Autres ouvrages :
Manuel de psychologie et de psychopathologie clinique générale,
par R. Roussillon et coll. 2007, 720 pages.
Manuel de psychiatrie, coordonné par J.-D. Guelfi et F. Rouillon. 2012,
888 pages.
Les dépressions périnatales: évaluer et traiter, par J. Dayan. 2008, 240 pages.
Collection Les Âges de la vie
Conseiller éditorial : Daniel Marcelli
Psychopathologie
de la périnatalité
et de la parentalité
Jacques Dayan (sous la direction de)
Professeur associé des universités,
praticien hospitalier
Psychiatre de l’enfant et de l’adolescent
Responsable unité de psychologie et de psychiatrie
périnatales, CHU de Rennes
Ancien professeur associé institut de psychiatrie
Mausdley, Londres
avec
Gwenaëlle Andro
Praticien hospitalier, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent
Responsable Unité de Périnatalité, CHU de Caen
Michel Dugnat
Praticien hospitalier, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent
Responsable unité d’hospitalisation conjointe mères-nourrissons, AP-HM
Président de la Société Marcé Francophone
Et la collaboration de :
Mais il faut analyser les faits de plus près. Dans un système matrilinéaire,
le sperme n’est pas censé fabriquer l’enfant, l’homme n’est pas un géniteur,
la femme seule est génitrice, mais elle-même ne suffit pas à faire un enfant :
c’est un ancêtre qui se réincarne en elle dont l’esprit en se mélangeant au
sang menstruel de la femme fabrique un foetus. Dans les systèmes patrili-
néaires, c’est souvent l’inverse : l’homme seul est géniteur, la femme n’est
pas génitrice et l’enfant est également la réincarnation d’un ancêtre appar-
tenant au clan de l’homme. La définition et le vécu de la paternité et de
la maternité ne peuvent pas être les mêmes dans ces sociétés et sont diffi-
cilement comparables avec les attentes qui se manifestent au sein de nos
sociétés individualistes où les unions privilégiées sont celles de personnes
qui se sont choisies par amour et veulent des enfants pour la même raison.
En fait, au cours de l’histoire de l’humanité il fallait faire des enfants, qu’on
le désire ou non et entre personnes qui n’avaient pas d’obligation de se
désirer. Il faut ajouter que l’individualisme constitutif de notre mode de vie
entraîne pour beaucoup d’individus des situations de solitude et de difficul-
tés d’existence. Elles n’existeraient pas au même titre dans des sociétés plus
traditionnelles où les individus font partie de collectifs qui les entourent.
Grâce à ce livre j’ai pu mesuré l’énorme absence dans les travaux des
anthropologues d’enquêtes sur les attitudes des hommes et des femmes
appartenant à d’autres sociétés face à la grossesse, face a l’accouchement et
face à la survie des enfants. Difficile pour un anthropologue homme d’abor-
der les femmes et les interroger sur ces questions. Ce n’est pas impossible
pour une anthropologue femme mais peu d’entre elles à ma connaissance
l’ont fait (Bonnet, 1988).
Nous avons des informations sur les rites qui entourent la grossesse
d’une femme lorsque celle-ci, après avoir fait plusieurs fausses couches, res-
sent des douleurs et anticipe la perte à nouveau d’un enfant. Dans ce cas
dans certaines sociétés africaines on fait venir un homme qui possède le
savoir magique nécessaire car l’explication de ces troubles est que préci-
sément ce sont deux ancêtres défunts du mari ou de la femme qui veu-
lent en même temps se réincarner : explication parfaitement imaginaire
à nos yeux mais qui fait que le spécialiste des rites va chercher à apaiser
les esprits des défunts et leur demander de s’accorder entre eux pour que
la grossesse arrive à terme. On voit que la « thérapeutique » repose sur des
croyances religieuses partagées mais qui relèvent, à nos yeux, entièrement
de l’imaginaire et engendrent des pratiques symboliques sur le corps de la
femme. Si l’on compare ces observations avec ce qui se passe aujourd’hui
en France, on constate que la majorité des femmes accouchent en milieu
hospitalier et donc sont accompagnées avant et après l’accouchement par
des professionnels de la santé qui ne lui sont en rien apparentés. C’est là
une grande mutation sociale. Sans m’étendre plus loin j’aimerais faire
deux remarques.
X
psychologues, qui ont été à la base des récents développements portant sur
ce sujet ont, comme Esquirol et Marcé, bénéficié d’une formation orientée
vers ce qui est actuellement nommé la psychiatrie générale de l’adulte. Sans
surprise, la plupart des débats ont continué à porter sur l’existence d’entités
pathologiques autonomes et leurs possibles étiologies, tandis que l’essentiel
de la recherche s’est centrée sur la clinique de l’état maternel, incluant le
traitement et le pronostic, et bien entendu l’épidémiologie. Le nouveau-né,
qui pouvait légitimement être perçu comme étant à la source des troubles,
n’avait paradoxalement reçu que peu d’attention en dehors de la littérature
psychanalytique. Il avait bien entendu été reconnu que les bébés pouvaient
être victimes des impulsions homicides des parents, et des lois telles que
l’Infanticide Act of England and Wales (1938) furent promulguées pour
éviter aux mères mentalement malades la peine de mort pour infanticide.
Le risque de maltraiter ou négliger l’enfant était un des motifs pour lesquels
il était considéré comme inadéquat que les mères mentalement malades
prennent soin elles-mêmes de leur bébé.
C’est un psychanalyste anglais, Tom Main, qui rompit avec la tradi-
tion en 1948 et admit pour la première fois un bébé avec sa mère malade
mentale dans un hôpital psychiatrique. L’avantage d’une telle méthode se
répandit comme une traînée de poudre et il fut rapidement admis que la
vigilance clinique pouvait contrebalancer les risques potentiels. En réfé-
rence aux théories qu’avait développées Bowlby à propos de l’attachement,
un nombre restreint d’unités psychiatriques mères-bébés dirigées par des
psychiatres d’adultes firent rapidement leur apparition en Angleterre, puis
en Australie, Nouvelle-Zélande et Canada. Pourquoi n’a-t-on pas observé
de développement semblable en d’autres pays ? En France, Racamier
publia son travail novateur sur les mères et les bébés en 1961 mais il fallut
attendre près de vingt-cinq ans avant que ne surgisse un intérêt explosif
parmi les psychiatres français pour le développement et la création de
services appropriés aux mères et à leurs bébés. Hormis quelques notables
exceptions, le mouvement actuel pour améliorer la qualité des soins est
essentiellement mené en France par des psychiatres d’enfants qui, pour la
plupart, sinon tous, ont reçu une formation psychanalytique. Le nouveau-
né est ainsi revenu au centre du débat et il est bien qu’il en soit ainsi.
La question n’est plus simplement de savoir s’il faut garder ensemble la
mère et son bébé, mais plutôt de savoir comment le faire au mieux de
l’intérêt du bébé et de son développement, et quand procéder à une sépa-
ration pour le protéger. Concernant les soins à porter aux nouveau-nés et
aux nourrissons, il demeure de nombreuses questions sans réponse à côté
d’une grande quantité de théories, de dogmes et d’ignorance. Il n’y pas si
longtemps, on croyait que les bébés ne ressentaient pas la douleur, étaient
opérés sans anesthésie, nourris selon des horaires stéréotypés et séparés de
leur mère dans des nurseries « stériles ».
XIV
des troubles sévères, leur hospitalisation reste commune dans des dispositifs
psychiatriques peu ou pas adaptés à leur maternité. La banalisation, voire le
déni par l’institution soignante de la position centrale de l’accès à la paren-
talité est fréquente. L’accès à la maternité est souvent essentiel dans la sur-
venue des troubles et joue encore un rôle, comme cela a été montré, dans leur
dynamique évolutive. Lorsqu’il existe, le sentiment d’avoir été incomprise ou
ignorée en tant que mère, voire maltraitée par l’institution, la honte ou la
colère qui peut en résulter, accroit le risque du développement de relations
inadéquates avec le bébé ou au sein du couple.
Il arrive encore qu’aucune prévention adéquate des troubles sévères ne
soit mise en place. Parfois même, le fait n’est pas exceptionnel, le choix
thérapeutique maximalise le risque d’émergence délirante postnatale : sup-
pression de toute thérapeutique pendant la grossesse de femmes bipolaires
type I (« psychose maniaco-dépressive ») au motif du risque tératogène mal-
gré l’existence de traitement substitutif, alternative exclusive entre allaiter
ou recevoir des psychotropes et enfin mise à l’isolement en cas d’émergence
délirante et séparation durable avec le bébé. La violence des jugements
sociaux envers les mères en difficulté psychologique, a beaucoup décru,
notamment grâce aux travaux sur la dépression périnatale, mais elle ne s’est
pas éteinte. Des formes rigides de puériculture négligeant l’interaction ou
le développement précoce de la sensorialité, persistent ci et là, entrainant à
chaque fois la mise en difficulté des mères les plus vulnérables. Le père reste
quant à lui assez en retrait de toute prise en charge et un objet obscur et
rare de la recherche, malgré son implication de plus en plus répandue dans
les soins précoces.
Cet ouvrage trouve son origine dans une familiarisation aux relations
précoces mère-bébé à l’hôpital Saint-Anne auprès des docteurs Pierre Bour-
dier et Ilse Barrande. Cliniciens de l’enfance hors pair et psychanalystes, ils
avaient pris la suite de Pierre Male, fondateur d’une approche conceptuelle
novatrice de l’Adolescence, simultanément psychodynamique, sociale et
biologique, et enrichissaient leur pratique de celle d’Alice Doumic et de ses
travaux pionniers sur les relations précoces. Ils n’hésitaient pas, par leur
familiarité avec la pédiatrie, à accorder leur intérêt aux méthodes d’objec-
tivation de l’activité cérébrale, alors représentées essentiellement par l’élec-
troencéphalographie. Plus tard, le professeur R. Channi Kumar m’a invité
à travailler à Londres, à l’institut Mausdley, comme Consultant puis Pro-
fesseur Associé. Premier titulaire international d’une chaire de psychiatrie
périnatale, il m’a conduit à une approche scientifique dans une concep-
tion multidisciplinaire, associant des domaines aussi variés que l’endo-
crinologie, l’épidémiologie ou la pharmacologie. Dans ce contexte, son
intérêt constant pour les phénomènes culturels était un fait marquant et
original. Ma réflexion a été soutenue par la permanence d’un travail colla-
boratif avec des cliniciens et des chercheurs, parmi les premiers d’entre eux
XXIV
Modèles intégratifs
Modèles multidimensionnels
Un modèle à orientation socio-juridique (Théry, 1998). Irène Théry, sociologue,
distingue la parentalité domestique, assimilable à la possession d’état, la
parentalité généalogique fondée sur le droit et la parentalité biologique.
Cette dernière peut elle-même se décomposer en parentalité génétique
asexuée (fécondation in vitro) ou sexuée. Cette classification illustre le
caractère objectif de la parentalité ordinaire : l’idéal social de deux parents
géniteurs, éducateurs et époux, du fait des recompositions familiales n’est
pleinement atteint qu’à peine une fois sur deux dans la population fran-
çaise avec une pléthore de formes incomplètes.
Un modèle psychosocial (Houzel et Dayan, 2000). Didier Houzel et
Jacques Dayan, aidés de collaborateurs psychanalystes, philosophes,
8 Psychopathologie de la parentalité
L’accompagnement psychologique
des futurs parents à risque viral
L’arrêté du 10 mai 2001 introduit d’emblée la nécessité de la présence d’un
psychologue ou psychiatre impliqué dans l’accompagnement des couples à
risque viral et des équipes pluridisciplinaires – infectiologues, obstétriciens
et biologistes de la reproduction – qui en ont la charge. La position du
professionnel du psychisme n’a pas vocation d’expertise ni de jugement,
en revanche, celui-ci soutient les capacités élaboratives de la demande
La parentalité : concepts et modèles 11
Parenté et anthropologie
Les liens étroits entre l’organisation de la parenté et le phénomène de
parentalité sont devenus plus évidents, à travers les perspectives intégrant
les observations et concepts des différentes disciplines : anthropologie, psy-
chologie, psychanalyse, neurosciences…
Le sujet institué comme parent est à même de développer avec le plus
de facilité l’investissement parental. Il reçoit le soutien de l’organisation
sociale d’où il tire son identité de sujet et de parent. Des droits lui sont
attribués et les moyens de les assurer. Il est soumis à des devoirs. Seul le
parent légitime est appelé en droit à pouvoir exercer pleinement sa paren-
talité. Dans le cas contraire, selon son statut social et la société à laquelle il
appartient, le sujet en sera gêné, interdit ou même violemment sanctionné,
parfois jusqu’à la mort.
Parenté et droit
Filiation et lignées
Filiation et descendance. Selon Godelier (2004), la filiation est définie comme
les liens qui attachent l’individu à son père et à sa mère. La descendance est
distribuée selon trois modalités principales : unilinéaire (patri ou matrili-
néaire), bilinéaire (père et mère) et cognatique. Le système de descendance
n’est ni universel ni la traduction d’un état de nature mais celle de son
interprétation. Les principes qui touchent à la filiation sont « politiques » et
« religieux », ils concernent les rapports de solidarité et de domination entre
les sexes et entre les générations.
Lignée et nom du père. La lignée accepte plusieurs définitions, la plus simple
étant l’ensemble de la descendance d’un individu ou ancêtre. La lignée en
14 Psychopathologie de la parentalité
sexuels depuis des mois, voire des années. Ce point donne lieu à peu de
débats, ce que l’on peut comprendre étant donné que les relations entre
acte sexuel et parentalité font l’objet d’une certaine réserve voire de tabous.
Dans d’autres cas, comme le don de gamètes (ovules ou spermatozoïdes) et
don d’embryons, les parents ne transmettent pas leurs gènes à leur enfant,
l’identité des géniteurs reste connue seulement des autorités médicales :
cette position commence à être contestée.
Dans la gestation pour autrui (GPA), au départ initiée pour répon-
dre aux demandes de femmes sans utérus fonctionnel, les gamètes peuvent
appartenir aux « parents » mais l’enfant est porté par un tiers. Il est mainte-
nant des cas où la femme gestante porte un embryon dont un des gamètes est
issu d’une femme qui n’exercera pas elle-même de rôle maternel, notamment
en cas de couple homosexuel masculin. Dans ce cas complexe, l’enfant aura
été porté par une femme, une partie de ses gènes étant issue d’une seconde
femme et lui-même pouvant être élevé seulement par deux hommes, dont
un seul a donné ses gènes. Ce mode de filiation engendre de nombreuses
questions éthiques nouvelles à propos de ce que représente idéologique-
ment, philosophiquement, objectivement le corps de la femme qui engendre
que ce soit dans le cadre d’un couple hétérosexuel antérieur, dans le cadre
d’une adoption ou du recours à la procréation médicalement assistée. Récem-
ment en France, la possibilité du mariage homosexuel laisse augurer la pos-
sibilité d’une homoparenté ou au moins des débats à ce sujet. Dans presque
toutes ces situations, à l’exception aujourd’hui de la gestation pour autrui
(GPA), la position en droit dans la filiation est précisée sans ambiguïté : des
personnes (le père et la mère ou la mère seule) sont reconnues légalement
comme le parent de l’enfant, qu’ils exercent ou non leur fonction parentale.
Le non-parent cohabitant. Des droits se profilent pour le beau-
parent, c’est-à-dire l’allié (hétérosexuel en général) non-parent cohabitant
ou marié avec le parent (step father). Leur présence fut jusqu’à la fin du
Moyen-Âge presque exclusivement liée au décès d’un des parents qui sur-
venaient près d’une fois sur deux avant les 15 ans de l’enfant. D’autres
formes de coparentalité se dessinent aussi parmi les couples homosexuels,
phénomène marginal quantitativement, mais appelant à modifier la repré-
sentation sexuée que nous avons de la parenté.
Démographie
Monoparentalité. On nomme monoparentales « les familles où un
parent seul (aujourd’hui, dans 85 % des cas la mère), vit sans conjoint avec
un ou plusieurs enfants de moins de 25 ans dans un même logement ».
Jusque vers les années 1960, ces familles se composaient majoritairement
de « filles-mères », « veuves de guerre » et « veuves civiles ». La terminolo-
gie nouvelle participe à réduire leur stigmatisation, d’autant qu’elles n’ont
cessé de croître : en 2005, 18 % des enfants de moins de 25 ans vivent dans
une famille monoparentale, contre 8 % en 1968. En 1999, 75 % (Chardon
et al., 2008) des familles monoparentales étaient dues à la séparation d’un
couple établi, 15 % résultaient d’un couple jamais formé et 10 % du veu-
vage. Si les revendications se font croissantes sur le droit des pères seuls, le
nombre de familles monoparentales « paternelles » a peu évolué ces vingt
dernières années.
Homoparentalité. Le terme a été introduit en 1997 sur l’initiative
de groupes militants pour désigner « toutes les situations familiales
dans lesquelles au moins un adulte, se désignant lui-même comme
homosexuel, est le parent d’au moins un enfant ». Cette définition
assez vague, le terme parent n’est pas clairement défini, est en partie
tautologique et les situations répondant à ce critère étant multiples,
elle permet une assez large possibilité de consensus. Les configurations
homoparentales résultent soit d’une recomposition familiale après une
union hétérosexuelle, soit d’un projet élaboré avant la naissance par un
couple ou une personne homosexuelle. Pour devenir parent, un couple
de même sexe sans enfant ou une personne homosexuelle doit adopter
(sur une base individuelle dans la loi française) ou bien utiliser une
technique de procréation médicalement assistée (don de gamètes, sur
une base individuelle dans la loi française) associée dans le cas d’un
couple homosexuel masculin à un processus de gestation pour autrui (à
ce jour illégal en France).
La coparentalité. Le terme est employé dans des contextes diffé-
rents. Juridiquement, il désigne l’exercice de l’autorité parentale partagé
par les deux parents, même séparés. À côté de cette définition, il est aussi
employé avec d’autres significations. Il est le nom donné à l’exercice par
le conjoint non parent de « l’autorité parentale » pratique et de l’engage-
ment dans l’éducation en cas de familles hétérosexuelles recomposées ou
de parents séparés. En France, il n’est pas accordé de droits particuliers
au beau-parent exerçant une forme de parentalité contrairement à la
latitude donnée après un acte légal dans le droit britannique et aus-
tralien notamment. La coparentalité peut aussi désigner une forme
de parentalité à plus de deux parents (femmes, dont une au moins est
homosexuelle) s’accordant pour avoir un enfant ensemble et l’élever
conjointement.
18 Psychopathologie de la parentalité
Alors que les nouvelles parentés issues des techniques médicales de pro-
création ou du mariage homosexuel, autorisé depuis peu en France, concer-
nent relativement peu de familles, elles interrogent pourtant l’ensemble
du statut de la filiation. En effet, elles sont susceptibles de remettre en
cause les constructions culturelles de la parenté à partir desquelles les
sujets d’une société donnée établissent une part essentielle de leur identité.
Elles ne deviendront acceptables que lorsqu’elles seront assimilées à des
formes antérieures et légitimes de parenté, fonctionnant en quelque sorte
par cooptation. Des études entreprises à ce jour semblent montrer qu’elles
n’affectent pas plus l’enfant que les formes standard de la parenté.
Autorité et résidence
Autorité et résidence sont deux termes d’une décision juridique. L’« autorité »
est très aisément accordée aux deux parents, même lorsqu’un d’entre eux,
le père le plus souvent, s’occupe peu ou pas de son enfant. Ce « peu »
qualifie l’activité du père au regard de celle de la mère et non au regard de
l’ensemble des pères. Le lieu d’hébergement principal est fréquemment défini
comme le domicile de la mère, au moins pour le jeune enfant. Nombre de
pères tendent à perdre contact avec leurs enfants plus ou moins rapidement,
d’autant plus que la mère ne les investit pas dans leur fonction paternelle.
Le désinvestissement des pères tient aussi à des enjeux sociétaux généraux,
à la place réduite de l’homme dans les soins et l’éducation des enfants.
Il s’accroît aaussi lorsque s’accumulent certaines conditions, notamment la
garde accordée seulement à la mère, un beau-père venant s’installer au domi-
cile et le devoir de s’acquitter d’une pension alimentaire.
La garde conjointe et la garde alternée
Une évolution sociale
Les séparations affectant aujourd’hui près d’un couple sur deux, l’évolution
des mœurs a conduit à confier l’enfant du divorce à ses deux parents. Ce
mouvement est connexe de celui qui a vu les femmes s’engager massive-
ment dans des activités sociales valorisantes autres que la maternité. Il en
est résulté une fréquente garde conjointe. La garde alternée est l’extension
de ce principe avec un partage du temps presque égal entre les deux parents,
au moins 40 % pour l’un des deux. Cette pratique met en cause l’univocité
de la mère comme référence parentale nécessaire et adaptée au développe-
ment de l’enfant. Elle interroge la place que peuvent prendre les pères dans
le développement de l’enfant (Paquette, 2004), y compris à l’intérieur des
couples non conflictuels. Elle donne lieu à des prises de position passion-
nées, parfois diamétralement opposées et sans grande valeur scientifique
(cf. chapitre « Paternité »).
La doctrine de l’âge tendre
En France, la pratique courante qui tend à accorder à la mère le droit de
garde chez l’enfant jeune, en dépit de critères éducatifs ou sociaux qui pour-
raient sembler défavorables ne porte pas de nom. C’est seulement un fait.
26 Psychopathologie de la parentalité
Aux États-Unis, jusqu’au milieu du xixe siècle, le père avait un droit quasi
absolu de décision. Puis vint à régner la « doctrine de l’âge tendre » (age ten-
der doctrine) qui voulait que les besoins d’un enfant, au moins avant 6 ans
fussent mieux couverts par la mère que par le père, même en cas d’apprécia-
tion défavorable de la conduite maternelle. Par exemple, la première occur-
rence citée de cette doctrine au Kansas, consiste en un jugement de 1875
déclarant que la mère, bien qu’alcoolique, était la mieux à même de fournir
au jeune enfant ce qui était utile à son développement. Cette doctrine a été
battue en brèche dans les années 1970 avec le développement de la garde
conjointe, et à la fin des années 1980 par la garde alternée. Les arguments
étaient juridiques – la loi ne peut tolérer une discrimination sexuelle –,
et psychologiques, à travers le témoignage de psychologues d’enfants et
chercheurs attestant que le genre était bien moins important que l’exis-
tence de parents attentionnés et pouvant s’accorder, même séparés, sur
l’éducation de leurs enfants (Kielly et Lamb, 2000). Parmi les arguments
scientifiques, figurait l’examen de l’attachement de l’enfant très jeune au
père et à la mère par des méthodes allant au-delà du seul protocole limité
de la strange situation. Il montrait que le père apportait une contribution
spécifique dans le développement de l’enfant (Lamb, 2004). Ces modes de
garde, conjointe et alternée, se sont développés, en Europe et en Amérique,
avec pour immense avantage de réduire le désinvestissement paternel. La
garde alternée est aujourd’hui le mode de garde par défaut aux États-Unis
ou en Belgique par exemple. Cette mesure a montré toutefois quelques
limites. Tout d’abord les pères souvent n’assument pas toujours directe-
ment eux-mêmes l’ensemble des tâches qui leur sont confiées. Beaucoup
confient à leur nouvelle compagne ou à défaut à leur propre mère une part
importante de la prise en charge de leur enfant. Toutefois cette situation
reproduit le partage des tâches habituel au sein des couples dans les sociétés
occidentales. Le point le plus sujet à controverse consiste en la validité de
la garde conjointe ou alternée chez le jeune enfant en deçà de 3 ans. Quand
elle existe, elle est spontanément réduite par les parents. Durant la première
année, il est exceptionnel que l’enfant dorme plus d’une nuit par semaine
chez le père.
Validation scientifique de la garde conjointe
et de la garde alternée avant 3 ans
Quatre recherches d’ampleur, chacune en plusieurs vagues, ont permis de
suivre le développement de la qualité de l’attachement des enfants à leurs
parents, essentiellement la mère, ainsi que d’autres variables du dévelop-
pement, selon que ceux-ci dormaient fréquemment chez leurs pères. La
population d’étude était recrutée par volontariat pour deux d’entre elles
(Solomon et George, 1999 ; Pruett et al., 2004), chacune portant sur environ
150 familles. Une autre recrutait en population générale en Australie et la
dernière parmi des familles à risque aux États-Unis. Dans toutes les études, le
La parentalité : concepts et modèles 27
effets à plus long terme sur l’organisation familiale des modes de garde
précoces. Certains auteurs (Kielly et Lamb, 2000 ; Lamb et Lewis, 2010),
plaident pour le partage de la garde très précocement, mettant en avant que
la plupart des enfants deviennent attachés à chacun de leurs parents autour
de l’âge de 6 à 7 mois. Ils soulignent l’importance de garder la relation avec
le père pour le développement futur, et mettant en balance les avantages et
désavantages du temps partagé dès le plus jeune âge, ils plaident pour celui-
ci si les pères veulent s’y investir.
Validation scientifique de la garde conjointe et de la garde alternée
après 3 ans
Ces deux modes de garde semblent après 3 ans globalement favorables
à l’enfant par rapport à la garde exclusive d’un parent. Une étude (Kline
et al., 1989) menée auprès de 93 enfants entre 3 et 14 ans rencontrés
chaque année durant les trois années suivant la séparation, a montré que
les enfants en garde alternée étaient moins affectés par le changement de
domicile qu’avec les autres modes de garde. L’inadaptation de l’enfant après
le divorce ne tenait pas au mode de garde mais à l’âge de l’enfant, à son
genre, à l’existence de troubles anxieux ou dépressifs au moment de la sépa-
ration ou au maintien du conflit un an plus tard. McIntosh et al. (2010) ont
mené une étude sur les couples entretenant des relations très conflictuelles
et soumis à une médiation chez les enfants d’âge scolaire. Ils montrent que
les parents qui continuent à maintenir une garde partagée plusieurs années
après rapportent moins de conflits, plus de compétences parentales et de
chaleur dans les relations avec l’enfant. L’interprétation en est complexe. En
effet il peut s’agir soit d’un résultat sans intérêt, car frappé d’évidence, soit
qu’une médiation de qualité et la garde partagée pourraient permettre dans
certains couples séparés en conflit d’améliorer les relations entre les parents
au bénéfice de l’enfant. Un nombre important de parents (41 %) avaient
connu les deux modes de garde, une partie revenant à la garde conjointe
simple, un tiers seulement conservant après quatre ans de médiation la
garde partagée notamment pour des raisons de commodité tel l’éloignement
des résidences. Une méta-analyse aux États-Unis (Bauserman, 2002) a mon-
tré que les enfants avec la garde conjointe ou alternée présentaient un déve-
loppement plus favorable que ceux confiés à un seul de leurs parents : une
meilleure adaptation dans les domaines des relations familiales, de l’estime
de soi, de l’adaptation comportementale et émotionnelle et de la capacité à
supporter la séparation. Ces résultats globaux toutefois ne permettent pas de
résoudre un problème : quel est le meilleur mode de garde théorique pour le
nouveau-né ou le nourrisson quand les parents sont déjà séparés ?
Préconisations et incertitudes
En l’absence d’élément scientifique stable, nombre d’auteurs ont avancé des
préconisations générales. Le point de vue de Main et al. (2011) représente
30 Psychopathologie de la parentalité
celui d’un des principaux courants ayant pris part à ce débat dans les juridic-
tions américaines, celui des théoriciens de l’attachement. Ils soutiennent,
qu’en dehors d’un divorce très conflictuel dont l’examen est spécifique, il
est mieux qu’un enfant jusqu’à 2 ans reste dormir au domicile d’un seul
de ses parents et soit visité souvent par l’autre, idéalement deux fois par
semaine et longuement au cours du week-end. L’aménagement de nuits
passées au domicile de l’autre parent devrait être mis en place progressive-
ment durant la troisième année. Pour Main et al. (2011), le sexe du parent
ayant la garde importe peu et l’âge pour lequel la garde alternée ne semble
pas une solution adaptée est limité à 3 ans. Les arguments utilisés pour
défendre cette opinion reposent sur des études scientifiques. Il s’agit toute
fois essentiellement d’arguments par défaut. La question du genre n’est pas
abordée par Main qui a aucun moment, comme d’ailleurs les théoriciens
du développement comme Lamb et al., n’en font une question essentielle.
Pour Main et al. (2011), la théorie de l’attachement permet d’affirmer
qu’aucune des affirmations suivantes n’a été établie :
1) qu’un adulte doit être présent dès la naissance pour que l’enfant
construise un attachement secure avec lui précisément ;
2) qu’il existe une fenêtre d’opportunité unique, les trois premières années de
vie, pour que se forme un attachement de qualité à une personne en particu-
lier (il faut toutefois bien mieux que l’enfant ait formé un attachement secure
avec au moins une autre personne avant 3 ans pour former un attachement
secure avec une autre personne ensuite selon Dozier et Rutter, 2008) ;
3) que la quantité de temps passée avec l’enfant est plus importante (toutes
choses égales) que l’engagement du parent dans l’interaction ;
4) que de dormir avec l’enfant au domicile améliore la qualité d’attache-
ment ;
5) que l’enfant nécessite pour se développer (bien que cela soit optimal)
plus d’une figure d’attachement disponible ;
6) que des parents eux-mêmes organisés sur un mode insecure, bien que
limités dans leur capacité de présenter des formes d’affection qui ne présen-
tent pas de distorsion, soient incapables d’offrir une bonne qualité de soins
et de protection (George et Solomon, 2008).
Les situations réelles manifestant leur idiosyncrasie, Main et al. (2011)
proposent au besoin l’assistance de spécialistes de l’attachement pour les
choix juridiques. Ils peuvent évaluer la qualité de la relation aux deux
parents. Toutefois comme l’ont souligné plusieurs auteurs (Lamb, 2000 ;
Lamb et Lewis, 2010), cela nécessiterait peut-être une observation spéci-
fique pour les pères, le protocole d’attachement d’Ainsworth ne mesurant
pas un certain type de relations offertes plus spécifiquement par le père et
contributif à un développement favorable de l’enfant.
Surtout, l’examen médical prend mal en compte plusieurs phénomènes :
les études de population mesurent mal la spécificité des situations indi-
viduelles. Les études ne mettent pas en valeur la dynamique des facteurs
La parentalité : concepts et modèles 31
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34 Psychopathologie de la parentalité
Représentations
Une dimension imaginaire et sociale
de la procréation
Une trame mixte, culturelle et fantasmatique
entoure le fait de naître dans les sociétés traditionnelles
Selon Godelier (2004), dans aucune culture traditionnelle, un père et une
mère ne sont à eux seuls suffisants pour faire naître un sujet humain. Toutes
les cultures admettent le fait que faire un enfant nécessite des rapports
sexuels. Toutefois pour nombre d’entre elles le rôle des rapports n’est
pas d’unir deux gamètes, mais par exemple de faire grandir le fœtus ou de
lui apporter de quoi fabriquer son ossature. Deux êtres peuvent faire
un fœtus, mais l’âme, pour advenir, nécessite l’intervention d’un apport
tiers, « un plus » : par exemple chez les Inuits la bulle d’air, que le « maître
de l’univers » introduit, va devenir souffle et principe de vie ; chez les
Baruya, l’âme « esprit » se dépose dans le corps de l’enfant au moment où
le père lui donne son nom. Dans toutes les cultures, ce « plus » est marqué
à la fois par un principe de vie et d’intemporalité mais la réussite ou l’échec
de la naissance sont souvent marqués d’histoire : l’histoire des individus
parents, ensemble et chacun séparément, des ancêtres de la lignée et du
peuple dans son ensemble. Cette histoire est la source d’un récit plus ou
moins secret et complexe.
est qualifié de régressif car il fait appel à des mécanismes historiques qui
reprennent alors une place significative. Ce type d’identifications régres-
sives est retrouvé dans toutes les situations où le sentiment d’identité est
mis à mal par une modification importante et rapide de l’environnement,
qui devient menaçant ou incertain, et dont les repères ordinaires perdent
de leur acuité. La particularité du phénomène de grossesse consiste en ce
que la mise en tension de l’identité, qui inclut les transformations cor-
porelles, aboutit à une modification des défenses et des investissements,
dont l’issue anticipée est habituellement une satisfaction. Ce phénomène
ordinaire d’identifications à sa propre mère, comme à l’enfant qu’elle fut,
se dévoile aisément dans le transfert, la femme étant ordinairement dans
une attente que nous pourrions qualifier de prétransférentielle favorable.
Elle est souvent prête à accueillir l’aide d’un personnage secourable, qui
prendrait soin d’elle et comprendrait ses besoins et ses attentes en tant que
mère. La réassurance narcissique associée à l’état de grossesse favorise la
levée, partielle, du refoulement et permet alors un abord plus facile de
la conflictualité interne et des points de fixation.
Le concept de transparence psychique n’est pas toujours opérant. Dans
le cas où une issue défavorable est anticipée par la femme, on peut assister
à la mise en place d’autres mécanismes qui tendent au contraire à éloi-
gner les représentations défavorables : le clivage, le déni, la dénégation, la
pensée opératoire et parfois même les psychoses fonctionnelles. Les motifs
d’une telle anticipation peuvent être divers : social, physique ou sans fon-
dement réel, que la représentation de devenir mère soit intolérable ou trop
conflictuelle, que l’estime de soi soit insuffisante pour soutenir le processus
de maternité, que les mécanismes de défense ordinaires soient insuffisants
pour faire face à la perte de contrôle sur le corps ou les transformations du
statut social. La transparence psychique est alors remplacée par une grande
opacité, qui séduit et fascine tout autant.
Affects infantiles
Au cours des soins et de l’éducation apportés à leurs enfants, les parents
vivraient la réactualisation de leur propre évolution libidinale (Benedek,
1959). Bibring et al. (1961) décrivent l’émergence de comportements,
d’attitudes et de désirs représentatifs de stades antérieurs du développe-
ment, avec une prédominance du matériel oral et anal, ambivalent ou
46 Psychopathologie de la parentalité
Le narcissisme maternel
Selon Freud, l’amour que voue le parent à ses enfants « si touchant et au fond
si enfantin n’est rien d’autre que la reviviscence du narcissisme parental et,
bien que transformé en amour objectal, il révèle son caractère antérieur ».
Ce processus de réinvestissement narcissique de la mère, de son propre
corps et de sa fonction est soutenu par le socius, que ce soutien soit ins-
titué, explicite, ou implicite et spontané. Il participe à l’intense gratification
que représente la grossesse pour nombre de mères. Au maximum, la mère
pourrait avoir l’illusion narcissique d’être arrivée à son point de perfection
et vivre une expérience quasi délirante de toute-puissance que l’on observe
parfois sous forme de déréalisations passagères. Dans un certain nombre de
cas, ce travail s’accompagne de réactions anxieuses et dépressives.
Cependant, la transition vers la parentalité s’accompagne de changements
contradictoires dans l’économie narcissique. D’un côté, ce passage est une
source de satisfaction narcissique, puisque le parent s’identifie à ses propres
parents, à leur puissance, à leur autorité et aux autres qualités qu’il a perçues
et imaginées à leur propos. D’un autre côté, dans le même mouvement, l’indi-
vidu doit renoncer définitivement à être lui-même « l’enfant merveilleux ».
Surtout, insiste Deutsch (1945), l’estime de soi de la mère est en relation avec
les identifications à l’imago maternelle, représentation parfois dévalorisante
ou haïe qui ne permet pas de maintenir une estime de soi suffisante. C’est
dans ces circonstances défavorables qu’une figure tierce, qui n’est pas néces-
sairement féminine, peut jouer un rôle d’étayage durant la grossesse.
Schéma d’être-avec
Il s’agit d’un concept développé par Stern (1995), faisant essentielle-
ment référence aux fantaisies conscientes ou préconscientes. L’auteur
accorde moins d’intérêt à la naissance de la représentation dans le passé
de la mère. Avec le terme de représentation, il évoque (Stern et al., 1998)
des éléments concrets, telles la perception des mouvements actifs ou
l’image échographique durant la grossesse. Il cite toutefois les études
sur la « morphogenèse du bébé représenté » pour conclure que cette
activité de représentation culmine au septième mois de la grossesse pour
devenir moins précise ensuite, permettant à la mère de mieux accueillir
l’enfant réel et se préparer à accepter une certaine qualité de déception
que permet une représentation moins affirmée.
Il met l’accent sur l’intériorisation de patterns interactifs à partir des-
quels une transmission de schémas d’être-avec peut s’opérer, pour le bébé
52 Psychopathologie de la parentalité
aux rires du bébé, entraînant seulement chez les mères une diminution de
l’activité du cortex cingulaire antérieur lorsque la durée des stimuli était
brève (6 s). La comparaison de l’activité cérébrale entre les parents et ceux
qui ne l’étaient pas montre que chez les parents l’activité de la région amyg-
dalienne augmente plus en réponse aux cris et chez les témoins aux rires.
Swain et al. (2003) ont montré une plus forte activation chez les mères entre
deux et quatre semaines du post-partum dans la région du mésencéphale,
des ganglions de la base, du cortex cingulaire, de l’amygdale et de l’insula.
L’hypothèse de Swain était que les mères activaient deux grandes régions
au début de la relation avec le nouveau-né : celles qui parmi toutes leurs
fonctions sont aussi impliquées dans les préoccupations obsessionnelles et
celles impliquées dans le traitement des émotions. L’amygdale était moins
activée chez les pères qui se montraient aussi moins préoccupés du bébé
que les mères lors des entretiens. À trois ou quatre mois du post-partum le
même stimulus n’entraîne plus chez les mères d’activation de l’amygdale ni
de l’insula, mais il est observé une plus grande activité dans l’hypothalamus
et dans le cortex préfrontal.
Stimuli visuels
Photos et amour parental. Les expériences portant sur les stimuli visuels
s’appuient sur le postulat (Bartels et Zeki, 2004) que l’amour maternel
active les mêmes régions que l’amour « romantique » telles que l’insula,
le cortex cingulaire antérieure et les ganglions de la base (striatum), cette
dernière région étant impliquée dans les circuits de récompense (Bartels
et Zeki, 2004). Les mêmes montrent que l’exposition de photos de
leurs propres enfants comparés à ceux d’enfants inconnus entre 9 mois et
6 ans d’âge active chez les mères les régions impliquées dans les circuits de
récompense. Simultanément, ils mettent en évidence une diminution
de l’activité dans les régions impliquées dans les émotions négatives et les
comportements d’évitement. Nitschke et al. (2004) ont mis en évidence une
plus grande activation du cortex orbito-frontal chez les parents regardant
leur enfant de 2 à 4 mois, qui était corrélée avec une humeur plaisante
associée aux stimuli.
Détresse et sourires. Noriuchi et al. (2008) ont montré deux types de
résultats au visionnage de situations de séparation dans des vidéos silen-
cieuses de leur enfant et d’un enfant inconnu. Il est retrouvé le même
type standard d’activation préférentielle en relation avec la vision de son
propre enfant. Par contre il est aussi mis en évidence une nette et intense
activation quand l’enfant semble en détresse, de structures spécifiques
dont la substance noire, le noyau caudé, le thalamus, le cortex cingulaire
antérieur et les régions dorsales du cortex orbito-frontal. L’implication du
cortex orbito-frontal souligne l’engagement de structures impliquées dans
la cognition sociale.
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 55
Motivation et empathie
La motivation pour l’engagement dans les conduites parentales sem-
ble en partie corrélé avec des manifestations hormonales diverses et
complexes avec au premier plan, chez la mère l’ocytocine. Les taux
et l’action des hormones sont eux-mêmes modifiés par des éléments de
l’environnement (Bartz et al., 2011 ; Tabak, 2013). Il existe une inter-
action complexe entre une détermination biologique et sociale qui reste
à explorer.
Tous ne s’accordent pas sur la définition de l’empathie (Zaki et Ochsner,
2012), mais ce concept présente une valeur opératoire et permet la
convergence d’approches multidisciplinaires. L’empathie maternelle (ou
du donneur de soins principal) est engagée à travers au moins quatre
réseaux de neurones (Rilling, 2013) : le circuit cingulo-thalamique
engagé dans la réponse à la détresse, l’insularité antérieure qui permet
à la mère de simuler et de comprendre ce que ressent son enfant, le sys-
tème des neurones miroirs qui exercent la même action surtout vis-à-vis
de la motricité en incluant les expressions faciales et enfin le cortex
préfrontal dorso-médial et la jonction temporo-pariétale qui permettent
d’inférer ce que l’enfant pense ou croit. L’activité de ces systèmes varie
avec l’état émotionnel de la mère, son type d’attachement et les corré-
lats hormonaux. Le concept d’empathie ainsi concu offre un champ de
recherches nouveau.
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 57
La théorie de l’attachement2
Fondement épistemologique et postulats de base
La théorie de l’attachement est née de l’œuvre de Bowlby, qui s’inspire
à la fois de la psychanalyse, de l’éthologie et de la théorie des systèmes,
pour finalement constituer un complément de la théorie darwinienne. Le
lien au parent a ainsi été formalisé selon une perspective évolutionniste
découlant de la théorie de la sélection naturelle. On sait que pour Darwin
(1859), l’objectif principal d’une espèce est d’assurer sa survie. Au cours des
millénaires, les « programmes » qui augmentent les chances de survie d’une
espèce permettent à celle-ci de prospérer. Ainsi, les gènes de cette espèce se
transmettent de génération en génération et finissent par l’emporter sur
d’autres gènes qui eux, sont associés à des programmes moins efficients.
D’après cette théorie, les espèces qui ont survécu au travers des millénaires
sont celles qui étaient dotées des schèmes de comportements les plus « bio-
logiquement avantageux », c’est-à-dire de ceux qui permettent de s’adapter
au milieu naturel de façon optimale.
Or, d’après John Bowlby (1957), la tendance à s’attacher serait un de ces pro-
grammes qui favorisent la survie de l’espèce. Il ne faisait aucun doute pour
lui que l’être humain dispose, tout comme les animaux, d’un répertoire de
comportements visant à promouvoir l’attachement à la mère. Plus exactement,
les « comportements d’attachement » tels que le fait de pleurer, de s’agripper,
ou tout autre comportement favorisant la proximité d’un adulte donné seraient
des tendances innées qui se sont révélées efficaces, à travers les millénaires,
pour favoriser la survie de l’enfant. En effet, si à la naissance un bébé n’est pas
suffisamment armé pour survivre dans son environnement, ses chances d’y
parvenir seront fortement augmentées s’il parvient à obtenir la protection d’un
adulte. C’est en cela que l’instinct de s’attacher devient primordial. Certes, le
bébé a besoin d’être nourri ; mais même lorsqu’il est repu, il court un risque à
se trouver seul et sans surveillance. Pour cette raison, l’attachement, au même
titre que le nourrissage, constitue un besoin primaire à enjeu vital.
Ainsi, Bowlby a tenté de déterminer l’utilité des prédispositions innées
de l’être humain, par rapport à un objectif de survie de l’espèce. En parti-
culier, il s’est intéressé au sourire pour sa spécificité humaine. D’après lui, il
constituerait un exemple de comportement acquis au cours de l’évolution,
dont la fonction est d’assurer la protection de l’individu. De ce fait, il a
pour effet d’activer les comportements de soins de la mère, procurant ainsi
au vulnérable bébé une source de sécurité. La tendance à s’attacher à la
mère est aussi, pour Bowlby, une prédisposition innée du bébé qui favorise
sa protection. De ce point de vue, la nature du lien de l’enfant à sa mère
apparaît comme une question essentielle.
Exploration et autonomie
La sécurité procurée par l’adulte, grâce au système comportemental d’atta-
chement de l’enfant, permet à celui-ci d’explorer son environnement
pour, à terme, en contourner les dangers et s’y débrouiller seul. En cela, la
dépendance à l’égard de l’adulte laisse place, petit à petit, à l’autonomie.
Mary Ainsworth, la plus proche collaboratrice de Bowlby, a bien mis en
évidence cette balance entre attachement et exploration à travers la situa-
tion étrange (Ainsworth et al., 1978). Dans ce dispositif expérimental, où
l’on sépare brièvement le bébé de sa mère pour observer ses réactions (i. e.
ses comportements d’attachement), on voit bien combien l’inquiétude
quant à l’absence du parent vient bloquer la curiosité pour les jouets pré-
sents dans la pièce.
La notion de base sécurisante renvoie au fait qu’une personne se sent
bien et exploite mieux son potentiel lorsqu’elle sait qu’elle peut compter sur
une figure d’attachement en cas de difficulté. L’indépendance de l’enfant
est étroitement liée aux chances qu’il croit avoir de bénéficier, en cas de
besoin, de la protection de sa figure d’attachement. Ainsi, le nouveau-né
a dès sa naissance un besoin de contact et de rapprochement avec sa mère
pour se sentir bien et, en grandissant, il peut anticiper le type de réponses
qu’elle est susceptible d’avoir ; il lui suffit alors d’avoir confiance en sa dis-
ponibilité. Bowlby a repris de la perspective évolutionniste la notion de
« système motivationnel », qui renvoie à une série de comportements des-
tinés à poursuivre un but précis, nécessaire à la survie. Parmi ces systèmes, il
distingue le système d’attachement , dont l’objectif est de maintenir le lien,
du système d’exploration , qui est antagoniste au premier (i. e. qui ne peut
s’activer au même moment) et qui vise à l’inverse à s’ouvrir au monde. Or, ce
sont la proximité, puis la confiance en la disponibilité de la mère, qui vont
permettre à l’enfant de se sentir en sécurité et de ce fait, de ne plus devoir
activer son système d’attachement (i. e. déployer des comportements d’atta-
chement). Cette désactivation laisse place à l’activation du système d’explo-
ration de l’environnement, qui donne à l’enfant la possibilité de développer
ses capacités de façon optimale. Au-delà de l’influence qu’a cette gestion
de la nouveauté au niveau de la familiarisation avec l’environnement, la
manière dont le parent accompagne l’enfant dans sa découverte du monde
physique et social va avoir des répercussions sur la relation qu’ils entretien-
nent entre eux. Car si l’attachement permet l’exploration, la perception
d’une menace extérieure provoque chez l’enfant un désir de se rapprocher
du parent. On comprend alors que selon la perception que l’enfant a de son
milieu, il sera plus ou moins susceptible de s’accrocher ou au contraire de
devenir indépendant du parent. Ainsi, dès le plus jeune âge, l’enfant élabore
une représentation de l’environnement qui va directement conditionner sa
manière d’être avec autrui.
60 Psychopathologie de la parentalité
Stratégies d’attachement
Dès la naissance, le nourrisson dispose d’un répertoire de comportements
d’attachement censés faire venir ou faire rester la mère. En fonction de
l’efficacité de ces dites « stratégies primaires » (Main, 1990), l’enfant
est plus ou moins enclin à modifier le fonctionnement de son système
d’attachement et ainsi développer des « stratégies secondaires ». En
d’autres termes, l’enfant va adapter son comportement en fonction des
chances qu’il croit avoir de regagner le contact de sa mère. Cette adap-
tation peut le mener à inhiber son système d’attachement (Main parle
alors de stratégies de « minimisation ») ou au contraire à l’hyperactiver
(stratégies de « maximisation »).
Différentes stratégies ont pu être identifiées grâce à l’observation de
comportements d’enfants durant de courtes séparations d’avec leur mère
qui ont été provoquées expérimentalement. À chacune de ces stratégies cor-
respondent des patterns comportementaux spécifiques. Les observations
d’Ainsworth avec la mise au point de la « situation étrange » (Ainsworth
et al., 1978) ont permis d’identifier ces différents patterns. Ce dispositif
expérimental permet d’observer les comportements d’un enfant lors de
départs et de retours successifs de sa mère, en présence ou non d’une
personne inconnue. À partir des comportements observés chez le bébé,
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 61
Attachement et psychopathologie
En dehors des situations de carence ou de maltraitance extrêmes qui don-
nent lieu à des troubles de l’attachement, le sentiment d’insécurité en lui-
même n’équivaut pas à une psychopathologie. Il peut toutefois participer à
sa mise en place, et ce d’autant plus que d’autres facteurs de risque s’ajoutent
pour en précipiter la survenue (Cicchetti, Rogosh, 1997). Il n’en demeure
pas moins qu’un enfant insécure est plus vulnérable à plusieurs égards. En
premier lieu, la relation d’attachement est nécessaire au bébé pour la régula-
tion de ses états internes. Grâce à des soins sensibles et adéquats, il apprend,
progressivement que les états négatifs qu’il traverse sont passagers et qu’il
peut (au départ avec l’intervention de l’adulte) y mettre un terme. En
revanche, l’absence d’un tel accompagnement laisse l’enfant aux prises avec
des affects intolérables qu’il ne peut surmonter. Des études attestent du lien
entre attachement et régulation émotionnelle au niveau neurobiologique
chez le bébé (Hertsgaard et al., 1995 ; Spangler, Schieche, 1998), mais aussi
chez l’adulte (Coan et al., 2006 ; Mikulincer, Shaver, 2007). Ainsi, l’enfant
insécure, et a fortiori désorganisé, est fragilisé par cette difficulté à gérer ses
états internes et plus vulnérable au développement de psychopathologies.
Au vu des différentes recherches en neurosciences sur l’attachement (par
ex., Gillath et al., 2005), Coan (2008) propose que les MIO modulent les
processus neurologiques associés à la régulation émotionnelle.
En agissant sur les anticipations relatives au déroulement des interactions
et, par là même, sur les attitudes qui en découlent, les MIO participent
à la pérennisation des modes de relations initiaux et des affects associés
(Thompson, 2008). Les modèles internes opérants des enfants sécures leur
sont favorables sur le plan des relations interpersonnelles et des émotions
que cela provoque. Les échanges avec leur entourage familial leur appor-
tent les assises narcissiques nécessaires à la formation d’une image positive
de soi et participent à la construction d’une image positive d’autrui. Les
relations avec les autres sont perçues comme gratifiantes. Ainsi les attentes
de ces enfants tendent à induire des modes d’interactions satisfaisants, qui
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 67
Évaluation de l’attachement
Il existe une myriade d’outils évaluant l’attachement avec des systèmes de
classification à la fois voisins et différents, qui rendent la compréhension
des recherches sur l’attachement très complexe. En gros, il existe deux
courants à l’origine d’outils dont l’esprit diffère quelque peu. Le premier
courant repose sur la mise au point du dispositif expérimental de la situation
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 69
étrange élaborée par Ainsworth et ses collègues à la fin des années 1960
(Ainsworth et Bell, 1970). Il s’inscrit dans une perspective développementale
qui propose une classification en trois, puis quatre (Main et Solomon, 1986)
catégories obtenues grâce à l’observation des comportements de bébés. Au
départ, la situation étrange a été mise au point pour des enfants de 12 mois,
puis des adaptations de la procédure ont étendu l’âge de passation jusqu’à
6 ans (Cassidy, Marvin, 1992 ; Main, Cassidy, 1988).
Parallèlement à cela, l’adult attachment interview ou AAI (George et al., 1985)
a aussi été dérivé de la situation étrange. En faisant ressortir des caractéris-
tiques spécifiques aux mères d’enfants classés respectivement sécures, évi-
tants, ambivalents ou désorganisés, Main et ses collègues (Main, Goldwyn et
Hesse, 2002) ont défini chez elles différents « états d’esprit », à partir de leur
discours sur leurs propres expériences d’attachement en tant qu’enfants.
L’introduction de cet entretien a ainsi ouvert la voie à une multitude
d’études établissant un phénomène de transmission intergénérationnelle
des modalités d’attachement (Leblanc et al., 2009 ou Miljkovitch,2001).
D’autres systèmes de codages ont été proposés pour évaluer des dimen-
sions complémentaires à celles mesurées par le système de codage classique.
En particulier, Fonagy et al. (1991a) ont développé une échelle de fonction
réflexive (i. e. capacité à comprendre ses propres états mentaux ainsi que
ceux des autres) qui s’avère, dès la grossesse, être un bon prédicteur de l’atta-
chement de l’enfant à naître (Fonagy et al., 1991b). La mesure de la dés-
organisation n’étant pas calquée sur la définition d’origine, Melnick et al.
(2008) ont développé la catégorie « Hostile/Impuissant » (Hostile/Helpless)
pour mieux capter l’existence de modèles contradictoires de soi et de la
figure d’attachement. Cette classification chez la mère prédit la désorgani-
sation chez l’enfant (Lyons-Ruth et al., 2005).
Un autre entretien, l’AMMI ou attachment multiple model interview
(anciennement ASSSI, Miljkovitch, 2009), permet également de mesurer
chez l’adolescent ou l’adulte la présence de tendances incompatibles d’inhi-
bition et d’hyperactivation du système d’attachement. Mais à la différence
des autres outils qui proposent un seul état d’esprit, celui-ci distingue la
qualité de l’attachement selon la relation envisagée (par ex., mère, père,
conjoint…), et ce selon une approche à la fois dimensionnelle et catégo-
rielle. Son utilisation a ainsi permis de montrer la complémentarité des
relations avec chaque parent et la manière dont l’une et l’autre se conju-
guent dans le développement de l’individu (Deborde, Miljkovitch, 2013).
Sa validité a été établie à partir de données longitudinales montrant que
l’attachement mesuré de 4 à 18 ans permet de prédire le score de sécurité du
jeune adulte de 21 ans, et ce mieux que l’AAI (Miljkovitch, Moss, Bernier,
Pascuzzo, Sander, en préparation). Le current relationship interview (Crowell,
Owens, 1998) permet également d’évaluer l’attachement au sein du couple
(actuel), par un système de classification d’état esprit unique, conforme à la
conception d’origine de l’AAI.
70 Psychopathologie de la parentalité
La théorie du bonding
Le terme attachement a été traditionnellement retenu pour décrire le
mouvement affectif qui lie l’enfant à sa mère. La relation inverse est restée
innominée, si l’on néglige bien sûr le très controversé « instinct maternel » qui
demeure plus une théorie populaire qu’un concept psychiatrique. Une théorie
du lien (bond, en anglais) a été ébauchée par deux pédiatres américains, Klaus
et Kennel, une dizaine d’année après celle de l’attachement (1976).
72 Psychopathologie de la parentalité
et dans cette recherche le plus souvent d’un seul, l’élan affectif et l’ensem-
ble des sentiments qui les ont étreints lors de la naissance des précédents.
Cet enfant aurait pu, pour cette mère être « l’enfant de n’importe qui »
selon le titre même de l’article. Elles éprouvent parfois immédiatement des
affects hostiles. Toutes avaient présenté des manifestations psychopatholo-
giques, le plus souvent un trouble dépressif simultanément à l’élaboration
de la parentalité. Elles n’avaient pu communiquer à leurs proches ce déficit
clairement ressenti et dont la cause ne semble pas clairement expliquée.
Ces mères ne sont pas maltraitantes et leurs enfants sont élevés dans des
conditions ordinaires. L’auteur, psychiatre d’adultes, tente ainsi d’ouvrir la
voie à une recherche privilégiant les modalités de l’attachement maternel,
délaissée jusqu’alors pour l’intérêt quasi exclusif porté au processus de
l’attachement chez l’enfant. Ni le fait que la grossesse ait été désirée, ni le
désir d’y mettre fin, ni le sexe de l’enfant, ni des difficultés obstétricales ou
simplement des difficultés d’allaitement n’y jouaient un rôle significatif.
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Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 81
Fécondité à l’adolescence
Données quantitatives
Les grossesses
La fréquence des grossesses à l’adolescence, c’est-à-dire de 15 à 19 ans selon
la classification internationale, varie beaucoup selon les pays. Les États-Unis
ont, avec la Russie, le taux le plus élevé des pays industrialisés soit 3,9 % en
2009 et le Royaume-Uni le taux le plus élevé d’Europe soit 2,6 %. Il est
en France métropolitaine de 0,8 % en 2008.
Le devenir de la grossesse. Le soutien affectif des parents et, dans une moin-
dre mesure, du géniteur est décisif dans le choix de mener la grossesse à son
terme (Roye et Balk, 1996 ; Tabberer et al., 2000) : une grossesse sur trois
environ conduira à une naissance.
Les naissances. Les grossesses adolescentes représentent 0,6 % des nais-
sances totales soit environ 4 200 par an. La proportion d’adolescentes
enceintes n’a cessé de baisser depuis quarante ans, passant de 3,6 % en
1976, à 2,4 % en 1998 et à 1 % en 1992. Elles sont rarement planifiées
(Wellings et al., 2013).
L’IVG. Aujourd’hui, plus d’une grossesse sur deux est interrompue
volontairement (IVG) d’autant que l’enfant est plus jeune : 61,9 % pour
les 14-15 ans, 50,4 % pour les 16-17 ans (DREES). Dans le groupe d’âge
15-17 ans, le ratio IVG/naissance a fortement augmenté en vingt ans (pas-
sant de 1,5 à presque 3). En 2010, 29 000 femmes âgées de 15 à 19 ans ont
eu recours à l’IVG, dont 40 % concernaient les 15-17 ans, 60 % les 17-19 ans
(Vilain, 2010). Environ 50 % des IVG sont de type médicamenteux. Le ratio
entre nombre d’IVG et de naissances, depuis une vingtaine d’années, reste
stable (cf. schéma). Les IVG chez les adolescentes sont considérées le plus
Attentes sociales
L’attente sociale. Dans la plupart des cultures traditionnelles la préoc-
cupation n’est pas l’avortement ou la contraception des jeunes filles,
mais au contraire leur fertilité et leur possibilité de procréation. Selon
Chapelier (2000), dans ces sociétés, la formule « La grossesse chez une
adolescente c’est un risque d’adolescence avorté » n’est pas culturellement
admise. Dans nos propres sociétés, une reconsidération de l’évolution des
adolescentes enceintes a été rendue possible par des études de clustering
qui montrent des destinées variables et très diversifiées, certaines péjo-
ratives, d’autres favorables, tenant compte que beaucoup de grossesses
surviennent chez des jeunes filles cumulant des facteurs de risque per-
sonnels, familiaux ou socio-économiques. Certains auteurs avancent
aussi l’hypothèse qu’une sexualité précoce c’est-à-dire dès 14-15 ans
Les grossesses à l’adolescence 85
Sexualité à l’adolescence
L’âge médian des premières relations sexuelles est en France de 17,2 ans
pour les filles. Il se rapproche de plus en plus de l’âge du premier rapport
sexuel des garçons. Ce sont les femmes qui ont vécu les plus grands change-
ments, et ils se sont produits dans les années 1960 et dans les années 1970.
Depuis 2000, une nouvelle tendance à une plus grande précocité se dessine.
Les modalités
Les relations sont plus sporadiques (5 à 15 par an) que chez leurs aînées,
moins planifiées, et avec un nombre de partenaires rapidement croissant
(2,2 partenaires sexuels déclarés chez les filles de 19 ans contre 4,4 parte-
naires sur la vie entière, dans l’enquête « Contexte de la sexualité en
France », menée en 2006 par l’INED et l’Institut national de la santé et de
la recherche médicale). Le nombre moyen de partenaires atteint son maxi-
mum à 18-19 ans pour les femmes. Dans cette enquête, 40 % des garçons
et 27 % des filles de 15-18 ans avaient eu plus d’un partenaire sur l’année
écoulée (1,4 pour les filles, 2,1 pour les garçons). Entre 15 et 18 ans, 12 %
des garçons et 5 % des filles du même âge ont eu cinq partenaires ou plus,
d’après les données du Conseil national du sida en 2004.
La contraception
La grande majorité des jeunes adolescentes déclarent utiliser un préservatif
ou la pilule. Toutefois, lors du premier rapport, à peine 30 à 50 % des adoles-
cents auraient utilisé un moyen de contraception. 10 % environ n’utilisent
aucun moyen de contraception bien que maintenant des rapports, et peuvent
utiliser la pilule du lendemain. L’échec de la contraception de l’ordre de 20 %
chez les adolescentes serait associé à une mauvaise technique mais aussi à une
très grande fécondité. Dans l’étude de Godeau et al. (2008), la proportion de
jeunes filles non ou mal protégées contre les grossesses est significativement
plus élevée chez celles qui ont déclaré avoir eu des rapports sexuels avant l’âge
de 13 ans (17 % chez les 13 ans ou moins versus 6,5 % chez les autres).
Le désir de grossesse
Faucher (2002) soutient que la majorité des grossesses menées à terme, soit
environ un tiers, résultent du projet d’une jeune fille ou d’un jeune couple. Une
étude menée à Angers retrouvait moins de la moitié des grossesses menées à
terme affirmées comme désirées, et environ 10 % seulement planifiées
(Jerome, 2010). La grossesse peut répondre aussi à des modalités inconscientes
du désir (Marcelli, 2003), parfois multiples, parfois contradictoires : s’éprouver
par rapport à sa mère, vérifier sa propre sexualité, agresser son propre corps
ou au contraire en vérifier le bon fonctionnement, équivalent suicidaire, etc.
L’association à la dépression
Il est difficile d’affirmer que l’état dépressif suit ou précède, quand il existe,
la grossesse, du fait que la majorité des études sont transversales ou bien que
longitudinales elles n’aient pu apprécier l’état préalable à la grossesse. La
prévalence de la dépression chez les adolescentes enceintes est supérieure à
celle de la population générale. Les facteurs de risque sont un faible soutien
social, des événements de vie défavorables, un environnement stressant et
une mauvaise estime de soi. Une revue de la littérature (Reid et al., 2007) a
montré qu’un des facteurs spécifiques les plus constamment retrouvés était
l’existence de conflits au sein de la famille.
L’âge est un critère important. En fin d’adolescence, la prévalence de la dépres-
sion semble modérément augmentée par rapport à la population générale,
Les grossesses à l’adolescence 89
Le risque obstétrical
La littérature abonde d’articles confortant l’idée d’une contre-indication médi-
cale de la grossesse à l’adolescence. L’anémie, l’hypertension et l’accouchement
prématuré sont les complications maternelles les plus retrouvées. Pourtant plu-
sieurs auteurs s’accordent pour considérer que ces grossesses après 15 ans ne
seraient pas plus risquées qu’à l’âge adulte si elles étaient mieux suivies.
Leppälahti et al. (2013) en Finlande ont étudié le devenir obstétrical d’adoles-
centes ayant bénéficié d’un suivi prénatal intense. Elles étaient présentes à autant
de consultations que les contrôles, bien qu’étant moins souvent présentes aux
visites obligatoires. Les auteurs ont remarqué que les adolescentes avaient des
conditions socio-économiques moins favorables mais n’ont pas inclus ce facteur
dans l’analyse multivariée. Ils retrouvent plus souvent une anémie, une infec-
tion urinaire et l’éclampsie, pour ce dernier facteur seulement chez les jeunes
filles ayant été moins suivies en prénatal. Le risque d’accouchement prématuré
n’a été retrouvé que chez les très jeunes filles entre 13 et 15 ans.
L’étude menée en Turquie par Karabult et al. (2013) montre l’absence de
complications obstétricales chez les adolescentes, le seul désavantage signifi-
catif est celui d’un poids de naissance abaissé. Les auteurs concluent que les
différences observées avec les pays industrialisés tiennent au fait que les adoles-
centes sont soutenues et accompagnées par leurs parents, viennent régulière-
ment aux consultations et que leur grossesse n’est pas une transgression.
Une très large étude a été menée dans la province de l’Ontario qui inclut
550 000 grossesses dont 24 000 (4,35 %) surviennent chez des adoles-
centes. Il est retrouvé significativement moins de risque d’hypertension, de
diabète gestationnel et d’anomalie placentaire et les conditions de la déli-
vrance sont meilleures que celles de la population générale. Seul le risque
de rupture prématurée des membranes est très modérément augmenté
(RR = 1,6). Aucun élément défavorable n’est noté pour l’enfant.
Les grossesses à l’adolescence 91
Une autre étude (Fleming et al., 2012) a été menée à Ottawa chez 206
adolescentes qui significativement consommaient plus de tabac, de pro-
duits illicites, d’alcool. Elles étaient incluses dans un programme spécifique
qui leur aura permis de recevoir autant de soins et autant de préparation à
la naissance que le reste de la population. Il n’y avait aucune différence en
termes de prématurité, de poids de naissance et de croissance intra-utérine.
L’hétérogénéité des populations en termes de suivi de grossesse a été retrou-
vée dans une étude française (Genest et al., 2013).
mère adolescente. Enfin une prise en charge de qualité peut éviter presque
la totalité de la répétition du comportement maltraitant (Noria et al., 2007)
Troubles psychocomportementaux. Un suivi aux États-Unis pendant trois
ans des enfants de 121 mères adolescentes (Sommer et al., 2000) a mon-
tré chez les trois quarts d’entre eux un score inférieur à la moyenne dans
le domaine du développement du langage, de la sociabilité, de l’équilibre
affectif. De moindres performances intellectuelles ou linguistiques étaient
liées au QI maternel et à l’importance du réseau familial de soutien. Les dif-
ficultés émotionnelles ou sociales étaient au mieux prédites par les troubles
internalisés de la mère mais aussi par le soutien du partenaire et des amis.
Enfin l’adaptation était liée au style parental.
Éléments de psychopathologie
Hétérogénéité
Il n’y a de commun entre toutes les grossesses à l’adolescence que la coexis-
tence de deux processus qui peuvent s’entraver réciproquement, surtout
en l’absence d’un soutien affectif et d’une sécurité environnementale
Les grossesses à l’adolescence 93
Le désir de grossesse
L’IVG. Une grossesse avortée malgré la souffrance qui peut s’y associer,
autant qu’elle s’accompagne d’un étayage suffisant peut devenir un
moment résolutif. Elle vient lever l’impasse des identifications maternelles
et accompagner l’adolescente dans son cheminement vers l’état d’adulte.
Selon Brockington, parmi les adolescentes qui choisissent d’avorter, cer-
taines entretiennent avec leurs parents des relations conflictuelles, notam-
ment avec leur père, et souffrent d’ambivalence, de culpabilité et de honte.
Les négations de grossesse ne sont pas rares, du déni partiel ou déni total,
du mensonge à la dissimulation. « Je savais que j’étais enceinte, je n’arrivais
pas à y croire… vraiment je ne m’en suis pas aperçu… je le savais mais je
l’oubliais tout le temps. » L’ignorance, la dissimulation, la gêne, voire le
déni de ces grossesses, s’accompagnent souvent de l’absence ou du retard
du suivi de grossesse.
Dynamiques familiales. On retrouve parfois des constellations familiales
particulières où l’adolescente, à travers cette maternité exprime sa rivalité
envers sa mère avec qui elle a souvent entretenu de fréquentes relations de
dépendance. Parfois la grossesse offre la possibilité d’une régression infan-
tile, la jeune adolescente redevenant « l’enfant » de sa mère soit directe-
ment, soit à travers l’enfant qu’elle lui confie. Enfin il est des maternités
adolescentes qui témoignent essentiellement d’un désir d’émancipation et
de mise à distance du système familial exerçant alors proprement leur effet
thérapeutique.
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4 Homoparentalité :
le devenir des enfants
Position de la question
Le nombre d’enfants élevés par un couple homosexuel reste mal connu. Les
évaluations sont faites par recoupement entre enquêtes démographiques et
sondages sur des échantillons représentatifs. Selon une enquête réalisée en
2011 (IFOP, 2011), 3,5 % des personnes interrogées se définissent comme
homosexuelles et 3 % comme bisexuelles. 46 % des homosexuels vivraient
en couple contre 70 % des hétérosexuels. En 2000, l’étude des fichiers démo-
graphiques estimait à environ 1 % la prévalence des couples homosexuels
corésidents (Festy, 2006). Le nombre d’enfants résidant avec un couple de
même sexe est estimé entre 24 000 et 40 000, la très grande majorité vivant
avec un couple de femmes, et le nombre de couples vivant avec des enfants
(Festy, 2006) à 14 000. Selon l’INSEE, en 2011 (Buisson et Lapinte, 2013)
100 000 couples étaient de même sexe et environ une personne en couple
de même sexe sur dix réside (même une partie du temps seulement) avec au
moins un enfant. On estime que plus de 80 % des couples homosexuels qui
élèvent un enfant sont féminins.
Principaux résultats
La plupart des études ont porté sur les couples homosexuels féminins qui
sont largement majoritaires parmi ceux qui élèvent des enfants. Peu de
choses sont connues sur les enfants élevés par des couples homosexuels
masculins.
Les troubles du comportement. Les résultats sont très concordants : les
enfants de mères lesbiennes ne montrent pas plus de troubles du déve-
loppement, de difficultés relationnelles, ni se comportent différemment
des garçons et des filles élevés par des parents hétérosexuels (Bos, 2004 ;
MacCallum, Golombok, 2004). Dans l’étude de Gartrell et al. (2011), après
dix-sept ans de suivi, les adolescents avaient des performances scolaires et
sociales ainsi que des compétences sociales de haut niveau et moins de pro-
blèmes comportementaux que la moyenne de la population en utilisant le
« Achenbach Child Behavior Checklist ».
L’orientation sexuelle. Une des premières études marquantes, bien que
limitée méthodologiquement, a été conduite par Green (1978) qui a mené
des entretiens structurés et effectué des tests standardisés auprès de 37
enfants, entre 3 et 20 ans. 21 enfants avaient été élevés par des mères les-
biennes, 9 par des transsexuelles femmes devenues hommes et 7 par des
transsexuels hommes devenus femmes. La question du genre était au pre-
mier plan et répondait à une inquiétude très vive de la société en relation
avec la modification d’un des piliers identitaires centraux de la famille et
du self. Elle n’a pas montré chez les enfants de fantasmes autres qu’hété-
rosexuels quand ils étaient évalués indirectement chez les préadolescents
(après 11 ans) et au-delà. Les études menées une ou deux décennies plus
tard ont surtout concerné des femmes devenues mères dans le cadre d’une
Homoparentalité : le devenir des enfants 101
La stigmatisation
Aucune étude n’a établi de risque significativement supérieur de harcè-
lement au sens fort du terme (bullying). Par contre la moitié environ des
études ont montré que les enfants, peut-être plus les garçons issus d’un
couple homosexuel féminin, pouvaient être souvent raillés ou taquinés par
leurs pairs (Golombok et Spencer, 1983 ; Bos et Gartrell, 2010 ; Van Gelderen
et al., 2012). Une étude longitudinale menée aux États-Unis auprès d’enfants
de mères lesbiennes, depuis la naissance jusqu’à leur majorité, confirme
ces résultats et explore d’autres thèmes comme les effets de la stigmatisa-
tion et les stratégies pour les circonvenir (Bos et Gartrell, 2010 ; Gartrell
et al., 2011). Les enfants sont souvent activement soutenus par leurs parents
en ces situations. La Société Américaine de Pédiatrie recommande que des
droits égaux à ceux des parents hétérosexuels soient donnés aux
parents homosexuels pour réduire les discriminations sociales qui peuvent
peser sur les enfants et leurs conséquences sur leur développement (Perrin
et Siegel, 2013).
Ajustement/adaptation
Les enfants élevés dans des formes familiales non traditionnelles et en parti-
culier par des parents du même sexe ne présentent pas de risque psychosocial
plus important que les enfants élevés dans des formes familiales traditionnelles
(Golombok et Tasker, 2010 ; Patterson et al., 2006 ; Tasker, 2005). Au-delà de
l’orientation sexuelle, une récente méta-analyse de Stacey et Biblarz (2001)
montre que le genre des parents est peu significatif pour l’ajustement psycho-
logique des enfants et leur réussite sociale.
102 Psychopathologie de la parentalité
Désir d’enfant
Des auteurs comme Gratton (2008) ont pris comme centre d’intérêt les
conditions d’émergence du désir d’enfant chez les homosexuel(le)s (Gratton,
2008 ; Herbrand, 2009). Ces travaux indiquent que chez les mères les-
biennes, le désir d’enfant émerge du couple, tandis que chez les pères gays,
les enfants ont été souvent l’objet d’un désir conçu par un seul des mem-
bres du couple, l’autre souhaitant seulement (du moins de prime abord)
accompagner le parent. Toutefois l’évolution sociétale aidant, il semble que
l’homoparentalité masculine évolue plus souvent vers un projet parental
conjugal.
Psychopathologie
Une dernière série de travaux a été plus spécifiquement développée en
France et en Belgique au cours des années 2000. Elle porte sur les processus
inconscients mobilisés par le devenir parent pour les couples de même sexe.
Trois dimensions ont été retenues :
La bisexualité psychique
Sur le pôle de l’identité de genre, les travaux montrent comment, pour chacun des
membres du couple, les identifications masculines et féminines sont réactuali-
sées par le devenir parent. Ils sous-tendent leurs références à la fonction mater-
nelle et à la fonction paternelle (Ducousso-Lacaze, 2004 ; Ducousso-Lacaze et
Grihom, 2009, 2010 ; Grihom et Ducousso-Lacaze, 2009 ; Feld-Elzon, 2010)
ainsi que la répartition des rôles auprès des enfants.
Du côté de l’orientation sexuelle se trouve illustrée une idée psychanalytique
centrale : chez chaque être humain, subsistent des traces de la bisexualité
originelle, sous la forme d’identifications partielles aux parents du même
104 Psychopathologie de la parentalité
La représentation du tiers
Du fait de son infertilité le couple homosexuel est contraint de recourir à un
tiers pour avoir un enfant. L’approche psychanalytique montre que les couples
homosexuels construisent des figures du tiers. Celui-ci est présent dans la vie
subjective des couples lesbiens en dépit de son absence dans la réalité (Naziri,
2010) ; de même dans l’expression du désir d’enfant des pères ou futurs pères
gays. Ces figures témoignent de la manière dont ces couples intègrent à leur
expérience de la parentalité la référence à leurs propres limites (infertilité en
tant que couple), à la contrainte biologique, à l’autre sexe (le tiers a forcément
un sexe différent de celui du couple) et c’est à partir de la référence à ce tiers
qu’ils élaborent et transmettent un récit sur l’origine de l’enfant.
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5 Adoption
et développement
L’adoption contemporaine dans les pays industrialisés a pour princi-
pal objet d’être un substitut à la procréation (Bonte et al., 2011). Avec
l’adoption plénière ou ses équivalents, toute filiation est rompue avec les
parents d’origine créant une parentalité substitutive et une rupture dont
la radicalité est aujourd’hui discutée.
Faits et histoire
L’adoption au fil du temps
Dans l’Antiquité romaine, elle concernait essentiellement les adultes jeunes.
Elle nécessitait leur consentement et celui de leur géniteur. Une forme
particulière en était l’adoption « prénatale ». Elle consistait en la « remise »
d’une épouse féconde, après séparation légale, à un homme qui devien-
drait le père légal de l’enfant à naître. L’adoption n’a été instituée dans le
droit francais qu’en 1804 avec le code Napoléon. Au xxie siècle, le nombre
d’enfants au sein des familles s’est considérablement réduit, mais moins
de couples sont sans enfant et être parent est devenu un élément essentiel
du statut social et de l’assomption identitaire. Simultanément, les droits
de l’enfant illégitime ont été rétablis et l’adoption est devenue largement
accessible.
Les adoptants
Ce sont essentiellement des couples. Pour 70 % d’entre eux, l’adoption est
l’unique possibilité de devenir parents : ils n’ont pas d’enfant biologique
commun et ils ont dû renoncer à l’AMP. 7 % de couples ont des difficultés
de conception et préfèrent recourir directement à l’adoption ; 12 % encore
recourent directement à l’adoption sans aucun obstacle physiologique et
12 % sont devenus stériles après avoir eu un enfant. Il existe une sélection
sociale spontanée des couples adoptants : 25 % sont des cadres alors qu’ils
ne sont que 16 % de la population générale et par contre seulement 19 %
sont ouvriers contre 35 % pour la population générale.
Les adoptés
En moyenne, les enfants adoptés ont environ 3 ans (2,9 ans) lors de leur
arrivée dans la famille adoptive, 2 ans (1,9 an) pour les enfants originaires
de France. Il y a à peu près autant de garçons que de filles, mais selon l’ori-
gine nationale il peut y avoir un sex-ratio très différent. Par exemple, les
enfants chinois sont essentiellement des filles et parmi les enfants russes on
trouve plus de garçons.
L’adoption contemporaine
Statistiques (www.adoption.gouv.fr/Chiffres-cles.html). L’adoption concerne
environ 10 000 enfants par an avec en 2007 : 33 % d’adoptions plénières
et 67 % d’adoptions simples. Le nombre d’enfants adoptés nés à l’étran-
ger diminue régulièrement. En 2007, l’adoption plénière concernait 5 300
enfants et provenait à 80 % de l’adoption internationale. L’adoption simple
concernait 9 400 enfants et était pour 95 % une adoption intrafamiliale.
Adoptions simples et plénières. Avec l’adoption simple, l’enfant garde des
liens avec sa famille d’origine et avec l’adoption plénière, il rompt tout lien
avec celle-ci. Cette fiction juridique demeure sujette à controverse, car la
Convention internationale des droits de l’enfant stipule que l’enfant a droit
à la connaissance de ses origines.
Adoptions nationales. Dans les pays occidentaux, le nombre d’enfants
adoptables d’origine nationale a largement chuté du fait de plusieurs
facteurs conjoints : le soutien social et financier apporté aux mères
seules ; la maîtrise de la conception apportée par les moyens anticon-
ceptionnels ; la libéralisation de l’avortement durant le dernier quart du
siècle ; les modifications de l’autorité parentale et le développement de
la cohabitation non maritale.
Adoption internationale. Le nombre d’enfants étrangers adoptés par des
familles françaises baisse depuis plusieurs années. Alors que 2 000 enfants
ont été adoptés en 2011, en France, seulement 1 569 l’ont été en 2012,
selon les statistiques du ministère des Affaires étrangères.
Adoption et développement 111
Éléments de psychopathologie
Dépression maternelle post-adoption
Elle a été retrouvée à un taux proche de celui connu après une naissance
(Mott et al., 2011 ; Senecky et al., 2009), mais les méthodologies employées
n’utilisent pas de groupe contrôle, le recrutement de mères adoptantes
est mal précisé et le taux de refus inconnu. Toutefois, il est montré que
le corrélat principal de la dépression est le stress sous forme d’événement
stressant ou de difficultés d’adaptation aux exigences de la parentalité et
non les antécédents psychiatriques. Une étude a néanmoins montré que les
scores de dépression avant l’adoption étaient significativement plus élevés
qu’après l’adoption.
Psychopathologie
Il n’existe pas de psychopathologie spécifique de l’adoption. Toutefois
comme le souligne Winnicott (1957) « lorsqu’une mère adopte, elle ne se
charge pas (seulement) d’un enfant, mais (aussi) d’un problème ». Ainsi, un
certain nombre de familles vont être, soit dépassées par les problèmes que
pose l’enfant et le remettre à nouveau à l’adoption (le chiffre est mal connu,
il serait de l’ordre de 0,3 %), soit plus souvent en lutte permanente pour faire
face à des problèmes comportementaux ou psychiatriques. Enfin, parfois
les parents eux-mêmes n’offrent pas à leurs enfants un environnement
suffisamment sécurisant pour des motifs extrêmement variés : sentiment
112 Psychopathologie de la parentalité
Développement psychologique
et social des enfants adoptés
Un développement globalement satisfaisant
L’immense majorité des enfants adoptés se développent sans plus de
troubles que les enfants issus d’une filiation naturelle. Toutefois globale-
ment, les risques de présenter des troubles sont légèrement plus élevés.
Nous présentons ici les facteurs de risque de ces troubles à la lumière des
connaissances actuelles.
Bien que la majorité des enfants adoptés connaissent un développement
typique (Palacios et Brodzinsky, 2010), certains antécédents, en particulier
des traumas précoces et des carences sévères, sont à l’origine de troubles
du comportement persistants comme l’agression, les conduites opposi-
tionnelles, mais également des troubles internalisés comme l’anxiété et
Adoption et développement 113
Le développement psychoaffectif
Méthodologie
Les enquêtes épidémiologiques et cliniques sur ce sujet sont complexes et
souffrent de faiblesses méthodologiques liées à la méconnaissance fréquente
des conditions de vie, de l’état psychique et somatique précédant l’adoption,
des problèmes d’échantillonnage, aux difficultés d’appariement et de recru-
tement, enfin à l’utilisation de méthodes d’évaluation non standardisées.
Troubles de l’attention
Lindblad et al. (2010) a comparé, en utilisant les registres statistiques natio-
naux, les prescriptions de produits spécifiques pour les troubles déficitaires de
l’attention dans la population générale d’enfants (1 326 000) et d’enfants inter-
nationalement adoptés (16 000). Il a retrouvé significativement plus de pres-
criptions chez les enfants adoptés, d’autant qu’ils étaient adoptés tardivement
ou que les conditions initiales de prise en charge semblaient peu favorables.
Adoption et développement 115
Compétences relationnelles
Les effets sur les bénéfices de l’adoption commencent à être étudiés de façon
systématique. Il a été montré que les enfants adoptés pouvaient présenter
des compétences supérieures à leurs pairs non adoptés (Tan et Camras, 2011)
et de bonnes compétences sociales (Smyke et al., 2009). Toutefois, même
chez ces enfants doués, un traitement différent de l’information sociale et
émotionnelle (Wismer Fries et Pollak, 2004) ou une conduite socialement
désinhibée peut se retrouver, plus particulièrement chez les enfants élevés
en institution (Bruce et al., 2009b). Ce dernier comportement est susceptible
de favoriser le harcèlement (bullying) scolaire (Raaska, 2012).
Facteurs de risque
L’âge à l’adoption
Bohman et Sigvardsson (1980) étudièrent le devenir de 624 enfants
« candidats à l’adoption », immédiatement ou peu de temps après la nais-
sance. Leur développement à long terme est comparé, selon qu’ils furent
immédiatement adoptés, réinsérés dans leur famille biologique ou qu’ils
intégrèrent une famille d’accueil. Si, avant l’adolescence, les troubles furent
maximaux dans la dernière catégorie et minimaux dans la première, ces
différences vont significativement diminuer pour devenir imperceptibles
à l’âge adulte sur les critères d’adaptation sociale relevés dans des registres
administratifs et judiciaires. Seuls les enfants intégrés en famille d’accueil,
même lorsque cette intégration était longuement préparée, même effec-
tuée par des familles compétentes, ont continué de présenter à l’âge adulte
plus de conduites alcooliques ou antisociales. Cette étude n’a été menée
que chez les garçons.
Bien que plusieurs études et méta-analyses mettent en évidence le risque
d’une adoption tardive, le seuil reste difficile à définir à partir duquel les
différences seraient significatives En effet, les études ne prennent pas le
même seuil, et il est donc difficile de les comparer entre elles. Selon Duyme
et Dumaret (1987), les adoptions après 18 mois semblent obérer le pro-
nostic à long terme, résultats confirmés par des études internationales.
Néanmoins, l’âge seul ne peut entrer en ligne de compte : en effet, ces
enfants ont souvent subi des discontinuités éducatives et affectives qui,
à elles seules, interfèrent avec le développement. Hodges et Tizard (1989)
insistent sur le fait que les enfants ayant un passé institutionnel peuvent
néanmoins bénéficier d’une adoption tardive, l’évolution semblant plus
favorable que celle des enfants restant en institution. La conclusion la
plus générale concernant les enfants élevés en institution est qu’à partir
de 6 mois les risques de voir des troubles survenir augmentent significa-
tivement comme l’ont montré les études effectuées dans les orphelinats
roumains (Zeanah et al., 2011).
116 Psychopathologie de la parentalité
L’adoption internationale
Il est aujourd’hui difficile de définir l’adoption internationale comme un
facteur de risque : elle représente l’essentiel des enfants adoptés actuelle-
ment. Le risque est lié surtout aux conditions initiales du développement,
non tant les relations avec les géniteurs que la présence dans des institu-
tions où la qualité humaine des soins fait défaut et confine à l’hospitalisme.
Une fraction non négligeable des enfants adoptés ont supporté, avant
l’adoption, des négligences graves ou des abus sexuels, ou ont vécu en ins-
titution dans des conditions parfois extrêmement péjoratives (Verhulst et
Versluis den Bieman, 1995).
Lorsque l’adoption a pu être précoce ou lorsque l’enfant a été élevé dans
des conditions initiales relativement satisfaisantes, il ne semble pas exister
plus de facteurs de risque au sein de cette population. Une étude menée
aux Pays-Bas (Juffer et Rosenboom, 1997), à propos de 80 enfants issus
de l’adoption internationale, met en évidence 74 % d’attachement secure
selon le protocole d’Ainsworth à 12 et 18 mois lorsque les enfants ont été
adoptés tôt (avant 6 mois). Contrairement à d’autres études aux résultats
plus péjoratifs, menées essentiellement aux États-Unis, portant sur la rela-
tion d’attachement chez les enfants issus de l’adoption internationale, ce
taux est comparable à celui généralement retenu pour les nationaux. Les
auteurs suggèrent, pour l’expliquer, l’impact essentiel de l’âge au moment
de l’adoption. L’adoption internationale soulève de nouveaux problèmes
qu’il reste à plus clairement quantifier et définir.
Retard de croissance
L’hypothèse la plus consensuelle actuellement, cohérente avec les données
expérimentales, est que la carence précoce, peut modifier le fonctionnement
cérébral et particulièrement celui de l’axe hypothalamo-hypophysaire qui
intervient dans de nombreux systèmes de régulation, notamment dans la
sécrétion de l’hormone de croissance (GRH) (Romero et al., 2009). Il a été
montré (Van Ijzendoorn et al., 2007) une réduction de la croissance, un
amaigrissement et une diminution du périmètre crânien à partir d’une revue
de 33 études portant sur les enfants issus de l’adoption internationale. Il
est estimé que deux à trois mois de soins institutionnels défaillants engen-
drent environ un mois de retard sur la croissance (Miller et Hendrie, 2000). Il
Adoption et développement 117
existe une certaine réversibilité. Par exemple, les enfants qui ont été adoptés
avant 1 an, présentent moins de retard et rattrapent le déficit de poids et de
taille dans les huit années qui suivent l’adoption. Par contre, la réduction du
périmètre crânien en général persiste. Plus l’enfant est adopté tard moins la
réversibilité est mise en évidence. Les études qui ont porté sur les orphelinats
roumains ont montré que d’être élevé dans une famille d’accueil de qualité
conduisait à une réversibilité équivalente (Zeanah et al., 2003 ; Johnson
et al., 2010). Il est toutefois probable que l’intensité de la carence exerce une
influence qu’il est difficile d’apprécier.
Le développement cérébral
La découverte de la réduction fréquente du périmètre crânien a immédiate-
ment suggéré qu’elle pouvait être associée à la diminution du volume céré-
bral (Kreppner et al., 2010), ce qui a été démontré ensuite par l’utilisation
de l’imagerie cérébrale. Des anomalies à l’électroencéphalographie ont aussi
été retrouvées, qui suggéraient un retard de la maturation corticale qui pou-
vait être associé au trouble déficitaire de l’attention (Shaw et al., 2007). Une
corrélation a été retrouvée entre certaines perturbations à l’EEG et une dés-
inhibition comportementale à l’âge préscolaire (Tarullo et al.,,2011). L’exa-
men en imagerie cérébrale a montré chez les enfants maltraités un déficit du
volume total touchant tout à la fois la matière grise et la matière blanche. La
réduction des voies de conduction a été confirmée par l’examen en tenseur
de diffusion (Eluvathingal et al., 2006). Ce déficit a été retrouvé ensuite
chez les enfants ayant été gravement carencés en institution. Toutefois, il a
aussi été montré en Roumanie le bénéfice du placement dans des familles
d’accueil de qualité (Sheridan et al., 2012). Celui-ci, effectué par randomi-
sation, a montré les importantes capacités de reprise du développement
témoignant de la plasticité cérébrale. La mesure exacte de cette réversibi-
lité n’est pas connue. Les anomalies ont aussi été retrouvées au niveau de
l’amygdale et de l’hippocampe (Mehta et al., 2009 ; Tottenham et al., 2010)
mais avec des résultats discordants, comme d’ailleurs dans les recherches
sur le syndrome de stress post-traumatique chez l’enfant. Des perturbations
ont aussi été retrouvées concernant la cognition, QI et fonctions exécutives.
À travers une méta-analyse, les performances scolaires (à partir de 55 études)
et le quotient intellectuel (à partir de 48 études) des enfants adoptés ont été
comparés à ceux de leurs frères et sœurs restés dans leur famille ou leur ins-
titution d’origine, ainsi qu’à ceux des enfants non adoptés mais vivant dans
le même environnement qu’eux. Le QI des enfants adoptés ne diffère pas de
ceux avec qui ils vivent dans le milieu familial (Van Ijzendoorn et al., 2005).
Il est meilleur que celui de leurs frères ou sœurs non adoptés. Malgré cela,
ils ont de moins bons résultats scolaires et plus de problèmes d’apprentis-
sage que ces derniers. Les enfants adoptés après 1 an surtout ont de moins
bonnes performances scolaires.
118 Psychopathologie de la parentalité
Prévention, information
et soutien à la parentalité
En France, les pouvoirs publics ont porté leurs efforts de prévention sur
l’intérêt de l’enfant, à travers une démarche de sélection des parents adop-
tants. Cette démarche est toutefois souvent ressentie comme intrusive par
les candidats à l’adoption, ces parents potentiels se voyant interroger sur
leurs capacités et leur histoire au contraire des parents naturels. En France,
le principe d’une information psychosociale préalable des futurs adoptants
et d’un soutien plus systématique à la parentalité adoptive n’est pas à l’ordre
du jour malgré sa spécificité, surtout dans le cadre de l’adoption internatio-
nale, et des difficultés, le plus souvent bénignes mais parfois sévères, qui
peuvent y être rencontrées. Pour le parent adoptant tout comme l’enfant
adopté la parentalité adoptive s’accompagne de mouvements psychiques
identiques à ceux retrouvés dans la parentalité naturelle. Toutefois, il s’y
associe la gestion, explicite ou non, d’une part supplémentaire d’histoire et
d’expérience, notamment de ce qu’a vécu l’enfant avant son adoption et du
Adoption et développement 119
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6 Ruptures
et discontinuités :
abandon et infanticide
L’abandon et l’infanticide sont deux formes de rupture de la filiation aux
destins très différents pour l’enfant. Si dans la civilisation gréco-romaine
l’abandon équivalait souvent à une forme d’infanticide par délaissement,
depuis la fin du Moyen Âge en Europe il est aussi le moyen d’éviter les vio-
lences et l’infanticide. L’invention des tours et l’accouchement anonyme
répondent en effet à une forme de prévention de l’infanticide. Une étude
récente en Autriche (Orthofer et Orthofer, 2013) semble encore aujourd’hui
en montrer le bénéfice.
L’abandon dans les sociétés traditionnelles (Lallemand, 1993) n’a pas tout
à fait la même valeur que dans les sociétés héritées de la civilisation gréco
romaine. Il y connaît, comme l’adoption qui en est le corollaire, de très
nombreuses formes où la filiation initiale peut être rompue, totalement ou
partiellement, ou bien conservée. Le transfert d’enfant est aussi un moyen
d’échange entre ou au sein des familles, de dons, de contre-dons, de dettes ;
l’enfant parfois est même vendu ou mis en gage. Le transfert peut-être
réversible, l’enfant peut bénéficier d’un simple accueil provisoire, parfois
enfin l’adoption est symbolique mais peut modifier les droits successoraux.
L’enfant est souvent confié à un consanguin de l’un de ses géniteurs,
comme souvent dans le cas de l’adoption simple en France. L’adoption peut
aussi avoir pour but de faire fonction d’enfant naturel, en y recherchant
l’enfant le plus ressemblant, ou bien encore d’instaurer des liens tout à
fait nouveaux, dans une résidence tout à fait nouvelle avec un changement
d’identité, à l’image de l’adoption plénière en France.
Définitions
L’abandon
Le terme d’abandon, quand il est volontaire, a été remplacé dans le voca-
bulaire administratif par « remise en vue d’adoption ». Il aurait été forgé
à partir de l’expression « donner à ban », c’est-à-dire « mettre au pouvoir
de quelqu’un ». La mère qui abandonne son enfant à la naissance peut
demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé
(article 341-1 du Code civil). Sinon, l’abandon dit volontaire est un acte
solennel. L’abandon peut aussi être juridiquement prononcé après un
délaissement prolongé.
L’infanticide
Il a reçu plusieurs définitions. S’il s’agit toujours du meurtre d’un enfant, son
âge n’est pas clairement déterminé. Il peut selon le dictionnaire Littré désigner
le meurtre d’un nouveau-né, voire « d’un nouveau-né que la mère vient de
mettre au monde », ce que Tardieu reconnaissait comme l’infanticide typique.
Aujourd’hui l’infanticide est souvent défini comme l’homicide d’un enfant de
moins d’un an.
Les définitions juridiques n’ont cessé de fluctuer. L’ancien Code pénal le
définissait comme le meurtre ou l’assassinat d’un enfant nouveau-né.
Le meurtre commis pendant l’accouchement peut être qualifié d’infanticide
quand la victime a été considérée comme un nouveau-né viable. Il cessait
d’être qualifié ainsi à l’expiration du délai de trois jours imparti pour décla-
rer l’enfant nouveau-né à l’état civil. Ce crime maternel n’a plus, depuis
1995, de qualification pénale spécifique.
Définitions psychiatriques. Le néonaticide depuis l’article princeps de
Resnick (1969), désigne le meurtre ou l’assassinat d’un enfant âgé de moins
de 24 heures. Le filicide (1665) et le libéricide (1892) ont à l’origine
la même signification : le meurtre d’un enfant par un de ses parents.
Rappel historique
Civilisation gréco-romaine. L’abandon et l’infanticide étaient étroite-
ment liés. Tout enfant devant être adopté par le père pour entrer dans la
lignée, l’abandon pouvait être la conséquence directe du défaut d’adoption.
La contraception bien que pratiquée était assez peu efficace et l’avortement
dangereux. L’abandon était pratiqué pour préserver l’héritage ou simplement
subsister, masquer une naissance illégitime ou réduire le nombre d’enfants
de sexe féminin. Il était le plus souvent suivi d’exposition. L’infanticide
longtemps n’a été condamné ni moralement ni religieusement. À Rome il
était même ordonné de tuer les enfants malformés. La noyade et l’étouffe-
ment étaient les modalités les plus fréquentes de l’infanticide, l’exposition
le mode le plus courant de l’abandon. Quelques enfants exposés étaient éle-
vés pour leur force de travail, devenaient parfois soldats ou prostitués, mais
la mort était le destin le plus fréquent. Aucun n’était fondateur d’empire
comme Romulus. Infanticide et exposition donnaient lieu à des rites de
purification. Au iie siècle après J.-C. ces mœurs deviennent critiquées tandis
qu’un système d’aide aux parents se met en place (Harris, 1994).
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 125
ouveau invitées à laisser des traces de leur identité pour que leur enfant
n
puisse les rechercher à l’âge adulte ou au minimum qu’il hérite de rensei-
gnements significatifs sur ses origines.
L’abandon
Données quantitatives
Nombre d’abandons
Lors de la dernière décennie, environ 1 000 enfants de moins d’un an ont
été abandonnés chaque année. Parmi ceux-ci environ 600 ont été remis
anonymement à l’adoption, l’essentiel des autres enfants ayant été déclarés
juridiquement abandonnés.
Caractéristiques maternelles
Dumaret et Rosset (1993) ont mené une étude sur les femmes qui remet-
taient leur enfant à l’adoption à Paris. Elle concerne 580 dossiers entre 1985
et 1989. L’âge moyen est de 25 ans, 50 % environ étaient françaises et 13 %
sont venues directement de l’étranger pour accoucher. Seules 14 % vivaient
avec le père de l’enfant ou un autre homme, 33 % ont « caché » leur gros-
sesse à leur entourage, 28 % ont souhaité une IVG. 40 % des grossesses n’ont
pas été suivies et 15 % d’entre elles uniquement durant les deux derniers
mois. À la naissance, 15 % des mères ont refusé de voir leur enfant. Villeneuve-
Gokalp a mené une étude dans 83 départements français entre 2007
et 2009 portant sur 739 dossiers de mères qui demandent le secret de leur
identité lors de leur accouchement. La moyenne d’âge est de 26 ans, 25 %
des femmes vivent en couple. Des données complémentaires sont acces-
sibles pour 60 % d’entre elles : 46 % ont pris connaissance de leur grossesse
au deuxième trimestre, 39 % au troisième trimestre et 8 % ont présenté
un déni de grossesse total. Pour près de 10 %, un événement survenant
tardivement au cours de la grossesse (découverte d’une malformation, décès
du conjoint) les a conduites à cette démarche. Plus de la moitié des femmes
n’informaient pas le père de leur grossesse, pour la plupart du fait de la
brièveté de leur liaison.
Données qualitatives
La relation au géniteur : elle demeure un élément central du projet d’aban-
don. Les partenaires sont souvent absents, peu fiables, illégitimes (homme
marié, adultère) ou demeurent des relations de passage.
Dissimulation et déni : la déclaration de grossesse est souvent tardive. Elle
est parfois le fruit d’une dissimulation, notamment chez les mères adoles-
centes, les femmes illégitimement enceintes dans un milieu peu tolérant,
une institution intransigeante.
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 127
Conduite à tenir
Lorsque la mère prévoit un accouchement anonyme, lui permettre de
prendre contact, si elle le souhaite, avec le nouveau-né tend à diminuer
la survenue d’un deuil pathologique et prolongé (Condon, 1986). Les
contacts réduisent le plus souvent le sentiment de perte très vif ressenti
par ces femmes et non l’inverse. Toutefois, comme dans le deuil périnatal,
les mécanismes d’évitement peuvent être plus efficaces et sollicités par cer-
taines femmes qui ont déjà peu investi la grossesse. Un accompagnement
souple permet de s’adapter à l’attitude de la mère susceptible de rapidement
évoluer, notamment du fait des sentiments ambivalents qui la traversent et
des processus d’attachement qui peuvent se mettre en place.
Lorsque la démarche d’abandon suit d’assez loin la naissance, une diffi-
culté cruciale est de pouvoir apprécier les intérêts contradictoires du nour-
risson et de sa mère et de pouvoir proposer à cette dernière une forme de
soutien même après l’abandon.
Infanticide et néonaticide
Épidémiologie
Nous désignerons par infanticide l’homicide commis durant la première
année de vie de l’enfant et par néonaticide l’homicide commis durant le
premier jour de vie. Toutefois, certaines statistiques de la police qui servent
en France de référence n’ont pas évolué depuis un siècle. Elles désignent
sous le terme « d’infanticide » tous les crimes commis contre les enfants
de 0 à 14 ans. Si, jusqu’à la fin du xixe siècle, il s’agissait beaucoup plus
souvent d’infanticides et surtout de néonaticides, il n’en est plus de même
aujourd’hui.
Prévalence
Entre 1830 et 1930, plus de 50 000 dossiers d’infanticide ont été ouverts,
soit environ 500 par an, soit environ 1‰ des naissances. Un quart environ
(13 000) a donné lieu à des poursuites. La plupart étaient des néonaticides.
Dès 1920, la proportion d’infanticides et d’avortements poursuivis s’inverse,
en relation avec l’effondrement du taux de néonaticides. Depuis les années
1970, soit aux alentours de la période de l’accessibilité de la contraception
et de la libéralisation de l’avortement, le taux d’infanticide constaté est
minimal.
Vellut et al. (2013) ont mené, entre 1996 et 2000, une enquête auprès
des tribunaux, couvrant un territoire représentant environ un tiers des
naissances en France. Un recoupement avec les statistiques des hôpitaux
publics a permis d’identifier 80 décès avant 1 an, soit environ 6/100 000
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 129
Les néonaticides
Modalités de l’acte. Tardieu, médecin légiste français du xixe siècle, doit
faire face au scepticisme et au désintérêt plus ou moins unanime de la col-
lectivité médicale devant l’ampleur et la fréquence qu’il décrit des crimes
commis contre les enfants. Il écrit, en 1874, que les causes de la mort sont
dominées dans les grandes villes par l’immersion dans les fosses d’aisance :
« La malheureuse qui vient d’accoucher clandestinement et qui a tué son
enfant […] n’a rien de plus pressé que de le jeter dans les latrines et elle se
croit assurée du secret et de l’impunité. » Tardieu (1868) lui-même ne recon-
naît pas la possibilité d’une grossesse inconsciente : « Leur déclaration est fort
simple et on peut dire stéréotypée : j’ai été prise d’un besoin subit, je ne me
savais pas près d’accoucher, et pendant que j’étais sur le siège, l’enfant est
sorti et est tombé… sans que j’aie pu l’en empêcher. » Il ajoute : « Quelques-
unes vont plus loin et disent ne pas s’en être aperçues. » Tardieu examine les
modes d’infanticide parmi 555 cas. La plupart sont commis le premier jour de
vie, plus de la moitié par suffocation (51 %), les autres par noyade (24 %), ou
strangulation (11 %). Les gestes directement violents sont plus rares et plus
tardifs (14 %) et la négligence est assez rare (3 %). Les descriptions modernes
sont tout à fait équivalentes, bien que les modalités de l’acte varient selon les
cultures et pays (i. e. Marks et Kumar, 1993 ; Putkonen et al., 2007b).
Formes cliniques
Les néonaticides à répétition. Ces cas restent rares dans la littérature jusqu’aux
années 1990. Plus nombreux ont été ceux relatés au Japon (Funayama
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 131
État de conscience
Déni de grossesse et autres états de conscience atténués. En 1971, Brozowski expose
les conceptions psychanalytiques de l’infanticide et met l’accent sur la fréquence
des dénis de grossesse chez les mères néonaticides. À côté du déni, on constate,
précédant l’infanticide, la fréquence de la régression à des mécanismes de pen-
sée magique, avec vœu de mort sur l’enfant, tentative d’annulation magique de
la grossesse, pseudo-déni. Le geste infanticide est fréquemment commis pour
annuler la naissance, faire disparaître la trace vivante de l’enfant, et notamment
son cri. On assiste souvent, une fois le geste commis, à une relative sédation de
l’angoisse. Inversement la quasi - totalité des dénis de grossesse ne s’accompa-
gnent pas d’infanticide mais de soins ordinaires à l’enfant.
Angoisse et déréalisation. L’angoisse est parfois absente sur le plan mani-
feste. Ailleurs, elle envahit la mère par moments, offrant le tableau d’une
pseudo-rationalité froide, traversée de propos étranges, quasi délirants. Il est
loin d’être exceptionnel que les mères qui se sentent devenir « folles » aver-
tissent souvent à mots couverts leur entourage familial ou professionnel, de
leur désir de tuer l’enfant, mais sont malheureusement rarement entendues.
Dans d’autres cas, le sujet apparaît assez froid, déterminé, préméditant son
geste dans une sorte de clivage, qu’on ne sait qualifier de psychotique ou
dissociatif. Cette froideur a pu être interprétée comme la belle indifférence
de l’hystérique. Dans notre expérience, surtout lorsque le crime est commis
le premier jour de vie, il nous a semblé que les mères répondaient à un
sentiment de nécessité interne auquel il leur paraissait inéluctable de se
soumettre. Il pouvait exister une forme de culpabilité, mais celle-ci était
rationnelle : il leur semblait qu’elles n’auraient pu faire autrement.
Refoulement. La thèse de la réactivité primitive de Kretschmer éclaire la
continuité entre déni et amnésie dont fait parfois état la mère infanticide.
Elle consiste à admettre l’existence, dès lors que l’enfant réel est perçu, de la
nécessité de mettre fin définitivement à son existence de crainte d’être
submergée par les affects anxieux.
134 Psychopathologie de la parentalité
L’infanticide
Il représente un tableau bien moins homogène. Les troubles mentaux sont
beaucoup plus fréquents (psychose et dépression). Il ne s’agit plus exclusi-
vement d’un crime maternel, plus l’enfant grandit plus souvent le père est
impliqué dans les violences.
Les modalités de l’acte. Elles sont dominées par la négligence
(Kellett, 1992 ; Marks et Kumar, 1993). Concernant l’infanticide actif, les
méthodes sont différentes pour le père et pour la mère. Les pères usent
de méthodes directement violentes, destructrices, telles que secouer l’enfant,
le jeter à terre, le frapper, l’étrangler, lui tirer dessus, le poignarder, tandis
que les mères le plus souvent l’asphyxient ou l’empoisonnent. Le néona-
ticide, presque exclusivement le fait des mères, est le plus souvent lié aux
moyens déjà relevés par Tardieu : la suffocation. Il s’accompagne parfois
pourtant de violences directes meurtrissant le corps de l’enfant. Le garçon
est presque deux fois plus souvent victime que la fille. Cela n’est pas vérifié
durant le premier jour de vie.
Facteurs de risque
Durant la première année de vie, une étude de Cummings et al. (1994),
menée à partir des statistiques de décès dans l’état de Washington, met
en évidence les facteurs de risque suivants valables quel que soit le parent
auteur : absence de suivi de grossesse ; faible poids de naissance ; âge mater-
nel inférieur à 20 ans ; enfant mâle. La prématurité a été retrouvée comme
un facteur important dans l’étude de Vellut et al. (2013).
D’autres facteurs de risque sont assez fréquemment signalés lors des
comptes rendus d’expertise, mais leur prévalence reste inconnue : carences
et abus de l’enfance, répression sexuelle intense, discordes familiales, cli-
mat incestueux ou antécédents d’agressions sexuelles, ambiance familiale
dépourvue de chaleur et d’empathie, déni de grossesse. Les troubles de la
personnalité ont été évoqués surtout pour le filicide.
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7 Dépression périnatale
Dépression anténatale
La dépression anténatale affecte environ 10 à 20 % des grossesses. Elle est
mal reconnue, en dehors des formes sévères et mélancoliques, les troubles
étant souvent imputés à la grossesse elle-même. La traiter, souvent sim-
plement, est indispensable pour réduire le risque de sa persistance en post-
partum, et au titre du principe de précaution, pour prévenir les risques
encore incertains mais de plus en plus plausibles sur le développement
fœtal.
ce qu’ils ne sont pas. L’EPDS à un seuil de 10-11 est optimal pour le dépis-
tage des dépressions mineures et majeures, et à un seuil de 14-15 offre la
meilleure sensibilité et spécificité pour le diagnostic de dépression majeure.
Prévalence
Facteurs de risque
Nous avons sélectionné l’ensemble des études parues entre 1995 et 2012
comprenant au moins 200 sujets. Nous n’avons tenu compte que de
celles comprenant une analyse multivariée incluant des composantes socio-
économiques et au moins deux des facteurs de risque suivants : facteurs
psychologiques ou psychiatriques, facteurs de stress, soutien social, facteurs
biologiques ou autres facteurs somatiques contemporains de la grossesse.
Facteurs sociaux. Un faible niveau d’éducation est le plus couramment
attesté (Bolton et al., 1998 ; Bunevicius et al., 2009 ; Faisal-Cury et al., 2007 ;
Marcus et al., 2003). L’association est forte et, dans plusieurs études, linéaire.
L’absence d’emploi est fréquemment mise en évidence, qu’elle semble choi-
sie ou subie (chômage). La pauvreté du lien social pourrait en être l’expli-
cation. Un faible niveau économique est moins universellement retrouvé
après analyse multivariée (Faisal-Cury et al., 2007 ; Leigh et Milgrom, 2008).
D’interprétation beaucoup plus difficile est le lien avec l’appartenance à une
minorité ethnique (Abdou et al., 2010), qui s’avère être aussi une minorité
socio-économique et culturelle : ne pas être blanc en Australie ou aux États-
Unis, ou bien posséder une langue maternelle autre que le suédois en Suède.
L’âge n’est pas un facteur de risque établi mais aucune de ces études n’inclut
des femmes enceintes de moins de 17 ans, alors que la plupart des études
portant sur la grossesse à l’adolescence retrouvent une prévalence élevée. Être
seule n’est pas un facteur de risque aussi solidement établi que l’on pourrait
penser : il se retrouve seulement dans deux tiers des études (Bolton et al., 1998 ;
Rich-Edwards et al., 2006 ; Faisal-Cury et al., 2007 ; Marcus et al., 2003 ; Orr
et al., 2002, 2007 ; Robertson et al., 2004 for multiparous). De mauvaises rela-
tions avec le partenaire (dont la femme peut s’être séparée) semblent plus
préjudiciables que d’être une mère isolée (Bilszta et al., 2008).
La survenue d’un événement de vie défavorable, et a fortiori de plusieurs, dans
toutes les études, augmente le risque de survenue d’un état dépressif de novo
ou en récidive. Quand il est quantifié, le risque augmente avec le nombre
d’événements (Leigh and Milgrom, 2008 ; Robertson et al., 2004 ; Bunevicius
et al., 2009). La seule étude (Dayan, 2010) ayant pris en compte un à un ces
facteurs a montré que seuls le stress au travail et des relations très conflic-
tuelles (violence verbale ou physique) avec le partenaire demeuraient dans
le modèle final. Ces résultats corroborent, en outre, d’autres études portant
146 Psychopathologie périnatale
La prise en charge
Généralités. La difficulté porte sur la capacité de repérage de la dépression
anténatale. En dehors des troubles sévères, le diagnostic ou même la sus-
picion du diagnostic sont très rarement faits par des soignants qui n’ont pas
reçu de formation. Les plaintes sont rares et souvent mises sur le compte de
troubles physiques.
Efficacité. La prise en charge est assez aisée et efficace : dans la plupart des
cas, le trouble rétrocède à une psychothérapie bien conduite et adaptée. Elle
permet aussi de créer une alliance, d’offrir un soutien durant le post-partum,
d’organiser la prévention. Dans ce contexte, les visites prénatales n’ont pas
permis d’offrir le soutien psychologique qu’on en attendait. En effet, l’aide
psychosociale, sans psychologues ou psychiatres formés, ne permet ni de
prévenir ni de traiter les troubles anxio-dépressifs périnataux.
Thérapeutique : voir chapitre 18.
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154 Psychopathologie périnatale
Dépression du post-partum
Les premières observations. En 1845, Esquirol observe chez certaines femmes
qui viennent d’accoucher des troubles psychiatriques d’intensité modé-
rée qui ne nécessitent pas d’hospitalisation et échappent à l’investigation
des psychiatres.
En 1858, Marcé décrit des accidents nerveux « qui ne se développent que
vers la cinquième ou sixième semaine ».
Le concept de dépression atypique. Pitt, en 1968, entreprend son étude princeps,
qui recherche une forme intermédiaire entre blues et psychoses puerpérales.
Il sera amené à décrire « la dépression atypique suivant la naissance ». Sous
ce terme, il distingue une dépression non psychotique sans idées suicidaires
ni ralentissement psychomoteur ou labilité de l’humeur, qui apparaît durant
le post-partum chez des femmes indemnes durant la grossesse. Sa prévalence
élevée fut tout à fait surprenante. Ce résultat fut reproduit ensuite à maintes
reprises, mais la reconnaissance des dépressions natales rencontra une
franche résistance dans les pays d’Europe du Sud et en France, comme en
témoigne l’examen de la littérature scientifique, peut être comme le suggère
Héritier en relation avec le statut maternel et sa place imaginaire variable en
Europe, selon les déterminations religieuses dominantes des sociétés.
Épidémiologie générale
Méthodologie
L’évaluation de la dépression repose soit sur des entretiens semi-structurés,
standardisés et validés, généralement établis en regard des principales clas-
sifications internationales (DSM ou CIM) ou selon les critères RDC (Research
Diagnostic Criteria), soit sur des questionnaires, auto-administrés ou non,
qui ne permettent pas un diagnostic stricto sensu. Ces derniers tendent à
surestimer la prévalence, évaluée par les entretiens, d’un facteur 1,5 à 2.
Les principales échelles d’auto-évaluation utilisées sont le BDI ou Beck
depression inventory (Beck et al., 1961), le CES-D ou Center for Epidemiological
Studies-Depression scale ; l’EPDS ou Edinburgh Depression Scale (Cox et
al., 1987), le questionnaire de Zung (SDRS ; Zung, 1965). Les valeurs choisies
varient selon les études et les pays. Celles le plus souvent retenues (O’Hara
et al., 1996) sont les suivantes : BDI : ≥ 9 ; CES-D : ≥ 16 ; Zung : ≥ 48 ;
EPDS : ≥ 12. En France on utilise souvent pour l’EPDS un seuil de 10/11
pour le dépistage et 12/13 pour la recherche.
Prévalence
En utilisant les critères du DSM ou RDC, les taux de dépression majeure
varient de 3 % à 6 % au cours des deux premiers mois du post-partum. Si l’on
Dépression périnatale 155
L’instrument de mesure
La prévalence varie selon la méthode d’évaluation utilisée (O’Hara et
Swain, 1996), certains instruments n’ayant jamais été validés (cf. tableau 7.2).
seuils suivantes : BDI : ≥ 9 ; CES-D : ≥ 16 ; Zung : ≥ 48 ; EPDS : ≥ 12.
c La prévalence moyenne estimée, à partir de ces études, était de 0,20. La prévalence estimée
sur le nombre de cas est bien plus faible selon Gotlib et al. (1991) qui rapportent un taux
de prévalence à 0,047 (n = 655).
(d’après O’Hara et Swain, 1996.)
156 Psychopathologie périnatale
Aspects nosographiques
DSM-V (APA, 2013)
Le DSM-V introduit le critère « avec début périnatal » qui regroupe les
troubles du début de la grossesse jusqu’à quatre semaines après l’accou-
chement. La spécification est applicable à un épisode dépressif majeur (dont
la prévalence est estimée entre 3 et 6 %), isolé ou récurrent, mais également
à un trouble bipolaire I ou II, ou à un trouble psychotique bref.
Limites temporelles
L’incidence de la dépression durant le premier mois du post-partum est trois
fois supérieure à celle d’un groupe « approximativement » contrôlé (Cox
et al., 1993 ; Cooper et Murray, 1995). Le risque dépressif ne se limite pas
aux quatre premières semaines. Si une grande part des épisodes puerpé-
raux débute dans le premier mois du post-partum (Cox et al., 1993), on peut
constater leur prolongation ou leur présence bien au-delà. La guérison serait
plus tardive que celle des dépressions ordinaires (Hendrick et al., 2000).
Dépression périnatale 157
En 1993, Pop et al., dans une étude longitudinale portant sur 293 accouchées,
ont trouvé un pic de prévalence de la DPP dix semaines après l’accouche-
ment. En outre, Holt, en 1995, qui recherchait la dépression à trois, neuf et
quinze mois du post-partum, relève que la prévalence la plus élevée se situait
à neuf mois. De fait, de nombreuses études (cf. Holt, 1995) définissent la
DPP comme un épisode survenant dans la première année du post-partum. Il
s’agit d’ailleurs de la définition conseillée par la Société Marcé (http://www.
marcesociety.com/ ; http://www.marce-francophone.fr/), société interna-
tionale, réunissant cliniciens et chercheurs d’horizons très différents, et qui
a pour but la compréhension, la prévention et le traitement des affections
mentales liées à la naissance.
Limites sémiologiques
Les DPP ne répondent pas toutes aux critères de la dépression majeure.
Une définition trop réductrice a pour conséquence d’écarter d’une prise
en charge spécifique deux tiers des patientes dont le trouble ne sera pas
diagnostiqué (Godfroid, 1997).
Aspects sémiologiques
Les difficultés diagnostiques
Ces dépressions échappent pour la plupart à l’investigation psychiatrique
et au traitement. Leur dénomination a longtemps reflété la difficulté de
leur diagnostic : « dépressions mineures », « atypiques », « névrotiques »,
« souriantes ». Les mères déprimées souvent résistent au diagnostic
qu’elles craignent, n’évoquant qu’une fatigue exagérée ou des troubles
hormonaux.
Certains signes sont peu spécifiques Les éléments les plus caractéristiques sont
Pleurs Épuisement majeur
Labilité de l’humeur, plus altérée le soir Phobies d’impulsion
Plaintes somatiques, craintes hypocon- Déplaisir et inadaptation aux soins du bébé
driaques Irritabilité dirigée vers l’époux ou les autres
Troubles de la concentration et de la mémoire enfants
Insomnie d’endormissement avec cauchemars Sentiment d’incapacité physique
Perte de la libido, perte des intérêts habituels Anxiété fréquente et intense
Dépression périnatale 159
Éléments spécifiques
Certaines études attachées à la sémiologie retrouvent quelques traits sémio-
logiques plus particuliers à la DPP :
Questions de dépistage
En pratique clinique une « préorientation » diagnostique peut être obtenue
à l’aide d’une ou deux questions :
1) « Avez-vous la sensation d’être parfois anormalement épuisée ou décou-
ragée ? »
En cas de réponse hésitante, il sera proposé la question suivante :
2) « Éprouvez-vous parfois un sentiment de fatigue ou de lassitude qui vous
conduit à pleurer ? »
En cas de réponse positive à l’une des questions un autoquestionnaire
comme l’Edinburgh postnatal depression scale (EPDS) (12, 38, 39) peut-être
proposé à la parturiente, qui assure une meilleure qualité de dépistage.
Questionnaires
Ils sont intéressants en cas de consultation ou de suivi à domicile par des
sages-femmes ou des travailleurs sociaux formés à leur lecture. L’EPDS,
d’emploi rapide et aisé (10 items, remplissage par le sujet en 2 à 5 minutes)
est un des instruments les plus employés pour dépister un état dépressif
durant la grossesse et le post-partum. Durant le post-partum, le seuil de 12 est
habituellement préconisé. D’autres échelles moins spécifiques sont dispo-
nibles notamment la Beck depression inventory (BDI) (Beck et al., 1961) et la
primary care evaluation of mental disorders patient health questionnaire (PRIME-
MD, PHQ). Ils sont tous (Spitzer et al., 1999) disponibles en français.
160 Psychopathologie périnatale
Diagnostic différentiel
Il est souvent aisé, la question essentielle étant de détecter la souffrance
maternelle, fréquemment masquée.
• Le baby blues précoce et transitoire : intense ou prolongé, il peut annoncer
ou se confondre avec une DPP (Hapgood et al., 1988 ; Sutter et al., 1995).
• La psychose puerpérale se manifeste dans la majorité des cas entre la
première et la troisième semaine postnatale, et le tableau est nettement
psychotique : délire et hallucinations dans les psychoses aiguës, états
maniaques ou mixtes souvent délirants.
• Stress aigu et état de stress post-traumatique : le début du trouble se situe 24
à 48 heures après l’accouchement, l’angoisse est au premier plan, diurne et
nocturne avec cauchemars récurrents.
• Autres : hypothyroïdie, syndrome de Cushing, dépressions induites par les
drogues à action directe sur le système nerveux central, embolies cérébrales
et autres causes rares de délire ou de syndrome confusionnel postnataux.
Évolution et pronostic
Récurrence
La DPP constitue, parfois, le début d’épisodes dépressifs récurrents soit
lors d’une grossesse suivante, le risque de récidive étant alors de 25 à 30 %
(Blackmore et al., 2013 ; Altemus et al., 2012 ; Sharma et Pope, 2012 ;
Dépression périnatale 161
Hormones thyroïdiennes
Pendant la grossesse, les modifications des hormones thyroïdiennes sont
le reflet de l’augmentation de la thyroxine-binding globulin (TBG). Les T3 et
T4 totales sont augmentées, mais les taux d’hormones libres sont dans les
limites de la normale et sont abaissés pour environ 10 % de la population
(Ekinci et al., 2013).
Une hypothyroïdie transitoire, parfois précédée d’une hyperthyroïdie (liée
à une infiltration de la glande avec destruction et libération initiale de T3 et
T4), survient chez plus de 5 % des femmes au cours de la première année du
post-partum avec un pic vers les quatrième-cinquième mois. Une association
Dépression périnatale 163
Hormones stéroïdiennes
Progestérone et œstrogène (stéroïdes sexuels)
Les dosages plasmatiques et les dosages urinaires n’ont pas amené d’élé-
ments marquants en faveur d’un rôle de la progestérone ou des œstrogènes.
Soit ils montrent l’absence de modifications significatives, soit les résultats
sont non reproductibles ou discordants. Une étude a même retrouvé chez
les femmes présentant une dépression majeure un taux plasmatique plus
élevé d’œstroprogestatifs (Klier et al., 2007). Des recherches plus agres-
sives ont par contre suggéré leur intervention. Ainsi, Bloch et al. (2000)
ont simulé l’augmentation très importante du taux d’hormones stéroïdes
sexuelles durant la grossesse et son effondrement après la naissance. Pour
ce faire, ils ont administré un agoniste du GRH (gonadotropin-releasing hor-
mone) à 16 femmes euthymiques dont la moitié présentait des antécédents
de dépression postnatale. Après huit semaines de ce traitement, le sevrage
fut pratiqué en double aveugle. Chez deux tiers des femmes présentant des
antécédents dépressifs, le sevrage s’accompagnait de la survenue de symp-
tômes dépressifs, alors qu’il n’y en avait aucun dans le groupe contrôle sans
antécédent de dépression postnatale.
Cortisol (glucocorticoïde)
Harris (1994) montre l’association d’un taux abaissé de cortisol salivaire le
soir (dans le péripartum immédiat) et l’apparition secondaire d’une DPP. La
chute en post-partum du cortisol diurne serait ralentie chez les mères dépri-
mées (Pedersen et al., 1993) comparées à un groupe de mères non déprimées.
Nierop et al. (2006) retrouvent un taux plus élevé de cortisol à une épreuve
de stress chez les mères qui ont un score ≥ 10 durant les deux premières
semaines du post-partum. Groer et Morgan (2007) retrouvent, entre quatre
et six semaines, une concentration salivaire de cortisol abaissé et un taux
sérique abaissé d’interféron gamma suggérant une diminution de l’activité
de l’axe hypothalamo-hypophysaire, retrouvé dans certaines études (Taylor,
Glover et al., 2009) et non dans d’autres (Lommatzsch et al., 2006).
164 Psychopathologie périnatale
Autres hormones
Une étude a retrouvé un taux de mélatonine le matin significativement
plus élevé chez les femmes présentant une DPP (Parry et al., 2008). Skal-
kidou et al. (2009) ont montré que la leptine, synthétisée dans le tissu adi-
peux, pouvait conférer une protection contre la dépression, ce qui pourrait
s’accorder avec le taux élevé de DPP retrouvé dans certaines études chez les
sujets de faible indice de masse corporelle.
Planification de la grossesse
Son absence selon Warner et al. (1996) augmente le risque de DPP. La
notion de moindre préparation à la maternité est également relevée (Mills
et al., 1995).
Présence d’un support émotionnel durant le travail
Selon Wolman et al., en 1993, un soutien, même effectué par une personne
auparavant inconnue de la parturiente, conduit à une meilleure « estime
de soi » et à une diminution de l’anxiété et de la dépression, évaluées six
semaines après la naissance. Au minimum, ce choix améliore la satisfaction
des conditions de l’accouchement (Bruggemann et al., 2007).
Naissance à domicile. C’est seulement depuis l’après-guerre que
l’accouchement à domicile est devenu tout à fait inhabituel en Europe de
l’Ouest. La prépondérance de la technique et la médicalisation de l’accou-
chement ont été évoquées à l’origine de la dépression postnatale. En
Hollande, 35 % des femmes accouchent à la maison contre moins de 1 %
en France ou en Angleterre. Selon Pop et al., en 1995, l’incidence du blues et
de la DPP est semblable chez les femmes qui accouchent à l’hôpital et celles
qui accouchent à domicile.
Parité. Stowe et Nemeroff, en 1995, rapportent que, sur 18 études, seu-
lement 3 études retrouvent un plus haut taux de DPP chez les primipares.
Nous avons retrouvé (Dayan cité in Gravereau-Vanecke, 2004) une corréla-
tion entre grande parité et dépression dans un modèle univarié.
Allaitement. Une plus grande proportion de femmes déprimées ne
désirent pas allaiter ou interrompent plus tôt l’allaitement (Henderson
et al., 2003). En aucune façon allaiter n’améliore leur humeur si elles ne le
souhaitent pas. Au contraire, en clinique il est fréquent que la pression à
allaiter chez les femmes dépressives qui n’en font pas le souhait augmente
la mésestime d’elles-mêmes. Par contre l’effet est inverse lorsqu’elles le sou-
haitent, et que spontanément et suffisamment aidées celui-ci se déroule
favorablement. Toutefois, des interactions troublées entre mères et bébés
peuvent rendre plus difficile l’allaitement. La dépression prénatale prédit
un taux d’allaitement diminué et réciproquement les femmes qui allaitent
sont moins déprimées (Figueiredo et al., 2013). Il s’agit d’effets bidirection-
nels entre dépression et allaitement (Hahn-Holbrook et al., 2013).
Facteurs gynécologiques
Syndrome prémenstruel et dysphorie prémenstruelle sont corrélés avec
l’apparition d’une DPP (Pitt, 1968 ; Buttner et al., 2013).
Dépression périnatale 167
Activité professionnelle
La seule absence d’emploi n’est pas un facteur de DPP (Robertson, 2004)
à l’opposé de l’instabilité professionnelle (O’Hara et Swain, 1996 ; Murray
et al., 1995). Plus que l’absence d’emploi, l’absence de reprise d’un emploi
à la suite du congé de maternité serait un facteur de risque indépendant
(Warner et al., 1996). Les auteurs estiment que la perte d’emploi (volontaire
ou non) qui suit la grossesse affecterait les femmes par l’isolement social et
la faible estime d’elles-mêmes qu’elle entraînerait.
Âge maternel
Les différentes méta-analyses concluent en l’absence de corrélation entre
l’âge maternel et la survenue d’une DPP. Toutefois, plusieurs études ont
montré qu’aux extrêmes de la période fertile, soit avant 18 ans et après
40 ans, la DPP était plus fréquente. Il est néanmoins probable que le
mode de calcul influe sur ces résultats. La DPP affecterait un quart des
adolescentes.
Stress et abus
Antécédents d’abus physiques ou sexuels et de carences
affectives précoces
Les violences subies durant l’enfance qu’elles soient physiques, psycholo-
giques, sexuelles, l’exposition à des violences intrafamiliales ou une édu-
cation despotique, ont été associées de façon significative dans plusieurs
études à la survenue d’une dépression postnatale (Malta et al., 2012 ; Mezey
et al., 2005 ; Sagami et al., 2004).
Très souvent, les victimes d’abus sexuels ont également été victimes
d’abus physique et émotionnel, de négligence ou d’autres conséquences
d’un dysfonctionnement familial majeur. Il a été proposé que l’ensemble de
ces facteurs pourrait être aussi déterminant que l’abus sexuel dans la déter-
mination de la psychopathologie du futur adulte. Les travaux de Bifulco
et al. (1998) orientent, néanmoins, vers un rôle prépondérant de l’abus
sexuel en regard de la dépression. Dans ces circonstances, des difficultés
relationnelles et d’accès à la parentalité ont également été rapportées,
communément constatées par les praticiens malgré peu d’études précises
sur le sujet (Cole et al., 1992). Le maternage quotidien devient source
d’angoisses plus ou moins conscientes (Buist et Barnett, 1995).
L’allaitement au sein est parfois abandonné en le qualifiant de répugnant,
les soins sont confiés à autrui, l’enfant peut être négligé. Ces mêmes auteurs
signalent que, dans une unité d’hospitalisation mère-bébé, 40 % de femmes
rapportent un abus sexuel, et 54 % un abus sexuel et/ou physique. L’échan-
tillon si particulier et les critères mal définis de l’abus ne permettent, bien
entendu, aucune conclusion épidémiologique, mais ces résultats incitent à
continuer les recherches.
Stress et événements de vie
Les résultats sont étroitement dépendants du mode d’évaluation. Le plus
souvent, les études sur de larges populations sont conduites avec des échelles
restreintes d’événements de vie. Il peut s’agir d’événements de vie évalués
sur la vie entière ou plus souvent sur une période restreinte du moment de
l’évaluation jusqu’aux 6 mois ou un an avant. La cotation se fait par oui ou
170 Psychopathologie périnatale
Ces deux derniers paradigmes sont liés par plusieurs résultats (i. e. Cohn
et al., 1991).
Procédure de cotation
Les protocoles sont standardisés pour permettre une analyse fiable des
items observés. Les critères connaissent une définition spécifique pour
chaque auteur, par exemple « le désengagement » maternel est défini dans
une étude par l’expression neutre de la mère et le fait qu’elle n’interagisse
pas avec le bébé. Elle peut aussi détourner le regard ou regarder « passive-
ment » son enfant. Ailleurs est coté le nombre de sourires, en tenant ou
pas compte de leur qualité ; ou bien encore le nombre « d’états affectifs
négatifs ». Certaines études (Murray, 1992) procèdent à une cotation semi-
qualitative alors que d’autres (Field et al., 1990) préfèrent y adjoindre une
cotation quantitative des mimiques, sourires, expressions gestuelles ou de
la voix. Le kia-profil établi par Stern (1989) est basé sur une telle méthode
d’évaluation.
Concepts utilisés
L’observation d’un défaut dans le rythme d’accordage des échanges entre les
états affectifs de l’enfant et de la mère ou bien l’inadaptation des réponses
aux signaux émis a donné lieu à la promotion du concept de synchronie
(Feldman, 2007). Il est promu comme signal d’alarme par certains auteurs
(Guédeney et al., 2011).
L’accordage affectif, concept développé par Stern, est l’expression
d’affects partagés entre l’enfant et son partenaire à travers des manifes-
tations comportementales généralement dissemblables. La « contingence »,
concept développé par Greenspan et Lieberman (1980), est l’état d’un
comportement quand il répond de façon appropriée aux signaux de l’émet-
teur en relation avec le but que ceux-ci manifestaient. En cas de dépression,
les comportements maternels sont plus souvent anti-contingents, non syn-
chrones et mal adaptés.
Résultats (présentation chronologique)
8 à 9 semaines : l’étude de Cohn et al. (1990) use d’une méthodologie
rigoureuse : population spécifiée (jeune, classe moyenne, mariée, présentant
une dépression majeure répondant aux critères RDC) et groupe contrôlé sur
les variables sociodémographiques. Le comportement des mères déprimées
se distinguait par moins de comportements « positifs » et 4 fois plus de
comportements « négatifs », une attention moins soutenue, plus d’irritabi-
lité, moins d’activité et de sourires. Toutefois, la quantité d’affects positifs
maternels ne différenciait pas significativement dans les deux groupes
et les bébés eux-mêmes ne semblaient pas répondre différemment selon
les critères considérés. On note d’ailleurs un taux d’harmonisation des
affects semblables. Devant cet effet restreint de la dépression maternelle, les
Dépression périnatale 173
auteurs concluent que probablement les études antérieures n’ont pas tenu
compte de facteurs annexes déterminant les troubles précédemment constatés.
2 mois : l’analyse dynamique en vidéo (Murray et al., 1996) étudie les
précurseurs (dans l’intervalle d’une seconde) des comportements différant
entre mères déprimées et non déprimées (diagnostic critères RDC ou research
diagnostic criteria) : interruptions de l’enfant et comportements affirmatifs
ou négatifs de la mère. Dans la relation mère déprimée/bébé, les ruptures
induites par l’enfant sont précédées par des réponses discordantes de la
mère ou une attitude de rejet. Ces attitudes sont elles-mêmes précédées par
l’expression d’affects négatifs chez l’enfant. À l’inverse, les comportements
positifs de la mère (réponses empathiques reflétant ou prolongeant celles
du nourrisson) sont précédés par l’expression d’affects positifs chez l’enfant
(sourires, vocalisations positives). Le sexe de l’enfant ne modifie pas ces
conclusions.
3 mois : Field et al., en 1990, étudient, au cours de séquences interactives
en face-à-face entre une mère et son nourrisson de 3 mois, les moments
où les deux partenaires semblent partager le même comportement affec-
tif. L’analyse tend à montrer une plus grande cohérence entre les cycles
comportementaux des dyades de mère non déprimée et une meilleure syn-
chronie interactive.
6 mois : Campbell et al. (1995) ont évalué les interactions de mères dépri-
mées (évaluées par la CES-D, seuil à 27), issues d’un milieu très défavorisé,
avec leur bébé. Elles avaient en commun l’expression beaucoup plus rare
d’affects positifs que le groupe contrôle (20 % du temps des échanges contre
50 %). Surtout, leurs styles différaient, démontrant que la dépression ne peut
se résumer à une modalité interactive unique : la moitié des mères étaient
« intrusives », les autres désengagées, mais parfois positives et semblables
dans l’interaction au groupe contrôle, ou mixtes. Au comportement mater-
nel répondait assez spécifiquement un profil de comportement du bébé. Au
comportement intrusif répondaient des « regards vagues », au désengage-
ment la protestation, au comportement positif, des réponses positives.
8 mois : les mères déprimées ne sont, à 8 mois, ni plus intrusives ni
plus évitantes vis-à-vis de leur enfant que le reste de la population (Murray
et al., 1996). Toutefois, elles sont moins sensibles et moins accordées au
comportement de l’enfant, expriment moins de commentaires sur sa
conduite et ont plus de comportements négatifs. L’enfant lui-même est
aussi souvent actif et engagé dans l’interaction, son tonus est semblable,
il ne se montre pas plus en détresse que les autres enfants. La seule diffé-
rence avec le groupe contrôle est la fréquence des discontinuités induites
par l’enfant. Ces résultats contrastent avec ceux d’études menées parmi des
populations défavorisées où les stress et l’adversité sociale augmentent
les effets de la dépression pour perturber plus massivement les interactions
mère-enfant (Field et al., 1990).
174 Psychopathologie périnatale
à d
éterminer, il semble bien que la DPP soit plutôt le promoteur de ces
troubles. Quoi qu’il en soit, une fois ceux-ci installés, une spirale interactive
négative est en place.
Développement de l’enfant évalué à 18 mois
La plupart des études aujourd’hui ne retrouvent plus de corrélation signi-
ficative entre une dépression postnatale isolée avant 6 mois et des troubles
cognitifs affectifs ou moteurs chez l’enfant à 18 mois (Azak et al., 2012 ;
Conroy et al., 2012 ; Keim et al., 2011 ; Sutter-Dallay et al., 2011 ; Tse
et al., 2010).
Par contre la dépression postnatale, en association avec d’autres condi-
tions défavorables (par exemple, Tse et al., 2010) ou lorsque les troubles
maternels tendent à la chronicité ou récidivent (Sutter-Dallay et al., 2011),
demeure un facteur de risque démontré. Les associations défavorables
sont le faible soutien social, des conditions domestiques inadaptées (Piteo
et al., 2012) ou bien un trouble de la personnalité (Conroy et al., 2012).
Certaines études ont montré que les acquisitions des enfants de mères
continûment dépressives semblaient conserver un retard discret mais signi-
ficatif par rapport aux enfants de mère non déprimées (Azak, 2012). Une
étude a retrouvé de moins bonnes performances aux épreuves de perma-
nence d’objet (épreuves piagétiennes) à 9 et 18 mois (Murray, 1992). Ces
troubles restent toutefois modérés : les nourrissons n’avaient pas d’altéra-
tion globale du développement cognitif. Une étude a montré qu’un stress
psychosocial modéré pouvait légèrement accélérer le développement
moteur et les performances langagières (Keim et al., 2011).
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8 Anxiété et stress
La totalité des enquêtes épidémiologiques mettent en évidence environ
deux fois plus de troubles anxieux chez les femmes que chez les hommes
(Seedat et al., 2009 ; Howell et al., 2001). En période périnatale, une cer-
taine forme d’anxiété et d’inquiétude, les préoccupations maternelles,
généralement de faible intensité, ne ressortent pas de la pathologie. Il
leur a été prêté une fonction adaptative. Les questionnaires, échelles
et entretiens diagnostiques standardisés les classent parmi les manifes-
tations anxieuses peu intenses ou les négligent. Elles font pourtant partie
du processus de parentalisation. À côté d’elles des formes de plus grande
intensité s’organisent parfois selon des syndromes qui, à partir de certains
critères (par exemple DSM, CIM), seront considérés comme des troubles
mentaux.
Évaluation de l’anxiété
L’anxiété-état, par définition ponctuelle, est susceptible de fluctuations
rapides. Elle est aujourd’hui souvent mesurée par le STAI (State, Trait Anxiety
Inventory). Un niveau d’anxiété plus élevé est retrouvé autour du troisième
mois de la grossesse, s’atténuant au second trimestre pour connaître un
pic avant l’accouchement. Standley et al. (1979), procédant par entretiens,
retrouvent au dernier mois de grossesse chez 37 % des femmes au moins
un symptôme anxieux caractérisé (insomnie, réactivité anxieuse, idées
bizarres ou pensées incontrôlables) et chez 11 %, deux ou plus. Durant le
post-partum, la comorbidité est importante entre trouble anxieux et trouble
dépressif mais aussi entre symptômes dépressifs et anxieux.
Le trouble panique
Il associe des attaques de panique et, dans l’intervalle de leur survenue,
une attente anxieuse généralisée dont le motif principal est la crainte d’une
récidive de l’attaque. Deuils et naissances, grossesse et accouchement ont
été incriminés parmi les facteurs précipitant ainsi que les abus sexuels ou
événements stressants de l’enfance.
Études systématiques
Prévalence
La plupart des études portent sur l’évolution d’un trouble panique pré-
existant à l’état de grossesse. Les résultats sont discordants, mais la plupart
des études à ce jour présentent des faiblesses méthodologiques : enquêtes
rétrospectives, faibles échantillons et sélection peu représentative, taux
très élevé de non-réponses. L’évolution est éminemment variable. De plus,
il n’est généralement pas tenu compte d’un éventuel traitement en cours.
Villeponteaux et al. (1992) étudient l’effet de la grossesse sur les attaques
de panique préexistantes chez 129 femmes précédemment traitées pour
trouble panique ou agoraphobie (critères DSM-III-R). Ils adressent un
188 Psychopathologie périnatale
Phobies d’impulsion
Les phobies d’impulsion sont une forme de TOC extrêmement caractéris-
tique du post-partum. Elles peuvent conduire dans leur forme sévère à une
prise en charge spécifique dans les unités d’hospitalisation mère-enfant.
Historique. Esquirol rapporte, en 1845, le cas d’une parturiente qui, cinq
jours après la naissance, fut troublée par l’histoire d’une femme qui assas-
sina et décapita un enfant. Prise elle-même d’un irrépressible désir de tuer
son propre bébé, elle ne se décida à chercher de l’aide qu’après s’être sen-
tie tendre involontairement son bras vers un couteau. Après six semaines
d’hospitalisation, elle se rétablit complètement.
Idéations phobiques. Si la fréquence des phobies d’impulsion véritables est
faible (estimée entre 0,5 et 1 % de la population), les idéations agressives
sont fréquentes, affectant selon leur définition entre 10 et 40 % des partu-
rientes. Elles ont été retrouvées par Jennings et al. (1999) chez 41 % de
femmes avec bébé présentant un état dépressif contre 7 % dans la popula-
tion générale.
La phobie d’impulsion infanticide est caractérisée par la pensée obsédante
mêlée de crainte et parfois de terreur de blesser ou tuer compulsivement
ou par accident le nouveau-né : l’égorger avec un couteau, le jeter par la
fenêtre, le noyer dans son bain, le laisser tomber de la fenêtre. Elle entraîne
des manœuvres pour éviter les bains, les couteaux de cuisine, l’isolement
avec l’enfant. Source de honte ou de culpabilité, elle peut conduire à altérer
Anxiété et stress 191
perçus comme stressants par la femme enceinte. Dans une étude écossaise
(Pritchard et Teo, 1994), une association est trouvée avec la perception qu’a
la femme des difficultés rencontrées dans son rôle de mère et dans les tâches
domestiques. Dans une étude menée aux États-Unis (Lobel et al., 1992),
c’est un score composite de stress (stress perçu pour les événements de vie
majeurs, pour les tracas de la vie quotidienne, mesure d’anxiété) qui est lié
à l’accouchement prématuré. Une étude (Wadhwa et al., 1993) ne retrouve
pas de lien avec le stress perçu, aussi bien quotidien que lié aux événements
de vie majeurs, mais la population étudiée ne comporte que 90 femmes,
contre souvent plusieurs milliers pour les études citées précédemment. Il
est intéressant de relever que c’est surtout la réponse au stress qui joue un
rôle et non pas la seule occurrence de l’événement supposé stressant. Ainsi,
Hedegaard et al. (1996) et Lobel et al. (2008) ne détectent pas de liaison avec
l’accouchement prématuré lorsque les événements sont évalués indépen-
damment de la perception plus ou moins stressante qu’en a la femme.
Stress chronique. Il se manifeste au sein d’un environnement, affectif,
culturel et économique dont il ne peut être séparé. La personnalité du sujet,
son tempérament et son niveau académique vont aussi intervenir. L’aug-
mentation de la sécrétion par le placenta du CRH serait le point central des
interrelations complexes entre mère et fœtus en réaction à un stress chro-
nique. L’augmentation du taux de cortisol (Makrigiannakis et al., 2007) est
plus spécifique du stress chronique et de l’anxiété-trait (Diego et al., 2006).
Stress et catastrophes. Dans les quatre comtés de l’État de New York
affectés par l’inondation de juin 1972, une augmentation significative du
nombre des fausses couches a été constatée au dernier trimestre 1972 et
dans l’année qui a suivi (Janerich et al., 1981).
Une diminution du taux de naissances de faible poids a été observée, pendant
la guerre, à Helsinki (Corsa et al., 1952 d’après Omer et al., 1986). Ce résultat est
généralement imputé à un meilleur équilibre psychique des femmes soumises
en groupe à des conditions de vie plus difficiles et donc à un stress durable.
Omer et al. (1986) ont mis en évidence en Israël un taux d’accouchements
prématurés, durant la guerre d’octobre 1973 et le mois qui suivit, inférieur à
celui observé durant les mêmes mois l’année suivante. Une meilleure cohésion
sociale est encore ici proposée pour expliquer cet apparent paradoxe.
Les attaques terroristes, comme celles du World Trade Center aux États-
Unis se sont accompagnées d’un taux augmenté de retard de croissance
intra-utérin dû aux effets environnementaux mais (Engel et al., 2005 ;
Berkowitz et al., 2003 ; Perera et al., 2005 ; Rich-Edwards et al., 2005)
d’aucune autre complication obstétricale.
Les études qui ont pris pour objet le stress ont montré des résultats
variables concernant la prématurité ou la réduction de l’âge gestationnel.
Toutefois certaines études portent seulement sur les femmes témoins directs
des événements et d’autres incluent celles qui en ont entendu parler, ce
196 Psychopathologie périnatale
qui n’est guère comparable. Il est démontré que ces dernières n’ont pas
d’augmentation du risque, voire même une diminution significative (Rich-
Edwards et al., 2005). C’est le cas d’une étude incluant 165 000 enfants nés
de familles de militaires en activité mais dont l’immense majorité n’était pas
directement exposée. Cette large étude n’a pas trouvé d’augmentation des
enfants de petit poids (Endara et al., 2009) ni d’effets sur le développement.
Une étude a même montré une réduction du risque obstétrical chez les
femmes qui présentaient un PTSD ou un état dépressif, à l’exception d’une
réduction du périmètre crânien (Engel et al., 2005). Les études qui ont porté
sur les tremblements de terre ont montré des complications obstétricales de
toutes sortes. Elles étaient maximales avec les catastrophes les plus massives
comme celle en Chine, en 2008, qui causa 70 000 décès (Tan et al., 2009).
Des tremblements de terre de moindre amplitude et de moindre sévérité
en Israël ont retrouvé une augmentation des enfants nés prématurément
(Weissman et al., 1989).
Les catastrophes qui ont entraîné d’importants déplacements de per-
sonnes sont souvent associées à des carences et des stress cumulatifs psycho-
logiques et physiologiques, surtout dans les pays en voie de développement
ou dans les populations très défavorisées. L’ouragan Katrina, qui a causé plus
de 1 800 décès aux États-Unis, s’est accompagné de moins de naissances de
petit poids et d’aucune augmentation d’autres complications obstétricales
(Hamilton et al., 2009). Globalement, il n’y a pas eu plus de problèmes de
santé mentale chez les enfants nés à cette période, bien qu’il y eût plus
de PTSD et d’états dépressifs chez les femmes enceintes à cette période (Savage
et al., 2010). Ces troubles étaient associés à plus de difficultés psycholo-
giques chez les enfants (Tees et al., 2009), ce qui laisse supposer qu’une part
non négligeable de femmes ayant connu des troubles psychiques après la
catastrophe auraient peut-être été les mêmes qui auraient entretenu des rela-
tions difficiles avec leurs enfants. Au total, la littérature portant sur les catas-
trophes ne permet pas de conclure à des effets importants sur la durée de la
gestation. Plus d’études ont montré une réduction qu’une augmentation du
risque (Eskenazi et al., 2007 ; Engel et al., 2005 ; Rich-Edwards et al., 2005 ;
El-Sayed et al., 2008 ; Hamilton et al., 2009). Par contre, des résultats plus
consistants ont été trouvés sur la croissance fœtale et le poids de naissance.
Le timing de l’exposition au stress aigu. Le premier trimestre et le début
du second trimestre semblent une période de particulière vulnérabilité.
Entre la 8e et la 24e semaine, lorsque se mettent en place les réseaux corti-
caux, le cerveau est particulièrement vulnérable. Par ailleurs il est démon-
tré qu’une élévation du taux de cortisol durant le premier trimestre de
grossesse prédit un taux élevé de CRH au troisième trimestre, qui pourrait
expliquer le lien entre stress précoce et réduction de la durée de gestation.
La datation d’un stress est souvent difficile, car il comprend souvent une
période d’anticipation elle-même stressante et lui-même peut s’étaler sur
Anxiété et stress 197
Stress et développement
Théorie de la programmation foetale
Le rôle des facteurs psychologiques, tels que le stress, l’anxiété ou la dépres-
sion, est suspecté dans certaines issues défavorables de la grossesse, en parti-
culier prématurité et poids de naissance (DiPietro et al., 2002) mais aussi
dans le développement, comme le suggèrent les études très documentées
chez l’animal. Toutefois, la plupart des études contrôlent mal les facteurs
de confusion et les risques relatifs sont le plus souvent modérément aug-
mentés. Lorsqu’il s’agit d’affection rare (schizophrénie, malformation de la
crête neurale) il importe de garder à l’esprit que la très grande majorité des
grossesses ne mènent pas aux complications étudiées.
Selon la théorie de la programmation fœtale (cf. par exemple Glover
et al., 2010), le fœtus s’adapte aux conditions de l’environnement. En cas de
stimuli extrêmement défavorables, un accouchement plus précoce favorise-
rait la survie mais exposerait à plus de vulnérabilité et plus de maladies. Les
modèles épidémiologiques, comme les modèles expérimentaux se heurtent
à certaines limites pour expliquer les relations entre le stress et les issues
défavorables de la grossesse ou les conséquences sur le développement. En
effet, de nombreux facteurs interviennent qui modulent l’effet du stress,
comme certains propres à l’unité fœto-placentaire, d’autres liés aux facultés
d’adaptation du sujet dans son environnement.
neurale. Elle est maximale lorsqu’il s’agit d’un décès d’un enfant (RR = 4,75),
a fortiori durant le premier trimestre, et qu’il est inattendu (RR = 8,36). Les
études portant sur les désastres naturels ou sociaux, déjà citées, ont montré
une plus grande incidence de la schizophrénie chez les femmes exposées au
premier trimestre. Une autre étude au Danemark (Khashan et al., 2008) a
porté sur une cohorte de 1,4 million de naissances entre 1973 et 1995. Les
enfants dont un proche (partenaire ou enfant) des mères était décédé de
cancer, d’infarctus du myocarde ou d’un accident vasculaire cérébral durant
les six mois qui précédaient la conception ou pendant la grossesse, mon-
traient une incidence plus élevée de schizophrénie (RR = 1,7) si et seule-
ment si le décès survenait durant le premier trimestre de grossesse.
De nombreuses autres études récentes (Buss et al., 2012 ; Davis et al., 2012 ;
Sandman et al., 2011 ; Davis et al., 2011 ; Davis et al., 2010) ont montré des
liaisons significatives entre le stress durant la grossesse et certaines variantes
ou anomalies du développement neurologique (Sandman et al., 2011, 2012) :
modification de la taille de l’amygdale et de l’hippocampe (Buss et al., 2012),
troubles anxieux chez le préadolescent (Davis et al., 2012), difficulté de régula-
tion du stress (Davis et al., 2011) et enfin troubles cognitifs (Davis et Sandman,
2010 ; Schwabe et al., 2012). Un lien direct de causalité reste encore à établir.
Modes d’action
La régulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire est modifiée durant la
grossesse. Le CRH est principalement secrété par le placenta, à la fois dans
le compartiment maternel et dans le compartiment fœtal. En contraste
avec le rétrocontrôle négatif qu’exerce le cortisol sur la production de CRH
hypothalamique, il stimule la production de CRH par le placenta qui atteint
des concentrations extrêmement élevées au fur et à mesure de la grossesse.
Les effets du cortisol maternel qui traverse le placenta sont modulés par
l’enzyme placentaire 11bHSD2 qui le transforme en sa forme inactive, la
cortisone (Seckl et Meaney, 2004 ; Murphy et al., 2006). À la fin de la gros-
sesse l’activité de cette enzyme qui était très élevée chute et permet la dispo-
nibilité du cortisol pour le développement fœtal et en particulier cérébral.
Deux types d’action ont été particulièrement étudiés : les modifications de
l’activité utérine et le développement fœtal. Chez les rongeurs, un stress bref
de modéré à sévère, entraîne l’augmentation de la production de cortisol en
réduisant l’activité de l’enzyme placentaire 11b-HSD2 (Welberg et al., 2005).
Quant au stress chronique, les études chez l’animal suggèrent qu’il n’affecte
pas la production basale de cortisol mais réduit la capacité d’adapter l’activité
de l’enzyme placentaire 11b-HSD2 en réponse à un nouveau stress. Des études
conduites chez les femmes enceintes anxieuses ont montré que les concentra-
tions de cortisol du fœtus et de la mère et dans une moindre mesure du CRH
sont corrélées de façon linéaire, avec un ratio de 10/1 en faveur du cortisol
maternel. Ainsi le fœtus est sensible au stress sans être inondé par le cortisol
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204 Psychopathologie périnatale
Historique
Les descriptions princeps
La notion de troubles mentaux survenant à l’occasion de la maternité est
rapportée depuis l’Antiquité. Hippocrate (460-380) en donne l’illustration
dans le 3e livre des « épidémies ». Le délire est expliqué par la montée au
cerveau d’un mélange de lochies, pertes vaginales liquides, s’écoulant pen-
dant une à plusieurs semaines, jusqu’à cicatrisation de la paroi utérine, et
de lait maternel. La coutume qui subsiste de-ci de-là en France d’imposer
le jeûne au nourrisson durant les premières vingt-quatre heures de vie en
est la trace : interdire aux femmes de nourrir pour que dans un mouvement
imaginaire d’équilibre des fluides, le sang ne monte pas à la tête.
Esquirol, en 1819, décrit « l’aliénation mentale des nouvelles accouchées
et des nourrices ». Il entreprend la première enquête psychiatrique systéma-
tique. Parmi 95 femmes hospitalisées en post-partum, il distingue 50 % de
manies, 40 % de mélancolies et monomanies et 10 % de démences précoces
(schizophrénie). Il signale la fréquence des prodromes et la guérison fré-
quente, souvent spontanée en six à huit mois. Il insiste sur le risque d’infan-
ticide. Il inverse les rapports de causalité traditionnels : le défaut de sécrétion
de lait devient la conséquence de la folie puerpérale. Il remarque chez les
femmes qui en mourraient, l’absence de lésion anatomique : « l’ouverture
Étiopathogénie
Les théories vont se succéder, organiques, psychologiques ou mixtes. Les
grands axes hormonaux, l’hérédité et les causes « morales » ont été succes-
sivement, alternativement ou conjointement évoqués. Aucune théorie ne
peut à elle seule apporter des arguments scientifiques suffisants et plusieurs
se sont déjà effondrées.
Épidémiologie
Fréquence
La fréquence des psychoses puerpérales varie selon les études
de 1 à 1,5 ‰ accouchements
Hemphill (1952), à partir d’un travail cliniquement très documenté,
retrouve 1,4 ‰ de psychoses puerpérales, parmi 40 000 grossesses et accou-
chements.
Kendell et al. (1987), à Edimbourgh, sur une période de onze ans, retrou-
vent pour 54 000 naissances, 120 admissions psychiatriques à trois mois
du post-partum, répondant aux critères RDC (Research Diagnostic Criteria), soit
0,9 ‰ de psychoses puerpérales : manies (17 %), dépressions de tous types
(50 %), psychoses fonctionnelles (10 %), épisodes schizo-affectifs (7,5 %),
Psychoses puerpérales 207
Formes cliniques
Les classifications diagnostiques (CIM, DSM) internationales parfois à seule-
ment dix années d’intervalle n’utilisent pas les mêmes critères. De plus, beau-
coup de chercheurs spécialisés dans le domaine périnatal ont conservé des
catégories diagnostiques anciennes (psychoses fonctionnelles notamment).
Une dizaine d’enquêtes de grande envergure, toutes rétrospectives, ont
été menées durant les deux dernières décennies. Elles montrent 30 % de
troubles bipolaires, 30 % de psychoses aiguës et environ 35 % de troubles
de symptomatologie intermédiaire classés soit psychoses (surtout Europe
du Nord), soit troubles bipolaires (DSM, CIM). Cette pondération entre les
troubles est retrouvée à trois mois, six mois et douze mois. Des auteurs, tels
Meltzer et Kumar (1985) ou Klompenhouwer et Van Hulst (1991) maintien-
nent en effet le diagnostic jusqu’à un an du post-partum. Utilisant le DSM
ou la CIM, les troubles de l’humeur prévalent et représentent environ 70 %
des cas. Ils se partagent entre environ un tiers d’épisodes maniaques ou
mixtes et deux tiers d’épisodes dépressifs sévères avec ou sans sémiologie
mélancolique. Environ 5 % des hospitalisations sont liées à des troubles du
spectre de la schizophrénie.
Deux semaines après l’accouchement, les accès maniaques représentent
la moitié des cas.
208
Tableau 9.2. Diagnostics à 3 et 12 mois du post-partum.
Psychopathologie périnatale
Dean et Kendell et al. Klompenhouwer et Terp et Mortensen Harlow et al. Meltzer et Videbech et
Kendell (1981) (1987) Van Hulst (1991) (1998) (2007) Kumar (1985) Gouliaev (1995)
Diagnostic RDC RDC RDC ICD 8 CIM-8,9 10 RDC DSM-IV
Délai 3 mois 3 mois 3 mois 3 mois 3 mois 12 mois 12 mois
Patients 71 120 250 378 892 142 50
Troubles de l’humeur 82 % 73 %* 28 % 33 % 65 % 68 % 76 %
Épisode dépressif 49 69 % 44 37 % 40 16 % 124 581 63 44 % 29 58 %
Manie/hypomanie/ 9 13 % 44 37 % 31 12 % 34 24 % 9 18 %
états mixtes
Troubles psycho- 14 % 21 % 60 % 67 % 35 % 14 % 24 %
tiques
Psychoses fonction- 5 7 % 13 11 % 74 30 % 209 55 % 209 23 % 3 2 % 1 2 %
nelles*
Schizophrénie 1 1,5 % 4 3 % 12 5 % 102 12 % 102 11 % 9 2 % 6 12 %
Schizo-affectifs 4/0 5,5 % 5/3 51/12 25 % – 5/3 6 % 1/4 10 %
(manie/dépression)
Autres troubles 4 % 6 % 12 % 0 % 0 % 18 % 0 %
* dont 22 cas de troubles de l’humeur probable.
Psychoses puerpérales 209
Des troubles psychotiques sont retrouvés dans 70 % des cas publiés par
les Européens du Nord et 30 % par tous ceux qui utilisent le DSM ou
la CIM. Cette différence s’explique par les traditions psychiatriques. Elle
révèle des points de tension quant à la théorie, en particulier l’orientation
du DSM qui dans l’interaction complexe entre constitution et événement,
biologie et psychisme, réduit au minimum concevable la part de la sub-
jectivité.
La bouffée délirante aiguë
Définie par Magnan (1893) elle est conservée dans le DSM au titre de syn-
drome spécifique observé en Afrique de l’Ouest et à Haïti ! Les critères en
sont (Pull et al., 1987) des idées délirantes polymorphes de survenue bru-
tale, un bouleversement psychique, sans désorientation temporospatiale,
caractérisé par au moins 3 critères suivants : changements soudains de
l’humeur ou du comportement, dépersonnalisation et/ou déréalisation,
hallucinations ou perceptions inhabituelles. Il s’y ajoute l’absence d’antécé-
dents autres qu’une ou plusieurs bouffées délirantes et le retour complet à
l’état prémorbide en moins de deux mois.
Sichel et al. (1991) décrivent 34 cas de « bouffée délirante aiguë » sur-
venant en post-partum, entre 1976 et 1989. Les mécanismes du délire les
plus fréquemment rencontrés sont les interprétations (41,2 %), les thèmes
retrouvés sont le plus souvent de persécution (52,9 %), la thymie dépres-
sive ou la confusion dominent (35,3 %), moins fréquemment une thymie
expansive (26,5 %). La durée d’hospitalisation est dans 80 % des cas infé-
rieure à un mois.
Les psychoses cycloïdes
Terme introduit par Kleist (1928), que Brockington (1996) souhaite réin-
troduire au titre de forme clinique des psychoses du post-partum. La symp-
tomatologie à la fois thymique et schizophrénique s’accompagne, à des
degrés divers, de confusion mentale. L’évolution est marquée par la récur-
rence des troubles. La guérison après chaque accès est complète. Il n’y a pas
d’évolution vers un état déficitaire.
Les psychoses schizophréniformes
Décrit par Langfeldt (1939) et Kant (1942), le tableau clinique des psychoses
schizophréniformes associe des signes confusionnels et une expérience
psychotique. Les symptômes accessoires sont essentiellement des idées de
référence, des sentiments de persécution et des hallucinations auditives.
Le début, brutal ou subaigu, est rapporté à un événement précipitant. La
durée est de quelques mois, mais avec une guérison complète. La typologie
est classiquement pycnique et les antécédents familiaux plus fréquemment
maniaco-dépressifs que schizophréniques. Le trouble schizophréniforme
(DSM) se distingue de la schizophrénie par la durée brève et le caractère
inconstant de l’altération du fonctionnement social.
Psychoses puerpérales 211
Aspects sémiologiques
On distinguera deux formes essentielles : les désordres thymiques francs,
maniaques ou dépressifs, souvent délirants et les psychoses aiguës déli-
rantes plus ou moins « confusionnelles ». Il existe de nombreuses formes
de passage. Les troubles schizophréniques sont plus rares, marqués par la
dissociation et la discordance.
Dans une perspective clinique et pragmatique, il importe de souligner
l’importance des troubles du sommeil. Ils sont toujours présents à la phase
d’état et sont le meilleur signe d’alarme chez les sujets à risque : il s’agit
d’insomnies sévères ou progressivement croissantes sans rémission.
Spécificités sémiologiques
Tous les auteurs ont reconnu, dont Esquirol, Marcé et Ey en France et
Hamilton en Angleterre, des caractéristiques sémiologiques propres aux
psychoses puerpérales, mais toutefois insuffisantes à les distinguer radi-
calement des autres formes de délire aigu. Plusieurs études empiriques
ont tenté de répondre à cette question en comparant, pour des diagnos-
tics semblables, les troubles survenant pendant et en dehors du post-
partum (Protheroe, 1969 ; Hays, 1978 ; Brockington et al., 1981 ; Hays et
Douglass, 1984 ; Platz et Kendell, 1988 ; Brockington et Meakin, 1994). La
plupart des auteurs concluent globalement à une certaine forme de spé-
cificité dont la labilité des troubles, le passage parfois rapide, d’un délire
franc à des éléments qui évoquent plus la confusion, voire une forme
« d’hystérie ».
Les troubles de forme « intermédiaire » représentent environ un tiers
des cas. Ils ne sont ni typiquement « maniaco-dépressifs » (bipolaires), ni
typiquement « schizophréniques ». Formes de passage, ils ne semblent pas
compatibles avec la dichotomie kraepelinienne entre schizophrénie et psy-
chose maniaco-dépressive (trouble bipolaire type I) (Klompenhouwer et
Van Hulst, 1991 ; Terp et Mortensen, 1998 ; Videbech et Gouliaev, 1995 ;
Brockington, 1996).
Psychoses puerpérales 213
Psychoses aiguës
Phase prédélirante
Elle précède de quelques jours l’irruption délirante. Elle peut survenir dès la
fin de la grossesse (Dayan, 1997 ; Harlow et al., 2007) ou dès le lendemain
de l’accouchement (Jonquiere-Wichmann, 1981 ; Heron et al., 2007).
214 Psychopathologie périnatale
Les signes en sont des troubles du sommeil à type de cauchemars avec agi-
tation nocturne, des ruminations anxieuses, des bizarreries du comporte-
ment, un désintérêt ou dégoût progressif vis-à-vis du contact corporel avec
l’enfant, des crises de larmes, une asthénie profonde, des plaintes soma-
tiques. Le contact avec l’enfant est marqué par la distractivité, des gestes de
plus en plus « automatisés » ou distants.
Phase d’état
C’est dans les trois premières semaines du post-partum avec un pic de fré-
quence au dixième jour que le délire proprement dit peut être observé. La
variabilité du tableau est l’un des aspects les plus caractéristiques : la patiente
passe de l’agitation à la stupeur, de l’agressivité aux conduites ludiques,
en fonction des fluctuations thymiques et des oscillations du niveau de
conscience.
Les troubles de la vigilance sont fréquents. La réalité est mal perçue, sur-
chargée de significations inquiétantes. Des illusions perceptives, parfois des
hallucinations auditives et surtout visuelles sont présentes. Quand elles sont
au premier plan, elles s’organisent en véritables bouffées oniroïdes alimen-
tant l’anxiété et le délire.
L’humeur est instable : dépressive ou exaltée avec des moments d’abat-
tement, d’irritation, de désespoir. Parfois se trouvent réalisés des tableaux
mixtes, des syndromes confuso-maniaques ou confuso-mélancoliques.
Organisation du délire. Il est mal structuré, très fluctuant dans son intensité
et son expression. Le vécu délirant est généralement persécutoire et terri-
fiant. Les idées sont particulièrement lugubres et funèbres (« délire triste »
de Marcé). L’intensité de l’angoisse de dépersonnalisation est sensible à
l’attitude de l’entourage.
Thématique. La thématique délirante est généralement centrée sur la nais-
sance et la relation à l’enfant : négation du mariage ou de la maternité,
sentiment de non-appartenance (il n’est pas d’elle, on a substitué un autre
enfant au sien, on l’a changé de sexe, il a été dérobé par des proches mal-
veillants, il est atteint de grave maladie ou de difformités) ou de non-exis-
tence de l’enfant (il n’est pas né, elle a une tumeur dans son ventre). L’agres-
sivité envers l’enfant est possible, même lorsque la mère semble apathique
ou indifférente (Sichel et Chepfer, 1974). La mère peut se sentir elle-même
menacée, soumise à des influences maléfiques, droguée, hypnotisée.
L’infanticide et/ou le suicide peuvent surprendre l’entourage par la brutalité
de leur réalisation.
L’évolution immédiate
L’évolution est généralement rapidement favorable, sous traitement anti
psychotique et plus rarement sismothérapie. La guérison est remarquable-
ment accélérée par le maintien de la relation mère-enfant ou sinon par
l’introduction rapide de l’enfant dans le champ d’action thérapeutique, par
Psychoses puerpérales 215
sa présentation à la mère. Mais des rechutes à très court terme ne sont pas
rares, ayant l’allure d’états mixtes, d’accès mélancoliques ou maniaques
plus ou moins typiques.
Aspects évolutifs
Moment de survenue des troubles « psychotiques »
en relation avec la puerpéralité
Les troubles psychotiques puerpéraux peuvent survenir durant la grossesse
ou durant le post-partum. Surtout, contrairement aux idées reçues, les pro-