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Le traumatisme

psychique
Chez le nourrisson,
l’enfant et l’adolescent
Évelyne Josse

Le traumatisme
psychique
Chez le nourrisson,
l’enfant et l’adolescent

2e édition

Préface de Louis Crocq


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lisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

© De Boeck Supérieur s.a., 2019


Rue du Bosquet, 7 – B-1348 Louvain-la-Neuve
Pour la traduction et l’adaptation en langue française

Tous droits réservés pour tous pays.


Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie)
partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le
communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : novembre 2019 ISSN : 2030-8906
Bibliothèque Royale de Belgique, Bruxelles : 2019/13647/162 ISBN : 978-2-8073-0783-4
Présentation de l’auteure

Évelyne Josse est psychologue clinicienne diplômée de l’Université


Libre de Bruxelles. Formée à l’hypnothérapie éricksonienne, à l’EMDR
(Eye Movement Desensitization and Reprocessing) et à la thérapie brève,
elle pratique en tant que psychothérapeute en privé. Elle est également
maître de conférences associée à l’université de Lorraine (Metz), chargée
de cours en formation continue à l’Université Libre de Bruxelles, forma-
trice en hypnose en Belgique et en France (École Belge d’Hypnose et
Association Française de Nouvelle Hypnose), formatrice en psychotrauma-
tologie (Institut français d’EMDR, Université Libre de Bruxelles), experte
en hypnose judiciaire et superviseuse de psychothérapeutes.
Également consultante en psychologie humanitaire, elle a travaillé à partir
de 1992 au service de différentes ONG (Médecins Sans Frontières, Médecins
du Monde-France, Comité International de la Croix Rouge, etc.). Elle a déve-
loppé une expertise dans la prise en charge des populations victimes de
violence ainsi que du personnel expatrié victime d’un incident critique.
À ses débuts, elle a exercé dans des hôpitaux universitaires auprès
d’adultes atteints du VIH/SIDA et d’enfants malades du cancer. Elle a
également été assistante en faculté de Psychologie à l’Université Libre de
Bruxelles au service de psychologie du développement.
Elle a rédigé de nombreux articles sur le traumatisme psychique et les
violences sexospécifiques qu’elle met à disposition sur son site www.resi-
lience-psy.com. Elle est l’auteure des livres Le pouvoir des histoires thérapeu-
tiques. L’hypnose éricksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques,
paru en 2007 aux éditions Desclée de Brouwer ; Le traumatisme psychique
chez l’adulte, dont la 2e édition est parue en 2019 chez De Boeck Supérieur ;
ainsi que de l’ouvrage Interventions humanitaires en santé mentale dans les vio-
lences de masse, écrit en collaboration avec Vincent Dubois, publié en 2009
aux Éditions De Boeck Supérieur dans la collection « Crisis ». Elle a également
co-dirigé un ouvrage collectif avec Jean-Claude Maes, Se protéger du radi-
calisme, publié en 2018 aux éditions Couleur Livres. Elle a participé à trois
ouvrages collectifs parus chez Dunod : Psychothérapies de la dissociation sous la
direction de Joanna Smith en 2016, Pratique de la psychothérapie EMDR sous
la direction de Cyril Tarquinio en 2017 et Aide-mémoire – Psychiatrie et psycho-
pathologie périnatales en 51 notions sous la direction de Benoît Bayle en 2017.
Visitez le site de l’auteure : www.resilience-psy.com.

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Liste des abréviations

ASD : Acute Stress Disorder


CIM : Classification Internationale des Maladies et des problèmes
de santé connexes
C-PTSD : Complex Post-traumatic Stress Disorder
DESNOS : Disorder of Extreme Stress not Otherwise Specified
DSM : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder
ESA : État de Stress Aigu
ESTP : État de Stress Post-Traumatique
ICD : International Statistical Classification of Diseases and Related
Health Problems
OMS : Organisation mondiale de la Santé
PTSD : Post-Traumatic Stress Disorder

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier chaleureusement mon père pour son


soutien tout au long de cette aventure et pour la traque sans merci qu’il
a livrée aux fautes d’orthographe et de style. Ma gratitude à son égard
dépasse bien largement le cadre de la rédaction de cet ouvrage.
Mes plus vifs remerciements pour sa préface et sa relecture à Monsieur
Louis Crocq, psychiatre et docteur en psychologie, ancien Médecin Général
des Armées, Professeur Associé Honoraire à l’université René Descartes
à Paris V, ancien président de la Section de psychiatrie militaire et de
catastrophes de l’Association Mondiale de Psychiatrie, fondateur et pré-
sident honoraire de l’Association de Langue Française pour l’Étude du
Stress et du Trauma (ALFEST) et créateur du Réseau National des Cellules
d’Urgence Médico-Psychologiques. Le Professeur Louis Crocq, dont les
travaux sur la névrose traumatique et la névrose de guerre font autorité
internationalement, restera toujours pour moi un mentor.
Ma profonde reconnaissance pour leur relecture, leurs remarques et
leurs réflexions pertinentes à Claire Van Pevenage, docteure en psycho-
logie, psychologue à l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola,
conseillère scientifique à la Faculté des Sciences Psychologiques et de
l’Éducation de l’Université Libre de Bruxelles et psychothérapeute, à
Jeannine Blomart, docteure en psychologie, Professeure honoraire de la
Faculté des Sciences Psychologiques et de l’Éducation de l’Université Libre
de Bruxelles et responsable d’une antenne de l’association « L’école à
l’hôpital et à domicile », ainsi qu’à Francine Gillot-de Vries, docteure en
psychologie, Professeure émérite à la Faculté des Sciences Psychologiques
et de l’Éducation de l’Université Libre de Bruxelles.
Pour terminer, je voudrais remercier toutes les victimes rencontrées en
consultation et lors de mes périples au service des organisations humani-
taires qui m’ont inspiré ce livre ainsi que mes collègues et amis qui, d’une
manière ou d’une autre, m’ont encouragée à l’écrire.

9
Préface

Voici un excellent ouvrage, documentaire et didactique, qui arrive à


point pour nous éclairer sur une question encore mal connue ou contro-
versée : les enfants peuvent-ils souffrir d’un traumatisme psychique, au
même titre que les adultes ? Et si oui, sous quelle forme selon l’âge et le
stade de développement ?
Évelyne Josse est bien au fait de la question, tant par ses acquis univer-
sitaires et théoriques que par son expérience de terrain, qui l’a conduite
sur de multiples « chantiers » ONG de guerre et de trauma, à travers le le
monde. Dès le titre, qu’elle a formulé en connaissance de cause, elle se
montre presque « provocatrice » en mentionnant en premier lieu le trauma
des nourrissons, tant il est vrai que, si le sens commun admet le trauma
chez les enfants et les adolescents, il répugne à le discerner chez les nour-
rissons, protégés en théorie par leur fusion avec la mère et dont le psy-
chisme angélique nous paraît à mille lieues du trauma. Et pourtant, dans
la mesure où le trauma, rencontre inopinée avec le réel de la mort et du
néant, renvoie brutalement aux éprouvés initiaux (d’avant le langage) de
jouissance par réplétion alimentaire ou de désespoir par anéantissement,
il est coextensif, quasi familier, au monde du nourrisson.
Le plan de l’ouvrage est simple : quatre chapitres, consacrés successive-
ment 1) à l’événement traumatique, 2) à la phase aiguë de l’enfant face
à l’événement traumatisant, 3) à la phase à long terme et 4) aux spéci-
ficités selon l’âge. Et le style est alerte, concis et rapide bien que dense
dans son contenu ; tellement alerte que l’on prend grand plaisir à suivre
le cheminement de la pensée qu’il exprime. En outre, l’intention didac-
tique est claire, comme une démonstration, avec des vignettes cliniques
judicieusement choisies et un résumé à la fin de chaque partie.
Du traumatisme, défini comme un phénomène d’effraction et de
débordement des défenses du psychisme (dont la défense qui consiste à
attribuer un sens à l’événement agressant), on retiendra qu’il provoque
une dissociation au sens de Pierre Janet, puisque la partie du préconscient
attachée au corps étranger que l’effraction laisse subsister dans le psy-
chisme inspire des réactions automatiques de répétition de l’expérience
non intégrée (sursauts, reviviscences, cauchemars), tandis que le reste
de la conscience continue de fonctionner normalement, de façon élabo-
rée, circonstanciée et adaptée. Et, concernant la conscience enfantine,

11
Préface

Évelyne Josse adopte comme point de départ la distinction de Lenore Terr


entre traumatismes de type I, relatifs à une agression unique, et trauma-
tismes de type II, relatifs à une agression continuée ou répétée ; mais elle
y ajoute pertinemment les traumatismes de type III, relatifs à des agres-
sions multiples exercées précocement et maintenues ensuite pendant une
longue période, ce qui introduit une autre distinction, entre traumatismes
simples et traumatismes complexes. Elle mentionne aussi la distinction
entre traumatismes directs (vécus par le sujet lui-même) et traumatismes
indirects (qui seraient éprouvés indirectement, au contact prolongé avec
une personne traumatisée ou par écoute de ses plaintes). Le distinguo est
admis dans le monde anglo-saxon, depuis les observations effectuées sur
les enfants évacués de Londres pendant le Blitz, mais signalons qu’aux
yeux de l’école francophone, il s’agit de « victimes indirectes » et non de
« traumatismes indirects », ce dernier vocable étant un non-sens puisqu’il
n’y a pas eu confrontation directe avec le réel de la mort ; pour les puristes
francophones, il n’y a de traumatismes que directs, même si les victimes
indirectes ont éprouvé quelque chose « de l’ordre du trauma ». La contro-
verse est loin d’être terminée, compte tenu de réflexions sur la trans-
mission intergénérationnelle du traumatisme (Arménie, Shoah et autres
circonstances) que l’auteure mentionne à cette occasion.
Le grand mérite d’Évelyne Josse est d’avoir finement analysé, dépecé
les facteurs du trauma chez l’enfant : qu’est-ce qui fait que tel événement
violent va provoquer un trauma chez l’enfant ? Facteurs liés à l’événe-
ment, facteurs liés à l’enfant, facteurs attenants au milieu de récupéra-
tion. Elle souligne un facteur pathogène fréquemment observé, qui est
le cas de figure de la défection parentale, lorsque l’enfant découvre avec
désarroi ou désespoir que ses parents, dont il entretenait jusqu’alors une
image de protection et de toute-puissance, sont eux-mêmes vulnérables,
impuissants et effrayés face à l’événement traumatique, quand ils ne se
lancent pas dans une fuite éperdue, oubliant tous leurs devoirs. Il s’ensuit
dans l’esprit de l’enfant un énorme décontenancement et une impression
de vulnérabilité extrême, sans ultime rempart. C’est dans ce cas de figure
que l’on peut dire que l’enfant expérimente deux traumas à la fois : le
sien propre et, en miroir, celui de ses parents dont il constate la terreur
et l’impuissance ; et il ne s’agit pas d’un trauma « indirect », mais d’un
deuxième trauma direct, par immersion dans un partage de la terreur
commune à tous ceux qui sont présents, dans l’immédiat de l’événement.
Évelyne Josse a regroupé dans son chapitre « La phase aiguë », d’une
part, la phase immédiate des premières heures ou du premier jour et,
d’autre part, la période post-immédiate qui suit (du deuxième au tren-
tième jour). Elle rappelle à juste titre que les sujets exposés à un évé-
nement potentiellement traumatisant ne le vivent pas tous sur le mode
du trauma : un quart environ le vivent sur le mode du stress adapté ; les

12
Préface

autres le vivent comme un trauma, dans l’effroi, l’horreur, le sentiment


d’impuissance et l’impression d’abandon ; et, surtout, ils le vivent avec un
cortège de symptômes de dissociation et de détresse (voir dans le livre
l’inventaire et le commentaire très pertinents de ces symptômes) ; le tout
donnant lieu aux réactions de stress dépassé (sidération, agitation, actes
automatiques), voire à des réactions franchement névrotiques et psycho-
tiques (ce qui, en passant, soulève le problème des rapports du trauma et
de la psychose, problème que Ferenczi avait pointé en qualifiant le pre-
mier instant traumatique de « psychose passagère »). Notons qu’Évelyne
Josse consacre des pages passionnantes au traumatisme silencieux de l’en-
fant, à suspecter en particulier dans les cas d’agression sexuelle par un
adulte, un proche, voire un parent.
Quant à la période post-immédiate, ou bien elle voit tout rentrer
progressivement dans l’ordre, ou bien elle voit s’installer un syndrome
post-traumatique (ou plus précisément psychotraumatique), avec persis-
tance des symptômes de dissociation et apparition de symptômes psycho-
traumatiques spécifiques, tels que symptômes de reviviscence, conduites
d’évitement et symptômes d’hyperactivité neurovégétative. Cette période
post-immédiate mérite alors – dans ce cas de figure – le nom de période
de latence ou d’incubation (Charcot, avec son vocabulaire imagé « fin-de-
siècle », parlait de période de méditation, de contemplation et de rumi-
nation). Ici encore, Évelyne Josse s’attache à inventorier dans le tableau
clinique ce qui est particulier à l’enfant, à savoir les symptômes non spé-
cifiques, tels qu’anxiété, dépression, comportements régressifs et troubles
somatoformes. Elle termine ce chapitre en faisant le point des appellations
diagnostiques de ces phases immédiate et post-immédiate dans les noso-
graphies actuelles : la CIM-10 (Classification Internationale des Maladies
Mentales, révision de 1992) a bien identifié la phase immédiate (« réac-
tion immédiate à un facteur de stress »), mais elle laisse confondre la
période post-immédiate avec l’état de stress post-traumatique différé et
chronique ; quant à la nosographie américaine du DSM (Diagnosis and
Statistical Manual of Mental Disorders), dans sa révision DSM-IV de 1994,
elle ne propose rien pour la phase immédiate du premier jour. Par contre,
elle propose le diagnostic d’état de stress aigu pour un tableau clinique qui
correspond à ce qui a été décrit ci-dessus comme période post-immédiate,
et lui assigne des limites de temps (apparition et durée) précis, soit appa-
raître dans le premier mois, et durer plus de deux jours (donc au-delà de
la phase immédiate) et jusqu’à un mois.
Le troisième chapitre, consacré à la phase à long terme (au-delà d’un
mois), récapitule le tableau clinique répondant aux critères du diagnostic
d’état de stress post-traumatique du DSM-IV ; mais il y ajoute l’inventaire
des symptômes non spécifiques (considérés comme « symptômes associés »
par les cliniciens américains, mais de quelle « association » s’agit-il ?) et,

13
Préface

surtout, les altérations de la personnalité, tant il est vrai qu’après l’impact


du trauma, le sujet a l’impression d’avoir changé de personnalité et que
ses proches ne le reconnaissent plus. En fait, comme le précise Évelyne
Josse, il s’agit d’une altération de la personnalité, et non d’une substitu-
tion : le sujet traumatisé n’a plus la même manière de percevoir le monde,
de le penser, de le juger, d’y aimer, de vouloir et d’agir ; il a établi désor-
mais un autre type de relation au monde, à autrui et à soi-même. Et les
deux caractéristiques d’évitement (avoidance) et d’émoussement (numbing)
ne sont que deux aspects de cette altération de la personne, que Fenichel,
cité par Évelyne Josse, avait définie par le triple blocage des fonctions du
moi : fonction de filtration de l’environnement, fonction de présence au
monde, et fonction d’amour ou de relation à autrui. L’ancienne névrose
traumatique étageait la sémiologie psychotraumatique sur trois plans : le
plan des symptômes spécifiques de reviviscence, le plan des symptômes
non spécifiques (car on les observe aussi dans d’autres pathologies), et le
plan, sous-jacent aux deux autres, et lui aussi spécifique, des altérations de
la personnalité. Quoi qu’il en soit, seule la CIM-10 accorde un diagnostic
à part pour ce bouleversement traumatique de la personnalité : « modifi-
cation durable de la personnalité après une expérience de catastrophe ».
Concernant l’enfant, les tableaux cliniques décrits par l’auteur récla-
ment leur spécificité : rêves terrifiants plutôt que cauchemars répétitifs
de l’événement, jeux reproduisant la violence subie initialement, plaintes
somatiques, perturbation des schémas cognitifs et distorsion de certains
souvenirs traumatiques, blocages des apprentissages, anxiété de sépa-
ration, dépression muette et, surtout, retards de développement, com-
portements régressifs et « prématuration traumatique ». Ces trois derniers
ordres de symptômes relèvent en fait de l’altération d’une personnalité
en devenir ; et les critiques anciennes qui assignaient un pronostic favo-
rable au trauma de l’enfant parce que sa personnalité, non achevée et
malléable, était censée disposer de réserves d’adaptation, se trompaient :
c’est justement parce que la personnalité de l’enfant est en devenir qu’elle
n’en est que plus vulnérable, ébranlée dans ses bases et réceptive à l’ac-
tion délétère définitive de facteurs nocifs.
Le quatrième et dernier chapitre traite des spécificités selon l’âge. Avant
l’âge de trois ans, l’enfant traumatisé – ou supposé tel, car l’argument
(discutable) du défaut de conscience de l’agression est souvent avancé
pour nier cette pathologie – réagit par des troubles du fonctionnement
global, biophysiologique, moteur, alimentaire, et de l’attachement à la
mère ; on observe des ralentissements, blocages ou régressions du déve-
loppement, de l’anorexie, de l’insomnie, des peurs, des pleurs et des cris,
et de l’agrippement désespéré à la mère ; mais on peut observer aussi,
dans les cas sévères, l’immobilité et la résignation muette. Entre trois et
six ans, on peut observer des symptômes pathognomoniques du trauma,

14
Préface

tels que mnésies intrusives, évitements, hypervigilance inquiète, anxiété


de séparation et comportements agressifs. Entre six et douze ans, l’en-
fant plus grand dispose d’un registre plus large de protestation : blocage
scolaire, perte de l’envie de jouer, fantasme de vengeance et de culpa-
bilité, conduites régressives, irritabilité, provocations, colères et agressi-
vité. Quant à l’adolescent, dont la représentation imaginaire de la mort
se rapproche de celle de l’adulte, il développera une symptomatologie
similaire à celle de l’état de stress post-traumatique de l’adulte, mais avec
des nuances et des variantes propres au bouleversement biologique et
psychologique de cet âge : accès de dépersonnalisation et de modifica-
tion corporelle, opposition au monde adulte, comportements asociaux et
délinquants, conduites ordaliques, idées suicidaires avec ou sans passage à
l’acte, actes d’automutilation et d’autodestruction, y compris par le canal
de l’addiction alcoolique ou toxicomaniaque ou de l’anorexie.
Quel message le livre d’Évelyne Josse nous lègue-t-il ? En premier lieu,
si l’enfant n’a pas acquis un imaginaire « objectif » de la mort, de niveau
adulte, il n’en résulte pas pour autant qu’il est imperméable à l’expé-
rience traumatique d’évidence subite de la mort et du néant ; son imagi-
naire du néant, encore proche des premières expériences de dissociation,
est peut-être pire que celui de l’adulte. En second lieu, son immaturité et
le non-achèvement de la construction de sa personne ne le mettent pas
à l’abri du trauma ; au contraire, c’est parce que sa personne n’est pas
achevée qu’elle n’en est que plus fragile, plus vulnérable et plus récep-
tive à l’impact du trauma et aux frayages de conduite morbides que ce
trauma va engendrer. En fin de compte, du nourrisson agité protestataire
ou silencieux et résigné, et de l’enfant déjà plus grand atteint dans son
attachement à la mère protectrice, à l’enfant scolarisé décontenancé par
la découverte de l’impuissance de l’adulte, ou stupéfait par la trahison
affective d’un parent abuseur sexuel, et à l’adolescent bouleversé par le
trauma annonciateur de mort alors qu’il traverse une période de muta-
tion de l’existence, instable, mais prometteuse d’avenir, aucun ne pourra
parvenir à l’épanouissement de sa personnalité ; et ce sont des destins
compromis que notre époque donne en partage à ces victimes de la vio-
lence du monde.

Louis Crocqa

a. Texte, toujours d’actualité, écrit par Louis Crocq en 2011 à l’occasion de la première
édition de l’ouvrage.

15
Introduction

Généralement, l’univers des enfants et des adolescents gravite autour


d’événements prévisibles (se réveiller au sein de la famille, fréquenter
l’école, participer à des activités extrascolaires, jouer, rencontrer des amis,
vaquer aux tâches scolaires et familiales qui leur incombent, etc.), dans
un environnement stable (rythmé par la routine et des rituels quotidiens,
hebdomadaires, mensuels, etc.), peuplé de personnes familières (famille,
voisins, amis, condisciples, enseignants, éducateurs, relations des
parents, etc.). Les incidents critiques (agressions sexuelles et physiques,
accidents, catastrophes naturelles, guerre, etc.), les deuils (décès de
membres de la famille et de proches), les séparations (suite à l’exil, à un
rapt parental, etc.) et les pertes diverses (de l’habitation, de l’environne-
ment et des habitudes suite à un déménagement, un incendie, une catas-
trophe naturelle, un conflit armé, etc.) explosent ce monde sécurisant
et protecteur.
Longtemps, on a cru que les nour-
COMPRENDRE rissons, les enfants et les adolescents
étaient insensibles au traumatisme.
La personnalité des jeunes victimes étant
Les plus jeunes n’avaient, pensait-on,
malléable et inachevée, elle est aisé-
ni la maturité ni l’expérience pour
ment perturbée par l’impact du trauma
prendre conscience du danger, réa-
et risque de subir des altérations indé-
liser le caractère irréversible de la
lébiles, voire d’être modifiée dans ses
mort ou percevoir les souffrances
fondements.
endurées par leur entourage ; quant
aux plus grands, ils ne disposaient
pas, jugeait-on, de capacité mnésique à long terme et ne pouvaient donc
qu’oublier rapidement leurs frayeurs et leurs chagrins. On sait aujourd’hui
que c’est précisément l’inverse qui se produit.
Les événements délétères, en particulier s’ils sont extrêmes, répétés
ou prolongés, peuvent avoir de profondes répercussions, possiblement
pérennes, tant sur le développement physique, cognitif et psychique que
sur la santé somatique et mentale ou sur le bien-être psychosocial des
jeunes sujets. La sévérité de leurs troubles dépend de facteurs multiples
dont le type et la gravité des situations vécues, leur âge et leur dévelop-
pement, leur personnalité et leurs antécédents, le climat familial et le
réseau social.

17
Introduction

Après avoir inventorié les événements susceptibles de se révéler trau-


matiques pour les nourrissons, les enfants et les adolescents, cet ouvrage
décrit de manière détaillée les réactions qu’ils peuvent manifester à court,
moyen et long termes, ainsi que les répercussions possibles sur leur déve-
loppement. L’avant-dernier chapitre brosse les tableaux psychotrauma-
tiques spécifiques en fonction de l’âge des victimes. Le dernier propose
quelques conseils aux parents d’enfants et d’adolescents traumatisés ou
ébranlés par un drame, tel qu’un attentat terroriste auquel ils n’ont pas
été directement exposés.

18
1 L’événement traumatique

Définition

En médecine, le terme « traumatisme » définit la « transmission d’un


choc mécanique exercé par un agent physique extérieur sur une partie
du corps et y provoquant une blessure ou une contusion »1. Transposé
à la psychopathologie, il devient traumatisme psychologique ou trauma,
soit « la transmission d’un choc psy-
chique exercé par un agent psycho-
COMPRENDRE logique extérieur sur le psychisme,
Le mot « traumatisme » vient du grec y provoquant des perturbations
« trauma », τραυμα, blessure. psychopathologiques transitoires ou
définitives »2.
Louis Crocq précise que le traumatisme psychique ou trauma est « un
phénomène d’effraction du psychisme, et le débordement de ses défenses
par les excitations violentes afférentes à la survenue d’un événement
agressant ou menaçant pour la vie ou l’intégrité (physique ou psychique)
d’un individu, qui y est exposé comme victime, témoin ou acteur »3.

L’événement traumatique

Chez l’adulte, le traumatisme est lié à une situation où une personne a


été confrontée à la mort ou à la menace de mort, à des blessures graves
ou au péril de tels dommages, à des violences sexuelles ou au risque de
telles agressions4. Cet événement constitue donc une menace pour la
vie (mort réelle ou possible) ou pour l’intégrité physique (lésions corpo-
relles, violation de l’intimité) et/ou
mentale (perte de biens personnels,
COMPRENDRE outrage à l’honneur ou aux droits
Pour les petits, la séparation est proba- fondamentaux, etc.) d’une personne
blement l’équivalent de la confrontation ou d’un groupe de personnes. Cet
avec le réel de la mort pour les adultes. événement produit une peur intense
et/ou un sentiment d’impuissance
et/ou d’horreur et/ou de honte et
remet en cause les valeurs essentielles de l’existence que sont la sécurité,
la paix, le bien, la solidarité, la morale, le respect, le prix de la vie, etc.

19
Le traumatisme psychique

Or la perception de la dangerosité d’un événement et les réactions


émotionnelles qui en découlent sont directement tributaires du dévelop-
pement5 du sujet.
Les enfants en bas âge, qui manquent à la fois de maturité et d’expé-
rience, n’ont pas conscience de la particularité de la mort ni des événe-
ments qui bouleversent leur vie et/ou celle de leur entourage. Les décès et
la désorganisation consécutive à un incident critique s’apparentent pour
eux à n’importe quelle expérience de séparation.
Les nourrissons sont principalement affectés par la disparition des per-
sonnes qui les maternent (celles qui les nourrissent, les lavent, les accom-
pagnent au moment du coucher, etc.). Les enfants plus grands sont, eux
aussi, touchés par la perte des personnes en charge de leurs soins quo-
tidiens, mais également de celles qui s’occupent d’eux (qui jouent avec
eux, les bercent, les éduquent, etc.). Cette perte peut être réelle (décès,
séparation), mais aussi « affective ». C’est le cas, par exemple, lorsque les
parents, mobilisés par leur propre souffrance, se désintéressent de l’enfant
et ne lui fournissent plus un maternage adéquat (absence « psychique »).
Les deux situations sont susceptibles d’entraîner des troubles de l’attache-
ment, la première par rupture des liens, la deuxième par distorsion des
interactions entretenues par les proches avec le bébéa.
Entre trois et cinq ans, les enfants intègrent petit à petit le concept de
mort, mais ne réalisent pas qu’un décès représente une séparation défi-
nitive. Ils croient que le défunt regagnera un jour le foyer ou qu’il « vit »
dans un autre monde (d’où il peut les observer, les entendre, etc.).
À cinq ans, ils saisissent le caractère irréversible de la mort, mais non
son universalité. Ils l’envisagent pour les adultes, surtout lorsqu’ils sont
âgés, mais pas pour eux-mêmes ni pour leurs proches.
Entre cinq et huit ans, ils compren-
COMPRENDRE nent que toute forme de vie est
condamnée à disparaître, y compris
Notons que l’éducation, la culture et la la leur.
religion (croyances de l’entourage en
la résurrection, l’immortalité de l’âme, Ce n’est que lorsqu’ils sont en
les anges gardiens, etc.) influencent la mesure de réaliser le caractère mor-
conceptualisation de la notion de mort et tifère d’un événement, soit après
que les expériences vécues (perte d’ani- l’âge de trois ans, que ce dernier
maux ou d’êtres chers, maladie grave de pourra se révéler traumatique au
l’enfant ou d’un proche) en accélèrent sens conventionnel du terme.
généralement la compréhension. Tout comme la perception de la
menace vitale, l’appréciation de la

a. Voir infra les attachements insécures et désorganisés dans le sous-chapitre :


« Les variables liées à l’enfant », p. 41.

20
1. L’événement traumatique

gravité d’une blessure, de la permanence de ses séquelles (par exemple,


handicap sensoriel ou moteur) et de ses répercussions sur la qualité de
la vie future dépendent du développement cognitif. Les nourrissons et
les jeunes enfants en dessous de cinq ans ne sont généralement pas
en mesure de saisir la sévérité d’une atteinte corporelle. Ce qui fonde
leur souffrance, ce sont les douleurs physiques immédiates consécu-
tives aux lésions et aux soins médicaux éprouvants. Leur corps n’ayant
fait jusqu’alors que l’objet de soins par leurs proches, les enfants sont
plongés dans le plus grand désarroi de se voir abandonnés aux mains
étrangères du personnel médical dont les manipulations les conduisent
à expérimenter la douleur. Leur affliction est majorée par le fait que
leurs parents avaient toujours cherché à les protéger et à les défendre
contre tout tourment. En l’occurrence, c’est vers leur mère (ou son
substitut) qu’ils se tournaient spontanément lorsqu’ils éprouvaient des
désagréments, et ce, dans le but d’être soulagés. Ces incompréhensibles
modifications du comportement de leurs parents et de leur investis-
sement à leur égard les plongent dans un grand désarroi. Les petits
sont donc généralement peu affectés psychiquement par leurs bles-
sures, exception faite des douleurs physiques, mais davantage par le
bouleversement des modes d’interactions entretenus avec leurs figures
d’attachement et le cas échéant, par l’absence d’un adulte de référence.

Après le tremblement de terre de janvier 2010 en Haïti, de nombreux


enfants ont dû être amputés. Parmi les plus jeunes, ceux ne bénéfi-
ciant pas de la présence et du soutien émotionnel d’un parent atten-
tif présentaient les signes les plus manifestes de détresse (repli,
méfiance par rapport aux intervenants, etc.).

Ne pouvant évaluer l’événement à sa juste mesure, certaines jeunes vic-


times n’éprouvent pas d’émotions particulières. C’est le cas, par exemple,
de certains enfants abusés sexuellement. À la recherche d’amour, d’affe-
ction ou d’attention, animés par une curiosité sexuelle infantile non génitale
(« présexuelle » selon les termes de Freud), les enfants peuvent accepter l’ac-
tivité sexuelle avec l’adulte abuseur afin d’obtenir des gratifications affec-
tives, non sexuelles au sens génital du terme6. Parfois même, ils recherchent
activement ce contact, voire en tirent un certain plaisir. Ils n’éprouvent
alors ni effroi, ni impuissance, ni honte au moment des faits7. Il n’en reste
pas moins qu’en grandissant, certains développeront des séquelles trau-
matiques et souffriront à long terme, de façon plus ou moins intense, de
symptômes invalidant leur quotidien et leur développement personnel.
A contrario, un incident mineur, voire anodin, peut se révéler trauma-
tique pour un enfant. Entre deux et sept ans, les enfants comprennent les
propos des adultes, mais ne sont pas en mesure d’évaluer leur véracité.

21
Le traumatisme psychique

Dès lors, ils ne remettent pas en question les menaces qu’ils profèrent et
les tiennent pour vraies.

George, 3 ½ ans, a fait pipi au lit. Son père le morigène et le menace :


« On va te vendre ». Joignant le geste à la parole, il s’empare du télé-
phone et appelle un acheteur imaginaire. Le garçonnet est terrorisé.
Il commence à faire des cauchemars, perd l’appétit et déclenche des
attaques de panique lorsqu’il quitte le foyer pour se rendre à l’école
maternelle.

De plus, leurs pensées et leur compréhension du monde étant forte-


ment imprégnées d’imaginaire, les enfants sont susceptibles d’interpréter
péjorativement des événements sans gravitéb.

Natacha, 5 ½ ans, se promène avec ses parents le long de la plage


lorsque dans un moment d’inattention, ils se perdent de vue. Égarée au
milieu des vacanciers, elle est pétrifiée. Moins de dix minutes sont
nécessaires pour clore l’incident, mais Natacha en reste affectée et mani-
feste rapidement des symptômes traumatiques. Comme le Petit Poucet
dans le célèbre conte de Charles Perrault, elle est persuadée que ses
parents ont volontairement voulu l’abandonner. Leurs tentatives pour l’en
dissuader restent vaines. Natacha devient anxieuse, pleure au moment
du coucher, se réveille terrorisée par des cauchemars et dessine répéti-
tivement un bonhomme qu’elle dit être « une petite fille toute seule ».

Ne pouvant percevoir la gravité objective d’un événement, les bébés


et les jeunes enfants sont très influencés par la réaction des adultes qui
les entourent. Ainsi, pour un petit enfant, une lésion superficielle ou une
séparation temporaire peut se révéler plus traumatique qu’une blessure
profonde ou que le décès d’un proche si les parents réagissent par un
affolement démesuré ou par une affliction excessive.
En résumé, pour l’enfant, ce qui
COMPRENDRE se révèle traumatique dépend prin-
cipalement de son âge et de son
Dans l’univers des enfants, les adultes
développement. Les plus petits souf-
sont protecteurs, résistants, courageux et
friront principalement des douleurs
invincibles. Les voir angoissés et dému-
physiques, des séparations brutales,
nis face aux situations traversées peut
des réactions de leurs proches au
avoir des effets délétères sur leur senti-
drame qui les frappe (lorsque l’en-
ment de sécurité.
fant est une victime directe) ainsi

b. Stade de la pensée préopératoire selon Piaget. Voir la note 68, p. 63.

22
1. L’événement traumatique

que du vécu subjectif de leur entourage par rapport à ce qu’ils affrontent


(lorsque les proches sont des victimes directes). Plus l’enfant grandit,
plus les blessures et la menace vitale perçue deviennent, comme pour
l’adulte, les facteurs étiologiques principaux de troubles ultérieurs.

Les paramètres des événements traumatisants

Tout autant que les adultes, les enfants et les adolescents peuvent être
victimes d’une catastrophe naturelle, d’un conflit armé, d’un accident ou
de la perte d’un être cher. Ils sont aussi particulièrement exposés aux
maltraitances physiques et sexuelles perpétrées par des proches et sont
la proie désignée des prédateurs pédosexuels. Dans certaines contrées, ils
sont également à risque de pâtir de traditions dommageables, notamment
des mutilations sexuelles pratiquées le plus souvent avant l’âge adulte.
L’événement traumatique peut être soit d’origine naturelle (catas-
trophes), soit d’origine humaine (agressions, mauvais traitements, acci-
dents, pertes d’êtres chers).
• Les traumatismes d’origine naturelle. Les enfants et les adolescents
peuvent être affectés par les catastrophes climatiques (ouragans, foudre,
inondations, sécheresse, avalanches, etc.), géologiques (tsunamis, cou-
lées de boue, glissements de terrain, séismes, éruptions volcaniques)
ou biologiques (pandémies8 comme le SIDA et épidémies9 mortelles
dont choléra, shigellose, fièvres hémorragiques, fièvre typhoïde, fièvre
jaune, rougeole, etc.).
• Les traumatismes d’origine humaine. Parmi les traumatismes d’ori-
gine humaine, retenons la violence et les mauvais traitements (agressions,
maltraitance, négligence, violence psychologique, attitudes malsaines,
traditions et pratiques dommageables), les accidents et la perte de per-
sonnes signifiantes.
– Les agressions sexuelles : l’inceste, les abus sexuels, le viol (commis
par un proche, des pervers sexuels, la soldatesque10, le partenaire
sexuel, un prétendant éconduit, une personne voulant humilier ou
imposer son autorité11, etc.), l’esclavage sexuel et la prostitution
forcée (dans les réseaux de prostitutions en Asie12, chez des particu-
liers13, au sein de groupes armés dans les contextes de guerre14, etc.).
Assimilables aux violences sexuelles, retenons les soins abusifs et le
maternage sexualisé. Ils sont le plus souvent attribués aux mères.
Ce nursing pathologique est généralement justifié par des préten-
dues considérations d’ordre hygiénique, médical ou éducatif. Citons
les vérifications anales et vaginales, les toilettes intravaginales, les
lavements excessifs ainsi que les prises de température injustifiées
ou l’administration immodérée de suppositoires par voie rectale.

23
Le traumatisme psychique

– La maltraitance physique : les brutalités (par exemple, le fait de


secouer un bébé15, coups et blessures, corrections corporelles, etc.),
l’exploitation comme domestique, comme main-d’œuvre (dans
les ateliers clandestins, les industries, les gisements de minerais,
les travaux des champs, etc.) ou comme enfants soldats (utili-
sés comme porteurs, boucliers humains, détecteurs de mines,
ravitailleurs, etc.)…
– Les agressions interpersonnelles entre pairs : le racket16, les bagarres
entre jeunes, les guerres entre gangs, les vols avec violence, les jeux
violents17, la violence amoureuse, etc.
– La négligence grave : le défaut de soins, d’alimentation, d’hygiène
et/ou d’éducation, les conditions matérielles de vie intolérables (par
exemple, couchage à même le sol dans une pièce sans lumière ni
chauffage), la privation d’affection, etc.
– La violence psychologique exercée par les adultes ou par les pairs : les
brimades, les humiliations (dévalorisations, injures, etc.), les sar-
casmes, le mépris, le rejet, l’isolement forcé (par exemple, ignorer
l’enfant ou le priver de contacts), l’exclusion (par exemple, l’écarter
d’événements signifiants tels que fêtes familiales ou communau-
taires), le harcèlement (par exemple, enfant désigné comme bouc
émissaire par ses condisciples), la cyberintimidation18, les privations
de toutes sortes (nourriture, loisirs, sorties, etc.), les menaces, le
chantage, la soumission à des règles et à des rites rigides (édictés
par le chef de famille, le gourou d’un mouvement sectaire philo-
sophique, spirituel ou religieux, etc.),...
– Les attitudes malsaines : un climat et des conduites sexualisés, la pro-
miscuité sexuelle, l’exhibitionnisme et les confidences érotiques de
la part d’adultes (au sein de la famille, dans les sectes, etc.).
– Les traditions et pratiques dommageables : les mutilations sexuelles
(clitoridectomie19, excision20, infibulation21, etc.), les mariages for-
cés22, les mariages des filles violées23, les rites de passage assortis
de brutalités24, etc.
– La violence collective : guerres, attentats terroristes…

Les actes de violence peuvent être commis par :


• un membre de la famille : un parent, un grand-parent, un oncle ou
une tante, un frère ou une sœur, un cousin ou une cousine, etc. (par
exemple, dans les abus sexuels et la violence intrafamiliale).
• une connaissance : un voisin (par exemple, dans les génocides, les abus
sexuels, etc.), un professeur, un éducateur ou un responsable d’orga-
nisations fréquentées par l’enfant, un représentant religieux (par
exemple, dans les abus sexuels), un médecin (par exemple, dans les

24
1. L’événement traumatique

erreurs médicales, les excisions25, etc.), un pair ou un enfant plus âgé


(par exemple, dans le racket, les jeux violents, les vols, les bagarres
entre bandes, le harcèlement, la cyberintimidation, etc.),...
• un étranger : par exemple, dans les vols de toutes sortes, les viols, les
guerres, les attentats terroristes, etc.
L’enfant ou le jeune peut être victime de violences familiale, com-
munautaire ou collective. Par exemple, une fillette peut subir un inceste
dans son propre foyer (violence familiale), être sexuellement agressée
par un gang semant la terreur dans son quartier (violence communau-
taire) ou être violée par un milicien
exhorté par ses chefs à agir ainsi
COMPRENDRE
dans le cadre d’un conflit armé
Il est fréquent qu’un enfant ou un (violence collective).
adolescent subissant une forme de
L’enfant ou l’adolescent peut
violence (sexuelle, physique ou psy-
avoir été sujet de la violence ou
chologique) soit également exposé à
en avoir été témoin (par exemple,
des violences d’une autre nature. Par
avoir vu sa mère être battue par
exemple, un garçonnet peut être battu
son père, avoir été présent lors
(violence physique), violé (violence
d’un inceste perpétré sur un frère
sexuelle) et humilié (violence psycho-
ou une sœur, avoir assisté à des
logique) par son père ou le compa-
meurtres ou à des viols dans les
gnon de sa mère.
contextes de génocides et de
conflits armés, etc.). Il peut égale-
ment en être acteur. Dans les contextes de conflits armés, il n’est pas
rare que des enfants et des jeunes soient partie prenante de la violence
collective. Ainsi, durant le génocide rwandais, 24,7 % des agressions
à l’égard des femmes tutsi ont été perpétrées par des enfants26. Dans
de nombreux pays, des enfants soldats sont traumatisés d’avoir, sous
la contrainte, commis des exactions cruelles comme violer ou tuer un
membre de leur famille et d’avoir participé à des rites ignobles tels
que des actes cannibales (boire le sang de leur victime et manger leur
chair27). En temps de paix, des jeunes peuvent également être entraî-
nés par des proches à se livrer à des actes barbares ou avoir provoqué
accidentellement une catastrophe.

Le père de Khalil navigue dans un milieu louche. À ses activités pro-


fessionnelles légales, il en mêle des illicites, ce qui l’expose aux
menaces, aux chantages et aux règlements de compte. Khalil a une
quinzaine d’années lorsque son père l’initie à torturer des maîtres
chanteurs et autres personnages gênants. Vingt ans plus tard, devenu
adulte, Khalil continue d’être la proie de cauchemars sanglants qui le
réveillent en sueur deux à trois fois chaque nuit.

25
Le traumatisme psychique

• Les accidents : les accidents domestiques (chutes, brûlures thermiques


et chimiques, intoxications médicamenteuses et chimiques, coupures,
suffocations et asphyxies, électrocutions, morsures par un animal
domestique, etc.), les explosions accidentelles, les accidents de loisirs et
de sport (noyades, chutes de cheval, de vélo, de ski, etc.), les incendies,
les erreurs médicales, les accidents routiers, ferroviaires et aériens, les
accidents technologiques, industriels et nucléaires, etc.

Marc a 7 ans, sa sœur trois de moins. Ils sont assis sur le siège
arrière lorsque le garçonnet défie sa sœur de sauter du véhicule en
marche. La petite ouvre la portière, tombe et se blesse grièvement.
Suite à l’accident, Marc développe une souffrance traumatique faite
de cauchemars et de souvenirs intrusifs de la chute.

• Les pertes de personnes signifiantes : l’abandon de l’enfant par ses


parents, le décès tragique d’un proche (membres de la famille, amis,
condisciples, éducateurs, voisins, etc.), la rupture des liens après une sépa-
ration conjugale (divorce, rapt parental) ou familiale (par exemple, suite
à l’expatriation, l’émigration, l’incarcération ou l’enrôlement au sein des
forces armées d’un parent, suite à la dispersion accidentelle de la famille
au cours de la fuite dans les conflits armés, au déménagement, au chan-
gement d’établissement scolaire, etc.), l’éloignement de l’enfant en raison
de son hospitalisation (gravement malade ou grièvement blessé), etc.

COMPRENDRE
Plus encore que les adultes, les enfants et les adolescents sont sensibles aux ruptures affectives. En effet,
les relations qu’ils établissent avec des figures d’attachement constituent le substrat sur lequel se tissent
leurs sentiments de sécurité et de confiancec. Une séparation brutale peut compromettre gravement leur
développement émotionnel et conduire ultérieurement à des troubles de la personnalitéd. La privation
de « tuteur de développement »28 non compensée par des « tuteurs de résilience »29 se révèle d’autant
plus pernicieuse qu’elle est précoce.

Les types de traumatismes

Les traumatismes de type I, II et III, simples et complexes

C’est à Lenore Terr30 que l’on doit la première typologie des traumatismes.
Elle distingue deux catégories : les traumatismes de type I et de type II.
c. Voir infra les différents types d’attachement dans le sous-chapitre : « Les variables
liées à l’enfant », p. 44.
d. Voir infra les attachements insécures et désorganisés dans le sous-chapitre : « Les
variables liées à l’enfant », p. 44.

26
1. L’événement traumatique

• Elle entend par traumatisme de type I un traumatisme induit par un


événement unique, limité dans le temps, présentant un commence-
ment net et une fin claire.
• Elle parle de traumatisme de type II lorsque l’événement à l’ori-
gine des troubles s’est répété, lorsqu’il a été présent constamment
ou qu’il a menacé de se reproduire à tout instant durant une longue
période.
Eldra Solomon et Kathleen Heide31 spécifient une troisième catégorie,
le traumatisme de type III, pour décrire les conséquences d’événements
multiples, envahissants et violents débutant à un âge précoce et présents
durant une longue période.
Judith Herman32, professeure à la Harvard Medical School, choisit de
classer les traumatismes en deux catégories : les traumatismes simples et
complexes.
• Sa définition des traumatismes simples les assimile aux traumatismes
de type I définis par Terr.
• Par traumatisme complexe, elle désigne le résultat d’une victimi-
sation chronique d’assujettissement à une personne ou à un groupe
de personnes. Dans ces situations, la victime est généralement cap-
tive durant une longue période (mois ou années), sous le contrôle de
l’auteur des actes traumatogènes et incapable de lui échapper. Ces
traumatismes complexes sont à rapprocher des traumatismes de type II
précisés par Terr et s’ils débutent à un âge précoce, aux traumatismes
de type III définis par Solomon et Heide.
Les agressions, les accidents et un attentat terroriste peuvent ne consti-
tuer qu’un événement ponctuel dans la vie d’un enfant ou d’un jeune
alors que les abus sexuels, la maltraitance physique et sexuelle, les rackets,
l’esclavage sexuel, l’enfermement dans les camps de détention et de
concentration, le travail forcé, les traditions dommageables et l’exposition
aux violences conjugales sont le plus souvent caractérisés par une addition
et une succession de violences. Les premiers exposent les enfants et les
adolescents à un événement unique, circonscrit dans le temps, imprévi-
sible et d’apparition brutale ; les seconds les soumettent à une violence
durable, répétée, exempte de surprise, voire prévisible. Les premiers sont
des traumatismes de type I selon la terminologie de Terr ou traumatismes
simples selon Herman, les seconds sont des traumatismes de type II selon
Terr, de type III selon Solomon et Heide ou encore des traumatismes
complexes selon Herman.
Il est important de ne pas confondre un enfant dont la vie est émail-
lée de nombreux traumatismes simples (par exemple, chutes et accidents
répétés) avec celui qui souffre de traumatisme complexe.

27
Le traumatisme psychique

Les traumatismes directs et indirects

Les traumatismes directs

On parle de traumatisme direct lorsque la victime a été confrontée au


sentiment de mort imminente, à l’horreur ou au chaos. Elle peut avoir été
sujet, acteur ou témoin de l’agression ou de la menace soudaine qui a mis
en danger sa vie, son intégrité physique ou mentale ou celles d’autrui.
L’enfant ou l’adolescent peut être la victime directe d’un incident cri-
tique qu’il a enduré (traumatisme simple de type I ou complexe de type II
ou III), dont il a été le témoin ou qu’il a provoqué volontairement ou
involontairement. Par exemple, il peut avoir subi une agression, un acci-
dent, une catastrophe naturelle ou des abus sexuels, être perturbé après
avoir assisté à une bagarre, un viol, un meurtre ou aux violences entre ses
parents ou souffrir d’avoir causé des dommages à autrui.

Les traumatismes indirects : la cicatrice sans la blessure

L’enfant ou l’adolescent peut être une victime indirecte d’un événement,


c’est-à-dire pâtir psychologiquement d’une situation vécue par autrui.

A. La transmission du traumatisme

La traumatisation indirecte se définit comme une souffrance spécifique


éprouvée par les personnes en relation étroite avec un sujet ou un groupe
de sujets en détresse.
En 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale, devant la menace
de bombardement des grandes villes, en particulier de Londres, le gouver-
nement britannique a pris la décision d’évacuer 1 500 000 enfants vers
les campagnes, notamment vers Cambridge. Les premiers résultats, anté-
rieurs aux bombardements, sur les effets de l’évacuation rapportés par la
Société Britannique de Psychologie sont rassurants, le pourcentage d’en-
fants évacués présentant des troubles était comparable à celui de la période
antérieure de paix (8 %). Mais dès les premiers mois de 1941, lorsque sur-
viennent les bombardements, la prévalence des troubles atteint 45 à 50 %,
des enfants, qu’ils aient été évacués ou non33 ! Les enfants pris sous le feu
des bombardements ont manifesté les réactions les plus intenses tandis que
les enfants évacués ont souffert de conséquences plus persistantes et plus
pernicieuses. Éloigner les enfants du danger ne leur avait donc pas épargné
la souffrance traumatique. On découvrait ainsi qu’un enfant, même très
petit, pouvait être « contaminé » par le vécu de son entourage34.

B. La transmission intergénérationnelle des traumatismes

Vers la fin des années 1960, des professionnels de la santé mentale


ont remarqué que nombre d’enfants de rescapés de la Shoah nés après

28
1. L’événement traumatique

la guerre présentaient des signes cliniques analogues à ceux de leurs


parents, et ce, même si ces derniers avaient tu les atrocités qu’ils avaient
endurées35. Ils manifestaient fréquemment des troubles dépressifs et
anxieux (vulnérabilité dans les situations de stress, réactions de panique,
terreurs, peurs injustifiées pour eux-mêmes et leurs proches dont peur
d’être persécutés et de mourir, phobies, impressions de menace de mort
imminente, sentiments d’insécurité, angoisses de séparation). Ils démon-
traient une susceptibilité plus grande à développer un syndrome psycho-
traumatique en cas d’incident critique36. Leur sommeil était agité par des
cauchemars similaires à ceux qui hantaient les nuits des survivants. Dans
leurs relations, ils se montraient méfiants, facilement irritables et sujets
à des explosions d’agressivité. Ils éprouvaient d’intenses sentiments de
culpabilité principalement liés à la sexualité ainsi qu’aux sentiments ambi-
valents mêlant honte, pitié, admiration, ressentiment et colère conçus
à l’égard de leurs parents. Certains retournaient leur agressivité contre
eux-mêmes et adoptaient des comportements autodestructeurs. N’ayant
pas été confrontés personnellement à la persécution antisémite et à l’ex-
termination des Juifs, ils ne comprenaient pas ce qui les faisait souffrir.

Isi, enfant de parents rescapés d’un camp de concentration, raconte :


« Depuis tout petit, je rêve que je m’enfuis, que je fracasse la porte
de ma chambre et que je m’échappe. Je cours, je cours, je cours sans
m’arrêter, je dois dépasser de nombreux obstacles… C’est horrible… »

Ces diverses réactions évoquant le psychotraumatisme de leurs parents


rescapés, les cliniciens ont émis l’hypothèse que les traumatismes extrêmes
pouvaient se transmettre d’une génération à l’autre. Les observations
d’enfants de parents victimes de torture et de parents portés disparus en
Argentine ont renforcé ce postulat37.
Les recherches menées auprès des descendants de survivants de la
Shoah et du génocide arménien concluent qu’intégrer de tels trauma-
tismes nécessite au moins deux générations38.
Des termes tels que « traumatisme indirect », « traumatisme secondaire »
et « traumatisme empathique » sont utilisés pour décrire la transmission
des traumatismes entre les générations.
Le psychotraumatisme des descendants est une « pathologie acquise »39
d’une génération à l’autre dont le mode de transmission serait le récit des
horreurs subies par les parents ou, paradoxalement, le silence, les secrets
et les non-dits. En effet, les enfants privés d’information sur les épreuves
que leur famille a traversées présentent davantage de symptômes que
les autres40. L’inhibition massive des affects et les troubles dépressifs des
parents joueraient également un rôle primordial dans le développement
de symptômes chez les enfants.

29
Le traumatisme psychique

Les recherches en épigénétique


COMPRENDRE
confirment scientifiquement que
Notons que si le traumatisme peut se l’exposition à des traumatismes phy-
transmettre d’une génération à l’autre, siques et sexuels, à la négligence
il en va de même des capacités de rési- grave, à l’abandon et à la perte d’un
lience41. Les études ont montré que parent conduisent à des pathologies
les enfants et petits-enfants de rescapés psychiatriques susceptibles d’affec-
présentent certains traits de caractère qui ter les personnes leur vie durant et
sont ceux qui ont permis à leurs ascen- à un risque accru de maladies soma-
dants de survivre. Ils démontrent une tiques. Leurs descendants, enfants
grande capacité à faire face et à s’adapter et petits-enfants sont eux aussi plus
aux challenges. Ils font preuve d’initiative sujets à la dépression, aux troubles
et de ténacité. Manifestant des fortes de la personnalité, aux comporte-
aspirations à se réaliser, ils se tournent ments antisociaux, aux addictions,
vers les hautes études, ce qui les conduit au diabète et au cancer.
à réussir socialement. Mus par des
L’enfant ou l’adolescent peut
valeurs familiales fortes, ils fondent des
donc être la victime indirecte d’évé-
couples et des familles stables42.
nements anciens vécus par son
entourage proche, mais peut éga-
lement souffrir des conséquences funestes d’une violence actuelle exer-
cée à l’encontre d’un tiers. Par exemple, il peut être douloureusement
éprouvé par le fait que sa mère, ébranlée par le viol qu’elle a subi,
soit devenue incapable de s’occuper correctement de lui. Il peut aussi
développer une véritable symptomatologie traumatique au contact d’un
frère ou d’une sœur blessé(e) accidentellement, gravement malade, etc.

Les paramètres influençant le développement


des syndromes psychotraumatiques
chez les nourrissons, les enfants
et les adolescents

COMPRENDRE Les paramètres influençant l’appa-


rition des symptômes, leur fré-
L’exposition à un événement grave quence et/ou leur intensité ainsi que
ne suffit pas pour engendrer une souf- le processus de récupération psy-
france traumatique. Tous les enfants et chique se divisent en trois catégories :
adolescents ayant vécu un événement les variables liées à l’événement, les
pénible ou effrayant ne développent facteurs propres à l’individu et les cara-
donc pas un syndrome psychotrau- ctéristiques du milieu de récupéra-
matique. Plus encore que celles des tion. Plus les facteurs de risque se
adultes, leurs réactions sont modulées, cumulent, plus l’apparition d’un
voire déterminées, par une multiplicité trouble post-traumatique est probable
de facteurs. et potentiellement grave et chronique.

30
1. L’événement traumatique

Les variables liées à l’événement

La sévérité d’un incident critique est fonction de sa nature, de sa durée


et de sa fréquence. Dans les cas de violence, l’identité de l’agresseur et
sa proximité relationnelle avec la jeune victime constituent également des
variables essentielles.
Le lien entre la gravité objective d’un événement et son impact est
plus relatif chez l’enfant que chez l’adulte. Plus il est jeune, plus le facteur
déterminant de sa souffrance semble être le vécu subjectif de son entou-
rage direct. Plus il grandit, plus les blessures et la menace vitale perçue
deviennent, comme pour l’adulte, les causes majeures de troubles ultérieurs.
• L’intensité et la gravité de l’événement. Parmi les incidents
critiques les plus délétères frappant les enfants et les adolescents,
citons :
– La perte tragique d’une personne signifiante. Elle est d’autant plus
dommageable pour l’enfant ou le jeune qu’il était attaché affective-
ment au défunt (tuteur de développement). Le décès d’un être cher
est une épreuve pour les tout-petits comme pour les enfants plus
grands. Néanmoins, nous l’avons vu, la compréhension du concept
de mort évolue avec la maturité.

Anne, une fillette de 10 ans, est en vacances avec ses parents. Alors
que la famille est en balade, son père, jusqu’à ce jour en bonne
santé, se plaint subitement de céphalées violentes, se prend la tête
dans les mains et s’écroule raide mort, la bouche ouverte et les yeux
écarquillés. Sa mère, désespérée par la disparition tragique de son
époux, sombrera dans une dépression profonde qui, durant plusieurs
années, la rendra inapte à offrir à sa fille l’affection dont elle a besoin.

Béatrice a 8 ans lorsqu’on lui annonce le décès brutal de sa mère tuée


sur l’autoroute par un conducteur roulant à contresens.

Martin a 5 ans lorsqu’une nuit, se rendant aux toilettes, il trouve son


père pendu au-dessus de la baignoire.

– Les violences sexuelles. Les troubles psychotraumatiques sont plus


marqués lorsque l’agression est sévère (la pénétration pénienne
serait plus traumatogène que les attouchements43), qu’elle est per-
pétrée par un proche (les symptômes seraient plus importants si
l’agresseur est le père44) et que le degré de violence physique et
de coercition est élevé (par exemple lorsque l’auteur a recouru ou
menacé de recourir à la violence physique, au meurtre, etc.)45.

31
Le traumatisme psychique

Brigitte a 12 ans lorsque sa mère quitte le foyer, l’abandonnant


à la garde de son père. Celui-ci l’entraîne alors dans les travers de
sa vie débridée et l’implique personnellement dans les partouzes qu’il
organise avec ses amis.

Depuis sa plus tendre enfance jusqu’au jour de ses 18 ans où elle fuit
sa famille, Pamela sera régulièrement abusée par son père.

Immaculée, une petite Rwandaise, a 4 ans lorsqu’en 1994, durant le


génocide, elle est sauvagement violée par trois génocidaires.

Germaine, une jeune congolaise du Sud Kivu, a 11 ans lorsque son


père l’emmène dans la chambre en lui déclarant qu’il va lui montrer
« comment vivre avec un garçon ». La fillette se débat lorsqu’il tente de
la pénétrer. Il se saisit du couteau déposé au pied du lit et la menace :
« Je te tue si tu refuses ». Après qu’il l’a violée, elle s’enfuit et cherche
de l’aide auprès des voisins qui la chassent en la traitant de sorcière.

– La maltraitance physique. Elle laisse d’autant plus de séquelles psy-


chiques que les violences sont graves et fréquentes.

Alain naît dans un foyer heureux jusqu’au jour où, alité de longs mois
suite à un accident de travail, son père désœuvré se met à boire. Très
rapidement, il devient violent avec son épouse qu’il maltraite devant
Alain et son frère. Quelques mois plus tard, il s’en prend aux enfants.
En moins d’un an, les violences sont devenues quotidiennes. À bout
de force, la mère prend la fuite avec ses fils et se réfugie dans un
foyer pour femmes battues.

Simon ne se souvient pas d’un seul geste de tendresse de la part de


son père. Toute son enfance et son adolescence, il n’a reçu de lui que
des coups de pieds, de poings et de ceinture.

– La négligence grave.

Martine a 5 ans lorsque ses parents se séparent. Leur père déména-


geant à l’étranger, elle et sa cadette âgée de 3 ans sont confiées
à la garde exclusive de leur mère. Pour assurer les fins de mois diffi-
ciles, cette dernière cherche un travail d’appoint et trouve un emploi
de serveuse dans un débit de boisson. Lorsqu’elle preste les soirs
de fin de semaine, ses filles restent seules dans l’appartement, sans
surveillance. Martine est chargée de s’occuper de sa petite sœur (lui

32
1. L’événement traumatique

donner son repas, la mettre au lit, etc.). La mère rentre de plus en


plus tard, traînant au bar après son service et finit par découcher
régulièrement, ne rejoignant son domicile que le lendemain en fin de
matinée. Un week-end, elle ne rentre pas. Le frigo est vide. Martine
est désemparée devant sa petite sœur qui pleure de faim. Elle
demande de l’aide aux voisins de palier. Ils accueillent les enfants
et alertent l’assistance sociale.

– La violence psychologique.

Rodrigo, à peine sorti de l’adolescence, nous illustre la violence


psychologique exercée par son père : « Et pourtant, il ne nous a jamais
frappés. Parfois, je me dis que cela aurait peut-être été préférable.
Les coups, ça fait mal sur le moment, mais après ça passe. Il nous
a cassés, moi et mon frère. Il a brisé ma personnalité. Je me sens
comme une merde. C’est d’ailleurs ce qu’il nous disait toujours : “Vous
n’êtes que des merdes, on ne tirera jamais rien de bon de vous.”
J’ai brillamment réussi cette année d’étude supérieure et je me sens
quand même comme une merde… ».

« Il y avait les injures, bien sûr. Et les critiques. Rien ne trouvait grâce
à ses yeux. Les cousins, les voisins, tous faisaient toujours mieux,
parlaient mieux, jouaient mieux, réussissaient mieux à l’école, pis-
saient mieux, bref, ils étaient mieux en tout et tout le temps. Mais
finalement, mes pires souvenirs, c’est quand il me promettait quelque
chose qui me faisait vraiment plaisir comme aller au cinéma ou voir
un match de foot et qu’au moment de partir, il disait en ricanant : “Je
n’ai pas le temps, j’ai une urgence, je n’ai pas d’argent, la voiture est
en panne, il n’y a pas suffisamment d’essence” ou un truc du genre. Il
me regardait avec un sourire mauvais. Il prenait un plaisir évident à
me faire mal, à me faire souffrir », rapporte Émile, un grand adolescent
qui vient de quitter le foyer parental.

– Les accidents graves. Ils sont d’autant plus néfastes à la santé mentale
qu’ils ont occasionné des blessures importantes. Une fois guéris,
les enfants blessés souffrent davantage de symptômes psychotrau-
matiques que ceux qui s’en sont sortis sains et saufs. Toutefois,
paradoxalement, dans la phase post-immédiate, ils présentent géné-
ralement moins de troubles que leurs pairs indemnes. La sollicitude
de l’entourage, les soins dont ils sont l’objet et la mobilisation psy-
chique exercée par les sensations physiques douloureuses leur appor-
teraient une diversion temporaire qui postposerait la confrontation
au traumatisme. Les enfants qui n’ont pas été blessés devraient

33
Le traumatisme psychique

quant à eux faire face immédiatement à la charge émotionnelle et


subjective de l’événement46.

Suite à une mauvaise chute ayant causé une fracture d’une vertèbre
lombaire, Sarah, 7 ans, sera hospitalisée plusieurs semaines et devra
porter un corset pendant trois mois. Elle se comporte normalement
jusqu’à ce qu’on lui retire ledit corset. Dès cet instant, elle marche
à pas comptés et se montre effrayée par de multiples activités et
situations, refusant de rouler en vélo, de courir et de sauter, de faire
de la gymnastique, de nager, de monter dans un véhicule, etc.

Brûlé par de l’huile bouillante au deuxième et troisième degrés sur


une grande partie du corps, Anatole, 5 ans, est hospitalisé de longues
semaines dans un service spécialisé. Sur le plan psychologique, tout
semble se passer correctement jusqu’au retour à domicile où, dès la
première nuit, il se réveille en hurlant. Au fil du temps, la crainte des
cauchemars tient l’enfant éveillé de plus en plus longtemps.

– L’exposition à un danger vital pour soi ou pour autrui et la confron-


tation à la mort d’autrui. Le risque de trouble traumatique est plus
élevé lorsque l’enfant et/ou ses proches ont été exposés à un dan-
ger vital ou qu’il a été confronté à la mort d’autrui. Parmi les
situations les plus dramatiques, citons les catastrophes naturelles
de grande ampleur, les conflits armés et les attentats terroristes.
Dans les catastrophes naturelles, les enfants et les jeunes ont pu
attendre les secours dans des conditions difficiles sur le plan psycho-
logique (incertitude par rapport à l’arrivée de l’aide dans un délai
suffisant pour avoir la vie sauve, inquiétude pour l’entourage, etc.),
physique (sans pouvoir boire, manger, se mouvoir, en étant parfois
blessés et en souffrant douloureusement, etc.) et environnemen-
tal (espaces clos, poussiéreux, inondés, accablants de chaleur ou
glacés, etc.). Ils peuvent avoir perdu des proches, être en situa-
tion d’expectation dramatique quant à des êtres chers disparus ou
grièvement blessés, avoir été confrontés au spectacle de victimes
mutilées ou décédées, parfois en masse, etc.

En janvier 2010, à Port-au-Prince, le séisme a piégé Mislaine, une


jeune fille de 15 ans, dans les décombres de la maison familiale.
Durant trois jours, elle a attendu les secours, la jambe écrasée sous
un linteau, aux côtés du cadavre de sa sœur. La douleur l’a torturée
et la soif l’a tenaillée. Avec la chaleur, une odeur fétide a rapidement
alourdi l’atmosphère. Peu après avoir été dégagée des gravats, sa

34
1. L’événement traumatique

jambe, nécrosée et infestée de vers, a dû être amputée. Deux jours


plus tard, la gangrène a gagné l’autre membre. « Comment pourrais-je
penser à l’avenir alors que je ne vais plus avoir mes jambes ? Et je n’ai
plus personne pour s’occuper de moi. Mes parents et mes sœurs, tout
le monde est mort. Je n’ai plus personne… », nous dit l’adolescente.

Les conflits armés ont aussi leur cortège d’atrocités telles qu’avoir été
menacé de mort, avoir dû se cacher pour échapper à une mort certaine,
avoir subi un viol, la torture ou des mauvais traitements, avoir été blessé,
avoir échappé à des mitraillages, des pilonnages d’artillerie ou à des
bombardements aériens, avoir vu ses parents, ses frères et sœurs terro-
risés, violés, battus ou tués, avoir été abandonné et laissé seul sans abri,
sans nourriture ni protection, avoir vu des cadavres jonchant les rues,
avoir été expulsé et jeté sur les chemins de l’exode dans des conditions
effrayantes, etc.

Innocent est burundais. Lorsque je le rencontre en 2002, il est hospi-


talisé pour un traumatisme crânien provoqué par un éclat de grenade.
Dans cet incident, il a également perdu des doigts et des orteils.
Outre les blessures physiques, il souffre de violents maux de tête,
d’acouphènes47 et d’importants troubles du comportement (hallucina-
tions, discours incohérent, angoisses, etc.).

Les attentats meurtriers de ces dernières années n’ont pas épargné


les enfants et les adolescents : confinement de longues heures dans les
crèches et les établissements scolaires situés dans les périmètres de sécu-
rité, spectacle des blessés ensanglantés et des morts gisant dans les rues,
le métro ou l’aéroport, jeunes blessés ou tués dans les salles de spectacle
ou lors d’une fête populaire, entourage inquiet, etc.

Zoaria, une adolescente de 14 ans, était aux premières loges de


l’attentat des terrasses48 en novembre 2015 à Paris. « Ce soir-là, je
regardais une série policière américaine avec mon père comme tous
les vendredis soir. Je me rappelle cette scène dans le film où ils
allaient tirer et à ce moment-là, ça a commencé. Mon père m’a dit :
“Couche-toi !”. Quand il n’y a plus eu de bruit, mon premier réflexe
a été de courir au fond de l’appartement, dans la chambre de mes
parents. Je me suis appuyée sur la table de nuit, j’étais debout, mes
jambes tremblaient et j’ai demandé à mon père : “Ils tirent sur les
gens en bas ?”. Quand mon père m’a répondu que oui, je me suis
effondrée en pleurs », nous livre-t-elle.

35
Le traumatisme psychique

• Le degré d’exposition au(x) facteur(s) traumatisant(s). Le risque


d’apparition de symptômes post-traumatiques et d’altération de la per-
sonnalité est d’autant plus élevé que l’enfant ou l’adolescent a subi des
incidents critiques répétés, de natures diverses, sur une longue période.
En anglais, cette corrélation entre le degré d’exposition et l’intensité de la
réaction du sujet est appelée « dose effect » ou « dose response ».
– La durée. Des événements subis sur une longue période prédisent
généralement une symptomatologie traumatique sévère.

Depuis sa plus tendre enfance jusqu’à sa puberté, Julie a subi les


abus répétés de son oncle de quinze ans son aîné. Les agressions
ont pris fin lorsqu’il s’est marié. Devenue adulte, épouse et mère de
deux enfants, Julie continue de s’automutiler régulièrement et d’être
hantée par des idées de suicide pour, dit-elle, « tuer la bête » en elle.

– La récurrence ou le risque de récurrence de l’événement traumatique. Il


existe une relation entre l’apparition d’un tableau traumatique et,
par exemple, la récidive des sévices49 ou les répliques d’un séisme.

Henriette et Rose sont sœurs jumelles. Cette année-là, pour la pre-


mière fois, elles passent leurs vacances d’été chez leur grand-père.
Le dernier jour de leur séjour, il les attouche sexuellement toutes les
deux. Elles sont alors âgées d’une dizaine d’années. Deux ans plus
tard, à l’heure de la rentrée au lycée, les parents décident de mettre
Rose en pensionnat et de confier Henriette aux soins de son grand-
père, car, très pris par leurs activités de commerçants, ils n’ont pas le
temps de superviser leurs travaux scolaires. Le week-end, parents et
enfants se retrouvent dans la maison familiale. Rapidement, la mère
s’inquiète de l’état de sa fille Henriette qui se plaint de cauchemars
et de gastralgies, éprouve de plus en plus de difficulté à terminer
ses repas, refuse de jouer avec sa sœur et se replie dans un silence
angoissé. Le grand-père n’a plus jamais eu de geste déplacé, mais
l’exposition au risque permanent de récidive a provoqué l’éclosion
d’une symptomatologie psychotraumatique.

Dans le décours du terrible tremblement de terre qui a secoué Haïti


en 2010, à chaque réplique sismique, Phénide, une fillette de 4 ans,
court se réfugier dans les bras de sa mère en hurlant « Je ne veux pas
mourir ! Je ne veux pas que tu meures ! ».

– La fréquence. Une fréquence soutenue des événements traumatiques


est le plus souvent prédictive d’un devenir psychopathologique sévère.

36
1. L’événement traumatique

Tous les dimanches, Louise est abusée sexuellement par son beau-
frère dans l’atelier où il l’attire en prétextant lui apprendre la méca-
nique. Devenue adulte, Louise se dit très déprimée et angoissée. Elle
n’attend rien de bon de la vie et pense souvent au suicide.

– La multiplicité des facteurs traumatisants. L’importance des symptômes


post-traumatiques est fortement corrélée au nombre d’événements
traumatisants vécus50.

Durant le génocide rwandais de 1994, Espérance a perdu 17 per-


sonnes de sa famille proche (parents, fratrie, neveux et nièces), sans
compter les oncles, les tantes, les cousins, etc., et se retrouve donc
seule au monde. Elle ignore où et comment ses parents sont morts
et se pose de cruelles questions : « Mes sœurs et ma mère ont-elles
été violées avant d’être tuées ? Leur corps a-t-il été dévoré par les
chiens51 ? ». Elle a fui sa région natale et ne peut envisager d’y retour-
ner. En effet, elle a été menacée de mort : un paysan, proche de sa
famille, est venu l’avertir qu’il avait reçu une grosse somme d’argent
pour l’assassiner. La logique des commanditaires Hutus de ce meurtre
peut se résumer comme suit : pas de rescapés, pas de témoins donc
pas de condamnation pour les génocidaires. En 2004, après 9 ans de
danger permanent, Espérance trouvera asile dans un pays occidental.

« Quand les Serbes ont attaqué la première fois, je me suis réfugié


dans la montagne. Nous étions plusieurs du village. On dormait dans
les arbres et on devait s’accrocher. Les personnes de tête et de queue
se relayaient parce c’était eux qui avaient le plus froid. En huit jours,
j’ai dormi dix heures. Je ne pensais pas que c’était possible. Les
derniers jours, on n’avait plus rien à manger. Pendant deux jours et
demi, je n’ai rien mangé du tout. Les enfants pleuraient. On n’en pou-
vait plus. Alors, on s’est rendu. Les Serbes nous ont tout pris. Ils ont
pris notre argent, nos papiers, nos bijoux, tout. Et puis, ils nous ont
amenés au camp de Keraterm52. On était cinq cents dans un hangar
de deux cent cinquante mètres. Je suis resté deux mois sans me laver
et sans changer de vêtements. » Ce jeune de 16 ans décrit ensuite
en détail les tortures dont lui et ses compagnons d’infortune ont fait
l’objet. Lorsque je le rencontre en décembre 1992, il est hébergé dans
un camp de réfugiés à Zagreb en Croatie. Il n’a aucune idée de ce que
l’avenir lui réserve. Il n’a plus d’espoir.

– La proximité physique de l’agent stressant53. Plus l’enfant ou le jeune


est proche physiquement du danger vital, par exemple de l’épicentre

37
Le traumatisme psychique

d’un séisme ou de l’impact d’une bombe, plus il risque de présenter


des séquelles traumatiques.
• L’identité de l’agresseur et sa proximité relationnelle avec la vic-
time. Le risque de traumatisme est plus important si l’agresseur est
une personne ayant autorité morale et/ou jouissant de la confiance de
l’enfant ou du jeune54 (membre de la famille ou de l’institution de pla-
cement où il réside, amis et connaissances de la famille, baby-sitter,
nourrice, voisins, religieux, enseignants, éducateurs, responsables de
centre sportif ou de loisirs, etc.). Plus il est proche affectivement de la
victime, plus le risque de perturbation est important. Par exemple, les
troubles sont plus sévères si l’auteur est un membre de la famille censé
protéger la victime, comme le père ou la mère.

Il y a deux ans, pour échapper aux abus sexuels perpétrés par son
beau-père, François a quitté le foyer familial. Il avait 16 ans à peine.
Depuis, il a abandonné sa scolarité et squatte avec son chien dans
un building désaffecté. Il vit de la générosité des voisins et de men-
dicité. Sa mère, qu’il voit à l’insu du conjoint de celle-ci, lui donne un
peu d’argent. Peu à peu, il s’est mis à consommer de la bière et de
la drogue. Il raconte : « C’était mon père, enfin, mon beau-père, mais
je l’appelais “Papa”. J’avais 5 ans quand il a rencontré ma mère. Je
me demande d’ailleurs si c’est ma mère qu’il a choisie ou moi… Je ne
pouvais pas lui échapper… Ma mère fermait les yeux. Je dis qu’elle
fermait les yeux parce que vous trouvez ça normal, vous, quand elle
sortait le soir avec une copine, qu’elle ne trouve rien d’anormal à ce
que mon beau-père lui dise : “Nous, on va se faire une soirée entre
hommes, on va se mettre au lit et on va regarder un bon film !” ?
OK, quand j’avais 5 ans, ça passe, mais à 15, vous ne trouvez pas
qu’elle aurait dû se poser des questions ? Bon, et puis, quand j’étais
petit, comme tous les enfants, j’avais tout le temps envie d’être avec
elle, mais ado, j’ai continué à être dans ses jupes. J’allais faire les
courses même quand elle allait s’acheter des fringues. Je ne voulais
pas rester seul avec lui. Elle, ça lui faisait plaisir que son fils chéri
l’accompagne, mais moi, je me dis qu’elle aurait quand même dû se
poser des questions. Et puis, ça n’allait pas à l’école. J’avais tout le
temps des échecs. Enfin, voilà, moi, je pense qu’il y avait des tas
de trucs qui montraient que ça n’allait pas, mais j’étais coincé… Je
ne pouvais pas échapper à ce pervers et je ne pouvais pas lui en
parler à elle parce qu’elle n’était pas prête à l’entendre. Avec ses
parents, mes grands-parents, ce n’était pas génial. En fait, ma mère,
c’est quelqu’un de très fragile. Elle n’osait pas affronter ses parents.
Bref, j’ai l’impression qu’elle n’a rien voulu voir pour ne pas se retrou-
ver seule et pour ne pas être la cible des critiques de ses parents.

38
1. L’événement traumatique

Pourtant, avec le métier qu’elle fait… mais comme on dit, ce sont les
cordonniers qui sont les plus mal chaussés. J’adore ma mère, mais je
lui en veux de rester avec lui. Lui, je le déteste. »

Lorsqu’il était adolescent, Gérard a été abusé par un prêtre pédo-


phile enseignant au collège dans lequel il poursuivait sa scolarité. Il
dit : « Vous vous rendez compte ? Chantre de la religion et chantre de
la vertu ! C’était complètement schizophrène, non ? D’une part, l’Église
vous chante les louanges de l’abstinence, elle condamne les relations
en dehors du mariage et elle vous promet l’enfer si vous vous livrez
à des actes contre nature et vous vous faites sodomiser par un type
pas très chaste avec lequel vous n’êtes pas passé devant Monsieur le
Maire ! Mes parents, c’était des petites gens, alors, vous pensez, les
prêtres, les enseignants, la religion, l’enseignement supérieur pour
eux qui avaient commencé à travailler à quinze ans… Ils avaient un
respect infini pour tout ça. C’était même plus que du respect, c’était
de l’obséquiosité. Ma mère disait toujours quand elle parlait à ses
amies ou aux voisines : “Il est entre de bonnes mains.” Elle ne pen-
sait pas si bien dire ! Elle était fière que je poursuive mes études
dans un collège aussi réputé. Ils se saignaient aux quatre veines pour
assurer mon avenir… Et qu’est-ce que je pouvais dire ? Ce salopard
était au-dessus de tout soupçon… Je n’avais aucun recours… aucun
secours… Ça m’a foutu en l’air une bonne partie de ma vie… et ce
n’est pas fini… »

• L’absence ou la présence des parents et/ou d’adultes de confiance


durant l’occurrence de l’événement traumatique et, le cas échéant,
leurs réactions adaptées ou inadéquates. Lorsqu’un adulte est pré-
sent aux côtés de l’enfant ou du jeune au moment de l’événement, il
arrive qu’il puisse le protéger physiquement du danger ou lui épargner
la vision de scènes atroces en l’écartant du théâtre du drame. Il peut
aussi lui apporter un soutien émotionnel immédiat en le rassurant, le
calmant, le consolant et en lui expliquant la situation. Confrontée seule
à l’événement, la jeune victime ne bénéficie pas de ces protections
physiques et/ou psychologiques.

Christelle, dont le père a été sauvagement assassiné par un oncle


schizophrène alors qu’elle était âgée de 11 ans, raconte : « Je n’ai pas
vu grand-chose. Ce dont je me souviens, c’est que mon frère et moi,
on jouait dans le jardin. Ma mère est venue nous chercher et elle nous
a dit de rentrer dans la maison. Il faisait beau, c’était les vacances et
on ne comprenait pas pourquoi elle voulait nous faire rentrer. Je me
rappelle avoir un peu rouspété. Je ne sais plus ce qu’elle a dit, mais

39
Le traumatisme psychique

j’ai compris que ce n’était pas le moment de discuter. Elle nous a fait
faire le grand tour pour éviter qu’on voie le cadavre et elle nous a
conduits chez la voisine. La police est arrivée très rapidement. On a
entendu les sirènes. Mon frère et moi, on regardait par la fenêtre. Je
me souviens qu’il y avait plusieurs combis. Un peu plus tard, plein de
journalistes sont arrivés. Il y avait un fameux remue-ménage devant
la maison. C’était impressionnant… Aujourd’hui, avec le recul, je me
demande comment elle a réussi à garder la tête froide. Elle a vu son
mari dans une mare de sang, transpercé d’une dizaine de coups de
couteau, elle ne s’est pas arrêtée, elle n’a pas hurlé, elle a tout de
suite pensé à ses enfants. C’est fou, non ? Elle a foncé sur nous avec
pour seule idée de nous protéger de cette vision d’horreur et de nous
mettre à l’abri. Quand on y pense… Chapeau ! »

Lisbeth rapporte : « Quand mes parents se battaient, mon frère me


prenait contre lui pour que je ne puisse pas voir ce qui se passait.
J’avais peur, bien sûr, mais je me sentais rassurée par mon grand frère
protecteur. Il est d’ailleurs toujours resté mon grand frère protecteur. »

Nous l’avons vu, dans l’univers des enfants, les adultes sont pro-
tecteurs, résistants, courageux et invincibles. Si l’attitude de l’adulte
face à la situation adverse correspond à cette représentation, il peut
être rassuré. A contrario, s’il le perçoit angoissé et impuissant, il peut
être profondément perturbé, ce qui pourra favoriser l’apparition d’un
trouble traumatique.

Jude a 12 ans lorsqu’elle et sa mère sont victimes d’un home-jacking55.


Elle témoigne : « Ma mère a entendu du bruit et elle s’est levée et
elle les a vus (les cambrioleurs) depuis la mezzanine qui donne sur le
salon. Elle a complètement perdu les pédales. Elle s’est mise à hurler.
Évidemment, je me suis réveillée et je me suis levée. Elle s’agitait
dans tous les sens. Un des gars l’a giflée plusieurs fois violemment
pour qu’elle se taise. Elle s’est tue et elle a cessé de s’agiter, mais
elle est tombée dans une sorte d’hébétude. Elle s’est assise par terre,
complètement perdue. Je n’oublierai jamais son regard hagard. Ça
m’a foutu une de ces trouilles ! Le gars lui a demandé les clés de
sa voiture. Elle était incapable de les lui donner. Je pense qu’à ce
moment-là, elle ne savait même plus où se trouvaient ses clés. C’est
moi qui ai pris le rôle de l’adulte. J’ai été dans son sac, j’ai donné
les clés et ils sont partis. Et puis, c’est moi qui ai pris le téléphone
et qui ai appelé ma grand-mère à l’aide. Après, ça, je peux vous
dire que, dans ma vie, tout est parti en vrille. J’avais peur de tout.
J’avais l’impression que j’avais une immense responsabilité sur les

40
1. L’événement traumatique

épaules. Subitement, cette mère brillante, cette femme d’affaires que


je croyais forte n’était plus qu’une pauvre petite chose dont j’avais la
responsabilité. À 12 ans, c’est lourd… »

Les adolescents, quant à eux, peuvent être fortement choqués par


l’attitude des adultes qu’ils jugent au crible des valeurs morales : courage,
altruisme, dévouement, générosité, vérité, justice, etc. Si ceux-ci se sont
montrés pleutres, égoïstes, lâches, sans cœur, méchants, malhonnêtes ou
partiaux, leur confiance en l’humanité peut s’en trouver ruinée.

Florence, victime d’une tentative de viol par son oncle alors qu’elle
était âgée d’une quinzaine d’années, nous livre : « Ça s’est passé
dans ma chambre. Il est venu la nuit et je me suis réveillée parce qu’il
était en train de me toucher. Ce n’était pas la première fois et mes
parents le savaient. Mes parents dormaient dans la chambre à côté.
Ils n’ont pas bougé. Ma mère dit qu’ils ont entendu que je criais :
“Va-t’en ! Va-t’en !”, mais que mon père l’a empêchée de venir voir ce
qui se passait. Il lui aurait dit que j’étais sûrement en train de rêver.
Ils ont été lâches. Ils ont préféré étouffer l’affaire pour qu’il n’y ait pas
un scandale dans la famille. »

Nicolas avait 14 ans lorsque son domicile a été ravagé par un incen-
die. « Mon père s’est sauvé et m’a planté là. Il est passé devant ma
chambre, il a crié pour que je sorte, mais il n’a même pas ouvert
la porte. Chacun pour soi ! C’est le voisin qui est venu me chercher.
L’escalier commençait à brûler quand on est descendu… Jusque-là,
mon père, c’était mon héros ! Ça a complètement changé ce que je
pensais de lui, mais aussi de ce que je pensais de toute l’humanité.
Si mon père avait été capable de manquer de courage au point de
me laisse crever, qu’est-ce que je pouvais espérer des autres ? Jeune
adulte, vers 20 ans, j’ai été voir un psy et j’ai travaillé ça. Je me suis
dit que c’était normal parce que dans ces cas-là, on ne réfléchit pas.
C’est l’instinct, on sauve sa peau. Enfin, en tout cas, j’essayais de
m’en convaincre pour ne plus lui en vouloir. Mais maintenant, je suis
devenu papa, alors, tout ça, ça ne tient plus. Jamais je ne pourrais
laisser mon fils. »

Les variables liées à l’enfant

La manière dont une jeune victime va réagir à un événement délétère


est fonction de son âge et de son développement, de sa personnalité, de
ses antécédents et de facteurs de vulnérabilité qui lui sont propres.

41
Le traumatisme psychique

• L’âge de l’enfant et son stade de développement. Le type d’évé-


nement pouvant se révéler traumatisant et les réactions des jeunes vic-
times diffèrent selon leur maturité émotionnelle et cognitive. En effet,
l’âge et le développement de l’enfant conditionnent la perception, la
compréhension et le souvenir qu’il se forge des événements. Toutefois,
les enfants de tous âges sont susceptibles de présenter des troubles
post-traumatiques et des altérations de la personnalité.
Longtemps, on a cru que l’enfant était imperméable au traumatisme.
Son psychisme était censé protégé tant par son immaturité intellectuelle
(il ne pouvait pas comprendre la situation) que par le cocon de son
univers de jeu et d’imaginaire. Par ailleurs, la plasticité mentale et sa
faculté d’oubli lui permettaient, croyait-on, de ne laisser aucune place
dans sa conscience pour de mauvaises réminiscences. Or, c’est précisé-
ment l’inverse qui se produit. C’est parce qu’elle est malléable et ina-
chevée que la personnalité de l’enfant est plus aisément perturbée par
l’impact du trauma et prompte à adopter des attitudes et des conduites
morbides. Ces dernières sont des réactions d’adaptation immédiate à
une réalité insupportable, mais alors qu’elles auraient pu être aban-
données par une personnalité adulte, elles ont tendance à persister et
à s’ancrer solidement dans celle de l’enfant ou de l’adolescent.
Vécus à un âge précoce, des incidents répétés (traumatismes complexes
de type III comme des maltraitances physiques ou sexuelles, de la
négligence grave, etc.) entraînent un risque plus élevé de développer
un traumatisme complexe que s’ils sont plus tardifs. Il est pertinent
de supposer que la précocité des violences, a fortiori si elles sont réité-
rées, interfère avec la formation de mécanismes de défense psychique
élaborése, l’établissement d’une relation de qualité avec un adulte
signifiantf, l’acquisition d’une fonction réflexive56 adéquate, l’appren-
tissage du contrôle et de la régulation des affects, etc. Les enfants
violentés plus tardivement pourraient quant à eux recourir à ces méca-
nismes adaptatifs pour moduler leur souffrance.
Notons toutefois que le bébé peut être partiellement protégé de l’im-
pact traumatique d’un événement simple de type I (par exemple, un
accident, une maladie grave) grâce à son ignorance. En effet, son
immaturité ne lui permet pas de réaliser qu’il a encouru un danger
mortel, que ses blessures sont irréversibles ou que son futur est com-
promis. Il ne peut donc être affecté par de telles pensées ni éprouver
de l’effroi face à sa situation. Il est cependant indispensable qu’il soit

e. Les mécanismes de défense sont des processus psychiques inconscients visant à


défendre le Moi des pulsions jugées inconciliables ou dangereuses ainsi que des affects qui
y sont liés. Le Moi se défend principalement contre l’angoisse. Voir infra « Les mécanismes
de défense », p. 46.
f. Voir infra l’attachement sécure dans le sous-chapitre : « Les variables liées à l’enfant »,
p. 44.

42
1. L’événement traumatique

protégé des stimuli intenses en provenance du monde extérieur par


des parents rassurants, aptes à remplir leur rôle de pare-excitation57.
Il appartient aux figures principales d’attachement de combler par des
ressources externes le déficit de ressources personnelles internes du
nourrisson. Donald Winnicott58 affirmait : « Un bébé, ça n’existe pas59. »
En effet, le nourrisson n’existe pas sans une personne (généralement,
la mère) qui lui prodigue des soins. Il est partie intégrante de l’unité
duelle qu’il constitue avec elle. De la qualité de cette relation dépendent
son état et son évolution psychiques.
Dans la relation adulte-enfant,
COMPRENDRE l’adulte60 est indéniablement le plus
fort. En effet, sa situation d’autorité,
Soulignons que l’immaturité (physique,
ses ressources, sa force physique, sa
émotionnelle et cognitive) liée au jeune
taille, ses connaissances, son expé-
âge est un des déterminants de la vio-
rience relationnelle, etc., sont sans
lence exercée par les adultes à l’égard
commune mesure avec celles des
des enfants et des adolescents.
enfants. Ces avantages lui confèrent
un pouvoir qu’il lui est aisé d’exercer
sur l’enfant. Cette supériorité est renforcée par le fait que le plus faible,
l’enfant, est dépendant de l’adulte pour sa survie, qu’il lui accorde
sa confiance, qu’il croit lui devoir obéissance, qu’il désire conserver
son affection, qu’il n’a pas la force physique qui lui permettrait de le
repousser, qu’il peut facilement être dupé en raison de sa naïveté, qu’il
ne comprend pas nombre de situations, qu’il est limité dans ce qu’il
peut exprimer, qu’il n’est pas en mesure d’appréhender ou de refuser
les situations qui lui sont imposées, qu’il ignore ses droits, qu’il est
démuni face à l’appareil judiciaire et policier, etc.
• La personnalité et les facteurs de vulnérabilité propres à l’en-
fant et à ses antécédents. Il existe une multitude de variables per-
sonnelles, antérieures et postérieures à l’incident critique, susceptibles
d’affecter le destin psychique de la jeune victime.
Son histoire personnelle (événements douloureux antérieurs tels sépa-
rations, pertes, maladies, accidents et déplacements significatifs) condi-
tionne partiellement ses forces et sa vulnérabilité psychique face aux
événements délétères. Par exemple, la qualité de l’attachement pré-
coce entre l’enfant et sa mère (ou son substitut) joue un rôle important
dans le développement des troubles ultérieurs. En effet, l’attachement
constitue le terreau sur lequel se forment l’estime de soi, le sentiment
de sécurité, les schèmes de causalité61 et les modèles d’interactions
intimes et sociales. Les différents styles d’attachement ont été décrits
en 1978 par Mary Ainsworth62, une psychologue américaine. Elle a
observé les réactions des bébés de 12 à 18 mois en « situation étrange »
(en anglais, strange situation), procédure expérimentale standardisée

43
Le traumatisme psychique

scandée de séparations et de retrouvailles entre l’enfant, la mère et


une femme inconnue du nourrisson. Ses observations l’ont conduite à
distinguer trois catégories d’attachement. Quelques années plus tard,
en 199063, Mary Main et Judith Solomon ont introduit une catégorie
supplémentaire.
– L’attachement sécure ou sécurisé (en anglais, secure). Les enfants
« sécures » (groupe B) entretiennent de nombreux échanges affectifs
positifs avec leur mère. Ils recherchent son réconfort et son soutien
et l’utilisent comme base de sécurité lorsqu’ils explorent le monde
qui les entoure. Ils protestent brièvement à son départ, l’accueillent
avec plaisir au moment des retrouvailles et retournent à leurs jeux
une fois réconfortés. S’ils sont stressés, ils la laissent volontiers les
réconforter, mais se montrent prudents à l’égard des étrangers.
– L’attachement insécure évitant ou anxieux évitant (en anglais, insecure
avoidant). Les enfants « insécures-évitants » (profil A) partagent peu
d’interactions avec leur mère et ne semblent pas affectés par son
départ. À son retour, ils évitent sa proximité et son contact, lui
préférant leurs jouets. S’ils éprouvent de la détresse, ils acceptent
d’être consolés par un étranger. Ce type d’attachement peut résulter
d’expériences répétées de rejet par la mère.
– L’attachement insécure ambivalent ou anxieux ambivalent/insécure
résistant ou anxieux resistant (en anglais, insecure ambivalent ou inse-
cure resistant). Les enfants « insécures-ambivalents » (groupe C) ne
semblent pas à l’aise, explorent peu leur environnement et restent
fréquemment accrochés à leur mère. Au moment de la séparation,
ils manifestent une grande détresse. Au retour, ils alternent entre
recherche de contact et rejet coléreux. Ils s’apaisent avec difficulté
et reprennent leurs jeux avec réticence. Ils éprouvent de grandes
difficultés à interagir avec un étranger. Ce type d’attachement est
généralement induit par l’inconstance de la mère à répondre aux
besoins émotionnels de son bébé.
– L’attachement insécure désorganisé ou anxieux désorganisé/insécure
désorienté ou anxieux désorienté (en anglais, insecure-disorganized/
disoriented). Les enfants « insécures-désorganisés » (groupe D) ne
possèdent pas de stratégie d’adaptation cohérente et réagissent de
manière imprévisible. Lors des retrouvailles, leur comportement
est désorganisé (mouvements non dirigés, interrompus, etc.),
contradictoire (par exemple, mouvement d’approche suivi d’un
recul ou accompagné de colère) et étrange. Leurs postures
évoquent le stress (stéréotypies tels balancements, positions asy-
métriques, etc.), l’appréhension, la confusion, voire la dépression.
Ils ne parviennent pas à utiliser leur mère pour réguler leurs émo-
tions. Ils semblent être aux prises avec un paradoxe : leur figure

44
1. L’événement traumatique

d’attachement paraît être à la fois source de réconfort et d’effroi.


Appartiennent souvent à cette catégorie les enfants victimes de
négligence ou de violence, exposés à la mésentente conjugale et
au divorce, ayant perdu une figure d’attachement majeure à un
âge précoce, ainsi que les enfants dont les parents sont pertur-
bés (dépression et autres troubles psychiatriques, alcoolisme)64 ou
traumatisés par des événements de vie parfois anciens65 (transmis-
sion transgénérationnelle).
L’équipement initial apporté par les relations précoces nouées avec les
figures d’attachement joue, selon le cas, un rôle protecteur ou multiplie
la vulnérabilité tout au long de la vie, notamment quand le sujet est
confronté à des circonstances difficiles. Ainsi, les enfants ayant tissé un
attachement anxieux (évitant, ambivalent/résistant ou désorganisé/déso-
rienté) présentent un risque accru de troubles anxieux, de plaintes soma-
tiques, de comportements oppositionnels et agressifs et de repli sur soi.
Le fonctionnement psychologique préalable de la jeune victime (person-
nalité introvertie, timorée, peureuse, évitante, émotionnelle, peu sociable,
repliée sur elle-même, dépourvue de sens pratique, etc.) peut la prédispo-
ser à développer des troubles post-traumatiques. Ainsi, l’inhibition com-
portementale, manifestée par une timidité, une réserve et des réactions de
retrait face aux personnes, aux lieux ou aux situations non familiers serait
prédictive de la survenue de désordres anxieux (notamment, angoisse de
séparation, anxiété généralisée, troubles phobiques). Cette caractéristique
possède une forte composante génétique66. Une émotionnalité élevée et
des scores bas de sociabilité67 favoriseraient l’émergence de désordres
anxieux et dépressifs. Cette vulnérabilité pourrait toutefois être modulée
par des variables telles que l’estime de soi, le support social et le contexte
environnemental.
Les antécédents de l’enfant ou de l’adolescent (personnalité prémor-
bide, psychopathologie avérée) peuvent également infléchir ses réactions
et contribuer à la sévérité du tableau psychotraumatique.
Si la jeune victime tire des bénéfices secondaires de sa souffrance (solli-
citude de l’entourage, assouplissement des règles éducatives, satisfaction
hâtive de ses désirs, etc.), la restauration de son équilibre psychique peut
s’en trouver retardée.
Des facteurs cognitifs peuvent également contribuer à inaugurer ou à
chroniciser les troubles traumatiques. Ainsi, la perception et l’interprétation
subjective d’un événement s’avèrent déterminantes chez les enfants et les
adolescents, plus encore probablement que chez les adultes. Par exemple,
la pensée magique, très prégnante durant la période préopératoire68, peut
accroître considérablement le risque de trauma. En effet, nous l’avons vu,
un incident mineur peut être appréhendé comme menaçant et générer de
l’effroi. Par ailleurs, à cette période, les enfants peuvent être convaincus

45
Le traumatisme psychique

d’avoir provoqué par la force de leur volonté le drame qui les accable
ou être convaincus qu’il leur est infligé pour les punir. Les sentiments de
culpabilité et de honte qui en découlent sont des éléments importants dans
l’éclosion d’une souffrance traumatique ou dans sa perpétuation.
A contrario, certaines caractéristiques individuelles s’avèrent favorables
au maintien et à la restauration de l’équilibre psychique. Elles constituent
des ressources internes favorisant la résilience. Sans être exhaustifs, citons :
– Les mécanismes de défense : avoir la capacité d’utiliser de façon adé-
quate les mécanismes de défense tels le clivage69, l’intellectualisa-
tion70, l’humour71, la sublimation72, l’altruisme73, l’activisme74, etc.
– Les compétences émotionnelles : être capable de réguler ses affects (en
particulier, la peur, la colère, le rejet, etc.), de vivre une gamme
étendue d’émotions et de relativiser, être assertif75, faire preuve
d’optimisme, etc.
– Les compétences sociales : être doté d’une personnalité sociable, tour-
née vers autrui, empathique, douée de capacité réflexive76, habile
à établir des relations sociales durables et de bonne qualité (dans la
famille, avec les voisins, à l’école, avec les jeunes du quartier, dans
les centres de loisirs, etc.), être capable de solliciter du soutien et
d’accepter de l’aide, être investi dans des activités diverses (scola-
rité, pratique sportive, artistique, religieuse, politique ou citoyenne,
mouvements de jeunesse, lecture, etc.), etc.
– La relation à soi : pouvoir agir avec indépendance, être pourvu d’un
profond sentiment d’identité personnelle, avoir de l’estime pour
soig, éprouver un sentiment d’utilité et de compétence personnelle,
se reconnaître des expériences de réussite, etc.
– L’habileté à résoudre les problèmes : pouvoir faire preuve d’abstrac-
tion, d’analyse et d’introspection, être pragmatique, être flexible
dans la façon de penser, être capable de relativiser, être à même
de trouver des solutions alternatives, etc.
– La capacité à formuler des projets de vie et la détermination à les atteindre :
être à même d’identifier ses besoins et ses attentes, pouvoir se projeter
dans l’avenir et anticiper, se fixer des buts, avoir la volonté et la force de
fournir les efforts nécessaires pour les atteindre, être persévérant, etc.

Les variables liées au milieu de récupération

Davantage encore que celles des adultes, les réactions des enfants
et des adolescents à un événement potentiellement traumatisant sont
g. La qualité des relations précoces avec les figures parentales joue un rôle majeur
dans le développement ultérieur de l’estime de soi et la qualité des relations avec l’entou-
rage à l’âge adulte. Voir supra, p. 45.

46
1. L’événement traumatique

modulées par des facteurs contextuels et environnementaux, en particu-


lier familiaux. Les enfants les plus jeunes et les adolescents seraient encore
plus influencés par ces derniers77 que les enfants en période de latence78.
• Le climat familial avant l’événement. Les tensions conjugales et intra-
familiales (ambiance dépressive, relations conjugales conflictuelles, couple
désuni, conflit avec la belle-famille, etc.), les relations problématiques
entre l’enfant et son entourage, la présence de nombreux facteurs de
stress (précarité socio-économique, famille nombreuse, parents mineurs,
foyer monoparental, parents d’un enfant né du viol, etc.) constituent un
contexte fragile peu propice à l’émergence de mécanismes de soutien
fonctionnels dans les situations adverses. A contrario, la cohésion de la
famille, l’absence de conflit, les relations de bonne qualité renforcent les
mécanismes opérants pour prendre soin des sujets les plus vulnérables.
• La stabilité du milieu de vie. La stabilité offerte par la famille per-
met d’annihiler l’impression de chaos du monde et de défaillance des
adultes qu’éprouvent les enfants et les jeunes suite aux bouleverse-
ments occasionnés par un événement tragique. Avoir une routine quo-
tidienne (se lever, se coucher et manger à heures régulières, participer
aux activités scolaires et fréquenter des compagnons de jeu, etc.) les
aide à récupérer et à s’adapter aux nouvelles situations, en contri-
buant à créer un sentiment de continuité et de sécurité. Cette stabi-
lité est malheureusement très souvent compromise dans les familles
dysfonctionnelles ainsi que dans les contextes de violence collective,
d’exode et d’exil.
• La capacité de soutien de l’entourage direct. Des réactions fami-
liales négatives dans le décours d’un incident critique ou suite à la
révélation d’agressions sexuelles sont prédictives d’une plus grande
sévérité des symptômes traumatiques. Pour les plus petits, la réac-
tion parentale serait d’ailleurs l’élément déterminant la survenue de
troubles ultérieurs. Inversement, l’attitude positive des parents et de la
famille proche est un facteur essentiel dans le maintien et la restaura-
tion de l’équilibre mental des enfants et des adolescents.
Les proches peuvent atténuer la souffrance des jeunes victimes en
répondant adéquatement à leurs signaux de détresse par des gestes de
réconfort, des paroles rassurantes, une écoute attentive, une attitude
patiente et compréhensive, des explications adaptées à leurs besoins,
une affection et une acceptation inconditionnelles, etc.
L’entourage n’est cependant pas toujours à même d’offrir la stabilité,
la protection, la sécurité, l’attention et l’amour dont les enfants et les
jeunes ont besoin, et ce, pour des raisons diverses :
– L’agresseur est un membre de la famille. Dans les cas de violences intra-
familiales, les familles sont souvent dysfonctionnelles à de multiples

47
Le traumatisme psychique

niveaux. Aussi n’est-il pas étonnant que la jeune victime ne reçoive


généralement pas d’appui du parent non maltraitant. Les raisons sont
diverses : ce dernier ignore les abus (physiques ou sexuels) ou feint de
les ignorer ; il les dénie ; il n’accorde aucun crédit aux allégations de son
enfant ; il est confronté à l’impossibilité de choisir entre la parole de ce
dernier et celle de son conjoint ; il est lui-même perturbé par les révé-
lations d’agression ; il craint la dissolution de la famille (par exemple,
femmes dépendantes affectivement et financièrement) ; il redoute les
représailles de l’auteur ; il subit lui-même la violence intrafamiliale, etc.

Charlotte, abusée sexuellement dans son enfance par son oncle,


témoigne : « Je me demande bien où se trouvait ma tante quand mon
oncle me faisait tout ça… avec mon petit cousin qui regardait… Il
était tout petit, je ne sais pas, 4 ou 5 ans peut-être… Je me demande
s’il se souvient de tout ça… On n’en a jamais parlé… Je ne peux pas
croire que ma tante ne savait pas… Un jour, il est venu dans ma
chambre la nuit. Je me suis réveillée parce qu’il était en train de me
toucher. J’ai crié. Ma tante dormait dans la chambre à côté. Ce n’est
pas possible qu’elle n’ait rien entendu. De mon point de vue, c’est
toute cette famille qui était dingue, pas seulement mon oncle. »

Josiane, abusée dans son enfance par son père et dans son adoles-
cence par son beau-père, raconte : « Quand j’ai dit à ma mère que mon
père me faisait des choses, elle m’a prise sous le bras et on est par-
ties, mais quand ça a recommencé avec son nouveau compagnon, là,
elle m’a dit qu’elle n’avait pas les moyens de le quitter. Elle est restée
avec lui pour son fric ! Moi, je me dis qu’il faut avoir un sacré problème
pour qu’une mère ne protège pas ses enfants ! Je suis partie dès que
j’ai eu 18 ans. Je suis partie vivre avec mon copain. Il m’a beaucoup
soutenue et avec son aide, j’ai entamé un procès contre mon beau-
père. Mon copain m’a poussée à le faire avant qu’il ne soit trop tard,
avant qu’il y ait prescription. Les flics ont fait une perquisition chez
mon beau-père et chez un de ses amis. Pendant que ça se passait, il
me filmait… La police a retrouvé des cassettes vidéo chez son ami…
J’ai prévenu ma mère qu’elle risquait d’être poursuivie pour complicité.
Du coup, elle a eu peur et elle l’a quitté, mais presque dix ans après
les faits ! J’ai pitié d’elle. Je l’aime, mais elle m’énerve. Elle reste pour
le fric et elle part parce qu’elle a peur pour elle, mais moi, là-dedans,
elle n’en avait rien à foutre, je pouvais crever la gueule ouverte. C’est
une pauvre fille… Dans cette famille, ils sont tous malades… »

– Les adultes sont perturbés. Les adultes, aux prises avec leurs propres
difficultés, ne sont parfois plus en mesure d’assurer correctement

48
1. L’événement traumatique

leurs fonctions parentales. Divers facteurs contribuent à miner leur


capacité à prendre soin de leurs enfants :
• Ils souffrent eux-mêmes de traumatismes psychiques suite aux
événements endurés ; ils pleurent un proche ; ils sont stressés
par leurs conditions actuelles d’existence ; ils sont inquiets pour
l’avenir ; ils sont affaiblis physiquement, etc. Tourmentés par la
peur, l’impuissance, le ressentiment et la culpabilité, ils peuvent
se montrer moins soucieux de réconforter leur progéniture et
de satisfaire ses besoins. Dans les cas les plus dramatiques, le
stress peut même les conduire à négliger leurs enfants, voire à
les maltraiter.

Jean-Marie, victime de l’incendie du domicile familial alors qu’il était


âgé de 15 ans, rapporte : « On a tout perdu dans cet incendie…
Tout… Les objets, les vêtements, mais aussi nos souvenirs comme les
albums photo, des choses qu’on ne pourra jamais retrouver, qu’on ne
peut pas racheter. Ça, c’est le pire… Et évidemment, pour ma mère
qui venait de perdre ses parents peu de temps auparavant, c’était
terrible. Il n’y avait plus rien de son passé, plus rien de ses parents…
Dans les premiers temps, elle était super anxieuse. Elle se demandait
si on allait avoir une nouvelle maison, si les assurances allaient rem-
bourser, combien de temps ça allait prendre. Puis, elle est tombée
dans une grave dépression. Elle ne s’occupait plus de nous (ma sœur
et moi). Pendant toute cette période, on a été livrés à nous-mêmes.
On a poussé seuls comme du chiendent… »

• Ils sont bloqués parce qu’ils ne parviennent pas à affronter l’évé-


nement et à accepter leur impuissance à préserver leurs enfants
des attaques du monde extérieur.

Tina, 16 ans, violée à la sortie d’une soirée dansante, explique : « Je


ne raconte pas trop parce que mon père est super-mal. Il n’arrête pas
de dire : “Je n’ai pas pu te protéger”. Il sait bien que c’est ridicule,
qu’il n’y est pour rien, mais il dit qu’il pense à ça tout le temps, que
c’est plus fort que lui. Il veut se venger, il veut trouver qui m’a fait
ça. C’est difficile à accepter pour lui, surtout qu’il est policier et que
son métier, c’est de protéger les gens. Et ses enfants, c’est ce qu’il
a de plus important. Il se renferme complètement. On a l’image et
pas le son. Et encore, il s’enferme de plus en plus souvent dans son
bureau. Je ne sais pas quoi faire. Il se met souvent en colère. Je
m’en veux, je me dis que c’est à cause de moi qu’il est mal et lui, il
se dit la même chose. On tourne en rond. J’ai besoin qu’il me prenne

49
Le traumatisme psychique

dans ses bras, qu’il fasse des activités avec moi comme avant, qu’on
aille nager, qu’on aille faire du vélo, mais il ne veut plus. Je me sens
vraiment seule. »

• Le décès d’un parent et les séparations conjugales laissent des


familles à la charge d’un parent unique. Le chef de ménage,
dépassé par la surcharge de travail, peut ne plus être suffisam-
ment disponible pour ses enfants.

Antoine, qui avait dix ans lorsque son père a été incarcéré pour pédo-
philie, relate : « Quand mon père est parti en prison, ma mère s’est
retrouvée seule avec nous six. Elle a dû reprendre un travail pour avoir
de l’argent pour nous élever. Temps plein au boulot et à la maison,
les courses, la lessive pour sept personnes, la cuisine, la vaisselle…
Évidemment, on aidait, mais quand même, le plus gros, c’était elle qui
le faisait… Elle n’avait pas une minute à nous consacrer. On devait
se débrouiller seuls pour les devoirs. Les grands aidaient les petits,
mais pour ce qui est des câlins… Ça, il n’y avait qu’elle qui aurait pu
nous les donner… Et vous savez, on en aurait bien eu besoin… On
était déboussolés avec ce qui s’était passé. Vous pouvez imaginer…
Le père en prison pour des histoires de mœurs, le rejet des copains
de classe, le rejet des gens du village… »

• Les craintes et les angoisses liées à leur propre expérience de


l’événement tragique jumelées au bouleversement des habitudes
familiales peuvent modifier le comportement des enfants et des
adolescents. Ils deviennent anxieux, angoissés, passifs, soumis ou
agressifs ; ils régressent à des stades antérieurs de leur dévelop-
pement, etc. Ces réactions, bien que normales et souvent passa-
gères, peuvent dérouter les adultes. Dès lors, ils y répondent
souvent de manière inadéquate (minimiser les difficultés, punir,
gronder, etc.), renforçant le tourment des jeunes victimes.

Hubert témoigne : « C’est clair que ça ne devait pas être facile pour
lui. Il avait perdu sa femme et il avait beaucoup de chagrin. C’était
une vraie histoire d’amour entre mon père et ma mère. Mais comme il
s’est retrouvé seul avec deux gamins, il n’y avait pas que le chagrin,
il y avait aussi des choses très terre-à-terre à gérer. Il a dû apprendre
à faire le ménage, la cuisine, la lessive. Il a dû s’occuper de nous
pour l’école. Du temps de ma mère, il ne savait même pas où se
trouvaient les petites cuillères ! Il rentrait de son boulot et il mettait
les pieds sous la table. Tout était fait, la maison était propre, les

50
1. L’événement traumatique

gosses avaient fait leurs devoirs. La petite maison dans la prairie,


quoi… Donc, pour lui, ça a été un moment très difficile. Et nous, je
dois dire qu’on était remontés. On n’en foutait pas une en classe,
on était déconcentrés pour nos devoirs. Dans notre chambre, c’était
le foutoir. On grimpait sur tout comme des petits singes. On cassait
régulièrement des objets… Ma mère était douce et patiente. On
aimait travailler avec elle en rentrant de l’école, mais notre père, lui, il
s’énervait, il nous criait dessus, il nous punissait. Et je pense que tout
ça nous angoissait et qu’on le manifestait par notre comportement. La
vie de notre mère tournait autour de nous. Elle était femme au foyer,
donc, vous voyez, nous, on était choyés, on était les rois et tout d’un
coup, plus rien, le vide. Alors, je pense que tout ce chambard qu’on
faisait, c’était notre façon de dire qu’on allait mal. »

Arlette, maltraitée par sa mère, placée en institution et abusée


sexuellement par son premier père d’accueil, retrouve un foyer, alors
qu’elle est âgée de 11 ans. Ses nouveaux parents sont rapidement
déconcertés par cette fillette qui ment sans cesse. Sa mère s’emporte
de plus en plus souvent et sanctionne les mensonges de plus en plus
sévèrement. S’enclenche une spirale infernale : plus la mère crie et
punit, plus Arlette la craint, se replie sur elle-même et dissimule pour
se protéger et plus la mère, impuissante, se met en colère et sévit.

• Les parents souffrant d’un handicap mental ou de troubles psy-


chiatriques (dépression, psychose), toxicomanes ou alcooliques
ne sont pas toujours en mesure de fournir un maternage adéquat.

Brice se rappelle : « Ma mère était tout le temps bourrée. Elle restait


scotchée devant la télévision avec son verre de vin et ses cigarettes.
Même pour les repas, on devait se débrouiller tout seuls. Ça arrivait
souvent qu’on n’ait plus de vêtements propres et qu’on se balade
plusieurs jours avec le même t-shirt maculé. Les courses et l’entretien
de la maison, c’était aussi pour notre pomme. Alors, pour ce qui est
de l’affection… On recevait surtout des claques, des fessées et même
des coups de pied et des coups de martinet. »

L’organisation, l’attitude et la psychopathologie familiale pré et


post-traumatiques sont des facteurs déterminants dans le déve-
loppement des syndromes psychotraumatiques.
– Les jeunes victimes ne présentent pas de signes manifestes de souf-
france. Certains enfants ne manifestent pas de réactions de détresse.

51
Le traumatisme psychique

C’est fréquemment le cas des plus jeunes (en dessous de 5 ans). Les
plus grands peuvent adopter des attitudes défensives et contrôler
leurs réactions. En l’absence de troubles évidents, les adultes sont
généralement persuadés que leurs enfants n’ont pas conscience de
la gravité des événements et, par conséquent, négligent leur besoin
de soutien. De plus, il peut leur être difficile de détecter des symp-
tômes qu’ils ne ressentent pas eux-mêmes ou minimiser leur impor-
tance s’ils ne sont pas intenses.

À 16 ans, Élisabeth a été violée par une vague connaissance qu’elle


a suivie dans les bois sous le prétexte fallacieux d’aller récolter des
champignons. « Je pense que personne n’a rien vu. Je ne voulais pas
que ça se sache. J’avais honte. Je me disais que si ça m’était arrivé,
c’était de ma faute. Je pensais que j’avais été imprudente de suivre
ce garçon. Donc, j’ai fait comme si tout allait bien. Je ne leur ai pas
donné l’occasion de m’aider. »

• La capacité de soutien du réseau social. Les réseaux sociaux et


les relations de voisinage ont un effet protecteur. Les mécanismes de
soutien ambiant agissent comme un tampon et procurent un réservoir
de ressources externes permettant aux jeunes victimes de faire face
efficacement aux difficultés qu’elles rencontrent. Ainsi, des relations
sociales de bonne qualité entretenues avec des adultes et des pairs (au
sein de clubs sportifs ou de loisirs, d’associations, de congrégations
religieuses, de mouvements de jeunesse, etc.) et les liens privilégiés
établis avec une personne bienveillante (un membre de la famille, un
enseignant, un éducateur sportif, un voisin, un représentant du culte,
des membres d’une association, etc.) constituent des tuteurs de rési-
lience importants.

Yves, enfant de parents alcooliques et violents, témoigne : « Ce qui


m’a sauvé, ce sont les scouts. Là, j’oubliais tout. J’avais des amis.
Je faisais des activités avec des jeunes de mon âge. Je m’amusais.
Je n’entendais pas à tout bout de champ des injures, je ne recevais
pas de coups. Personne ne me brimait. J’étais comme tous les autres
enfants et ça me faisait un bien fou. »

Soulignons que la qualité du réseau social est généralement dépen-


dante de l’intégration sociale de la famille. Or les familles à transac-
tions violentes sont souvent repliées sur elles-mêmes. Le relâchement
du tissu communautaire et du contrôle social informel autour de ces
foyers explique partiellement le fait que les enfants y soient exposés

52
1. L’événement traumatique

à la violence (physique et sexuelle), mais également qu’ils soient plus


à risque de développer des troubles psychotraumatiques. La carence
affective, le manque de soutien, le défaut d’encadrement et l’insuffi-
sance de protection ne se trouvent pas compensés par des relations
positives avec des adultes de la communauté.

Aude raconte : « On n’avait pas le droit d’amener des amis à la mai-


son. On n’avait pas le droit d’aller chez des amis. On vivait en vase
clos. Comme mes parents avaient quitté la province pour Bruxelles, on
n’avait même pas de famille à proximité. Les autres enfants avaient
des activités parascolaires, ils faisaient du sport, ils étaient dans des
mouvements de jeunesse. Nous, rien. Au début, on avait envie de tas
de choses, mais on nous répondait toujours qu’on n’avait pas d’argent
à jeter par les fenêtres. En grandissant, j’ai perdu jusqu’à l’envie. Je
me suis repliée sur moi-même. Mon frère aussi. Je me sentais diffé-
rente des autres. Ils vivaient dans un autre monde qui me semblait
à des années-lumière, un monde inatteignable où tout me semblait
beau. Nous, on était entourés d’un mur de silence et de solitude. On
était emmurés vivants. »

Le milieu de récupération peut lui-même être traumatisant (victimisa-


tion secondaire79). Ainsi, des attitudes sociales négatives sont prédictives
d’une évolution péjorative. En effet, la stigmatisation et la discrimina-
tion influencent fortement la manière dont les personnes ciblées se
considèrent. Rapidement, les jeunes victimes ont tendance à s’auto-
stigmatiser en intériorisant et en retournant contre elles les perceptions
négatives nourries à leur égard. Elles perdent alors leur confiance en
elles et leur sentiment de valeur personnelle. Elles peuvent également
éprouver des sentiments de culpabilité si elles sont tenues pour fautives
de leur infortune comme c’est fréquemment le cas dans les agressions
à caractère sexuel. Déconsidérées et rejetées, il est fréquent qu’elles en
viennent à s’isoler et à éviter tout contact menaçant.

En République Démocratique du Congo, au cours des conflits armés


qui ont secoué l’est du pays, de nombreuses fillettes ont été vic-
times de violences sexuelles. Même les plus jeunes témoignent de
l’opprobre qu’elles subissent. Elles rapportent être fréquemment
moquées, ridiculisées, raillées, injuriées, humiliées et rabaissées. Par
exemple, à leur passage, les enfants et les adolescents parodient des
chansons vexatoires dans lesquelles elles sont citées nommément ; ils
interrompent leur conversation ; ils chuchotent et s’esclaffent ; ils les
montrent du doigt, etc. Les relations d’autrefois cessent fréquemment
de leur parler ou de les fréquenter. Considérées comme montrant le

53
Le traumatisme psychique

mauvais exemple, elles sont parfois expulsées des établissements


scolaires, surtout si elles sont enceintes des suites du viol.

• Les soins de santé mentale. Un recours précoce à des soins de santé


mentale de qualité et la poursuite d’un traitement psychologique peuvent
grandement contribuer à la restauration psychique après l’ébranlement
provoqué par un incident critique. Lorsque les proches perçoivent des
perturbations significatives du comportement de leur enfant après qu’il a
subi un accident, une catastrophe naturelle ou une agression, ils recourent
volontiers à une assistance professionnelle dans les pays où ce type de
service est aisément accessible. Dans les cas de violences intrafamiliales et
dans les pays en voie de développement, il est par contre nettement plus
rare que la jeune victime bénéficie rapidement de soins spécialisés et de
l’intervention de professionnels solidaires et bienveillants.
En résumé

• Les jeunes enfants ne sont pas en mesure de percevoir


la menace vitale ou la gravité d’un événement, d’apprécier
ses enjeux ou d’en prévoir les séquelles et les conséquences.
De ce fait, certains ne manifestent aucune réaction visible et
ne semblent pas éprouver d’émotions particulières. En gran-
dissant, d’aucuns développeront toutefois des séquelles trau-
matiques. A contrario, ils peuvent appréhender un incident
mineur comme menaçant et en éprouver de l’effroi.
• Les enfants en bas âge souffrent principalement des dou-
leurs physiques, des séparations brutales ainsi que des modi-
fications du comportement de leurs proches et sont très
influencés par le vécu subjectif de leur entourage. Plus ils
grandissent, plus les blessures et la menace vitale deviennent
les causes majeures de troubles ultérieurs.
• Les nourrissons, les enfants et les adolescents peuvent être
victimes d’une catastrophe naturelle, d’une agression, d’un
conflit armé, d’un accident ou de la perte d’un être cher. Ils
sont aussi particulièrement exposés à la négligence grave et
aux violences psychologiques ainsi qu’aux maltraitances phy-
siques et sexuelles perpétrées par des proches ou un étranger
et sont la proie désignée des prédateurs pédosexuels. Dans
certaines contrées, ils sont également à risque de pâtir de tra-
ditions dommageables, notamment des mutilations sexuelles.
• Le nourrisson, l’enfant et l’adolescent peuvent avoir été sujets
(avoir subi) ou témoins (avoir vu ou entendu) de l’événement

55
Le traumatisme psychique

adverse. Les plus grands peuvent également en avoir été


acteurs (avoir provoqué).
• Les traumatismes simples de type I tels les agressions et les
accidents exposent les nourrissons, les enfants et les adoles-
cents à un événement unique, circonscrit dans le temps, impré-
visible et d’apparition brutale. Les traumatismes complexes
de type II ou III tels les maltraitances physiques et sexuelles,
les rackets, l’enfermement dans les camps de détention, le
travail forcé, les traditions dommageables et l’exposition aux
violences conjugales les soumettent à une violence durable,
répétée, exempte de surprise, voire prévisible.
• Le nourrisson, l’enfant ou l’adolescent peut être la victime
directe d’un événement, c’est-à-dire avoir été confronté au
sentiment de mort imminente, à l’horreur ou au chaos, ou
être une victime indirecte, c’est-à-dire pâtir psychologique-
ment d’une situation vécue par autrui.
• L’exposition à un événement grave ne suffit pas pour engen-
drer une souffrance traumatique. L’apparition de symptômes,
leur fréquence et leur intensité sont influencées par les para-
mètres de l’événement, des facteurs propres à la jeune victime,
ainsi que par les caractéristiques du milieu de récupération.
Plus les facteurs de risque sont nombreux, plus l’apparition
d’un trouble post-traumatique est probable et potentiellement
grave et chronique.
• La sévérité d’un événement adverse est fonction de sa nature,
de sa durée et de sa fréquence. Dans les cas de violence,
l’identité de l’agresseur et sa proximité relationnelle avec le
nourrisson, l’enfant ou l’adolescent constituent également des
variables possédant un pouvoir traumatique important.
• Les réactions des jeunes victimes à un événement poten-
tiellement traumatisant sont fonction de leur âge et de leur
développement, de leur personnalité, de leurs antécédents
ainsi que de facteurs de vulnérabilité qui leur sont propres.

56
1. L’événement traumatique

• Le maintien et la restauration de l’équilibre psychique des


jeunes victimes sont influencés par la qualité des relations
familiales, la cohésion et l’organisation de la famille, la capa-
cité de soutien de l’entourage et du réseau social ainsi que
par la disponibilité de soins spécialisés en santé mentale et
l’intervention de professionnels solidaires et bienveillants.
• Certaines caractéristiques individuelles telles des méca-
nismes de défense adéquats, des compétences émotionnelles
et sociales de qualité, une bonne estime de soi, l’habileté à
résoudre les problèmes, ainsi que la capacité à formuler des
projets de vie et la détermination à les atteindre, constituent
des ressources internes favorisant la résilience.

57
Vérifiez vos connaissances

• À partir de quel âge un enfant peut-il développer un syndrome


de stress post-traumatique au sens conventionnel du terme ?
• Expliquez pourquoi les nourrissons et les grands enfants sont
affectés par des événements de nature différente.
• Qu’entend-on par traumatisme de types I, II et III ?
• Qu’est-ce qu’un traumatisme indirect ?
• Les réactions des enfants à un événement traumatique sont
modulées par une multiplicité de facteurs. Ceux-ci se subdivisent
en trois catégories : les variables liées à l’événement, les facteurs
propres à l’individu et les caractéristiques du milieu de récupé-
ration. Citez trois paramètres dans chacune de ces catégories.

58
Notes

1 L. Crocq (2007), « Stress et trauma », in L. Crocq (éd.), Traumatismes psychiques. Prise


en charge psychologique des victimes, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson.
2 Ibid.
3 Ibid.
4 Le DSM-5 stipule que le sujet a été exposé à la mort effective ou à une menace de
mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles d’une (ou plus) des façons sui-
vantes : 1) en étant directement exposé à un ou plusieurs événements traumatiques, 2) en
étant témoin direct d’un ou de plusieurs événements traumatiques survenus à d’autres
personnes, 3) en apprenant qu’un ou plusieurs événements traumatiques sont arrivés à un
membre de la famille proche ou à un ami proche. N.B. Dans les cas de mort effective ou
de menace de mort d’un membre de la famille ou d’un ami, le ou les événements doivent
avoir été violents ou accidentels, 4) en étant exposé de manière répétée ou extrême à
des caractéristiques aversives du ou des événements traumatiques (p. ex. Intervenants de
première ligne rassemblant des restes humains, policiers exposés à plusieurs reprises à des
faits explicites d’abus sexuels d’enfants). N.B. Cela ne s’applique pas à des expositions
par l’intermédiaire de médias électroniques, télévision, films ou images, sauf quand elles
surviennent dans le contexte d’une activité professionnelle. (American Psychiatric Associa-
tion, 2013)
5 « Par développement, on entend la maturité en tant que développement physique,
cognitif, socio-émotionnel, linguistique, comportemental et de capacités motrices géné-
rales ou fines » (OMS [2010], « Santé et développement de l’enfant et de l’adolescent »,
Genève, http://www.who.int/child_adolescent_health/topics/development/fr/index.html).
6 Dans ces cas, l’adulte arrive à ses fins sans menace ni violence, mais en usant
de patience, de séduction, de cadeaux ou de persuasion et se sert des relations affec-
tives nouées antérieurement avec l’enfant (« abus du lien affectif »). Voir É. Josse (2007),
« Les violences sexospécifiques à l’égard des enfants », http://www.resilience-psy.com/spip.
php?article8.
7 Rappelons que l’enfant ne possède pas la maturité qui lui permettrait de com-
prendre la signification ou l’enjeu, ni de prévoir les conséquences d’un tel contact sexuel.
La responsabilité de l’activité sexuelle avec l’enfant doit toujours être attribuée à l’adulte,
peu importe qui a initié la rencontre et qui en retire satisfaction. En effet, c’est à lui, et
non à l’enfant, de discriminer ce qui constitue une transgression aux normes sociales ou
morales et de poser les interdits.
8 Une pandémie est une épidémie qui s’étend à la quasi-totalité d’une population
d’un ou de plusieurs continents, voire dans certains cas de la planète.
9 Une épidémie est le développement ou la propagation rapide d’une maladie infec-
tieuse aux effets significatifs, le plus souvent par contagion, touchant simultanément un
grand nombre de personnes.
10 Dans les conflits armés, les viols sont parfois utilisés comme une arme de guerre.
Il s’agit généralement de viols de masse (perpétrés sur de nombreuses victimes), multiples
(une victime est agressée à plusieurs reprises) et collectifs (la victime est agressée par plu-
sieurs assaillants), accompagnés le plus souvent de brutalités et de coups.
11 Certains viols collectifs, appelés aussi « viols en réunion » ou « tournantes », sont
considérés comme légitimes par les agresseurs en ceci qu’ils découragent ou punissent des
comportements jugés immoraux ou asociaux chez la jeune fille (par exemple, tenue ves-
timentaire considérée comme indécente), châtient un gang adverse, humilient une ethnie
considérée comme inférieure (acte raciste) ou constituent des rites de passage pour être
admis dans un groupe. Au sein de populations d’enfants des rues, le viol est aussi utilisé
par les leaders pour contrôler leur troupe et pour faire respecter la « hiérarchie » de la rue.

59
12 Un million d’enfants travailleraient dans le commerce du sexe en Asie du Sud-Est.
13 En Afrique, en Amérique latine et en Asie, des enfants sont « adoptés » ou engagés
par des familles pour remplir diverses tâches ménagères et satisfaire sexuellement les
hommes de la maison.
14 Des enfants (garçons et fillettes) sont enrôlés par les belligérants dans certains pays
d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Outre les tâches militaires ou ménagères qui leur
échoient, ils sont utilisés pour assouvir les besoins sexuels des adultes.
15 Le fait de secouer un nourrisson peut provoquer un traumatisme crânien nommé
« syndrome du bébé secoué » à l’origine de séquelles irrémédiables (paralysie, retard men-
tal, cécité, épilepsie, etc.) et, dans les cas les plus dramatiques, du décès.
16 Extorsions répétées de biens (argent, objets, vêtements, etc.) ou contraintes à exé-
cuter des actes sous la menace, parfois accompagnées de violence physique.
17 Par exemple, le petit pont massacreur ou jeu de la cannette, le jeu du carton rouge,
le happy slapping (vidéo-lynchage), etc. Ces « jeux » consistent à passer à tabac un cama-
rade désigné de manière arbitraire (par exemple, parce qu’il est celui de la classe portant
le plus grand nombre de pièces vestimentaires d’une certaine couleur) ou parce qu’il a
« raté » une épreuve (ne pas avoir saisi une balle, une cannette de soda, etc.).
18 La cyberintimidation (en anglais, cyberbullying) englobe tout acte d’intimida-
tion commis par le biais du courrier électronique, des blogs, des chats et des sites de
réseautage social (MSN, Facebook, MySpace, etc.). Elle est en constante augmentation et
évolue au rythme des nouvelles technologies. La cyberintimidation cause d’autant plus
de ravages qu’elle n’est limitée ni dans l’espace ni dans le temps. En effet, les données
sensibles (par exemple, révélation de l’orientation sexuelle), les rumeurs et les fausses
allégations sont diffusées rapidement à un grand nombre d’internautes. De plus, l’in-
formation est potentiellement pérenne car enregistrée simultanément sur de multiples
ordinateurs, elle ne peut être éradiquée aisément. Soulignons encore que les attaques
sont souvent plus virulentes que celles lancées dans les cours d’école, les agresseurs
réalisant moins leur portée face à leur écran que lorsqu’ils sont confrontés aux réactions
de leur victime.
19 Ablation de l’extrémité du clitoris ou du capuchon clitoridien.
20 Excision partielle ou totale du clitoris et souvent, des petites lèvres.
21 Également appelée circoncision pharaonique : clitoridectomie totale, ablation des
petites lèvres, incision presque totale des grandes lèvres et suture de ce qui reste des
grandes lèvres couvrant l’urètre et l’entrée du vagin et ne laissant qu’un minime pertuis
très postérieur pour le passage de l’urine et des règles.
22 La coutume consistant à marier des enfants ou de jeunes adolescents (en particulier
des fillettes) est répandue dans de nombreux endroits du monde (par exemple, au Ban-
gladesh, au Népal, en Somalie, en Afrique subsaharienne, etc.).
23 Dans certaines sociétés, la fille violée se voit imposer d’épouser son agresseur afin
de laver l’honneur de sa famille.
24 La douleur et la sexualité occupent une place essentielle dans les rites de passage
(par exemple, douloureuses morsures de fourmis venimeuses sur le sexe des garçonnets).
25 Certains médecins acceptent de pratiquer les excisions à l’hôpital. Si les risques
d’infection et de saignement sont ainsi diminués, il n’en est rien des nombreuses consé-
quences néfastes pour la santé reproductive et sexuelle.
26 AVEGA « Agahozo » (1999), « Étude sur les violences faites aux femmes », document
de l’association, Kigali.
27 Des nombreux cas de cannibalisme ont été rapportés au Libéria durant les diffé-
rentes guerres qui ont secoué le pays jusqu’en 2003. Les enfants soldats mangeaient le
cœur de leurs victimes pour devenir invincibles.
28 Selon l’expression de Boris Cyrulnik.

60
29 Selon l’expression de Boris Cyrulnik.
30 L.C. Terr (1991), “Childhood traumas : an outline and overview”, Am. J. Psychiatry,
148: 10-20.
31 E.P. Solomon & K.M. Heide (1999), “Type III Trauma : Toward a More Effective
Conceptualization of Psychological Trauma”, Int J Offender Ther Comp Criminol, 43:202-210.
32 J. Herman (1997), Trauma and recovery : The aftermath of violence from domestic
abuse to political terror, New York, Basic Books.
33 S. Isaacs, S.C. Brown & P.H. Thoulness (1941), The Cambridge evacuation survey,
London, Methuen.
34 Voir M.F. Barnes (1997), Understanding the secondary traumatic stress of parents,
in C.R. Figley, Burnout in Families : The Systemic Costs of Caring, CRC Press, 75-90 ; C.A.
Erickson (1989), Rape and the family, in C.R. Figley (1989), Treating stress in families, New
York, Brunner/Mazel, 257-290 ; C.R. Figley (1983), Catastrophes : A overview of family
reactions, in C.R. Figley & H.I. McCubbin (1983), Stress and the Family : Volume II : Coping
with Catastrophe, New York, Brunner/Mazel, 3-20.
35 Voir H. Barocas & C. Barocas (1973), “Manifestations of concentration camp effect
on the second generation”, American Journal of Psychiatry, 130, 820-821 ; H. Epstein (2005),
Le traumatisme en héritage. Conversations avec des fils et filles de survivants, Paris, La Cause
des Livres ; J. Kestenberg (1983), “Psychoanalysis of children of survivors of the Holocaust :
Case presentation and assessment”, Journal of the American Psyhoanalytic Association, 28,
775-804 ; C. Vegh (1979), Je ne lui ai pas dit au-revoir, Paris, Gallimard ; N. Zajde (2005),
Enfants de survivants, Paris, Odile Jacob ; L. Williams-Keeler (1998), “PTSD transmission : a
review of secondary traumatization in Holocaust survivor families”, Canadian Psychology,
http://findarticles.com/p/articles/mi_qa3711/is_199811/ai_n8810928.
36 Z. Solomon, M. Kotler & M. Mikulincer (1988), “Combat-Related Posttraumatic Stress
Disorder among second-generation Holocaust survivors : Preliminary findings”, American
Journal of Psychiatry, 7, 865-868 ; R. Rosenheck & P. Nathan (1985), “Secondary Trauma-
tization in children of Vietnam Veterans”, Hospital and Community Psychiatry, 5, 538-539.
37 H. Flamand, « La transmission intergénérationnelle : des traumatismes », http://
www.minkowska.com/article.php3?id_article=157 ; M. Vinar (1988), Exil et torture, Paris,
Denoël.
38 Voir J.J. Sigal, V.F. DiNicola & M. Buonvino (1988), “Grandchildren of survivors :
Can negative effects of prolonged exposure to excessive stress be observed two generations
later?” Canadian Journal of Psychiatry, 33, 207-212 ; J. Altounian (1990), Ouvrez-moi seule-
ment les chemins d’Arménie. Un génocide aux déserts de l’inconscient, Paris, Les Belles Lettres ;
V. Yeghicheyan (1983), « Des problèmes de filiation après le vécu collectif d’un géno-
cide (à propos de la minorité arménienne en diaspora) », Revue française de psychanalyse,
4, 971-985 ; M.-L. Aubignat (2007), « Répercussions psychopathologiques de la Seconde
Guerre mondiale sur la troisième génération », JIDV 14, tome 5, no 2, janvier 2007, http://
www.jidv.com/njidv/index.php/archives/par-numero/jidv-14/120-jidv-14/217-repercus-
sions-psychopathologiques-de-la-seconde-guerre-mondiale-sur-la-troisieme-generation-
39 Selon H. Krystal (1988), Integration and Self-healing : Affect-Trauma-Alexithymia,
London, Routledge.
40 C. Rousseau (1994), « La place du non-dit : éthique et méthodologie de la recherche
avec les enfants réfugiés », Santé mentale au Canada, hiver 1993-1994, 13-17.
41 On appelle « résilience » la capacité à rebondir après un événement traumatique ou
une situation difficile prolongée. Actuellement, il n’existe pas de consensus entre spécia-
listes quant aux critères d’évaluation de la résilience. Sont souvent retenues la compétence
sociale (activités, style d’attachement, relations sociales, réussite scolaire et intellectuelle,
insertion professionnelle) et la symptomatologie clinique (bien-être psychologique, absence
de troubles psychiatriques). Notons qu’un individu peut manifester de la résilience dans
un domaine et non dans un autre.

61
42 Voir H. Epstein (2005), Le traumatisme en héritage. Conversations avec des fils et filles
de survivants, Paris, La Cause des Livres.
43 Voir G. Vila, « Maltraitances sexuelles. Quels sont les éléments permettant d’évaluer
les risques de conséquences à moyen et long termes ? », in Fédération française de psychia-
trie (2004), « Conséquences des maltraitances sexuelles : reconnaître, soigner, prévenir »,
http://lincesteparlonsen.org/articles/EVALUA~1.PDF.
44 Ibid.
45 Voir D.A. Wolfe, L. Sas & C. Wekerle (1994), “Factors associated with the develop-
ment of posttraumatic stress disorder among child victims of sexual abuse”, Child abuse
Negl 1994, 18, 37-50.
46 C.J. Frederick (1985), Children traumatized by catastrophic situations, in
S. Eth & R.S. Pynoos (1985), Post-traumatic stress disorders in children, Washington D.C.,
American Psychiatric Press.
47 Les acouphènes sont des perceptions de sensations sonores en l’absence de tout
stimulus extérieur (bourdonnements, sifflements, grésillements, tintements, etc.).
48 Le 13 novembre 2015 à Paris, dans plusieurs rues des 10e et 11e arrondissements,
trois individus ont ouvert le feu sur des personnes attablées à des terrasses de bars et de
restaurants.
49 L.C. Terr (1991), “Childhood Traumas : An Outline and Overview”, Am J Psychiatry
1991, 148, 10-20.
50 G. Realmuto, A. Masten, L.F. Carole, J. Hubbard, A. Grotelhshen & B. Chlun (1992),
“Adolescent survivors of massive childhood trauma in Cambodoa : life events and current
symptoms”, Jal of Traumatic Stress, 5, 4, 589-600.
51 De nombreux cadavres ont été dévorés par les chiens.
52 Camp de concentration serbe en Krajina, dans le nord de la Bosnie.
53 R.S. Pynoos, C.J. Frederick, K. Nader et al. (1987), “Life threat and post-traumatic
stress in school-age children”, Archives of General Psychiatry 1987, 148, 10-20 ; R.S. Pynoos
et al. (1993), “Post-traumatic Stress Reactions in Children After the 1988 Armenian Earth-
quake”, British Journal of Psychiatry 1993, 163, 239-247.
54 M.C. Mouren-Simeoni (1994), Syndrome de stress post-traumatique, in M. C.
Mouren-Siméoni, G. Vila & L. Vera, Troubles anxieux de l’enfant et de l’adolescent, Paris,
Maloine, 42-47.
55 Un home-jacking est un vol de véhicule, souvent violent, commis après s’être
emparé des clés dans une habitation.
56 La fonction réflexive est la capacité de comprendre ses propres attitudes et celles
d’autrui en tenant compte des émotions, des croyances et des attentes implicites qui les
étayent.
57 Terme employé par Freud dans son livre Au-delà du principe du plaisir (S. Freud
[1920, éd. 1971], Au-delà du principe du plaisir, Paris, Petite bibliothèque Payot). « La
fonction consiste à protéger l’organisme contre les excitations en provenance du monde
extérieur, qui par leur intensité, risqueraient de le détruire » (Laplanche et Pontalis [1967,
éd. 1984], Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, Presses Universitaires de France). Dans
Au-delà du principe du plaisir, Freud définit le traumatisme comme « toutes excitations
externes assez fortes pour faire effraction dans la vie psychique du sujet ». Il constitue
donc une effraction du pare-excitation. Chez le tout-petit, la fonction de pare-excitation
est essentiellement assumée par la mère.
58 Pédiatre, psychiatre et psychanalyste britannique.
59 Traduction de “There is no such thing as a baby”, déclaration faite en 1942 lors
d’une conférence et qu’il a présentée dans un article en 1952 au colloque de la Bri-
tish Psycho-Analytical Society (D.W. Winnicott [1952, éd. 1992], Anxiety Associated with

62
Insecurity, in Through Paediatrics to Psychoanalysis : Collected Papers, Karnac Books, coll.
Karnac Classics Series, 99).
60 Notons que la notion d’adulte est subjective et dépend de l’âge de l’enfant. Ainsi,
pour les jeunes enfants un adolescent de 14-15 ans est généralement perçu comme un
adulte.
61 Ensemble de croyances inférant les causes des comportements et des événements
et, par là même, leur accordant un sens.
62 M.D.S. Ainsworth, M.C. Blehar, E. Waters & S. Wall (1978), Patterns of attachment :
a psychological study of the strange situation, Hillsdale, NJ, Lawrence Erlbaum Associates.
63 M. Main & J. Solomon (1990), Procedures for identifying infants as disorganized/
disoriented during the Ainsworth Strange Situation, in M.T. Greenberg, D. Cicchetti & E.M.
Cummings, Attachment during the preschool years : Theory, research and intervention, Chicago,
University of Chicago Press, 121-160.
64 K. Lyons-Ruth & D. Jacobvitz (1999), Attachment disorganization : Unresol-
ved loss, relational violence and lapses in behavioral and attentional strategies, in
J. Cassidy & P. Shaver, Handbook of attachment, New York, Guilford Press, 520-554.
65 M. Main & E. Hesse (1990), Parents’ unresolved traumatic experiences are related
to infant disorganized attachment status, in M.T. Greenberg, D. Ciccehetti & E.M. Cummi-
ngs, Attachment in the preschool years : Theory, research, and intervention, Chicago, University
of Chicago Press, 161-184.
66 Voir J. Kagan (1999), The concept of behavioral inhibition, in L.A.
Schmidt & J. Schulkin, Extreme fear, shyness, and social phobia. Origins, biological mecha-
nisms, and clinical outcomes, New York, Oxford University Press.
67 On entend par « émotionnalité » une réactivité émotionnelle intense. Voir A.H.
Buss & R. Plomin (1984), Temperament : early developing personality traits, Hillsdale,
Laurence Erlbaum Associates.
68 Stade défini par Piaget. Cette étape du développement est caractérisée par l’appa-
rition de la fonction symbolique, c’est-à-dire de l’aptitude à évoquer ou invoquer un objet
absent grâce à un substitut le représentant. La pensée magique est l’une des caractéris-
tiques du stade pré-opératoire. Voir J. Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique,
Paris, Presses Universitaires de France, coll. Que sais-je ?
69 Le clivage du Moi induit une scission entre une partie du Moi en contact avec une
réalité acceptée et une autre partie soustraite d’une réalité anxiogène. Deux potentialités
contradictoires coexistent au sein du Moi, l’une prédisposant à tenir compte de la réalité,
l’autre à la dénier. Dans le contexte d’un traumatisme, le clivage constitue une scission
entre l’expérience effroyable et la partie saine du Moi protégée du souffle traumatique.
70 L’intellectualisation évacue de la conscience la signification émotionnelle des
conflits et des menaces. En donnant au sujet le sentiment de maîtrise et en lui évitant
un affrontement émotionnel trop brutal, ce mécanisme de défense diminue l’anxiété et
préserve l’estime de soi.
71 Au sens restreint retenu par Freud, l’humour consiste à présenter une situation vécue
comme traumatisante de manière à en dégager les aspects plaisants, ironiques ou insolites.
C’est dans ce cas seulement qu’il peut être considéré comme un mécanisme de défense.
72 La sublimation revêt ici une acception différente de celle communément admise
en psychanalyse. Au sens freudien, la sublimation conduit le sujet à remplacer une repré-
sentation sexuelle initiale par une autre non sexuelle. Dans le contexte de la résilience,
la dimension sublimatoire désigne l’investissement de l’imaginaire pour échapper à une
réalité insoutenable. Les rêveries, les souvenirs positifs et l’idéalisation d’une situation ou
de personnes permettent la constitution d’un espace interne inviolable où l’enfant peut
se ressourcer.

63
73 L’altruisme est le dévouement à autrui qui permet au sujet d’échapper à un conflit
intrapsychique.
74 L’activisme est un moyen de gérer des conflits psychiques ou des situations trau-
matiques par le recours à l’action. Ce mécanisme a pour effet d’obérer la réflexion et la
confrontation aux affects, l’hyperactivité empêchant le repos psychique.
75 L’assertivité ou affirmation de soi est la capacité d’exprimer ses sentiments et ses
pensées sans agressivité ni manipulation.
76 En attribuant un sens aux comportements d’autrui, cette fonction les rend plus
prévisibles et donc moins difficiles à gérer sur le plan émotionnel et comportemental. Ceci
explique pourquoi une fonction réflexive adéquate est un facteur majeur de résilience.
Voir P. Fonagy, M. Steele, H. Steele, A. Higgitt & M. Target (1994), “The Emmanuel Miller
memorial lecture 1992. The theory and practice of resilience”, Journal of Child Psychology
and Psychiatry and Allied Disciplines, 35, 231-257 ; O. Bernazzani (2001), « Transmission
intergénérationnelle des problèmes psychologiques liés à la victimisation au cours de
l’enfance : facteurs de risque et de protection », Revue québécoise de psychologie, vol. 22,
no 1, 2001.
77 Voir B.L. Green, M. Korol, M.C. Grace, M.G. Vary, A.C. Leonard, G.C. Gleser & S. Smit-
son-Cohen (1991), “Children and Disaster : Age, Gender, and Parental Effects on PTSD
Symptoms”, J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1991, 30, 945-951 ; G. Vila & M.C. Mou-
ren-Simeoni (1999), « État de stress post-traumatique chez le jeune enfant : mythe ou
réalité ? », Annales médico-psychologiques, 1999, 157, 7, 456-469.
78 En psychanalyse, la période de latence désigne la période débutant au déclin de
la sexualité infantile (vers 6 ans) et s’achevant avec l’avènement de la puberté. Elle est
caractérisée par une diminution des pulsions sexuelles et une augmentation des intérêts
intellectuels.
79 On parle de victimisation secondaire lorsque la victime d’un événement traumati-
sant est confrontée à une réaction inadéquate à l’égard de cette victimisation. Cette réac-
tion peut émaner d’une personne (famille, voisinage, connaissances, condisciples, etc.),
d’une institution (police, justice, services administratifs, etc.), des médias, etc. Elle risque
d’aggraver les dommages physiques ou psychologiques causés par l’incident délétère,
voire d’engendrer de nouvelles souffrances.

64
2 Les réactions
des nourrissons,
enfants et adolescents
face à un événement
traumatisant

La symptomatologie post-traumatique des enfants1 et des adolescents2


ne se distingue pas nettement de celle des adultes.
Au moment et dans le décours d’un événement adverse, les enfants et
les adolescents peuvent présenter un ensemble de réactions physiques,
émotionnelles, cognitives et comportementales. Une minorité va réagir
par un stress adapté ; la plupart vont présenter des réactions de stress
dépassé accompagné d’une détresse péritraumatique, voire des symptômes
traumatiques (symptômes dissociatifs) et les sujets prédisposés peuvent
déclencher des troubles psychopathologiques. Ces réactions sont à consi-
dérer comme des réponses normales, du moins attendues, à un événe-
ment hors du commun.
Ces premières réactions ne présagent pas de l’évolution mentale
des jeunes victimes. Dès les premiers jours et les premières semaines, cer-
taines voient leurs troubles s’amen-
COMPRENDRE der et d’autres commencent à souffrir
de symptômes psychotraumatiques
Ces troubles peuvent s’avérer transi-
(phénomènes de reviviscence,
toires ou devenir chroniques et se per-
conduites d’évitement, état d’alerte),
pétuer jusqu’à l’âge adulte. Les jeunes
de désordres anxieux, dépressifs,
victimes présentant une activation neuro-
comportementaux et psychosoma-
végétativea ou une dissociation péritrau-
tiques, de troubles du sommeil et
matique3 sont davantage susceptibles de
des conduites alimentaires, voire de
développer des désordres psychiques à
réactions pathologiques névrotiques
long terme. Nombre d’entre elles recou-
ou psychotiques. Plus fréquemment
vreront cependant spontanément leur
que les adultes, les jeunes victimes
équilibre psychique.

a. Voir infra, p. 74.

65
Le traumatisme psychique

manifestent des plaintes somatiques et des comportements régressifs et,


ce qui leur est spécifique, des blocages scolaires.
La personnalité des enfants et des adolescents risque de subir davantage
d’altérations indélébiles que celle de leurs aînés. En effet, le traumatisme
peut imprimer des marques durables sur leur personnalité en devenir et
induire des attitudes et des comportements définitifs. D’où la fréquence
de formes cliniques à dominantes « caractérielles » et « relationnelles » dans
les syndromes psychotraumatiques des jeunes victimes : exigence insa-
tiable d’affection et rapports capricieux avec les figures parentales chez
les enfants, opposition à l’autorité, agressivité, conduites antisociales et
toxicomaniaques chez l’adolescent.3
Les réactions des jeunes victimes diffèrent selon leur âge. Elles sont
également fortement influencées par la réaction de leur entourage direct
ainsi que par le niveau de détresse et de désorganisation que les événe-
ments entraînent dans leur univers. Confrontés à une situation tragique,
les enfants et les adolescents se tournent instinctivement vers les adultes
qui les entourent et s’identifient immédiatement à leurs attitudes et réac-
tions. Leur comportement est donc souvent calqué sur le leur et profon-
dément influencé par ce qu’ils pressentent de leurs attentes.
Face à une situation potentiellement traumatique, on distingue deux
moments réactionnels :
• La phase aiguë. Elle commence au moment où l’événement trauma-
tique se produit et perdure quelques semaines. Elle se subdivise en
deux sous-phases :
– La phase immédiate. Elle démarre dès l’apparition du danger et
n’excède généralement pas deux à trois jours après sa disparition.
– La phase post-immédiate. Elle succède à la phase immédiate. Elle
débute dans les jours suivant l’événement et dure quelques semaines
après son occurrence.
• La phase à long terme. Elle s’amorce en moyenne un mois après la
situation traumatogène et se prolonge plusieurs mois, plusieurs années,
voire toute la vie selon les individus et le type d’événement.
À ces moments particuliers correspondent différentes réactions :
• On entend par réactions immédiates l’ensemble de réactions émo-
tionnelles, somatiques, cognitives et comportementales, adéquates
ou inadaptées à la situation, manifestées par les jeunes victimes dès
l’occurrence d’un incident critique. Ces réponses se maintiennent tant
que la menace persiste puis s’émoussent progressivement.
• Certaines jeunes victimes vont néanmoins continuer de manifester des
réactions de stress plusieurs jours après que le danger se soit éloigné,
voire vont développer des symptômes relevant du traumatisme.

66
2. Les réactions des nourrissons, enfants et adolescents face à un événement traumatisant

Au-delà de deux à trois jours, les manifestations ne sont plus générées


par la présence d’un danger immédiat et sont nommées réactions
post-immédiates. Celles-ci peuvent perdurer quelques semaines après
l’événement critique.
• Leur persistance au-delà d’un mois fait suspecter l’apparition d’un véri-
table traumatisme psychique et l’évolution vers la chronicité. Ce sont
les réactions différées et chroniques.

67
En résumé

• Au moment et dans le décours d’un événement adverse, une


minorité de jeunes victimes va réagir par un stress adapté, la
majorité par un stress dépassé. Les sujets prédisposés peuvent
déclencher des troubles psychopathologiques.
• Dès les premiers jours et les premières semaines, certaines
victimes voient leurs troubles disparaître et d’autres commencent
à souffrir de symptômes traumatiques et/ou de désordres non
spécifiques.
• Ces troubles peuvent s’avérer transitoires ou devenir chro-
niques et se perpétuer jusqu’à l’âge adulte.

68
Vérifiez vos connaissances

• Face à une situation potentiellement traumatisante, on dis-


tingue deux moments réactionnels. Quels sont-ils ?
• À partir de quel moment peut-on suspecter l’apparition
d’un véritable traumatisme psychique ?

69
Notes

1 La définition des Nations unies entend par « enfant » tout être humain âgé de moins
de 18 ans. Il est évident que les enfants ne forment pas un groupe homogène. En effet,
on ne peut comparer un enfant de 5 ans à un autre de 15 ans. De plus, un enfant peut
être défini différemment au sein de certains groupes culturels et sociaux.
2 L’adolescence « est la période de transition entre l’enfance et l’âge adulte et se
caractérise a) par des efforts en vue d’atteindre des buts en rapport avec les attentes du
milieu culturel dominant, et b) par des poussées de développement physique, psychique,
affectif et social ». « La transition est définie par le développement biologique, depuis le
début de la puberté jusqu’à la pleine maturité sexuelle et génésique ; par le développe-
ment psychique depuis les caractéristiques cognitives et affectives de l’enfance jusqu’à
celles de l’âge adulte ainsi que par le passage de totale dépendance socio-économique qui
caractérise l’enfance à une relative indépendance » (OMS [1986], Les jeunes et la santé : défi
pour la société. Rapport d’un groupe d’étude de l’OMS sur la jeunesse et la santé pour tous d’ici
l’an 2000, Organisation mondiale de la Santé, Série de Rapports techniques 731, Genève,
http://whqlibdoc.who.int/trs/WHO_TRS_731_fre.pdf). Selon l’OMS, cette transition débute
avec la puberté, vers l’âge de 10 ans, et s’achève avec la majorité légale, vers 19 ans.
Cette catégorisation, utile pour la planification sanitaire, est évidemment arbitraire et ne
tient pas compte des différences individuelles et culturelles, parfois considérables. Si l’on
s’accorde généralement à associer le début de l’adolescence à la puberté, sa fin est par
contre incertaine et davantage tributaire de facteurs culturels. En dépit des différences
entre individus et entre cultures, certaines caractéristiques sont communes à tous les ado-
lescents. À tous, cette transition impose des défis à relever.
3 G. Vila, Maltraitances sexuelles. Quels sont les éléments permettant d’évaluer les
risques de conséquences à moyen et long termes ?, in Fédération française de psychiatrie
(2004), Conséquences des maltraitances sexuelles : reconnaître, soigner, prévenir, http://linceste-
parlonsen.org/articles/EVALUA~1.PDF ; P. Birmes, A. Brunet, D. Carreras, J. L. Ducasse,
J.P. Charlet, D. Lauque, H. Sztulman & L. Schmitt (2003), “The predictive power of peri-
traumatic dissociation and acute stress symptoms for posttraumatic stress symptoms :
a three-month prospective study”, Am J Psychiatry 2003, 160, 1337-9 ; J. Difede, J.T. Ptack,
J. Roberts, D. Barocas, W. Rives & W. Apfeldorf (2002), “Acute stress disorder after burn
injury : a predictor of posttraumatic stress disorder?”, Psychosom Med 2002, 64, 826-34.

70
3 La phase aiguë

Les réactions immédiates

Réactions manifestes et traumatisme silencieux

Lorsque survient un événement pénible ou effrayant, l’enfant et l’ado-


lescent peuvent exprimer leur souffrance à travers leur comportement et
leurs attitudes, mais celle-ci peut aussi passer inaperçue.
• Les réactions manifestes. Dans le décours d’un événement adverse,
certains enfants et adolescents présentent un changement considérable
d’attitude. L’apparition subite de peurs incontrôlables, de pleurs, d’une
prostration, d’un mutisme, de comportements régressifs, de troubles
de l’appétit et du sommeil, de plaintes somatiques ainsi qu’un désin-
vestissement par rapport à des activi-
tés significatives (ludiques, sportives,
COMPRENDRE scolaires, etc.) sont des signes
C’est la conjonction, la répétition, l’accu- d’alerte. Ces changements contem-
mulation, la cohérence et la permanence porains d’une situation particulière
de signes en rupture avec le comportement ou d’une modification de la vie fami-
antérieur de l’enfant ou de l’adolescent qui liale survenant après une garde par
doit faire suspecter un psychotraumatisme. une nourrice, un baby-sitter ou un
Notons au passage que l’intensité de ces parent, ou surgissant au retour de
réactions ne préjuge pas nécessairement de l’internat ou d’un camp de vacances,
leur gravité. doivent inciter à envisager l’éventua-
lité d’une répercussion traumatique.
Toutefois, ces réactions n’ont guère
1
de spécificité pathognomonique et aucune prise isolément n’atteste
à coup sûr d’un traumatisme psychique. En effet, des enfants et des
jeunes peuvent manifester des réactions préoccupantes alors qu’ils n’ont
pas été exposés à un événement potentiellement traumatisant.
• Un traumatisme silencieux. Certaines jeunes victimes souffrent sans
manifester de signe visible. C’est fréquemment le cas des plus petits
(en dessous de 5 ans) et des enfants soumis à la violence chronique
(physique ou sexuelle) intra- ou extrafamiliale (par exemple, violences
sexuelles commises de manière réitérée au sein du foyer, d’un internat
ou d’une institution scolaire, d’une congrégation religieuse, etc.) dont

71
Le traumatisme psychique

les réactions au danger (réactions de stress) se sont émoussées. Même


si leur tourment n’est pas apparent, certains souffrent de désordres
profonds que l’on peut qualifier de « traumatismes silencieux ». À titre
d’exemple, plus de 30 % des enfants subissant des abus sexuels ne
présentent pas de réactions préoccupantes au moment des faits.
Certains verront d’ailleurs leur état psychique se dégrader après un
temps de latence de plusieurs mois, voire de plusieurs années. En effet,
les expériences délétères peuvent avoir des « effets dormants »2 et leurs
conséquences traumatiques peuvent émerger soudainement, notamment
à la faveur d’événements personnels ou familiaux. Par exemple, un sou-
venir d’inceste peut resurgir violem-
ment, souvent de façon imprévisible,
COMPRENDRE
à la suite d’événements tels une
En aucun cas, l’absence de symp- naissance, un mariage, le décès d’un
tômes ne signifie que l’enfant n’est pas proche, un reportage télévisé, un
éprouvé, qu’il n’a pas besoin d’aide ou rêve, etc. Le plus souvent, certains
qu’il ne présentera pas ultérieurement signes sont manifestes pour l’entou-
des troubles. rage et d’autres ne le sont pas.

Nicole a été violée par son oncle à l’âge de 7 ans. Elle est aujourd’hui
institutrice. Elle dit n’avoir présenté aucun symptôme jusqu’à ce que
soient révélés les abus sexuels subis par une de ses jeunes élèves.
« Je vous assure, avant ça allait. Vous pouvez demander à mes
parents, vous pouvez demander à mon mari, ils vous le diront. C’est
vraiment cette histoire à l’école qui a tout déclenché. Ça a été comme
une bombe. Là, tout d’un coup, je me suis sentie mal, j’ai eu des
vertiges et mon histoire m’est revenue. Ce n’est pas qu’elle avait
disparu, je m’en souvenais, mais ce que je veux dire, c’est qu’elle
m’est revenue émotionnellement et j’ai envie de dire “physiquement”
aussi. J’ai commencé à faire des cauchemars, à avoir des idées noires,
à repousser mon mari et à être super déprimée. J’ai dû arrêter mon
travail. Ce n’était plus possible pour moi de continuer. Je prends des
antidépresseurs et des anxiolytiques, mais ça ne sert à rien. Le psy-
chiatre veut m’hospitaliser en psychiatrie. »

La mère de Sanji nous raconte : « Sanji, c’est l’aîné des garçons. Il


avait 16 ans quand la guerre a commencé chez nous [en Bosnie].
Comment j’aurais pu imaginer, ça, moi ? Comment j’aurais pu penser
qu’il allait mal ? Le 1er juin 1992, quand les Serbes ont commencé à
tirer, il est sorti. Il a été voir les armes, il a été voir les tranchées
qu’on était en train de creuser. Ça l’intéressait beaucoup. Il a trouvé
ça amusant. Il n’a jamais eu peur. Quand ils [les Serbes] sont arri-
vés dans le deuxième village, il montait la garde avec les adultes.

72
3. La phase aiguë

Il disait : “Enfin, il se passe quelque chose dans ce petit village.”


Aujourd’hui, je ne le reconnais plus. Il est renfermé sur lui-même, il
reste des heures sans parler, il crie la nuit. Maintenant, il dit qu’avant
la guerre, c’était la vraie vie : il jouait au football, il allait à l’école,
il avait ses amis. C’est maintenant qu’il réalise ce qu’il a perdu. Et il
s’ennuie. Il joue au foot et parfois il sort en ville, mais en fait, ça ne
l’intéresse plus, il dit qu’il s’ennuie même quand il fait ça. Il voudrait
aller au front parce qu’ici, il s’ennuie. Je ne sais plus quoi faire… »

Arthur a perdu son père dans des circonstances tragiques alors qu’il
était adolescent. « À ce moment-là, ça allait. À cet âge-là, c’est la fuite
en avant. Il y avait les sorties, les amis… Le deuil, on le fait après. »

Les réactions de stress dépassé

Lorsqu’ils sont accompagnés d’un


COMPRENDRE adulte de confiance (un parent, un
Lorsqu’ils affrontent seuls un événe- enseignant, un éducateur, etc.), ils
ment pénible ou effrayant, les enfants peuvent sous son conseil adopter
et les jeunes adolescents réagissent un comportement adéquat (sortir
rarement par un stress adapté. En effet, d’un immeuble dans le calme, se
la brièveté de leur vie ne leur a pas protéger sous un meuble, surveiller
permis d’acquérir les connaissances un cadet, etc.). Dans l’univers des
nécessaires pour répondre efficace- enfants, les adultes sont protecteurs,
ment aux exigences d’une situation courageux et invincibles. Si l’attitude
dangereuse. de ces derniers face à la situation
adverse correspond à cette repré-
sentation, ils peuvent être rassurés
et agir sous l’effet d’un stress protecteur. A contrario, s’ils les perçoivent
angoissés et impuissants, ils peuvent être profondément perturbés et exé-
cuter machinalement les ordres qui leur sont donnés dans un état de
stupeur dissociative ou sous l’emprise de la terreur.
Tout comme chez les adultes, on observe trois modes réactionnels de
stress dépassé : l’hypo-réaction, l’hyper-réaction et la réaction apparem-
ment normale.
• L’hypo-réaction. Les enfants et les jeunes sont dans un état de choc
caractérisé par la stupeur, la sidération, la prostration, l’hébétude, la
désorientation, la confusion et le mutisme.
• L’hyper-réaction. Les jeunes victimes expriment bruyamment leurs
émotions de peur, d’anxiété, de tristesse, de colère, etc. Ils s’agrippent
aux adultes, crient, pleurent, s’agitent en tous sens, parlent sans dis-
continuer (généralement, logorrhée de propos peu construits), ont
des accès d’angoisse et d’irritabilité, etc. Ce torrent d’émotions peut

73
Le traumatisme psychique

s’accompagner de comportements inadaptés à la situation tels que des


propos incohérents, une fuite panique, un délire, des hallucinations ou
une sérénité inappropriée.

Raphaëlle a 4 ans. Dans la chambre conjugale, son père vient de suc-


comber des suites d’une longue maladie. Toute la famille est réunie
autour du corps du défunt. Elle danse en chantant une ritournelle impro-
visée « Mon papa est mort ».

Anna, 8 ans, vient de perdre son papa. Sans raison, elle court s’enfermer
dans les toilettes.

• La réaction apparemment normale. Sous la conduite d’un adulte,


les enfants peuvent se comporter de manière apparemment normale.
Ils obéissent aux consignes, mais de manière mécanique, comme des
automates.

Les réactions de stress dépassé sont principalement marquées par la


détresse péritraumatique et les symptômes dissociatifs :
• La détresse péritraumatique. Selon l’âge de la jeune victime, la détresse
péritraumatique peut se traduire par une peur intense, des sentiments
de tristesse, d’horreur, d’impuissance, de honte ou de culpabilité, de la
colère, la perception d’une menace vitale ainsi que par des sensations
physiques désagréables (impression d’être proche de l’évanouissement,
besoin d’uriner ou d’aller à la selle, sueurs, tremblements, palpitations).
Comme pour les adultes, la détresse péritraumatique serait prédictive
d’une symptomatologie traumatique ultérieure. Des auteurs ont montré
que l’effroi et les symptômes d’anxiété ainsi que les manifestations phy-
siologiques d’hyperactivité neurovégétative qui les accompagnent sont
étroitement corrélés à l’apparition d’un trouble psychotraumatique3.
• Les symptômes dissociatifs4. On dit des personnes qu’elles sont dis-
sociées lorsqu’elles sont déconnectées d’une partie de la réalité. « Les
troubles dissociatifs ont en commun une perte partielle ou complète
des fonctions normales d’intégration des souvenirs, de la conscience,
de l’identité ou des sensations immédiates et du contrôle des mouve-
ments corporels5. » Les réactions dissociatives péritraumatiques relèvent
du stress, mais également du traumatisme.
Dès le plus jeune âge, l’enfant peut manifester des symptômes dis-
sociatifs : il fuit sans but dans une course effrénée (action automatique
de fugue dissociative6), il est hébété, son regard est vide, il donne l’im-
pression de ne pas entendre ou de ne pas comprendre ce qu’on lui dit
(stupeur dissociative), il semble ne plus reconnaître les personnes, les lieux

74
3. La phase aiguë

et les objets familiers, il est désorienté et déambule hagard de pièce en


pièce (déréalisation7), il devient mutique (trouble moteur dissociatif), etc.
Les adolescents peuvent éprouver des sensations de dédoublement (par
exemple, impression de se voir eux-mêmes de l’extérieur), d’être specta-
teur de leur vie, d’agir de façon machinale à la manière d’un robot ou
avoir le sentiment que leur corps ne leur appartient pas (dépersonnalisa-
tion8, décorporalisation9).

Après avoir subi une expérience terrifiante, Marc, 14 ans, s’est enfui
dans la rue. Il a couru sans but jusqu’à ce qu’il s’effondre sur le trottoir,
épuisé et hors d’haleine. Lorsque son ami parvient à le rejoindre, il est
agité, ses gestes désordonnés manquent de coordination, son regard
est hagard et il semble « être ailleurs ». Les secours arrivent rapide-
ment. Lorsque les ambulanciers l’interrogent, Marc se tourne vers son
ami en demandant affolé : « Hein ? Qu’est-ce qu’il dit ? Qu’est-ce qu’il
dit ? Quoi ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il dit ? »

Les enfants et les adolescents ont généralement des souvenirs clairs


et accessibles de l’événement traumatique même si émotionnellement,
ils éprouvent des difficultés à en faire part. Contrairement aux adultes,
le phénomène d’amnésie dissociative10 est rare chez eux ; plus fréquentes
sont les distorsions mnésiques (par exemple, rappel anarchique de la suc-
cession des événements, interprétations erronées des faits, etc.).

Michèle se souvient que son frère a frappé violemment son père.


Or c’est exactement l’inverse qui s’est produit.

Dans les cas extrêmes, la jeune victime peut présenter un état confu-
sionnel suivi habituellement d’une amnésie rétrograde11 : elle est obnubi-
lée, perplexe, a des hallucinations ou des visions oniriques, le plus souvent
terrifiantes, vécues comme vraies.
Comme pour les adultes, la dissociation péritraumatique serait forte-
ment corrélée à l’apparition d’un état de stress aigu et d’un syndrome
psychotraumatique chronique12.

Les réactions psychopathologiques aiguës

Tout comme les adultes, les enfants et les adolescents fragiles avant
l’événement traumatique (par exemple, personnalité prémorbide, névrose
ou psychose avérée) sont susceptibles de réagir de façon excessive ou ina-
daptée devant une situation hautement stressante et a fortiori traumatique.

75
Le traumatisme psychique

Les réactions névrotiques

• Les réactions hystériques. Certains enfants et adolescents déclenchent


immédiatement des crises d’agitation (« crises de nerfs »), des états cré-
pusculaires13 et des symptômes de conversion14 (aphonie, bégaiement,
paresthésie, paralysie, trouble de l’équilibre, etc.).

Nadine, 6 ans, devient aphone (conversion hystérique) à l’instant


même où elle découvre sa mère en plein ébat sexuel avec le prêtre
de la paroisse. Elle le restera plus d’un an.

• Les réactions phobiques. La jeune victime déclenche des crises de


panique lorsqu’elle est confrontée à des stimuli rappelant l’événement
traumatique (des personnes, des scènes à la télévision, etc.). Elle refuse
de rester seule, elle a peur de l’obscurité (« peur du noir »), elle craint les
personnes étrangères à la famille, etc. Ces séquelles post-traumatiques
sont le plus souvent des pseudo-phobies et ne sont pas seulement le
fait de personnalités phobiques. En effet, elles ont été acquises par
conditionnement à partir d’une situation réelle, ce qui n’est pas le
cas des « vraies » phobies15. Toutefois, l’événement traumatique peut
favoriser déclenchement d’une phobie véritable.

Suite à une fellation forcée à l’adolescence, Mina développe une


phobie de tout ce qui pourrait pénétrer son organisme : elle déve-
loppe une peur irrationnelle des actes médicaux (vaccinations, prises
de sang, etc.) et dentaires intrusifs (introduction de fraise, forets et
aspirateur dentaires dans la bouche, etc.), mais également des radio-
graphies et des échographies parce que « la lumière et les rayons
entrent dans son corps ».

• Les réactions obsessionnelles16. Certains enfants se livrent à des


rituels d’allure obsessionnelle, par exemple, vérifier selon un rite éta-
bli qu’un voleur ne se cache pas sous le lit, que les portes sont fer-
mées, etc. La plupart de ces réactions ne relèvent pas de la névrose
obsessionnelle. Elles sont des tentatives (adéquates ou non) de se
protéger d’une nouvelle occurrence de l’événement traumatique.
Néanmoins, un traumatisme peut inaugurer l’entrée dans une authen-
tique névrose obsessionnelle. Au stade pré-opératoire17, entre deux et
sept ans, l’enfant est convaincu du pouvoir magique de ses pensées. Il
est donc compréhensible qu’il puisse attribuer une action conjuratoire
à des idées ou à des actes et en conséquence, qu’il puisse se livrer à
la répétition de rituels.

76
3. La phase aiguë

Après que son cousin l’eut attouchée sexuellement, Stéphanie, 9 ans,


se lave compulsivement la vulve. Très rapidement, le trouble prend de
l’ampleur et s’étend à tout le corps. Sa toilette quotidienne dure plus
d’une heure et elle se lave les mains jusqu’à 50 fois sur une journée.
Progressivement, ses obsessions et rituels touchent la propreté de
ses vêtements et des lieux où elle se tient.

Les réactions psychotiques

Dans le décours d’un événement traumatisant, des jeunes victimes


sans antécédents psychiatriques ni neurologiques peuvent présenter des
troubles d’allure psychotique avec
états confusionnels, hallucinations
COMPRENDRE et délires dont le thème est généra-
Le diagnostic de psychose, y compris celui lement en lien avec les expériences
de trouble psychotique bref ou de bouffée délétères vécues. Nous pensons
délirante, doit être posé avec prudence, que ces réactions s’inscrivent dans
surtout chez le jeune enfant. En effet, le le cadre de la perte des fonctions
système permettant de construire les réa- d’intégration des différents aspects
lités perceptives n’étant pas achevé aux de la réalité provoquée par l’expé-
âges précoces, il est difficile de distinguer rience traumatique. De notre point
chez l’enfant l’hallucination de son ima- de vue, elles sont à assimiler aux
ginaire normal (par exemple, des enfants symptômes dissociatifs, dont elles
s’inventent un compagnon imaginaire sans seraient l’expression extrême, plu-
que cela ne relève de la psychose). tôt qu’à la psychose18. Certains les
classent cependant dans les troubles
psychotiques brefs19 ou les bouffées
20
délirantes . Dans la majorité des cas, les symptômes disparaissent rapi-
dement, sans séquelles ni récidive.
Il existe actuellement très peu de données sur les liens entre événement
traumatisant et éclosion d’une véritable psychose chez les jeunes victimes,
en particulier chez les petits enfants. À l’inverse des troubles psychotiques
réactionnels post-traumatiques21, les affections psychotiques touchent des
enfants et des adolescents prédisposés, porteurs d’une psychose en incu-
bation s’extériorisant à la faveur des événements. De plus, elles évoluent
généralement de manière chronique avec des rechutes intermittentes.

Les réactions post-immédiates

Dans les premiers jours suivant l’événement délétère, les réactions sont
souvent intenses. Généralement, elles s’atténuent rapidement pour disparaître
au bout de quelques jours ou de quelques semaines. Cependant, certaines
jeunes victimes voient leurs troubles persister et d’autres commencent à souf-
frir de symptômes préfigurant un syndrome psychotraumatique (symptômes

77
Le traumatisme psychique

pathognomoniques d’un traumatisme et pathologies associées). D’autres


encore vont inaugurer ou confirmer une psychopathologie névrotique ou
psychotique telle que décrite dans les réactions immédiates.

L’apparition d’un syndrome post-traumatique

Le syndrome post-traumatique survient toujours après une phase de


latence variant de quelques jours à quelques semaines, voire à quelques
mois ou années après l’événement critiquea. Généralement, il apparaît
plus rapidement chez l’enfant que chez l’adulte, après un délai très court.
Il s’observe fréquemment dès l’âge de 3 ans22.
Le syndrome post-traumatique
se caractérise par la reviviscence de
COMPRENDRE
l’événement adverse sous forme de
On qualifie de forme aiguë ce tableau symptômes intrusifs, par l’évitement
de stress post-traumatique de brève des stimuli qui lui sont associés et
durée. Leur persistance au-delà d’un par une activation neurovégétative
mois fait suspecter l’installation d’un (symptômes pathognomoniques). Le
véritable traumatisme psychique et l’évo- danger ayant disparu, ces troubles
lution vers la chronicité. ne peuvent être imputés au seul
stress et doivent être attribués au
traumatisme. Généralement, ils s’estompent et disparaissent spontané-
ment au bout de quelques semaines.
• Les symptômes intrusifs. Il s’agit de manifestations par lesquelles la
jeune victime a l’impression d’être ramenée dans le passé et de réexpé-
rimenter l’événement initial, voire de le revivre. Ces reviviscences,
vécues comme réelles et actuelles, surviennent spontanément, hors la
volonté du sujet et provoquent une angoisse ou une détresse intenses.
– Les flashbacks. Comme les adultes, quoique moins souvent, les enfants
et les adolescents peuvent avoir de brèves hallucinations leur donnant
l’impression d’être ramenés au moment de l’événement. Ces expé-
riences sont particulièrement éprouvantes pour les jeunes enfants qui
distinguent difficilement la limite entre l’imaginaire et la réalité.
– Les souvenirs répétitifs de l’événement. Les adultes se plaignent d’être
assiégés à tout moment par des souvenirs intrusifs de l’événement
alors que les enfants rapportent davantage de rappels désagréables
survenant lorsqu’ils s’ennuient (par exemple, en classe, devant leurs
devoirs scolaires ou la télévision), qu’ils sont inoccupés ou sur le
point de s’endormir.

a. Le DSM considère qu’on ne peut parler d’État de Stres Post-Traumatique qu’après


un mois minimum après l’événement traumatique. Voir infra « Les réactions immédiates
et post-immédiates » selon les nosographies internationales, p. 98.

78
3. La phase aiguë

– Les cauchemars. Les cauchemars à répétition sont moins fréquents


que chez les adultes. Les rêves effrayants des enfants présentent
souvent peu ou pas de ressemblance avec l’événement traumatique
et chez les plus jeunes (avant cinq ans), leur contenu n’est habituel-
lement pas reconnaissable.
– L’impression que l’événement pourrait se renouveler. Tout comme
l’adulte, l’enfant ou l’adolescent peut avoir le sentiment que le
danger guette et qu’un drame pourrait à nouveau frapper, en par-
ticulier lorsque ses pensées ou un stimulus extérieur (bruit inopiné,
film violent, etc.) le ramènent au traumatisme originaire.
– Les phénomènes moteurs élémentaires. Comme chez l’adulte, les revi-
viscences peuvent s’accompagner de la réaction motrice élémentaire
que l’enfant ou le jeune a eue lors de l’événement, telle que sur-
sauter ou se recroqueviller.
– Les conduites de répétition et les jeux répétitifs. À l’occasion d’un déclen-
cheur évoquant l’événement traumatique, la jeune victime peut réitérer
les comportements complexes qu’elle a tenus pendant l’événement.

En Croatie, en 1992, les enfants déplacés de la ville de Vukovar


(Slavonie orientale), en sécurité dans le camp de Špansko à Zagreb,
se cachent sous les tables au passage des avions.

Dans les cas d’abus sexuels, ces comportements de répétition sont sou-
vent caractérisés par des aspects sexuels. Par exemple, les enfants peuvent
manifester des préoccupations sexuelles excessives pour leur âge (curiosité
soudaine portée aux parties génitales des êtres humains ou des animaux,
questionnement récurrent sur la sexualité, voyeurisme, allusions répétées
et inadéquates à la sexualité), se livrer à des conduites auto-érotiques
prématurées, parfois compulsives (attouchements des parties génitales,
masturbation excessive, y compris en public, introduction d’objets dans
le vagin ou l’anus) ou adopter des conduites sexuellement provocantes et
exhibitionnistes. Certains présentent un comportement séducteur et sexua-
lisé, érotisant leur rapport à autrui, attribuant une connotation sexuelle
injustifiée aux attitudes des adultes, voire harcelant ou agressant sexuel-
lement des adultes ou d’autres enfants23.
Outre ces comportements adoptés pendant les faits, ces conduites de
répétition se traduisent par le besoin de représenter l’incident critique,
notamment par le biais d’activités ludiques. De manière répétée, voire
compulsive, le plus souvent sans plaisir ni amusement, les enfants et les
adolescents mettent en scène des aspects ou des thèmes de l’événement
traumatique dans leurs dessins, leurs jeux ou leurs fantaisies (saynètes, his-
toires qu’ils s’inventent, etc.). Par exemple, les jeunes victimes d’agressions

79
Le traumatisme psychique

sexuelles peuvent s’adonner à des jeux très sexualisés de « papa et maman »


ou du « docteur » particulièrement réalistes ou violents ou, avec force gestes
et bruitages, simuler des rapports sexuels entre leurs jouets (poupées, ours
en peluche, etc.). Dans les contextes de conflit armé ou de post-conflit,
les enfants et les adolescents dessinent des combats, des bombardements
et des arrestations, ils jouent à la guerre entre eux, ils reconstituent des
batailles par le biais de figurines qu’ils entrechoquent violemment ou lisent
des revues dont les héros sont des soldats.

Alors que je suis en entretien avec sa maman, Alice, 5 ans, patiente


en dessinant. Elle est très agitée, les traits de son visage sont tendus
et ses coups de crayon témoignent d’une rage manifeste. Subitement,
elle se lève et me tend ses dessins en déclarant : « Ça, c’est ce que ma
mamy me fait ». Tous se ressemblent à s’y méprendre. Ils représentent
un bonhomme, les jambes écartées par une grosse boule. Elle désigne
le personnage : « Ça, c’est moi », pointe la sphère : « Ça, c’est ma mamy.
Tu vois, c’est sa tête », puis attire mon attention sur une excroissance :
« Et ça, c’est sa langue ». Sa mère est sous le choc. Depuis quelques
semaines, Alice reproduit sans cesse ces quelques traits grossiers,
mais c’est la première fois qu’elle en fournit l’explication.

En 1992, en Croatie, dans les camps de réfugiés de Bosnie, les


enfants dessinent la guerre, s’affrontent dans des jeux guerriers et
complètent les albums d’images autocollantes à l’aide de vignettes
détachables représentant des soldats (voir photos).

« Moj doživljaj rata » (mon expérience de la guerre),


Croatie, Zagreb, 1993

Ana, 11 ans

80
3. La phase aiguë

Adriana, 13 ans

Adela, 14 ans

81
Le traumatisme psychique

Camp de réfugiés de Bosnie, Špansko, Zagreb, Croatie, 1993


(photos Évelyne Josse)

– La détresse et la réactivité physiologique. Comme les adultes, les


jeunes victimes ressentent de la détresse, en particulier de la peur,
et manifestent des troubles physiques tels que maux de ventre,
nausées et diarrhée lorsqu’elles sont exposées à des indices rappe-
lant l’événement traumatique.
• Les conduites d’évitement et l’émoussement de la réactivité
générale. Tout comme l’adulte, l’enfant ou l’adolescent fuit ce qui
lui rappelle l’événement traumatique. Il se tient à l’écart du théâtre

82
3. La phase aiguë

du drame (lieu) ; il se garde d’approcher l’auteur de son malheur ainsi


que toute personne qui lui ressemble (personnes) ; il refuse d’aborder
les faits, allant jusqu’à se boucher les oreilles lorsqu’ils sont évoqués en
sa présence (conversations) ; il se replie dans l’imaginaire et la rêverie
pour échapper aux pensées et aux sentiments suscités par les événe-
ments ; il proteste violemment lorsqu’il est écarté des proches qui le
rassurent, renâclant, par exemple, à se rendre à l’école, à jouer avec
ses amis, à rester seul ou à aller se coucher ; etc.

Alexandra témoigne : « Quand j’étais enfant et adolescente, j’avais


des rêves. Je faisais ma vie dans ma tête. Je m’imaginais en détail
comment serait ma vie quand je serais grande. Je m’imaginais me
marier, avoir des enfants, travailler, tout cela dans le détail. C’était
la seule façon de me protéger. C’était la seule façon d’échapper aux
coups de ma mère et aux abus de mon oncle. Maintenant, ces rêves
sont devenus un cauchemar parce que je ne parviens plus à sortir de
ma tête. »

Depuis le début d’incendie de la cuisine causé par l’embrasement du


grille-pain, Adeline, 5 ans, évite tout ce qui a trait au feu. Elle refuse,
par exemple, que sa mère fasse couler de l’eau chaude pour éviter
d’attiser la flamme du brûleur du chauffe-eau.

Dans les cas d’abus sexuels, les conduites d’évitement peuvent se tra-
duire par une méfiance ou une peur subite des adultes du sexe opposé
ou du même sexe (en fonction du genre de l’abuseur). Les plus petits
peuvent se débattre et hurler vigoureusement au moment de les langer
ou de la toilette de leurs organes génitaux, esquisser des mouvements
de protection à l’approche ou lorsqu’on les touche. Les plus grands
peuvent refuser brutalement de se déshabiller à l’heure du coucher et
de se dévêtir en public dans des lieux ad hoc (piscine, plage, vestiaire
sportif, etc.) ou devant des personnes étrangères, avoir tendance à se
barricader la nuit, négliger subitement leur hygiène, refuser obstiné-
ment, sans raison apparente ni compréhensible, de côtoyer ou de res-
ter seul en présence d’une personne jusqu’alors appréciée ou tolérée,
rejeter tout ce qui touche à la sexualité, etc. Les adolescents peuvent
déclarer leur volonté de ne pas s’engager dans une relation amoureuse
et sexuelle24. Ces évitements peuvent contribuer au développement de
troubles du développement psychosexuel.
L’émoussement de la réactivité générale se traduit par un désintérêt
progressif pour les relations (réduction des interactions avec l’entou-
rage parental, familial et amical, conduites d’évitement relationnel,

83
Le traumatisme psychique

froideur, sentiment de détachement et anesthésie affective, etc.) et


pour les activités (jeux, loisirs, télévision, scolarité, etc.) ainsi que par
un sentiment d’avenir bouché. Cet émoussement se rencontre principa-
lement dans les traumatismes complexes de types II et III.
• L’activation neurovégétative persistante. Le système neurovégé-
tatif25 régit le fonctionnement des viscères26 et entretient les fonc-
tions vitales de base27. Son activation se manifeste par des troubles du
sommeil (difficulté d’endormissement, sommeil interrompu, agité ou
non réparateur), de l’alimentation, des sphincters, de l’irritabilité, des
accès de colère et de l’agressivité, des difficultés de concentration, de
l’hypervigilance, des états d’alerte à la pensée des événements, des
réactions excessives de sursaut ainsi que par un comportement impru-
dent ou autodestructeur. Chez l’enfant comme chez l’adulte, une fré-
quence cardiaque élevée au repos en phase immédiate serait prédictive
d’un trouble traumatique ultérieur28.

L’apparition de symptômes non spécifiques aux syndromes


post-traumatiques

Tout comme les adultes, dans le décours d’un incident critique, les
nourrissons, les enfants et les adolescents manifestent fréquemment
des troubles non spécifiques aux syndromes post-traumatiques29. Parmi les
plus fréquents, citons les troubles anxieux, dépressifs, psychosomatiques
et comportementaux ainsi que les comportements régressifs et les diffi-
cultés d’apprentissage.
Certains symptômes éclosent précocement dès les premiers jours, d’autres
plus tardivementb. Certains disparaissent au bout de quelques semaines ou
de quelques mois (tels les comportements régressifs, les troubles d’appren-
tissage), d’autres peuvent perdurer jusqu’à l’âge adulte (par exemple, les
désordres anxieux et dépressifs, certains troubles du comportement).

Les troubles anxieux

Après un événement effrayant, les enfants et les adolescents deviennent


souvent craintifs et anxieux, voire angoissés, alors que la plupart d’entre
eux ne l’étaient pas auparavant ou du moins, pas autant. Leurs peurs
sont partiellement déterminées par la nature de l’événement traumatique.
Voici quelques exemples :
• Les adultes protecteurs ont été impuissants à assurer la sécurité
de l’enfant ou de l’adolescent. Dans l’univers des enfants et des
jeunes adolescents, les adultes contrôlent la plupart des ressources,

b. Voir « Les symptômes non spécifiques aux syndromes post-traumatiques » dans la


phase à long terme, p. 123.

84
3. La phase aiguë

semblent tout savoir et sont tout-puissants à les protéger du danger et


à assurer leur propre sécurité. Une guerre, une catastrophe naturelle,
un accident, un décès inopiné ou tout autre événement les exposant à
la souffrance vient brutalement démentir ce pouvoir absolu. Ayant vu
les adultes vulnérables et impuissants, ils en concluent être à la merci
de nombreuses formes de violence et de danger. À la suite de telles
expériences, les jeunes victimes perçoivent le monde comme un univers
dangereux duquel émane une menace permanente et vivent avec le
sentiment que d’autres catastrophes surviendront. Leurs préoccupations
portent essentiellement sur leur survie et celle des membres de leur
famille (peur des maladies mortelles, de la séparation, de la mort, des
accidents, des agressions, des rapts, etc.).

Depuis l’incendie survenu dans la cuisine, Adeline, 5 ans, a perdu


confiance dans la capacité de sa mère à la protéger. Elle est très
anxieuse, a régulièrement des attaques de panique et adopte de
nombreux comportements d’évitement. Tous les soirs, elle rappelle à
sa maman de couper le gaz, d’éteindre les phares de sa voiture, de
verrouiller les portes, etc. Il lui arrive de pleurer angoissée en disant :
« Je veux qu’il y ait deux grands [des adultes] à la maison » et d’ex-
pliquer son souhait, argument à l’appui : « Si on part en vélo et que
je suis fatiguée, s’il y a deux grands, un des deux peut me porter et
l’autre peut porter mon vélo ». Sa mère dira : « Elle a 5 ans et elle est
devenue adulte. »

• L’agresseur est un adulte censé assurer la protection de l’enfant


ou de l’adolescent. Lorsque l’enfant ou l’adolescent est victime de
maltraitance physique ou sexuelle, il craint généralement, souvent à
juste titre, que l’auteur l’agresse à nouveau, qu’il prenne des mesures
de répression à son encontre, voire qu’il soit incarcéré ou qu’il se sui-
cide en cas de révélation des abus. Ces peurs sont renforcées par les
propos de l’agresseur. Lorsque l’adulte profère des menaces de puni-
tion, de rétorsion ou de suicide, l’enfant ne doute pas de sa volonté
ou de sa capacité à les mettre à exécution. Par ailleurs, il redoute sou-
vent de dévoiler les agressions, car il appréhende de ne pas être cru,
d’être rejeté, de subir la colère de ses proches ou d’être responsable
de l’éclatement de la famille.

Plusieurs années durant son adolescence, Caroline a été violée par le


mari de sa sœur aînée. Lorsqu’elle se rebiffait, il la menaçait de révéler
à sa mère les amourettes qu’elle entretenait avec un garçon de son
âge. Craignant les représailles de cette femme violente pour qui tout

85
Le traumatisme psychique

était prétexte à la battre, Caroline se soumettait aux fantasmes sexuels


les plus pervers de son beau-frère. Lorsqu’elle le défiait de dévoiler
ses comportements coupables, il se moquait d’elle, lui disant qu’elle y
gagnerait d’être traitée de menteuse et d’être punie en conséquence,
car sa mère n’accorderait aucun crédit à ses absurdes propos.

• Un adulte protecteur est en danger ou est décédé. L’enfant ou


l’adolescent peut redouter la disparition d’une figure parentale protec-
trice et en conséquence, avoir peur de se retrouver seul, sans personne
pour prendre soin de lui. Par exemple, lorsqu’il assiste impuissant à la
violence entre ses parents, il peut craindre que son père assassine sa
mère, surtout s’il l’a entendu la menacer de mort, ou qu’elle succombe
des suites d’un mauvais coup. S’il a survécu à un séisme meurtrier,
il peut être effrayé à l’idée qu’une nouvelle occurrence emporte ses
proches. Après avoir perdu brutalement un parent, il peut s’inquiéter
pour la vie du survivant.

Après le séisme en Haïti en 2010, à chaque réplique, Phénide, 4 ans,


court dans les bras de sa mère en hurlant « Je ne veux pas mourir ! Je
ne veux pas que tu meures ! ».

Noémie raconte : « Mon père est décédé d’une rupture d’anévrisme.


J’avais 6 ans. L’année suivante, ma tante est décédée et quelques
mois plus tard, mon oncle. Nous avons recueilli ma cousine, leur fille
unique. Elle avait le même âge que moi. Quelques mois plus tard, elle
a fait un AVC30. Elle s’en est sortie, mais est restée hémiplégique.
En moins d’un an, j’avais vu mourir trois personnes proches, dont mon
père, et j’avais vu ma cousine se retrouver sans parent. Je me deman-
dais qui allait être le suivant. Ma cousine, avec son AVC, avait eu sa
dose. Donc, je me disais que le suivant ne pouvait être que ma mère
ou moi. J’ai commencé à trembler pour ma mère. Si elle mourait, je
n’aurais plus eu personne pour s’occuper de moi et j’aurais dû aller à
l’orphelinat. Cette pensée me terrorisait. J’avais peur tout le temps,
peur qu’elle ne soit pas à la sortie de l’école pour venir me chercher,
peur qu’elle ne revienne pas du travail, peur quand elle partait sans
moi, peur tout le temps. Aujourd’hui, je suis adulte et j’ai toujours
peur pour elle et j’ai peur pour moi, pour ma fille et pour mon mari.
J’ai tout le temps des flashs. Par exemple, je suis sur l’autoroute et
je vois l’accident qui pourrait se produire : la voiture qui déboîte et
qui vient s’emboutir dans la mienne, le camion qui freine brutalement
et que je ne peux pas éviter, ce genre de choses ; si ma mère prend
l’avion, j’allume la radio et je me dis : “On va annoncer que son avion
s’est crashé”. Ça m’empoisonne à tout moment. »

86
3. La phase aiguë

Comme chez les adultes, les troubles anxieux se présentent chez les
enfants et les adolescents sous forme de crises d’angoisse, d’agitation
désordonnée, de fuites en avant et de surveillance inquiète de l’environne-
ment. De nouvelles peurs sans lien apparent avec l’événement traumatique
peuvent également apparaître. Chez les jeunes enfants, ces réactions s’ac-
compagnent fréquemment de pleurs et de cris, de nausées, de céphalées
ou de coliques. Chez les adolescents, elles se doublent de sensations phy-
siques désagréables dues à l’activation neurovégétative orthosympathique
(palpitations, tremblements, sensations d’évanouissement, gêne ou oppres-
sion respiratoire, vomissements, vertiges, etc.).
Ces troubles anxieux induisent fréquemment des conduites d’évite-
ment, des troubles du sommeil, des difficultés de concentration, etc.
Outre ces manifestations anxieuses rencontrées tant chez les enfants
que chez les adultes, on trouve des réactions spécifiques à l’enfance ;
comme l’attachement anxieux et l’exacerbation des peurs infantiles.
• L’attachement anxieuxc. Les jeunes enfants réagissent souvent aux
expériences effrayantes par un attachement anxieux. Ils craignent que
les êtres aimés les abandonnent ou disparaissent, surtout s’ils ont perdu
un proche. Dès lors, les plus petits ont peur lorsque des personnes
qui prennent habituellement soin d’eux, en particulier leur mère,
disparaissent de leur champ visuel et s’agrippent à elles en présence
d’étrangers. Les plus grands manifestent de l’angoisse, de la colère ou
du désespoir quand on les en sépare et protestent lorsqu’on les laisse
seuls (par exemple, dans leur chambre au moment du coucher, à la
toilette, etc.). L’attachement est normalement empreint d’anxiété chez
les petits de moins de trois ans, mais dans les cas de traumatisme, il
est noyauté de plus d’angoisse et le reste à un âge plus avancé.
• L’exacerbation des peurs infantiles. Dès la naissance, le nourris-
son craint les bruits forts et les mouvements soudains. Vers le sixième
mois, il commence à appréhender les lieux et les personnes qu’il ne
connaît pas et redoute d’être séparé de ses dispensateurs de soind. Vers
l’âge de deux-trois ans et jusqu’à cinq-six ans, l’enfant a peur du noir,
des cambrioleurs, des loups, des monstres, des fantômes, des sorcières
et d’autres créatures imaginaires. Chez les jeunes victimes, ces peurs
infantiles sont souvent exacerbées à l’âge auquel elles apparaissent
habituellement et ont tendance à persister aux stades ultérieurs de
développement.

c. Voir supra l’attachement insécure ou anxieux, p. 44.


d. Pour René Arpad Spitz, psychiatre et psychanalyste américain d’origine hongroise,
l’angoisse du huitième mois est un des organisateurs du développement de la relation
objectale. À l’heure actuelle, cette angoisse semble apparaitre vers le sixième mois. Voir
note 22, p. 170.

87
Le traumatisme psychique

Charline a 4 ans ½. En se levant la nuit pour satisfaire un besoin urgent,


elle a croisé un cambrioleur qui a pris la fuite en la voyant. Depuis,
elle craint les voleurs, les monstres, les sorcières et autres créatures
malfaisantes, mais aussi les bonnes fées, les gentils magiciens, les
belles sirènes, etc. Elle refuse d’aller se coucher si sa mère ne vérifie
pas qu’aucun être ne se cache sous son lit ou dans sa garde-robe.

Les troubles dépressifs

Dès leur prime enfance, les jeunes victimes peuvent manifester des
symptômes dépressifs après un événement traumatique. Avec le temps,
ceux-ci peuvent évoluer vers une organisation franchement dépressive.
L’humeur des jeunes victimes est souvent labile oscillant entre d’une
part l’excitation, la colère, et l’agressivité et d’autre part, la tristesse, la
prostration et le repli sur soi.
Lorsqu’ils ont des réactions de retrait, les bébés, les enfants et les ado-
lescents délaissent leurs activités (ils cessent de jouer alors, mais se livrent
sans plaisir à des jeux de répétition ; ils se désintéressent des loisirs, de la
télévision, de l’ordinateur, de l’école, etc.) et leurs relations habituelles
(parents, amis, famille, etc.).
Outre ces réactions, les enfants et
COMPRENDRE les adolescents éprouvent fréquem-
ment des sentiments de culpabilité
Chez le nourrisson, la dépression
excessifs ou inappropriés. Confrontés
apparaît après une phase de détresse
à une catastrophe naturelle, un acci-
et de protestation active et bruyante
dent ou le décès tragique d’un être
(agitation, cris, pleurs)e. La prévalence
cher, ils s’interrogent généralement
de la sémiologie dépressive augmente
sur leur implication. Ces sentiments
avec l’âge. Les enfants plus grands et
de culpabilité peuvent être particu-
les adolescents peuvent présenter des
lièrement intenses entre deux et sept
désordres thymiques rapidement après
ans, lorsque les enfants, au stade de
les événements adverses. Ceux-ci se
l’intelligence préopératoire31, accor-
traduisent par du désarroi, de la tristesse,
dent des pouvoirs magiques à la
des sentiments de solitude, de la passi-
pensée et recourent à leur imagina-
vité ainsi que par une inhibition motrice
tion pour expliquer ce qu’ils ne sont
et intellectuelle.
pas en mesure de comprendre. Ainsi,
ils peuvent être persuadés d’avoir
provoqué l’événement dévastateur par la force de leur volonté ou être
convaincus que le malheur qui les accable leur est infligé pour sanctionner
leur comportement. Ces convictions trouvent un terreau fertile dans les

e. D’après René Spitz, cette phase de protestation durerait en moyenne un mois. Voir
la dépression anaclitique dans « Les troubles dépressifs » dans le chapitre consacré à la
phase à long terme, p. 124.

88
3. La phase aiguë

cultures où les drames sont interprétés comme un châtiment divin. Les


sentiments de culpabilité sont également fortement renforcés en cas de
suicide d’un proche, en particulier d’une figure parentale.

Jeremy a trois ans. Lors de sa première hospitalisation, il se réveille


la nuit en criant : « C’est ma faute ! C’est ma faute ! », expliquant tantôt
que s’il est malade, c’est parce qu’il a maltraité son petit cousin, tan-
tôt parce qu’il a été méchant avec ses parents. Il dira aussi à diverses
reprises qu’il ne veut pas guérir, indiquant ainsi qu’il juge sa punition
méritée eu égard à la jalousie coupable qu’il éprouve pour son cousin
et aux sentiments ambivalents qu’il porte à ses parents.

Dans les cas de viol, l’enfant ou l’adolescent peut se sentir coupable


parce qu’il n’a pas tenté de repousser l’agresseur. Il assimile sa soumission
à une approbation et peut aller jusqu’à croire qu’il a provoqué l’agression
par son imprudence, son attitude ou sa tenue provocante.

Lors d’un festival de musique, Élodie, 16 ans, a été victime d’une


tentative de viol par trois garçons. Elle déclare : « Je n’ai eu que ce
que je mérite… D’ailleurs, la première chose que mon père m’a dite,
c’est : “Mais pourquoi tu as quitté tes amies ? Qu’est-ce qui t’as pris
d’aller te balader toute seule ? En plus, tu as vu comment tu étais
habillée ? C’est de la provocation ou quoi ? Mais ce n’est pas possible,
tu cherches les ennuis ou quoi ?”. Ça veut bien dire que c’est de ma
faute… »

Si la société véhicule des préjugés et si l’entourage adopte une attitude


accusatrice, les sentiments de culpabilité des jeunes victimes s’en trouve-
ront également fortifiés.

Liliane, 17 ans, a été violée par son oncle. Elle a reçu le soutien de
ses parents, mais a été tenue pour responsable de l’agression par
les autres membres de la famille. Ses grands-parents, auxquels elle
était très attachée, l’ont chassée de chez eux et ses tantes lui ont
demandé : « Mais qu’est-ce que tu as fait, toi, pour qu’il en arrive là ? ».

Julienne, une jeune Congolaise de 16 ans ½, résidant dans la province


du Nord-Kivu, a été violée par trois militaires alors qu’elle se rendait
au marché. Enceinte des suites de l’agression, elle a été renvoyée
de son école, sous prétexte que son exemple risquait de dévoyer ses
condisciples.

89
Le traumatisme psychique

Les comportements régressifs


et les difficultés d’apprentissage

Après un événement tragique, les jeunes victimes manifestent fréquem-


ment des comportements régressifs.
• Les comportements régressifs. D’anciennes habitudes refont sur-
face, par exemple, en fonction de l’âge de l’enfant : la crainte des
personnes étrangères à la famille, le retour à une alimentation liquide
(biberon), l’abandon de la marche, l’énurésie nocturne secondaire,
l’encoprésie32, la succion du pouce, l’agrippement à un objet transi-
tionnel (« doudou »)33, la régression verbale (retour à une expression
par cris et pleurs ou au parler « bébé »), le balancement machinal,
la dépendance affective aux parents avec difficulté de s’autonomi-
ser, la recherche de protection, etc. Tous ces comportements sont des
moyens adoptés par les enfants pour se réconforter lorsqu’ils sont
fatigués, contrariés ou malades. C’est une manifestation habituelle de
leurs angoisses.

Thierry, 5 ans, dormait paisiblement à l’arrière de la voiture conduite


par sa mère lorsque cette dernière fut victime d’un car-jacking34. Le
malfrat roula plus d’un kilomètre avant de se rendre compte qu’un
enfant occupait le siège arrière et d’abandonner le véhicule sur le
bord de la route. Depuis, Thierry pleure dès que sa mère quitte son
champ visuel, refuse de loger chez ses grands-parents, réclame un
biberon à l’heure du coucher (comme sa petite sœur de 8 mois) et
refait pipi au lit.

Bruno a été adopté par une famille dysfonctionnelle (violence phy-


sique entre les parents, violence psychologique à l’égard des enfants,
en particulier vis-à-vis de Bruno, enfant adopté). Il explique : « L’ado-
lescence, je l’ai eue tard. Je suis resté gamin longtemps. Je restais
dans ma bulle. Je restais dans mon truc. Je ne me suis pas autonomisé
comme les autres. »

À l’adolescence, des craintes propres à des stades antérieurs du déve-


loppement peuvent être réactivées.
• Les perturbations scolaires et les difficultés d’apprentissage.
L’école est souvent un des meilleurs révélateurs du malaise et de la
souffrance des jeunes victimes. De nombreux enfants et adolescents
éprouvés par des expériences douloureuses rencontrent des difficultés
d’apprentissage du fait de l’altération de leurs capacités cognitives. En
effet, comme pour les adultes, leurs facultés mentales d’attention,

90
3. La phase aiguë

de concentration intellectuelle, de raisonnement, de réflexion et de


mémorisation sont souvent affaiblies.

COMPRENDRE Outre les difficultés d’apprentis-


sage, les plus jeunes peuvent refuser
Le déficit de concentration et l’inatten- de fréquenter l’école (notamment
tion, observés tant en famille qu’à l’école, en raison des angoisses de sépara-
résultent notamment de la résurgence des tion) ou avoir besoin de la présence
souvenirs traumatiques et des échappées constante d’un adulte pour mener à
dans des mondes fantasmatiques. bien leurs tâches scolaires.

Les troubles du comportement

Les troubles de conduite sont très fréquemment rencontrés chez les


enfants et les adolescents ayant vécu un événement traumatisant. Leur
souffrance se traduit par des comportements agressifs, des troubles du
sommeil et des désordres alimentaires et, chez les plus grands, également
par des dépendances. Ils peuvent masquer une dépression en particulier
chez l’adolescent.
• Les comportements auto-agressifs. Très jeune, l’enfant peut adopter
des comportements agressifs tournés contre lui-même : s’arracher les
cheveux, se griffer, se ronger les ongles à sang, se frapper, se cogner la
tête contre les murs, se blesser volontairement, etc. À partir de six ans,
peuvent apparaître des idées suicidaires et des questionnements sur la
mort ainsi que des conduites destructrices (ingestion volontaire de pro-
duits toxiques ou d’objets dangereux, jeux d’évanouissement35, etc.).
À l’adolescence, le risque d’automutilations (scarifications, brûlures,
arrachage des cheveux, etc.) et de passage à l’acte suicidaire s’ac-
croît. Ces comportements peuvent être un moyen de s’amender de la
culpabilité (comportements autopunitifs) ou de sortir d’états dissociatifs
(impression d’irréalité, dépersonnalisation, sentiment de détachement,
émoussement, etc.).

Émeline a 16 ans lorsqu’elle est violée à la sortie d’une soirée dan-


sante organisée à l’occasion de l’anniversaire d’un ami. Elle se juge
imprudente d’avoir voulu rejoindre son domicile à pied après la fête.
Elle s’adresse d’autant plus de reproches qu’elle a agi ainsi malgré les
protestations de ses copains qui estimaient hasardeux de se prome-
ner seule dans les rues de la cité à une heure aussi tardive. Émeline
explique : « J’ai une telle rage en moi contre moi, il faut que ça sorte.
J’ai l’impression que si ça ne sort pas, je vais exploser, mais surtout
quand je me taillade comme ça les poignets (avec une lame de rasoir),
ça fait mal et c’est comme si ça me réveillait, c’est comme si ça me
ramenait dans la réalité. J’ai tout le temps l’impression d’être dans du

91
Le traumatisme psychique

coton, dans une sorte de brouillard, j’ai l’impression que les choses
autour de moi, ce n’est pas réel, que je ne suis pas moi. Je suis moi
sans être moi. C’est difficile à expliquer. C’est comme si j’étais décon-
nectée. Quand je me coupe, c’est comme si on remettait la prise dans
la fiche. Je veux que ça s’arrête. Je n’en peux plus. C’est horrible. J’en
ai marre. Je veux redevenir moi-même, je veux redevenir moi ! »

• Les comportements hétéro-agressifs. Les nourrissons, les enfants et


les adolescents peuvent se montrer agressifs, voire violents. Ils brisent
des objets, frappent dans les murs et défoncent les portes. Ils profèrent
des insultes, intimident (menaces verbales, actes d’intimidation tels que
brandir un couteau de cuisine, etc.) et agressent (en fonction de l’âge :
mordre, tirer les cheveux, griffer, frapper, distribuer coups de pied et
de poing, lancer des objets en direction d’autrui). Cette agressivité est
tournée contre leurs pairs (frères et sœurs, compagnons de jeu, condis-
ciples, etc.), les adultes (le plus souvent, les proches comme la mère)
et les animaux domestiques. Ils s’adonnent également à la pratique de
jeux violents36 avec leurs camarades.
Ces comportements agressifs
peuvent être une manière pour les
COMPRENDRE jeunes victimes d’exprimer leurs
Notons que les comportements agres- angoisses et leurs frustrations ou de
sifs (frapper, mordre, etc.) sont banals décharger un trop-plein d’énergie.
et très courants chez les tout-petits. Pour les adolescents, ils peuvent
À cet âge, c’est leur fréquence et leur être une tentative de rétablir leur
persistance malgré les remontrances qui sentiment de dignité humaine et de
doivent alarmer. maîtrise sur leur destinée après avoir
vécu des expériences délétères qui
les en ont dépouillés.

Hugues a 17 ans. Il a été pris à partie par une bande de jeunes


qui l’ont délesté de son téléphone portable, de son MP3 et de son
argent. « J’ai dû baisser la tête… devant des gamins, en plus. Tu te
rends compte ? Ils étaient plus jeunes que moi ! Je suis sûr que le
plus vieux n’avait pas 15 ans. Je me tape vraiment la honte. J’ai été
humilié par des gamins… Mes parents me disent que j’ai bien fait
de donner tout ce que j’avais, que devant un couteau, ça ne sert à
rien de faire le malin, que ma vie est plus importante et blablabla. Je
sais bien qu’ils ont raison, mais c’est plus fort que moi. J’ai la haine
et si je pouvais les retrouver, je leur trouerais la peau. Maintenant,
je ne cède plus sur rien. Je ne veux plus me laisser faire. Tu vois, je
roule en scooter ; et bien, hier, un con dans une grosse bagnole a
essayé de me prendre ma priorité de droite. Je l’ai vu, mais je me

92
3. La phase aiguë

suis quand même engagé. On a failli se rentrer dedans, mais j’aurais


préféré crever plutôt que de céder. Après, je me suis dis : “T’es con,
pourquoi t’as réagi comme ça ?” Mais sur le moment même, ce qui
m’est venu, c’est : “Ah non, celui-là, je ne vais pas le laisser m’entu-
ber !” Évidemment, ça vient de se passer et je suppose qu’il faut
un peu de temps pour digérer. Je suppose que c’est normal, mais
j’espère que je ne vais pas rester comme ça, prêt à péter la gueule
au premier connard venu. »

Dans les cas d’agressions physiques ou sexuelles, les enfants et plus


encore les adolescents sont souvent en colère contre l’agresseur (idée de
vengeance), mais aussi contre eux-mêmes, de ne pas s’être défendus.

Sybille, 16 ans, a été violée lors d’un festival de musique. Elle est en
colère : « Je ne pense qu’à ça, à le crever, à lui arracher les couilles
et à les lui faire bouffer. Je voudrais le voir souffrir à petit feu. Je ne
veux pas le crever tout de suite, ce serait trop facile, je veux le faire
souffrir. Je veux l’entendre appeler sa mère. Je voudrais lui faire payer
ce qu’il m’a fait. C’est dégueulasse. Il a pris son pied et maintenant,
il est cool, il est avec ses potes, il se promène, personne ne sait que
c’est un porc. Sa vie continue et la mienne, elle est foutue… Je lui en
veux et je m’en veux aussi à moi. Je n’ai même pas crié. Je n’ai même
pas essayé de me défendre. Une nouille, je suis restée comme une
nouille ! »

Après un décès, les enfants et les adolescents peuvent éprouver de la


colère vis-à-vis du défunt lui-même, du sort ou de la personne qu’il juge
responsable de la disparition de l’être cher (conducteur ayant provoqué
un accident de la route, meurtrier, soldats ennemis, etc.). « Comment a-t-il
pu mourir alors que j’avais besoin de lui ? », « C’est injuste qu’il soit mort
maintenant », « Je vais le venger » sont autant de réflexions qui traduisent
leur amertume.
Lorsque les jeunes victimes ne peuvent décharger leur agressivité pour
se défendre ni se venger de l’agresseur ou du destin, certaines déplacent
leur colère sur des objets, sur autrui (enfants, adultes, animaux) ou sur
elles-mêmes. A contrario, d’autres inhibent toute émotion violente. Elles
peuvent également alterner ces deux modes, passant sans transition d’un
état contrôlé à des crises de colère irrépressibles.
• Les conduites à risque. Plus que les autres groupes d’âge, les adoles-
cents adoptent des comportements à risque (relations sexuelles non
protégées, usage abusif de substances psychotropes, adhésion à des
bandes délinquantes, comportement provocateur envers l’autorité,

93
Le traumatisme psychique

sports extrêmes, conduite automobile imprudente37, « jeux » dange-


reuxf, actes délictuels, fugues, prostitution, enrôlement dans les forces
armées, etc.), ce qui les conduit à mettre leur santé (physique et men-
tale) et leur sécurité en péril (acci-
dents, overdoses, répression violente
COMPRENDRE
en réponse aux provocations, conta-
Ces comportements à risque peuvent mination par les IST38 dont le VIH/
constituer des conduites ordaliques39. SIDA, grossesse précoce et non dési-
Les adolescents se mettent délibérément rée, violences sexuelles subies, bas-
en danger au cours d’épreuves com- culement dans la traite des êtres
portant un risque vital et dont l’issue est humains, etc.).
laissée selon leurs croyances, au hasard,
La fréquence de ces conduites
à la destinée ou à Dieu. Ces conduites
après un traumatisme peut s’expli-
se distinguent des comportements suici-
quer par le fait que les jeunes ont
daires, les sujets n’ayant pas pour objec-
besoin de restaurer leur identité et
tif de mourir, mais de tester leur courage
leur valeur personnelle après avoir
et leur droit à vivre40.
été opprimés ou humiliés, ou bien
encore qu’ils ressentent la nécessité
de s’assurer de la légitimité de leur existence alors que d’autres sont morts.
C’est aussi un moyen d’éprouver des sensations fortes pour retrouver le
sentiment d’exister (et parfois, pour sortir d’un état dissociatif) ou d’ex-
purger un trop-plein d’excitation. Notons que ces conduites ordaliques
peuvent masquer un état dépressif. Les dangers liés aux affrontements
armés, l’incertitude quant à l’avenir, l’ennui ressenti lorsque la situation
se stabilise et la défaillance du contrôle social habituel sont quelques
autres des raisons qui promeuvent la tendance des jeunes à négliger les
conséquences de leurs comportements.

Sébastien a fêté ses 18 ans il y a deux mois à peine. Il a obtenu son


permis de conduire provisoire à 17 ans. Depuis qu’il sait manœuvrer
un véhicule et bien que la loi ne l’autorise pas à conduire sans guide,
il emprunte, à l’insu de son père, la voiture de sa mère récemment
suicidée. La nuit, après avoir consommé des drogues hypnogènes, il
« fait des petits chemins » : il s’engage dans des sentiers forestiers
équestres non carrossables et roule le plus rapidement possible.

• L’instabilité motrice. L’instabilité motrice se rencontre principalement


chez le petit enfant. L’enfant bouillonne d’énergie. Son activité, mal
contrôlée et désordonnée, ne poursuit pas de but précis. Il est agité
(il est en perpétuel mouvement, gigote, se tortille, etc.), turbulent,
f. Pratiquer le jeu du foulard (voir supra, p. 91), s’accrocher aux voitures avec une
planche de skateboard ou à patins à roulettes, foncer vers un véhicule et s’écarter de sa
trajectoire au dernier moment, brûler intentionnellement des feux au rouge, etc.

94
3. La phase aiguë

bruyant (il crie, il pleure) et maladroit. Il ne reste pas en place, grimpe


sur tout, touche et s’empare de tout ce qui se trouve à sa portée.
Cette hyperactivité peut avoir un rôle contre-dépressif. Dans ce cas,
l’enfant s’agite pour ne pas penser à sa tristesse et à ses causes.
Il convient de distinguer une hyperactivité pathologique de l’intense
activité des enfants « pleins de vie ». En effet, rappelons que l’instabi-
lité motrice est normale chez l’enfant en âge de marcher. Il explore le
monde qui l’entoure, teste les limites imposées par l’autorité parentale
et se défoule.
• Les troubles du sommeil. Le nourrisson et l’enfant peuvent refuser
d’aller se coucher (pleurer, protester, se relever, trouver des prétextes
pour retarder l’heure d’aller au lit, etc.) ou de dormir sans la présence
d’un adulte (par exemple, hors dans la chambre des parents) et craindre
l’obscurité (la peur du noir est souvent couplée avec l’exigence que la
lumière reste allumée dans la chambre).
Les bébés, les enfants et les adolescents peuvent éprouver des diffi-
cultés d’endormissement et manifester des insomnies communes (ils
se réveillent fréquemment et, en fonction de leur âge, ils babillent,
pleurent, crient, jouent, lisent, etc.) ou des insomnies agitées et
bruyantes (suivant leur âge, ils pleurent, crient, s’agitent, frappent des
poings, se cognent la tête contre les parois du lit, se lèvent, réveillent
leurs parents, se retournent sans cesse dans leur lit, etc.). Plus inquié-
tant, le nourrisson peut présenter des insomnies calmes (il reste immo-
bile, regarde fixement le plafond, sans crier ni pleurer ou se manifester
d’une quelconque manière). Le sommeil des plus petits comme celui

COMPRENDRE
Notons que les troubles du sommeil sont fréquents chez les nourrissons et les enfants. Ils ne doivent
alerter que s’ils sont combinés à d’autres signes inquiétants. Le coucher est un moment sensible, car
il éloigne l’enfant de ses parents, ce qui réactive ses angoisses de séparation. Pour l’assumer sans le
vivre comme une rupture, il investit un espace transitionnel47 (rituels du coucher tels que raconter
une histoire, doudou). Ce besoin, plus prégnant s’il a vécu des expériences effrayantes ou des
séparations douloureuses, le conduit à allonger la durée des rituels (avoir soif ou devoir se rendre aux
toilettes au moment d’aller dormir, vouloir qu’on lui raconte une deuxième histoire, etc.). Entre trois
et cinq ans, les peurs du noir, des voleurs, du loup, des monstres et autres personnages maléfiques,
normales à ces âges, peuvent contribuer aux difficultés d’endormissement. Lorsqu’ils se réveillent
en proie à leurs cauchemars, ils sont terrorisés et craignent de se rendormir. Les histoires effrayantes
qui peuplent leur sommeil peuvent sembler aux plus petits aussi réelles que leur quotidien, car ils ne
distinguent pas aisément le rêve de la réalité. Les plus grands, même s’ils savent que ce qu’ils ont vu
dans leur sommeil est irréel, redoutent de se rendormir, craignant d’être à nouveau confrontés aux
images redoutables.

95
Le traumatisme psychique

des plus grands peut être ponctué de réveils multiples, parfois anxieux.
Celui des enfants en bas âge peut être agité de terreurs nocturnes et
celui de leurs aînés, de cauchemars. Chez les enfants, le thème des cau-
chemars peut ou non être en rapport avec l’événement traumatisant
(ils éprouvent souvent des difficultés à les décrire), chez les adolescents,
il est généralement en lien avec lui.41
Les hypersomnies42 sont relativement fréquentes chez l’adolescent. Le
sommeil peut devenir un refuge contre des difficultés qu’il doit affron-
ter ou être un signe de dépression.
• Les troubles des conduites alimentaires. Les nourrissons, les enfants
et les adolescents peuvent présenter des troubles alimentaires après
avoir traversé un événement adverse.
Les enfants en bas âge peuvent souffrir d’anorexie : ils serrent les lèvres,
ils refusent de téter ou de manger, ils stockent les aliments dans la
bouche sans déglutir, les recrachent, les régurgitent ou les vomissent.
Notons que l’anorexie est fréquente chez le nourrisson, notamment
à l’occasion du sevrage, d’un changement de régime alimentaire ou
d’une poussée dentaire. Elle ne doit alerter que si elle persiste ou si elle
est associée à des signes psychopathologiques (apathie, immobilité,
retrait, indifférence, retard de développement staturo-pondéral, de la
motricité ou du prélangage, etc.). Généralement, la mère interprète le
refus alimentaire de son enfant comme un rejet de sa personne. Elle
se sent disqualifiée dans son rôle de nourricière et les relations avec sa
progéniture s’en trouvent souvent perturbées. Son angoisse et ses atti-
tudes (par exemple, forcer le refus de s’alimenter) peuvent contribuer
à renforcer les désordres alimentaires du bébé. D’autres nourrissons
peuvent manifester des comportements hyperphagiques : ils réclament
la nourriture en criant, s’agitent lors du repas, sucent le sein ou le
biberon avec avidité et semblent habités par une faim insatiable. Plus
préoccupants, mais heureusement beaucoup plus rares, sont le pica43,
la coprophagie44 et le mérycisme45.
Chez les enfants prépubères, l’anorexie reflète souvent un trouble
sévère. La prédominance féminine est moins nette qu’à l’adoles-
cence. Elle se manifeste par une restriction et un contrôle alimentaires.
L’hyperactivité physique, les vomissements provoqués et la prise de
laxatifs ou de diurétiques, fréquents chez les adolescents, sont excep-
tionnels à cet âge. Moins inquiétants et plus répandus sont l’appétence
excessive pour les sucreries, le grignotage anxieux et l’hyperphagie
(pouvant conduire à l’obésité).

Bernard, 11 ans ½, a été victime de racket. Depuis, il manifeste des


troubles du comportement alimentaire et a pris de l’embonpoint. Dès

96
3. La phase aiguë

que ses parents ont le dos tourné, il en profite pour se ruer sur le
réfrigérateur, il se lève la nuit pour manger et cache des friandises
sous son lit.

À l’adolescence, les troubles alimentaires (boulimie et anorexie) sont


relativement fréquents. L’anorexie touche davantage les filles que les gar-
çons. Les adolescents, principalement les filles, peuvent devenir obèses
ou cachectiques suite à des troubles du comportement alimentaire. Après
avoir subi des violences sexuelles, l’obésité ou la maigreur peut leur tenir
lieu de protection par l’amoindrissement de leur séduction.
• Les conduites addictives. Tabagisme, alcoolisme, toxicomanie et bou-
limie peuvent apparaître à l’adolescence dans le décours d’un événe-
ment traumatique.

Les troubles somatoformes46

Dès les premiers jours ou les premières semaines après l’événement


traumatique, les enfants et les adolescents peuvent se plaindre, tout
comme les adultes, de maux physiques sans cause organique ainsi que
de l’aggravation d’une maladie pré-existante.
Chez l’adolescent, les symptômes somatiques risquent d’accroître les
angoisses à propos de leur personne physique et de leur vulnérabilité.
• Les symptômes neurovégétatifs d’origine psychosomatique. Les
grands enfants et les adolescents peuvent souffrir de vertiges, de lipo-
thymies47, de tremblements, de sueurs, de palpitations cardiaques48,
de tachycardie49, de troubles gastro-intestinaux (nausées, vomisse-
ments, diarrhée ou constipation), de sensations de striction laryngée
(« boule dans la gorge »), d’oppression respiratoire et de sensations
d’étouffement pseudo-asthmatiques (sensation de souffle coupé ou de
poids sur la poitrine empêchant de respirer), etc.
• L’asthénie physique d’origine psychosomatique. Elle se manifeste
chez les grands enfants, mais surtout chez les adolescents, par une
fatigue permanente résistant au repos, par un épuisement rapide au
moindre effort physique, par l’impression persistante d’être sans force
ou par une lassitude générale.
• Les douleurs psychogènes50. Les jeunes victimes présentent fré-
quemment des douleurs diffuses et erratiques (céphalées, douleurs
musculaires, douleurs thoraciques, gastralgies51, etc.). Certaines dou-
leurs sont spécifiquement liées à l’événement traumatique subi. Par
exemple, dans les cas d’agressions et d’abus sexuels, la jeune victime
peut se plaindre d’algies pelviennes, abdominales, gynécologiques,
urinaires ou anales, d’anisme52, de maux de gorge ou de gêne à la
déglutition, etc.

97
Le traumatisme psychique

Si ces plaintes peuvent être l’expression de la tristesse, de la peur, de


l’angoisse ou d’un traumatisme, rappelons toutefois qu’elles peuvent
également signer une maladie organique ou résulter des séquelles de
violences physiques.
• Les maladies psychosomatiques. Les nourrissons, les enfants et les
adolescents peuvent souffrir d’un regain de symptômes de maladies
psychosomatiques antérieures à l’expérience traumatique telles que
coliques, colites, asthme, eczéma, psoriasis, etc.

Les réactions immédiates et post-immédiates


selon les nosographies internationales

Les états de stress aigu

La névrose traumatique a longtemps prévalu pour décrire les syn-


dromes post-traumatiques. Le récent développement des nosographies
psychiatriques internationales a entraîné l’éclatement de ce concept et
redistribué les symptômes dans de nouvelles entités syndromiques.
Les modèles principaux de classifications sont le Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorder, dénommé DSM-553 et la Classification Inter-
nationale des Maladies, dite CIM-1154. Tous deux répertorient des entités
diagnostiques se rapportant aux réactions psychotraumatiques.

Le DSM

En 1980, suite aux séquelles traumatiques durables manifestées par


les vétérans du Vietnam, le DSM-III55 introduit dans sa nosographie un
trouble psychiatrique nommé « Post-Traumatic Stress Disorder », générale-
ment signalé par l’acronyme PTSD, traduit en français par État de Stress
Post Traumatique ou ESPTg. En 1994, l’American Psychiatric Association
effectue un pas de plus dans la reconnaissance des phénomènes post-
traumatiques en validant dans le DSM-IV le diagnostic d’Acute Stress
Disorder, ASD, en français État de Stress Aigu ou ESA.
En 2013, l’APA franchit un cap décisif en créant dans le DSM-5 un cha-
pitre distinct pour les troubles liés à des traumatismes ou à des facteurs de
stress. Initialement classés dans les troubles anxieux, l’ESA et l’ESPT migrent
donc vers cette nouvelle catégorie. Aux côtés de ces deux diagnostics, elle
rassemble le trouble réactif de l’attachement, le trouble d’engagement
social désinhibé, le trouble d’adaptation, le trouble lié aux traumatismes et
au stress spécifié et le trouble lié aux traumatismes et au stress non spécifié.

g. Voir « Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales »


dans le chapitre consacré aux conséquences à long terme, p. 147.

98
3. La phase aiguë

L’association américaine octroie ainsi aux syndromes psychotraumatiques


toute l’attention qu’ils méritent et reconnaît la diversité des formes cliniques
prises par la souffrance humaine à la suite d’une expérience délétère.
Pour que les troubles présentés puissent être qualifiés de stress aigu
ou de stress post-traumatique, il est impératif que la personne ait été
exposée à un événement adverse (critère A). Le DSM-5 ajoute aux évé-
nements traumatisants retenus dans le DSM-IV (la mort ou la menace de
mort, les blessures graves ou la menace de telles blessures et la menace
pour l’intégrité physique) une circonstance spécifique, l’agression sexuelle
et la menace d’une telle agression. Alors que le DSM-IV considérait que
seules les victimes directes (directement exposées ou témoins) pouvaient
souffrir d’un trouble post-traumatique aigu ou chronicisé, la nouvelle ver-
sion admet qu’un sujet puisse être traumatisé du fait de sa proximité
émotionnelle avec une victime directe (famille et amis proches) ou parce
qu’il a été confronté de manière extrême ou répétée à des récits sordides
en raison de ses activités professionnelles.
Autre changement significatif, le DSM-5 n’exige pas que l’individu ait
manifesté une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur face
à l’événement. Les études épidémiologiques ont démontré que l’absence
de telles émotions diminue légèrement le risque de trouble ultérieur et
que leur présence s’avère peu prédictive comparée à d’autres réactions
telles que la colère ou la honte. Ce critère lié à une réaction émotionnelle
a ainsi disparu du DSM-5. Sachant que les enfants peuvent ne manifester
aucune réaction de peur au moment de l’exposition à l’événement délé-
tère, nous ne pouvons que nous réjouir de cette modification.
Enfin, saluons une innovation décisive de cette dernière taxonomie
DSM : l’introduction d’un sous-type développemental ; l’« ESTP présco-
laire » (PTSD Preschool Subtype), destiné aux enfants jusqu’à l’âge de
6 ans. Il n’existe pas de grille diagnostique spécifique de l’ESA pour les
enfants de moins de 6 ans, mais de brèves annotations précisent la par-
ticularité de la symptomatologie chez les plus jeunes. (voir les nota bene
dans le tableau ci-dessous).
Concernant le trouble de stress aigu, les recherches menées depuis
l’avènement de l’ASA dans le DSM-IV ont poussé les auteurs à en modi-
fier les objectifs et les critères. Avec cette entité, l’APA avait pour objectif
de combler un vide nosographique, mais également de discriminer les
personnes à risque de développer une pathologie à long terme de celles
qui n’éprouvent que d’éphémères réactions de stress. Or, les études ont
prouvé que si la grande majorité des individus manifestant un tableau
de stress aigu souffrent plus tard d’un syndrome chronique, bon nombre
de victimes affectées par un ESPT n’ont pas présenté de trouble de stress
aigu. L’ESA s’est ainsi révélé un critère sensible, mais peu spécifique
à prédire le devenir des individus confrontés à un événement adverse.

99
Le traumatisme psychique

En maintenant l’ESA dans le DSM-5, l’APA ne poursuit plus l’ambition de


dépister précocement les sujets à risque de développer une future affec-
tion psychotraumatique. Cette entité se limite aujourd’hui à identifier les
victimes souffrant de réactions de stress sévère dans la période de latence
durant laquelle le diagnostic d’ESPT ne peut être posé. Dans certains
pays, par exemple aux États-Unis, cette reconnaissance peut s’avérer déci-
sive pour l’obtention du remboursement des soins de santé.
En ce qui concerne la liste des symptômes de l’ESA, elle est prati-
quement inchangée, bien que plus détaillée. Ainsi, par exemple, l’item
« une impression de déréalisation » du DSM-IV devient dans le DSM-5, une
« altération du sens de la perception de la réalité, de son environnement
ou/et de soi-même (par ex. se voir soi-même d’une manière différente,
être dans un état d’hébétude ou percevoir un ralentissement de l’écou-
lement du temps)». Un critère a été ajouté, celui d’« humeur négative »,
reconnaissant la difficulté persistante de certaines victimes de ressentir des
émotions positives telles que le bonheur, la satisfaction ou des sentiments
affectueux. Pour les enfants, il est précisé qu’ils ont tendance à exprimer
les symptômes de reviviscence au travers de jeux répétitifs exprimant des
thèmes ou des aspects du traumatisme et qu’ils peuvent rapporter des
rêves effrayants sans contenu reconnaissable.
La version actuelle n’exige plus, comme c’était le cas auparavant, de
satisfaire un nombre précis de signes par cluster. Dans le DSM-IV, l’accent
est mis sur la dissociation, trois des cinq symptômes dissociatifs de ce clus-
ter spécifique devant être rencontrés. Or, les études menées depuis près
de vingt ans prouvent que la dissociation péritraumatique n’est pas un
facteur prédictif indépendant d’un stress post-traumatique (Breh, Seidler,
2007 ; Van der Velden et al. cité in Bryant, 2013). Plus que la dissociation,
c’est l’hyperactivation neurovégétative qui semble être le pivot central
du développement d’un trouble ultérieur (Bryant, Brooks et al., 2011).
Partant du constat que la relation entre la réaction aiguë à un événement
et une pathologie à long terme est complexe et non linéaire et, compte
tenu de l’hétérogénéité des manifestations de stress aigu, la nouvelle
définition de l’ESA publiée dans le DSM-5 requiert que soient présents au
moins 9 des 14 symptômes possibles, quels que soient les clusters auxquels
ils appartiennent : intrusion, humeur négative, dissociation, évitement ou
hyperactivation. Autrement dit, les victimes d’un événement délétère en
état de stress aigu peuvent manifester une gamme de réponses incluant
ou non des symptômes dissociatifs.

La CIM

La description des syndromes d’État de Stress aigu et d’État de Stress


Post-traumatique dans la CIM-11 concerne la population adulte de struc-
ture névrotique (ou psychotique compensée) et aucun paragraphe n’est

100
3. La phase aiguë

spécifiquement dédié aux enfants. L’Organisation mondiale de la Santé


considère que les critères de ces entités diagnostiques sont applicables aux
enfants. S’il existe bien un noyau de symptômes communs aux adultes et
aux enfants, les manifestations sont toutefois fonction de l’âge des jeunes
victimes. Même si l’on peut souligner l’insuffisance pour les petits enfants,
la CIM restant une référence pour les plus grands et les adolescents, nous
avons choisi de la présenter ci-dessous.
C’est en 1992 que la CIM-10 introduit pour la première fois la réaction
aiguë à un facteur de stress et l’état de stress post-traumatique dans sa
nosographie.
Dans la classification « Troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs
de stress et troubles somatoformes », elle décrit la réaction aiguë à un
facteur de stress apparaissant dans les minutes suivant l’incident critique
et disparaissant en quelques heures, tout au plus en quelques jours. Elle
distingue ce trouble immédiat de l’état de stress post-traumatique, réac-
tion différée apparaissant quelques semaines ou mois après l’événement
traumatique, mais elle reste muette sur les manifestations présentées dans
l’entre-temps.
La CIM-11 fait migrer la réaction aiguë de stress dans une nouvelle
catégorie, celle dédiée aux « Problèmes associés à des événements nui-
sibles ou traumatisants » (Problems associated with harmful or traumatic
events). Elle précise la dénomination « trouble transitoire » retenue dans
la CIM-10 pour qualifier cette réaction en indiquant que les symptômes
peuvent relever du registre émotionnel, somatique, cognitif ou compor-
temental et souligne que ceux-ci sont à considérer comme une « réponse
normale » au regard des événements vécus.
Autre changement significatif, là où la CIM-10 restait floue sur les évé-
nements à l’origine du tableau clinique (« un facteur de stress physique
et psychique exceptionnel »), la nouvelle version indique que l’événement
ou la situation à laquelle a été exposé le sujet a pu être de brève ou
de longue durée et qu’il a été extrêmement menaçant ou horrible (par
exemple, catastrophes naturelles ou humaines, combats, accidents graves,
violences sexuelles, voies de fait).
L’absence de trouble mental et les facteurs de vulnérabilité individuels
(« Trouble survenant chez un individu ne présentant aucun autre trouble
mental », « La survenue et la gravité d’une réaction aiguë à un facteur de
stress sont influencées par des facteurs de vulnérabilité individuels et par
la capacité du sujet à faire face à un traumatisme ») n’ont pas été conser-
vés dans la nouvelle mouture.
En ce qui concerne les symptômes, l’agitation, la réaction de fuite ou
de fugue, l’état « d’hébétude » caractérisé par un certain rétrécissement
du champ de la conscience et de l’attention, l’impossibilité à intégrer des

101
Le traumatisme psychique

stimuli, la désorientation et l’amnésie n’apparaissent plus dans la réédition


de la nosographie, alors que la tristesse, les étourdissements, la confusion,
la colère, le désespoir, l’inactivité et la stupeur font leur entrée.
Alors que la CIM-10 spécifie que les symptômes « apparaissent habi-
tuellement dans les minutes suivant la survenue du stimulus ou de l’évé-
nement stressant et disparaissent en l’espace de 2 à 3 jours (souvent en
quelques heures) », la CIM-11 se montre moins précise, se contentant de
mentionner qu’ils commencent généralement à s’atténuer quelques jours
après l’événement ou après la disparition de la situation menaçante.
Trouble stress aigu 308.3 (F43.0) selon le DSM-5
A. Exposition à la mort effective ou à une menace de mort, à une blessure grave
ou à des violences sexuelles d’une (ou plus) des façons suivantes :
1. En étant directement exposé à un ou plusieurs événements traumatiques.
2. En étant témoin direct d’un ou de plusieurs événements traumatiques
survenus à d’autres personnes.
3. En apprenant qu’un ou plusieurs événements traumatiques sont arrivés
à un membre de la famille proche ou à un ami proche. N.B. Dans les
cas de mort effective ou de menace de mort d’un membre de la famille
ou d’un ami, le ou les événements doivent avoir été violents ou accidentels.
4. En étant exposé de manière répétée ou extrême à des caractéristiques
aversives du ou des événements traumatiques (p. ex. Intervenants de première
ligne rassemblant des restes humains, policiers exposés à plusieurs reprises
à des faits explicites d’abus sexuels d’enfants). N.B. Cela ne s’applique pas
à des expositions par l’intermédiaire de médias électroniques, télévision,
films ou images, sauf quand elles surviennent dans le contexte d’une activité
professionnelle.
B. Présence de neuf (ou plus) des symptômes suivants de n’importe laquelle
des cinq catégories suivantes : symptômes envahissants, humeur négative,
symptômes dissociatifs, symptômes d’évitement et symptômes d’éveil, débutant
ou s’aggravant après la survenue du ou des événements traumatiques en cause :

Symptômes envahissants
1. Souvenirs répétitifs, involontaires et envahissants du ou des événements
traumatiques provoquant un sentiment de détresse. N.B. Chez les enfants de plus
de 6 ans, on peut observer un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des aspects
du traumatisme.
2. Rêves répétitifs provoquant un sentiment de détresse dans lesquels
le contenu et/ou l’affect du rêve sont liés à l’événement/aux événements
traumatiques. N.B. Chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans
contenu reconnaissable.
3. Réactions dissociatives (p. ex. Flashbacks [scènes rétrospectives]) au cours
desquelles l’individu se sent ou agit comme si le ou les événements traumatiques
allaient se reproduire. (De telles réactions peuvent survenir sur un continuum,

102
3. La phase aiguë

l’expression la plus extrême étant une abolition complète de la conscience


de l’environnement.) N.B. Chez les enfants, on peut observer des reconstitutions
spécifiques du traumatisme au cours du jeu.
4. Sentiment intense ou prolongé de détresse psychique lors de l’exposition
à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect
du ou des événements traumatiques en cause.

Humeur négative
5. Incapacité persistante d’éprouver des émotions positives (p. ex. Incapacité
d’éprouver bonheur, satisfaction ou sentiments affectueux).
Symptômes dissociatifs
6. Altération de la perception de la réalité, de son environnement ou de soi-
même (p. ex. Se voir soi-même d’une manière différente, être dans un état
d’hébétude ou percevoir un ralentissement de l’écoulement du temps).
7. Incapacité de se rappeler un aspect important du ou des événements
traumatiques (typiquement en raison de l’amnésie dissociative et non
pas en raison d’autres facteurs comme un traumatisme crânien, l’alcool
ou des drogues).
Symptômes d’évitement
8. Efforts pour éviter les souvenirs, pensées ou sentiments concernant
(ou étroitement associés) à un ou plusieurs événements traumatiques
et provoquant un sentiment de détresse.
9. Efforts pour éviter les rappels externes (personnes, endroits, conversations,
activités, objets, situations) qui réveillent des souvenirs, des pensées
ou des sentiments associés à un ou plusieurs événements traumatiques et
provoquant un sentiment de détresse.
Symptômes d’éveil
10. Perturbation du sommeil (p. ex. Difficulté d’endormissement ou sommeil
interrompu ou agité).
11. Comportement irritable ou accès de colère (avec peu ou pas de provocation)
qui s’expriment typiquement par une agressivité verbale ou physique envers
des personnes ou des objets.
12. Hypervigilance.
13. Difficultés de concentration.
14. Réaction de sursaut exagérée.
C. La durée de la perturbation (des symptômes du critère B) est de 3 jours
à 1 mois après l’exposition au traumatisme. N.B. Les symptômes débutent
typiquement immédiatement après le traumatisme, mais ils doivent persister
pendant au moins 3 jours et jusqu’à 1 mois pour répondre aux critères
diagnostiques du trouble.
D. La perturbation entraîne une détresse cliniquement significative
ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres
domaines importants.

103
Le traumatisme psychique

E. La perturbation n’est pas due aux effets physiologiques d’une substance


(p. ex. Médicament ou alcool) ou à une autre affection médicale (p. ex. Lésion
cérébrale traumatique légère), et n’est pas mieux expliquée par un trouble
psychotique bref.

La réaction aiguë à un facteur de stress (QE84) selon la CIM-11


La réaction de stress aigu fait référence au développement de symptômes
transitoires émotionnels, somatiques, cognitifs ou comportementaux à la suite
d’une exposition à un événement ou à une situation (de courte ou longue durée)
d’une nature extrêmement menaçante ou horrible (par exemple, catastrophes
naturelles ou humaines, combats, accidents graves, violences sexuelles, voies
de fait). Les symptômes peuvent inclure des signes neurovégétatifs de l’anxiété
(par exemple, tachycardie, transpiration, bouffées de chaleur), étourdissements,
confusion, tristesse, anxiété, colère, désespoir, hyperactivité, inactivité, repli sur
soi ou stupeur.
La réponse à l’agent de stress est considérée comme normale étant donné la
gravité de l’agent de stress et commence généralement à s’atténuer quelques
jours après l’événement ou après la disparition de la situation menaçante56.

Les troubles dissociatifs

Le DSM et la CIM répertorient tous deux des entités diagnostiques se


rapportant aux troubles dissociatifs. Aucun paragraphe n’est spécifique-
ment dédié aux enfants.

Le DSM

La première édition du manuel, parue en 1952, fait mention, dans la


catégorie des « troubles psychonévrotiques », de « réactions dissociatives »
entendues comme une désorganisation importante de la personnalité.
Bien que ces phénomènes puissent donner l’impression de relever de la
psychose, ils apparaissent chez les sujets de structure névrotique. Diverses
expressions symptomatiques sont listées : la dépersonnalisation, la person-
nalité dissociée, la stupeur, la fugue, l’amnésie, l’état de rêve et le som-
nambulisme. Le DSM-I distingue la réaction dissociative de la « réaction de
conversion » et rappelle qu’« auparavant, cette réaction [dissociative] était
répertoriée comme une forme d’“hystérie de conversion” »57.
En 1968, dans la deuxième édition du DSM, l’American Psychiatric
Association répertorie, dans les « névroses », un tableau de « névrose hys-
térique de type dissociatif » qu’elle distingue de la névrose de conversion,
ainsi qu’une « névrose de dépersonnalisation (syndrome de dépersonna-
lisation) ». Dans les névroses de type dissociatif, « des altérations peuvent
survenir dans l’état de conscience du patient ou dans son identité, et

104
3. La phase aiguë

produire des symptômes tels que l’amnésie, le somnambulisme, la fugue,


et la personnalité multiple »58. Quant au syndrome de dépersonnalisation,
il est « dominé par un sentiment d’irréalité et d’éloignement par rapport à
soi-même, à son corps ou à l’environnement ». Le manuel précise qu’une
« brève expérience de dépersonnalisation n’est pas nécessairement un
symptôme pathologique ».
En 1980, le manuel DSM procède au démembrement des névroses59.
Les symptômes de dissociation sont déplacés de la classe des névroses vers
une nouvelle catégorie dénommée « trouble dissociatif ». Celle-ci regroupe
l’amnésie psychogène, la fugue psychogène, le trouble de personnalité
multiple, le trouble de dépersonnalisation et le trouble dissociatif aty-
pique. Chacun de ces diagnostics fait l’objet d’une définition à laquelle
sont adjoints des critères précisant, par exemple, que le trouble ne peut
être attribué à un abus de substances psychoactives, à une affection orga-
nique ou à une autre pathologie mentale.
En 1994, le DSM-IV modifie les appellations de quatre des cinq
troubles : l’amnésie psychogène devient l’amnésie dissociative ; la fugue
psychogène, la fugue dissociative ; le trouble de la personnalité multiple,
le trouble dissociatif de l’identité (TDI) et le trouble dissociatif atypique,
le trouble dissociatif non spécifié. L’APA souligne que « des symptômes
dissociatifs figurent parmi les critères diagnostiques de l’État de stress
aigu, de l’État de stress post-traumatique et du trouble somatisation ».
Si elle reconnaît que « dans certaines classifications, le mécanisme de la
conversion est considéré comme un phénomène dissociant », elle opte
de situer le trouble de conversion dans le chapitre des troubles somato-
formes, pour souligner qu’il est important, dans le cadre du diagnostic
différentiel du Trouble de conversion, d’évoquer certaines affections neu-
rologiques ou médicales générales. »
En 2013, dans la dernière édition du manuel, le DSM-5, l’American
Psychiatric Association apporte de nouvelles modifications significatives à
la classe des troubles dissociatifs. Les cinq syndromes actuellement retenus
sont le trouble dissociatif de l’identité, l’amnésie dissociative avec ou sans
fugue dissociative, le trouble de dépersonnalisation/déréalisation, l’autre
trouble dissociatif spécifié et l’autre trouble dissociatif non spécifié.
Dans l’entité nosographique « trouble dissociatif de l’identité », les signes
d’une perturbation de l’identité, repris dans le critère A, sont davantage
explicités. Ce critère souligne également que l’affection peut être décrite
dans certaines cultures comme une expérience de possession. Un critère C
précisant que la perturbation entraîne une souffrance ou une altération du
fonctionnement de l’individu et un critère D stipulant qu’elle ne peut être
assimilée à des pratiques culturelles et religieuses culturellement admises
ont été adjoints. Le trouble dissociatif de l’identité survenant tardivement,
nous en présenterons le tableau dans la phase à long terme.

105
Le traumatisme psychique

Dans le tableau clinique de l’amnésie dissociative, le critère A a été cla-


rifié par une note indiquant que l’amnésie peut être localisée ou sélective
ou bien encore généralisée à l’identité et à l’histoire de la vie du sujet.
Un critère (critère C), stipulant que le trouble entraîne une souffrance ou
une altération du fonctionnement, a été ajouté. En signalant l’impact
négatif de cette amnésie, ce critère permet de la différencier des oublis
concomitants aux états de transe culturellement acceptés ne relevant pas
de la pathologie.
Alors que le DSM-IV établissait des diagnostics spécifiques pour l’amné-
sie dissociative et pour la fugue dissociative, cette deuxième est aujourd’hui
considérée comme un sous-type de la première.
Dans le DSM-IV, la déréalisation était listée dans le « trouble dissociatif
non spécifié ». Dans la cinquième version du manuel, elle rejoint le trouble
de dépersonnalisation pour former le « trouble de dépersonnalisation/
déréalisation ». Les symptômes de dépersonnalisation sont complétés et
les indices de déréalisation sont spécifiés. Un nouveau critère (critère D)
indique que les troubles ne peuvent être imputés aux effets physiologiques
d’un abus d’alcool, d’un médicament ou d’une maladie.
Le DSM-IV comportait un tableau « autre trouble dissociatif non spé-
cifié » s’appliquant aux phénomènes dissociatifs ne satisfaisant la totalité
des critères d’aucun des troubles dissociatifs de la nosographie. Dans le
DSM-5, celui-ci est divisé en deux catégories : « autre trouble dissocia-
tif spécifié » et « autre trouble dissociatif non spécifié ». La première est
composée de différents diagnostics : les syndromes chroniques et récur-
rents de symptômes dissociatifs mixtes, la perturbation de l’identité due
à des environnements de persuasion coercitive intense et prolongée, les
réactions dissociatives aiguës à des événements stressants et la transe
dissociative. Les « syndromes chroniques et récurrents de symptômes dis-
sociatifs mixtes » regroupant des signes caractéristiques du « trouble de
l’identité » correspond grosso modo au premier point de l’« autre trouble
dissociatif non spécifié » du DSM-IV et « la perturbation de l’identité due
à des environnements de persuasion coercitive intense et prolongée » au
troisième point de cette ancienne entité. Le tableau de l’« état de transe
dissociatif », devenu « la transe dissociative », a été complètement remanié.
Alors que l’état de transe dissociatif était considéré comme un état de
possession propre à certaines cultures, la transe dissociative du DSM-5 est
au contraire un trouble pathologique distinct des phénomènes de transe
culturelle largement admise. Les points cinq (la perte de conscience, stu-
peur ou coma) et six (syndrome de Ganser) du « trouble dissociatif non
spécifié » du DSM-IV n’ont pas été retenus dans la cinquième version du
manuel. Le « trouble dissociatif non spécifié » actuel ne regroupe que les
phénomènes pour lesquels des informations manquent pour établir un
diagnostic plus précis.

106
3. La phase aiguë

La CIM

Dans sa nouvelle édition, la CIM-11, l’Organisation mondiale de la


Santé apporte des modifications significatives aux troubles dissociatifs.
La catégorie dédiée, dénommée antérieurement « Troubles dissociatifs
[de conversion]», devient « Troubles dissociatifs ». Le terme « conversion »,
issu des théories sur l’hystérie, a été supprimé en raison de sa référence à
la psychanalyse. Rappelons que le DSM et la CIM privilégie une posture
a-théorique. Ces nomenclatures sont basées sur l’empirisme et refusent
les explications étiologiques, en particulier d’orientation psychanalytique.
Selon la CIM-11, « les troubles dissociatifs se caractérisent par une per-
turbation ou une discontinuité involontaires de l’intégration normale d’un
ou de plusieurs des éléments suivants : identité, sensations, perceptions,
affects, pensées, souvenirs, contrôle des mouvements corporels ou du
comportement »60. La définition s’est enrichie par rapport à la version pré-
cédente de la CIM. Aux côtés des souvenirs, de l’identité, des sensations
et des mouvements corporels sont maintenant pris en considération les
perceptions, affects, pensées et contrôle du comportement. La conscience,
notion floue, a été éliminée. Pour rappel, voici comment la CIM-10 défi-
nissait les troubles dissociatifs : « Les troubles dissociatifs ont en commun
une perte partielle ou complète des fonctions normales d’intégration des
souvenirs, de la conscience, de l’identité ou des sensations immédiates et
du contrôle des mouvements corporels. »61
Tout comme la CIM-10, la CIM-11 fait figurer parmi ses catégories
diagnostiques un ensemble de troubles dissociatifs dont certains peuvent
survenir dès la phase immédiate et d’autres plus tardivement.
Dans la CIM-10, parmi les troubles pouvant se manifester dès les
phases immédiates ou post-immédiates, sont retenus l’amnésie dissocia-
tive, la fugue dissociative, la stupeur dissociative, les états de transe et de
possession, les troubles moteurs dissociatifs, les convulsions dissociatives,
l’anesthésie dissociative et les atteintes sensorielles, le trouble dissociatif
(de conversion) mixte, les autres troubles dissociatifs (de conversion), le
syndrome de Ganser, les troubles dissociatifs (de conversion) transitoires
survenant dans l’enfance et l’adolescence, les autres troubles de dissocia-
tion (troubles de conversion) et le trouble dissociatif (de conversion, sans
précision).
Dans la CIM-11, les entités « troubles moteurs dissociatifs », « convul-
sions dissociatives », « anesthésie dissociative et les atteintes senso-
rielles » ainsi que les différents troubles dissociatifs (de conversion) ont
disparu au profit d’un syndrome plus large : « le trouble neurologique
dissociatif ».
Le tableau clinique de l’amnésie dissociative a été conservé, mais légè-
rement remanié. Il n’est plus question de mémoire, mais de souvenir, et

107
Le traumatisme psychique

l’amnésie peut apparaître après un événement traumatisant, mais égale-


ment après un événement stressant.
La fugue dissociative n’est plus un diagnostic à part entière. Elle est
reprise dans l’amnésie dissociative comme c’est le cas dans le DSM-5
(amnésie dissociative avec ou sans fugue dissociative).
L’ensemble des « états de transe et de possession » a été scindé en deux
diagnostics distincts : « l’état de transe » et « la transe de possession ».
La stupeur dissociative n’est plus citée, mais le trouble de dépersonna-
lisation-déréalisation fait son apparition.
Rappelons que ces différents diagnostics de troubles dissociatifs peuvent
être posés précocement, mais également dans les troubles chroniques.
Par les différents changements opérés dans cette nouvelle nosographie
des troubles dissociatifs de la CIM, l’OMS se rapproche davantage du
DSM-5.
Troubles dissociatifs 300.12 (F44.0) selon le DSM-5
Amnésie dissociative
Critères diagnostiques 300.12 (F44.0)
A. Incapacité de se rappeler des informations autobiographiques importantes,
habituellement traumatiques ou stressantes, qui ne peut pas être un oubli
banal. N.B. L’amnésie dissociative consiste en une amnésie localisée ou sélective
pour un ou plusieurs événements spécifiques ; ou bien en une amnésie globale
de son identité et de son histoire.
B. Les symptômes sont à l’origine d’une détresse cliniquement significative
ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres
domaines importants.
C. La perturbation n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance
(p. ex. L’alcool ou d’autres drogues donnant lieu à un abus, un médicament) ou à
une autre affection neurologique ou médicale (p. ex. Des crises comitiales partielles
complexes, une amnésie globale transitoire [ictus amnésique], les séquelles
d’un traumatisme crânien ou cérébral fermé, une autre maladie neurologique).
D. La perturbation ne s’explique pas mieux par un trouble dissociatif
de l’identité, un trouble stress post-traumatique, un trouble stress aigu,
un trouble à symptomatologie somatique, un trouble neurocognitif majeur
ou léger.
Note de codage : Le code de l’amnésie dissociative sans fugue dissociative est
300.12 (F44.0). Le code de l’amnésie dissociative avec fugue dissociative est
300.13 (F44.1).
Spécifier si : 300.13 (F44.1)
Avec fugue dissociative : Voyage apparemment intentionnel ou errance en état
de perplexité associés à une amnésie de son identité ou d’autres informations
autobiographiques importantes.

108
3. La phase aiguë

Dépersonnalisation/déréalisation 300.6 (F48.1) selon le DSM-5


A. Expériences prolongées ou récurrentes de dépersonnalisation, de déréalisation,
ou bien des deux :
1. Dépersonnalisation : Expériences d’irréalité, de détachement, ou bien
d’être un observateur extérieur de ses propres pensées, de ses sentiments,
de ses sensations, de son corps ou de ses actes (p. ex. Altérations perceptives,
déformation de la perception du temps, impression d’un soi irréel ou absent,
indifférence émotionnelle et/ou engourdissement physique).
2. Déréalisation : Expériences d’irréalité ou de détachement du monde extérieur
(p. ex. Les personnes ou les objets sont ressentis comme étant irréels, perçus
comme dans un rêve, dans un brouillard, sans vie ou bien visuellement
déformés).
B. Pendant les expériences de dépersonnalisation ou de déréalisation,
l’appréciation de la réalité demeure intacte.
C. Les symptômes sont à l’origine d’une détresse cliniquement significative
ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres
domaines importants.
D. La perturbation n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance
(p. ex. Une drogue donnant lieu à un abus, un médicament) ou à une autre
affection médicale (p. ex. Des crises comitiales).
E. La perturbation n’est pas mieux expliquée par un autre trouble mental,
comme une schizophrénie, un trouble panique, un trouble dépressif caractérisé,
un trouble stress aigu, un trouble stress post-traumatique ou un autre trouble
dissociatif.
Autre trouble dissociatif spécifié 300.15 (F44.89) selon le DSM-5
Cette catégorie s’applique aux tableaux cliniques où prédominent des symptômes
caractéristiques d’un trouble dissociatif, entraînant une détresse cliniquement
significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans
d’autres domaines importants, sans toutefois remplir complètement les critères de
l’un des troubles du chapitre des troubles dissociatifs. La catégorie « autre trouble
dissociatif spécifié » est utilisée dans des situations où le clinicien choisit de
communiquer la raison particulière pour laquelle le tableau clinique ne remplit
les critères d’aucun trouble spécifique de ce chapitre. Cela se fait en enregistrant
« autre trouble dissociatif spécifié » suivi de la raison particulière (p. ex. « Transe
dissociative »). Des exemples de tableaux cliniques qui peuvent être qualifiés par
la désignation « autre trouble spécifié » sont les suivants :
1. Syndromes chroniques et récurrents de symptômes dissociatifs mixtes : Cette
catégorie inclut des perturbations de l’identité associées à des failles non graves dans
le sens du soi et de l’agentivité, ou à des altérations de l’identité ou à des épisodes
de possession chez une personne qui ne rapporte pas une amnésie dissociative.
2. Perturbations de l’identité dues à des environnements de persuasion coercitive
intense et prolongée : Les personnes qui ont été soumises à des environnements
de persuasion coercitive intense (p. ex. Lavage de cerveau, rééducation
idéologique, endoctrinement chez des prisonniers, torture, emprisonnement
politique prolongé) peuvent présenter des modifications durables ou des
questionnements conscients concernant leur identité.

109
Le traumatisme psychique

3. Réactions dissociatives aiguës à des événements stressants : Cette catégorie


s’adresse à des situations aiguës et transitoires qui durent typiquement
moins d’un mois, et parfois seulement quelques heures ou quelques jours.
Ces situations sont caractérisées par une restriction du champ de conscience,
de la dépersonnalisation, de la déréalisation, des perturbations des perceptions
(p. ex. Ralentissement du temps, macropsie), des micro-amnésies,
une stupeur transitoire et/ou des altérations du fonctionnement sensorimoteur
(p. ex. Analgésie, paralysie).
4. Transe dissociative : Cette situation est caractérisée par une restriction aiguë
ou une perte complète de la conscience de son environnement immédiat,
ce qui se manifeste par un manque profond de réactivité ou une insensibilité
aux stimuli environnementaux. Ce manque de réactivité peut être accompagné
par des comportements stéréotypés mineurs (p. ex. Mouvements des doigts)
dont la personne n’est pas consciente ou qu’elle ne peut pas contrôler, ainsi que
par des paralysies ou une perte de connaissance transitoire. La transe dissociative
ne fait pas partie des pratiques religieuses ou culturelles collectives généralement
admises.
Trouble dissociatif non spécifié 300.15 (F44.9) selon le DSM-5
Cette catégorie s’applique aux tableaux cliniques où prédominent
des symptômes caractéristiques d’un trouble dissociatif, entraînant une détresse
cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social,
professionnel ou dans d’autres domaines importants, sans toutefois remplir
complètement les critères de l’un des troubles du chapitre des troubles
dissociatifs. La catégorie « trouble dissociatif non spécifié » est utilisée dans
des situations où le clinicien choisit de ne pas spécifier la raison particulière
pour laquelle les critères d’aucun trouble dissociatif spécifique ne sont remplis,
et inclut des tableaux cliniques où l’information est insuffisante pour porter
un diagnostic plus spécifique (p. ex. Aux urgences).
Les troubles dissociatifs selon la CIM-1162
Les troubles dissociatifs se caractérisent par une perturbation ou une discontinuité
involontaires dans l’intégration normale d’un ou plusieurs des éléments suivants :
identité, sensations, perceptions, affects, pensées, souvenirs, contrôle des
mouvements corporels ou du comportement. La perturbation ou la discontinuité
peut être complète, mais elle est généralement partielle et peut varier d’un jour
à l’autre, voire d’une heure à l’autre. Les symptômes des troubles dissociatifs
ne sont pas dus aux effets directs d’un médicament ou d’une substance, y
compris les effets de sevrage, ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble
mental, comportemental ou neurodéveloppemental, un trouble veille-sommeil,
une maladie du système nerveux ou un autre problème de santé et ne font pas
partie d’une pratique culturelle, religieuse ou spirituelle acceptée. Les symptômes
dissociatifs dans les troubles dissociatifs sont suffisamment graves pour entraîner
une altération significative du fonctionnement personnel, familial, social, éducatif,
professionnel ou autre.

110
3. La phase aiguë

Le trouble neurologique dissociatif (6B60)


Le trouble neurologique dissociatif se caractérise par la présentation
de symptômes moteurs, sensoriels ou cognitifs qui impliquent une discontinuité
involontaire dans l’intégration normale des fonctions motrices, sensorielles
ou cognitives et qui ne sont pas compatibles avec une maladie reconnue
du système nerveux, un autre trouble mental ou du comportement ou un autre
problème de santé. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours
d’un autre trouble dissociatif et ne sont pas dus aux effets d’une substance
ou d’un médicament sur le système nerveux central, y compris les effets
de sevrage, ni à un trouble veille-sommeil.
L’amnésie dissociative (6B61)
L’amnésie dissociative se caractérise par une incapacité à rappeler d’importants
souvenirs autobiographiques, typiquement d’événements récents traumatisants
ou stressants, qui ne concordent pas avec l’oubli ordinaire. L’amnésie ne
se produit pas exclusivement pendant un autre trouble dissociatif et n’est
pas mieux expliquée par un autre trouble mental, comportemental
ou neurodéveloppemental. L’amnésie n’est pas due aux effets directs d’une
substance ou d’un médicament sur le système nerveux central, y compris
les effets de sevrage, et n’est pas due à une maladie du système nerveux
ou à un traumatisme crânien.
L’amnésie entraîne des déficiences importantes sur le plan personnel,
familial, social, éducatif, professionnel ou dans d’autres domaines importants
du fonctionnement.
Le trouble de transe (6B62)
Le trouble de transe se caractérise par des états de transe dans lesquels il y
a une altération marquée de l’état de conscience de l’individu ou une perte
de son sens usuel de l’identité personnelle au cours de laquelle l’individu
expérimente un rétrécissement de la conscience de son environnement immédiat
ou une focalisation inhabituelle et sélective sur les stimuli environnementaux et la
restriction des mouvements, des postures et de la parole à la répétition d’un petit
répertoire qui est ressenti comme étant hors de contrôle. L’état de transe n’est
pas caractérisé par l’expérience de remplacement par une identité alternative.
Les épisodes de transe sont récurrents ou, si le diagnostic repose sur
un seul épisode, l’épisode dure depuis au moins plusieurs jours. L’état
de transe est involontaire et non désiré et n’est pas accepté comme faisant
partie d’une pratique culturelle ou religieuse collective. Les symptômes
ne surviennent pas exclusivement pendant un autre trouble dissociatif
et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental, comportemental
ou neurodéveloppemental. Les symptômes ne sont pas dus aux effets directs
d’une substance ou d’un médicament sur le système nerveux central, y compris
des effets de sevrage, d’épuisement ou liés à des états hypnagogiques
ou hypnopompiques, et ne sont pas dus à une maladie du système nerveux,
à un traumatisme crânien ou à un trouble veilles-sommeil.
Les symptômes entraînent une détresse significative ou une altération significative
du fonctionnement personnel, familial, social, éducatif, professionnel ou autre.

111
Le traumatisme psychique

Le trouble de transe de possession (6B63)


Le trouble de transe de possession se caractérise par des états de transe dans
lesquels il y a une altération marquée de l’état de conscience de l’individu,
le sens habituel de l’identité personnelle de l’individu étant remplacé
par une identité externe « possessive », et dans lesquels les comportements
ou mouvements de l’individu sont vécus comme contrôlés par l’agent
possessif. Les épisodes de transe de possession sont récurrents ou, si le
diagnostic repose sur un seul épisode, l’épisode a duré au moins plusieurs
jours. L’état de transe de possession est involontaire et non désiré et n’est
pas accepté comme faisant partie d’une pratique culturelle ou religieuse
collective. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement lors d’un autre
trouble dissociatif et ne s’expliquent pas mieux par un autre trouble mental,
comportemental ou neurodéveloppemental. Les symptômes ne sont pas dus
aux effets directs d’une substance ou d’un médicament sur le système nerveux
central, y compris les effets de sevrage, l’épuisement ou les états hypnagogiques
ou hypnopompiques, et ne sont pas dus à une maladie du système nerveux
ou à un trouble du sommeil. Les symptômes entraînent une détresse importante
ou une déficience importante sur le plan personnel, familial, social, éducatif,
professionnel ou dans d’autres domaines importants du fonctionnement.
Le trouble de dépersonnalisation-déréalisation (6B66)
Le trouble de dépersonnalisation-déréalisation se caractérise par des expériences
persistantes ou récurrentes de dépersonnalisation, de déréalisation ou des deux.
La dépersonnalisation se caractérise par l’expérience de soi comme étrange ou
irréelle, ou par le sentiment d’être détaché de ses pensées, sentiments, sensations,
corps ou actions, ou comme si on était un observateur extérieur de ceux-ci.
La déréalisation se caractérise par l’expérience d’autres personnes, d’objets
ou du monde comme étant étrange ou irréelle (par exemple, comme dans
un rêve, lointain, brumeux, sans vie, sans couleur ou visuellement déformé) ou
par un sentiment de détachement de son environnement. Pendant les expériences
de dépersonnalisation ou de déréalisation, le test de réalité reste intact.
Les expériences de dépersonnalisation ou de déréalisation ne se produisent
pas exclusivement au cours d’un autre trouble dissociatif et ne sont
pas mieux expliquées par un autre trouble mental, comportemental
ou neurodéveloppemental. Les expériences de dépersonnalisation ou
de déréalisation ne sont pas dues aux effets directs d’une substance
ou d’un médicament sur le système nerveux central, y compris les effets
de sevrage, et ne sont pas dues à une maladie du système nerveux
ou à un traumatisme crânien. Les symptômes entraînent une détresse
ou une déficience importante sur le plan personnel, familial, social, éducatif,
professionnel ou dans d’autres domaines importants du fonctionnement.
Autres troubles dissociatifs spécifiés (6B6Y)
Autres troubles dissociatifs, non spécifiés (6B6Z)
En résumé

• Lorsque survient un événement pénible ou effrayant, les


enfants et les adolescents peuvent exprimer leur souffrance
par leur comportement et leurs attitudes, mais elle peut aussi
passer inaperçue.
• Face à une situation pénible ou effrayante, les jeunes vic-
times réagissent rarement par un stress adapté. Générale-
ment, elles manifestent des réactions de stress dépassé sous
forme d’état de choc ou d’agitation, voire de réactions méca-
niques dont l’apparente normalité est souvent trompeuse.
Ces réactions sont marquées par la détresse péritraumatique
et les symptômes dissociatifs. Les sujets prédisposés peuvent
déclencher des troubles psychopathologiques névrotiques
(hystériques, phobiques ou obsessionnels) ou des désordres
psychotiques (trouble réactionnel post-traumatique, trouble
psychotique bref, bouffées délirantes ou autres affections psy-
chotiques vraies).
• Ces réactions disparaissent souvent au bout de quelques
jours ou de quelques semaines. Cependant, certaines jeunes
victimes voient leurs troubles persister et d’autres commencent
à souffrir de symptômes préfigurant un syndrome psycho-
traumatique. D’autres encore vont inaugurer ou confirmer
une psychopathologie névrotique ou psychotique.
• Généralement, chez les jeunes victimes, le syndrome post-
traumatique apparaît rapidement après l’événement critique.
Il s’observe fréquemment dès l’âge de 3 ans. Il se caractérise

113
Le traumatisme psychique

par la reviviscence de l’événement adverse sous forme de


symptômes intrusifs (flashbacks, souvenirs répétitifs, cauche-
mars, impression que l’événement pourrait se renouveler,
phénomènes moteurs élémentaires, conduite de répétition et
jeux répétitifs, détresse et réactivité physiologique à l’expo-
sition d’indices rappelant l’événement), par l’émoussement
de la réactivité générale (désintérêt pour l’entourage et les
activités) et l’évitement des stimuli qui lui sont associés (lieux,
personnes, conversations, pensées et sentiments) ainsi que par
une hyperactivation neurovégétative.
• Les nourrissons, les enfants et les adolescents manifestent
fréquemment des troubles non spécifiques aux syndromes
post-traumatiques tels les troubles anxieux (crises d’angoisse,
agitation, surveillance inquiète de l’environnement, attache-
ment anxieux, exacerbation des peurs infantiles), des symp-
tômes dépressifs (désarroi, tristesse, sentiment de solitude,
inhibition motrice et intellectuelle, repli sur soi, sentiments de
culpabilité excessifs et inappropriés), des désordres psycho-
somatiques (symptômes neurovégétatifs, asthénie, douleurs
psychogènes, regain d’une maladie psychosomatique préexis-
tante), des perturbations du comportement (auto- et hétéro-
agressivité, conduites à risque, instabilité motrice, troubles du
sommeil, désordres alimentaires, dépendances) ainsi que des
comportements régressifs et des difficultés d’apprentissage.
• Le DSM-5 répertorie l’État de Stress Aigu englobant tant les
réactions de survenue immédiate durant au moins deux jours
que les réponses post-immédiates perdurant jusqu’à quatre
semaines après l’incident. La CIM-11 décrit la réaction aiguë à
un facteur de stress apparaissant dans les minutes suivant l’in-
cident critique et disparaissant en quelques heures, tout au plus
en quelques jours. Les catégories diagnostiques du DSM et de
la CIM comptent un ensemble de troubles dissociatifs pouvant
apparaître dans l’après-coup d’un événement traumatique.

114
Vérifiez vos connaissances

• Qu’est-ce qu’un traumatisme silencieux ?


• Citez et détaillez les trois modes réactionnels du stress
dépassé.
• Quels sont les symptômes immédiats les plus prédictifs
d’un trouble psychotraumatique ultérieur ?
• Nommez et définissez trois symptômes intrusifs.
• Dans le décours d’un incident critique, les jeunes victimes
manifestent fréquemment des troubles non spécifiques aux
syndromes post-traumatiques. Quels sont les plus fréquents ?
• Quelles sont les manifestations anxieuses spécifiques aux
enfants ?
• Le DSM-5 et la CIM-11 répertorient des entités diagnos-
tiques se rapportant aux réactions psychotraumatiques mani-
festées dans le décours d’un événement potentiellement
traumatisant. Comment se nomment-elles ?

115
Notes

1 « Pathognomonique » se dit d’un signe ou d’un symptôme spécifique d’une affection


suffisant à lui seul à poser le diagnostic.
2 Terme emprunté à Wallerstein et collaborateurs. Ces auteurs nomment ainsi les effets
retardés du divorce sur les enfants. Voir L. Wallerstein, J. Lewis & S. Blakeslee (1990), The
Unexpected Legacy of Divorce : The 25 Year Landmark Study, New York, Hyperion Books.
3 G. Vila (2004), Maltraitances sexuelles. Quels sont les éléments permettant d’éva-
luer les risques de conséquences à moyen et long termes ?, in Fédération française de
psychiatrie, Conséquences des maltraitances sexuelles : reconnaître, soigner, prévenir, http://
lincesteparlonsen.org/articles/EVALUA~1.PDF.
4 C’est à Pierre Janet que l’on doit le concept de dissociation. Près d’un siècle plus
tard, dans les années 1980, ses travaux seront redécouverts par les psychiatres améri-
cains. Cette notion sera intégrée au DSM-III-R sous l’appellation « trouble dissociatif ».
Voir P. Janet (1885), « Note sur quelques phénomènes de somnambulisme », Bulletin de la
Société de Psychologie physiologique, vol. 1, 24-32 & Revue Philosophique, vol. 21-1 (1886),
190-198 ; P. Janet (1886), « Les phases intermédiaires de l’hypnotisme », Revue Scientifique
(Revue Rose), 3e série, vol. 1 (vol. 23), 577 – 587 ; P. Janet (1886), « Les actes inconscients
et le dédoublement de la personnalité pendant le somnambulisme provoqué », Revue
Philosophique, vol. 22-III, 577-592.
5 Définition de la CIM-10, F44. La CIM-10 est la dixième révision de la Classification
Internationale des Maladies dont l’appellation complète est Classification statistique interna-
tionale des maladies et des problèmes de santé connexes (en anglais, International Statistical
Classification of Diseases and Related Health Problems ou ICD-10). Elle est publiée par l’OMS.
La onzième version est parue en 2019.
6 Départ soudain sans but préalablement établi et réfléchi.
7 Sens altéré de l’expérience de la réalité.
8 Sens altéré du rapport à soi-même et à son corps.
9 La décorporalisation ou décorporéisation est une forme de dépersonnalisation caracté-
risée par un sentiment d’atteinte de l’intégrité corporelle. Elle se manifeste par une impres-
sion de pesanteur ou d’immatérialité, par une sensation de modification de la densité, du
volume (corps dilaté ou rétréci) ou de la forme du corps ainsi que par la sensation d’une
dissociation de son enveloppe corporelle (impression de flotter au-dessus de son corps).
10 Amnésie partielle ou totale de l’événement critique.
11 Limitée à la période de confusion.
12 P. Birmes, A. Brunet, D. Carreras, J.L. Ducasse, J.P. Charlet, D. Lauque,
H. Sztulman & L. Schmitt (2003), “The predictive power of peritraumatic dissociation
and acute stress symptoms for posttraumatic stress symptoms : a three-month prospective
study”, Am J Psychiatry 2003, 160, 1337-9 ; J. Difede, J.T. Ptack, J. Roberts, D. Barocas,
W. Rives & W. Apfeldorf (2002), “Acute stress disorder after burn injury : a predictor of
posttraumatic stress disorder?”, Psychosom Med 2002, 64, 826-34.
13 État caractérisé par une baisse du niveau de la vigilance (désorientation spatio-tem-
porelle, onirisme, amnésie lacunaire) avec conservation de certains automatismes.
14 Les conversions regroupent des troubles disparates sans cause organique pouvant
toucher tous les organes et fonctions corporelles.
15 Une phobie est une anxiété intense et incontrôlée ressentie par une personne lors-
qu’elle est en présence d’objets ou de situations qui n’ont pas en eux-mêmes de caractère
dangereux. Cette névrose trouve son origine dans un conflit intrapsychique.
16 Dans l’obsession, à l’inverse de la phobie, l’anxiété peut être déclenchée sans que
l’objet ou la situation soit présent ; l’idée seule suffit.
17 J. Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses Universitaires
de France, coll. Que sais-je ?

116
18 Par exemple, pour notre part, nous les associons davantage aux états de transe et
de possessions repris dans les troubles dissociatifs de la CIM-10 qu’au trouble psychotique
transitoire de la même nosographie. Nous les rapprochons également de ce que Crocq
nomme l’état confusionnel post-émotionnel (L. Crocq [1999], Les traumatismes psychiques
de guerre, Paris, Odile Jacob).
19 Terminologie du DSM-5. Le DSM-5 est la cinquième édition du Diagnostic and
Statistical Manual of Mental Disorder de l’American Psychiatric Association.
20 Selon le CIM-10.
21 Nous rejoignons Bessoles pour qui ce type de psychose serait post-traumatique
(P. Bessoles [2006], « Psychose post-traumatique : contribution à une théorisation dyna-
mique du traumatisme aigu post-immédiat », L’Encéphale, vol. 32, no 5, 1, 729-737).
22 Voir M.S. Scheeringa et al. (1995), “Two Approaches to the Diagnosis of Post-traumatic
Stress Disorder in Infancy and Early Childhood”, J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1995, 34,
191-200 ; L.C. Terr (1988), “What Happens to Early Memories of Trauma? A Study of Twenty
Children Under Age Five at the Time of Documented Traumatic Events”, J Am Acad. Child Ado-
lesc Psychiatry, 27, 96-104 ; G. Vila & M.C. Mouren-Simeoni (1999), « État de stress post-trauma-
tique chez le jeune enfant : mythe ou réalité ? », Annales médico-psychologiques, 157, 456-469.
23 Les troubles de la conduite sexuelle et les comportements sexuels précoces doivent
dans tous les cas faire suspecter des abus sexuels. On se rappellera néanmoins qu’ils ne
constituent pas une preuve irréfutable d’agression sexuelle. En effet, les enfants manifestent
généralement une grande curiosité sexuelle. À l’adolescence, les bouleversements hormo-
naux et pulsionnels stimulent également cet intérêt. La masturbation, même intensive, est
banale avant l’âge de 3 ans. De plus, l’enfant peut reproduire des scènes qu’il a surprises
(par exemple, adultes se livrant à des rapports sexuels en réalité ou à la télévision).
24 Pour banales qu’elles puissent être, ces déclarations doivent être interrogées lors-
qu’elles sont couplées à d’autres signes préoccupants.
25 Le système neurovégétatif, également appelé système nerveux autonome, est
constitué des systèmes orthosympathique et parasympathique.
26 Cerveau, cœur, intestin, poumons, etc.
27 Respiration, circulation sanguine, digestion, excrétion de l’urine et des matières fécales.
28 R.A. Bryant, A.G. Harvey, R.M. Guthrie & M.L. Moulds (2000), “A prospective
study of psychophysiological arousal, acute stress disorder and posttraumatic stress disor-
der”, J Abnorm Psychol 2000, 109, 341-4.
29 Ces troubles sont dits non spécifiques dans la mesure où on les retrouve dans des
affections mentales autres que les syndromes psychotraumatiques. Nous préférons la dési-
gnation « symptômes non spécifiques » à celles de « pathologies associées » et de « symp-
tômes co-morbides » fréquemment utilisées. En effet, de notre point de vue, ces troubles
font partie intégrante des syndromes psychotraumatiques, les symptômes pathognomo-
niques ne constituant qu’une fraction du tableau que peuvent manifester les personnes
souffrant des suites d’un événement traumatique.
30 Accident vasculaire cérébral.
31 J. Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses Universitaires
de France, coll. Que sais-je ?
32 Défécation involontaire ou incontinence (impossibilité de retenir des selles sans
cause organique). L’encoprésie est un moyen pour certains enfants d’exprimer leur oppo-
sition ou leur agressivité. Elle est nettement plus rare que l’énurésie.
33 Défini au début des années 1950 par Donald Winnicott, pédiatre, psychiatre et
psychanalyste britannique, l’objet transitionnel est un objet privilégié choisi par l’enfant,
généralement doux au toucher, permettant au bébé de lutter contre l’angoisse de type
dépressif (angoisse de perte d’objet, soit de l’objet maternel).
34 Un car-jacking est un vol de véhicule avec usage de violence et/ou de menace
vis-à-vis du conducteur.
35 Pratique qui consiste à provoquer une asphyxie par strangulation à l’aide d’un lien.
Ces « jeux » portent différents noms : jeu du foulard, rêve indien, rêve bleu, cosmos, jeu
de la tomate, jeu de la grenouille, etc. Ils ne sont pas l’apanage des jeunes traumatisés,
mais ils risquent de les attirer plus encore que leurs pairs.

117
36 Par exemple, le petit pont massacreur ou jeu de la cannette, le jeu du carton rouge,
le happy slapping (vidéo-lynchage), etc. Pas plus que les jeux d’évanouissement, ils ne
sont spécifiquement pratiqués par les enfants et les adolescents ayant traversé une épreuve
traumatogène, mais ils peuvent constituer pour eux un exutoire séduisant.
37 Rouler vite, sans casque en deux roues, sans ceinture en voiture, etc.
38 Infections sexuellement transmissibles.
39 L’ordalie est un rite judiciaire faisant appel au jugement divin pour trancher de l’inno-
cence ou de la culpabilité d’un prévenu. Elle a été pratiquée en Europe jusqu’au Moyen Âge
et l’est encore de nos jours dans certaines peuplades africaines. L’ordalie soumet l’accusé à une
épreuve qu’il réussit si les dieux ou les esprits le considèrent innocent (par exemple, aux temps
anciens, traverser un bûcher sans se brûler ou en Afrique, survivre à l’absorption d’un poison).
Contrairement à l’ordalie, dans les conduites ordaliques, le sujet joue sa vie de son plein gré.
40 La frontière entre conduites ordaliques et comportements suicidaires est néanmoins
parfois très ténue.
41 L’espace « transitionnel » ou « potentiel » défini par Winnicott est une « aire inter-
médiaire » ni intérieure ni extérieure, un « espace paradoxal » entre la réalité intérieure de
l’enfant et la réalité extérieure (entre le Moi et le non-Moi, le dedans et le dehors). L’objet
transitionnel (le doudou) constitue le signe le plus visible des processus transitionnels.
42 Trouble caractérisé par un besoin excessif de sommeil manifesté par un allonge-
ment de la durée de la nuit et une somnolence diurne.
43 Ingestion répétée de substances non comestibles (terre, cailloux, papier, ficelles, che-
veux, etc.), alors que l’enfant est en âge de distinguer les objets des aliments (soit après 18 mois).
44 Ingestion d’excrément.
45 Régurgitation volontaire du bol alimentaire dans la bouche, suivie de sa remasti-
cation avant une nouvelle déglutition.
46 Les troubles somatoformes regroupent les troubles fonctionnels et les douleurs sans
cause organique et les maladies psychosomatiques avec atteinte lésionnelle.
47 Évanouissements de brève durée.
48 Perception inhabituelle des battements du cœur, généralement désagréable.
49 Accélération du rythme cardiaque.
50 « Psychogène » se dit d’un trouble ou d’une affection dont l’origine est purement
psychique.
51 Douleur localisée dans l’estomac.
52 On appelle « anisme » la contraction paradoxale du sphincter anal externe au cours
d’un effort de défécation.
53 American Psychiatric Association (2015), DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique
des troubles mentaux, 5e édition, Elsevier Masson).
54 World Health Organization (WHO) (2019), ICD11 Browser application, Geneva.
55 Le DSM-III est la troisième édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental
Disorder, American Psychiatric Association, 1980.
56 https://icd.who.int/browse11/l-m/en. Traduction de l’auteure. Dans la suite de l’ou-
vrage, les extraits de la CIM sont publiés avec l’autorisation de l’Organisation mondiale
de la Santé. La CIM-11 n’étant, au moment de la mise sous presse de cet ouvrage, pas
encore finalisée ni traduite en français, les extraits de la CIM-11 sont traduits par l’auteure.
57 Traduction de l’auteure.
58 Traduction de l’auteure.
59 Rappelons qu’en 1980, le DSM s’efforce d’effacer toute référence à une théorique
spécifique. La névrose, renvoyant aux théories psychanalytiques, disparaît de la nosogra-
phie et ses symptômes se voient redistribués dans d’autres tableaux.
60 https://icd.who.int/browse11/l-m/en. Traduction de l’auteure.
61 (CIM-10, F44).
62 https://icd.who.int/browse11/l-m/en. Traduction de l’auteure.

118
4 La phase à long terme

Au bout de quelques jours ou de quelques semaines, les signes patho-


gnomoniques du traumatisme et les symptômes non spécifiques apparus
dans les premières semaines suivant l’événement pénible ou effrayant
vont soit disparaître soit se perpétuer plusieurs mois ou années, voire
toute la vie des sujets. Les psychopathologies névrotique ou psychotique
peuvent également se confirmer chez les individus les plus fragiles.

Les syndromes psychotraumatiques

La persistance des réactions au-delà de quelques semaines après l’in-


cident critique, voire l’apparition de signes supplémentaires ou plus
intenses, fait suspecter l’installation d’un véritable traumatisme psychique
et l’évolution vers la chronicité. Longtemps après les événements, lorsque
l’enfant grandit, de nouveaux symptômes peuvent encore s’ajouter au
tableau (par exemple, des sentiments de culpabilité chez les victimes
d’abus sexuelsa). Rappelons également que dans les premiers temps après
l’événement, certaines jeunes victimes ne manifestent pas de signe visible
de souffrance (traumatisme silencieux). Certaines verront cependant leur
état psychique se dégrader, parfois après plusieurs années, par exemple
à la faveur d’un stress important ou d’une exposition à un événement qui
évoque directement ou symbolique-
ment la scène initiale1.
COMPRENDRE
La sémiologie psychotraumatique
Le type et la gravité des événements
à long terme, différée et chronique
(traumatismes complexes de types II et
comprend trois volets : l’état de stress
III), le stade du développement de la vic-
post-traumatique, les symptômes non
time au moment de son occurrence et la
spécifiques et la réorganisation de
capacité de soutien de l’entourage sont
la personnalité. Il recouvre un large
quelques-uns des facteurs déterminant la
éventail de tableaux cliniques s’éten-
chronicité du syndrome traumatique.
dant des formes paucisymptoma-
tiques2 aux cas sévères organisés en
névrose traumatique en passant par les états modérés.
L’état de stress post-traumatique est restrictif et tient compte principa-
lement des symptômes traumatiques pathognomoniques. Or la plupart

a. Voir infra, p. 126.

119
Le traumatisme psychique

des victimes ne présentent pas, ou pas uniquement, ce type de manifes-


tations, mais souffrent de désordres anxieux, de signes de dépression, de
troubles du comportement et/ou de somatisations. Ces symptômes non
spécifiques peuvent prédominer, voire occulter, une symptomatologie
traumatique plus discrète. Outre ces divers symptômes, la personnalité
de certains enfants subit des transformations notables. Cette organisation
morbide de la personnalité signe la névrose traumatique, phase ultime
du syndrome traumatique.

L’état de stress post-traumatique

L’état de stress post-traumatique regroupe les symptômes pathogno-


moniques des syndromes psychotraumatiques, à savoir les reviviscences,
les conduites d’évitement et l’activation neurovégétativeb.
Ces troubles s’accompagnent d’un ensemble de réactions aux niveaux
émotionnel, cognitif, comportemental et somatique.
• Au niveau émotionnel. Parmi les réactions émotionnelles commu-
nément observées chez les victimes, retenons la peur, l’anxiété et
l’angoisse (troubles manifestés de jour par des peurs irrationnelles
et incontrôlées, des frayeurs, des terreurs, des crises d’angoisse, des
pseudo-phobies, des conduites d’évitement et la nuit par un sommeil
agité, des réveils en sursaut, des terreurs nocturnes), la tristesse, le
désespoir, l’apathie, la perte de curiosité et de motivation pour tout,
les sentiments de honte et de culpabilité, l’altération de la capacité à
désirer, à vouloir et à se projeter dans l’avenir, la colère, etc.
• Au niveau cognitif
– Le syndrome de répétition. C’est à Otto Fenichel, médecin et psy-
chanalyste autrichien, que l’on doit, en 1945, la première descrip-
tion de ce syndrome3. Les flashbacks, les souvenirs répétitifs, les
cauchemars, l’impression que l’événement pourrait se renouveler
ainsi que la détresse et la réactivité physiologique en constituent les
différentes modalités. Ce syndrome pathognomonique occupe une
place centrale dans la clinique du post-traumatisme.

Jean, grièvement blessé à 16 ans au cours d’une fusillade au cours


de laquelle son père a été tué, nous dit : « Ça s’est passé il y a plus
de 25 ans et tous les jours, je me réveille en pensant à ces mots :
“tueries du Brabant”4. Il n’y a pas eu un jour depuis que c’est arrivé
où je n’y ai pas pensé. Ce n’est pas que je veux y penser. Je ne veux

b. Voir supra « L’apparition d’un syndrome post-traumatique » dans le chapitre consa-


cré aux réactions post-immédiates, p. 78.

120
4. La phase à long terme

pas y penser, mais c’est plus fort que moi. Je n’ai pas d’images, mais
je pense à ces mots “tueries du Brabant”. »

Zoaria, une jeune adolescente, a 14 ans au moment des attentats


meurtriers de Paris. Deux ans et demi plus tard, elle témoigne :
« Mon père est sorti de l’appartement et il est descendu dans la
rue. J’avais peur pour mon père, alors j’ai eu le courage de regar-
der par la fenêtre et j’ai vu une femme blessée à la jambe droite
au niveau de la cuisse et elle hurlait “à la mort”. Je cherchais mon
père des yeux et tout ce que je voyais, c’était du sang au sol. Et
là, j’ai vu mon père torse nu ; il ne portait plus le t-shirt noir avec
un sabre laser rouge où il est écrit “Je suis ton père”. Après, je suis
montée chez les voisins qui ont deux filles qui sont amies avec moi.
J’étais inquiète pour mon père. Vers minuit, il est monté chez les
voisins pour me dire qu’il allait au commissariat de police et que
je restais dormir chez les voisins. Je n’ai pas réussi à m’endormir
avant que mon père ne soit revenu du commissariat, il était 5h du
matin. Le lendemain, je n’ai pas voulu redescendre à la maison le
matin. Je suis redescendue plus tard, vers 13h, et mon père m’a dit :
“Heureusement que tu n’es pas descendue, car la tente de police
scientifique était ouverte du côté de notre fenêtre et on voyait les
corps recouverts de draps”. Aujourd’hui encore, quand je ne suis pas
bien et que mon moral est au plus bas, j’entends les coups de feu
et le cri de cette dame blessée à la jambe. »

– Les symptômes dissociatifs. Longtemps après l’incident critique, les


enfants et les adolescents peuvent manifester des symptômes dissocia-
tifs tels la dépersonnalisation, la déréalisation et les conduites de répé-
tition (répétition de comportements effectués pendant l’événement).
– L’altération des capacités cognitives. Les jeunes victimes présentent fré-
quemment un affaiblissement de leurs facultés mentales d’attention,
de concentration intellectuelle, de raisonnement et de réflexion ainsi
qu’une fatigabilité psychique (parfois accompagnée de céphalées lors
d’efforts intellectuels).
– Les troubles de mémoire. Les enfants et les adolescents peuvent souffrir
de rappels spontanés, répétitifs et envahissants de l’événement trauma-
tique (syndrome de répétition). S’ils ont vécu des événements répétés
(dans le cas des traumatismes complexes), ils constatent parfois en
grandissant qu’ils ont oublié des pans entiers de leur histoire.

Jérémie a grandi au sein d’un foyer aux prises avec la violence. Il


raconte : « Je me souviens de ma chambre, mais c’est à peu près tout.

121
Le traumatisme psychique

Oui, aussi de quelques objets dans le salon, mais ça se limite à pas


grand-chose. Et de ce que j’y ai vécu, seulement quelques flashs.
Je vois ma mère assise par terre, il est derrière elle, il lui tient les
mains en l’air et il lui donne des coups de pied dans les reins. J’ai
aussi un souvenir à la mer où je cours avec un cerf-volant. Un mauvais
souvenir et un bon, c’est pas bien lourd… Même de l’école, je ne me
souviens pas… J’ai l’impression de ne pas avoir de racines. Je n’ai
pas d’histoires d’enfance. On m’a volé mon enfance. C’est comme
si je n’avais pas vécu pendant toutes ces années. Je me demande
comment on peut oublier autant de choses… J’avais 15 ans quand
mon père a quitté ma mère et qu’on a déménagé. Après, j’ai des
souvenirs, plein de souvenirs, des bons, des mauvais, une vie d’ado,
quoi ! C’est impressionnant, non, de ne se souvenir de rien jusqu’à
ses 15 ans ? »

Ils peuvent également manifester des oublis récurrents concernant


la vie courante (avec pour conséquence, par exemple, d’égarer
leurs effets personnels, d’oublier leurs cahiers à l’école ou à la
maison, etc.), des difficultés à se remémorer certains événements
(trouble de la mémoire d’évocation) ou à mémoriser de nouvelles
informations (troubles de la mémoire de fixation).
– Une perturbation des schémas cognitifs. La compréhension que les
enfants et les adolescents ont d’eux-mêmes, des adultes, des évé-
nements, de la vie et du futur est déterminée par un entrelacs de
croyances de base, de présuppositions et de représentations men-
tales5 qui constituent leur cadre de référence. Les conceptions telles
que les adultes sont bons, protecteurs, courageux et invincibles,
que la vie poursuit un but (se marier, avoir des enfants, bâtir une
maison, exercer une profession, etc.) ou que l’univers est sensé,
prédictible et logique (par exemple, en étant gentil et obéissant,
on obtient de bonnes choses ; en étudiant, on réussit ; les personnes
âgées meurent avant les jeunes, etc.) s’en trouve ruinées. A contrario,
d’autres croyances de soi, du monde et du futur vont se construire
ou être renforcées. Ainsi, l’enfant pourra penser qu’il ne vaut rien,
qu’il ne mérite que des mauvaises choses et qu’il n’est pas digne
d’être aimé, que la vie peut basculer brutalement et tragiquement
à tout moment, que le monde est malveillant et dangereux, qu’on
ne peut accorder sa confiance à personne, etc. Ces « pensées auto-
matiques » négatives induisent une distorsion de la réalité propice
aux erreurs d’interprétation et de jugement et constituent un facteur
de risque dépressif6.
Les troubles cognitifs peuvent entraîner des difficultés d’apprentis-
sage et des échecs scolaires.

122
4. La phase à long terme

• Au niveau comportemental. L’impact traumatique se manifeste par


des conduites d’évitement, par des troubles du sommeil et de l’appé-
tit, par des dépendances, voire par un comportement inhabituel ou
étrange. L’hyperactivation neurovégétative se traduit notamment sur
le plan comportemental par un état d’alerte (hypervigilance, difficulté
à se reposer, à se relaxer, à s’endormir) et par des réponses motrices
plus rapides (réaction exagérée de sursaut, agressivité).

Les symptômes non spécifiques


aux syndromes post-traumatiques

Outre les troubles anxieux et dépressifs, les comportements régressifs


et les difficultés d’apprentissage, les troubles du comportement et les
désordres somatoformes déjà décrits dans le chapitre consacré aux réac-
tions post-immédiates, les jeunes victimes peuvent au cours du temps
développer des nouveaux symptômes.

Les troubles anxieux

Les crises d’angoisse, les pseudo-phobies, l’agitation désordonnée, la sur-


veillance inquiète de l’environnement, les peurs infantiles et l’attachement
anxieux apparus dans le décours de l’événement adverse peuvent durer long-
temps. Avec le temps, chez les plus grands, cette anxiété peut se manifester
sous forme de trouble d’hyperanxiété7 (anxiété chronique avec plaintes soma-
tiques) ou d’anxiété généralisée8, plus diffuse, mais fréquemment morbide.
De plus, les jeunes victimes se montrent également souvent plus réactives que
leurs pairs face aux stress ordinaires de la vie quotidienne.

Depuis que Laure, 6 ans, a été sévèrement mordue par un chien, elle
se montre craintive et se plaint fréquemment de maux de ventre. Aupa-
ravant prompte à accepter les invitations à déloger chez ses grands-pa-
rents ou ses amies, elle répugne aujourd’hui à quitter son domicile.

Notons que le développement et l’installation des troubles anxieux


peuvent être influencés par l’attitude de l’entourage direct. Ainsi, les
parents anxieux, concevant de nombreuses situations comme menaçantes,
ont tendance à surprotéger leurs enfants et à les encourager à adopter des
conduites d’évitement. De même, les angoisses et les peurs des enfants
et des adolescents peuvent être entretenues par les propos inquiets des
adultes quant à la disparition d’un proche, la guerre, le terrorisme, la
potentialité d’un nouveau séisme, les séquelles et les handicaps résul-
tant d’un accident, les difficultés financières consécutives à l’événement,
l’avenir, etc.

123
Le traumatisme psychique

Les troubles dépressifs

Les jeunes victimes ayant traversé des événements délétères extrêmes


ou répétés manifestent fréquemment des symptômes dépressifs allant de
la simple tristesse à des états dépressifs francs.

COMPRENDRE
Dès le plus jeune âge, les enfants peuvent présenter une souffrance dépressive patente. La dépression du
nourrisson, heureusement rare, est dite anaclitique. Le terme « anaclitique » indique qu’elle est une réaction
à la perte d’objet80. En effet, elle est liée à la séparation réelle de la figure d’attachement principale (par
exemple, décès de la mère, hospitalisation, placement en institution, etc.) ou à son absence « psychique »
(mère happée par ses difficultés personnelles incapable de satisfaire les besoins affectifs de sa progéniture).
Son processus dynamique diffère fondamentalement de celui qui prévaut dans la dépression de l’adulte.
La dépression du tout-petit est plus proche de l’indifférence morne que de la tristesse : les bébés sont
apathiques (atonie thymique81 sans pleurs ni larmes), leurs gestes sont rares et ralentis et leur regard fixe,
très profond, contraste avec une mimique pauvre. Ce tableau est parfois associé à des conduites répéti-
tives et monotones (se balancer, mordiller sans lien avec la dentition, se masturber à l’excès, se cogner la
tête, etc.)82. Dans les cas les plus graves, cette dépression anaclitique évolue vers l’hospitalisme83.

Le risque de développer un trouble dépressif s’accroît lorsque l’enfant


grandit, en particulier à l’adolescence. Les symptômes se traduisent pas
un malaise affectif profond, de la tristesse, du désespoir, des idées et des
conduites suicidaires, une baisse du sentiment de valeur personnelle et
d’estime de soi (sentiment d’inutilité), de l’ennui, des sentiments de soli-
tude, de la passivité, de la négligence (par exemple, tendance à égarer ses
affaires, à négliger son hygiène, etc.), une inhibition motrice et intellec-
tuelle, un blocage des émotions ainsi que par des sentiments de précarité
de l’existence et d’avenir bouché (désintérêt affirmé par rapport à la sco-
larité actuelle, à l’activité professionnelle future et à la vie sociale). Notons
que les fantasmes d’absence d’avenir peuvent être fortement influencés
par l’attitude et le discours des adultes de l’entourage.

Depuis l’incendie qui a détruit sa maison, André, 9 ans, traîne comme


une âme en peine. Il se plaint d’ennui, mais refuse toutes les propo-
sitions d’activité que sa mère lui soumet.

Alexandra témoigne : « Je pensais tout le temps à me jeter par la


fenêtre. C’était le seul moyen que je voyais pour sortir. Et il fallait que
je sorte pour me protéger. Vous vous rendez compte, je voulais mourir
pour me protéger de celle qui m’avait donné la vie. Heureusement,
je ne l’ai pas fait… »

124
4. La phase à long terme

Lorsqu’ils ont des réactions de retrait, outre le fait qu’ils délaissent


leurs activités (loisirs, scolarité) et leurs relations habituelles (parents, amis,
famille, etc.), les enfants et les adolescents ont tendance à se réfugier dans
l’imaginaire (échappée dans la rêverie). Si ce repli sur soi se prolonge, il
entraîne une perte des acquis intellectuels et psychomoteurs pouvant aller
jusqu’à la régression à un stade antérieur du développement. Ce retrait
diffère également, voire interrompt, la socialisation, altérant le rapport
au monde et aux autres et provoquant une perte progressive de contact
avec la réalité. Dans les cas les plus sévères, les jeunes victimes s’isolent
de leur entourage, se réfugiant, mutiques, dans un coin ou dans leur lit,
parfois en position fœtale.

La vie d’Alex, 10 ans, a été émaillée d’événements pénibles : nom-


breux décès inopinés de proches, décompensation psychotique de son
père en sa présence et maltraitances graves de la part d’un condis-
ciple (coups et blessures volontaires, chute dans les escaliers provo-
quée intentionnellement, etc.). Alex n’a pas d’amis. Il ne souhaite pas
recevoir ses compagnons de classe à la maison et décline les invita-
tions à se rendre aux fêtes qu’ils organisent ; à l’école, à l’heure de la
récréation et du déjeuner, il se tient seul, à l’écart de tous. Il se plaint
fréquemment de douleurs abdominales, n’a pas d’appétit et rencontre
d’importantes difficultés d’apprentissage. Il s’exprime peu et avec dif-
ficulté. Il répète souvent : « Je suis nul » et a déjà évoqué ses idées
suicidaires. Il est très fréquemment réveillé par ses cauchemars. Il rêve
parfois que toute sa famille se suicide en raison de sa nullité.

Bruno raconte : « Quand j’étais petit, je me réfugiais dans une bulle de


silence. À l’école, dans la famille, je ne me sentais pas à ma place,
nulle part. J’avais peur de ma mère qui criait tout le temps, j’avais
peur de ma belle-mère [la seconde épouse du père] qui me frappait,
j’avais peur des enfants à l’école. J’étais différent : j’étais étranger
[Bruno a été adopté], j’étais petit. Je ne me sentais pas à la hauteur.
J’avais un sentiment d’insécurité en permanence. Je partais dans mon
monde imaginaire pour échapper aux gens. Les gens pensaient que
je n’étais pas normal, que j’étais débile. Ils se moquaient de moi
parce que j’étais tout le temps dans la lune. Je ne comprenais pas ce
qu’on me disait. Je restais tout seul. Je n’avais aucun ami. Je restais
immobile, des heures, perdu dans mon monde imaginaire. »

Chez les jeunes victimes, plus fréquemment que chez l’adulte, la


dépression peut se traduire par des troubles psychosomatiquesc. Elle peut

c. Voir infra, p. 132.

125
Le traumatisme psychique

aussi être masquée par des troubles du comportement. En effet, l’ins-


tabilité motrice, les conduites régressives, les troubles alimentaires, les
protestations, les revendications, les agissements agressifs, les passages
à l’acte délinquant, etc., peuvent être une défense contre la dépression.
Chez la plupart, l’humeur alterne entre des attitudes de lutte manifestées
par des perturbations du comportement (agitation, agressivité, etc.) et
l’effondrement dépressif (tristesse, inhibition motrice, repli sur soi, etc.).
On parle alors de dépression hostile ou agressive, l’hostilité faisant partie
à part entière du tableau dépressif13.
Nous l’avons vu, dans le décours d’un événement délétère, les enfants
et les adolescents éprouvent fréquemment des sentiments de culpabilité
excessifs ou inappropriés. Ces sentiments peuvent également apparaître
tardivement, en particulier dans le cas de violences intrafamiliales répé-
tées et d’abus sexuels.
Dans les cas d’abus sexuels, l’enfant ou l’adolescent peut se sentir
coupable parce qu’il se croit responsable des actes qu’il a subis. N’ayant
pas repoussé ni dénoncé l’auteur, il a le sentiment d’avoir approuvé l’acti-
vité sexuelle. Il s’accuse d’y avoir consenti, voire de l’avoir instiguée en
charmant ou en aguichant l’adulte. Ces sentiments de culpabilité sont
d’autant plus intenses que l’auteur l’accable en lui renvoyant une image
de séducteur et de provocateur. Ils sont fortement renforcés s’il a res-
senti du plaisir ou retiré un bénéfice secondaire du rapprochement intime
(cadeaux, passe-droits, etc.). Plus la jeune victime grandit, plus elle peut
souffrir de s’en être laissé compter et de ne pas avoir tenté de faire cesser
les abus ou de les avoir tus.

Sophie se remémore : « Au début, je dois dire que je ne pensais rien


de spécial. À la limite, c’était normal. Mon grand-père me disait qu’il
m’aimait et que j’étais sa petite préférée. Il me disait que ces caresses
qu’il me faisait, c’était pour me faire plaisir à moi et que toutes les
femmes aiment ça. Et à la vérité, ce n’était pas désagréable. Puis, en
grandissant, ça m’a rendue dingue. Je m’en voulais terriblement. Je
me disais que j’étais idiote. Comment avais-je pu être aussi stupide ?
Il me disait que je ne devais rien dire, que c’était notre secret à nous
deux, que j’étais une grande fille et que j’étais assez intelligente pour
pouvoir garder un secret. Il disait des trucs du genre qu’il n’y a que les
petites sottes qui ne savent pas tenir leur langue… Même enfant, ça
aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Je me suis fait avoir et je pense
que finalement, c’était ça, le pire. Je m’en veux plus à moi qu’à lui. »

Si l’agresseur est le père, l’enfant peut éprouver de la culpabilité parce


qu’il a l’impression de trahir sa mère.

126
4. La phase à long terme

Estelle confie : « Mon père faisait ses saloperies sur moi dans la
remise, au fond du jardin. J’étais gênée quand je revenais dans la
cuisine. J’étais toute rouge. Je me sentais coupable vis-à-vis de ma
mère comme si je lui avais fait quelque chose à elle, comme si je lui
avais fait du mal à elle. C’est ridicule parce que c’est à moi que ça
faisait du mal, mais c’est comme ça. Je redoutais qu’elle l’apprenne
parce que je savais que ça lui ferait tellement mal… »

Lorsqu’elle est maltraitée physiquement ou psychologiquement par un


proche, la jeune victime peut se culpabiliser, croyant que les violences
sont méritées en raison de quelque insuffisance personnelle ou qu’elles
sont une punition de méchancetés ou d’erreurs qu’elle aurait commises.

Delphine relate : « Je me souviens de la première fois que mon père


m’a frappée. Je devais avoir 6 ou 7 ans. Comme il avait toujours été
assez juste avant que son entreprise ne soit déclarée en faillite, je
pensais que je l’avais bien mérité. Je me sentais coupable parce que
j’avais fait quelque chose de mal, même si en fait, je ne savais pas
ce que j’avais bien pu faire de répréhensible. Il a été de plus en plus
violent et donc, j’ai pensé que s’il avait cessé de m’aimer, c’était bien
parce que j’avais un problème. Et un jour, il m’a montré une carte pos-
tale représentant une jolie petite fille blonde, avec de belles boucles
et il m’a dit : “C’est une petite fille comme ça que j’aurais voulue”. Je
me rappellerai toujours de cette image. Cette petite fille, on aurait dit
un ange. Alors, j’ai compris et je me suis dit que c’était normal qu’il
me batte. Je n’étais tout simplement pas ce que j’aurais dû être. »

Témoin de la violence conjugale, l’enfant ou l’adolescent éprouve fré-


quemment une culpabilité post-traumatique résultant de son impuissance
à stopper les agressions et à protéger son parent maltraité.

Sacha déclare : « Évidemment, j’en voulais à mon père de frapper ma


mère. Je le détestais cordialement. Mais je m’en voulais à moi aussi de
ne pas oser la défendre. Je sais que c’est idiot, j’avais 5 ans et je ne
pouvais pas arrêter un homme saoul et violent de 40 ans, mais en gran-
dissant, je perdais cette notion et je me disais que j’aurais quand même
pu essayer. Je me disais que si je m’étais interposé, il aurait peut-être
arrêté, qu’il aurait peut-être réalisé ce qu’il était en train de faire. »

Tout comme les adultes, les enfants peuvent souffrir de la culpabilité


du survivant lorsque des personnes, généralement un proche, ont péri.

127
Le traumatisme psychique

Héloïse nous dit : « J’étais triste d’avoir perdu ma petite sœur. En


plus, je voyais ma mère si désespérée… Je me culpabilisais de ne
pas être morte à sa place. Ma mère était terrassée par son décès et
elle ne s’occupait plus de moi, alors, forcément, je me disais qu’elle
préférait ma sœur à moi et qu’elle regrettait que ce soit moi qui sois
vivante. Dans mes prières, je demandais au Bon Dieu de ramener ma
sœur et de me prendre à sa place. Je lui disais de faire le change-
ment pendant mon sommeil, qu’il n’avait qu’à mettre ma sœur à ma
place dans le lit. Je lui disais que tout le monde serait content. »

Le secret qui entoure les agressions sexuelles, la maltraitance physique,


la violence conjugale et les génocides provoque honte et dévalorisation.

Henri nous livre : « Ma mère m’avait interdit de raconter à mes amis


d’école ce qui se passait à la maison. Elle disait que ça ne regardait
pas les gens. Bien sûr, avec le recul, j’ai compris qu’elle avait honte de
se faire tabasser par son baron de mari et de le laisser, lui le noble
auteur de mes jours, me battre comme plâtre. Et elle avait certaine-
ment honte de ne pas trouver le courage de quitter cette ordure. Vous
savez, la petite noblesse de province et son souci d’honorabilité, de
respectabilité, la terreur du qu’en-dira-t-on… Mais à cette époque-là,
je ne réfléchissais pas si loin. C’était plus confus. Mais ce qui est
certain, c’est que j’avais honte. Quand mes copains parlaient de leurs
week-ends, de leurs vacances, de bons moments passés en famille, je
devenais rouge pivoine. J’avais envie de disparaître. Je me sentais
honteux à un point indescriptible. Vous savez, les enfants cachent
leurs bêtises, les trucs dont ils ont honte. Et comme je devais cacher
les violences intrafamiliales, c’était forcément honteux. »

La culpabilité et la honte érodent l’estime et la confiance en soi des


enfants et des adolescents. Cette déflation de leur valeur personnelle et
de leurs compétences s’exprime dans leur discours par des phrases stéréo-
typées du type « Je ne sais pas », « Je n’y arriverai pas », « Je suis nul », etc.

Les retards de développement, les comportements régressifs


et la prématuration traumatique

Après un événement tragique, les jeunes victimes manifestent fréquem-


ment un recul dans les apprentissages ou une perte d’aptitudes récem-
ment acquises. L’appauvrissement des acquis peut conduire à des retards,
voire à la régression à un stade antérieur du développement.
• Le ralentissement de l’évolution du développement psychomoteur.
En fonction de l’âge de l’enfant, on constate des retards dans l’acquisition

128
4. La phase à long terme

posturale ou du tonus (position assise, marche), de la coordination (mala-


dresse), du langage, de la propreté, etc.
• La régression dans le développement. Les nourrissons, les enfants
et les adolescents peuvent manifester une régression dans les habiletés
motrices, le contrôle sphinctérien, le langage, les comportements ali-
mentaires, l’autonomie, etc.
• Les perturbations scolaires et les difficultés d’apprentissage. Le
ralentissement du fonctionnement intellectuel, la difficulté de fixer
son attention sur les tâches scolaires et le désinvestissement de l’école
peuvent avoir des répercussions négatives sur l’acquisition des connais-
sances et conduire à une baisse des résultats scolaires, voire à des échecs.

Sandra, victime de la violence paternelle, témoigne : « Mon frère et


moi, on n’était pas des mauvais élèves. On n’avait juste pas la tête
à ça. »

Après la fusillade au cours de laquelle il a été blessé à 16 ans et


son père tué, Jean nous dit : « J’aurais dû continuer mes études, mais
j’étais ailleurs. »

Au bout de quelques mois, les performances scolaires redeviennent


généralement normales si l’événement délétère n’est pas d’ordre sexuel
et qu’il ne s’est produit qu’une seule fois (traumatisme de type I).
L’incertitude quant à l’avenir décourage souvent les grands enfants
et les adolescents de fournir les efforts nécessaires et de s’appliquer à
leur travail scolaire (« À quoi bon étudier puisque je ne sais pas ce que
je vais devenir ») et les pousse à déserter les bancs de l’école (école
buissonnière, décrochage scolaire). De plus, les modifications du déve-
loppement cognitif peuvent entraîner chez eux des difficultés à poser
des choix, induire un manque de discernement et grever leur capacité
de raisonnement.
• La prématuration traumatique. Si certaines jeunes victimes régressent,
d’autres, au contraire, manifestent des capacités de développement
accrues (langage, apprentissages intellectuels, habiletés sociales, auto-
nomisation, etc.). On parle alors de « progression traumatique » ou de
« prématuration traumatique ».

Émilie, victime dans son enfance de négligence et de mauvais traite-


ments, nous raconte : « À 8 ans, j’étais adulte. C’est moi qui m’occu-
pais de mon petit frère. Il avait deux ans de moins que moi. Le matin,
personne ne se levait pour nous. Ma mère m’avait mis un réveil et

129
Le traumatisme psychique

démerde-toi ! Je me levais et je m’habillais. Quand j’étais prête, j’al-


lais réveiller mon petit frère. Je faisais en sorte de le laisser dormir le
plus longtemps possible. J’étais une vraie mère à 8 ans ! Pas étonnant
que j’ai eu mon premier enfant si jeune (à 17 ans)… Donc, j’allais le
réveiller, je lui préparais son petit-déjeuner, je l’aidais à s’habiller et je
l’accompagnais à l’école. Et n’allez pas croire que je laissais le bordel à
la maison ! Non ! Je débarrassais la table, je faisais la petite vaisselle
et je rangeais ! Nickel chrome, tout propre ! Et le soir, je l’aidais pour ses
devoirs et je préparais son cartable. »

Certains enfants et adolescents atteignent de hauts niveaux de perfor-


mances. L’investissement scolaire peut constituer un mécanisme de
défense, les jeunes victimes s’appliquant à leur travail d’écolier pour
barrer l’accès aux pensées intrusives. Chez l’adolescent, il peut égale-
ment être le fruit d’une prise de conscience de ses responsabilités.

Nathalie, victime de violences intrafamiliales, témoigne : « Comme


ça n’allait pas à la maison, un truc super important pour moi, c’était
l’école. Je m’accrochais à ça. J’avais besoin d’être la chouchoute du
prof, d’être la préférée et ça a marché, sauf en sixième primaire. La
prof ne m’aimait vraiment pas et mes résultats sont passés de plus
de 90 % à moins de 70 %. Ça a été affreux. J’ai vécu l’enfer cette
année-là. L’année suivante, je suis entrée dans le cycle supérieur et
ça s’est bien passé à nouveau et je suis remontée dans les 90 %. »

Lorsque l’événement traumatique initie la jeune victime aux activités


et connaissances réservées aux adultes, il arrive qu’elle tire orgueil
du nouveau statut que lui octroie sa victimisation. Par exemple, les
abus sexuels lui confèrent un savoir sur la sexualité qu’elle peut vivre
comme une preuve de maturité.

Pascal, abusé par un homme adulte durant son adolescence, témoigne :


« Le but était de le masturber. Lui s’occupait peu de moi. Il me donnait un
peu d’argent de poche. Ça me permettait de tenir le rang auprès de mes
copains. Mes parents n’avaient pas beaucoup de moyens. Je ne recevais
pas d’argent de poche. Alors, cet argent, ça me permettait d’acheter
des petits trucs comme les autres. Plusieurs fois, il a photographié mon
sexe. Ça me choquait, mais en même temps, ça me plaisait d’être mis en
avant. Je recevais un peu de sous et en plus, je pouvais aussi conduire
sa voiture. C’était au moins aussi important que de recevoir de l’argent.
Je me sentais dans le monde des grands, dans le monde des adultes. Je
rentrais dans le monde des adultes par une porte dérobée. »

130
4. La phase à long terme

Clémence, abusée par le copain de sa sœur aînée alors qu’elle était


âgée de 12 ans, raconte : « Ma sœur avait tout pour elle. Elle était
belle, elle était intelligente. C’était la préférée de mes parents. J’avais
beaucoup de choses pour moi, mais à l’époque, je ne m’en rendais pas
compte. Alors, même si j’étais terrorisée par Herbert, son copain, même
si ça me dégoûtait tout ce qu’il me faisait faire, même si physiquement,
ça me faisait mal, j’étais fière. Ça me mettait au même niveau que ma
sœur qui avait 4 ans de plus que moi. Ça me mettait même au-dessus
d’elle parce qu’il me disait tout le temps : “Tu es bonne, tu es meilleure
que ta sœur”. Je me disais : “C’est bien fait pour elle, elle ne l’aura
jamais entièrement pour elle.” Je m’en veux à mort… Pourtant, j’adorais
ma sœur… »

Les troubles du comportement

Les troubles du sommeil, les désordres des conduites alimentaires,


l’instabilité motrice, les conduites addictives et les comportements auto-
agressifs, déjà étudiés dans le chapitre consacré aux réactions post-immé-
diates, peuvent perdurer sur une longue période, voire jusqu’à l’âge adulte.
Les comportements hétéro-agressifs peuvent s’accroître lorsque la victime
grandit. Nous l’avons vu, ces passages à l’acte sont favorisés par l’expo-
sition à des facteurs environnementaux violents, mais ils sont également
inspirés par la colère. Dans les cas d’agressions physiques ou sexuelles, en
raison de la crainte des représailles et de la honte, l’enfant ou l’adolescent
réprime généralement sa colère au moment des faits, mais l’exprime, par-
fois avec virulence, lorsqu’elles ont pris fin ou lorsqu’il est en âge de se
défendre. Il est souvent en colère contre l’agresseur (idée de vengeance),
mais aussi contre lui-même, de s’être laissé duper et d’avoir enduré sans
protester. Il éprouve également du ressentiment contre son entourage qui
ne l’a pas protégé (par exemple, contre sa mère en cas d’inceste ou de
maltraitance commis par le père ou le beau-père), qui ne l’a pas compris
ou qui l’a conduit à mener une vie différente de celle de ses camarades.

Héloïse raconte : « Sur le coup, je n’étais pas malheureuse. C’était


normal. Mon père me battait, ma mère n’était jamais là le soir et le
week-end, j’étais chez ma grand-mère alcoolique. Vers 6-7 ans, je suis
devenue agressive avec ma mère. Je lui en voulais de tout ce que je
vivais, de ne pas avoir une vie normale, de ne pas vivre comme les
autres enfants. Toute petite, je faisais déjà de terribles cauchemars
d’agressivité. Je blessais des gens, j’en tuais, mais je ne me rendais
pas compte que ce n’était pas normal. C’est en grandissant que je me
suis rendu compte de ça. »

131
Le traumatisme psychique

Ces comportements agressifs peuvent devenir une composante de la


personnalité des victimesd.

Les troubles somatoformes

L’asthénie physique d’origine psychosomatique et les douleurs psycho-


gènes, déjà décrites dans les réactions post-immédiates, peuvent perdurer
à long terme.
Avec le temps peuvent apparaître des troubles psychosomatiques der-
matologiques (allergies, eczéma, psoriasis, urticaire, chute des cheveux et
pelade), respiratoires (asthme) et digestifs (coliques, vomissements, diar-
rhées, gastralgies14, ulcères). Il est également fréquent d’assister à la décom-
pensation de pathologies psychosomatiques préexistantes (diabète, asthme).

En septembre 1973, Carla a 6 ans. Un coup d’État militaire vient de


renverser le président socialiste démocratiquement élu, Salvador
Allende. Son père, engagé dans le gouvernement déchu, craignant
pour sa vie et celle de sa famille, opte pour l’exil. Le lendemain,
ils quittent précipitamment le Chili et sont accueillis en Belgique, à
Anvers. Un mois après leur arrivée, ils apprennent le décès de la
grand-mère maternelle au cours d’un interrogatoire musclé. « J’ai eu
des crises d’asthme très peu de temps après être arrivée en Belgique.
Chaque fois que j’avais une crise, j’avais envie de pleurer, mais je ne
savais pas pourquoi. Quand je suis retournée au Chili pour la pre-
mière fois, je devais avoir une vingtaine d’années à l’époque, je me
suis rendu compte que ces pleurs, c’était pour ma grand-mère, et il y
a eu une très nette amélioration de mon asthme. »

Les nourrissons subissant une perte significative d’une figure d’atta-


chement peuvent présenter un retard de croissance staturo-pondéral pou-
vant mener dans de rares cas au « nanisme psychosocial », encore appelé
« nanisme de frustration », « nanisme de détresse » ou « nanisme par carence
psychoaffective ».

Les altérations de la personnalité

Plus que celles des adultes, la personnalité des nourrissons, des enfants
et des adolescents risque de subir des altérations indélébiles, voire d’être
modifiée dans ses fondements. En effet, les événements délétères, en par-
ticulier s’ils sont extrêmes, répétés ou prolongés, sont susceptibles d’impri-
mer des marques durables sur la personnalité en devenir des jeunes victimes

d. Voir infra « Les altérations de la personnalité », p. 132.

132
4. La phase à long terme

et d’induire des attitudes et des comportements définitifs. Les agressions


exercées contre leur personne, les interactions violentes entre individus,
la transgression du contrat social15, des valeurs morales et des tabous, la
douleur physique, la souffrance psychique, la séparation d’avec des êtres
chers et la confrontation à la mort vont mettre en péril le développement
de leur personnalité et de leurs compétences relationnelles, sociales et
affectives. D’où la fréquence des formes cliniques à dominantes « caracté-
rielles » et « relationnelles » ainsi que des troubles de la personnalité dans
les syndromes psychotraumatiques des enfants et des adolescents.
Les changements dans la personnalité rencontrés dans les syndromes
psychotraumatiques, en particulier s’ils sont constitués en névrose trau-
matique organisée, se signalent par des altérations du caractère, de la
relation à soi, à autrui, au monde et à la temporalité.
• Les altérations du caractère. Chez les jeunes victimes, les modifi-
cations de la personnalité sont fréquemment accompagnées par des
troubles caractériels. Ceux-ci se manifestent par une perturbation
du comportement, de la communication et de l’adaptation dans le
domaine des émotions et des pulsions (allant du débordement à l’inhi-
bition en passant par l’hypercontrôle). Ces désordres peuvent perdurer
à l’âge adulte.
Chez l’enfant, ces troubles du caractère, manifestes tant en famille qu’à
l’école, sont marqués par de la résistance passive, de l’opposition, des
refus d’obéissance, une indifférence aux remontrances, des attitudes de
défi, des comportements provocateurs, des manifestations d’hostilité
envers les adultes, des crises de colère, des conduites agressives verbales
ou physiques (en fonction de l’âge : encoprésie, actes violents contre
les biens, brutalités à l’égard des compagnons de jeu, etc.), des com-
portements auto-agressifs (s’arracher les cheveux, se griffer, se cogner
la tête contre les murs, etc.), des caprices, des fugues, des cachotte-
ries, des mensonges, de la mythomanie, etc. Notons qu’entre deux et
sept ans, période durant laquelle la pensée magique prédomine, il est
normal que l’enfant affabule pour se protéger d’un environnement
insécurisant ou frustrant : il se raconte des histoires, s’invente une vie
différente, s’imagine d’autres parents et fantasme sur des situations ou
des personnes qui n’ont d’existence que dans son esprit.
À l’adolescence, les troubles caractériels prennent la forme de fanfa-
ronnades, d’opposition à l’autorité, de rébellion, d’attitudes provoca-
trices, de comportements querelleurs, asociaux et délinquants (vols,
bagarres, dégradation intentionnelle de matériel, etc.), de compor-
tements sexuels inappropriés et agressifs (viols), de prises de risque
inconsidéré (proximité sexuelle, rapports sexuels non protégés, sports
extrêmes, jeux d’évanouissement, etc.), de conduites autodestructrices
(scarifications, automutilations, passages à l’acte suicidaire, troubles du

133
Le traumatisme psychique

comportement alimentaire, abus d’alcool et prise de toxiques, etc.), de


fugues, etc. Rappelons toutefois que les attitudes contestataires et la
propension à tester les limites sont caractéristiques de l’adolescence.
Les enfants et les adolescents présentant ce type de troubles caractériels
semblent incapables de modifier leur comportement pour protéger
les relations qu’ils entretiennent avec leurs parents et d’autres adultes
signifiants (enseignants, éducateurs sportifs, voisins, etc.).
Notons que ces comportements sont favorisés par l’exposition à des
facteurs environnementaux violents. Dans les contextes de violence
intrafamiliale ou politique (guerre, génocide, etc.), les modèles d’in-
dividus et les modes d’interaction violents, la politique, l’idéologie et
le fanatisme approuvant, voire exaltant, la violence normalisent les
passages à l’acte agressif. En grandissant dans ces environnements,
les enfants et les adolescents apprennent que la violence est une façon
admissible et usuelle de résoudre les problèmes. Les valeurs de base
(la notion de bien et de mal, le respect, la loyauté, l’honnêteté, la tolé-
rance, la solidarité, la responsabilité, le courage, la vérité, le prix de la
vie, etc.) se construisent difficilement sur un tel terreau. Leur jugement
moral, leur socialisation et leurs attitudes envers autrui s’en trouveront
inévitablement influencés.

Alors qu’il était âgé de quinze ans, Khalil a dû assister et partici-


per aux séances de torture organisées par son père mafieux sur ses
rivaux. Il confie : « J’ai appris à ne plus avoir peur et en plus, je faisais
tout ça (les tortures) avec la bénédiction de Dieu le père, le père
suprême : le mien ! Au début, j’étais horrifié, j’avais peur, mais très
vite, j’ai ressenti comme une sorte de hargne qui me faisait plaisir.
Et maintenant, quand je suis en colère, je retrouve cette espèce de
plaisir. Alors, je cherche la bagarre. C’est pour ça que j’évite de boire.
Quand je bois, je ne me contrôle plus. Quand je suis à jeun, ça me
demande parfois beaucoup d’efforts de me contrôler, mais quand j’ai
bu, rien ne m’arrête, je fonce. Ça, je ne veux plus. Je ne peux plus me
le permettre. Je ne veux pas être catalogué comme une crapule. J’ai
un bon boulot, j’ai une femme formidable. Je veux être quelqu’un de
bien, de respectable, mais ce n’est pas toujours facile. »

Confrontés à la violence d’un pair ou d’un adulte, les enfants et les


adolescents risquent de s’identifier à l’agresseur16. Leurs comporte-
ments agressifs sont alors le résultat d’un renversement des rôles :
agressés, ils deviennent auteurs de violence par imitation des attitudes
et des comportements de l’agresseur. Au lieu d’éprouver de la peur,
ils l’inspirent et terrorisent leur entourage.

134
4. La phase à long terme

À l’opposé de ces débordements, certaines jeunes victimes contrôlent,


voire inhibent, leurs émotions et leurs pulsions. Elles deviennent des
enfants et des adolescents modèles s’attelant à ne déranger personne
et à satisfaire les demandes de leur entourage (ils obéissent, s’ap-
pliquent à l’école, etc.). Ils évitent de créer des problèmes, ne crient
pas, ne pleurent pas, s’expriment peu, ne bougent pas, s’isolent, bref
se comportent comme s’ils n’existaient pas. Certains peuvent toutefois
exploser soudainement et de manière violente et inattendue, les rares
émotions exprimées relevant généralement du registre de la colère.
Ce type de comportements est fréquent chez les enfants vivant dans
des familles à transactions violentese.

Nathalie, victime de violence maternelle dans son enfance et son ado-


lescence, témoigne à l’âge adulte : « Je ne voulais pas déranger. Je
voulais être parfaite, ne rien oublier. Aujourd’hui encore, j’essaie d’être
la personne que les gens aimeraient que je sois plutôt que la personne
que je voudrais être. Je fais les choses parce que c’est bien de les faire
ou parce qu’il faut les faire et non parce que je voudrais les faire. »

Les nourrissons gravement négligés, tout comme les enfants et les ado-
lescents soumis à la violence intrafamiliale ou à des abus sexuels répé-
tés, frappent souvent par leur caractère passif, aboulique et apathique.
Cette altération de la personnalité résulte de l’absence de contrôle sur
l’environnement. Si un bébé pleure ou crie sans que son entourage
réagisse et satisfasse ses besoins, il se détache progressivement de la
réalité et s’engourdit dans un état léthargique17. L’incapacité à agir sur
son univers et à mobiliser autrui à considérer ses besoins engendre une
« résignation acquise » ou « impuissance acquise »18. De même, l’ab-
sence de maîtrise sur les violences intrafamiliales et les abus sexuels
réduit les enfants et les adolescents à l’impuissance et provoque leur
défaite mentale devant le danger. Cette démoralisation et cette pas-
sivité induite s’accompagnent souvent d’états dissociatifs, les jeunes
victimes se réfugiant dans l’imaginaire pour échapper à leur environ-
nement mortifère. Dans de tels contextes, elles ne développent qu’un
registre limité de capacités d’autoprotection, d’analyse et d’action.
En instaurant des conditions propices à de nouvelles victimisations, ces
piètres compétences font d’elles des proies faciles pour d’autres agres-
seurs. L’« impuissance apprise » est susceptible d’être réactivée tout au
long de l’existence à chaque fois que la personne est confrontée à un
danger ou à une situation rappelant le traumatisme initial. Elle peut,
pour certains, du nourrisson à l’adolescent, conduire à la dépression.

e. Voir infra le faux-self dans « Les altérations du rapport à soi-même », p. 136.

135
Le traumatisme psychique

Géraldine a 39 ans aujourd’hui. Elle a été battue et abusée sexuel-


lement par son beau-père durant son enfance. Elle témoigne : « Je me
mets toujours dans des situations pas possibles. On dirait que je le
cherche. À ce moment-là, c’est comme si j’étais incapable de réfléchir.
Je me laisse entraîner et je me laisse faire. Évidemment, le lende-
main, je suis morte de honte. Ça me fait beaucoup souffrir. La dernière
fois, c’était samedi passé. J’ai été dîner chez des amis. Ils avaient
invité un copain célibataire. Ils voulaient que je le rencontre. Ils jouent
un peu les agences matrimoniales ! En fait, il ne m’intéressait pas
du tout. Je peux même dire qu’il me dégoûtait. Je le trouvais vieux,
il avait les cheveux gras, son ventre était énorme. Beurk ! Quand j’y
repense, mes poils se hérissent. Bon, donc, il m’a proposé de me
ramener chez moi et il s’est invité pour un dernier verre. Vous devinez
la suite… Et je n’ai pas su dire non. Je ne sais pas pourquoi j’accepte
tout ça… Après tout ce que j’ai vécu dans mon enfance… Mais c’est
peut-être justement à cause de ça parce qu’en fait, à ce moment-là,
je suis pétrifiée comme je l’étais devant mon beau-père… »

• Les altérations du rapport à soi-même. Les sentiments de culpabi-


lité, de honte ou d’infériorité, fréquents dès le stade préopératoire19,
induisent une baisse de l’estime de soi et du sentiment de valeur
personnelle. Cette perception négative se confirme souvent en gran-
dissant. Les enfants évoluant dans un climat de menace permanente
voient généralement s’affaiblir leur confiance en eux : ils deviennent
des êtres inquiets, indécis, versatiles et pusillanimes.

Nathalie, devenue jeune adulte, traumatisée par une mère violente,


raconte : « Je ne m’aime pas, je m’en veux de tout, je culpabilise
beaucoup, j’ai toujours l’impression que je fais mal, je me trouve
moche. Je suis persuadée qu’on ne peut pas m’aimer, que je n’aurai
jamais une vie comme tout le monde, que je n’ai pas le droit d’avoir
une relation normale avec quelqu’un qui m’aime et j’ai la conviction
que je n’aurai jamais d’enfants. Comme j’ai toujours peur de mal
faire, je ne sais jamais ce que je dois faire, alors, j’hésite et je
change tout le temps d’avis. Ma mère me disait que j’étais insup-
portable, que j’étais une méchante fille. Pourtant, je vous assure, je
faisais tout pour essayer qu’elle soit contente. Je faisais tout pour
qu’elle m’aime. Je n’ai jamais fait de bêtises, je travaillais bien à
l’école, j’obéissais, je n’ai jamais demandé pour sortir, la première
fois que je suis sortie, c’est à 18 ans, après sa mort. Je n’ai jamais
fumé, je n’ai jamais bu. Quand elle est morte dans cet accident,
j’ai retrouvé ses carnets et elle avait écrit que j’étais quelqu’un de
maléfique. Elle était très versée dans le paranormal… Je n’avais

136
4. La phase à long terme

que 18 ans. Je croyais que c’était vrai. Finalement, j’avais entendu


pendant 18 ans que j’étais mauvaise, alors… J’étais persuadée que
le problème venait de moi. C’est ma première thérapeute qui m’a fait
comprendre que le problème venait de ma mère et qui m’a expliqué
qu’elle était toxique et violente. Maintenant, j’ai compris, mais ça ne
change rien dans le concret. Tout ce que j’ai vécu a fondé qui je suis
aujourd’hui. Je ne sais toujours pas ce que je veux, je ne sais pas
qui je suis, j’ai toujours du mal à exprimer les choses, à exprimer mes
sentiments, je n’ai aucune confiance en moi et je ne m’aime pas. »

Nous l’avons vu, certaines jeunes victimes deviennent des enfants et


des adolescents modèles, bien adaptés socialement, souvent perfor-
mants et nantis de grandes qualités intellectuelles. Ils ajustent leur
comportement et leurs attitudes afin de ne pas contrarier leurs proches,
se conforment à leurs attentes, voire s’appliquent à leur plaire. Dans
les contextes de négligence grave et de violences intrafamiliales (phy-
siques et/ou sexuelles), les enfants peuvent développer dès leur plus
jeune âge un « faux self »20, une personnalité d’emprunt soumise aux
exigences de leur environnement. Cette adaptation se fait au détriment
de leur développement personnel. En grandissant, nombre d’entre eux
éprouveront des sentiments d’inutilité, de vide, d’absence de joie de
vivre, de solitude et d’abandon, ils seront dans l’ignorance de ce qu’ils
désirent et auront l’impression de ne pas être eux-mêmes ou d’ignorer
qui ils sont.

René, battu par son père durant son enfance, nous livre : « Mon père
commandait et moi, je faisais de mon mieux pour le satisfaire, mais
de toute façon, ce n’était jamais bien. Par exemple, il me demandait
de faire la vaisselle. Je faisais la vaisselle. Il arrivait et il voyait qu’il
y avait quelques gouttes par terre. Il devenait fou furieux et ça tom-
bait. J’avais très peur de lui. Rien qu’à la manière dont il ouvrait la
porte, je savais de quelle humeur il était. Quand il était de mauvaise
humeur, je me faisais tout petit. À force, de me faire tout petit, j’en
étais devenu transparent. Ce n’est pas une blague ! À deux reprises,
mes parents m’ont oublié chez des amis. Au moment de partir, ils ont
oublié de me reprendre avec eux ! J’étais resté sagement assis dans
un coin. Transparent, je vous dis. Encore aujourd’hui, ma mère est
fière de raconter à quel point j’étais un enfant sage. Elle dit toujours :
“René, quand je partais, je l’asseyais quelque part, je lui disais de
ne pas bouger et quand je revenais, il était toujours là où je l’avais
laissé”. Elle ne réalise toujours pas que ce n’était pas normal. C’est
grâce à mon épouse que je me suis rendu compte que j’avais toujours
tout fait pour ne pas déplaire, que je me coupais en quatre pour faire

137
Le traumatisme psychique

plaisir à tout le monde, mais que finalement, moi, je ne savais pas


ce que je voulais, je ne savais pas de quoi j’avais envie, je ne savais
pas ce qui me faisait plaisir. En fait, je ne savais même pas ce que je
ressentais. Avant de la rencontrer, je continuais à fonctionner comme
ça avec mes parents. Mon père continuait à me faire peur, alors qu’il
est vieux et malade, et ma mère, qui est un véritable iceberg de
froideur, continuait de me glacer. »

« Je n’arrive pas à me faire plaisir. Si on me demande “Qu’est-ce


que tu as envie de faire maintenant ? Qu’est-ce que tu as envie de
faire comme activité ? Qu’est-ce qui te ferait plaisir ?”, je ne sais pas
répondre », nous dit Juliette, gravement maltraitée dans son enfance.

• Les troubles relationnels. Divers facteurs vont accroître le risque


de développement de troubles de la relation à autrui, en particulier,
le caractère intentionnel des violences subies, le fait qu’elles soient
commises par des proches, la précocité des événements traumatiques
dans la vie de l’enfant, leur répétition sur une longue durée et l’ab-
sence de tuteur de résilience dans l’entourage direct.
– Les troubles du développement des compétences socio-affectives. L’enfant
se montre maladroit, voire inapte à interagir adéquatement sur le
plan social. Il est incapable d’initier et de répondre de manière
appropriée aux interactions de ses proches par des gestes (pour les
nourrissons : s’agripper, tendre les bras, etc. ; pour les enfants plus
grands : aller vers l’adulte, réclamer des câlins, jouer avec ses pairs,
initier un dialogue, etc.), des regards (pour les bébés : maintenir
un contact œil-œil, poursuivre du regard ; pour les aînés : regarder
quand on les appelle ou quand on leur parle, etc.), des mimiques
(en particulier, le sourire21) ainsi que par le langage (pour les petits,
ce qui tient lieu de communication : pleurs, vocalisations comme
lallation et babil ; pour les enfants et les adolescents : échanges ver-
baux), etc. Ces désordres relationnels se rencontrent principalement
chez les bébés maltraités et les enfants confrontés précocement à la
perte d’une figure d’attachement couplée à une détérioration des
soins parentaux. Chez le nourrisson, ils peuvent conduire dans les
cas extrêmes à la dépression anaclitique, voire à l’hospitalisme22.
Chez l’enfant plus grand et l’adolescent, ils se marquent par un
manque d’empathie, une froideur dans les relations et une anesthé-
sie affective.
– L’attachement anxieux et les angoisses de séparation. Les petits, mais par-
fois aussi les enfants plus grands et les jeunes adolescents, craignent
que les personnes auxquelles ils sont attachés les abandonnent ou
disparaissent. L’attachement anxieux peut être l’expression d’une

138
4. La phase à long terme

angoisse profonde de la jeune victime, en particulier lorsqu’elle a


perdu un proche, mais peut aussi être le reflet de la souffrance de
l’adulte.
– L’attachement sans discrimination. Si malgré les agressions répétées dont
il est l’objet, le nourrisson, l’enfant ou le jeune adolescent a réussi à
instaurer une relation de confiance avec des adultes, il peut manifester
une grande avidité affective, mais sur un mode peu individualisé. En
quête d’attention effrénée et permanente, il délivre son affection sans
discernement et se montre familier avec quiconque lui porte de l’inté-
rêt, mais se révèle incapable d’entretenir une relation suivie.

« La semaine, mon père me battait et ma mère s’en foutait. De toute


façon, elle n’était jamais là. Le week-end, j’étais chez ma grand-mère
qui était bourrée toute la journée. Bref, pas le paradis. Mais comme
petite fille, j’avais beaucoup de succès. On me trouvait mignonne, gen-
tille et polie, alors, on m’aimait bien. Et j’en profitais. Je veux dire que
si on s’intéressait à moi, j’allais volontiers dans les bras, je restais
volontiers chez les gens, mais je ne me souviens pas vraiment d’une
personne en particulier. Je ne peux pas dire qu’une personne m’ait vrai-
ment marquée. À mon avis, dès que je les avais quittés, je les oubliais.
Et c’est encore comme ça aujourd’hui. Si quelqu’un s’intéresse à moi,
surtout un homme, je vais lui faire les yeux doux, je vais lui jouer le
grand jeu de la séduction et, à ce moment-là, je suis vraiment sincère,
je suis à fond dedans, mais j’ai à peine quitté la pièce que je l’ai déjà
oublié », témoigne Vanessa.

– Les altérations de la relation aux autres. Après une expérience trau-


matique, le comportement de l’enfant ou de l’adolescent à l’égard
de ses proches est susceptible de se modifier, surtout s’il a subi une
agression de la part de l’un d’entre eux. Il interagit de moins en
moins avec son entourage et lui marque un désintérêt progressif,
voire manifeste, des conduites d’évitement relationnel. En fonction de
son âge, il détourne le visage, se bouche les oreilles, se cache dans
un coin, s’enferme dans sa chambre, s’isole en portant sur les oreilles
des écouteurs diffusant de la musique, etc. Notons que ces prises de
distance par rapport aux adultes sont banales chez les adolescents.
C’est leur intensité associée à d’autres signes (idées suicidaires, désin-
térêt pour les pairs et les loisirs, anorexie, etc.) qui doivent inquiéter.
Au niveau social, les relations qu’entretiennent les victimes sont
généralement empreintes de réserve, de méfiance et de crainte.
Elles tiennent les relations intimes à distance et veillent à ne rien
livrer de personnel dans leurs échanges avec autrui.

139
Le traumatisme psychique

Isadora a été attouchée sexuellement par sa sœur aînée durant son


enfance. Aujourd’hui adulte, elle témoigne : « Au niveau du boulot, ça
passe mal. Les gens ne comprennent pas pourquoi je suis si réservée.
Ils parlent de leurs week-ends, de leurs vacances, de leurs enfants,
de leur mari ou de leur femme et moi, je ne raconte jamais rien. Je
n’y arrive pas, c’est plus fort que moi. Mon patron, ça le rend dingue.
Il essaie de savoir. Un jour, il m’a même dit : “ Je pense que tu as dû
subir des choses, c’est la seule raison qui peut faire que tu te barri-
cades comme ça. ” Je suis de plus en plus rejetée par mes collègues.
C’est toujours comme ça que ça se passe dans mes boulots et ça
finit toujours mal… Mais avant ça, avant que je ne sois dans la vie
professionnelle, c’était comme ça à l’école, c’était comme ça avec les
petits voisins, c’était comme ça avec tout le monde. Finalement, on
me foutait la paix parce qu’ils se lassaient vite de moi. Comme je ne
parlais pas, je cessais vite de les intéresser. »

Bernadette, elle aussi abusée dans l’enfance, nous livre à l’âge adulte :
« J’ai le contact assez facile et donc, les gens me parlent facilement,
mais dès que ça devient trop intime, je casse. Soit je disparais, je ne
donne plus de nouvelles et je ne réponds plus au téléphone ou aux
e-mails, bon, ça, en fait, c’est classique, ce n’est jamais moi qui vais
téléphoner ou envoyer un message à quelqu’un et si je réponds, c’est
que c’est vraiment nécessaire, je réponds quand ça concerne des trucs
pratico-pratiques, bon, donc, soit je fuis, soit je deviens carrément
agressive, je dis ou je fais un truc qui fait fuir l’autre. Je n’arrive pas
à accepter quelqu’un dans ma bulle. »

Dans leurs relations à autrui, les jeunes victimes peuvent manifester


de l’irritabilité et de l’agressivité (crises de colère, propos ou actes
agressifs) ainsi que des tendances à répéter des actes de maltrai-
tance, notamment envers les pairs et les enfants plus jeunes (iden-
tification à l’agresseur).
– L’adaptation relationnelle pathologique. Dans les cas de violences por-
tées contre sa personne, le bébé, l’enfant ou l’adolescent adopte
souvent des comportements relationnels pathologiques.
Le nourrisson peut manifester une vigilance gelée23 en présence de
l’agresseur. Il est capable prématurément de contrôler sa motricité,
de suspendre son activité, de rester immobile de longs moments,
d’interrompre ses babillages, ses rires ou ses pleurs en fonction de
l’état émotionnel de son entourage. Par exemple, il reste calme
parce qu’il a perçu que ses pleurs suscitent l’agressivité de ses
parents. À terme, ce retrait passif éteint ses capacités d’éveil.

140
4. La phase à long terme

L’enfant plus grand ou l’adolescent refuse souvent de dépendre


des adultes, il ne compte que sur lui-même, ne cherche pas à être
réconforté lorsqu’il est anxieux et se centre sur son propre plaisirf.
Il ne manifeste pas de réactions particulières lorsqu’il est séparé
de ses proches ni lorsque son mode de vie est modifié (déména-
gement, changement d’école, etc.). Il n’établit que des relations
superficielles, parle peu, respecte la loi du silence et n’exprime pas
d’émotions sincères et véritables. Il se conforme à ce que l’on attend
de lui, ne se positionne pas, mais manipule parfois pour préserver
ses intérêts. À l’adolescence, ce mode de relation a minima, peu
impliquant émotionnellement, peut, couplé à la recherche de plai-
sir, conduire à la multiplication des partenaires.

Arlette était encore bébé lorsque sa mère maltraitante a été déchue


de ses droits parentaux. Abusée sexuellement dans la famille qui l’a
recueillie, elle est transférée dans une institution de placement où elle
séjournera avant de retrouver un nouveau foyer. Ses parents d’accueil
sont rapidement déconcertés par cette fillette de onze ans. Elle se
montre serviable, obéissante et semble s’accommoder de tout, mais ils
découvrent stupéfaits qu’elle dissimule et ment sans cesse pour assouvir
ses désirs sans courir le risque d’un refus et d’un conflit. Par exemple, ils
retrouvent, cachés dans sa chambre, les sandwiches dont elle avait dit
s’être délectée, des livres scolaires qu’elle n’avait soi-disant pas reçus,
des menus objets qu’elle avait acquis grâce à de l’argent volé, etc. Elle
ne manifeste pas d’émotion, ni joie ni tristesse. Les tentatives pour
lui faire plaisir semblent sans effets (cadeaux, excursions, etc.) et elle
accueille les punitions avec flegme, sans paraître aucunement affectée.
Après plusieurs mois passés auprès d’eux, elle ne leur démontre pas
d’attachement spécifique. Elle ne leur exprime aucune tendresse, ne
recherche pas leur présence ni leur affection et ne leur parle pas plus
que ne le nécessitent les affaires courantes. Elle ne paraît ni contra-
riée ni contente de les quitter lorsqu’elle part en voyage scolaire et ne
tente pas de les contacter par téléphone. Bien qu’ils se montrent très
patients, qu’ils essaient de la comprendre, qu’ils lui expliquent qu’ils
sont prêts à accéder à ses désirs s’ils sont raisonnables, Arlette continue
de se taire, de mentir et de voler.

À l’adolescence, les enfants abusés sexuellement sexualisent


parfois leurs relations : ils séduisent et aguichent sans discrimination,
ils s’adonnent précocement à des rapports sexuels, parfois de façon
compulsive, multiplient les partenaires, entretiennent des relations

f. Voir supra l’attachement insécure-évitant, p. 44.

141
Le traumatisme psychique

intimes avec des personnes plus âgées, etc. Ce comportement s’ex-


plique partiellement par le fait que l’enfant abusé peut en arriver à
confondre tendresse et sexualité. Il y
a pour lui, selon l’expression de
COMPRENDRE Ferenczi, une « confusion des lan-
À l’adolescence, cette confusion peut gues »24 entre tendresse et assouvis-
conduire le jeune à rechercher l’activité sement sexuel.
sexuelle afin d’obtenir des gratifications Lorsque l’adulte a eu recours à la
émotionnelles, de compenser une perte violence physique pour commettre
affective ou de combler la solitude. La ses méfaits sur l’enfant, ce dernier,
sexualité peut également devenir un devenu adolescent, peut faire abu-
moyen d’oublier les soucis, de diminuer sivement état de sa sexualité pour
l’anxiété, de se relaxer et de trouver du asseoir son pouvoir, contrôler autrui
plaisir. ou se faire respecter (identification à
l’agresseur).
Dans certains cas, les victimes établissent des liens pathologiques
de confiance, d’empathie, de complicité ou de compassion avec
l’auteur des violences25.

Françoise a été abusée par son père dès sa plus tendre enfance
jusqu’à ce qu’elle quitte le foyer familial pour se marier. Elle nous
raconte : « Ça va vous paraître délirant, mais en fait, j’étais très atta-
chée à mon père. Pour moi, la méchante, c’était ma mère, pas lui. Je
savais bien que ce que mon père me faisait et me faisait faire n’était
pas normal, mais il disait que ça se passait parce qu’on s’aimait et
que c’est normal entre des gens qui s’aiment. Il disait que ce n’était
pas courant qu’un papa et sa petite fille s’aiment autant, qu’on avait
beaucoup de chance, mais que c’était notre secret à nous et que
personne ne devait savoir parce que les gens ne comprendraient pas,
ils n’étaient pas assez intelligents pour ça. Ça, c’était quand j’étais
petite. Plus grande, il ne disait plus rien parce que c’était devenu nor-
mal, enfin, je veux dire habituel. Je pense que j’ai quand même capté
assez vite que ce n’était pas normal, mais ma mère était tellement
méchante que je comprenais qu’il n’aille pas vers elle. Et je ne lui en
voulais pas. Je le trouvais tellement malheureux. J’avais un peu pitié
de lui, en fait… Ma mère n’arrêtait pas de l’humilier, de se moquer de
lui, de le critiquer, de le comparer aux autres hommes qui étaient tous
mieux que lui. Un jour, elle l’a même giflé devant moi en disant qu’il
était nul et en plus, que c’était une nouille. Elle était méchante avec
lui, mais elle n’était pas gentille avec moi. Elle me critiquait aussi
assez souvent, pas comme elle le faisait avec mon père, mais quand
même… En tout cas, elle ne me disait jamais de choses gentilles.
Je ne me rappelle pas qu’elle m’ait un jour donné de l’affection, je

142
4. La phase à long terme

ne me souviens pas qu’elle m’ait pris sur les genoux ou qu’elle m’ait
embrassée, par exemple. Un véritable remède contre l’amour ! Mon
père et moi, entre nous, on l’appelait Sœur Sourire. Mon père, lui,
était gentil, il était doux, il m’encourageait, il me félicitait. Il s’inté-
ressait à moi, il me demandait comment ça s’était passé à l’école, il
s’intéressait à mes amis, à mes devoirs, à mes notes scolaires, à mon
sport. Vous voyez, c’était un père, un vrai père en dehors de ces abus.
Bon, évidemment, aujourd’hui, avec le recul, tout ça, c’est difficile… »

Lorsqu’il était adolescent, Khalil a torturé avec son père les ennemis
de ce dernier. Il dit : « À l’époque, j’avais une certaine fierté parce
que si mon père me prenait avec lui, c’est qu’il avait confiance en
moi. Je pense qu’il voulait m’endurcir pour me préparer à la vie.
Il ne faut pas le juger trop vite. Pour que vous compreniez, il faut
que je remette ça dans le contexte. Mon père avait fait la guerre
d’Algérie. Il avait vécu des horreurs. Il était très traumatisé, il se
réveillait en hurlant la nuit. D’ailleurs, il en est mort. Je veux dire
qu’il est devenu alcoolique, et je suis certain que c’est à cause de
tout ce qu’il a vécu qu’il buvait, et l’alcool a fini par l’emporter…
Il ne parlait pas de ce qu’il avait vécu, mais de temps en temps,
il faisait une allusion qui sous-entendait qu’il s’était livré à des
actes de barbarie. Comme je suis moitié algérien dans un pays
assez raciste, il faut le dire, je pense que d’une certaine manière,
il voulait que je sois prêt à me défendre. Bon, donc, j’étais fier
parce que je ne craquais pas, c’était atroce, j’étais terrorisé, j’étais
horrifié, mais je le cachais, je montrais à mon père que j’étais un
homme, un vrai, un dur, un homme comme lui. C’est moche à dire,
mais j’avais du mépris pour ma mère. C’est moche parce que ma
mère, c’est une mère formidable, mais comme elle n’était pas dans
le secret et qu’elle ignorait tout, elle ne faisait pas partie des ini-
tiés. Vous comprenez ? C’était comme si elle était moins que nous.
L’élu, c’était moi !… Aujourd’hui, je me dis que si je lui avais parlé,
elle m’aurait protégé de ce père qui avait de sérieux problèmes
de santé mentale. Bien sûr, elle savait que ça ne tournait pas
très rond dans sa tête, mais jamais elle n’aurait pu imaginer ça,
évidemment… Je n’arrive toujours pas à en vouloir à mon père. Il
a été traumatisé pendant la guerre d’Algérie et c’est évident que
c’est pour ça qu’il était violent, mais ce que je ne comprends tou-
jours pas, c’est pourquoi, alors qu’il a été tellement traumatisé, il
m’a fait vivre ça, à moi aussi… Il m’aimait… C’est pour ça, c’est
parce que je sais qu’il m’aimait que je crois qu’il voulait me rendre
plus fort… C’est raté… »

143
Le traumatisme psychique

• Une altération de la relation au monde extérieur. Les jeunes vic-


times peuvent éprouver un sentiment prolongé et récurrent de déta-
chement et/ou d’insécurité (monde extérieur perçu comme malveillant,
menaçant et dangereux), manifester moins d’intérêt pour leurs acti-
vités (jeux, loisirs, télévision, ordinateur, école, etc.) et présenter des
troubles dissociatifs (épisodes transitoires de déréalisation).

Nathalie, traumatisée par une mère violente durant sa jeunesse et


aujourd’hui adulte, témoigne : « J’ai facilement peur. Je suis toujours
sur le qui-vive. Je m’en rends compte parce je réagis beaucoup plus
que les autres. Par exemple, s’il y a un bruit un peu fort, je sursaute
alors que les autres n’ont aucune réaction. »

• Une altération de la relation au temps. Le traumatisme pervertit le


présent par le retour récurrent des événements délétères sous forme
de réminiscences (flashbacks, souvenirs intrusifs, ruminations, cauche-
mars, etc.). Il altère également le concept de futur. En effet, les enfants
et les adolescents, en particulier lorsqu’ils ont subi des traumatismes
complexes, éprouvent fréquemment des difficultés à désirer et à se
projeter dans l’avenir, a fortiori dans un futur positif (par exemple,
ils ne savent pas ce qu’ils veulent faire quand ils seront « grands »).
Ils expriment des sentiments de précarité de l’existence (ils ont l’im-
pression que le futur fourmille de dangers et ne leur réserve que de
mauvaises surprises) et d’avenir bouché (ils se désintéressent de leur
futur professionnel et de leur vie sociale à venir ou sont convaincus
que l’accès à de telles opportunités leur est barré). Le passé n’échappe
pas au souffle traumatique. Si l’amnésie dissociative est rare dans le
décours des événements (peu après les faits, l’enfant se souvient géné-
ralement de ce qu’il a vécu), les victimes devenues adolescentes et
adultes réalisent qu’elles ont oublié des pans entiers de leur histoire.

Nathalie rapporte : « Je suis fort dans le futur. Je suis tout le temps


en train de prévoir le futur. Je pense toujours à ce qui pourrait arri-
ver. Je me dis : “On verra bien”, mais ça, c’est avec la tête, pas avec
les tripes. Avec les tripes, je me dis que ça n’ira pas, je m’imagine
toujours le pire, je me dis que je ne vais pas y arriver. Le passé, je
le ressasse et en même temps, c’est bizarre, mais j’ai oublié plein
de choses. Ma sœur qui est plus jeune que moi rappelle parfois des
anecdotes qu’on a vécues ensemble et moi, je ne m’en souviens pas.
Le présent, je n’en profite pas. Je suis tout le temps sur mes gardes, je
me contrôle, je veux être parfaite, j’ai peur qu’on puisse me reprocher
quelque chose, même si c’est un bête truc. »

144
4. La phase à long terme

Ismir, un jeune Bosniaque de 17 ans, nous déclarait en 1992, alors que


la guerre battait son plein en ex-Yougoslavie : « Une guerre, ça dure
combien de temps ? On n’en sait rien… Je vais bientôt avoir 18 ans.
Avant, j’étudiais, j’avais des projets, je voulais devenir mécanicien,
mais maintenant… On attend que j’aie 18 ans pour m’envoyer au front.
Ce sera sans doute pour la prochaine mobilisation. Alors, vous savez,
mon futur… Mon futur, c’est être tué sur le front… »

Carole a vécu dans une famille violente. Aujourd’hui adulte, elle livre :
« Avant, je ne me rendais pas compte de ça. Les enfants ne s’inter-
rogent pas sur leur passé. Ça commence à l’adolescence, ça, de revi-
siter son passé, parce que c’est à ce moment-là que vous commencez
à avoir des amis et vos premières relations amoureuses. C’est à ce
moment-là que s’établissent les premières relations intimes où on se
raconte, où on explique qui on est, ce qu’on a vécu et tout ça. Et là, je
me suis rendu compte que je ne me souvenais de rien. J’avais quelques
flashs, mais c’est tout. Mes amis pensaient que je mentais, qu’il y avait
des choses que je ne voulais pas leur dire, mais j’avais vraiment oublié
et ça n’est d’ailleurs jamais revenu… Même les chouettes choses, je
les ai oubliées… J’ai pu reconstruire mon histoire avec mes frères et
sœurs, avec ma grand-mère, avec ma voisine et c’est comme ça que je
sais ce qui s’est passé. »

Face aux symptômes décrits ci-dessus, les diagnostics de trouble de


l’adaptation26, de trouble dissociatif de l’identité (personnalité mul-
tiple)27 et de trouble de la personnalité borderline (états-limites,
cas-limites28), dépendante29, histrionique (hystérique)30, évitante31
(phobique), narcissique32 ou antisociale (psychopathe)33 sont souvent
posés chez les victimes ayant subi dans leur enfance ou l’adolescence
des événements délétères extrêmes, répétés ou prolongésg. Espérons
que dans l’avenir, le DSM-6 introduira une nouvelle catégorie dia-
gnostique, le C-PTSD34 ou le DESNOSh. La CIM-11 a élargi les critères
d’admissibilité de son actuelle « modification durable de la personna-
lité après une expérience de catastrophe »i à d’autres catégories de
victimes. Mieux, elle a franchi un cap décisif en proposant l’introduc-
tion d’une nouvelle entité clinique, le stress post-traumatique com-
plexe35. De nouvelles entités syndromiques dans les nomenclatures

g. Voir infra « Les psychopathologies », p. 146.


h. Disorder of Extreme Stress not Otherwise Specified ou DESNOS, traduit en français
par Trouble de stress extrême non spécifié outre mesure. Dénomination proposée par
T. Luxenberg, J. Spinazzola, B. van der Kolk. Voir infra « Les syndromes psychotrauma-
tiques selon les nosographies internationales », p. 147.
i. Voir infra « Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internatio-
nales », p. 147.

145
Le traumatisme psychique

internationales, une bonne connaissance de la névrose traumatique


et une anamnèse bien conduite devraient permettre de conclure plus
souvent à des troubles subséquents à un événement traumatique.

Les psychopathologies

Les victimes ayant subi dans leur enfance ou leur l’adolescence des
événements délétères, surtout s’ils ont été extrêmes, répétés ou pro-
longés, risquent de développer une psychopathologie névrotique ou
psychotique.
Les événements traumatiques précoces risquent d’induire une orga-
nisation pathologique de la personnalité tandis que les événements plus
tardifs sont davantage des facteurs précipitant la survenue d’une psycho-
pathologie préexistante.
• Les névroses. L’anxiété est présente dans toutes les névroses. Il n’est
donc pas étonnant qu’un événement traumatique puisse instaurer les
circonstances propices au déclenchement de l’anxiété névrotique.
Le trauma se prête principalement au développement des névroses
phobiques36. Les enfants anxieux, sujets à des peurs spécifiques et
ayant tendance à l’évitement, pourront ainsi présenter précocement
une névrose phobique.
L’impact traumatique peut également favoriser l’éclosion d’une
névrose hystérique37. Rappelons au passage que traumatisme et hys-
térie partagent un passé commun dans les théories freudiennes. En
effet, Freud, dans ses premières théories sur l’hystérie, considérait que
les symptômes hystériques étaient la conséquence d’un traumatisme,
généralement sexuel, advenu durant l’enfance et oublié à l’âge adulte.
L’hystérie était donc, selon lui, la réponse corporelle (conversion hysté-
rique) à un traumatisme38.
Nous l’avons vu dans le chapitre consacré aux réactions immédiates,
le traumatisme peut initier une névrose obsessionnelle. Toutefois, lors-
qu’une névrose obsessionnelle est installée, les obsessions et les rituels
protègent généralement les individus des agressions psychiques d’un
événement délétère.
• Les psychoses. Lorsque leur entourage se montre insensible à leurs
besoins ou qu’ils sont plongés dans un climat de violence, certains
enfants échappent à cet environnement mortifère en se repliant dans
l’imaginaire. Les phénomènes dissociatifs tels la dépersonnalisation,
la déréalisation et les phénomènes hallucinatoires corrompent eux
aussi l’appréhension de la réalité (cf. les personnalités multiples). Cette
rupture de contact avec la réalité hypothèque la construction harmo-
nieuse de l’identité des jeunes victimes. Or une identité fragmentée et

146
4. La phase à long terme

déstructurée offre un terrain propice à l’éclosion et au développement


des psychoses. En effet, ces enfants risquent d’entrer dans des méca-
nismes de type autistique, schizoïde, voire schizophrénique.

Les syndromes psychotraumatiques


selon les nosographies internationales

Nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les nosographies interna-


tionales sont les modèles de référence pour la description des troubles
traumatiques du grand enfant et de l’adolescent.

L’état de stress post-traumatique

Le DSM et la CIM répertorient tous deux un état de stress post-traumatique.

Le DSM

C’est en 1980, dans le DSM-III, qu’apparaît pour la première fois le


syndrome d’état de Stress Post-Traumatique ou ESPT (en anglais, Post-
Traumatic Stress Disorder ou PTSD). Sa description s’appliquait à la popu-
lation adulte sans aucune mention spécifique aux enfants.
En 1987, dans la version DSM-III-R et en 1994, dans le DSM-IV,
quelques brèves références concernant les enfants sont ajoutées. Ces cri-
tères se sont toutefois avérés difficilement applicables aux jeunes enfants
et peu représentatifs des réactions qu’ils manifestent après un événement
traumatisant.
En 2013, dans sa cinquième version, le DSM introduit un sous-type
développemental, l’« ESTP préscolaire » (PTSD Preschool Subtype) des-
tiné aux enfants jusqu’à l’âge de 6 ans. Pour ces jeunes enfants, les
seuils diagnostiques ont été abaissés, des critères jugés inappropriés ont
été supprimés (par exemple, l’incapacité de se rappeler d’un aspect
important du traumatisme et le sentiment d’avenir bouché) et d’autres
ont été adaptés (par exemple, les items évaluant le vécu interne ont
été commutés en comportements observables). Parmi les spécificités les
plus significatives liées au jeune âge, citons le fait que les reviviscences
s’expriment fréquemment au travers de reconstitutions de la scène trau-
matique dans les jeux, que le rappel des événements ne soulève pas sys-
tématiquement de la détresse et que les altérations négatives concernent
davantage l’humeur que les cognitions. Au sujet de l’ETSP applicable
aux enfants de plus de six ans et aux adolescents, le DSM-IV répartissait
les 17 symptômes objectivant ce syndrome en trois grands groupes :
les reviviscences (critère B), les évitements et l’émoussement de la réac-
tivité générale (critère C) et l’activation neurovégétative (critère D).

147
Le traumatisme psychique

Le DSM-5, quant à lui, propose quatre clusters : les symptômes d’intru-


sion (critère B), les évitements (critère C), les altérations négatives des
cognitions et de l’humeur (critère D) et les altérations de l’activation
physiologique et de la réactivité (critère E). Ceux-ci comptabilisant un
total de 20 signes cliniques. Pour l’essentiel, ceux-ci sont identiques à
la version précédente. Quatre symptômes ont été ajoutés ; un a été éli-
miné ; quelques-uns ont été révisés (par exemple, le critère « rêves répé-
titifs de l’événement provoquant un sentiment de détresse » est précisé
et devient « rêves répétitifs provoquant un sentiment de détresse dans
lesquels le contenu et/ou l’affect du rêve sont liés à l’événement/aux
événements traumatiques »). L’ensemble évitements/émoussement de la
réactivité générale du DSM-IV a été scindé : dorénavant, les évitements
constituent le critère C ; les symptômes d’engourdissement émotionnel
auxquels ont été adjoints trois nouveaux symptômes, les croyances et
attentes négatives persistantes et exagérées par rapport à soi-même,
à autrui ou au monde (par exemple, « Je suis mauvais », « On ne peut
faire confiance à personne », « Le monde entier est dangereux », etc.), le
blâme persistant par rapport à soi ou à autrui, et les émotions négatives
persistantes de l’humeur (peur, horreur, colère, culpabilité ou honte)
forment le cluster D. L’item « sentiment d’avenir “bouché” (par ex., pen-
ser ne pas pouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants ou avoir
un cours normal de la vie) » n’a pas été retenu dans la cinquième version
du manuel. Quant au critère E, regroupant les signes témoignant de
l’hyperactivation neurovégétative et de l’hyperréactivité, il reprend les
symptômes de l’ancien cluster D ainsi qu’un nouvel item, le comporte-
ment irréfléchi ou autodestructeur.
Un critère supplémentaire, le critère H, a été ajouté et précise que les
troubles ne peuvent être attribués à la prise d’une médication, à un abus
de substance psychotrope ou à une maladie.
Autre nouveauté importante apportée à l’ESPT dans le DSM-5 : le dia-
gnostic demande de préciser si la personne présente des symptômes disso-
ciatifs de dépersonnalisation (expériences persistantes ou récurrentes de se
sentir détaché de soi, comme si l’individu était un observateur extérieur de
ses processus mentaux ou de son corps) et/ou de déréalisation (expériences
persistantes ou récurrentes d’un sentiment d’irréalité de l’environnement).
Les flashbacks et l’amnésie psychogène faisaient déjà partie intégrante
du syndrome. Toutefois, certaines victimes manifestent d’autres signes de
dissociation, justifiant l’introduction de cette spécification.

La CIM

La CIM-11 présente un état de stress post-traumatique, mais ne


donne pas d’informations propres aux enfants. Leurs auteurs considèrent
que les critères de l’ESTP sont valides pour diagnostiquer les troubles

148
4. La phase à long terme

traumatiques des jeunes victimes. Notons cependant que si adultes et


enfants partagent un noyau commun de symptômes, il existe néanmoins
de grandes variations dans les réactions des enfants en fonction de leur
groupe d’âge.
La CIM fait mention de l’état de stress post-traumatique depuis 1992
dans son chapitre « Troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de
stress et troubles somatoformes ». Dans la CIM-11, l’entité migre dans un
nouveau chapitre dénommé « Troubles mentaux, comportementaux ou
neurodéveloppementaux » (Mental, behavioural or neurodevelopmental
disorders) dans la sous-catégorie « Troubles spécifiquement associés au
stress » (Disorders specifically associated with stress).
Dans cette onzième édition, l’Organisation mondiale de la Santé apporte
des modifications substantielles à l’état de stress post-traumatique. Le
diagnostic est désormais centré sur les symptômes pathognomoniques du
traumatisme (reviviscences, évitements et hyperactivation neurovégéta-
tive); le chevauchement avec d’autres diagnostics ayant été réduit par la
surpression des symptômes co-morbides (troubles anxieux et dépressifs).
L’anesthésie affective mise en avant dans la CIM-10 disparaît au profit
des émotions (peur, horreur) et des sensations physiques. Les conduites
d’évitement se voient détaillées ; l’hyperactivation neurovégétative expli-
quée par les « perceptions persistantes de menace actuelle accrue » et
enrichie de l’item « réaction accrue à un stimulus tel que le bruit imprévu ».
De plus, l’OMS a franchi un cap décisif en introduisant dans la nouvelle
version de la CIM l’état de stress post-traumatique complexej.
La CIM-10 répertorie également, dans la classe F.48 « Autres troubles névro-
tiques », un syndrome de dépersonnalisation-déréalisation. Dans sa version
remaniée, la CIM-11 reconnaît le « trouble dépersonnalisation-déréalisation »
qu’elle classe maintenant dans la catégorie dédiée aux troubles dissociatifsk.

j. Voir infra le chapitre consacré aux altérations de la personnalité, p. 163.


k. Voir infra le chapitre consacré aux troubles dissociatifs, p. 155.

149
Le traumatisme psychique

309.81 (F43.10) Trouble stress post-traumatique 309.81 (F43.10)


selon le DSM-5
N.B. Les critères suivants s’appliquent aux adultes, aux adolescents
et aux enfants âgés de plus de 6 ans. Pour les enfants de 6 ans ou moins,
cf. Les critères correspondants ci-dessous.
A. Exposition à la mort effective ou à une menace de mort, à une blessure grave
ou à des violences sexuelles d’une (ou de plusieurs) des façons suivantes :
1. En étant directement exposé à un ou à plusieurs événements traumatiques.
2. En étant témoin direct d’un ou de plusieurs événements traumatiques
survenus à d’autres personnes.
3. En apprenant qu’un ou plusieurs événements traumatiques sont arrivés
à un membre de la famille proche ou à un ami proche. Dans les cas de mort
effective ou de menace de mort d’un membre de la famille ou d’un ami,
le ou les événements doivent avoir été violents ou accidentels.
4. En étant exposé de manière répétée ou extrême aux caractéristiques aversives
du ou des événements traumatiques (p. ex. Intervenants de première ligne
rassemblant des restes humains, policiers exposés à plusieurs reprises à des faits
explicites d’abus sexuels d’enfants).
N.B. Le critère A4 ne s’applique pas à des expositions par l’intermédiaire
de médias électroniques, télévision, films ou images, sauf quand elles
surviennent dans le contexte d’une activité professionnelle.
B. Présence d’un (ou de plusieurs) des symptômes envahissants suivants associés
à un ou plusieurs événements traumatiques et ayant débuté après la survenue
du ou des événements traumatiques en cause :
1. Souvenirs répétitifs, involontaires et envahissants du ou des événements
traumatiques provoquant un sentiment de détresse. N.B. Chez les enfants de plus
de 6 ans, on peut observer un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des aspects
du traumatisme.
2. Rêves répétitifs provoquant un sentiment de détresse dans lesquels
le contenu et/ou l’affect du rêve sont liés à l’événement/aux événements
traumatiques. N.B. Chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants
sans contenu reconnaissable.
3. Réactions dissociatives (p. ex. Flashbacks [scènes rétrospectives]) au cours
desquelles le sujet se sent ou agit comme si le ou les événements traumatiques
allaient se reproduire. (De telles réactions peuvent survenir sur un continuum,
l’expression la plus extrême étant une abolition complète de la conscience
de l’environnement.) N.B. Chez les enfants, on peut observer des reconstitutions
spécifiques du traumatisme au cours du jeu.
4. Sentiment intense ou prolongé de détresse psychique lors de l’exposition
à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect
du ou des événements traumatiques en cause.
5. Réactions physiologiques marquées lors de l’exposition à des indices internes
ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect du ou des événements
traumatiques.

150
4. La phase à long terme

C. Évitement persistant des stimuli associés à un ou plusieurs événements


traumatiques, débutant après la survenue du ou des événements traumatiques,
comme en témoigne la présence de l’une ou des deux manifestations suivantes :
1. Évitement ou efforts pour éviter les souvenirs, pensées ou sentiments
concernant ou étroitement associés à un ou plusieurs événements traumatiques
et provoquant un sentiment de détresse.
2. Évitement ou efforts pour éviter les rappels externes (personnes, endroits,
conversations, activités, objets, situations) qui réveillent des souvenirs des
pensées ou des sentiments associés à un ou plusieurs événements traumatiques
et provoquant un sentiment de détresse.
D. Altérations négatives des cognitions et de l’humeur associées
à un ou plusieurs événements traumatiques, débutant ou s’aggravant après
la survenue du ou des événements traumatiques, comme en témoignent deux
(ou plus) des éléments suivants :
1. Incapacité de se rappeler un aspect important du ou des événements
traumatiques (typiquement en raison de l’amnésie dissociative et non pas à cause
d’autres facteurs comme un traumatisme crânien, l’alcool ou des drogues).
2. Croyances ou attentes négatives persistantes et exagérées concernant soi-
même, d’autres personnes ou le monde (p. ex. : « Je suis mauvais », « On ne peut
faire confiance à personne », « Le monde entier est dangereux », « Mon système
nerveux est complètement détruit pour toujours »).
3. Distorsions cognitives persistantes à propos de la cause ou des conséquences
d’un ou de plusieurs événements traumatiques qui poussent le sujet à se blâmer
ou à blâmer d’autres personnes.
4. État émotionnel négatif persistant (p. ex. Crainte, horreur, colère, culpabilité
ou honte).
5. Réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou bien réduction
de la participation à ces mêmes activités.
6. Sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir étranger par rapport
aux autres.
7. Incapacité persistante d’éprouver des émotions positives (p. ex. Incapacité
d’éprouver bonheur, satisfaction ou sentiments affectueux).
E. Altérations marquées de l’éveil et de la réactivité associés à un ou plusieurs
événements traumatiques, débutant ou s’aggravant après la survenue
du ou des événements traumatiques, comme en témoignent deux (ou plus)
des éléments suivants :
1. Comportement irritable ou accès de colère (avec peu ou pas de provocation)
qui s’exprime typiquement par une agressivité verbale ou physique envers
des personnes ou des objets.
2. Comportement irréfléchi ou autodestructeur.
3. Hypervigilance.
4. Réaction de sursaut exagérée.
5. Problèmes de concentration.

151
Le traumatisme psychique

6. Perturbation du sommeil (p. ex. Difficulté d’endormissement ou sommeil


interrompu ou agité).
F. La perturbation (symptômes des critères B, C, D et E) dure plus d’un mois.
G. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative
ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres
domaines importants.
H. La perturbation n’est pas imputable aux effets physiologiques
d’une substance (p. ex. Médicament, alcool) ou à une autre affection médicale.
Spécifier le type :
Avec symptômes dissociatifs : les symptômes présentés par le sujet répondent
aux critères d’un trouble de stress post-traumatique ; de plus et en réponse
au facteur de stress, le sujet éprouve l’un ou l’autre des symptômes persistants
ou récurrents suivants :
1. Dépersonnalisation : expériences persistantes ou récurrentes de se sentir
détaché de soi, comme si l’on était un observateur extérieur de ses processus
mentaux ou de son corps (p. ex. Sentiment d’être dans un rêve, sentiment
de déréalisation de soi ou de son corps ou sentiment d’un ralentissement
temporel).
2. Déréalisation : expériences persistantes ou récurrentes d’un sentiment
d’irréalité de l’environnement (p. ex. Le monde autour du sujet est vécu
comme irréel, onirique, éloigné, ou déformé). N.B. Pour retenir ce sous-
type, les symptômes dissociatifs ne doivent pas être imputables aux effets
physiologiques d’une substance (p. ex. Période d’amnésie [blackouts],
manifestations comportementales d’une intoxication alcoolique aiguë)
ou à une autre affection médicale (p. ex. Épilepsie partielle complexe).
Spécifier si : À expression retardée : si l’ensemble des critères diagnostiques
n’est présent que 6 mois après l’événement (alors que le début et l’expression
de quelques symptômes peuvent être immédiats).
Trouble stress post-traumatique de l’enfant de 6 ans ou moins
A. Chez l’enfant de 6 ans ou moins, exposition à la mort effective ou
à une menace de mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles
d’une (ou de plusieurs) des façons suivantes :
1. En étant directement exposé à un ou à plusieurs événements traumatiques.
2. En étant témoin direct d’un ou de plusieurs événements traumatiques
survenus à d’autres personnes, en particulier des adultes proches qui prennent
soin de l’enfant. N.B. Être le témoin direct n’inclut pas les événements
dont l’enfant a été témoin seulement par des médias électroniques, la télévision,
des films ou des images.
3. En apprenant qu’un ou plusieurs événements traumatiques sont arrivés
à un parent ou à une personne prenant soin de l’enfant.
B. Présence d’un (ou de plusieurs) des symptômes envahissants suivants associés
à un ou à plusieurs événements traumatiques ayant débuté après la survenue
du ou des événements traumatiques en cause :

152
4. La phase à long terme

1. Souvenirs répétitifs, involontaires et envahissants du ou des événements


traumatiques provoquant un sentiment de détresse. N.B. Les souvenirs spontanés
et envahissants ne laissent pas nécessairement apparaître la détresse et peuvent
s’exprimer par le biais de reconstitutions dans le jeu.
2. Rêves répétitifs provoquant un sentiment de détresse, dans lesquels le contenu
et/ou l’affect du rêve sont liés à l’événement/aux événements traumatiques. N.B.
Il peut être impossible de vérifier que le contenu effrayant est lié à l’événement/
aux événements traumatiques.
3. Réactions dissociatives (p. ex. Flashbacks [scènes rétrospectives]) au cours
desquelles l’enfant se sent ou agit comme si le ou les événements traumatiques
allaient se reproduire. (De telles réactions peuvent survenir sur un continuum,
l’expression la plus extrême étant une abolition complète de la conscience
de l’environnement.) Des reconstitutions spécifiques du traumatisme peuvent
survenir au cours du jeu.
4. Sentiment intense ou prolongé de détresse psychique lors de l’exposition
à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect
du ou des événements traumatiques en cause.
5. Réactions physiologiques marquées lors de l’exposition à des indices rappelant
le ou les événements traumatiques.
C. Un (ou plusieurs) des symptômes suivants, représentant soit un évitement
persistant de stimuli associés à l’événement/aux événements traumatiques,
soit des altérations des cognitions et de l’humeur associées à l’événement/
aux événements traumatiques, doivent être présents et débuter après
le ou les événements ou s’aggraver après le ou les événements traumatiques :
Évitement persistant de stimuli
1. Évitement ou efforts pour éviter des activités, des endroits ou des indices
physiques qui réveillent les souvenirs du ou des événements traumatiques.
2. Évitement ou efforts pour éviter les personnes, les conversations
ou les situations interpersonnelles qui réveillent les souvenirs
du ou des événements traumatiques.
Altérations négatives des cognitions
3. Augmentation nette de la fréquence des états émotionnels négatifs
(p. ex. Crainte, culpabilité, tristesse, honte, confusion).
4. Réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou bien réduction
de la participation à ces activités, y compris le jeu.
5. Comportement traduisant un retrait social.
6. Réduction persistante de l’expression des émotions positives.
D. Changements marqués de l’éveil et de la réactivité associés à l’événement/
aux événements traumatiques, débutant ou s’aggravant après la survenue
du ou des événements traumatiques, comme en témoignent deux (ou plus)
des manifestations suivantes :
1. Comportement irritable ou accès de colère (avec peu ou pas de provocation)
qui s’exprime typiquement par une agressivité verbale ou physique envers
des personnes ou des objets (y compris par des crises extrêmes de colère).

153
Le traumatisme psychique

2. Hypervigilance.
3. Réaction de sursaut exagérée.
4. Difficultés de concentration.
5. Perturbation du sommeil (p. ex. Difficulté d’endormissement ou sommeil
interrompu ou agité).
E. La perturbation dure plus d’un mois.
F. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou
une altération des relations avec les parents, la fratrie, les pairs, d’autres aidants
ou une altération du comportement scolaire.
G. La perturbation n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance
(p. ex. Médicament, alcool) ou une autre affection médicale.
Spécifier le type :
Avec symptômes dissociatifs : les symptômes présentés par le sujet répondent
aux critères d’un trouble stress post-traumatique ; de plus, et en réponse
au facteur de stress, le sujet éprouve l’un ou l’autre des symptômes persistants
ou récurrents suivants :
1. Dépersonnalisation : expériences persistantes ou récurrentes de se sentir
détaché de soi, comme si l’on était un observateur extérieur de ses processus
mentaux ou de son corps (p. ex., sentiment d’être dans un rêve, sentiment
de déréalisation de soi ou de son corps ou sentiment d’un ralentissement
temporel).
2. Déréalisation : expériences persistantes ou récurrentes d’un sentiment
d’irréalité de l’environnement (p. ex. Le monde autour du sujet est vécu
comme irréel, onirique, éloigné ou déformé). N.B. Pour retenir ce sous-
type, les symptômes dissociatifs ne doivent pas être imputables aux effets
physiologiques d’une substance (p. ex. Période d’amnésie [blackouts])
ou à une autre affection médicale (p. ex. Épilepsie partielle complexe).
Spécifier si :
À expression retardée : si l’ensemble de critères diagnostiques n’est présent
que 6 mois après l’événement (alors que le début et l’expression de quelques
symptômes peuvent être immédiats).

L’État de stress post-traumatique (6B40) selon la CIM-1139


Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) est un trouble qui peut
se développer à la suite d’une exposition à un événement ou une série
d’événements extrêmement menaçants ou horribles. Elle se caractérise par toutes
les caractéristiques suivantes : 1) revivre l’événement ou les événements
traumatisants dans le présent sous la forme de souvenirs intrusifs, de flashbacks
ou de cauchemars. Elles s’accompagnent généralement d’émotions fortes
ou accablantes, en particulier la peur ou l’horreur, et de sensations physiques
fortes ; 2) l’évitement des pensées et des souvenirs de l’événement

154
4. La phase à long terme

ou des événements, ou l’évitement des activités, des situations ou des personnes


rappelant l’événement ou les événements et 3) des perceptions persistantes
de menace actuelle accrue, par exemple par hypervigilance ou une réaction
accrue à un stimulus tel que le bruit imprévu. Les symptômes persistent pendant
au moins plusieurs semaines et entraînent des troubles importants sur le plan
personnel, familial, social, éducatif, professionnel ou dans d’autres domaines
importants du fonctionnement.

Les troubles dissociatifs de la personnalité

Dans le chapitre consacré aux troubles immédiats et post-immédiats,


nous avons présenté les troubles dissociatifs répertoriés par le DSM et la
CIM. Nous avons également considéré les sous-types de l’État de Stress
Post-Traumatique avec symptômes dissociatifs du DSM-5 (avec déperson-
nalisation et/ou dépersonnalisation). Une traumatisation extrême peut
également provoquer sur le long terme une dissociation structurelle de
la personnalitél. Le DSM-5 propose un trouble dissociatif de l’identité.
La CIM-10 listait un trouble de la personnalité multiple sans toutefois
en fournir de description. La CIM-11 marque une avancée importante
en remplaçant ce diagnostic par deux autres, le trouble dissociatif par-
tiel de l’identité et le trouble dissociatif de l’identitém. Pour la CIM-11,
« le trouble dissociatif de l’identité se caractérise par une perturbation
de l’identité dans laquelle au moins deux états de personnalité distincts
(identités dissociatives) sont associés à des discontinuités marquées du
sens du moi et de l’action »40.
En ce qui concerne le DSM-5, nous l’avons vun, les signes d’une per-
turbation de l’identité, repris dans le critère A, sont davantage explicités
que dans le DSM-IV. Ce critère souligne également que l’affection peut
être décrite dans certaines cultures comme une expérience de possession.
La version précédente du manuel définissait le trouble de la personnalité
multiple comme la présence d’au moins deux identités ou états de person-
nalité. De manière pertinente, le DSM-5 renonce à la notion d’identité
pour ne retenir que celle d’état de personnalité (« perturbation de l’iden-
tité caractérisée par deux ou plusieurs états de personnalité distincts »).
Le DSM-5 précise également que les signes et symptômes spécifiques
du trouble dissociatif de l’identité peuvent être rapportés par l’individu
lui-même ou être observés par autrui.
Le critère B du DSM-IV indiquant que les identités ou états de person-
nalités prennent de manière récurrente le contrôle du comportement de la
personne a été éliminé. Le critère B actuel note que les personnes souffrant

l. Voir le chapitre « Les troubles dissociatifs » dans la phase aiguë, p. 104.


m. Ibid.
n. Ibid

155
Le traumatisme psychique

d’un trouble dissociatif de l’identité peuvent manifester des lacunes récur-


rentes dans le rappel des événements quotidiens et pas uniquement pour
les expériences traumatisantes comme édicté dans la version précédente.
Un critère C précisant que la perturbation entraîne une souffrance ou
une altération du fonctionnement de l’individu et un critère D stipulant
qu’elle ne peut être assimilée à des pratiques culturelles et religieuses
culturellement admises ont été adjoints.
Trouble dissociatif de l’identité 300.14 (F44.81) selon le DSM-5
A. Perturbation de l’identité caractérisée par deux ou plusieurs états de
personnalité distincts, ce qui peut être décrit dans certaines cultures comme une
expérience de possession. La perturbation de l’identité implique une discontinuité
marquée du sens de soi et de l’agentivité, accompagnée d’altérations, en rapport
avec celle-ci, de l’affect, du comportement, de la conscience, de la mémoire,
de la perception, de la cognition et/ou du fonctionnement sensorimoteur.
Ces signes et ces symptômes peuvent être observés par les autres ou bien
rapportés par le sujet lui-même.
B. Fréquents trous de mémoire dans le rappel d’événements quotidiens,
d’informations personnelles importantes et/ou d’événements traumatiques, qui ne
peuvent pas être des oublis ordinaires.
C. Les symptômes sont à l’origine d’une détresse cliniquement significative
ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres
domaines importants.
D. La perturbation ne fait pas partie d’une pratique culturelle ou religieuse
largement admise. N.B. Chez l’enfant, les symptômes ne s’expliquent pas par
la représentation de camarades de jeu imaginaires ou d’autres jeux d’imagination.
E. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques
d’une substance (p. ex. Les trous de mémoire ou les comportements chaotiques
au cours d’une intoxication par l’alcool) ou à une autre affection médicale
(p. ex. Des crises comitiales partielles complexes).
Le trouble dissociatif de l’identité selon la CIM-11 (6B64)41
Le trouble dissociatif de l’identité se caractérise par une perturbation de l’identité
dans laquelle au moins deux états de personnalité distincts (identités dissociatives)
sont associés à des discontinuités marquées du sens du moi et de l’action. Chaque
état de personnalité inclut son propre modèle d’expérience, de perception,
de conception et de relation à soi, au corps et à l’environnement. Au moins deux
états de personnalité distincts prennent de façon récurrente le contrôle exécutif
de la conscience de l’individu et de son fonctionnement dans ses interactions
avec les autres ou avec l’environnement, par exemple dans l’exécution d’aspects
spécifiques de la vie quotidienne comme le rôle parental ou le travail, ou
en réponse à des situations spécifiques (par exemple, celles qui sont considérées

156
4. La phase à long terme

comme menaçantes). Les changements dans l’état de la personnalité


s’accompagnent d’altérations connexes de la sensation, de la perception,
de l’affect, de la cognition, de la mémoire, du contrôle moteur et
du comportement. Il y a typiquement des épisodes d’amnésie, qui peuvent
être sévères. Les symptômes ne s’expliquent pas mieux par un autre trouble
mental, comportemental ou neurodéveloppemental et ne sont pas dus aux effets
directs d’une substance ou d’un médicament sur le système nerveux central,
y compris les effets de sevrage, et ne sont pas dus à une maladie du système
nerveux ou à un trouble du sommeil. Les symptômes entraînent des déficiences
importantes sur le plan personnel, familial, social, éducatif, professionnel ou
dans d’autres domaines importants du fonctionnement.
Le trouble dissociatif partiel de l’identité selon la CIM-11 (6B65)42
Le trouble dissociatif partiel de l’identité se caractérise par une perturbation
de l’identité dans laquelle deux ou plusieurs états de personnalité distincts
(identités dissociatives) sont associés à des discontinuités marquées du sens du moi
et de l’action. Chaque état de personnalité inclut son propre modèle d’expérience,
de perception, de conception et de relation à soi, au corps et à l’environnement.
Un état de personnalité est dominant et fonctionne normalement dans la vie
quotidienne, mais il est perturbé par un ou plusieurs états de personnalité
non dominants (intrusions dissociatives). Ces intrusions peuvent être cognitives,
affectives, perceptives, motrices ou comportementales. Elles sont perçues comme
interférant avec le fonctionnement de l’état de personnalité dominant et sont
typiquement aversives. Les états de personnalité non dominants ne prennent pas
de manière récurrente le contrôle exécutif de la conscience et du fonctionnement
de l’individu, mais il peut y avoir des épisodes occasionnels, limités et transitoires,
dans lesquels un état de personnalité distinct prend le contrôle exécutif pour
adopter des comportements circonscrits, par exemple en réponse à des états
émotionnels extrêmes ou lors d’épisodes d’automutilation ou de reconstitution
de souvenirs traumatiques. Les symptômes ne s’expliquent pas mieux par un autre
trouble mental, comportemental ou neurodéveloppemental et ne sont pas dus aux
effets directs d’une substance ou d’un médicament sur le système nerveux central,
y compris les effets de sevrage, et ne sont pas dus à une maladie du système
nerveux ou à un trouble du sommeil. Les symptômes entraînent des déficiences
importantes sur le plan personnel, familial, social, éducatif, professionnel ou dans
d’autres domaines importants du fonctionnement.

Les autres tableaux cliniques consécutifs


à un événement délétère

Outre les troubles post-traumatiques aigus, chroniques et complexes,


les altérations de la personnalité et les troubles dissociatifs43 définis dans
les chapitres précédents, les nosographies internationales DSM et CIM
reconnaissent d’autres tableaux cliniques pour lesquels le facteur causal
principal est un événement délétère.

157
Le traumatisme psychique

Le DSM

Nous l’avons vu, le DSM-5 a créé une partie distincte pour les troubles
consécutifs à un événement délétère (Troubles liés à des traumatismes ou
à des facteurs de stress).
Outre l’État de Stress Aigu et de l’État de Stress Post-Traumatique détaillés
précédemment, cette classe regroupe le trouble réactionnel de l’attache-
ment, le trouble désinhibition du contact social, les troubles de l’adaptation,
les autres troubles liés à des traumatismes et à des facteurs de stress spécifiés
ainsi que les autres troubles liés à des traumatismes et à des facteurs de stress
non spécifiés. Ces syndromes entretiennent des liens étroits avec les troubles
anxieux, les troubles obsessionnels-compulsifs et les troubles dissociatifs.
Dans le DSM-IV, le diagnostic de trouble réactif de l’attachement com-
porte deux sous-types : émotionnellement retiré (inhibé) et sans discrimi-
nation sociale (désinhibé). Dans le DSM-5, ces sous-types sont scindés et
deviennent des troubles distincts : le trouble réactionnel de l’attachement
et le trouble de désinhibition du contact social. Ils résultent tous deux de
la négligence sociale ou d’autres situations néfastes restreignant l’oppor-
tunité du jeune enfant à nouer des liens d’attachements positifs.
Les troubles de l’adaptation constituent un ensemble hétérogène de
réponses au stress qui surviennent après une exposition à un événement
délétère, traumatique ou non. Le diagnostic est posé lorsque la tota-
lité des critères de l’État de Stress post-traumatique, de la dépression
majeure ou d’un trouble anxieux ne sont pas rencontrés. Les sous-types
du DSM-IV restent inchangés : avec humeur dépressive (humeur dépres-
sive, pleurs, sentiments de désespoir), avec anxiété (nervosité, inquiétude,
agitation, angoisse de séparation), à la fois anxiété et humeur dépressive
(combinaison de manifestations dépressives et anxieuses), avec pertur-
bation des conduites, avec perturbation à la fois des émotions et des
conduites (symptômes émotionnels du registre dépressif et anxieux cumu-
lés à une perturbation des conduites) et non spécifié (réactions inadaptées
inclassables dans les sous-types spécifiques du trouble de l’adaptation).
Le trouble est considéré comme aigu si les symptômes sont présents
depuis une durée inférieure à 6 mois et chronique au-delà. Notons que
le DSM-5 ne spécifie pas la forme chronique, par oubli, semble-t-il.

La CIM

Dans la classification « Réaction à un facteur de stress sévère et


troubles de l’adaptation », la CIM-10 propose, outre la réaction aiguë
à un facteur de stress et l’État de stress post-traumatique, des dia-
gnostics réactionnels à un événement stressant comparables à ceux du
DSM. Retenons les troubles de l’adaptation, réponses inadaptées à un
facteur de stress sévère ou persistant interférant avec des mécanismes

158
4. La phase à long terme

adaptatifs efficaces et conduisant à des problèmes dans la fonction


sociale, les autres réactions à un facteur de stress sévère et la réaction
à un facteur de stress sévère, sans précision. À cette liste de diagnostics,
la CIM-11 ajoute le deuil prolongé (prolonged grief disorder), réaction
de deuil persistante et envahissante au décès d’un proche caractérisée
par le désir ardent du défunt ou une préoccupation persistante envers
lui accompagnée d’une douleur émotionnelle intense d’une durée de
plus de six mois.
Troubles liés à des traumatismes ou à des facteurs de stress selon le DSM-5
Trouble réactionnel de l’attachement 313.89 (F94.1) selon le DSM-5
A. Mode relationnel durable vis-à-vis des adultes qui prennent soin de l’enfant,
caractérisé par un comportement inhibé et un retrait émotionnel, comme
en témoignent les deux éléments suivants :
1. L’enfant cherche rarement ou imperceptiblement le réconfort quand
il est en détresse.
2. L’enfant répond rarement ou imperceptiblement au réconfort quand
il est en détresse.
B. Perturbation sociale et émotionnelle persistante caractérisée par au moins deux
des éléments suivants :
1. Diminution de la réactivité sociale et émotionnelle à autrui.
2. Affects positifs restreints.
3. Épisodes inexpliqués d’irritabilité, de tristesse ou de craintes qui sont évidents
même lors d’interactions non menaçantes avec les adultes qui prennent soin
de l’enfant.
C. L’enfant a vécu des formes extrêmes d’insuffisance de soins comme
en témoigne au moins un des éléments suivants :
1. Négligence ou privation sociale caractérisée par une carence chronique
des besoins émotionnels élémentaires concernant le réconfort, la stimulation
et l’affection de la part des adultes prenant soin de l’enfant.
2. Changements répétés des personnes qui s’occupent principalement de l’enfant,
limitant les possibilités d’établir des attachements stables (p. ex. Changements
fréquents de famille d’accueil).
3. Éducation dans des conditions inhabituelles qui limitent sévèrement
les possibilités d’établir des attachements sélectifs (p. ex. Institutions comprenant
un nombre élevé d’enfants par rapport au nombre d’adultes).
D. Le manque de soins décrit dans le critère C est considéré comme
étant à l’origine des comportements perturbés décrits dans le critère A
(p. ex. Les perturbations décrites dans le critère A ont débuté après le manque de
soins adéquats décrits dans le critère C).
E. Les critères ne répondent pas à un trouble du spectre de l’autisme.
F. Le trouble est évident avant l’âge de 5 ans.
G. L’âge de développement de l’enfant est d’au moins 9 mois.

159
Le traumatisme psychique

Spécifier si : chronique : le trouble est présent depuis plus de 12 mois.


Spécifier la sévérité actuelle : le trouble réactionnel de l’attachement est spécifié
grave quand l’enfant présente tous les symptômes du trouble, chaque symptôme
s’exprimant à des niveaux relativement élevés.
Désinhibition du contact social 313.89 (F94.2) selon le DSM-5
A. Mode relationnel avec lequel un enfant s’approche activement et interagit
avec des adultes inconnus et présente au moins deux des éléments suivants :
1. Réticence réduite ou absence de réticence dans l’approche ou l’interaction
avec des adultes peu familiers.
2. Comportement verbal ou physique excessivement familier (qui n’est pas
en accord avec les limites sociales culturellement admises ou avec l’âge).
3. Ne demande pas ou guère l’accord d’un adulte qui prend soin de lui avant
de s’aventurer au loin, même dans des lieux inconnus.
4. Accepte de partir avec un adulte peu familier avec un minimum d’hésitation
ou sans aucune hésitation.
B. Les comportements du critère A ne se limitent pas à une impulsivité
(comme dans le déficit de l’attention/hyperactivité) mais incluent
un comportement socialement désinhibé.
C. L’enfant a vécu des formes extrêmes de carence de soins comme en témoigne
au moins un des éléments suivants :
1. Négligence sociale ou privation dans le sens d’une carence chronique
des besoins émotionnels élémentaires concernant le réconfort, la stimulation
et l’affection de la part des adultes prenant soin de l’enfant.
2. Changements répétés des personnes qui s’occupent principalement de l’enfant,
ce qui limite les possibilités d’établir un attachement stable (p. ex. Changements
fréquents de famille d’accueil).
3. Éducation dans des conditions inhabituelles qui limitent sévèrement
les possibilités d’établir des attachements sélectifs (p. ex. Institutions comprenant
un nombre élevé d’enfants par rapport au nombre d’adultes).
D. Le manque de soins décrit dans le critère C est considéré comme
étant à l’origine des comportements perturbés décrits dans le critère A
(p. ex. Les perturbations du critère A ont débuté après le mode de soins
pathogène décrit dans le critère C).
E. L’âge de développement de l’enfant est d’au moins 9 mois.
Spécifier si : chronique : le trouble est présent depuis plus de 12 mois
Spécifier la sévérité actuelle : la désinhibition du contact social est spécifiée
comme grave quand l’enfant présente tous les symptômes du trouble, chaque
symptôme s’exprimant à des niveaux relativement élevés.
Troubles de l’adaptation
A. Survenue de symptômes émotionnels ou comportementaux en réponse
à un ou plusieurs facteurs de stress identifiables dans les 3 mois suivant
l’exposition au(x) facteur(s) de stress.

160
4. La phase à long terme

B. Ces symptômes ou comportements sont cliniquement significatifs,


comme en témoignent un ou les deux éléments suivants :
1. Détresse marquée hors de proportion par rapport à la gravité ou à l’intensité
du facteur de stress, compte tenu du contexte externe et des facteurs culturels qui
pourraient influencer la gravité des symptômes et la présentation.
2. Altération significative du fonctionnement social, professionnel
ou dans d’autres domaines importants.
C. La perturbation causée par le facteur de stress ne répond pas aux critères
d’un autre trouble mental et n’est pas simplement une exacerbation d’un trouble
mental pré-existant.
D. Les symptômes ne sont pas ceux d’un deuil normal.
E. Une fois que le facteur de stress ou ses conséquences sont terminés,
les symptômes ne persistent pas au-delà d’une période additionnelle de 6 mois
Spécifier le type :
309.0 (F43.21) Avec humeur dépressive : baisse de l’humeur, larmoiement
ou sentiment de désespoir sont au premier plan.
309.24 (F43.22) Avec anxiété : nervosité, inquiétude, énervement ou anxiété
de séparation sont au premier plan.
309.28 (F43.23) Mixte avec anxiété et humeur dépressive : une combinaison
de dépression et d’anxiété est au premier plan.
309.3 (F43.24) Avec perturbation des conduites : la perturbation des conduites
est au premier plan.
309.4 (F43.25) Avec perturbation mixte des émotions et des conduites :
les symptômes émotionnels (p. ex. Dépression, anxiété) et la perturbation
des conduites sont au premier plan.
309.9 (F43.20) Non spécifié : Pour les réactions inadaptées qui ne sont pas
classables comme un des sous-types spécifiques du trouble de l’adaptation.
Autre trouble lié à des traumatismes ou à des facteurs de stress, spécifié
309.89 (F43.8) selon le DSM-5
Cette catégorie correspond à des tableaux cliniques dans lesquels des
symptômes caractéristiques d’un trouble lié à des traumatismes ou à
des facteurs de stress et entraînant une détresse cliniquement significative ou
une altération cliniquement significative du fonctionnement social, professionnel
ou dans d’autres domaines importants sont au premier plan, mais ne
remplissent tous les critères d’aucun des troubles de la classe des troubles liés à
un traumatisme ou à un facteur de stress. La catégorie « Autre trouble spécifié lié
à des traumatismes ou à des facteurs de stress » est utilisée dans des situations où
le clinicien décide de communiquer la raison particulière pour laquelle les critères
d’aucun trouble spécifique lié à des traumatismes ou à des facteurs de stress
ne sont entièrement remplis par le tableau clinique. Cela est fait en notant
« Autre trouble lié à des traumatismes ou à des facteurs de stress, spécifié » suivi
de la raison spécifique (p. ex. « Deuil complexe persistant »).

161
Le traumatisme psychique

Exemples de présentations pouvant être spécifiées en utilisant la désignation


« Autre trouble spécifié » :
1. Troubles ressemblant à un trouble de l’adaptation avec début retardé
des symptômes survenant plus de 3 mois après le facteur de stress.
2. Troubles ressemblant à un trouble de l’adaptation persistant plus de 6 mois sans
prolongation de la durée du facteur de stress.
3. Ataque de nervios (attaque de nerfs) : cf. « Glossaire des concepts culturels
de détresse » en annexe.
4. Autres syndromes d’ordre culturel : cf. « Glossaire des concepts culturels
de détresse » en annexe.
5. Deuil complexe persistant : Ce trouble est caractérisé par une peine
et des réactions de deuil sévères et persistantes (cf. « Affections proposées
pour des études supplémentaires »).
Trouble lié à des traumatismes ou à des facteurs de stress, non spécifié
309.9 (F43.9) selon le DSM-5
Cette catégorie correspond à des tableaux cliniques dans lesquels
des symptômes caractéristiques d’un trouble lié à des traumatismes ou à
des facteurs de stress et entraînant une détresse cliniquement significative ou
une altération cliniquement significative du fonctionnement social, professionnel
ou dans d’autres domaines importants sont au premier plan, mais ne
remplissent tous les critères d’aucun des troubles de la classe des troubles liés
à des traumatismes ou à des facteurs de stress décrits précédemment dans ce
chapitre. La catégorie « Autre trouble lié à des traumatismes ou à des facteurs
de stress, non spécifié » est utilisée dans des situations où le clinicien décide
de ne pas communiquer la raison particulière pour laquelle la présentation
clinique ne remplit pas entièrement les critères d’un trouble spécifique lié à des
traumatismes ou à des facteurs de stress, et inclut les situations où l’on n’a pas
assez d’informations pour poser un diagnostic spécifique (p. ex. Aux urgences).
Troubles de l’adaptation selon la CIM-11 (6B43)44
Troubles spécifiquement associés au stress
Le trouble d’adaptation est une réaction inadaptée à un facteur de stress
psychosocial identifiable ou à des facteurs de stress multiples (p. ex. divorce,
maladie ou invalidité, problèmes socio-économiques, conflits à la maison
ou au travail) qui survient habituellement dans le mois qui suit le facteur
de stress. Le trouble se caractérise par une préoccupation à l’égard
du facteur de stress ou de ses conséquences, y compris une inquiétude
excessive, des pensées récurrentes et pénibles au sujet du facteur de stress
ou une rumination constante au sujet de ses implications, ainsi que
par un manque d’adaptation au facteur de stress qui cause une déficience
importante sur les plans personnel, familial, social, éducatif, professionnel
ou autre. Les symptômes ne sont pas suffisamment spécifiques ou graves
pour justifier le diagnostic d’un autre trouble mental et comportemental
et disparaissent généralement dans les six mois, à moins que le facteur
de stress ne persiste pendant une plus longue période.

162
4. La phase à long terme

Troubles de deuil prolongé selon la CIM-1145


Le deuil prolongé est un trouble dans lequel, après le décès d’un partenaire,
d’un parent, d’un enfant ou d’une autre personne proche du défunt, il y
a une réaction de deuil persistante et envahissante caractérisée par le désir
ardent du défunt ou une préoccupation persistante envers lui accompagnée
d’une douleur émotionnelle intense (ex. tristesse, culpabilité, colère, déni,
blâme, difficulté à accepter la mort, sentiment d’avoir perdu une partie de soi,
incapacité à éprouver une humeur positive, engourdissement émotionnel,
difficulté à participer à des activités sociales ou autres). La réaction de deuil a
persisté pendant une période atypiquement longue après la perte (plus de 6 mois
au minimum) et dépasse nettement les normes sociales, culturelles ou religieuses
attendues pour la culture et le contexte de l’individu. Les réactions de deuil qui
ont persisté pendant de plus longues périodes et qui se situent dans une période
normative de deuil compte tenu du contexte culturel et religieux de la personne
sont considérées comme des réactions de deuil normales et ne sont pas attribuées
à un diagnostic. La perturbation entraîne des déficiences importantes sur le plan
personnel, familial, social, éducatif, professionnel ou dans d’autres domaines
importants du fonctionnement.

Les altérations de la personnalité

Les entités syndromiques d’état de stress post-traumatique proposées par


la CIM et le DSM ne rendent pas compte de tous les aspects de la névrose
traumatique. En effet, elles ne comprennent pas de description des altéra-
tions de la personnalité présentées par de nombreuses victimes, notamment
par celles ayant subi des événements extrêmes et/ou prolongés.

Le DSM

Actuellement, aucune entité du DSM ne couvre les altérations de la


personnalité consécutives à un événement traumatique. Des chercheurs
avaient plaidé pour l’introduction d’une nouvelle catégorie diagnos-
tique, le trauma complexe ou, en anglais, Complex Trauma Syndrome
(voir Luxenberg et al., 2001 ; Roth, Newman et al., 1997 ; Van der Kolk,
Roth et al., 2005 ; Yehuda, 2001 ; Herman, 1997), dans la cinquième
version du manuel. Ils n’ont pas été entendus. Judith Herman (1997)
avait suggéré l’appellation Complex Post-traumatic Stress Disorder ou
C-PTSD, en français « État de stress post-traumatique complexe ». D’autres
(Luxenberg et al., 2001) avaient proposé la dénomination Disorder of
Extreme Stress not Otherwise Specified ou DESNOS, traduit en français
par « Trouble de stress extrême non spécifié outre mesure ». Bien que ces
diagnostics n’aient pas été retenus par l’American Psychiatric Association,
nous les trouvons dignes d’intérêt et avons choisi de les exposer dans le
présent chapitre.

163
Le traumatisme psychique

La CIM

La CIM-10 comblait partiellement cette lacune. Elle répertoriait un


trouble dénommé « modification durable de la personnalité après une
expérience de catastrophe ». Cependant, elle le réservait exclusivement
aux otages, aux rescapés de catastrophe et de la déportation ainsi qu’aux
victimes de terrorisme et de torture. Or force est de constater que des
personnes victimes d’autres types d’événement sont elles aussi concernées
par les séquelles traumatiques identitaires.
La CIM-11 franchit un cap décisif en proposant l’introduction d’une
nouvelle entité clinique, le stress post-traumatique complexe. L’OMS
reconnaît ainsi la spécificité des troubles consécutifs à des événements
extrêmement menaçants ou horribles, souvent prolongés ou répétitifs et
auxquels il est difficile ou impossible d’échapper. En plus des symptômes
pathognomoniques du stress post-traumatique (reviviscences, évitement,
hypervigilance), ce tableau diagnostique tient compte des altérations
persistantes du fonctionnement affectif (dérégulation des affects), du
fonctionnement par rapport à soi-même (croyances négatives par rap-
port à soi, sentiments de honte ou de culpabilité) et du fonctionnement
relationnel (difficultés à maintenir des relations ou de se sentir proche
des autres).
L’État de stress post-traumatique complexe selon la CIM-11 (6B40)46
Le syndrome de stress post-traumatique complexe (SSPT complexe) est un trouble
qui peut se développer à la suite de l’exposition à un événement ou à une série
d’événements de nature extrêmement menaçante ou horrible, le plus souvent
des événements prolongés ou répétitifs auxquels il est difficile ou impossible
d’échapper (p. ex. torture, esclavage, campagnes de génocide, violence familiale
prolongée, abus sexuels ou physiques répétés dans l’enfance). Toutes les exigences
diagnostiques du SSPT sont satisfaites. De plus, le SSPT complexe se caractérise
par des problèmes graves et persistants 1) de régulation des affects ; 2) de
croyance en soi comme diminué, vaincu ou sans valeur, accompagné de honte,
de culpabilité ou d’échec liés à l’événement traumatique et 3) de difficultés à
maintenir une relation et à se sentir proche des autres. Ces symptômes entraînent
des déficiences importantes sur le plan personnel, familial, social, éducatif,
professionnel ou dans d’autres domaines importants du fonctionnement.
Trouble de stress extrême non spécifié outre mesure,
critères proposés pour le DSM-V
(par T. Luxenberg T. et al.50, traduction de l’auteure)
I. Altération de la régulation des émotions et des impulsions
A. Difficulté à réguler les affects
B. Difficulté à moduler la colère
C. Comportements autodestructeurs
D. Préoccupations suicidaires
E. Difficulté à moduler les pulsions sexuelles
F. Prise de risque excessive

164
4. La phase à long terme

II. Altération de l’attention ou de la conscience


A. Amnésie
B. Épisodes dissociatifs transitoires et dépersonnalisation
III. Trouble de la perception de soi
A. Inefficacité
B. Impression de préjudice permanent
C. Sentiment de culpabilité et de responsabilité
D. Honte
E. Impression de n’être compris par personne
F. Minimisation des expériences et situations dangereuses
IV. Altérations des relations interpersonnelles
A. Incapacité à faire confiance
B. Victimisations répétées
C. Victimisation d’autres personnes
V. Somatisation
A. Troubles du système digestif
B. Douleur chronique
C. Symptômes cardio-pulmonaires
D. Symptômes de conversion
E. Troubles sexuels
VI. Altération dans les systèmes de représentation
A. Désespoir
B. Pertes des convictions de base

165
En résumé

• Au bout de quelques jours ou de quelques semaines, les signes


pathognomoniques du traumatisme et les symptômes non spéci-
fiques apparus dans les premières semaines suivant l’événement
pénible ou effrayant vont soit disparaître soit se perpétuer plu-
sieurs mois ou années, voire toute la vie des sujets. Les psycho-
pathologies névrotiques ou psychotiques peuvent également se
confirmer chez les individus les plus fragiles.
• La sémiologie psychotraumatique à long terme, différée et chro-
nique comprend trois volets : l’état de stress post-traumatique, les
symptômes non spécifiques et la réorganisation de la personnalité.
• L’état de stress post-traumatique regroupe les symptômes
pathognomoniques des syndromes psychotraumatiques, à savoir
les reviviscences, les conduites d’évitement et l’activation neuro-
végétative.
• Les troubles anxieux et dépressifs, les comportements régres-
sifs et les difficultés d’apprentissage, les troubles du comporte-
ment et les désordres somatoformes apparus dans le décours de
l’événement peuvent perdurer, voire s’aggraver. De nouveaux
symptômes peuvent émerger au cours du temps, par exemple,
pour les troubles anxieux, le trouble hyperanxiété et l’anxiété
généralisée ; pour les désordres dépressifs, la dépression anacli-
tique chez le nourrisson (pouvant mener à l’hospitalisme dans les
cas les plus graves) et chez les plus grands, la dépression franche
(retrait, perte de contact avec la réalité, honte, culpabilité, etc.)
ou la dépression hostile ; pour les comportements régressifs, les
retards de développement et d’apprentissage ou, a contrario, les

166
4. La phase à long terme

capacités accrues et pour les troubles psychosomatiques, les


pathologies dermatologiques, respiratoires et digestives.
• Les événements délétères, surtout s’ils sont extrêmes,
répétés ou prolongés, sont susceptibles d’imprimer des
marques durables sur la personnalité en devenir des jeunes
victimes et d’induire des attitudes et des comportements
définitifs. Ces changements dans la personnalité se signalent
par des altérations du caractère (troubles caractériels, inhibi-
tion des émotions et des pulsions, faux self), de la relation
à soi (baisse de l’estime de soi et du sentiment de valeur
personnelle), à autrui (déficit de compétence socio-affective,
attachement anxieux ou sans discrimination, angoisse de
séparation, désintérêt ou méfiance par rapport à autrui,
évitement relationnel, liens pathologiques avec l’agres-
seur, etc.), au monde (désintérêt pour les activités, senti-
ment d’insécurité et de détachement, troubles dissociatifs)
et à la temporalité (réminiscences traumatiques, difficulté à
appréhender le futur, a posteriori positivement).
• Les victimes ayant subi dans leur enfance ou leur l’ado-
lescence des événements délétères, surtout s’ils ont été
extrêmes, répétés ou prolongés, risquent de développer
une psychopathologie névrotique ou psychotique. Les
événements traumatiques précoces risquent d’induire une
organisation pathologique de la personnalité tandis que les
événements plus tardifs sont davantage des facteurs pré-
cipitant la survenue d’une psychopathologie préexistante.
• Le DSM-5 et la CIM-11 répertorient tous deux un état de
stress post-traumatique. La CIM-11 comprend également
un trouble dénommé l’état de stress post-traumatique com-
plexe rendant compte des altérations de la personnalité.
La réflexion en vue d’introduire dans le DSM-5 une nouvelle
catégorie diagnostique couvrant les symptômes du syndrome
psychotraumatique organisé en névrose n’a pas abouti.

167
Vérifiez vos connaissances

• Quels sont les symptômes pathognomoniques du syndrome


de stress post-traumatique ?
• Quels sont les troubles non spécifiques aux syndromes
post-traumatiques les plus fréquents dans la phase à long terme ?
• Décrivez les troubles dépressifs de l’enfant.
• Comment s’expriment les troubles anxieux chez la jeune vic-
time ?
• La personnalité des nourrissons, des enfants et des adolescents
risque de subir des altérations indélébiles, voire d’être modifiée
dans ses fondements. Pourquoi ?
• Donnez quelques exemples d’altération du caractère.
• À l’âge adulte, quels sont les troubles de la personnalité et les
psychopathologies que peuvent présenter des personnes victimi-
sées dans leur enfance ou leur adolescence ?

168
Notes

1 Première relation amoureuse (par exemple, une victime d’abus sexuel ou de viol qui
s’engage dans une relation sentimentale), accident ou maladie grave du sujet ou d’un de
ses proches, deuil d’un proche, émission télévisée, etc.
2 Présentant peu de symptômes.
3 O. Fenichel (1945, trad. fr. 1987), La théorie psychanalytique des névroses, Paris,
Presses Universitaires de France.
4 Sont appelées « tueries du Brabant Wallon » une vingtaine de crimes et attaques
commis en Belgique (notamment dans des grandes surfaces commerciales), principale-
ment dans la province du Brabant wallon, entre 1982 et 1985 et au cours desquelles
28 personnes ont trouvé la mort.
5 Nous appelons « cadre de référence » ce réseau conceptuel inconscient qui détermine
l’appréhension du monde.
6 A.T. Beck (1983), Cognitive therapy of depression : new perspectives, in P.J.
Clayton & J. Barret, Treatment of depression : old controversies and new approaches, New
York, Raven Press, 265-290.
7 Selon la terminologie de la CIM-10.
8 Selon le DSM-5.
9 La relation d’objet (ou relation objectale) est la relation qu’entretient un individu
avec l’objet vers lequel se tournent ses pulsions (celui-ci pouvant être une personne, en
particulier les figures principales d’attachement comme la mère).
10 Comportement d’indifférence souvent précédé d’une phase de détresse et de pro-
testation.
11 Retrait dans l’autostimulation et l’autosensorialité.
12 D’après Spitz, durant le premier mois de séparation, l’enfant recherche activement
sa mère (ou sa figure d’attachement principale) et refuse le contact avec autrui (phase de
protestation). Il use de tous les moyens dont il dispose pour la faire revenir : il s’agite, crie
et pleure bruyamment ; il se jette par terre, etc. Dès le deuxième mois, constatant que ses
tentatives restent sans effet, il se replie sur lui-même (réaction que l’on peut rapprocher
de l’impuissance acquise de Seligman). Il pleure moins et de manière monotone ; il se
désintéresse de son environnement ; il refuse de jouer, de s’alimenter et de s’habiller ; il
devient inactif et reste de longues heures couché à plat ventre ; il dort peu, passant ses
journées et ses nuits dans une veille et insomnie calmes ; il cesse de se développer tant
physiquement qu’intellectuellement et manifeste de moins en moins d’expressions faciales
(phase de désespoir correspondant à la dépression). À partir du troisième mois, si l’en-
fant est pris en charge par des personnes capables de lui offrir une relation humaine de
qualité suffisante, il commence à accepter le contact, les soins, la nourriture et le jeu. Il
n’est plus en mesure de reconnaître sa mère si celle-ci réapparaît (phase de détachement).
Si au contraire la séparation se prolonge sans qu’il ait pu trouver de substitut maternel,
il cesse de pleurer, refuse tout contact, arrête de s’alimenter, perd ses acquis (moteurs,
intellectuels, etc.), tombe fréquemment malade et évolue vers un état de marasme, voire
vers la mort (hospitalisme).
13 A. Féline, P. Hardy & M. de Bonis (1991), La dépression : études, Issy-les-Moulineaux,
Elsevier Masson, coll. Médecine et psychothérapie.
14 Douleur localisée dans l’estomac.
15 On entend par « contrat social » le pacte établi par la communauté des humains
dans le but d’établir une société organisée et hiérarchisée. Il est un ensemble de conven-
tions et de lois garantissant la perpétuation du corps social.

169
16 L’identification à l’agresseur est un mécanisme de défense. Il a été décrit par Anna
Freud en 1936 (A. Freud [1936, 15e éd. 2001], Le Moi et les mécanismes de défense, Paris,
Presses Universitaires de France, coll. Bibliothèque de psychanalyse).
17 Pouvant, dans les cas les plus sévères, mener à l’hospitalisme.
18 Traduction de « learned helplessness », selon la théorie générale des effets de l’in-
contrôlabilité de Seligman (M.P.E. Seligman [1975], Helplessness : On depression, develop-
ment, and death, San Francisco, Freeman). La résignation acquise est une notion issue des
théories de l’apprentissage et du conditionnement. Elle se définit comme la résultante
d’expériences répétées d’insuccès entraînant l’abandon des efforts et se caractérise par un
déficit de réaction face aux événements.
19 J. Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses Universitaires
de France, coll. Que sais-je ?
20 C’est à Donald Winnicott que l’on doit la notion de faux self. Il la développe
en 1965 dans son article « La théorie de la relation parent-nourrisson » (D. Winnicott
[1969, éd. 1989], De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot). Cette notion recouvre un
fonctionnement tant normal que pathologique. Le faux self normal est la partie du Moi
permettant d’établir des rapports avec le monde extérieur. Il s’exprime par une attitude
sociale polie, de bonnes manières et une certaine réserve. Lorsque l’enfant se soumet aux
exigences de son entourage, c’est au prix d’un clivage du Moi. Dans ce cas, le faux self
exerce une fonction défensive en dissimulant le vrai self. Ce dernier, dissocié du faux, est
privé de moyens d’expression et de satisfaction. Le fonctionnement en faux self devient
alors pathologique. En 1966, Winnicott articule la notion de self à celle de « mère suffisam-
ment bonne ». Dans les premières semaines, la « mère ordinaire normalement dévouée »
s’identifie à son enfant, ce qui lui permet de répondre adéquatement à ses besoins. Ces
expériences répétées permettent au bébé de faire progressivement l’expérience de soi.
Les défaillances de la fonction maternelle (rupture dans la continuité des soins, maladie,
dépression, traumatisme, indisponibilité psychique de la mère, etc.) poussent le nourrisson
à devenir ce que sa mère veut qu’il soit et à se créer un faux self (D. Winnicott [1966,
éd. 2006], La mère suffisamment bonne, Paris, Payot, coll. Petite Bibliothèque Payot).
21 Le sourire intentionnel apparaît vers le troisième mois. Selon René Spitz, psychiatre
et psychanalyste, le sourire, l’angoisse du huitième mois et l’acquisition du « Non » sont
les trois « organisateurs » du développement de la relation objectale. Le sourire, considéré
comme la première réponse « sociale » du nourrisson, témoigne de sa capacité à distinguer
le Moi du non-Moi (relation préobjectale indifférenciée), l’angoisse du huitième mois
marque son aptitude à distinguer les personnes familières des étrangers et l’acquisition
du « Non » signe son accès à la communication sémantique (entrée dans le champ des
relations sociales).
22 La dépression anaclitique et l’hospitalisme ont été décrits peu après la Seconde
Guerre mondiale par René Spitz suite à l’observation d’enfants précocement séparés de
leur mère (long séjour en hôpital d’où le terme hospitalisme, placement en institution).
La dépression anaclitique survient progressivement chez le nourrisson privé de sa mère
après qu’il a eu avec elle une relation normale pendant au moins les six premiers mois de
sa vie. La privation partielle d’affects conduit à un tableau clinique de dépression anacli-
tique allant de réactions d’angoisse à un arrêt du développement, puis après le troisième
mois de séparation, à un état léthargique. Elle est réversible si l’enfant trouve une figure
d’attachement entre la fin du troisième mois et le cinquième mois de séparation (pour
plus de détails, voir la note en bas de page XX dans le chapitre « Les troubles dépressifs »
dans la section consacrée aux réactions à long terme). Dans le cas contraire, la dépres-
sion anaclitique évolue vers l’hospitalisme. L’hospitalisme désigne l’ensemble des troubles
somatiques et psychiques (nanisme psychosocial et retard du développement corporel, de
la maîtrise manipulatoire, de l’adaptation au milieu et du langage, résistance amoindrie
aux infections et dans les cas les plus graves, marasme et mort) présentés par les bébés
privés totalement et durablement de leur mère (ou d’un substitut maternel). Voir R.A. Spitz
(1968, éd. 1997), De la naissance à la parole. La première année de la vie de l’enfant, Paris,
Presses Universitaires de France.

170
23 « Vigilance gelée » est la traduction de « frozen watchfulness », locution définie par
Ounsted et collaborateurs (C. Ounsted, R. Oppenheimer & J. Lindsay (1974), “Aspects of
bonding failure : The psychopathology and psychotherapeutic treatment of families of
battered children”, Developmental Medical Child Neurology, 16,447-456).
24 S. Ferenczi (1932, éd. 2004), Confusion de langue entre les adultes et l’enfant, Paris,
Payot, coll. Petite Bibliothèque Payot.
25 Ces liens d’affection et de confiance avec l’abuseur ou avec le parent violent
rappellent le syndrome de Stockholm rencontré chez les adultes.
26 Selon le DSM-5 et la CIM-11.
27 Selon le DSM-5, le trouble dissociatif de la personnalité désigne une « perturbation
de l’identité caractérisée par deux ou plusieurs états de personnalité distincts ». Le DSM-IV
précisait que chacun de ces « états de personnalité » possédait ses modalités constantes
et particulières de perception, de pensée et de relation concernant l’environnement et
soi-même » (Les différentes personnalités ne constituent pas des entités discrètes et auto-
nomes. Il s’agit davantage d’une dissociation d’une même personnalité, d’une même
identité. Auparavant, ce trouble était dénommé « Trouble de la personnalité multiple ». Des
épisodes aigus de dépersonnalisation anxieuse peuvent prendre le caractère d’un véritable
dédoublement de la personnalité ;
28 Trouble de la personnalité borderline pour le DSM-5 et personnalité émotionnel-
lement labile pour la CIM-10.
29 Selon le DSM-5 et la CIM-10.
30 Selon la terminologie du DSM-5 et de la CIM-10.
31 Trouble de la personnalité évitante selon le DSM-5 et personnalité anxieuse (évi-
tante) pour la CIM-10.
32 Selon le DSM-5 et la CIM-10.
33 Trouble de la personnalité antisociale pour le DSM-5 et personnalité dyssociale
pour la CIM-10.
34 Complex Post-traumatic Stress Disorder, en français état de stress post-traumatique
complexe. Terme proposé par Judith Herman.
35 Malheureusement, le DSM n’a pas cru bon d’introduire cette catégorie diagnos-
tique dans sa dernière version parue en 2013.
36 Trouble de la personnalité évitante selon le DSM-5 et personnalité anxieuse (évi-
tante) pour la CIM-10.
37 Personnalité histrionique selon la terminologie du DSM-5 et de la CIM-10.
38 Théorie connue sous le nom de « neurotica » (théorie des névroses). En 1897, Freud
abandonne l’hypothèse d’un événement traumatique réellement vécu à l’origine de l’hys-
térie et opte pour une étiologie de type fantasmatique.
39 https://icd.who.int/browse11/l-m/en. Traduction de l’auteure.
40 https://icd.who.int/browse11/l-m/en. Traduction de l’auteure.
41 https://icd.who.int/browse11/l-m/en. Traduction de l’auteure.
42 https://icd.who.int/browse11/l-m/en. Traduction de l’auteure.
43 Pour les troubles dissociatifs définis par les classifications internationales, nous
renvoyons le lecteur au chapitre « Les réactions immédiates et post-immédiates selon les
nosographies internationales ». Rappelons que ces diagnostics peuvent également être
posés dans les troubles chroniques.
44 https://icd.who.int/browse11/l-m/en. Traduction de l’auteure.
45 https://icd.who.int/browse11/l-m/en. Traduction de l’auteure.
46 https://icd.who.int/browse11/l-m/en. Traduction de l’auteure.

171
5 Les spécificités
selon l’âge

Le premier âge (avant 3 ans)

En dessous de 3 ans, les enfants ne sont pas en mesure de perce-


voir la menace vitale ou la gravité d’un événement, raison pour laquelle
ils sont très sensibles au vécu subjectif de leur entourage et sont forte-
ment influencés par sa réaction aux événements adverses. Ce qui fonde
leur souffrance, ce sont principale-
ment les douleurs physiques (mal-
COMPRENDRE
traitances physiques et sexuelles,
Dans le décours de telles situations, atteintes corporelles suite à un
l’immaturité empêchant les enfants en accident, etc.), les séparations bru-
bas âge d’identifier leurs émotions et tales (hospitalisation ou décès d’un
de les exprimer verbalement, ils mani- parent, rapt parental, etc.) ainsi que
festent leur souffrance par un trouble du l’inaptitude psychique d’une figure
fonctionnement global. En grandissant, d’attachement à répondre à leurs
certains présenteront des désordres du besoins (négligence grave, parents
comportement, voire des troubles de la alcooliques, toxicomanes, souffrant
personnalité. d’un syndrome psychotraumatique
ou d’une psychose, endeuillés, etc.).

La phase aiguë

Dès le plus jeune âge, l’enfant peut développer des troubles anxieux,
dépressifs, comportementaux et somatoformes, ainsi que des comporte-
ments régressifs et des difficultés d’apprentissage.
• Les troubles anxieux. Si un de ses proches est la source de ses tour-
ments, il sursaute et esquisse des mouvements de protection à son
approche ou à la vue de personnes ressemblantes (par exemple, les
hommes/les femmes, le personnel médical, etc.). Il pleure en présence
du parent maltraitant ou manifeste une vigilance gelée, est en alerte
et interagit peu avec son entourage. Si la cause de sa souffrance est
externe au noyau familial, il cherche activement protection auprès

173
Le traumatisme psychique

de ses parents (il se réfugie dans leurs bras lorsqu’il est confronté à
l’agresseur, il les alerte en hurlant lorsqu’on le touche, etc.) et réagit
par un attachement anxieux (il s’agrippe à ses figures d’attachement
en présence d’étrangers, il manifeste de l’angoisse, de la colère ou du
désespoir quand il en est séparé et proteste lorsqu’on le laisse seul dans
sa chambre au moment du coucher ou à la toilette, etc.).
• Les troubles dépressifs. Nombreux sont les bébés qui, après avoir
vécu une expérience de perte (séparation, décès, absence « affective »
par indisponibilité « psychique » de la figure d’attachement), pleurent
et crient parce qu’ils sont désorientés ou effrayés par une situation
inconnue. Ils peuvent ensuite manifester des signes de désespoir
tels des pleurs monotones et continus, de l’apathie et un désintérêt
progressif pour l’environnement (personnes, activités, jeux). S’ils ne
reçoivent pas l’attention dont ils ont besoin, ils risquent de dévelop-
per une dépression anaclitique, voire un syndrome d’hospitalisme. Les
jeunes enfants peuvent traverser une période de choc (insensibilité
provisoire), puis manifester du chagrin et/ou de la colère. Ils alternent
souvent hyperactivité (agitation, instabilité motrice, répétition des cris
ou des pleurs) et hypoactivité (retrait, apathie, gestes rares et ralen-
tis, conduites répétitives et monotones comme balancement, rythmies
auto-agressives, etc.).
• Les retards de développement, les difficultés d’apprentissage et
les comportements régressifs. Le ralentissement et l’arrêt du déve-
loppement se traduisent par des retards dans l’acquisition posturale
ou du tonus (position assise, marche), de la coordination (maladresse),
du langage, de la propreté, etc. La régression du développement se
manifeste par un retour à une alimentation liquide, la perte du désir de
marcher, l’agrippement à la mère et la crainte des personnes étrangères
à la famille. Dans le domaine relationnel, ces troubles du développe-
ment se manifestent par un déficit des compétences socio-affectives
(incapacité à communiquer adéquatement avec son entourage), des
altérations de la relation aux autres (diminution des interactions, désin-
térêt progressif pour l’entourage, conduites d’évitement relationnel) ou
un attachement sans discrimination.
• Les troubles du comportement. Possédant peu de moyens d’expri-
mer son malaise et sa souffrance, l’enfant en bas âge les extériorise
principalement à travers son fonctionnement corporel, en particulier
par le biais du sommeil et de l’alimentation, fonctions physiologiques
essentielles, mais également par le support de la relation mère-enfant.
– Les comportements auto-agressifs. Très jeune, l’enfant peut adopter
des comportements agressifs tournés contre lui-même : s’arracher
les cheveux, se griffer, se ronger les ongles à sang, se frapper,
se cogner la tête contre les murs, se blesser volontairement, etc.

174
5. Les spécificités selon l’âge

– Les comportements hétéro-agressifs. L’enfant peut manifester des


comportements agressifs envers les autres enfants et/ou les adultes
(morsures, coups, griffures, arrachage de cheveux, etc.).
– L’instabilité motrice. Lorsqu’il présente une instabilité motrice, l’en-
fant en âge de marcher bouillonne d’énergie. Son activité est mal
contrôlée et désordonnée ; elle ne poursuit pas de but précis. Il
est agité (il est en perpétuel mouvement, gigote, se tortille, etc.),
turbulent, bruyant (il crie, il pleure) et maladroit. Il ne reste pas en
place, grimpe sur tout, touche et s’empare de tout ce qui se trouve
à sa portée.
– Les troubles du sommeil. L’enfant peut refuser d’aller se coucher
(pleurer, protester, se relever, allonger la durée des rituels et trou-
ver des prétextes pour retarder l’heure d’aller au lit, etc.) ou de dor-
mir sans la présence d’un adulte (par exemple, hors de la chambre
des parents) et craindre l’obscurité. Il peut éprouver des difficultés
d’endormissement et manifester des insomnies communes (il se
réveille fréquemment, babille, pleure, crie, joue) ou des insomnies
agitées (il pleure bruyamment, crie, s’agite, frappe des poings,
se cogne la tête contre les parois du berceau, se lève dans son
lit, etc.). Plus inquiétant, il peut présenter des insomnies calmes
(il reste immobile, regarde fixement le plafond, sans crier ni pleu-
rer ou se manifester d’une quelconque manière). Le sommeil peut
être ponctué de réveils multiples, parfois anxieux et être agité de
terreurs nocturnes.
– Les troubles des conduites alimentaires. Les enfants en bas âge
peuvent souffrir d’anorexie : ils serrent les lèvres, ils refusent de
téter ou de manger, ils conservent les aliments dans la bouche
sans déglutir, les recrachent, les régurgitent ou les vomissent.
D’autres nourrissons peuvent manifester des comportements
hyperphagiques : ils réclament la nourriture en criant, s’agitent
lors du repas, sucent le sein ou le biberon avec avidité et semblent
habités par une faim insatiable. Plus préoccupants, mais heureuse-
ment beaucoup plus rares, sont le pica1, la coprophagie2 et le
mérycisme3.
• Les troubles somatoformes. Les nourrissons peuvent souffrir d’un
regain de symptômes d’une maladie psychosomatique préexistante
telle que coliques, colites, asthme, eczéma, etc.
S’il n’est pas pris en charge par des personnes capables de lui offrir
une relation humaine de qualité suffisante, le nourrisson subissant la perte
de sa figure principale d’attachement peut présenter un retard de crois-
sance staturo-pondérale pouvant mener, dans de rares cas, au nanisme
psychosocial.

175
Le traumatisme psychique

COMPRENDRE
La plupart de ces réactions sont banales et n’ont guère de spécificité traumatique. Par exemple, l’atta-
chement empreint d’anxiété, les comportements agressifs, l’instabilité motrice, l’opposition au coucher,
l’insomnie et l’anorexie sont courants chez le nourrisson. D’autres signes sont plus inquiétants tels l’in-
somnie calme, la vigilance gelée, les rythmies, le pica, la coprophagie et le mérycisme. Aucun signe pris
isolément n’atteste à coup sûr d’un traumatisme. C’est la conjonction, la répétition, l’accumulation, la
cohérence et la permanence de signes en rupture avec le comportement antérieur de l’enfant qui per-
mettent d’émettre l’hypothèse d’un psychotraumatisme. Notons toutefois que certains troubles peuvent
signer un autisme ou une psychose infantile sans rapport avec les événements traumatiques ou avoir une
cause organique (par exemple, pour le retard staturo-pondéral ou le développement psychomoteur).

La phase à long terme

Sous l’impact du trauma, la personnalité en formation des enfants


en bas âge risque de subir des dommages irrémédiables, voire de se
structurer selon des modes pathologiques.
En grandissant, les nourrissons gravement négligés, soumis à la violence
intrafamiliale ou à des abus sexuels répétés, manifestent fréquemment des
troubles caractériels susceptibles de perdurer à l’âge adulte. Ceux-ci se
traduisent par de l’opposition à l’autorité, des attitudes provocatrices, des
crises de colère ainsi que par des comportements querelleurs, asociaux
et délinquants. Dans les cas les plus dramatiques, l’identification à des
modèles parentaux pathologiques (par exemple, parents sadiques prenant
plaisir à maltraiter leur progéniture, psychopathes brutalisant ou violant
leur conjoint ou d’autres personnes en présence de leurs enfants, etc.)
peut conduire ces victimes, parfois déjà avant l’adolescence, à commettre
sans aucun sentiment de culpabilité des actes d’une violence extrême4
(incendies criminels, agressions, vols assortis de coups et blessures, viols,
homicides, etc.). Elles sont susceptibles de conserver des attitudes vio-
lentes et maltraitantes durant toute leur vie.
À l’opposé de ces débordements violents, d’autres bébés deviennent
des enfants et des adolescents passifs, abouliques et apathiques, se
réfugiant dans l’imaginaire pour échapper à leur environnement morti-
fère (états dissociatifs). Certains développent dès leur plus jeune âge un
« faux self », une personnalité d’emprunt répondant aux exigences de
leur environnement. Dans ces conditions, les jeunes victimes ne déploient
qu’un registre limité de capacités d’autoprotection, d’analyse et d’ac-
tion. En instaurant les conditions propices à de nouvelles victimisations,
ces piètres compétences font d’elles des proies faciles pour d’autres
agresseurs et explique leur prédisposition à subir des violences au cours
de leur vie. L’adaptation à l’entourage pathogène (par la passivité,

176
5. Les spécificités selon l’âge

la fuite dans la rêverie, le faux self, etc.) se faisant au détriment de leur


développement personnel, nombre d’anciennes victimes éprouvent à
l’âge adulte des sentiments d’inutilité, de vide, d’absence de joie de
vivre, de solitude et d’abandon ; ils sont dans l’ignorance de ce qu’ils
désirent et ont l’impression de ne pas être eux-mêmes ou d’ignorer qui
ils sont.
Les relations intimes et sociales qu’entretiennent ces enfants sou-
mis tôt à la violence sont souvent perturbées. Devenus adolescents et
adultes, maîtrisant mal les codes régissant les échanges humains, ils se
montrent maladroits, voire inaptes à interagir adéquatement avec autrui
et réagissent parfois de manière imprévisible (attitudes non congruentes,
susceptibilité et interprétations égocentriques des situations relation-
nelles entraînant malentendus et conflits, ruptures relationnelles brutales
incompréhensibles, etc.). Les relations qu’ils établissent sont souvent
empreintes de froideur (manque d’empathie, anesthésie affective), de
réserve, de méfiance et de crainte. Certains refusent de dépendre des
autres, ne comptent que sur eux-mêmes, ne cherchent pas à être récon-
fortés lorsqu’ils sont anxieux ou tristes et se centrent sur leur propre plai-
sir. D’autres peuvent manifester une grande avidité affective sur un mode
peu individualisé (attachement sans discrimination). Leur quête d’attention
effrénée et permanente peut les conduire à l’adolescence à multiplier les
partenaires. Ils entretiennent des rapports humains a minima, les impli-
quant peu émotionnellement, mais se révèlent incapables d’entretenir
une relation suivie. Certaines jeunes victimes établissent des relations
franchement pathologiques avec autrui. Par exemple, les enfants abusés,
devenus adolescents et adultes,
peuvent sexualiser leurs relations à
COMPRENDRE
outrance : ils séduisent et aguichent
Les maltraitances et les séparations pré- à tout va, ils s’adonnent précoce-
coces accroissent le risque de présenter ment à des rapports sexuels, parfois
des troubles psychopathologiques durant de façon compulsive, avec de nom-
toute la vie des anciennes victimes et, breux partenaires, entretiennent des
en particulier, un trouble de l’humeur relations intimes avec des personnes
(épisodes dépressifs majeurs, idéation plus âgées, etc. Dans certains cas,
suicidaire, tentatives de suicide, etc.), un les victimes établissement de liens
désordre anxieux (trouble panique, anxiété pathologiques de confiance, d’em-
sociale, anxiété généralisée, etc.) et des pathie, de complicité ou de compas-
troubles du comportement (tabagisme, sion avec l’auteur des violences.
boulimie, alcoolisme, toxicomanie).
Ces bébés, devenus de grands
enfants, des adolescents et des
adultes, sont souvent diagnostiqués personnalité borderline (état-limite),
antisociale (psychopathe), dépendante ou narcissique. Plus grave encore,
le diagnostic de trouble dissociatif de l’identité (personnalité multiple)

177
Le traumatisme psychique

ou de psychose est parfois posé. En effet, le repli dans l’imaginaire ainsi


que les phénomènes dissociatifs et hallucinatoires corrompent l’appréhen-
sion de la réalité, hypothéquant la construction harmonieuse de l’identité.
En favorisant des mécanismes autistiques, schizoïdes, voire schizophré-
niques, cette identité fragmentée et déstructurée offre un terrain propice
à l’éclosion et au développement des psychoses.

Les enfants entre 3 à 6 ans

Tout comme leurs cadets, les jeunes enfants sont perméables à la réac-
tion de leur entourage, aux drames qui les accablent, et souffrent de
la perte d’une figure d’attachement (réelle ou affective) ainsi que de la
désorganisation de leur environnement consécutive aux situations délé-
tères. En grandissant, ils prennent progressivement conscience de la gra-
vité d’un événement et la menace vitale perçue peut causer un véritable
traumatisme. Notons toutefois qu’ils sont susceptibles d’interpréter péjo-
rativement des événements sans gravité et qu’un incident mineur peut dès
lors se révéler traumatisant.

La phase aiguë

Lorsqu’ils affrontent seuls un événement pénible ou effrayant, les


jeunes enfants réagissent généralement par un stress dépassé. Certains
sont dans un état de choc caractérisé par la stupeur, la sidération, la
désorientation, la confusion et le mutisme. D’autres expriment bruyam-
ment leurs émotions de peur, de tristesse et de colère (ils s’agrippent aux
adultes, crient, pleurent, s’agitent, etc.). Lorsqu’ils sont accompagnés d’un
adulte de confiance, ils peuvent être rassurés si ce dernier a une attitude
adéquate, mais très perturbés dans le cas contraire.
Certains enfants déclenchent immédiatement des réactions hystériques
(crises d’agitation, états crépusculaires et symptômes de conversion tels
aphonie, bégaiement, paresthésie, paralysie, trouble de l’équilibre, etc.),
phobiques ou obsessionnelles, voire des symptômes d’allure psychotique
(hallucinations, bouffées délirantes). Ces réactions sont d’autant plus
extrêmes et fréquentes chez le jeune enfant qu’il est incapable d’expri-
mer sa souffrance par le langage parlé. En ce qui concerne les symptômes
psychotiques, soulignons qu’au stade pré-opératoire le système permet-
tant de construire les réalités perceptives est inachevé et que la pensée
magique prédomine. C’est pour cette raison qu’il est parfois difficile de
distinguer chez le jeune enfant l’hallucination de son imaginaire normal.
Dans les jours et les semaines suivant un événement pénible ou
effrayant, les jeunes victimes peuvent développer un syndrome de stress
post-traumatique ainsi que des symptômes non spécifiques. Cependant,

178
5. Les spécificités selon l’âge

si certaines manifestent un changement considérable d’attitude, d’autres


souffrent sans manifester de signe visible (traumatisme silencieux).
• Les symptômes traumatiques. Des symptômes dissociatifs peuvent
apparaître dès l’âge de trois ans : l’enfant est hébété, son regard est
vide, il donne l’impression de ne pas entendre ou de ne pas comprendre
ce qu’on lui dit (stupeur dissociative), il semble ne plus reconnaître les
personnes, les lieux et les objets familiers, il est désorienté et déambule
hagard de pièce en pièce (déréalisation), il devient mutique (trouble
moteur dissociatif). Après une phase de latence très courte, peut sur-
venir un syndrome de répétition (souvenirs intrusifs des événements
pénibles, parfois déformés et plus rarement, flashbacks ; cauchemars
et terreurs nocturnes ; dessins, jeux et conduites de répétition, etc.),
des comportements d’évitement (méfiance à l’égard des personnes et
situations évoquant l’incident critique, refus de parler ou d’entendre
parler du drame, retrait dans l’imaginaire pour échapper aux pen-
sées et sentiments suscités par les événements) et un émoussement de
la réactivité générale (retrait émotionnel, désintérêt pour les activités
habituelles, etc.).
• Les troubles anxieux. Ils se manifestent sous forme de crises d’angoisse,
d’agitation désordonnée, de surveillance inquiète de l’environnement
et d’attachement anxieux. De nouvelles peurs sans lien apparent avec
l’événement traumatique peuvent également apparaître. Ces réactions
anxieuses s’accompagnent fréquemment de pleurs et de cris, de nau-
sées, de céphalées ou de coliques.
• Les troubles dépressifs. Les jeunes enfants peuvent présenter des
signes dépressifs comme tristesse, inhibition, perte de curiosité et
d’enthousiasme pour les activités et relations habituelles, mutation
d’intérêt, etc. Les sentiments de culpabilité, de honte ou d’infériorité,
fréquents au stade préopératoire, induisent une baisse de l’estime de
soi et du sentiment de valeur personnelle. Cette perception négative
se confirme souvent en grandissant.
• Les comportements régressifs et les difficultés d’apprentissage.
D’anciennes habitudes refont surface, par exemple, l’énurésie nocturne
et plus rarement l’encoprésie, la succion du pouce, l’attachement à un
objet transitionnel, la régression verbale (retour à une expression par
cris et pleurs ou au parler « bébé »), la dépendance affective aux parents
avec difficulté de s’autonomiser, la recherche de protection, etc.
• Les troubles du comportement.
– Les comportements auto-agressifs et hétéro-agressifs. Les jeunes enfants
peuvent adopter des comportements agressifs envers eux-mêmes (s’ar-
racher les cheveux, se griffer, se cogner la tête contre les murs, etc.)

179
Le traumatisme psychique

ou envers autrui (mordre, tirer les cheveux, griffer, frapper, dis-


tribuer coups de pied et de poing, lancer des objets en direction
d’autrui, etc.).
– L’instabilité motrice. Tout comme leurs benjamins, ils peuvent
déployer une activité pathologique.
– Les troubles du sommeil. Les enfants protestent au moment du cou-
cher, réclament la présence d’un adulte, éprouvent des difficultés
à trouver le sommeil, se plaignent d’insomnies (communes ou agi-
tées), de cauchemars et de réveils anxieux. La peur du noir, des
voleurs, du loup, des monstres et autres créatures imaginaires, nor-
males à ces âges, peuvent contribuer aux difficultés d’endormisse-
ment. Lorsqu’ils se réveillent en proie à leurs cauchemars, ils sont
terrorisés et craignent de se rendormir.
– Les troubles des conduites alimentaires. L’anorexie, très rare chez le
jeune enfant, reflète un trouble sévère. Moins inquiétants et plus
répandus sont l’appétence excessive pour les sucreries, le grigno-
tage anxieux et l’hyperphagie.
• Les troubles somatoformes. Les jeunes victimes présentent fréquem-
ment des somatisations douloureuses (céphalées, douleurs abdomi-
nales et musculaires, gastralgies, douleurs diffuses, etc.). Elles peuvent
aussi souffrir de douleurs psychogènes spécifiques à l’expérience trau-
matique subie (par exemple, dans les cas d’agressions sexuelles, algies
pelviennes, gynécologiques, urinaires ou anales, anisme, maux de
gorge, gêne à la déglutition, etc.).
Le stress et la souffrance traumatique peuvent concourir à l’éclosion
d’une maladie psychosomatique ou en aggraver le développement
(coliques, colites, asthme, eczéma, psoriasis, etc.).
Dans les cas sévères et heureusement très rares, les enfants ayant vécu
des événements traumatiques répétés (négligence grave, maltraitance)
peuvent présenter des retards de croissance staturo-pondérale.

La phase à long terme

Comme pour leurs cadets, le traumatisme peut imprimer des marques


durables sur leur personnalité en devenir et induire des attitudes et des
comportements définitifs.
Les jeunes enfants gravement négligés, soumis à la violence intra-
familiale ou à des abus sexuels répétés manifestent fréquemment des
troubles caractériels susceptibles de perdurer aux différents âges de la
vie. Ils sont marqués par de la résistance passive, de l’opposition, des
refus d’obéissance, une indifférence aux remontrances, des attitudes de
défi, des comportements provocateurs, des manifestations d’hostilité

180
5. Les spécificités selon l’âge

envers les adultes, des crises de colère et des conduites agressives (enco-
présie, brutalités à l’égard des compagnons de jeu, etc.). Ils se tra-
duisent également par des caprices, des cachotteries, des mensonges
et de la mythomanie. Notons toutefois qu’entre deux et sept ans,
période durant laquelle la pensée magique prédomine, il est normal que
l’enfant affabule pour se protéger d’un environnement insécurisant ou
frustrant : il se raconte des histoires, s’invente une vie différente, s’ima-
gine d’autres parents et fantasme sur des situations ou des personnes
qui n’ont d’existence que dans son esprit. En grandissant, ces troubles
caractériels peuvent s’aggraver et déboucher sur des comportements
délinquants, parfois extrêmement violents.
En revanche, d’autres enfants contrôlent, voire inhibent, leurs émotions
et leurs pulsions. Ils deviennent des enfants modèles s’attelant à ne déran-
ger personne et à satisfaire les demandes de leur entourage. Ils évitent de
créer des problèmes, ne crient pas, ne pleurent pas, s’expriment peu, ne
bougent pas, s’isolent, bref se comportent comme s’ils n’existaient pas.
Évoluant dans un climat de menace permanente, ils voient généralement
s’affaiblir leur confiance en eux : ils deviennent des êtres inquiets, indécis,
versatiles et pusillanimes. Ils peuvent toutefois exploser soudainement de
manière violente et inattendue, les rares émotions exprimées relevant
généralement du registre de la colère.
En raison des troubles du développement psychique et socio-affectif,
les relations qu’entretiennent ces jeunes enfants négligés ou soumis à
la violence sont souvent perturbées. Tout comme leurs cadets maltraités
encore plus précocement, ils peuvent présenter un désordre des conduites
sociales, de la méfiance, une anesthésie affective, des attachements sans
discrimination et établir des relations pathologiques avec autrui (sexuali-
sation des relations, liens positifs avec l’agresseur).
Les événements traumatiques extrêmes subis dans la petite enfance
risquent d’induire une organisation pathologique de la personnalité
sur un mode borderline (état-limites), antisocial (psychopathe), dépen-
dant ou narcissique et lorsqu’une structure névrotique a pu s’ébau-
cher, sur un mode obsessionnel, histrionique (hystérique) ou évitant
(phobique). Dans les cas les plus graves, ils peuvent conduire à poser
le diagnostic de trouble dissociatif de l’identité (personnalité multiple)
ou de psychose.

Les enfants de 6 à 12 ans

Plus l’enfant grandit, plus il est apte à percevoir le danger et à


comprendre la gravité d’un événement, d’en apprécier les enjeux et d’en
prévoir les conséquences. Dès lors, la menace vitale perçue et les blessures

181
Le traumatisme psychique

deviennent, comme pour l’adulte, les facteurs étiologiques principaux des


troubles ultérieurs.
La plupart des réactions décrites pour les petits de trois à six ans s’appli-
quent aux grands enfants et aux préadolescents. Ceux que les événe-
ments ont mûris précocement peuvent également présenter des troubles
rencontrés habituellement chez les adolescents.

La phase aiguë

Lors de l’occurrence d’un événement adverse et dans son décours, les


grands enfants et les pré-adolescents réagissent rarement par un stress
adapté s’ils ne sont pas réconfortés par la présence d’un adulte rassurant.
Généralement, ils manifestent un état de choc ou d’agitation, sont en proie à
la terreur, crient, pleurent ou adoptent des comportements inadaptés (fuite
panique, délire, hallucinations ou sérénité inappropriée). Les sujets prédis-
posés peuvent déclencher rapidement des troubles psychopathologiques
névrotiques (hystériques, phobiques ou obsessionnels) ou des désordres
psychotiques (trouble réactionnel post-traumatique, trouble psychotique
bref, bouffées délirantes ou autres affections psychotiques vraies).
Généralement, ces réactions s’atténuent rapidement pour disparaître
après quelques jours ou quelques semaines. Cependant, certaines jeunes
victimes voient leurs troubles persister et commencent à souffrir de symp-
tômes psychotraumatiques.
• Le syndrome post-traumatique. Les enfants et les pré-adolescents
peuvent présenter des troubles dissociatifs (déréalisation, dépersonna-
lisation), un syndrome de répétition (souvenirs répétitifs, cauchemars,
jeux et dessins répétitifs, impression que l’événement pourrait se repro-
duire, etc.), des conduites d’évitement (évitement des lieux, des per-
sonnes et des conversations, repli dans l’imaginaire et la rêverie, refus
de s’éloigner des proches rassurants, etc.) et une activation neurovégé-
tative (irritabilité, accès de colère et agressivité, difficultés de concentra-
tion, hypervigilance, état d’alerte à la pensée des événements, réaction
excessive de sursaut).
• Les troubles anxieux. Les situations rappelant l’événement trauma-
tique et la crainte qu’il se reproduise déclenchent des crises d’an-
goisse, des pseudo-phobies et des pseudo-obsessions, de l’agitation,
de l’hypervigilance, voire provoque une anxiété généralisée. Les peurs
infantiles et fantasmatiques (peur des cambrioleurs, du noir, du loup
et des créatures maléfiques imaginaires), les angoisses de séparation et
la peur de rester seul, typiques de la petite enfance, peuvent persister
dans cette tranche d’âge.

182
5. Les spécificités selon l’âge

• Les troubles dépressifs. Plus fréquemment que leurs cadets, les grands
enfants et les pré-adolescents manifestent des symptômes dépressifs
et expriment des sentiments de culpabilité. En grandissant, la sensa-
tion d’être différents s’accroît. Les jeunes victimes sont convaincues
qu’elles subissent ou ont connu des événements que les autres n’ont
pas vécus. Certaines sont persuadées que c’est visible. Elles fuient le
regard d’autrui qu’elles perçoivent comme menaçant et persécuteur,
elles deviennent agressives et se replient sur elles-mêmes.
• Les comportements régressifs et les difficultés d’apprentissage.
Les enfants peuvent présenter des comportements régressifs et une
perte des acquis (par exemple, perte dans les compétences du langage
parlé, de la lecture et de l’écriture). Avec l’entrée à l’école apparaissent
les perturbations scolaires et les difficultés d’apprentissage consécu-
tives aux troubles de la concentration, de l’attention et de la mémoire.
Outre les difficultés d’apprentissage, les plus jeunes peuvent refuser de
fréquenter l’école (notamment en raison des angoisses de séparation)
ou réclamer la présence constante d’un adulte pour mener à bien leurs
tâches scolaires.
• La prématuration traumatique. Certains enfants manifestent des capa-
cités de développement accrues dans le domaine du langage, des appren-
tissages intellectuels, des habiletés sociales, de l’autonomisation, etc.
• Les troubles du comportement.
– Les comportements auto-agressifs. À partir de six ans, peuvent apparaître
des idées suicidaires et des questionnements sur la mort ainsi que des
conduites destructrices (automutilation, ingestion volontaire de pro-
duits toxiques ou d’objets dangereux, jeux d’évanouissement, etc.).
– Les comportements hétéro-agressifs. Plus que leurs cadets, les grands
enfants et les pré-adolescents manifestent de l’irritabilité, de la
colère et de l’agressivité envers autrui, expriment des idées de ven-
geance et s’adonnent à des jeux violents avec leurs camarades.
– Les troubles du sommeil. Les enfants se plaignent de difficulté d’en-
dormissement, d’insomnies, de réveils nocturnes et de cauchemars.
– Les troubles des conduites alimentaires. Chez les enfants prépubères,
l’anorexie reflète souvent un trouble grave. Les comportements
hyperphagiques, moins inquiétants et plus courants, peuvent conduire
à l’obésité.
• Les troubles somatoformes. Les enfants manifestent des plaintes
somatiques (douleurs psychogènes, maladies dermatologiques, respi-
ratoires, etc.) et des symptômes neurovégétatifs (vertiges, lipothymies,
tremblements, sueurs, palpitations cardiaques, tachycardie, troubles

183
Le traumatisme psychique

gastro-intestinaux, de sensations de striction laryngée, d’oppression


respiratoire et de sensations d’étouffement pseudo-asthmatiques, etc.).

La phase à long terme

COMPRENDRE Comme leurs cadets, les grands


enfants et les pré-adolescents peuvent
La personnalité des grands enfants et manifester des troubles caractériels se
des pré-adolescents peut être modifiée traduisant par une perturbation du
par l’impact du trauma, mais étant déjà comportement, de la communication
partiellement structurée, elle risque moins et de l’adaptation dans le domaine
d’être ébranlée dans ses fondements. des émotions et des pulsions (allant
du débordement à l’inhibition en
passant par l’hypercontrôle). Leur relation au monde extérieur peut égale-
ment se trouver altérée. Les jeunes victimes éprouvent alors un sentiment
prolongé et récurrent de détachement et/ou d’insécurité (monde extérieur
perçu comme malveillant, menaçant et dangereux), manifestent moins
d’intérêt pour leurs activités (jeux, loisirs, télévision, ordinateur, école, etc.)
et présentent des troubles dissociatifs (épisodes transitoires de déréalisation).
En grandissant, les victimes ont un risque accru de développer un
trouble dépressif, des désordres anxieux, d’adopter des conduites addictives
ou de souffrir d’une maladie psychiatrique. Toutefois, si les événements
traumatiques précoces risquent d’induire une organisation pathologique
de la personnalité, les événements plus tardifs sont davantage des facteurs
précipitant la survenue d’une psychopathologie névrotique ou psychotique
préexistante.

Les adolescents

Comme pour l’adulte, le traumatisme de l’adolescent est généralement


lié à une situation où il a été confronté à la mort ou à la menace de mort,
à des blessures graves ou au péril de tels dommages, à des violences
sexuelles ou au risque de telles agressions. Cet événement constitue donc
une menace pour la vie (mort réelle ou possible) ou pour l’intégrité phy-
sique (lésions corporelles, violation de l’intimité) et/ou mentale (perte de
biens personnels, outrage à l’honneur ou aux droits fondamentaux, etc.)
de sa propre personne ou de celle d’autrui.
S’ils sont moins influencés que les jeunes enfants par le vécu subjectif
de leur entourage, les adolescents peuvent toutefois être fortement cho-
qués par l’attitude des adultes qu’ils jugent au crible des valeurs morales :
courage, altruisme, dévouement, générosité, vérité, justice, etc. Si au
moment de l’incident critique ou dans son décours, les adultes se sont

184
5. Les spécificités selon l’âge

montrés pleutres, égoïstes, lâches, sans cœur, méchants, malhonnêtes ou


partiaux, leur confiance en l’humanité peut s’en trouver ruinée.

La phase aiguë

En fonction de leur maturité et de la gravité des événements, au moment


de l’événement et dans les jours qui suivent, les adolescents vont réagir
par un stress adapté ou vont présenter des réactions de stress dépassé. Les
sujets prédisposés peuvent déclencher des troubles psychopathologiques.
Plus que leurs benjamins, les adolescents peuvent manifester des symp-
tômes dissociatifs. Ils sont hébétés et désorientés, ils ne comprennent pas
ce qui leur arrive (stupeur dissociative, état confusionnel), ils courent sou-
dainement sans but établi (fugue dissociative), ils ont l’impression de vivre
un rêve éveillé ou un cauchemar (déréalisation), ils éprouvent des sensa-
tions de dédoublement, d’être spectateurs de leur vie, d’agir de façon
machinale (dépersonnalisation) ou ont le sentiment que leur corps ne leur
appartient pas (décorporalisation). Ils ressentent des sentiments intenses
de peur, d’horreur, de colère ou d’impuissance. Ces émotions se doublent
généralement de sensations physiques désagréables dues à l’activation
neurovégétative orthosympathique (détresse péritraumatique).5
• Le syndrome post-traumatique.
COMPRENDRE Les jeunes présentent des symp-
Globalement, les réactions post-immé- tômes de reviviscence (souvenirs
diates des adolescents sont semblables répétitifs et envahissants, flashback,
à celles des adultes132. Notons cepen- cauchemars, jeux et dessins répé-
dant que l’adolescence couvrant une titifs, attirance pour les jeux et les
large période de la vie, l’impact d’un films violents, etc.), des conduites
événement délétère peut différer entre d’évitement et une activation neuro-
un jeune tout juste pubère et un autre végétative persistante.
quasi adulte. • Les troubles anxieux et dépres-
sifs. L’anxiété généralisée et la dépres-
sion sont plus fréquentes chez les adolescents que chez leurs cadets.
• Les comportements régressifs et les difficultés d’apprentissage.
À l’adolescence, des craintes et des comportements propres à des
stades antérieurs du développement peuvent être réactivés.
• Le ralentissement du fonctionnement intellectuel peut avoir des réper-
cussions négatives sur l’acquisition des connaissances et conduire à
une baisse des résultats scolaires, voire à des échecs. De plus, l’incerti-
tude quant à l’avenir décourage souvent les adolescents de fournir les
efforts nécessaires et de s’appliquer à leur travail scolaire (« À quoi bon
étudier puisque je ne sais pas ce que je vais devenir ? ») et les pousse à
déserter les bancs de l’école (école buissonnière, décrochage scolaire).

185
Le traumatisme psychique

De plus, les modifications du développement cognitif peuvent entraî-


ner chez eux des difficultés à poser des choix, induire un manque de
discernement et grever leur capacité de raisonnement.
• Les troubles du comportement. À l’adolescence, les indices les plus
évocateurs d’un trauma sont les comportements asociaux et délin-
quants, les actes d’autodestruction et les addictions. Un contexte défa-
vorable peut entraîner des passages à l’acte violents et/ou suicidaires.
Ces comportements possiblement présents chez les adultes sont nette-
ment plus fréquents chez les adolescents.
– Les comportements auto-agressifs. À l’adolescence, le risque d’auto-
mutilations (scarifications, brûlures, arrachage des cheveux, etc.) et
de passage à l’acte suicidaire s’accroît. Ils peuvent être un moyen
de s’amender de la culpabilité (comportements autopunitifs) ou de
sortir d’états dissociatifs (impression d’irréalité, dépersonnalisation,
sentiment de détachement, émoussement, etc.).
– Les comportements hétéro-agressifs. Plus que leurs benjamins, les
adolescents brisent des objets, frappent sur les murs et défoncent
les portes, profèrent des insultes, intimident (menaces verbales,
actes d’intimidation tels que brandir un couteau de cuisine, etc.),
agressent et se livrent à de jeux violents avec leurs camarades. Dans
les cas les plus graves, ils adoptent des comportements d’une vio-
lence extrême (agression, vols avec violence, etc.) ou une sexualité
délinquante (par exemple, viols favorisés par l’abus d’alcool et la
prise de drogues).
– Les conduites à risque. Plus que les autres groupes d’âge, les ado-
lescents adoptent des comportements à risque (relations sexuelles
non protégées, usage abusif de substances psychotropes, adhésion
à des bandes délinquantes, comportement provocateur envers l’au-
torité, sports extrêmes, conduite automobile imprudente, « jeux »
dangereux, actes délictuels, fugues, prostitution, enrôlement impé-
tueux dans les forces armées, etc.).
COMPRENDRE Les conduites ordaliques consti-
tuent une forme particulière de
Après avoir subi des violences sexuelles, mise en danger : les adolescents
l’obésité ou la maigreur peut leur tenir jouent délibérément leur vie au
lieu de protection par l’amoindrissement cours d’épreuves dangereuses
de leur potentiel de séduction. dont l’issue est laissée au hasard,
à la destinée ou à Dieu.
– Les troubles du sommeil. Outre les insomnies et les cauchemars de
répétition, les hypersomnies sont relativement fréquentes chez
l’adolescent. Cette dernière constitue une forme de régression ou
d’évitement de la réalité angoissante.

186
5. Les spécificités selon l’âge

– Les troubles des conduites alimentaires. À l’adolescence, les troubles


alimentaires (boulimie et anorexie) sont relativement courants.
L’anorexie, plus fréquente chez les filles que chez les garçons, se
manifeste par une restriction et un contrôle alimentaires, l’hyper-
activité physique, les vomissements provoqués et la prise de laxatifs
ou de diurétiques. La boulimie est également plus répandue chez les
filles. Suite à ces désordres alimentaires, les jeunes peuvent devenir
obèses ou cachectiques.
– Les conduites addictives. Tabagisme, alcoolisme, toxicomanie et bouli-
mie peuvent apparaître à l’adolescence dans le décours d’un événe-
ment traumatique.
• Les troubles somatoformes. Les adolescents peuvent souffrir de symp-
tômes signant une hyperactivité neurovégétative et de maladies
psychosomatiques (coliques, colites, asthme, eczéma, psoriasis, etc.). Ils
manifestent également fréquemment de l’asthénie (fatigue permanente
résistant au repos, épuisement rapide au moindre effort physique,
impression persistante d’être sans force, lassitude générale). Les victimes
d’agressions sexuelles peuvent manifester des dysfonctions sexuelles à
expression somatique tels la baisse ou la perte de désir sexuel, l’émous-
sement du plaisir sexuel, l’aversion sexuelle, l’anorgasmie, la dyspa-
reunie psychogène, l’impuissance et le vaginisme.

La phase à long terme

Outre les signes pathognomoniques du traumatisme et les troubles


non spécifiques, la personnalité de certains adolescents subit une trans-
formation morbide. Cette organisation de la personnalité en névrose
traumatique apparaît en concordance avec un possible estompement
du syndrome post-traumatique. Cette organisation de la personnalité se
traduit notamment par des troubles caractériels (opposition à l’autorité,
comportements asociaux et délinquants, comportements sexuels agres-
sifs, etc.), la dépendance, la quête affective et la revendication, une altéra-
tion de la perception de soi, une modification des croyances et des valeurs
de base, des symptômes dissociatifs ainsi que par des difficultés à établir
ou à maintenir des relations satisfaisantes.
Les adolescents développent parfois des troubles dissociatifs avérés,
des troubles de l’identité ou de la personnalité en particulier dans les
traumatismes extrêmes, répétés ou prolongés.

187
En résumé

• La souffrance de l’enfant en bas âge se caractérise par un


trouble du fonctionnement global : hyperactivité (agitation,
instabilité motrice, cris, pleurs) ou retrait (souffrance dépressive,
apathie, gestes rares et ralentis, rythmies), conduites auto- et
hétéro-agressives, désordre des conduites alimentaires (ano-
rexie, polyphagie et plus préoccupants, pica, coprophagie et
mérycisme), troubles du sommeil (refus d’aller se coucher, diffi-
cultés d’endormissement, réveils anxieux, insomnies communes
ou agitées et plus inquiétantes, insomnies calmes), ralentisse-
ment, voire régression du développement (retour à une alimen-
tation liquide, interruption du comportement de la marche,
agrippement à la mère, crainte des personnes étrangères à la
famille, etc.) et maladies psychosomatiques (coliques, colites,
asthme, eczéma, etc.).
• Entre 3 et 6 ans, les enfants peuvent manifester des symp-
tômes pathognomoniques du traumatisme (mnésies intrusives,
évitements, hyperactivation neurovégétative), des signes de
dépression (tristesse, inhibition, perte d’intérêt, sentiments de
culpabilité), des troubles anxieux (crises d’angoisse, agitation
désordonnée, surveillance inquiète de l’environnement, attache-
ment anxieux), des comportements agressifs tournés contre eux-
mêmes et contre autrui, des troubles du sommeil, des désordres
alimentaires et des troubles somatoformes.
• Entre 6 et 12 ans, leur registre de réaction s’élargit. Plus que
leurs cadets, ils peuvent exprimer des idées de vengeance et de
culpabilité, présenter de l’irritabilité, de la colère, de l’agressivité

188
5. Les spécificités selon l’âge

et des comportements provocateurs ainsi que des troubles


dépressifs. Avec l’entrée à l’école apparaissent les perturba-
tions scolaires et les difficultés d’apprentissage.
• À l’adolescence, les indices les plus évocateurs d’une souf-
france sont les comportements asociaux et délinquants, les
actes d’autodestruction (scarifications, automutilations, idées
ou passage à l’acte suicidaire, conduites ordaliques), les
addictions (alcoolisme, toxicomanie), les troubles de l’humeur
(dépression) et les désordres des conduites alimentaires (bou-
limie, anorexie).
• En grandissant, les victimes ont un risque accru de déve-
lopper un trouble dépressif, des désordres anxieux, d’adop-
ter des conduites addictives ou de souffrir d’une maladie
psychiatrique.

189
Vérifiez vos connaissances

• Quels sont les symptômes les plus préoccupants chez


le nourrisson ?
• Quels sont les signes devant faire suspecter une souffrance
traumatique chez l’enfant de 3 à 6 ans ?
• Quels sont les symptômes spécifiques présentés par les grands
enfants et les pré- adolescents ?
• Quels sont les indices les plus évocateurs d’un traumatisme
psychique chez l’adolescent ?

190
Notes

1 Pica : ingestion répétée de substances non comestibles (terre, cailloux, papier,


ficelles, cheveux, etc.), alors que l’enfant est en âge de distinguer les objets des aliments
(soit après 18 mois).
2 Coprophagie : ingestion d’excrément.
3 Mérycisme : régurgitation volontaire du bol alimentaire dans la bouche, suivie de
sa remastication avant une nouvelle déglutition.
4 D’après Maurice Berger et coll., « cette violence, liée à une identification incorpora-
tive pathologique, s’est structurée dans les deux premières années de la vie » (M. Berger,
E. Bonneville, P. André & C. Rigaud (2007), « L’enfant très violent : origine, devenir, prise
en charge, Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’adolescence », vol. 55, no 7, 353-361
(novembre 2007).
5 Voir, de la même auteure, Le traumatisme psychique chez les adultes, De Boeck
Supérieur, 2019.

191
6 Conduites à tenir
avec les enfants
et adolescents victimes
d’un événement
potentiellement
traumatique

L’attitude des adultes est un facteur déterminant dans le maintien et


la restauration de l’équilibre mental des enfants. Il est donc essentiel de
leur apporter le soutien nécessaire pour qu’ils puissent aider les enfants et
les adolescents à affronter et à surmonter les événements potentiellement
traumatiques.
Dans les prochains paragraphes, nous proposerons quelques conseils
destinés aux parents. Ceux-ci devront être adaptés en fonction de l’âge
de la victime et de la situation dramatique traversée. Les enseignants, les
éducateurs et toute personne en contact avec les enfants et les adolescents
en détresse peuvent également s’en inspirer.

Comment réagir aux angoisses des enfants


après un événement traumatique ?

Les enfants et les adolescents deviennent souvent craintifs à la suite de


telles expériences. Ils vivent avec le sentiment que d’autres catastrophes
surviendront. Le monde devient un univers potentiellement dangereux où
chacun est vulnérable.
• Écoutez vos enfants et encouragez-les à exprimer leurs craintes,
leurs émotions et leurs réflexions. Vous êtes peut-être réticent à
évoquer des situations douloureuses de crainte d’aggraver leur trouble.
Or, la meilleure façon de les aider à surmonter leurs peurs et leurs
angoisses est de les encourager à les exprimer.

193
Le traumatisme psychique

• Prenez leurs craintes au sérieux et essayez de les comprendre.


Même si ces angoisses vous paraissent infondées, rappelez-vous que les
enfants apeurés sans raison avérée éprouvent une peur réelle. Restez
patient, même si le côté irrationnel de cette anxiété vous agace. Ne
vous fâchez pas et ne vous moquez pas d’eux. Rassurez-les (« C’est
normal d’avoir peur, mais je suis là et tu es en sécurité maintenant »).
• Expliquez aux enfants les événements traversés et la situation
qui s’en suit. Leur anxiété s’accroît considérablement lorsqu’ils ne
comprennent pas les expériences stressantes et les changements brus-
ques survenus dans leur vie.
• Ne forcez pas les enfants à être braves et à affronter ce qui
les effraie (par exemple, à aborder le sujet de l’événement trauma-
tique alors qu’ils ne le souhaitent pas, à loger chez un membre de la
famille ou chez un ami sans vous, à partir en week-end dans la cadre
d’une activité parascolaire, etc.). Cela aurait pour résultat d’aggra-
ver leur anxiété et leur sentiment d’insécurité. Procédez par étapes.
Encouragez-les à se débarrasser graduellement de leurs peurs. Félicitez-
les de chaque progrès accompli.
• Les enfants réagissent fréquem-
ment aux expériences effrayantes
par un attachement anxieux. Ils
ACCOMPAGNER craignent que les personnes auxquelles
ils sont attachés les abandonnent ou
Dans un premier temps, les parents devraient évi-
disparaissent. Dès lors, ils manifestent
ter d’être séparés de leurs enfants durant un long
une anxiété intense lorsqu’ils en sont
moment. S’ils doivent s’absenter, ils devraient
séparés et s’agrippent à elles en pré-
les prévenir (« Je dois partir, mais je reviendrai
sence de personnes étrangères.
ce soir »). Lorsqu’ils ne comptent pas réintégrer
le foyer le jour même, il leur est conseillé de • Retrouver une routine quoti-
les informer de leur départ la veille ou l’avant- dienne aide les enfants à récupé-
veille et d’assurer qu’ils reviendront. Ils devraient rer d’événements dramatiques et à
les appeler par téléphone si c’est possible et s’adapter aux nouvelles situations.
répéter les paroles protectrices. Durant leur La stabilité offerte par la famille et par
absence, il est important qu’ils les confient à des l’école permet d’annihiler l’impression
personnes en qui ils ont confiance. Les ensei- de chaos et de défaillance qu’ils ont
gnants peuvent autoriser un des parents à rester du monde des adultes. Réinstaurer les
en classe un moment, le temps que l’enfant se habitudes propres à la vie familiale ou
sente en confiance. Ils doivent les impliquer rapi- scolaire contribue à créer un sentiment
dement dans les activités ludiques ou scolaires. de continuité et de sécurité. Se lever,
Leur confier une occupation mobilise leur esprit ; se coucher et manger à heures régu-
leurs craintes sont ainsi dérivées vers une activité lières, participer aux activités scolaires
salutaire. et fréquenter des compagnons de jeu
sont des activités réconfortantes pour
les enfants.

194
6. Conduites à tenir …

Comment faire face aux troubles du sommeil


des enfants perturbés par une expérience
traumatique ?

Les enfants connaissent fréquemment des troubles du sommeil après


avoir traversé des situations pénibles ou effrayantes. Les troubles les
plus souvent signalés sont le refus d’aller se coucher, la peur de l’obs-
curité, la difficulté d’endormissement, les cauchemars et les terreurs
nocturnes.
• Consacrez du temps à vos enfants durant la journée ; cela leur
permettra de se sentir plus en sécurité la nuit.
• Encouragez-les à pratiquer de l’exercice physique et à participer
à des jeux collectifs.
• Établissez un rituel réconfortant à l’heure du coucher. Un jeu tran-
quille, une histoire, une chanson, un objet sont autant de moyens qui
contribuent à créer un sentiment de sécurité. Certifiez à vos enfants que
vous serez à proximité durant leur sommeil et que vous serez présent
à leur réveil le lendemain matin.
• Soyez ferme. Refusez leur demande de se coucher à l’heure tardive
qui est la vôtre. Les enfants ont besoin de repos pour retrouver et
maintenir leur équilibre mental.
• Si vos enfants pleurent une fois couchés, consolez-les et assu-
rez-les de votre présence (« Je suis là, rien ne t’arrivera »). Retournez
ensuite à vos occupations même s’ils continuent de pleurer.
• Les jeunes enfants ne peuvent pas toujours distinguer le rêve de la
réalité et les histoires effrayantes qui peuplent leurs cauchemars leur
semblent aussi réelles que leur quotidien. Si l’un de vos enfants se
réveille effrayé, réconfortez-le immédiatement (« Tu as dû faire un
mauvais rêve. C’est fini maintenant »). Invitez-le à raconter son cau-
chemar puis rassurez-le (« Je suis tout près, tu es en sécurité, tu vas te
rendormir tranquillement maintenant »).

Comment faire face aux comportements


régressifs des enfants ayant traversé
un événement pénible ou effrayant ?

Après un événement violent, d’anciennes habitudes refont surface


comme l’incontinence nocturne, la succion du pouce, le balancement
machinal ou l’agrippement à un « doudou ». On peut également consta-
ter un recul dans l’apprentissage ou une perte d’aptitudes récemment
acquises (par exemple, du langage, de la marche, de l’autonomie). Tous

195
Le traumatisme psychique

ces comportements sont des moyens adoptés par les enfants pour se
réconforter. C’est une manifestation habituelle de leurs angoisses.
• Ne vous tracassez pas outre mesure des comportements régres-
sifs. Ils disparaissent généralement au bout de quelques jours ou de
quelques semaines après l’événement traumatique.
• Ne réagissez pas avec excès. Ne punissez pas vos enfants, ne les
menacez pas, ne les harcelez pas et ne vous moquez pas d’eux sans quoi
ces comportements risquent de persister beaucoup plus longtemps.
• Rappelez-vous que ces régressions signent une souffrance psycho-
logique. L’angoisse amène vos enfants à régresser à un stade où vous
vous occupiez davantage d’eux. Accordez-leur des moments privilé-
giés. Ce dont ils ont le plus besoin, c’est d’attention et de réconfort.
• Circonscrivez progressivement le problème. Par exemple, permet-
tez-leur de « jouer au bébé » à certains moments (boire un biberon,
sucer une tétine, etc.), en leur indiquant que ce n’est qu’un jeu et qu’ils
devront ensuite revenir au comportement attendu à leur âge.
• En collaboration avec vos enfants, fixez des objectifs et dévelop-
pez un plan de bataille pour devenir « grand ». Choisissez ensemble
des moments précis où il peut sucer son pouce, prendre son « dou-
dou », etc. (par exemple, le matin au réveil et/ou le soir au moment
du coucher, mais pas durant la journée).
• Félicitez-les de tout progrès accompli sur la voie du développement
et de l’autonomie.

Comment faire face aux difficultés


d’apprentissage d’un enfant
après un événement traumatique ?

De nombreux enfants et adolescents éprouvés par des expériences dou-


loureuses rencontrent des difficultés d’apprentissage. En effet, les souve-
nirs traumatiques perturbent fréquemment leur concentration. De plus,
l’incertitude quant à l’avenir les décourage souvent de fournir les efforts
nécessaires et à s’appliquer à leur travail scolaire (« À quoi bon étudier
puisque nous ne savons pas ce que nous allons devenir ? »). Que faire ?
• En raison de leur angoisse d’être séparés de leurs parents, les
plus jeunes peuvent refuser de fréquenter l’école. Ne laissez pas
le temps à la peur de s’installer sans quoi elle risque de se cristalli-
ser en véritable phobie scolaire. Moins vos enfants iront à l’école et
plus ils éprouveront des difficultés à y retourner. Informez leurs ensei-
gnants afin qu’ils participent de concert à vos efforts (par exemple,
qu’ils évitent les punitions sous forme de renvois temporaires ou

196
6. Conduites à tenir …

définitifs). Aidez vos enfants à affronter le retour à l’école et, au besoin,


accompagnez-les jusqu’à leur classe de cours. Rassurez-les sur le fait
que vous vous retrouverez après les cours (« Je t’attendrai à la sortie de
l’école »). Rappelez-vous que l’école leur offre un espace protégé des
préoccupations des adultes, de l’agitation et du chaos.
• Soulignez l’importance de l’enseignement et de la formation pro-
fessionnelle. Apprenez à vos enfants à planifier leur emploi du temps et
à réserver une plage horaire pour chaque activité (loisirs, études, etc.).
Encouragez-les à étudier leurs leçons et à s’appliquer à leurs devoirs. Dans
un premier temps, fixez-leur de courtes périodes d’étude (10 minutes).
Allongez ensuite progressivement le temps réservé au travail scolaire en
veillant cependant à leur accorder régulièrement de brèves pauses.
• Veillez à ce qu’ils étudient dans un endroit calme. Lorsque les motifs
de distraction ne peuvent être évités, restez à leurs côtés. Votre présence
attentive les encouragera à s’appliquer. Les plus jeunes peuvent d’ail-
leurs souhaiter votre présence constante pour mener à bien leurs tâches
scolaires. Au besoin, participez activement à leur apprentissage en leur
faisant répéter leurs leçons et en les interrogeant sur la matière étudiée.
• Évitez de les punir lorsque leurs résultats scolaires sont insatis-
faisants. Ne les privez jamais complètement de loisir et de détente.
Ils ont besoin de se relaxer. Il est plus profitable de les encourager, de
récompenser leurs efforts et de consolider les progrès accomplis.

Comment faire face à l’agressivité


d’un enfant traumatisé ?

Lorsqu’ils sont perturbés émotionnellement par un événement qui les a


effrayés, les enfants et les adolescents manifestent fréquemment un com-
portement agressif. En réagissant de façon appropriée avant que la crise
n’éclate, les adultes peuvent éviter l’escalade et les passages à l’acte violent.
• Soyez attentif aux difficultés rencontrées par les enfants et les
adolescents. Les expériences qui les traumatisent peuvent entraîner de
graves perturbations du comportement. Faites preuve de compréhen-
sion et apportez-leur votre soutien.
• Ne les injuriez pas et ne leur infligez pas de châtiments corporels
(gifles, fessées, etc.). Les enfants peuvent devenir agressifs en étant
exposés à des modèles d’individus et à des modes d’interaction vio-
lents. En recourant aux punitions corporelles, vous deviendriez pour
eux un modèle d’agression. Indiquez-leur le comportement que vous
souhaitez les voir adopter. Au besoin, envoyez-les se calmer dans un
endroit que vous pouvez surveiller et rappelez-les lorsqu’ils auront
retrouvé la maîtrise d’eux-mêmes.

197
Le traumatisme psychique

• Les enfants ont besoin d’être encadrés par des limites et régis
par des règles claires. La permissivité accroît l’agressivité et les pas-
sages à l’acte agressif. Soyez ferme : refusez catégoriquement les atti-
tudes inacceptables et interdisez les comportements répréhensibles.
• L’agressivité peut être une manière pour les enfants d’exprimer leurs
angoisses ou leurs frustrations. Aidez-les à verbaliser ce qui les
tourmente.
• Racontez-leur des contes. Avec les contes, les enfants apprennent
peu à peu à appréhender le monde, à gérer les relations aux autres,
à contrôler leurs pulsions agressives et leurs peurs, à connaître les
démarches à adopter pour résoudre leurs conflits et fortifier leur per-
sonnalité. Voici deux petites histoires que vous pourriez trouver utiles.

ACCOMPAGNER

Un homme âgé dit à son petit-fils très en colère contre un ami qui s’était montré injuste envers lui :
« Laisse-moi te raconter une histoire… Il m’arrive aussi, parfois, de ressentir de la haine contre ceux
qui se conduisent mal et qui n’en éprouvent aucun regret. Mais la haine t’épuise et ne blesse pas ton
ennemi. C’est comme avaler du poison et désirer que ton ennemi en meure. J’ai souvent combattu
ces sentiments. C’est comme si j’avais deux loups à l’intérieur de moi. Le premier est bon et ne me fait
aucun tort. Il vit en harmonie avec ce qui l’entoure et ne s’offense pas lorsqu’il n’y a pas lieu. Il combat
uniquement lorsque c’est juste de le faire et il le fait de manière juste. Mais l’autre loup est plein de
colère. La plus petite chose le précipite dans des accès de rage. Il se bat contre n’importe qui, tout le
temps, sans raison. Il n’est pas capable de penser parce que sa colère et sa haine sont immenses. Il est
désespérément en colère et pourtant sa colère ne change rien. Il est parfois difficile de vivre avec ces
deux loups à l’intérieur de moi parce que tous deux veulent dominer mon esprit ». Le garçon regarda
attentivement son grand-père dans les yeux et demanda : « Lequel des deux loups l’emporte, grand-
père ? ». Le grand-père sourit et répondit : « Celui que je nourris » (fable amérindienne, auteur inconnu).

C’est l’histoire d’un petit garçon qui avait mauvais caractère. Son père lui donna un sac de clous et lui dit
qu’à chaque fois qu’il perdrait patience, il devrait planter un clou derrière la clôture. Le premier jour, le
jeune garçon planta 37 clous. Les semaines qui suivirent, à mesure qu’il apprenait à contrôler son humeur,
il plantait de moins en moins de clous. Il découvrit qu’il était plus facile de contrôler son humeur que d’aller
planter des clous. Le jour vint où il contrôla son humeur toute la journée. Après en avoir informé son père,
ce dernier lui suggéra de retirer un clou chaque jour où il contrôlerait son humeur. Les jours passèrent et le
jeune homme put finalement annoncer à son père qu’il ne restait plus aucun clou à retirer. Son père le prit
par la main et l’amena à la clôture. Il lui dit : « Tu as travaillé fort, mon fils, mais regarde tous ces trous dans
la clôture. Elle ne sera plus jamais la même. À chaque fois que tu perds patience, cela laisse des cicatrices
comme celles-ci. Tu peux enfoncer un couteau dans un homme et le retirer, peu importe combien de fois
tu lui diras être désolé, la cicatrice demeurera pour toujours. Une offense verbale est aussi néfaste qu’une
offense physique. Les amis sont des joyaux précieux. Ils nous font rire et nous encouragent à réussir. Ils nous
prêtent une oreille attentive, nous louangent et sont toujours prêts à nous ouvrir leur cœur.

198
6. Conduites à tenir …

• Un trop-plein d’énergie peut se manifester par des comportements


agressifs. Veillez à ce que les enfants se défoulent suffisamment
dans des jeux ou dans le sport.
• Ne vous alarmez pas outre mesure de l’irritabilité et de l’attitude
contestataire manifestées par les pré-adolescents et les adoles-
cents. Ces réactions sont caractéristiques de l’adolescence.
• Parce qu’ils se sentent menacés, impuissants ou vulnérables, cer-
tains grands enfants sont tentés de réagir aux violences subies
par la vengeance. Aidez-les à exprimer leurs sentiments, leurs doutes
et leurs inquiétudes. Discutez avec eux d’options positives pouvant
remplacer la vengeance. Rappelez les lois qui protègent la liberté d’ex-
pression et posent l’interdit du meurtre ainsi que la nécessité d’être
solidaires face à un événement d’une telle violence qu’elle peut entraî-
ner des réactions en chaîne.

Comment faire face aux comportements


à risque d’un adolescent ?

Plus que les autres groupes d’âge, les adolescents éprouvés par des
événements dramatiques adoptent des comportements à risque. Relations
sexuelles non protégées, consommation fréquente et répétée d’alcool ou
de drogue, décrochage scolaire, comportement provocateur envers l’au-
torité, actes délictuels, adhésion à des bandes délinquantes, automutila-
tions et tentatives de suicide, jeux d’évanouissement (« jeu du foulard »),
sports extrêmes, conduites dangereuses (s’accrocher aux voitures avec une
planche de skateboard, brûler intentionnellement des feux au rouge en
scooter, etc.), la liste est infinie.
• Prenez le temps de discuter avec l’adolescent de ses problèmes
et de ses sentiments. Les jeunes ressentent la nécessité de s’exprimer,
d’être écoutés et compris ; ils éprouvent le besoin d’être encouragés,
de se sentir appréciés et parfois aussi, d’être choyés.
• Ensemble, essayez de comprendre la cause profonde de ces
comportements problématiques. Éprouve-t-il un malaise ? Est-ce une
échappatoire ? Subit-il la pression de ses camarades ? Manque-t-il de
repères ? Se sent-il coupable de vivre alors que d’autres sont morts ?
• Informez-le des risques qu’il prend pour sa santé, sa sécurité et
son avenir.
• La façon de vous comporter exerce une grande influence sur les adoles-
cents. Ils s’inspirent de modèles, c’est-à-dire d’adultes signifiants qu’ils
peuvent prendre en exemple et dont ils peuvent épouser les valeurs
et imiter le comportement. Soyez donc un exemple. Les enseignants

199
Le traumatisme psychique

et les éducateurs jouent un rôle particulièrement important lorsque les


relations entre jeune et parents sont difficiles.
• Réprouvez fermement toute prise de risque inacceptable. Les ado-
lescents sont rassurés de sentir qu’un adulte contrôle leur vie, même
quand ils rejettent explicitement les conseils familiaux.
• Soyez clair sur ce que vous attendez d’eux : s’attacher au travail
scolaire, limiter leur consommation d’alcool, rouler prudemment, etc.
• Si vos adolescents mettent leur vie en danger ou s’ils sèment le
trouble, requérez de l’aide auprès de personnes compétentes :
animateurs psychosociaux, psychologues, psychiatres, etc.

Comment faire face aux réactions de deuil


d’un enfant ?

Le décès brutal d’un proche, parent, ami ou connaissance représente


une épreuve douloureuse pour les petits enfants comme pour les plus
grands et les adolescents.
• Quel que soit l’âge de l’enfant, faites-lui part du décès. Vous
croyez peut-être préférable de lui dissimuler la vérité afin de lui épar-
gner la peine que va lui infliger cette nouvelle. Sachez cependant que
c’est en lui offrant la possibilité de vivre son deuil que vous l’aidez
réellement. Expliquez-lui les événements d’une manière simple, hon-
nête et adaptée à son âge. Donnez-lui ensuite la possibilité de poser
des questions.
• Autorisez-le à exprimer ses émotions. Expliquez-lui qu’il est normal
de se sentir triste ou en colère lorsque l’on perd un être cher.
• Expliquez le caractère définitif de la mort (« Papa ne reviendra
jamais. C’est impossible. Il ne le peut pas et personne ne peut le faire
revenir »). Dans les mois suivant le décès, si l’enfant est âgé de 3 à
5 ans, il vous demandera peut-être à plusieurs reprises quand il reverra
le défunt. Vous devrez répéter que la personne est décédée et que cela
signifie qu’elle ne reviendra jamais.
• Il est difficile de répondre aux questions relatives au sort d’un défunt
(par exemple, l’endroit où il va). Restez fidèle à vos croyances et
aux traditions familiales. Évitez toutefois de dire qu’il est parti en
voyage ou qu’il s’est endormi pour toujours sans quoi l’enfant pourrait
craindre de voyager ou de s’endormir.
• Dans la mesure du possible, l’enfant devrait pouvoir assister aux
funérailles. Participer au rituel de l’adieu peut l’aider dans le proces-
sus de deuil.

200
6. Conduites à tenir …

• Rassurez l’enfant en lui rappelant qu’il peut compter sur l’entourage


familial.
• « Comment a-t-il pu mourir alors que j’avais besoin de lui ? », « C’est
injuste qu’il soit mort maintenant », « Je vais le venger » sont autant
de réflexions qui traduisent la colère des enfants vis-à-vis du défunt
lui-même, du sort ou de l’auteur du drame (par exemple, le conduc-
teur responsable de l’accident mortel). Normalisez ces sentiments.
Laissez-les exprimer leur colère, mais réprouvez énergiquement tout
passage à l’acte violent.
• Parfois, l’enfant se culpabilise, imaginant, par exemple, qu’un compor-
tement fautif est responsable du décès de la personne (il n’a pas obéi,
il n’a pas été sage, etc.). Rassurez-le sur le fait qu’il est innocent
de la tragédie.
• L’enfant peut manifester la crainte de mourir ou redouter la disparition
d’autres proches. Pour lui, la mort est comme une maladie contagieuse
que lui-même ou leur entourage peuvent contacter. Expliquez-lui que
la mort ne s’attrape pas comme une grippe.
• La mort d’un parent oblige parfois l’adolescent à assumer prématuré-
ment des responsabilités d’adulte. Laissez-lui s’abandonner à son
chagrin avant d’endosser ces nouvelles charges.

Comment réagir par rapport aux enfants


et adolescents victimes indirectes
d’un événement dramatique –
le cas du terrorisme.

Depuis quelques années, les familles sont malheureusement confron-


tées au sujet d’actualité brûlant des attentats et de la menace terroriste.
Les enfants, petits et grands, ne sont pas épargnés par ces événements
tragiques qui ébranlent le monde. Lors d’actions de police menées dans
le cadre de perquisitions ou d’exactions terroristes, des enfants ont été
confinés de longues heures dans les crèches et les établissements scolaires
situés dans les périmètres de sécurité. Ils ont vu les massacres relayés
par les médias. Ils ont entendu les adultes s’inquiéter pour un proche
résidant ou travaillant à proximité du lieu d’une explosion, évoquer le
bilan des victimes décédées ou grièvement blessées, s’émouvoir du sort
d’une connaissance touchée de près par les événements ou exprimer leur
sentiment d’insécurité et leurs craintes pour l’avenir. Dans ces périodes
troublées, le terrorisme s’invite également en classe via les leçons des
enseignants et s’immisce dans les conversations entre condisciples pen-
dant les récréations.

201
Le traumatisme psychique

Les réactions des enfants et des adolescents diffèrent selon leur classe
d’âge, leur personnalité, leur degré d’exposition aux attentats, etc. Les
enfants en bas âge n’ayant pas la maturité et l’expérience pour com-
prendre les événements sont très influencés par la réaction de leur entou-
rage direct. Les enfants plus grands restent perméables au vécu subjectif
de leurs proches et simultanément, prennent conscience de la gravité des
attentats. La menace vitale qu’ils perçoivent peut être à la source d’an-
goisses intenses. La majorité des adolescents sont ébranlés par l’impor-
tance et l’enjeu du drame. Ils peuvent éprouver de la peur et de la colère,
des sentiments d’impuissance et/ou une perte de confiance en l’humanité.
Une faible minorité de jeunes en crise et en quête d’identité adoptent des
attitudes provocatrices. Quelques-uns sont fascinés par la violence meur-
trière et risquent de se laisser séduire par une idéologie radicale, islamiste
ou d’extrême droite.

Parlez de vos émotions

Il est inutile de taire vos émotions pour protéger vos enfants ; ces
derniers ressentent votre malaise. Ne pas leur en signifier la cause, c’est
courir le risque qu’ils s’attribuent l’origine de cette souffrance ou qu’ils
échafaudent des scénarii pires que la réalité.

La tristesse éprouvée par les adultes

• Vous avez le droit d’être triste et vous avez le droit de l’être


devant vos enfants. Il n’y a pas davantage de raison de vous dissimu-
ler pour pleurer que de vous cacher pour rire. En vous autorisant à être
triste, vous les autorisez à l’être aussi. C’est une forme de permission
que vous leur donnez de reconnaître leurs propres émotions et de les
exprimer.
• Vous avez le droit d’être triste, mais vous devez en expliquer
la raison avec des mots simples adaptés à l’âge et à la matu-
rité à vos enfants. Outre les explications concernant l’objet de votre
tristesse, précisez que cette émotion est transitoire et non pas un état
permanent (« Je suis triste. Tout le pays est triste aujourd’hui. C’est nor-
mal après la tragédie qui vient de se dérouler, mais cela ira mieux dans
quelques jours »). Ajoutez qu’ils ne peuvent rien faire pour apaiser cette
tristesse. Ils n’en sont pas responsables, pas plus dans sa genèse que
dans sa résolution. Si vous ne pouvez en expliquer la raison immédia-
tement, car vous êtes débordé émotionnellement, il est important que
vous disiez : « Je suis malheureux, je suis triste. Cela est en lien avec les
attentats. Je ne suis pas capable d’en parler maintenant, mais dès que
je le pourrai, on en discutera ensemble ».

202
6. Conduites à tenir …

La peur éprouvée par les adultes

• Il est normal d’être effrayé dans le décours d’un attentat meurtrier,


mais si votre peur est intense, vous devriez demander l’aide d’un
psychologue afin d’éviter de la communiquer à vos enfants.
D’autant que si l’état de tristesse est généralement transitoire, la peur
s’avère souvent plus persistante.
• Il est important que vous reconnaissiez qu’il est naturel d’avoir
peur au vu des circonstances, mais vous devez également pouvoir
rassurer vos enfants et ramener le risque d’être touché par un attentat
à sa juste valeur.

Rassurez l’enfant

Le plus rassurant pour les enfants, c’est de savoir leurs parents à leurs
côtés. La force du lien d’attachement est le moyen le plus efficace de les
sécuriser et de les aider à surmonter leurs souffrances.
• Si vos enfants sont anxieux ou angoissés, assurez-les de votre pré-
sence : « Nous sommes là, nous sommes avec toi. » Même si nul ne
peut être certain de l’avenir et prémunir ses proches des aléas de la vie,
rassurez-les : « Nous sommes là pour te protéger. » Les enfants en bas
âge ne peuvent comprendre la nature des événements, mais perçoivent
l’ébranlement émotionnel de leur entourage. Si un petit enfant est per-
turbé, vous pouvez lui dire : « Maman/Papa a eu très peur, mais tout va
bien maintenant. » Les gestes d’affection tels que câlins et bisous sont
une manière complémentaire de rassurer les enfants.
• Expliquez que le risque d’un attentat ne peut être nié, mais qu’il
est faible. Même si les terroristes sont dangereux, ils sont peu nom-
breux. Certes, le pays est déstabilisé par les attaques meurtrières, mais
il n’est pas fondamentalement en danger. Les moyens dont il dispose
pour se défendre sont incomparablement plus importants que la force
de frappe des terroristes.
• Informez-les du fait que tout est mis en place pour assurer la
sécurité des citoyens ; l’État et la police se mobilisent pour réduire
au maximum le risque d’un nouvel attentat. Illustrez votre propos :
la sécurité a été renforcée dans les lieux où se rassemble un grand
nombre de personnes, des mesures ont été prises pour protéger les
écoles, les coupables et leurs complices sont recherchés, etc.
• Les enfants entendent parler de carambolages, d’accidents ferro-
viaires et de crashs aériens, de maladies cancéreuses et de crises car-
diaques, etc. La mort peut frapper brusquement, à tout moment. C’est
une réalité et il ne faut pas la nier. Il est important de reconnaître
qu’il existe une part de notre existence qui ne peut être maîtrisée.

203
Le traumatisme psychique

Par votre présence, par votre comportement confiant et ras-


surant, vous devez montrer à vos enfants qu’il est tout à fait
possible de vivre avec cette donnée. Prendre conscience de cela et
l’accepter fait partie du processus de grandir.
• Aussi longtemps que vos enfants manifestent de l’anxiété,
rassurez-les. Vous pourrez ensuite discuter avec eux des attentats et
du terrorisme.

Parlez des événements

Les adultes sont parfois réticents à évoquer des situations douloureuses


de crainte d’angoisser leur progéniture et d’induire des troubles psycho-
logiques. Soyez certain que vos enfants ont entendu parler des attentats
par les médias, leurs copains ou leurs enseignants. La meilleure façon de
les aider à surmonter leurs peurs est de les convier à les exprimer. Éluder
le sujet les inquiéterait bien davantage.

Écoutez vos enfants

• Écoutez vos enfants et encouragez-les à partager leurs émo-


tions (peur, colère, etc.) ainsi que leurs réflexions. Rappelez-vous
que les enfants ne vivent pas et ne comprennent pas les événements
de la même manière que vous. Il est donc indispensable de les écou-
ter pour saisir la manière dont ils appréhendent les faits afin de
répondre de manière adaptée à leurs besoins et à leurs interroga-
tions. Posez-leur des questions pour savoir ce qu’ils savent à propos
des attaques, ce qu’ils en ont entendu, ce qu’ils en ont retenu et ce
qu’ils en ont compris. Souvent, les enfants mixent données correctes,
bribes d’information incomprises et éléments de leur imaginaire ou
de leur vécu. Dans le décours des attentats survenus en France et en
Belgique, suite aux déclarations des hommes d’État retransmises à la
télévision, des enfants ont pensé que le pays était en état de guerre.
Dans ce cas de figure, il est judicieux de savoir ce qu’ils entendent
par « guerre » et quelle conception ils en ont. Généralement, dans leur
chef, la guerre signifie que les gens se battent dans les rues partout
dans la ville. Leur expliquer que la réalité de nos pays secoués par
les attentats terroristes est très éloignée de cette représentation est
essentiel. Chaque fois que cela s’avère possible, recadrez positive-
ment la situation (par exemple, les militaires présents dans les rues
ne mènent pas la guerre, mais protègent la population). Les infor-
mations et explications que vous délivrez à vos enfants doivent créer
un cadre structurant leur permettant de comprendre ce qu’ils ont vu
ou entendu.

204
6. Conduites à tenir …

• Les adolescents sont largement informés sur ce qui s’est passé,


mais n’ont pas forcément saisi les enjeux sous-jacents. Écoutez-
les, questionnez-les et échangez avec eux pour les aider à se forger
leurs propres opinions.

Triez les informations et adaptez votre discours

• Parler des attentats ne signifie pas mentionner tout ce que


vous savez et rapporter tout ce qui se dit dans les médias.
Il est absolument inutile de donner des détails sordides, de parler
du sang et des corps disloqués ou d’étaler les craintes d’un nouvel
attentat. On peut établir un parallèle avec la manière d’expliquer la
sexualité : le contenu et la forme du discours varient en fonction de
l’âge. Simplifiez pour les petits qui ne peuvent pas tout saisir et soyez
plus explicite avec les adolescents qui n’ont pas été épargnés par les
informations médiatiques.
• Il n’y a pas d’âge pour aborder le sujet des attentats. Quel que
soit l’âge de vos enfants, s’ils posent des questions, il est essentiel de
leur apporter des réponses. Répondez-leur en utilisant des mots de tous
les jours, adaptés à leur maturité intellectuelle et affective.
• Si votre enfant a une représentation imprécise de l’événement,
soyez succinct et restez factuel. S’il semble avoir saisi l’essentiel des
faits et manifeste une réaction intense, prenez le temps d’expliciter la
situation en partant de son questionnement, de ce qu’il exprime et de
ses connaissances préalables.
• La manière de parler des attentats dépend de l’enfant, de son
âge, de sa maturité, mais également de sa proximité avec les évé-
nements. Les explications seront sommaires lorsqu’elles s’adressent à
un enfant de la campagne qui ne semble ni particulièrement concerné
ni perturbé par le problème. Elles seront plus détaillées pour celui qui
réside en ville où les militaires déambulent en arme et où les véhicules
de police circulent toutes sirènes hurlantes. À Paris, Bruxelles et Nice
plus qu’ailleurs, les enfants ont manifesté des signes d’agitation et
d’angoisse, car ils se sont sentis proches du danger.

Le terrorisme, une question difficile

• Les questions posées par le terrorisme ne font pas appel à un


savoir, mais à une réflexion. Sur la mort et sur le fait que des
personnes sont capables de commettre de tels actes au nom de leurs
croyances, il n’y a pas de réponses toutes faites. Reconnaissez que
sur certains sujets, il n’existe pas de vérité universelle et que les
adultes ne savent pas tout. Vous pouvez dire : « Voilà ce que moi j’en
pense » et exposer les points de vue défendus par d’autres personnes.

205
Le traumatisme psychique

Vous pouvez également admettre votre incompréhension face à de tels


actes. Rappelez-leur que, quels que puissent être les désaccords entre
personnes, la résolution violente des conflits est inadmissible et qu’elle
n’est jamais une solution adéquate.
• Que dire des terroristes ? Dire que les terroristes sont des méchants
suppose une vision dichotomique du monde divisé entre bons et
méchants. C’est induire les enfants en erreur. Dans les films, les bandes
dessinées, les contes et les jeux vidéo, les êtres malfaisants sont souvent
effrayants. Leur attitude antipathique, leur morgue, leur regard mau-
vais, leur sourire carnassier, leurs vêtements sombres et leur laideur
permettent de les distinguer des individus respectables. Or, la réalité
est plus complexe ; dans la vie réelle, les intentions malveillantes des
individus ne se lisent pas sur leur visage. De plus, il arrive qu’un adulte
traite un enfant de « méchant » parce qu’il a frappé son frère, sa sœur
ou un camarade. L’enfant de moins de six ans pourrait alors s’effrayer
d’être lui aussi capable de commettre des actes meurtriers comme les
méchants terroristes. Dire que les terroristes sont des monstres ? Les
monstres sont des créatures imaginaires. Ils n’existent pas. Pendant des
années, les adultes rassurent leurs enfants qui voient des monstres dans
les placards ou sous les lits en leur affirmant que les monstres n’existent
pas. C’est insensé de leur prétendre subitement qu’ils existent. Dire que
les terroristes sont des fous ? Qualifier les terroristes de fous est insul-
tant pour les malades qui souffrent d’un trouble mental et de plus, tout
à fait inexact, la majorité des auteurs d’attentats étant indemnes de
pathologie mentale caractérisée. Alors que dire ? Expliquez-leur que ces
gens sont en colère contre notre mode de vie. On leur a mis des idées
dans la tête au point qu’ils pensent être les seuls à détenir la vérité
et à savoir comment il faut vivre. Ils veulent imposer leur modèle et
exigent que tout le monde croie et se comporte selon leurs préceptes.
Ils refusent le dialogue et veulent éliminer ceux qui ne pensent pas
comme eux.

La confrontation avec les adolescents

Les discussions avec les adolescents peuvent être ardues lorsqu’ils


adoptent des positions radicales, injustifiables ou indéfendables.
• Les enfants font rarement des amalgames ; ils apprécient leurs amis,
quelles que soient leur origine ou leur religion. À l’adolescence, des
positions tranchées émergent. Si des jeunes dénoncent fermement la
confusion entre Islam et terrorisme, d’autres assimilent l’un à l’autre.
Dissipez les généralisations abusives. Expliquez que les radicalisés
violents prétendent agir au nom de la religion musulmane, mais que
l’Islam, tout comme les autres religions, proscrit le meurtre. Des lois
existent pour tous, croyants et non-croyants, qui elles aussi interdisent

206
6. Conduites à tenir …

de tuer. Fidèles et athées se retrouvent autour des mêmes valeurs. Les


terroristes ne partagent pas ces valeurs. L’explication sera la même que
vous soyez chrétien, juif, animiste, musulman ou athée, car le terro-
risme n’a pas de religion. Rappelez-leur la tolérance. Chaque personne
a ses idées, sa manière de voir, des intérêts à défendre et il faut trouver
les moyens de vivre ensemble en paix. Dans une démocratie, il est un
espace pour la discussion, la confrontation et les conflits d’opinion. Le
conflit est un processus normal et n’est pas négatif s’il est géré autre-
ment que par la discrimination et la violence. Dans une démocratie,
des convictions divergentes, voire opposées, peuvent coexister à condi-
tion que chacun respecte la liberté d’opinion d’autrui. Expliquez-leur
que « Rien n’est plus dangereux qu’une idée, quand on n’a qu’une
idée », comme le disait le philosophe Alain.
• Réprouvez fermement les propos du genre « C’est bien fait pour
eux », mais essayez de comprendre la cause d’une telle attitude.
Certains jeunes répètent sans réfléchir les propos violents, injurieux
et racistes proférés par leurs copains ou lus sur les réseaux sociaux ;
d’autres expriment leur malaise sous forme d’attitudes défensives telles
que fanfaronnades, rébellion et comportement provocateur ; d’autres
encore adhèrent naïvement à des thèses partiales défendues sur Internet
(par exemple, aux théories du complot). Pour quelques-uns, la violence
peut fasciner. Rappelez-leur la loi qui protège la liberté d’expression
et pose l’interdit du meurtre. Déconstruisez les théories complotistes.
Apprenez-leur à traiter correctement l’information, à développer un
esprit critique vis-à-vis de l’actualité, à vérifier et à confronter leurs
sources, à s’enquérir de points de vue différents sur un sujet. Remettez
notre époque dans une perspective historique et rappelez-leur leurs
cours d’histoire. Les catholiques se sont rendus coupables de massacres
de protestants, les nazis ont exterminé des juifs. Si votre enfant est
intimement persuadé que les victimes ont mérité leur sort, le problème
est plus profond et nécessite davantage qu’une simple discussion. Le
recours à un professionnel de la santé, psychologue ou psychiatre, est
conseillé. Si votre adolescent manifeste des signes d’endoctrinement tel
qu’un intérêt aussi soudain qu’inattendu pour le Coran, une adhésion
aux théories du complot, une rupture avec son mode de vie habituel,
son groupe d’amis ou la sphère scolaire, contactez aussitôt une asso-
ciation luttant contre la radicalisation.

Pointez des éléments positifs et revenir à la réalité


du quotidien

• Avant de clore la discussion, pointez un élément positif de la


situation : le courage des policiers, le comportement héroïque d’un
anonyme, le sang-froid d’un autre, l’entraide des voisins venus porter

207
Le traumatisme psychique

secours aux blessés, la compassion dont a fait preuve la population


à l’égard des victimes, la détermination des citoyens à lutter pour
défendre les valeurs démocratiques, etc. Mettre en lumière les côtés
positifs de l’humanité après avoir abordé sa face sombre rassérène et
redonne de l’espoir en l’avenir.
• Après avoir débattu du sujet des attentats, il est essentiel de
revenir à la réalité quotidienne, de ramener l’enfant à la rou-
tine quotidienne rassurante : il est l’heure de dîner, de faire les
devoirs, etc.

Respectez le rythme de vos enfants

• Montrez-vous disponible à la discussion tout en respectant le


rythme de vos enfants. À moins que la demande n’émane d’eux, évi-
tez les discussions répétées sur le sujet des attentats. S’il est important
de parler de ces événements dramatiques, il est également essentiel
de laisser la vie reprendre ses droits. Revenir sans cesse sur le sujet
alimenterait les pensées négatives.
• Ne vous obstinez pas si vos enfants ne souhaitent pas évoquer
ou entendre parler des événements. Sans insister, exprimez briè-
vement votre ressenti : « Moi, je trouve que c’est vraiment triste ce
qui s’est passé » et dites-leur que vous attendez leur retour quand ils
se sentiront prêts. Ne les forcez surtout pas s’ils manifestent un refus
massif, par exemple en se bouchant les oreilles ou en se réfugiant
dans leur chambre lorsque le mot « attentat » est prononcé. Refuser
d’affronter le sujet est une protection temporaire qui leur permet
de se défendre contre les émotions violentes. Laissez-leur quelques
jours pour intégrer progressivement les événements puis revenez vers
eux. S’ils persistent dans leur refus, soyez attentif à tout change-
ment dans leur comportement tel qu’anxiété, troubles du sommeil,
comportements régressifs, agressivité, perte de plaisir à jouer, etc. Il
faut éviter de psychiatriser hâtivement, mais si ces signes perdurent
au-delà de deux ou trois semaines, pensez à consulter un profes-
sionnel, psychologue ou pédopsychiatre. D’autres enfants repoussent
eux aussi la discussion, mais paraissent indifférents au drame. Ne
vous laissez pas piéger par cette apparente insouciance. En dépit de
leur attitude insensible, vous remarquerez peut-être leur soulagement
si les terroristes sont interceptés, indice révélateur d’une inquiétude
sous-jacente. Pour ces enfants-là, il faudra vous montrer présent et
ouvert lorsqu’ils seront prêts à poser des questions. Restez égale-
ment vigilant aux signes qui pourraient signaler de l’angoisse tels
que cauchemars, énurésie nocturne, peur de quitter le domicile ou
de s’éloigner de vous. Au besoin, tournez-vous vers un professionnel
de la santé mentale.

208
6. Conduites à tenir …

Soyez vigilant par rapport aux informations télévisées

Dans la mesure du possible, tenez vos enfants de moins de six ans


éloignés des écrans de télévision à l’heure des informations. Les images
des attaques meurtrières sont très intrusives et leur charge émotionnelle
très puissante.
• Avant 6 ans, les enfants sont choqués par les images effrayantes,
mais n’ont pas le niveau de langage requis pour en comprendre le
contenu ni les mots pour exprimer ce qu’ils éprouvent. Toutefois,
il est difficile de protéger les plus jeunes du flux ininterrompu de l’in-
formation. Même lorsque le petit écran reste éteint, la radio écoutée
le matin au petit-déjeuner ou dans la voiture sur le trajet de l’école
diffuse des témoignages bouleversants. Traduire en mots simples des
informations complexes n’est pas chose aisée. Enquerrez-vous d’abord
de ce qu’ils ont compris.
• Pour les enfants de moins de douze ans, la prudence s’impose
également. Évitez de les laisser s’abreuver d’images choquantes
hors de votre présence. Il vaut mieux regarder les informations et
prendre ensuite le temps d’en parler simplement. Toutefois, inutile de
proscrire les actualités au motif qu’ils sont trop jeunes, l’interdit ris-
quant d’exercer un pouvoir d’attraction et de les pousser à consulter les
informations en catimini. Demandez-leur ce qu’ils ont vu et entendu,
ce qu’ils ressentent et ouvrez-vous à leurs questions.
• Dans la suite immédiate d’une action terroriste, un des tout
premiers besoins des adultes, perçu comme vital, est celui d’être
informé. L’information procure un sentiment de maîtrise de la situa-
tion. Si elle est pertinente, elle permet de réduire sensiblement l’état
de stress. Ceci est valable pour les adultes comme pour les adolescents.
Si l’information rassure, les images transmises sans mise en perspective
ont des effets désastreux. L’émotion intense qu’elles suscitent court-
circuite les processus cognitifs et est propice à l’éclosion de l’angoisse.
C’est d’autant plus vrai pour les adolescents qui suivent les événements
sur leur téléphone portable, sans nécessairement posséder les outils
pour les décrypter. Certains cèdent à la fascination de l’horreur et
perdent toute modération. Le mythe de Méduse illustre parfaitement
l’emprise hypnotique de l’épouvante. Quiconque la regardait droit
dans les yeux était transformé en pierre. Il en va de même pour les
actes terroristes. Ils glacent d’effroi, figeant l’auditeur dans la peur et
l’immobilisant devant son petit écran. Alertez vos adolescents du risque
de dépendance aux actualités. Conseillez-leur, par exemple, de préfé-
rer la radio et la presse écrite au direct télévisé. Mettez-les en garde
contre les sites, blogs et autres réseaux sociaux diffusant parfois des
informations inexactes ou tronquées. Demandez-leur ce qu’ils ont vu

209
Le traumatisme psychique

et entendu au sujet des attentats, intéressez-vous à ce qu’ils ressentent


et soyez ouvert à leurs questions.

Élargissez le débat

• Les événements dramatiques offrent l’occasion d’aborder de


grands thèmes sociétaux et de penser avec vos enfants aux
valeurs fondamentales.
• Avec les adolescents en particulier, il est important que vous
preniez le temps de discuter et d’élargir le débat. Quelle est la
frontière entre le bien et le mal ? Pourquoi certaines personnes croient-
elles en Dieu et d’autres non ? Quels sont les points sur lesquels les reli-
gions divergent et ceux sur lesquels elles se rejoignent ? Quelles sont les
valeurs, les attitudes et les pratiques de la démocratie (liberté d’expres-
sion, liberté de culte, séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judi-
ciaire, tolérance, solidarité, compromis, égalité en droit, etc.) ? Ce sont
quelques-unes des questions dont vous pouvez débattre. Rappelez-vous
que nul ne détenant la vérité, il n’existe pas de réponses universelles
à ces questions.

210
Conclusion

Maltraitances et agressions physiques, viols et abus sexuels, accidents


de tous ordres, séparations affectives brutales, négligence grave, vio-
lence psychologique, catastrophes naturelles, conflits armés, mutilations
sexuelles : les dangers menaçant les nouveau-nés, les enfants et les ado-
lescents sont multiples, que ce soit dans les pays pauvres ou dans les pays
riches et aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre.
Longtemps, on a cru que les enfants, plus encore les nourrissons, étaient
imperméables au traumatisme. Leur immaturité et leur inexpérience les
protégeaient, pensait-on, de percevoir une menace vitale et d’évaluer la
gravité d’un événement, d’en apprécier les enjeux ou d’en prévoir les
conséquences. Si l’on admettait qu’un incident les effrayait ou les attris-
tait, on était toutefois convaincu qu’ils auraient tôt fait de l’oublier, leurs
faibles capacités mémorielles ne pouvant garder longtemps de mauvaises
réminiscences. De plus, leur plasticité mentale leur donnait, croyait-on, la
chance de s’adapter rapidement aux modifications environnementales et
aux situations nouvelles.
Il est aujourd’hui admis que les enfants peuvent souffrir durablement
d’événements délétères allant même jusqu’à perturber leur vie d’adulte.
En dépit de l’intérêt actuel des chercheurs et des cliniciens pour la ques-
tion du traumatisme psychique, les publications traitant des causes et des
conséquences de tels événements sur la santé mentale des jeunes victimes
restent rares.
Dans cet ouvrage, nous avons inventorié les événements susceptibles de
générer des conséquences traumatiques depuis la petite enfance jusqu’à
l’adolescence. Nous avons ensuite décrit de manière détaillée les réactions
que les jeunes victimes peuvent manifester à court, moyen et long termes
ainsi que les répercussions possibles sur leurs développements physique,
cognitif et psychique. Nous avons montré que loin d’être immunisée
contre l’impact du traumatisme, leur personnalité en construction est plus
aisément perturbée et peut subir davantage d’altérations permanentes
que celle de leurs aînés.
À ceux qui s’interrogent sur le devenir à l’âge adulte des enfants abu-
sés sexuellement par des pédophiles ou par des proches, battus et grave-
ment négligés par leurs parents, abandonnés ou séparés brutalement d’un

211
Le traumatisme psychique

être cher, malmenés par les catastrophes naturelles et les conflits armés,
nous espérons avoir apporté quelques éléments de réflexion.
À ceux qui se demandent comment réagir face aux troubles d’un
enfant ou d’un adolescent traumatisé ou ébranlé par un événement délé-
tère majeur, nous souhaitons avoir fourni quelques conseils utiles.

212
Postface

Aujourd’hui, la guerre en Syrie, hier en Yougoslavie. Entre les deux,


l’Afghanistan, l’Irak, la République Démocratique du Congo et tant
d’autres…
Toutes les guerres sont différentes et toutes se ressemblent.
Nous sommes en 1992, en Croatie. La folie des hommes s’est emparée
de la Yougoslavie.
« On tirait. Je ne les voyais pas, mais j’entendais des coups de feu.
Une nuit, je me suis réveillée ; ils avaient fait exploser notre voiture.
Nous avons rassemblé des choses et nous avons laissé tout le reste. Nous
sommes partis. Ma grand-mère pleurait. »
C’est ainsi qu’Ivana, une fillette de six ans, nous raconte comment elle,
son frère cadet et ses parents ont dû fuir leur village de Knina et abandon-
ner leur maison en n’emportant que quelques effets sauvés à la hâte. Ils
ont dû fuir parce qu’un peuple voisin, faisant partie d’une même nation,
est devenu leur ennemi. Ils ont fui la haine, la violence, le feu.
Ivana ajoute : « Mes cousins sont restés là-bas. »
Elle n’en dira pas davantage sur cette tragédie inexplicable, le mas-
sacre de deux petits enfants. Parfois, elle interroge sa mère : « Pourquoi
ils les ont tués ? ». Question à jamais sans réponse, car pas plus que les
enfants, les adultes ne comprennent cette guerre. Les enfants sont vic-
times d’un conflit dont ils ne sont pas responsables. C’est une guerre
contre les enfants. Toutes les guerres le sont.
Ivana poursuit, retraçant le long exode qui devait la conduire jusqu’au
camp de déplacés de Špansko situé dans la banlieue de Zagreb, la capi-
tale croate : « On est arrivé chez une dame et puis chez une autre et puis
quelque part à la mer et puis on est arrivé ici en bus. Je suis arrivée avec
mon père, ma mère et mon frère, mais nous sommes arrivés les pre-
miers et après mon grand-père est arrivé. Ma grand-mère est arrivée la
dernière ». C’est dans des baraquements destinés avant-guerre à l’héber-
gement des ouvriers de chantiers de construction qu’elle et sa famille
trouvent refuge. Ils sont alors quelque 750 déplacés à y vivre depuis
près de deux ans, menant une existence précaire faite de promiscuité,

a. Au nord-ouest de la Croatie, dans l’arrière-pays dalmate. La rébellion des Serbes de


cette région, amorcée à l’automne 1990, s’est transformée peu à peu en véritable guerre.

213
Postface

d’inconfort et d’hygiène minimale, à quatre ou cinq dans de petites pièces


de dix mètres carrés.
Une association humanitaire a engagé un travail auprès des enfants et
de leurs proches dans le but de prévenir et de traiter les troubles psycho-
traumatiques liés à la guerre. Un groupe thérapeutique a été mis sur pied
pour aider ces enfants à reconstruire la trame de leur vie brisée en leur
permettant d’évoquer la guerre par le biais d’activités créatives.
Ivana a participé à ce groupe dès sa création. Au début, petite fille
triste, isolée, inhibée, elle refusait d’évoquer le passé ; tout comme ce
petit garçon de cinq ans qui répondait par un étrange sourire lorsqu’on
l’interrogeait sur le drame dont il avait été le témoin.
Petit à petit, Ivana s’est autorisée à se remémorer son histoire et ses
souffrances. Lorsqu’elle évoque son traumatisme pour la première fois,
c’est au travers d’un dessin représentant deux enfants, ses cousins assas-
sinés dont elle précisera : « Ils sont brûlés et sans os. »
Le traitement thérapeutique fut long et difficile, mais Ivana a finale-
ment retrouvé le sourire.
Que deviendront tous ces enfants victimes de la guerre d’aujourd’hui ?
Puissent-ils eux aussi rencontrer des professionnels engagés.
Puisse cet ouvrage apporter aux thérapeutes les connaissances théo-
riques indispensables à un encadrement thérapeutique de qualité.

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Sites web

David Baldwin’s Trauma Information Pages


http://www.trauma-pages.com

224
Bibliographie

Ce site destiné aux cliniciens et aux chercheurs fournit de nombreuses


ressources sur le traumatisme psychique, tant individuel que collectif.
En anglais.

I-Trauma
http://www.info-trauma.org
Ce site a pour vocation de fournir de l’information sur le traumatisme psy-
chique aux victimes, à leurs proches ainsi qu’aux professionnels. En fran-
çais et en anglais.

Le Journal International de Victimologie


http://www.jidv.com
Ce site pour professionnels offre en libre accès des articles scientifiques
sur la victimologie et le traumatisme psychique. En français et en anglais.

National Center for Posttraumatic Stress Disorder (NCPTSD)


http://www.ncptsd.va.gov
Le National Center for PTSD (NCPTSD) a pour but d’améliorer la prise
en charge clinique et le bien-être social des vétérans de la guerre du
Vietnam à travers la recherche, l’éducation et la formation sur le stress
post-traumatique et les troubles associés.

Le site regorge de précieuses ressources destinées aux chercheurs, aux


aidants en santé mentale, au corps médical ainsi qu’aux personnes affec-
tées par un événement traumatique et à leur famille. On y trouve des
articles, des manuels, des guides, des fiches techniques, des vidéos et
de liens vers d’autres sites. En anglais.

Organisation mondiale de la Santé (OMS)


http://www.who.int
L’OMS est l’autorité directrice et coordinatrice dans le domaine de la santé
des travaux ayant un caractère international au sein du système des Nations
unies. En français, en anglais, en arabe, en espagnol, en russe et en chinois.

Rubrique « santé mentale ». Cette rubrique comprend des informations


et des documents sur la santé mentale. En anglais :
http://www.who.int/mental_health/en) et en français :
http://www.who.int/topics/mental_health/publications/fr/index.html.

225
Bibliographie

Resilience-psy
http://www.resilience-psy.com

Site d’Évelyne Josse, l’auteure du présent ouvrage. Le site comprend des


articles de la webmestre sur le stress, le traumatisme psychique, la torture,
les enfants des rues, les catastrophes humanitaires, les violences sexuelles
et sexospécifiques, etc. En français.

Trauma Psy
http://www.traumapsy.com
Ce site offre de nombreuses informations utiles tant aux personnes vic-
times qu’aux professionnels, chercheurs, médias et décideurs politiques.
En français.

226
Index Index

A Anorexie 14, 15, 96, 97, 139, 175,


176, 180, 183, 187
Abus sexuel 23, 24, 27, 28, 38, 72,
79, 83, 97, 117, 119, 126, Anxiété 13-15, 45, 63, 73, 74, 87,
130, 135, 169, 176, 180, 211 104, 116, 120, 123, 142,
146, 155, 176, 177, 182, 185
Accident 17, 23, 26-28, 32, 33, 42,
43, 54, 85, 86, 88, 93, 94, Apathie 96, 120, 174
117, 123, 136, 169, 173, 211 Apprentissage (difficulté, trouble)
Activation neurovégétative 65, 78, 84, 90, 91, 122, 123, 125,
84, 87, 104, 120, 123, 154, 129, 173, 174, 179, 183, 185
182, 185 Asthénie 97, 132, 187
Activisme 46, 64 Attachement 14, 15, 20, 21, 26,
Agitation 13, 76, 87, 88, 104, 123, 42-45, 62, 87, 97, 104, 123,
126, 174, 178, 179, 182 124, 132, 138, 139, 141,
154, 169, 170, 173-179, 187,
Agression 12-14, 17, 19, 23-25, 27, 215, 218
28, 31, 36, 47, 48, 53, 54,
79, 85, 89, 93, 97, 117, 127, B
128, 131, 133, 139, 146,
176, 180, 184, 186, 187, Bessoles Philippe 117, 220
211, 220 Blessure 19, 21-24, 28, 31, 33, 35,
Agression sexuelle 17, 23, 47, 79, 42, 104, 125, 154, 176, 181,
128, 180, 187, 220 184
Ainsworth Mary 43 Bouffée délirante 77, 178, 182
Altération de la personnalité 14, 36, Boulimie 97, 177, 187
135
Altruisme 41, 46, 64, 184
C
Amnésie 75, 104, 116, 144, 165 Catastrophe naturelle 17, 23, 28,
34, 54, 85, 88, 211, 212
Anaclitique 88, 124, 138, 170, 174
Cauchemar 11, 14, 22, 25, 26, 29,
Angoisse 29, 35, 42, 45, 50, 73,
34, 36, 72, 79, 83, 95, 96,
78, 87, 90-92, 95-98, 117,
120, 125, 131, 144, 155,
120, 123, 138, 139, 155,
179, 180, 182, 183, 185, 186
170, 174, 179, 182, 183

227
Index

CIM-10 13, 14, 98, 102, 104, 116- Cyberintimidation 24, 25, 60
118, 148, 154, 164, 169, Cyrulnik Boris 61
171, 218
Circoncision pharaonique 60 D
Clitoridectomie 24, 60 Décès 17, 20, 22, 26, 31, 50, 60,
Clivage 46, 63, 170 72, 85, 88, 93, 124, 125,
128, 132, 173, 174
Colère 15, 29, 44, 46, 49, 51, 73,
74, 84, 85, 87, 88, 93, 120, Décorporalisation 75, 116, 185
131, 133-135, 140, 154, 164, Décorporéisation 116
174, 176, 178, 181-183, 185
Défaite mentale 135
Comportement agressif 15, 91, 92,
Dépersonnalisation 15, 75, 91, 104,
132, 134, 174-176, 179
116, 121, 146, 165, 171,
Comportement auto-agressif 91, 182, 185, 186
131, 133, 174, 179, 183, 186
Dépression 13, 14, 31, 44, 45, 49,
Comportement hétéro-agressif 92, 51, 88, 91, 96, 120, 124-126,
131, 175, 183, 186 135, 138, 155, 169, 170,
Comportement régressif 13, 14, 66, 174, 185, 216
71, 84, 90, 123, 128, 173, Dépression agressive 126
174, 179, 183, 185
Dépression anaclitique 88, 124,
Conduite à risque 93, 186 138, 170, 174
Conduite addictive 97, 131, 184, 187 Dépression hostile 126
Conduite alimentaire 65, 96, 131, Déréalisation 75, 104, 121, 144,
175, 180, 183, 187 146, 179, 182, 184, 185
Conduite ordalique 15, 94, 118, DESNOS 7, 145, 222
186
Détresse péritraumatique 65, 74
Conflit armé 17, 23, 25, 26, 34, 35,
Dissociation 11, 13, 15, 65, 70, 75,
53, 59, 80, 211, 212, 222
116, 171, 220, 221
Conversion 76, 116, 146, 165, 178,
Douleur 21, 22, 34, 60, 97, 118,
222
125, 132, 133, 165, 169,
Coprophagie 96, 175, 176 173, 180, 183
Crocq Louis 216, 220, 221 DSM-IV 13, 98, 102, 117, 147,
Culpabilité 15, 29, 46, 49, 53, 74, 154, 169, 171, 215, 222, 223
88, 89, 91, 118-120, 126- DSM-V 59, 145, 148, 164
128, 136, 165, 176, 179,
183, 186 E
Culpabilité du survivant 127
Effroi 13, 21, 42, 45, 74
Culpabilité post-traumatique 127
Encoprésie 90, 117, 133, 179, 181
Cyberbullying 60

228
Index

Esclavage sexuel 23, 27 Heide Kathleen 27, 61, 223


Etat de stress aigu 13, 75 Herman Judith 27, 61, 171, 217
Etat de stress post-traumatique 13, Honte 19, 21, 29, 46, 52, 74, 92,
15, 102, 119, 120, 147, 148, 120, 128, 131, 136, 165, 179
163, 164, 171, 218, 220 Hospitalisme 124, 138, 169, 170,
Evitement (conduite d’) 13, 14, 65, 174
78, 82, 83, 85, 87, 104, 120, Humiliation 24
123, 139, 146, 155, 174,
179, 182, 185, 186 Humour 46, 63

Excision 24, 25, 60 Hyperactivité 13, 64, 74, 95, 96,


104, 155, 174, 187
F Hyper-réaction 73

Faux self 137, 170, 176, 177 Hypersomnie 96, 186

Fenichel Otto 216 Hypervigilance 15, 84, 104, 123,


154, 155, 182
Ferenczi Sandor 216
Hypo-réaction 73
Figley Charles 215, 216
Figure d’attachement 44, 45, 124, I
132, 138, 169, 170, 173,
174, 178 Impuissance (acquise, apprise) 135,
169
Flash-back 78, 104, 120, 144, 154,
179, 185 Inceste 23, 25, 72, 131, 217

Freud Anna 170, 217 Incident critique 5, 17, 20, 28, 29,
31, 36, 43, 47, 54, 66, 79,
Freud Sigmund 21, 62, 63, 146, 84, 102, 119, 121, 179, 184
171
Infibulation 24
Fugue dissociative 74, 185
Insomnie 14, 95, 155, 169, 175,
G 176, 180, 183, 186
Instabilité motrice 94, 95, 126, 131,
Génocide 24, 25, 29, 32, 37, 61,
174-176, 180
128, 134, 215, 224
Intellectualisation 46, 63
Guerre 9, 11, 17, 23-25, 28, 29,
59, 61, 72, 73, 80, 85, 117,
J
123, 134, 143, 145, 170,
211, 216, 217, 219-221, 225 Janet Pierre 11, 116, 217, 221
Jeux répétitifs 79
H
Jeux violents 24, 25, 92, 183, 186
Hallucination 35, 74, 75, 77, 78,
154, 178, 182 L
Harcèlement 24, 25 Latence 13, 47, 64, 72, 78, 179

229
Index

M Peur 14, 19, 29, 40, 46, 48, 49,


71-74, 76, 82-87, 95, 98,
Main Mary 44, 63, 218, 222 104, 120, 123, 125, 134,
Maltraitance 23, 24, 27, 32, 42, 62, 136-138, 144, 146, 154, 155,
70, 85, 116, 125, 128, 131, 178-180, 182, 185, 215
140, 173, 177, 180, 217, 224 Phase de désespoir 169
Mariage forcé 24 Phase de détachement 169
Maternage sexualisé 23 Phase de protestation 88, 169
Mauvais traitement 23, 35, 129 Phobie 29, 76, 116, 120, 123, 182
Mère suffisamment bonne 170, 219 Piaget Jean 22, 63, 116, 117, 170,
Mérycisme 96, 175, 176 218
Mort 11, 12, 15, 17, 19, 20, 28, Pica 96, 175, 176
29, 31, 34, 35, 37, 74, 85, Post-Traumatic Stress Disorder 7, 62,
86, 91, 93, 94, 104, 131, 98, 117, 147, 171, 216, 223
133, 136, 143, 154, 169,
170, 183, 184, 217-219 Prématuration traumatique 14, 128,
129, 183
Mutilations sexuelles 23, 24, 211
Préopératoire (stade, période) 45,
N 63, 76, 136, 178, 179
Progression traumatique 129
Nanisme psychosocial 132, 170,
175 Prostitution forcée 23

Négligence 23, 24, 32, 42, 45, Psychopathologie 19, 45, 51, 78,
124, 129, 137, 173, 180, 211 119, 145, 146, 184

Négligence grave 24, 32, 42, 137, Psychose 13, 51, 75, 77, 117, 146,
173, 180, 211 147, 173, 176, 178, 181

Névrose 9, 14, 75, 76, 98, 116, Psychosomatique (maladie, symp-


119, 120, 133, 146, 155, tome, trouble) 65, 84, 97, 98,
163, 169, 171, 187, 216, 220 118, 125, 132, 175, 180, 187

Névrose traumatique 9, 14, 98, Psychotraumatisme 29, 71, 176


119, 120, 133, 146, 155, Pynoos Robert 62, 216, 223
163, 187, 220
Nursing pathologique 23 R
Racket 24, 25, 27, 96
P
Régression 14, 90, 125, 128, 129,
Pensée automatique négative 122 174, 179, 186
Pensée magique 45, 63, 133, 178, Répétition (cauchemar, comportement,
181 conduite, jeux, syndrome) 11,
71, 76, 79, 88, 120, 121, 138,
174, 176, 179, 182, 186

230
Index

Résignation acquise 135, 170 Symptôme traumatique 22, 47, 65,


Résilience 26, 30, 46, 52, 61-64, 119, 179
138, 217 Symptômes neurovégétatifs 97, 104,
Reviviscence 11, 13, 14, 65, 78, 79, 183
120, 155, 185 Syndrome de répétition 120, 121,
179, 182
S Syndrome du bébé secoué 60
Self 61, 135, 137, 170, 176, 177, Syndrome post-traumatique 13, 78,
218 84, 98, 120, 123, 182, 185,
Seligman Martin 169, 170, 218 187

Séparation 14, 15, 17, 19, 20, 22,


T
26, 29, 43-45, 50, 85, 91,
95, 124, 133, 138, 169, 170, Tentative de suicide 177
173, 174, 177, 182, 183, 211 Terr Lenore 12, 26, 27, 61, 62,
Soins abusifs 23 117, 223
Solomon Eldra 27, 223 Torture 29, 35, 37, 61, 134, 164,
Solomon Judith 27, 44, 63, 218, 219, 226
222 Tournante 59
Somatoforme (désordre, trouble) 13, Toxicomanie 97, 177, 187
97, 118, 123, 132, 175, 180, Traditions et pratiques domma-
183, 187 geables 23, 24
Souvenir répétitif 78, 120, 154, Transmission intergénérationnelle du
182, 185 traumatisme 12
Spitz René 87, 88, 169-171, 218 Trauma 9, 11-15, 17, 19, 42, 45,
Stress 7, 9, 12, 13, 15, 29, 44, 47, 59, 61, 62, 117, 146, 176,
49, 59, 61, 62, 64-66, 70, 184, 186, 215-218, 220-226
72-75, 78, 98, 100, 102, 104, Traumatisation indirecte 28
116, 117, 119, 120, 123,
145, 147, 148, 154, 163, Traumatisme 5, 11-13, 17, 19, 23,
164, 171, 178, 180, 182, 26-30, 33, 35, 38, 42, 49,
185, 215, 216, 218-226 59-63, 66, 67, 71, 72, 74, 76,
78, 79, 84, 87, 94, 98, 104,
Stress dépassé 13, 65, 73, 74, 178, 117, 119-121, 129, 135, 144,
185 146, 154, 155, 170, 176,
Stupeur 73, 74, 178, 179, 185 178-180, 184, 187, 191, 211,
Sublimation 46, 63 216-221, 225, 226

Suicide 36, 37, 85, 89, 125, 177 Traumatisme complexe 27, 42

Symptôme dissociatif 65, 74, 77, Traumatisme de type I 27


104, 121, 148, 185, 187 Traumatisme de type II 27

231
Index

Traumatisme de type III 27 Tuteur de développement 26, 31


Traumatisme direct 28 Tuteur de résilience 26, 52, 138
Traumatisme empathique 29
V
Traumatisme secondaire 29
Victime directe 22, 23, 28
Traumatisme silencieux 13, 71, 72,
119, 179 Victime indirecte 12, 28, 30
Traumatisme simple 12, 27, 28 Victimisation secondaire 53, 64
Travail forcé 27 Vigilance gelée 140, 171, 173, 176
Trouble alimentaire 96, 97, 126, Viol 23, 25, 28, 30, 35, 41, 47, 54,
187 59, 60, 89, 133, 169, 176,
186, 211
Trouble anxieux 45, 84, 87, 100,
123, 148, 173, 179, 182, 185 Viol en réunion 59
Trouble de l’attachement 20, 218 Violence psychologique 23-25, 33,
90, 211
Trouble dépressif 29, 88, 124, 170,
174, 179, 183, 184 Violence sexuelle 19, 23, 25, 31,
53, 71, 94, 97, 184, 186,
Trouble dissociatif 74, 116, 117,
217, 222, 226
144, 145, 171, 177, 181,
182, 184, 187
W
Trouble psychotique 77, 117, 182
Winnicott Donald 219

232
Table des matières

Présentation de l’auteure ........................................................... 5


Liste des abréviations ................................................................. 7
Remerciements........................................................................... 9
Préface à la première édition ..................................................... 11
Introduction ............................................................................... 17

Chapitre 1 – L’événement traumatique................... 19


Définition ................................................................................ 19
L’événement traumatique ......................................................... 19
Les paramètres des événements traumatisants ............................ 23
Les types de traumatismes ........................................................ 26
Les paramètres influençant le développement des syndromes
psychotraumatiques chez les nourrissons,
les enfants et les adolescents ..................................................... 30
En résumé ............................................................................... 55
Vérifiez vos connaissances ......................................................... 58
Notes ......................................................................................... 59

Chapitre 2 – Les réactions des nourrissons,


enfants et adolescents face
à un événement traumatisant .......... 65
En résumé ............................................................................... 68
Vérifiez vos connaissances ......................................................... 69
Notes ......................................................................................... 70

Chapitre 3 – La phase aiguë ....................................... 71


Les réactions immédiates .......................................................... 71
Les réactions post-immédiates ................................................... 77
Les réactions immédiates et post-immédiates
selon les nosographies internationales ....................................... 98

233
Table des matières

En résumé ............................................................................... 113


Vérifiez vos connaissances ......................................................... 115
Notes ......................................................................................... 116

Chapitre 4 – La phase à long terme ....................... 119


Les syndromes psychotraumatiques ........................................... 119
Les psychopathologies .............................................................. 146
Les syndromes psychotraumatiques
selon les nosographies internationales ....................................... 147
En résumé ............................................................................... 166
Vérifiez vos connaissances ......................................................... 168
Notes ......................................................................................... 169

Chapitre 5 – Les spécificités selon l’âge............. 173


Le premier âge (avant 3 ans) ..................................................... 173
Les enfants entre 3 à 6 ans........................................................ 178
Les enfants de 6 à 12 ans ......................................................... 181
Les adolescents ........................................................................ 184
En résumé ............................................................................... 188
Vérifiez vos connaissances ......................................................... 190
Notes ......................................................................................... 191

Chapitre 6 – Conduites à tenir avec les enfants


et adolescents victimes
d’un événement potentiellement
traumatique ............................................. 193
Comment réagir aux angoisses des enfants après un événement
traumatique ? .......................................................................... 193
Comment faire face aux troubles du sommeil
des enfants perturbés par une expérience traumatique ?.............. 195
Comment faire face aux comportements régressifs des enfants
ayant traversé un événement pénible ou effrayant ? .................... 195
Comment faire face aux difficultés d’apprentissage d’un enfant
après un événement traumatique ? ............................................ 196
Comment faire face à l’agressivité d’un enfant traumatisé ? ......... 197
Comment faire face aux comportements à risque
d’un adolescent ? ..................................................................... 199
Comment faire face aux réactions de deuil d’un enfant ? ............. 200

234
Table des matières

Comment réagir par rapport aux enfants et adolescents victimes


indirectes d’un événement dramatique – le cas du terrorisme ..... 201
Conclusion ................................................................................. 211
Postface ...................................................................................... 213
Notes ......................................................................................... 214
Bibliographie ............................................................................. 215
Ouvrages................................................................................. 215
Articles .................................................................................... 219
Sites web ................................................................................. 224
Index .......................................................................................... 227

235
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Le traumatisme
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quence et l’intensité des symptômes
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Pour répondre à ces questions et à bien d’autres encore, l’auteure explore
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Pratique, cet ouvrage étoffera les connaissances des étudiants, psycholo-
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Comment intervenir
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radicalisme et à sa prévention
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