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Maquette de couverture :

www.atelier-du-livre.fr
(Caroline Joubert)

© Dunod, Malakoff, 2019


11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-079201-6
Table des matières

PRÉFACE (ANNE-MARIE VONTHRON)


INTRODUCTION

CHAPITRE 1 RAPPORTS AU TRAVAIL, AU MÉTIER ET À L’ORGANISATION DE


TRAVAIL
1. Autoefficacité professionnelle
1.1 La théorie sociale cognitive et les croyances d’autoefficacité
1.2 Les antécédents individuels des croyances d’efficacité personnelle
dans le domaine professionnel
1.3 Le renforcement du sentiment d’efficacité personnelle relatif au
domaine professionnel
1.4 Les effets des croyances d’efficacité personnelle relatives au domaine
professionnel
2. Motivation au travail
2.1 Théorie de l’autodétermination et conception de la motivation
2.2 Les facteurs affectant le développement de formes plus ou moins
autodéterminées de motivation
2.3 Les effets des formes de motivation au travail
3. Engagement au travail
3.1 L’engagement au travail selon Schaufeli et ses collaborateurs
3.2 Les ressources/exigences comme antécédents de l’engagement au
travail
3.3 Les conséquences de l’engagement au travail
4. Implication organisationnelle
4.1 Définition et conceptualisation de l’implication organisationnelle
4.2 Les conséquences de l’implication organisationnelle
4.3 Les sources d’implication organisationnelle
5. Satisfaction au travail
5.1 Éléments de définition de la satisfaction au travail
5.2 Les déterminants de la satisfaction au travail
5.3 Les conséquences de la satisfaction au travail sur les comportements
et la santé des travailleurs

CHAPITRE 2 COMPORTEMENTS EN CONTEXTE PROFESSIONNEL


1. Socialisation organisationnelle
1.1 Éléments de définition de la socialisation organisationnelle et
indicateurs d’un ajustement réussi
1.2 Les tactiques de socialisation
1.3 Les comportements de socialisation organisationnelle
1.4 Caractéristiques individuelles et sociales favorisant l’ajustement à
l’organisation
1.5 Les conséquences d’une socialisation organisationnelle efficace et
institutionnalisée
2. Comportements de citoyenneté organisationnelle
2.1 Éléments de définition, dimensions et bénéficiaires des CCO
2.2 Les déterminants de la mise en œuvre de CCO
2.3 Les effets du déploiement de CCO
3. Comportements déviants au travail
3.1 Les comportements déviants au travail
3.2 Les antécédents des comportements déviants au travail
3.3 La déviance constructive
4. Usages professionnels des technologies numériques
4.1 Les modalités d’usages des TIC et leurs conséquences dans la sphère
professionnelle
4.2 Les usages professionnels des technologies numériques et le travail
en débordement
4.3 Les facteurs d’incitation au travail en débordement via les
technologies numériques
4.4 Les usages professionnels des TIC et l’interface entre vie de travail et
vie privée
CHAPITRE 3 RISQUES PSYCHOSOCIAUX, SANTÉ ET QUALITÉ DE VIE
5. Addictions liées au travail
5.1 L’addiction au travail
5.2 L’addiction à Internet dans la sphère professionnelle
6. Stress au travail
6.1 Le modèle transactionnel de Lazarus et Folkman
6.2 Le modèle bidimensionnel « demandes-contrôle » de Karasek
6.3 Le modèle « efforts-récompenses » de Siegrist
6.4 Les facteurs de stress au travail
6.5 La prévention du stress au travail
7. Épuisement professionnel
7.1 Définitions et dimensions de l’épuisement professionnel
7.2 Les déterminants professionnels du burn-out
7.3 Les conséquences de l’épuisement professionnel
8. Harcèlement moral au travail
8.1 Définitions et caractéristiques du harcèlement moral au travail
8.2 Les déterminants contextuels et environnementaux du harcèlement
moral au travail
8.3 Les conséquences du harcèlement moral au travail
9. Bien-être au travail
9.1 Éléments de définition et approches de la notion de bien-être
psychologique
9.2 Le bien-être au travail
9.3 Les déterminants du bien-être au travail
9.4 Les conséquences du bien-être au travail
10. Rapports entre vie de travail et vie « hors travail »
10.1 Des rapports envisagés sous l’angle du conflit
10.2 Des rapports envisagés sous l’angle de l’enrichissement

CHAPITRE 4 PERCEPTION DE L’ORGANISATION DE TRAVAIL ET DE


L’ENVIRONNEMENT PROFESSIONNEL
1. Contrat psychologique
1.1 Définition du contrat psychologique
1.2 Les formes de contrat psychologique
1.3 Les conséquences du respect ou de la rupture du contrat
psychologique
2. Justice organisationnelle
2.1 Définition et formes de justice organisationnelle
2.2 Les antécédents de la perception de justice organisationnelle
2.3 Les effets bénéfiques de la perception de justice organisationnelle
3. Support organisationnel et soutiens sociaux
3.1 Le support organisationnel
3.2 Les soutiens sociaux issus de l’entourage professionnel
4. Qualité des relations au travail
4.1 La qualité des relations avec le superviseur (LMX)
4.2 La qualité des relations avec les autres membres de l’équipe (TMX)
Préface

Le guide proposé sera une aide précieuse pour tout lecteur souhaitant se
repérer parmi les concepts phares fondant la psychologie du travail et des
organisations (PTO) actuelle et mieux connaître les bases de ses études,
analyses et interventions dans le monde socioprofessionnel contemporain.
Lorsque le projet d’ouvrage a vu le jour, j’ai eu l’opportunité d’échanger
longuement avec Émilie Vayre quant à ses orientations de rédaction et à ses
choix parmi les concepts disponibles qu’il serait pertinent de privilégier.
L’ambition de l’auteure était claire : il était avant tout question de fournir
des clés de repère, synthétiques et faciles à utiliser par ceux qui
s’intéressent aux situations professionnelles vécues en milieux
organisationnels, éclairées au prisme de la PTO. Au final, le texte répond en
tout point à ce qui était un challenge fort complexe à relever. Alors même
que l’ensemble est extrêmement riche, amplement documenté au travers de
nombreuses références bibliographiques francophones et anglophones, il est
remarquablement aisé et agréable à parcourir. L’organisation de chaque
chapitre permet de cheminer avec rigueur dans la compréhension du
concept présenté, d’abord par sa définition puis par l’examen de ses
déterminants et de ses effets pour le travailleur et son environnement et
enfin par l’indication d’outillage de mesure dans le domaine.
Les choix effectués pour concevoir ce guide ont conduit à exposer une
vingtaine de concepts majeurs, dans un format qui condense les
connaissances scientifiques de base permettant de les appréhender. Gageons
que chaque lecteur, novice, plus aguerri ou spécialiste du champ de la PTO
y trouvera de nombreux éléments pour nourrir ses approches et enrichir ses
perspectives concernant les problématiques vives rencontrées dans les
univers actuels de travail.
Anne-Marie Vonthron
Professeur de Psychologie du Travail
et des Organisations, université Paris Nanterre
Présidente de l’Association Internationale de Psychologie
du Travail de Langue Française (AIPTLF)
Introduction

La psychologie du travail et des organisations est une discipline


scientifique qui étudie l’homme en situations de travail ou de transition
professionnelle. Elle s’intéresse aux processus psychologiques à l’œuvre et
aux comportements déployés dans le cadre de la réalisation du travail ou
lors des transitions qui jalonnent la trajectoire de professionnalisation
(e.g. transition études-emploi, insertion au sein d’une organisation de
travail, formation ou bilans en cours de carrière, recherche d’emploi,
reconversion professionnelle, mobilités intra ou interentreprises, passage à
la retraite). Elle cherche à identifier la nature de ces processus et
comportements, à comprendre leurs modalités d’articulation, mais aussi à
repérer leurs déterminants et leurs conséquences, tant du point de vue du
travailleur que du collectif de travail ou de l’organisation de travail.
L’une des spécificités de cette discipline est qu’elle est très attachée à la
compréhension et à la production de connaissances relatives à ces
situations, processus psychologiques et comportements, dans la perspective
de développer des démarches d’intervention et des pratiques de terrain à
même d’améliorer : les conditions d’exercice de l’activité de travail ou de
réussite des transitions, la santé et la qualité de vie des travailleurs, le
développement et l’épanouissement professionnels, tout comme la
performance et l’efficacité individuelles, collectives et organisationnelles.
Elle revêt donc une orientation appliquée importante.
Cet ouvrage aborde 19 notions (20 notions si l’on distingue les deux
formes d’addictions liées au travail mentionnées) considérées comme
majeures et toujours d’actualité en psychologie du travail et des
organisations. Il est composé de quatre grandes parties relatives : aux
rapports au travail, au métier et à l’organisation ; aux comportements
déployés en contexte professionnel ; aux risques psychosociaux, à la santé
et à la qualité de vie, et enfin à la perception de l’organisation de travail et
de l’environnement professionnel.
Il est évident que des choix ont dû être opérés pour aboutir à la version
finale de cet ouvrage. Ils portent d’une part sur les notions finalement
retenues et, d’autre part, sur les approches, conceptualisations,
modélisations et définitions mobilisées pour rendre compte de ces notions.
En ce sens, il représente un « mini-guide » qui ne vise pas à l’exhaustivité.
Si des outils mobilisables (échelles, inventaires, index, etc.) pour
appréhender chacune des notions sont indiqués, il va de soi que bien
d’autres façons de les saisir (au travers d’entretiens, d’observations, de
journaux de bord, etc.) s’avèrent également pertinentes.
En résumé, l’ouvrage a pour objectif de proposer une première
sensibilisation aux grandes notions de psychologie du travail et des
organisations. Des tableaux de synthèse des connaissances relatives à
chacune d’entre elles viennent en appui à son contenu et contribuent à
l’atteinte de cet objectif.
Dans la perspective de poursuivre l’élaboration de connaissances sur ces
notions, des références bibliographiques complémentaires ont été intégrées.
Les lecteurs pourront s’y référer pour découvrir (« premières lectures de
conseillées en langue française ») ou pour approfondir chacune d’entre elles
(« pour aller plus loin »).
À Marcel
Chapitre 1

RAPPORTS AU TRAVAIL,
AU MÉTIER
ET À L’ORGANISATION DE
TRAVAIL
1. Autoefficacité professionnelle
2. Motivation au travail
3. Engagement au travail
4. Implication organisationnelle
5. Satisfaction au travail
1. Autoefficacité professionnelle

La théorie sociale cognitive, au fondement de la conceptualisation des


croyances d’efficacité personnelle, est l’une des approches du
fonctionnement psychologique les plus connues et qui demeure centrale
dans les travaux menés à l’heure actuelle, y compris dans le champ de la
psychologie du travail et des organisations. Albert Bandura, le concepteur
de cette théorie, est d’ailleurs considéré comme l’un des cinq psychologues
les plus influents dans l’histoire de la psychologie et c’est l’un des auteurs
les plus cités dans les écrits de psychologie (Judge, Jackson, Shaw, Scott &
Rich, 2007).

1.1 La théorie sociale cognitive et les


croyances d’autoefficacité
Selon la théorie sociale cognitive, les caractéristiques personnelles, les
caractéristiques environnementales et les comportements humains
interagissent et s’influencent mutuellement (Bandura, 1986).
L’autorégulation est considérée comme un mécanisme central de cette
théorie. Il s’agit du processus au travers duquel les individus traitent
cognitivement a) les informations provenant de leur environnement et b) les
résultats émanant de leurs comportements antérieurs, afin de sélectionner
les comportements à déployer parmi une large gamme de comportements
possibles (Bandura, 1986).
Les croyances d’efficacité personnelle (self-efficacy) jouent un rôle
fondamental dans le processus d’autorégulation. Elles sont, d’après
Bandura (1993, 1997, 2003), au fondement des conduites humaines. Elles
influencent, en effet, ce que les individus choisissent (ou évitent) de faire, la
force de leurs décisions, les stratégies qu’ils déploient, leur niveau
d’engagement dans leurs activités, la quantité d’énergie investie et les
efforts fournis pour réaliser une tâche et atteindre un objectif, le niveau de
persévérance face aux obstacles ou aux situations d’échec ou encore la
résilience face à l’adversité.
L’autoefficacité est définie par Bandura (1997) comme la croyance d’un
individu à l’égard de ses capacités à émettre un comportement performant
ou à accomplir avec succès une activité dans un domaine particulier. Étant
donné qu’elle renvoie à une croyance, elle ne reflète pas nécessairement les
aptitudes ou les compétences que possède réellement et objectivement un
individu.
Dans la conceptualisation proposée par Bandura, l’efficacité perçue est
relative à des domaines d’activité et à des ensembles de tâches bien
délimités. Les croyances d’efficacité personnelle sont donc spécifiques et
renvoient à « un système dynamique de croyances multifacettes, qui
procède de manière sélective et différenciée en fonction des divers
domaines d’activité et des exigences propres à chaque situation » (Bandura,
1997, p. 42). Contrairement à ce que d’autres auteurs ont avancé, dans la
perspective développée par Bandura, les croyances d’efficacité personnelle
ne renvoient pas à un trait général, à un « agglomérat décontextualisé ».
Autrement dit, les sentiments d’efficacité personnelle (SEP) relatifs aux
activités professionnelles, familiales ou sociales chez un même individu
peuvent s’avérer de niveaux très différents et être complètement
indépendants les uns des autres. Tout comme l’autoefficacité relative aux
activités de management et celle relative aux activités d’organisation des
emplois du temps du service supervisé peuvent diverger.

1.2 Les antécédents individuels des


croyances d’efficacité personnelle dans le
domaine professionnel
Sur le plan individuel, les résultats d’études montrent que les profils de
personnalité (i.e. personnes consciencieuses, extraverties et
émotionnellement stables), les habiletés cognitives acquises associées à la
réalisation d’une activité tout comme l’expérience préalable dans le métier
ou dans l’accomplissement des tâches afférentes au métier renforcent le
sentiment d’efficacité personnelle dans le domaine professionnel (Chen,
Casper & Cortina, 2001 ; Judge et al., 2007 ; Shea & Howell, 2000).
Le sexe et les stéréotypes orientent également les croyances d’efficacité
personnelle relatives au domaine professionnel. En effet, les stéréotypes de
genre attachés à certains métiers et qui suggèrent un moindre niveau de
capacités à les exercer chez l’un ou l’autre sexe conduisent à un
affaiblissement effectif des capacités perçues à y réussir (Bandura, 2003 ;
Lagabrielle & Vonthron, 2012). Le poids de ces stéréotypes et les
comportements de l’entourage qui en découlent (i.e. entourage familial,
éducatif, professionnel) vont ainsi affecter les intérêts et choix
professionnels, la persistance et la réussite dans les études qui conduisent à
ces métiers, l’accès à certains métiers ou postes ou encore les modalités
d’appropriation, d’intégration et de maintien dans ces métiers ou postes
(Bandura, 2003 ; Lagabrielle & Vonthron, 2012).

1.3 Le renforcement du sentiment d’efficacité


personnelle relatif au domaine professionnel
Au-delà des déterminants individuels préalablement mentionnés, Bandura
(1977 ; 1986 ; 2003) considère que quatre sources d’information principales
vont contribuer à la construction et à la consolidation des croyances
d’efficacité personnelle.
La première renvoie aux expériences de réussite et/ou d’échec qui vont
renseigner l’individu sur les habiletés qu’il possède. Les expériences
préalables de réussites (i.e. maîtrise et performance dans l’accomplissement
d’une tâche) vont consolider les croyances d’efficacité personnelle dans la
mesure où elles constituent un indicateur, pour l’individu, de ses capacités.
Les échecs répétés vont, au contraire, affaiblir ses croyances. En ce sens,
proposer, par exemple, aux nouveaux entrants des situations de travail dans
lesquelles ils peuvent se montrer rapidement performants renforcera leur
SEP professionnel.
La deuxième source se réfère à l’état physiologique et psychologique de la
personne : l’activation d’un état négatif (e.g. fatigue, mal-être, stress) lors
de la réalisation d’activités peut être interprétée comme un signe de
vulnérabilité et d’inefficacité qui va susciter des appréhensions lorsque la
personne sera à nouveau confrontée à des activités similaires. Aussi, toutes
les actions de prévention des risques professionnels et en faveur de la santé
et du bien-être des salariés peuvent atténuer l’activation d’un état
défavorable à la consolidation des croyances d’efficacité lors de la
réalisation des activités professionnelles.
L’expérience vicariante représente une troisième source d’information sur
laquelle les croyances d’efficacité personnelles vont se fonder. Il s’agit des
activités réalisées par des autrui significatifs, qui servent de modèles, et qui
donnent des indications sur les résultats positifs associés à la mise en œuvre
de certaines actions, au déploiement de certains efforts et à la mobilisation
de certaines ressources. L’autoévaluation de ses propres capacités repose
donc, entre autres, sur un mécanisme de modelage et de comparaison
sociale. Le mentorat ou le compagnonnage lors de l’intégration dans un
nouvel emploi ou dans une nouvelle organisation peuvent donc favoriser un
accroissement du SEP professionnel dans la mesure où le tuteur
expérimenté peut montrer et expliquer les gestes ou manipulations les plus
appropriés, les procédures à suivre les plus adéquates, les modalités de
résolution de problèmes les plus efficaces.
La persuasion verbale représente une dernière source d’information. Elle
peut prendre la forme d’encouragements ou de feed-back évaluatifs positifs
qui mettent en avant les performances et les progrès réalisés (plutôt que les
insuffisances). Ces évaluations et stimulations sociales soutiennent le
développement de l’autoefficacité à condition qu’elles soient réalistes (et
non artificielles) et qu’elles proviennent d’une personne considérée comme
experte dans le domaine, crédible et de confiance. Aussi, l’entourage
professionnel (notamment les coéquipiers et le manager) jouera un rôle
prépondérant dans le développement des croyances d’efficacité personnelle
dans le domaine professionnel, que ce soit lors de l’intégration
organisationnelle (e.g. soutien social, valorisation de l’investissement et des
progrès réalisés, renforcement positif) ou au cours de la trajectoire
professionnelle dans l’organisation de rattachement (e.g. reconnaissance
professionnelle, évaluation annuelle positive, soutien explicite à l’évolution
ou à la promotion de carrière).
Tableau 1.1 – Les sources de renforcement des croyances d’efficacité personnelle
Intra-individuelles Interpersonnelles
Expérience
Expériences préalables de réussite et/ou d’échec
vicariante
État physiologique et psychologique lors des expériences Persuasion verbale
préalables

1.4 Les effets des croyances d’efficacité


personnelle relatives au domaine
professionnel
Lorsque l’on examine la littérature scientifique de ce domaine, deux
champs d’étude se dégagent quant aux retombées du SEP relatif à la sphère
professionnelle ou à la trajectoire de carrière.
De nombreux travaux ont montré les effets bénéfiques de l’autoefficacité
aux cours de transitions de carrière. Ces études indiquent, par exemple, que
des croyances d’autoefficacité élevées dans le domaine professionnel
(e.g. métier, emploi) et/ou par rapport à une transition (e.g. recherche
d’emploi, adaptation au travail ou à l’organisation) encouragent la
définition d’objectifs d’investissement professionnel et des attentes de
résultats élevés, soutiennent la mise en œuvre de démarches actives de
recherche d’emploi et l’accès à l’emploi (délai plus court pour trouver un
emploi, emploi de niveau plus élevé), stimulent l’acquisition de nouvelles
compétences, favorisent l’ajustement lors de l’entrée dans une nouvelle
organisation de travail (e.g. adéquation des attentes aux réalités
professionnelles, transfert des acquis en contexte de travail, mise en œuvre
de conduites proactives de socialisation), promeuvent des attitudes positives
et l’adaptation lors des changements de carrière (e.g. acceptation d’un
changement de poste, d’une promotion, d’une responsabilité
supplémentaire) ou encore facilitent l’adaptation lors de l’implémentation
de nouveaux outils technologiques au sein de l’organisation de travail
(e.g. Saks, 1995 ; Stajkovic & Luthans, 1998 ; Vieira & Coimbra, 2008 ;
Vonthron & Lagabrielle, 2012).
D’autres travaux se sont davantage attachés à examiner ses effets en
situation d’emploi. Dans cette perspective, le SEP professionnel est
considéré comme une ressource personnelle permettant de modérer les
effets négatifs des exigences professionnelles (e.g. charge de travail
physique, mentale et émotionnelle) et de renforcer les effets positifs des
ressources professionnelles (e.g. soutien social, autonomie ; Ventura,
Salanova & Llorens, 2015).
Bien que ces retombées puissent être altérées par d’autres facteurs, les
résultats issus des études empiriques révèlent que les croyances d’efficacité
professionnelles élevées favorisent la performance intrarôle (i.e. relative à
une tâche en particulier ou plus globalement dans l’emploi), la créativité
(i.e. génération d’idées), la satisfaction professionnelle, l’implication
organisationnelle (i.e. affective1), l’engagement au travail (i.e. vigueur,
dévouement, absorption2), le sentiment de sécurité dans l’emploi ou encore
le maintien dans l’organisation (Judge et al., 2007 ; Lagabrielle &
Vonthron, 2012 ; Llorens, Schaufeli, Bakker & Salanova, 2007 ; Meyer,
Stanley, Herscovitch & Topolnytsky, 2002 ; Salanova, Llorens & Schaufeli,
2011 ; Ventura et al., 2015 ; Vera, Salanova & Lorente, 2012). En outre,
l’intention de quitter l’entreprise sera moins présente et les départs effectifs
plus rares chez les individus ayant un sentiment d’efficacité professionnelle
élevé (e.g. Jex & Bliese, 1999 ; Vonthron & Lagabrielle 2012).
Les croyances d’efficacité personnelle relatives au domaine professionnel
vont également avoir des effets bénéfiques sur la santé des employés. Elles
sont, en effet, négativement corrélées au stress, au technostress, à l’anxiété,
à la dépression, à l’épuisement professionnel (i.e. fatigue émotionnelle et
cynisme) et positivement associées au bien-être (e.g. Beas & Salanova,
2006 ; Llorens et al., 2007 ; Ventura et al., 2015 ; Vera et al., 2012).
Tableau 1.2 – Les effets des croyances d’efficacité personnelle dans le domaine professionnel
Situations professionnelles Nature des effets
Objectifs d’investissement professionnel et attentes de
résultats (+)
Démarches actives de recherche d’emploi (+)
Accès à l’emploi (+)
Lors de transitions
Acquisition de nouvelles compétences (+)
professionnelles
Ajustement lors de l’insertion dans l’organisation (+)
Attitudes et adaptation aux changements de carrière (+)
Adaptation aux nouveaux outils technologiques de travail
(+)
En emploi Performance intrarôle (+)
Créativité (+)
Satisfaction professionnelle (+)
Implication organisationnelle (+)
Engagement au travail (+)
Sentiment de sécurité dans l’emploi (+)
Maintien dans l’organisation (+)
Intention de quitter l’entreprise (–)
Départ effectif (–)

Outils de mesure mobilisables pour évaluer le SEP


professionnel
Les croyances d’autoefficacité étant spécifiques et propres à chaque
domaine d’activité, il n’existe pas à proprement parler d’instrument
de mesure validé permettant d’appréhender les croyances
d’efficacité professionnelle en général, qui soit mobilisable en toute
situation professionnelle (e.g. transposable dans différents secteurs
d’activité, différents métiers, différents postes occupés). Néanmoins,
Bandura propose un guide (2006) permettant à tout chercheur ou
praticien intéressé d’élaborer une échelle de mesure appropriée et
adaptée, à même de rendre compte : a) de la spécificité du domaine
d’activité ciblé ; b) des différentes manières dont opèrent les
croyances d’efficacité relatives à ce registre d’activités ; c) des
difficultés et des défis rencontrés et/ou à surmonter dans ce
domaine ; d) de la force des croyances de l’individu dans sa capacité
à réaliser les activités ciblées. Le guide conçu par l’auteur met
également en garde sur les précautions à prendre quant à la mise
en forme, au mode de présentation, aux conditions de passation ou
encore aux critères de validation de l’outil de mesure élaboré.
Bandura évoque dans ce guide la possibilité de créer une échelle
d’évaluation des croyances propres au fonctionnement d’un individu
mais il propose également des éléments de réflexion quant à la
création d’un instrument de mesure des croyances propres aux
capacités d’un groupe d’individus (i.e. efficacité collective perçue).

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Lagabrielle, C. & Vonthron, A.-M. (2012). Sentiment d’efficacité
personnelle : une ressource pour l’intégration, la réussite et le
bien-être dans le monde professionnel. In G. Décamps (éd.),
Psychologie du Sport et de la Performance (p. 377-391).
Bruxelles : De Boeck.
Vonthron A.-M. (2014). Sentiment d’Efficacité Personnelle et
risques psychosociaux. In P. Zawieja & F. Guarnieri (Eds.).
Dictionnaire des risques psychosociaux (p. 684-688). Paris :
éditions du Seuil.
Vonthron, A.-M. & Lagabrielle, C. (2012). Efficacité au travail,
sentiment d’efficacité professionnelle. In J. Allouche (éd.).
Encyclopédie des Ressources Humaines (p. 439-445). Paris :
Vuibert.
Pour aller plus loin
Bandura, A. (1977). Self-efficacy : Toward a unifying theory of
behavioral change. Psychological Review, 84, 191-215.
Bandura, A. (1986). Social foundations of thought and action : A
social cognitive theory. Englewood Cliffs, NJ : Prentice-Hall, Inc.
Bandura, A. (1993). Perceived self-efficacy in cognitive
development and functioning. Educational Psychologist, 28, 117-
148.
Bandura, A. (1997). Self-efficacy : The exercise of control. New
York, NY : Freeman.
Bandura, A. (2003). Autoefficacité, Le sentiment d’efficacité
personnelle. Bruxelles : De boeck université.
Bandura, A. (2006). Guide for Constructing Self-Efficacy Scales.
In F. Pajares & T. Urdan (eds.), Adolescence and Education,
Vol. 5, Self-Efficacy Beliefs of Adolescents (p. 307-337).
Greenwich, CT : Information Age Publishing.
Bandura, A. & Locke, E. (2003). Negative self-efficacy and goal
effects revisited. Journal of Applied Psychology, 88(1), 87-99.
Beas, M. I. & Salanova, M. (2006). Self-efficacy beliefs, computer
training and psychological well-being among information and
communication technology workers. Computers in Human
Behavior, 22(6), 1043-1058.
Chen, G., Casper, W. J. & Cortina, J. M. (2001). The roles of self-
efficacy and task complexity in the relationships among cognitive
ability, conscientiousness, and work-related performance : A
meta-analytic examination. Human Performance, 14(3), 209-230.
Jex, S. M. & Bliese, P. D. (1999). Efficacy beliefs as a moderator
of the impact of work-related stressors : A multilevel study. Journal
of applied psychology, 84(3), 349-361
Judge, T. A., Jackson, C. L., Shaw, J. C., Scott, B. A. & Rich, B. L.
(2007). Self-efficacy and work-related performance : The integral
role of individual differences. Journal of Applied Psychology, 92(1),
107-127.
Llorens, S., Schaufeli, W., Bakker, A. & Salanova, M. (2007). Does
a positive gain spiral of resources, efficacy beliefs and
engagement exist ? Computers in Human Behavior, 23(1), 825-
841.
Meyer, J.P., Stanley, D.J., Herscovitch, L. & Topolnytsky, L. (2002).
Affective, continuance and normative commitment to the
organization : a meta-analysis of antecedents, correlates, and
consequences. Journal of Vocational Behavior, 61, 20-52.
Saks, A.M. (1995). Longitudinal field investigation of the
moderating and mediating effects of self-efficacy on the
relationship between training and newcomer adjustment. Journal
of Applied Psychology, 80(2), p. 211-225
Salanova, M., Llorens, S. & Schaufeli, W. B. (2011). “Yes, I can, I
feel good, and I just do it !” On gain cycles and spirals of efficacy
beliefs, affect, and engagement. Applied Psychology : An
International Review, 60(2), 255-285.
Shea, C. M. & Howell, J. M. (2000). Efficacy-performance spirals :
An empirical test. Journal of Management, 26(4), 791-812.
Stajkovic, A.D. & Luthans, F. (1998). Self-Efficacy and Work-
Related Performance : A Meta-Analysis. Psychological Bulletin,
124(2), 240-261.
Ventura, M. S., Salanova, M. & Llorens, S. (2015). Professional
self-efficacy as a predictor of burn-out and engagement : The role
of challenge and hindrance demands. Journal of Psychology,
149(3), 277-302.
Vera, M., Salanova, M. & Lorente, L. (2012). The predicting role of
self-efficacy in the job-demands resources model : A longitudinal
study. Estudios de Psicologıa, 33, 167-178.
Vieira, D. & Coimbra, J.L. (2008). La transition entre
l’enseignement supérieur et l’emploi : autoefficacité, attentes de
résultats et objectifs professionnels. L’orientation scolaire et
professionnelle, 37(1), 91-112.

2. Motivation au travail

La motivation au travail (work motivation) est un concept qui a suscité


l’intérêt de la communauté scientifique et des praticiens depuis plus
d’un siècle. Elle a été définie et opérationnalisée selon différentes
approches (pour une vue d’ensemble voir la revue réalisée par Kanfer, Frese
& Johnson, 2017) qui s’accordent néanmoins pour considérer qu’il s’agit
d’un processus jouant un rôle majeur dans la performance et la réussite des
organisations de travail comme dans le bien-être des employés.

2.1 Théorie de l’autodétermination


et conception de la motivation
Bien qu’il existe plusieurs théories de la motivation, la plus populaire et la
plus reconnue est la théorie de l’autodétermination, initialement développée
dans les années quatre-vingt par Deci & Ryan (1985). Cette dernière a été
élaborée et appliquée dans de nombreux milieux, dont le milieu
professionnel mais aussi éducatif ou sportif. S’inscrivant dans cette
perspective, Blais, Brière, Lachance, Riddle et Vallerand (1993, p. 186)
précisent que la motivation au travail « concerne les facteurs agissant sur
l’énergie déployée au travail et la direction du comportement du
travailleur ». Deci et Ryan (1985) abordent la motivation dans une
conception multidimensionnelle qui distingue différents niveaux et formes
de régulation comportementale, plus ou moins autodéterminés.
La plus autodéterminée est la motivation intrinsèque. Il s’agit de réaliser
une activité (e.g. travailler) pour elle-même, pour le plaisir qu’elle procure,
parce qu’elle est considérée comme intéressante (i.e. dimension
socioaffective prononcée). Dans ce cas, l’origine de la motivation réside
dans l’exercice même de l’activité, indépendamment des résultats de cette
activité : l’activité est une fin en soi. La motivation par régulation
autodéterminée est synonyme de choix et de liberté : l’activité est réalisée
sans avoir le sentiment d’y être forcé.
La motivation extrinsèque renvoie au fait de réaliser une activité pour des
raisons instrumentales. Ce qui est source de motivation ne se situe pas dans
l’exercice de l’activité mais à l’extérieur : l’activité représente un moyen
d’atteindre une fin. L’individu réalise l’activité afin d’obtenir quelque chose
en retour ou parce qu’il ressent une certaine pression l’incitant à s’engager
dans cette activité. Ryan et Deci (2000) distinguent quatre formes de
motivation extrinsèque. La motivation par régulation externe est la forme la
plus extrinsèque. Elle renvoie au fait de réaliser une activité pour obtenir
une récompense (e.g. matérielle, sociale) ou au contraire éviter une sanction
ou certaines contraintes. En milieu organisationnel il peut s’agir, par
exemple, de travailler parce que cela procure un salaire ou de s’investir
davantage dans l’activité professionnelle afin d’obtenir une prime. La
motivation par régulation introjectée se réfère au fait de réaliser une activité
par amour-propre ou par culpabilité, par honte ou pour ne pas être perçu
négativement. Par exemple, travailler pour être socialement reconnu. Dans
le cas de la motivation par régulation identifiée, il s’agit de réaliser une
activité parce qu’elle est considérée comme importante, et qu’elle
correspond à ses valeurs, voire à certains de ses objectifs personnels.
Réaliser une activité de travail jugée relativement désagréable ou pénible
parce qu’elle est utile ou bénéfique à une tierce personne (e.g. patient ou
client) est caractéristique de cette forme de motivation. Elle est donc
relativement autodéterminée. La motivation par régulation intégrée renvoie
au fait de réaliser une activité parce qu’elle correspond à son système de
valeurs, à tel point que cette activité est pleinement intégrée en tant que
composante du soi (i.e. soi professionnel). Il peut s’agir, par exemple,
d’exercer un métier par vocation. Il s’agit de la forme la plus
autodéterminée et internalisée de motivation extrinsèque.
Enfin, la dernière forme de « motivation » est l’amotivation. Dans ce cas
l’individu ne perçoit pas de correspondance entre ses actions et les
conséquences ou résultats qui en découlent. L’amotivation caractérise la
non-régulation des comportements et les comportements non intentionnels.
L’absence de motivation se réfère par exemple au fait d’aller travailler sans
véritable but et sans savoir si la réalisation d’une telle activité vaut la peine
de s’y engager (i.e. forme de résignation).
Tableau 1.3 – Théorie de la motivation : niveaux d’autodétermination des formes de régulation des
comportements
Autodétermination élevée Autodétermination faible
Motivation extrinsèque
Motivation intrinsèque Amotivation
intégrée identifiée introjectée externe

Ces différentes formes de motivation s’inscrivent sur un continuum


d’autodétermination et, selon les travaux dans ce domaine, sont plus
fortement et positivement corrélées avec la ou les sous-dimensions les plus
proches (e.g. Blais et al., 1993 ; Gagné et al., 2010).
Néanmoins, il n’y a pas à ce jour de consensus quant aux relations entre
ces formes de motivation (i.e. profils motivationnels tendant à être plutôt
autodéterminés ou, au contraire, plutôt non autodéterminés) tout comme les
résultats d’études relatifs aux effets de chaque forme de motivation ne sont
ni linéaires ni homogènes (Gillet, Berjot & Paty, 2010).

2.2 Les facteurs affectant le développement


de formes plus ou moins autodéterminées
de motivation
De très nombreuses études se sont appuyées sur cette théorie pour
comprendre et expliquer les processus motivationnels dans les organisations
de travail.
Sur le plan organisationnel, les travaux indiquent que les exigences
professionnelles (i.e. charge cognitive, émotionnelle et physique de travail)
favorisent des formes extrinsèques de motivation alors que les ressources
professionnelles (i.e. accès aux informations utiles à l’accomplissement du
travail, soutien émotionnel, possibilité de prendre des pauses pour récupérer
physiquement) soutiennent le développement de formes plus
autodéterminées de motivation au travail (Fernet, Trépanier, Austin, Gagné
& Forest, 2015). Les caractéristiques des tâches professionnelles
(importance des tâches, feed-back relatifs à la réalisation des tâches, variété
des compétences mobilisées pour réaliser les tâches) engendrent également
des formes plus intrinsèques de motivation (Richer, Blanchard &
Vallerand, 2002).
Du point de vue socioprofessionnel, un environnement de travail et un
style de leadership transformationnel et/ou qui permettent la satisfaction
des besoins d’autonomie, de compétence et d’attachement relationnel
(e.g. soutien social envers les collaborateurs, encouragement à participer
aux prises de décision et à faire des choix) conduisent au développement de
formes de motivation plus autodéterminées (Levesque, Blais & Hess,
2004a ; 2004b ; Fernet et al., 2015). A contrario les environnements de
travail et les styles de leadership contrôlant ou laisser-faire (e.g. imposition
de restrictions, de limites, de pressions, accent mis sur l’incompétence des
employés) favorisent les formes de motivation les moins autodéterminées,
voire non autodéterminées (Levesque et al., 2004a ; 2004b ; Gagné et al.,
2010 ; Ryan & Deci 2000). En outre, la perception de support
organisationnel, de justice organisationnelle (i.e. distributive,
interpersonnelle et informationnelle3), la qualité du climat de travail, tout
comme la reconnaissance émanant des supérieurs et le sentiment d’être relié
aux collègues de travail (i.e. sentiment d’être accepté, soutenu et d’avoir
des relations de proximité avec les collègues) sont à l’origine de formes
plus autodéterminées de motivation (Fall, 2014 ; Gagné et al., 2010 ;
Tremblay, Blanchard, Taylor, Pelletier & Villeneuve, 2009).
Par ailleurs, les sentiments d’autonomie, d’efficacité et de compétence au
travail, le sentiment de contrôle, ou encore l’attachement à l’organisation
sont également des facteurs favorables à la motivation autodéterminée
(Blais, Hess, Bourbonnais, Saintonge & Riddle, 1995 ; Kanfer et al., 2017 ;
Richer et al., 2002).
Enfin, d’après certains auteurs, les caractéristiques individuelles
affecteraient la motivation au travail. Les profils de personnalité
caractérisés par l’optimisme, orientés vers l’autonomie dans le travail et le
contrôle de la carrière, tout comme les individus ayant un besoin élevé de
contrôle seraient ainsi plus susceptibles de déployer des formes
autodéterminées de motivation (Blais et al., 1995 ; Gagné et al., 2010 ; Lam
& Gurland 2008 ; Ryan & Deci 2000).
Tableau 1.4 – Les antécédents de la motivation au travail
Facteurs favorables aux formes autodéterminées
Organisationnels et
Socioprofessionnels Individuels
contenu du travail
Autonomie
Leadership transformationnel Sentiment d’efficacité
Environnement source de Sentiment de
satisfaction des besoins compétence
Ressources professionnelles
(autonomie, compétence, Sentiment de contrôle
(informations, soutien
attachement) Attachement à
émotionnel, récupération)
Support organisationnel l’organisation
Caractéristiques des tâches
Justice organisationnelle
(importance, feed-back,
Qualité du climat de travail Optimisme
variété)
Reconnaissance des supérieurs Orientation vers
Qualité et proximité des relations l’autonomie et le
aux pairs contrôle de carrière
Besoin de contrôle
Facteurs favorables aux formes faiblement ou non autodéterminées
Organisationnels et contenu du travail Socioprofessionnels
Leadership contrôlant
Exigences professionnelles (i.e. charge
Leadership laisser-faire
cognitive, émotion-nelle et physique de travail)
Environnements de travail contrôlant

2.3 Les effets des formes de motivation


au travail
Les études scientifiques menées sur le terrain montrent unanimement les
retombées bénéfiques des formes de motivation autodéterminées.
Elles soutiennent, en effet, l’investissement temporel dans le travail, la
performance intrarôle (notamment dans les tâches complexes), la créativité,
la mise en œuvre de comportements de citoyenneté organisationnelle
(i.e. altruisme et comportements consciencieux4), le sentiment
d’accomplissement personnel, la satisfaction au travail, l’implication
organisationnelle (i.e. affective et normative5), l’engagement au travail, le
maintien dans l’organisation, le bien-être au travail et, plus largement, la
santé physique perçue ainsi que la satisfaction de vie générale (Blais et al.,
1993 ; 1995 ; Fernet, Austin & Vallerand, 2012 ; Fernet, 2013 ; Fernet,
Guay & Senécal, 2004 ; Fernet et al., 2015 ; Richer et al., 2002 ; Gagné et
al., 2010 ; Gillet, Berjot & Paty, 2010 ; Keaveney & Nelson, 1993 ; Lam &
Gurland 2008 ; Leveseque et al., 2004a).
De plus, les formes de motivation les plus autodéterminées sont
négativement associées au sentiment d’impuissance au travail, aux affects
négatifs (colère, anxiété, hostilité, dépression), à la détresse psychologique,
au stress perçu, à l’épuisement professionnel (i.e. épuisement émotionnel,
dépersonnalisation, perte du sentiment d’efficacité6), aux troubles de santé
physique, à l’intention de départ et au turnover (Blais et al., 1993 ; 1995 ;
Fernet et al., 2012 ; Fernet et al., 2004 ; Gagné et al., 2010 ; Gillet et al.,
2010 ; Keaveney & Nelson, 1993 ; Richer, et al., 2002).
Les résultats demeurent plus épars concernant les conséquences des
formes de motivation plus extrinsèques ou de l’amotivation. Néanmoins, il
semblerait qu’elles revêtent des effets plutôt délétères. La motivation
extrinsèque favoriserait ainsi l’addiction au travail, l’épuisement
professionnel et l’intention de départ de l’entreprise (Fernet, 2013 ; Fernet
et al., 2012). L’amotivation serait, quant à elle, positivement corrélée à
l’impuissance au travail, à l’intention de quitter l’emploi, à l’épuisement
professionnel, à la détresse psychologique et aux problèmes de santé
physique (e.g. Blais et al., 1993).
Tableau 1.5 – Les effets des différentes formes de motivation au travail
Effets des formes de motivation les plus autodéterminées
Effets de renforcement (+) Effets inhibiteurs (–)
Investissement temporel Impuissance au travail
Performance intrarôle Affects négatifs
CCO (comportements de citoyenneté organisationnelle) Détresse psychologique
Créativité Stress
Sentiment d’accomplissement personnel Épuisement professionnel
Satisfaction au travail Troubles de santé physique
Implication organisationnelle Intention de départ
Engagement au travail Départ effectif
Maintien dans l’organisation
Bien-être au travail
Santé physique
Satisfaction de vie
Effets des formes de motivation les moins autodéterminées
Effets des formes les plus extrinsèques de motivation Effets de l’amotivation
Impuissance au travail (+)
Workaholism (+) Intention de quitter l’emploi (+)
Épuisement professionnel (+) Épuisement professionnel (+)
Intention de départ (+) Détresse psychologique (+)
Santé physique (–)

Outils de mesure mobilisables pour évaluer la motivation


au travail
Le premier instrument de mesure élaboré sur la base de la théorie
de l’autodétermination en contexte de travail et en langue française
est celui de Blais et al. (1993). Cet inventaire permet d’appréhender
huit formes de motivation au travail (motivation intrinsèque aux
stimulations, à la connaissance et à l’accomplissement ; motivation
extrinsèque par régulation identifiée, introjectée et externe ;
amotivation interne et externe) au travers de 31 items dans sa
version longue et de 18 items dans sa version abrégée. Ne
considérant pas les qualités métrologiques de cet outil pleinement
satisfaisantes, Gagné et al. (2010) ont proposé une version révisée
de cette échelle de motivation au travail, elle aussi validée dans une
version francophone. Plus restreinte que la précédente, elle
appréhende uniquement quatre formes de motivation : intrinsèque,
extrinsèque par régulation identifiée, introjectée et externe.
La plupart des travaux empiriques dans le domaine indiquent que
ces instruments de mesure ont une bonne validité prédictive.
Néanmoins, selon le cas, les études examinent les effets de
chacune des différentes formes de motivation ou procèdent au calcul
d’un indice général d’autodétermination. La première approche, si
elle rend compte des formes de motivation dominantes chez un
même individu, ne permet pas d’en évaluer les effets combinés.
L’indice général ne permet pas, quant à lui, d’identifier des profils
motivationnels (i.e. agencement des différentes formes de
motivation) et tend à considérer la motivation dans une perspective
unidimensionnelle. Pour remédier à ces limites, Gillet et al. (2010)
proposent de réaliser des analyses en cluster (tout en se fondant sur
ces instruments de mesure).

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Blais, M., Brière, N., Lachance, L., Riddle, A. & Vallerand, R.-J.
(1993). L’inventaire des motivations au travail de Blais. Revue
québécoise de psychologie, 14(3), 185-215.
Blais, M., Hess, U., Bourbonnais, J., Saintonge, J. & Riddle, A.
(1995). Mens sana ad corpus sanum : Un modèle de motivation-
stress-santé appliqué au couple et au travail. Santé Mentale au
Québec, 20(2), 139-162.
Gillet, N., Berjot, S. & Paty, E. (2010). Profils motivationnels et
ajustement au travail : vers une approche intra-individuelle de la
motivation. Le travail humain, 73(2), 141-162.
Pour aller plus loin
Deci, E. & Ryan, R. (1985). Intrinsic motivation and self-
determination in human behavior. New York, NY : Plenum.
Fall, A. (2014). Justice organisationnelle, reconnaissance au
travail et motivation intrinsèque : résultats d’une étude empirique.
Relations industrielles, 69(4), 709-731.
Fernet, C. (2013). The role of work motivation in psychological
health. Canadian Psychology / Psychologie canadienne, 54(1),
72-74.
Fernet, C., Austin, S. & Vallerand, R. J. (2012). The effects of work
motivation on employee exhaustion and commitment : An
extension of the JD-R model. Work & Stress, 26, 213-219.
Fernet, C., Guay, F. & Senécal, C. (2004). Adjusting to job
demands : The role of work self-determination and job control in
predicting burn-out. Journal of Vocational Behavior, 65(1), 39-56.
Fernet, C., Trépanier, S.-G., Austin, S., Gagné, M. & Forest, J.
(2015). Transformational leadership and optimal functioning at
work : On the mediating role of employees’ perceived job
characteristics and motivation. Work & Stress, 29(1), 11-31.
Gagné, M., Forest, J., Gilbert, M.H., Aubé, C., Morin, E.M. &
Malorni, A. (2010). The Motivation at Work Scale : Validation
evidence in two languages. Educational & Psychological
Measurement, 70(4), 628-646.
Kanfer, R., Frese, M. & Johnson, R. E. (2017). Motivation related
to work : A century of progress. Journal of Applied Psychology,
102(3), 338-355.
Keaveney, S. M. & Nelson, J. E. (1993). Coping with
organizational role stress : Intrinsic motivational orientation,
perceived role benefits, and psychological withdrawal. Journal of
the Academy of Marketing Science, 21(2), 113-124.
Lam, C. F. & Gurland, S. T. (2008). Self-determined work
motivation predicts job outcomes, but what predicts self-
determined work motivation ? Journal of Research in Personality,
42(4), 1109-1115.
Levesque, M., Blais, M. R. & Hess, U. (2004a). Motivation,
comportements organisationnels discrétionnaires et bien-être en
milieu Africain : Quand le devoir oblige ? Canadian Journal of
Behavioural Science / Revue canadienne des sciences du
comportement, 36(4), 321-332.
Levesque, M., Blais, M. R. & Hess, U. (2004b). Dynamique
motivationnelle de l’épuisement et du bien-être chez des
enseignants africains. Canadian Journal of Behavioural Science /
Revue canadienne des sciences du comportement, 36(3), 190-
201.
Richer, S.F., Blanchard, C. & Vallerand, R.-J. (2002). A
motivational model of work turnover. Journal of Applied Social
Psychology, 32(10), 2089-2113.
Ryan, R. M. & Deci, E. L. (2000). Self-determination theory and
the facilitation of intrinsic motivation, social development, and well-
being. American Psychologist, 55(1), 68-78.
Tremblay, M. A., Blanchard, C. M., Taylor, S., Pelletier, L. G. &
Villeneuve, M. (2009). Work extrinsic and intrinsic motivation
scale : Its value for organizational research. Canadian Journal of
Behavioural Science / Revue canadienne des sciences du
comportement, 41, 213-226.

3. Engagement au travail

Bien qu’il existe plusieurs cadres conceptuels permettant de définir


l’engagement au travail, dans sa revue de la littérature, Eldor (2016)
explique que la plupart des études récentes dans ce domaine ont adopté la
perspective développée dans les travaux de Schaufeli et de ses
collaborateurs. Leur approche, qui s’inscrit dans le courant de la
psychologie positive, aborde l’engagement au travail comme une
expérience positive et personnelle de bien-être au travail et comme étant
situé aux antipodes de l’épuisement professionnel.

3.1 L’engagement au travail selon Schaufeli


et ses collaborateurs
Dans cette conceptualisation, l’engagement au travail (work engagement)
renvoie à un état affectif et cognitif généralisé et persistant qui n’est pas
centré sur un objet, un individu ou un comportement en particulier
(Schaufeli, Salanova, Gonzalez-Roma & Bakker, 2002). Il est caractérisé
par un haut niveau d’énergie, une capacité de gérer les exigences
professionnelles, un lien effectif aux activités de travail, et par une forte
identification aux activités professionnelles et plus globalement au travail
(Bakker, Schaufeli, Leiter & Taris, 2008 ; Schaufeli, Bakker & Salanova,
2006 ; Schaufeli et al., 2002).
L’engagement au travail est plus précisément défini comme un état
d’esprit positif et de complétude relativement au travail, caractérisé par trois
dimensions : la vigueur, le dévouement et l’absorption. La vigueur (vigor)
renvoie à un haut niveau d’énergie et de résilience au travail ainsi qu’à la
volonté de faire des efforts comme de persister face aux difficultés
rencontrées dans le cadre du travail. Le dévouement (dedication) peut être
défini comme un haut niveau d’investissement, d’enthousiasme et de
stimulation au travail, comme le fait d’être inspiré par son travail,
d’éprouver de la fierté et de considérer qu’il a du sens. Enfin, l’absorption
(absorption) se caractérise par le fait d’être complètement concentré sur et
captivé par son travail si bien que l’on ne se rend pas compte du temps qui
passe et que l’on ressent des difficultés à s’en détacher.
La plupart des auteurs insistent sur la distinction entre l’engagement au
travail et deux autres concepts qui peuvent apparaître au premier abord
comme relativement proches (Gorgievski & Bakker, 2010 ; Hallberg &
Schaufeli, 2006) : l’implication organisationnelle7 d’une part (relevant
davantage d’une forme d’attachement émotionnel et d’adhésion aux valeurs
et intérêts de l’organisation), et le workaholism d’autre part (caractérisé par
une obsession, des comportements incontrôlés et compulsifs à l’égard du
travail).

3.2 Les ressources/exigences comme


antécédents de l’engagement au travail
En ce qui concerne les facteurs d’engagement au travail, les études dans ce
domaine montrent que les ressources professionnelles, les ressources
personnelles ou encore le job crafting favorisent l’engagement au travail,
quelle que soit la composante considérée (Bakker, van Emmerik &
Euwema, 2006 ; Bhuvanaiah & Raya, 2016 ; Eldor, 2016 ; Tims, Bakker,
Derks & van Rhenen, 2013 ; Bakker et al., 2008 ; Schaufeli, Taris & van
Rhenen, 2008). Les ressources professionnelles renvoient au fait de
bénéficier d’informations, de reconnaissance et de soutiens sociaux
provenant des supérieurs, des collègues et plus largement de l’organisation,
de disposer de retours évaluatifs sur sa performance, d’autonomie et de
contrôle de son activité, de travailler dans un climat de confiance, d’avoir
des opportunités d’apprentissage et de développement de carrière. Les
ressources personnelles se réfèrent, quant à elle, aux croyances d’efficacité
personnelles, à l’estime de soi professionnelle, aux niveaux de résilience et
d’optimisme (i.e. élevés).
A contrario, les exigences professionnelles, tels la charge temporelle de
travail, la pression temporelle, la charge émotionnelle et cognitive de
travail, les attentes de performances ou encore un environnement physique
néfaste entraînent une baisse de l’engagement (Bakker et al., 2006) ces
effets pouvant néanmoins être contrecarrés par les ressources
professionnelles disponibles (Bakker et al., 2008).
Tableau 1.6 – Les antécédents de l’engagement au travail
Exigences inhibant
Ressources favorisant l’engagement
l’engagement
Professionnelles Personnelles Professionnelles
Informations
Charge et pression
Reconnaissance
Croyances d’efficacité temporelles
Soutiens sociaux
personnelle Charge émotionnelle
Feed-backs évaluatifs
Estime de soi et cognitive
Autonomie
professionnelle Attentes de
Contrôle de l’activité
Résilience performances élevées
Climat de confiance
Optimisme Environnement
Opportunités d’apprentissage
physique défavorable
et de développement de carrière
Job crafting

3.3 Les conséquences de l’engagement


au travail
Les études empiriques du domaine révèlent, sans ambiguïté, les effets
bénéfiques de l’engagement tant du point de vue des attitudes, des
comportements, de la qualité de vie et de la santé des travailleurs que de
celui de l’efficacité et de la réussite des organisations de travail.
De nombreux travaux montrent ainsi que l’engagement au travail favorise
la prise d’initiatives personnelles, la loyauté, les attitudes et affects positifs
en milieu professionnel, la satisfaction au travail, l’implication
organisationnelle, la mise en œuvre de comportements proactifs et de
comportements de citoyenneté organisationnelle, la performance intrarôle
(individuelle et collective) ou encore le maintien en emploi (Bakker et al.,
2006 ; Bhuvanaiah & Raya, 2016 ; Christian, Garza & Slaughter, 2011 ;
Eldor, 2016 ; Richman, 2006 ; Schaufeli et al., 2008 ; Sonnentag, Mojza,
Binnewies & Scholl, 2008). De manière complémentaire, les résultats
d’études indiquent que l’efficacité en contexte professionnel est
positivement associée aux trois dimensions de l’engagement (i.e. vigueur,
dévouement, absorption ; Schaufeli et al., 2006 ; Schaufeli et al., 2002).
Du point de vue de la santé psychique et physique, l’engagement protège
les individus des affects négatifs, de la détresse psychologique, de la
dépression et de l’apparition de troubles de santé physique (sources
d’absentéisme au travail) tout en favorisant la satisfaction générale de vie
(Schaufeli et al., 2008 ; Shimazu, Schaufeli, Kamiyama & Kawakami,
2015). Les travaux dans ce domaine montrent également que l’engagement
et le burn-out sont deux concepts distincts mais étroitement liés. En effet,
deux de leurs composantes respectives s’inscrivent sur un continuum dont
chacune est l’extrême opposé : la vigueur (forte énergie) est négativement
corrélée à l’épuisement émotionnel (faible énergie) et le dévouement (forte
identification) au cynisme (faible identification8 ; Schaufeli et al., 2006 ;
Schaufeli et al., 2002). Ils indiquent, enfin, que les travailleurs ayant un
niveau d’engagement au travail élevé se perçoivent comme plus à même
d’accomplir des activités dans leurs autres domaines de vie (entretien des
relations familiales et sociales, réalisation d’activités de loisir ou de tâches
ménagères ; Schaufeli et al., 2008).
Tableau 1.7 – Les conséquences de l’engagement au travail
Attitudes et comportements au travail Santé et qualité de vie
Affects positifs (+)
Loyauté (+) Affects négatifs (–)
Attitudes positives (+) Détresse psychologique (–)
Satisfaction au travail (+) Dépression (–)
Implication organisationnelle (+) Épuisement professionnel (–)
Prise d’initiatives personnelles (+) Troubles de santé (–)
Comportements proactifs (+)
Comportements de citoyenneté Satisfaction générale de vie (+)
organisationnelle (+) Accomplissement activités
Performance et efficacité professionnelle (+) extraprofessionnelles (+)
Maintien en emploi (+)

Outils de mesure mobilisables pour évaluer l’engagement au


travail
L’échelle d’engagement au travail (Utrecht Work Engagement Scale-
UWES) a été élaborée et validée par Schaufeli et ses collaborateurs
(Schaufeli & Bakker, 2003 ; Schaufeli et al., 2006 ; Schaufeli et al.,
2002). Il en existe une version longue à 17 items (UWES17 : 6 items
permettent de mesurer la vigueur, 5 items le dévouement, 6 items
l’absorption) et une version courte à 9 items (UWES9 : 3 items étant
relatifs à chaque composante de l’engagement). Une version
française est disponible dans le manuel de l’UWES. Elle a été
récemment validée dans ses deux versions (à 9 et à 17 items) en
langue française (voir l’article de Zecca et al., 2015).

Pour aller plus loin


Lecture conseillée pour une première sensibilisation en
langue française
Edey Gamassou, C. (2014). Engagement. In P. Zawieja et F.
Guarnieri (éds), Dictionnaire des Risques Psychosociaux (p. 250-
252). Paris : Seuil.
Pour aller plus loin
Bakker, A.B., Schaufeli, W. B., Leiter, C. & Taris, T. W. (2008).
Work engagement : An emerging concept in occupational health
psychology. Work and Stress, 22(3), 187-200.
Bakker, A.B., van Emmerik, H. & Euwema, M.C. (2006).
Crossover of burn-out and engagement in work teams. Work &
Occupations, 33(4), 464-489.
Bhuvanaiah, T. & Raya, R.P. (2016). Predicting Employee Work
Engagement Levels, Determinants and Performance Outcome :
Empirical Validation in the Context of an Information Technology
Organization. Global Business Review, 17(4), 934-951.
Christian, M.S., Garza, A.S. & Slaughter, J.E. (2011). Work
engagement : A quantitative review and test of its relations with
task and contextual performance. Personnel Psychology, 64(1),
89-136.
Eldor, L. (2016). Work engagement : Toward a General
Theoretical Enriching Model. Human Resource Development
Review, 15(3), 317-339.
Gorgievski, M. J. & Bakker, A. B. (2010). Passion for work : Work
engagement versus workaholism. In S. L. Albrecht (ed.), New
horizons in management. Handbook of employee engagement :
Perspectives, issues, research and practice (p. 264-271).
Northampton, MA, US : Edward Elgar Publishing.
Hallberg, U.E. & Schaufeli, W.B. (2006). “Same Same” but
Different ? Can Work Engagement Be Discriminated from Job
Involvement and Organizational Commitment ? European
Psychologist, 11, 119-127.
Richman, A. (2006). Everyone wants an engaged workforce how
can you create it ? Work span, 49, 36-49.
Schaufeli, W. B. & Bakker, A. B. (2003). Utrecht Work
Engagement Scale : Preliminary Manual. Department of
Psychology, Utrecht University, The Netherlands (accessible sur
www.schaufeli.com).
Schaufeli, W. B., Bakker, A. & Salanova, M. (2006). The
measurement of Work Engagement With a Short Questionnaire. A
cross national study. Educational and Psychological
Measurement, 66(4), 701-716.
Schaufeli, W.B., Salanova, M., Gonzalez-Roma, V. & Bakker, A.
(2002). The measurement of engagement and burnout : A
confirmative analytic approach. Journal of Happiness Studies,
3(1), 71-92.
Schaufeli, W.B., Taris, T.W. & van Rhenen, W. (2008).
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Engagement Scale and its relationship with personality traits and
impulsivity. Revue Européenne de Psychologie Appliquée, 65(1),
19-28.

4. Implication organisationnelle

Dans sa conception originelle, l’implication organisationnelle


(organizational commitment9) renvoie à l’intensité de l’attachement et de
l’identification d’un individu à son organisation (Porter, Steers, Mowday &
Boulian, 1974). Dans cette perspective, les travailleurs qui sont
affectivement impliqués acceptent et partagent les buts et valeurs de
l’entreprise, s’intéressent et fournissent les efforts nécessaires à son bon
fonctionnement et ont le désir d’y être associés et d’en demeurer membres
(Mowday, Steers & Porter, 1979).

4.1 Définition et conceptualisation


de l’implication organisationnelle
L’approche de l’implication organisationnelle la plus diffusée est celle
proposée par Allen et Meyer. Selon les auteurs (Meyer, Allen & Smith,
1993 ; Allen & Meyer, 1996), l’implication organisationnelle peut être
définie comme la relation psychologique qui relie l’employé à son
organisation et se traduit par la volonté (ou non) de rester dans
l’organisation de rattachement.
Les auteurs complètent ainsi l’approche de l’implication organisationnelle
développée par Porter et ses collaborateurs, davantage centrée sur la
dimension affective de l’implication (identification, investissement et
attachement émotionnel envers l’organisation). En effet, considérant qu’il
s’agit d’une attitude relative au travail multidimensionnelle, ils en étoffent
la conceptualisation en proposant deux composantes supplémentaires.
L’implication normative est fondée sur une obligation morale nourrie par
les valeurs du salarié. Elle se réfère à la loyauté de l’employé qui éprouve
de la reconnaissance vis-à-vis de son organisation de travail et ressent le
devoir d’y rester.
L’implication de continuité (parfois qualifiée d’implication calculée)
résulte de l’évaluation des bénéfices retirés de la situation professionnelle
actuelle comparativement aux coûts pouvant être engendrés par le départ de
l’organisation. L’employé décide de rester au sein de l’entreprise car il
craint de perdre des avantages ou privilèges en cas de rupture du lien
contractuel d’emploi et car il pense qu’il a peu de possibilités
professionnelles en dehors de l’entreprise. Il estime ainsi qu’il ne peut se
permettre de faire autrement : il s’agit donc d’une implication « par
défaut ». Certains travaux considèrent qu’il est envisageable que cette
troisième composante se subdivise en deux sous-dimensions (l’une relative
aux sacrifices perçus associés au départ et l’autre au manque d’opportunité
d’emploi alternatif ; Meyer & Herscovitch, 2001).
En résumé, selon le cas, le salarié demeure au sein de son entreprise parce
qu’il le désire (dimension affective), parce qu’il en ressent l’obligation
(dimension normative), et/ou encore parce que la quitter serait trop coûteux
(dimension calculée). Dans cette conception de l’implication
organisationnelle, les trois composantes sont considérées comme
indépendantes mais complémentaires.
Signalons que les travaux sur l’implication se sont également intéressés à
d’autres objets ou cibles que l’organisation de travail. Ils ont par exemple
étudié les antécédents et les conséquences de l’implication envers le métier,
le supérieur hiérarchique, la clientèle, le groupe de travail, le service, etc.
(e.g. Stinglhamber, Bentein & Vandenberghe, 2002).
4.2 Les conséquences de l’implication
organisationnelle
L’implication organisationnelle a des effets bénéfiques reconnus du point
de vue individuel comme du point de vue de l’organisation.
De manière générale, les travaux s’accordent pour indiquer que les trois
composantes de l’implication organisationnelle inhibent les intentions de
quitter l’entreprise comme les départs effectifs (Allen & Meyer, 1996 ;
Bentein, Stinglhamber & Vandenberghe, 2000 ; Cooper-Hakim &
Viswesvaran, 2005 ; Meyer, Stanley, Herscovitch & Topolnytsky, 2002)
même si le pouvoir prédictif de l’implication affective s’avère plus robuste
(Chris, Maltin, Meyer, 2016).
Du point de vue de la performance au travail, l’implication
organisationnelle exerce également une influence bénéfique (Cooper-Hakim
& Viswesvaran, 2005). Les composantes affective et normative soutiennent,
en effet, la performance subjective au travail (performance autorapportée ;
Allen & Meyer, 1996). Néanmoins, lorsque la performance globale et le
potentiel de promotion sont évalués par le superviseur, c’est plus clairement
l’implication affective qui joue un rôle significatif et positif (Allen &
Meyer, 1996 ; Vandenberghe, 1998). En outre, elle renforce la performance
de rôle et la performance contextuelle (parfois qualifiée d’extra-rôle ;
Bentein et al., 2000).
Les dimensions affective et normative de l’implication soutiennent, par
ailleurs, la satisfaction au travail et la mise en œuvre de comportements de
citoyenneté organisationnelle (Allen & Meyer, 1996 ; Chris et al., 2016 ;
Cooper-Hakim & Viswesvaran, 2005 ; Meyer & Herscovitch, 2001 ; Meyer
et al., 2002).
Les effets de l’implication affective portent également sur d’autres aspects
organisationnels ou individuels vis-à-vis desquels les deux autres
dimensions de l’implication organisationnelle exercent des influences plus
faibles (pour la dimension normative), voire non significatives (pour la
dimension calculée ; Bentein et al., 2000 ; Meyer et al., 2002). Elle
soutient, par exemple, l’investissement dans l’emploi, l’engagement dans la
carrière (Allen & Meyer, 1996), et se traduit par une présence plus
constante au travail (i.e. moindre absentéisme, notamment pour des raisons
volontaires ; Bentein et al., 2000 ; Meyer & Herscovitch, 2001 ;
Vandenberghe, 1998).
Enfin, l’implication affective favorise les affects positifs, le bien-être
professionnel, la vigueur et le dévouement au travail10, la santé physique et
mentale, ou encore la satisfaction de vie (Meyer & Maltin, 2010 ; Chris et
al., 2016). Elle rendrait les employés plus résistants aux sources de stress
(en général ou relatives au travail), et serait négativement associée à
l’anxiété, à la dépression, à l’épuisement professionnel ou encore à la
perception de conflit travail-famille11 (Meyer & Maltin, 2010 ; Chris et al.,
2016 ; Meyer et al., 2002). Les résultats concernant les effets des
composantes normatives (effets plutôt positifs) et calculées (effets plutôt
négatifs) de l’implication organisationnelle étant à nouveau plus faibles
voire non significatifs.
Tableau 1.8 – Les conséquences de l’implication organisationnelle
Composante concernée Conséquences
Affective, normative, Intentions de quitter l’entreprise (+)
calculée Départs effectifs (+)
Performance subjective (+)
Affective et normative Comportements de citoyenneté organisationnelle (+)
Satisfaction au travail (+)
Performance intra et extrarôle
(+)
Investissement dans l’emploi
(+) Stress (–)
Vigueur et dévouement (+) Anxiété (–)
Engagement dans la carrière Dépression (–)
Affective
(+) Épuisement professionnel
Présence au travail (+) (–)
Affects positifs (+) Conflit travail-famille (–)
Bien-être professionnel (+)
Santé physique (+)
Satisfaction de vie (+)

4.3 Les sources d’implication


organisationnelle
Les trois composantes de l’implication organisationnelle étant
indépendantes (Allen & Meyer, 1996), elles sont influencées par des
facteurs spécifiques.
En ce qui concerne la dimension affective, les études indiquent que la
justice organisationnelle affecte cette composante. En effet, les employés
qui estiment être injustement traités sont moins affectivement impliqués
(Meyer et al., 2002). A contrario, la perception de justice organisationnelle
(interactionnelle, distributive et procédurale12) renforce l’implication
affective (Allen & Meyer, 1996 ; Bentein et al., 2000). Le support
organisationnel comme celui issu du groupe de travail ou encore des modes
de leadership de type transformationnel favorisent également cette
dimension de l’implication organisationnelle (Allen & Meyer 1996 ;
Bentein et al., 2000 ; Vandenberghe, 1998 ; Vandenberghe & Peiró, 1999).
Le sentiment de participer aux prises de décision, d’autonomie dans les
tâches accomplies, d’importance des contributions professionnelles,
l’adéquation entre attentes et réalité et la satisfaction des besoins des
salariés sont, eux aussi, positivement associés à l’implication affective
(Bentein et al., 2000 ; Vandenberghe, 1998). À l’inverse, la surcharge de
rôle, l’ambiguïté de rôle (vs la clarté de rôle) ou encore le conflit de rôle13
exercent une influence négative sur cette composante (Allen & Meyer,
1996 ; Vandenberghe, 1998).
La perception de justice organisationnelle, de soutiens organisationnels ou
sociaux, de considération du travail réalisé émanant de l’environnement
professionnel, des modes de leadership comme de la clarté de rôle agissent
également, mais dans une moindre mesure, sur le niveau d’implication
normative (Allen & Meyer, 1996 ; Meyer et al., 2002 ; Vandenberghe,
1998 ; Vandenberghe & Peiró, 1999).
Enfin, ce sont plus particulièrement les investissements temporels, les
efforts fournis ou encore l’acquisition de connaissances propres à
l’organisation de rattachement (vs le développement de compétences
transférables dans d’autres organisations) tout comme le manque de
disponibilité d’alternatives d’emploi à l’extérieur de l’entreprise qui
renforcent l’implication de continuité (Allen & Meyer, 1996 ; Bentein et al.,
2000).
Tableau 1.9 – Les sources d’implication organisationnelle
Valence Nature des sources Composante ciblée
des sources
Justice organisationnelle
Adéquation attentes-réalité
Participation aux prises de décision
Autonomie
Clarté de rôle
Sources
Importance des contributions Implication affective
favorables
Satisfaction des besoins
Support organisationnel
Soutiens sociaux de l’entourage
Considération professionnelle
Leadership transformationnel
Justice organisationnelle
Clarté de rôle
Sources Support organisationnel Implication
favorables Soutiens sociaux entourage normative
Considération du travail
Leadership transformationnel
Investissements temporels
Efforts fournis
Sources Implication
Acquisition de connaissances propres à
favorables de continuité
l’organisation
Manque de disponibilité d’alternatives d’emploi
Surcharge de rôle
Sources
Ambiguïté de rôle Implication affective
défavorables
Conflit de rôle

Outils de mesure mobilisables pour évaluer l’implication


organisationnelle
L’échelle développée par Allen & Meyer (1990 ; 1996) demeure l’un
des outils les plus populaires de mesure de l’implication
organisationnelle. Elle est composée de 18 items et permet
d’évaluer les trois composantes de l’engagement : affective,
normative, calculée.
Une version en langue française est disponible dans l’article de
Belghiti-Mahut & Briole (2004), qui confirment sa validité et sa
mesure selon trois dimensions (même s’ils retiennent finalement une
version épurée de l’échelle).
Pour aller plus loin
Premières lectures conseillées en langue française
Bentein, K., Stinglhamber, F., Vandenberghe, C. (2000).
L’engagement des salariés dans le travail, Revue québécoise de
psychologie, 21(3), p. 133-157.
Vandenberghe, C. (1998). L’engagement des salariés dans
l’entreprise : les liens entre le modèle tridimensionnel de Meyer et
Allen et le changement organisationnel par réduction de main-
d’œuvre. Interactions, 2(1), 35-53.
Pour aller plus loin
Allen, N. J. & Meyer, J. P. (1990). The measurement and
antecedents of affective, continuance and normative commitment
to the organization. Journal of Occupational Psychology, 63(1), 1-
18.
Allen, N.J. & Meyer, J.P. (1996). Affective, continuance, and
normative commitment to the organization : an examination of
construct validity. Journal of vocational behavior, 49(3), 252-276.
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Employee Commitment (p. 235-247). Cheltenham, UK : Edward
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Cooper-Hakim, A. & Viswesvaran, C. (2005). The construct of
work commitment : testing an integrative framework.
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Halbesleben, J. R. B. (2010). A meta-analysis of work
engagement : Relationships with burnout, demands, resources,
and consequences. In A. B. Bakker & M. P. Leiter (Eds.), Work
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(p. 102-117). New York, NY : Psychology Press.
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Meyer, J.P. & Maltin, E.R. (2010). Employee commitment and
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individual values : Their main and combined effects on work
attitudes and perceptions. European Journal of Work and
Organizational Psychology, 8(4), 569-581.

5. Satisfaction au travail

La satisfaction au travail (on trouve majoritairement le terme job


satisfaction dans la littérature anglophone) a donné lieu à un nombre très
important de travaux depuis plus d’une cinquantaine d’années, notamment
en psychologie du travail et des organisations. Certains auteurs considèrent
d’ailleurs qu’il s’agit du construit le plus étudié lorsque l’on s’intéresse aux
processus psychologiques et aux attitudes en contexte professionnel (Judge,
Weiss, Kammeyer-Mueller & Hulin, 2017).

5.1 Éléments de définition de la satisfaction


au travail
La définition de la satisfaction au travail la plus fréquemment mentionnée
dans la littérature scientifique de ce domaine est celle proposée par Locke
(1969, p. 316) : il s’agit d’un « état émotionnel agréable et positif résultant
de l’évaluation de son travail et de ses expériences au travail ».
L’insatisfaction au travail renvoie, quant à elle, à un « état émotionnel
désagréable résultant de l’évaluation de son travail comme frustrant ou
empêchant l’accomplissement des valeurs de son travail ou entraînant des
dévalues » (Locke, 1969, p. 316).
Si de nombreuses définitions ont été élaborées pour caractériser la
satisfaction au travail, les travaux s’accordent pour considérer qu’il s’agit
d’une attitude ou d’un jugement évaluatif (favorable vs défavorable) relatif
à différents aspects du travail (Weiss, 2002 ; Elfering, Odoni & Meier,
2016). Comme toute attitude, elle revêt une dimension cognitive et
affective. Bien que la dimension émotionnelle de la satisfaction au travail
(affects positifs vs négatifs vécus au travail) suscite un intérêt croissant
(e.g. Elfering et al, 2016 ; Judge, Weiss, Kammeyer-Mueller & Hulin,
2017), la plupart des études dans le domaine se sont davantage focalisées
sur sa dimension cognitive, c’est-à-dire sur l’évaluation que font les
travailleurs de leurs conditions de travail (e.g. degré d’autonomie), de leurs
relations avec leurs supérieurs et leurs collègues, de leur niveau de
rémunération, de leurs opportunités de carrière, etc. (Faragher, Cass &
Copper, 2005).

5.2 Les déterminants de la satisfaction


au travail
Les études menées sur la satisfaction au travail ont permis d’identifier
deux catégories de déterminants de satisfaction ou d’insatisfaction : d’une
part, les facteurs liés au travail et à son environnement psychosocial et,
d’autre part, les facteurs de niveau personnel.
En ce qui concerne les caractéristiques du travail, les travaux menés ont
très tôt souligné que la satisfaction au travail était principalement
déterminée par les caractéristiques du travail, c’est-à-dire par la nature du
travail et le contenu des tâches à accomplir (Hackman & Lawler, 1971 ;
Rentsch & Steel, 1992). Plusieurs études montrent, en effet, que plus les
tâches sont stimulantes et significatives (i.e. variées, importantes, suscitant
une identification, associées à une certaine autonomie et des retours
évaluatifs positifs), plus le degré de satisfaction des travailleurs est élevé
(Judge, Parker, Colbert, Heller & Ilies, 2001). Du point de vue des
déterminants liés à l’environnement organisationnel et social, la qualité des
relations entretenues avec l’entourage professionnel, la perception de
soutien social, la motivation au travail du salarié comme le style de
leadership développés par les managers (i.e. style « informationnel »
encourageant l’autonomie, la prise d’initiative et de décision) favorisent la
satisfaction au travail (e.g. Humphrey, Narghang & Morgeson, 2007 ;
Pelletier & Vallerand, 1996). La perception de justice organisationnelle
(i.e. distributive et procédurale14) est également un facteur encourageant la
satisfaction au travail (Cohen-Charash & Spector, 2001). Enfin, si le
système de récompense (promotions, reconnaissance matérielle et
financière, etc.) est reconnu comme favorisant la productivité des employés,
ses effets concernant la satisfaction sont plus mitigés (i.e. dépendant des
attentes relatives et de l’importance accordée aux récompenses), voire non
significatifs. Pour exemple, l’analyse comparative de niveau international
de Sousa-Poza et Sousa-Poza (2000) indique que le niveau de rémunération
est un déterminant important de satisfaction professionnelle mais qu’il n’est
classé qu’en troisième position (par ordre d’importance) après l’intérêt de
l’activité de travail et la qualité des relations professionnelles.
Du point de vue des déterminants individuels, de nombreuses études se
sont centrées sur le lien entre motivation et satisfaction. Elles montrent que
plus la motivation des individus est élevée et autodéterminée, plus elle
favorise la satisfaction au travail, la motivation non autodéterminée étant
associée à un faible niveau de satisfaction (Blais, Brière, Lachance, Riddle
& Vallerand, 1993 ; Richer, Blanchard & Vallerand, 2002). L’implication
organisationnelle est également reconnue comme soutenant la satisfaction
au travail (Semmer, Elfering, Baillod, Berset & Beehr, 2014). D’autres
travaux, enfin, soulignent les effets de l’interface entre vie de travail et vie
privée : la perception de conflit travail-famille étant positivement corrélée
au sentiment d’insatisfaction alors que la perception d’enrichissement entre
ces deux domaines15 encourage la satisfaction au travail (Kossek & Ozeki,
1998 ; McNall, Nicklin & Masuda, 2010).
Tableau 1.10 – Les déterminants de la satisfaction au travail
Professionnels Individuels
Tâches variées, importantes, suscitant une
identification Motivation élevée et
Autonomie autodéterminée
Feed-back évaluatifs positifs Implication organisationnelle
Qualité des relations professionnelles Enrichissement travail-famille
Soutien social
Motivation au travail Motivation non autodéterminée (–)
Leadership informationnel Conflit travail-famille (–)
Justice organisationnelle

5.3 Les conséquences de la satisfaction


au travail sur les comportements et la santé
des travailleurs
La question des conséquences de la satisfaction (ou de l’insatisfaction) au
travail a donné lieu à un grand nombre de recherches. La plupart d’entre
elles ont examiné les conséquences de la satisfaction ou au contraire de
l’insatisfaction au travail sur les comportements et la santé des travailleurs.
Du point de vue des comportements d’« effacement », la plupart des
études montrent que l’insatisfaction d’un employé est positivement liée à
l’absentéisme, à l’intention de quitter l’entreprise et au départ effectif de
l’entreprise (e.g. Semmer et al., 2014 ; Porter & Steers, 1973 ; Richer et al.,
2002 ; Tett & Meyer, 1993).
En ce qui concerne la performance, de nombreuses croyances reposent sur
l’idée que la satisfaction au travail est proportionnelle à l’effort fourni par le
travailleur (i.e. plus on est satisfait, plus on s’investit au travail). La méta-
analyse réalisée par Judge, Thorenson, Bono et Patton (2001) révèle
effectivement une corrélation positive et significative entre satisfaction et
performance, cette liaison restant cependant relativement limitée. Ce
résultat est compréhensible dans la mesure où plusieurs travaux mettent en
avant l’intervention d’autres facteurs (contextuels ou individuels) comme
venant modérer cette relation (e.g. Judge et al., 2001 ; Judge et al., 2017).
Des études complémentaires mentionnent les effets positifs de la
satisfaction au travail sur la mise en œuvre de comportements de
citoyenneté organisationnelle (i.e. notamment l’altruisme16 ; e.g. Paillé,
2008), l’insatisfaction étant, a contrario, source de comportements contre-
productifs (e.g. Kish-Gephart, Harrison & Treviño, 2010).
Enfin, du point de vue de ses effets au niveau individuel, la satisfaction au
travail est reconnue comme favorisant la santé psychique et physique des
travailleurs : un niveau élevé de satisfaction étant source de bien-être
général et de perception de santé mentale ; l’insatisfaction professionnelle
étant quant à elle positivement associée au stress, au burn-out, à l’anxiété et
à la dépression, ou encore aux troubles cardiovasculaires (e.g. Argyle,
2001 ; Faragher, Cass & Copper, 2005 ; Kenny, 2000).
Tableau 1.11 – Les conséquences de l’insatisfaction ou de la satisfaction au travail
Santé psychique
Comportements en milieu professionnel
et physique
Stress
Absentéisme
Burn-out
Intention de quitter l’entreprise
Insatisfaction Anxiété
Départ de l’entreprise
Dépression
Comportements contre-productifs
Troubles cardiovasculaires
Performance intrarôle Bien-être général
Satisfaction Comportements de citoyenneté Perception de santé
organisationnelle mentale

Outils de mesure mobilisables pour évaluer la satisfaction au


travail
Plusieurs instruments ont été élaborés afin d’appréhender la
satisfaction au travail (i.e. Warr Job Satisfaction Questionnaire, Job
Diagnostic Survey, Job Descriptive Index, Minnesota Satisfaction
Questionnaire, etc.). Une recension des différentes mesures de la
satisfaction au travail (mesures générales vs mesures à facettes ou
composites), de leurs intérêts et de leurs limites a été réalisée par
Castel, Durand-Delvigne et Lemoine (e.g. 2011a ; 2011b). L’adoption
d’une mesure générale vs d’une mesure multidimensionnelle de la
satisfaction fait toujours débat. Les travaux indiquent toutefois qu’un
score issu d’une mesure générale de satisfaction au travail
n’équivaut pas à un score calculé sur la base d’une mesure de
satisfaction relative à différentes facettes du travail (e.g. Judge,
Weiss, Kammeyer-Mueller & Hulin, 2017).
Pour exemples, une version du Job Descriptive Index (Mogenet,
1988) et une version du Minnesota Satisfaction Questionnaire
(Roussel, 1996) sont disponibles en langue française.

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Castel, D. (2016). Satisfaction au travail. In V. Gérard, M.E.
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Pour aller plus loin
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personnels encadrés : tentative de validation d’une traduction
française du Job Descriptive Index : essai de mise sur pied d’un
instrument de mesure adapté à une population française
d’employés et d’ouvriers. Revue de psychologie appliquée, 38(3),
253-271.
Paillé, P. (2008). Les comportements de citoyenneté
organisationnelle : une étude empirique sur les relations avec
l’engagement affectif, la satisfaction au travail et l’implication au
travail. Le travail humain, 71(1), 22-42.
Pelletier, L. & Vallerand, R. (1996). Supervisors’ beliefs and
subordinates’ intrinsic motivation : a behavioral confirmation
analysis, Journal of personnality and social psychology, 71, 331-
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Porter, L. W. & Steers, R. M. (1973). Organizational, work, and
personal factors in employee turnover and absenteeism.
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Richer, S. F., Blanchard, C. & Vallerand, R. J. (2002). A
motivational model of work turnover. Journal of Applied Social
Psychology, 32(10), 2089-2113.
Semmer, N. K., Elfering, A., Baillod, J., Berset, M. & Beehr, T. A.
(2014). Push and pull motivations for quitting : A three-wave
investigation of predictors and consequences of turnover.
Zeitschrift für Arbeits- und Organisationspsychologie, 58(4), 173-
185.
Sousa-Poza, A. & Sousa-Poza, A.A. (2000). Well-being at work : a
cross-national analysis of the levels and determinants of job
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Tett, R.P. & Meyer, J.P. (1993) Job Satisfaction, Organizational
Commitment, Turnover Intention, and Turnover : Path Analyses
Based on Meta-Analytic Findings. Personnel Psychology, 46, 259-
293.
1. Voir la notion d’implication organisationnelle ici.
2. Voir la notion d’engagement au travail ici.
3. Voir la notion de justice organisationnelle ici.
4. Voir la notion de comportements de citoyenneté organisationnelle (CCO) ici.
5. Voir la notion d’implication organisationnelle ici.
6. Voir la notion d’épuisement professionnel ici.
7. Ces deux notions seront abordées de manière détaillée dans cet ouvrage.
8. Voir la notion d’épuisement professionnel ici.
9. On trouvera également parfois le terme d’engagement organisationnel en fonction des traductions
du terme en français.
10. Voir la notion d’engagement au travail ici.
11. Voir la notion de rapports entre vie de travail et vie « hors travail » ici.
12. Voir la notion de justice organisationnelle ici.
13. Pour une définition de ces concepts, voir la notion de stress au travail ici.
14. Voir la notion de justice organisationnelle ici.
15. Voir la notion de rapports entre vie de travail et vie « hors travail » ici.
16. Voir la notion de comportements de citoyenneté organisationnelle (CCO) ici.
Chapitre 2

COMPORTEMENTS EN
CONTEXTE PROFESSIONNEL
1. Socialisation organisationnelle
2. Comportements de citoyenneté organisationnelle
3. Comportements déviants au travail
4. Usages professionnels des technologies
numériques
1. Socialisation organisationnelle

La socialisation organisationnelle (organizational socialisation,


onboarding) est un thème qui préoccupe les chercheurs comme les acteurs
de terrain étant donné les coûts afférents à l’intégration de nouveaux
membres (e.g. recrutement, sélection, formation) et les conséquences non
négligeables de la socialisation sur l’ajustement des employés
(e.g. efficacité professionnelle et maintien au sein de l’organisation). Elle
intéresse également les scientifiques et les professionnels dans la mesure où
la mobilité interorganisationnelle est, de nos jours, relativement fréquente
au cours de la carrière.

1.1 Éléments de définition de la socialisation


organisationnelle et indicateurs
d’un ajustement réussi
La socialisation organisationnelle peut être définie comme un processus au
travers duquel des employés qui viennent d’intégrer une organisation
deviennent des acteurs à part entière de cette organisation (passage du statut
d’outsider ou statut d’insider ; Bauer & Erdogan, 2011). Ce processus passe
par l’ajustement au nouvel environnement de travail, par l’acquisition de
connaissances et par l’apprentissage de comportements, d’attitudes et de
compétences nécessaires à l’accomplissement de son rôle et à un
fonctionnement efficace au sein de l’organisation.
Les travaux s’accordent pour considérer quatre indicateurs d’une
socialisation réussie (newcomer adjustment ou newcomer accommodation ;
Bauer, Bodner, Erdogan, Truxillo & Tucker, 2007 ; Bauer & Erdogan,
2011) : la clarté de rôle, l’autoefficacité professionnelle, le fait d’être
accepté par ses pairs et la connaissance de la culture organisationnelle.

1.2 Les tactiques de socialisation


L’un des modèles théoriques de la socialisation organisationnelle le plus
développé est celui proposé par Van Maanen & Schein (1979). Ce modèle
caractérise les dispositifs de socialisation organisationnelle à partir d’une
typologie comprenant six tactiques : formelle (vs informelle), collective (vs
individuelle), séquentielle (vs non séquentielle), phase fixe (vs variable),
sérielle (vs disjointe), favorisant l’investissement du soi (i.e. valorisation ;
vs le désinvestissement du soi, i.e. conformité) au profit de l’organisation.
Chacune de ces tactiques se situe ainsi sur un continuum comprenant deux
extrémités opposées.
D’après Jones (1986), les tactiques de socialisation institutionnalisées
(i.e. formelles) renvoient à l’implémentation de programmes progressifs
comprenant plusieurs étapes (i.e. séquentielles) au travers desquelles
l’entreprise explique aux nouveaux entrants en quoi consiste leur rôle,
quelles sont les normes de l’entreprise et comment ils peuvent agir en son
sein sans renoncer à leur identité (i.e. investissement du soi). Les nouveaux
entrants bénéficient ainsi d’activités et de séquences d’accueil et de
formation, de l’accompagnement d’employés expérimentés (i.e. sériel),
pendant une période prédéterminée (i.e. fixe) au cours de laquelle ils sont
régulièrement réunis entre eux (i.e. tactique collective).
Au contraire, dans le cas de tactiques de socialisation individuelles, les
nouveaux recrutés prennent immédiatement leur poste et doivent par eux-
mêmes acquérir les informations et les connaissances nécessaires pour
s’intégrer socialement et s’ajuster à leur nouvel environnement
professionnel (i.e. socialisation informelle, non séquentielle, variable,
disjointe voire de désinvestissement). Ces dernières révèlent l’absence de
structuration de la socialisation au sein de l’organisation, et se rapprochent
davantage d’une socialisation par défaut, souvent source d’incertitude et
d’anxiété pour le nouvel entrant (Jones, 1986).
Tableau 2.1 – Les tactiques de socialisation organisationnelle
Institutionnalisées Individuelles
Formelle Informelle
Collective Individuelle
Séquentielle Non séquentielle
Fixe Variable
Sérielle Disjointe
Investissement du soi Désinvestissement du soi
1.3 Les comportements de socialisation
organisationnelle
Bien que l’organisation de travail se doive de proposer un environnement
professionnel favorable à l’ajustement rapide et efficace des nouveaux
entrants (i.e. ajustement au nouveau rôle professionnel et à la culture
d’entreprise) les employés récemment recrutés vont également déployer des
comportements leur permettant de comprendre ce qu’on attend d’eux, de
négocier leur rôle, de s’approprier les normes et valeurs de l’organisation et
de s’intégrer au sein de leur équipe de travail.
Même si selon les approches considérées leur nombre et leur nature
varient, les modèles de la socialisation organisationnelle ont identifié trois
principaux types de comportements mis en œuvre par les employés
récemment recrutés (Morrison, 1993 ; Morrison & Vancouver, 2002 ;
Wanberg & Kammeyer-Mueller, 2000) : la recherche d’information, la
recherche de feed-back et la construction d’un réseau de relations.
Les comportements de recherche d’informations visent l’acquisition de
connaissances et de compétences concernant les différents aspects du
métier, les procédures à suivre, les objectifs prioritaires, la culture
d’entreprise (i.e. informations techniques, de référence, relationnelles et
politiques, normatives et organisationnelles). Ces comportements peuvent
varier par leur fréquence de mise en œuvre, renvoyer à différentes modalités
(e.g. observation, demande directe, expérimentation personnelle), à
différents supports (e.g. documentation, livret d’accueil, Intranet) et, en cas
de demandes directes, ils peuvent s’adresser à différentes sources
(e.g. pairs, supérieur, clients).
Les comportements de recherche de feed-back ont pour objectif d’évaluer
si les comportements mis en œuvre sont appropriés et/ou dans quelle
mesure ils doivent être modifiés afin de répondre aux attentes de
l’organisation et de l’entourage professionnel. Il peut s’agir de demandes
proactives à l’adresse de pairs ou du supérieur ou de rétroactions intégrées à
des supports institutionnalisés (rencontres programmées, centres d’appels,
espaces en ligne).
Enfin, la construction d’un réseau relationnel est une dimension
importante de la socialisation des nouveaux entrants. Il s’agit de se créer
des opportunités d’interagir et de communiquer avec les collègues ou les
supérieurs, de nouer avec eux des relations, que ce soit dans des contextes
formels (i.e. activités ou événements organisés par l’entreprise) ou
informels (e.g. pauses-café ou déjeuner).

1.4 Caractéristiques individuelles et sociales


favorisant l’ajustement à l’organisation
En complément des dispositifs de socialisation développés au sein des
organisations et à même de soutenir l’ajustement des nouvelles recrues
(i.e. tactiques de socialisation), certaines caractéristiques individuelles
(propres aux arrivants) vont faciliter l’ajustement à l’organisation de travail.
Les employés ayant des personnalités proactives ont le désir de contrôler
leur environnement et vont donc davantage mettre en œuvre des
comportements proactifs (e.g. recherche d’informations) qui vont leur
permettre de s’ajuster plus rapidement et efficacement à leur nouvelle
organisation de travail (i.e. intégration sociale, maîtrise de la tâche,
connaissance des politiques ; Kammeyer-Mueller & Wanberg, 2003 ; Bauer
& Erdogan, 2011). Il est également admis que les nouveaux entrants
présentant des profils de personnalité avec une ouverture d’esprit et une
extraversion élevées déploient davantage des comportements de recherche
d’information et de feed-back, abordent les nouvelles situations de travail
comme des opportunités (plutôt que comme des menaces) et développent
plus aisément des relations avec l’entourage professionnel (Kammeyer-
Mueller & Wanberg, 2003 ; Bauer & Erdogan, 2011). Enfin, les personnes
qui ont de l’expérience professionnelle, des croyances d’efficacité
professionnelle élevées et qui ont connu plusieurs changements
d’organisation au cours de leur carrière ont plus de facilité à déployer des
comportements d’ajustement appropriés et ressentent moins d’anxiété et de
stress au cours de leur période d’entrée dans l’organisation d’accueil (Bauer
& Erdogan, 2011 ; Saks & Ashforth, 1997).
Les travaux dans ce domaine mentionnent, par ailleurs, les effets positifs
du soutien social offert par l’organisation comme par l’entourage
professionnel (supérieur, pairs, équipe de travail) dans la mise en œuvre de
comportements proactifs de socialisation (Fang, Duffy & Shaw, 2011 ; Saks
& Ashforth, 1997).
Tableau 2.2 – Les caractéristiques favorables à l’ajustement organisationnel
Individuelles Sociales
Personnalité proactive
Personnalité ouverte d’esprit Support organisationnel
Personnalité extravertie Soutien social supérieur
Expérience professionnelle antérieure Soutien social collègues
Autoefficacité professionnelle Soutien social équipe
Mobilité interorganisationnelle antérieure

1.5 Les conséquences d’une socialisation


organisationnelle efficace
et institutionnalisée
Les conditions et modalités de socialisation organisationnelle impactent
directement les attitudes et comportements des nouveaux entrants et, par
conséquent, l’efficacité et la réussite des organisations.
En effet, le bon ajustement des employés récemment recrutés (i.e. mise en
œuvre de comportements proactifs appropriés) affecte directement et
positivement leur insertion sociale, leurs croyances d’efficacité
professionnelle, leurs performances, leur satisfaction au travail et leur
implication organisationnelle, tout en les préservant du stress au travail et
en inhibant leurs comportements de retrait (absentéisme et turnover ; Bauer
et al., 2007 ; Bauer & Erdogan, 2011).
Les études issues de la littérature scientifique dans ce domaine précisent,
en outre, que le déploiement de dispositifs institutionnalisés de socialisation
(i.e. tactique formelle, collective, séquentielle, fixe, sérielle,
d’investissement du soi) a des retombées plus favorables pour
l’organisation (que des dispositifs non institutionnalisés et non structurés).
En effet, ces dispositifs sont propices à la qualité de l’ajustement
(e.g. période moins marquée par l’incertitude et l’anxiété, clarté de rôle et
faible conflit de rôle) et favorisent, dans un second temps, certaines
attitudes et certains comportements des nouveaux entrants (e.g. attitudes
plus positives, performance, implication organisationnelle et satisfaction
plus élevées, mise en œuvre de comportements innovants, intentions de
départ moins prononcées ; Allen, 2006 ; Bauer et al., 2007 ; Saks &
Ashforth, 1997 ; Saks, Uggerslev & Fassina, 2007).
Tableau 2.3 – Les conséquences d’une socialisation organisationnelle réussie
En termes d’accroissement (+) En termes d’inhibition (–)
Clarté de rôle
Conflit de rôle
Attitudes positives
Stress
Croyances d’efficacité professionnelle
Incertitude
Satisfaction au travail
Anxiété
Implication organisationnelle
Intentions de départ
Insertion sociale
Absentéisme
Performance
Turnover
Comportements innovants

Outils de mesure mobilisables pour évaluer la socialisation


organisationnelle
La socialisation organisationnelle a suscité l’élaboration d’un très
grand nombre d’instruments de mesure distinguant des dimensions,
des processus et des niveaux relativement hétérogènes de
socialisation (e.g. échelle de Chao, O’Leary-Kelly, Wolf, Klein &
Gardner, 1994 ; échelle de Anakwe & Greenhaus, 1999 ; échelle de
Haueter, Macan & Winter, 2003).
Néanmoins la critique principale que l’on peut adresser à ces outils
est qu’ils peinent à rendre compte de la dynamique temporelle du
processus de socialisation.
À partir d’un état des lieux des outils existants, Perrot et Campoy
(2009) ont élaboré une échelle de mesure de la socialisation
organisationnelle en langue française. Elle appréhende le processus
d’apprentissage (24 items) et d’intériorisation (24 items) relatifs à
l’entreprise, à l’équipe et aux tâches.

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Guerfel-Henda, S., El Abboubi, M. & El Kandoussi, F. (2012). La
socialisation organisationnelle des nouvelles recrues. Revue
Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, 4(4), 57-73.
Lacaze, D. & Fabre, C. (2005). Présentation du concept de
socialisation organisationnelle. In N. Delobbe, O. Herrbach, D.
Lacaze & K. Mignonac (éds.), Comportement organisationnel,
volume I (p. 273-302). Bruxelles : De Boeck.
Perrot, S., Boussaguet, S., Valero-Mantione, G., Charles-Pauvers,
B. & Peyrat-Guillard, D. (2005). Prolongements théoriques et
pratiques de la socialisation organisationnelle et individuelle. In N.
Delobbe, O. Herrbach, D. Lacaze & K. Mignonac (éds.),
Comportement organisationnel, volume I (p. 303-339). Bruxelles :
De Boeck.
Pour aller plus loin
Allen, D. G. (2006). Do Organizational Socialization Tactics
Influence Newcomer Embeddedness and Turnover ? Journal of
Management, 32(2), 237-256.
Anakwe, U. P. & Greenhaus, J. H. (1999). Effective socialization of
employees : Socialization content perspective. Journal of
Managerial Issues, 11(3), 315-329.
Bauer, T. N., Bodner, T., Erdogan, B., Truxillo, D. M. & Tucker, J.
S. (2007). Newcomer Adjustment during Organizational
Socialization : A Meta-Analytic Review of Background, Outcomes,
and Methods. Journal of Applied Psychology, 92(3), 707-721.
Bauer, T. N. & Erdogan, B. (2011). Organizational socialization :
The effective onboarding of new employees. In S. Zedeck, H.
Aguinis, W. Cascio, M. Gelfand, K. Leung, S. Parker & J. Zhou
(eds.). APA Handbook of I/O Psychology, volume III (p. 51-64).
Washington, DC : APA Press.
Chao, G. T., O’Leary-Kelly, A. M., Wolf, S., Klein, H. J. & Gardner,
P. D. (1994). Organizational Socialization : Its Content and
Consequences. Journal of Applied Psychology, 79(5), 730-743.
Fang, R., Duffy, M. K. & Shaw, J. D. (2011). The organizational
socialization process : Review and development of a social capital
model. Journal of Management, 37(1), 127-152.
Haueter, J. A., Macan, T. H. & Winter, J. (2003). Measurement of
newcomer socialization : Construct validation of a
multidimensional scale. Journal of Vocational Behavior, 63(1), 20-
39.
Jones, G. R. (1986). Socialization tactics, self-efficacy, and
newcomers’ adjustments to organizations. Academy of
Management Journal, 29(2), 262-279.
Kammeyer-Mueller, J. D. & Wanberg, C. R. (2003). Unwrapping
the organizational entry process : Disentangling multiple
antecedents and their pathways to adjustment. Journal of Applied
Psychology, 88(5), 779-794.
Morrison, E. W. (1993). Longitudinal study of the effects of
information seeking on newcomer socialization. Journal of Applied
Psychology, 78(2), 173-183.
Morrison, E. W. & Vancouver, J. B. (2000). Within-person analysis
of information seeking : The effects of perceived costs and
benefits. Journal of Management, 26(1), 119-137.
Perrot, S. & Campoy, E. (2009). Développement d’une échelle de
mesure de la socialisation organisationnelle : une approche
croisée entre processus et contenus. Revue de Gestion des
Ressources Humaines, 71, 23-42.
Saks, A. M. & Ashforth, B. E. (1997). Organizational socialization :
Making sense of the past and present as a prologue for the future.
Journal of Vocational Behavior, 51(2), 234-279.
Saks, A. M., Uggerslev, K. L. & Fassina, N. E. (2007).
Socialization tactics and newcomer adjustment : A meta-analytic
review and test of a model. Journal of Vocational Behavior, 70(3),
413-446.
Van Maanen, J. & Schein, E. H. (1979). Toward of Theory of
Organizational Socialization. In B.M. Staw (ed.), Research in
Organizational Behavior (p. 209-264). Greenwich, CT : JAI Press.
Wanberg, C. R. & Kammeyer-Mueller, J. D. (2000). Predictors and
outcomes of proactivity in the socialization process. Journal of
Applied Psychology, 85(3), 373-385.

2. Comportements de citoyenneté
organisationnelle

La performance au travail est un thème très largement étudié. Elle a donné


lieu à un intérêt particulier pour une catégorie de comportements
(i.e. indicateur de la performance au travail), les Comportements de
Citoyenneté Organisationnelle (i.e. CCO ; Organizational Citzenship
Behavior, OCB) qui sont reconnus comme facilitant le fonctionnement
d’une organisation de travail.

2.1 Éléments de définition, dimensions


et bénéficiaires des CCO
La performance au travail peut être déclinée selon deux composantes
(Bergeron, Shipp, Rosen & Furst, 2013 ; Lepine, Erez & Johnson 2002) :
– la performance dans la réalisation de la tâche, parfois qualifiée de
performance intrarôle ;
– la performance contextuelle ou performance extra-rôle, qualifiée selon
les études de comportements discrétionnaires, de comportements
prosociaux ou de Comportements de Citoyenneté Organisationnelle
(CCO).

Les comportements de citoyenneté organisationnelle ont donné lieu à


différentes définitions.
La définition la plus souvent citée dans les études scientifiques de ce
domaine est celle proposée par Organ (1997, p. 95) : « comportements qui
soutiennent l’environnement psychosocial au sein duquel la performance se
déploie ». Il précise qu’il s’agit de « comportements individuels
discrétionnaires, qui ne sont pas directement ou explicitement reconnus par
le système formel de récompense, et qui promeuvent globalement le
fonctionnement efficace et performant des organisations » (Organ,
Podsakoff & MacKenzie, 2006, p. 3).
Dans l’approche développée par Organ et ses collaborateurs, les CCO sont
des comportements émis par le salarié, sous son contrôle et délibérés,
orientés par des processus cognitifs (i.e. jugements évaluatifs). Ainsi, un
employé qui se sent bien traité par son organisation de travail s’engagera
davantage dans des comportements de citoyenneté organisationnelle pour
maintenir un équilibre dans sa relation sociale d’échange avec l’employeur.
Les CCO peuvent se décliner selon cinq dimensions (Organ, 1988 ;
Podsakoff, MacKenzie, Moorman & Fetter, 1990) : l’altruisme, la
conscience professionnelle, l’esprit d’équipe, la courtoisie et la vertu
civique. D’autres auteurs ont proposé des taxonomies sensiblement
différentes mais au sein desquelles on retrouve en général les dimensions
identifiées par Organ (Lepine, Erez & Johnson 2002). Podsakoff,
MacKenzie, Paine et Bachrach (2000) montrent que sept dimensions au
total se dégagent de manière transversale de la revue de la littérature
scientifique dans ce domaine : les comportements d’aide, l’esprit d’équipe,
la loyauté organisationnelle, la conformité aux normes organisationnelles,
les initiatives individuelles, la vertu civique et le développement du soi
professionnel.
Les auteurs se sont finalement accordés pour différencier les CCO en
fonction de leurs bénéficiaires (e.g. Williams & Anderson, 1991) : ils
distinguent les CCO qui ciblent les individus (CCO-I) à orientation
interpersonnelle (par exemple aider volontairement un collègue de travail)
de ceux qui ciblent l’organisation de travail dans son ensemble (CCO-O) à
orientation organisationnelle (par exemple faire les louanges de son
organisation de travail auprès de personnes extérieures). D’après Lee et
Allen (2002), les CCO-O sont plutôt sous-tendus par des processus
cognitifs (recherche d’équité, de maintien d’un équilibre dans la relation
d’échange social entre l’employé et l’employeur) alors que les CCO-I sont
davantage orientés par des affects (expression de l’état d’esprit et des
émotions ressenties au travail).
Bien que les auteurs considèrent théoriquement que ces deux dimensions
sont étroitement liées mais distinctes, plusieurs travaux soulignent le
manque de résultats empiriques justifiant la subdivision du construit en
plusieurs sous-dimensions (le calcul d’un score composite étant plus
fréquemment privilégié, e.g. Lepine, Erez & Johnson 2002).
Tableau 2.4 – Les différentes déclinaisons des CCO
Dimensions Cibles
Altruisme
Esprit d’équipe
Loyauté organisationnelle Interpersonnelle (autres salariés)
Conformité aux normes
organisationnelles Organisationnelle (organisation dans son
Initiatives individuelles ensemble)
Vertu civique
Développement du soi professionnel

2.2 Les déterminants de la mise en œuvre


de CCO
La perception de justice organisationnelle, la satisfaction au travail ou
relative aux tâches professionnelles, l’implication organisationnelle, le
soutien social organisationnel comme le soutien social provenant du
supérieur, la cohésion au sein de l’équipe de travail, l’entretien de relations
de proximité ou de confiance avec le manager, le leadership
transformationnel, la clarté de rôle, le fait de bénéficier de feed-back
évaluatifs et les affects positifs encouragent la mise en œuvre de CCO
(Dalal, 2005 ; Lam ; Liang, Ashford & Lee, 2015 ; Lepine, Erez & Johnson
2002 ; Organ, 1988 ; Podsakoff et al., 2000 ; Wayne, Shore & Liden, 1997).
A contrario, l’ambiguïté de rôle, le conflit de rôle, la réalisation de tâches
considérées comme routinières, la rupture du contrat psychologique
(i.e. promesses non tenues par l’organisation), les affects négatifs ressentis
au travail ou encore des formes d’organisation du travail perçues comme
rigides voire inflexibles comme des modes de leadership centrés sur la
définition et le respect des procédures entraînent un déclin des CCO (Dalal,
2005 ; Podsakoff et al., 2000 ; Zhao, Wayne, Glibkowski & Bravo, 2007).
L’insécurité dans l’emploi, quant à elle, oriente les CCO selon une relation
plus complexe de type curvilinéaire (U) : les employés qui perçoivent le
moins et le plus d’insécurité dans l’emploi sont ainsi ceux qui déploient le
plus de CCO (Lam, Liang, Ashford & Lee, 2015). Si la sécurité dans
l’emploi favorise logiquement la performance extra-rôle, il semble qu’une
forte insécurité puisse engendrer la mise en œuvre de comportements
proactifs de la part des employés dans la perspective que l’organisation
s’engage par la suite dans un échange social de réciprocité (Lam, Liang,
Ashford & Lee, 2015).
Des travaux complémentaires ont cherché à appréhender et à expliquer
certaines sous-dimensions des CCO. Lee et Allen (2002) ont montré que les
affects positifs ressentis au travail (e.g. gaieté, assurance, prévenance)
soutenaient les CCO-I alors que les cognitions de nature intrinsèque
(e.g. variété et utilité perçues des tâches, satisfaction vis-à-vis du travail)
encouragent les CCO-O. Paillé (2008) a montré, pour sa part, que la
satisfaction au travail favorisait uniquement les comportements d’altruisme
tandis que l’implication organisationnelle stimule spécifiquement les vertus
civiques.
Tableau 2.5 – Les déterminants des CCO
Activateurs (+) Inhibiteurs (–)
Clarté de rôle
Feed-back évaluatifs
Affects positifs Ambiguïté de rôle
Justice organisationnelle Conflit de rôle
Support organisationnel Tâches routinières
Satisfaction professionnelle Organisations du travail rigide ou
Implication organisationnelle inflexible
Soutien social supérieur Rupture du contrat psychologique
Relations de proximité ou de confiance avec le Affects négatifs
manager Leadership centré sur les procédures
Leadership transformationnel
Cohésion d’équipe

2.3 Les effets du déploiement de CCO


Les études soulignent généralement les effets bénéfiques des CCO, tant du
point de vue organisationnel, groupal, qu’individuel.
Les travaux montrent ainsi que les CCO contribuent à l’efficacité
organisationnelle (e.g. niveau de production en termes quantitatifs et
qualitatifs, de niveau de satisfaction des clients vs nombre de plaintes)
comme à la performance quantitative et qualitative des collectifs de travail
(Podsakoff, Ahearne & MacKenzie, 1997 ; Podsakoff et al., 2000).
La mise en œuvre de CCO est, par ailleurs, positivement associée à la
performance intrarôle, à l’appréciation subjective du niveau de performance
de l’employé (e.g. jugements évaluatifs émis par le superviseur ou, plus
rarement, par les pairs), aux augmentations de salaires ou aux primes
attribuées ainsi qu’aux recommandations (de primes, d’augmentation de
salaire ou de promotion) émises par les managers (e.g. Allen & Rush 2001 ;
Hoffman, Blair, Meriac & Woehr, 2007 ; Podsakoff et al., 2000).
Néanmoins Bergeron et al. (2013) nuancent ces résultats en montrant que
ces relations dépendent du contexte organisationnel et des critères
d’appréciation de la performance associés. Leur étude montre, en effet, que
les CCO sont valorisés et donnent lieu à une meilleure appréciation de la
performance dans les systèmes d’évaluation centrés sur les comportements.
En revanche, dans les systèmes d’évaluation de la performance davantage
centrés sur les résultats, bien que l’évaluation subjective de la performance
soit positivement influencée par la mise en œuvre de CCO, le temps
consacré au déploiement de ces comportements impacte négativement la
performance intrarôle, l’augmentation de salaire ou la vitesse de
progression dans la carrière (obtention d’une promotion).
Tableau 2.6 – Les effets des CCO
Au niveau organisationnel Au niveau individuel
Performance
Production
Salaire
Satisfaction client (vs plaintes)
Prime
Performance collective
Promotion

Outils de mesure mobilisables pour évaluer les CCO


De nombreux instruments de mesure ont été élaborés pour
appréhender les CCO étant donné la multiplicité de leur
conceptualisation (variété des sous-dimensions possibles). On peut
citer, par exemple, l’échelle de Podsakoff et al. (1990), qui mesure
l’altruisme, la conscience professionnelle et la vertu civique, ou
encore celle de Williams et Anderson (1991), qui différencie les CCO
en fonction de leur cible (organisation vs individus).
Plus récemment, Desrumaux, Léoni, Bernaud et Defrancq (2012) ont
développé et validé une échelle en français permettant de mesurer
les comportements prosociaux en milieux professionnels. Ils
distinguent, pour leur part, quatre sous-dimensions : la mobilisation-
dynamisation-autonomisation (5 items), la prosocialité de propriété
(5 items), la prosocialité de production et politique (4 items) et, enfin,
les comportements d’aide (4 items).

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Desrumaux, P., Léoni, V., Bernaud, J. & Defrancq, C. (2012). Les
comportements pro- et antisociaux au travail : une recherche
exploratoire testant deux échelles de mesure et leurs liens avec
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Pour aller plus loin
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3. Comportements déviants au travail

Les études qui se sont centrées sur les comportements antisociaux ou


comportements déviants au travail (CDT, i.e. Workplace Deviance
Behavior, WDB) sont plus récentes que celles relatives aux CCO. Elles ont
été engagées à la suite de la prise de conscience de la prégnance et de
l’importance de ces comportements au sein des organisations de travail
mais aussi des coûts qu’ils peuvent générer (e.g. Bennett & Robinson,
2000).

3.1 Les comportements déviants au travail


D’après certains auteurs (e.g. Rotundo & Sackett, 2002), les
comportements déviants au travail (CDT) constitueraient une troisième
composante de la performance au travail (les deux autres composantes étant
la performance intrarôle et les CCO). Cette composante est, dans ce cas, de
valence négative.
Les CDT sont considérés comme des « comportements volontaires, mis en
œuvre par des membres de l’organisation, qui transgressent
significativement les normes organisationnelles et, de ce fait, menacent le
bien-être de l’organisation, de ses membres ou des deux » (Robinson &
Bennett, 1995, p. 556). Il est important de souligner que de nombreux
auteurs ont longtemps employé de manière indifférenciée les concepts de
« comportements déviants » et de « comportements contre-productifs »
(Counterproductive Work Behavior, CWB), laissant sous-entendre que la
déviance était contre-productive (nous verrons ci-après qu’une autre
perspective, plus récente, vient nuancer cette approche).
Bennett et Robinson (2000 ; 2003) ont montré que, comme pour les CCO,
on pouvait distinguer deux formes de CDT : ceux qui visent l’organisation
de travail dans son ensemble (CDT-O, comportements inappropriés ou qui
ne répondent pas aux exigences minimales du système organisationnel) et
ceux de niveau interpersonnel (CDT-I, comportements qui sont nuisibles
pour les autres membres de l’organisation).
Certains auteurs vont plus loin (e.g. Heckert & Heckert, 2002) et
considèrent que les CCO-I et le CDT-I d’une part, comme les CCO-O et les
CDT-O d’autre part, s’inscrivent chacun à l’extrémité d’un continuum et
seraient négativement corrélés. La méta-analyse réalisée par Dalal (2005)
montre qu’il y a bien un lien négatif entre les CCO et les CDT (qu’ils soient
appréhendés dans une perceptive générale ou selon deux facettes) mais que
cette relation reste modeste. Autrement dit, un même employé pourrait être
amené à déployer des CCO et des CDT, les deux types de comportements
ne s’excluant pas systématiquement.
Finalement, plusieurs travaux soulignent que si les comportements contre-
productifs ont une structure hiérarchique (deux dimensions), une
perspective unidimensionnelle est plus à même de rendre compte du
construit (calcul d’un facteur général ; Marcus, Schuler, Quell & Hümpfner,
2002 ; Sackett, 2002).

3.2 Les antécédents des comportements


déviants au travail
Robinson et Bennett (1997) estiment que deux types de motifs sont à
l’origine de ces comportements. Les comportements déviants en milieux
professionnels (i.e. contre-productifs) peuvent renvoyer à une tentative de
réduire un déséquilibre perçu en réajustant la situation, restaurant une
relation d’équité ou améliorant la situation actuelle (i.e. motif
instrumental) : par exemple, un employé qui prend des pauses fréquentes et
longues, ou bien qui s’absente volontairement, car il estime être trop peu
payé et décide donc de s’investir temporellement à hauteur de la rétribution
financière qu’il perçoit. Ces comportements peuvent également traduire le
besoin d’évacuer, de se libérer ou d’exprimer un sentiment d’indignation,
de colère ou de frustration (i.e. motif expressif) : par exemple, un employé
qui a subi des insultes ou qui se trouve sous pression émettra des
comportements agressifs envers des collègues, des clients, l’organisation de
travail et/ou des membres de son entourage familial.
Dans le prolongement de cette approche, les travaux empiriques centrés
sur les CDT indiquent que la rigidité des politiques organisationnelles, la
perception d’injustice organisationnelle, la dés-identification
organisationnelle (i.e. forte opposition à l’organisation), des niveaux de
rétribution insatisfaisants (salaire, prime), l’insatisfaction au travail, un
faible niveau d’implication organisationnelle, ou encore le fait
d’expérimenter des affects négatifs (vs positifs) en contexte professionnel
favorisent la mise en œuvre de comportements déviants au travail (Berry,
Ones & Sackett, 2007 ; Dalal, 2005 ; Lee & Allen, 2002, Martinko,
Gundlach & Douglas, 2002 ; Vadera & Pratt, 2013).
Tableau 2.7 – Les antécédents des CDT
Motifs Facteurs
Rigidité politique organisationnelle
Perception d’injustice organisationnelle
Instrumental Dés-identification organisationnelle
Rétribution insatisfaisante
Expressif Affects négatifs
Insatisfaction au travail
Faible implication organisationnelle

3.3 La déviance constructive


Des travaux récents se sont intéressés à la notion de déviance constructive
(Constructive Deviance) au sein des organisations de travail. Ils soulignent
le fait que l’écart à la norme peut être bénéfique et contribuer à l’efficacité
des organisations, le respect strict des normes inhibant les comportements
d’innovation (mobilisés notamment dans la résolution de problèmes),
pourtant indispensables au bon fonctionnement et à la survie des
organisations de travail (e.g. Galperin, 2003 ; Warren, 2003).
D’après Galperin (2003, p. 158), la déviance constructive renvoie « aux
comportements qui transgressent de manière significative les normes
organisationnelles et, ce faisant, contribuent au bien-être des organisations,
de ses membres ou des deux ». Warren (2003, p. 628) complète la définition
précédente en précisant qu’il s’agit de « comportements qui dévient des
normes du groupe de référence mais qui restent conformes aux
hypernormes », les hypernormes étant des conceptions et valeurs plus
profondes. Reprenant à leur compte ces deux définitions, Vadera, Pratt et
Mishra (2013) ajoutent que le groupe de référence peut être l’organisation
de travail, le service ou l’équipe de travail.
La déviance constructive se réfère à un large panel de comportements
examinés dans la littérature (Vadera et al., 2013) : la dissidence
organisationnelle, les comportements contre-rôle, le radicalisme tempéré, la
dénonciation, l’expression de son opinion, la désobéissance fonctionnelle
ou créative, la transgression de règles à visée pro-sociale, etc.
Le déploiement de comportements de déviance constructive est
directement encouragé par la motivation intrinsèque, le sentiment
d’obligation envers l’organisation et/ou ses membres et l’émancipation
psychologique, processus qui sont eux-mêmes soutenus par des modes de
leadership transformationnels, la perception de soutien social provenant des
collègues, du supérieur ou de support organisationnel, l’attachement au
groupe de travail, le sentiment de justice procédurale1, le sentiment
d’autoefficacité professionnelle, etc. (ils exercent donc une influence
indirecte sur l’émission de ce type de comportements ; Vadera et al., 2013).
Les études focalisées sur les effets de la déviance constructive sont encore
rares et leurs résultats mitigés. Certaines mentionnent leurs effets positifs
(e.g. l’expression de l’opinion permet de renforcer l’appréciation de
performance ; Whiting, Podsakoff & Pierce, 2008) alors que d’autres
mettent en avant leurs conséquences négatives (e.g. la dénonciation génère,
par exemple, une mauvaise image au sein de l’organisation, une évaluation
subjective plus négative de la performance, des représailles de la part de
l’entourage professionnel ; Miceli, Near & Dworkin, 2008). D’après Vadera
et al. (2013), leurs conséquences seraient, entre autres, modérées par la
manière dont la personne met en œuvre ces comportements (approche
individuelle vs collective), selon sa capacité à mobiliser d’autres membres
de l’organisation dans le développement de ces comportements (e.g. mise
en réseau, recherche de coalition ou d’alliances).
Finalement, à la lumière de cette seconde série de travaux sur les
comportements organisationnels de déviance, on comprend la nécessité de
distinguer explicitement les comportements de déviance destructive
(i.e. comportements contre-productifs) de ceux rattachés à la déviance
constructive.
Tableau 2.8 – Les déterminants et les effets de la déviance constructive
Facteurs Exemples d’effets
Indirects Directs Positifs Négatifs
Justice procédurale
Autoefficacité Motivation
Image au sein de
professionnelle intrinsèque
l’organisation
Leadership
transformationnel Sentiment Appréciation de la
Évaluation de
Support organisationnel d’obligation performance
la performance
Soutien social
(supérieur, collègues) Émancipation
Représailles
Attachement au groupe psychologique
de travail

Outils de mesure mobilisables pour évaluer les comportements


déviants au travail
Bennett et Robinson (2000) ont élaboré et validé une échelle de
mesure bidimensionnelle permettant d’appréhender les
comportements déviants au travail (en l’occurrence de déviance
destructive) : elle comprend 12 items évaluant la déviance
organisationnelle et 7 items relatifs à la déviance interpersonnelle.
Desrumaux et al. (2012) ont élaboré et validé une échelle de mesure
des comportements antisociaux en langue française. Cet outil
distingue les comportements d’agression (4 items), l’antisocialité de
production (3 items), l’antisocialité de propriété (3 items) et
l’antisocialité politique (3 items).

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Desrumaux, P., Léoni, V., Bernaud, J. & Defrancq, C. (2012). Les
comportements pro- et antisociaux au travail : une recherche
exploratoire testant deux échelles de mesure et leurs liens avec
des inducteurs organisationnels et individuels. Le travail humain,
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Spector, P. (2011). Chapitre X, « Comportement productif et
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travail et des organisations (p. 285-314), traduction française.
Bruxelles : De Boeck.
Pour aller plus loin
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4. Usages professionnels des technologies


numériques

L’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication


(TIC) à des fins professionnelles est un thème qui a suscité de nombreux
travaux depuis une vingtaine d’années. L’un des constats récurrents dans la
littérature de ce domaine concerne le fait que ces technologies, de plus en
plus sophistiquées et accessibles, accentuent la variabilité des horaires de
travail, les périodes d’accessibilité des employés, la dispersion du travail
(Kossek, 2016), aboutissent à un accroissement du temps de travail et au
prolongement de l’activité de travail en dehors des heures traditionnelles
(Thomas, 2014). Elles favorisent, en outre, la perméabilité des frontières
entre le travail et la vie privée (Valcour & Hunter, 2005) et incitent les
employés à rester connectés à la sphère professionnelle au-delà des limites
définissant traditionnellement les lieux et les journées de travail (Boswell &
Olson-Buchanan, 2007 ; Fenner & Renn, 2010 ; Thomas, 2014).
Aujourd’hui, un nombre de plus en plus important de salariés travaillent
conjointement à la maison et au sein des locaux de leur entreprise de
rattachement, si bien que certains auteurs parlent d’une relocalisation du
travail dans la sphère domestique (Halford, 2005). Cette reconfiguration des
espaces-temps de travail, soutenue par la prolifération des technologies
digitales dans les entreprises, n’est pas sans conséquences sur les conduites
et le rapport des individus au travail ainsi que sur l’établissement d’une
frontière entre vie professionnelle et vie privée.

4.1 Les modalités d’usages des TIC et leurs


conséquences dans la sphère
professionnelle
Les constats et résultats quant aux usages et aux conséquences des
technologies numériques dans la sphère professionnelle restent très mitigés.
De nombreux travaux soulignent les bénéfices associés à l’usage des TIC
au travail en montrant qu’elles suscitent de nouvelles formes d’organisation
des activités, qu’elles permettent d’enrichir les activités à réaliser, qu’elles
favorisent l’autonomie et la flexibilité des salariés et permettent ainsi de
dépasser les contraintes temporelles et spatiales propres au contexte
professionnel (e.g. Bobillier-Chaumon, 2003 ; Colombier et al., 2007 ;
Thomas, 2014). Ces technologies offrent la possibilité de rester en contact
avec le travail, de mieux contrôler les activités et de mieux réguler les flux
d’informations échangées (Matusik & Mickel, 2011). Elles sont associées à
une meilleure performance, efficacité, productivité et efficience des salariés,
et favorisent leur satisfaction tout en réduisant leur niveau de stress perçu
(Bobillier-Chaumon, 2003 ; Colombier et al., 2007 ; Matusik & Mickel,
2011 ; Thomas, 2014).
Néanmoins, certains auteurs mettent également en avant les effets de
l’introduction de ces technologies en termes d’intensification du travail.
Elles participeraient ainsi à l’augmentation des rythmes professionnels et de
la charge de travail, à la réduction des temps de traitement de l’information,
à la fragmentation des activités et des temps de travail, à la mise en œuvre
de comportements multitâches, accéléreraient la circulation de
l’information, contribueraient à accroître le volume d’informations
échangées, la surcharge informationnelle et le sentiment d’urgence des
salariés (Bobillier-Chaumon, 2003 ; Chesley, 2014 ; Isaac et al., 2007).
Quelques études récentes ont, par ailleurs, cherché à appréhender les effets
des usages des technologies à des fins professionnelles sur l’engagement
des salariés2. À nouveau, les résultats dans ce domaine sont relativement
ambivalents. L’étude de Salanova et Llorens (2009) montre clairement que
plus les usages des technologies à des fins professionnelles sont intenses,
moins les travailleurs sont engagés au travail (i.e. vigueur, dévouement,
absorption). Les résultats de Ter Hoeven, van Zoonen et Fonner (2016)
révèlent, pour leur part, que l’utilisation des technologies de la
communication (e-mails et smartphones) favorise l’engagement au travail si
les salariés sont accessibles et ont développé des pratiques de
communication efficaces. En revanche, elle diminue l’engagement au
travail si les usages déployés sont associés à des interruptions fréquentes de
l’activité de travail. Enfin, l’étude de Boswell & Olson-Buchanan (2007)
montre que l’utilisation des technologies de la communication en dehors
des heures de travail soutient l’investissement dans l’emploi. Les résultats
indiquent néanmoins que ces usages sont associés à une moindre
implication affective vis-à-vis de l’organisation de travail. Les auteurs
expliquent ces résultats contrastés par le fait que ces usages, traduisant un
investissement important de la sphère professionnelle, pourraient être
associés à un sentiment de frustration voire à un sentiment d’épuisement
professionnel, qui jouent sur l’implication affective relative à l’organisation
de travail.
Tableau 2.9 – Les effets des usages des TIC dans la sphère professionnelle
Effets bénéfiques Effets néfastes
Contenu activité Fragmentation des activités
Autonomie Comportements multitâches
Flexibilité Volume d’informations
Contrôle activité Surcharge informationnelle
Régulation des flux d’informations Temps de traitement de l’information (–)
Satisfaction au travail Sentiment d’urgence
Investissement dans l’emploi Intensification du travail
Stress perçu (–) Rythmes de travail
Performance Charge de travail
Efficacité et efficience professionnelles Engagement au travail (–)
Productivité Implication organisationnelle (–)
4.2 Les usages professionnels
des technologies numériques et le travail en
débordement
Du point de vue de l’activité professionnelle, si ces nouvelles formes de
travail permettent aux salariés de bénéficier de plus de flexibilité, beaucoup
se plaignent de difficultés à se déconnecter du travail, déclarant travailler
plus longtemps et poursuivre leur activité professionnelle en soirée, le
week-end et pendant les congés (Boswell & Olson-Buchanan, 2007 ; Fenner
& Renn, 2010 ; Rey & Sitnikoff, 2004). Senarathne Tennakoon, da Silveira
et Taras (2013) constatent d’ailleurs que les usages des TIC dans le cadre
professionnel et au cours d’une journée travaillée corrèlent fortement et
positivement avec les usages professionnels des TIC pendant les journées
non travaillées. Dans son étude qualitative menée auprès de 18 couples
biactifs (cadres et employés), Le Douarin (2007) a constaté que les cadres
déclaraient être préoccupés par leur activité professionnelle dès leur retour
au domicile. Les outils technologiques leur permettant d’être connectés au
système d’information de l’entreprise et d’accéder à leur messagerie
professionnelle, cela renforce leur joignabilité mais aussi leur sentiment
d’autonomie et leur flexibilité. L’univers domestique devient pour ces
cadres une annexe du travail (pour trier les mails, terminer de rédiger un
rapport ou une présentation PowerPoint, etc.) et les téléphones mobiles
permettent de répondre aux appels professionnels, y compris pendant les
périodes de vacances (Le Douarin, 2007).
Dans la lignée de ces travaux, de nombreux auteurs soulignent le fait que
ces technologies sont parfois perçues comme un moyen pour les
employeurs de contraindre les employés à poursuivre leur activité au-delà
des heures formelles de travail (Thomas, 2014 ; Wright et al., 2014). Elles
autorisent, en effet, la disponibilité permanente des salariés (tout
particulièrement des cadres et managers) qui peuvent être joignables en tout
lieu et à tout moment, si bien que certains d’entre eux éprouvent un
sentiment de « laisse électronique », la notion d’astreinte jusqu’alors
réservée à certaines catégories de personnel se généralisant (Isaac et al.,
2007).
En résumé, l’extension et l’intensification du travail favorisées par les
technologies se traduisent par des usages à des fins professionnelles en
débordement (i.e. en dehors des heures et des espaces habituels de travail),
aboutissent à des difficultés pour les travailleurs à se désengager de leur
travail et constituent une source de stress, de détresse psychologique et
d’anxiété (Chesley, 2014 ; Colombier et al., 2007).

4.3 Les facteurs d’incitation au travail


en débordement via les technologies
numériques
Dans la littérature scientifique de ce domaine, différents facteurs tels le
niveau de responsabilité et le nombre de personnes supervisées, la durée du
travail, la surcharge de travail, la pression temporelle et la flexibilité
(autonomie quant aux horaires et lieux de travail), les normes sociales et la
culture organisationnelle sont reconnus comme encourageant le travail en
débordement via les technologies numériques et l’empiétement du travail
sur la vie personnelle (e.g. Senarathne Tennakoon et al., 2013).
Les systèmes de gestion et d’évaluation actuels (notamment associés à la
promotion interne) renvoient en effet fréquemment à des normes ou
attentes, plus ou moins formelles, en termes de disponibilité. La pression
des collègues et des supérieurs tout comme les exigences
organisationnelles, sont des facteurs qui favorisent le temps de présence sur
le lieu de travail et le sentiment de devoir rester connecté en permanence au
travail, de devoir être accessible et réactif aux sollicitations pendant les
périodes non travaillées (i.e. soirées et week-ends), et ce dans la perspective
d’apparaître comme engagé et productif (Kossek, 2016 ; Thomas, 2014 ;
Matusik & Mickel, 2011). L’étude de Fenner et Renn (2010) montre, par
exemple, que les exigences des organisations et les normes sociales qu’elles
véhiculent sont interprétées par les salariés comme une pression à utiliser
les technologies pour poursuivre l’activité professionnelle au domicile après
les heures de travail. Les TIC induisent ainsi des formes de contrôle ou de
supervision indirects des salariés (Colombier et al., 2007) et soutiennent les
nouvelles exigences des organisations qui requièrent un investissement
subjectif de la part des salariés plus important (Rey & Sitnikoff, 2004).
Même s’ils sont conscients des implications négatives du travail en
débordement via les TIC, les employés cèdent à la pression qui les pousse à
rester connectés à leur travail en dehors du bureau (Waller & Ragsdell,
2012).
Tableau 2.10 – Les facteurs d’incitation au travail en débordement via les TIC
Liés à l’emploi Liés à la culture organisationnelle
Exigences, normes sociales, attentes (réactivité,
Niveau de responsabilité disponibilité, mobilité)
Nombre de personnes Pression des collègues et des supérieurs
supervisées Pression temporelle
Durée du travail Autonomie et flexibilité
Surcharge de travail

4.4 Les usages professionnels des TIC


et l’interface entre vie de travail et vie privée
L’impact de l’utilisation des technologies numériques à des fins
professionnelles sur l’interface travail- « hors travail » représente un thème
central de recherche, l’envahissement du travail dans la vie personnelle
ayant des effets délétères avérés sur la santé physique et mentale des
individus (fatigue, stress, sentiment d’être débordé ou de manquer de temps,
burn-out) comme sur l’efficacité des organisations (émergence de fausses
priorités ou de fausses urgences, surcharge informationnelle, etc.).
De nombreuses recherches soulignent que les usages des technologies
contribuent à rendre plus floue et poreuse la frontière entre le travail et la
vie privée et favorisent l’intrusion de la vie professionnelle dans la vie
personnelle (e.g. Isaac et al., 2007 ; Thomas, 2014). L’utilisation des TIC
dans le cadre professionnel, qui implique en effet des bascules permanentes
et fréquentes entre des activités professionnelles et personnelles, est
associée à la fragmentation de ces activités et affecte négativement leur
accomplissement, les employés trouvant très difficile l’établissement d’une
limite fonctionnelle entre ces deux domaines de vie (e.g. Isaac et al., 2007 ;
Kossek, 2016 ; Thomas, 2014).
D’après les études dans ce champ, l’intrusion du travail dans la vie
personnelle est souvent à l’origine de conflits avec le/la partenaire,
l’entourage familial et plus largement les autrui significatifs. De nombreux
auteurs expliquent que les salariés sont de plus en plus fréquemment
amenés voire incités à répondre à des e-mails, des textos ou des appels
téléphoniques professionnels pendant leur temps libre, ce qui rompt la
frontière physique entre le travail et la famille (e.g. interruption des activités
privées pour réaliser une tâche professionnelle), engendre une surcharge de
travail et une ambiguïté de rôle, des difficultés à se détacher du travail et à
le contenir, et favorise in fine la perception d’un conflit travail-famille3 et de
stress (e.g. Ayyagari, Grover & Purvis, 2011 ; Leung & Zhang, 2017 ;
Matusik & Mickel, 2011).
Les résultats portant spécifiquement sur les effets du travail en
débordement via les technologies (i.e. en dehors des espaces-temps
formellement dédiés au travail) vont strictement dans le même sens. Ils
indiquent, en effet, que l’utilisation intensive des technologies de la
communication (e-mails, textos, téléphones, Skype, etc.) à des fins
professionnelles mais en dehors des horaires habituels de travail (soir, nuit,
week-end, vacances) favorise la perception d’un déséquilibre et d’un conflit
entre le travail et la vie privée (du point de vue des salariés comme de celui
de l’entourage), ce dernier étant un facteur significatif de burn-out et
d’insatisfaction dans l’emploi (Boswell & Olson-Buchanan, 2007 ; Fenner
& Renn, 2010 ; Wright et al., 2014). En effet, la proximité des rôles à
assumer dans ces deux domaines entraîne des interruptions fréquentes, une
confusion quant aux moments qui doivent être consacrés à tel ou tel rôle et
une difficulté à se désengager d’un rôle pour en accomplir pleinement un
autre. De manière complémentaire, Le Douarin (2007) a constaté que les
couples de cadres qui prolongeaient leur travail à domicile par
l’intermédiaire des TIC délaissaient significativement leurs loisirs
extérieurs, leurs sorties avec des amis, leur sommeil ou encore leurs
activités domestiques.
Certaines études sont toutefois plus nuancées. Bien que moins
nombreuses, elles soulignent le fait que, si les usages des technologies
entraînent une intensification du travail et un envahissement de la sphère
privée, ils peuvent en même temps permettre d’assumer de nouvelles
exigences professionnelles, de mieux les concilier avec les exigences
personnelles, de contrôler plus efficacement la frontière entre le travail et le
« hors travail » et de trouver un équilibre entre ces deux domaines (Chesley,
2014 ; Wajcman, Bittman & Brown, 2008). Dans leur étude, Batt et Valcour
(2003) se sont intéressés aux effets des usages des technologies (fax, e-mail,
téléphone, ordinateur portable et fixe) au travail ou au domicile et à des fins
principalement professionnelles. Les résultats obtenus indiquent qu’ils
rendent plus floue la distinction entre ces deux domaines de vie et
augmentent la perception de conflit travail-famille mais qu’ils permettent,
en même temps, une meilleure intégration des sphères professionnelle et
personnelle, plus de flexibilité et offrent l’opportunité de mieux gérer les
exigences professionnelles. Derks, Bakker, Peters et van Wingerden (2016)
ont montré, pour leur part, que les usages du smartphone à des fins
professionnelles et hors du temps en principe dédié au travail permettaient
de diminuer la perception de conflit travail-famille et d’accroître la
performance de rôle dans le domaine familial (i.e. soutien et conseils
fournis aux membres de la famille) dans la mesure où les individus
préfèrent établir des échanges et intégrer ces deux domaines d’existence.
Tableau 2.11 – Les effets des usages professionnels des TIC sur l’interface entre vie de travail et vie
privée
Effets négatifs Effets positifs
Frontière plus floue et poreuse Conciliation exigences
Intrusion et empiétement de la vie professionnelle professionnelles-personnelles
vis-à-vis de la vie privée Contrôle frontière travail- « hors
Interruptions et fragmentation des activités travail »
Accomplissement partiel des activités Équilibre entre travail et vie privée
Bascules et confusion de rôles Intégration sphères professionnelle-
Difficulté à se désengager d’un rôle personnelle
Difficulté à contenir le travail Flexibilité travail-« hors travail »
Conflit avec l’entourage familial Performance de rôle dans la vie
Délaissement des activités personnelles et sociales familiale

Outils de mesure mobilisables pour évaluer les usages


d’Internet à des fins professionnelles
Il n’existe pas à proprement parler d’échelle de mesure ou de
questionnaire permettant d’appréhender les modalités d’usage des
technologies et/ou d’Internet à des fins professionnelles. En effet, la
plupart des études dans ce domaine appréhendent de manière
globale ces usages (i.e. intensité d’usage quotidien ou
hebdomadaire), ou au contraire se focalisent selon le cas sur une
technologie (e.g. usage du smartphone), une période (e.g. usages
en soirée ou pendant le week-end) ou un lieu (e.g. au travail, au
domicile, lors des déplacements) en particulier. Des instruments qui
permettent d’appréhender l’ensemble de ces modalités d’usage et la
manière dont elles s’articulent restent donc à développer.

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Bobillier-Chaumon, M.-E. (2003). Évolutions techniques et
mutations du travail : émergence de nouveaux modèles d’activité.
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Pour aller plus loin
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530.
1. Voir la notion de justice organisationnelle ici.
2. Voir la notion d’engagement au travail ici.
3. Voir la notion de rapports entre vie de travail et vie « hors travail » ici.
Chapitre 3

RISQUES PSYCHOSOCIAUX,
SANTÉ
ET QUALITÉ DE VIE
1. Addictions liées au travail
2. Stress au travail
3. Épuisement professionnel
4. Harcèlement moral au travail
5. Bien-être au travail
6. Rapports entre vie de travail et vie « hors travail »
1. Addictions liées au travail

Les recherches ayant abordé la notion d’addiction en contexte


professionnel se sont principalement centrées sur l’addiction à l’égard du
travail. Ce terme est apparu dans les années soixante-dix et depuis,
l’engouement des travaux dans ce domaine n’a pas faibli. Plus récemment,
la question de l’addiction aux technologies numériques et à Internet a
également interpellé tant la communauté scientifique que les organisations
de travail.

1.1 L’addiction au travail


L’addiction au travail, qualifiée de workaholism, est un construit dérivé,
par analogie, du terme alcoolisme (alcoholism). Dans la littérature
scientifique de ce domaine, les termes de work addiction, workaholism et
excessive overwork sont employés de manière interchangeable (Andreassen,
2013).
1.1.1 Définitions du workaholism et formes d’addiction
au travail
La première définition de l’addiction au travail est celle proposée par
Oates (1971, p. 11) : elle renvoie au besoin incessant, compulsif et
incontrôlable de travailler. Dans le prolongement de cette première
définition, des approches plus récentes de cette notion considèrent
l’addiction au travail comme un investissement excessif (en termes
d’énergie, d’efforts, de temps accordé), incontrôlable et continu envers le
travail, une obsession dévorante et permanente pour le travail, dépassant les
niveaux attendus (e.g. par les supérieurs ou les collègues, l’organisation de
travail), associés à une difficulté à se désengager du travail (Ng, Sorensen &
Feldman, 2007 ; Schaufeli, Shimazu & Taris, 2009). L’activité de travail
permet ainsi aux workaholiques de se sentir satisfaits, apaisés, et d’inhiber
des émotions et sentiments négatifs vécus lorsqu’ils ne travaillent pas
(e.g. sentiments d’anxiété, de dépression, de culpabilité ; Ng et al., 2007 ;
Spence & Robbins, 1992).
De nombreux auteurs ont tenté de décrire des formes d’addiction au
travail. Robinson (2013) distingue, par exemple, quatre profils de
travailleurs workaholiques :
– les boulimiques (bulimic workers, qui ne cherchent pas spécifiquement à
s’engager dans de nouveaux projets ou de nouvelles activités
professionnelles, mais pour qui il est impossible de s’arrêter lorsqu’ils
ont commencé à travailler),
– les acharnés (relentless workers, qui cherchent à atteindre au plus vite et
de manière compulsive leurs objectifs professionnels et qui ont du mal à
s’arrêter de travailler tant que ces objectifs ne sont pas atteints),
– ceux qui se délectent de leur travail (savoring workers, qui cherchent la
perfection à tout prix, sont absorbés et sans cesse préoccupés par les
détails à tel point qu’ils ont du mal à respecter les échéances fixées),
– ceux qui manquent de concentration (attention-deficit workers, qui
entament de nombreux projets mais qui perdent rapidement leur intérêt
pour ces projets, sont impatients, en quête perpétuelle de nouveaux défis
professionnels et d’adrénaline).
Les travaux ont souvent considéré que l’addiction au travail relevait d’une
caractéristique interne à l’individu, une prédisposition, traduisant une
relation pathologique au travail (Machado, Desrumaux & Dose, 2005).
Néanmoins, les approches récentes et les connaissances cumulées issues
d’études empiriques dans ce domaine soulignent davantage l’influence du
contexte de travail (e.g. Demerouti, Bakker, Nachreiner & Schaufeli, 2001).
1.1.2 Les facteurs favorisant ou inhibant l’addiction au
travail
De nombreux travaux ont cherché à identifier les déterminants du
workahlism : ils montrent qu’il peut être significativement affecté par
l’environnement de travail.
Du point de vue des demandes psychologiques (job demands), la
surcharge de travail (temporelle, mentale et émotionnelle), la pression
perçue émanant de l’environnement professionnel ou encore la dissonance
émotionnelle sont reconnus comme sources de workaholism (Machado et
al., 2005 ; Patel, Bowler, Bowler & Methe, 2012).
Les ressources professionnelles (job ressources), comme le soutien social
perçu de l’entourage (notamment du supérieur direct) ou le contrôle de
l’activité professionnelle sont, quant à elles, négativement corrélées à
l’addiction au travail (Machado et al., 2005 ; Schaufeli, Taris & van
Rhenen, 2008).
Certaines études indiquent, en outre, que les dimensions ou profils de
personnalité, des situations ou configurations familiales particulières, ou
encore le niveau de poste occupé comme le métier exercé pourraient
favoriser le workaholism.
Tableau 3.1 – Les facteurs professionnels d’addiction au travail
Facteurs renforçateurs Facteurs inhibiteurs
Surcharge de travail (temporelle, mentale,
Soutien social de l’entourage
émotionnelle)
professionnel
Pression
Contrôle de l’activité
Dissonance émotionnelle

1.1.3 Les conséquences délétères du workaholism


L’addiction au travail a des effets néfastes sur le travail comme sur
l’individu et son entourage.
Le workaholism a des effets négatifs sur la qualité des relations avec
l’entourage professionnel, l’engagement au travail, l’implication
organisationnelle, la satisfaction au travail ou vis-à-vis de la carrière et de la
performance (Schaufeli et al., 2008 ; 2009 ; Andreassen, Hetland, Molde &
Pallesen, 2011 ; Patel et al., 2012).
L’addiction au travail favorise également la perception de conflit, de
rapports négatifs et de déséquilibre entre le travail et la famille1
(Andreassen et al., 2013 ; Patel et al., 2012). Elle a, en outre, des effets
néfastes sur l’entourage personnel (i.e. difficultés relationnelles avec le
conjoint et avec les membres de la famille, troubles du développement des
enfants ; Robinson, 2001).
Du point de vue de la santé, les études montrent que le workaholism
diminue le bien-être psychologique, la satisfaction de vie, la perception
générale de santé et renforce les affects négatifs relatifs à la vie privée, la
détresse psychologique, les troubles de santé physique, du sommeil comme
la fatigue perçue (notamment au travail ; Andreassen et al., 2011 ;
Chamberlin & Zhang, 2009 ; Kubota et al., 2010 ; Schaufeli et al., 2008 ;
Shimazu, Schaufeli, Kamiyama & Kawakami, 2015 ; Patel et al., 2012). Il
est, de plus, considéré comme l’un des plus importants antécédents de
l’épuisement professionnel (Burke & Matthiesen, 2004), l’addiction au
travail favorisant tout particulièrement la fatigue émotionnelle et le
cynisme2 (Schaufeli et al., 2009).
Tableau 3.2 – Les conséquences délétères de l’addiction au travail
Domaine Qualité de vie et
Santé
professionnel entourage personnel
Qualité des relations
(–) Bien-être (–)
Déséquilibre travail-famille
Engagement au Affects négatifs (+)
(+)
travail (–) Satisfaction de vie (–)
Conflit travail-famille (+)
Implication Perception générale de santé (–)
Qualité relations conjoint
organisationnelle (–) Détresse psychologique (+)
(–)
Satisfaction au travail Troubles de santé physique (+)
Qualité relations famille (–)
(–) Troubles du sommeil (+)
Développement enfants
Satisfaction envers la Fatigue (+)
(–)
carrière (–) Épuisement professionnel (+)
Performance (–)

Outils de mesure mobilisables pour évaluer l’addiction au


travail
Plusieurs instruments ont été développés pour appréhender
l’addiction au travail (pour plus de détails sur chacun d’entre eux voir
Andreassen, 2014). L’un des plus récents est la Dutch Work
Addiction Scale (DUWAS ; Schaufeli et al., 2009). Elle comprend
deux dimensions qui s’inspirent directement d’échelles
préalablement validées : le travail excessif (Working Excessively, qui
reprend 5 items du Work Addiction Risk Test, WART-Compulsive
tendency élaboré par Robinson, 1999) et le travail compulsif
(Working Compulsively, qui reprend 5 items de la Workaholism
Battery, WorkBAT-Drive, de Spence & Robbins, 1992). Une version
de l’échelle a été récemment validée en langue française (Sandrin &
Gillet, 2016).
Pour aller plus loin
Premières lectures conseillées en langue française
Langevin, V. & Boini, S. (2017). Dutch Work Addiction Scale –
DUWAS. Références en santé au travail, 150, 107-111.
Scheen, A.J. (2013). « Workaholism » : la dépendance au travail,
une autre forme d’addiction. Revue médicale de Liège, 68(5-6),
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Truchot, D. (2016). Wokaholisme ou l’ergomanie. In V. Gérard,
M.E. Bobillier-Chaumon, E. Brangier & M. Dubois (éds.),
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Pour aller plus loin
Andreassen, C. S. (2013). Work addiction. In P. Miller (ed.),
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Andreassen C. S., Hetland J., Molde H. & Pallesen S. (2011).
Workaholism and potential outcomes in well-being and health in a
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organisations, 22(3), 147-159.
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workaholism, its nature and its outcome : A literature review.
International Journal of Research Studies in Psychology, 2(2), 81-
92.

1.2 L’addiction à Internet dans la sphère


professionnelle
Bien que peu d’études empiriques se soient intéressées aux usages
inadéquats ou abusifs des technologies en contexte professionnel, certains
auteurs considèrent que les salariés consacrant une part croissante de leur
temps de travail à la recherche et à la manipulation d’informations peuvent,
pour certains, devenir réellement dépendants (Durand, Gayet, Laborde, Van
De Weerdt & Farges, 2008). Étant donné que l’usage des technologies
numériques s’est répandu, généralisé et a pénétré la plupart des
environnements de travail, le lieu et l’activité de travail permettent un accès
renforcé à Internet3. Selon Griffiths (2003), les travaux ayant étudié
l’addiction relative à d’autres objets ou domaines ont clairement montré
qu’une accessibilité facilitée aboutissait à des usages plus fréquents et
réguliers pouvant engendrer des attitudes et comportements problématiques.
1.2.1 Éléments de définition de l’addiction à Internet
Lorsque l’on s’intéresse à la dépendance, aux usages inadaptés ou
excessifs des technologies, quelle que soit la terminologie employée, on
constate qu’ils renvoient principalement à Internet (e.g. Internet addiction,
Young, 1998 ; Internet dependency, Scherer, 1997 ; pathological Internet
use, Davis, 2001 ; Morahan-Martin & Schumacher, 2000 ; problematic
Internet use, Caplan, 2002 ; excessive Internet use, Hansen, 2002). Le
concept de dépendance vis-à-vis d’Internet implique une perte de contrôle
des comportements malgré les tentatives mises en œuvre pour en modérer
ou en suspendre l’usage (Durand et al., 2008 ; Kim & Byrne, 2011). La
cyberdépendance se traduit par une envie irrépressible d’utiliser Internet (de
consulter ses e-mails, de surfer sur le Web, de tweeter, de se connecter et
d’alimenter les réseaux sociaux, etc.), l’abandon d’autres activités au profit
de ces usages, une sensation de manque, d’anxiété ou de malaise en cas
d’interruption de ces usages.
Même si les cyberdépendants sont dans l’incapacité de maîtriser le temps
passé sur Internet, la durée d’utilisation générale n’est pas un critère
suffisant pour caractériser un usage non contrôlé et excessif d’Internet
(e.g. Demetrovics, Szeredi & Rozsa 2008). Le temps consacré à l’utilisation
d’Internet constitue toutefois un signal d’alerte puisque plusieurs études
montrent un lien positif et significatif entre le nombre hebdomadaire ou
quotidien d’heures d’usage d’Internet et la cyberdépendance et, ce, quelles
que soient les activités réalisées ou les applications utilisées (e.g. Khazaal et
al., 2008 ; Scherer, 1997 ; Vanea, 2011).
1.2.2 Des contextes professionnels favorisant l’addiction
aux technologies numériques et à Internet
La multiplication des outils mobiles (ordinateurs portables, tablettes,
smartphones, etc.) sur le lieu de travail paraît renforcer la tendance à
vouloir rester constamment connecté : de plus en plus de salariés ne
peuvent plus se résoudre à éteindre leurs téléphones ou leurs périphériques
numériques, jusqu’à se réveiller plusieurs fois par nuit pour vérifier de
manière compulsive leurs e-mails et SMS (Durand et al., 2008). Beard
(2005) estime d’ailleurs que les facteurs culturels, comme le fait
d’appartenir à une société technologiquement avancée ou encore la
nécessité d’utiliser Internet dans le cadre du travail, encouragent l’usage
d’Internet à tel point que cela pourrait s’avérer préjudiciable pour la
personne.
Même si les études empiriques dans ce domaine sont encore rares, elles
montrent que la surcharge de travail, l’ambiguïté de rôle et le manque de
ressources personnelles (i.e. compétences en termes de gestion des
émotions) favorisent la techno-addiction, autrement dit le déploiement
d’usages excessifs et compulsifs des technologies de l’information et de la
communication (Salanova, Llorens & Cifre, 2013). Ce constat est d’autant
plus prononcé chez les salariés qui utilisent de manière intensive ces
technologies comme outils de travail centraux des tâches qui leur sont
assignées. Des travaux complémentaires indiquent que les usages
professionnels des technologies et des applications Internet au domicile
favorisent une invasion technologique (i.e. sentiment de devoir sacrifier sa
vie personnelle et familiale au profit de l’activité professionnelle à cause de
l’omniprésence des technologies) qui renvoie à une sous-dimension du
technostress (Leung & Zhang, 2017).
Les comportements problématiques relatifs à l’usage d’Internet peuvent
également être renforcés par d’autres facteurs liés à l’activité
professionnelle. Durand et al. (2008) expliquent, par exemple, que des
contraintes de travail particulières (objectifs élevés, responsabilités
importantes, relations de travail conflictuelles, etc.) sont susceptibles
d’engendrer du stress dont les symptômes (physiques, émotionnels,
cognitifs ou comportementaux) peuvent être couplés à une addiction
comportementale.
Tableau 3.3 – Les antécédents de l’addiction à Internet
Exigences Manque de ressources
Normes et incitations
et contraintes personnelles
organisationnelles
professionnelles et sociales
Multiplication des outils technologiques Compétences
Surcharge de travail
mobiles émotionnelles (–)
Ambiguïté de rôle
Utilisation intensive des TIC à des fins Conflit relationnel
Fortes responsabilités
professionnelles (notamment au au travail (+)
Objectifs élevés
domicile) Stress perçu (+)

1.2.3 Les conséquences de l’addiction à Internet


Les études montrent sans ambiguïté que les usages excessifs d’Internet ont
des conséquences négatives au niveau individuel mais aussi familial, social
et scolaire ou professionnel (Durand et al., 2008). Un usage abusif
d’Internet peut aboutir à négliger ses études ou son travail, ses
responsabilités domestiques et familiales, ou encore perturber les relations
sociales (Widyanto & McMurran, 2004), les usagers se fermant
progressivement aux rapports familiaux comme aux rapports professionnels
(Durand et al., 2008). Pour Wright et al. (2014), la dépendance aux
technologies de la communication, qui pousse les travailleurs à les utiliser
continuellement pour rester en contact permanent avec la sphère
professionnelle, peut également conduire à la perception d’un conflit entre
vie de travail et vie privée4, une augmentation du stress et aboutir à un
épuisement professionnel.
Tableau 3.4 – Les conséquences délétères de l’addiction à Internet
Délaissement des activités et Qualité de vie
Santé
des responsabilités et relations
Conflit entre travail et vie
Professionnelles Stress
privée
Domestiques Épuisement
Isolement professionnel
Familiales professionnel
Isolement familial

Bien que des programmes de prévention quant aux usages d’Internet en


contexte professionnel commencent à être développés et appliqués, ils
restent très minoritaires. Ils sont fondés sur l’information aux employeurs et
aux employés des risques encourus par l’utilisation non encadrée et
contrôlée des téléphones portables de fonction, des e-mails, d’Internet, etc.
Néanmoins, les structures d’accueil sont insuffisantes et la prévention de la
cyberdépendance quasiment inexistante. L’usage des technologies et des
outils de communication étant largement valorisé et encouragé par notre
société on comprend aisément que la cyberdépendance soit davantage
socialement acceptée que d’autres addictions qui se manifestent en milieux
professionnels. En outre, les contextes organisationnels actuels qui prônent
l’efficacité à tout prix, la disponibilité permanente, l’établissement
d’objectifs difficilement atteignables ou trop élevés sont des facteurs de
développement de comportements addictifs se manifestant au travail
(Durand et al., 2008). Au regard de ces contextes et des exigences qu’ils
véhiculent, on peut s’attendre à ce que l’addiction comportementale du
salarié aux technologies, ou du moins son usage excessif d’Internet, lui
renvoient bientôt une image positive, comme c’est déjà le cas pour le
workaholism (Robinson, 2001).

Outils de mesure mobilisables pour évaluer l’addiction à


Internet
Plusieurs échelles ou inventaires ont été élaborés pour appréhender
(selon le cas) la dépendance à Internet, au smartphone, aux
technologies, etc. L’instrument le plus populaire est sans nul doute
l’Internet Addiction Test (IAT) élaboré par Young (1998). L’auteure a
emprunté les critères diagnostiques utilisés dans le domaine du jeu
pathologique pour définir la dépendance à Internet, considérant qu’il
s’agit d’un trouble du contrôle des impulsions. L’IAT permet d’évaluer
le degré de sévérité des conséquences négatives résultant d’un
usage excessif d’Internet à partir de 20 items. Il appréhende la
fréquence d’apparition de comportements, d’attitudes et de ressentis
des individus quant à leurs usages d’Internet mais aussi les
conséquences négatives de ces usages pour l’individu et ses
relations avec son entourage. Il existe une version de l’instrument
validée en français (Khazaal et al., 2008).

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
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Pour aller plus loin
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conflict : The influence of communication technologies on
perceived work life conflict, burnout, job satisfaction, and turnover
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530.

2. Stress au travail

Parmi les conceptions du stress élaborées depuis une cinquantaine


d’année, trois modèles ont particulièrement retenu l’attention des travaux
centrés sur la santé au travail et les risques psychosociaux. Nous aborderons
ainsi successivement le modèle transactionnel, le modèle « demandes-
contrôle » puis le modèle « effort-récompense ».

2.1 Le modèle transactionnel de Lazarus


et Folkman
L’approche transactionnelle du stress a été développée par Lazarus et
Folkman (1984). Pour ces auteurs, le stress peut être défini comme une
« transaction spécifique entre la personne et l’environnement qui est
évaluée par la personne comme débordant ses ressources et pouvant mettre
en danger son bien-être » (p. 19). Dans cette définition, le stress est décrit
comme un processus qui inclut les agents stresseurs et les réponses
engendrées mais aussi la relation entre la personne et l’environnement.
Cette relation personne-environnement est dynamique, en constant
changement et bidirectionnelle, chacun agissant sur l’autre (influences
réciproques).
Dans cette perspective le stress dépend du retentissement émotionnel et de
la signification que le sujet donne à l’événement potentiellement stressant :
on va donc parler de stress perçu. Selon ce modèle il n’y a donc pas de
stresseur en soi. Il est de ce fait nécessaire de bien distinguer les stresseurs
(qui renvoient à des caractéristiques objectives de l’environnement) et
l’impact subjectif de ces stresseurs (qui renvoie au niveau de stress perçu).
Ce modèle fait également intervenir des processus opérant entre le
stimulus situationnel et la réponse : la signification ou l’évaluation. En
effet, les auteurs expliquent que deux processus d’évaluation cognitive sont
à l’œuvre : l’évaluation primaire et l’évaluation secondaire.
Dans le cas de l’évaluation primaire la personne évalue la nature, le sens
et l’impact de la situation, pour elle-même, sa position personnelle ou
professionnelle (un même événement pouvant être évalué de manière très
différente selon les personnes). Lorsqu’il est considéré comme stressant,
l’événement peut être évalué comme une perte, comme une menace (il sera
alors associé à des émotions plutôt négatives) ou comme un défi (dans ce
cas il engendrera des émotions plutôt positives).
À l’issue du processus d’évaluation primaire, un mode d’évaluation
secondaire se met en place. L’évaluation secondaire correspond à
l’appréciation par la personne de ses ressources (personnelles, sociales ou
environnementales) pour faire face à la situation et de leur efficacité, c’est-
à-dire à l’appréciation de ses capacités à réduire la menace ou les pertes
causées par l’événement. Ici il s’agit donc d’estimer si et dans quelle
mesure on peut contrôler la situation. Cette estimation du contrôle de la
situation va aussi bien se référer aux possibilités réelles de contrôle de la
situation qu’aux jugements et croyances personnelles quant aux possibilités
de la contrôler. Dans la mesure où le sujet estime être en capacité de faire
face à la situation, il va pouvoir mettre en œuvre différentes stratégies
d’ajustement ou de coping (selon le cas, centrées sur le problème ou
centrées sur les émotions). Ces stratégies seront mises en œuvre dans la
perspective de maîtriser, de réduire et de tolérer les exigences internes et/ou
externes de la situation perçue comme débordant les ressources de la
personne.
Dans ce modèle on voit bien l’importance des processus psychologiques :
pour qu’il y ait stress il faut que le stresseur soit perçu comme stressant et
que la personne perçoive la situation comme consommant ou excédant ses
ressources.
Tableau 3.5 – Le modèle du stress selon Lazarus et Folkman
Stresseur
Ü
Évaluation primaire
Ü Ü Ü
Événement perçu Stresseur perçu Stresseur perçu comme stressant (perte ou
comme non stressant comme un défi menace)
Ü Ü
Attitudes
Évaluation secondaire
positives
Ü Ü
Perception de Ressources jugées
contrôle de la indisponibles et/ou
situation inefficaces
Ü Ü
Stratégies
Stress perçu
de coping

2.2 Le modèle bidimensionnel « demandes-


contrôle » de Karasek
Le modèle du stress développé par Karasek (Job Demands-Control
Model ; Karasek, 1979) considère que le risque de développer un problème
de santé dans le cadre professionnel résulte d’un agencement défavorable
de conditions de travail.
Dans le modèle initialement développé, le stress au travail est considéré
comme résultant de la combinaison entre de fortes demandes
psychologiques (agents stresseurs) et une faible latitude décisionnelle
(contrôle de la situation de travail). Pour ces auteurs, les demandes ou
exigences psychologiques renvoient à la charge mentale associée à
l’exécution des tâches : pression et contraintes temporelles, quantité de
travail, complexité des tâches, fréquence des interruptions, etc. La latitude
décisionnelle se réfère, quant à elle, aux possibilités d’agir sur et de
contrôler la situation : autonomie dans l’organisation des tâches, possibilité
de participer aux prises de décision, de modifier la situation, de développer
et de mobiliser ses compétences, etc.
Au regard des combinaisons des niveaux d’exigences et de contrôle,
quatre situations de travail sont identifiables : les situations à faible tension
(exigences faibles et contrôle élevé) ou au contraire à forte tension
(exigences élevées et contrôle faible) ; les situations de travail passif
(exigences et contrôle faibles) vs de travail actif (exigences et contrôle
élevés). Les situations de forte tension (high job strain) étant sources de
stress et d’atteintes à la santé (risques cardiovasculaires, de détresse
psychologique, de dépression, d’épuisement professionnel et de
consommation accrue de substances à visée psychoactive ; Vézina, 2002).
Par la suite, Karasek (Karasek & Theorell, 1990) a intégré à ce modèle le
soutien social (aide, support informationnel ou émotionnel5) provenant de
l’entourage professionnel (supérieurs et collègues) comme une troisième
dimension à prendre en compte. Le soutien social est ainsi considéré
comme jouant un rôle modérateur dans le modèle : le niveau de soutien
permet d’atténuer ou d’accentuer les effets négatifs de la situation de
travail. Un fort soutien social provenant des supérieurs et/ou des collègues
serait donc à même de réduire les effets délétères de fortes contraintes
professionnelles. A contrario, un manque de soutien social conduirait à
aggraver la situation stressante (job strain) qui serait donc caractérisée par
un iso-strain (cumul d’une forte tension et d’un isolement social).
Tableau 3.6 – Schématisation du modèle initial « demandes-contrôle » de Karasek
Demandes ou exigences
Faibles Fortes
Latitude décisionnelle ou Faible Travail passif Situations de travail à
contrôle forte tension
Situations de travail à
Forte Travail actif
faible tension

2.3 Le modèle « efforts-récompenses »


de Siegrist
Le modèle du déséquilibre « efforts-récompenses » de Siegrist (Effort-
Reward-Imbalance Model ; Siegrist, 1996) est plus récent que les
précédents. Dans la perspective développée par l’auteur, le stress au travail
est appréhendé à travers les caractéristiques du contenu et du contexte de
travail et/ou les réactions émotionnelles, comportementales et physiques
qu’ils produisent. Comme c’était le cas dans l’approche de Karasek, le
modèle du stress de Siegrist accorde une place prépondérante à l’exposition
à certains facteurs psychosociaux. Il considère que les efforts réalisés en
milieu de travail s’inscrivent dans un rapport de réciprocité qui suppose que
des récompenses soient obtenues en retour. Les efforts déployés peuvent
être de nature extrinsèque (relatifs aux contraintes de temps, à la charge de
travail, à la fréquence des interruptions) ou intrinsèque (sur-engagement,
besoin de contrôle). Les récompenses se déclinent quant à elles selon trois
sources : financière (salaire), socioémotionnelle (estime, reconnaissance) ou
portant sur les perspectives de carrière et la sécurité de l’emploi.
C’est donc le déséquilibre perçu dans le rapport entre les efforts fournis et
les récompenses reçues qui serait source de stress professionnel. Siegrist
identifie les situations de travail pathogènes comme étant celles associant
des efforts élevés (contraintes de temps, charge de travail, engagement) à de
faibles récompenses (salaire, estime, devenir professionnel).
Ces conditions d’inadéquation augmentent les risques pour la santé
physique (maladies cardiovasculaires) et psychique (dépression, souffrance,
burn-out ; Bakker, Kilmer, Siegrist & Schaufeli, 2000 ; Niedhammer &
Siegrist, 1998 ; Vézina, 2002).

2.4 Les facteurs de stress au travail


Du point de vue de l’environnement de travail, de nombreux facteurs sont
reconnus comme étant sources de stress :
– les nouveaux modes d’organisation (structures plus floues, moindre
régulation, mise en compétition des personnes, évaluation permanente,
pression relative à l’atteinte des objectifs, discontinuité des tâches, etc.,
Albert & Sanders, 2010) associés aux usages des technologies de
l’information et de la communication (Häfner & Stock, 2010) ;
– la surcharge de travail, qu’elle soit quantitative (e.g. somme de travail et
multiplicité des tâches à accomplir dans un temps défini) ou qualitative
(e.g. complexité de la tâche, ressources mentales mobilisées ; Jamal,
1990 ; Jex & Beehr, 1991) ;
– un faible niveau de contrôle du travail et de ses conditions (e.g. choix
des horaires, des tâches, procédure de réalisation, prise de décision ;
Spector, 1986 ; Terry & Jimmieson, 1999) ;
– le conflit ou les interférences intrarôle (nécessité d’accomplir des tâches
incompatibles) ou interrôles (conflit travail-famille6), l’ambiguïté de rôle
(manque d’informations concernant les devoirs, les objectifs, les
résultats, les responsabilités associés au rôle professionnel) ou encore la
surcharge de rôle (tâches à accomplir et responsabilités élevées ; Guérin,
St-Onge, Chevalier, Denault & Deschamps, 1997 ; Jackson & Schuler,
1985 ; Kahn, Wolfe, Quinn, Snoek & Rosenthal, 1964 ; Major, Klein &
Ehrhart, 2002) ;
– les conflits entre collègues, entre employés, avec les supérieurs ou avec
les clients, les patients, les usagers (Fuhrer, Moisson-Duthoit & Cucchi,
2011 ; Spector & Jex, 1998) ou encore le manque de soutien social
provenant des collègues ou du supérieur hiérarchique (Rascle, 2000) ; un
soutien social élevé de la part de l’entourage professionnel réduisant, a
contrario, le stress perçu (Viswesvaran, Sanchez & Fisher, 1999).
– le manque de perspectives de carrière ou de possibilités d’évolution
professionnelle (Warr, 1992) ;
– les risques physiques générant de la pénibilité au travail (température,
éclairage, bruit, exposition à des produits ou substances toxiques, qualité
de l’air, etc., Ahasan, 1999).
Au niveau individuel, plusieurs approches montrent que les personnes
ayant des objectifs ou des attentes ou buts professionnels particulièrement
élevés (qu’ils soient identitaires, relatifs à des tâches, des projets, des rôles),
éprouvent davantage de stress lorsque leurs attentes ou buts sont menacés
que des personnes aux objectifs plus modestes (Burke & Greenglass, 1988 ;
Cherniss, 1980 ; Semmer, 1997). Krause et Stryker (1984) se sont, pour leur
part, intéressés aux effets du locus of control (LOC). Ils montrent que les
personnes à orientation externe du LOC éprouvent plus de détresse face aux
stresseurs professionnels que celles à orientation interne du LOC, à
condition que cette internalité reste modérée, une internalité (comme une
externalité) extrême étant associée à un stress et à une détresse plus élevés,
en raison de la tendance à s’attribuer à soi-même la responsabilité des
échecs. Enfin, Ciarrochi, Dean et Anderson (2002) constatent que les
travailleurs qui sont capables de gérer leurs émotions comme celles de leur
entourage professionnel, autrement dit qui mobilisent des compétences
émotionnelles, sont plus à mêmes de surmonter une situation stressante.
Tableau 3.7 – Les sources de stress au travail
Exigences et contraintes Environnement
Individuelles
professionnelles socioprofessionnel
Nouveaux modes d’organisation
Surcharge quantitative et
Attentes et buts élevés
qualitative Perspectives de carrière et
Locus externe
Contrôle (–) d’évolution (–)
Locus interne extrême
Conflit de rôle Conflits relationnels
Compétences
Ambiguïté de rôle Soutien social (–)
émotionnelles (–)
Surcharge de rôle
Risques physiques

2.5 La prévention du stress au travail


Du point de vue organisationnel, les études sur le stress ont largement
démontré ses effets néfastes sur la performance et la productivité comme le
fait qu’il favorise les comportements contre-productifs, les accidents du
travail, l’absentéisme et le turnover (sans évoquer à nouveau ses effets
néfastes sur la santé des travailleurs). Les entreprises et les gestionnaires,
conscients des coûts élevés associés au stress au travail et garants de la
santé physique et mentale des travailleurs, ont aujourd’hui pour obligation
de diagnostiquer et de prévenir les risques professionnels, tel le stress (voir
par exemple le décret 2001-1016 concernant le DU ou DUERP).
Quels que soient les acteurs qui sont en charge du déploiement de ce type
de démarches, on peut distinguer trois formes de prévention du stress
(Hellemans & van de Leemput, 2012) : la prévention primaire, la
prévention secondaire et la prévention tertiaire.
La prévention primaire vise à prévenir le stress en agissant sur les facteurs
à l’origine du stress. La méthode ou les objectifs de l’évaluation primaire
peuvent prendre une forme « réactive » (identifier puis modifier les
caractéristiques organisationnelles génératrices de stress) ou « proactive »
(concevoir des environnements de travail qui engendrent le moins de
tensions et de stress possibles).
La prévention secondaire cherche à réduire les conséquences du stress. À
la différence de la prévention primaire, ici ce sont les individus qui sont la
cible privilégiée de l’intervention. La plupart des interventions visent dans
cette perspective à augmenter les ressources (organisationnelles et
individuelles) et les capacités d’ajustement des employés. Il s’agit de
sensibiliser les individus et de les aider à être plus attentifs au stress et à ses
facteurs (conférences, séminaires, ateliers, documents) mais aussi de leur
apprendre à mieux gérer le stress, en s’appuyant sur un ensemble de
méthodes (pratiques de relaxation, programmes de renforcement de l’estime
de soi, techniques de gestion des émotions, etc.).
Enfin, la prévention tertiaire intervient lorsque l’individu a subi un
traumatisme profond, lorsque le stress a conduit à de fortes perturbations
dans la relation au travail ou à un arrêt de travail. Elle revêt ainsi un
caractère réactif et curatif. Il s’agit de proposer un traitement thérapeutique
(concernant un individu ou plus largement une équipe de travail) et un
aménagement des conditions de travail avec comme objectif une diminution
de la détresse psychologique de la personne traumatisée ou des membres de
l’équipe exposés à la situation. Certains auteurs considèrent qu’ici le terme
de prévention n’est pas approprié et préfèrent mobiliser d’autres termes
pour qualifier les interventions de ce niveau (traitement, réhabilitation ou
réadaptation).
Pour conclure il est important de noter que les démarches de prévention du
stress au travail sont complexes et ne peuvent se réduire à l’un ou l’autre
des niveaux d’intervention considérés, ces trois niveaux étant
complémentaires.
Tableau 3.8 – Les démarches de prévention du stress au travail
Primaire Secondaire Tertiaire
Traitement curatif
Concevoir des
Diminution de la
environnements
Réduction des conséquences du détresse
peu stressants
Objectif stress en augmentant les ressources psychologique
Identifier et réduire
mobilisables Aménagement
les sources de
des conditions
stress
de travail
Cible Individu
Organisation Individu
privilégiée Organisation

Outils de mesure mobilisables pour diagnostiquer le stress au


travail
Le Job Content Questionnaire (JCQ) de Karasek (1985 ; Karasek et
al., 1998) et l’Effort-Reward Imbalance (ERI) de Siegrist (1996) ont
été validés dans un large éventail d’études. Le JCQ dérivé du
modèle de Karasek est probablement à ce jour l’outil le plus répandu
et le plus utilisé dans les organisations de travail (Van Wassenhove,
2014). Il a été validé dans de nombreuses langues, y compris en
français par Brisson et al. (1998). Il comprend 49 items mesurant la
latitude décisionnelle, la demande psychologique et la charge
mentale de travail, le soutien social, les exigences physiques et
l’insécurité du travail. Plus récemment, Niedhammer, Chastang,
Gendrey, David et Degioanni (2006) ont mené une enquête
nationale et transversale auprès d’un large panel de travailleurs
français. Leurs résultats confirment les qualités psychométriques
satisfaisantes du JCQ et indiquent que cinq facteurs ou
composantes sont mesurés au travers de l’outil (demandes
psychologiques, utilisation des compétences et autonomie
décisionnelle, soutien des collègues et soutien de la hiérarchie).
Néanmoins, dans le cadre de démarches de prévention, ces formes
d’évaluation du stress au travail nécessitent d’être intégrée dans un
diagnostic impliquant l’analyse de l’expérience des travailleurs, des
spécificités de métiers et des situations réelles de travail (Ponnelle,
Vaxevanoglou & Ponnelle, 2016 ; Vaxevanoglou & Garcia, 2012).
Pour aller plus loin
Premières lectures conseillées en langue française
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3. Épuisement professionnel

La notion d’épuisement professionnel (burn-out) a été introduite dans les


années soixante-dix par Freundeberger (1974). Cette notion a elle aussi
donné lieu à de très nombreux travaux dans la mesure où elle est considérée
comme un indicateur de santé ou de souffrance psychologique (Schaufeli &
Enzmann, 1998).

3.1 Définitions et dimensions de


l’épuisement professionnel
Le terme burn-out est souvent mobilisé à l’heure actuelle pour caractériser
une réaction faisant suite à une exposition chronique et prolongée au stress
(Greenglass & Burke, 2003). Le concept d’épuisement professionnel a été
initialement développé pour expliquer le processus d’exposition chronique
à des stresseurs professionnels aboutissant à l’incapacité de gérer et de
poursuivre son travail (e.g. Maslach, 1982).
À l’origine, ce syndrome a été spécifiquement examiné dans le secteur
tertiaire où la dimension relationnelle est au cœur de l’exercice des métiers
et des situations professionnelles émotionnellement exigeantes. Maslach et
Jackson (1986) proposent d’ailleurs de définir le burn-out comme un
« syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de perte du
sentiment d’accomplissement personnel, susceptible de survenir chez des
sujets travaillant, de quelque façon que ce soit, avec d’autres êtres
humains ».
Par la suite, les travaux dans ce domaine ont montré que ce syndrome
pouvait tout autant toucher des travailleurs d’autres secteurs d’activité
(e.g. Demerouti, Bakker, Nachreiner & Schaufeli, 2001). L’épuisement
professionnel renvoie, en général, à trois dimensions interdépendantes : la
fatigue ou l’épuisement émotionnel (emotional exhaustion), la distance ou
le détachement psychologique à l’égard du milieu social de travail
(dépersonnalisation ou cynisme, depersonalization ou cynism7) et un
manque d’accomplissement personnel ou d’efficacité (personal
accomplishment ou ineffectiveness ; Maslach, 1982 ; Maslach & Jackson,
1986 ; Maslach, Shaufeli & Leiter, 2001). La fatigue émotionnelle est
cependant considérée comme la composante centrale de l’épuisement
professionnel. Elle en est d’ailleurs la première manifestation et a été plus
fréquemment appréhendée dans les études empiriques que les deux autres
composantes du burn-out.

3.2 Les déterminants professionnels du


burn-out
Les études scientifiques dans ce domaine ont très tôt cherché à identifier
les facteurs organisationnels sources de burn-out (i.e. job demands) ou, au
contraire, protégeant les travailleurs de ce syndrome (i.e. job ressources).
Leiter et Maslach (1988) supposaient à ce propos que ces types de facteurs
exerceraient une influence directe sur la fatigue émotionnelle (proche du
stress perçu) et une influence seulement indirecte (via la fatigue
émotionnelle) sur les deux autres composantes du burn-out (composantes
davantage associées à des stratégies de défense ou d’autoévaluation). Dans
une version révisée du modèle, Leiter (1993) a montré que cette relation
séquentielle n’était pas généralisable et applicable à différents contextes
professionnels. Maslach et al. (2001) précisent que les exigences relatives à
la situation de travail vont davantage influencer la fatigue émotionnelle et la
dépersonnalisation, le manque de ressources affectant plus particulièrement
l’accomplissement personnel.
Du point de vue des exigences professionnelles, les travaux montrent que
la fréquence d’apparition d’événements stressants, le conflit de rôle, la
surcharge de rôle, la charge temporelle et émotionnelle de travail, la
pression perçue ou encore la perception d’interférences travail-famille sont
sources de fatigue émotionnelle (van Daalen, Willemsen, Sanders & van
Veldhoven, 2009 ; Demerouti, Bakker & Bulters, 2004 ; Lee & Ashforth,
1996 ; Muhonen & Torkelson, 2003 ; Peeters, Montgomery, Bakker &
Schaufeli, 2005). Les effets de ces facteurs sont relativement similaires
concernant la dépersonnalisation, l’ambiguïté de rôle étant, par ailleurs, un
autre de ses déterminants. En revanche, les exigences professionnelles
n’exercent pas d’influence significative directe sur l’accomplissement
personnel (Lee & Ashforth, 1996). Peeters et al. (2005) ajoutent que la
modélisation des mécanismes en jeu pour expliquer l’épuisement (effets
délétères des exigences professionnelles et de la perception d’interférence
travail-famille) est associée aux processus relatifs à la sphère familiale
(i.e. effet conjoints et négatifs des exigences familiales et de l’interférence
famille-travail).
Concernant les ressources professionnelles, le soutien social provenant de
l’entourage professionnel (superviseur ou collègues), le sentiment
d’appartenir à la communauté de travail, l’autonomie professionnelle ou
encore la possibilité de participer aux prises de décision inhibent la fatigue
émotionnelle (Lee & Ashforth, 1996 ; Muhonen & Torkelson, 2003 ; van
Daalen et al., 2009). En outre, la possibilité de participer aux prises de
décision, la cohésion de l’équipe et les amitiés nouées en contexte
professionnel favorisent le sentiment d’accomplissement personnel au
travail et protègent de la dépersonnalisation (Lee & Ashforth, 1996).
Finalement, les employés qui se trouvent dans des contextes
professionnels marqués par des exigences élevées et de faibles ressources
(i.e. manque d’autonomie et de marges de manœuvre) auront plus de risque
de développer un épuisement professionnel (i.e. fatigue émotionnelle) que
ceux qui bénéficient d’un contexte plus favorable (faibles exigences et
contrôle élevé de la situation de travail ; de Jonge & Hamers, 2000).
Tableau 3.9 – Les déterminants de l’épuisement professionnel
Exigences professionnelles
Ressources professionnelles
(sources de fatigue émotionnelle et de
(facteurs protégeant du burn-out)
dépersonnalisation)
Soutien social (superviseur,
Événements stressants collègues)
Pression professionnelle Sentiment d’appartenir à la
Charge temporelle et émotionnelle de travail communauté
Conflit de rôle Cohésion d’équipe
Ambiguïté de rôle Amitiés professionnelles
Surcharge de rôle Autonomie professionnelle
Interférences travail-famille Possibilité de participer aux prises de
décision

3.3 Les conséquences de l’épuisement


professionnel
Le syndrome d’épuisement professionnel caractérise une forme de
souffrance psychique au travail que l’on a cherché à expliquer pour
déterminer les leviers sur lesquels agir dans les démarches de prévention. Il
a de ce fait été plus souvent abordé comme la résultante de différents
facteurs (e.g. du stress professionnel). Les travaux cherchant à évaluer les
conséquences inhérentes au burn-out sont de ce fait beaucoup moins
nombreux.
La méta-analyse de Lee et Ashforth (1996) montre que la fatigue
émotionnelle tout comme la dépersonnalisation soutiennent les intentions
de quitter l’entreprise et sont négativement associées à l’implication
organisationnelle, la dépersonnalisation étant par ailleurs négativement
corrélée à la satisfaction au travail. Maslach et al. (2001) confirment pour
partie ces résultats en soulignant les effets néfastes du burn-out sur
l’absentéisme, l’intention de quitter son organisation et le turnover. Pour les
employés qui restent au sein de l’entreprise de rattachement, l’épuisement
professionnel est associé à une baisse de la satisfaction, de l’implication
organisationnelle, de l’investissement dans l’emploi, de l’efficacité
professionnelle et de la productivité (e.g. Maslach et al., 2001). Des travaux
complémentaires indiquent, en outre, que l’épuisement professionnel
renforce la perception d’interférence travail-famille8 et de pression
professionnelle qui, comme nous l’avons mentionné au préalable, sont aussi
des facteurs de burn-out (i.e. modèle en spirale de relations réciproques ;
Demerouti et al., 2004). Enfin, le burn-out est également associé à d’autres
troubles de santé physique et psychique (e.g. troubles du sommeil,
cardiovasculaires, musculo-squelettiques, baisse de l’estime de soi, anxiété,
dépression ; Ekstedt et al., 2006 ; Honkonen et al., 2006 ; Schaufeli &
Enzmann, 1998).
Tableau 3.10 – Les conséquences délétères de l’épuisement professionnel
Domaine professionnel Qualité de vie et santé
Investissement dans l’emploi (–)
Interférence travail-famille
Efficacité professionnelle (–)
Estime de soi (–)
Productivité (–)
Anxiété
Implication organisationnelle (–)
Dépression
Satisfaction au travail (–)
Troubles du sommeil
Intentions de départ
Troubles cardiovasculaires
Absentéisme
Troubles musculo-squelettiques
Turnover

Outils de mesure mobilisables pour évaluer l’épuisement


professionnel
L’instrument de mesure principalement utilisé pour évaluer
empiriquement l’épuisement professionnel est l’inventaire développé
par Maslach (Maslach Burnout Inventory, MBI ; Maslach & Jackson,
1981 ; 1986). Le MBI a initialement été développé dans des
contextes spécifiques de travail (e.g. services de soins et de santé)
puis une version générale a été élaborée pour répondre à l’intérêt
croissant des chercheurs et praticiens dans ce domaine. Il permet de
mesurer le sentiment d’épuisement émotionnel, de
dépersonnalisation et de non-accomplissement personnel au travail
(à partir de 16 items dans sa version générale). Il a donné lieu à de
nombreuses versions et traductions, dont plusieurs en langue
française (e.g. au Québec, Dion & Tessier, 1994 ; en France, Pezet-
Langevin, 1997 ; Rolland, 1993). Pour une présentation de l’outil et
de ses qualités métrologiques, voir Langevin, Boini, François et Riou
(2012).

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
DGT, ANACT, INRS (2015). Le syndrome d’épuisement
professionnel ou burn-out. Paris : DICOM Edition.
Hansez, I., Mairaux, P., Firket, P., Braeckman, L. (2014).
Recherche sur le burn-out au sein de la population active belge :
Rapport final. Bruxelles : Service Public Fédéral Emploi, Travail et
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Neveu, J.P. (2006). L’épuisement professionnel (partie IIII). In A.
d’El Akremi, S. Guerrero & J.P. Neveu (éds.) Comportement
organisationnel, volume II (p. 263-334). Bruxelles : De Boeck.
Truchot, D. (2004). L’épuisement professionnel : concepts,
modèles, interventions. Paris : Dunod.
Pour aller plus loin
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4. Harcèlement moral au travail

Le harcèlement moral au travail (dans la littérature scientifique


anglophone, on trouve les termes de mobbing, harassment, bullying,
psychological terrorization) est un concept très étudié étant donné qu’il a
des répercussions importantes sur la santé et les conduites de travail de la
victime de harcèlement et qu’il représente, de ce fait, un coût important
pour l’organisation de travail. Cette dernière a d’ailleurs pour obligation
légale, en France, de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir le
harcèlement moral, qui est reconnu comme un délit.

4.1 Définitions et caractéristiques


du harcèlement moral au travail
Plusieurs définitions du harcèlement moral au travail ont été proposées
dans la littérature de ce domaine : elles s’accordent généralement pour
caractériser cette notion.
D’après Hirigoyen (2001, p. 18), « le harcèlement moral au travail se
définit comme toute conduite abusive (geste, parole, comportement,
attitude, etc.) qui porte atteinte, par sa répétition ou sa systématisation, à la
dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’une personne, mettant en
péril l’emploi de celle-ci ou dégradant le climat de travail ». Il renvoie à une
situation dans laquelle un ou plusieurs employés d’une organisation sont la
cible d’actes négatifs et hostiles au travail pendant une période de temps
prolongée (i.e. plusieurs mois ; Leymann, 1996). Selon Zapf (1999 ;
Einarsen, Hoel, Zapf & Cooper, 2011), le harcèlement signifie qu’une
personne est persécutée, offensée, insultée, marginalisée au travail par l’un
ou plusieurs de ses collègues, supérieurs ou subordonnés, se voit assigner
des tâches humiliantes et occupe une position d’infériorité. Pour être
associée à du harcèlement, cette situation doit être fréquente, répétée et
s’étendre sur une longue période.
Au regard de ces définitions, certains critères permettent de distinguer le
harcèlement moral d’autres formes de relations conflictuelles, d’incivilité,
d’agression ou de maltraitance en contexte de travail (e.g. Baillien,
Escartín, Gross & Zapf, 2017 ; Einarsen et al., 2011 ; Hirigoyen, 2001 ;
Leymann, 1996) : la nature des agissements (i.e. comportements sociaux
négatifs et néfastes), la répétition (i.e. exposition fréquente et régulière), la
durée (i.e. prolongée, s’échelonnant sur plusieurs mois), la cible
(i.e. agissements focalisés sur une personne en particulier) et
l’intentionnalité des agissements (volonté de nuire, plus ou moins délibérée
et consciente, du moins au départ).
Tableau 3.11 – Les critères caractérisant le harcèlement moral au travail
Critères Caractéristiques des agissements associés aux critères
Nature Comportements négatifs et néfastes
Répétition Exposition fréquente et régulière
Durée Prolongée
Cible Une personne en particulier
Intentionnalité Volonté de nuire

Le harcèlement moral est une violence à petites touches, qui n’est pas
immédiatement et aisément repérable par l’entourage ou par la victime elle-
même, dans la mesure où les procédés des harceleurs sont souvent occultes
et que chaque « attaque » considérée isolément n’apparaît pas
nécessairement comme grave. C’est l’effet cumulatif de microtraumatismes
fréquents, répétés, qui s’inscrivent dans la durée, qui constitue finalement
une agression et érode les ressources personnelles et professionnelles de la
victime (e.g. Baillien et al., 2017 ; Hirigoyen, 2001).
Tous les membres d’une organisation de travail peuvent être à l’origine de
comportements de harcèlement moral. Que le harcèlement s’instaure dans
une relation de subordination ou non (Zapf, Escartín, Einarsen, Hoel &
Vartia, 2011), il renvoie à une relation asymétrique, de domination
psychologique, dans laquelle la victime est en position d’infériorité. De ce
fait il est difficile pour elle de se défendre et d’avoir prise sur la situation.
Ces comportements négatifs peuvent être relatifs au travail en lui-même
(e.g. dévaluation du travail et des efforts fournis par l’employé, fixation
d’échéances déraisonnables et impossibles à respecter, attribution d’une
charge de travail excessive), renvoyer à des actes à dimension plus
personnelle (e.g. ridiculiser, stigmatiser, isoler socialement la victime) ou
impliquer des intimidations concrètes (e.g. agressions verbales, menaces ;
Baillien et al., 2017 ; Einarsen et al., 2011 ; Trépanier, Fernet & Austin,
2015).

4.2 Les déterminants contextuels


et environnementaux du harcèlement moral
au travail
Certains contextes ou caractéristiques propres à l’environnement
professionnel peuvent favoriser l’apparition du harcèlement moral.
La culture organisationnelle (e.g. normes et valeurs aboutissant à la
tolérance, voire à la légitimation de ce type de comportements, contexte de
forte compétition, etc.), l’insécurité dans l’emploi ainsi que le sentiment
d’injustice (i.e. procédurale et distributive9) sont, en effet, propices au
développement de comportements de harcèlement moral au travail
(Trépanier, Fernet, Austin & Boudrias, 2016 ; Hutchinson, Wilkes, Jackson
& Vickers, 2010).
En ce qui concerne les caractéristiques du travail, les études indiquent que
la surcharge de travail, l’ambiguïté de rôle, le conflit de rôle, de fortes
contraintes organisationnelles associées à la réalisation de la tâche ou
encore des situations professionnelles stressantes sont corrélés à
l’apparition de harcèlement moral au travail (Budin, Brewer, Chao &
Kovner, 2013 ; Trépanier et al., 2016 ; Van den Brande et al., 2017).
Inversement, les situations de travail caractérisées par le contrôle de
l’activité, une emprise élevée et des opportunités professionnelles sont peu
favorables au harcèlement (Budin et al., 2013 ; Trépanier et al., 2016).
Enfin, un environnement social de bonne qualité (soutien social des pairs
et des supérieurs, cohésion de groupe, sentiment d’appartenance à la
communauté organisationnelle, qualité de la communication, relations
professionnelles de proximité, climat de confiance, etc.) va, lui aussi,
inhiber l’apparition de comportements de harcèlement moral (Budin et al.,
2013 ; Hutchinson et al., 2010 ; Trépanier et al., 2016).
Tableau 3.12 – Les déterminants professionnels du harcèlement moral
Contextes Caractéristiques
Environnement social
organisationnels du travail
Tolérance vis-à-vis Surcharge de travail Soutien social (pairs, supérieurs)
du harcèlement Ambiguïté de rôle (–)
Légitimation du Conflit de rôle Cohésion de groupe (–)
harcèlement Fortes contraintes Sentiment de communauté
Forte compétition Travail stressant organisationnelle (–)
Insécurité dans l’emploi Contrôle de l’activité (–) Qualité de la communication (–)
Perception d’injustice Emprise (–) Relations professionnelles de
organisationnelle proximité (–)
Opportunités Climat de confiance (–)
professionnelles (–)

4.3 Les conséquences du harcèlement moral


au travail
Les travaux portant sur les effets du harcèlement moral au travail
(i.e. exposition à des comportements caractéristiques du harcèlement et/ou
perception d’être victime de harcèlement moral) en soulignent les
retombées négatives pour l’employé (cible) comme pour l’organisation de
travail.
Il réduit, en effet, la motivation au travail, la satisfaction professionnelle,
l’implication organisationnelle, l’engagement au travail, tout en favorisant
le déploiement de comportements contre-productifs, les intentions de départ
de l’organisation, l’absentéisme et l’interruption de la carrière des victimes
(e.g. Hutchinson, et al. 2010 ; Nielsen, Indregard & Øverland, 2016 ;
Nielsen & Einarsen, 2012 ; Trépanier, Fernet & Austin, 2015).
Le harcèlement moral a également des effets délétères sur la santé
psychologique et physique. Il est positivement corrélé au syndrome de
stress post-traumatique, aux affections psychosomatiques, au stress, à la
dépression, à l’anxiété, à l’épuisement professionnel, tout comme il altère le
bien-être, la satisfaction de vie et le fonctionnement psychologique des
victimes (i.e. satisfaction des besoins d’autonomie, de compétence et
relationnels ; Nielsen & Einarsen, 2012 ; Nielsen, Hetland, Matthiesen &
Einarsen, 2012 ; Trépanier et al., 2015 ; 2016 ; Verkuil, Atasayi &
Molendijk, 2015)
Tableau 3.13 – Les conséquences délétères du harcèlement moral au travail
Domaine professionnel Qualité de vie et Santé
Motivation au travail (–) Affections psychosomatiques
Satisfaction professionnelle (–) Stress post-traumatique
Implication organisationnelle (–) Dépression
Engagement au travail (–) Anxiété
Comportements contre-productifs Épuisement professionnel
Intentions de départ Bien-être (–)
Absentéisme Satisfaction de vie (–)
Interruption de carrière Fonctionnement psychologique (–)
Outils de mesure mobilisables pour évaluer le harcèlement
moral au travail
Deux instruments de mesure sont particulièrement repérables dans
les travaux empiriques de ce domaine. Le premier est le
Questionnaire d’Agissements Négatifs (Negative Acts Questionnaire,
NAQ ou NAQ-R dans sa version révisée ; Einarsen, Hoel &
Notelaers, 2009). C’est l’outil le plus utilisé (Nielsen, Notelaers &
Einarsen, 2011). Cette échelle comprenant 22 items mesure la
fréquence et la durée d’exposition à des comportements néfastes au
travail. Ces comportements peuvent viser la personne (e.g. sa
réputation et son statut social), son travail (e.g. remettre en cause sa
performance) ou référer à des intimidations concrètes (e.g. menacer
son intégrité physique et sa sécurité). Trépanier, Fernet et Austin
(2012) ont élaboré une version française canadienne du NAQ-R.
À partir d’un ensemble de données issues d’enquêtes et
d’entretiens, Leymann (1996) a, pour sa part, construit un inventaire
répertoriant 45 agissements associés au harcèlement au travail
(Leymann Inventory of Psychological Terrorization, LIPT). Considéré
comme un instrument de référence, il a été validé en contexte
Français (Niedhammer, David & Degioanni, 2007).

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Desrumaux, P. (2011). Le harcèlement moral au travail. Réponses
psychosociales, organisationnelles et cliniques. Rennes : PUR.
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Pour aller plus loin
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5. Bien-être au travail

Le bien-être psychologique constitue une composante positive permettant


de structurer la santé psychologique ou mentale (Warr, 2013), certains
travaux considérant que la détresse psychologique en définit la composante
négative. L’intérêt croissant pour le concept de bien-être au travail a
notamment été soutenu par le développement de la psychologie positive,
qui cherche à se démarquer et à compléter les approches davantage
focalisées sur la souffrance et la pathologie en contexte professionnel.

5.1 Éléments de définition et approches de la


notion de bien-être psychologique
Au cours des trente dernières années, trois approches du bien-être
psychologique subjectif ont été développées (Dagenais-Desmarais &
Savoie, 2011).
La perspective hédonique (hedonic approach) considère le bien-être
comme résultant de l’évaluation que les individus font de leur vie
(e.g. Diener, 1984 ; 2000 ; Massé et al., 1998). Elle aborde cette notion en
différenciant sa dimension émotionnelle (i.e. présence d’affects positifs vs
absence d’affects négatifs) de sa dimension cognitive (satisfaction de vie).
Ces deux sous-dimensions, bien que distinctes, sont étroitement liées (Ilies,
Schwind & Heller, 2007). Elle renvoie à une conception du bien-être en
termes d’expériences et de sensations plaisantes, de perception de bonheur
(vs mauvaise humeur, tristesse, difficultés rencontrées, etc.).
La perspective eudémonique (eudaimonic approach) aborde le bien-être
psychologique selon une orientation plus existentielle. Cette approche
considère que le bien-être renvoie à un mode de fonctionnement optimal, de
construction de sens et d’actualisation de soi, de réalisation et
d’accomplissement personnel (e.g. Ryff, 1989 ; Ryff & Keyes, 1995). Il est
dans ce cas opérationnalisé en termes d’autonomie, de maîtrise de son
environnement, de développement personnel, de relations positives à autrui,
d’établissement d’objectifs de vie et d’acceptation de soi (Ryff, 1989).
Une dernière approche, plus récente, propose d’intégrer les deux
perspectives précédentes (integrative approach). Elle considère en effet que
chacune d’entre elles définit une dimension importante du bien-être
psychologique et que, prises isolément, elles ne rendent pas pleinement
compte du concept (e.g. Keyes, Shmotkin & Ryff, 2002 ; Ryan & Deci,
2001 ; Warr, 2013). Ces deux composantes du bien-être seraient ainsi
complémentaires, interdépendantes, et agiraient de manière distincte sur les
comportements des individus (i.e. approche bidimensionnelle du construit ;
e.g. Peiró ; Ayala, Tordera, Lorente & Rodríguez, 2014).
Tableau 3.14 – Les approches du bien-être subjectif
Hédonique Eudémonique Intégrative
Fonctionnement optimal
Affects positifs
Construction et actualisation de soi Dimensions hédoniques
Satisfaction de
Réalisation et accomplissement Dimensions eudémoniques
vie
personnel

5.2 Le bien-être au travail


Le bien-être psychologique au travail n’a pas donné lieu à une
conceptualisation spécifique. Les études empiriques dans ce domaine
s’appuient en principe sur la perspective hédonique (e.g. satisfaction au
travail ; Hosie & Sevastos, 2009) qui est la plus mobilisée (Ilies, Schwind &
Heller, 2007). Certaines, cependant, adoptent une perspective eudémonique
pour étudier le bien-être en contexte professionnel (e.g. aspirations
professionnelles, autonomie, sentiment de compétence ; Horn, Taris,
Schaufeli, Schreurs, 2004).
Un nombre de plus en plus important de chercheurs soulignent la nécessité
de déployer des modèles et des mesures spécifiques du bien-être au travail
(i.e. propres à ce domaine en particulier), considérant qu’il s’agit d’un
construit spécifique, qui n’est pas nécessairement corrélé au bien-être en
général ou au bien-être dans un autre domaine de vie en particulier
(Dagenais-Desmarais & Savoie, 2011 ; Horn et al., 2004).
Dans cette perspective, Dagenais-Desmarais & Savoie (2011) ont
développé une approche du bien-être psychologique au travail en adoptant
une démarche inductive et contextualisée. Leur conceptualisation comprend
cinq composantes : l’adéquation interpersonnelle au travail,
l’épanouissement dans le travail, le sentiment de compétence au travail, la
perception de reconnaissance, la volonté d’engagement au travail.
L’identification de ces dimensions montre la pertinence et la prégnance des
indicateurs eudémoniques de bien-être en contexte professionnel. Leurs
résultats indiquent, par ailleurs, que le bien-être psychologique au travail se
distingue des dimensions hédonique ou eudémonique du bien-être général.

5.3 Les déterminants du bien-être au travail


Les caractéristiques relatives à la situation professionnelle, tout comme les
caractéristiques propres à la personne, influencent le bien-être au travail.
Parmi ces déterminants, les facteurs organisationnels liés à l’emploi
occupent une place importante. En ce sens, des exigences professionnelles
élevées (e.g. charge de travail quantitative et qualitative) ont des effets
délétères sur le bien-être des employés (Ilies, Aw & Pluut, 2015). A
contrario, le sentiment d’autonomie au travail, de contrôle de l’activité
professionnelle, la perception de soutien social provenant des coéquipiers
ou du superviseur, l’instauration d’un bon climat social au sein de l’équipe
de travail, la qualité des relations entretenues avec le supérieur direct et/ou
un mode de leadership de type transformationnel constituent des ressources
qui vont favoriser le sentiment de bien-être des employés (Ilies et al., 2015 ;
Nielsen et al., 2017).
Au niveau individuel, au-delà des travaux qui se sont plutôt focalisés sur
les effets des traits de personnalité (e.g. profil optimiste), la résilience,
l’espoir, la poursuite d’objectifs intrinsèques (vs extrinsèques),
l’autoefficacité professionnelle, l’implication organisationnelle
(i.e. affective ), les capacités de détachement psychologique vis-à-vis du
10

travail et de récupération ou encore le job crafting sont reconnus comme


favorisant le bien-être au travail (Meyer & Maltin, 2010 ; Nielsen et al.,
2017 ; Sonnentag & Bayer, 2005).
Tableau 3.15 – Les déterminants du bien-être au travail
Organisationnels Individuels
Optimiste
Charge de travail (–)
Résilience
Autonomie (–)
Espoir
Contrôle de l’activité (–)
Objectifs intrinsèques
Soutien social (coéquipiers, superviseur)
Autoefficacité professionnelle
Qualité climat équipe
Implication organisationnelle
Qualité relations avec supérieur
Job crafting
Leadership transformationnel
Capacités de détachement et de récupération

5.4 Les conséquences du bien-être au travail


Le bien-être des employés a des conséquences importantes tant du point
de vue de la sphère professionnelle que de la santé et de la qualité de vie
des salariés.
Il soutient la qualité du travail, la performance (individuelle et
organisationnelle), la productivité organisationnelle, la mise en œuvre de
comportements de citoyenneté organisationnelle, l’intention de rester dans
l’entreprise, et diminue le taux de turnover (e.g. Ilies et al., 2015). Les
études dans ce domaine montrent également que les employés qui ont un
niveau élevé de bien-être psychologique sont moins en retard et moins
souvent absents.
Du point de vue individuel, le bien-être est négativement corrélé au stress,
à la fatigue émotionnelle, ainsi qu’à la perception d’interférence entre la vie
de travail et la vie personnelle (Ilies et al., 2015 ; Harter, Schmidt & Keyes,
2003). Il est, a contrario, positivement associé à la résilience
psychologique, à la perception de santé physique et à la diminution des
problèmes de santé physique (mesures subjectives et objectives ; Ryan &
Deci, 2001 ; Keyes, 2007).
Tableau 3.16 – Les conséquences du bien-être au travail
Domaine professionnel Qualité de vie et santé
Performance
Productivité Interférence entre travail et vie personnelle (–)
CCO Stress (–)
Intention de maintien Fatigue émotionnelle (–)
Turnover (–) Résilience (–)
Retards (–) Santé physique
Absentéisme (–)

Outils de mesure mobilisables pour évaluer le bien-être au


travail
Selon la perspective adoptée, différents outils ont été mobilisés pour
mesurer le bien-être au travail (e.g. étude centrée sur les émotions
ressenties au travail vs recherches focalisées sur la perception
d’autonomie au travail). Dagenais-Desmarais et Savoie (2011) ont
développé un Index de bien-être psychologique au travail en langue
française. Composé de 25 items, il permet d’évaluer le bien-être
psychologique au travail dans une perspective multidimensionnelle
(i.e. cinq dimensions ont été distinguées).

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Abaidi-Ben Nasr, J. & Drillon, D. (2016). Les dimensions du bien-
être au travail : axes de prévention des risques psychosociaux ?
Revue internationale de psychosociologie et de gestion des
comportements organisationnels, 22(54), 145-172.
Biétry F. & Creusier J. (2015). Le bien-être au travail : Les apports
d’une étude par profils. Relations industrielles/Industrial relations,
7(4), 11-35.
Dagenais-Desmarais, V. & Privé, C. (2010). Comment améliorer le
bien-être psychologique au travail ? Gestion, 35(3), 69-77.
Grosjean, V. (2016). Bien-être au travail. In V. Gérard, M.E.
Bobillier-Chaumon, E. Brangier & M. Dubois (éds.), Psychologie
du travail et des organisations : 110 notions clés (p. 61-63). Paris :
Dunod.
Pour aller plus loin
Dagenais-Desmarais, V. & Savoie, A. (2012). What Is
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New York, NY : Psychology Press/Routledge.

6. Rapports entre vie de travail et vie « hors


travail »
Les rapports entre la vie de travail et la vie privée ont suscité de très
nombreuses études depuis plus d’une cinquantaine d’années. La notion de
conflit entre le travail et la famille a longtemps dominé le champ conceptuel
des travaux classiques s’intéressant aux rapports entre la vie de travail et la
vie « hors travail ». Par la suite, la notion d’enrichissement entre ces deux
domaines de vie est apparue, les auteurs considérant que les rapports entre
le travail et la vie privée n’étaient pas nécessairement ou uniquement
envisageables en des termes négatifs.

6.1 Des rapports envisagés sous l’angle du


conflit
La notion de conflit entre la vie de travail et la vie familiale est apparue
dès les années cinquante avec les travaux de Merton (1957) sur la théorie
des rôles. Elle a par la suite été particulièrement étoffée par les travaux de
Greenhaus & Beutell (1985). Les auteurs se sont intéressés aux
interférences entre ces deux domaines aux niveaux temporel, psychologique
et comportemental. Ils considéraient que le conflit travail-famille rendait
compte des incompatibilités interrôles entre ces deux domaines : autrement
dit l’attention et le temps consacrés à un rôle en particulier, le stress ou la
tension associés à ce rôle (e.g. surcharge ou ambiguïté de rôle), et/ou les
comportements émis dans le cadre de ce rôle rendent difficiles et nuisent à
l’accomplissement d’un autre rôle.
Selon cette théorie, cette relation conflictuelle est bidirectionnelle (Frone,
2003) : on va donc pouvoir s’intéresser au conflit travail-famille (T-F) ou au
conflit famille-travail (F-T). Les exigences professionnelles peuvent ainsi
engendrer un conflit T-F alors que les exigences familiales vont pouvoir
affecter (voire nuire à) l’accomplissement du rôle professionnel
(Netemeyer, Boles & McMurrian, 1996). Néanmoins, la plupart des études
dans ce domaine se sont davantage focalisées sur le conflit T-F. D’abord,
parce que le pouvoir explicatif de ce transfert (T-F) s’avère plus important
dans cette direction (e.g. Amstad, Meier, Fasel, Elfering & Semmer, 2011).
Ensuite, parce que les possibilités d’action et d’intervention dans le
domaine professionnel paraissent plus aisées (que dans le domaine
familial).
6.1.1 Les conséquences de la perception de conflit
travail-famille
Les études dans ce domaine montrent que les difficultés de conciliation
entre le travail et la famille ont des effets significatifs sur l’individu, le
travail, la carrière et la famille (e.g. Amstad et al., 2011). Elles ont bien mis
en évidence les conséquences délétères, notamment pour l’employé et
l’organisation de travail, de la perception de conflit entre le travail et la
famille. En effet, ce dernier :
– engendre une moindre implication organisationnelle et un moindre
engagement au travail (Allen, Herst, Bruck & Sutton, 2000 ;
Montgomery et al., 2003) ;
– est positivement corrélé aux sentiments d’insatisfaction et de malaise,
tant vis-à-vis du travail et de la carrière que vis-à-vis du domaine familial
et personnel (Kossek & Ozeki, 1998 ; Lourel, Gana & Wawrzyniak,
2005) ;
– inhibe la performance intrarôle (Frone, Russell & Cooper, 1997) tout
comme le déploiement de comportements de citoyenneté
organisationnelle (Netemeyer, Maxham Pullig, 2005) ;
– encourage l’absentéisme (Anderson, Coffey & Byerly, 2002) et incite à
quitter son travail (Demerouti et al., 2004) ;
– sous-tend des états affectifs négatifs (tension, inquiétude, frustration,
irritabilité ; Allen et al., 2000 ; Livingston & Juge, 2008) ;
– est associé aux troubles de santé mentale et physique, tels la détresse
psychologique, la dépression, l’anxiété, le stress perçu, l’épuisement
professionnel, les troubles psychosomatiques, les troubles du sommeil,
l’hypertension ou encore l’abus de substances portant atteinte à la santé
(Allen et al., 2000 ; Demerouti, Geurts, Bakker & Euwema, 2004 ;
Frone, 2003 ; Geurts, Rutte & Peeters, 1999 ; Lourel & Guéguen, 2007 ;
Major, Klein & Ehrhart, 2002 ; Montgomery, Peeters, Schaufeli & Den
Ouden, 2003 ; Peeters, Montgomery, Bakker & Schaufeli, 2005).
Tableau 3.17 – Les conséquences négatives de la perception de conflit travail-famille
Domaine professionnel Qualité de vie et santé
Implication organisationnelle (–) Insatisfactions familiales et personnelles
Engagement au travail (–) États affectifs négatifs
Insatisfactions envers le travail et la carrière Détresse psychologique
Performance intrarôle (–) Dépression
CCO (–) Anxiété
Absentéisme Stress
Turnover Épuisement professionnel
Troubles psychosomatiques
Troubles du sommeil
Hypertension
Abus de substance

6.1.2 Les déterminants professionnels de la perception


de conflit travail-famille
Plusieurs travaux ont cherché à identifier quels étaient les facteurs qui
soutenaient le conflit T-F (pour une méta-analyse tenant compte des
contextes de vie du XXIe siècle, voir Michel, Kotrba, Deuling & Clark,
2011). Les études montrent généralement que les exigences
professionnelles (charge élevée de travail, surcharge temporelle mais aussi
mentale, pression perçue), les horaires de travail décalés, ou encore les
questions d’ordre émotionnel (charge émotionnelle, difficultés
émotionnelles) souvent liées aux aspects relationnels du métier (clients,
patients, etc.) comme le manque de soutien social au travail favorisent la
perception de conflit entre ces deux domaines (Demerouti, Bakker &
Bulters, 2004 ; Demerouti et al., 2004 ; Frone, 2003 ; Geurts et al., 1999 ;
Major et al., 2002 ; Montgomery et al., 2003). A contrario, certaines études
montrent que le soutien social perçu (provenant du supérieur direct et/ou
des collègues) atténue la perception de conflit entre le travail et la famille
(aide apportée, prise en charge d’une activité, report d’une deadline, etc. ;
Thomas & Ganster, 1995).
Certaines ressources organisationnelles sont également à même d’atténuer
le sentiment de conflit entre le travail et la famille. L’autonomie au travail,
autrement dit le fait pour les individus de pouvoir choisir les procédures à
utiliser, contrôler l’ordre des activités à accomplir, de pouvoir modifier ou
choisir les critères d’évaluation de leurs prestations, va leur permettre de
diminuer la perception de conflit T-F (Karasek & Theorell, 1990 ;
Parasuraman, Purohit, Godshalk & Beutell, 1996). Le climat
organisationnel joue aussi un rôle important dans la diminution de la
perception du conflit T-F (Brough, O’Driscoll & Kalliath, 2005 ; Greenhaus
& Parasuraman, 1999 ; Hammer, Allen, Grigsby, 1997). En effet, certaines
entreprises véhiculent des valeurs et déploient des pratiques qualifiées de
family-friendly. Dans ce cas, elles se préoccupent et soutiennent l’équilibre
entre la vie de travail et la vie familiale et cherchent concrètement à
diminuer la perception de conflit entre ces deux sphères au travers, par
exemple, de services mis à disposition (pressing, salle de sport, crèche) ou
d’avantages financiers (contribution partielle aux frais de garde ou liés aux
loisirs des enfants). Un climat family-friendly implique, en outre, la prise en
charge des problèmes de conciliation des subordonnés en élaborant des
solutions personnalisées (propres aux contraintes et aux besoins de chacun)
pour contrôler la charge de travail (temporelle et mentale, en évitant le
travail en débordement, en aménageant les horaires de travail et en
répartissant au mieux les tâches à accomplir), mais aussi une identification
et une action sur les facteurs organisationnels sources de souffrance et de
mal-être au travail.
Tableau 3.18 – Les déterminants professionnels de la perception de conflit travail-famille
Facteurs majorants Facteurs protecteurs
Surcharge temporelle
Pression perçue Autonomie
Horaires de travail décalés Contrôle
Surcharge émotionnelle Soutien social entourage professionnel
Difficultés émotionnelles Climat organisationnel et pratiques family-friendly
Manque de soutien social

6.2 Des rapports envisagés sous l’angle


de l’enrichissement
L’enrichissement travail-famille est, quant à lui, un concept relativement
récent qui vise à exprimer une facette plus positive de l’interface travail-
famille (Greenhaus & Powell, 2006). Dans cette perspective, les auteurs
considèrent que l’on peut aussi tirer des bénéfices, des opportunités et des
ressources des relations entre la vie de travail et la vie familiale. Cette
approche, comme la précédente, se fonde sur la théorie des rôles (rapports
interrôles). Selon Greenhaus et Powell (2006), l’enrichissement T-F renvoie
à la mesure selon laquelle les expériences vécues dans un rôle améliorent la
performance et/ou la qualité de vie dans l’autre rôle. Autrement dit, il faut
qu’il y ait transfert de ressources d’un rôle à l’autre mais aussi que ce
transfert agisse avec succès quant au rôle ciblé. D’après ces auteurs,
différents types de ressources peuvent être transférés d’un rôle à l’autre : il
peut s’agir de transférer ou de mobiliser des compétences et connaissances,
des ressources émotionnelles et physiques (états affectifs ou émotions,
sentiment d’accomplissement, énergie), des ressources relationnelles
(psychosociales, « capital social »), des ressources matérielles (financières)
ou encore des ressources temporelles (flexibilité).
Comme c’était le cas dans l’approche précédente, les études dans ce
domaine se sont davantage focalisées sur les retombées du transfert de
ressources du travail vers la famille, son pouvoir explicatif étant plus
prononcé dans cette direction.
En termes de conséquences, l’enrichissement T-F est reconnu comme
revêtant des effets positifs sur la santé physique et le bien-être
psychologique des individus (McNall, Nicklin & Masuda, 2010) tout en les
préservant de l’épuisement professionnel (Montgomery et al., 2003). Il agit
également sur les affects vécus au travail (Carlson, Kacmar, Zivnuska,
Ferguson & Whitten, 2011) : il favorise ainsi l’accroissement des affects
positifs (intérêt, enthousiasme, etc.) comme la diminution des affects
négatifs (irritabilité, angoisse, etc.). Enfin, la perception d’enrichissement
T-F soutient la satisfaction au travail et l’implication organisationnelle
(Aryee, Srinivas & Tan, 2005 ; McNall et al., 2010).
En termes d’antécédents, les travaux montrent clairement que l’autonomie
au travail (latitude décisionnelle relative aux procédures, à la réalisation des
activités ou au processus d’évaluation) ainsi qu’un climat organisationnel
family-friendly favorisent l’enrichissement entre le travail et la famille
(Champagne & Dagenais-Desmarais, 2016). Les études constatent
également que le soutien social perçu (provenant du supérieur direct et/ou
des collègues) est associé à la perception d’enrichissement entre le travail et
la famille (Montgomery et al., 2003).
Tableau 3.19 – Les conséquences et les déterminants de la perception d’enrichissement travail-
famille
Conséquences Déterminants favorables
Satisfaction au travail (+) Autonomie et latitude décisionnelle
Implication organisationnelle (+) Soutien social entourage professionnel
Affects positifs au travail (+) Climat organisationnel et pratiques family-friendly
Santé physique (+)
Bien-être psychologique (+)
Affects négatifs au travail (–)
Épuisement professionnel (–)

Outils de mesure mobilisables pour évaluer l’interface entre vie


de travail et vie privée
Lourel, Gana et Wawrzyniak (2005) proposent une version adaptée
et validée en langue française de la SWING (Survey Work-home
Interaction – Nijmegen, Pays-Bas ; Wagena & Geurts, 2000). Cette
échelle, composée de 22 items au total, permet de mesurer : a) les
effets négatifs vs positifs de la vie de travail sur la vie privée (8 items
caractérisant les effets négatifs et 5 items définissant les effets
positifs du travail sur la vie privée) et b) les effets négatifs vs positifs
de la vie privée sur la vie professionnelle (4 items se réfèrent aux
effets négatifs et 5 items aux effets positifs de la vie privée sur la vie
de travail).

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Genin, E. (2009). L’empiétement du travail des femmes et des
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1. Voir la notion de rapports entre vie de travail et vie « hors travail » ici.
2. Voir la notion d’épuisement professionnel ici.
3. Voir la notion d’usages professionnels des technologies ici.
4. Voir la notion de rapports entre vie de travail et vie « hors travail » ici.
5. Voir la notion de supports organisationnel et de soutiens sociaux ici.
6. Voir la notion de rapports entre vie de travail et vie « hors travail » ici.
7. Les modélisations plus récentes préconisent une approche quadri-dimensionnelle du construit,
indiquant que la dépersonnalisation et le cynisme, s’ils sont liés, ne se recoupent pas strictement.
8. Voir la notion de rapports entre vie de travail et vie « hors travail » ici.
9. Voir la notion de justice organisationnelle ici.
10. Voir la notion d’implication organisationnelle ici.
Chapitre 4

PERCEPTION
DE L’ORGANISATION DE
TRAVAIL
ET DE L’ENVIRONNEMENT
PROFESSIONNEL
1. Contrat psychologique
2. Justice organisationnelle
3. Support organisationnel et soutiens sociaux
4. Qualité des relations au travail
1. Contrat psychologique

Le contrat psychologique (psychological contract, PC) est un des concepts


permettant de qualifier la relation d’emploi. Il s’inscrit dans le
prolongement des théories de l’échange social (Blau, 1964) et de la norme
de réciprocité (Gouldner, 1960). L’établissement d’un contrat
psychologique entre un employé et une organisation est particulièrement
important dans la mesure où il structure leurs attentes, leurs échanges et
leurs obligations mutuelles, leur permettant ainsi de réduire leur incertitude
et de définir plus clairement leur relation (Schalk & Roe, 2007).

1.1 Définition du contrat psychologique


Dans la perspective sociocognitive développée par Rousseau (1989 ;
1995), le contrat psychologique (CP) renvoie aux croyances individuelles
relatives aux termes définissant un accord d’échange réciproque entre un
employé et une organisation. Cet accord tacite permet de décrire les
échanges mutuels (promesses et obligations réciproques, explicites ou
implictes) entre un employé et une organisation tout au long de leur
relation.
Le contrat psychologique (CP) revêt deux principales fonctions (Hiltrop,
1995 ; 1996) :
– il caractérise la relation qui lie l’employé et l’employeur ;
– il définit les attentes réciproques qui vont orienter leurs comportements.
Le contrat psychologique renvoie, d’une part, aux types de contributions
que l’employeur va recevoir de l’employé et, d’autre part, aux formes de
récompenses que l’employé va recevoir en échange du temps et des efforts
investis au sein de l’organisation. Il se réfère à ce que chaque partie est en
droit de recevoir (de l’autre) et à ce que chacune d’elles est dans
l’obligation de fournir (à l’autre).
En principe, employé et employeur veillent à équilibrer ce que chacun
reçoit de et/ou fournit à l’autre. De ce fait, les relations peuvent être
envisagées sous l’angle d’une réciprocité « positive » (i.e. l’une des parties
ayant rempli sa part du contrat, c’est également le cas de l’autre) ou d’une
réciprocité « négative » (i.e. l’une des parties n’ayant pas rempli sa part du
contrat, l’autre partie non plus).
Un contrat psychologique est instauré lorsque une des deux parties estime
que des récompenses futures ont été promises, qu’elle a pour sa part fourni
les contributions attendues et qu’en conséquence, l’autre partie impliquée a
pour obligation, en retour, de lui attribuer les récompenses promises
(Rousseau, 1990). Néanmoins, on peut considérer (Hui, Lee & Rousseau,
2004) qu’une structure embryonnaire, transitoire et rudimentaire de CP,
fondée sur les expériences antérieures de socialisation de l’individu, se
forme à partir du moment où un individu se projette potentiellement au sein
d’une organisation de travail (e.g. dans une phase de recherche d’emploi, y
compris d’un premier emploi). L’élaboration du CP étant un processus
dynamique, il est développé et redéfini tout au long du processus de
socialisation organisationnelle1 (Nelson, Quick & Joplin, 1991 ; Rousseau,
1995). Une fois stabilisé, il pourra être sujet à des révisions et à des
ajustements lors de changements marquant l’organisation
(e.g. restructuration) ou la carrière de l’individu (e.g. mutation, changement
de poste).
Enfin, selon les travaux considérés, le contrat psychologique peut être
appréhendé en tenant compte du point de vue de l’employé, de l’employeur
ou des deux parties.

1.2 Les formes de contrat psychologique


Les modalités de la relation d’emploi, envisagée sous l’angle du CP,
peuvent être définies en considérant cinq caractéristiques (Rousseau &
MacLean Parks, 1993) : la nature de la relation, son étendue, sa tangibilité,
sa durée et sa stabilité.
À l’origine, Rousseau distingue deux formes de caractérisation du contrat
psychologique. Dans sa forme transactionnelle (transactional PC), il se
fonde sur des échanges spécifiques et limités, de courte durée, de nature
financière, matérielle ou instrumentale, et qui requièrent un investissement
limité de la part de chacune des parties (e.g. lorsque l’entreprise paye pour
les services rendus par l’employé selon les termes du contrat de travail).
Dans sa forme relationnelle (relational PC), le contrat psychologique se
fonde sur une relation d’emploi plus étendue et plus stable, des échanges
plus importants et moins spécifiques, s’inscrivant sur le long terme, pouvant
être de nature sociale, affective ou symbolique (e.g. lorsque l’organisation
propose des possibilités d’évolution et assure une sécurité de l’emploi en
échange de la loyauté et de la fidélité de l’employé). Il est important de
noter que ces deux formes ne sont pas exclusives ou nécessairement
incompatibles. Les études dans ce domaine indiquent d’ailleurs qu’en
général, le CP est caractérisé par ces deux aspects.
Rousseau a introduit plus tardivement une troisième forme de CP, qualifié
d’équilibré ou d’hybride (balanced or hybrid PC, Rousseau, 1995 ; 2004)
qui se réfère aux relations d’échanges pouvant revêtir à la fois des aspects
financiers, matériels et instrumentaux et des aspects sociaux, affectifs ou
symboliques. Cette dernière forme de contractualisation inclut, dans des
proportions variables, des exigences en termes de performance et une
renégociation périodique (caractéristiques du CP transactionnel), une
période temporelle étendue et des préoccupations mutuelles
(caractéristiques du CP relationnel ; l’employeur s’engage à assurer le
développement de carrière de l’employé, au sein ou hors de son
organisation, et attend de l’employé qu’il soit flexible et qu’il s’ajuste aux
changements socio-économiques). L’idée étant que les niveaux des
bénéfices offerts correspondent aux niveaux des contributions attendues.
Ces trois premières formes de contrat englobent les types de relations
d’emploi les plus répandus.
Une dernière forme de contrat, qualifié de transitionnel (transitional PC),
reflète davantage une rupture dans la relation d’emploi ou l’absence d’un
accord solide entre les deux parties. Cette forme de CP émerge plus
particulièrement dans des situations de précarité ou d’instabilité
professionnelle (e.g. réduction d’effectifs, changements radicaux au sein de
l’organisation, contrats de très courte durée, etc.). Dans ce dernier cas,
l’implication de chaque partie comme la confiance entre l’employé et
l’organisation sont fortement dégradées, voire inexistantes (Hui et al.,
2004).
Tableau 4.1 – Les formes de contrat psychologique
Formes Caractéristiques
Contrat Échanges spécifiques et limités, à court terme, de nature financière,
transactionnel matérielle ou instrumentale, investissement mutuel limité
Contrat Échanges importants et peu spécifiques, à long terme, de nature sociale,
relationnel affective ou symbolique, relation d’emploi étendue et stable
Échanges plus ou moins importants et plus ou moins spécifiques, à long
Contrat
terme mais ponctués par des renégociations périodiques, de nature
équilibré
sociale, affective ou symbolique
Contrat
Rupture ou absence de contrat
transitionnel

1.3 Les conséquences du respect ou de la


rupture du contrat psychologique
Les études antérieures ont bien mis en évidence les conséquences
positives du CP lorsque l’employé perçoit qu’il a effectivement bénéficié de
ce qui lui avait été promis (respect du CP). Il favorise alors un sentiment de
sécurité, de loyauté envers l’organisation, une identification à
l’organisation, une satisfaction dans l’emploi, une implication
organisationnelle, une performance intrarôle et la mise en œuvre de
comportements de citoyenneté organisationnelle, un bien-être, une
satisfaction générale de vie, un équilibre entre vie professionnelle et vie
personnelle ou encore l’intention de rester dans l’organisation (Alcover,
Rico, Turnley & Bolino, 2017 ; Dulac, 2005 ; Tekleab & Taylor, 2003).
En revanche, la perception d’avoir bénéficié d’avantages ou de
récompenses inférieurs à ceux qui avaient été initialement envisagés, alors
même que des contributions ont été fournies à hauteur de ce qui était
attendu, entraîne une brèche dans le contrat psychologique voire la
perception d’une violation des termes du contrat (pour plus de détails sur la
perception de rupture, voir Coyle-Shapiro & Parzefall, 2005). Dans ce cas,
l’employé considère qu’il y a un déséquilibre dans la relation et va chercher
à rétablir un équilibre en adoptant des sentiments, attitudes et
comportements négatifs : regret, méfiance, sentiment d’insatisfaction, de
colère, de frustration, moindre implication organisationnelle, accroissement
de comportements contre-productifs, de l’épuisement émotionnel et du
cynisme2, de l’intention de quitter l’organisation, de l’absentéisme, du
turnover (Delobbe, 2012 ; Zhao, Wayne, Glibkowski & Bravo, 2007 ;
Suazo, 2009).
Tableau 4.2 – Les conséquences du respect ou de la rupture du contrat psychologique
Brèche ou violation du contrat
Respect du contrat psychologique
psychologique
Sentiment de sécurité au travail
Loyauté envers l’organisation Regret, méfiance, insatisfaction, colère,
Identification à l’organisation frustration
Satisfaction dans l’emploi Implication organisationnelle (–)
Implication organisationnelle Comportements contre-productifs
Performance intrarôle et CCO Épuisement professionnel
Intention de rester Absentéisme
Bien-être et satisfaction générale de vie Intention de départ
Équilibre entre vie professionnelle et vie Turnover
personnelle

Pour terminer, signalons que des approches récentes du CP insistent sur le


caractère pluriel des parties impliquées (Alcover et al., 2017). En effet,
différents agents peuvent représenter l’organisation dans la relation
d’emploi (recruteur, tuteur, coéquipiers, collègues, supérieurs direct et
indirect, personnel rattaché aux services des ressources humaines, etc.). De
ce fait, les relations d’emploi peuvent revêtir des formes variées et
hétérogènes en fonction des sources considérées (i.e. agent représentant
l’organisation), tout comme la nature des échanges réciproques et la
définition des attentes en termes de contributions et de rétributions peuvent
diverger en fonction de ces sources. Ces approches visent ainsi à se
détacher d’une représentation dyadique du contrat psychologique entre
l’employé et son employeur, celle-ci s’avérant réductrice quant aux acteurs
organisationnels impliqués.

Outils de mesure mobilisables pour évaluer le contrat


psychologique
Rousseau (1998 ; 2000) propose d’appréhender le CP du point de
vue de l’employé à partir d’un index qu’elle a développé
(Psychological Contract Index, PCI). Composé de 59 items dans sa
version étendue, cet index permet d’évaluer les promesses faites par
l’employeur et l’employé (i.e. liste d’obligations attendues).
Néanmoins le PCI n’a pas donné lieu à un processus de validation
de ses qualités métriques. Guerrero (2005) a élaboré puis testé une
version francophone de cet instrument en y intégrant la mesure de la
réalisation effective des promesses (degré de respect des
engagements). Au regard des résultats obtenus, elle souligne la
nécessité de privilégier une approche contingente du CP (création
d’échelles et de listes de promesses propres à chaque situation
professionnelle et culturelle).

Pour aller plus loin


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2. Justice organisationnelle

Le sentiment de justice organisationnelle (Organizational Justice) est une


notion fondée sur la théorie de l’équité (Adams, 1965) et sur la théorie de
l’échange social (Blau, 1964). Dans cette perspective : a) un individu jugera
une situation comme étant juste dans la mesure où le ratio
contributions/rétributions et la comparaison de ce ratio à celui de ses pairs
seront estimés comme équitables, et b) la justice perçue constituera une
ressource symbolique qui soutiendra la mise en œuvre d’efforts et actions
plus importants ou supplémentaires (i.e. relation de réciprocité).

2.1 Définition et formes de justice


organisationnelle
D’après Colquitt, Conlon, Wesson, Porter et Ng (2001), la justice
organisationnelle se réfère aux perceptions subjectives relatives à l’équité
de l’affectation et de la répartition des rétributions mais aussi à l’équité des
procédures sur lesquelles reposent l’affectation et la répartition des
rétributions.
Quatre dimensions relatives à la justice organisationnelle peuvent être
distinguées (Colquitt, 2012 ; Colquitt, Conlon, Wesson, Porter & Ng, 2001 ;
Colquitt et al., 2013) : la justice distributive, la justice procédurale, la
justice interpersonnelle, la justice informationnelle.
La justice distributive est directement issue de la théorie de l’équité
d’Adams (1965). Elle est définie comme le degré de perception d’équité
relative aux décisions prises quant à l’affectation des ressources
organisationnelles et quant aux rétributions découlant de ces décisions
(Adams, 1965 ; Leventhal, 1976). Les rétributions seront jugées équitables
si elles respectent un certain équilibre entre contributions et rétributions, par
rapport aux contributions et rétributions d’autres individus considérés
comme référents.
La justice procédurale renvoie à l’équité perçue des procédures
décisionnelles et à la mesure selon laquelle elles sont jugées cohérentes,
précises, rigoureuses, objectives mais aussi ouvertes à la discussion et à des
contributions possibles, autrement dit permettant l’exercice d’un certain
contrôle (Leventhal, 1980 ; Thibault & Walker, 1975). Selon Leventhal
(1980), pour qu’elles soient jugées équitables, les procédures doivent être
constantes sur la durée et identiques pour tous, impartiales, conformes aux
règles élémentaires de morale et d’éthique ; elles doivent impliquer la
recherche et la mobilisation d’informations pertinentes pour alimenter le
processus décisionnel, intégrer des mécanismes de régulation et de
correction, et tenir compte de l’opinion des groupes qui seront affectés par
les décisions prises.
La justice interpersonnelle renvoie à l’équité perçue de l’adoption et de
l’implémentation des décisions au niveau relationnel (Bies & Moag, 1986).
Elle reflète la mesure selon laquelle les personnes impliquées dans la prise
de décision ou l’application des décisions sont traitées avec politesse,
dignité et respect (Greenberg 1993).
La justice informationnelle se réfère également à l’équité perçue de
l’adoption et de l’implémentation des décisions mais concerne plus
spécifiquement la mesure selon laquelle des explications et justifications
sincères et pertinentes (i.e. informations concernant le choix de la procédure
et de la répartition des résultats) sont fournies aux personnes concernées
(Bies & Moag, 1986 ; Greenberg, 1993). Ces deux dernières formes de
justice organisationnelle sont parfois abordées conjointement sous le terme
de justice interactionnelle.
Tableau 4.3 – Les formes de perception de justice organisationnelle
Dimensions Définition
Équilibre du ratio contributions/rétributions, par rapport au ratio
Distributive
contributions/rétribution d’autres individus
Équité, cohérence, précision, rigueur, objectivité et possibilité de
Procédurale
contrôle des procédures décisionnelles
Politesse, dignité et respect perçus envers les personnes impliquées
Interpersonnelle
dans le processus décisionnel
Explications et justifications fournies quant au processus décisionnel
Informationnelle
jugées sincères et pertinentes

Les études indiquent que ces quatre formes de justice organisationnelle


sont significativement et positivement corrélées mais demeurent distinctes
(Colquitt et al., 2001 ; Colquitt et al., 2013).
2.2 Les antécédents de la perception
de justice organisationnelle
La culture et les politiques organisationnelles vont orienter la perception
de justice. Ainsi, les organisations qui valorisent les valeurs d’équité,
d’égalité et qui prônent l’attribution de récompenses en fonction des
besoins individuels, qui fournissent du soutien à leurs employés, qui
promeuvent l’autonomie, la participation aux prises de décision,
l’expression des opinions de chacun, qui se soucient de la qualité des
communications et des relations au sein de l’organisation ou encore qui
proposent des salaires conséquents à leurs collaborateurs favorisent la
perception de justice organisationnelle (e.g. Cohen-Charash & Spector,
2001).

2.3 Les effets bénéfiques de la perception


de justice organisationnelle
Les études empiriques dans ce domaine mettent clairement en avant les
retombées positives de la perception de justice sur le plan individuel et
organisationnel.
Elle favorise, en effet, la performance dans la tâche, le déploiement de
comportements de citoyenneté organisationnelle (qu’ils ciblent
l’organisation, les supérieurs ou les collègues3), l’implication
organisationnelle, les états affectifs positifs au travail, la satisfaction
relative aux évaluations de la performance et aux différentes formes de
rétribution (salaire, primes, promotions), la satisfaction au travail (Cohen-
Charash & Spector, 2001 ; Colquitt et al., 2001 ; 2013).
La perception de justice organisationnelle soutient également
l’établissement d’un climat relationnel général de confiance, le
développement d’une relation leader-manager de haute qualité,
l’accroissement de la confiance envers les décisionnaires et la hiérarchie
comme envers l’organisation, la reconnaissance des figures d’autorité
(système managérial dans son ensemble, supérieur direct) comme la
perception de support organisationnel (Cohen-Charash & Spector, 2001 ;
Colquitt et al., 2001 ; 2013).
Elle préserve, par ailleurs, la santé physique et mentale des travailleurs
(i.e. détresse psychologique, maladies somatiques plus faibles vs meilleure
santé perçue ; Elovainio, Kivimäki & Vahtera, 2002 ; Rousseau, Salek,
Aubé & Morin, 2009).
Elle inhibe, en revanche, les affects négatifs au travail (e.g. mauvaise
humeur, colère), les conflits interpersonnels, la mise en œuvre de
comportements de déviance destructive (e.g. vols, retards, détérioration de
matériel4) ou de comportements de retrait (absentéisme, intention de départ,
turnover ; Cohen-Charash & Spector, 2001 ; Colquitt et al., 2001 ; 2013).
Tableau 4.4 – Les effets de la perception de justice organisationnelle
Au niveau professionnel En termes de
Renforce Inhibe santé

Climat relationnel de confiance


Qualité relation leader-manager
Confiance envers et reconnaissance des
Affects négatifs au travail
figures d’autorité Détresse
Conflits interpersonnels
Perception de support organisationnel psychologique
Comportements de
États affectifs positifs (–)
déviance destructive
Implication organisationnelle Maladies
Absentéisme
Satisfaction relative aux évaluations de somatiques (–)
Intention de départ
performance et aux rétributions Santé perçue (+)
Départ effectif
Satisfaction au travail
Performance dans la tâche
CCO

Bien que chacune des formes de justice organisationnelle affecte


généralement les attitudes et comportements préalablement mentionnés,
certains travaux soulignent la prépondérance des effets de certaines d’entre
elles (pour plus de détail sur ce point, voir par exemple Colquitt et al.,
2001).
Enfin, Colquitt et ses collaborateurs (Colquitt, 2012 ; Colquitt et al., 2013)
précisent que lorsque la justice perçue se focalise plus spécifiquement sur
des processus décisionnels de niveau organisationnel, les attitudes et
comportements engendrés sont plus particulièrement orientés vers
l’organisation. Il en est de même concernant les processus décisionnels au
niveau individuel (i.e. si le supérieur est à l’origine de la perception de
justice, les attitudes et comportements qui en découlent cibleront plus
spécifiquement le supérieur).
Outils de mesure mobilisables pour mesurer la perception de
justice organisationnelle
Les approches et l’opérationnalisation empirique de la justice
organisationnelle sont très hétérogènes (e.g. Colquitt, 2012 ; Colquitt
& Rodell, 2015). Certains travaux examinent uniquement une ou
deux forme(s) de justice ; d’autres mettent un point d’honneur à
considérer ses quatre sous-dimensions mais, selon le cas, calculent
un score composite de perception de justice ou, au contraire, des
scores relatifs à chacune des quatre facettes de justice.
Colquitt (2001) a élaboré une échelle de mesure de la justice
organisationnelle selon quatre sous-dimensions (i.e. la justice
distributive au travers de 4 items, la justice procédurale via 7 items,
la justice interpersonnelle à partir de 4 items et la justice
informationnelle via 5 items). Elle évalue la perception de justice au
sein de l’organisation de travail mais peut tout autant être mobilisée
pour évaluer la perception de la justice relative aux processus
décisionnels assumés par le supérieur (Colquitt & Rodell, 2015).
Cette échelle a donné lieu à une traduction en langue française
(Jouglard-Tritschler & Steiner, 2005) régulièrement utilisée dans les
études en contexte professionnel francophone.

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
Bagger J., Cropanzano R. et Ko J. (2006). La justice
organisationnelle : définitions, modèles et nouveaux
développements. In A. El Akremi, S. Guerrero & J.P. Neveu (eds.),
Comportement organisationnel, volume II (p. 25-45). Bruxelles :
De Boeck.
El Akremi A, Nasr, M.I. & Camerman, J. (2006). Justice
organisationnelle, un modèle intégrateur des antécédents et des
conséquences. In A. El Akremi, S. Guerrero & J.P. Neveu (eds.),
Comportement organisationnel, volume II (p. 47-88). Bruxelles :
De Boeck.
Steiner, D.D. (2003). Équité et justice au travail. Dans J. Allouche
(éd.), Encyclopédie des Ressources Humaines (p. 466-475).
Paris : Vuibert.
Pour aller plus loin
Adams, J. S. (1965). Inequity in Social Exchange. In L. Berkowitz
(ed), Advances in Experimental Social Psychology, Vol. 2 (p. 267-
299). New York, NY : Academic Press.
Bies, R.J. and Moag, J.F. (1986). Interactional Justice :
Communication Criteria of Fairness. In R.J. Lewicki, B.H.
Sheppard & M.H. Bazerman (eds.), Research on Negotiations in
Organizations, Vol. 1 (p. 43-55). Greenwich, CT : JAI Press.
Cohen-Charash, Y. & Spector, P. E. (2001). The role of justice in
organizations : A meta-analysis. Organizational Behavior and
Human Decision Processes, 86(2), 278-321.
Colquitt, J. A. (2001). On the dimensionality of organizational
justice : A construct validation of a measure. Journal of Applied
Psychology, 86(3), 386-400.
Colquitt, J.A. (2012). Organizational justice. In S. W. J. Kozlowski
(ed.), The Oxford handbook of organizational psychology (p. 526-
547). New York, NY : Oxford University Press.
Colquitt, J.A., Conlon, D.E., Wesson, M.J., Porter, C.O.L.H. & Ng,
K.Y. (2001). Justice at the millenium : A meta-analytic review of 25
years of organizational justice research. Journal of Applied
Psychology, 86(3), 425-445.
Colquitt, J. A. & Rodell, J. B. (2015). Measuring justice and
fairness. In R. Cropanzano & M. L. Ambrose (eds.), The Oxford
handbook of organizational justice, Vol. 1 (p. 187-202). New York,
NY : Oxford University Press.
Colquitt, J. A., Scott, B. A., Rodell, J. B., Long, D. M., Zapata, C.
P., Conlon, D. E. & Wesson, M. J. (2013). Justice at the millenium,
a decade later : A meta-analytic test of social exchange and
affect-based perspectives. Journal of Applied Psychology, 98(2),
199-236.
Elovainio, M., Kivimäki, M. & Vahtera, J. (2002). Organizational
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American Journal of Public Health, 92(1), 105-108.
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Cropanzano (Ed.), Series in applied psychology. Justice in the
workplace : Approaching fairness in human resource management
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Jouglard-Tritschler, D. & Steiner, D.D. (2005). Validation of the
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Communication présentée au Congrès annuel de la Society for
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New York, NY : Academic Press.
Leventhal, G.S. (1980). What should be done with equity theory ?
In K.J. Gergen, M.S. Greenberg & R.H. Willis (eds), Social
exchange Advances in theory and research (p. 27-55). New York,
NY : Plenum.
Rousseau, V., Salek, S., Aubé, C. & Morin, E. M. (2009).
Distributive justice, procedural justice, and psychological distress :
The moderating effect of coworker support and work autonomy.
Journal of Occupational Health Psychology, 14(3), 305-317.
Thibault, J. & L. Walker (1975). Procedural Justice : A social
psychological Analysis. Hillsdale, N.J. : Lawrence Elbaum
Associates.

3. Support organisationnel et soutiens


sociaux

Les relations à autrui en contexte professionnel ont suscité l’intérêt des


chercheurs dans la mesure où elles sont généralement reconnues comme des
ressources mobilisables ayant des effets bénéfiques sur les attitudes, les
conduites ou encore la santé des travailleurs. Deux types de processus
relationnels en particulier ont retenu l’attention des chercheurs dans ce
domaine : le support organisationnel et les soutiens sociaux de niveau
interpersonnel.

3.1 Le support organisationnel


Fondée sur la théorie de l’échange social et la norme de réciprocité (Blau,
1964 ; Eisenberger, Hungtington, Hutchison & Sowa, 1986), la théorie du
support organisationnel a donné lieu à une série non négligeable de travaux.
Les auteurs qui s’inscrivent dans cette perspective considèrent que les
employés déploient des efforts et sont dévoués à leur organisation de travail
s’ils perçoivent des bénéfices matériels et financiers mais aussi d’ordre
socio-émotionnel (i.e. approbation, estime, attention, bienveillance).
3.1.1 Définition du support organisationnel perçu
Le support organisationnel perçu (Percieved Organizational Support,
POS) peut être défini comme la « perception générale des employés relative
à la mesure selon laquelle leur organisation de travail valorise leur
contribution et se soucie de leur bien-être » (Shanock & Eisenberger, 2006,
p. 689).
D’après la théorie du support organisationnel, un employé qui a le
sentiment d’être bien traité (POS élevé) s’engagera dans un processus
d’échange social au sein duquel il ressentira l’obligation d’aider
l’organisation à atteindre ses objectifs, tout en s’attendant à ce que ses
efforts déployés pour le compte de l’organisation soient reconnus et
récompensés (e.g. Kurtessis et al., 2017).
3.1.2 Les antécédents de la perception de support
organisationnel
La perception de support organisationnel élevé dépend de facteurs
organisationnels, liés aux conditions de réalisation de l’activité
professionnelle ou à l’environnement social de travail.
L’autonomie et la possibilité de participer aux prises de décision et de
donner son avis, la clarté de rôle et des attentes de rôle, les avantages
financiers ou matériels offerts (e.g. prise en charge des soins ou mutuelle
d’entreprise), la congruence des valeurs portées par l’organisation avec
celles de l’individu, la perception de justice organisationnelle (notamment
procédurale et distributive5), le sentiment de sécurité dans l’emploi, les
possibilités de développement de carrière, les pratiques organisationnelles
flexibles et en faveur de la conciliation travail-famille facilitent la
perception de support organisationnel chez les employés (Kurtessis et al.,
2017 ; Rhoades & Eisenberger, 2002 ; Wayne, Shore, Bommer & Tetrick,
2002).
A contrario, l’ambiguïté de rôle, le conflit de rôle et la surcharge de rôle,
des politiques organisationnelles prônant le favoritisme et mettant en œuvre
des discussions manquant de franchise ou encore la rupture du contrat
psychologique sont associés à une faible perception de support
organisationnel (Kurtessis et al., 2017 ; Rhoades & Eisenberger, 2002).
Enfin, le soutien social provenant du superviseur ou des coéquipiers et
plus largement de l’équipe de travail, la qualité de la relation d’échange
avec le manager direct, le fait d’être spécifiquement considéré et reconnu
par le superviseur ou encore un leadership de type transformationnel sont
aussi des déterminants favorables à la perception de support organisationnel
(Eisenberger et al., 2014 ; Kurtessis et al., 2017 ; Rhoades & Eisenberger,
2002 ; Wayne et al., 2002).
Tableau 4.5 – Les antécédents de la perception de support organisationnel
Contexte organisationnel et Environnement
caractéristique du travail socioprofessionnel
Autonomie
Participation aux prises de décision
Clarté de rôle
Avantages financiers et matériels
Soutien social (superviseur,
Congruence des valeurs
coéquipiers, équipe)
organisation-individu
Qualité de la relation leader-
Antécédents Perception de justice
manager
favorables organisationnelle
Reconnaissance de la part
Sentiment de sécurité dans l’emploi
du superviseur
Possibilités de développement de
Leadership transformationnel
carrière
Pratiques organisationnelles flexibles
et soutenant la conciliation travail-
famille
Antécédents Ambiguïté de rôle
défavorables Conflit de rôle
Surcharge de rôle
Politiques organisationnelles
de favoritisme
et de dissimulation
Rupture du contrat psychologique

3.1.3 Les effets de la perception de support


organisationnel
Les études empiriques réalisées mettent en avant les bénéfices associés à
la perception de support organisationnel.
En effet, un support organisationnel élevé renforce l’adhésion aux valeurs
et buts organisationnels, le sentiment d’obligation et l’identification à
l’organisation de travail, l’implication organisationnelle (affective et
normative6), l’investissement dans l’emploi, le niveau de confiance envers
l’entourage professionnel (superviseur, manager, coéquipiers, organisation),
l’établissement de relations de qualité, une estime de soi professionnelle,
l’autoefficacité professionnelle, la satisfaction au travail, les affects positifs
et l’équilibre travail-famille (Eisenberger, Cummings, Armeli & Lynch
1997 ; Fabre et Roussel, 2013 ; Kurtessis et al., 2017 ; Rhoades &
Eisenberger, 2002 ; Wayne et al., 2002).
Par ailleurs, il protège les employés du stress, de l’épuisement
professionnel et de la perception de conflit entre travail et famille7
(Kurtessis et al., 2017 ; Rhoades & Eisenberger, 2002).
Il favorise aussi la performance intrarôle (e.g. appréciations plus
favorables provenant des supérieurs, des collègues, des clients) et le
déploiement de comportements de citoyenneté organisationnelle
(notamment altruisme envers les pairs et le supérieur8 ; Kurtessis et al.,
2017 ; Bell & Menguc 2002 ; Eisenberger, Armeli, Rexwinkel, Lynch &
Rhoades, 2001 ; Wayne et al., 2002). Par exemple, Wayne, Shore et Liden
(1997) ont montré que la perception de support organisationnel chez les
managers les encourageait à soutenir et à aider les personnes de retour
après une absence, à accompagner les nouveaux entrants, à aider les autres
employés lorsque leur charge de travail augmente et plus largement à les
aider à accomplir leurs tâches. De manière complémentaire, Shanock et
Eisenberger (2006) ont constaté que le support organisationnel perçu par les
superviseurs les incitait à fournir du soutien social à leurs subordonnés.
D’autre part, un support organisationnel élevé inhibe la mise en œuvre de
comportements déviants et contre-productifs (e.g. retards, pauses de longue
durée, départs plus tôt que prévu9), l’absentéisme, les comportements de
recherche d’un autre emploi, les intentions de départ de l’entreprise ainsi
que le turnover (Eisenberger et al., 2014 ; Kurtessis et al., 2017).
Tableau 4.6 – Les effets bénéfiques de la perception de support organisationnel
Renforce Inhibe
Adhésion aux valeurs et buts
organisationnels
Sentiment d’obligation envers l’organisation
Identification à l’organisation de travail Comportements déviants et contre-productifs
Implication organisationnelle Absentéisme
Investissement dans l’emploi Comportements de recherche d’un autre
Performance intrarôle emploi
CCO Intention de départ
Estime de soi professionnelle Turnover
Autoefficacité professionnelle Stress au travail
Satisfaction au travail Épuisement professionnel
Affects positifs au travail Perception de conflit travail-famille
Confiance envers l’entourage professionnel
Relations professionnelles de qualité
Équilibre travail-famille

3.2 Les soutiens sociaux issus de


l’entourage professionnel
Le soutien social, bien qu’étroitement et positivement lié au support
organisationnel (Eisenberger et al., 2002), s’en distingue dans la mesure où
il concerne des sources plus spécifiques. En outre, selon la perspective
adoptée, il se rapproche plus ou moins de la conceptualisation relative au
support organisationnel perçu.
3.2.1 Éléments de définition
Le soutien social perçu suscite un intérêt majeur, tant du point de vue des
chercheurs que des praticiens, dans la mesure où il est reconnu comme
ayant des effets protecteurs sur la santé et la qualité de vie des travailleurs.
Il a été défini et opérationnalisé de manière relativement hétérogène, sans
qu’un consensus clair se dégage des travaux de ce domaine.
Les études focalisées sur le soutien social en différencient deux formes
possibles (Cohen, 1992) : les comportements ou actions de soutien mis en
œuvre (i.e. soutien social reçu) et les croyances relatives au sentiment d’être
soutenu (i.e. soutien social perçu comme étant reçu).
Trois types de soutien sont en principe également distingués (e.g. Caplan,
1974 ; Cohen & MacKay, 1984 ; House, 1981) :
– le soutien pratique, matériel ou instrumental (i.e. aide concrète en
matière de biens et de services, associée à des ressources tangibles),
– le soutien cognitif ou informationnel (i.e. implique l’apport
d’informations ou de connaissances concernant l’environnement ainsi
que des évaluations ou des éléments pertinents pour une autoévaluation,
sous forme de conseils ou suggestions),
– et le soutien émotionnel ou psychologique (i.e. relève de l’empathie, de
la confiance, d’une sollicitude d’ordre amical et au sentiment de pouvoir
se confier).

Enfin, selon les travaux, il est également possible d’identifier différentes


sources de soutien, notamment dans la sphère professionnelle
(e.g. coéquipiers, collègues, supérieurs).
Se référant davantage à la théorie du support organisationnel, Eisenberger
et al. (2002) définissent, quant à eux, le soutien social provenant des
membres de l’entourage professionnel comme le degré de perception de
valorisation de ses contributions et de souci de son bien-être (par les
membres de cet entourage).
3.2.2 Les effets du soutien social provenant
de l’entourage professionnel
Les études menées sur le soutien social en contexte de travail se sont très
largement centrées sur ses effets (plutôt que sur ses déterminants). Nombre
de travaux empiriques ont démontré les effets positifs du soutien social
perçu provenant de l’entourage professionnel.
Les soutiens sociaux provenant du superviseur, des coéquipiers ou des
collègues favorisent, en effet, la satisfaction au travail, l’implication
organisationnelle, la performance intrarôle, le déploiement de
comportements de citoyenneté organisationnelle et inhibent les intentions
de départ de l’organisation (Bishop, Scott & Burroughs, 2000 ; Collante,
Bellighausen, Emery, Albert & Zenasni, 2015 ; Eisenberger et al., 2002 ;
Kurtessis et al., 2017 ; Shanock & Eisenberger 2006).
Dans une étude longitudinale, Eisenberger et al. (2002) montrent, en outre,
que le soutien social provenant du superviseur est positivement corrélé à
l’accroissement de la perception de support organisationnel : ainsi, les
employés qui estiment que leur superviseur valorise leurs contributions et
se soucie de leur bien-être voient leur niveau de support organisationnel
augmenter. Les auteurs expliquent que le support organisationnel perçu se
construit sur la base de la perception de soutien social dans la mesure où le
supérieur direct constitue une figure institutionnelle représentative de
l’organisation de travail.
De plus, le soutien social provenant de l’entourage professionnel
(coéquipiers ou supérieurs, quel que soit le type ou la forme de soutien
appréhendés) est reconnu comme une ressource permettant de faire face aux
exigences et aux stresseurs liés au contexte de travail ainsi qu’aux situations
engageant des transitions de carrière (French, Dumani, Allen & Shockley,
2018 ; Viswesvaran, Sanchez & Fisher, 1999). Il protège les travailleurs de
la pression professionnelle, du stress perçu, de la dépression et de l’anxiété,
de l’épuisement professionnel, des troubles cardiovasculaires, de
l’insatisfaction de vie ou encore de la perception de conflit travail-famille
ou de conflit famille-travail10 (e.g. Byron, 2005 ; Collange et al., 2015 ;
Johnson & Hall, 1988 ; Lakey & Cohen, 2000 ; French et al., 2018 ;
Viswesvaran et al., 1999).
Tableau 4.7 – Les effets de la perception de soutien social provenant de l’entourage professionnel
proche
Domaine professionnel Qualité de vie et santé
Perception de support organisationnel (+) Insatisfaction de vie (–)
Satisfaction au travail (+) Perception de conflit travail-famille (–)
Implication organisationnelle (+) Perception de conflit famille-travail (–)
Performance intrarôle (+) Pression professionnelle perçue (–)
CCO (+) Stress perçu (–)
Intentions de départ (–) Dépression (–)
Anxiété (–)
Épuisement professionnel (–)
Troubles cardiovasculaires (–)

Outils de mesure mobilisables pour mesurer le soutien perçu


en milieu de travail
Eisenberger et al. (1986, 1990) ont élaboré et validé un outil
permettant d’appréhender le support organisationnel perçu (Survey
of Perceived Organizational Support, SPOS). Il s’agit d’une échelle
unidimensionnelle (36 items dans sa version originale, 17 items,
voire 8 items dans sa version courte) permettant d’appréhender, du
point de vue de l’employé, la perception de valorisation des
contributions et l’attention relative au bien-être émanant de
l’organisation. Cet outil, souvent mobilisé dans les études portant sur
des milieux de travail anglophones, conserve de bonnes qualités
psychométriques une fois traduit en langue française (e.g. Gillet,
Forest, Benabou & Bentein, 2015).
À l’image des études dans ce domaine, la mesure du soutien social
en contexte professionnel est relativement hétérogène. Eisenberger
et al. (2002) proposent par exemple d’adapter l’outil élaboré pour
évaluer le support organisationnel afin de mesurer le soutien social
provenant du supérieur direct. Selon une perspective distincte, une
version étendue du Job Content Questionnaire permet
d’appréhender le soutien émotionnel et le soutien instrumental
provenant des supérieurs ainsi que des collègues (Karasek et al.,
1998). Collange et al. (2015) ont développé, pour leur part, un
Questionnaire de Soutien Social Perçu adapté au monde
Professionnel (QSSP-P) en langue française. Cette échelle
composée de 24 items évalue quatre différents types de soutien
(émotionnel, pratique, informationnel et évaluatif) provenant de trois
sources (supérieurs, collègues et autrui associés à la fonction
support). Elle différencie le soutien perçu comme étant disponible de
la satisfaction relative au soutien perçu comme étant reçu.
Pour aller plus loin
Premières lectures conseillées en langue française
Fabre, C. & Roussel, P. (2013). L’influence des relations
interpersonnelles sur la socialisation organisationnelle des jeunes
diplômés. Revue de gestion des ressources humaines, 87(1), 3-
22.
Collange, J., Bellighausen, L., Emery, J.L., Albert, E., Zenasni, F.
(2015). Une échelle de soutien social adaptée au monde
professionnel. Psychologie du Travail et des Organisations, 21(4),
322-335.
Stinglhamber, F. & Caesens, G. (2016). Soutien organisationnel
perçu. In V. Gérard, M.E. Bobillier-Chaumon, E. Brangier &
M. Dubois (éds.), Psychologie du travail et des organisations : 110
notions clés (p. 390-392). Paris : Dunod.
Pour aller plus loin
Bell, S.J. & Menguc, B. (2002). The Employee-Organization
Relationship, Organizational Citizenship Behaviors, and Superior
Service Quality. Journal of Retailing, 78, 131-146.
Bishop, J. W., Scott, K. D. & Burroughs, S. M. (2000). Support,
commitment, and employee outcomes in a team environment.
Journal of Management, 26(6), 1113-1132.
Blau, P. M. (1964). Exchange and power in social life. New York,
NY : Wiley.
Byron, K. (2005). A meta-analytic review of work-family conflict
and its antecedents. Journal of Vocational Behavior, 67(2), 169-
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4. Qualité des relations au travail

La qualité des relations interpersonnelles est un thème qui a suscité un


nombre important de travaux. Ils ont été, dans un premier temps, centrés sur
les relations d’échange entre un superviseur (ou manager direct) et un
subordonné (LMX). Les études se sont ensuite appuyées sur cette approche
pour l’appliquer aux relations d’échange entre les membres d’une équipe de
travail (TMX). Ces deux conceptions de la relation d’échange avec des
autrui de l’entourage professionnel proche sont ancrées dans la théorie des
rôles (Graen, 1976) et dans la théorie de l’échange social (Blau, 1964).

4.1 La qualité des relations avec le


superviseur (LMX)
Dès les années soixante-dix, les études se sont intéressées aux relations
entre un manager et ses subordonnées. Si au départ elles étaient davantage
focalisées sur les effets des modes de leadership sur les attitudes et
comportements des subordonnés (i.e. niveau groupal), elles se sont
démarquées de ce premier champ de recherche pour examiner la qualité des
relations entre un manager et chacune des personnes qu’il supervise
(i.e. niveau interpersonnel).
4.1.1 Définition de la relation LMX
La théorie de l’échange leader-membre (Leader-Member Exchange,
LMX) a été particulièrement développée dans les années quatre-vingt.
Souhaitant se détacher d’une conception unilatérale de la relation leader-
membre (processus relationnel descendant), cette approche considère cette
relation comme dyadique et marquée par une interdépendance réciproque
(e.g. Dulebohn, Bommer, Liden, Brouer & Ferris, 2012 ; Joseph, Newman
& Sin, 2011).
Elle définit l’échange leader-membre comme un « système de
composantes et de relations entre ces composantes, relatif aux membres
d’une dyade impliqués dans le développement de comportements
interdépendants, partageant des objectifs instrumentaux, et produisant
certaines conceptions de l’environnement, de schémas de causalité et de
valeurs » (Scandura, Graen & Novak, 1986, p. 580). Développée au travers
d’une série d’échanges sociaux, elle se réfère à la qualité de la relation entre
un leader et son subordonné, membre de l’équipe qu’il supervise
(Schriesheim, Castro & Cogliser, 1999). Ces échanges peuvent être relatifs
à des ressources matérielles ou immatérielles (e.g. informations, aide,
latitude, attention, etc.).
Une relation de faible qualité se limitera à une relation d’emploi telle que
contractualisée (i.e. échange formel à dimension économique). Une relation
de haute qualité renverra à des échanges qui vont au-delà de la relation
formalisée via le contrat de travail et qui visent le développement
d’habiletés permettant la réalisation performante de l’activité
professionnelle (i.e. incluant une dimension socio-émotionnelle). Dans ce
dernier cas, la relation est marquée par du respect, une confiance mutuelle
et des obligations réciproques (impliquant le développement d’affects et
renforçant la relation d’attachement), de la loyauté, le déploiement d’efforts
et un respect professionnel (e.g. Dulebohn, 2012 ; Liden & Maslyn 1998),
la manière de décrire ces relations et les processus qui y sont associés
variant selon les conceptualisations considérées (Martin, Epitropaki,
Thomas & Topakas, 2010).
Enfin, un même leader peut très bien développer des relations de haute
qualité avec certains de ses subordonnées et des relations de faible qualité
avec d’autres, tout comme les membres d’une même équipe peuvent
diverger dans leur appréciation de la qualité de leur relation d’échange avec
le leader (Martin et al., 2010).
4.1.2 Les antécédents de la qualité de la relation LMX
Les caractéristiques du subordonné sont l’un des déterminants de la
qualité de la relation d’échange leader-membre. Par exemple les
subordonnés perçus comme compétents, ayant un locus de contrôle interne,
un sentiment d’efficacité personnelle élevé ou encore ayant un profil de
personnalité de type extraverti, ouvert et émotionnellement stable
développent des relations de meilleure qualité (Dulebohn, 2012 ;
Martin et al., 2010).
Les caractéristiques du leader, bien que plus rarement examinées,
orientent également la qualité de relation : le fait de percevoir le leader
comme exerçant un certain pouvoir et un certain contrôle de
l’environnement de travail, comme adoptant un mode de leadership
transformationnel, ou encore comme quelqu’un d’agréable pour ses
subordonnées, engendre une relation de haute qualité (Dulebohn, 2012 ;
Martin et al., 2010). Il en est de même concernant l’influence positive du
profil de personnalité du leader (i.e. extraverti et ouvert). A contrario, la
charge de travail assumée par le leader est positivement corrélée à une
relation d’échange de moindre qualité (Dulebohn, 2012).
Au niveau relationnel, le fait de déployer des efforts pour être apprécié,
pour établir une relation de proximité, pour être perçu comme compétent
(que cette dimension soit évaluée par le leader ou le membre) ou encore le
degré de similarité entre leader et membre (par exemple en termes de
caractéristiques sociodémographiques, de profil de personnalité, de
valeurs, etc.) favorisent également la qualité de la relation d’échange
(Dulebohn, 2012).
Tableau 4.8 – Les antécédents de la qualité de la relation d’échange leader-membre
Caractéristiques Caractéristiques
Caractéristiques de la relation
du subordonné du leader
Pouvoir et contrôle
Leadership
Compétence
transformationnel
Locus de contrôle interne Déploiement d’efforts pour établir
Agréable
SEP élevé une relation de qualité
Profil ouvert et
Profil ouvert, extraverti, Degré de similarité L-M
extraverti
émotionnellement stable
Charge de travail
élevée (–)

4.1.3 Les conséquences de la qualité de la relation LMX


Plusieurs travaux soulignent les effets bénéfiques (pour le leader, les
subordonnés, l’équipe de travail ou l’organisation de travail) de la qualité de
la relation LMX.
En effet, la perception par le subordonné d’une relation de haute qualité
soutient la performance au travail (subjective et objective), la clarté de rôle,
le sentiment d’autodétermination dans la réalisation de la tâche, la
satisfaction au travail ou relative à la rémunération, l’implication
organisationnelle (notamment affective et normative11), l’autoefficacité
professionnelle, la mise en œuvre de comportements d’innovation, les
comportements de citoyenneté organisationnelle (notamment orientés vers
les individus), les comportements de déviance constructive (e.g. expression
de son opinion, performance créative, dénonciation12), la progression de
carrière ou encore le bien-être psychologique des travailleurs et les rapports
travail-famille (e.g. Dulebohn, 2012 ; Graen & Uhl-Bien, 1995 ; Ilies,
Nahrgang & Morgeson, 2007 ; Joseph et al., 2011 ; Liden, Wayne &
Sparrowe, 2000 ; Martin et al., 2010 ; Tummers & Bronkhorst, 2014 ;
Vadera, Pratt & Mishra, 2013).
Une relation perçue comme étant de faible qualité se trouve, en revanche,
associée au conflit de rôle, à l’ambiguïté de rôle, au stress au travail, aux
intentions de départ de l’entreprise et au turnover effectif (Dulebohn, 2012 ;
Martin et al., 2010).
Tableau 4.9 – Les conséquences de la qualité de la relation d’échange leader-membre
Relation LMX de faible
Relation LMX de haute qualité
qualité
Clarté de rôle
Autoefficacité professionnelle
Sentiment d’autodétermination dans la réalisation de la
tâche
Satisfaction envers le travail ou la rémunération Conflit de rôle
Implication organisationnelle Ambiguïté de rôle
Performance au travail Stress au travail
Comportements d’innovation Intentions de départ
CCO Turnover
Comportements de déviance constructive
Progression de carrière
Bien-être psychologique
Conciliation travail-famille

Selon les recherches dans ce champ, une relation d’échange de haute


qualité est aussi reconnue comme positivement corrélée au sentiment de
justice organisationnelle (procédurale et distributive13), au leadership
transformationnel ou encore à la perception de soutien social provenant du
supérieur direct (Dulebohn, 2012 ; Graen & Uhl-Bien, 1995 ; Martin et al.,
2010). Les études montrent également un effet de renforcement positif et
mutuel entre la qualité de la relation LMX et la perception de support
organisationnel (du point de vue du leader comme du subordonné ;
Eisenberger et al. 2014).

4.2 La qualité des relations avec les autres


membres de l’équipe (TMX)
Selon le même principe que la perspective relative à la relation leader-
membre, les relations au sein du groupe de travail ont également suscité
l’intérêt des travaux de recherche dans ce domaine. Dans ce cas, la théorie
se réfère aux échanges entre membres d’une même équipe (Team-Member
Exchange, TMX ; e.g. Seers, 1989). Elle se détache donc d’une perspective
dyadique de la relation. Néanmoins, ce champ de recherche est beaucoup
moins prolifique que le précédent.
La relation TMX est définie comme la perception par un membre d’une
équipe de travail de la « qualité de la relation de réciprocité » qu’il a établie
avec les autres membres de son équipe, « fondée sur l’évaluation de sa
contribution en termes d’idées, de rétroactions et d’assistance fournies aux
autres, par rapport aux informations, à l’aide et à la reconnaissance perçues
comme étant fournies par les autres membres de l’équipe » (Seers, Petty &
Cashman, 1995, p. 21).
Comme c’était le cas pour la relation LMX, une relation de faible qualité
avec le groupe de pairs se limitera aux échanges requis pour réaliser la
tâche assignée alors qu’une relation de haute qualité impliquera des
échanges de ressources et de soutiens comprenant une dimension
socioaffective, qui iront au-delà de ce qui est requis pour le bon
accomplissement de l’activité professionnelle en équipe (Liden et al.,
2000).
Les résultats concernant les effets de la qualité des échanges entre
membres d’une même équipe sont sensiblement équivalents à ceux relatifs
aux effets de la qualité des relations leader-membres. Ils indiquent, par
exemple, qu’une relation TMX de haute qualité encourage la performance
intrarôle, différentes dimensions de la socialisation organisationnelle
(i.e. niveau de maîtrise de la tâche, du langage, de l’histoire de
l’organisation et de son fonctionnement politique, niveau d’intégration
relationnelle), la satisfaction au travail, l’implication organisationnelle,
comme elle inhibe les intentions de quitter l’entreprise (Banks, Batchelor,
Seers, O’Boyle, Pollack & Gower, 2014 ; Fabre & Roussel, 2013 ; Liden et
al., 2000 ; Seers, 1989).
Les études empiriques montrent, en outre, que les relations LMX et TMX
sont positivement et significativement corrélées (Banks et al., 2014).
Pour terminer, signalons que certains auteurs mettent en évidence l’intérêt
de mener des études complémentaires en abordant ces relations d’échange
(LMX ou TMX) à un niveau groupal et non plus uniquement interpersonnel
(e.g. qualité de la relation entre le leader et son équipe de travail dans son
ensemble) voire en les appréhendant au sein du système relationnel global
relatif à l’organisation de travail (e.g. Avolio, Walumbwa & Weber 2009).

Outils de mesure mobilisables pour évaluer la qualité des LMX


et TMX
De nombreuses échelles ont été élaborées pour mesurer la qualité
des échanges leader-membres. Elles sont pour la plupart
composées de dimensions différentes et fréquemment développées
pour, et complétées par les subordonnés. On retrouve cependant de
manière transversale les dimensions de respect, de confiance,
d’obligations mutuelles tout comme d’affect, de loyauté et de
contribution professionnelles. Parmi les échelles existantes la LMX7
et la LMX-MDM sont les plus utilisées (Joseph et al., 2011). La
LMX7 (Scandura & Graen, 1984 ; Graen & Uhl-Bien, 1995) est une
échelle unidimensionnelle, composé de 7 items. La LMX-MDM
(Liden & Maslyn, 1998) comprend quant à elle quatre sous-
dimensions (affect, loyauté, contribution, respect) réparties en
12 items. Les deux instruments évaluent la qualité de la relation du
point de vue du subordonné mais leurs items sont adaptables pour
appréhender la perspective du leader. Les réponses provenant de
ces deux sources sont, en général, significativement concordantes
(Joseph et al., 2011). Selon le cas, les auteurs prônent le calcul d’un
score général, d’un score composite ou de scores relatifs à chacune
des sous-dimensions, le débat restant ouvert sur ce point (Martin et
al., 2010).
L’évaluation de la qualité de la relation TMX a donné lieu au
développement d’un instrument en particulier (Seers 1989 ; Seers et
al., 1995). Il s’agit d’une échelle unidimensionnelle composée de
10 items, impliquant le calcul d’un score général.
Bien qu’elles n’aient pas donné lieu à un processus de validation
psychométrique en langue française, Fabre et Roussel (2013) ou
Vandenberghe, Bentein et Stinglhamber (2004), par exemple,
utilisent une version francophone de certaines de ces échelles dans
leurs études.

Pour aller plus loin


Premières lectures conseillées en langue française
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Pour aller plus loin
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M. G., Wickham, R. E. & Buffardi, L. C. (2014). The supervisor
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4. Voir la notion de comportements déviants au travail ici.
5. Voir la notion de justice organisationnelle ici.
6. Voir la notion d’implication organisationnelle ici.
7. Voir la notion de rapports entre vie de travail et vie « hors travail » ici.
8. Voir la notion de comportements de citoyenneté organisationnelle (CCO) ici.
9. Voir la notion de comportements déviants au travail ici.
10. Voir la notion de rapports entre vie de travail et vie « hors travail » ici.
11. Voir la notion d’implication organisationnelle ici.
12. Voir la notion de comportements déviants au travail ici.
13. Voir la notion de justice organisationnelle ici.

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