequel porte l’intervention.

•  La réalisation : il s’agit ici de concevoir et de formaliser le projet d’intervention avant sa mise


en œuvre. Toutes les méthodologies et tous les outillages de la psychologie de la santé sont
alors à la disposition du psychologue. Il ne peut et ne doit pas faire l’économie d’une approche
pour l’autre et il essayera dans la mesure du possible de s’inscrire dans une approche éclectique.
L’approche éclectique préconise de décloisonner les différentes techniques, pour mieux adapter
la prise en charge ou la mise en place de dispositifs. Dans cette perspective, les références théo-
riques passent au second plan. L’éclectisme n’est pas une nouvelle technique, mais une nouvelle
manière de concevoir la pratique. Cette phase établit la relation entre ce qui est souhaité et ce
qui peut ou doit être réalisé (partenariats et/ou les collaborations, recrutement, mobilisation et
animation d’une équipe pluridisciplinaire, coordination, ajustement aux buts…).

•  L’évaluation : l’évaluation peut être tournée vers les personnes, le groupe, les objectifs ou vers le
dispositif. L’évaluation peut être qualitative et/ou quantitative. L’évaluation permet la compa-
raison ou la confrontation entre les résultats attendus ou prévus et ceux effectivement atteints,
en cours ou en fin de formation.
En ce qui concerne la prise en compte de la complexité celle-ci sera toujours multiréférentielle.
La réalité, la situation, le phénomène complexe seront observés, regardés, écoutés, entendus, décrits,
en fonction d’optiques et de systèmes de références différents, acceptés comme définitivement irré-
ductibles les uns aux autres, et nécessairement traduits par des langages distincts, supposant donc
requise par un tel travail la capacité d’être polyglotte. Le psychologue de la santé doit être capable
de parler les nombreuses langues de la psychologie, même s’il peut être plus à l’aise avec certaines
plutôt qu’avec d’autres, il pourra grâce à une telle posture saisir des différents aspects des phéno-
mènes (s’il n’en est pas capable, il pourra se doter de compétences complémentaires en travaillant
en réseau). Une telle démarche n’est pas sans difficultés au contraire, elle impose une dialectique
théorique autant que pratique et méthodologique et la contradiction qui pourrait provenir de ces
Introduction 5

confrontations devient la matière même du réel sur lequel il conviendra d’investiguer pour ne pas
passer à côté de l’objet. C’est en cela que la méthode et les théories doivent se plier aux courbures du
terrain. Une ingénierie en psychologie de la santé, peut s’inscrire dans l’un des différents courants
de la psychologie de la santé. Y compris en psychologie clinique.
La démarche proposée ne renie en rien les fondements et les approches de cette orientation trop
souvent négligée dans ce domaine. L’aspect clinique est un point d’articulation essentiel entre théorie
et pratique en psychologie de la santé. La prise en compte de cette dimension est intimement liée
à son rôle d’aide, d’accompagnement, de prise en charge et de changement des comportements de
santé. Dans ces conditions, la psychologie de la santé est aussi une pratique clinique, de la même
manière que la psychologie clinique est une pratique de santé. L’objet de la psychologie clinique
est le fonctionnement psychique de l’humain individuel normal et/ou pathologique grâce notam-
ment à l’étude du cas singulier et à sa démarche interprétative qui consiste à replacer et à expliquer
les conduites individuelles à la lumière d’un contact global, y compris relatif à l’histoire du sujet.
À cet égard, la plus-value d’une ingénierie qui intégrerait l’idée d’une méthode clinique, serait de
prendre en compte ce qui se joue entre le sujet et le clinicien. C’est là une dimension essentielle
qui confronte non seulement le patient ou le sujet à ces motivations et à son système défensif, mais
aussi le psychologue lui-même qui ne peut faire l’économie de ces dimensions.
Dans le cadre de cet ouvrage, la question de l’adaptation et, notamment, les liens entre adaptation
et changement seront considérés comme une grille de lecture à travers la diversité des approches qui
permettra ainsi d’éclairer l’articulation des pratiques de recherche, de diagnostic et d’intervention
proprement dite. Par ailleurs, la diversité des expériences présentées ici, qui réunit des pratiques
de chercheurs français et étrangers, spécialisés dans un domaine d’application de la psychologie de
la santé, montre aussi l’éventail très large des terrains d’expérimentation. L’ensemble des données
réunies en fait un ouvrage collectif qui rassemble les travaux de treize chercheurs français et étrangers
et illustre le caractère ouvert et fécond des domaines d’application de la psychologie de la santé.
L’ouvrage est organisé en deux grandes parties distinctes : la première présente un aperçu des
aspects théoriques et méthodologiques des interventions qui apportera un éclairage diversifié sur
ce champ complexe ; la seconde partie portera plus directement sur les principaux domaines et
terrains d’application.
Chaque chapitre est organisé en trois volets distincts afin d’apporter les données concrètes dans
les divers champs d’intervention présentés. Ces trois volets sont les suivants :

•  Le premier donne un aperçu général des principaux éléments théoriques relatifs aux domaines
traités, afin de saisir les fondements et le cadre dans lequel se déroule l’intervention.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

•  Le deuxième traitera une ou plusieurs expériences et/ou interventions concrètes décrites de


façon précise en montrant en particulier le caractère opérationnel de la démarche utilisée.

•  Le troisième volet portera sur les ouvertures apportées par la pratique de terrain en question,
et ceci, en dégageant des orientations, des préconisations et des conseils à suivre, sous forme
d’indications opérationnelles servant de base à des dispositifs similaires à mettre en œuvre
dans des contextes identiques.
Enfin, chaque chapitre se terminera par une synthèse succincte portant sur quatre notions
essentielles développées dans le chapitre et qui formeront les points clés à retenir par rapport à
l’intervention.
6 Psychologie de la santé : applications et interventions

Le premier chapitre traitera de l’apport de la psychologie positive dans les démarches de psycho-
logie de la santé. Charles Martin-Krumm et Martine Laizeau, après avoir défini ce qu’est la psycho-
logie positive, tenterons de montrer en quoi cette approche novatrice peut être une contribution
dans le domaine de la santé.
Dans le deuxième chapitre, Anne Christine Rat envisagera la question de l’éducation thérapeu-
tique qui depuis ces dernières années fait l’objet d’un intérêt croissant et qui est et sera à l’avenir
un terrain d’intervention majeur pour les psychologues de la santé qui ont sous-investi ce domaine
tant du point de vue de la pratique clinique que du point de vue de la recherche.
Dans le troisième chapitre, Anne Vuillemin traitera de l’activité physique comme déterminant
important de la santé globale. Cette dimension souvent oubliée revient en force et mérite d’être
envisagée quand c’est possible dans les interventions en santé.
Le chapitre 4 d’Alain Giami, Émilie Moreau et Gwenaël Domenech-Dorca nous proposera une
ouverture sur une dimension souvent négligée en psychologie de la santé et plus largement chez
les malades : la santé sexuelle. Ce chapitre se situe sur le versant des interventions psycho-sociolo-
giques en santé sexuelle définies comme des activités de conseil ou de counseling. Ces interventions
concernent principalement les « difficultés » et les « problèmes » liés à la sexualité, mais n’excluent
pas pour autant les « troubles » et les « dysfonctions » sexuels dans une approche permettant
d’écouter les difficultés voire même les souffrances des personnes avant de les orienter, le cas échéant
et lorsque cela est possible, vers des soins plus appropriés relevant alors de la médecine sexuelle ou
de la psycho-sexologie.
Dans le chapitre 5, William Houllé et l’équipe de psychologie de la santé de l’université de
Lorraine envisageront la question de la prise en charge psychothérapeutique en psychologie de la
santé. Parent pauvre de la psychologie de la santé, cet aspect des choses relève clairement d’une
intervention que le psychologue de la santé doit pouvoir promouvoir dans le cadre de son action.
C’est dans le domaine de la recherche interventionnelle en prévention du VIH que Marie Préau et
ses collègues nous amènerons. Leur texte visera à illustrer la pertinence d’un ancrage théorique en
psychologie sociale et de la santé ainsi que l’intérêt d’une triangulation méthodologique afin de
répondre aux différentes problématiques de ce type de recherche.
Le chapitre 6 de Marie Préau nous proposera d’illustrer la question de la prévention du VIH à
travers les modèles théoriques de la psychologie de la santé.
Le chapitre 7 de Rebecca Shankland traitera des comportements alimentaires et des interventions
préventives mobilisables dans ce domaine. Ce chapitre présentera les modèles théoriques sur lesquels
ce type d’intervention se fonde, et donnera des exemples de programmes de prévention efficaces.
Le huitième chapitre de Fanny Vallet et Véronique Christophe nous proposera une réflexion et
une illustration d’intervention dans le domaine du cancer.
Bernard Cadet traitera au chapitre 9 le problème plus général mais au combien important des
conduites à risque pour la santé, qu’il s’agira d’envisager à la lumière de certains modèles théoriques
et des interventions qui peuvent être envisagées pour les limiter.
Marie-Jo Brennstuhl et l’équipe EPSAM/APEMAC de Metz présenteront au chapitre 10 le domaine
si particulier de la douleur chronique qui intéresse de près les sciences médicales et les psychologues.
Après une précision conceptuelle, les auteurs illustreront les expériences menées dans le domaine
pour apporter des réponses aux malades concernés par ce problème.
Odile Cantero, Corale Mercerat et Marie Santiago aborderont au chapitre 11 la question de la
psychologie communautaire en lien avec la santé. Un bref historique et les fondements théoriques
majeurs de la psychologie communautaire et de la psychologie critique de la santé seront exposés
Introduction 7

dans la première partie. Pour ensuite ouvrir sur une présentation d’interventions concrètes ainsi
que de guides pour l’action.
Le dernier chapitre enfin de Virginie Dodeler, aura pour objectif d’apporter aux lecteurs des
éléments de compréhension sur la façon dont les hôpitaux peuvent être conçus comme des envi-
ronnements propices à la guérison, sur les apports de la psychologie de l’environnement dans ce
domaine.
En raison de cette orientation applicative et des contenus développés, cet ouvrage constitue un
outil scientifique et pratique qui s’adresse d’abord aux étudiants inscrits en Master de psychologie
de la santé et qui leur est utile pour approfondir leur compréhension des méthodologies à partir
d’exemples d’intervention en psychologie de la santé.
Ensuite, il s’agit plus largement d’un outil de travail pour les chercheurs et les divers praticiens
en psychologie de la santé qui pourront s’appuyer utilement sur de tels travaux dans le cadre de
leur propre démarche.
Il s’agit donc d’un ouvrage qui comble une lacune dans la formation des psychologues de la santé,
en offrant à la fois des ouvertures en termes de méthodologie et de pratiques de terrain.
De façon plus large, cet ouvrage répond enfin au souci de voir se développer de manière plus
audacieuse les enseignements et les applications de la psychologie de la santé dans les programmes
universitaires de psychologie en France.

Lectures conseillées
Bruner J. (1990). Car la culture donne forme à l’esprit, de la révolution cognitive à la
psychologie culturelle, Paris, ESHEL.
Canguilhem, G. (1966). Le normal et le pathologique, Paris, Puf.
Engel G. (1977). « The need for a new medical model : a challenge for biomedicine » ;
Science 196 (4286), 129-136.
Fischer, G.N. & Tarquino, C. (2006). Les concepts fondamentaux de la psychologie de la
santé, Paris, Dunod.
Fischer, G.N. (2002). Traité de psychologie de la santé, Paris, Dunod.
Mokolajczak, M. (2013). Les interventions en psychologie de la santé, Paris, Dunod.
Pignarre, P. (2006). Les malheurs des psys, psychotropes et médicaments du social, Paris,
La Découverte.
Santiago-Delfosse M. (2012). « Approches (critiques) actuelles dans la psychologie
anglo-saxonne », Bulletin de Psychologie 521, 403-405.
1
rt

Pa
ie

ASPECTS THÉORIQUES
ET MÉTHODOLOGIQUES
DES INTERVENTIONS
1
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L’APPORT
DE LA PSYCHOLOGIE POSITIVE
DANS LES DÉMARCHES
DE PSYCHOLOGIE
DE LA SANTÉ1

1.  Par Charles Martin-Krumm, APEMAC, IFEPS Angers, CREAD – EA 3875 – ESPE de Bretagne à Rennes et Martine Regourd-
Laizeau, APEMAC – Université de Lorraine,Metz.
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Introduction............................................................................................................... 1
1. Éléments théoriques.............................................................................................. 13
2. Champs et terrains d’application.......................................................................... 17
3. Perspectives pour la mise en œuvre..................................................................... 24
4. Conclusion : quelles limites et quelles perspectives ?......................................... 28
Bibliographie.............................................................................................................. 30
L’apport de la psychologie positive dans les démarches de psychologie de la santé 13

Souvent critiquée, parfois attendue comme porteuse de solutions miracles, la psychologie posi-
tive offre potentiellement des alternatives en termes d’apports dans les démarches de psychologie
de la santé. Ce courant fait l’objet de nombreuses publications en français (e. g., Lecomte, 2009 ;
Martin-Krumm et Tarquinio, 2011 ; Boniwell, 2012 ; Shankland, 2014), et plus spécifiquement dans
les domaines de la santé (e. g., Mehran, 2010) ou du travail (e. g., Cottraux, 2012 ; Martin-Krumm,
Tarquinio, et Shaar, 2013). Il fait aussi l’objet de manifestations scientifiques (e. g., congrès de Metz,
les 21 et 22 novembre 2013) ou d’émissions télévisées qui attestent du dynamisme qu’il suscite,
de la volonté de le faire connaître et, surtout, de son actualité. Dès lors que des alternatives sont
envisagées aux courants plus classiques, ou dès lors qu’il se retrouve sous les feux de la rampe, inévi-
tablement des questions et des critiques émergent. En quoi y a‑t‑il alternatives ? En quoi consistent-
elles ? N’est-ce pas un miroir aux alouettes avec un retour en puissance de la pensée positive et de la
méthode Coué ? Certains considèrent qu’elle est une science, en quoi est-ce effectivement le cas ? Et
s’il y a une revendication forte d’asseoir les pratiques sur des techniques scientifiquement éprouvées,
en quoi consistent-elles ? Qu’y a‑t‑il de nouveau en termes de thérapies ? Qu’y a‑t‑il de novateur ?
L’objet de ce chapitre est de répondre à certaines de ces questions et de montrer que si la psycho-
logie positive est effectivement porteuse d’alternatives dans les démarches proposées en psychologie
de la santé – et des exemples viendront illustrer nos propos –, il convient toutefois aussi de relati-
viser ces apports en considérant que des dispositifs préexistaient avant ces propositions. Au final,
la psychologie positive apparaîtra plutôt comme un complément à des stratégies existantes plutôt
qu’une révolution susceptible de résoudre l’ensemble des problèmes auxquels est confrontée notre
société dans le domaine de la santé.
Avant d’envisager les apports dans les démarches de psychologie de la santé, il convient préa-
lablement de définir précisément ce qu’est la psychologie positive, d’apporter les éléments théo-
riques situant ses origines, ce en quoi elle consiste, et ce en quoi il peut y avoir potentiellement une
approche novatrice dans le domaine de la santé. Seront ensuite développées les champs et terrains
d’application au niveau des individus, des groupes ou des institutions conformément à une défini-
tion qui sera proposée de la psychologie positive. Pour finir, les perspectives pour sa mise en œuvre
seront développées conjointement à un certain nombre de limites et de mises en garde.

1. Éléments théoriques

1.1 La psychologie positive, quelles définitions ?


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Au premier abord, grande est la tentation de définir la psychologie positive comme l’étude scien-
tifique du bonheur. Seulement, la limiter à cette seule perspective est réducteur. Aussi convient-il de
notre point de vue de l’envisager plus largement comme étant « l’étude scientifique du fonctionne-
ment humain optimum » (Tal Ben-Sahar, 2010). Pour cet auteur qui donne à l’université de Harvard
l’un des cours remportant le plus de succès, deux éléments sont mis en évidence : d’abord, l’aspect
scientifique puis le fonctionnement humain optimum. Ces deux éléments méritent une attention
particulière. En effet, on voit ici combien l’idée des seules pensées positives ou la méthode Coué
s’éloignent. Il s’agit de pouvoir envisager des pratiques qui seraient scientifiquement éprouvées,
autrement dit d’être capable de répondre à une triple problématique : l’intervention a‑t‑elle un effet ?
Si oui, quelle est son amplitude, c’est-à-dire beaucoup d’effet ou peu d’effet ? Enfin, quelles sont les
conditions qui favorisent la production de ces effets ? Un corpus important de publications permet
maintenant de prendre en compte cette problématique, ce qui permet en retour de montrer que
14 Psychologie de la santé : applications et interventions

certaines interventions sont effectivement efficaces (mais jamais à 100 %), que certains des effets se
maintiennent dans la durée et d’autres pas, et enfin que pour qu’il y ait effet, certaines conditions
sont requises. Ici se dessinent donc à la fois le gage de la réussite lorsque certaines de ces techniques
sont utilisées, mais aussi leurs limites.
Maintenant il convient de s’attarder aussi sur ce qui fait l’objet de cette étude scientifique. Pour
Tal Ben-Sahar, il est question du fonctionnement humain optimal. Autrement dit, il n’est pas question
de la performance, ou alors s’il est question de performance, il s’agit d’une performance auto-référée,
d’un défi personnel, d’un niveau de réalisation qui va permettre l’épanouissement de la personne
en opposition à l’idée de la compétition, du record, de LA performance comme cela est parfois
sous-entendu lorsque ce terme est utilisé. Il s’agit du fonctionnement optimal, celui qui permet à
la personne de donner le meilleur d’elle-même, d’être satisfaite du résultat obtenu et de la manière
de l’obtenir, de contrôler aussi le niveau atteint, du sens que cela a pour elle de réaliser cette perfor-
mance. Bref, au final, d’une performance qui va lui permettre de s’épanouir. Cette nuance est impor-
tante en ce qu’elle permet de voir combien la perception de la performance sera subjective puisque
référée à cette idée de niveau optimal. Il sous-entend aussi toute une complexité dès lors qu’il s’agira
d’envisager la psychologie positive non plus au niveau individuel, mais au niveau du groupe. Avant
de poursuivre le raisonnement dans cette voie, il est judicieux d’apporter ici une autre définition
importante. Selon Gable et Haidt (in Martin-Krumm et Tarquinio, 2011), « la psychologie positive,
c’est l’étude des conditions et processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement
optimal des personnes, des groupes et des institutions ». En quoi cette définition vient-elle compléter
la précédente ? On retrouve l’idée du fonctionnement optimal, mais avec trois niveaux différents
qui sont celui de l’individu, qui était perceptible dans la définition empruntée à Tal Ben Sahar, celui
des groupes et celui des institutions. Autrement dit, une dimension sociale est aussi envisagée dans
les études qui sont réalisées, mais aussi dans les interventions qui seront potentiellement mises
en œuvre, et ce toujours dans la perspective d’un fonctionnement optimal. Cette seconde définition
laisse entrevoir la complexité et l’ambition de la psychologie positive : envisager ce fonctionnement
optimal aussi au niveau des groupes et des institutions, pas uniquement au niveau de l’individu ce
qui laisserait présumer d’un individualisme regrettable.
Le portrait de ce qu’est la psychologie positive est maintenant brossé. La manière dont elle est
envisagée et ses finalités sont explicitées. Faisons un retour sur ses origines. Qui en a posé les fonde-
ments ? Pourquoi ?

1.2 La psychologie positive, quelles origines


et pourquoi maintenant ?
Elle tire en partie ses racines d’un constat de Martin E. P. Seligman et de Mihaly Csikszentmihalyi
que l’on considère comme les pères de la psychologie positive. Selon eux :

« À son origine, la psychologie avait trois missions distinctes : soigner la maladie mentale, faire
en sorte que la vie de chacun soit mieux remplie et plus productive, et détecter les talents et les faire
progresser. L’accent a été mis très tôt sur la psychologie positive comme par exemple les travaux
de Terman sur les talents (Terman, 1939) et le bonheur conjugal (Terman, Buttenwieser, Ferguson,
Johnson et Wilson, 1938), les écrits de Watson sur l’éducation efficace (Watson, 1928), et les travaux
de Jung concernant la recherche et la découverte du sens de la vie (Jung, 1933)… après la Seconde
Guerre mondiale, deux événements économiques ont changé le visage de la psychologie. En 1946,
le ministère des anciens combattants (Veterans Affairs) a été créé aux États-Unis, et des milliers de
psychologues ont découvert qu’ils pourraient traiter la maladie mentale pendant toute leur vie. En
L’apport de la psychologie positive dans les démarches de psychologie de la santé 15

1947, l’institut national de la santé mentale, aux États-Unis également (qui, malgré son appellation
était centrée sur un modèle de la maladie et donc devrait être plutôt rebaptisé institut national de
la maladie mentale), a été fondé, et les universitaires ont appris qu’ils pourraient obtenir des prix
si leurs travaux traitaient de la pathologie. Cela a été très bénéfique. Des avancées considérables
ont été réalisées dans la compréhension et le traitement des maladies mentales : au moins quatorze
maladies, précédemment difficiles à diagnostiquer et à traiter, ont livré leurs secrets à la science et
peuvent maintenant être soignées ou considérablement soulagées » (Seligman, 1994).

La contrepartie a été que les autres missions fondamentales de la psychologie – faire en sorte que
chacun ait une vie meilleure et développer ses talents – ont toutes deux été oubliées. Ce n’est pas
uniquement la manière dont ces sujets ont été financés qui a eu un effet délétère, mais la crédibilité
des théories sous-jacentes à la manière dont les psychologues se percevaient. Ils en étaient arrivés
à se considérer simplement comme une sous-catégorie des métiers de la santé, et la psychologie est
devenue une sorte de victimologie. Les psychologues ont considéré les êtres humains comme des créa-
tures plus ou moins passives : un stimulus survenait et provoquait des réponses. Les renforcements
externes affaiblissaient ou augmentaient les réponses. Ils croyaient que pulsions, besoins, instincts,
et conflits de l’enfance bousculent chacun d’entre nous. Le centre d’intérêt de la psychologie a glissé
petit à petit vers la détection et le traitement de la souffrance des individus.

« Il y a eu une explosion de recherches sur les désordres psychologiques et les effets négatifs des
éléments de stress liés à l’environnement, comme le divorce des parents, le décès d’une personne
aimée, les abus physiques et sexuels. Les praticiens se sont engagés dans le traitement des maladies
mentales des patients au moyen de cadres destinés à réparer les dommages : des habitudes endom-
magées, des instincts endommagés, des enfances endommagées, et des cerveaux endommagés »
(Seligman et Csikszentmihalyi, 2011, in Martin-Krumm et Tarquinio, 2011).

Cette citation permet d’entrevoir le fait que le renouveau de la psychologie positive est imaginé
comme venant combler un manque : faire en sorte que la vie de chacun soit mieux remplie et plus
productive, détecter les talents et les faire progresser. Donc tout est pour le mieux. Est-ce vraiment le
cas ? Pas si sûr en fait parce qu’elle induit de fait une ambiguïté. Qu’est-ce qui est souvent reproché à
la psychologie positive ? Très souvent de considérer qu’il s’agit d’un champ de la psychologie qui fait
abstraction de la souffrance humaine. Elle opérerait un déni de ce qui ne va pas au profit d’un monde
édulcoré dans lequel tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, à l’instar de celui envisagé
par Huxley (1932). Et là, c’est méconnaître les différents domaines d’application de la psychologie
positive. Certes, il s’agit d’étudier les conditions et les processus qui contribuent à l’épanouissement
ou au fonctionnement optimal, mais il s’agit aussi de prendre en charge la souffrance des personnes.
Autrement dit, il convient de ne pas limiter la psychologie positive à ce troisième objectif qui n’aurait
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

pas été pris en compte pendant longtemps, mais de l’inscrire dans la triple finalité de la psychologie
telle qu’elle vient d’être décrite. On comprendra donc pourquoi dans l’éventail des champs couverts
par la psychologie positive, certains concernent les psychothérapies et leur efficacité, la psychométrie,
et l’augmentation du bien-être, la compréhension des émotions positives, etc. Ainsi, Cottraux (2012)
considère qu’au « début du xxie siècle, les psychiatres et médecins généralistes savent mieux traiter
les troubles anxieux, les psychoses, la dépression… Pourtant, cette accumulation de connaissances
sur le négatif de la condition humaine ne rend pas véritablement compte des forces positives qui
maintiennent la vie et en font la valeur. Et elle ne permet une psychologie de l’individu normal que
par défaut : c’est celui qui ne va pas mal selon les critères des classifications psychiatriques comme
le DSM-IV (1994) et la CIM-10 (OMS, 1992). Ces classifications ne reflètent pas les faits de nature,
mais simplement le consensus des experts. Cette nécessaire réduction est utile, mais il est tout aussi
valable de se préoccuper d’une psychologie de ce qui va bien… la psychologie positive propose une
conception plus large en inversant la perspective » (p. 4). La nécessité de se concentrer sur ce qui
16 Psychologie de la santé : applications et interventions

fait que la vie vaut le coup d’être vécue est bien perceptible ici. Le modèle général proposé par la
psychologie positive se présente au final comme étant le côté pile d’une même pièce dont le côté
face était jusqu’à présent essentiellement centré sur le négatif.
Alors pourquoi la psychologie positive connaît-elle cet engouement maintenant ? La réponse
est simple mais les réponses potentielles sans doute complexes. À un premier niveau, il est possible
de reprendre l’argument avancé par Tal Ben-Sahar selon lequel il convenait de contre balancer le
déséquilibre existant dans les publications scientifiques dont le ratio semblait approcher un rapport
de vingt et une publications présentant les résultats d’études sur la dépression, l’anxiété, le stress
par exemple pour une publication traitant de la joie, de la satisfaction ou du bien-être. Une seconde
raison touche sans doute au besoin de substituer aux modèles courants de la maladie un modèle de
la santé. En effet, souvent la santé était envisagée comme l’absence de la maladie. Il s’agissait parfois
de mesurer le niveau de dépression ou d’anxiété, et de faibles niveaux étaient interprétés comme le
signe d’une bonne santé. Le principe est pourtant simple : on trouve ce que l’on mesure, autrement
dit, si des niveaux de dépression sont mesurés, alors ce sont des niveaux de dépression qui sont
trouvés. Est-ce la même chose que des indicateurs de santé ? Dit différemment, s’inscrire dans une
logique de prévention des risques psychosociaux, est-ce la même chose que chercher à promouvoir
la santé ? Probablement pas, aussi l’apport de la psychologie positive dans les démarches de psycho-
logie de santé pourrait consister justement à créer les conditions d’un environnement dans lequel
les individus seraient en situation d’augmenter leur niveau de satisfaction, d’émotions positives ou
de bien-être. S’inscrire dans la logique de la promotion de la santé aurait comme conséquence des
risques psychosociaux limités, sans que cela soit l’objectif premier. C’est parce que les conditions
de la santé, du bien-être ou de la satisfaction seraient réunies que les risques psychosociaux seraient
prévenus. Une dernière raison enfin pourrait avoir trait à un besoin lié sans doute à la crise à la fois
financière mais aussi morale. Nous sommes sans doute à la conjonction de ce double phénomène
de crise financière et de crise de morale et de sens. De plus en plus d’individus sont immensément
riches alors qu’en parallèle, de plus en plus sont immensément pauvres. La psychologie positive peut
être une alternative qui pourrait aider les personnes à trouver du sens à leur quotidien, à trouver
les conditions de la promotion de leur propre bien-être et de leur santé. Pour Sonja Lyubomirsky,
chacun serait en mesure de contrôler 40 % de son niveau de bonheur. Nous serions donc les maîtres
de notre destin. La psychologie positive peut permettre à chaque individu d’acquérir des outils
destinés à l’aider à être satisfait, à augmenter son niveau de bonheur, et/ou à ressentir des émotions
positives. En revanche, il convient de ne pas déresponsabiliser les structures, les institutions ou les
entreprises de leur rôle quant aux conditions dans lesquelles elles mettent leurs salariés. Il ne peut
s’agir que d’une boucle vertueuse dans laquelle le capital humain est préservé.

1.3 La psychologie positive, quelles assises scientifiques ?


Si la psychologie positive revendique le statut de science, quels moyens s’est-elle donnée ?
Répondre à cette question est relativement simple. D’abord, plusieurs études dont on trouvera une
compilation dans l’ouvrage de Jordi Quoidbach (2013) chez Dunod, Pourquoi les gens heureux vivent-
ils plus longtemps ? On y trouvera la célèbre étude des nonnes démontrant la relation entre bonheur
et longévité (Danner, Snowdon, et Friesen, 2001), celle au cours de laquelle un virus bénin a été
inoculé aux participants d’une étude démontrant la relation entre humeur positive et symptômes
de maladie (Cohen, Doyle, Turner, Alper, et Skoner, 2003) ou encore l’étude de la relation entre le
sourire dit « de Duchenne » et la longévité (i. e., Abel et Krüger, 2010). Ces études sont régulière-
ment citées dans le domaine de la psychologie positive. Est-ce suffisant ? Assurément non, et ce qui
permet de donner une assise scientifique à ce courant, ce sont aussi les deux revues scientifiques
L’apport de la psychologie positive dans les démarches de psychologie de la santé 17

indexées qui lui sont maintenant consacrées, Journal of Positive Psychology (IF = 1,274) et Journal of
Happiness Studies (IF = 1,462). Des ouvrages sont également consacrés aux méthodes de recherche
en psychologie positive (e. g., Ong et Van Dulmen, 2007). Le modèle développé dans le champ de
la psychologie positive, en « opposition » au DSM centré sur les symptômes de la maladie, évolue
également avec des méthodes d’investigation de plus en plus sophistiquées. On notera par exemple
le recours récent aux méthodes d’imagerie par IRMf afin de tester par exemple les zones du cerveau
qui peuvent être impliquées dans les émotions, ou l’optimisme.
L’essor de la psychologie positive bénéficie sans doute d’une conjoncture favorable. Un autre
angle d’attaque que le modèle de la maladie était sans doute nécessaire. Quels sont ses champs et
terrains d’application ?

2. Champs et terrains d’application

2.1 Interventions au niveau de l’individu


Dans le domaine de la psychologie positive, de nombreux thèmes sont étudiés. Parmi ceux-ci,
une grande importance est accordée aux forces de caractère et aux expériences (Seligman, 2002).
Ces forces peuvent être déclinées dans tous les domaines de la vie (vie personnelle, travail, loisirs,
sport, etc.) et constituent ainsi des interventions de choix dans le domaine de la psychologie de
la santé. Le terme de force de caractère est partagé par la communauté scientifique en psychologie
positive, et trois modèles coexistent pour les décrire. Ces approches ont en commun l’intérêt pour
le développement des forces.

2.1.1 Modèle « Gallup Clifton StrengthFinder » (Clifton, 1997)


Ce modèle permet de repérer et d’identifier les forces parmi trente-quatre possibles grâce à un
questionnaire en ligne. À partir de celui-ci, le client reçoit les cinq forces identifiées ainsi qu’un
rapport descriptif contenant dix pistes pour chacun des thèmes. Celui-ci est fondé sur des milliers
de suggestions de pratiques évaluées, ainsi qu’une notice permettant de réfléchir à la façon dont les
talents, l’implication, l’expérience, les compétences et les connaissances interagissent ensemble pour
construire les forces. Un plan d’action axé sur les forces, fondé sur des objectifs spécifiques afin de
construire et appliquer les forces très concrètement dans les jours, les semaines, le mois, et l’année
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

qui vient est proposé. Dans ce qu’ils ont d’essentiel, les résultats de différentes études montrent les
effets des programmes sur l’engagement, le bien-être, la productivité, l’absentéisme et les profits
(e. g., Clifton et Harter, 2003 ; Hodges et Asplund, 2010 ; Hodges et Clifton, 2004).

2.1.2 Modèle « Realise2 » (Center for Applied Positive Psychology – CAPP)


Suivant de près le courant initié aux États-Unis, l’équipe de Linley publie de nombreux travaux
de recherches (e. g., Linley, 2008 ; Linley et Joseph, 2004). Les travaux du CAPP ont permis de
poursuivre l’avancée des connaissances empiriques sur les forces par la création d’un instrument
permettant de mesurer le niveau d’utilisation des forces (Govindji et Linley, 2007) et la publication
de recherches associant l’utilisation des forces au bien-être, à la confiance, la vitalité, l’estime de soi
(i. e., Govindji et Linley, 2007 ; Proctor, Maltby et Linley, 2009) et à l’atteinte d’objectifs personnels
18 Psychologie de la santé : applications et interventions

(i. e., Linley, Nielsen, Wood, Gillett, et Biswas-Diener, 2010). L’équipe du CAPP a également mis au
point le « Realise2 », un instrument de mesure permettant de découvrir les zones de forces exploitées,
les forces latentes, les comportements appris (zones de performance parfois coûteuses en énergie)
et les faiblesses. À partir des résultats obtenus au questionnaire, des pistes d’action sont proposées.
Le modèle « Realise2 » présente d’excellentes propriétés psychométriques, mais certaines limites
peuvent être notées comme les construits élaborés sur la base de l’expérience professionnelle des
chercheurs plutôt que sur la base de recherches théoriques approfondies ou d’analyses rigoureuses
menées sur le terrain.

2.1.3 Modèle « Values in Action » (Peterson et Seligman, 2004)


À partir de six vertus sources, les auteurs ont identifié vingt-quatre forces qui peuvent être iden-
tifiées et développées (tableau 1.1). Le modèle VIA, « Values in Action », développé par Peterson et
Seligman en 2004, est sans doute celui qui est le plus populaire parmi les modèles des forces, malgré
des qualités psychométriques plus faibles.

Tableau 1.1 – Liste des vertus et des forces qui ont été identifiées

Créativité : penser à de nouvelles façons de faire créatives.


1. Sagesse Curiosité : s’intéresser à tous les aspects de toutes les expériences.
et connaissance Ouverture d’esprit : analyser les choses en profondeur et les examiner
Forces cognitives impliquant sous tous les angles.
l’acquisition et l’utilisation Appréciation des apprentissages : maîtriser de nouvelles capacités, de
de connaissances nouveaux sujets et savoirs.
Sagesse : être de bon conseil pour les autres.

2. Courage
Forces émotionnelles qui Authenticité : dire la vérité et se présenter de manière vraie.
impliquent l’exercice Courage : faire face à la menace, les défis, la difficulté ou la douleur.
de la volonté afin d’atteindre Persévérance : finir ce que l’on a commencé.
des buts, malgré une Enthousiasme : aborder la vie avec entrain et énergie.
opposition interne et externe.

3. Humanité Gentillesse : rendre des services et faire de bonnes actions pour autrui.
Forces interpersonnelles Amour : valoriser les relations proches avec les autres.
consistant à se soucier des Intelligence sociale : être conscient de ses motivations et sentiments, et de
autres et à s’en faire des amis. ceux des autres.

Équité : traiter toutes les personnes de la même manière en respectant les


4. Justice notions de justesse et de justice.
Forces civiques qui sont Leadership : organiser des activités de groupe et veiller à ce qu’elles
à la base d’une vie soient réalisées.
communautaire saine. Travail d’équipe : bien travailler en tant que membre d’un groupe ou
d’une équipe.

Pardon : pardonner à ceux qui ont mal agi.


5. Modération Modestie : laisser ses réalisations parler d’elles-mêmes.
Forces qui protègent Prudence : être prudent quant à ses choix ; ne pas dire ou faire des
contre les excès choses que l’on pourrait regretter plus tard.
Autorégulation : réguler ce que l’on ressent et fait.
 ☞
L’apport de la psychologie positive dans les démarches de psychologie de la santé 19

 ☞ Appréciation de la beauté et de l’excellence : remarquer et apprécier la


beauté, l’excellence et la performance talentueuse dans tous les domaines
6. Transcendance de la vie.
Gratitude : être conscient de et reconnaissant pour les bonnes choses qui
Forces qui établissent des liens arrivent.
avec l’univers et qui apportent Espoir : s’attendre au meilleur et s’évertuer à l’atteindre.
un sens à la vie individuelle. Humour : aimer rire et plaisanter ; faire sourire les autres.
Spiritualité : avoir des croyances à propos d’un but supérieur et du sens
de la vie.

2.1.4 Applications
Peterson et Seligman (2004) proposent de développer l’utilisation des forces de caractères et Wood,
Linley, Matlby, Kashdan, et Hurling (2011) ont confirmé que l’utilisation des forces développe un
meilleur niveau de bien-être et que ces interventions pourraient être utilisées pour construire de la
résilience et un fonctionnement optimal. Rashid (2005) propose différentes façons d’utiliser les forces
de caractères. Biswas-Diener, Kashdan, et Minhas (2011) développent un concept comprenant les
forces d’intérêt (qui évaluent l’inclination d’un individu pour un domaine donné), les constellations
de forces (les forces peuvent être étudiées et reliées entre elles pour un individu), la cécité des forces
(lorsque les personnes ne considèrent pas une force comme telle mais plutôt comme ordinaire), la
sensibilité liées aux forces (quels sont les sentiments des personnes qui échouent dans un domaine
pourtant identifié comme une force ?), et les coûts sociaux des forces (aider les individus à développer
des points forts et les sensibiliser sur l’impact social de l’utilisation de la force, afin de minimiser les
coûts sociaux potentiels et maximiser les gains sociaux), dans le cadre d’un esprit de développement
des forces. Selon cette approche, on considère que les forces sont au sein d’un réseau complexe de
facteurs situationnels, sociaux et intrapsychiques, provenant de modèles de comportement dans le
monde réel allant du potentiel latent jusqu’à des performances optimales.
Ryan (2009) a développé un concept de coaching et de formation autour d’un matériel pédago-
gique constitué de cartes représentant les forces. Ce matériel permet au stagiaire de découvrir ses
forces et de les apprécier, d’évaluer les bénéfices qu’il peut en attendre. Une version à cinquante
cartes de forces au lieu de vingt-quatre dans le modèle VIA a été développée et est maintenant
disponible en français (Boniwell et Martin-Krumm, 2014). Le stagiaire va pouvoir aussi explorer les
domaines d’application et d’amplification des forces de caractère et d’en identifier les atouts qu’il
doit développer pour atteindre un objectif. Toutefois, l’identification des forces se révèle contextuelle
et soumise à la désirabilité sociale (alors que Clifton la considère comme un développement intra-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

individuel) et il nous semble préférable de travailler sur le concept de « forces-trait » mesurées par
le questionnaire VIA qui donne des bases scientifiques plus solides.
Des applications innovantes ont été tentées sur ces forces et notamment une intégration de l’uti-
lisation des forces combinée à la technique de l’Eye Movement Desensitization and Reprocessing
(EMDR). Créée par Shapiro (1989), l’EMDR est considérée comme une thérapie intégrative (Haour et
Servan Schreiber, 2009). Shapiro a insisté sur la nature intégrative, dépassant les clivages voulus
par d’autres courants psychothérapiques. Sur le plan clinique, la rapidité des résultats positifs enre-
gistrés par l’EMDR dans le traitement de l’ESPT découlerait de la synthèse des thérapies classiques
(e. g., Shapiro, 1995, 1998, 2001). Dans le cadre du traitement EMDR, des protocoles de stabilisa-
tion des abréactions (lieu sûr), de stabilisation des ressources (Korn et Leeds, 2002) ont été créés,
ce qui a suscité d’autres développements qui ont amené McKelvey à proposer de nouvelles appli-
cations. McKelvey (2009) propose d’intégrer huit applications de la psychologie positive dans les
séances EMDR dont les quatre premières sont reliées directement aux forces de caractères. Certaines
20 Psychologie de la santé : applications et interventions

applications bénéficient de stimulations bilatérales alternées issues de l’EMDR. D’autres sont utilisées
pour élaborer des cognitions qui serviront ensuite de base à des séances ultérieures.
Dans un premier temps, l’auteur propose au patient de compléter (via Internet) le questionnaire
« Values In Action-Inventory of Strenghts » (VIA-IS), des forces de caractère de Peterson et Seligman
(2004). Dans un deuxième temps, elle discute avec le patient des résultats obtenus. Enfin, elle intègre
ces dernières au cours des séances d’EMDR. Lors d’une séance du protocole standard, et lorsque la
cognition positive est choisie, elle suggère de faire le lien avec les forces de caractères (« quelle force
de caractères pourrait améliorer cette cognition positive, et comment pourrait-elle le faire ? »). Le
client choisit l’une des six forces repérées à l’aide du questionnaire de Peterson et Seligman (2004).
Le thérapeute recherche avec le client des exemples d’utilisation de cette force, en explore avec
lui toutes les dimensions, ainsi que les sensations corporelles associées, tout en procédant à des
stimulations bilatérales alternées lentes. On procède de la même manière avec les autres forces, en
fonction des besoins du client. Toutefois, Regourd-Laizeau (2013), dans deux études successives, ne
montre pas de différence significative sur ces applications appuyées par des stimulations bilatérales
alternées par rapport à une discussion.
Regourd-Laizeau (2013) a élaboré un matériel (cartes) utilisable dans le cadre du développement
des forces de caractères. Il est conseillé aux patients, comme dans les applications de McKelvey
(2009), d’effectuer la passation du VIA afin qu’ils puissent travailler effectivement sur les forces-traits
et non les forces-états. Les vingt-quatre cartes comportent les vingt-quatre forces et la vertu référence
associée, ainsi qu’une illustration originale permettant au sujet de se projeter et de se reconnaître
dans la représentation. Les préconisations d’emploi tiennent étroitement compte des remarques
faites au matériel de Ryan, pour limiter les biais liés à la désirabilité sociale. Les forces en tant que
telles, peuvent aussi être développées par des outils spécifiques. Ainsi, Laizeau, Nousse et Chakroun
(2008) ont élaboré un protocole d’optimisme à partir du protocole EMDR de base (Shapiro, 1995),
du protocole « Développement et Installation des Ressources » (DIR) de Korn et Leeds (2002), du
« protocole de la performance optimale » (Lendl et Foster, 1997), dans le cadre théorique particulier
des styles explicatifs de Seligman (1994) afin de développer la force de caractère « optimisme ». Il s’agit
de modifier si besoin la perception des causes des événements auxquels un individu est confronté
afin qu’il passe d’une vision pessimiste du monde (causes internes, stables et globales en situation
d’échec et externes, instables et spécifiques en situation de réussite) à une vision plus optimiste
(schéma attributionnel inverse). Il s’agit donc, grâce à ce protocole, d’acquérir de nouvelles aptitudes
attributionnelles permettant de présenter un style explicatif plus optimiste. Les résultats publiés ont
montré des effets positifs sur l’estime de soi et l’optimisme.
Niemiec (2014), dans son programme de pratique de la pleine conscience orienté vers les forces
(MBSP : Mindfulness-Based Strengths Program) propose une série d’applications permettant d’aug-
menter la conscience de ses forces de caractères en pleine conscience sur huit semaines, d’abord en
prenant conscience de soi, puis en identifiant le meilleur de soi, et en transformant les obstacles en
opportunité. Ensuite, il est proposé d’approfondir la méditation pleine conscience dans les gestes
de la vie quotidienne, de valoriser les relations et de recadrer les événements dans une perspective
positive. Il propose ensuite de développer l’authenticité et l’optimisme pour terminer lors de la
huitième semaine par un travail sur l’engagement.

2.1.5 Effets attendus


Park, Peterson et Seligman (2004) ont constaté que l’espoir et l’enthousiasme sont étroitement
liés au concept de la satisfaction de vie. La gratitude, l’amour et la curiosité, l’amour de l’apprentis-
sage, la créativité, la sagesse et l’appréciation de la beauté, sont également liées à la satisfaction de la
L’apport de la psychologie positive dans les démarches de psychologie de la santé 21

vie. Dans une étude longitudinale conduite par Wood, Linley, Matlby, Kashdan, et Hurling (2011),
l’utilisation des forces s’est avérée être un prédicteur important de bien-être : il diminue le stress et
augmente les émotions positives, la vitalité et l’estime de soi. Les sujets qui ont utilisé leurs forces de
caractères d’une nouvelle manière par rapport à d’habitude, ont augmenté leur niveau de bonheur
et ont vu leur score de dépression baisser sur une période de six mois (e. g., Gander, Proyer, Ruch, et
Wyss, 2012 ; Seligman, Steen, Park, et Peterson, 2005 ; Mongrain et Anselme-Matthews, 2012). Les
procédures d’utilisation des forces sont en cours de développement. Les remarques de Biewas-Diener
Kashdan, et Minhas (2011) semblent particulièrement utiles à prendre en compte. Ils précisent qu’une
approche « d’identification et d’utilisation » des forces n’est pas suffisante et suggèrent une approche
« développementale » des forces. Biswas-Diener et ses collègues (2011) remarquent qu’en ce qui
concerne les forces de caractères, les applications des praticiens s’éloignent parfois nettement de la
théorie. Ils précisent d’ailleurs que certains praticiens ne possèdent pas forcément les bases méthodo-
logiques nécessaires à l’élaboration d’une recherche scientifique, ou n’actualisent pas suffisamment
leurs connaissances par rapport à la littérature scientifique et s’éloignent de ce qui est préconisé, ce
qui peut mettre en défaut le postulat de la validation scientifique de la psychologie positive.

2.2 Interventions au niveau des groupes :


l’exemple de l’Appreciative Inquiry
2.2.1 Principe
Dans la perspective de la psychologie positive, les organisations peuvent elles aussi bénéficier
d’applications concrètes. En effet, au lieu de se situer sur un continuum allant de – 5 à 0, et de se
centrer sur ce qui dysfonctionne, l’approche d’Appreciative Inquiry se centre sur ce qui fonctionne
dans la perspective de 0 à + 5. En effet, bien que la stratégie de résolution de problèmes ait montré
une certaine efficacité, elle se centre principalement sur l’analyse du problème, et peu vers l’antici-
pation du futur. Cooperider et Srivastva (1987) ont créé l’Appreciative Inquiry qui est une méthode
de conduite du changement fondé sur les réussites, les acquis et l’énergie des membres d’une orga-
nisation, de l’existant plutôt que sur ce qui a créé le problème. C’est ce noyau de réussite qui sert de
levier pour l’élaboration du nouvel objectif. La démarche est fondée sur une méthodologie simple
appelée modèle des 5D : Define (définir), Discover (découvrir), Dream (rêver), Design (concevoir) et
Destiny (destin). Dans la première étape, « Définir » (Define), il s’agit de définir l’objet de l’enquête.
Dans une approche d’Appreciative Inquiry, la démarche pourrait être : « Si nous savons ce que nous
ne voulons pas, savons-nous ce que nous voulons ? Que souhaitons-nous le plus ? » La deuxième
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

phase, « Découverte » (Discover), permet d’enquêter de façon appréciative pour découvrir ce qui
fonctionne le mieux. Il s’agira ainsi d’interroger les individus sur les expériences de collaboration
entre les services, sur les moments pendant lesquels travailler de cette façon s’est avéré productif,
et de quelle façon. En posant ces questions, des expériences inconnues vont émerger car personne
ne s’est jamais intéressé à cela auparavant. Une fois révélées, elles peuvent être partagées, ajoutées
aux récits des autres et examinées afin d’en tirer des leçons. À mesure que ces comptes rendus sur
le bon fonctionnement de collaboration interservices font surface, plusieurs choses intéressantes
se produisent. L’état émotionnel de l’organisation passe de négatif, puisque le problème suscitait
des inquiétudes et des émotions négatives, à un sentiment positif, d’espoir, et de réussite. Enfin, les
récits fournissent des données sur les éléments nécessaires pour que la collaboration soit possible.
Ils ouvrent finalement une porte vers l’espoir et des possibilités nouvelles.
La troisième phase est celle du rêve (dream : rêver). Celle-ci consiste à anticiper l’avenir en géné-
rant des images attrayantes du futur permettant d’orienter l’entreprise. Higgs et Rowland (2005) ont
22 Psychologie de la santé : applications et interventions

montré l’importance de la capacité des leaders à créer « une attraction magnétique ». Il faut préciser
que cette phase s’inspire de possibilités réelles comme « une expansion dans le réel » décrite par Lewis
(2013). Pour réussir cette phase, le questionnement est important et doit respecter la culture du pays.
D’autre part, cette phase est ludique et fait appel à l’imagination, ce qui peut freiner les dirigeants
qui pensent que leurs ingénieurs ou leurs comptables n’ont pas l’habitude de solliciter cette faculté.
La quatrième phase de conception (Design), permet d’identifier ce qui doit évoluer au présent
pour que la phase de « rêve » soit possible. Il s’agit de repérer les aspects de la conception, essentiels
à la création de futurs alternatifs. La phase de rêve a permis de stimuler des amorces de réponse et
en partant du futur envisagé, il paraît plus simple de faire le chemin à l’envers, par exemple, en
augmentant ce qui fonctionne déjà, et en arrêtant ou modifiant ce qui ne fonctionne pas.
La dernière phase est nommée destin. Il s’agit d’intégrer concrètement les retombées de l’événe-
ment collectif qui est en lui-même un puissant processus de changement. Il dépendra de la manière
dont l’énergie, les idées et l’élan générés par l’événement sont entretenus et intégrés dans la vie
organisationnelle. En effet, les individus auront développé, par le biais de l’événement, de nouvelles
relations, les auront perçues d’une autre façon lors du processus. Ils auront développé leur propre
motivation pour assurer la réalisation d’un futur attrayant et ils reprendront probablement le travail
avec l’envie de faire des choses différentes et/ou de les faire d’une autre façon. Par ailleurs, certains
groupes peuvent s’être formés autour de projets précis qu’ils souhaitent réaliser et constitueront des
groupes de travail ou des groupes de projet.

2.2.2 Effets attendus


L’Appreciative Inquiry répond aux caractéristiques du modèle PERMA (acronyme pour « Positive
Emotions, Engagement, Relationship, Meaning, et Accomplishment ») de Seligman (2013), ce qui en
fait une pratique de psychologie positive particulièrement intéressante. En effet, les émotions posi-
tives, dont Fredrickson (2001, 2003) a montré l’importance dans la génération de solutions, l’impor-
tance des liens sociaux et des relations, mais aussi le sens qui intègre les valeurs et les croyances qui
inspirent un être humain, l’engagement et l’accomplissement, sont tous intégrés dans cette pratique
d’Appreciative Inquiry, ce qui en fait un outil de choix dans l’entreprise. Barros et Cooperrider (2000)
rapportent des résultats de diminution d’absentéisme de 300 %, d’augmentation des ventes de 27 %,
et d’augmentation de la productivité de 23 %. Toutefois, il n’y a que peu de données scientifiques
attestant de la pérennité des effets sur le long terme, et les méta-analyses sont rares. Celle qui a été
réalisée par Bushe et Kassem (2005) sur vingt études de cas, nuance les choses. D’abord, les auteurs
remarquent que les résultats des changements transformationnels sont associés à la prescription de
changement des praticiens qui implique de changer la façon dont les gens pensent. Implicitement, le
modèle normatif rééducatif de changement (Chin et Benne, 1976) soutient ces perspectives. Ensuite,
ils montrent que ce processus est utilisé dans les processus de changement classique. Les résultats
montrent effectivement plus de changement classique. Il semble que le processus ne peut pas se
traduire par une « révolution dans le changement » en soi. D’autre part, par exemple, l’utilisation de
l’Appreciative Inquiry pour le partage des « bonnes pratiques » entre différents groupes, peut ressem-
bler à un benchmarking classique qui ne remplit pas les conditions de l’application du processus de
l’Appreciative Inquiry en tant que tel. D’autres critiques apparaissent comme celle de Reed (2007),
qui pose la question de la puissance et de l’autorité qui ne sont pas abordées dans la philosophie
de l’Appreciative Inquiry, laissant la porte ouverte aux processus d’influence et de manipulation.
Fitzgerald, Oliver, et Hoxsey (2010) montrent que dans certains cas, le processus peut faire émerger
des contenus négatifs déstabilisants et réprimés. Ce processus est toutefois utile et efficace dans les
L’apport de la psychologie positive dans les démarches de psychologie de la santé 23

contextes de changement et doit passer l’étape de la validation longitudinale et des méta-analyses


pour offrir une validation scientifique solide.

2.3 Intervention au niveau des institutions


Dans la définition initiale de Gable et Haidt (2005, in Martin-Krumm et Tarquinio, 2011), la
psychologie positive est envisagée à trois niveaux. Le troisième se situe à celui des institutions.
Bien que la psychologie positive mette l’accent sur les caractéristiques et la nature humaine, les
scientifiques de la psychologie positive parlent peu de la relation entre la psychologie positive et
les institutions positives. C’est d’ailleurs l’aspect le moins développé de la psychologie positive.
Cameron (2011), présente une étude de cas illustrant la « performance organisationnelle positi-
vement déviante » (p. 624) avec l’expérience de Rocky Flats. Construite en 1951 dans une région
sauvage, cette usine d’armement nucléaire a commencé à fonctionner en 1953 jusqu’en 1989,
où une intervention du FBI entraîna sa fermeture soudaine. Le premier défi était donc de fermer
l’entreprise de production nucléaire et d’assainir l’environnement de l’entreprise. Deuxièmement, les
relations délétères entre syndicats et direction risquaient d’entraîner une résistance importante intra
et extra-entreprise, ainsi que de gros conflits avec d’autres partenaires (agences gouvernementales,
représentants de communautés engagées, pacifistes, etc.). D’autre part, la culture du secret nécessaire
à la gestion des 155 hectares de lieu de production et des 2 400 hectares de zones tampon, risquait de
perturber l’atteinte de cet objectif. La contrainte de la décontamination et de l’assainissement d’un
lieu hautement pollué et par des substances radioactives très toxiques à durée très longue (impossible
à mesurer avec des appareils traditionnels de mesure) était aussi une pression supplémentaire. Entre
l’intervention du FBI en 1989 et 1995, rien n’a été accompli sur le site, et les salariés attendaient la
reprise de l’activité sans objectif réel. Un appel d’offres a été lancé en 1995 pour rechercher l’entre-
prise permettant de cesser l’activité de cette usine, sur une durée estimée à 70 ans.
De façon surprenante les objectifs ont été atteints en dix ans (60 ans avant l’échéance prévue),
en économisant plus de 30 milliards de dollars sur la somme prévue. Les relations entre les groupes
d’oppositions (salariés/direction, ou groupes) se sont améliorées et Rocky Flats est devenue une
réserve naturelle.

2.3.1 Principes
Les facteurs ayant aidé à cette performance se résument en un énoncé : « L’impossible a été rendu
possible en adoptant un système de valeurs d’abondance plutôt qu’un système de valeurs fondées
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sur les déficits. » Dans la plupart des cas, même pour les organisations, les leaders se centrent sur ce
qui ne fonctionne pas (déficits) plutôt que sur ce qui fonctionne bien et qui représenterait un « écart
d’abondance » (écart entre normalité et performance optimale ou très positive). D’après Cameron
(2011), « l’abondance génère la virtuosité (condition humaine la plus élevée où le meilleur que les
êtres humains peuvent aspirer à devenir) ». D’autre part, l’articulation des valeurs de leadership
utilisée dans cette expérience est au nombre de dix et reprises dans le tableau 1.2.
24 Psychologie de la santé : applications et interventions

Tableau 1.2 – Liste des valeurs de leadership identifiées dans l’expérience de Rocky Flats

Leader multiple : concertations, énergie positive, facilitant, soutenant.

Incitatif financier partagé par tous les salariés : crée un changement positivement déviant
si l’incitatif permet de transformer le style de vie.

L’objectif fondamental de l’organisation doit être identifié et dépasser les intérêts personnels
pour apporter un bénéfice, se mesurant sur le long terme.

Les symboles (drapeaux, logos, etc.) doivent être élaborés afin de représenter les aspirations
d’abondance pour l’organisation et pour ses membres.

Une planification précise, des contrôles et des mesures stricts et une responsabilité
renforcée des partenaires doivent être engagés.

La confiance, et des relations de bonne qualité doivent être établies pour tenir les engagements pris
envers les interlocuteurs extérieurs.

Pour faire évoluer la culture organisationnelle, les individus doivent modifier leurs croyances
et se comporter différemment pour adopter une vision fondée sur l’abondance.

Le succès doit être analysé pour identifier les facteurs de facilitation et d’explication
qui permettra de fonder une stratégie.

Les ambitions de ce que l’organisation pourrait être doivent être articulées autour d’une stratégie
permettant de les réaliser.

Les comportements et les valeurs vertueux doivent être favorisés et renforcés


à tous les niveaux de l’organisation.

2.3.2 Effets attendus


Comme on peut le voir dans cette illustration, les institutions positives génèrent une dynamique
permettant de mettre en synergie les actions en lien avec les valeurs et produisent un résultat supé-
rieur à celui attendu, et cela, dans un délai plus court.

3. Perspectives pour la mise en œuvre

Il est difficile à ce stade du développement des programmes d’intervention dans le domaine


de la psychologie positive de donner des lignes directrices pour les démarches en psychologie de
la santé. En effet, force est de constater que le champ est en pleine effervescence. D’une part, des
équipes travaillent à l’élaboration de programmes, et d’autre part, des équipes travaillent à l’étude
de l’efficacité de ces programmes. On notera d’ailleurs que ce sont souvent les mêmes qui initient le
travail. Dès 2001, Rashid et Seligman ont travaillé sur l’élaboration de « la psychothérapie positive »
(Seligman, 2013, p. 64). Le concept en lui-même pourrait prêter à sourire. Une psychothérapie peut-
elle être négative ? On voit bien ici combien les mots peuvent avoir un poids ! Psychologie positive,
psychothérapie positive… Dans le cas d’une psychothérapie positive, il n’y a bien entendu aucun
présupposé pouvant laisser croire qu’il existerait des psychothérapies négatives. Il s’agit juste de
considérer qu’une technique de psychothérapie fondée sur des préceptes de la psychologie positive
a été mise au point. En quoi consiste‑t‑elle ?
L’apport de la psychologie positive dans les démarches de psychologie de la santé 25

3.1 La psychothérapie positive


On peut considérer que Tayyab Rashid, bras droit de Seligman pour ce domaine, est l’un de ceux
qui mettent en forme les techniques spécifiquement élaborées. Il est clairement identifié dans ce
champ comme étant l’un des experts des psychothérapies (e. g., Rashid et Anjum, 2007 ; Seligman,
Rashid, et Parks, 2006 ; Rashid, à paraître). Telle qu’elle se présente actuellement, la psychothérapie
positive se compose de quatorze séances (e. g., Seligman, 2013, p. 65-67). L’objectif à court terme est
de permettre au client, ou au patient, d’identifier les ressources dont il dispose afin de faire face aux
situations auxquelles il est confronté. Ainsi, la première séance est fondée sur un exercice consis-
tant, pour le client, ou le patient, à rédiger un court texte dans lequel il doit se présenter sous son
meilleur jour, ainsi que la manière dont il a recours à ses forces principales. La seconde séance est
fondée sur le même principe mais en ayant recours à une évaluation basée sur un questionnaire.
Dans les deux cas, le thérapeute aide le client à faire le point et à identifier ses forces. La séance 3
est fondée sur des exercices au cours desquels le client doit identifier des situations précises lors
desquelles il pourra utiliser ses forces pour augmenter son niveau de plaisir, son engagement, et le
sens qu’il attribue à sa vie. L’exercice « les trois bonnes choses » est introduit à ce moment-là, et
poursuivi tout au long de la thérapie.
L’exercice des trois bonnes choses repose tout simplement sur un principe selon lequel nous avons
tendance à accorder plus d’attention aux événements négatifs auxquels nous sommes confrontés
qu’aux événements positifs. Dans cet exercice, il s’agit chaque soir de consacrer 10 minutes, avant
l’heure du coucher, à identifier et à noter dans un carnet trois bonnes choses qui nous sont arrivées.
Il s’agit ensuite de répondre à la question « pourquoi est-ce arrivé ? ». On voit ici ensuite la relation
avec le concept de style explicatif (voir Martin-Krumm, 2012). Si cette personne est capable d’iden-
tifier des causes internes, stables et globales, et éventuellement contrôlables, alors les effets seront
bénéfiques. Il y a en fait deux choses à apprendre dans cet exercice, d’une part identifier aussi les
événements positifs lorsqu’ils se produisent et pas uniquement les événements négatifs, et les attri-
buer à des causes laissant présumer d’une vision du monde optimiste.
La séance 4 est fondée sur un dialogue entre le thérapeute et le client destiné à identifier le rôle
joué par les bons et mauvais souvenirs qui concourent à l’entretien de la dépression. Cette séance est
associée à un exercice au cours duquel le client est invité à « noter ses réflexions sur la colère et la
rancune, et décrit la façon dont elles nourrissent sa dépression » (Seligman, 2013, p. 66). La séance 5
est consacrée à l’introduction du pardon comme outil destiné à transformer la colère et la rancune
en sentiments neutres, voire en émotions positives. Elle est associée à un exercice dans lequel le
client peut être amené à rédiger « une lettre de pardon » qui ne sera pas envoyée. Lors de la séance 6
est introduite une discussion sur la gratitude dont les effets ont été décrits précédemment. Lors de
la séance 7, il s’agit de faire le bilan de ce qui a été avancé lors des six premières séances, de l’exer-
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cice des trois bonnes choses et de l’utilisation des forces du caractère. La séance 8 est consacrée à la
notion de perfectionnisme et aux effets délétères que celui-ci peut avoir s’il est poussé à son extrême.
Autrement dit, le client apprend à se satisfaire de ce qu’il a et doit mettre au point un projet de
satisfaction personnelle. Le lecteur intéressé pourra se référer à l’ouvrage de Tal Ben Sahar (2010).
La séance 9 est consacrée aux notions d’optimisme et d’espoir, en présumant du fait qu’un style
optimiste consiste à considérer que les événements négatifs ont des effets limités dans le temps et
l’espace, et qu’il est possible de les changer (les causes ne sont ni stables ni générales). Augmenter
l’espoir va consister à accompagner le client dans la définition de ses objectifs, des moyens qu’il
a à sa disposition pour les atteindre, et de revenir sur les objectifs afin de s’assurer de leur nature :
ont-ils un sens pour lui ? Sont-ils intrinsèques ou définis pour des raisons extrinsèques ? Est-ce que
ce sont des buts personnels ou inspirés d’autres personnes ? La 10e séance est destinée à identifier
chez une personne chère les forces de son caractère. Il s’agit également de l’aider à répondre de
façon active et constructive aux événements rapportés par des tiers (cf. tableau 1.3). La onzième
26 Psychologie de la santé : applications et interventions

séance est consacrée à un travail d’identification des forces du caractère des membres de la famille
et de l’origine des siennes propres. Un exercice accompagne cette séance. « Le client demande aux
membres de sa famille de remplir le questionnaire VIA en ligne et dessine ensuite un arbre des forces
des membres de sa famille » (Seligman, 2013, p. 67). La séance 12 est destinée à l’acquisition de
techniques permettant au client de mieux apprécier le moment présent afin d’augmenter l’intensité
et la durée des émotions positives (e. g., mindfulness). La treizième séance est destinée à permettre
au client de faire don de son temps grâce à la réalisation de quelque chose qui en requiert, et qui
engage ses forces personnelles. La quatorzième séance est destinée à permettre au thérapeute et au
client de discuter de ce qu’est « une vie pleine de sens qui comprend le plaisir, l’engagement et le
sens » (Seligman, 2013, p. 67).
Quels sont les effets de cette thérapie ? En effet, là est la question. Lors d’une étude qu’ils ont
réalisée, Seligman et al. (2006) montrent que « dans toutes les mesures de résultats, le taux de
soulagement des symptômes dépressifs était supérieur à celui du traitement habituel et à celui
des médicaments. 55 % de patients en psychothérapie positive, 20 % de patients suivant le traite-
ment habituel, et seulement 8 % de patients suivant le traitement habituel assorti d’antidépresseurs
obtinrent une rémission » (Seligman, 2013, p. 68). Que penser de résultats aussi prometteurs ? D’un
côté il serait possible de considérer qu’il y a effectivement là une innovation qui manifestement
permet de soulager des patients dépressifs et de les prendre en charge de manière efficace. Mais, d’un
autre côté, il convient sans doute de prendre en compte la gravité de la dépression. Cet élément est
déterminant. Autant il est possible de considérer qu’une thérapie peut s’avérer efficace dans le cas de
symptômes dépressifs légers, autant, en phase aiguë, la prudence est de mise. Les travaux de recherche
montreront vraisemblablement dans le futur que cette forme de thérapie est un excellent relais après
que la phase aiguë a été surmontée, ou alors en accompagnement aux stratégies traditionnelles.

Tableau 1.3 – La réponse constructive active

Votre partenaire
Type
partage avec vous Votre réaction
de réaction
un événement positif
Active « Génial ! C’est vraiment super ! Je suis très heureux pour
et constructive toi ! Raconte-moi comment cela s’est passé ? Quelles sont
tes nouvelles responsabilités ? Que vas-tu avoir à faire ?
Qu’est-ce qui change ? Allez, il faut fêter cela ! »
En termes de communication non verbale, réaction
associée au contact visuel, à l’extériorisation des émotions
positives, par des sourires, des gestes et des rires.
« C’est une bonne nouvelle. »
Passive
« J’ai eu une promotion, En termes de communication non verbale, il y a peu ou
et constructive
je vais avoir plus pas d’expression active d’émotions.
de responsabilités » Active destructive « Cela va te faire beaucoup de travail en plus
maintenant ! Tu vas être encore moins à la maison alors
qui va s’occuper des enfants ? Des courses ? »
En termes de communication non verbale, il y a expression
d’émotions négatives avec froncement des sourcils, front
plissé.
Passive destructive « Oui, mais que mange‑t‑on ce soir ? »
En termes de communication non verbale, peu ou pas de
maintien du contact visuel, tourne le dos ou quitte la pièce.
L’apport de la psychologie positive dans les démarches de psychologie de la santé 27

On peut donc considérer qu’il y a là une piste intéressante à creuser en termes de démarches en
psychologie de la santé, tout en ne prenant pas pour argent comptant les résultats annoncés. Quoi
qu’il en soit, de nombreux modèles développés dans le domaine de la psychologie positive sont en
évolution, au gré des recherches et des résultats obtenus, comme celui proposé dans le modèle VIA.

3.2 Le modèle VIA, vers une amélioration


des qualités psychométriques et un ajustement
Le modèle VIA (« Values in Action »), développé par Peterson et Seligman en 2004, est sans doute
le plus populaire pour ceux qui existent sur les modèles des forces.
Rappelons comment ces forces ont été identifiées. Un groupe de chercheurs a été réuni. Il a
travaillé sur l’identification de ces vertus et forces de caractère pour aboutir à un modèle à vingt-
quatre forces qui a ensuite été validé par Park, Peterson et Seligman (2006), suite à une étude auprès
111 676 adultes provenant de cinquante-quatre pays et des cinquante États américains. Mais malgré
le nombre important de données, et un questionnaire qui avait l’objet d’un important travail d’éla-
boration (240 items, 10 par forces), force était de constater que ses qualités psychométriques étaient
en deçà des normes usuelles, et que le modèle n’avait pas bénéficié d’analyses confirmatoires. C’est
la raison pour laquelle McGrath (2012) s’est livré à des études complémentaires destinées à ajuster
le modèle. Fort d’un nombre important de participants, plus de quatre cent cinquante mille, il a pu
se livrer aux analyses ad hoc afin d’identifier le meilleur modèle possible, ou tout au moins valider le
modèle plus proche possible du modèle initial. Dans ce qu’ils ont d’essentiel, ses résultats ont révélé
qu’il était possible de valider un modèle à 24 forces mais que celles-ci étaient légèrement différentes
du modèle initial. Les forces « Espoir », « Gratitude », « Leadership » et « Entrain » ne ressortaient pas
des analyses au profit de nouvelles forces « Positivité – Positivity », « Réceptivité – Receptivity », « La
Recherche Intellectuelle – Intellectual Pursuits », et « Ouverture sur le futur – Future Mindedness ».
Ils ont également révélé que les différentes forces n’étaient plus évaluées au moyen de 10 items pour
chaque échelle, mais au moyen d’échelles allant de 3 à 19 items. Pour finir, les différentes forces ne
se regroupent pas sur un modèle à 6 facteurs, les vertus, mais sur un modèle à cinq facteurs latents,
« Interpersonnel », « Émotionnel », « Intellectuel », « Contrôle » et « Orientation vers le futur ».
Pour l’auteur, « bien que le modèle original VIA-IS demeure une base viable pour comprendre les
conceptions culturelles des vertus et des forces, des études futures de ce que serait un outil optimal
sont justifiées » (p. 10). Ce type de travaux montre que même si certains modèles sont largement
utilisés avec les outils qui leur sont associés, il a aussi un souci de lier la pratique avec les recherches
de manière à concevoir des outils toujours plus performants, et des modèles mieux adaptés. Cela
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démontre le dynamisme des chercheurs de ce champ qui ont souvent privilégié la créativité parfois
au détriment de la rigueur scientifique, tout en cherchant après expérience à réinjecter de la rigueur
destinée à donner du poids aux pratiques. Dans le même ordre d’idée, on retrouve le programme
qui a été développé à destination des cadres de l’armée américaine et qui ouvre des perspectives
intéressantes en termes de prévention du stress post-traumatique et des effets délétères qui lui sont
associés. En quoi consiste ce programme et comment est-il structuré ?

3.3 Le programme « Comprehensive Soldier Fitness » (CSF)


L’idée a germé dans l’esprit de Seligman, à la demande d’officiers supérieurs de l’armée américaine,
que si les GI souffraient de stress post-traumatique et qu’ils souffraient ensuite de différents types de
troubles, dépression, addictions, les conduisant au divorce, à des comportements dysfonctionnels,
28 Psychologie de la santé : applications et interventions

ou au suicide, cela était dû à un déficit dans leurs capacités de résilience. Il a donc proposé un
programme non pas destiné à prévenir ces différents troubles, mais à renforcer la résilience. À l’ori-
gine, ce programme était proche de celui proposé à des élèves dans le but d’augmenter leur niveau
d’optimisme avec pour conséquence la prévention de la dépression, le Penn Resiliency Programm
(PRP) dirigé par Reivich et Gillham (avec Jaycox et Seligman, 1995). Il a finalement été transposé
pour des adultes dans ce contexte particulier qu’est l’armée afin d’obtenir « une armée psycholo-
giquement en forme » (Seligman, 2013, p. 169). En quoi consistait l’enseignement de la résilience
aux personnes et aux formateurs ? Dans un premier temps, il s’est agi d’administrer aux soldats une
batterie de tests psychologiques, le Global Assessment Tool (GAT) destiné à les évaluer sur quatre
plans : affectif, social, familial, et spirituel. La grille qui a été conçue permettait ensuite d’orienter
les soldats vers différents programmes de formation, initiation ou perfectionnement.
À ce stade, cette grille permettait aussi d’évaluer la santé psychosociale de l’armée dans son
ensemble. Plus d’un million de personnes ont été concernées par cette évaluation. Des cours de
formation en ligne ont ensuite été proposés pour chacun des quatre registres de la santé ainsi qu’un
cours de croissance post-traumatique. Dans le cours de développement personnel, il y a donc un
module de santé affective qui consiste à tirer parti de ses émotions par exemple, dans celui sur la
santé familiale, être capable d’avoir des conversations téléphoniques encourageantes fondées sur le
dialogue actif et constructif, dans celui propre à la résilience, être capable de faire preuve d’empa-
thie, d’avoir une vision optimiste des événements. Enfin, les cours de croissance post-traumatique
consistent à comprendre la réaction au traumatisme comme l’effondrement des idées qu’il se faisait
de lui-même et souligner l’aspect normal de la réaction face au traumatisme, calmer son anxiété,
se confier de façon constructive, création d’un récit du traumatisme, énoncer des principes et des
conceptions de la vie plus solides face à l’adversité (voir Seligman, 2013, p. 169-236). L’ensemble
de la formation est conçu pour proposer des modules spécifiques aux sergents instructeurs, avec
aussi des systèmes de jeux de rôles pour forger la résistance psychologique. Ce programme permet à
Seligman et à son équipe de disposer d’une très importante base de données. Si le programme a en
lui-même fait l’objet de publications destinées à le présenter (e. g., Reivich, Seligman, et McBride,
2011), d’autres publications destinées à en présenter les effets sont attendues. Il est d’ailleurs éton-
nant de constater que développé en 2009, cela n’a pas déjà été le cas, mis à part des clauses de
confidentialité bien entendu.
À l’issue de l’étude de ces différents points, il est aisé de constater qu’en termes de perspectives,
l’apport de la psychologie positive dans les démarches de psychologie de la santé peut être novateur,
ou tout du moins complémentaire avec des pratiques existantes. Les trois niveaux d’interventions
que sont l’individu, le groupe ou l’institution sont présents dans de très nombreuses problématiques
de recherches, à l’instar de celles qui viennent d’être développées. Alors quelles limites et comment
conclure ?

4. Conclusion : quelles limites et quelles perspectives ?

Au final, il est, à l’heure actuelle, difficile d’envisager des mises en œuvre dans le cadre d’une
démarche en psychologie de la santé qui soient totalement orientées « psychologie positive ». En
revanche, ces interventions, en l’état actuel des recherches, peuvent compléter l’arsenal thérapeutique
à la disposition des praticiens selon les patients auxquels ils ont affaire, et selon la nature des troubles
à traiter. En quoi peut-on considérer qu’il y a grâce à la psychologie positive un modèle novateur ?
En fait, tout au long du chapitre, différents éléments ont cherché à défendre l’idée selon laquelle il
L’apport de la psychologie positive dans les démarches de psychologie de la santé 29

était possible de substituer à un modèle de la maladie, un modèle de la santé. Il est effectivement


différent de chercher à traiter la maladie et de promouvoir la santé. En cela, la nuance est ici impor-
tante. On la retrouve dans les différentes illustrations qui ont été développées. En réalité, on peut
tout à fait considérer que les deux modèles sont complémentaires. Comme cela a été évoqué dans la
première partie, il convient de les considérer comme étant les deux faces d’une même pièce qu’il ne
s’agit nullement de lancer afin de déterminer au gré du hasard quels types d’interventions seraient
les mieux adaptés. En termes de démarches de psychologie de la santé, les choses ne peuvent pas
se jouer à pile ou face, elles vont se jouer en termes d’évaluation, de diagnostics et de démarches
adaptées parmi lesquelles celles issues de la psychologie positive ont une place potentielle. Les limites
seraient donc ici liées à un recours exclusif à celles-ci. Mais elles sont liées aussi aux interrogations
qu’elles suscitent quant à leur efficacité. On entre alors ici dans les perspectives prometteuses que ce
courant apporte dans les perspectives de démarches en psychologie de la santé. L’évaluation de leur
efficacité est un champ de recherche très important et en plein essor. Finalement, certaines techniques
initialement destinées à augmenter le niveau de bien-être des personnes se retrouvent transposées
comme éléments de la prise en charge des patients, à l’instar des « trois bonnes choses », du « carnet
de gratitude » ou des « forces de caractère ». Elles ont fait leurs preuves dans ce cadre, en attestent les
publications dont elles ont pu faire l’objet. Reste à savoir si d’autres techniques issues de la psycho-
logie positive feront aussi leurs preuves dans ce contexte particulier ? À la fois, l’épreuve des faits,
et les études réalisées dans le champ permettront d’avoir des réponses à ces questions d’actualité.

À retenir
Bien-être et/ou bonheur – Ces concepts se déclinent en deux conceptions distinctes : le bien-être subjectif
et le bien-être psychologique. Dans la première conception, on considère que le bien-être revient à ressentir
beaucoup d’émotions positives, à ressentir peu d’émotions négatives, et à avoir un sentiment général de
satisfaction dans la vie. Dans la seconde, on considère qu’il s’agit de donner un sens à sa vie, de s’accepter
soi-même, d’avoir des relations sociales épanouies, et de se réaliser pleinement, d’avoir une vie juste et
épanouie. Dans le premier cas, on parle aussi de bonheur hédonique et dans le second de bonheur eudé-
monique (voir Quoidbach, 2013, chapitre 2, pour une revue).
Forces de caractère – Selon une première définition, une force est une capacité préexistante quant à une
façon particulière de se comporter, de penser et de « vibrer » émotionnellement qui soit authentique et
énergisante pour l’individu et qui facilite à la fois le développement, la performance et le fonctionnement
optimal (Linley, 2008). Selon la seconde définition, une force peut être considérée comme l’aptitude à
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

fournir régulièrement une performance quasi parfaite dans une tâche (Rath, 2007). Trois composantes se
dégagent de ces définitions : l’aspect naturel (l’authenticité) d’une force, la haute performance (le succès,
la facilité, l’apprentissage rapide, le fonctionnement optimal) et l’énergie (la vitalité, l’enthousiasme ; voir
Dubreuil, Forest, et Coucy, 2013, pour une revue, in Martin-Krumm, Tarquinio, et Shaar, 2013).
Interventions orientées psychologie positive – Sont considérées ici les interventions qui reposent sur
des fondements théoriques issus de la psychologie positive, comme, à titre d’exemples, celles fondées
sur l’optimisme et plus largement sur les forces, la gratitude, le discours actif constructif, les trois bonnes
choses, l’organisation du temps, etc. On notera qu’elles sont plutôt complémentaires, voire communes.
Psychologie positive : « La psychologie positive, c’est l’étude des conditions et processus qui contribuent
à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des personnes, des groupes et des institutions » (Gable
et Haidt, 2011, in Martin-Krumm et Tarquinio, 2011).
30 Psychologie de la santé : applications et interventions

Lectures conseillées
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Boeck.
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environnement professionnel, Bruxelles, De Boeck.
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2
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LES DÉMARCHES
D’ÉDUCATION
THÉRAPEUTIQUE1

1.  Par le docteur Anne-Christine Rat, APEMAC, EA 4360, Nancy.


aire
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So m

1. Éléments théoriques.............................................................................................. 37
2. Champs et terrains d’application.......................................................................... 42
3. Perspectives pour la mise en œuvre..................................................................... 48
4. Conclusion.............................................................................................................. 51
Bibliographie.............................................................................................................. 52
Les démarches d’éducation thérapeutique 37

1. Éléments théoriques

rt

Pa
1.1 Définition, textes réglementaires

ie
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) fait l’objet d’un intérêt croissant national et interna-
tional (Bodenheimer et al., 2002 ; Newman et al., 2004). Son développement dans des conditions
de qualité, d’équité et d’efficience constitue une priorité chez les patients atteints de maladies
chroniques (DGOS, 2008).
Selon le rapport SAOUT publié en 2008 (Saout et al., 2008), l’ETP s’entend comme un processus
de renforcement des capacités du malade et/ou de son entourage à prendre en charge l’affection
qui le touche, sur la base d’actions intégrées au projet de soins. Elle vise à rendre le malade plus
autonome par l’appropriation de savoirs et de compétences, afin qu’il devienne l’acteur de son
changement de comportement, tout au long du projet de soins, avec l’objectif de disposer d’une
qualité de vie acceptable.
La circulaire DHOS/E2/F/MT2A/2008/236 du 16 juillet 2008 précise que cette démarche se
distingue de la simple information délivrée aux patients. Elle permet « d’aider les patients à acquérir
ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie
chronique ». Elle consiste donc en un ensemble de méthodes et d’outils développés dans un cadre
pluridisciplinaire, destinés à rendre le malade plus autonome dans la gestion de sa maladie et, ce
faisant, à restreindre ou retarder la survenue d’éventuels incidents ou complications et, dans ce
cadre, limiter le recours aux soins.
La loi HPST du 21 juillet 2009 stipule que « l’éducation thérapeutique s’inscrit dans le parcours de
soins du patient » et a « pour objectif de rendre plus autonome le patient en facilitant son adhésion
aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie » (Anonymous, 2009).
En France l’ETP stricto sensu se distingue de l’accompagnement du malade qui est un processus
externe veillant à apporter une assistance et un soutien aux malades ou à leur entourage, dans la
prise en charge de la maladie. Elle se distingue également des programmes d’apprentissage des gestes
techniques pour l’utilisation d’un médicament ou d’un dispositif médical.
Dans plusieurs pays étrangers, des programmes de disease management ont été mis en place depuis
plusieurs années. Il s’agit de systèmes coordonnés d’interventions et de communications : ETP visant
à améliorer les compétences et les connaissances du patient, soutien à la motivation (coaching),
coordination des soins, suivi et alerte (Bras et al., 2006). Il existe cependant quelques différences
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

entre disease management et ETP. L’ETP est intégrée aux soins, émancipatrice, personnalisée. Son
objectif est que la personne qui consulte un professionnel de soins, quel que soit son état de santé,
soit en mesure de contribuer elle-même à maintenir ou améliorer sa qualité de vie. Autrement dit,
il s’agit d’aider le patient à améliorer son « pouvoir d’agir » ou capacitation. Le disease management
est extérieur aux soins, normatif, standardisé. Il vise à l’observance, l’adoption de comportements
prescrits par le corps médical, la conformité à une norme. L’essentiel des efforts vise à renforcer les
capacités et les performances des patients (Bras et al., 2006).
Alors que la définition de l’OMS de 1998 précises que « l’éducation thérapeutique du patient
devrait permettre aux patients d’acquérir et de conserver les capacités et les compétences qui
les aident à vivre de manière optimale leur vie avec leur maladie », les modèles sous-jacents aux
programmes restent très hétérogènes (Fournier et al., 2007).
L’ETP fait appel à de multiples modèles dans les domaines de la santé, des sciences humaines
et sociales, de la pédagogie et des sciences biologiques. Les exposer peut permettre aux acteurs de
38 Psychologie de la santé : applications et interventions

mieux analyser leurs pratiques et leur compréhension de l’ETP. Ils permettent de mieux comprendre
la psychologie des patients et pourquoi les différentes techniques utilisées dans l’ETP sont impor-
tantes à mettre en œuvre.

1.2 Modèles théoriques utilisés


1.2.1 Les modèles d’apprentissage
Plusieurs éléments sont importants à souligner sur l’apprentissage dans l’ETP :

•  La formation des adultes comporte des particularités. En effet, les personnes à qui elle s’adresse
ont déjà des représentations, des expériences et ont construit des savoirs. Elle est souvent une
remise en cause de leurs certitudes.

•  Si l’éducation comporte une part de transmission des savoirs ou savoir-faire, elle vise aussi à
l’appropriation de ces savoirs et à leur transformation par la personne à qui ils sont transmis.

•  L’ETP fait une place importante à l’apprentissage par l’expérience. La réflexivité du patient est
soulignée afin de définir ses objectifs et ses propres plans d’action.

•  L’ETP vise aussi au développement de la connaissance de soi et de l’esprit critique qui participent
de la capacité à faire des choix et à exister dans un environnement social (Eymard, 2010).
L’apprentissage fait appel à plusieurs grands modèles : les modèles centrés sur les facteurs externes
au sujet (modèle béhavioriste), les modèles centrés sur les facteurs internes au sujet (modèle cogniti-
viste) et les modèles centrés sur les interactions du sujet avec son environnement (modèle construc-
tiviste et socio-constructiviste).

ÔÔ Le modèle béhavioriste ou comportementaliste


Selon Watson, l’homme n’est que le reflet de son milieu et des conditionnements qu’il subit. Il
considère que l’environnement est un élément important de l’explication des conduites et que tout
apprentissage est observable par le changement de comportement.

•  Dans le modèle transmissif (béhaviorisme dans une logique expositive), la transmission des
informations est standardisée et se déroule sous forme d’exposé. Le savoir doit seulement être
intégré. Les savoirs savants sont privilégiés par rapport aux savoirs d’usage et à l’apprentissage
par l’expérience. En ETP, il peut s’agir de transmettre des informations nécessaires pour éviter
les complications de la maladie ou du traitement. La transmission peut se faire indépendam-
ment de la culture mais elle peut aussi s’adapter au contexte environnemental et également
au développement cognitif du patient. Elle peut viser au développement d’un esprit critique.

•  D’autres modèles d’apprentissage appartenant au béhaviorisme se sont développés notam-


ment les interventions cognitivo-comportementales ou l’apprentissage par l’action. Trois prin-
cipes sont soulignés par Skinner : nous apprenons dans l’action, de l’expérience et par essais
et erreurs. On considère ici que les exercices d’application favorisent la généralisation et la
maîtrise des acquisitions, la réussite doit être renforcée, que les savoirs complexes doivent être
décomposés en savoirs élémentaires et que les objectifs à atteindre doivent être progressifs pour
favoriser la réussite. L’élaboration d’objectifs avec le patient en vue d’obtenir des modifications
de comportement s’inscrit dans cette approche. Le patient reste autonome dans l’élaboration
de ses concepts et dans l’analyse qu’il fait de son apprentissage et de sa situation. Les facteurs
cognitifs influencent par ailleurs le comportement et l’interprétation de l’environnement par
Les démarches d’éducation thérapeutique 39

le sujet. Dans les approches cognitivo-comportementales qui peuvent être utilisées en ETP,
l’objectif est de modifier les représentations, les croyances, les pensées, les actions et les émotions
afin de mieux vivre.

ÔÔ Le modèle cognitiviste
Dans les modèles centrés sur les facteurs internes au sujet (modèle cognitiviste), le processus d’ap-
prentissage est centré sur le sujet, sa structure psychique et sa manière d’apprendre. L’apprentissage
est une modification des structures mentales. Le patient construit son savoir.

ÔÔ Le modèle constructiviste et socio-constructiviste


Dans les modèles centrés sur les interactions entre le sujet et l’environnement, utilisant une
approche constructiviste, l’objectif visé est une meilleure connaissance de soi dans l’environnement
social (Piaget, 2005). Les connaissances se construisent dans l’action et l’explication de celle-ci. Le
développement cognitif résulte d’interactions entre le patient et l’environnement, il est indissociable
de l’action. Les savoirs d’expérience sont pris en compte. L’analyse des situations permet la prise de
conscience de ses limites et l’élaboration d’autres projets de vie avec la maladie, de retrouver du sens.
La manipulation d’idées et de connaissances, par exemple lors de mises en situation où différents
points de vue peuvent se confronter, peut être utilisée au cours de séances d’ETP.
Dans le socio-constructivisme, la dimension sociale est essentielle au processus d’apprentissage.
La présence des autres stimule l’apprentissage (Bandura, 1977). Dans un groupe, les représentations
initiales se confrontent, sont remises en questions, le savoir se construit par les interactions du
groupe. Le développement de compétences psychosociales est important afin d’arriver « à maintenir
un état de bien être, en adoptant un comportement approprié et positif, à l’occasion des relations
entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement » (Eymard, 2010).
Ces différents modèles vont cohabiter et ont leurs avantages et leurs limites. Il convient par
ailleurs de tenir compte des caractéristiques des patients qui vont être plus ou moins sensibles à tel
ou tel modèle.
De nombreux modèles issus de la psychologie de la santé sont utilisés pour répondre aux objectifs
de l’ETP.

1.2.2 Les modèles de changement de comportement


Le changement de comportement étant un des objectifs importants de l’ETP, les différentes
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

approches motivationnelles du changement peuvent être utilisées en ETP. Parmi les plus classique-
ment décrites et utilisées en ETP on peut exposer succinctement les modèles ci-dessous.

ÔÔ Modèle de Prochaska (modèle transthéorique)


Ce modèle décrit plusieurs stades lors d’un changement de comportement. Au stade de précon-
templation, le sujet n’est pas impliqué et n’envisage pas de changer de comportement. Au stade
de contemplation, il adhère à l’information et envisage un changement de comportement mais il
hésite à renoncer aux bénéfices de la situation actuelle.
Puis il rentre dans une phase de détermination au cours de laquelle il est décidé à changer. Il met
ensuite en place le changement et s’engage dans l’action. Il doit maintenir alors son changement de
comportement mais n’est pas à l’abri de rechutes temporaires. Lorsque le nouveau comportement
devient une habitude, la sortie est permanente.
40 Psychologie de la santé : applications et interventions

ÔÔ Modèle de croyance de santé (Health Belief Model)


(Rosenstock et al., 1988)
Ce modèle essaie d’expliquer pourquoi un individu pourrait accepter ou rejeter des actions de
prévention de la santé ou adopter des comportements sains, favorables à sa santé. Il stipule que les
individus vont mieux répondre aux messages de promotion de la santé lorsqu’ils pensent avoir un
risque de développer une maladie spécifique, lorsqu’ils pensent que les conséquences de la maladie
sont graves, lorsqu’ils sont persuadés que leur changement de comportement sera efficace et que
ce changement est possible. Les incitations internes (exemple : la perception des symptômes) et
externes (exemple : la culture ou l’expérience de personnes proches) nécessaires à la mise en œuvre
du changement de comportement ont des influences à différents niveaux. En ETP, s’enquérir et
essayer d’agir sur les croyances qui vont faire rejeter ou accepter le changement de comportement
est une méthode classique et fréquemment utilisée.

ÔÔ La théorie sociale cognitive (Bandura, 1977)


Dans la théorie sociale cognitive de Bandura, on considère que le comportement résulte d’interac-
tions entre des déterminants cognitifs, comportementaux et environnementaux que l’on appelle le
sentiment d’efficacité personnelle. L’observation des autres dans le contexte d’interactions sociales
détermine également les comportements. En matière d’apprentissage adulte, les interventions s’ap-
puyant sur le ren­forcement du sentiment d’efficacité personnelle afin de faciliter les changements
de comportements de santé sont parmi les plus utiles.

1.2.3 Les modèles du self-empowerment : la « capacité d’agir »


(Fischer et Tarquinio, 2006)
L’empowerment donne au patient la responsabilité de ses choix et des conséquences de ses choix.
L’utilisation de ce terme dans le domaine de la santé n’est pas uniforme mais certains éléments sont
communs. La philosophie qui sous-tend l’empowerment est l’autodétermination, elle stipule que l’être
humain a le droit et les capacités de choisir par et pour lui-même. L’empowerment concerne plus ce
que la personne « est » que ce qu’elle « fait ». Il y a deux dimensions au processus d’empowerment,
une dimension interpersonnelle et une dimension intrapersonnelle. L’interaction soignant-soigné
permet de partager la connaissance, les valeurs et le pouvoir. Cette interaction s’associe à une trans-
formation du patient (McWilliam et al., 1997).
L’éducation orientée vers l’empowerment qui est un objectif essentiel de l’ETP, vise à augmenter
les compétences des patients à identifier leurs besoins et leurs problèmes psychologiques, à déter-
miner leurs buts personnels, à définir leurs propres stratégies pour atteindre ces buts, à résoudre les
problèmes, gérer le stress et faire face aux émotions, à rechercher des soutiens sociaux, négocier,
poser des questions, communiquer et exprimer leurs préférences.
Elle s’appuie sur la motivation, la confiance en soi et les compétences (faciliter la prise de décision,
développer une image de soi satisfaisante, acquérir des compétences sociales, renforcer la perception
d’affirmation de soi).
Le résultat souhaité de ce processus d’empowerment est à définir par le patient lui-même car
respecter le principe d’autodétermination, ne signifie pas forcément autogestion. La participation aux
décisions de santé n’est parfois pas souhaitée et certains patients préfèrent déléguer la responsabilité
au soignant. Le comportement à adopter par le patient est celui qui va lui permettre d’atteindre les
Les démarches d’éducation thérapeutique 41

buts qu’il s’est défini mais n’est pas un comportement déterminé pour tous comme une norme à
atteindre (Aujoulat et al., 2007 ; Aujoulat et al., 2008).
Les bénéfices possibles de l’empowerment sont multiples : autogestion de la maladie et du traite-
ment, autodétermination de la santé et des buts du traitement et sentiment d’autoefficacité vis-à-vis
de la maladie et des traitements. Une meilleure qualité de vie, une meilleure connaissance de soi,
de meilleures capacités à faire face à des sentiments négatifs, une transformation de soi dans son
environnement et une meilleure adaptation psychologique sont également attendues par l’empower-
ment. Enfin, la recherche de sens et la reconstruction de l’identité avec la maladie sont des objectifs
de l’empowerment.
Les interventions visant à développer l’empowerment sont centrées sur le patient, se basent sur
l’apprentissage par l’expérience. La relation doit être continue et implique les participants, elle
facilite l’autoréflexion, l’expression des émotions, des doutes, des peurs, des besoins, perspectives
et buts de vie.

1.2.4 Modèles d’autorégulation


Le patient atteint d’une maladie chronique essaie de donner un sens à sa vie et à son expérience
de malade. Il réalise des actions, les évalue et repense comment les efforts fournis donnent un sens
à son histoire. Ces mécanismes sont utilisés dans l’ETP.

ÔÔ Représentations de la maladie, modèle du sens commun


de Leventhal (Leventhal et al., 1984)
Les patients, en essayant de comprendre leurs symptômes et leur maladie, se créent des représen-
tations cognitives. C’est à l’aide de ces représentations, qu’ils donnent du sens aux symptômes, de
la cohérence à leur maladie et déter­minent leurs actions.
Le modèle comprend quatre domaines, les représentations cognitives liées à la maladie, les
réponses émotionnelles liées à la maladie et au trai­tement, les stratégies de coping découlant des
représentations et l’évaluation effectuée par la personne quant au résultat de ses stratégies de coping.

ÔÔ Buts de vie, but de santé


Un objectif spécifique d’une personne ne peut pas exister seul mais fait partie d’une structure plus
complexe de buts de vie, d’espérances de vie, caractérisée par des niveaux variés. Dans le niveau le
plus élevé, les buts représentent une philosophie de vie personnelle dans le cadre d’une optimisa-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tion du concept de soi. On peut citer les buts concernant le bien-être, la santé, le développement
personnel et les buts sociaux. Le but de niveau moindre fonctionne comme un objectif facilitant
l’atteinte des buts de vie de niveau plus élevé.
L’adoption d’un nouveau comportement de santé peut créer d’importants conflits avec d’autres
buts. Se traiter par insuline ou débuter une dialyse sont des exemples de buts relatifs aux comporte-
ments de santé mais ils peuvent être en conflit avec les buts de bien-être subjectif.
Le modèle des buts relatifs aux comportements de santé de Maes (Gebhardt et Maes, 2001 ; Spitz,
2003) intègre la structure des buts personnels de vie, les phases de changement de comportement,
se centre sur les coûts et bénéfices de santé mais également sur les coûts et bénéfices émo­tionnels
du changement de comportement. Il prend en compte les croyances de la personne en ses propres
capacités et la perception qu’elle a de la vision sociale du comportement, et reconnaît les sources de
variations personnelles autant qu’environnementales.
42 Psychologie de la santé : applications et interventions

2. Champs et terrains d’application

Dans un premier exemple, un programme d’éducation utilisant des méthodes cognitives, compor-
tementales et éducatives a été comparé à un programme d’éducation fondé sur la transmission
d’information dans les rhumatismes inflammatoires (Hammond et al., 2008).
The Lifestyle Management for Arthritis Programme (LMAP) comprend des approches cognitives,
comportementales et éducatives pour favoriser l’autogestion. Les modèles théoriques sur lesquels il
est fondé sont le Health Belief Model, la théorie sociale cognitive, les thérapies cognitivo-compor-
tementales et le modèle transthéorique du changement de comportement. Il utilise les principes de
l’éducation des adultes et les méthodes pour favoriser la mémorisation tels que les répétitions, la
catégorisation explicite et les supports distribués à l’avance. Le contenu est fondé sur les priorités,
préoccupations et intérêts des patients. Le programme s’appuie sur la maîtrise progressive de compé-
tences, de stratégies d’autogestion, le modeling, la persuasion, la réinterprétation et la détermination
d’objectifs afin d’augmenter la confiance en soi et permettre les changements de comportements.
Chaque module comprend des techniques d’autosurveillance, de formation avec retours et conseils
individuels et de détermination d’objectifs et de plans d’action individuels. Des documents écrits
résumant les points importants sont fournis aux patients pour chaque module. Des carnets d’auto-
surveillance permettent aux personnes d’enregistrer leur pratique des exercices.

Tableau 2.1 – Description du Lifestyle Management for Arthritis Programme

Thèmes abordés
Module 1
(4 séances de S’occuper de ses articulations.
2,5 heures)
Connaissances sur le rhumatisme inflammatoire, croyances de santé, impact
Séance 1 du rhumatisme, facteurs affectant les symptômes, expériences personnelles sur ce
qui aide, techniques d’autogestion, motivations pour changer.
Réalisation régulière de techniques ergonomiques pour réduire la douleur.
Séances 2 à 4 Exercices pour les mains.
Gestion de la fatigue et bénéfices des orthèses.
Rester mobile et gérer la douleur et l’humeur.
Croyances concernant l’activité physique, obstacles à sa pratique et solutions
à partir de cas.
Activité physique : programme d’exercices d’assouplissement et de renforcement
musculaire.
Programme d’activités de marche progressif.
Module 2 Échauffement et mouvements de tai-chi.
(4 séances de Faire l’expérience d’une activité physique de loisir en groupe pour augmenter
2,5 heures) la confiance en ses capacités à suivre des cours collectifs. Informations
sur les possibilités locales.
Chaussage et conseils concernant les soins podologiques.
Gestion cognitive des symptômes : gestion du stress, faire face aux pensées négatives
automatiques.
Gestion de la douleur avec utilisation du chaud et du froid, TENS, détournement
d’attention et relaxation.
Progression des objectifs.
Module Traitements, examens, communication avec les professionnels de santé.
de révision
Sujets au choix : alimentation, aides sociales, travail, thérapies complémentaires.
Les démarches d’éducation thérapeutique 43

Pour standardiser la délivrance du programme, un séminaire de formation a été organisé, rappelant


le contenu des modules, les techniques utilisées pour la formation des adultes et pour favoriser les
changements de comportements et les méthodes d’enseignement.
Le Lifestyle Management for Arthritis Programme (LMAP) a été comparé à un programme standard
qui est un programme utilisant des techniques d’apprentissage différentes basées sur l’information.
Les séances durent 2 heures et sont constituées de cours avec discussions de groupe. Des documents
écrits résumant les points importants sont fournis aux patients.

Tableau 2.2 – Description Programme habituel témoin

Thèmes abordés
§ onnaissances sur la polyarthrite, sur ses conséquences, son traitement, les examens,
C
Séance 1
les prises en charge.
§ Activités physiques, exercices d’assouplissements avec atelier pratique au cours

de la séance.
Séance 2
§ Repos, postures.
§ Techniques de gestion de la douleur (chaleur, TENS…).
§ Mesures de protection articulaire, avec atelier pratique au cours de la séance.
§ Gestion de la fatigue, du stress.
Séances 3
§ Relaxation (atelier pratique).
et 4
§ Buts des orthèses.
§ Soins podologiques et d’ergothérapie.
§ Alimentation saine.
§ Traitements complémentaires.
Séance 5
§ Aides sociales.
§ Discussion ouverte.

L’étude était un essai randomisé en double aveugle. Tous les patients âgés de 18 ans et plus
consultant pour une polyarthrite rhumatoïde ou une polyarthrite débutante étaient éligibles. La
randomisation était réalisée juste après la signature du consentement.
Les critères de jugement étaient des mesures de santé perçue mesurées à 6 et 12 mois :
•  La douleur mesurée par échelle analogique (0-100).
•  Les capacités physiques mesurées par le Health Assessment Questionnaire (HAQ) (0-3).
•  Le sentiment d’autoefficacité mesuré par le RA Self-Efficacy (RASE) Scale qui évalue les croyances
en ses capacités à réaliser des comportements d’autogestion (Hewlett et al., 2001).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

•  Le sentiment d’autoefficacité mesuré par le Arthritis Self-Efficacy Scale (ASES) (Lorig et al., 1989)
qui évalue les croyances en sa capacité à gérer la douleur et les symptômes de la polyarthrite.
•  La dimension de détresse psychologique du HAQ multidimensionnel et les dimensions senti-
ment d’impuissance et d’intériorité de l’Arthritis Helplessness Index qui mesure le contrôle
perçu (Stein et al., 1988).
•  L’autogestion par l’Arthritis Stages of Change Questionnaire qui évalue les stades de changement
de comportement dans la polyarthrite.
•  L’utilisation de techniques d’autogestion au cours de la semaine passée (exercices, gestion des
symptômes, protection articulaire, gestion de la fatigue).
•  L’utilisation des soins.
Parmi 499 patients éligibles, 324 (65 %) ont souhaité suivre un programme d’éducation et 218
(44 %) remplissaient les critères d’inclusion de l’étude et ont accepté de participer à l’essai. Cinquante
et un patients ont abandonné après la randomisation.
44 Psychologie de la santé : applications et interventions

À 6 mois, la douleur, la fatigue, la santé perçue, le sentiment d’autoefficacité de l’autogestion


de la maladie (RASE) et des symptômes de polyarthrite (ASES), la perception du contrôle (Arthritis
Helplessness Index), le sentiment d’impuissance et la détresse psychologique étaient significativement
plus améliorés par le programme LMAP par rapport au programme standard. Plus de patients étaient
dans le « stade action » de changement de comportement et la pratique de techniques de protection
articulaire et d’exercices était plus fréquente. À 12 mois, la douleur, les mesures d’autoefficacité, de
contrôle perçu, de sentiment d’impuissance, l’utilisation des techniques de protection articulaire
et de gestion de la fatigue étaient toujours significativement plus améliorées dans le groupe LMAP
même si les différences étaient moindres.
En termes de coûts, le LMAP coûtait 59 livres plus cher par patient par rapport au programme
standard déjà en place dans le centre.
Cette étude qui décrit dans les détails le contenu, les techniques utilisées et les modèles théoriques
ayant servi à développer le programme, ce qui est rarement le cas, montre que le type d’éducation a
un impact sur les résultats. L’utilisation de plusieurs instruments validés et particulièrement appro-
priés pour répondre aux objectifs de l’ETP en rhumatologie dont les critères psychosociaux sont de
première importance est une force de l’étude.
On peut souligner plusieurs limites ou pistes de recherche.
•  On ne connaît pas l’effet après douze mois mais la difficulté des résultats à long terme dans ce
domaine où l’ajustement à la maladie est constant est que de nombreux autres facteurs vont
interférer avec les résultats.
•  Comme dans beaucoup d’interventions complexes la transférabilité des résultats ne peut pas être
garantie. En effet de nombreux paramètres ne sont pas pris en compte notamment l’effet des
animateurs et l’effet local puisque le centre a une longue tradition de programme d’autogestion
même si les techniques n’étaient pas les mêmes. L’environnement social et le fonctionnement
en réseau ou non ne sont pas précisés.
•  L’essai contrôlé randomisé s’affranchit du contexte et de l’environnement ce qui dans le cas
d’interventions visant à modifier un comportement qui doit donc être maintenu à long terme
en dehors de toute prise en charge n’est pas toujours le plus adapté. Certains éléments du
programme LMAP diminuent un peu cette limite puisque les patients doivent chercher leurs
propres solutions.
•  Une des difficultés de l’ETP et de son évaluation est la non-participation. Il existe un biais
de sélection des patients et ceux qui n’ont pas pris conscience de leurs besoins ne parti-
cipent ni aux programmes d’ETP ni aux études l’évaluant. La participation aux essais
cliniques en particulier randomisés entraîne également un biais de sélection des patients.
Une évaluation plus précise des caractéristiques personnelles des patients, par exemple, leur
niveau socioéconomique, leur personnalité, leur entourage est important à décrire pour déter-
miner quels sont les patients qui peuvent bénéficier plus ou moins des programmes d’ETP.
•  L’évaluation des processus de mise en œuvre des programmes aurait pu apporter des informa-
tions sur la réalité de l’application des techniques plus particulières du programme LMAP et
leur non-utilisation dans le programme standard.
•  Certains auto-questionnaires utilisés interrogent les patients sur des éléments qui sont plus
particulièrement abordés dans le programme LMAP ce qui peut expliquer partiellement quelques
différences.
•  Des analyses complémentaires qualitatives devraient pouvoir apporter des informations complé-
mentaires importantes à ce type d’étude car les auto-questionnaires fermés ne permettent pas
d’évaluer tous les effets de cette prise en charge et ne peuvent pas analyser des éléments non
Les démarches d’éducation thérapeutique 45

attendus ou des effets intermédiaires expliquant les résultats finaux. Par exemple, dans une
étude sur une intervention de thérapie cognitivo-comportementale dans la polyarthrite visant
à « améliorer la gestion/perception de la fatigue », l’effet de l’intervention sur l’échelle visuelle
analogique de fatigue était modeste mais le discours des patients soulignait de nombreux
bénéfices : « la thérapie permet de nous mettre au point avec nous-même », « de comprendre et
d’analyser nos comportements, les symptômes », « de prendre de la distance », « d’accepter la
maladie », « de contrôler les sentiments de peur ou de culpabilité », « elle apporte de nouvelles
façons de penser, la personne trouve ses buts, ses barrières » (Dures et al., 2012).
•  Par ailleurs, les réponses aux auto-questionnaires sont modifiées par la participation à une étude
(effet Hawhorne), qu’elle soit observationnelle ou interventionnelle. L’évaluation en pratique
clinique pourrait être différente. Cependant cet élément n’aurait pas modifié les résultats de
notre exemple puisqu’il agit de la même façon dans les deux groupes.
La deuxième étude est un essai contrôlé randomisé cherchant à montrer qu’un programme d’ETP
dans l’ostéoporose (OP) était supérieur à des témoins sans ETP pour améliorer les connaissances sur
l’OP, les capacités d’autogestion et l’autoefficacité vis-à-vis de la consommation calcique et de la
pratique d’une activité physique (Francis et al., 2009).
Le programme se déroulait sur quatre semaines et consistait en une séance hebdomadaire de
2 heures à 2 h 30. Un manuel était distribué aux participants.
Les différents thèmes étaient abordés souvent plusieurs fois. Après la première séance, toutes
les séances ultérieures débutaient par un retour sur la mise en place des plans d’actions et sur une
discussion pour résoudre les problèmes rencontrés.

Tableau 2.3 – Description du programme

Thèmes

§ Croyances sur l’ostéoporose, sur les différences arthrose et ostéoporose


§ Motivation pour suivre les séances
§ Introduction sur l’ostéoporose (physiologie osseuse et conséquences de l’ostéoporose)
Séance 1
Bénéfices de l’activité physique en charge et comment commencer un programme
§ 
d’activités physiques
§ Détermination d’objectifs et d’un plan d’action
§ Facteurs de risque d’ostéoporose modifiables ou non par le patient
§ Activités physiques : identification des obstacles à sa pratique, discussion des solutions
Séance 2 Calcium : recommandations, sources, comment augmenter sa consommation malgré
§ 
les obstacles (intolérance au lactose…), absorption
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

§ Détermination d’un plan d’action


§ Densitométrie osseuse
§ Gestion des émotions
Traitements de l’ostéoporose, indications, fonctionnement, importance d’en discuter
§ 
Séance 3
avec son médecin
§ Communication avec les professionnels de santé
§ Détermination d’un plan d’action
§ Prévention des chutes, comment se baisser, porter…
§ Gestion de la douleur, techniques cognitives, médicaments, techniques physiques
Séance 4 § Associations
§ Détermination d’un plan d’action à plus long terme
§ Révision des messages clés du programme
46 Psychologie de la santé : applications et interventions

Même si les modèles théoriques ne sont pas cités et que les méthodes d’éducation sont moins
bien explicitées que dans le premier exemple, certaines techniques et le contenu correspondent
bien à la définition de l’ETP.
Les participants ont été recrutés par communications locales et internet. Ils devaient être âgés de
40 ans au moins, parler anglais et devaient avoir un diagnostic d’OP ou des facteurs de risque d’OP.
Les critères de jugement étaient le changement du niveau de connaissance évalué par l’OKAT
(Winzenberg et al., 2003), les sentiments d’autoefficacité vis-à-vis de ses capacités à faire de l’acti-
vité physique appropriée et à atteindre les recommandations de consommation calcique mesurées
par le Osteoporosis Self-Efficacy Scale (OSES) (Horan et al., 1998) et le Health Education Impact
Questionnaire (heiQ) (Osborne et al., 2007), qui contient huit dimensions mesurant les effets de
l’ETP : engagement positif et actif dans la vie, comportements favorables à sa santé, acquisition de
compétences et techniques, approches et attitudes constructives, autosurveillance et connaissances,
connaissance du système de soins, intégration et soutien social, bien être émotionnel. Ces auto-ques-
tionnaires étaient complétés, à l’inclusion et environ deux semaines après le programme d’ETP ou
à 6 semaines pour les participants témoins. Cent quatre-vingt-dix-huit patients ont été randomisés,
cent trois dans le groupe ETP et quatre-vingt-quinze dans le groupe témoin. L’âge moyen était de
63 ans et 92 % des participants étaient des femmes. Il n’y avait pas de différence entre les groupes
à l’inclusion. Les résultats sont exposés dans le tableau 2.4.

Tableau 2.4 – Comparaison du changement des scores de l’OKAT, OSES et heiQ


en fonction du groupe entre 6 semaines et l’inclusion

Intervention Témoin

Moy (DS) Moy (DS) p

OKAT (0-20)

Connaissances 3.58 (3.10) 0.05 (2.14) < 0.0001

OSES (0-10) autoefficacité vis à vis

De la pratique d’une activité physique 0.29 (1.79) 0.00 (1.43) 0.71

De la consommation de calcium 0.25 (2.31) 0.10 (1.87) 0.58

heiQ (1-6)

Comportements favorables à sa santé 0.20 (0.85) 0.04 (0.60) 0.02

Autosurveillance et connaissances 0.13 (0.46) 0.01 (0.45) 0.06

Engagement positif et actif dans la vie 0.11 (0.51) −0.03 (0.52) 0.048

Acquisition de compétences
et techniques 0.25 (0.57) 0.03 (0.54) 0.006

Approches et attitudes constructives 0.05 (0.47) −0.07 (0.43) 0.05

Connaissance du système de soins 0.10 (0.54) −0.02 (0.54) 0.14

Intégration et soutien social 0.11 (0.56) −0.06 (0.53) 0.03

Bien être émotionnel 0.01 (0.78) 0.01 (0.62) 0.98


Les démarches d’éducation thérapeutique 47

Les scores les plus élevés correspondent aux meilleurs scores de connaissance, d’autoefficacité ou
d’accord avec les items du heiQ.
Plusieurs limites peuvent être soulignées.
•  D’abord le recrutement est fondé sur le volontariat, ce qui est responsable d’un biais de recru-
tement. Les patients sont probablement déjà plus motivés pour prendre soin de leur santé,
améliorer leur prise en charge et leur gestion de la maladie. Les mesures d’autoefficacité ou du
heiQ sont probablement plus élevées que chez des personnes recrutées sans faire appel au volon-
tariat. Il sera donc difficile de généraliser les résultats à la population cible. Cependant, comme
nous l’avons vu dans l’étude précédente, les personnes acceptant d’intégrer un programme
d’ETP sont elles aussi sélectionnées mais malgré tout moins que par des opérations de commu-
nication locale.
•  Comme dans beaucoup d’interventions complexes, les patients n’étaient pas en aveugle du
traitement (ils savaient quel traitement ils recevaient) et les résultats peuvent ainsi être biaisés
en faveur du groupe intervention.
•  Des questionnaires tels que le heiQ ou l’OSES sont probablement modifiés par le seul fait
d’avoir bénéficié d’une action. Un groupe témoin avec une action différente connue pour être
non efficace et des références pour juger du niveau d’amélioration pourraient aider à juger de
la pertinence de l’intervention étudiée.
•  On peut également être déçu de certains résultats car dans ce type d’intervention, l’autoeffica-
cité devrait être améliorée comme la dimension « approches et attitudes constructives », par
exemple du heiQ. Il se pose ici la question de la mesure et des capacités des instruments de
mesure complexes à montrer une différence ou un changement dans le cadre particulier de l’ETP.
•  L’évaluation à court terme (deux semaines après l’intervention) favorise les résultats de celle-ci.
L’intérêt des programmes d’éducation thérapeutique a été démontré dans de multiples études
(Duke et al., 2009 ; Effing et al., 2007 ; Foster et al., 2007 ; Magar, 2010) mais toujours dans des cadres
particuliers, standardisés et souvent en milieu hospitalier.
Comme dans les deux exemples ci-dessus, l’évaluation des interventions en santé repose sur le
modèle de référence qu’est l’essai contrôlé randomisé individuel, bien adapté à l’essai du médicament.
Mais compte tenu de la complexité d’une intervention d’ETP, ce modèle d’évaluation à forte validité
interne (Campbell et al., 2007) présente des limites en particulier en termes de validité externe et de
transfert de ses résultats dans la pratique (Campbell et al., 2007 ; Oakley et al., 2006 ; Walach et al.,
2006). Ces limites sont d’autant plus importantes dans le champ de l’éducation, où l’on cible un
comportement de santé. Ainsi le résultat (en termes de participation à l’action ou de changement
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de comportement) sera fortement dépendant des caractéristiques de l’individu (cognitives, psycho-


logiques…) (Cambon et al., 2012).
En outre, au-delà de la question de l’efficacité, se pose dans ce type d’étude celui de son interpré-
tation : que s’est-il réellement passé ? Une évaluation de processus rigoureuse est nécessaire pour
appréhender la réalité de la mise en œuvre sur le terrain et la participation du public ciblé (Carroll
et al., 2007 ; Durlak et DuPre, 2008 ; Legrand et al., 2012 ; Oakley et al., 2006), mais de multiples
autres facteurs sont susceptibles de moduler le résultat.
Enfin le résultat de ce type de programme peut dépendre fortement de son contexte d’implan-
tation (Wang et al., 2006), c’est-à-dire de l’environnement culturel et social, et des systèmes de
santé en place. Celui-ci agit non seulement sur la façon dont fonctionne une intervention mais
également sur ses résultats (Cambon et al., 2012 ; Saunders et al., 2006 ; Wang et al., 2006). Aussi,
doit être posée la question de l’applicabilité de tels programmes et de la transférabilité des résultats
dans d’autres contextes.
48 Psychologie de la santé : applications et interventions

3. Perspectives pour la mise en œuvre

Sur le terrain, l’offre d’ETP est extrêmement variée tant en ce qui concerne les promoteurs des
programmes qu’en ce qui concerne leur contenu, leur fonctionnement, les personnels impliqués,
les personnes cibles, l’environnement et même leurs objectifs. Des recommandations de mise en
œuvre trop précises et directives ne répondraient pas au besoin d’individualisation de l’ETP aux
patients, au contexte ou à la maladie.
Des recommandations élaborées par la Haute Autorité de santé (HAS) guident et structurent la
démarche et les programmes (Haute Autorité de santé, 2010).
L’ETP est considérée comme une démarche éducative structurée qui tend à responsabiliser le
patient.

Figure 2.1 – La démarche d’ETP en quatre étapes

Le diagnostic éducatif est élaboré par un professionnel de santé au cours d’une ou plusieurs
séances individuelles. Il est indispensable à l’identification des besoins et des attentes du patient,
à la formulation avec lui des compétences à acquérir, à mobiliser ou à maintenir et à la précision
du contenu de l’ETP, en tenant compte des priorités du patient. Le diagnostic éducatif constitue
un temps d’apprentissage pour le patient, en sollicitant sa compréhension, sa réflexion, sa capacité
d’anticipation. En pratique, le diagnostic éducatif permet d’appréhender les différents aspects de la
vie et de la personnalité du patient, d’évaluer ses potentialités, de prendre en compte ses demandes
et son projet. Il identifie les situations de vulnérabilité psychologique et sociale. Il appréhende
également la manière de réagir du patient à sa situation, et ses ressources personnelles et sociales. Il
identifie la réceptivité du patient et de ses proches à la proposition d’une ETP. Un guide d’entretien
peut faciliter le recueil d’informations. Ce guide n’est pas destiné à être utilisé comme un question-
naire, mais comme un support structuré pour l’entretien avec le patient. Il doit être adapté par les
professionnels aux spécificités de la maladie chronique et à la population concernée.
Au terme du diagnostic éducatif, des objectifs et des priorités d’apprentissage sont définies avec
le patient.
Au cours des séances d’ETP individuelles et/ou collectives, des explications sont suivies de discus-
sions, d’exercices pratiques fondés sur la résolution de problèmes, de réflexion personnelle et de
retours afin d’aider le patient à fixer ses propres objectifs et à planifier les moyens pratiques de les
atteindre. Toutes les méthodes issues des modèles cités ci-dessus ont leur place et peuvent être mises
en pratique.
La dernière étape est l’évaluation. Celle-ci a un intérêt pédagogique et permet au patient d’ex-
primer son point de vue par rapport au processus éducatif et son organisation. Elle s’assure de l’acqui-
sition des compétences par rapport aux priorités d’apprentissage et permet au patient d’exprimer
son vécu de la maladie chronique et sa façon de la gérer au quotidien.
Les démarches d’éducation thérapeutique 49

Pour atteindre les objectifs des programmes d’ETP, des critères de qualité des programmes ont été
diffusés. L’ETP doit être centrée sur le patient, s’appuyer sur ses besoins et priorités, être construite
avec lui, concerner sa vie quotidienne et être adaptée à son profil. Elle doit être réalisée par des profes-
sionnels formés, être intégrée à la prise en charge et être multiprofessionnelle et multidisciplinaire.
C’est un processus permanent qui doit comporter une évaluation individuelle de l’intervention.
Enfin elle doit être définie en termes d’activités et de contenu et scientifiquement fondée.
On constate qu’un certain nombre de ces critères sont liés directement aux attentes des patients
afin d’acquérir des compétences d’auto-soin et d’adaptation.
Afin d’élaborer le contenu d’un programme d’ETP avant sa mise en œuvre, on peut s’aider d’une
liste de compétences (Haute Autorité de santé, 2010) que l’on peut proposer d’acquérir au terme
d’un programme d’ETP. Cette liste (tableau 2.5) est un guide qui pourra être adapté aux spécificités
de la pathologie et être discuté et déterminé avec les patients (Alami et al., 2011 ; Benhamou et al.,
2013 ; Sanderson et al., 2010).
Ces compétences qui sont « la mobilisation ou l’activation de plusieurs savoirs, dans une situation
et un contexte donnés » (Le Boterf, 2008) font ainsi appel à plusieurs types de savoirs : des savoirs
théoriques (savoir comprendre, savoir interpréter), des savoirs procéduraux (comment procéder),
des savoir-faire procéduraux (savoir procéder, savoir opérer), des savoir-faire expérientiels (savoir
faire, savoir se conduire), des savoir-faire sociaux (savoir se comporter, savoir se conduire) et des
savoir-faire cognitifs (savoir traiter de l’information, savoir raisonner, savoir nommer ce que l’on
fait, savoir apprendre).

Tableau 2.5 – Compétences à acquérir par le patient au terme d’un programme d’éducation thérapeutique,
quels que soient la maladie, la condition, ou le lieu d’exercice (d’Ivernois et Gagnayre, 2008).

Compétences Objectifs spécifiques (exemples)

1. Faire connaître, ses besoins, informer Exprimer ses besoins, ses valeurs, ses connaissances,
son entourage ses projets, ses attentes, ses émotions (diagnostic éducatif).

Comprendre son corps, sa maladie, s’expliquer


2. Comprendre, s’expliquer la physiopathologie, les répercussions sociofamiliales
de la maladie, s’expliquer les principes du traitement.

Repérer des signes d’alerte, des symptômes précoces,


analyser une situation à risque, des résultats d’examen.
3. Repérer, analyser, mesurer
Mesurer sa glycémie, sa pression artérielle, son débit
respiratoire de pointe, etc.
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Connaître, appliquer la conduite à tenir face à une crise


4. Faire face, décider (hypoglycémie, hyperglycémie, crise d’asthme…).
Décider dans l’urgence…

5. Résoudre un problème de thérapeutique Ajuster le traitement, adapter les doses d’insuline. Réaliser
quotidienne, de gestion de sa vie un équilibre diététique sur la journée, la semaine. Prévenir
et de sa maladie, résoudre un problème les accidents, les crises. Aménager un environnement
de prévention et un mode de vie favorables à sa santé (activité physique,
gestion du stress…).

Pratiquer les techniques (injection d’insuline, auto-contrôle


glycémique, « spray », chambre d’inhalation, débit-mètre
6. Pratiquer, faire
de pointe). Pratiquer les gestes (auto examen des œdèmes,
prise de pouls, etc.). Pratiquer des gestes d’urgence.
 ☞
50 Psychologie de la santé : applications et interventions

 ☞ Adapter sa thérapeutique à un autre contexte de vie


(voyage, sport, grossesse…). Réajuster un traitement,
7. Adapter, réajuster
ou un régime. Intégrer les nouvelles technologies médicales
dans la gestion de sa maladie et de son traitement.

Savoir où et quand consulter, qui appeler, rechercher


8. Utiliser les ressources du système l’information utile. Faire valoir des droits (travail, école,
de soins. Faire valoir ses droits assurances…). Participer à la vie des associations
de patients…

Afin d’atteindre l’objectif d’empowerment visé par l’ETP, on pourrait distinguer trois dimensions :
savoir, savoir-faire et savoir être (figure 2.2).

Savoir Savoir faire Savoir être

•  Connaître la maladie et •  Gérer les traitements •  Accepter de demander


les traitements •  Gérer les symptômes de l’aide
•  Connaître le système de et les répercussions •  Penser que l’on peut
santé et les aides de la maladie et ses intervenir sur sa santé
complications •  Faire face
•  Utiliser les ressources •  Trouver un sentiment
et services de maîtrise
•  Adopter des •  Trouver une sécurité-
comportements cohérence, un sens
de santé favorables

Changement
Informations Empowerment
de comportement

Figure 2.2 – Les trois dimensions de l’ETP : Savoir, Savoir faire et Savoir être

Quelques principes sur les méthodes à utiliser lors de l’ETP peuvent être soulignés. Certains se
fondent sur les différents modèles théoriques énoncés :

•  Concernant la relation entre soignants et soignés et la posture éducative. La qualité de la rela-


tion entre soignant et soigné est un des principaux déterminants de l’efficacité d’une action
d’éducation (Lineker et al., 2012). Quelques principes favorisant l’éducation sont importants.
Le vocabulaire médical et les explications doivent être compréhensibles par le patient, le voca-
bulaire doit être simple et adapté et le vocabulaire médical doit être défini avec des mots se
rapportant si besoin à la vie quotidienne. Il est souhaitable de s’assurer de la bonne compré-
hension des patients. Les questions doivent être ouvertes pour favoriser l’expression libre.
Les questions qui font appel à la compréhension doivent être privilégiées car elles suscitent
davantage une démarche mentale dynamique que celles qui font appel à la connaissance.
L’écoute est essentielle, le sentiment d’avoir été entendu favorise l’attention de l’interlocuteur.
Enfin, la reformulation permet de faire préciser et de faire progresser la réflexion. L’empathie
est essentielle à la relation entre soignant soigné en ETP (Lemozy-Cadroy, 2008).

•  Concernant les techniques d’enseignement. L’éducation doit :


– être centrée sur le patient ;
– être basée sur l’apprentissage par l’expérience ;
Les démarches d’éducation thérapeutique 51

– être réalisée grâce à des exercices d’application et d’analyse des situations ;


– être réflexive ;
– utiliser le renforcement positif des réponses et des comportements attendus ;
– créer une relation de partenariat ;
– les objectifs à atteindre doivent être progressifs et élaborés avec le patient.

•  Concernant les principes favorisant l’adaptation à la maladie et l’empowerment, il faut :


– connaître et se servir de l’analyse des stades de changement ;
– s’enquérir et essayer d’agir sur les croyances ;
– connaître et ren­forcer le sentiment d’efficacité personnelle ;
– développer les capacités d’agir en s’appuyant sur la motivation, la confiance en soi et les
compétences ;
– savoir que les représentations cognitives des patients donnent du sens aux symptômes, de la
cohérence à la maladie et déter­minent les actions ;
– ne pas oublier que l’adoption d’un nouveau comportement de santé peut créer d’importants
conflits avec d’autres buts de vie. Le besoin de compréhension des événements et la recherche
de sens vont permettre une mobilisation des ressources de la personne pour faire face à un
événement défavorable ;
– garder à l’esprit les objectifs de l’ETP  : améliorer la qualité de vie, la connaissance de soi,
les capacités de coping, la transformation de soi dans son environnement, l’adaptation
psychologique, l’empowerment, la recherche de sens, la reconstruction du sens par rapport aux
problèmes de santé et la reconstruction de son identité avec la maladie

4. Conclusion

L’ETP est désormais partie prenante du parcours de soins, elle est inscrite dans l’histoire d’un
patient et intégrée aux autres modes de prise en charge. Elle s’appuie sur les besoins et priorités du
patient. Son objectif est l’empowerment, elle n’est pas uniquement l’apprentissage de l’autogestion ou
d’un changement de comportement normatif surtout lorsque ceux-ci sont en conflit avec d’autres
buts de vie. Elle fait appel aux méthodes d’apprentissage des adultes et donc à la reconnaissance
d’un savoir d’expérience et aux relations soignants-soignés basées sur la construction commune de la
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prise en charge, le partage des savoirs et la posture éducative de la part des soignants. Elle a comme
but ultime d’aider les patients dans leur processus d’adaptation à la maladie et de les aider à vivre
de manière optimale leur vie avec leur maladie.

À retenir
Un des objectifs essentiels de l’ETP est le self-empowerment ou « développement des capacités d’agir ».
L’ETP doit être centrée sur le patient, s’appuyer sur ses besoins et priorités, être construite avec lui, concerner
sa vie quotidienne et être adaptée à son profil. Elle doit être intégrée à la prise en charge.
L’ETP est considérée comme une démarche éducative structurée, elle se distingue de la posture éducative
que tout soignant peut adopter dans son activité quotidienne.
52 Psychologie de la santé : applications et interventions

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L’ACTIVITÉ PHYSIQUE
POUR PRÉSERVER
LA SANTÉ1

1.  Par Anne Vuillemin, université de Lorraine, université Paris-Descartes, APEMAC, EA4360, Université de Lorraine, Nancy.
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1. Introduction............................................................................................................ 59
2. Éléments théoriques.............................................................................................. 59
3. Champs et terrains d’application.......................................................................... 64
4. Perspectives pour la mise en œuvre.................................................................... 69
5. Conclusion.............................................................................................................. 72
Bibliographie.............................................................................................................. 74
L’activité physique pour préserver la santé 59

1. Introduction

L’activité physique est un déterminant important de la santé globale, et ses bénéfices ont été
largement démontrés (INSERM, 2008 ; OMS, 2010 ; Physical Activity Guidelines Advisory Committee,
2008). L’activité physique participe à la réduction de la mortalité, à la réduction de la survenue de
maladies ou de leurs conséquences et à l’amélioration de la qualité de vie. Ainsi, la promotion de
l’activité physique et la lutte contre la sédentarité sont des objectifs majeurs de santé publique, parti-
culièrement dans la lutte contre les maladies non transmissibles (MNT) (World Health Organization,
2013).
Cependant, il est préoccupant de constater qu’une trop faible proportion de la population
mondiale atteint le niveau d’activité physique recommandé (Hallal et al., 2012). En France, moins
de la moitié de la population adulte âgée de 15 à 75 ans (42,5 %) atteint le niveau d’activité physique
recommandé pour avoir des bénéfices sur la santé (Vuillemin, Escalon, et Bossard, 2009). L’inactivité
physique est la quatrième cause de mortalité dans le monde et est aujourd‘hui présentée comme une
véritable pandémie (Kohl et al., 2012). « L’inactivité physique est l’un des plus importants problèmes
de santé publique du xxie siècle, et peut-être même le plus important » (Blair, 2009). Elle contribue
au développement des MNT, avec environ 6 %-10 % des principales maladies non transmissibles
qui lui sont attribuées (Lee et al., 2012). Il est estimé qu’en éliminant ce facteur de risque, plus de
5,3 millions de décès par an pourraient être évités dans le monde (pour comparaison, 5 millions de
décès par an dans le monde attribué au tabac), conduisant à une augmentation d’espérance de vie
de 0,68 an (Lee et al., 2012).
La diminution de l’activité physique est liée à l’industrialisation qui, associée au développement de
la mécanisation (Lanningham-Foster, Nysse et Levine, 2003), favorise une position assise prolongée
associée à une faible dépense énergétique. En effet, le comportement sédentaire fait partie intégrante
de notre quotidien, tant à domicile, qu’au travail ou lors de nos déplacements, ce qui contribue à
diminuer notre activité physique globale.
Ce constat incite à porter une attention particulière aux facteurs pouvant expliquer pourquoi
certaines personnes sont plus actives que d’autres (Bauman et al., 2012). Dans ce contexte, des
stratégies d’interventions ont été mises en œuvre pour promouvoir l’activité physique et diminuer
la sédentarité, dans différentes populations et différents contextes (Heath et al., 2012 ; Kahn et al.,
2002 ; Pratt et al., 2012), notamment dans le système de soins (Vuori, Lavie, et Blair, 2013).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

2. Éléments théoriques

La pratique régulière d’une activité physique est associée à de multiples effets bénéfiques sur la
santé, à l’origine d’une réduction du risque de mortalité et de survenue de maladies chroniques.
Le comportement sédentaire est quant à lui plutôt associé à des effets délétères sur la santé. Des
recommandations ont été élaborées, qui servent de repères à la population et aux professionnels,
en vue de favoriser un mode de vie actif.
60 Psychologie de la santé : applications et interventions

2.1 Bénéfices sur la santé associés à l’activité physique


L’activité physique permet d’augmenter l’espérance de vie et notamment l’espérance de vie en
bonne santé et de préserver l’autonomie (Gremeaux et al., 2012). Un mode de vie physiquement
actif est associé à une amélioration substantielle de la durée de survie (Bellavia, Bottai, Wolk, et
Orsini, 2013).

2.1.1 Réduction du risque de mortalité


La pratique d’une activité physique permet de réduire d’environ 30 % le risque de mortalité
toutes causes et par maladies cardiovasculaires (Nocon et al., 2008). Cette réduction est d’autant plus
importante que le niveau d’activité physique au départ est faible (Minton, Dimairo, Everson-Hock,
Scott, et Goyder, 2013 ; Woodcock, Franco, Orsini, et Roberts, 2011). Woodcock et al. ont montré
qu’il n’est pas nécessaire que l’intensité de l’activité soit élevée pour avoir un effet protecteur sur
la mortalité toutes causes (Woodcock et al., 2011). De même, une faible quantité d’activité peut
suffire. Une étude de cohorte prospective a montré que 15 minutes d’activité physique par jour,
6 jours par semaine, ou encore 90 minutes par semaine, soit moins que les recommandations de
santé publique, sont associées à une réduction du risque de mortalité toutes causes de 14 %, de 10 %
pour la mortalité par cancer et de 20 % pour la mortalité par maladie cardiovasculaire (Wen et al.,
2011). Chaque tranche supplémentaire de 15 minutes d’activité physique quotidienne, en plus des
15 minutes initiales par jour réduit la mortalité toutes causes de 4 % et la mortalité par cancer de
1 % (Wen et al., 2011). Ces bénéfices ont été observés quel que soit l’âge (20 ans et plus) et quel que
soit le genre, même chez des sujets à risque de maladies cardiovasculaires. Les sujets inactifs (pas
d’activité physique de loisir ou moins d’une heure par semaine) ont un risque de mortalité accru de
17 % comparé aux personnes du groupe avec un volume d’activité physique faible (Wen et al., 2011).
Des études se sont intéressées à la relation entre la mortalité et le contexte de pratique de l’activité
physique. Une réduction du risque de mortalité de 20 % a été observée pour une augmentation d’une
heure de l’activité physique de loisirs par semaine ; la diminution du risque étant ensuite moins
importante pour une augmentation équivalente du temps d’activité (Physical Activity Guidelines
Advisory Committee, 2008). En effet, le risque de mortalité décroît encore en fonction de l’élé-
vation du niveau d’activité physique, mais ce gain est moindre comparé au gain initial (Löllgen,
Böckenhoff, et Knapp, 2009). Une diminution de la mortalité associée à l’activité physique liée au
transport, notamment le vélo, a été mise en évidence (Andersen, Schnohr, Schroll, et Hein, 2000)
mais ces résultats ne semblent pas confirmés par des études plus récentes (Autenrieth et al., 2011 ;
Sahlqvist et al., 2013). Des résultats suggèrent que le travail, les tâches ménagères, les loisirs et
l’activité physique totale peuvent protéger contre la mortalité prématurée (Autenrieth et al., 2011).
D’autres études ont montré que la réduction du risque de mortalité était plus importante pour une
augmentation de l’exercice vigoureux et les sports que pour des activités d’intensité modérée de la
vie quotidienne (Samitz, Egger, et Zwahlen, 2011). Toutefois, les activités physiques intenses de la
vie quotidienne contribuent également à réduire la mortalité toutes causes (Stamatakis, Hamer, et
Lawlor, 2009 ; Stamatakis, Hillsdon, et Primatesta, 2007).

2.1.2. Prévention et traitement des maladies


L’inactivité physique augmente le risque de survenue de MNT (maladies cardiovasculaires, cancer,
maladies respiratoires chroniques, diabète) et contribue à la réduction de l’espérance de vie (Lee et al.,
2012). Les bénéfices associés à l’activité physique ont été démontrés par de nombreuses études à la
L’activité physique pour préserver la santé 61

fois dans la prévention et le traitement de plusieurs maladies et troubles psychologiques (Pedersen et


Saltin, 2006). Elle favorise également l’intégration et l’interaction sociale qui sont également associées
au bien-être de l’individu. L’activité physique a des effets bénéfiques sur la santé cardiorespiratoire,
métabolique, musculo-squelettique, fonctionnelle et mentale. Elle est importante dans la lutte contre
le surpoids et l’obésité. À l’image de l’immunisation qui a permis de réduire l’incidence des maladies
infectieuses, l’activité physique permet de réduire l’incidence des MNT en agissant sur leurs facteurs
de risque. Ses effets bénéfiques sont également bien démontrés dans la prise en charge de plusieurs
maladies chroniques et permettent également d’en limiter leurs conséquences. L’activité physique
est plus particulièrement utilisée comme thérapeutique non médicamenteuse dans les MNT mais son
intérêt a également été démontré dans le champ de la rhumatologie (Hassett et Williams, 2011 ; van
den Berg, Baraliakos, Braun, et van der Heijde, 2012). Elle fait également l’objet d’un intérêt pour
traiter d’autres atteintes, telles que les troubles de l’attention ou l’hyperactivité (Berwid et Halperin,
2012) ou la déficience cognitive (Teixeira et al., 2012), comme dans la maladie d’Alzheimer (Rolland,
Abellan van Kan, et Vellas, 2008). L’activité physique aérobie permet d’améliorer la fonction cogni-
tive chez les personnes âgées, en particulier l’attention visuelle, l’attention auditive et la vitesse de
traitement de l’information (Angevaren, Aufdemkampe, Verhaar, Aleman, et Vanhees, 2008).

2.1.3 Maladies cardiovasculaires


Les bénéfices attribués à l’activité physique en prévention primaire se retrouvent également dans
la prise en charge des pathologies. L’activité physique régulière améliore la contractilité du myocarde,
la perfusion coronarienne, la compliance artérielle et la fonction endothéliale. Elle a des effets anti-
ischémiques, antithrombotique et anti-athéromateux. Les résultats d’une méta-analyse suggèrent
qu’un niveau élevé d’activité physique de loisirs et un niveau modéré d’activité physique au travail
ont un effet bénéfique sur la santé cardiovasculaire en réduisant le risque de maladie coronarienne et
d’accident vasculaire cérébral chez les hommes de 20 % à 30 % et chez les femmes de 10 % à 20 %.
Les bénéfices cardioprotecteurs des activités physiques de la vie quotidienne restent à démontrer
(Stamatakis et al., 2009, 2007). L’activité physique est un élément central dans la prévention, le
traitement et le contrôle de l’hypertension artérielle (Pescatello et al., 2004) et elle est également
recommandée dans la prise en charge de la cardiopathie ischémique (Boden, 2013). Suite à un acci-
dent vasculaire cérébral, l’entraînement en endurance permet d’améliorer la tolérance et la vitesse
de marche (Saunders, Sanderson, Brazzelli, Greig, et Mead, 2013).

2.1.4 Cancers
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’activité physique permet de réduire le risque de survenue de plusieurs types de cancer (Brown,
Winters-Stone, Lee, et Schmitz, 2012) et, plus particulièrement, le cancer du sein, du colon, et
probablement du rein, du poumon et de l’endomètre.
Le risque de cancer du sein est diminué d’environ 20 % (Monninkhof et al., 2007) et une revue de
synthèse récente a montré que la diminution du risque était plus élevée dans les études de cohortes
(Gonçalves et al., 2013). Le risque de cancer du côlon est diminué d’environ 25 % (Boyle, Keegel,
Bull, Heyworth, et Fritschi, 2012 ; Wolin, Yan, Colditz, et Lee, 2009). La réduction du risque de cancer
rénal varie de 12 % à 22 % selon la qualité des études considérées (Behrens et Leitzmann, 2013). Des
niveaux d’activité physique totale et de loisirs plus élevés sont associés à une réduction du risque
de cancer du poumon de 20 %-30 % chez les femmes et 20 %-50 % chez les hommes (Emaus et
Thune, 2011). Une réduction du risque de cancer de l’endomètre de 20 %-30 % a été observée chez
des personnes actives (Cust, 2011 ; Moore, Gierach, Schatzkin, et Matthews, 2010).
62 Psychologie de la santé : applications et interventions

Il est important de souligner que l’activité physique peut être pratiquée en toute sécurité pendant
le traitement médical et le suivi du cancer (Baumann et al., 2013 ; Schmitz et al., 2010). Des études
ont montré que l’activité physique régulière (en endurance et/ou contre résistance) contribue à
réduire un certain nombre d’effets secondaires causés par le traitement médical (Brown et al., 2012)
et peut aider à la récupération et la réhabilitation après une chimiothérapie, une radiothérapie ou
une chirurgie (Lemanne, Cassileth, et Gubili, 2013). Elle permet l’amélioration de la performance
physique, de la composition corporelle, et de la qualité de vie ainsi que la réduction de la fatigue
(Mishra et al., 2012). Les recommandations sur l’activité physique en vigueur pour les personnes ayant
eu un cancer sont générales et des recherches sont nécessaires pour élaborer des recommandations
plus personnalisées (Buffart, Galvão, Brug, Chinapaw, et Newton, 2014) mais la quantité et l’intensité
de l’exercice nécessaire semblent varier selon le type de tumeur primaire (Lemanne et al., 2013).

2.1.5 Maladies respiratoires


Les maladies respiratoires chroniques comme l’asthme ou la broncho-pneumopathie chronique
obstructive (BPCO) sont en constante augmentation. Les données actuelles suggèrent que la pratique
d’une activité physique devrait être recommandée aux patients souffrant de troubles respiratoires
chroniques (Burr, Davidson, Shephard, et Eves, 2012) sans risque majeur si la pathologie est connue
et le traitement médicamenteux adapté (Eves et Davidson, 2011).

2.1.6 Diabètes
L’activité physique permet de diminuer par deux l’incidence du diabète. Elle favorise l’homéostasie
glycémique (Burr, Rowan, Jamnik, et Riddell, 2010) en réduisant l’insulinorésistance, en améliorant
le transport et l’utilisation du glucose musculaire, et en diminuant la production hépatique du
glucose. Dans le cas d’un diabète installé, elle en facilite le traitement en participant à la diminution
de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) et en réduisant le risque cardiovasculaire du patient diabétique
(morbidité et mortalité).
Pour ces raisons, l’activité physique est bien intégrée dans la gestion du diabète de type 1 (Galassetti
et Riddell, 2013) et du diabète de type 2 (Balducci et al., 2013). Il est suggéré que le diabète est un
facteur de risque de cancer rectal et du colon (Yuhara et al., 2011). Si l’activité physique a des
bénéfices reconnus sur le diabète, elle pourrait donc également contribuer à diminuer le risque de
survenue de cancer rectal et du colon, du fait de son effet préventif sur la survenue de ces types de
cancer (Boyle et al., 2012).

2.2 Effets de la sédentarité sur la santé


Le comportement sédentaire est reconnu comme un comportement distinct du comportement
d’activité physique, avec ses effets propres sur la santé (Owen et coll., 2000 ; Hamilton et coll.,
2007 ; te Velde et coll., 2007 ; Katzmarzyk et coll., 2009 ; Thorp, Owen, Neuhaus, et Dunstan, 2011).
Un comportement sédentaire, caractérisé par le temps passé assis, est associé à des effets délétères
sur la santé, notamment la santé cardio-métabolique (Saunders, Chaput, et Tremblay, 2014) et à
une augmentation du risque de mortalité toutes causes et par maladies cardiovasculaires (Ford et
Caspersen, 2012 ; Wilmot et al., 2012).
Peu d’études ont mis en évidence une augmentation du risque de mortalité par cancer mais
celles-ci sont encore peu nombreuses (Katzmarzyk et al., 2009 ; Wijndaele et al., 2011). Un risque de
L’activité physique pour préserver la santé 63

cancer de l’endomètre plus élevé a été trouvé chez les personnes qui déclarent plus de temps passé
assis (Moore et al., 2010). Afin d’éviter ces effets délétères, il est préférable de ne pas rester assis de
façon prolongée et de faire des coupures régulières (Healy et al., 2008 ; Healy, Matthews, Dunstan,
Winkler, et Owen, 2011). La promotion d’une activité physique, même d’intensité légère, apparaît
alors comme un levier pour limiter les effets associés à la sédentarité (Hamilton, Healy, Dunstan,
Zderic, et Owen, 2008) et la posture debout devient une alternative aux périodes excessives de temps
passé assis (Katzmarzyk, 2013).
Des études ont montré que les effets délétères associés au comportement sédentaire ou l’aug-
mentation du risque de mortalité sont indépendants du niveau d’activité physique des individus
(Dunstan, Howard, Healy, et Owen, 2012 ; Ford et Caspersen, 2012 ; Katzmarzyk et al., 2009). En
d’autres termes, l’activité physique ne compenserait pas forcément les effets délétères associés à
la sédentarité (Patel et al., 2010 ; Warren et al., 2010 ; Wijndaele et al., 2011) mais les études sont
encore contradictoires. Des études récentes ont montré que plus le niveau d’activité physique est
élevé plus l’effet du comportement sédentaire est atténué, ce qui est en faveur de l’hypothèse d’une
compensation. Les résultats d’une étude ont montré que chaque heure supplémentaire quotidienne
passée assise était associée à une augmentation de 2 % du risque de mortalité toutes causes (Chau
et al., 2013). Toutefois, un niveau d’activité physique plus élevé atténue en partie les associations
délétères entre le temps passé assis et la mortalité toutes causes, en particulier chez les personnes
dont le temps passé assis est le plus élevé (Chau et al., 2013). De même, Maher et al. ont montré que
les faibles associations observées entre les biomarqueurs cardio-métabolique et le comportement
sédentaire disparaissent lorsque les analyses sont ajustées sur l’activité physique totale (Maher, Olds,
Mire, et Katzmarzyk, 2014).

2.3 Recommandations sur l’activité physique


et la sédentarité
Des recommandations mondiales sur l’activité physique ont été élaborées et diffusées, visant à la
fois à favoriser l’augmentation de l’activité physique et la réduction des comportements sédentaires
(Organisation mondiale de la santé, 2010).

2.3.1 Recommandations sur l’activité physique


Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont présentées en trois
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

classes d’âge (5-17 ans, 18-64 ans, 65 ans et plus) et visent à améliorer l’endurance cardiorespiratoire,
la forme musculaire, l’état osseux et fonctionnel et réduire le risque de maladies non transmissibles,
de dépression et de détérioration de la fonction cognitive (OMS, 2010).
Les enfants et les adolescents (5-17 ans) devraient accumuler au moins 60 minutes par jour d’acti-
vité physique, incluant principalement des activités physiques en endurance d’intensité modérée
à soutenue mais aussi des activités physiques d’intensité soutenue de renforcement musculaire et
des os, au moins trois fois par semaine. Il est important d’encourager les jeunes à participer à des
activités physiques adaptées à leur âge, ludiques et variées.
Au cours de la semaine, les adultes âgés de 18 à 64 ans devraient pratiquer au moins 150 minutes
d’activité d’endurance d’intensité modérée ou au moins 75 minutes d’activité d’endurance d’intensité
soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue. Les périodes
d’activité en endurance cumulées doivent être d’au moins 10 minutes d’affilée. Il est également
64 Psychologie de la santé : applications et interventions

recommandé de pratiquer des activités de renforcement musculaire mobilisant les principaux groupes
musculaires au moins deux jours par semaine.
Les recommandations pour les personnes âgées de 65 ans et plus, sont identiques à celles des
adultes de 18 à 64 ans. Une précision est apportée pour les personnes dont la mobilité est réduite à
qui il est recommandé de pratiquer une activité physique visant à améliorer l’équilibre et à prévenir
les chutes, au moins trois jours par semaine.
La pratique d’une activité physique au-delà de ces recommandations apportera un bénéfice supplé-
mentaire pour la santé. Si des personnes ne peuvent pas pratiquer la quantité recommandée d’activité
physique en raison de leur état de santé, elles devraient être aussi actives physiquement que leurs
capacités et leur état leur permet.

2.3.2 Recommandations sur la sédentarité


Il n’existe pas encore de recommandations précises concernant le comportement sédentaire mais
il est suggéré de limiter le temps passé assis au cours de la journée. Pour les jeunes, il est préconisé
de limiter à deux heures par jour le temps de loisir passé devant l’écran (Société canadienne de
physiologie de l’exercice, 2012).
L’activité physique est associée à de nombreux bénéfices sur la santé, quels que soient son état
de santé et son âge (Manini et Pahor, 2009), notamment pour la fraction la plus sédentaire de la
population.

3. Champs et terrains d’application

Les professionnels de santé, notamment les médecins, ont un rôle important à jouer dans la
promotion d’un mode de vie physiquement actif (Fletcher et al., 1996 ; Harris, Caspersen, DeFriese,
et Estes, 1989), et plus largement d’un mode de vie sain (Thijs, 2007). Les personnes physiquement
actives ont tendance à moins fumer, être moins souvent en surpoids et ont de meilleures habitudes
alimentaires (Hancox, Milne, et Poulton, 2004). Les professionnels de santé contribuent à améliorer
les capacités des personnes à lire et à comprendre des informations relatives à la santé, à leur aptitude
à communiquer en matière de santé, à leur capacité à évaluer et à critiquer les informations liées à la
santé, en référence à la littéracie en santé (Taggart et al., 2012). Les arguments en faveur des bénéfices
associés à l’activité physique sur la santé globale sont suffisants pour passer de l’évidence scienti-
fique à des actions plus concrètes sur le terrain (Hellénius et Sundberg, 2011). Si l’activité physique
peut être recommandée par un professionnel de santé, voire prescrite, celle-ci doit avant tout être
pratiquée par plaisir ou devenir un plaisir. La prescription intervient pour sécuriser la pratique des
personnes dont l’état de santé nécessite une surveillance médicale.

3.1 La prescription de l’activité physique


S’il existe des recommandations s’adressant à la population générale, une adaptation individuelle
de ces recommandations est nécessaire pour répondre aux particularités et besoins des personnes.
Le conseil et la prescription de l’activité physique doivent donc être individualisés et des profession-
nels ayant l’expertise requise pour prescrire et accompagner la personne doivent être au cœur du
L’activité physique pour préserver la santé 65

dispositif. La reconnaissance des professionnels des activités physiques adaptées est essentielle au
développement d’un accompagnement sécurisé à la pratique des personnes à besoins particuliers.

3.1.1 Définition
La prescription d’activité physique inclut à la fois ce que le professionnel écrit sur l’ordonnance
mais aussi ce qui est dit oralement ou distribué au patient (HAS, 2011). Elle peut donc se traduire par
une « simple » incitation à pratiquer des activités physiques et sportives, des conseils individualisés,
la distribution de documents relatifs aux activités physiques et sportives et à la santé, l’orientation
vers un professionnel de l’activité physique (enseignant en activité physique adaptée, éducateur
sportif…). L’activité physique peut être utilisée comme une « monothérapie » ou en association avec
une autre thérapeutique, médicamenteuse ou non. Cependant, à ce jour, il n’existe aucun cadrage
sur les éléments et les modalités de cette prescription, ni sur les compétences requises pour la définir.
L’intérêt du conseil et de la prescription de l’activité physique a été démontré dans les soins
primaires (Petrella et al., 2003). Cependant, les médecins font surtout de la délivrance d’informa-
tions et de conseils, moins de l’orientation vers d’autres professionnels, tels que les enseignants en
activité physique adaptée qui sont en mesure de suivre les patients dans leur parcours de pratiques,
de les accompagner vers une pratique en autonomie, et/ou assurer un relais vers le milieu sportif
ou le tissu associatif local.
La prescription de l’activité physique devrait être tout aussi naturelle que la prescription d’autres
thérapeutiques, mais sa valeur symbolique est très en deçà de celle du médicament.

3.1.2 Éléments de prescription de l’activité physique


Le modèle FITT (« Fréquence, Intensité, Type, Temps ») sert de base à la prescription et à la program-
mation de l’activité physique (Barisic, Leatherdale, et Kreiger, 2011). Il intègre quatre composantes :

•  La fréquence : la fréquence représente le nombre de fois où l’activité physique est pratiquée ; elle
s’exprime le plus souvent en nombre de sessions ou de séances par semaine.

•  L’intensité : l’intensité représente l’importance de l’effort physique fournit par une personne ou
requit par une activité physique. L’intensité peut être exprimée par un coût énergétique associé
aux activités, une fréquence cardiaque cible, le ressenti de l’effort (échelle de perception de
l’effort), ou encore une charge de travail spécifique (par exemple : watts, vitesse de marche).
La dépense énergétique peut être représentée par un continuum allant des activités de faible
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intensité, représentées par les activités sédentaires, à des activités d’intensité élevée. Il est
classique de considérer quatre niveaux d’intensité : activité sédentaire (≤ 1,5 METs), légère (< 3
METs), modérée (3 < 6 METs ou 5-6 sur une échelle graduée de 1 à 10) et élevée (≥ 6 METs ou
7-8 sur une échelle graduée de 1 à 10). L’équivalent métabolique (MET) représente un multiple
du métabolisme de repos auquel est attribuée la valeur 1, soit 1 MET ou 3,5 ml O 2/min/kg
(Ainsworth et al., 2011). Des valeurs théoriques, exprimées en METs, disponibles pour les adultes
(Ainsworth et al., 2011) et les adolescents (Ridley, Ainsworth, et Olds, 2008), sont utilisées
pour définir un coût énergétique associé à une activité et extrapoler une dépense énergétique.
À ces catégories d’intensités sont associées des mesures objectives exprimées en pourcentage
de fréquence cardiaque maximale, de fréquence cardiaque de réserve et de consommation
maximale d’oxygène ; et des mesures subjectives exprimées au moyen de l’évaluation de la
perception de l’effort (Norton, Norton, et Sadgrove, 2010).
66 Psychologie de la santé : applications et interventions

•  Le type : le type peut représenter le type d’exercice au sens endurance, résistance, souplesse ou
équilibre mais aussi le type d’activité physique ou la nature de cette activité (natation, marche,
par exemple).

•  Le temps : le temps représente la durée pendant laquelle une activité physique est pratiquée au
cours d’une séance ; elle s’exprime le plus souvent en minutes. Le terme de durée peut aussi
être utilisé pour exprimer la période de temps au cours de laquelle se déroule un programme
d’activité physique planifié (par exemple, 6 semaines).
À ces quatre composantes s’ajoute le contexte dans lequel l’activité est réalisée. En effet, l’activité
physique représente l’ensemble des activités qui peuvent être pratiquées dans différents contextes, en
poursuivant des objectifs variés (utilitaires, sanitaires, sociaux, de loisirs…). Les principaux domaines
d’activité physique identifiés sont le travail, les transports, les activités domestiques, et les loisirs,
ce dernier incluant à la fois l’exercice, le sport et l’activité physique de loisirs non structurée. Les
activités réalisées dans la vie de tous les jours sont dites habituelles ou quotidiennes. Ce sont les
activités qui reviennent régulièrement et dont la plupart sont des activités domestiques (s’habiller,
se laver, se nourrir, entretenir son lieu d’habitation…). Les activités intentionnelles sont celles qui
sont réalisées en plus des activités habituelles, elles sont souvent planifiées et réalisées pendant le
temps des loisirs. L’activité physique recommandée peut être une activité que la personne réalise
seule ou une activité organisée et/ou supervisée.
Dans les études qui ont montré les effets de l’activité physique sur la santé, la tendance a été de
focaliser l’attention sur l’intensité de l’activité et la dépense énergétique associée. Bien que l’intensité
soit une composante importante, elle n’est pas la seule et il est important de comprendre comment
chacune des composantes influence l’état de santé.

3.1.3 Les principales étapes de l’accompagnement


L’accompagnement à l’activité physique peut s’appuyer sur le modèle des 5A (Assess, Advise,
Agree, Assist, Arrange) qui a été reconnu comme une approche efficace pour le changement de
comportement, en particulier dans les établissements de soins de santé primaires (Whitlock, Orleans,
Pender, et Allan, 2002) :

•  Analyser/apprécier (assess) : la première étape consiste à connaître la personne, ses besoins et


ses envies. Il s’agit d’apprécier le niveau d’activité physique, de condition physique, les risques
pour la santé, la motivation de la personne à changer de comportement. Cette étape s’apparente
à un bilan éducatif au cours duquel il est important d’évaluer ce que la personne est physique-
ment capable de faire et psychologiquement prête à faire, mais aussi d’apprécier ses objectifs
qui vont conditionner les recommandations qui seront faites dans l’étape suivante, tant sur
le plan qualitatif (type d’activité physique) que quantitatif (fréquence, durée, intensité…), en
référence au modèle FITT.

•  Avertir (advise) : la deuxième étape est destinée à fournir des informations et des conseils (oraux
et/ou écrits) adaptés individuellement en fonction des attentes et des besoins de la personne
et de sa motivation à changer de comportement vis-à-vis de l’activité physique, évalués dans
l’étape précédente.

•  Se mettre d’accord (agree) : la troisième étape consiste à se mettre d’accord sur des objectifs et à
élaborer un plan d’action. Il s’agit ici de communiquer, d’échanger avec la personne, de définir
ensemble des objectifs et de co-construire un programme d’activité physique personnalisé. À
l’image du parcours de soins, un parcours activité physique doit être envisagé aboutissant à un
plan personnalisé d’activité physique qui évolue en fonction de l’état de santé de la personne.
L’activité physique pour préserver la santé 67

À l’image de la gradation des soins, ce parcours comporte une gradation de prise en charge/
accompagnement selon les besoins de santé de la personne, ses désirs/envies, ses aptitudes,
capacités et possibilités de pratiques, le risque potentiel pour sa santé. L’important est de définir
un objectif SMART, c’est-à-dire spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et défini dans le temps.

•  Accompagner/assister (assist) : la quatrième étape consiste à aider la personne à surmonter les


difficultés ou les obstacles à la pratique identifiés, qu’ils soient individuels ou environnemen-
taux. Il s’agira alors d’utiliser différentes techniques pour accroître la motivation et la confiance
en soi.

•  Arranger/organiser/suivre (arrange) : la cinquième étape est celle du soutien et du suivi. Il faut


alors planifier le suivi, offrir un soutien permanent, être à l’écoute, faire des retours. La traça-
bilité et le suivi de la prescription, suivi/accompagnement/soutien du patient sont des étapes
importantes afin d’ajuster la prescription et de travailler davantage sur la motivation lorsque
cela est nécessaire.
La démarche mise en œuvre doit respecter les convictions et représentations du patient, être
adaptée à son degré de motivation, privilégier l’information et s’abstenir de tout jugement de valeur.
Elle nécessite le développement d’outils d’aide à la prescription, au suivi et à l’évaluation, pour les
professionnels et pour les patients, fondés sur des évidences scientifiques et une démarche rigoureuse
doit être engagée pour garantir leur qualité.

3.1.4 Le changement de comportement vis-à-vis de l’activité physique


Plusieurs composants du changement de comportement ont été identifiés et sont à prendre
en compte dans les interventions (cognitif, affectif, symptômes, social, motivation propre de la
personne). Le changement de comportement résulte de multiples facteurs et il n’est pas assuré que
ce changement soit durable, c’est un processus par étapes, mais ces étapes ne sont pas linéaires et
des événements peuvent occasionner une rechute vers une étape antérieure. L’enjeu est donc non
seulement de réussir à changer mais également à pérenniser un comportement plus favorable à la
santé. Différents modèles théoriques ont été appliqués dans le champ de l’activité physique dont le
modèle transthéorique développé par Prochaska et Di Clemente (Prochaska et DiClemente, 1983)
qui a servi de base à de multiples interventions. Ce modèle, composé de stades de changement,
est centré sur la décision de l’individu en prenant en compte ses émotions, ses comportements, ses
connaissances et ses croyances. Ainsi les stades de changement de comportement évoluent dans une
dimension temporelle dans laquelle la personne progresse d’un stade à un autre, de façon progressive
ou non, et à des allures différentes. Pour l’activité physique (Marcus et Simkin, 1994), les différents
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stades sont les suivants :


•  Précontemplation : « Je ne fais pas d’activité physique et je ne pense pas en faire dans les 6
prochains mois. »
•  Contemplation : « Je ne fais pas d’activité physique mais je pense commencer à en faire dans
les 6 prochains mois. »
•  Préparation : « Je fais actuellement un peu d’activité physique, mais pas régulièrement. »
•  Action : « Je fais régulièrement de l’activité physique mais j’ai seulement commencé à en faire
au cours des six derniers mois. »
•  Maintenance : « Je fais régulièrement de l’activité physique, depuis plus de 6 mois. »
•  Rechute : « J’ai régulièrement fait de l’activité physique dans le passé, mais je n’en fais pas
actuellement. »
68 Psychologie de la santé : applications et interventions

Ces stades correspondent à une progression dans le cheminement de la personne vers une pratique
d’activité physique et chaque stade est associé à un accompagnement spécifique. Au stade de la
précontemplation, l’objectif est de faire réfléchir les personnes, les amener à se poser des questions,
s’interroger, les amener à décider, à prendre la bonne résolution. Au stade de la contemplation,
l’objectif sera d’amener les personnes à décider de pratiquer une activité physique. La préparation
est le stade du passage à l’action. Le stade de l’action permet de construire une habitude. Le dernier
stade est celui qui vise à anticiper les rechutes, qui peuvent également survenir quel que soit le stade
où se situe la personne.
De manière générale, le changement de comportement de santé n’est pas facile à réaliser et à
pérenniser. Chaque comportement de santé a ses spécificités et l’activité physique a pour particu-
larité d’être difficile à mettre en œuvre pour plusieurs raisons. D’une part, l’activité physique ne
présente pas un caractère impératif ou indispensable, il n’y a pas d’urgence ressentie à pratiquer et
ses effets bénéfiques sont différés dans le temps. D’autre part, pour engendrer des effets bénéfiques
sur la santé, l’activité physique doit être régulière, ce qui implique un comportement répété, chaque
jour ou plusieurs fois dans la semaine, et ce tout au long de la vie. Ensuite, pratiquer une activité
physique nécessite un temps d’engagement non négligeable, à la fois sur le plan temporel et sur le
plan énergétique. Enfin, l’activité physique produit des réactions affectives et émotionnelles variables
en fonction de ses paramètres (type, durée, intensité) et de l’engagement de la personne.
Des facteurs prédictifs de l’adhésion à une activité physique régulière ont été identifiés dont la
confiance en soi, le plaisir, le soutien des pairs, les croyances positives et le fait d’avoir peu de barrières
à la pratique (Lewis, Marcus, Pate, et Dunn, 2002 ; Rhodes et Smith, 2006 ; Rhodes et Dickau, 2013).

3.2 Vers un parcours activité physique intégré


au parcours de soins
Le parcours activité physique-santé est un dispositif individuel de développement des ressources
physiques, mentales et sociales qui vise, par un conseil bref, un accompagnement éducatif et moti-
vationnel (ressources éducatives, soutien et suivi), à permettre à toute personne d’accéder à un plan
personnalisé d’activité physique, intégré au parcours de soins, de santé ou de vie (Boehler, Milton,
Bull, et Fox-Rushby, 2011 ; Bull et Milton, 2010 ; Bull et Milton, 2011). La définition d’un plan
personnalisé d’activité physique favoriserait une prise en charge au bon moment, au bon endroit,
par le bon professionnel et avec le bon réseau de soutien, dans une logique de gradation adaptée
aux besoins de la personne et respectant le rôle et la place des différents acteurs. L’activité physique
est intégrée dans des programmes multidisciplinaires de réhabilitation cardiaque (Haute Autorité de
santé, 2012a), de réhabilitation respiratoire (HAS, 2012b), de prise en charge de l’obésité de l’enfant
(HAS, 2011b) et de l’adulte (HAS, 2011a).
Le développement de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) représente également un enjeu de
reconnaissance de l’activité physique adaptée dans le champ des interventions non médicamenteuses.
Son intégration peut se faire par la mise en place de séances d’activités physiques adaptées dans les
programmes ETP ou par le développement d’un volet activité physique spécifique au programme,
à l’image de ce qui se fait pour les accidents vasculaires cérébraux (SOFMER et SNFV, 2011). Cette
intégration peut également être réalisée dans des programmes d’accompagnement à l’ETP, portés
par des associations de patients ou des acteurs sociaux. Il est également important de soutenir le
L’activité physique pour préserver la santé 69

développement de conseils pratiques diffusés aux patients ou à leur entourage et aux professionnels,
comme cela se fait, par exemple, pour la mucoviscidose1.
Les interventions non médicamenteuses, telles que considérées dans le rapport de la HAS, ne
concernent pas la prévention primaire. Toutefois, il est également important de souligner l’intérêt de
l’activité physique dans ce champ, qui justifie des mesures visant à la promouvoir et des dispositifs
facilitant sa mise œuvre tant en population générale que malade.

3.3 Expériences de prescription de l’activité physique


La prescription de l’activité physique dans les soins primaires est développée dans différents pays
depuis plusieurs années. En Suède, l’activité physique sur ordonnance (FAR ®) est une méthode qui
est utilisée dans les soins de santé pour augmenter l’activité physique dans la population et qui a
montré son efficacité. Cette démarche consiste à faire une prescription individualisée de l’activité
physique aux patients : « Individually Adapted, Written Prescription of Physical Activity – FaR® »2.
Le même genre de programme est mené en Nouvelle-Zélande sous le nom « Green Prescription
(GRx) » (Swinburn, Walter, Arroll, Tilyard, et Russell, 1998 ; Patel, Schofield, Kolt, et Keogh, 2011).
D’autres pays offrent la possibilité d’orienter les patients vers des professionnels de l’activité physique
référents, c’est le cas du Royaume-Uni (« exercise referral schema »)3 ou de l’Irlande avec le « General
Practioner Exercise Referral Programme »4. Des expériences ont également été menées en Suisse,
avec le développement du programme Paprica5 (Physical Activity promotion in PRImary CAre) et du
projet « Move for Health » (Allenspach et al., 2007 ; Sabti et al., 2010). Des initiatives sont également
développées en France sans que des publications scientifiques n’aient encore permis de démontrer
l’efficacité des dispositifs.

4. Perspectives pour la mise en œuvre

4.1 Intégration d’un conseil en activité physique


dans les soins primaires
L’intérêt de l’activité physique est double. Elle est non seulement associée à des bénéfices sur diffé-
rents paramètres de santé et sur la santé globale mais elle est également un levier pour lutter contre
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la sédentarité et limiter ses effets potentiellement délétères. Ainsi, l’intégration d’un conseil minimal
en activité physique dans la pratique de routine dans le cadre des soins primaires (Chakravarthy,
Joyner, et Booth, 2002), avec le concours des professionnels de santé, est un moyen intéressant
pour promouvoir l’activité physique et limiter la sédentarité. L’intérêt du conseil seul a montré
une efficacité modeste et son efficacité a été démontrée dans les soins primaires en association avec
d’autres interventions, telles que l’offre de ressources éducatives ou un accompagnement individua-
lisé (Petrella, Koval, Cunningham, et Paterson, 2003).

1.  http://www.mucoviscidosesport.com
2.  http://folkhälsostämman.se/en/Publications/Summaries/Individually-Adapted-Written-Prescription-of-Physical-Activity – FaR
3.  http://www.bhfactive.org.uk/sites/Exercise-Referral-Toolkit/index.html
4.  http://www.gpexercisereferral.ie
5.  http://www.paprica.ch
70 Psychologie de la santé : applications et interventions

Les professionnels de santé, et en particulier le médecin traitant, peuvent jouer un rôle dans la
promotion de l’activité physique. Les patients ont une écoute particulière de ces professionnels en
qui ils ont confiance et dont les conseils sont plus souvent pris en considération. Toutefois, même
si le médecin a connaissance de ces effets bénéfiques, ils restent encore peu nombreux à intégrer
un conseil systématique minimal, voire plus, dans leur pratique clinique. Plusieurs facteurs associés
ont été identifiés dont le niveau d’activité physique du professionnel de santé, ses connaissances
ou croyances dans les bénéfices associés à une activité physique, sa connaissance des professionnels
capables de prendre en charge des patients. Ainsi, il est important, dès lors que la prise en charge
ou l’accompagnement en activité physique concerne des personnes à besoins spécifiques, qu’un
professionnel de l’activité physique adaptée soit le partenaire privilégié du médecin pour prendre
en charge le patient.
Le modèle de prise en charge comprend plusieurs étapes conduisant à un programme individualisé
adapté aux capacités et motivations du patient et à des recommandations personnalisées.

4.2 Place du médecin dans la promotion


de l’activité physique
Les résultats de l’enquête Handicap-Santé 2008 ont montré que 90 % des femmes et 84 % des
hommes âgés de 18 ans et plus ont déclaré avoir consulté un médecin généraliste pour eux-mêmes
au cours des douze derniers mois précédents l’enquête, avec un nombre moyen de recours déclarés
estimé à 6 pour les femmes et 5,5 pour les hommes (DREES, 2010). Ce recours est plus élevé chez les
femmes que chez les hommes et augmente avec l’âge, sauf entre 45-54 ans où une baisse est observée
et plus marquée chez les hommes (DREES, 2010). En 2011, le nombre moyen de consultations de
médecins par habitant est estimé à 6,8 pour la France (OECD, 2013). Il est également intéressant de
souligner que 76 % des séances de médecins généralistes concernent des patients suivis régulièrement
et que seulement 7 % des consultations et visites ont été l’occasion d’une première rencontre entre
le médecin et le patient (DREES, 2004).
Ces données sont en faveur du rôle important du médecin généraliste dans la promotion d’une
activité physique. Les données du Baromètre santé médecins généralistes 2009 (OMS, 2010) montrent
que plus de 98 % des médecines généralistes déclarent que la prévention fait « tout à fait » ou
« plutôt » partie de leur rôle dans le domaine du tabagisme, de l’alcoolisme, de l’alimentation, de
l’activité physique et du risque cardio-vasculaire. Parmi eux 73,3 % déclare avoir « tout à fait » un
rôle de prévention pour l’activité physique. De même, 89,4 % des médecins jugent l’activité physique
comme un thème « tout à fait » (46,6 %) ou « plutôt » (42,8 %) facile à aborder. Cette facilité est
liée au fait que le médecin considère plus fréquemment la prévention sur ce thème comme faisant
partie de son rôle. Plus de la moitié des médecins (55,9 %) qui indiquent que la prévention dans le
domaine de l’activité physique relève de leur rôle déclarent qu’il est facile d’aborder ce sujet versus
21,0 % chez ceux qui déclarent que ce n’est pas leur rôle (Gauthier, 2011).
Dans une étude menée en France, auprès de 203 médecins généralistes, sur la gestion de l’obésité
dans les soins primaires, 76 % disent qu’ils évaluent, souvent ou régulièrement, l’activité physique
habituelle (Attalin, Romain, et Avignon, 2012). Ils rapportent également prescrire de l’activité
physique fréquemment (68 %) ou souvent (26 %), sans que cette fréquence ne soit précisée. La plupart
du temps la prescription se fait oralement (88 %) et rarement par écrit, mais les raisons ne sont pas
évoquées. Parmi eux, seulement 43 % recommandent une activité physique d’au moins 150 minutes
par semaine, en cohérence avec les recommandations mondiales sur l’activité physique. Toutefois,
cette recommandation, si elle a le mérite de donner une référence en santé publique, ne peut pas
L’activité physique pour préserver la santé 71

être utilisée en l’état en pratique clinique, dans l’accompagnement des personnes à la pratique. Les
problèmes rencontrés par les médecins pour prescrire l’activité physique sont la non-compliance
des patients (64 %), le manque d’outils validés (16 %), le manque de temps (14 %), le manque de
succès dans la perte de poids (9 %) et le manque de formation pratique (4 %) (Attalin et al., 2012).

4.3 Barrières ou freins à la prescription


Même si les professionnels de santé sont conscients de l’importance de promouvoir une activité
physique à leurs patients, ce conseil n’est pas systématiquement donné. Des études ont permis
de recenser un ensemble de freins au conseil en activité physique en pratique clinique (Biernat,
Poznańska, et Gajewski, 2012 ; Lobelo, Duperly, et Frank, 2009) dont :
•  le niveau de croyance et de connaissance des bienfaits de l’activité physique par les
professionnels ;
•  le vécu de la pratique de l’activité physique par les professionnels eux-mêmes et par les patients ;
•  la diversité des professionnels en activité physique et la lisibilité des compétences par les profes-
sionnels de santé pour la prise en charge en activité physique de leurs patients ;
•  les compétences perçues et réelles des professionnels de santé pour la prescription de l’activité
physique ;
•  la responsabilité des professionnels de santé dans la prescription ;
•  la confidentialité et partage des données médicales ;
•  la construction de référentiels de prescription de l’activité physique ;
•  l’accessibilité à une offre, des programmes d’activité physique adaptée aux besoins et attentes
de la personne et du professionnel de santé ;
•  la coordination des professionnels et place du professionnel en APA dans les équipes pluridis-
ciplinaires ou dans les cabinets de groupe pluriprofessionnel.
Pour lever une partie de ces freins, il est nécessaire d’intégrer un programme d’enseignement
sur l’activité physique dans la formation des professionnels de santé (Boden, 2013 ; Lamarche et
Vallance, 2013). La collaboration des professionnels de santé avec des professionnels de l’activité
physique adaptée permettra d’assurer un soutien aux personnes, pour leur permettre d’augmenter leur
activité physique en toute sécurité, quelles que soient leurs capacités (Croteau, Suresh, et Farnham,
2014). Enfin, avant de mettre en place un conseil en activité physique, il est important d’identifier
les facteurs déterminants de sa mise en œuvre dans le contexte cible (Huijg et al., 2013).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

4.4 Justification de la place des professionnels


en activité physique adaptée (APA)
L’utilisation des activités physiques dans le champ des maladies chroniques, nécessite des connais-
sances et des compétences spécifiques développées dans la prise en charge en activité physique
adaptée (APA).
Le médecin est un relais important de la promotion de l’activité physique auprès des usagers
du système de santé. Un professionnel de l’activité physique adaptée peut alors devenir un bon
collaborateur pour accompagner ces personnes dans leur parcours d’activité physique intégré à leur
parcours de santé, tel que préconisé dans le cancer (Irwin, 2009).
72 Psychologie de la santé : applications et interventions

Les professionnels de l’APA sont capables de concevoir des dispositifs et des projets d’intervention
qui utilisent des activités physiques adaptées à des fins d’éducation, de prévention, de promotion
de la santé et d’intégration, en articulation avec les professionnels d’autres secteurs (santé, éduca-
tion, social…). L’intervention en APA mobilise des connaissances scientifiques pluridisciplinaires
pour analyser, en rapport avec les données individuelles et environnementales, les ressources et les
besoins spécifiques des populations. Les professionnels de l’APA peuvent être des collaborateurs
de proximité pour les professionnels de santé dans l’accompagnement de leurs patients dans leur
parcours d’activité physique.
Les objectifs poursuivis en APA sont :

•  améliorer la santé, l’autonomie, le bien être, la qualité de vie, la participation sociale ;


•  assurer la continuité de la prise en charge (articulation avec les autres pratiques professionnelles
ou non, pérennisation d’une pratique physique régulière) ;
•  intervenir sur les contextes institutionnels, les organisations pour faciliter la capacité d’agir
(empowerment).
La qualité de la prise en charge en APA repose sur :

•  l’évaluation des ressources et des besoins spécifiques des personnes ;


•  la prise en compte des indications et contre-indications médicales à la pratique d’une activité
physique ;
•  l’analyse des contraintes (politiques, sociales, psychologiques, économiques, matérielles et
physiques) associées à la réalisation d’une activité physique, et l’adaptation à ces contraintes ;
•  la qualité de la relation au pratiquant, le respect de sa sécurité et le maintien de son intégrité ;
•  la qualité d’approches évaluatives de la santé globale.

5. Conclusion

Les thérapeutiques non médicamenteuses, et particulièrement l’activité physique, sont d’une


importance capitale dans la gestion des maladies chroniques. L’activité physique permet de ralentir
et limiter les effets du vieillissement et de réduire les risques de survenue de nombreuses maladies ou
d’en limiter leurs conséquences. De par sa diversité et les multiples bénéfices auxquels elle est associée,
l’activité physique est aujourd’hui reconnue comme un déterminant majeur de santé mais nécessite
un engagement de la personne. Dans ce contexte, les professionnels de santé et de l’activité physique
adaptée ont un rôle central et complémentaire. L’activité physique a des effets bénéfiques directs
ciblés sur certaines pathologies mais a également des effets indirects sur des pathologies associées.
Toutefois, si l’activité physique est un moyen pour limiter la détérioration, maintenir, ou améliorer
la santé des individus, elle nécessite des compétences spécifiques pour sa prescription et sa mise en
œuvre qu’il est nécessaire de mieux définir et de mieux reconnaître pour assurer la complémentarité
des intervenants et des interventions et la continuité de la prise en charge. Pour cela, la mise en
place d’une démarche visant à améliorer la qualité du service rendu aux patients doit être engagée.
L’activité physique pour préserver la santé 73

À retenir
Activité physique – L’activité physique est définie comme « tout mouvement corporel produit par les muscles
squelettiques qui entraîne une dépense énergétique » (Caspersen, Powell, et Christenson, 1985). Le terme
« exercice » a été utilisé de façon interchangeable avec celui d’activité physique mais ces termes ne sont pas
synonymes. L’exercice et le sport sont des sous-ensembles de l’activité physique. L’exercice est une activité
physique planifiée, structurée, répétitive dont l’objectif est l’amélioration ou le maintien d’une ou plusieurs
composantes de la condition physique (Caspersen et al., 1985). Dans le sport les participants adhèrent à
un ensemble commun de règles (ou attentes) et ont un objectif défini (Khan et al., 2012). La plupart des
sports contribuent à l’activité physique globale, mais quelqu’un peut être très actif physiquement au travail,
dans les tâches domestiques, ou le transport actif, sans s’engager dans le sport ou l’exercice (Khan et al.,
2012). L’expression « activité physique favorable à la santé » est utilisée pour évoquer toute forme d’activité
physique qui améliore la santé et la capacité fonctionnelle sans dommage ni risque excessif (HEPA Europe).
Activité physique adaptée – L’activité physique adaptée (APA) est l’art et la science de la prise en charge et
de l’accompagnement des publics à besoins spécifiques au moyen de toutes activités physiques (Simard,
Caron, et Skrotzky, 1987). Elle s’appuie sur le diagnostic, la conception, la mise en œuvre, l’évaluation et le
suivi d’un programme de santé et/ou d’intégration des personnes. Encadrées par l’enseignant en APA (EAPA,
http://www.sfp-apa.fr), les APA regroupent l’ensemble des activités physiques adaptées aux capacités de la
personne. Elles sont dispensées auprès des personnes en situation de handicap, et/ou vieillissantes, atteintes
de maladie chronique, ou en difficulté sociale, à des fins de prévention, de rééducation, de réadaptation,
de réhabilitation, de réinsertion, d’éducation et/ou de participation sociale.
Sédentarité – Le comportement sédentaire se caractérise par une posture (assise ou couchée) et une faible
dépense d’énergie, c’est-à-dire des activités qui entraînent une dépense énergétique proche de celle du
repos (1,0-1,5 METs, Metabolic Equivalent Task, multiple du métabolisme de repos) (Owen, Healy, Matthews,
et Dunstan, 2010 ; Pate et al., 2008) (Tremblay et Réseau de Recherche sur le Comportement Sédentaire,
2012). Les changements environnementaux, sociaux et technologiques ont entraîné une diminution de l’acti-
vité quotidienne, remplacée par le temps passé assis (Owen, Sparling, Healy, Dunstan, et Matthews, 2010).
En effet, la quasi-totalité de l’augmentation du temps sédentaire peut être attribuée à la diminution du temps
passé à des activités d’intensité légère (Owen, Healy, et al., 2010) alors que ces activités d’intensité légère
sont le facteur prédominant de la dépense énergétique quotidienne (Donahoo, Levine, et Melanson, 2004).
Inactivité – Dans son acception habituelle, une personne physiquement inactive n’est pas en mesure d’agir
ou de fournir un effort, elle n’est pas participative (exemples : sommeil, comas, anesthésie) (Ricciardi, 2005).
Cette définition n’est pas celle qui a été retenue et le terme d’inactivité utilisé dans la littérature caractérise
un niveau insuffisant d’activité physique d’intensité modérée à intense (MVPA), c’est-à-dire, inférieur au seuil
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’activité physique recommandé (Tremblay et Réseau de recherche sur le comportement sédentaire, 2012).

Lectures conseillées
Global Advocacy for Physical Activity (GAPA) the Advocacy Council of the International
Society for Physical Activity and Health (ISPAH). Charte de Toronto pour l’activité
physique : un appel mondial à l’action, 20 mai 2010 – http://www.globalpa.org.uk/pdf/
torontocharter-french-20may2010.pdf.
Global Advocacy for Physical Activity (GAPA) the Advocacy Council of the International
Society for Physical Activity and Health (ISPAH). « Prévention des maladies non
74 Psychologie de la santé : applications et interventions

transmissibles : Investir dans la promotion de l’activité physique, ça rapporte ! »,


juillet 2011 – http://www.globalpa.org.uk/pdf/investments-work-french.pdf.
Inserm (2008). Expertise collective. Activité physique. Contextes et effets sur la santé.
Paris, Éditions Inserm.
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4
Cha
pi
tre

LE CONSEIL
EN SANTÉ SEXUELLE1

1.  Par Alain Giami, Émilie Moreau, Gwenaël Domenech-Dorca, Inserm U 1018.
aire
m
So m

1. Introduction............................................................................................................ 85
2. La santé sexuelle.................................................................................................... 86
3. É
 léments théoriques : contexte, définition et contours de la notion
de conseil en santé sexuelle.................................................................................. 89
4. Champs et terrains d’application......................................................................... 93
5. Conclusion : discussion et perspectives................................................................ 102
Bibliographie.............................................................................................................. 105
Le conseil en santé sexuelle 85

1. Introduction

rt

Pa
Depuis l’avènement des médicaments sexo-actifs à la fin des années quatre-vingt-dix (Giami et
Pietri, 1999 ; Giami, 2004), on assiste à un développement important des prises en charge de la

ie
sexualité dans le domaine de la santé en général et des maladies chroniques en particulier. Ces inter-
ventions sont, la plupart du temps, centrées sur la prise en charge des troubles et des dysfonctions
sexuelles. Elles peuvent être traitées dans le champ de la médecine sexuelle et sont alors fondées
sur des protocoles médicaux et pharmacologiques (voire même chirurgicaux) très élaborés à l’instar
d’autres prises en charge médicales (AIUS, 2010 ; AFU, 2013 ; ESSM, 2012). Ces interventions peuvent
être fondées sur la gestion et l’accompagnement des conséquences des pathologies elles-mêmes ou
sur les effets indésirables de certains médicaments dans l’accomplissement de la fonction sexuelle,
comme c’est le cas dans le domaine du cancer par exemple. Dans le champ du sida, c’est avec l’arrivée
des thérapies antirétrovirales qui ont contribué à la réduction de la morbidité et de la mortalité,
que la question de la sexualité et de ses problèmes s’est développée (Lallemand, et al., 2002). Par
ailleurs, on observe le développement des psychothérapies et de la sexologie clinique, représentées
notamment par la psycho-sexologie (EFS et ESSM, 2013 ; Mignot, et al., 2013) qui constituent des
formes de traitement et d’accompagnement des troubles sexuels, et des problèmes liés à la sexualité,
tout autant codifiées.
Au-delà de ces prises en charge cliniques tout un domaine de prise en charge et de recherche s’est
développé depuis de nombreuses années dans différentes situations qui suscitent des « problèmes »
et des « difficultés » qui ne sont pas réductibles à des « troubles » ni à des « maladies » définis dans
la Classification internationale des maladies (CIM-10) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Elles constituent un ensemble de problèmes associés à l’absence de satisfaction sexuelle, au reten-
tissement subjectif de situations sociales, au malaise personnel, qui ont un effet sur la vie sexuelle,
affective et relationnelle. Il peut s’agir tout autant du malaise concernant sa propre vie sexuelle que
des malaises concernant la vie sexuelle d’autres personnes auxquelles on est confronté dans sa vie
personnelle ou à titre professionnel. Tous ces problèmes considérés comme « subjectifs » sont de
fait difficilement identifiables dans les nomenclatures des systèmes de santé centrés plus volontiers
sur la prise en charge des maladies répertoriées par l’OMS et des actions de prévention orientées
vers la modification comportementale. C’est d’ailleurs dans l’objectif de développer une catégorie
spécifique pour les questions relevant de la santé sexuelle, qui comporte notamment les « réactions
subjectives » ou le « retentissement personnel » liés à des situations impliquant la sexualité, qu’un
groupe de travail sur la révision de la CIM 10 de l’OMS examine les conditions dans lesquelles on
pourrait développer une codification de ces situations désignées sous le terme de « codes Z1 ».
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Un autre groupe de travail de l’OMS élabore quant à lui la méthodologie des techniques de commu-
nication brève intitulées le Brief Sexuality Communication afin de fournir des recommandations

1.  Les codes Z concernent toutes les raisons qui motivent les rencontres avec le système de santé. Un code de prise en
charge doit accompagner un code Z si une prise en charge est effectivement mise en œuvre. Les catégories Z00-Z99 sont
proposées pour les occasions ou les circonstances autres qu’une maladie, une blessure ou toute cause externe pouvant
entrer dans les catégories A00-Y89 sont enregistrés comme des « diagnostics » ou des « problèmes ». Ceci peut se produire
de deux façons :
(a) Quand une personne qui peut être ou ne pas être malade accède aux services de santé pour une raison spécifique
comme recevoir un soin précis ou un service pour une maladie, faire un prélèvement d’organe ou de tissus biologiques,
de recevoir une vaccination préventive, ou pour discuter un problème qui n’est pas en soi une maladie ou une blessure.
(b) Quand des circonstances ou des problèmes surviennent et peuvent influencer l’état de santé d’une personne sans qu’il
s’agisse d’une maladie ou d’une blessure.
86 Psychologie de la santé : applications et interventions

et des outils aux professionnels de santé confrontés à la prévention des infections sexuellement
transmissibles et notamment à l’infection à VIH (Cooper, et al., 2014, sous presse).
Le présent chapitre se situe sur le versant des interventions psycho-sociolologiques en santé
sexuelle définies comme des activités de conseil ou de counseling1, dans la nomenclature élaborée
par l’Association mondiale pour la santé sexuelle (WAS) en collaboration avec l’OMS dès 1974. Ces
pratiques sont actuellement en cours de réévaluation et de systématisation au sein de différentes
organisations internationales dans un contexte de réflexions plus global sur le développement d’une
santé sexuelle autonome et d’une certaine forme de démédicalisation par rapport aux prises en charge
thérapeutiques (médicales et psycho-sexologiques) des troubles sexuels. Ces interventions concernent
principalement les « difficultés » et les « problèmes » liés à la sexualité, mais n’excluent pas pour
autant les « troubles » et les « dysfonctions » sexuels dans une approche permettant d’écouter les
demandes, les questionnements, les difficultés avant de les orienter, le cas échéant et lorsque cela est
possible, vers des formes de prise en charge plus appropriées relevant alors de la médecine sexuelle
ou de la psycho-sexologie. Elles visent aussi à aider les professionnels engagés dans le domaine du
soin, de l’éducation ou de l’action sociale à pouvoir répondre aux questions et aux demandes de
leurs clients2, qui ne relèvent bien souvent que de demandes d’information et d’éclaircissements en
matière de sexualité. Dans une première partie, on rappellera les définitions et les principes opéra-
tionnels de la santé sexuelle. On présentera ensuite les fondements de l’approche dite du conseil
puis on illustrera ce type d’intervention avec deux exemples pris dans des domaines différents : celui
de la pratique des infirmières dans le champ du cancer et celui des pratiques de groupe de soutien
dans le domaine de l’accompagnement des personnes atteintes par le VIH, avant de proposer une
définition de travail du conseil en santé sexuelle et des recommandations pour le développement
de ce type d’activités en psychologie de la santé.

2. La santé sexuelle

2.1 Le concept de santé sexuelle


Le concept de santé sexuelle se situe au carrefour de deux courants d’idées : celui du concept de
santé et celui du concept de sexualité qui ont connu des histoires parallèles au cours du xxe siècle.
Le concept de santé, pensé au xixe siècle dans une dimension négative (« le silence des organes »),
comme un donné subjectif et comme un état statique, a été transformé au cours de la seconde moitié
du xxe siècle. Sous l’impulsion de l’OMS, la santé est devenue un processus devant être maintenu,
conquis et développé par différentes méthodes telles que l’éducation à la santé qui vise à susciter la
responsabilité des individus concernant leurs comportements et la promotion de la santé qui vise à agir
sur le contexte social et l’environnement et avec enfin la prise en compte des droits de l’homme3.

1.  Le terme de counseling est difficilement traduisible en français et deux façons de l’orthographier sont acceptées. Nous
utilisons le terme counseling tel qu’il a été proposé par Tourette-Turgis (1996) mais dans les définitions extraites de la WAS
et de l’OMS, le terme utilisé est celui de counseling, nous l’avons donc laissé comme tel.
2.  Le terme de « client » est privilégié dans ce type d’approche et ce, en référence aux travaux de Rogers mais également
pour sortir de la hiérarchie que sous-entend le terme de patient dans le domaine médical et du soin plus généralement.
3.  Nous employons dans ce texte le terme « droits de l’homme » dans la mesure où il renvoie à la tradition juridique
ouverte par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Certaines organisations préfèrent utiliser le terme de « droits
humains » qui résultant d’une traduction du terme utilisé dans la langue anglaise (human rights). Les Canadiens franco-
phones ont forgé l’expression de « droits de la personne humaine » afin de démasculiniser cette expression. Malgré son
caractère désuet au regard de débats actuels sur l’égalité entre les genres, nous avons préféré conserver l’expression « droits
de l’homme » avec tout le poids historique et la prétention à l’universalisme dont elle est chargée.
Le conseil en santé sexuelle 87

Cette dernière dimension a été impulsée par Jonathan Mann dans le contexte d’un projet visant
à faire de la santé un droit à part entière (Mann, et al., 1994). La santé, comme forme du bien-être
individuel et collectif, est ainsi devenue l’une des valeurs centrales du monde contemporain.
Le concept de santé sexuelle, employé actuellement par l’OMS et d’autres organisations internatio-
nales, pour développer des programmes d’interventions éducatives et préventives en santé publique
dans le domaine de la sexualité, s’inscrit quant à lui dans le courant de l’optimisme sexuel. Il s’agit
d’un courant de pensée qui a émergé progressivement depuis le début du xxe siècle et qui consiste
à considérer que la sexualité est une composante fondamentale du bien-être et qu’elle est « bonne
pour la santé » (Robinson, 1976). Le terme de santé sexuelle est de plus en plus utilisé comme l’équi-
valent du terme de sexualité et s’y substitue désormais fréquemment parmi les cliniciens engagés
dans le traitement des troubles sexuels et les acteurs de santé publique chargés de la prévention des
infections sexuellement transmissibles.
Le concept de santé sexuelle a été développé tout d’abord en 1974 lors d’une conférence réunie
à Genève sous les auspices de l’OMS, sous l’impulsion du groupe professionnel des sexologues,
très structuré au plan international (OMS, 1975). Ceci a constitué un événement important dans
la mesure où une organisation internationale s’est engagée dans le processus de légitimation de la
dissociation entre l’activité sexuelle reproductive et non reproductive et a entériné le principe de
l’association entre la sexualité non reproductive, le bien-être et l’épanouissement personnel. Le
concept de santé sexuelle institue et renforce le clivage entre les dimensions érotiques et reproduc-
tives de la sexualité, vise à légitimer l’exercice par les hommes et les femmes d’une vie sexuelle non
reproductive et à promouvoir l’idée selon laquelle la sexualité contribue à une meilleure santé et au
bien-être, lorsqu’elle peut être vécue et pratiquée librement et sans contraintes, mais certainement
pas sans règles précises.
Dans sa dimension opérationnelle, le concept de santé sexuelle propose un schéma très précis
d’interventions professionnelles visant à promouvoir, maintenir et développer la santé sexuelle des
populations.

« La santé sexuelle est l’intégration des aspects somatiques, émotionnels, intellectuels et sociaux
du bien-être sexuel en ce qu’ils peuvent enrichir et développer la personnalité, la communication
et l’amour. La notion de santé sexuelle implique une approche positive de la sexualité humaine.
L’objectif de la santé sexuelle réside dans l’amélioration de la vie et des relations personnelles et
pas uniquement dans le counseling et les soins concernant la procréation ou les MST » (OMS, 1975).

Le concept de santé sexuelle se détache ainsi de l’univers de la vénérologie et de la gynécologie. À


l’opposé, le concept annexe dans le champ de la santé des dimensions telles que la « personnalité, la
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

communication et l’amour » et se propose comme objectif « l’amélioration de la vie et des relations


personnelles », domaines habituellement régulés par la morale. Cette première définition évoluera
progressivement jusqu’à être reprise par l’OMS en 2006 où elle sert désormais de « définition de
travail » :

« La santé sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la
sexualité. Elle ne consiste pas uniquement en l’absence de maladie, de dysfonction ou d’infirmité.
La santé sexuelle a besoin d’une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations
sexuelles, et la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui apportent du plaisir en toute sécurité
et sans contraintes, discrimination ou violence. Afin d’atteindre et de maintenir la santé sexuelle,
les droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et assurés » (OMS, 2010).

La principale évolution de cette définition réside dans l’inclusion des « droits sexuels » dans le
cœur même de cette définition de la santé sexuelle : la santé sexuelle repose désormais sur le respect
88 Psychologie de la santé : applications et interventions

des droits humains, lequel devient ainsi une condition nécessaire à l’état de santé et inversement
les violations et les entraves apportées à leur expression deviennent des problèmes pour la santé
sexuelle des personnes.

2.2 Les principes opérationnels de la santé sexuelle


La mise en œuvre des objectifs assignés au concept de santé sexuelle est définie en termes de
niveaux complémentaires d’intervention sur les problèmes et les troubles liés à la sexualité et sur la
base d’une hiérarchie qui distingue l’éducation, le counseling et la thérapie. Ces différents niveaux
d’intervention sont distribués selon les compétences attribuées aux différents professionnels de la
santé.

« Tout d’abord, le développement d’une éducation à la santé sexuelle au sein de la communauté,


par les médecins et les autres professionnels de la santé constitue la plus haute priorité car elle peut
être réalisée avec le minimum de formation tout en atteignant le plus grand nombre d’individus.
L’éducation sexuelle qui devrait être une dimension fondamentale de la médecine préventive a
aussi fait la preuve de son efficacité comme une forme de soutien permettant aux individus et aux
couples de dépasser leurs problèmes sexuels. Deuxièmement, il y a un besoin de counseling pour les
individus et les couples qui ont des problèmes un peu plus compliqués ; ceci peut être assuré par
les infirmières, les sages-femmes, les médecins généralistes, les gynécologues et d’autres profession-
nels. Troisièmement, il y a un besoin de thérapie sexuelle en profondeur qui doit être assuré par
des professionnels formés spécialement pour cela qui peuvent s’occuper des personnes qui ont les
problèmes les plus compliqués. Les professionnels de la santé et les travailleurs sociaux ont besoin
d’une formation plus spécialisée pour assurer le counseling et la thérapie sexuelle » (OMS, 1975).

Le découpage en trois niveaux d’intervention correspondant à des professionnels de niveaux de


qualification différents et à des activités différentes est fondé sur l’idée que toutes ces interventions
visent à la résolution des « problèmes sexuels », c’est-à-dire des problèmes liés à l’accomplissement de
la fonction sexuelle y compris dans le cas de l’éducation sexuelle. Les autres problèmes pris en compte
dans ce même document concernent le retentissement des problèmes de santé sur la vie sexuelle et
notamment les infections génitales pouvant causer des difficultés sexuelles, la santé reproductive, les
« changements technologiques », et les facteurs socioculturels y compris les facteurs économiques et
sociaux. Les médecins – généralistes et spécialistes – peuvent intervenir à chacun de ces niveaux, alors
que les membres des autres professions de santé (les sages-femmes et les infirmières notamment) ne
peuvent intervenir qu’aux deux premiers niveaux (éducation et counseling). Les psychologues n’ont
pas été mentionnés en tant que profession de santé pouvant assurer l’un ou l’autre de ces types
d’intervention. L’accent est porté sur les professionnels qui interviennent sur la santé somatique et
reproductive ainsi que les travailleurs sociaux. Ces différents niveaux d’intervention articulent dans
un même programme, la santé publique (éducation et prévention de masse) avec la pratique clinique
plus individualisée et plus spécialisée. Ce modèle a perduré au travers de toutes les modifications du
concept de santé sexuelle et il s’impose encore aujourd’hui.
Le conseil en santé sexuelle 89

3. Éléments théoriques : contexte, définition


et contours de la notion de conseil
en santé sexuelle

Le conseil en santé sexuelle tel qu’il est envisagé ici renvoie aux principes du second niveau
d’intervention édicté par la WAS et l’OMS, situé entre l’éducation et la thérapie. Nous faisons le choix
d’utiliser le terme de conseil et non pas celui de counseling afin de proposer un cadre innovant et
méthodologiquement adapté à la pratique des professionnels de santé. Nous préciserons le contexte
général dans lequel s’inscrit le conseil, c’est-à-dire à la fois comme une forme d’écoute clinique et
comme une dimension de la relation d’aide visant à l’élucidation des représentations à l’œuvre chez les
individus. Le conseil en santé sexuelle vise les patients/clients certes, mais aussi les professionnels de
la santé confrontés à des situations impliquant la sexualité et face auxquelles ils se trouvent désarmés
ou en état de malaise professionnel. Nous en déterminerons les contours et les objectifs qui peuvent
être assignés à ce type de pratique en décrivant les spécificités du conseil par rapport à l’éducation,
au counseling et à la thérapie. Enfin, il s’agira de définir et d’opérationnaliser ce que nous entendons
par conseil en santé sexuelle en termes de principes conceptuels, de posture professionnelle et de
technique de communication.

3.1 Le conseil : une forme d’écoute clinique


Même si le conseil se distingue d’une approche de type psychothérapeutique, il n’en reste pas
moins rattaché à une posture clinique, au sens premier du terme, c’est-à-dire « au chevet du malade »
et en réponse à une demande de celui-ci. Les principes de la posture clinique, peuvent être appliqués
au-delà du champ strict de l’intervention thérapeutique mais plus globalement dans les sciences
humaines (Giami, 2009 ; Herdt et Stoller, 1990 ; Revault d’Allonnes, 1989). Ils reposent sur une
conception phénoménologique de l’homme dans laquelle chaque sujet est unique et aucun vécu
n’est réductible à un autre. Nous nous référons ainsi à la définition de la psychologie clinique
proposée par Daniel Lagache en 1949 : « la prise en compte de l’homme total en situation et fondée
sur l’étude approfondie des cas individuels » (Lagache, 1949). Autrement dit, il est nécessaire de
prendre en considération à la fois la subjectivité du client tout en prenant en compte les modalités
relationnelles et le contexte social, culturel et micro-social (les institutions) dans lequel il évolue.
Par ailleurs, l’écoute clinique, plus qu’un simple accompagnement, engage également le conseiller
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

à prendre en compte les dimensions contre-transférentielles1 et les contre-attitudes dans le cadre de


son intervention, inhérentes à toute situation de relation, et pas seulement de soin. Particulièrement
s’agissant de la sexualité, ce contre-transfert se doit d’être questionné en prenant en compte l’implica-
tion subjective, les représentations de la sexualité et les valeurs morales propres à chacun afin que la
pratique du conseil ne se résume pas à une forme de « traitement moral » ou de recommandation tout
en se situant beaucoup plus sur le versant de l’écoute et de la subjectivité des personnes (Devereux,
1980). Enfin, et dans la mesure où la pratique du conseil est imbriquée avec des dimensions sociales,
professionnelles, éducatives ou cliniques, la pratique ne peut éviter de prendre en compte les effets
de contexte et l’influence qu’ils exercent sur les subjectivités et les problématiques individuelles.
90 Psychologie de la santé : applications et interventions

3.2 Le conseil : une dimension de la relation d’aide


La relation d’aide est avant tout un rapport interpersonnel et intersubjectif. Celle-ci peut se
définir comme « une situation dans laquelle un des participants cherche à favoriser chez l’autre
partie, ou chez les deux protagonistes de la situation, une appréciation plus grande des ressources
latentes internes de l’individu, ainsi qu’une plus grande possibilité d’expression et un meilleur usage
fonctionnel de ses ressources » (Rogers, 1951). La posture rogérienne, dont il est question ici, a pour
objectif une prise de conscience, une forme d’élucidation des représentations, des significations
et des émotions attachées aux comportements par le renforcement, ou l’émergence, de facultés et
d’attitudes présentes chez les individus. Cette prise de conscience pouvant être à même de contribuer,
éventuellement à des modifications de conduites ou de représentations, si cela est nécessaire compte
tenu des situations dans lesquelles la personne est engagée et dans sa perspective propre. Carl Rogers
distingue ainsi dix éléments qui peuvent « favoriser chez l’autre la croissance, le développement la
maturité, un meilleur fonctionnement et une plus grande capacité à affronter la vie ». Comme on
peut le noter a posteriori, plus de soixante ans après leur publication, les principes humanistes de
Rogers qui sont profondément dans l’époque d’après-guerre s’apparentent à une forme de traitement
moral fondé sur des valeurs culturelles.
La relation d’aide est donc une relation entre deux individus ou chacun apporte ses ressources et
accepte de les partager dans la « confiance » et le « non-jugement ». Ainsi, Rogers place les individus,
les patients mais également les conseillers, au centre de la relation d’aide (Rogers, 1951) : il s’agit
bien, dans l’orientation non directive, de rester « centré sur le client » (Pagès, 1965). Si au départ la
relation est, ou peut être perçue comme, asymétrique puisque le conseiller porte le cadre contextuel
et la dynamique relationnelle, celle-ci, à la différence des relations médicales, est censée s’équilibrer
avec le temps (Embuldeniya et al., 2013) avec l’augmentation de la capacité des individus à faire des
choix personnels. Cette dimension est fondamentale dans le domaine de la santé sexuelle où les
recommandations morales et sanitaires proposées sous forme de prescription empêchent souvent
les individus de faire des choix raisonnés et durables car mal intériorisés.

3.3 Les spécificités du conseil en santé sexuelle


En France, le conseil en santé sexuelle n’est pas encore reconnu officiellement comme une compé-
tence ni comme une qualification. Bien que recommandée dans les directives récentes de l’OMS,
cette pratique nécessite d’être définie a minima tant théoriquement, que méthodologiquement afin
de proposer « des protocoles explicitant les pratiques des professionnels du conseil en santé sexuelle
[…] nécessaires à l’établissement d’un consensus sur un savoir de référence et à la transmission de
ce savoir dans un cadre de formation » (Méan, 2006). Il convient de repositionner le conseil par
rapport aux trois niveaux d’intervention proposés par la WAS et l’OMS.

3.3.1 Conseil et éducation/information


Dans le premier niveau d’intervention décrit comme « éducation », la pratique consiste ici à
apporter des informations sur la sexualité établies scientifiquement et notamment en matière de santé
reproductive et de prévention des IST. Dans la majorité des cas, l’information/éducation s’adresse
à des situations de groupes. Dans d’autres domaines tels que les violences et les abus sexuels, il
convient d’informer les personnes de leurs droits et de la façon de les faire respecter ou de les aider à
trouver de l’aide en cas de violation de ceux-ci. La transmission d’information a souvent pour objet
explicite de « contrecarrer » les idées fausses des personnes ou de « lutter contre l’ignorance et les
Le conseil en santé sexuelle 91

préjugés » comme cela était indiqué dans la première version de la définition de la santé sexuelle de
1975. Il s’agissait aussi de lutter contre « les tabous, les mythes sexuels, la culpabilité et le secret qui
en découlent et qui sont imposés par la société sur la sexualité. L’attitude qui considère que le sexe
est un péché sauf si c’est le moyen de la procréation – une forme commune d’enseignement qui
peut créer des sentiments de culpabilité lors de l’utilisation des méthodes contraceptives – constitue
une barrière supplémentaire à l’éducation sexuelle » (OMS, 1975). Plus récemment, cette posture
de combat a été modifiée sous la forme d’un droit à l’accès à une éducation sexuelle fondée sur les
données scientifiquement établies.

3.3.2 Conseil et counseling


Il s’agit du second niveau d’intervention décrit par l’OMS comme un « dispositif cadré qui vise à
répondre à des questions précises posées par des individus sur des sujets généraux ou personnels liés
à leur sexualité ou leurs relations affectives » (OMS, 1975). Si le niveau de l’éducation concernait le
simple transfert d’informations, on passe ici à une dimension plus proactive de la part du conseiller
visant à la mise à jour des représentations qui peuvent influencer les conduites personnelles ainsi
que les conduites professionnelles : « Il y a un besoin de counseling pour les individus et les couples
qui ont des problèmes un peu plus compliqués ; ceci peut être assuré par les infirmières, les sages-
femmes, les médecins généralistes, les gynécologues et d’autres professionnels » (OMS, 1975). Les
grands principes qui régissent ce type d’intervention peuvent être résumés de la façon suivante.
D’une part, la dimension temporelle investiguée doit être dans l’« ici et maintenant » dans la lignée
des thérapies systémiques et de la Gestalt-Therapie (Perls, 1951). Ce type d’intervention se doit, en
outre, d’être bref et ne pas dépasser quelques séances, auquel cas une évaluation de la demande
devra conduire à l’orientation vers une forme de thérapie. Enfin, un cadrage autour de certains
grands thèmes basés sur les critères d’évaluation de la santé sexuelle est proposé. Sont concernés par
ce cadrage : les aspects somatiques et les organes génitaux, les facteurs socioculturels, les facteurs
émotionnels et psychologiques qui constituent la vie sexuelle dans son ensemble.
Le counseling en santé sexuelle renvoie à un ensemble de pratiques issues de la culture anglo-
saxonne dont l’une des définitions les plus consensuelles est qu’il s’agit d’« une relation dans laquelle
une personne tente d’aider une autre à comprendre et à résoudre des problèmes auxquels elle doit
faire face1 ». L’éventail des pratiques relevant du counseling est plus ou moins étendu et varie selon
les contextes et les différents courants théoriques pouvant être mobilisés. Selon le contexte, l’orien-
tation, l’aide, l’information, le soutien, voire le traitement, peuvent ainsi être entendus comme des
pratiques de counseling. Dans son ouvrage consacré au counseling, Catherine Tourette-Turgis considère
par ailleurs qu’il est important de ne pas traduire ce concept par celui de conseil car l’utilisation du -ing
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

propre à la langue anglaise est difficilement transposable en français et de ce fait, le terme perdrait
les dimensions renvoyant à l’idée d’un processus (Tourette-Turgis, 1996). D’autre part, elle soulève
que le counseling n’est pas reconnu comme approche de plein droit dans le contexte des psycho-
thérapies en France (Nathan et al., 1998). Si différentes pratiques peuvent être considérées comme
relevant du counseling, celui-ci peut également répondre à différents objectifs, et peut notamment
être centré sur la personne ou centrée sur le problème. Dans le cadre du conseil en santé sexuelle, il
s’agit de trouver le juste équilibre entre le « problème » lié à la sexualité et la personne qui se plaint
de celui-ci, et ici réside la limite avec l’orientation vers une thérapie. Or établir la distinction entre
un « problème » relevant d’un conseil spécifique à une personne donnée et un « trouble » relevant
quant à lui d’une prise en charge thérapeutique constitue comme nous le verrons dans les illustrations

1.  La notion de contre-transfert n’est pas ici réductible à son ancrage disciplinaire d’origine, la psychanalyse.
92 Psychologie de la santé : applications et interventions

présentées une des difficultés rencontrées par les professionnels concernés et présente les risques de
confusion des niveaux d’intervention.

3.3.3 Conseil et thérapie


La gradation du type d’intervention proposé par l’OMS est ainsi dépendante de la complexité de
la problématique liée à la sexualité et est décrite comme telle :

« Troisièmement, il y a un besoin de thérapie sexuelle en profondeur qui doit être assuré par
des professionnels formés spécialement pour cela qui peuvent s’occuper des personnes qui ont les
problèmes les plus compliqués. Les professionnels de la santé et les travailleurs sociaux ont besoin
d’une formation plus spécialisée pour assurer le counseling et la thérapie sexuelle » (OMS, 1975).

Ce qui permet de qualifier la thérapie psycho-sexuelle renvoie à la place essentielle faite au corps et
à ses expressions, aux émotions et son aspect intégratif, la prise en compte du couple et de ses effets
sur l’individu et enfin le facteur temporel qui permet l’élaboration psychique ainsi que la centralité
de la question du sens donné au symptôme. Il n’y a pas d’opposition fondamentale entre le conseil
et la thérapie, et il s’agit de deux pratiques d’intensité différente fondées sur les mêmes principes.

3.4 Le modèle du « Brief Sexuality Communication »


Dans le cadre d’un projet d’établissement des normes du « Brief Sexuality Communication »
considéré comme la forme minimale du « conseil en santé sexuelle » pouvant être administré dans
le système basique de soins, une équipe de l’OMS a procédé à une revue de la littérature. Il ressort
de cette analyse que les interventions se situent généralement sur une durée de 10 à 60 minutes et
que leur mode de fonctionnement n’est pas standardisé ; qu’elles peuvent s’adresser à des individus
ou à des groupes. Les résultats de ces interventions, dont une très faible partie seulement peut être
considérée comme des essais cliniques randomisés (RCT), ont été évalués sur la base d’indicateurs
comportementaux ou d’évolution de l’incidence d’infections sexuellement transmissibles. Les auteurs
en arrivent à la conclusion, qu’en dépit de toutes ces limitations, le simple fait de fournir une inter-
vention quelle qu’elle soit a, la plupart du temps, un effet positif sur la réduction des indicateurs
des comportements à risque ou d’incidence d’infections. Cette analyse ne permet cependant pas
de savoir si d’autres facteurs contextuels ou structurels ont exercé une influence sur l’incidence ou
les comportements. La question du « bien-être » ou de « l’épanouissement sexuel » n’a pas pu être
évaluée dans la littérature existante (Cooper, et al., 2014).
Pour l’Association mondiale pour la santé sexuelle (WAS) la pratique du counseling est associée
à celle des psychothérapies appliquées à la sexualité et intègre autour de l’intervention un grand
nombre de facteurs comme l’évaluation, l’interprétation, et la planification. Afin d’uniformiser les
pratiques professionnelles la WAS a élaboré des « standards de bonnes pratiques ». L’objectif de cet
effort de standardisation est de fournir des critères de référence internationaux aux professionnels,
quelle que soit leur appartenance culturelle. Dans ce sens, ces critères peuvent aussi servir à la
construction des programmes de formation et d’évaluation des sexologues spécialisés par des objectifs
pédagogiques unifiés.
À l’instar de l’OMS, la WAS définit les grands principes de l’approche mais ne donne pas d’indi-
cation sur le fonctionnement concret et les méthodes psychologiques ou psychosociales à mettre
en œuvre pour développer le conseil/counseling en santé sexuelle. Par contre, la WAS accorde une
Le conseil en santé sexuelle 93

grande importance aux dimensions éthiques et à la nécessité d’une formation approfondie pour
s’engager dans le conseil en santé sexuelle.
En l’état actuel de son développement, le conseil en santé sexuelle ne constitue pas une pratique
homogène et standardisée dont l’efficacité ou même l’utilité pourrait être évaluée à l’aide de méthodes
quantifiées. Les principales formes d’évaluation de ces approches résident dans la comparaison entre
l’usage d’une forme de counseling non définie précisément, ou l’absence de cet usage (Cooper, et al.,
2014). On ne trouve pas encore de travaux qui évaluent l’effet respectif et différentiel de différentes
approches de conseil/counseling dans ce domaine.

4. Champs et terrains d’application

4.1 Le conseil en santé sexuelle dans le cadre


du travail infirmier dans le champ du cancer
La santé sexuelle dans le contexte du soin dans le domaine du cancer s’inscrit de plain-pied dans
les perspectives de l’OMS qui recommandent de maintenir une vie sexuelle satisfaisante malgré une
situation ayant un impact à la fois corporel, psychique et social sur la personne. Plus précisément
dans le contexte français, la mise en place des « plans cancer » successifs, notamment celui de
2009-2013 axé sur la qualité de vie des personnes atteintes de cancer (bien que la sexualité n’y soit
jamais mentionnée), a participé au développement d’une réflexion sur le cancer et la sexualité, déjà
bien avancée dans d’autres pays européens (Gamel, 1995 ; Wilson et Williams, 1988). De manière
générale, de nombreuses études concluent à une corrélation entre l’importance d’une bonne qualité
de vie avec l’observance thérapeutique mais aussi les éventuelles rechutes. La santé sexuelle étant
désormais pensée comme un aspect de la qualité de vie parmi d’autres (Basson, 2007), on observe
alors le développement d’études qui établissent un lien entre une bonne qualité de vie sexuelle
avec la qualité de vie en général et une meilleure perception du parcours de soins (Bondil, 2012). Le
développement de la santé sexuelle dans le contexte du soin en cancérologie permet ainsi d’illustrer
le passage du concept de sexualité à celui de santé sexuelle et les développements d’interventions. Si
les déclarations d’intention d’une systématisation d’une offre de soin en santé sexuelle sont omni-
présentes dans l’espace social en général et dans le cadre des maladies chroniques en particulier,
la mise en œuvre institutionnelle de ce type de soin se révèle être une « difficulté dans la réalité »
(Molinier, 2011).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Certaines études qui traitent de la place faite à la santé sexuelle dans le champ du cancer, s’inté-
ressent spécifiquement à la relation entre les professionnels de santé et les patients et notamment
aux dimensions communicationnelles de cette interaction et sur l’impact que cela peut avoir sur la
vie sexuelle des patients (Flynn, 2012). Les recommandations existantes insistent pour la plupart sur
le manque d’initiative des soignants à prendre en compte et en charge le vécu sexuel des personnes
concernées par le cancer et ses traitements alors que la majorité des patients seraient concernés par
cette question (Carr, 2011 ; Olsson, Berglund, Larsson et Athlin, 2012 ; Southard et Keller, 2009).
L’enquête française intitulée « La vie deux ans après le cancer » montre ainsi que le cancer et ses
traitements auraient de conséquences importantes sur la sexualité pour 75 % des personnes et ce,
indépendamment de la localisation du cancer, c’est-à-dire en dehors des cancers touchant spécifi-
quement les organes génitaux ou les zones sexuelles secondaires (Préau et al., 2008).
94 Psychologie de la santé : applications et interventions

Le nombre important de patients concernés par une atteinte de leur vie sexuelle conjugué aux
difficultés communicationnelles des soignants à aborder la sexualité décrites dans la littérature a
conduit une équipe de médecins à élaborer un référentiel ad hoc et à proposer des formations aux
soignants, intitulées « cancer et sexualité » (AFSOS, 2011). Trois types de « difficultés » sexuelles
auxquelles les patients peuvent être confrontés y sont décrits de façon hiérarchique, que l’on peut
rapprocher des trois niveaux d’intervention de l’OMS présentés précédemment :
•  « Un tiers des patients dit que la sexualité n’est pas ou plus leur préoccupation, l’information
simple fait partie du droit des patients. » Ici, c’est le premier niveau d’intervention de l’OMS qui
est concerné, l’information et l’éducation des patients afin qu’ils sachent que le cancer et ses
traitements peuvent avoir des conséquences sur leur vie sexuelle. Ce premier niveau concerne
tous les professionnels de santé car aucune qualification spécifique n’est nécessaire si ce n’est
une formation minimale afin, d’une part, de faire de la santé sexuelle un aspect de la qualité
de vie comme les autres (comme la douleur par exemple) et d’autre part de travailler sur les
représentations inhérentes à la sexualité. En effet, des études ont montré que des représentations
de la sexualité et des valeurs morales considérées comme « conservatrices » participaient du
manque d’initiative de certains soignants à l’abord de ces questions : la sexualité au-delà d’un
certain âge, la sexualité en dehors du couple, une sexualité différente entre les hommes et les
femmes… (Hordern et al., 2007).
•  « Un tiers des patients présente des troubles dont le traitement est souvent très facile et acces-
sible, surtout s’ils sont abordés précocement. » Dans ce cas, c’est le deuxième niveau d’interven-
tion de l’OMS, celui du conseil qui est concerné par cette catégorie de patients. Tout comme dans
les recommandations de l’OMS, tous les soignants sont également encouragés à intervenir à ce
niveau et nous le verrons c’est celui où les infirmières sont à la fois les plus à mêmes d’intervenir
et celui qui questionne le plus leur pratique. Tout comme pour le niveau précédent, une forma-
tion minimale sur la santé sexuelle est nécessaire mais des compétences communicationnelles
sont également requises afin que le cadre de la relation soignant-soigné soit respecté.
•  « Un tiers des patients souffre de troubles plus complexes pour lesquels il existe également
des solutions. » Ce dernier niveau se réfère au dernier niveau des recommandations de l’OMS,
celui de la thérapie (psychothérapie ou sexothérapie) ou du traitement (médicamenteux et/ou
chirurgical) selon la nature du trouble. Il concerne donc plus spécifiquement les psychologues,
psychiatres, psychothérapeutes ainsi que les médecins mais également les infirmières en ce sens
où elles doivent être capables d’évaluer la complexité du trouble afin d’orienter au mieux le
patient, ce qui nous le verrons peut se révéler difficile sans le minimum de formation.
Si ces recommandations fournissent une base pour que tous les soignants puissent intervenir en
fonction de leur domaine de compétence à l’un ou plusieurs de ces niveaux, ceci n’est pas encore
systématiquement mis en œuvre dans les services d’oncologie. Nous allons l’illustrer la façon dont le
conseil en santé sexuelle peut se traduire dans le contexte du soin en cancérologie1. Par ailleurs, peu
de gens sont informés du fait que « l’éducation sexuelle » entre dans les attributions des infirmières2.
Pour resituer le contexte général, la majorité des infirmières rencontrées considéraient la sexua-
lité comme un élément fondamental du bien-être en général, mais dès qu’il s’agissait de l’associer
au cancer, la sexualité devenait un sujet considéré comme complexe à aborder de par leurs propres

1.  Ces exemples sont extraits d’une recherche qui portait initialement sur les représentations de la sexualité dans le
contexte du cancer et nous avons recueilli des entretiens auprès de 64 infirmières dans plusieurs régions, dans des structures
hospitalières différentes, dans des services différents et présentant des caractéristiques personnelles et sociales diversifiées.
Recherche « Vie sexuelle et cancer » Inca (Giami, Moulin, Moreau, 2013).
2.  Décret 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmière. Voir
l’article 14 où il est stipulé que l’infirmier propose des actions, les organise ou y participe dans les domaines suivants…
éducation à la sexualité.
Le conseil en santé sexuelle 95

résistances ou plus fréquemment du fait de l’absence de demandes explicites des patients. Si la place
de la sexualité dans leur pratique était globalement considérée comme anecdotique, la situation
d’entretien a permis de mettre à jour que les infirmières faisaient (parfois à leur insu) du conseil en
santé sexuelle. Nous présentons ici les trois principales formes que peut prendre cette intervention :
l’écoute et la reformulation, le conseil et l’orientation.

4.1.1 Écoute et reformulation


L’écoute et la reformulation constituent la première forme de communication concernant la
sexualité pour les infirmières. Cette écoute est une compétence qui fait partie intégrante du rôle
propre de l’infirmier et s’inscrit plus largement dans la dimension relationnelle de la profession
infirmière : la relation d’aide. Inspirée des techniques thérapeutiques de Carl Rogers centrées sur
la personne, la relation d’aide constitue l’un des piliers de la perspective holistique et humaniste
revendiquée par la profession infirmière. Elle se fonde sur des techniques verbales et non verbales
qui se caractérisent notamment par une écoute active, la reformulation des propos ou encore une
attitude empathique (Collectif SFAP, 2010). Dans le contexte du cancer cette relation d’aide se décline
de différentes façons. Il s’agit en général d’écouter la plainte éventuelle du patient, ses difficultés,
ses craintes ou ses questions de façon empathique et compréhensive. Il s’agit également d’explorer/
clarifier ses angoisses sous-jacentes grâce aux techniques inhérentes à la relation d’aide et notam-
ment la reformulation pour faire comprendre à son interlocuteur que l’on a bien pris en compte/
entendu sa plainte. Et bien que beaucoup d’infirmières expriment un manque d’aisance dans la
prise en charge de la sexualité d’une façon générale, le rôle professionnel infirmier prend alors le pas
sur la dimension subjective et personnelle, lorsqu’elles sont confrontées aux questionnements des
patients, et se voit modulé par le « sentiment d’aisance » face à la sexualité ressenti par une partie
seulement des infirmières. L’écoute des patients et la reformulation de leurs propos constituent ici
des outils de communication permettant de maintenir une continuité des soins malgré le manque
de formation et de connaissances spécifiques.
Que la sexualité soit considérée comme un sujet comme un autre au même titre que la sphère
professionnelle, familiale, etc., ou qu’elle revête une coloration subjective en tant que sujet rele-
vant de l’intimité, les deux extraits suivants illustrent que l’écoute, l’empathie et la reformulation
constituent un moyen d’accès privilégié à une prise en compte de la plainte sexuelle des patients.

« Le rôle de la soignante, c’est l’écoute. Principalement, déjà, écouter. Reformuler pour lui montrer qu’on
a bien entendu ce qu’il nous disait. Bon, sans dire qu’on comprend exactement parce qu’on n’est pas à sa
place mais on peut lui dire : “J’entends ce que vous me dites et… et je réalise l’importance que ça a pour
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

vous.” Et ça, c’est comme tout, je veux dire, quand un patient dit : « Je pourrais plus jamais travailler, je
pourrais plus… je suis obligé d’arrêter telle activité, etc.” C’est des deuils, des fois, enfin, ils sont… qu’ils
ont à faire. Donc, pour la sexualité c’est la même démarche. »
(I : Mais si, par exemple, ils… ils vous parlent de leur vie de couple, par exemple ou… de choses comme
ça, enfin… ?) […] Ah, ben j’écoute mais après, je vois pas trop sur quoi je peux orienter… Ça me dérange
pas d’en discuter, hein, mais après, je vois pas trop ce que je peux dire… C’est juste que j’ai pas de réponse
à apporter, à mon avis…, je comprends l’utilité. Ah, ben si, c’est… c’est leur relation de couple qui est en
jeu, je comprends aussi… »

Cet extrait laisse entrevoir l’une des résistances à s’engager dans une activité de communication
plus volontiers « proactive » dès qu’il est question de sexualité et sur laquelle nous reviendrons plus
bas.
96 Psychologie de la santé : applications et interventions

4.1.2 Informations, conseil et éducation


Penser une forme de communication verbale et proactive autour de la sexualité nécessite de
prendre en compte les éléments qui influencent les prises en charge. Le type de cancer et ses traite-
ments modulent fortement la prise d’initiative des infirmières car les représentations associées aux
possibles répercussions de certains de ces cancers sur la sexualité influencent la manière d’appré-
hender le soin. Pourtant, plus que le type de cancer considéré, c’est la question du sexe (genre) du
patient et des représentations d’une sexualité différente selon le genre qui guident les pratiques et
les types de soins proposés. Les questionnements des patients et/ou les prises d’initiatives infirmières
concernent alors principalement deux cancers typiques pour penser cette différenciation : le cancer
du sein et le cancer de la prostate, cancers emblématiques du masculin et du féminin.

ÔÔ Une prise en charge psycho-relationnelle pour les femmes


Il s’agit en premier lieu d’anticiper les craintes liées aux angoisses de dégradation corporelle
liées à des deuils multiples : chute des cheveux, ablation d’un ou des deux seins avec disparition de
leurs sensibilités et incidence sur le couple et notamment l’appréhension du regard du conjoint, le
risque d’éloignement affectif, de perte du désir, voire de rupture. Plusieurs informations peuvent
être données à cette occasion (e. g., proposer de la lingerie adaptée, faire de l’éducation autour de la
cicatrice, montrer des photos de femmes ayant subi une mastectomie pour favoriser l’intégration
de leur nouvelle morphologie, etc.). Ce type d’intervention peut être proactif dans la mesure où de
nombreuses infirmières prennent l’initiative d’une telle communication car la dimension relation-
nelle est au centre de leurs préoccupations surtout quand il s’agit des femmes atteintes d’un cancer
du sein. En revanche, lorsqu’il s’agit de dysfonctionnements sexuels consécutifs à des traitements,
la majorité des infirmières ne prennent pas l’initiative de la communication. Prenons un exemple
dépassant le seul cadre du cancer du sein et touchant de fait de nombreuses femmes, celui de la séche-
resse vaginale qui constitue un effet iatrogène des traitements anti-cancéreux. Si quelques infirmières
ne connaissent pas l’existence de ce type d’effets secondaires, beaucoup d’entre elles attendent que
la demande émane des patientes elles-mêmes ou « tendent des perches » sans qu’une information
explicite soit formulée. Il faut qu’une relation s’établisse entre l’infirmière et le patient pour qu’une
communication sur la sexualité soit envisageable. D’ailleurs la notion de feeling revient souvent dans
les propos des infirmières et renvoie à l’idée d’une construction de ce type d’intervention, qui n’est
pas basée sur un protocole systématique, mais constituée à partir d’une forme de « bricolage » entre
les dimensions médicales, personnelles et relationnelles de la sexualité.

« Donc, voilà et autrement, c’est vrai qu’ici, dans le service, moi, je sais que j’en parle surtout… aux femmes
qui ont le cancer du sein. Dans le service, on a travaillé sur des protocoles, en fait. Chaque protocole, on a
une liste d’effets secondaires que, en fonction du patient, en fonction de la connaissance de sa maladie,
tout ça, en fonction de son état, c’est vrai que si quelqu’un est déjà très… anxieux, si on sent qu’il est pas
au clair avec plein de choses… on va pas déballer dix mille effets secondaires. Si la personne, elle a compris
ce qu’elle avait… qu’elle semble apte à entendre certaines choses, on va un peu plus loin. Donc, c’est pour
les dames qui ont un cancer du sein, on leur présente un petit peu ce qui peut leur arriver. On leur explique
bien qu’elles n’auront pas tout, qu’il y a des choses qu’elles auront par exemple, la perte de cheveux, c’est
systématique, pour la plupart des femmes… Vous voyez on aborde déjà un petit peu par la perte des poils
pubiens. Parce que si elles se retrouvent chez elles et que tout est en train de partir, c’est pas l’idéal, quoi.
Et donc, du coup, après… et après, moi je reparle un petit peu du point de vue sexuel. Moi, je leur dis qu’il
y a des sécheresses vaginales, baisse de la libido. Et donc, qu’elles peuvent utiliser un lubrifiant et… à la
rigueur, qu’elles demandent un conseil à leur médecin ou à leur gynéco, quoi. Voilà. C’est comme ça que je
fais et ça se passe bien, hein. Moi, je parle de ça comme de ça, c’est la vie de tous les jours, quoi. »
Le conseil en santé sexuelle 97

ÔÔ Une prise en charge médico-technique pour les hommes


Les infirmières (femmes) font preuve d’un moindre intérêt en ce qui concerne les cancers mascu-
lins. L’une des explications possibles à cet état de fait renvoie à la distance entre les genres : les
infirmières en tant que femmes, dans leur grande majorité, seraient moins à l’aise pour aborder ces
questions avec des hommes, le partage d’expérience ne fonctionnant pas de façon aussi efficiente
dans cette relation. On peut aussi analyser cela du point de vue des scénarios culturels de la sexualité
(Gagnon, 2008) qui associent de façon quasi systématique la sexualité masculine avec la dimension
pénétrative de la sexualité. En effet, lorsque les infirmières évoquent une activité d’information en
direction des patients, il s’agit principalement de questions autour du maintien de la capacité érectile
et ce, dans le cadre du cancer de la prostate. Or, s’agissant des dysfonctions sexuelles et concernant
les hommes, on a pu observer la présence qu’un manque d’aisance plus général concernant les
dimensions médico-techniques de la prise en charge de la sexualité soit également à l’œuvre. Cette
idée renvoie à la majorité des études portant sur le sujet selon lesquels les infirmières seraient plus à
l’aise et se sentiraient plus compétentes dans la sphère psycho-relationnelle de la sexualité.

« Si, si, il y en a qui posent des questions. Je dirais que c’est plutôt des couples jeunes qui posent des ques-
tions et les hommes aussi, quand ils sont tout seuls. Les hommes qui ont des problèmes de prostate posent
aussi des questions à ce moment-là parce que là, souvent, ils ont déjà été opérés et ils ont déjà les effets de
l’intervention. Les questions que j’ai pu avoir, c’était : “Est-ce qu’il va y avoir une incidence sur ma sexualité.
Est-ce qu’on pourra avoir des rapports comme d’habitude ?” En général, je leur dis que « Oui, ben, il va y avoir
des incidences de la sexualité parce que le traitement, d’une part, fatigue, parce que physiquement euh…
si la femme a été opérée avant, son corps a été souvent mutilé donc… elle a… du mal, un petit peu, à se
retrouver le mari a aussi du mal à trouver sa place vis-à-vis de ce corps qui a changé et que les traitements
eux-mêmes entraînent des sécheresses de la peau et des muqueuses et donc par conséquent, les rapports
peuvent être plus désagréables qu’agréables pour la femme. Ce qui fait qu’avec euh… Si on prend pas
des précautions comme des lubrifiants ou des crèmes, ben, le… la femme trouve pas d’intérêt, en fait. »

4.1.3 Orientation et délégation


Les infirmières attribuent très fréquemment la responsabilité de prendre en charge les questions
liées à la sexualité aux médecins. Cette orientation renvoie à une division du travail hospitalier qui
maintient une forme de domination médicale sur les décisions infirmières. Ainsi, le fait de considérer
la sexualité comme un objet purement médical (i. e. dans une vision mécaniste et physiologique
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

du terme), amène de nombreuses infirmières à ne pas considérer que cette prise en charge est de
leur ressort. Cette position renforce l’idée que la question de l’autonomie infirmière par rapport
aux médecins a pour conséquence le fait que certaines d’entre elles ne se sentent pas autorisées à
aborder, ou tout du moins à prendre l’initiative de l’abord, de la sexualité. Au contraire, certaines
estiment que dans la mesure où les médecins ne remplissent pas leur devoir d’information sur la
sexualité, il leur reviendrait de le faire.

4.1.4 Le conseil en santé sexuelle chez les infirmières : un bricolage


Bien que de nombreuses difficultés soient décrites par la plupart des infirmières rencontrées
à s’engager dans une démarche de conseil en santé sexuelle en cancérologie, il est intéressant de
constater qu’une partie d’entre elles fait du conseil en santé sexuelle sans s’en rendre compte. Elles
élaborent une pratique que l’on peut qualifier de « bricolage » ou de « compétence informelle » en
98 Psychologie de la santé : applications et interventions

faisant coexister les habitudes acquises de leur savoir-faire infirmier mais également des éléments
issus plus volontiers d’un registre relationnel et subjectif. On aboutit finalement à ce que Moulin a
désigné comme une « normalisation de conduites profanes » (Moulin, 2007) de la prise en charge
de la sexualité par la plupart des infirmières. C’est-à-dire que les conduites habituelles réalisées avec
des proches s’érigent en pratiques professionnelles en s’intégrant dans le registre des conduites
professionnelles sous une forme d’hybridation.
Penser le conseil en santé sexuelle en oncologie nécessite de prendre en compte à la fois les
représentations inhérentes au cancer et à la sexualité et la place que peut prendre la santé sexuelle
dans la pratique infirmière. L’association entre cancer et sexualité est fortement associée à une
incongruité symbolique liant la mort et la sexualité en constituant une résistance très puissante à
la mise en place d’un type de soin dédiée à la santé sexuelle. L’évolution des traitements, de l’ima-
ginaire social du cancer (Moulin, 2005), des propres représentations des patients (Schon, 1968)
ainsi que celles des soignants, mais également des idées sur la sexualité en général participent du
développement de l’introduction de la sexualité dans le soin global et personnalisé promis dans les
plans cancers successifs. Mais entre ce discours « idéel » et les « réalités » décrites par les infirmières,
il est néanmoins important de rendre compte des difficultés qu’elles éprouvent. S’il est souhaitable
qu’un soin en santé sexuelle soit mis en place et systématisé sans aucune discrimination, en accord
avec les droits sexuels et surtout dans l’objectif de réduire les inégalités d’accès au soin, il faut pour
cela que plusieurs conditions à la fois, matérielles, institutionnelles et techniques soient réunies.
En cela, les modèles d’intervention proposés par l’AFSOS et l’OMS peuvent constituer une base sur
laquelle les soignants travaillant en oncologie peuvent s’appuyer. Il s’agirait d’une part, de proposer
une formation minimale conceptuelle sur les droits sexuels en général afin que certaines idées reçues
sur la sexualité soient non pas éradiquées mais au moins élucidées pour permettre aux soignants de
mieux comprendre certaines de leurs résistances. D’autre part, cela passe aussi par l’apprentissage
de certaines techniques de communication brèves leur permettant de mettre en place un cadre dans
lequel la sexualité pourrait être contenue, la peur de l’érotisation de soin pouvant se révéler être un
frein puissant à l’engagement d’une telle communication (Giami, Moulin et Moreau, 2013).

4.2 Le conseil en santé sexuelle dans le cadre de groupes


de parole de personnes vivant avec le VIH (PVVIH)
Proposés depuis plusieurs années, par un grand nombre d’associations et de structures de santé,
les groupes de paroles PVVIH sont au cœur de l’action collective visant à rendre aux individus la
capacité de prendre en charge de façon plus autonome leur vie et de leur santé. Ces groupes sont
inspirés des self-help group mis en place par les Alcooliques Anonymes (AA’s) historiques fondés en
1935 et s’inscrivent dans le prolongement des actions collectives d’autres maladies comme, par
exemple, la maladie de Parkinson, la mucoviscidose ou le cancer (Grunow-Lutter et Grunow, 1987 ;
Hatch et Kickbusch, 1983 ; Herzlich et Pierret, 1984). Adaptés à la situation de l’infection à VIH, et
mis en place dès les débuts de l’épidémie, les objectifs de ces groupes ont périodiquement évolué
avec les évolutions médico-sociales des traitements, des populations et des personnes atteintes. Les
orientations développées dans le cadre de la vie associative sont le plus souvent définies sous les
termes de groupes d’auto-support (self-help group) ou de groupes d’entraides (Mutual Aid Group). Ces
derniers sont principalement animés par des bénévoles au sein de leur association (pairs-profanes)
mais peuvent également être structurés autour d’une orientation psychodynamique pouvant aller
jusqu’à des visées thérapeutiques lorsqu’ils sont animés par un psychologue professionnel.
Au regard des politiques de santé, les groupes de parole ont souvent été perçus, présentés et
utilisés comme un outil de prévention où la transmission des connaissances permet la modification,
Le conseil en santé sexuelle 99

des comportements dits à risques ou, pour le moins, l’inflexion, voire l’adaptation, de certaines
pratiques. Mais, la pratique de ces groupes de parole a d’autres fonctions et utilités : ils permettent
de développer l’empowerment, ou le renforcement de l’autonomie des personnes, fondée sur une
meilleure acceptation, voire une certaine « fierté » de leur identité. Ce renforcement est ainsi orienté
vers le bien-être à la base de tout changement positif. En ce sens, ces groupes de parole se situent
en droite ligne des groupes dits de développement du potentiel humain qui se sont développés au
cours des années 1970 dans le contexte de la contre-culture de la révolution sexuelle (Giami, 2014).
Le concept de santé globale fut développé dans les perspectives non directives de la psychologie
humaniste (Rogers, 1951) et vise la croissance individuelle plutôt que l’ajustement de l’individu
aux injonctions normatives de la société et aux modifications comportementales proposées par les
institutions sanitaires. Dans un contexte où ces groupes de parole ont pour objectif de soutenir les
participants sur différents aspects de leur vie quotidienne (accès aux soins, travail, relations aux
systèmes d’assurance maladie, etc.), il s’agit de voir comment la question de la sexualité peut être
abordée alors qu’elle est souvent évitée.

4.2.1 Le groupe et le soutien social des pairs


Le support par les pairs se définit donc par « une mise à disposition d’émotions, d’informations,
d’évaluation et d’assistance nécessaires à la création d’un groupe de travail possédant les savoirs issus
de l’expérience des comportements spécifiques ou stressants identiques à la population cible ». De
nombreuses recherches documentent les effets positifs des groupes de pairs sur la dépression et le
stress (Bracke, Christiaens, et Verhaeghe, 2008 ; Dennis, 2003 ; Yalom, 1985), ses effets directs sur
l’isolation sociale et l’information (Dennis, 2003) déterminant dans l’évolution positive du processus
de santé (Peterson, et al., 2012). On cherche aujourd’hui à étendre ces effets du groupe aux réseaux
sociaux (Mo et Coulson, 2012). Pourtant, il existe encore peu d’analyses sur les éléments constituant
les supports par les pairs (Embuldeniya, et al., 2013) et notamment de l’impact du groupe-support
sur la qualité de la vie sexuelle car peu de recherches ont été publiées après 1996 avec l’augmenta-
tion importante de l’espérance de vie des malades grâce à l’arrivée des trithérapies antirétrovirales.

4.2.2 Préconisations pour l’animateur


C’est une confiance optimiste, s’épanouissant dans l’expérience, qui différencie les personnes
pouvant animer des groupes. Chaque animateur doit être confiant dans le potentiel de son groupe
et ses émotions. Ainsi, ce leader doit croire dans les capacités du groupe à produire, à progresser et à
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

se soutenir lui-même. Pour ce faire, il doit débuter chaque séance sans a priori et sans objectifs préa-
lables car il n’y a pas de groupe « idéal » ni de séance parfaite. Le processus d’empowerment amènera
le groupe à prendre les décisions qui lui sont juste en fonction de chacun. Ne rien attendre du groupe
c’est le laisser libre de sa direction, de ses changements, de ses sujets ou de ses préconisations. C’est
également laisser chacun trouver en lui-même les ressources dont il a besoin et le choix de le faire.
Cette confiance recouvre également les émotions propres à l’animateur car elles sont l’outil prin-
cipal de son travail. Ces émotions permettent d’appréhender l’évolution des processus de groupes
et de ce qui se joue dans les interactions. Tous les animateurs doivent donc être conscients des
émotions en jeux dans la relation d’aide ainsi que leurs effets négatifs potentiels (Embuldeniya, et al.,
2013). L’animateur doit être au clair avec celles-ci car ressentir de l’ennui peut signifier par exemple
que certaines choses ne sont pas exprimées (Ruszniewski, 2007). Un travail sur soi est donc néces-
saire (Rogers, 1951) car la volonté de bien faire n’est pas toujours gage d’action positive comme le
100 Psychologie de la santé : applications et interventions

démontrent certaines études dans lesquelles un nombre non négligeable de bénévoles sont atteints
de troubles psychiques (Bebbington et Gatter, 1994 ; Guinan et al., 1991).
Plus concrètement, l’animateur se servira de la verbalisation des processus dynamiques et des
émotions qui l’accompagne. Ainsi, il peut renvoyer une interprétation de ce qui est en jeux dans la
dynamique du groupe, mais ne fait pas d’interprétation individuelle impliquant la vie privée d’un
des participants (Funck-Brentano et al., 2004). Pour cela il peut verbaliser ou bien décrire ce qui
se passe dans le groupe. Ces actions d’élucidations et de significations servent également à asseoir
son rôle symbolique de gardien des limites et du cadre du groupe de parole permettant ainsi la une
meilleure libération de la parole et des émotions.

4.2.3 La question de la sexualité


Les problématiques que doivent affronter les PVVIH ont suivi l’évolution des traitements de la
maladie. En revanche, la stigmatisation et les stéréotypes n’ont pas disparu et les personnes atteintes
souffrent toujours d’un profond isolement (VESPA II, 2013) accompagné d’un grand inconfort
psychologique (Lapedagne et al., 2000 ; Sharfstein, 2005) causés, le plus souvent, par une position
ambivalente entre un quotidien asymptomatique où tout semble être « normal » et les limites impo-
sées physiquement ou symboliquement par la maladie au retour à une vie normale, ou pour le moins
à « vivre comme tout le monde ». Au centre de ces préoccupations se trouve la sexualité (Flores-
Aranda et al., 2005). Ainsi, même si 71 % d’entre eux sont sexuellement actifs et 63 % en couples
(VESPA II, 2013), les enquêtes Vespa et Vespa 2 nous informent de la forte proportion des personnes
atteintes à ne pas avoir de relations sexuelles. Ainsi, entre 2003 et 2011, l’absence d’activité sexuelle
dans les douze derniers mois a augmenté de 22 % à 29 % des individus. De plus, 5 % des personnes
ayant appris leur séropositivité quand elles étaient déjà en couple ne l’ont jamais annoncé à leur
partenaire principal et ce chiffre s’élève à 14 % pour celles qui connaissaient leur statut sérologique
avant la rencontre de leur partenaire actuel. D’autre part, pour les couples où le statut est connu,
l’adoption d’une attitude de prévention associée à la peur de transmettre interfère sur la confiance
et l’abandon de soi et peut entraîner une baisse du plaisir et du désir (Troussier, 2006). Dans ce
sens, 69 % d’entre eux n’en ont pas informé leur dernier partenaire occasionnel, ce chiffre pouvant
atteindre les 79 % pour les hommes immigrés d’Afrique sub-saharienne et 74 % chez les hommes
ayant des activités sexuelles avec d’autres hommes. Les justifications de ces différentes attitudes sont
multiples. Certaines ne sont pas associées à des scores élevés d’anxiété et de dépression : mauvaise
santé (24 %), difficultés avec préservatif (23 %) et les problèmes sexuels (18 %). D’autres relèvent
d’une forme d’intériorisation de l’abstinence (« Pas envie ») (59 %) ou des difficultés liées aux relations
avec autrui : peur de contaminer l’autre (61 %), peur du rejet (39 %), se sentir moins séduisant(e)
(34 %), ne pas avoir quelqu’un qui plaise (34 %) ou se sentir isolé(e) (28 %) (VESPA et al., 2004).
Aborder la sexualité avec des PVVIH, c’est aborder un thème en lien avec d’autres : la contami-
nation et la peur de contaminer, un passé souvent insouciant, des expériences, un avenir souhaité
mais incompatible avec la permanence du statut sérologique et un présent souvent absent (Théry,
1999). Ainsi, cette thématique peut souvent être accompagnée d’émotions difficiles à gérer par les
individus. Nos observations de groupes de parole nous permettent de témoigner que la sexualité
est extrêmement présente lors des discussions et les thèmes abordés. La vision idyllique d’une
sexualité épanouie, et épanouissante, se confronte à la réalité d’une maladie sexuellement trans-
missible stigmatisante et empreinte de peurs et de culpabilité. Cette ambivalence se manifeste par
un double discours sur les bienfaits de la sexualité, en particulier sur la santé, et son lien avec une
vie normale par opposition avec les peurs et l’impossibilité d’accéder à cet état de bien-être (Giami,
2002). Ainsi, quand on demande de la définir on entend souvent que « la santé sexuelle c’est la vie,
Le conseil en santé sexuelle 101

c’est l’équilibre » (homme d’origine d’Afrique sub-saharienne, 42 ans), pourtant derrière ce discours
empreint de culture associative, et plus généralement sociale, on touche à quelque chose de bien
plus investi émotionnellement car « c’est lourd, c’est très lourd de parler de ça » (femme d’origine
maghrébine, 43 ans) et pour beaucoup : « On a besoin de reconstruire son identité quand on
apprend que l’on a la maladie. Il faut refaire tout le chemin » (femme d’origine européenne, 39 ans).
Paradoxalement, en réponse à ces positions négatives on entend des discours sur la transformation
opérée par la maladie : « Je ne dirais pas ce que c’est grâce au VIH, mais avec la maladie je relativise
ce qui est important dans la vie, et malgré ce que disent les autres on a tous le droit d’être bien et
d’avoir la vie qu’on veut » (homme d’origine caribéenne, 37 ans). Cette ambivalence se retrouve
dans tous les discours tenus dans les groupes et engendre des tensions et des frustrations chez bon
nombre de participants qui se sentent incompris. Les groupes sont alors bloqués dans une sorte de
boucle qui semble indépassable à l’image d’une sexualité future inatteignable.
D’un point de vue sexologique, rares sont les occasions qui permettent aux personnes séropositives
d’exprimer les difficultés et les conséquences de leur statut sérologique tant par rapport à leur relation
de couple que par rapport à leurs relations sexuelles en général, notamment face à leurs échecs de
prévention voire de prises de risques avérées. Généralement, l’injonction au contrôle de sa sexualité
par l’usage des préservatifs ne permet pas l’abandon nécessaire à des rapports sexuels satisfaisants. En
ce qui concerne les femmes les troubles du désir sont principalement liés aux peurs de transmission
de la maladie se manifestant parfois par une représentation de ses propres sécrétions comme « sales »
(Troussier, 2006). Les troubles de l’orgasme chez ces femmes sont associés aux représentations du
Sida associé à la mort, le rejet et une forme de punition. Dans le cadre des couples séroconcordants
ces peurs font place à une forme de colère en regard de l’acte contaminant. Pour les hommes, les
manifestations anxieuses entourant le désir se matérialisent sous les apparences de dysfonction érec-
tiles, de causes circonstancielles (28 %) ou psychologiques (28 %), mais sont également en lien avec
la transmission de la maladie car reliés pour ces hommes à l’utilisation du préservatif (43 %). Il est
toujours difficile de rendre compte concrètement des évolutions comportementales des participants
aux groupes de parole car lorsque le processus d’empowerment a atteint ses objectifs d’autonomisation
les individus suspendent leur participation ou (re) viennent pour des raisons différentes. Ainsi, les
témoignages que nous pouvons retenir de notre pratique sont ceux de personnes ayant le désir de
partager leurs expériences avec les membres du groupe.
En tant que maladie sexuellement transmissible, le VIH influence directement la sexualité des
personnes vivant avec la maladie. En interagissant avec la vie sexuelle, le virus agit sur les demandes
affectives et les comportements intimes. Le rôle de l’animateur en santé sexuelle est alors de travailler
sur les leviers et les freins à l’épanouissement de la sexualité tant sur le versant de la vie sexuelle et
affective que sur l’anticipation des prises de risques.
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Dans un premier temps, tout travail débute par une phase de réassurance de chacun et le fait de
« savoir que les autres passent par les mêmes phases que nous, ça rassure, on se dit que l’on peut
aller plus loin » (femme d’origine espagnole, 38 ans). Dans ce sens, on peut entendre que le groupe
permet de « rencontrer des personnes qui vivent depuis plus de 20 ans avec le VIH et qui ont eu des
enfants, je me dis que tout est possible » (femme d’origine française, 28 ans).
Le second temps du processus d’empowerment permet aux usagers de se sentir davantage aux
commandes de leur vie intime et par conséquent de pouvoir en avoir une. Ainsi, chaque individu
est à même de retrouver une sexualité en rencontrant de nouvelles personnes selon le contexte et
les conditions qui sont en adéquations avec ses attentes personnelles. Pour certain (es) il n’est pas
nécessaire de parler de sa séropositivité à ses partenaires sexuel (le) s si la relation ne devient pas
véritablement sérieuse et pour d’autres : « C’est plus simple pour moi de rencontrer des personnes
qui sont également séropositives. Avant j’avais trop peur d’annoncer ma maladie, mais comme je
102 Psychologie de la santé : applications et interventions

suis bien en groupe, quand je viens à l’association, je me dis qu’avec quelqu’un comme moi je ne
serais pas obligée d’expliquer et comme ça, je me sentirais normale » (femme d’origine d’Afrique
sub-saharienne, 53 ans).
Progressivement, un grand nombre de clients envisage avec plus de sérénité les situations de
négociation à l’utilisation de préservatif qui étaient jusque-là vécues parfois avec violence. Ainsi,
grâce à la dédramatisation des situations et aux argumentations des membres du groupe trouvées
dans l’après coup ou tirées de la communauté des expériences, les individus peuvent infléchir leurs
attitudes et modifier leurs comportements. Les échanges entre pairs permettent donc l’échange de
stratégies de réduction des risques de transmission du VIH, et des autres MST, en mettant à dispo-
sition un large panel de possibilités d’attitudes et de comportements adaptables à chaque situation
mais également à chaque type de personnalité.
On remarque une dichotomie dans les comportements et les attitudes attendus et/ou préconisés
pour/par les hommes et pour/par les femmes. Effectivement, les femmes sont perçues dans un registre
où la principale difficulté est de faire mettre un préservatif à leur partenaire et les conseils sont assez
directs : « Moi si y a pas de capote y a rien ! » ou : « T’a qu’à lui dire que s’il veut un contact avec
la peau il n’a qu’à utiliser celle de ses mains ! » Les hommes échangent plus généralement sur leurs
propres difficultés avec les préservatifs et le maintien d’une érection satisfaisante par des pratiques,
des crèmes ou des boissons stimulantes. Dans le cadre de groupes mélangeant les deux sexes, on
assiste à des propos réaffirmant des normes sociales traditionnelles sur les positions des hommes et
des femmes et des échanges plus discrets entre deux membres à proximité directe sur des conseils
qui ne regardent pas le groupe mais que ce contexte a permis.

5. Discussion et perspectives

Les deux situations que nous avons présentées s’inscrivent dans des contextes et des styles de
pratiques professionnelles différentes. D’un côté, on se trouve en situation de clinique médicale dans
le cadre d’une pathologie et de traitements qui ont des effets délétères sur la fonction sexuelle et sur
les relations avec les partenaires. Jusqu’à encore récemment, les cliniciens ne s’intéressaient pas à ce
type de conséquences et de retentissements d’une pathologie, et conséquemment les professionnels
qui n’ont pas été formés à ces questions se trouvent obligés de répondre sous forme de bricolage
plus ou moins improvisé et en fonction de leur intérêt personnel pour la sexualité et de leur aisance
à aborder ces questions. Plusieurs types de réponses sont possibles avec d’une part des réponses
techniques et ponctuelles consistant en des traitements corporels locaux, des réponses visant à
l’amélioration de l’image de soi et enfin une écoute ouverte sur les problèmes relationnels et notam-
ment les problèmes de couple qui surviennent comme conséquence des modifications corporelles
et de l’état de maladie. D’un autre côté, les situations de groupe de parole pour les personnes vivant
avec le VIH constituent une forme de réponse proposée dans la palette des réponses médicales et
psychosociales prises en charge par les associations de patients et d’auto-support. Ces groupes se
sont jusqu’à présent peu intéressés aux questions de sexualité et celles-ci surgissent désormais avec
l’allongement de l’espérance de vie provoqué par les médicaments anti-rétroviraux. Il s’agit alors
d’introduire une réflexion des groupes sur la place de la sexualité dans une pathologie qui reste
marquée du sceau d’une sexualité fautive et déviante et qui aura modifié en profondeur la vie sexuelle
de la dernière partie du xxe siècle.
À partir de ces deux types d’expérience, on peut proposer une définition de cadrage provisoire
pour le conseil en santé sexuelle. On suggère par ailleurs de considérer que le conseil ne saurait se
Le conseil en santé sexuelle 103

réduire à une pratique interindividuelle de soin et qu’elle peut prendre place dans des situations qui
ne sont pas orientées directement vers le soin.
Le conseil en santé sexuelle serait fondé, en premier lieu, sur l’aptitude (plutôt que la compétence
ou la spécialisation) à savoir aborder les questions liées à la sexualité lorsqu’elles émergent dans le
contexte d’une relation de soins, éducative ou d’intervention sociale. Cela peut aussi concerner les
avocats, les ecclésiastiques, les policiers ou les journalistes qui œuvrent dans des situations relation-
nelles dans lesquelles des thématiques en relation avec la sexualité peuvent apparaître. Elle vise à
faciliter l’expression du client/patient ou celle du citoyen, à l’aider à verbaliser les questions qu’il/elle
se pose, d’en analyser avec lui/elle les différentes dimensions et implications. Elle peut s’appliquer
aussi à des acteurs collectifs comme des équipes pédagogiques, des équipes soignantes, le champ du
travail social engagé dans une pratique auto-réflexive collective.
Cette aptitude nécessite un minimum de formation/information fiables sur différentes dimen-
sions liées à la sexualité afin de pouvoir apporter des informations lorsque cela est nécessaire comme
cela est souvent le cas. Elle nécessite une formation aux capacités à mener une conversation ou un
entretien en privilégiant l’écoute, puis la reformulation et l’approfondissement. Elle se distingue
en cela de l’éducation du patient, tout en comprenant une dimension de transfert d’informations
fondées scientifiquement. Elle se distingue aussi de la pratique de la prévention dans la mesure où
elle ne vise pas immédiatement la modification comportementale. La transmission d’information
peut ainsi s’effectuer à partir d’une préparation du/des récepteur(s) des messages qui seront, de cette
façon plus à même de les intégrer dans leur problématique et leur situation.
Cette aptitude nécessite une formation aux capacités d’autoréflexivité pour aider les intervenants
à faire la part des choses entre leurs propres valeurs et représentations personnelles/subjectives, les
valeurs sociales et culturelles du milieu dans lequel ils se trouvent, et les valeurs personnelles des
clients afin d’éviter de projeter leurs propres valeurs et représentations sur le client. L’élucidation
des phénomènes transférentiels et contre-transférentiels par les professionnels constitue une dimen-
sion centrale de ce travail. Par ailleurs, cette aptitude repose sur la capacité à savoir reconnaître les
phénomènes d’érotisation de la relation entre le professionnel et le client qui peuvent se trouver
stimulés du fait de l’intérêt exprimé par le professionnel envers les questions liées à la sexualité du
client (Giami, Moulin et Moreau, 2013).
Le conseil en santé sexuelle peut être réalisé selon trois postures principales. D’une part, il peut
entrer dans une sorte de spécialisation qui fait de ceux qui ont été formés à cette pratique les
personnes référentes en matière de sexualité dans une équipe. D’autre part, il peut s’intégrer dans
les activités et les pratiques de chaque profession en permettant de développer une sensibilité plus
grande à l’écoute et à la sexualité qui peut s’insérer dans une approche holistique du client tout en
sachant reconnaître les limites dans lesquelles chacun est légitime pour intervenir. Enfin, et d’ici
quelques années, le conseil en santé sexuelle pourra faire l’objet d’une forme de professionnalisation
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

qui garantira le statut, la formation et l’éthique de ceux/celles qui s’y engagent.

5.1 La santé sexuelle


« La santé sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la
sexualité. Elle ne consiste pas uniquement en l’absence de maladie, de dysfonction ou d’infirmité.
La santé sexuelle a besoin d’une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations
sexuelles, et la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui apportent du plaisir en toute sécurité
et sans contraintes, discrimination ou violence. Afin d’atteindre et de maintenir la santé sexuelle,
les droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et assurés » (OMS, 2010).
104 Psychologie de la santé : applications et interventions

5.2 Les droits sexuels


Les droits sexuels reprennent les Droits humains qui sont déjà reconnus dans les législations
nationales, les traités internationaux des droits humains et d’autres documents consensuels validés
par les organisations internationales. L’OMS a ainsi repris les précédentes déclarations élaborées par
la WAS et l’IPPF (Fédération internationale des centres de planification familiale).
Ils incluent le droit pour toutes les personnes, libres de toute contrainte, discrimination et
violence :

•  de bénéficier du standard le plus élevé possible en relation à la sexualité, incluant l’accès aux
soins et services en santé sexuelle et reproductive ;
•  de demander, recevoir et partager toute information en matière de sexualité ;
•  de bénéficier d’une éducation sexuelle ;
•  au respect pour l’intégrité du corps ;
•  au choix du partenaire ;
•  de décider d’avoir une activité sexuelle ou non ;
•  d’avoir des relations sexuelles consensuelles ;
•  d’avoir un mariage consenti ;
•  de décider si oui ou non, et à quel moment avoir des enfants ;
•  de poursuivre une vie sexuelle satisfaisante, qui donne du plaisir et en toute sécurité.
Enfin, l’exercice responsable des droits humains repose pour tous les individus de respecter les
droits des autres. Cette déclaration qui n’a pas encore été adoptée par l’Assemblée Générale des
états membres de l’OMS n’a aucune valeur juridique de responsabilité, mais elle peut être utilisée
comme « définition de travail » par les professionnels eux-mêmes afin d’évaluer leurs pratiques au
plan éthique et dans la mesure où il peut s’agir de protéger et promouvoir les « droits des patients »
(WAS, 1999).

5.3 Le conseil en santé sexuelle selon la WAS (2008)


Ces standards comportent les éléments suivants :
•  Standard 1 : faire preuve de compétences professionnelles permettant la pratique du counseling
et des psychothérapies dans le domaine de la sexualité.
•  Standard 2 : communiquer de façon efficace.
•  Standard 3 : accéder à l’information, l’interpréter et l’appliquer en vue d’améliorer sa pratique
de façon permanente.
•  Standard 4 : évaluer les demandes des clients et leur situation.
•  Standard 5 : savoir interpréter et analyser les résultats des évaluations et des diagnostics.
•  Standard 6 : savoir développer des stratégies d’interventions appropriées.
•  Standard 7 : mettre en œuvre des interventions efficaces et sans risques.
•  Standard 8 : évaluer l’efficacité des interventions.
•  Standard 9 : savoir intervenir dans différents types d’organisations.
Le conseil en santé sexuelle 105

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5
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LES APPORTS
DES PSYCHOTHÉRAPIES
DANS LA SANTÉ
ET LA MALADIE1

1.  Par William Houlle, Lionel Strub, Marie-Louise Costantini, Cyril Tarquinio, Gustave-Nicolas Fischer, APEMAC, EA 4360,
Université de Lorraine, Metz.
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1. Introduction............................................................................................................ 111
2. Éléments théoriques.............................................................................................. 111
3. Champs et terrains d’application.......................................................................... 122
4. Perspectives pour la mise en œuvre.................................................................... 135
5. Conclusion.............................................................................................................. 140
Bibliographie.............................................................................................................. 142
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 111

1. Introduction

rt

Pa
Les psychothérapies ont actuellement investi de nombreux domaines en santé. Leur nombre
n’a eu de cesse d’augmenter au cours des quarante dernières années, répondant ainsi à l’émergence

ie
et l’affirmation de certaines postures idéologiques et épistémologiques, mais aussi à une demande
croissante de la société. Leur nombre important, ainsi que les paradigmes théoriques parfois fantai-
sistes qui les sous-tendent, nous encouragent à les explorer aujourd’hui au regard des recherches
scientifiques menées dans le champ de la psychologie de la santé.
L’hypermédiatisation actuelle des psychothérapies dans les sociétés occidentales nous pousse à
mieux considérer l’importance sociétale et éthique que revêt la profession de psychologue, confrontée
à des pressions et attentes légitimes des patients et associations de patients, et désireuse d’embrasser
les enjeux médicaux contemporains. C’est dans ce contexte que nous explorerons de façon claire,
rigoureuse et objective les apports des psychothérapies dans la maladie et la santé. Il ne s’agit en
aucun cas d’un parti pris pour une orientation théorique et clinique particulière, mais bien d’un
bilan, d’une synthèse des recherches déjà menées et d’une réflexion sur la pertinence de l’utilisation
de certaines techniques thérapeutiques dans le contexte d’une situation clinique singulière, eu égard
à la demande du patient et à son vécu, et à certains impératifs médicaux et institutionnels. Notre
volonté est d’apporter un regard clinique nouveau sur l’usage d’approches et de techniques psycho-
thérapeutiques tout au long de la vie de l’individu, marqué ou non par l’entrée dans la maladie. C’est
aussi un devoir que nous estimons légitime envers nos patients et la communauté médicale face à
la confusion régnante autour des thérapies existantes. La rigueur des recherches qui étaieront nos
propos repose sur la pratique fondée sur la preuve en psychologie – evidence-based practice in psychology
(APA, Task Force on Evidence-Based Practices, 2006), promue par l’association américaine de psycho-
logie (APA). Toutefois, il convient de ne pas glorifier la recherche extrême d’efficacité d’une thérapie
aux dépens de son utilité clinique (Thurin, 2009). Selon Thurin (2009), l’utilité clinique prend en
considération la preuve obtenue par les recherches scientifiques et la met en relief avec la possibilité
de généralisation, de faisabilité (patient, thérapeute, institution), en prenant en compte les coûts et
les bénéfices de l’intervention thérapeutique. L’occasion nous est ainsi donnée de justifier de façon
pragmatique l’investissement de certains champs de la santé que nous avons malencontreusement
délaissés, et de mieux saisir les spécificités de la clinique du psychologue de la santé.
Ce chapitre est composé d’une présentation des apports théoriques relatifs aux approches et
techniques psychothérapeutiques, de leur mise en application au travers de l’analyse d’interven-
tions complexes réalisées dans le champ de maladies chroniques via la présentation de recherches
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

empiriques et de cas cliniques, et de la promulgation d’un ensemble d’indications propices au bon


déroulement de l’intervention escomptée.

2. Éléments théoriques

2.1 Définitions
Définir le terme de « psychothérapie » nous semble fondamental pour une compréhension opti-
male de son usage tout au long de ce chapitre. Circonscrire la terminologie de ce terme nous permettra
également de le différencier du mot « thérapie » usité actuellement de plus en plus couramment,
112 Psychologie de la santé : applications et interventions

nonobstant les considérations épistémologiques qui le sous-tendent. Cette distinction nous permettra
d’entreprendre une réflexion plus générale sur l’évolution des psychothérapies actuelles dans le
champ de la santé. Il existe un nombre important de définitions du terme « psychothérapie ». Selon
Anzieu, la psychothérapie désigne une « méthode de traitement des souffrances psychiques par des
moyens essentiellement psychologiques. Selon la démarche utilisée, la psychothérapie cherche soit
à faire disparaître une inhibition ou un symptôme gênant pour le patient, soit à remanier l’ensemble
de son équilibre psychique » (Doron et Parot, 2007). La psychothérapie est l’occasion d’une rencontre
singulière entre deux ou plusieurs personnes, où la position de chacune d’entre elles est clairement
définie : l’une est dépositaire d’une demande et l’autre est dotée des qualités personnelles, théoriques
et techniques nécessaires pour répondre à cette même demande (Guisti, 1995). Nathan (1998), quant
à lui, propose « d’englober dans le terme « psychothérapie » toute procédure d’influence destinée à
modifier radicalement, profondément et durablement une personne, une famille ou simplement une
situation, et cela à partir d’une intention « thérapeutique » ». Les auteurs ont toutefois tendance à
exclure certaines formes de thérapies parfois millénaires présentes à travers le monde dans certaines
ethnies (Nathan et al., 1998). Ces approches, par des intermédiaires singuliers (rituels, prières, sacri-
fices d’animaux, etc.), se centrent sur des entités (esprits, divinités…) et utilisent parfois des tech-
niques (ou des substances) permettant l’induction d’un état de conscience modifié chez le sujet,
comme c’est le cas dans le chamanisme par exemple, considéré par certains comme l’ancêtre des
psychothérapies actuelles (Chambon, 2012).
La distinction existant entre les termes « psychothérapie » et « thérapie » semble au premier
abord très floue, tant il est devenu courant de désigner l’ensemble des thérapies indistinctement
sous la même appellation. Ce lien de parenté pourrait tout d’abord n’être que la résultante d’un
glissement sémantique dû à l’abréviation du premier terme dans le langage parlé (Chambon et
Marie-Cardine, 2010). Il pourrait également traduire la volonté d’une évolution plus idéologique
que sémantique. Cette remarque est justifiée si l’on considère les psychothérapies sous le prisme de
leurs racines théoriques. La notion de « psychothérapie », issue du courant psychanalytique, fait
référence à l’ensemble des psychothérapies d’orientation psychanalytique ou psychodynamique.
Quant au terme « thérapie », il est plutôt utilisé pour désigner les thérapies comportementales puis
cognitivo-comportementales. Nous userons de ces deux termes en nous départant des aspects théo-
riques qui les sous-tendent.

2.2 Éléments de psychothérapie


Débuter une psychothérapie est une démarche particulière et importante pour le patient, déten-
teur et dépositaire d’une demande. Le concept de demande, développé par Lacan (1966), s’inscrit
dans le triptyque besoin-désir-demande. La demande, qui repose sur un besoin du patient (l’aider
à surmonter une épreuve de vie par exemple), peut être amenée de façon manifeste (explicite) ou
latente (implicite) envers un « Sujet supposé Savoir » (Lacan, 1964), le psychothérapeute. Il y a
donc une attente de la part du patient, une démarche (celle de se tourner vers un psychologue) et
une plainte rapidement formulée (Pedinielli et Fernandez, 2005). Seule une psychothérapie permet
l’ouverture d’un espace privilégié dans lequel le patient pourra faire état de sa souffrance et de ses
désirs de changement. Des décennies de recherches (evidence-based therapy relationships de l’APA) ont
révélé que les caractéristiques du patient, du thérapeute, de leur relation, de la méthode de traitement
et du contexte contribuaient à la réussite (ou l’échec) du traitement. Ainsi, l’alliance thérapeutique,
considérée comme un facteur thérapeutique important dans le processus de changement en cours lors
d’une psychothérapie (Martin, Garske, et Davis, 2000 ; Joyce, et al., 2003 ; Fosha, 2004 ; De Roten,
2011 ; Norcross et Lambert, 2011 ; Norcross et Wampold, 2011a), cristallise une part importante de
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 113

la recherche dans les psychothérapies. L’alliance thérapeutique, basée sur l’empathie (Rouam, 2011 ;
Lancelot, Costantini-Tramoni, et Tarquinio, 2012), n’est toutefois pas la seule composante effective
dans le processus psychothérapeutique (facteur curatif). Quatre classes de facteurs permettent d’inter-
préter les résultats obtenus auprès des patients suite à une intervention thérapeutique (Lambert,
1992 ; Lambert et Barley, 2002) : les techniques utilisées expliquent 15 % de l’amélioration de l’état
du patient tout comme l’intensité des attentes envers la thérapie (effets placebo ; 15 %), les facteurs
communs à l’ensemble des thérapies expliquent 30 % des résultats obtenus et 40 % des effets de
la psychothérapie seraient dus à des rémissions spontanées (changements extra-thérapeutiques –
support social, auto-changement…). Nous reviendrons sur les facteurs communs et facteurs curatifs
dans la troisième partie de ce chapitre, lorsque nous nous demanderons s’il est possible d’optimiser
l’efficacité de la technique thérapeutique et les moyens dont nous disposons pour y parvenir.
Les psychothérapies peuvent agir sur des cibles différentes – affects, comportements, cognitions,
sensations (Chambon et Marie-Cardine, 2010), processus intrapsychiques et interpsychiques. Voici
à présent quelques précisions concernant les situations entraînant un recours possible aux méthodes
d’interventions psychothérapeutiques. Huber (2008) distingue quatre fins plausibles à l’usage de
psychothérapies, en fonction du moment de leur utilisation dans la santé ou la maladie : l’épanouis-
sement et la promotion de la santé physique et psychique, la prévention, le traitement de troubles
déjà manifestes et la réhabilitation. Nous procéderons à cette distinction lorsque nous explorerons
l’usage des thérapies dans certaines maladies chroniques.

2.3 Introduction à certaines interventions


psychothérapeutiques
Le champ thérapeutique actuel compterait plus de cinq cents thérapies (Pearsall, 2011). Cette
jungle opaque pour les patients, où chaque approche se prévaut d’une efficacité optimale à l’instar
d’un remède miracle que l’on s’inoculerait avec l’assurance d’en ressortir rapidement « guéri », ne
fait que contribuer à une défiance bien ancrée auprès des patients, mais également du côté des
milieux médicaux.
Il nous est bien évidemment impossible de rendre compte de l’ensemble des approches psycho-
thérapeutiques. Nous avons donc opté pour la présentation de certaines thérapies en fonction de
trois critères : leur représentativité dans les pratiques cliniques psychologiques actuelles, leur aspect
novateur et leur pertinence scientifique au vu des nombreuses recherches rigoureuses dont elles ont
fait l’objet. Ainsi, les orientations les plus utilisées par les psychologues aux USA sont les orientations
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

cognitives (31 %), éclectiques/intégratives (22 %), psycho-dynamiques (15 %) et comportementales


(15 %) (Norcross et Karpiak, 2012).
Les nouvelles formes de thérapies permettent de mieux saisir les perspectives qui s’ouvrent à
nous, notamment dans un suivi psychologique optimisé du patient tout au long de son parcours
de soins, ainsi que l’importance que revêt, pour les psychologues, l’intégration de certaines de ces
thérapies dans leur pratique, preuve d’une certaine ouverture et de l’adaptabilité de notre profession.
Qu’il s’agisse, entre autres, de la Mindfulness-Based Cognitive Therapy (MBCT), de la Mindfulness-
Based Stress Reduction (MBSR), de l’Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR), de l’hypnose,
du yoga, de la sophrologie, de techniques de relaxation ou de qi gong, ces thérapies sont considérées
comme des « stratégies psychothérapeutiques complémentaires » (Tarquinio et Berghmans, 2009)
que l’on peut aisément intégrer et articuler au parcours de soins singulier de chaque patient. Elles
peuvent être appréhendées comme des thérapies centrales de la prise en charge de l’individu, ou
114 Psychologie de la santé : applications et interventions

être articulées au travers d’un suivi psychothérapeutique plus complexe faisant appel à plusieurs
d’entre elles.
Nous vous proposons à présent de définir brièvement certaines formes d’interventions thérapeu-
tiques qui seront évoquées tout au long de ce chapitre (théorie, posture générale, outils).

2.3.1 Troisième vague des thérapies cognitivo-comportementales (TCC)


Les interventions issues de la troisième vague des psychothérapies comprennent des méthodes
de traitement cognitivo-comportementales qui visent non pas la réduction ou la suppression des
symptômes, mais la stimulation des cognitions, comportements et sentiments positifs pour induire
un sentiment d’épanouissement et un fonctionnement optimal de la personne. Certaines de ces
thérapies s’intègrent aujourd’hui dans le courant de la psychologie positive.
Cette capitalisation du bien-être de l’individu peut être obtenue via plusieurs thérapies cognitivo-
comportementales : la thérapie d’acceptation et d’engagement (Acceptance Commitment Therapy
– ACT ; Hayes et al., 2012), la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (Mindfulness-Based
Cognitive Therapy – MBCT) ; (Segal et al., 2006), la thérapie de réduction de stress basée sur la pleine
conscience (Mindfulness-Based Stress Reduction – MBSR ; Kabat-Zinn, 2009), ou encore la thérapie
comportementale dialectique (Dialectical Behavioral Therapy – DBT ; Linehan et Dimeff, 2001).
Nous nous centrerons principalement sur les trois premières formes de psychothérapies énoncées.

•  MBSR : programme de huit séances fondé sur la pleine conscience. L’approche MBSR utilise
de nombreuses pratiques méditatives (balayage corporel, méditation assise, hatha yoga) dans
le but de réduire le stress, l’anxiété, la dépression, la douleur et plus globalement d’instaurer
un meilleur rapport entre le patient et sa maladie.

•  MBCT : intervention développée dans le but de prévenir la dépression et le risque de rechute.


La MBCT permet au patient de focaliser son attention sur l’instant présent et d’explorer son
vécu, empêchant ainsi le maintien de schémas cognitifs dysfonctionnels mobilisés automati-
quement par le sujet. Le patient est alors en mesure d’adopter une attitude de non-jugement et
d’acceptation par rapport à la survenue de tout nouvel événement. Le programme, composé de
huit séances de deux heures d’intervention, repose sur des éléments de la thérapie cognitive, sur
un entraînement à la méditation de la pleine conscience et une démarche psycho-éducative.

•  ACT : basée sur l’analyse des comportements, cette thérapie use notamment de processus de
changements comportementaux, d’acceptation et d’exercices de pleine conscience. Les fonde-
ments de cette approche reposent sur l’acceptation (être en mesure d’accueillir les émotions,
pensées, sensations et souvenirs négatifs, de s’en détacher – la défusion cognitive, et d’amener
le patient à les intégrer dans son existence plutôt que de les combattre), et sur les théories
de l’engagement (développer une existence plus riche reposant sur de nouvelles valeurs et
l’exécution d’actions valorisées, en dépit des désagréments physiques/psychiques induits par
la maladie/les troubles).

2.3.2 EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing)


La technique de « désensibilisation et de retraitement par les mouvements oculaires » (EMDR)
(Shapiro, 2007) trouve actuellement un écho indéniable dans le milieu clinique et scientifique.
Pensé initialement pour le traitement des traumatismes simples et complexes, l’EMDR s’appuie sur
les capacités d’autoguérison du psychisme par la métabolisation de vécus traumatiques, permettant
au psychisme de se régénérer. L’EMDR aide ainsi le patient à tirer un apprentissage des expériences
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 115

passées vécues négativement, à désensibiliser les éléments déclencheurs inappropriés source de


souffrance et à permettre à la personne d’intégrer de nouveaux schémas cognitifs pour une meilleure
adaptation future à son environnement. L’usage de cette thérapie intégrative dépasse aujourd’hui le
seul cadre du traitement de l’état de stress post-traumatique (ESPT) : des résultats intéressants sont
obtenus dans la prise en charge des deuils, des phobies et de la douleur. La recherche se tourne à
présent vers la prise en charge de la maladie chronique avec, par exemple, un regard sur la poten-
tialisation des ressources internes du sujet pour mieux faire face à la pathologie, octroyant ainsi à
l’outil le rôle d’interface dynamique entre le patient, sa maladie, sa famille et l’équipe soignante.

2.3.3 Hypnose
L’hypnose est un processus actif qui initie chez le patient un désir ou renforce sa volonté de
changer ou modifier certaines de ses cognitions, comportements ou sensations. Ce processus s’appuie
sur l’état modifié de conscience (EMC), ou « transe », obtenu par le processus d’induction hypnotique.
L’EMC rend le sujet plus réceptif aux suggestions émises par le thérapeute. L’expérience hypnotique
suspend le temps, stimule l’imaginaire du patient, déjoue le jugement et la censure du sujet, et
accroît son attention. Le spectre d’action de l’hypnose recouvre de nombreuses problématiques :
préparation à des actes chirurgicaux, contrôle de la douleur, renforcement du moi, anxiété, phobies,
conduites addictives, troubles du sommeil, troubles sexuels, difficultés relationnelles, amélioration
des performances sportives, développement de stratégies pour mieux faire face aux événements
liés à l’évolution de la maladie (coping), augmentation de l’autonomie du patient, récupération du
contrôle sur la santé…

2.3.4 Yogathérapie
La pratique du yoga (ou yogathérapie), discipline millénaire originaire de l’Inde, est basée sur le
continuum existant entre le corps et l’esprit. Elle repose, d’une part, sur un ensemble de postures
et la gestion de la respiration qui ont pour but de « libérer » les ressources intérieures du sujet et,
d’autre part, sur la méditation et la relaxation qui permettent à la personne de gérer ses pensées, de
les suspendre et de tendre vers un état de conscience dans l’ici et maintenant. Le yoga permet de
donner du sens aux événements qui nous arrivent, procure à la personne des moyens efficaces pour
la libérer de ses souffrances et angoisses, l’aide à mieux comprendre le sens de sa vie et lui permet de
prendre du recul par rapport à ses croyances, comportements et attitudes automatiques, d’explorer
son corps matériel et d’entreprendre un voyage intérieur, prémices d’une rencontre avec soi empreinte
de vérité. Le yoga considère l’homme comme acteur de sa vie et de sa santé (responsabilisation).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

2.3.5 Thérapie d’orientation psychodynamique


La thérapie psychodynamique permet, par un travail d’élaboration dans l’ici et maintenant, la
restauration, la stabilisation et le renforcement de certaines fonctions psychiques et des capacités
d’adaptation du sujet. Le travail porte sur les processus psychiques, notamment le repérage des
mécanismes de défense, pour une mobilisation plus efficace de ces derniers. L’ouverture de cet espace
de parole permet au patient de mettre en mots ses angoisses, ses ressentis, les difficultés rencontrées
tout au long de la maladie et de stimuler ses capacités à utiliser les soutiens de son environnement,
sans pour autant viser un changement interne profond du sujet. L’ensemble des crises, pertes et
deuils qui s’égrainent tout au long de la maladie pourront alors être abordés et dépassés, à travers
l’alternance de phases bienveillantes d’interactions actives et d’écoute.
116 Psychologie de la santé : applications et interventions

2.4 Vécu de la maladie


Le choc de la maladie détone dans le cours de la vie du nouveau patient, véritable déchirure dans
le présent de l’individu. L’annonce du diagnostic inscrit en quelques minutes le malade dans une
réalité déstabilisante, sidérante. Cette annonce clôt l’interminable temps des incertitudes et de son
flot ininterrompu d’examens parfois intrusifs, dont les stigmates psychiques ne sont qu’un prélude
à la souffrance et aux temps d’angoisse présents ultérieurement dans le parcours du malade. La
crainte de la maladie chronique grave, source d’un stress important, laisse sa place à une angoisse
profonde, sourde, existentielle. Cette « révolution personnelle » (Moley-Massol, 2004) passe chez le
sujet par un bouleversement intérieur parfois radical à l’intensité démesurée et insupportable qui se
traduit, dans certains cas, par l’effondrement de l’identité du sujet et l’éclatement de ses cadres de
référence (Fischer, 1994). Il y a dans le vécu de cette « situation extrême » (Fischer, 1994) un « dévoi-
lement » (Bool, 2001) : en proie au sentiment d’effroi, le sujet éprouverait un profond sentiment
de vulnérabilité. Bien que l’on sache que notre propre mort est inéluctable, la maladie vient révéler
notre illusion inconsciente d’immortalité et nous projette alors à notre propre finitude. Confronté
« au réel de la mort » (Briole et Lebigot, 1994), le patient éprouve un vif sentiment de solitude et
d’abandon, couplé à des sentiments de culpabilité et de honte (Ciccone et Ferrant, 2009). L’entrée
du patient dans la maladie lui impose une double acceptation, celle d’être malade, s’avouant ainsi
sa condition de mortel, mais aussi d’être atteint d’une pathologie singulière, avec son lot de repré-
sentations et de croyances (Laplantine, 1992). Le patient passe d’une situation d’apparente liberté
à une dépossession programmée et annoncée de son autonomie, de son identité, à une soumission
à sa maladie et aux actes médicaux et thérapeutiques multiples qui en découleront (Ruszniewski,
1999). Les processus d’adaptation seront dès lors à l’œuvre, qu’il s’agisse des mécanismes de défense
(Ruszniewski, 1999 ; Chabrol et Callahan, 2004 ; Ionescu, Jacquet, et Lhote, 2007) ou des processus
de coping (Paulhan, 1992 ; Marilou Bruchon-Schweitzer, 2002 ; Koleck, Bruchon-Schweitzer, et
Bourgeois, 2003). Toutefois, les manifestations défensives se révéleront instables et fluctuantes au
cours de la maladie, témoignant du caractère durable et évolutif de celle-ci et des nombreuses craintes,
angoisses, traumatismes et microtraumatismes qui émaillent le vécu du patient : difficultés familiales,
socioprofessionnelles, réussite ou échecs des traitements, atteintes physiques inhérentes à la maladie
et/ou aux actes de soin, évolution du pronostic… Ce que relève Barrois (1998) dans la rencontre
traumatique, c’est que l’état de détresse, lié à l’impossibilité initiale d’être secouru (Hilflosigkeit chez
Freud), est relié à la notion de perte d’objet. Le malade va effectivement vivre une succession de
pertes (perte de son image corporelle initiale, de sa liberté, de son autonomie, de son travail, de son/
sa conjoint(e), de ses amis…) dont il se devra de faire le deuil pour se reconstruire et disposer des
ressources suffisantes pour embrasser au mieux son parcours de soins. La détresse parfois intense
pourra paradoxalement engendrer un renforcement du goût de vivre (Israel, 2005).
La maladie est alors perçue et vécue au travers du prisme des schémas de représentations. Ces
représentations, sortes d’interfaces entre le patient et la maladie, reposent sur des conceptions de
la maladie élaborées par le sujet et pouvant fortement différer des considérations médicales (Tap et
al., 2006).
Les conséquences psychologiques de la maladie chronique peuvent être d’ordre très divers :
destruction de l’identité, symboles brisés, errance existentielle, baisse de l’estime de soi, du senti-
ment d’auto-efficacité et du soutien social perçu, déformation de l’image corporelle, augmentation
du stress perçu, du niveau d’anxiété, du risque de dépression, formation d’idéations suicidaires avec
un possible passage à l’acte, développement d’un ESPT…
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 117

2.5 Facteurs de risque et comorbidité


dans les maladies chroniques
Nous allons à présent tenter d’inscrire les pratiques psychologiques dans un référentiel théorique
et explicatif plus global proposé par la psychologie de la santé. Les modèles de ce courant de la
psychologie permettent une meilleure lecture de l’initiation et de l’évolution de diverses patholo-
gies et une compréhension de la contribution de certains facteurs au bien-être, à la qualité de vie
et à la santé des individus. L’articulation des interventions psychothérapeutiques et de ces modèles
permet de mettre en exergue l’importance de l’usage de psychothérapies dans la préservation de la
santé ou l’accompagnement dans la maladie, mais également de mieux déterminer le moment et la
cible de l’intervention. Il est en effet important dans notre pratique de mieux comprendre le rapport
complexe existant entre certains processus et facteurs de risque psychologiques et le développement
et/ou l’aggravation de certaines pathologies pour une prise en charge psychothérapeutique plus
efficace dans le processus de soin du patient.
Selon Bruchon-Schweitzer (2002), les objectifs de la psychologie de la santé sont au nombre de
trois : « optimiser la prévention, la promotion des comportements de santé et la prise en charge des
personnes malades ; étudier les facteurs psychosociaux jouant un rôle dans l’initiation, l’évolution
et la rémission des maladies ; comprendre les processus biopsychosociaux pouvant expliquer cette
influence ».
Il existe différents modèles prédictifs et explicatifs des pathologies en psychologie de la santé.
Nous étaierons notre démonstration à partir du modèle intégratif, plurifactoriel et transactionnel
en psychologie de la santé élaboré par Bruchon-Schweitzer et Dantzer (1994).
Ce modèle intègre différents types de déterminants de la maladie, prédicteurs de l’état de santé
d’une personne et du devenir d’une pathologie. Ils sont par extension prédictifs du bien-être subjectif
de l’individu. Ces prédicteurs, ou antécédents, sont d’ordre environnemental (événements de vie
stressants, réseau social), sociodémographiques, psychosociaux et biomédicaux. Parmi les facteurs
psychosociaux, les auteurs distinguent les facteurs personnels de protection (optimisme, auto-effica-
cité, affectivité positive, résilience, sens de la cohérence, locus de contrôle…) et les facteurs personnels
de vulnérabilité (anxiété, dépression, affectivité négative, hostilité, névrosisme…). L’ensemble de
ces facteurs seront évalués par le sujet (stress perçu, contrôle perçu, soutien social perçu). C’est cette
évaluation des facteurs environnementaux et psychosociaux couplée à l’état de fonctionnement des
systèmes physiologiques qui sera à l’origine de l’utilisation et du choix des stratégies d’ajustement
à la maladie, déterminant en partie l’état de santé physique et le bien-être subjectif de l’individu.
Il sera question à de nombreuses reprises dans ce chapitre de l’anxiété et de la dépression. Signes
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

perceptibles d’une souffrance psychique, ces deux états émotionnels et affectifs sont des indicateurs
privilégiés de la complexité des rapports existant entre le corps et le psychisme. L’anxiété peut être
définie comme « une émotion désagréable qui se traduit par une sensation subjective de malaise et
de tension interne » (Tap et al., 2006). On distingue l’anxiété-trait de l’anxiété-état, l’anxiété-trait
désignant un état de tension interne consécutif à un événement singulier ou une situation stressante
alors que l’anxiété-trait évoque davantage un type de personnalité, un mode de fonctionnement
spécifique marqué par un sentiment d’inquiétude constant. La dépression (syndrome dépressif ou
épisode dépressif majeur selon le paradigme théorique), quant à elle, comprend un ensemble de
symptômes bien définis : humeur dépressive, diminution marquée du plaisir, perte de poids signi-
ficative en l’absence de régime, insomnie/hypersomnie, agitation/ralentissement psychomoteur,
fatigue ou perte d’énergie, sentiment de dévalorisation, de culpabilité excessive ou inappropriée…
(DSM-V). On note également dans la dépression une baisse importante de l’estime de soi, marquée
par des sentiments forts de dévalorisation et d’autodépréciation.
118 Psychologie de la santé : applications et interventions

L’anxiété et la dépression sont dans certains cas des facteurs de risque de l’émergence de certaines
pathologies. Ces deux troubles psychiques peuvent être consécutifs à la maladie (le DSM-5 parlera
d’ailleurs de troubles anxieux dus à une affection médicale générale) et sont des facteurs de vulné-
rabilité qui vont fragiliser l’individu une fois la maladie déclarée. La comorbidité, psychiatrique ou
non, entraîne une diminution accrue de la qualité de vie du patient et augmente le taux de mortalité
(Bayliss, Steiner, et Fernald, 2003).
L’efficacité de la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques dépend en grande
partie de l’implication du patient dans les soins prodigués et dans la bonne gestion de son traite-
ment. Dimatteo, Lepper, et Croghan (2008) ont, par exemple, montré l’influence dévastatrice de la
dépression sur l’observance thérapeutique. On saisit à présent mieux le rôle fondamental qu’exercent
certains processus psychologiques dans l’apparition, le maintien et l’évolution de la maladie, mais
aussi de ce fait, l’importance décisive des psychothérapies par rapport à la régulation de l’ensemble
de ces mêmes facteurs dans l’accompagnement du patient tout au long de sa maladie et la prise en
charge des conséquences psychologiques inhérentes à la maladie énoncées auparavant.
Après avoir passé en revue les facteurs environnementaux et psychosociaux pouvant fragiliser ou,
au contraire, protéger l’individu, nous nous demanderons en quoi ces modèles théoriques peuvent
venir alimenter la clinique psychothérapeutique et s’y articuler. En effet, nous retrouvons différents
niveaux d’action possibles, qu’il s’agisse de se centrer sur les facteurs prédicteurs (prévention) ou sur
les mécanismes de défense ou stratégies de coping mobilisés de façon inadaptée dans la maladie. Agir
sur les antécédents individuels permet notamment d’influer sur les processus d’évaluation et, par
conséquent, les réactions physiologiques et psychiques de l’individu. Intervenir aura donc pour but
de renforcer le Moi et les stratégies défensives bénéfiques pour l’individu, et de réduire l’utilisation
de stratégies d’ajustement nocives pour ce dernier.
Nous allons observer l’effet de certaines méthodes psychothérapeutiques sur la qualité de vie de
patients atteints du cancer, d’asthme, de diabètes, de maladies cardiovasculaires ou de la sclérose
en plaques. Gardons à l’esprit que ces prises en charge permettront une rémission plus rapide des
patients et, dans certains cas, une diminution des risques de rechute.

2.6 Interventions psychothérapeutiques


dans le cadre de maladies chroniques
2.6.1 Cancer
Avec une incidence de 355 000 nouveaux cas en France en 2012 et un taux de mortalité d’environ
150 000 personnes pour la même année, le cancer reste une des maladies chroniques graves les plus
redoutées, entraînant dans son sillon les angoisses les plus profondes et les croyances les plus fortes,
malgré les résultats médicaux remarquables obtenus ces dix dernières années. Le cancer est à la fois
une épreuve, un temps de crise, d’interrogations extrêmement diverses liées notamment au spectre
de la mort, aux souffrances à endurer, à l’efficacité et aux conséquences physiques des traitements,
voire aux facteurs ayant favorisé le développement de la maladie et aux craintes de la récidive. Les
émotions négatives, l’anxiété et les angoisses sont alors à leur paroxysme, les mécanismes de défense,
ces remparts protecteurs de l’intégrité de notre moi, sont désorganisés, dévoilant alors des blessures
psychiques inhérentes à des traumatismes ou microtraumatismes parfois anciens ravivés par une
réalité irréelle. Le nouveau rapport à la mort entraîné par l’entrée dans cette maladie va également
pousser le malade à reconsidérer la qualité de ses relations personnelles, familiales et amicales.
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 119

Les angoisses d’anéantissement et d’abandon qui l’étreignent le poussent à vouloir surinvestir les
quelques relations dont il dispose encore. Le patient est alors en demande constante.
Dans ces conditions, il n’est pas difficile de saisir l’importance du soutien social perçu comme
facteur dans l’adaptation du patient à la maladie, en plus d’autres facteurs prédisposant à des degrés
élevés d’anxiété et de dépression chez le sujet, comme les changements endocriniens et métabo-
liques induits par le traitement chimiothérapique, le pronostic émis, ou encore le passage d’un trai-
tement curatif à une prise en charge dans une unité de soins palliatifs. Le cancer et les traitements
chimiques sont physiquement destructeurs et affectent par conséquent fortement l’image corporelle
des patients (Fan et Eiser, 2009 ; White, 2000). Ces questions semblent encore plus prégnantes auprès
de patients atteints dans leur intégrité physique et sexuelle – cancer du sein (Helms, O’Hea, et Corso,
2008 ; Quintard et Lakdja, 2008) ou cancer de la prostate par exemple (Taylor-Ford et al., 2013). Des
niveaux élevés d’anxiété et de dépression sont relevés auprès des patients après l’annonce et durant
toute la durée de la prise en charge thérapeutique. Ainsi, avant le début des traitements, Linden et
al. (2012) ont mis en évidence que 19 % des nouveaux patients avaient un niveau d’anxiété élevé
et 12,9 % présentaient une dépression. Six mois après l’annonce du diagnostic, les troubles anxieux
toucheraient 33 % des patients, 22 % des sujets présenteraient une dépression majeure et 22 % un
ESPT (Kangas, Henry, et Bryant, 2005). Les femmes seraient plus vulnérables au développement des
troubles anxieux et dépressifs, quel que soit le cancer considéré. L’utilisation de thérapies basées sur
la pleine conscience (MBCT ou MBSR) induit une diminution significative des symptômes d’anxiété
et de dépression auprès de malades atteints de cancers et de patients ayant survécu à la maladie
(Lengacher et al., 2009 ; Foley et al., 2010 ; Piet et al., 2012).
Les apports du yoga ne sont pas négligeables. Cette thérapie complémentaire a permis une dimi-
nution des scores d’anxiété, une meilleure adaptabilité aux événements perturbants source d’anxiété
et une meilleure qualité de vie chez des patients âgés de 30 à 50 ans et atteints d’un cancer du sein
(Ulger et Vardar Yağli, 2010). Certaines thérapies se sont centrées sur les conséquences physiques
induites par les traitements chimiothérapiques. Ainsi, de nombreux essais randomisés contrôlés usant
de l’hypnose se sont intéressés au traitement des nausées et vomissements (Richardson et al., 2007)
auprès d’enfants et d’adultes, avec des résultats positifs en termes de prévention et de réduction des
symptômes énoncés. Cette technique thérapeutique a montré des résultats probants dans la réduc-
tion de la douleur dans le cas du cancer (Butler et al., 2009), notamment dans son utilisation auprès
des enfants (Tomé-Pires, 2013). La prise en charge psychothérapeutique d’autres problématiques
complexes qui émergent chez le patient tout au long de son parcours de soins sera illustrée dans la
seconde partie de ce chapitre au travers la présentation de plusieurs vignettes cliniques.

2.6.2 Maladies cardiovasculaires


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Les facteurs de risque prédicteurs des maladies cardiovasculaires sont à présent bien identifiés :
l’hypertension, le diabète, l’hypercholestérolémie, un indice de masse corporelle élevé, une alimen-
tation non équilibrée, un style de vie sédentaire et le tabac. La présence d’un stress chronique, un
niveau élevé d’anxiété et/ou de dépression vont majorer le risque du développement d’une maladie
cardiovasculaire (MCV) ou du non-recouvrement des capacités physiques du patient suite à un acci-
dent cardiovasculaire. La dépression est fortement associée à l’augmentation des taux de survenue
d’événements cardiaques majeurs, du taux de mortalité suite à un infarctus du myocarde (Frasure-
Smith et Lespérance, 2006). Les troubles anxieux et les manifestations de l’anxiété (difficulté à
prendre des décisions, tristesse, tension…) jouent également un rôle non négligeable dans l’incidence
et la progression des maladies cardiovasculaires (MCV), notamment dans l’infarctus du myocarde,
la mort subite, l’angine de poitrine et l’hypertension (Kubzansky et al., 2006). Plus généralement,
120 Psychologie de la santé : applications et interventions

un niveau élevé de détresse psychologique serait associé à un risque élevé de calcification coronaire
sévère (Seldenrijk et al., 2012), multipliant par trois le risque de complication coronaire à un an
(infarctus, angor…) (Wexler, Brundage, et Crousse, 1996). Certaines études soulignent également
l’apparition de symptômes d’ESPT suite au traumatisme relatif à un infarctus du myocarde (Shemesh
et al., 2006 ; Roy-Byrne et al., 2008 ; Bluvstein et al., 2013), augmentant par ailleurs le risque d’un
nouvel accident cardio-vasculaire. Les prises en charge psychothérapeutiques peuvent d’emblée se
centrer sur les facteurs de risque énoncés auparavant. En effet, certains facteurs environnementaux
(environnement contraignant et compétitif), individuels (histoire de l’individu, personnalité de type
D, hostilité, dépression, anxiété…) et biomédicaux (cholestérol, lipides plasmatiques) interagissent
et accroissent les risques d’apparition de sténoses, d’hypertension, d’insuffisance coronarienne à
l’origine de l’infarctus ou angine de poitrine (Marilou Bruchon-Schweitzer, 2002).
Une pratique régulière du yoga a une action bénéfique sur le système cardiovasculaire : réduction
significative de la tension artérielle, réduction du rythme cardiaque et meilleure adaptation cardiaque
lors de la survenue d’un événement stressant (Barnes et al., 2001). Une approche cognitivo-compor-
tementale (TCC) apportera des résultats satisfaisants dans la prise en charge des symptômes dépressifs
des maladies cardiovasculaires ; les techniques éducatives, la thérapie de soutien ou encore l’approche
TCC permettront de réduire l’anxiété, alors que la relaxation et les techniques éducatives se montre-
raient les plus efficaces dans la baisse des risques de mortalité cardiovasculaire (Welton et al., 2009).
L’utilisation de l’ACT a permis d’observer un meilleur suivi du régime alimentaire chez les patients
(Goodwin et al., 2012). Les effets de la MBSR sur la gestion du stress et la réduction de l’anxiété ont
fait l’objet de recherches abondantes qui ont toutes montré des résultats extrêmement positifs par
rapport à la santé et au bien-être des patients. Nous nous intéresserons, par conséquent, au vécu de
patients pris en charge par la MBSR dans le cadre de leur rééducation cardiaque (Griffiths, Camic,
et Hutton, 2009). Ces patients rapportent un degré élevé de conscience et de compréhension de
leurs émotions, de leurs ressentis corporels, de leur relation à l’environnement, de leurs problèmes
cardiovasculaires et de l’impact du stress sur leur corps physique.
Une étude de Boehm, Peterson, Kivimaki, et Kubzansky (2011) portant sur 7942 individus et
s’inscrivant dans le courant naissant de la psychologie positive a tenté de souligner le lien existant
entre le concept de bien-être et le risque de survenue d’une maladie coronarienne. Ainsi, il a été
mis en avant que l’optimisme, la confiance en soi et l’expressivité des émotions permettraient de
diminuer de façon significative le risque de développer une maladie coronarienne.

2.6.3 Asthme
De nombreuses études ont démontré l’existence d’un lien entre l’asthme et les troubles de l’anxiété
(Goldney et al., 2003 ; Goodwin et al., 2004). Parmi les troubles anxieux, il semblerait que l’anxiété
généralisée, les attaques de panique et les phobies soient plus généralement associées à l’asthme
(Goodwin, Jacobi, et Thefeld, 2003). La relation entre l’asthme et certains troubles anxieux est bidirec-
tionnelle : si l’asthme provoque une anxiété marquée chez l’individu (difficultés aiguës de respiration,
sentiment d’étouffement, limitation des activités physiques…), cette anxiété, lorsqu’elle prend la
forme d’attaques de panique, peut déclencher un épisode asthmatique aigu. Les conséquences de
troubles anxieux et de l’humeur associées à l’asthme sont multiples : ces patients contrôlent moins
bien leur maladie et le suivi des traitements et présentent une qualité de vie altérée (limitation de
leurs activités, accentuation des symptômes asthmatiques et émergence d’une détresse émotionnelle)
(Lavoie et al., 2005). Un nombre important de recherches ont également mis en exergue le lien entre
l’asthme et l’apparition d’idéations suicidaires, de tentatives de suicide avortées ou non (Goodwin
et Eaton, 2005). La spécificité des thérapies qui appréhendent l’asthme concerne principalement la
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 121

gestion de la respiration, pour augmenter les capacités respiratoires (volume d’oxygène) de l’individu,
mais également dans le but d’une meilleure gestion des émotions.
Ainsi, la pratique du yoga permet d’augmenter le volume expiratoire maximal en une seconde et de
réduire certains symptômes de la maladie présents le matin au réveil du patient (Sabina et al., 2005).
Cette pratique aurait également des effets sur la qualité de vie de patients atteints d’asthme modéré
et opérerait une action sur le système nerveux sympathique et parasympathique – homéostasie du
système nerveux (Bidwell et al., 2012). Une autre recherche a mis en évidence la réduction de l’anxiété
auprès d’enfants et d’adolescents asthmatiques via un programme d’éducation à l’autogestion de la
maladie et de séances de relaxation-respiration (Chiang et al., 2009). Le trouble panique a, quant à
lui, fait l’objet d’une recherche de Lehrer et al. (2008). L’équipe a, pour les besoins de l’étude, adapté
un protocole spécifique de prise en charge du trouble panique, le panic control therapy de Barlow
(2000). Les symptômes asthmatiques ont fortement diminué et le trouble panique a chuté de 50 %
à la fin de l’intervention.
L’hypnose serait une technique efficace dans le traitement de la sévérité des symptômes et compor-
tements relatifs à la maladie, ainsi que dans la gestion des états émotionnels exacerbés par les sensa-
tions procurées par l’obstruction respiratoire (Brown, 2007).

2.6.4 Diabètes
Le diabète de type 1 est une maladie chronique qui se développe durant l’enfance et est associée
à un dysfonctionnement du pancréas qui n’est plus en mesure de produire suffisamment d’insu-
line, hormone de régulation du glucose. Le diabète de type 2 ou diabète non insulinodépendant, se
développe à l’âge adulte et se caractérise par une résistance de l’organisme à l’insuline, d’où des taux
anormalement élevés de glucose dans le sang. Malgré un suivi rigoureux des traitements, des régimes
alimentaires et une activité physique régulière, les taux de glycémie restent parfois fluctuants car
modulés par le facteur stress (Morris, Moore, et Morris, 2011). De nombreuses études ont souligné
le lien existant entre le stress et le contrôle de la glycémie (Kramer, Ledolter, Manos, et Bayless,
2000), ainsi que l’influence des stratégies d’ajustement et d’adaptation usitées par le patient sur les
taux de glycémie : une stratégie de coping centrée sur l’émotion serait corrélée positivement à des
taux de glucose élevés, contrairement à l’utilisation de stratégies de coping centrées sur le problème
(Sultan et Heurtier-Haremann, 2001). D’autres facteurs propres à la maladie, comme la douleur
souvent présente dans le diabète de type 2, peuvent altérer la qualité de vie du patient, induire une
moins bonne autogestion de la maladie associée à une plus grande difficulté à mettre en place des
comportements sains appropriés (pratiquer une activité physique, par exemple) (Butchart, Kerr,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Heisler, Piette, et Krein, 2009).


Une recherche menée par Berghmans et al. (2012) s’est intéressée aux conséquences d’une inter-
vention psychothérapeutique utilisant l’approche MBSR dans la réduction du stress perçu, de l’anxiété
et de la dépression auprès de patients atteints de diabète de type 1. L’étude s’est également portée
sur les processus de coping utilisés par les patients dans leur maladie. Les scores de stress perçu,
d’anxiété et de dépression ont baissé de façon significative entre le début et la fin de l’intervention
et les chercheurs ont également noté des changements significatifs dans l’utilisation de nouveaux
modes de coping plus adaptés à leur pathologie. Nous reviendrons en détail sur cette recherche
dans la partie suivante. Schroevers et al. (2013) ont, quant à eux, expérimenté sous la forme d’un
essai randomisé contrôlé, l’utilisation de l’approche MBCT-Individuelle (MBCT-I) auprès de patients
atteints de diabète de type 1 et 2. Les chercheurs ont rapporté une diminution significative des symp-
tômes dépressifs et de l’état de détresse liée à la maladie, et ont permis une meilleure compréhension
de la maladie et de sa régulation.
122 Psychologie de la santé : applications et interventions

2.6.5 Sclérose en plaques


La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire chronique démyélinisante qui touche
le système nerveux central. Il s’agit d’une atteinte relativement fréquente qui affecte 70 000 à 90 000
patients en France, soit une incidence annuelle de 4 à 6 individus sur 100 000 (Pérennes, Ollivier, et
Lorillon, 2008). Cette pathologie est une maladie multifactorielle dont les causes associent facteurs
immunologiques, environnementaux et génétiques. Les manifestations peuvent être d’ordre très
divers : troubles de la marche et de la coordination, fatigue, dépression, troubles cognitifs, troubles
intestinaux, vésicaux et sexuels… La dépression concerne 25 % à 55 % des patients, avec une inci-
dence de 20 % dès l’avènement de la première poussée (Lebrun et Cohen, 2009). Diaz-Olavarrieta
et al. (1999) relèvent également des taux importants de dépression (79 %) ainsi qu’une prévalence
importante de troubles ou symptômes anxieux (agitation : 40 % ; anxiété : 37 % ; irritabilité : 35 % ;
apathie : 20 % ; euphorie : 13 % ; désinhibition : 13 % ; hallucinations : 10 %). Les chercheurs ont
souligné la co-occurrence entre la douleur et la dépression chez ces patients (Alschuler, Ehde, et
Jensen, 2013). Le taux de suicide serait, quant à lui, 7,5 fois supérieur à celui de la population géné-
rale (Sadovnick et al., 1991). Chalfant, Bryant, et Fulcher (2004) ont, pour leur part, mis en évidence
la présence d’un ESPT auprès de 16 % des patients suite à l’annonce du diagnostic de la maladie.
L’image corporelle des patients est également altérée : on note une baisse du sentiment d’attractivité
et de confiance personnelle, une augmentation de la souffrance en lien avec de possibles déficits
physiques et troubles sexuels, ainsi qu’une dépréciation physique générale (Pfaffenberger et al., 2011).
Les patients présentent également une faible estime de soi (Korwin-Piotrowska, Korwin-Piotrowska,
et Samochowiec, 2010 ; Dlugonski et Motl, 2012).
L’utilisation d’une thérapie cognitivo-comportementale (Moss-Morris et al., 2009) auprès de
quatre-vingt-quatorze patients atteints de sclérose en plaques a montré des effets significatifs sur
la qualité de vie de ces derniers, leur détresse, l’acceptation de la maladie, leurs croyances dysfonc-
tionnelles et leurs émotions, et ce jusqu’à 12 mois après la fin de l’intervention. Le protocole initial
comporte huit séances de thérapie centrées sur l’adaptation à la maladie, la résolution des problèmes
et l’atteinte de ses buts, une meilleure gestion des symptômes, le stress et les relations sociales, mais
également sur la qualité du sommeil et les stratégies d’ajustement à adopter face aux pensées néga-
tives. Grossman et al. (2010) ont, quant à eux, procédé à une méta-analyse portant sur l’effet d’une
intervention basée sur la pleine conscience sur la qualité de vie de 150 patients. Une diminution
significative des scores de dépression, d’anxiété et de fatigue a été obtenue jusqu’à 6 mois après la
fin de l’intervention. Mills et Allen (2000) ont mené une étude-pilote sur l’utilisation du Tai-Chi/
Qi Gong dans la gestion de la maladie. Malgré un échantillon assez petit, les chercheurs ont relevé
une amélioration de la gestion des symptômes par l’utilisation de ces thérapies centrées sur la pleine
conscience des mouvements, jusqu’à trois mois après leur pratique.

3. Champs et terrains d’application

Nous allons à présent nous centrer sur la description et l’analyse critique d’études que nous
voulons représentatives des interventions psychothérapeutiques actuelles dans le champ de la
maladie chronique. Les résultats obtenus au travers de recherches empiriques ainsi que l’originalité
et l’engineering déployés par le clinicien ont été les critères de sélection dans le choix des interven-
tions psychothérapeutiques proposées.
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 123

Parler de « résultats » et d’« efficacité » en matière de thérapies nous oblige à introduire les modèles
d’évaluation expérimentale actuels en psychologie, les enjeux de cette évaluation expérimentale,
mais également les critiques et débats cliniques et épistémologiques qui ébranlent la communauté
des chercheurs et cliniciens depuis quelques années maintenant. L’acmé du débat sur les systèmes
d’évaluation de référence fut atteint au moment de la parution du rapport de l’Inserm sur l’« évalua-
tion des psychothérapies » (2004).
Les remarques et discussions qui émailleront notre propos se focaliseront principalement sur deux
objets : les modèles expérimentaux dans l’évaluation des interventions complexes et la position des
courants idéologiques en psychologie, les critères d’évaluation n’y étant pas les mêmes.
Malgré la fronde de nombreux psychologues, Fischman (2009) soutient que l’évaluation des
psychothérapies présente pour le clinicien de nombreux intérêts. Elle serait notamment garante
d’une remise en question de la pratique du professionnel et alimenterait un débat nécessaire sur
les compétences dont les psychologues doivent disposer à la fin de leur formation. Il est vrai que
certaines approches ont eu tendance à rejeter toute forme d’évaluation de la pratique. Ce rejet se
fonde alors sur la difficulté affirmée d’objectiver des améliorations psychiques.
Les deux premières recherches mobilisent des interventions psychothérapeutiques qui ont fait
scientifiquement leurs preuves dans les domaines concernés. Nous vous présenterons succinctement
les techniques ainsi que les résultats obtenus. Toutes deux sont des essais contrôlés randomisés,
un standard scientifique dès lors qu’il s’agit d’évaluer les interventions complexes. Ce modèle de
référence est issu de l’evidence-based medicine.

3.1 
Interventions complexes et essais contrôlés randomisés
(ECR)
La première étude, menée par Semple, Lee, Rosa, et Miller (2009), porte sur l’impact d’une inter-
vention basée sur la pleine conscience, la Mindfulness-Based Cognitive Therapy, sur la santé psychique
(symptômes d’anxiété, problèmes d’attention et problèmes comportementaux) d’enfants âgés de
9 à 13 ans.
L’intervention MBSR, développée par (Kabat-Zinn, 2009), est une approche basée sur la pleine
conscience. La pleine conscience est définie par Berghmans et al. (2012) comme « un état naturel
d’attention qui consiste à vivre chaque instant pleinement dans une optique d’acceptation et de non-
jugement ». La pleine conscience est un état dans lequel le sujet vit intensément le moment présent
sans se laisser envahir par des pensées automatiques qui pourraient induire chez lui l’émergence
d’un vécu de tension interne. L’individu acquiert alors la capacité de porter un regard désincarné sur
sa propre personne et sur ses comportements, attitudes, croyances et sensations. Comme son nom
l’indique, la MBSR est principalement destinée à réduire l’état de stress chez l’individu.
124 Psychologie de la santé : applications et interventions

Effets de l’approche de réduction du stress Mindfulness-Based Stress Reduction


(MBSR) sur la santé psychique (stress, anxiété, dépression) et le mode de coping
chez des patients diabétiques : une étude pilote contrôlée et randomisée
(Berghmans, Godard, Joly, Tarquinio et Cuny, 2012)
Population
Les vingt-deux participants à cette intervention sont tous atteints de diabète de type 1 et ont été répartis
en deux groupes de 11 personnes (groupes A et B). Dix patients ont terminé l’intervention dans le groupe
A, tandis qu’ils n’étaient plus que 7 dans le second groupe.
Procédure
La présente intervention est composée d’exercices de méditation assise, de visualisation par balayage
corporel (body scan), de hatha yoga (yoga des postures) et de discussions de groupe (échange expérientiel).
La thérapie MBSR est dispensée durant huit séances de deux heures et demie à raison d’une séance par
semaine. Les participants se sont engagés à pratiquer à domicile les exercices appris en séance (minimum
de 4 exercices par semaine) et à rendre compte par écrit du temps consacré aux exercices, de leurs sensa-
tions et impressions. La méthodologie de la recherche repose sur le principe de la liste d’attente. Le groupe
A bénéficie d’une intervention basée sur la MBSR pendant 8 semaines, contrairement au groupe B qui
durant ce laps de temps ne fait l’objet d’aucune prise en charge particulière (groupe de référence). Une
intervention destinée au groupe B et similaire à celle proposée au groupe A débute alors à la fin de ces huit
premières semaines. Les deux groupes ont fait l’objet de trois mesures : en pré-test pour les groupes A et
B (avant l’intervention du groupe A) ; en post-test pour les groupes A et B (après l’intervention du groupe
A) ; en post-test 2 pour les deux groupes (après intervention du groupe B, soit 16 semaines après le début
de l’étude). Le protocole a été adapté en fonction de la pathologie (dans les exemples, les discussions de
groupe ou les exercices pratiques).
Mesures et outils d’évaluation
•  Niveau de stress perçu par l’individu (Perceived Stress Scale (PSS) ; Cohen, 1988).
•  Évaluation des symptômes d’anxiété et de dépression (Hospital and Depression Scale).
•  HAD (Zigmond et Snaith, 1983).
•  Évaluation des stratégies de coping mobilisées par le sujet (Brief Cope ; Carver, 1997).
Résultats
On note une diminution significative des scores obtenus à l’échelle de stress perçu (fig. 5.1), d’anxiété
(fig. 5.2) et de dépression (fig. 5.3) dans les deux groupes suite aux interventions thérapeutiques. Le groupe
A a montré après l’intervention une utilisation accrue du coping actif, du coping de planification, de la réin-
terprétation positive et une diminution de la mobilisation du blâme ; le groupe B a présenté une utilisation
accrue du coping actif, du coping de planification, de l’expression des sentiments, de la réinterprétation
positive et de l’acceptation, et une diminution des stratégies centrées sur le déni et le blâme.

Scores de stress perçu

50
28,5 34,29 29,57
16,4 16,2 13,29

0
pré-test post-test 1 post-test 2

groupe A groupe B

Figure 5.1
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 125

Scores d’anxiété
20
12 12,71 11,14
6,2 6 8,29

0
pré-test post-test 1 post-test 2

groupe A groupe B

Figure 5.2

Scores de stress perçu


10 9,29 8,86
6,8
4,2 3,8 4
5

0
pré-test post-test 1 post-test 2

groupe A groupe B

Figure 5.3

La seconde recherche a pour intérêt de montrer l’adaptation possible d’un protocole à une popula-
tion singulière, à savoir des enfants. La recherche de Vlieger et al. (2007) s’est intéressée au traitement
du syndrome de douleur abdominale fonctionnelle (SDAF) et du syndrome de l’intestin irritable
(SII) chez l’enfant et l’adolescent par utilisation de l’hypnothérapie.

Hypnotherapy for children with functional abdominal pain or irritable bowel


syndrome : A randomized controlled trial (Vlieger, Menko-Frankenhuis,
Wolfkamp, Tromp, Benninga, 2007).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Contexte
Des résultats positifs ont été obtenus quant à la réduction de la douleur dans le syndrome de l’intestin
irritable, appelé aussi colopathie fonctionnelle, auprès d’individus adultes ayant bénéficié d’un traitement
par hypnose. L’intérêt de cette recherche repose sur la transposition de techniques thérapeutiques utilisées
chez les adultes auprès d’enfants et d’adolescents. La prévalence du SII et du SDAF est importante dans
cette population. Ces syndromes sont caractérisés par la présence de douleurs abdominales récurrentes
et perturbantes pour les personnes qui en sont atteintes.
Population
Cinquante-cinq individus, âgés de 8 à 18 ans, présentant un SII ou un SDAF durant les douze derniers mois
et recrutés dans un service de gastro-entérologie pédiatrique, ont participé à cette recherche. Les patients
ont été répartis en deux groupes. Le premier groupe a suivi la thérapie, le second groupe a bénéficié d’un
traitement médical classique pour ces pathologies ainsi que de six séances de thérapie de soutien.
 ☞
126 Psychologie de la santé : applications et interventions

 ☞
Procédure
Six séances d’hypnothérapie de 50 minutes ont été dispensées aux patients du premier groupe, sur
une période de douze semaines. La technique hypnotique s’est appuyée sur une adaptation pour les
enfants d’un protocole spécifique pour ce type de pathologies, le Manchester Protocol of Gut-Directed
Hypnotherapy (Gonsalkorale, 2006). Ce protocole se décompose en trois parties : la consultation initiale
et deux phases de traitement. La première séance a permis aux participants d’approcher l’outil, de rencon-
trer les thérapeutes et d’obtenir des informations relatives à leur pathologie, la relation corps-esprit et
la capacité du psychisme à réguler les dysfonctionnements corporels.
La première phase de séances d’hypnothérapie comprend des séances de relaxation avec ou sans induc-
tions hypnotiques ainsi qu’un premier renforcement du moi. La phase suivante de traitement se concentre
sur l’ensemble des troubles liés aux SII et SDAF (techniques de contrôle de la douleur, du fonctionnement
normal des intestins par imagerie, suggestions directes…).
L’hypnothérapie s’articule dans ce cas autour de trois pôles d’action : une relaxation générale, le contrôle
de la douleur abdominale et l’émission de suggestions pour le renforcement du moi.
Les thérapeutes ont fait preuve d’inventivité en se séparant quelques fois dudit protocole, notamment
dans les phases de visualisation, pour l’adapter à la population. Un exemple : les enfants étaient invités
après certaines inductions hypnotiques à visualiser le fonctionnement normal de leurs intestins, en
usant de termes appropriés et de métaphores adaptées à leur compréhension et intérêt, en se référant
notamment à l’image d’une voiture roulant à une vitesse normale. D’autres suggestions, non centrées
sur les intestins, ont été émises dans le but d’améliorer l’effet induit par la relaxation, le sommeil, et de
façon plus générale, de renforcer le Moi et d’augmenter la confiance en soi et le bien-être des individus.
L’ensemble des patients du groupe 1 ont reçu un CD leur permettant d’effectuer des séances d’auto-
hypnose à domicile.
Le second groupe a bénéficié de soins standard (psychoéducation, conseils diététiques et traitements
médicamenteux analgésiques ou inhibiteurs de la pompe à proton) et de six séances de 30 minutes de
thérapie de soutien durant 3 mois (pour aborder les symptômes, les troubles émotionnels et explorer
les événements de vie).
Mesures et outils d’évaluation
En pré-test et à 1, 4, 8 et 12 semaines après le début de l’intervention, ainsi qu’à 6 et 12 mois après la fin
des séances d’hypnothérapie.
Les mesures ont été obtenues via la tenue d’une carte de suivi de la douleur par chaque patient (par
auto-évaluation : intensité de la douleur, fréquence et symptômes associés).
Résultats
Les scores d’intensité de la douleur et de fréquence d’apparition des symptômes douloureux diminuent
significativement dans les deux groupes (fig. 5.4 et 5.5). Toutefois, la diminution des scores au niveau
de ces deux dimensions est bien plus importante lors de l’utilisation de l’hypnothérapie. Il n’y a pas de
différence significative entre les deux groupes au niveau de la diminution des symptômes associés (fig. 5.6).
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 127

Sources d’intensité de la douleur

15
Hypnothérapie
10

5
Thérapie médicale
0
st e s s s is is
standard
te ain aine aine aine mo mo
é-
Pr semsem sem em 6 12
1 4 8 2s
1

Figure 5.4

Sources de la fréquentation d’apparitions


d’épisodes douloureux
16
14 Hypnothérapie
12
10
8
6
4
2
Traitement
0 médical standard
st ine nes nes nes ois ois
te
é- ma ai ai ai 6 m 2 m
Pr se m m m 1
1 4 se 8 se 2 se
1

Figure 5.5

Sources des symptômes associés


4
3,5
3
2,5 Hypnothérapie
2
1,5
1
0,5
0 Traitements
st e es s es is is médicaux standards
te ain ain aine ain mo mo
é-
Pr semsem sem sem 6 12
1 4 8 2
1

Figure 5.6
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Un regard, même rapide, sur les résultats nous convainc de la pertinence de l’utilisation de ces
deux interventions psychothérapeutiques dans la prise en charge des troubles cités.
La seconde étude a illustré de façon convaincante les possibilités d’adaptation de la technique,
du protocole interventionnel et du cadre thérapeutique eu égard à la population concernée. Il
s’agissait en effet d’adapter l’intervention aux troubles spécifiques présentés par les patients, mais
également d’adapter le protocole initial dans le but de permettre une meilleure appropriation de
l’outil thérapeutique et une meilleure adhésion aux exercices proposés, en tenant compte des carac-
téristiques spécifiques à la population. Ce travail d’adaptation a permis notamment de favoriser,
grâce à l’utilisation de métaphores appropriées, une meilleure stimulation de l’imaginaire des sujets
et d’augmenter la force des inductions hypnotiques.
Toutefois, un certain nombre de remarques se doivent d’être émises quant aux procédures métho-
dologiques usitées dans l’évaluation de ces interventions, et plus généralement, nous sommes en
128 Psychologie de la santé : applications et interventions

droit de formuler des réserves à l’égard de l’emploi des essais contrôlés randomisés dans l’évaluation
des interventions complexes. Nous étaierons nos remarques par des exemples concrets issus des deux
premières études présentées auparavant.
Dans toute ECR, une attention doit d’emblée être portée sur le respect de la randomisation initiale
pour l’évaluation des patients (Perrier, 2002). Aucun changement intergroupe n’a été rapporté dans
les études présentées.
Perrier (2002) souligne également l’intérêt de la prise en considération des patients ayant arrêté
les suivis, en l’occurrence psychothérapeutiques. En effet, les deux recherches précédentes soulignent
un nombre important d’interruptions de traitements psychothérapeutiques, sans toutefois préciser
si des données ont été recueillies auprès de ces patients. L’état psychique de ces derniers a ainsi pu
évoluer positivement ou négativement, et influencer les résultats finaux de la recherche. Les causes
ayant motivé l’arrêt du suivi de la thérapie doivent également nous questionner et être approfondies
(mécanismes de défense, angoisses, aggravation de l’état psychique…).
Le point suivant consiste à se demander si les groupes ont été traités de la même manière. Si l’on
considère le facteur « psychothérapeute », la seconde étude décrit la participation d’un nombre
important de thérapeutes affectés aux deux groupes. Or nous savons que les caractéristiques propres
aux professionnels ainsi que la qualité de la relation établie entre le thérapeute et les patients, peuvent
fortement influer sur les résultats de la prise en charge d’un patient à l’autre et, par extension, d’un
groupe à l’autre. Quant au patient, outre la non-prise en compte de ses caractéristiques et processus
intrapsychiques (structures de personnalité, mécanismes de défense…), il semble difficile aux cher-
cheurs de contrôler et de tenir compte de certains facteurs externes. Si l’on se réfère à nos deux
études, la qualité et la fréquence de certains exercices pratiques demandés aux sujets dans le cadre
de l’entraînement à domicile durant toute la période de la recherche. Il résulte un possible manque
d’homogénéité intergroupe de ce facteur, nonobstant le manque d’homogénéité d’autres variables
parfois capitales dans l’explicitation de l’effet psychothérapeutique rapporté.
Nous devons toutefois garder à l’esprit que, contrairement aux ECR destinées à l’évaluation des
effets thérapeutiques de traitements médicamenteux, les ECR centrées sur l’évaluation des psycho-
thérapies ne pourront jamais être effectués en double aveugle. En effet, le thérapeute sera toujours
au fait de la thérapie qu’il utilise auprès de ses patients.
Une dernière remarque, moins centrée sur des aspects méthodologiques des ECR, cristallise quant à
elle les crispations liées au bien-fondé clinique de ce genre d’approche. Concrètement, on est à même
de se demander si les résultats obtenus aux ECR sont de facto transposables à tous les patients de la
population concernée (caractéristiques cliniques, éléments anamnestiques, attentes, besoins, préfé-
rences, angoisses, vitesse d’évolution de la pathologie inhérente au trouble psychique à traiter…).
Nous sommes, dans la clinique, confrontés à des cas complexes dont certains ne relèvent pas
d’une prise en charge par une thérapie brève. D’ailleurs, les critères d’exclusion de ces études sont
assez éloquents à ce sujet. Les patients ne doivent en général ne présenter que le trouble à traiter –
aucune comorbidité n’est admise ou celle-ci n’est pas considérée dans l’intervention.
L’évolution du patient dans la maladie s’effectue au travers de différentes étapes qui comportent
chacune des problématiques singulières, des objectifs et des processus particuliers, durant lesquelles
les interactions avec le thérapeute sont fondamentales.
Les études empiriques suivent un certain nombre de principes expérimentaux (affectation aléatoire
des sujets, taille des échantillons…) et sont confrontées à des difficultés d’ordre plus théorique. Pour
de nombreux chercheurs (Thurin, 2006 ; Juhel, 2008 ; Baruch, 2009 ; Cannone et al., 2012), il existe
un écart considérable entre les résultats scientifiques et les préoccupations cliniques.
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 129

3.2 Vers de nouvelles formes d’évaluation


des systèmes complexes
Les dissensions dans la communauté des chercheurs et des « psys » s’articulent notamment
autour de la confrontation entre deux approches : l’approche herméneutique et l’approche empi-
rique (Cannone et al., 2012). L’approche empirique repose sur des études aux méthodologies fines
et rigoureuses, destinées à prouver l’efficacité de la thérapie utilisée par la mesure de la réduction
des symptômes (outils standardisés), en fonction de la pathologie présentée et d’autres variables
(démographique, épidémiologique…).
L’approche herméneutique, quant à elle, se fonde sur une méthode clinique usant d’études de
cas qui font office de critères d’évaluation et de validation de la thérapie prodiguée au patient. Dans
ce cas, on se veut être au plus près du vécu et de la singularité du sujet.
L’approche herméneutique « s’appuie donc sur un va-et-vient permanent entre la clinique et la
théorie, par la mise à l’épreuve des hypothèses, véritable travail de déconstruction et reconstruction
qui permet d’affiner la compréhension du cas » (Cannone et al., 2012).
Nous tenterons d’illustrer cette approche singulière dans les exemples suivants.
La présentation suivante se fera sous la forme d’une série de vignettes cliniques présentées par
Straker (1997). Ces études de cas rendent compte de la prise en charge de patients atteints de cancers
avec une approche psychodynamique. L’intérêt de cette série de cas cliniques est de nous immerger
dans des situations psychologiques et thérapeutiques complexes, qui pousseront le psychologue
à faire preuve d’adaptation constante dans sa posture face aux demandes et besoins des patients,
et qui nécessiteront de prendre en considération l’ensemble des éléments anamnestiques du sujet
pour mieux saisir les processus psychiques (inter- et intrapsychiques) qui sous-tendent l’apparition
d’angoisses, de certaines attitudes et croyances, et de l’exacerbation de certains ressentis.
Le modèle psychodynamique est particulièrement intéressant pour la compréhension des réactions
émotionnelles souvent intenses des patients atteints de cancer. Il permet d’explorer et d’élaborer avec
le patient sa relation à l’équipe soignante, et notamment aux médecins, tout en offrant un regard
novateur sur le processus d’observance ou de non-observance thérapeutique, cruciale pour le patient.
Cette approche thérapeutique se centre en priorité sur les manifestations défensives mobilisées par
le patient et sur un travail d’élaboration des éléments issus du transfert et du contre-transfert.
Ce modèle s’inscrit parfaitement dans le suivi à court, moyen, ou long terme d’un patient et
s’avère être une approche assez flexible pour s’articuler à la démarche de soins engagée.
L’article décrit, au travers de quelques vignettes cliniques brèves, les effets de facteurs psychoso-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ciaux et psychothérapeutiques sur l’état de santé du patient, en fonction du stade de la maladie. Le


cancer est ici appréhendé comme une succession de phases s’accompagnant, pour chacune d’entre
elles, de tensions et conflits psychologiques spécifiques ainsi que de challenges à relever pour le
patient et l’équipe médicale.
Le thérapeute a besoin de considérer un certain nombre de facteurs avant d’entreprendre sa
thérapie : la nature de la maladie, des éléments du diagnostic, la thérapie médicale amorcée, la
présence d’un cas de rémission, l’aspect récurrent ou non du cancer, ou encore la présence d’une
maladie en phase terminale. L’intervention psychothérapeutique se déroulera en situation de crise
temporaire ou permanente, et sera interdépendante de la perception du patient par rapport à l’évo-
lution de sa maladie, nonobstant parfois les résultats médicaux. La première phase décrite par
l’auteur est la phase de l’annonce du diagnostic et de la mise en place des premiers traitements.
L’angoisse, la culpabilité, l’anxiété, le sentiment de perte de contrôle, d’attractivité ou des questions
plus existentielles sur le sens de la vie ne sont qu’un aperçu des réactions manifestées par le patient.
130 Psychologie de la santé : applications et interventions

Le psychothérapeute centre son intervention sur l’adaptation du patient à cette situation de crise et
sur son accompagnement afin de procéder à un choix de traitement approprié.
ue

Vignette clinique 1 : 


q
ini

Madame A. est une femme d’une quarantaine d’années atteinte d’un cancer du sein. Elle

C as cl présente des affects dépressifs, semble pessimiste au vu du pronostic et éprouve de la culpa-


bilité par rapport à la survenue de la maladie. Elle pense, en effet, que ce sont ses infidélités
répétées qui seraient à l’origine de son cancer. L’apparition de sa maladie est pensée, par consé-
quent, comme une punition, un châtiment. Sa dépression serait une réponse à la blessure narcissique
inhérente à la perte d’une bonne santé physique. Elle tente, par conséquent, de rétablir son équilibre
narcissique et le sentiment de contrôle en s’attribuant la cause de ses maux.
Un transfert positif a été encouragé pour l’aider à accepter son nouveau statut de malade, à recouvrir le
contrôle de son corps et de sa maladie, mais également à mieux saisir les causes de ses infidélités passées.
Le travail s’est alors centré sur son mariage et les raisons de son insatisfaction. Le renforcement de son
moi lui a permis de puiser en elle l’énergie nécessaire pour combattre son cancer. La psychothérapie s’est
achevée au bout d’un an et demi, à raison de deux séances par semaine, après qu’elle eut éprouvé un
sentiment marqué d’optimisme et exprimé un contrôle total sur sa maladie et sa vie.

La phase de suivi qui succède au traitement d’un premier cancer est le théâtre d’expressions
émotionnelles parfois paradoxales et inattendues. L’avenir du patient semble moins compromis,
laissant apparaître un optimisme de rigueur, mais ce futur reste toujours incertain. Le patient a, en
effet, fait l’expérience d’une vulnérabilité insoupçonnée, et la crainte d’une rechute fait place à une
angoisse insidieuse qui affectera progressivement toutes les sphères de sa vie.
ue

Vignette clinique 2 :


q
ini

Monsieur B. est un homme d’une cinquantaine d’années atteint d’un lymphome. Ce patient

C as cl a été décrit comme le malade idéal durant toute la durée de son traitement chimiothérapique.
Malgré d’excellents résultats médicaux et un bon pronostic, le patient présenta des affects
dépressifs et une angoisse de plus en plus marquée. Par le passé, le patient avait toujours eu le
contrôle de sa vie, et ce dès huit ans, âge auquel il avait commencé à travailler. Il avait, par conséquent,
toujours été indépendant, tant sur le plan financier que personnel. Il considérait l’indépendance financière
comme une véritable réussite et comme la clé du contrôle de sa destinée.
Sans travail après la chimiothérapie, vulnérable, il supportait mal l’idée d’être à présent dépendant de
quelqu’un, une idée qu’il avait combattue tout au long de sa vie.

Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 131


Le travail psychothérapeutique se centra tout d’abord sur les mécanismes de défense qu’il avait mobilisés
durant sa jeunesse dans sa relation à autrui pour lui permettre d’accepter l’aide actuelle proposée par
son épouse et ses enfants.
Il lui a été permis de verbaliser les sentiments qu’il s’était jusqu’alors refusé d’exprimer durant le processus
de soin, cette crainte de perdre le contrôle de sa vie s’étant alors exprimée au travers de son adhérence
exemplaire à l’ensemble des traitements prodigués. Le patient commença alors à mobiliser des méca-
nismes d’ajustement adaptés par rapport à sa maladie et prit conscience de l’importance du change-
ment de certains comportements de vie considérés comme autant de facteurs de vulnérabilité
(mise en place d’un régime, pratique sportive…). En résumé, l’intervention se concentra sur
la suppression des affects négatifs, le besoin d’indépendance et le recouvrement d’un senti-
ment de contrôle en faisant adopter au patient de nouveaux comportements de vie sains.

L’entrée dans la phase terminale et la mise en place de soins palliatifs est une période déstabili-
sante pour le malade qui voit objectivement ses chances de guérison définitivement abrogées. Les
patients peuvent alors aborder la question du suicide assisté, le désir de poursuivre un traitement
malgré l’annonce d’un pronostic alarmiste, l’envie de se départir de tensions liées à des probléma-
tiques familiales ou financières, ou simplement de se confier sur des événements passés – l’angoisse
exacerbe alors les sentiments les plus enfouis, notamment la culpabilité.
ue

Vignette clinique 3 :


q
ini

Monsieur C. est âgé de 71 ans, marié et père de deux enfants. Atteint d’un cancer du côlon
l
C as c
en phase terminale, il ressent l’envie de parler de sa vie et du sentiment de culpabilité qui
le ronge à présent. Ce patient a eu une vie professionnelle et sociale accomplie. Cependant,
il rapporta au psychothérapeute qu’il lui fut difficile d’entretenir une communication privilégiée
avec sa famille, source actuelle de culpabilité. Le thérapeute renforça l’estime de soi du patient au vu des
projets accomplis par ce dernier avec courage et brio, porta une attention sur les processus à l’origine
de cette posture singulière envers sa femme et ses enfants, et l’encouragea à débuter une relation de
bonne qualité avec ces derniers. La psychothérapie s’est poursuivie avec les membres de la famille, une
fois le patient décédé.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ces exemples d’interventions thérapeutiques ne rendent toutefois pas compte empiriquement


de leur efficacité. La question du choix des indicateurs devient alors fondamentale, tout comme
l’élaboration de modèles et critères de validation, qui permettront à ces pratiques d’apporter des
preuves objectives de leurs effets.
Cannone et al. (2012) nous proposent une méthode d’évaluation d’un entretien psychodynamique
(« Proposition d’une méthode d’évaluation de l’entretien psychodynamique : analyse approfondie
d’une étude de cas en oncologie »). Cette méthode consiste à analyser qualitativement le discours
du patient dans l’objectif d’appréhender les processus psychiques en jeu chez ce dernier grâce à un
protocole d’étude de cas clinique élaboré par les auteurs. Cette recherche s’appuie sur une interven-
tion psychothérapeutique effectuée auprès d’un patient en service d’oncologie.
132 Psychologie de la santé : applications et interventions

ue
q Vignette clinique 4 :
ini
Sujet
l
C as c Âgé de 33 ans, Monsieur M. est hospitalisé à un moment de l’intervention pour un traitement
de chimiothérapie dans le cas d’un cancer du testicule avec métastases cérébrales et pulmo-
naires. Il est marié, père de deux enfants et militaire de profession. Son discours traduit un sentiment
de perte de contrôle en rapport à sa maladie, avec mobilisation de mécanismes de défense spécifiques
(rationalisation et intellectualisation). Le patient n’éprouve aucune angoisse par rapport à son traitement,
présente un attachement sécure, mais reste dans une demande marquée de soutien (étayage) envers
ses proches. Monsieur M. se questionne sur la posture qu’il doit adopter envers ses enfants, qu’il investit
massivement et qui lui permettent de ne pas s’effondrer. Les questions de filiation et de place en tant
que père deviennent prégnantes au fil de son discours.
Mesures et outils
Évaluation globale du fonctionnement psychologique (Échelle de santé maladie – ESM, Luborsky) ; fonc-
tionnement de la personne : relations interpersonnelles, insight, aptitude à éprouver-exprimer-différen-
cier-supporter des affects (Échelle de fonctionnement psychodynamique – EFP, Per Hoglend) ; évaluer
les attitudes, les sentiments, les comportements et l’expérience du patient ; les actions et attitudes du
thérapeute ; la nature des interactions dans la dyade et l’atmosphère de la séance (Psychotherapy Process
Q-Set – PQS, Jones, 2000).
Résultats (à deux mois)
Mise à distance de la sexualité et utilisation de la rationalisation, ce qui lui permet d’évoquer la maladie et
ses conséquences ; il maîtrise mieux ses émotions ; de nombreux thèmes sont abordés avec le thérapeute
comme les visées du traitement par chimiothérapie dans un contexte de somatisation, ses relations filiales
et un questionnement plus existentiel sur son rapport à la mort. De plus, il investit affectivement un peu
plus son entourage, source d’étayage principal.
L’EFP montre une meilleure tolérance aux affects : le patient est davantage en mesure d’éprouver, de
différencier et d’exprimer des affects variés.

Cette dernière étude permet de souligner le souci des chercheurs-cliniciens d’allier les approches
positivistes, compréhensive et phénoménologique. Veillant à prendre leurs distances par rapport aux
critiques émises à l’encontre des premières générations de recherches (essais contrôlés randomisés)
qui étaient limitées à des troubles isolés, les cliniciens ont respecté certaines recommandations émises
par Thurin (2006) lorsqu’il émettait son avis sur l’évolution de la recherche clinique : travailler avec
une population consiste à prendre en compte l’ensemble des symptômes cliniques qu’elle présente et
ainsi à élargir le champ de l’évaluation. De plus, considérer uniquement les symptômes en négligeant
le fonctionnement relationnel, émotionnel, les capacités d’ajustement à la réalité, la capacité du sujet
à l’auto-observation, etc., n’est pas pertinent. Il s’agit également de mieux saisir les processus ainsi
que les étapes de la psychothérapie. Les facteurs à appréhender concernent le patient, le thérapeute
et la relation singulière qui s’établit entre eux, et nous renvoient également aux facteurs communs
que nous avons eu l’occasion d’aborder au début de ce chapitre.
L’étude suivante (Kwan, 2007) n’a pas été sélectionnée spécifiquement pour traduire l’efficience
de l’hypnose dans le traitement de traumas complexes – des thérapies comme l’EMDR ont montré
des résultats bien plus significatifs dans le traitement de l’ESPT ou de l’ESPT-Complexe, mais parce
qu’elle rend compte de la volonté du chercheur à s’approcher au plus près de la double problématique
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 133

du sujet (conséquences psychiques d’un trauma complexe et douleur au sein suite au traitement
d’un cancer) en faisant preuve d’inventivité et d’une grande adaptabilité.
On parle de traumatismes complexes lorsque le sujet a été confronté à des traumatismes psychiques
répétés et cumulatifs sur une période de temps conséquente comme dans le cas, par exemple, de
violences conjugales ou d’abus sexuels sur enfants. Le sujet sera alors susceptible de développer des
troubles psychotraumatiques complexes.
ue

Vignette clinique 5 :


q
ini

La patiente, Madame S., est âgée de 46 ans. Elle présente les symptômes d’un trauma

C as cl complexe inhérent à des violences conjugales et des douleurs qui sont apparues suite à une
chirurgie mammaire dans le cadre d’un traitement du cancer du sein. Madame S. a suivi 28
séances d’hypnose sur une durée d’un an et demi.
Les premières séances (1-2) sont destinées à préparer le patient à l’intervention psychothérapeutique. Des
informations lui sont transmises (ESPT, visées de l’hypnose, lien entre corps physique et psychisme…) et
des exercices de relaxation, de respiration et d’induction lui sont proposés (métaphore du jardin – Allen,
2002).
La phase suivante (séances 3-7) se centre sur l’estime de soi de la patiente et sur l’émergence d’une image
positive d’elle-même. Les thèmes des suggestions sont basés sur ses propres croyances négatives (« Je
ne peux pas me protéger par moi-même », « Je suis inférieure »…). Le thérapeute a alors introduit le trai-
tement de la douleur dans le but de stimuler le locus de contrôle de la patiente et faciliter la gestion du
traumatisme (séances 3-5). Techniques utilisées : relaxation-respiration, visualisation (la douleur associée
à une balle qui se déplace sur le corps du sujet et dont la taille ne cesse de diminuer)…
Madame S. rapporte une meilleure gestion de sa douleur suite aux trois séances et indique que sa douleur
ne l’invalide plus dans son travail.
La troisième phase se focalise sur l’expérience traumatique (séances 8-13), le but étant de supprimer les
affects et modifier les schémas de pensées négatifs en lien aux événements traumatiques dont elle a
été victime. Des techniques de régression ont été utilisées durant les phases 8 à 10 (revivification), avec
l’émission de nombreuses suggestions et messages positifs. Cependant, au vu de l’intensité des ressentis
de Madame S., le thérapeute commença par des techniques plus distantes d’hypermnésie (Yapko, 2003).
Il a été suggéré à la patiente de visualiser ses expériences négatives du passé, une fois installée dans
un lieu estimé sûr et en transe profonde, de différencier son passé de son présent et de se rassurer sur
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ses capacités à se protéger par elle-même : « votre présent les regarde (son mari et ses beaux-parents).
Leurs cheveux deviennent blancs et leur force diminue. Ils ne peuvent plus rien entreprendre contre
vous. Lorsque vous vous regardez, vous êtes différente. Vous êtes devenue plus forte et plus mûre… ».
La dernière phase (séances 14-25) s’est attelée à favoriser le bien-être et l’épanouissement personnel
de la patiente. Les visualisations et suggestions ont alors été dirigées vers la projection dans le futur,
les conséquences de ses nouveaux choix de vie, et l’anticipation de problèmes et impasses éventuels.
Résultats
Le suivi (séances 25-28) a permis d’observer les bienfaits de la thérapie auprès de la patiente : Madame S.
présente de nombreux affects positifs et un meilleur ajustement à son environnement. Elle n’hésite plus
à sortir de chez elle, à voyager avec sa famille et à profiter de la vie. Elle a compris qu’elle ne pouvait pas
gérer toutes les difficultés de son quotidien. La patiente a repris confiance en elle, fait preuve de volonté
et de courage dans son travail. La douleur n’a plus été une source de handicap pour elle.
134 Psychologie de la santé : applications et interventions

L’intérêt de l’étude suivante émane de la posture de la clinicienne qui adapte sa prise en charge
en fonction de la problématique soulevée par le vécu traumatique de la maladie et de l’influence de
l’environnement sur le sujet, et n’hésite pas à utiliser pour ce faire des thérapies différentes.
La recherche de Gattinara (2009) porte sur l’utilisation de la thérapie EMDR au sein d’un centre
de rééducation dans le cadre du traitement de traumatismes psychiques associés à des maladies
fortement invalidantes. La thérapeute a ainsi mis en relation les théories de l’attachement et le
protocole EMDR pour mieux comprendre et traiter efficacement les causes de dysfonctionnements
interpersonnels qui se manifestent parfois entre les membres de la famille et le patient, des dysfonc-
tionnements qui vont fragiliser et impacter le vécu de ce dernier, le rendant plus vulnérable à
l’avancée de sa maladie.
Les théories de l’attachement offrent la possibilité de mieux saisir les relations causales existant
entre la survenue d’un événement potentiellement traumatique et les conséquences psychiques qui
en résultent. Il semblerait, en effet, que l’attachement soit un facteur de vulnérabilité pour le sujet
dans sa rencontre avec un événement perturbant. Or, selon l’auteur, les modèles d’attachement
intégrés par l’individu dans sa jeunesse ne sont pas définitifs et ont tendance à évoluer constamment
en fonction de facteurs internes et externes.
La maladie amène son lot d’expériences critiques et destructrices qui vont exacerber des tensions
et angoisses déjà existantes chez l’individu, et dans sa relation à son environnement. La phase
terminale de la maladie projette l’individu face à sa propre mort. L’angoisse qui en découle induit
chez ce patient le besoin d’être contenu, protégé et soutenu par ses proches et l’équipe soignante.
Gattinara (2009) soutient que l’utilisation de la thérapie EMDR permettrait le traitement du
traumatisme de la maladie chez le patient et sa famille et faciliterait, dans un second temps, la
construction ou le maintien de la dimension sécure de la relation établie entre le patient et sa figure
de protection.
ue

Vignette clinique 6 :
q
ini

Monsieur E. est âgé de 26 ans. Il est atteint d’une maladie neuromusculaire et souffre de
l
C as c
crises respiratoires causées par une incapacité à expectorer le mucus. L’une de ces dernières
crises respiratoires a failli lui coûter la vie. Ses parents étaient intervenus, ce qui leur rappela
immédiatement la précarité de la santé de leur fils. Ce geste augmenta de façon considérable leur
croyance en leur compétence et leur capacité à aider Monsieur E. lors des épisodes de crise.
Ce dernier les sollicitait par ailleurs de plus en plus, n’hésitant pas à les appeler durant la nuit s’il décelait
une quelconque gêne physique. Ses angoisses se focalisaient notamment sur l’incapacité de son père
à lui retirer le mucus en l’aspirant. Celui-ci exécutait cet acte constamment pour atténuer les attaques
de panique de son fils, au risque de le blesser. Cette situation créa de fortes tensions entre Monsieur E.
et ses parents, et plus particulièrement son père. Les crispations furent à leur paroxysme lorsque l’acte
de soin du père induisit l’hospitalisation de son fils, paniqué après avoir aperçu du sang dans sa canule.
La prise en charge psychothérapeutique s’axa autour d’un but précis : permettre à la famille de surmonter
les traumatismes vécus en vue de rétablir une relation saine entre chacun de ses membres.
Pour ce faire, l’intervention se décomposa en trois étapes :
1. une intervention psychopédagogique relative aux traumatismes psychiques et à leurs conséquences
possibles sur le fonctionnement familial ;

Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 135


2. l’utilisation de la méthode EMDR pour traiter la peur de Monsieur E. par rapport à une mort par
étouffement ;
3. pour terminer, l’exploration des relations d’attachement.
La première étape permit aux membres de la famille de reconnaître les réactions de détresse de Monsieur
E.
La thérapie EMDR s’est basée sur le protocole EMDR de phobie développé par Shapiro (1995, 2000).
• Première cible traitée : le premier épisode de suffocation lié à l’excès de mucus.
• Description de l’image perturbante : les poumons remplis de mucus et le visage tétanisé de la mère
de Monsieur E.
• Cognition négative initiale formulée : « Je suis en train de mourir. »
• Après trois séances, l’image a été désensibilisée et la cognition négative a laissé place à une c cognition
plus positive : « Je suis à présent en sécurité. »
• Autres cibles traumatiques/microtraumatiques traitées : l’ensemble des attaques de panique survenues
au moment de prendre une douche.
Pour moduler le début de l’attaque de panique, il fallut apprendre à Monsieur E. à percevoir les signes
précurseurs de l’activation de la réaction d’alerte et à abaisser ce niveau de réaction par l’utilisation de
ressources positives. Chez Monsieur E., il s’agissait d’un épisode de crise dans lequel il avait réussi à faire
face à son angoisse. Cet événement constitua alors une ressource d’étayage suffisante pour transformer
les systèmes de mémoire dysfonctionnels par le renforcement d’une expérience positive lui garantissant
une meilleure gestion de sa peur.
Six séances d’EMDR ont suffi à traiter les souvenirs traumatiques et la phobie du mucus.
La prise en charge des traumatismes et de la phobie de Monsieur E. entraîna une réduction importante
des tensions conflictuelles existant entre le patient et ses parents. Monsieur E. exprima avoir à nouveau
confiance en la relation de soin, mais affirma éprouver des sentiments de honte et d’humiliation à chaque
fois qu’il formulait une demande d’aide. Ces sentiments étaient amplifiés par l’anxiété et la peur de ne
pas être secouru par son père, figure d’attachement durant toute cette période.
Le thérapeute axa alors son travail sur le rétablissement d’un lien sécure entre Monsieur E. et son père, le
lien d’attachement actuel étant défaillant et rendant le patient plus vulnérable au vécu traumatique. Ce
travail thérapeutique – réalisé sous la forme d’une thérapie de soutien classique – dura 6 mois et
permit au malade de mieux juguler l’intensité de ses émotions et de développer une image
moins rigide de ses parents et de l’aide qu’ils étaient en mesure de lui apporter. Son père
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

était parfois présent lors des séances. Il put ainsi mieux comprendre les sentiments et
besoins exprimés par son fils.

Cette étude met véritablement au jour la prise en compte de l’intrication de problématiques


distinctes par le thérapeute, démarche se traduisant par une souplesse dans le choix de l’utilisation
d’approches psychothérapeutiques différentes (EMDR et thérapie de soutien systémique d’orientation
psychodynamique) et dans la compréhension des liens de causalité entre les symptômes présentés
par le patient consécutivement à l’appréhension globale du fonctionnement intra- et interpsychique
du patient et de son vécu.
136 Psychologie de la santé : applications et interventions

Cependant, outre les résultats obtenus lors de l’utilisation de l’EMDR, aucune donnée quantitative
n’a été rapportée concernant l’objet principal de cette intervention, à savoir l’établissement d’un
lien sécure entre le patient et son père.
Thurin (2006) préconise de compléter les ERC, utiles pour reconnaître la pertinence de l’utilisa-
tion d’une thérapie en fonction d’une pathologie/d’un symptôme, par la méthode du cas isolé pour
permettre au clinicien de mieux s’adapter à la réalité pratique et clinique. Ces cas isolés pourraient
d’ailleurs être appariés s’ils étaient basés sur un protocole rigoureux et objectif. Ces protocoles
devraient se centrer non pas sur des techniques générales et globales, mais sur des problématiques
précises qui peuvent se présenter au thérapeute, en fonction du moment de la prise en charge et
des caractéristiques du patient, et permettre la généralisation des données recueillies. Juhel (2008),
quant à lui, décrit alors un plan expérimental dit à phases. La séquence de mesures répétées comporte
une phase d’intervention (B) dont les effets seront comparés aux mesures effectuées lors de phases
dites « de base » (A).

4. Perspectives pour la mise en œuvre

Les questions à la fois méthodologiques et théoriques soulevées par l’évaluation des psychothé-
rapies montrent la complexité de toute intervention psychothérapeutique tant au niveau de sa mise
en place que pour son déroulement.
L’efficacité des psychothérapies est en effet aujourd’hui un objet de débats et de controverses non
seulement dans le milieu de la recherche, mais aussi chez les cliniciens eux-mêmes. Il est porteur
de nombreuses interrogations chez ceux qui s’adressent à des psychothérapeutes : vers qui doit-on
se tourner ? Comment savoir s’il s’agit d’un bon thérapeute ? Quelles informations sont utiles pour
s’orienter vers un psychothérapeute ?
Nous dégagerons simplement ici un certain nombre de préconisations relatives à des facteurs
structurants dans toute démarche psychothérapeutique telle que la mise en place de cette démarche,
le processus lui-même, la relation patient-thérapeute. Cela afin de montrer dans quelles conditions
peut s’établir cette rencontre d’un caractère si singulier et quel sens elle prend dans la vie de la
personne concernée.

4.1 Débuter une intervention psychothérapeutique :


l’importance de l’anamnèse
Cette relation s’établit initialement durant le premier entretien. Cette première rencontre ne se
résume pas seulement à une simple prise de contact ou à l’établissement de l’alliance thérapeutique.
Elle pose des bases qui nous permettront par la suite d’envisager et de penser la mise en place d’une
prise en charge psychothérapeutique adaptée. Si nous avons choisi d’aborder ce qui se joue durant
le premier entretien, c’est aussi parce qu’il permet de mettre en perspective l’articulation possible
entre une posture clinique et son inscription dans le champ théorique de la psychologie de la santé.
De très nombreux éléments se retrouvent résumés dans le premier entretien, des éléments qui
constitueront autant de clés dans la compréhension du fonctionnement du sujet, de sa relation avec
son environnement, de son rapport à la maladie, tout en considérant la demande initiale émise.
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 137

L’exploration portera tout d’abord sur l’analyse du comportement du patient dans son rapport au
cadre de la thérapie institué par la thérapeute, sur le type de relation qu’il instaure avec le thérapeute
et sur les plaintes initiales verbalisées (ou non) par ce dernier (Gilliéron, 2004).
Toute psychothérapie ou thérapie demande d’accompagner ou d’étudier un individu en suivant
un chemin allant de son passé à un futur que l’on désire meilleur pour lui. Ce chemin doit être balisé,
co-construit avec le patient et délimité par lui. Établir une anamnèse rigoureuse du patient permet au
thérapeute de mieux saisir les enjeux et limites du travail psychothérapeutique qu’il va entreprendre
avec la personne demandeuse. La technique usitée pour obtenir ces informations est dépendante du
paradigme théorique dans lequel évolue le psychologue, tout comme de l’intervention en elle-même.
Toutefois, les apports théoriques de la psychologie de la santé, et notamment des modèles expli-
catifs et prédictifs que nous avons évoqués auparavant, nous permettent d’élaborer une grille d’ob-
servation et de compréhension assez efficace, quoique réductrice et incomplète, de l’impact des
antécédents contextuels et individuels sur d’éventuelles issues somatiques et sur les mécanismes
d’ajustement mobilisés par l’individu pour y faire face.
Le but d’une exploration anamnestique issue de la psychologie de la santé est, par conséquent,
d’obtenir certaines informations sur les sphères biopsychosociales de l’individu. Cette approche ne
se substitue absolument pas à l’orientation théorique du travail thérapeutique, mais la complète
et l’affine. Certains des facteurs environnementaux, dispositionnels, les processus d’évaluation ou
encore les stratégies d’adaptation pourront être ciblés par l’intervention – travail sur l’estime de
soi, le stress, l’anxiété, renforcement du soutien social perçu, action sur les stratégies d’ajustement,
le locus de contrôle, le traitement de traumatismes/microtraumatismes… Plus généralement, ces
facteurs serviront à la compréhension de processus plus complexes (par exemple, relation anxiété-
dépression et maladies cardiovasculaires).
Outre la reconnaissance de facteurs précipitants, de « cofonctionnements biopsychosociaux »
(Bruchon-Schweitzer, 2002), de bénéfices secondaires de la maladie, de l’anamnèse familiale ou encore
du statut psychique du sujet, une attention particulière doit être portée, dès le début de la psycho-
thérapie, sur les comorbidités, psychiatriques ou non. En effet, le patient a tendance à hiérarchiser
ses différents besoins (Mosnier-Pudar, 2006), sans pour autant être au fait des relations existant entre
l’ensemble des troubles et symptômes qui lui incombent. Il faut donc penser la prise en charge des
maladies chroniques en prenant en considération et en agissant sur l’ensemble des troubles présentés
par le malade (anxiété, douleur, addictions…) eu égard à ses besoins et aux obstacles qui empêchent
une autogestion optimale de la maladie.
L’anamnèse familiale permet également d’approcher un autre concept qui mérite une atten-
tion particulière, celui de l’attachement. En effet, il serait intéressant d’amener une réflexion sur
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’importance d’articuler la théorie de l’attachement à la situation psychothérapeutique. Le type


d’attachement originel peut, par exemple, être prédicteur de l’apparition de certains symptômes
psychiatriques, et peut également se revivre dans l’interaction thérapeute-patient. Il revient alors au
psychologue d’en saisir le caractère essentiel lors de l’initiation d’une démarche psychothérapeutique.
Nous avons en effet pu entrevoir, au travers de l’ensemble des recherches présentées tout au long
de ce chapitre, les formidables possibilités de traitement offertes par des psychothérapies/thérapies
qui se veulent complémentaires des prises en charge médicales classiques. Comment les articuler au
processus de soin ? Au final, quelle est notre vision de l’intervention psychothérapeutique ?
Amener une réflexion sur une intervention complexe induit indubitablement à en discerner les
composantes, d’en délimiter les contours, d’en atteindre l’essence en la dépossédant de ses artifices.
C’est aller à l’essentiel, non pas par désir de réductionnisme ou de scientisme effréné, mais pour
en retirer les principes actifs, et ainsi faciliter la transposition et l’adaptation d’une thérapie à une
population ou à un sujet dans un contexte particulier.
138 Psychologie de la santé : applications et interventions

4.2 Réflexions sur la structure de l’intervention


La maladie appelle la souffrance et impacte fortement la qualité de vie des patients. Face à des
phénomènes qui s’inscrivent dans le temps et à l’augmentation exponentielle des problématiques
soulevées qui touchent aux sphères familiales, professionnelles, sociales et personnelles, il nous
semble pertinent d’avoir recours à une thérapie ouverte qui offre la possibilité d’interventions diverses
ciblant des problématiques singulières, une sorte de fil conducteur dans l’accompagnement du
patient. Pour en faire l’expérience, la psychothérapie de soutien (d’orientation psychodynamique)
peut aisément constituer un socle thérapeutique à partir duquel le thérapeute pourra élaborer des
interventions plus ciblées auprès du patient.
Le fait d’introduire une prise en charge psychothérapeutique définie par l’utilisation de diverses
techniques nous renvoie automatiquement à la notion d’éclectisme. L’éclectisme désigne l’usage
de différentes techniques simultanément ou successivement, non pas de manière hasardeuse, mais
sur la base de résultats obtenus au travers de recherches empiriques.
Le choix de la thérapie, qui peut bien entendu être soumis à la critique, est sous-jacent à la ques-
tion de l’indication thérapeutique : adapter sa posture à un patient au vécu unique, présentant un
symptôme/maladie singulière, avec ses angoisses, ayant une structure de personnalité particulière,
qui mobilise des mécanismes de défense propres à sa structure et/ou à la situation, en tenant compte
de son désir de changement et des contraintes matérielles et institutionnelles.
De nombreux chercheurs s’accordent en effet à dire que le type de prise en charge doit être adapté
en fonction des caractéristiques du patient (Norcross et Wampold, 2011b). D’ailleurs, cette opération
se décline sous plusieurs appellations : adaptation, réactivité, harmonisation, personnalisation, indi-
vidualisation… (Norcross et Wampold, 2011b). Le thérapeute peut alors opter pour une approche
éclectique dans la prise en charge de son patient. Adopter une approche éclectique, c’est avant tout
refuser de s’enfermer dans un paradigme particulier. C’est également choisir les meilleurs éléments
parmi les différentes orientations théoriques et pratiques, et opérer les meilleures combinaisons en
vue d’une efficacité accrue.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que la technique ne fait décidément pas tout. Un nombre impor-
tant de recherches menées dans le champ des psychothérapies a souligné l’existence de facteurs
communs, à l’origine d’une part importante de l’efficacité de la prise en charge psychothérapeutique
du patient. C’est précisément pour cette raison qu’il nous paraît important de « déconstruire » les
psychothérapies pour en observer les éléments constitutifs et curatifs.
Pour rappel, les facteurs communs dits curatifs que l’on retrouve dans la plupart des psychothé-
rapies seraient à l’origine de 30 % des changements observés chez les patients, ce qui représente
d’une part un pourcentage double de celui qui est attribuable aux techniques psychothérapeutiques
mobilisées (15 %) et qui, d’autre part, met en exergue l’importance d’aborder ces facteurs dans les
enseignements dispensés lors du cursus de formation des psychologues.
Chambon et Marie-Cardine (2010) distinguent des facteurs communs non spécifiques (propres
à la relation thérapeutique – caractéristiques du patient, caractéristiques du thérapeute, caractéris-
tiques de la relation thérapeutique – perçue par le patient/perçue par le thérapeute…) et des facteurs
communs spécifiques à l’ensemble des interventions psychothérapeutiques.
Chambon et Marie-Cardine (2010) citent ainsi le travail de Young (1992), qui nous propose
une liste de six facteurs communs spécifiques  que l’on retrouve dans toute prise en charge
psychothérapeutique :
•  « accroître le sentiment d’efficacité personnelle et d’estime de soi » ;
•  « pratique de nouveaux comportements » ;
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 139

•  « modifier la perception de certaines expériences » ;


•  « réduire ou accroître le niveau d’activation émotionnelle » ;
•  « induire des attentes d’aide, accroître la motivation du patient » ;
•  « fournir des expériences génératrices d’insight et provoquer un changement de perception ».
D’autres déterminants propres aux thérapies et à la relation thérapeute-patient pourront accroître
de façon significative le taux de réussite de la prise en charge proposée :

•  favoriser le processus de mentalisation (Goodman, 2013) ;


•  instaurer une alliance thérapeutique de bonne qualité entre le thérapeute et son patient ;
•  adopter une posture humaniste dans la thérapie (Wampold, 2012) ;
•  induire de l’espoir chez le patient (Snyder, Michael, et Cheavens, 1999) ;
•  le « système d’explication rationnel » (les explications transmises par le thérapeute au patient
au sujet de son problème ainsi que la présentation des techniques pertinentes pour y remédier)
(Grencavage et Norcross, 1990).
Tous ces facteurs sont autant de pistes thérapeutiques d’importance lorsqu’il s’agit de penser une
intervention psychothérapeutique. Il ne s’agit pas seulement de lister l’ensemble de ces facteurs
pour mieux les appréhender dans la pratique clinique, mais bien de les favoriser dans l’intervention.
C’est en cela que nous pourrions dire de cette approche qu’elle est transthéorique et qu’elle s’avère
correspondre à une posture clinique singulière, pensée et affirmée.

4.3 Le patient, le thérapeute et l’alliance thérapeutique


Les formes modernes de psychothérapies ont réalisé l’intérêt d’adapter la structure et le contenu de
l’intervention en fonction des caractéristiques du patient et du contexte. Quelques-unes de ces carac-
téristiques ont été décrites par Norcross et Wampold (2011) : résilience, préférences, culture, religion/
spiritualité, attentes, styles d’attachement, désir et état de changement, et processus d’adaptation.
Cependant, si certains éléments semblent être des freins au suivi thérapeutique s’avérant source
de souffrance pour le sujet, d’autres facteurs constituent tout simplement des contre-indications à
la pratique de certaines psychothérapies. La structure de personnalité est l’un de ces facteurs. Il est
fortement recommandé d’éviter d’utiliser l’hypnose, l’EMDR ou toute autre thérapie (relaxation,
yoga, pleine conscience…) auprès de patients présentant des symptômes de dissociation (psychose).
Le passage à l’état modifié de conscience chez une personne présentant un état de dissociation propre
à la psychose peut entraîner l’apparition d’une angoisse violente qui submergera le sujet. Une atten-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tion particulière doit être portée aux patients présentant des troubles de la personnalité borderline
(épisodes psychotiques possibles, en plus d’une impulsivité à ne pas négliger).
Le lâcher-prise, que l’on retrouve dans de nombreuses thérapies, peut également être vécu par
certains patients comme un moment de grande angoisse. Cette difficulté est liée soit à la mécon-
naissance d’une sensation corporelle et psychique nouvelle (des exercices progressifs annihileront
ces peurs), soit à la mobilisation de mécanismes de défense trop rigides (structure ou mode de
fonctionnement pathologique), soit encore au rapport que la personne entretient avec son environ-
nement (rapport de contrôle constant et total dans le cas de la personnalité anxieuse par exemple).
Le lâcher-prise peut devenir rapidement insupportable. Il faut dans ce cas privilégier les interventions
individuelles, davantage enclines à accompagner le patient plus étroitement et à le rassurer tout au
long de la thérapie.
L’expertise clinique (Levant et al., 2006), qui débute dès la première rencontre entre le patient et le
thérapeute, renvoie aux connaissances théoriques et cliniques du professionnel, à son apprentissage
140 Psychologie de la santé : applications et interventions

universitaire et à ses expériences. La recherche actuelle progresse rapidement, et ce aux dépens de


la clinique. Cette expertise est fondamentale pour l’identification et la compréhension des signes
cliniques du patient et leur mise en relation avec les résultats obtenus au travers des recherches
menées dans le domaine concerné. Cela sous-entend que le professionnel doit se tenir informé
régulièrement des avancées cliniques pour constamment affiner ses interventions et atteindre un
degré d’efficacité accru.
Cette démarche induit également de disposer d’un « arsenal psychothérapeutique » conséquent,
permettant d’être réactif et de montrer une certaine souplesse face aux besoins et angoisses du patient.
Nous avons évoqué l’importance d’identifier la structure de personnalité du patient, les straté-
gies de coping et les mécanismes de défense mobilisés par le patient pour affronter la maladie et
destinés à protéger chacune des facettes du moi meurtries (défenses adaptatives ou non, flexibilité
des mécanismes de défense). Certains cliniciens-chercheurs affirment par ailleurs que l’évaluation
des mécanismes de défense durant la phase de prise en charge psychothérapeutique pourrait s’avérer
être de formidables repères pour l’évaluation de l’efficacité de l’intervention (Ionescu et al., 2007).
Les manifestations défensives se révèlent parfois inadaptées, devenant alors des facteurs de vulné-
rabilité pour le sujet. Mais qu’en est-il du thérapeute ? Ce dernier usera automatiquement et incon-
sciemment de mécanismes de défense en réaction à l’expérience (maladie par exemple) à laquelle
il est indirectement confronté et les mobilisera pour faire face aux réactions diverses du patient.
Le thérapeute doit être en mesure d’être à l’écoute et d’analyser ses propres angoisses, doutes, ainsi
que les mécanismes de défense qui en résultent, et ce pour deux raisons. La première, parce qu’une
analyse de ses manifestations défensives lui permet de mieux appréhender les expressions émotion-
nelles et les demandes du patient. La seconde, parce que l’alliance thérapeutique se fonde en grande
partie sur l’attitude empathique et les comportements du thérapeute. Or la mobilisation inadaptée
de mécanismes de défense impactera directement la qualité de la relation.
Or, comme nous l’avons vu en introduction de ce chapitre, l’alliance thérapeutique revêt une
importance fondamentale dans le processus thérapeutique. Oui, nous pouvons l’affirmer, cela a été
reconnu par pléthore d’auteurs (Grencavage et Norcross, 1990 ; Martin et al., 2000 ; Barber et al.,
2006 ; Bioy et Bachelart, 2010 ; Norcross et Lambert, 2011 pour ne citer qu’eux), la qualité de la
relation thérapeutique influe directement sur les résultats de la psychothérapie. Alors qu’un certain
nombre de chercheurs tentent d’ultra-protocoliser certains actes thérapeutiques et de réduire au
maximum le temps d’échange et de pratique avec le patient, cette affirmation semble sonner le glas
de telles extrémités. Bioy et Bachelart (2010) nous font remarquer que, finalement, les méthodes et
techniques d’intervention ne sont pas efficaces du seul fait des outils qui les composent, mais « par
un jeu subtil d’adéquation entre un praticien et son patient ». Pour rappel, Bordin (1979) désigne
trois spécificités de l’alliance thérapeutique : elle est scellée par un accord entre le thérapeute et le
patient sur les buts du traitement, un accord sur les tâches à accomplir durant la psychothérapie et
elle renvoie également au lien affectif qui se noue entre les protagonistes.
Une relation empathique et authentique devient dès lors incontournable dans toute intervention
thérapeutique.

5. Conclusion

Nous devons cependant rester vigilants. L’objet de cette vigilance ? Des affirmations scientifiques
et des postures cliniques qui nous semblent cohérentes et pertinentes, mais qui pourraient s’avérer
marquer encore un peu plus la fracture idéologique déjà existante dans la communauté des psycho-
logues. Nous parlons de l’idée de taylorisation des interventions psychothérapeutiques en fonction
Les apports des psychothérapies dans la santé et la maladie 141

de la personne, favorisée par Norcross et Wampold (2011). S’il nous paraît évident, au risque de
nous répéter, que la thérapie doit s’adapter à la personne, il n’y a qu’un pas entre l’adaptation de la
thérapie en fonction de la personne et la taylorisation extrême de la prise en charge thérapeutique
en fonction du symptôme unique ou d’un facteur commun curatif. La maladie est en soit déjà assez
désorganisatrice et morcelante pour que le psychologue ne renforce ce ressenti en fragmentant son
approche et en ciblant des « morceaux » du moi et des pans de l’identité de la personne, au détriment
de l’unité globale du patient. De plus, il ne faut pas confondre efficacité et précipitation. Le temps
psychique sera en effet toujours différent du temps réel. La démarche plus générale des thérapies
actuelles nous interpelle et nous pousse à rester alertes quant à l’orientation et aux buts avoués de
ces dernières. Elles s’inscrivent dans certains courants philosophiques comme le stoïcisme, dont elles
détournent les fondements et les visées originaires, au service de la recherche constante d’efficacité,
de performance, de liberté, de responsabilité et d’autonomie, valeurs prônées par le libéralisme.
Elles s’inscrivent également dans le diktat d’une « santé totalitaire », normalisée, dénoncée par Gori
et Del Volgo (2009), qui ne serait pas contrôlée par la médicalisation outrancière décrite dans leur
ouvrage, mais par l’hégémonie des psychothérapies actuelles.
C’est bien des compétences du psychologue dont il a été question tout au long de ce chapitre.
Le psychologue est, en effet, détenteur d’un savoir théorique avant tout universitaire et d’une
expérience clinique qui ne cesse de se densifier au fil des années. L’ensemble des données que nous
avons présentées dans ce chapitre nous amènent assez naturellement à nous demander s’il n’est
pas temps de faire évoluer profondément notre profession sous l’éclairage des nouveaux enjeux
psychothérapeutiques et médicaux. Cette dernière déclaration est assénée de façon quelque peu
provocatrice, mais elle est nécessaire pour instaurer un dialogue constructif non seulement entre les
différents courants idéologiques qui composent le champ de la psychologie, mais également pour
définir notre identité, garante de notre posture et de notre éthique face à des demandes de plus en
plus précises des patients et des acteurs de la scène médicale.
Toutefois, certaines dimensions fondamentales de notre profession ne pourront faire l’objet d’un
apprentissage universitaire. Ce qu’il faut favoriser chez le psychologue, c’est avant tout sa créativité
et son inventivité. C’est avec un esprit ouvert et curieux que le clinicien construit jour après jour sa
pratique. La rigueur de nos recherches ou l’intelligence mobilisée dans nos interventions ne devra
jamais nous faire oublier que nous sommes avant tout des artisans.

À retenir
Facteurs communs – Ensemble des facteurs curatifs communs aux psychothérapies qui vont expliquer, en
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

partie, les résultats obtenus auprès du patient. On distingue des facteurs non spécifiques propres à la relation
thérapeutique thérapeute-patient (caractéristiques du patient, caractéristiques du thérapeute, caractéris-
tique de la relation – perçue par le patient et perçue par le thérapeute…) et des facteurs spécifiques aux
interventions psychothérapeutiques (favoriser l’accroissement des sentiments d’efficacité et d’estime de soi,
aider au changement de comportements, aider à modifier la perception de certaines expériences passées,
répondre aux attentes d’aide et accroître la motivation du patient…) (Chambon et Marie-Cardine, 2010).
Approche éclectique – L’éclectisme désigne l’usage et l’articulation, lors d’une prise en charge psycho-
thérapeutique, de différentes techniques ou approches, simultanément ou successivement, sur la base de
résultats obtenus au travers de recherches empiriques.
Alliance thérapeutique – Processus interactionnel dyadique qui repose entre un thérapeute et son patient, qui
va en partie déterminer la réussite de la prise en charge thérapeutique de la personne, quelle que soit la technique
interventionnelle usitée. L’alliance thérapeutique, désignée par certains auteurs comme une collaboration
 ☞
142 Psychologie de la santé : applications et interventions

 ☞
mutuelle, un partenariat ou une coopération, est favorisée par l’attitude empathique du psychothérapeute
à l’égard de son patient et débute au moment du recueil de la demande formulée par ce dernier. Elle a pour
but de favoriser l’accomplissement des objectifs fixés avec le patient.
Mécanisme de défense – Processus psychique inconscient et automatique destiné à maintenir l’équilibre
psychique de l’individu par une tentative de suppression des affects négatifs inhérents à un conflit psychique
ou à la survenue d’un danger extérieur.

Lectures conseillées
Chambon O., Marie-Cardine M. (2010). Les Bases de la psychothérapie : Approche
intégrative et éclectique. Paris, Dunod.
Prochaska J.O., Norcross J.C. (2010). Systems of Psychotherapy : A transtheorical analysis.
New York City, Cengage Learning.
Tarquinio C. (éd.) (2012). Manuel des psychothérapies complémentaires. Paris, Dunod.
Tarquinio C., Berghmans C. (2009). Comprendre et pratiquer les nouvelles psychothérapies.
Paris, Dunod.

Bibliographie

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Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson, 163-174.
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Berghmans C., Godard R., Joly J., Tarquinio C., Cuny P. (2012). Effets de l’approche de réduction
du stress Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR) sur la santé psychique (stress, anxiété,
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6
Cha
pi
tre
QUELLE PLACE
POUR LES RECHERCHES
INTERVENTIONNELLES
EN PRÉVENTION DU VIH,
ENJEUX THÉORIQUES
ET MÉTHODOLOGIQUES
POUR LA PSYCHOLOGIE
SOCIALE DE LA SANTÉ1

1.  Par Marie Préau, Groupe de recherche en psychologie sociale (GRePS EA 4163), université Lumière-Lyon 2.
2. INSERM U912, SESSTIM, Marseille ; Daniela Rojas Castro, Groupe de recherche en psychologie sociale (GRePS EA
4163), université Lumière-Lyon 2, mission Innovation Recherche Expérimentation (MIRE), AIDES ; Bruno Spire INSERM
U912, SESSTIM, Marseille, mission Innovation Recherche Expérimentation (MIRE), AIDES ; Marion Mora, INSERM U912,
SESSTIM, Marseille ; Jean-Marie Le Gall, mission Innovation Recherche Expérimentation (MIRE), AIDES.
aire
m
So m

1. Éléments théoriques.............................................................................................. 151


2. Le champ de la prévention du VIH/sida................................................................ 158
3. Conclusion.............................................................................................................. 164
Bibliographie.............................................................................................................. 166
Quelle place pour les recherches interventionnelles en prévention du VIH 151

La prise en charge et la prévention de l’infection par le VIH représentent un champ d’investiga-


tion particulièrement pertinent pour la mise en place de recherches interventionnelles au carrefour
des sciences médicales et des sciences sociales, au sein desquelles la psychologie de la santé occupe

rt

Pa
une place majeure. Ce chapitre vise à présenter les enjeux méthodologiques et théoriques posés à la
psychologie de la santé par la mise en œuvre de recherches interventionnelles et communautaires.

ie
À partir des réflexions menées autour de recherches en cours dans le champ de la prévention
du VIH, le texte vise à illustrer la pertinence d’un ancrage théorique en psychologie sociale et de
la santé ainsi que l’intérêt d’une triangulation méthodologique afin de répondre aux différentes
problématiques de ce type de recherche.

1. Éléments théoriques

1.1 Infection par le VIH : des données épidémiologiques


aux actions de santé publique
En France, l’épidémie du sida se caractérise par des prévalences très variées selon les groupes
concernés : une faible prévalence dans la population générale, une haute, hétérogène et mal docu-
mentée prévalence chez les migrants notamment d’Afrique subsaharienne, ainsi qu’une haute préva-
lence chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). De fait, l’objectif des
mesures préventives dans cette situation est de réduire l’incidence de l’infection à VIH dans la popu-
lation et en particulier chez les HSH, en réduisant les risques qu’ils pourraient avoir de contracter
individuellement ou de transmettre le virus. Depuis quelques années, les données internationales
relatives à l’épidémie de VIH/Sida s’accompagnent d’un nouvel argumentaire, plus global, qui est
celui de la prévention combinée. L’ONUSIDA (2013) définit l’approche de la prévention combinée
comme une stratégie visant à « obtenir une influence maximale sur la prévention du VIH en associant
des stratégies structurelles, biomédicales et comportementales ».
Au-delà de ses enjeux biologiques et médicaux, l’infection par le VIH et la prévention du VIH
présentent des dimensions sociales et psychosociales importantes. Dans la mesure où l’ensemble
des comportements des personnes sont touchés y compris dans leur intimité, la prévention de la
transmission du VIH, au-delà d’un enjeu de santé publique majeur, représente un enjeu social et
psychosocial autour duquel sont mobilisées de nombreuses disciplines scientifiques, des plus fonda-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

mentales aux plus appliquées et allant des disciplines médicales aux sciences dures ainsi qu’aux
sciences humaines et sociales (Kippax et Stephenson, 2012).

1.2 L’évolution des paradigmes de prévention :


de la prise de risque à la réduction des risques
Dans le champ du sanitaire, les méthodes de prévention les plus efficaces le sont rarement au
point de réduire le risque à zéro au niveau individuel de façon certaine et de conduire à la disparition
d’une maladie au niveau populationnel. C’est encore plus évident dans le domaine du VIH/Sida, en
raison de la longue durée de l’infection (y compris sans traitement) et de sa transmission dominante
par la sexualité, activité régulière pendant une très longue période de la vie adulte.
152 Psychologie de la santé : applications et interventions

Jusqu’à présent, le préservatif, barrière physique à la transmission du virus, a été montré comme
ayant une efficacité théorique très élevée face à la transmission du VIH et de certains pathogènes
transmissibles sexuellement. Son efficacité pratique est limitée au niveau individuel par la difficulté
de son utilisation systématique et insuffisante au niveau collectif pour diminuer le taux d’incidence
dans les populations les plus exposées telles que les HSH. La contamination sexuelle de la personne
infectée vers la personne indemne est le résultat de processus multiples engageant des déterminants
sociaux et psychosociaux tels que la perception du risque, la représentation de la maladie, les normes
sociales, la stigmatisation des comportements ou encore la capacité à dire son statut sérologique,
mais aussi des rapports sociaux (par exemple entre hommes et femmes ou encore entre jeunes et plus
âgés), des mécanismes biologiques de l’infectiosité, de la vulnérabilité biologique et du type d’actes
sexuels. La place d’une approche psychosociale de santé apparaît donc cruciale dans ce contexte en
s’appuyant sur les méthodes et les théories utilisées en psychologie de la santé.
D’un point de vue historique, le nombre quasi constant de nouvelles infections et plus particu-
lièrement au sein de la population des HSH, qui traduit, en partie, l’inefficacité et/ou l’inadaptation
des précédents moyens de prévention, mais aussi des changements notamment chez les HSH et
leurs rapports au collectif, a incité les autorités de santé à trouver des solutions innovantes pour
une riposte optimisée au VIH/sida. Un nouveau paradigme a émergé depuis quelques années : la
réduction des risques (RdR) (Kippax et Stephenson, 2012 ; Kippax, Stephenson, Parker et Aggleton,
2013 ; Kippax, Holt et Friedman, 2011). La RdR est définie comme « la combinaison des moyens et
méthodes de toute nature (sociale, comportementale ou biologique), individuels et collectifs, qui ont
montré une efficacité pour réduire le risque dans certains maillons du processus de contamination ».
La RdR s’est imposée comme une approche pragmatique capable de prendre en compte les besoins
des personnes concernées ainsi que leurs capacités d’action (Girard, 2013).

1.2.1 La réduction des risques : historique et concept


Face au processus de contamination sexuelle, de nombreux maillons du processus sont connus et il
existe, à présent, des moyens efficaces d’agir pour réduire le risque sur bon nombre d’entre eux. Une
méthode de réduction des risques (RDR) se définit comme un moyen qui agit de façon suffisamment
efficace sur un maillon de ce processus pour réduire le taux de transmission. Les experts nomment
ainsi « réduction des risques » la combinaison des moyens de toute nature (sociale, comportementale
ou biologique), individuels et collectifs, qui ont montré une efficacité pour réduire le risque dans
certains maillons du processus de contamination (Lert et Pialoux, 2009).
S’agissant de la transmission sexuelle, les stratégies de prévention sont un des facteurs de chan-
gement dans les normes et les pratiques de la sexualité qui sont susceptibles d’accroître le risque de
transmission. Dans le champ du sida, en France et dans la plupart des pays du nord, le préservatif a
été promu comme la méthode de RDR la plus acceptable, et cela même par rapport à l’abstinence et
la fidélité revendiquées par certains acteurs politiques, au début du sida, et encore aujourd’hui dans
certains pays, comme méthodes exclusives de prévention (stratégie ABC) (2009 ; Memmi, Desgrées
du Loû, et Orne-Gliemann, 2010).
Par ailleurs, d’un point de vue historique, dans le contexte de la propagation du VIH dans le
cadre de l’usage de drogue, ce sont les méthodes combinées de RDR telles que l’accès aux seringues,
le traitement de substitution, les services de bas seuil ou encore l’accès aux soins qui ont permis la
baisse drastique de l’épidémie sans produire l’augmentation de l’usage de drogue si souvent opposée
à la RDR.
Dès le début des années 1980, le concept de RDR a été proposé et décrit dans diverses publications
scientifiques via les notions relatives à la negociated safety (Jin et al., 2007 ; Kippax et Race, 2003). La
nouveauté, perçue comme une rupture par certains, résidait dans la décision de choisir de nouveaux
Quelle place pour les recherches interventionnelles en prévention du VIH 153

modes de diffusions des messages de RDR plus officiels et sur la base de supports ayant une réelle
valeur scientifique.
Du point de vue de sa diffusion dans l’espace social, la communication autour de la RDR représente
un enjeu politique majeur qui divise à la fois la communauté des chercheurs, des décideurs ainsi
que des associations de personnes concernées par le VIH, population particulièrement mobilisée
dans ce contexte.
L’argument majeur revendiqué par les divers acteurs mobilisant cette approche relève d’une
approche « pragmatique » : il s’agit de partir de la situation des personnes, pour les amener vers
une meilleure prise de conscience des risques qu’elles prennent, dans l’optique d’une amélioration
de leurs comportements de prévention. La RDR est une notion produite typiquement par l’action
communautaire. Elle repose sur une connaissance intense des questions concrètes, des peurs et
des blocages auxquels sont individuellement ou collectivement confrontés les individus face aux
menaces de la contamination. Selon les défenseurs de cette posture, la RDR permettrait de résoudre
deux contradictions : d’une part, elle permettrait d’agir en prévention de proximité sans tomber
dans le moralisme ou le comportementalisme hygiéniste et d’autre part elle permettrait de dépasser
le clivage habituel entre trois types d’interventions : la prévention, le soutien et le soin.
Cette conception de la RDR n’est pas pour autant uniforme, elle doit être différentielle. Cela
signifie bien une reconnaissance de la pluralité des pratiques et de la diversité des besoins individuels
au sein de chaque groupe concerné, c’est-à-dire qu’il n’y a pas un, mais des types différents d’usagers
de drogues ou encore de pratiques sexuelles. Bien entendu la reconnaissance de ces pluralités de
pratique et de besoin impose une diversification permanente de la représentation des personnes
exposées ou atteintes, ainsi que des actions qui s’adressent à elles et auxquelles elles participent
(Lert et Pialoux, 2009).

1.2.2 Les outils de réduction des risques


Dans le champ du VIH/Sida, les méthodes de prévention qui sont actuellement reconnues et
promues dans les activités de prévention dans le monde sont les préservatifs masculins et féminins,
la prophylaxie post-exposition et la circoncision (Auvert et al., 2013). D’autres outils sont en cours
de développement tels que la prophylaxie pré-exposition ou encore l’usage du dépistage comme
une stratégie de prévention.
Dans les pays du nord et plus spécifiquement en France, la sexualité des HSH et des personnes
ayant des relations hétérosexuelles renvoie à des pratiques sexuelles différentes et de fait à des
comportements sexuels à risque fondés sur des déterminismes différents. De plus, la population des
HSH représente toujours une population particulièrement à risque en termes de prévalence du VIH
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(Cazein et al., 2012).


Par conséquent, les outils de RDR ne sont pas utilisés uniformément par les diverses populations
concernées, voire certains outils ne sont pas pertinents étant donné le type de sexualité en jeu. Étant
donné les enjeux épidémiologiques de la prévalence des nouvelles infections à VIH au sein des HSH,
notre intérêt et les interventions présentées vont porter uniquement sur la population des HSH.

1.2.3 La réduction des risques chez les HSH


Au sein de la communauté des HSH, l’enjeu majeur pour la prévention vise à « reconquérir en
permanence l’adhésion individuelle des personnes » (Bozon et Doré, 2007). Bozon souligne l’impor-
tance du social et du recours à la communauté pour inventer de nouvelles façons de se protéger. Ainsi
ressortent les enjeux identitaires de la population gay et notamment ceux liés au risque spécifique
154 Psychologie de la santé : applications et interventions

du VIH. Les travaux de Bozon suggèrent la présence de liens entre appartenance au groupe et risque
d’exposition (Bozon et Doré, 2007). Ainsi l’augmentation constatée d’un point de vue épidémio-
logique des comportements à risques peut traduire un changement des dynamiques de ce groupe
envers la sociabilité gay, le rapport à la communauté, mais aussi le sentiment d’appartenance au
groupe. Ce changement des comportements peut être attribué à une individualisation des sujets
HSH, et au passage récent à une norme de sociabilité empreinte de l’évolution des technologies de la
communication, des réseaux et sites de rencontres communautaires (Girard, 2013). Cette évolution
se traduit chez les individus par la contrainte entre recherche du plaisir sans que « soient perturbés
leurs relations, leurs loisirs et tout ce qui compte pour eux » (Bozon et Doré, 2007). Le rapport au
VIH et le facteur d’exposition semblent à présent se décliner aussi d’un point de vue individuel,
ce qui amène à modifier les enjeux préventifs, les messages et interventions qui sont construits à
destination des HSH.
Depuis la fin des années 1990, la littérature scientifique s’est largement intéressée aux formes
d’adaptations préventives des HSH, lorsque le préservatif n’est pas utilisé systématiquement.
L’émergence de pratiques de RDR de transmission du VIH a été constatée par les acteurs commu-
nautaires de la prévention dans les pays du Nord (Kippax et Race, 2003). Ces stratégies de RDR
recouvrent une diversité de pratiques, dont la définition s’est construite progressivement dans la
littérature scientifique (Jin et al., 2009). On pourra distinguer des stratégies susceptibles d’être utilisées
par les HSH séronégatifs et/ou les HSH séropositifs.
Ainsi, le serosorting désigne les stratégies de RDR sexuels privilégiant des relations anales non
protégées avec des partenaires occasionnels uniquement de même statut sérologique (Elford, Bolding,
Sherr, et Hart, 2007). Pour Cassels, le serosorting désigne « la sélection différentielle des partenaires
sexuels ou des pratiques – anal versus oral – en fonction du statut sérologique perçu ou connu »
(Cassels, Menza, Goodreau, et Golden, 2009). Enfin, Snowden et al. différencient le pure serosorting qui
concerne des relations anales (protégées ou non) uniquement avec des partenaires de même statut ;
et le condom serosorting qui concerne des relations anales avec des partenaires indépendamment de
leur statut sérologique, mais des relations anales sans préservatif toujours avec des séroconcordants
(Snowden, Raymond, et McFarland, 2009).
La « sécurité négociée » (negotiated safety), déjà décrite au cours des années 1990 et qui ne concerne
que les HSH séronégatifs, consiste à utiliser le préservatif dans le cadre des relations occasionnelles.
Dans le cadre de relations stables, cet outil est utilisé après un test de dépistage attestant la séroconcor-
dance (Kippax et al., 1997). Étudiée tout d’abord dans le contexte australien, la sécurité négociée n’a
pas connu d’évolution notable, et continue de concerner une minorité de HSH inscrits uniquement
dans une relation stable (Jin et al., 2009). Une tendance nette à l’augmentation des pénétrations
anales non protégées dans les couples séroconcordants est avérée dans toutes les enquêtes, sans que
l’on puisse formellement relier ces pratiques à des stratégies délibérées.
Le seropositioning : lors de pénétrations anales non protégées, que le statut du partenaire soit
connu ou non, le partenaire séronégatif choisit le rôle insertif et le partenaire séropositif choisit le
rôle réceptif (Parsons et al., 2005 ; Van de Ven, Rawstorne, Nakamura, Crawford, et Kippax, 2002). Le
positionnement stratégique en fonction du statut sérologique ne paraît pas évoluer dans le temps en
France (Velter, 2007). Aux États-Unis, cette pratique est avérée comme stratégie intentionnelle dans
différentes enquêtes auprès de gays séropositifs (Crepaz et al., 2009), notamment à San Francisco,
mais pas à New York (Parsons et al., 2005).
La prise en compte de la charge virale dans la décision de non-usage du préservatif reste peu
observée dans les études comme pratique ou stratégie de RDR (Crepaz et al., 2009 ; Velter, 2007).
Quelques recherches s’intéressent cependant à son utilisation dans les relations de couple (Stolte, de
Wit, van Eeden, Coutinho, et Dukers, 2004 ; Van de Ven et al., 2005). Cela dit, malgré l’augmentation
Quelle place pour les recherches interventionnelles en prévention du VIH 155

des pénétrations anales non protégées, les HSH séropositifs, dans leur écrasante majorité, ne cherchent
pas à transmettre le VIH (Parsons, Halkitis, Wolitski, et Gomez, 2003 ; Suarez et al., 2001). Par
ailleurs, la prévalence de pratiques de RDR est avérée dans les communautés gay, sans que l’on puisse
déterminer avec certitude la part d’intentionnalité et de stratégie qui les sous-tend. La publication
de l’avis suisse par Vernazza, a produit une grande controverse autant dans le champ scientifique
qu’associative (Vernazza, Hirschel, Bernasconi, et Flepp, 2008). Pour certains, cette information
risque de promouvoir les rapports sexuels non protégés, tandis que pour d’autres il s’agit d’une source
d’information fondamentale pour la bonne mise en place de stratégies de RDR. Cinq années plus
tard, les médecins n’ont pas réussi à trouver un consensus pour informer de façon égale les PVVIH
à propos de ce résultat scientifique majeur et ont observé une hétérogénéité des connaissances de
cet avis auprès des PVVIH et gays non séropositifs (Rojas Castro et al., 2012).
Du point de vue des enjeux psychosociaux qu’elle mobilise le concept de réduction des risques
permet ainsi de proposer une approche de la prise de risque en contexte d’une part, mais aussi en
tenant compte des enjeux de ce contexte. En effet, l’ensemble des travaux menés sur la prévention
du VIH et les prises de risques sexuelles ont pu mettre en évidence la spécificité de la capacité et/ou
volonté liée à l’usage du préservatif (Bouhnik et al., 2007 ; Bouhnik et al., 2006) et cette approche
en contexte et basée sur les enjeux de la vie réelle apparaît cruciale.
Étant donné l’implication majeure des communautés de personnes concernées dans la promotion
du concept de RDR ainsi que dans les propositions relatives à l’approche en prévention combinée,
le développement des travaux de recherche autour de ces enjeux est largement mené en collabora-
tion étroite et spécifique avec les acteurs communautaires via la mise en œuvre de recherches dites
communautaires.

1.3 De l’approche communautaire


à la recherche communautaire
Le terme de démarche communautaire renvoie à la volonté d’acteurs concernés qui se mobilisent
et défendent des intérêts communs qui sont mal pris en charge par la société dans son ensemble.
Ces acteurs agissent pour « faire » ensemble (Demange, Henry, et Préau, 2012).
La démarche communautaire (Demange et al., 2012 ; Spire, Noseda, et Douris, 2010) se fonde
sur la mobilisation des groupes concernés, qui expriment des intérêts et des besoins. Elle réside
dans l’idée de ne pas seulement faire « pour » les personnes, mais bien de faire « pour, par et avec
la communauté concernée ».
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

La recherche communautaire est avant tout une démarche de collaboration, ce qui signifie que
les chercheurs académiques et les acteurs communautaires font ensemble une recherche guidée par
les besoins des groupes concernés et visant la transformation sociale. Cette recherche répond à une
démarche ascendante (des membres de la communauté vers les sphères du pouvoir politique) et sur
cette base, elle mobilise le savoir profane et l’expérience individuelle et collective. De fait, la recherche
communautaire promeut l’empowerment et l’autonomie des individus et des groupes impliqués.
Et enfin, elle vise une transformation sociale, via notamment la reconnaissance des droits, besoins
et expressions des minorités. 

Ainsi, la recherche communautaire s’inscrit dans la continuité des principes de la démarche
communautaire (Morin, Terrade, et Préau, 2012), mais aussi de branches disciplinaires comme la
psychologie communautaire. Cette dernière envisage les individus dans leur environnement social
et cherche à promouvoir la justice sociale en se fondant sur la participation des personnes issues de
la communauté (Rappaport, 1987 ; Rappaport et Seidman, 2000). La recherche communautaire est
156 Psychologie de la santé : applications et interventions

une recherche en collaboration entre chercheurs et acteurs communautaires, qui s’inscrivent tous
dans un partenariat équilibré. Les partenaires apportent chacun leurs propres expertises et partagent
les responsabilités. La recherche communautaire est issue des besoins des groupes concernés et vise
à leur apporter une réponse en associant démarche scientifique et action.
Elle a un double objectif :
•  Un objectif scientifique : contribuer aux progrès des connaissances en offrant l’accès à de nouvelles
informations et à une diversité d’analyses. Cette contribution à la connaissance est particulière-
ment prégnante dans le cas de groupes minoritaires, pour lesquels les savoirs existants sont non
pertinents et qui relèvent d’approches, de concepts et de modes d’investigations spécifiques.
•  Un objectif d’utilité sociale : renforcer les capacités des communautés impliquées et transformer
les résultats des recherches en actions.
Outre-Atlantique, la recherche communautaire est dénommée community based participatory
research et définie comme une « approche qui implique équitablement, par exemple, des membres
de la communauté, des représentants d’organisations et des chercheurs dans tous les aspects du
processus de recherche » (Israel, Schulz, Parker, et Becker, 1998).
Les travaux de chercheurs nord-américains spécialisés en recherche communautaire dans le
domaine de la santé ont permis de relever plusieurs principes propres à ce type de recherche (Israel,
Eng, Schulz, et Parker, 2005).
La recherche communautaire aurait donc vocation à être menée avec des communautés consti-
tuées, en utilisant les forces et ressources de celles-ci. Ce partenariat doit être équilibré et encourager
le renforcement des capacités entre partenaires. Cette recherche doit traiter de problèmes considérés
comme primordiaux par les communautés engagées dans la démarche, selon une approche globale
de la santé et nécessairement intégrer le passage des connaissances à l’action tout en nécessitant
des allers-retours entre partenaires à toutes les étapes du processus. Enfin, la mise en œuvre de
recherches communautaires implique la communication des résultats de la recherche à l’ensemble
des partenaires, ce qui permet notamment d’asseoir un engagement de travail sur le long terme.
Fondées sur des approches collaboratives, les recherches menées autour de la réduction des risques
ont permis d’identifier un certain nombre de pratiques existantes qui vont servir de base afin de déve-
lopper les travaux scientifiques permettant d’en évaluer la pertinence en termes épidémiologiques
d’une part, mais aussi d’acceptabilité et d’appropriation via une approche psychosociale d’autre part.
Face au constat de divers types de pratiques relatées par les communautés concernées et mises en
évidence sur la base de données scientifiques, la question qui s’impose alors consiste à proposer des
outils de réduction des risques susceptibles d’apporter de nouvelles options à la palette de prévention
combinée telle qu’elle est proposée par l’OMS et l’ONUSIDA en vue de stopper la pandémie liée au
VIH. Parmi ces outils, il est nécessaire de proposer des options à destination des personnes non encore
infectées par le VIH. L’accès à un dépistage à l’aide de tests rapides peut être considéré en tant que tel.

1.4 Un nouvel outil de réduction des risques :


l’accès rapide au dépistage
En 2011, les dernières méthodes d’estimation ont montré qu’environ vingt-huit mille personnes
constitueraient l’épidémie cachée de personnes infectées par le VIH et ignorant leur séropositivité
(Ndawinz, Costagliola, et Supervie, 2011). Dès 2009, la Haute Autorité de la santé avait publié des
recommandations pour améliorer la politique de dépistage en population générale et dans les groupes
les plus exposés. Ces propositions combinant le dépistage volontaire, à l’initiative de la personne,
l’incitation au dépistage en population générale à l’initiative des médecins en dehors de toute
Quelle place pour les recherches interventionnelles en prévention du VIH 157

notion de prise de risque et la proposition d’un dépistage régulier dans les groupes et populations
les plus exposés. Ces recommandations s’appuient sur de nombreuses études ayant démontré que
la connaissance du statut sérologique face au VIH, conduisait à réduire les comportements sexuels
à risque (Guzman et al., 2005 ; Janssen, 2007).
Le dépistage du VIH demeure une stratégie de prévention cruciale et efficace, et la disponibilité
des procédures de diagnostics rapides augmente vraisemblablement les possibilités de recours au
test. Une détection précoce et l’accès aux soins médicaux en temps utile, améliorent de manière
significative l’évolution de la maladie à VIH chez les personnes infectées. Galvan et son équipe ont
montré l’intérêt des tests à résultats rapides dans la mesure où ces derniers permettent d’augmenter
la proportion de personnes prenant connaissance de leur statut sérologique, car la réalisation du
test et l’obtention du résultat se font dans le même temps (Galvan, Brooks, et Leibowitz, 2004).
À cette époque, l’idée d’introduire le dépistage à résultat rapide du VIH, en ville, pour les popu-
lations les plus exposées, était susceptible d’apporter des bénéfices importants en termes de santé
publique, notamment l’identification des cas les plus précoces d’infection à VIH, la prévention de
la transmission secondaire et la réduction de la propagation de l’infection.
À San Francisco, Bucher et al. ont décrit la possibilité et la faisabilité d’un programme communau-
taire ciblant les populations marginalisées, sans domicile fixe (Battegay, Bucher, et Vernazza, 2004).
Les patients étaient dépistés et orientés vers le système de santé après des périodes plus courtes.
Spielberg et al. ont comparé différentes techniques de dépistage du VIH existantes et ont montré
les stratégies qui présentaient le plus d’avantages pour les personnes. Quatre alternatives étaient
proposées : le test classique avec counseling standard, ou avec un simple questionnaire pré-test, le
test à résultat rapide avec counseling standard ou le prélèvement salivaire avec counseling standard
et cela dans deux contextes différents : soit dans un programme d’échange de seringue, soit dans
des saunas fréquentés par des HSH. Les résultats montrent que les prélèvements salivaires ou les
tests à résultats rapides semblent mieux acceptés que les tests classiques, notamment par les HSH
fréquentant les saunas (Spielberg et al., 2005).
D’autres auteurs, comme Prost et al. ont exploré la faisabilité des tests de dépistage à résultats
rapides dans les communautés homosexuelles masculines, dans des lieux de sociabilité gays (Prost
et al., 2007). La majorité des HSH interrogés avait de fortes inquiétudes concernant la confidentialité
et la vie privée et pensaient que le dépistage du VIH était « trop sérieux » pour être entrepris dans
des lieux de sociabilité. Les problèmes soulevés portaient sur le stigmate du dépistage dans un lieu
identitaire, sur la confidentialité et le professionnalisme des services de dépistage effectués dans des
structures non médicalisées et la mise en place de protocoles de discussion pré et post-dépistage
appropriés. Il est ainsi apparu que la disponibilité des tests à résultats rapides permettrait potentiel-
lement de convaincre des personnes se trouvant sur des lieux à haut risque de transmission du VIH
de se faire dépister. Bien qu’il puisse être inhabituel de proposer des tests de dépistage dans des lieux
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

non médicalisés, la mise en œuvre d’un tel service dans des structures communautaires représente
une option pertinente. À cet égard, Smith et al. ont comparé la satisfaction liée au dépistage, dans
une clinique de dépistage des IST et dans un site communautaire. Les auteurs trouvent des niveaux
de satisfaction identiques dans les deux types de structure (Smith et al., 2006). Par contre, le degré
de stress était réduit pour les HSH qui effectuaient le test sur le site communautaire.
Une autre étude réalisée à San Francisco, auprès d’HSH qui venaient réaliser un test de dépistage
anonyme du VIH, visait à tester l’efficacité d’une séance de counseling menée par des non-profes-
sionnels de santé. Dans la culture anglo-saxonne, le terme de counseling est utilisé pour désigner un
ensemble de pratiques aussi diverses que celles qui consistent à orienter, aider, informer, soutenir.
C’est une relation d’aide « en situation », relation dans laquelle une personne tente d’aider une
autre à comprendre et à résoudre des problèmes auxquels elle doit faire face. Une randomisation
était effectuée pour orienter la personne soit vers un counseling traditionnel, soit vers un counseling
personnalisé mené par des non professionnels de santé. Les résultats ont montré que les HSH ayant
158 Psychologie de la santé : applications et interventions

suivi les séances de counseling personnalisé rapportaient une réduction des comportements à risque,
à 6 mois, et rapportaient une expérience du counseling plus satisfaisante que les HSH ayant suivi les
séances de counseling classique (Dilley et al., 2007).
En France, le dépistage de l’infection à VIH était jusqu’à la fin 20101 exclusivement médicalisé,
il pouvait se faire soit dans des laboratoires de ville, sur prescription d’un médecin, soit dans des
CDAG2. Le personnel des CDAG couplant par exemple l’acte technique du dépistage avec du conseil
effectué avant le test (counseling pré-test) et lors de la remise du résultat (counseling post-test),
généralement une semaine après la prise de sang.
Dans ce contexte, pour la population HSH, sexuellement très active, à forte prévalence et engagée
pour une partie dans des pratiques à risque, le délai entre prise de risque et dépistage paraissait
probablement trop long (MacKellar et al., 2006).
En 2006, le rapport du Conseil national du sida (CNS) a préconisé de rapprocher le dépistage des
populations (dépistage hors les murs) et également de mieux utiliser le dispositif des CDAG (Conseil
national du sida, 2006).
Dans ce contexte, la possibilité d’offrir un accès facilité au dépistage à l’aide de tests à orientation
rapide constitue l’une des options possibles de la palette d’offre de la prévention combinée.
Dans la partie suivante, nous allons ainsi détailler l’intervention mise en place, ses enjeux psycho-
sociaux et de santé publique, les résultats et données relatives à l’implémentation d’un tel type
d’intervention hors contexte de recherche.

2. Le champ de la prévention du VIH/sida

Face aux enjeux de prévention du VIH dans la population des HSH, et pour développer les offres
de stratégie de réduction des risques, l’accès facilité au dépistage du VIH représente l’une des options
à appréhender sur la base d’interventions évaluées scientifiquement et permettant d’affirmer l’intérêt
du développement d’une telle offre et les conditions de sa mise en œuvre.

2.1 La recherche ANRS-DRAG


Ainsi, l’objectif principal de la recherche ANRS-DRAG : « Dépistage rapide auprès des gays »
a consisté à mettre en place et à évaluer un dispositif de tests à résultats rapides encadré par un
counseling réalisé par une association communautaire afin de montrer à quel point ce dispositif de
dépistage pourrait attirer une population qui prend des risques répétés et qui souhaiterait bénéficier
d’un counseling plus adapté à ses pratiques.

2.2 Une intervention en milieu communautaire


L’intérêt de cette étude était d’attirer des HSH qui prennent des risques répétés vers un processus
de dépistage à résultat rapide, afin d’avoir une prise de conscience et une prévention plus rapide,

1.  Arrêté ministériel du 9 novembre 2010.


2.  Centre de dépistage anonyme et gratuit.
Quelle place pour les recherches interventionnelles en prévention du VIH 159

plus adaptée. C’est pourquoi l’intervention a eu pour objectif de réduire la proportion d’HSH qui se
présente 3 mois ou plus après la prise de risque. Ainsi, l’usage des tests rapides pouvait constituer
dans ce cadre un outil de RDR pour les HSH qui prennent fréquemment des risques.
Au-delà des enjeux liés à l’efficacité biologique du test, la recherche avait également pour objectif
d’évaluer la faisabilité et l’analyse d’implantation du dépistage, à l’aide de tests à résultats rapides
par un dispositif peu médicalisé afin de déterminer les conditions optimales d’une potentielle trans-
position, à l’aide notamment d’un guide d’implantation.
Si la recherche permet de démontrer les bénéfices spécifiques du dépistage communautaire, il sera
possible d’étendre, par la suite, l’expérimentation du dépistage avec tests à résultats rapides effectué
par des acteurs communautaires dans d’autres lieux. Le choix de comparer les deux dispositifs dans
leur ensemble (test classique effectué par le personnel habituel des CDAG et test à résultat rapide
effectué par les acteurs associatifs) vise à rendre la comparaison la plus proche possible de ce qui se
passerait dans la réalité, si les associations communautaires devenaient, dans le futur, de nouveaux
acteurs du dépistage.
Diverses hypothèses ont été proposées quant aux effets possibles d’une telle offre. L’hypothèse
principale reposait sur le fait que le dispositif de dépistage à résultat rapide, porté par une associa-
tion communautaire devrait significativement réduire le nombre d’HSH venant réaliser un test de
dépistage 3 mois ou plus après la prise de risque.
On pouvait aussi supposer que le dispositif de dépistage à résultat rapide dans un contexte
communautaire devrait attirer une population d’HSH ayant des pratiques sexuelles plus risquées
comparativement aux HSH se présentant dans les dispositifs classiques du dépistage. Par ailleurs, le
profil sociodémographique et les pratiques des HSH qui viennent réaliser un test de dépistage dans
un dispositif proposant des tests à résultats rapides, menés par une association communautaire,
devraient être significativement différents de la population HSH réalisant une démarche de dépistage
classique. On pourrait s’attendre à ce que la satisfaction des HSH utilisant le dispositif de dépistage
à résultat rapide mené par une association communautaire, ne soit pas significativement différente,
de la satisfaction des HSH se présentant dans un dispositif de dépistage classique. On peut aussi
supposer que les HSH utilisant le dispositif de dépistage à résultat rapide mené par une association
communautaire devraient être significativement plus motivés à revenir réaliser un test de dépistage
que les HSH utilisant un dispositif de dépistage classique. Enfin, la fréquence d’infections à VIH
non diagnostiquées (« faux négatifs ») par les tests sérologiques dans les deux dispositifs devrait
être équivalente et aussi minime, entre le dispositif de dépistage rapide mené par une association
communautaire et le dispositif de dépistage classique réalisé par un CDAG.
La recherche ANRS-DRAG est une recherche nationale, multicentrique, qui s’est déroulée dans
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

quatre CDAG situés de préférence en dehors du système hospitalier (Lorente et al., 2013 ; Lorente
et al., 2012).
Dans un premier temps, une phase de contrôle a permis d’analyser, avant l’expérimentation et
notamment avant la phase de promotion, les caractéristiques des HSH qui entreprennent un test,
grâce à un questionnaire ciblant le vécu et la satisfaction du dépistage, ainsi que les caractéristiques
d’exposition au risque. Une phase de promotion de la recherche a été effectuée afin d’inciter à la
participation lors des créneaux spécifiques et la possibilité d’effectuer des tests à résultats rapides par
les acteurs associatifs. Cette phase a été réalisée en amont de la phase d’expérimentation, au sein de
la communauté gay et à partir d’outils spécifiquement élaborés dans ce but.
La seconde phase – dite d’expérimentation – était en partie interventionnelle. Cette phase était
subdivisée en deux grands « moments » : le premier avait lieu un jour par semaine pendant les
créneaux d’ouverture des CDAG (créneaux partagés, bras A), et le deuxième avait lieux un soir ou deux
par semaine, en dehors des horaires d’ouverture des CDAG (créneaux spécifiques, bras B). (figure 6.1).
160 Psychologie de la santé : applications et interventions

Phase d’expérimentation

Créneaux partagés (A)


– 1 jour par semaine Créneaux spécifiques (B)

– Recrutement : file active des CDAG – 1 ou 2 soirs par semaine


– Recrutement : campagne communication

Ä Randomisation
(n = 119)

Dépistage classique Dépistage


(A1) communautaire(A2) Dépistage
(n = 47) (n = 72) communautaire (B)
(n = 211)

Figure 6.1 – Schéma de la phase expérimentale de l’étude ANRS-DRAG

Dans les créneaux partagés, les intervenants de AIDES proposaient l’étude à tous les hommes
déclarant avoir eu des relations sexuelles avec des hommes pendant la période de l’étude (un jour
par semaine). Ces derniers devaient alors vérifier les critères d’éligibilité des participants potentiels
(voir plus bas, le questionnaire initial), avant de leur expliquer brièvement le protocole afin de
recueillir leur consentement éclairé1. Les participants étaient alors randomisés dans l’un des deux
bras suivant : dépistage classique (bras A1) versus dépistage communautaire (bras A2, figure 1). Le
dépistage classique était réalisé par un médecin du CDAG à l’aide d’une prise de sang (aucune inter-
vention communautaire dans ce bras), et le dépistage communautaire était réalisé par un intervenant
de AIDES, à l’aide d’un test à résultat rapide, et offrant un counseling2 pré- et post-test (voir plus bas,
Précisions sur l’offre de dépistage communautaire et le counseling).
Dans les créneaux spécifiques, les hommes avaient une démarche volontaire et venaient spéci-
fiquement pour bénéficier de ce dispositif de dépistage, rapide et communautaire, à une heure où
le CDAG n’était ouvert que pour l’étude (en soirée). Les participants avaient été préalablement
informés de l’existence de cette nouvelle offre de dépistage via des campagnes de communications
qui ont été menées dans les lieux de convivialité gays des villes concernées afin de promouvoir
ce dépistage rapide et communautaire en CDAG, spécifiquement créé pour les HSH à des horaires
spécifiques. Après vérification des critères d’éligibilité et signature du consentement, les participants
remplissaient leur questionnaire pré-test (voir plus bas), puis bénéficiaient du counseling pré-test
avant d’accéder au dépistage rapide.
Lors de la phase d’expérimentation, afin d’évaluer précisément les effets de la mise en place de
l’offre de dépistage proposée dans le cadre de l’étude ANRS-DRAG, il a été choisi de mettre en place
une analyse d’implantation visant ainsi à saisir les enjeux de la mise en œuvre de ce type d’inter-
vention et permettant par la suite de proposer un guide d’implantation pour cette nouvelle offre
de dépistage. L’intérêt et la mise en place de l’analyse d’implantation sont détaillés dans le chapitre
suivant.

1.  L’étude ANRS-DRAG s’inscrit dans la recherche biomédicale, la signature du consentement éclairé était donc obliga-
toire, d’autant plus qu’une prise de sang était réalisée à tous les participants pour 1) éviter les faux positifs/négatifs et 2)
réaliser des analyses plus poussées, voir plus bas paragraphe : « Précisions sur les tests et les prélèvements ». Par ailleurs,
cette étude a été approuvée par le comité de protection des personnes (CPP Sud-Est, 2009-029B).
2.  Terme anglo-saxon, le counseling désigne l’ensemble des conseils d’ordre psychosocial dispensés à un individu venu
chercher de l’aide ou du soutien auprès d’un médecin, d’un intervenant communautaire, d’un psychologue, etc.
Quelle place pour les recherches interventionnelles en prévention du VIH 161

Phase contrôle
Objectif : décrire les HSH qui entreprenaient de faire un test de dépistage en CDAG, ainsi que leurs pratiques
sexuelles. Les HSH qui faisaient une démarche de dépistage classique en CDAG, à ce moment-là, ont été
amenés à répondre à des questionnaires.
Phase d’expérimentation
La phase d’expérimentation a été réalisée dans deux contextes :

•  Un créneau d’ouverture des CDAG (créneau partagé) durant lesquels les participants étaient orientés,
par tirage au sort, vers un dépistage classique ou vers un dépistage avec tests à résultat rapide.

•  Un créneau d’ouverture spécifique (en soirées) durant lequel les CDAG étaient ouverts pour proposer
un dépistage avec tests à résultats rapides encadré uniquement par des acteurs communautaires. La
promotion autour de cette offre de dépistage à des heures d’ouverture spécifiques du CDAG, était
diffusée dans les lieux fréquentés par les HSH.

2.3 Les enjeux de la mise en œuvre : l’analyse d’implantation


Quel que soit le type d’intervention mis en place, le moment de son application demeure une
étape sujette à de multiples écueils. Ces écueils peuvent affecter toutes les modalités de l’intervention,
mais aussi les différents acteurs et, par voie de conséquence, les effets attendus de l’intervention.
Ainsi, ne mesurer que des effets probables de l’intervention représente donc d’une part une limite
majeure à la compréhension de ce qui se joue réellement durant l’intervention, mais peut aussi
amener à de mauvaises interprétations des effets ou non-effets de cette intervention. Ainsi, une action
n’ayant pas permis d’amener à des résultats potentiellement mesurables auprès d’une population
cible ne doit pas nécessairement être remise en cause dans la mesure où il n’a pas été vérifié que
l’action avait été menée scrupuleusement telle qu’elle avait été proposée. C’est de cette évaluation
de la mise en œuvre que va traiter l’analyse d’implantation et c’est à partir de ces résultats qu’il sera
alors possible d’affirmer qu’une intervention fonctionne ou non dans la mesure où il sera possible
d’affirmer qu’elle a réellement été mise en œuvre ou non.
L’analyse d’implantation de cette recherche vise donc à documenter l’évolution de la mise en
place d’une intervention dans un milieu donné et de définir les facteurs favorables à la mise en place
de l’intégrité de cette intervention et à la maximisation des effets de l’intervention (Champagne et
Denis, 1992 ; Contandriopoulous, Champagne, Denis, et Pineault, 1993 ; Denis et Champagne, 1990).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Cette analyse s’organise autour de trois composantes :

•  La première vise à connaître le degré d’influence du milieu sur la mise en œuvre de l’intervention.

•  La deuxième s’intéresse aux variations de la mise en œuvre de l’intervention et à l’effet possible


de ces variations sur les effets observés.

•  Enfin, la troisième s’attache à l’étude de l’interaction entre le milieu d’implantation et l’inter-


vention vis-à-vis des effets observés.
Ainsi, dans le cadre de la recherche ANRS-DRAG, la première composante vise à mieux comprendre
les facteurs liés au milieu d’implantation (contexte des CDAG) qui modulent la mise en œuvre
(implantation) d’une offre communautaire de dépistage du VIH avec tests à résultats rapides. Les
composantes 2 et 3 visent, quant à elles, à expliquer les effets observés suite à l’introduction de
l’intervention.
162 Psychologie de la santé : applications et interventions

Dans la mesure où l’implantation d’une offre communautaire de dépistage du VIH avec des tests
à résultats rapides est une intervention relativement novatrice, les effets attendus vont se limiter
à la satisfaction des usagers. Ainsi, les efforts de l’analyse d’implantation ont été concentrés sur la
composante 1, ceci ayant pour objectif de maximiser la validité interne de l’intervention et ainsi de
produire, au final, un guide d’implantation.
L’analyse d’implantation a reposé sur le recueil de données opérationnalisé à l’aide d’un journal
de bord rempli par les intervenants communautaires. En sus du journal de bord, une analyse des
rapports d’activité de chaque CDAG, donc des contextes de mise en œuvre, a permis de compléter
le recueil d’informations relatives aux facteurs contextuels.
Les données recueillies pour permettre d’évaluer le processus de réalisation de l’intervention et
pour produire des éléments de recommandations pour l’amélioration, la reconduction ou le transfert
de ce type d’intervention ont concerné la communication et la diffusion de l’offre de dépistage à
l’aide de supports de communication utilisés (internet, journaux identitaires, flyers, etc.), aires et lieux
de diffusion, nature des messages diffusés (contenu informatif) et évaluation de la notoriété de l’offre
dans l’aire de recrutement définie par une enquête ad hoc. Par ailleurs, les processus d’intervention
tels que le matériel utilisé pour le dépistage (appréciation de la praticabilité des tests utilisés par les
intervenants communautaires), l’évaluation qualitative du déroulement du protocole d’intervention
(respect de la planification), les analyses de pratique des intervenants (observation et analyse des
réunions de supervisions par un enquêteur externe) ainsi que la pertinence des outils méthodolo-
giques d’accompagnement et de suivi du projet utilisé (tableaux de bords, manuel d’intervention,
supervisions) sont autant d’éléments fondamentaux permettant d’effectuer l’analyse d’implantation.

2.4 Des résultats probants aux données éclairantes


sur les conditions d’implantation
2.4.1 Population concernée et principaux résultats liés à la satisfaction
Parmi les 343 personnes ayant réalisé un test de dépistage dans l’étude DRAG, 6 personnes ont
été dépistées positives (soit 1,7 %).

Tableau 6.1

Pr
Estimate
(>|t|)
(Intercept) – 0,537 0,000
Âge 0,001 0,457
Bac et plus (réf = moins que bac) – 0,035 0,137
Homo (réf = hétéro ou non défini) 0,122 0,010
Bi (réf = hétéro ou non défini) 0,137 0,012
Rue et endroits publics – 0,061 0,014
Je pense être séropositif et j’ai l’intention d’avoir des relations sexuelles
sans préservatif avec un/des partenaire(s) séropositif(s) – 0,593 0,000
Adoption de l’évitement comme stratégie de minimisation du risque 0,079 0,111
Atteinte à la confiance et à l’érotisme
 ☞
Quelle place pour les recherches interventionnelles en prévention du VIH 163

 ☞ Regret anticipé 0,103 0,059


Attitude vis-à-vis de l’utilisation du préservatif (facilité à diriger le partenaire
et à avoir des préservatifs) 0,249 0,000
R² Ajusté 0,100

2.4.2 L’analyse d’implantation : quel degré de mise en œuvre


de cette intervention ?
À l’aide des différents types de recueils de données, il est possible de calculer divers scores permet-
tant de décrire les niveaux de mise en œuvre des différentes étapes prévues lors de l’intervention.
Ainsi pour chaque étape de l’intervention, il est possible de calculer un score de mise en œuvre
permettant de savoir si cette étape peut être menée et dans quelles conditions.
Les données montrent que le score d’implantation total de l’intervention est de 81,3 % ± 17,7 %.
Il y aurait des variations entre les tâches et entre les étapes.
Détaillées par étapes lors de l’intervention, on observe ainsi que les tâches liées à la recherche ont
été mises en œuvre conformément au cahier des charges de l’intervention à 85,1 % ± 23,3 %. De façon
plus précise, les entretiens pré-test ont été menés avec un taux d’implantation de 78,4 % ± 36,1 %
et le déroulement du test a 97,2 % ± 15,6 %. Concernant les remises de résultats, on observe 78,3 %
± 20,5 % de mise en œuvre conforme pour les résultats négatifs et 87,5 % ± 3,5 % pour les résultats
positifs. Le score total de difficulté lié à la réalisation du test est de 0,4 sur une échelle allant de 0 à 10.
Dans la mesure où la recherche ANRS-DRAG a été menée sur plusieurs sites, cette caractéristique
a été importante à appréhender afin de tenir compte des enjeux de contexte. La différence inter-sites
quant au score d’implantation apparaît non significative sur la majorité des tâches, à l’exception de
celles sur le déroulement du test, où il y a une différence significative entre les deux sites. Il y aurait
également une différence significative entre deux sites quant au score de difficulté. Il n’y aurait pas
de différence significative entre les bras A2 (test rapide aux horaires classiques) et B (test rapide aux
horaires décalés) tant au niveau de l’implantation des tâches qu’au niveau du score de difficulté. En
général, l’implantation a donc été similaire entre les sites et entre les bras.
En comparant les scores d’implantation de la première moitié du recueil de données (durant les
6 premiers mois de l’intervention) et de la seconde, pour tous les sites, il y a une augmentation de
l’implantation pour toutes les étapes de l’intervention, mais celle-ci n’est pas significative. Il y a
aussi une légère diminution du score de difficulté entre les deux périodes, mais cette dernière n’est
pas significative.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Enfin, il est possible de calculer la durée des différentes étapes de l’intervention. La durée moyenne
de l’intervention est de 117,43 minutes (mn) (± 24,9 mn) pour les entretiens dont le résultat était
négatif (N = 219) et de 99,50 mn (± 0,7 mn) pour les entretiens dont le résultat était positif (N = 2).
L’entretien pré-test dure en moyenne 21,39 mn (± 10,10 mn), l’entretien post-test dont le résultat
est négatif dure en moyenne 19,31 mn (± 8,8 mn) et l’entretien post-test dont le résultat est positif
dure en moyenne 39,50 mn (± 27,6 mn).
L’ensemble de ces informations, couplé aux données qualitatives issues de carnets de bord remplis
par les intervenants communautaires sur les différents sites, rend possible la confrontation des
informations susceptibles d’expliquer des niveaux de mise en œuvre différents selon, par exemple,
des terrains sur lesquels les enjeux organisationnels auraient été plus complexes et sensibles, comme
c’est le cas pour l’un des sites d’intervention.
164 Psychologie de la santé : applications et interventions

Les données relatives aux « temps » de mise en œuvre de chacune des étapes de l’intervention sont
aussi fondamentales dans une logique de recommandations de bonnes pratiques et de modalités de
développement à plus large échelle. En effet, les interventions en santé, dans la mesure où elles sont
la plupart du temps menées dans des lieux contraints, d’un point de vue temporel et organisationnel,
doivent pouvoir être à minima estimées dans une forme optimale. Ces arguments de poids dans la
mise en œuvre de programme à plus grande échelle sont fondamentaux et fondés sur des données
empiriques assez peu fréquemment systématisées ou exploitées.

3. Conclusion

L’étude ANRS-DRAG a constitué en France l’une des premières études sous couvert de l’encadre-
ment biomédical mettant à disposition des tests de dépistage rapide du VIH, dans le cadre d’une
collaboration communautaire. Très rapidement à la suite de la finalisation de la recherche, l’usage
de ce type de test a été autorisé par les instances de santé nationales. Les aspects innovants de cette
recherche sont, à nos yeux, fondamentaux, car ils mettent à l’épreuve nos capacités de compréhen-
sion quant au fonctionnement de systèmes qui visent à se généraliser. Nous avons porté un intérêt
particulier à la construction de ce protocole de recherche en tentant de conjuguer l’ensemble des
problématiques et intérêt des divers acteurs et en ancrant cette approche dans une démarche psycho-
sociale susceptible de mobiliser des savoirs théoriques et méthodologiques issus de la psychologie
de la santé notamment.
Avec le protocole ANRS-DRAG, nous assistons à l’émergence de nouvelles pratiques dans un
contexte d’intervention de santé qui évolue. L’usager et ses pairs deviennent acteur de l’ensemble
des composantes de son parcours de santé. Ainsi, s’ajoute la responsabilité du prélèvement sanguin
aux responsabilités classiques qui constituent et définissent les comportements de santé. Cette
nouvelle donne permet l’acquisition de compétences jusqu’ici détenues par le corps médical. Non
seulement cette nouvelle pratique permet à l’usager de participer à sa prise en charge, mais elle vient
apporter une redéfinition des rôles dans la prise en charge et le parcours, bouleverser la maîtrise des
activités et du savoir théorique et technique des médecins. La rencontre de pairs identifiés comme
acteurs de prévention semble permettre d’accroître le degré d’intégration sociale, de soutien social
reçu comme perçu. D’autre part, la caractéristique communautaire de la prise en charge implique
une reformulation de la demande de soin. Ainsi, l’individu vient s’adresser à un pair ou un groupe
de pairs pour satisfaire une demande médicale. Au même titre que l’usager, l’acteur communautaire
devient acteur dans la prise en charge. Cependant, il appartient à l’acteur de prévention d’annoncer
le résultat du test, pratique innovante pour un profane, puisqu’exclusivement médicale. Jusque-là
profane, il acquiert des connaissances et des compétences techniques, sociales et relationnelles.
On peut donc supposer que ce phénomène bouleverse les fondements des relations médecin-
malade, dyade non plus définie comme une relation soignant-soigné, mais comme aidant-soigné. Par
conséquent, la forme particulière que prend l’offre de dépistage rapide, peu médicalisé et commu-
nautaire, expérimenté dans le protocole ANRS-DRAG, bouleverse les pratiques préexistantes. En
ce sens, l’analyse d’implantation a permis de mieux saisir les enjeux du vécu et des conditions
nécessaires et suffisantes d’application et de développement de cette intervention. Cette approche
psychosociale de la mise en place d’une nouvelle offre de dépistage à la fois dans sa forme pratique
de test à orientation rapide et d’encadrement communautaire souligne la nécessité et l’intérêt de
développer des pratiques dans ce champ fondées à la fois sur des méthodologies innovantes telles
Quelle place pour les recherches interventionnelles en prévention du VIH 165

que l’analyse d’implantation elle-même fondée sur des recueils de données complémentaires tels
qu’ils sont proposés dans le cadre de triangulations méthodologiques (Flick, 1992).
Dans le cadre de cette intervention et son évaluation, l’usage des tests d’orientation rapide du
VIH et leur encadrement communautaire sont à présent reconnus, validés et promus par la Haute
Autorité de santé.
La mise en œuvre du protocole ANRS-DRAG exemplifie la démarche de recherche communau-
taire fondée sur des enjeux psychosociaux et issus des besoins et revendications de la communauté
des personnes concernées. Afin de répondre de façon scientifique à l’ensemble des tenants de ces
problématiques, nous avons pu décliner la démarche ne visant pas uniquement à mettre en place
une intervention novatrice, mais surtout d’une part à évaluer la capacité de mise en œuvre de
cette intervention et d’autre part à évaluer les effets de l’intervention auprès des différents acteurs
concernés. Ainsi, l’enjeu des recherches interventionnelles ne repose pas uniquement sur des critères
d’efficacité de l’intervention comme ils sont classiquement évoqués, mais bien davantage sur les
enjeux de mise en œuvre et d’appropriation des publics et cela surtout si l’on vise un objectif de
passage à grande échelle de l’intervention.

À retenir
Réduction des risques – La réduction des risques est une approche qui considère que l’on ne peut maîtriser
l’ensemble des comportements susceptibles de présenter un risque sanitaire pour les personnes qui le
produise ; mais qu’il est possible de proposer des moyens de toute nature (sociale, comportementale
ou biologique), individuels et collectifs, qui permettraient de limiter les risques sanitaires inhérents à ces
comportements (Lert et Pialoux, 2009). Afin de promouvoir cette approche, chaque « moyen » permettant
de limiter la prise de risque a dû être montré comme ayant une efficacité quantitative ou qualitative.
Analyse d’implantation – L’analyse d’implantation est une méthode qui vise à documenter l’évolution de
la mise en place d’une intervention dans un milieu donné et de définir les facteurs favorables à la mise en
place de l’intégrité de cette intervention et à la maximisation des effets de l’intervention (Champagne et
Denis, 1992 ; Contandriopoulous et al., 1993 ; Denis et Champagne, 1990).
Prévention combinée – L’ONUSIDA (2013) définit l’approche de la prévention combinée comme une stratégie
visant à « obtenir une influence maximale sur la prévention du VIH en associant des stratégies structurelles,
biomédicales et comportementales ». Elle consiste donc à promouvoir des outils de protection variés qui
s’adaptent aux besoins des utilisateurs dans le contexte de leurs usages variés. L’objectif consiste donc à
apporter une palette d’outils de prévention dont l’efficacité a été prouvée et dont les populations peuvent
se saisir en fonction de leurs contraintes et de leurs besoins.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Recherche communautaire – La recherche communautaire est une recherche en collaboration entre cher-
cheurs et acteurs communautaires, qui s’inscrivent tous dans un partenariat équilibré. Les partenaires
apportent chacun leurs propres expertises, et partagent les responsabilités. La recherche communautaire
est issue des besoins des groupes concernés et vise à leur apporter une réponse en associant démarche
scientifique et action. La recherche communautaire revêt un double objectif. Le premier objectif est scien-
tifique et il vise à contribuer aux progrès des connaissances en offrant l’accès à de nouvelles informations
et à une diversité d’analyses. Le second objectif vise l’utilité sociale et il consiste à renforcer les capacités
des communautés impliquées et transformer les résultats des recherches en actions (Demange et al., 2012)1.

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2
rt

Pa
ie

LES PRINCIPAUX
DOMAINES
ET TERRAINS
D’APPLICATION
7
Cha
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tre

COMPORTEMENTS
ALIMENTAIRES
ET INTERVENTIONS
PRÉVENTIVES1

1.  Par Rébecca Shankland, laboratoire interuniversitaire de psychologie, université Pierre-Mendès-France, Grenoble.
aire
m
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1. Introduction............................................................................................................ 175
2. Éléments théoriques.............................................................................................. 176
3. Champs et terrains d’application.......................................................................... 183
4. Perspectives pour la mise en œuvre.................................................................... 187
Bibliographie.............................................................................................................. 190
Comportements alimentaires et interventions préventives 175

1. Introduction

rt

Pa
1.1 Un problème majeur de santé publique

ie
Lorsque l’on parle de problématiques alimentaires on se réfère généralement à deux extrêmes
d’un continuum : l’excès et l’insuffisance de poids. Aujourd’hui l’obésité constitue un problème
majeur de santé publique au niveau mondial. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le
nombre de cas d’obésité a doublé depuis 1980, atteignant 500 000 millions de personnes en 2008. La
dernière enquête ObEpi-Roche réalisée en France en 2009 révèle une progression de l’obésité sévère,
la prévalence étant passée de 1,5 % en 1997 à 3,9 % en 2009. Au total 31,9 % des Français de plus
de 18 ans sont en surpoids, et 14,5 % sont considérés comme obèses (contre 10 % en 2000) avec un
indice de masse corporelle (IMC = poids/taille²) supérieur à 30 (l’IMC considéré comme adapté se
situe entre 20 et 25). Selon l’OMS l’obésité serait le cinquième facteur de risque de mortalité.
À l’autre extrémité, les troubles des conduites alimentaires tels que l’anorexie et la boulimie sont
également préoccupants. Bien que la prévalence soit moindre (0,5 % à 1 % pour l’anorexie mentale,
2 % à 5 % pour la boulimie et jusqu’à 14 % pour les troubles des conduites alimentaires non spécifiés
dans la population des 12-25 ans), d’importants risques sont induits par la chronicisation de ces
comportements sur la santé physique et mentale des individus (Johnson, Cohen, Kasen, et Brook,
2002). On compte aujourd’hui près de 40 000 jeunes de 12-19 ans en situation de maigreur extrême
en France, majoritairement des filles (90 %), avec un risque de mortalité prématurée 6 à 12 fois plus
élevé que pour la population générale en raison de complications physiques et de suicides (5-10 %).

1.2 La prévention des deux extrêmes


La prévalence actuelle de l’obésité en a fait une priorité de santé publique dans de nombreux pays
avec des campagnes de prévention universelle massives visant à réduire la prise de poids. Cependant,
au vu de l’augmentation des troubles des conduites alimentaires tels que l’anorexie et la boulimie,
une prévention davantage coordonnée s’avère nécessaire. En effet, si la stigmatisation des graisses et
des sucres est devenue commune dans les interactions sociales, des effets contre-productifs peuvent
survenir tels que la réduction de la satisfaction corporelle. À l’adolescence, 75 % des filles se déclarent
insatisfaites de leur apparence physique, ce qui constitue un facteur de risque majeur des probléma-
tiques alimentaires (Smolak et Levine, 2001) en raison de la mise en œuvre de comportements de
restriction alimentaire et de pratiques sportives excessives (Grabe, Ward, et Hyde, 2008). Les régimes
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

et la désorganisation des repas ne constituent pas seulement un facteur de risque d’anorexie et de


boulimie, mais sont également associés à l’augmentation de l’obésité. Plus la restriction alimentaire
est importante, plus la frustration et les tensions augmentent, ce qui entraîne un risque accru de perte
de contrôle du comportement alimentaire (Lowe, 1993 ; Polivy et Herman, 1999), ce dernier étant
suivi d’un sentiment de culpabilité intense qui pousse l’individu à se restreindre encore davantage
et à poursuivre ainsi le cycle en spirale descendante (voir figure 7.1).
176 Psychologie de la santé : applications et interventions

Restriction alimentaire

Culpabilité Frustration / tensions

Perte de contrôle

Figure 7.1 – Le cercle vicieux de la restriction alimentaire

Les chercheurs s’orientent donc à présent vers le développement de programmes de prévention


visant la réduction des facteurs de risque communs à l’ensemble des problématiques alimentaire,
allant de l’anorexie à l’obésité (Neumark-Sztainer, 2005). Ces deux formes de pathologie se trouvent
du même côté d’un continuum allant des croyances, attitudes et comportements alimentaires adaptés
à l’autre extrême qui correspond aux croyances, attitudes et comportements alimentaires dysfonc-
tionnels. Ces croyances (le corps comme reflet et comme facteur de bonheur et de réussite) et
attitudes (insatisfaction corporelle) dysfonctionnelles sont des facteurs de risque de l’ensemble des
problématiques alimentaires. Récemment, des interventions de prévention ont révélé une efficacité
égale en termes de prévention de l’obésité et de troubles du comportement alimentaire : réduction
de 55 % des risques d’obésité et de 60 % des risques de d’anorexie et de boulimie comparé au groupe
témoin n’ayant bénéficié d’aucune intervention (Stice, Presnell, et Shaw, 2008). Nous présenterons
dans ce chapitre les modèles théoriques sur lesquels ce type d’intervention se fonde, des exemples
de programmes de prévention efficaces, ainsi que des perspectives de développements à venir.

2. Éléments théoriques

L’étiopathogénie des troubles des conduites alimentaires se situe au carrefour de causes multiples,
ce qui rend la prévention et la prise en charge complexes. Ces troubles résulteraient d’une inte-
raction entre des facteurs biologiques, psychologiques, culturels et sociaux qui contribueraient au
déclenchement, au maintien et à l’aggravation des comportements (Stice et Shaw, 2004). De manière
schématique (voir figure 7.2), les troubles des conduites alimentaires débuteraient chez des individus
prédisposés par un ensemble de facteurs d’ordre psychologique, génétique et neurobiologique. Ces
facteurs constitueraient un terrain propice à l’expression des troubles à la faveur de facteurs déclen-
cheurs liés à la culture (insatisfaction corporelle, régimes…), au développement de l’adolescent
(puberté) et aux événements de vie (deuil, séparation) et seraient maintenus par des facteurs de
maintien (dénutrition, affectivité négative, réactions de l’entourage). La recherche intervention-
nelle en prévention des troubles des conduites alimentaires s’est intéressée plus particulièrement
aux facteurs de vulnérabilité liés aux pressions sociétales (telles que diffusées par les médias ou les
relations interpersonnelles) ayant un impact sur les dimensions psychologiques comme l’estime de
soi et l’affectivité négative, et sur les comportements (pour plus de détails sur les autres facteurs de
risque, voir Shankland, 2009).
Comportements alimentaires et interventions préventives 177

Facteurs de prédisposition Facteurs précipitants Facteurs de maintien


Individu

Famille Insatisfaction corporelle Régimes Dénutrition/frustration


Renforcement
par l’entourage
Culture

Figure 7.2 – Facteurs de vulnérabilité des troubles des conduites alimentaires (inspiré de Garner, 1993)

2.1 Pressions culturelles et sociales


2.1.1 Le rôle des médias
La mutation progressive de l’idéal de beauté véhiculé par les médias dans les pays occidentaux
à partir des années 1960 (Silverstein, Perdue, Peterson, et Kelly, 1986) a généré un terrain culturel
propice au développement des troubles alimentaires : un corps désirable n’est plus un corps en
bonne santé, mais un corps dont le poids et les formes sont parfaitement contrôlés, ce qui se mani-
feste par une minceur sans cesse plus saillante. Ce nouveau modèle a entraîné le développement de
représentations consistant à croire que le bonheur et le succès étaient déterminés et évalués à travers
l’apparence, en particulier la minceur (Guillen et Barr, 1994). Le surpoids est alors stigmatisé et la
minceur – voire la maigreur – valorisée (Smolak, Levine, et Striegel-Moore, 1996). En effet, on assiste
à la création continue de sites Internet visant à promouvoir la maigreur extrême comme mode de
vie avec une valorisation de corps décharnés. Ce type de site augmente le mal-être des personnes
qui les visitent en raison de la distance générée entre le concept de soi et le standard proposé. Dans
une étude réalisée par Bardone-Cone et Cass (2007), un site factice de promotion de la maigreur a
été créé. Les chercheurs ont ensuite comparé les effets de la visite du site par de jeunes étudiantes
comparativement à la visite d’un site de mode habituel. Les jeunes femmes ayant regardé les images
du site pro-anorexie se sentaient plus grosses, avaient davantage l’intention de s’engager dans des
comportements de contrôle du poids, et présentaient une plus faible estime d’elles-mêmes et davan-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tage d’affects négatifs comparés aux autres.


Dans les médias, plus les mannequins se sont affinées plus l’insatisfaction corporelle et la pour-
suite de régimes ont gagné la population. Les médias et les interactions sociales (Groesz, Levine, et
Murnen, 2002) ont ainsi nourri un idéal de minceur pour les femmes (Paxton et al., 2002), et un
idéal de beauté lié à la musculature – incluant la lutte contre les graisses et le contrôle de son corps
– pour les hommes (Weltzin et al., 2005). Lorsqu’un individu se compare à ces standards (souvent
irréalistes), cela réduit l’estime de soi (Van den Berg, Neumark-Sztainer, Hannan, et Haines, 2007),
augmente l’insatisfaction corporelle et les comportements alimentaires anarchiques (Dittmar, 2009),
entraînant progressivement vers une spirale descendante qui peut mener trouble alimentaire (Grabe,
Ward, et Hyde, 2008 ; Wertheim, Koerner, et Paxton, 2001). Cet effet s’observe notamment lors de
l’immigration de personnes issues de pays non occidentaux : plus l’acculturation est importante,
plus le risque de trouble alimentaire augmente, ce qui peut s’expliquer par l’internalisation plus
forte de l’idéal de minceur (Becker, 2003). Dans une étude réalisée par Turner et ses collaborateurs
178 Psychologie de la santé : applications et interventions

(1997), il était demandé à des participants de patienter dans une salle d’attente où se trouvaient
soit des magazines de mode et soit des revues d’actualité. Ils complétaient ensuite un questionnaire,
dont une échelle portant sur l’insatisfaction corporelle. Les résultats de cette recherche montrent
que les participants ayant attendu en regardant des magazines de mode rapportaient une satisfac-
tion corporelle plus faible, en raison de la comparaison avec ces standards de beauté. Plus l’estime
de soi était faible, plus l’insatisfaction corporelle était réduite suite à l’exposition aux magazines de
mode. Ces données corroborent les résultats obtenus par Harrison (1997) : la lecture de magazines
comportant des articles sur les régimes expliquerait 31 % de la variance des scores obtenus à une
échelle mesurant les troubles du comportement alimentaire.
On assiste aujourd’hui à une augmentation des troubles alimentaires au sein de cultures qui
valorisaient d’autres cannons de beauté, ce qui peut s’expliquer par l’accès accru aux médias et une
identification aux modèles proposés par les sociétés occidentales, en particulier chez les jeunes.
Ainsi, certaines études épidémiologiques mentionnent des taux de prévalence approchant ceux des
pays occidentaux dans certains pays tels que l’Argentine (Bay et al., 2005), le Japon (Pike et Borovoy,
2004) ou le Maroc (Ghazal, Agoub, Moussaoui, et Battas, 2001).

2.1.2 Le rôle des familles


La pression culturelle exercée envers la minceur diffusée par les médias est relayée par la famille
qui valorise les comportements de contrôle du poids et porte un regard critique sur la prise de
poids (Wertheim, Mee, et Paxton, 1999). Ainsi, le modèle esthétique est intégré dès le plus jeune
âge par le biais des jouets proposés. La poupée Barbie, par exemple – que possèdent 90 % des filles
de 3 à 11 ans – est considérée par les filles comme un modèle à suivre, alors qu’elle présente des
mesures corporelles irréalistes (si une personne était constituée de la sorte, elle ne pourrait même
pas se déplacer !). Ainsi, dès cet âge, l’enfant se compare à cet idéal, ce qui pourrait expliquer le
taux important d’insatisfaction corporelle chez les filles, même avant la puberté qui s’accompagne
d’une augmentation de la masse adipeuse. La valorisation de la minceur s’observe ainsi déjà chez
les jeunes enfants qui considèrent le surpoids comme indésirable (Smolak et al., 1996), et préfèrent
jouer avec des poupées fines que des poupées grosses proposées par les expérimentateurs dans le
cadre de protocoles de recherche.

2.2 Modèles de compréhension


Au vu de la complexité des facteurs en jeu, nombre de modèles théoriques ont été proposés
pour tenter de comprendre les troubles des conduites alimentaires issus de différents courants de la
psychologie. Nous présenterons ici les modèles utilisés dans le cadre d’interventions de prévention
validées (pour d’autres modèles, voir Lamas, Shankland, Nicolas, et Guelfi, 2012).

2.2.1 Modèles comportementaux et cognitifs


Le modèle comportemental est fondé sur les travaux de Pavlov et de Skinner concernant le condi-
tionnement. Il postule que les troubles des conduites alimentaires relèveraient de conduites apprises,
poursuivies en raison de renforcements internes (apaisement de tensions) et externes (admiration
de l’entourage pour la capacité à restreindre son alimentation, c’est-à-dire à maîtriser ses envies,
voire ses instincts). En effet, les premières restrictions et la perte de poids initiale sont souvent valo-
risées par l’entourage, ce qui encouragerait la poursuite du comportement, celui-ci menant ensuite
à un état de dénutrition qui génère des pensées obsédantes liées à l’alimentation qui entraînent de
Comportements alimentaires et interventions préventives 179

fortes angoisses chez l’individu, le poussant à restreindre encore davantage son alimentation par
peur de perdre le contrôle. Cependant, plus la restriction est importante et s’accompagne d’affects
négatifs, plus le risque de perte de contrôle devient important, le corps tentant de remédier à l’état
de dénutrition (Stice, Davis, Miller, et Marti, 2008). Dans le cas de la boulimie, l’individu qui perd
le contrôle, accroît d’autant ses affects négatifs, tensions que l’individu tentera à nouveau d’apaiser
par un épisode boulimique. Pourtant, les recherches par échantillonnage d’expériences (permettant
de recueillir des expériences vécues au cours d’une journée) montrent que les crises de boulimie ne
sont pas suivies d’une amélioration de l’état émotionnel de la personne (Wegner et al., 2002). Le
modèle comportemental a ainsi été complété par des approches cognitives.
Les troubles des conduites alimentaires seraient sous-tendus par un ensemble de croyances consi-
dérées comme dysfonctionnelles, associées au désir de contrôler le poids et l’alimentation. Le postulat
sous-jacent reposerait sur l’idée selon laquelle la valeur personnelle serait déterminée par le poids
et l’apparence corporelle (Fairburn, Shafran, et Cooper, 1999). Ceci étant d’autant plus prégnant
que l’estime de soi est faible chez ces individus. Les perturbations cognitives ne se limitent pas aux
croyances concernant l’apparence et la maîtrise de soi ; le mode de pensée est souvent caractérisé par
une rigidité cognitive avec un fonctionnement dichotomique et une tendance au perfectionnisme,
dont l’exemple caricatural peut être formulé de la manière suivante : « Si je ne suis pas maigre, c’est
que je suis grosse » (la possibilité de se situer au milieu du continuum ne pouvant être envisagée).
Enfin, parmi les distorsions cognitives, l’une des plus importante concerne la surestimation du poids :
plus la personne maigrit, plus elle se perçoit comme étant grosse.

2.2.2 Le modèle de l’addiction


Le terme « addiction » provient d’un mot latin signifiant « esclavage pour dette » ou « contrainte
par le corps », dans une conception qui ferait de la dépendance l’équivalent d’une peine auto-infligée.
La dépendance qui se manifeste dans l’addiction se caractérise par son intensité, l’urgence de la
satisfaction du besoin et l’impossibilité de s’y soustraire. L’origine des conduites addictives trouve
deux principales sources motivationnelles : la recherche de sensations et l’automédication en réponse
à des états affectifs négatifs. Ainsi, il s’agit d’un comportement réalisé dans le but de produire une
satisfaction et de réduire les expériences aversives. Il est caractérisé par une incapacité à contrôler
le comportement, et par le maintien du comportement en dépit des conséquences négatives qu’il
entraîne (Goodman, 1990). Le concept d’addiction regroupe les addictions aux substances (tabac,
alcool, opiacés…) et les addictions comportementales (jeu pathologique, achats compulsifs, troubles
des conduites alimentaires…).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Il existe une comorbidité importante entre les troubles des conduites alimentaires et d’autres types
d’addictions comme la consommation de tabac ou d’alcool. L’abus de substances psychoactives est
présent dans 30 %-37 % des cas chez les personnes concernées par la boulimie, et 12 %-18 % des cas
chez les personnes anorexiques (American Psychiatric Association, 2000). L’impulsivité semble expli-
quer en partie la prédisposition à consommer des toxiques. On constate, par exemple, une moindre
consommation de psychotropes chez les anorexiques sans épisodes boulimiques associés. Plusieurs
caractéristiques communes entre les troubles des conduites alimentaires et l’addiction aux substances
ont été mises en évidence dans la littérature. Du point de vue biologique, l’exercice physique intense
et le jeûne activent le système dopaminergique de récompense. Les modifications biologiques qui
en découlent sous-tendent la dépendance aux opioïdes endogènes auto-induite ce qui contribue à
favoriser la prise en compte du processus addictif même pour les patients anorexiques restrictifs.
180 Psychologie de la santé : applications et interventions

ÔÔ Symptomatologie
Comme c’est le cas dans l’addiction aux substances, certaines pratiques deviennent progressive-
ment compulsives chez les personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire : restriction
alimentaire, exercice physique, vomissements, abus de laxatifs… De plus, ces comportements sont
poursuivis malgré les conséquences négatives sur le fonctionnement général de l’individu (santé,
relations, travail…). Ces personnes ont tendance à ressentir un besoin de plus en plus irrépressible
(craving) de perpétuer ce comportement, sensation qui peut perdurer même après une longue période
d’abstinence. Cela explique d’ailleurs en partie le nombre important de rechutes. Les personnes
elles-mêmes se définissent comme dépendantes, faisant l’expérience d’un véritable esclavage, après
la première phase de « lune de miel », comme dans les autres addictions (Corcos, Flament, et
Jeammet, 2003). Elles doivent également augmenter l’occurrence de ces conduites pour obtenir un
même effet renforçateur. Certains symptômes s’apparentent également au syndrome de sevrage. Pour
l’anorexique, l’interruption du jeûne ou de la restriction alimentaire peut être considérée comme un
sevrage qui s’accompagne de douleurs, de malaises et d’angoisses intenses. En ce qui concerne les
boulimiques, ils font l’expérience intense du manque qui est à l’origine d’irritabilité, de troubles de
l’humeur et de conduites agressives envers soi et parfois envers autrui (Lamas et al., 2012).

ÔÔ Caractéristiques prémorbides similaires


L’hypothèse selon laquelle les deux types de troubles auraient des bases communes repose notam-
ment sur l’observation de caractéristiques prémorbides similaires, telles que la présence de symptômes
anxieux et dépressifs, une moindre capacité à reconnaître ou à interpréter les stimuli internes, la
recherche de sensations, la sensibilité aux récompenses et aux punitions et la mauvaise estime de soi.
Certains chercheurs suggèrent qu’il existerait un certain nombre de traits de personnalité communs à
ces troubles qui prédisposeraient un individu au risque d’adopter des comportements excessifs (Davis
et Claridge, 1998). Les recherches indiquent effectivement que les patients atteints de troubles des
conduites alimentaires obtiennent des scores comparables à ceux de patients dépendants de drogues
aux échelles mesurant les caractéristiques de la personnalité dépendante.

ÔÔ Limites du modèle addictif


Le modèle addictif cherche à prendre en compte des paramètres multiples pour les articuler au
sein d’un modèle intégratif – sans doute plus proches de la réalité clinique – mais sans pouvoir
préciser le poids relatif de chaque élément (Godart, Perdereau, et Jeammet, 2007). La complexité de
ce type de modèles rend plus malaisée l’élaboration et la réalisation d’études empiriques permettant
de les tester. De plus, l’un des risques du rapprochement entre troubles des conduites alimentaires
et addictions aux substances concerne le biais de sélection des informations : les ressemblances sont
mises en avant et les différences ont tendance à être ignorées. Un argument avancé à l’encontre de ce
rapprochement porte sur le fait que les personnes concernées par la boulimie se montrent capables
de réguler leur prise alimentaire en fonction de la possibilité ou non d’élimination après un repas, ce
qui remet en cause la question de la perte de contrôle (Rosen, Leitenberg, Gross, et Willmuth, 1985).
Par ailleurs, outre le fait qu’il existe une différence de fond entre l’utilisation d’une substance toxique
et de la nourriture, le rapport à la consommation après la guérison est nécessairement distinct : les
individus qui ont eu des troubles du comportement alimentaire restent confrontés plusieurs fois par
jour à l’objet problématique. Les modes de traitement de ces troubles ne sont donc que partiellement
superposables. Ainsi, il n’existe pas à ce jour de consensus dans la littérature consistant à considérer
les troubles des conduites alimentaires comme une addiction comportementale. Certaines démarches
de prévention et de prise en charge s’appuient sur ce modèle, tandis que d’autres préfèrent utiliser
des modèles spécifiquement liés aux troubles du comportement alimentaire.
Comportements alimentaires et interventions préventives 181

2.3 Modèles de prévention


2.3.1 Modèles fondés sur les voies spécifiques conduisant
aux troubles alimentaires
La littérature portant sur la prévention primaire (universelle et sélective) des troubles des conduites
alimentaires met en évidence trois principaux paradigmes (Rousseau et Knotter, 2007). Le premier
modèle porte sur les voies spécifiques conduisant à une insatisfaction corporelle, ce qui constitue
un facteur de risque de troubles alimentaires. La connaissance de ces voies permettrait de réduire les
facteurs de risque en amont du problème alimentaire. Les travaux menés par l’équipe de Killen (1993),
par exemple, ont cherché à réduire les préoccupations des jeunes adolescentes concernant leur poids
à travers le développement d’habiletés sociales, de mécanismes cognitifs et comportementaux ou par
l’observation de leurs comportements de santé. L’objectif était de promouvoir les comportements de
santé en réduisant les croyances et les comportements dysfonctionnels liés à l’apparence physique.
Les interventions fondées uniquement sur le modèle des voies spécifiques ont d’abord eu recours
à des stratégies centrées sur la transmission d’informations concernant l’alimentation et les effets
néfastes du contrôle du poids ; elles ont eu peu d’impact, voire un impact contre-productif : augmen-
tation de l’incidence de troubles des conduites alimentaires dans la population cible (Carter, Stewart,
Dunn, et Fairburn, 1997 ; Mann et al., 1997). Cependant, les avancées scientifiques récentes ont
permis de développer des programmes de prévention efficaces s’appuyant notamment sur le modèle
de la dissonance cognitive.
La théorie de la dissonance cognitive, élaborée par Festinger (1957), postule que lorsque l’indi-
vidu réalise librement des actions non conformes à ses croyances, cela génère une remise en cause
de ses croyances produisant un conflit interne appelé « dissonance cognitive ». Dans ce type de
programme de prévention des troubles du comportement alimentaire, les intervenants proposent
aux participants de produire un discours ou de réaliser des actions allant à l’encontre de l’idéal de
minceur. Pour élaborer son programme, Stice (2001) s’est appuyé sur le modèle de la double voie
menant à la boulimie (figure 7.3).

Internalisation Restriction
de l’idéal alimentaire
de minceur
Insatisfaction Symptômes
corporelle boulimiques
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Affects négatifs
Pressions
sociales envers
la minceur

Figure 7.3 – Le modèle à double voie menant à la boulimie (Stice, 2001)

Il existerait deux trajectoires menant à la boulimie. La première voie concernerait l’internalisation


de l’idéal de minceur qui engendrerait une insatisfaction corporelle, cet idéal étant trop éloigné de la
réalité. La seconde voie serait liée aux pressions sociales envers la minceur qui entraîneraient égale-
ment une insatisfaction corporelle, cette dernière provoquant des émotions négatives ainsi que la
mise en œuvre de comportements de contrôle du poids. L’ensemble de ces éléments engendreraient
une symptomatologie boulimique.
182 Psychologie de la santé : applications et interventions

2.3.2 Modèles fondés sur les voies non spécifiques à la pathologie


Un deuxième modèle concerne le stress en tant que facteur de vulnérabilité non spécifique aux
troubles du comportement alimentaire. De nombreuses études ont indiqué une corrélation positive
entre le stress et les troubles mentaux, en lien notamment avec le recours à des stratégies d’adaptation
dysfonctionnelles et à un défaut de soutien social. Les chercheurs postulent que le développement
de compétences – ou facteurs de résilience comme le soutien social et l’utilisation de stratégies de
coping adaptées – devrait permettre une prévention efficace des troubles de l’adolescent, y compris
des troubles des conduites alimentaires. Ces programmes incluent généralement des ateliers d’affir-
mation de soi, de résolution de problèmes, de prise de décision et de relaxation (Shankland et
Lamboy, 2011). Les études actuelles dans le domaine de la prévention et de la promotion de la
santé mettent en avant l’efficacité des méthodes centrées sur le développement de compétences
transversales, comparées à celles qui portent uniquement sur la réduction de risques spécifiques
tels que les comportements de restriction alimentaire. Les programmes ayant utilisé ce modèle ont
généralement été couplés avec certaines dimensions du modèle de voie spécifiques menant aux
troubles des conduites alimentaires et se sont montrés efficaces.

2.3.3 Modèle de « l’empowerment relationnel »


Le modèle du « développement du pouvoir d’agir relationnel » a pour objectif une amélioration
du sentiment de compétence relationnelle. Il provient essentiellement des travaux de Piran (1999),
fondés sur une explication féministe des troubles des conduites alimentaires. L’objectif est de donner
aux jeunes filles les moyens de devenir leur propre référence concernant notamment les décisions
liées à leur apparence physique, plutôt que de voir celles-ci dictées par les médias. Les actions
proposées à partir de ce modèle visent à réduire l’insatisfaction corporelle et le manque d’estime de
soi qui en découle chez les jeunes filles en les mettant en relation avec d’autres femmes plus âgées
pouvant représenter d’autres modèles de rôles. Les résultats des études s’appuyant sur ce modèle
sont positifs en termes de réduction de l’incidence des troubles du comportement alimentaire (Piran,
Levine, et Steiner-Adair, 1999). Cependant, si l’on s’en tient aux standards généralement préconisés
pour évaluer l’efficacité d’une intervention (les études contrôlées randomisées), il serait difficile de
conclure à une efficacité avérée étant donné l’absence de groupe témoin. En effet, les projets pilotés
par Piran ont été réalisés dans une école de danse (environnement à risque pour le développement
des troubles du comportement alimentaire en raison de la prescription fréquente de régimes, de
pression sociale envers la minceur et de commentaires faits sur le corps) où l’ensemble des élèves
et des intervenants était partie prenante. Ce type d’évaluation relève donc de la mesure d’efficacité
d’interventions complexes en santé dont les standards de recherche sont en discussion.
Les interventions sont considérées comme complexes lorsqu’un nombre important de variables
interagissent entre elles (Craig et al., 2008), de telle sorte qu’il semble difficile par exemple de disso-
cier l’intervention du contexte social dans lequel elle se déroule (Fuller et Potvin, 2012). Les essais
contrôlés randomisés ne peuvent pas nécessairement contrôler l’interaction entre le contexte et
l’intervention et il est souvent malaisé de déterminer le poids relatif de chaque composante de l’action
ou de la situation et de prédire de manière précise et linéaire les résultats qui devraient en découler
(Shiell, Hawe, et Gold, 2008). Il s’agit donc d’actions pour lesquelles d’autres méthodologies peuvent
être utilisées de manière à identifier au mieux les composantes essentielles et les effets de leurs inte-
ractions (pour plus de détails sur les recommandations concernant l’évaluation de ces actions, voir
Campbell et al., 2000, ainsi que les commentaires et compléments proposés dans l’article de Craig
et al., 2008). La posture actuelle de la recherche n’en reste pas moins qu’il est essentiel de réaliser
des protocoles expérimentaux pour réduire les biais de sélection, bien qu’il existe des alternatives
Comportements alimentaires et interventions préventives 183

aux essais contrôlés randomisés (Craig et al., 2008). Dans la section suivante, nous présenterons des
interventions de prévention validées, s’appuyant sur le modèle des voies spécifiques menant aux
troubles des conduites alimentaires ayant fait la preuve de leur efficacité notamment par le biais
d’études expérimentales.

3. Champs et terrains d’application

3.1 Évolution de la prévention des troubles


des conduites alimentaires
3.1.1 Les premiers pas de la prévention : un risque incitatif ?
Depuis 1995, plus de soixante-dix études empiriques portant sur des programmes de préven-
tion universelle, sélective et indiquée des troubles des conduites alimentaires ont été réalisées. En
quinze ans, les progrès dans ce champ ont été remarquables. Les premières interventions de préven-
tion s’inspiraient du modèle comportemental en ayant recours à la transmission d’informations sur
la nutrition, les effets négatifs des restrictions alimentaires et l’impact de la pression sociale envers la
minceur. Or ces travaux se sont avérés peu efficaces en raison du manque de travail sur les cognitions
dysfonctionnelles et d’un effet de fascination exercé par la description des symptômes de restriction
alimentaire qui peut entraîner une augmentation de l’incidence des troubles (Carter et al., 1997 ;
Mann et al., 1997). La méta-analyse portant sur l’ensemble des études évaluées de 1995 à 2005
(Fingeret, Warren, et Cepeda-Benito, 2006) souligne un impact des interventions sur l’amélioration
des connaissances concernant l’anorexie et la boulimie, mais peu d’effets sur les comportements
eux-mêmes. D’autre part, l’évaluation des programmes est souvent réalisée uniquement à court
terme, ce qui reste insuffisant, voire risqué pour déterminer l’efficacité d’un programme. En effet,
un programme proposé par Carter et ses collègues (1997) au sein de deux collèges en Angleterre à
destination de cinquante jeunes filles âgées de 13-14 ans a révélé des résultats inattendus.
ue

Jeux de rôles et conduites alimentaires


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ini

Le programme consistait en huit sessions de 45 minutes, à raison d’une séance par semaine.


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© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

C as
L’intervention, qui s’intégrait au programme habituel des élèves, contenait une variété de
méthodes pédagogiques et offrait des informations sur les thèmes suivants : pressions socio-
culturelles exercées sur les jeunes filles quant à leur poids et leur forme corporelle, image du corps
et estime de soi, régulation du poids et effets des jeûnes et des régimes, développement et caractéris-
tiques des troubles des conduites alimentaires et méthodes de résistance aux messages en faveur des
régimes. Les séances comprenaient une transmission d’informations par un enseignement didactique, et
des techniques cognitives et comportementales sous forme de jeux de rôle favorisant la mise en œuvre
de comportements souhaités. La principale intervention comportementale impliquait que les jeunes filles
notent dans un journal d’auto-observation ce qu’elles mangeaient sur une période de deux semaines. Le
but de l’exercice était d’identifier et de changer leurs habitudes alimentaires en réduisant leur tendance
à la restriction. Malgré la richesse de ce programme, les résultats positifs à court terme (réduction

184 Psychologie de la santé : applications et interventions


des facteurs de risque tels que la pratique de régimes et la peur de la prise de poids), ne l’étaient plus après
six mois : les comportements de restriction étaient plus fréquents qu’avant le programme. Cependant,
l’absence de groupe contrôle dans cette étude ne permet pas d’exclure la possibilité d’une augmentation
des conduites restrictives en raison du caractère développemental des troubles du comportement alimen-
taire. En effet, le premier pic d’apparition de troubles alimentaire se situe précisément à cette
période. Ainsi, en l’absence de groupe contrôle il n’est pas possible de savoir si l’intervention
a eu un effet néfaste sur les jeunes filles, ou si, au contraire, la restriction alimentaire qui
survient généralement à cet âge a été moindre que celle d’un groupe comparable dans le
même établissement scolaire.

Depuis ces premières formes d’intervention préventive, d’autres programmes ont été développés,
et une méta-analyse récente (Stice, Shaw, et Marti, 2007) indique que sur soixante-neuf interven-
tions évaluées, plus de la moitié était efficace en termes de diminution d’au moins un facteur de
risque des troubles du comportement alimentaire. L’un des éléments clés des programmes efficaces
concerne l’utilisation de la dissonance cognitive comme moyen de réduire les facteurs de risque tels
que l’internalisation de l’idéal de minceur et ses effets en cascade.

3.1.2 Réduire l’insatisfaction corporelle : le Body Project


À ce jour, les programmes les mieux validés selon les standards de recherche en termes de chan-
gement d’attitudes et de comportements dans une population à risque de troubles des conduites
alimentaires (jeunes filles ayant une forte insatisfaction corporelle), ainsi qu’auprès de la population
générale dans les établissements scolaires, sont ceux qui ont fait appel à l’induction de dissonance
cognitive (e. g., Stice, Presnell, et Shaw, 2008). La méthode d’induction de dissonance cognitive avait
déjà fait la preuve de son efficacité pour le changement d’attitudes et de comportements en lien
avec d’autres conduites addictives telles que le tabagisme. Dans le cadre des troubles des conduites
alimentaires, il s’agissait de générer volontairement cette dissonance en mettant en œuvre des
comportements ou en développant des arguments allant à l’encontre de l’idéal de minceur véhiculé
par les médias. Stice et Presnell (2007) se sont appuyés sur ce modèle pour concevoir un programme
en quatre séances d’une heure, à raison d’une séance par semaine, intitulé Body Project.
L’objectif de ce programme est de réduire les facteurs de risque des troubles du comportement
alimentaire tels que définis par le modèle à double voie menant à la boulimie : internalisation
de l’idéal de minceur, pressions sociales envers la minceur, insatisfaction corporelle, restriction
alimentaire et affects négatifs. Il s’adresse aux adolescentes et aux jeunes femmes dans le but de leur
permettre de mieux résister aux pressions socioculturelles qui les poussent à se conformer à un idéal
de minceur et de réduire la recherche de minceur. Durant les séances, les participantes sont amenées
à développer des arguments allant à l’encontre de l’idéal de minceur par exemple en rédigeant une
lettre à une amie qui poursuit actuellement un régime en vue de perdre du poids, alors qu’elle ne
présente pas de surpoids. L’hypothèse consiste à considérer que si les jeunes argumentent volontai-
rement contre l’idéal de minceur, cela va engendrer une baisse de leur adhésion à cet idéal et par
conséquent cela devrait diminuer les facteurs de risque de troubles du comportement alimentaire
ainsi que les troubles du comportement alimentaire actuels et futurs. Sur le plan pratique, l’un des
éléments clés du programme est que l’animation n’est pas faite sous forme d’enseignement didac-
tique, mais de manière interactive. Ce sont les participantes qui mènent les débats, apportent des
arguments et mettent en œuvre des actions concrètes en dehors des séances.
Comportements alimentaires et interventions préventives 185

Ce programme a été évalué expérimentalement par cinq laboratoires de recherche indépendants


(Becker, Smith, et Ciao, 2006 ; Green, Scott, Diyankova, Gasser, et Pederson, 2005 ; Matusek, Wendt,
et Wiseman, 2004 ; Mitchell, Mazzeo, Rausch, et Cooke, 2007 ; Roehrig, Thompson, Brannick, et van
den Berg, 2006) dans douze études empiriques (pour une revue, voir Stice, Marti, Spoor, Presnell, et
Shaw, 2008). L’efficacité a été évaluée à l’aide d’auto-questionnaires portant principalement sur les
comportements alimentaires, les affects négatifs et l’insatisfaction corporelle. La majorité des résul-
tats obtenus montre que, comparativement aux groupes témoins (groupes n’ayant pas de séances
ou ayant des séances d’information et de conseils sur l’alimentation), les groupes expérimentaux
présentaient une réduction de l’internalisation de l’idéal de minceur, de l’insatisfaction corporelle,
des affects négatifs et des symptômes boulimiques. Ces résultats étaient stables à un mois, six mois
et un an, hormis l’affectivité négative qui ne différait plus du groupe témoin à partir du mois qui
suivait la fin de l’intervention. Malgré l’intérêt de ces travaux, il est aussi nécessaire d’étudier des
moyens permettant d’intervenir à plus grande échelle ; c’est le rôle de la communication préventive.

3.2 La communication préventive


En raison de la population limitée pouvant faire l’objet d’interventions dans les établissements
scolaires, des recherches en communication préventive ont vu le jour. Elles se sont appuyées sur la
communication persuasive (Elaboration Likelihood Model of Persuasion ; Petty et Cacioppo, 1986).
D’après le modèle utilisé, quatre dimensions doivent être contrôlées dans les messages de persuasion :

•  la nature de la source du message (caractéristiques de la personne ou de l’institution à l’origine


du message) ;
•  le canal utilisé (vidéo, journal, conférence…) ;
•  le contenu du message ;
•  les caractéristiques du public cible.
Avant de mesurer l’efficacité des messages, il convient de mener des études portant sur la percep-
tion des messages par le public cible. C’est l’objet de l’étude menée par Paxton et ses collègues (2002) :
évaluer la perception de messages visant à réduire la pratique de régimes chez les adolescentes, celle-
ci étant considérée comme l’un des facteurs déclencheurs de troubles des conduites alimentaires.
Il s’agissait de pouvoir établir le type de message le mieux perçu en fonction des caractéristiques
du public et notamment des facteurs de risque des troubles du comportement alimentaire : restric-
tion alimentaire, indice de masse corporelle élevé, faible estime de soi, insatisfaction corporelle et
recherche de minceur (Wertheim, Koerner, et Paxton, 2001).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Paxton et ses collaborateurs (2002) ont donc proposé sept messages de prévention des troubles
du comportement alimentaire présentés sur un support audiovisuel par un intervenant apprécié
par les adolescentes d’après les prétests. Les messages étaient centrés sur le caractère inefficace des
régimes, ceux-ci devant être plus efficaces qu’un message « contrôle » (décrivant un régime). Au vu
de l’efficacité rapportée par les recherches sur les interventions d’éducation aux médias, les auteurs
posèrent l’hypothèse selon laquelle le message portant sur l’influence des médias (« Ne vous laissez
pas berner par les régimes à la mode présentés par les médias ») aurait un impact plus important
que les autres messages.
L’étude a porté sur deux cent trente-neuf adolescents de cinquième (âge moyen = 12,8) et
quatrième (âge moyen = 13,8) à qui l’on présentait une vidéo regroupant l’ensemble des messages.
Après avoir entendu les messages, les participantes répondaient à une série de questions. Les résultats
aux items de compréhension des messages étant élevés, il est possible d’en déduire que ces derniers
186 Psychologie de la santé : applications et interventions

étaient adaptés à l’âge des participantes. De plus, en moyenne 60 % des participantes se sentaient
concernées par les messages présentés.
Comparés au message contrôle, les messages persuasifs étaient considérés comme plus pertinents,
bien que les participantes n’aient pas accordé de scores élevés, peut-être en raison du fait qu’une
majorité déclarait avoir déjà connaissance des informations proposées concernant les aspects délé-
tères des régimes. En effet, le message considéré comme le plus pertinent était celui qui contenait
des informations moins connues par les adolescentes (« Les régimes stricts réduisent la capacité
de votre corps à transformer la nourriture en énergie, ce qui peut entraîner davantage de prise de
poids »). Pourtant, ce message était aussi considéré comme peu crédible, probablement parce qu’il
est encore peu relayé par les médias. Il ressort de cette première étude que les messages centrés sur
les mécanismes biologiques expliquant pourquoi les régimes s’avèrent contre-productifs sont perçus
comme plus pertinents (par exemple : « Sauter des repas procure une telle sensation de faim que
vous consommez davantage au repas suivant et vous sentez mal ensuite »). Ce type de message
devrait donc avoir un impact plus important sur les comportements, ce qui sera à vérifier dans des
études d’efficacité.
Concernant le caractère persuasif des messages, en moyenne plus d’un quart des participantes se
déclaraient moins enclines à poursuivre un régime suite à la présentation des messages, le message
portant sur la manipulation par les médias ayant un impact supérieur à la moyenne des messages
comme prédit par les auteurs. Cependant l’hypothèse secondaire selon laquelle les individus présen-
tant des facteurs de risque de troubles alimentaires auraient une perception plus élevée du caractère
persuasif des messages n’est pas confirmée. Ce résultat pourrait s’expliquer par la théorie de la
dissonance cognitive : les personnes dont le comportement est à l’opposé de ce qui est préconisé,
déprécient davantage le message. En effet, les jeunes filles ayant un degré élevé d’insatisfaction corpo-
relle et de pratique de régimes jugeaient les messages comme étant moins crédibles, ce qui peut être
considéré comme une forme de résistance en raison de la remise en cause de comportements déjà
ancrés. Il pourrait alors être pertinent de proposer ce type de message avant que les régimes ne soient
pratiqués, donc avant la puberté. Les approches fondées sur la théorie de l’inoculation pourraient
offrir une piste de prévention de ces troubles, comme cela a été le cas pour d’autres conduites à risque
telles que le tabagisme (Vartiainen, Paavola, McAlister, et Puska, 1998). Cependant, il est à noter que
certains facteurs de risque comme la propension aux frénésies alimentaires étaient corrélés à une
intention plus forte d’éviter la poursuite de régimes suite au message : « Les régimes stricts entraînent
un mal-être parce que vous avez toujours faim et devenez obsédé par la nourriture. » Ce résultat
corrobore ceux d’autres travaux portant sur des conduites à risque : les individus déjà convaincus
du caractère délétère d’un comportement (ici le risque d’obsession alimentaire suite à la restriction)
sont plus enclins à suivre la recommandation. D’autres études seront cependant nécessaires pour
favoriser et mesurer le passage de l’intention de réduire les régimes, aux comportements effectifs.
En raison du caractère potentiellement contre-productif des interventions de prévention des
troubles des conduites alimentaires (voir O’Dea, 2002, sur la présentation de posters qui cherchaient
à promouvoir une meilleure image de son corps), les chercheurs ont évalué les effets des messages
présentés sur les émotions associées à la perception corporelle des adolescentes. Sur l’ensemble des
participantes, 9 % ont déclaré se sentir moins bien après avoir été exposées aux messages (pourcentage
similaire à celui rapporté par O’Dea, 2002). Bien que la proportion soit faible, ce résultat plaide en
faveur de prétests systématiques de matériel de prévention avant toute intervention à grande échelle.
Durkin, Paxton et Wertheim (2005) ont ainsi entrepris une nouvelle étude en testant des messages
visant à développer une image positive de son corps notamment par une meilleure acceptation des
modifications pubertaires. Cette étude a été menée auprès de 204 adolescentes du même âge que
l’étude précédente. Parmi les neuf messages test, les messages les moins appréciés concernaient la
Comportements alimentaires et interventions préventives 187

puberté (i. e. modifications normales et saines, sans lien avec la quantité d’aliments consommée). Il
semblerait donc qu’un message ne suffise pas à développer une attitude d’acceptation. Les interven-
tions en milieu scolaire pourraient s’appuyer sur des techniques issues des thérapies d’acceptation
et d’engagement (e. g., Hayes, Luoma, Bond, Masuda, et Lillis, 2006) et notamment les pratiques de
« pleine conscience », ou mindfulness, dans lesquelles il s’agit de porter délibérément son attention,
sans jugement, en étant pleinement présent à son expérience du moment (Kabat-Zinn, 2003). Cette
pratique est positivement corrélée à une amélioration de la perception de soi et de l’acceptation
de soi, et négativement corrélée aux affects négatifs et aux ruminations dysfonctionnelles (e. g.,
Teasdale et al., 2002). D’une manière générale, les études rapportent un effet de la pratique de pleine
conscience sur le bien-être global des individus (pour une revue, voir Brown et Ryan, 2003). Dans le
cadre de la prise en charge des problématiques alimentaires, les protocoles fondés sur la pratique de
pleine conscience présentent des effets positifs en termes de réduction des symptômes et de certains
facteurs de risque (Alberts, Mulkens, Smeets, et Thewissen, 2010 ; Baer, Fischer, et Huss, 2005a et
b ; Kristeller et Hallet, 1999 ; Kristeller et Wolever, 2011). Il s’agit donc de pratiques qui pourraient
offrir des pistes de prévention intéressantes en termes de gestion de l’image du corps, des affects et
de l’impulsivité alimentaire (e. g., Pappies, Barsalou, et Custers, 2013).
En résumé, ce type de recherche en communication préventive vise à identifier les messages les
plus efficaces pour les populations le plus à risque et permet le repérage de messages qui pourraient
avoir un effet incitatif en population générale. Ceci permet de distinguer les messages à destination
d’une communication préventive universelle, sélective ou indiquée.

4. Perspectives pour la mise en œuvre

4.1 De la prévention des problématiques alimentaires


à la promotion de la santé
Si la prise en charge paraît longue, complexe et conduisant parfois à de faibles résultats, il semble-
rait qu’à l’inverse, certains programmes de prévention s’avèrent particulièrement efficaces dans la
réduction de l’incidence des troubles des conduites alimentaires. Il apparaît notamment primordial
d’introduire des interventions visant l’amélioration de la satisfaction corporelle en tant que facteur
de prévention des troubles des conduites alimentaires, mais aussi en tant que facteur de promotion
de la santé, cette atteinte à l’estime de soi ayant aussi un impact à l’adolescence sur les symptômes
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

anxieux et dépressifs.
D’autre part, le développement de programmes permettant de prévenir les troubles des conduites
alimentaires tout en réduisant le risque d’obésité constitue aujourd’hui une priorité. En effet, ce
chapitre a essentiellement présenté des interventions visant à réduire les troubles des conduites
alimentaires en raison des risques importants liés à la chronicisation de ces troubles, mais le surpoids
reste l’une des premières préoccupations de santé publique. Le risque des programmes centrés sur la
prévention du surpoids concerne le développement d’une préoccupation excessive pour le contrôle
du poids. Ainsi, ces deux axes de prévention qui peuvent sembler contradictoires, doivent se réunir
pour permettre une prévention coordonnée efficace. Comme le montrent notamment les travaux
de l’équipe de Stice, les interventions peuvent avoir un effet préventif sur l’ensemble des problé-
matiques alimentaires. Le champ de la prévention gagnerait donc à être décloisonné pour éviter
l’opposition entre les effets recherchés en termes de santé physique (prévention de l’obésité) et en
188 Psychologie de la santé : applications et interventions

termes de santé mentale (prévention des troubles des conduites alimentaires). Cela impliquerait de
repenser la formation des intervenants et de favoriser la collaboration interdisciplinaire dans le but
de parvenir à une promotion globale de la santé.
Dans le cadre de la mise en œuvre d’interventions de promotion de la santé, certains axes sont
à travailler en priorité : le développement de la prise de conscience de ses émotions et des capacités
de gestion de celles-ci, la capacité à exprimer ses besoins et ses émotions, le développement d’expé-
riences corporelles positives, la critique des modèles sociétaux, l’amélioration de l’estime de soi et
la valorisation de dimensions de cette estime autres que le soi physique. Des pistes peuvent être
explorées en s’appuyant sur les démarches non restrictives et sur les pratiques de pleine conscience.
Des organismes tels qu’Équilibre (www.equilibre.ca) au Québec proposent des interventions fondées
sur ces principes et des expérimentations sont en cours en France sur des applications en prévention
des problématiques alimentaires.
Ainsi, la réduction des risques par un travail sur la dissonance cognitive gagnerait à s’enrichir
d’autres dimensions favorisant le développement de facteurs de résilience. Par ailleurs, les évolu-
tions technologiques récentes ont apporté un certain nombre de transformations dans les activités
et les pratiques des individus. L’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la
communication dans le cadre de la prévention constitue donc une piste de recherche de première
importance dont l’efficacité a déjà été démontrée par plusieurs études. Outre ces recherches récentes
sur l’utilisation de supports informatiques, le type de projet mené par Piran (1999) pour une popula-
tion de danseuses souligne aussi l’importance de la mise en place de programmes sur le long terme,
impliquant des interventions multimodales, c’est-à-dire destinée au public de jeunes filles, mais en
collaboration étroite avec les professionnels, et avec une implication de l’institution et une modifi-
cation de la formation des professionnels.

4.2 Risques et limites des interventions préventives


Plusieurs études ont souligné les effets potentiellement contre-productifs des programmes de
prévention centrés sur l’évocation du trouble lui-même. L’effet délétère des interventions d’infor-
mation sur les troubles des conduites alimentaires peut s’expliquer par différents mécanismes :
fascination pour le comportement, découverte de nouvelles stratégies de contrôle du poids, valori-
sation des conduites à risque, croyance selon laquelle le comportement décrit est fréquent chez les
jeunes et donc prescription de nouvelles normes, ou encore développement de peurs liées à la prise
alimentaire en raison de la prise de conscience de l’idéal de minceur véhiculé par la société. Ces
peurs peuvent notamment être transmises par l’acteur de prévention qui en est lui-même victime,
ce qui n’est pas rare parmi les femmes. En effet, O’Dea et Abraham (2001) ont mis en évidence un
certain nombre de conseils inappropriés donnés par les intervenants de prévention tels que : suivre
des régimes, demander des conseils au pharmacien concernant les produits facilitant la perte de
poids, ou encore se peser tous les jours ! La formation des intervenants du champ de la prévention
est donc cruciale, avec un travail sur les représentations et croyances individuelles concernant le
corps, l’apparence et les comportements alimentaires.

4.3 Pistes pour la communication préventive


Les recherches portant sur la lutte contre les problématiques alimentaires préconisent l’utilisa-
tion de messages orientés vers la réduction des régimes et le passage d’une focalisation sur le poids
et la forme vers une attention portée à la santé globale (Wilksch et Wade, 2009). Les messages
Comportements alimentaires et interventions préventives 189

de prévention devraient être présentés avant le développement des principaux facteurs de risque
identifiés à ce jour, en particulier les préoccupations corporelles, et avant l’apparition des premiers
symptômes des troubles (qui sont souvent concomitants aux modifications pubertaires). La période
critique pour intervenir se situerait donc entre 10 et 14 ans (Paxton et al., 2002). Pour ce public, les
communications recommandées porteraient sur l’estime de soi et la diminution de la comparaison
sociale, la réduction de l’internalisation de l’idéal de minceur, la résistance à la pression sociale et
culturelle, et la critique des médias. Il est contre-indiqué de parler spécifiquement de l’anorexie et
de la boulimie pour ce groupe d’âge, au risque d’inciter aux attitudes et comportements alimentaires
problématiques (Wilksch et Wade, 2009).

À retenir
Prévention – Le terme « prévention » vient du latin praevenire qui signifie « prendre les devants, anticiper ».
La prévention consiste donc à anticiper des phénomènes qui risqueraient d’entraîner des problèmes de
santé physique ou mentale. Elle vise à produire un changement de comportement susceptible d’entraîner
une réduction de l’incidence (nombre de nouveaux cas apparus sur une période donnée) et de la préva-
lence (nombre de cas dans l’ensemble de la population à un temps donné) d’un trouble. La prévention se
subdivise en trois catégories : la prévention « universelle » qui s’adresse à la population générale sans prise
en compte de facteurs de risque particuliers, la prévention « sélective » qui cible les personnes à risque de
développer le trouble ciblé du fait de facteurs individuels ou environnementaux et la prévention « indiquée »
qui s’adresse aux personnes manifestant des premiers symptômes.
Restriction cognitive – La restriction cognitive se caractérise par une tentative de contrôle des apports
alimentaires dans le but d’atteindre un idéal de minceur imposé socialement ou par eux-mêmes (Herman
et Polivy, 1975). L’individu renonce délibérément à écouter ses sensations telles que la faim et la satiété,
et préfère s’en remettre à des règles rigides de contrôle du poids (éviter les graisses et les calories), ce
qui conduit à un comportement alimentaire en décalage avec les besoins physiologiques. Ces pratiques
entraînent généralement un effet boomerang où l’individu est poussé à consommer davantage d’aliments
caloriques entre deux périodes de restriction. C’est ce qui explique le phénomène de « yoyo » du poids
chez les personnes pratiquant des régimes et ce qui explique aussi le risque de passage à la boulimie chez
les personnes pratiquant la restriction.
Anorexie – L’anorexie se caractérise par un refus de s’alimenter suffisamment pour maintenir un poids
corporel adapté à l’âge et à la taille (IMC < 17,5). L’amaigrissement est souvent rapide et important (entre
10 % et 50 % du poids initial) et entraîne une aménorrhée (disparition des cycles menstruels) chez les filles
post-pubères. Après une première phase au cours de laquelle la personne éprouve davantage d’émotions
positives en raison du sentiment de contrôle sur soi et de la sécrétion d’endorphines (hormone qui génère
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

une sensation de bien-être lorsque l’on pratique un jeûne), la dénutrition entraîne une augmentation de
l’irritabilité et des affects négatifs qui s’accompagnent souvent d’un isolement social. D’autre part, la restric-
tion alimentaire entraîne le risque de passer à la boulimie : 50 % des anorexiques sont sujettes aux crises de
boulimie ce qui constitue une nouvelle source de souffrance psychique.
Boulimie – La boulimie est caractérisée par des épisodes récurrents d’hyperphagie incontrôlée (consom-
mation de grandes quantités d’aliments) et de comportements compensatoires visant à éviter la prise de
poids : vomissements provoqués, prise de laxatifs et de diurétiques, restriction alimentaire, excès d’exer-
cice physique. Les accès alimentaires génèrent ensuite un sentiment de honte et de culpabilité qui pousse
l’individu à fuir cet état en éliminant les calories ingérées, mais aussi en tentant de réduire la souffrance
psychique. Ces conduites s’accompagnent donc fréquemment de consommation de substances telles que
l’alcool ou le cannabis. Les personnes concernées par ses troubles peuvent aussi être amenées à développer
des comportements d’autopunition (automutilations notamment).
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8
Cha
pi
tre

LE CANCER
COMME CHAMP
D’INTERVENTION
PSYCHOSOCIALE1

1.  Par Fanny Vallet, Université Lille 3, unité de recherche en sciences cognitives et affectives URECA EA 1059, Cancéropôle
Nord-Ouest.
Véronique Christophe, Université Lille 3, Unité de Recherche en Sciences Cognitives et Affectives URECA EA 1059.
aire
m
So m

1. Introduction............................................................................................................ 197
2. Quelques éléments contextuels et méthodologiques........................................ 197
3. Champs et terrains d’application.......................................................................... 204
4. Conclusion.............................................................................................................. 212
Bibliographie.............................................................................................................. 215
Le cancer comme champ d’intervention psychosociale 197

1. Introduction

rt

Pa
En France, selon l’Institut national du cancer (INCa, 20121) l’incidence estimée du cancer était en
2011 d’environ 365 500 personnes sur l’ensemble de la population française, dont 207 000 hommes

ie
et 158 500 femmes. Le cancer le plus fréquent pour les hommes est le cancer de la prostate suivi par
le cancer du poumon et du cancer colorectal. Les femmes sont quant à elles davantage touchées par
le cancer du sein, le cancer colorectal puis le cancer du poumon. On note une forte disparité sociale
et géographique des taux d’incidence de cancer entre les régions avec globalement une incidence
plus élevée dans le nord de la France que dans le sud (INCa, 2012). Bien que le cancer puisse toucher
des personnes de tous âges, l’incidence augmente avec l’âge de la personne et 58 % des nouveaux
cas de cancers apparaissent pour des personnes de 65 ans et plus (INCa, 2012). Durant la période
2004-2008, le cancer était la première cause de décès chez les hommes et la deuxième cause chez les
femmes avec une moyenne de 148 737 décès par cancer par an en France et un taux de survie à 5 ans
estimé à 52 % en France pour des patients diagnostiqués entre 1989 et 1997 (INCa, 2012). Toutefois
le taux de survie à 5 ans est très variable selon les localisations tumorales (INCa, 20102), le pronostic
étant bon (≥ 80 %) pour certains cancers (e. g. cancer des testicules et de la thyroïde) et mauvais (≤
20 %) pour d’autres (e. g. cancer du pancréas et du foie). Au-delà de la localisation tumorale, le taux
de survie est meilleur lorsque le cancer est détecté à un stade précoce plutôt qu’avancé (INCa, 2010).
Ces quelques données épidémiologiques mettent en exergue la prévalence et la gravité de cette
pathologie qui font de l’étude des déterminants et des conséquences psychologiques et comporte-
mentaux de cette dernière un enjeu majeur de santé publique. L’évolution croissante des protocoles
de recherche clinique, des innovations technologiques, et de ce fait l’augmentation de la survie des
patients, amènent indéniablement à considérer une prise en charge globale des populations et des
patients selon un continuum allant de la prévention primaire, au dépistage précoce, à la prise en
charge thérapeutique vers « la vie après les traitements ». Pour autant, l’étude des facteurs psycho-
sociaux liés aux cancers est relativement récente. L’exposition à des facteurs de risque, le délai de
consultation face à des symptômes suspects, la compliance et l’observance, le vécu et la qualité de
vie des patients, des proches et des soignants face à la maladie, les pratiques de soin, la qualité de vie
physique ou psychique, ou encore les obstacles ou facilitateurs de la réinsertion sociale et/ou profes-
sionnelle après les traitements sont autant de comportements ou d’éléments pouvant être explicables
du point de vue de la psychologie sociale de la santé, et plus récemment de la « psycho-oncologie ».
Depuis quelques décennies, l’orientation des recherches dans le domaine de l’oncologie médi-
cale s’oriente de plus en plus vers la nécessité de mener des recherches interventionnelles ayant des
retombées fortement ancrées sur les pratiques de prise en charge clinique des patients (e. g. appels à
projet « Recherche interventionnelle en santé des populations » de l’INCa). Fortement développées
outre-Atlantique, ces recherches sont encore trop peu développées en France et engendrent un
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

nouveau questionnement des fondements de la recherche scientifique dans le domaine de la santé.

2. Quelques éléments contextuels et méthodologiques


Comparativement à la recherche non interventionnelle, la recherche interventionnelle vise à
modifier, maintenir ou stabiliser l’état interne et/ou externe du sujet par la mise en place d’une

1.  « La situation du cancer en France en 2012 » ouvrage collectif édité par l’INCa, Boulogne-Billancourt, coll. « État des
lieux et des connaissances », décembre 2012.
2.  « Survie attendue des patients atteints de cancers en France : état des lieux » Rapport de l’INCa, avril 2010.
198 Psychologie de la santé : applications et interventions

« action », et ce dans un système particulier et spécifique dynamique et évolutif. Les protocoles mis
en place et évalués dans ce cadre visent in fine une meilleure prise en charge de la pathologie (e.
g. réduire son incidence, permettre un diagnostic précoce, améliorer l’ajustement au cancer, favoriser
une réinsertion sociale et professionnelle, ou encore optimiser les dispositifs d’accompagnement
vers la fin de vie à destination des patients et de leurs proches). Toutefois, la complexité et la varia-
bilité des systèmes mettent en exergue la multitude des actions possibles en référence à des modèles
conceptuels tout aussi variés issus de différents courants de la psychologie. Nous ne reprendrons
pas ici les divers modèles théoriques applicables au secteur de l’oncologie, mais invitons fortement
le lecteur à se référer à quelques ouvrages classiques en la matière (e. g. Bruchon-Schweitzer, 2002 ;
Glanz, Rimer, et Viswanath, 2008 ; Ogden, 2008). En tout état de cause, les facteurs psychosociaux
inclus dans les protocoles interventionnels peuvent être de différente nature : soit relatifs aux déter-
minants individuels ou collectifs (e. g. comportements à risque, perception de la maladie, croyances
en santé, organisation du système de soin etc.), soit relatifs aux conséquences individuelles ou
collectives liées à l’émergence de la pathologie (e. g. observance, alliance thérapeutique, processus
de prise de décision, ajustement émotionnel, guide de bonnes pratiques thérapeutiques, etc.). Sans
que cela soit pour autant spécifique, les différentes interventions menées dans le domaine du cancer
répondent aux problématiques posées par la pathologie à toutes les étapes du parcours de santé et de
soin de la personne. Il s’agit non seulement de déterminer les différentes étapes du parcours de santé,
mais également de déterminer les facteurs psychosociaux prégnants ainsi que les problématiques et
orientations des interventions (figure 8.1).

Avant la maladie Entrée dans Prise en charge thérapeutique Après les traitements
Parcours Personne en bonne la maladie Annonce du cancer, mise en place Mortalité, rémission, reprise
de santé santé Symptômes, des traitements (e.g., chimiothérapie, des activités, récidive
phase d’examens chirurgie, radiothérapie)

e
tag stic er s tion
pis anc t ser
Facteurs ou rs Dé iagno ce u c emen Réin ale et nelle
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r non u d it i n vie
moment clés
Fac isque c An ancer Véc es tra soc fessio de
r
de du duc et d pro Fin

Réduire les Détecter Minimiser Permettre Favoriser la Minimiser les


facteurs de risques précocement le l’impact délètère l’ajustement au réinsertion sociale répercussions
de cancer cancer afin de de l’annonce (e.g. cancer et à ses et le retour à physiologiques et
contrôlables (e.g. démarrer les informer le traitements (e.g. l’emploi (e.g. psychologiques de
réduire la traitements au patient, gérer les réduire la permettre un bon la fin de vie (e.g.
consommation de plus tôt et ainsi réactions de choc, détresse, ajustement, atténuer la
tabac et d’alcool, augmenter leur déni ou détresse, minimiser les favoriser un retour douleur et les
modifier efficacité (e.g. proposer des soins répercussions sur à l’emploi symptômes,
l’environnement augmenter la de support), qualité de vie, précoce), prendre réduire la détresse,
Problématiques ou l’exposition à participation au favoriser un prendre en charge en charge la peur favoriser un bon
et buts des un environnement dépistage), réduire traitement adapté les troubles de la récurrence ajustement
interventions cancérigène, le délai de (e.g. informer le émotionnels et (e.g. favoriser la émotionnel et une
vaccination contre consulation, patient, relationnels vérification acceptation de la
le papillomavirus) repérer et suivre l’impliquer dans éventuels tels que adaptée des signes fin de vie,
les personnes les décisions l’anxiété, la de récurrence et la permettre des
ayant des risques thérapeutiques) dépression ou les diminution des relations
élevés individuels relations de peurs trop optimales avec
ou familiaux couple intenses) l’entourage)

(e.g. INCa et al.,


Recommandations (e.g. Chan
(e.g. Bryant et al., (e.g. Matloff et al., nationales […], (e.g. Rehse & Pukrop (e.g. Butow et al., Richardson &
2011 : Krawezyk 2006 : Sabatino 2005 : Ambler et al., 2003 : Rodgers 2013: De Boer Richardson, 2012 :
et al., 2012) et al., 2012) 1999) et al., 2005) et al., 2011) Waller et al., 2012)

Réduire les inégalités sociales (e.g. Freeman Muth & Kerner, 1995), remédier aux éventuelles difficultés cognitives (e.g. Joly et al.
Interventions 2011), améliorer la continuité du parcours de soin (e.g. Aubin et al., 2012), promouvoir le bien-être du personnel de santé ainsi
transversales que l’écoute et les techniques de communications (e.g. Perry & Burgess, 2002), remédier aux difficultés de couple (e.g. Regan et
al., 2012), améliorer les conditions des aidants (e.g. Harding et al, 2011 ; Northouse et al., 2010), etc

Figure 8.1 – Parcours de santé et de soin, problématiques posées par la pathologie cancéreuse


et buts d’interventions
Le cancer comme champ d’intervention psychosociale 199

À titre d’exemples, nous détaillerons ci-dessous deux phases du parcours de santé des usagers :
la question du « dépistage » comme pratique de prévention et/ou de précaution face au cancer, et
celle de « l’ajustement » des patients une fois la maladie déclarée.

2.1 L’exemple du dépistage des cancers


L’objectif principal des interventions focalisées sur le dépistage des cancers est d’augmenter le
taux de participation des usagers au dépistage à des fins de « prévention », mais surtout de détec-
tion précoce des premiers signes histologiques de la pathologie. En effet, le dépistage précoce d’une
affection cancéreuse permet de débuter les phases thérapeutiques plus rapidement, d’en améliorer
leur efficacité et ainsi d’augmenter la survie des patients. En France, les programmes de dépistages
organisés nationaux (i. e. cancer colorectal et cancer du sein) visant les personnes de plus de 50 ans
représentent ainsi un réel enjeu de santé publique. Pour autant, le pourcentage de tests réalisés reste
faible (52,7 % en 2011 pour le cancer du sein et 31,7 % en 2011-2012 pour le cancer colorectal) et
caractérisé par des inégalités sociales (e. g. Pornet et al., 2010). C’est ainsi que ces dernières décennies,
de nombreux programmes de recherche se sont développés pour tenter de déterminer les processus
impliqués dans la compliance aux recommandations nationales (e. g. prise de décision de « faire »
ou « ne pas faire » ; croyances liées à l’efficacité des tests ; représentations des conséquences en cas
de test positif, etc.), la transmission de l’information médicale via les professionnels de santé ou les
médias (e. g. efficacité des campagnes de prévention ; dispositifs de santé et rôle des divers acteurs
de santé impliqués – médecins généralistes, spécialistes ; alliance thérapeutique et prise de décision ;
engagement comportemental, etc.), ou encore à un niveau sociétal et économique, l’impact de
l’organisation du système de soins actuel (e. g. centres de dépistage départementaux ; implication
des collectivités territoriales ; création de réseaux de soin « ville-hôpital », etc.). Même s’il n’est
pas question explicitement de « contraindre » les usagers à se faire dépister, la question « du libre
arbitre », des processus d’influence sociale, voire de « soumission librement consentie », se pose
indéniablement. Il est alors crucial de mieux appréhender ce qui fait obstacle et ce qui favorise le
« libre choix » de la personne à participer ou non à ces dépistages nationaux.
Les interventions visant à augmenter le taux de participation aux dépistages peuvent être classées
selon trois types de stratégies :
•  les stratégies basées sur l’usager, c’est-à-dire la personne cible du dépistage, qui ont pour but
d’augmenter la participation au dépistage via le changement de connaissances, d’attitudes et
d’intentions comportementales ;
•  les stratégies basées sur la réduction de barrières ou d’obstacles visant à augmenter la partici-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

pation via un accès physique et économique plus facile au dépistage ;


•  les stratégies visant les prestataires de dépistage (essentiellement les médecins généralistes) ayant
pour but d’augmenter la participation au dépistage via l’augmentation de concertation avec
les usagers et le changement d’attitude et d’intention du prestataire (e. g. Sabatino et al., 2012).
À chaque niveau, les chercheurs en psychologie peuvent apporter leur expertise en développant,
ou en collaborant avec d’autres chercheurs en santé publique, épidémiologie, sociologie, économie,
sciences politiques, etc., différentes interventions selon deux types d’approches. Une première
approche consiste à se centrer sur un (ou plusieurs) facteur(s) identifié(s) dans une littérature scien-
tifique et à opérer un changement sur ce facteur en particulier. Par exemple, suite à l’identification
de facteurs organisationnels – envoi du test de dépistage du cancer colorectal par courrier et rappel
de l’importance de réaliser le dépistage – sur la participation au dépistage, Church et al. (2004) ont
mené une intervention visant à évaluer l’efficacité de ces facteurs spécifiques, indépendamment
200 Psychologie de la santé : applications et interventions

de leur pertinence pour chaque personne considérée individuellement. Une seconde d’approche
appréhende, quant à elle, l’individu dans sa globalité en prenant en compte l’histoire naturelle de
la personne, sa situation dans l’environnement, ses caractéristiques et ses propres considérations et
valeurs vis-à-vis de l’objet étudié. Elle vise à identifier les facteurs individuels faisant obstacles à la
mise en place du comportement et d’y remédier. Selon ce type d’approche, les modèles théoriques
utilisés sont multiples et multidisciplinaires afin de prendre en compte les diverses sources d’influence
pouvant expliquer les comportements des individus. La principale difficulté rencontrée suite à la mise
à l’épreuve de ces interventions est leur généralisation en raison de la lourdeur organisationnelle et le
coût économique et humain qu’elles occasionnent, nécessitant ainsi d’associer les contraintes logis-
tiques et pratiques lors de la construction d’une intervention. Nous illustrerons ce type d’approche
dans la deuxième partie de ce chapitre par la description d’un accompagnement au dépistage.
Les interventions peuvent aussi avoir pour cible une population dans son ensemble ou alors une
sous-population particulière présentant des facteurs de risque communs et spécifiques (e. g. taux
de participation au dépistage particulièrement bas ; croyances culturelles particulières vis-à-vis du
dépistage). Elles visent à identifier des facteurs communautaires ou directement spécifiques au groupe
social. Dans les deux cas, il peut s’agir :
•  de facteurs situationnels et/ou contextuels tels que le lieu d’habitation, le niveau économique
ou éducatif ;
•  de facteurs cognitifs et émotionnels tels que les représentations, croyances, peurs ou craintes
de l’examen et/ou de son résultat ;
•  de facteurs familiaux ou sociaux tels que l’isolement social, l’histoire familiale du sujet, les
modes et usages de la transmission de l’information sociétale sur le thème abordé.
L’une des méthodes encore privilégiée à l’heure actuelle pour évaluer l’efficacité d’une intervention
est celle communément nommée « étude cas-témoin » où il s’agit de comparer un groupe ayant
bénéficié d’une intervention (cas avec intervention) à un groupe n’ayant pas bénéficié d’intervention
particulière (témoin sans intervention autre que la prise en charge standard). À l’instar des études
de recherche clinique, ces études sont également randomisées ou non selon les caractéristiques des
cibles et la finalité de l’intervention. Les critères d’évaluation les plus classiquement utilisés dans la
littérature sont la participation ou non au dépistage (tel qu’il est préconisé dans un pays donné), la
participation correcte au dépistage (le fait que le test de dépistage ait été correctement effectué) et
des critères de suivi tels que la présence d’un diagnostic de cancer, la mise en place de traitements
ou encore la mortalité. Pour savoir si une intervention est efficace, on peut donc tester si le taux
de participation correcte à un dépistage particulier est supérieur dans le groupe « intervention » à
celui du groupe « témoin ». Cependant l’effet de l’intervention pouvant être subtil, difficilement
mesurable ou observable à long terme, il est aussi possible d’évaluer d’autres bénéfices de l’inter-
vention : sur les processus médiateurs supposés (e. g. changement de croyances, augmentation de
l’intention à se faire dépister), sur des critères non directement liés au dépistage (e. g. consultation
plus fréquente chez le médecin traitant), sur des aspects plus qualitatifs (e. g. représentations et
ressentis vis-à-vis du dépistage et de l’intervention) ou sur le dépistage à plus long terme (e. g. lors
des campagnes suivantes), etc. Même si l’efficacité de nombreuses interventions semble avoir été
démontrée (Rawl et al., 2012 ; Sabatino et al., 2012), il est toutefois conseillé de les évaluer à l’aide
de différentes méthodes et points de vue.
Le cancer comme champ d’intervention psychosociale 201

2.2 La question de l’ajustement face au cancer


Selon Folkman et Greer (2000), l’ajustement ou l’adaptation psychosociale au cancer est définie
comme un processus continu au cours duquel le patient tente de gérer sa détresse émotionnelle,
résoudre des problèmes spécifiques liés au cancer, et acquérir la maîtrise ou contrôle sur les événe-
ments de la vie liés au cancer. Il s’agit d’une série de réponses adaptatives aux multiples facettes
de la vie « avec le cancer ». Les études menées ont donc pour objectif d’optimiser les ressources
internes et externes auxquelles les patients peuvent faire appel pour favoriser un fonctionnement
maximal physique, social, psychologique et professionnel dans les limites imposées par la maladie
et ses traitements (Fialka-Moser et al., 2003). Les interventions dans ce champ ont donc divers buts :
•  réparateur (e. g. revenir au fonctionnement quasi similaire avec un minimum de déficits
fonctionnels) ;
•  de soutien (e. g. réduire les difficultés fonctionnelles et compenser les déficits permanents) ;
•  palliatif (éliminer ou réduire les complications, surtout la douleur) ;
•  préventif (e. g. mettre en place l’éducation pré-opératoire).
De plus, un des points centraux à la prise en charge de patients atteints de cancers est le travail
sur l’acceptation de la maladie et l’engagement dans des objectifs personnels qui permettent une
meilleure qualité de vie et une diminution de la détresse émotionnelle. Notons cependant que ces
ajustements sont étroitement liés aux systèmes de soin nationaux et à l’organisation de la prise en
charge globale des patients de chaque établissement, ce qui renvoie indéniablement à la question
des (in) égalités sociales face au cancer.
Les revues de la littérature ou les méta-analyses permettent de recenser les études intervention-
nelles existantes dans le domaine de la prise en charge des patients atteints de cancer (Fors et al.,
2011 ; Jacobsen et Jim, 2008 ; Rehse et Pukrop, 2003 ; Williams et Dale, 2006). Une des difficultés
majeure rencontrée par les auteurs est de comparer les résultats provenant d’études très hétéro-
gènes tant du point de vue de la méthode employée, de l’objectif visé mais aussi du degré de détails
apporté dans le report des résultats (Rodgers et al., 2005). Plusieurs revues de littérature se sont atta-
chées à essayer de dégager des résultats sur l’efficacité des interventions, mais notent des résultats
peu concluants qui peuvent s’expliquer en partie par l’hétérogénéité et le faible nombre d’études
existantes.
Quoi qu’il en soit, les interventions psychosociales dans le cadre de l’ajustement au cancer
semblent pouvoir être catégorisées selon plusieurs critères :
•  le niveau d’intervention ;
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

•  la cible de l’intervention ;
•  le type d’approche épistémologique et/ou méthodologique.
Selon Owen et al. (2001), le niveau d’intervention peut varier d’un niveau de santé global (e.
g. évaluation de la survie, de la surincidence, de l’organisation de l’offre de soin, de la qualité de
vie globale, etc.) souvent à la base des prises de décisions des politiques de santé publique ; à un
niveau plus dimensionnel de la qualité de vie (e. g. détresse psychologique, symptômes physiques,
habiletés fonctionnelles, bien-être interpersonnel et social), et enfin à un niveau d’analyse des
mécanismes ou processus impliqués (e. g. médiateurs impliqués dans l’amélioration de la qualité
de vie, la perception de la santé, la perception de contrôlabilité, la compliance aux préconisations
médicales, des trajectoires de santé etc.).
La cible de l’intervention est un élément à ne pas négliger car elle va non seulement déterminer le
cadre conceptuel mais également la méthode qui seront choisis pour la conception, la réalisation et
202 Psychologie de la santé : applications et interventions

l’évaluation de l’intervention. Certaines interventions ciblent toutes personnes atteintes d’un cancer
de manière à atténuer ou prévenir les symptômes associés à la maladie et aux effets secondaires des
traitements, et visant ainsi à améliorer la qualité de vie globale. D’autres études se focalisent sur des
personnes dites vulnérables, c’est-à-dire présentant un trouble précis ou une difficulté afin de leur
proposer un accompagnement ou une thérapie adaptée. L’identification des personnes vulnérables
est donc un enjeu important. Pour ce faire, les auteurs se référent soit à l’expertise clinique des
professionnels de santé et l’avis de l’entourage immédiat, soit à des facteurs épidémiologiques (e.
g. déprivation sociale) ou encore de co-morbidités cliniques (e. g. addictions, modes de vie, alimenta-
tion etc.), ou encore aux réponses à des questionnaires standardisés (e. g. de qualité de vie, d’anxiété,
de dépression, de fatigue, de douleur etc.) même s’il peut s’avérer difficile de les administrer à tous
dans la pratique pour des raisons logistiques et économiques. Ces modes de détection sont donc
sujets à caution puisqu’ils peuvent être source de biais de perception des différents acteurs en jeu
(patients/soignants/proches), et nécessiteraient une généralisation à tous les patients.
Les approches épistémologiques et/ou méthodologiques impliquées dans les recherches interven-
tionnelles sont multiples, souvent pluridimensionnelles et impliquent une grande rigueur méthodo-
logique et conceptuelle. Elles sont souvent la résultante de la question posée, de la population cible
et des modèles processuels à l’œuvre dans le développement de la problématique et sa résolution. Les
interventions peuvent se baser sur des modèles théoriques concernant les facteurs explicatifs d’une
variable particulière (e. g. ce qui fait qu’une personne a une bonne qualité de vie) ou les facteurs
responsables d’un changement (e. g. les éléments qui permettent une augmentation de la qualité
de vie). Ainsi certains modèles sont plus généraux aux comportements de santé tandis que d’autres
sont plus spécifiques aux facteurs de changement et d’ajustement dans le cadre de la maladie. Les
méthodes utilisées font appel à des approches qualitatives et/ou quantitatives qui sont de plus en
plus considérées comme complémentaires car abordant chacune la question posée sous un angle
différent. Au-delà des psychothérapies à proprement parler à destination des patients et de leur
entourage (voir tableau 8.1), il est aussi possible d’agir sur des aspects davantage organisationnels et
globaux en favorisant par exemple le repérage optimal des patients nécessitant une prise en charge
ou sur une orientation individualisée.

Tableau 8.1 – Description des interventions psychothérapeutiques psychosociales les plus couramment


utilisées dans la prise en charge de l’ajustement au cancer
(inspirée et adaptée de Jacobson et Jim, 2008)

Thérapie Un type de psychothérapie qui vise à identifier les comportements


comportementale problématiques et à les remplacer par des comportements plus adaptatifs.
Un type de psychothérapie qui met l’accent sur la reconnaissance
Thérapie cognitive et l’évolution des modes de pensée mal adaptés pour réduire les émotions
négatives et faciliter l’ajustement psychologique.
Un type de psychothérapie qui met l’accent sur la reconnaissance
Thérapie cognitivo-
et l’évolution des modes de pensée et des comportements mal adaptés
comportementale
pour réduire les émotions négatives et faciliter l’ajustement psychologique.
Formation d’un ensemble de techniques utilisées pour modifier
Entraînement
les interactions verbales et non verbales avec les objectifs de réduire
aux aptitudes
les conflits interpersonnels et d’augmenter l’exactitude des informations
à la communication
échangées.
Conseil (aide Terme générique utilisé pour désigner les soins psychosociaux assurés
psychologique) par un professionnel qualifié
 ☞
Le cancer comme champ d’intervention psychosociale 203

 ☞ Mise à disposition d’informations via des canaux de presse écrits,


Éducation/
audiovisuels ou interpersonnels visant à accroître les connaissances
psychoéducation
d’un domaine et réduire l’incertitude.
Un type de psychothérapie qui met l’accent sur la modification des
La thérapie familiale/
interactions problématiques au sein d’une famille à travers des séances
conseil
conjointes avec les membres de la famille.
Activité méditative structurée utilisant l’imagerie mentale pour faciliter
Imagerie guidée
la relaxation
Utiliser la musique pour atteindre les objectifs thérapeutiques qui peuvent
Musicothérapie
inclure la relaxation, la réminiscence, ou l’expression émotionnelle.
La thérapie de résolution Un type de psychothérapie qui se concentre sur la production, l’application
de problèmes et l’évaluation des solutions à des problèmes identifiés.
Terme générique utilisé pour désigner les soins psychosociaux fournis
Psychothérapie
par un professionnel qualifié
Techniques pour libérer les tensions physiques ou mentales, et qui
Entraînement
peuvent impliquer des activités méditatives, de tensions progressives et de
à la relaxation
relaxation des groupes musculaires, ou l’utilisation de l’imagerie guidée.
Techniques de gestion du stress qui peuvent inclure des cours de
L’entraînement
relaxation, des exercices de respiration, ou l’utilisation de monologues
à la gestion du stress
internes.
Réunions qui peuvent ou non être facilitées par un professionnel au cours
Groupe de soutien de laquelle les individus discutent des questions, de sujets ou d’inquiétudes
communs.
Un type de psychothérapie qui met l’accent sur l’expression des émotions
Thérapie de groupe
dans un environnement de groupe de soutien pour réduire les émotions
soutien-expression
négatives et promouvoir l’ajustement psychologique.

Choisir un type d’intervention plutôt qu’un autre dépend à la fois des études ayant montré
l’efficacité d’interventions dans le domaine, et à la fois du psychologue, de sa sensibilité, de son
courant de pensée, de son expertise et de son expérience. De même, ces thérapies peuvent proposer
des outils à disposition du thérapeute qui s’adaptera au patient particulier, à ses problématiques, son
fonctionnement psychique et ses ressources. La création de guides, issus de consensus obtenus dans
des groupes de travail, permet d’évaluer la qualité de la preuve scientifique en prenant en compte la
méthodologie utilisée. Sans entrer dans le détail, les guides valorisent globalement la comparaison
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

entre un groupe intervention et un groupe contrôle pour évaluer l’efficacité d’une intervention
donnée, qui permettent une généralisation des résultats obtenus. Cependant, l’utilisation unique de
cette comparaison pour évaluer l’efficacité globale d’une intervention standardisée sur une variable
donnée est parfois contestée (Thurin, 2006). En effet, ces études ont certaines spécificités de traite-
ment, de personnes et de contextes qui ne peuvent pas être directement applicables dans un contexte
clinique qui aura ses propres particularités, nécessitant ainsi de considérer des études et des évalua-
tions spécifiques aux questions posées (Andrykowski, 2011). De plus, évaluer les processus, utiliser
des indicateurs qualitatifs et/ou individualisés, et déterminer l’effet de l’intervention en contexte et
son acceptation dans l’environnement habituel peuvent permettre de compléter l’évaluation. Ainsi, il
y a une nécessité d’une complémentarité entre les évaluations afin d’évaluer de manière plus souple
des interventions qui peuvent s’adapter aux individus, à leurs besoins et à leur engagement dans la
thérapie (e. g. Chan, Richardson et Richardson, 2012).
204 Psychologie de la santé : applications et interventions

3. Champs et terrains d’application

Afin d’illustrer avec des exemples concrets comment sont élaborées, mises en place et évaluées
des interventions dans le domaine du cancer, deux études seront décrites ci-dessous : la première
est relative au dépistage du cancer colorectal. Il s’agit d’une intervention personnalisée s’adaptant
et intervenant aux problématiques de chaque personne dans un contexte communautaire (Percac-
Lima et al., 2008). Cette intervention a pour particularité de se focaliser sur les facteurs personnels
et logistiques freinant la participation au dépistage. La seconde est axée sur le vécu du cancer et
la qualité de vie (Klinkhammer-Schalke et al., 2012). Elle se situe dans le champ des interventions
complexes et vise à comprendre comment il est possible de prendre en charge une variable globale
telle que la qualité de vie en intervenant sur le parcours de soins de la personne.

3.1 Un programme d’accompagnateur au dépistage


du cancer colorectal dans un centre de santé
communautaire
3.1.1 Rationnel
L’étude de Percac-Lima et al. (2008) est focalisée sur la problématique du dépistage du cancer
colorectal avec pour objectif de tester l’efficacité d’un programme d’accompagnement de l’usager
(ou de la personne ciblée pour le dépistage) pour maximiser le taux de participation à ce dépistage.
Les auteurs partent du constat que la participation au dépistage du cancer colorectal est non seule-
ment faible, mais également caractérisée par des inégalités sociales, entraînant alors une détection
tardive du cancer et une moindre guérison, notamment pour les personnes les plus défavorisées (e.
g. Javanparast et al., 2010). Les mécanismes permettant d’expliquer cette faible participation ont
largement été étudiés et mettent en évidence que les barrières/freins au dépistage sont essentielle-
ment d’ordre organisationnel (e. g. système de santé et recommandations nationales, système d’assu-
rance maladie, visites et recommandations du médecin généraliste) et individuels (e. g. manques
de connaissances des usagers quant à l’importance du dépistage ; inquiétudes quant à la procédure,
pudeur, peur de la douleur, risque perçu ou bénéfice perçu faibles ; e. g. Kiviniemi, 2011). De plus,
il existe des freins spécifiques aux personnes défavorisées telles que le manque de temps pour
discuter du dépistage du cancer colorectal, les pressions financières, la difficulté à obtenir un moyen
de transport, les barrières liées à la langue, une moindre connaissance du dépistage, davantage de
barrières perçues, plus d’inquiétudes et moins de soutien social, etc. (e. g. Javanparast et al., 2010 ;
Percac-Lima et al., 2008 ; Wardle et al., 2004). Partant de ces différents constats, des études basées
sur le principe de l’accompagnement du patient (patient navigator, Freeman, Muth, et Kerner, 1995)
proposent un suivi individualisé des patients de milieux défavorisés afin d’identifier et remédier à
leurs barrières individuelles. Sur ce même modèle, Percac-Lima et al. (2008) proposent de tester une
intervention à essai randomisé visant à valider l’efficacité d’un programme d’accompagnement au
dépistage fondé sur la résolution de problème flexible au sein d’un centre de soins primaires de
Chelsea (Massachusetts, États-Unis). Le but de l’intervention est donc d’augmenter la participation
au dépistage de cette population (connue pour être plus vulnérable), par rapport à une situation
sans intervention incluant seulement le programme de dépistage habituel.
Le cancer comme champ d’intervention psychosociale 205

3.1.2 Méthode
La population ciblée était composée de 1 223 personnes, âgées de 52 à 79 ans, qui n’avaient
pas de dépistage du cancer colorectal à jour au moment de l’étude. Les participants étaient répartis
aléatoirement dans l’un des deux groupes de l’essai : le groupe « intervention » (n = 409) bénéficiant
d’un accompagnement personnalisé et le groupe « standard » (n = 814) bénéficiant des programmes
habituels prodigués par le centre.
Les accompagnateurs étaient cinq personnes travaillant dans un centre de santé et/ou parlant
d’autres langues en plus de l’anglais afin d’atteindre les personnes ne parlant pas anglais. Ils avaient
suivi une formation spécifique dans le cadre de l’étude. Lors d’un premier entretien, leur tâche consis-
tait à identifier et minimiser, voire supprimer les barrières au dépistage, d’informer les personnes
sur les modalités du dépistage, de les motiver, et les accompagner pour effectuer une coloscopie le
cas échéant (première méthode de dépistage préconisée dans le cadre de cette étude contrairement
au programme de dépistage systématique organisé en France qui s’effectue par un prélèvement des
selles du sujet).
Les accompagnateurs envoyaient un courrier d’information aux personnes dans leur langue mater-
nelle et ensuite les joignaient par téléphone ou en face-à-face. Les interventions étaient personnalisées
pour chaque personne en fonction de sa problématique. L’accompagnateur pouvait utiliser plusieurs
outils : traduire des informations, rappeler les rendez-vous aux personnes, les accompagner, organiser
le transport. Les auteurs s’attendaient à ce que le taux de dépistage soit plus élevé pour le groupe
« intervention » que pour le groupe « standard ».

3.1.3 Principaux résultats


Le taux de participation au dépistage était supérieur pour le groupe intervention que pour le
groupe standard (figure 8.2).

30
25
20
% de
participation 15 Intervention
au dépistage Soins habituels
10
5
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

0
Tous types Coloscopie
de dépistage

Figure 8.2 – Taux de participation au dépistage du cancer colorectal (%) pour les groupes « intervention »
et « soins habituels » (standards) (inspirée de Percac-Lima et al., 2008, p. 214)

Les analyses complémentaires montrent que l’intervention a également été bénéfique pour chaque
sous-groupe de personnes catégorisées selon divers critères tels que l’âge, le genre, l’origine ethnique,
la langue maternelle. Les barrières/freins à la participation au dépistage du cancer colorectal, identi-
fiés par l’accompagnateur, ont également été analysés. Il s’agissait principalement d’un manque de
connaissances sur le dépistage, un faible niveau de motivation (e. g. embarras de la procédure, oubli
des rendez-vous) et inquiétudes des usagers (e. g. douleur de la procédure, complications, diagnostic
de cancer). D’un point de vue organisationnel et logistique, les auteurs rapportent les difficultés à
206 Psychologie de la santé : applications et interventions

programmer un rendez-vous pour la coloscopie, l’absence d’un interprète, les difficultés financières
et de transport.

3.1.4 Bilan et perspectives


L’intérêt princeps de cette étude est son caractère écologique fondé sur une logique communau-
taire de terrain (cf. chapitre 10 du présent ouvrage). Toutefois alors que les recherches menées en
psychologie communautaire sont ancrées dans un cadre conceptuel précis, on découvre ici la quasi-
absence de référentiel théorique sur lequel s’appuient les auteurs pour interpréter leurs résultats,
notamment en termes des processus psychologiques en jeu. Même si l’objectif principal de cette
étude est de réduire les inégalités sociales face au cancer en augmentant le taux de participation
au dépistage du cancer colorectal chez les populations les plus défavorisées via l’intervention d’un
tiers, il aurait été intéressant de conceptualiser cette approche pour mieux cerner les processus et
mécanismes pour amener à un changement de comportement. Les théories relatives, notamment,
aux croyances en santé (Health Belief Model, Rosenstock, 1966 ; Theory of Planned Behavior, Ajzen,
1991 ; Protection Motivation Theory, Rogers, 1983) auraient pu apporter un cadre conceptuel pour
appréhender les processus prédicteurs des freins/obstacles à la participation au test de dépistage. On
peut en effet regretter le manque d’évaluation de l’intervention à un niveau des processus psycho-
logiques impliqués en explicitant conceptuellement les croyances et connaissances des personnes
vis-à-vis du dépistage et en mesurant leurs éventuelles modifications en pré-post intervention.
Identifier de manière précise les leviers sur lesquels agir aurait permis des perspectives majeures
pour les études à venir. Il existe de fait une importante disparité entre, d’une part, les programmes
d’accompagnement au dépistage qui considèrent les personnes dans leur globalité et qui essaient de
remédier à des freins/obstacles à la fois personnels, logistiques, culturels, économiques et sociaux, et
d’autre part, des études couramment menées en psychologie de la santé qui concerne les processus
psychologiques à l’origine des barrières au dépistage. Les études intégrant ces deux points de vue
sont finalement assez rares et seraient pertinentes pour une compréhension à la fois globale et précise
des mécanismes en présence.

3.2 Intervention complexe dans le cadre de l’amélioration


de la qualité de vie de femmes atteintes d’un cancer
du sein
3.2.1 Rationnel
La qualité de vie est un concept vaste et complexe qui nécessite une attention particulière dans
la prise en charge des patients atteints d’une pathologie cancéreuse. En effet, afin de rendre compte
des conséquences du cancer, ce n’est pas seulement la survie de patients qui est prise en compte mais
aussi le vécu du patient. Ainsi, la qualité de vie permet, non seulement, de considérer les aspects
qualitatifs de l’impact de la maladie et des traitements, mais elle est également de première impor-
tance dans un contexte clinique où la prise de décision concernant la mise place et l’évaluation
d’un traitement peut s’effectuer sur la base de la répercussion éventuelle de celui-ci sur la qualité de
vie. De plus, le repérage de patients ayant une qualité de vie altérée par la maladie et/ou les traite-
ments peut permettre de les orienter vers des professionnels de santé pour leur fournir un soutien
approprié afin d’améliorer leur qualité de vie. L’évaluation de routine de la qualité de vie permettant
l’orientation vers des professionnels adaptés, est cependant peu effectuée par les médecins praticiens
qui peuvent se fier à leur propre jugement plutôt qu’à une évaluation systématique de la perception
Le cancer comme champ d’intervention psychosociale 207

subjective du patient. Le but de l’intervention proposée par Klinkhammer-Schalke et al. (2012) est
d’implémenter une évaluation de routine de la qualité de vie et de permettre ainsi une orientation
vers la (les) thérapies adaptée(s).
Force est de constater que la quasi-totalité des recherches cliniques basées sur les approches diffé-
rentielles des thérapeutiques médicales font appel au concept de qualité de vie sans pour autant le
replacer dans un cadre théorique bien défini. Les auteurs ont donc procédé au développement de
la théorie et notamment en définissant le concept de qualité de vie sur la base des points suivants
(Klinkhammer-Schalke et al., 2012 ; Koller et Lorenz, 2002) :

•  dans un contexte clinique, la qualité de vie est étroitement liée à la maladie spécifique dont
souffre la personne ;
•  la qualité de vie est une perception de soi dans trois dimensions : somatique, psychologique
et sociale ;
•  la qualité de vie inclut les attentes des patients concernant la santé et les thérapies ainsi que
les capacités à faire face ;
•  la qualité de vie est influencée par des variables psychologiques telles que les affects néga-
tifs comme faisant partie d’un modèle en trois composants.
Selon ce modèle en trois composants, il existerait un premier composant utilisé classiquement
dans le milieu médical et qui conçoit la santé en termes de conséquences mécaniques et évaluables sur
la base de faits objectifs (e. g. survie, marqueurs biologiques, complications). Le deuxième composant
est la valeur subjective accordée à sa qualité de vie (mais aussi les attentes, le coping, les affects néga-
tifs, la stigmatisation sociale) qui est composée de construits psychosociaux (herméneutiques) qui
sont évaluables à partir de l’auto-report du patient. Enfin, c’est seulement lorsque ces deux compo-
sants sont considérés ensemble et par les échanges d’informations entre le patient et le médecin
qu’un jugement qualitatif sur la qualité de vie et sur les actions à mettre en place peut émerger,
c’est-à-dire le troisième composant du modèle. Ainsi, la pertinence clinique que permet ce jugement
qualitatif ne peut apparaître, au-delà des variables médicales classiquement prises en compte dans
une consultation, qu’en s’intéressant à l’évaluation subjective accordée par la personne à sa qualité
de vie. C’est sur la base de ce raisonnement et afin que l’évaluation de routine de la qualité de vie
prenne en compte tous ces éléments que l’intervention a été mise en place.

3.2.2 Méthode
ÔÔ Construction de l’intervention
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L’intervention proposée par Klinkhammer-Schalke et al. (2012) a pour but d’améliorer le diagnostic
et la prise en charge d’une qualité de vie altérée de patientes atteintes d’un cancer du sein. Cette inter-
vention se situe à un niveau organisationnel du parcours de soins, dans le champ des interventions
complexes (voir par exemple Craig et al., 2013). Elle a été implémentée dans une région prédéfinie
en Bavière (Allemagne). Cette intervention adopte une approche intégrative des composantes médi-
cales, sociales et psychologiques impliquées dans la compréhension de la qualité de vie. La présente
intervention a été menée selon plusieurs phases composées globalement de :

•  une phase diagnostic de l’altération ou non de la qualité de vie ;


•  une phase d’orientation vers une remédiation thérapeutique en soins de support si nécessaire ;
•  une phase d’évaluation longitudinale à 3, 6, 9 et 12 mois (figure 7.3).
Afin de permettre une évaluation de l’intervention, deux bras étaient comparés :
208 Psychologie de la santé : applications et interventions

•  un bras intervention composé des phases de diagnostic et d’orientation basées sur le rapport
d’un groupe d’experts envoyé au médecin coordonnateur (se servant notamment des réponses
des patientes à un questionnaire de qualité de vie et du dossier médical de celles-ci) ;
•  un bras standard consistant au repérage de la qualité de vie et à la prise en charge classique
proposée habituellement par les médecins coordonnateurs.
Les médecins coordonnateurs sont les médecins qui suivent des patientes avant et après leur
hospitalisation et prenant en charge leur qualité de vie, pouvant être des médecins de famille ou des
gynécologues essentiellement (Klinkhammer-Schalke et al., 2008a) et avoir une certaine expérience
dans la prise en charge de patientes atteintes de cancer du sein.

ÔÔ Participantes de l’étude
Les données de 199 patientes ont été analysées au premier temps d’évaluation (certaines d’entre
elles n’ont pas pu être suivies durant tous les temps de mesure). Les patientes ont été réparties aléa-
toirement dans un des deux bras de l’étude : intervention (n = 99, une participante du bras inter-
vention n’ayant pas reçu l’intervention, ses données ont été exclues de l’échantillon) ou standard
(n = 100). Les patientes étaient âgées de 28 à 85 ans avec une moyenne d’âge de 58 ans dans le bras
intervention et de 57 ans dans bras standard. Les patientes souffraient d’un cancer du sein primaire
nouvellement diagnostiqué. Tous les stades de cancer pouvaient être inclus dans cette étude afin
que la population soit représentative des femmes atteintes de cancers du sein et soit ainsi la plus
pragmatique possible. Toutes ces patientes avaient eu une opération chirurgicale, soit une chirurgie
mammaire conservatrice (pour 150 d’entre elles), soit une mastectomie (pour 49 d’entre elles). Elles
pouvaient de plus, être traitées par chimiothérapie, endocrino-thérapie et/ou radiothérapie.

ÔÔ Mesurer l’altération de la qualité de vie des patientes


Afin d’évaluer la qualité de vie des patientes, le questionnaire EORTC QLQ-C30 version 3.0
mesurant la qualité de vie de personnes souffrant d’un cancer ainsi que le module QLQ-BR23
spécifique au cancer du sein (Aaronson et al., 1993 ; Fayers, et al., 2001) ont été utilisés. En effet,
basé sur la définition donnée par les auteurs pour évaluer la qualité de vie, il était nécessaire de se
placer du point de vue subjectif de la patiente plutôt que sur le seul sens clinique du médecin et
ainsi utiliser une mesure auto-rapportée ou autrement dit un auto-questionnaire. Une étude prélimi-
naire (Klinkhammer-Schalke et al., 2008a) a en effet permis de confirmer qu’il existait un désaccord
important entre l’évaluation que le médecin fait de la qualité de vie de sa patiente et la qualité de
vie reportée par la patiente elle-même, appuyant ainsi la nécessité de s’intéresser en premier lieu à
l’avis de la patiente pour comprendre son vécu.
De plus, cet auto-questionnaire permet d’établir des profils visuels de patientes selon les trois
domaines mentionnés précédemment : somatiques (fonctionnement physique, fonctionnement,
symptômes aux bras, image du corps et douleur), psychologiques (émotion, concentration et mémoire
et fatigue) et sociales (vie familiale et rencontres sociales). Sur la base de réponses à des items de
qualité de vie allant de 1 à 4, chaque dimension de qualité de vie (regroupant donc plusieurs items)
est présentée de manière visuelle sur une échelle allant de 0 (très mauvaise) à 100 (très bonne). Un
point médian de 50 représente un seuil permettant de discriminer entre une bonne qualité de vie
(score ≥ 50) et une qualité de vie altérée (score < 50). Ce point n’a pas été choisi de manière arbitraire
car selon les auteurs, la forme de l’échelle de réponse (de 1 à 4) incite les patients à dichotomiser leurs
réponses entre une bonne et une mauvaise qualité de vie (ce qui amène à considérer que le point
central de 50 n’est pas neutre). Ainsi on peut imaginer qu’un score inférieur à 50 serait révélateur
d’une représentation subjective de la qualité de vie comme étant altérée (cette supposition ayant
Le cancer comme champ d’intervention psychosociale 209

été par ailleurs soutenue par des résultats empiriques), ce qui en ferait un seuil à la fois acceptable
théoriquement et pertinent pour une utilisation pratique dans un contexte clinique (Klinkhammer-
Schalke et al., 2008a).

ÔÔ Procédure de l’évaluation de la qualité de vie et de l’orientation


vers des thérapies adaptées
Lors de l’hospitalisation, une première évaluation de la qualité de vie des patientes est effectuée
suite à la chirurgie mammaire à l’aide des questionnaires (EORTC QLQ-C30 et QLQ-BR23, Aaronson
et al., 1993 ; Fayers et al., 2001) couplée à une évaluation de l’état de santé de la patiente par le
médecin (e. g. classification de la tumeur, comorbidité, traitements médicaux, événements importants
non reliés à la tumeur). Ceux-ci sont transmis à un groupe d’experts composé d’un gynécologue, un
médecin généraliste, un analyste de la décision en chirurgie, un psychologue social et un psycho-
oncologue, qui ont pour tâche d’établir un rapport sur la qualité de vie de la patiente et de proposer
des orientations. Après avoir formulé leur analyse de manière indépendante, le groupe d’expert
se réunit toutes les semaines et doit obtenir un consensus afin d’établir le rapport contenant trois
sections : les résultats, l’interprétation et les recommandations thérapeutiques. La qualité de vie est
considérée comme altérée si au moins une des dimensions présente un score inférieur à 50. Sur la
base de ces profils et du dossier médical retraçant l’état de santé de la patiente, les experts proposent
également des recommandations pour l’orientation de la patiente qu’ils transmettent au médecin
référent. Le rapport peut aussi contenir les noms et les adresses des professionnels exerçant une
thérapie donnée dans la région. C’est à cette étape que l’altération de la qualité de vie est confirmée
ou infirmée par le médecin référent (il est donc libre de suivre ou pas les recommandations données
par les experts) et qu’il proposera à la patiente un panel de soins de supports pouvant l’aider à faire
face à la situation. Ces soins seront réalisés soit par lui-même soit par un thérapeute spécialiste.
Parce que la procédure de diagnostic de qualité de vie comprend à la fois des données médicales
objectives, l’auto-report subjectif de la patiente et le jugement qualitatif du médecin sur la base de
ces deux premiers composants, elle correspond à la conceptualisation de l’évaluation de la qualité
de vie en trois composants proposée par les auteurs.
Afin que l’étude soit acceptée par les professionnels de terrain et notamment par les médecins
coordonnateurs, ceux-ci ont été impliqués dès la conception de l’intervention. De plus, étant donné
que l’intervention demandait de changer les pratiques quotidiennes en ce qui concerne la prise en
charge de la qualité de vie par le médecin coordonnateur, une simple présentation de l’étude de
manière académique ne paraissait pas suffisante. Ainsi, les auteurs se sont attachés à organiser des
visites sur le lieu d’exercice des médecins afin de leur expliquer l’étude et les inciter à adopter la
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procédure proposée par l’intervention (Klinkhammer-Schalke et al., 2008b). Pour ce faire, des visites
standardisées effectuées par des experts de l’unité de qualité de vie (un psychologue et un clinicien)
visaient à inciter les médecins à changer leur pratique et à utiliser la procédure proposée. Les feed-
backs obtenus des précédentes expériences et la littérature scientifique ont permis de proposer une
procédure maximisant la possibilité d’un changement de comportement (amorçage sur les mécon-
tentements, focalisation sur l’intérêt de la pratique alternative proposée et un suivi fournissant des
informations complémentaires, des feedbacks et des rappels).

ÔÔ Proposer une remédiation en soins de support


Les options thérapeutiques proposées ont été choisies théoriquement (et sur la base d’études empi-
riques) puis par des procédures systématiques en faisant appel à des patientes et aux professionnels
de terrain. Les thérapies proposées sont les suivantes :
210 Psychologie de la santé : applications et interventions

•  physiothérapie (traitement centré sur les membres supérieurs, essentiellement par drainage
lymphatique) ;
•  psychothérapie (des psychothérapies individuelles et des interventions cognitivo-comporte-
mentales pour les troubles de l’ajustement) ;
•  soutien social (réseau d’accompagnement social concernant la sécurité financière, les relations
familiales, le travail) ;
•  thérapie de la douleur (combinaison de médicaments et d’interventions sans médicaments
comme la psychothérapie) ;
•  nutrition et fitness (combinaison de groupes d’entraides avec des conseils sur l’alimentation et
des programmes d’entraînements au sport).
Elles pouvaient être administrées par le médecin coordonnateur ou par un spécialiste ou faire
l’objet d’une discussion entre le médecin coordonnateur et un leader d’opinion (médecins influant
dans la région et respectés et qui avaient été préalablement sélectionnés par les médecins coor-
donnateurs). Une liste de spécialistes, c’est-à-dire les thérapeutes professionnels présents dans la
région de l’étude et pouvant effectuer les thérapies proposées, a été établie sur des critères précis (e.
g. expérience professionnelle jugée raisonnable), et a été fournie aux médecins coordonnateurs en
même temps que le rapport des experts.

ÔÔ Étapes préliminaires à la construction de l’intervention


Des études préliminaires (Koller et Lorenz, 2002) sur le suivi de patients ont permis aux auteurs
d’observer que :
•  la procédure proposée stimulait la discussion et l’échange d’informations entre le médecin et
le patient ;
•  les patients semblaient satisfaits de pouvoir faire un état des lieux de leur état et faire part de
ce qui compte vraiment pour eux ;
•  les médecins, de même, trouvaient que les profils donnés étaient faciles à lire et acceptaient
davantage que la qualité de vie puisse être un critère et un outil diagnostic important.
Notons qu’il n’est pas question dans cette intervention de remplacer la discussion entre le médecin
et le patient par l’utilisation d’un questionnaire, car une fois les profils établis il est indispensable
qu’une discussion entre le médecin et le patient se mette en place afin de pouvoir évaluer ses besoins.

ÔÔ Évaluer l’efficacité du programme


Les critères d’évaluation de l’efficacité du programme ont été déterminés et hiérarchisés en amont
de l’étude. Le premier critère d’évaluation utilisé était la proportion de patientes ayant une qualité
de vie altérée 6 mois après la chirurgie. Cette analyse était complétée notamment par des évalua-
tions concernant les différentes dimensions de la qualité de vie et par l’évaluation longitudinale
de l’efficacité du programme à 9 mois et à 12 mois permettant de tester si celui-ci avait un impact
durable dans le temps.
Le cancer comme champ d’intervention psychosociale 211

QdV avant la sortie de la


patiente avec un cancer du
sein qui a été opéré

Centre clinique

– Questionnaire de QdV
(patiente)
– État de santé (médecin)

Profils de QdV

Médecin
Rapport d’experts de QdV Unité de Qualité de vie
Coordonnateur

Rapport envoyé au médecin


Traitement par le médecin
coordinateur
coordonnateur

oui
Options thérapeutiques
selon les déficits de QdV :
Traitement
– Physiothérapie
oui Le médecin oui possible par le
Y a-t-il un – Psychotérapie
coordinateur médecin
déficit de QdV – Soutien social
confirmé coordinateur
– Thérapie de la douleur
– Nutrition, fitness non
non non
– Leader d’opinion
– Thérapeutes professionnels

Informations et contrôles à 3,
6, 9 et 12 mois

QdV = qualité de vie.


Figure 8.3 – Parcours de soin allant du diagnostic à la thérapie de la qualité de vie personnalisée pour les
patientes atteintes d’un cancer du sein (traduit et inspiré de Klinkhammer-Schalke et al., 2012, p. 829).

3.2.3 Principaux résultats


Les résultats montrent qu’à 6 mois, 71 % des patientes du bras standard présentaient une altération
de leur qualité de vie dans au moins une dimension, contre 56 % des patientes du bras intervention.
Ainsi cette intervention permet une réelle amélioration dans la prise en charge de patientes ayant
un cancer du sein. De plus, le nombre de dimensions de qualité de vie altérée à 6 mois était plus
faible pour le bras intervention que pour le bras standard. On note tout de même que le nombre
de patientes ayant une qualité de vie altérée reste élevé. De manière longitudinale, on observe une
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diminution de la qualité de vie entre 6 et 12 mois plus importante pour le bras standard que pour le
bras intervention, dû au fait que la proportion de qualité de vie avait déjà diminué fortement pour
le groupe intervention à 6 mois. À 12 mois, la différence de proportions de qualité de vie altérée
entre les deux bras devient plus faible et même s’il apparaît que la qualité de vie serait moins altérée
dans le bras intervention que dans le bras standard cette différence n’est pas suffisamment marquée
pour émettre une conclusion définitive. L’analyse par dimensions de qualité de vie révèle que la
diminution de la proportion de qualité de vie altérée dans le bras intervention, comparativement au
bras standard, est observée essentiellement pour la qualité de vie dans le domaine des émotions (effet
persistant à 9 mois) et pour la qualité de vie globale, soulignant ainsi l’apport de la psychothérapie
pour la prise en charge de la qualité de vie.
De plus, les résultats montrent également que pour les personnes présentant une altération de leur
qualité de vie globale, une détresse émotionnelle ou des symptômes physiques (le plus fréquemment,
douleurs ou motricité des bras), la psychothérapie était davantage proposée dans le bras intervention
212 Psychologie de la santé : applications et interventions

tandis que c’est la physiothérapie qui était la plus proposée dans le bras standard. Ainsi, il s’avère que
le choix de l’orientation vers un type de thérapie plutôt qu’une autre serait davantage déterminante
que le nombre de thérapies proposées.

3.2.4 Bilan et perspectives


L’intervention s’intégrant dans les pratiques quotidiennes et ayant été testée dans un environne-
ment typique de la prise en charge de la qualité de vie, elle promet d’être applicable dans un envi-
ronnement réel, c’est-à-dire dans un fonctionnement institutionnel et quotidien des professionnels
de santé et des patientes. Cela, notamment est possible car cette intervention adopte une vision
pluridisciplinaire et pragmatique permettant de prendre en charge les troubles de qualité de vie en
considérant la personne dans son ensemble avec ses différentes problématiques et insérée dans un
milieu social et institutionnel particulier. Les personnes concernées par l’intervention (e. g. patientes,
médecins coordonnateurs, spécialistes, thérapeutes, leaders d’opinion) ont été sollicitées tout au
long de la construction de l’intervention afin que celle-ci soit utile et acceptée. De plus, l’utilisation
de nombreux critères d’évaluation de l’intervention (tous n’ont pas été détaillés ici) garantit une
compréhension globale de l’intervention et de ses différentes composantes.
Outre les considérations pratiques concernant l’implémentation de cette intervention les aspects
théoriques sont loin d’être négligés puisque les composants de l’intervention sont recadrés dans un
contexte et des modèles théoriques précis et argumentés. De même on voit bien que la théorie du
point de vue de la psychologie est nécessaire sur plusieurs aspects de la construction de l’interven-
tion (e. g. définir la qualité de vie, la mesurer, orienter vers la thérapie, préparer des interventions
auprès des médecins), comme en témoigne par ailleurs la présence d’un psychologue en oncologie
et d’un psychologue social dans le groupe d’expert de l’unité de qualité de vie. De plus, les modèles
théoriques en psychologie sont indispensables en ce qui concerne les aspects communicationnels
et les processus de changement aussi bien que les thérapies spécifiques en psychologie. Dans cette
étude, le développement des théories en psychologies de la santé est indispensable également pour
établir les psychothérapies à proposer (voir chapitre 5 de cet ouvrage).

4. Conclusion

À l’heure actuelle, force est de constater que le développement de la recherche interventionnelle


en psychologie de la santé nécessite d’adopter une démarche rigoureuse et méthodologique proche
des protocoles de recherche clinique en oncologie. Il s’agit ici de mettre en exergue nos savoirs
et compétences spécifiques dans le domaine. La mise en place d’une recherche interventionnelle
implique la pertinence de la question posée d’un point vue évidemment scientifique mais égale-
ment clinique, au sens des conséquences des résultats attendus sur la compréhension des processus
fondamentaux impliqués et sur les pratiques de prise en charge des patients ou des usagers. De ce
fait, élaborer une étude interventionnelle en psychologie de la santé sur le cancer sans prendre en
compte l’expertise des équipes de terrain, les caractéristiques des populations cibles, ou encore l’envi-
ronnement institutionnel serait contre-productif. Mettre en place une intervention est dirigé par la
volonté « d’agir » et « de changer quelque chose » par rapport à l’état initial. Ainsi, les interventions
doivent pouvoir s’intégrer dans l’environnement et la société actuelle comprenant un fonctionne-
ment avec lequel il faut composer afin de pouvoir amener un changement qui puisse être accepté
et perdurer. Le cancer est une maladie pour laquelle il existe déjà de nombreuses prises en charge et
Le cancer comme champ d’intervention psychosociale 213

pour laquelle les patients rencontrent un grand nombre d’intervenants. Aussi, afin d’améliorer une
situation repérée comme problématique, il est souhaitable de s’allier aux dispositifs et réseaux déjà
existants. Cette démarche nécessite de part et d’autre des ajustements, des compromis, des réflexions
et partages d’expertises qui font toute la richesse de ce type d’approche.
De par sa formation initiale, le psychologue de la santé est ainsi un acteur précieux pour la coor-
dination des projets et la prise en compte de l’ensemble des acteurs impliqués. Non seulement, il
est en mesure de concilier et de formaliser les approches des uns et des autres dans une perspective
intégrative et complémentaire, mais est également source de propositions pour mener à bien une
intervention dans les « règles de l’art » qui sont, en oncologie, très standardisées. De ces échanges
émanent la problématique posée, le rôle et la fonction des uns et des autres dans le projet, la procé-
dure envisagée selon l’état physique et psychologique du patient au détour de son parcours de
soin, la faisabilité selon les contraintes du terrain, etc. Le psychologue de la santé est également en
mesure de participer à la rédaction du protocole de l’intervention qui est un réel exercice de style
ayant cependant pour principale qualité de définir en amont le contexte et la pertinence théorique,
scientifique et clinique dans lequel s’inscrit l’intervention, mais également de décrire de manière très
précise les modalités de l’étude ainsi que les responsabilités des différents partenaires. L’élaboration
d’une recherche interventionnelle se doit cependant d’être déterminée théoriquement : étudier les
facteurs déterminants, explicatifs, et donc des processus sous-jacents de l’efficacité de l’interven-
tion reste prioritaire. La complexité réside essentiellement dans la composante plurifactorielle des
processus auxquels nous sommes confrontés (i. e. organisationnels, communautaires, relationnels,
individuels), et de leurs interactions, voire interdépendances.
Plusieurs étapes préliminaires à la construction d’une recherche interventionnelle nous semblent
donc nécessaires. L’élaboration d’études préliminaires sur un ou plusieurs niveaux processuels de
type qualitatives, quantitatives, observationnelles ou expérimentales semble bien souvent une étape
cruciale pour avoir une bonne compréhension des mécanismes en jeu et en déterminer les diverses
composantes. En outre, consulter les personnes impliquées dans la situation dite de « changement »
est un prérequis à ne pas négliger, même si cela requiert une mise en perspective conceptuelle a
posteriori. En particulier, il semble important de promouvoir une prise en charge bien orientée, flexible
et individualisée, ce qui passe par un repérage efficace des besoins des personnes qui ne peut être
qu’intégrée dans le parcours de santé ou de soin. Dans le domaine du cancer, l’essor des recherches
en sciences humaines et sociales est considérable ces dernières décennies qui sont favorisées et
encouragées par des structures nationales (e. g. Institut national du cancer, INCa), interrégionales (e.
g. cancéropôles) ou locales comme les Sites de Recherche Intégrée sur le Cancer (SIRIC) qui permettent
d’organiser et de structurer la recherche et ainsi favoriser les recherches multidisciplinaires.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Enfin, que nous soyons praticiens ou chercheurs, professionnels de santé ou psychologues, nous
évoluons dans une société qui présente ses propres normes et injonctions. Il semble important
d’identifier ou d’interroger ces éléments. En effet, il peut parfois être facile de considérer « qu’il faut »,
« qu’on doit » parvenir à un état donné (e. g. amener les personnes à se faire dépister, administrer
des soins aux patients à tout prix), mais garder à l’esprit que ces affirmations peuvent ne pas être
valables pour tous reste crucial. De ces éléments se dégage indéniablement une réflexion éthique
et déontologique sur les pratiques de santé, de soin, les politiques de santé publique. Ainsi la prise
en charge du cancer est à considérer dans un contexte idéologique et social et il revient à tous de
s’interroger sur le sens et le rôle des interventions qu’ils proposent dans ce contexte.
214 Psychologie de la santé : applications et interventions

À retenir
Dépistage – « Le dépistage est une démarche qui vise à détecter, au plus tôt, en l’absence de symptômes,
des lésions susceptibles d’être cancéreuses ou d’évoluer vers un cancer. L’intérêt du dépistage est de
pouvoir ainsi détecter plus précocement un cancer, de mieux soigner le patient et de limiter la lourdeur des
traitements et des séquelles éventuelles » (INCa, http://www.e-cancer.fr/depistage).
La qualité de vie – « La perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la
culture et du système de valeurs dans lesquels il vit et en relation avec ses objectifs, attentes, standards et
inquiétudes. C’est un concept très large affecté de manière complexe par la santé physique de la personne,
son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales et ses relations avec les caracté-
ristiques essentielles de son environnement » (définition proposée par le groupe qualité de vie de l’Orga-
nisation mondiale de la santé).
Soins de support en cancérologie – « Traduit de l’anglais supportive care, le terme « soins de support »
désigne l’ensemble des soins qui prennent en charge les conséquences, pour le malade, d’un cancer et de
ses traitements : douleurs, troubles alimentaires, problèmes sociaux, psychologiques… Les soins de support
sont donc complémentaires des traitements destinés à soigner la tumeur en tant que telle (chirurgie, radio-
thérapie, chimiothérapie…). Ils sont déterminants en termes de qualité de vie pour la personne malade. Les
Anglo-Saxons parlent volontiers de soins intégrés, incluant toute démarche aidant à conserver un équilibre
corporel et psychique » (INCa, http://www.e-cancer.fr/moyenspouragir/html/soigner/les-soins-de-support.
html).
Soins palliatifs – « Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne
atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale. L’objectif des soins palliatifs est de soulager les
douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psycholo-
gique, sociale et spirituelle » (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, http://www.sfap.
org/content/d%C3%A9finition-des-soins-palliatifs-et-de-laccompagnement)

Lectures conseillées
Barraclough, J. (1999), Cancer and Emotion : A Practical Guide to Psycho-Oncology.
Chichester, New York, J. Wiley.
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LES TRAITEMENTS
DES CONDUITES À RISQUE
DANS LE CHAMP
DE LA SANTÉ
ET DE LA MALADIE1

1.  Par Bernard Cadet, centre d’études et de recherches sur les risques et vulnérabilités (CERReV, EA 3918), Campus 1,
université de Caen-Basse-Normandie.
aire
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1. Introduction............................................................................................................ 221
2. Éléments théoriques.............................................................................................. 222
3. Champs et terrains d’application.......................................................................... 230
4. Perspectives pour la mise en œuvre.................................................................... 240
5. Conclusion prospective......................................................................................... 247
Bibliographie.............................................................................................................. 251
Webographie............................................................................................................. 256
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 221

« Il y a dans l’histoire naturelle deux écueils


également dangereux  : le premier de n’avoir
aucune méthode et le second de vouloir tout

rt

Pa
rapporter à un système particulier »

(Buffon, 1707-1788).

1. Introduction ie
Ce chapitre traite d’un sujet qui est devenu à la fois un problème individuel et un problème
de société : celui des conduites à risques qui affectent la santé ou modifient le cours de la maladie
(ci-après CRPS : conduites à risques pour la santé). Il est vraisemblable que de telles « façons d’agir »
(désignons-les ainsi en attendant de pouvoir les caractériser de façon plus précise) existent depuis
toujours et qu’elles étaient déjà présentes chez nos plus lointains ancêtres tant elles sont liées aux
activités de la vie. Ce qui est nouveau, depuis la fin du xixe siècle et le début du xxe, c’est le regard
que l’on porte sur elles et les appréciations qui leur sont attachées, qui vont radicalement modifier
leur statut.
L’exemple du tabac en constitue une parfaite illustration. Lors de la découverte des Amériques,
les explorateurs décrivent chez les populations autochtones, des comportements qui attirent leur
attention et les intriguent : ceux qui consistent à fumer du tabac avec une pipe. Cette pratique,
d’ailleurs récréative, est réputée purifier l’organisme, vaincre la fatigue, combattre la tristesse, favo-
riser la convivialité et les expériences spirituelles. Le tabac est utilisé à des fins médicales pour guérir
les blessures, traiter les rhumatismes, les douleurs dentaires, la toux, etc. Ces vertus thérapeutiques
vont rester longtemps attachées à ce produit et les médecins itinérants de la conquête de l’Ouest,
délivraient des suppositoires à base de tabac pour remettre leurs patients en selle. Il fallut attendre
le début du xxe siècle pour commencer à prendre conscience que l’usage du tabac comportait aussi des
effets négatifs et les années 1940 pour identifier clairement les conséquences délétères découlant
de pratiques régulières (parfois intenses) et prolongées. Les recherches contemporaines permettent
aujourd’hui d’avancer que « fumer porte atteinte à presque tous les organes du corps et tragique-
ment, cette atteinte conduit souvent à des maladies incurables et à la mort » (US Surgeon General,
2004, p. 1).
À bien des égards cette courte évocation est emblématique de ce que sont les CRPS : des activités
qui au moment où elles se déroulent sont recherchées et perçues positivement mais qui engendrent
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

à terme (pas toujours long) des états de dépendance ou d’addiction, lesquels affectent négativement
les conditions de l’existence et l’espérance de vie. L’une des difficultés de l’étude des CRPS mais ce
n’est pas la seule, tient à l’existence, dans une même entité, du plaisant et du néfaste qui, stricto
sensu, ne coexistent pas compte tenu du décalage temporel qui les sépare.
Face à ce constat, les deux objectifs que Saperstein (1996) assignait à la recherche scientifique :
mieux comprendre le « monde » afin de mieux agir sur lui, définissent les deux grandes catégories de
tâches dévolues aux psychologues en matière de CRPS. D’abord comprendre, c’est-à-dire expliciter
le réseau des relations opérantes qui produisent et font évoluer (ou bloquent) les conduites ; ensuite
déterminer les modalités d’action susceptibles d’amener les personnes concernées à modifier leurs
conduites pour en supprimer ou en atténuer les effets néfastes. Précisons que Saperstein formulait
ces recommandations à propos du traitement des systèmes complexes et que, compte tenu des
222 Psychologie de la santé : applications et interventions

observations et des travaux publiés, il n’existe désormais aucun doute quant au fait que les conduites
à risques pour la santé relèvent de cette caractérisation.
Traiter d’un objet d’études complexe demande en tout premier lieu que cette complexité soit
reconnue et respectée (Cadet, 2010), exigence dont découlent de multiples conséquences : quant
à la définition de l’objet étudié, quant à son traitement par des méthodes appropriées, quant à la
validité et au caractère transposable des conclusions.
Comme pour toutes les contributions de cet ouvrage, le propos sera organisé en trois volets : les
éléments théoriques à mobiliser, les champs et terrains d’application qui les accueillent et enfin les
perspectives qui s’ouvrent pour des mises en œuvre à court ou à long terme. Ainsi que nous nous
attacherons à le montrer, ces trois parties ne représentent pas trois secteurs séparés et il est au contraire
fécond de considérer leurs frontières comme des membranes osmotiques qui permettent les échanges
étant entendu que pour les CRPS, il s’agit de la circulation et de la diffusion des informations qui
peuvent provenir de chacun d’eux et dont chacun peut s’enrichir.

2. Éléments théoriques

L’intitulé « éléments théoriques » est suffisamment large pour, sur le thème des CRPS, rassembler
non seulement les théories proprement dites mais toutes les procédures et outils qui les accom-
pagnent et sans lesquels elles n’auraient pu être ni élaborées, ni validées. Seront donc analysées
dans cette section toutes formes de démarches et de méthodes qui contribuent à la construction
d’entités théoriques. L’usage du qualificatif « théorique » ne doit toutefois pas prêter à confusion.
Soumis à l’osmose ci-dessus mentionnée, le théorique n’est en rien coupé du concret ou opposé à la
réalité comme pourrait, à tort, le suggérer l’antinomie « théorie-pratique » utilisée dans le langage
courant. Le « théorique » dont il sera question dans ce chapitre est intimement lié au « concret », il
est en filiation avec lui, il en est l’émanation. Les activités de recherche peuvent être décrites sous
forme d’un parcours cognitif qui consiste à passer du plus concret (les observations) au plus abstrait
(modèles et théories) et il relève de la responsabilité des chercheuses et chercheurs de déterminer
sous quelle(s) forme(s) et avec quels outils ce parcours sera entrepris.

2.1 Options retenues pour le traitement des CRPS


Les CRPS sont étudiées dans plusieurs disciplines ; chacune a ses outils, ses méthodes, ses concepts
et ses grilles de lecture. Le présent chapitre s’attache à analyser les apports de la psychologie. Il ne
vise donc pas à entreprendre un traitement exhaustif des CRPS (à supposer qu’il existe), pas même
pour ce qui relève de cette discipline. Dans le parcours qui vient d’être évoqué ce sont les relations
entre observations, méthodes et constructions théoriques et leurs diverses articulations qu’il a été
retenu d’analyser. Elles sont loin de constituer la totalité des apports de la psychologie à la connais-
sance des conduites à risques mais elles représentent en quelque sorte la clé de voûte de l’édifice
conceptuel qui a été construit… et continue de l’être. La psychologie, science des conduites, offre
l’opportunité de traiter les difficultés liées aux CRPS à trois niveaux : la dimension individuelle
(pourquoi une personne bien spécifiée, est-elle engagée dans une CRPS ?), la dimension sociale et
groupale (pourquoi certains groupes sont-ils plus enclins à développer des CRPS que d’autres ?) et
la dimension préventive (comment aider les sujets ou les groupes en difficulté ou susceptibles de
s’y trouver, à les réduire ?).
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 223

Reste maintenant à préciser le positionnement épistémologique retenu pour entreprendre cet


examen : il sera positiviste. Très sommairement caractérisé, le positivisme consiste à considérer que
les phénomènes sociaux sont des « objets » et qu’à ce titre, ils peuvent être étudiés avec les mêmes
démarches de contrôle et le même souci d’objectivation que les objets étudiés dans d’autres disciplines
scientifiques. Des mesures peuvent être faites, des concepts dégagés, des lois établies, des théories
construites et éprouvées en vue de justifier les choix d’action les plus pertinents. Cela suppose que
l’on s’accorde initialement sur la proposition que les CRPS possèdent une existence propre et qu’elles
ne sont pas des créations ex nihilo.
Comme on le sait, une telle option n’est guère nouvelle, elle trouve ses racines dans deux contri-
butions princeps très connues. Celle de Durkheim d’abord sur le suicide (Durkheim, 2007/1897)
(déjà un important risque psychosocial) et la célèbre assertion d’étudier les faits sociaux comme des
choses (ce qui ne veut pas du tout dire les chosifier). Celle de Dewey (2002-1922) ensuite impli-
quant le choix du positivisme comme option organisatrice de la psychologie sociale et au-delà de
nombreuses sciences humaines et sociales.
L’option méthodologique c’est-à-dire quels outils employer et quels procédés mettre en œuvre pour
étudier les CRPS, vient compléter le dispositif. Ce texte soulignera l’importance des choix méthodo-
logiques dans la production de connaissances relatives aux CRPS car les stratégies retenues pour le
traitement des données sont déterminantes dès lors que, de leurs performances bonnes ou médiocres,
dépendent la qualité des connaissances produites et ultérieurement celle des actions qui en découlent.
La complexité des conduites à risque requiert qu’un soin tout particulier soit attaché au traitement
de ce point car si une « bonne » méthode ne donne pas nécessairement de « bons » résultats, il est
avéré qu’une méthode médiocre conduira à coup sûr, à de piètres résultats.

2.2 Repères sémantiques et conceptuels


La première démarche « théorique » à mettre en œuvre consiste à déterminer les propriétés des
CRPS afin de constituer un corpus. Il s’agit de pouvoir différencier les CRPS d’autres situations,
conduites, comportements ou situations susceptibles d’engendrer des dommages pour la santé mais
qui pour autant ne relèvent pas de cette dénomination. Les activités de catégorisation (Rosch, 1998)
seront mises en œuvre afin de regrouper des entités qui, bien que se présentant sous des formes
différentes, possèdent des propriétés communes.
Les deux notions sémantiquement les plus proches qui peuvent aussi porter atteinte à la santé,
sont celles de situation dangereuse et de prise de risque (Boholm, 2012).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

La situation dangereuse se caractérise génériquement par le fait que la personne qui s’y trouve
exposée connaît le danger mais juge sa survenue improbable. C’est la modification souvent inat-
tendue et brutale des caractéristiques de l’environnement qui provoque la perception que le danger
n’est plus virtuel mais bien présent et actif. Par exemple, pour des alpinistes partis en course, les
situations très dangereuses en montagne surgiront du fait d’une détérioration brutale des conditions
météorologiques.
La prise de risque, quant à elle, désigne un choix d’action exceptionnel, au sens de non répé-
titif, lors duquel une personne concernée par les enjeux d’une situation, opte pour un choix d’ac-
tion qui, compte tenu des connaissances disponibles, paraît peu favorable pour atteindre le but
recherché. La prise de risque agie est donc un pari cognitif, qui se fonde sur des valeurs personnelles
(confiance en soi, intuition, motivation) plutôt que sur des connaissances partagées de statut public.
Cognitivement, la prise de risque traduit une valorisation de l’incertitude et de ses potentialités sur
la « certitude » relative et ses effets connus. Isen et Patrick (1983) ont été les premiers à montrer
224 Psychologie de la santé : applications et interventions

expérimentalement que « des sentiments positifs » permettaient des prises risque contre le cours
habituel et public des événements (pour une approche détaillée, voir Isen, 1999). La prise de risque
est souvent individuelle, elle exprime une appétence pour une situation bien particulière et repose
sur des sentiments positifs modérés (mild feelings) qui vont servir de support à l’action.

2.3 Les conduites à risque pour la santé :


caractéristiques théoriques
Les conduites à risques pour la santé, se différencient des deux notions précédentes par la conjonc-
tion de cinq caractéristiques. Les personnes qui s’y trouvent engagées 1) ont souvent élaboré des
représentations mentales assez exactes de la nature des dommages encourus, 2) néanmoins elles
restent engagées dans la situation en dépit des risques connus, 3) qu’un tel engagement, durable et
prolongé, peut conduire à des phénomènes d’addiction, 4) et que la conduite à risque est, notoi-
rement plus que dans les prises de risque, l’occasion de mise en œuvre de facteurs psychologiques
individuels (Hoyle, 2000) et/ou groupaux (Card et Giulano, 2011). Les niveaux individuels et sociaux
sont d’ailleurs étroitement imbriqués au point qu’ils sont parfois difficiles à distinguer (à supposer
que cela soit opportun). Toute CRPS correspond à une situation dans laquelle les dommages résultent
d’un engagement personnel si bien que la personne est à la fois victime et acteur de ses souffrances
(Boholm, 2012). Mais ajoutons immédiatement que les CRPS comportent de fortes composantes grou-
pales et sociales. La référence groupale est si présente qu’elle mérite d’être considérée comme l’une des
caractéristiques différenciatrices des CRPS. Quel que soit l’âge, les pairs sont présents dans les CRPS
comme initiateurs, participants ou partenaires mais aussi comme « prescripteurs » et « juges » des
pratiques. L’influence du groupe s’exprime par l’adoption de rituels initiatiques ou de déroulement, de
formes langagières propres, et de contrôles d’exécution exercés par un groupe généralement structuré
avec un chef ou une égérie, qui peut aller jusqu’à sanctionner les « déviances » dans les pratiques.
Card et Giuliano (2011) mettent en évidence le rôle important des pairs lors de l’engagement dans
différentes conduites à risque, principalement à l’adolescence mais aussi chez les personnes âgées,
et d’une façon qui paraît plus importante chez les femmes que chez les hommes (Card et Giuliano,
2011) 5) La cohabitation des contraires est une caractéristique fortement représentée dans les CRPS :
celle évidente du plaisir immédiat et des effets délétères différés. Un principe de non-contradiction,
qui n’est en rien un illogisme, fait qu’au moment où elles se déroulent, ces conduites créent un
plaisir immédiat alors que les atteintes à la santé paraissent lointaines, voire peu probables. Cette
cohabitation des contraires se retrouve aussi au niveau plus fondamental de la signification profonde
de ces conduites. Si leurs aspects négatifs sur la santé sont souvent mis en avant, un nombre très
significatif de travaux souligne leurs apports positifs, notamment à l’adolescence, en les considérant
comme des marques du passage vers l’âge adulte ou chez la personne âgée, comme des engagements
destinés à rétablir des contacts sociaux.
Des grilles de lecture faisant directement ou indirectement référence à la psychopathologie de
l’adolescence (Sélosse, 1996 ; Courtois, 2011) soulignent que les CRPS peuvent aussi être considérées
comme des appels adressés aux parents ou à la société, comme procurant des compensations et des
réassurances à des sujets qui rencontrent des troubles de l’humeur, qui éprouvent du stress, une
faible estime d’eux-mêmes, connaissent des relations sociales difficiles, etc. La conduite à risque
vient combler de façon directe et parfois ostentatoire, ces carences ou ces vides affectifs, et de fait,
elle est considérée de façon positive à l’adolescence (Buelga et Musitu, 2006).
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 225

2.4 Repères paradigmatiques : la distinction


comportements à risques et conduites à risque
Une façon différente de spécifier ce que sont les CRPS consiste à les caractériser selon une approche
paradigmatique. Le terme, tout autant que la démarche, pourraient sembler ne trouver leur place
que dans un débat de spécialistes ; il n’en est rien puisque des choix faits à ce niveau découlent une
cascade de conséquences. Le terme « paradigme » signifie approximativement « école de pensée » et
permet de caractériser la façon dont vont être « pensées » et conçues les CRPS en vue de leur étude.
Dans une telle optique, les termes comportements à risques d’une part et conduites à risques d’autre
part représentent deux objets scientifiques distincts malgré leur grande proximité sémantique qui
se trouve d’ailleurs renforcée par le fait que ces désignations sont appliquées au même objet si bien
qu’il arrive fréquemment qu’elles soient parfois confondues.
Le comportement fait référence au paradigme béhavioriste qui l’a instauré comme objet d’études.
Il s’agit d’un mode de réponse observable et évaluable, d’une personne à un stimulus c’est-à-dire à
un « signal » qui est perçu dans l’environnement. Même si l’exercice répété de l’association « signal-
comportement » en modifie progressivement les formes, le comportement présente un degré élevé
d’automaticité : il est censé se produire chaque fois que le stimulus apparaît et ce dernier prend ainsi
valeur de déclencheur. En termes concrets, cela signifie qu’un comportement à risques serait une
réponse observable produite du fait de la présence d’un ou de plusieurs signaux « déclencheurs ». Sur
le plan théorique, cette désignation laisse penser que la CRPS ne serait rien d’autre qu’une association
entre un stimulus (l’anxiété par exemple) et une réponse. La façon de se comporter représenterait la
réponse (par exemple : prise d’une substance) qui permettrait une réassurance si bien qu’elle serait
l’objet d’une forme de renforcement positif. En effet chaque fois que l’anxiété deviendrait impor-
tante, le comportement addictif viendrait l’atténuer. Traiter la CRPS consiste alors à affaiblir cette
liaison, que l’on peut imaginer plus complexe lorsqu’elle utilise des schémas multivariés. L’objectif
principal de la stratégie de recherche consiste alors à isoler un ensemble de variables prédictrices
(indépendantes) pour prévoir un comportement à risques (variable dépendante). La liaison entre
ces deux ensembles, est en général conçue comme linéaire (i. e. elle s’exprime par des indices statis-
tiques linéaires tels le coefficient de corrélation de Bravais Pearson par exemple ou le coefficient de
corrélation multiple (Abdi, 2007)).
La conduite, par contre, relève d’un autre paradigme : celui du cognitivisme. Selon ce courant de
pensée, qui s’est surtout développé après 1970, les conduites, dont évidemment celles à risques pour
la santé, sont élaborées et construites (et non pas déclenchées) à partir de modalités propres à chaque
personne qui prélève et traite des informations, en fonction de ses connaissances, de ses besoins, des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

objectifs à long ou à court terme qu’elle s’assigne ou de tout autre caractéristique considérée comme
pertinente. Ce qui est observable et souvent quantifiable, c’est-à-dire la conduite à risque, sera consi-
déré comme résultant de l’activité d’un réseau informationnel (appelé parfois cognitif) comportant
plusieurs variables (dont certaines peuvent être temporaires) et l’objectif de la recherche consiste
à identifier les différentes relations qui le constituent. Finalement, la façon dont chaque personne
pondère, traite et intègre les informations que comporte chacune des variables actives, détermine
la conduite. On peut dire de ces informations, qu’elles sont « personnalisées », multiples et en inte-
raction et qu’elles activent les modes de fonctionnement de réseaux d’où résulteront les conduites.
Cette distinction entre comportement et conduite illustre, qu’en matière de recherche scientifique,
ce sont moins les caractéristiques de l’objet étudié que la façon dont elles sont prises en considéra-
tion, qui vont s’avérer déterminantes.
226 Psychologie de la santé : applications et interventions

2.5 Le principe de compatibilité : une exigence majeure


Il serait pour le moins maladroit d’appliquer une méthode qui ne tiendrait pas compte des carac-
téristiques de l’entité étudiée, puisqu’elle est destinée à lui être appliquée. Il est patent que du degré
d’adéquation de la méthode à l’objet dépend la pertinence des conclusions et par-delà, la valeur des
théories qu’elles permettront d’élaborer. Cette exigence peut être appelée « principe de compatibi-
lité » ou « de cohérence » et constitue une extension, au niveau méthodologique, du terme qu’ont
utilisé Ajzen et Fishbein (1977) pour analyser la compatibilité entre attitudes et conduites. Un tel
principe, qui relève d’une légitime exigence épistémologique, requiert que les propriétés saillantes
des CRPS soient caractérisées avec précision afin de choisir ensuite les méthodes qui permettent de
les traiter sans simplification dommageable (condition nécessaire) mais aussi, comme l’indiquent
Muller, Lee et Sharma (2008) sans complication inutile, c’est-à-dire sans multiplier à l’excès les
notions retenues (condition suffisante). Seuls les caractères considérés comme essentiels méritent
d’être retenus (Mumford et Owens, 1987) de façon à souscrire à la règle du rasoir d’Occam. C’est cette
position de la méthode ajustée au mieux aux données, parfois appelée « fit » (ajustement précis) par
les anglophones, qu’il est nécessaire de déterminer.

2.6 Les propriétés saillantes des CRPS


Comme premiers jalons, très généraux, nous retiendrons de caractériser les CRPS comme des
entités constituées, complexes, dynamiques, construites à partir d’évaluations personnelles qui se trouvent
mises en œuvre de façon à satisfaire des besoins eux aussi personnels, alors même que ces « satisfac-
tions » ont pour contrepartie des risques de détérioration de la santé.
Quelques brefs commentaires sur un tel positionnement et les conséquences qui en découlent.
Constituées indique que les CRPS sont des entités identifiables, complexes signifie qu’elles impliquent
l’intervention simultanée de plusieurs variables (ou dimensions) mais que surtout elles recèlent des
interactions fréquemment non linéaires, dire qu’elles sont dynamiques c’est considérer leurs poten-
tiels évolutifs, souligner qu’elles sont construites c’est faire référence à des stratégies personnelles
ou groupales, se référer à des évaluations personnelles, c’est traiter la variabilité et les différences
interpersonnelles comme des références fondamentales plutôt que comme des variations gênantes
ou parasites. Nous progresserons dans l’analyse en remarquant que, autant que faire se peut, il
est opportun d’appliquer aux CRPS des analyses en termes de dynamiques plutôt que de constats
statiques, d’évaluations personnelles plutôt que de références génériques, et de démarches construites
plutôt qu’imposées. Le projet consiste à « capturer la conduite humaine » (Ferguson, 2007), tandis
que l’obstacle réside dans la nécessité de traiter simultanément toutes ces caractéristiques et de
s’assurer, par des choix pertinents, de leur compatibilité.

2.7 Évaluation des risques pour la santé


à partir des valeurs personnelles
Définir méthodologiquement ce qu’est un risque pour la santé est moins évident qu’il n’y paraît au
premier abord. En effet, en Français, les acceptions courantes du terme « risque » ne distinguent pas
clairement deux grandeurs de référence : la probabilité qu’un événement se produise (par exemple,
un risque de tempête) et les conséquences négatives qu’il comporte (par exemple, le risque routier est
coûteux pour la collectivité). Pour éviter cette confusion, nous retiendrons une définition plus tech-
nique : celle que donnent les auteurs nord-américains (Yates, 1992) qui distinguent les conséquences
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 227

négatives (– c) ou dommages que causent la conduite et la fréquence des occasions amenant à subir ces
dommages, transcrite par la probabilité (p) d’occurrence. Cette clarification, tout à fait essentielle,
amène à considérer qu’évaluer un risque c’est faire simultanément référence aux deux grandeurs en
les combinant. Pour autant la question de l’évaluation n’est pas résolue, il reste en effet à préciser
les modes d’évaluation que l’on va appliquer à (p) et à (– c).
Les économistes, confrontés au risque financier, ont proposé (en cas de pertes pressenties) que
le risque R soit quantifié sous forme d’un produit combinant ces deux références, soit R = (p)*(– c).
Cette relation peut être déclinée sous de nombreuses formes (Cadet, 2009a) et nous nous bornerons
à présenter celle qui utilise des valeurs personnelles, dites aussi subjectives.
Que la probabilité, qui pour une proportion importante de psychologues est la marque même du
caractère scientifique de la recherche, puisse être subjective ne va pas sans soulever de résistances.
Force est de constater qu’elles sont souvent infondées et cela s’avère particulièrement vrai pour les
conduites à risque. L’évidence est pourtant contraignante : l’appréciation d’un risque repose sur des
évaluations personnelles tant de (p) que de (– c).
C’est dans la seconde moitié du xxe siècle, grâce aux apports des statisticiens personnalistes et
bayésiens travaillant sur les prises de décision (Savage, 1954 ; De Finetti, 1974), que le courant
subjectif va trouver ses justifications épistémologiques. De Finetti étudie par exemple les conduites
de paris sportifs et publie deux articles à l’intention des psychologues pour montrer l’importance des
conceptions personnalistes dans l’élaboration des conduites. À la même époque, en psychologie, les
premiers travaux d’Edwards consacrés à la décision en présence d’incertitude, avancent et illustrent
la conception que les conduites qui s’expriment par des actes, reposent moins sur des références
formelles que sur des traitements personnels (pour une présentation historique et conceptuelle,
voir Edwards, Miles et von Winterfeldt, 2007). Il apparaît alors que les décisions individuelles sont
élaborées hors des modèles formels préconisés en économie, conclusion qui ouvre la voie à des
conceptions de l’évaluation des risques faisant référence à ces valeurs personnelles et à de nouveaux
modes d’évaluation des événements probables (Kahneman et Tversky, 1972 ; Wright et Ayton, 1994).
On se représente plus facilement la possibilité que l’évaluation des conséquences (– c) repose
également sur des références personnelles puisque l’appréciation du degré de nocivité des effets
d’une même conduite à risque varie considérablement avec les individus. Néanmoins, les repères
ne sont pas clairement déterminés. Des consommateurs abusifs d’alcool ou des fumeurs invétérés
ne se perçoivent pas comme tels et se disent exempts des atteintes à la santé décrites comme étant
liées à ces pratiques. Les inégalités physiologiques (chaque organisme « résistant » plus ou moins
aux atteintes répétées de substances ou de pratiques nocives), les formes de résiliences au niveau
psychologique, sont invoquées comme contre-exemples masquant la réalité de la situation. Les
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inégalités socioéconomiques sont, au niveau de la population considérée globalement, tout à fait


opérantes comme génératrices de risques (Rowlingson, 2011) et de banalisation, voire de négation,
de leurs conséquences néfastes. Les différences individuelles et sociales ne doivent pas être consi-
dérées comme des « perturbations » devant être éliminées des lectures objectives. Elles sont en effet
porteuses d’information et la variabilité est une donnée déterminante pour connaître la position de
chaque personne en matière d’évaluation des risques.
En d’autres termes, ceci amène à concevoir que, à propos de la même situation parfaitement
concrète, les évaluations de tel adolescent différeront de celles de ses parents et de celles d’une autre
famille, tant pour la probabilité que pour les conséquences, car les valeurs personnelles utilisées par
ces différentes personnes sont, par essence, différentes. Puisque dans la vie quotidienne, les choix
d’action se réfèrent à ces valeurs personnelles il a été avancé que « la probabilité [subjective] est un
guide de vie » (Bebee, Papineau, 1997) et qu’une « subjectivité rationnelle » (Bebee, Papineau, 1997)
était envisageable. Toutefois, les arguments de cette nature doivent être avancés avec circonspection.
228 Psychologie de la santé : applications et interventions

En effet, la plupart des situations que l’individu humain est amené à évaluer, dont les risques, font
appel à des probabilités composées alors que les évaluations en situation se réfèrent à des proba-
bilités simples. Juslin, Nillson et Winman (2009) avancent que ce décalage résulte des limitations
cognitives de l’opérateur humain qui « simplifie » la représentation de la situation en utilisant des
relations linéaires alors que les risques obéissent souvent à des déterminismes non linéaires (Chauvet
et Potter, 2001 ; Cadet, 2010).
Le qualificatif « subjectif » souvent employé, est donc à prendre au sens étymologique de « propre
à un sujet » mais pour éviter toute confusion avec un autre sens plus usité (l’opposé d’objectif), le
terme « personnaliste » paraît plus pertinent pour désigner ce courant. La probabilité subjective
est un « degré de croyance personnelle » qui postule que la probabilité n’est pas une propriété du
monde, mais une évaluation « qui renvoie à une lecture personnelle de ce monde » (Cadet, 2006,
p. 42). Les conséquences négatives (– c) d’une CRPS sont aussi appréciées par la personne et pour ce
qui la concerne en se référant à un réseau d’informations rendues disponibles à cet effet. Le courant
personnaliste est le vecteur d’une révolution copernicienne. En effet, alors que dans la conception
objective, le risque est évalué en référence à une situation ; il l’est par rapport à une personne dans
la conception subjective. L’intérêt qui en résulte est bien entendu de pouvoir rendre compte des
différences dans les engagements personnels.

2.8 Évaluation des conduites à risque pour la santé :


apports des théories
À bien des égards, le critère (p* – c) peut apparaître trop global, en particulier lorsque le choix se
détermine en faisant référence à plusieurs aspects de la situation dont certains paraissent plus attrac-
tifs (ou plus rébarbatifs) que d’autres. Sa modification amène à la théorie prospective (prospect theory)
de Kahneman et Tversky (1979). Les conséquences (– c) de l’action choisie (ici celles de s’engager
dans une conduite à risque) ne seront plus évaluées pour une situation mais en fonction des gains et
des pertes qu’elle engendre pour chaque éventualité (perspective). Les conséquences sont pondérées
par des poids de décision qui « mesurent l’impact des événements sur la désirabilité des perspectives
et pas seulement sur la vraisemblance perçue de ces événements » (Kahneman et Tversky 1979,
p. 280). La théorie prospective permet que différentes facettes d’une CRPS puissent être, sur la base
de valeurs personnelles, considérées comme plus attractives, que les effets négatifs qui résultent
d’autres facettes, si bien que la personne va s’y engager. Une autre personne peut évidemment les
pondérer différemment, obtenir le bilan inverse et ne pas s’y engager.
En utilisant expériences et observations, et dans le prolongement de l’utilisation des valeurs
personnelles, une théorie que l’on pourrait qualifier de « tout cognitif » a été élaborée par Kahneman,
Slovic et Tversky (1982). Elle ne requiert ni la définition de variables, ni la quantification de valeurs
telles que (p) et (– c), ni a fortiori, la conformité à des axiomes. L’évaluation des risques est réalisée de
façon globale, en situation, à partir des informations disponibles, par les personnes concernées, qui
utilisent des procédures simples et peu coûteuses en ressources cognitives, qui ont reçu l’appellation
d’heuristiques. Ce terme qui est devenu un substantif, a été introduit comme adjectif par le mathé-
maticien Polya (1887-1985) qui le prenait au sens étymologique de : « qui sert à découvrir » (Polya,
1957, p. 113). La définition, particulièrement pertinente, que cet auteur donne du « raisonnement
heuristique » est la suivante : « [C’est] un raisonnement qui n’est pas considéré comme définitif
mais seulement comme provisoire et plausible qui a pour but de découvrir la solution au problème
présent » (Polya, 1957, p. 113).
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 229

La conduite à risque, entité personnalisée et contextualisée, appréciée ici et maintenant selon


la formule consacrée, possède des caractéristiques épistémologiques qui s’ajustent d’emblée à la
démarche heuristique. Enrichies d’un important volet cognitif qui spécifie la nature des opérations
mentales mises en œuvre (Tversky et Kahneman, 1974 ; Kahneman, Slovic et Tversky, 1982), les
heuristiques vont acquérir un statut théorique. Ces « mathématiques » transitoires et concrètes
que représentent les heuristiques, considérées comme des procédures rapides et simples, avaient
pour contrepartie de ne toujours être précises. Leur utilisation s’accompagne de distorsions dans
l’évaluation appelées biais dont l’effet dépend de l’heuristique utilisée. Les heuristiques premières
« sont plutôt utiles, mais peuvent parfois mener à des erreurs sévères et systématiques » (Tversky et
Kahneman, 1974, p. 1124).
Dans la formulation théorique initiale, l’évaluation des risques par heuristiques consiste à ratta-
cher globalement une CRPS devant être évaluée à des situations antérieures connues qui seront utilisées
comme références (Cadet, 2009b). Trois procédés sont mis en œuvre relevant de trois heuristiques
distinctes (Kahneman, Slovic et Tversky, 1982) :

•  La représentativité qui consiste à évaluer dans quelle mesure une CRPS (disons : l’addiction
à l’héroïne) peut être rattachée à une classe (au sens statistique) de conduites (par exemple
l’addiction à l’héroïne chez les jeunes si la conduite à évaluer est celle de l’addiction d’un sujet
jeune à l’héroïne).

•  L’ancrage-ajustement consiste à rattacher une CRPS à une conduite connue antérieurement et à


l’y ajuster. Ayant eu à connaître antérieurement, directement ou par les médias, un cas d’addic-
tion à l’héroïne chez un jeune, l’évaluateur va y rattacher le cas actuel [ancrage] en affinant
son jugement en fonction des différences constatées [ajustement].

•  La disponibilité enfin conduit à évaluer une CRPS en fonction d’informations caractéristiques


largement diffusées, donc rendues plus « disponibles » pour évaluer la situation. Il s’agirait, pour
poursuivre l’exemple, d’évaluer dans quelle mesure la conduite actuelle d’un sujet reproduit les
caractéristiques générales connues des conduites d’addiction à l’héroïne.
Les contributions complémentaires ou plus récentes (Shanteau, 1989 ; Schneider et Shanteau,
2003) et surtout Gigerenzer (2008, 2009-2002) et Gigerenzer et Gaissmaier (2011) ont considéra-
blement élargi l’assise conceptuelle initiale dont l’étroitesse notoire générait beaucoup de rigidité
et donc des distorsions systématiques dans les évaluations des risques. On dénombre actuellement
une quinzaine d’heuristiques (Gilovitch, Griffin, Kahneman, 2002) qui méritent d’être considérées
comme autant de stratégies d’évaluation possibles des conduites à risques. Deux apports parmi les
plus significatifs sont la mise en évidence d’une heuristique d’affect (Finucane, Alhakami, Slovic et
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Johnson, 2000) et l’élaboration d’heuristiques culturelles (Bailey et Hutter, 2006).


L’heuristique d’affect avance que les conduites d’évaluation ne sont pas seulement fondées sur
des principes de rationalité désincarnés qui seraient aussi universellement contraignants que ceux
de la logique. En effet, les données affectives (les désirs, les préférences, les souhaits, les carences
éprouvées) peuvent être les déterminants premiers d’une conduite (Slovic et Peters, 2006) et partant,
influencer l’évaluation d’une CRPS. Dans les CRPS régies par l’heuristique d’affect, les « bénéfices »
espérés, temporellement proches, sont pondérés plus fortement que les conséquences négatives,
différées dans le temps, et parfois perçues si lointaines qu’il n’est pas possible d’avancer que le risque
soit assumé : il est plutôt gommé ou escamoté voire oublié ou omis.
La recherche de Bailey et Hutter (2006) traite des risques d’être infecté par le VIH et d’être atteint
du sida à la suite de rapports sexuels non protégés. Entreprise sur des travailleurs migrants à Goa
(Inde), elle prolonge les options de Gigerenzer, en soulignant que plusieurs heuristiques culturelles
peuvent être utilisées comme stratégie d’évaluation de ces risques. Les auteurs franchissent une étape
230 Psychologie de la santé : applications et interventions

en introduisent la notion de rationalité culturelle et en soulignant qu’elle peut sous-tendre les choix
d’action sans pour autant être en accord avec la rationalité formelle.
Les heuristiques sont effectivement mises en œuvre dans la perception des risques pour la santé.
Peter, McCaul, Stephanek et Nelson (2006) montrent leur rôle dans la perception du risque de
cancer. Une stratégie plus complexe face à l’incertitude consiste à combiner les apports de plusieurs
heuristiques pour élaborer un instrument d’évaluation plus complet. Ainsi, Katapodi, Dodd, Facione,
Humphreys, Lee (2010), étudient l’évaluation des risques de cancer du sein et les biais de pessimisme/
optimisme qui en résultent, en ouvrant largement le champ des procédés utilisables : la disponibi-
lité et les heuristiques culturelles sont associées. Les résultats montrent que les femmes interrogées
évaluent le risque de cancer à partir d’informations concrètes. Ainsi 50 % d’entre elles perçoivent le
risque comme équivalent à celui de leurs amies ou de leurs paires.
Conduit jusqu’à son terme actuel, ce courant d’études débouche sur la construction d’une théorie :
celle de la prise de décision heuristique (Gigerenzer et Gaissmaier, 2011) qui permet de définir un
cadre et des stratégies en utilisant des références purement psychologiques (connaissances, affects,
besoins et motivations). L’étape suivante consiste à identifier les variables explicites mais surtout
latentes, qui permettent d’entreprendre le traitement de la situation telle qu’elle est observée sur
le terrain.

3. Champs et terrains d’application

Cette seconde partie est consacrée à des études de terrain dans lesquelles se trouvent mises
en œuvre certaines des notions théoriques présentées dans la première partie. Plusieurs options
s’offraient pour l’organiser et nous avons retenu d’analyser des travaux dans lesquels le « terrain »
occupe une place importante à toutes les étapes de la recherche.

3.1 Les CRPS sous l’angle nosographique


Au niveau du terrain, les CRPS peuvent être caractérisées de façon nosographique, c’est-à-dire
en catégorisant (Rosch, 1998) à partir de leurs caractéristiques observables ou susceptibles de l’être.
Nous proposons, sur ce critère, de distinguer neuf grandes rubriques :
•  l’usage de substances psychoactives, alcool, tabac, cannabis, opiacés, drogues « naturelles » et
de synthèse (parfois légales), dans des situations de « loisirs », des activités sociales ou à la suite
de difficultés personnelles ;
•  les atteintes directes ou indirectes au corps : agressivité, violence sur son propre corps ou celui
d’autrui (automutilation, scarifications abusives), piercings oraux (langue, lèvres, joues), bron-
zages addictifs ;
•  les conduites ordaliques, pulsions suicidaires, recherche personnelle de « sensations extrêmes »
et/ou de ses propres limites ;
•  les conduites sexuelles valorisant le « risque » (au sens courant) ou la violence, rapports non
protégés, viols, sadomasochisme ;
•  la propension à rechercher le danger comme excitant (« la décharge d’adrénaline ») dans les
sports extrêmes, les comportements routiers ou aériens dangereux pour soi et pour autrui
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 231

(circuler en sens inverse sur l’autoroute, à vitesse excessive, sans ceinture, ou sans casque pour
les deux roues, conduite en état d’ébriété et/ou sous l’emprise de stupéfiants) ;
•  les addictions aux jeux sous diverses formes : électroniques (jeux de stratégie), aux jeux de
hasard et aux loteries, aux paris sportifs ;
•  les sédentarisations journalières prolongées et difficultés associées (obésité et troubles du
sommeil) ;
•  les régimes alimentaires susceptibles de porter atteinte à la santé, soit par la composition, soit
par les quantités ingérées (très faibles ou très fortes) ;
•  les dépendances ou addictions médicamenteuses : abus de benzodiazépines, d’anti-inflamma-
toires, de tranquillisants, d’aspirine (et autres).

3.2 La recherche d’un critère opérationnel


Une stricte application de la définition que donne l’OMS (Organisation mondiale de la santé) de
la santé conduirait à considérer comme « à risque » toute conduite qui affecterait la santé définie
comme « un état de complet bien-être physique, mental et social ». Outre qu’elle serait interminable
et perpétuellement en évolution, la liste des risques qui résulterait de l’application de ce critère
serait à l’origine d’un « alarmisme » hors de propos (Favresse, 2010). Comme le souligne cet auteur,
les risques se sont multipliés à mesure que la définition de la santé s’élargissait bien au-delà de la
non-maladie. La définition de la santé par défaut (c’est-à-dire faisant uniquement référence à la
non-maladie) n’est plus un concept opérant puisqu’il faut y ajouter l’atteinte d’objectifs définis en
positif : la plénitude du développement personnel, l’accès à l’instruction, à l’éducation, à l’hygiène,
à la culture, à des relations sociales positives et à un cadre de vie structurant.

3.3 Les références sociales, culturelles et groupales


comme processus régulateurs
Toute conduite portant atteinte à la santé n’est pas nécessairement considérée comme une
conduite à risque pour la santé. Pour qu’il en soit ainsi, elle doit être caractérisée comme telle au
niveau culturel ou social. Ainsi des régimes alimentaires fortement sodés ou sucrés, l’embellissement
du corps utilisant des substances nocives, les bronzages aux ultra-violets sont rarement considérés
comme représentant des conduites à risques dans les groupes sociaux où ces pratiques ont cours.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’usage quotidien de substances psychostimulantes et euphorisantes tel le bétel (Norton, 1998) est
parfaitement admis en Asie alors qu’il fait l’objet de fortes mises en garde dans les cultures occiden-
tales, eu égard à ses effets sur l’esthétique (noircissement des dents) et sur la santé (carcinogénèse de
la sphère oro-buccale). (D’autres exemples, inversant la référence culturelle, pourraient être évoqués,
telle la consommation d’alcool.)
La délimitation des CRPS demande dès lors à être encadrée en se référant à un consensus social
pour déterminer, sur cette base, si une conduite peut être considérée ou non comme une CRPS. Le
critère santé n’y suffisant pas, cette distinction repose sur des références et des valeurs culturelles
et groupales partagées. Les incidences des caractéristiques sociales et culturelles sur les prises de
risque (au sens le plus général) ont été mises en évidence, dans une perspective sociologique, par
les ouvrages princeps de Douglas et Wildavsky (1982) et de Johnson et Covello (1987). Des travaux
expérimentaux soulignent aussi l’importance de la composante sociale dans le choix de conduites
à risques. Ainsi, dans une étude comparant des Chinois et des Américains du Nord, Hsee et Weber
232 Psychologie de la santé : applications et interventions

(1999) ont montré que les premiers étaient plus enclins à prendre des risques lorsqu’une contrainte
forte n’imposait pas d’action nécessaire.
Les références culturelles deviennent déterminantes dans l’appréciation des risques pour la santé
chez des personnes se réclamant d’une culture minoritaire ou qui y seraient rattachées, dont les
pratiques (alimentaires par exemple), sont très différentes de celles du groupe majoritaire. Loin de
se limiter à des aspects diététiques, c’est surtout un conflit psychique autour de l’identité culturelle
que symbolisent si fortement les habitus alimentaires (Delores, 2004).
A contrario, plusieurs travaux, souvent expérimentaux, montrent que la théorie culturelle du
risque s’avère peu féconde dans le traitement individuel approfondi des situations de terrain (Sjöberg,
1997 ; Oltedal, Moen, Klempe et Rundmot, 2004), en particulier lorsqu’elle recourt à l’analogie
généralisante comme mode de démonstration. Il est difficile pour autant de considérer qu’elle soit
dénuée de toute pertinence et c’est ici plus vraisemblablement son champ d’application et la façon
dont elle est utilisée plutôt que ses caractéristiques propres, qui sont en jeu.
Des travaux se rapportant aux risques liés à l’abus d’alcool, sur lesquels nous reviendrons (Grant,
Dawson, Stinson, Chou, Dufour, Pickering, 2004), étudient les évolutions des consommations à
10 ans d’intervalle (1991-2001), sur des échantillons importants (de l’ordre de 40 000 personnes)
représentatifs de la population nord-américaine. La dimension culturelle (ou celle d’acculturation ?)
et groupale (sur la base de groupes ethniques) y marque ses effets. L’étude retient comme critère
celui du DSM-IV (American Psychiatric Association, 2000) qui distingue deux niveaux excessifs de
consommation : abus d’alcool et dépendance à l’alcool. Ce travail présente la particularité d’étudier des
effets globaux (la population nord-américaine) et des effets groupaux (différents groupes ethniques
qui la composent). Seules les variations des groupes ethniques seront rapportées ici. Les résultats
montrent que les hommes, jeunes, « blancs » d’une part et hispaniques d’autre part représentent
de façon stable si l’on peut dire (résultats similaires en 1991 et en 2001), des groupes à haut risque
(consommations élevées). Par contre, les augmentations de consommation constatées au cours de
cette décennie concernent les hommes jeunes asiatiques et les femmes jeunes afro-américaines.
Globalement, les consommations des jeunes augmentent et celles des femmes se rapprochent de
celles des hommes. Néanmoins, les auteurs précisent « qu’il est clair qu’aucun facteur environ-
nemental isolé ne peut expliquer l’augmentation de la prévalence des abus et des dépendances à
l’alcool » (Grant et al., p. 232) et suggèrent le profit qu’il y aurait à étudier un réseau de variables
médiatrices ou intermédiaires latentes qui, par définition, sont actives mais non observables.
Nous retiendrons comme référence opérationnelle, le constat que la théorie culturelle trouve
son domaine d’élection dans l’étude de groupes spécifiés à partir d’une caractéristique, qu’il peut
être important de distinguer au sein d’une population globale. Des spécifications fondées sur les
cultures d’origine viennent d’être rapportées mais d’autres critères sont utilisés pour définir les
sous-groupes ou cultures groupales à l’intérieur d’une même société dont fréquemment, l’âge. On
parlera des risques pris par les adolescents (Zill, Nord, Loomis, 1995) ou les personnes âgées (Karicha,
Iliffe, Harari, Swift, Gillman, Stuck, 2007) considérés comme deux groupes bien spécifiés, « ayant du
temps libre ». Les références groupo-culturelles régulent aussi socialement les usages de produits ou
les pratiques délétères et il est possible de définir un groupe par les substances utilisées : ainsi l’abus
d’alcool n’est-il pas identique chez les jeunes et les seniors. Et dans ce cas, il convient de s’assurer
des points communs et des spécificités des conduites étudiées.
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 233

3.4 Les CRPS comme entités observables


et « déconstructibles »
Les CRPS ont une qualité majeure : celle tout simplement d’exister sous des formes observables.
Dans les conditions écologiques, chaque conduite à risque se présente comme un objet global natu-
rellement constitué qui résulte du jeu d’influences authentiques au sens où elles se sont exercées hors
de tout cadre préétabli.
Transcrite en termes méthodologiques, chaque CRPS relève des « pratiques fondées sur le constat »
dont l’American Psychological Association (2006), dans une adresse présidentielle, a souligné la
richesse et les propriétés spécifiques. Elles permettent des démarches d’inférence rétrospectives appli-
quant des stratégies dites post hoc (après obtention du résultat) qui consistent, à partir d’une entité
qui est une « observation-résultat », à déterminer les composantes susceptibles de l’avoir produite.
Chaque CRSP sera un objet global, une « banque » dont il faudra extraire les « données », ce qui peut
être réalisé en utilisant des méthodologies différentes : quantitatives (Miller, Plant, Duffy, 1998),
cliniques (Woods, Buka, Martin, Salganik, Howard et al., 2010), ou encore les deux associées (Booth,
Koester, Reichardt, Brewster, 1993).
L’analyse expérimentale menée en laboratoire qui consiste à isoler des éléments de leur contexte
pour les éprouver et les recombiner s’avère donc peu appropriée car elle néglige la complexité, les
données du milieu et le caractère intégré de la conduite. Les seules stratégies de recherche permettant
de traiter les CRPS dans un cadre approprié sont celles qui consistent, à partir de l’état constaté, à
« déconstruire » l’entité observée à l’aide d’outils qui sont essentiellement des méthodes multivariées
appliquées aux données recueillies, ainsi que vont l’illustrer les travaux présentés aux paragraphes
suivants.

3.5 Études de terrain numéro 1 et 2 : la dynamique


des risques à l’adolescence et ses effets
Les observations les plus évidentes montrent (et nous reviendrons sur ce point) que nombre de
personnes engagées dans une conduite à risque s’engagent simultanément dans d’autres conduites
à risque. Ainsi, les excès répétés d’alcool sont souvent corrélatifs d’actes de violence, de la recherche
« d’exploits » routiers ou de conduites sexuelles violentes. On parlera dans ce cas de conduites à
risques associées et il est habituel d’utiliser le terme transition (sous-entendu d’un risque vers un ou
plusieurs autres) pour décrire le passage d’une conduite à d’autres. Les observations suggèrent que
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ces processus de transition sont plus actifs à l’adolescence si bien que nous avons retenu d’éclairer
ce point par deux études voisines et récentes : celle de Malmberg, Overbeek, Monshouver, Lammers,
Wollebergh et Engels (2010) (étude 1) et celle de Monshouwer, Harakeh, Lugtig, Huizink, Creemers,
Reijneveld, De Winter, Van Oort, Ormel, Vollebergh (2012) (étude 2).
L’étude 1 est de conception classique tant par ses objectifs (expliciter les conduites à risques en
les rattachant à des traits de personnalité) que par ses méthodes (utiliser un questionnaire et traiter
les données en ayant recours aux corrélations et aux analyses de variance). Elle porte sur trois CRPS :
l’alcool, le tabac et le cannabis mises en relation avec des caractéristiques de personnalité en utilisant
un outil conçu à cet effet : le SURPS (Substance Use Risk Profil Scale) de Wolcik, Stewart, Pihl, Conrad
(2009). Il s’agit d’un questionnaire qui entreprend « d’expliquer » trois addictions (alcool, tabac,
cannabis) à partir de quatre traits de personnalité : être sensible à l’anxiété, ne pas avoir d’espoir,
rechercher les sensations fortes et être impulsif. L’effectif étudié (des adolescents hollandais âgés de
11 à 15 ans, contactés en milieu scolaire) est élevé (n = 3 783) et il est composé à 49,1 % de garçons.
234 Psychologie de la santé : applications et interventions

Une modélisation en équations structurales montre que les adolescents sans espoir et recherchant
des sensations fortes utilisent très tôt et simultanément les trois substances si bien que ces deux carac-
téristiques de personnalité constituent des indicateurs forts des addictions précoces. Les « anxieux »
présentent (logiquement) moins de propension à utiliser précocement l’alcool ainsi que l’addiction
à plusieurs substances. Les impulsifs ne montrent aucune préférence statistiquement significative.
L’étude 2 de Monshouwer, Harakeh, Lugtig, Huizink, Creemers et al. (2012) illustre les différents
niveaux qu’implique une étude actuelle des CRPS. La contribution nous a paru devoir être retenue
comme exemple représentatif des conceptions qui considèrent chaque conduite à risques dans les
termes où elle a été caractérisée antérieurement (pour rappel : une entité constituée, complexe, dyna-
mique, évolutive, comportant simultanément des aspects personnels, familiaux, groupaux, culturels
et sociétaux, tous légitimes, sans que pour autant la CRPS ne soit réductible à aucun d’entre eux).
On se gardera de négliger qu’il s’agit d’entités intégrées puisque ce caractère intégré de la conduite
est l’une des propriétés premières qu’il convient de conserver (Palmer, 2003), c’est en effet par son
entremise qu’il sera possible d’accéder aux significations.
Réalisée aux Pays-Bas, cette étude est une contribution au projet TRAILS (Tracking
Adolescents’Individual Lives Survey) de caractère plus global, si bien qu’elle inclut des données
relevant de différents secteurs de la vie des adolescent(e) s. Elle s’attache à évaluer les CRPS et leur
évolution en contexte (globalité) et en temps réel, sur plusieurs années. À cet effet, une cohorte
d’adolescent(e) s est suivie longitudinalement du début à la fin de l’adolescence. Les premières
données sont recueillies en 2001 (temps T1) pour des sujets âgés environ de 11 ans. La cohorte est
ensuite systématiquement observée en deux autres occasions (T2 et T3) séparées par des intervalles
de deux ans et demi environ.
Les deux principales questions auxquelles les auteurs entendent répondre sont :

•  La possibilité de prédire les « transitions », c’est-à-dire l’évolution des conduites à risques en


fonction de l’âge, au cours de l’adolescence puis en extrapolant, vers l’âge adulte. Des études
antérieures (Flory, Lynam, Millitch, Leukeveld et Clayton, 2004) ont montré que plus l’âge
d’entrée dans la conduite à risque est précoce, plus celle-ci tend à perdurer à l’âge adulte. Si tel
est le cas, la précocité du début des pratiques serait-elle un indicateur important de la perma-
nence ultérieure des CRPS ?

•  La « clustérisation » des CRPS. Ce terme, familier aux psychologues quantitativistes, entend


répondre à une question très importante : les CRPS sont-elles spécifiques (chaque sujet restant
toujours dans le même type de conduite) ou tendent-elles à se regrouper, à former des « grappes »
(cluster en Anglais) qui feraient que chaque sujet serait engagé simultanément dans plusieurs
conduites à risques ? Des connaissances produites sur ce point naissent des prolongements
théoriques (existence ou non d’un socle commun) et des méthodes d’intervention plus effi-
cientes (traiter spécifiquement chaque CRPS ou intervenir globalement).
Les principales caractéristiques et données chiffrées de l’étude sont les suivantes :

•  La cohorte d’adolescent(e) s est numériquement importante (n = 2 230). Elle est constituée à


partir de listes de noms des adolescents résidant dans cinq communes du nord des Pays-Bas (n
= 3 145) ; les demandes de participation leur sont transmises, ainsi qu’à leurs parents, par les
établissements scolaires. Pour diverses raisons, il reste finalement 2 230 personnes soit 76,0 %
de l’effectif initial. La cohorte est observée dans une optique dynamique et développementale,
aux âges moyens de T1 = 11,1 ans ; T2 = 13,6 ans et T3 = 16,3 ans (T1 est le niveau de référence).
En T1, l’écart type des âges est s = 0,6 et la cohorte comporte 50,8 % de filles. À chaque étape,
un consentement éclairé est demandé à tous les participants et l’étude est approuvée par le
comité d’éthique des Pays-Bas.
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 235

•  L’étude est quantitative et multivariée, elle inclut des indicateurs personnels, familiaux et
groupaux. Au temps T1 des interviews sont réalisées près des parents des adolescent(e)s retenus
qui remplissent aussi un questionnaire. Aux étapes T2 et T3, les conduites à risques sont mesu-
rées par des échelles d’évaluation objectives et des échelles autoréférencées pour lesquelles les
adolescent(e)s doivent eux-mêmes apprécier leurs CRPS si bien que les évaluations personnelles
coexistent avec les évaluations objectives. Ne pouvant traiter la totalité des CRPS à l’adolescence,
les auteurs travaillent à l’aide d’un « construit » composé de quatre conduites à risques : les
consommations de tabac, d’alcool et de marijuana d’une part et les « problèmes de compor-
tement externalisés » (PCE) (agressivité, délinquance, incivilités, etc.) d’autre part. Ces PCE
se sont avérés être un indicateur valide de la présence d’autres conduites à risques. Les trois
premières CRPS sont estimées par des auto-évaluations des fréquences de consommation, les
problèmes de comportement externalisés sont évalués par vingt-neuf items spécifiques extraits
d’un questionnaire reconnu valide : le YSR (Youth Self Report) d’Achenbach (1991) qui en
comporte 101 dans sa version complète. Des informations sont également recueillies sur des
données contextuelles : la famille (parents fumeurs et/ou consommateurs de boissons alcoo-
lisées ; déprimés ou non), le statut socio-économique, l’ethnicité et l’appartenance éventuelle
à un groupe minoritaire, etc.
De nombreux traits relatifs au tempérament sont recueillis. Ce concept, utilisé par les auteurs anglo-
saxons, diffère de la personnalité mais est en relation avec elle (Rothbart, Ahadi, Evans, 2000). Il
permet de rendre compte de caractéristiques telles que la recherche du plaisir associé à la nouveauté,
la « réactivité » mal contrôlée, l’agressivité précoce, la timidité et le repli sur soi, les difficultés à
maintenir son attention, etc. Ces caractéristiques sont évaluées à l’aide d’un questionnaire adapté,
qui est renseigné par les parents : le EATQ-R (Early Adolescent Temperament Questionnaire-Revised,
version parents) de Putnam, Ellis, Rothbart (2001). Les caractéristiques affectives et éducatives du
milieu familial sont évaluées indépendamment par les parents (qui évaluent les conduites de leur
enfant) et par les adolescents qui évaluent les conduites de leurs parents (climat affectif tels la
chaleur et/ou le rejet, la surprotection mais aussi les conduites à risques des parents : tabac, drogues
et alcool). Le « croisement » des sources devient donc, on le voit, effectif et fondamental pour le
traitement multivarié de chaque conduite.
Au temps T1, 31 % des répondant(e)s ont bu de l’alcool, 14 % ont fumé du tabac, 1 % du cannabis
(ou autres drogues) et le score moyen aux PCE est m = 0,27 avec s = 0,19.
Les transitions sont étudiées entre T2 et T3 (soit milieu et fin d’adolescence) en dichotomisant
les niveaux de consommation et d’externalisation en haut (H) ou bas (B). Quatre groupes sont ainsi
constitués : BB (bas niveau en T2 et bas niveau en T3), BH, HB et HH. Cette façon de procéder permet
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de connaître les grandes tendances de l’évolution des sous-groupes constituant la cohorte. À titre
descriptif, les taux de prévalence de chaque profil de transition sont respectivement les suivants :
39,5 % ; 41,8 % ; 2.5 % et 16,2 %. L’évolution met en évidence un statu quo pour 39,5 % (BB :
consommations faibles) ou conduit chez certains sujets à accentuer les conduites à risques (BH est
très élevé : 41,8 %). Ce taux tient à une augmentation significative des consommations de tabac, de
cannabis et d’alcool au temps T3, les externalisations restant plus contrôlées. Cependant les quan-
tités ingérées dans ce groupe sont toujours inférieures à celles du groupe HH sur les quatre variables
du construit. Outre les 39,5 % de sujets qui maintiennent un faible taux de prise de risques, entre
T1 et T3 (BB), il faut noter le très faible taux de diminution des CRPS (HB = 2,5 %) en fonction de
l’âge et relever qu’en T3, plus des 2/3 de la cohorte (41,8+16,2 = 68 %) présentent des niveaux de
consommation élevés pour les trois substances retenues.
Outre cette approche descriptive en sous-groupes, les transitions sont étudiées en examinant leurs
caractéristiques dans une perspective de dynamique interne, destinée à permettre des pronostics. Elle
236 Psychologie de la santé : applications et interventions

consiste à estimer, à partir de la totalité des informations retenues, la valeur spécifique de chaque
prédicteur d’une liste arrêtée en T1 qui en comporte 20. Ces prédicteurs sont rassemblés sous trois
rubriques : statut socio-économique et démographique (4 prédicteurs), facteurs individuels (8) et
facteurs familiaux (8). Les valeurs attribuées à chaque prédicteur correspondent tantôt à des auto-
appréciations des adolescent(e) s sur leur CRPS, tantôt aux évaluations de leurs parents, tantôt à
des constats (pour le statut socio-économique). Le but est de connaître quels prédicteurs sont les
plus efficaces pour pronostiquer le passage de T2 à T3 pour les groupes BH et HH (qui présentent les
risques les plus élevés). Ils sont traités en mode multivarié, par une analyse de régression logistique
multinomiale.
Quelques brèves indications sur les résultats :

•  Le groupe BH ne montre pas de configuration d’indicateurs caractéristique : on peut le regretter


eu égard à l’importance de l’effectif concerné. Le seul prédicteur significatif est d’ordre indivi-
duel : c’est la « recherche d’un plaisir de grande intensité ».

•  Le groupe HH, par contre, montre une configuration caractéristique avec huit prédicteurs
significatifs dont cinq relèvent de facteurs individuels et trois de facteurs familiaux. Les facteurs
individuels se rapportent respectivement à la recherche d’un plaisir de grande intensité, aux
difficultés à contrôler sa conduite, à la consommation d’alcool, de tabac et l’externalisation de
problèmes de comportement (PCE : le prédicteur le plus élevé). Parmi les indicateurs familiaux
figurent : famille divorcée, mère fumeuse et, peut-être plus révélateur car beaucoup moins
attendu, la surprotection parentale.
Mais les résultats sont aussi très intéressants à examiner par ce qu’ils ne confirment pas. L’usage
de la marijuana, l’appartenance à une minorité ethnique, l’agressivité précoce (à 4-5 ans), le rejet
parental et la chaleur éducative parentale n’ont pas de valeur pronostique. Aucun des prédicteurs
sociodémographiques ne se trouve « validé », ce qui infléchit la recherche vers des formes détermi-
nation à rechercher au niveau du tempérament ou de la personnalité.
La contribution étudiée illustre largement (sinon totalement) le souci à la fois épistémologique
et méthodologique de respect des données dont il a été fait mention antérieurement. Bornons-nous
à le souligner par quelques constats :

•  L’analyse n’est pas entreprise par substance ou par conduite : elle cherche à mettre en évidence
les dynamiques liées aux caractéristiques personnelles ou sociales.

•  Les analyses statistiques ne sont pas globalement entreprises, comme cela est trop souvent
fait en psychologie, en se référant à des hypothèses nulles dont l’artificialisme a maintes fois
été souligné. Au contraire, il faut remarquer qu’aucune des épreuves statistiques constituant
le viatique de survie dans cette discipline, n’est utilisée. Le questionnement épistémologique
précède le choix méthodologique des outils d’analyse (composante du « respect des données ») et
la question centrale ne consiste pas à trouver des différences, qui relèvent de constats statiques,
mais à prévoir des dynamismes d’évolution (transitions) en utilisant des données personnelles.

•  L’homogénéité et la fidélité de chaque échelle ou partie d’échelle, sont soigneusement véri-


fiées sur le plan psychométrique en calculant le coefficient α de Cronbach. Les non-réponses
(nombreux zéros) qui pourraient créer des biais, sont recensées et leurs effets contrôlés par une
procédure statistique appropriée. L’un des problèmes posés est celui de l’estimation de para-
mètres de la distribution statistique (la moyenne par exemple). La technique des estimateurs
maximum de vraisemblance est préférée à la méthode des moindres carrés. Cette dernière est
« descriptive » et linéaire alors que la première est inférentielle pour des données non linéaires et
non normales (qui sont souvent des caractéristiques rencontrées dans les situations complexes).
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 237

Les principes et avantages de ces méthodes, désormais souvent utilisées, sont présentés dans
l’article de Myung (2003).

•  Le pronostic de transition est obtenu par une analyse de régression logistique multinomiale
(Menard, 2002) qui est une technique quantitative multivariée utilisable lorsqu’il s’agit de
mettre en relation des catégories (ce qui est le cas en l’espèce).

•  Des précautions de même nature existent dans les modes d’évaluation de la valeur des prédic-
teurs. Celles-ci ne sont pas fournies sous la forme habituelle de coefficients de corrélation mais
sont exprimées sous forme de rapports de cotes (odds ratios). Ce mode d’évaluation, dérivé de
la probabilité, est utilisé pour déterminer la valeur d’une information (ici un prédicteur) en
quantifiant sa présence (occurrence) mais également son absence (non-occurrence), laquelle,
dans des groupes constitués, peut s’avérer révélatrice. Cette procédure est étroitement associée
à l’analyse de régression logistique multinomiale. Dans cette étude, un rapport de cotes repré-
sente l’effet du prédicteur étudié par rapport aux autres indicateurs pour passer d’un niveau à
un autre (i. e. : BH ou HH) lorsqu’on prend BB comme référence, ce qui permet de déterminer
sa valeur pronostique.

•  Terminons ce volet méthodologique en indiquant que les auteurs mentionnent « avoir utilisé
une approche relativement nouvelle dans les sciences sociales qui a été de plus en plus appli-
quée dans les études récentes » (Monshouwer, Harakeh, Lugtig, Huizink, Creemers et al., 2012,
p. 926) : l’analyse de transition latente (LTA) traitée par le logiciel Mplus 6.1 de Muthén et
Muthén, (2008-2010) dont la pertinence pour traiter ce type de problème a été soulignée par
Lança, Patrick et Maggs (2009) dans l’analyse des consommations de drogues.
La technique utilisée permet de dégager après traitement des « transitions latentes » qui sont des
indicateurs avancés des transitions qui probablement se produiront. Ces caractéristiques étaient bien
entendu présentes dans les données recueillies mais n’y étaient pas repérables, ce sont des traitements
appropriés qui les rendent visibles.
Les conclusions et la discussion portent sur la différence entre les groupes BH et HH. Le groupe
BH présente une entrée qualifiée de « tardive » dans les conduites à risques alors qu’elle est précoce
en HH. Le constat de la précocité des conduites à risque constitue un indicateur que, en fin d’ado-
lescence, elles seront nombreuses et bien ancrées et donc clustérisées. Les résultats du groupe BH
sont interprétés dans une vision sociale et développementale qui fait de l’entrée dans les conduites à
risques une caractéristique qui « représente le désir des adolescents d’apparaître matures, de démon-
trer leur autonomie par rapport aux parents et aux autres figures de l’autorité et d’obtenir un statut
social plus élevé dans le groupe des pair(e) s » (Monshouwer, Harakeh, Lugtig, Huizink, Creemers,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

et al., 2012, p. 929). Pour ce groupe BH, les CRPS prennent une fonction « maturante » qui marque
un repère important : celui de l’accès au statut de jeune adulte. Ces références groupales et struc-
turantes, si valorisées par les intéressé(e) s, n’excluent nullement que ces sujets soient exposés aux
effets primaires des risques de la même façon que ceux du groupe HH.
Les élaborations théoriques qui découlent de ce travail permettent de conclure qu’il existe une
facilité de passage d’une CRPS à d’autres et que l’hypothèse de la spécificité irréductible de chacune
d’elles doit être abandonnée. Les conduites à risques tendent à se regrouper et à s’induire récipro-
quement. L’hypothèse d’un substrat commun souligne la pertinence de se référer à un « construit »
unique dans lequel les facteurs de tempérament et de personnalité incitent à développer simulta-
nément plusieurs conduites à risques (injections d’héroïne ou prises de cannabis, mises en actes de
risques routiers, abus d’alcool et sexualité non protégée représentent un construit fréquent).
238 Psychologie de la santé : applications et interventions

3.6 Étude de terrain 3


Nous avons retenu de présenter une troisième étude, paradoxalement, parce qu’elle est ancienne
et très représentative des conceptions scientifiques dominantes à l’époque de sa parution (1998). Elle
est consacrée aux conduites à risques liées aux injections de substances stimulantes (très souvent de
l’héroïne) chez des sujets en majorité jeunes. Deux raisons nous semblent justifier cette présentation :
celle de restituer les connaissances des risques à cette époque mais également celle de mettre en
contraste, dans un but pédagogique, les méthodes utilisées avec celles de l’étude 2, rapprochement
qui permet de prendre la mesure des progrès réalisés dans les traitements méthodologiques des CRPS.
En 1997-1998, Cassin, Geoghegan et Cox (1998) réalisent en Irlande, une recherche de terrain, sur
les conduites à risques liées aux addictions à l’héroïne par voie intraveineuse chez 770 sujets ayant
pris contact avec un centre de soins à Dublin. Chaque personne ayant effectué cette démarche remplit
un questionnaire où figurent des items appelant des réponses catégorielles ou des appréciations
quantitatives personnelles, données qui seront traitées par des méthodes statistiques très habituelles.
Afin de mieux appréhender la conception générale de l’étude et d’en comprendre les finalités, il
est utile de rappeler quelques caractéristiques du contexte de cette époque. Les services médicaux
et sociaux de la ville de Dublin se trouvent confrontés à une augmentation très significative des
demandes d’aides face au risque de sida (syndrome d’immunodéficience acquise). Rappelons qu’il
s’agit d’une atteinte du système immunitaire par un virus dit de l’immunodéficience humaine ou
VIH (qui fut isolé en 1983) dont les modes de transmission les plus répandus étaient l’utilisation de
seringues usagées et les formes non protégées de pratiques sexuelles. L’importance des transmissions
du VIH par certains « liquides corporels » (sperme et sang) était connue et il était avéré que le VIH
était susceptible de produire le syndrome d’immunodéficience acquise ou des hépatites B ou C qui
sont provoquées par un virus différent mais de la même famille.
Les auteurs soulignent que le groupe étudié présente (pour l’époque) trois particularités : une
proportion élevée de jeunes (0,63), d’addictifs récents (0,36) et de femmes (0,25). L’étude s’attache
à comparer les CRPS liées à une association de risques comportant des injections répétées et des
pratiques sexuelles à risques, dans deux groupes de sujets addictifs à l’héroïne : les « jeunes » (âge
< 25 ans, n = 485) et les « âgés » (âge > 25 ans, n = 285). Les informations demandées sont auto-
évaluées et les indicateurs, en nombre limité, sont utilisés dans un dispositif classique de recherche
de différences significatives entre les deux groupes.
Les résultats montrent que les jeunes prennent plus de risques en utilisant plus de seringues
usagées potentiellement contaminées que les âgés (56,4 % contre 52 %), ont de multiples parte-
naires sexuels, attitré(e) s et épisodiques, lesquel (le) s sont en général également engagé(e) s dans
des conduites addictives par injection. Globalement, on peut avancer que ce groupe est caractérisé
par la recherche du plaisir sans trop vouloir s’attacher aux risques encourus : il développe une stra-
tégie de prise de risques qui rend d’ailleurs plus probable le risque d’overdose (Ochoa, Hahn, Seal, et
Moss, 2001).
Le groupe des âgés, qui a une pratique plus longue des injections répétées, cherche plutôt une posi-
tion de compromis : l’addiction, en place depuis plus longtemps, semble conduire à un compromis
cognitif : mieux contrôler le risque afin que la conduite puisse être prolongée en évitant des accidents
aigus. Cela conduit à des stratégies cognitives de gestion du risque qui visent à éviter l’accident aigu
afin que la conduite perdure dès lors que ses effets sur la santé sont mieux auto-contrôlés. Ces deux
stratégies se différencient en fonction de la durée de l’addiction, et se traduisent par le constat que
38,4 % des jeunes ont entrepris un test de dépistage du Sida contre 60,8 % chez les âgés et que, pour
la vaccination contre l’hépatite B, les pourcentages sont respectivement 10,9 % et 30,2 %.
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 239

La comparaison des valeurs d’indices dans les deux groupes met en évidence des évolutions dans
les modes d’entrée dans les conduites addictives. Elles sont plus précoces (âge de la première prise
de drogue) dans le groupe des jeunes (âge moyen = 17,99 ans) qu’elles ne l’ont été pour les âgés
(âge moyen = 22,57 ans), pour la première injection intraveineuse également (18,94 ans contre
24,81 ans), l’héroïne est plus souvent choisie d’emblée (93,4 % contre 88,1 %) et le pourcentage de
filles injectives dans le groupe des « jeunes » a pratiquement doublé par rapport à ce qu’il était dans
le groupe des « âgés » (30,5 % contre 15,4 %), témoignant d’une forte féminisation des addictions.
Le seul indicateur sur lequel les « jeunes » montrent un plus grand souci de prévention est l’uti-
lisation de préservatifs, plus fréquente, semble‑t‑il, que chez les « âgés ». Telles qu’elles apparaissent
évaluées par le questionnaire initial, leurs pratiques sexuelles impliquent des partenaires multiples,
injectifs ou non. Le risque potentiel lié à chaque nouveau partenaire pourrait éclairer cette précaution
mais cela reste cependant à confirmer.
De tels chiffres marquent l’ampleur et la diffusion de pratiques éminemment dangereuses qui
deviennent plus précoces, plus radicales (directement à la drogue dure), plus féminines. Elles
indiquent aussi, à l’époque de l’étude, le rôle mineur que semble jouer la peur des conséquences
parfois létales alors mal maîtrisées mais il est vrai que pour avoir une vision complète sur ce point
il eut fallu étudier les sujets qui ne se sont pas engagés dans ces conduites injectives. Les auteurs
soulignent aussi les difficultés sur lesquelles achoppent les politiques de prévention en remarquant
que les messages destinés à limiter les dommages qui selon eux, auraient culminé en 1990, deman-
daient dès cette époque à être redéfinis tant au niveau de la détermination d’une nouvelle politique
qu’au niveau opératoire, le but étant de promouvoir la modification des conduites.
Trois remarques sur la conception de cette recherche :

•  Le projet retenu consistait à rechercher des différences significatives entre deux groupes engagés
depuis peu ou depuis longtemps, dans des prises de drogue par voie intraveineuse. Ce contraste
recherché était utile par les informations qu’il apportait à l’époque ; il apparaît aujourd’hui
incomplet : l’accent est mis sur les constats et non pas sur la dynamique des forces qui les ont
produits. En d’autres termes, la conduite est considérée de « l’extérieur » et non dans une vision
interne qui prend en compte le dynamisme des forces en présence.

•  Les épreuves statistiques utilisées répondent à cette finalité. Elles sont très connues et anciennes
(le chi carré pour les données nominales (catégorielles) (élaboré en 1900 par Pearson) et le t de
Student pour les indices quantifiés (élaboré par Gosset, alias Student, en 1908)). Il est révélateur
que ces deux épreuves soient destinées à évaluer des différences si bien que les deux groupes ne
sont pas comparés globalement mais seulement sur certains des indices sélectionnés. Pour les
données catégorielles (nominales), le genre et le fait d’avoir effectué auparavant une cure de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

désintoxication différencient significativement les deux groupes, pour les données quantifiées
c’est avoir fumé et s’être antérieurement injecté de l’héroïne.

•  La conception de cette recherche qui s’attache à évaluer significativement des différences est
aussi tout à fait caractéristique des stratégies de l’époque : les chercheurs font preuve d’une
grande prudence et formulent des hypothèses ciblées qui traduisent un mode opératoire typique
des débuts d’un travail d’investigation des conduites à risques. Elle fournit aussi l’occasion d’évo-
quer les difficultés à mettre en place des mesures préventives. En l’espèce, elles étaient connues :
les risques de contamination tenaient largement à l’utilisation de seringues usagées si bien
qu’il suffisait de distribuer des seringues stériles pour les diminuer. L’étude de Wieviorka (voir
www.cirddalsace.fr/docs/revue_toxibase/pdf/dossier_reduc.pdf) rappelle avec précision les difficultés
rencontrées en France pour définir des stratégies de prévention alors que les connaissances scien-
tifiques ne sont pas encore complètes. On peut y lire que, en 1972, le gouvernement français
240 Psychologie de la santé : applications et interventions

réglemente de façon restrictive la vente des seringues (pour ne pas encourager « l’épidémie »
chez les jeunes !), que la relation entre sida et drogues injectables est établie en 1984 et que, à
la suite de plusieurs mesures temporaires (pour « essayer »), il faut attendre le décret du 7 mai
1995 pour que la distribution de seringues stériles et gratuites soit organisée.

4. Perspectives pour la mise en œuvre

La désignation « Perspectives pour la mise en œuvre » invite à faire preuve d’un savant mélange
de prospective, pour cerner ce que pourraient être les développements futurs des stratégies d’études
et de traitement des CRPS, et de réalisme pour s’interroger sur leur faisabilité et les bénéfices ou
inconvénients potentiels qui pourraient résulter de leur mise en œuvre.

4.1 La démarche conjonctive de qualité


Une première direction à explorer est celle qui consiste, dans l’optique des progrès scientifiques,
à gagner dans l’efficience des pratiques tant diagnostiques que thérapeutiques. Augmenter la spéci-
ficité et la prédictabilité des modèles, construire des théories mieux ajustées aux données, c’est
permettre une amélioration significative des interventions destinées à réduire ou à faire disparaître
les effets des CRPS. L’empirisme et l’expérience accumulée sont des déclencheurs ou des incitateurs
à progresser mais la production de connaissances par ces moyens reste peu rapide et trop soumise
aux aléas des circonstances.
L’existence institutionnelle d’un organisme pluridisciplinaire affecté à cette mission « qualité » est
la marque d’une volonté politique affirmée pour traiter les problèmes importants liés aux CRPS que
les statistiques présentent comme croissants, en dépit des engagements des professionnel (le) s et des
améliorations significatives enregistrées depuis plusieurs années dans la détection, les traitements
et la prévention de ces conduites. Il existe au Royaume Uni, un organisme de ce type, créé en 1999,
appelé NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence1) indépendant mais rattaché au
ministère de la Santé, qui élabore des standards de qualité sur des critères d’efficacité et de coûts.
Des organismes analogues existent au Québec, en Finlande et probablement dans d’autres pays.
À titre d’illustration et avec toutes les réserves qu’impose cette transposition, le secteur de la
production industrielle confronté à la même exigence de qualité à l’égard de ses clients, a mis en
œuvre des réformes dans une démarche appelée « qualité totale » (Evans, 2007) destinée à fabriquer,
autant que faire se peut, des produits sans défauts. Atteindre cet objectif amène à restructurer tous
les secteurs de l’entreprise et certains économistes prétendent que le coût d’une telle opération,
pourtant non négligeable, reste moins élevé que celui des défaillances, des rejets et des pertes de
vente qu’entraîne un contrôle moins poussé des processus de fabrication. Lorsque les objectifs visés
impliquent l’être humain (comme dans l’éducation et la santé), l’exigence de qualité n’en est que
plus nécessaire, et les critères économiques cèdent le pas à des exigences éthiques. En matière de
santé, il est aussi avéré que les risques qui coûtent le plus cher à la collectivité sont ceux qui ne sont
pas traités, qui le sont insuffisamment ou de façon inappropriée. Un tel organisme, fédérateur et

1.  Souligné par nous.


Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 241

ouvert aux initiatives, ne constitue en rien une structure de contrôle. Il est en charge de l’incitation,
de la centralisation et de la diffusion des travaux de recherches.
Par ailleurs, l’application du principe de cohérence ouvre une perspective qui consiste à fixer un
niveau minimal de performance (qualité) pour chaque opération et chaque indicateur utilisés, puis
à valoriser celles et ceux dont les performances dépassent le niveau requis pour les intégrer dans
le dispositif général afin d’obtenir un résultat « final » amélioré. Cette stratégie est dite conjonctive.
Retranscrite en d’autres termes, elle est sinon simple (ce qui n’est pas du tout garanti), du moins
de bon sens : utiliser des contributions de qualité augmentée afin d’obtenir une qualité finale et
globale élevée. Non seulement chaque opération réalisée, depuis les définitions initiales jusqu’aux
interventions remédiatrices, demande à être soumise à évaluation mais il faut aussi s’assurer que
chacune d’elles est intégrable dans le processus général et que celui-ci est approprié. L’effet global est
évalué de façon statistique à l’aide de méthodes qui prennent en compte la variabilité mesurée sur
une période significative (un an par exemple). Ces méthodes qui évaluent l’efficacité de pratiques
sont connues sous l’appellation de SPC (Statistical Process Control) (Benneyan, Lloyd, Plsek, 2003).
Ces auteurs analysent des situations se rapportant à la santé dans lesquelles, comme pour les CRPS,
c’est un enchaînement de processus « compatibles » et l’utilisation de stratégies « conjonctives » qui
augmentent, in fine, l’efficience globale. Les exemples présentés concernent la sécurité des transfu-
sions sanguines et l’asepsie des salles d’opération. L’outil de référence est connu de tous : il s’agit de
la courbe de Gauss qui, pertinemment utilisée, indique des performances systémiques satisfaisantes
ou le cas échéant, la nécessité d’un changement ou d’une innovation.

4.2 Les obstacles et les écueils


Si le projet est clair, il n’en reste pas moins délicat à réaliser car les CRPS sont très différentes,
les indicateurs divers, les opérations distinctes puisque destinées à évaluer des situations où les
fluctuations individuelles sont importantes, l’incertitude élevée… Elles impliquent donc des tâches
différentes qui de surcroît incombent à un individu humain cognitivement mal équipé pour être
spontanément efficient dans de tels contextes (Hogarth, 1980). De plus, les CRPS ne se présentent
pas toujours sous des formes qui permettent de les identifier comme telles. Il existe des « addictions
invisibles » (Crome, Dare, Janikiewicz, Rao, Tarbuck, 2011), plus néfastes encore que celles qui ont un
caractère reconnu puisqu’elles ne suscitent aucune démarche d’aide. Face à ces constats, la réponse
la plus adaptée, consiste à se doter d’outils qui soient des « amplificateurs des capacités humaines »
selon l’expression de Vygotski et c’est donc d’une attitude d’attention vigilante et d’une instrumen-
tation performante que l’on peut attendre des gains significatifs.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’écueil majeur à éviter est d’ordre humain, c’est celui du réductionnisme, non pas du réduction-
nisme épistémologique qui sous-tend la connaissance scientifique mais du réductionnisme métho-
dologique. La conduite humaine n’est pas une entité simple au sens où elle ne relèverait que d’une
composante unique fixe et identifiable. Elle n’est ni simple à connaître, ni simple à traiter (Cooper,
2006) car elle est composite : elle se présente comme un assemblage de multiples facettes qui sont
intégrées en un tout et la reconnaissance de ce statut d’objet complexe est la propriété qui domine
l’ensemble des opérations. Le réductionnisme, à ce niveau, consiste à appliquer des grilles de lecture
simplificatrices et préétablies justifiées par l’adhésion à des systèmes « d’explication » du monde qui
négligent la variabilité et l’incertitude qu’il recèle. En matière de CRPS, les exemples et les solutions
toutes faites, préfabriquées et rudimentaires, abondent… et les désillusions sont concomitantes. La
disposition d’esprit la plus souhaitable est celle qui prépare les spécialistes, le grand public et les
personnes directement concernées à affronter la variabilité des observations, les dynamismes des
interactions et l’incertitude de l’évolution en dépit de l’authenticité et de la qualité des engagements.
242 Psychologie de la santé : applications et interventions

4.3 L’évaluation et la mesure des conduites :


deux étapes essentielles
Parmi les mesures qui permettent de gagner en qualité, celle qui consiste à évaluer les conduites
et si possible à les quantifier, est l’une des plus fondamentales si bien que nous avons choisi de
l’illustrer dans le domaine des conduites à risques impliquant l’alcool chez les personnes âgées. Une
échelle largement utilisée pendant longtemps était de type ordinal. Elle comportait trois classes :
consommation excessive, abus d’alcool, syndrome de dépendance alcoolique mais il apparaît qu’une
telle échelle manque de précision, faute d’avoir précisément défini des seuils.
Les psychiatres britanniques ont surmonté cet obstacle en utilisant des échelles véritablement
quantitatives qui rendent possibles des comparaisons intra et interpersonnelles et qui méthodolo-
giquement, autorisent des traitements statistiques approfondis. Les quantifications reposent sur la
notion « d’unité d’alcool » qui équivaut à environ 10 grammes d’alcool pur. Cette unité de référence
correspond à des quantités de boissons alcoolisées différentes puisque le degré d’alcool de chacune
d’elles varie. À titre indicatif, une unité d’alcool représente 25 cl de bière, 10 cl de vin, 6 cl de porto,
3 cl de cognac ou de calvados. Les seuils journaliers recommandés sont respectivement 2 unités
d’alcool pour les femmes (soient 14 par semaine) et trois unités pour les hommes (soient 21 par
semaine), quantités qui tiennent compte de la différence de poids entre hommes et femmes. En
outre, un jour d’abstinence par semaine est recommandé.
On peut brocarder une telle démarche consistant à définir des unités additives de façon approxi-
mative alors que de multiples facteurs de variabilité semblent impliqués. Elle a pourtant des mérites :
celui de fixer des seuils au-delà desquels les effets négatifs deviennent de plus en plus plausibles et
ces repères s’avèrent utiles chez nombre de personnes qui savent qu’elles consomment beaucoup
d’alcool mais qui n’ont pas pour autant le sentiment de dépasser la limite. Faute de repères à valeur
générale qui serviraient de signal d’alarme, elles n’éprouvent pas le sentiment de mettre leur santé
en danger. Celui aussi de permettre des comparaisons longitudinales (le sujet par rapport à lui-même)
et transversales (le sujet par rapport à son groupe d’âge ou à d’autres groupes).

4.4 La validité des questionnaires de dépistage/filtrage


Les techniques d’évaluation et de traitement demandant à être aussi plus précises, donc ajustées
et différenciées selon les conduites, il est indispensable de travailler avec des groupes de sujets aussi
homogènes que possible afin de minimiser les taux de faux positifs et de faux négatifs. La première
démarche consiste à distinguer dans la population les personnes qui sont en surconsommation
d’alcool de celles qui en consomment de façon plus contrôlée et pour repérer le groupe à risque,
on utilise des questionnaires de dépistage (screen-tests). Les deux les plus utilisés sont CAGE (Ewing,
1984) et AUDIT (Babor, Higgins-Biddle, Saunders, Montero, 2001). Il existe un questionnaire similaire
pour le dépistage des consommations de drogues et d’alcool chez les adolescents et jeunes adultes
appelé CRAFFT.
Il ne s’agit ni de tests, ni de questionnaires au sens de la psychométrie et ces « tests » de filtrage
n’ont aucune valeur diagnostique car telle n’est pas leur fonction. Ce sont des outils qui donnent un
signal dont l’intensité dépend des réponses fournies par le sujet, ils indiquent (ou non) la dangerosité
éventuelle de la consommation. Les différentes perturbations des fonctions cognitives fréquentes
dans les états d’alcoolisation (attention, concentration, mémoire, jugement, etc.) ne permettent pas
d’envisager l’administration d’épreuves comportant un nombre élevé d’items et l’extrême concision
doit être la règle sans que pour autant la valeur prédictive en soit trop affectée. CAGE, le questionnaire
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 243

le plus ancien, ne comporte que quatre questions à réponses binaires (oui/non) mais il a montré,
à l’épreuve du terrain, une bonne validité qui explique qu’il ait été (et soit) largement utilisé. Sa
sensibilité est bonne : ainsi deux réponses « oui » indiquent à 93 % la présence probable d’un état
de surconsommation alcoolique générant des effets néfastes. AUDIT, élaboré en collaboration avec
l’OMS, comporte dix items à réponses ordinales quantifiées. Ils ont été soigneusement sélectionnés
à l’issue d’une enquête préalable menée dans six pays, près de 1 888 personnes fréquentant un
centre de premiers soins, en utilisant comme référence initiale un questionnaire d’évaluation de
cent cinquante items (Saunders, Aasland, Babor, De la Fuente, Grant, 1993). AUDIT est traduit en
Français et une auto administration permettant à chacun(e) d’estimer sa relation à l’alcool en se
situant dans l’un des trois niveaux retenus, est disponible sur Internet (voir www.automesure.com/
Pages/formulaire_alcool.html). La corrélation entre CAGE et AUDIT est r = .78.
La question que soulèvent ces modes d’évaluation est celle de la validité des auto-estimations qui
sous des outils répandus en matière de CRPS. Une revue très systématique de la littérature menée
sur six conduites à risques à l’adolescence (alcool et drogues, tabac, blessures non intentionnelles
et violences, conduites alimentaires périlleuses, activité physique réduite et conduites sexuelles à
risques) a été menée sur ce point de méthodologie, par Brenner, Billy et Grady (2003). Ces auteurs
concluent qu’il existe bien des biais d’évaluation tenant à deux sources : les difficultés cognitives et
la situation elle-même. Ils ne sont toutefois pas suffisants pour affecter la validité des informations
fournies par les répondant(e)s si bien que les évaluations sont utilisables pour un travail d’élaboration
des diagnostics et par-delà, des théories.

4.5 Les démarches diagnostiques


A priori, les démarches diagnostiques ont fondamentalement pour fonction d’augmenter la préci-
sion des évaluations et d’éviter que des formes voisines d’une CRPS ne soient confondues et qu’elles
soient traitées de façon identique alors qu’elles présentent des différences, en particulier des diffé-
rences d’intensité.
Pour les consommations abusives d’alcool, l’une des références qui a été fréquemment utilisée au
cours de la dernière décennie est le cadre diagnostique du DSM-IV1 conçu par l’American Psychiatric
Association. Comme pour toute entité considérée comme un trouble, les consommations probléma-
tiques d’alcool sont évaluées, dans ce cadre, à partir d’indicateurs sélectionnés soumis à une durée
de présence. Ils concernent sept domaines : « tolérance » à l’alcool (i. e. nécessité d’augmenter la
consommation pour obtenir le même effet recherché), retrait (des activités sociales), boire plus que
prévu, efforts infructueux de contrôle, passer beaucoup de temps dans des activités où l’on boit, y
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

éprouver beaucoup de plaisir, continuer l’alcool malgré les problèmes qu’il génère. Si trois de ces
signes sont présents depuis douze mois ou plus, des difficultés avec l’alcool sont diagnostiquées,
elles comportent deux niveaux : abus et dépendance. Comme on le voit, il s’agit d’une procédure
empirique qui prend en compte des caractéristiques de la conduite. Elle est assez générale pour être
efficiente dans de nombreux contextes culturels voire pour y mettre en évidence des évolutions et
des spécificités (Grant, Dawson, Stinson, Chou, Dufour, Pickering, 2004) mais à l’usage, elle s’avère
peu sensible donc peu discriminante pour le groupe de personnes qui sont situées juste en dessous
des limites retenues et qui sont probablement en voie d’alcoolisation dangereuse, alors que précisé-
ment une intervention thérapeutique serait utile dès ce stade.

1.  Il existe une version 5 (DSM-5) sortie le 18 mai 2013.


244 Psychologie de la santé : applications et interventions

4.6 Des états à la dimension


L’option qui consiste à classer les conduites à l’égard de l’alcool selon un gradient d’états allant
de « pas de difficulté décelée » à « addiction » comme le fait AUDIT, correspond à une démarche
naturelle de l’esprit qui cherche à appréhender l’intensité des effets délétères. Elle était déjà présente
chez Jellinek (1952). Toutefois, l’un des principes fondamentaux de la recherche, qui remonte à
Descartes, amène les scientifiques à se placer dans une situation de doute systématique poten-
tiellement fécond, et il est légitime de s’interroger, par-delà l’évidence, sur la pertinence de telles
classifications. Faut-il distinguer ou non des états dans les relations à l’alcool ? Si oui, justifient-ils
des interventions différentes dans leur nature ?
Visant une plus grande précision, Saha, Chou, et Grant (2006) complètent les indicateurs du
DSM-IV (de niveau nominal ou au mieux, ordinal) par l’utilisation des unités d’alcool (échelles
quantitatives). L’évaluation de la « sévérité » du problème est traduite en fixant respectivement une
consommation de cinq unités ou plus, au moins une fois par semaine pour les hommes et quatre
unités pour les femmes, une telle situation s’étant trouvée réalisée au moins une fois au cours de
l’année écoulée. La question méthodologique (i. e. comment mesurer les consommations excessives
d’alcool ?) et la question théorique (est-il pertinent de concevoir l’alcoolisation sous forme d’états ?)
sont traitées (parmi d’autres, notamment les problèmes liés à la mesure) dans l’important travail de
Borges, Ye, Bond, Cherpitel, Cremonte, Moscalewicz, Swatwiewicz et Rubio-Stipec (2010).
L’étude rassemble des données cliniques, catégorielles (dont celles du DSM-IV), et quantitatives
recueillies sur N = 5 195 personnes admises dans des centres d’urgences pour des difficultés liées à
l’alcool, dans quatre pays (Mexique, États-Unis, Pologne, Argentine). Elle est menée avec beaucoup de
soin en « respectant » les données dans le même esprit et avec les mêmes options méthodologiques
que l’étude de Monshouwer et al. (2012) présentée antérieurement. Comme dans cette dernière,
Borges et al. (2010) adoptent les techniques de la psychométrie moderne (Rust et Golombok, 2009)
qui permettent de traiter les problèmes d’évaluation en se référant à des variables latentes (Bollen,
2002 ; Borboom, Mellenbergh, van Herden, 2003). Les variables latentes sont des variables non obser-
vables qui sous-tendent la conduite analysée et qui résultent du traitement des variables observables
par des modèles statistiques. Ces variables latentes présentent l’intérêt de réduire la dimensionnalité
d’une conduite (il faut moins de variables latentes que de variables observables pour l’expliquer) car
les variables latentes sont plus fondamentales. La psychométrie moderne permet de connaître la
validité des items constituant une échelle de mesure (ici du risque pour la santé) grâce à la théorie
des réponses à l’item (ITR). Cette technique permet de mesurer avec un niveau de généralité élevé, le
« trait » sous-jacent qui a déterminé la réponse et de ne retenir, pour construire une échelle courte et
valide, que les items qui reflètent fortement le « trait » devant être évalué. Les techniques de réponse
à l’item sont voisines, dans leur propos des techniques d’analyse factorielle mais les résultats qu’elles
fournissent s’ajustent (fit) mieux aux données en cas d’items polytomiques (Maydeu-Olivares, Cal,
Hernandez, 2001) qui semble être leur domaine d’élection. En certaines circonstances, la technique
est donc globalement plus fine et plus précise que les analyses factorielles. L’ouvrage d’Embretson
et Reise (2000) constitue une excellente présentation de ces techniques à l’usage des psychologues.
Les avantages de la psychométrie moderne sont par ailleurs très nombreux et il n’existe plus guère
de recherche de niveau avancé sur des phénomènes complexes qui se réclame de la psychométrie
traditionnelle.
L’étude de Borges et al. (2010) sur les abus d’alcool conduit à deux conclusions principales, l’une
méthodologique, l’autre théorique. La première est que les unités d’alcool utilisées conjointement
avec les indicateurs du DSM IV augmentent la validité et la sensibilité de l’évaluation dans la
gamme des consommations moyennes inférieures indiquées antérieurement comme insuffisamment
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 245

discriminées. La seconde a une portée théorique plus fondamentale : elle montre que les désordres liés
aux consommations d’alcool peuvent être décrits sur une dimension unique. Une conclusion s’impose
alors : il n’est pas pertinent d’utiliser un critère comportant deux états (abus et dépendance) dont
la nature semble être différente alors qu’ils relèvent d’une seule dimension. Les conduites s’y posi-
tionnent en fonction de différences de quantité et non pas comme des différences d’états, conclusion
qui conduit logiquement à modifier les méthodes de traitement mises en œuvre qui doivent être
globales. Eu égard à ce résultat, corroboré par plusieurs autres recherches, le DSM-5 ne comporte
plus de distinction entre abus et addiction mais ses toutes premières utilisations montrent que la
nouvelle échelle ne serait pas assez discriminante. Elle considérerait comme alcoolo-dépendantes des
personnes dont les conduites relèvent de l’habitude. Une telle distorsion est appelée « faux positif » (la
personne est diagnostiquée comme présentant une conduite qui génère des conséquences négatives
alors que, en réalité, elle ne relève pas vraiment de cette catégorie). La référence à des consomma-
tions d’intensité variable sur une échelle unique continue, a le mérite d’éviter ce type de difficulté
menant à des sur-diagnostics ou, dans le cas contraire, à des sous-diagnostics.

4.7 Prévention des CRPS


Depuis longtemps les CRPS préoccupent, à tous niveaux, les responsables de la santé dont l’objectif
consiste à diminuer de façon notoire, les troubles qui leur sont liés.
Spontanément si l’on peut dire, responsables et professionnels ont eu recours à des techniques
de conditionnement négatif relevant peu ou prou du béhaviorisme. Il s’agit de créer un lien d’asso-
ciation entre la conduite à risque et ses conséquences en rendant celles-ci « disponibles » alors que
les personnes concernées tendent spontanément à ne pas les évaluer. Les travaux consacrés aux
« appels à la peur » concluent quasi unanimement, qu’ils sont inefficaces (Botvin, 1990 ; Prevention
First, 2008) et plus encore, qu’ils sont contre-indiqués car ils produisent des états anxieux suscitant
des engagements encore plus nombreux dans des conduites à risque « réassurantes » qu’ils étaient
censés combattre. Voulant également éviter d’accentuer l’interdit, ce qui le rend attractif, les slogans
préconisent des recommandations indirectes mais la répétition du message atténue de plus en plus
son impact. Ainsi la mention qui accompagne la publicité pour les boissons alcoolisées « l’abus
d’alcool est dangereux pour la santé : à consommer avec modération » non seulement est de moins
en moins perçue mais s’avère difficile à opérationnaliser, faute de repères précis, aussi bien dans le
sens de la consommation que dans celui du contrôle.
La décision d’arrêter de fumer est soumise aux mêmes difficultés. Les effets nocifs du tabac sont
largement connus, les mises en garde nombreuses et explicites (« le tabac tue »), les prix de vente
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

augmentent régulièrement mais les consommations, après avoir diminué notablement, semblent
marquer un palier (entre 2010 et 2011, elles n’ont diminué que de 0,7 %). Les diverses mesures mises
en œuvre depuis des décennies ont-elles dissuadé les fumeurs(ses) les moins engagé(e)s si bien que
seul resterait un noyau dur de « résistant(e)s » ? Il est avéré qu’adopter une conduite à risque résulte
d’une décision pluri-déterminée et que, en toute logique, son abandon obéit aux mêmes règles et
s’inscrit souvent dans un schéma temporel à gérer. Ainsi que l’ont montré Ert, Ychiam et Arshavsky
(2013) en étudiant les fumeurs/ses, susciter la peur des conséquences ne suffit pas à provoquer l’arrêt
car ce serait aussi renoncer à des « bénéfices » auxquels les sujets sont très attachés.
On peut s’attacher à l’étude de la prise de risque en se réfèrant à la balance « bénéfices-coûts » et
la considérer comme une référence dynamique qui inclut des éléments positifs (nouveauté, excita-
tion) et des éléments négatifs (dommages, pertes). C’est en considérant cette structure composite
que MacPherson, Reynolds, Daughters, Wang, Cassidy, Mayes et Lejuez (2010) traitent des effets
combinés du renforcement positif et négatif chez de jeunes adolescent(e)s. Les participant(e)s ont à
246 Psychologie de la santé : applications et interventions

traiter une situation expérimentale et à répondre à divers questionnaires parmi lesquels une version
modifiée du YRBSS (Youth Risk Behavior Surveillance System) qui évalue une dizaine de risques
fréquents en début d’adolescence. Parmi les conclusions, qui résultent d’analyses multivariées, nous
retiendrons que les renforcements positifs et négatifs jusqu’alors perçus comme indépendants sont
en interaction : leurs effets ni ne se retranchent, ni ne s’ajoutent mais se combinent. Par ailleurs,
comme dans d’autres études, le prédicteur le plus fiable est la recherche de sensations fortes.
Ces éclairages sur le volet fondamental que constitue la prévention permettent d’arrêter quelques
principes que l’on peut tenir pour opérants :

•  L’information, la participation des citoyens et l’engagement de toutes les personnes concernées


sont des démarches déterminantes à toutes les étapes de la recherche de sa conception à ses
conclusions. La participation du public à la recherche scientifique, reste encore trop limitée
malgré des initiatives ponctuelles qui se multiplient.

•  La prévention doit être précoce pour éviter l’ancrage et la multiplication des conduites à risques
(leur clustérisation). Le tout début de l’adolescence est souvent marqué par une explosion des
conduites à risques et l’âge d’entrée dans les CRPS est un indicateur important de leur perma-
nence. C’est donc à ce moment sensible de l’évolution individuelle qu’il convient de mettre
en place des mesures préventives efficientes.

•  La mise en place d’une phase préparatoire aux interventions thérapeutiques est importante.
Certains praticiens s’attachent à « travailler la demande » en estimant qu’attendre que les
personnes concernées se sentent « motivées » peut inutilement prolonger les troubles et accroître
les risques. Dans le respect des règles déontologiques, il est préconisé que les interventions prévues
soient accompagnées de thérapies cognitivo-comportementales (Beck, Wright Newman, 1993) et
d’entretiens consacrés à la motivation, démarche qui s’avère efficace (Leonard, Matheron, 1998).
Dans un souci de clarification, il est utile de distinguer trois types de prévention : la prévention
primaire consiste à inciter les personnes concernées à ne pas s’engager dans la conduite à risque ;
la prévention secondaire, amène à mettre en place des mesures après un épisode paroxystique
ou une situation devenue très critique (une cure de désintoxication par exemple), la prévention
tertiaire qui est destinée à gérer le futur lointain et à s’attacher aux conséquences à long terme
des CRPS. C’est souvent la plus difficile à mettre en place car les personnes concernées n’ont
pas toujours une claire représentation de son utilité.

•  L’efficience des modalités de prévention et de traitement implique une prise en charge globale :
pour réduire une dépendance ou une addiction, il faut la concevoir comme résultant de l’activité
d’un réseau. Celui-ci comporte une diversité d’informations qui relèvent de différents registres :
personnels, groupaux, sociaux, éducationnels, etc. C’est la modification des caractéristiques
fonctionnelles de ce réseau, en utilisant simultanément plusieurs entrées, qui conduit à la
diminution des dépendances.

•  Les positions et dispositions personnelles de la personne dépendante sont bien évidemment


déterminantes. C’est une réévaluation des valeurs personnelles, les mêmes que celles qui avaient
provoqué l’engagement dans la conduite, qui se trouve souvent être à l’origine des évolutions
des conduites visant la réduction des risques. Cette modification dans « la façon de voir »,
fréquemment liée à un événement de la vie personnelle (paternité, maternité, décès, acci-
dents…) est un déclencheur qui conduit le sujet concerné à entreprendre des démarches qui
sont dans un premier temps, de caractère concret et empirique : il (elle) va chercher en utilisant
une heuristique d’ancrage-ajustement à se rattacher à des groupes d’anciens pratiquant(e)s
consommateurs(rices) ou addictifs/ves dans lesquels l’échange des expériences va s’avérer un
moteur puissant d’évolution. La référence aux pairs qui a présidé à l’entrée dans la conduite se
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 247

retrouve donc aussi présente lorsqu’il convient d’en sortir. Ultérieurement, le cas échéant, des
interventions plus techniques demanderont à être mises en place par des équipes médico-socio-
psychologiques spécialisées.

5. Conclusion prospective

Un fil rouge court tout au long de cet exposé : celui qui consiste à emprunter et à développer la voie
du constat en accordant aux observations et aux données un statut épistémologique déterminant.
Dans l’étude des CRPS, les approches scientifiques recherchent de « bonnes » théories (de la connais-
sance) tandis que les personnes qui sont engagées dans ces conduites recherchent de « bonnes »
méthodes (d’intervention et d’action) et ces points de vue qui devraient être complémentaires, sont
perçus comme ne se correspondant pas. Ce hiatus entre des principes définis canoniquement et une
réalité qui ne s’y conforme pas, n’a cessé de grandir au point de devenir crucial. Il conduit à formuler
une question fondamentale : sur quels éléments doivent reposer les théories pour prédire les CRPS ?
À lui seul, l’article de Baban et Craciun (2007) recense une dizaine de théories différentes susceptibles
d’être utilisées et cette pléthore représente plus un obstacle qu’une facilité. La question n’est pas
bien entendu de supprimer les théories, ce qui conduirait à s’en tenir aux limites étroites et aux aléas
de l’empirisme, mais au contraire à les modifier pour renforcer leur pouvoir explicatif et prédictif.
La réalisation d’une telle entreprise conduit à examiner la question des relations entre théories
et conduites d’une part, et celle de la nature des informations retenues pour théoriser d’autre part.
Les relations entre théories et conduites sont l’objet de débats récurrents en psychologie. La
conception canonique de la théorisation pose que les informations retenues sont celles qui possèdent
des propriétés générales (ou généralisables) ce qui permet de conférer à la construction théorique
précisément sa marque distinctive la plus forte : son caractère général. Dans cette optique le degré le
plus élaboré de la théorisation est le formalisme, si possible mathématique, qui garantit l’applicabilité
la plus grande. Ce degré d’abstraction est rare en sciences humaines (on peut s’en réjouir) mais la
généralité reste l’objectif déterminant à atteindre. Pour autant une théorie n’est pas seulement un
système conceptuel général et cohérent : elle se doit (surtout pourrait-on dire) d’être efficiente au
niveau des conduites… c’est-à-dire ne pas pécher par excès de généralité !
Lewin (1951) a très tôt pris conscience de cette difficulté. Examinant l’importance de la « mathé-
matisation » en psychologie, il considère que « la théorisation, la mathématisation et la formalisation
sont des outils [pour la connaissance]. Leur valeur pour la psychologie n’existe qu’en ce qu’ils servent
de moyens pour des progrès fructueux dans les sujets qui sont les siens, et ils doivent être utilisés
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

comme des outils complexes […] seulement quand et où ils apportent une aide et n’entravent pas le
progrès » (Lewin, 1951, p. 12)1. Si, comme dans les CRPS, une modification concrète de la conduite
est visée, il convient donc d’élargir la base informationnelle sur laquelle repose la démarche de
construction théorique, en y introduisant des informations « modératrices » de la généralité mais
le cas échéant plus représentatives de la « réalité » concernée.
La nature des informations retenues dans les démarches de théorisation demande aussi un court
examen. On dispose sur ce point, de contributions provenant de disciplines différentes qui finale-
ment convergent pour préconiser une modification des critères de ce qu’est la connaissance en vue
de l’action. La première est l’œuvre de philosophes des Sciences qui ont pris le parti de modifier la
discipline « épistémologie » pour la rapprocher des réalités du terrain. Quine (2004) et Kim (2004)

1.  Souligné par nous.


248 Psychologie de la santé : applications et interventions

introduisent une épistémologie naturalisée, c’est-à-dire fondée sur des opérations effectuées sur les
propriétés des objets d’études insérés dans le milieu plutôt que sur des propriétés formelles générales.
Plus qu’une mutation, ce fut une révolution qui provoqua de sérieux remous dans la discipline
en instaurant la cognition non plus seulement comme outil mais aussi comme finalité. Le second
courant, représenté par des psychologues, est de type opératoire. Le constat que la connaissance
n’est pas à rechercher, in fine, dans le phénomène étudié mais dans la représentation cognitive qu’en
élabore l’individu humain, conduit à concevoir une épistémologie dans laquelle les observations et
les processus cognitifs soient plus fortement représentés. Matalon (2008) introduit, de façon perti-
nente, l’idée que le déterminisme (au sens fort que donne l’épistémologie scientifique à ce terme)
n’est pas une condition indispensable à la prévision et à l’action et que « l’intelligibilité remplace le
déterminisme. C’est elle qui, avec la stabilité, les invariants, permet la prévision » Matalon (2008,
p. 29). Pour leur part, Michie et Prestwich (2010) examinant le rôle des théories, préconisent une
démarche assez voisine de « codage des schèmes ». Il nous paraît que l’outil méthodologique le plus
adapté pour satisfaire ces objectifs consiste à élaborer des construits pluri-informationnels (informations
abstraites et concrètes, individuelles et sociales) et c’est probablement aujourd’hui l’une des pistes
les plus prometteuses à développer en matière de prévision et de traitement des CRPS.

À retenir
Construit (construct en anglais) – On doit aux conceptions néobehavioristes, notamment aux travaux de
C.L. Hull (1884-1952), un apport conceptuel majeur : celui qu’il existe entre les stimuli et la réponse, bases
du béhaviorisme traditionnel, des structures fondamentalement opérantes qui du fait de leur position
intercalée, ont reçu l’appellation de variables intermédiaires. Non directement observables, elles peuvent
être connues par leurs effets et, dans un article célèbre, Mac Corquodale et Meehl (1948) vont élargir le
dispositif en distinguant les « variables intervenantes », dont les effets ont été vérifiés et les « construits
hypothétiques » qui combinent plusieurs variables mais dont les effets n’ont pas encore été vérifiés empi-
riquement. Le construit représente alors l’étape qui précède directement la théorisation, parfois appelée
« opérationnalisation ». Beaucoup plus tard, le courant cognitif va conférer à ces structures intermédiaires un
rôle majeur en les concevant comme des réseaux qui traitent les informations et construisent les conduites.
Le construit, utilisé conjointement avec des analyses multivariées, est l’un des outils les plus usités pour gérer
méthodologiquement le passage du concret (observations) à l’abstrait (théories). Certaines acceptions en
font une représentation mentale, construite à partir des connaissances se rapportant à une entité spécifiée
(une conduite, une organisation ou une fonction psychologique) qui a été soumise à l’épreuve des faits.
Le logiciel MPlus 6 – D’élaboration récente (il existe depuis peu une version 7), il présente de nombreux
avantages. Il est spécialement adapté au traitement d’observations complexes (la conduite en étant un
exemple) desquelles il permet de dégager des variables latentes, sous-jacentes, généralement non obser-
vables mais actives. Ce logiciel permet de construire des modèles qui combinent différentes catégories de
variables (catégorielles et quantitatives), « tolère » bien les non-réponses rencontrées dans les question-
naires d’enquête et fournit des résultats généraux. De plus, il distingue des concepts théoriques (formal
theoretical concept) et des concepts opératoires (operational empirical concept) (Muthén et Muthén, 2008-
2010). Les estimations sont réalisées en intégrant les démarches bayésiennes, les estimateurs maximum
de vraisemblance et les simulations Monte Carlo, outils qui se diffusent dans les recherches quantitatives
en psychologie lorsque les caractéristiques spécifiques de la situation ou des données recueillies justifient
que l’on y ait recours.
Psychométrie moderne (principes généraux) – L’adjectif « moderne » accolé à « psychométrie » pourrait
évoquer un simple attrait pour le changement et la nouveauté : il n’en est rien et même si le choix de cette
désignation est loin d’être heureux, il faut reconnaître qu’elle marque une rupture avec la psychométrie
 ☞
Les traitements des conduites à risque dans le champ de la santé et de la maladie 249

 ☞
traditionnelle désignée par le sigle CTT (classical test theory). En CTT, la valeur d’un item est évaluée à partir
d’opérations empiriques (utilisation d’un critère externe) si bien qu’elle dépend de la qualité de l’item (ce
que l’on cherche à connaître) mais aussi des caractéristiques du groupe auquel la mesure a été appliquée
(ce qui est gênant pour la généralisation). La psychométrie moderne (MP) s’attache à mesurer par des
démarches d’analyse statistique (théories de la réponse à l’item ou IRT, modèles de Rasch), la valeur intrin-
sèque de chaque item, c’est-à-dire indépendamment des contextes dans lesquels elle a été établie, mesure
qui est dite « indépendante de l’échantillon ». Les unités « intangibles » ainsi obtenues sont applicables aux
items (calibration) et aux sujets (mesure). Les IRT fournissent des échelles d’intervalles qui permettent
d’entreprendre ultérieurement des analyses multivariées nécessaires au traitement d’entités complexes.
L’indépendance par rapport à l’échantillon permet de constituer des banques d’items qui deviennent réuti-
lisables en toutes circonstances relevant de la même définition.
Cadre de gestion des risques (présenté comme exemple) – Pour avoir une vue synthétique du carac-
tère global et coordonné d’une politique de gestion des risques de santé, consulter le rapport : Cadre
de référence en gestion des risques pour la santé dans le réseau québécois de la santé publique éditée par
l’Institut national de santé publique du Québec (janvier 2003, 92 p. – www.inspq.qc.ca/pdf/publications/163_
CadreReferenceGestionRisques.pdf). Ce document va bien au-delà du propos du présent chapitre en intégrant
tous types de risques pour la santé : maladies, épidémies, catastrophes, etc. Il traite des aspects environ-
nementaux, sociaux, éthiques des risques et met l’accent sur les stratégies de communication mises au
service de la préservation et de l’amélioration de la santé publique. Ce rapport souligne l’exigence d’informer
clairement et totalement les citoyens mais plus encore de les associer à toutes les phases de réalisation
de la recherche. Leur engagement s’exprime sur une échelle en cinq niveaux allant de l’information à la
participation.
La figure ci-dessous, qui en est extraite, illustre les différentes étapes et sources d’information mobilisées
dans la gestion du risque de santé et la nécessité d’adopter une démarche intégrée.
On remarquera que la communication occupe le centre du dispositif et se trouve impliquée à chaque étape
de la réalisation.

Définition
du problème
et du contexte

Évaluation du
processus et des Évaluation
interventions des riques
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Communication
sur les
Mise en risques Identification
œuvre des et examen
interventions des options

choix de la
stratégie

Adaptée de PCCRARM (1997a) et de Santé Canada (2000)

Figure extraite du rapport Cadre de référence en gestion des risques pour la santé dans le réseau québécois
de la santé publique (Institut national de santé publique du Québec, janvier 2003)
250 Psychologie de la santé : applications et interventions

Lectures conseillées
La meilleure façon de se tenir informé(e) des recherches, progrès et innovations est de
consulter les revues scientifiques spécialisées qui sont un excellent indicateur de l’état
d’avancement des recherches. Il existe de nombreuses revues traitant soit des risques
en général, soit des risques pour la santé, soit des risques au travail, soit des risques
présents dans l’environnement. Quelques titres : Health, Risks et Society ; European
Journal of Public Health ; Addictive Behaviors ; Addiction  ; Alcoologie et Addictologie ;
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10
Cha
p itre

TRAITEMENT
DE LA DOULEUR
ET AIDE PSYCHOLOGIQUE1

1.  Par Marie-Jo Brennstuhl, Lionel Strub, Fanny Bassan, Cyril Tarquinio et Gustave-Nicolas Fischer. APEMAC / EPSAM,
Université de Lorraine, Metz.
aire
m
So m

1. Éléments théoriques.............................................................................................. 259


2. Champs et terrains d’application.......................................................................... 266
3. Perspectives de mise en œuvre............................................................................ 271
Bibliographie.............................................................................................................. 275
Traitement de la douleur et aide psychologique 259

1. Éléments théoriques

rt

Pa
La douleur chronique représente un problème de santé majeur. Plus d’un milliard par an est
attribué au surcoût lié à la prise en charge de la douleur chaque année en France, malgré les différents

ie
plans gouvernementaux mis en place entre 1998 et 2010. Pourtant, les impacts sont à la fois directs
et indirects. D’une part, les patients douloureux chroniques consultent deux fois plus de profession-
nels de santé, fréquentent davantage les services d’urgence et se font davantage hospitaliser. D’autre
part, cette souffrance a un impact indirect sur la situation professionnelle des patients, avec un taux
d’absentéisme au travail deux fois plus important que dans la population normale, et une prévalence
d’individus douloureux chroniques dans les maladies de longue durée cinq fois plus importante.

1.1 Qu’est-ce que la douleur ?


La douleur appartient au système de la somesthésie – la sensibilité du corps –, mais elle retient
néanmoins l’attention des psychologues car elle est aussi une perception associée à des composantes
émotionnelles.
L’International Association for the Study of Pain (IASP) la définit de la façon suivante : « La douleur
est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable en rapport avec une lésion tissulaire
existante ou potentielle ou décrite en termes évoquant une telle lésion » (Merskey et Bogduk, 1994).
Cette définition met néanmoins en avant le rôle des émotions, mais également ce lien particu-
lier entre le dommage corporel et le vécu douloureux ; une douleur peut être épouvantable sans
blessure corporelle. Il n’y a aucune relation de proportionnalité entre l’expérience de la douleur et
le dommage corporel. C’est une construction multidimensionnelle où il est difficile de faire la part
entre les signes objectifs et biologiques de la maladie (le point de vue médical) et le vécu personnel
et subjectif du patient. Cette affection touche à la fois la sphère personnelle, sociale, familiale et
le milieu du travail. Tous ces éléments doivent alors être pris en compte au moment de la prise en
charge du patient (Serrie et Queneau, 2005).
La définition de l’IASP tient également compte du caractère chronique de la douleur et la décrit
comme toute douleur persistant inhabituellement depuis plus de trois mois (durée moyenne d’une
cicatrisation) (Merskey et Bogduk, 1994). Ce balisage temporel exclut alors de la prise en charge
de la douleur chronique toute douleur aiguë considérée comme une réponse appropriée à sa cause
physique (Serrie et Queneau, 2005).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

En 1999 déjà, l’ANAES – Agence nationale d’accréditation et d’évaluation de la santé – proposait


une définition quasi exhaustive très proche des définitions internationales actuelles :

« La douleur chronique est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une
lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en termes de telle lésion, évoluant depuis plus
de 3 à 6 mois et/ou susceptible d’affecter de façon péjorative le comportement ou le bien-être du
patient, attribuable à toute cause non maligne. »

Le vécu du patient est spécifiquement mis en avant dans cette définition qui pointe déjà l’idée
fondamentale d’un concept biopsychosocial.
Ce concept sera examiné concomitamment par l’ANAES (1999) qui élabore le modèle biopsy-
chosocial de la douleur comme un phénomène complexe faisant intervenir quatre composantes
fondamentales :
260 Psychologie de la santé : applications et interventions

•  sensori-discriminative ;
•  affective et émotionnelle ;
•  cognitive ;
•  comportementale.
La composante sensori-discriminative correspond à la description de la douleur en termes de loca-
lisation, de nature et de durée.
La composante affective et émotionnelle englobe l’humeur, les affects dépressifs, anxieux, les idées
suicidaires, l’affectation de l’image de soi, l’intolérance à la frustration, etc.
La composante cognitive relève de l’historique douloureux par rapport aux expériences douloureuses
antérieures, du système éducatif de confrontation à la douleur, la signification de la douleur, de la
question du sens, de la relation avec le corps médical, etc.
Enfin, la composante comportementale investit tout l’aspect moteur de la douleur, de la position
antalgique aux mouvements provoquant ou aggravant le ressenti douloureux, aux phénomènes
d’évitement, aux troubles du sommeil, aux répercussions sur l’autonomie, le travail, etc. (Bruchon-
Schweitzer, 2005 ; OMS, 2000).
Par ailleurs, nous pouvons distinguer plusieurs types de douleur chronique (HAS, 2008) :
•  La douleur par excès de nociception, ou douleur inflammatoire, produite par une stimulation
somatique mécanique (musculaire, osseuse, cutanée…) ou d’origine infectieuse, dégénérative,
viscérale, etc.
•  La douleur neuropathique avec une lésion au niveau du système nerveux périphérique, une déré-
gulation de la connexion habituelle du nerf au cerveau générant l’information douloureuse
inadaptée.
•  La douleur idiopathique ou psychogène, non corrélée avec une cause organique établie.
Ces définitions ont ensuite été complétées en tenant compte de ces différents facteurs et d’obser-
vations cliniques plus poussées. La notion de « syndrome douloureux chronique » apparaît alors
dans la littérature.
D’abord proposé en 2004 par l’American Society of Anesthesiologists, le syndrome douloureux
chronique pourrait être en rapport avec des données somatiques à condition cependant qu’il présente
au moins deux des caractéristiques suivantes (Vanhalewyn et Cerexhe, 2004) :
•  régression significative et progressive de la capacité fonctionnelle et relationnelle dans les
activités de la vie journalière, au domicile comme au travail ;
•  demande excessive de recours à des médicaments ou à des procédures médicales souvent inva-
sives, tout en reconnaissant leur inefficacité à soulager ;
•  trouble de l’humeur (dépression, anhédonie…) ;
•  sentiment de révolte et de revendication, ou au contraire de résignation et d’impuissance,
souvent accompagné d’une hostilité envers les soignants, traduisant l’incapacité de s’adapter
à la situation.
Ces différentes composantes font de la douleur une affection particulière et éminemment
subjective.
Traitement de la douleur et aide psychologique 261

1.2 Quels sont les mécanismes de la douleur ?


Différents modèles cognitifs et comportementaux permettent d’appréhender l’apparition et le main-
tien de la douleur chronique. Des modèles principaux se détachent dans la littérature : l’apprentis-
sage répondant, opérant et social, la loi de l’appariement généralisé et le concept de kinésiophobie
(Boureau, 1999 ; Monestès et Serra, 2005). Bien qu’il s’agisse un phénomène physiologique laissant
à penser qu’elle ne pourrait s’expliquer par des modèles cognitivo-comportementaux, la douleur
chronique reste cependant une perception, une expérience subjective, modifiée par les perceptions
de l’individu par rapport à son environnement. La douleur est alors élaborée comme un ensemble
de comportements appris susceptible de pouvoir être modifié.

1.2.1 L’apprentissage répondant


Ce modèle de l’apprentissage répondant n’est pas propre au système douloureux, mais fait partie
des premiers mécanismes mis en exergue dans l’étude des comportements. Le fonctionnement
basique de ce modèle met en évidence que l’association répétée d’un stimulus neutre à un stimulus
inconditionnel (qui déclenche une réponse réflexe) est suffisante pour que le stimulus neutre soit à
lui seul capable de déclencher cette même réponse réflexe. Il est d’autant plus important de noter
dans ce modèle que l’association du stimulus neutre au stimulus inconditionnel est suffisamment
importante, la capacité de déclencher la réponse réflexe pouvant être acquise au cours d’une seule
association.
Dans le cadre de la douleur, ce modèle permet de rendre compte de l’apparition ou de maintien
de certaines catégories de douleur. En effet, ceci est particulièrement le cas suite à des douleurs post-
traumatiques où l’association du stimulus nociceptif et du contexte (inconditionnel) pourra être en
mesure de provoquer une majoration du ressenti douloureux au niveau de toutes ses composantes :
sensitives, affectives, cognitives et comportementales, dès que l’individu sera à nouveau en présence
du contexte.

1.2.2 L’apprentissage opérant


Le mécanisme d’apprentissage opérant semble palier les faiblesses du conditionnement répon-
dant classique. Dans ce modèle, nous parlons de renforcement d’un comportement, en fonction des
conséquences de celui-ci.
Dans le cadre de la douleur, des comportements tels des postures, des grimaces, des plaintes, ou
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

des silences, voire même un arrêt de l’activité professionnelle ou des loisirs ou tout autre type de
manifestations liées à la douleur peuvent entraîner des conséquences telle la disparition d’autres
comportements : relations sociales, activités, sexualité…, ou l’apparition de nouveaux comporte-
ments : proposition d’aide… Nous parlerons alors de renforcement positif ou de renforcement négatif
des comportements conformément au modèle d’apprentissage opérant.
Le renforcement négatif augmente la probabilité qu’un comportement apparaisse si ce même
comportement fait disparaître un stimulus jugé négatif par l’individu. Que ce soit au travers de
l’entrevue de bénéfices secondaires possibles ou de la prise d’antalgiques, le renforcement négatif
est, dans le cadre de la douleur chronique, un facteur de maintien.
En effet, éviter des activités désagréables (tâches ménagères, stress professionnel, corvées, obli-
gations sociales…) et faire ainsi disparaître des stimuli négatifs, aura pour conséquence un renfor-
cement du comportement douloureux par apprentissage opérant (Jollife et Nicholas, 2004). De la
262 Psychologie de la santé : applications et interventions

même façon, la diminution de la sensation douloureuse après la prise d’antalgiques, renforcera son
utilisation (Flor, Knost et Birbaumer, 2002).
Dans le même ordre d’idée, obtenir une conséquence positive suite à l’apparition d’un comporte-
ment, engendre un mécanisme de renforcement positif du comportement. Par exemple, le fait d’obtenir
des indemnités supplémentaires, de bénéficier d’un intérêt particulier au sein du cercle familial ou
social, peut également augmenter ou maintenir les comportements douloureux.
Les mécanismes de punition vont, à l’inverse des mécanismes de renforcement, permettre une dimi-
nution du comportement. Chez les patients douloureux chroniques, ceci va davantage se produire
sur une diminution de comportements sains pourtant physiologiquement réalisables.
Il s’agit notamment de tentatives de reprise de l’activité professionnelle ou de tout type d’activité
effectué par le sujet avant la survenue de la problématique douloureuse. À la reprise du comporte-
ment, les bénéfices octroyés durant le temps de la douleur vont disparaître (aide d’autrui, compassion,
intérêt…). La reprise d’un comportement (en l’occurrence sain) sera donc punie « négativement » par
une perte de bénéfices et entraîner la diminution de l’apparition de ce comportement (diminution
des tentatives de reprise de l’activité).
Enfin, la punition positive amènera également à la diminution de certains types de comportements,
mais davantage sur un plan physiologique. En effet, certaines activités ou comportements provo-
queront l’apparition ou l’augmentation des douleurs (conséquence du comportement sous forme
de punition) et entraîner, de ce fait, la diminution de ce comportement afin d’éviter la punition
positive. À long terme, le patient douloureux chronique verra son sentiment d’incapacité augmenter
et ne se sentira plus capable de réaliser certains mouvements, activités ou comportements.
Bien évidemment ces mécanismes ne sont pas conscients et sont bien plus complexes qu’une
simple association comportement/conséquence. Il suffirait, le cas échéant, d’éliminer les renforça-
teurs pour obtenir un arrêt du comportement, ce qui ne fonctionne pas dans la pratique clinique.

1.2.3 La kinésiophobie
Dans la continuité du modèle de l’apprentissage opérant, le terme de kinésiophobie s’est développé
dans les années 1990 (Kori, Miller et Todd, 1990). Il définit la peur du mouvement et, en cela, la
peur de l’apparition ou de la réapparition d’une douleur ou d’une blessure. Comme toute phobie, il
s’agit d’une peur irraisonnée, basée sur le caractère hypothétique de réapparition de la douleur, mais
suffisamment forte pour une diminution des mouvements et des activités du patient.
Ce mécanisme est à l’origine de celui l’approche opérante : l’évitement. Très rapidement, par
apprentissage et par peur, l’évitement se généralise et s’étend à toutes les activités susceptibles de
provoquer une punition positive (Al-Obaidi, Nelson, Al-Awadhi et Al-Shuwaie, 2000).
Ce mécanisme conduit à deux conséquences majeures sur le comportement du patient doulou-
reux chronique. D’une part, en se restreignant à ne pas effectuer un nombre considérable d’activités
ou de mouvements, il se focalise davantage encore sur ses sensations corporelles et douloureuses
et active le processus d’hypervigilance. D’autre part, d’un point de vue physique et physiologique
nous observons un mécanisme de déshabituation du corps qui perd également ses capacités. Ce
déconditionnement entraîne alors une diminution de l’endurance musculaire (Bergsten, Lundberg,
Lindberg et Elfving, 2012).
La kinésiophobie enferme donc le patient dans un cercle vicieux de la douleur où nous retrou-
vons une corrélation importante entre la peur du mouvement, l’hypervigilance et la chronicisation
des douleurs (Parr, Borsa, Fillingim, Tillman, Manini, Gregory et George, 2012), sans parler des
Traitement de la douleur et aide psychologique 263

conséquences sur l’anhédonie, le découragement, la dévalorisation et l’augmentation des affects


dépressifs (Picavet, Vlaeyen et Schouten, 2002).

1.2.4 Modèles cognitifs complémentaires


La définition de schéma en tant que structure cognitive profonde faisant intervenir le savoir, et
l’expérience de l’individu (attitudes fondamentales, croyances, règles de conduite, catégorisation…)
fait référence à un processus susceptible d’influencer également la perception de la douleur.
L’accent va alors être mis sur les processus de pensée de l’individu et sa façon d’interpréter la
douleur sous forme de distorsions cognitives, d’erreurs de pensée ou d’interprétation.
Dans le cadre de la douleur chronique, ces distorsions cognitives apparaissent sous différentes
formes telles que le catastrophisme, la surgénéralisation, la pensée dichotomique, l’inférence arbi-
traire ou la pensée négative, qui auront toutes un impact sur les quatre composantes de la douleur
(Keefe, Rumble, Spicio, Giordano et Perri, 2004) :

•  Le catastrophisme est un ensemble de croyances négatives par rapport à l’évolution de la maladie.


•  La surgénéralisation est l’attribution d’une valeur générale à un événement ponctuel.
•  La pensée dichotomique est une pensée de type « tout ou rien ».
•  L’inférence arbitraire est une conclusion définitive en l’absence de preuves suffisantes ou
concluantes.
•  La pensée négative correspond à l’ensemble des éléments positifs d’une situation interprétés
comme peu importants.
Parmi ces distorsions cognitives, le catastrophisme est sans doute l’entité qui a été la plus étudiée
dans le cadre de la douleur chronique (Keefe et al., 2004).
Les différentes études menées qui établissent le lien entre le catastrophisme et la douleur chro-
nique, laissent entrevoir que c’est un facteur complexe, constitué à la fois d’interprétations cognitives
et de composantes affectives et non assimilables uniquement à une faculté d’adaptation cognitive
(Jones, Rollman, White, Hill et Brooke, 2003).
L’impact du catastrophisme sur le patient douloureux chronique peut s’étendre de l’augmentation
de l’intensité de la douleur, à des conséquences sur le fonctionnement social, la vitalité, la santé
mentale et même la santé en général (Lamé, Peters, Vlaeyen, Kleef et Patjin, 2005).
Le catastrophisme apparaît même comme le facteur de prédiction principal de l’installation de
la douleur chronique et notamment de sa chronicisation, outre la dépression et la kinésiophobie
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(Bokrum, 2010 ; Meeus et al., 2012).

1.2.5 Approche émotionnelle


La composante émotionnelle vient compléter les approches cognitivo-comportementales. Le
fonctionnement émotionnel semble effectivement jouer un rôle prépondérant dans la modification
sensorielle du ressenti douloureux mais aussi dans l’expression de la composante affective. En effet,
il apparaît majoritairement que l’alexithymie ou l’évitement émotionnel sont associés à une intensifi-
cation du ressenti douloureux, tandis que la compréhension et l’expression émotionnelle auraient
l’effet inverse (Rimasson et Gay, 2012).
Dans le cadre de la douleur aiguë, la focalisation attentionnelle sur la sensation douloureuse est
un mécanisme de survie. Néanmoins, une attention répétée devient alors inadaptée et dysfonction-
nelle, participant à la chronicisation de la douleur (Crombez, Eccleston, Baeyens, Van houdenhove
264 Psychologie de la santé : applications et interventions

et Van Den Broeck, 1999). En effet, le maintien d’une attention focalisée sur la douleur entraînerait
le maintien des ruminations mentales concomitantes (Crombez et al., 1999).
Un lien a alors été établi entre la peur de la douleur et ces processus attentionnels : il existe un
lien entre la propension aux affects négatifs et la peur relative à la douleur, en revanche l’intensité
de la douleur seule n’a pas d’influence sur le processus attentionnel (Crombez et al., 1999).
En d’autres termes, la peur de la douleur et la propension aux affects négatifs influenceraient
respectivement la focalisation attentionnelle sur la douleur.
L’expression de l’émotion en douleur est modélisée, nous venons de le voir, par la peur et l’évi-
tement. Cet évitement précisément, ne s’arrête pas à la forme comportementale mais touche égale-
ment aux concepts de répression (Burns et al., 2008) ou de suppression de l’émotion (Baker, Thomas,
Thomas et Owens, 2007).
La notion de répression émotionnelle (Burns et al., 2008) est définie comme une lutte consciente
et consentie par le sujet contre l’activité cognitive et comportementale produite par l’émotion. Cette
conception rejoint alors les modèles de la douleur chronique, sans pour autant pouvoir prétendre
à s’imposer comme un modèle explicatif et habituel, contrairement à la notion de suppression de
l’émotion (Baker et al., 2007).
En reprenant les concepts psychosomatiques, Burns et al. (2008) suggèrent que la répression
émotionnelle pourrait provoquer un retour accru de l’émotion négative et de ce fait une augmen-
tation de la douleur. En effet, à terme, la répression émotionnelle provoquerait une intensité plus
importante des affects négatifs et, en particulier, de la colère. Par ailleurs, la tendance générale à
inhiber la colère est prédictive d’une douleur quotidienne exacerbée (Van Middendorp, Lumley,
Moerbeek, Jacobs, Bijlsma et Geenen, 2010).
L’alexithymie et l’évitement émotionnel restent les concepts les plus cités dans le cadre de la
douleur chronique.
L’alexithymie est définie comme une « absence de mots pour décrire les émotions » (Luminet,
2002) et se compose de difficultés à identifier et distinguer les états émotionnels intérieurs, mais
également à les verbaliser. Le monde intérieur est alors composé d’une vie imaginaire réduite et
d’une pensée opératoire majoritaire (Luminet, 2002). Fréquemment associée aux troubles somatiques
(Gay, Vrignaud, Garitte et Meunier, 2010), elle apparaît également comme un facteur aggravant ou
concomitant à la douleur chronique (Keefe et al., 2001).
L’évitement émotionnel, quant à lui, peut se manifester soit au travers du concept d’alexithymie
(avec notamment la difficulté à identifier et verbaliser ses émotions), soit au travers du concept de
suppression émotionnelle. Ces stratégies d’évitement sont alors associées à des niveaux d’affect
négatif élevés, mais également à une exacerbation des symptômes (Van Middendorp et al., 2010).
Pourtant, la capacité à pouvoir nommer, comprendre et exprimer une émotion favorise l’inté-
gration des événements stressants dans le cadre de la douleur chronique, notamment au travers
des capacités de coping (Smith, Mark, Lumley et Longo, 2002). Les stratégies de coping centrées sur
l’émotion constituent une faculté de faire face qui s’avère bénéfique dans le cadre de la douleur
chronique dans la mesure où elles permettent de minimiser les affects négatifs et l’intensité de la
douleur (Smith et al., 2002).

1.3 La douleur apparaît-elle toujours seule ?


Il n’est pas étonnant de constater que la douleur entretient des rapports étroits avec la dépression
et l’anxiété. De même que pour l’état de stress post-traumatique (ESPT), le lien de cause à effet n’est
pas établi dans un seul sens. En effet, il s’agit davantage d’un cercle vicieux établi par la douleur avec
Traitement de la douleur et aide psychologique 265

ses troubles comorbides, où la dépression, l’anxiété ou l’ESPT peuvent être précurseurs de la douleur,
mais également où la douleur peut induire une dépression, l’anxiété ou un ESPT. Ainsi, les troubles
s’entretiennent mutuellement au fil du temps.
Face aux différentes facettes de la douleur chronique, la question de la comorbidité ne cesse de
se poser. Les composantes cognitives, comportementales et émotionnelles, comprennent en soi
les notions d’anxiété, de dépression, de catastrophisme ou d’alexithymie. Les facteurs contextuels,
comme dans toutes les maladies chroniques, peuvent majorer la douleur, voire même la provoquer.
Dans tous les cas, l’interaction de la douleur et des troubles psychopathologiques est indissociable,
que ces troubles soient secondaires ou non à l’apparition de la douleur.

1.3.1 La dépression
Bien que la plupart des études suggèrent que la dépression est secondaire à l’apparition de la
douleur chronique, sa survenue peut également être antérieure ou concomitante (Banks et Kerns,
1996 ; Lemogne, Smagghe, Dijan et Caroli, 2004). Pourtant, les personnes souffrant de douleur chro-
nique présentent davantage de risques de présenter un syndrome dépressif que les autres (Von Korff,
Dworkin, LeResche et Kurger, 1998). En effet 31 % à 100 % des individus douloureux chroniques
seraient touchés (Romano et Turner, 1985 ; O’Reilly, 2011).

1.3.2 L’anxiété
L’anxiété est considérée comme un facteur de vulnérabilité dans la douleur chronique. En effet,
elle joue un rôle prépondérant dans le ressenti de l’intensité de la douleur et de l’incapacité liées à
la douleur (Schwartz, Stein, Wald, Sha et Sonty, 2011).
Bien que comprenant le trouble panique, le trouble d’anxiété généralisée ou l’abus de substances
(O’Reilly, 2011), l’anxiété concomitante à la douleur chronique se focalise notamment autour d’in-
quiétudes concernant les symptômes physiques et la maladie en général (Hadjistavropoulos, Owens,
Hadjistavropoulos et Asmundson, 2000).
La comorbidité de la douleur chronique et de l’anxiété n’est pas sans conséquences. L’augmentation
de l’anxiété serait significativement liée à l’augmentation de la sensibilité douloureuse (Rhudy et
Meagher, 2000), mais également aux mécanismes d’évitement et aux cognitions dysfonctionnelles
liées à la douleur (Hadijstavropoulos et al., 2000). Associée à la peur, l’anxiété accroît la réaction à
la douleur (Rhudy et Meagher, 2000).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.3.3 L’état de stress post-traumatique


Certains auteurs mettent également en avant une intrication très étroite de l’ESPT et de la douleur
chronique, l’un contribuant au maintien voire à l’aggravation des symptômes de l’autre.
Asmundson et al. (2002) proposent un modèle de vulnérabilité basé sur le rôle de l’anxiété pour
comprendre le lien entre ESPT et douleur. Dans leur modèle, la « sensibilité anxieuse » augmente
le niveau d’alerte de l’individu pendant un événement stressant, ce qui le prédispose d’autant plus
au développement de l’ESPT au travers de la conscience de la menace, mais également au risque de
douleur chronique à travers le dommage corporel.
À la différence de Sharp et Harvey (2001) qui pensent la « sensibilité anxieuse » comme un facteur
de maintien du lien entre ESPT et douleur chronique, Asmundson et al. (2002) l’élaborent en termes
de facteur prédisposant à l’installation de ces deux syndromes et à leur comorbidité.
266 Psychologie de la santé : applications et interventions

2. Champs et terrains d’application

Multifactorielle, la douleur chronique intègre quatre composantes fondamentales : sensorielle,


cognitive, comportementale et émotionnelle. Si les médicaments antalgiques ont une action avérée
dans le cadre de la douleur aiguë, leur utilisation sur le long terme provoque des effets secondaires
néfastes, limitant leur efficacité. En effet, on observe une efficacité de ces traitements sur la douleur
chronique qui n’est que modérée chez plus de cinquante pour cent de ces patients. Ces difficultés
proviennent de la définition même de la douleur et de sa subjectivité.
Les prises en charge psychothérapeutiques semblent, quant à elles, montrer une efficacité
probante, notamment les thérapies cognitivo-comportementales (TCC). Des nouvelles prises en
charge se développent, cependant, ces dernières années comme l’Acceptance and Commitment
Therapy (ACT) ou encore l’Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR). Leur efficacité
semble prometteuse.

2.1 Thérapies cognitivo-comportementales (TCC)


Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont les thérapies les plus prisées dans le champ
de la santé en général, plus spécifiquement en douleur chronique.
Ces techniques permettront l’autocontrôle de la douleur, à condition d’être utilisées régulière-
ment, préventivement et de façon fractionnée. Il ne faut jamais attendre que la douleur soit à son
maximum pour agir, mais agir dès les premiers signes.
Ces procédés permettent de réguler l’expérience cognitive et perceptive de la douleur (Boureau,
1987).
Ils incluent :

•  Le détournement de l’attention : accaparer l’esprit par des stimulations pour oublier la douleur
au travers d’une activité mentale, intellectuelle ou physique qui soit assez captivante pour
détourner la pensée. Diriger l’attention sur un objet différent permet d’amoindrir la sensation
nociceptive.

•  La distraction imaginative : une fois le patient en état de relaxation, des souvenirs plaisants sont
rappelés au travers de l’évocation d’images et de scènes agréables. Le but, ici aussi, est de se
distraire par rapport à l’expérience douloureuse. La présence du psychologue est nécessaire les
premiers temps, puis le patient, à force d’entraînement, parviendra à s’autogérer.

•  L’imagerie mentale dirigée : c’est ici le psychologue qui dirige la séance. Sous relaxation, met en
scène des situations dans lesquelles le patient est amené à se projeter. La focalisation de l’atten-
tion doit, bien entendu, être dirigée sur des objets incompatibles avec la douleur, sur du positif.

•  La réinterprétation de la douleur : elle s’utilise en alternance avec les précédentes techniques. La


douleur est « réétiquetée » avec des termes moins péjoratifs, ce qui permet à terme une régula-
tion de l’experience cognitive du patient.
De manière générale, l’étude Cochrane de 2009 notifie que les TCC modifient efficacement l’hu-
meur des patients douloureux chronique avec un maintien sur le long terme, alors que leur impact
est relativement faible sur la douleur et le handicap associé (Eccleston, Williams et Morley, 2009).
Intéressons-nous alors plus particulièrement à l’Acceptance and Commitment Therapy (ACT) qui
repose sur le développement et l’acceptation de toutes les expériences émotionnelles. Surfant sur la
Traitement de la douleur et aide psychologique 267

troisième vague des thérapies cognitivo-comportementales, ce modèle thérapeutique fait appel à des
techniques de méditation pour favoriser la prise de conscience des événements de pensée. L’objectif
est d’apprendre à repérer les évitements subtils liés au langage.
Face à la constatation que bon nombre de troubles psychologiques sont liés à l’évitement de
certaines expériences ou émotions négatives, l’idée d’accepter les pensées et non plus de les supprimer,
a émergé. Au lieu de mettre tout en œuvre pour ne pas ressentir d’émotions désagréables, l’ACT
favorise l’engagement dirigé vers des buts valorisés. Il ne s’agit donc plus d’éviter les pensées et les
émotions douloureuses ou d’espérer qu’elles disparaissent, mais de consacrer son énergie à ce qui
est positif et valorisé.
En effet, les travaux sur le langage ont pu mettre en exergue sa capacité à mettre en relation des
événements ou des émotions sur le même plan. Les mots qui constituent la pensée peuvent donc
être aussi désagréables que l’exposition à l’événement qu’ils évoquent (Hayes, Barnes-Holmes et
Roche, 2001).
Les émotions et pensées difficiles vont alors être considérées comme inhérentes au fonctionnement
de l’individu. L’idée est alors d’envisager les troubles psychologiques dans une approche transdia-
gnostique, en balayant les frontières entre le normal et le pathologique, pour envisager la pathologie
comme le résultat d’une adaptation problématique à des manifestations psychologiques normales.
L’ACT propose alors à chaque patient d’opérationnaliser ce nouveau paradigme en retrouvant
une liberté d’action et de pensée en présence d’événements de vie difficiles, au travers d’une relation
thérapeutique flexible et acceptante.
L’ACT se focalise sur six leviers thérapeutiques (Monestès, Villatte et Loas, 2009) :
•  l’acceptation des événements psychologiques désagréables et des sensations douloureuse impos-
sibles à faire disparaître plutôt que la lutte permanente ;
•  le développement de la reconnaissance de soi en tant que contexte d’apparition des pensées et
des sensations au lieu de se tenir responsable de leur émergence ;
•  très liée au « soi comme contexte », la défusion consiste à développer l’appréhension des pensées
comme des événements psychiques sans obligatoirement considérer leur contenu comme le
reflet fiable du réel ;
•  le contact avec l’instant présent qui permet de limiter les ruminations en lien avec le passé ou
le futur et de restreindre le filtrage du réel par le langage ;
•  l’action, partie intégrante de la thérapie, que les patients abandonnent souvent au profit de
tentatives de contrôle de leurs symptômes, conduisant à une restriction de leur répertoire
comportemental ;
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

•  le choix des valeurs qui revêtent de l’importance pour le patient et constituent le moteur de
leurs actions, leur raison d’être.
Tous ces axes sont fortement liés entre eux, la modification des uns ayant des répercussions sur
les autres.
Bien qu’adaptée à la prise en charge de troubles comme l’anxiété, la dépression, les addictions, les
troubles obsessionnels compulsifs, ainsi que de la schizophrénie, l’ACT a aussi sa place dans le cadre
de la douleur chronique. En effet, les patients doivent apprendre à vivre avec leur douleur, l’accepter,
et pour autant ne pas en être prisonniers pour pouvoir se tourner vers des activités positives.
Cette thérapie regroupe la plupart des méthodes détaillées auparavant et vise un bien être global
de l’individu. L’ACT a, en effet, démontré son efficacité sur les troubles comorbides comme l’anxiété
et la dépression, mais aussi sur le handicap physique et psychique lié à la douleur, ainsi que sur le
sentiment de peur et l’acceptation de la douleur (McCracken, MacKichan et Eccleston, 2007 ; Vowles,
268 Psychologie de la santé : applications et interventions

et McCracken, 2008). Cette forme de prise en charge est en pleine expansion dans le cadre de la
douleur chronique et de plus en plus étayée dans la littérature (Morley, 2004 ; Hayes et Duckworth,
2006 ; Kozak, 2008, Veehof, Oskam, Schreurs et Bolmeijer, 2011).
L’ACT aura une action prépondérante sur la diminution des principaux facteurs de maintien
de la douleur chronique tels que les évitements comportementaux, la kinésiophobie ou encore le
catastrophisme.
Pour pallier les difficultés des patients douloureux chroniques à avoir accès aux soins, des inter-
ventions à distance se développent considérablement ces dernières années, que ce soit par téléphone,
ou par Internet. La prise en charge par la thérapie ACT ne fait pas exception.

2.1.1 Mise en application


En Suède, soixante-seize patients rattachés à un centre anti-douleur ont été sélectionnés pour
participer à une étude cherchant à démontrer l’efficacité d’une prise en charge ACT via Internet
(Buhrman, Skoglund, Husell, Bergström, Gordh, Hursti, Bendelin, Furmark et Andersson, 2013).
Après randomisation, trente-huit patients ont été assignés à un groupe contrôle liste d’attente et
trente-huit à un groupe intervention. Durant sept semaines les patients ont ainsi été invités à suivre
un traitement ACT par Internet (groupe intervention) ou à participer à une discussion sur la douleur
chronique par l’intermédiaire d’un forum online (groupe contrôle), avant d’accéder également au
traitement ACT.
Les participants, majoritairement des femmes, avaient entre 27 et 69 ans et souffraient majori-
tairement de douleurs diffuses dans tout le corps.
Pour tester l’efficacité de cette prise en charge, différentes évaluations ont été effectuées, égale-
ment via Internet :
•  Le Questionnaire d’acceptation de la douleur chronique (CPAQ) est constitué de 20 items
évaluant le degré d’acceptation de la douleur et validé pour une utilisation via Internet (Fish,
Mcguire, Hoga, Morrisson et Stewart, 2010).
•  L’Échelle d’anxiété et dépression (HAD) mesure le niveau d’anxiété et de dépression au travers
de 14 items (Zigmond et Snaith, 1983).
•  Le Questionnaire des stratégies de coping (CSQ) évalue au travers de 8 échelles et 50 items, les
différentes stratégies de coping utilisés par les patients comme le détournement de l’attention,
la réinterprétation des sensations corporelles, la prière, l’espoir, le catastrophisme, l’évitement
des activités ou encore l’ignorance des sensations physiques (Rosentiel et Keefe, 1983).
•  L’Échelle multidimensionnelle de la douleur (MPI) mesure les conséquences psychosociales et
comportementales de la douleur (Kerns, Turk et Rudy, 1985).
•  L’Échelle du handicap lié à la douleur (PAIRS) évalue les croyances et attitudes liées à la douleur
ainsi que les incapacités qui en résultent (Riley, Ahern et Follick, 1988).
•  L’Échelle de qualité de vie (QOLI) évalue la satisfaction de vie des patients douloureux chro-
niques (Frisch, Cornell, Villanueva et Retzlaff, 1992).

2.1.2 Méthode
Le programme de prise en charge sur Internet était composé de sept sections et les patients étaient
encouragés à réaliser une section par semaine. Pour passer à la section suivante, les patients devaient
renvoyer leur travail réalisé à domicile. Un appel téléphonique était passé après la troisième section
et à la fin du traitement.
Traitement de la douleur et aide psychologique 269

Les sections de traitement se composaient d’informations, d’exercices et de pratiques de pleine


conscience (mindfulness) : introduction au lâcher prise et à l’acceptation de la douleur, identifica-
tion des stratégies de contrôle de la douleur, distanciation par rapport aux pensées négatives… Des
enregistrements de pratiques de pleine conscience étaient également mis à disposition des patients
lors de chaque section.

2.1.3 Résultats
Les résultats montrent un impact significatif de la thérapie ACT sur l’acceptation de la douleur
(p <.05), les symptômes anxio-dépressifs (p <.01), le catastrophisme (p <.05), la prière et l’espoir
(p <.005), et la sensation douloureuse (p <.05).
Par contre, ils ne reflètent ni d’amélioration sur la qualité de vie, ni de diminution ou d’aggrava-
tion des symptômes six mois après le traitement par Internet.

2.1.4 Discussion
Cette étude démontre des effets encourageants quant à l’utilisation d’Internet dans la thérapie
ACT chez les patients douloureux chroniques, avec un maintien de ces résultats six mois après le
traitement. Cette méthode, en termes de coût, de facilité d’utilisation et d’efficacité s’avère promet-
teuse quant à l’avancée des traitements en la matière.
Néanmoins, certains biais pourraient venir nuancer ces résultats, comme le fait qu’il ne s’agisse pas
d’une étude basée sur un design en double aveugle, ou que le groupe contrôle expérimente un forum
de discussion online, relatif à la douleur. Tout en sachant qu’il est en liste d’attente pour la thérapie
ACT, ce qui pourrait déjà en soi impliquer des effets sur la diminution de certains symptômes.
Par ailleurs, l’efficacité de la thérapie ACT ne se mesure pas dans la diminution de la douleur en
soi, mais dans l’établissement d’une relation différence à celle-ci.
Cependant, l’utilisation de la thérapie ACT via Internet pourrait permettre d’inclure davantage
de patients douloureux chroniques, dans l’incapacité de se déplacer régulièrement en centre anti-
douleur, tout en réduisant les coûts liés à la prise en charge de ces patients en milieu hospitalier.
Doit-on alors se focaliser sur une efficacité en termes de réduction de scores à des questionnaires ou
d’amélioration effective et clinique de la qualité de vie du patient ?

2.2 EMDR
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La thérapie EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), quant à elle, fait appel à
des stimulations bilatérales alternées (dont les mouvements oculaires) pour désensibiliser et retraiter
l’information perturbante, voire traumatique. Découvert par Shapiro en 1987, le protocole standard,
mis en place dans les années 1990, a aujourd’hui été validé par un grand nombre d’études contrôlées
et par d’importantes institutions de santé tels l’OMS, l’HAS ou l’Inserm.
Pour expliciter les mécanismes d’action de la thérapie EMDR, les auteurs se basent sur le modèle
du traitement adaptatif de l’information (TAI), développé par Shapiro et Forrest en 1997. Ce modèle
stipule que le psychisme disposerait d’un système de métabolisation de l’information, lui permettant
de l’intégrer en mémoire. En cas d’information perturbante ou traumatique, les pensées, émotions,
cognitions et sensations resteraient en suspens dans le psychisme, n’ayant pu être métabolisées. La
thérapie EMDR permettrait de remettre en route ce traitement de l’information et donc de « digérer »
les informations perturbantes pour retrouver un fonctionnement positif et adaptatif.
270 Psychologie de la santé : applications et interventions

Depuis cette époque, les études se sont multipliées, montrant les effets neurologiques et physio-
logiques de la thérapie EMDR, notamment au travers des mouvements oculaires et de la stimulation
de zones cérébrales spécifiques à l’intégration de l’information en mémoire (Brennstuhl, Tarquinio
et Rydberg, 2012).

2.2.1 Mise en application


Si l’efficacité de la thérapie EMDR est avérée dans le traitement de l’ESPT, son application dans
le domaine de la santé est encore récente et expérimentale. En 2009 pourtant, une équipe de cher-
cheurs argentins a souhaité tester l’efficacité de cette thérapie sur la douleur chronique (Mazzola,
Calcagno, Goicochea, Pueyrredon, Leston et Salvat, 2009).
Pour ce faire, ils ont pris en charge trente-huit patients souffrant de douleur chronique durant
douze séances hebdomadaires de 90 minutes. En retraitant des souvenirs émotionnellement chargés
en lien avec la douleur, ou des souvenirs douloureux, les auteurs ont émis l’hypothèse que l’EMDR
pouvait générer des changements au niveau de la réponse émotionnelle à la douleur, et donc en
soulager les symptômes.
Pour tester cette hypothèse les auteurs ont sélectionné cinquante patients au sein d’un centre
anti-douleur en Argentine, dont douze n’ont pas terminé le traitement. Parmi les trente-huit patients
restants nous retrouvons trente-deux femmes et six hommes répartis en trente cas de céphalées,
quatre de fibromyalgie et quatre de douleurs neuropathiques, pour une durée moyenne de souffrance
de douze ans.
L’évaluation s’est portée sur la qualité de vie, l’intensité de la douleur et le niveau de dépression
et d’anxiété.
•  Le Questionnaire de santé SF-36 (Ware, 1993) évalue 8 dimensions : le fonctionnement physique,
le rôle de la fonction physique, le rôle de la fonction émotionnelle, la douleur corporelle, la
vitalité, le fonctionnement social, la santé mentale et la santé générale.
•  L’Inventaire d’anxiété-trait STAI (Spielberger, 1983) distingue l’état anxieux provoqué par un
événement spécifique, et la personnalité anxieuse : anxiété-état versus anxiété-trait.
•  L’Inventaire de dépression de Beck (Beck, 1961) détermine la présence et l’intensité de la
dépression.
•  L’Échelle visuelle analogique ou EVA mesure l’intensité de la douleur sur une échelle de 0 à 10,
où 0 correspond à une absence de douleur et 10 à la pire douleur possible.
Un traitement médicamenteux spécifique et prescrit par le médecin a été maintenu durant toute
la durée de traitement des patients.

2.2.2 Méthode
Concernant la prise en charge par la thérapie EMDR, les auteurs ont utilisé le protocole pour le
contrôle de la douleur de Grant (1999). Le protocole standard élaboré par Shapiro (1995) aborde
les événements du passé en lien avec la problématique actuelle, les déclencheurs du présent, ainsi
que les événements possibles du futur. Par contre, dans le protocole de douleur de Grant (1999),
les sensations douloureuses constituent le point central du traitement, qu’il s’agisse de sensations
ressenties sur le moment, de souvenirs en lien avec les causes de la douleur, ou avec les pires crises
douloureuses ressenties.
Les patients sont alors invités à décrire leur douleur, en usant et abusant de métaphores et de
descriptions les plus détaillées possibles, ce qui n’est pas sans rappeler l’utilisation de l’hypnose. On
leur demande ensuite d’associer à cette douleur des pensées, des émotions et des sensations négatives
Traitement de la douleur et aide psychologique 271

ressenties à l’évocation et au ressenti de cette douleur. Le niveau de douleur est alors évalué sur une
échelle de 0 à 10. Les patients sont ensuite invités à formuler des énoncés positifs qu’ils préféreraient
penser plutôt que les cognitions négatives. La validité de ces cognitions est alors évaluée sur une
échelle de 0 à 7 où 1 correspond à totalement faux et 7 à totalement vrai.
La désensibilisation et le retraitement de l’information grâce aux stimulations bilatérales alter-
nées se focalisent alors sur ces images, sensations, et souvenirs douloureux, englobant également
l’impact psychologique de la maladie, la dépression, ou toute pensée négative en lien avec la douleur.
Les stimulations sont alors répétées jusqu’à diminution de la douleur et de la charge émotionnelle
associée.

2.2.3 Résultats
À l’issue des douze séances hebdomadaires de 90 minutes, les auteurs rapportent des résultats
intéressants matérialisés par une amélioration des scores aux différents questionnaires.
Pour le questionnaire de santé (SF-36), on note une amélioration significative (p <.005) au niveau
de l’ensemble des dimensions, notamment le rôle de la fonction physique et le rôle de la fonction
émotionnelle, c’est-à-dire les problèmes liés au travail, aux activités quotidiennes ou qui découlent
de l’état de santé physique ou émotionnel.
Nous notons également une diminution significative des scores de dépression (p <.005), d’anxiété-
état, comme d’anxiété-trait (p <.001) et du niveau général de douleur (p <.05).
Des effets ont également été rapportés au niveau de la consommation médicamenteuse, dénotant
une baisse de la consommation chez plus de 79 % des patients.

2.2.4 Discussion
Cette étude pilote montre une efficacité de la thérapie EMDR sur la douleur chronique, mais
surtout sur l’amélioration de la qualité de vie et la diminution des troubles comorbides tels que
l’anxiété et la dépression. L’EMDR semble ainsi avoir une action sur les aspects émotionnels de la
douleur et permettrait au patient de dissocier la sensation douloureuse physique et somatique, de
la sensation douloureuse émotionnelle.
Par ailleurs, la focalisation sur la sensation douloureuse ressentie par le patient, mais également
sur les événements en lien avec la douleur apporte un éclairage différent sur la prise en charge du
patient. Il s’agit d’être dans une recherche de traitement non pas uniquement du symptôme (la
douleur), mais bien de la causalité (les événements de vie antérieurs ou concomitants).
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Bien que cette étude ouvre la voie à l’utilisation de la thérapie EMDR dans le champ de la douleur
chronique et montre des résultats effectifs et encourageants, de nombreuses critiques pourraient être
formulées quant à l’absence de groupe contrôle, au manque d’homogénéité lors de l’inclusion des
patients (en termes de genre ou de pathologie) mais également à l’absence de suivi post-traitement.

3. Perspectives de mise en œuvre

Faire comprendre au patient que la douleur chronique n’est pas uniquement de nature senso-
rielle ou qu’elle n’a pas de causalité physiologique pure n’est pas chose aisée. L’intervention d’un
psychologue donne souvent l’impression au patient d’être « fou » ou que la douleur est « dans sa
tête » et n’est ainsi pas réelle. Il est donc primordial, avant même d’envisager toute intervention
272 Psychologie de la santé : applications et interventions

thérapeutique, de s’assurer que la place du psychologue est bien comprise et acceptée par le patient.
Pour cela, l’intervention du psychologue lors des premières consultations avec le médecin de l’unité
douleur normalise sa présence. Une accentuation importante sur la psychoéducation permettra
également d’apprendre au patient les différentes composantes de la douleur et de comprendre alors
l’intérêt d’une intervention psychologique.
La seconde difficulté rencontrée par le psychologue face au patient douloureux chronique réside
dans la dichotomie corps/esprit dont le patient à du mal à se détacher. Pour rééquilibrer les liens entre
le corps et l’esprit il est primordial que le patient se décentre par rapport à la plainte douloureuse
et puisse envisager la problématique dans son ensemble, non uniquement sur le plan de la douleur
sensorielle, mais également de conséquences en termes de souffrance psychique et de détérioration
de la qualité de vie, afin d’aborder progressivement le fonctionnement psychique inhérent à son
fonctionnement psychosomatique.
Ces deux premières difficultés – par ailleurs, non des moindres – surmontées, les premiers jalons de
l’alliance thérapeutique seront posées. C’est à ce moment seulement qu’il sera opportun et primordial
d’expliquer au patient que l’objectif n’est pas de se débarrasser de la douleur, mais de réussir à vivre
avec elle. Pour ce faire, et grâce à l’alliance thérapeutique, il faudra que le patient reprenne les rênes
de sa vie et puisse regagner confiance en ses capacités de gérer la douleur.

3.1 Objectifs de l’évaluation psychologique


L’évaluation psychologique de la douleur revêt différents objectifs (Boureau, 1986) :
•  Déterminer le degré d’adaptation psychologique à la douleur chronique : l’humeur, les stratégies
de coping, l’impact de la douleur sur le milieu (travail, famille…), le niveau de fonctionnement
physique (sport, loisirs…).
•  Évaluer les facteurs de personnalité : l’état prémorbide.
•  Établir le rôle des facteurs psychologiques dans l’étiologie, le maintien et l’exacerbation de la
douleur.
•  Formuler un diagnostic psychologique et/ou psychopathologique.
•  Proposer un plan thérapeutique : comment vivre le mieux avec la douleur.
•  Déterminer les interventions psychologiques et médicales les plus appropriées au profil du
patient, la façon dont il pourra intégrer le plan thérapeutique, et le degré d’adaptation de ce
dernier.
•  Identifier l’intérêt à être malade, les bénéfices secondaires susceptibles d’être acquis par le
patient au travers de sa maladie, les renforçateurs environnementaux, explorer les antécédents,
la biographie, la succession de stresseurs, les difficultés d’adaptation, le fait que la douleur
permette au patient de se déresponsabiliser.
•  Évaluer la probabilité de développer une invalidité liée à la douleur chronique.
Ces objectifs permettent de délimiter le cadre d’intervention du praticien. Pour l’aider, une grille
d’entretien a été développée par l’ANAES et est présentée ci-après.

3.2 Grille d’entretien


Une grille d’entretien semi-structuré a été établie depuis 1999 (ANAES) pour évaluer la pathologie
douloureuse chez le patient. Elle s’intéresse respectivement aux éléments suivants :
Traitement de la douleur et aide psychologique 273

•  Mode de début : circonstances exactes, description de la douleur initiale, modalités de prise


en charge immédiate, événements de vie concomitants, diagnostic initial, explications
données, retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle
et professionnelle…).
•  Profil évolutif du syndrome douloureux : la façon dont s’est installé l’état douloureux persistant à
partir de la douleur initiale, profil évolutif (douleur permanente, récurrente, intermittente…),
degré du retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle
et professionnelle…).
•  Traitements effectués et actuels : traitements médicamenteux antérieurs ou actuels, modes d’ad-
ministration des médicaments (doses, durées), effets bénéfiques partiels, indésirables, raisons
d’abandon, attitudes vis-à-vis des traitements.
•  Antécédents et pathologies associées : antécédents familiaux, personnels (médicaux, obstétricaux,
chirurgicaux et psychiatriques) et leur évolution, expériences douloureuses antérieures.
•  Description de la douleur actuelle : topographie, type de sensation (brûlure, décharge électrique…),
intensité, retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle
et professionnelle…), facteurs d’aggravation et de soulagement de la douleur.
•  Contexte familial, psychosocial, médico-légal et incidences : situation familiale, sociale, statut
professionnel et satisfaction au travail, indemnisations perçues, indemnisations attendues,
implications financières, procédures.
•  Facteurs cognitifs : représentation de la maladie (peur d’une maladie évolutive…), interprétation
des avis médicaux.
•  Facteurs comportementaux : attitude vis-à-vis de la maladie (passivité…), modalités de prise des
médicaments, observance des prescriptions.
•  Analyse de la demande : attentes du patient (faisabilité, reformulation), objectifs partagés entre
le patient et le médecin.
Cet entretien semi-structuré dénote toute l’importance d’une prise en charge biopsychosociale
du patient douloureux chronique.
De plus, les patients réduisent souvent la douleur aux seuls aspects somatiques. Le psychologue
est donc là pour expliquer les multiples composantes de la douleur et permettre ainsi leur évaluation.

3.3 « Feuille de route » du praticien


L’apport des TCC nous amène à agir d’abord d’un point de vue comportemental avec le sujet, en
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

préconisant une reprise des activités qu’il préférait éviter jusqu’alors, de peur d’une recrudescence
de la douleur. En lui permettant de reprendre des activités (souvent plaisantes mais qui avaient dû
être abandonnées), le patient augmente progressivement son sentiment d’efficacité personnelle et
donc le contrôle sur les événements.
L’apport de la psychologie positive et de l’ACT nous encourage également à focaliser l’attention
du patient sur les éléments et activités positifs de sa vie, afin de lui permettre de s’extraire du cercle
vicieux des pensées négatives et du catastrophisme dont les patients douloureux chroniques font
souvent état.
L’apport des thérapies focalisées sur l’émotion mais également des approches de type pleine
conscience aidera le patient à sortir de l’alexythimie dont il souffre mais également à reprendre le
contact avec son corps, souvent mis de côté, voire détesté, car source d’une douleur et d’une souf-
france trop importante.
274 Psychologie de la santé : applications et interventions

L’apport récent de la thérapie EMDR dans le champ de la douleur chronique nous amène aussi
à ne pas nous arrêter au traitement du symptôme qu’est la douleur, mais – si tant est que le patient
le souhaite – à aller chercher le fond du problème. En retrouvant la cause, nous pourrons non plus
traiter simplement le symptôme douloureux, mais le fondement à la source du problème.
Ferragut (2006) décrit le traumatisme comme source de la douleur, qu’elle soit organique et/ou
psychogène et insiste sur la nécessité d’en tenir compte et de le traiter.

« Une souffrance psychique peut générer une douleur ressentie réellement dans le corps et ce en
l’absence de toute organicité. Ces patients ne sont en aucun cas des simulateurs, ils ont vraiment
mal et parfois avec des paroxysmes si intenses que cela peut les pousser à ces passages à l’acte auto-
destructeurs, voire suicidaire… Là est le paradoxe chez ce type de patients douloureux chroniques,
la douleur ainsi générée soulage la souffrance psychique » (p. 153).

Pour certains patients « la douleur sert à la survie. Lorsque les enveloppes psychiques et le senti-
ment d’existence sont défaillants, la souffrance extrême et le désespoir peuvent amener un effon-
drement psychique et des angoisses d’anéantissement que la douleur vient stopper. En effet, lors
d’angoisses paroxystiques, le patient a parfois l’impression de partir dans le néant, la perception
dans le corps de sensations douloureuses maintient, alors, la cohésion du sujet et l’ancrage dans le
réel, lui évitant de sombrer dans la décompensation » (Ferragut, 2006, p. 147).
Il faut donc, en fonction de la personnalité du patient, soit :

•  l’aider à soulager sa détresse autrement qu’en créant une douleur de nature chronique,
•  l’accompagner dans ce cheminement difficile afin de pouvoir élaborer la souffrance qui a
jalonné sa vie.

À retenir
La douleur chronique est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, évoluant depuis plus
de six mois.
La douleur a quatre composantes fondamentales : sensori-discriminative, cognitive, comportementale et
émotionnelle.
La comorbidité est importante avec les troubles dépressifs et anxieux, notamment avec l’état de stress
post-traumatique.
Prises en charges intégratives conseillées : psychoéducation, TCC, ACT, pleine conscience et thérapie EMDR
afin d’agir sur toutes les composantes de la douleur chronique.
Traitement de la douleur et aide psychologique 275

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11
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PSYCHOLOGIE
COMMUNAUTAIRE
ET PSYCHOLOGIE
COMMUNAUTAIRE
DE LA SANTÉ1

1.  Par Odile Cantero, Université de Lausanne, centre de recherche en psychologie de la santé (UNIL) et Coralie Mercerat,
Université de Lausanne, centre de recherche en psychologie de la santé et Université du Québec à Montréal (UQAM),
Marie Santiago, Université de Lausanne, centre de recherche en psychologie de la santé.
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1. Origines et fondements théoriques...................................................................... 281


2. Terrain d’application à propos de deux recherches
en psychologie communautaire........................................................................... 286
3. Champs d’action communautaires....................................................................... 292
4. Conclusion.............................................................................................................. 294
Bibliographie.............................................................................................................. 296
Psychologie communautaire et psychologie communautaire de la santé 281

« […] la démarche communautaire se veut guidée par les besoins d’une communauté. Elle répond
à des problèmes rencontrés et/ou des problèmes identifiés sur le terrain par des acteurs communau-
taires. La recherche communautaire se fait donc avec les personnes et/ou communautés enquêtées.

rt

Pa
Elle renvoie ainsi à la volonté d’acteurs concernés qui se mobilisent et agissent pour faire ensemble »

(Morin, Terrade et Préau, 2012, p. 114).

Dans un contexte social où le « faire ensemble » n’est pas souvent le mot d’ordre, où l’individu
devient responsable de son avancée professionnelle, de ses choix et de leurs conséquences, de ses
maladies et de sa santé, il devient important de recontextualiser ces éléments et de réfléchir ensemble
à quelles ressources mobiliser afin d’améliorer les conditions de vie de tout un chacun. L’approche
ie
communautaire prend le parti d’étudier et de travailler avec les communautés en soulignant les
forces de ces dernières, qu’elle conçoit comme fédératrices, productives et protectrices.
La lutte pour la justice sociale, la promotion du bien-être et le respect de la diversité sont les
principes de la psychologie communautaire. Issues de courants plus anciens, tels que l’éducation
populaire ou la psychologie de la libération (Freire, Martìn-Barò) ces valeurs sont aussi fondatrices de
la psychologie critique. La rencontre de la psychologie communautaire de la santé (Murray) et de la
psychologie critique de la santé (Murray, Santiago-Delefosse) mène actuellement à des interventions
communautaires dans le champ de la santé somatique. Ce chapitre expose les principaux concepts
qui rapprochent ces deux perspectives, en montrant, par deux illustrations d’interventions comment
elles peuvent se compléter et quels sont leurs apports pour les communautés.
Un bref historique et les fondements théoriques majeurs de la psychologie communautaire et
de la psychologie critique de la santé sont exposés dans la première partie. Une deuxième partie
présente deux interventions concrètes d’actions communautaires dans ces deux champs et montre
leurs apports au champ des études de la santé. Une troisième partie expose le champ d’action de la
psychologie communautaire et ses principales méthodologies, nous introduisant ainsi à questionner
le rôle du psychologue en santé communautaire et les perspectives pour la profession.

1. Origines et fondements théoriques

1.1 Origines et définitions


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

La psychologie communautaire s’est développée à partir des États-Unis durant les années 1960
et 1970. Cependant les travaux de certains auteurs européens tels que Marie Jahoda durant les
années 1930 et 1940 peuvent être considérés comme augurant de cette nouvelle perspective. De
même en France, les travaux issus de la psychiatrie sociale des années 1950 pourraient être consi-
dérés comme proches de l’approche communautaire future (Bonnafé, Le Guillant). De leur côté les
travaux de Foucault fourniront également des bases théoriques critiques des systèmes de pouvoir
politiques et langagiers qui pèsent sur les communautés.
D’une manière générale, la psychologie communautaire s’est développée en réponse aux question-
nements de nombreux psychologues souhaitant soutenir les populations et améliorer la qualité de
vie des groupes auprès desquels ils intervenaient. Ces améliorations dépassent le seul changement de
comportement des individus et requièrent une analyse et une intervention dans le champ plus large
des systèmes sociaux, économiques et politiques. Systèmes qui affectent les comportements humains,
modèlent en partie les psychismes et les confrontent à l’oppression et à la dévalorisation sociale.
282 Psychologie de la santé : applications et interventions

La psychologie communautaire est une sous-discipline de la psychologie qui s’intéresse aux


manières dont les individus s’insèrent dans la société et dans ses différents sous-groupes d’apparte-
nance. Elle se focalise sur la manière dont les sujets deviennent (ou non) des acteurs actifs dans leurs
lieux d’appartenance, mais aussi à la manière dont les groupes d’appartenance peuvent influencer
la santé et le bien-être des individus, les enrichir ou les contraindre. Le terme « communautaire »,
fait débat en France qui reste historiquement « universaliste ». Si dans les pays anglo-saxons celui-ci
renvoie à des groupes spécifiques, sa définition a peu à peu évolué pour concerner une apparte-
nance commune, telle qu’elle est vécue par les acteurs eux-mêmes, si bien que l’on peut appartenir
à différentes communautés suivant le moment de la vie. Cette mise en commun peut se situer à
différents niveaux : lieu géographique (ville, région, école, etc.), activité commune (métiers, mode
de vie, etc.), caractéristiques partagées (culture, ethnicité, langue, etc.). Ces éléments « objectifs »
peuvent désigner une communauté, mais il est vrai que des éléments plus subjectifs forment le
fondement à la communauté : reconnaître son existence, se sentir membre, revaloriser le groupe,
éprouver un sentiment d’appartenance (Saïas, 2011).
Historiquement, le plus ancien courant communautaire est celui de « l’éducation populaire »
en Amérique Latine, et plus particulièrement au Brésil dans les années 1970 (Jodelet, 2011). Les
chercheurs appartenant à cette approche visaient la libération et la conscientisation des popula-
tions défavorisées dans un contexte de dictature. Ils participaient également à l’organisation et au
soutien de mouvements sociaux qui sont encore aujourd’hui au centre de l’approche communau-
taire. Les premiers psychologues communautaires sont donc des psychologues sociaux qui passèrent
d’un travail sur les communautés, à un travail dans les communautés. Ce changement a permis de
remplacer des interventions au caractère paternaliste – visant l’adaptation des communautés – par
un mouvement engagé et souvent clandestin menés par des psychologues décidés à sortir de leur
tour d’ivoire afin d’aider les communautés à améliorer leurs conditions de vie. Paulo Freire, qui fut
l’un des initiateurs du mouvement, considérait qu’il fallait s’impliquer dans l’histoire des commu-
nautés et lutter à leurs côtés. La chute de la dictature permit – dans les années 1980 – d’engager une
réflexion théorique et méthodologique à propos de la pratique dans les communautés, qui aboutira à
l’établissement d’une psychologie sociale communautaire et par là à une vision de l’acteur social situé
socio-historiquement et constructeur actif des conceptions de lui-même, des autres et de sa réalité.
Jodelet (2011) situe également les origines de la psychologie communautaire actuelle en Europe
et en Amérique du Nord : en 1965 à Swampscott (Massachusetts), la conférence inaugurale de la
psychologie communautaire innove en proposant aux psychologues de prendre en compte les dimen-
sions écologiques, culturelles et sociales dans leurs interventions grâce à des méthodes participatives.
Quelques années plus tard, le modèle biomédical est remis en question, les conceptions individua-
listes de la santé et de la maladie sont rejetées pour préférer une conception de l’individu dans son
contexte et de son vécu comme une ressource pour l’intervention communautaire. Les interventions
s’adaptent alors aux situations sociales et locales des différentes communautés. L’approche critique
complète cette évolution de la discipline par son apport contestataire : la modernité, le libéralisme
et la globalisation menacent socialement certaines communautés et la psychologie communautaire
se doit de répondre à cela en contestant les solutions proposées par les paradigmes dominants.
Le courant critique est l’un des deux principaux courants de l’approche communautaire actuelle
(Murray, 2012). Ainsi, nous pouvons observer un courant moins radical analysant les processus au
sein des communautés dans le but de les modifier au besoin et ce courant plus critique qui étudie
les liens existant entre ces mêmes processus et les contextes socio-politiques et économiques. Du fait
d’une proximité d’objet de recherche historique, la psychologie communautaire s’étant intéressée
à la santé mentale dans ses débuts (Rappaport, Prilleltensky), on assiste dès les années 1990 à une
rencontre entre psychologie communautaire et psychologie de la santé dans son approche sociale
et critique. À cette proximité d’objet d’étude, il faut ajouter une proximité de méthodes de travail.
Psychologie communautaire et psychologie communautaire de la santé 283

En effet, la psychologie communautaire le plus souvent fondée sur des approches qualitatives, et sur
une conception de l’humain en tant qu’être social de soutien ­– plus qu’individu en compétition ­–
présente de nombreuses communautés de pensée avec la psychologie critique de la santé. Enfin, un
positionnement politique et social de nombreux chercheurs dans les deux courants accentuera cette
proximité puisqu’un des fondements des interventions dans les deux champs reste le changement
social permettant un meilleur partage des ressources pour une meilleure qualité de vie de chacun.
L’approche de psychologie communautaire évolue suivant les périodes et les époques mais également
selon l’orientation des chercheurs qui la composent.
D’un point de vue théorique et conceptuel, la psychologie communautaire fait appel à de
nombreux champ de la psychologie (psychologie sociale, psychologie transculturelle, psychologie
environnementale, psychologie du travail, psychologie critique, etc.). De plus, fondamentalement
interdisciplinaire, elle fait aussi appel à des concepts et théories d’autres champs des sciences sociales
(anthropologie, sociologie, santé communautaire, sciences politiques, économie, etc.). Son approche
concerne aussi bien la recherche que les applications, mais avec toujours comme objectifs les inter-
ventions dans les communautés.
Si bien que l’approche de la psychologie communautaire dépasse les frontières entre disciplines,
bien qu’elle cherche à apporter une contribution spécifique. L’objectif majeur de cette approche est
de créer les conditions du pouvoir d’agir des acteurs des différentes communautés, de promouvoir le
changement social et la diversité, tout en respectant le développement individuel et le bien être dans
les communautés. Le modèle de référence reste le modèle écologique issu des travaux, entre autres,
de Bronfenbrenner (1979). Avec ce modèle, il convient de prendre en considération l’individu dans
les différents systèmes auxquels il participe et les implications que tous ces environnements auront
sur son développement. On parle d’ontosystème, de microsystème, de mésosystème, d’exosystème,
de macrosystème et enfin de chronosystème. Tous ces environnements ont un impact différent sur
le développement de l’individu selon s’il interagit directement ou non avec ce système. La psycho-
logie communautaire s’intéresse à la manière dont co-varient les parties et sous-parties des différents
systèmes qui régissent la vie d’un individu, de même qu’à la manière dont les individus co-agissent
sur les différents systèmes.

1.2 Principes et valeurs actuels


Ce qui caractérise le mieux la psychologie communautaire, c’est son attachement à un certain
nombre de valeurs qu’elle a traduit à la fois en concepts et en formes d’interventions. En effet,
fondée sur un point de vue écologique (Bronfenbrenner, Kelly, 1966 ; Trickett, 1984) qui cherche
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

à comprendre les articulations et interstructurations entre individus et milieux de vie, la psycho-


logie communautaire soutient qu’un certain nombre de valeurs sont inhérentes aux liens sociaux
et permettent également le développement des communautés. Ces valeurs ont été longuement
traitées par divers auteurs, nous reprenons plus particulièrement ici, les définitions de Le Bossé et
Dufort (2002).

1.2.1 Promotion de la justice sociale


« La justice sociale est une construction politique (et morale) dont l’objet est la promotion de
l’équité entre les individus » (Saïas, 2011). La justice sociale est la valeur centrale de toutes les inter-
ventions et recherches menées au sein du champ de la psychologie communautaire.
284 Psychologie de la santé : applications et interventions

Selon Prilleltensky et Nelson (2002), trois mécanismes amènent à remettre en question et à


conscientiser les injustices sociales :
•  Remettre en question la définition d’une situation (dans le but éventuel de la faire changer).
•  Reconnaître que les professionnels – dans notre cas, les psychologues communautaires – sont
des experts du processus alors que les membres de la communauté sont experts de leur situation
et de leurs besoins, permettant ainsi de partir sur des relations moins hiérarchisées.
•  Reconnaître le fait que la pression du groupe – au sens large – est une source de conformité.
Par la conscientisation des mécanismes d’inégalités et d’injustice, les individus sont à même de
remettre en question l’ordre établi et d’acquérir des connaissances plus approfondies quant à leur
situation socio-économique, politique et culturelle.

1.2.2 Promotion du bien-être


En psychologie communautaire, les professionnels partent du principe que le bien-être de chacun
– le bien-être individuel – passe par le bien-être de la communauté. Ainsi, le but est de favoriser
l’équilibre entre les besoins individuels et les prérogatives collectives. Le Bossé et Dufort (2002)
présentent ainsi deux buts de l’approche communautaire : l’autodétermination et la collaboration.

1.2.3 Respect de la diversité


Lorsque l’on parle de « diversité », une dimension politique est immédiatement sous-entendue.
La psychologie communautaire est éminemment engagée, notamment dans le but de changer les
structures sociales, par un processus bottom-up, en partant des acteurs sociaux formant les commu-
nautés. Les notions de pouvoirs et de privilèges sont importantes à cerner et à définir pour ensuite
pouvoir questionner l’ordre social établi. Reconnaître la diversité consiste ainsi à reconnaître les
inégalités d’accès aux ressources et aux pouvoirs entre les individus, permettant de se donner une
base pour promouvoir la justice sociale, pierre angulaire des approches communautaires.
Murray et ses collègues (2004) proposent de remettre en question les normes culturelles, célébrer
la diversité, respecter l’expérience propre des individus, augmenter la voix des personnes marginali-
sées. Toutes ces actions demandent un engagement personnel et politique de la part du psychologue
communautaire.
La façon d’intervenir auprès des communautés prend directement racine dans les différentes
valeurs de la psychologie communautaire – promotion de la justice sociale, promotion du bien-être
et respect de la diversité. Elle met cependant en avant d’autres valeurs méthodologiques qui sont
incontournables et que nous allons développer dans cette partie. Dans la suite de ce chapitre, nous
nous arrêterons brièvement sur les différents types d’intervention que le psychologue communau-
taire peut proposer.

1.2.4 Empowerment
La notion d’empowerment est difficile à définir et il semble compliqué de trouver une définition
consensuelle entre les auteurs. Dans le domaine de la santé, l’empowerment offre « les moyens d’assurer
un plus grand contrôle sur leur [NDLR : les communautés concernées] propre santé et d’améliorer
celle-ci » (OMS, 1986).
Psychologie communautaire et psychologie communautaire de la santé 285

Il est cependant fondamental de mettre l’accent sur le fait que la notion d’empowerment touche
un niveau autant individuel que social, renvoyant aux divers niveaux touchés par la psychologie
communautaire. Ainsi, l’empowerment est composé de deux dimensions fondamentales.
La première relève d’une perspective écologique. En effet, l’empowerment est un concept à niveaux
multiples et peut soit faire référence au contrôle personnel – détermination individuelle, partici-
pation démocratique des individus dans la communauté – soit à une influence sociale, du pouvoir
politique ou des droits légaux. La seconde dimension fondatrice de l’empowerment renvoie aux
moyens par lesquels les individus ou les communautés peuvent se l’approprier. En effet, en psycho-
logie communautaire, l’intervenant met un point d’honneur à adopter une approche participante
et collaborative avec les communautés concernées, dans le but de favoriser cette prise de pouvoir.
Ainsi, le travail se fait la plupart du temps en collaboration avec les acteurs concernés. Le psychologue
communautaire aurait alors un rôle de « facilitateur » dans l’acquisition du pouvoir d’agir qui est au
fondement de la définition de l’empowerment. Les changements ou la prise de pouvoir proviennent
des communautés concernées, dans un processus bottom-up, en opposition à un mouvement top-
down qui partirait des professionnels se positionnant en tant qu’experts. Par cette façon de procéder,
ce sont les connaissances acquises sur le terrain d’intervention du psychologue communautaire qui
seront mises en valeur.

1.2.5 Solidarité et subsidiarité


Le principe de solidarité est au cœur de la psychologie communautaire. Les psychologues commu-
nautaires vont amener les individus à trouver eux-mêmes les solutions aux problèmes qu’ils auront
soulevés – notamment par une approche méthodologique participative et collaborative. De plus,
la solidarité est permise par une dynamique de subsidiarité. En effet, le psychologue communau-
taire, lorsqu’il agit au sein des communautés, aura toujours comme finalité de permettre à ladite
communauté de retrouver au plus vite son autonomie pour qu’elle puisse ainsi fonctionner sans
lui. Cela pose toute la question – pour le psychologue communautaire – de comment « faire » sans
« faire à la place ».

1.3 Proximité entre psychologie communautaire


et psychologie critique de la santé
L’approche communautaire a permis un nouveau regard en psychologie de la santé. Elle a conduit
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

à un changement de perception de la santé et de la maladie, le déploiement de stratégies visant à


développer la communauté, améliorer l’accès aux soins et la qualité de vie de ses membres ainsi
qu’un changement social plus global. Les psychologues communautaires de la santé considèrent
que le bien-être dépend de la suffisance des ressources matérielles, d’une égalité en matière de distri-
bution de ces ressources et de la cohésion sociale. Il devient ainsi un tout indissociable composé
d’une santé économique, sociale et psychosociale qui fonctionnent ensemble et qui nécessitent
que le psychologue communautaire de la santé travaille en même temps sur ces différents aspects
(Prilleltensky et Nelson, 2002).
Pour certains auteurs (Murray et al., 2004), la psychologie de la santé a besoin d’inclure des théo-
ries et méthodologies de la psychologie communautaire, amenant à une perspective critique et une
épistémologie constructiviste dans l’appréhension des inégalités face à la santé. Cela permettrait ainsi
de développer la conscience critique concernant ces inégalités et de remettre en question l’oppression
sociale sous toutes ses formes, par – notamment – la promotion du bien-être. Ainsi Murray (2004)
286 Psychologie de la santé : applications et interventions

met en avant trois présupposés concernant une approche communautaire en psychologie de la


santé sur lesquels reposera la suite de notre chapitre concernant les interventions communautaires
en psychologie de la santé :
•  mettre l’emphase sur le pouvoir social et professionnel en tant que stratégie pour promouvoir
la santé ;
•  adopter une perspective critique et appliquée de la psychologie de la santé ;
•  développer une alliance avec la perspective critique d’autres disciplines des sciences sociales et
avec les communautés « désavantagées ».
Ainsi, la psychologie communautaire et certains courants qualitatifs de la psychologie de la santé
se retrouvent sur des valeurs et des perspectives communes apportant un angle d’analyse nouveau
pour les phénomènes complexes constitués par les maladies chroniques mentales et/ou physiques.
En effet, la psychologie communautaire fournit un modèle intégratif qui permet de dépasser le
niveau individuel dans une perspective plus globale allant même au-delà du cadre de l’entourage
ou du système de soins en tant que tel. La perspective écologique (Bronfennbrenner, 1979) apporte
une ouverture dans l’analyse des questions de santé, et un cadre pour penser les maladies de « chro-
niques de société » d’une manière globale, où les groupes, les collectivités, mais aussi les politiques de
santé ont leur poids respectif. Ce cadre d’analyse plus large permet ainsi de travailler autant sur des
prérogatives individuelles que sociétales, prérogatives qui sont à la base de la psychologie de la santé
qui se veut également avoir un impact sur les systèmes de santé en place. De plus, cette perspective
écologique permettrait un cadre d’analyse plus dynamique que le modèle bio-psycho-social dans
lequel les diverses variables semblent se superposer. En effet, Bronfennbrenner, dans son modèle
écologique (1979), insiste sur l’influence des milieux plus larges sur l’individu, mais également de
l’influence de l’individu lui-même sur des niveaux plus globaux. De plus, la psychologie commu-
nautaire amène à la psychologie de la santé une certaine méthodologie qui lui est propre et qui est
compatible avec certains courants de cette dernière. En effet, la psychologie communautaire promeut
la prise de parole des participants, et la psychologie de la santé a pour objectif faire entendre la voix
des patients. Qui plus est, s’intéresser aux systèmes de santé et à son accessibilité par les individus
donne une dimension politique et permet d’adopter une démarche communautaire au sein de la
psychologie de la santé. Les méthodes des deux sous-disciplines restent proches dans l’importance
qu’elles accordent aux paroles et vécus des participants. Nous pourrions ainsi affirmer que dès que
l’on fait de la psychologie de la santé « appliquée » (Health Psychology in Context) ou « critique »,
nous nous trouvons également dans le champ de la psychologie communautaire de la santé. Théories,
objectifs et méthodes se recoupent souvent et les valeurs de la psychologie communautaire présentées
plus haut peuvent être liées avec celles prônées par la psychologie critique de la santé :
•  promotion de la justice sociale/équilibration des ressources et accès aux soins ;
•  promotion du bien-être/promotion de la santé ;
•  diversité/donner la parole aux patients.

2. Terrain d’application à propos de deux recherches


en psychologie communautaire

La recherche constitue un volet important du travail du psychologue communautaire, mais


toujours dans le sens d’une recherche appliquée, ou plutôt d’une recherche de terrain, c’est-à-dire
ancrée sur des allers-retours entre théories et terrains d’intervention. En effet, ce type de recherche
Psychologie communautaire et psychologie communautaire de la santé 287

appliquée permet d’identifier et de décrire les problématiques rencontrées par les communautés
concernées, pour ensuite en dégager des pistes d’actions et de changement, toujours de manière
collaborative et participative, comme nous l’avons vu plus haut. La consultation a également pour
but de faire ressortir des problèmes ou des questions vécus par un organisme communautaire –
notamment – et de trouver des pistes de changements qui pourront être mises en place une fois le
psychologue parti du milieu (Lavoie et Brunson, 2010). Les consultations se déroulent principalement
sur mandat déterminé dans le temps. Dans ce genre d’approche, le psychologue communautaire se
voit comme un expert des processus, mais laisse l’expertise de la situation à la communauté qui fait
appel à lui. Finalement, la formation se déroule également dans un temps limité et sur mandat. Elle
a pour but principal le partage d’informations, le transfert de connaissances et des compétences.
Ainsi, les théories, principes et valeurs qui guident la psychologie communautaire, guident égale-
ment les interventions sur le terrain de même que les recherches. Afin de les illustrer, nous présen-
tons ci-après deux études, l’une conduite par Cornish (2006) visant à l’amélioration de la qualité
de vie des travailleuses du sexe à Calcutta, et l’autre en cours de réalisation, davantage située dans
la psychologie communautaire de la santé, menée par Cantero (2013) auprès de la communauté
sourde de Lausanne.

2.1 Remettre en question les stigmatisations


des travailleuses du sexe à Calcutta : contexte matériel
et changements symboliques (Cornish, 2006)
Problematisation is a process through which the
taken-for-granted social order is questioned and
disrupted
(Cornish, 2006, p. 5).

Flora Cornish, lors de la présente recherche et par la mise sur pied du projet Sonagachi, s’interroge
sur la possibilité pour un groupe discriminé – dans ce cas les travailleuses du sexe à Calcutta – de
remettre en question les stigmatisations dont elles sont victimes et de pouvoir comprendre leur
statut, pour les accompagner dans la mise en place d’un changement social. Cette recherche-action
est intéressante à présenter dans ce chapitre car, même si son action ne vise pas directement la santé
somatique des individus concernés, la « porte d’entrée » utilisée par les chercheurs pour démarrer
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

cette recherche est directement issue du champ de la santé. En effet, c’est en se rendant compte du
taux de travailleuses du sexe atteintes du HIV que les organismes se sont mobilisés et ont fait appel
à des psychologues communautaires.
Ainsi, c’est un rôle important du psychologue de la santé de pouvoir entrer par ce genre de
« fissure » pour adopter ensuite un point de vue plus communautaire. De plus, sur une perspective
à plus long terme, les travailleuses du sexe ayant retrouvé quelque peu de visibilité et d’acceptation
sociales auront ainsi les possibilités de se mobiliser pour avoir un meilleur accès aux soins.
Le projet était basé sur les trois « R » : respect, reconnaissance et confiance (reliance en anglais) :
That is respect of sex workers and their profession ; recognising their profession, and their rights ; and reliance
on their understanding and capability (Cornish, 2006, p. 8).
Cornish met en lumière – en concordance avec les théories de Paolo Freire – la vie des travailleuses
du sexe à Calcutta est un exemple d’oppressions à la fois matérielles et symboliques, les amenant
288 Psychologie de la santé : applications et interventions

à un certain fatalisme. Matériellement, elles sont pauvres, souvent employées par des hommes ou
des femmes dans un système très hiérarchisé. Elles sont également isolées des autres travailleurs, à
risque de se faire arrêter par police et ont peu de recours en justice. Du côté symbolique, elles sont
marginalisées et présentées comme des femmes-objets.

2.1.1 Le projet Sonagachi


Le but premier de la recherche est de développer différentes stratégies employées par les travail-
leurs communautaires pour accompagner les communautés – dans ce cas les travailleuses du sexe – à
déterminer les problématiques dans ce projet Sonagachi à Calcutta.
Le deuxième but est ensuite de se demander ce qui rend possible la mise en place d’une alternative
et dans quoi cette dernière prend ses racines pour les participants.
Concernant la méthode, dix-neuf entretiens semi-structurés avec des travailleuses du sexe
employées par le projet ont été menés : l’échantillon comptait trois éducateurs-pairs (peer educators)
– qui travaillent à temps partiel à promouvoir l’usage des préservatifs, à faire fonctionner la clinique
et à s’occuper du recrutement de nouveaux membres –, dix superviseurs et six membres sélectionnés
à partir du comité de résolution de problème au sein du projet. Le directeur du projet – lui-même
fils d’une travailleuse du sexe – a été interrogé deux fois, et un focus group comprenant six leaders
du projet – cinq travailleuses du sexe et le directeur – a été organisé. L’analyse a été divisée selon
les parties qui relevaient des stigmatisations et les parties qui problématisaient cette stigmatisation.

2.1.2 Stigmatisation et fatalisme


Dans le contexte social dans lequel cette recherche a été effectuée, il semble qu’être mariée est la
condition sine qua non pour recevoir le respect. Cependant, le fait d’être travailleuse du sexe prive
ces femmes de ce privilège. De plus, il semble que la stigmatisation ait été internalisée : en effet, il
ressort des discours des interviewées, que le fait de devenir une travailleuse du sexe correspond à
devenir une « mauvaise » personne. Sex workers thus learn that they cannot regain a respectable identity,
but must expect and accept stigmatisation and discrimination (Cornish, 2006, p. 11). L’auteure relève
aussi l’importance de préciser que les stigmatisations sont souvent croisées avec différentes caracté-
ristiques, par exemple être une femme.

2.1.3 Les travailleuses du sexe ont des droits


Il ressort également de l’étude l’importance de mentionner le fait que même si les travailleuses
du sexe n’ont pas de droits en tant que tels, ce n’est pas pour autant qu’elles ne sont pas conscientes
de ceux qu’elles devraient avoir. Nous pouvons voir cela dans l’extrait suivant :

[…] All other workers have rights, but we as sex workers don’t have any rights. So, [the Project] is trying
to get our rights. We should have rights over our body. […] We are working and it is service-based work,
but we don’t have any rights.

Interviewer : What are these rights ?

Supervisor : Right to self-defence. If we stay under a madam, we are forced to take more customers even
if we don’t want to. But if we have our right, we would have our say. We can refuse. Police harassment will
be reduced. We would get receipts against the rent we are paying to the landlady (Cornish, 2006, p. 13).
Psychologie communautaire et psychologie communautaire de la santé 289

2.1.4 Égalité avec les autres groupes de travailleurs disqualifiés


Il ressort de l’étude que les travailleuses du sexe se comparent avec d’autres champs profession-
nels – les travailleuses disent que comme tout le monde, elles vendent de la force de travail (skilled
manual labour) contre salaire, pour subvenir aux besoins de leur famille – ou avec d’autres groupes
oppressés qui ont réussi à changer leur statut – d’autres travailleurs, notamment. Se fonder sur ces
comparaisons pourrait permettre à cette communauté de se politiser d’avantage en comprenant
mieux les mécanismes d’exploitations, notamment : Such comparisons encourage sex workers to parti-
cipate in the Project, countering fatalism (Cornish, 2006, p. 16). Ces comparaisons démontrent ainsi
que les travailleuses du sexe ne sont pas totalement fatalistes, mais elles ne sont forcément toujours
positives non plus.

2.1.5 Changements dans les conditions des travailleuses


du sexe après l’étude
Cornish relève que certains changements ont déjà eu lieu. Des travailleuses ont été nommées
comme représentantes auprès de la police : elles peuvent faire relâcher des personnes qui ont été
arrêtées ou alors plaider des cas de violences ou de viols. De plus, le projet a mis en place un système
de crédit – en partenariat avec une banque – qui permet aux travailleuses de faire des économies.
Des travailleuses qui sont dans le programme sont maintenant habituées à parler dans des confé-
rences, en public, à révéler la nature de leur travail de manière explicite.
Cet exemple qui n’est au premier abord pas complètement issu du champ de la santé, met en
lumière les mises en place méthodologiques – notamment par la consultation des communautés
concernées – et les engagements des chercheurs au sein de la communauté. De plus, la santé peut
réellement constituer une porte d’entrée pour la mise en place de la recherche et être un but visé à
plus long terme après la recherche. En effet, par la prise de pouvoir de la communauté des travailleuses
du sexe à Calcutta, ces dernières – par les droits qu’elles auront acquis dans leur lutte – seront plus à
même de revendiquer un accès plus démocratisé et plus aisé aux systèmes de santé, cette démarche
améliorant ainsi le bien-être et la santé de la population à plus grande échelle.

2.2 Besoins en santé de la communauté sourde :


adaptations méthodologiques et engagement
communautaire (Cantero, 2013)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les unités d’information et de soins des sourds (UNISS) en France ainsi que la recherche de
Cantero (2013) à propos des besoins en santé de la communauté sourde nous ont semblé être deux
bons moyens d’illustrer de quelles manières les systèmes de soins peuvent être modifiés en vue de
l’amélioration de la qualité de vie des membres d’une communauté, mais également comment la
psychologie communautaire de la santé peut contribuer à cette adaptation.
Avant toute chose, il semble important de clarifier le terme de « communauté sourde ». Les
membres appartenant à cette communauté sont des personnes ayant recours à la langue des signes
comme mode de communication principal et ne percevant pas leur surdité comme une déficience
médicale, mais plutôt comme le symbole de leur appartenance à un groupe culturel et social (Ladd,
1988).
290 Psychologie de la santé : applications et interventions

En France au début des années 1980, une épidémie du virus VIH au sein de cette communauté
sourde attire l’attention de différents médecins, dont Dagron (2008). Le sida devient alors révéla-
teur du manque d’information des membres de cette communauté. D’autres sourds partageaient la
croyance que le virus HIV était transmis par les rayons du soleil, confusion due à la manière dont
il était représenté sur les affiches préventives (boule orange avec des pics), et recouraient à la crème
solaire pour s’en protéger (Drion, 2011). La méconnaissance de la culture sourde parmi les soignants
semble avoir contribué au maintien d’une communication et d’une relation patient-médecin limitées.
À la suite de ces événements, la mise en place de consultations en langue des signes, d’études
portant sur cette communauté et de préventions adaptées, appuyée par certaines volontés politiques,
a mené, en juin 1995, à l’inauguration d’une consultation médicale en langue des signes française
(LSF) dans le centre hospitalier universitaire de La Salpêtrière à Paris (Dagron, 2008). Actuellement
au nombre de 12, ces unités permettent à des personnes sourdes de rencontrer des spécialistes de la
santé somatique et mentale qui pratiquent la LSF ou d’être accompagnées lors de leurs consultations
par un interprète et un intermédiateur (personne sourde s’assurant de la bonne compréhension de la
traduction par le patient sourd). La prise de conscience des années 1980 a donc donné naissance à
des améliorations concrètes sur le territoire français.
Cependant aucun accueil de ce type n’existe en Suisse et les hôpitaux ne comptent aucun médecin-
signeur. Certaines associations sourdes réclament des améliorations depuis de nombreuses années
sans succès auprès des politiques, des directeurs d’institutions et d’hôpitaux. Ce sont ces éléments
ainsi qu’un intérêt préalable pour la communauté sourde qui ont poussé Odile Cantero, doctorante
au sein du Centre de recherche en psychologie de la santé de Lausanne à mener une recherche au
sein de cette communauté.
Le but de cette recherche est d’étudier l’écart existant entre ce dont les membres de la commu-
nauté sourde disent avoir besoin en matière de santé et ce qui est mis en place actuellement par les
soignants. La méthodologie choisie est qualitative et se présente comme suit : trois focus groups au
sein de la communauté sourde suisse romande et dix entretiens semi-directifs avec des soignants.
Suite à cette récolte de données, il s’agit de comparer les résultats de l’analyse de contenu des focus
groups et des entretiens. Cette thèse n’étant pas encore terminée, nous avons décidé d’exposer de
quelle manière l’approche communautaire a amené à une adaptation de la méthodologie et un
engagement de la chercheuse.

2.2.1 Préparation et recrutement


Suite à des discussions avec des professionnels de la surdité, des personnes sourdes et des cher-
cheurs expérimentés, il a été décidé de mener trois focus groups en langue des signes entièrement
filmés et enregistrés au sein des trois centres culturels sourds en Suisse romande. L’équipe en charge
de la passation des focus groups était composée de la doctorante, d’une co-animatrice sourde qui jouait
le rôle d’intermédiatrice et de deux interprètes. Ainsi la dynamique communautaire était conservée
et les participants ont pu s’exprimer aisément en langue des signes sans interruption puisque les
deux interprètes se relayaient, ce qui permettait également de ne pas menacer la dynamique de la
discussion.
Une fois ces éléments fixés, le recrutement des participants a pu débuter. La première idée consis-
tait à poser des affiches et contacter les participants par e-mails, mais il a vite semblé – suite à une
rencontre avec des représentants de la Fédération suisse des sourdes (FSS), que ce mode de recru-
tement était inadapté pour des personnes dont la maîtrise de l’écrit est très variable. Une vidéo en
langue des signes, dans laquelle l’une des responsables de la FSS explique le projet ainsi que le dispo-
sitif méthodologique et encourage les sourds à s’inscrire à l’une des trois rencontres, a été réalisée.
Psychologie communautaire et psychologie communautaire de la santé 291

Cette idée suivait également les recommandations de certains auteurs communautaires (Krueger et
King, 1998), qui préconisent d’inclure les leaders de la communauté dans le projet.
Dès le départ, tout a été question de « penser culturellement sourd ». Il a fallu se questionner et
adapter les méthodes habituelles à cette communauté. Par exemple, au lieu de recruter proactive-
ment les membres de la communauté sourde via courriels, il a fallu être patient et attendre que les
participants du premier groupe deviennent des relais en encourageant les autres membres de leur
communauté à s’inscrire. Cet effet « boule de neige » fut évident : alors que les inscriptions aux
deuxième et troisième focus groups étaient rares, elles se multiplièrent de manière exponentielle suite
à la réalisation du premier. Cela n’a assurément pas été le fruit du hasard.

2.2.2 Focus groups en LSF


La lecture des six volumes de Focus Group Kit de King, Krueger et Morgan (1998) a permis de
préparer au mieux les échanges qui allaient avoir lieu, mais là encore l’expérience de terrain a semblé
être plus pertinente.
L’un des ouvrages (Krueger, 1998) recommandait d’installer une table au milieu des participants et
de leur mettre à disposition des feuilles et des stylos pour qu’ils puissent y noter leurs idées ou leurs
questions. Les feuilles et les stylos ont été rapidement mis de côté, sachant pertinemment que lors
d’une discussion en langue des signes les participants ne recourraient pas à l’écrit. Néanmoins, une
table était installée, mais rapidement retirée car une animatrice sourde du premier centre culturel a
signalé que la table empêcherait les participants de voir correctement les mains et le haut du corps
des autres participants.
Concernant la lecture du formulaire de consentement et les réponses aux questions du question-
naire sociodémographique, le timing global a dû également être remanié. En effet, à la base l’idée
était de traduire ces documents en LSF mais les participants ont plutôt souhaité les lire seuls et poser
des questions au fur et à mesure, ce qui prit plus de temps que prévu. Malgré cela, les interprètes ont
conseillé de privilégier ce que les participants préféraient afin de ne « froisser » personne, le sujet de
la lecture étant un sujet sensible au sein de la communauté.
Parallèlement, l’importance de la présence de l’intermédiatrice s’est vérifiée systématiquement. En
raison de l’attention qu’elle accordait aux signaux d’incompréhension chez chacun des participants,
de l’aide qu’elle apportait aux interprètes lorsqu’ils ne comprenaient pas certains signes, mais égale-
ment dans les questions « culturellement sourdes ». Voici deux exemples de ses interventions (MC).

I. MC – J’aurais une question, c’est vrai qu’au niveau suisse romande, la communauté des sourds
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

est relativement petite. Imaginons qu’on crée un pôle santé et qu’on engage des intermédiateurs,
des personnes sourdes, mais c’est vrai que… du coup est-ce que vous seriez à l’aise d’avoir un
intermédiateur que vous connaissez qui intervient parce que c’est une personne sourde. Mais c’est
vrai que vous préféreriez à ce moment-là qu’on choisisse un intermédiateur étranger que vous ne
connaissez pas du tout, qui n’est pas dans la région.

II. OC – […] si vous étiez directeur d’un hôpital en Suisse romande, vous imaginez maintenant
voilà vous êtes nommés directeur directrice d’un hôpital en Suisse romande. Quels changements
vous feriez pour l’accueil des personnes sourdes ? (rires) On imagine…

MC – Tu as compris (vers GH10 qui ne rigole pas) ?

GH10 – Directeur, c’est ça ? Oui oui. Compris.

Ces premiers réajustements méthodologiques, l’affirmation du rôle de chacune des profession-


nelles présentes et la confiance que les membres de la communauté ont accordée à l’équipe ont
292 Psychologie de la santé : applications et interventions

contribué à l’excellent déroulement de ces trois rencontres. Les données récoltées (transcriptions
à partir des vidéos) nous renseignent sur des expériences émotionnellement fortes vécues par des
sourds à l’hôpital ou chez le médecin, l’importance de leur entourage et des interprètes lors des
consultations, leurs relations au monde médical, leur perception du métier de soignant, leurs rêves
en lien avec la santé ainsi que leurs idées d’améliorations concrètes de leur accès aux soins.

2.2.3 Engagements parallèles


Ce besoin urgent d’améliorer la situation s’installe à partir du moment où les chercheurs
deviennent témoins de ces histoires et des besoins cruels en matière de santé de cette communauté.
Ils sont alors un porte-voix pour les membres de la communauté et doivent savoir adapter leurs
discours à ceux qui leur font face. Ainsi, depuis le début de ce projet, il leur a été donné d’inter-
venir à différents niveaux et de renforcer leur engagement. Rencontres régulières avec la direction
des hôpitaux, sensibilisation des soignants lors de conférences, coaching d’étudiants en médecine
motivés à apprendre la langue des signes, relais entre la communauté sourde et la sphère académique,
recherches de fonds pour l’engagement régulier d’interprètes, organisations de rencontres menées
par des experts de la communauté sourde, conférences bilingues, apparition dans les médias sourds,
sont autant d’activités dans lesquelles l’on peut être engagé dans ce type de recherche.
Un tel projet communautaire n’est pas fait pour être couché sur du papier et rangé dans un rayon
de bibliothèque. Il consiste à étudier la problématique, faire interagir différents acteurs influents sur
le terrain, rassembler les esprits motivés et passionnés, faire connaître la culture et la communauté
sourde aux personnes entendantes – en particulier aux soignants – et s’engager à faire entendre les
besoins de cette communauté. Le chercheur communautaire donne une voix à ceux qui peinent à
l’obtenir et s’engage à leurs côtés pour faire changer les choses.
Que ce soit en éveillant une conscience politique au sein de la communauté des travailleuses du
sexe à Calcutta ou en mettant en place un dispositif méthodologique communautaire permettant
à des personnes sourdes de s’exprimer en langue des signes à propos de leurs besoins, ces deux
équipes de recherches répondent aux critères présentés dans ce chapitre. Les membres des équipes
de recherche jouent différents rôles et s’engagent à différents niveaux.

3. Champs d’action communautaires

3.1 Rôles et méthodes d’intervention communautaire


des psychologues
À un niveau général, Murray et Campbell (2003) expliquent que le plus grand défi des psycholo-
gues de la santé consiste à réfléchir à l’adéquation des théories et des méthodes dans le but d’amé-
liorer la santé des populations du monde entier. En s’inscrivant dans cette démarche, le psychologue
communautaire de la santé peut recourir à différentes méthodes et ainsi expérimenter différents
rôles semblables à ceux des acteurs communautaires, mais différents de ceux habituellement joués
par les psychologues (Kagan, Burton, Duckett, Lawthom, et Siddiquee, 2011) :
•  Les rôles de facilitation (facilitation roles) consistent à mieux connaître les individus du groupe
en question, faire de l’animation communautaire, encourager et inspirer les membres de la
communauté à faire évoluer les choses, aider à construire de nouvelles relations sociales, de
nouvelles alliances.
Psychologie communautaire et psychologie communautaire de la santé 293

•  Les rôles d’éducation (educational roles) consistent à informer, engager le dialogue et la prise de
conscience, travailler sur le conflit et mettre en place des ateliers de formation. Ils demandent
de savoir problématiser et engager les autres dans une compréhension plus globale des contextes
historiques, culturels et sociaux de leurs vies et actions.

•  Les rôles de représentation (representational roles) consistent à communiquer clairement à propos


des problèmes rencontrés par certains individus. Cela implique d’encourager ces individus à
exprimer leurs points de vue et de savoir ensuite comment transmettre ces informations via les
médias à disposition. Développer des stratégies d’action, des plaidoyers ainsi que des analyses
politiques en sachant adapter son discours à différentes audiences.

•  Les rôles techniques et de recherche (technical/researcher roles) consistent à utiliser des connais-
sances spécifiques afin de mener des projets (et leur mise en œuvre sur le terrain) ainsi que de
la recherche (et son évaluation). L’organisation, la recherche de fonds, la gestion d’un budget
ainsi que la supervision composent l’aspect technique. Le tableau 11.1 présente les méthodes
qualitatives que les professionnels mettent en place selon les valeurs autour desquelles ils
construisent leur recherche (Hanlin et al., 2008).

Tableau 11.1 – Valeurs de la psychologie communautaire et méthodes qualitatives

Valeurs de la psychologie communautaire Méthodes qualitatives


Entretiens
Justice sociale Cumulative theorizing
Observation participante
Collaboration et participation démocratique Entretiens semi-structurés
Santé, bien-être et prévention du stress psychosocial Focus-groups
Entretiens

Empowerment et autodétermination Observation participante


Revue de la documentation
Entretiens

Si ces rôles peuvent être distingués en termes de tâches et de compétences, ces auteurs précisent
qu’il est plus pertinent de les percevoir comme les différentes facettes du psychologue communautaire
de la santé, qui devra s’adapter aux terrains et aux individus en mobilisant les savoirs et les partenaires
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

adéquats selon les contextes. Il est donc possible que les professionnels ressentent une opposition
considérable entre ces différents rôles. Dans cette situation, il est important de trouver des moyens
de résoudre ce conflit en établissant un ordre des priorités, en faisant des compromis, en mobilisant
des ressources, et/ou en clarifiant leurs attentes. Au-delà de tout cela, une réflexivité continuelle
reste une part précieuse de la pratique des psychologues communautaires de la santé : réfléchir à soi
et à son travail auprès des autres. Cette réflexivité permet le développement des connaissances, des
compétences et de la confiance ainsi que le respect d’une certaine éthique.
L’engagement au sein d’une communauté en vue de l’amélioration de l’accès aux soins ou des
conditions de vie de cette dernière est le centre de l’activité des psychologues communautaires de la
santé pour un grand nombre d’auteurs (Bouchard, 2011 ; Kagan et al., 2011 ; Murray, Nelson, Poland,
Maticka-Tyndale, et Ferris, 2004 ; Prilleltensky et Nelson, 2002). Ces professionnels sont engagés
socialement dans une critique d’un statu quo et dans un processus d’action visant le changement
social (Murray et Campbell, 2003). Un travail avec les membres de la communauté est nécessaire afin
294 Psychologie de la santé : applications et interventions

de mettre en lumière l’inadéquation de leurs conditions de vie, des services qu’ils fréquentent ainsi
que des campagnes de prévention qui leur sont adressées. Les psychologues communautaires de la
santé s’engagent à dénoncer l’influence de certains services incompétents socialement et culturelle-
ment, pratiquant la différenciation culturelle et maintenant des barrières communicationnelles sur
l’accès aux soins de certaines communautés. Cet engagement devient civique puisque ces derniers
se battent pour « la construction d’un monde plus juste, plus bienveillant, plus équitable et plus
viable » (Bouchard, 2011, p. 3).
À un niveau moins idéologique et plus appliqué, s’engager au sein d’une communauté en tant
que psychologue de la santé consiste à1 :

•  faire élaborer la définition des problèmes de santé rencontrés par une communauté par les
membres de cette communauté (Murray et Campbell, 2003) ;
•  imaginer un plan pour contrer ces problèmes sur la base des idées de ces mêmes membres
(Prilleltensky et Nelson, 2002) ;
•  prendre des risques en devenant le représentant d’une cause véritable et en s’engageant auprès
de la communauté à dépasser l’état actuel de ses conditions (Kelly, 1971) ;
•  élaborer tout un art du communautaire en étant conscient de quand il faut se mobiliser et
quand il ne faut pas s’engager, mais également en se focalisant toujours sur les conséquences
de son travail et pas sur son travail lui-même (Kelly, 1971) ;
•  allier détermination et patience : faire preuve de détermination afin de franchir toutes les
étapes du plan d’action et de patience lorsqu’il s’agit de viser un véritable changement social
à plus long terme.
Pour conclure cette partie, les rôles des psychologues communautaires de la santé sont nombreux
et complémentaires. Quel que soit le type d’intervention privilégié par ces derniers, ce sont systé-
matiquement des professionnels engagés socialement, critiques et prêts à lutter contre le statu quo
lorsqu’il affaiblit des individus dans leur santé et leur bien-être. Quel que soit le chemin qu’ils
choisissent d’emprunter, ils mettent tout en œuvre pour que leur travail aboutisse à une évolution
sociale, politique et/ou institutionnelle.

4. Conclusion

À l’issue de ce chapitre, il est évident que la psychologie de la santé peut se nourrir des méthodes
communautaires pour étudier sous un angle nouveau la santé, la maladie et le rapport entre les
individus et le monde médical. Cette approche est précieuse dans un contexte social marqué par
l’individualisme et tout ce qu’il engendre : des inégalités en matière de ressources, d’accès aux soins,
de partage de pouvoirs. Parallèlement, la psychologie de la santé offre un champ d’investigation
pertinent aux chercheurs en communautaire. Les problématiques qu’elle rassemble peuvent soudai-
nement devenir des symboles forts des inégalités vécues par certaines communautés et des portes
d’entrées pour améliorer la qualité de vie de leurs membres de façon plus globale.
À travers les exemples décrits dans ce chapitre – Cornish et Cantero – nous avons affaire à des
chercheurs engagés pour l’amélioration de la qualité de vie de ces communautés. Leur travail se fait

1.  Précisons qu’il n’existe actuellement pas de guide d’action pour les psychologues communautaires de la santé, cette
liste assemble ainsi les avis de différents auteurs, qui nous semblaient constituer l’ethos de ces professionnels.
Psychologie communautaire et psychologie communautaire de la santé 295

avec les membres de la communauté et sur la base de leurs dires. Ils mettent à profit leur statut de
chercheur et leur reconnaissance académique en devenant des facilitateurs du processus de change-
ment. Leurs méthodes sont adaptées aux habitudes des communautés et intègrent pleinement les
membres de ces dernières ; leurs décisions et leurs démarches visent l’empowerment, le bien-être et
la promotion d’une justice sociale.

À retenir
Communauté – Fait initialement référence à un groupe de personnes qui partagent quelque chose de
commun, qui les rend significativement différents des autres groupes. Loin d’être aussi simple, ce terme
décrit tout ce qu’il y a de commun et de différent entre des personnes, en se basant sur un jugement objectif
(vivre dans le même quartier, pays ou état) ou subjectif (le sentiment de ressembler à d’autres individus
et d’appartenir au groupe). Elles peuvent également être construites autour d’une identité sociale (âge,
handicap, sexe, culture, profession, identité sexuelle, classe sociale, etc.). Précisons encore qu’un groupe de
personnes peut se considérer comme une communauté ou être défini comme telle par d’autres individus,
extérieurs au groupe (Kagan, 2011).
Justice sociale – Concept issu de la sociologie et qui est le fil directeur en psychologie communautaire. Il vise
à superposer deux principes : égalité et équité (Saïas, 2011). En effet, selon J. Rawls (1971) la justice sociale
pourrait être théorisée à partir de la notion d’« égalité légale » – droit de chaque personne à un système
légal égal en termes de libertés pour tous – et de « correctif équitaire » – les inégalités sociales doivent
procurer un plus grand bénéfice aux membres les plus désavantagés de la société.
Empowerment – Concept difficile à définir et qui ne fait pas consensus parmi les auteurs. Il désigne la capa-
cité d’agir des individus, autant à un niveau individuel que social. Ce processus permet aux personnes de
favoriser l’accroissement de leur autonomie d’action, autant individuelle que collective et de dépasser les
stigmatisations auxquelles elles pourraient faire face (Ninacs, 2008).
Intermédiation – Correspond à la traduction des significations, en complément à l’interprétation qui assure
la traduction de la langue. Les intermédiateurs sont les interprètes des conceptions et représentations d’un
« monde », au profit d’une communication entre deux personnes issues de cultures différentes (commu-
niquant avec l’aide d’un interprète). Dans un contexte médical, ils sont ainsi le relais entre deux cultures :
celle du patient, qu’ils partagent et celle des soignants, qu’ils connaissent (Drion, Planchon, Boone, et
Samoy, 2009).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Lectures conseillées
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Prilleltensky, I., et Nelson, G. (2002). Doing Psychology Critically : Making a Difference in
Diverse Settings. New York, Palgrave Macmillan.
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296 Psychologie de la santé : applications et interventions

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12
Cha
pitre

CONCEVOIR DES CENTRES


DE SOINS PROPICES
À LA GUÉRISON : APPORTS
DE LA PSYCHOLOGIE
DE L’ENVIRONNEMENT1

1.  Par Virginie Dodeler, Université Rennes 2 – CRPCC.


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1. Introduction............................................................................................................ 301
2. Éléments théoriques : caractéristiques physiques des espaces hospitaliers
et santé des patients.............................................................................................. 302
3. Champs et terrains d’application.......................................................................... 308
4. Perspectives pour la mise en œuvre.................................................................... 313
5. Conclusion.............................................................................................................. 316
Bibliographie.............................................................................................................. 317
Concevoir des centres de soins propices à la guérison 301

1. Introduction

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Pa
L’objectif de ce chapitre est d’apporter aux lecteurs des éléments de compréhension sur la façon
dont les hôpitaux peuvent être conçus comme des environnements propices à la guérison, en se

ie
basant sur les apports de la psychologie de l’environnement dans ce domaine. En effet, en France,
leur conception est encore actuellement avant tout centrée sur les aspects fonctionnels de la prise en
charge médicale. Or, si les dimensions techniques et médicales sont indispensables pour le traitement
des maladies, il n’en reste pas moins que la guérison des patients peut également être influencée
par d’autres aspects. Lorsqu’un patient se rend à l’hôpital, que ce soit pour une consultation, un
examen ou pour se faire soigner ou opérer, c’est généralement parce qu’il souffre d’un problème de
santé. Et à ce problème de santé, s’ajoutent le stress et l’anxiété que peuvent générer les examens,
les soins ainsi que la peur du diagnostic. Il paraît donc utile de concevoir les hôpitaux comme des
environnements qui n’exacerbent pas ces niveaux de stress et d’anxiété.
Certaines approches considèrent ainsi que pour qu’un patient guérisse plus vite, il lui faut un
environnement propice à la guérison, un lieu lui permettant de se rétablir. Dans la littérature anglo-
saxonne, on retrouve cette approche sous les termes de healing environments ou healing spaces. La
littérature scientifique met de plus en plus en avant l’utilité de concevoir des centres de soins propices
à la guérison, en s’appuyant notamment sur le design fondé sur des preuves (evidence-based design).
Cette approche, nommée evidence-based design (EBD) en référence à la « médecine fondée sur
des preuves » (evidence-based medicine : EBM) s’est réellement développée dans les années 1990
(Huisman et al., 2012), notamment à partir de l’étude d’Ulrich (1984). Dès lors, de plus en plus de
recherches se sont intéressées aux impacts de l’environnement physique des centres de soins sur la
santé et le bien être des patients. L’EBD consiste à concevoir des espaces en se basant sur les résul-
tats concrets d’études scientifiques crédibles, afin d’espérer obtenir les meilleurs résultats possibles
sur la guérison et la santé des patients (The Center for Health Design, 2008). En effet, les résultats
mis en évidence par la recherche ne doivent pas rester cantonnés au domaine de la recherche, mais
doivent être utilisés pour améliorer les démarches de conception (Stichler et Hamilton, 2008). On
constate ainsi que ces connaissances commencent à être de plus en plus intégrées dans le processus
de conception des centres de soin (Verderber et al., sous presse). Et tout processus de conception d’un
établissement de soins devrait commencer en se demandant comment il est possible d’appliquer à
ce nouveau centre les connaissances disponibles dans la littérature (Verderber et Refuerzo, 1999).
Aux États-Unis par exemple, un architecte doit avoir obtenu la certification EDAC (Evidence-Based
Design Accreditation and Certification) délivrée par le Center for Health Design avant de pouvoir
travailler sur la conception d’un centre hospitalier militaire (Cooper-Marcus et Sachs, 2014), cette
certification n’étant que recommandée dans le civil.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Depuis quelques années, les projets de conception ou de rénovation des centres de soins prennent
de plus en plus en compte le confort du patient, de son entourage, mais également du personnel
soignant : les établissements doivent être non seulement fonctionnels, mais également attractifs,
esthétiques et proposer un environnement thérapeutique propice à la guérison (Altimier, 2004). Ces
environnements propices à la guérison rendent les hôpitaux moins stressants, améliorent le délai
de guérison des patients, le bien être des patients et de leur famille, tout en offrant au personnel
soignant un cadre de travail agréable et confortable. Ils correspondraient donc à des lieux dont
l’atmosphère conduit à la guérison (Gesler, 1992).
Le concept d’environnement propice à la guérison suggère que la conception des centres de
soins, et notamment les caractéristiques physiques des différents espaces, joue un rôle dans le
processus de guérison et le sentiment de bien-être des patients (Dijkstra et al., 2006). Comprendre
quels sont les éléments qui jouent ce rôle permet ensuite de concevoir des centres de soins propices
302 Psychologie de la santé : applications et interventions

à la guérison. Certains auteurs (Ulrich et al., 2004, 2008 ; Huisman et al., 2012) considèrent qu’il
existe une relation triangulaire entre les caractéristiques d’un établissement de soins (architecture,
design, services, matériel…), les usagers (patients, famille et personnel soignant) et les performances
observées (erreurs médicales, confort, privacité, soutien social, sécurité…). L’idée est que chacun de
ces trois pôles peut influencer les deux autres.
Après avoir donné quelques éléments de compréhension généraux en introduction, ce chapitre
s’attachera à présenter dans une première partie les résultats de recherches scientifiques ayant étudié
l’influence des caractéristiques physiques des centres soins sur la santé et le bien être des patients.
Dans la seconde partie seront présentées et discutées plus en détail deux études. Enfin, la troisième et
dernière partie proposera quelques recommandations générales à prendre en compte pour concevoir
des hôpitaux favorisant la guérison.

2. Éléments théoriques : caractéristiques physiques


des espaces hospitaliers et santé des patients

Pendant très longtemps, les études médicales ont négligé le rôle que pouvait avoir l’environnement
physique sur le bien-être des patients (Devlin et Arneill, 2003). Mais depuis l’étude d’Ulrich (1984), ce
type de recherches s’est considérablement développé. Le terme d’environnement physique recouvre
généralement trois grandes dimensions (Harris et al., 2002) : les caractéristiques architecturales (plan
du bâtiment, emplacement des fenêtres, taille des chambres et des différents espaces…), le design
d’intérieur (éléments d’agencement tels que couleurs, décorations, mobiliers, matériels…), et les
facteurs d’ambiance (bruit, odeur, température, luminosité).
Un certain nombre d’études s’intéressent à la façon dont les caractéristiques physiques d’un envi-
ronnement hospitalier peuvent influencer l’état de santé des patients mais également des soignants.
Elles ont donné lieu à plusieurs revues de la littérature au cours de ces dernières années : Devlin et
Arneill (2003), Dijkstra et al. (2006), Huisman et al. (2012), Quan et al. (2011), Ulrich et al. (2004,
2008), Schweitzer et al. (2004). On peut ainsi considérer que toutes ces études ont mis en évidence
le rôle des caractéristiques physiques de l’environnement dans quatre domaines (Ulrich et al., 2004,
2008). Tout d’abord, celles qui mettent en avant la façon dont la conception des lieux peut réduire
le niveau de stress et de fatigue des soignants tout en améliorant leur efficacité. D’autres soulignent
la façon dont les caractéristiques physiques d’un espace hospitalier peuvent améliorer la santé
et la sécurité des patients. Il s’agit alors de comprendre comment elles permettent de réduire le
risque d’infections nosocomiales, d’erreurs médicales, ou encore de chute des patients. Ensuite, de
nombreuses études ont montré que certaines caractéristiques physiques des espaces hospitaliers
pouvaient améliorer la santé et la guérison des patients, mais également réduire leur niveau de
stress et d’anxiété. Enfin, la quatrième et dernière catégorie regroupe les études portant sur la façon
d’améliorer la qualité des soins et la satisfaction globale des usagers.
L’objectif ici n’est bien évidemment pas d’exposer l’ensemble de ces éléments dans le détail. Nous
avons choisi de ne pas explorer plus avant les deux premières catégories, mais plutôt de centrer
notre propos sur les éléments qui ont un effet indirect sur la santé des patients et pour lesquels il
est établi qu’ils peuvent jouer un rôle sur la guérison, le bien-être, la douleur ressentie, le stress et
l’anxiété. La littérature existante fournit une quantité importante de facteurs pouvant influencer
ces dimensions : il ne s’agit d’en faire ici une revue exhaustive (pour cela, le lecteur pourra se référer
aux revues de la littérature mentionnées précédemment), mais plutôt de fournir des éléments de
compréhension sur les principaux facteurs.
Concevoir des centres de soins propices à la guérison 303

2.1 Les facteurs d’ambiance


2.1.1 Le bruit
Le bruit est le principal problème évoqué par quiconque ayant déjà été hospitalisé. Malgré les
recommandations de l’OMS concernant l’intensité du bruit dans une chambre d’hôpital et préco-
nisant un niveau sonore ne dépassant pas 35 dB en journée et 30 dB durant la nuit, la plupart des
études réalisées sur ce point mettent en évidence que ces seuils sont très souvent dépassés (Rashid
et Zimring, 2008) : le bruit ambiant se situe généralement entre 45 dB et 68 dB, pour atteindre par
moments des pics allant jusqu’à 90dB. À l’hôpital, le bruit a des origines multiples (Ulrich et al.,
2003) : sons et alarmes des appareils médicaux, bruit des chariots, conversations des patients et du
personnel soignant, bruit de pas, sonneries de téléphone, ou encore bruit lié à la manipulation des
portes. De plus, la plupart des surfaces (sol, mur, plafond) reflètent les sons au lieu de les absorber,
ce qui a pour conséquence d’amplifier le bruit ambiant. Or ces bruits peuvent affecter le confort et
la guérison du patient.
De nombreuses études ont montré que le bruit est une caractéristique particulièrement néfaste
des environnements hospitaliers car il peut engendrer stress et contrariété (Blomkvist et al., 2005 ;
Morrison et al., 2003 ; Ulrich et al., 2004 ; Topf, 2000), mais également avoir des effets néfastes sur
la guérison (Bayo et al., 1995 ; Hagerman et al., 2005) et prolonger la durée de l’hospitalisation
(Grumet, 1993). La principale conséquence d’un niveau sonore élevé est la réduction de la quantité
et de la qualité du sommeil (Hilton, 1976) et l’apparition de troubles du sommeil (Schweitzer et al.,
2004 ; Topf et Thompson, 2001 ; Yinnon et al., 1992). La présence de bruit a également tendance
à augmenter la perception de la douleur et la consommation de médicaments, notamment d’anti-
douleurs (Simpson et al., 1996 ; Schweitzer et al., 2004), ainsi qu’à augmenter la fréquence cardiaque
(Baker, 1992).
Les services hospitaliers qui ont le plus souvent fait l’objet d’études du bruit sont les services
de soins intensifs. Ce sont en effet des services particulièrement bruyants, en raison des différents
appareils nécessaires à la surveillance et au traitement des patients. Ainsi, Ugras et Oztekin (2007)
rapportent que 79 % des patients d’un service de soins intensifs se plaignent de perturbations du
sommeil. Dans ces services, l’augmentation du bruit aurait tendance à diminuer la qualité du sommeil
et favorisait la survenue de réveils nocturnes (Gabor et al., 2003 ; Parthasarathy et Tobin, 2004), les
troubles du sommeil représentant l’élément physique le plus stressant après la douleur (Novaes et
al., 1997) pour des patients séjournant en soins intensifs.
Si les effets néfastes du bruit sur la santé des patients sont largement documentés et bien connus,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

il est toutefois possible de réduire la plupart de ces bruits (Allaouchiche et al., 2002). Il est ainsi
recommandé, lors de la conception ou de la rénovation d’un hôpital ou d’un service, de privilégier
les matériaux isolants qui absorbent les sons et réduisent leur propagation. Ce type d’intervention
permet de réduire significativement le bruit dans la chambre des patients (Hagerman et al., 2005).

2.1.2 La lumière
Dans la littérature, les résultats relatifs aux effets de la lumière sont de deux types.
D’une part, il existe un ensemble d’études soulignant les effets bénéfiques de la lumière natu-
relle sur la santé des patients. Certaines ont montré les effets bénéfiques de la lumière naturelle
sur la durée du séjour à l’hôpital (Beauchemin et Hays, 1996, 1998 ; Choi et al., 2012), d’autres sur
la douleur perçue (Walch et al., 2005). Dans les unités de soins intensifs, l’absence de fenêtre est
associée à des symptômes plus élevés d’anxiété et de dépression (Keep et al., 1980). Les explications
304 Psychologie de la santé : applications et interventions

avancées seraient d’ordre physiologique. En effet, l’exposition à la lumière naturelle permet de


réguler le rythme circadien et influence la santé en régulant la production de mélatonine et le rythme
biologique et hormonal des individus (Schweitzer et al., 2004). Elle augmente également le taux de
sérotonine, neurotransmetteur connu pour inhiber la sensation de douleur (Ulrich et al., 2008). De
façon générale, le personnel soignant, tout comme les patients, estime comme très important le
fait de pouvoir travailler dans un lieu avec fenêtres ; et si celles-ci donnent sur un décor naturel, les
individus sont moins stressés, en meilleure santé et plus satisfaits de leur séjour (Leather et al., 1997).
D’autre part, des études ont mis en évidence que le fait d’être exposé pendant la nuit à une
luminosité (artificielle) élevée avait des effets néfastes sur le sommeil (Béphage, 2005 ; Southwell et
Wistow, 1995), et donc sur le processus de guérison. Il s’agit d’une problématique particulièrement
présente dans les services de soins intensifs.

2.2 Le contrôle
Un des principaux problèmes rencontrés par les patients lors d’un séjour à l’hôpital est le manque
de contrôle, problème d’autant plus important qu’outre engendrer de l’inconfort, il peut également
accentuer stress et anxiété (Ulrich, 1991). De plus en plus d’études soulignent qu’il faut redonner du
contrôle aux patients, par exemple en leur permettant de contrôler la position du lit, la température
de la chambre, la luminosité (lumière naturelle ou artificielle), le niveau sonore…
Evans et McCoy (1998) considèrent que le contrôle est l’une des cinq dimensions physiques d’un
espace pouvant affecter le stress et la santé des individus. Ils définissent le contrôle comme la capa-
cité réelle ou perçue de modifier son environnement physique et de le réguler. Les individus ayant
l’impression d’exercer un certain contrôle sur ce qui leur arrive sont moins stressés et se sentent
mieux que ceux ayant l’impression de ne pas pouvoir contrôler ce qui leur arrive (Evans, 2003 ;
Evans et Cohen, 1987 ; Taylor et Brown, 1988). Ainsi, les contraintes physiques qui réduisent les
choix comportementaux peuvent engendrer ou augmenter le stress (Glass et Singer, 1972 ; Evans et
Cohen, 1987). De même, des expositions prolongées avec un environnement incontrôlable peuvent
être associées à un sentiment d’impuissance (Cohen et al., 1986), ce dernier favorisant l’apparition
de symptômes de détresse psychologique et parfois de maladies physiques (Peterson et al, 1993). Ce
sentiment d’impuissance peut aussi engendrer un état de stress chez les patients et avoir un impact
négatif sur les résultats cliniques (Ulrich, 1991). Certains aspects de la maladie et de l’hospitalisation
peuvent exacerber ce sentiment d’impuissance. Le manque d’information, l’incertitude, les longues
attentes, les actes médicaux douloureux et inévitables ou encore le fait de devoir manger et dormir à
des heures imposées sont des facteurs augmentant l’impuissance ressentie par des patients hospitalisés
(Taylor, 1979). S’intéressant à des patients hospitalisés dans une unité d’hémodialyse, Steptoe et
Appels (1989) ont montré que la majorité se plaignait du manque de contrôle sur l’intensité lumi-
neuse, le bruit, la température ambiante et la privacité. Ils ont également montré que ce manque
de contrôle engendrait un stress supplémentaire à celui provoqué par la maladie. Face à la perte de
contrôle et à la dépersonnalisation vécues lors d’un séjour à l’hôpital, Taylor (1979) considère que les
patients peuvent adopter deux stratégies : certains sont des « bons patients », c’est dire des patients
compliants, alors que d’autres sont des « mauvais patients », c’est-à-dire des patients résistants. Si les
premiers sont confrontés à un sentiment d’impuissance pouvant engendrer des symptômes d’anxiété
et de dépression, les seconds manifestent des réactions de colère et de réactance face à la perte de
leur liberté. Dans les deux cas, les conséquences peuvent être néfastes pour leur rétablissement.
Concevoir des centres de soins propices à la guérison 305

2.3 Privacité et espace personnel


La privacité renvoie à un lieu ou un espace considéré comme privé et dans lequel l’individu béné-
ficie d’une certaine intimité. Le respect de l’intimité des patients et la garantie de la confidentialité des
informations le concernant sont des engagements inscrits dans la charte de la personne hospitalisée11.
Celle-ci comporte onze principes généraux parmi lesquels sont stipulés le respect de l’intimité dans
le principe 8 (« La personne est traitée avec égards ») et la confidentialité des informations relatives
aux patients dans le principe 9 (« Le respect de la vie privée est garanti à toute personne »).
Lorsque l’on parle de privacité, on distingue généralement privacité sonore et visuelle. La première
correspond au fait que le patient doit pouvoir communiquer avec son interlocuteur sans que d’autres
personnes ne l’entendent. Elle renvoie à la confidentialité des conversations lors de l’accueil au
secrétariat, lors des consultations en chambre ou en salle de consultation, mais également lors des
visites de l’entourage ou des appels téléphoniques. Quant à la privacité visuelle, elle correspond au
fait que le patient doit pouvoir bénéficier d’un lieu où il serait à l’abri des regards. Cela renvoie par
exemple au respect de l’intimité dans les salles d’examen ou de consultation, lors de la toilette (tant
par le personnel soignant que par les autres patients ou les visiteurs), mais également à la possibilité
de pouvoir s’isoler en petits groupes lorsque l’on reçoit de la visite.
Les patients, comme leur entourage, ont besoin de privacité (Altimier, 2004). En manquer peut
avoir des conséquences néfastes sur la santé pour plusieurs raisons. Le manque de privacité peut
être un obstacle dans la communication soignant-soigné. Selon les dires d’infirmières, l’absence
d’un endroit calme pour discuter serait un des principaux obstacles à une bonne communication
avec les patients et leur entourage (Astedt-Kurki et al., 2001). Bénéficier d’une chambre individuelle
permettrait d’augmenter la privacité, ce qui serait jugé comme plus confortable par les patients
(Ulrich et al., 2004). Enfin, disposer d’intimité permet également de maximiser le soutien social de
l’entourage. Les effets bénéfiques du soutien social sur la santé ont largement été démontrés. En
milieu hospitalier, différentes études ont mis en évidence que le soutien social apporté par l’entou-
rage ou le personnel soignant permettait de diminuer le stress et l’anxiété du patient et d’améliorer
sa guérison (Ulrich et al., 2008).
Parallèlement à la notion de privacité, il convient d’envisager celle d’espace personnel et d’appro-
priation. En effet, la santé et le bien-être des patients peuvent être améliorés par la possibilité d’être
hospitalisé dans une chambre dans laquelle ils se sentent comme chez eux (home-like room), ce qui
est particulièrement important pour les longs séjours (Gilmour, 2006). En effet, se sentir chez soi
aurait des effets bénéfiques sur la santé, car le « chez soi » renvoie à un environnement familier, dans
lequel les individus se sentent bien et en sécurité (Fischer et Dodeler, 2009).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

2.4 Les distractions positives


Le confort des patients peut être amélioré par l’utilisation de distractions, qu’elles soient visuelles
(décorations murales, photos, peintures, sculptures…), sonores (musiques, bruits de la nature…) ou
ludiques. Les effets bénéfiques de ces distractions ont principalement été démontrés sur le niveau de
douleur des patients. Ce type d’intervention est généralement mis en œuvre lors d’examens ou de
soins douloureux. Le principe est d’attirer l’attention du patient sur des éléments positifs, qui vont
donc détourner son attention des manipulations douloureuses. Et plus la distraction proposée est
captivante, plus la réduction de la douleur sera importante (McCaul et Malott, 1984). Un exemple

1.  http://www.sante.gouv.fr/la-charte-de-la-personne-hospitalisee-des-droits-pour-tous.html
306 Psychologie de la santé : applications et interventions

très parlant en est l’usage de la réalité virtuelle (Schneider et al., 2004). Plusieurs études ont ainsi
montré qu’un environnement virtuel immersif (c’est-à-dire dans lequel le patient est totalement
immergé grâce au port d’un casque ou de lunettes le coupant du monde réel) permettait de réduire
considérablement la douleur ressentie par des grands brûlés lors des soins qui leur sont dispensés
(Hoffman et al., 2000 ; Maani et al., 2011).
La présence de distractions positives dans un établissement de santé permet de réduire non
seulement la douleur perçue (McCaul et Malott, 1984) mais également les effets néfastes du stress
(Ulrich, 1999). En milieu hospitalier, il s’agit principalement de musique, d’art, de jeux ou encore
d’éléments naturels ; la musique et les éléments naturels étant actuellement les plus documentés.
Concernant les différentes formes d’art, la grande majorité des patients préfèrent l’art figuratif
à l’art abstrait (Ulrich, 2000), et plus précisément les représentations de paysages naturels (Ulrich
et al., 2004).
En ce qui concerne la musique, il existe de nombreuses études ayant souligné ses effets béné-
fiques dans différentes circonstances. Une musique agréable, dont les patients peuvent contrôler le
volume, contribue souvent à réduire l’angoisse et le stress, ainsi qu’à supporter la douleur (Standley,
1986 ; Menegazzi et al., 1991). Le fait d’écouter de la musique à des moments fortement stressants,
tels que lors des examens ou soins douloureux, procure un effet anxiolytique, se traduisant par une
augmentation du confort des patients, une diminution de leur rythme cardiaque et des symptômes
d’anxiété, ainsi qu’une réduction des besoins en produit anesthésiant (Knight et Rickard, 2001 ;
Moss, 1988 ; Yilmaz et al., 2003). D’autres études ont également montré que la musique pouvait
diminuer les douleurs dues à un cancer (Beck, 1991) ou encore des douleurs chroniques (Schorr,
1993). Les femmes ayant pu écouter de la musique durant leur accouchement (sans péridurale) ont
ressenti moins de douleur que celles d’un groupe contrôle (Phumdoung et Good, 2003). Les effets
bénéfiques de la musique sur la douleur et l’anxiété ressenties ont également été mis en évidence
suite à une opération à cœur ouvert (Voss et al., 2004). Enfin, la diffusion de musique douce dans
les salles d’attente a tendance à réduire le niveau de stress des patients (Routhieaux et Tansik, 1997).

2.5 Les éléments naturels


Ulrich (1984) a été le premier à montrer les effets bénéfiques des environnements naturels sur
la santé. Depuis, de nombreuses études ont pu mettre en évidence que la nature avait tendance à
augmenter le sentiment de bien-être et à diminuer les manifestations physiologiques de stress. Dans
un centre hospitalier, l’accès à la nature peut prendre différentes formes : il peut par exemple s’agir
d’un accès visuel ou physique sur une forêt, un parc ou un jardin ; de la présence de plantes au
sein de l’établissement ; de la présence de photos de paysages naturels ou de peintures et dessins les
représentant ; de la présence de fontaines ou d’aquarium ; ou encore de la diffusion de sons naturels.
Les travaux d’Ulrich (1984) ont permis de montrer que les patients bénéficiant d’une chambre
avec vue sur une forêt consommaient moins d’analgésiques, récupéraient plus rapidement et restaient
moins longtemps hospitalisés que ceux ayant vu sur le mur voisin (cette étude fait l’objet d’une
présentation détaillée dans la seconde partie de ce chapitre). Tant les patients que le personnel
médical préfèrent avoir une vue donnant sur un environnement naturel plutôt que sur des bâtiments
(Verderber, 1986). De nombreuses études ont montré que la nature pouvait avoir un effet bénéfique
sur le niveau de douleur ressentie (Ulrich et al., 2008 ; Malenbaum et al., 2008). Diette et al. (2003)
ont, par exemple, mis en évidence que durant une bronchoscopie douloureuse, les patients regardant
un plafond décoré de scènes naturelles et écoutant des sons de la nature (chant d’oiseaux, bruit
d’eau…) déclaraient ressentir moins de douleur que ceux d’un groupe contrôle regardant un plafond
Concevoir des centres de soins propices à la guérison 307

blanc. Faire écouter des sons naturels à des patients sous ventilateur mécanique a également des effets
bénéfiques sur plusieurs indicateurs physiologiques de santé (Saadatmand et al., 2013) : au cours
de l’intervention, les chercheurs observent une diminution du rythme cardiaque, de la fréquence
respiratoire et de la tension artérielle. Écouter des sons naturels s’avère ainsi une intervention effi-
cace, qui a l’avantage d’être non invasive et faisable tant d’un point de vue financier que temporel.
Enfin, la présence de jardins propices à la guérison (healing garden) dans les centres hospitaliers a
des effets bénéfiques sur les patients (Cooper-Marcus et Sachs, 2014 ; Cooper-Marcus et Barnes, 1999).
Le principal bénéfice qu’ils retiraient de leur usage du jardin était de diminuer leur état de stress
(Cooper-Marcus et Barnes, 1995). Le concept de jardins propices à la guérison (à ne pas confondre
avec l’hortithérapie ou thérapie par l’horticulture qui est une démarche visant à pratiquer le jardinage
comme thérapie) ne renvoie pas simplement à la présence d’un jardin : il s’agit en fait de jardins
conçus dans l’objectif de maximiser les effets bénéfiques pour le patient. Cette approche est encore
assez peu développée en France, mais l’est plutôt dans les centres hospitaliers d’Amérique du Nord.
Dans la littérature, on distingue principalement deux approches permettant d’expliquer pour-
quoi les éléments naturels ont des effets bénéfiques sur la santé et ont un potentiel thérapeutique
de récupération (Hartig et al., 1996) : l’une est centrée sur la capacité des environnements naturels
à diminuer le stress tant physiologique que psychologique (Ulrich, 1983 ; Ulrich et al., 1991), la
seconde est une approche plus cognitive, centrée sur la récupération attentionnelle (Kaplan et Kaplan,
1989 ; Kaplan, 1995). L’approche d’Ulrich postule que les éléments naturels ont un effet bénéfique
sur le stress et le bien-être car ils augmentent les émotions positives et réduisent les pensées néga-
tives et le stress. En revanche, pour Kaplan et Kaplan, les éléments naturels ont un effet bénéfique
sur la santé car ils permettent de récupérer d’une fatigue mentale et attentionnelle. La théorie de la
récupération de l’attention (Attention Restoration Theory) postule qu’un effort de concentration
prolongé ou intensif, nécessaire dans le processus d’attention volontaire, va engendrer une fatigue
mentale (Kaplan et Kaplan, 1989 ; Kaplan, 1995). Les processus attentionnels doivent alors être
moins sollicités pour pouvoir récupérer de cette fatigue. Dans ce sens, les espaces naturels seraient
des environnements reconstituants, car ils favorisent cette récupération. Pour Kaplan et Kaplan
(1989), la fascination est un facteur essentiel pour le rétablissement et la guérison. Elle correspond au
processus par lequel l’attention est retenue sans effort. En effet, le caractère fascinant d’un lieu agirait
sur les ressources attentionnelles des individus : il est supposé mobiliser les processus d’attention
involontaire, c’est-à-dire qui ne nécessitent aucun effort mental, ceci au profit de la récupération
des capacités attentionnelles volontaires (qui nécessitent un effort mental).

2.6 Le wayfinding
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le wayfinding correspond aux processus mis en œuvre par un individu pour s’orienter dans l’espace
et se déplacer. Il renvoie aux différentes caractéristiques physiques de l’espace ainsi qu’aux processus
cognitifs permettant aux individus de se situer dans un lieu, de s’orienter, de choisir leur trajet et
de se déplacer vers leur objectif (Passini, 1996). On retrouve généralement le terme anglophone
wayfinding dans la littérature française, mais parfois le terme « orientation spatiale » lui est préféré.
L’orientation spatiale est une dimension importante à prendre en compte dans la conception
des hôpitaux. En effet, un environnement dans lequel patients et visiteurs éprouvent des difficultés
à s’orienter et à trouver ce qu’ils cherchent va engendrer frustration et désorientation, ce qui aura
pour conséquence d’accroître leur niveau de stress (Moeser, 1988). Même s’ils ont recensé dix-huit
études portant sur le wayfinding à l’hôpital, Ulrich et al. (2008) indiquent qu’elles ne permettent
pas de mettre en évidence un ou plusieurs facteurs bien précis qui engendreraient du stress. C’est
plutôt un wayfinding globalement inefficace qui est envisagé comme exacerbant le stress des usagers.
308 Psychologie de la santé : applications et interventions

Les recherches se sont donc plutôt attachées à identifier quelles pouvaient être les caractéristiques
d’un wayfinding efficace versus inefficace. La plupart du temps, les freins à un wayfinding efficace
se situent dans une signalétique inadaptée ou dans une conception architecturale trop complexe
dans laquelle il est très difficile de se repérer et de s’orienter malgré une signalétique performante
(Passini, 1996). Peu d’études ont réellement comparé l’efficacité de différents systèmes de signa-
lisation (Ulrich et al., 2008). De plus, les couleurs et lumières peuvent contribuer aux difficultés
d’orientation (Brown et al., 1997).
Dans cette première partie, nous avons exposé les principaux éléments théoriques expliquant
l’influence des caractéristiques physiques des centres de soin sur la santé des patients. Nous allons
maintenant nous attacher à présenter de façon plus détaillée quelques études.

3. Champs et terrains d’application

L’objectif de cette deuxième partie est de présenter deux exemples d’études et/ou interventions
réalisées en centre de soins dans le but d’étudier les effets de certaines caractéristiques spatiales sur
la santé et la guérison.
La première étude que nous avons choisi de présenter est celle menée par Robert Ulrich en 1984.
Nous l’avons retenue car il s’agit de l’étude considérée dans la littérature comme celle qui a donné
l’impulsion au champ de recherches portant sur le design et l’aménagement des centres de soins.
ue

Nature et santé
q
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Ulrich (1984) a réalisé son étude de 1972 à 1981 auprès de 46 patients (30 femmes et 16
l
C as c
hommes) ayant subi une cholécystectomie (ablation de la vésicule biliaire). Son objectif était
d’étudier les effets de la nature sur leur santé.
Tous les patients séjournaient en chambres doubles, dont les caractéristiques étaient similaires.
Chacune des chambres disposait d’une fenêtre de dimensions 183 × 122 cm. La seule différence était
que certaines avaient vue sur le mur d’un bâtiment, et d’autres sur la forêt. Les patients pouvaient voir
à l’extérieur même lorsqu’ils étaient allongés dans leur lit. Cette étude a uniquement été réalisée entre
mai et octobre, ce qui correspondait à la période où les arbres avaient leur feuillage. Étaient inclus dans
l’étude les patients âgés de 20 à 69 ans, sans troubles psychologiques et pour lesquels l’opération n’avait
engendré aucune complication grave. Ils étaient alors répartis en deux groupes équivalents (avec vue sur
la forêt versus sur le mur) selon la disponibilité des chambres. L’équivalence a été appréciée à partir des
sept variables suivantes : sexe, âge (à 5 ans près), tabagisme (fumeur ou non-fumeur), poids (normal ou
obèse), l’année de l’opération, la nature d’hospitalisations préalables, et l’étage de la chambre occupée.
Les chercheurs souhaitaient également apparier les sujets en fonction du chirurgien qui les opérait, mais
cela n’a pas été possible compte tenu du nombre important de chirurgiens exerçant dans l’hôpital.
Pour chaque patient, les données suivantes ont été recueillies par une infirmière : durée de l’hospitali-
sation (en nombre de jours), quantité et type d’analgésiques consommés chaque jour, quantité et type
d’anxiolytiques consommés par jour, présence de complications mineures (maux de tête, nausée). De
plus, les infirmières étaient chargées de noter des appréciations sur le comportement et la santé des
patients. Ces appréciations étaient ensuite regroupées en deux catégories : les appréciations positives
(par exemple : bouge bien, bon état d’esprit…) et les appréciations négatives (par exemple, bouleversé,
pleure, a besoin d’encouragements…).

Concevoir des centres de soins propices à la guérison 309


Les résultats indiquent que les patients ayant une vue sur les arbres (m = 7,96 jours) sont hospitalisés
significativement moins longtemps que ceux ayant une vue sur le mur de briques (m = 8,7). Les infirmières
ont noté significativement plus d’appréciations négatives pour les patients avec vue sur le mur (m = 3,96
appréciations) que pour ceux ayant vue sur les arbres (m = 1,13).
Conformément à leurs attentes, les auteurs ont constaté que la consommation d’analgésiques (évaluée
en nombre de doses) le premier jour après l’opération était identique dans les deux groupes : ils suppo-
saient en effet que les patients seraient soit trop drogués soit trop absorbés par leurs douleurs
pour prêter attention à la fenêtre et au paysage. En revanche, il existe des différences signi-
ficatives les quatre jours suivants : les patients avec vue sur les arbres consomment moins
d’analgésiques forts ou modérés et plus d’analgésiques légers que ceux ayant une vue
sur le mur (figure 12.1).

6
5,39
5

4 3,65

3 2,48 2,57
2 1,74
0,95
1

0
Analgésique Analgésique Analgésique
puissant modéré léger
Arbres Mur de briques

Figure 12.1 – Quantité moyenne d’analgésique consommée par jour, entre le 2e et le 5e jour postopératoire

Aucune différence significative n’est, par contre, observée concernant la quantité d’anxiolytiques
consommés. Enfin, les patients avec vue sur les arbres ont tendance à rapporter un peu moins
de complications mineures que les patients ayant vue sur le mur, mais cette différence n’est pas
significative.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ulrich conclut toutefois que ces résultats ne peuvent pas être généralisés à tous les patients. En
effet, ils portent sur les effets d’une chambre avec vue sur la forêt sur la consommation d’antidou-
leurs de patients hospitalisés pendant une courte période et pour une opération. Les choses seraient
probablement très différentes pour des patients hospitalisés en long séjour, qui ont plutôt tendance
à s’ennuyer et à manquer de stimulations.
Dans cette étude, on peut constater que la notion de santé est opérationnalisée par des indicateurs
uniquement médicaux et « objectifs » : la durée de l’hospitalisation, la quantité de médicaments
consommés, le nombre de complications, le comportement des patients. À aucun moment il n’est
pris en compte le vécu et le ressenti du patient : les chercheurs mesurent la quantité d’analgésiques
qu’il consomme, mais ne lui demandent pas d’estimer sa douleur. Cette approche purement quan-
titative et médicale comporte certes des limites, mais n’en reste pas moins intéressante. De plus, elle
permet aussi d’ancrer les résultats dans une perspective économique : un patient qui reste moins
longtemps hospitalisé et qui consomme moins de médicaments coûte moins cher !
310 Psychologie de la santé : applications et interventions

La seconde étude que nous avons choisi de présenter (Walch et al., 2005) permet d’aller plus
loin sur ces deux aspects, à savoir la prise en compte de la santé psychologique et l’évaluation du
bénéfice économique.
ue

Lumière et douleur
q
ini

Walch et al. (2005) ont réalisé la première étude visant à évaluer les effets de la lumière

C as cl naturelle sur la consommation d’analgésiques après une opération chirurgicale. Leur but était
d’évaluer dans quelle mesure la quantité de lumière naturelle présente dans une chambre d’hô-
pital pouvait influencer la santé psychosociale des patients, la quantité d’analgésiques consommés
ainsi que le coût de la médication antidouleur.
Compte tenu de l’impact de la lumière sur les symptômes de dépression, les patients présentant des
antécédents de dépression ou étant sous antidépresseurs au moment de l’opération n’ont pas été inclus
dans l’étude. Un autre critère d’exclusion était de sortir de l’hôpital dès le lendemain de l’opération.
Parmi les 147 patients approchés, 46 (31,3 %) ont refusé de participer et 12 (8,2 %) ne correspondaient
pas aux critères d’inclusion. Au final, 89 patients ont participé à leur étude (43 hommes et 46 femmes).
Ils étaient âgés en moyenne de 59 ans, et ont tous subi une opération de la colonne vertébrale ou des
vertèbres cervicales. Ils séjournaient dans des chambres individuelles, toutes de même taille et de même
configuration, mais il pouvait s’agir soit d’une chambre lumineuse (n = 44 patients) soit d’une chambre
sombre (n = 45). L’intensité de la lumière a été mesurée dans la chambre de chaque patient tous les jours
à 9 h 30 et 15 h 30. Certaines chambres étaient ainsi jugées sombres car le bâtiment voisin leur faisait de
l’ombre, empêchant ainsi la lumière du soleil d’y entrer. L’attribution des chambres se faisait en fonction
de leur disponibilité.
Aucune différence significative n’est observée entre les patients des deux groupes pour les caractéristiques
sociodémographiques et les données médicales préopératoires.
Après l’opération, les analgésiques étaient donnés aux patients en fonction de leurs demandes, ceux-ci
pouvant d’ailleurs s’auto-administrer ces analgésiques au cours de la première journée postopératoire. Une
infirmière relevait chaque jour la quantité d’analgésiques consommés. Celle-ci était ensuite transformée
en son équivalent de morphine.
En parallèle, les chercheurs recueillaient des informations concernant la santé psychologique des patients
via un questionnaire auquel ils devaient répondre à deux reprises : une première fois le lendemain de
l’opération et une seconde le jour de la sortie. Il était constitué de quatre échelles : une échelle permet-
tant d’évaluer l’intensité de la douleur ressentie (McGill Pain Questionnaire), une échelle mesurant les
symptômes dépressifs (CES-D), une échelle de stress perçu (PSS) et une échelle d’anxiété (POMS).
Les résultats indiquent que les patients ayant séjourné dans une chambre lumineuse ont été exposés en
moyenne à 46 % de lumière naturelle en plus par jour que ceux ayant séjourné dans une chambre sombre.
Ils ont tendance à avoir moins mal, consomment 22 % d’analgésiques en moins par heure (3,2 mg/h d’équi-
valent morphine pour les patients en chambre lumineuse et 4,1 mg/h pour ceux dans une chambre plus
sombre). Autrement dit, les patients dans les chambres sombres consomment 28,3 % d’analgésiques par
heure de plus que ceux dans une chambre lumineuse. Les analyses statistiques indiquent également que
cette différence n’est pas influencée par les caractéristiques sociodémographiques et les antécédents
médicaux des patients. La seule variable ayant une influence sur la quantité d’analgésiques consommés
est l’âge : plus les patients sont jeunes plus ils consomment d’antidouleur.

Concevoir des centres de soins propices à la guérison 311


Concernant les dépenses en antidouleur, elles étaient en moyenne de 0,23 dollar de l’heure pour les
patients dans une chambre lumineuse et de 0,29 $/h pour ceux dans une chambre sombre. Une chambre
lumineuse représente donc un gain financier moyen de 21 % par rapport à une chambre sombre. Si on
rapporte ces chiffres à la durée moyenne du séjour, on observe qu’un patient hospitalisé dans une chambre
sombre a coûté 3,79 dollars de plus en antidouleur qu’un même patient hospitalisé dans une chambre
lumineuse.
Concernant les mesures psychologiques, les résultats révèlent des différences significatives entre les
deux groupes de patients pour les niveaux de douleur et de stress déclarés, mais pas pour les niveaux
d’anxiété et de dépression. Lors de la première évaluation le lendemain de l’opération, les sujets des
deux groupes ont un niveau similaire de stress et ressentent des douleurs de même intensité. En
revanche, on peut observer des différences le jour de leur sortie : les patients ayant séjourné
dans une chambre lumineuse ressentent une douleur significativement moins intense que
ceux ayant séjourné dans une chambre sombre (figure 12.2), ce qui indique que leur douleur
a significativement plus diminué.

7
5,9 6 5,8
6

4 3,8
1er jour
Jour sortie
3

0 Chambre
Chambre
lumineuse sombre

Figure 12.2 – Scores de douleur ressentie

De plus, les patients en chambre lumineuse présentent significativement moins de symptômes


de stress que ceux ayant séjourné dans une chambre sombre (figure 3) : pour les premiers, le niveau
de stress a significativement diminué entre leur premier jour d’hospitalisation et leur sortie, alors
que ce n’est pas le cas pour les seconds.
312 Psychologie de la santé : applications et interventions

18
17
17 16,5
16 15,6
15
1er jour
14 Jour sortie

13 12,7
12
11
10
Chambre Chambre
lumineuse sombre

Figure 12.3 – Scores de stress perçu

Cette étude met en évidence des résultats particulièrement intéressants concernant les effets de la
lumière sur la santé et la guérison. Contrairement à celle d’Ulrich (1984) présentée précédemment,
elle prend en compte les dimensions physiques et psychologiques de la santé. On peut néanmoins
regretter que les chercheurs se soient contentés d’étudier les effets de la lumière sur chaque indicateur
pris séparément en donnant les moyennes par groupe et qu’ils n’aient pas réalisé des analyses plus
globales. Ils ne mentionnent donc pas les éventuels liens qu’il pourrait y avoir entre ces différents
indicateurs. Pourtant, il aurait été intéressant de les explorer. Ceci aurait par exemple permis de
savoir si les patients qui consomment le moins d’antidouleurs sont également ceux qui déclarent
avoir le moins mal.
Les deux études présentées ici sont toutes deux assez représentatives de la littérature dans le
champ de l’EBD (evidence-based design), notamment en termes de méthodologie mise en œuvre.
Or certains auteurs commencent à avancer l’idée qu’une des limites de l’EBD serait justement d’avoir
principalement recours à des méthodes quantitatives, notamment à des essais contrôlés randomisés
(Cooper-Marcus et Sachs, 2014). Ce type de méthodes étant considéré comme le nec plus ultra dans
le domaine médical, les utiliser permet de crédibiliser les résultats aux yeux de la communauté médi-
cale et d’apporter des arguments valables justifiant les propositions d’aménagement. Néanmoins,
ces paradigmes commencent à être remis en question, notamment pour les recherches portant sur
la santé et la guérison, car ils ont tendance à s’intéresser à des variables très ciblées. Et ce découpage
ne reflète pas toujours la réalité du terrain à laquelle on peut être confronté en tant que praticien.
Ainsi, Day (2007) propose une lecture critique des pratiques dans les services de soins intensifs.
Selon elle, les pratiques, procédures et comportements dans ce type d’unités reposent quasi exclu-
sivement sur des données scientifiques issues d’études médicales ou biologiques, fondées sur des
essais contrôlés randomisés ayant montré l’efficacité d’un produit ou d’une intervention. Elle pose
ainsi la question de la pertinence des mesures utilisées pour évaluer l’état de santé des patients, et
estime que l’état de santé du patient (dans le sens donné par l’OMS à la santé) va au-delà de données
purement objectives telles que la durée du séjour, le niveau de douleur ou la tension artérielle. Elle
prône la prise en compte d’une dimension plus humaine dans la prise en charge des patients en
soins intensifs, qui ne se limiterait plus à l’usage de moniteurs bruyants et de médicaments (dont
l’efficacité a été prouvée par des ECR).
Même si la santé et la guérison sont largement étudiées dans la littérature scientifique, il semble
toutefois difficile d’opérationnaliser toute la complexité à l’œuvre dans le processus de guérison
Concevoir des centres de soins propices à la guérison 313

d’un patient (O’Malley, 2005). Pour cela, les méthodes de recherches couramment utilisées ne
suffisent pas : il convient de trouver des méthodes innovantes permettant de comprendre toute
cette complexité, en alliant notamment données quantitatives et qualitatives. C’est tout l’enjeu
des recherches futures.

4. Perspectives pour la mise en œuvre

L’objectif de cette troisième et dernière partie est de fournir au lecteur quelques recommandations
générales à prendre en compte lors de la conception d’un centre de soin propice à la guérison, celles-
ci étant issues des éléments théoriques présentés dans la première partie.
Dans un premier temps, on peut retenir les recommandations très générales proposées par Ulrich
(1997) dans sa théorie du milieu propice à la guérison (theory of supportive design). Il y stipule que les
établissements de santé doivent être conçus de manière à aider les patients à surmonter leur stress.
Et pour cela, ils doivent permettre trois choses : développer le sentiment de contrôle et l’intimité du
patient, favoriser le soutien social, et enfin permettre l’accès à la nature et à des distractions positives.
Nous proposons ensuite quelques lignes directrices générales permettant d’améliorer la santé et
le bien-être des patients. Chacune d’elles sera associée à quelques recommandations plus spécifiques
pour leur mise en œuvre. Mais il ne s’agit bien évidemment pas d’une liste exhaustive. Contrairement
à la première partie où nous sommes partis des caractéristiques physiques de l’environnement pour
évoquer leurs effets, bénéfiques ou néfastes, sur la santé, nous structurerons ces recommandations
en partant des effets sur la santé. Pour qu’un centre de soin soit propice à la guérison, sa conception
doit permettre :

•  D’améliorer la qualité du sommeil : en effet, le manque de sommeil a de nombreux effets délé-


tères sur le fonctionnement physiologique des patients (Pilkington, 2013), retardant ainsi le
processus de guérison. Il convient donc de mettre en œuvre des solutions visant à améliorer la
qualité du sommeil. Ces solutions reposent principalement sur deux démarches complémen-
taires : réduire le bruit et la luminosité pendant la nuit.

•  D’augmenter le niveau de contrôle : pour cela, plusieurs pistes peuvent être envisagées. Dans un
premier temps, il s’agit de permettre aux patients de contrôler les différents facteurs d’ambiance :
température ambiante, son, lumière. Ensuite, il peut être bénéfique que le patient puisse dans
une certaine mesure s’approprier sa chambre en la personnalisant, soit en apportant des objets
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

personnels, soit en choisissant certains éléments de décoration. Par exemple, certains hôpitaux
proposent parfois aux patients de choisir le tableau accroché dans leur chambre parmi quelques
possibilités. Enfin, augmenter le niveau de contrôle passe aussi par une meilleure lisibilité des
lieux, permettant de s’orienter et se déplacer plus facilement. Pour cela, il s’agit de concevoir
un système de wayfinding et de signalisation efficace.

•  De respecter et faciliter la privacité : pour cela, les pistes suivantes peuvent être envisagées :
− privilégier les chambres individuelles, car les chambres doubles ou multiples peuvent engendrer
un manque de confidentialité dans les conversations médicales, un manque de privacité lors
des visites, et un manque de contrôle sur les interactions sociales des autres patients (Firestone
et al., 1980) ;
− privilégier dans la chambre l’utilisation de matériaux isolant du bruit ;
314 Psychologie de la santé : applications et interventions

− dans les salles collectives de soins ou d’examens, privilégier les séparations « en dur » et dans
des matériaux isolant plutôt que des séparations au moyen de rideaux.

•  De faciliter le soutien social : Même si les bénéfices du soutien social ont largement été démon-
trés, il existe très peu d’études qui se sont intéressées à la façon dont les aménagements d’un
espace hospitalier pouvaient le faciliter. Ulrich (1997) préconise néanmoins plusieurs pistes
d’aménagement :
− prévoir des aires d’attente confortables ;
− aménager des aires de restauration agréables ;
− installer des fauteuils ou canapés afin d’accueillir les visiteurs ;
− prévoir un lieu où l’entourage peut passer la nuit ;
− créer des zones favorisant les interactions sociales entre patients et visiteurs tout en préservant
leur intimité.

•  De réduire la douleur, le stress et l’anxiété : comme évoqué dans la première partie, il est possible
d’agir sur ces aspects dès la conception des espaces. Il s’agit donc :
− de limiter le bruit ;
− d’augmenter le niveau contrôle ;
− de favoriser le soutien social ;
− d’apporter des distractions positives, par exemple en diffusant de la musique ou des sons
naturels dans les salles d’attente ou lors d’examens et de soins douloureux (l’idéal étant que
le patient puisse choisir sa musique et en contrôler le volume), en installant des œuvres d’art
ou des aquariums dans les espaces communs, en décorant la chambre avec des photos ou
peintures (idéalement, ces éléments seront choisis par le patient), en proposant des activités
de diversion pendant les soins ou examens douloureux, etc. ;
− de maximiser la présence d’éléments naturels et l’accès à la nature. Il s’agit notamment de
maximiser la présence de lumière naturelle. Dans la mesure du possible les chambres doivent
toute comporter une large fenêtre ou une baie vitrée, permettant au patient de regarder à
l’extérieur, de préférence avec vue sur un espace naturel. Et plus généralement, une fenêtre
devrait être présente dans tous les espaces (salles d’attente, salles d’examen, salles de soins…).
Il est également possible d’installer des plantes, des fleurs, des fontaines ou des aquariums dans
les zones communes. Il peut aussi s’agir de créer des jardins propices à la guérison, intérieurs
et/ou extérieurs, comprenant des plantes, des arbres, des fleurs, des points d’eau. Le lecteur
intéressé par la conception de ce type de jardins dans les centres hospitaliers pourra trouver
des éléments très détaillés sur cette question dans l’ouvrage de Cooper-Marcus et Sachs (2014).
Outre les principaux éléments théoriques permettant d’expliquer leurs bienfaits sur la santé,
il fournit de nombreuses recommandations détaillées sur la façon dont ces jardins doivent
être aménagés et ces recommandations sont illustrées par de nombreux exemples de jardins
existants.

•  De limiter les problèmes de désorientation spatiale en concevant un système de wayfinding


efficace
Un système efficace de wayfinding doit permettre aux usagers d’élaborer une carte mentale des
lieux, de s’orienter et de trouver la bonne direction. Il doit être clair et compréhensible par tous les
usagers. Un tel système implique une approche coordonnée prenant en compte à la fois une signa-
lisation visible et facilement compréhensible (avec numéro, images ou pictogrammes), la clarté des
indications de directions, la diffusion de plans clairs et lisibles, ainsi qu’une conception architecturale
cohérente et lisible (Carpman et Grant, 1993).
Concevoir des centres de soins propices à la guérison 315

Pour ce faire, les études existantes fournissent différentes recommandations :

•  Éviter les conceptions architecturales trop complexes et privilégier une structure simple et
lisible qui permettra de s’orienter plus facilement. En effet, un wayfinding efficace se pense
dès la conception architecturale du bâtiment : les plans doivent être conçus en fonction d’une
structuration logique et explicite des lieux et/ou services (Passini, 1996). Dans le cas contraire,
les usagers éprouveront des difficultés à s’en faire une représentation mentale et à s’y orienter,
comme c’est par exemple le cas pour un labyrinthe.

•  Délimiter clairement les différentes zones (espaces communs, espaces d’attente, zones de soins,
zones des chambres…), afin que les usagers puissent facilement identifier le moment où il
passe d’une zone à une autre. Ceci peut par exemple être mis en œuvre par un changement
d’ambiance (couleur des murs, des sols et/ou des plafonds…) ou par l’utilisation d’éléments de
décoration comme points de repères.

•  Concevoir une signalisation claire et lisible dans les locaux. Ceci peut se matérialiser par la
présence d’un plan général des lieux à différents endroits stratégiques, mais aussi par la possi-
bilité d’accéder à ce plan à partir du site internet de l’établissement, ce qui permet aux usagers
d’anticiper leur venue. À l’intérieur du bâtiment, on peut envisager d’installer des plans avec
indication d’une flèche « vous êtes ici » pour en faciliter la lecture. Il est alors préférable de
positionner ce type de plan en plaçant en haut la direction face à nous (Levine et al., 1984
ont ainsi montré que dans le cas contraire, les usagers mettent plus de temps à trouver leur
chemin). Il est également possible de mettre en place des bornes interactives d’orientation,
comme c’est déjà le cas dans certains hôpitaux en France. Il est aussi recommandé de placer
des signalisations de direction à chaque intersection majeure et en cas d’absence d’intersections
environ tous les 45 à 75 mètres (Carpman et al., 1984).Enfin, il convient de privilégier l’uti-
lisation de termes et/ou pictogrammes simples pour la désignation des bâtiments et services.
Le lecteur pourra trouver des recommandations quant aux pictogrammes à utiliser dans les
centres hospitaliers dans l’étude de Rousek et Hallbeck (2011). L’avantage de cette étude est
qu’elle prend en compte le fait que certains usagers d’un hôpital peuvent avoir des problèmes
de vue, et qu’il convient donc de réaliser une signalétique lisible et compréhensible par tous.
Sur les aspects relatifs au wayfinding, le lecteur trouvera des recommandations plus précises
illustrées d’études de cas dans le rapport de Huelat (2007), disponible en ligne, ainsi que dans
l’article de Passini (1996).

•  Minimiser les aspects intimidant de l’hôpital : l’aménagement intérieur doit permettre de créer
une ambiance plus accueillante, plus familière et moins froide. Ceci passe notamment par des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

choix judicieux de mobiliers, de matériaux, de couleurs et de décorations. Ainsi, certains hôpi-


taux d’Amérique du Nord ont une conception qui les fait plus ressembler à des hôtels (hotel-like
hospital) qu’à l’image que l’on a des hôpitaux en France.
Pour plus d’informations sur l’ensemble de ces aspects, le lecteur pourra visiter le site Internet
du Center for Health Design. Il s’agit d’un organisme créé en 1993 et regroupant un ensemble de
professionnels issus de différentes disciplines autour de l’idée que le design peut être utilisé pour
améliorer la santé et la guérison des patients dans les centres de soin. Le site Internet propose de
nombreuses informations et publications sur ce thème, ainsi qu’un outil interactif11 proposant un
ensemble de recommandations à prendre en compte à chaque étape de la conception d’un centre
hospitalier. Enfin, le lecteur y trouvera la description de plusieurs projets de conception ou de

1. 1. http://www.healthdesign.org/clinic-design/design-recommendations
316 Psychologie de la santé : applications et interventions

rénovation de centres hospitaliers appliquant ces principes : l’avantage est qu’ils sont illustrés de
nombreuses photos, beaucoup plus parlantes qu’un long texte !

5. Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons mis en évidence que créer des environnements propices à la guérison
avait des effets bénéfiques sur la santé et le processus de guérison. Pour Ulrich (1992), ce type
d’environnements représente un investissement intelligent pour les structures, car ils ont un effet
bénéfique tant sur les patients que sur le personnel soignant, ce qui aboutit à terme à la réalisation
d’économies. Ce type de démarche, centrée sur les patients, consiste à replacer le patient au cœur
de l’hôpital et des soins (patient-centered hospital).
Pour terminer, nous avons donné ici un certain nombre de recommandations très générales à
prendre en compte pour concevoir des centres hospitaliers propices à la guérison. Néanmoins, il
s’agit ici de recommandations réellement générales. Ce qui signifie qu’il faut en ajouter d’autres,
plus spécifiques au type de pathologies ou de patients pris en charge par une structure ou un service.
On peut ainsi prendre l’exemple des établissements accueillant des personnes âgées atteintes de la
maladie d’Alzheimer : leur conception doit prendre en compte les symptômes spécifiques à cette
maladie, notamment ceux de désorientation, d’amnésie et d’agnosie spatiales. L’espace peut dans
ce cas s’avérer être un support thérapeutique permettant de pallier, au moins partiellement, aux
déficiences des patients. L’objectif de ce chapitre n’était pas de détailler ces aspects bien spécifiques.
Le lecteur intéressé par cette question pourra se référer à une publication précédente (Fischer et
Dodeler, 2009).

Lectures conseillées
Cooper-Marcus, C. et Sachs, N. (2014). Therapeutic landscapes – An evidence-based
approach to designing healing gardens and restorative ourdoor spaces. New York, John
Wiley et Sons.
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review of the literature. Environment and Behavior, 35 (5), 665-694.
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healthcare facilities into healing environments through psychologically mediated
effects : systematic review. Journal of Advanced Nursing, 56 (2), 166-181.
Malenbaum, S., Keefe, F.J., Williams, A.C., Ulrich, R.S. et Somers, T.J. (2008). Pain in
its environmental context : implications for designing environments to enhance pain
control. Pain, 134, 241-244.
Ulrich, R.S., Zimring, C., Joseph, A., Quan, X. et Choudhary, R. (2004). The role of the
physical environment in the hospital of the 21st century : A once-in-a-lifetime opportunity.
Report to The Center for Health Design.
Concevoir des centres de soins propices à la guérison 317

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Index des notions

A diagnostic éducatif 48
douleur 259
Acceptance Commitment Therapy = ACT 114
douleur chronique 259
activité physique 59
droits sexuels 104
adaptation 201
addiction 179
ajustement 201
E
alimentaire 176 écoute clinique 89
alliance thérapeutique 113, 139, 141 éducation à la santé sexuelle 88
analyse d’implantation 161, 165 éducation thérapeutique 37
anamnèse 136 EMDR 19, 114, 269
anorexie 175 empowerment relationnel 182
anxiété 118, 265 environnement propice à la guérison 301
apprentissage opérant 261 environnement(s) 301
apprentissage répondant 261 espace personnel 305
autorégulation 41 espérance de vie 60
evidence-based design 301
evidence-based medicine 301
B
bien-être 281 F
Body Project 184
facteurs communs 141
boulimie 175
facteurs d’ambiance 303
Brief Sexuality Communication 92
Focus groups 291
bruit 303
forces 18
but de santé 41
forces de caractères 19
Buts de vie 41

G
C
groupe 99
cancer 60, 93, 197
choc de la maladie 116
communautaire 155
H
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

compétences 49 Health Belief Model 40


comportements à risques 225 hôpital 315
concept de demande 112 hypnose 113, 115
conduites alimentaires 175
conduites à risques 221, 224 I
conseil 89 induction de dissonance cognitive 184
contrôle 304 informations 96
counseling 91 institutions 23
intervention 207
D interventions complexes 123
dépistage des cancers 199
dépression 118, 265 J
diabète 60, 62, 121 justice sociale 283, 295
324 Psychologie de la santé : applications et interventions

L R
Lifestyle Management for Arthritis Programme recherche communautaire 165
42 recherche interventionnelle 197
lumière 303 réduction des risques 152
relation d’aide 90
M relaxation 113
représentations de la maladie 41
maladie 116
risque de mortalité 60
maladies cardiovasculaires 60, 119
risques 151
mécanisme de défense 142
médecin généraliste 70
Mindfulness-Based Cognitive Therapy 113 S
Mindfulness-Based Stress Reduction 113 santé public 175
modèle béhavioriste 38 santé sexuelle 86
modèle constructiviste 39 satisfaction de vie 20
modèle de l’addiction 179 sclérose en plaques 122
modèle de Prochaska 39 sécurité négociée 154
modèle « Gallup Clifton StrengthFinder » 17 sédentarité 64, 73
modèle « Realise2 » 17 self-empowerment 40
modèles de prévention 181 seropositioning 154
modèle « Values in Action » (VIA) 18, 27 serosorting 154
sexualité 85, 86
soins palliatifs 214
O
sophrologie 113
obésité 175 soutien social 99
stress post-traumatique 264
P
prévention 175 T
prévention combinée 165 théorie sociale cognitive 40
prise de risque 223 thérapie(s) cognitivo-comportementale(s)
Privacité 305 122, 266
programmes d’intervention 24 triangulation méthodologique 151
promotion de la santé 187
psychodynamique 115, 129
V
psychologie communautaire 281
vécu de la maladie 116
psychologie critique de la santé 285
vertus 18
psychologie positive 13
VIH 98, 151
psychologie sociale 151
psychothérapie positive 25
psychothérapie(s) 111 W
wayfinding 307
Q
qi gong 113 Y
qualité de vie 208 yoga 113, 115

Composition : Soft Office (38)

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