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35 notions
de Périnatalité
Préface de
Sylvain Missonnier
Conseiller éditorial :
Cyrille Bouvet
Maquette de couverture :
www.atelier-du-livre.fr
(Caroline Joubert)
© Dunod, 2014
© Dunod,
5 rue Malakoff,
Laromiguière, 75005 2017
Paris
© Dunod, 2014
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
5 rue Laromiguière,
www.dunod.com 75005 Paris
ISBN 978-2-10-070528-9
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-076665-9
ISBN 978-2-10-070528-9
Table des matières
PRÉFACE 1
INTRODUCTION 7
6. La temporalité de la grossesse 65
6.1 L’accueil du nouveau : cet étranger-familier 66
6.2 L’enfant et ses annexes fœtales 68
6.3 L’attente 69
7. Les remaniements psychiques de la grossesse 71
7.1 La « préoccupation maternelle primaire » 72
7.2 Les observations en période pré et postnatale 73
7.3 « La crise de la maternalité » 75
7.4 « Une crise normale » 76
7.5 La « transparence psychique » 76
7.6 « Un état passionnel » 77
8. Les désirs et fantasmes au cours de la grossesse 79
8.1 Les désirs infantiles 80
8.2 Les désirs au féminin 83
8.3 Les désirs de grossesse, de maternité et d’enfant 86
9. La grossesse au masculin 91
9.1 Rites de couvade et couvade psychosomatique 94
9.2 Les représentations et fantasmes des pères 97
Table des matières V
1. http://www.psynem.org/Hebergement/Waimh_France
Préface 3
Pour ma part, dans ce cas précis comme dans tous les autres,
les objectifs d’une psychologie clinique de la périnatalité ne
devrait plus relever du monopole exclusif de « psys sachants »
éclairant de leur lumière des soignants et des soignés passivés.
Non, son but prioritaire devrait être de favoriser un cadre en
faveur d’une co-construction commune active entre soignants
(somaticiens et psychistes) et soignés.
En d’autres termes, au-delà des frontières classiques entre
un bon chapitre sur les hémorragies de la délivrance écrit par
un obstétricien, un autre écrit par un « psy » et un troisième
signé par une « usagère rescapée », le chantier d’un chapitre
co-écrit par les trois acteurs principaux méritent d’être envisagé
comme l’avenir le plus souhaitable d’une psychologie clinique
périnatale de demain, véritablement transdisciplinaire.
Bien sûr, cet objectif est encore seulement une étoile dans
le ciel de la périnatalité, et force est de constater combien les
institutions, les libéraux et les acteurs des réseaux de soins ont
encore fort à faire pour aller dans cette direction…
Et justement, dans cette perspective, l’ouvrage de Hélène
Riazuelo va jouer un rôle important. Profond sans jamais être
jargonnant, pétri d’une expérience de collaboration, il va
permettre aux « somaticiens » et aux « psys » déjà sur le terrain
de bénéficier d’un territoire commun pour échanger et aux
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1. Pour une part si l’on tient compte du « regard » médical de nos jours.
12 35 grandes notions de périnatalité
LA GROSSESSE,
SES REPRÉSENTATIONS
FIGURÉES ET LA PRISE
EN CHARGE DE LA
FEMME ENCEINTE
À TRAVERS LES SIÈCLES
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1. Cela ne veut pas dire qu’à certaines époques les femmes n’en parlaient
pas entre elles ou n’en laissaient pas quelques traces dans des journaux
intimes comme au XVIIIe ou au XIXe siècle, mais cela ne fut pas forcément
pris en considération ni gardé par les familles. Ensuite, cela reste des
notes personnelles, intimes.
20 35 grandes notions de périnatalité
pour avoir des enfants. Puis, pensant qu’il n’était pas bon
que l’homme restât seul, Dieu lui créa « une aide qui lui était
assortie » (Bible de Jérusalem, chapitres I à III de La Genèse). Il fit
tomber une torpeur sur l’homme et avec l’une de ses côtes, il
façonna une femme et l’amena à l’homme. Un homme donne
naissance, rappelant les désirs d’enfantement masculin.
Ainsi, la grossesse a été représentée au Moyen-Âge dans
ses deux extrêmes : il y a d’une part la grossesse glorifiée
avec la Vierge Marie, c’est-à-dire une grossesse exempte
de tout péché, et d’autre part Ève la pécheresse, enfantant
dans la douleur. La femme est dissociée de la mère. Pour
D. Braunschweig et M. Fain, « la grossesse de Marie, la vierge-
mère, fécondée par un esprit sans corps et sans instrument de
plaisir, [est] un modèle achevé de latence après désexualisation
de la procréation » (1975, p. 98) comme cela est représenté
sur cette image du XIVe siècle (figure 1.2). Cette représentation
dichotomique, puis la sanction divine qui s’abat à cause du
péché ont profondément marqué l’Occident…
À l’époque moderne, les représentations figurées de la
grossesse se diversifient. Ce qui me semble le plus marquant,
c’est la multiplicité des codes, des rébus imaginés dans certains
tableaux pour évoquer la grossesse (Portrait de Gabrielle d’Es-
trée – artiste anonyme, seconde École de Fontainebleau vers
1595) ou l’accouchement (La Naissance de Vénus par exemple).
L’autre point essentiel est au contraire la « démocratisation », en
quelque sorte, de la représentation de la grossesse. Des couples
n’hésitent plus à se laisser peindre alors qu’une naissance est
prévue (Les Époux Arnolfini – J. Van Eyck, 1434 – par exemple).
La grossesse est aussi figurée dans une sphère plus intimiste,
il ne s’agit plus seulement d’une iconographie religieuse ou
mythologique. Elle est plus facilement dévoilée.
C’est aussi l’époque des automates, ces corps-machines.
Avec le microscope et l’avancée de l’anatomie, la machine
aussi a eu sa place. La représentation du corps se calque sur
La grossesse 25
Pour approfondir
Au niveau historique
Corbin A., Courtine J.-J. et Vigarello G. (2005). Histoire du corps,
tome I, De la Renaissance aux Lumières. Paris : Seuil.
Dasen V., éd. (2004). Naissance et petite enfance dans l’Antiquité.
Fribourg : Academic Press.
Duby G. et Perrot M. (1991). Histoire des femmes en Occident –
tome I. L’Antiquité. Paris : Plon (coll. Tempus), 2002. Il y a aussi les
tomes II à V.
Houbre G. (2006). Histoire des mères et filles. Paris : La Martinière.
Knibiehler Y. (2000). Histoire des mères et de la maternité en
Occident (2e édition). Paris : PUF (coll. Que sais-je ?).
Riazuelo H. (2012). Représentations artistiques de la grossesse. In
Kniebiehler Y., Arena F. et Cid Lopez R.-M. (dir.), La Maternité à
La grossesse 33
Albin Michel.
Knibiehler Y. (2007). Accoucher : Femmes, sages-femmes et méde-
cins depuis le milieu du xxe siècle. Paris : École des Hautes Études en
Santé publique.
Lett D. (2006). Les « nouveaux pères » du Moyen Âge. Les Collections
de L’Histoire, 32 (juillet-septembre), 45-47.
Morel M.-F. (2004). Grossesse, fœtus et histoire. In Missonnier S.,
Golse B. et Soulé M., La Grossesse, l’enfant virtuel et la parentalité.
Paris : PUF, p. 21-39.
40 35 grandes notions de périnatalité
Pour approfondir
Lévi-Strauss C. (1949). L’efficacité symbolique, in Anthropologie
structurale, tome I, Paris : Plon, 1958.
3. Le déroulement
de la prise en charge médicale
d’une femme enceinte de nos jours
☞
– des antécédents personnels liés à une grossesse précédente
(notamment des antécédents obstétricaux ou liés à l’enfant à
la naissance) ;
– une exposition à des toxiques (notamment à l’alcool, au
tabac, aux drogues, à des médicaments potentiellement
tératogènes) ;
– des facteurs de risque médicaux (notamment diabète gesta-
tionnel, hypertension artérielle gravidique, troubles de la
coagulation) ;
– des maladies infectieuses (notamment toxoplasmose, rubéole,
herpès génital, syphilis) ;
– des facteurs de risque gynécologiques et obstétricaux
(notamment cancer du sein, hématome rétroplacentaire,
incompatibilité fœto-maternelle) ;
(Se reporter au site de l’HAS (Haute Autorité de Santé) : www.has-
santé.fr (suivi et orientation des femmes enceintes, mai 2016))
4. L’échographie
Vignette clinique
Héloïse est une jeune femme de 25 ans enceinte de 5 mois. Elle
attend son premier enfant et vient avec son compagnon pour la
seconde échographie recommandée lors d’un suivi habituel. La
grossesse se déroule bien et ils s’installent l’un et l’autre tran-
quillement en ce début de consultation avec l’échographiste.
L’examen se déroule sans problème et le bébé se porte bien.
Il y a juste une phrase de l’échographiste qui ne se voulait pas
alarmiste mais qui fait brutalement basculer la consultation
dans une tout autre atmosphère. Il va dire en fin d’examen que
le fœtus profitera bien des derniers mois de la grossesse et qu’il
se situe dans le bas de la courbe. Il est un peu petit même si rien
n’est préoccupant pour le moment et on recommande à la future
mère de se reposer. À cette phrase, Héloïse blêmit et semble
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☞
une Intervention Médicale de Grossesse (IMG) à 24 semaines de
grossesse d’un petit garçon atteint de la maladie des os de verre.
Héloïse avait alors 4 ans et se souvient bien de l’abattement de
ses parents et des longs mois de deuil qui ont suivi. Ses parents
avaient fait comme ils avaient pu mais elle s’était retrouvée assez
seule pendant toute cette période, ayant elle-même du mal à
retrouver un certain entrain. Sa mère, elle, mettra des années
à s’en remettre. Héloïse avait bien retenu, enfant, ce drôle de
nom « maladie des os de verre », entendu dans la bouche de
ses parents. Elle avait aussi compris que cet enfant n’avait pas
pu naître car il était « trop petit ». La maladie des os de verre se
caractérise par des os d’une extrême fragilité. Les personnes
sont par ailleurs la plupart du temps d’une très petite taille. Tout
s’est télescopé dans la tête d’Héloïse lorsqu’elle a entendu que
son bébé était un « petit » bébé, et ce moment douloureux, trau-
matique pour l’ensemble de la famille, s’est comme répété. Elle
accepte et demande un suivi psychothérapeutique.
Quelques mois plus tard elle va accoucher d’un petit garçon qui se
porte bien. Après la naissance de l’enfant, elle poursuivra sa prise
en charge psychothérapeutique pendant un peu plus de deux ans.
Pour approfondir
Lacan J. (1949). Le stade du miroir comme formateur de la fonction
du Je, In. Les Écrits, Paris : Seuil, édition de 1999.
Winnicott D. W. (1971). Jeu et Réalité, Paris : Gallimard, édition de
2005.
Pour approfondir
David M. et Cadart M.-L. (2014). Prendre soin de l’enfance. Toulouse :
Érès.
Knibiehler Y. et Douguet F. (2007). Accoucher : Femmes, sages-
femmes et médecins depuis le milieu du xxe siècle. Paris : Presses de
l’École des Hautes Études en Santé publique.
Stern D. N. (1995). La Constellation maternelle. Paris : Calmann-Lévy,
1997.
2
Cha
pitre
LE TRAVAIL
PSYCHIQUE
DE LA GROSSESSE
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6. La temporalité de la grossesse
6.3 L’attente
L’enfant se développe protégé, le ventre maternel se fait plus
pesant et c’est l’attente… Les parents, la mère, attendent de
rencontrer ce petit être et de le tenir tout contre eux. C’est une
attente teintée d’excitation, de plaisir, de rêves, de fantasmes et
de désirs, de création tant physique qu’imaginaire (se reporter
aux notions qui suivent) mais aussi d’anxiété, voire d’angoisse
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Pour approfondir
Clément-Faraut C. (1989). Le délivre. Les Cahiers du nouveau-né,
Délivrances ou le placenta dévoilé, 8, 43-96.
Mauss M. (1950). Sociologie et anthropologie. Paris : PUF
(coll. Quadrige, grands débats), 2006.
Schneider M. (2004). Le Paradigme féminin. Paris : Aubier.
Pour approfondir
Marcé L. V. (1858). Traité de la folie des femmes enceintes. Des
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1. Les ajouts successifs aux Trois essais sur la théorie sexuelle datent de
1910, 1915, 1920 et 1924.
Le travail psychique de la grossesse 81
Vignette clinique
Marthe a 53 ans. Elle est mariée, mère de quatre enfants. Elle
se dit heureuse dans sa vie actuelle. Elle est actuellement en
pré-ménopause. Elle vient consulter en urgence dans le service
de gynécologie-obstétrique car elle pense être enceinte et ne
souhaite pas poursuivre cette grossesse. Elle pense en effet qu’il
est trop tard pour elle d’avoir un enfant. Elle en a parlé longue-
ment parlé avec son mari et ils ont pris cette décision ensemble.
Il sera présent lors de l’IVG.
Marthe se pose pour réfléchir à la situation lors d’une consultation
avec la psychologue du service avant de finaliser les différentes
démarches. En début d’entretien, elle ne comprend pas bien ce
qui a pu se passer. Elle a toujours été sérieuse dans la prise de
sa contraception. Cela ne lui est jamais arrivé, même quand elle
était jeune et qu’elle découvrait la sexualité. « Il faut que j’aie
53 ans et sois en pré-ménopause pour que cela m’arrive, c’est
n’importe quoi. » En évoquant la ménopause qui arrive, elle éclate
en sanglots et se rend compte à quel point cela est douloureux
pour elle. Elle l’évoque comme une véritable perte, comme la
perte de sa fertilité. Elle ne pourra plus être enceinte, c’est une
page qui se tourne, un deuil est à faire. Elle arrive à une autre
étape de sa vie qui vient questionner sa propre féminité.
Elle reviendra pendant quelques mois voir la psychologue et
viendra interroger ce début de grossesse. Elle le comprendra
comme un acte manqué en quelque sorte venant répondre à un
besoin, à un souhait de sentir encore son corps enceint.
Vignette clinique
Rebecca est une femme d’une quarantaine d’années régulière-
ment suivie en psychiatrie pour des accès mélancoliques. Elle
explique dans le service qu’elle ne se sent bien qu’enceinte,
qu’elle ne se sent entièrement elle-même qu’unie, pleine d’un
autre : alors elle ne se sent plus seule. Elle aime ses enfants mais
elle préfère par-dessus tout être enceinte. C’est quasiment vital
pour elle, explique-t-elle dans le service à la psychologue qui la
prend en charge.
Elle sera ainsi huit fois enceinte et donnera naissance à huit
enfants qu’elle aura avec le même compagnon. Les enfants
seront placés dans les jours qui suivront leur naissance. Rebecca
reste ainsi que leur père très attachée à leurs enfants. Ils viennent
les voir chaque week-end et le mercredi quand cela est possible.
Ils les prennent également avec eux quelques jours en vacances
dès qu’ils le peuvent.
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Pour approfondir
Freud S. (1905-1911). Cinq psychanalyses. Paris : PUF, éd. 1993.
Lebovici S. et Soulé M. (1983). La Connaissance de l’enfant par la
psychanalyse. Paris : PUF.
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9. La grossesse au masculin
aux mères. C’est aussi le cas dans des publicités plus classique-
ment destinées aux hommes comme celles sur les voitures, les
compagnies d’assurances qui cherchent à toucher l’homme
dans sa fonction de chef de famille qui doit protéger les siens
et notamment sa compagne portant leur enfant qui va bientôt
naître. Il existe aussi des publicités où pères et fils ont un goût
partagé pour les belles voitures, pour les produits de qualité,
et qui soulignent l’importance de la transmission entre père
et fils, de l’inscription dans une filiation paternelle (le grand-
père s’invite également dans la publicité). Il est ainsi devenu
courant dans les représentations collectives de voir les pères
prodiguer eux-mêmes les soins aux enfants, voire aux nouveau-
nés, au même titre que les mères.
Par ailleurs, de plus en plus de pères s’expriment au sujet
de la grossesse ou de la paternité dans le cercle familial, en
groupes à l’hôpital pendant la grossesse de leur conjointe, dans
des romans (P. Péju, Naissances, 1998 ; S. Daniel, Au bonheur
des pères, 2001 ; D. Marquet, Père, 2003, etc.) ou même dans le
septième art. Parmi les premiers films, les premiers sketchs à
s’y intéresser, nous trouvons : Trois hommes et un couffin (film
de C. Serreau, 1985), Neuf mois (film de P. Braoudé, 1994),
ou encore P. Timsit sur scène qui relate la grossesse de sa
compagne et son « devenir père ». Ces récits et tant d’autres
décrivent l’investissement des pères dans cette aventure de la
grossesse ainsi que les remaniements psychiques qui les solli-
citent en tant que futur père. Dans d’autres, comme Le Lait de
la tendresse humaine (film de D. Cabrera, 2001), on souligne
les difficultés qu’ont certaines mères à le devenir et la place
que prend alors le père auprès de la mère et de l’enfant, favo-
risant les liens entre les deux. Il est alors une sorte d’interface.
Le « devenir père » est un sujet qui retient l’attention comme
représentatif d’un fait de société ou de culture.
Ceci est le cas depuis l’Antiquité : les fantasmes, les désirs de
grossesse masculine se sont exprimés tout au long des siècles
Le travail psychique de la grossesse 93
Vignette clinique
Paul est un jeune homme qui attend avec sa compagne leur
premier enfant. Ils viennent ensemble à la consultation de la
seconde échographie. Paul est ému de voir son enfant bouger,
sucer son pouce sur l’écran. À un moment, il se lève pour voir
☞
Le travail psychique de la grossesse 99
☞
d’un peu plus près. Il déclare alors qu’il reconnaît bien son fils,
qu’il a les mêmes cheveux bouclés que lui (sachant que ce détail
ne peut se voir sur l’image). Il cherche d’autres points communs
physiques entre lui et le fœtus.
Il a offert un collier à sa compagne avec un pendentif : une petite
boule faisant une petite musique quand elle bouge. Paul souhaite
que leur enfant l’entende et puisse le reconnaître après sa nais-
sance : une musique entre eux deux comme un trait d’union entre
le pré et le postnatal. Il passe aussi chaque jour un peu de temps
à « jouer » dit-il avec lui. Il appuie doucement sur le ventre, sur ce
qu’il pense être un pied, et attend les réactions du bébé à naître.
Il aime ces moments d’échanges.
Il a également choisi une peluche boîte à musique. Il a longue-
ment écouté différentes berceuses dans le magasin de jouets et
choisi celle qu’il trouvait la plus douce et la plus gaie, une musique
qui lui rappelait l’enfance. À la maternité, il a gardé avec lui cette
petite peluche et dès la naissance de Mathieu, il l’a posée près de
lui tout en lui parlant. L’enfant a tourné la tête. Paul a pensé qu’il
s’agissait bien de son fils et que la musique semblait lui plaire.
Vignette clinique
Arthur est un primipère de 30 ans. Il est en couple depuis mainte-
nant cinq ans et après quelques années à deux, sa compagne et
lui souhaitent fonder une famille. Arthur est un mari attentionné.
Marion est tombée enceinte rapidement. Depuis le début de la
grossesse, Arthur est très présent et prend sur lui une partie de
l’organisation du quotidien. Il « materne » sa compagne…
☞
Le travail psychique de la grossesse 101
☞
Arthur est un commercial. Il fait régulièrement des déplacements
en province pour son travail. Il a demandé à réduire le nombre de
ses missions mais certaines n’ont pu être déplacées. Marion est
enceinte de six mois et la grossesse se passe bien. Arthur prend
donc la décision de grouper ses déplacements sur une dizaine de
jours et ainsi régler les dossiers en cours en lien avec des succur-
sales en région. Il téléphone plusieurs fois par jour pour prendre
des nouvelles de Marion et du bébé et s’assurer que tout va bien.
Marion en est touchée mais au bout de quelques jours elle deman-
dera à son compagnon de téléphoner un peu moins régulièrement
car il téléphone la journée mais aussi plusieurs fois pendant la
nuit (jusqu’à cinq fois). Elle ne peut dormir, étant réveillée régu-
lièrement. Cela se calmera pendant quelques semaines mais la
grossesse avançant, même en dormant à ses côtés, Arthur ne
pourra s’empêcher de réveiller Marion pour lui demander si tout
va bien. Il y a son anxiété, mais il se rendra compte aussi qu’il
« malmène » le sommeil de sa compagne et qu’elle s’épuise. Il
souhaitera participer au groupe de pères proposé dans le service
de la maternité où Marion est suivie pour commencer à élaborer
ce que cette grossesse sollicite chez lui.
Pour approfondir
Péju P. (1998). Naissances. Paris : Gallimard (coll. Folio).
Daniel S. (2001). Au bonheur des pères. Paris : Bayard.
Marquet D. (2003). Père. Paris : Albin Michel.
« don non rendu rend encore inférieur celui qui l’a accepté,
surtout quand il est reçu sans esprit de retour » (Mauss, 1950,
p. 258), d’où l’ambivalence suscitée de part et d’autre, chez
celui qui donne : il fait un cadeau mais en même temps suscite
chez l’autre de l’embarras, de la culpabilité ; et aussi chez celui
qui reçoit, que le présent rend redevable.
Une mère qui donne naissance à son enfant met de
fait ce dernier en situation de lui devoir la vie. Le récit de
H. von Hofmannsthal La Femme sans ombre (1919) symbo-
lise le parcours à effectuer et la dette d’existence dont il faut
s’acquitter envers la Terre Mère pour accéder à la générativité
et ainsi accepter l’ombre, métaphore de la plénitude, du poids
du corps, du voisinage de la mort. Il s’agit d’un « troc de l’illu-
soire éternelle jeunesse et de son reflet dans un miroir contre
l’ombre de la mortelle ; renoncement à la promesse du passage
d’un corps renouvelé d’un enfant à naître ». M. Bydlowski
reprend l’analyse de ce conte et insiste sur la dette de vie
qui y transparaît, dette que doit régler la femme à sa mère en
poursuivant la chaîne des générations : « Comme l’ombre, la
reconnaissance de la dette est nécessaire. La vie n’est peut-être
pas un cadeau gratuit mais porte en soi l’exigence de trans-
mettre ce qui a été donné. Le don de la vie, à la fois promesse
d’immortalité et de mort, induirait qu’une dette circule de
mère à fille. Non réglée, elle risque de grever le corps de l’en-
fant à peine né. Cette dette d’existence, dette symbolique
que l’ombre vient représenter, que l’enfant vient incarner,
renvoie bien à ce fait, confirmé par l’observation clinique,
que par l’enfantement, singulièrement par le premier enfant,
une femme accomplit son devoir de gratitude à l’égard de sa
propre mère » (Bydlowski, 1997, p. 165). Une nécessité de dette
s’observe, comme si la vie n’était pas un cadeau gratuit mais
portait en soi l’exigence de transmettre ce qui a été donné et
de reconnaître que le don de vie, à la fois prometteur de vie
et de mort, implique une dette de mère en fille.
Le travail psychique de la grossesse 107
☞
– Il est une autre permutation sur l’axe (vertical) généalogique
qui se joue avec le devenir-parent chez un primipère : à la nais-
sance, le père et le fils (le bébé) se trouvent à égalité. On repère
un fantasme d’abolition du temps et d’“aplatissement” d’une
génération de plusieurs façons. (…) Dans nos sociétés, un
moment qui sollicite particulièrement l’identification du père
au nouveau-né est le moment de l’accouchement, et tout
spécialement quand le père veut y assister ou se croit “obligé”
de le faire. Dans de nombreux cas en effet, les pères sont à
ce moment renvoyés à leur propre naissance, c’est-à-dire à
eux-mêmes naissant, ou à leur mère accouchant d’eux. D’où
ce sentiment d’empathie père-bébé qui est particulièrement
marqué dans les rituels variés de la couvade.
– Enfin, devenir père, c’est aussi, bien évidemment, quitter le
statut de mari, pour devenir un mari-père ; il est apparu clai-
rement dans nos cas que ce changement de statut était loin
d’être neutre, surtout quand on garde en mémoire le fait que
la femme traverse également la même étape : elle devient une
épouse-mère, une mère, mais de qui ? Il existe à ce moment une
nouvelle combinatoire fantasmatique du couple face à l’enfant,
mari comme épouse étant renvoyés à des images parentales ».
(Delaisi de Parseval, 1981, p. 176-180.)
Pour approfondir
Eschyle. Les Euménides (éd. 1989). Paris : Les Belles Lettres.
Freud S. et Ferenczi S. (1908-1914). Correspondance, tome I. Paris,
Calmann-Lévy, éd. 1992.
Mauss M. (1950). Sociologie et Anthropologie. Paris : PUF (collection
Quadrige, Grands Débats), 2006.
Vignette clinique
Une grossesse est d’abord perceptible dans les changements
corporels et physiologiques qu’elle engendre ainsi que par les
transformations du corps. Noémie, enceinte de son second
enfant, raconte : « mes premières impressions au début de ma
grossesse ? J’avais des nausées et je voyais mon corps changer
progressivement. Le bébé, je n’y pensais pas encore vraiment.
Je me voyais surtout malade, comme si j’avais mangé quelque
chose de mauvais mais bon j’y suis habituée c’était déjà ainsi pour
le premier ».
dont une mère pouvait prendre soin de son enfant dans les
semaines qui suivent la naissance : il y a « des fantômes
dans toutes les chambres d’enfants » (1989). Ce sont
des visiteurs qui surgissent du passé oublié des parents et qui
ne sont pas invités au baptême. « Même dans les familles où
les liens d’amour sont intenses et durables, il peut arriver
que des intrus surgissent du passé des parents pour franchir
le cercle magique dans un moment de moins grande vigi-
lance : le parent et l’enfant se retrouvent alors en train de
rejouer un moment ou une scène d’une autre époque où
figuraient d’autres personnages. D’autres familles semblent
120 35 grandes notions de périnatalité
Vignette clinique
Béatrice est enceinte de son premier enfant et elle livre un rêve :
« Il y a un rêve qui a commencé quand j’étais toute petite. Je
refais surtout ce rêve depuis que je suis enceinte. Dans le rêve,
mon corps se transforme et s’élève au-dessus du lit. Il devient
une boule qui grossit, grossit avec la consistance du coton en
plus ferme. Je peux sentir les parois autour. Ce n’est plus un corps
humain et ça monte, ça monte. Je prends de l’ampleur. Je monte
avec ce corps qui se transforme qui se replie comme un coli-
maçon sur lui-même. C’est une coquille d’un escargot mais avec
une couleur blanchâtre et cette drôle de consistance. On peut y
enfoncer les mains, mais sans faire pénétrer les doigts. C’est tout
rond. » Les fantasmes autour de cet enfant à venir viennent faire
écho aux fantasmes infantiles liés à l’enfant du passé qu’était
le futur parent, comme pour le revitaliser, le faire renaître. Ces
identifications narcissiques sont aussi le sédiment nécessaire à
la constitution de l’objet qu’est l’enfant à naître, ancré dans une
histoire, une filiation, nécessaire donc à la différenciation.
Vignette clinique
Victoria raconte avec plaisir : « Je le sens beaucoup bouger, il n’ar-
rête pas. Il donne des coups de pied. Il sera sûrement dynamique,
actif comme bébé. Peut-être même un sportif, un peu comme
son père. Ce sera un futur joueur de football. » Au fur et à mesure
que la grossesse avance, les sensations se font plus présentes et
multiples. L’enfant « gigote », « fait de la boxe », il sera alors dyna-
mique ou au contraire elle sent « des petits gestes tout doux » et
il est imaginé dans ce moment-là un bébé câlin.
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Pour approfondir
Anzieu D. (1981). Le Corps de l’œuvre. Paris : Gallimard.
Tesone J. E. (2013). Dans les traces du prénom. Paris : PUF.
Winnicott D. W. (1958). De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris :
Payot, éd. 1992.
126 35 grandes notions de périnatalité
Pour approfondir
Anzieu-Premmereur C. et Pollak-Cornillot A. (2003). Les Pratiques
psychanalytiques auprès des bébés. Paris : Dunod.
Green A. (1995). Propédeutique : la métapsychologie revisitée. Paris :
Sesseyl, Champ Vallon.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L’insémination artificielle
Le prélèvement d’ovocyte
Sites Internet
Site de l’Agence de la Biomédecine : https://www.agence-biome-
decine.fr/AMP
Site de l’Inserm : http://www.inserm.fr/thematiques/biologie-
cellulaire-developpement-et-evolution/dossiers-d-information/
assistance-medicale-a-la-procreation (consulté en 11/2016).
Obseff, Observatoire épidémiologique de la fertilité en France : un
outil de description de la fertilité de la population générale et de sa
sensibilité aux facteurs environnementaux : (document de R. Slama,
2009, consulté en 11/2016).
Pour approfondir
Duparc F. et Pichon M. (2009). Les Nouvelles Maternités au creux du
divan. Paris : éditions in Press. Le chapitre de S. Faure-Pragier fait
partie de cet ouvrage.
Faure-Pragier S. (1997). Les Bébés de l’inconscient. Paris, PUF.
Le travail psychique de la grossesse 145
14.1 La parenté
Dans son travail sur Les Structures élémentaires de la parenté
(1949), C. Lévi-Strauss, anthropologue et ethnologue, a postulé
qu’il existait des règles universelles qui la gouvernent. À l’aide
de la méthode structuraliste, il a donné un nouveau souffle
aux études de la parenté. Il est le premier à avoir insisté sur
l’importance de l’alliance au sein des structures de parenté, et
a mis en évidence la nécessité de l’échange et de la réciprocité
découlant de la prohibition de l’inceste. Dans cette optique, il
va jusqu’à avancer l’idée que toute société humaine est fondée
sur une unité minimale de parenté : l’atome de parenté. Cette
théorie globale est connue plus communément sous le nom
de théorie de l’alliance.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
14.2 La parentalité
Dans le champ psychanalytique, le terme de « maternalité »
a été introduit par P.-C. Racamier (1961) qu’il définit, rappe-
lons-le, comme l’ensemble des processus psychoaffectifs qui
se développent et s’intègrent chez la femme lors de sa mater-
nité et qu’il qualifie de phénomène normal. Cette maternalité
commence avec le désir d’enfant, réalisé ou non, se poursuit
pendant la grossesse et après l’accouchement, puis elle s’es-
tompe et s’arrête à la séparation de la mère et de l’enfant,
cette « séparation psychique » pouvant avoir lieu à la fin de sa
première année, mais le terme en est variable.
Cette notion a ensuite été étendue aux deux parents sous
l’expression de la parentalité. Il s’agit d’un processus de recon-
naissance, c’est-à-dire de parentalisation, de l’enfant par le
parent, mais aussi de reconnaissance du parent par l’enfant :
« être parent de », « être l’enfant de ». Il ne faut pas l’oublier,
comme l’affirmait S. Lebovici, que l’enfant fait, parentalise,
construit aussi ses parents.
S. Stoléru propose une définition de la notion de parenta-
lité que nous trouvons intéressante dans les termes suivant :
il s’agit de « l’ensemble des représentations, des affects et des
comportements du sujet en relation avec son ou ses enfants,
que ceux-ci soient nés, en cours de gestation ou non encore
Le travail psychique de la grossesse 147
Pour approfondir
Lévi-Strauss C. (1949). Les Structures élémentaires de la parenté.
Mouton de Gruyter. 2e édition, 2002.
Lévi-Strauss C. (1958). Anthropologie structurale, tome I.
15. L’accouchement
Pour approfondir
Revault d’Allonnes C. (1976). Le Mal joli. Paris : Union générale
d’édition.
3
Cha
pitre
LA CONSTRUCTION
DES LIENS
DANS LA FAMILLE
aire
m
S o m
Pour approfondir
Darchis É. (2016). Clinique familiale de la périnatalité. Paris : Dunod.
Houzel D. (2010). La Transmission psychique. Parents et enfants.
Paris : Odile Jacob.
☞
– Dépendance relative. Là, l’enfant est capable de se rendre
compte du besoin qu’il a de soins maternels dans leur détail ;
il peut, de plus, les relier à des impulsions personnelles et plus
tard, au cours d’un traitement psychanalytique, il pourra donc
les reproduire dans le transfert.
– Vers l’indépendance. L’enfant acquiert, en se développant, le
moyen de se passer de soins. Il y parvient en emmagasinant
des souvenirs de soins, la projection de ses soins personnels et
l’introjection des détails de soins ; en même temps, sa confiance
dans l’environnement se développe. Il faut ajouter à cela un
autre élément : la compréhension intellectuelle et ses innom-
brables implications.
(D. Winnicott, La Théorie de la relation parent-nourrisson,
1960, p. 368)
Pour approfondir
Gérard C. (2010). Les triangulations précoces. Un préalable à la
scène primitive. Revue française de psychanalyse, (4) 74, 1125-1139.
Mellier D. (2015). Le Bébé et sa famille. Place, identité et transforma-
tion. Paris : Dunod.
19. La fratrie
cette jalousie représente non pas une rivalité vitale, mais une
identification mentale. Dans l’obligation de prendre acte de
l’existence d’un frère ou d’une sœur, l’enfant reconnaît qu’il
n’est pas tout pour sa mère, que d’autres la sollicitent, ont
besoin d’elle. C’est bien la réponse de la mère à l’enfant jaloux
qui va l’aider à se différencier de l’autre.
Plus récemment, B. Brusset a écrit finement que le frère était
« un semblable trop semblable et le début de l’étranger » (1987,
p. 17) : si de la fratrie peut naître la haine, y émerge
aussi la question de l’autre qui entraîne, il est vrai,
celle du rival mais également celle de la différence
174 35 grandes notions de périnatalité
☞
enfant s’inscrivait, pour ce qui me concerne, dans la continuité
de mon expérience encore proche de la grossesse et de la
maternité. L’élan, l’attente, la préoccupation autour du premier
enfant étaient encore bien présents en moi et j’avais quelque
part le sentiment qu’une deuxième grossesse pourrait se vivre
dans une simplicité et une évidence plus grandes. De fait, j’ai été
enceinte plus rapidement que nous ne l’avions pensé… Ainsi,
j’étais enceinte “un peu trop tôt”. Les débuts de cette gros-
sesse ont été difficiles. J’en ai gardé le souvenir d’une période
de fragilité, d’inquiétude et de solitude… Fragilité aussi due à la
fatigue des premières semaines, au besoin de sommeil qu’il n’est
pas si facile de satisfaire quand un premier enfant est là. » Elle
écrit encore : « Autant la première grossesse avait été investie
par mon compagnon et par l’entourage familial et amical, autant
celle-ci a été accueillie comme un fait d’évidence et banalisée à
l’extrême si bien que je me sentais très seule. Je gardais présent
le souvenir d’un investissement massif de mon compagnon lors
de ma grossesse précédente. Cette fois, la situation est presque
inverse. Je porte seule l’inquiétude… La grossesse est “mon
affaire”… Alors que lors de la première grossesse, la sollicitude,
la sympathie étaient abondantes, cette fois, il n’y a rien à dire,
je suis comme “rodée” par ma première expérience et perçue
comme n’ayant besoin de rien, sachant ce dans quoi je m’étais
engagée et capable de me débrouiller avec ça. » Elle dit aussi sa
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
☞
le point rassurant par rapport à sa première grossesse est « [qu’ils
n’ont (elle et son époux)] plus à [se] rassurer sur [leur] capacité à
donner la vie, de même [qu’ils n’ont] plus à construire le passage
de [leur] réalité d’homme et de femme à une réalité d’homme
devenant père et de femme devenant mère » (p. 91-94). C’est la
naissance du premier enfant qui permet d’accéder à la parentalité.
(1981, p. 301). Cet auteur observe que les enjeux diffèrent pour
le second enfant et qu’il s’agit d’une tout autre histoire : « car
c’est lui qui instaure réellement la famille ». Avant la naissance
des enfants, il y avait un couple. « Après, surtout après l’arrivée
du second, il y a des parents et des enfants » (1981, p. 297
et 301). Par ailleurs, la plupart des parents appréhendent les
réactions de l’aîné, ils redoutent sa jalousie dès la période de
la grossesse. Le contenu latent du discours des parents semble
révéler « une certaine culpabilité envers l’aîné » (ils ont peur
d’être maladroits avec lui, de s’intéresser davantage au second)
comme s’ils lui avaient fait « un mauvais coup » : ils cherche-
raient à se faire pardonner en le « préparant ». Peut-être y
a-t-il là quelque réminiscence de rivalité fraternelle chez les
parents ? Certains parents minimisent, eux, le sentiment de
jalousie éprouvé par l’aîné ou le banalisent. Cet auteur décrit
également les inquiétudes des femmes à voir leur rôle de mère
renforcé et qu’il ne finisse par les définir entièrement.
À propos de cette anticipation de la jalousie fraternelle,
D. Gayet souligne les conduites d’identification partielle des
parents à leur enfant aîné avec une prise en charge pour leur
propre compte de la jalousie fraternelle. « Si après la naissance
d’un puîné, des parents affichent une préférence ouverte pour
l’aîné, même en son absence, c’est leur manière de confirmer
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
de Lyon.
Lacan J. (1938). Le complexe, facteur concret de la psychologie
familiale, la vie mentale. In Wallon H., L’Encyclopédie française.
Paris : Larousse, VII.
Lechartier-Atlan C. (1997). Un traumatisme si banal. Quelques
réflexions sur la jalousie fraternelle. Revue française de Psychanalyse,
1, 57-66.
Lett D. (2004). Histoire des frères et sœurs. Paris : La Martinière.
Pour approfondir
Anzieu D. (1981). Le Corps de l’œuvre. Paris : Gallimard.
Pour approfondir
Mellier D. (2015). Le Bébé et sa famille. Place, identité et transforma-
tion. Paris : Dunod.
La construction des liens dans la famille 185
Statistiques
Chiffres Insee sur les familles monoparentales : https://www.insee.
fr/fr/statistiques/1281271
Pour approfondir
Ricœur P. (1985). Temps et Récit, tome III : Le temps raconté, Paris :
Le Seuil.
Eiguer A. (1987). La Parenté fantasmatique. Paris : Dunod.
Houzel D. (1999). Les Enjeux de la parentalité. Toulouse : Érès.
La construction des liens dans la famille 191
☞
pour penser et se figurer ce que traversent les parents. Le rapport
avec la culture de leurs parents se trouve modifié et par-là même
avec leurs propres parents. »
(M.-R. Moro, 2010, p. 78-79.)
SOUFFRANCES
PSYCHIQUES
AUTOUR
DE LA NAISSANCE
aire
m
S o m
à l’IVG est stable au fil du temps, avec environ 200 000 IVG
chaque année » (chiffres de l’Ined, rapport 2014).
Depuis peu, il est aussi question, dans le cadre d’un texte
de loi, de ne pas laisser de côté la parole des femmes lors de
ce parcours de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG).
Il est en effet notifié (article 5 du Journal officiel du texte de
juillet 2001) qu’il « est systématiquement proposé avant et
après l’Intervention Volontaire de Grossesse une consultation
avec une personne ayant satisfait à une formation qualifiante,
etc. » (notamment le psychologue clinicien). Cet entretien est
proposé aux femmes majeures. « Pour la femme mineure, la
consultation préalable est obligatoire. » Il s’agit d’une possi-
bilité pour la femme, quel que soit son âge, d’être
écoutée quel que soit le choix envisagé. Nous insistons
sur ce dernier point car il s’agit d’un sujet encore tabou dans
nos sociétés où il n’est pas si simple d’en parler, peut-être parce
qu’il s’agit d’une période où vie et mort sont tout particuliè-
rement intriquées.
Nous parlons en tout premier lieu des femmes, puisque c’est
en leur corps que débute une grossesse, mais, quand le conjoint
est présent, il est essentiel d’offrir également aux couples un
temps de réflexion. La femme, l’homme auront toute une vie
à construire ensuite, sans enfant, avec des enfants déjà là ou
à venir (Soubieux, 2010).
Pour approfondir
Freud S. (1915). Deuil et mélancolie. Métapsychologie (p. 11-43).
Paris : Gallimard, 1968.
Mytnik, B. (2007). IVG, fécondité et inconscient. Ramonville Saint-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Agne : Érès.
Statistiques
Insee : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1379742 (consulté en
janvier 2017).
OMS : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs364/fr/
(consulté en janvier 2017).
Pour approfondir
Gutton P. (1991). Le Pubertaire. Paris : PUF.
25.2 L’adoption
Quand l’enfant n’arrive toujours pas, l’adoption peut être
envisagée. La loi a également évolué, autorisant l’adoption
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Pour approfondir
Guyotat J. (1995). Filiation et logique du lien. Paris : PUF.
Racamier P.-C. (1955). Maladies des fonctions reproductrices de la
femme, EMC-Psychiatrie, art. 37490 C10, 2, 1-8.
Revue Dialogue, numéro 203, Homosexualités et familles, 2014.
Pour approfondir
Bayle B. (2016). Le Déni de grossesse, un trouble de la gestation
psychique. Toulouse : Érès.
Pour approfondir
Freud S. (1915). Deuil et Mélancolie. Œuvres complètes, tome XIII,
Paris : PUF, 2005.
Kettenmann, A. (2005). Kahlo. Le Musée du Monde. Paris : Le
Monde. Série 3, n° 5.
Soubieux M.-J. et Soulé M. (2005). La Psychiatrie fœtale. Paris : PUF,
Que sais-je ?
Pour approfondir
Green A. (1982). Narcissisme de vie, narcissisme de mort. Paris : Les
éditions de Minuit.
Lacan J. (1949). Le Stade du miroir comme formateur de la fonction
du Je : telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanaly-
tique, Revue française de psychanalyse, vol. 13, n° 4, 449-455.
Pirlot G. et Cupa D. (2012). André Green – Les grands concepts psycha-
nalytiques. Paris : PUF.
Pour approfondir
Bayle B. (2008). Ma Mère est schizophrène. Toulouse : Erès.
Lamour M. et Gabel M. (2011). Enfants en danger, professionnels en
souffrance. Toulouse : Érès.
À regarder
Film : Loczy, une maison pour grandir de B. Martineau.
31. Grossesses
et accouchements traumatiques
Vignette clinique
Sylviane imagine un enfant sans visage, « il y a juste un rond clair
pour représenter sa tête ». Elle explique qu’elle a fait une première
fausse couche à quelques semaines de grossesse (l’œuf était clair)
et que très vite, trop vite, elle avait imaginé ce premier bébé
dès le test. Le jour même elle avait acheté un premier pyjama
de naissance. Ensuite, il y a eu deux autres fausses couches à un
stade plus avancé (4 mois). Là, pour cette quatrième grossesse,
elle se demande si elle ne s’empêche pas de l’imaginer. Elle reste
prudente et souhaite se protéger. Il y a des jours où elle se déprime
davantage et se dit qu’elle n’arrivera jamais à donner la vie. Il en
sera ainsi pendant toute la grossesse et elle donnera naissance
à une petite fille qui se porte bien. Elle sera particulièrement
anxieuse concernant l’état somatique de son bébé.
Mathilde est mère d’une petite fille de 2 ans. Elle se dit chanceuse
car elle a pu avoir son enfant avant d’être en dialyse. Elle est
gravement diabétique et sa grossesse n’a rien arrangé, mais au
moins elle a son enfant à ses côtés. Elle l’entend rire, elle joue
avec elle et elle parle de son « rayon de soleil ». Elle ne pense pas
à demain, à sa vue qui baisse et à ce traitement qui « lui bouffe la
vie », elle ne pense qu’à sa fille… après une pause, elle m’explique
quand même que les départs pour la dialyse trois fois par semaine
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
lui deviennent de plus en plus pénibles car elle doit alors quitter
sa fille. Elle sait bien que son enfant est entre de bonnes mains
avec sa mère, mais cela lui devient de plus en plus insupportable.
Il ne s’agit pas juste d’une « séparation comme toute femme qui
va à son travail, c’est autre chose qui s’y mélange ». Mathilde ne se
sent pas à la hauteur pour sa fille : elle ne peut pas courir, ne peut
plus la porter (elle doit faire attention au bras où il y a la fistule
qui lui permet d’être branchée à la machine de dialyse). Elle se
sent défaillante dans ses absences alors qu’elle ne travaille pas.
Parfois, elle est tellement fatiguée qu’elle laisse finalement sa
fille chez sa mère pour pouvoir dormir et récupérer. Elle est mère
☞
240 35 grandes notions de périnatalité
☞
mais « qu’à mi-temps ». Elle se déprime. Elle souhaitait tellement
devenir mère et finalement c’est sa propre mère qui s’occupe
davantage de sa fille qu’elle-même. Elle se sent coupable de ses
mouvements de rivalité et d’agressivité envers sa mère, ce qui la
déprime d’autant plus. Elle n’est pas non plus à la hauteur de sa
mère. Elle reparle de son enfance et de ce que sa mère faisait avec
elle, pour elle et qu’elle n’est pas certaine de pouvoir faire avec
sa fille. Elle trouve des moyens pour contourner les difficultés.
Certains jours, elle se sent suffisamment créative et d’autres
jours, elle se dit qu’elle ne pourra jamais apporter à sa fille ce
qu’elle-même a reçu. Elle parle avec émotion d’une existence où
vie et mort s’entremêlent en permanence.
Pour approfondir
Missonnier S. (2007). Le premier chapitre de la vie ? Nidification
fœtale et nidation parentale. La Psychiatrie de l’enfant, (50)1, 61-80.
Vignette clinique
Judith et Paul apprennent lors de seconde échographie que
leur bébé, une fille, présente une fente labiale. Paul montre son
désarroi mais Judith ne dira rien. La grossesse se poursuit. Ils
rencontrent un chirurgien qui leur montre que la chirurgie esthé-
tique peut bien prendre en charge de type de malformation.
Judith reste sidérée. Son gynécologue lui conseille de rencontrer
la psychologue du service, ce qu’elle fait. Les premiers entretiens
seront pénibles. Elle ne pourra parler. Rien ne lui vient à l’esprit.
☞
Souffrances psychiques autour de la naissance 245
☞
Elle parlera un peu de son métier. Elle est professeure de chant
et c’est en évoquant le souffle quand elle apprend à ses élèves,
qu’elle s’effondrera en pleurs. Les images de son père malade
d’un cancer de la gorge alors qu’elle avait 12 ans lui reviennent. Le
trou de la trachéotomie après l’opération, la respiration rauque de
son père et son décès quelques années plus tard… Elle exprime
alors que s’imaginer son enfant avec une fente labiale lui fait
penser à une blessure, à un trou béant, et tout s’est télescopé.
Pour approfondir
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
35.1 La prévention
En France, la psychiatrie publique est organisée en « secteurs »
et « en particulier la psychiatrie infanto-juvénile se voit, dès
sa création par les circulaires de 1972, octroyer un rapport de
coordinateur de l’ensemble des actions de santé mentale malgré
les limites rencontrées en pratique dans la mise en œuvre de
ce rôle (en particulier depuis le début des années quatre-vingt
avec la conséquence des lois de décentralisation). Il a toujours
existé un essai de conjugaison entre l’action curative et l’action
préventive (inscrit dans les textes fondateurs et réaffirmé par
la circulaire de 1992). Aujourd’hui encore, la question de la
prévention en matière de santé mentale reste une priorité »
(Dugnat, 2002, p. 29). Depuis maintenant une vingtaine d’an-
nées, elle s’est même renforcée par le développement de la
psychiatrie périnatale et tout le travail de la préven-
tion des troubles de la relation et de la parentalité.
Pour prévenir au mieux les troubles de la relation, l’orga-
nisation du soin en période périnatale doit ainsi soutenir les
processus de parentalisation avant et après la naissance de
l’enfant, prévenir et bien évidemment prendre en charge les
Souffrances psychiques autour de la naissance 253
Pour approfondir
Golse B., Roussillon R. (2010). La Naissance de l’objet. Paris : PUF.
Séguret S. (2004). Le Consentement éclairé en périnatalité et en
pédiatrie. Toulouse : Érès.
Watillon A. (2013). Bébés et parents en détresse chez le psychana-
lyste. Toulouse : Érès.
Index des notions
A D
accouchement 23 dépression 56, 230
ambivalence maternelle 18 différence des sexes 23
ancêtres 155 douleur 23
anticipation 115
archaïque 23 E
Assistance Médicale à la
Procréation (AMP), ou échographie 52, 97
procréation médicalement enceinte 23
assistée (PMA) 140
autoengendrement 23 F
B famille 127
fantasmes originaires 31
bébé fantasmatique 118 fantômes 155
bébé imaginaire 118
fécondation in vitro (FIV)
bébé imaginé 17, 113
141
bébé mythique ou culturel
fécondité 28
118
bébé narcissique 118 féminin 20
femme enceinte 30
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
C figurations 30
fœtus 127
conception 31 fratrie 127
constellation maternelle
181 G
corps 19
corps féminin 21 grands-parents 127
couvade 34 grossesse 23, 30
couvade psychosomatique
96 I
culpabilité 23, 227
cultures 19 image 21
260 35 grandes notions de périnatalité
U
utérus 21, 98