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aux thérapies
comportementales
et cognitives
Cyrille Bouvet
2e édition
© Dunod, 2020
11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff
ISBN 978-2-10-080120-6
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le vice et le mal, il fallait les redresser moralement) et, dans les deux cas, trop
souvent maltraités : enfermement et enchaînement, rejet, négligence grave,
remèdes violents qui aggravaient les troubles, assassinats (les bûchers pour
brûler les « sorcières » et les « possédés » après les avoir mis « à la question »,
– c’est-à-dire les avoir torturés), etc.
Le docteur Philippe Pinel et les médecins qui l’ont suivi à la fin du
xviiie siècle ont contribué à sortir les troubles psychiques de ces concep-
tions destructrices et à changer profondément le regard de la société sur les
personnes souffrant de troubles psychiques. Le regard social sur les troubles
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est alors devenu en grande partie médical : les « fous » qu’il fallait isoler de
la société, et parfois détruire ou punir, devenaient des malades qu’il fallait
soigner. Mais c’est surtout au xxe siècle que la psychologie se développe
comme un champ de recherche et d’interventions spécifiques et que les
psychothérapies prennent leur essor. En France, on peut citer Pierre Janet
(1859-1947) comme précurseur des psychothérapies modernes. En Europe
et aux États-Unis, Sigmund Freud, inventeur de la psychanalyse, a largement
contribué à ancrer l’idée que l’on pouvait soigner les troubles psychiques
par des moyens psychiques et relationnels. De nombreux autres médecins,
philosophes et psychologues ont aussi apporté leur pierre à ce qui est main-
tenant un champ très important non seulement de la psychologie et de la
psychiatrie mais aussi de la vie sociale en général.
Les moyens psychiques et relationnels utilisés par les psychothérapeutes
sont assez nombreux : il s’agit souvent d’entretiens (on échange autour des
problèmes du sujet), mêlant écoute compréhensive et active, empathie,
relances, reformulation, apport d’un regard extérieur, et interprétation, etc.
On retrouve d’autres types de techniques comme l’association libre (« dites
tout ce qui vous passe par la tête, sans trier, ni censure d’aucune sorte… »)
associée à l’attention flottante du thérapeute (une écoute sans objet précis,
ni sélection) qui est utilisée dans la psychanalyse ; existe aussi l’approche non
directive (dite aussi « humaniste » ou « rogerienne ») centrée sur le client (qui
parle de ce qu’il veut) associée à l’écoute active et bienveillante du thérapeute,
qui effectue des reformulations (il renvoie en miroir son propre discours au
patient) ; existent encore les multiples stratégies des approches familiales
systémiques (recadrages cognitifs1, exercices de communication, injonctions
paradoxales ou non). Plus récentes enfin, dans les TCC existent les multiples
techniques comportementales (exposition, jeux de rôles, expérimentation
de nouveaux comportements), cognitives (restructuration cognitive par
diverses techniques) et émotionnelles (relaxation, pleine conscience, expo-
sition et acceptation émotionnelle…). On peut aussi parler des techniques
de suggestion hypnotique dans l’hypnothérapie, des principes de l’EMDR
(Eye Movement Desensitization and Reprocessing) pour intégrer les trauma-
tismes, etc. Il existe donc de nombreuses techniques psychothérapiques et,
si les thérapeutes des différents courants ont des techniques en commun,
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comme l’entretien clinique, l’écoute active, etc., ils utilisent aussi des tech-
niques spécifiques qui les caractérisent et les différencient.
Ces techniques proviennent des conceptions théoriques de chaque
courant. En effet, un courant psychothérapique est caractérisé, en plus des
techniques spécifiques, par une théorisation des troubles psychiques qui
lui est propre.
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victimes1. Sans aller jusqu’à ces dérives sectaires, une psychothérapie qui
n’est pas fondée de façon solide d’un point de vue théorique, clinique et
scientifique est toujours néfaste pour le patient ne serait-ce que par le fait
qu’elle empêche, pendant le temps où elle s’exerce, l’accès du patient à une
thérapie ayant fait ses preuves. Au mieux c’est une situation de défaut de
soin, au pire elle aggrave la situation du patient et de ses proches.
Mais, heureusement, les thérapies traditionnelles sont solides quand elles
sont pratiquées par des professionnels bien formés et compétents et de
nouvelles psychothérapies émergent qui sont l’aboutissement de l’évolution
de pratiques reconnues efficaces et validées par des recherches scientifiques.
Par exemple, parmi les nouvelles thérapies solides on retrouve : les thérapies
dites « de pleine conscience2 », les approches de la « psychologie positive3 »,
ou encore de l’EMDR4 ou de l’ACT (Acceptance and Commitment Therapy5).
D’autres existent, mais on ne peut ici les citer toutes.
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Théories générales
Théories de l’apprentissage : apprentissage répondant de Pavlov, opérant de Skinner
et social de Bandura.
Théories cognitives du traitement de l’information dont la théorie cognitive des schémas
de Beck.
Applications thérapeutiques
Exemples : thérapie cognitive de Beck, thérapie de reprise d’activités dans la dépression,
stratégie thérapeutique du trouble panique, stratégie d’exposition dans les phobies,
exposition avec prévention de la réponse dans les TOC (troubles obsessionnels compul-
sifs), thérapie de pleine conscience pour les troubles anxieux et dépressifs, etc.
Validation scientifique
Tests de la validité empirique des théories générales et des modèles théoriques.
Études de validation de l’efficacité des techniques psychothérapeutiques.
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Inadapté, dysfonctionnel ?
Cela veut dire : qui gêne la personne dans ses relations aux autres, au monde et à elle-
même. Une peur panique des pigeons est inadaptée et dysfonctionnelle ; ne plus aller dans
les rues à cause de cette peur l’est aussi ; vérifier des dizaines de fois que l’on a bien fermé
sa porte avant de sortir de chez soi (en retard et angoissé) est inadapté ; ne plus aller au
travail parce que l’on a peur de rencontrer d’autres personnes (même si elles sont bienveil-
lantes) est inadapté ; penser que l’on est la personne la plus incapable, la plus misérable
et la plus mauvaise du monde, au point de vouloir se tuer pour soulager le monde, c’est
inadapté ; ne connaître que la violence (agression, maltraitance) ou l’alcool pour régler
les tensions et supporter les frustrations, c’est aussi inadapté et dysfonctionnel, etc.
Donc sont inadaptés les comportements, les cognitions et les émotions qui gênent le
sujet de façon intense et persistante, qui perturbent ses rapports avec lui-même et avec
son environnement, qui entravent son accomplissement personnel et qui restreignent de
façon importante les satisfactions qu’il serait en droit d’attendre de la vie et de ses acti-
vités. Contrairement à ce que l’on peut encore entendre, les TCC ne sont pas normatives
et ont pour objectif de libérer le sujet des entraves que les troubles tissent autour de lui.
De façon générale, les troubles psychiques entremêlent des émotions (peur, tristesse,
colère…), des comportements (de vérification, d’évitement, de violence…) et des pensées
(cognitions dysfonctionnelles) qui, selon les TCC, sont les éléments qui constituent la
vie psychique en général et les troubles psychiques en particulier. Changer ces compor-
tements-cognitions-émotions, c’est agir sur le trouble, le problème, pour le limiter ou le
faire disparaître et donc soigner le patient, c’est-à-dire lui redonner de la liberté vis-à-vis
de ses troubles et de ses problèmes pour qu’il puisse mener sa vie comme il le souhaite
sans être gêné par ses symptômes et ses problèmes. Tels sont les objectifs des TCC.
Une situation agit comme un stimulus qui déclenche des réactions cognitives, comportementales
et émotionnelles qui interagissent entre elles et génèrent des troubles psychiques.
Situations Cognitions
Comportements Émotions
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L’exposition
S’exposer, dans les TCC, c’est faire face à ce que l’on craint, mais pas n’importe comment.
Ce n’est pas une simple confrontation brutale et surtout pas une thérapie de choc ! Une
bonne exposition doit être précédée d’un bon diagnostic, d’une analyse précise du
problème (« analyse fonctionnelle ») et d’une bonne explication au patient de ce dont
il s’agit (« psychoéducation »). Ensuite, l’exposition doit être personnalisée (c’est du
sur-mesure pour chaque patient), progressive en commençant par une situation peu
angoissante (par exemple regarder la photo d’un pigeon), pour aller vers des situations
de plus en plus anxiogènes (par exemple donner des graines à de vrais pigeons dans un
parc et se laisser entourer par eux). Mais, si la stratégie est bien menée, les situations
les plus angoissantes, quand elles seront abordées après les situations moins anxio-
gènes, seront moins intenses qu’au début et plus abordables. Elle est aussi répétée
autant que nécessaire. Il est très important que les séances soient suffisamment
longues pour qu’à chaque fois l’angoisse diminue. C’est cette baisse de l’angoisse en
situation anxiogène qui produit le phénomène d’habituation qui mène progressivement
à la désensibilisation et à l’extinction de la réponse « peur ». C’est ce processus qui
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fait de l’exposition bien menée une technique très efficace. Notons que des études
récentes montrent que l’exposition peut prendre des formes plus diverses que dans
l’explication ci-dessus, par exemple en incluant la « violation des attentes » ou d’autres
principes1. Les TCC sont en constante amélioration pour atteindre la plus grande effi-
cacité thérapeutique.
1. Craske, M.G., Treanor, M., Conway, C.C., Zbozinek, T. et Vervliet, B. (2014). Maximizing
exposure therapy : an inhibitory learning approach. Behaviour Research and Therapy, 58, 10-23.
DOI : http://dx.doi.org/10.1016/j.brat.2014.04.006
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Une méthode cognitive est, par exemple, l’utilisation des « colonnes de Beck », qui
consistent à repérer dans un tableau les situations (par exemple : son bébé qui pleure)
qui déclenchent des « pensées automatiques » dysfonctionnelles répétitives (« je suis
une mauvaise mère ») qui ont un effet pathogène. Puis, à l’aide du thérapeute, le patient
va en éprouver la rationalité de façon systématique (entretien socratique : « Qu’est-ce
qui vous fait dire cela, concrètement ? Est-ce une pensée réaliste ? Est-ce que les bébés
des autres mères pleurent ? Sont-elles des mauvaises mères ?, etc. »). Ces pensées
dysfonctionnelles qui étaient égosyntoniques (le patient y croit, elles le définissent
comme une « vraie » caractéristique) deviennent alors égodystoniques (le patient les
perçoit comme étrangères à son moi et fausses ; bien qu’elles restent envahissantes,
il n’y croit plus autant). Cela l’amène ensuite à envisager des pensées « alternatives »
qui sont plus adaptées et qui font l’objet d’une autre colonne du tableau de Beck, afin
que progressivement le sujet puisse porter un jugement réaliste et plus constructif sur
lui-même et le monde en luttant contre les pensées automatiques dysfonctionnelles
(« Finalement je m’en sors plutôt bien, je ne suis pas une moins bonne mère que les
autres »). Cela a pour effet de remplacer les pensées automatiques dysfonctionnelles
par des pensées alternatives plus adaptées et réalistes, ce qui permet l’apaisement
de l’anxiété et/ou de la dépression (voire de la colère). C’est ce que l’on appelle de la
restructuration cognitive.
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à ses cognitions et de réduire l’impact négatif qu’elles peuvent avoir sur lui. Il
ne s’agit donc pas ici de changer directement les cognitions et les émotions,
mais le rapport que le sujet entretient avec elles… Ce qui a cependant, à la
longue, pour effet de les changer. Car cette nouvelle attitude mentale limite
l’évitement expérientiel, lequel, s’il est trop fréquent, renforce les émotions
négatives.
L’auto-contrôle
Les stratégies TCC, en utilisant les tech- pendant, mais surtout après, la théra-
niques pertinentes pour chaque trouble pie. Cela rend plus durables les progrès
et chaque patient, ont un double objectif : réalisés. C’est aussi l’objectif des self
améliorer la situation du patient, mais help books (livres pour s’aider soi-même)
aussi développer chez lui des capacités de plus en plus nombreux en français,
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d’« autocontrôle ». L’autocontrôle, en TCC, qui apportent aux patients, sous forme
c’est le fait que le patient puisse, par de livres accessibles, problème par pro-
lui-même, gérer ses difficultés, même blème, les clés théoriques et techniques
sans l’aide d’un thérapeute. Il s’agit qu’il pour surmonter leurs difficultés par eux-
devienne, dans une certaine mesure, son mêmes. Je parle là des self help books
propre thérapeute. C’est pourquoi toutes écrits par des professionnels formés
les techniques TCC sont non seulement en TCC et compétents qui écrivent ces
utilisées en thérapie, mais aussi apprises livres d’orientation TCC qui complètent
au patient de façon à ce qu’il puisse, en très bien les psychothérapies.
autonomie, les réutiliser si nécessaire
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1. Par exemple, Tagkopoulos I., Liu Y.C., Tavazoie S. (2008). Predictive behavior within micro-
bial genetic networks. Science, 320 : 1313-1317.
Ainsi, au début du xxe siècle s’est développée l’idée que l’on pouvait
modifier certaines réactions physiologiques involontaires (sensations,
émotions, comportements…) chez les êtres humains simplement en asso-
ciant certains comportements à des stimuli particuliers. Par cette technique
on pourrait modeler les comportements humains dans un sens attendu.
C’est John Watson (1878-1958), le premier des behavioristes (beha-
vior en anglais = comportement ; behaviorism = comportementalisme),
qui a développé cette idée, en particulier dans ses applications sociales
(comment favoriser de « bons » comportements sociaux et éliminer les
« mauvais » comportements sociaux). Par exemple, un comportement
indésirable comme la violence pourrait être associé à de la douleur (par
un choc électrique ou tout autre moyen douloureux ; pensez au film
Orange mécanique de Stanley Kubrick, quand le personnage principal,
violent, est « rééduqué »), ce qui fait qu’au moment où le comportement
violent apparaît, les sensations et la peur de la douleur se manifestent
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tômes. Par exemple, si j’ai une crise d’angoisse fortuite dans un ascenseur,
mon organisme peut associer (apprendre le lien) ascenseur et angoisse, ce
qui pourrait enclencher une phobie de l’ascenseur, qui est donc apprise de
ce fait. D’un point de vue comportementaliste, les symptômes sont pour
la plupart appris et peuvent être désappris. Joseph Wolpe (1915-1997) est
reconnu comme le premier thérapeute comportementaliste ayant mis en
place une stratégie comportementale précise et efficace pour soigner un
trouble spécifique : les phobies. Il s’agit de la désensibilisation systématique
par inhibition réciproque (voir encadré).
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Et la relaxation ?
Les techniques de relaxation, qui sont — le training autogène de Schultz2, qui
des techniques corporelles, ont été s’appuie au départ sur des concepts
rapidement intégrées aux approches liés à l’hypnose et aux processus phy-
comportementales car elles permettent siologiques (par exemple le sujet est
au sujet de produire un état de détente amené, durant la séance de relaxation,
qui, outre ses bienfaits propres, est utile à ressentir la lourdeur et la chaleur de
dans les exercices de désensibilisation chaque partie de son corps : « Mon bras
systématique par inhibition réciproque est lourd… Mon bras est chaud… ») ;
pour favoriser une réponse antagoniste — la relaxation musculaire progressive
à l’anxiété. Les techniques de relaxation de Jacobson3, qui est fondée sur des
sont maintenant très couramment utili- principes physiologiques (contracter
sées en TCC. puis détendre muscle après muscle…).
Il existe de nombreuses méthodes de
relaxation1, mais deux sont surtout uti-
lisées en TCC :
1. Brenot P. (1998). La Relaxation, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1re édition 1988.
2. Schultz J.H. (1958). Le Training autogène, Paris, PUF.
3. Jacobson E. (1938). Progressive Relaxation, Chicago : University of Chicago Press.
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inadaptés sans même avoir une nette conscience que d’autres comporte-
ments sont aussi possibles pour eux.
On voit donc bien comment la théorie de l’apprentissage social, en
introduisant les dimensions sociales et cognitives, a enrichi les théories
de l’apprentissage répondant et opérant et, du même coup, les pratiques
thérapeutiques comportementalistes.
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1. http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/epictete/manuel.htm
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1. Beck A. (2010). La Thérapie cognitive et les troubles émotionnels, Bruxelles, De Boeck ; édition
originale en anglais, 1976.
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Les pensées automatiques sont générées par des distorsions cognitives qui
déforment la perception adaptée de la réalité. Ces distorsions elles-mêmes
proviennent des schémas cognitifs, qui sont des structures inconscientes,
se manifestant sous la forme d’affirmations impératives, provenant essen-
tiellement de l’enfance et déterminant les rapports du sujet à lui-même (« je
ne suis pas aimable »), aux autres (« on ne peut pas m’aimer ») et au monde
(« le monde est dangereux »). Le travail cognitif prend donc en compte les
pensées automatiques, les distorsions cognitives et les schémas cognitifs.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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1. Lazarus et Folkman (1984). Stress, Appraisal and Coping, New York, Springer. Paulhan I.,
Bourgeois M. (1995). Stress et Coping : les stratégies d’ajustement à l’adversité, Paris, PUF.
2. Philippot P. (2011). Émotions et Psychothérapie. éditions Mardaga ; B. Rimé (2005). Le Partage
social des émotions, Paris, PUF.
3. Salovey P., Mayer J.D. (1990). Emotional intelligence, Imagination, Cognition, and Personality,
9, 185-211.
4. Seligman M.E.P. (1999). The president’s address (1998 APA Annual Report), American
Psychologist, 54, 559-562. Lecomte J. (2014). Introduction à la psychologie positive, Paris, Dunod.
5. Monestes J.-L., Villatte M. (2001). La Thérapie d’acceptation et d’engagement, Paris, Elsevier
Masson.
6. Linehan M.M. (2000). Traitement cognitivo-comportemental du trouble de personnalité état
limite, Genève, Médecine et Hygiène.
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restent les mêmes a priori, mais le sujet, par diverses techniques, finit par
ne plus les considérer comme vraies, mais simplement comme des pensées
qui traversent sa conscience, sans lien véritable avec la réalité. Ce n’est pas
parce que la pensée « je ne vaux rien » traverse mon esprit qu’elle est vraie
et que je ne vaux rien ! Je peux être quelqu’un de valeur qui a une pensée
auto-dévalorisante… Cette nouvelle attitude mentale neutralise la puissance
pathogène de ces pensées. Si la pensée est fausse pourquoi s’en préoccuper ?
La même logique préside aux relations du sujet avec ses émotions. Quand
une personne dépressive est traversée par de la tristesse, cela a tendance à
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pertinent. Pourtant une autre voie est possible qui consiste à aider le sujet
à développer les tendances salutaires en lui, celles qui favorisent la santé
et le bien-être psychologiques. La question : « pourquoi les gens vont mal »
est complétée par une autre : « pourquoi les gens vont bien ? ». Il s’agit donc
d’agir pour développer des phénomènes positifs dans le sujet. De fait, le
bien-être psychologique est constitué d’un ensemble de satisfactions répé-
tées quotidiennement découlant normalement de la vie elle-même. Mais les
troubles psychiques écrasent la plupart de ces satisfactions et de ces plaisirs
et, en plus de les diminuer, empêchent le sujet de percevoir et de profiter des
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bons moments qui restent présents malgré les effets des troubles. Or, il y a
une balance entre le bien-être et le mal-être : s’il y a plus de l’un, il y a moins
de l’autre ! Donc si l’on parvient à accentuer les satisfactions et les plaisirs
chez le sujet, à augmenter son bien-être, on réduit d’autant son mal-être.
Et il se trouve que par divers exercices psychologiques simples, il est tout à
fait possible d’augmenter le plaisir de vivre et de réduire le mal-être. Cette
logique est celle développée par la psychologie positive1.
Pour conclure sur les trois vagues, on voit que les TCC se sont constituées
au fil des 60 ans passés en réunissant et en articulant diverses approches
psychothérapeutiques. Qu’elles soient de la première, de la deuxième ou
de la troisième vague, toutes ont en commun d’avoir leur efficacité théra-
peutique validée par des études scientifiques, toutes reposent sur des
fondements théoriques cohérents et scientifiquement éprouvés.
On peut donc dire que les TCC sont des approches thérapeutiques inté-
gratives, dans le sens où elles regroupent diverses thérapies qui s’intègrent
dans un modèle théorique commun qui associe les théories de l’appren-
tissage, les théories cognitives et les modèles théoriques émotionnels, ces
modèles reposant sur un souci de validation scientifique.
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pratique professionnelle et pour les patients qui veulent s’engager dans une
psychothérapie.
Dans un cadre de recherche, il est très important d’être théoriquement
solide, d’avoir des concepts bien définis et opérationnels pour bien les
tester. Un concept mal défini dans un cadre théorique flou ne permet pas
à la démarche scientifique de s’exercer : aucune vraie compréhension n’est
possible, ni, donc, aucune vérification des résultats.
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collègues dont l’approche est plus adaptée à sa demande. Encore faut-il les
connaître !
Pour le patient, c’est en même temps important (autant savoir dans quoi
il s’engage !) et difficile (la situation en France est confuse). Un nouveau
venu dans le monde de la psychothérapie s’y retrouve rarement parmi les
multiples propositions thérapeutiques, toutes vantant leur efficacité et leur
pertinence pour traiter son problème ! Prendre le temps de s’informer est
utile, mais ce n’est pas possible pour tout le monde, surtout en cas de diffi-
cultés psychologiques qui rendent les démarches compliquées.
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Les TCC font aussi partie des thérapies brèves dans le sens où la durée
d’une thérapie est assez courte, comparée, par exemple, à celle d’une cure
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sans fin, dans des entretiens rituels répétitifs, qui parfois n’ont pour effet que
de rendre le patient dépendant de ce suivi et d’entretenir ses ruminations
sur ses problèmes.
Quoi qu’il en soit, dans une TCC, le thérapeute ne doit ni se précipiter
en allant trop vite pour le rythme du patient, ni oublier les objectifs de
changement dans une thérapie qui s’éternise sans efficacité.
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Les TCC sont aussi dites actives et expérientielles dans le sens où, d’une
part, le patient est amené à effectuer des choses concrètes pour les expé-
rimenter et que, d’autre part, par ces actions, il expérimente des façons
différentes d’être, c’est-à-dire de penser, de ressentir et de se comporter.
Il s’engage donc dans des « expériences » cognitives, comportementales et
émotionnelles, pour en observer les effets. Si celles-ci sont positives, il peut
les reproduire si cela lui paraît pertinent. La plupart du temps, ces actions
et expériences ont lieu pour la première fois dans le cabinet avec l’aide du
thérapeute, puis le patient est invité à refaire ces exercices en dehors des
séances pour les expérimenter dans sa réalité quotidienne et observer les
éventuels changements qu’ils produisent. Ces exercices et actions sont très
divers : jeux de rôle, relaxation, méditation, affirmation de soi, l’autoévalua-
tion de ses troubles, exercices d’exposition, exercices cognitifs (écrire ses
pensées et les modifier)… Tous ces exercices sont présentés au patient puis
discutés avec le thérapeute, et sont réalisés si le patient est d’accord et se
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sent prêt. Amener le patient à comprendre puis à faire les exercices les plus
efficaces pour lui fait partie des compétences cliniques du thérapeute. Ces
exercices peuvent avoir lieu dans le cabinet de consultation, mais aussi chez
le patient ou encore dans des situations sociales réelles (au travail, dans la
rue, en famille, dans le métro…). D’autres thérapies s’appuient aussi sur des
actions concrètes, comme les approches systémiques, qui peuvent donner
aux membres de la famille des tâches à accomplir en dehors des séances.
Les approches humanistes rogeriennes peuvent utiliser de la relaxation.
Elles sont aussi dites « expérientielles » dans le sens où le patient fait l’ex-
périence de se retrouver lui-même durant la thérapie. Mais la plupart des
autres thérapies, soit n’incluent pas ce type de mise en pratique concrète,
soit ne donnent pas d’exercices à faire en dehors des séances. Par exemple,
la cure psychanalytique traditionnelle se fait exclusivement par la parole
durant les séances. Si les exercices pratiques sont très importants en TCC et
participent clairement de leur efficacité, le revers de cette médaille, c’est que
le patient doit être clairement engagé et actif dans la thérapie. Or une partie
des patients s’investissent peu dans ces exercices (pour diverses raisons :
motivation, temps, défenses psychiques, manque de préparation…), ce qui
peut nuire à l’efficacité de la thérapie.
Les TCC se revendiquent comme des psychothérapies scientifiques
dans le sens où elles appuient leurs théories et l’efficacité de leurs pratiques
sur des recherches scientifiques qui les ont validées. La démarche qui a
produit l’approche TCC est fondée avant tout sur des études scientifiques
dont les TCC sont l’application. Cette logique se poursuit de nos jours et
de nombreuses études sont en cours pour étudier telle ou telle technique
ou théorie liée aux TCC, pour améliorer l’évaluation des changements
psychologiques ou encore pour étudier l’efficacité de nouvelles méthodes
qui s’intègrent progressivement aux TCC (par exemple les approches de
la troisième vague). De ce fait, les TCC s’inscrivent dans les courants des
EBP (Evidence Based Pratice in Psychotherapy – pratiques psychothéra-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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préférable de faire une TCC que de s’engager dans une autre approche. Mais
on ne peut en conclure sans précaution que les TCC seraient toujours plus
efficaces que les autres psychothérapies, et cela parce que ces dernières ont
été moins évaluées. Le manque d’évaluation par des études scientifiques
et le manque de preuves d’efficacité ne veut pas dire l’absence d’efficacité,
mais simplement qu’on ne sait pas, ou pas suffisamment, si elles sont effi-
caces. On peut cependant affirmer que les autres psychothérapies ont été
moins bien étudiées et apportent moins de preuves scientifiques de leur
efficacité que les approches TCC (voir la partie suivante sur l’efficacité des
TCC). On peut aussi affirmer que quand les TCC sont comparées à d’autres
psychothérapies, elles s’avèrent souvent plus efficaces ou au moins autant.
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efficace permet, par son action, d’améliorer les situations psychiques problé-
matiques qui ont conduit les patients à consulter un psychothérapeute.
Concrètement, selon les courants psychothérapeutiques, cela peut s’ex-
primer par : améliorer ou régler le problème à l’origine de la consultation
(des symptômes, un trouble psychique, un malaise plus ou moins bien
défini, etc. ; cela concerne les thérapies centrées sur les problèmes) ou, d’un
autre point de vue, favoriser l’épanouissement global de la personne (donc
plutôt les thérapies centrées sur la personne). Cela dit, régler les problèmes
concrets favorise l’épanouissement général, et l’épanouissement général
s’accompagne le plus souvent d’une amélioration des problèmes rencontrés
par la personne…
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1. Zigmond A.S., Snaith R.P. (1983). The hospital anxiety and depression scale, Acta
Psychiatrica Scandinavica, 67 (6), 361-370.
à d’autres sujets (à la HAD, on sait qu’en général, les sujets non dépressifs
ont des notes à la sous-échelle « dépression » inférieures à 8. Donc un sujet
qui aurait 5 n’est vraisemblablement pas déprimé).
Utilisés dans les études d’efficacité, ces outils d’évaluation le sont aussi
dans les thérapies (au début, pendant, à la fin et même après la fin), et cela
de façon systématique dans les TCC.
Ces outils sont très utiles mais ils ne sont pas parfaits et leur usage et
l’interprétation de leurs résultats doivent être effectués par un clinicien
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Comment être sûr, si l’on repère une évolution durant une thérapie, que
cette évolution est bien due à la thérapie ?
Maintenant que nous avons vu que nous pouvions évaluer la plupart
des dimensions de la vie psychique avant et après une thérapie et donc
en déduire leur évolution (quand il y en a !), comment s’assurer que cette
dernière est bien due à la thérapie évaluée ? En effet, les difficultés psychiques
peuvent évoluer pour de tout autres raisons que la thérapie (l’évolution
spontanée du trouble, des événements extérieurs, des relations de soutien,
des changements positifs au travail, un changement de saison, un autre
traitement, etc.). Par exemple, on sait que des patients inscrits sur liste
d’attente d’une thérapie évoluent parfois spontanément de manière positive,
sans intervention thérapeutique !
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Comment jouer sur les saisons pour avoir une thérapie efficace ?
Certains troubles dépressifs sont la même thérapie qui débuterait en été
influencés par les saisons. L’entrée dans et se finirait au milieu de l’hiver ! Ainsi,
l’hiver accentue parfois le vécu dépressif, s’il y a une évolution positive dans le
alors que le printemps et l’été tendent premier cas, elle peut être due au chan-
à le diminuer. On parle alors de dépres- gement de saison et pas à la thérapie.
sion saisonnière. Ainsi, une thérapie qui L’évolution positive des patients pendant
débuterait en hiver et se finirait en fin une thérapie ne prouve donc pas à tous
de printemps a toutes les chances d’être les coups son efficacité !
considérée comme plus « efficace » que
Pour ces raisons, dire d’une thérapie qu’elle est efficace, c’est dire qu’elle
est plus efficace qu’une absence d’intervention ou qu’une autre interven-
tion à laquelle on la compare. Il faut que les patients suivant la thérapie
évaluée, appelés groupe expérimental, évoluent positivement plus que des
patients qui ne suivent pas la thérapie, que l’on appelle groupe témoin. Ces
derniers peuvent ne suivre aucune thérapie (par exemple être en attente
d’une thérapie). Mais le plus souvent, pour des raisons scientifiques et
éthiques, les patients du groupe témoin suivent soit une autre thérapie
connue à laquelle on compare la thérapie évaluée, soit une intervention
minimale (comme un groupe de parole, des entretiens de soutien…). Cette
intervention minimale devrait avoir toutes les caractéristiques de l’interven-
tion du groupe expérimental (en groupe ou en individuel, même nombre
et durée des séances, etc.), sauf la spécificité de l’intervention que l’on veut
évaluer (telle technique nouvelle, telle procédure thérapeutique…). Il s’agit
de s’approcher le plus possible de la situation expérimentale de telle sorte
que toutes les variables soient égales sauf celle que l’on veut mesurer.
Et alors un autre problème surgit : si l’évolution du groupe expérimental
est supérieure à celle du groupe témoin, peut-on dire que le premier est
plus efficace que le deuxième ? Pas encore, car il est possible que les deux
groupes aient été différents dès le départ, ce qui expliquerait leur diffé-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
57
ne peut pas les contrôler tous. Sans même compter ceux qui influent sur
l’évolution et que l’on ne connaît pas encore ! Alors que faire ? La meilleure
solution, c’est de s’en remettre au hasard !
1. Eysenck H.J. (1952). The effects of psychotherapy : An evaluation, J. Consult. Psychol., 16,
319-324.
58
59
1. Is psychotherapy for depression any better than a sugar pile ? By James Coyne PhD.
http://blogs.plos.org/mindthebrain/2013/06/25/is-psychotherapy-for-depression-
any-better-than-a-sugar-pill/
60
2) Deuxième réponse : les TCC sont plus efficaces que les autres
psychothérapies.
1. Luborsky L., Singer B. (1975). Comparative studies of psychotherapies : is it true that everyone
has won and all must have prizes ?, Arch. Gen. Psychiatry, 32, 995-1008.
61
62
structurées dont les TCC et la psychanalyse, elle affirme qu’il n’y a pas de
différence d’efficacité entre elles. Pourtant, ce n’est ni le résultat du rapport
Inserm, ni celui qui ressort de la littérature scientifique. D’ailleurs, l’Organi-
sation Mondiale de la Santé, qui recommande aussi les psychothérapies pour
1. Canceil O., Cottraux J., Falissard B., Flament M. (2004). Psychothérapie : Trois approches
évaluées, éd. Inserm.
2. Hunsley J., Di Giulio G. (2002). Dodo bird, phoenix or urban legend ? The question of psycho-
therapy equivalence, The Scientific Review of Mental Health Practice, 1, 11-22.
63
1. https://www.who.int/mental_health/mhgap/evidence/depression/fr/ (consulté en
décembre 2019).
64
5. Conclusion
Les thérapies comportementales et cognitives sont un ensemble de
thérapies qui se sont intégrées progressivement et qui sont toutes des
psychothérapies fondées sur des preuves scientifiques. Elles s’ancrent
d’abord théoriquement dans les deux premières théories du condition-
nement (ou de l’apprentissage) qui se sont développées tout au long du
xxe siècle : apprentissage répondant de Pavlov et apprentissage opérant de
Skinner. Ces théories du conditionnement expliquent et conceptualisent
les techniques thérapeutiques comportementales. À leur suite, les théo-
ries et les approches cognitives apparues à partir des années cinquante
avec la théorie de l’apprentissage social de Bandura, la thérapie rationnelle
émotive d’A. Ellis, puis la psychothérapie cognitive d’A. Beck ont apporté
un cadre et des techniques précises qui constituent les approches cognitives.
Enfin, depuis une vingtaine d’années, sont apparues dans le champ TCC des
thérapies émotionnelles fondées sur les théories des processus émotionnels.
Toutes ces approches, dites de première, deuxième et troisième vagues
s’intègrent, se complètent et s’articulent pour donner les psychothérapies
cognitivo-comportementales (émotionnelles ?), qui sont pratiquées mainte-
nant à grande échelle à peu près partout dans le monde. Ces thérapies ont
démontré à de nombreuses reprises leur pertinence et leur efficacité pour
de nombreux troubles touchant diverses populations (enfants, adolescents,
adultes, personnes âgées…). Même si ce constat est parfois contesté en
France (il l’est rarement au-delà de nos frontières), il est très probable que
les TCC aient, actuellement, une efficacité plus grande que la plupart des
autres psychothérapies.
Ces repères historiques, théoriques et scientifiques ayant été posés dans
ce chapitre, nous allons maintenant présenter les pratiques concrètes des
approches TCC.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
65
69
Une loi aux bonnes intentions, mais qui rate une partie
de ses objectifs
L’objectif était de protéger le public des Le troisième problème est que la loi
mésusages de la psychothérapie (incom- ne définit pas la « psychothérapie » et
pétences, dérives sectaires, abus de fai- ne réglemente pas son exercice. Donc,
blesse, etc.) ce qui, en soi, est légitime. n’importe qui peut se dire « thérapeute
Que dit la loi française concernant l’usage quelque chose » et exercer des « thé-
du titre de « psychothérapeute1 » ? rapie quelque chose » sans contrôle. Il
suffit d’aller dans les pages jaunes de
Que les professionnels qui ont le droit
l’annuaire, rubrique « psychothérapie
de porter ce titre ne peuvent être que :
(pratiques hors du cadre réglementé) »
— des médecins ; pour s’en convaincre ! De nouveaux
— des psychologues ; termes fleurissent avec « thérapeute »
— des psychanalystes inscrits ou « psycho », comme préfixe ou comme
dans les annuaires des écoles de suffixe car seul le terme « psychothé-
psychanalystes ; rapeute » est réglementé… Le terme le
plus utilisé par les personnes n’étant ni
— des psychothérapeutes ayant 5 ans
psychologues ni médecins est « psycho-
d’exercice en 2010 et étant agréés par
praticien ». Comment le public pourrait
une commission de l’Agence régionale
s’y retrouver ?
de Santé.
Donc, la loi garantit seulement (et en par-
Premier problème : les diplômes de
tie) qu’un professionnel reconnu « psy-
médecin et de psychologue, ainsi que le
chothérapeute » par l’Agence Régionale
nom de « psychanalyste » (qui n’est pas
de Santé, sera le plus souvent (pas tou-
réglementé) ne garantissent en rien une
jours…) soit psychologue, soit médecin,
formation à la psychothérapie (même si
et qu’il ait une formation de base en
les médecins psychiatres et les psycho-
psychopathologie. C’est déjà un pre-
logues cliniciens ont une formation obli-
mier filtre pour écarter partiellement
gatoire en psychopathologie).
les personnes sans formation de base.
Le deuxième problème est que le mot Cependant cela n’apporte pas la garantie
« psychanalyste », de même que « école d’une formation ni de compétences en
de psychanalyse », ne sont pas régle- psychothérapie !
mentés et ne correspondent à aucun
C’est donc une loi à la portée très limitée
diplôme d’État, c’est donc une brèche
et qui est peu protectrice du public.
importante dans la loi censée garantir
une formation minimale garantie par Cela est accentué par l’absence d’Ordre
la loi. des psychothérapeutes (ou des psycho-
logues), comme il en existe à l’étranger
ou, en France, pour les médecins.
70
1. À laquelle j’appartiens en tant que membre. C’est la plus grosse association de TCC en France.
2. aftcc.org, voir la carte des membres.
71
ainsi que les moyens de la faire évoluer quand elle dysfonctionne et produit
des troubles psychiques. Ils ont donc fait des études spécifiques, à savoir
pour la très grande majorité : des études de médecine avec une spécialité en
psychiatrie ou des études de psychologie clinique et de psychopathologie
à l’Université. Après ces études supérieures de haut niveau (doctorat de
médecine en faculté de médecine, ou master, voire doctorat de psychologie
clinique et psychopathologie à l’Université), ils se sont formés aux thérapies
comportementales et cognitives en deux ou trois années supplémentaires
dans des formations spécialisées. Tous ont et ont eu des temps de supervi-
sion, c’est-à-dire qu’ils ont commencé à pratiquer et qu’ils pratiquent encore
en étant supervisés par d’autres thérapeutes expérimentés.
1. aftcc.org
2. http://www.ifforthecc.org
72
73
74
(sa famille, la société, son médecin !), ou penser que son problème est
purement organique et n’attendre le changement que d’un médicament
miracle ;
– il doit être capable de s’engager dans une relation d’aide, donc de s’ap-
puyer sur un professionnel pour faire évoluer sa situation (certains
patients sont tellement méfiants ou supportent tellement mal l’aide
– « pas besoin, il faut s’en sortir seul » – qu’une psychothérapie peut
être impossible à mener).
– Il doit partager les principes TCC (que le thérapeute lui expliquera en
début de thérapie), à savoir : se centrer sur les problèmes, avoir une
approche pragmatique, des exercices à faire en autonomie, une relation
de collaboration avec le thérapeute, un intérêt pour comprendre son
fonctionnement psychique.
– Il doit aussi pouvoir consacrer du temps et de l’énergie à sa thérapie.
Elle doit donc avoir lieu au bon moment et dans de bonnes conditions :
on ne démarre pas une thérapie avec quelqu’un qui part pour six mois
à l’étranger la semaine suivante, ou qui déclare ne pas avoir le temps
de le faire sérieusement.
– Le sujet ne doit pas être en proie à des difficultés psychiques trop
sévères et actives (dépression grave, risque suicidaire important,
schizophrénie ou troubles bipolaires non stabilisés, anxiété massive
handicapante…), sans quoi la psychothérapie ne pourrait pas démarrer
dans l’immédiat : dans ces situations, un traitement médical (médica-
ment, hospitalisation) peut être un préalable nécessaire.
– Et bien sûr, le problème présenté doit être accessible aux techniques
TCC !
Si la plupart de ces caractéristiques ne sont pas remplies, la thérapie risque
fort de ne pas fonctionner et de tourner court. Le thérapeute vérifiera donc,
lors des premières rencontres, que ces conditions sont globalement remplies.
Et si elles ne le sont pas, il peut travailler sur ce qui fait obstacle à la thérapie
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Si une thérapie a plus de chance d’être efficace lorsque toutes les condi-
tions sont remplies, dans la réalité, elles ne sont malheureusement pas
toujours réunies ! Il arrive aussi fréquemment que ces conditions évoluent
au cours de la thérapie : des problèmes peuvent survenir chez le patient
(licenciement, maladie, problèmes chez des proches, etc.), le rendant moins
disponible ; des résistances au changement peuvent se manifester durant la
thérapie ; ou d’autres problèmes peuvent apparaître que le patient n’avait
pas osé aborder lors des premiers entretiens (problèmes sexuels, ou trauma-
tisme dans l’enfance, ou consommation d’alcool, etc.). Il est fréquent que des
obstacles au travail thérapeutique TCC se manifestent durant la thérapie.
Le thérapeute et le patient doivent alors aborder ensemble ouvertement
ces problèmes et ces obstacles, de façon à les surmonter et à retrouver des
conditions favorables à la démarche TCC.
76
77
m’a dit que je faisais une dépression », « j’en ai marre de tout, ça ne va pas »,
« c’est mes angoisses », etc. D’autres fois, le patient exprime un diagnostic
clinique précis, parfois après s’être renseigné sur Internet (« je suis agora-
phobe et phobique social », « j’ai un trouble de l’attention avec hyperactivité,
c’est un médecin qui me l’a dit », etc.). Parfois cet autodiagnostic est bon,
d’autres fois, non. Dans tous les cas, le psychothérapeute doit effectuer un
bilan rigoureux lors des premiers entretiens d’une part pour identifier clai-
rement ce qui pose problème au sujet en l’aidant à mieux l’identifier, d’autre
part pour vérifier qu’il n’y a pas d’autres problèmes psychopathologiques
dont le sujet ne parlerait pas, faute d’en être conscient à ce moment-là ou
faute d’oser le dire. Le thérapeute suit donc une démarche diagnostique
rigoureuse. C’est après le bilan fait en interaction et en collaboration étroite
entre eux que le thérapeute et le patient pourront déterminer de façon
précise le ou les problèmes présents qui pourraient faire l’objet d’un travail
thérapeutique.
78
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80
1. Pour en savoir plus, voir Miller W., Rollnik S. (2013). L’Entretien motivationnel : aider la
personne à engager le changement, Paris, InterÉditions.
81
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et en profondeur.
83
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85
86
87
88
89
4. L’alliance thérapeutique
Nous venons de présenter le déroulement d’une TCC d’un point de vue
pratique. Mais aussi parfait que puisse être ce déroulement pratique et tech-
nique, sans une relation de confiance entre le patient et le thérapeute, sans
alliance thérapeutique, une thérapie (quelle qu’elle soit) perd une grande
part de son efficacité. L’alliance thérapeutique doit accompagner le dérou-
lement de chaque psychothérapie du début à la fin. Cela est vrai aussi dans
les TCC.
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92
93
94
95
96
Intensité de l’émotion
6
Fin de l’exercice, l’émotion
est redescendue assez bas,
4
l’habituation est à l’œuvre !
Présentation du stimulus
2 anxiogène, début de l’exercice,
l’angoisse augmente.
0 10 20 30 40 50 60
Temps (en mm)
Intensité de l’émotion
10 1re séance
2e séance
8
3e séance
6 4e séance
5e séance
4
2
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
0 10 20 30 40 50 60
Temps (en mm)
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98
possible de combiner ces deux types d’exposition. Mais dans tous les cas,
une stratégie d’exposition réussie doit progressivement mener à l’exposition
à la situation réelle la plus anxiogène pour le sujet (prendre l’avion, traverser
des ponts, etc.).
99
100
1. Craske, M.G., Treanor, M., Conway, C.C., Zbozinek, T. et Vervliet, B. (2014). Maximizing
exposure therapy : an inhibitory learning approach. Behaviour Research and Therapy, 58, 10-23.
Traduit en français par P. Philippot et al. sous le titre : Maximiser la thérapie par exposition : une
approche fondée sur l’apprentissage par inhibition.
101
1. Cariou-Rognant A.M., Chaperon A.F., Duchesne N. (2006). L’Affirmation de soi par le jeu de
rôle – en thérapie comportementale et cognitive, Paris, Dunod.
102
103
à l’avance avec lui un renforcement positif de son choix (une pâtisserie, une
sortie, un cadeau) qui viendra récompenser la réalisation d’une étape de
l’exercice (par exemple ne pas fumer pendant une semaine). C’est alors le
patient lui-même qui s’autorise la récompense et qui, donc, s’autorenforce.
104
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107
Arguments pour et contre. Les patients ont souvent des croyances dysfonc-
tionnelles comme « Je suis moins bien que les autres », « Tout ce que je fais
échoue », « On ne peut pas m’aimer », etc. Pour les remettre en cause, il peut
être intéressant de suivre la démarche des arguments pour et contre. La
première étape consiste à isoler la croyance que l’on va traiter (par exemple :
« On ne peut pas m’aimer »). La deuxième étape consiste à lister tous les
arguments qui vont en faveur de cette affirmation (« Quels arguments avez-
vous qui prouvent que l’on ne peut pas vous aimer ? »). La troisième étape
consiste à reprendre un à un les arguments en faveur de la croyance et d’en
discuter de façon socratique :
108
Discussion socratique
— Vous dites qu’un argument qui montre que votre ami est avec vous parce qu’il
qu’on ne peut pas vous aimer, c’est le vous aime ?
fait que votre ami vous l’a dit hier ? — Ben oui, en fait, sinon il serait déjà
Mais depuis combien de temps êtes- parti…
vous ensemble ?
— Alors pourquoi il vous a dit hier qu’on
— Huit ans… ne pouvait pas vous aimer ?
— Est-il obligé de rester avec vous, — Parce qu’il était en colère parce que je
par exemple, pour des raisons lui disais qu’il ne m’aimait pas…
économiques ?
— D’accord, en fait, qu’il vous ait dit ça,
— Non, c’est lui qui gagne le plus… finalement, semble montrer qu’il était
— Alors qu’est-ce qui fait, en général, en colère alors que le fait qu’il est avec
qu’une personne reste en couple avec vous depuis huit ans semble montrer
une autre sans y être obligée ? que l’on peut s’attacher à vous et vous
— Ben… parce qu’il se sent bien avec… aimer… Il est donc difficile d’en faire
Parce qu’il l’aime… un argument en faveur de l’idée qu’on
ne peut pas vous aimer, non ? Qu’en
— D’accord, est-ce que c’est applicable à
pensez-vous ?
votre situation de couple ? Peut-on dire
prends… »). On peut aussi demander au patient son degré de croyance dans
ces pensées dysfonctionnelles avant puis après ce travail de restructuration
cognitive, pour confirmer le changement.
109
cognitifs). Les cognitions les plus directement visibles correspondent à tous les
contenus psychiques émanant du patient (récits, raisonnements, informations, etc.).
Parmi ces cognitions émergent progressivement des pensées automatiques qui sont
des cognitions spécifiques caractérisées par le fait qu’elles traversent régulièrement
la vie psychique du sujet, émergeant de son esprit malgré lui de façon plus ou moins
consciente. Ces pensées automatiques sont courtes, impératives et le sujet les croit
vraies (« On me juge mal », « Ils voient que quelque chose ne va pas en moi »….). Ces
pensées automatiques sont parfois dysfonctionnelles dans le sens où elles participent
à la dynamique des troubles psychiques. Les pensées automatiques dysfonctionnelles
sont modelées par les biais cognitifs, qui sont des processus psychiques qui déforment
le traitement de l’information (par exemple, en ramenant tout à soi – personnalisa-
tion – en tirant des conclusions arbitraires – inférence arbitraire –, en maximisant le
négatif et en minimisant le positif, etc.). Ces biais cognitifs sont eux-mêmes motivés
par les schémas cognitifs qui sont des structures cognitives inconscientes profondes,
définissant les rapports du sujet à lui-même et au monde, modelées durant les expé-
riences relationnelles de l’enfance. Ces schémas peuvent être fonctionnels (« Je suis
quelqu’un que l’on peut aimer » « j’ai de la valeur » « je peux m’appuyer sur les autres »…)
ou dysfonctionnels. Les schémas tendent à s’autoconfirmer et à s’actualiser, c’est
pourquoi ils motivent les biais cognitifs puis les pensées automatiques. Par exemple,
si le schéma activé est « on ne peut pas compter sur les autres », alors le sujet sera
méfiant et distant, il repérera tous les signaux qui confirment le schéma. De ce fait,
son attitude relationnelle suscitera peu de confiance et d’engagement de la part des
autres… et la boucle est bouclée, le schéma est autoconfirmé. « Je l’avais bien dit qu’on
ne pouvait pas compter sur les autres ! »
110
111
Le travail sur les schémas. Une fois les pensées dysfonctionnelles et les
processus qui les créent repérés, il est parfois utile d’aller un cran plus loin,
ou plus profond, dans la vie psychique, en travaillant sur les schémas sous-
jacents aux pensées dysfonctionnelles. La première étape consiste à repérer
les schémas à l’œuvre, ce qui peut se faire à l’aide de questionnaires conçus
à cette fin (voir les questionnaires des schémas de Young, plusieurs versions
du Young Schemas Questionnary, qui permettent de repérer les schémas
précoces inadaptés conceptualisés par J. Young, qui diffèrent quelque peu
des schémas de Beck), mais aussi au fil de la thérapie, quand, à force de se
répéter durant le travail de restructuration cognitive, des tendances struc-
turelles de fond deviennent manifestes, indiquant la présence d’un schéma
actif (schéma d’abandon, ou de contrôle, etc.). Une fois ces schémas repérés,
il s’agit d’en contrer les effets délétères en discutant de la validité du schéma
112
1. Young J., Klosko J. (2003). Je réinvente ma vie : Vous valez mieux que vous ne pensez, éditions
de l’Homme.
Young, J., Klosko, J., Weishaar, M. (2005). La Thérapie des schémas, De Boeck.
113
1. Les associations de patients jouent un rôle très important, non seulement pour aider l’ensemble
des patients, mais aussi pour faire mieux comprendre leurs difficultés et pour défendre en France
les méthodes thérapeutiques les plus efficaces.
114
donné, d’écrire tout ce qu’il faudrait faire, étape par étape. Dans tous
les cas il s’agit d’utiliser l’écrit et la rationalité, pour dégager le sujet de
l’abstraction, de l’incertitude, de l’inaction, des ruminations causées par
les conséquences psychiques de ses difficultés à résoudre les problèmes
concrets qu’il rencontre.
La remédiation cognitive ne doit pas être confondue avec la restructura-
tion cognitive ! Certains patients (schizophrènes en particulier, mais aussi
hyperactifs ou encore souffrant de certains troubles neurologiques…) ont
souvent des déficits dans certaines fonctions cognitives exécutives (comme
115
116
117
Le contrôle respiratoire
Il est utilisé dans les situations anxio- — la respiration reste superficielle (pas
gènes pour contrer l’hyperventilation de grandes inspirations profondes) ;
(sinon, en dehors de ces situations, il — la respiration se fait « en rec-
faut respirer normalement !) Il est carac- tangle » (expiration plus longue que
térisé par : l’inspiration).
— une respiration ralentie à environ Le contrôle respiratoire est appris en
6 cycles par minute (10 secondes par séance, puis pratiqué régulièrement par
cycle) ; le patient en situation normale, pour
— une respiration abdominale (le ventre s’entraîner, puis en situation d’attaque
se soulève à l’expiration) ; de panique.
118
119
1. http://www.cps-emotions.be/mindfulness/ et http://www.association-mindfulness.org/
2. Hayes, Steven C. et Wilson, K.G., Acceptance and commitment therapy : the process and prac-
tice of mindful change, Guilford Press, 2012 ou, en français, Monestes et Villatte, La Thérapie
d’acceptation et d’engagement, Elsevier Masson, 2011.
120
simplicité et leur efficacité, elles peuvent compléter les stratégies TCC. Voici
trois exercices de psychologie positive (d’autres existent) :
1) les trois plaisirs : chaque soir, écrire trois choses qui ont été plaisantes
dans sa journée (par exemple : un bon café, un rayon de soleil et une bonne
discussion avec Lucien) ;
2) les trois gratitudes : chaque soir, exprimer par écrit (pour soi-même) trois
gratitudes (c’est-à-dire identifier des situations agréables vécues dans la
journée pour en remercier une personne, connue du sujet ou non, qui
a participé à cette situation plaisante – exemple : « merci au boulanger
d’avoir fait le bon gâteau que j’ai mangé ») ;
3) les trois qualités : chaque soir noter par écrit trois fois où le sujet a exercé
une qualité qui lui est propre (qu’il faut donc identifier avant l’exercice).
Par exemple : « j’ai été généreux avec tel ami, j’ai fait preuve d’intelligence
en répondant ceci à untel, j’ai montré que je pouvais m’affirmer dans telle
situation »…
Ces exercices, si simples en apparence, ont eu un effet thérapeutique signi-
ficatif sur les troubles dépressifs1. Ils permettent de renforcer la conscience
des événements positifs pour contrer les biais dépressifs qui font tout voir
en négatif (ils permettent aussi, plus profondément, de développer la flexi-
bilité mentale en obligeant sa conscience à défusionner ponctuellement des
pensées dépressives).
L’EMDR (Eye-Movement Desensitization and Reprocessing, ou désensibili-
sation et retraitement par les mouvements oculaires) est une méthode assez
nouvelle de plus en plus utilisée pour traiter les événements du passé trau-
matisant ou choquant (et les syndromes de stress post-traumatiques) fondée
par Francine Shapiro aux États-Unis (Shapiro, 20072). La méthode consiste,
à l’aide d’une technique bien précise, à amener le patient à focaliser son
attention alternativement sur chaque côté du corps (souvent avec les yeux,
mais pas seulement) dans le même temps qu’il se remémore l’événement
douloureux. Cette technique semble avoir pour effet d’aider à l’intégration
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. http://www.psychologie-positive.com
2. Shapiro F. (2007). Manuel d’EMDR, Paris, InterÉditions ; http://www.emdr-france.org
121
122
masquée, apparaît souvent au deuxième plan, après l’anxiété sociale qui est
plus visible : la honte est parfois inconsciente. Pourtant, cette honte pourrait
être le moteur de la phobie sociale. Ces patients ont souvent une estime
de soi basse. Ainsi, la première étape de la stratégie thérapeutique consiste
à travailler sur le sentiment de honte et à rehausser l’estime de soi par
un travail de restructuration cognitive autour des pensées automatiques
irrationnelles associées à la honte. Entretien socratique, colonnes de Beck,
exercices de psychologie positive sur ses propres qualités permettent dans
une première étape d’atteindre cet objectif. Une fois cela fait, la deuxième
123
124
sans se laver les mains ensuite durant un certain temps, de façon à ce que
l’habituation puisse s’exercer.
125
126
sible si le sujet n’est pas motivé pour cela. La première étape de la stratégie
thérapeutique est d’évaluer le stade du changement dans lequel se trouve le
sujet puis d’appliquer la stratégie la plus pertinente pour ce stade. Les tech-
niques utilisées vont être cognitives (restructuration cognitive de pensées
dysfonctionnelles, gérer les pensées favorisant la rechute), comportemen-
tales (exposition au produit, à l’envie de l’utiliser ; mais aussi : résolution de
problèmes, apprendre de nouveaux comportements comme refuser un verre
entre amis – jeux de rôles – prévention de la rechute), émotionnelles ou
corporelles (relaxation, gestion du stress…). Mais dans ce type de trouble,
127
128
travail est soutenu par une logique de renforcements positifs (le sujet obtient
des « récompenses » quand il atteint des objectifs fixés à l’avance). En insti-
tution, il peut être renforcé par l’apprentissage social (repas pris avec une
personne accompagnante sans problème alimentaire). La restructuration
cognitive est utile pour modifier les pensées dysfonctionnelles autour de
la nourriture et du poids. L’image de soi de ces patients est en général très
irréaliste et il est nécessaire de travailler ces représentations (travail cognitif,
corporel, relationnel, visuel…). Un travail pour remonter l’estime de soi
et la confiance en soi est souvent nécessaire. Les comportements alimen-
taires problématiques sont souvent impliqués dans la gestion des émotions
négatives (« j’ai des crises de boulimie quand je suis malheureuse »), de fait
il est probable que les crises de boulimie soient un moyen, inadapté, de
réguler des émotions douloureuses. Un travail sur les émotions, leur iden-
tification et leur gestion est important et peut passer par des expositions
émotionnelles, de la relaxation, de la méditation de pleine conscience. Il
est aussi très souvent utile de travailler avec l’entourage (parents, conjoints)
pour les soutenir, mais aussi pour améliorer les relations familiales souvent
dégradées du fait des troubles car cette dégradation relationnelle participe
au maintien des troubles.
129
premier temps, puis avec pénétration quand les partenaires sont prêts (ces
exercices sont discutés en séance avec le thérapeute, mais effectués chez
les sujets sans le thérapeute !). En cas de vaginisme (douleurs vaginales), des
exercices de relaxation et d’exposition à la pénétration non douloureuse
(seule avec du matériel ad hoc) pourront être proposés. En cas d’éjaculation
précoce, des exercices comportementaux permettent de retrouver le sens
de l’excitation sexuelle en lien avec les sensations physiques de la pénétra-
tion. Le plus souvent peuvent être associées à ces exercices spécifiques des
approches plus générales comme la relaxation ou la méditation de pleine
conscience, qui aident le sujet à mieux connaître son corps et ses sensations
ainsi qu’à mieux gérer son anxiété (Poudat, 20111).
1. Poudat F.X. et al. (2011). Sexualité, couple et TCC, Paris, Elsevier Masson.
130
131
troubles. Très complète, elle mêle des entretiens individuels (et la supervi-
sion du thérapeute), des modules en groupe et des contacts téléphoniques,
le tout permettant un important soutien au patient. À travers ces différents
dispositifs, le patient travaille sur ses cognitions, ses comportements et ses
émotions, à l’aide des techniques TCC habituelles incluant des techniques
d’acceptation et de méditation. Mieux gérer ses émotions et ses compor-
tements, se ressentir plus pleinement, aborder de façon plus adaptée les
relations et la vie sociale sont les objectifs de cette thérapie (Linehan, 20001).
132
133
7. Conclusion
Les psychothérapies cognitivo-comportementales sont donc l’applica-
tion de techniques spécifiques, dans le cadre de stratégies thérapeutiques
programmées dont l’efficacité a été validée scientifiquement. Ces stratégies
programmées sont d’autant plus efficaces qu’elles s’appliquent au sein d’une
relation marquée par une bonne alliance thérapeutique. Cependant, entre
le programme thérapeutique testé scientifiquement et la préservation de
l’alliance thérapeutique, il peut y avoir des tensions. En effet, la démarche
scientifique impose que le thérapeute applique le programme qui a été validé.
Mais, par ailleurs, l’alliance thérapeutique impose que le thérapeute soit
centré sur le patient. Or, le patient peut avoir des souhaits, des contraintes,
des modes de fonctionnement qui ne correspondent pas totalement au
programme prévu. Par exemple, il peut rencontrer des problèmes imprévus
et souhaiter en parler, alors même qu’un programme thérapeutique est en
134
cours sur un autre problème. Il peut aussi arriver que pour diverses raisons,
un patient n’apprécie pas telle ou telle technique, pourtant prévue dans le
programme. Faut-il alors insister dans le programme au risque de fragiliser
l’alliance thérapeutique, ou bien suivre la demande du patient au risque de
sortir de la stratégie prévue ? C’est là tout l’art du psychothérapeute, qui
utilise ses capacités d’empathie, d’intuition, de créativité et d’imagination
pour accompagner au mieux le patient tout en utilisant autant que possible
les techniques et les stratégies les plus à même de l’aider au plus près de
ses difficultés. Rigueur et souplesse, technique et empathie, objectivité et
intuition jalonnent la démarche du psychothérapeute, qui ne saurait être
un simple technicien des psychothérapies.
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Être psychothérapeute TCC est tout à fait intéressant et stimulant. Tout d’abord
cette approche apporte au psychothérapeute des stratégies et des techniques très
diverses et efficaces pour aider ses patients. Voir un patient s’améliorer, se sentir
mieux et vivre plus agréablement, en partie grâce au travail que l’on a fait avec lui,
est à chaque fois un grand soulagement pour le patient mais aussi une satisfaction
profonde pour le professionnel. De plus, les TCC sont des approches en mouvement
qui ne cessent d’évoluer au fil des décennies et d’intégrer de nouveaux modèles
théoriques qui amènent de nouvelles techniques, qui sont autant de perspectives
différentes sur la psychopathologie et la psychothérapie. Il est donc difficile en TCC
de s’installer dans une routine professionnelle, à moins d’accepter d’être rapidement
dépassé par le progrès ! Par ailleurs la relation de collaboration et de proximité
professionnelle qu’elles suscitent entre le thérapeute et le patient est tout à fait
motivante et engage patient et thérapeute dans une dynamique commune très enri-
chissante humainement. Enfin, par leur pragmatisme et leur diversité, les thérapies
TCC invitent à développer la créativité du thérapeute, qui doit régulièrement adapter
les techniques thérapeutiques aux spécificités de chaque patient, jusqu’à parfois créer
des techniques et des stratégies sur-mesure. Bref, si je suis convaincu de l’intérêt des
TCC tant pour les patients (avant tout !) que pour la pratique professionnelle des
psychothérapeutes, j’espère que cette rapide introduction aux TCC aura transmis
aux lecteurs un peu de cet intérêt et qu’en comprenant mieux ce que sont les TCC,
leurs théories et leurs pratiques, les lecteurs ont pu, en plus, les apprécier, c’est-à-dire
en retirer des bénéfices personnels ou professionnels. Si c’est le cas, je m’en réjouis
et ce livre aura atteint ses objectifs.
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A colonnes de Beck 20
acceptation 42, 119 comportementalisme 25, 27, 38, 39
activité physique 118 comportements 38
activités plaisantes 103 — inadaptés 18
affirmation de soi 124 contrôle respiratoire 117, 118
alliance thérapeutique 77, 82, 83, 90 coping 40, 42
analyse fonctionnelle 85 croyances 38, 104, 109
apprentissage classique 22 — dysfonctionnelles 108
apprentissage opérant 27, 28, 29 — irrationnelles 35
apprentissage répondant 27, 30 D
apprentissage social 30 démarche diagnostique 78, 80, 81
apprentissage vicariant 31 désensibilisation 19, 25, 96
approche cognitive 33 — systématique 25
approche comportementale 22 — systématique par inhibition
approche intégrative 22, 44 réciproque 98
approche processuelle 122 distorsions cognitives 37
arguments pour et contre 108 distraction 116
attaques de panique 117
E
autocontrôle 89
effet boule de neige 81
autorenforcement 32
efficacité 51, 53, 60, 90
B EMDR (Eye-Movement Desensitization and
béhavioristes 24 Reprocessing) 121
biais cognitifs 105, 110, 111, 112 émotions 39, 41
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S thérapie rationnelle 35
scénarios catastrophes 125 thérapie rationnelle émotive 35
schémas 104, 112 thérapies 47, 50
— cognitifs 37, 109, 110 — centrées sur le problème 47, 77
— précoces inadaptés 112 — comportementales 25, 29
self help books 84, 114 — comportementales et cognitives 65
stimulus 23, 26, 27, 95, 96 — dites d’acceptation et d’engagement
stop pensée 116 40
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80120-(I)-OSB90°-SOF-BTT
Dépôt légal : juillet 2020
Imprimé en France par la Nouvelle Imprimerie Laballery