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Petite enfance et psychopathologie, par A. Guédeney. 2014, 312 pages.
L’attachement : approche clinique, par N. Guédeney et A. Guédeney. 2010,
256 pages.

Dans la même collection


Psychopathologie transculturelle, par T. Baubet, M.-R. Moro. 2009, 312 pages.
Enfance et psychopathologie, par D. Marcelli, D. Cohen. 2009, 8e édition,
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Psychopathologie du sujet âgé, par G. Ferrey, G. Le Gouès. 2008, 384 pages.
Adolescence et psychopathologie, par D. Marcelli, A. Braconnier. 2008,
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Psychopathologie de la scolarité. De la maternelle à l’université,
par N. Catheline. 2007, 2e édition, 352 pages.
Introduction à la psychopathologie, par A. Braconnier, E. Corbobesse,
F. Deschamps et al. 2006, 352 pages.
La schizophrénie de l’adulte. Des causes aux traitements, par M. Saoud,
T. d’Amato. 2006, 248 pages.
Psychopathologie de l’adulte, par Q. Debray, B. Granger, F. Azaïs. 2005,
3e édition, 416 pages.
L’autisme et les troubles du développement psychologique, par P. Lenoir,
J. Malvy, C. Bodier-Rethore. 2003, 240 pages.
Psychopathologie du nourrisson et du jeune enfant, par P. Mazet, S. Stoléru.
2003, 448 pages.

Autres ouvrages
Le développement affectif et intellectuel de l’enfant, par B. Golse.
Collection « Médecine et Psychothérapie ». 2008, 4e édition, 400 pages.
Manuel de psychologie et de psychopathologie clinique générale,
par R. Roussillon et al. Collection « Psychologie ». 2007, 720 pages.
L’angoisse de séparation, par D. Bailly. Collection « Médecine
et Psychothérapie ». 2004, 2e édition, 160 pages.
Collection Les âges de la vie
Dirigée par Pr D. Marcelli

L’attachement : approche
théorique
Du bébé à la personne âgée

Nicole Guédeney et Antoine Guédeney


Avec la collaboration de :
M.P. Allona, F. Atger, V. Bekhechi, C. Brisset, M. Darnaudery,
R. Dugravier, S. Gandillot, C. Genet, C. Lamas, S. Leblanc, I. Matos,
A.-S. Mintz, F. Perdereau, M.-O. Pérouse de Montclos, C. Rabouam,
C. Sabatier, A.J. Santos, F. Silva, S. Tereno, M. Veríssimo, L. Vulliez Coady

Préface du Professeur Peter Fonagy

4e édition
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ISBN : 978-2-294-74520-1
e-ISBN : 978-2-294-74579-9

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www.elsevier-masson.fr
Liste des collaborateurs
Maria Paz Allona, psychologue, professeur adjoint de diagnostic et traite-
ment de l’enfant et de l’adolescent, Universidad del Salvador, Buenos
Aires.
Frédéric Atger, pédopsychiatre, ancien chef de clinique-assistant des hôpi-
taux de Paris, chef de service, Bureau d’Aide Psychologique Universitaire,
Fondation Santé des Étudiants de France, Paris.
Violaine Bekhechi, pédopsychiatre, praticien hospitalier, CAMPS, CHR
d’Orléans.
Camille Brisset, docteur en psychologie, maître de conférences en psy-
chologie du développement et psychologie interculturelle, université de
Bordeaux.
Muriel Darnaudery, docteur en biologie et santé, professeur des universités
en neurosciences, université de Bordeaux, laboratoire NutriNeurO, UMR
INRA 1286, Bordeaux.
Romain Dugravier, pédopsychiatre, praticien hospitalier, centre de psy-
chopathologie périnatale, Institut Paris Brune (CPPB), centre hospitalier
Sainte-Anne, Paris.
Sophie Gandillot, psychologue clinicienne, CMPE, CHU Mignot, Versailles.
Christine Genet, psychiatre, praticien hospitalier, centre hospitalier Jean-
Martin-Charcot, Plaisir.
Antoine Guédeney, pédopsychiatre, praticien hospitalier, professeur de psy-
chiatrie de l’enfant et de l’adolescent, chef du service de psychiatrie de
l’enfant et de l’adolescent, 10e Intersecteur de Psychiatrie Infanto-Juvénile
de Paris, hôpital Bichat-Claude-Bernard, université Diderot-Paris VII.
Nicole Guédeney, pédopsychiatre, ancien chef de clinique assistant des
hôpitaux de Paris, praticien hospitalier, docteur ès sciences, médecin
responsable du 2e  Intersecteur de Psychiatrie Infanto-Juvénile de Paris,
département de psychiatrie infanto-juvénile, Institut Mutualiste Mont-
souris, Paris.
Claire Lamas, psychiatre, médecin adjoint, département de psychiatrie
infanto-juvénile, Institut Mutualiste Montsouris, Paris.
Stéphanie Leblanc, professeur en psychopédagogie à l’université du Québec
à Rimouski, Canada.
Ines Matos, docteur en psychologie, institut de psychologie, université Paris
Descartes-Sorbonne Paris Cité, laboratoire de psychopathologie et proces-
sus de santé (LPPS, EA4057).
VI

Anne-Sophie Mintz, pédopsychiatre, praticien hospitalier, département de


psychiatrie infanto-juvénile, Institut Mutualiste Montsouris, Paris, CMP
du 2e Intersecteur de Psychiatrie Infanto-Juvénile de Paris.
Fabienne Perdereau, pédopsychiatre, ancien chef de clinique-assistant de la
faculté de Paris, praticien hospitalier, thérapeute familiale au CSMRP de
la MGEN, Paris.
Marie-Odile Pérouse de Montclos, pédopsychiatre, praticien hospitalier,
chef du service de psychologie et psychiatrie de l’enfant et de l’adoles-
cent, centre hospitalier Sainte-Anne, Paris.
Catherine Rabouam, psychologue clinicienne, centre médico-psycholo-
gique, Institut Mutualiste Montsouris, Paris.
Colette Sabatier, professeur émérite, université de Bordeaux.
António J. Santos, professeur agrégé, William James Center for Research,
ISPA, Instituto Universitário, Lisbonne.
Filipa Silva, doctorante, William James Center for Research, ISPA, Instituto
Universitário, Lisbonne.
Susana Tereno, docteur en psychologie, professeur associée, psychologue
clinicienne, thérapeute familiale, institut de psychologie, université Paris
Descartes-Sorbonne Paris Cité, laboratoire de psychopathologie et proces-
sus de santé (LPPS, EA4057).
Manuela Veríssimo, professeur agrégée, William James Center for Research,
ISPA, Instituto Universitário, Lisbonne.
Lauriane Vulliez Coady, pédopsychiatre, médecin des hôpitaux, service de
pédopsychiatrie du CHRU de Besançon, université de Franche-Comté.
Préface à la quatrième
édition1
La théorie de l’attachement et les considérations cliniques qui s’y rattachent
ont souvent été perçues comme se situant en opposition à la psychanalyse
et à la psychiatrie dynamique. Beaucoup d’entre nous qui travaillons dans
les deux champs ont soutenu que cette opposition était fausse, et perpétuée
surtout du fait de présupposés et de conceptions erronées. L’ignorance sous-
tend le plus souvent les opinions trop contrastées. Ce qui a échappé aux
penseurs de la psychodynamique — et de fait à d’autres dans des domaines
plus proches de la théorie de l’attachement —, c’est la complexité de cette
théorie et son approche relativement nuancée, et multifacettes, de l’étude
de la subjectivité humaine.
La théorie classique de l’attachement s’oppose en effet à la psychanalyse,
et il existe des raisons historiques à cette opposition. La théorie de l’atta-
chement est apparue à une période où le concept récemment découvert
de réalité psychique dans certains groupes masquait l’intérêt vis-à-vis du
monde objectif. La théorie de John Bowlby fut une réaction à un déséqui-
libre, une antithèse face à une certaine théorie psychanalytique, et elle a dès
lors sans doute exagéré l’importance de la vérité historique au-delà de ce
qui était plausible ou cliniquement pertinent. La dialectique a donc pris un
certain temps à se résoudre. La synthèse entre psychanalyse et attachement
a commencé à émerger dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix,
et la première édition de ce livre a joué un rôle significatif pour clarifier
certaines des confusions qui ont entouré la controverse.
La critique de la théorie de l’attachement ne se limite pas à la psycha-
nalyse. Les psychologues du développement et les spécialistes des neuros-
ciences font ensemble la même objection à la théorie de l’attachement,
qu’ils perçoivent comme étant monolithique, trop figée dans le paradigme
de la « Situation étrange » et à ses quatre catégories, et qui semble ne pas
se soucier des processus développementaux qui ne décrivent pas un che-
min de l’un des quatre modes d’attachement à l’autre. La flexibilité réelle
du système de l’attachement, son manque relatif de validité et de stabilité
au cours du temps étaient considérés comme une limitation bien plus que
comme un atout. La théorie de l’attachement, étant non déterministe, pou-
vait être discréditée du fait même qu’elle n’indiquait pas de mécanisme
stable produisant des modes d’adaptation stables. De la même façon que
pour la psychanalyse, il a fallu un temps considérable à nos collègues

1. Traduit de l’anglais par Antoine Guédeney.


VIII

développementalistes pour considérer la théorie de l’attachement comme


une théorie du développement et comme un ensemble paradigmatique de
concepts qui permette à la psychopathologie de s’inscrire dans un modèle
plus général du trouble mental.
Malgré cela, la psychopathologie du développement est devenue ces
vingt dernières années sans doute la perspective la plus généralement tenue
quant à l’étiologie des troubles psychologiques. La contribution première
de Bowlby ne fut pas de séparer les gens en sécures ou insécures du point de
vue de l’attachement ; ce fut de considérer le développement comme un
arbre dont les branches se séparent vite, mais qui peuvent cependant abou-
tir à un point commun, ce qui peut nous donner une idée quant à l’origine
possible, mais pas une idée précise de son point d’origine.
Ce qui est nécessaire pour avancer dans ce débat, et ce que le livre des
Guédeney et de leurs collègues apporte, est une vue générale et très élaborée
de l’état actuel du champ de l’attachement. Pourquoi est-ce important  ?
L’attachement est un concept psychologique de grande étendue qui a été
appliqué à la compréhension scientifique d’un large ensemble de devenirs.
Il couvre à peu près tout, depuis les soins que reçoit un bébé, l’expérience
que l’enfant développe lors de ces soins, et les fonctions que jouent ces
soins dans le développement de l’enfant tout au long de sa vie, avec le
développement de capacités clefs du point de vue psychologique, d’impor-
tantes adaptations ou mal-adaptations ou anomalies comportementales
qui peuvent être mises en lien avec des carences cruciales des premières
expériences ; l’attachement couvre encore le développement des relations à
travers l’adolescence jusqu’à l’adulte, les avatars des relations amoureuses
avec le partenaire adulte, avec les parents et les amis, la manière dont nous
sommes capables de supporter les défis que la vie nous jette, qu’il s’agisse
de la maladie, du trauma ou des soucis professionnels quotidiens  ; c’est
encore la façon dont nous réagissons aux interventions psychologiques,
et dont nous sommes capables ou non d’utiliser l’aide psychiatrique ou
psychologique. Même la qualité de la façon de vieillir est modulée par la
qualité de l’attachement.
Pour saisir toute cette complexité, nous devons faire appel à une sorte de
matrice qui puisse intégrer les domaines d’investigation et les capacités ou
les mécanismes impliqués dans l’attachement et qui se font percevoir dans
la liste des conséquences développementales listées ci-dessus. En termes de
domaines d’investigation, la recherche « attachement-pertinente » couvre
un large spectre, depuis la biologie moléculaire et la génétique en passant
par les caractéristiques structurales et fonctionnelles du développement
cérébral, du développement émotionnel et cognitif, pour en venir à ce qui
est sans doute le domaine le plus important, celui de la construction des
relations intimes, la formation des organisations sociales et le comporte-
ment individuel autant que systémique.
IX

Saisir les mécanismes en même temps que les différents niveaux d’obser-
vation où ils interviennent semble être une tâche impossible en l’état
actuel des connaissances. Si nous visualisons le domaine de l’attachement
comme étant une grille dans laquelle les capacités ou les fonctions sont des
colonnes, et les niveaux d’observations des rangs, nous ne percevons une
matrice que bien peu remplie. Par exemple, la régulation émotionnelle
peut être un aspect essentiel du domaine de l’attachement —  et on en
connaît de fait beaucoup sur le plan psychométrique, et sans doute un
peu sur le plan comportemental. Cependant, son impact sur les systèmes
sociaux et encore moins son niveau moléculaire sont bien moins clairs.
De la même façon, les observations du comportement comme la Situation
étrange s’adressent seulement à la qualité des interactions parent-enfant ;
elles échouent à se généraliser à d’autres contextes ; attendre d’elles qu’elles
le fassent comporte le risque d’un coup fatal à toute attente monolithique
de systématisation.
Heureusement, la complexité du concept d’attachement a été mise en
relief de façon vive, à mesure que le champ maturait. Nous n’attendons
plus de trouver de simples relations linéaires entre les capacités liées à l’atta-
chement et les différents systèmes dans lesquels ces différentes capacités
sont observables. Nous n’attendons plus non plus un système chronolo-
gique par trop simplifié, dans lequel on pourrait décrire une ligne temporale
directe entre les capacités et les niveaux d’observation. L’avènement de la
théorie de l’attachement a pour conséquence que nous parlons maintenant
d’une interaction complexe de systèmes et de capacités, et non plus d’un
modèle explicatif simple, pas plus simple que ne le sont les concepts simi-
laires de santé, de travail ou d’éducation. Toute tentative de localiser la santé
dans un organe, ou même dans plusieurs systèmes, ou même encore dans
un seul niveau comportemental, anatomique ou physiologique donnerait
lieu à un modèle singulier et biaisé. Il n’y a aucune raison de considérer
l’attachement comme un modèle qui soit d’aucune façon moins simple que
celui de ces concepts généraux.
Ce que ce livre réalise de façon brillante et, de mon point de vue, d’une
manière extraordinairement utile est de tenter de rendre compte de
façon véridique, de représenter le travail sur l’attachement dans toute sa
complexité. Il ne procure pas une réponse simple à la question de savoir
où « situer » le concept, mais peut-être cela n’est-il pas plus possible que de
chercher à localiser le gouvernement à Paris. C’est un traitement équilibré
et intelligent d’une question en cours d’élaboration. Il contient un grand
nombre d’informations, à même de corriger les erreurs, les préjugés et les
appréhensions à propos de l’attachement. Les auteurs sont parmi les plus
avertis dans ce domaine, et leur connaissance de la littérature est impres-
sionnante. Ce livre est à jour, mais contient beaucoup de ce qui est devant
nous ; à cet égard, il est visionnaire.
X

Je suis ravi que ce livre paraisse en français, puisque la controverse sur ce


sujet est sans doute plus importante dans le monde francophone que dans
le monde anglo-saxon. J’espère vraiment que ce livre touchera le très large
lectorat qu’il mérite.
Peter Fonagy, PhD, FBA, FMedSci, OBE
Professor and Head, Research Department of Clinical,
Educational and Health Psychology, University College London,
London, UK, Chief Executive, Anna Freud Centre, London, UK
Traduit de l’anglais par Antoine Guédeney.
Préface à la troisième
édition
L’histoire des idées, en psychologie, est curieuse. Logiquement, on devrait
se poser une question, tâtonner dans les théories, expérimenter et soudain,
eurêka !, trouver l’idée révolutionnaire qui nous ferait progresser.
Ça ne se passe jamais comme ça. Lorsque j’étais adolescent, j’ai découvert
en même temps Freud et Harlow. Au lycée, un professeur de lettres nous
avait demandé de lire Cinq psychanalyses, et j’avais été enthousiasmé par la
claire description de ces mondes intimes. À la même époque, vers 1954, les
premières expériences de Harlow avaient été publiées, je crois me rappeler,
dans un « Que sais-je ? » ; j’avais pensé que les représentations cohérentes
de la psychanalyse pouvaient être argumentées par les manipulations expé-
rimentales de l’éthologie.
Autour de moi, aucun écho ! Le contexte culturel de l’époque exigeait que
l’on choisisse son camp. Les grands succès des médicaments donnaient la
vedette à la biologie, et certains parmi nous en faisaient un a priori théorique
suffisant pour penser que la chimie expliquerait un jour tous les mystères de
l’âme. Pendant ce temps, dans le même contexte culturel, quelques dizaines
de psychanalystes, pas plus, constituaient un réseau amical, intellectuel,
conflictuel et littéraire. Certains parmi nous en faisaient un a priori suffisant
pour penser que ces représentations verbales suffisaient à expliquer tous les
mystères de l’âme.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la psychiatrie existait à peine,
encore marquée par les théories de la dégénérescence. Cette vision de la
maladie mentale expliquait pourquoi beaucoup de fous, enfermés dans les
asiles, dormaient encore sur de la paille. La psychologie balbutiait en hési-
tant entre les réflexes conditionnés et l’électrophysiologie.
Dans ces courants qui dominaient la culture, deux petits groupes margi-
naux poursuivaient leur cheminement discret. Les psychanalystes français
Jenny Aubry, Geneviève Appel et Myriam David allaient à Londres, à la
Tavistock Clinic, pour y suivre une formation en éthologie animale
avec Robert Hinde et Niklas Tinbergen. En s’inspirant de cette attitude,
René Spitz et Anna Freud avaient suivi l’évolution de groupes d’enfants
traumatisés par les bombardements de Londres. Et surtout, John Bowlby,
alors président de la Société britannique de psychanalyse, recevait une
misérable subvention de l’OMS pour décrire les effets biologiques et
psychoaffectifs de la carence en soins maternels.
XII

Vous avez bien lu : « biologiques et psychoaffectifs ». L’association de ces


deux vocables ne correspondait pas du tout aux théories du contexte. Ils
furent donc critiqués.
Fin 1964, Henri Ey organisait des rencontres confidentielles entre vétéri-
naires et psychiatres publiées sous le titre de Psychiatrie animale. La mala-
dresse du titre n’empêcha pas Jacques Lacan d’adorer ce livre.
Lorsque soudain, en 1968, un changement culturel a mis en vedette la
psychanalyse et lui a donné la parole dans les débats, les maisons d’édition
et les universités. En 1973, l’éthologie recevait un Prix Nobel de médecine
qui lui ouvrait à son tour les débats, les maisons d’édition et les universités.
En 1974, René Zazzo invitait des éthologues, des psychologues, des psy-
chiatres et des psychanalystes à échanger des lettres autour de « l’attache-
ment ». Le mot « attachement » sortait des souterrains de la recherche et
entrait bruyamment dans la culture.
Pour moi, ce colloque épistolaire a été un régal. Enfin, je retrouvai mes
amours d’adolescent, Freud et Harlow ! Pourtant, elles étaient inégales ces
lettres ! Rémy Chauvin agressait « cette pauvre Mélanie » (Klein) qui affir-
mait qu’un nourrisson tétait pour incorporer le pénis de son père ! Serge
Lebovici, voulant défendre Freud, évoquait le « suçotement auto-érotique ».
Konrad Lorenz nous dissipait avec ses « comportements de liaison chez la
crevette Hymenocera ». On critiqua le mot « amour » employé par Harlow
pour décrire l’attachement chez les macaques. Daniel Widlöcher se méfiait
de la disparition de l’inconscient. On se disputait, quoi, mais c’était passion-
nant parce que ça indiquait une nouvelle direction de penser. Il ne s’agissait
plus de choisir son clan, la pharmacie ou le divan, mais au contraire d’inté-
grer des données hétérogènes.
On parla beaucoup de ce petit «  colloque épistolaire  »  : la plupart des
chercheurs étaient des praticiens et non des savants isolés dans les murs de
leur laboratoire. Cela explique probablement la facilité qu’ils avaient pour
intégrer des données disparates. Sur douze participants, il y avait huit méde-
cins formés à la pensée systémique : dans le système respiratoire, l’oxygène
gazeux franchit la barrière pulmonaire, puis est recueilli par les globules
rouges qui flottent dans le plasma. Tous ces éléments sont hétérogènes,
mais si l’on en supprimait un seul, le système entier cesserait de fonctionner
car il est indivisible.
Un tel raisonnement, banal pour un médecin ou un psychologue formé
aux systèmes familiaux, est difficile pour ceux qui ne se sentent à l’aise que
dans les raisonnements linéaires où une seule cause provoque un seul effet.
Depuis les années 1980, la théorie de l’attachement connaît une expan-
sion mondiale : les congrès, les laboratoires, les revues, les thèses élaborent
en abondance ce mode d’approche des mondes intimes et intersubjectifs.
Des groupes de recherches biologiques, psychologiques, sociologiques
s’associent avec des chercheurs de terrain pour produire une nouvelle
XIII

r­ eprésentation du psychisme. Tous ces travaux sont intégrés dans un système


où le lien affectif permet le développement biologique, la création de l’inter-
subjectivité et l’organisation des groupes familiaux et culturels. Comment se
nouent les premiers nœuds du lien pendant la grossesse et les interactions
précoces ? Comment s’attache-t-on à sa mère, à un substitut en cas d’adop-
tion, à son père et même à sa fratrie jusqu’alors sous-estimée ? Comment
la structure linguistique d’un discours parental peut-elle organiser la niche
sensorielle qui tutorise le développement d’un nouveau-né  ? Comment
l’adolescence, le couple et la vieillesse remanient-ils l’attachement ?
Tous ces travaux sont unifiés par une méthode d’observation, une
sémiologie clinique et comportementale. On peut introduire des variations
expérimentales, on peut réaliser des méthodes comparatives de psychopa-
thologie ou de cultures différentes, en suivant des cohortes et surtout en
évaluant les styles d’attachement, leurs modifications et leurs possibles
thérapeutiques.
Dans la plupart de ces travaux, vous trouverez deux passeurs de connais-
sances  : Nicole et Antoine Guédeney. Quel plaisir de présenter ce livre
auquel participent les membres de leur groupe, tous investis dans ce rôle de
transmission. On y trouve les bases les plus claires et les plus solides de cette
nouvelle manière d’aborder l’attachement.
Docteur Boris Cyrulnik
Neuropsychiatre
Directeur d’enseignement
Université Toulon-Var
Préface à la deuxième
édition
Le succès de la première édition illustre bien l’actualité et l’intérêt de cet
ouvrage. Succès mérité grâce au talent et à la compétence de ses auteurs
Antoine et Nicole Guédeney, experts reconnus internationalement sur ce
sujet de l’attachement, et des collègues réunis autour d’eux. Mérité aussi
parce que nul ne peut plus ignorer l’importance de la théorie de l’attache-
ment à la compréhension du développement des interactions précoces et
de la personnalité.
C’est indiscutablement dans ce domaine l’apport le plus important de ces
dernières décennies. Nourrie de la psychanalyse dont elle est en partie issue,
mais dont elle a su se dégager pour constituer un champ d’étude totalement
original, la théorie de l’attachement s’est considérablement enrichie depuis
les premiers travaux de Bowlby, comme l’illustre ce livre. Son intérêt est
à mes yeux double. Pour la première fois, nous disposons d’une théorie
des liens précoces qui autorise la construction d’outils d’évaluation de leurs
qualités et de leur relative stabilité au cours de la vie facilitant leur trans-
mission transgénérationnelle. Il est devenu possible d’objectiver l’impor-
tance de ces liens, d’en suivre le devenir, d’en prévoir en partie l’évolution
et ainsi de mieux prévenir leurs distorsions. C’est toute une clinique de
l’attachement et de ses troubles qui se dessine désormais et qu’illustrent
brillamment plusieurs chapitres de ce livre. Clinique qui joue également un
rôle déterminant, et largement méconnu jusqu’alors, dans les conditions
d’établissement de la relation thérapeutique et, au-delà, dans la qualité de
l’alliance thérapeutique avec les patients, adultes et enfants, mais égale-
ment avec les parents de ceux-ci, et à la fois avec et entre les différentes
catégories de soignants.
L’autre intérêt, qui n’est pas moindre, résulte de la nature même de la
théorie de l’attachement. Elle a le mérite, considérable à mes yeux, d’établir
une continuité forte entre les animaux supérieurs et l’homme dans leur
capacité d’attachement. C’est par une meilleure compréhension des bases
biologiques communes, dont la génétique illustre bien l’importance, que
l’on pourra mieux définir ce qu’il peut y avoir de propre à l’humain dans
son développement. La théorie de l’attachement vient ainsi opportunément
rappeler qu’une disposition au lien se développe à partir de potentialités
innées, propres aux êtres vivants ayant un cerveau suffisamment développé,
dont la qualité plus ou moins sécure va dépendre de la rencontre entre le
tempérament sous-jacent à ces potentialités innées et la nature des réponses
des premiers objets d’attachement. Cette capacité d’attachement existe
XVI

chez l’animal indépendamment de la sexualité, renforçant la présomption


qu’il en soit ainsi chez l’homme. Ce qui paraît spécifique à l’homme, c’est
le développement progressif d’une activité de représentation qui va croître
considérablement, conférant ainsi à l’être humain, et à lui seul jusqu’à pré-
sent, une capacité réflexive propre.
La théorie de l’attachement illustre cette continuité de l’animal à l’homme
quant à cette capacité biologique fondamentale de s’attacher, indépendam-
ment de toute sexualité. Continuité que l’on retrouve avec les instincts fon-
damentaux, sexualité, agressivité ainsi que les émotions les plus basiques.
Ce qui change, en revanche, c’est cette capacité de l’être humain d’en pren-
dre conscience et de saisir, consciemment mais aussi inconsciemment, qu’il
en est « affecté » et que cela modifie son équilibre interne et plus tard sa
représentation de lui-même et de lui-même en lien avec les autres. Que très
vite, pour ne pas dire immédiatement, cette «  affectation  » par les émo-
tions introduise quelque chose de l’ordre du sexuel, du fait en particulier de
l’intrusion d’une forme de sexualisation de la part de l’adulte objet d’atta-
chement, c’est vraisemblable et même cliniquement certain. Mais il est en
revanche moins certain que cette participation sexuelle à « l’affectation »
du Moi, conscient et inconscient, soit l’organiseur central de la vie psy-
chique et du développement de la personnalité.
La clinique, notamment du fait des changements induits par les trans-
formations sociofamiliales, montre que la problématique de la sécurité nar-
cissique du Moi, de sa qualité de confiance dans ses objets d’attachement
occupe un rôle primordial dans le développement de la personnalité, dans
la régulation du lien aux objets et dans celle des représentations de menace
qui pèsent sur le Moi autour de ces deux modalités essentielles d’angoisse
que sont l’angoisse d’abandon et celle de fusion-intrusion. Parce qu’il est
nécessaire, l’attachement représente une menace potentielle pour l’autono-
mie du sujet. C’est le paradoxe de la condition humaine, du fait de son accès
à la conscience réflexive. Ses distorsions rendent le sujet plus vulnérable
aux variations de la distance relationnelle. La sexualité est un des moteurs
essentiels de cette variation. Elle peut apparaître alors comme une menace.
Mais le caractère menaçant de la sexualité n’est pas tant le fait de celle-ci
que celui de cette vulnérabilité d’un Moi rendu insécure notamment par la
nature de ses attachements. Cela change l’ordre des priorités et ne peut pas
être sans conséquence sur la nature de l’aide à apporter au Moi. La sexualité
a un rôle déclencheur sans être cause. Mais elle peut être aussi une réponse.
Tout déséquilibre important du sentiment de sécurité du Moi mobilise des
émotions intenses et des réponses instinctuelles, qu’elles soient de l’ordre
de l’agressivité et/ou de la sexualisation, qui peuvent occuper le devant de
la scène mais dont le moteur est plus la défense primaire d’un Moi menacé
dans son équilibre et son territoire que l’expression d’une pulsion sexuelle.
XVII

La théorie de l’attachement prend son développement actuel dans ce


contexte de modifications importantes de la clinique et donc des réponses
thérapeutiques. Contexte qui met en avant le travail du Moi pour se
maintenir à flot dans un environnement social où il perd les appuis des
contraintes surmoïques tandis que s’accroissent les sollicitations de l’envie,
les exigences de l’idéal et l’exposition du narcissisme. Elle contribue à enri-
chir le débat sur la place respective des contraintes innées, notamment
génétiques, et du poids des avatars des interactions ; sur celle des fantasmes
versus la qualité des assises narcissiques et de la force du Moi.
Ce livre est plus qu’une introduction à la théorie de l’attachement et à ses
développements cliniques et thérapeutiques. Il est un véritable manuel de
formation et d’initiation aux perspectives offertes par cette approche, qui
s’annoncent très ouvertes. Écrit dans un style clair, facile à lire, il est aussi
précis que bien documenté. Il s’adresse à tous ceux, cliniciens, soignants et
chercheurs, désireux de s’ouvrir à un nouveau regard sur un champ essen-
tiel du développement de la personnalité. Un apport réellement novateur
qui interroge les théories existantes de façon pertinente, sans pour autant
les rendre caduques.
Professeur Philippe Jeammet
Chef de service de psychiatrie de l’adolescent
et du jeune adulte Institut Mutualiste Montsouris, Paris
Préface à la première
édition
C’est avec un grand plaisir que je salue cet ouvrage dont Nicole et Antoine
Guédeney assurent la direction. Il constitue un jalon essentiel dans l’histoire
de la théorie de l’attachement et de ses applications pratiques en France. En
le centrant sur l’œuvre de Bowlby et de ses successeurs, ils rendent ainsi
justice à un auteur et une théorie qui ont suscité en France beaucoup de
résistances.
En réalité, il s’agit de la reprise d’un débat aussi ancien que l’histoire de
la psychanalyse et qui concerne le rôle de l’amour primaire par rapport au
développement de la sexualité infantile fondée sur l’étayage. Si la théorie
de l’amour primaire a connu un intérêt et un développement d’abord en
­Hongrie, sa terre d’origine, puis en Grande-Bretagne et dans le monde de
culture anglaise, la France lui a opposé un certain refus lié à une antipa-
thie vis-à-vis de l’observation directe du jeune enfant, trop souvent perçue
comme une menace à l’orthodoxie de la cure psychanalytique. Ce débat
doit être pris en compte, car il ne fait pas de doute que les remèdes thérapeu-
tiques issus de la théorie de l’attachement viennent compléter l’approche
psychanalytique par des pratiques de soin que Freud n’aurait pas récusées
quand il proposait « l’alliage de l’or pur de la psychanalyse avec le cuivre de
la suggestion directe ».
Ce livre est conçu d’une manière remarquablement informée et claire :
une histoire des concepts, une description des outils d’évaluation et une
présentation des applications thérapeutiques. Il est un guide précieux non
seulement pour tous ceux qui travaillent dans le champ de la santé men-
tale de l’enfant, mais aussi dans la pratique de diagnostic et de soin chez
l’adolescent et le groupe familial. Les auteurs, autour de Nicole et Antoine
Guédeney, ont le grand mérite d’être à la fois des praticiens éprouvés et des
enseignants qui, depuis des années, assurent la transmission de leur savoir
et de leur expérience en ce domaine. Cet ouvrage consacre leur travail, il en
est la brillante expression pour l’intérêt du lecteur.
Daniel Widlöcher
Professeur émérite
Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI)
Avant-propos
à la quatrième édition
La quatrième édition du livre L’attachement  du bébé à la personne âgée  :
approche théorique sort treize ans après la première édition. Depuis, la théo-
rie de l’attachement est devenue en France une théorie incontournable, en
particulier dans le domaine de la petite enfance. Sa force théorique, son
évidence scientifique, sa pertinence clinique sont reconnues.
Notre objectif reste cependant le même que lors de la première edition :
transmettre l’actualité de cette théorie et rappeler sa complexité derrière
son apparente simplicité. La théorie de l’attachement ne se résume pas
à une typologie simpliste de sécurité ou d’insécurité. Pour l’utiliser de
manière optimale, il est nécessaire de rappeler la révolution scientifique
qu’elle représente, obligeant à abandonner la perspective psychanaly-
tique classique privilégiant l’intrapsychique, en intégrant les données les
plus modernes de l’éthologie, de la psychologie du développement, de la
psychologie évolutionniste, des théories cognitivo-émotionnelles et sys-
témiques, des neurosciences et de la génétique et de l’épigénétique. On
ne peut pas comprendre tout ce qu’apporte cette théorie en l’exposant de
manière superficielle, approximative, analogique. Les étudiants du diplôme
universitaire de l’Attachement tout au long de la vie, que nous dirigeons
depuis 2002, le savent bien ; au milieu des 120 heures de cours, ils vivent un
véritable changement de paradigme dans leur manière de considérer leur
pratique, voire leur propre parcours de vie.
Cette édition a donc voulu montrer les développements les plus récents
de la théorie de l’attachement, tout en en rappelant les principaux concepts
et fondements. En particulier, le courant psychosocial de l’attachement,
qui, à notre avis, représente l’avenir de la théorie appliquée à l’adulte, a été
amplement développé au long de trois chapitres spécifiques. Les neuros-
ciences et la génétique enrichissent la théorie de l’attachement : elles sont
l’objet de deux chapitres qui développent en particulier l’importance de
l’ocytocine et des interactions Gènes×Environnement. Devant les ques-
tions des lecteurs de nos précédentes éditions, l’évaluation a été aussi
développée avec un chapitre pour chaque tranche d’âge (petite enfance,
enfance, adolescence, adulte), et un chapitre entier a été consacré à l’Adult
Attachment Interview. Des aspects qui n’avaient encore pu être développés
dans les précédentes éditions, comme l’attachement et la sexualité chez
l’adulte ou l’attachement dans le contexte social, ont été abordés. Ils mon-
trent l’éclairage de la théorie de l’attachement sur des dimensions si impor-
tantes pour l’être humain. Deux chapitres (représentations et transmission
XXII

transgénérationnelle) ont été entièrement revisités en profitant de l’expé-


rience de collègues et amis portugais de l’université de Lisbonne, haut lieu,
avec l’université du Minho, de la recherche européenne dans la théorie de
l’attachement. Peu de chapitres sont restés tels quels — il s’agit essentielle-
ment de ceux consacrés à l’histoire et aux concepts ainsi que ceux créés
lors de la précédente édition (attachement désorganisé et mentalisation).
Tous les autres ont été révisés. Nous avons voulu à la fois actualiser les
connaissances mais aussi clarifier certains passages qui avaient pu être trop
condensés dans les éditions précédentes.
Cette quatrième édition a vu le jour grâce au dynamisme et à l’enthou-
siasme d’un groupe. Ce groupe a une vie propre depuis quinze ans. Certains
membres sont partis, d’autres sont arrivés, beaucoup sont restés. Les auteurs
sont chacun des spécialistes dans leur domaine. Connaissance approfondie
des auteurs internationaux, formations validées aux outils d’évaluation,
échanges avec les « attachementistes » du monde entier, mise en place de
recherches reconnues les caractérisent. Nous leur témoignons ici toute notre
gratitude pour leur engagement et notre plaisir au cours de ces échanges
créatifs et stimulants.
Nous espérons que les lecteurs de cette édition auront envie de continuer
d’approfondir leur connaissance de la théorie, surtout après avoir décou-
vert la deuxième édition du tome «  Approche clinique  » qui sortira dans
quelques mois. C’est aussi ici l’occasion de témoigner notre reconnaissance
à nos éditeurs de Masson-Elsevier, qui nous ont toujours manifesté leur
confiance, et au professeur Daniel Marcelli, directeur de la collection, sans
qui rien n’aurait été possible
Nicole et Antoine Guédeney
Abréviations
AAI Adult Attachment Interview (entretien d’attachement de l’adulte)
AAP Adult Attachment Projective Picture System
AAQ Adolescent Attachment Questionnaire
AAS Adult Attachement Scale
AAW Adult Attachment at Work
ABC Attachment and behavioral catch-up
ADPA Attachment Doll Play Assessment
ADS Attachment During Stress
AICA Attachment Interview for Chilhood and Adolescence
AMBIANCE 
Atypical Maternal Behaviour Instrument for Assessment and Classification
AMMI Adult Multiple Model Interview
AQS Attachment Q-Sort
ARQ Adolescent Relationship Questionnaire
ASCT Attachment Story Completion Task
ASI Attachment Style Interview
ASQ Attachment Style Questionnaire
CAI Child Attachment Interview
CaMIR Cartes pour les modèles internes de relation
CBCS Caregiving Behaviour Classification System
CIT Couple Interaction Task
CRI Current Relationship Interview
DAI Disturbances of Attachment Interview
ECR Experiences in Close Relationships
ERS Experience of Relationships Scale
FAI Family Attachment Interview
FFI Friends and Family Interview
FR Frightened/Frightening behaviours (comportements effrayés/effrayants)
HH Hostile-Helpless (hostile/impuissant)
HPA Système neuroendocrinien hypothalamo-adrénocortical
IA Insightfulness Assessment
IbS Interesting-but-Scary
IMAO Inhibiteur des monoamine oxydases
IPPA Inventory of Parent and Peer Attachment
IRMf Imagerie par résonance magnétique nucléaire fonctionnelle
MCAST Manchester Child Attachment Story Task
MIO Modèles internes opérants
NICHD National Institute of Child Health and Human Development
PAA Preschool Assessment of Attachment
PACS Preschool Attachment Classification System
PAI Peer Attachment Interview
PAQ Parental Attachment Questionnaire
PDI Parental Development Interview
XXX

RIG Représentations d’interactions généralisées


RQ Relationship Questionnaire
RSQ Relationships Scale Questionnaire
SAT Separation Anxiety Test
SBST Secure Base Script Test
SCIP Sensitive and Challenging Interactive Play Scale
SSBS Secure Base Scoring System
SSP Strange Situation Procedure (Situation étrange)
SVP Standard Visiting Procedure
TAAI Transition to Adulthood Attachment Interview
TATP Entretien « Thinking about the parents »
VASQ Vulnerable Attachement Style Questionnaire
VIPP-SD 
Video-feedback Intervention to promote Positive Parenting and Sensitive
Discipline
WAOQ Ward Attachment Observation Questionnaire
WMCI Working Model of the Child Interview
1 La théorie
de l’attachement :
l’histoire et les
personnages

A. Guédeney

Ce chapitre retrace le contexte historique de l’avènement de la théorie de


l’attachement, de ses principales lignes de développement — la Situation
étrange de Mary Ainsworth, l’Adult Attachment Interview (AAI) de Mary
Main  — et des applications thérapeutiques du concept d’attachement. Il
donne un aperçu, nécessairement incomplet, des aspects et des polémiques
apparus depuis une vingtaine d’années autour de cet extraordinaire p ­ rogrès
scientifique dans le champ de la psychologie du développement, de la
psychopathologie et de la thérapie. Ce chapitre doit beaucoup à l’ouvrage
de R. Karen, Becoming Attached (1998), et à sa remarquable reconstitution du
développement de la théorie de l’attachement.

Contexte : guerre, séparation, carence


de soins maternels
C’est après la Seconde Guerre mondiale que se cristallisent la question de
la perte et de la séparation chez le jeune enfant et celle de leurs effets sur
son développement. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la
guerre n’épargne pas les populations civiles et prend aussi pour cible les
femmes et les enfants. On peut voir un souci de réparation dans la prise en
compte, après la guerre, des effets de la séparation précoce et dans l’avène-
ment de la théorie de l’attachement. Cependant, la question du caractère
primaire de l’attachement avait déjà été soulevée par un certain nombre
de précurseurs. En Europe, on peut citer d’abord Himre Hermann (1972),
compatriote de Ferenczi, qui défend l’idée d’un besoin primaire d’agrippe-
ment, en référence aux primates, dans une perspective très moderne pour
l’époque d’utilisation des données éthologiques dans la compréhension
du développement affectif. Ian Sutie, un psychiatre écossais, évoque lui
aussi le caractère primaire de l’attachement mère-enfant mais son audience
reste limitée ; celle du psychanalyste anglais Fairbairn est plus large et plus
durable, et il est le premier à proposer un abandon de la théorie des pulsions,
ce qui n’a pas manqué d’influencer Bowlby. Il existe donc tout un groupe de

L’attachement : approche théorique


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4 Grands concepts de la théorie de l’attachement

psychanalystes anglais qui défendent, dès l’avant-guerre, une opinion qui


va à l’encontre de la théorie de l’étayage, et qui se retrouvent pour la plupart
dans le groupe des Indépendants britanniques, comme ce fut le cas pour
Balint, autre psychanalyste anglais d’origine hongroise, auteur du concept
d’amour primaire. En Angleterre aussi, Anna Freud et Dorothy Burlingham
vont décrire les effets terribles de la séparation durable chez les très jeunes
enfants, lors du Blitz de Londres. À cette occasion, Anna Freud parlera d’un
besoin primaire d’attachement et de la nécessité de le respecter, plus encore
que de protéger l’enfant des bombes. Après la guerre, Anna Freud dira à
Bowlby qu’«  il eût mieux valu que chacune des puéricultrices prenne un
enfant chez elle, et que l’on ferme la nursery » (Karen, 1998, p. 62).
Aux États-Unis se développe au même moment un intérêt pour ce que
l’on appelle alors les effets de l’institutionnalisation, c’est-à-dire de l­ ’élevage
de jeunes enfants en collectivité, séparés de leurs parents. David Levy,
Sally Provence, Lauretta Bender et bien sûr René Spitz en dénoncent les
effets et rencontrent d’ailleurs des réactions violentes de déni quand ils
les évoquent.

John Bowlby
John Bowlby naît en 1907, dans un milieu aisé mais peu attentif affective-
ment. Il interrompt ses études de médecine pendant un an pour travailler
dans une institution du type de Summer Hill, dans le Norfolk, où, sous
l’influence du directeur, John Alford, un vétéran de la Première Guerre
mondiale ayant aussi fait l’expérience de la psychanalyse, il observe les liens
entre les troubles du comportement et l’histoire des enfants. Il commence
en 1929 une analyse de sept années avec Joan Rivière, proche de Mélanie
Klein, mais qui ne semble pas avoir exercé une profonde influence sur lui
(Holmes,  1993). En 1938, une supervision avec Mélanie Klein elle-même
tourne court, la mère du jeune patient étant hospitalisée pour dépression.
L’absence d’intérêt de Klein pour l’état de la mère et son rôle possible dans
les troubles du garçon scandalise Bowlby. À la même période, Mélanie
Klein lui demande alors d’analyser son fils, ce que Bowlby acceptera mais
en résistant à l’insistance de Klein pour superviser cette analyse. La guerre
survient, qui évite une confrontation directe, laquelle n’en sera ensuite que
plus dure. Bowlby s’occupe, avec Winnicott, du suivi des enfants placés à la
campagne. En 1944, il publie son étude sur « 44 jeunes voleurs, leur person-
nalité et leur vie de famille ». En 1951, l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) lui demande un rapport sur les enfants sans famille, un problème
majeur dans l’Europe de l’après-guerre. Bowlby part pour le continent et les
États-Unis. Il visite et rencontre entre autres Myriam David et Geneviève
Appel, seules Françaises avec Jenny Aubry à être citées dans son rapport
Maternal Care and Mental Health. Il y insiste sur l’abondance des faits étayant
La théorie de l’attachement : l’histoire et les personnages 5

les effets de la carence de soins maternels, qui donne lieu ultérieurement


à des relations affectives superficielles, à une absence de concentration
intellectuelle, à une inaccessibilité à l’autre, au vol sans but, à l’absence de
réaction émotionnelle. L’impact du rapport fut énorme. Il rendit Bowlby
célèbre et le plaça aussi au centre de la polémique, avec les féministes, avec
les personnels hospitaliers et avec ses collègues psychanalystes.
En 1946, Bowlby travaille à la Tavistock Clinic de Londres où il engage
James Robertson, un travailleur social en formation analytique, pour faire
l’observation des effets de la séparation en milieu hospitalier. C’est Robertson
qui décrit les trois phases évolutives de la séparation durable chez le
jeune enfant : protestation, désespoir et détachement. Le film sur Laura, en
1952, A Two Years Old Goes to Nursery, est accueilli avec suspicion, tant par
Klein ou par Bion que par les pédiatres, mais il bouleverse beaucoup de pro-
fessionnels ; il conduira progressivement à une prise de conscience et à la
modification des pratiques hospitalières. En 1969, John Goes to Nursery n’est
cependant pas mieux reçu, et les dénégations sont vives quant aux effets
de la séparation. La Société britannique de psychanalyse est alors en plein
conflit entre les partisans d’Anna Freud et ceux de Mélanie Klein. Bowlby
est tenu à l’écart et durement critiqué pour sa remise en cause radicale de la
théorie des pulsions et pour avoir cherché ses modèles dans la cybernétique,
les sciences cognitives et l’éthologie, et non dans la métapsychologie.

Mary Salter Ainsworth et la Situation étrange


C’est une psychologue canadienne qui va donner à la théorie de l’attachement
de Bowlby un prolongement expérimental et une audience scientifique consi-
dérable. Peu de situations expérimentales peuvent prétendre avoir joué un tel
rôle paradigmatique et exercé une telle influence. Mary Salter Ainsworth naît
en 1913, dans un foyer stable, mais qu’elle décrira comme émotionnellement
troublé. Elle apprend à lire à 3 ans et rentre à 16 ans à l’université de Toronto.
C’est là qu’elle apprend de William Blatz la théorie de la sécurité, qui permet
à l’enfant d’explorer le monde, et elle en fera le sujet de sa thèse. Elle suit son
mari à Londres et y répond à l’annonce de Bowlby à propos d’une recherche
sur la séparation. Engagée sur-le-champ, elle admire le travail de Robertson.
Elle aide Bowlby à répondre aux attaques sur la théorie de l’attachement et sur
les effets de la séparation précoce prolongée.
En 1954, elle part avec son mari en Ouganda, à Kampala, et y commence,
sans aucun moyen, une étude d’observation en milieu naturel de vingt-huit
bébés non sevrés, dans les villages alentour. Elle obtient une petite bourse
et cherche à préciser les effets de la séparation et du sevrage : la séparation
est-elle en elle-même traumatique ou cela dépend-il de la carence relation-
nelle antérieure ? Son observation la convainc de la justesse des thèses de
Bowlby sur le caractère primaire de l’attachement. Le livre Infancy in Uganda
6 Grands concepts de la théorie de l’attachement

(publié seulement en 1967) est le premier à proposer un schéma de déve-


loppement de l’attachement, en cinq phases, et c’est alors qu’elle propose
le concept   de  base de sécurité (Secure Base). Elle rentre aux États-Unis, à
Baltimore, où en 1960 Bowlby lui rend visite et se rend compte de l’impor-
tance de cette étude en milieu naturel comme support de sa théorie.
À Baltimore, Ainsworth pense à reprendre l’étude ougandaise de façon
plus systématique, avec vingt-six familles. Cherchant à comparer les deux
populations, elle se souvient d’un article de 1943 de Jean Arsenian (Young
Children in an Insecure Situation), à propos d’une situation de jeu libre en
présence et en l’absence de la mère. Elle propose alors une situation stan-
dardisée en sept épisodes de séparation et de réunion, qui aura le succès
que l’on sait, le plus grand sans doute en psychologie du développement.
La mise en œuvre de cette situation lui permet de décrire trois types prin-
cipaux de réactions à la Situation étrange. Ses études très détaillées des
relations mère-enfant lui donnent l’intuition de la relation entre ces caté-
gories d’attachement et le style de maternage correspondant.
Inge Bretherton, Everett Waters et surtout Alan Sroufe sont des élèves ou
des continuateurs d’Ainsworth en Amérique et responsables de l’étude de
l’attachement dans le Minnesota. Cette étude longitudinale montre les cor-
rélations de l’attachement sécure avec les relations aux pairs et avec la capa-
cité d’ajustement aux exigences du milieu scolaire. En 1974, Byron Egeland
commence une autre étude longitudinale avec un échantillon de deux cent
soixante-sept jeunes femmes enceintes de milieu défavorisé. Les études du
Minnesota montrent la puissante influence prédictive de la sécurité de l’atta-
chement précoce sur le développement social ultérieur et la personnalité de
l’enfant. Cette valeur prédictive donne, aux États-Unis et en Angleterre du
moins, un impact considérable à la théorie de l’attachement, qui devient un
paradigme reconnu et un sujet de recherche extrêmement actif.

Mary Main et l’Adult Attachment Interview


À Berkeley, en Californie, une élève d’Ainsworth, Mary Main, va être à
l’origine d’un autre développement majeur  : le Berkeley Adult Attachment
Interview. L’étude de Berkeley, lancée en 1982 par Main, concernait qua-
rante familles de niveau social moyen dont les enfants furent suivis de la
naissance à l’âge de 6  ans. Dans l’équipe, Kaplan étudie les réponses des
enfants à la séparation, évoquée par des photos (le Separation Anxiety Test,
SAT) (Bretterton, 1995). Cassidy, Main et Goldwyn s’occupent des trans-
criptions et du codage des entretiens avec les parents. Bientôt, Main et
Goldwyn sont frappées par les correspondances entre la classification
de la sécurité de l’enfant, évaluée par la Situation étrange, et les récits
des parents. Là encore, c’est un nouvel instrument, l’Adult Attachment
­Interview (AAI), construit par George, Kaplan et Main, qui va ouvrir une
La théorie de l’attachement : l’histoire et les personnages 7

nouvelle dimension de la recherche et permettre d’interroger désormais le


niveau des représentations. C’est en effet l’analyse du discours, plus que le
contenu, qui permet de classer les récits sur les expériences d’attachement
en « ­autonomes » ou « insécures », ou, plus tard, comme dans la Situation
étrange, en représentations dites « désorganisées ». Les élèves de Main vont
jouer un rôle important pour développer et appliquer l’AAI à l’étude de la
psychopathologie de l’enfant et de l’adulte ainsi qu’à celle de la transmis-
sion intergénérationnelle de l’attachement.

Développements et polémiques
La théorie de l’attachement est dès lors sortie de l’espace géographique de
l’Angleterre et des États-Unis. Elle va également puiser dans d’autres théories
scientifiques, se dégageant de ses liens initiaux avec l’éthologie, les sciences
cognitives et la théorie de l’information. Elle se développe remarquablement
en pays de culture anglo-saxonne et beaucoup moins en pays de culture latine,
du moins dans ceux où l’influence psychanalytique est forte, sauf peut-être en
Italie. Mais ce développement n’est pas facile et s’émaille de remises en ques-
tions, de retours en arrière et de polémiques. Il est également pour Bowlby
et sa théorie l’occasion de nouvelles v ­ alidations, de développements et aussi
de reconnaissance par ses pairs. Ce fut le cas avec la revue exhaustive et cri-
tique de Michael Rutter (1972) sur la t­héorie de l’attachement et le concept
de carence maternelle, qui conclut à sa validité. La Société ­britannique de
psychanalyse offre à Bowlby un hommage posthume et reconnaît et regrette,
dans une séance émouvante mais encore conflictuelle, son attitude d’exclu-
sion face à la théorie de ­l’attachement (Rayner,  1990). En France, le débat
s’ouvre grâce au «  Colloque imaginaire  », organisé par René Zazzo (1979),
auquel participent, parmi les psychanalystes, Daniel Widlöcher, plutôt parti-
san des thèses de Bowlby et qui proposera plus tard lui aussi un abandon de
la théorie des pulsions, Serge Lebovici, plus ambivalent mais qui reconnaît le
caractère novateur de la théorie et l’intérêt des modèles éthologiques, et Didier
Anzieu qui proposera sa théorie du moi-peau et l’idée d’une pulsion d’atta-
chement. Aux États-Unis, cependant, le débat est vif, avec des critiques sur la
validité de la Situation étrange (Lamb, Kagan), avec les milieux féministes sur
la question de la place de la mère et enfin à propos des effets de la crèche
sur la sécurité de l’attachement des enfants. Ce débat oppose vivement Jay
Belsky (2001) et Sandra Scarr. Il s’apaise, de façon relative, après une large
étude du National Institute of Mental Health (NIMH) qui va dans le sens de
l’innocuité du mode de garde collectif vis-à-vis de la sécurité de l’attachement ;
mais l’étude ne concerne évidemment que les crèches de bonne qualité. Un
autre débat concerne la validité transculturelle du concept d’attachement,
la valeur adaptative de l’attachement et l’empreinte de la culture sur ses systèmes
d’attachement, et sur les soins qui lui sont donnés (caregiving ­environment).
8 Grands concepts de la théorie de l’attachement

Au total, la théorie de l’attachement apparaît bien comme le concept clef


de la seconde moitié du xxe siècle en psychopathologie et en psychologie.
Il est né dans la violence des séparations et des carences précoces, au croise-
ment des apports de la psychanalyse, de l’éthologie, des sciences cognitives,
de l’informatique et de la cybernétique avec ceux de l’observation, de la
reconstruction et de la mise en récit. Peu de théories ont eu un tel impact
et une telle capacité de stimuler la recherche, une telle valeur prédictive sur
des aspects majeurs du comportement social et relationnel de l’enfant, une
telle puissance d’explication des phénomènes de transmission entre généra-
tions, une telle capacité à remodeler la conception de la psychopathologie
et une telle dynamique d’évolution. Son inventeur John Bowlby apparaît
ainsi comme l’un des esprits les plus féconds de la psychopathologie du
xxe siècle. Peu de cliniciens après Freud auront laissé une telle empreinte
et auront eu une telle influence sur la pensée et les attitudes vis-à-vis de la
petite enfance, de la séparation, du deuil et des liens interindividuels.

Références
Belsky, J. (2001). Developemental risks (still) associated with early child care. Journal
of Child Psychology and Psychiatry, 42, 845-860.
Bowlby, J. (1944). Fourty-four juvenile thieves: their character and home life. Inter-
national Journal of Psychoanalysis, 25, 107-127.
Bowlby, J. (1951). Maternal care and mental health. Genève: World Health Organization
monograph series.
Bowlby, J. (1988). Developmental psychiatry comes of ages. American Journal of Psychiatry,
145, 1-10 (Traduction: Pollack-Cornillot, M. Devenir, 1992, 4, 7-31).
Bretherton, I. (1995). The origins of attachment theory: John Bowlby and Mary
Ainsworth. In S. Goldberg, R. Muir, & J. Kerr (Eds.), Attachment theory. Social,
developmental and clinical perspectives. New York: The Analytic Press.
Hermann, H. (1972). Les instincts archaïques de l’homme. Paris: Denoël.
Holmes, J. (1993). John Bowlby & Attachment Theory. Londres: Routledge.
Karen, R. (1998). Becoming attached. New York: Oxford University Press.
Rayner, E. (1990). The independent mind in British psychoanalysis. Londres: Free Association
Books (Traduction: Wieder, C. (éd.). Paris: PUF; 1994).
Rutter, M. (1972). Maternal deprivation reassessed (2e édition). Londres: Penguin Books.
Zazzo, R. (1979). Le colloque sur l’attachement (2e édition). Neuchatel, Paris: Delachaux
& Niestlé.
2 Le concept de système
motivationnel : les
systèmes impliqués
dans le phénomène
de base de sécurité

N. Guédeney, C. Lamas

Le système motivationnel
Bowlby et Ainsworth ont bâti la théorie de l’attachement sur l’importance
des liens affectifs entre les êtres humains, en particulier entre le bébé et ceux
qui l’élèvent. Le développement prend place dans le contexte d’un réseau
complexe de «  liens affectifs  » dont fait partie le lien enfant-mère.
Ainsworth (1991) définit un lien affectif comme un lien durable avec un parte-
naire qui prend une importance particulière du fait qu’il devient unique et
non interchangeable. Bowlby (1969) s’appuie sur les travaux de Harlow qui
montre qu’il existe différents types de liens affectifs ayant des objectifs et
des issues différents. Il distingue ces liens affectifs par leur fonction biolo-
gique spécifique et décrit pour chacun d’eux un système comportemental
(ou système motivationnel ; Marvin et Britner, 2008).

La perspective évolutionniste
Pour Bowlby, sous l’influence de l’éthologie et de la théorie darwinienne
de l’évolution, les comportements associés à chacun des systèmes moti-
vationnels ont été sélectionnés sous la pression de l’évolution parce qu’ils
remplissaient une fonction biologique : celle d’assurer la survie de l’indi-
vidu jusqu’à l’âge adulte. L’environnement d’adaptétude évolutionniste est
celui dans lequel l’espèce humaine s’est développée  : un bébé humain
est élevé par d’autres adultes, et en particulier sa mère. Cette perspective
évolutionniste est évidente dans les théorisations initiales de Bowlby. Le
système d’attachement a un avantage sélectif  : la proximité qu’il permet
de garder auprès des figures adultes protectrices sert dans la lutte contre
les dangers de l’environnement. La perspective évolutionniste moderne a
complexifié l’approche initiale  : ce qui est favorisé par l’évolution est la

L’attachement : approche théorique


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10 Grands concepts de la théorie de l’attachement

s­urvie des gènes sur deux générations. Comme nous le verrons dans le
chapitre 9, la qualité des liens d’attachement joue non seulement un rôle
dans la protection du petit mais aussi dans le développement optimal de ses
capacités de régulation psychophysiologique ainsi que dans le développe-
ment de la mentalisation.

Définition fonctionnelle générale


d’un système motivationnel
Un système comportemental ou motivationnel est un système de contrôle
motivationnel programmé biologiquement qui gouverne les règles et les
comportements associés avec un but proximal spécifique (Hinde, 2005) ;
il implique la notion de motivation inhérente ; il suppose des compor-
tements coordonnés pour accomplir des objectifs spécifiques et des
­fonctions adaptatives ; il est activé et désactivé par des signaux internes
et environnementaux et est corrigé quant au but ; il est activé et d
­ ésactivé
au niveau biologique par un système de rétrocontrôle (feedback) qui
surveille les indices internes et externes. Les systèmes motivationnels
sont en lien et interagissent entre eux. Leur développement est pro-
gressif en fonction du temps et de l’interaction avec l’environnement  ;
ils sont organisés et intégrés par des systèmes de représentations chez
l’humain. On décrit actuellement une série de systèmes motivationnels
liés à la reproduction, à l’alimentation, à l’hédonisme, à l’exploration, à
l’alarme/vigilance, à la dominance, au caregiving, à l’intersubjectivité ou
affiliation, à la soumission, au coping/maîtrise (Marvin et Britner, 2008 ;
Hillburn-Cobb, 2004 ; Lichtenberg et al., 1992).

Systèmes motivationnels impliqués


dans le phénomène de base de sécurité
Système d’attachement proprement dit
Son objectif est l’établissement de la proximité physique avec la figure d’atta-
chement en cas d’alarme ou de détresse du bébé. Les éléments activateurs du
système sont toutes les conditions indiquant un danger ou entraînant
du stress. Ils sont divisés en deux classes : les facteurs internes à l’enfant,
comme la fatigue ou la douleur, et les facteurs externes, liés à l’environ-
nement (tout stimulus effrayant, par exemple la présence d’étrangers, la
solitude, l’absence de la figure d’attachement). Mais ces conditions ne se
définissent pas uniquement par leur description ; elles ont une vertu plus ou
moins activatrice en fonction du moment de leur survenue, de la place de
la figure d’attachement par rapport à l’enfant et de ses réactions. ­L’élément
extincteur du système — ou stimulus de terminaison de ­l’activation du
Le concept de système motivationnel... 11

système — est la proximité avec la figure d’attachement (ou le contact).


Toute action qui favorise la proximité appartient au comportement d’atta-
chement : il existe une équivalence fonctionnelle entre les comportements
d’attachement, qui varient en fonction de l’âge et du niveau de dévelop-
pement. L’organisation des divers comportements d’attachement se fera
en réponse à des indices, externes et internes. Bowlby utilise la métaphore
du missile à tête chercheuse. L’enfant choisit les comportements à sa dis-
position qui lui semblent les plus utiles, dans un contexte spécifique, en
fonction des réponses habituelles du caregiver. Les comportements d’atta-
chement sont organisés de manière flexible autour d’une figure particulière
et sous certaines conditions.
Le système d’attachement est donc contextuel. Il n’appartient pas à
l’enfant en propre mais son action est le résultat d’un contexte qui active ou
n’active pas le système. Le système d’attachement est organisé par un sys-
tème de rétrocontrôle cognitif, sous forme d’un ensemble de représentations.
Bowlby le considérera progressivement comme un système constamment
activé, corrigé en permanence quant à l’objectif à atteindre, comparable
au fonctionnement d’un thermostat : sous certaines conditions, le système
d’attachement est fortement activé, ce qui conduit l’enfant à chercher et à
n’être satisfait que par le contact ou la proximité avec la figure d’attache-
ment. En revanche, lorsque les conditions sont perçues comme normales,
l’enfant est libre de poursuivre d’autres buts et d’autres activités, même si
le système continue de contrôler l’environnement comme possible source
de stress. Le système d’attachement est un système permanent, actif tout
au long de la vie, plus ou moins stable au sein d’un environnement plus
ou moins fixe  : seuls les comportements spécifiques utilisés changent en
fonction du développement (Sroufe et Waters, 1977).

Système exploratoire
Le deuxième système motivationnel, étroitement lié au système d’atta-
chement proprement dit, est le système exploratoire. Ces deux systèmes,
attachement et exploration, sont activés et désactivés par des signaux
antagonistes.
Ce système motivationnel a été particulièrement étudié par Bowlby
(1969). Grâce au système inné de l’exploration, l’enfant apprend sur son
environnement et développe des capacités qui seront importantes pour les
stades ultérieurs du développement. Ce système est lié à la maîtrise et à
la curiosité : le bébé est fortement attiré par la nouveauté ou par les traits
complexes de l’environnement, que celui-ci soit animé ou inanimé. Ce sys-
tème permet d’extraire l’information de l’environnement. Il se développe
surtout à partir de 7 mois, période qui correspond à la mise en place du
système d’attachement et à la constitution de figures d’attachement
­spécifiques. Le système de l’exploration est légèrement décalé dans le temps
12 Grands concepts de la théorie de l’attachement

par rapport à l’attachement : si l’enfant va trop loin, soit la mère soit lui-
même concourent à rétablir la distance compatible avec un sentiment de
sécurité. L’enfant acquiert un système d’exploration plus élaboré du fait des
changements dans ses capacités de locomotion et dans ses processus cogni-
tifs : l’enfant acquiert la permanence de l’objet et la compréhension de la
fin et des moyens, sa capacité d’imitation se développe considérablement
ainsi que le registre conversationnel. La locomotion joue un rôle capital :
le bébé peut s’éloigner pour explorer et étendre ainsi considérablement
son horizon (Marvin et Britner, 2008). L’enfant risque alors davantage de
se placer en situation de danger, de frustration ou d’impuissance, liées en
particulier à l’apprentissage. Il peut aussi prendre à son propre compte le
contrôle de la proximité par rapport à sa figure d’attachement.
Ce système est immédiatement activé quand les systèmes d’attachement
et de vigilance sont désactivés et s’éteint quand ces derniers sont activés
trop intensément. La curiosité et l’exploration ont été particulièrement
étudiées comme constituant un des systèmes motivationnels qui parti-
cipent aux exigences de l’adaptétude évolutionniste. Elles permettent au
petit d’acquérir les compétences nécessaires pour améliorer ses chances de
survie. Il s’agit en particulier de développer sa capacité à compter sur soi,
de manière autonome et individuelle : la curiosité aide l’enfant à apprendre
et à comprendre son environnement.

Système peur-angoisse
Le système peur-angoisse correspond à la capacité à identifier et à s’adapter
à tout indice signalant la présence de choses effrayantes. Il s’agit donc de la
perception et de la réaction de l’enfant à une situation de danger. Avoir peur
de certains stimuli constitue un avantage pour la survie. Bowlby (1973)
décrit des indices naturels de danger qui, par leur présence, signalent un
risque accru de danger, même s’ils ne sont pas par eux-mêmes dangereux. Ce
sont par exemple les mouvements d’approche soudaine et excessive, le noir,
les bruits forts ou la solitude. Ces stimuli sont immédiats. D’autres apparais-
sent secondairement. Le système de vigilance partage avec le système d’atta-
chement les mêmes signaux activateurs, présents à la fin de la première
année, comme l’absence de la figure d’attachement, l’inconnu et le non
familier. Des stimuli environnementaux (les animaux, l’eau, l’obscurité)
contribuent au contrôle constant par l’enfant de la qualité sécurisante ou
effrayante de l’environnement. On revisite ainsi les phobies infantiles qui
devraient être plutôt considérées comme la trace de signaux universels
de danger. En activant le système d’alarme et, de manière simultanée, le
système d’attachement, ils provoquent chez l’enfant des réactions de sau-
vegarde et de recherche de protection qui donnent un avantage pour sa
survie. Ce système est lui aussi au service de la protection de l’enfant et en
lien étroit avec celui de l’attachement.
Le concept de système motivationnel... 13

Concept de base de sécurité


et concepts associés
Base de sécurité
Cette notion renvoie à la confiance, pour une personne, dans l’idée qu’une
figure de soutien, protectrice, sera accessible et disponible en cas de besoin,
et cela quel que soit l’âge de l’individu. On voit comment la proximité
physique, nécessaire au début de la vie, devient progressivement un
concept mentalisé et émotionnel, et rejoint celui d’accessibilité. Si l’enfant
a construit une base de sécurité, alors il peut, fort de cette confiance dans
la disponibilité de la figure d’attachement, explorer le monde qui l’entoure
(c’est la base de sécurité) parce qu’il peut y revenir en cas de besoin (notion
de havre de sécurité développée par Bretherton, 1995).

Rôle des émotions


L’émotion, comme le rappellent Solomon et Georges (1999), est d’importance
très secondaire dans les premiers travaux de Bowlby. Celui-ci était convaincu
que l’émotion ne pouvait agir comme cause première d’activation du sys-
tème d’attachement. Pour lui, le premier maillon de la chaîne de causalité
ne pouvait être qu’un indice situationnel, et il revendiquait la primauté des
processus perceptifs (appraisal), qu’ils proviennent du soi, de l’environnement
ou de la figure d’attachement. C’est progressivement, grâce à la collaboration
avec Ainsworth, qu’il réalisa la place capitale de l’émotion dans l’organisation
et l’expression de l’attachement, probablement en même temps qu’il intégrait
les théories cognitivo-affectives.

Émotions les plus importantes


dans la théorie de l’attachement
Bowlby note que certaines émotions ont une fonction motivationnelle,
d’autocontrôle et de communication pour l’individu dans le contexte
d’une relation d’attachement. Les émotions que nous allons décrire sont
les ­sous-titres des trois volumes d’Attachement et perte (1969, 1973, 1980).
Bowlby les a surtout traitées comme des réactions émotionnelles aux
ruptures d’attachement.
Angoisse
Pour Bowlby (1973), l’angoisse a la préséance sur toutes les autres activités
lorsque l’accès à la figure d’attachement est menacé. Elle active le système
d’attachement et conduit à l’apparition de comportements d’attachement
qui, normalement, servent à rétablir cette proximité. Les manifestations de
l’angoisse servent de signal de communication pour alerter la figure d’atta-
chement, pour lui faire remarquer la détresse de l’enfant et donner lieu à
des réponses réconfortantes.
14 Grands concepts de la théorie de l’attachement

Peur
La peur est au cœur de la théorie de l’attachement (Lyons-Ruth et
Spielman, 2004). Le vécu de peur traduit l’exposition du bébé à une menace
pour sa survie physique ou psychologique, que cette menace soit interne
ou environnementale. La peur constitue une des menaces maximales pour
l’homéostasie physiologique et psychologique du bébé  : sa régulation est
donc une priorité dans le développement de celui-ci. Cela explique pourquoi
l’activation du système d’alarme-vigilance et du système d’attachement est
préemptive sur tous les autres systèmes, et la dynamique de l’attachement si
essentielle dans les premières années de la vie (Liotti, 2004).
Colère
La colère joue également un rôle important dans la réponse à une rupture
du lien d’attachement. Bowlby suggère que, lors d’une séparation tempo-
raire, la colère peut servir à motiver un enfant à surmonter les obstacles à la
réunion avec la figure d’attachement. Par sa colère, l’enfant communique
ses reproches et cherche à décourager sa figure d’attachement de recom-
mencer.
Tristesse
La tristesse accompagne le fait de réaliser que la figure d’attachement n’est
pas disponible et que les efforts pour tenter de rétablir cette accessibilité
ont échoué. La tristesse peut conduire au retrait et au désengagement, qui
peuvent avoir des effets de réorganisation sur les modèles internes opérants
(MIO).
Émotions positives
Les émotions positives les plus spécifiques de la théorie de l’attachement
sont le sentiment de sécurité (safety) lié à la proximité de la figure d’atta-
chement : c’est un état de détente, de bien-être et de confort, où tout est
sous contrôle. La proximité dans l’attachement est un indice externe spatial
qui renvoie à l’état intérieur de sécurité, qui est, lui, un état émotionnel
subjectif interne. C’est la double notion de proximité et de sécurité qui
définit l’objectif externe et interne du système d’attachement (Sroufe et
Waters, 1977).

Conclusion
La théorie de l’attachement se focalise sur le paradigme de la sécurité en
cas de détresse ou d’alarme. Elle apporte une vision développementale et
contextuelle du fonctionnement du sujet : quelles représentations mentales
l’être humain a-t-il constituées, tout au long de la vie, sur la façon dont
les figures importantes et proches autour de lui se comportent en cas de
besoin  ? comment lui-même se perçoit-il comme suscitant l’attention et
l’aide et le réconfort de la part des autres en cas de détresse  ? La théorie
Le concept de système motivationnel... 15

de l’attachement s’intéresse à ce qui influence le bien-être émotionnel et


les interactions sociales du sujet lorsqu’il est dans un contexte de stress,
d’alarme et, de manière générale, d’émotions négatives.

Références
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Development, 48, 1184-1199.
3 Le système
des soins parentaux 
pour les jeunes enfants,
le caregiving

V. Bekhechi, C. Rabouam, N. Guédeney

Bowlby (1988) évoque l’existence d’un système motivationnel, le caregiving


(fonction de prendre soin), qui organise les soins parentaux répondant aux
besoins d’attachement de l’enfant. Le caregiving normalement va du parent
vers l’enfant, et ne constitue qu’un aspect du lien unissant le parent à son
enfant. Le parent est alors appelé le caregiver (celui qui prend soin). Nous
décrirons dans ce chapitre le système de caregiving, son ontogenèse,
les ­facteurs qui influencent l’expression du caregiving et en particulier ses
liens avec le système d’attachement du parent, en nous centrant sur le care-
giving maternel, qui a été le plus étudié.

Définition du système motivationnel


du caregiving
George et Solomon (1996, 1999, 2008) ont étudié le système motivationnel
du caregiving : c’est un ensemble organisé de comportements guidé par une
représentation de la relation actuelle parent-enfant. Le système de c­ aregiving
parental est le système réciproque (ou complémentaire) du s­ ystème d’atta-
chement de l’enfant. Elles suggèrent que la fonction adaptative du système
de caregiving est la même que celle du système d’attachement, c’est-à-dire la
protection du jeune et, in fine, la reproduction de l’espèce. Ces deux systèmes
intégrés fonctionnent comme un système dyadique de couplage et d’auto-
régulation qui garde l’enfant dans un état organisé et de ­protection des
dangers grâce auquel il peut explorer et se développer (Britner et al., 2005).
Comme tout système motivationnel, le caregiving, qui est un système
d’alerte aux autres, se définit par différentes caractéristiques (George et
Solomon, 1999).
L’objectif du système est que le parent puisse maintenir ou rétablir une
proximité physique et psychologique avec le bébé lorsque celui-ci est en
situation de détresse ou d’alarme, afin de répondre à ses besoins et de lui
fournir protection. Il est activé par des signaux spécifiques : tout signal de
détresse, de vulnérabilité ou d’immaturité d’un être animé. Les stimuli qui

L’attachement : approche théorique


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18 Grands concepts de la théorie de l’attachement

indiquent au parent que l’enfant est en situation de vulnérabilité ou de


détresse (signaux infraverbaux ou verbaux, contextes) peuvent être égale-
ment des situations que le parent perçoit comme étant effrayantes, dange-
reuses ou stressantes pour l’enfant. Les séparations d’avec l’enfant ou toute
impossibilité à établir la proximité avec lui, alors que le parent n’est pas sûr
qu’il soit en sécurité, activent son caregiving.
Les comportements de caregiving visent à promouvoir la proximité et le
réconfort vis-à-vis de l’enfant perçu comme en danger ou en détresse. Ce
peut être des comportements comme rejoindre, appeler, étreindre, retenir,
consoler, bercer, etc., qui sont définis fonctionnellement par rapport à
l’objectif du système : ils sont corrigés quant au but, c’est-à-dire flexibles et
changeant en fonction des caractéristiques du contexte, du développement
et du fonctionnement de l’enfant.
Le système de caregiving se désactive, ou plutôt se met en veille, lorsque
sont rétablies les conditions de proximité physique ou psychologique avec
l’enfant et que le parent perçoit chez lui des signaux montrant qu’il est
réconforté et apaisé. Le caregiving est associé chez le parent à des émo-
tions spécifiques  : sentiments de plaisir et de satisfaction et de soulage-
ment quand il peut protéger son enfant ; de la colère, de la tristesse et de
l’anxiété quand il est dans l’impossibilité de le faire.
Le système de caregiving est organisé par un système de représentations, les
modèles internes opérants (MIO) de caregiving (George et Solomon, 1996) ;
ceux-ci comportent, comme tout MIO, la notion de contenu mental (les
« postulats ») et celle des modalités du traitement de l’information. Les pos-
tulats touchant au caregiving concernent la capacité maternelle à lire et à
comprendre les signaux, sa volonté de répondre aux besoins d’attachement
de l’enfant, et l’efficacité de ses stratégies de protection.

Synergie, antagonisme et compétition


entre le système de caregiving et les autres
systèmes motivationnels du parent
Le parent, en plus d’être un caregiver pour son enfant, peut être le caregiver
d’autres enfants ou de ses parents vieillissants (partage du caregiving), d’un
ami (système affiliatif), d’un partenaire sexuel (système sexuel), d’un profes-
sionnel (système d’exploration) (George et Solomon, 2008). Le système de
caregiving interagit avec les autres systèmes comportementaux des parents
et peut entrer en compétition avec eux. Une stratégie de caregiving optimale
requiert de la part du parent une intégration flexible de l’ensemble des
objectifs des différents systèmes motivationnels en jeu dans une situation
donnée. Le fonctionnement dynamique des deux systèmes, attachement
et caregiving, a été particulièrement étudié (Lyons-Ruth et Spielman, 2004).
Chez les parents sécures, il y a synergie entre les deux systèmes, celui de
Le système des soins parentaux pour les jeunes enfants, le caregiving 19

l’attachement favorisant la pleine expression du caregiving. Chez les parents


insécures, le système d’attachement ne joue plus son rôle de facilitateur de
l’expression du caregiving. Chez le parent désorganisé, il peut y avoir compé-
tition entre les deux systèmes. Un stress intense submergeant les capacités
d’intégration du parent, même sécure, peut entraîner une activation intense
de son propre système d’attachement, en raison de la menace vitale, et ce
dernier devient préemptif sur tous les autres systèmes, ce qui peut entraîner
une extinction transitoire de son système de caregiving (Liotti, 2004).

Description des qualités nécessaires


au parent pour un caregiving sécurisant
Le caregiving demande au parent de mettre à la disposition de son enfant
toutes ses capacités pour l’aider à surmonter sa détresse ou sa peur, et
à résoudre les défis auxquels il est exposé (Marvin et Britner,  1999). Un
caregiving optimal répond aux besoins d’attachement de l’enfant en per-
mettant au parent de jouer son rôle de havre de sécurité/base de sécurité
auprès de son enfant.
L’engagement et le sentiment de responsabilité dans la protection de son
enfant font partie du caregiving (Dozier et Lindheim, 2006) : c’est la moti-
vation du parent à avoir une relation durable avec cet enfant ; en termes
évolutionnistes, il aura tendance à faire passer la protection et le bien-être
de son enfant en priorité, même au risque de se mettre lui-même en péril.
La notion de sensibilité aux signaux de l’enfant a été introduite par
Ainsworth et al. (1978). Elle porte sur la réponse du parent aux émotions
négatives de l’enfant mais aussi sur le soutien parental à l’exploration. À
partir de longues observations de dyades mère-enfant, Ainsworth et  al.
(1978) ont décrit quatre grandes dimensions du comportement maternel
qui pourraient expliquer les différences de comportement d’attachement
entre les nourrissons. Il s’agit de :
• la sensibilité maternelle ;
• la coopération ;
• la disponibilité ;
• l’acceptation.
Un parent sensible perçoit finement le moindre signal de son bébé et l’inter-
prétation qu’il en fait n’est pas déformée par des mécanismes défensifs. Par
exemple, il est convaincu que les pleurs et les cris du bébé sont des signaux
de communication, et non pas de la manipulation (Sears et Sears, 2001). La
coopération du parent avec l’activité du bébé correspond à la capacité du
parent à guider le comportement du bébé plutôt que de chercher à le contrô-
ler. Le parent cherche à ajuster ses intentions à celles du bébé auxquelles il
prête de la valeur. Le troisième aspect décrit par Ainsworth et al. (1978) est la
disponibilité physique et psychologique ; il s’agit ici de la capacité du parent
20 Grands concepts de la théorie de l’attachement

à se tenir en alerte et prêt à répondre au bébé si nécessaire. Enfin, l’accepta-


tion des besoins du bébé est la capacité du parent à intégrer les sentiments
positifs et négatifs que déclenchent en lui son bébé et leurs interactions.
À la suite des travaux d’Ainsworth, d’autres recherches ont cherché à
préciser les qualités d’un caregiving optimal pour la relation d’attachement.
Le parent sécurisant considère le bébé comme un être humain autonome
et distinct, dont les intentions et les activités ont de la valeur. De plus, il
est conscient de l’influence de ses propres états mentaux sur son évalua-
tion de ceux du bébé. La réponse parentale est suffisamment contingente
pour que le bébé fasse le lien avec ses signaux. Le parent peut proposer à
l’enfant un mirroring (Fonagy et al., 2002) : il répond sur le même registre
émotionnel infraverbal que celui de l’enfant (mimique, prosodie) mais en
accentuant et en ralentissant son expression, ce qui permet à l’enfant de se
sentir « validé » dans l’expression de son émotion négative et compris, sans
être submergé par celle du parent, qui la déforme — et donc ne la vit pas.
Un parent sécurisant cherche à comprendre l’intention de l’enfant plutôt
que de répondre directement à son comportement. L’acceptation de la vie
interne de l’enfant est inconditionnelle : c’est le comportement inadapté de
l’enfant qui sera désapprouvé par le parent mais pas les états mentaux
de l’enfant. D’après Hughes (2009), l’émotion de l’enfant que les parents
trouvent la plus difficile à accepter est la colère et seuls les parents sécuri-
sants sont capables de ne pas se sentir menacés par elle. La colère de l’enfant
est acceptée, au contraire des comportements colériques problématiques.
Cette acceptation par le parent de la colère de l’enfant offre une base de
sécurité à partir de laquelle l’enfant peut apprendre de ses erreurs  : dans
la mesure où son comportement n’a mené ni à l’ébranlement de sa valeur
personnelle, ni à celui de la relation au parent, l’enfant gagne la liberté
d’explorer ses erreurs et de s’ouvrir aux raisons et motivations du parent qui
désapprouve son comportement.
La première année de vie, les réponses de caregiving sécurisantes sont
celles qui sont appropriées à ce que communique le bébé  : le nourrir s’il
a faim, le consoler s’il pleure. La deuxième année de vie, il est bon que
l’enfant puisse développer un sentiment de compétence dans sa capacité à
contrôler son environnement social. La sensibilité consiste alors à valider
les signaux du bébé et à lui indiquer que quelqu’un se prépare à y répondre.
Il ne s’agit plus de s’accorder exactement aux demandes du bébé mais plu-
tôt de lui offrir un compromis entre son souhait manifeste et la possibilité
de développer des aptitudes qui lui permettront à long terme de se sentir
compétent et capable d’agir pour sa sécurité propre.
La réponse de caregiving est donc très liée à l’évaluation des signaux de
l’enfant et à l’interprétation qu’en fait le parent. Cela renvoie à la capacité
parentale réflexive décrite par Slade (2005), qui est la fonction réflexive
du parent appliquée à la compréhension des états mentaux de son enfant
Le système des soins parentaux pour les jeunes enfants, le caregiving 21

en situation « attachement-pertinente ». Ces dimensions sont décrites en


détail dans le chapitre 26. Cette capacité réflexive s’exprime dans les attri-
butions verbales du parent qui labellise les états mentaux qu’il imagine à
l’origine des signaux de son enfant (Meins et al., 2002). Le parent agit en
même temps en apportant une solution concrète aux difficultés de l’enfant
(Lyons-Ruth et Spielman,  2004)  ; il peut garder une attention suffisante
à l’enfant réel, même quand il a d’autres tâches à effectuer (Schuengel
et al., 1999) ou quand il est stressé (Lyons-Ruth et Spielman, 2004), et aussi
corriger ses réponses s’il réalise qu’elles n’ont pas réconforté son enfant
(Schuengel et al., 1999).
Plus récemment, des travaux se sont penchés sur les caractéristiques d’un
caregiving qui soutient l’exploration. En effet, les expériences positives et
le jeu sont aussi l’occasion de renforcer la relation d’attachement en don-
nant au parent la possibilité de « sécuriser » l’exploration (Hughes, 2009).
La sensibilité à l’exploration a été particulièrement étudiée par Cassidy
et al. (2005) et par Grossmann et al. (2008). Le caregiver n’intervient que
lorsque l’enfant demande de l’aide, sans interférer avec l’exploration  ; il
soutient l’exploration de l’enfant en l’aidant si besoin à trouver d’autres
satisfactions à explorer et en étant attentif à l’équilibre exploration/­
attachement. Il l’aide à réguler les expressions de détresse seulement
lorsque l’enfant n’arrive plus à explorer. De même, il l’aide à réguler son
éventuelle excitation si elle le déborde.

Ontogenèse du caregiving
Le développement du système de caregiving est le produit d’une transaction
complexe entre de nombreux éléments biologiques et environnementaux
(Belsky, 1999). Nous nous appuierons sur la description détaillée de George
et Solomon (1999, 2008).
Le système de caregiving se manifeste à partir de 2-3 ans sous des formes
immatures et non fonctionnelles : jouer à la maman (surtout chez les filles),
s’occuper de petits animaux, de bébés, de poupées. Ces jeux sont influencés
par l’expérience des soins parentaux, qui aident l’enfant à développer un
sens du soin et des représentations de donner des soins. Les modèles fami-
liaux jouent un rôle crucial dans le développement du caregiving pendant
la petite enfance et l’enfance. Le déclenchement de la puberté semble
jouer un rôle dans le développement du système de caregiving : la poussée
hormonale pourrait initier la transition chez l’être humain vers un sys-
tème de caregiving mature. Sur le plan des représentations, cette transition
implique une évolution de la perspective de l’enfance (« être attaché à »)
vers la perspective adulte («  protéger l’autre  »). Cette transition est aussi
influencée par l’expérience antérieure et le contexte culturel. Solomon et
George (1996) suggèrent que la construction des MIO du système du caregiving
22 Grands concepts de la théorie de l’attachement

(représentations des soins parentaux) s’effectue parallèlement à celle des


MIO du système d’attachement.
Le système de caregiving se développe surtout durant les périodes de la tran-
sition vers la parentalité (grossesse, naissance, post-partum), dans une inter-
action des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Les h ­ ormones
libérées durant la grossesse, l’accouchement et la lactation représentent l’un
des déterminismes des soins parentaux, qui commence juste à être étudié
(Hrdy, 2005 ; Keverne, 2005). Des études récentes, menées chez les primates
et chez les humains, suggèrent que les hormones peuvent expliquer en
partie les changements de motivation à fournir des soins parentaux qui sur-
viennent durant la grossesse et le post-partum (Maestripieri, 2001). La mère
étant la seule personne dont on peut penser qu’elle sera sûrement présente
à la naissance de l’enfant, il est logique de supposer que l’évolution lui a
attribué un équipement biologique particulier (Hrdy, 2005).

Facteurs influençant le caregiving


Le système représentationnel de l’attachement du parent joue sur son sys-
tème représentationnel de caregiving. Le caregiving maternel a d’abord été
compris comme la transmission de l’attachement maternel à la généra-
tion suivante (George et Solomon,  1999), dans un modèle d’assimilation
du c­aregiving  ; dans des circonstances normales, une mère intègre ses
­expériences avec son enfant dans ses représentations mentales de l’attache-
ment. Ce modèle semble dominant pour les mères sécures. Les études sur la
transmission de l’attachement — en particulier le fait que les mères « earned
secure » par rapport à un trauma de l’enfance sont des parents désorganisés —
montrent que s’occuper de leur propre enfant dérégule le système de care-
giving de ces mères et réactive les craintes et les souvenirs traumatiques
personnels. Les stratégies conditionnelles d’attachement sont un facteur
jouant sur la perception des signaux de besoin de l’enfant et donc sur l’acti-
vation du caregiving, sur l’interprétation des signaux et donc sur les choix
non conscients de réponses et enfin sur la flexibilité du parent d’examiner
sans stress excessif les réponses possibles en prenant en compte toutes les
informations de manière ouverte. Cependant, les discontinuités de la trans-
mission, que ce soit dans un sens sécurité ou insécurité, évoquent que le
caregiving n’est pas uniquement lié au système de l’attachement maternel.
Huth-Bocks et al. (2004) montrent que les représentations maternelles de
caregiving pourraient constituer le mécanisme à travers lequel les expé-
riences passées d’attachement prédisent le type d’attachement développé
par l’enfant.
Les facteurs hormonaux de la période périnatale jouent un rôle essentiel.
Le bonding correspond aux émotions chaleureuses vécues par la mère juste
après la naissance et au sentiment qu’elle éprouve d’avoir un lien très spécial
Le système des soins parentaux pour les jeunes enfants, le caregiving 23

avec son nouveau-né. En déclenchant la formation du lien mère-bébé, le


bonding amène la mère à protéger son enfant. L’ocytocine de la parturition
et de la lactation favorise le bonding, qui est une des impulsions biologiques
au caregiving (Carter,  2005). Elle semble jouer un rôle spécifique chez les
femmes en favorisant les comportements maternels les plus associés avec
un nouveau-né et en favorisant l’établissement de la préférence (Leckman
et  al.,  2005). L’ocytocine intracérébrale est sécrétée sous l’influence de
divers stimuli sociaux qui incluent la simple présence d’un bébé : contacts
peau à peau, les mouvements de main du bébé et le réflexe de succion
(Nissen et al., 1995). L’ocytocine interagit avec les systèmes de récompense/
plaisir (dopamine et opiacés endogènes), ce qui renforce positivement le
développement et l’expression du répertoire du caregiving (Carter,  2005).­
L’ocytocine interviendrait également dans la modulation des réponses au
stress, via son action au niveau de l’axe hypothalamo-hypophyso-cortico-
surrénalien, dans le sens d’une moindre réactivité au stress et donc d’une
accalmie (effet anxiolytique) mais aussi comme hormone de réponse au
stress (Tops et  al.,  2007). Chez les mammifères, l’ocytocine pourrait ser-
vir à gérer le stress maternel généré durant la naissance et le post-partum.
L’ocytocine inhiberait également le fonctionnement de l’amygdale, qui est
impliquée dans les stimuli de menace ainsi que les régions cérébrales impli-
quées dans le jugement social et la théorie de l’esprit pour les attributions
négatives ; cela favoriserait la diminution des réactions d’attaque colérique
de défense et les attributions négatives sur le bébé (Debiec, 2005).
L’allaitement maternel offre des conditions spécifiques de proximité et
de familiarité qui semblent propices au caregiving chez la mère. Les modi-
fications hormonales physiologiques liées à l’allaitement créent un climat
émotionnel particulièrement favorable à la mise en place du caregiving en
favorisant, là encore, une meilleure lecture des émotions et en renforçant
les comportements maternels de protection et d’attention portés au bébé
(Lamas et Guédeney, 2006).
Les représentations culturelles jouent également un rôle dans le caregiving
maternel, comme l’a montré Sagi sur les parents d’enfants élevés en kib-
boutz (Sagi et al., 1997), ainsi que les normes socioculturelles de l’époque
sur la bonne manière de s’occuper d’un bébé (Guédeney, 2008).
Les facteurs liés au bébé et aux conditions de sa naissance et commen-
cent juste à être étudiés (voir chapitre  5 de L’attachement  : approche cli-
nique). L’expérience maternelle de la naissance et l’interprétation que la
mère en fait a une influence sur son caregiving (George et Solomon, 2008 ;
voir chapitre 11). Le bébé suscite fortement les comportements de soins.
Les traits physiques de la « bébéité » (rondeur, taille de la tête et des yeux,
etc.) produisent une attraction physique pour n’importe quel caregiver
(George et Solomon, 1999). La consolabilité du bébé, son ajustement pos-
tural, ou sa capacité de regard constituent des stimuli puissants du système
24 Grands concepts de la théorie de l’attachement

de récompense-plaisir (Leckman et  al.,  2005) et favorisent l’engagement


maternel dans le caregiving.
Il semble exister une interaction entre facteurs actuels liés au bébé et le
système de représentations maternelles de l’attachement et du caregiving.
L’enfant rend la mère capable de modifier ses représentations concernant
l’attachement (Van IJzendoorn et De Wolff,  1997). Pour chaque enfant,
le comportement maternel vis-à-vis de celui-ci sera influencé par le sys-
tème représentationnel actuel du caregiving (Solomon et George, 1996). En
se référant à Piaget, ces dernières considèrent que la mère assimile son expé-
rience actuelle avec son bébé à ses représentations du passé. Avec l’arrivée
du bébé, elle va également accommoder ses représentations à la réalité du
bébé et au contexte des soins : de nouvelles représentations du caregiving
peuvent s’élaborer à partir de l’expérience réelle de caregiving avec le bébé.
Les facteurs sociaux et contextuels influencent également le développe-
ment et l’expression du système de caregiving maternel. Ils peuvent soute-
nir ou entraver la capacité de la mère à se focaliser sur les soins à donner à
l’enfant. L’état psychologique (la dépression postnatale, l’anxiété postnatale,
un état de stress postnatal, et bien sûr les psychoses du post-partum) joue
sur le caregiving maternel (chapitre  16 de L’attachement  : approche clinique).
Les stress environnementaux auxquels la mère est éventuellement soumise
(événements de vie négatifs type chômage, statut socio-économique pré-
caire), en particulier les stress interpersonnels, peuvent miner les capacités
de caregiving de la mère (Kobak et Mandelbaum,  2003). Sa relation avec le
partenaire joue un rôle crucial, positif ou négatif, sur l’alliance de ­caregiving
(Cowan et Pape Cowan,  2009). Le partenaire qui soutient le mieux le
caregiving maternel est celui qui joue un rôle de base de sécurité, il ne l’éloigne
pas de ses enfants quand ceux-ci ont besoin d’elle, il l’aide à répondre le plus
adéquatement possible à leurs besoins, il participe plus ou moins aux soins
et respecte l’importance que joue la mère dans le sentiment de sécurité de
l’enfant si celle-ci est la figure d’attachement principale. Il constitue égale-
ment un havre de sécurité vers lequel la mère peut se tourner quand elle se
sent en détresse. Le rôle des figures féminines soutenantes dans le réseau privé
ou soignant autour de la mère est aussi crucial (George et Solomon, 1999).
Tous ces facteurs seront repris plus en détail dans le chapitre 6.

Système du caregiving chez les mères


et chez les pères
Cassidy (1999) rappelle que Harlow, dès 1963, avait fait l’hypothèse qu’il
existait un caregiving paternel et un caregiving maternel différenciés. Si les
bébés peuvent s’attacher à leur père en même temps qu’à leur mère, il sem-
ble que ce soit la mère qui représente le plus souvent, même quand les
deux parents sont présents, le havre de sécurité dont ils ont besoin en cas
Le système des soins parentaux pour les jeunes enfants, le caregiving 25

de danger ; cela même lorsque la mère travaille et n’est pas plus présente
que le père (Lamb, 1996). Ainsworth avait déjà remarqué que l’attachement
des enfants au père n’était pas proportionnel au temps passé ensemble, et pen-
sait que l’interaction avec lui avait quelque chose de spécifique (Grossmann
et  al.,  2008). Dans la recherche sur l’attachement, les comportements
associés à la sensibilité, telle qu’elle a été définie pour les mères, n’ont pas
prédit la sécurité de l’attachement vis-à-vis des pères lors de la S­ ituation
étrange. Mais on sait que les instruments de mesure de la sécurité de
­l’attachement ont été d’abord construits autour de la relation mère-enfant
(voir chapitre 21).
Sans caricaturer les rôles parentaux, il semble que la mère — souvent
la figure d’attachement principale du fait de sa présence plus continue
et plus proche physiquement auprès de l’enfant dans les premiers mois
(Ainsworth, 1978) — puisse favoriser le développement d’un sentiment de
sécurité chez l’enfant en encourageant la proximité en cas de détresse. De
son côté, le père, à travers les jeux stimulants souvent excitants et plus
physiques qu’il pratique avec son enfant, soutient celui-ci à se risquer vers
l’inconnu, et joue ainsi un rôle déterminant dans le développement de
ses capacités à explorer : les échanges avec le père favorisent également chez
l’enfant le développement du sentiment de sécurité, mais préférentielle-
ment lors de  l’exploration, en soutenant l’apprentissage de la résolution
de problèmes, le développement d’aptitudes à la compétition et à faire face
aux conflits de manière socialisée. L’enfant pourrait alors acquérir une cer-
taine affirmation de soi qui favorise l’adaptation (Grossmann et al., 2008).
Parke et al. (2004), cités par Grossmann et al. (2008), soulignent aussi le rôle
capital du père dans les jeux plus excités avec son enfant, à la fois soutenant
son exploration et l’aidant à réguler cette « désorganisation » introduite par
l’abord de l’inconnu.
Le caregiving paternel semble moins jouer sur le développement émotion-
nel de l’enfant que le caregiving maternel (Steele et al., 1996), qui favorise
la compréhension et la résolution des conflits internes, mais il aurait plus
d’influence sur le contrôle des émotions, et la régulation et la résolution des
conflits émotionnels liés aux échanges interpersonnels, notamment avec
les pairs et la fratrie (Steele et Steele, 2005).
Les caractéristiques de la sensibilité du père pourraient concerner le
soutien émotionnel de l’enfant, les encouragements, la prévenance, les
éloges, la non-intrusivité dans l’exploration (voir la SCIP au chapitre 21, et
Grossmann et al., 2008).
L’implication des pères dans le caregiving est associée au souvenir de leurs
propres expériences d’attachement comme enfants et à l’importance qu’ils
prêtent à ces expériences : on constate alors plus de chaleur, de sensibilité
lors des jeux, de proximité, de responsabilité dans le soin, d’attention à la
sécurité, et plus de mises au défi sensibles chez les pères quand l’enfant a
26 Grands concepts de la théorie de l’attachement

2 ans, 4 ans ; et un partenariat plus sensible dans le jeu et l’apprentissage


lorsque l’enfant a 6 ans avec des jeunes enfants (Grossmann et al., 2002 ;
Cohn et al., 1992).
Des études longitudinales montrent que le comportement de « mise au
défi (challenge) sensible » des pères quand l’enfant a 2 ans est corrélé posi-
tivement à la sécurité des représentations d’attachement des adolescents
(Grossmann et al., 2005).
L’influence de la relation mère-enfant sur le caregiving paternel est encore
très peu étudiée, et l’on a surtout des résultats indirects à partir de l’atta-
chement chez l’enfant. Pour Steele et al. (1996), l’attachement de l’enfant
à la mère influencerait son attachement au père. Howes (1999) pense que
la mère, lorsqu’elle est le caregiver principal, peut influencer les interactions
entre le père et l’enfant.
Des études récentes se sont intéressé à l’influence du sexe de l’enfant sur
le caregiving des pères et des mères. Schoppe-Sullivan et al. (2006) trouvent
que les pères sont plus sensibles à leurs garçons qu’à leurs filles, au contraire
des mères, qui seraient plus sensibles à leur fille : les pères pourraient être
guidés par leur vision des rôles sociaux liés au genre, et les caractéristiques
biologiques dans les dyades parent-enfant de même sexe s’accorderaient
mieux, en particulier pour les modes innés de régulation des émotions.

Conclusion
Le système motivationnel du caregiving est de mieux en mieux connu.
­Prendre soin de l’autre dans les dimensions de protection, de consolation et
de soutien à l’exploration est une tâche extrêmement complexe qui est bien
différente du simple fait d’aimer son enfant. Si les signaux exprimant la
détresse de l’enfant activent le système de caregiving, ce qui se passe ensuite
reste fortement influencé par les représentations mentales du parent. La
dynamique complexe du caregiving (facteurs biologiques, facteurs psycholo-
giques, facteurs environnementaux et culturels) ainsi que ses relations avec
les autres systèmes motivationnels ouvrent la voie à de nombreuses appli-
cations cliniques et à une meilleure compréhension de certaines difficultés
de la parentalité.

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4 Attachement et système
affiliatif : les liens d’amitié

R. Dugravier, M. Allona, S. Tereno

L’homme est destiné à nouer des liens avec son entourage ; c’est un ­animal
social et ceci depuis les premiers temps de son évolution. Très tôt, les
êtres humains se sont associés pour chasser et se sont rassemblés en petits
groupes sur un même territoire, ce qui avait comme vertu de leur donner
plus de chances de survie dans un monde hostile. Constituer des groupes
sociaux est donc une caractéristique commune à l’ensemble des êtres
humains, même si certains sont plus aptes que d’autres à instaurer des
relations sociales satisfaisantes. Le tempérament joue probablement un
rôle dans cette propension à nouer des liens, mais cette aptitude dépend
aussi de l’environnement dans lequel l’individu a grandi.
Ces relations de compagnonnage deviennent alors l’occasion pour les
individus de moments de jeux, de partage, d’altruisme et de mutualité. Les
amis se reconnaissent d’ailleurs à leur familiarité, aux plaisanteries parta-
gées et à tout un langage infraverbal qui leur est propre.
Bowlby (1973) comme Ainsworth (1989) postulent ainsi que les relations
avec les pairs reflètent le style d’attachement élaboré lors des premiers
échanges avec les parents, distinguant bien, malgré leur intrication, les
liens d’attachement des liens affiliatifs.

Les relations affiliatives,


une curiosité très précoce
Dans les années 1950, les scientifiques considèrent encore que les bébés
ne s’intéressent pas vraiment aux autres et que, dans le cadre d’éventuelles
interactions, ils ont plus tendance à traiter les individus comme des objets.
Nous savons maintenant, grâce aux études fondées sur l’observation
directe des jeunes enfants, que ceux-ci éprouvent très tôt (dès 2 mois) une
curiosité pour autrui qui s’exprime par l’intensité de leur éveil et leur excita-
tion en présence d’autres bébés, et par leur propension à imiter les compor-
tements, les attitudes de leurs pairs (National Research Council, 2000).
En fait, dès 3  ans, les jeunes enfants sont capables d’entretenir
des échanges sociaux complexes avec d’autres enfants du même âge
­(Gottman,  1983  ; Rubin,  1973). Ce n’est pas seulement une question
de compétence, mais aussi le signe d’un intérêt croissant. Nous verrons

L’attachement : approche théorique


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32 Grands concepts de la théorie de l’attachement

qu’en grandissant, les enfants en viennent à consacrer de plus en plus de


temps à leurs pairs plutôt qu’à leurs parents.

La notion de système motivationnel,


concept éthologique
Lorsque John Bowlby développe sa théorie, il prend soin de distinguer les
liens d’attachement des autres modes de liens sociaux. Il s’inspire pour cela
du concept de systèmes motivationnels développé par les éthologues. Un
système de motivation est inné, primaire, essentiel à la survie de l’espèce,
de qualité péremptoire, activable ou non. Ces différents systèmes sont
­activés et hiérarchisés selon les situations rencontrées (Fonagy, 2004). Selon
Bowlby, le système attachemental est un système parmi d’autres, particuliè-
rement actif lors des situations de stress.
Les éthologues considèrent que le fait de nouer des liens sociaux est une
tâche adaptative, car cela favorisait la survie quand il était préférable de
coopérer pour rechercher de la nourriture. Mais appartenir à un groupe per-
met aussi d’avoir l’occasion de jouer, de développer plus de compétences
dans les domaines de l’exploration, de la découverte, de l’altruisme.
Toujours dans une perspective évolutionniste, notons bien que le système
d’attachement et le système affiliatif diffèrent grandement. D’ailleurs, les
humains recherchent la compagnie d’individus différents selon les circons-
tances et donc selon le système activé : les jeunes enfants se tournent vers
leur caregiver lorsqu’ils sont stressés mais, lorsqu’ils sont plus détendus, ils
préfèrent jouer avec leurs pairs, particulièrement s’ils les connaissent déjà
(Lewis et al., 1975 ; Nash, 1988).

Des systèmes motivationnels


distincts mais étroitement liés
Rappelons que les liens d’attachement se caractérisent par la recherche de
proximité, le stress lors de la séparation, le havre de sécurité, la base de sécurité
(Zeifman et Hazan,  2008). Ces relations d’attachement, au moins dans les
premières années, sont fondamentalement asymétriques —  le jeune enfant
recherche de la sécurité auprès de son caregiver sans en procurer en échange —,
ce qui les distingue nettement des autres relations sociales, qui reposent
davantage sur une réciprocité, une coopération et des échanges mutuels. Deux
amis sont dépendants l’un de l’autre et bénéficient souvent d’actions effec-
tuées en commun. Ces relations dites affiliatives sont aussi, dans les premières
années tout au moins, excitantes, stimulantes, ce qui contraste avec les rela-
tions d’attachement qui ont pour but de favoriser un sentiment de sécurité.
Parmi les différents systèmes coexistants, le système affiliatif s’active
donc lorsque l’individu engage des relations avec ses pairs — à l’exclusion
Attachement et système affiliatif : les liens d’amitié 33

notable des relations amoureuses — et qu’il s’adresse à un individu singu-


lier, non interchangeable. Ces relations d’amitié reposent sur le bon vouloir
de chacun et, à ce titre, nécessitent une grande capacité de négociation
pour être maintenues. Si ces conditions ne sont pas réunies, libre à chacun
de mettre fin à cette relation, ce qui n’est évidemment pas vrai des liens
d’attachement.
Mais, si le système attachemental et le système affiliatif sont bien dis-
tincts, ils sont aussi intimement liés. En effet, on comprend bien que les
expériences précoces d’attachement vécues par l’enfant avec ses parents ont
une influence notable sur la capacité de celui-ci à nouer ultérieurement des
relations affectives avec les autres enfants du même âge.

Association entre qualité de l’attachement


précoce et relations avec les pairs
Selon Alan Sroufe, la qualité de l’attachement mère-enfant favorise des
­relations sociales plus harmonieuses, une meilleure acceptation par les pairs
et moins de conflits avec eux (Berlin et al., 2008).
Même si la recherche est encore balbutiante dans ce domaine, il existait
déjà un certain nombre d’études effectuées de manière écologique et en
laboratoire confirmant l’existence d’un lien entre qualité de l’attachement
et relations amicales chez les jeunes enfants et ceux de l’âge de latence.
Que les données soient transversales ou longitudinales, les études confir-
ment que l’attachement sécure donne un avantage adaptatif pour nouer
des liens sociaux. Ainsi, les enfants sécures répondent de manière plus
appropriée à leur partenaire de jeu (Pierrehumbert et al., 1989). Les enfants
évalués comme sécures expérimentent aussi à 4 ans plus d’échanges positifs
avec leur meilleur ami et vivent moins d’échanges négatifs à 6 ans (Booth
et al., 1998 ; Kerns, 1994). Par contre, cela est moins vrai quand les enfants
ont un attachement sécure avec leur père (Youngblade et Belsky,  1992  ;
Youngblade et al., 1993).
Les relations d’attachement influent donc bien sur la qualité des liens
d’amitié, comme cela est mis en évidence dans l’étude longitudinale du
Minnesota (Elicker et al., 1992 ; Sroufe et al., 1999), où les enfants de 10 ans
évalués comme sécures à l’âge de 12 mois nouent préférentiellement des
liens amicaux avec des enfants eux-mêmes sécures.
Plus encore, dans l’étude longitudinale allemande (Grossman et Grossman,
1991), l’attachement mère-enfant évalué à 12 mois prédit la capacité à
établir des relations amicales à 10 ans. Le style d’attachement précoce sem-
ble influencer non seulement qualitativement mais aussi quantitativement
les amitiés infantiles (Elicker et al., 1992 ; Lewis et Feiring, 1989).
Étant donné l’insistance de Bowlby concernant l’influence des liens
d’attachement sur les liens affectifs ultérieurs, Berlin et Cassidy (1999) se
34 Grands concepts de la théorie de l’attachement

sont intéressés à distinguer comment l’attachement influence plus forte-


ment les relations ayant une dimension affective que les relations sociales.
Deux méta-analyses (Schneider et al., 2001 ; Pallini et al., 2014) traitant
de l’attachement parent-enfant et des relations avec les pairs dont ­l’amitié,
démontrent que l’attachement précoce parent-enfant conditionne au
moins en partie les relations ultérieures des enfants avec leurs pairs. Dans
la première (Schneider et al., 2001), cette ampleur d’effet était significative-
ment plus forte si on distinguait les relations amicales des relations sociales.
Ainsi, les liens d’attachement précoce semblent exercer une influence plus
forte sur les relations caractérisées par une dimension affective que sur
celles qui en sont dénuées. On retrouve des résultats similaires dans l’étude
du Minnesota (Sroufe et  al.,  2005), où la sécurité de l’attachement mère-
enfant est reliée de manière plus consistante avec la qualité des amitiés
dans l’enfance qu’avec les compétences sociales évaluées par les ensei-
gnants (Sroufe et al., 1999). On retrouve aussi des associations significatives
entre «  soins précoces  » (liens d’attachement et parentalité) et amitié et
sociabilité.
L’étude du NICHD (National Institute of Child Health and Human
­Development, 2006) retrouve, quant à elle, une association directe entre
attachement mère-enfant et compétences sociales de l’enfant (sociabilité,
empathie, engagement prosocial) évaluées par la mère à l’âge de 3  ans
(Belsky et Fearon, 2002). À 3 ans toujours, l’association entre attachement et
compétences sociales est modérée par une mesure composite du risque fami-
lial. En fait, quel que soit le style d’attachement, lorsque le risque ­familial
augmente, les compétences sociales diminuent linéairement. Lorsque le
­
risque familial est très élevé, il n’y a pas de différence de compétence sociale,
quel que soit le style d’attachement. De plus, l’association à 3  ans entre
attachement mère-enfant et compétences sociales dépend de la sensibilité
maternelle à 2 ans (NICHD, 2006).
En ce qui concerne l’amitié, c’est sensiblement différent. L’attachement
mère-enfant et la sensibilité maternelle potentialisent la prédiction quant à
la qualité de l’amitié ; et l’association significative entre attachement mère-
enfant et amitié persiste pour tous les styles d’attachement. Avec l’âge, les effets
principaux de l’attachement précoce sur les compétences sociales persistent.
Plus encore, entre 4 ans et demi et 6 ans, des arguments en faveur de mesures
intermédiaires de la qualité parentale (HOME ­inventory, sensibilité maternelle)
comme médiatrices émergent pour les enfants insécures (NICHD, 2006). Si la
qualité parentale diminue, les troubles du comportement augmentent ; si la
qualité parentale augmente, les troubles du comportement diminuent. Ces
évolutions ne sont pas observées chez les enfants sécures. Ainsi, l’attachement
insécure serait malléable et ouvert au changement. L’attachement sécure
jouerait un rôle de facteur de protection au long cours.
Attachement et système affiliatif : les liens d’amitié 35

Stratégies de minimalisation
et  de  maximisation (Main, 1990) :
leurs influences sur les relations
affiliatives
On peut comprendre aussi l’influence de la qualité de l’attachement sur les
relations avec les pairs à partir des stratégies relationnelles. Ces stratégies se
sont constituées en fonction de la sensibilité du caregiver aux besoins de son
enfant et elles affectent les relations de l’enfant avec ses pairs.
Les enfants ambivalents-résistants usent de stratégies de maximalisation
qui reflètent de façon exacerbée leur besoin de soin et d’attention, leur vul-
nérabilité et leur désir de trouver des amis. Cette attitude engendre souvent
en retour rejet et négligence de la part des pairs.
Les enfants évitants, quant à eux, peuvent se montrer hostiles, agres-
sifs, refusant les échanges positifs avec les pairs (Cassidy et Berlin, 1994 ;
Sroufe et  al.,  2005). Ils usent alors de stratégies de minimalisation de
l’attachement  ; ils se présentent comme indépendants, imbus d’eux-
mêmes. Cette attitude aussi occasionne du rejet ; ce sont des enfants qui
s’aliènent fréquemment leurs pairs.
Ces considérations sont étayées par l’étude longitudinale auprès des
1 060 participants du NICHD (Mc Elwain et  al.,  2003) sur les liens entre
attachement mère-enfant précoce et amitié à 3 ans :
• les enfants évitants usent plus facilement de comportements agressifs
(tels qu’arracher un jouet) que les sécures ou les ambivalents ;
• les amis des enfants désorganisés (en réponse au manque de stratégie
de ces enfants  ?) sont plus péremptoires ou contrôlants que les amis des
enfants sécures ou insécures évitants et ambivalents.
Un certain nombre d’études reposant sur les autoévaluations par les
enfants de leurs relations avec leurs amis et leurs pairs étayent ces résultats.
Ainsi, deux recherches longitudinales du lien entre attachement et solitude
mettent en évidence une association entre le fait d’avoir un style d’atta-
chement ambivalent et un sentiment de solitude chez les enfants de 5 ans
(Berlin et al., 1995 ; Raikes et Thompson, 2008).
Dans l’étude sur les enfants allemands (Grossmann et Grossmann, 1991),
à 10  ans, ceux préalablement identifiés comme sécures nommaient un
certain nombre d’amis tandis que les enfants insécures (essentiellement
évitants, 83 %) arguaient avoir beaucoup d’amis sans pouvoir les nommer.
Ce décalage entre les allégations et l’absence de corroboration de leurs
dires ressemble au discours idéalisant de certains adultes reconnus comme
«  dismissing  » à l’Adult Attachment Interview (état d’esprit actuel «  déta-
ché »). Ces adultes décrivent leurs expériences en généralisations positives
mais ne parviennent pas à donner d’exemples spécifiques, et donnent
36 Grands concepts de la théorie de l’attachement

même souvent des exemples contradictoires, ce qui est compris comme de


l’exclusion défensive des souvenirs douloureux (équivalent d’une straté-
gie de minimisation de l’attachement). Ici aussi, affirmer avoir beaucoup
d’amis sans pouvoir les nommer semble être une stratégie d’exclusion
défensive vis-à-vis du sentiment de solitude (Berlin et al., 2008).

Attachement précoce et relation


dans l’enfance avec les amis et les pairs :
mécanismes de médiation
Selon John Bowlby, ce sont les modèles internes opérants qui médiatisent
le lien entre attachement précoce et relations affectives ultérieures. Les don-
nées sont encore peu solides dans ce domaine.
Néanmoins, certaines études mettent en évidence une association entre
la qualité de l’attachement et les représentations de soi, des autres et de
l’attachement en général (Booth et al., 1998 ; Ziv et al., 2004).
Dans une recherche menée auprès d’enfants de crèche et de mater-
nelle, les représentations qu’avaient les enfants de leurs relations avec
leurs pairs médiatisaient partiellement l’association entre l’attachement
de l’enfant à sa mère et les relations actuelles avec les pairs (Cassidy
et al., 1996).
Des résultats concordants sont retrouvés dans une étude transversale
auprès d’enfants de moins 6 ans pour lesquels le support social perçu était
un médiateur de l’association entre l’attachement mère-enfant (évalué à
l’AQS) et une mesure composite des compétences sociales de l’enfant
incluant les relations avec les pairs (Bost et al., 1998).
L’étude du Minnesota (Carlson et al., 2004) donne aussi des résultats inté-
ressants sur l’association entre attachement mère-enfant et « ­comportement
social » à 4 et 12 ans, ainsi que le fonctionnement social à l’adolescence.
Ici, les expériences précoces de l’enfance prédisent significativement les
représentations infantiles de soi et des autres. Ces représentations prédisent
elles-mêmes les représentations ultérieures des relations avec les pairs ainsi
que le comportement social.
En plus des processus représentationnels, il est important de consi-
dérer d’autres mécanismes possibles liant attachement précoce et rela-
tions affectives ultérieures. Comme décrit précédemment, les parents
d’enfants sécures peuvent faciliter les relations positives de leur enfant de
diverses manières, par exemple, en leur faisant profiter de plus d’expé-
riences sociales (Cassidy et Berlin,  1999). Des arguments dans ce sens
peuvent être tirés de l’étude de Lieberman (1977), dans laquelle il
existe une association positive entre attachement sécure et étendue des
contacts des enfants avec leurs pairs.
Attachement et système affiliatif : les liens d’amitié 37

État des connaissances sur les bases


neurobiologiques
Un article (Bora et  al.,  2009) fait le point sur les comportements affilia-
tifs humains et leurs corrélats neurobiologiques relevant que ce sont les
circuits de récompense qui sont particulièrement stimulés (dont le cortex
orbito-frontal et le cortex cingulaire antérieur). Ils soulignent que l’ocyto-
cine favorise les comportements d’attachement et de confiance en autrui,
modère l’anxiété et promeut la générosité.
Ruth Feldman (2012) poursuit dans cette voie après avoir constaté
que peu d’études s’intéressaient à l’observation des interactions entre
amis, à l’évaluation de leur réciprocité, le degré d’engagement et leurs
corrélats neurohormonaux. Elle décrit alors les travaux de sa propre
équipe auprès d’une cohorte de jeunes parents avec leur premier enfant.
Ils ont pu retrouver une corrélation entre le taux d’ocytocine plasma-
tique des parents et la synchronie interactive parent-enfant à la nais-
sance. Ils revoyaient les enfants à 3 ans, mesuraient leur taux d’ocytocine
salivaire et observaient leurs interactions avec chacun de parents et avec
leur meilleur ami. Les enfants ayant expérimenté des interactions syn-
chrones semblent avoir internalisé des représentations de relations qu’ils
peuvent reproduire avec leurs amis (plus de réciprocité, plus concerné
par les besoins de son ami, plus d’implication émotionnelle, plus
d’accordage affectif). Ils constatent aussi que le taux d’ocytocine plas-
matique  des parents à la naissance permet de prédire le taux d’ocytocine
salivaire des  enfants à 3 ans et que cette corrélation est médiatisée par la
qualité des interactions parent-enfant à la naissance.

Évolution des relations d’amitié : des similitudes


avec les relations d’attachement
Il existe maintenant une littérature plus abondante sur les relations ami-
cales tout au long du développement de l’enfant, en particulier à l’adoles-
cence, qui souligne la complexité et la richesse de ces liens. On constate
ainsi qu’en grandissant, les enfants puis les adolescents sont de plus en plus
à même de développer des relations intimes avec leurs pairs (Buhrmester,
1986, 1987 ; Buhrmester et Prager, 1995 ; Rosenthal et al., 2010) et même de
se tourner vers ceux-ci lorsqu’ils éprouvent un besoin de réconfort
(Steinberg et Silverberg,  1986). Ces comportements s’apparentent à la
recherche de proximité et au havre de sécurité précédemment incarnés par
les parents. Un certain nombre de comportements d’attachement semblent
ainsi se rediriger vers les individus du même âge au détriment des parents.
À l’adolescence, cela englobe la capacité non seulement à répondre aux
besoins de l’autre, mais aussi à être concerné par ses problèmes, ses soucis.
38 Grands concepts de la théorie de l’attachement

En nouant des liens d’amitié, les enfants n’apprennent pas seulement à se


tourner vers leurs pairs, mais aussi à écouter et à être soutenants.
Une recherche (Zeifman et Hazan, 2008) a tenté d’étudier l’évolution de
ces comportements à partir d’entretiens menés auprès de cent enfants et
adolescents âgés de 6 à 17 ans. Les différentes composantes de la relation
d’attachement sont ici prises en compte (recherche de proximité, havre de
sécurité, base de sécurité, stress lors de séparations), les enfants devant à
chaque fois nommer leur personne préférée pour la situation correspon-
dante. Les enfants et les adolescents se tournent ainsi majoritairement
vers leurs pairs avec qui ils préfèrent passer du temps plutôt qu’avec leurs
parents. Les auteurs observent par ailleurs une évolution dans les réponses
des enfants entre 8 et 14 ans concernant la dimension de havre de sécu-
rité, les pairs étant progressivement préférés aux parents comme source de
réconfort et de soutien émotionnel. Par contre, pour la majorité des enfants
de l’échantillon, les parents (en particulier la mère) sont encore leur base de
sécurité, c’est d’ailleurs à eux qu’ils s’adressent préférentiellement lorsqu’ils
sont confrontés à une situation stressante.
Furman et Buhrmester (2009) soulignent tout de même qu’un adoles-
cent peut rechercher du soutien auprès d’un ami, s’engageant ainsi dans des
comportements d’attachement, sans pour autant qu’un lien d’attachement
soit établi avec cet ami. En effet, pour qu’un lien de telle nature existe, la
relation doit s’établir dans la durée, ce qui est encore rarement le cas au
début de l’adolescence.
Rosenthal et al. (2010) décrivent un outil (Important People Interview) qui
évalue la hiérarchie des figures d’attachement des adolescents. Ils consta-
tent que les adolescents passent toujours plus de temps avec leurs amis
(dans le cadre de comportements affiliatifs) et ils en viennent naturellement
à rechercher du soutien auprès de ceux-ci pour les situations anxiogènes du
quotidien, surtout quand les parents ne sont pas accessibles. En revanche,
en situation d’urgence, ce sont encore les parents qui sont reconnus comme
figures d’attachement. Ils font aussi l’hypothèse que la constitution de
liens d’attachement précoces avec des amis soit la résultante d’efforts pour
compenser des relations pauvres ou inexistantes avec leurs parents.

Spécificité des relations fraternelles


Les relations les plus longues dans la vie d’un individu sont probablement
celles qu’il expérimente avec ses frères et sœurs (Cicirelli,  1982). Elles
évoluent avec l’âge et peuvent constituer un lien d’attachement même si
parfois, en raison de conflits trop importants ou de distance, elles n’attei-
gnent pas cette connotation affective (Ainsworth, 1991).
Elles constituent quoi qu’il en soit un modèle à part entière de rela-
tions sociales, creuset du développement d’aptitudes à la négociation, à la
Attachement et système affiliatif : les liens d’amitié 39

r­ éconciliation, à la coopération et aux échanges mutuels, si tant est que les


deux enfants soient encouragés en ce sens.
Ces relations sont aussi l’occasion d’expériences négatives ou positives,
voire de confrontations, qui seront plus ou moins bien vécues selon la qua-
lité de la relation en elle-même. Ainsi, même les disputes sont importantes,
car l’enfant peut éprouver ce que ressent autrui, comment argumenter
et comment résoudre les désaccords. Selon Brody (1998), cette manière
d’appréhender l’alternance entre moments de conflits et d’entraide entre
frères et sœurs aurait des conséquences sur les relations ultérieures des
enfants avec leurs pairs et leur adaptation à l’école.
Bien qu’originellement ce lien diffère clairement du lien d’attachement,
un frère, une sœur peuvent incarner une figure d’attachement alternative
quand la figure d’attachement principale n’est pas disponible (Stewart et
Marvin, 1984). Dès 5-6 ans, les enfants capables de tenir compte du point
de vue d’autrui (en se dégageant ainsi d’une inférence trop égocentrée)
auraient plus d’aptitudes à s’engager dans des comportements de caregi-
ving et à représenter une figure d’attachement subsidiaire et donc une base
sécure (favorable à l’exploration) pour leur jeune frère. Ce que reprend
Dunn (1985) en s’appuyant sur le fait que, dans de nombreuses cultures,
les enfants ont un rôle essentiel dans le fait de prendre soin des plus jeunes.
Un enfant peut alors constituer une base sécure pour ses jeunes frères et
sœurs. Il leur manque lorsqu’il est absent et il est investi comme une source
de réconfort et de sécurité. Les comportements de caregiving entre frères et
sœurs seraient associés aux réponses qu’ils auraient eux-mêmes obtenues de
leur mère (Stewart et Marvin, 1984).

Influence de la relation parent-enfant


sur les relations fraternelles
Quand l’enfant peut s’appuyer sur sa figure d’attachement qu’il sait être
disponible, il intériorise un pattern de caregiving qu’il peut ensuite repro-
duire avec autrui. Les relations parent-enfant de bonne qualité sont liées à
des émotions positives et à un comportement pro-social dans les relations
fraternelles, alors que les relations parent-enfant marquées par la négati-
vité et l’intrusion sont associées à des comportements agressifs et de repli
sur soi (Brody,  1998). Selon ces considérations, la sensibilité maternelle,
ainsi que le «  dialogue collaboratif  » (Lyons-Ruth,  1999), la co-pensée
(Marrone, 2003), la fonction réflexive (Fonagy et al., 2008) construits dans
cet espace de relation entre l’enfant et sa figure d’attachement pourraient
être pensés comme essentiels à la capacité de caregiving entre frères et sœurs
et aussi à la qualité de leurs relations.
Selon Milevsky (2011), le mode d’intervention des parents dans les dis-
putes entre frères et sœurs a de l’influence sur la qualité de leurs relations.
40 Grands concepts de la théorie de l’attachement

Le fait que la mère interagisse de manière bien différenciée avec chacun de


ses enfants est aussi un aspect essentiel. En même temps, si ces différences
sont trop marquées, un des enfants peut avoir le sentiment d’être moins
considéré, méritant moins d’être aimé, ce qui risque de susciter colère et
rivalité. Il apparaît ainsi que, plus la mère se montre contrôlante et montre
son affection de manière trop différente selon les enfants, plus les inter-
actions dans la fratrie sont marquées par la négativité et la compétition
(Belsky et Volling, 1992).

Influences de la relation de couple


sur les relations dans la fratrie
La qualité des relations maritales influence aussi les relations dans la fratrie.
On conçoit bien que les couples qui font preuve de coopération mutuelle,
de négociation et d’attention à autrui sont des modèles soutenants pour
leurs enfants (Bandura, 1976). Par contre, dans les familles où les relations
agressives et hostiles prédominent entre parents, il est rare que l’on retrouve
des relations chaleureuses dans la fratrie (Milevsky, 2011). Le conflit entre
époux serait ainsi le facteur de prédiction le plus puissant de disputes dans
la fratrie (Panish et Sticker, 2001).
Plusieurs études ont suggéré que les enfants ayant vécu un divorce de
leurs parents ont des relations plus problématiques et hostiles avec leur
fratrie que les enfants de familles non séparées (Milevsky, 2011). Les parents
étant, dans ce contexte, dans une situation insécurisante, ils ne sont alors
pas suffisamment disponibles pour réconforter leurs enfants ni pour
communiquer avec eux. Autrement dit, le système d’attachement du parent
étant activé en raison de la séparation, le système de caregiving est bloqué.

Devenir des relations fraternelles


au cours du développement
Être émotionnellement proche d’un frère, d’une sœur, et bénéficier ainsi
d’une relation chaleureuse et confiante, semble participer au développe-
ment d’une meilleure compréhension des émotions (Howe, 2001) à de plus
grandes aptitudes sociales (Recchia et Howe,  2009), à moins de solitude, à
une m
­ eilleure estime de soi, à moins de dépression, et à une attitude scolaire
plus   positive (Milevsky,  2011). Selon Milevsky (2011), les relations soute-
nantes dans la fratrie sont corrélées avec moins de troubles externalisés, alors
que des difficultés dans la fratrie sont associées aux troubles internalisés.

Conclusion
Ainsi, l’amitié apparaît comme un besoin fondamental pour tout être
humain. Ces relations reposent sur le bon vouloir de chacun et, à ce titre,
nécessitent une grande capacité de négociation pour être maintenues. Si
Attachement et système affiliatif : les liens d’amitié 41

ces conditions ne sont pas réunies, libre à chacun alors de mettre fin à
cette relation, ce qui n’est évidemment pas vrai des liens d’attachement. Il
reste encore de nombreuses pistes à explorer pour mieux comprendre les
mécanismes en jeu et leurs intrications avec divers aspects de la psychopa-
thologie, tels que la psychopathie (Bora et al., 2009).

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5 Les modèles internes
opérants dans la théorie
de l’attachement : le niveau
des représentations

M. Veríssimo, F. Silva, A.J. Santos, N. Guédeney

L’étude des représentations est au cœur de la théorie de l’attachement. Le


concept de « modèle interne opérant » (MIO) a permis de nombreux déve-
loppements théoriques et cliniques, inscrivant la théorie de l’attachement
au cœur des théories psychodynamiques. Dans ce chapitre, nous décrirons
les MIO et aborderons les questions de la stabilité et de la prédictivité des
MIO précoces tout au long du développement, questions centrales pour la
théorie et pour la clinique.

Le concept de modèle interne opérant


Premières conceptualisations
Le concept de «  modèle interne opérant  », central dans l’étude de l’atta-
chement, est défini par Bowlby (1969/1982) comme une partie intégrante
du système de contrôle de l’attachement. Tout au long du développement,
l’enfant va progressivement internaliser les aspects les plus importants des
relations qu’il établit avec ses figures d’attachement, organisant des repré-
sentations mentales de celles-ci. Pour Bowlby, le monde interne de l’enfant
commence, ainsi, à se développer avec la construction des modèles internes
opérants (MIO) des figures d’attachement. Ces modèles sont compris
comme des représentations mentales généralisées et ayant une tendance
à la stabilité à propos du soi, des autres et du monde, ainsi que du sens de
l’impact de soi sur l’autre. Ils sont le résultat des expériences d’apprentis-
sage qui commencent à la naissance et qui se complexifient et se générali-
sent au cours de la vie. Ces modèles permettent au sujet de comprendre les
faits, de prévoir le futur et de planifier ses actions (Ainsworth et al., 1978).
Les MIO aident l’enfant dans la régulation, l’interprétation et prédic-
tion des comportements, pensées et sentiments qui sont en relation avec
­l’attachement, qu’ils se référent à lui-même ou à la figure d’attachement.

L’attachement : approche théorique


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46 Grands concepts de la théorie de l’attachement

Pour Main (Main et al., 1985), les MIO dirigent les sentiments, les compor-
tements, l’attention, la mémoire et l’activité cognitive en général, dès lors
que les informations ou les expériences qui sont vécues se rapportent
directement ou indirectement au système d’attachement. Il s’agit donc
de toute situation de détresse ou de danger, réel ou imaginaire, interne ou
externe. Ces schémas cognitivo-affectifs sont un ensemble de «  règles  »
conscientes et inconscientes qui fournissent au bébé une base d’inter-
prétation des événements relationnels et qui guideront la vie affective du
sujet avec ses proches, y compris ses propres enfants, dès que le contexte
est une situation sollicitant le système d’attachement. Un MIO représente
un patron (template) de ce que l’enfant pense qu’il faut raisonnablement
attendre des autres et ce qu’on peut leur montrer en situation attachement-
pertinente.
Le contenu des modèles internes représente ce que la personne sait sur les
relations. Il s’agit d’un savoir factuel — information actuelle relative à son
propre comportement d’attachement ou à ceux des autres — et d’un savoir
émotionnel — sentiments liés aux relations (Crittenden, 1990).
Pour Collins et Read (1994), les MIO ont quatre composantes en inter-
action :
• les souvenirs des expériences de la relation d’attachement ;
• les croyances, attitudes et attentes à propos du soi et des autres dans la
relation d’attachement ;
• les objectifs, stratégies et besoins liés à l’attachement ;
• les plans en lien avec les objectifs de la relation d’attachement.
Les caregivers jouent un rôle très important sur le développement pré-
coce de ces modèles internes (Oppenheim et Waters,  1995). La qualité
du soin fourni et celle de l’interprétation des expériences proposées lors
des échanges verbaux avec l’enfant jouent un rôle essentiel. Dans la
suite des intuitions de Bowlby, Bretherton et Munholland (1999) insis-
tent sur l’importance de la communication verbale et non verbale des
figures d’attachement sur l’organisation et le maintien des représentations
d’une relation d’attachement, qu’elle soit sécure ou insécure. La qualité
de la relation de l’enfant avec son caregiver et la nature de ses modèles
internes sont déterminées par l’évaluation émotionnelle de ce caregiver et
par sa capacité de réponse aux besoins de l’enfant (Collins et Read, 1994).
Un modèle dynamique du soi comme digne de valeur et d’intérêt et
compétent est construit sur base d’un modèle dynamique de l’autre (la
figure d’attachement) comme étant émotionnellement disponible, et éga-
lement comme soutenant l’activité exploratoire. Un modèle interne de
soi comme sans valeur et incompétent se construit dans le contexte d’un
modèle dynamique de l’autre (la figure d’attachement) comme rejetant ou
ignorant les besoins d’attachement et/ou en interférant dans l’exploration
(Sroufe et Feeson, 1986).
Les modèles internes opérants dans la théorie de l’attachement... 47

Ontogenèse des modèles internes opérants :


de la représentation sensorimotrice
à la représentation symbolique
Dans la première enfance, comprise entre la naissance et les deux premières
années de vie, les MIO sont de nature prélinguistique et travaillent à un
niveau sensorimoteur. À cette étape, ils sont constitués par les expériences
temporelles ; ils reflètent donc les caractéristiques des échanges relationnels
dans la dyade.
À partir de 2 ans, le développement des capacités cognitives et linguis-
tiques de l’enfant est spectaculaire. L’enfant peut réfléchir et converser sur les
aspects du comportement liés aux relations d’attachements ; il peut explo-
rer loin de sa famille et résister aux séparations prolongées, ce qui joue un
rôle crucial dans le développement à l’âge préscolaire (Bowlby, 1969/1982).
L’enfant devient capable de symboliser les attributs d’une personne ou
d’une relation, même quand celle-ci est absente (Pipp, 1990). Ces nouvelles
compétences entraînent une réorganisation du comportement à un niveau
plus symbolique et jouent sur l’organisation des MIO, fondés, à présent,
sur les capacités représentatives de l’enfant (Main et al., 1985). À 3 ans, le
langage des enfants peut être considéré comme un moyen d’accéder aux
modèles internes du soi et de la figure d’attachement (Bretherton, 1990).

Vision actuelle des modèles internes opérants


Quand Bowlby introduit le concept de MIO, en s’inspirant des travaux de
Kennett, il s’agit surtout d’une «  métaphore conceptuelle  » (Thompson
et al., 2003). À l’époque, on connaît encore peu de chose sur l’organisation,
le fonctionnement et le développement des MIO. Ces modèles sont actuelle-
ment conçus comme des réseaux de schémas, organisées hiérarchiquement
et en interrelations. Ces schémas varient dans leur nature, qui va d’une
grande proximité aux expériences réelles à une nature générale et abstraite
(Bretherton et Munholland, 1999 ; Bretherton et al., 1990). Ils représentent
un ensemble d’informations pertinentes quant à l’attachement, stockées
dans la mémoire épisodique et/ou sémantique et/ou procédurale. Au
niveau le plus basique, les schémas incluent donc l’information épisodique
sur les situations pertinentes pour l’attachement ; à un deuxième niveau,
ces informations sont synthétisées en représentations mentales liées aux
possibles réponses de la figure d’attachement, dans différents contextes
pertinents quant à l’attachement. À un niveau plus généralisé, ces modèles
contiennent une information générale et abstraite, non seulement sur la
figure d’attachement mais aussi sur le soi, ainsi que les attentes généralisées
quant aux relations, la confiance possible dans les autres et le sens de son
impact sur l’autre.
48 Grands concepts de la théorie de l’attachement

Récemment, le concept de script a été proposé pour mieux comprendre le


fonctionnement des MIO. Pour Bretherton (1990), les scripts d’attachement
sont les éléments cognitifs de base des représentations d’attachement. Waters
et  al. (1998) suggèrent que les expériences d’attachement expérimentées
dans le contexte des premières relations sont représentées sous forme d’une
structure de script temporo-causal autour des composantes du « phénomène
de base de sécurité » : telle action entraîne telle réponse. Les MIO se forment
à partir d’une histoire des actions du bébé, faite des interactions entre la
figure d’attachement et le bébé, du sort des essais de l’enfant — qu’ils soient
des efforts ou des intentions — pour retrouver les figures d’attachement,
même en leur absence — peut-il la retrouver ou non ? — et faite également
du résultat obtenu — la réponse émotionnelle de la figure d’attachement.
Ce script dans l’enfance élabore une séquence d’événements  : l’enfant
explore, éloigné de son caregiver; l’enfant maintient le contact ou retourne
quand il en a besoin  ; lorsqu’une difficulté ou une menace surgissent, le
caregiver s’approche ou l’enfant cherche la proximité ; le caregiver gère les
difficultés  ; il permet à l’enfant de reprendre l’exploration. Selon Waters
et Waters (2006), si le support de base de sécurité a été fiable et cohérent,
l’enfant construira un script complet, bien consolidé et rapidement acces-
sible en situation attachement-pertinente. Si le support de base de sécurité a
été imprévisible ou inefficace, le script sera moins bien configuré et, de plus,
difficile d’accès en situation attachement-pertinente. La familiarité et l’accès
à ce script jouent un rôle essentiel dans l’organisation de l’équilibre entre
les comportements d’attachement et les comportements d’exploration dans
l’enfance. Ce script serait la base des modèles internes d ­ ’attachement qui
surgissent ultérieurement, par exemple dans les relations entre le couple ou
dans la parentalité.

Organisation des modèles internes opérants


Nous n’évoquerons dans ce chapitre que la période de l’enfance. Ces
­modalités d’organisation des MIO pendant l’adolescence ou l’âge adulte
sont traités dans les chapitrés correspondants (13 et 15).
Quelques études (Bridges et al., 1988 ; Main et Weston, 1981) ont vérifié
la non-concordance des patterns d’attachement à la mère et au père. La­
méta-analyse de Van IJzendoorn et De Wolff (1997) montre une corrélation
globale modeste de 0,17 entre la qualité de l’attachement de l’enfant à la
mère et au père. Ainsi, la sécurité de l’attachement ne paraît pas être généra-
lisée aux différentes relations dans le système familial. Elle est spécifique à la
relation et reflète l’histoire des interactions uniques établies entre la dyade.
La sécurité (ou l’insécurité) est caractéristique de la relation et non pas une
caractéristique de l’enfant (Ainsworth et  al., 1978  ; Bowlby,  1969/1982  ;
Main et Weston, 1981).
Les modèles internes opérants dans la théorie de l’attachement... 49

Stabilité et prédictivité des modèles internes


opérants
Les études longitudinales apportent actuellement de nombreux éléments
de réponse à deux questions essentielles à propos des MIO. Existe-t-il une
stabilité des MIO tout au long de la vie ? Qu’en est-il de la prédictivité de
l’attachement dans la petite enfance sur le fonctionnement de l’adulte ? Ces
études sont centrées sur l’utilisation de l’AAI chez l’adulte mais récemment
quelques études longitudinales se sont penchées sur les origines interper-
sonnelles des styles d’attachement (Dinero et al., 2008 ; Zayas et al., 2011 ;
Salo et al., 2011 ; Fraley et al., 2013).

La question de la stabilité
Le modèle de Bowlby
À partir des travaux en embryologie développementale, Bowlby (1973)
développe sa théorie de l’attachement comme pouvant prédire et la stabilité
et le changement. Dans le contexte du développement de la personnalité,
une fois qu’une trajectoire a été établie, un certain nombre de processus dits
homéorhétiques maintiennent le sujet sur cette trajectoire. Pour Bowlby
(1973), trois classes de mécanismes homéorhétiques poussent à la stabilité :
• les transactions personne-environnement se contraignent mutuelle-
ment ; il y a donc peu de risque que les modèles soient mis au défi dans le
développement ;
• il y a une diminution de la sensibilité des modèles de travail aux influences
environnementales dans le temps (perspective épigénétique) ;
• l’établissement de représentations stables des expériences d’attachement
(les prototypes) sert de fondation aux expériences ultérieures (assimilation).
Pour Bowlby (1979), plus les émotions étaient intenses, plus il y avait de
risques que les modèles de travail les plus anciens et les plus automatiques
dominent. Bowlby (1969/1982) évoque aussi une ouverture des représenta-
tions d’attachement à la révision, en fonction des expériences vécues par
le sujet. Les périodes de changement qui impactent le caregiving obligent le
sujet à changer de trajectoire (accommodation).

Les visions actuelles : théorie prototypique/théorie


révisionniste
Les facteurs possibles à prendre en compte sont de plusieurs types.
L’influence de l’environnement de caregiving est majeure. Les événements
de vie interpersonnels comme le deuil, le divorce, la naissance d’un puîné
peuvent entraîner des changements dans l’environnement du caregiving.
Le caregiving des parents peut se révéler plus ou moins adapté au cours du
temps et ne pas répondre aux défis du développement — en particulier
­soutenir l’exploration ou d’autres systèmes comme celui de la socialisation
50 Grands concepts de la théorie de l’attachement

qui permet au grand enfant ou à l’adolescent de trouver d’autres opportuni-


tés relationnelles (Sroufe, 2005 ; Van Ryzin et al., 2011). Le niveau général
de stress joue un rôle sur la qualité du caregiving (voir chapitre 6).
L’environnement de caregiving doit être élargi au-delà de la dyade et
du parenting : prise en compte des influences relationnelles familiales (les
autres membres de la famille dont la fratrie) et extrafamiliales, en particulier
les relations avec les pairs et la venue des hommes dans la maison et leur
départ (Sroufe, 2005). Le rôle des rencontres de la vie, et cela tout au long de
la vie, comme figures alternatives de soutien et les relations thérapeutiques,
est crucial (Saunders et al., 2011 ; Fraley et al., 2013).
Les changements intrapsychiques du sujet liés au développement sont
également à prendre en compte. L’adolescence et le début de l’âge adulte
présentent de nouveaux défis et opportunités qui ont le potentiel non seu-
lement de confirmer les MIO existants mais aussi de les recalibrer (Fraley
et  al.,  2013). Les changements cruciaux, biologiques, cognitifs, émotion-
nels et sociaux de l’enfance et de l’adolescence permettent de revisiter les
modèles antérieurs et de développer des représentations de plus en plus
généralisées et abstraites (voir chapitre 13).
La question des mesures de l’attachement tout au long de la vie est cru-
ciale dès que l’on veut étudier la question de la stabilité ou du changement
des MIO. Comment en effet répondre à cette question quand il y a un tel
changement dans les méthodes d’évaluation, depuis les observations de
comportements dyadiques dans la petite enfance, spécifiques à la relation,
à celles étudiant les représentations de l’attachement au niveau intrapsy-
chique utilisées chez les enfants plus grands et chez les adolescents. On
ne connaît pas encore le chemin qui va de la représentation relation-­
spécifique, repérée par une stratégie et dans un contexte activateur de stress
(Situation étrange), à un niveau généralisé de représentations sollicité sous
forme de narratif et dans un contexte beaucoup moins stressant lorsque
les sujets décrivent leurs histoires d’attachement et leurs pensées et sen-
timents actuels (Compléments d’histoire), et encore moins celui qui va
jusqu’au niveau des états d’esprit d’attachement (AAI) qui ne renseigne
que sur la cohérence linguistique des représentations de l’attachement
dans l’enfance, évoquées dans un contexte peu stressant ou celui des
styles d’attachement qui ne renseigne que sur le niveau le plus accessible
cognitivement, des représentations généralisées type attachement-trait
(Allen, 2008). La notion de stress comme activateur des MIO précoces doit
être davantage prise en compte pour évaluer quelle est la nature probable
du MIO activé et donc évalué (Berlin et al., 2008).
La question de la stabilité test-retest des mesures de l’attachement chez
l’adolescent et l’adulte est un problème particulièrement épineux. Elle
est d’autant moins grande que le temps de mesure s’espace (Baldwin et
Fehr, 1995). La multiplicité des modèles de travail attachement-pertinents
Les modèles internes opérants dans la théorie de l’attachement... 51

chez l’adulte dont l’accessibilité est variable selon le contexte, entraîne des
changements temporaires des patterns d’attachement captés.
Actuellement, deux approches principales tentent d’expliquer à la fois la
stabilité et le changement :
• la théorie prototypique développe la position de Bowlby sur les trajec-
toires de développement et se fonde sur les travaux de Fraley (2004). Deux
types de MIO déterminent le pattern d’attachement d’un individu à une
période donnée du développement  : les modèles actuels de travail et les
modèles précoces prototypiques. Les modèles actuels de travail peuvent être
révisés et actualisés tout au long du développement grâce aux expériences
pertinentes quant à l’attachement vécues par le sujet et qui peuvent être
différentes des expériences antérieures et du savoir existant. Cependant, le
modèle de travail prototypique qui s’est construit dans les premières années
continue d’exister et d’exercer une influence qui modèle les patterns d’atta-
chement tout au long de la vie ;
• la théorie révisionniste de Fraley et Brumbaugh (2004) prône le chan-
gement continu avec un changement permanent en fonction de l’adapta-
tion à un nouveau contexte. Elle est appuyée par la récente méta-analyse
de Pinkart (2013), que nous détaillerons, qui a cependant une limitation
majeure : les mesures se font uniquement sur les modèles accessibles lin-
guistiquement, en situation de stress léger.
Ce qui est actuellement certain c’est la complexité de la trajectoire
développementale de l’attachement, depuis la petite enfance jusqu’à l’âge
adulte, qui n’est jamais simple ni directe. L’attachement chez l’adulte
s’enracine dans les expériences précoces de l’enfance avec les parents et
dans les modèles prototypiques précoces. Il est aussi affecté par les expé-
riences pertinentes quant à l’attachement vécues tout au long de la vie ainsi
que par un large spectre de facteurs contextuels qui modèrent les effets
des expériences internalisées. Cette vision intégrative explique pourquoi
la stabilité est possible mais n’affirme aucunement que cette stabilité serait
plutôt la règle que l’exception. Pour Fraley et Brumbaugh, (2004), les idées
de Bowlby sur la stabilité et le changement nécessitent d’être nuancées et
complexifiées. Les patterns d’attachement précoces ont des effets durables
tout au long de la vie tout en ne montrant qu’un faible degré de stabilité
sur le temps.
Deux études récentes sont particulièrement intéressantes. L’étude longi-
tudinale de Fraley et al. (2013) trouve une association relativement faible
entre la qualité de la relation parent-enfant et le style d’attachement (à
peu près r  =  0,10). Les antécédents tels que la sensibilité maternelle pré-
coce, les changements dans la sensibilité maternelle, l’absence du père, les
compétences sociales précoces et changeantes, et la qualité de la relation
au meilleur ami ne comptent que pour 29 % de la variance lorsqu’on étu-
die l’évitement global, ce qui plaide pour d’autres influences tout au long
52 Grands concepts de la théorie de l’attachement

du développement. La méta-analyse de Pinkart et al. (2013) porte sur 127


études publiées et obéissant à des critères méthodologiques rigoureux, por-
tant sur une durée maximale de 29 ans. Elles incluent les études majeures
comme la Berkeley Attachment Study (équipe de Main), la Bielfield Longitudinal
Study (équipe des Grossmann), celle du Minnnesota Parent Child Project
(équipe de Egeland, Weinfield, Waters et Sroufe) (pour plus de détails sur
une vision d’ensemble de ces études, voir  : Grossman et  al.,  2005). Elle
confirme certains résultats de la précédente méta-analyse de Fraley (2002) :
niveaux moyens modérés de stabilité de l’attachement mais plus bas que
ceux de Fraley, et ce d’autant plus qu’on part de la petite enfance et
que les intervalles de temps s’allongent. Le pattern sécure a plus tendance à la
stabilité que les patterns insécures. Elle apporte aussi de nouveaux résultats.
Si les mesures portent sur plus de 15 ans, il n’y a pas de stabilité corrélation-
nelle significative. La baisse de la stabilité des attachements sécures est très
importante au-delà de 5 ans. Cette méta-analyse supporterait donc plus la
théorie révisionniste que la théorie prototypiste. Elle montre que la stabilité
de l’attachement varie en fonction de l’âge à la première évaluation (plus
élevée si la première évaluation est après la petite enfance), de la cohérence
des mesures (uniquement représentationnelles). Le risque social a des effets
différents sur le maintien des attachements sécures versus insécures  : le
sécure maintient sa sécurité seulement s’il n’a pas à faire face à un risque
social trop élevé ; enfin la nature de la figure d’attachement (père ou mère)
ne joue pas sur la stabilité.
Les recherches actuelles veulent surtout comprendre les patterns de sta-
bilité ou de changement. L’étude récente de Van Ryzin et al., (2011) en est
un exemple. À partir de la cohorte du Minnesota Study, ils se centrent sur
cinq trajectoires : deux trajectoires de continuité et trois de discontinuité
avec trois points de mesure (petite enfance, adolescence et âge adulte).
Ils concluent à la diversité des trajectoires de l’attachement tout au long
du temps et à leurs associations avec le contexte social. Quatre groupes
d’enfants ont un niveau similaire de sécurité à la petite enfance mais
divergent de manière notable à l’adolescence et à l’âge adulte, illustrant
le concept développemental de multifinalité. Un point unique de départ
peut se lier, par l’intermédiaire d’un réseau de trajectoires qui s’y greffent,
à une large variété de devenirs. Cette divergence n’est compréhensible qu’à
l’examen du contexte des relations interpersonnelles et non seulement du
pouvoir du caregiving précoce qui modèlerait le développement des relations
proches. Ils évoquent aussi l’influence des trajectoires homorhétiques de
développement : la longueur de la trajectoire développementale peut jouer
sur les trajectoires développementales ultérieures. Par exemple, leur groupe
stable sécure, après une transition marquée par le stress à l’âge adulte, a
tendance à revenir ensuite à sa trajectoire de développement bien ajustée.
Ils montrent également que les modulations du stress ne jouent que pour
les sujets ayant un attachement sécure au départ.
Les modèles internes opérants dans la théorie de l’attachement... 53

Deux trajectoires coexistent donc : stabilité des MIO si les circonstances


ne changent pas  ; possibilités de changement si de nouvelles conditions
environnementales se produisent. Encore faut-il mieux étudier dans les
études longitudinales les facteurs liés au contexte ; réseaux d’attachement
disponibles dans l’écologie de l’individu ; définitions plus précises, fondées
sur l’attachement, des événements de vie stables ou changeant dans la vie
d’une famille (Sagi, 2005)  ; évaluation du risque chronique et du risque
émergent (Van Ryzin et al., 2011).

La question de la prédictivité
Elle s’inscrit dans une perspective développementale  : le développe-
ment est considéré comme non linéaire, hiérarchisé et à multifacettes
­(Thompson,  2008). L’attachement n’est pas la seule influence vitale sur
le développement, même dans le domaine des relations sociales. Même
lorsqu’elles sont liées aux devenirs, les variations de l’attachement ne sont
pas des causes linéaires et inévitables. S’il y a une prédictivité de l’atta-
chement précoce, elle est de nature probabilistique, c’est-à-dire en termes
de facteur de risque ou de protection. Le développement de la personna-
lité doit être aussi compris dans une perspective organisationnelle (Sroufe
et al., 2005). C’est une succession de défis développementaux, en fonction
de l’âge, autour desquels s’organisent les aspects cruciaux du développe-
ment de la personnalité. Si l’attachement est fondamental dans la première
année, d’autres dimensions deviennent, plus tard, tout aussi importantes :
en particulier les relations de socialisation avec les pairs, la réussite aux
défis de l’école et la construction de l’identité à l’adolescence. Les étapes
antérieures du développement jouent sur les étapes ultérieures mais elles
ne font pas tout : la réussite adaptative aux nouveaux défis donne place au
changement.
Les études longitudinales doivent donc répondre à ces questions
(Thomson,  2008)  : Dans quels domaines du développement, la sécurité
précoce est la plus importante et à quels âges ? À quoi peut-on s’attendre
à propos de l’effet durable de l’attachement précoce  ? Quels médiateurs
peuvent influencer cette influence durable  ? Quelles sont les conditions
dans lesquelles l’attachement précoce influencera le développement ulté-
rieur ? L’étude la plus célèbre est probablement celle du Minnesota (Sroufe
et al., 2005) qui donne les résultats suivants. Il existe une association indirecte
entre l’attachement mère-enfant et la relation au partenaire à 23 ans via une
double médiation : la compétence sociale dans l’enfance, la réussite à l’école et
les représentations sécures des amis à 16 ans. Il existe aussi une certaine dis-
continuité puisque ce qui prédit le mieux la relation c’est l’AAI à 19 ans. Si
les relations sont directes entre Situation étrange et fonctionnement dans
la petite enfance, plus l’enfant grandit et plus il faut considérer la variable
sécurité précoce comme une variable indirecte, médiatisée ou modérée par
54 Grands concepts de la théorie de l’attachement

d’autres influences relationnelles qui apparaissent avec l’âge. Sroufe (2005)


propose cinq mécanismes de base pour expliquer le rôle prédictif probabilis-
tique de l’attachement précoce sur le développement ultérieur :
• une base motivationnelle, qui comporte les attentes positives à propos
des relations, un sens basique d’être en connexion, la croyance dans le fait
que les relations seront source de satisfaction ;
• une base attitudinale, qui rassemble la croyance qu’on peut obtenir et
déclencher une réponse des autres et les attentes sur le fait qu’on a une
capacité de maîtrise sur le monde social ;
• une base instrumentale, qui est la maîtrise des choses au travers de
l’exploration et la capacité à aimer, jouer et découvrir ;
• une base émotionnelle, qui est un niveau de déclenchement des émo-
tions modulé et une autorégulation des émotions ;
• une base relationnelle, qui entraîne des attentes à propos de la réciprocité
et une capacité de réponse sensible, rapide et empathique, qui dérive du fait
d’avoir reçu un soin empathique et d’avoir vécu une relation sécurisante.
Les relations précoces semblent donc jouer un rôle dans l’organisation
d’une large étendue de compétences, dons et patterns d’autorégulation,
chacun d’eux contribuant de manière bénéfique au fonctionnement inter-
personnel (Fraley et al., 2013).

Conclusion
La conceptualisation des MIO est au cœur de la théorie de l’attachement.
Son intérêt reste inégalé mais a probablement contribué à une utilisa-
tion trop large, un «  parapluie conceptuel  » qui sert à expliquer toutes
les implications développementales de la théorie de l’attachement. Nous
sommes maintenant à une étape où des études empiriques fondées sur une
conceptualisation théorique précise et modernisée sont indispensables.
­
Elles permettront en retour d’approfondir la théorie de l’attachement et de
mieux adapter les projets thérapeutiques.

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6 Transmission
intergénérationnelle
de l’attachement

S. Tereno, N. Guédeney

L’étude de la transmission intergénérationnelle de l’attachement se centre


sur les processus dyadiques interpersonnels entre le caregiver et l’enfant
qu’il élève ainsi que sur le contexte qui entoure ces interactions. Les cher-
cheurs de la transmission se sont surtout intéressés, dans un premier temps,
à la concordance entre l’attachement du caregiver et celui de l’enfant.
­Actuellement leurs intérêts se portent sur, d’une part, les mécanismes de
la transmission, d’autre part, sur l’étude des discontinuités dans la trans-
mission. Soulignons l’intérêt de ce dernier point qui, en approfondissant
la compréhension de la transmission intergénérationnelle et l’exploration
de ses limites contextuelles, contribue à affiner la théorie et à proposer des
pistes pour les interventions cliniques.

Transmission de l’attachement
et perspective évolutionniste
Dans les circonstances habituelles, le caregiver applique le modèle de ses
relations d’attachement, formé au sein de sa famille d’origine, aux inter-
actions avec son enfant. C’est sur la base de ce modèle d’assimilation du
parenting que la qualité des liens sociaux se transmet au long des généra-
tions entre les parents et leur enfant.
La transmission générationnelle de l’attachement prend sens du point de
vue évolutionniste si les conditions écologiques et le contexte r­elationnel
restent stables. Cependant, même dans de telles circonstances, il est plus
avantageux, du point de vue de l’évolution, que l’information liée à l’atta-
chement ne soit pas biologiquement et directement ­transmissible d’une
façon inévitable (Belsky,  2005)  : l’environnement, en règle générale,
ne reste pas longtemps stable et il est donc logique que la transmission
de l’attachement tienne plus de l’expérience relationnelle que de l’effet
direct des gènes. Plusieurs études montrent un effet très limité de la
contribution génétique directe (Ricciuti, 1992 ; O’Connor et Croft, 2001 ;
Bokhorst et  al.,  2004  ; méta-analyse de Fearon). En d’autres termes, bien
que la ­transmission intergénérationnelle « fonctionne » dans la plupart des

L’attachement : approche théorique


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58 Grands concepts de la théorie de l’attachement

situations, il est avantageux que le système de transmission soit flexible


et s’adapte à des transformations marquées du contexte environnemental
entre les générations lorsqu’elles se produisent. Belsky et  al. (1991) pro-
posent ainsi que l’attachement est un mécanisme psychologique à travers
lequel les expériences développementales des parents sont transmises aux
enfants, de façon à les guider dans leurs stratégies reproductives.

Études empiriques sur deux générations


Dès son origine, la théorie de l’attachement stipulait que le lien précoce
entre les parents et les grands-parents de l’enfant était lié statistiquement
au style d’attachement que l’enfant développe avec ses parents. Nous avons
alors étudié la transmission intergénérationnelle de l’attachement en cher-
chant dans quelle mesure la sécurité de l’enfant était, ou n’était pas, liée à
l’organisation mentale de ses parents. La plupart des chercheurs ont uti-
lisé les deux principaux outils d’évaluation, le paradigme de la Situation
étrange (SSP ; Ainsworth et al., 1978) et l’Adult Attachement Interview (AAI ;
Main, et al., 1985), dont les classifications ont beaucoup en commun d’un
point de vue conceptuel (Belsky et Jaffee, 2004).
L’étude de Main et al. (1985) est la première étude de transmission géné-
rationnelle de l’attachement. Après avoir évalué leur échantillon de jeunes
enfants (n = 100) avec la SSP, ils évaluent l’état d’esprit vis-à-vis de l’atta-
chement des parents (n = 66) par l’AAI. Les auteurs trouvent une tendance à
l’agrément entre les classifications liées à l’attachement entre chaque géné-
ration. Les parents dont les enfants étaient classés comme «  sécures  » se
retrouvaient eux-mêmes plutôt dans la catégorie «  sécure/autonome  »
(taux d’accord de 47  %). Ceux dont les enfants étaient classés comme
« insécures-évitants » avaient des parents classés comme « détachés » (taux
d’agrément de 45  %), et le taux d’agrément entre enfants «  insécures-
ambivalents/résistants » et parents « préoccupés » était de 42 %. De plus,
les enfants des adultes qui avaient un état d’esprit «  non résolu quant à
la perte  » étaient classés dans le groupe «  désorganisé/désorienté  » (taux
d’agrément de 31 %).
D’autres études de cette transmission intergénérationnelle ont fait
date. Fonagy et  al. (1991,  1993) confirment la nature prédictive de la
transmission. Leur étude montre une corrélation importante entre les
représentations d’attachement de la mère pendant le dernier trimestre
de sa grossesse et les modalités d’attachement de son enfant évaluées
12 mois après la naissance. Dans 75 % des cas, les représentations d’atta-
chement de la mère prédisent, avant même la naissance de l’enfant, si
celui-ci sera sécure ou insécure dans sa relation avec elle. Leur étude
trouve également une corrélation significative, mais moins forte, entre
les représentations d’attachement du père et l’attachement de l’enfant
à 18 mois.
Transmission intergénérationnelle de l’attachement 59

La méta-analyse de Van IJzendoorn (1995) porte sur quatorze études (854


paires mère-enfant) et trouve une correspondance entre les catégories d’atta-
chement de la mère et celles du bébé dans 70 % des cas (ampleur d’effet
d = 1,14, r = 0,50 pour les mères). La transmission de l’attachement du père
vers l’enfant se montre par contre moins forte, avec 37 % de concordance
dans les catégories sécure-insécure (ampleur d’effet d = 0,80, r = 0,37 pour
le père).
D’autres modalités d’évaluations de l’attachement chez l’enfant ou de
l’attachement du parent ont aussi été utilisées. Que ce soit avec l’Attachment
Q-Sort de Waters et Deane (Eiden et al., 1995 ; Posada et al., 1995 ; Tarabulsy
et al., 2005), les Histoires à compléter de Bretherton (Gloger-Tippelt et al., 2002 ;
Goldwyn et al., 2000 ; Miljkovitch et al., 2004) ou l’Adult Attachment Projective
chez le parent (Béliveau et Moss,  2009), les études confirment qu’il existe
une transmission de l’attachement. Pour Bernier et Miljkovitch (2009), la
variété des méthodes utilisées et leurs résultats concordants indiquent que
la transmission intergénérationnelle de l’attachement ne résulte pas d’un
biais méthodologique.

Études empiriques sur trois générations


L’étude de Benoit et Parker (1994) est la pionnière dans l’étude de la trans-
mission intergénérationnelle sur trois générations. Dans un échantillon
de milieu socio-économique moyen à élevé, l’AAI a été administré aux
grands-mères et aux mères avant la naissance de l’enfant et la SSP a été
conduite aux 12 mois de l’enfant. Une corrélation de 75  % est trouvée
entre les représentations d’attachement des grands-mères et des mères. Les
résultats de cette étude renforcent l’hypothèse de Bowlby (1969/1982) selon
laquelle les modèles internes opérants (MIO) tendent à persister à travers
les générations. Besser et Priel (2005) trouvent eux aussi une corrélation
intergénérationnelle entre les styles d’attachement dans leur étude sur cent
triades féminines. Cette étude montre une nouvelle fois, le rôle médiateur
de l’attachement de la seconde génération (mères) sur l’association entre la
première génération (grands-parents) et la troisième génération (celle des
petits-enfants). Kretchmar et  al. (Kretchmar et Jacobitz,  2002) suggèrent
que les stratégies relationnelles vis-à-vis de leurs propres mères vécues et
internalisées par les mères contribuent à recréer le même mode d’attache-
ment de la part de leurs propres enfants.
Comme nous venons de voir, il existe une forte tendance pour la conti-
nuité de l’attachement entre la mère et l’enfant. Nous pouvons cependant
indiquer plusieurs limites à ces études  : elles sont limitées à nos sociétés
occidentales. D’autre part, il s’agit surtout d’études de corrélation. Enfin,
elles portent essentiellement sur la transmission mère-enfant. Il semble que
la transmission de l’attachement du père vers l’enfant soit plus susceptible
de se produire lorsque le père est le principal donneur de soin (Bernier
60 Grands concepts de la théorie de l’attachement

et Miljkovitch,  2009). Il faut aussi souligner que dans 25  % des cas, on
constate une discontinuité dans la transmission. Des mères sécures peuvent
en effet avoir des enfants insécures, et des mères insécures peuvent avoir
des enfants sécures. Les concordances de l’attachement parent-enfant sont
également plus faibles dans les échantillons de bas statut socioéconomique.
Les études portant plus spécifiquement sur la transmission de l’attachement
désorganisé sont développées dans le chapitre 25.

Le processus de la transmission
Bowlby propose que les modèles de sécurité/insécurité de l’adulte influen-
cent de façon spécifique le comportement parental en particulier et les rela-
tions familiales en général, et rendent ainsi compte de la sécurité/insécurité
de l’attachement des enfants (Belsky,  2005). Le mode d’attachement qui
s’établit dans les premières années tend à rester plus ou moins stable, sauf si
les conditions extérieures changent de façon importante, conduisant alors
à un style d’attachement sécure ou insécure chez l’adulte (Bowlby, 1973).
Plusieurs modèles théoriques sont actuellement proposés pour expliquer ce
processus de la transmission.

Le rôle de la « sensibilité parentale »


La sensibilité maternelle, telle que définie par Ainsworth et  al. (1978), a
longtemps été considérée comme le véhicule de la transmission intergéné-
rationnelle de l’attachement.
Main et  al. (1985) proposent que l’état d’esprit de la mère se trans-
mette à son enfant par le biais de ses comportements et, pendant de nom-
breuses années, ces comportements ont été considérés comme les premiers
maillons de la transmission. Dans le même temps, on assiste à un affine-
ment du concept de sensibilité maternelle. Par exemple, Raval et al. (2001)
ont conduit une étude longitudinale suivant l’enfant du prénatal jusqu’aux
2 ans, en examinant les liens entre l’état d’esprit maternel quant à l’attache-
ment, la sensibilité maternelle et l’attachement de l’enfant. Cette recherche
montre principalement que la capacité maternelle à partager son attention
entre son enfant et d’autres tâches est particulièrement importante, et
ce, plus que la simple capacité de lui répondre lorsque la mère est dans
une relation dyadique sans aucune autre exigence. L’étude de McElwain
et Booth-Laforce (2006) montre que c’est principalement la sensibilité aux
signaux de détresse qui est associée de manière significative à la sécurité de
l’attachement chez le bébé. Selon cette étude, la sensibilité à la détresse à
6 mois prédit la sécurité de l’attachement à 12 mois, mais pas à 15 mois.
Ces auteurs émettent l’hypothèse que la sensibilité à la détresse est priori-
taire pendant les 6 premiers mois, et qu’elle pourrait être moins importante
ensuite ou, du moins, ne peut être évaluée de la même manière, l’enfant
Transmission intergénérationnelle de l’attachement 61

disposant d’autres solutions pour rechercher la proximité que de simple-


ment exprimer sa détresse.
Néanmoins, dans sa méta-analyse, Van IJzendoorn (1995) avait déjà mon-
tré que, même si la sensibilité maternelle joue un rôle dans la transmission
de l’attachement à l’enfant, ce rôle est relativement modeste  : en effet,
elle ne joue que pour 24 % de la variance. Comme le soulignent Bernier et
Dozier (2003), malgré l’affinement du concept de sensibilité et une ­meilleure
prédictivité de la sensibilité, celle-ci n’explique toujours qu’un quart environ
de la correspondance entre l’état d’esprit du parent et le pattern d’attache-
ment de l’enfant. Ceci indique l’existence d’un territoire inconnu dans le
champ de la transmission de l’attachement, dénommé sous le terme de fossé
dans la transmission (transmission gap). DeWolff et Van IJzendoorn (1997)
soulignent que, dans le domaine de la transmission, « un mouvement vers
le niveau contextuel paraît alors nécessaire » (p. 586). Un modèle multidi-
mensionnel avec d’autres mécanismes interagissant avec la sensibilité doit
donc être pris en compte (Bailey et al., 2007). C’est pourquoi Belsky (2005)
propose d’inclure deux mécanismes supplémentaires pour rendre compte de
la totalité du transmission gap : les capacités de mentalisation parentale et la
qualité de la relation conjugale.

Les capacités de « mentalisation parentale »


Aspects théoriques
Le processus de la mentalisation est détaillé dans le chapitre 26. Nous ne
retiendrons ici que ce qui est pertinent pour la question de la ­transmission.
Les capacités de mentalisation parentales sont considérées comme des
facteurs proximaux de la transmission et appartiennent à ce qu’on appelle
les médiateurs cognitifs intrinsèques au parenting. Pour Meins et al. (2001), la
capacité maternelle à prendre le point de vue de l’enfant et à le considérer en
tant que personne différente d’elle-même — c’est-à-dire le mind-mindedness,
ou capacité à penser sur l’esprit de l’autre — joue un rôle majeur dans le
développement d’un attachement sécure chez l’enfant. Pour Bernier et
Dozier (2003), c’est le caractère approprié et la précision des références de
la mère aux processus mentaux de l’enfant qui prédisent sa sécurité, plus
que leur simple présence ou leur nombre. Lors d’un caregiving sensible, la
mère/le père vont renvoyer à l’enfant leur compréhension des causes de
la détresse de l’enfant et leur appréciation de son état émotionnel, tout
en lui prodiguant un sentiment de contrôle par l’adulte de la situation.
Une telle réponse suppose que le parent contrôle la situation et est capable
de réguler la détresse de l’enfant en utilisant une stratégie claire et centrée
sur une solution possible. En cas de caregiving insensible, le parent a ten-
dance à traiter ses propres émotions négatives de manière défensive, mon-
trant alors une incompréhension (détachée) ou une compréhension trop
partielle (préoccupée) de l’état de détresse de leur enfant. Par exemple, une
62 Grands concepts de la théorie de l’attachement

mère insécurisante peut : échouer à reconnaître les signaux affectifs négatifs


provenant de l’enfant ; être capable de percevoir la détresse de l’enfant mais
sans pouvoir l’interpréter convenablement ; ne pas renvoyer à l’enfant un
message affectif congruent, ni maîtriser sa réponse. La capacité maternelle
de se représenter l’état psychique de son enfant et son état émotionnel
contribue donc à sa sécurité d’attachement.
Le concept de fonction autoréflexive (self-reflexive function) de Fonagy
(1993) nous renvoie, à son tour, à la capacité des individus d’avoir accès
avec souplesse et cohérence à leurs propres émotions et à leurs expériences
d’attachement pendant l’enfance. Pour cet auteur, c’est bien la capacité
du parent d’utiliser ces représentations dans la discussion de ses relations
d’attachement au cours de l’AAI qui est associée à la sensibilité parentale.
Les parents qui sont capables de décrire de façon cohérente leur propre
expérience d’attachement à l’AAI sont plus susceptibles de donner du sens
aux comportements de leur enfant en termes d’états mentaux. Lorsque ce
n’est pas possible de façon suffisante, ces parents sont à risque de reproduire
leurs expériences négatives avec leurs enfants.
Le rôle de la communication apparaît primordial dans la transmission de
l’attachement. En s’impliquant dans un dialogue sur leurs modèles internes
opérants, les parents fonctionnent comme une base de sécurité pour l’explora-
tion par l’enfant de son monde intérieur (Bretherthon et Munholland, 1999).
Les communications, verbales et non verbales, sont les processus par les-
quels les modèles internes des relations d’attachement sécures et insécures
sont générés et maintenus, et sont transmis à la génération suivante.
Bowlby insistait également sur le rôle facilitateur des parents pour aider
leurs enfants à construire et à réviser leurs modèles internes à travers le
dialogue. Les parents qui ont vécu des interactions avec des figures d’atta-
chement sensibles et tolérantes pendant leur petite enfance sont mieux à
même de répondre à la détresse de leurs enfants de façon empathique et en
leur procurant un support émotionnel. En conséquence, leurs enfants sont
plus à même de se sentir compris, valorisés et compétents, mais aussi de
construire des modèles internes opérants fonctionnels d’eux-mêmes et
de leurs caregivers. Dans les relations insécures, la révision et la mise à jour
des modèles internes opérants de soi et des autres peuvent s’avérer difficiles,
et ceci a naturellement des implications dans la sécurité de la transmission
de l’attachement au cours des générations.
Que nous considérions la sensibilité maternelle, la capacité à penser
l’esprit de l’autre ou la fonction autoréflexive, l’accent est mis sur l’expé-
rience de l’enfant dans l’interaction directe avec ses parents pour rendre
compte du processus de transmission intergénérationnel.

Les études empiriques


D’un point de vue empirique, Fonagy et al. (1993) montrent que la conscience
réflexive de la mère mesurée durant sa grossesse prédit la s­écurité de son
Transmission intergénérationnelle de l’attachement 63

enfant à 12 et 18 mois, ainsi que celle du père mais à un degré moindre.


Slade et al. (2005) ont examiné l’effet médiateur de la conscience réflexive
entre les représentations d’attachement du parent et le type d’attachement
de l’enfant sur un échantillon de soixante et une dyades. Les mères classées
sécure/autonomes à l’AAI avant la naissance de leur enfant avaient une
conscience réflexive significativement plus élevée dans leur relation d’atta-
chement avec celui-ci, à l’âge de 10 mois. Cette haute conscience réflexive
de la mère était liée à la sécurité d’attachement de l’enfant mesurée à
14 mois à la Situation étrange. L’ensemble de ces résultats laisse à penser
que c’est la conscience réflexive de la mère qui explique le lien entre son
attachement et celui de l’enfant. Grienenberger et al. (2005) montrent que
la fonction réflexive de la mère a un rôle particulièrement important sur
les comportements qui servent à réguler la peur et la détresse du bébé, sans
l’effrayer ou le troubler, favorisant le développement d’un attachement
sécure chez ce dernier. Dans une étude, portant sur soixante et onze dyades
mère-enfant, Meins et al. (2001) montrent que les enfants dont les mères
avaient un mind-mindedness approprié durant une séance de jeu libre étaient
plus susceptibles d’être classés sécures. Déjà en 1998, Meins et al. avaient
montré que les mères d’enfants sécures avaient de meilleures capacités de
mentalisation au sujet de leur enfant. En effet, lorsqu’on leur demandait
de décrire leur enfant, elles avaient davantage tendance à en parler en
termes d’états mentaux — c’est-à-dire désirs, pensées, imagination, intérêt,
intellect, métacognition, émotions —, comparativement aux mères des
autres catégories d’attachement qui, elles, en parlaient surtout en termes
de caractéristiques comportementales, physiques ou d’ordre général. Cette
étude montrait également que la tendance de la mère à traiter son enfant
comme un agent ayant une vie mentale autonome est propice au dévelop-
pement des capacités de mentalisation de son enfant.

La qualité de la relation maritale et de l’atmosphère


émotionnelle familiale
Les qualités de l’équilibre du couple et de la famille sont des processus plus
distaux ou plus contextuels qui sont également des déterminants des pra-
tiques parentales. Pour Belsky (2005), l’atmosphère familiale dans laquelle
baigne l’enfant peut aussi affecter l’attachement, de même que la vie de la
communauté environnante, c’est-à-dire les groupes sociaux élargis où évolue
la famille nucléaire. Ces facteurs peuvent affecter à distance les ­interactions
dyadiques parent-enfant. La contribution des parents au développement de
leur enfant peut s’exprimer de multiples façons, sur le plan du couple ou
de celui des individus. Individuellement, chaque parent promeut la sécurité
au sein de la relation de caregiving et aide à la formation des représentations
d’attachement. Chacun des partenaires du couple parental aide aussi l’autre
dans sa relation d’attachement avec l’enfant. On peut s­ upposer qu’une ­relation
64 Grands concepts de la théorie de l’attachement

de couple satisfaisante au moment où les parents sont engagés dans des soins
au jeune enfant contribue au développement d’une relation d’attachement
sécure chez l’enfant (Collins, 1996). De fait, comme l’indique Isabella (1994),
les difficultés de relations dans le couple vont rendre plus difficile et moins
stable l’établissement d’un attachement sécure chez l’enfant. C’est le sens de
l’hypothèse de la « sécurité émotionnelle » de Davies et Cummings (1994),
dans laquelle le sens de la sécurité de l’enfant n’est pas seulement défini
par ses interactions avec ses parents, comme l’indique traditionnellement
la théorie de l’attachement, mais se développe aussi dans le contexte de la
relation du couple parental. Ceci nous renvoie à l’affirmation bien connue
de Bowlby (1953) : « en procurant amour et soutien (companionship), le mari
aide émotionnellement la mère et lui permet de maintenir une atmosphère
d’harmonie dont profite le développement de l’enfant » (p. 13), qui souligne
ainsi que la qualité de l’harmonie du couple contribue indirectement à la
qualité de l’attachement entre l’enfant et son caregiver (principal). Un aspect
critique de la qualité de la relation maritale pour le développement de l’atta-
chement sécure semble être lié à la perception de la qualité du support émo-
tionnel offert par le partenaire  : quelle base de sécurité offre-t-il  ? D’autre
part, ce sentiment de base de sécurité dans le couple peut avoir deux signifi-
cations : il reflète les représentations d’attachement des parents vis-à-vis de
leurs propres figures d’attachement mais il est aussi l’expression d’une révi-
sion des MIO du parent grâce aux relations actuelles. Cette modalité possible
de l’interruption du cycle de la transmission de l’insécurité, qui fournit l’occa-
sion d’une modification du comportement parental, est détaillée plus loin.
Cette position, qui fait de la qualité de la relation de couple parental un
marqueur de la sécurité de l’attachement de l’enfant a été renforcée par
un ensemble croissant de travaux qui montrent l’impact du conflit conju-
gal sur les enfants, en particulier lorsque ce conflit est fréquent, intense et
permanent (voir revues par : Davies et Cummings, 1994 ; Guédeney et al.,
2012). Au contraire, un nombre croissant de recherches récentes montre
que père et mère sont plus susceptibles d’apporter des soins plus sensibles,
réactifs et adéquats quand leur relation est plus harmonieuse et plus satis-
faisante (Owen et Cox, 1997 ; Stevenson-Hinde et Shouldice, 1995 ; Belsky
et Jaffee, 2004). De fait, la qualité de la relation maritale semble affecter la
sécurité de l’enfant de deux manières : l’une directe, par le biais de l’atmo-
sphère émotionnelle familiale, et l’autre indirecte par les comportements
parentaux. À notre avis, l’étude la plus éloquente sur le sujet est celle de
Cowan et Cowan (2005) ; ils montrent que le couple joue un rôle dans la
transmission de l’attachement de trois façons différentes :
• chaque parent contribue indépendamment à la dynamique globale du
système familial ;
• l’attachement du couple, autant que celui des individus, joue un rôle
dans les relations familiales ;
Transmission intergénérationnelle de l’attachement 65

• l’un des membres du couple (particulièrement le père) peut fournir


une protection pour l’enfant et la famille vis-à-vis de l’impact négatif des
modèles internes opérants insécures de l’autre parent (Tereno, 2008).
Cependant, d’autres études ne retrouvent pas de relation significative
(Belsky,  1996  ; Das Eiden et Leonard,  1996). Belski (1999) souligne les
limites de l’étude des effets directs de la qualité de la relation maritale sur la
sécurité de l’attachement. Les facteurs qualitatifs sont multiples et opèrent
autant indirectement que directement. Si des facteurs distaux, comme la
relation maritale, ont bien un effet prédictif sur l’attachement parent-bébé
(Belsky et Isabella,  1988), il faut aussi prendre en compte les facteurs de
médiation (comme le comportement parental) et les facteurs de modéra-
tion (les interactions avec les représentations d’attachement de la mère)
pour mieux comprendre ce mécanisme.

Discontinuité dans la transmission


générationnelle de l’attachement
La théorie de l’attachement rend compte de la discontinuité de la transmis-
sion entre les générations. L’absence ou la faible amplitude de la transmis-
sion entre les générations peut être liée à divers facteurs.
Nous avons vu que la stabilité des MIO était liée à la stabilité des conditions
de caregiving et d’environnement (pour plus de détails  : voir chapitre  5).
Quand les événements et l’expérience se rejoignent pour promouvoir des
changements dans les modèles internes opérants, qu’il s’agisse d’un jeune
enfant, d’un adolescent ou d’un adulte, alors on peut s’attendre à de la
discontinuité dans la transmission de l’attachement entre les générations.
Il faut aussi évoquer le problème des mesures, de leur fiabilité et de leur
stabilité (voir chapitres 5 et 23).
L’étude pionnière de Main et  al. (1985) a montré que la transmission
intergénérationnelle de l’insécurité peut être bloquée. Le changement
dans l’organisation des modèles internes opérants insécures est possible,
mais de façon moins fréquente si les conditions de vie restent relativement
constantes, et de façon plus fréquente si la mère peut rentrer dans une
relation de couple stable (Sroufe, 1988). Tous les adultes qui présentent un
AAI cohérent n’ont pas tous des souvenirs d’une enfance heureuse et le
modèle de transmission de la sécurité sur trois générations ne peut alors
être linéaire. L’élément déterminant de la transmission de l’attachement
entre parents et enfants semble être la capacité des parents à produire un
discours cohérent de leurs relations précoces d’attachement, tels qu’ils
s’en souviennent et qu’ils les interprètent actuellement — c’est-à-dire un
état d’esprit cohérent vis-à-vis de l’attachement. Selon Bretherton (1990),
même si nous considérons que la cohérence du discours est bien l’élément
médiateur de la transmission de l’attachement, il n’en reste pas moins que
66 Grands concepts de la théorie de l’attachement

nous avons encore à mieux comprendre les processus de changement des


modèles internes opérants.

Les facteurs contextuels qui peuvent


entraver la qualité du caregiving
Facteurs parentaux
Les facteurs liés à l’état psychologique maternel ont été étudiés : la dépres-
sion, l’anxiété, le stress postnatals et les psychoses du post-partum peuvent,
plus ou moins, altérer gravement l’expression du caregiving chez la mère
(Van IJzendoorn et al., 1997). La multiplicité des stress environnementaux
auxquels la mère est soumise peut aussi miner ses ressources pour expri-
mer son caregiving : les événements de vie négatifs comme le chômage, la
maladie, le statut socio-économique précaire, les stress interpersonnels, tels
que les conflits conjugaux, l’absence d’alliance parentale avec le père, et
l’existence d’autres personnes à protéger (c’est-à-dire enfants, jeune fra-
trie en souffrance, ascendants à protéger) ont été particulièrement étudiés
(Belsky, 1999 ; Raval et al., 2001 ; Kobak et Mandelbaum, 2003). Béliveau et
Moss (2009) montrent à cet égard que dans les dyades où l’enfant et la mère
présentent tous les deux une désorganisation de l’attachement, un nombre
significativement plus élevé d’événements stressants est survenu compara-
tivement aux dyades dont l’attachement est organisé : divorce, décès d’un
proche ou maladie. Ces événements pourraient contribuer à la stabilité de
l’état d’esprit non résolu de la mère et au développement d’un attachement
désorganisé chez son enfant.
Tous ces facteurs peuvent venir entraver la qualité du caregiving et ne pas
permettre au parent de donner les réponses adéquates à l’enfant (Madigan
et al., 2006). La notion de compétition entre caregiving et attachement chez
le parent permet de comprendre l’influence de ces différents facteurs (Liotti,
2004 ; Kobak et Mandelbaum, 2003 ; George et Solomon, 1999). Le stress,
quelle qu’en soit l’origine, est à la fois un facteur d’activation de l’atta-
chement et un facteur qui mine les ressources du caregiving. Cette atteinte
au caregiving est directe, étant donné qu’une compétition s’établit entre le
système de protection de soi-même et le système de protection des autres
(Lyons Ruth et al., 2004 ; Kobak et Mandelbaum, 2003).

Facteurs culturels
L’étude de Sagi-Schwartz et al. (1997) montre que la correspondance entre
l’AAI chez la mère et l’enfant à la Situation étrange est de seulement 40 %
dans les kibboutz israéliens. Dans ce mode de vie communautaire, l’enfant
est gardé selon des responsabilités partagées entre les adultes. Les enfants
sont ainsi exposés à de multiples donneurs de soins très tôt après leur nais-
sance. Entre autres, ils sont séparés de leurs parents durant la nuit. Ces
arrangements réduiraient les possibilités que la mère transmette son type
Transmission intergénérationnelle de l’attachement 67

d’attachement à son enfant. Cette étude amène en somme deux consta-


tations  : la transmission intergénérationnelle de l’attachement peut être
influencée par le contexte écologique dans lequel évolue la dyade, et
elle montre d’autre part que pour que la transmission intergénération-
nelle puisse opérer, l’enfant doit être suffisamment exposé à sa figure
d’attachement.
Facteurs liés au bébé
Les facteurs tempéramentaux (réactivité aux stimuli, par exemple) favori-
sent le risque qu’un enfant élevé par un parent insécure développe un atta-
chement insécure (Vaughn et Bost, 1999 ; Atkinson et al., 2005). La « conso-
labilité » du bébé, sa capacité d’ajustement postural (le fouissement) et son
comportement de regard sont, pour leur part, des stimuli très puissants du
système de récompense-plaisir. Ils jouent un rôle clé dans le développement
de l’expression optimale du caregiving (Carter, 2003 ; Leckman et al., 2003).
Les bébés sont particulièrement doués, de par leur immaturité et la forme de
leur visage, à déclencher chez tout adulte un comportement de protection,
donc le caregiving (George et Solomon, 1999). Ces facteurs auraient ainsi un
rôle de modérateur, protégeant ou augmentant le risque de transmission
dans l’insécurité.
Les études sur la discontinuité de la transmission de l’attachement don-
nent un nouveau rôle à la sensibilité. La sensibilité n’est plus vue comme un
facteur de médiation mais comme un facteur de modération : la sensibilité
maternelle peut en effet protéger ou augmenter l’influence d’une représen-
tation mentale de la mère sur la sécurité de l’attachement de son enfant
(Atkinson et al., 2005). Les recherches récentes menées dans le domaine de
la biologie (cf. chapitre 10), de la neurologie et de la génétique apportent
une contribution de plus en plus importante à la compréhension du phéno-
mène de l’attachement et de sa transmission intergénérationnelle.

Implications cliniques
Dans la population de communautés, la transmission de l’attachement
apparaît comme un mécanisme original qui permet la transmission de la
sécurité de l’attachement dans plus de 60 % des cas. Sur le plan clinique,
nous devrions nous centrer sur les facteurs de diminution de l’insécurité
d’une génération à l’autre. Quelles sont les compétences parentales à déve-
lopper pour atteindre ce but ? Les individus développent des stratégies nom-
breuses face à la peur de la séparation et de la perte ou face aux menaces
vis-à-vis des relations proches. Ce que nous avons appris des interventions
sur les interactions de couple et sur les comportements parentaux est qu’ils
sont tous liés à la capacité d’adaptation de l’enfant.
Dès lors, il semble judicieux de considérer la transmission de l’attache-
ment comme un processus réellement multifactoriel et d’y appliquer des
68 Grands concepts de la théorie de l’attachement

interventions préventives variées, prenant en compte le parenting ou un


abord de couple, mais en promouvant à la fois la mentalisation sous tous
ses aspects et de meilleures compétences interactives.
On peut ainsi garder le message important pour les thérapeutes et psy-
chiatres d’enfant selon lequel s’adresser aux questions et aux pertes non
résolues entre les parents peut accroître la force de nos interventions. Les
thérapeutes de couple peuvent réaliser qu’ils jouent un rôle important de
prévention en santé mentale de l’enfant en renforçant les relations des
parents comme couple, autant que comme parents, et ce, qu’ils voient ou
non directement l’enfant ou qu’ils parlent des questions en suspens avec
les parents seuls.
Les acteurs de la santé publique peuvent penser que si les interventions
ciblées sur les compétences parentales sont une manière efficace d’accroître le
mieux-être des enfants, les interventions centrées sur le couple peuvent poten-
tiellement accroître la capacité d’adaptation de l’enfant en interrompant les
cycles de relations insatisfaisantes d’une génération à l’autre et en augmentant
la qualité d la vie familiale, tant pour les parents que pour les enfants.

Conclusion
Le processus de transmission de l’attachement est un des concepts clés de
la théorie de l’attachement. L’étude de la continuité ou de la discontinuité
permet d’appréhender la complexité des facteurs en jeu et d’affiner la
théorie de Bowlby, en prenant en compte des facteurs plus élargis que
la simple dyade parent-enfant. Ce processus, de nature probabiliste et non
déterministe, laisse ouvert tout le champ des possibles en ouvrant la voie à
de multiples pistes d’intervention.

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7 Attachement
et psychanalyse

A. Guédeney

La théorie psychanalytique et la théorie de l’attachement sont nées avec


presque un siècle d’écart. Comme le souligne Fonagy (2001), ces deux théo-
ries ont exercé des critiques plus ou moins fondées l’une vis-à-vis de l’autre.
Les rapports ont été au mieux d’indifférence, au pire d’hostilité, alors même
que la théorie de l’attachement est issue de la théorie psychanalytique, du
moins par le truchement de la formation de son inventeur, John Bowlby. En
effet la formation initiale de John Bowlby est bien celle d’un psychanalyste.
Cette formation a lieu avant la guerre, dans un climat marqué par l’affron-
tement entre les partisans d’Anna Freud et ceux de l’école de Mélanie Klein.
Bowlby comprend mal qu’on laisse de côté les relations entre l’enfant et
sa famille. Le premier article de Bowlby dans le Journal International de Psy-
chanalyse, en 1940, concerne l’influence de l’environnement précoce sur le
développement des névroses et du caractère névrotique, et l’ensemble de
son œuvre ultérieure visera à fonder une nouvelle psychopathologie sur
la base de la séparation et de la sécurité de l’attachement et de ses troubles
(Bowlby,  1940). Sur la base de son expérience de pédopsychiatre à la
Tavistock Clinic, il propose en 1944 son étude sur quarante-quatre jeunes
voleurs âgés de 6 à 16  ans. Il compare leur environnement familial avec
celui d’autres consultants sans troubles du comportement actif de vol. Ce
premier essai de psychopathologie du développement permet à Bowlby de
mettre en évidence le rôle des séparations précoces prolongées dans la sur-
venue de ces troubles du comportement et de l’affect avec, en particulier, les
difficultés à ressentir et exprimer des émotions. Cet article inaugure, à mon
sens, la pédopsychiatrie moderne ; c’est aussi le premier travail publié dans
le Journal International de Psychanalyse qui comprenne des résultats statis-
tiques, mais il est mal reçu pour cette raison.
Les conceptions de John Bowlby sont donc issues de la clinique avec les
familles et les jeunes enfants. Son souci initial est de faire entrer la psycha-
nalyse dans le champ des sciences humaines. Pour cela, il lui apparaît néces-
saire que la psychopathologie s’appuie sur des faits et bénéficie des apports
des sciences cognitives, de la théorie de l’information et de la cybernétique,
et enfin de l’éthologie.
À la suite de ses travaux sur la séparation, la critique principale de Bowlby
à l’encontre de la théorie psychanalytique s’adresse à la théorie de l’étayage.
Le lien mère-enfant n’est pas au centre de la théorie de Freud, qui parle peu

L’attachement : approche théorique


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74 Grands concepts de la théorie de l’attachement

de la relation mère-enfant. La relation existe d’abord avec le sein, objet


partiel, suivi du stade narcissique primaire, puis de l’œdipe. Comme le sou-
ligne Bowlby, ce n’est qu’en 1938 que Freud décrit le lien à la mère comme
«  unique, sans parallèle, établi de façon inaltérable, le premier et le plus
puissant objet d’amour, et le prototype des autres relations amoureuses,
pour les deux sexes ». Anna Freud prend le parti de Bowlby sur ses travaux
sur la séparation précoce à la suite de sa propre expérience à la nursery de
Hampstead, mais s’opposera à lui sur la question de la prééminence de la
recherche de sécurité sur celle du plaisir. Charlotte Büller, dont Spitz fut
l’élève, avait noté la réponse spécifique des très jeunes enfants à la voix
et aux visages. Thérèse Benedek avait, pour sa part, remarqué le besoin qu’ont
les jeunes enfants d’être tenus dans les bras et qu’on leur parle. Michael
Balint, né à Budapest, pense que le besoin d’être aimé totalement et incon-
ditionnellement est un besoin primaire. Balint avait été analysé par un
autre hongrois célèbre, Ferenczi, lequel fut rejeté par Freud pour avoir tenté
de donner à ses patients l’amour qui leur manquait et pour avoir proposé
une technique dite « active » en psychanalyse, loin de la neutralité bien-
veillante. Sans faire référence directement à Ferenczi, Sacha Nacht reparlera
d’une telle attitude, en France, dans les années soixante, et il influencera
durablement Serge Lebovici. En Angleterre, Bowlby et Winnicott signent
ensemble une lettre sur les dangers de l’évacuation des petits-enfants pen-
dant la guerre. Tous deux vont, pour des raisons différentes, critiquer la
théorie de Mélanie Klein dont ils sont initialement proches, tout en étant
dans une relation de rivalité. À la fin des années cinquante, Bowlby signe
trois articles essentiels : le premier est « La nature du lien de l’enfant avec
sa mère ». Cet article de 1958 comprend une critique radicale de la théorie
des pulsions, sur la base de l’éthologie. Le terme d’« attachement » y appa-
raît pour la première fois. Pour Bowlby, l’attachement est le contraire de la
dépendance. Il ne sert pas à créer de l’amour mais à survivre. La conception
de Bowlby du développement et de la psychopathologie est fondée sur la
séparation et sur le besoin primaire d’attachement, de la même façon que
Freud propose une vision fondée sur le modèle de l’hystérie et sur la séduc-
tion. Pour Bowlby, le sein n’est pas la mère, l’oral n’est pas le primaire et la
relation à la mère n’est pas de type anaclitique. Le deuxième volet majeur
de la contribution de John Bowlby est la description du deuil chez l’enfant
et des conditions dans lesquelles l’enfant peut y survivre psychiquement
(Bowlby, 1960). Ces conditions sont l’existence d’une relation sécurisante
avec les parents avant la perte, une information précise et prompte sur
ce qui s’est passé, la permission de poser des questions et d’obtenir des
réponses honnêtes, la participation avec les adultes au rituel du deuil et
la présence rassurante du parent survivant ou d’un substitut connu, avec
l’assurance que cette relation persistera. L’enfant peut surmonter la perte
d’un des parents si certaines conditions de sécurité relationnelle et de vérité
Attachement et psychanalyse 75

sont remplies. L’enfant peut être alors triste mais sans dissociation de sa per-
sonnalité. En cas d’échec de ce processus se développent des phobies, des
symptômes hystériques, la dépression, des troubles mentaux majeurs,
des troubles du comportement, en particulier antisociaux, un sentiment
de colère contre le parent survivant, avec enfin les difficultés à former de
nouvelles relations. Avec le premier volet de la trilogie, Attachment and loss
(Bowlby, 1969), Bowlby propose un nouveau mécanisme intrapsychique de
défense : celui d’exclusion défensive. Il propose aussi et surtout la notion
de modèle interne de travail, ou modèles internes opérants (MIO), et donc un
processus permettant de comprendre la genèse des représentations internes
issues des relations avec chacun des parents et fondé sur l’intériorisation et
la généralisation de celles-ci. Bowlby propose donc un modèle « construc-
tiviste  » du fonctionnement et du développement mental, fondé sur les
relations réelles avec les parents, qui s’oppose à un modèle « structural »,
fondé sur la conflictualité interne.

Défis de la théorie de l’attachement


au noyau conceptuel de la psychanalyse
Pour Bowlby, et en opposition avec les conceptions de Klein, l’enfant est plus
enclin à l’amour et à la réparation qu’à la violence et à la haine, ces aspects
étant considérés par lui comme secondaires à l’échec des processus
de recherche de sécurité. Bowlby conserve cependant la notion de proces-
sus inconscient. Il garde tout son intérêt à la signification des rêves et des
fantasmes. Il donne une importance centrale à la notion de développement
psychosocial de l’enfant, et son intérêt se situe dans la recherche des sources
externes, relationnelles, des distorsions névrotiques (Bowlby,  1969). Loin
d’être un homme qui établit des ponts entre différentes théories, il est plus
enclin à la recherche des faits, convaincu de la justesse et de l’importance de
ses conceptions pour la psychanalyse. Son article sur le deuil rencontre une
réponse hostile de la part d’Anna Freud, de Max Schur, le médecin de Freud,
et de Spitz qui en dénient assez violemment la nouveauté et la validité.
­Après-guerre, la position de Bowlby dans la Société britannique de psychana-
lyse devient marginale, même si ses capacités d’organisateur le font nommer
secrétaire à la formation de 1944 à 1947 et à d’autres fonctions encore
pendant la présidence de Winnicott, de 1957 jusqu’à 1961. Mais, pendant
cette période, les théories de Bowlby ne sont même pas discutées au sein de
sa Société. Ce n’est qu’en 1980 qu’une réunion de la Société britannique
de psychanalyse lui rendra officiellement hommage, à l’initiative de Eric
Rayner, membre du groupe des Indépendants britanniques (Rayner, 1995).
En France, René Zazzo propose en 1972 un « Colloque imaginaire » autour
de la théorie de l’attachement, qui sera réédité en 1979 (Zazzo, 1979). Son
but est de briser ce qu’il appelle la « conspiration du silence », en France,
76 Grands concepts de la théorie de l’attachement

autour de la théorie de l’attachement. Le colloque est introduit par un texte


de John Bowlby sur le contexte historique de la théorie de l’attachement et
par une intervention de Harry Harlow sur l’affectivité. Y répondent René
Spitz, Rémi Chauvin, Serge Lebovici, Konrad Lorenz, sous la forme d’un
texte extrait d’une correspondance, Cyril Koupernic, Philippe Malrieu,
Daniel Widlöcher, Didier Anzieu et François Duyckaerts. Didier Anzieu sera
l’un des premiers à marquer son intérêt pour cette perspective, parce qu’elle
réintroduit le corps en psychanalyse. Le débat est lancé mais la polémique
continue et, en France, qu’il s’agisse des psychanalystes kleiniens, des
proches de la Société de psychanalyse de Paris ou des lacaniens, la réticence
est générale quant à l’intérêt de la théorie de l’attachement en psychanalyse.
Bowlby est considéré comme ayant renoncé non seulement à la théorie des
pulsions, mais aussi aux processus inconscients et à tout système complexe
internalisé et conflictuel. Sa théorie est considérée comme réductionniste,
mécaniste et non dynamique, faisant appel au « comportement ». Le pre-
mier volume de la traduction de la trilogie de Bowlby ne paraît qu’en 1978
aux Presses Universitaires de France.

La sexualité infantile, l’Œdipe


et leur influence sur la sexualité de l’adulte
Bowlby a été le premier psychanalyste à mettre en question la vue freu-
dienne de la sexualité infantile ou plutôt son rôle prévalent dans la psy-
chopathologie. En effet, si Bowlby propose que ce soit d’abord les effets de
la séparation précoce et les altérations du lien d’attachement qui rendent
comptent de la psychopathologie, il n’en nie pas pour autant l’existence
d’une sexualité infantile. En fait, Bowlby a bien pris en compte la sexualité,
et même l’existence de la sexualité et de la sensualité précoces, mais seule-
ment dans la dimension du sexuel, c’est-à-dire dans sa dimension de repro-
duction, et sans prendre en compte celle du plaisir et de ses représentations
mentales. Bowlby propose que l’attachement soit inné et sans médiation de
la sexualité infantile, sans lien avec la gratification ni avec la réduction
de la tension. À la place du concept de pulsion, Bowlby propose celui d’acti-
vation ou de désactivation d’un système comportemental, en fonction des
demandes de l’environnement ou de la maturation interne. En avançant
que la sexualité adulte soit construite par l’intégration de composantes ins-
tinctuelles, qui sont dans la petite enfance « déconnectées et indépendantes
l’une de l’autre, mais qui viennent à l’âge adulte former une organisation
ferme dirigée vers un but sexuel attaché à un objet externe » (Freud, cité par
Bowlby, 1958, p. 350 ; ma traduction), Bowlby reprend le schéma freudien
d’évolution de la sexualité infantile dans une intégration de ses compo-
santes chez l’adulte. Parallèlement, pour Bowlby, la sexualité infantile, ce
sont ces « fragments de comportement sexuels, encore non fonctionnels,
Attachement et psychanalyse 77

et qui s’expriment souvent vis-à-vis des parents ». Il rappelle, faisant appel


au raisonnement comparatiste qu’il affectionne, que chez les mammifères,
la sexualité infantile semble être la règle (p. 158). Mais bien qu’il la recon-
naisse comme un instinct ou plutôt dans son langage comme un système
de comportement, Bowlby en néglige d’explorer sa fonction d’organisateur
psychique, au sens de Spitz, et de source de fantasme. Dans cette pers-
pective, la résolution de la crise œdipienne d’exclusivité et d’ambivalence
des 2 à 3 ans se situe raisonnablement vers 4 ou 5 ans, au moment où la
mentalisation, la théorie de l’esprit, le développement du langage oral et
celui de la cognition sont considérablement avancés. Suivant Widlocher,
la sexualité infantile devient alors une source quasi inépuisable d’inven-
tion, de curiosité, mais aussi de subversion et de liberté, qui reste active la
vie durant mais à laquelle les individus donnent une place spécifique et
différente pour chacun. Le lien net entre curiosité et exploration sexuelle
est renforcé par le fait que les enfants qui deviendront sécures sont ceux
qui montrent la plus grande capacité d’explorations génitales et autoéro-
tiques. La notion de « signifiants énigmatiques » proposée par Laplanche
et Pontalis en 1968 (in Widlocher, 2000) est une contribution originale à
la compréhension ses sources de la curiosité sexuelle. Elle est fondée sur
l’idée que les échanges sensuels entre mère et enfant sont sous-tendus et
évoquent chez la mère (mais aussi chez le père) des représentations mater-
nelles inconscientes qui échappent à l’un et à l’autre, et surtout au jeune
enfant. Celui-ci pourra rechercher la trace de ces représentations, ce qui
serait une source de la curiosité et de la créativité fantasmatique concernant
la sexualité. C’est dans cette mesure que l’on peut comprendre l’assertion
selon laquelle la sexualité infantile organise la sexualité psychique et phy-
sique de l’adulte, que cet exercice soit classique ou pervers, mais de façon
plus souple et inventive, plus relationnelle qu’isolée chez le sujet sécure que
chez l’insécure.

Points communs et d’opposition de la théorie


de l’attachement avec chacun des grands
systèmes psychanalytiques
Le point essentiel de divergence avec Freud concerne la théorie des
pulsions. Pour Bowlby, la psychanalyse en tant que science se doit d’utiliser
les modèles pertinents de son époque (Bowlby, 1988). Le modèle de la pulsion
est calqué sur celui de la thermodynamique et de l’hydraulique. Bowlby
lui substitue les modèles de la cybernétique, de l’éthologie, de la théorie
de l’information et des systèmes, et celui issu des sciences cognitives. C’est
dans sa trilogie, en particulier dans le premier volume, que Bowlby fait la
critique la plus radicale de la théorie des pulsions. L’éthologie est ­importante
pour lui car elle promeut une théorie fondée sur des faits qui p ­ euvent être
78 Grands concepts de la théorie de l’attachement

­ bservés dans d’autres espèces. Ce raisonnement comparatif a pu favoriser


o
chez Bowlby une prise en compte insuffisante de l’importance du fantasme
dans la sexualité de l’enfant et de l’adulte. Comme Ronald Fairbairn, Bowlby
abandonne la notion de pulsion, fondée sur la libido et sur l’agression, et
l’idée d’une énergie qui s’accumule et cherche une décharge. Il propose à
la place un ensemble de systèmes innés de comportements qui sont à la
recherche de la relation et qui sont corrigés quant au but par la réponse de
l’environnement. L’attachement donne lieu à des sentiments d’amour,
de sécurité et de joie. Sa rupture donne lieu à de l’anxiété, à du chagrin et à de
la dépression. Bowlby propose ainsi une révision de la conception pulsion-
nelle de l’angoisse de séparation, de l’agoraphobie et de la dépression. Selon
les diverses phases de la théorie de Freud, les points de convergence et d’oppo-
sition avec la théorie de l’attachement diffèrent (Fonagy, 2001) : la conver-
gence se situe autour de l’importance des relations précoces, non exclusive-
ment alimentaires, pour le développement précoce, dans la conception de
l’anxiété liée à la peur de la séparation. Les oppositions concernent la place
de l’œdipe, le rôle du moi, de la compulsion de répétition et la conception du
développement.
Avec Anna Freud, excellente clinicienne de l’enfance, les points de ren-
contre sont plus importants, du moins sur la reconnaissance du poids
de la séparation dans la clinique du petit enfant, s’ils s’opposent sur la
­prééminence du principe de plaisir sur la recherche de sécurité. Anna
Freud est aussi l’une des premières psychanalystes à adopter une pers-
pective développementale sur la psychopathologie (les lignes de dévelop-
pement). L’œuvre de Margaret Mahler est sûrement l’une des plus proches
de celles de Bowlby, avec l’intérêt porté aux comportements effectivement
observés et au développement. Si l’insistance sur l’agression est beaucoup
plus importante que chez Bowlby, la notion de base de sécurité est presque
explicitement présente chez Mahler. Malgré les rapports conflictuels de
Bowlby avec le groupe kleinien, c’est avec les théoriciens de la relation
d’objet que la compatibilité de la théorie de l’attachement est la plus
importante (Holmes,  1993). Les points de convergence concernent les
rapports entre la sécurité de l’attachement et la capacité d’intégration
dans la phase dépressive, et la perspective qui exclut l’idée d’autisme ini-
tial ou de fusion avec la mère. Chez Bowlby, comme chez Klein, les forces
en présence sont d’emblée à l’œuvre, œdipe précoce et conflit pulsionnel
chez Klein, ou attachement chez Bowlby. On note aussi la proximité de
la notion d’exclusion défensive avec celle de clivage et la place privilé-
giée de ces mécanismes dans les systèmes théoriques des deux auteurs.
L’opposition entre eux concerne bien entendu le poids donné à la réalité
des relations parent-enfant dans la mise en place du sentiment de sécurité
ou au contraire dans celle des mécanismes défensifs face à l’envie et la
haine primaires.
Attachement et psychanalyse 79

La théorie de Bowlby est comparable avec les termes de Kohut aux États-
Unis, avec la notion d’empathie, d’estime de soi et leur développement. Les
points de convergence sont très importants entre le groupe des Indépen-
dants britanniques et Bowlby, qui est d’ailleurs inclus dans ce groupe par
Rayner (1995). Ce qui est décrit en termes d’attachement chez Bowlby l’est
en termes d’amour primaire chez Balint, en termes de recherche d’objet
chez Fairbairn et de capacité à la relation chez Winnicott. Les concepts de
maternage sensible, de holding et de handling, l’importance donnée à l’expé-
rience précoce dans la psychopathologie du développement sont cohérents
avec la théorie de l’attachement. Parmi les théoriciens se situant dans la
suite de Bowlby mais sans référence directe à lui, on peut citer Daniel Stern
et sa « constellation maternelle » ou ses représentations d’interactions géné-
ralisées (RIG), bien proches du modèle interne de travail de Bowlby, mais
aussi Selma Fraiberg et son insistance sur la sécurité et son impact sur le
développement, Peter Fonagy dans son concept de mentalisation et d’auto-
réflexion, appuyé explicitement quant à lui sur la théorie de l’attachement.
Cette insistance sur la capacité de la mère à prêter des états mentaux à
son bébé et à agir en fonction de cela n’est pas sans rappeler le concept
de capacité de rêverie maternelle de Bion. Jeremy Holmes développe dès
1993 le modèle psychothérapeutique de l’attachement. En France, Daniel
Widlöcher (2000) a le premier osé mettre en cause la nécessité du modèle
de la pulsion, en s’appuyant sur des concepts cognitivistes. Jacques Lacan
avait initialement porté un grand intérêt aux travaux de Harlow et publié
un article célèbre sur le développement du sens de soi (« Le stade du miroir
dans la formation du je », 1949). Mais ses conceptions théoriques ultérieures
vont s’éloigner de tout point de vue génétique. L’essentiel du développe-
ment se situe pour lui dans les systèmes symboliques, réels et imaginaires,
et c’est au sujet de se dégager de ce qui l’a précédé, désirs et positions mater-
nels et paternels, articulés dans le concept de Nom-du-Père. La perspec-
tive lacanienne, si elle se trouve parfois compatible avec certains concepts
winnicottiens, n’offre guère de théorie des affects, du développement, ni
de la place des relations parents-enfant réelles dans le développement de
l’intersubjectivité. Récemment, des psychanalystes et des attachementistes
se sont rapprochés pour décrire les interactions entre sexualité et attache-
ment, et proposer que l’attachement ait une influence clef sur la résolution
de l’Œdipe (cf. chapitre 20).

Points de convergence et de complémentarité


Les deux théories ont donc des racines communes et ont évolué dans deux
directions différentes, l’une dans la description du paysage intrapsychique,
et l’autre dans celui de l’interpersonnel. Cependant, les deux théories
­tentent bien de couvrir le même terrain. Les points de contact semblent
80 Grands concepts de la théorie de l’attachement

plus importants que les divergences. Le plus saisissant est probablement


la place attribuée à la cohérence du discours dans la théorie de l’attache-
ment avec utilisation de l’Adult Attachment Interview (AAI) et le passage au
niveau des représentations qu’elle permet (Miljkovich, 2001). D’un côté,
l’évolution de la théorie psychanalytique, lacanienne en particulier, avait
rappelé l’importance de la lettre du discours et de la façon dont celui-ci est
produit, pour saisir l’enjeu transférentiel. La clinique analytique contem-
poraine s’adresse à des patients différents des névrosés du début du siècle à
Vienne et prend en compte les effets des expériences précoces préverbales.
La conception de l’empiétement de Winnicott et sa technique adaptée aux
états limites en témoignent. Les recherches longitudinales sur la transmis-
sion de l’attachement ont montré qu’elle dépend, elle aussi, de la cohérence
du discours et de son harmonie avec l’affect correspondant, et non pas du
contenu ou du type de l’expérience. La capacité de mise en récit cohérent
d’une expérience permet que le traumatisme ne se transmette pas à l’enfant
par le biais de l’altération de l’interaction. Les travaux de nombreux
analystes issus d’horizons théoriques différents montrent aussi l’utilisation
en pratique de modes de faire très compatibles avec ceux de la théorie
de l’attachement, en particulier avec des situations différentes de la cure
type, qu’il s’agisse de jeunes enfants et de leurs parents, d’adolescents ou
de patients porteurs de troubles de la personnalité (Fonagy,  2001). Les
­adaptations de la technique deviennent ici essentielles, par rapport aux
concepts spécifiquement liés à la cure type. La notion d’alliance thérapeu-
tique vient au premier plan. Le mouvement actuel donne une large part
à l’importance des capacités de mentalisation et de méta-communication
dans la pathologie du faire et de la dépression, troubles qui sont reliés direc-
tement à la sécurité ou l’insécurité de l’attachement.

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8 Aspects transculturels
du concept
d’attachement

M.-O. Pérouse de Montclos, C. Brisset

Mary Ainsworth a été la première collaboratrice de Bowlby à observer


l’interaction mère-enfant en milieu naturel (Ouganda), à l’extérieur du
contexte d’élaboration de la théorie (États-Unis). Par la suite, et dès les
années 1980, diverses études transculturelles se sont intéressé à la valida-
tion de la théorie de l’attachement et à ses modalités d’expression dans
des contextes culturels variés. Nécessitant une adaptation des outils d’éva-
luation au contexte environnemental de l’enfant, elles offrent un intérêt
pluriel :
• vérification des quatre hypothèses de base de la théorie de l’attachement
dans diverses cultures :
– son universalité (tous les enfants sont susceptibles de développer un
type d’attachement avec leur caregiver) ;
– la normativité (l’attachement de type sécure est le plus fréquent et le
plus valorisé dans les différentes cultures) ;
– l’importance de la sensibilité maternelle (sa qualité favoriserait un lien
d’attachement de type sécure chez l’enfant) ;
– la compétence (la sécurité de l’attachement facilite la gestion des émo-
tions négatives, le développement de relations de qualité avec ses pairs et
le développement de ses compétences cognitives) ;
• mise en évidence de l’influence de contextes culturels éducatifs sur les
modalités d’expression comportementale et émotionnelle des patterns
d’attachement de l’enfant (structures familiales à caregivers multiples en
Afrique, éducation des enfants en collectivité dans les kibboutz israéliens,
familles à enfant unique en Chine), et sur ceux de l’adulte, de la mère en
particulier.
Plus récemment, de nouvelles recherches sur les liens entre immigration
et attachement s’intéressent à la contextualisation culturelle du développe-
ment et du devenir des patterns d’attachement chez les adultes, ainsi qu’à
une adaptation des cadres thérapeutiques familiaux.

L’attachement : approche théorique


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84 Grands concepts de la théorie de l’attachement

Étude pionnière de Mary Ainsworth


en Ouganda (1954-1955 ; Ainsworth, 1967)
Fondée sur l’observation directe d’enfants non sevrés, âgés de 1 à 24 mois et
vivant à la campagne aux environs de Kampala, elle étudie minutieusement
leur comportement et leurs acquisitions développementales, ainsi que les
soins maternels et les interactions mère-enfant. L’enfant, loin d’être passif
et de s’attacher à sa mère à travers la satisfaction de ses besoins, est très
actif pour obtenir ce qu’il désire et différencie la principale figure d’attache-
ment d’une autre personne, même familière. Elle décrit les comportements
d’attachement et suggère que la mère représente pour son enfant une base
de sécurité à partir de laquelle l’exploration de l’environnement est pos-
sible sans anxiété. Elle décrit trois formes principales d’attachement (caté-
gories A, B et C), l’attachement sécure étant la modalité la plus fréquente
(hypothèse de normativité). Ainsworth montre également une association
entre la qualité de l’attachement et la sensibilité maternelle, et souligne
que la multiplicité des figures maternelles permet le développement d’un
attachement sécure, la qualité et la continuité du lien mère-enfant restant
les conditions essentielles d’un attachement sécure.

Études transculturelles
sur l’attachement chez l’enfant
Les études transculturelles démontrent l’universalité de la théorie de
l’attachement avec la sélection d’une figure d’attachement principale et le
principe de normativité, même dans des contextes où les attentes sociales
par rapport à l’enfant paraissent différentes (l’amae au Japon ou la politique
de l’enfant unique en Chine). Les multiples modalités éducatives cultu-
relles rencontrées (individuelles et/ou collectives) sont autant d’éléments
permettant d’affirmer le rôle primordial de la sensibilité maternelle pour
favoriser l’émergence d’un attachement sécure chez l’enfant (études alle-
mandes et israéliennes). Certaines démontrent l’importance des réponses
de la figure d’attachement pendant la nuit pour favoriser un attachement
sécure (études ougandaises et israéliennes).

Études allemandes
Grossmann et al. (1981) sont les premiers à mettre en évidence l’influence
de normes éducatives culturelles sur la sélection de patterns d’attachement
chez l’enfant à partir de deux études réalisées dans le Nord et dans le Sud de
l’Allemagne. Dans la première, deux tiers des enfants sont insécures, dont la
moitié est de type évitant ; dans la deuxième, la distribution des ­attachements
est proche de celle des études américaines. Le mode ­d’éducation et la norme
Aspects transculturels du concept d’attachement 85

sociale en vigueur dans le Nord du pays — les familles ont tendance à ne


plus répondre aux besoins du bébé dans la deuxième partie de la première
année de l’enfant — favoriseraient l’insécurité  ; les familles d’enfants
sécures manifestent une sensibilité qui s’oppose à ces normes.

Études africaines
L’éducation des enfants par un environnement non parental représente
la norme, voire est extrêmement fréquente. Certaines études menées en
Afrique ont permis de vérifier qu’un environnement à caregivers multiples
est compatible avec un attachement unique et préférentiel entre l’enfant et
sa mère. Elles démontrent aussi le rôle majeur de la sensibilité maternelle,
que l’éducation soit collective ou plus individualisée.

Modèles culturels à caregivers multiples


Chez les Gusii du Kenya, la mère s’occupe de la plupart des soins physiques
et de la santé de son enfant, les autres figures d’attachement prenant en
charge les activités sociales et ludiques (Kermoian et Leiderman,  1986).
Cette stricte division des tâches offre l’opportunité d’étudier si différentes
relations d’attachement peuvent se développer entre l’enfant et sa mère
ainsi qu’avec les autres caregivers, et si un type de relation spécifique d’atta-
chement est corrélé avec un champ de compétence spécifique : 61 % des
enfants sont attachés de façon sécure à leur mère et 54 % aux autres figures
parentales. Le statut nutritionnel des enfants est corrélé à la sécurité de
l’attachement avec la mère. Le développement cognitif des enfants est
associé à la sécurité de l’attachement avec les figures d’attachement non
maternelles.
Chez les Haoussas du Nigeria, peuple plurimatriarcal polygame de confes-
sion musulmane, la répartition des tâches maternelles est partagée par les
différentes épouses du père. L’organisation familiale, l’économie fondée
sur l’agriculture et un environnement protecteur pour les enfants (cuisine
collective et outils à proximité) entraînent un partage des tâches moins
strict entre les adultes, une participation de la mère biologique aux tâches
sociales et ludiques, et une grande proximité physique des enfants avec
leurs figures d’attachement qui limitent leur exploration potentiellement
dangereuse. Dans ce contexte, les figures d’attachement représentent une
base de sécurité comparable à celle des enfants occidentaux pour explorer
l’environnement. Il prédomine aussi une figure d’attachement principale
(celle qui a le plus porté le bébé et eu le plus d’interaction avec lui mais
qui n’est pas toujours la mère biologique ; Marvin et al., 1977). Cette étude
confirme l’hypothèse de l’universalité et montre le rôle protecteur de l’atta-
chement. Les comportements d’exploration et d’attachement, bien que
marqués culturellement, observés dans l’attachement sécure confirment
l’hypothèse de normativité.
86 Grands concepts de la théorie de l’attachement

Les Dogons du Mali, peuple polygame, sont organisés économiquement


autour de la seule culture du mil. Particulièrement vulnérables, ils sont expo-
sés à la malnutrition et à une mortalité infantile élevée. La mère garde son
enfant près d’elle et le nourrit à la demande, en répondant immédiatement
aux signes de détresse, avec le soutien des autres membres de la famille. True
et al. (2001) ont testé l’hypothèse que les dyades sécure ou insécure au sein de
cette société seraient caractérisées par différents patterns de communication
dans des circonstances activant l’attachement. Ils vérifient dans ce contexte
l’universalité de l’attachement et corroborent l’hypothèse de la normativité
avec 69 % d’attachement sécure. Cette étude valide aussi l’utilisation de la
Situation étrange (SSP) dans un contexte africain, donc non occidental.
L’environnement africain traditionnel
Plusieurs études en milieu traditionnel africain ont permis une vérification
de la théorie de l’attachement dans un contexte d’adaptétude évolutionniste.
Chez les !Kungs du Botswana, les règles générales de l’éducation de l’enfant
sont fondées sur l’indulgence, la stimulation et l’absence de restrictions, le
nourrissage au sein à la demande et un contact physique quasiment perma-
nent avec la mère pendant les premières années alternant avec une explo-
ration encouragée et libre, et favorisent le développement psychomoteur
des enfants. Leur évaluation entre 2 à 3 ans (Konner, 1977) corrobore les
hypothèses d’universalité, de normativité de l’attachement ainsi que le rôle
de la sensibilité maternelle.
Les Efé de République démocratique du Congo, peuple exclusivement orga-
nisé autour de la chasse, sont organisés sur un mode différent : système de
caregivers multiples, allaitement et portage par d’autres femmes que la mère,
promptes réponses aux signaux de détresse de l’enfant, soins physiques au
plus près des demandes de l’enfant. En revanche, la nuit, seule la mère
s’occupe de son enfant. Malgré la densité du réseau de soins, une relation
d’attachement privilégiée se met en place progressivement avec la mère,
l’enfant préférant être porté par sa mère et protestant lorsqu’elle s’éloigne
de lui. Morelli et Tronick (1991) font l’hypothèse que les soins et la présence
maternelle au cours de la nuit participent à l’établissement d’un lien d’atta-
chement privilégié entre la mère et son enfant.
Chez les Bofi de Centrafrique, groupe semi-nomadique de chasseurs-cueilleurs,
Jung et Fouts (2011) confirment une relation préférentielle avec la mère alors
que le portage de l’enfant est partagé entre plusieurs caregivers et le père.

Évolutions sociétales en Afrique : rôle


de la sensibilité maternelle
L’Ouganda revisité
Du fait de la pandémie due au virus VIH, beaucoup de jeunes mères sont
actuellement porteuses du virus ou malades. Peterson et  al. (2001) ont
­étudié des dyades mère-bébé (enfants de moins d’un an) soit séropositives
Aspects transculturels du concept d’attachement 87

soit séronégatives. L’expression d’affects positifs chez la mère à l’égard


de son enfant s’avère associée à la sécurité de l’attachement de l’enfant,
­confirmant l’hypothèse de la sensibilité maternelle.
Afrique du Sud
Khayelitsha, faubourg noir du Cap, est caractérisé par un taux de pauvreté
élevé et une proportion importante d’immigration d’origine rurale. Dans
ce contexte de déracinement, d’insalubrité, de précarité de l’habitat et de
procréation non programmée, Tomlinson et al. (2005) ont évalué des dyades
mère-enfant à l’âge de 2 mois, 6 mois et 18 mois. Malgré les conditions
de vie très difficiles, la prévalence de l’attachement sécure (62 %) confirme
l’hypothèse d’universalité. La forte proportion de dépressions postnatales
(10 %) et leur corrélation avec un attachement insécure ou désorganisé, ainsi
que le lien entre sensibilité maternelle de qualité à 2 mois et attachement
sécure chez l’enfant, corroborent l’hypothèse de la sensibilité maternelle.

Études israéliennes et modèles


d’éducation en collectivité
L’intérêt principal, en termes d’attachement, des pratiques éducatives
en kibboutz réside en deux points  : elles concernent une population au
fonctionnement familial satisfaisant sur un plan structurel et économique,
contrairement aux autres institutions collectives pour enfants répondant à
des déficiences familiales diverses, et elles montrent l’impact de pratiques
séparant les enfants dès leur plus jeune âge de leurs parents pendant la nuit.
Sagi et  al. (1985) ont comparé les relations d’attachement d’enfants
séparés la nuit de leurs parents avec des enfants israéliens allant en crèche
et dormant en famille  : 59  % des enfants vivant dans les kibboutz sont
attachés de façon sécure à leurs mères contre 75  % des enfants allant en
crèche. En 1994, ils étudient des dyades mère-enfant issues de kibboutz avec
ou sans séparation la nuit. Ils confirment le faible pourcentage d’enfants
sécures chez les enfants séparés la nuit de leurs parents (48 %) et le haut
pourcentage d’attachement sécure (80 %) des enfants qui dorment en kib-
boutz avec leurs familles. Le pourcentage élevé d’attachement insécure chez
les enfants séparés la nuit de leurs parents serait lié à l’inaccessibilité de la
mère et à la non-satisfaction des besoins de leurs enfants, ce qui corrobore
l’hypothèse de l’influence de la sensibilité maternelle.

Études japonaises
Les critiques les plus sévères de la théorie de l’attachement trouvent leur
source dans le contre-exemple que semblait être la culture japonaise  :
incompatibilité de son principe culturel de l’amae défini par l’«  être
­ensemble » (très proche de la dépendance telle que définie dans le Q-Sort)
et incompatibilité de la Situation étrange avec la manière d’être de la dyade
88 Grands concepts de la théorie de l’attachement

mère-enfant (fondée sur le maintien d’une proximité étroite et prolongée),


mettant ainsi en cause les hypothèses d’universalité, de normativité et de
sensibilité de la théorie de l’attachement.
L’utilisation du Q-Sort auprès d’experts, visant à différencier amae et atta-
chement, et celle d’un questionnaire visant à cerner les caractéristiques
de l’enfant idéal chez les mères japonaises ont permis les conclusions sui-
vantes : chez les experts, les notions d’amae et de dépendance semblaient
se recouvrir, alors que les notions d’amae et d’attachement étaient très dif-
férenciées ; chez les mères, la sécurité de l’attachement était investie plus
positivement que les caractéristiques comportementales de l’amae.
Cependant, l’amae n’a pas les fondements biologiques de l’attachement
mais a une fonction sociale et répond essentiellement aux désirs émis par
le pourvoyeur d’amae (Behrens, 2004). Opposer et mettre au même niveau
amae et attachement est donc une erreur conceptuelle fondamentale. De
plus, l’état d’esprit des mères évalué avec l’AAI s’avère influer leur percep-
tion de l’amae de leur enfant (Behrens, 2011) : les mères sécures le décrivent
comme plus affectueux et accueillant, tandis que les mères insécures le per-
çoivent comme plus manipulateur.
Deux études japonaises ont vérifié les hypothèses d’universalité et de nor-
mativité de l’attachement. Aucune difficulté particulière quant à l’usage de
la SSP à Tokyo n’a été rapportée, et les résultats sont comparables à ceux des
études occidentales pour les différentes catégories d’attachement (Durrett
et al., 1984), l’attachement sécure étant la norme. Nakagawa et al. (1992)
retrouvent à Sapporo un taux élevé d’enfants sécures (68 %) mais indiquent
que le protocole de la SPP, trop rigide, met les mères mal à l’aise.

Études indonésiennes
Les familles musulmanes de l’Ouest de l’île de Java sont caractérisées par une
grande proximité mère-enfant — allaitement prolongé jusqu’à 2-3 ans, portage
permanent jusqu’à 1 an, coucher dans le même lit que la mère jusqu’à 4 ans,
réponses rapides à la détresse de l’enfant —, mais la dyade mère-enfant reste vul-
nérable du fait d’un haut taux de divorce, du très jeune âge des mères et d’une
mortalité infantile élevée dans cette société (Zevalkink et al., 1999). L’évaluation
d’enfants entre 12 et 30 mois associée à l’observation à domicile de la sensibilité
et de la capacité de soutien des mères lors de jeux structurés a confirmé les
hypothèses d’universalité, de normativité et de sensibilité maternelle.

Études chinoises : l’attachement


dans les familles à enfant unique
Le modèle social de l’enfant unique en Chine offre un cadre d’étude tout
à fait spécifique alors que la culture qui favorise des liens familiaux étroits
ainsi que le contrôle des émotions dans les relations sociales interroge la
Aspects transculturels du concept d’attachement 89

théorie. À l’aide d’une version chinoise de l’Attachement Q-Sort, Posada


et al. (1995) mettent en évidence la validité du concept de base de sécurité
dans ce contexte culturel. La concordance entre la description de l’atta-
chement sécure par les experts et la description de l’enfant « idéal » par les
mères chinoises valide l’hypothèse d’universalité et de normativité de la
théorie de l’attachement. La description d’un attachement sécure par les
mères chinoises était aussi fortement corrélée avec celle des mères de pays
occidentaux, du Japon et de la Colombie.
Hu et Meng (1996) étudient à Pékin, avec la SSP, des dyades mère-enfant
avec un seul enfant. La distribution des trois modalités d’attachement
(A, B, C) est comparable à celle des pays occidentaux (Van IJzendoorn et
Kroonenberg,  1988) avec 68  % de dyades sécures. Malgré la préférence
habituelle des Chinois pour un enfant de sexe mâle, la distribution des
différentes classes d’attachement était la même pour les filles et les garçons.

Dimensions universelles et contextuelles


de l’attachement
Les études présentées précédemment confirment l’hypothèse d’universalité
de l’attachement, et la majorité d’entre elles les hypothèses de la norma-
tivité de l’attachement sécure et du rôle de la sensibilité maternelle. La ­
question de la validité transculturelle absolue de la théorie de l’attachement
et ­surtout de ses outils méthodologiques reste néanmoins une pré­
occupation importante (Cowan et Cowan, 2007 ; Rothbaum et al., 2000).
Les études transculturelles ont pour objectif d’identifier ce qui relève de
l’universel et du spécifique, et privilégient une approche etic, c’est-à-dire de
l’application des principes d’une théorie et des procédures développés dans
un contexte particulier à d’autres (versus emic, où chaque culture possède
sa psychologie ; Van IJzendoorn, 1990). Le principe est intéressant mais les
dérives existent et l’on observe souvent de l’etic imposée. Cette exportation
se fait « en l’état », sans considération du sens que la théorie ou les mesures
peuvent avoir dans les différents environnements. Il ne s’agit de remettre
en question l’universalité des fondements de l’attachement, mais en tant
que chercheurs et praticiens nous nous devons de garder constamment en
mémoire que nous nous comportons en fonction de ce qui est valorisé dans
notre contexte.
Concernant la validité de la SSP dans des contextes socioculturels variés,
Van IJzendoorn et Kroonenberg (1988) ont observé que les différences
étaient parfois plus importantes entre les groupes sociaux dans un même
pays (États-Unis) qu’entre différents pays. Cette procédure a également été
validée en Corée (Jin et al., 2012), mais avec des variations dans l’expression
culturelle de la sensibilité maternelle. Pour l’Attachement Q-Sort, Posada et al.
(1995, 2013) ont eu recours à des experts culturels. Leur conceptualisation
90 Grands concepts de la théorie de l’attachement

de l’attachement sécure s’avère tout à fait comparable à celle de l’enfant


« idéal » pour les mères et ce, en Chine, en Colombie, en Allemagne, en
Israël, au Japon, au Canada et aux États-Unis. Si l’attachement sécure est
la norme, de légères différences comportementales peuvent caractériser
l’expression d’un attachement sécure suivant les cultures, validant ainsi
l’hypothèse d’aspects contextuels dans les modes d’expression des attache-
ments. Les auteurs valorisent l’observation directe pour évaluer la qualité
de la construction des liens parents-enfant dans des différents contextes.
Quant à l’impact des différences culturelles sur l’articulation entre sen-
sibilité maternelle et stratégies d’attachement, Carlson et Harwood (2003)
ont montré sur un échantillon de dyades mère-bébé (de 12 mois) issues de
la classe sociale moyenne américaine ou portoricaine que, selon leur origine
culturelle, les stratégies de contrôle physique avaient un impact différent
sur la sensibilité maternelle, l’expression émotionnelle et les patterns d’atta-
chement.
L’hypothèse de la compétence reste encore à affiner.

Attachement et immigration
Existants depuis toujours, les flux migratoires ont considérablement aug-
menté au cours des dernières décennies. Quels qu’en soient les motifs et
la durée, il y aurait aujourd’hui plus d’immigrants dans le monde qu’à
n’importe quelle autre période de l’histoire. La question de l’attachement
est apparue dans la littérature sur l’immigration dans les années 1980 et
dans une perspective attachementiste, ce mouvement de populations est
considéré à un niveau individuel comme une rupture vis-à-vis de la famille,
un déracinement avec le pays d’origine entraînant une situation de stress
difficile à gérer.
Les concepts centraux de la théorie de Bowlby que sont l’exploration, la
sécurité, la séparation et la perte apportent des éléments de compréhension
importants. Aussi longtemps que nous avons le sentiment d’avoir une base
solide vers laquelle revenir, nous sommes en mesure d’explorer le monde
dans les limites de ce qui est familier. Voyager à l’étranger apparaît un
comportement des plus sécures (Van Ecke et al., 2005). Ces pays nous sont
certes souvent inconnus, mais les films ou les brochures touristiques nous
les rendent moins étranges. Partir ailleurs devient dès lors possible, d’autant
plus que nous savons que nous rentrerons à la maison dans quelques jours
ou semaines… Qu’en est-il cependant sur du plus long terme ou sur du
permanent ? Y a-t-il toujours cette possibilité de retour ? À quel point est-ce
que le nouvel environnement est familier ? Les immigrants sortent claire-
ment du cadre. Aussi enrichissante que soit l’expérience, il en résulte une
vie marquée de séparations et de pertes. Celles-ci peuvent concerner les
repères culturels, tels que les traditions, ou les normes et les valeurs sur la
Aspects transculturels du concept d’attachement 91

façon de penser et de se comporter dans la culture d’origine qui ne sont


pas en adéquation avec celles de la nouvelle culture. Il peut aussi y avoir
perte du statut social, des relations interpersonnelles et de la proximité
familiale. Cette rupture dans le lien d’attachement peut être une menace
pour le sentiment de sécurité, entravant ainsi l’exploration du monde exté-
rieur (Murray, 2001). La façon dont les immigrants vont réagir à ces pertes
va influencer leur adaptation dans le pays d’accueil (Henry et  al.,  2005).
L’internalisation de ce qui a été perdu permet la mise en place d’une conti-
nuité avec le passé. Il n’est pas question d’abandonner ses origines, et cet
attachement agit comme source de réconfort et de résolutions de problème
face aux difficultés liées à l’immigration. Il devient ainsi une ressource
importante qui permet aux immigrants de s’adapter au mieux dans le nou-
vel environnement. L’influence du statut migratoire ou des raisons liées à la
migration apparaît encore peu abordée, et les résultats divergent.
Les bénéfices de la sécurité dans l’attachement sur l’adaptation ont été
soulignés par les chercheurs, qu’ils s’intéressent aux styles d’attachement ou
aux dimensions sous-jacentes aux modèles internes opérants — ­évitement
(versus intimité) et anxiété (voir chapitre 24). En effet, considérer les autres
comme étant dignes de confiance permet de rencontrer d’autres individus
en toute sérénité et de former des relations avec des personnes de culture
différente (Mikulincer et Shaver,  2001). Les immigrants sécures seraient
mieux «  équipés  » psychologiquement pour faire face à cette transition
culturelle et plus aptes à entrer en contact avec les membres de la culture
d’accueil que ceux insécures (Sochos et Diniz,  2012). Similairement, les
dimensions d’évitement et d’anxiété apparaissent comme des prédicteurs,
à différents degrés, des difficultés d’adaptation et/ou de la détresse psycho-
logique (Wang et Mallinckrodt, 2006). L’internalisation de la base de sécu-
rité aiderait à faire face au stress d’acculturation avec efficience, à explorer
en toute confiance la nouvelle culture et, en conséquence, à s’adapter au
mieux au nouveau milieu. Il est toutefois important de noter qu’il y aurait
une surreprésentation de personnes avec un attachement désorganisé au
sein des populations migrantes (Van Ecke et al., 2005).
Styles et dimensions apparaissent également associés aux attitudes ou aux
stratégies mises en place par les immigrants pour s’adapter au pays d’accueil.
Ces stratégies d’acculturation concernent l’identification à la culture d’ori-
gine et à la culture d’accueil. Le croisement de ces deux dimensions produit
quatre attitudes : l’intégration (valorisation des deux), l’assimilation (rejet de
la culture d’origine), la séparation (rejet de la culture d’accueil) et la margina-
lisation (rejet des deux cultures), l’intégration étant considérée comme l’atti-
tude dont l’issue est la plus favorable, à l’inverse de la marginalisation. Ainsi,
une relation entre un attachement sécure chez les immigrants et l’endos-
sement d’attitudes positives envers leurs groupes d’origine et d’accueil (soit,
l’intégration) a été mise de l’avant (Van ­Oudenhoven et Hofstra,  2006).
92 Grands concepts de la théorie de l’attachement

Les  individus qui ont appris à aborder les autres en toute confiance ont
généralisé ce comportement à des situations interculturelles. Le style d’atta-
chement détaché apparaît associé à la séparation et à l’assimilation, deux
stratégies d’acculturation qui impliquent une nette préférence pour l’une
ou l’autre des cultures de référence. Les immigrants détachés évitent ainsi le
double engagement inhérent à l’intégration. Ceux de type préoccupé consi-
dèrent davantage la séparation et la marginalisation. La peur d’être rejetés
par les membres de la culture d’accueil les inciterait à ne pas interagir avec
ces derniers. Quant aux immigrants de type craintif, ils semblent préférer
la séparation. Elle leur permettrait d’éviter d’être en contact avec la société
d’accueil mais de l’être avec des personnes de même origine. Cette recherche
montre les bénéfices d’un attachement sécure dans l’immigration et, plus
précisément, dans les interactions entre immigrants et membres de la culture
d’accueil. L’influence des dimensions apparaît toutefois moins claire.

Attachement, transculturel et thérapeutique


Le système d’attachement affecte la manière dont chacun explore le monde,
interagit avec autrui, gère les conflits et fait face aux difficultés de la vie :
la théorie de l’attachement aide à mieux comprendre comment les immi-
grants réagissent à une séparation vis-à-vis de leur famille, de leurs racines,
de leur pays, et comment une base de sécurité « solide » peut favoriser leur
adaptation alors qu’il y a une « rupture » dans leur lien d’attachement. Les
implications pour la pratique du psychologue sont très grandes et l’inté-
gration des données contextuelles sur l’attachement et la question des
variations culturelles de la sensibilité parentale chez les familles migrantes
ou pluriculturelles offre un cadre thérapeutique culturellement et attache-
ment-informé pour ces familles (Mirecki et Chou, 2013).

Conclusion
Les études transculturelles ont clairement démontré l’universalité de l’atta-
chement à travers les cultures et la présence des trois patterns d’attache-
ment de base chez les enfants, avec une surreprésentation de l’attachement
sécure et le lien avec une sensibilité maternelle de qualité. Elles soulignent
l’équilibre entre les aspects universels de la théorie de l’attachement et
les déterminants culturels qui permettent aux enfants une meilleure
adaptation au milieu environnemental. Elles insistent néanmoins sur les
modulations expressives de la sensibilité maternelle en fonction des codes
culturels et sur leur impact dans la transmission transgénérationnelle de
l’attachement. La théorie de l’attachement apporte un éclairage nouveau
sur l’impact émotionnel et relationnel de l’expérience de l’immigration et
sur la nécessité d’adaptations thérapeutiques dans ce contexte.
Aspects transculturels du concept d’attachement 93

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9 Évolution, éthologie,
caregiving et attachement

A. Guédeney, M. Darnaudéry

Darwin, premier psychologue


du développement
À bien des égards, on peut considérer que Charles Darwin a été le premier
théoricien de l’attachement, bien qu’il se soit centré sur les espèces et non sur
les individus. Il fut aussi l’un des tout premiers observateurs scientifiques du
développement psychologique précoce, avec le journal de développement de
son fils, Doddie, de la naissance à 3 ans (Darwin, 1877). Il a très tôt rapproché
le comportement social de l’animal et de l’homme avec son travail pionnier
sur les émotions chez l’homme et l’animal ; Darwin fut le premier à penser
que la nature sociale de l’homme pouvait avoir été le produit d’une longue
pression de sélection. Cette citation tirée de L’Origine des espèces en témoigne :
«  On a souvent pensé que les animaux sont d’abord devenus sociaux, et
qu’en conséquence ils se sentent mal à l’aise quand ils sont séparés les uns
des autres, et bien quand ils sont ensemble ; mais il est plus probable que ces
sensations se sont développées en premier lieu, de façon à ce que les animaux
qui se développent en vivant en société soient induits à vivre ensemble, (…)
car parmi les animaux qui bénéficient de vivre en contact proche, ceux des
individus qui prennent le plus de plaisir à être avec d’autres seront ceux qui
échapperont le mieux aux divers dangers ; alors que ceux qui tiennent peu
compte de leurs compagnons et vivent solitaires seront ceux qui périront en
plus grand nombre. » (Darwin, L’Origine des espèces, 1871/1981, vol. 1, p. 80 ;
ma traduction).

Bowlby et l’éthologie : les racines éthologiques


de la théorie de l’attachement
La rencontre avec l’éthologie est essentielle pour John Bowlby dans sa
construction du modèle théorique de l’attachement. Pour Bowlby, lecteur
averti de Darwin et ami de Robert Hinde, éthologiste renommé, les décou-
vertes de l’éthologie doivent s’appliquer à l’homme, en ce qui concerne les
liens d’attachement et aussi en ce qui concerne les liens entre les générations.
Hinde et Tinbergen ont été en retour influencés par les idées neuves de Bowlby

L’attachement : approche théorique


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98 Grands concepts de la théorie de l’attachement

(Van der Hosrt et al., 2007). Entre 1953 et 1956, Bowlby participe à Genève à
un séminaire sur l’approche éthologique dans la recherche sur le développe-
ment de l’enfant. Y participent les éthologues Konrad Lorenz et Robert Hinde,
des psychologues du développement comme Julian Huxley, Jean Piaget, René
Zazzo, Herik Ericson, une anthropologue, Margaret Mead, et Ludvig von
Bertalanffly, théoricien des systèmes et de l’information.
En juillet 1959, le 21e Congrès de psychanalyse a lieu à Copenhague sur
le thème des relations entre l’éthologie et la psychanalyse. La psychanalyse,
née au xixe siècle, se rattache aux modèles issus de la physique, de l’élec-
tricité, de l’hydraulique et de la thermodynamique. La théorie de l’attache-
ment se réfère à l’éthologie, à la théorie de l’évolution, déjà ancienne mais
peu prise en compte par la psychanalyse, à la cybernétique avec la notion
de rétrocontrôle et de régulation quant au but, à l’informatique avec la
notion de programme et celle de script (Shank et Adelson), à la théorie
des systèmes (von Bertallanfly) et à celle de l’information (programme,
rétrocontrôle). Bowlby a ainsi établi la théorie de l’attachement avant les
développements récents de la théorie de l’évolution. Dans la droite ligne
de Darwin, Bowlby propose que l’attachement soit une théorie du compor-
tement social humain et de son évolution «  du berceau à la tombe  ».
Le processus d’attachement est essentiel d’un point de vue évolutif dans la
mesure où, en favorisant la protection par les parents, il permet à l’enfant
de survivre de grandir et de se reproduire.
La théorie de l’attachement a profondément modifié notre approche du
développement humain. Cinq concepts constituent les pierres angulaires
de cette théorie :
• les liens sociaux émotionnels sont la base du développement ;
• le lien d’attachement est une construction psychologique unique indépen-
dante des processus de réduction de la pulsion (théories psychanalytiques) et
des circuits de renforcements (théories de l’apprentissage) ;
• les fonctions adaptatives des liens ont évoluées au cours de l’histoire de
l’humanité ;
• il y a des interactions entre le lien d’attachement et d’autres construc-
tions développementales (le développement psychomoteur, par exemple) ;
• il existe des liens conceptuels entre développement normal et psychopa-
thologie du développement.

Attachement chez l’animal


L’attachement n’est pas exclusivement un phénomène humain. Il concerne
non seulement les primates, mais aussi de nombreux mammifères et des ver-
tébrés. Dans les années 1930, l’éthologiste Konrad Lorenz décrit chez les oies
cendrées la capacité d’acquisition rapide par un juvénile, lors d’une période
critique, des caractéristiques d’une forme spécifique en ­ mouvement, en
Évolution, éthologie, caregiving et attachement 99

général son parent (Vicedo, 2009a). Cette empreinte orientera les conduites


ultérieures à l’âge adulte, en particulier les liens affectifs et le choix du parte-
naire sexuel. Ainsi, les petits oisons, les canetons ou les poussins nés d’une
couveuse s’imprègnent, durant une période critique (13-16 heures après l’éclo-
sion), du premier stimulus en mouvement qu’ils ­aperçoivent et le suivent
de manière spécifique (Hess, 1959). Selon les caractéristiques de l’espèce, en
particulier son niveau de néoténie à la naissance et ses capacités motrices,
les processus d’attachement seront très différents, que ce soit chez le parent
ou chez le petit. Le phénomène d’empreinte est caractéristique des espèces
nidifuges (capables de quitter le nid) ou « précoces » pour lesquelles il existe
une maturité psychomotrice importante à la naissance  ; ainsi, les petits
« s’imprègnent » de leurs parents et les suivent. La recherche de proximité
augmentera les chances de survie de la descendance et, par elle, de l’espèce.
Chez d’autres espèces précoces comme les ovins, la mère développe aussi un
attachement sélectif pour son petit dans les heures suivant la mise bas. Après
cela, la brebis montre un comportement agressif envers tout autre petit qui
tente de téter (Poindron et al., 2006). Étant donné le coût physiologique pour
la brebis de l’allaitement et le risque vital pour le petit si d’autres épuisent
les réserves de lait maternel, la reconnaissance individuelle de sa progéniture
permet de maximiser les chances de survie de la progéniture. La reconnais-
sance individuelle du petit n’est pas le propre de toutes les espèces ; ainsi,
les femelles rats qui ont des petits extrêmement immatures à la naissance et
des portées de dix à douze petits en moyenne, adoptent très facilement de
nouveaux petits issus d’une autre portée (Darnaudéry et al., 2004). Du fait
de l’immaturité totale des petits incapables de se mouvoir à la naissance,
la probabilité d’allaiter des petits qui ne sont pas les siens est relativement
faible, et un petit de plus à élever aura peu d’impact chez une femelle pou-
vant élever jusqu’à dix-huit petits.
Les caractéristiques du comportement d’attachement décrit par Bowlby
chez le jeune enfant s’appliquent au singe rhésus (Suomi, 2008). Il existe des
éléments communs aux comportements maternels chez beaucoup de mam-
mifères, par exemple la préférence pour un endroit de nidation, l’entretien
du nid, l’identification du petit, le maternage, des positions préférentielles
de soin, la lactation, le contact physique prolongé, et la réponse agres-
sive envers des intrus (Swain et al., 2007). Ces caractéristiques communes
soulignent l’importance de ces comportements sur le plan de l’évolution
chez les mammifères. Le singe rhésus montre clairement quatre des cinq
réponses instinctuelles que Bowlby avait énoncées dès 1958 comme étant
des comportements universels d’attachement humain : sucer, s’accrocher,
pleurer et suivre. Le cinquième, le sourire, est constant chez l’homme mais
pas chez le singe. Les travaux chez le singe montrent la continuité du
comportement d’attachement entre le bébé et l’adulte, et du comportement
de l’adulte quand il devient lui-même parent. À la fin des années 1950,
100 Grands concepts de la théorie de l’attachement

Harry Harlow, de l’université du Wisconsin, s’interroge sur les troubles des


singes rhésus séparés de leur mère. Bowlby visite son laboratoire en 1957 et
la description du comportement d’agrippement des petits singes à une mère
de substitution «  couverture  » non nourricière, plutôt qu’à une mère de
substitution métallique mais délivrant du lait, renforce la conviction
de Bowlby du caractère primaire de l’attachement, indépendant de l’ali-
mentation et de la satisfaction des besoins. Les travaux de Harlow sont
pionniers dans la compréhension des processus comportementaux
sous-tendant les liens mère-petit (Vicedo, 2009b). La privation maternelle
chronique lors du développement chez le singe produit des peurs excessives,
des comportements anormaux tels que des stéréotypies et une diminution
du contact physique lors de la réunion (Harlow et Suomi, 1970). La force et
la nature de l’attachement sont révélées par sa perte ou sa déstabilisation
et l’apparition de réactions affectives fortes. Dans ce cadre, de nombreux
travaux chez l’animal ont étudié la réponse à la séparation maternelle chez
les petits et les conséquences à long terme de séparation chronique mère-
petits. Dans la continuité des travaux menés par Harlow, le groupe de  ­
Stephen Suomi, a récemment démontré que l’absence d’attachement sécure
lors du développement chez le singe affecte à long terme l’état de santé et
le comportement des animaux et ces effets ne sont pas améliorés par un
environnement social normal à l’âge adulte (Conti et al., 2012). De plus,
la séparation maternelle est associée à une augmentation à long terme de
l’expression de gènes impliqués dans l’inflammation chez la descendance
(Cole et al., 2012). Le rat est très fortement immature à la naissance et, de ce
fait, totalement dépendant du soin maternel (Stanton et Levine, 1990). Les
travaux de Hofer (1994) ont mis en évidence l’effet de régulation sur le plan
physiologique exercé par les comportements d’attachement. C’est ce qu’il
appelle le régulateur caché (hidden regulator), dans la mesure où son action
de régulation physiologique ne se démasque que lors de la séparation. La
séparation maternelle chronique chez le rat produit chez la progéniture des
altérations neurobiologiques et une exacerbation de la réactivité compor-
tementale et neuroendocrine au stress à long terme (Newport et al., 2002).
Ces effets sont majoritairement sous-tendus par une carence de soins mater-
nels (toilettage, léchage) et, en partie, indépendant d’aspects nutritionnels.
Ainsi, certains des conséquences délétères de la séparation maternelle sur
la progéniture sont atténués par des stimulations tactiles mimant le soin
maternel (Van Oers et al., 1998 ; Suchecki et al., 1993).

Attachement et théories récentes de l’évolution


Les liens initiaux entre théorie de l’attachement et théorie de l’évolution se
sont centrés sur la valeur de survie pour le jeune enfant ; les développements
récents insistent eux sur la continuité du comportement d’attachement tout
Évolution, éthologie, caregiving et attachement 101

au long de la vie et sur la façon dont il peut avoir évolué pour augmenter
la capacité reproductive (inclusive fitness) dans certains environnements, en
particulier par le développement de la capacité sociale de mentalisation et de
réflexion sur les intentions et émotions de l’autre.
La théorie de l’attachement est de fait l’une des théories majeures de
l’évolution, théorie dite de second niveau, les théories du premier niveau
étant celles de l’évolution des espèces sous la pression de la sélection et
celle de la différenciation sexuelle. Elle commence par l’observation de
Bowlby que tous les bébés humains et la majorité des primates montrent la
même séquence de réactions à la suite de la séparation d’avec un caregiver
plus fort, plus sage et plus âgé. Bowlby pense que les cris initiaux permet-
tent la m­ eilleure chance de survie initiale, et qu’ensuite le retrait réalise
la meilleure stratégie. Le détachement permet de changer de figure d’atta-
chement, si les circonstances l’exigent. Mais Bowlby insiste initialement
sur l’effet de l’attachement sur la capacité de reproduction des espèces, et
non sur l’individu. Bowlby se centre sur la fonction de l’attachement sur
la survie et peu à ses effets sur la reproduction. Hamilton (1964, in Belsky
et al., 1991) introduit la notion d’inclusive fitness, ou d’aptitude inclusive —
c’est-à-dire d’inclure ses gènes dans la génération suivante — qui traduit
la capacité d’un individu à transmettre ses gènes (Hamilton, in Simpson et
Belsky, 2008). Ainsi, on peut rendre compte des comportements altruistes.
En 1972, Trivers dévoile sa théorie de l’investissement parental et les
causes du conflit parent-enfant du point de vue de l’investissement, qui
peut conduire, par exemple, au sevrage précoce d’un premier né du fait
de la grossesse du second. La théorie de l’inclusive fitness représente ainsi
la théorie générale de l’évolution, d’où dérivent les théories secondaires
qui expliquent les problèmes adaptatifs spécifiques qu’ont rencontrés les
humains dans leur histoire évolutive. La théorie dite du gène égoïste
(Dawkins, 1989) en est le corollaire : c’est le gène, ou un pool de gènes, qui est
à la fois l’élément de stabilité et de ­variation, avec une mutation spontanée
qui peut être sélectionnée du fait de son avantage dans un environnement
donné. L’unité de sélection est l’individu, par sa survie et sa capacité à se
reproduire, l’unité d’évolution étant la population. La théorie de l’histoire
de vie (Life History Theory, Charnov, 1993, in Belsky et al., 1991) décrit les
différents choix et compromis de l’individu au long de sa vie, avec des
effets sur son inclusive fitness  : investir dans la reproduction immédiate
ou plutôt différée, dans une reproduction de qualité ou de quantité, et
enfin choisir de répartir son effort pour rechercher un compagnon (mating)
ou investir dans le soin parental (parenting). Belsky et al. (1991) montrent
le lien entre milieu hostile et un mode de reproduction rapide, à faible
qualité de parenting et avec une maturation sexuelle rapide des filles. Pour
ce qui concerne les fonctions de l’attachement chez l’adulte du point de
vue évolutif, Chris-Fraley et al. (2005), utilisant une méthode comparative
102 Grands concepts de la théorie de l’attachement

et phylogénétique, montrent que les espèces qui manifestent de l’attache-


ment entre adultes (pair bonding) ont plus de soins paternels aux petits,
plus de néoténie, c’est-à-dire d’immaturité du développement, une taille
corporelle plus réduite, et des groupes sociaux plus limités. À ce titre, les
travaux menés chez les campagnols des prairies monogames et les campa-
gnols des montagnes polygames montrent que chez l’espèce présentant
une préférence spécifique pour un partenaire sexuel, on observe également
chez le mâle un temps au nid auprès des petits semblable à celui de la
femelle (Young et Wang, 2004). Il faut cependant souligner qu’il existe une
extrême diversité dans le comportement maternel des mammifères. Ainsi,
chez le lapin, le soin au petit se limite à quelques minutes par jour, alors
que de nombreux primates passent plusieurs années à élever leurs petits.
­L’avantage des processus d’attachement sur le plan évolutif est étroitement
relié aux caractéristiques de l’espèce et de son e­ nvironnement.
Chez l’adulte, le comportement d’attachement continuerait ainsi de ser-
vir une fonction évolutive. Ce point de vue est défendu par Peter Fonagy
dans son modèle des capacités autoréflexives. Pour lui, la sécurité de l’atta-
chement promeut le développement de cette capacité essentielle à la sur-
vie et à la résilience. Et la détresse du jeune favorise le développement des
capacités parentales de sensibilité à ses besoins. En retour, cette sensibilité
promeut un attachement sécure, qui favorise la capacité d’autoréflexion et
de lecture des émotions de l’autre. La valeur adaptative de l’attachement
se joue par le truchement de la capacité de mentalisation, c’est-à-dire la
capacité à donner sens à l’événement pour y réagir de façon adaptée. Pour
Fonagy et al. (2007), la mentalisation est sans doute le pinacle de l’évolu-
tion intellectuelle de l’homme, et elle sert essentiellement à la compétition
et à la coopération avec d’autres humains. Dans la mesure où l’esprit doit
s’adapter à des conditions changeantes, essentiellement sociables et donc
très variables selon les conditions géographiques et le temps, cette capacité
ne peut dépendre de la génétique  ; l’hypothèse de Fonagy est que l’évo-
lution s’en remet aux interactions précoces et aux relations intimes de la
première enfance pour façonner et développer complètement les capacités
de cognition sociale.
Dans une revue récente de synthèse sur le développement et l’évolution,
Hofer (2014) propose que les adaptations des animaux immatures à l’envi-
ronnement précoce créé par leurs parents soient des fonctions façonnées
par l’évolution, qui peuvent rendre compte de nombreux processus de régu-
lation et des étapes spécifiques du développement, en particulier en réponse
à la séparation. Il propose aussi que les comportements maternels aient
été promus par la sélection naturelle de façon à en protéger leurs enfants.
En effet, le rythme de l’évolution s’est accéléré considérablement et a pu
conduire à des changements intergénérationnels rapides. Hofer pense ainsi
que le faible degré d’attention, l’absence d’investissement dans les relations
Évolution, éthologie, caregiving et attachement 103

proches, la sexualité et la reproduction précoces ont pu être longtemps


des comportements adaptatifs. Il suit en cela Belsky et Hrdy, qui mettent
l’accent sur le processus d’adaptétude évolutionniste décrit par Bowlby.
Hrdy décrit ainsi le modèle coopératif d’élevage dans lequel l’aide de la
communauté à la mère pour élever les enfants était essentielle au pliocène
pour la survie des enfants, et permettait que les mères « produisent » des
enfants sans trop s’en occuper, tout en suivant la migration du groupe.
Hrdy fait l’hypothèse que cette situation longtemps prolongée favorise chez
les mères les comportements de recherche d’aide auprès d’autres membres
du groupe, qui sont motivés par un comportement altruiste expliqué par
l’hypothèse de Hamilton de l’inclusive fitness. Chez les enfants, les compor-
tements sociaux, en particulier le comportement de recherche du regard de
l’autre, qui est centré chez l’homme par la sclérotique blanche, et les capaci-
tés précoces (core knowledges) d’engagement social ont pu être favorisés par
la sélection pour rapprocher le bébé des caregivers disponibles et les engager
dans la relation avec lui (Hrdy, 2005). Ceci peut rendre compte du fait que
les hominidés soient devenus si coopératifs et « hypersociaux ».

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10 Neurosciences
et attachement

L. Vulliez-Coady, M. Darnaudéry

L’essor des neurosciences a permis de mieux comprendre la neurobiologie de


l’attachement à un niveau intégré, mais également cellulaire et moléculaire.
Chez l’homme, la recherche tente d’articuler des données psychodynamiques
et développementales avec des données génétiques, biologiques et neurophy-
siologiques. Ce chapitre non exhaustif présente des données chez l’animal et
chez l’homme.

Neurobiologie de l’attachement
L’attachement met en jeu des processus multisensoriels et des réponses
motrices complexes (recherche de la proximité, réponse de nutrition, compor-
tements défensifs). Il requiert de nombreux processus cognitifs, tels que
l’attention, la mémoire, la reconnaissance sociale et la motivation. De ce fait,
les systèmes neurobiologiques sous-tendant l’attachement sont multiples.
Les études démontrent le rôle prépondérant de l’aire préoptique médiane
de l’hypothalamus, du noyau accumbens, du noyau de la strie terminale, de
l’amygdale, des bulbes olfactifs et du cortex pariétal. Ces structures impliquées,
entre autres, dans la reconnaissance olfactive, l’apprentissage, l’émotion et la
motivation contrôlent directement ou indirectement l’établissement du lien
(Fleming et al., 1999).

Mise en place de l’attachement


L’étude des bases neurobiologiques sous-tendant l’attachement du petit
à son parent a progressé grâce à l’exploration de ces processus chez des
espèces précoces. Le poussin, dans une fenêtre développementale précise,
présente une empreinte (imprinting) visuelle, caractérisée par un comporte-
ment de poursuite très sélectif pour sa mère (ou tout objet en mouvement
présenté au moment de l’éclosion). L’empreinte n’est pas un phénomène
unitaire, elle met en jeu trois processus indépendants qui sont pertinents
pour toutes les autres formes d’attachement :
• la réponse d’approche, associée à une augmentation de l’attention ;
• la phase d’apprentissage par laquelle le poussin acquiert une mémoire à
long terme d’un stimulus spécifique ;

L’attachement : approche théorique


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106 Grands concepts de la théorie de l’attachement

• la phase marquant la fin de la période critique, avec évitement des stimuli


nouveaux et poursuite de l’objet de l’empreinte.
L’hyperstriatum ventral est important pour l’acquisition et la consoli-
dation de l’empreinte visuelle. Certains neurones de cette région déchar-
gent spécifiquement à la présentation de stimuli visuels qui ont fait l’objet
d’empreinte et non à d’autres formes (Horn, 1998).
Chez l’homme, les circuits neurobiologiques sous-tendant l’attachement
du nourrisson au parent ne sont pas clairement établis. Le comportement
d’attachement est difficile à appréhender chez les espèces, telles que
l’homme ou le rat, qui sont très immatures à la naissance. Chez la plupart
des mammifères, les stimuli olfactifs jouent un rôle crucial, impliquant de
ce fait les bulbes olfactifs. Chez l’homme, il existe une réponse spécifique
du nourrisson à des odeurs telles que celle du liquide amniotique dans
lequel il a baigné et une capacité de discrimination entre cette odeur et celle
d’un liquide amniotique nouveau (Marlier et al., 1998). Chez le raton, il a
été montré qu’un conditionnement aversif associant une odeur à un choc
électrique produisait des réponses conditionnées opposées en fonction de
l’âge du raton et de la présence ou non de la mère lors de la réalisation du
conditionnement. Avant 10  jours de vie, on observe une recherche para-
doxale du stimulus associé au choc électrique. Cette recherche de proximité
met en jeu les bulbes olfactifs et est associée à une hypoactivité de l’axe neu-
roendocrine du stress (l’axe corticotrope) caractéristique des deux premières
semaines de vie du raton. Ces processus maximiseraient la mise en place
d’un d’attachement précoce à tous les stimuli présents dans l’environne-
ment proche du petit (en général le nid, la mère) et ceci indépendamment
de la qualité du soin reçu. Chez le raton plus âgé (12-14 jours), capable de
sortir du nid, le conditionnement de l’association « odeur-choc électrique »
produit une aversion conditionnée (évitement de l’odeur associée au choc),
sauf s’il est réalisé en présence de la mère. En l’absence de la mère, les taux
de corticostérone sont élevés et l’amygdale, structure cérébrale jouant un
rôle majeur dans les émotions et les apprentissages aversifs, prend le relais
des bulbes olfactifs (Moriceau et Sullivan, 2005, 2006).

Comportements maternels et caregiving


Pour beaucoup d’espèces de mammifères, l’attachement mère-petit émerge
dans la période proche de la mise bas. Les ratons nouveau-nés constituent
des stimuli très aversifs et sont généralement évités, voire attaqués par une
femelle nullipare. Après la mise bas, le comportement de la femelle change
radicalement et elle passe la majorité de son temps avec ses petits à les allai-
ter, mais également à les lécher et les transporter. Les changements hormo-
naux ­(œstradiol, progestérone, prolactine, ocytocine) accompagnant la ges-
tation et la mise bas sont donc cruciaux pour l’émergence du comportement
Neurosciences et attachement 107

maternel, en inhibant les réponses d’évitement et favorisant la perception


du petit comme un stimulus récompensant (Insel et Young,  2001). Chez
la brebis, et beaucoup d’espèces précoces vivant en troupeau, il y a une
reconnaissance individuelle du petit et mise en place d’un attachement
sélectif dans les heures qui suivent la mise bas. La reconnaissance olfactive
spécifique du petit s’accompagne d’un comportement agressif envers tout
agneau étranger qui tente de téter (Kendrick et  al.,  1997). Après l’établis-
sement de l’attachement sélectif, l’agression envers un autre petit peut être
atténuée par des ­ stimulations ­vagino-cervicales, lesquelles augmentent
les taux cérébraux d’ocytocine ou par des administrations intracérébrales
d’ocytocine (Levy et al., 2010).

L’attachement chez l’adulte


Des travaux comparant deux espèces, les campagnols des prairies monogames
biparentaux et les campagnols des montagnes polygames, ont montré que
les premiers présentaient des taux plus élevés de récepteurs de l’ocytocine
dans le noyau accumbens chez les femelles et des récepteurs V1 de la vaso-
pressine dans le pallidum ventral chez les mâles. La préférence sélective pour
le partenaire est bloquée en administrant centralement des antagonistes des
récepteurs de ces neuropeptides. La préférence spécifique est contrôlée par la
transmission dopaminergique dans le noyau accumbens (circuit hédonique)
(Young et Wang, 2004). De façon remarquable, les circuits neurobiologiques
sous-tendant l’attachement spécifique pourraient être comparables chez
l’humain, en particulier concernant le rôle des neuropeptides et des systèmes
hédoniques. Des études d’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique
(IRMf) ont tenté d’explorer les substrats cérébraux de l’amour romantique et
de l’amour maternel en montrant à des femmes des photographies de leur
compagnon et de leurs enfants. Des sujets confrontés à des photographies
de leur compagnon présentent une activation des régions dopaminergiques
(aire tegmentale ventrale, striatum) riches en récepteurs de l’ocytocine et
de la vasopressine. Des activations proches sont observées lorsque des mères
voient des images de leur propre enfant (Bartels et Zeki,  2004). Les mères
ayant un attachement sécure ont une activation plus forte de la région
hypothalamique lorsqu’elles voient des photographies de leur propre enfant
par rapport à un enfant inconnu. Les mères sécures ont aussi des réponses
différentes à la vue de leur enfant selon qu’il est joyeux ou en pleurs, ce qui
n’est pas le cas de mères insécures (Noriuchi et al., 2008).

Rôle des neuropeptides et des neuromédiateurs


L’ocytocine, souvent décrite comme l’hormone du lien interpersonnel,
est impliquée dans la mise en place de liens parentaux chez l’animal et
l’homme (cf. chapitre  3). Elle participe à la survie de l’espèce grâce à ses
108 Grands concepts de la théorie de l’attachement

fonctions reproductives (contraction des muscles lisses de l’utérus et des


glandes mammaires), à son rôle dans la mise en place des liens sociaux et de
la relation d’attachement mère-enfant (Saive et Guédeney, 2010).
Même si le rôle de cette hormone est bien décrit, de nombreux autres
messagers chimiques comme les opioïdes endogènes, la vasopressine, la
dopamine et la noradrénaline participent à l’attachement. Les opioïdes
endogènes participent aux effets récompensants et au plaisir lié au contact
avec la mère (Nelson et Panksepp,  1998). Chez le singe macaque, un
polymorphisme du gène OPMR1 conférant une augmentation de l’affi-
nité pour la morphine endogène est associé à une augmentation du score
d’attachement chez le petit et une augmentation de l’interaction avec la
mère après des épisodes de séparation (Barr et al., 2008). Chez le rongeur,
l’ocytocine facilite des conditionnements impliquant des associations avec
des stimuli maternels (odeur ou soin). Les taux d’ocytocine sanguins sont
associés chez l’humain au comportement parental. Après la naissance, les
taux ­d’ocytocine parentaux sont positivement corrélés avec le comporte-
ment d’interaction avec le nourrisson lors d’une situation expérimentale
de jeu (Gordon et al., 2010). Une relation causale a par ailleurs été établie
dans la mesure où, chez le père, l’administration intranasale d’ocytocine
(qui augmente les taux cérébraux de ce peptide) stimule le comportement
de jeu avec son enfant (Weisman et al., 2010) et augmente les taux salivaires
d’ocytocine chez le bébé, sans que ce dernier n’en ait reçu. Ces taux d’ocy-
tocine et ces comportements parentaux prédisent les taux d’ocytocine et
la sociabilité du bébé à 6  mois et 3  ans (Weisman et  al.,  2012  ; Feldman
et al., 2013). À l’âge adulte, l’ocytocine semble réguler les souvenirs liés à
la proximité maternelle en fonction du style d’attachement de l’individu.
En effet, après administration d’ocytocine, les sujets ayant un score d’atta-
chement anxieux élevé se rappellent de façon exacerbée avoir eu moins
de soins de leur mère étant petit (Bartz et al., 2010). Sur le plan neurobio-
logique, l’ocytocine interagit avec les systèmes dopaminergiques (neuro­
médiateur des circuits hédoniques). Grâce à des études par tomographie par
émission de positons (TEP, imagerie après injection d’un antagoniste des
récepteurs dopaminergiques marqué au carbone 11), il a été montré que
des polymorphismes du gène codant l’ocytocine sont associés à un score
d’attachement anxieux élevé et une exacerbation de la réponse dopaminer-
gique à des stress chez des femmes adultes (Love et al., 2012).
Des travaux se développent actuellement pour déterminer le rôle poten-
tiel de l’ocytocine sur le plan thérapeutique en psychiatrie, en particulier
la possibilité d’un traitement adjuvant à des thérapies dans les patholo-
gies du lien et de la dérégulation émotionnelle (Harris et Carter, 2013).
En laboratoire, chez des jeunes hommes sélectionnés sur l’insécurité de
leur attachement évalué par l’Adult Attachment Projective Picture System
(AAP  ; George et West, 2001), l’inhalation d’ocytocine (spray nasal)
Neurosciences et attachement 109

a­ ugmente de façon temporaire l’expérience de sécurité d’attachement sans


effet sur l’humeur (Buchheim et al., 2009). Cependant, il existe des diffé-
rences interindividuelles importantes dans la réponse à l’ocytocine  ; son
efficacité dépendrait du contexte et du style d’attachement de l’individu.
Quand les signaux environnementaux sont interprétés «  sans danger  »,
l’ocytocine renforcerait les attitudes pro-sociales, alors que lorsque les
signaux sont menaçants, l’ocytocine augmenterait les processus défensifs,
notamment les comportements antisociaux. L’ocytocine aurait des effets
positifs chez des patients ayant des déficits de cognition sociale mais, chez
des personnes à l’attachement très insécure, il a été décrit une augmentation
de l’agressivité envers des personnes étrangères (Bartz, 2011 ; Olff, 2013).

Conséquences neurobiologiques
des atteintes de l’attachement précoce
Pour la majorité des mammifères, le soin parental est crucial au dévelop-
pement cérébral de la descendance. Chez les primates, comme chez les
rongeurs, la carence maternelle augmente la réactivité au stress, altère
les capacités cognitives et perturbe le comportement social chez la des-
cendance. L’environnement précoce influence durablement l’expression
de certains gènes via la mise en jeu de processus épigénétiques (Lutz et
Turecki, 2014). Les mécanismes épigénétiques ne touchent pas la séquence
des gènes de l’ADN, mais impliquent des modifications chimiques
(méthylation, acétylation, etc.) de certaines parties de l’ADN ou des his-
tones (protéines qui compactent l’ADN), qui influencent l’accessibilité des
gènes à la machinerie transcriptionnelle, l’expression des gènes et, in fine,
la synthèse de certaines protéines. Ces processus, même s’ils sont réver-
sibles, sont relativement stables et peuvent être hérités d’une génération à
l’autre (Provencal et Binder, 2015).
La femelle rat materne (allaitement actif en position arc-boutée, léchage
ano-génital) de façon non spécifique ses petits et des petits inconnus placés
dans son nid. Il a été montré que les descendants des mères à faible mater-
nage présentent des réponses comportementales et de l’axe corticotrope
exacerbées face à un stress et une diminution des récepteurs aux gluco­
corticoïdes dans l’hippocampe. De plus, l’adoption de ratons issus de mères
biologiques à fort maternage, par les mères à faible maternage produit chez
la descendance un phénotype semblable à celui observé chez les rats de
mères à faible maternage (Hackman et al., 2010). Les ratons femelles soumis
à ces procédures présentent à l’âge adulte le même comportement maternel
que leurs mères adoptives (Francis et al., 1999). Ces effets mettent en jeu
des régulations épigénétiques de la région promotrice du gène des récep-
teurs glucocorticoïdes dans l’hippocampe. Le faible maternage est asso-
cié à une augmentation des niveaux de méthylation de l’ADN au niveau
110 Grands concepts de la théorie de l’attachement

cette région, laquelle induit une diminution de la transcription et aboutit


à des altérations de la réponse endocrine au stress (Weaver et  al.,  2004).
Les régulations épigénétiques associées aux atteintes de l’attachement pré-
coce concernent aussi d’autres gènes, tels que le BDNF ou la vasopressine
(Hackman et  al.,  2010). Le stress précoce produit aussi des modifications
épigénétiques globales. Ainsi, chez le singe, la carence maternelle induit
des changements du niveau de méthylation de l’ADN dans le cortex
préfrontal mais également au niveau des cellules lymphocytes T du sang
(Provencal et  al., 2012). Des enfants exposés à ces stress sévères tels que
la carence affective précoce (orphelinats roumains) ou les maltraitances
parentales présentent des atteintes du développement cérébral caractérisées
en particulier par une atrophie du cortex préfrontal et de l’hippocampe
et des atteintes de l’amygdale (atrophie ou hypertrophie selon les études)
(Sheridan et al., 2012). Ces régions jouent un rôle clef dans la régulation des
processus cognitifs et émotionnels.

Attachement et régulation des systèmes


de réponse au stress chez l’homme
Le caregiving, qui organise les soins parentaux répondant aux besoins d’atta-
chement de l’enfant (cf. chapitre 3), est déclenché par tous les stimuli qui
signalent la vulnérabilité d’un être vivant. Au sein de la relation d’attache-
ment, les qualités parentales du caregiving précoce influencent les réponses
au stress des bébés tant physiologiques que comportementales.

Attachement et système de réponse


au stress lors du développement
Le nouveau-né humain manifeste une réponse de l’axe corticotrope très
marquée aux stimuli stressants la naissance (Gunnar, 1992). La sensibilité
au stress est multifactorielle et dépend des facteurs intriqués phénotypiques
(le tempérament), endophénotypiques (la réactivité physiologique) et géné-
tiques, qui peuvent être compris comme des marqueurs de plasticité, plus
ou moins enclins à l’influence environnementale (Belsky et de Haan, 2011).
La réactivité de l’axe corticotrope diminue au cours de la première année
selon la qualité des soins (Gunnar et al., 2002). En situation de stress, des
sécrétions prolongées de cortisol pourraient altérer la maturation de l’hip-
pocampe (Gunnar et Cheatham,  2003). Les figures d’attachement insen-
sibles, intrusives et abusives seraient associées à une élévation du taux de
cortisol chez la descendance (Gunnar et Cheatham, 2003). Ainsi, une fonc-
tion possible d’un attachement sécure serait d’être une protection contre les
effets dommageables d’une élévation prolongée de glucocorticoïdes sur le
cerveau en développement (Gunnar et al., 1996).
Neurosciences et attachement 111

Lors du test de la Situation étrange (cf. chapitre 21), les réponses du cor-


tisol au stress diffèrent en fonction du style d’attachement des enfants. Les
taux de cortisols salivaires augmentent chez les enfants désorganisés dès
15 minutes, chez les enfants insécures au bout de 30 minutes, alors que chez
les enfants sécures, l’augmentation est plus faible (Spangler et Grossmann,
1993). Lors d’un test reposant sur des tâches à faire de plus en plus
compliquées proposées à soixante-seize dyades mère-enfant de 22  mois,
les attachements évitants avaient une activation de l’axe corticotrope plus
tardive associée à l’incapacité de se faire aider par leur mère (Schieche et
Spangler,  2005). Globalement, les attachements insécures et désorganisés
présentent une élévation du cortisol associée à un manque d’exploration
et de recherche d’aide, ainsi qu’à une importante recherche de proximité.
Ces associations ne sont pas retrouvées chez les enfants sécures. D’autres
données ont été obtenues avec le paradigme de la Situation étrange en pre-
nant en compte les patterns généraux d’accélération et de décélération de la
fréquence cardiaque durant les séparations, pendant l’entrée de l’étranger
en présence de la mère et des retrouvailles. Il existe une concordance des
patterns de fréquence cardiaque entre des enfants sécure et leur mère
(Donovan et Leavitt,  1985), alors que cette synchronisation n’existe pas
entre des enfants insécure et leur mère.

Impact des modalités d’attachement


sur la réaction au stress chez l’adulte
À l’âge adulte, les réactions à la séparation continuent d’exister, même si
leur expression diffère. Une étude portant sur quarante-deux couples, sépa-
rés de 4 à 7 jours pour des raisons professionnelles, rapporte des expressions
somatiques (troubles du sommeil), de l’anxiété et des augmentations du
cortisol salivaire plus élevées chez les personnes à attachement anxieux et
chez ceux qui avait eu moins de contact pendant la séparation. Les auteurs
insistent sur le rôle quotidien des contacts et de la proximité dans le couple
sur leur régulation physiologique et affective (Diamond et al., 2008). Cer-
taines équipes utilisent des paradigmes de stress tels que le Trier Social Stress
Test, qui consiste à jouer un entretien professionnel en face de deux experts
qui ne manifestent aucune émotion. Il a été largement démontré que les
réactions à ce stress interpersonnel varient en fonction du style d’attache-
ment. Les adultes à l’attachement sécure rapportent un stress relativement
bas corrélé à des taux de cortisol modérés. Les évitants rapportent un stress
modéré mais présentent une réponse de l’axe corticotrope élevée. Les
préoccupés présentaient à la fois un stress subjectif et une réponse phy-
siologique modérée. Enfin, les sujets à l’attachement irrésolu rapportaient
un stress ressenti élevé alors que leur réponse de l’axe corticotrope était
inactive (Pierrehumbert et  al.,  2012). La régulation du stress par l’autre
existe encore de façon importante chez l’adulte. Lors d’une expérience en
112 Grands concepts de la théorie de l’attachement

laboratoire, l’activité de l’insula antérieure droite, du gyrus préfrontal supé-


rieur et de l’hypothalamus a été évaluée par IRMf chez des femmes qui tien-
nent la main de leur mari ou celle d’un expérimentateur, alors qu’elles sont
soumises à la menace d’un léger choc électrique (Coan, 2006). On observe
une atténuation plus marquée de l’activation du système nerveux quand la
femme tient la main de son mari que celle d’un étranger, et cette atténua-
tion est fonction de la qualité de la relation maritale.
Concernant les relations amoureuses, les taux de cortisol de couples ont
été déterminés pendant une discussion portant sur un conflit et juste après
(Powers et al., 2006). Les participants à l’attachement insécure avaient des
taux de cortisol plus élevés, notamment pour les femmes à attachement
évitant et pour les hommes présentant une combinaison d’attachement
évitant et anxieux.

Conclusion
Les recherches sur la biologie de l’attachement connaissent un essor
considérable et s’inscrivent dans ce mouvement intégratif inné-acquis,
­biologie-mentalisation qui caractérise la compréhension des phénomènes
sociaux animaux et humains. Elles apportent un enrichissement à la théo-
risation de l’attachement tout au long de la vie et ouvrent des perspectives
thérapeutiques certes encore lointaines mais prometteuses.

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11 Attachement entre
0 et 4 ans : concepts
généraux et ontogenèse

A.-S. Mintz, N. Guédeney

Ce chapitre décrit quelques-uns des principaux concepts fondateurs de la


théorie de l’attachement élaborés par Bowlby (1969) à partir de son étude
de l’attachement dans les quatre premières années de la vie ainsi que
l’ontogenèse de l’attachement dans cette période  : il s’agit des phases du
développement du lien avec chaque figure d’attachement en fonction de
l’âge de l’enfant.

Concepts spécifiques du phénomène


de l’attachement
Le terme d’« attachement » se révèle polysémique et s’est enrichi progressi-
vement au cours du temps (Zeanah et Boris, 2000). Être attaché à quelqu’un
signifie qu’en cas de détresse ou d’alarme, on recherche la proximité, et la
sécurité que cette dernière apporte, de la figure spécifique à laquelle on est
attaché.
Les comportements d’attachement sont destinés à favoriser la proximité.
Ces comportements semblent de nature innée  : ils ont comme fonction
d’attacher l’enfant à sa mère ou à un autre adulte qui lui prodigue des
soins et probablement de favoriser le lien réciproque de la mère, l’adulte, à
l’enfant. Tout comportement qui permet à une personne, tout au long de
la vie, de devenir proche ou de maintenir la proximité de quelques figures
préférentielles et privilégiées peut être considéré comme un comportement
d’attachement. La notion de comportement d’attachement ne se cantonne
pas à la description comportementale de schèmes d’action  : elle est défi-
nie comme une unité fonctionnelle de comportement  : la spécificité du
comportement en lui-même compte moins que le comment et la finalité de
ce comportement. C’est la notion d’équivalence fonctionnelle des compor-
tements  : les comportements diffèrent mais partagent une signification
identique et servent des fonctions semblables (Sroufe et Waters, 1977).
La notion de figure d’attachement a été elle aussi progressivement définie
(Bowlby,  1969). C’est la personne vers laquelle l’enfant dirigera progres-
sivement son comportement d’attachement. À la naissance, l’enfant ne

L’attachement : approche théorique


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120 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

reconnaît pas d’adulte spécifique vers lequel tourner ses comportements


d’attachement ; il ne les dirige pas vers une figure particulière mais vers les
adultes qui l’approchent. En revanche, progressivement, grâce à ses compé-
tences globales et ses capacités d’apprentissage, dans la répétition des soins
quotidiens et des relations dans la continuité, il va reconnaître l’adulte qui
prend soin de lui le plus fréquemment en l’investissant émotionnellement.
Cet adulte, le plus souvent la mère, va ainsi devenir la figure d’attachement
de cet enfant. Il dirigera alors ses comportements d’attachement vers elle
si elle est présente lorsque ses besoins d’attachement seront éveillés. Sera
donc susceptible de devenir une figure d’attachement tout adulte (dans les
conditions normales) qui s’engage dans une interaction sociale et durable
animée avec le bébé, et qui répondra facilement et le plus adéquatement
possible à ses signaux et à ses approches (Ainsworth, 1967). Howe (1999)
propose de repérer dans le réseau social de l’enfant les figures d’attache-
ment ayant une fonction de caregiver à partir des trois critères suivants  :
il s’agit d’une personne prenant soin physiquement et émotionnellement
de l’enfant, ayant une présence importante et régulière dans sa vie, en
particulier la nuit, et l’investissant émotionnellement en faisant du soin à
l’enfant sa priorité. Dès 1969, Bowlby soutient que l’enfant développe une
hiérarchie de relations d’attachement  ; celle-ci s’établit en fonction de la
force du sentiment de sécurité que lui apporte chaque relation avec ceux
qui s’occupent de lui, liée à la quantité et à la qualité des soins donnés. Le
plus souvent, la mère devient la figure d’attachement principale parce que
c’est celle qui, autour des soins de routine, passe le plus de temps avec le
bébé dans les premiers temps. C’est vers elle que se tournera de manière
préférentielle et automatique l’enfant en cas de détresse ou d’alarme, ce qui
lui donne plus de chances de survie. Le concept de monotropisme est à la
base de cette hiérarchisation ; pour Bowlby, l’enfant a une tendance innée
à s’attacher spécialement à une figure  : dans un groupe stable d’adultes,
une figure deviendra une figure d’attachement privilégiée. Les autres figures
qui l’élèvent (en particulier le père) représentent les figures d’attachement
subsidiaires (secondary en anglais) ; en cas d’absence de la mère, l’enfant se
­tournera préférentiellement vers elles pour rechercher sécurité et consola-
tion. Les figures d’attachement primaires (caregivers primaires) sont celles qui
se forment dans la première année. Les figures d’attachement secondaires se
forment au-delà de cette période et tout au long de la vie. Howe (1999) dis-
tingue deux grandes catégories de figures d’attachement « alternatives » :
d’une part les pères, les grands-parents, les nourrices et les auxiliaires de crèches,
ainsi que les enseignants que l’on trouve dans les contextes de vie habituels ;
d’autre part les familles d’accueil et les parents adoptifs, les personnels des
pouponnières et des foyers ainsi que les éducateurs. Les relations s’instaurent
souvent après qu’une première relation d’attachement a été construite puis
perdue (voir chapitres 17 et 18 de L’attachement : approche clinique).
Attachement entre 0 et 4 ans : concepts généraux et ontogenèse 121

La relation d’attachement se construit progressivement sur plusieurs


mois, en même temps que l’enfant apprend à reconnaître sa ou ses figure(s)
d’attachement  : ce n’est pas un phénomène immédiat comme celui de
l’empreinte des éthologues (Bowlby, 1969). Le schème génétiquement pro-
grammé (« s’attacher à quelqu’un ») est modelé par l’environnement social
(les personnes autour de l’enfant pendant les premiers mois). Deux indices
caractérisent une relation d’attachement pour l’enfant : il recherche auprès
de la figure d’attachement, de manière préférentielle, proximité et sécurité
et proteste en cas de séparation subie.
Le lien d’attachement se réfère aux connexions émotionnelles entre les
personnes lorsqu’elles sont en relation d’intimité avec les autres. Le lien
d’attachement est dirigé du plus faible vers celui qui protège : seul l’enfant
est attaché à ceux qui l’élèvent. Les parents, eux, lui donnent protection
et réconfort, mais ne lui sont pas attachés au sens de la théorie de l’atta-
chement.
La notion de schème ou de pattern d’attachement représente un modèle
opérationnel de l’environnement et du soi construit et élaboré par l’enfant
et applicable dans toute situation d’activation du système d’attachement
(voir chapitres 5 et 21).

Ontogenèse de l’attachement entre 0 et 4 ans


Première phase, de la naissance
à 3 mois : l’orientation et les signaux
sans discrimination d’une figure
Les comportements d’attachement, présents dès la naissance, ne sont pas
dirigés vers une figure particulière  ; ils ont comme objectifs de rapprocher
l’adulte. Ils sont dirigés de façon préférentielle vers les adultes qui approchent
le bébé : il n’y a pas encore de notion de figure spécifique et on ne parle pas
encore de figure d’attachement pour le bébé. De manière quasi générale, c’est
la mère qui répond, dans cette période, à ces manifestations. Il existe déjà une
orientation privilégiée, d’origine prénatale, du bébé vers ce qui est familier
plutôt que vers ce qui est inconnu (Leckman et al., 2005). Les caractéristiques
sensorielles des interactions avec celle qui l’a porté pendant toute la grossesse
jouent un rôle essentiel : l’environnement prénatal et l’environnement post-
natal sont tous les deux fournis par le corps de la mère. On peut attendre une
certaine continuité sensorielle (thermique, sensorichimique et rythmique) —
même s’il y a des différences entre être dedans et en dehors de l’utérus — qui
aide à construire un «  pont  » entre les deux phases pré- et postnatale. Il y
a un apprentissage in utero des préférences précoces pour la mère, avec en
particulier une attention et un processus de traitement de l’information qui
s’engagent dès l’intrafœtal (36-40 semaines) quand le bébé entend la voix
122 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

maternelle : c’est le processus d’« imprinting-like » qui commence en prénatal


et qui dure tout le premier trimestre (Polan et Hofer, 1999).
Il y a trois catégories de comportements d’attachement innés
(Bowlby, 1969). Les comportements aversifs (les pleurs, les cris) amènent le
caregiver vers le bébé. Les comportements de signalisation (le babillage,
le sourire) amènent également le caregiver vers le bébé pour des échanges
agréables et maintiennent la proximité. Ils sont spécifiques à l’attachement
lorsqu’ils maintiennent la proximité après un moment de détresse. Les
comportements actifs sont encore très immatures  : il s’agit par exemple
de la capacité à s’orienter vers les humains et à attraper ou à s’accrocher.
Le comportement de succion présent dans la version 1969 a disparu dans
celle de 1982. Les nouvelles découvertes sur les liens entre allaitement et
développement de l’attachement pourraient lui redonner sa valeur fonc-
tionnelle de comportement d’attachement (voir chapitre 3).
L’adéquation des réponses du caregiver entraîne la diminution des
comportements aversifs comme les cris, et favorise le développement des
comportements actifs et de signalisation. En revanche, cette première phase
est plus longue si les conditions environnementales sont défavorables
(Bowlby, 1973).

Deuxième phase, entre 3 et 6 mois :


l’orientation et les signaux dirigés vers
une ou plusieurs figures individualisées
L’enfant commence à contrôler ses systèmes de comportement. Il d ­ ifférencie
les personnes qui lui sont familières ou étrangères et se dirige de plus en plus
vers ces figures repérées comme familières. En cas de détresse, le bébé va
diriger ses comportements, qui acquièrent de nouvelles qualités, de façon
active vers ces dernières. Les cris ou les pleurs de l’enfant qui favorisent
le rapprochement de l’adulte vont être mieux calmés par la mère que par
n’importe quelle autre personne. Vers 4-5 mois, un enfant dont la mère
quitte la pièce va crier ou pleurer, essayant ainsi de la ramener auprès de
lui. L’enfant sourit préférentiellement et plus intensément aux personnes
qui lui sont familières, et encore plus à sa figure d’attachement principale.
L’enfant babille de plus en plus avec sa figure d’attachement, instaurant de
véritables dialogues, et beaucoup moins devant les personnes étrangères ou
les objets inanimés. Les mouvements d’orientations différentielles visuelle
et posturale apparaissent chez des enfants de 16 à 18 semaines : ils dardent
leur regard sur leur figure d’attachement et la suivent véritablement du
regard dans ses déplacements, en orientant également leur corps vers elle
(Ainsworth, 1967).
En fonction de la qualité des réponses des parents, il y a un effet de
renforcement réciproque : ces figures particulières vont devenir ses figures
Attachement entre 0 et 4 ans : concepts généraux et ontogenèse 123

d’attachement. À ce stade, un début de modèle interne opérant (MIO), uni-


quement sensorimoteur, se développe pour chacune de ses relations d’atta-
chement (voir chapitre 5).

Troisième phase, de 6 à 9 mois jusqu’au


début de la 3e année : le maintien
de la proximité avec une figure discriminée
par les signaux et la locomotion
Cette phase est marquée par des changements importants dans les capacités
motrices, cognitives et de communication de l’enfant. L’enfant acquiert,
grâce au développement de ses capacités motrices, un contrôle sur la proxi-
mité dont il a besoin, ce qui lui donne un rôle actif dans la gestion de la
distance optimale avec sa figure d’attachement : il peut approcher, suivre,
rechercher cette figure de façon tout à fait active. Quatre phénomènes
marquent cette phase. L’enfant approche de manière spécifique la figure
d’attachement lors des retrouvailles ou des situations de détresse : il va vers
elle sans hésitation si elle est présente. L’enfant suit, de manière tout aussi
spécifique, sa figure d’attachement principale quand celle-ci s’éloigne de lui.
Le phénomène de base de sécurité s’établit. L’exploration, qui est en plein
développement, amène l’enfant à s’éloigner de sa figure d’attachement  :
la distance qu’il peut tolérer avec celle-ci est un nouveau signal qui va
activer les comportements d’attachement. L’enfant prend en compte cette
­distance ; il va partir explorer quand il se sent en sécurité et va revenir vers
sa figure d’attachement s’il s’en sent trop éloigné, pour repartir ensuite.
C’est ainsi que l’on définit le phénomène de « base de sécurité ». La qualité
de l’exploration est liée à celle de l’attachement. En cas de stress, de détresse,
l’enfant qui a établi un lien d’attachement sécure avec elle va revenir vers sa
figure d’attachement qui représente alors un « havre de sécurité ». En lien
avec ce phénomène apparaissent la peur de l’étranger et l’angoisse de sépa-
ration : l’enfant suspend ses activités quand il est confronté à une personne
inconnue, s’en éloigne pour aller vers sa figure d’attachement en témoi-
gnant de l’activation de son système d’alarme. Après un certain temps, si
l’étranger montre des affects positifs et n’est pas intrusif, l’enfant peut inter-
agir avec lui, mais en maintenant un certain niveau d’alerte. Tout éloigne-
ment ou absence de la figure d’attachement active de manière ­spécifique
l’attachement de l’enfant et déclenche les comportements d’attachement
(l’angoisse de séparation). Les changements cognitifs de cette période et
le développement des capacités de communication permettent le dévelop-
pement des  comportements corrigés quant au but  : les enfants peuvent
adapter leurs comportements à un but précis en tenant compte des signaux
et intentions exprimés par les parents. L’enfant devient capable d’adapter
son comportement à ce qu’il perçoit des attentes de ses parents. Il peut
124 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

«  choisir  » dans son répertoire comportemental les actions qui vont lui
permettre d’obtenir ce qu’il souhaite et peut communiquer avec sa figure
d’attachement. L’enfant est devenu capable de manipuler mentalement
des représentations qu’il a intériorisées (chapitre  5). À ce stade, l’enfant
a une représentation interne des buts qu’il veut atteindre (par exemple,
avoir un contact physique avec sa figure d’attachement) et peut élaborer
une planification en sélectionnant ses comportements pour atteindre son
but, en ayant conscience que celui-ci peut être différent de celui de l’adulte
(Bowlby, 1969).
Grâce à l’ensemble de ces acquisitions, l’enfant passe du besoin de proxi-
mité avec sa figure d’attachement à celui de sa disponibilité, puis juste de
son accessibilité en cas de détresse ou d’alarme. Il peut maintenir l’atten-
tion de sa figure d’attachement sur lui et activer ses comportements d’atta-
chement s’il perd cette attention. Il est par exemple très difficile pour les
enfants de cet âge de supporter que leur figure d’attachement téléphone
ou s’isole pour lire. L’enfant peut poursuivre une exploration dans un lieu
familier si sa figure d’attachement s’éloigne mais ne pourra pas le faire s’il
est dans un lieu étranger.
À ce stade du développement, l’organisation des patterns de comporte-
ment d’attachement est stable et évaluable par l’utilisation de la Situation
étrange (voir chapitre 21). Si l’enfant a fait des expériences relationnelles de
qualité, il va garder ses stratégies primaires qui lui permettent d’approcher
la figure d’attachement en cas de détresse : on dit qu’il a un attachement
sécure. Si l’enfant a fait l’expérience de réponses environnementales moins
satisfaisantes à ses besoins de réconfort, il va avoir recours à des stratégies
conditionnelles ou stratégies adaptatives. Les stratégies d’inhibition amène­
ront à la construction de patterns comportementaux d’attachement de
type insécure-évitant  ; les stratégies conditionnelles de type hyperactiva-
tion amèneront l’enfant à construire des patterns comportementaux d’atta-
chement de type insécure-ambivalent. Il est important de préciser que ces
stratégies conditionnelles ou adaptatives ne sont pas synonymes de psycho-
pathologie mais restent dans une construction normale bien qu’adaptative
du lien d’attachement (voir chapitres 5 et 21).

La phase de développement du lien d’attachement :


entre 2 ans et demi-3 ans et 4 ans
Le développement de nouvelles capacités cognitives et langagières est
considérable et il entraîne des changements dans l’expression des compor-
tements d’attachement. L’enfant de cet âge a beaucoup moins besoin de la
réalité d’une proximité que de la conviction de la possibilité de maintenir
l’attention du caregiver sur lui. Le développement du langage permet des
conversations dans lesquelles l’enfant échange verbalement avec ses figures
d’attachement sur ses affects et ses objectifs. L’enfant, grâce à sa motricité,
Attachement entre 0 et 4 ans : concepts généraux et ontogenèse 125

est capable d’une autorégulation de la distance optimale qu’il peut sup-


porter avec sa figure d’attachement  ; le développement de ses capacités
cognitives lui permet de s’être construit une représentation mentale de la
séparation, qu’il peut mieux tolérer. Les enfants sont moins désemparés
dans les situations de séparation, et ce d’autant qu’ils auront négocié et se
seront mis d’accord avec leur figure d’attachement sur les conditions de
cette séparation et sur les modalités des retrouvailles. On parle de partena-
riat émergeant (Marvin et Britner, 1999).
L’enfant et sa figure d’attachement vont construire « un partenariat corrigé
quant au but » qui va être particulièrement actif dans les situations clés réveil-
lant l’attachement que sont les séparations et les conflits autour de l’autorité.
Ils vont pouvoir atteindre un but commun en adaptant leur comportement
et leurs intentions grâce à la reconnaissance de leurs états émotionnels, leurs
capacités à distinguer leur point de vue de celui de l’autre, leur possibilité
d’organiser des stratégies logiques pour atteindre un but, la capacité pour
l’enfant et les parents de pouvoir tenir compte du point de vue de l’autre.
Ces capacités de partenariat qui conditionnent celles à négocier les
conflits et les désaccords sont à cet âge-là un bon reflet de la qualité de
l’attachement (Marvin et Britner,  1999). Un enfant ayant un lien sécure
a construit une représentation positive de l’autre ainsi que de lui-même.
Il va a priori avoir confiance dans ses capacités relationnelles, ce qui va lui
donner des capacités de négociation en cas de désaccord. Les enfants insé-
cures ont des représentations des autres et d’eux-mêmes négatives : ils ont
peu confiance dans la relation, ce qui leur donne très peu de possibilités
de négociation des conflits. Les enfants vont soit avoir inhibé leur système
d’attachement et avoir tendance à se soumettre, soit avoir exacerbé ce sys-
tème, et avoir tendance à entrer dans des conflits et des colères difficiles à
calmer (Greenberg et al., 2001).

Conclusion
Les premières années sont essentielles pour le développement de l’attache-
ment et montrent le rôle de l’environnement dans la forme que prendra cet
attachement. Les concepts élaborés à cette période par Bowlby et Ainsworth
sont à la base de tous les développements théoriques et cliniques de l’atta-
chement.

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12 Attachement
entre 4 et 12 ans

A.-S. Mintz

De nombreux et profonds changements dans tous les domaines du dévelop-


pement de l’enfant se réalisent pendant cette longue période. L’expression
du système d’attachement se complexifie  ; sa place dans l’ensemble des
éléments du fonctionnement psychique et des différents systèmes motiva-
tionnels n’est plus aussi centrale que précédemment. Elle reste cependant
importante et le rôle des figures d’attachement est toujours primordial
pour l’équilibre du développement malgré l’engagement de l’enfant vers
­l’autonomisation.
L’étude de l’attachement pendant cette période du développement est
récente et laisse encore des domaines à préciser, comme sa définition stricte
et son évaluation précise. Nous décrivons dans ce chapitre l’état actuel des
connaissances.

Caractéristiques de l’attachement
entre 4 et 12 ans
Un équilibre entre les différents systèmes motivationnels apparaît à cet
âge. Le système d’attachement n’est plus au premier plan comme lors
des années précédentes : le système exploratoire du monde externe et du
monde ­psychique interne se développe et s’autonomise, le système affiliatif
avec les relations aux pairs a une place croissante, le système peur-alarme
est plus sollicité au cours de l’exploration et, en fin d’enfance, l’arrivée de la
puberté éveille la sexualité.
Le développement de l’enfant, à la fois sur le plan cognitif, langagier et
affectif, change totalement son rapport aux autres et au monde, en particu-
lier à ses figures d’attachement. Le système comportemental d’attachement
se complexifie  : il devient un système davantage représentationnel dans
lequel les comportements ne sont plus liés prioritairement au contexte mais
à son évaluation par l’enfant (Raikes et Thompson, 2005). L’enfant connaît
un développement significatif de ses capacités de penser au sujet des
autres, de lui-même et du fonctionnement des personnes et des ­relations
interhumaines. Ces capacités influencent la façon dont il se voit, voit
les autres, perçoit et comprend les situations. Il apprend que les comporte-
ments ne sont pas uniquement liés à un contexte mais sous-tendus par des

L’attachement : approche théorique


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128 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

­ otivations psychiques complexes qui peuvent être différentes des siennes.


m
Il devient un vrai partenaire de la relation avec un avis propre individualisé.
La régulation du système d’attachement change avec un passage du
contrôle par les parents à une corégulation parent-enfant qui s’intensifie
(Macoby,  1984)  ; l’enfant peut tenir compte du point de vue des autres,
différent du sien ; il affine ses capacités de partenariat avec ses figures d’atta-
chement en s’appuyant sur la communication (Mayseless, 2005).
De plus, l’enfant a de moins en moins besoin de la proximité continue
avec sa figure d’attachement, mais de sa disponibilité et de son accessibilité
en cas de stress ou de besoin d’attachement. Ainsi, les enfants avec un
attachement sécure ont des comportements caractérisés d’équilibrés. Ils
ont besoin de cette proximité par moments mais leur autonomie est tout
aussi importante à d’autres, ceci en fonction de l’activation de leur système
d’attachement. L’équilibre dans leur comportement est sous-tendu par leur
possibilité de tenir compte de leurs émotions et par leur confiance en
leur figure d’attachement, en sa disponiblité (Howe, 2011).
Par contre, les enfants avec un attachement insécure-évitant se mon-
trent autonomes mais mal à l’aise dans l’intimité et ne recherchant pas ou
très peu la proximité même dans les situations qui activent leur système
d’attachement. Ils ont souvent un comportement apparent coopérant et
compliant tendant à être perfectionniste mais ils sont très dépendants du
regard que les autres portent sur eux.
Quant aux enfants avec un attachement insécure-ambivalent, ils
­montrent une préférence nette pour l’intimité, pour les relations proches et
peu de capacité d’autonomie. Ils sont en recherche très importante de proxi-
mité et leurs comportements sont dominés par le bruit, les provocations,
l’apparent besoin émotionnel ; en fait, ils montrent des comportements qui
attirent l’attention de l’entourage d’une façon négative (Crittenden. 2009).
Ils apprennent à osciller entre des comportements menaçant pour avoir
l’attention et des comportements apeurés, désarmant, pour contourner
l’exaspération des leurs parents (Howe, 2011).
Simultanément, grâce à son développement, c’est à cette période que
l’enfant peut supporter des périodes plus longues de séparation, surtout
si celles-ci ont été préparées et aménagées avec lui, en lui donnant la
possibilité de contacts réguliers et prévisibles qui doivent être organisés
avec les adultes qui prennent le relais des parents auprès de lui (Marvin et
Britner, 1999). Les parents soutiennent, à cette période, l’accès progressif à
l’autonomie de l’enfant et renforcent ce mouvement de prise de distance
spatiale (Kerns et al., 2006).
De façon contemporaine, l’organisation de la vie de l’enfant, à cet
âge, entraîne une ouverture sur le monde extérieur dans lequel l’enfant
va développer d’autres systèmes motivationnels et faire des rencon-
tres. Il fait connaissance d’autres adultes, que les parents ne choisissent
Attachement entre 4 et 12 ans 129

pas et qui p ­ euvent être très différents d’eux  : en particulier, ils peuvent
avoir des orientations d’attachement différentes. Ces adultes (instituteurs,
­professeurs, animateurs, par exemple), par leurs exigences, vont solliciter
le système d’attachement de l’enfant et peuvent en influencer l’évolution
car certains vont devenir des figures d’attachement auxiliaires. Ces adultes
auront cette place s’ils servent de base de sécurité à l’enfant, lui permettant
d’explorer ou de relever un défi, et de havre de sécurité quand il est en
situation de détresse en l’absence de ses figures d’attachement principales.
Celles-ci restent, pendant l’enfance, les parents (Kerns et al., 2006). C’est au
niveau des figures auxiliaires que se diversifient les relations d’attachement.
L’enfant pourra ainsi aller vers l’une ou l’autre selon la nature du problème
ou du besoin  : par exemple, l’instituteur pour un problème scolaire, les
­grands-parents pour un souci familial non abordable avec les parents.
De par cette ouverture sur le monde extérieur, les relations aux pairs pren-
nent de l’importance durant cette période. Ces derniers ne représentent pas
cependant des figures d’attachement au sens strict du terme. Les relations
entre pairs sont sous-tendues par le système affiliatif (voir chapitre 4).
La sécurité de l’attachement commence à être caractéristique d’un enfant
et moins spécifique d’une relation : elle peut aussi influencer son lien avec
ces différentes personnes.
Ces changements entraînent une complexification des modèles internes
opérants (MIO) de l’enfant (voir chapitre 5).
À la fin de l’enfance, le sujet aura construit un modèle interne de repré-
sentations des relations d’attachement d’autant plus cohérent que l’ensem-
ble de ses relations auront été congruentes au cours de son développement
(Kerns et al., 2005).
Du fait de l’évolution du système d’attachement pendant l’enfance,
quelles seront les conditions de son activation ?

Activation de l’attachement pendant l’enfance


Diverses situations vont activer le système d’attachement durant l’enfance,
comme l’a décrit Kobak (2005). On trouve d’abord la perception d’une
«  menace pour soi  »  : en effet, la perception d’un danger active le sys-
tème peur-alarme qui stimule le système d’attachement. Le danger peut
être externe mais aussi interne, comme une maladie, la fatigue ou une émo-
tion négative. La figure d’attachement est alors sollicitée comme « havre de
sécurité » pour retrouver un état d’équilibre quand les possibilités internes
de régulation de l’enfant sont dépassées.
La perception d’une « menace pour l’autre », comme une diminution de
la disponibilité de la figure d’attachement, active le système en entraînant
une anxiété qui peut être majeure. Cette activation peut exister pendant
les séparations si celles-ci ne se font pas dans de bonnes conditions ou si
130 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

elles ont lieu pour des raisons inquiétantes comme une hospitalisation de
la figure d’attachement. Les situations de confits, d’abandon ou de ruptures
du lien mettent l’enfant dans cette situation, comme Bowlby l’a montré
(1973). Le rôle de l’entourage est alors primordial pour assurer à l’enfant le
réconfort dont il a besoin et lui servir de base de sécurité.
Enfin, l’activation du système exploratoire va activer le système d’attache-
ment avec une moindre intensité. Pour que l’exploration puisse se faire, le
système d’attachement ne doit pas être trop activé, mais l’enfant a besoin de
savoir sa figure d’attachement disponible en cas de besoin pour se « lancer »
dans cette activité. L’évaluation par l’enfant du défi qu’il a mené et l’incerti-
tude que cela génère activent son système d’attachement (Ainsworth, 1991).
Il utilise alors sa figure d’attachement comme une « base de sécurité ».
Le développement global de l’enfant lui permet de s’appuyer sur ses capa-
cités de réflexion et de représentations et d’ainsi pouvoir faire face à un
certain nombre de situations sans avoir recours à la présence physique de
ses figures d’attachement. La question de la continuité et du changement
dans l’attachement durant l’enfance est abordée dans le chapitre 5.

Liens entre le système d’attachement


de l’enfant, le caregiving et le système
familial pendant l’enfance
La qualité des relations d’attachement est liée à la qualité des soins donnés
par les figures d’attachement durant la petite enfance (voir chapitre 3). Peu
d’études ont examiné ce lien durant l’enfance. Mais les enfants sécures
durant cette période ont des parents plus « sensibles » et ayant des capacités
de communication plus ouvertes avec eux, en particulier en ce qui concerne
les émotions négatives, que les enfants insécures (Oppenheim et al., 2006).
Les capacités ouvertes de communication des parents, tant sur le plan
émotionnel que sur les attentes des enfants, permettent une meilleure qua-
lité du partenariat corrigé quant au but qui est un enjeu fondamental à
cet âge. Cet aspect des relations influence la qualité de la négociation des
enjeux d’autorité et des désaccords, permettant une résolution plus souple
de ces différentes situations.
Par ailleurs, les parents qui ont le plus de plaisir à servir de base de
sécurité à leur enfant quand celui-ci en a besoin tout en respectant son
autonomie ont des enfants qui rapportent les meilleurs scores de sécurité
dans leur relation à leurs parents (Kerns et al., 2000). En effet, les parents
ne doivent intervenir que lorsque leur enfant le leur demande ou qu’il ne
parvient pas à faire face à une situation par lui-même et ne doivent pas
le devancer dans ses demandes. Cette démarche permet à l’enfant de se
sentir compétent, de développer son autonomie dans un climat de sécurité
sachant ses figures d’attachement disponibles en cas de besoin. C’est ce qui
Attachement entre 4 et 12 ans 131

fait que les enfants sécures rapportent une meilleure qualité de la coopéra-
tion avec leurs parents dans les situations de négociation, ayant des parents
qui respectent mieux leurs préférences tout en gardant le contrôle de la
négociation, que les enfants insécures (Kerns et al., 2000). Ils expérimentent
ensemble la liberté d’explorer différentes perspectives et de développer des
idées créatives pour concilier les différents « agendas », celui de l’enfant et
celui du parent, dans les différents domaines (projets, priorités, obligations,
envies…). Dans les situations d’autorité, de frustration ou de séparation,
on insiste sur la capacité de négociation flexible. Les parents et l’enfant
doivent pouvoir exprimer leurs propres points de vue et préoccupations,
reconnaître celui de l’autre et pouvoir établir un échange permettant de
trouver un compromis satisfaisant pour tout le monde (Kobak et al., 1993 ;
Greenberg et  al.,  1991). Cette capacité est également sollicitée par toutes
les situations dans lesquelles l’enfant doit relever un défi qui nécessite le
soutien de ses parents. Sa capacité à partager ses doutes et ses craintes et
celle de ses parents à les recevoir vont leur permettre un échange adapté
aux besoins émotionnels de l’enfant. Ainsi, les enfants avec un attachement
sécure pouvant partager leurs émotions négocieront mieux ces situations
que les enfants qui ont un attachement insécure (Howe, 2011).
Malgré le nombre encore restreint d’études, on constate que la sécurité
d’attachement dans l’enfance reste liée à la réponse sensible et adaptée des
parents aux signaux de l’enfant ainsi qu’à l’adaptation de leur rôle aux nou-
veaux besoins, de même qu’à leur état d’esprit concernant l’attachement.
C’est ainsi que l’existence de conflits conjugaux qui entrave la qualité du
caregiving entraîne que les enfants qui vivent dans ces familles marquées
par des conflits importants rapportent des scores de sécurité bas dans leur
relation avec leurs parents (Harold et al., 2004 ; Davies et al., 2004).
Les autres aspects de la relation d’attachement dans l’enfance restent à
étudier plus avant, comme la place de la socialisation et de l’exploration. À
cet âge, le rôle des parents se diversifie beaucoup et la dimension de l’atta-
chement n’est qu’un des nombreux aspects de la relation parent-enfant.

Association entre attachement et développement


des compétences sociales, cognitives
et la gestion des émotions
Les défis de l’enfance activent le système d’attachement, et la qualité de
ce dernier influence la réponse et l’adaptation de l’enfant aux différentes
situations auxquelles il a à faire face.
Les premières études ont évalué l’attachement pendant la petite enfance
ou l’âge de l’école maternelle et établissaient des corrélations avec des
compétences ultérieures. De nouvelles études évaluent l’attachement pen-
dant l’enfance et vérifient la validité de ces associations.
132 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Association entre qualité de l’attachement,


développement cognitif et adaptation à l’école
Les données sur les liens entre la qualité de l’attachement et les mesures de
QI sont contradictoires et ne mettent pas en évidence de lien fort entre ces
deux dimensions du fonctionnement psychique d’un enfant. En revanche,
l’existence d’un attachement désorganisé fait chuter les niveaux de déve-
loppement cognitif, ce qui fait penser que ces groupes d’enfants sont à
risque pour leur développement global (Moss et St-Laurent, 2001 ; Jacobsen
et al., 1994).
Il existe en revanche un lien étroit entre la sécurité de l’attachement
et l’adaptation à l’école en termes d’attitude positive face au travail et de
comportement adapté et souple dans la classe, ainsi que de compétences
d’apprentissage, de participation, de motivation et d’intérêt (Sroufe
et al., 1999 ; Moss et St-Laurent, 2001). Cette dimension sera développée
dans le tome « Approche clinique ».

Association entre qualité de l’attachement, estime


de soi et évaluation de l’information sociale
Bowlby (1982) postulait qu’un enfant qui avait développé une relation
sécure avec sa figure d’attachement avait expérimenté des soins sensibles
et ajustés, ce qui lui avait permis de se vivre comme digne de ses soins et de
l’affection des autres. Ce vécu lui permet de développer une représentation
positive de lui-même le rendant apte à faire face aux aspects plus négatifs de
sa personnalité et d’ainsi avoir une représentation « réaliste » de lui-même,
tout en assumant ses limites propres (Cassidy, 1988).
Les études de Cassidy et  al. (2003) montrent que les enfants sécures
rapportent un plus haut niveau d’estime d’eux-mêmes, une perception
d’eux-mêmes comme ayant de bonnes capacités sociales et comme étant
peu préoccupés par leurs compétences dans ce domaine. Mais les deux
dimensions étant testées par des autoquestionnaires liant ces deux dimen-
sions, leur validité reste à vérifier.
Les enfants insécures montrent une moins bonne estime d’eux-mêmes en
général, même si cette dimension ne dépend pas uniquement de la qualité
des relations d’attachement dans la petite enfance. Ainsi, les enfants avec
un attachement évitant ont une moins bonne estime d’eux-mêmes que les
enfants sécures car ils ont fait l’expérience d’être rejetés dans leur besoin de
réconfort et leurs expressions émotionnelles. Ils ne montrent pas leur vrai
besoin d’attachement, se sentent peu dignes d’intérêt et doutent de leur
valeur propre. Quand quelque chose ne va pas, ils pensent le plus souvent
que c’est de leur faute.
Les enfants avec un attachement ambivalent se perçoivent souvent
comme étant incompétents, inefficaces et indignes d’être aimés, ce qui mine
Attachement entre 4 et 12 ans 133

leur estime d’eux-mêmes. Ils se sentent en permanence privés d’affection et


d’amour. Mais contrairement aux enfants évitants, en cas de problème, ils
ont tendance à penser que les autres sont responsables (Howe, 2011).
Le lien entre sécurité de l’attachement, abord positif des enjeux sociaux
et sélection d’informations positives sur soi-même ressort nettement chez
les enfants sécures (Ziv et  al.,  2004  ; Cassidy et  al.,  2003). La sécurité de
l’attachement permet aux enfants d’avoir un vécu positif d’eux-mêmes et
d’avoir des attentes positives vis-à-vis des autres, tout en faisant face aux
vécus et expériences négatifs sur eux-mêmes et dans leurs relations sans en
être déstabilisés.

Association entre attachement


et régulation des émotions
Un enfant sécure est capable d’utiliser son parent comme havre de sécu-
rité quand il est en situation de détresse. Cela lui permet de retrouver
un état d’équilibre et de ne pas être désorganisé par ses émotions néga-
tives. Les émotions font ainsi partie intégrante de son fonctionnement
psychique  : il les intègre à l’évaluation des situations, elles sont de bons
guides pour lui. Ainsi, cet enfant ne se montre pas seulement plus collabora-
tif, ayant confiance en lui-même et chaleureux ; il a aussi plus d’assurance et
sa confiance dans la relation avec sa figure d’attachement lui permet de
prendre le risque d’être en désaccord voire en conflit avec ses parents. Ainsi,
il peut développer son indépendance ; en effet, la non-compliance lui per-
met de s’affirmer et c’est un facteur positif pour le développement de son
autonomie quand ses parents peuvent faire face à ses mouvements
­psychiques en maintenant leurs objectifs d’éducation dans une atmosphère
affective chaleureuse.
Par contre, le contrôle émotionnel mis en place par les enfants avec un
attachement insécure-évitant fait qu’ils excluent le plus possible leurs émo-
tions. Mais, lorsqu’ils sont débordés, la colère est l’émotion qui peut le plus
se manifester chez eux leur permettant de garder les autres à proximité en
évitant ainsi l’intimité, porteuse de rejet potentiel. Certains enfants évitants
vont très bien lire les émotions des autres mais mettent les leurs à distances
pour ne pas être débordés. Ces enfants demandent peu de chose sur le plan
émotionnel à leurs figures d’attachement mais peuvent se montrer irrités,
impatients ou en colère face aux comportements exprimant un besoin
d’attachement chez les autres.
Quant aux enfants avec un attachement insécure-ambivalent, ils « sont
dominés par les affects », ce qui entrave leur capacité réflexive. C’est ainsi
que les émotions, les sentiments guident les comportements à la place
des pensées. Ils sont très difficiles à apaiser quand ils sont en situation
de stress et peu flexibles quand leur système d’attachement est activé
(Howe, 2011).
134 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

En grandissant, l’enfant devient capable de trouver des stratégies, à la


fois internes grâce à ses capacités de réflexion et externes avec les adultes
disponibles, pour faire face à ses émotions négatives en dehors de la pré-
sence de sa ou ses figures d’attachement. Les enfants sécures utilisent de
meilleures stratégies pour gérer le stress et peuvent s’appuyer sur les autres
si cela s’avère nécessaire (Contreras et  al.,  2000  ; Kerns et  al.,  2007). Ils
rapportent aussi plus de ressentis positifs quand ils sont en relation avec
les autres que les enfants insécures (idem).
D’autres auteurs (Berlin et Cassidy, 1999 ; Steele et al., 1999), évaluant la
gestion des émotions dans le jeu et dans la relation avec les pairs, montrent
que les enfants sécures ont une attention meilleure, des affects plus positifs
et une plus grande curiosité lors du jeu libre, des capacités d’exploration
plus autonomes, un fonctionnement du moi plus souple, plus d’enthou-
siasme dans le jeu et dans la résolution des problèmes ainsi que de meil-
leures interactions avec les pairs et les autres adultes.
Par contre, il ne semble pas exister de lien entre la sécurité de l’attache-
ment et le tempérament plus ou moins émotif. Cette dimension serait plus
purement tempéramentale.
D’autres études sont nécessaires pour faire le point sur l’influence des
différents types d’insécurité sur la gestion des émotions.
L’association entre la qualité de l’attachement et les relations aux pairs est
traitée au chapitre 4.

Association entre qualité de l’attachement


et capacités d’exploration
Certains auteurs (Grossman et al., 1999 ; Marvin et Britner, 1999) se sont
intéressés à une compréhension élargie de la sécurité de l’attachement chez
l’enfant de plus de 4 ans, en donnant un rôle croissant au système explo-
ratoire. Si l’on raisonne en termes d’adaptétude évolutionniste, ce système,
en aidant au développement des ressources propres de l’enfant, facilite sa
survie par ses capacités d’autonomie (Marvin et Britner, 1999). Quelles sont
les capacités de l’enfant à avoir une sécurité dans les processus explora-
toires, interne ou externe ?
L’exploration interne se définit comme l’exploration des émotions, en
particulier des émotions négatives liées aux différents défis (impuissance,
perte de contrôle, échec, alarme devant l’inconnu). L’exploration externe
se définit comme la capacité à s’ouvrir aux relations avec les pairs, avec les
autres adultes, et la capacité à créer des liens avec des figures d’attachement
auxiliaires.
Comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, les enfants
sécures se montrent beaucoup plus compétents dans ces différents aspects
de l’exploration, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur de la famille, que
les enfants insécures. En effet, ces derniers se montrent plus négatifs avec
Attachement entre 4 et 12 ans 135

leurs pairs, moins accommodants avec les professeurs, moins empathiques


avec ceux qui sont en détresse — ils ont tendance, par exemple, lors de la
projection de dessins animés, à avoir des interprétations plus négatives des
situations. Ils se montrent aussi plus en difficulté pour faire part de leurs
sentiments de stress et plus négatifs dans la résolution de problèmes.

Conclusion
Pendant l’enfance, la sécurité de l’attachement garde une certaine stabilité
et permet à l’enfant de poursuivre un développement harmonieux en
faisant face aux différents défis propres à cette période de vie. Le maintien
de la sécurité de la relation à ses figures d’attachement reste important, mais
un mouvement d’autonomisation se fait progressivement pour l’amener,
grâce au développement de ses capacités à penser, à explorer tranquille-
ment le monde. L’enfant pourrait dire à ses figures d’attachement : « Restez
disponibles et sensibles quand j’en ai besoin, mais laissez-moi commencer
à explorer le monde, je vous appellerai si ça ne va pas ! »

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13 Attachement
et adolescence

F. Atger, C. Lamas

Du point de vue de l’attachement, l’adolescence se caractérise par un rema-


niement des relations avec les figures d’attachements primaires, les parents,
et par la création de nouveaux liens d’attachement pour la première fois
depuis la petite enfance. Ces changements vont avoir un impact sur les
modèles internes opérants (MIO) qui vont réciproquement influencer le
processus d’autonomisation.
L’équilibre entre le système d’attachement et les autres systèmes
motivationnels va être également profondément remanié. Le rôle des
­
systèmes affiliatif et d’exploration grandit tout au long de cette période,
dont la première phase est dominée par l’émergence du système sexuel et la
seconde par celle du système de caregiving.
Nous insisterons d’emblée sur la place du système comportemental
d’exploration, qui est au cœur du processus d’autonomisation  : explora-
tion du monde physique comme pendant l’enfance, mais surtout de nou-
veaux rôles sociaux, de nouvelles relations, de la sexualité, de soi-même,
de son corps et de ses émotions. Or il existe une balance dynamique entre
­attachement et exploration, ce qu’illustre la notion de « base de sécurité »
de Mary Ainsworth. Un attachement sécure favorisera l’exploration et donc
le développement de l’autonomie, tandis qu’un attachement insécure sera
susceptible de l’entraver.
L’émergence du système sexuel est un aspect majeur de cette période et
il joue un rôle crucial dans les remaniements du système d’attachement.
Réciproquement, l’état d’esprit vis-à-vis de l’attachement va influencer les
relations sexuelles et amoureuses.
La plupart des adolescents s’adaptent avec succès aux changements phy-
siques, cognitifs et sociaux. Mais cette adaptation entraîne un mélange
d’excitation et d’anxiété qui génère un sentiment d’insécurité. Face à
cette insécurité, on observe une augmentation des stratégies d’adapta-
tion actives et internes. Les adolescents ont de plus en plus recours à une
régulation interne des émotions, dans laquelle les MIO construits pendant
l’enfance jouent un rôle déterminant. À ces moyens de régulation interne
vont s’ajouter les relations d’attachement avec les pairs. Il n’en reste pas
moins que les parents vont continuer à jouer un rôle important, la dis-
tanciation ne signifiant pas le détachement. Si le fait d’être attaché à ses

L’attachement : approche théorique


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140 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

parents peut paraître antinomique aux défis développementaux auxquels


l’adolescent doit faire face, il apparaît au contraire que la sécurité de l’atta-
chement joue un rôle fondamental pour aider l’adolescent à surmonter
ces défis.

Liens entre transformations


cognitives et affectives
Sur le plan cognitif, l’adolescence se caractérise par l’émergence de ce que
Piaget appelle les opérations formelles  : l’adolescent devient capable de
raisonner logiquement dans l’abstrait. Ses nouvelles capacités lui permet-
tent de réfléchir différemment sur ses représentations de lui, des autres et
des relations. Il peut alors développer ses facultés réflexives, ce que Mary
Main (1991) appelle la métacognition.
Du point de vue affectif, ces nouvelles capacités cognitives vont avoir
deux conséquences. Premièrement : la mise en place de modèles internes
intégrés des relations. Avant l’adolescence, l’attachement est spécifique
d’une relation. Les MIO de la relation avec la mère peuvent différer de ceux
de la relation avec le père, en fonction des expériences relationnelles avec
chacun d’entre eux. À partir de l’adolescence, ces expériences multiples
avec chaque caregiver et les modèles internes qui y sont rattachés vont
faire l’objet d’une intégration conduisant à la construction d’un modèle
plus général des relations d’attachement. Patricia Crittenden (1990) parle
de « méta-modèle », Mary Main (1991) « d’état d’esprit » vis-à-vis de l’atta-
chement. Ce modèle intégré et généralisé est le plus souvent mobilisé
en cas d’activation du système d’attachement, sans que les modèles
différenciés disparaissent tout à fait ; ils continuent à jouer un rôle dans
certains contextes ou dans certaines relations. Il devient possible, à partir
de cette période, d’évaluer l’attachement en termes d’organisation unique
prédominante stable. C’est cette organisation que l’« entretien d’attache-
ment de l’adulte » (Adult Attachment Interview, AAI) élaboré par Mary Main
(Main et al., 2003), utilisable dès l’adolescence, permet d’évaluer.
Deuxièmement, le développement des capacités réflexives va égale-
ment permettre une plus grande souplesse dans le « partenariat corrigé
quant au but  » (Kobak et Duemmler,  1994). L’adolescent peut intégrer
ses propres besoins et désirs de façon plus souple et se représenter plus
finement ceux de ses parents. De plus, ses capacités de communication
se développent. Ces acquisitions permettent qu’il modifie ses comporte-
ments d’attachement en tenant compte de l’état d’esprit de ses parents.
Cette sophistication des relations explique en partie le recours moins
fréquent aux parents comme figures d’attachement. Les interactions
« observables » sont plus ponctuelles mais leur rôle reste important pour
assurer le sentiment de sécurité interne.
Attachement et adolescence 141

Remaniements de l’attachement aux parents


Au début de l’adolescence, il existe une prise de distance vis-à-vis des
parents. Les adolescents passent moins de temps avec leurs parents et
plus de temps avec leurs pairs. On note également une diminution des
activités partagées et des manifestations physiques d’affection entre les
adolescents et les parents, ainsi qu’un besoin accru d’avoir un jardin
secret. De plus, les désaccords et les disputes à propos de la vie quoti-
dienne se multiplient, et s’ils permettent de développer les capacités de
négociation, ils contribuent à un désengagement.
L’AAI met en évidence certains aspects de cette distanciation. De 10 à
14 ans, les tendances à dénigrer les parents et les difficultés à évoquer des
souvenirs des relations d’attachement de l’enfance s’accroissent, tandis
que les parents sont de plus en plus perçus comme rejetants (Ammaniti
et al., 2000). Beaucoup d’adolescents de la catégorie autonome présentent
une restriction dans l’expression des sentiments d’attachement, même s’ils
parlent de façon cohérente de leurs relations (Scharf et Mayseless, 2007).
En dépit de ces marques d’éloignement, les liens d’attachement restent
intenses avec les parents (Bowlby, 1969), même s’ils « imprègnent moins
d’aspects de leur vie qu’ils ne le faisaient avant  » (Ainsworth,  1989). Les
nombreux travaux sur ce point confirment l’importance de la qualité du
lien d’attachement actuel avec les parents dans le processus d’autonomisa-
tion. Il existe une forte corrélation entre la présence de comportement de
recherche d’autonomie chez les adolescents et des indices d’une relation
positive avec les parents (Allen et  al.,  1994). La plupart des adolescents
continuent à se tourner vers leurs parents en situation de stress très intense
et les parents sont encore très souvent utilisés comme figures d’attachement
par les jeunes adultes.
La notion de «  base de sécurité  » permet de comprendre le rôle des
parents pour favoriser l’autonomie. À l’adolescence, il est essentiel que le
système d’exploration soit hautement activé pour permettre que le sujet
développe ses compétences physiques, intellectuelles et sociales et pour
qu’il puisse nouer de nouvelles relations. La construction de l’autonomie
de ­l’adolescent repose sur l’exploration, qui n’est optimale que si le système
d’attachement n’est pas trop activé, c’est-à-dire dans le contexte d’une rela-
tion proche toujours avec ses parents lorsqu’il la demande. Mais la ­pression
vers l’autonomie est telle que les risques qu’attachement et exploration
entrent en conflit sont beaucoup plus grands. Pour faire face à ces ten-
sions, les nouvelles capacités cognitives de l’adolescent vont jouer un rôle
important. Réciproquement, l’autonomisation influence les capacités de
l’adolescent à réévaluer et réaménager ses relations d’attachement avec ses
parents. La distance créée par le mouvement d’autonomisation joue un rôle
au moins aussi important que le développement des capacités cognitives
pour permettre de repenser les relations d’attachement. Mary Main propose
142 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

la notion d’« espace épistémique » pour qualifier cette liberté cognitive et


émotionnelle donnée par l’autonomie (Main et al., 2003). Réciproquement,
la réévaluation des relations d’attachement avec les parents peut permettre
de surmonter certaines des difficultés dans les relations avec eux et donc de
développer l’autonomie. Un cercle vertueux apparaît donc le plus souvent
dans le développement normal.

Création de nouvelles relations d’attachement


Relations avec les pairs
Les relations avec les pairs pendant l’enfance ne sont pas des relations
d’attachement, elles relèvent essentiellement du système affiliatif (voir cha-
pitre 4). C’est à partir de l’adolescence que certaines relations avec les pairs
vont jouer un rôle du point de vue de l’attachement.
Les études montrent que les adolescents se sentent de plus en plus soute-
nus par leurs amis pendant cette période. Ce soutien est même parfois perçu
comme plus important que celui des parents. Certaines amitiés à l’adoles-
cence se caractérisent par la loyauté, l’intimité, la confiance, ce qui corres-
pond à des aspects caractéristiques des relations d’attachement.
Les pairs peuvent procurer un sentiment de sécurité dans les moments
de besoin et aider à réguler la détresse dans les situations suscitant l’alarme
ou la peur. La recherche de proximité et la détresse lors de la séparation
peuvent être orientées vers des pairs.
Mais les relations avec les pairs n’ont pas la même intensité que les
relations d’attachement avec les parents. Sans doute est-ce lié au fait qu’il
devient rare à l’adolescence de faire appel à un proche dans des situations
de menace physique vitale ou de désorganisation émotionnelle. C’est pour
des besoins d’attachement plus subtils, moins urgents, que le recours à un
pair est utilisé. Les relations amicales sont aussi moins durables, elles sont
marquées à l’adolescence par une certaine instabilité. Ainsworth (1989) sug-
gérait que certaines amitiés comportent une « composante d’attachement »
et que certaines, mais pas toutes, deviennent des liens affectifs durables.
C’est à la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte que des relations
à long terme se mettent en place dans lesquelles les pairs deviennent des
figures d’attachement stables.
Si les relations avec les pairs ne sont pas de relations d’attachement au
sens plein, elles jouent néanmoins un rôle important dans le développe-
ment du système comportemental d’attachement à l’adolescence (Scharf
et Mayseless,  2007). L’utilisation des pairs comme figures d’attachement
dans les situations d’activation modérée du système d’attachement permet
d’éviter le recours aux parents. Les pairs permettent de se distancier et de
diminuer l’investissement de la relation avec les parents, afin de trouver
une autre voie de régulation interpersonnelle des sentiments de détresse. De
Attachement et adolescence 143

plus, l’expérience de certaines fonctions de l’attachement dans les relations


avec les pairs ouvre la voie à l’apprentissage de relations d’attachement plus
réciproques, où chacune des parties offre et reçoit soutien et protection.
Ces relations réciproques seront essentielles dans les relations de couple et
leur pratique à l’adolescence favorise donc le développement des relations
d’attachement qui prévaudront chez l’adulte. Les relations avec les pairs
peuvent donc être considérées comme un espace d’entraînement pour éta-
blir ensuite des relations d’attachement équilibrées à l’âge adulte.
Enfin, le développement de relations d’attachement avec les pairs permet
de tisser un véritable réseau relationnel qui lui donnera une plus grande
souplesse pour faire face aux situations de stress (Scharf et Mayseless, 2007).
Au lieu d’un investissement centralisé caractéristique de la relation d’atta-
chement pendant l’enfance, les investissements des adolescents sont plus
larges, tournés vers différentes figures pour satisfaire les besoins d’attache-
ment.
Cette tendance à la diversification peut prendre d’autres aspects
importants que les relations avec les pairs. Elle peut expliquer l’affilia-
tion de certains adolescents à un groupe, une bande, ou la mise en place
de relations d’attachement avec d’autres adultes que les parents : ­mentors,
entraîneurs, professeurs, etc. Ces relations diffèrent des relations d’atta-
chement par le moindre degré d’implication qu’elles comportent, mais
ont des «  fonctions d’attachement  », en particulier dans la régulation
des émotions négatives ou comme base de sécurité. Les relations dis-
tantes ou symboliques avec des figures idéales peuvent également servir
cette fonction de diversification de l’investissement émotionnel.
Pour résumer, la distance qui se met en place dans les relations d’attache-
ment avec les parents à l’adolescence ne conduit pas à leur remplacement
par les pairs. C’est bien plus à une diversification des moyens d’assurer
un sentiment de sécurité que l’on assiste à l’adolescence, et les relations
avec les pairs jouent, de ce point de vue, un rôle essentiel (Scharf et
Mayseless, 2007).

Relations amoureuses
L’un des aspects les plus importants des relations avec les pairs à l’adoles-
cence est représenté par les relations amoureuses. Ces relations ne relèvent
pas uniquement de l’attachement  ; il est évident que le système sexuel
en est une composante essentielle. Ce système émerge au début de l’ado-
lescence, en lien avec les changements hormonaux et il est tout aussi
biologiquement ancré que le système d’attachement ; il a comme lui un rôle
essentiel dans la survie de l’espèce. Le système d’attachement et le système
sexuel poussent tous les deux à l’établissement de relations amoureuses
(Allen et al., 2008). La composante sexuelle de ces relations représente sans
aucun doute un facteur déterminant dans la création d’un nouveau lien
144 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

d’attachement, puisqu’elle apporte une motivation importante pour entrer


en relation, suscite des affects intenses, amène une grande intimité, phy-
sique et psychique, et permet ainsi une expérience unique partagée. Il est
vraisemblable que les expériences d’attachement antérieures, et les modes
d’organisation des pensées et des émotions en rapport avec l’attachement,
vont de leur côté modeler ces relations.
Dans les pays occidentaux et industrialisés, les relations amoureuses
­changent considérablement au cours de l’adolescence en termes de fré-
quence, d’importance et de qualité. Au début de l’adolescence, ce sont
d’abord la recherche d’un statut, l’expérimentation sexuelle, le divertis-
sement qui priment, traduisant surtout l’activation des systèmes affiliatif
et sexuel. À la fin de l’adolescence et au début de l’âge adulte, les systèmes
d’attachement et de caregiving deviennent prédominants. Pour Ainsworth
(1989), «  les changements hormonaux, neurophysiologiques, cognitifs
conduisent le jeune à commencer à chercher un partenariat avec un pair du
même âge, habituellement du sexe opposé — une relation dans laquelle les
systèmes de reproduction et de caregiving, ainsi que le système d’attachement,
sont impliqués ». Hazan et Zeifman (1994) ont décrit un transfert progressif
des différentes fonctions de l’attachement des parents aux pairs et finale-
ment à un partenaire amoureux. Mais cette vision paraît trop réductrice. La
trajectoire développementale normative comporte en fait deux processus
majeurs : la diminution de l’importance des relations attachement pour la
survie de l’individu, et la diversification des relations d’attachement. Elle
est manifeste dans l’augmentation du nombre de figures d’attachement, le
plus faible niveau de centralité accordé à chaque figure, et la spécialisation
de différentes figures en fonction des situations ou des conditions (Scharf et
Mayseless, 2007). Ainsi, les besoins d’attachement peuvent être tournés vers
plusieurs personnes qui se différencient d’un point de vue qualitatif, elles
sont sollicitées dans des contextes différents (douleur physique, détresse
psychologique…) ou pour des fonctions différentes (base sécure, havre de
sécurité…) et, d’un point de vue quantitatif, certaines seront recherchées
pour de bas niveaux d’activation du système, tandis que d’autres permet-
tront d’apaiser les détresses les plus intenses.

Influence des modèles internes opérants


sur le processus d’adolescence
Généralités
Les modèles internes issus des expériences précoces, qui se complexifient
et se consolident tout au long de l’enfance, vont influencer le déroulement
du processus d’adolescence. Au cours du processus d’autonomisation, les
situations susceptibles de générer un sentiment d’insécurité se multiplient.
Attachement et adolescence 145

L’humeur instable, les relations changeantes, les tensions, l’indépen-


dance émotionnelle croissante vis-à-vis des parents peuvent se conjuguer
pour entretenir une activation chronique du système d’attachement. Les
­stratégies d’attachement que l’adolescent met alors en place vont jouer un
rôle déterminant dans son développement. Les MIO incluent des attentes
concernant le soi et les autres dans les relations proches, et jouent un rôle
dans les compétences sociales et la régulation individuelle des émotions.
La cohérence du discours et de la pensée à propos des expériences et des
affects, caractéristiques de l’adolescent sécure, permet qu’ils soient traités
dans les relations avec les pairs, et au-delà dans les relations sociales d’une
manière souple et cohérente (Allen et al., 2008). Au contraire, l’exclusion
défensive des informations concernant l’attachement qui caractérise les
organisations insécures peut entraîner une distorsion des échanges et des
expériences négatives avec les autres.

Adolescents sécures
Un adolescent sécure dispose de ressources optimales pour faire face aux
multiples changements de cette période.
Il existe une relation entre la sensibilité des parents et la sécurité de l’atta-
chement de l’adolescent (Allen et al., 2003). Mais si la sensibilité des parents
favorise la sécurité, réciproquement les adolescents sécures permettent à
leurs parents d’être plus sensibles parce qu’ils communiquent plus facile-
ment sur leurs états émotionnels.
La sécurité de l’attachement est associée à un équilibre entre autonomie
et maintien de la qualité des échanges avec les parents (Allen et al., 2003).
Elle est positivement corrélée avec la désidéalisation de la mère, le soutien
et l’accordage avec elle. Les adolescents sécures (Kobak et al., 1993), sont
capables de discuter de manière plus constructive de sujets difficiles, en
rapport avec l’attachement, avec leurs parents. Ils évitent moins de s’enga-
ger dans le conflit et montrent moins de colères dysfonctionnelles. Ce qui
est caractéristique est qu’ils tempèrent les moments conflictuels par des
comportements qui visent à maintenir et à préserver la relation avec leurs
parents.
Une étude longitudinale (Becker-Stoll et Fremmer-Bombik, 1997, cité in
Allen,  2008) a montré que la sécurité de l’attachement évaluée à un an
dans la Situation étrange est plus prédictive à l’adolescence de la qualité
de l’interaction avec la mère que de l’état d’esprit évalué avec l’AAI. La
sécurité de la relation parents-adolescent est distincte de la sécurité de l’état
d’esprit de l’adolescent et ces deux aspects doivent probablement être pris
en compte pour évaluer la sécurité de l’attachement à l’adolescence.
Les relations avec les pairs des adolescents sécures se caractérisent égale-
ment par leurs aspects positifs : aisance vis-à-vis de l’intimité émotionnelle,
capacité de régulation des émotions lors des conflits (Zimmermann, 2004).
146 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Les interactions avec leurs partenaires amoureux sont le plus souvent


positives. En ce qui concerne le comportement sexuel, ils attendent
souvent  un âge plus avancé que les adolescents insécures pour avoir leurs
premières relations sexuelles, ils ont un moins grand nombre de partenaires
et ont plus souvent recours à la contraception (Moore, 1997).
Du point de vue de leur entourage extrafamilial (amis, professeurs…),
les adolescents sécures apparaissent plus forts psychologiquement (« ego-
résilients  »), moins anxieux et moins hostiles que les insécures (Larose
et al., 2005).
La sécurité de l’attachement a été reliée à des compétences sociales plus
larges : intégration dans leur groupe, acceptation sociale (« populaires »),
réseau amical (Allen et al., 1998).

Adolescents insécures
Les adolescents insécures, et surtout les préoccupés, sont plus en difficulté
pour affronter l’adolescence (Scharf et Mayseless, 2007). Ils ont plus de mal
à communiquer sur leurs émotions avec leurs parents, que ce soit de leur
fait ou du fait du manque de sensibilité de leurs parents.
Les adolescents préoccupés sont le plus souvent empêtrés dans des
conflits avec leurs parents qui sapent leur autonomie. Ils ont plus de dif-
ficultés à quitter la maison pour l’université (Bernier et al., 2005). La cris-
pation des interactions familiales peut retentir sur le degré de sécurité de
l’attachement. Dans les relations avec les pairs, les adolescents préoccupés
apparaissent peu sûrs d’eux, anxieux.
Les adolescents détachés sont ceux qui montrent le moins d’autonomie
mais aussi de connexion dans l’interaction avec leurs parents. On peut pen-
ser qu’un retrait vis-à-vis des expériences d’attachement peut notablement
altérer le processus de renégociation des relations avec les parents. De plus,
les familles d’adolescents détachés ont tendance à être moins réactives à
leurs adolescents que les familles d’adolescents préoccupées.
Dans les relations avec les pairs, le malaise par rapport aux affects entraîne
leur mise à distance, particulièrement de ceux qui pourraient devenir des
amis proches (Kobak et Sceery, 1988). Ce sont l’hostilité et le manque de
compétence sociale qui dominent dans l’image qu’ils donnent à des tiers,
beaucoup plus que l’anxiété (Kobak et Sceery, 1988).
Enfin, dans l’étude de Moore (1997), les adolescents ayant des stratégies
détachées étaient ceux qui avaient les relations sexuelles les plus précoces.

Continuité de l’attachement à l’adolescence


Les données évoquées jusqu’ici montrent que les stratégies d’attache-
ment à l’adolescence sont modifiées par le processus de l’adolescence, et
que ce processus est lui-même dépendant des modalités d’attachement.
Attachement et adolescence 147

Toutefois, un certain nombre de questions restent ouvertes sur ce


qu’est l’attachement à l’adolescence : quel est le lien entre l’organisation de
l’attachement chez l’adolescent et l’attachement à d’autres moments
de la vie, en particulier l’enfance  ? comment et pourquoi existerait-
il une relation longitudinale  ? que devient le système d’attachement à
l’adolescence ?
De l’enfance à l’adolescence, ou de la Situation étrange à l’AAI, la conti-
nuité entre les mesures chez le même sujet est faible. Elle apparaît plus
clairement lorsque l’environnement est stable (Weinfield et  al.,  2004).
Par ailleurs, les corrélations entre l’état d’esprit de l’adolescent et celui
de sa mère sont beaucoup plus faibles que celles qui existent entre le
comportement de l’enfant dans la Situation étrange et la sécurité de
sa mère à l’AAI (Allen et al., 2004). Ces résultats ne peuvent être expli-
qués par l’instabilité de l’attachement pendant la période de l’adoles-
cence elle-même. En effet, différents travaux ont montré que la stabilité
test-retest était forte (Ammaniti et  al.,  2000). On peut donc conclure
que l’attachement, tout en étant stable pendant l’adolescence, reste très
sensible à l’environnement psychosocial. La première interprétation de
ces observations est que la stabilité observée pendant l’adolescence ne
fait que refléter la stabilité des stratégies d’attachement des parents et
qu’il n’existe pas de véritable stabilité interne de l’attachement (Belsky
et Fearon, 2002). La seconde interprétation (Allen et al., 2008) est que les
mesures ne portent pas sur la même chose. La Situation étrange permet
l’évaluation d’une relation. L’AAI, même adapté à l’adolescent, évalue un
état interne, un « état d’esprit ». On est à deux niveaux d’analyse radicale-
ment différents : l’un intrapsychique, l’autre dyadique ou relationnel. De
plus, l’AAI permet de prévoir si un caregiver aura un enfant sécure ou insé-
cure. Il est évident que les systèmes d’attachement et de caregiving sont
intrinsèquement liés, mais ils ne sont pas isomorphiques : bien que les
attentes concernant la satisfaction de ses besoins d’attachement soient
liées à la capacité de satisfaire les besoins d’attachement de quelqu’un
d’autre, les deux ne sont pas équivalents. La distinction va émerger à
l’adolescence, lorsque le sujet passe d’une position dans laquelle il reçoit
de l’attention à une position où il offre aussi attention et réconfort. L’AAI
pourrait donc être plus fortement lié au fonctionnement de l’adolescent
avec des pairs qu’avec les relations avec les parents, parce qu’il mesure
mieux les capacités à satisfaire les besoins d’attachement de l’autre, qui
jouent un rôle dans les relations avec les pairs et non dans les relations
avec les parents. Il pourrait donc être plus approprié de considérer que
le système d’attachement s’étend et évolue sous des formes multiples
à l’adolescence, allant de fonctions d’attachement apparaissant tem-
porairement dans des relations transitoires à une variété complexe de
relations à long terme (Allen et al., 2008).
148 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Conclusion
L’étude de l’attachement chez l’adolescent en est à son tout début. Elle
donne une nouvelle signification aux nouvelles tâches du développement
que doit surmonter l’adolescent et revisite le dilemme attachement/­
éloignement.

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14 Attachement
chez l’adulte :
l’Adult Attachment
Interview et l’approche
développementale

S. Tereno, F. Atger

En cherchant à comprendre ce qui, du côté des parents, avait une influence


sur l’interaction observée dans la Situation étrange (SSP), l’équipe de
Mary Main a permis que les travaux sur l’attachement passent du niveau
du comportement observé à celui des représentations. Avec Carol George
et Nancy Kaplan, elle a eu l’idée d’interroger les parents de la Berkeley’s
­attachment study sur leurs souvenirs d’enfance. Ce travail a permis de mettre
en évidence que le contenu de ces souvenirs n’était pas spécifique mais que
la forme du discours, certains patterns narratifs, étaient caractéristiques, pour
certains, des parents d’enfants évitants, pour d’autres, des parents d’enfants
ambivalents. C’est à partir de ce travail que les auteurs ont développé un
instrument de recherche : l’Adult Attachment Interview (AAI ; George, Kaplan
et Main, 1984, 1985, 1996).
Nous présentons dans ce chapitre les conceptualisations théoriques
qui ont présidé à la création de l’outil, son utilisation et ses modalités de
cotation, le concept de sécurité acquise et enfin les utilisations cliniques
possibles.

Concepts théoriques
La notion de sécurité pour Mary Main
D’un point de vue représentationnel, Main et al. (1985) définissent la sécu-
rité comme la capacité du sujet à avoir accès à l’information pertinente du
point de vue de l’attachement et la possibilité d’intégrer ses expériences
personnelles de façon cohérente, en termes d’aspects positifs et négatifs et
en termes de dimensions émotionnelle et cognitive. L’insécurité est définie
par l’absence d’une telle capacité d’intégration, qui peut être relevée au
cours de l’entretien à différents niveaux :

L’attachement : approche théorique


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152 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

• par des contradictions entre les épisodes décrits et les évaluations ou les
opinions à propos des relations en général avec les parents ;
• par des fluctuations répétées entre deux points de vue positifs et néga-
tifs ;
• par un dénigrement extrême des parents sans justification valable ;
• par le refus ou l’incapacité à rester sur le sujet sur lequel porte l’entretien.
Un examen attentif et complet du texte de l’entretien a permis de mettre
en évidence quatre patterns de réponse reflétant les différences individuelles
chez l’adulte dans les représentations d’attachement.

L’intégration des mémoires :


cohérence et attachement
La capacité à intégrer les différents éléments du fonctionnement mental,
incluant les souvenirs autobiographiques et la communication sociale,
peut être considérée comme un processus fondamental pour la sécurité de
l’attachement (Siegel, 2001). Malgré le fait que de nombreux adultes ont
avec chacune de leur figure attachement, des expériences qui sont diffé-
rentes, une classification unique de l’état d’esprit général vis-à-vis de l’atta-
chement peut être identifiée dans les transcriptions verbatim de l’entretien
(Main, et Goldwyn, 1998). Le terme de « représentation mentale vis-à-vis
de l’attachement » se réfère à un état mental d’organisation du soi, tem-
porairement stable (Main, 1995 ; Benoit et al., 1992 ; Crowell et al., 1992 ;
Greenberg et  al.,  1997). Il se réfère à un état transitoire, mais il est une
caractéristique de définition du self, ou trait, formée à partir d’expériences
répétées avec la figure d’attachement (Siegel, 2001).

Activation des représentations


par le contexte attachement-pertinent
En dirigeant l’attention du sujet sur des sujets qui font appel aux souvenirs
et à l’évaluation de leurs relations avec les figures d’attachement, l’entretien
permet l’activation du système d’attachement. En activant ce système,
l’entretien est une opportunité privilégiée d’étudier comment le sujet réa-
git aux questions à propos de l’attachement ; ceci permet, simultanément,
d’examiner la façon dont il intègre ses propres souvenirs en rapport avec
les expériences d’attachement. L’AAI vise à évaluer la sécurité des modèles
internes opérants (MIO) d’attachement, qui se manifeste comme on l’a vu
plus haut, dans l’accès du sujet aux souvenirs et la capacité d’intégrer les
aspects positifs et négatifs de ces expériences relationnelles dans un tout
cohérent. L’insécurité se manifeste par l’absence de cette capacité d’intégra-
tion ; elle se reflète dans les incohérences et les restrictions de l’attention, de
la mémoire et de la narration, à propos des expériences centrées sur l’atta-
chement du sujet.
Attachement chez l’adulte... 153

Présentation de l’outil
L’AAI est un entretien semi-structuré destiné aux adultes. Il comporte vingt
questions qui portent sur l’état d’esprit actuel vis-à-vis des expériences
d’attachement de la personne interrogée, ainsi que sur les effets et les
influences de ces expériences sur la personnalité et les relations de l’adulte.
Même si cet adulte est principalement invité à parler de son enfance, l’outil
ne vise pas à évaluer rétrospectivement l’attachement de cette personne
lorsqu’elle était enfant, mais bien son état d’esprit actuel.
Tout d’abord, le sujet est interrogé sur sa relation avec chacun de ses
parents. Il lui est demandé de donner cinq adjectifs décrivant sa relation
avec chacun d’entre eux, puis de trouver un souvenir illustrant chacun des
qualificatifs. Ces questions concernant les souvenirs permettent d’explorer
la cohérence entre mémoire sémantique (telle qu’elle apparaît à travers les
adjectifs) et mémoire épisodique (les souvenirs) et jouent un rôle crucial
dans l’analyse du discours. La sollicitation de souvenirs revient sous diffé-
rentes formes tout au long de l’entretien. La seconde et la troisième partie
de l’AAI s’intéressent aux expériences de séparation, aux éventuels abus
ou aux rejets que le sujet aurait subis ainsi qu’aux expériences de deuil. Il
est invité ensuite à réfléchir sur l’évolution de ses relations avec ses figures
d’attachement. On lui demande enfin d’explorer les expériences qu’il a avec
ses propres enfants (Main, 1991).
L’entretien a été décrit comme une tentative de surprendre l’inconscient
(George et al., 1985). Son format offre de larges opportunités au narrateur
de se contredire, de ne pas étayer ce qu’il a dit juste auparavant ou un
peu plus tard, dans ses propos. Le codage est fondé sur l’évaluation de la
cohérence de la transcription et sur d’autres aspects de la « représentation
mentale » actuelle, et non sur l’évocation rétrospective d’événements de vie
(Main, 1991).
Initialement, les auteurs ont conçu trois catégories correspondant à celles
de la SSP. Aux enfants classés « évitants » correspondent des figures paren-
tales à l’état d’esprit « détaché » ; aux enfants classés « insécures-ambivalents/­
résistants » correspondent des figures parentales « préoccupées » ; aux enfants
« sécures » des figures parentales « libres/autonomes ». Secondairement, un
quatrième pattern, «  désorganisé  », chez les enfants a été associé, chez les
adultes, à la catégorie « non résolu/désorganisé » en lien avec un deuil ou un
traumatisme.
La bonne concordance entre les catégories déterminées à l’AAI (parents)
et les catégories déterminées à la SSP (enfant) a été maintes fois répliquée.

Cotation
L’intégralité de l’interview est retranscrite sous forme de verbatim pour
permettre la cotation. Celle-ci se fera sur le texte sans prendre en compte
154 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

les autres modalités d’expression verbales comme le ton, la prosodie ou les


mimiques. L’analyse du discours porte essentiellement sur sa forme, sa struc-
ture et non sur son contenu. La cohérence du discours est examinée et, plus
particulièrement, celle entre les adjectifs donnés pour chacun des parents
(explorant la mémoire sémantique) et les exemples fournis pour les illustrer
(explorant la mémoire épisodique).
Pour arriver à la classification, différentes échelles doivent être cotées,
qui sont de deux types  : les échelles évaluant les expériences du sujet
avec chacun de ses parents (amour, rejet, négligence, inversion de rôle-­
surimplication et pression à la réussite) ; les échelles évaluant l’état d’esprit
actuel (idéalisation, dénigrement, colère, passivité des processus de pen-
sée, métacognition, peur de perdre son enfant, deuils ou traumatisme non
résolu, cohérence du discours et cohérence de la pensée).

Les états d’esprit quant à l’attachement


L’AAI permet ainsi de déterminer trois catégories d’état d’esprit actuel orga-
nisées vis-à-vis de l’attachement : autonome/sécure, détaché et préoccupé.
Secondairement et plus récemment, deux catégories non organisées ont été
individualisées : « non résolu/désorganisée » et celle « ne pouvant être clas-
sifiée ».
Les sujets ayant un état d’esprit actuel «  libre/autonome  » (catégorie F,
comme Free en anglais, qui signifie « libre ») vis-à-vis de l’attachement font
un récit cohérent de leurs expériences passées et de leur enfance, qu’elles
aient été difficiles ou non. Ils ont la possibilité d’explorer librement leurs
pensées concernant leurs figures d’attachement sans se laisser déborder par
les émotions liées à leurs souvenirs. Les relations affectives, familiales ou
amicales sont valorisées sans que le sujet en soit complètement dépendant.
Ces personnes donnent l’impression d’avoir une personnalité propre.
Le récit des sujets ayant un état d’esprit actuel « détaché » (catégorie Ds,
comme Dismissive en anglais, qui signifie « détaché ») évite l’évocation des
expériences en rapport avec l’attachement. Ils insistent sur leur incapacité à
se souvenir de leur enfance et leur peu de souvenirs. L’entretien est marqué
par une incohérence entre les adjectifs très positifs décrivant les parents et
l’impossibilité d’illustrer cette description par des souvenirs précis. Au fil
de l’entretien, certains épisodes peuvent contredire la description générale
très positive de leur enfance. De plus, les sujets ayant un état d’esprit actuel
détaché ne peuvent percevoir l’influence de leurs expériences sur le déve-
loppement de leur personnalité.
Les sujets ayant un état d’esprit actuel « préoccupé » (catégorie E, comme
Enmeshed en anglais, qui signifie « emmêlé ») font un récit de leur passé très
fourni sans parvenir à se focaliser sur les questions de l’entretien et leur récit
devient souvent digressif. Leurs pensées semblent complètement prises
par leurs expériences passées et dans leurs relations avec leurs parents. Les
Attachement chez l’adulte... 155

émotions liées à leurs souvenirs semblent les déborder. Ils peuvent mon-
trer un sentiment de colère encore actuel et mal contenu vis-à-vis de leurs
parents ou osciller entre des positions diamétralement opposées concernant
l’appréciation de leurs relations avec leurs parents.
La catégorie «  non résolu/désorganisé  » (U/d, Unresolved/disorganized) a
été individualisée plus tardivement, elle regroupe les sujets dont le discours
se désorganise dans sa forme ou dans son contenu lorsque sont évoquées
des expériences traumatiques (perte, séparation, abus). Pour cette catégorie,
le cotateur devra en premier lieu chercher à déterminer s’il y a eu abus
ou non (psychique, physique ou sexuel) avant de mesurer l’intensité de
celui-ci, permettant d’aboutir à la classification finale. Cette catégorie peut
compléter une classification dans les catégories F, Ds ou E.
Enfin, certains narratifs sont considérés comme «  non classifiables  »
quand la transcription montre des patterns distincts d’état d’esprit ou
d’autres signes majeurs d’incohérence qui ne permettent pas de repérer une
stratégie organisée (Hesse et Main, 1999).

Discussion à propos de l’analyse


dimensionnelle versus catégorielle
Les variations individuelles observées à l’AAI correspondent-elles à des dimen-
sions ou à des catégories ? Pour les concepteurs de l’AAI, la réponse est claire :
les différences observées entre les individus correspondent à des catégories
véritables ou naturelles, à savoir les catégories sécure, détaché, préoccupé et
non résolu. Pour eux, les échelles d’état d’esprit et les dimensions qu’elles
mesurent ne sont qu’un outil, qu’une étape, au service du but ultime qui est
la classification de la stratégie du discours en catégories. Toutefois, un certain
nombre d’auteurs considèrent que les études, chez l’enfant et chez l’adulte, sur
les relations de couple ont montré que la variation qui sous-tend les mesures
de l’attachement est distribuée de façon dimensionnelle et non catégorielle
(Fraley et Roisman, 2014).
Il est vrai qu’un modèle dimensionnel est compatible avec certains aspects
de la conception de l’analyse catégorielle classique de l’AAI : la cohérence
du discours est en effet étroitement liée à la sécurité, et on peut considérer
que la cohérence est une variable dimensionnelle. Dans le modèle original
d’analyse, la sécurité et la cohérence peuvent être considérées comme des
dimensions, l’une reflétant l’autre. Mais cette dimension, si elle permet de
différencier sécures et insécures, ne permet pas de distinguer entre détachés
et préoccupés, qui, par ailleurs, ne semblent pas compatibles.
D’où l’idée de soumettre les échelles d’état d’esprit à une analyse taxomé-
trique pour tenter de mettre en évidence une structure latente dimension-
nelle des variations observées. Fraley et Roisman (2014), très récemment,
confirment sur un échantillon important que la distinction initiale entre
156 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

états d’esprit sécures et détachés dans le système de codage de Main et


Goldwyn est plus compatible avec un modèle sous-jacent dimensionnel
que catégoriel. Autrement dit, un score élevé aux principales échelles d’état
d’esprit détaché (idéalisation, manque de souvenirs) indique un score
bas des échelles portant sur la sécurité (principalement la cohérence), et
réciproquement. Ce n’est pas le cas en ce qui concerne la distinction entre
sécure et préoccupé pour laquelle les analyses statistiques ne permettent pas
de trancher entre modèle catégoriel et modèle dimensionnel. Ces travaux
ne doivent pas inciter à choisir entre modèle catégoriel et dimensionnel
pour la recherche. Il paraît au contraire souhaitable de continuer à travailler
en utilisant ces deux modèles pour pouvoir utiliser de façon optimale les
résultats recueillis avec l’AAI.

Limites, précautions d’emploi


L’AAI est d’une grande richesse mais est très coûteux en temps. Chaque
entretien nécessite au moins une heure de passation puis le temps de
transcription (plusieurs heures) puis quatre à cinq heures de cotation par
transcription. De plus, cette technique nécessite une formation de deux
semaines auprès de M. Main ou de ses collaborateurs, qui se poursuit par la
cotation d’entretiens pendant au moins un an et demi afin d’obtenir une
bonne fidélité interjuges.
La stabilité de la mesure faite avec l’AAI a été explorée lors d’études
test-retest à deux mois (Bakermans-Kranenburg et Van IJzendoorn, 1993),
trois mois (Sagi et al., 1994), à dix-huit mois (Crowell et al., 1996) et à
quatre ans (Ammaniti et  al.,  2000). Tout en vérifiant la bonne fidélité
interjuges, ces études retrouvent une stabilité variant de 70  % à 90  %
entre les trois catégories. La catégorie non résolu/désorganisé, la moins
stable, n’est pas prise en compte dans ces études. Cet outil serait exempt
d’un biais de désirabilité sociale et peu lié au niveau socio-économique.
Il a été construit à partir d’échantillons de parents américains de niveau
socio-économique élevé et à bas risques psychosociaux, ce qui en limite
la généralisation.

Études sur l’Adult Attachment Interview :


distribution des différents états d’esprit
Une première méta-analyse de Van IJzendoorn et Bakermans-Kranenburg
(1996), à partir de l’analyse de trente-trois études utilisant l’AAI, a
trouvé :
• échantillons non cliniques :
– 58 % des mères (n = 584) sont sécures/autonomes, 24 % détachées et
18 % préoccupées ; lorsqu’on inclut la catégorie « non résolus » (n = 487),
Attachement chez l’adulte... 157

55 % sont autonomes, 16 % détachées, 9 % préoccupées and 19 % non
résolus ;
– 62 % des pères (n = 286) sont sécures/autonomes, 22 % détachés et 16 %
préoccupés  ; si l’on considère les quatre catégories, il y a 57  % de pères
autonomes, 15 % de détachés, 11 % de préoccupés et 17 % de non résolus ;
• échantillons non cliniques d’adolescents et de jeunes adultes sans enfants
(n = 277 et n = 225) : 56 % des sujets étaient classés sécures/autonomes,
27 % détachés et 17 % préoccupés ; si l’on considère les quatre catégories,
48  % étaient classés sécures/autonomes, 21  % détachés, 12  % comme
préoccupées et 20 % non résolus ;
• échantillons de bas niveau socio-économique : 48 % des mères (n = 411) sont
sécures/autonomes, 33 % détachées et 18 % préoccupées ; si l’on considère
les quatre catégories (n = 350), 39 % on une organisation sécure/autonome,
25 % détachée, 8 % préoccupées et 28 % sont non résolues ;
• échantillons cliniques, comportant des gens jeunes et des adultes souffrant de
troubles psychologiques (n = 411) : une surreprésentation statistiquement très
significative d’organisation insécures était observée (D et E). Une surrepré-
sentation de classifications U et E quand on prenait en compte les quatre
organisations (n = 165) a aussi été trouvée ;
• échantillons comprenant des parents dont les enfants présentaient des troubles
psychologiques : 14 % des parents étaient sécures/autonomes, 41 % détachés
et 45 % préoccupés ;
• échantillons de parents dont les enfants sont hospitalisés pour une maladie
somatique sévère ou chronique : ils ne différaient pas des échantillons contrôles,
suggérant que l’insécurité des parents est associée seulement aux troubles
émotionnels et comportementaux de leurs enfants et non avec leurs pro-
blèmes somatiques.
Dans une méta-analyse plus récente de plus des trente études ayant
utilisé l’AAI depuis vingt-cinq ans, Bakermans-Kranenburg et Van
IJzendoorn (2009) rapportent sur un échantillon de 748 mères issues
de population non clinique la distribution suivante  : 23  % de déta-
chées, 58 % de sécures, 19 % de préoccupées ; quand les quatre catégo-
ries sont considérées, cette distribution évolue en 16  % de détachées,
56 % de sécures, 9 % de préoccupées et 18 % de non résolu ou de non
classifiables (sur 700 sujets). La grande majorité des sujets non résolus
faisaient partie du groupe de « préoccupés ». Chez 482 pères, eux aussi
issus de populations non cliniques de treize études, les distributions
deviennent respectivement : 58 % de sécures, 28 % de détachés, 15 %
de préoccupés ; si quatre catégories sont considérées, 50 % de sécures,
24 % de détachés, 11 % de préoccupés et 15 % de non résolu ou de non
classifiables. Seule la distribution à quatre catégories montre une dif-
férence significative entre les hommes et les femmes, avec plus d’état
d’esprit détaché chez les pères.
158 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Systèmes de cotation de l’Adult


Attachment Interview
L’analyse de l’entretien permettant de déterminer l’état d’esprit vis-à-vis
de l’attachement peut se faire selon deux méthodes principales : celle des
concepteurs de l’entretien Main et Goldwin (1984, 1998), et celle de Kobak
(1993), qui est fondée sur un codage par des échelles de la méthode de Main
et Goldwin.

La méthode de Mary Main


L’intégralité de l’interview est retranscrite verbatim pour permettre la cota-
tion. Celle-ci se fera uniquement sur le texte sans prendre en compte les
autres modalités d’expression comme le ton, la prosodie ou les mimiques.
L’analyse du discours porte essentiellement sur sa forme, sa structure et
non sur son contenu. La cohérence du discours est examinée et, plus
particulièrement, celle entre les adjectifs donnés pour chacun des parents
(explorant la mémoire sémantique) et les exemples fournis pour les illus-
trer (explorant la mémoire épisodique).
Pour arriver à classer un transcript dans une des trois catégories, l’analyse
repose sur deux méthodes qui sont appliquées successivement. D’abord
la méthode dite «  bottom-up  » qui consiste à utiliser différentes échelles
construites par Main et  al. permettant de faire une première évaluation.
Ces échelles sont de deux types : les échelles évaluant les « expériences »
du sujet avec chacun de ses parents et les échelles évaluant « l’état d’esprit
actuel » vis-à-vis de l’attachement. Il y a cinq échelles qui portent sur les
expériences avec les parents  : amour, rejet, négligence, inversion des rôles/
surimplication et pression pour la réussite. Les échelles évaluant l’état d’esprit
actuel sont au nombre de neuf : idéalisation des parents, dénigrement, manque
de souvenir, peur de la perte, colère, passivité des processus de pensée, cohérence
du discours, cohérence de la pensée et monitoring métacognitif. La cotation des
échelles d’expériences ne vise en aucun cas une évaluation objective
des expériences réelles du sujet. Elle sert essentiellement à préparer la cota-
tion des échelles d’état d’esprit, éventuellement à repérer dès ce stade des
incohérences du récit. Ce sont en effet les échelles d’état d’esprit qui vont
permettre d’aboutir à une première catégorisation. Ainsi, un état d’esprit
« détaché » est reflété par des scores élevés aux échelles d’état d’esprit qui
portent sur l’idéalisation des parents, le dénigrement (des parents et/ou des
relations d’attachement), le manque de souvenir (en fait, plutôt une difficulté
à avoir accès aux souvenirs qu’une absence de souvenirs) et, plus rarement
la peur de la perte, qui correspond a une crainte déraisonnable exprimée
par l’interviewé que son enfant (même hypothétique) ne puisse mourir.
On aura tendance à penser qu’un transcript correspond à un état d’esprit
« préoccupé » quand on retrouve des scores élevés à l’échelle évaluant la
Attachement chez l’adulte... 159

colère vis-à-vis des parents et/ou lorsque le discours est confus, erratique,
induisant un score élevé à l’échelle de passivité. Un état d’esprit sécure, dit
« libre/autonome », à l’inverse est souvent caractérisé par des scores bas sur
les échelles évoquées jusqu’ici et des scores élevés aux échelles repérant la
cohérence de l’esprit et la cohérence du transcript. Les plus sécures auront
également un score élevé à l’échelle de monitoring métacognitif qui est un
indicateur de la capacité du sujet non seulement à évoquer librement ses
souvenirs mais également à les commenter et en modifier l’appréciation
pendant le temps de l’entretien.
Dans un deuxième temps, l’analyse est réalisée selon la méthode dite
« top-down » qui consiste à utiliser une description détaillée de chacun des
trois états d’esprit en regardant dans quelle mesure le discours correspond
à ces descripteurs.
Lorsque les deux méthodes convergent, il est alors possible d’attribuer le
transcript à une catégorie.
Ce travail est ensuite complété par la cotation de l’échelle qui repère
spécifiquement les signes de désorganisation dans le discours et qui per-
met de déterminer si un transcript, qu’il soit « détaché », « préoccupé » ou
« sécure », correspond à un état d’esprit « non résolu » par rapport à une
perte ou un abus.

Le système de Lyons-Ruth et al. (2005)


Le système Hostile-Impuissant (Hostile-Helpless, HH) (Lyons-Ruth et al., 2005)
a été développé afin d’évaluer, pendant l’AAI, des perceptions de l’enfance
non intégrées, positives et négatives. Contrairement au système de Main
et Goldwyn (1984) pour le codage des états d’esprit non résolus, qui se
focalise sur les lapsus du discours ou du raisonnement pendant la discus-
sion des expériences de perte et d’abus, le HH se focalise sur la façon dont
le sujet parle, tout au long de l’entretien, de ses relations avec ses figures
d’attachement. La catégorie de l’état d’esprit HH reflète un manque d’inté-
gration globale entre les évaluations positives ou négatives les plus extrêmes,
présentes dans les dires du sujet à propos de ses expériences d’enfant. Pour
Lyons-Ruth, H ­ ennighausen et Holmes (2005), les états d’esprit HH émerge-
raient des modèles d’attachement, très mal équilibrés, construits à partir des
relations parent-enfant qui sont caractérisées par la domination-soumission.
Dans ce type d’interaction, l’enfant est soit dans une tentative de contrôler le
parent, soit dans une tentative de minimiser ses propres besoins pour guider
et prodiguer du soutien au parent. Le HH est repéré à partir d’un ensemble
d’indicateurs qui culminent dans le codage, à travers une échelle générale, de
scores de 1 à 9, qui décrit le niveau de l’état d’esprit Hostile/Impuissant. Les
sujets sont codés dans une échelle de 1 à 9 et ceux codés à plus ou égal à 5
sont considérés comme ayant un état d’esprit Hostile/Impuissant. Un accord
entre deux codeurs de bon niveau est nécessaire pour 30 % des entretiens.
160 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

La méthode Q-Sort de Rogers Kobak


Elle repose sur l’évaluation de deux dimensions  : sécurité-anxiété et
désactivation-hyperactivation, qui décrivent les stratégies émotionnelles en
lien avec la régulation des affects et les représentations de l’attachement
(Kobak,  1993). La sécurité est définie par la cohérence et la coopération,
et, le plus souvent, par la représentation d’une figure d’attachement soute-
nante, selon l’avis de l’évaluateur. La désactivation correspond aux straté-
gies des détachés et l’hyperactivation correspond aux excès de détails et à la
colère présents dans la plupart des transcriptions de sujets préoccupés. Les
deux dimensions sont orthogonales. Cette méthode permet aussi la cota-
tion d’un certain nombre de « méga-items » (ensemble d’items) similaires
à des sous-échelles en rapport avec l’attachement. Kobak (1998) a identifié
huit méga-items : mère comme base de sécurité, disponibilité de la mère ;
disponibilité du père, père dur ; rupture familiale, préoccupation, détache-
ment, cohérence.
Ce système requiert au moins deux codeurs différents qui utilisent cent
items inspirés de la classification de Main et Goldwyn des trois catégories
d’attachement. Elle consiste à classer ces cent items de manière forcée en
neuf catégories. Il existe une hiérarchie des catégories de 1 à 9 : la catégo-
rie 1 rassemble les items qui décrivent le plus mal le sujet, la catégorie 5,
médiane, regroupe les items qui ne le caractérisent ni bien ni mal, et enfin
la catégorie 9 groupe les items qui décrivent le mieux le discours du sujet. La
procédure de codage est complexe et longue. Elle se fait en quatre étapes :
• le cotateur lit entièrement le transcript au moins deux fois ;
• le cotateur, à partir de son impression générale du sujet, de sa dynamique,
écrit un paragraphe sur l’entretien décrivant les patterns de réponse du
sujet ;
• le cotateur fait un premier tri forcé des cent items en trois groupes ;
• puis, après une dernière lecture, il fait un tri plus fin en neuf catégories.
Si l’accord interjuges est bon, la moyenne des deux codages est faite. Cette
méthode est concordante dans 80 % des cas avec la méthode originale de
Main et Goldwyn. La méthode de Kobak est un peu moins longue mais elle
a l’inconvénient de ne pas permettre de déterminer si un transcript corres-
pond à un état d’esprit « non-résolu/désorganisé ».

La méthode complémentaire de Peter Fonagy :


la fonction autoréflexive
Fonagy et  al. (1991) ont développé une nouvelle échelle d’état d’esprit  :
l’échelle de fonction réflexive qui évalue les capacités de mentalisation,
c’est-à-dire les capacités d’un adulte à comprendre ses propres états
mentaux et ceux des autres. L’échelle de métacognition porte sur ces
capacités, mais uniquement telles qu’elles apparaissent dans le cours de­
Attachement chez l’adulte... 161

l’entretien. L’échelle de fonction réflexive embrasse plus largement ces


capacités puisqu’elle prend en compte tout ce qui est raconté pendant
l’entretien qui témoigne d’une attention, à un moment ou l’autre de l’his-
toire de l’interviewé, aux états mentaux, les siens et ceux des autres. Ils ont
pu montrer dans leurs travaux expérimentaux que la qualité de la fonction
réflexive du parent était encore plus corrélée à la sécurité de l’enfant dans la
Situation étrange qu’à la sécurité de l’état d’esprit du parent.

Contributions de Crittenden
Modèle dynamique maturationnel
de l’attachement
Dans son « modèle dynamique maturationnel de l’attachement », Crittenden 
(1999) met au contraire l’accent sur la non-stabilité des MIO. Son modèle
est structuré autour de deux processus, transformations cognitives et
transformations affectives, qui transforment les stimuli sensoriels externes
en information pertinente pour le sujet ; cette information est alors utilisée
pour identifier les dangers externes et s’en protéger. Dans des environne-
ments cohérents, l’information cognitive est un outil utile de prédiction des
événements, ce qui n’est pas le cas dans les environnements imprévisibles.
Les transformations affectives de l’information portent sur les sentiments
d’anxiété et de réconfort, provoqués par certains stimuli, qui surviennent
en dehors d’un apprentissage contextuel ou sans expérience préalable. En
fonction du degré de sécurité et de l’accès à la figure d’attachement, l’affect
peut être expliqué adéquatement, inhibé, falsifié ou omis dans le processus
représentationnel. Chacune des stratégies d’attachement reflète un style
particulier de traitement de l’information cognitive et affective. La stratégie
dite « A » repose sur l’information cognitive : elle omet, inhibe, distord ou
falsifie l’affect. La stratégie dite « C » est une stratégie « émotionnelle » : elle
repose sur une exagération de l’exposition émotionnelle et sur l’omission
de l’information affective. La stratégie « B » se réfère à une utilisation équili-
brée des deux sources d’information (Crittenden, 1999).
Selon Crittenden (2000, 2011), l’interaction entre maturité et expérience
se traduit par des changements dans les MIO tout au long de la vie. Théo-
riquement, seule une proposition comme celle qui vient d’être évoquée est
compatible avec un raisonnement systémique et avec les caractéristiques
des systèmes vivants, plus particulièrement avec les notions de feedback
et d’auto-organisation (Capra,  1997). Spécifiquement, les formes vivantes
existent d’une façon stable et dans un équilibre particulier. Ces états peu-
vent rester stables pendant de longues périodes, indépendamment des feed-
back négatifs extérieurs au système. Cependant, les systèmes vivants sont
auto-organisés, c’est-à-dire qu’ils tendent à s’organiser eux-mêmes d’une
162 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

façon progressivement de plus en plus complexe (Tereno, 2008). Dans une


phase précédant le changement, les systèmes deviennent de plus en plus
instables, abandonnant leur équilibre, jusqu’à ce qu’ils parviennent à un
point d’instabilité (c’est-à-dire, chaos ou désorganisation) à partir duquel ils
se réorganisent afin de parvenir à une forme d’organisation nouvelle et plus
complexe (Kozlowska et Hanney, 2002).

Cotation de l’AAI selon le système de Crittenden


La méthode du modèle dynamique maturationel s’appuie sur l’analyse
d’AAI passés dans plus de vingt pays  : cette analyse a inclus des adultes
témoins, des adultes en traitement ambulatoire, des adultes hospitalisés en
psychiatrie et des prisonniers incarcérés. Les principales catégories reflètent
la classification en trois catégories A, B, C d’Ainsworth mais elles sont éten-
dues afin d’inclure des patterns qui ne sont observés qu’après l’enfance.
Type B – Attachement équilibré
Les personnes de type B ont tendance à décrire leurs expériences infantiles
en utilisant toutes les sources d’informations :
• la cognition repose sur la prise en compte des liens temporo-causaux et
identifie de manière réaliste les relations causales complexes ;
• les affects incluent à la fois les sentiments positifs et négatifs.
On trouve dans cette catégorie les sous-catégories suivantes  : B1-2  :
Réservé ; B3 : Confortable ; B4-5 : Réactif.

Type A – Attachement détaché


Les sujets appartenant au type A trouvent des excuses à leurs parents et
dénient leurs sentiments et besoins d’attachement. Cette catégorie inclut
également différentes sous-catégories. Dans le contexte de sécurité phy-
sique, le A1-2 (Inhibé/Socialement superficiel) décrit de manière positive et
idéalisée un parent rejetant. Dans un contexte de danger, le A3-8 (Détaché)
correspond aux sujets dont les parents sont une source de danger ou ne
parviennent pas à les protéger du danger. Il existe également le sous-type
A3-4 (Caregiving compulsif/Compliant), le A5-6 (Compulsivement léger,
Libéré/Autosuffisant), le A7-8 (Idéalisation délirante/Soi assemblé extérieu-
rement) et le AC (Psychopathie).
Type C – Attachement préoccupé
Dans le contexte de soins imprévisibles, les sujets tentent d’obtenir récon-
fort et protection en forçant la figure d’attachement par l’utilisation de
manifestations exagérées de colère et de demande de réconfort dans une
alternance permanente (sous-type C1-2 : Menaçant/Désarmant). Dans un
contexte de danger, les sujets ont expérimenté des événements dangereux
dans leur enfance dont les parents ne les ont ni protégés ni réconfortés.
De tels enfants deviennent très anxieux et font des efforts croissants pour
Attachement chez l’adulte... 163

susciter des réponses protectrices de leurs parents. Le sujet peut appartenir


au sous-type C7-8  (Menaçant/Paranoïde) ou C5-6  (Punitif/Séducteur) ou
encore C3-4 (Agressif/Impuissance feinte).

Stabilité et changements des modèles internes


opérants : la catégorie de la sécurité acquise
Dans le chapitre 5, nous avons développé la question de la stabilité ou du
changement des MIO tout au long de la vie. Si la qualité de l’attachement
parent-enfant a une tendance significative et substantielle à rester stable
dans le temps (Waters et  al., 2000), comme Bowlby (1973) l’avait prédit,
le changement est également possible  ; ce changement est en particulier
fortement associé à la présence d’événements de vie positifs ou négatifs
(Thompson, 1999, 2000 ; Weinfield et al., 1999). Les processus de « sécurité
acquise », grâce auxquels certains individus dépassent leurs histoires fami-
liales difficiles, interrompant ainsi un parcours individuel moins favorable,
sont cruciaux à comprendre (Pearson, 1994). Après l’adolescence, quand la
pensée formelle est possible (Piaget, 1936), la possibilité d’utiliser les méca-
nismes métacognitifs permet aux individus de réfléchir sur leurs expériences
passées d’attachement. Cette capacité cognitive récente, dans le contexte
d’une nouvelle opportunité relationnelle émotionnellement significative,
accroît la reformulation des modèles opérants, conduisant finalement à une
sécurité acquise de l’organisation de l’attachement (voir chapitre 13).
L’étude de Roisman et al. (2002) a beaucoup apporté à la conceptualisa-
tion du phénomène de « sécurité acquise ». Les participants sont issus d’une
étude longitudinale, en cours depuis 23 ans, d’un échantillon normatif et
de sujets au développement atypique (jeune et vivant dans la pauvreté),
constitué à l’origine de 267 mères et de leur enfant premier-né. À l’âge
de 19  ans, 170 de ces enfants ont été soumis à l’AAI. Le groupe sécure/
autonome a été divisé en deux sous-groupes  : sécure-continu d’une part
et sécure-acquis d’autre part, en suivant scrupuleusement la procédure
développée par Pearson et  al. (1994). Pour suivre cette procédure, toutes
les transcriptions sécures, ainsi qu’un petit groupe de transcriptions d’insé-
cures choisies au hasard (n  =  25), ont été cotées sur plusieurs des sous-
échelles élaborées pour mesurer les expériences infantiles inférées : amour
du père et de la mère, rejet, négligence, pression à la réussite. Comme dans
les recherches précédentes sur la sécurité acquise (par exemple, Pearson
et  al.,  1994  ; Phelps et  al.,  1997), les sécures-acquis ont ainsi été définis
comme des sujets produisant un discours cohérent pendant l’AAI mais dont
le père ou la mère avaient eu des scores bas à l’échelle d’amour et des scores
élevés de rejet ou de négligence aux échelles d’expériences inférées. L’étude
confirme que les sécures-acquis ont des relations proches de bonne qualité
à l’âge adulte (Paley et al., 1999 ; Pearson et al., 1994 ; Phelps et al., 1997).
164 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Cette recherche confirme que les sécures-acquis avaient des relations de


couple d’une qualité comparable à celle observée chez des sécures-continus
et de meilleure qualité que chez des insécures (Paley et al., 1999). Un indica-
teur semble particulièrement pertinent : les sécures acquis sont les sujets de
l’échantillon à risque qui ont bénéficié du soin maternel le plus soutenant.
En général, les résultats de la recherche sur la « sécurité acquise » soulignent
la prémisse essentielle de l’AAI, à savoir que ce n’est pas le contenu des sou-
venirs précoces mais bien la cohérence avec laquelle ils sont décrits qui offre
une vision précise des états d’esprit indicatifs d’une enfance marquée
par une figure d’attachement soutenante ou malveillante. Cependant,
comme nous montre l’étude de Saunders et  al. (2011), cette cohérence
semble ne pas être possible si le sujet n’a pas vécu une relation de soutien
émotionnelle alternative/corrective à un certain moment de sa vie.

Applications cliniques de l’Adult


Attachment Interview
L’AAI n’a pas seulement un intérêt du point de vue de la recherche en psycho-
logie développementale, il a aussi de nombreuses applications ­cliniques. Il peut
être utilisé pour identifier et décrire les difficultés interpersonnelles et intraper-
sonnelles des patients ainsi que pour différencier des profils symptomatiques.
Par exemple, l’AAI utilisé chez des patients avec des troubles thymiques a mon-
tré que les patients dépressifs bipolaires ont des profils plutôt détachés ou non
résolus par rapport aux sujets dépressifs unipolaires. L’AAI peut faciliter la mise
en évidence d’expériences de perte ou de traumatisme dont le patient n’a pas
encore parlé au cours d’un entretien clinique courant.
Il permet de faire émerger, à travers l’analyse du discours, une description
plus approfondie du profil du patient et d’envisager des pistes pour l’inter-
vention thérapeutique.

Conclusion
L’AAI est un outil d’une richesse théorique et clinique qui a inspiré de nom-
breux développements dans la théorie de l’attachement. Sa complexité
d’analyse en est une limitation. Il symbolise l’approche dite développemen-
tale de l’attachement chez l’adulte et est particulièrement pertinent pour les
études sur la parentalité.

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15 Attachement chez l’adulte :
le phénomène de base
de sécurité et les modèles
internes opérants

N. Guédeney, S. Tereno

Pour Bowlby (1988), l’attachement est actif «  depuis le berceau jusqu’à


la tombe  ». Il se manifeste au travers de pensées et de comportements
associés au fait de rechercher la proximité de figures d’attachement dans
les moments de besoin ou de menace. Même l’adulte le plus autonome
a besoin, à un moment ou à un autre, de l’aide des autres. Pour Bowlby,
la capacité d’un adulte de pouvoir s’apaiser soi-même était en grande
partie liée au fait d’avoir été réconforté par des figures protectrices dans
l’enfance. Ce sont ses successeurs qui vont proposer une théorisation de la
fonctionnalité du système de l’attachement à l’âge adulte. Nous décrivons
dans ce chapitre, complémentaire du chapitre 14, l’approche dite psycho-
sociale de l’attachement chez l’adulte. Que savons-nous actuellement sur le
phénomène de base de sécurité ainsi que sur les stratégies primaire et
conditionnelles chez l’adulte  ? Nous traitons également de la valeur
­
évolutionniste de l’attachement chez l’adulte et de l’organisation des
­
­représentations liées à l’attachement.

Concept de base de sécurité chez l’adulte :


concept théorique et études expérimentales
Le phénomène de base de sécurité
Le concept de base de sécurité, forme aboutie de la recherche de ­proximité, res-
tait pour Bowlby le concept central. Il y a un certain nombre de r­ essemblances
avec l’enfant. Il s’agit tout d’abord d’un phénomène interpersonnel,
orienté vers une ou quelques personnes spécifiques (Hazan et  al.,  2004  ;
voir chapitre  17). L’équilibre «  recherche de proximité/exploration  »
restait pour Bowlby le principe fondateur de l’attachement sécure. Cette
notion de sécurité de l’attachement dérive de l’évaluation de la dis-
ponibilité des relations d’attachement dans les moments de besoin et de

L’attachement : approche théorique


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170 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

l­’utilisation de ces relations comme d’une base de sécurité et d’un havre de


sécurité (Waters et al., 2002). Le havre de sécurité est le phénomène le plus
étudié chez l’adulte : il est conceptualisé comme un mécanisme de réponse
à une situation de crise (Waters et Cummings,  2000). La base de sécurité
est, en revanche, beaucoup moins étudiée chez l’adulte. Grossmann et al.
(1999) insistent sur le rôle croissant de l’exploration au fur et à mesure du
développement. Pour Mikulincer et Shaver (2007), le système de l’explo-
ration est destiné à investiguer, manipuler et maîtriser l’environnement.
Il s’active chaque fois que l’on est exposé à des stimuli nouveaux ou inat-
tendus ou bien à des conditions qui défient nos savoirs, nos croyances ou
nos actions. Dans de telles conditions, le système de l’exploration motive
à apprendre davantage sur cette situation, à rester ouvert et réceptif aux
nouvelles informations. Il pousse à « accommoder » ces nouveaux faits pour
aboutir à un nouveau savoir. Un fonctionnement optimal du système de
l’exploration facilite l’autorégulation comportementale, soutient l’adap-
tation et le développement personnel  ; il accroît le sentiment personnel
de compétence et de maîtrise. Les activités exploratoires chez les adultes
s’expriment particulièrement dans ces domaines : voyager, développer des
passions, visiter de nouveaux endroits, travailler à la réalisation d’objec-
tifs personnels importants, travailler, s’engager dans des activités de loisir
(Hazan et Shaver, 1990). Une activité exploratoire qui est à la fois capable
de rechercher la nouveauté tout en restant organisée ne peut survenir que
lorsque le sujet est sûr de la disponibilité de sa figure d’attachement et qu’il
n’expérimente ni la peur ni la détresse ou toute condition qui réveillerait
un besoin urgent de rejoindre ce que Feeney et Collins (2004) appellent sa
« base » (home base). Il y a trois groupes de stimuli qui activent le système
d’attachement chez l’adulte : toute situation de perte ou de séparation de la
figure d’attachement (Mikulincer et  al.,  2002) ou de danger concernant
la figure d’attachement ou soi-même (Simpson et Rholes, 1998) ; les événe-
ments qui génèrent anxiété et/ou doute sur soi ou vécu de honte (Simpson et
Rholes,  1998  ; Howe,  2011)  ; les conflits et les défis de la vie (Kobak
et al., 1993). Deux situations sollicitent particulièrement le système d’atta-
chement de l’adulte : s’occuper d’une figure d’attachement en situation de
détresse ou d’incapacité (Feeney et Hohaus, 2001) et devenir parents pour
un couple (Feeney, 2004).
L’objectif du système d’attachement, chez l’adulte, reste le sentiment de
protection et de sécurité, cette sécurité ressentie déjà décrite chez l’enfant.
Mikulincer et Shaver (2007) décrivent le cycle de la sécurité chez l’adulte.
Vivre des menaces ou ressentir une détresse, rechercher protection et
réconfort des figures d’attachement, ressentir une diminution du stress
et éprouver un sentiment de sécurité puis retourner vers d’autres activités
ou intérêts donne au sujet un modèle à la fois d’une régulation réussie
des émotions et d’une régulation de la proximité interpersonnelle. Les
Attachement chez l’adulte... 171

adultes sécures peuvent choisir, de manière flexible, de faire face aux


menaces de manière autonome — en s’appuyant sur leurs ressources et
compétences propres — ou en s’appuyant sur les autres, sans avoir alors le
sentiment d’être en échec ou vulnérable. « Ils savent que distance et auto-
nomie sont totalement compatibles avec la proximité et le fait de pouvoir
compter sur les autres. Ils ne vivent aucune tension entre autonomie et
capacité à être en relation. » (Mikulincer et Shaver, 2007, p. 14).
Le phénomène de base de sécurité chez l’adulte est plus complexe que ce
qui est observé chez le jeune enfant. Il est caractérisé par un changement
crucial qui est la réciprocité (Ainsworth, 1991). Chaque partenaire d’une rela-
tion d’attachement peut à la fois fournir et recevoir du soutien, de l’atten-
tion et de la sécurité (Collins et Feeney, 2000). Les systèmes motivationnels
impliqués dans l’attachement chez l’adulte comprennent, outre les systèmes
d’anxiété/vigilance, d’attachement et d’exploration, celui du caregiving, qui
contribue à la nature bidirectionnelle du comportement de base de sécurité
chez l’adulte (Collins et Feeney, 2000). La capacité de négociation des conflits
est un autre élément essentiel du phénomène de sécurité chez l’adulte, reflet
du partenariat corrigé quant au but (Pietromonaco et al., 2004). Le conflit
augmente les besoins de l’individu d’avoir un support émotionnel de la part
de sa figure d’attachement : si chaque partenaire de la dyade a des percep-
tions positives de soi et des autres, s’il s’engage dans une communication
ouverte et flexible et s’il reste ouvert à la perspective de l’autre dans le conflit,
alors on peut s’attendre à une attitude et à un discours qui restent constructifs
et cohérents. Si le besoin d’un contact physique réconfortant ne disparaît
cependant jamais entièrement, en particulier en situation stressante, les
adultes sont souvent capables de trouver du réconfort simplement à partir
du seul fait de savoir que leurs figures d’attachement peuvent être contactées
si besoin. Le comportement de base de sécurité est relativement intermittent
chez les adultes : il peut être subtil, souvent uniquement verbal (Mikulincer
et ­Shaver, 2007). Holmes (2001) évoque l’existence du phénomène de zone
interne de sécurité : il renvoie à un schéma vers lequel on se tourne en cas
de besoin comme élément de régulation émotionnelle. L’activation de cette
zone interne de sécurité peut provenir de l’évocation de pensées réconfor-
tantes (« ce que dirait ma figure d’attachement »), de comportements autocal-
mants (« écouter sa musique préférée ») qui réduisent le besoin de faire appel
aux figures d’attachement externes.

Les stratégies conditionnelles chez l’adulte


C’est à partir des travaux de Bowlby (1969/1982 : les stratégies primaires et
conditionnelles) et de ceux de Ainsworth (1978 : les dimensions d­ ’évitement
et d’anxiété) que les théoriciens de l’attachement issus du courant psycho-
social ont conceptualisé les stratégies conditionnelles chez l’adulte.
172 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Les stratégies de déactivation


Pour Cassidy et Kobak (1988), les stratégies de déactivation ont pour objec-
tif d’éviter la détresse et la frustration qu’entraîne l’indisponibilité de la
figure d’attachement. Elles incluent le déni des besoins de l’attachement,
le souhait de ne compter que sur soi de manière compulsive ainsi que le
mépris ou le rejet des menaces ou besoins à propos de la disponibilité de
la figure d’attachement. Elles sont une adaptation à l’indisponibilité de la
figure d’attachement vécue comme rejetant les besoins d’attachement. Ces
stratégies de déactivation consistent en :
• inhiber la recherche de proximité ;
• obtenir ce dont on a besoin en ne comptant que sur soi ;
• dénier les besoins ou éviter les émotions négatives.
Pour Mikulincer et Shaver (2007), ces stratégies jouent sur les proces-
sus cognitifs en entraînant la suppression de la conscience de tout affect,
pensée ou sentiment qui impliquent vulnérabilité, besoin ou dépendance.
Cette exclusion de la conscience joue sur les souvenirs, la perception de
l’information et sur l’attention. Celle-ci est divertie sur d’autres sujets afin
de mettre à distance toutes les informations susceptibles d’être pertinentes
pour l’attachement. Ces stratégies de déactivation jouent sur le modèle de
soi et des autres en situation de détresse et sur la régulation des émotions
négatives. Pour Mikulincer et Shaver (2007), ces stratégies gardent le sys-
tème d’attachement sous contrôle, voire elles le verrouillent. Elles seront
captées par les échelles d’évitement (voir chapitre 24).

Les stratégies d’hyperactivation


Elles sont la réponse à l’indisponibilité variable de la figure d’attache-
ment.  Elles sont considérées depuis Bowlby (1969/1982) comme une maxi-
misation de la stratégie primaire de recherche de proximité et une tentative
de maîtriser cette indisponibilité par une stratégie de coercition ou de pro-
testation (la colère de l’espoir). Cassidy et Kobak (1988), insistent sur l’auto-
renforcement négatif de ces stratégies qui sont récompensées, de temps en
temps, par la réussite. Pour Mikulincer et Shaver (2007), ces stratégies asso-
cient une dépendance anormale à la relation avec la figure d’attachement,
des demandes excessives d’attention, un désir de proximité qui devient
engluement, un comportement de coercition et de contrôle sur la figure
d’attachement, une maximisation des besoins d’attachement, une minimi-
sation des capacités à trouver en soi et à explorer des solutions personnelles
à la détresse. Le traitement de l’information donne le primat à l’affect,
entraînant souvent une dysrégulation émotionnelle (colère, ressentiment et
dépression) ; il joue sur le modèle de soi comme impuissant et vulnérable
et sur celui des autres comme décevants, non digne de confiance ou non
fiables. Ces stratégies maintiennent le sujet focalisé sur la recherche d’amour
et de sécurité ; elles le mettent en état de vigilance permanente sur toute
Attachement chez l’adulte... 173

menace, séparation ou trahison. Ces stratégies seront captées par l’échelle


d’anxiété quant à l’attachement (voir chapitre 24).
Chez certains adultes, en cas d’attachement désorganisé (voir chapitre 26),
les deux types de stratégies peuvent coexister (Mallinckrodt et al., 2009).

L’attachement comme état : comment


fonctionne l’activation du système
d’attachement chez l’adulte ? Théorie
et études expérimentales
Shaver et Mikulincer (2004) proposent un modèle de l’attachement
normatif et des stratégies conditionnelles chez l’adulte en différents
«  modules  » fonctionnels. Un premier module représente la recherche
de proximité qui suit l’activation du système d’attachement (la stratégie
primaire du système d’attachement) : il inclut la surveillance et l’évaluation
des événements menaçants. Un deuxième module représente la recherche
et l’évaluation de la disponibilité de la figure d’attachement et les consé-
quences bénéfiques que représente cette stratégie primaire. Un troisième
module représente le choix de la stratégie conditionnelle (hyperactivation
anxieuse ou désactivation évitante), en réponse à l’indisponibilité ou à la
non-réponse de la figure d’attachement. C’est un choix en dehors de
la conscience et qui est influencé par les expériences antérieures du sujet.
Le modèle est affecté par le contexte (type de dangers ou de menaces, infor-
mations actuelles sur la disponibilité ou non de la figure d’attachement et
sur l’efficacité des stratégies possibles dans la recherche de proximité
et de protection d’une figure d’attachement dans cette situation particu-
lière). Il est aussi affecté par les dispositions personnelles  : les modèles
internes opérants (MIO) de soi et des autres qui biaisent la perception
des informations contextuelles. Dans ce modèle compte autant la réalité
(le contexte actuel dans lequel le système d’attachement est activé) que le
fonctionnement psychologique associé aux MIO.
Des études expérimentales récentes valident la pertinence du concept de
base de sécurité chez l’adulte. En cas de menace de séparation, les couples
sécures recherchent plus les contacts physiques et les maintiennent (études
dans les aéroports  : Simpson et Rholes,  1998  ; Fraley et Shaver,  1998).
Ressentir du stress conduit les partenaires sécures à rechercher plus de
soutien, émotionnel et concret, de leur figure d’attachement (études
dans une salle d’attente médicale : Collins et Feeney, 2004). Penser à sa
propre mort entraîne la recherche de proximité de ses figures d’attache-
ment (Mikulincer et Shaver, 2007). La disponibilité physique de la figure
d’attachement a un effet apaisant lors d’expériences plus moins stres-
santes ou douloureuses (Coan et  al.,  2006). Lors d’une expérience
174 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

s­tressante, ­
l’évocation consciente ou automatique (techniques de pri-
ming), en dehors de sa présence, d’une figure d’attachement soutenante
a un effet calmant et apaisant (McGowan,  2002). Feeney (2007) mon-
tre que le phénomène de base de sécurité est source d’autonomie : une
relation sécure donne au sujet soutenu plus de capacités à réaliser ses
objectifs personnels et plus de volonté de résoudre des tâches concrètes
avec ses seules compétences.

Valeur évolutionniste de l’attachement


dans sa forme normative
Recevoir un soutien relationnel ou se sentir confiant dans le fait que ce
­soutien sera disponible en cas de besoin, aide à faire face aux événements
de vie négatifs, et ce de manière plus efficace. Cette confiance semble avoir
des effets bénéfiques à long terme pour le bien-être psychologique et pour
la santé physique. Pour Mikulincer et Shaver (2008), la sécurité de l’atta-
chement qui résulterait de l’évaluation des figures d’attachement comme
disponibles et répondant de manière sensible et avec un timing adéquat,
jouerait un rôle de « catalyseur psychologique » (cycle « broaden and build »
de la sécurité). Le phénomène de sécurité chez l’adulte donne une base
théorique cohérente du développement de qualités psychologiques à la
base de la psychologie dite positive. La sécurité de l’attachement donne
une «  fondation psychologique  » sur laquelle les autres processus qui
promeuvent la croissance et le développement peuvent se construire. Elle
promeut le développement de relations proches satisfaisantes et fonc-
tionnelles, le développement des ressources de résilience  ; elle élargit les
perspectives et capacités de chacun. Pour ces auteurs, le phénomène de
base de sécurité joue un rôle de prévention dans le développement de la
personnalité (en tant que havre de sécurité), en aidant le sujet à réguler
l’impact du danger et des menaces. Compter sur la disponibilité de la figure
d’attachement rend plus efficiente la gestion émotionnelle du stress et de
la détresse et contribue à restaurer l’équilibre émotionnel. L’attachement
contribue également (avec le phénomène de base de sécurité) à promou-
voir le développement de la personnalité  : savoir prendre des risques,
explorer et s’engager dans un développement personnel et améliorer la
qualité de ses relations. La sécurité de l’attachement permet de prendre des
risques mais de manière calculée, tout en acceptant des défis importants
qui contribuent au développement des meilleures opportunités de survie
(voir chapitre 16).
Les modèles évolutionnistes montrent que la sécurité apporte à
l’adulte plus d’ouvertures dans le choix du partenaire amoureux et
l’exercice partagé de la parentalité (Simpson et Belski, 2008) (voir cha-
pitre 9).
Attachement chez l’adulte... 175

La place fonctionnelle du système


de l’attachement chez l’adulte
S’il n’y a pas de forte activation du système d’attachement, le sys-
tème d’attachement, dans les conditions normales, «  n’écrase pas  »
les autres systèmes, en particulier les systèmes de l’exploration et affi-
liatif (Grossmann et  al.,  1999). Par contre, comme chez l’enfant, en
cas d’activation forte du système d’attachement, celui-ci a une valeur
préemptive sur les autres systèmes motivationnels  : déactiver le sys-
tème d’attachement devient une priorité nécessaire à la survie psy-
chologique du sujet (Liotti,  2004). L’activation forte de l’attache-
ment chez l’adulte entraîne généralement  une déactivation (voire
une extinction) ou une inhibition des autres systèmes motivation-
nels  : l’exploration, bien sûr, mais aussi les autres systèmes comme
le caregiving, la sexualité ou le système affiliatif.
D’autres sources de sécurité sont possibles chez l’adulte  : les relations
sociales (rencontres, alliances), le statut social (compétences universitaires
et sportives, atouts physiques et traits de personnalité comme la patience, le
courage), les atouts culturels spécifiques (Belski, 1999). Leur trait commun
est, d’une manière ou d’une autre, de diminuer l’incertitude liée au risque
impliqué par l’exploration ou la nouveauté (ce qui inclut les situations
d’urgence ou de crise ; Waters et Cummings, 2000). Les systèmes de déve-
loppement des ressources personnelles comme le système de coping (la capa-
cité de résoudre un défi, d’en venir à bout, d’être à la hauteur) jouent un
rôle de plus en plus important mais leurs relations avec le phénomène de base
de sécurité ne sont pas encore bien connues (Mikulincer et Shaver, 2007).
D’autres systèmes motivationnels impliquent la recherche de proximité, en
particulier les systèmes de l’affiliation et de l’accouplement sexuel (Hazan
et Shaver, 1994 ; voir chapitre 20). La sécurité liée à ­l’attachement apporte
à ces autres sources de sécurité, une fonctionnalité maximale : elle garantit
au sujet un sentiment de valeur personnelle et d’impact sur l’autre même
en cas de détresse ou d’échec (Guédeney, 2011).

Fonctionnalité et intégration des modèles


internes opérants à l’âge adulte
Le lecteur peut se reporter au chapitre  5 pour le devenir des MIO depuis
l’enfance.
Les MIO sont des construits cognitivo-émotionnels, plus ou moins faci-
lement accessibles, qui sont automatiquement activés chaque fois que des
événements liés à l’attachement surviennent. Une fois activés, ils jouent
un rôle important en modelant, de manière automatique, les patterns de
réponse émotionnelle, cognitive et comportementale.
176 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Les MIO jouent un rôle sur la manière dont les sujets pensent à propos
d’eux-mêmes et de leurs relations, au travers des processus d’attention,
de mémoire, d’adaptabilité et de sociabilité. Ils guident le sujet dans la
construction de ses expériences interpersonnelles, en donnant sens à ses
relations. Les réponses émotionnelles sont particulièrement importantes.
Lorsque des événements pertinents quant à l’attachement surviennent, les
MIO initient une réponse émotionnelle immédiate et largement automa-
tique (processus d’évaluation primaire). Le type spécifique d’émotion qui
sera éveillé et choisi est déterminé par l’évaluation secondaire des options
possibles en réponse à l’événement déclenchant. Des réactions émotion-
nelles intenses vont conduire les individus à s’appuyer sur des schémas déjà
appris et non pas à traiter l’information de manière maîtrisée et ouverte
(Mallinckrodt et al., 2009). Chaque fois que les MIO sont activés, ils sont à
l’origine de projets et de tendances à l’action, jouant le rôle de « patrons »
automatiquement activés. Ils fournissent des sortes de « kits » de stratégies
comportementales qui fonctionnent selon les règles « si…, alors… » pour
atteindre les objectifs pertinents quant à l’attachement. Ainsi, une fois la
situation sociale évaluée, la réponse comportementale du sujet peut être
surdéterminée, particulièrement dans les conditions de stress et d’éveil.
La question de l’intégration des multiples représentations liées à l’atta-
chement chez l’adulte est encore à l’état d’hypothèse. Le modèle actuel
le plus consensuel est le modèle bi-hiérarchique emboîté (nested model  ;
Collins et al., 2004). Au sommet de la hiérarchie, on trouve le modèle par
défaut (default model), qui correspond aux représentations les plus générales
au sujet de soi et des autres, une sorte de résumé de l’histoire des expé-
riences avec les figures d’attachement clés. Ce niveau général d’intégration
des MIO s’applique à une large gamme de situations pertinentes quant à
l’attachement : on le désigne sous les termes de méta-représentation, style
général d’attachement ou style primaire d’attachement. Plus bas dans la
hiérarchie, on trouve les modèles « domaines-spécifiques » qui correspon-
dent à des types particuliers de relations (parent-enfant, amoureuses, etc.).
À un niveau plus inférieur se trouvent des modèles « relations-spécifiques »
qui correspondent aux relations particulières. Ces niveaux hiérarchiques
peuvent être dénommés qualité d’attachement ou style d’attachement
secondaire. Ce modèle est encore complexifié par la probable existence,
au sein d’un même niveau hiérarchique, d’une autre division «  modèle
général/modèle spécifique » : par exemple au sein du modèle général « les
amis », le modèle d’un ami particulier. Au sein de ce modèle existerait un
autre niveau de complexité lié au contexte. Ces contextes spécifiques varie-
raient selon la figure relationnelle concernée, le niveau de stress contextuel,
le domaine spécifique sur lequel porte la demande d’aide et activeraient dif-
férents modèles de travail à l’origine de différents comportements du phé-
nomène de base de sécurité (Hazan et al., 2004). Enfin, il faut différencier,
Attachement chez l’adulte... 177

au sein de chaque niveau, le registre implicite (procédural) ou explicite


(sémantique et épisodique) des MIO, qui influenceront chacun les réactions
du sujet confronté à une activation de son système d’attachement (Collins
et al., 2004). Pour un certain nombre de sujets, les éléments conscients et
inconscients (automatiques) peuvent être totalement incohérents. Enfin,
il faut différencier l’approche interpersonnelle et intrapsychique de ces
représentations. Le degré auquel un individu se sent sécure dans une rela-
tion spécifique est, en partie, lié à sa propension générale à se sentir sécure
ou insécure (un style général d’attachement) et, en partie, aux traits de la
relation spécifique (idem).
Un autre niveau de complexité de l’organisation des MIO chez l’adulte est
celui de la fonctionnalité du réseau des MIO, c’est-à-dire de l’accessibilité
des MIO. Cette notion traduit le degré auquel un « construit » psycholo-
gique est facilement activé et amené à la conscience (idem). À l’origine des
travaux de priming, elle permet de voir les différences individuelles comme
autant liées à l’accessibilité qu’au contenu en soi des MIO. Si l’intégration
des MIO sous la forme d’un métamodèle est probable, le processus d’inté-
gration et sa fonctionnalité restent encore hypothétiques. Collins et Read
(1994) proposent trois modèles possibles. Le modèle indépendant pos-
tule que les modèles « général » et « relations-spécifiques » influencent les
devenirs de l’attachement par des voies indépendantes  : on peut parler
d’effets additifs sur le comportement et ces effets n’ont pas besoin
d’être convergents ; dans ce modèle, on prédit que le modèle général conti-
nue d’être actif et d’être utilisé comme guide, même en présence d’un modèle
relationnel plus spécifique. Le deuxième modèle postule que les modèles
sont en interaction. Les effets du modèle général sont modérés par ceux du
modèle « relations-spécifiques » : l’impact du modèle général va dépendre
des circonstances relationnelles actuelles. Le troisième modèle est un modèle
médiationnel dans lequel les effets des modèles généraux d’attachement sur
le comportement sont médiatisés par les modèles spécifiques. Ces modèles
généraux exercent leur influence sur le fonctionnement actuel en modelant
le développement des modèles « relations-spécifiques ». La fonctionnalité
de ces modèles semble liée au contexte dans lequel est plongé le sujet  :
plus le contexte sera émotionnellement stressant, plus les MIO précoces et
les plus automatiques, c’est-à-dire les moins conscients, seront activés
et domineront le tableau (Dornes, 2000).

Conclusion
La théorie de l’attachement met l’accent sur l’importance d’une lecture déve-
loppementale, contextuelle et interpersonnelle du fonctionnement adulte,
qui ne peut qu’enrichir la pratique en santé mentale de l’adulte. Chercher
la proximité et le soutien a une fonction adaptative et de ­régulation, en
178 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

particulier sur les émotions négatives ; avoir des figures d’attachement dis-
ponibles et qui répondent de manière sensible et rapide a un effet bénéfique
sur l’état émotionnel, l’image de soi, le comportement dans les relations
proches et l’engagement dans les activités qui contribuent au développe-
ment du soi.

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16 Attachement
et personnalité
chez l’adulte :
les styles d’attachement
et le fonctionnement
psychologique

Ch. Genet, N. Guédeney

Nous décrivons dans ce chapitre les modalités de fonctionnement psycho-


logiques les plus en lien avec les styles d’attachement chez l’adulte. Cette
dimension est l’apanage du courant psychosocial, qui se centre sur les
relations et le fonctionnement actuel du sujet dans les domaines concernés
par l’attachement. L’ensemble des stratégies, comportements et représenta-
tions d’attachement développés au fil du temps participe au développement
de la personnalité et peut se généraliser en tant qu’attachement-trait de
personnalité (effet pervasif), (Shaver et Brennan, 1992 ; Waters et al., 2002).
Malgré les incertitudes et les questionnements concernant la description
du système de l’attachement-état chez l’adulte ainsi que l’organisation des
modèles internes opérants (MIO, voir chapitre  15), de nombreux travaux
montrent l’intérêt des styles d’attachement dans un certain nombre de
domaines du fonctionnement psychologique de l’adulte particulièrement
liés à l’attachement. Nous nous limitons ici à l’étude phénoménologique des
styles d’attachement et à leurs associations avec les dimensions de régulation
du stress, de l’empathie et de la résilience. Les larges implications de l’atta-
chement dans le domaine de la santé mentale ou physique seront traitées en
détail dans le tome « Approche clinique ».

La notion de style d’attachement


Les styles d’attachement chez l’adulte se définissent donc comme des pat-
terns systématiques d’attente, de besoins, d’émotions, de stratégies de régu-
lation émotionnelle et de comportement social. Ces styles sont considérés
comme des « indicateurs de surface » des différences dans l’attachement ; ils
sont partiellement inconscients. Ils captent les MIO les plus conscients et
portent sur des relations spécifiques actuelles : pairs et partenaires amoureux
(Shaver et Mikulincer, 2009). Les styles d’attachement sont prédictifs d’un
L’attachement : approche théorique
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182 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

niveau significatif de différences dans des dimensions importantes de la


­personnalité chez l’adulte (Diehl et al., 2002).

Les styles d’attachement chez l’adulte :


description phénoménologique
Nous nous fondons ici sur les quatre styles d’attachement individualisés par
Bartholomew et Horowitz (1991) selon la positivité du modèle des autres
et de soi  : le style sécure et trois styles insécures  : préoccupé, détaché et
craintif, que nous décrirons plus loin (voir chapitre 24). Ces tableaux des-
criptifs généraux sont principalement issus des articles de Feeney (1999),
de Bartholomew et  al. (1997), de Hazan et Shaver (1990), de Stein et  al.
(1998), de Mikulincer et Shaver (2007) et de Howe (2011). Ils doivent être
considérés comme un ensemble de tendances plus ou moins fréquemment
observées dans tel ou tel style. Il s’agit d’un tableau dans lequel l’étendue
des tonalités sécures ou insécures peut être plus ou moins accentuée.

Style d’attachement sécure chez l’adulte


Modèle de soi/modèles des autres
Les adultes sécures ont acquis un modèle de soi intégrant une vue réaliste
de leurs points forts et de leurs vulnérabilités. Ils recherchent les relations et
les souhaitent proches tout en voulant être autonomes. Ils ont un modèle
des autres positif, sans naïveté excessive (Bartholomew et Horowitz, 1991),
ce qui renforce l’estime de soi, dont les racines se trouvent dans le fait de se
sentir compétent et d’être reconnu par les autres. Ils font face aux problèmes
avec un équilibre flexible entre leurs compétences propres et l’aisance à
demander de l’aide quand ils n’y arrivent pas par leurs propres moyens.
Ils vont pouvoir supporter l’échec sans se sentir totalement inefficaces ni
effondrés et développer des qualités de coping (faire face). Ils apprécient
d’être seuls tout autant qu’ils interagissent avec les autres dans des relations
de proximité et d’intimité où ils se sentent bien (Stein et al., 1998).
Stratégies d’attachement
Les sujets sécures utilisent des stratégies d’attachement primaires qui per-
mettent de construire, au fil d’interactions chaleureuses et adaptées avec
leur figure d’attachement, des MIO positifs et accessibles sur le plan mné-
sique, où le Soi est vécu comme étant digne d’être aimé et les autres comme
capables de répondre, ce qui favorise le bien-être émotionnel, l’ajustement
personnel, l’enrichissement des perspectives mentales. Ils gèrent les inter-
actions et les aléas relationnels dans une atmosphère de confiance et de
régulation émotionnelle, ce qui leur permet d’affiner et de développer leurs
capacités de mentalisation, avec authenticité, perspicacité et honnêteté. Ils
peuvent se reconnaître bons ou mauvais, corriger et réparer (Howe, 2011).
Attachement et personnalité chez l’adulte... 183

Demande d’aide et support social


Les sujets ayant un style sécure sont tout aussi capables d’aider que de deman-
der de l’aide et de la recevoir. En cas de besoin, ils peuvent se rapprocher
des personnes adéquates et chercher des solutions adaptées (Howe, 2011).
Ces interactions relationnelles répétées se renforcent les unes et les autres et
participent à l’élaboration d’un véritable cycle d’approfondissement et de
construction de l’attachement sécure (voir chapitre 15).
Sur le plan social et professionnel
La socialisation est aisée car, d’une façon générale, ils ont une approche de
la vie positive, confiante, constructive, souple, qui leur permet de s’adapter
au milieu du travail et de cultiver un réseau social de bonne qualité (Hazan
et Shaver,  1990  ; Howe,  2011). Ils fonctionnent de façon autonome, en
utilisant du soutien pour se rendre plus efficaces. Ils gèrent avec efficacité
les aléas relationnels (Pistole, 2003). Ils peuvent valoriser leur travail sans
qu’il ampute leur vie privée (Harms, 2011). Les sujets sécures valorisent leur
travail mais ne permettent pas que cette activité se fasse au détriment des
autres relations personnelles.

Style d’attachement détaché chez l’adulte


Modèle de soi/modèles des autres
Les adultes détachés ont appris à privilégier l’indépendance, leurs proches
ne sont pas perçus comme des ressources de support, leur système d’atta-
chement est désactivé. Ils ont une vision positive défensive de leur soi, cou-
plée à une vue négative des autres, envers qui ils se montrent méfiants et
suspicieux (Bartholomew et Horowitz, 1991). Ils ont du mal avec les émo-
tions négatives, qu’ils traitent par la mise à distance, la minimisation ou la
dévalorisation, tout en valorisant l’indépendance et le détachement émo-
tionnel. Les relations avec les proches sont émotionnellement distantes. Leur
modèle d’eux-mêmes est positif de manière défensive, ce qui peut aboutir
à une capacité à ne compter que sur soi-même (self-reliance) compulsive,
peu propice au coping. Ils ont tendance à montrer une façade de prestance
et à garder leur distance avec les autres, car la proximité émotionnelle est
perçue comme inconfortable. Ils donnent plus d’importance à leur accom-
plissement personnel qu’aux relations. On observe une palette de fonction-
nements allant de la personnalité réservée à la personnalité a­ utosuffisante
(« dans la vie, on se débrouille tout seul ») (Bifulco et Thomas, 2013).

Stratégies d’attachement
Les sujets détachés utilisent des stratégies secondaires qui visent à maintenir
la disponibilité de la figure d’attachement malgré sa distance et son rejet.
Il en découle des MIO distordus et contraignants, contenant des scripts
conditionnels de type «  si…, si…  », plus restreints, moins flexibles et peu
184 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

accessibles sur le plan mnésique. Ils grèvent le développement et l’épanouis-


sement personnel et social (Mikulincer et al., 2003). Les sujets détachés sont
hypersensibles aux signaux émotionnels des autres et ils les surveillent aux
dépens de leurs propres signaux. Ce sont de véritables stratégies de « camé-
léon » (Howe, 2011) qui traduisent le fait qu’ils privilégient les attentes des
autres et développent ce qu’on pourrait appeler un faux self. Ils ont un grand
souci de performance : « agir plutôt que ressentir ». Ils ont fait l’expérience
que l’amour est conditionnel, il s’agit donc de garder le contrôle pour éviter
le rejet, l’échec, la réactualisation de la honte, de l’incompétence, du ridicule
qu’ils ont pu ressentir enfant. Toute émergence émotionnelle est potentielle-
ment dangereuse, donc minimisée ou non reconnue avec exclusion émo-
tionnelle, dénigrement des besoins d’attachement, voire réactions agressives,
colère, hostilité en cas de perte de contrôle. Ils ont un fonctionnement plutôt
rigide où prédominent les règles (« on n’a rien sans rien ») (Howe, 2011).

Demande d’aide et support social


Les sujets ont tendance à se retirer en cas de détresse, à minimiser et banaliser
leurs besoins d’attachement (Mikulincer et al., 2003). Ils peuvent demander
de l’aide concrète mais, en cas de stress élevé, ils ne vont pas demander d’aide
émotionnelle, ils n’en perçoivent pas l’intérêt. Ils ont des amis, un entourage
social avec lesquels ils partagent des intérêts ou des activités communs. Ils
n’attendent ni soutien ni dévoilement de leur part (Stein et al., 1998).
Sur le plan social et professionnel
Les sujets détachés préfèrent travailler seuls et peuvent utiliser le travail
pour éviter les relations proches. Ils ont même tendance à utiliser le
travail pour se désengager socialement alors que, dans le même temps, ils
ne sont pas pleinement investis dans leur travail, qui leur sert de façade
ou de prestance (Hazan et Shaver, 1990). Ils se montrent timides, ils sont
moins bien acceptés, et parfois agressifs. Ils ont du mal à faire confiance
aux autres (Feeney et Collins, 2001) et sont moins satisfaits de leur carrière
(Cranshaw et Game, 2010). Leur tendance à rester en retrait peut aboutir
au burn-out et retentir sur leur vie de famille (Gillath et al., 2005). Ils cloi-
sonnent ce qui se passe à la maison et au travail (Hazan et Shaver, 1990) au
point qu’ils ne bénéficient pas des émotions positives qui viennent d’un
domaine ou de l’autre (Mikulincer et Shaver, 2007). Ils ont tendance à se
décourager facilement (Mikulincer et Shaver, 2007), pour éviter l’échec et
les sentiments négatifs de peur, de honte associés (Elliot et Mac Gregor,
2001).

Style d’attachement préoccupé chez l’adulte


Modèle de soi/modèles des autres
Les sujets préoccupés ont un modèle d’eux-mêmes négatif et un modèle des
autres positif, ce qui entraîne une baisse de l’estime de soi, des doutes, des
Attachement et personnalité chez l’adulte... 185

difficultés à affronter les challenges et les aléas de la vie, une idéalisation


des autres. Ils ont besoin des autres pour nourrir leur estime de soi (Stein
et al., 1998) et maximisent leur demande d’aide. En retour, ils sont déçus
par les autres avec le sentiment de ne pas pouvoir contrôler leur vie.
Ils ont besoin d’être aimés et proches des autres. Ils essaient de combler leurs
besoins d’attachement à travers les autres. Ils sont dépendants des autres pour
leur propre estime de soi. Les sentiments de colère et de détresse sont intenses
et sont également intenses les réactions négatives aux stress environne-
mentaux, en particulier à ce qui évoque la perte ou l’abandon, les conflits
chroniques. Ils ont souvent un comportement contrôlant sur leurs figures  ­
d’attachement avec une peur constante d’être abandonné ou de la perte. Ils se
servent du travail pour gagner le respect des autres (Howe, 2011).

Stratégies d’attachement
Les sujets préoccupés utilisent eux aussi des stratégies secondaires. Ils sont
hypersensibles au moindre indice de séparation, de perte et d’abandon et
hyperactivent leur système d’attachement en utilisant des stratégies secon-
daires, conditionnelles, avec besoin répété de réassurance, dramatisation du
moindre souci, débordement émotionnel, relation de « tout ou rien ». Ils
priorisent la proximité au détriment de l’autonomie. Les sentiments sont
agis plutôt que pensés, avec difficulté de mentalisation et biais de perception
négatifs des émotions et des comportements des autres : style cognitif sans
espoir avec passivité, impuissance, inutilité, traduisant des MIO distordus
(Howe, 2011). Ces adultes ont un profond sentiment de manque d’amour,
d’insatisfaction, avec des besoins émotionnels à combler sans cesse.
Demande d’aide et support social
Les sujets préoccupés se vivent plus ou moins vulnérables, faibles, impuis-
sants et incompétents. De fait, ils recherchent immédiatement et constam-
ment du soutien de la part de leur entourage. Ils ont appris à maximiser
leurs demandes et ont tendance à se dévoiler, entraînant des relations
compliquées avec leur entourage. Leur niveau d’insatisfaction est élevé.

Sur le plan social et professionnel


Les sujets préoccupés privilégient le côté social avec un besoin de plaire et une
anxiété de performance qui grèvent leurs capacités, génèrent un sentiment
d’insatisfaction, de mécontentement, d’être sous-estimés, entraînant des
conflits avec les autres (Hazan et Shaver, 1990). En cas d’interférence entre
le travail et la vie de famille, ils sont prêts à faire des efforts pour convenir
aux autres au détriment d’une véritable négociation (partenariat corrigé
quant au but) qui pourrait aboutir à un compromis satisfaisant. La peur
d’échouer et de déplaire prédomine (Raskin et al., 1998). Ils ont tendance
à surévaluer les possibilités d’échec (Elliot et Reis, 2003). Mais ils peuvent
avoir des atouts du fait qu’ils aiment être le centre d’attention en exerçant
des métiers en relation avec le public (Howe, 2011).
186 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Style d’attachement craintif évitant


Modèle de soi/modèles des autres
Ces sujets ont une image négative de leur soi vécu comme solitaire et non
désiré, et une image négative des autres (Bartholomew et Horowitz, 1991).
Ils ont développé des MIO où le Soi se sent seul, non digne d’être aimé,
et les autres sont perçus comme rejetants (Hazan et Shaver,  1990). Ils
craignent et l’intimité et la solitude. Alors qu’ils voudraient s’ouvrir aux
autres, ils se voient eux-mêmes comme non aimables et sont très soucieux
du fait qu’ils ne trouveront jamais quelqu’un qui les aime vraiment. Ils
désirent des relations soutenantes dont ils ne sont jamais satisfaits.

Stratégies d’attachement
Les sujets craintifs sont hyperréactifs au stress, particulièrement avec leurs
proches, stress qui est susceptible d’aboutir à la désorganisation et à l’effon-
drement de la cohérence psychologique et comportementale ainsi qu’à une
défaillance des capacités de mentalisation (chapitre 26).
Néanmoins, si le niveau de stress est plus bas, ces adultes peuvent se
réorganiser autour de stratégies sécures ou insécures, s’ils ont pu bénéfi-
cier d’expériences positives sur le plan attachementiste au cours de leur vie
(Mallinkrodt, 2009).

Demande d’aide et support social


Ces sujets ont tendance à avoir des demandes et des comportements contra-
dictoires et destructeurs. Ils ne montrent leurs besoins de soutien qu’indi-
rectement ou dans des situations extrêmes, quand ils ne sont plus capables
de contrôler l’expression de leurs émotions. Ils voudraient pouvoir interagir
avec les autres mais ne se sentent pas dignes d’être appréciés et ont ten-
dance à éviter les conflits et le dévoilement. Ils n’attendent pas de réconfort
ni de réassurance des autres.

Sur le plan social et professionnel


Les sujets craintifs sont plutôt en retrait, méfiants, avec de fortes potentiali-
tés de relations conflictuelles : ils recherchent la proximité, mais ils ont peur
et ne font pas confiance, le passé infiltre le présent et perturbe la relation
actuelle. Ils sont souvent insatisfaits (Howe, 2011).

Les styles d’attachement et la gestion


des défis de la vie
Attachement et stress
La manière de faire face au stress est largement liée à l’attachement (voir
chapitre 10).
Attachement et personnalité chez l’adulte... 187

Dans cette perspective, Ognibne et Collin (1998) étudient les stratégies


face au stress et la perception du soutien social. Ils différencient quatre
dimensions dans la manière de faire face aux stress :
• chercher du soutien social : parler avec quelqu’un de ce que je ressens ;
• faire face par la confrontation (confrontive coping) : la personne exprime sa
colère à celle qui est la cause du problème ;
• distanciation : la personne ne veut pas penser au problème, ne veut pas
se laisser atteindre par cela ;
• échapper, éviter  : la personne essaie de se sentir mieux en mangeant,
en buvant, en fumant, en utilisant drogues et/ou médicaments, voire en
combinant ces échappatoires.
Ils montrent que, selon leur style d’attachement, les sujets utilisent des
stratégies différentes.
Les adultes sécures perçoivent les expériences stressantes, même si elles
sont douloureuses et pénibles, comme gérables et surmontables. Ils ont une
meilleure tolérance au stress et peuvent demander de l’aide s’ils se sentent
débordés.
Les sujets détachés ne ressentent aucune émotion alors que, physiologi-
quement, ils montrent une hyperréactivité au stress.
Les adultes préoccupés ont des réactions intenses et dramatiques aux
stress avec des manifestations de détresse et de colère qui alimentent un
sentiment d’abandon chronique et de colère. Ils ont tendance à ruminer
et à dramatiser, à entretenir un stress chronique préjudiciable sur les plans
psychique et physique (Maunder et Hunter, 2001).
Les adultes craintifs sont particulièrement sensibles aux perceptions de
menace et ressentent des niveaux élevés de détresse et d’anxiété même
lorsqu’il s’agit de stress modérés. Il en résulte un coût psychologique et
physiologique à long terme et une vulnérabilité à des pathologies mentales
et somatiques (Maunder et Hunter, 2001).

Style d’attachement et compassion,


altruisme, ou empathie
Mikulincer et  al. (2005) ont particulièrement étudié cette dimension. Les
personnes avec un style d’attachement sécures ont tendance à aider les
autres et à éprouver de la compassion, du fait qu’elles ont intégré un sen-
timent de sécurité interne qui les rend disponibles au monde des autres.
Leurs capacités réflexives et de mentalisation facilitent l’empathie et l’envie
d’apporter de l’aide à une personne en détresse, elles sont disponibles pour
activer leur système de caregiving. Les personnes avec un style d’attachement
insécure n’ont pas intégré un sentiment de sécurité interne et aider une
personne en détresse peut les amener à activer ou désactiver leur système
d’attachement, avec faillite des processus de mentalisation et des capacités
d’empathie. Le besoin de se protéger prédomine.
188 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

La sécurité de l’attachement constitue donc un cadre de développement


propice aux sentiments d’altruisme, de compassion et d’empathie qui, à
leur tour, contribuent à améliorer et à pacifier les relations avec l’entourage.

Style d’attachement et résilience


La résilience permet de redonner un sens positif à sa vie, de se ­reconstruire
et d’aspirer au bonheur après avoir traversé un processus destructeur.
Bifulco et Thomas (2013) montrent que le style d’attachement sécure
constitue un facteur de résilience face à l’adversité, de même que les styles
insécures constituent un facteur de vulnérabilité confirmant les hypothèses
de Bowlby (1988) qui comparaient le système de l’attachement au rôle du
système immunitaire.

Principales questions actuelles


au sujet des styles d’attachement
ou de l’attachement-personnalité
La description actuelle des styles d’attachement est le reflet de questionnaires
(chapitre 24) utilisés chez l’adulte et non d’une théorisation des v ­ ariations
individuelles de l’attachement à partir de la description de l’attachement
normatif chez l’adulte. On ne sait pas exactement ce que captent les styles
d’attachement quant à l’organisation du système d’attachement chez
l’adulte et ils ne sauraient donc résumer la question du fonctionnement de
l’attachement chez l’adulte. En revanche, les études ont montré comment
les gens ont plus de probabilité de se comporter en fonction de traits-like de
la personnalité (Howe, 2011 ; Kennett et al., 2010).
Il ne s’agit pas d’idéaliser un fonctionnement sécure. Mikulincer et Shaver
(2007, p. 482) résument remarquablement comment on doit considérer le
rôle de cet attachement-trait : « De même que l’insécurité de l’attachement
ne produit pas systématiquement de psychopathologie et en tout cas pas
directement, de même la sécurité ne produit pas forcément par elle-même
un développement psychologique personnel exceptionnel ou des capaci-
tés exceptionnelles à faire face aux défis de la vie ou à créer des relations
proches exceptionnelles. La sécurité de l’attachement est juste la “ fonda-
tion psychologique ” sur laquelle les autres processus qui promeuvent la
croissance et le développement peuvent se construire. Sans îlots de sécurité,
les expériences douloureuses et les doutes personnels peuvent paralyser,
voire submerger et désorganiser une personne de sorte que cela interfère
avec sa créativité. »
L’impact des dimensions ethniques et transculturelles dans les patterns
d’attachement commence juste à être étudié chez l’adulte (Agishtein et
Brumbaugh, 2013). Ces auteurs trouvent des différences de répartition entre les
Attachement et personnalité chez l’adulte... 189

styles d’attachement adulte selon les pays d’origine, les ethnies, la dimension
collectiviste ou individualiste des cultures d’origine. Ils mettent également
en évidence des associations entre identité culturelle et attachement, entre
religion, religiosité et attachement. Les répartitions de styles d’attachement
varient aussi en fonction de la version idéale et désirée des comportements
d’attachement de la culture observée. Agishtein et Brumbaugh, (2013) sug-
gèrent que les résultats des répartitions de styles d’attachement nous aident
à prendre en compte les difficultés potentielles et les problèmes sociaux de
chaque culture dans les sujets ou les situations attachement-pertinents.

Conclusion
La dynamique des styles d’attachement colorie le fonctionnement de la per-
sonnalité sous forme de traits spécifiques qui façonnent le comportement
de façon significative. Mieux cerner les modalités des styles d’attachement
adulte peut aider à repérer les points forts et les points de vulnérabilité du
sujet dans les rencontres significatives (privées ou thérapeutiques) et dans
sa capacité à faire face aux défis de la vie.

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17 Relations d’attachement
chez l’adulte

A.-S. Mintz, S. Tereno, N. Guédeney

Dans ce chapitre, nous décrivons l’état actuel des connaissances sur les
relations d’attachement chez l’adulte au sein des relations privées. Nous
présentons également une synthèse des données de la recherche actuelle
en insistant sur l’étude de la relation de couple qui constitue le contexte
privilégié pour le développement de relations d’attachement adulte.

La notion de figure d’attachement


et de relation d’attachement
Pour J. Bowlby (1988), « rester avec un accès facile à une figure familière
connue comme étant désireuse et capable de venir en aide en cas d’urgence
est clairement une bonne police d’assurance et cela, quel que soit notre
âge ».
En effet, selon lui, le besoin et l’existence d’une figure d’attachement,
d’une personne procurant un sentiment de sécurité, persiste tout au long de
la vie ; il considérait que les sociétés occidentales donnaient beaucoup trop
de valeur à l’indépendance et il était ulcéré de voir combien ce besoin de
base de sécurité tendait à être sous-estimé voire disqualifié (Mackie, 1981).
M. Ainsworth (1979) définit la relation d’attachement chez l’adulte
comme un lien affectif durable au sein duquel le partenaire, la figure d’atta-
chement, est considéré comme un individu unique, non interchangeable et
dont on a envie de rester proche. Les critères d’une relation d’attachement
sont :
• le besoin d’un maintien de l’accessibilité, une recherche de proximité
pour obtenir une expérience de sécurité si le système d’attachement est
activé et de réconfort émotionnel en présence du partenaire de la relation
(le havre de sécurité) ;
• une détresse à la séparation quand celle-ci n’est pas anticipée, quand elle
est imposée et subie, et une joie, un plaisir lors des retrouvailles avec le
partenaire quand il est la figure d’attachement.
Avec Bowlby (1969), Ainsworth souligne la notion de mutualité et réci-
procité au sein des relations d’attachement adulte selon que l’on recherche
ou que l’on fournisse la base de sécurité. En effet, chacun des partenaires
est à la fois donneur et receveur de soutien. Pour Kirkpatrick (1999), le

L’attachement : approche théorique


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192 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

degré de mutualité, c’est-à-dire le sentiment de confort de l’adulte à servir


de soutien pour sa figure d’attachement, est un indice de la sécurité de
l’attachement chez l’adulte. Cette sécurité des relations d’attachement réci-
proques et symétriques de partenaires adultes est construite principalement
sur la communication verbale  ; elle s’avère donc différente de la sécurité
de la relation parent-enfant qui est fondée sur le système d’attachement
préverbal et donc automatique (Blom et Van Dijk, 2007).
D’autres auteurs ont repris ces notions en apportant quelques préci-
sions particulièrement pertinentes chez l’adulte. Pour Weis (1982), l’effet
de l’absence différencie les relations d’attachement des autres relations
sociales  : le sentiment de solitude, au sens physique, et d’absence en cas
d’éloignement trop important de la figure d’attachement sont spécifiques.
Les attentes d’un futur partagé avec les figures d’attachement sont égale-
ment un indice crucial des relations d’attachement chez l’adulte.
Sheldon et West (1989) définissent la figure d’attachement chez l’adulte
comme la personne vers laquelle on se tourne pour trouver un soutien émo-
tionnel et concret, que l’on perçoit comme disponible et désireuse de nous
répondre de manière active. Ils évoquent un « partenariat émotionnel » avec
un individu irremplaçable. Hazan et Shaver (1987, 1994) insistent eux aussi sur
la dimension de soutien émotionnel représenté par la figure d’attachement.
Deux points sont particulièrement importants chez l’adulte. D’une part,
pour Holmes (2001), le sujet adulte a atteint un stade de développement
psychique qui lui permet de penser de façon complexe : le phénomène de
base de sécurité chez l’adulte n’est plus seulement en lien avec des figures
uniques mais peut être également vécu comme une représentation de
sécurité au sein du psychisme individuel (voir chapitre 15). D’autre part, la
construction des représentations d’attachement au sein des MIO va influen-
cer l’expression de ces caractéristiques dans les relations d’attachement
chez l’adulte (voir chapitre 5).
À partir de ces notions définissant les figures d’attachement chez l’adulte,
quelles personnes peuvent être des figures d’attachement pour un adulte ?

Les figures d’attachement adultes


Bartholomew (1997) montre que les sujets du tout-venant ont un réseau
de trois à six figures d’attachement. Ainsi, un adulte va avoir des figures
d’attachement à la fois dans son réseau de relations privées (le partenaire, la
famille, les amis proches) et en dehors de ce cercle (les collègues de travail,
des professeurs, un personnage religieux, un chef au sein d’un groupe). Pour
Mikulincer et Shaver (2007), ces différentes figures d’attachement sont hié-
rarchisées dans un réseau de figures d’attachement. Il existe aussi des figures
d’attachement dites « spécifiques au contexte » qui sont une source réelle
ou potentielle de réconfort et de soutien dans des contextes ­particuliers :
Relations d’attachement chez l’adulte 193

par exemple, les thérapeutes dans une relation thérapeutique, les soi-
gnants à l’hôpital (voir tome « Approche clinique »). Les leaders dans une
organisation, un groupe en tant que tel, une institution, des personnages
symboliques (comme Dieu) peuvent représenter des figures d’attachement
« symboliques » (voir chapitre 18).
Au sein de ces différentes figures d’attachement, les parents gardent une
place particulière dans le cercle relationnel privé. En effet, le lien d’attache-
ment persiste avec eux tout au long de la vie (Ainsworth, 1991) ; en témoi-
gnent les réactions des adultes à la perte de leurs parents. En revanche, leur
place dans la hiérarchie des figures d’attachement change naturellement, du
fait de l’apparition de nouvelles figures d’attachement spécifiques de l’âge
adulte (Kobak et al., 2005). Les parents semblent servir de « figures d’atta-
chement de réserve » : ils sont réutilisés activement chaque fois que l’enfant
adulte franchit une étape du développement (parentalité) ou rencontre de
sérieuses difficultés (divorce, maladie ; Mikulincer et Shaver, 2007).
Bartholomew (1997) souligne qu’il est probablement avantageux, à l’âge
adulte, de pouvoir se tourner vers différentes figures d’attachement selon
la nature de la situation stressante et/ou la forme de soutien désiré. Hazan
et Zeifman (1999) ont créé le Who To, qui demande aux sujets interrogés
de nommer les personnes qu’ils considèrent comme l’objet principal des
quatre comportements suivants :
• maintien de la proximité : la personne dont ils veulent le plus être proches
et passer du temps avec ;
• le havre de sécurité : vers qui ils se tournent en cas de détresse ou quand
ils n’ont pas le moral ;
• la détresse à la séparation : détester être éloigné, sentiment de manque en
cas d’éloignement ;
• la base de sécurité : compter sur l’autre pour être là en cas de besoin.

La relation d’attachement au sein


de la relation de couple
L’amour romantique en tant que processus
d’attachement
Hazan et Shaver (1987) ont été les premiers à considérer l’amour roman-
tique comme un processus d’attachement. Les adultes amoureux créent
des liens affectifs analogues en plusieurs points à ceux qui se créent entre
les enfants et leurs caregivers, qui reflètent leurs modèles opérants du soi et
des autres. Shaver et Hazan (1993) suggèrent que la théorie de l’attachement
peut éclairer quelques aspects de l’amour romantique chez les adolescents
et les adultes, en particulier en ce qui concerne les différences systématiques
de comportement et les défenses psychologiques suscitées par les relations.
194 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Le partenaire amoureux représente, après un certain temps de relation


qui semble se situer autour de deux ou trois ans, la figure d’attachement
principale pour la majorité des sujets de tout-venant dans les sociétés occi-
dentalisées. Au cours de ces deux ou trois années, le lien d’attachement se
développe en plusieurs étapes (Hazan et Zeifman, 1999).
Le pré-attachement constitue la première étape  : c’est la période initiale
de «  flirt  ». Le lien d’attachement n’existe pas encore à ce stade, mais la
nature des relations durant cette phase — les baisers, les échanges œil à œil
prolongés, les relations sexuelles — favorise le développement d’un lien
d’attachement ultérieur si le but de ce flirt n’est pas uniquement la satis-
faction sexuelle. La composante sexuelle va apporter une motivation pour
le développement de relations sociales et servir de catalyseur pour diriger
l’attention vers de futurs partenaires. L’attrait sexuel favorise la construc-
tion d’un lien d’attachement et se trouve renforcé par celui-ci.
L’attachement en voie de constitution représente la deuxième étape, celle
où l’«  on tombe amoureux  ». Pendant cette période, la proximité phy-
sique n’est plus motivée uniquement par l’attirance sexuelle mais par la
recherche d’une intimité plus générale, qui procure une source de sécurité.
Les échanges commencent à concerner les émotions et chaque partenaire
du couple dévoile ce qu’il ressent en donnant des informations sur sa propre
histoire, avec ses expériences douloureuses et ses peurs. Ces échanges per-
mettent de tester la réponse de l’autre et qu’ainsi chacun devienne un sup-
port émotionnel pour l’autre.
Le lien d’attachement est véritablement observé pendant la troisième étape,
celle où « l’on est amoureux ». L’attraction sexuelle a moins d’importance
et les échanges émotionnels prennent une grande place dans les liens. À
partir de la répétition des expériences qui, à travers ces échanges, procu-
rent du réconfort, de la sécurité, le lien amoureux est associé à la réduction
du stress au sens biologique du terme, au calme, à la sérénité. Le système
opioïde ­semble être le médiateur de ces sentiments. Le partenaire devient
alors le « havre de sécurité » vers lequel se tourner en cas de besoin, tandis
qu’apparaissent les manifestations de détresse à la séparation d’avec celui-là —
signes, comme on l’a déjà vu, d’un attachement installé.
La quatrième étape est caractérisée par le partenariat corrigé quant au but ; il
s’agit de « la phase de post-romance ». La nécessité d’une proximité physique
et tous les comportements qui favorisaient le développement d’un lien d’atta-
chement diminuent. L’énergie psychique utilisée pour l’établissement du lien
d’attachement peut se tourner à nouveau vers l’extérieur puisque l’assurance
d’un lien d’attachement dans une profonde interdépendance émotion-
nelle existe. En effet, comme pour les enfants et leurs parents, il existe dans
le couple une balance entre système d’attachement et système exploratoire.
C’est quand cette sécurité émotionnelle est construite dans le couple qu’appa-
raît une profonde détresse en cas de séparation des deux partenaires.
Relations d’attachement chez l’adulte 195

Hazan et Shaver (1987) suggèrent que les trois patterns d’attachement


identifiés par Ainsworth peuvent aider à décrire les relations entre parte-
naires d’attachement dans un couple. Les adultes avec un style d’attache-
ment sécure trouvent relativement aisé de faire confiance aux autres, de
s’ouvrir émotionnellement et de s’impliquer dans des relations intimes à
long terme. Ceux qui présentent un style anxieux sont incertains quant
au fait d’être aimés ou pas, dignes d’amour ou susceptible d’être protégés.
Cette incertitude craintive explique leur vigilance excessive, leur besoin de
réassurance, leurs protestations fréquentes et leur jalousie. Ceux qui pré-
sentent un style évitant ont appris, afin de se sentir relativement sécure, à
majoritairement s’appuyer sur eux-mêmes et à ne pas rechercher ouverte-
ment le soutien d’un partenaire, y compris lorsque (et en particulier s’il y
a des enfants) un tel soutien est nécessaire à la survie et au développement
optimal (Schachner et al., 2003). Pour Hazan et Shaver (1994), l’approche
théorique attachementiste de l’amour chez les adultes aide à expliquer les
réactions émotionnelles puissantes qui accompagnent les ruptures dans
les relations, que ce soit une séparation, un divorce ou un décès (voir cha-
pitre 14 du tome « Approche clinique »).

Attachement et choix du partenaire


La relation de couple met en jeu quatre systèmes de comportement : celui
de la reproduction, celui de l’attachement, celui de la sexualité et enfin
celui du système de soins parentaux. Lorsque l’on interroge des sujets sur les
qualités qu’ils recherchent chez leur partenaire « idéal », on trouve le plus
fréquemment la sensibilité (sensitivity) et la compétence à répondre aux
besoins d’attachement de façon satisfaisante (responsiveness). Ces qualités,
qui rappellent celles d’une figure d’attachement adéquate, sont citées bien
avant les qualités physiques, le statut social ou la fortune.
D’autres études (Berscheid et Reis, 1998) ont montré que les adultes vont
spontanément vers ce qui leur est familier pour créer des relations d’atta-
chement. Il semble que cela soit lié à l’effet de patron (template) de leurs
propres modèles internes opérants. Il semble ainsi qu’un adulte choisira
d’autant plus souvent un partenaire qui saura réduire son inconfort en cas
de stress, le rassurer, être là, s’il a fait l’expérience de parents disponibles
le rendant sécure. Dans le cas contraire, il choisira un partenaire qui res-
pectera ses modalités défensives.
Certains auteurs (Kenrick et  al.,  1993) ont essayé de comprendre pour-
quoi il existait des différences quant aux qualités privilégiées dans le choix
de leurs partenaires selon que les sujets s’engageaient dans une relation à
long terme ou ne se projetaient qu’à court terme. La motivation liée au
système d’attachement serait particulièrement importante dans le premier
cas parce que ce partenaire doit être un bon « compagnon » pour le sujet
196 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

et également, le plus souvent, un futur parent de qualité. Ainsi, tout adulte


rechercherait dans son partenaire sexuel les qualités qui feraient de lui un
bon parent pour leurs futurs enfants. À travers le lien d’attachement, le
partenaire d’une relation stable joue le rôle de source primaire de sécurité
physique et émotionnelle. C’est en s’appuyant sur celle-ci que des adultes
projettent la possibilité d’avoir des enfants. Ces hypothèses sont particu-
lièrement développées dans les modèles évolutionnistes (Simpson, 1999).

Attachement et qualité des relations de couple


Une meilleure qualité de la relation est perçue par les sujets sécures et par
ceux qui ont des partenaires attachés sur un mode sécure. Les conséquences
émotionnelles des interactions sécures avec d’autres personnes significa-
tives conduiraient à une orientation positive vers le fait de rechercher à
être ensemble, l’organisation d’objectifs d’interaction selon des modèles
d’intimité et de proximité, ce qui, en retour, encourage l’implication des
sujets dans des relations conjugales à long terme. Les représentations men-
tales positives de soi et des autres, qui caractérisent le sentiment de sécurité,
permettraient le développement d’une organisation cognitivo-affective
pour la résolution de conflit et donc le maintien de relations maritales
satisfaisantes. Enfin, le sentiment de sécurité de l’attachement favorise la
satisfaction psychologique d’autres systèmes motivationnels (par exemple,
l’exploration, l’affiliation, le caregiving) au sein de la relation, ce qui condui-
rait à augmenter la satisfaction conjugale (Mikulincer et al., 2002).
L’attachement chez l’adulte offre une relation particulière avec une autre
personne qui est perçue comme disponible, vers qui l’on peut se tourner
pour trouver un support émotionnel et qui est capable de répondre aux
besoins d’attachement – cette dernière qualité étant primordiale (West
et al., 1987). De plus, la disponibilité de la figure d’attachement et la percep-
tion du partenaire de cette disponibilité ne sont pas toujours concordantes :
le partenaire peut parfois la trouver inadéquate alors qu’elle est présente
à un niveau élevé. Enfin, les caractéristiques personnelles peuvent rendre
difficile l’utilisation par le sujet de ses relations d’attachement, particulière-
ment dans les moments de stress (West et al., 1987).
Collins et Feeney (2000) ont montré la façon dont la recherche de sou-
tien et du caregiving est cruciale pour le développement des sentiments de
confiance et de sécurité dans les relations intimes. L’engagement sera activé
si le sentiment de sécurité est menacé de façon à ce que, si les sujets ont à
affronter des événements perçus comme stressants ou menaçants, ils aient
tendance à désirer ou à rechercher le contact avec les figures significatives.
Dans les relations les plus sécures, un partenaire signale son besoin de
manière claire et conséquente jusqu’à ce qu’il y ait une réponse, réalisant une
approche directe de l’autre partenaire pour obtenir de l’aide ou du soutien.
Le soutien reçu est réconfortant : l’adulte est à même de rétablir son ­équilibre
Relations d’attachement chez l’adulte 197

émotionnel et de retourner à une activité normale et à l’exploration. En don-


nant un soutien en tant que base de sécurité, l’autre partenaire se montre
intéressé et ouvert pour détecter les signaux, pour reconnaître que le parte-
naire a un besoin ou une détresse, en interprétant correctement le besoin
et en donnant une réponse appropriée dans un temps adéquat. L’aptitude à
répondre de manière sensible à l’un des partenaires n’a pas besoin de corres-
pondre exactement aux préoccupations de l’autre partenaire, du moment que
les réponses prennent en compte le bien-être du partenaire et de la relation
dans son ensemble. Pour qu’un partenariat romantique puisse évoluer vers
une relation d’attachement, il semble que les adultes aient besoin d’inter-
actions répétées du type de base de sécurité (Crowell et Treboux, 2001).
C’est ainsi que les couples dont les partenaires ont un style d’attache-
ment sécure décrivent un sentiment de satisfaction dans leur vie conjugale,
partageant un sentiment de bien-être à être ensemble. Alors que les sujets
évitants ont peur de la dépendance, ils se montrent peu disponibles, voire
rejetant face aux besoins d’attachement de leur partenaire, ce qui ne favo-
rise pas des relations conjugales satisfaisantes et durables. Quand aux sujets
insécures-ambivalents, leur peur d’être abandonnés, leur besoin d’être ras-
surés au risque de devenir jaloux, excessifs dans les demandes, nuisent à
la qualité de la relation de couple qui est souvent teintée par une grande
insatisfaction (Howe, 2011).

Attachement dans le système du couple


Les individus sélectionnent souvent les environnements qui confirment
leurs regards sur le monde (Kirkpatrick et Shaver, 1992), mais les expériences
relationnelles peuvent invalider les modèles opérants existants (Rothbard et
Shaver, 1994). Les partenaires du couple peuvent soit maintenir des modèles
opérants existants, soit favoriser le changement pour le meilleur et pour le pire
(Jonhson et Best, 2003 ; Chon et al., 1992). Si l’autre partenaire a un attache-
ment sécure, cette expérience de chaleur et d’interaction sensible confirme le
modèle existant du partenaire sécure et invalide les modèles existants du parte-
naire insécure qui peut progressivement les reformuler (Miljkowitch,  2009).
Un couple dont l’un des membres au moins est insécure peut aussi éroder le
sentiment de sécurité des deux membres (Feeney, 2003). Les cycles destructeurs
de poursuite-mise à distance — un conflit pour réguler la proximité et contrô-
ler le climat émotionnel de la relation — peuvent en partie être maintenus en
raison des perceptions négatives de l’intention des autres (Byng-Hall, 1999).

Conclusion
La théorisation des relations d’attachement chez l’adulte ouvre des pers-
pectives enrichissantes pour comprendre quelques facettes des relations
proches et intimes de l’adulte, en particulier la relation de couple. Cette
198 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

approche permet de comprendre certains troubles dans les relations de


couples et de nourrir des projets thérapeutiques.

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18 Attachement et société :
travail, organisations
sociétales, religion

N. Guédeney

Nous abordons dans ce chapitre l’éclairage de la théorie de l’attachement


sur le fonctionnement des organisations sociales en tant que groupes : le
phénomène du leadership, le monde du travail, les organisations sociales
larges, les réseaux sociaux. Nous terminerons par les aspects normatifs de la
question relative aux liens entre attachement et phénomènes de croyance
et de pratique religieuse. Pour Bowlby (1969/1982), la théorie de l’attache-
ment pouvait aider à comprendre les relations bien au-delà de la relation
dyadique, voire au-delà des relations du domaine privé. C’est essentielle-
ment le courant psychosocial de la théorie de l’attachement qui étudie
ces applications de la théorie de l’attachement. En aucun cas, bien sûr, la
­théorie de l’attachement se voudrait d’expliquer à elle seule ces phéno-
mènes essentiels de l’humanité que sont les organisations groupales. Elle
apporte cependant une contribution essentielle pour en comprendre cer-
tains aspects liés à la régulation de la détresse ou de la peur.

Le leadership : la notion de figure


d’attachement chez l’adulte
hors du réseau privé
L’article pionnier de Mikulincer et Florian (1995) sur les relations entre
soldats et chefs dans l’armée israélienne, lance la recherche sur les liens
entre leadership et relation d’attachement. Les travaux de Popper et
Mayseless (2003) proposeront une théorisation plus complète du phéno-
mène de leadership et de la relation leader-affilié à la lumière de la théorie de
l’attachement en reprenant les postulats d’Ainsworth (1991) et de Hazan et
Zeifman (1999). La théorie de l’attachement peut s’appliquer à toute figure
dont on recherche la proximité en cas de détresse et qui joue le rôle de base
de sécurité. Les leaders des groupes organisés (les responsables, les autori-
tés politiques ou religieuses, les professeurs, les managers ou les officiers
­militaires) peuvent jouer le rôle d’un «  caregiver plus sage et plus fort  »,
qui fournit une base et un havre de sécurité pour ceux dont ils sont res-
ponsables (Popper et Mayseless, 2003).

L’attachement : approche théorique


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202 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Pour Mayseless et Popper (2007), les personnes qui assument un rôle de


leader ont en général les qualités suivantes : elles sont capables de répondre
rapidement et adéquatement à ceux qui les suivent ; elles sont capables de
fournir des conseils, de l’aide ainsi qu’un soutien émotionnel et concret aux
membres du groupe ; elles soutiennent la créativité, l’initiative et l’autono-
mie de ceux qui sont sous leur autorité  ; elles peuvent renforcer l’estime
de soi et le sentiment d’efficacité personnelle de leurs affiliés ; enfin, elles
soutiennent leurs souhaits d’affronter de nouveaux défis et d’acquérir de
nouvelles compétences. Ces personnes ont bien toutes les caractéristiques
d’une figure d’attachement même si elles n’appartiennent pas au réseau
privé. Davidovitz et al. (2007) parlent de figures d’attachement spécifiques
au contexte (voir chapitre  17). Pour Popper et Mayseless (2003), les affi-
liés occupent une place qui partage certains traits avec ceux d’un enfant
dépendant et vulnérable. Ils se tournent vers leur leader pour lui demander
soutien et aide dans les moments difficiles ou de menace. Les périodes de
crise personnelle ou collective, de traumatisme ou d’incertitude favorisent
le besoin d’un leader fort.
Berson et al., (2006) étudient le leadership, c’est-à-dire le processus d’être
perçu par les autres comme un leader, et la perception du leadership idéal.
Leur population d’étude est constituée de groupes d’étudiants américains
sans responsable désigné d’office. Les étudiants sécures mettent davantage
l’accent sur les qualités relationnelles du leader idéal que les étudiants insé-
cures. Les sujets sécures qui, en général, montrent plus de confiance, sont
plus aidants et sont à la fois plus dignes de confiance et capables de compter
sur les autres, sont également plus capables de négocier le rôle de leader ;
ils sont plus souvent que les insécures considérés par leurs pairs comme
des leaders potentiels. Popper et Amit (2009) analysent l’influence du style
d’attachement sécure sur le développement des capacités psychologiques
reconnues comme majeures pour devenir un leader efficace. Ces capacités
sont : la confiance en soi, un niveau d’anxiété bas, un sentiment général
d’efficience personnelle, une vision du futur, un optimisme résolu, une
capacité à prendre des initiatives, une ouverture à l’expérience et la capacité
d’en faire quelque chose. L’ensemble de ces qualités constitue une caracté-
ristique dite « potentiel pour devenir leader ». Ceux qui ont cette qualité
sont en général reconnus comme tels par les autres. Ce potentiel est plus
souvent retrouvé chez les personnes ayant un style d’attachement sécure.
Du point de vue de l’attachement, le facteur clé dans l’échec du leader à
prendre sa place est le développement de liens insécures avec ceux dont il a
la charge. Davidovitz et al., (2007), dans un contexte de guerre, au sein de
l’armée israélienne, étudient, à l’aide de questionnaires ou d’observations,
les différentes facettes du processus de leadership : l’impact de l’attachement
sur la motivation à être un leader, à être considéré par les autres comme un
leader potentiel ; les liens entre attachement et caractéristiques de l’exercice
Attachement et société : travail, organisations sociétales, religion 203

de la fonction de leader d’une part, et attachement et qualité des relations


leader-affilié, d’autre part. Le style d’attachement du leader est associé à
ses motivations à devenir leader, à ses représentations de soi comme leader
et à la capacité et à la volonté de servir de leader soutenant et qui prend
soin de ses affiliés. Les différences individuelles dans le style de leadership
sont associées au fonctionnement instrumental et socio-émotionnel au
sein du groupe et contribuent ainsi à la santé mentale des affiliés, au-delà
de la contribution du style propre d’attachement de l’affilié. Ils insistent
sur l’effet délétère des insécurités quant à l’attachement du leader, sur sa
qualité de leadership et sur le fonctionnement émotionnel et instrumental
des affiliés, et ce d’autant plus que les affiliés sont eux-mêmes insécures.
Par exemple, chez les leaders anxieux, le manque de confiance en soi ainsi
que l’anxiété quant à l’attachement, combinés avec ce puissant désir d’être
aimé, accepté et admiré par leurs affiliés, interfère avec leur capacité à obte-
nir une performance du groupe qui soit effective. Les évitants voient dans
leur rôle de leader une occasion de montrer leur confiance en eux et leur
supériorité mais ils ignorent la dimension de soutien socio-émotionnel du
leadership. Ils sont souvent perçus par leurs affiliés comme disqualifiant
et non disponibles émotionnellement, ce qui joue sur le sens de cohésion
du groupe. L’impact du leadership sur l’affilié, en cas d’insécurité d’atta-
chement chez le leader, est modéré par le style d’attachement propre de
l’affilié. S’il peut être moins délétère chez les sujets sécures mais seulement
pendant un temps limité, l’effet délétère sera amplifié lorsqu’affilié et leader
ont le même type d’insécurité (Popper et Amit, 2009).
Mikulincer et Shaver (2007a) insistent sur le fait que l’incapacité d’un
leader à ou son absence de volonté de répondre de manière sensible aux
besoins de ceux qu’il a en charge peut entraîner insécurité et démoralisation
ou même rébellion. Cette insécurité accentue la détresse et la vulnérabilité
des affiliés, soulève des doutes sur leur propre efficacité, active les défenses
psychologiques et interfère avec la performance, la croissance et l’adapta-
tion. L’insécurité altère la relation et la transforme en une relation dys-
fonctionnelle, conflictuelle et mutuellement hostile qui est source d’échec,
et pour le leader, et pour l’affilié.
Les modèles internes opérants (MIO) de la relation leader-affilié comportent
deux niveaux Comme on l’a vu dans le chapitre 16, le style d’attachement
fonctionne comme un trait de personnalité qui s’exporte dans les contextes
interpersonnels qui activent peu ou prou le système d’attachement. Un pre-
mier niveau des représentations traduira les attentes a priori du sujet à propos
de l’autre et de soi. Il y a un impact du style d’attachement de l’affilié sur la
relation leader-affilié a priori. Ainsi, un leader sécurisant peut être mis en diffi-
culté par les réponses d’un affilié insécure. Un leader insécurisant peut mettre
en difficulté un affilié sécure Un deuxième niveau sera le reflet de la qualité
actuelle et réelle de la relation entre le leader et l’affilié  : un a­ ttachement
204 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

sécure  ou insécure peut se développer entre l’affilié et le leader qui modé-


rera l’impact du style d’attachement de l’affilié (Davidovitz et al., 2007). Pour
Neustad et al. (2011), la théorie de l’attachement semble donc de plus en plus
pertinente pour informer les formations au management et au développe-
ment du leadership, en particulier dans le domaine des relations de travail.

Le monde du travail
et la théorie de l’attachement :
le domaine de l’exploration ; illustration
du phénomène de base de sécurité
Hazan et Shaver, dans leur article pionnier de 1990, mettent en relation
les deux domaines si importants de la vie de l’adulte que sont le travail et
la vie privée. L’activité professionnelle serait, en partie, le reflet du fonc-
tionnement du système motivationnel de l’exploration du sujet. Krausz
et al., (2001) développent ces postulats : un environnement professionnel
demande de faire face à des situations nouvelles et de s’adapter aux chan-
gements. Le monde du travail est une des sources majeures du sentiment de
compétence chez l’adulte  ; il donne les opportunités de résoudre des
défis, de faire face à l’inconnu et à l’échec, de créer et de maintenir
des relations interpersonnelles durables, en particulier lorsque l’on
commence un nouveau travail. Les modèles de travail habituels du sujet
influencent les stratégies du sujet, ses cognitions et se manifestent dans
ses compétences à faire face (exploration, sentiment de compétence per-
sonnelle même dans l’échec) ou dans son sentiment de valeur personnelle
même lorsqu’il n’y arrive pas.
Le monde du travail est aussi un lieu où peut s’activer l’attachement du
sujet. Le travail comporte des stress sociaux interpersonnels et de perfor-
mance. Il comporte la création de liens interpersonnels qui peuvent devenir
des liens d’attachement. Il suscite des contextes dynamiques d’activation
du système d’attachement du sujet au travail, c’est-à-dire une dynamique
contextuelle d’attachement (Mikulincer et Shaver,  2007a)  : demander de
l’aide, se dévoiler. Les modèles de travail liés à l’attachement joueront sur la
qualité de l’adaptation aux exigences de l’environnement (précarité, stress,
changements) qui demandent une grande flexibilité.
Hazan et Shaver (1990) sont les premiers à avoir considéré l’équilibre
activité professionnelle/vie privée comme un équivalent, chez l’adulte, de
l’équilibre exploration/attachement dans le phénomène de base de sécurité
chez l’enfant. L’investissement du travail peut être un investissement explo-
ratoire d’autant plus efficient que le sujet peut se tourner vers son réseau
privé pour y trouver un soutien en cas de problème. En cas de s­tratégies
d’évitement, l’hyperinvestissement professionnel est un élément de diver-
sion car il se fait au détriment des relations proches. Il permet ­d’éviter une
Attachement et société : travail, organisations sociétales, religion 205

intimité insupportable. En cas de stratégies de maximisation, les sujets


anxieux quant à l’attachement sont envahis par leurs préoccupations pri-
vées insécurisantes au détriment de l’investissement exploratoire et donc de
leur efficience (voir chapitre 16).
L’existence de liens entre la qualité de l’attachement et le bien-être au
travail ou la qualité de la performance au travail est de nature indirecte ; en
fait, dans le monde sociétal actuel, la construction d’une base de sécurité au
travail est rendue particulièrement difficile (Holmes, 1996). Harms (2011),
dans une revue de la littérature sur les styles d’attachement et le travail,
insiste sur leur contribution cruciale à la compréhension du comportement
des personnes sur leur lieu de travail. Ceci a conduit à la création de question-
naires spécifiques : l’Adult Attachment at Work (AAW ; Neustadt et al., 2011)
ou l’Experience of Relationships Scale (ERS ; Richards et Schat, 2011). On consi-
dère actuellement le rôle de l’attachement davantage comme un médiateur
ou un modérateur (Simmons et al., 2009). La ­relation de confiance avec le
leader (manager, chef, etc.), l’équilibre avec la vie ­familiale comme source
de sécurité, la qualité des relations interpersonnelles avec les collègues
sont directement liés à l’attachement et influencent le bien-être au travail.
Simmons et  al. (2009), par exemple, testent un modèle qui intègre style
d’attachement, confiance dans son responsable, espoir et burn-out comme
variables explicatives du lien entre un attachement sécure et une meil-
leure performance aux tâches. Si l’attachement sécure est associé directement
aux trois variables explicatives et dans le sens attendu, seule la confiance a
un lien direct avec la performance. Il semblerait que la dimension de sécu-
rité soit associée à plus de conscience professionnelle qui, elle-même, est
liée à la performance (Neustadt et al., 2011). Towler et Stuhlmacher (2013)
trouvent des associations fortes entre le style d’attachement et les relations
sociales au travail et avec le responsable hiérarchique, elles-mêmes associées
à une meilleure santé physique, ce qui est un indice indirect de l’absence
de burn-out.
Harms (2011) insiste lui aussi sur l’importance de prendre en compte la
dynamique de l’attachement dans la formation au management pour favo-
riser bien-être et performance et diminuer le risque de burn-out au travail.

Le groupe comme figure d’attachement,


attachement et organisations
au sein de la société
Le groupe comme figure d’attachement
potentiel : construction théorique
L’article pionnier de Smith et al., (1999) élargit l’apport de la théorie de l’atta-
chement à un contexte extra-dyadique. Il s’intéresse surtout aux groupes
206 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

que sont les fraternités, les communautés, les équipes ou clubs de sports et
les groupes d’étudiants. Dans une perspective évolutionniste, Smith sou-
ligne que l’attachement individuel et l’attachement au groupe sont deux
éléments complémentaires mais tout aussi essentiels à la survie de l’espèce
humaine. Il postule qu’on peut aussi développer un modèle de soi en tant
que membre d’un groupe et un modèle des autres en tant que groupe comme
source d’identité et d’estime de soi. Ces modèles affecteraient les pensées, les
émotions et les comportements associés au fait d’être membre du groupe. Si
les relations d’attachement individuelles et les relations d’attachement au
groupe ne sont pas superposables, elles sont liées du fait de la construction
des MIO (voir chapitres 5 et 15). Les modèles mentaux de soi (en tant que
membre du groupe) et ceux du groupe se développent dans les interactions
répétées entre les membres du groupe au sein de ce groupe. Ces inter-
actions  sont elles-mêmes interprétées, perçues et filtrées en fonction des
modèles préexistants chez chaque sujet. Il existe donc, à côté des modèles
de relations dyadiques d’attachement, des modèles d’attachement au groupe
avec des croyances de base sur soi et les autres, dans le contexte de ce groupe.
Smith et al., (1999) intègrent les recherches de Collins et Read (1994) dans
un modèle complexe de MIO liés au groupe. Les représentations généralisées
fondées sur les expériences avec un groupe spécifique vont gouverner
les interactions et les sentiments à propos de ce groupe. Par exemple, les mem-
bres du groupe peuvent projeter leurs modèles de travail les plus accessibles
du soi et des autres sur le groupe, en particulier lors d’activités exigeantes,
menaçantes ou qui mettent au défi. Ceci peut alors biaiser leur évaluation
du fonctionnement propre du groupe, de ses réponses et de ses demandes De
même, les orientations plus générales — qui se construisent en généralisant
et en intégrant les expériences successives avec différents groupes — vont
modeler les attentes générales a priori sur un nouveau groupe ou sur un type
inconnu de groupe (Mikulincer et Shaver, 2007a).
Ces MIO du groupe influencent les émotions  : par exemple, la cha-
leur et la sécurité liées au fait d’être accepté par le groupe ; l’anxiété et la
honte quand le sujet doute de cette acceptation ou qu’il se sent rejeté. Ces
modèles influencent les tendances comportementales, comme être émo-
tionnellement ouvert, rechercher du soutien et, de manière générale, éviter
le ou se rapprocher du groupe. Smith et al., (1999) décrivent, comme dans
l’attachement dyadique, deux dimensions sous-jacentes à l’attachement
au groupe. L’évitement et l’anxiété quant à l’attachement sont retrouvés
dans la structure de leur outil de mesure de l’attachement au groupe (Social
Group ­Attachment Scale-Most Important Group Version  ; Smith et  al.,  1999).
L’attachement au groupe prédit quelques variables importantes quant au
fonctionnement groupal : les émotions liées au groupe ; l’identification au
groupe en tant que désir d’être proche du groupe et de s’en servir comme
d’une source de soutien et d’identité ; le temps et les activités partagées au
Attachement et société : travail, organisations sociétales, religion 207

sein du groupe ; le soutien social, l’estime de soi collective et les manières


de résoudre les conflits au sein du groupe. Les membres du groupe peu-
vent considérer leur groupe comme une « figure d’attachement symbolique
source de sécurité  » et former des liens d’attachement au groupe en tant
qu’un tout ou bien au réseau de ses membres (Mikulincer et Shaver, 2007b).
Rom et Mikulincer (2003) développent les hypothèses de Smith sur la per-
tinence de la théorie de l’attachement pour comprendre les différences indi-
viduelles dans les cognitions, les affects et les comportements liés au groupe.
Ils trouvent en particulier que les sujets ayant un style d’attachement sécure
ont plus de souvenirs positifs des interactions dans le groupe : ils évaluent
ces interactions en termes de défi plus que de menace ; ils réagissent à ces
interactions avec des affects plus positifs et fonctionnent bien dans le tra-
vail en équipe, tant sur le plan instrumental que socio-émotionnel. L’évite-
ment au niveau dyadique contribue à une anxiété spécifique au groupe. Les
activités groupales peuvent être si menaçantes pour les sujets évitants qu’ils
sont incapables de supprimer l’anxiété liée à l’attachement ; ceci peut alors
entraver leur performance instrumentale (Mikulincer et Shaver, 2007b). Le
rôle des caractéristiques du groupe, en particulier la cohésion du groupe qui
apporte un sentiment de sécurité et de soutien, joue cependant un facteur
modérateur entre le style d’attachement et les composantes étudiées dans
le groupe. Ce sentiment de cohésion améliore le fonctionnement des sujets
anxieux mais exacerbe les difficultés des sujets évitants (Smith et al., 1999).
Des études sur les effets possibles de la composition du groupe, forcément
hétérogène en termes de style d’attachement de ses membres, semblent
prometteuses. Par exemple, les sujets anxieux peuvent être des « détecteurs
de menace » qui informent rapidement les autres membres du groupe sur
les problèmes potentiels dans l’accomplissement des tâches. Les évitants
peuvent réagir rapidement quand il n’y a pas de temps suffisant pour
les discussions en groupe et une formation consensuelle (Mikulincer et
Shaver,  2007b, p. 239). Les sujets sécures peuvent eux, coordonner les
membres du groupe, maintenir la coopération, le consensus et la solidarité ;
ils peuvent respecter et encourager l’autonomie et la créativité (Mikulincer
et Shaver, 2007a, p. 440). Ces auteurs soulignent combien une formation
des responsables de groupe, quelle qu’en soit la nature, à la détection des
forces et vulnérabilités de leur groupe en termes d’attachement, serait inno-
vante et utile pour promouvoir un fonctionnement groupal efficient.

Les organisations sociétales : de la communauté


à l’organisation politique
Qu’en est-il pour des groupes plus larges ou des organisations comme la
nation ? Les processus qui sous-tendent les organisations sociétales sont
essentiellement des dynamiques de groupe et de relations entre leaders
208 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

et ceux qui les suivent ou sont sous leur responsabilité ou leur pou-
voir. L’attachement joue-t-il de la même manière  ? Kraemer et Roberts
(1996) sont les premiers à avoir proposé d’appliquer les découvertes de
la théorie de l’attachement au contexte général, social ou politique, dans
leur livre intitulé Les politiques de l’attachement  : vers une société sécure.
Holmes (1996) souligne que la théorie de l’attachement apporte un nou-
vel éclairage aux processus de la vie citoyenne. Dans tout contexte de
recherche d’aide ou de sécurité auprès d’une figure spécifique, dans les
moments de détresse, qu’en est-il des processus de négociation, de mar-
chandage, de prise de pouvoir, de prise de décisions par les responsables
et des questions plus larges de société, d’économie et de politique  ? Il
insiste sur le fait que les politiques devraient inscrire la sécurité au sein
des valeurs majeures de respect de la personne. Marris (1996) va dans
le même sens  : une «  bonne  » société devrait cultiver les qualités de
prévisibilité, de capacité à répondre aussi rapidement que nécessaire
et de manière sensible, d’intelligibilité, de soutien et d’engagement.
Davidovitz et al. (2007) postulent que l’effet de leadership est d’autant
plus important que le leader a un pouvoir accru et que le contexte est
stressant. Cette dimension est particulièrement importante pour l’étude
théorique des grands leaders politiques et de leur effet positif ou négatif
sur leur peuple. Il n’y a toutefois pas encore de données empiriques sur
cette thématique.

La question des réseaux sociaux


à la lumière de l’attachement
Le développement récent mais extraordinairement rapide des réseaux
sociaux a bouleversé notre conception classique de comment les sujets,
en particulier les jeunes adultes, peuvent se connecter les uns avec les
autres. Comment les liens sur ces réseaux sociaux peuvent-ils être éclai-
rés par la théorie de l’attachement ? La question de la séparation qui est
au cœur de la théorie de l’attachement ne se pose plus puisqu’on peut
être tout le temps connecté. En revanche, celle du dévoilement — qu’il
soit authentique, falsifié, superficiel ou exagéré — et la question de la
confiance sont au premier plan. Nitzburg et al. (2013) soulignent aussi le
défi pour les théoriciens de l’attachement qui sont d’une autre génération,
de comprendre comment les jeunes peuvent utiliser les réseaux sociaux
pour développer et établir des connexions avec les autres dans la pers-
pective de l’attachement. Peut-on parler d’une nouvelle source de figures
d’attachement virtuelles et, si oui, quelles en sont les caractéristiques  ?
Comment les réseaux sociaux peuvent-ils s’inscrire dans de nouvelles pos-
sibilités de se connecter ou au contraire d’éviter de nouer des relations
proches nécessaires au développement optimal du sujet, tout en tradui-
sant des stratégies adaptatives pour ce sujet ?
Attachement et société : travail, organisations sociétales, religion 209

La religion conceptualisée comme


un modèle d’attachement
Kirkpatrick est le premier à avoir évoqué le fait que certains aspects cru-
ciaux de l’expérience et du comportement religieux pouvaient être éclairés
par la théorie de l’attachement (pour revue : Kirkpatrick, 1999). Les reli-
gions chrétiennes dans les sociétés occidentales ont été les plus étudiées
mais récemment la religion juive (Granqvist et  al.,  2012) puis certaines
religions non monothéistes comme le bouddhisme (Sahdra et al., 2010 —
la nature protectrice et plus sage et plus forte de la trilogie Budha, Darma
et Shanga), voire des phénomènes religieux anthropomorphiques comme
le New Age ont été étudiés (Granqvist et al., 2007).

La relation à Dieu comme figure d’attachement


La figure de Dieu, dans les religions monothéistes étudiées à notre époque,
représente une figure d’attachement. Pour Granqvist et  al., (2012), l’idée
de Dieu est même l’idée de la figure d’attachement absolument adéquate.
Cependant, le degré auquel une relation avec Dieu fournit un havre de
sécurité est diminué en cas d’insécurités personnelles liées à l’attachement
et, en particulier, d’évitement. Si elle n’est pas une figure réelle incarnée, la
figure de Dieu joue le rôle de relation d’« attachement-like » pour la grande
majorité des croyants (Granqvist et  al.,  2010). Grâce au développement
cognitif, l’adulte peut se servir de l’évocation d’une figure pour retrouver
une sécurité ressentie. Granqvist et Kirkpatrick (2008) parlent de «  figure
d’attachement exaltée  ». Pour les religieux, Dieu est même la principale
figure d’attachement de leur vie d’adulte (Cassiba et al., 2008).
Granqvist et  al., (2010) évoquent les ressemblances phénotypiques
entre l’attachement aux parents et les relations des croyants avec Dieu. La
relation croyant-figure divine remplit tous les critères d’une relation d’atta-
chement  : recherche et maintien de la proximité tout d’abord. Dieu est
omniprésent. Les pratiques religieuses comme la prière, la méditation, les
rituels et l’engagement dans des activités bénévoles altruistes augmentent
ce sentiment de proximité (Granqvist et Kirkpatrick, 2008). Il y a résistance
à la séparation ou douleur à la séparation d’avec Dieu. Les croyants qui ont
perdu la foi décrivent une situation de chagrin, de désolation et de solitude
insupportable (Birgegard et Granqvist,  2004). Ces auteurs trouvent que
des croyants monothéistes expriment un souhait accru d’être près de Dieu
quand on les stimule au préalable (technique de priming) avec une menace
de séparation subliminale de leur figure d’attachement primaire, par
rapport à une stimulation neutre quant à l’attachement. On se sert de Dieu
comme d’une figure plus sage et plus forte. Les croyants croient que
Dieu est tout-puissant et pourtant qu’il sera toujours là. La figure de Dieu
est considérée comme un Havre de sécurité. Granqvist et Kirkpatrick (2008)
210 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

rappellent que dans les périodes de grande crise personnelle ou générale, les
gens se tournent davantage vers Dieu. Dans leurs prières, ils demandent aide,
réconfort, réassurance et soulagement. Les gens même non pratiquants ou
qui ne sont plus croyants ont plus de probabilité de se tourner vers Dieu
ou vers toute autre figure surnaturelle quand ils doivent faire face à des
situations qui activent fortement leur système d’attachement (Granqvist
et al., 2010). Ils éprouvent alors un sentiment de sécurité dans la relation
avec Dieu et, en particulier, ressentent moins de sentiment de solitude. Les
situations particulièrement associées à un rapprochement d’avec Dieu sont
les suivantes : souffrir d’une maladie sévère ou chronique, vivre une situa-
tion de handicap, être soumis à un événement négatif de vie qui entraîne
à la fois une détresse physique et psychique. Il y a aussi les événements
stressants ou sources de dangers (guerres, catastrophe naturelle, accident
etc.), les séparations ou menaces de séparation, en particulier de proches
(famille, amis). La croyance religieuse (qui se manifeste davantage dans
le fait de prier que d’aller dans un lieu de culte) augmente après le deuil
d’un proche aimé. Cette perte signifie qu’on a perdu la disponibilité de la
personne vers qui on se tournait habituellement pour trouver du réconfort
dans une situation de stress ; il en est de même chez les personnes âgées
(voir chapitre 19). Dieu peut alors représenter une « figure d’attachement
alternative » (Granqvist et Kirkpatrick, 2008).
La relation à Dieu en tant que base de sécurité est moins étudiée. La revue de
la littérature de Granqvist et al., (2010) montre que de nombreuses formes
de pratique religieuse ou de spiritualité sont associées à une approche de
la vie confiante, plus sûre de soi et pleine d’espoir. Granqvist et al., (2012)
montrent qu’une technique de priming avec un symbole religieux éveille
automatiquement un affect positif. Il y a également un lien significatif
entre le degré d’évitement et des réactions émotionnelles moins positives.

La religion comme modèle d’attachement


Kirkpatrick (1999) a individualisé deux trajectoires développementales dis-
tinctes, informées par l’attachement, qui peuvent mener à la religion. La
première trajectoire est dite trajectoire de compensation. Le sujet dirige ses
comportements d’attachement vers une figure d’attachement de substitu-
tion en situation de détresse. Une méta-analyse conduite par Granqvist et
Kirkpatrick (2004) sur les conversions religieuses va dans ce sens. Les sujets
ayant eu des conversions soudaines ont des scores beaucoup plus élevés sur
les échelles d’insensibilité parentale (à propos de leurs propres parents) que
ceux qui sont venus progressivement à la religion ou que les non-convertis.
Ces conversions surviennent en général après un moment de grande
détresse, plutôt de nature interpersonnelle (rupture amoureuse par exemple,
divorce ou relation insécure au partenaire amoureux), (Kirkpatrick, 2005).
Attachement et société : travail, organisations sociétales, religion 211

La ­trajectoire développementale vers la religion, dans ces cas d’insensibilité


parentale et d’attachement insécure aux figures d’attachement adultes, est
marquée par l’activation du système d’attachement dans des conditions où
la relation perçue avec Dieu aide le croyant à réguler sa détresse. Elle ne
déclinera que lorsque le besoin de réguler la détresse diminuera (Granqvist
et al., 2010). Les auteurs soulignent que c’est à la fois une approche de la
religion comme un moyen par défaut mais aussi une approche qui mon-
tre la fonctionnalité adaptative de la relation à Dieu pour promouvoir une
sécurité acquise. Cette trajectoire donne toute sa place à une approche dite
complémentaire de la religion comme facteur potentiel de développement
ou de croissance.
Kirkpatrick (1999) développe une deuxième trajectoire fondée sur l’hypo-
thèse de correspondance. Celle-ci est liée des expériences de c­aregiving
sensible. Il y a généralisation des MIO construits dans la relation aux figures
d’attachement primaires à ceux de la figure et de l’utilisation de Dieu. Les
MIO correspondant à la relation avec Dieu (modèle général de la relation
avec Dieu) s’inscriraient au second niveau du réseau hiérarchique des MIO
(voir chapitre 15), entre ceux des relations aux parents et des relations aux
amis. À un niveau hiérarchique inférieur peuvent exister des modèles de
relation plus spécifiques aux figures de chaque religion (Jésus, la Vierge
Marie, un saint, etc.). Granqvist et al., (2010) ajoutent une sous-hypothèse
de correspondance sociale : les croyances religieuses refléteraient également
les standards religieux (niveau élevé de pratique religieuse) des figures
d’attachement si elles sont sensibles ou du partenaire si la relation avec
lui est sécurisante. Ainsi, des conversions religieuses ont également été
liées, de manière prospective, à davantage d’expériences de soins parentaux
sensibles et à des relations avec les partenaires sécurisantes, mais après l’éta-
blissement d’une nouvelle relation intime (Granqvist et Hagekull,  2003).
L’étude transculturelle sur attachement et religion donne des arguments à
cette trajectoire (Mikulincer et Shaver, 2007). La figure de Dieu est construite
comme plus aimant dans les cultures où le parenting est chaleureux, tolérant
et acceptant. Elle apparaît plus distante quand la culture est marquée par un
parenting plus dur et rejetant. Deux recherches récentes sur des échantillons
de Juifs croyants (Granqvist et  al.,  2012) et sur des religieux catholiques
(Cassiba et al., 2008) confirment cette hypothèse.
Cependant, ces études sont limitées à des échantillons très pratiquants et
donc ne répondent pas à la question de pourquoi des sujets laïcs n’utilisent
pas Dieu comme figure d’attachement. Parce qu’ils sont plus attachés de
manière sécure et n’ont pas besoin de telles croyances  ? Ou parce qu’ils
sont plus évitant et vont s’appuyer sur d’autres sources de sécurité ? Enfin,
la théorie de l’attachement n’est qu’un éclairage de la dimension psycho-
logique de la religion qui n’en capte pas toute la complexité (Granqvist
et al., 2012).
212 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Conclusion
La théorie de l’attachement apporte un éclairage très enrichissant sur la
valeur fonctionnelle de dimensions plus sociétales bien que nous ne soyons
qu’au début des études. Ce domaine a un double intérêt  : approfondis-
sement de la théorie en élargissant son domaine d’application aux relations
non dyadiques et en dehors du réseau privé ; intérêt clinique et psycholo-
gique dans son application aux domaines du management et du fonctionne-
ment des organisations. Ce domaine encore largement inexploré rappelle la
valeur essentielle de la sécurité en cas de détresse et de l’autonomie dans
la connexion aux autres.

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19 Attachement
et vieillissement :
perspectives
développementales
et cliniques

C. Sabatier, N. Guédeney

Bowlby (1980) a été rapidement convaincu que « les représentations d’atta-


chement sont actives depuis le berceau jusqu’à la tombe  »  ; pourtant, les
études sur l’attachement des personnes âgées sont apparues tardivement,
à partir des années 1990. Une excellente revue de la littérature souligne
la récence de cette question et son intérêt, tout en notant les limites des
recherches actuelles (Van Assche et al., 2013). Du fait de l’augmentation de
l’espérance de vie et de la proportion croissante des personnes de plus
de 60 ans au sein des sociétés occidentales, l’étude des processus psycholo-
giques de cette population est devenue cruciale. Une très grande diversité de
formes de vieillissement, de parcours de fin de vie est observée, la conserva-
tion de l’autonomie pendant cette période variant fortement d’un individu à
l’autre (Baltes et Smith, 2004). Il faut distinguer, les personnes à la retraite en
bonne forme physique et actives, de celles qui rencontrent des problèmes de
santé qui amenuisent leurs capacités physiques et cognitives, les personnes
très âgées et les personnes démentes ou qui souffrent de problèmes graves tels
que les accidents vasculaires cérébraux — un chapitre spécial sera consacré à
ces dernières personnes dans le volume « Approche clinique ». Le vieillisse-
ment et le bien-être tant physique que psychologique sont reliés à un grand
nombre de facteurs contextuels, en particulier relationnels. La v ­ ulnérabilité
des sujets âgés aux maladies chroniques et débilitantes ainsi que le risque de
vivre des expériences de perte et de séparation sont susceptibles de réactiver
les problématiques typiques de la petite enfance, tandis que les personnes
en forme au début de la retraite peuvent éprouver le besoin de se sentir
utiles et de servir de personnes ressources, autrement dit de caregivers. Tout
ceci implique que l’on s’intéresse à l’attachement et au caregiving en tant
qu’éléments pivots de cette ultime étape de la vie (Bradley et Cafferty, 2001).
Traiter l’attachement chez la personne âgée, c’est aussi distinguer les
­évolutions de l’attachement selon les différentes formes de vieillissement et
distinguer plusieurs dimensions de l’attachement : les styles d’attachement,

L’attachement : approche théorique


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216 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

les liens d’attachement, notamment les figures d’attachement et les compor-


tements d’attachement, et les distinguer des comportements et valeurs de
solidarité familiale (Merz, Schuengel, Schulze, 2007).

Attachement et vieillissement
Le vieillissement s’accompagne des changements physiques et sociaux inéluc-
tables susceptibles de modifier les styles d’attachement et de réveiller de nou-
veaux besoins de sécurité (Ainsworth, 1991). Wright et al. (1995) notent que
la perte de la capacité à s’assumer soi-même est accompagnée d’un sentiment
croissant de crainte, de vulnérabilité et d’insécurité chez le sujet âgé, plus parti-
culièrement chez ceux qui sont malades. On observe un déclin des ressources
physiques qui conduit à une augmentation de la dépendance effective. En
général, les personnes âgées expriment une nette préférence pour conserver
un maximum d’autonomie, mais certains contextes sont susceptibles de met-
tre à mal cette préférence et agissent comme des activateurs potentiels de la
recherche d’attention et de proximité. Magai (2008) en repère trois :
• le contexte d’impuissance lié à la limitation des activités et la dépendance
physique croissantes liées à toutes les atteintes fonctionnelles, comme les
rhumatismes, la perte de la force musculaire ;
• les émotions complexes négatives (anxiété et dépression) liées aux pertes
et aux deuils qui frappent les personnes âgées, ainsi que la perspective pour
le sujet de sa propre mort ;
• les différentes formes de maladies chroniques qui touchent les personnes
âgées qui impliquent une surveillance et/ou des soins constants.
La dépendance et les limitations physiques entraînent une réactivation ou
une intensification chez la personne âgée des comportements de recherche
de proximité destinés à obtenir ou maintenir la proximité et/ou la dis-
ponibilité de ses figures d’attachement et une stimulation des stratégies
conditionnelles habituelles du sujet (Shaver et Mikulincer, 2004).
Cependant, il est particulièrement important, à cet âge de la vie, de
distinguer la conscience de sa dépendance fonctionnelle (objectivement
observable), qui est une évaluation réaliste du sujet de ses pertes d’auto-
nomie, et les besoins d’attachement du sujet, c’est-à-dire la croyance que
ce même sujet a en la disponibilité des autres pour lui fournir soutien et
assistance en cas de besoin (Bradley et Cafferty, 2001). Magai (2008) insiste
sur la réapparition, après des années d’autonomie réussie, d’une dépen-
dance qui peut apparaître aux sujets comme un véritable empiétement sur
leur vie et être ressentie comme un dénouement douloureux. La mise au
défi de l’équilibre autonomie/dépendance qui apparaît progressivement
semble éveiller un combat intérieur de type approche et évitement.
Selon les types d’attachement antérieurs au déclin des capacités physiques,
ce réajustement est plus ou moins harmonieux. Le combat est probablement
Attachement et vieillissement : perspectives développementales et cliniques 217

plus facile pour les sujets ayant un attachement sécure que ceux qui ont l’un
des types d’attachement non sécures. Les sujets avec un attachement anxieux
risquent, par leurs trop grandes demandes de soin et de réassurance à leurs
figures d’attachement, d’enclencher chez elles l’envie de s’éloigner. Le besoin
permanent, jamais satisfait et empreint d’une forte tonalité émotionnelle
faite d’exigence, de colère et de plaintes peut, en effet, rebuter les caregivers
et engager le cercle vicieux bien connu de demandes et d’éloignement. Les
sujets évitants auront tendance, quant à eux, à nier leurs difficultés ; en consé-
quence, ils rechercheront moins à recevoir d’aide (Long et Martin, 2000).
La théorie de l’attachement permet de comprendre que ces « nouveaux »
besoins d’attachement de la personne âgée, loin d’être l’expression d’une
régression plus ou moins acceptable pour la société, l’entourage et les indi-
vidus eux-mêmes, sont une réponse adaptative. Ils sont essentiellement
l’expression des stratégies habituelles pour retrouver un sentiment de sécu-
rité (Shaver et Mikulincer, 2004). Toutefois, bien des zones d’ombre subsis-
tent dans notre compréhension du fonctionnement de l’attachement chez
les personnes âgées. Par exemple, la place des autres systèmes motivation-
nels et les ressources qu’ils apportent pour faire face aux défis du vieillis-
sement, restent encore très mal étudiée (Shaver et Mikulincer,  2004). Le
système d’attachement reprend-il une place prépondérante, à l’instar des
premières années de la vie, en tant que moyen préférentiel d’aide au sujet
âgé pour faire face aux signaux de danger, de vulnérabilité ou de conflits
(Cookman,  2005)  ? Le rôle des transformations biologiques, hormonales
et neuronales liées au vieillissement dans les processus de l’attachement
reste encore une inconnue, même si quelques chercheurs soulèvent cette
question. Ainsi, Huffmeijer et al. (2013) suggèrent que les modifications des
connexions synaptiques pourraient être responsables d’une lecture erronée
des informations émotionnelles, d’où des sentiments d’insécurité accrus.
Ces auteurs s’interrogent aussi sur le rôle de l’ocytocine et de son évolution
chez les personnes très âgées.

Évolution des styles d’attachement


au troisième et quatrième âge
Avec le vieillissement et la période de la retraite, on assiste à une
­réorganisation du réseau social et, en conséquence, des figures de l’attache-
ment (voir plus loin). Mais, au-delà, on note une transformation des modèles
internes de l’attachement, liée à l’évolution de chacune des dimensions
qui les compose.
Cette modification des styles d’attachement est une question pour
laquelle il y a quelques évidences mais aussi des résultats contradictoires
selon les études et les méthodes employées. La plupart des recherches sont
des recherches transversales avec des mesures, des tailles d’échantillons
218 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

variées et surtout une grande fourchette d’âge des participants, ayant ou


non des problèmes associés et qui, souvent, mélangent les différentes étapes
de la vieillesse. Une seule recherche longitudinale examine cette question
sur une période de six ans mais elle inclut une fourchette très large d’âge de
18 à 85 ans (Zhang et Labouvie-Vief, 2004). Il n’y aurait pas de variation en
termes de pourcentage pour les attachements sécures.
En revanche, l’étude de la distribution des modalités d’attachement
insécure, quels que soient les outils utilisés, révèle des différences entre les
personnes âgées et les adultes d’âge mûr. Il y a une surreprésentation (50 %
des cas) du style « évitant » et peu de styles « préoccupés » (Consedine et
Magai,  2003  ; Webster,  1997  ; Zhang et Labouvie- Vief,  2004). Wensauer
et Grossmann (1995) rapportent une surreprésentation des attachements de
type « détaché ». Des recherches récentes montrent en comparaison avec les
jeunes adultes une diminution de l’anxiété d’attachement et une distance
par rapport aux autres en général chez les personnes âgées (Jain et Labouvie-
Vief, 2010 ; Segal, 2009). Les dimensions de l’anxiété et de l’évitement évo-
luent au cours de la vie adulte, de la jeunesse à la vieillesse, mais chacune
selon des trajectoires non linéaires distinctes, ce qui en final aboutit à des
configurations d’attachement différentes selon les âges de la vie (Chopik
et  al.,  2013  ; Sabatier et  al.,  2005). L’écart entre les niveaux d’anxiété et
d’évitement est peu important chez les personnes âgées contrairement aux
autres âges. En général, l’organisation factorielle des styles d’attachement
des personnes âgées se distingue de celles des jeunes adultes et des adultes
d’âge mûr qui sont plus similaires entre elles. Zhang et Labouvie-Vief (2004),
dans leur étude sur la stabilité et la fluctuation des styles d’attachement sur
une période de six ans, démontrent une certaine stabilité des types d’atta-
chement, mais avec une large part de variations autour du style initial, et
donc aux trajectoires individuelles, aux histoires personnelles et aux évé-
nements de vie. Ils en concluent que la vieillesse serait, comme la petite
enfance et l’adolescence, une période particulièrement malléable. Relations
et perception de soi sont sujettes à des transformations alors que la per-
sonne perd ses partenaires proches et devient de plus en plus consciente de
sa propre dépendance et de la mort.
Ces résultats amènent plusieurs interprétations. Bradley et Cafferty (2001)
stipulent la présence d’un processus d’accommodation protecteur. Zhang
et Labouvie-Vief (2004) évoquent que les sujets âgés doivent faire face aux
pertes des relations d’attachement et à leurs capacités déclinantes person-
nelles. Ils accordent plus d’importance à l’indépendance et au fait de ne
compter que sur soi et moins d’importance à l’interdépendance comme stra-
tégie de protection. Magai (2008) considère qu’il s’agit plutôt d’un processus
de r­ ésignation avec vrai détachement, du fait de l’exposition inéluctable aux
pertes des proches. Antonucci et  al. (2004), s’appuyant sur leurs observa-
tions de la modification avec l’âge des liens émotionnels avec une tendance
Attachement et vieillissement : perspectives développementales et cliniques 219

aux réseaux sociaux plus petits mais émotionnellement plus satisfaisants,


réfutent l’idée d’un détachement et suggèrent une réorganisation du système
d’attachement dans cette nouvelle étape du développement. Le sujet âgé
développe de nouveaux comportements d’attachement et une autre manière
d’utiliser les figures d’attachement, alors que ces dernières ont souvent dis-
paru. Pour Cicirelli (2004), il s’agit plutôt d’un réaménagement composé
à la fois d’un désengagement dans certains domaines (par exemple, les
relations amoureuses) et d’un engagement plus intense avec un nombre plus
réduit de personnes proches et l’évocation des figures disparues. Enfin, les
modifications observées au cours du vieillissement seraient reliées à la dimi-
nution habituelle de l’anxiété physiologique avec l’âge, ce qui entraîne une
diminution de la réactivité émotionnelle ; les sujets seraient essentiellement
moins anxieux du moins tant que les fonctions cognitives et de traitement de
l’information émotionnelle ne sont pas atteintes (Consedine et Magai, 2003).
L’effet cohorte a particulièrement été analysé dans la compréhension des
résultats sur la distribution des styles d’attachement. Pour Magai (2008), la
surreprésentation des stratégies évitantes pourrait être liée au fait que les
personnes âgées étudiées ont toutes été enfants au moment où l’éducation
n’encourageait ni le dévoilement émotionnel ni la plainte ni l’attention
trop importante aux besoins d’affection de son enfant. Cependant, Bradley
et Palmer (2003) pensent qu’il s’agit plus d’un mode de présentation de soi
que de processus psychologiques profonds. Ils observent, de fait, que l’effet
cohorte est surtout visible dans les conversations superficielles ou formelles —
ce qui est probablement capté par les questionnaires —, tandis que la restric-
tion ou la suppression des émotions caractéristiques de l’évitant sera beaucoup
plus évidente dans les discussions d’événements liés aux vulnérabilités émo-
tionnelles — ce qui est capté par des méthodes d’entretien plus qualitatives.
Quoi qu’il en soit, les résultats des recherches sont instables d’une
recherche à l’autre ; cela tient à la variabilité au cours du vieillissement et
aux méthodes choisies (Van Assche et al., 2013). En effet, les questionnaires
d’attachement utilisés sont ceux élaborés initialement chez l’adulte jeune :
ils s’avèrent plutôt inadéquats avec la personne âgée. La plupart sont en
effet centrés sur les relations amoureuses ou comprennent des questions sur
les autres en général, de façon abstraite, sans suggérer de figure d’attache-
ment spécifique, alors que les personnes âgées portent plus leurs intérêts sur
les personnes précises de leur entourage et non les autres en général. De ce
fait, on observe une différence de réponse selon que la question porte sur les
autres en général ou sur des personnes spécifiques de leur entourage (Ross et
Spinner, 2001). Dans les recherches utilisant la première forme, on observe
un pourcentage plus élevé d’attachement évitant que dans les recherches
qui spécifient les figures d’attachement. La création de nouveaux outils plus
adaptés aux personnes âgées est actuellement indispensable comme on le
verra chapitre 24 (Magai, 2008).
220 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Attachement et bien-être chez les personnes


âgées : un facteur protecteur
L’attachement exerce aussi chez les personnes âgées une influence sur
la santé mentale et la satisfaction de la vie (Consedine et Magai,  2003  ;­
Kirchmann et al., 2013 ; Webster, 1997). Les études confirment la fonction
protectrice des liens d’attachement au cours de la vieillesse, y compris pour
des aspects de la santé physique liée à l’anxiété, tels que le sommeil. En
effet, Verdecias et  al. (2009) notent par exemple que les personnes âgées
ayant un attachement anxieux ont plus de difficulté de sommeil et ont
besoin de faire la sieste l’après-midi. Les personnes sécures s’ajustent mieux
au poids des problèmes de santé que les personnes anxieuses (Kirchman
et al., 2013).
Pour Cookman (2005), le degré de confiance de la personne âgée dans
le fait de trouver la sécurité nécessaire auprès de ceux sur qui elle peut
compter lorsqu’elle en a besoin lui permet d’interagir plus pleinement avec
­l’environnement, de mobiliser toutes ses ressources personnelles disponibles
et de mieux traiter les tâches du vieillissement. Les styles d’attachement
apparaissent comme des modérateurs entre le soutien émotionnel et instru-
mental reçu et le sentiment de solitude ou des indices de santé mentale. Les
personnes sécures acceptent beaucoup mieux le soutien de l’entourage —
il n’est pas une atteinte à leur autonomie —, alors que pour les personnes
anxieuses, le soutien reçu est perçu comme le signe de leur faiblesse (Long
et Martin, 2000 ; Merz et Consedine, 2009 ; Tiikkainen et Heikkinen, 2005).
Les équipes de Consedine et de Magai ont entrepris de très nombreuses
études sur les liens entre les styles d’attachement et la régulation émotion-
nelle (Consedine et  al.,  2012,  2013). Leurs recherches montrent que les
sujets sécures ont plus de chance de montrer joie, intérêt et curiosité et
plaisir, émotions dont la fonction primaire est la promotion et la protection
des liens sociaux. Ils ont également plus tendance à montrer un style de
régulation émotionnelle ouverte et une capacité à reconnaître et à exprimer
la détresse émotionnelle sans être trop paralysés par elle. Ils expriment plus
volontiers et plus facilement les affects de tristesse, de colère et de crainte.
Cette réponse plus ouverte et plus adéquate aux pertes et frustrations inévi-
tables du vieillissement, permet de mieux faire face aux pertes avec davan-
tage de chances d’obtenir un soutien.

Les figures d’attachement


chez le sujet âgé : une réorganisation
À la période de la vieillesse, on assiste à un remaniement des réseaux
sociaux et donc du réseau de soutien social et des figures d’attachement.
Globalement, les sujets âgés se retirent de réseaux sociaux du fait de l’arrêt
Attachement et vieillissement : perspectives développementales et cliniques 221

des activités professionnelles ou de limitations physiques, par exemple,


et d’une moindre implication dans les activités de la communauté. Ils gardent
cependant un noyau de figures d’attachement. Leurs figures d’attachement
sont essentiellement recrutées dans l’entourage qui leur est familiale-
ment  lié, habituellement les enfants, le(s) conjoint(s) dont ils ont eu des
enfants ou le conjoint actuel, et les frères et sœurs (Cicirelli, 1983 ; Shaver et
Mikulincer, 2004). Antonucci et al., (2004) étudient la nature du réseau de
figures dont le sujet âgé se sent proche et sur qui il peut compter. À partir
de 60  ans, le réseau des figures proches comprend le partenaire, s’il est
encore en vie, la famille la plus proche (enfants et fratrie) puis les amis, ce
réseau étant hiérarchiquement organisé. L’apparition des enfants adultes
comme figures d’attachement est une caractéristique de cette période,
parfois considérée comme un renversement des rôles, les enfants adultes
devenant caregiver de leurs parents. Ceci doit être compris comme l’expres-
sion d’un lien qui s’est élaboré dès l’entrée dans l’âge adulte des enfants,
instaurant des liens d’adulte à adulte, de confiance mutuelle et d’échanges
réciproques.
Cicirelli (1993) souligne l’importance de l’attachement symbolique à
cette période de la vie. La puissance de l’évocation, en cas d’absence pro-
longée de sa figure d’attachement, peut permettre de fournir au sujet un
sentiment de sécurité identique à celui qu’il trouvait en sa présence réelle.
Ce mécanisme est de plus en plus utilisé chez la personne âgée, il représente
une stratégie adaptative, étant donné le risque inéluctable et grandissant
de pertes auquel elle est exposée. Ce phénomène est bien connu chez le
conjoint survivant qui continue de parler à son partenaire défunt et trouve,
dans cette évocation, soutien et réconfort (Epstein et al., 2008).
L’attachement à Dieu ou à ses substituts (Vierge Marie, saints, etc.) est
une forme de ces attachements symboliques (voir chapitre  18 pour une
revue détaillée de la question). La notion d’une vie après la mort propo-
sée par la religion apporte un réconfort face aux angoisses de mort. Selon
Cicirelli (2004), Dieu peut représenter pour certaines personnes âgées une
figure d’attachement ultime. La croyance religieuse en Dieu serait ainsi
une stratégie efficace pour les personnes âgées ayant perdu leurs figures­
d’attachement et exposées à des stress importants pour composer avec leurs
difficultés, en particulier pour diminuer la crainte de la mort.
Cookman (2005) évoque diverses formes d’attachement comme
­l’attachement aux lieux, aux animaux domestiques ou à toutes possessions
qui lui sont précieuses comme une autre stratégie adaptative pour répondre
aux besoins d’attachement. La personne âgée peut en effet s’attacher à autre
chose qu’à des personnes, réelles ou évoquées. Le rôle du cadre matériel
familier où la personne âgée a en général vécu de longues années en pré-
sence de ses figures d’attachement, en particulier de son conjoint, semble
jouer celui d’une base de sécurité : le cadre matériel facilite l’évocation des
222 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

figures d’attachement disparues. L’attachement aux lieux (son logement,


son village, etc.), y compris dans des situations précaires et peu appro-
priées pour les personnes âgées, et l’attachement aux animaux domestiques
(essentiellement les chiens) ont fait l’objet de quelques recherches sous
l’angle de la théorie de l’attachement, donnant ainsi une autre perspective
à ce qu’on considère souvent comme une manie des personnes âgées et un
manque d’ouverture et de flexibilité de leur part (Cook et al., 2007 ; Löfqvist
et al., 2013). L’importance de l’attachement aux chiens ainsi que les mani-
festations de l’attachement des chiens, souvent vieillissants eux-mêmes,
à leur maître ont également été étudiées (Miltiades et Shearer,  2011  ;
Mongillo et al., 2013).

Les transformations du couple du fait


de la maladie ou du décès du conjoint
Des circonstances liées à la vie de couple peuvent mettre au défi les res-
sources et les systèmes d’attachement de la personne âgée. Il s’agit de la
maladie grave du conjoint et son décès. Une maladie grave du conjoint
mettant à mal les structures cognitives régissant les émotions et le rapport
à l’autre, comme c’est le cas des Alzheimer, des accidents vasculaires céré-
braux et des cancers surtout en phase terminale, active nécessairement le
système de caregiving de la personne âgée qui doit désormais servir de pôle
de sécurité à son conjoint et renoncer à la réciprocité du soutien. Dans
ces conditions, la personne âgée doit dans le même temps réactiver son
système de caregiver et donc devenir plus proche du conjoint et anticiper
son décès, une tâche développementale qui met au défi les capacités de
caregiving et d’attachement des personnes âgées.
Le type d’attachement des caregivers est un élément clé de cette étape.
Les personnes ayant un attachement sécure perçoivent moins de stress
à devoir s’occuper de leur conjoint, mesurent mieux la façon de l’aider,
comprennent et parfois anticipent les changements (Perren et  al.,  2007).
Les personnes avec un caregiving compulsif s’impliquent au-delà des besoins
du malade ; les conjoints avec un attachement anxieux souvent paniquent
et essaient de se battre contre les symptômes de la démence ; d’autres, plus
évitants, ont beaucoup de mal à supporter les symptômes du conjoint et
trouvent des arguments pour se retirer de la relation (Ingebretsen et Solem,
2007). Comparées à des adultes jeunes qui doivent faire face à une tran-
sition de vie, les personnes âgées devenues soutien de leur conjoint ont
également des stratégies de coping fonctionnelles, mais les processus sont
différents. Dans les deux groupes, les personnes sécures composent mieux
avec la situation et reçoivent plus de soutien ; mais, alors que chez les plus
jeunes, ce sont les personnes évitantes qui sont à risque, chez les plus âgées
ce sont les personnes avec un attachement anxieux. En outre, les personnes
Attachement et vieillissement : perspectives développementales et cliniques 223

âgées sont plus sélectives dans leur choix des personnes soutien ; elles ini-
tient moins et terminent plus vite les relations (Gillath et al., 2011).
Le deuil chez les adultes a été particulièrement étudié chez les veuves
(voir tome « Approche clinique »). La réaction au deuil du conjoint est une
source de détresse d’autant plus intense que la perte a été soudaine et que
le sujet est âgé et isolé socialement. Magai (2008) évoque le rôle d’une dés-
organisation psychophysiologique brutale chez le conjoint survivant, sem-
blable à une dépression anaclitique dans le phénomène si souvent constaté,
pour les couples de très longue date, du décès du conjoint survivant, peu de
temps après la mort de son partenaire.
Epstein et al. (2006) distinguent différentes façons de composer avec la
personne disparue  : communiquer avec elle en imaginant des conversa-
tions, sentir sa présence et en rêver. La communication avec le disparu est
banale. Sentir la présence du défunt et en rêver ont une distribution normale
chez les personnes âgées. Mais seuls les rêves sont liés à une mauvaise santé
mentale, plus particulièrement à l’anxiété et aux difficultés de séparation.

Lien de caregiving entre l’enfant


adulte et ses parents
Le lien parent-enfant perdure tout au long de la vie et se transforme avec
le temps, y compris la période du grand âge. Prendre soin de ses parents
âgés est une des tâches développementales de la période de 50-60  ans
décrite par Erikson (1959) et par Havighurst (1948). La solidarité des adultes
envers leurs parents âgés se fonde sur l’un des trois processus suivants ou
leur combinaison : le sentiment d’obligation, l’anxiété filiale et la maturité
filiale. Le sentiment d’obligation serait le sentiment d’être responsable de
ses parents, voire l’unique responsable, selon le mode de l’imposition d’une
tâche (Cicirelli,  1983,  1993). L’anxiété filiale est le stress ressenti du fait
de devoir faire face à la tâche d’aider ses parents lorsqu’ils en auront besoin et
le sentiment que cette tâche risque de dépasser ses propres ressources (psy-
chiques et financières) (Cicirelli, 1983, 1993). La maturité filiale correspond,
selon Murray et al. (1995), à une étape développementale marquée par un
changement de perspective qui peut arriver à tout temps de la période
adulte selon les circonstances. À cette étape, l’adulte réalise et accepte
que dans la dyade enfant-parent, c’est désormais à son tour d’assumer
le rôle d’aide en cas de besoin et de dépasser les attentes de réciprocité des
échanges entre adultes d’une même famille qui s’étaient établies progres-
sivement depuis qu’il est entré dans la vie adulte. C’est un moment unique
de la vie où l’enfant, qui était protégé par sa figure d’attachement adulte ou
sur un quasi-pied d’égalité, devient, à son tour, le protecteur de celui qui l’a
protégé, ce qui selon Schwarz et Trommsdorff (2005) n’est pas sans poser
des problèmes dans certaines dyades aux attachements insécures.
224 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

La qualité de la relation parent âgé-enfants adultes dépend à la fois des


styles d’attachement du parent et de celui des enfants adultes. Nous avons
vu plus haut que les styles d’attachement de la personne âgée induisent des
comportements de caregiving dans son entourage. Le style d’attachement
des enfants adultes est associé à leur sentiment d’être prêt à prendre soin de
leurs parents vieillissants. Ce sentiment prédit une perception de fardeau
moindre lorsque l’adulte doit effectivement s’occuper de son parent âgé
(Morse et al., 2012 ; Sorensen et al., 2002). Un attachement sécure facilite
l’adoption des comportements de caregiving vis-à-vis du parent vieillissant ;
autrement dit, un adulte sécure s’engagera émotionnellement plus facile-
ment pour fournir de la protection ; cet engagement est vécu dans ce cas
comme une évidence et non comme une obligation. Les sujets sécures ont
plus confiance en eux et éprouvent moins d’anxiété face à cette nouvelle
situation stressante. La perception générale des autres comme plus aimants
et soutenants en cas de détresse éveille un désir de rendre la réciproque
(Sorensen et al., 2002). Toutefois, la qualité de l’attachement de la fille qui
prend soin du parent vieillissant exerce essentiellement son influence sur
la qualité du soutien émotionnel, très peu d’influence est observée sur
les soins effectifs (Carpenter,  2001). Autrement dit, une personne sécure
apportera plus de réconfort affectif qu’une personne non sécure, mais les
personnes non sécures apporteront autant de soins effectifs. Par ailleurs,
les personnes sécures comprendraient mieux les souhaits des personnes
âgées en fin de vie que les personnes aux attachements insécures, mais ces
dernières seraient plus sensibles à certains détails de la vie quotidienne de
la personne âgée (Turan et al., 2011).
Lorsque la personne âgée a plusieurs enfants adultes susceptibles de
l’aider, le choix par la personne âgée d’un des enfants parmi la fratrie
comme figure d’attachement préférée et la désignation ou l’autodésigna-
tion au sein de la fratrie de celui ou celle qui va endosser ce rôle ne se fait
pas au hasard. La distance géographique, les niveaux socioprofessionnels
des enfants, le partage des valeurs sont autant d’éléments qui président au
choix du parent (Suitor et al., 2007). Les études montrent également que
les fratries se partagent la tâche d’aider leurs parents selon des règles
complexes mais hiérarchiques : les filles sont plus portées à aider que les fils,
les filles aînées et dernières nées plus que les autres (Fontaine et al., 2007).
D’autres études montrent que les liens se font plus facilement avec la mère
qu’avec le père quand les personnes âgées sont seules (Bengtson, 2001) et
qu’il est plus difficile pour les enfants adultes d’anticiper de prendre en
charge leurs parents lorsque ceux-ci sont séparés (Wells et Johnson, 2001).
Shaver et Mikulincer (2004) notent que l’expérience d’un attachement
sécure parent-enfant adulte peut promouvoir l’empathie chez les adultes
caregivers d’adultes plus âgés et malades, tandis que l’insécurité de la rela-
tion antérieure crée des problèmes dans la nouvelle relation. La situation
Attachement et vieillissement : perspectives développementales et cliniques 225

d’inversion parentale peut réveiller les stratégies habituelles familiales pour


faire face aux menaces sur l’attachement  : caregiving compulsif de la part
de l’enfant devenu protecteur, luttes de pouvoir entre les caregivers (fratrie,
conjoint et descendants), compétition chez les personnes âgées pour rece-
voir du soin. Quelques auteurs (St-Clair, 2000 ; Shaver et Mikulincer, 2004)
signalent que cette étape développementale crée également une nouvelle
opportunité, même pour une période brève, de reconstruire une relation en
des termes plus sécures et ainsi de revisiter d’anciennes insécurités.

Variations de genre et culturelles


de l’attachement à la période
de la vieillesse
Les recherches montrent des variations de genre et de culture. Les
hommes montrent en général moins de comportements d’attachement
que les femmes : ils se montrent le plus souvent distants en recherchant
moins les contacts intimes et donnent moins de soutien. Cependant,
les effets de l’attachement évitant sur les émotions sont en général
plus importants pour les hommes que pour les femmes (Consedine
et Fiori,  2009). Les liens entre l’attachement et la santé mentale dif-
fèrent selon le genre et sont plus importants pour les hommes (Klug
et al., 2014). Par ailleurs, les enfants adultes sont plus proches sur le plan
émotionnel de la mère que du père (Bengtson, 2001).
En ce qui concerne la culture, les données sont complexes. Sahdra et al.,
(2010) montrent que certaines cultures et religions offrent une vision dif-
férente des liens sociaux à l’âge adulte. Par exemple, certaines encouragent
le détachement comme un état ultime de la spiritualité  ; c’est le cas du
bouddhisme. Son et Kim (2006) observent chez les immigrants âgés une
résurgence du besoin d’être attaché aux personnes de sa culture, un attache-
ment fort aux rites et modes de socialisation culturels et à tous les artefacts
rappelant l’enfance. Ce serait particulièrement le cas chez les personnes qui
ont souffert de situations sociales et économiques extrêmes.
Les équipes de Consedine et Magai décrivent des différences dans les
modes de socialisation familiale, l’adhésion à la religion et l’organisation
sociale qui viennent influencer les types d’attachement et les liens entre
les types d’attachement et la santé mentale. Chaque groupe ethnique a
vécu des expériences différentes de discrimination, a construit des modèles
de soi et des autres et construit un système de caregiving de façon diffé-
rente ; tous ces facteurs sont autant d’éléments qui font partie du concept
global de culture et qui exercent indéniablement une influence sur les types
d’attachement. Il convient donc d’y être attentif (Fiori et al., 2009 ; Merz et
Consedine, 2012).
226 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Utilité du concept de l’attachement


dans une perspective clinique
Très récemment les cliniciens se sont emparés de la notion d’attachement
pour comprendre les émotions des personnes âgées et les réactions de leur
environnement familial (Barker, 2011 ; Bonnet, 2012). Ils y voient désormais
une lecture appropriée pour situer bien des réactions, venant aussi bien de la
personne âgée elle-même avec la transformation de son type d’attachement
et son réseau social que des réactions des caregivers potentiels. Ils compren-
nent aussi les résonances mutuelles entre l’attachement du sujet âgé et ses
caregivers (Crose, 1994). La théorie de l’attachement donne des outils à ceux
qui travaillent avec les familles de personnes âgées pour reconnaître que
toutes ces manifestations, tant du côté de celui qui a besoin de soin que de
celui qui en donne, représentent des stratégies pour obtenir et maintenir la
sécurité face à la menace et à la vulnérabilité (Bradley et Palmer, 2003). Ces
implications seront largement traitées dans le tome « Approche clinique ».

Conclusion
Les études de l’attachement des personnes âgées présentent un double intérêt.
D’une part, la période du vieillissement est une période clé pour comprendre
le fonctionnement de l’attachement tout au long de la vie, même si elle reste
encore très peu explorée. D’autre part, la théorie de l’attachement est deve-
nue un élément clé pour mieux organiser les soins aux personnes âgées et
comprendre les interactions avec leur entourage. On peut se demander si elle
ne présente pas la même révolution scientifique qu’elle a entraînée concer-
nant les questions du lien, de la maltraitance et de la carence chez les jeunes
enfants, que cela soit au sein des familles ou des institutions.

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20 Sexualité de l’adulte
et attachement

A. Guédeney

La théorie de l’attachement a la réputation d’être asexuée ou, du moins, de


ne pas prendre en compte la sensualité et la sexualité. Ce chapitre présente
les données récentes concernant les rapports de la sexualité d’adultes et
de l’attachement, qu’on trouvera détaillés dans Attachment & Sexuality, par
Diamond, Blatt et Lichtenberg (2007). La discussion concernant la sexualité
infantile telle qu’elle est abordée dans la théorie psychanalytique et l’atta-
chement est développée dans le chapitre 7.

Attachement et sexualité : un même


système ou deux systèmes différents ?
La controverse Freud-Bowlby
Le modèle d’Anna Freud s’oppose à celui de Bowlby sur deux idées : celle
que l’attachement, dont elle ne nie pas l’existence, soit premier dans la
petite enfance, et celle selon laquelle la sexualité organise le comportement
humain à travers la prééminence du principe de plaisir. Bowlby considère
qu’il est plus sage de garder les deux comportements comme étant distincts,
car ils n’ont pas les mêmes conditions d’activation, qu’ils ne s’appliquent pas
aux mêmes classes d’objets, qu’il existe des différences de périodes ­sensibles
dans le développement de chacune, qui interviennent à des âges différents.
Mais en insistant sur les différences entre l’attachement, la sexualité et le
comportement d’exploration, qui contribuent chacun à leur manière à la
survie de l’espèce et qui sont donc préprogrammés ou instinctuels, Bowlby
(1988) tient à souligner leurs recoupements et leurs influences mutuelles et
la nécessité de mieux les étudier. Cependant, ceci n’a guère été le cas, du
moins jusqu’à Mikulincer et Shaver (2014), avec leurs études expérimen-
tales de lien entre style d’attachement et sexualité de l’adulte.

Les aspects antagonistes de l’attachement


et de la sexualité
Ils ont été surtout décrits par Morris Eagle (2014). Il note que
cet antagonisme est plus clair chez l’homme, chez qui le besoin d’explora-
tion, de ­nouveauté est plus évident. Ce besoin semble lié aux différences

L’attachement : approche théorique


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232 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

individuelles en niveau de testostérone. Chez l’homme, un taux élevé


de testostérone de base s’associe à une activité sexuelle plus élevée, à un
plus grand nombre de partenaires sexuels, à un intérêt moindre pour les
fonctions de soins aux enfants, à un mariage plus tardif et, en cas de
mariage, à une infidélité plus fréquente et à des divorces plus fréquents
(Fisher, 2000). Sur le plan physiologique, la testostérone diminue les taux
d’ocytocine et de vasopressine. La biologie vient ici à l’appui de la disjonc-
tion des deux comportements, qui semblent bien être sous l’influence de
systèmes aminergiques différents. En effet, si l’on donne de la testostérone
à des personnes d’âge moyen, leur activité sexuelle physique et psychique
s’accroît, mais leurs relations ne deviennent pas plus proches, que ce soit
sur le plan amoureux ou de l’attachement (Sherwin et Gelfand, 1987).
Il semble donc qu’il existe des systèmes différents qui organisent la ren-
contre sexuelle et son devenir, dans un but reproductif : d’abord le mating,
la recherche de partenaire sexuel, puis le coupling (être et rester en couple)
et enfin le parenting ou le caregiving. La recherche de partenaire et la ren-
contre sexuelle s’organisent sous l’égide de la méthylphénylalanine, qui
est proche des amphétamines, avec la même action d’augmentation de
l’activité, du désir sexuel et de l’élation. Cependant, ce n’est pas l’intensité
de l’attraction sexuelle qui prédit la stabilité du couple. La question de
la durée de cette phase initiale passionnelle, avec isolation du couple et
activité sexuelle intense est débattue, mais il semble que la durée moyenne
de cette période idyllique soit en fait plus proche de deux ans. Le s­ ystème de
coupling et les diverses dimensions de l’attachement (difficulté à la
séparation, base de sécurité, proximité physique, havre de sécurité) s’orga-
nisent, comme dans la petite enfance, autour d’une relation ­d’attachement
intégrée  : l’amoureux(se) devient une figure d’attachement. L’activité
sexuelle devient moins frénétique et une sensualité tendre se développe.
Ce système prend le relai de la rencontre sexuelle et semble principalement
sous la dépendance du système ocytocine/vasopressine ; on a vu que la tes-
tostérone s’oppose à ces effets, ce qui peut rendre compte des différences
entre hommes et femmes, et entre les individus mâles, en ce qui concerne
l’intérêt pour la sexualité. Au-delà de la facilitation de la satisfaction
sexuelle, de la tolérance à l’intimité et de l’ouverture, l’attachement engage
le désir dans le long terme d’une relation de couple en rendant manifestes
les avantages d’une relation proche.

Psychodynamique de l’attachement
et de la sexualité
Hazan et Shaver ont, dès 1987, ouvert la voie à l’étude des sentiments amou-
reux (romantic love) à la lumière de l’attachement, par leur article princeps
sur Romantic love conceptualized as an attachment process (voir chapitre 17). Ils y
Sexualité de l’adulte et attachement 233

montrent comment les divers modes de fonctionnement de l’attachement


précoce façonnent le comportement sexuel ultérieur. Ils ont aussi montré
que les stratégies de sécurité des membres d’un couple ne s’apparient pas au
hasard du moins sur la durée. Ainsi, il est important que dans un rapport
sexuel on puisse se sentir assez en sécurité pour se centrer sur son plaisir et
celui de l’autre, plutôt que de rechercher la protection ou la réassurance, ou
d’éviter l’intimité du rapprochement.

Les stratégies d’hyperactivation


et de désactivation mises en œuvre
dans la situation sexuelle, en fonction
des styles d’attachement
Dans leur remarquable chapitre intégratif («  A behavioral system pers-
pective on the psychodynamics of attachment and sexuality  »), Mario
Mikulincer et Phillip Shaver (2014) proposent un modèle d’activation
et de désactivation de l’attachement de l’adulte qui s’applique aux
relations de l’attachement et de la sexualité. Ce modèle propose égale-
ment de montrer comment ­l’attachement influence les comportements
sexuels et la qualité des ­relations mutuelles. Ils rejoignent Morris Eagle
(2014) dans l’idée selon laquelle l’attachement insécure facilite la non-
résolution de l’Œdipe et oriente vers une fixation œdipienne, plutôt que
vers un choix d’objet libre. Les adultes insécures ont moins de plaisir
dans une sexualité mutuelle et non conflictuelle et ont ainsi plus de
problèmes sexuels.
Mikulincer et Shaver (2014) décrivent très bien la stratégie d’hyperacti-
vation et ambivalente de l’attachement anxieux adulte, et la crainte accrue
de rejet pendant la sexualité, ce qui peut conduire à des comportements de
coercition chez l’homme ou à des demandes intenses de réassurance chez
la femme.
La stratégie de désactivation de l’évitant peut conduire à l’inverse à
prendre de la distance vis-à-vis du plaisir sexuel, à un usage principal de la
masturbation (self reliance) mais aussi à des actes sexuels sans intimité et
sans lendemain.
Jeremy Holmes (2014) insiste sur ce qui peut conduire au « bon sexe »,
c’est-à-dire à « penser avec le corps à deux » grâce à l’imagination éro-
tique et à ce qu’il appelle «  l’intersubjectivité hédonique  » (p. 145). Il
propose ce concept comme pont entre la théorie de l’attachement et
celle de la sexualité infantile. Ce qui se passe d’interactivité libre sur le
plan sexuel rappelle à Holmes le cours des associations entre thérapeute
et patient en thérapie. Le sexe devient ainsi une forme de la créativité
quotidienne.
234 Évolution et description de l’attachement tout au long de la vie

Un modèle à (re)construire
de l’homosexualité et de l’Œdipe
Les contributions sur les relations amoureuses homosexuelles du point
de vue de l’attachement sont rares. Jonathan Mohr (2008) rappelle que la
littérature scientifique montre que les ressemblances sont plus nombreuses
que les différences entre relations homo- et hétérosexuelles. Il souligne que
les études longitudinales sont nécessaires pour établir le sens des liens entre
insécurité de l’attachement et destin de l’identité sexuelle. L’homosexualité
pose bien un problème à la théorie de l’attachement, dans la mesure où
Bowlby fait de la procréation le but essentiel de la sexualité. Mais la levée,
encore très relative et non généralisée, de l’interdit social sur l’homosexua-
lité permet d’observer le désir des couples homosexuels de se marier, et
d’accéder à la parentalité de façon légale et visible, par l’adoption ou le don
de gamètes. Les théories récentes de l’évolution indiquent le gain apporté
par les couples homosexuels pour la transmission des gènes du groupe
humain, en rappelant l’altruisme, le souci de l’éducation des neveux et
nièces ou des apparentés et, en général, l’activité bénéfique pour le groupe
social des homosexuels (voir chapitre 9).
Des études longitudinales sont nécessaires pour comprendre les déter-
minants du choix d’objet sexuel, homosexuel ou hétérosexuel, et l’inter-
action des différents facteurs, susceptibilité génétique, interactions sen-
suelles précoces avec l’un des parents et non pas avec l’autre, identifications
œdipiennes et styles d’attachement, événements traumatiques, influences
sociales et culturelles. Une première interaction déterminante a sans doute
lieu très tôt, mais sans doute pas pour tous les cas, sous l’influence des
expositions du cerveau fœtal aux hormones maternelles, puisque la mas-
culinisation dépend de l’activité de l’X maternel. Une seconde intervient
sans doute entre attachement et sortie de phase œdipienne (4-5 ans), quand
l’insécurité de l’attachement peut conduire à une fixation œdipienne. La
notion de sexualité infantile (cf. chapitre  7) permet de comprendre les
expériences homosexuelles exploratoires ou transgressives de l’adoles-
cence  ; celles-ci sont autorisées dans certaines cultures traditionnelles,
parallèlement à l’activité hétérosexuelle, avant le mariage ou avant la céré-
monie de l’initiation.
Le développement de l’identité de genre est long ; il débute par la recon-
naissance de la différence des sexes, mais ce n’est pas avant l’âge de 7 ans
que le genre est reconnu comme définitif et stable, non dépendant de l’acti-
vité ou de l’apparence vestimentaire (Goguikian-Ratcliff, 2002). On sait que
le sentiment d’appartenance à l’un ou l’autre sexe est très dépendant du
choix des parents, comme le montre le devenir des enfants intersexués ou
ambigus à la naissance. C’est le sexe attribué par les parents à l’enfant qui
détermine son identité de genre. Les premières études observationnelles du
Sexualité de l’adulte et attachement 235

jeune enfant sur l’angoisse précoce de castration et la reconnaissance de la


différence des sexes sont dues à Roiphe et Galenson (1987), dans une crèche
universitaire de New York. Pourtant, les études longitudinales contrôlées
sont toujours nécessaires pour comprendre les facteurs qui influencent le
destin de la sexualité de chacun.

Conclusion
Un chapitre nouveau s’ouvre avec l’étude des liens de la sexualité infantile,
de la sécurité de l’attachement et de la sortie de l’Œdipe d’une part, et avec
l’étude plus précise des liens entre styles d’attachement de l’adulte et modes
de recherche du plaisir sexuel, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel.

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21 Évaluation
de l’attachement
et du caregiving
dans les familles
avec jeunes enfants

C. Rabouam, S. Tereno, L. Vulliez Coady

Ce chapitre aborde l’évaluation de l’attachement des jeunes enfants. La


sécurité de l’attachement est seulement inférée de ce que l’on peut obser-
ver : les procédures d’évaluation de la qualité des attachements d’un bébé à
ses parents observent les comportements interactifs. Puis nous aborderons
l’évaluation du caregiving : différentes procédures analysent la manière dont
les comportements et représentations des parents influencent l’attachement
de l’enfant, et de façon plus générale, son développement émotionnel.

Évaluation de l’attachement
chez le très jeune enfant
La Situation étrange (Strange Situation
Procedure, SSP ; Ainsworth, 1978)
Mary Ainsworth et ses collègues ont traduit les efforts d’évaluation de la
sécurité de l’attachement à travers l’élaboration d’une procédure d’évalua-
tion expérimentale, la Situation étrange. À partir de ses observations en
Ouganda puis à Baltimore et de sa connaissance des travaux d’une psycho-
logue, Jean Arsenian, elle a imaginé cette procédure pour décrire la capa-
cité de l’enfant à utiliser sa figure d’attachement comme base de sécurité
(Ainsworth et Wittis, 1969 ; Ainsworth et al., 1978). Considérée au départ
comme une épreuve standardisée pour explorer les modalités normales de
l’interaction mère-enfant, la SSP s’est révélée utile dans l’investigation des
différences individuelles. Véritable paradigme, elle est la procédure la plus
utilisée pour évaluer la qualité des attachements d’un enfant aux personnes
qui s’occupent de lui.
La SSP a été mise au point pour des enfants de 12 et 18 mois, observés avec
leur figure d’attachement en laboratoire. On note les réactions de l’enfant
durant huit épisodes de trois minutes impliquant des séparations et des

L’attachement : approche théorique


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240 Outils d’évaluation

retrouvailles entre la mère et lui, ainsi que l’introduction d’une personne


non familière pour lui :
• après une brève introduction, on laisse le bébé seul avec sa mère ;
• puis, la personne inconnue de l’enfant entre dans la pièce, commence à
parler avec la mère, puis tente d’interagir avec l’enfant ;
• ensuite, la mère quitte la pièce, laissant le bébé seul avec la personne
étrangère ;
• puis elle revient (l’étrangère s’éclipse) ;
• la mère part à nouveau ;
• puis l’étrangère revient seule ;
• enfin, la mère revient (l’étrangère s’en va).
La situation est observée derrière un miroir sans tain et enregistrée en
vidéo.
L’observateur peut voir la manière dont l’enfant, en expérimentant le
stress progressif engendré par les différentes phases de la procédure qui
activent son système d’attachement, organise son comportement envers
sa mère et reprend ou pas son jeu (exploration). L’enfant agit selon ce qu’il
s’attend à recevoir ou pas de la part de sa figure d’attachement.
La cotation s’organise autour de quatre échelles dites « interactives » :
• la recherche de proximité (proximity seeking) ;
• le maintien du contact (contact maintaining) ;
• la résistance au contact (contact resistance) ;
• l’évitement de la proximité (proximity avoidance).
Les variables contribuant le plus à la discrimination des différents patterns
d’attachement sont la recherche de proximité, l’évitement et la résistance
à la mère lors des épisodes de réunion, plutôt que les pleurs de l’enfant à la
séparation.
Pour chacune des deux réunions, on attribue une note (de 1 à 7) sur
les quatre échelles. Puis en fonction du poids de chacune des notes et de
leur évolution entre la première et la deuxième réunion, on décide de la
­classification de la relation d’attachement observée.
Trois groupes d’enfants ont été différenciés selon leur comportement
durant les deux épisodes de réunion avec la mère :
• les enfants attachés de manière sécure ont tendance à protester lors des
séparations, surtout lors de la seconde (la plus stressante), et à accueillir leur
mère lors de son retour avec plaisir (sourire, vocalisation ou geste) ou en
recherchant la proximité avec elle, et enfin à retourner jouer après avoir été
réconfortés (groupe B) ;
• l’attachement insécure peut prendre deux formes :
– certains enfants ont peu de manifestations affectives ou de comporte-
ments de base de sécurité ; ils paraissent peu affectés par la séparation, ten-
dent à éviter la proximité et le contact avec la mère lors des ­retrouvailles,
et focalisent leur attention sur les jouets plutôt que sur leur mère, dont ils
Évaluation de l’attachement et du caregiving dans les familles avec jeunes enfants 241

savent qu’elle ne leur donnera pas de réconfort dans ce type de situation.


S’ils sont stressés par la séparation, ils peuvent accepter d’être réconfortés
par l’étrangère : ils ont un attachement évitant (groupe A) ;
– d’autres montrent de la détresse à la séparation, avec un mélange de
recherche de contact et de rejet coléreux de leur mère, et des difficultés à
être réconfortés : ils ont un attachement ambivalent/résistant (groupe C).
La distribution des trois patterns est la suivante : 65 % d’enfants sécures,
21  % d’insécures évitants et 14  % d’insécures ambivalents. Huit sous-
groupes ont ensuite été distingués, qui constituent un continuum sur un
axe sécure/insécure.
Plus récemment a été introduite une catégorie d’enfants dont l’attache-
ment est désorganisé/désorienté (groupe D) (Main et Solomon, 1986) et qui
seront décrits dans le chapitre 25. Fraley et Spieker (2003) ont récemment
posé la question d’une révision de la méthode de codage de la Situation
étrange dans un sens plus dimensionnel que catégoriel, selon deux axes :
stratégies de recherche de proximité versus évitement d’une part, stratégies
coléreuse et résistante d’autre part.
L’application de la Situation étrange requiert une formation approfondie
et un entraînement sur un grand nombre de situations pour obtenir une
fiabilité suffisante.
Ses qualités psychométriques sont bien connues actuellement. La
­stabilité à court terme (12 mois à 18 mois) de la classification en catégories
est bonne quand les évaluations ne sont pas trop rapprochées (minimum :
deux à six mois) pour éviter une sensibilisation à la procédure (Solomon
et George, 2008). La stabilité à long terme est très bonne entre 12 mois et
5  ans (Main et Cassidy,  1988), à condition qu’il n’y ait pas d’événement
de vie modifiant l’attachement, moins bonne ensuite, mais elle reste très
acceptable quand on ne considère que la dimension sécure versus insécure.
La stabilité de la classification suppose qu’il n’y ait pas d’événements de
vie venant la contrarier  : les deuils, les séparations, les traumatismes, les
­maladies graves, etc. ont un impact sur l’attachement, qui peut d’autant
plus modifier le style d’attachement que l’enfant est plus jeune et qu’il
bénéficie moins de l’intervention de facteurs protecteurs.
La fiabilité et la validité prédictive de l’épreuve sont bien établies dans
les populations occidentales (Solomon et George, 2008). Elle a été utilisée
dans de nombreuses cultures et dans des contextes très variés. La SSP est la
première épreuve permettant de tester non pas des traits individuels mais
les caractéristiques d’une relation  : les comportements observés témoi-
gnent des stratégies d’attachement élaborées par l’enfant avec ses parents
depuis au moins un an. L’utilité de la Situation étrange en recherche s’est
confirmée dans plusieurs domaines  : la cohérence avec le comportement
de l’enfant à la maison pour les enfants attachés de manière sécure  ; la
stabilité de la classification dans le temps ; sa capacité à refléter la qualité
242 Outils d’évaluation

dynamique de l’interaction mère-enfant. La SSP a montré son intérêt pour


prédire les compétences du bébé dans des études liant la qualité de l’atta-
chement à 12 mois et le fonctionnement émotionnel et social de l’enfant
avant 6 ans, en ce qui concerne la tolérance aux frustrations, la coopération
et le fonctionnement cognitif.
La SSP est utilisée comme élément d’évaluation pour le travail clinique
(choix de l’intervention, évaluation de l’efficacité de l’intervention) et
comme base d’observation et de travail avec les parents dans un certain
nombre de programmes thérapeutiques que nous décrirons dans le cha-
pitre 15 du tome « Approche clinique ». La Situation étrange met en valeur
le système de comportements d’attachement de l’enfant en situation de
stress et d’anxiété, en fonction de ce qu’il peut attendre de protection de la
part de ses parents.
Épreuves dérivées de la SSP (au-delà de 18 mois)
Il existe deux versions modifiées de la procédure de la SSP pour tenir compte
des acquis du développement de l’enfant et, en particulier, de l’avènement
du langage et de capacités d’autorégulation de l’enfant : les critères de clas-
sification ont été révisés (voir chapitre 22).

Interesting-but-Scary Paradigm (IbS Paradigm ;


Forbes et al., 2003)
En s’inspirant de la SSP, Forbes et  al. (2003) ont développé pour l’enfant
à partir de 2  ans une situation d’observation évaluant l’équilibre
exploration/attachement de l’enfant, en tenant compte de sa capacité
croissante à explorer et en fournissant une situation plus appropriée à
l’âge de l’enfant que la SSP. L’IbS consiste en une réunion après une séparation
de 10 minutes entre l’enfant et sa mère, avec une période de 5 minutes de jeu
libre avec des jouets, suivie de l’introduction, durant 3 minutes, d’un jouet
potentiellement intéressant mais inquiétant (un jouet-araignée commandé
à distance). On observe l’équilibre entre les systèmes d’exploration et
de recherche de proximité, et comment l’enfant utilise la relation avec
sa mère pour faire face au stress et explorer l’environnement de manière
confiante. Le système de codage est inspiré de celui de la SSP, avec une
reprise de la classification en groupes et sous-groupes.

Autres outils d’évaluation


des attachements du jeune enfant
Disturbances of Attachment Interview
(DAI ;  Smyke et Zeanah, 1999)
Les auteurs ont développé un interview semi-structuré administrable
aux caregivers à propos de l’enfant. Il est composé de douze items (avoir
un adulte préféré, rechercher le réconfort en cas de détresse, répondre au
Évaluation de l’attachement et du caregiving dans les familles avec jeunes enfants 243

réconfort proposé, entrer en réciprocité sociale et émotionnelle, régulation


émotionnelle, retour vers le caregiver après exploration, réticence envers
les adultes non familiers, désir de s’éloigner d’adultes étrangers, mise en
danger, agrippement excessif, vigilance/hypercompliance, inversion des
rôles). L’objectif de ce questionnaire est de chercher un trouble réactionnel
de l’attachement mais aussi d’autres catégories de troubles de l’attachement
décrites par Zeanah.

Preschool Assessment of Attachment (PAA ; Crittenden, 1992)


Les critères retenus par le PAA (administrable entre 18 mois et 5 ans ; voir
chapitre 22) incluent : la régulation des états émotionnels, la négociation
parent-enfant, la capacité à répondre (responsivity) de la figure d’attache-
ment, l’effet sur l’observateur. Ces travaux donnent lieu à la description
de groupes et de sous-groupes qui intègrent au système une perspective
développementale.

Modified Crowell Procedure (Crowell et Feldman, 1988)


Crowell et Feldman (1988) ont construit cet outil pour évaluer l’interaction
parent-enfant entre 1 an et 5 ans. Le parent doit jouer librement avec son
enfant comme à la maison, suit l’enfant qui conduit le jeu, demande à
l’enfant de ranger, joue avec des bulles de savon, fait des puzzles et des
tâches de résolution de problèmes, et se sépare brièvement de son enfant.
On identifie les forces et les vulnérabilités de la relation. Le focus est la
résolution de problèmes, le jeu, le plaisir partagé et une évaluation infor-
melle de l’attachement. On regarde la persistance de l’enfant, son attention,
comment il utilise le parent comme soutien, comment il peut demander de
l’aide, ses compétences motrices globales et fines, le degré de plaisir dans
l’interaction. On observe particulièrement comment l’enfant utilise son
parent lors des transitions entre les tâches, qui sont considérées comme des
stress légers pour l’enfant, comme la séparation/réunion.

Massie-Campbell Mother-Infant Attachment Indicators


During Stress Scale ou Attachment During Stress
(ADS ;  Massie et Campbell, 1983)
Cette épreuve s’appuie aussi sur l’observation standardisée des compor-
tements d’attachement dans un contexte de stress léger à modéré (habil-
lage, bain, jeu, repas en famille, examen médical) et épisodes de réunion
de la SSP. Elle est composée de deux échelles, qui mesurent les compor-
tements d’attachement de l’enfant (comme les regards, les vocalisations,
les contacts, l’affect, la proximité) et les réponses du parent pendant les
situations stressantes. Les comportements typiques de l’attachement sont
notés sur une échelle de 1 à 5, de l’évitement à l’ambivalence. On peut ainsi
utiliser les indicateurs d’attachement comme des guides pour juger de l’adé-
quation de l’interaction : si 50 % des scores sont de 1 ou 2, le comportement
244 Outils d’évaluation

­ ’attachement sera classé évitant ; si 50 % des scores sont de 3 ou 4, sécure ;


d
si 50 % de 5, ambivalent résistant. L’ADS est utilisable entre la naissance et
18 mois et dans des situations banales telles que l’examen pédiatrique ou
à partir d’un film comportant des interactions. La formation à cet outil est
autoguidée et le manuel disponible sur internet. D’après des études récentes
(relatées dans Tryphonopoulos et  al.,  2014), cet outil est jugé utile pour
faire la distinction entre dyades attachées de façon sécure ou pas, mais elle
n’identifie pas bien l’attachement ambivalent résistant.

Évaluation spécifique de l’attachement au père


La sensibilité du père passe par sa capacité à soutenir l’exploration et à aider
l’enfant à faire face aux émotions négatives liées à l’exploration (voir cha-
pitre 3). La SSP a été construite pour évaluer l’attachement à la mère et elle
est réservée aux enfants en dessous de 20 mois ; elle n’est pas focalisée sur
l’exploration mais sur la recherche de proximité avec la mère aux retrou-
vailles, la mise en veilleuse du système d’attachement permettant le retour
à l’exploration. D’autres outils sont donc proposés.

Sensitive and Challenging Interactive Play Scale


(SCIP ; Grossmann et al., 2002, 2008)
Il s’agit d’une observation du jeu des jeunes enfants avec chacun des parents,
qui évalue la manière dont les parents soutiennent ou non l’exploration
de l’enfant. Elle consiste en une situation de jeu interactif entre le père
et son enfant de 2 ans. Cet outil évalue le support émotionnel, les encou-
ragements, l’attention, l’affect positif, l’absence d’intrusion, les éloges, les
instructions et la mise au défi adaptée à l’âge, de la part du père envers son
enfant au cours du jeu. Ces qualités de l’interaction peuvent contribuer à
réguler les émotions positives et négatives de l’enfant pendant le jeu et
à maintenir son attention sur la tâche.

Risky Situation Procedure (Paquette, 2004 ;


Paquette et Bigras, 2010)
Toujours dans le but tenir compte des spécificités de l’attachement au père,
Paquette a élaboré cette observation (pendant 20 minutes) de la relation
père-enfant dans un cadre inhabituel avec des jouets et une petite échelle,
en présence d’un étranger. Elle comprend six épisodes pendant lesquelles
l’enfant fait face d’abord à un « risque social » (étranger de plus en plus intru-
sif) puis à un risque physique (l’échelle interdite par le père). On regarde
l’équilibre entre l’exploration de l’environnement et l’acceptation des
limites imposées par le père. Le codage s’organise autour de cinq critères :
indicateurs de retrait ou d’hypersociabilité avec l’étranger, prise d’initiatives
avec l’étranger, utilisation spontanée de l’échelle, prudence, obéissance aux
limites imposées par le père. Les comportements relationnels des enfants
Évaluation de l’attachement et du caregiving dans les familles avec jeunes enfants 245

sont classifiés selon trois types : sous-activé, activé, suractivé. Un enfant qui
présente un pattern activé apparaît confiant, autonome dans son exploration
et respectueux des limites. Deux procédures ont été validées, l’une pour les
12-18 mois, l’autre pour les 2-5 ans. Elles sont utilisables tant en recherche
qu’en clinique. L’évaluation des qualités psychométriques de cet outil récent
est encore à développer.

Attachment Q-Sort (AQS, Waters et Deane, 1985)


Waters et Deane (1985) ont voulu élaborer une procédure plus écologique
que la SSP et qui puisse s’appliquer à un éventail d’âges plus étendu tout
en garantissant une certaine objectivité  : le Q-Sort sur l’attachement
(Attachment Q-Sort, AQS) permet d’évaluer la qualité des comportements
de base sécure et de havre de sécurité chez l’enfant entre 10 mois et 5 ans
à la maison ; il est considéré comme l’un des trois « gold standards » de la
mesure de l’attachement avec la SSP et l’AAI (Van IJzendoorn et al., 2004).
Une version française (traduction, adaptation et étude de validation) a été
élaborée par Pierrehumbert et al. (1995). Cet instrument consiste à relever,
lors d’une période d’observation à la maison, les caractéristiques les plus
saillantes du comportement relationnel de l’enfant avec son parent parmi
un ensemble d’items proposés. Plusieurs heures d’observation de l’enfant
avec ses parents à la maison sont nécessaires pour coter correctement
l’Attachment Q-Sort. Les auteurs recommandent fortement la présence de
deux observateurs car on ne filme pas.
On demande à la mère ou au père de faire ce qu’ils font habituelle-
ment avec leur enfant au moment de l’observation. Mais il est possible
aussi de provoquer quelques événements, afin de favoriser la survenue
des comportements de base sécure dans ce temps assez réduit — on
peut apporter des jeux inhabituels pour susciter des demandes d’aide de
l’enfant au parent ; faire remplir un questionnaire au parent pour obser-
ver le comportement de l’enfant en cas de baisse de l’attention à son
égard, etc. En cas de non-observation de certaines situations (le coucher,
par exemple), on peut interroger les parents.
L’analyse du Q-Sort renvoie à « l’analyse Q » (terme de statistiques) qui
a été adaptée aux sciences sociales (Vaughn et Waters, 1990). Elle consiste
à comparer un sujet avec un « idéal ». On trie (sort) les items en fonction
de leur plus ou moins grande pertinence pour l’enfant observé. Le Q-Set
(le matériel) consiste actuellement en quatre-vingt-dix items (inscrits
sur autant de cartes), dont certains reflètent les différentes dimensions
du phénomène de base sécure et des comportements associés (tels qu’ils
ont été définis par Bowlby et Ainsworth) chez les enfants de 10 mois à
5  ans  ; les autres items s’intéressent à la sociabilité, la dépendance, le
tempérament, etc. Les items les plus caractéristiques du comportement
de l’enfant sont placés à la fin de la distribution et cotés 7, 8 ou 9, et les
246 Outils d’évaluation

moins ­caractéristiques au début (cotés 3, 2 ou 1). La position de chaque


item détermine donc son score. Le comportement de l’enfant est décrit
en un tableau de quatre-vingt-dix scores. On peut calculer des scores spé-
cifiques de l’enfant comme un child security score. Si plusieurs évaluateurs
ont observé l’enfant, on calcule des moyennes entre leurs cotations ou
on fait une réunion de consensus. La distribution obtenue pour l’enfant
observé est comparée à des distributions «  prototypes  », construites par
un groupe d’experts de la théorie de l’attachement et qui décrivent des
enfants théoriquement sécures ou insécures aux différents âges envisagés.
Une comparaison entre le Q-Sort de l’enfant et ces différents prototypes
donne un coefficient de corrélation qui reflète le degré de concordance
avec un sujet sécure, par exemple. Il existe des scores prototypes pour la
sécurité, la dépendance, la sociabilité.
Il est nécessaire de bien connaître les items et de s’entraîner à l’observa-
tion pour avoir une chance de relever les comportements pertinents.
Les qualités psychométriques du Q-Sort sont bien connues (Solomon et
George, 2008). Si la stabilité à court terme représente une faiblesse mani-
feste du Q-Sort, celle à long terme (entre 1 et 3 ans) est jugée moyenne en
sachant que les changements importants dans la vie de l’enfant ont un
impact sur ses modèles d’attachement. La sécurité à l’AQS est associée à
des interactions plus positives et de meilleure qualité avec les pairs et à
une moindre fréquence de difficultés au niveau du comportement.
L’AQS représente un apport majeur aux études interculturelles sur l’atta-
chement. On peut discriminer la sécurité de l’attachement de la notion de
dépendance ou de celle de désirabilité sociale, tout en mesurant l’effet puis-
sant des facteurs écologiques sur les patterns comportementaux de base sûre
chez les jeunes enfants.
Une méta-analyse de Van IJzendoorn et al. (2004) montre la validité de
l’Attachment Q-Sort pour évaluer la sécurité de l’attachement, à condition
qu’il soit appliqué par deux observateurs et non par les parents, et que
l’observation soit suffisamment longue (plus de trois heures) pour avoir des
chances de relever des comportements en rapport avec l’attachement. Si les
parents sont supervisés et si les professionnels ont suffisamment d’oppor-
tunités d’observer les comportements spécifiques, la corrélation entre les
cotations des parents et celles des professionnels devient meilleure
(Solomon et George, 2008). Selon Van IJzendoorn et al. (2004), la validité
prédictive de l’AQS serait intéressante, ainsi que la corrélation avec la
sensibilité maternelle. Enfin, la méthode du Q-Sort a fourni un moyen
d’évaluer la validité de la Situation étrange dans différents contextes et
différentes cultures. Cependant, la question des variations culturelles
concernant l’expression comportementale de l’attachement et celle de la
validité des distributions « prototypes », les expressions comportementales
­d’attachement, restent ouvertes (Solomon et George, 2008).
Évaluation de l’attachement et du caregiving dans les familles avec jeunes enfants 247

L’AQS peut être utilisé avec des populations normales et cliniques, en


recherche comme en clinique. Il peut être appliqué plusieurs fois. Mais il
est très coûteux en temps.
Cette méthode présente l’avantage d’évaluer la sécurité sur une échelle
continue (contrairement aux catégories de la SSP) mais les différences entre
les groupes A et C n’y apparaissent pas clairement et l’AQS n’est pas valide
pour évaluer l’attachement désorganisé. Les corrélations entre AQS et SSP
sont modérées : les deux méthodes ne mesurent pas tout à fait les mêmes
dimensions de la sécurité de l’attachement. Le manque de convergence
entre les résultats de la SSP et ceux de l’AQS pourrait être imputé, selon
Solomon et George (2008), au fait que l’observation à la maison donne peu
l’occasion d’activer le système d’attachement : l’évaluation se fait ici dans
un contexte de stress bas, contrairement à la SSP où le stress est plus élevé.
Comme pour la Situation étrange, la pertinence de cet instrument a été
critiquée en ce qui concerne l’évaluation de l’attachement de l’enfant au
père (Dubeau et Moss, 1998). Ces auteurs font aussi l’hypothèse d’un biais
méthodologique pour les enfants de plus de 2 ans, car les comportements
décrits dans le Q-Set peuvent avoir un sens différent pour les parents en
fonction du sexe de l’enfant.
L’AQS met plutôt l’accent sur l’équilibre entre l’attachement et l’explo-
ration dans un cadre naturel, et concerne les attentes de l’enfant d’une
guidance parentale dans des conditions plus naturelles (Solomon et
George,  2008). Les chercheurs choisiront donc entre AQS et SSP l’instru-
ment le plus adapté en fonction des caractéristiques de leur recherche.

Mesures de caregiving
Les mesures de caregiving sont en plein développement et nous ne décrivons
que les plus utilisées actuellement.

Entretiens évaluant les représentations parentales


Parental Development Interview (PDI)
Le PDI (Aber et  al.,  1985) est un entretien semi-structuré composé de
quarante-cinq items, destiné à évaluer les représentations parentales des
parents de leur enfant, d’eux-mêmes en tant que parents et de la relation avec
leur enfant. Il s’intéresse à la compréhension qu’ont les parents des compor-
tements, pensées et émotions de leur enfant, en leur demandant de fournir
des exemples concrets de moments partagés importants. Il donne accès à la
façon dont les parents comprennent les états mentaux de leur enfant dans les
moments de demande émotionnelle importante (Slade, 2004).
Le PDI utilise une échelle composée de trois dimensions générales :
• les représentations parentales de leur propre expérience affective ;
• les représentations parentales des expériences affectives de leur enfant ;
248 Outils d’évaluation

• l’état d’esprit des parents.


Les représentations parentales de leurs expériences affectives sont cotées
en fonction de trois facteurs :
• joie-plaisir/cohérence ;
• colère ;
• culpabilité-stress à la séparation.
Dans un second temps, les auteurs du PDI ont adapté le manuel développé
par Fonagy et al. pour évaluer la fonction réflexive à partir des transcrits de
l’AAI (voir chapitre 14) pour l’utiliser avec le PDI. Tous les items du manuel
de l’AAI/RF ont alors été révisés de façon à pouvoir être utilisés pour coter le
PDI. Le PDI donne une vue actuelle et dynamique d’une relation émotion-
nellement intense qui est en train de se former et encore en évolution.

Experiences of Caregiving Interview (George et Solomon, 1996)


C’est un entretien clinique inspiré du PDI où on demande aux mères
d’enfants jeunes (début de la scolarité primaire) de décrire leur relation à leur
enfant en se centrant sur les aspects affectifs, et spécifiquement la façon dont
elles gèrent les séparations et la mise à l’école. Les résultats sont rassemblés et
notés (en sept points) selon quatre échelles : base de sécurité (représentations
de la mère de sa capacité à fournir protection et sécurité affective à l’enfant),
rejet (comment la mère se représente son désir de participer aux soins à
son enfant), incertitude (dans quelle mesure la mère doute, reste indécise
et confuse en ce qui concerne son rôle dans sa relation à l’enfant), impuis-
sance (dans quelle mesure la mère se représente comme impuissante dans sa
fonction de donner des soins et sa relation à l’enfant). Une note de 5 à une
échelle correspond à une représentation mesurée.
Cette épreuve permet de mesurer des représentations maternelles, qui
peuvent différer de ce qu’un observateur notera en évaluant les interactions
mère-enfant.
Les auteurs ont aussi validé un autoquestionnaire à partir de cette épreuve,
le CHQ (Caregiving Helplessness Questionnaire) qui est décrit dans leur ouvrage
récent sur l’attachement désorganisé et les soins parentaux (Solomon et
George, 2011) C’est un questionnaire de vingt-six items qui évalue les soins
parentaux désorganisés à l’aide de trois échelles : impuissance maternelle,
relation mère-enfant effrayée, et inversion des rôles. Les items sont cotés sur
une échelle de Lickert de 1 à 5.
Working Model of the Child Interview
(WMCI, Zeanah et al., 1986 ; Zeanah, 1998)
Le WMCI (Benoit et al., 1997) permet de catégoriser les caregivers en fonc-
tion de la perception et de l’expérience subjective qu’ils ont de leur enfant
et de la relation avec lui, elles-mêmes liées à l’attachement au caregiver. Il
essaie de décrire le modèle interne opérant du parent (MIO) par rapport à
son enfant.
Évaluation de l’attachement et du caregiving dans les familles avec jeunes enfants 249

L’entretien est coté selon quatorze dimensions (sur une échelle de Likert)
qui évaluent plusieurs éléments des représentations maternelles de l’enfant :
la qualité (par exemple, cohérence, intensité de l’investissement), le
contenu (par exemple, peur qu’il arrive quelque chose à l’enfant) et l’affec-
tivité (par exemple, joie, indifférence). Le WMCI distingue trois catégories
fondées sur ces représentations : la catégorie « équilibrée » se caractérise par
l’intégration d’affects négatifs et positifs, la richesse de détails et l’accepta-
tion de la place prise par la relation avec l’enfant dans sa vie ; la catégorie
« détachée-non équilibrée » se caractérise par une communication distante
avec l’enfant et un manque d’investissement personnel et émotionnel ; la
catégorie «  déformée-non équilibrée  » est caractérisée par l’inconsistance
des représentations avec des affects peu définis et contradictoires.

Insightfulness Assessment (IA)


L’IA (Oppenheim et Koren-Karie,  2002) évalue les capacités réflexives des
mères lorsqu’on leur demande de penser aux expériences personnelles de
leur enfant et aux intentions qui sous-tendent ses comportements. L’IA­
évalue la capacité du parent à percevoir les choses du point de vue de
l’enfant, ainsi que la capacité du parent à évoquer les intentions derrière
ses comportements.
L’entretien, semi-structuré, est divisé en quatre parties. Les trois pre-
mières parties portent sur trois extraits vidéo de trois situations d’inter-
action parent-enfant (précédemment filmés) qui sont présentés l’un après
l’autre au parent. La quatrième partie comporte des questions plus géné-
rales. Par rapport aux autres entretiens décrits ci-dessus (PDI ou WMCI), on
ne s’intéresse pas aux représentations maternelles de la relation à l’enfant
évaluées dans le discours de la mère, mais à son analyse immédiate des
comportements de son enfant et de ses propres réactions. Les transcrits de
l’entretien sont analysés selon dix dimensions cotées sur une échelle en 9
points : la « perception des intentions » de l’enfant ; « l’ouverture d’esprit/
la souplesse de pensée » ; la « complexité de la description » de l’enfant ; la
« centration » sur l’enfant ; la « richesse » de la description de l’enfant ; la « 
cohérence » de la pensée ; « l’acceptation » des comportements de l’enfant ;
la « colère » contre l’enfant ; la « préoccupation » ; « l’individualité » de
l’enfant. Les  différents scores permettent de classer les mères en quatre
catégories. Les «  mères capables d’insight  » sont capables de percevoir les
expériences à travers les yeux de leurs enfants et de comprendre les inten-
tions qui sous-tendent leur comportement ; les « mères qui ne prennent en
compte qu’une perspective » semblent avoir une conception préétablie de
l’enfant, qu’elles appliquent à l’observation des vidéos sans être ouvertes
à une lecture différente ; les mères « détachées » ont peu d’investissement
émotionnel. Les mères « mixtes » ne peuvent être classées dans aucune des
trois catégories précédentes.
250 Outils d’évaluation

Outils d’observation des comportements parentaux


Atypical Maternal Behaviour Instrument for Assessment
and Classification (AMBIANCE, Bronfman et al., 1999)
Cet outil a été élaboré pour évaluer les comportements parentaux sus-
ceptibles d’entraîner un attachement désorganisé (voir chapitre  25).
Ceux-ci sont observés lors de la SSP ou de toute autre observation d’inter-
actions où l’enfant est exposé à du stress en présence de son caregiver. Il
permet d’évaluer le niveau de rupture de la communication parentale en
cinq dimensions  : les «  erreurs de communication émotionnelle  » (par
exemple, des signaux contradictoires à l’enfant) ; la « confusion de rôle/
limites » (par exemple, considérer l’enfant comme un partenaire sexuel/
conjoint) ; La « crainte/désorientation » (par exemple, être effrayé par les
comportements de l’enfant) ; l’« intrusion/négativité » (par exemple, atti-
tudes agressives envers l’enfant) ; le « retrait » (par exemple, maintenir une
distance avec l’enfant). Le codage final est fondé sur une échelle globale
en 7 points : la valeur seuil de 5 différencie « non-rupture » et « rupture ».
Il existe également deux modalités de rupture dans la communication
émotionnelle : la forme en « retrait/désorientée » et la forme « hostile avec
inversion et confusion des rôles ».
Caregiving System, ou CBCS (Caregiving Behaviour
Classification System ; Britner et al., 2005)
C’est un système de classification des comportements du caregiver observés
à la SSP, complémentaire du système de classification des comportements
d’attachement de Cassidy et Marvin (1992), pour parents d’enfants entre
2 et 6  ans. Sont prises en compte cinq dimensions  : regard, organisation
de la proximité et du contact, qualité du discours, régulation émotionnelle
et discipline ou structuration du comportement de l’enfant. Dix échelles
décrivent les qualités du comportement parental qui sont connues comme
étant, dans de tels contextes d’attachement-caregiving, liées aux stratégies
d’attachement de l’enfant : sensibilité, plaisir du parent, émotions négatives,
soutien à une exploration compétente, rejet, affection, négligence, pression
à la réussite, hyperimplication par rapport à l’attachement et inversion des
rôles. On aboutit à une classification des patterns parentaux en cinq caté-
gories de comportement de caregiver : une sécurisante, deux insécurisantes
mais sans désorganisation et deux désorganisantes.
CARE-Index (Crittenden, 1979, 2005)
Il s’agit d’observer l’interaction (vidéoscopée) d’une mère et de son enfant
(entre 0 et 15 mois ; et de 15 mois à 3 ans pour le Toddler CARE-Index) pen-
dant 3 à 5 minutes pour évaluer chez la mère la sensibilité, l’hostilité ouverte
ou cachée, la difficulté à répondre (unresponsiveness). Les échelles sont très
corrélées avec les patterns d’attachement à la SSP ; elles d
­ ifférencient abus,
Évaluation de l’attachement et du caregiving dans les familles avec jeunes enfants 251

négligence, maltraitance et dyades normales. Elles peuvent être utilisées


durant une intervention et permettent d’en évaluer l’effet. Il est nécessaire
d’avoir une formation spécifique à cet outil. Cet instrument peut être utilisé
avec des caregivers autres que la mère.
Coding Interactive Behavior (Feldman, 1998 ; Keren et al., 2001)
Ce système de codage des interactions parents-enfant, utilisable entre 2
et 36 mois, comprend notamment une échelle permettant de mesurer
la sensibilité maternelle. Celle-ci rassemble des items de reconnaissance
des besoins de l’enfant, d’imitation, d’élaboration, de regard du parent/
attention conjointe, d’affect positif du parent, de discours adéquat, de
modulation appropriée des affects, de félicitations/encouragement,
de gestes affectueux, de présence sécurisante, et de conduite de la relation
par l’enfant. Ces dimensions sont mesurées grâce à une échelle de Lickert
en 5 points. Une étude de validation française a été menée (Viaud-Savelon
et al., 2014).

Conclusion
L’évaluation de l’attachement chez l’enfant jeune est une des forces de la
théorie de l’attachement. Celle du caregiving se développe de plus en plus
et est devenue un focus important d’attention pour beaucoup de cliniciens
qui utilisent ces outils dans leurs pratiques d’intervention attachement-
informées ; ils nécessitent une formation rigoureuse qui garantit la validité
des résultats des études sur l’attachement.

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22 Évaluation
de l’attachement
durant l’enfance

S. Gandillot, I. Matos

L’évaluation de la relation d’attachement au cours de l’enfance tient


compte des changements développementaux relatifs à cet âge (moteurs,
langagiers, cognitifs, affectifs, communicationnels). L’enfant a souvent
développé plusieurs liens d’attachement. D’autres systèmes motivation-
nels que celui de l’attachement sont de plus en plus sollicités. La relation
d’attachement ne s’exprime plus exclusivement au niveau comportemental
(voir chapitre  12). Les marqueurs de l’attachement sont maintenant
­observés non plus seulement au niveau comportemental mais aussi au
niveau des modèles internes opérants (MIO) (voir chapitre 5). L’évaluation
peut donc être réalisée par l’observation des comportements de l’enfant, par
l’analyse de ses narratifs ou bien par le biais de questionnaires et d’entre-
tiens. Les techniques de dessin sont également possibles.

Évaluation de l’attachement fondée


sur l’observation du comportement
de l’enfant
Chez l’enfant d’âge préscolaire, la réponse comportementale à l’activation
du système d’attachement est encore très présente et observable. Plusieurs
procédures s’inspirent de la SSP (Strange Situation Procedure) d’Ainsworth
pour les 9-18 mois (voir chapitre 21), tout en l’adaptant aux âges présco-
laires. Tout comme elle, ces procédures adaptées sont des procédures stan-
dardisées de laboratoire qui utilisent le paradigme de la séparation-réunion
d’avec la figure d’attachement. Au-delà de 3  ans, la séparation d’avec la
figure ­ d’attachement devient plus supportable et l’enfant montre plus
d’intérêt pour l’étrangère. Le système d’attachement est donc plus diffici-
lement activé et l’intensité des comportements d’attachement diminue.
­L’utilisation du langage rend également possible l’expression du partenariat
corrigé quant aux buts qui commence à s’installer. La qualité de l’interac-
tion à distance (incluant l’échange verbal et la qualité de la négociation) fait
partie des indices de sécurité. Le degré de coopération entre les deux parte-
naires ainsi que la qualité de l’exploration sont des critères plus i­mportants

L’attachement : approche théorique


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256 Outils d’évaluation

que pour les tout-petits. Il existe trois procédures principales de séparation-


réunion pour l’âge préscolaire qui proposent un protocole modifié ainsi
qu’un système de codage adapté.

Procédure de séparation-réunion de Main et Cassidy


Main et Cassidy (1988) sont les premières à avoir sélectionné des critères de
classification de l’attachement pour des enfants de 6 ans. Leur système a été
développé à partir d’une cohorte de trente-trois enfants ayant été évalués
à la SSP à 1 an. Cette procédure a été élaborée pour des enfants de 6 ans et
est utilisée pour la tranche d’âges de 5 à 7 ans. Deux épisodes de séparation-
réunion sont organisés, un avec chaque parent. L’évaluation repose sur la
réaction de l’enfant pendant les 3 à 5 minutes qui suivent le retour des
parents après une séparation d’une heure. En effet, les auteurs considèrent
qu’à cet âge, les brèves séparations ne sont pas suffisantes pour activer le
système d’attachement et qu’il faut donc prévoir une séparation plus
longue. Pendant le temps de séparation, l’enfant est occupé à des jeux libres
et à des évaluations avec l’examinateur. La classification s’inspire de celle de
la SSP : sécure (B), évitant (A), ambivalent (C), contrôlant/désorganisé (D),
non classifiable (U).
La catégorie D de la SSP se voit renommée «  contrôlant/désorganisé  ».
En effet, Cassidy et al. (1988) ont mis en évidence le fait que les enfants
ayant été évalués avec un attachement désorganisé dans la petite enfance
ont tendance à devenir contrôlant à 6  ans. L’enfant cherche à maîtriser
l’interaction avec la figure d’attachement soit en étant punitif soit en étant
protecteur vis-à-vis d’elle. Enfin, le comportement de certains enfants ne se
retrouvant dans aucun item du codage, une catégorie supplémentaire dite
« inclassable » est proposée. Il existe des sous-catégories pour chaque type
d’attachement ainsi que deux échelles de sécurité et d’évitement, propo-
sant un abord dimensionnel de l’évaluation de l’attachement. Les études de
validation montrent une forte corrélation entre les classifications à 12 mois
et 6 ans ainsi qu’une bonne discrimination entre les différentes catégories
(Main et Cassidy, 1988).

Preschool Attachment Classification System


(PACS ; Cassidy et Marvin, 1992)
Cette procédure de séparation-réunion concerne les enfants de 2  ans et
demi à 4 ans et demi. Elle prévoit deux épisodes de séparation de 5 à 10
minutes et deux épisodes de réunion. Il peut être proposé de laisser l’enfant
seul dans les deux moments de séparation sans présence d’une étrangère.
Les parents peuvent donner une raison à leur départ, encourageant ainsi la
négociation. Les auteurs présupposent qu’à cet âge, c’est l’imminence du
départ de la figure d’attachement qui active le système d’attachement plus
Évaluation de l’attachement durant l’enfance 257

que la séparation en elle-même. Ainsi, une courte séparation peut suffire.


Cette procédure propose une classification en cinq catégories, très proche
de la précédente  : sécure (B), évitant (A), ambivalent (C), contrôlant/dés-
organisé (D), insécure/autres (IO). Des sous-catégories sont proposées pour
chaque type d’attachement. Le codage est réalisé principalement sur les
comportements de l’enfant à la réunion avec la figure d’attachement  : la
proximité physique, l’expression des affects et les échanges verbaux. L’atta-
chement sécure (B) se caractérise par des interactions positives et plaisantes
et une bonne réciprocité ainsi qu’une bonne exploration. L’attachement
insécure-évitant (A) sera manifesté par un évitement de la proximité phy-
sique et de l’interaction. L’enfant ignore les initiatives verbales du parent,
les échanges verbaux sont courts et portent souvent sur le jeu en cours. Les
interactions interrompent l’exploration. L’attachement insécure-ambiva-
lent (C) se caractérise à la réunion par des interactions conflictuelles et une
exagération des comportements enfantins ou de séduction. L’attachement
contrôlant-désorganisé (D) se caractérise par un manque chez l’enfant de
stratégies cohérentes, des comportements sans but clair et une ambiance de
confusion. Si l’enfant est contrôlant, il y aura des indices de renversement
de rôles (rejet ou humiliation, ton faussement positif, encouragement ou
réassurance du parent par l’enfant). La procédure permet une bonne dis-
tinction de la sécurité et de la désorganisation. En revanche, les études font
apparaître une faible stabilité au cours de la période préscolaire (Solomon
et George,  2008)  ; peuvent être en cause soit une évolution des patterns
d’attachement au cours de l’enfance soit une faiblesse évaluative de l’outil.

Preschool Assessment of Attachment


(PAA ; Crittenden, 1992)
Cette procédure concerne les enfants de 2 à 5 ans. Son dispositif expérimen-
tal reprend les étapes de la SSP avec huit épisodes de 3 minutes et augmen-
tation graduelle du stress induit. En revanche, le codage est issu d’une théo-
risation intégrant l’aspect développemental et adaptatif de l’attachement.
Crittenden propose une approche « dynamique maturationnelle » qui pré-
voit les changements développementaux du système d’attachement. Cette
approche met l’accent sur le caractère adaptatif des comportements d’atta-
chement : La figure d’attachement est-elle identifiée comme une source de
protection ou de danger  ? Quelles stratégies l’enfant emploie-t-il pour se
protéger lui-même ? Une importance particulière est attribuée à l’analyse
de la fonction des comportements de l’enfant vis-à-vis de la figure d’atta-
chement. Le PAA propose les catégories : sécure/équilibré (B), défensif (A),
coercitif (C), sensitif/coercitif (A/C), anxieux/déprimé (A/D), IO (insécure/
autres). Deux autres catégories (A/C ou A/D), définies selon les comporte-
ments défensifs de l’enfant, correspondent à la catégorie « désorganisée »
258 Outils d’évaluation

des autres classifications. Les travaux de validation du PAA peinent à établir


une validité convergente avec d’autres outils (Spieker et Crittenden, 2010).
Ceci pourrait être dû aux différences conceptuelles théoriques sous-jacentes
aux outils.

Intérêts et limites des procédures de séparation


Ces procédures permettent une bonne discrimination de la dichotomie
sécure/insécure, chez les enfants d’âges préscolaires. Elles ont été l’occasion
de mettre en évidence le style contrôlant et ses différentes expressions à
partir de 6 ans. Elles sont utilisées en contexte clinique lorsque le clinicien
peut profiter d’un laboratoire et a bénéficié d’une formation au codage et
à l’évaluation. Cependant, les qualités psychométriques de ces procédures
modifiées de séparation-réunion restent mal établies (Kerns et  al., 2005).
Sont probablement en cause à la fois la plus grande difficulté à induire
l’activation du système d’attachement et la diminution de son expression
comportementale lorsqu’il est activé. La situation expérimentale peut sus-
citer l’activation d’autres systèmes motivationnels (système d’exploration,
système affiliatif). Le paradigme de la séparation-réunion, si précieux pour
les tout-petits, est probablement moins adapté à cet âge où l’exigence de
proximité de la figure d’attachement laisse progressivement la place à
l’assurance de sa disponibilité en cas de besoin.

Évaluation de l’attachement fondée


sur l’analyse des représentations
de l’enfant
Narratifs d’attachement
Principes généraux
L’émergence des capacités narratives de l’enfant d’âges préscolaires et
scolaires permet l’accès au travers de ses narratifs à son monde interne.
Il existe, dès 3  ans, des formes symboliques de représentations mentales.
Ces procédures sont construites sur le postulat suivant  : les représentations
d’attachement de l’enfant peuvent être approchées à travers les scéna-
rios et les narratifs qu’il construits, à propos de thèmes activant le système
d’attachement. Les procédures d’histoires à compléter s’inspirent du SAT
(Separation Anxiety Test) de Hansburg (1972) adapté pour les enfants de 4 à 7 ans
par Klasgsbrun et Bowlby (1976) puis révisé par Slough et Greenberg (1990). Il
s’agit d’un test en images proposant des photographies évoquant des moments
de séparation d’avec les parents et sollicitant les commentaires des enfants. Le
SAT a été longtemps utilisé comme une mesure d’évaluation de l’attachement.
Il est encore utilisé dans les recherches comme outil de validation convergente.
Évaluation de l’attachement durant l’enfance 259

Les procédures d’histoires à compléter se sont également enrichies des


méthodes semi-projectives et de l’analyse des narratifs d’enfants. Elles pro-
posent aux enfants un ensemble d’histoires mettant en scène des séquences
activant graduellement le système d’attachement de l’enfant. Le clinicien
raconte un début d’histoire et l’enfant doit la continuer en utilisant des
figurines mises à sa disposition. Les thèmes susceptibles d’activer le sys-
tème d’attachement sont notamment la douleur, la peur et la séparation.
L’objectif est d’inférer les stratégies d’attachement de l’enfant à partir de la
manière dont il traite l’information donnée et dont il trouve une solution
au niveau symbolique. L’enfant sollicité doit avoir des compétences langa-
gières suffisantes, des capacités de jeu symbolique et des compétences en
théorie de l’esprit.

Principaux outils
Incomplet Stories With Doll Family (Cassidy, 1988)
En créant cet ensemble de six histoires, Cassidy souhaite distinguer les
­attachements de nature sécure, insécure-évitant et désorganisé chez des
enfants d’âges préscolaires. Les histoires explorent la manière dont l’enfant
se voit lorsqu’il est en interaction avec une figure d’attachement. Est-
il accepté et valorisé  ? La relation est-elle reconnue comme importante  ?
Se sent-il en sécurité et protégé  ? Les situations de conflits ou stressantes
sont-elles reconnues et résolues de manière positive en prenant appui sur
la relation  ? Deux des histoires évoquent des situations potentiellement
éprouvantes au niveau émotionnel pour l’enfant, deux autres mettent en
scène un conflit intrafamilial et les deux dernières concernent un conflit ou
menace extérieur à la famille. L’outil propose une échelle de sécurité et une
classification en trois patterns : sécure, évitant, hostile/négatif. Une bonne
correspondance existe avec l’évaluation à la procédure de séparation-
réunion (Main et Cassidy, 1988) pour les catégories A et D (particulièrement
pour les enfants contrôlants).
Attachment Story Completion Task (ASCT ; Bretherton et al., 1990)
L’ASCT est un sous-test du MacArthur Story Stem Battery (Bretherton,
Oppenheim et al., 1990), un ensemble d’histoires à compléter permettant
l’évaluation de l’attachement mais aussi de la cognition sociale et du déve-
loppement moral. Les cinq histoires de l’ASCT sont susceptibles d’activer
progressivement le système d’attachement et sont applicables aux enfants à
partir de 3 ans. Les thèmes successifs introduits par les amorces d’histoires
sont : une bêtise (« Le jus de fruit renversé »), la douleur (« Genou blessé »),
la peur («  Monstre dans la chambre  »), la séparation et les retrouvailles
avec les figures d’attachement. L’enfant se voit proposer de jouer avec cinq
figurines (mère, père, frère, sœur et grand-mère) et de continuer les histoires
introduites par l’amorce. Plusieurs systèmes d’évaluation et de codage exis-
tent pour la procédure de l’ASCT.
260 Outils d’évaluation

Il existe cinq systèmes principaux d’évaluation de l’ASCT.


Le système d’évaluation initial de Bretherton et  al. (1990) propose une
classification catégorielle des quatre patterns d’attachement de la SSP. Le
codage se fait à partir de la forme du narratif (structure, cohérence, expres-
sion, intonation de la voix, fluidité du narratif), de son contenu (recon-
naissance des thèmes, prise en compte de la problématique, recherche de
solution, qualité de résolution de l’histoire, accès aux émotions, qualité
des interactions) ainsi qu’à partir du comportement de l’enfant (posture,
manipulation des figurines, expression faciale, spontanéité, organisation
du jeu). Un récit fluide, cohérent avec une résolution positive, révèle une
représentation d’attachement sécure. Par exemple, pour l’histoire « genou
blessé  », l’enfant est soigné et réconforté par la figure d’attachement et
reprend rapidement l’exploration. Les critères d’insécurité sont, entre
autres, l’évitement du problème, la non-prise en compte des thèmes propo-
sés, une difficulté particulière à la séparation des personnages. Les réponses
incohérentes, bizarres avec des comportements d’agressivité sont signe de
désorganisation. L’évaluation propose une bonne discrimination entre la
sécurité et l’insécurité, le pattern de l’ambivalence (C) est malheureusement
peu consistant.
Le Story Completion Procedure in Doll Play est le système d’évaluation
élaboré par Gloger-Tippelt et al. (2002). Leur système de codage est fondé
sur les procédures de cotation de l’AAI (Main et al., 1985). Pour chaque his-
toire, ils ont établi des indicateurs de sécurité dont la présence ou l’absence
permettent le calcul d’un score de sécurité (4 : très sécure ; 3 : sécure ; 2 :
insécure ; 1 : très insécure). La cotation est faite pour chaque histoire mais
l’enfant reçoit aussi une évaluation globale de sécurité. Les auteurs ont
trouvé une continuité entre les patterns d’attachement à 12 mois et l’évalua-
tion à 6 ans en termes de sécurité/insécurité, aussi bien que des corrélations
avec l’AAI de la figure d’attachement et avec l’évaluation des narratifs.
L’évaluation proposée par Miljkovitch et  al. (2003) utilise la méthode
du Q-Sort  : le cotateur doit trier des cartes où sont décrites des stratégies
d’attachement de l’enfant et les placer dans des piles de 1 à 7 (de la moins
caractéristique à la plus caractéristique) selon la ressemblance avec le profil
de l’enfant, et ce, suivant une distribution normale de ces cartes à travers
des choix forcés si nécessaire. L’enfant reçoit un score à quatre échelles  :
sécurité, désactivation, hyperactivation et désorganisation. Plus coûteux
en temps, ce système permet l’identification des stratégies d’attachement
dominantes et des stratégies secondaires. Des fortes corrélations ont été
trouvées entre les représentations d’attachement sécure/insécure évaluées
par la méthode de Bretherton et  al. (1990) et les patterns d’attachement
évalués à la SSP à 3 ans et demi.
George et Solomon (1990) proposent un système de codage, l’ADPA
(Attachment Doll Play Assessment), utilisé pour les enfants âgés de 4 à 12 ans.
Évaluation de l’attachement durant l’enfance 261

Seules les deux dernières histoires (séparation et réunion d’avec les figures
d’attachement) sont évaluées. Analysant le contenu des histoires aussi bien
que la structure des narratifs, les auteurs décrivent quatre groupes diffé-
rents : sécure (B), décontracté (A), préoccupé (C) et effrayé (D). À chacun
correspond une stratégie, respectivement : intégration flexible (B), désacti-
vation (A), déconnexion cognitive (C) et dysrégulation (D). Un manuel de
codage supplémentaire propose les marqueurs spécifiques de la désorgani-
sation (Solomon, George et al., 1995).
Maia et  al. (2009) proposent une évaluation de l’échelle de sécurité à
partir de trois aspects : la résolution, la cohérence et la sécurité. Les critères
portent à la fois sur le contenu et sur la forme du récit aussi bien que sur des
comportements de l’enfant pour chaque histoire. On obtient pour chacune,
un score continu de 1 : désorganisé à 8 : très sécure.
Manchester Child Attachment Story Task (Green et al., 2000)
Cet outil peut être proposé aux enfants âgés de 5 à 7  ans. La procédure
est celle des histoires à compléter mais avec uniquement deux figurines
(l’enfant et sa figure d’attachement principal). L’accent est mis sur la mise
en condition lors des amorces par le clinicien et sur l’aspect conversationnel
qui vient compléter le récit de l’enfant. L’enfant est davantage invité que
dans les autres procédures à s’identifier à la figurine enfant. Sont ensuite
présentés à l’enfant cinq débuts d’histoire dont les thèmes (solitude, dou-
leur physique, rejet par les pairs, abandon) sont susceptibles d’activer son
système d’attachement. Le codage se fait selon quatre dimensions : compor-
tements d’attachement, cohérence du narratif, manifestations de désorga-
nisation, capacités de mentalisation. Cet outil permet une classification
catégorielle (sécure, insécure-ambivalent, insécure-évitant et désorganisé).
Il propose un système de codage complexe qui s’étaye sur les concepts de
la théorie de l’attachement et sur les principes de codage de la SSP et de
l’AAI. Il existe pour chaque histoire trente-trois codages qui sont réalisés
sur des échelles en 9 points. L’évaluation concerne plusieurs domaines  :
les comportements d’attachement, la cohérence narrative, les phénomènes
de désorganisation, le caractère bizarre du narratif, l’affect prédominant, la
capacité de mentalisation, la métacognition. Les quatre principales catégo-
ries d’attachement (A, B, C, D) sont complétées par la catégorie CC (Can-not
Classified). Green et al. (2000) ont montré la validité de construit, la fidélité
et la stabilité de leur outil. À leur suite, Goldwyn et al. (2000) établissent une
concordance significative avec le SAT (pour la dichotomie sécure/insécure).
Secure Base Script Test (SBST ; Psouni et Apetroia, 2014)
Cet outil s’inspire de l’ASA (Attachment Script Assessment) de Waters et
Rodrigues (2004)  ; ce dernier permet une évaluation des représentations
d’attachement de l’adulte à partir de narratifs produits à l’aide d’une série
de mots « amorce » suggérant des situations prototypiques d’activation du
262 Outils d’évaluation

système d’attachement. Les auteurs ont adapté l’épreuve pour les enfants
entre 7 et 12 ans. Quatre séries de douze mots sont proposées à l’enfant. Les
récits sont évalués sur une échelle de 1 à 7 en les comparant au prototype
du script de base sécure proposé par les auteurs. Les résultats au SBST sont
prédicteurs de sécurité et de cohérence du transcript dans d’autres méthodes
d’évaluation de l’enfance comme le Friends and Family Interview (Steele et
Steele, 2005 ; voir chapitre 23).
Intérêt des procédures d’histoires d’attachement à compléter
Très utilisées en recherche, elles peuvent également être utiles dans les
contextes cliniques. Facile d’utilisation, la tâche est bien acceptée et d’aspect
ludique. Les représentations spatiales et temporelles sont comprises sans le
langage grâce à la manipulation de figurines. Cette dernière limite l’inci-
dence des compétences langagières et cognitives. Ces techniques montrent
une grande sensibilité à l’évaluation de la sécurité et de la désorganisation.
Elles discriminent bien entre la sécurité et l’insécurité mais la discrimi-
nation est moins bonne au sein des patterns insécure. La multiplicité des
procédures et des systèmes de codage rend difficile en recherche les études
comparatives.

Techniques de questionnement direct


Certaines techniques, plus récentes, offrent une alternative aux techniques
semi-projectives et narratives en posant le présupposé que l’enfant (comme
l’adulte dans l’AAI) peut répondre de manière valide quand on lui pose des
questions directes sur ses relations d’attachement. Il existe deux outils pour
évaluer les représentations d’attachement des enfants d’âge scolaire.
Échelle de sécurité de Kerns et al. (1996)
L’échelle de sécurité est un autoquestionnaire pour les enfants de 8 à 14 ans.
Il comprend quinze items destinés à mesurer la sécurité ressentie par l’enfant
lors d’interactions avec ses parents. Il existe deux questionnaires : un pour
le père et un pour la mère. Les items utilisent le format de Harter (1982) :
«  Certains enfants…, d’autres enfants…  ». Cette question à double choix
permet à l’enfant de dire à quel point les affirmations proposées par l’item
sont caractéristiques de sa relation à sa mère ou à son père en choisissant
une note de 1 à 4 (de « totalement faux » à « totalement vrai »). Les scores
sont moyennés afin de donner un score global continu de sécurité. Cette
évaluation de la perception que l’enfant a de sa relation avec l’adulte s’orga-
nise autour de trois aspects : le degré d’écoute et de disponibilité de la figure
d’attachement, la possibilité de trouver du soutien auprès d’elle, la facilité
et l’intérêt à communiquer avec elle. Les indices de sécurité sont fondés sur
la disponibilité de la figure d’attachement et sur le degré de dépendance
de l’enfant. L’échelle de sécurité permet un abord dimensionnel de l’éva-
luation de l’attachement, elle ne propose pas de catégorisation. Les études
Évaluation de l’attachement durant l’enfance 263

attribuent à cette échelle une bonne validité convergente avec les narratifs
d’attachement et une bonne fidélité test-retest à 2 semaines. Elle a égale-
ment une bonne validité prédictive de l’ajustement scolaire et social (Kerns
et  al.,  2011). Une version française modifiée (dix items) a été validée par
Bacro et al. (2011). L’autoquestionnaire est d’un abord attrayant, il est facile
à mettre en œuvre. Cependant, certaines limites sont à souligner : il force
à une position dichotomique et se prête, comme tout autoquestionnaire,
au biais de désirabilité. Tout comme les autres instruments d’évaluation de
l’attachement concernant cette tranche d’âges, la question se pose de savoir
ce qui est vraiment évalué avec cette technique d’autoquestionnaire : s’agit-
il vraiment des modèles internes opérants spécifiques de l’attachement ou
de structures cognitivo-affectives plus larges concernant une relation ?
Children Attachment Interview (CAI ; Target et al., 2003)
Il s’agit d’un entretien semi-structuré destiné aux enfants de 7 à 12  ans.
Le CAI s’inspire de l’AAI  : le discours est considéré comme indicatif des
modalités d’attachement à travers son style et sa qualité. Les réponses
comportementales ont également leur importance  : la communication
non verbale informe sur les réponses émotionnelles et cognitives aux ques-
tions concernant l’attachement. Le protocole propose dix-sept questions
directes portant sur des événements de vie récents avec les figures d’atta-
chement dans des situations où le système d’attachement est habituelle-
ment activé. Une évaluation séparée de l’attachement à la mère et au père
est prévue. Le codage (Schmueli-Goetz et  al., 2004) est réalisé à partir de
l’enregistrement vidéo de l’entretien. Les huit échelles de cotation (0 à 9)
sont les suivantes  : ouverture émotionnelle, colère préoccupée, idéalisa-
tion, détachement, auto-organisation, références positives et négatives aux
figures d’attachement, utilisation d’exemples, résolution de conflit. Une
neuvième échelle permet une mesure de cohérence globale qui donne, en
plus de l’évaluation catégorielle, une mesure dimensionnelle de la sécurité
de l’attachement. L’évaluation catégorielle propose une classification en
quatre catégories : sécure, détaché, préoccupé, désorganisé. Dans leur étude
de validation du CAI, Shmueli-Goetz et  al. (2008) concluent aux bonnes
propriétés psychométriques (fiabilité, stabilité et validité) de l’outil pour
population clinique et non clinique. Plus particulièrement, la consistance
interne est élevée et la stabilité à 1 an est très bonne pour la dichotomie
sécure/insécure. Les validités discriminante et prédictive sont également
très bonnes. D’autres qualités sont attachées à cet entretien : les questions
sont bien acceptées par les enfants ; elles sont moins directes que dans les
autoquestionnaires. Cependant, il convient pour cet entretien que l’enfant
ait un bon niveau cognitif et une bonne fonction réflexive. Le CAI ouvre un
large champ de recherches. Les futurs travaux concerneront, entre autres,
l’élaboration d’un Q-Sort qui permettrait d’affiner l’évaluation de la dés-
organisation ­(Shuemli-Goetz et al., 2008). Les implications au plan clinique
264 Outils d’évaluation

sont ­nombreuses, la facilité de mise en œuvre ne devant pas faire oublier


les subtilités du codage et de l’évaluation qui nécessitent une formation
exigeante.

Techniques de dessin
Le système de Kaplan et Main (1986)
Ce sont les premiers à avoir proposé l’analyse du dessin de famille pour
évaluer l’attachement de l’enfant. Ils suggèrent que l’organisation de l’atta-
chement peut se refléter dans les représentations des relations familiales
révélées dans le dessin de famille. Ce système a été proposé pour les enfants
de 5 à 6 ans. L’analyse du dessin se fait sur la base de huit dimensions aux-
quelles sont reliés des éléments du dessin qui sont regroupés en patterns.
Ainsi ont été identifiées des spécificités dans le dessin de famille selon les
quatre principales catégories d’attachement. Par exemple, la position écar-
tée des bras serait signe de sécurité, en revanche l’absence d’individuation
des personnages signalerait un attachement évitant. L’enfant à l’attache-
ment ambivalent à tendance à encercler les figures d’attachement, tandis
qu’un personnage gribouillé serait le signe de la désorganisation. Les auteurs
montrent que les catégories de leur système sont corrélées significativement
avec les classifications à la SSP à 12-18 mois. Madigan et al. (2003) mon-
trent que les indices proposés par Kaplan et Main peuvent discriminer entre
attachement sécure et insécure de l’enfant mais sont peu fiables pour la
définition de patterns plus précis.
Le système de Fury et al. (1997)
Ils réalisent la première réplication de l’étude de Kaplan et Main (1986)
auprès d’enfants de 8-9  ans et réaffirment la convergence avec la SSP. Ils
proposent de compléter l’évaluation en établissant huit échelles globales
en sept points évoquant des aspects pouvant être liés à l’attachement (par
exemple, vitalité, tension/colère, inversion de rôle). Les échelles ont été éla-
borées dans le but de coder les dessins d’une manière plus intégrative et glo-
bale ainsi que de proposer une mesure continue. L’ensemble des recherches
sur le dessin d’enfant en général (Naglieri et al., 1991) et sur l’évaluation
de l’attachement à partir du dessin de famille en particulier (Fury, 1997 ;
Madigan, 2003) insiste sur le caractère plus valide des analyses globales du
dessin. Une recherche de Behrens et Kaplan (2011) permet d’affirmer que
les échelles globales du système de Fury établissent une différence signifi-
cative entre la sécurité et l’insécurité de l’attachement mais qu’il n’existe
pas de corrélation significative avec les épreuves concurrentes (procédures
de séparation-réunion). L’évaluation de la représentation d’attachement de
l’enfant à partir du dessin de famille ne peut se réaliser qu’à partir de 6 ans
car elle est tributaire du niveau de dessin. Cette technique généralement
bien acceptée est facilement utilisable en clinique. Madigan et  al. (2003)
Évaluation de l’attachement durant l’enfance 265

soulignent qu’à partir de 6 ans, le fonctionnement socio-émotionnel peut


jouer un rôle important dans l’élaboration du dessin et qu’il convient de lui
donner sa place dans l’analyse au côté des représentations d’attachement.
La technique du dessin de famille complète donc les autres techniques
d’évaluation de l’attachement.

Conclusion
Il existe une grande diversité des outils d’évaluation de l’attachement pro-
posés pour les enfants d’âges préscolaires et scolaires  : techniques, focus,
dimensions étudiées. Cette diversité est une force : elle permet de coupler
plusieurs approches pour une évaluation plus fiable. C’est aussi une faiblesse :
les différences théoriques et méthodologiques rendent difficiles les travaux
de validation convergente des outils d’évaluation de l’attachement d’enfants
d’âges préscolaires et scolaires avec la Situation étrange (12-18 mois). Ils
peinent à établir une validation satisfaisante en dehors de la dichotomie
sécure/insécure. Les difficultés rencontrées dans l’évaluation de l’attache-
ment aux âges préscolaires et scolaires sont à la mesure de la complexifica-
tion du système d’attachement. De nombreuses questions se posent encore :
Comment activer le système d’attachement à cet âge où l’autonomie s’ins-
talle  ? Comment distinguer dans le matériel à analyser l’effet du système
d’attachement des effets d’autres systèmes motivationnels  ? Comment
savoir ce qui est réellement évalué ? Ces méthodes ouvrent cependant un
large champ de recherches afin de comprendre comment l’attachement et
les autres aspects du développement de l’enfant peuvent opérer ensemble.

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23 Mesures d’attachement
à l’adolescence

L. Vulliez, F. Atger, C. Lamas

Il existe encore peu d’instruments spécifiques d’évaluation de l’attachement


à l’adolescence. Comme pour les mesures chez les adultes, les outils sont
pour la plupart issus des deux courants conceptuels différents, celui de Main
et de l’état d’esprit en rapport avec l’attachement et celui issue de la psy-
chologie sociale (cf. chapitre 14 et 24). Beaucoup ont été adaptés à partir
d’entretien ou de questionnaire adulte en prenant en compte la spécificité
développementale de l’adolescence. Cependant, la recherche se heurte à un
processus complexe à évaluer. Tout d’abord, les nouvelles capacités cogni-
tives et affectives de l’adolescent devraient lui permettre de mettre en pers-
pective les différents éléments de la relation avec son parent, en prenant
en compte son propre point de vue et celui de son parent ; mais cette dis-
tance critique nécessaire pour commencer à évaluer objectivement la qua-
lité d’une relation d’attachement dont l’adolescent se sent encore dépen-
dant s’acquiert très progressivement. Ensuite, les relations d’attachement
à l’adolescence constituent un état instable, du fait de la modification des
équilibres et de l’importance prise par le réseau des pairs et des premières
relations affectives durables. Ce processus d’autonomie modifie l’expression
des besoins d’attachement (diminution des comportements de recherche
de proximité et de contact direct), qui vont être dirigés soit vers les pairs,
soit vers les parents, souvent en fonction du type et de l’intensité du stress.
L’évaluation de l’attachement à cet âge constitue donc un défi méthodolo-
gique du fait de ces modifications. Quel point de référence constitue le meil-
leur angle d’approche : les relations parentales ou les relations amicales ?
(Wilkinson, 2006). Les évaluations reposent sur différentes dimensions :
• la capacité à évaluer les relations d’attachement dans le passé et dans le
présent ;
• la qualité de l’autonomie et de l’exploration ;
• la qualité des nouvelles relations ;
• la capacité à négocier les conflits et à exprimer ses émotions avec le
parent.

Évaluation par les autoquestionnaires


De nombreux autoquestionnaire ont été développés ; nous ne retiendrons
ici que ceux les plus utilisés dans la littérature internationale. Il existe des

L’attachement : approche théorique


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270 Outils d’évaluation

différences majeures dans l’arrière-plan théorique qui sous-tend la concep-


tion de ces différents instruments et à propos des aspects particuliers de
l’attachement que ces instruments évaluent. Ceci les rend difficilement
comparables et pose des questions de validité, d’autant qu’il n’existe de
fait aucun «  gold standard  » (comme la Situation étrange chez les petits)
(Wilson et Wilkinson, 2012).
Inventory of Parent and Peer Attachment (IPPA)
Cet autoquestionnaire est de loin le plus utilisé pour évaluer l’attache-
ment à l’adolescence. Il a été développé par Amsden et Greeberg dans les
années 1980 (1987). Il a été développé pour évaluer la perception qu’ont
les adolescents de leurs relations avec leurs parents et leurs amis proches.
Cet instrument ne suit pas les trois catégories de Main ou d’Ainsworth.
Selon les auteurs, les modèles internes opérants (MIO) de l’adolescent
peuvent être abordés à travers les représentations affectives et cognitives
positives qu’ils ont de l’accessibilité et de la sensibilité de leurs figures
d’attachement ou, au contraire, les représentations négatives de colère ou
de désespoir qui résultent de la non-disponibilité de leurs figures d’atta-
chement. Dans sa version originale, il comporte vingt-huit items dans la
partie Parent Scale (IPPA-Pa) et vingt-cinq items dans la partie Peer Scale
(IPPA-Pe).
L’IPPA, dans ses versions les plus récentes, évalue successivement les rela-
tions avec le père, la mère et les amis proches. Trois grandes dimensions
sont retrouvées : le degré de confiance mutuelle (« Ma mère respecte mes
sentiments »), la qualité de communication (« J’aime avoir le point de vue
de ma mère sur les choses qui me préoccupent »), le degré de colère et d’alié-
nation (« Ma mère attend trop de moi »). Ces dimensions sont fortement
corrélées au sein de chaque type de relation : elles donnent un indice de
sécurité/insécurité envers les parents ou les proches.
Lors de l’étude de validation, des normes en population étudiante ont
été définies avec une bonne stabilité de scores lors du re-test à 3 semaines
(Armsden et Greenberg, 1987).
Cet autoquestionnaire présente des limites importantes, notamment du
fait de l’absence de discrimination des différentes relations d’attachement
(vis-à-vis du père et de la mère, entre les différentes sortes de relations
d’amitié) dans la version initiale et de sa validation sur un échantillon
non représentatif de la population adolescente (adolescentes relativement
âgées vivant chez leurs parents). De plus, cet autoquestionnaire refléte-
rait mal certaines dimensions de l’attachement  : il serait davantage une
mesure générale de l’insécurité et de l’évitement. L’IPPA met plus l’accent
sur les relations d’attachement spécifiques et leurs particularités que sur
les MIO. Du fait de ces limitations, certains chercheurs considèrent que
cet instrument mesure la qualité actuelle de la relation parent-adolescent.
Mesures d’attachement à l’adolescence 271

Cependant, l’IPPA et ses variations ont montré une forte corrélation avec le
degré d’adaptation et le devenir de ces adolescents (Armsden et Greenberg,
1987 ; Wilkinson, 2006).

Attachment Style Questionnaire (ASQ ; Hazan et Shaver, 1987)


L’ASQ comporte trois paragraphes représentant les styles d’attachement
sécure, évitant et anxieux. Afin de remplir cet autoquestionnaire, les partici-
pants doivent lire attentivement les descriptions des quatre styles généraux
de relation qui sont le plus souvent rapportés et entourer la lettre qui corres-
pond le mieux à leur façon d’être en général dans leurs relations proches.
Dans une deuxième étape, les sujets doivent se coter sur une échelle de 1 à 7,
pour chaque paragraphe, selon le degré de similitude de la description avec
ce qu’ils éprouvent : La personne se cote « 1 » (« Not at all like me ») si la des-
cription du pattern ne correspond pas du tout à sa manière d’être dans les rela-
tions d’attachement, « 4 » si ça correspond à peu près (« Somewhat like me »)
et « 7 » (« Very much like me ») si cette description lui correspond très bien.
Le score le plus élevé peut aussi être utilisé pour classifier les sujets au sein
d’une catégorie : si le score le plus élevé est obtenu à la dimension « sécure »,
l’individu peut être considéré comme sécure, ce qui signifie seulement que
cette catégorie est celle qui lui correspond le mieux (best fitting).
L’ASQ constitue la première tentative de mesure des liens amoureux
adultes conceptualisés comme des relations d’attachement et est fondé sur
le travail d’Ainsworth et de son équipe différenciant les styles d’attache-
ment chez l’enfant.
Adolescent Relationship Questionnaire (ARQ ; Scharfe, 1999)
Le modèle à quatre catégories du RQ repose sur le travail de Bartholomew
(1991) et la conceptualisation de MIO de soi et des autres. Le RQ est
comporte quatre paragraphes représentant les styles d’attachement sécure,
détaché, préoccupé et craintif. Cet instrument repose sur les mêmes prin-
cipes que l’AP avec la description des styles généraux de relation, le choix
imposé de l’un de ces styles puis l’évaluation du degré de concordance de la
description avec leurs propres perceptions.
Cet instrument comme le précédent utilise la mesure catégorielle et est
également fréquemment retrouvé dans la littérature scientifique. Cet instru-
ment a été développé en population adulte, mais une version adolescente
a été développée : l’ARQ, qui est une version pour adolescent du RQ déve-
loppée par Scharfe (1999) à partir du RQ. Il se présente de la même façon
en quatre items constitués de courts paragraphes correspondant à la des-
cription des quatre catégories d’attachement du modèle de Bartholomew.
La formulation des phrases a été simplifiée et reformulée en termes plus
descriptifs et issus du langage courant de l’adolescent. Les termes décrivant
la sphère des émotions sont utilisés avec précaution et formulés de façon
272 Outils d’évaluation

plus banale, pour être plus intelligible et ne pas se heurter à la résistance


qu’ont les adolescents à parler de leur monde interne.
Parental Attachment Questionnaire (PAQ ; Kenny, 1987)
Ce questionnaire comporte soixante-dix items mesurant l’attachement
d’adolescents plus âgés à leurs parents et trois sous-scores  : qualité des
relations affectives, stimulation par les parents de l’autonomie, soutien
émotionnel par les parents. Le PAQ a été élaboré afin de mesurer «  dans
quelle mesure et fonction le lien parent-enfant se poursuit chez les adoles-
cents plus âgés après leur départ de la maison ». Il a été validé sur un petit
échantillon d’étudiants à l’université.
Le PAQ peut être modifié afin d’évaluer séparément l’attachement à la
mère et au père (Kenny et Gallagher, 2002). Cet instrument a également été
utilisé dans des populations plus jeunes.

Adolescent Attachment Questionnaire (AAQ ; West et al., 1998)


L’AAQ est une mesure globale de l’attachement chez les adolescents
comportant neuf items et trois facteurs : « disponibilité », « partenariat cor-
rigé quant au but », « détresse colère ». Cet instrument a été développé afin
de correspondre à l’AAI et a été validé notamment sur un échantillon d’ado-
lescents âgés de 12 à 19  ans. Cet outil est cependant différent de l’AAI  :
«  nos scores évaluent uniquement la perception par les adolescents de la
disponibilité de leur figure d’attachement et ne sont pas un indicateur de
la sécurité ou de l’insécurité de l’attachement dans ces relations » (p. 663).
Cet instrument est peu utilisé en dépit de bonnes qualités psychométriques
apparentes.
Attachment Style Questionnaire (ASQ ; Feeney, 1994)
L’ASQ a été développé en réponse au manque d’instruments évaluant de
manière globale les MIO de sécurité chez les adolescents. Il mesure l’orien-
tation générale de l’attachement et non des relations spécifiques d’atta-
chement avec le père, la mère ou le partenaire amoureux. Il comporte
quarante-six items. Les analyses factorielles retrouvent trois ou cinq facteurs
selon les études. Les auteurs défendent l’idée d’un modèle à cinq facteurs qui
caractérise mieux les différents groupes : confiance (en soi et en les autres),
inconfort avec la proximité, besoin d’approbation, préoccupation dans les
relations secondaires.

Évaluation par les entretiens individuels


Les entretiens utilisés pour évaluer l’attachement chez l’adolescent sont
tous inspirés de l’entretien d’attachement de l’adulte (AAI, voir chapitre 14).
Certains sont seulement des adaptations de l’AAI ; un seul est conçu spéci-
fiquement pour explorer l’attachement à l’adolescence.
Mesures d’attachement à l’adolescence 273

Versions modifiées de l’AAI


Attachment Interview for Chilhood and Adolescence (AICA ;
Ammaniti et al., 1990)
C’est une version révisée de l’AAI destinée aux grands enfants et aux jeunes
adolescents (entre 10 et 14 ans). La structure de l’interview, la séquence des
questions sont les mêmes, mais le langage est simplifié et adapté à l’âge.
Des explications ont été ajoutées pour clarifier certaines questions. Par
exemple : « Parle-moi des relations avec tes parents quand tu étais un petit
enfant. Ce que je veux dire par relation c’est  : qu’est-ce que vous faisiez
ensemble, comment vous vous entendiez, comment vous vous sentiez l’un
avec l’autre ? » Deux questions ont été supprimées car non pertinentes à cet
âge (la peur de perdre un enfant ou les souhaits pour son propre enfant).
Ces changements ne modifient pas la cotation.
Le codage de la transcription verbatim utilise la même méthode que l’AAI.
Les critères de cohérence ont été modifiés en tenant compte de l’âge. Cer-
tains propos qui pourraient être jugés incohérents sont en effet fréquents à
cet âge, en particulier ceux concernant une indifférenciation entre présent
et passé, les difficultés à se placer à un niveau abstrait de description, une
tendance à la normalisation comme expression de la continuité de l’expé-
rience plutôt que comme une stratégie détachée (Ammaniti et al., 2000).
Transition to Adulthood Attachment Interview (TAAI ;
Crittenden, 2000)
Les modifications de l’AAI ont été réalisées pour que l’entretien porte sur les
compétences et les enjeux importants pour des jeunes évoluant vers l’âge
adulte, entre 16 et 25 ans. Cet entretien est également conçu en référence
au modèle dynamique maturationnel de Crittenden (Crittenden, 2000, voir
chapitre 14). Ces modifications partent du principe que les adolescents et les
jeunes adultes jusqu’à 25 ans continuent de se tourner vers les figures d’atta-
chement de leur enfance pour la protection, le réconfort psychologique
et/ou un soutien financier, tout en développant simultanément des relations
d’attachement avec des pairs et leur indépendance financière. Cet entretien
est autant un outil de recherche qu’un guide potentiel pour le thérapeute.
Friendship Interview (Furman et al., 2002)
Cet entretien comporte les mêmes questions que l’AAI ; toutefois, elles ne
portent plus sur les parents mais sur les deux ou trois relations amicales —
en excluant les relations amicales qui sont devenues des relations amou-
reuses — que l’adolescent considère comme les plus importantes. Les ques-
tions de l’AAI sur ce que fait l’adolescent quand il est malade ou blessé ont
été enlevées, car ils s’adressent rarement à leurs pairs dans ces situations.
Des questions tenant compte de la symétrie des relations amicales ont été
ajoutées, en particulier sur leurs comportements de caregiving.
274 Outils d’évaluation

L’analyse des expériences et de l’état d’esprit des adolescents tels qu’ils


sont racontés au cours de cet entretien repose sur des échelles inspirées du
CRI (Crowell et Owens, 1998) et de l’AAI (Main et Goldwyn, 1998).

Friends and Family Interview (FFI ; Steele


et Steele, 2005) : outil construit spécifiquement
pour explorer l’attachement à l’adolescence
Il a été créé dans le cadre d’une étude longitudinale sur l’attachement de
l’enfance à l’âge adulte, pour évaluer l’attachement entre 9 et 16 ans. Les
auteurs ont voulu remédier à l’absence d’outils issus du courant dévelop-
pemental de mesure (voir chapitre 14) élaborés spécifiquement pour cette
tranche d’âge.
L’entretien est transcrit intégralement pour l’analyse. Il commence par
une introduction expliquant que les sentiments et les souhaits les plus
forts naissent des relations avec les proches avec, dans ces relations, des
choses auxquelles on tient et d’autres que l’on veut changer. Après cette
introduction, on recueille, comme dans l’AAI, quelques éléments géné-
raux sur le sujet  : sa famille, les gens importants pour lui, ses hobbies,
avec des exemples spécifiques. Cette étape vise à mettre l’adolescent en
confiance mais aussi à le familiariser avec des questions qui passent du
général au particulier. On lui demande ensuite ce qu’il aime le plus et le
moins chez lui-même, puis on pose une question qui explore les représen-
tations d’un havre et d’une base de sécurité : « Qu’est-ce que tu fais quand
ça ne va pas ? » Viennent ensuite des questions sur la principale qualité
et le principal défaut des relations importantes. À la différence de l’AAI,
outre les relations avec les parents, sont également explorées les relations
avec les professeurs, les amis et les frères et sœurs. Pour chacune de ces
relations, on termine par  : «  Et toi, qu’est-ce que tu penses que X pense
de toi ? » Cela permet d’évaluer les capacités de l’adolescent à réfléchir sur
les relations. Puis on l’interroge sur sa première expérience de séparation,
avec également une question sur ce qu’il imagine que ses parents ont res-
senti, puis sur les relations entre ses parents et enfin sur la manière dont
les relations avec eux ont évolué et comment il se représente ce qu’elle
va devenir. L’entretien se termine sur des questions de « débriefing » sur
comment il a été vécu.
Le codage des MIO repose en partie sur le contenu : la description faite
par l’adolescent de ses caregivers en termes de base de sécurité et de havre
de sécurité et les stratégies adaptatives qu’il décrit en situation de détresse.
L’évaluation de la fonction réflexive se fonde sur trois domaines :
• la perspective développementale, c’est-à-dire la capacité de l’adolescent à
différencier ce qu’il pense et ressent maintenant de ce qu’il a pu penser et
ressentir dans le passé ;
Mesures d’attachement à l’adolescence 275

• la capacité à percevoir la diversité des sentiments, c’est-à-dire à compren-


dre les sentiments négatifs et positifs différents ressentis par chacun des
partenaires d’une interaction ;
• la théorie de l’esprit.
L’analyse de la forme du récit, comme dans l’AAI, est centrée sur la notion
de cohérence narrative (voir chapitre 14) : un discours cohérent, crédible,
ni trop long, ni trop court, pertinent et accessible à l’interlocuteur du point
de vue de la forme. La classification qui conclue le codage intègre les diffé-
rentes dimensions qui viennent d’être évoquées ; elle définit également des
échelles de sécurité, de détachement, de préoccupation et de désorganisa-
tion. Cet outil a donc une conception dimensionnelle des patterns d’atta-
chement. Pour Steele et Steele (2005), un jeune adolescent peut mettre en
place des stratégies d’attachement différentes quand son système d’atta-
chement est activé. Chaque classification est donc cotée et la classification
finale représente la stratégie dominante chez l’adolescent. Ainsi, par exem-
ple, un récit peut être codé hautement sécure, légèrement détaché, ni pré­
occupé ni désorganisé. Cet outil très riche n’a encore été utilisé que dans peu
d’études car il est récent. Toutefois, les premiers résultats indiquent qu’il
présente de très bonnes qualités métrologiques (Kriss et al., 2012).

Évaluation de l’interaction parent-adolescent


Elle est nécessaire, étant donné l’importance du rôle de l’environnement à
l’adolescence et l’augmentation des conflits et négociations avec les parents.
L’adolescent a désormais des stratégies pour pallier une base de sécurité
parentale fragile ; cependant, lors d’interactions stressantes, ces stratégies ne
fonctionnent plus assez et leur système d’attachement est largement activé.

Principes généraux
Les outils évaluant l’interaction de la dyade parent-adolescent sont récents.
Le parent et l’adolescent sont placés dans une situation stressante et les stra-
tégies de chacun ainsi que celles de la dyade sont observées. Le plus souvent,
il est demandé à l’adolescent et à son parent de trouver un sujet de désaccord
et de le discuter pendant 10 minutes, après un temps de discussion libre
(Lyons-Ruth et al., 2005). Zimmermann et al. (2009) et Becker et al. (2008)
proposent un autre contexte : on demande à la dyade de jouer à un jeu vidéo
sur le même clavier et les observateurs font terminer la partie brutalement en
disant aux joueurs qu’un des deux a appuyé sur la touche interdite.
Ces outils reposent tous plus ou moins sur les mêmes paradigmes et
observations :
• observer comment la communication autour de sujets qui menace
l’estime de soi — un des aspects centraux de la relation d’attachement à
l’adolescence — va s’engager dans la dyade ;
276 Outils d’évaluation

• observer comment le parent va réguler ses propres affects négatifs sou-


levés par ce stress (et liés à ses propres relations d’attachement)  : Va-t-il
restreindre son attention aux signaux de stress de son enfant, pour ne pas
revivre ses propres expériences de peur et de détresse ? Quelle curiosité a-t-il
pour comprendre le point de vue de son enfant ?
• observer comment l’adolescent s’exprime et comment il va utiliser sa
base de sécurité, notamment pour exprimer de l’hostilité. Avec quelle sou-
plesse ?
L’observation des comportements de base de sécurité dans la dyade est
plus subtile que pendant l’enfance : elle prend en compte la façon dont la
collaboration et la flexibilité de la négociation permettent de maintenir
la sécurité de l’attachement de l’adolescent et la confiance dans la disponi-
bilité du parent face à sa vulnérabilité et à leurs désaccords.

Codages
Les comportements et les expressions non verbales des deux partici-
pants ainsi que leur discours sont observés et codés de façon très minu-
tieuse. Le système de codage de l’équipe de Karlen Lyons-Ruth, le GPACS
(Goal-Corrected Partnership Adolescent Scale) est particulièrement illustratif
de la méthode (Obsuth et al., 2014). Le GPACS permet de classer les dyades
selon quatre types  : collaborative, punitive, désorientée, avec confusion
des rôles (Lyons-Ruth et  al.,  2005). Par exemple, la collaboration corres-
pond à la validation de la voix de l’adolescent : le parent est sensible à ce
que l’adolescent amène et il prend en compte ses potentielles difficultés à
dire ses émotions  ; elle note également la présence d’affection et de cha-
leur mutuelle. L’interaction punitive est caractérisée par la présence, chez
l’un ou les deux partenaires, de remarques humiliantes, de tentatives de
contrôle sur la contribution de l’un, tandis que l’autre capitule soit de façon
impuissante, soit de façon déplacée. La désorientation correspond à la pré-
sence de comportements bizarres et hors contexte du parent et du jeune
adulte : par exemple, un jeune se lève soudainement alors qu’il est en train
de parler, ou s’immobilise totalement pendant quelques secondes dans une
position qui peut être inconfortable ; une mère qui se met à chanter lorsque
le jeune aborde le conflit, change soudainement de sujet ou dit quelque
chose d’incompréhensible ; on note également très peu de possibilités pour
l’adolescent d’affirmer son point de vue. Enfin, on parle de confusion des
rôles lorsque l’on observe des comportements de caregiving de l’adolescent ;
par exemple, l’adolescent a un rôle de régulateur, de modérateur et semble
très vigilant à l’état émotionnel du parent  ; le parent ne  montre qu’une
attention inconstante voire aucune à l’état émotionnel de son enfant  ;
le parent se présente de façon immature, séductrice  ; il semble stressé et
impuissant face à la tâche demandée  ; l’adolescent y répond en le dis-
trayant, en posant lui-même les questions et en structurant la discussion.
Mesures d’attachement à l’adolescence 277

La modélisation de ces facteurs a fait l’objet d’une validation scientifique


et le degré de concordance avec l’AAI était élevé. Dans l’échantillon de 120
adolescents de l’étude de Lyons-Ruth, les trois formes de désorganisation
n’étaient pas associées aux mêmes troubles psychopathologiques. Cet outil
récent offre une nouvelle voie d’exploration de la désorganisation à l’ado-
lescence (Obsuth et al., 2014).
Deux difficultés principales sont à relever dans l’évaluation de cette inter-
action :
• la régulation de la colère et de la frustration de la part de l’adolescent.
Kobak et al. (1993) considèrent que la colère est dysfonctionnelle lorsqu’il
existe des comportements non verbaux de retrait, de soupir, et quand l’ado-
lescent élève la voix et critique son parent. Mais cela nous semble ne pas
prendre suffisamment en compte le processus développemental de l’adoles-
cent, où d’intenses émotions émergent de la relation parent-adolescent.
L’hostilité de l’adolescent envers son parent peut s’affirmer parfois de cette
façon sans que l’adolescent ait un attachement insécure, d’autres dimen-
sions dans la communication pouvant être de bonnes qualités et la distance
suffisamment bonne (Zimmermann et al., 2009) ;
• l’évaluation de l’insensibilité parentale, en particulier l’absence de
comportement ou d’attention parentale attendue, est également un défi
à cette période de développement, en l’absence de références descriptives
normatives (Lyons-Ruth et al., 2013).

Conclusion
L’évaluation de l’attachement à l’adolescence est complexe, tant quant aux
modalités d’attachement en mouvement propres à l’adolescence qu’à l’hété-
rogénéité des mesures d’attachement. Une réflexion commune entre cher-
cheurs et cliniciens est nécessaire pour enrichir la pertinence de ces outils.

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24 Évaluation
de l’attachement
chez l’adulte1

F. Atger, N. Guédeney, C. Sabatier, F. Perdereau

Historiquement, les différents outils d’évaluation de l’attachement chez


l’adulte sont nés directement des travaux sur la petite enfance et la paren-
talité. Ils ont tous initialement été conçus en se référant au premier outil
évaluant l’attachement en 1978 : le dispositif expérimental de la Situation
étrange de M. Ainsworth. À partir des repères définis grâce à ce dispositif,
deux courants de recherche sur l’évaluation de l’attachement chez l’adulte
sont nés.
Le courant développemental a déjà été évoqué au chapitre 14 sur l’Adult
Attachment Interview (AAI). Nous évoquerons à la fin de ce chapitre les
outils, en dehors de l’AAI, qui sont issus de cette approche.
Le deuxième courant, légèrement plus tardif, est né des travaux des psy-
chosociologues intéressés à la description des systèmes d’équivalence fonc-
tionnelle du système d’attachement à l’âge adulte, comme Bowlby invitait
à le faire. Pour Hazan et Shaver (1987, 1990), les initiateurs de ce courant,
les trois patterns d’attachement observés chez l’enfant émergent à partir
de l’adolescence puis chez l’adulte comme trois styles interpersonnels. Ce
sont les instruments issus de ce courant qui sont principalement dévelop-
pés dans ce chapitre. À la différence de l’AAI, ils évaluent pour la plupart
les relations d’attachement actuelles. Ils se divisent en autoquestionnaires
(les  outils les plus utilisés) et en entretiens semi-structurés développés à
partir de différents modèles théoriques.

Outils du courant psychosocial


Pertinence des outils du courant psychosocial
en général
Ce qui est capté par ces autoquestionnaires est un savoir explicite dis-
ponible en situation non stressante. Les adultes ont suffisamment d’expé-
rience dans les relations proches pour fournir des informations valables sur
ce qu’ils pensent, ressentent et comment ils se comportent avec. Il s’agit

1. Autre que par l’AAI (voir chapitre 14).

L’attachement : approche théorique


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282 Outils d’évaluation

(voir chapitre 15) du niveau le plus généralisé des MIO du sujet. La désirabi-


lité sociale n’est pas une notion pertinente dans la théorie de l’attachement.
Savoir demander de l’aide n’est pas une norme sociale à atteindre pour le
sujet évitant ! Les dimensions de sécurité ou d’évitement ou d’anxiété quant
à l’attachement captées par les autoquestionnaires sont liées mais ne sont
pas les mêmes que les dimensions psychologiques comme l’anxiété, l’opti-
misme ou le retrait. Enfin, il existe des associations fortes, rétrospectives
et prospectives entre les expériences infantiles pertinentes quant à l’atta-
chement et les résultats aux autoquestionnaires d’attachement (Bifulco et
Thomas, 2013 ; Fraley et al., 2013).

Autoquestionnaires définissant
des styles d’attachement
Description des principaux instruments
Le modèle de Hazan et Shaver (1987) étudie le système d’attachement à tra-
vers les relations de couple. L’Attachment Style Questionnaire (ASQ) comporte
trois paragraphes décrivant brièvement les comportements et les sentiments
concernant sa façon de se percevoir dans ses relations amoureuses et inter-
personnelles, qui correspondent aux trois catégories de la Situation étrange.
Le sujet doit choisir parmi ces trois propositions celle lui correspondant le
plus, ce qui définit son pattern d’attachement. L’intérêt majeur de cet outil
est son extrême brièveté et son administration facile. En revanche, certaines
qualités psychométriques sont médiocres, en particulier sa mauvaise stabi-
lité temporelle. Pour y remédier, l’utilisation des trois propositions initiales
de Hazan et Shaver a été modifiée : soit en demandant au sujet d’évaluer
pour chacune des trois propositions la ressemblance avec sa façon de res-
sentir ses relations aux autres, soit en décomposant les trois propositions en
autant d’items nécessaires.
L’Adult Attachement Scale Questionnaire a été créé par Simpson (1990) dans
cet esprit, en convertissant les trois descriptions des prototypes de Hazan
et Shaver en un questionnaire à treize items cotés sur une échelle visuelle
analogue de Likert en 7 points. Le questionnaire traite l’attachement selon
deux dimensions (évitement et ambivalence) ou sous forme de catégories
correspondant à celles de Hazan et Shaver. Les sujets sont interrogés sur
leurs relations avec leurs partenaires amoureux en général. Une version
franco-canadienne a été validée par Bouthillier et al. (1996).
Bartholomew et Horowitz (1991) ont conceptualisé un modèle de l’atta-
chement chez l’adulte en considérant deux dimensions : « le modèle de soi »
et « le modèle des autres », en reprenant les hypothèses de Bowlby sur les
modèles internes opérants (MIO) qui comportent des schémas intériorisés
de soi et des autres. Chacune de ces deux dimensions peut être positive ou
négative. La positivité du modèle de soi est le degré d’intériorisation d’un
Évaluation de l’attachement chez l’adulte 283

sentiment d’estime de soi (self-worth), qui s’oppose au sentiment d’anxiété


et d’incertitude de sa capacité à être aimé. Il est associé au degré d’anxiété et
de dépendance par rapport à l’opinion d’autrui. La positivité du modèle des
autres évalue le degré de disponibilité et de support qu’un individu pense
pouvoir attendre de la part d’autrui. Il est associé à la tendance à rechercher
ou à éviter la proximité dans les relations.
En combinant ces deux dimensions, on arrive à une classification à quatre
catégories : sécure (modèles de soi et des autres positifs), préoccupé (modèle
de soi négatif et modèle des autres positif), détaché (modèle de soi positif et
modèle des autres négatif) et craintif (modèles de soi et des autres négatifs).
À partir de ce modèle fut construit un autoquestionnaire comportant
quatre brefs paragraphes cotés de 1 à 7 (Relationship Questionnaire, RQ)
décrivant en quelques phrases les modalités relationnelles prototypiques
correspondant à chaque catégorie d’attachement. Ces quatre scores fournis-
sent un profil individuel d’attachement. Cet autoquestionnaire peut aussi
être utilisé de manière catégorielle pour caractériser un sujet : soit le sujet
choisit parmi les quatre paragraphes la proposition qui lui ressemble le plus,
soit l’évaluateur le classe dans la catégorie pour laquelle le score est le plus
élevé. Cependant, l’auteur recommande l’utilisation dimensionnelle per-
mettant d’établir un profil d’attachement. En 2006, Holmes et Lyons-Ruth
ont proposé un ajout au RQ afin de l’utiliser dans le dépistage prénatal
des parents à risque pour des problèmes relationnels parent-nourrisson. Le
RQ-CV (RQ-clinical version) comporte donc un cinquième paragraphe qui
décrit un style d’attachement « profondément méfiant » : « Je crois que c’est
une erreur de faire confiance aux autres. Chacun s’occupe de soi donc, plus
vite on apprend à ne rien attendre de qui que ce soit le mieux c’est. » Sur
un échantillon de quarante-quatre mères de bas niveau socio-économique
le style « profondément méfiant » était lié à des comportements maternels
hostiles, intrusifs et négatifs, ainsi qu’à des risques de maltraitance (Holmes
et Lyons-Ruth, 2006).
Bartholomew a aussi créé un questionnaire (Relationship Styles Question-
naire, RSQ) de trente items cotés sur une échelle de Likert en 5 points. Ces
items proviennent des phrases constituant les descriptions du Relationship
Questionnaire et de l’Adult Attachement Scale de Collins et Read (qui est décrit
un peu plus loin). Dix-huit d’entre eux sont utilisés pour calculer un score
pour quatre sous-échelles correspondant aux styles ou prototypes sécure,
craintif, détaché et préoccupé. La combinaison de ces quatre scores protoy-
piques permet d’obtenir les scores sur deux dimensions latentes (modèle de
soi et modèle des autres). Le RSQ peut être également utilisé pour catégori-
ser l’attachement.
Le RQ et le RSQ ont été traduits et validés en français (Guédeney, 2005).
Brennan et  al. (1998) ont créé leur autoquestionnaire, Experiences
in Close Relationships (ECR), à partir de l’analyse factorielle de tous les
284 Outils d’évaluation

autoquestionnaires d’attachement existants à la fin des années 1990


(quatorze instruments totalisant 323 items). Cette analyse leur a permis
de dégager deux dimensions : anxiété et évitement. Ils ont ensuite défini
deux échelles, de chacune dix-huit items, correspondant à ces dimen-
sions. Les items selectionnés étaient ceux qui étaient ceux parmi les 323
étudiés qui étaient les plus fortement corrélés aux deux dimensions. Ces
échelles réunies constituent l’échelle d’Experiences of Close Relationships
(ECR, échelle d’expériences des relations proches) qui mesure le style
d’attachement. Les items correspondant au facteur «  anxiété  » rappel-
lent les échelles de codage de l’attachement anxieux-ambivalent de la
Situation étrange. En effet, ils soulignent la peur de l’abandon et la colère
vis-à-vis de la séparation. Ainsi, par exemple, on trouve dans l’ECR les
items suivants : « J’ai peur d’être rejeté ou abandonné », « J’ai besoin de
beaucoup de réassurance sur le fait que mon partenaire tient à moi  »,
«  Quand je n’ai personne de proche à mes côtés, je me sens anxieux
et insécure  », «  Je suis en colère quand mon partenaire passe du temps
loin de moi ». Les items du facteur « évitant » sont aussi évocateurs des
échelles de codage de l’enfant évitant à la Situation étrange. Ils mettent
l’accent sur l’absence  de proximité et la répression des émotions. On
trouve ainsi : « Je trouve difficile de m’autoriser à dépendre d’une relation
avec un partenaire proche », « Je préfère ne pas montrer aux autres quand
je me sens au plus bas », « J’évite d’être trop proche des autres », « Ça ne
me  dérange pas de demander à quelqu’un de proche du réconfort, un
conseil ou de l’aide » (score inversé).
L’ECR a été utilisé dans un très grand nombre d’études depuis 1998
(Mikulincer et Shaver, 2007), qui ont permis de confirmer ses excellentes
qualités psychométriques. Il a été traduit et validé dans un grand nombre
de langues, dont l’allemand et le japonais (Ehrenthal et al., 2008 ; Nakao
et Kato,  2004)  ; il existe une version française qui a été validée par une
équipe canadienne (Lafontaine et Lussier,  2003). Initialement, ce ques-
tionnaire était uniquement destiné à évaluer l’attachement à un partenaire
amoureux mais de petites modifications dans la formulation des questions
et des instructions préalables ont permis de l’utiliser pour étudier l’orienta-
tion générale des relations amoureuses, le style d’attachement dans diffé-
rentes relations, ou des relations proches autres que les relations de couple.
Récemment, une version courte à douze items a été validée afin de faciliter
son utilisation dans les études en population générale (Wei et  al.,  2007).
Lo et al. (2009) ont publié une autre version s’adressant à des sujets ayant
une pathologie somatique grave. Berry et al. (2007) ont développé un outil
utilisant les deux mêmes dimensions pour évaluer le style d’attachement
chez les individus souffrant de psychoses.
L’ECR a été révisée par Frayley, Waller et Brennan (2000) pour améliorer
la sensibilité des deux échelles chez les sujets qui sont plutôt sur un versant
Évaluation de l’attachement chez l’adulte 285

sécure. L’ECR-R a ainsi été mis au point, comportant de nouveaux items par
rapport à l’ECR. Ses qualités métrologiques sont aussi bonnes que celles de
l’ECR original (Sibley, Fisher, Liu, 2005). L’apport de cette nouvelle version
est discuté (Mikulincer, Shaver, 2007) mais elle a été également largement
utilisée pour évaluer l’attachement chez l’adulte.

Évolution des mesures du courant psychosocial : du catégoriel


au continu, du prototype au dimensionnel
Comme on l’a vu dans le chapitre  17, les différences individuelles dans
des relations spécifiques ont été au cœur des premiers travaux sur l’atta-
chement chez l’adulte. Très logiquement, c’est donc la Situation étrange qui
a servi d’outil de référence pour les mesures chez l’adulte. Cette logique est
compréhensible tant qu’on reste au niveau d’une relation spécifique, elle
devient beaucoup plus discutable si on considère la complexité de l’orga-
nisation des modèles de travail liés à l’attachement (attachement comme
trait, voir chapitre 15).
Shaver et Mikulincer (2004) rappellent qu’à l’origine, Mary Ainsworth
(1978) avait proposé deux types de cotation de la Situation étrange  ; le
codage en trois catégories a eu un succès immédiat et extensif au détri-
ment du codage en dimensions. Elle individualisait deux dimensions  :
l’évitement (compter sur soi, répression émotionnelle, inconfort dans la
proximité et dans le fait de sentir qu’on a besoin de l’autre) et l’anxiété ou
résistance (conflits associés aux contacts corporels proches, pleurs, échec
à explorer avec confiance en l’absence de la mère, et colère dirigée vers la
mère pendant la réunion après que l’enfant a probablement expérimenté
un abandon).
Fraley et Philipps (2009) proposent une analyse très pertinente de l’évo-
lution des mesures. Très rapidement les chercheurs du courant psychosocial
comme on l’a vu plus haut, ont vu la limite des choix forcés en une caté-
gorie alors que les sujets auraient souvent été mieux décrits par plusieurs ;
de plus, la stabilité test-retest, même à court terme, n’était pas bonne, ce
qui en diminuait considérablement la valeur. Une première modification a
été d’utiliser des échelles de score continu. Soit le sujet cotait jusqu’à quel
point la description générale semblait lui convenir, soit les chercheurs ont
décomposé les descriptions catégorielles qui alignaient plusieurs phrases en
items séparés, cotés chacun de manière indépendante sur une échelle de
type échelle de Likert (Fraley et Philipps, 2009). La stabilité test-retest sur
une courte période est cette fois très satisfaisante.
Ce passage des classifications aux dimensions améliore la mesure. Les
études actuelles (Fraley et Waller, 1998 ; Fraley et Spieker, 2003) confirment
que les différences individuelles dans l’organisation de l’attachement sont
mieux conceptualisées en dimensions qu’en catégories. L’utilisation des
dimensions permet de garder l’information sur la diversité des individus
286 Outils d’évaluation

au sein de la même catégorie et sur la question de la continuité et du


changement. Par contre, il pose des questions théoriques qui actuellement
sont résolues de la manière suivante (Fraley et Phillips, 2009) : le système
en deux dimensions distingue les insécurités liées à l’attachement et les
stratégies motivationnelles que les individus utilisent pour réguler leurs
pensées et leurs sentiments (telles que reflétées dans l’évitement quant à
l’attachement).
Les limites actuelles des questionnaires d’attachement du courant psy-
chosocial sont essentiellement la question de leur généralisation : les échan-
tillons de validation portent essentiellement sur des populations étudiantes
dans des pays occidentaux industrialisés. Qu’en est-il pour d’autres types de
population et d’autres cultures ?

Entretiens définissant des styles d’attachement


Bartholomew a aussi développé deux entretiens utilisant son modèle
de l’attachement chez l’adulte : le Peer Attachment Interview (PAI) porte sur
l’attachement envers les pairs et le Family Attachment Interview (FAI) porte
sur l’attachement envers la famille d’origine.
Le modèle de Bifulco est inspiré à la fois du modèle de Bartholomew et
de celui de Brown sur les facteurs de soutien social et la notion de confi-
dent très proche. Elle a créé un entretien semi-structuré, l’Attachment Style
Interview (ASI, Bifulco et al., 2002), traduit et validé en français (Guédeney,
2005). La cotation se fait à partir des enregistrements des entretiens en
sélectionnant les extraits qui sont pertinents. Elle adopte une approche
sociale dans la mesure du style d’attachement, en intégrant des données
sur les relations actuelles et durables avec les partenaires, la famille, les
amis et ceux que l’on nomme « les très proches ». Pour chacun d’entre eux,
l’entretien permet d’évaluer la qualité de la relation  : confiance et capa-
cité à se confier, soutien émotionnel, interactions positives et négatives
et attachement ressenti. Ces données permettent de coter la capacité du
sujet à trouver du soutien actuellement. Il évalue également les attitudes
du sujet (pensées, comportements et émotions) à propos de l’autonomie,
de la proximité/distance, de la peur et de la colère dans les relations. Ces
attitudes traduisent soit l’évitement (méfiance, ne compter que sur soi,
sentiment de contrainte dans la proximité, peu de désir de compagnie et
peu de colère) soit l’anxiété (peur d’être rejeté, peu de confiance en soi,
désir élevé de compagnie et crainte de la séparation). Ces données sont
intégrées dans un profil global qui donne à la fois un degré d’insécurité
et un style d’attachement parmi cinq possibilités : quatre styles non sécure,
un style sécure, et un style désorganisé qui combine deux styles d’insécurité
ou plus (Bifulco et Thomas, 2013).
Un autoquestionnaire, le Vulnerable Attachment Style Questionnaire
(VASQ) (Bifulco et al., 2003), a été créé à partir de l’ASI. Le VASQ comporte
Évaluation de l’attachement chez l’adulte 287

vingt-trois items et explore les relations avec les proches considérés comme
confidents. Ce modèle se veut prédictif d’une vulnérabilité psychopatho-
logique. On peut trouver cet autoquestionnaire et une documentation sur
l’ASI sur www.attachmentstyleinterview.com.

Autoquestionnaires rapportant des comportements


ou des attitudes liés à l’attachement
West et Scheldon-Keller (1992) ont élaboré deux autoquestionnaires, le
Reciprocal Attachment Questionnaire for Adults et le Avoidant Attachement
Questionnaire for Adults, qui s’inspirent directement des termes utilisés
par Bowlby pour décrire les composantes du système d’attachement (par
exemple : recherche de proximité, protestation lors de la séparation, peur
de perdre une figure d’attachement, disponibilité et utilisation de la figure
d’attachement) et les patterns généraux d’attachement à l’aide d’items
comme « retrait coléreux » (angry withdrawal), « donner des soins parentaux
de façon compulsive  » (compulsive caregiving), «  ne compter que sur soi  »
(compulsive self-reliance), « recherche compulsive de soins » (compulsive care-
seeking). La particularité du Reciprocal Attachment Questionnaire for Adults est
de mesurer la qualité de l’attachement envers la personne à qui le sujet se
considère comme le plus attaché, quelle qu’elle soit. Le second outil a été
créé pour ceux qui disaient n’avoir aucune figure d’attachement.
Collins et Read (1990) ont élaboré le Revised Adult Attachement Scale
(AAS) à partir du questionnaire de Hazan et Shaver auquel ils ont ajouté
des  items liés aux aspects développementaux de la théorie de l’attache-
ment : items sur les croyances du sujet à propos de la disponibilité et de
la capacité de répondre de la figure d’attachement en cas de besoin, items
explorant comment le sujet réagit à la séparation. Cet autoquestionnaire en
dix-huit items cotés sur une échelle de Likert en 5 points explore les rela-
tions avec le partenaire amoureux. Trois sous-échelles sont individualisées :
le confort dans la proximité, la capacité à pouvoir avoir besoin des autres
et enfin l’angoisse d’abandon. Cet outil a été traduit et validé en français
(Guédeney, 2005).
Feeney et al. (1994) développent une mesure dimensionnelle, l’Attachment
Style Questionnaire : quarante items ont été construits à partir d’un certain
nombre de données relatives aux perceptions positives et négatives de soi
et des autres (estime de soi, capacité souple à compter sur les autres, anxiété
interpersonnelle, préoccupation au sujet des relations, colère/hostilité). Ils
sont cotés sur une échelle de Likert en six points. On peut travailler sur cinq
sous-échelles issues de l’analyse factorielle originale : confiance, inconfort
avec la proximité, préoccupation dans les relations, besoin d’approbation,
relations perçues comme secondaires. Il existe une version française de ce
questionnaire (Paquette et al., 2001).
288 Outils d’évaluation

Le CaMIR (Pierrehumbert et al., 1996) est un autoquestionnaire particu-


lier puisqu’il est présenté dans un format Q-Sort. Il permet une évaluation
dimensionnelle des stratégies de régulation émotionnelle. Les questions
portent sur les représentations sémantiques que l’individu a de ses rela-
tions actuelles et passées. Les soixante-douze items qui le composent sont
présentés sur des cartes que le sujet doit répartir en plusieurs piles, selon
que les propositions lui paraissent plus ou moins pertinentes. Après les
avoir réparties en cinq piles, chacune des piles ayant un nombre de cartes
prédéterminé (il s’agit d’une «  distribution forcée  »), chaque item reçoit
une note (entre 1 et 5 points), qui décrit son degré de pertinence dans la
description que le sujet fait de ses relations familiales. Ces soixante-douze
notes — et c’est là une particularité du Q-Sort — sont alors corrélées avec
trois prototypes correspondant à trois stratégies de régulation : la stratégie
primaire et les deux stratégies secondaires (désactivation et hyperactivation
émotionnelle). Ces trois prototypes ont été définis par des experts de la
théorie de l’attachement.
La réduction des données du questionnaire à trois indices permet de
concentrer l’ensemble de l’information contenue dans tous les items. On
obtient donc pour chaque sujet trois scores, correspondant aux trois coeffi-
cients de corrélation obtenus. Ces scores vont de – 1.00 à + 1.00 et reflètent
l’importance respective des stratégies primaire (équilibrée) et secondaires
(désactivation ou hyperactivation émotionnelle). Le codage n’est donc
pas catégoriel (comme dans la Situation étrange ou dans l’AAI), mais bien
dimensionnel.

Quels outils choisir lorsqu’on veut utiliser


un autoquestionnaire sur l’attachement ?
Crowell et al. (2008) ainsi que Mikulincer et Shaver (2007) plaident pour
une utilisation réfléchie des autoquestionnaires. Celle-ci repose sur une
connaissance approfondie de la théorie de l’attachement et de ce que
chaque outil est censé mesurer  ; elle nécessite une définition précise des
objectifs de l’étude : veut-on étudier l’attachement trait, les stratégies parti-
culières utilisées en cas d’insécurité, des populations cliniques, les relations
spécifiques, un suivi de psychothérapie ?
Jusqu’à présent, les autoquestionnaires ont surtout été utilisés sur de larges
échantillons pour étudier les associations statistiques entre les mesures de
l’attachement captées par les autoquestionnaires et des variables de fonc-
tionnement psychologique. Leur utilisation en clinique, en particulier pour
évaluer l’efficacité d’une psychothérapie ou guider les questions à travailler,
commence juste à être évoquée (Fraley et Phillips, 2009)2.

2. www.psych.uiuc.edu/-rcfraley/measures/ecrr.htm
Évaluation de l’attachement chez l’adulte 289

AAI versus autoquestionnaires du courant


psychosocial : quelles différences et quels liens ?
L’écart entre les deux domaines d’investigation de l’attachement chez
l’adulte, outils du courant développemental et outils du courant psychoso-
cial, reste encore insuffisamment étudié. Shaver et Mikulincer (2004) évo-
quent plusieurs explications. Tout d’abord, des intérêts différents : l’AAI est
surtout utilisé dans les études sur la transmission et les processus psycho-
thérapeutiques, les études sont ciblées sur les relations parents-enfants ou
sur les représentations adultes des expériences d’attachement de l’enfance ;
les autoquestionnaires, eux, sont l’apanage d’études sur les dynamiques
sociocognitives qui retentissent sur les sentiments et le comportement dans
les relations proches actuelles et en particulier amoureuses ; ils ne portent
donc que sur les expériences actuelles liées à l’attachement.
La méthode et l’analyse sont très différentes. Le courant développemen-
tal est fondé sur le transcript de l’entretien et sa cotation est complexe et
longue. L’analyse est fondée sur les propriétés structurelles de cohérence, de
crédibilité ou de lacune dans le narratif. L’AAI ne peut être proposé qu’à des
échantillons de relative petite taille. Les autoquestionnaire sont simples, de
cotation rapide et peuvent être proposés à une large échelle. On analyse le
contenu des comportements, des perceptions et sentiments auto-observés
par le sujet.
La nature des processus conscients ou inconscients qui sont captés par
les outils reste mal connue. Le postulat longtemps affirmé que les autoques-
tionnaires ne peuvent saisir les processus inconscients d’autorégulation de
l’émotion que seul l’AAI était censé capter, a actuellement fait long feu.
Shaver et Mikulincer (2002) montrent des associations significatives  et
dans le sens attendu entre les scores aux différents autoquestionnaires
et  d’autres types de mesure, comme des observations comportementales,
des techniques de priming implicite et des mesures biologiques du stress et
de la réactivité émotionnelle. Des études avec des tests projectifs comme
le Rorschach ou le TAT montrent des associations significatives entre les
scores aux questionnaires sur les orientations d’attachement et les caracté-
ristiques de fonctionnement aux tests.
L’association entre les deux types de mesure est faible voire non signifi-
cative lorsque l’on garde une approche en catégories (Roisman et al., 2007).
En revanche, les associations sont significatives si l’on considère les straté-
gies de traitement de l’information évaluées par l’AAI, entre les scores aux
échelles d’idéalisation, d’absence de souvenirs dans l’enfance et de dénigre-
ment actif des expériences liées à l’attachement et ceux de l’évitement aux
autoquestionnaires ou entre le score à l’échelle de colère dysfonctionnelle
(AAI) et celui de la dimension anxiété (autoquestionnaire) (Mikulincer et
Shaver, 2007).
290 Outils d’évaluation

Observations standardisées portant


sur la relation de couple
Certaines équipes ont développé des outils permettant d’évaluer l’atta-
chement dans son aspect comportemental en proposant une tâche stan-
dardisée stimulant l’attachement. Ainsi, l’outil élaboré par Crowell et  al.
(2002), le Secure Base Scoring System (SSBS), permet d’étudier au sein d’un
couple le comportement de base de sécurité entre les deux partenaires à
partir une situation filmée de 15 minutes où les deux partenaires discutent
d’un point de désaccord au sujet de leur couple. La possibilité d’être une
base de sécurité pour son partenaire (juste compréhension de la demande
et réponse adéquate aux besoins de l’autre) et la capacité à profiter de la
base de sécurité fournie par son partenaire (demande clairement exprimée,
maintien de la demande jusqu’à ce que l’autre réponde et se montre ouvert
aux réponses de réconfort proposées) sont examinées.
Collins et al. (1998) ont développé, dans le même ordre d’idée, une tâche
standardisée proposée à des couples (Couple Interaction Task, CIT) qui est
enregistrée en vidéo afin d’être codée. Tout d’abord, le couple sélectionne
un problème qui pourrait être le leur au sein de leur relation parmi une
liste, puis ils doivent essayer de le résoudre de la manière la plus satisfai-
sante pour chacun d’eux. Ensuite, ils doivent décrire leur idéal de relation
de couple.

Entretiens issus du courant développemental


autres que l’AAI
Dans la lignée des narratifs issus de l’AAI, deux outils intéressants peuvent
être utilisés chez l’adulte : l’Adult Attachment Projective Picture System (AAP)
et le Current Relationship Interview (CRI). Tout récemment un troisième a été
mis au point dans le cadre d’une collaboration franco-canadienne : l’Adult
Multiple Model Interview (AMMI).

L’Adult Attachment Projective Picture System (AAP)


Il s’inscrit non seulement dans le courant issu de l’AAI mais également
dans les traditions des narratifs élaborés chez l’enfant et des tests semi-
projectifs (George et West, 2012). L’AAP évalue l’attachement chez l’adulte
par l’analyse des récits construits par le sujet à partir d’un jeu standardisé
de huit images. Ces images sont des dessins au trait représentant des évé-
nements qui sont susceptibles d’activer le système d’attachement de façon
croissante à mesure que le test se déroule. La première image sert unique-
ment à la prise de contact (warm-up), elle représente deux enfants jouant au
ballon. Puis, dans l’ordre, les images suivantes sont proposées : un enfant à
Évaluation de l’attachement chez l’adulte 291

la fenêtre, le départ (un homme et une femme avec des valises sont face à
face), le banc (un jeune est assis seul sur un banc), le lit (un enfant et
une femme assis se font face aux deux extrémités du lit), l’ambulance (une
femme âgée et un enfant regardent un brancard monté dans une ambu-
lance), le cimetière (un homme se tient debout devant une tombe), l’enfant
au coin (dont les bras sont en avant comme s’il vouait se protéger). Sont
ainsi évoqués  : maladie, solitude, séparation, perte et abus. Pour chaque
image, on demande dans un premier temps au sujet de raconter une his-
toire, puis une enquête par des questions permet d’approfondir les récits.
Cette méthode permet de combiner techniques projectives et techniques
d’interview. Le récit est enregistré avec un magnétophone et le codage
porte sur le transcript verbatim.
Trois dimensions (style narratif, contenu du récit, processus défensif)
permettent de classer le sujet selon les quatre catégories (sécure, détaché,
préoccupé, non résolu) qui correspondent à celles de l’AAI. Les processus
défensifs recherchés sont les deux formes d’exclusion défensive (la désacti-
vation et la déconnexion cognitive) et les systèmes ségrégés. Les systèmes
ségrégés sont recherchés en premier : les sujets dont les récits sont dérégulés
par des événements effrayants, étranges ou inquiétants sont considérés
comme non résolus. Ceux dont les récits ne comportent pas de tels événe-
ments ou qui montrent une capacité narrative de réorganisation sont consi-
dérés comme organisés. Pour la forme du discours, deux dimensions sont
prises  en compte  : la cohérence mais aussi les références que le sujet fait
à une expérience personnelle. En ce qui concerne le contenu, l’attention
porte sur l’agentivité et la connexion pour les images où le personnage est
seul, la synchronie pour ceux où apparaissent deux personnages.
La validité convergente, la fiabilité test-retest et la fiabilité interjuges
de l’AAP ont été établies dans une étude de validation récente (George
et West, 2012). La validité convergente a été établie entre l’AAP et l’Adult
Attachment Interview pour classer les individus  : pour les catégories orga-
nisées et la catégorie «  non résolu  », elle était de 97  % (kappa  =  0,88,
p < 000, n = 130) ; pour les quatre principales catégories, elle était de 94 %
(kappa = 0,86, p < 000). Ainsi, cet outil a l’intérêt de permettre une évalua-
tion fine de l’attachement de l’adulte tout en étant un peu moins lourd à
utiliser dans des protocoles de recherche que l’AAI. Il nécessite néanmoins
une formation spécifique ; la passation du test dure environ 25 minutes ;
le transcript comporte deux ou trois pages  ; son codage prend entre une
demi-heure et deux heures. Il est intéressant de noter que l’activation crois-
sante du système d’attachement par le stress au cours de la passation a été
confirmée par une étude en neuro-imagerie utilisant l’IRM fonctionnelle
(Buchheim et al., 2006).
Cet outil a déjà été utilisé dans un grand nombre d’études, dont on peut
trouver les références sur le site : http ://attachmentprojective.com/.
292 Outils d’évaluation

Le Current Relationship Interview


(CRI ; Crowell et Owens, 1996)
Il permet d’évaluer la relation d’attachement au sein de la relation de
couple. Le sujet adulte est interrogé sur sa relation de couple et il lui est
demandé de donner des exemples de situations où il a utilisé son partenaire
comme base de sécurité et, réciproquement, des exemples de moments où
il a joué le rôle de base de sécurité pour son partenaire. Comme dans l’AAI,
la cotation s’effectue sur une transcription verbatim  ; elle porte sur  : les
pensées et comportements d’attachement de la personne interrogée envers
son partenaire, les comportements du partenaire et le style narratif tel qu’il
est étudié dans l’AAI.

L’Adult Multiple Model Interview


(AMMI ; Miljkovitch, 2009)
Il est profondément inspiré de l’AAI mais en y ajoutant une prise compte
des aspects comportementaux qui sont décrits pendant l’entretien. C’est
un entretien semi-structuré fondé sur un récit rétrospectif portant sur les
relations avec les différentes figures d’attachement du sujet : père et mère,
caregivers pour les sujets placés, amis, partenaires amoureux. Cet entretien
investigue les réactions dans des situations passées pertinentes du point de
vue de l’attachement : séparation, maladie, danger, conflit… Comme dans
l’AAI, les stratégies d’attachement sont évaluées au niveau des représen-
tations grâce à l’étude de la forme du récit, c’est-à-dire essentiellement sa
cohérence, en particulier entre mémoire sémantique et mémoire épisodique.
Mais ce qui fait l’originalité et l’intérêt de cet outil c’est que l’évaluation
utilise également le contenu du récit, ce qui s’est passé au niveau comporte-
mental, et cela en termes d’évitement ou de recherche de proximité.
Les stratégies primaire et secondaires d’attachement font l’objet d’un
codage numérique (de 0 à 8) permettant une approche dimensionnelle de
la sécurité (0 : insécurité ; 8 : très bonne sécurité) et des stratégies de dés-
activation (0 : pas de désactivation ; 8 : désactivation extrême) et d’hyper-
activation (0 : pas d’hyperactivation ; 8 : hyperactivation extrême). Pour la
désactivation, les scores sont modérés quand elle est seulement comporte-
mentale, élevés quand elle est à la fois comportementale et représentation-
nelle. C’est l’inverse pour l’hyperactivation : elle est modérée quand elle est
uniquement représentationnelle, élevée quand elle est à la fois représenta-
tionnelle et comportementale. L’AMMI permet également une mesure de la
désorganisation. Pour coter la désorganisation, il faut que le sujet présente,
au sein d’une même relation, à la fois un score de désactivation (> 6) et un
score d’hyperactivation (> 5) élevés. La désorganisation est codée comme
absente (0) ou présente (1). En plus des dimensions de l’AMMI, une variable
Évaluation de l’attachement chez l’adulte 293

supplémentaire a été ajoutée  : «  Nombre de relations d’attachement dés-


organisées ». Elle correspond au nombre de parents avec qui le sujet a établi
une relation désorganisée. Elle varie de 0 (la relation n’est désorganisée avec
aucun parent) à 2 (la relation est désorganisée avec les deux parents).

Évaluation de l’attachement
chez les personnes âgées
Globalement, les chercheurs utilisent les mêmes outils que pour les
adultes avec parfois des adaptations pour les personnes âgées (Van Assche
et  al.,  2013). Parfois, plusieurs méthodes sont utilisées conjointement  ;
parfois, les modifications consistent en une réduction du nombre de
dimensions après une analyse factorielle. Toutefois, deux types d’approches
plus originales peuvent être proposés aux personnes âgées. :
• l’analyse des figures potentielles d’attachement et des types d’attache-
ment pour chacune des figures avec éventuellement une hiérarchie entre
les figures (Cicirelli, 2010) ;
• des méthodes comportementales qui s’apparentent plus ou moins à celles
utilisées avec les jeunes enfants (Tiikkainen et Heikkinen, 2005).

Conclusion
Les outils d’évaluation de l’attachement chez l’adulte sont nombreux et
continuent à se multiplier. Ils répondent à diverses approches et le choix
des instruments sera guidé par la nature et les objectifs de l’étude envi-
sagée. Leur utilité en recherche et maintenant en clinique est reconnue.
L’étape actuelle est d’améliorer la compréhension de ce qu’ils captent « réel-
lement  » du fonctionnement du système d’attachement chez l’adulte, ce
qui en retour contribuera à enrichir la théorie de l’attachement.

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25 Attachement désorganisé
chez l’enfant

N. Guédeney, S. Leblanc

En 1990, Main et Hesse décrivent le concept d’attachement désorganisé


et les interactions caractéristiques entre le parent et l’enfant présentant ce
type d’attachement. Depuis, l’attachement désorganisé est l’objet de nom-
breuses études. Nous décrivons dans ce chapitre les principaux modèles
de l’attachement désorganisé et des interactions qui y contribuent, puis la
transmission de l’attachement désorganisé et, enfin, l’évolution à l’enfance.

Attachement désorganisé chez le jeune enfant


Manifestations de l’enfant
Les enfants ayant un attachement désorganisé montrent une variété de
comportements bizarres, inhabituels, contradictoires ou conflictuels au
moment de la réunion de la Situation étrange (SSP). Main et Solomon (1990)
en décrivent toutes les manifestations possibles : expression séquentielle ou
simultanée de patterns comportementaux contradictoires, par exemple un
comportement d’attachement intense suivi soudainement d’un figement
ou d’un ralentissement du mouvement ; un évitement marqué du parent
accompagné de détresse ou de colère, des mouvements ou expressions non
dirigés, mal dirigés, incomplets ou interrompus ; des comportements qui tra-
duisent un stress intense chez l’enfant comme des stéréotypies, des mouve-
ments asymétriques, non synchronisés et des postures anormales qui sont
imprévisibles et asymétriques  ; des indices directs d’appréhension par
rapport au parent et enfin des indices directs de désorganisation ou de dés-
orientation.
Ces manifestations sont considérées comme le reflet de l’incapacité de
l’enfant à maintenir une stratégie cohérente et prévisible, comportementale
ou cognitive, pour faire face au stress, en fonction des réponses habituelles
du caregiver, comme c’est le cas dans les patterns d’attachement organisés :
on observe plutôt l’effondrement d’une réponse organisée à la détresse
(Main et Hesse, 1990). Un enfant peut présenter un attachement désorga-
nisé avec un caregiver et pas avec un autre.
Ces observations comportementales à la SSP peuvent être élargies à
d’autres contextes : elles surviennent toujours en présence du caregiver alors
que l’enfant est exposé à un stress plus ou moins intense (Forbes et al., 2007).

L’attachement : approche théorique


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300 Deux concepts récents de la théorie de l’attachement

Prévalence, incidence et stabilité de l’attachement


désorganisé
La méta-analyse de Van IJzendoorn et al. (1999) trouve une prévalence de
15  % d’enfants désorganisés dans les groupes non cliniques, dits à «  bas
risques », et de 24 % dans les groupes de faible niveau socio-économique.
La grande majorité des enfants maltraités ont un attachement désorganisé
(82 % chez Carlson et al., 1989 ; 90 % chez Cicchetti et al., 2006). L’inci-
dence des attachements désorganisés est plus importante chez les enfants
de mères adolescentes, en cas de conflits conjugaux, chez les enfants de
parents maltraitants, alcooliques ou addictifs, de mères déprimées si la
dépression est sévère et durable, de mères anxieuses ou de mères borderline
(Van IJzendoorn et al., 1999).
La stabilité de l’attachement désorganisé est modérée mais significative,
en particulier à long terme (idem). La continuité ou non de l’environne-
ment familial et la survenue ou non d’événements de vie de type ruptures
dans la famille jouent un rôle sur cette stabilité (Forbes, 2007).

Interactions caregiver-enfant
dans l’attachement désorganisé :
la transmission transgénérationnelle
Main et Hesse (1990) trouvent une correspondance entre l’état d’esprit du
parent à l’Adult Attachment Interview (AAI), caractérisé par un traumatisme
non résolu touchant aux besoins de l’attachement et le comportement
désorganisé/désorienté de l’enfant. Ils évoquent une transmission trans-
générationnelle de l’attachement désorganisé.

Principaux modèles théoriques


Modèle de Main et Hesse
Main et Hesse (1990) décrivent le paradigme du « parent effrayant/parent
effrayé », qui revisite, à la lumière de la théorie de l’attachement, le concept
de fantôme dans la chambre d’enfant mis en évidence par Selma Fraiberg
(Madigan et al., 2006b).
Ils suggèrent que ces parents, sous l’effet durable d’un traumatisme du
passé, non résolu, présentent dans les interactions de routine avec leur
enfant des effondrements imprévisibles ou des changements soudains dans
leurs réponses, qui entraînent des ruptures dans les interactions avec celui-
ci (Hesse et Main, 2000). Main et Hesse (1990) décrivent trois catégories de
comportements «  effrayants  » (dits FR, frightened/frightening) qui peuvent
faire peur à l’enfant. Les comportements effrayants sont par exemple des
mouvements inhabituels trop soudains ou rapides, menaçants ou titillants.
Attachement désorganisé chez l’enfant 301

Les comportements effrayés peuvent être des comportements qui indiquent


que le parent a peur de l’enfant. Les comportements dissociés peuvent être
une voix hantée, un état de figement comme dans un état de transe. Tous
ces comportements sont suffisamment inexplicables et perturbants pour
effrayer le jeune enfant qui n’a aucun indice repérable pour comprendre
cette soudaine interaction liée à l’état intérieur du parent et non à des indices
du contexte. Ils sont d’autant plus effrayants pour l’enfant que le parent,
qui n’en a pas conscience, ne peut les corriger et donc réparer leur effet sur
l’enfant (Schuengel et al., 1999). Main et Hesse (1990) décrivent par ailleurs
trois catégories de comportements « désorganisants » : les comportements
déférentiels (par exemple, une apparente timidité vis-à-vis de l’enfant),
les  comportements sexualisés (intimité excessive) et les comportements
désorganisés (mouvements anormaux du parent). Ces comportements ne
sont pas effrayants en eux-mêmes, mais indiquent que le parent présente
un état de conscience altéré ou dissocié qui augmente sa tendance à mon-
trer, à d’autres moments, des comportements FR (Hesse et Main, 2006).
Pour Main et Hesse (1990), le parent est à la fois une source d’alarme et de
réconfort pour l’enfant, qui est pris dans un conflit motivationnel entre son
système d’attachement (chercher la proximité de la figure d’attachement
qui peut réconforter) et celui de l’alarme-vigilance (fuir la figure d’attache-
ment qui est source d’effroi). Il y a en effet un dilemme insoluble pour
l’enfant en proie à un paradoxe comportemental évitement/approche qui
se retrouve dans un état de « peur sans solution ». Il ne peut développer une
stratégie organisée pour utiliser sa figure d’attachement quand il est en état
de détresse, ou maintenir les stratégies existantes.

Modèle de Solomon et George (1999)


Il est fondé sur l’importance prioritaire, pour l’enfant, d’être aidé à réguler
les émotions de peur qui peuvent l’étreindre. Si le caregiver est paralysé par
sa propre panique ou son impuissance, liée à son état interne ou à des cir-
constances extérieures, il devient imperméable aux indices ou demandes de
soins de l’enfant et abdique les soins prodigués à celui-ci. Ses échecs répétés
à protéger l’enfant et à satisfaire ses besoins d’attachement, lorsqu’ils ont
été activés, soumettent ce dernier à un état de peur extrême.

Modèle de Lyons-Ruth (1999)


Lyons-Ruth et  al. développent un modèle intégratif qui s’appuie sur les
modèles précédents. Ils observent deux patterns d’attachement désorganisé
chez les enfants, qui correspondent à deux types d’attitudes parentales. Les
enfants désorganisés avec comportements d’évitement/résistance ont plutôt
des mères qui présentent des comportements négatifs et intrusifs, à la fois
rejetant les demandes de l’enfant et sollicitant son attention. Les enfants
qui ont un attachement désorganisé avec comportements d’approche ont
302 Deux concepts récents de la théorie de l’attachement

plutôt des mères en retrait, craintives et inhibées, qui apparaissent fragiles,


douces et effrayées.
Pour Lyons-Ruth et al. (2005), ces patterns de caregiving sont les expres-
sions comportementales alternatives d’un même modèle interne dyadique
sous-jacent appelé hostile/impuissant. La sévérité des traumatismes dans
l’enfance chez les mères a entraîné chez elles, faute de réponse adéquate,
une dérégulation de leur propre niveau d’éveil et le développement de
mécanismes chroniques d’attaque (colère, agression) ou de fuite (dissocia-
tion, retrait). Le parent, pris dans le dilemme de trouver une solution à ses
propres besoins non résolus d’attachement et de répondre à ceux de son
enfant, présente des comportements de caregiving contradictoires qui sont
ensuite internalisés, chez l’enfant, sous forme de modèles contradictoires
et non intégrés de son parent et de la relation avec lui. Ces interactions
compromettent la régulation globale du niveau d’éveil lié à la peur en ne
permettant pas l’extinction du système d’attachement : l’enfant reste seul
avec ses affects de peur en présence de son parent (Madigan et al., 2006b).
C’est plus l’échec de la figure d’attachement à répondre de manière durable
aux besoins d’attachement de son petit, même quand ceux-ci sont intenses,
que l’impact des comportements spécifiques en eux-mêmes qui compte  :
la figure d’attachement peut effrayer, fournir des signaux conflictuels
en réponse aux signaux d’attachement, échouer à réparer la relation, ou
encore abdiquer dans sa fonction de caregiving (Lyons-Ruth et  al.,  2005).
Ces comportements définissent un paradigme de rupture dans la commu-
nication émotionnelle, évalué par un outil spécifique, l’AMBIANCE (voir
chapitre 16).
Ces trois modèles sont finalement complémentaires (Moran et al., 2008).
Dans l’attachement désorganisé, les anomalies qualitatives des interactions
sont plus qu’une simple insensibilité du parent aux signaux de l’enfant  :
les réponses des figures d’attachement accentuent l’activation du système
d’attachement de l’enfant en même temps qu’elles échouent à le désacti-
ver ; elles abandonnent l’enfant dans des moments de détresse et de crainte
extrêmes, état dont elles sont souvent elles-mêmes directement ou indirec-
tement initiatrices, et cela sans en avoir conscience.

Études sur la transmission transgénérationnelle


dans l’attachement désorganisé
Schuengel et  al. (1999) trouvent que la perte non résolue prédit chez
l’enfant un attachement désorganisé uniquement pour les mères dont l’AAI
est non autonome. L’état d’esprit autonome jouerait un rôle protecteur sur
l’impact du traumatisme non résolu en permettant aux mères de corriger
leurs comportements. Les mères qui en prénatal avaient un AAI avec état
irrésolu avaient plus de risque de présenter des comportements FR avec leur
Attachement désorganisé chez l’enfant 303

enfant de 8 mois en contexte stressant (Jacobvitz et al., 2006). Abrams et al.


(2006) trouvent que les parents avec état non résolu s’engagent beaucoup
plus fréquemment dans des comportements FR et ont plus de risque que
leur enfant soit désorganisé à 12 mois (mères) et à 18 mois (pères).
Lyons-Ruth et  al. (2005) trouvent une association entre état d’esprit
irrésolu maternel et le niveau global de rupture dans la communication
émotionnelle, particulièrement dans les interactions les plus stressantes
(Madigan et al., 2006b). Goldberg et al. (2003) trouvent que les mères irré-
solues à l’AAI prénatal montrent plus souvent, à la SSP faite à 12 mois, une
interaction avec leur enfant de type rupture de la communication émotion-
nelle que les mères non irrésolues. Pour Grienenberger et al. (2005), il existe
un lien étroit entre fonctionnement maternel réflexif et comportement
maternel : la fonction réflexive maternelle semble agir comme un facteur
de protection contre les ruptures dans la régulation émotionnelle quand
l’enfant est en période de stress. Si la fonction réflexive joue un rôle crucial
dans la transmission intergénérationnelle de l’attachement, son influence est
médiatisée par le comportement maternel, en particulier sa capacité à réguler
la peur et la détresse de son bébé sans l’effrayer ou autre forme de rupture.
La méta-analyse de Madigan et al. (2006a) porte sur douze études (851
familles) et trouve des effets taille modérés pour les associations entre état
non résolu à l’AAI et comportements parentaux anormaux, entre l’état
d’esprit non résolu et l’attachement désorganisé chez l’enfant avec ce
caregiver, et entre le comportement parental anormal et l’attachement dés-
organisé chez l’enfant. En revanche, seule une petite portion de la rela-
tion entre état irrésolu et relation d’attachement désorganisé est expliquée
par la  médiation du comportement parental anormal, évoquant un fossé
dans la transmission (transmission gap).

Autres facteurs qui peuvent jouer sur l’attachement


désorganisé
Le modèle de la transmission est compris comme une interaction entre
les facteurs liés à l’enfant (facteurs génétiques et tempéramentaux, rôle de
l’enfant comme activateur spécifique du trauma parental non résolu), les
variables familiales (discorde conjugale, santé mentale du parent) et les fac-
teurs écologiques contextuels parentaux (voir chapitre 6).
La méta-analyse de Van IJzendoorn et  al. (1999) ne trouve pas d’asso-
ciation significative ente tempérament et attachement désorganisé, mais
confirme l’effet de potentialisation du tempérament difficile de l’enfant sur
un caregiving inadéquat.
Le rôle des facteurs génétiques a été développé dans le chapitre 9. Nous
résumons ici les conclusions de Lyon-Ruth et Jacobvitz (2008). La sur-
venue d’un attachement désorganisé semble résulter d’une interaction
304 Deux concepts récents de la théorie de l’attachement

gènes-environnement dont il existe actuellement deux modèles. Le modèle


diathése-stress postule l’existence d’une vulnérabilité biogénétique de
l’enfant au stress, qui le rend particulièrement sensible aux soins inadéquats
de son caregiver. Spangler et Zimmermann (2007), cités par Lyons-Ruth et
Jacobvitz (2008), explorent l’interaction entre la sensibilité maternelle et le
polymorphisme du transporteur de la sérotonine (5HTTLPR), qui semble
impliqué dans la régulation de la peur et de l’anxiété. Les enfants porteurs
de la forme courte du polymorphisme ont un risque accru de présenter
un attachement désorganisé si leur mère prend soin d’eux de manière peu
sensible. Van IJzendoorn et Bakermans-Kranenburg (2006) explorent le
polymorphisme DRD4 qui est lié à l’action dopaminergique : l’attachement
non résolu chez la mère est associé à la désorganisation chez l’enfant uni-
quement si l’enfant est porteur de l’allèle long du gène DRD4. Lakatos et al.
(2005) montrent que cette influence génétique est surtout pertinente dans
les contextes environnementaux à bas risques  ; elle devient négligeable
dans les environnements à haut risque.
Gervai et  al. (2007) ont plutôt testé le modèle de sensibilité différente
aux soins, en travaillant sur un allèle du DRD4 (DRD47repete). Lorsque les
enfants possèdent la forme courte de l’allèle, la plus fréquente, la relation
entre la qualité de la communication émotionnelle maternelle dans les
soins maternels et la survenue d’un attachement désorganisé est celle atten-
due. Les enfants qui ont la forme longue sont moins sensibles à la qualité
des soins maternels et ont moins de risque de présenter un attachement
désorganisé.
Les facteurs génétiques de l’enfant pourraient donc interagir différem-
ment avec l’état d’esprit maternel quant à l’attachement et avec la qualité
de la communication affective maternelle, produisant ainsi une partie de
la variance non partagée en relation avec la désorganisation (une partie du
fossé dans la transmission).

Évolution de l’attachement désorganisé


au cours de l’enfance : l’attachement
contrôlant pendant l’enfance
Évolution de l’attachement désorganisé
Dès 1988, Bowlby note que des enfants ayant eu des expériences trauma-
tiques de l’attachement dans la petite enfance évoluent vers un registre
de comportements qu’il appelle « contrôlant avec inversion du rôle paren-
tal » : l’enfant se conduit vis-à-vis du caregiver comme s’il était un parent.
Lyons-Ruth et Jacobvicz (1999) et Solomon et George (1999) développent
cette hypothèse. Les enfants qui étaient désorganisés pendant la toute
petite enfance essaient, grâce à leurs nouvelles acquisitions, d’organiser le
Attachement désorganisé chez l’enfant 305

comportement de leur caregiver pour le rendre plus prévisible en cherchant


à prendre le contrôle sur lui. Ces stratégies dites « contrôlantes » maintien-
nent l’implication et l’attention du parent en organisant ou dirigeant son
comportement. Les comportements de surface et la tonalité émotionnelle
apparente des interactions liées à l’attachement deviennent différents des
comportements hésitants, pleins d’appréhension ou conflictuels observés
dans la petite enfance. L’enfant maintient la proximité avec le caregiver
mais en suivant les modalités de fonctionnement de ce dernier et au détri-
ment de ses propres besoins de réconfort et de protection. Il y a encore
peu d’études longitudinales intégrant l’attachement désorganisé pour
déterminer quelle proportion d’enfants désorganisés est capable de faire
ce changement développemental et quelles forces et vulnérabilités sont
associées au changement vers des formes contrôlantes. Macfie et al. (2008)
montrent que la désorganisation à la SSP à 12 mois prédit une inversion du
rôle parental à 2 ans. Main et al. (2005) évoquent que 80 % des enfants avec
attachement désorganisé à 12 mois deviennent contrôlants à 6 ans.

Description des comportements contrôlants


On décrit trois modalités (Solomon et George,  1999). Dans le comporte-
ment contrôlant-punitif, l’enfant exprime un comportement agressif de
dominance ou une recherche d’attention négative sous forme de provoca-
tions ou de transgressions. Le comportement contrôlant-protecteur consiste
en une inversion du rôle parental. Enfin, on décrit des comportements de
sexualisation précoce. Ces interactions limitent l’influence des MIO (regis-
tre cognitif, émotionnel ou comportemental) sur le fonctionnement actuel
de l’enfant en évitant l’activation du système d’attachement de l’enfant : ils
représentent une défense contre le sentiment intolérable de désorientation
et de désorganisation lié à l’état de peur sans solution. Cependant, lorsque
l’activation du système d’attachement est trop intense, ces stratégies peu-
vent s’effondrer et la désorganisation réapparaître sous forme d’états émo-
tionnels (détresse et/ou rage) incontrôlables.

Comprendre les mécanismes à l’origine


de ces comportements
L’attachement mobilise des réponses à la menace ou à la peur, mais il y
a d’autres réponses motivationnelles en cas d’éveil lié à la peur que la
recherche de proximité. L’enfant recrute ces nouveaux systèmes moti-
vationnels au fur et à mesure qu’ils deviennent opérationnels  : système
d’attaque/fuite (fight/flight ; Taylor et al., 2000), systèmes de dominance ou
de soumission (Hillburn-Cobb, 2004), systèmes d’engagement social (tend
or befriend ; Taylor et al., 2000) ou encore système de caregiving (George et
Solomon,  1999). C’est finalement cet ensemble de manières de faire face
306 Deux concepts récents de la théorie de l’attachement

à l’alarme ou ces réponses protectrices à l’éveil de la peur qui apparaissent


dans les comportements d’attachement désorganisés/contrôlants (Lyons-
Ruth et  al.,  2006). L’influence du genre sur le choix préférentiel de cer-
tains systèmes motivationnels vis-à-vis des stimuli de menace ouvre des
voies prometteuses pour comprendre le choix des comportements contrô-
lants punitifs (plus fréquents chez les garçons) ou de caregiving contrôlant
(plus fréquent chez les filles ; David et Lyons Ruth, 2005).

Risques évolutifs de l’attachement désorganisé


Attachement désorganisé et régulation du stress
La relation d’attachement parent-enfant est le système relationnel le plus
important dans la régulation des états de stress et d’éveil à la peur de l’enfant
en début de vie (Gunnar,  2003). Les études sur la réponse au stress des
enfants avec attachement désorganisé trouvent des réponses beaucoup plus
élevées et durables de la sécrétion de cortisol que chez les enfants sécures.
L’indisponibilité du caregiver et la dysrégulation interactive exposent le tout
petit enfant à des « traumatismes cachés » (hidden trauma). Ces traumatismes
si subtils pendant la petite enfance engendrent des conséquences physiolo-
giques similaires aux événements menaçants majeurs pour les enfants et les
adultes. Ils semblent contribuer à la dysrégulation précoce (hyper ou hypo)
des réponses au stress médiatisées par l’axe limbique hypothalamo-pituito-
adrénocortical (Lyons-Ruth et Jacobvitz, 2008).

Risque psychopathologique à long terme


L’attachement désorganisé semble un marqueur d’une évolution défavo-
rable à l’enfance et à l’adolescence (Moss et  al.,  2004). Les enfants avec
attachement désorganisé ont plus de risques de présenter des troubles du
comportement (Lyons-Ruth,  1996)  ; leur développement émotionnel à
l’âge scolaire est de moins bonne qualité (Carlson, 1998) ; enfin, ils ont un
risque accru de présenter une dissociation à l’adolescence (idem).

Modèles internes opérants dans l’attachement


désorganisé
Bowlby, dès 1973, évoque l’impact de situations extrêmes d’interactions
effrayantes comme l’abandon, la maltraitance, la disqualification de
l’enfant sur la construction des modèles internes opérants (MIO) de l’enfant
jeune. Les interactions extrêmement négatives avec sa figure d’attachement
obligent l’enfant à développer des représentations internes multiples de soi
et de la figure d’attachement que Bowlby appelle modèles multiples ségré-
gés ou dissociés, au lieu d’un modèle unitaire et cohérent. Étant donné
Attachement désorganisé chez l’enfant 307

les capacités cognitives encore très limitées de l’enfant de moins de 4 ans,


ces modèles restent contradictoires ou incompatibles dans le sens où ils ne
peuvent être vrais en même temps : un MIO domine et règle les perceptions
et les émotions interpersonnelles, tandis que les autres restent ségrégés. En
cas de stress trop intense, ces MIO ségrégés qui régulent émotions et cog-
nitions ne peuvent plus rester inactifs : cela entraîne pour l’enfant un vécu
d’aliénation, de perte du sentiment habituel de soi.
Pour Main (1991), l’attachement désorganisé implique la construction
précoce, dans l’esprit de l’enfant, de représentations multiples, incohé-
rentes et désagrégées des aspects de la réalité, qui altèrent la qualité du
développement métacognitif du sujet (voir chapitre 26).
Solomon et George (1999) définissent les systèmes ségrégés définis comme
une forme extrême et potentiellement pathologique d’exclusion défensive.
Ils sont particulièrement mis en évidence dans les tests projectifs comme
le SAT (chez des enfants de 6  ans) sous forme de deux types de thèmes,
plus ou moins associés. L’enfant exprime des thèmes de colère explosifs
et effrayants avec un discours désorganisé et hors de contrôle. Les désas-
tres sont explosifs, les scénarios catastrophes abondent et aucun monstre
ne peut jamais être vaincu par aucune aide que ce soit. L’autre forme est
celle d’une inhibition de la pensée qui traduit plus un effondrement qu’une
simple résistance.
Liotti (2004) décrit comment les MIO dans l’attachement désorganisé
non seulement préfigurent les conséquences négatives du fait de deman-
der de l’aide ou du réconfort mais apportent une multiplicité non intégrée
(dissociée) d’attentes contradictoires et dramatiques. L’enfant désorganisé
internalise les interactions d’attachement comme des représentations chan-
geantes, à la fois de sa figure d’attachement et de son soi, comme l’un et
l’autre persécuteur, victime et sauveteur.

Conclusion
Le concept d’attachement désorganisé est probablement un des concepts
les plus révolutionnaires de la théorie de l’attachement. Ses apports théo-
riques (la question de la transmission, du rôle de la peur), cliniques (revisi-
ter le concept de fantôme de la chambre d’enfant) et thérapeutiques sont
capitaux. Il montre la portée majeure du stress et l’importance des inter-
actions pour aider l’enfant jeune à réguler la peur dans la compréhension
du fonctionnement humain.

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26 Mentalisation
et attachement

S. Tereno, F. Atger, V. Bekhechi

Définition de la mentalisation
Mentalisation
La « mentalisation » est définie comme la capacité à comprendre son propre
comportement et celui de l’autre en termes d’états mentaux sous-jacents
(Allen et al., 2008). C’est une capacité humaine fondamentale, intrinsèque
à la régulation des affects et aux relations sociales fructueuses. Située au car-
refour de l’attachement, de la psychanalyse et des neurosciences cognitives,
cette notion représente un progrès significatif dans la compréhension du
développement des capacités relationnelles de base et d’autorégulation à
partir de la petite enfance. Elle offre un nouveau cadre aux cliniciens pour
envisager le développement et la fonction interpersonnelle de différents
troubles psychopathologiques, notamment les troubles borderline.
Mentaliser, c’est « percevoir ou interpréter le comportement en l’imagi-
nant comme conjoint à des états mentaux intentionnels » (idem). Le travail
de mentalisation consiste à inférer les états mentaux qui sous-tendent un
comportement visible, comme si « le comportement » et « les états men-
taux » étaient toujours séparables. Souvent, cependant, les états mentaux
et le comportement sont conjoints de façon inséparable, ils sont si étroite-
ment liés que l’un ne peut être démêlé de l’autre.
Les états mentaux sont intrinsèquement intentionnels et représentation-
nels, c’est-à-dire « à propos » de quelque chose. Un sentiment est éprouvé
« à propos » de quelque chose, alors qu’un objet matériel, par exemple une
pierre, n’est « à propos » de rien. La compréhension de l’esprit inclut l’attri-
bution d’états représentationnels, tels que des désirs ou des croyances, dont
la relation à ce qu’ils représentent est enregistrée d’une certaine manière.
Nous avons un sens du caractère représentatif des états mentaux, une
conscience implicite qu’un état mental est une prise en compte particulière
d’une situation. La capacité à réfléchir sur les sens variés des états mentaux,
que l’on encourage chez les patients, dépend de ce sens de la « représenta-
tivité  ». Plus concrètement, la pratique clinique nécessite une mentalisa-
tion continuelle de la part du patient aussi bien que du clinicien. Donner
une signification aux états mentaux sert des fonctions interpersonnelles

L’attachement : approche théorique


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312 Deux concepts récents de la théorie de l’attachement

cruciales. Cela permet de découvrir et de faire entendre des aspects vitaux


de l’expérience subjective, autorise une connaissance de soi plus large et
plus profonde et favorise le développement de structures essentielles pour
la régulation du soi et avec les autres (idem).
La mentalisation intègre cognition et émotion : mentaliser, c’est penser
les émotions et ressentir les pensées. Le processus cognitif de compréhen-
sion est essentiellement métacognitif ; il correspond au « monitoring méta-
cognitif  » de Main (1991) et à la notion d’insight en psychanalyse. Mais
l’insight est un contenu, tandis que la mentalisation est une activité, un
processus. On peut dire que le travail de mentalisation produit un contenu
qui est l’insight. La mentalisation est aussi un processus émotionnel : conte-
nir, réguler et expérimenter pleinement les émotions. Dans ce sens, elle est
proche de l’empathie, mais l’empathie porte sur les états mentaux de l’autre
tandis que la mentalisation porte aussi bien sur les siens que ceux des autres.
Elle correspond à la volonté de s’engager émotionnellement, de donner du
sens aux sentiments et à l’expérience interne, sans être submergé.
Chaque être humain naît avec l’équipement neurologique permettant de
développer cette capacité de mentalisation. Les relations précoces permet-
tent à l’enfant de la développer et déterminent la profondeur avec laquelle
l’environnement social pourra à terme être traité. La capacité de la mère à
se représenter l’enfant comme un sujet ayant des sentiments, des désirs et
des intentions, permet à l’enfant de découvrir sa propre expérience interne
via la représentation que lui en donne sa mère. Cette « re-présentation » a
lieu de différentes façons, à différentes étapes du développement de l’enfant
et des interactions. Au cœur d’un caregiving sensible, il y a l’attention que
la mère porte à chaque instant aux changements survenant chez l’enfant
auquel elle attribue des états mentaux, puis le fait qu’elle les lui représente.
Cette représentation, d’abord via les gestes et les actes et, plus tard, via les
paroles et le jeu, est cruciale pour que l’enfant développe progressivement
ses propres capacités de mentalisation (Slade et al., 2005).

Concepts associés
Mary Main (1991) a été l’un des premiers auteurs à proposer l’idée selon
laquelle les différences dans la qualité de l’attachement pendant l’enfance
étaient fortement corrélées à la qualité de la métacognition et à la qualité
des récits d’attachement des adultes, en montrant que les modèles d’attache-
ment pouvaient contribuer à la sécurité de l’enfant, et ainsi, à la transmission
intergénérationnelle de l’attachement. Selon Main (idem), il en est ainsi parce
que l’enfant qui doit contrôler l’accessibilité physique et psychologique des
figures d’attachements primaires, risque d’avoir des capacités attentionnelles
(ou de mémoire de travail) diminuées par rapport à un autre enfant.
Cette capacité métacognitive est-elle suffisante pour rendre le compor-
tement du caregiver cohérent ? Plusieurs auteurs ont essayé de répondre à
Mentalisation et attachement 313

cette question en proposant des modèles explicatifs différents mais d’une


certaine façon équivalents. Par exemple, James (1890, p. 296), écrit pour la
première fois peut-être sur « penser à nous-mêmes comme des penseurs » ;
presque un siècle plus tard, Bretherthon et  al. (1981) ont développé le
concept de «  théorie de l’esprit  ». Élisabeth Meins et ses collaborateurs
(2001) proposent le concept de «  mind-mindedness  », qui correspond à la
faculté d’avoir l’esprit à l’esprit. Fonagy et al. (1995) développent la notion
de « mentalisation » et, plus tard, le concept de « fonction réflexive », lequel
renvoie à la capacité qui permet aux individus d’avoir accès avec souplesse
et cohérence à leurs propres émotions et à leurs expériences d’attachement
pendant l’enfance. Il est important de remarquer que la « mind-mindedness »
ne fait pas référence à la capacité à décrire la relation dynamique entre l’état
mental et le comportement, et entre un certain état mental et un autre état
mental. À partir de la notion de fonction réflexive, Oppenheim et Koren-
Karie (2002) ont à leur tour développé celle d’« insightfulness », terme dont
il n’existe pas de traduction en français satisfaisante, qui désigne la capacité
du parent à imaginer les motivations des comportements de son enfant
(voir chapitre 16).

Méthodes et mesures
Fonction réflexive
Au cours de leurs recherches, Fonagy et al. (1991) ont été amenés à analy-
ser les données des entretiens de l’Adult Attachment Interview (AAI) qu’ils
avaient recueillis avec l’idée de comprendre les processus sous-tendant
la transmission transgénérationnelle de l’attachement et en partant du
concept de monitoring métacognitif développé par Main (1991). Ces auteurs,
suivis par d’autres, ont également cherché à développer des instruments
mesurant la fonction réflexive afin de pouvoir l’étudier et tester leurs hypo-
thèses théoriques.
Initialement, Fonagy et al. (1998) ont conçu une échelle permettant de
mesurer le degré de fonction réflexive du discours d’un individu adulte à
partir de l’entretien de l’Adult Attachment Interview (AAI). Leur échelle
s’applique aux questions de l’AAI qui requièrent de la part du sujet une
certaine réflexion sur des états mentaux complexes et inobservables (par
exemple : « Pourquoi pensez-vous que vos parents se sont comportés de la
sorte ? »). Il s’agit ici d’évaluer comment le sujet adulte est capable de réflé-
chir sur les expériences affectives avec ses parents et comment il conçoit
leur impact sur sa propre expérience subjective. Ainsi, pour déterminer le
degré de fonction réflexive, on observe :
• le degré de conscience qu’a l’individu de la nature des états mentaux ;
• l’existence d’efforts explicites de sa part pour relever les états mentaux
derrière les comportements ;
314 Deux concepts récents de la théorie de l’attachement

• sa capacité à reconnaître les aspects développementaux des états men-


taux ;
• sa capacité à admettre les états mentaux suscités par sa relation avec
l’intervieweur.
Ainsi, une fonction réflexive dite « mature » (Fonagy et al., 1995) se révèle
donc à partir de plusieurs aspects. L’individu qui a une fonction réflexive
mature sait que les affects varient en intensité et que cette intensité peut
croître ou diminuer au cours du temps. Il sait que les sentiments peuvent être
masqués, partagés, déniés, déformés, et que tel type de sentiment sera sus-
ceptible de déclencher tel autre, aussi bien chez soi que chez autrui. L’indi-
vidu reconnaît aussi que les affects peuvent entrer en conflit avec d’autres
états mentaux. Les états mentaux sont la clef permettant de comprendre
son propre comportement et/ou celui de l’autre (Slade et al., 2005).

Fonction réflexive parentale


Cependant, la mesure de la fonction réflexive telle que nous venons de la
présenter n’évalue pas forcément la capacité d’un individu adulte et parent
à avoir son enfant à l’esprit. Selon Slade et al. (idem), l’évaluation directe
de la capacité du parent à réfléchir à sa propre expérience interne en tant
que parent ainsi qu’à celle de l’enfant permettrait une observation plus
directe des phénomènes sous-jacents à la transmission transgénérationnelle
de l’attachement. Pour mesurer ce que Slade désigne sous le terme de « fonc-
tion réflexive parentale », l’idée est donc d’appliquer une version adaptée
de l’échelle précédemment décrite aux récits parentaux abordant la relation
en cours avec l’enfant. La fonction réflexive parentale est donc la capacité
du parent à réfléchir sur sa propre expérience mentale ainsi que sur l’expé-
rience interne de l’enfant. L’intérêt de se situer dans le présent est que la
relation parent-enfant est potentiellement chargée de forts sentiments que
le parent doit gérer actuellement. Les récits parentaux peuvent être obtenus
à partir d’entretiens tels que le PDI ou encore le WMCI  : au cours de ces
entretiens, on interroge le parent sur ses représentations de l’enfant, de lui
en tant que parent et sur leur relation actuelle (voir chapitre 16). Il faut pré-
ciser que l’évaluation de la fonction réflexive parentale doit tenir compte
du niveau de développement de l’enfant concerné, car il est plus facile de
comprendre ce que pense ou ressent un enfant âgé de 2-3 ans qu’un bébé
de 6-12 mois (idem).
Un parent qui a un degré élevé de fonction réflexive est capable de
relier la conscience qu’il a des états mentaux de l’enfant ou des siens à des
comportements ou à d’autres états mentaux. Par exemple : « Il a fait une
crise dans le magasin parce qu’il était fatigué, car je l’avais traîné partout
toute la journée et qu’il en avait assez. » En conséquence, le parent peut
utiliser la compréhension que sa capacité réflexive lui donne pour adapter
plus sensiblement son comportement de soins aux besoins de l’enfant.
Mentalisation et attachement 315

À l’inverse, lorsque le parent possède un bas degré de fonction réflexive,


cela se manifeste par son incapacité à reconnaître l’existence d’états men-
taux propres chez son enfant. Ces parents ne veulent pas ou ne peuvent
pas entrer dans l’expérience de leur enfant afin de le comprendre, et ils ne
peuvent pas non plus se guider à partir de leur propre expérience interne.
Sur un plan clinique, ils apparaissent comme étant fortement défendus
(Slade, 2005).

Ontogenèse de la mentalisation
L’enfant ne naît pas avec la capacité de reconnaître les états mentaux
primaires comme des états ayant un sens pour lui. C’est plutôt l’«  affect
mirroring  » (c’est-à-dire la réflexion contingente des affects) par le parent
qui permet à l’enfant d’accéder progressivement à une compréhension de
ses propres états mentaux. Le mirroring est défini par Gergely et Watson
(1996) comme la capacité de la mère à produire une version exagérée des
expressions émotionnelles réalistes (positives et négatives) grâce à laquelle
l’état mental de l’enfant lui est reflété (« re-présentation »). C’est par là que
l’enfant commence à reconnaître ses propres états internes.
Durant la première année de la vie se développe la capacité de grouper et
de représenter les états affectifs primaires et de faire l’expérience de l’exis-
tence d’un lien entre affect, comportement, corps et expérience person-
nelle. Tout ceci est important pour l’émergence ultérieure des capacités de
mentalisation.
Une autre étape de l’acquisition de la fonction réflexive va consister pour
l’enfant à comprendre que ce qu’il a à l’esprit est seulement une représenta-
tion possible de pensées ou de sentiments, et que la réalité, la sienne et celle
des autres, peut être interprétée de multiples façons. Ce qui est subjective-
ment réel pour lui ne l’est pas forcément pour l’autre ; il doit être capable
d’imaginer ce qu’il y a dans l’esprit de l’autre.
Ainsi, le développement de la capacité réflexive pendant l’enfance
dépend de la capacité du parent à imaginer et à distinguer l’apparence et
la réalité. Ceci est favorisé par le jeu et le dialogue, soutenus par la capacité
du parent à entrer dans l’espace transitionnel entre jeu et réalité et de faire
continuellement la jonction entre ces deux mondes grâce au langage et aux
symboles. L’état mental de l’enfant doit être représenté suffisamment claire-
ment pour que l’enfant le reconnaisse, mais de façon suffisamment ludique
pour que sa réalité ne submerge pas l’enfant. De cette façon, l’enfant pourra
finalement utiliser la représentation parentale de sa réalité interne comme
base de sa pensée symbolique, une représentation de ses propres représen-
tations (Allen et al., 2008).
La fonction réflexive est le reflet dans le discours des capacités de men-
talisation de l’individu. L’expérience interne n’est pas organisée seulement
pour améliorer la connaissance de soi et la régulation, mais aussi pour
316 Deux concepts récents de la théorie de l’attachement

pouvoir être communiquée aux autres et interprétée afin de guider la colla-


boration dans le travail, l’amour, le jeu. C’est de cette façon que la fonction
réflexive est à la base du développement de relations sociales avec d’autres
individus nécessaires à la survie (Slade, 2005).

Influences de l’attachement
sur la mentalisation
Activation du système d’attachement
et désactivation de la capacité de mentalisation :
réciprocité
Des études récentes en neuro-imagerie ont permis de confirmer les liens
entre activation de l’attachement et désactivation de la mentalisation. Dans
deux études distinctes, Bartels et Zeki (2000, 2004) ont montré que l’acti-
vation de régions cérébrales intervenant dans l’attachement maternel et/ou
amoureux entraîne concomitamment la suppression de l’activité cérébrale
dans plusieurs régions jouant un rôle dans différents aspects du contrôle
cognitif, dont celle associée au jugement social et à la mentalisation. Ces
auteurs proposent de regrouper ces deux «  construits  » en deux systèmes
fonctionnels.
Le premier de ces systèmes inclut les cortex préfrontal médian, pariétal
inférieur et temporal médian, principalement dans l’hémisphère droit, ainsi
que le cortex cingulaire postérieur. Ces régions font partie de circuits spécia-
lisés dans l’attention et la mémoire à long terme (Cabeza et Nyberg, 2000),
mais également dans les émotions positives (Maddock, 1999) et négatives
(Mayberg et al., 1999). Ces régions pourraient être spécifiquement respon-
sables de l’intégration des émotions et des cognitions (par exemple, enco-
dage émotionnel des souvenirs épisodiques ; Maddock, 1999).
Le second système, dont on observe la désactivation lors de l’activation
de l’attachement inclut les pôles temporaux, la jonction pariétotemporale,
l’amygdale et le cortex préfrontal médian. Les auteurs soulignent que l’acti-
vation de ces régions est reliée aux affects négatifs, aux jugements sociaux
moraux et de confiance (liés à la capacité de jugement moral), aux tâches
portant sur la théorie de l’esprit (qui évaluent spécifiquement les dimen-
sions cognitives) et à l’attention à ses propres émotions. Ce système consti-
tue probablement une partie du réseau neuronal primaire qui sous-tend la
capacité à identifier et interpréter les états mentaux (les pensées comme les
émotions) chez l’autre (Frith et Frith, 2003 ; Gallagher et Frith, 2003) aussi
bien que chez soi (Gusnard et al., 2001). Ces ruptures sont également pro-
bablement associées aux jugements sociaux intuitifs de convenance morale
(Greene et Haidt, 2002) et de confiance reposant sur les expressions faciales
(Winston et al., 2002).
Mentalisation et attachement 317

Selon Fonagy et Target (2007), les patterns d’activation du système d’atta-


chement et de ces deux systèmes cognitifs de contrôle du traitement de
l’information pourraient avoir des implications dans notre compréhension
de la nature des différences individuelles dans le comportement d’attache-
ment, et dans notre compréhension des dysfonctions associées aux déficits
de mentalisation.
Schématiquement, trois situations sont susceptibles d’inhiber des aspects
des cognitions sociales associées à la mentalisation de la figure d’attache-
ment. Premièrement, l’activation du système d’attachement en lien avec
l’amour, à travers les structures dopaminergiques du système de récom-
pense et la libération d’ocytocine et de vasopressine, inhibe probablement
le système neuronal de régulation des affects négatifs. Or, ce système pro-
voque les cognitions sociales en rapport avec la solution de problèmes,
incluant la mentalisation. Ces données étaient prévisibles dans la mesure
où une fonction clé du système d’attachement est de moduler les émotions
négatives dans l’enfance et tout au long de la vie (Sroufe, 1996). Deuxième-
ment, l’activation du système d’attachement en rapport avec une menace
désactive la mentalisation en provoquant un état d’alerte et des affects
négatifs débordants (Arnsten, et al., 1999 ; Mayes, 2000). Troisièmement,
une relation d’attachement stable, sécure, prévisible est sans doute la plus
efficace pour anticiper une menace et éviter une activation fréquente du
système d’attachement. Rappelons ici que le système d’attachement est
supposé avoir été organisé pour être activé par la peur, souvent associée à la
perte de la protection de la figure d’attachement (Bowlby, 1969, 1973). Une
relation insécure entre l’enfant et le caregiver aura pour conséquence une
activation plus fréquente du système d’attachement et entraînera donc plus
fréquemment la désactivation des structures neuronales qui sous-tendent
les cognitions sociales. Il existe également des preuves que le niveau
d’anxiété est corrélé positivement avec l’activation des régions cérébrales
en rapport avec les émotions et inversement corrélées avec l’activation des
régions associées à la régulation des émotions (cortex orbitofrontal ; Gillath
et  al.,  2005). Les sujets ayant un attachement anxieux pourraient ainsi
court-circuiter les régions cérébrales normalement utilisées pour atténuer
les émotions négatives.
Si une fonction importante de la mentalisation, du point de vue de
l’évolution, est bien d’offrir un avantage en termes de compétition, son
plein développement n’est possible que dans le contexte d’une relation
protectrice. Fonagy et  al. (2007) suggèrent que la relation d’attachement
parent-enfant est susceptible de faciliter le développement du soi subjectif
précisément parce que, dans ce contexte biologique, les pressions compé-
titives sont minimisées. Puisque ce sont les relations insécures qui sont le
plus susceptibles d’activer le comportement d’attachement, en se basant
uniquement sur les données de l’imagerie, on peut prédire qu’une relation
318 Deux concepts récents de la théorie de l’attachement

sécure est la plus à même de faciliter le développement de la mentalisation,


car elle est associée aux effets inhibiteurs limités sur les réseaux cérébraux,
permettant la mentalisation.

Influences sociales dans le développement


de la mentalisation
Fonagy et Target (2007) considèrent que la variabilité entre les individus
offre des indices cruciaux sur les mécanismes qui sous-tendent le dévelop-
pement de la mentalisation. Les expériences sociales qui sont corrélées avec
l’acquisition précoce de la mentalisation contiennent probablement les
éléments qui favorisent l’émergence de cette capacité.
Les preuves de l’influence de la vie sociale sur la mentalisation sont
venues au départ des données portant sur la taille de la famille. Dans le
début des années 1990, un certain nombre d’études ont montré que les
enfants ayant un aîné réussissaient plutôt les tâches de la théorie de l’esprit
(Perner et  al.,  1994  ; Ruffman, et  al.,  1998). Cet effet paraissait relié non
seulement à la fratrie mais aussi au nombre de membres de la famille plus
âgés vivant avec l’enfant (Lewis et al., 1996).
La littérature sur la taille de la famille suggère que le jeu, et plus particu-
lièrement le jeu de « faire semblant », avec sa caractéristique de suspension
du jugement externe, pourrait avoir un rôle crucial dans la facilitation de la
mentalisation. Les enfants d’âge préscolaire qui ont un score élevé au test
de fausses croyances sont souvent enclins à pratiquer ce type de jeu (Dunn
et Cutting, 1999) : ils peuvent discuter de leur rôle et jouer des propositions
(Jenkins et Astington, 2000). De même, lorsqu’ils ont un frère ou une sœur
en âge de participer à ce type de jeu, ils ont de meilleures capacités de men-
talisation et réussissent plus souvent les tests de fausses croyances (Jenkins
et Astington, 1996 ; Peterson, 2000). Le jeu de « faire semblant » implique
des représentations ainsi que des structures syntaxiques relativement
complexes afin de construire des réalités alternatives (de Villiers, 2005).

Mentalisation et psychopathologie
L’absence de capacité parentale à contenir l’expérience de l’enfant est pro-
pice au développement de différents troubles psychopathologiques car elle
risque de se traduire pour l’enfant par un échec à développer une capacité
rudimentaire à entrer pleinement dans sa propre expérience subjective et
dans celle des autres, sans dépendre de mécanismes primitifs de défense.
Allen et  al. (2008) décrivent différentes défaillances dans l’«  affect mirro-
ring » parental survenant durant la petite enfance.
Lorsque le mirroring est trop proche de l’affect de l’enfant — par exem-
ple, si la mère répond à la peur de l’enfant par sa propre peur à elle —, sa
Mentalisation et attachement 319

représentation n’est pas symbolique : cela augmente la peur de l’enfant au


lieu de la contenir et perturbe les frontières existant entre l’expérience de
l’un et celle de l’autre.
Lorsque la réflexion n’est pas contingente, il y a une déformation des
émotions de l’enfant. Ainsi, si la mère choisit d’ignorer les pleurs de son
bébé qui demande à être pris dans les bras, par exemple parce qu’elle y voit
une manipulation, l’enfant qualifie son état émotionnel primaire de façon
inappropriée. De plus, la seconde représentation de son affect, ne corres-
pondant pas à son vrai self, va créer un sentiment de vide. C’est le faux self
de Winnicott : une adaptation aux affects de l’autre qui laisse le self vide
et irréel. Ce qui a été internalisé de l’autre est déconnecté de l’expérience
vécue.
Lorsque le caregiving parental est ainsi chroniquement perturbé, cela
altère la construction du self car le bébé est forcé d’internaliser les repré-
sentations de l’autre comme faisant partie de soi. Ces parents anéantissent
l’expérience subjective de leur bébé du fait de leurs propres sentiments de
rage, de haine ou de peur. L’état mental de l’enfant n’est pas perçu en soi et
devient le lieu des projections et distorsions parentales. En retour, l’adap-
tation de l’enfant va correspondre à une forme primitive d’identification à
l’agresseur. Ces adaptations sont pathologiques mais nécessaires à la survie
émotionnelle de l’enfant  : la relation vitale avec le parent se maintient.
Partager ses pensées avec le parent devient dangereux au lieu d’être une
opportunité de se découvrir et de contenir ses émotions. À la place, l’enfant
vit son expérience interne comme inexistante ou méconnaissable. De tels
sentiments d’aliénation et d’isolement psychique deviennent la clef d’un
sentiment de vide et d’un échec à développer des relations nourrissantes et
épanouissantes avec les autres.
La même chose peut se produire lorsque l’enfant est plus âgé, c’est-à-
dire lorsque ce sont les dialogues et le jeu avec le parent qui deviennent
déterminants dans l’établissement et l’élaboration du vécu interne de
l’enfant.
L’enfant doit pouvoir faire l’expérience que les pensées du parent sont
sans danger et connaissables et que, dans l’esprit du parent, la contem-
plation de l’esprit de l’autre est une clef de l’intimité et de la connexion
plutôt que de l’effroi. La mère peut envahir le jeu de telle sorte que cela
perturbe l’imagination et le « faire semblant ». Elle peut mal interpréter le
jeu d’une façon qui entrave la rêverie et être ressentie comme une annihi-
lation de  l’intentionnalité. Les affects qui sont mal interprétés ou défor-
més par la mère demeurent terrifiants et non représentables, menant à un
ensemble de phénomènes observables plus tard chez les sujets états-limites,
borderline. Le rôle central joué ici par le parent nécessite que la fonction
réflexive parentale soit étudiée spécifiquement au sein même de la relation
parent-enfant.
320 Deux concepts récents de la théorie de l’attachement

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Glossaire1

Caregiver : celui qui prend soin


Le mot anglais care recouvre plusieurs sens de la notion de « soins ». To take
care of someone signifie « s’occuper de quelqu’un » dans le sens « lui prodiguer
les soins nécessaires, nourriture, abris, etc. » : on parle ici de quelque chose
de plutôt physique, de « protection » ; alors que to care for someone serait
plutôt de l’ordre des sentiments, de l’affectif, «  se soucier de quelqu’un,
vouloir s’assurer qu’il va bien » : on parle alors plutôt d’attention.
Le mot caregiver englobe donc les deux sens principaux du mot anglais
care : la protection et l’attention (sentiments).
Inclusive fitness : attitude adaptative globale
En biologie évolutive, la sélection naturelle est le mécanisme qui per-
met d’expliquer l’évolution des espèces et leur adaptation à un milieu.
Darwin définit la notion de fitness (ou valeur sélective)  : la fitness d’un
individu donné est une estimation de son succès reproducteur a priori.
Un individu  aura une forte fitness si son génotype est mieux adapté à
son environnement que celui de ses congénères, la conséquence étant
que cet individu aura, en moyenne, plus de descendants que les individus
porteurs de génotypes délétères (possédant une fitness moins élevée).
Au début des années 1960, grâce aux progrès de la génétique, William
Hamilton précise le concept : pour maximiser la reproduction des gènes, un
individu aura intérêt à maximiser non seulement sa propre reproduction
(fitness au sens de Darwin) mais aussi celle de ses apparentés. Il définit le
concept d’inclusive fitness (ou valeur sélective intégrée) comme la reproduc-
tion de ses propres gènes (ou plus exactement de leurs copies) par le biais
d’un apparenté. Pour maximiser sa fitness inclusive, un individu aura intérêt à
«  aider  » (interactions altruistes) ses apparentés (ou parentèle génétique)
à se reproduire.
Nurture and Nature : l’acquis et l’inné
Nurture  : n. (firm  : lit., fig.)  =  nourriture  ; vt (lit., fig.) =  élever, éduquer,
nourrir.
En français, le thème Nature and Nurture se traduit par le débat « nature et
culture » ou « l’acquis et l’inné ».
Nurturance : soin (apport, soin, attention)
Tout comme le mot care, le mot nurturance englobe les différents sens du mot
français « soin », c’est-à-dire des soins, de la nourriture, à la fois physique

1. Marc Defossez, médecin, Pithiviers, et Hélène Defossez, traductrice, Paris.

L’attachement : approche théorique


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324  

et émotionnelle. Cependant, la subtilité entre ces deux termes provient du


fait que nurturance porte de façon plus explicite le sens de « élever, nourrir »
au sens physique du terme ; il véhicule une idée plus concrète du soin, plus
directement liée au souci de procréer, d’engendrer, au souci de survie.
Responsiveness : responsivité
Receptiveness : sensibilité (Robert et Collins, 2000). Responsive (adj) : réceptif
(= ready to react). Receptive : sensible.
La notion de responsiveness contient l’idée d’« être activement et rapide-
ment sensible à… ».
Safe and secure
Safe (adj.) : sain et sauf, indemne (to be safe = être en sécurité). Secure (adj.) :
stable, solide, assuré  ; sûr (to be secure against something =  être à l’abri de
quelque chose) ; en psychologie : [sentiment] de sécurité, sécurisant (to feel
secure = se sentir en sécurité).
Être «  safe  », se sentir «  safe  », c’est être en sécurité d’abord physique,
comme dans l’expression «  sain et sauf  », être hors de danger, alors que
« secure » est utilisé pour décrire un « sentiment de sécurité » plus psycho-
logique. Il n’existe pas de mot français décrivant la subtilité du mot secure.
Strange situation : situation étrange
Le mot strange en anglais est tout autant stranger au sens de « non familier »
que strange « étrange ».
Index

A Amae, 87
A Two Years Old Goes to Nursery, 5 AMBIANCE, 250, 302
Abus, 153 Ambivalent, 132, 256, 257
Accessibilité des MIO, 177 Ambivalent-résistant, 35, 241
Accommodation, 49 Ambulatoire, 162
Activation, 152 Amitié, 33, 142
Adaptation, 132 Amour
Adaptétude évolutionniste, 103, 134 ––primaire, 4, 79
Adjectifs, 153, 154 ––romantique, 193
Adolescence, 139, 163, 269 Ampleur d'effet, 34
Adolescent, 157 Amygdale, 23, 105, 316
Adolescent Attachment Questionnaire (AAQ), Analyse
272 ––catégorielle, 155
Adolescent Relationship Questionnaire (ARQ), ––dimensionnelle, 155
271 ––du discours, 153, 154, 158
Adult Attachement Scale de Collins et Read, ––Q, 245
283 ––taxométrique, 155
Adult Attachement Scale Questionnaire, Angoisse, 13
282 Animaux domestiques, 221
Adult Attachment at Work (AAW), 205 Anxiété, 129, 160, 161, 284–286
Adult Attachment Interview (AAI), 3, 6, 35, ––postnatale, 24
80, 151, 281, 289, 300 Anxieux, 233, 317
––adolescent, 140 ––adolescent, 271
––applications cliniques, 164 Anxieux/déprimé, 257
––cotation, 158 Anxieux-ambivalent, 284
––limites, 156 Apprentissage, 161
––versions modifiées, 273 Approche etic, 89
Adult Attachment Projective Picture System Assimilation, 57, 91
(AAP), 59, 290
Attachement
Adult Multiple Model Interview (AMMI), 292
––à Dieu, 209, 221
Adulte, 51, 153, 171, 181, 191, 281
––à l'adolescence, 269
Affect mirroring, 315, 318
––au groupe, 206
Affirmation de soi, 25
––au père, 244
Agendas, 131
––chez l'adulte, 151, 169, 191, 281
Agoraphobie, 78
––chez l'animal, 98
Agressif/impuissance feinte, 163
––comme état, 173
Agrippement, 100
––contrôlant, 304
Alarme, 10, 14
––désorganisé, 87, 132, 173, 241, 250,
Alimentation, 10 256, 299
Allaitement, 23, 122 ––en voie de constitution, 194
Allèles de DRD4, 304 ––entre 0 et 4 ans, 119
Alliance thérapeutique, 80 ––entre 4 et 12 ans, 127
Altruisme, 187 ––et adolescence, 139

L’attachement : approche théorique


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326 L’attachement : approche théorique

––et contextes culturels, 83 Base de sécurité, 6, 32, 38, 78, 84, 92, 123,
––et évolution, 97 130, 141, 169, 173, 193, 204, 274
––et liens d'amitié, 31 ––au travail, 205
––et mentalisation, 311 ––dans le couple, 64
––et neurosciences, 105 Besoins d'attachement, 217
––et personnalité chez l'adulte, 181 Biais, 156
––et psychanalyse, 73 Bien-être, 174, 220
––et sexualité, 231 Bonding, 22
––et sexualité de l'adulte, 231 Borderline, 300, 311, 319
––et société, 201 Bottom-up, 158
––et vieillissement, 216 Burn-out, 184, 205
––évaluation, 255, 269, 281
C
––symbolique, 221
––transmission intergénérationnelle, 57 CaMIR, 288
Attachment Doll Play Assessment (ADPA), Can-not Classified, 261
260 Capacité(s)
Attachment During Stress (ADS), 243 ––autoréflexives, 102
Attachment Interview for Chilhood and ––cognitives, 141
Adolescence (AICA), 273 ––d'apprentissage, 120
Attachment Q-Sort (AQS), 245 ––d'autonomie, 134
Attachment Script Assessment (ASA), 261 ––d’exploration, 134
Attachment Story Completion Task (ASCT), ––de négociation flexible, 131
259 ––métacognitive, 312
Attachment Style Interview (ASI), 286 ––motrices, 99, 123
Attachment Style Questionnaire (ASQ), 271, ––narratives, 258
272, 282, 287 ––précoces, 103
Attention, 134, 152, 171, 216 ––réflexives, 20, 249
Atypical Maternal Behaviour Instrument ––reproductive, 101
for Assessment and Classification Caractère primaire de l'attachement, 3
(AMBIANCE), 250, 302 Caregiver(s), 11, 35, 57, 120, 201, 221, 299,
Atypique, 163 304
Autonome, 302 ––d'adulte plus âgé, 224
Autonome/sécure, 154 ––multiples, 85
Autonomie, 128, 130, 133, 142 Caregiving, 17, 18, 22, 24, 66, 139, 171,
Autonomisation, 127, 139, 144 215, 223, 232
Auto-organisation, 161 ––compliant, 162
Autoquestionnaire(s), 132, 282, 287, 289 ––compulsif, 162, 222
Autoréflexion, 79 ––contrôlant, 306
Autorégulation de la distance, 125 Caregiving Behaviour Classification System
Avantage adaptatif, 33 (CBCS), 250
Avoidant Attachement Questionnaire Caregiving Helplessness Questionnaire
for Adults, 287 (CHQ), 248
Axe Caregiving system, 250
––corticotrope, 106, 110 CARE-Index, 250
––hypothalamo-hypophyso-cortico- Carences
surrénalien, 23 ––maternelles, 7, 109
––précoces, 8
B Catalyseur psychologique, 174
Balance entre l'attachement Catégorielle (analyse –), 155
et l'exploration, 247 Catégories, 154, 155, 249, 285
Bande, 143 Chaos, 162
Index 327

Children Attachment Interview Coopération, 131, 160


(CAI), 263 Coping, 10, 175, 182, 183, 187, 222
Classification, 154, 158 Correspondance, 59, 211
Climat de sécurité, 130 Cortex préfrontal médian, 316
Clivage, 78 Cortisol, 111, 306
Codage, 242 Cotation, 151, 153
Coding Interactive Behavior, 251 Couple, 232, 290
Coercitif, 257 Couple Interaction Task, CIT, 290
Cognition sociale, 102 Coupling, 232
Cohérence, 152 Courant
––de la pensée, 154 ––développemental, 164, 289
––du discours, 65, 80, 154, 158 ––psychosocial, 169, 289
Colère, 14, 125, 154, 172, 277, 307 Crainte/désorientation, 250
––dysfonctionnelle, 145 Craintif, 283
Colloque imaginaire, 7, 75 ––adolescent, 271
Communication sociale, 152 Craintif évitant, 186
Compassion, 187 Crèche, 36
Compétence(s), 83 Cris, 122
––de l'enfant, 36 Croyance religieuse, 210
––sociales, 146 Croyants, 209
Comportement(s) Culture, 225
––altruistes, 101 ––d'accueil, 91
––contrôlant-protecteur, 305 Cure type, 80
––contrôlant-punitif, 305 Curiosité, 11
––d'agrippement, 100 Current Relationship Interview (CRI), 292
––d'attachement, 11, 37, 48, 84, 100, 119, Cybernétique, 98
121, 123, 140, 189, 210, 216, 225, 243,
250, 257, 261, 292, 306 D
––de sexualisation précoce, 305 Darwin, 97
––déférentiels, 301 Déactivation, 160, 172, 173, 261, 292
––d'exploration, 48 Déconnexion cognitive, 261
––dissociés, 301 Décontracté, 261
––effrayants, 300 Défensif, 257
––parentaux, 250 Défis de la vie, 170, 186, 188, 189
Compulsion de répétition, 78 Déformé-non équilibré, 249
Concordance, 153 Demande d'aide, 183
Conflits, 64, 125, 130, 131, 170, 171, Dénigrement, 152, 154, 158
285 Dépressifs bipolaires, 164
––parent-enfant, 101 Dépression, 78
Confortable, 162 ––postnatale, 24, 87
Confusion de rôle/limites, 250 Désactivation, 152, 165, 250
Conjoint survivant, 221, 223 Désidéalisation, 145
Contact physique, 86 Désirabilité sociale, 156
Contenu du discours, 158 Désorganisation, 87, 305
Contexte écologique, 67 Désorganisé, 58, 66, 111, 132, 153, 173,
Continuité, 59 241, 250, 261, 263, 292, 299, 302, 306
Contradictions, 152 Désorienté, 58
Contrôlant avec inversion du rôle Dessins, 264
parental, 304 Détaché, 35, 153, 154, 162, 183, 263, 283,
Contrôlant/désorganisé, 256, 257 291
Contrôle, 159 ––adolescent, 146, 271
328 L’attachement : approche théorique

Détaché-non équilibré, 249 Émotions


Détresse, 170 ––négatives, 129, 133, 316
––à la séparation, 193 ––positives, 14, 316
Deuil, 74, 75, 153, 223 Empathie, 79, 187
Développement Empiètement, 80
––cognitif, 132 Empreinte, 99, 105, 121
––de l'identité de genre, 234 Enfant(s)
––psychosocial, 75 ––allemands, 35
Développementale (approche –), ––unique, 88
164, 289 Entretien(s), 286, 290
Devenir parents, 170 ––semi-structuré, 247, 249
Dévoilement, 208 Épigénétique, 109
Différences Épisodes, 152
––culturelles, 90 Équilibre
––individuelles, 152 ––activité professionnelle/vie privée, 204
Difficultés ––autonomie/dépendance, 216
––interpersonnelles, 164 ––émotionnel, 197
––intrapersonnelles, 164 ––exploration/attachement, 21, 194, 247
Digression, 154 Équilibré, 162, 249
Dimensionnelle (analyse –), 155 Équivalence fonctionnelle, 11, 119
Dimensions, 155, 285 Erreurs de communication, 250
Discontinuités de la transmission Espace épistémique, 142
intergénérationnelle, 57, 60, 65 Estime de soi, 132, 182, 185, 283
Discours, 80, 151, 153 État(s)
––digressif, 154 ––attachement comme –, 173
Dismissing, 35 ––d'esprit, 58, 140, 153, 154
Disponibilité, 128, 129, 160 ––limites, 80
Distance, 141 ––mentaux, 21, 160, 311
––spatiale, 128 ––psychologique maternel, 66
Disturbances of Attachment Interview (DAI), Étayage, 4, 73
242 Éthologie, 97
Divorce, 193 Être et rester en couple, 232
Dominance, 10 Étude(s)
Domination-soumission, 159 ––africaines, 85
DRD4, 304 ––allemande, 33, 84
Dynamique contextuelle d'attachement, ––chinoises, 88
204
––du Minnesota, 33, 36, 52, 53
Dysrégulation, 261
––du NICHD, 34
––indonésiennes, 88
E ––interculturelles, 246
Earned secure, 22 ––israéliennes, 87
Échelle(s) ––japonaises, 87
––de l'AAI, 154 ––longitudinale, 26, 33, 52, 53
––de Likert, 285 ––transculturelles, 83, 84
––de sécurité, 262 Évaluation
École, 132 ––de l'attachement
Écologiques (conditions –), 57, 67 –– – à l'adolescence, 269
Effrayé, 261 –– – au cours de l'enfance, 255
Emboîté (nested model), 176 –– – au père, 244
Emmêlé, 154 –– – chez l'adulte, 34, 151, 281
Émotionnellement significatif, 163 –– – chez le très jeune enfant, 239
Index 329

–– – chez les personnes âgées, 293 Fonction


––de l'interaction parent-adolescent, 275 ––adaptative, 17
––du caregiving, 247 ––autoréflexive, 62, 160
Événements de vie, 163 ––réflexive, 160, 303, 313
Évitant, 35, 111, 132, 225, 233, 241, 256, –– – parentale, 314
257, 284 Fonctionnement maternel réflexif, 303
––adolescent, 271 Forme du discours, 151, 158
Évitement, 284–286 Fossé dans la transmission, 61
Évitement de la proximité, 240 FR, 300, 303
Évocation rétrospective, 153 Fratrie, 25, 40, 224, 318
Évolution, 9, 97 Friends and Family Interview (FFI), 274
––des styles d'attachement, 217 Friendship Interview, 273
Exclusion défensive, 75, 145, 291, 307
Experience of Relationships Scale (ERS), 205 G
Expériences d'attachement, 289 Gène égoïste, 101
Expériences de séparation, 153 Générations, 57
Experiences in Close Relationships (ECR), Gènes, 10, 101, 108
283 Genre, 225, 234
Experiences of Caregiving Interview, 248 Goal-Corrected Partnership Adolescent Scale
Exploration, 10, 123, 134, 139 (GPACS), 276
Extraits vidéo, 249 Gold standards, 245
Grands-mères, 59
F Grossesse, 58
Facteurs Groupe(s), 143, 205
––contextuels, 66 ––sociaux, 31
––culturels, 66 ––sociaux élargis, 63
––proximaux, 61
––tempéramentaux, 67 H
Faire semblant, 318 Handling, 79
Family Attachment Interview (FAI), 286 Havre de sécurité, 24, 32, 38, 123, 129,
Fantôme dans la chambre d'enfant, 300 133, 170, 191, 193, 209, 274
Faux self, 319 Hédonisme, 10
Fearon, 57 Hiérarchie de relations d'attachement, 120
Feedback, 161 Histoires à compléter, 59, 259
Fiabilité, 241 Holding, 79
Fidélité interjuges, 156 HOME, 34
Figure(s) d'attachement, 129, 141, 169, Homosexualité, 234
170, 202 Hospitalisés (enfants –), 157
––adultes, 191 Hostile-impuissant, 159, 302
––alternative, 39, 120, 210 Hydraulique, 77
––chez le sujet âgé, 220 Hyperactivation, 124, 160, 172, 173
––de l'adolescent, 38 Hypothèse de correspondance, 211
––de réserve, 193 ––sociale, 211
––MIO, 45
––potentiel, 205 I
––préférée, 224 Idéalisation, 154, 158
––primaires, 120 ––délirante, 162
––secondaires, 120 Identité de genre, 234
––spécifiques au contexte, 192 Immigration, 90, 92
––subsidiaires, 120 Important People Interview, 38
––symbolique, 193, 207 Imprinting-like, 122
330 L’attachement : approche théorique

Inclusive fitness, 101 K


Incohérence, 152, 155 Kibboutz, 23, 87
Incomplet Stories With Doll Family, 259
Information, 98 L
Informatique, 98 Lactation, 23
Inhibé/socialement superficiel, 162 Lapsus du discours, 159
Inhibition, 124 Leader, 202
Insécure, 87, 111, 131, 132, 163, 240 Leadership, 201
––adolescent, 146 Léchage, 100, 109
––adulte, 224, 233 Libido, 78
––mère, 60, 107 Libre/autonome, 153
––parent, 19 Lien(s)
––stabilité, 52 ––affectifs, 9
Insécure/autres, 257 ––affiliatifs, 31
Insécure-ambivalent, 124, 128, 133, 241, ––d'attachement, 194
257, 261 ––mère-enfant, 73
Insécure-ambivalent/résistant, 58, 153 ––sociaux, 32
Insécure-évitant, 58, 124, 128, 133, 241, Limites
257, 261 ––de l’AAI, 156
Insight, 312 ––de la transmission intergénérationnelle,
Insightfulness, 313 57
Insightfulness Assessment (IA), 249 Locomotion, 12, 123
Institutionnalisation, 4 Longitudinale (étude –), 6, 33, 35, 51, 60,
Intégration, 91, 151 145, 163, 218, 274
––des mémoires, 152
––flexible, 261 M
Interaction(s) Maintien
––avec les pairs, 134 ––de la proximité, 193
––en milieu naturel, 83 ––du contact, 240
––gènes-environnement, 304 Maîtrise, 10, 11
––parent-adolescent, 275 Maladie, 129, 193
––parents-enfant, 151 ––somatique, 157
Interesting-but-Scary Paradigm (IbS), 242 Malnutrition, 86
Intergénérationnel, 57 Management, 204
Internalisation, 59 Manchester Child Attachment Story Task,
Intersubjectivité hédonique, 233 261
Intervention thérapeutique, 92, 164 Manque de souvenir, 158
Intimité, 133 Marginalisation, 91
Intrusion/négativité, 250 Massie-Campbell Mother-Infant Attachment
Inventory of Parent and Peer Attachment Indicators During Stress Scale, 243
(IPPA), 270 Masturbation, 233
Inversion de rôle, 154 Mating, 101, 232
IRMf, 107, 112, 291 Maturation sexuelle, 101
Maturité filiale, 223
J
Maximisation, 35
Jalousie, 195 Médiateurs cognitifs intrinsèques, 61
Jeu libre, 134 Méfiant, 283
Jeunes adultes, 157 Méga-items, 160
Jeunes voleurs, 73 Mémoire, 152
John Goes to Nursery, 5 ––épisodique, 153
Jouet, 242 ––sémantique, 153
Index 331

Menaçant/désarmant, 162 Monde du travail, 204


Menaçant/paranoïde, 163 Monitoring métacognitif, 158, 312, 313
Menace Monotropisme, 120
––pour l'autre, 129 Mortalité infantile, 86, 88
––pour soi, 129 Motivationnel, 10
Mentalisation, 10, 61, 79, 80, 102, Mutation, 101
160, 311 Mutualité, 191
Mère de substitution, 100
Mesures de caregiving, 247 N
Méta-analyse, 34, 57, 59, 156, 157, 246, Narratifs d'attachement, 258
300, 303 Narration, 152
Métacognition, 140, 154, 160 Négligence, 154
Métamodèle, 140 Négociation flexible, 131
Mimiques, 154 Neurosciences, 105
Mind-mindedness, 61, 63, 313 NICHD, 34
Minimalisation, 35 Niveau socio-économique, 157
Minimisation, 36 Non classifiable, 155, 256
MIO. Voir Modèles internes opérants Non intégrée, 159
Mirroring, 20, 315, 318 Non résolu, 66, 155, 291, 303
Modèle(s) Non résolu quant à la perte, 58
––coopératif d'élevage, 103 Non résolu/désorganisé, 153–155
––de Bartholomew et Horowitz, 182, 282 Non-résolution de l'Œdipe, 233
––de Bifulco, 286 Non-stabilité des MIO, 161
––de Bowlby, 49 Normatif, 163
––de Hazan et Shaver, 282 Normativité, 83, 86, 88
––de Holmes et Lyons-Ruth, 283 Nuit, 84, 86, 87, 120
––de Lyons-Ruth, 159, 301, 302
––de Main et Hesse, 300 O
––de soi, 182, 282 Observation directe, 84
––de Solomon et George, 301 Ocytocine, 23, 37, 107, 232, 317
––des autres, 182, 282 Œdipe précoce, 78
––diathése-stress, 304 Ontogenèse, 119
––domaines-spécifiques, 176 Opérations formelles, 140
––dynamique maturationnel, 161 Organisation
––internes intégrés des relations, 140 ––du soi, 152
––internes opérants, 18, 22, 45, 75, 123, ––mentale, 58
144, 163, 175, 203 ––politique, 207
–– – chez l'adolescent, 270 Organisation mondiale de la santé, 4
–– – dans l'attachement désorganisé, 306 Orientation, 121
–– – ontogenèse, 47 Orthogonales (dimensions –), 160
–– – organisation, 48
–– – prédictivité, 53 P
–– – stabilité, 49, 65, 161 Pairs, 25, 31, 129, 139
––mentaux Par défaut (default model), 176
–– – de soi, 206 Paradigme de la séparation-réunion, 239,
–– – du groupe, 206 258
––multidimensionnel, 61 Paradoxe comportemental, 301
––prototypique, 51 Parent effrayant/parent effrayé, 300
––relations-spécifiques, 176 Parental Attachment Questionnaire (PAQ), 272
Modified Crowell Procedure, 243 Parental Development Interview (PDI), 247,
Modules fonctionnels, 173 314
332 L’attachement : approche théorique

Parentalité, 164 Pression


Parenting, 57, 61, 101, 232 ––à la réussite, 154
Parents, 38, 57, 141 ––de sélection, 97
Partage de l'attention, 60 Priming, 174, 177
Partenaire, 24, 195 Prisonniers, 162
Partenariat Procédural, 177
––corrigé quant au but, 125, 130, 140, Procédure(s)
171, 194 ––d’histoires à compléter, 259
––émergeant, 125 ––de séparation-réunion de Main
––émotionnel, 192 et Cassidy, 256
Passivité, 154 Processus
Patterns, 152 ––conscients ou inconscients, 289
––d'attachement, 83, 121 ––dyadiques interpersonnels, 57
––de réponse, 160 ––représentationnel, 161
––narratifs, 151 Profils symptomatiques, 164
Pauvreté, 87, 163 Programme, 98
Peer Attachment Interview (PAI), 286 Prosodie, 154
Pensée formelle, 163 Proximité, 10, 11, 13, 17, 32, 119, 128,
Perception 169, 193, 216, 240
––d'une « menace pour l'autre », 129 Psychiatrie, 162
––d'une « menace pour soi », 129 Psychologie développementale, 164
Père, 25, 244 Psychopathie, 162
Période critique, 99 Psychopathologie, 74
Personnalité, 154, 181 Psychoses du post-partum, 24
Personne âgée, 217, 293 Psychosociale (approche –), 169, 181,
Perspective développementale, 78 281, 289
Perte, 90 Puberté, 127
––non résolue, 302 Punitif/séducteur, 163
Peur, 14
––alarme, 127 Q
––de la séparation, 78 Q-Sort, 59, 87–89, 160, 245, 246, 260, 263,
––de perdre son enfant, 154, 158 288
––sans solution, 301 Qualité de leadership, 203
Phase de post-romance, 194 Qualités psychométriques, 241, 245, 246,
Pleurs, 122 258, 272, 282, 284
Polymorphisme DRD4, 304
Potentiel pour devenir R
leader, 202 Réactif, 162
Pré-attachement, 194 Recherche, 164
Précautions d'emploi de l'AAI, 156 ––d'attention, 216
Prédictivité ––d'autonomie, 141
––de la sensibilité, 61 ––de partenaire sexuel, 232
––de la transmission, 58 ––de proximité, 216
––des modèles internes opérants, 53 Reciprocal Attachment Questionnaire
Préoccupé, 58, 153, 154, 162, 184, 261, for Adults, 287
263, 283, 291 Réciprocité, 171, 191, 316
––adolescent, 146, 271 Réconfort, 37, 161
Preschool Assessment of Attachment (PAA), Reconnaissance de la différence des sexes,
243, 257 235
Preschool Attachment Classification Reformulation, 163
System (PACS), 256 Registre des MIO, 177
Index 333

Régulateur caché, 100 Rétrospection, 153


Régulation Retrouvailles, 123
––des affects, 160, 311 Revised Adult Attachement Scale
––du stress, 306 (AAS), 287
––du système d'attachement, 128 Risky Situation Procedure, 244
––émotionnelle, 133, 220 RQ, 271
Rejet, 153 RQ-clinical version, 283
Relation(s) Rupture dans la communication
––amoureuses, 139, 143, 289 émotionnelle, 303
––avec les pairs, 142 Rupture familiale, 160
––causales, 162
––conjugales, 61, 196 S
––d'attachement chez l'adulte, 191 Schèmes d'action, 119
––d'attachement chez le croyant, 209 Script, 48, 98
––d'attachement-like, 209 Sécure, 33, 89, 111, 131, 132, 153, 240,
––d’objet, 78 256, 257, 261, 263
––de couple, 164, 191, 193, 292 ––adolescent, 145, 271
––de travail, 204 ––adulte, 155, 182, 224, 233, 283, 291
––dyadique, 60 ––mère, 60, 107
––fraternelles, 38 ––parent, 18
––maritales, 40, 63 ––stabilité, 52
––sexuelles, 139, 146 Secure Base Scoring System (SSBS), 290
––sociales, 311 Secure Base Script Test (SBST), 261
Relationship Questionnaire (RQ), 271, 283 Sécure/autonome, 156, 163
Relationship Styles Questionnaire (RSQ), 283 Sécure/équilibré, 257
Religion, 209, 210 Sécure-acquis, 163
Renversement des rôles, 221 Sécure-continu, 163
Représentations, 151 Sécurité, 90, 160, 170, 171, 175, 208
––culturelles, 23 ––acquise, 151, 163
––d'attachement, 152 ––émotionnelle, 64
––d’interactions généralisées, 79 Self, 152
––de soi, 36 ––faux, 319
––des autres, 36 Sémantique, 177
––des relations d'attachement, 129 Sensibilité
––internes, 75 ––aux signaux de détresse, 60
––maternelles, 24, 248 ––maternelle, 25, 51, 60, 67, 83, 84, 86,
––mentales, 14, 45 88, 251
––multiples, 307 ––parentale, 60
Répression émotionnelle, 285 Sensitif/coercitif, 257
Reproduction, 10, 195 Sensitive and Challenging Interactive Play
Réseau(x) Scale (SCIP), 244
––relationnel, 143 Sentiment de sécurité, 25
––sociaux, 120, 208, 220 Séparation, 5, 6, 8, 14, 32, 73, 78, 90, 91,
Réservé, 162 128, 153
Résilience, 188 ––précoce, 74
Résistance, 209, 285, 301 Separation Anxiety Test (SAT), 6, 258
––au contact, 240 Séparation-réunion, 6, 239, 256, 258
Résolution des problèmes, 134, 135 Sérotonine, 304
Restrictions de l'attention, 152 Sevrage, 5
Retrait, 14, 250 ––précoce, 101
Rétrocontrôle, 10 Sexe de l'enfant, 26
334 L’attachement : approche théorique

Sexualité, 127, 139, 195, 231 ––reproductives, 58


––infantile, 76, 234 ––secondaires, 292
Signaux de détresse, 60 Stress, 19, 32, 50, 106, 109, 110, 173, 186,
Signifiants énigmatiques, 77 243, 299, 304, 306
Singe rhésus, 99 ––environnementaux, 66
Situation étrange, 3, 5–7, 25, 86, 87, 111, ––postnatal, 24
239 Structure(s)
Social Group Attachment Scale-Most ––dopaminergiques, 317
Important Group Version, 206 ––du discours, 158
Socialisation, 183 ––latente, 155
Société occidentale, 59 Styles d'attachement, 91, 216, 240
Soi assemblé extérieurement, 162 ––chez la personnes âgée, 217
Soins parentaux, 22, 195 ––chez l'adulte, 182
Solidarité envers les parents âgés, 223 ––général, 176
Sortie de l'Œdipe, 235 Sucer, 99
Soumission, 10 Suivre, 99
Sources de sécurité, 175 Support social, 183
Sourire, 99 Surimplication, 154
Soutien, 171 Surprendre l'inconscient, 153
––émotionnel, 164 Survie, 101
––relationnel, 174 Système(s)
Souvenirs, 151, 152 ––affiliatif, 18, 32, 127, 139
Stabilité, 60, 147, 156, 241 ––comportemental, 10, 127
––des modèles internes opérants, 49, 65, 161 ––de coping, 175
Stade du miroir, 79 ––de cotation, 158
Statut nutritionnel, 85 ––de l'exploration, 170
Stimulus ––de récompense-plaisir, 23, 24, 67, 317
––de terminaison, 10 ––de représentations, 18
––sensoriels, 161 ––d'évaluation de Bretherton, 260
Story Completion Procedure in Doll Play, 260 ––d'exploration, 18, 139, 175
Strange Situation Procedure (SSP), 5, 239, ––dopaminergiques, 108
255 ––du caregiving, 171
Stratégie(s), 134 ––exploratoire, 11, 127, 130
––ABC de Crittenden, 161 ––motivationnel, 9, 10, 17, 32, 171
––comportementales, 176 ––peur-alarme, 127, 129
––conditionnelles, 22, 124, 173 ––ségrégés, 291, 306
–– – chez l'adulte, 171 ––sexuel, 18, 143
––d'acculturation, 91 ––vivants, 161
––d'attachement, 182 Systémique, 161
––d’hyperactivation, 124, 172, 233, 288
––d’inhibition, 124 T
––de déactivation, 172, 233, 288, 292 Taxométrie, 155
––de maximisation, 35 Techniques de dessin, 264
––de minimalisation, 35 Téléphone, 124
––de régulation émotionnelle, 288 Tempérament, 31, 303
––détachées, 146 Test de fausses croyances, 318
––émotionnelles, 160 Testostérone, 232
––motivationnelles, 286 Test-retest, 156
––organisée, 155 Théorie
––primaires, 124, 172, 173, 182, 288, 292 ––de l'esprit, 313, 318
––relationnelles, 59 ––de l'étayage, 73
Index 335

––de l'évolution, 9, 97, 98, 101 Troubles


––de l'histoire de vie, 101 ––comportementaux, 157
––de l'information, 98 ––émotionnels, 157
––des pulsions, 3, 7, 74, 76, 77 ––psychologiques, 157
––des systèmes, 98
U
––psychanalytique, 73
Thermodynamique, 77 Universalité, 83–85, 88, 92
Ton, 154
V
Top-down, 159
Valeur
Trait de personnalité, 181
––adaptative, 102
Traitement de l'information, 161
––préemptive, 175
Trajectoire de compensation, 210
Validité prédictive, 241
Transcriptions verbatim, 152
Vasopressine, 107, 232, 317
Transition to Adulthood Attachment
Interview (TAAI), 273 Verbatim, 152, 153
Transmission, 289 Vieillissement, 216
––intergénérationnelle, 57 Vigilance, 10
––transgénérationnelle, 300, 302 Vulnerable Attachment Style
Questionnaire (VASQ), 286
Transmission gap, 61, 303
Trauma de l'enfance, 22 W
Traumatisme(s), 153
Who To, 193
––cachés, 306
Working Model of the Child Interview
––non résolu, 300 (WMCI), 248, 314
Travail, 204
Trier Social Stress Test, 111 Z
Tristesse, 14 Zone interne de sécurité, 171

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