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IFPEK Rennes

Institut de Formation en Ergothérapie

Les modèles conceptuels : une


réponse à la quête identitaire des
ergothérapeutes.
L’influence des outils d’évaluation issus de modèles
conceptuels sur l’identité professionnelle des
ergothérapeutes.

En vue de l’obtention du diplôme d’État d’Ergothérapeute

UE 6.5 S6 : Évaluation de la pratique professionnelle et recherche

Sous la direction de Monsieur Michel LOLLIVIER

Marine LAURENT

2019
Remerciements
Merci à Michel Lollivier pour m’avoir guidée tout au long de ce mémoire.

Merci à Lorène, qui a également su me conseiller au cours de ce travail, merci pour ta


disponibilité.

Merci à mes formateurs et tuteurs de stage pour m’avoir transmis leurs connaissances, leurs
savoir-êtres et savoir-faires.

Merci à mes amis pour leur présence, leur soutien et leur bonne humeur.

Merci à ma famille pour m’avoir permis de suivre ces études, merci de m’avoir soutenue dans
mes choix.
LAURENT Marine
Les modèles conceptuels : une réponse à la quête identitaire des ergothérapeutes.
Résumé : Comment définir l’ergothérapie aujourd’hui ? La multiplicité des champs de pratique de
cette discipline risque de confondre les ergothérapeutes dans leur identité professionnelle. Depuis
2010, ces derniers sont formés aux modèles conceptuels dont découlent des outils d’évaluation. Ils
leur permettent de guider leur pratique professionnelle tout en la fondant sur des preuves scientifiques.
Des entretiens semi-structurés auprès de cinq ergothérapeutes aux profils variés ont permis d’étudier
qualitativement l’influence de l’utilisation de ces outils sur leur identité professionnelle, via les
représentations socioprofessionnelles.
Les résultats démontrent des bénéfices tant sur la collaboration avec le patient que sur la collaboration
interprofessionnelle. Surtout, le vocabulaire des modèles conceptuels porté sur l’occupation s’avère
être un moyen de communication sur l’ergothérapie. En cela, la pratique des ergothérapeutes leur
apparait plus signifiante, renforçant leur identité professionnelle.
Ainsi, à l’instar des ergothérapeutes québécois, dans une optique d’homogénéisation des pratiques et
d’affirmation de l’identité professionnelle, l’utilisation de modèles conceptuels ne devrait-elle pas
être indispensable ?
Abstract : How can we currently define occupational therapy ? There presently exists a wide area of
OT practice and this in itself can have an impact on the professional identity of OTs. Since 2010,
conceptual frameworks are taught in OT schools. They provide evaluation tools to professionals.
These tools allow them to carry out their practice within an evidence-based framework.
Semi-structured interviews were conducted with five OTs with varied profiles in order to study the
link between these evaluation tools and occupational therapists’ professional identity, through
vocational perceptions.
Results have shown benefits in patient collaboration during therapy, and also interprofessional
collaboration. Furthermore, specific vocabulary used in conceptual frameworks seems to facilitate
communication in relation to OT. In that way, occupational therapy practice has become more
meaningful and the professional identity of OTs has been strengthened.
Therefore, like occupational therapy in Quebec, should we consider conceptual frameworks as
essential in our practices?
Mots-clés : Ergothérapie ; Modèles conceptuels ; Outils d’évaluation ; Identité professionnelle
Keywords : Occupational Therapy ; Conceptual frameworks ; Evaluation tools ; Professional
identity
INSTITUT DE FORMATION EN ERGOTHERAPIE DE RENNES
12 Rue Jean-Louis Bertrand, 35000 Rennes
TRAVAIL ECRIT DE FIN D’ETUDES – 2019
Sommaire
Introduction ............................................................................................................. 1
1. Problématique.................................................................................................. 2
1.1. Situation d’appel et question de départ ............................................................... 2
1.2. Recherches bibliographiques et entretien exploratoire......................................... 3
1.2.1. Les modèles conceptuels....................................................................................................... 3
1.2.2. L’identité professionnelle des ergothérapeutes ................................................................... 7
1.3. Émergence de la question de recherche ............................................................. 11
2. Cadre théorique .............................................................................................. 13
2.1. Les modèles conceptuels en ergothérapie et leurs outils d’évaluation ................ 13
2.1.1. Les modèles conceptuels en ergothérapie.......................................................................... 13
2.1.2. Les outils d’évaluation ......................................................................................................... 15
2.2. Le concept d’identité professionnelle................................................................. 17
2.2.1. L’identité en sciences humaines.......................................................................................... 17
2.2.2. L’identité professionnelle .................................................................................................... 22
2.3. Le concept des représentations socioprofessionnelles ........................................ 28
2.3.1. Les représentations sociales................................................................................................ 28
2.3.2. Les représentations socioprofessionnelles ......................................................................... 30

3. Cadre de recherche ......................................................................................... 34


3.1. Méthodologie pour le recueil de données .......................................................... 34
3.1.1. Choix de l’outil pour le recueil de données ......................................................................... 34
3.1.2. Population ciblée par le recueil de données ....................................................................... 35
3.2. Analyse des données ......................................................................................... 36
3.2.1. Définition de l’ergothérapie pour soi et par autrui ............................................................. 36
3.2.2. Point de vue sur l’identité professionnelle des ergothérapeutes ....................................... 37
3.2.3. Les outils d’évaluation issus de modèles conceptuels dans la pratique ............................. 38
3.2.4. Des outils d’évaluation en ergothérapie pour une meilleure collaboration interprofessionnelle
40
3.2.5. La représentation de l’ergothérapie ................................................................................... 41

4. Discussion ...................................................................................................... 43
4.1. Retour sur les hypothèses de recherche ............................................................. 43
4.1.1. Première hypothèse ............................................................................................................ 43
4.1.2. Deuxième hypothèse ........................................................................................................... 45
4.1.3. Troisième hypothèse ........................................................................................................... 46
4.2. Positionnement professionnel et propositions d’action ...................................... 48
5. Forces et limites de la recherche ..................................................................... 49
6. Conclusion ...................................................................................................... 50
7. Bibliographie .................................................................................................. 51
Table des Annexes
Introduction
D’après l’Association Nationale Française des Ergothérapeutes (ANFE), l’ergothérapeute est « un
professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre l'activité humaine et la santé. » L’objectif
de l’ergothérapie (ou occupational therapy en anglais) est de « maintenir, de restaurer et de permettre
les activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. » (ANFE, 2019)

Fondée sur le potentiel thérapeutique de l’activité, l’ergothérapie prend racine dans la psychiatrie au
début du 20ème siècle en Amérique du nord. Puis avec les deux Guerres Mondiales, elle s’implante en
services de rééducation fonctionnelle, privilégiant une approche biomédicale. Dans les années 1950 à
1970, l’ergothérapie prend véritablement ancrage parmi les « disciplines scientifiques », lui conférant
une certaine reconnaissance sociale. Mais comme le précise déjà en 2006 R. Botokro à propos de
l’approche biomédicale, « la profession a d’ailleurs actuellement beaucoup de difficultés […] à s’en
éloigner. » (Botokro, 2006, p.8)

En France, les 1ers instituts de formation voient le jour en 1954, et le Diplôme d’État en 1970. Depuis
cette période, les ergothérapeutes français ont pu voir leur profession évoluer. En effet, dès 1980 le
modèle médical remis en cause, les ergothérapeutes se lancent à la recherche de nouveaux concepts dans
une approche bio-psycho-sociale. Alors, l’ergothérapie historiquement présente dans des services de
rééducation ou dans des hôpitaux psychiatriques, commence à diversifier ses lieux d’exercice. De même,
la population accompagnée se renouvelle en travaillant au sein d’associations, en exercice libéral ou
encore auprès de services communautaires. C’est à partir de ce moment que se créent les modèles
conceptuels, pour mieux cerner les enjeux actuels et s’intéresser davantage à l’épistémologie de
l’ergothérapie (Botokro, 2006). En un siècle, l’ergothérapie a donc connu une évolution permanente,
ponctuée par différents courants de pensée lui conférant une reconnaissance professionnelle qui semble
instable dans le temps. Alors, quelle place ces modèles conceptuels prennent-ils dans cette quête de
stabilité ?

Il semble intéressant de se pencher sur l’histoire de l’ergothérapie pour comprendre l’origine de ses
multiples champs de pratique. Aussi, comprendre le contexte de la naissance des modèles conceptuels
en ergothérapie a toute son importance dans ce mémoire d’initiation à la recherche. En effet, l’étude
qualitative proposée dans cet écrit s’intéresse à l’impact de l’utilisation des outils d’évaluation issus des
modèles conceptuels sur l’identité professionnelle des ergothérapeutes. Dans un premier temps, une
problématique exposera l’origine de ce questionnement. Puis un cadre théorique permettra de
comprendre les concepts principaux de cet écrit qui seront mis en lien avec un cadre de recherche pour
avoir un regard sur la pratique de terrain des ergothérapeutes. Enfin une discussion sera l’occasion de
confronter les données recueillies et d’émerger de nouvelles réflexions sur la pratique actuelle en
ergothérapie.

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1. Problématique
1.1. Situation d’appel et question de départ
L’ergothérapie, discipline du domaine paramédical, semble ne pas être connue auprès d’un grand
nombre de personnes. D’abord, les étudiants en ergothérapie débutent parfois leur formation sans même
savoir de quoi il s’agit exactement. Ensuite, les ergothérapeutes diplômés peuvent parfois se trouver en
difficulté pour expliquer leur métier à autrui. Puis, les autres professionnels peuvent aussi se questionner
sur le rôle d’un ergothérapeute. Enfin, les patients bénéficiant de séances d’ergothérapie ignorent parfois
qui est ce professionnel, sa spécificité de pratique et dans certains cas, son existence.

En tant qu’étudiante me formant à l’ergothérapie, je me pose régulièrement des questions sur mon
identité professionnelle. Les connaissances et compétences que j’acquiers au fur et à mesure de ma
formation ne font qu’accentuer ces questionnements : Quelle est la spécificité de pratique de
l’ergothérapie ? Comment expliquer en quoi consiste mon métier à mes proches, mais aussi aux autres
professionnels de santé et aux patients ? Comment s’y retrouver parmi toutes ces activités
professionnelles partagées avec d’autres corps de métier ?

Au cours de ma première année d’études, j’ai appris l’existence des modèles conceptuels. J’ai été
étonnée de découvrir leur existence, mais également effrayée par leur nombre conséquent. En effet, je
ne pensais pas qu’un accompagnement thérapeutique puisse être guidé par un modèle théorique. Ces
modèles conceptuels (Morel-Bracq, 2017) sont accompagnés d’outils spécifiques d’évaluation, ainsi que
d’un vocabulaire lié aux fondements et concepts théoriques du modèle. Au cours de notre formation,
nous sommes donc invités à construire notre plan d’intervention ergothérapique à l’aide d’un modèle
conceptuel. Nous sommes également initiés à l’utilisation d’outils ergothérapiques correspondants au
modèle choisi.

L’existence de ces modèles conceptuels a donc été pour moi une réponse à mon questionnement sur
l’identité professionnelle des ergothérapeutes. A mon sens, utiliser de tels modèles dans la pratique peut
aider les ergothérapeutes à mieux situer leur rôle professionnel, à mieux guider leurs accompagnements,
à mieux expliquer leur métier à autrui. Je considère les modèles comme un support pour définir, appuyer
et justifier l’ergothérapie. A l’image des enseignements dispensés en instituts de formation, les champs
d’actions des ergothérapeutes ne cessent de se développer, en passant de la rééducation à la réadaptation,
de la santé mentale aux lieux de vie, de la prévention des risques liés à l’activité physique, à bientôt
l’ergothérapie communautaire. J’ai vu dans les modèles conceptuels, une façon d’aider les
ergothérapeutes à s’identifier professionnellement dans leur domaine d’exercice.

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Néanmoins, un fossé semble se creuser entre la théorie et la pratique. Lors de mes stages, les
ergothérapeutes avec qui j’ai pu travailler ne semblaient pas construire leur plan d’intervention à l’aide
de modèles conceptuels. De plus, ils ne se servaient pas des outils d’évaluation correspondants. Pourtant
comme je l’expliquais précédemment, ces nouveaux concepts, modèles et outils, apparaissent dans notre
formation comme des éléments indispensables à notre future pratique. Mais est-ce que les
ergothérapeutes sont prêts à les utiliser ? Si non, pourquoi ne les utilisent-ils pas ?

Ce travail d’initiation à la recherche sera alors l’occasion d’explorer le potentiel lien existant entre les
modèles conceptuels en ergothérapie et l’identité professionnelle des ergothérapeutes. Il sera ainsi
intéressant de confronter mon avis personnel, la théorie ainsi que l’avis des professionnels sur la question
suivante : Est-ce que l’utilisation de modèles conceptuels basés sur des sciences reconnues pourrait
contribuer au renforcement de cette identité professionnelle ? Ainsi, ma question de départ est la
suivante :
En quoi l’utilisation de modèles conceptuels pourrait contribuer au renforcement de l’identité́
professionnelle des ergothérapeutes ?

1.2. Recherches bibliographiques et entretien exploratoire


1.2.1. Les modèles conceptuels
Qu’est-ce qu’un modèle conceptuel ? Tout d’abord, je vais me saisir de la littérature afin d’expliquer
brièvement ce qu’est un modèle conceptuel, concept qui sera davantage étudié en seconde partie de ce
mémoire. D’après Marie-Chantal Morel-Bracq (2017), un modèle conceptuel est « une représentation
mentale simplifiée d’un processus qui intègre la théorie, les idées philosophiques sous-jacentes,
l’épistémologie et la pratique. » Cependant, pourquoi avoir choisi ici le terme de modèle conceptuel,
plutôt que celui de « cadre de référence », ou « schème de référence » comme l’utilisent davantage les
Québecois, ou encore le terme d’« approche » ? Dans la littérature, ou dans notre pratique quotidienne,
nous pouvons croiser ces différents termes, alors comment savoir lequel utiliser ? D’après Kortman, ces
termes sont tous des synonymes, ils sont interchangeables (Kortman, 1994). Ainsi, comme il l’écrit, et
comme M.-C. Morel-Bracq le reprend, le terme de « modèle » semble être le plus simple à utiliser.
D’après Kortman (1994), cité par M.-C. Morel-Bracq (2017), les modèles peuvent être répartis en 3
catégories. D’abord, les modèles généraux applicables dans diverses situations, puis les modèles
appliqués spécifiques à certaines pathologies ou situations, et enfin les modèles de pratique qui
s’attardent davantage sur certaines techniques, ou évaluations.

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Mon intérêt se portant sur l’utilisation de modèles par des ergothérapeutes, j’ai décidé de m’intéresser
ici aux modèles généraux et appliqués en ergothérapie, plutôt qu’aux modèles généraux et appliqués
interprofessionnels. Parmi ces modèles j’ai choisi de ne pas concentrer ma réflexion et mes recherches
sur un modèle en particulier. Je pense en effet que peu importe le modèle que l’ergothérapeute utilise,
il y aura un impact sur son identité professionnelle. La multiplicité des modèles conceptuels généraux
et appliqués à l’ergothérapie reflète d’ailleurs la multiplicité des domaines d’action des ergothérapeutes.
De plus, chacun d’entre nous est différent, chacun a sa propre identité, et aussi sa propre pratique
professionnelle. Alors chaque ergothérapeute pourrait se saisir du modèle conceptuel correspondant le
mieux à ses valeurs professionnelles, afin de l’aider à construire sa propre identité professionnelle.

Afin de compléter mes recherches bibliographiques, j’ai effectué un premier entretien exploratoire avec
une ergothérapeute utilisant différents modèles, outils d’évaluation et approches auprès d’enfants en
cabinet libéral : La Mesure Canadienne du Rendement Occupationnel (MCRO), le modèle ludique, et
l’approche COOP (Cognitive Orientation to daily Occupational Performance). Concernant l’existence
de multiples modèles conceptuels, cette professionnelle a pu m’expliquer que cela est un atout pour elle.
En effet, elle peut adapter sa pratique à l’enfant, en choisissant le modèle ou l’approche qui semble
convenir au mieux à la situation.

On retrouve dans plusieurs écrits l’importance d’utiliser des modèles conceptuels en ergothérapie. En
2009 dans la Revue Canadienne d’Ergothérapie, on retrouve l’idée que les ergothérapeutes devraient
s’efforcer d’appliquer des modèles conceptuels dans leur pratique car ce sont les éléments théoriques
qui permettent de différencier deux pratiques, deux disciplines professionnelles (N.Ikiugu, Condit et
Smallfield, 2009). Aussi, il semble que l’une des raisons de l’existence de ces modèles conceptuels
appliqués à l’ergothérapie serait de « faire entrer chaque ergothérapeute dans une démarche réflexive et
prospective ». Il est ici question de l’amélioration de la pratique des professionnels et de l’importance
« d’élaborer des pratiques fondées sur des preuves » (Morel-Bracq, 2017, part.Préface). On retrouve
cette idée chez Isabelle Marchalot : « La difficulté n’est pas de reconnaître la pertinence d’un modèle,
mais davantage de percevoir comment il peut participer à l’amélioration d’une pratique. » (Marchalot,
2016, p.20).

Il est vrai qu’aujourd’hui, l’utilisation de modèles conceptuels n’est pas acquise chez tous les
ergothérapeutes, ou en tout cas ce n’est pas explicité. Cependant, pour faire écho à la démarche réflexive
permise par l’utilisation des modèles, et comme le précise Jean-Michel Caire, Cadre de Santé
ergothérapeute : « l’acte soignant n’est pas simplement la juxtaposition de gestes techniques. Soigner
demande une réflexion : pourquoi tel geste, tel acte plutôt qu’un autre, pourquoi le choix d’une activité,
de la façon de la mener, etc. » (Caire, 2008, p.121)

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Cette nécessité de fonder notre pratique sur des preuves, sur des éléments théoriques, en s’éloignant
d’une pratique empirique est redondante dans les textes. Hélène Hernandez se questionne justement
dans la préface du livre de M.-C. Morel-Bracq quant à notre légitimité en tant qu’ergothérapeutes à
pratiquer l’ergothérapie sans se baser sur des preuves, sur des concepts :
Qu’est-ce qui nous autorise ainsi à proposer tel axe d’intervention, telle ou telle relation
thérapeutique ? Au nom de quel principe ou de quelle conception de la santé ? Comment
pouvons-nous encore exercer au feeling, sans savoir ce que nous produisons exactement, sans
nous préoccuper de la preuve à apporter quant à l’utilité de nos actions, sans aucune prévision
des résultats attendus ? (Morel-Bracq, 2009, p.9)

Par ailleurs, nous pouvons penser qu’un jour, il faudra justifier que l’on utilise des méthodes basées sur
des preuves scientifiques. C’est ce dont me faisait part l’ergothérapeute interrogée lors de mon premier
entretien exploratoire. D’après elle, si un jour les séances d’ergothérapie doivent être financées par
l’État, cela concernera sans doute seulement les approches ayant fait leurs preuves.

En France, les ergothérapeutes s’inspirent souvent de modèles appartenant à d’autres disciplines. Et


c’est bien cela qui rend l’explication de la profession d’ergothérapeute difficile (Morel-Bracq, 2017,
p.7). Julie Billiaux, ergothérapeute utilisant le Modèle de l’Occupation Humaine (MOH) dans une
Maison d’Accueil Spécialisée (MAS) confirme cette idée en témoignant : « L’utilisation concrète d’un
modèle conceptuel en ergothérapie m’a permis de comprendre de nombreux aspects de ma profession
et d’appréhender sa spécificité. » (Billiaux, 2016, p.6)

Il est également question d’effectuer une pratique ergothérapique s’inscrivant dans une « démarche de
qualité », soucis d’actualité dans une logique de soins où les professionnels doivent bien souvent
répondre de leurs actes auprès de leur hiérarchie. Ainsi l’utilisation de modèles conceptuels dans la
pratique ergothérapique permettrait aux professionnels de structurer leurs interventions, et de les
argumenter à l’aide d’outils cohérents avec leur philosophie de pratique (Morel-Bracq, 2017, p.8). Ce
besoin de structurer, de guider la pratique ergothérapique, est évoqué par Charlotte Ducousso-Lacaze et
ses collaborateurs dans leur article de 2016 portant sur l’application du MOH en gériatrie. Elles
soulignent en effet dès l’introduction le fait que « sur le terrain, les ergothérapeutes […] évoquent
souvent un besoin de repères, d’outils d’évaluation pour guider leur pratique et la communication auprès
des équipes et des partenaires sur leurs missions et le travail qu’ils réalisent ». Elles ajoutent ensuite que
l’utilisation de modèles conceptuels peuvent permettre de répondre à cette quête de repères et de
méthodologie de pratique (Ducousso-Lacaze et al., 2016, p.35).

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D’ailleurs, lors de mon premier entretien exploratoire, l’ergothérapeute interrogée a confirmé cela en
expliquant qu’elle utilisait différents modèles et approches ergothérapiques dans le but justement de
donner un cadre à sa pratique et ses écrits. Elle ressent le besoin d’identifier le regard de l’ergothérapeute
dans ses écrits transmis à d’autres professionnels de santé afin qu’ils puissent percevoir la spécificité de
sa pratique. Aussi, elle a attiré mon attention sur le vocabulaire utilisé par les ergothérapeutes. Pour cette
professionnelle, donner du sens à sa pratique consiste non seulement à utiliser des modèles mais aussi
et surtout, le vocabulaire qui y est associé. Néanmoins, elle insiste sur la vigilance à utiliser un
vocabulaire compréhensible de tous, car c’est justement en cela que l’on communique. L’importance
d’utiliser un vocabulaire correspondant aux valeurs professionnelles des ergothérapeutes dans le but de
renforcer leur identité professionnelle est le constat effectué par des ergothérapeutes australiens
(Wilding et Whiteford, 2008). Ils relatent l’expérience de leurs pairs qui n’osaient pas utiliser le terme
d’« occupation », inquiets des perceptions qu’auraient leurs collègues non ergothérapeutes à propos de
leur pratique. Mais en franchissant le pas, ils ont pu transformer leur identité professionnelle et les
représentations institutionnelles quant à leur profession.

En plus d’un besoin émanant des professionnels de structurer leur pratique, d’avoir des outils pour
expliquer leur métier, il y a aussi un cadre réglementaire à l’utilisation de ces modèles. D’abord, l’arrêté
du 5 juillet 2010 concernant la formation des ergothérapeutes prévoit que les étudiants soient capables
d’acquérir plusieurs compétences, dont la compétence 2 « concevoir et conduire un projet d’intervention
en ergothérapie et d’aménagement de l’environnement ». Afin de valider cette compétence, l’unité
d’enseignement 3.3.S2 portant sur les modèles conceptuels est entre autres dispensée aux étudiants. Pour
rappel, les objectifs de cette unité sont les suivants :
- Repérer différentes perspectives utilisées pour aborder les situations de handicap et la pratique
professionnelle.
- Identifier et expliciter les modèles thérapeutiques utilisés en ergothérapie
(Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique, Ministère de la santé et des
sports, 2010)

Cet arrêté de 2010 a ainsi permis la reconnaissance du grade Licence pour les diplômés d’État en
ergothérapie. Cependant, cette reconnaissance universitaire a également introduit la nécessité de
« développer nos compétences méthodologiques », dont fait référence Charlotte Ducousso-Lacaze et ses
pairs (2016). Cela est cohérent avec le fait d’utiliser des modèles conceptuels afin de structurer notre
pratique ergothérapique. D’ailleurs, ce grade Licence peut désormais permettre aux ergothérapeutes de
poursuivre leurs études, et d’approfondir le domaine de la recherche en ergothérapie, ce qui permettra
davantage aux ergothérapeutes de baser leur pratique sur des preuves (Morel-Bracq, 2017, p.234).

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Dans la littérature, j’ai pu constater qu’il est difficile pour les ergothérapeutes de communiquer sur leur
profession. Pour certains, l’utilisation de modèles conceptuels les aident dans cette démarche. Prenons
l’exemple de Gladys Mignet, ergothérapeute en Service d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS).
Elle témoigne dans son article portant sur le MOH des intérêts cliniques de ce modèle. Après avoir
exposé deux cas cliniques d’intervention ergothérapique auprès d’adultes en situation de handicap en
utilisant le MOH, elle conclut en citant Jenica Lee concernant le fait que ce modèle « permet aux
ergothérapeutes d’avoir une pratique centrée sur la personne et sur l’occupation, ce qui aide à
communiquer sur notre rôle d’ergothérapeute auprès des personnes que nous accompagnons et de nos
collègues. » (Mignet, 2016, p.32). Nous retrouvons ainsi l’idée que l’utilisation de modèles conceptuels,
ici le MOH, est un atout pour expliquer notre rôle d’ergothérapeute à autrui.

J’ai pu lire à de nombreuses reprises que l’utilisation de modèles conceptuels, permettait une
amélioration de la pratique. Certes, mais ce qui m’a interpellé c’est ce lien qui est souvent effectué avec
l’identité professionnelle. Par exemple, Isabelle Marchalot, en participant à l’introduction du Modèle
Canadien du Rendement et de l’Engagement Occupationnel (MCREO) dans son service d’ergothérapie,
explique l’évolution à la fois physique mais aussi identitaire que l’espace et les professionnels ont connu.
L’objectif était de modifier le Service « afin qu’il devienne cet environnement reproduisant des lieux de
vie […] ». Elle explique que par l’utilisation du MCREO, une évolution identitaire est présente chez les
ergothérapeutes, et elle cite d’ailleurs Claude Dubar : « notre identité doit se construire tout au long de
notre vie » (Dubar, 2013). (Marchalot, 2016, p.22).
Cela introduit donc la deuxième partie de mes recherches bibliographiques, portant sur l’identité
professionnelle des ergothérapeutes.

1.2.2. L’identité professionnelle des ergothérapeutes


Qui sommes-nous ? Qui suis-je ? En tant que personne, en tant qu’ergothérapeute ? Quelle est ma place
parmi les autres professionnels ? Comment savoir que je suis moi, que je ne suis pas l’autre, dans cette
dynamique interprofessionnelle ? Comment faire pour qu’autrui me reconnaisse comme
ergothérapeute ? Tant de questionnements qui me sont propres, mais qui à travers mes lectures, s’avèrent
également appartenir à de nombreux ergothérapeutes diplômés.

Il est nécessaire et important de s’intéresser à l’identité professionnelle des ergothérapeutes. En effet, si


l’identité professionnelle de l’ergothérapeute est floue, cela peut être néfaste à la fois pour les personnes
bénéficiant de son accompagnement, mais aussi pour son entourage professionnel. La qualité des soins
ergothérapiques peut être alors altérée si l’identité professionnelle du soignant ne s’est pas développée
sur de « solides fondations théoriques et axiologiques » (Gohier, Sauvageau et Drolet, 2017, p.73).

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Il semble que ce questionnement autour de l’identité professionnelle des ergothérapeutes perdure au fil
des années. Déjà en 2012, un article paru dans la revue Ergothérapies évoquait le fait que les
ergothérapeutes avaient des difficultés à expliquer leur métier à autrui, à le définir, il était même question
de « flou identitaire ». D’après Blanchard et al. (2012), une des raisons expliquant cette difficulté serait
le fait que les domaines d’exercice des ergothérapeutes ne soient pas bien définis. Ainsi, en travaillant
en transversalité avec d’autres professionnels, en partageant plusieurs champs d’action, il est difficile
pour les ergothérapeutes de se situer professionnellement.

De ce fait, les ergothérapeutes « comparent leurs actions à celles des professionnels qui gravitent autour
d’eux et s’identifient en se différenciant. » (Blanchard, Colvez et Richard, 2012, p.43) En effet, nous
avons souvent tendance à chercher les limites de notre pratique, et celles des autres, afin de ne pas avoir
le sentiment d’exercer une autre profession que la nôtre, pour ne pas empiéter sur les actes professionnels
de nos collègues, et inversement. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre parler de fiche de poste, ce qui tend
à démontrer que les ergothérapeutes ont l’air attachés à la définition d’un contenu qui leur serait propre.
Peut-être y voient-ils un moyen de définir leur identité professionnelle ? L’ergothérapeute avec qui je
me suis entretenue lors de l’entretien exploratoire a pu confirmer et actualiser ce ressenti concernant la
question identitaire des ergothérapeutes. D’après elle, les ergothérapeutes sont aujourd’hui perdus entre
« savoir quoi faire, ce qu’on leur demande de faire, ce qu’ils ont envie de faire, et la gestion de champs
de compétences communs avec l’inter professionnalité ».

Autrui, cet autre qui n’est pas nous, contribue à notre construction identitaire. Annie Turner en 2011,
« suggère que les difficultés identitaires historiques des ergothérapeutes seraient liées à la perception
qu’ils ont d’eux-mêmes et à la manière dont la profession est perçue par les individus qui ne l’exercent
pas. » (Gohier, Sauvageau et Drolet, 2017, p.72). Ces individus en question peuvent être des personnes
éloignées du domaine professionnel, mais il peut également s’agir de nos collègues.

Ces représentations socioprofessionnelles participent activement à la construction identitaire des


ergothérapeutes. Cette construction évolue aussi suivant les rapports que le professionnel entretient avec
son environnement.
D’abord par rapport aux responsabilités : « L’ensemble des responsabilités professionnelles de
l’ergothérapeute participe à la construction du Nous, en ceci que chaque ergothérapeute en vient à se
représenter la profession pour lui-même et à se positionner quant à ses responsabilités
professionnelles. » (Gohier, Sauvageau et Drolet, 2017, p.78)
Ensuite par rapport aux patients : dans la plupart des situations, les patients qui rencontrent un
ergothérapeute ne connaissent pas cette profession. Alors, l’ergothérapeute se doit de leur expliquer en
quoi consiste son métier, son rôle comme soignant, sa spécificité de pratique et quelque part, ses valeurs
professionnelles. Étant attentif aux dires et réactions des patients, l’ergothérapeute peut se percevoir à

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travers eux, peut percevoir sa propre pratique à travers le regard d’autrui. Ainsi, les représentations
qu’ont les patients de la profession d’ergothérapeute participent à la représentation que se fait un
ergothérapeute de sa propre pratique (Gohier, Sauvageau et Drolet, 2017, p.78).
Puis, les rapports que l’ergothérapeute entretient au sein d’une équipe pluri professionnelle jouent sur
l’identité professionnelle de ce dernier. C. Gohier et ses collaborateurs expliquent dans leur article qu’au
Québec, les ergothérapeutes ne sont pas nombreux dans les équipes professionnelles, ils sont alors
davantage répartis entre les différents Services. Ainsi, « les ergothérapeutes ont peu de lieux de
regroupement professionnel pour renforcer leur identité professionnelle […] » (Gohier, Sauvageau et
Drolet, 2017, p.78).
Ici les auteures évoquent l’importance du lieu, qui influence aussi l’identité professionnelle, en
permettant ou non aux ergothérapeutes de se retrouver entre pairs pour entretenir ce processus
d’identification avec un groupe d’appartenance. En France, nous pouvons assister à cela dans certaines
structures où l’ergothérapeute est seul dans un Service. Nous pouvons également retrouver cette
problématique d’identité professionnelle ou non, selon la solidité des « fondations théoriques et
axiologiques [du professionnel]» (Gohier, Sauvageau et Drolet, 2017, p.73).

La réflexion à l’origine de cette problématique est celle d’une future ergothérapeute, certes. Cependant,
c’est avant tout celle d’une étudiante. Cette question autour de l’identité professionnelle des
ergothérapeutes est arrivée pour ma part dans un monde encore étudiant, alors que l’on pourrait penser
que cette réflexion s’inscrive davantage dans un contexte professionnel. C’est pourquoi je vais évoquer
ci-dessous un article écrit par une Cadre de Santé ergothérapeute qui s’est intéressé à la construction
identitaire des étudiants en ergothérapie. En effet, la construction de notre identité professionnelle
débute dès notre formation initiale.

Maud Eckenschwiller fait le constat que malgré l’augmentation du nombre d’ergothérapeutes en France,
il reste difficile pour les étudiants comme pour les professionnels d’expliquer ce qu’est l’ergothérapie.
Concernant la construction identitaire des individus, elle reprend les idées de Jean-Marie Barbier qui,
en 2011 écrit que « la construction de l’identité est un processus continu : les représentations se
transforment en lien avec l’évolution des situations et des expériences » (Eckenschiwiller, 2017, p.6). Il
semble que la construction identitaire des ergothérapeutes soit liée avec la construction des
représentations que chacun se fait de l’ergothérapie, et de la façon dont chacun exerce. La construction
identitaire serait alors en perpétuel mouvement, et non pas dans un état fixe. L’ergothérapeute
commence sa construction identitaire dès sa formation initiale, puis, avec les expériences qu’il se forge
et ses nouveaux apprentissages, sa construction identitaire évolue. Maud Eckenschwiller émet l’idée que
le rôle des formateurs au cours de la formation initiale est important dans la construction identitaire de
l’étudiant via les représentations qu’il transmet. Aussi, elle évoque la « rupture » que peuvent ressentir
les étudiants en ergothérapie entre la formation et la pratique. Pour cela, elle fait appel à un modèle

9
élaboré par Jacqueline Beckers (2007), et Everett Hughes (1958), mettant en avant le fait que les
étudiants en arrivant en stage « confrontent les représentations qu’ils ont de leur futur métier et d’eux-
mêmes dans ce métier, leurs stéréotypes professionnels, à la « réalité du terrain ». » (Eckenschiwiller,
2017, p.7) Cela fait écho à mon propre ressenti : le « fossé » entre la théorie et la pratique que j’évoquais
en introduction. Cela peut également se référer au « modèle idéal » et au « modèle pratique » dont parle
Everett Hughes, le « modèle idéal » faisant référence à « la dignité de la profession, l’image de marque
et la valorisation symbolique » (Eckenschiwiller, 2017, p.7).

Ces recherches et ce premier entretien exploratoire m’ont permis de mieux cerner ce que les modèles
conceptuels pouvaient apporter aux ergothérapeutes. Tout d’abord ce sont des éléments théoriques, qui
peuvent améliorer, argumenter, guider et structurer la pratique ergothérapique en la basant sur des
preuves scientifiques. Les modèles permettent aux ergothérapeutes d’acquérir une démarche réflexive,
les aidant à comprendre leur spécificité de pratique et à la communiquer à autrui. Par ailleurs, les
modèles conceptuels fournissent aux ergothérapeutes des outils pouvant leur servir de repères
méthodologiques dans leurs accompagnements. J’ai également pu lire que certains ergothérapeutes
utilisant un modèle conceptuel dans leur pratique ont constaté une évolution identitaire. De plus, le flou
identitaire dont je faisais référence dans ma situation d’appel a été évoqué dans plusieurs articles. Il
serait dû au fait que les domaines d’exercice des ergothérapeutes ne soient pas correctement définis, et
finalement, les ergothérapeutes s’identifient en se différenciant des autres professionnels. La notion des
représentations socioprofessionnelles est également présente. La construction identitaire des
ergothérapeutes serait sensible aux représentations qu’ont les ergothérapeutes de leur propre profession,
et à la façon dont autrui se représente l’ergothérapie. Entre également en jeu dans la construction
identitaire des professionnels le processus d’identification à un ou plusieurs groupes d’appartenance.

10
1.3. Émergence de la question de recherche
Suite à ces recherches bibliographiques et à ce premier entretien exploratoire, des questions subsistent
et se précisent : Qu’en est-il des représentations d’autrui quant à l’ergothérapie et aux ergothérapeutes ?
Quel est leur impact sur l’identité professionnelle des ergothérapeutes ? Est-ce que cette identité peut
être renforcée grâce à l’utilisation de modèles ou plutôt grâce à l’utilisation des outils en découlant ?

Ainsi, j’ai souhaité m’entretenir avec une deuxième ergothérapeute, exerçant dans un Service de
rééducation/réadaptation pour adultes où s’est récemment mis en place la MCRO, outil issu du MCREO.
D’après elle, le choix d’un modèle dans la pratique d’un Service est une réflexion d’équipe, car cela
nécessite une certaine harmonie de pratique. Cependant, elle a la conviction que chaque ergothérapeute
peut trouver le modèle conceptuel correspondant à ses valeurs professionnelles, et son choix reflètera
alors l’expression de son identité professionnelle. Ensuite, les outils ergothérapiques étant des repères
concrets utilisés au quotidien, elle préfère expliquer qu’elle base sa pratique sur un outil, plutôt que sur
un modèle conceptuel. Puis, elle a abordé le fait que les autres professionnels avec qui elle travaille ont
pu avoir des difficultés à comprendre le changement opéré dans le Service d’ergothérapie avec l’arrivée
de la MCRO. D’après elle, leur difficulté majeure réside dans le changement des représentations qu’ils
ont de l’ergothérapie. Les modèles conceptuels, en créant des outils ergothérapiques seraient alors des
moyens pour modifier les représentations d’autrui à l’égard des ergothérapeutes et de l’ergothérapie.

Cet entretien a confirmé le lien que j’avais perçu lors de mes recherches bibliographiques entre l’identité
professionnelle des ergothérapeutes, l’utilisation des modèles conceptuels, et les représentations
socioprofessionnelles. Toutefois, son témoignage m’a permis de préciser les termes de ma question de
recherche. Comme elle l’exprime, souvent les ergothérapeutes qui utilisent des modèles conceptuels
dans leur pratique le font concrètement en utilisant des outils d’évaluation issus de ces modèles, comme
la MCRO avec le MCREO. D’ailleurs, la littérature va dans ce sens puisque dans la partie Réflexions
générales du livre de M.-C. Morel-Bracq il est évoqué le fait que les modèles offrent « façon de penser
et d’agir » aux ergothérapeutes ; toutefois « ils ne sont utiles que s’ils sont ancrés dans la pratique, ils
doivent offrir des idées et des outils qui améliorent la pratique […] » (Kielhofner, 2009, cité dans Morel-
Bracq, 2017, p.223). Nous comprenons ici que les modèles conceptuels sont utiles à la pratique
seulement quand ils sont couplés à des outils.

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Alors, ces recherches, entretiens, et questionnements m’ont amené à la question de recherche suivante :

En quoi l’utilisation d’outils d’évaluation issus de modèles conceptuels généraux et appliqués


en ergothérapie pourrait permettre aux ergothérapeutes de renforcer leur identité
professionnelle ?

Hypothèses de recherche :
- L’ergothérapeute peut modifier les représentations socioprofessionnelles qu’il a de son métier
en utilisant des outils d’évaluation issus de modèles conceptuels généraux et appliqués en
ergothérapie.
- L’ergothérapeute peut permettre à autrui de modifier ses représentations socioprofessionnelles
sur l’ergothérapie en utilisant des outils d’évaluation issus de modèles conceptuels généraux et
appliqués en ergothérapie.
- Les modifications de ses propres représentations socioprofessionnelles et de celles d’autrui à
l’égard de l’ergothérapie, permises par l’utilisation d’outils d’évaluation issus de modèles
conceptuels permettent de renforcer l’identité professionnelle des ergothérapeutes.

Dans la continuité de ce travail, je vais d’abord développer un cadre théorique avec les concepts clés de
ce mémoire : les modèles conceptuels en ergothérapie et leurs outils d’évaluation, l’identité
professionnelle, les représentations socioprofessionnelles. Ensuite, dans un cadre de recherche, j’irai
vérifier cette hypothèse de recherche à l’aide d’entretiens semi-structurés auprès d’ergothérapeutes.

12
2. Cadre théorique
2.1. Les modèles conceptuels en ergothérapie et leurs outils d’évaluation
2.1.1. Les modèles conceptuels en ergothérapie
Les modèles théoriques permettant d’appuyer une pratique professionnelle sont nés au début des années
1980, dans les pays anglo-saxons. Le premier modèle général interprofessionnel connu fut la
Classification Internationale du Handicap (CIH). Développé par Philip Wood (rhumatologue et
épidémiologiste anglais) et adopté en 1980 par l’Organisation Mondiale de la Santé, la CIH deviendra
en 2001 la Classification Internationale du Fonctionnement (CIF). Par contre, le premier modèle élaboré
par des ergothérapeutes fut le Modèle de l’Occupation Humaine (MOH). Celui a été proposé entre autres
par Gary Kielhofner à la fin des années 1980 (Botokro, 2006, p.10). Depuis, de nombreux modèles
théoriques ont vu le jour et ils ne cessent d’évoluer, ce qui est une réelle nécessité pour correspondre
aux besoins des professionnels sur le terrain et pour correspondre à l’évolution des sociétés.

Afin de comprendre et d’étudier un modèle conceptuel en ergothérapie, nous pouvons nous intéresser
aux différents champs le composant (Morel-Bracq, 2017, part.Préface) :
- Champ épistémologique : concepts théoriques du modèle, pensée sous-jacente ;
- Champ téléologique : objectif du modèle, et des interventions ergothérapiques ;
- Champ ontologique : contexte d’utilisation, relation patient/thérapeute ;
- Champ méthodologique : méthodologie, principes du modèle, moyens d’évaluation.

Comme mentionné dans la problématique : « un modèle conceptuel est une représentation mentale
simplifiée d’un processus qui intègre la théorie, les idées philosophiques sous-jacentes, l’épistémologie
et la pratique » (Morel-Bracq, 2017, p.2). Un modèle peut aussi être considéré comme une « définition
théorique d’une profession, plus concrète que sa philosophie. Il permet de guider la pratique et la mise
en œuvre d’interventions » (traduction libre de Mosey 1981, Duncan et al., 2006, cités dans Boniface G
et al., 2008, p.532). Il s’agit donc d’un système, élaboré à partir de valeurs et principes fondamentaux
qui a fait l’objet de recherches. Ce système permet de comprendre et donc de guider une pratique
professionnelle. Plusieurs termes peuvent s’apparenter mais aussi se différencier de celui de modèle
conceptuel. Par exemple, un cadre de référence ou schème de référence apporte par la théorie des
solutions face à une situation problème, là où un modèle conceptuel permet de schématiser une situation
donnée en y apportant valeurs et croyances professionnelles pour la comprendre. Le terme d’approche
peut être aussi utilisé, mais davantage pour une « application pratique directe », comme l’approche
COOP. Ces termes sont proches, et tendent à être similaires.

13
Utiliser un modèle, c’est avoir un outil pour analyser une situation. M.-C. Morel-Bracq (2017) en
témoigne : « choisir un modèle, c’est prendre un instrument pour regarder : lunettes grossissantes,
lunettes colorées… qui vont mettre en évidence certains aspects plutôt que d’autres. » Ainsi, le
professionnel peut choisir un modèle selon l’angle avec lequel il souhaite considérer la situation, et selon
la situation en elle-même. Il peut alors adapter sa pratique. Manquant de recherches scientifiques, les
ergothérapeutes ont longtemps utilisé des modèles conceptuels issus d’autres professions. Cela a
impacté la justification et l’explication de la pratique en ergothérapie. Cependant, depuis plusieurs
années des modèles conceptuels élaborés par des ergothérapeutes, pour des ergothérapeutes, voient le
jour. Cela suscite un intérêt nouveau pour les professionnels comme pour les étudiants en ergothérapie.
Une classification des modèles est alors proposée :

Figure 1 : Classification possible des modèles selon Marie-Chantal Morel-Bracq (2017)1

Comme le montre cette classification, il existe des modèles interprofessionnels et des modèles élaborés
par des ergothérapeutes. Ces deux types de modèles peuvent être utilisés conjointement pour aborder
une même situation. En effet, ils sont complémentaires et permettent parfois une meilleure
compréhension de la situation. Les modèles interprofessionnels permettent un langage commun entre
professionnels venant de disciplines différentes, et donc une meilleure collaboration
interprofessionnelle. Néanmoins un accent peut être mis sur l’utilisation de ces divers modèles : il
est important et nécessaire de maitriser un modèle conceptuel (ses idées philosophiques sous-
jacentes, valeurs, contexte d’utilisation) avant de l’utiliser pour préserver les fondements de chacun
d’entre eux (Morel-Bracq, 2017, part.Introduction).

1
MOREL-BRACQ, M.-C. (2017) Les modèles conceptuels en ergothérapie : Introduction aux concepts
fondamentaux. 2e édition. Bruxelles: De Boeck.

14
L’intérêt d’utiliser des modèles conceptuels dans sa pratique en tant qu’ergothérapeute a déjà été
développé dans la problématique de cet écrit. Cependant nous pouvons le rappeler en expliquant qu’il
est de « procurer aux ergothérapeutes un cadre d’intervention structuré et argumenté, des outils
d’évaluation cohérents et pour la plupart des résultats de recherche solides garantissant une démarche
de qualité » (Morel-Bracq, 2017, p.8). Ces modèles conceptuels peuvent paraitre abstraits. Alors
comment les introduire concrètement dans la pratique quotidienne d’un ergothérapeute ? Cela peut se
faire en utilisant des outils d’évaluation issus de modèles conceptuels (par exemple la MCRO issue du
MCREO). Ou encore en utilisant le modèle via son vocabulaire, un certain raisonnement clinique dans
la rédaction des objectifs et dans la tenue du dossier du patient/client (Morel-Bracq, 2017, p.8).

Ce mémoire traite des outils d’évaluation issus de modèles généraux et appliqués en ergothérapie. Ainsi
nous pouvons ici expliquer en quoi consistent ces deux types de modèles conceptuels (présents dans le
tableau de la figure 1, page précédente). Les modèles généraux et appliqués en ergothérapie sont deux
types de modèles élaborés par des ergothérapeutes. Les modèles appliqués permettent simplement de
mieux s’adapter à la situation, et à la population accompagnée. Ces modèles ergothérapiques sont tous
différents dans leurs champs épistémologique, téléologique, ontologique et méthodologique. Toutefois,
ils partagent une approche centrée sur la personne, son environnement et ses occupations ; dans une
vision systémique. Aussi, ils permettent de saisir le fonctionnement occupationnel des personnes
accompagnées en ergothérapie (Morel-Bracq, 2017, p.51).

2.1.2. Les outils d’évaluation


Comme le rappelle l’Ordre des Ergothérapeutes du Québec, « le choix des approches et des modèles
guident notre évaluation autant que notre intervention » (OEQ, 2016, p.1). L’évaluation est essentielle
à toute intervention en ergothérapie pour comprendre la situation, définir les objectifs, rendre compte
des changements et donc de l’efficacité des interventions.

L’évaluation est le « processus de collecte de renseignements suffisants sur des personnes et leur milieu
pour pouvoir prendre des décisions éclairées au sujet d’une intervention » (Christiansen et Baum, 1992,
p.376, cité dans Ordre des Ergothérapeutes de l’Ontario, 2018, p.3). Cette évaluation peut s’effectuer en
une ou plusieurs entrevues, sous des formes diverses et variées :
- Entretien semi-structuré comme la MCRO issue du MCREO,
- Auto-évaluation comme l’OSA (Occupational Self Assessment) issue du MOH
- Evaluation basée sur l’observation comme le AMPS (Assessment of Motor and Process Skill)
issu du MOH) (Morel-Bracq, 2017, p.79).

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Plusieurs modèles conceptuels proposent des outils d’évaluation pour évaluer des éléments nécessaires
à la compréhension de la situation. Prenons l’exemple de la MCRO, issue du MCREO : à l’aide d’un
entretien semi-structuré, cette mesure identifie les occupations perçues difficiles dans leur réalisation
par l’individu dans son quotidien, pour lesquelles il souhaiterait voir des changements (Cantin, 2018).
Le modèle proposant le plus d’outils d’évaluation est le MOH avec une vingtaine d’outils permettant
d’enrichir le recueil de données de l’ergothérapeute. Cependant d’autres comme le modèle Personne-
Environnement-Occupation (PEO) ou l’approche COOP ne présentent pas d’outils d’évaluation
spécifiques. Néanmoins, leurs auteurs ne s’opposent pas à l’utilisation d’outils issus de modèles
conceptuels différents. Par exemple si un ergothérapeute décide d’utiliser le modèle PEO pour guider
sa pratique, il peut utiliser la MCRO pour évaluer le rendement occupationnel de son client ou patient
(Morel-Bracq, 2017, p.60). Cet exemple rend compte du manque d’homogénéité entre les différents
modèles conceptuels, certains proposant plusieurs outils d’évaluation et d’autres aucun. Cela peut alors
rendre leur compréhension et leur utilisation complexe.

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2.2. Le concept d’identité professionnelle
Le concept d’identité est développé dans de nombreuses disciplines. Il est vrai que l’on pourrait en faire
une explication exhaustive dans ce mémoire, mais là n’est pas le but de ce cadre théorique. Afin de
développer le concept de l’identité professionnelle, cet écrit énoncera d’abord le concept d’identité à
travers les sciences humaines, afin de mieux saisir le concept d’identité professionnelle qui en découle.
Alex Mucchielli dans l’introduction de son ouvrage paru en 2011 rend bien compte de la difficulté de
définir le concept d’identité, qui fait d’ailleurs l’objet de nombreux ouvrages ou articles. Il explique cela
par le fait que nous vivons dans des sociétés aux dynamiques incessantes et que nous subissons les
changements permanents des environnements et cultures. Ainsi déstabilisés, nous serions en quête de
repères identitaires (Mucchielli, 2011, p.4). Le concept d’identité possède diverses définitions dans
diverses sciences. A. Mucchielli insiste sur le fait que le sens d’un phénomène (ici l’identité) étudié par
une science doit être pris en compte selon un certain contexte et une théorie. Ainsi, le sens du concept
d’identité sera différent selon le contexte dans lequel on l’étudie et la théorie qui y est reliée. Finalement,
toutes les sciences définissant l’identité d’un individu n’en définissent qu’une partie. Selon A. Muchielli,
il demeure impossible de définir « l’identité totale » d’un individu qui reste alors « virtuelle »
(Mucchielli, 2011, p.16).

Par soucis de compréhension et d’étymologie, le concept d’identité sera d’abord développé en sciences
humaines, avant d’être développé en tant qu’identité professionnelle.

2.2.1. L’identité en sciences humaines


2.2.1.1. Historique du concept
Erik Erikson est considéré comme le père de l’identité en ayant fait rentrer ce terme dans les sciences
humaines dans les années 1950. D’après lui les interactions sociales jouent un rôle majeur dans la
construction identitaire des individus et l’identité personnelle est un processus évoluant au cours de la
vie de chacun (Halpern, 2016, p.7). Le concept d’identité a aussi été développé à travers la notion
d’identification. Cette notion d’identification a d’abord été évoquée dans un contexte psychanalytique
par Sigmund Freud. Sa définition est la suivante : « le processus par lequel l’enfant s’assimile à des
objets ou des personnes extérieures » (Halpern, 2016, p.7). Puis, elle a été reprise en psychologie ou
sociologie par différents auteurs tels que Gordon W.Allport ou Nelson N.Foote par le biais de la théorie
des rôles ou la théorie du groupe de référence.

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2.2.1.2. L’identité personnelle, collective et sociale
Pour Alex Mucchielli, en sciences humaines, l’identité se définit dans un premier temps comme étant
« un ensemble de caractéristiques qui permettent de définir expressément un objet ou un acteur »
(Mucchielli, 2011, p.39). Nous pouvons noter que dans son ouvrage, il met en opposition l’ « acteur
social » avec « l’objet physique», ce dernier n’ayant « ni ressenti, ni conscience, ni réflexion, ni enjeux
propres ni volonté… » (Mucchielli, 2011, p.8). La définition de l’identité d’objets physiques n’est pas
une difficulté majeure. Par contre pour ce qui est de la reconnaissance de l’identité d’un acteur social en
sciences humaines, cela fait appel à une catégorisation selon des caractéristiques différentes et évoluant
dans le temps et selon les expériences de vie de chacun. En cela, les « référents identitaires (ce par
rapport à quoi on définit) » (Mucchielli, 2011, p.40) sont nombreux. Toujours d’après A.Mucchielli, ces
référents identitaires psychosociologiques permettant de définir l’identité d’une personne, d’un
groupe ou de définir sa propre identité peuvent être classés en 4 catégories :
- Référents matériels et physiques (les possessions, les potentialités, l’organisation matérielle, les
apparences physiques) ;
- Références historiques (les origines, les évènements marquants, les traces historiques) ;
- Référents psychoculturels (le système culturel, la mentalité, le système affectif et cognitif) ;
- Référents psychosociaux (les références sociales, les attributs de valeur sociale, la psychologie
de l’acteur, les potentialités de devenir).
Ce processus de catégorisation sociale est aussi expliqué par Tajfel (1972) comme étant un
« ensemble de processus psychologiques qui tendent à ordonner l’environnement en termes de
catégories : groupe de personnes, d’objets, d’évènements en tant qu’ils sont similaires, soit équivalent
les uns aux autres pour l’action, les intentions ou les attitudes d’un individu » (Blin, 1997, p.180). Ce
processus est central dans la construction de l’identité sociale d’un individu puisque qu’il lui permet
d’exister dans la société via l’appartenance à des groupes de référence.

A. Mucchielli (2011, p.39) évoque également le fait que l’identité, en sus d’être constituée d’un
ensemble de caractéristiques psychosociales, est définie par un sentiment interne d’identité. Ce terme
est aussi présent chez Erikson (1968) qui explique que « l’identité n’existe que par le sentiment
d’identité. » (Mucchielli, 2011, p.65) Le sentiment d’identité, proche de la conscience de soi serait
constitué d’un ensemble de sentiments (Mucchielli, 2011, p.65) :
- Le sentiment de son être matériel, lié au schéma corporel ;
- Le sentiment d’unité et de cohérence interne du système de l’individu ou du groupe ;
- Le sentiment de continuité temporelle de l’existence de chacun : l’idée que l’individu se
perçoive comme restant le même à travers le temps ;
- Le sentiment de différence, relié au fait que notre identité se construit dans un « double
mouvement d’assimilation et de différenciation, d’identification aux autres et de distinction par
rapport à eux. » (Halpern, 2016, p.29) ;

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- Le sentiment de valeur donné au jugement d’autrui sur nous-mêmes, lié à l’estime de soi ;
- Le sentiment d’autonomie lié au degré d’appartenance à un groupe et la prise de position ;
- Le sentiment de confiance en soi, nécessaire à la construction identitaire de l’individu ;
- Le sentiment d’existence et l’effort central (ou le projet), lié aux objectifs de vie d’un individu,
de projets, de possibilités de réalisations et d’expressions ;
- Le sentiment d’appartenance, avec l’intégration de valeurs, normes sociales et culturelles.

Justement ce sentiment d’appartenance est lié à l’identité sociale, décrite par A.Mucchielli comme
« l’ensemble des critères qui permettent une définition sociale de l’individu ou du groupe, c’est-à-dire
qui permettent de le situer dans sa société » (Mucchielli, 2011, p.85). Cette identité attribuée par la
société, l’individu en a conscience et l’accepte. Elle prend en compte les relations entre les différents
groupes sociaux et donc, considère l’individu comme ayant une place dans une certaine hiérarchie
sociale. A.Mucchielli évoque même le fait que l’on peut « considérer la vie comme une quête
permanente d’identité sociale ». (Mucchielli, 2011, p.87)

Concernant l’identité personnelle, Pierre Tap, en donne la définition suivante :


Ensemble des représentations et des sentiments qu’une personne développe à propos d’elle-
même. […] c’est ce qui permet de rester le même, de se réaliser soi-même et de devenir soi-
même dans une société et une culture données, et en relation avec les autres (Halpern, 2016,
p.46).
Les 6 caractéristiques de l’identité personnelle seraient, d’après lui (Halpern, 2016, p.47) :
- La continuité : rester soi-même avec le temps ;
- La cohérence du moi : représentation qu’à un individu de lui-même et de ce que pensent les
autres de lui ;
- L’unicité : se sentir unique, différent des autres ;
- La diversité : les différentes facettes de la personnalité de chacun ;
- La réalisation de soi par l’action : l’individu construit son identité en se réalisant par l’activité ;
- L’estime de soi : idée que chacun a besoin d’être valorisé pour agir, et donc se construire.

L’identité personnelle d’un individu se construit également grâce au groupe et à l’identité collective.
Pierre Tap explique que notre construction identitaire passe par un processus de différenciation et
d’identification vis-à-vis d’autrui. Notre identité « se caractérise autant par la gestion de
ressemblances que par l’affirmation de différences » (Halpern, 2016, p.48).
L’identité collective possède plusieurs caractéristiques d’après E.M. Lipiansky :
Elle est subjectivement vécue et perçue par les membres du groupe ; elle résulte de la conscience
d’appartenance à ce groupe ; elle se définit d’abord par opposition et différences avec d’autres ;
elle se saisit à travers un ensemble de représentations […] (Blin, 1997, p.181).
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Freud (psychanalyste du début 20ème siècle) quant à lui, soulève l’importance des représentations, liée
à l’identité collective : les individus faisant partie d’un groupe ne s’identifient pas directement au
groupe mais plutôt aux représentations que ce groupe dégage. L’individu s’identifierait à ce que le
groupe représente pour lui en termes de valeurs par exemple. (Blin, 1997, p.181) Cela fait le lien avec
la partie conceptuelle de ce mémoire sur les représentations socioprofessionnelles. Les identités
collectives seraient ainsi élaborées sur deux processus d’identification : par autrui (fait d’être reconnu
comme appartenant à un groupe) et par soi (pour se reconnaitre comme appartenant à un groupe). (Blin,
1997, p.182)
Le lien entre l’identité personnelle et l’identité collective est instable au fil du temps. En effet,
l’individu aurait plutôt tendance à s’identifier à un groupe, à s’approprier une identité collective lorsqu’il
serait en situation non sécuritaire, de conflit. A l’inverse, au sein d’un groupe, l’individu chercherait
plutôt à affirmer son identité personnelle. Pierre Tap explique ce mouvement de va-et-vient entre les
identifications multiples et le retour à son identité personnelle ; il parle de gestion d’un « conflit entre
l’unicité et la multiplicité. » (Halpern, 2016, p.48) Claude Dubar (2010) s’appuyant sur Pierre Tap, vient
même confirmer le fait que l’identité personnelle et l’identité collective ne peuvent s’étudier séparément,
et que l’identité sociale serait un point de rencontre entre ces deux notions.

Freud, a fait état de 3 composantes de l’homme l’amenant à agir de façon inconsciente comme
consciente. Claude Dubar le cite afin de définir les prémices de l’identité en sociologie.
Selon Freud, 1913, ces 3 composantes sont donc les suivantes :
Le Moi est à la fois une instance défensive contre les agressions du réel extérieur, une « agence »
de cohérence des représentations et d’adaptation à la réalité et une organisation d’investissement
libidinal. Le Moi est traversé par des conflits permanents entre le Ça, porteur de tous les désirs
refoulés, et le Surmoi, siège des normes et des interdits sociaux. (Freud, 1913, trad. P.105 et
suivantes cité dans C.Dubar, 2010, p.103).

Erik Erikson rejoint Freud sur cette question identitaire car même s’il évoque que l’identité du Moi se
définit à travers une « unicité personnelle » et une « continuité temporelle », il admet que l’identité est
un processus dynamique du fait que « l’environnement du Moi est mouvant » et par les crises
identitaires que les individus peuvent rencontrer. (Dubar, 2010, p.104)
Pour C. Dubar (2000) l’identité se définit à travers 3 dimensions : moi, autrui et nous. Moi avec
l’identité pour soi qui fait référence à l’image qu’on a de soi-même ; Autrui avec l’identité pour autrui
en lien avec l’image de nous-même qu’on veut donner aux autres ; Et nous car « l’identité se construit
à travers l’image que les autres nous renvoient. » (Dubar, 2000, cité dans Fray et Picouleau, 2010, p.75)

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Ainsi, l’individu n’est jamais certain de son identité car il n’est pas en capacité de connaitre l’identité
qu’autrui lui attribue. « L’identité n’est jamais donnée, elle est toujours construite et à (re) construire
dans une incertitude plus ou moins grande et plus ou moins durable. » (Dubar, 2010, p.104)
Finalement, pour C. Dubar l’identité est un véritable processus d’interactions entre l’identité pour
soi et l’identité pour autrui. Aussi d’après lui, « l’identité est le produit de socialisations
successives. » La construction de notre identité qui dépend autant de la définition de notre identité
personnelle que de la façon dont les autres nous identifient, s’élabore donc à partir de l’enfance, mais
également tout au long de notre vie (Dubar, 2010, p.15). Dès l’enfance, par des processus de
catégorisations, l’individu se confronte à son identité sociale, qui est « conférée par les institutions et
les proches ». D’ailleurs Laing, cité dans l’ouvrage de C. Dubar (2010) explique que « nous apprenons
à être ce qu’on nous dit que nous sommes ». L’identité sociale de l’individu se développe ainsi au
cours de ses expériences personnelles… et professionnelles.

C. Dubar parle ainsi de « dualité entre notre identité pour autrui conférée et notre identité pour soi
construite, mais aussi entre notre identité sociale héritée et notre identité scolaire et professionnelle
visée » (Dubar, 2010, p.112). Concernant l’identité des ergothérapeutes, nous comprenons qu’ils sont
d’abord des individus avec une identité sociale qui leur est attribuée, par un mécanisme de
catégorisations. Mais avec leurs expériences personnelles et professionnelles, leur identité sociale puis
professionnelle se forge, et ils en deviennent acteurs.
L’entrée dans la vie active serait une réelle étape, un enjeu du processus de construction de
l’identité sociale. Sortir des institutions scolaires pour choisir sa voie professionnelle peut être considéré
comme une « confrontation » pour l’individu, entre son identité pour soi et son identité pour autrui.
Cette confrontation sera alors le début de son identité professionnelle, constituée d’une « identité au
travail mais aussi et surtout une projection de soi dans l’avenir, l’anticipation d’une trajectoire d’emploi
[…] » (Dubar, 2010, p.114). Cette première identité professionnelle subira diverses transformations et
évoluera avec le temps et les expériences.

Jean-François Blin résume la situation en indiquant que la notion d’identité est composée de 2 pôles :
un pôle individuel qui se rattache aux caractéristiques qu’un individu utilise pour se définir ; et un pôle
social qui fait référence aux rôles sociaux qu’un individu adopte pour correspondre aux attentes d’autrui,
en lien avec les groupes d’appartenance, les catégories sociales (Blin, 1997, p.178).
En rattachant ce concept d’identité avec les ergothérapeutes, nous comprenons que l’identité d’un
individu, ou ses identités, se construi(sen)t de différentes manières, avec différents processus.
L’ergothérapeute, est d’abord et avant tout une personne qui se construit avec ses expériences et
socialisations, une identité personnelle. Cette identité personnelle, qui lui permet d’exister dans la
société dans le temps et l’espace, est intimement liée à l’identité collective. En effet, c’est par des
processus d’identification et de différenciation à autrui que l’identité personnelle se construit.

21
D’ailleurs, Autrui dans le contexte de ce mémoire peut s’apparenter à tout entourage de l’ergothérapeute,
aussi bien familial que communautaire, ou professionnel.
L’ergothérapeute pour construire son identité collective, va chercher à s’identifier aux représentations
véhiculées par ses pairs, en lien avec l’appartenance à des groupes de référence (comme ici : un service
d’ergothérapeutes, ou même une association regroupant des ergothérapeutes). L’identité sociale est donc
conférée à l’individu (ou l’ergothérapeute) par un processus de catégorisation. Au cours de ce processus,
autrui lui attribue des caractéristiques psychosociales pour lui attribuer une identité, et donc une place
dans la société (en général, où dans le monde de la santé, dans la société de l’institution de travail, etc.).
Mais comme le dit C. Dubar, l’identité sociale se construit aussi par la définition que l’on a de notre
identité personnelle ; elle n’est pas attribuée puis immuable, mais nous pouvons en être acteur.

2.2.2. L’identité professionnelle


Définissons d’abord ce que signifie le terme « profession » : il s’agit d’« une activité professionnelle qui
utilise un savoir abstrait, long à acquérir, pour résoudre des problèmes concrets de la société » (Halpern,
2016, p.199). Et par « profession », on entend également « l’ensemble des emplois », « les professions »
et les « métiers » (Dubar, 2010, p.123).

D’après une étude (Garnier, Meda, Senik, 2006), 54% des personnes dans la vie active estiment que leur
travail est un élément majeur dans leur définition de soi (Fray et Picouleau, 2010, p.76). Nous
comprenons alors que le rôle de travailleur dans la vie d’un individu est primordial dans sa construction
identitaire, d’où l’importance de s’intéresser à son identité professionnelle.

Mais pourquoi reconnaitre le terme d’identité professionnelle alors qu’il existe déjà pléthore de termes
relatifs à l’identité (personnelle, sociale, collective…) ? D’abord, il faut garder à l’esprit que « L’identité
professionnelle est […] avant tout une composante de l’identité globale de la personne » (Gohier, 2000,
cité dans Fray et Picouleau, 2010, p.75). En fait, dans un contexte professionnel, c’est l’identité
professionnelle qui prend le dessus sur les autres identités car « c’est le contexte qui actualise les
identités qui lui sont spécifiques » (Fraysse, 2000, p.653). Le lieu de travail est d’après J-F. Blin un
« univers social déterminant ». Ainsi, l’identité professionnelle d’un individu se construit avec les
relations de travail qu’il entretient avec ses pairs, avec les organisations professionnelles dont il fait
partie et avec les activités professionnelles qu’il effectue. « Les activités professionnelles ont donc une
fonction identitaire par production d’identités nouvelles dans le travail, les responsabilités, la
négociation. » (Blin, 1997, p.183) D’ailleurs, l’activité et l’identité professionnelle vont de pair. En effet,
l’activité professionnelle nécessite des compétences et savoirs propres à une discipline qui permettent
aux individus de se reconnaitre à travers elle, et donc de construire leur identité professionnelle (Blin,
1997, p.184).

22
Aussi, en plus de l’identité personnelle et collective, il est également question de l’identité des groupes
professionnels. Dans un milieu de travail donné, en considérant les relations interprofessionnelles et les
activités professionnelles, il peut y avoir création d’identités collectives. Cela est permis par un
processus de socialisations au sein de groupes professionnels (Blin, 1997, p.182). Ici nous pouvons
penser au groupe professionnel des ergothérapeutes : en considérant les relations entre collègues
(ergothérapeutes ou non), les activités professionnelles réservées ou partagées avec d’autres disciplines
et en considérant aussi leur milieu de travail, nous pouvons comprendre la création d’une ou de plusieurs
identités professionnelles. Les ergothérapeutes peuvent partager une identité professionnelle, en
partager des représentations, valeurs, connaissances, mais aussi des revendications par rapport à celle-
ci. J.P. Obin (1995) explique que l’identité professionnelle peut être considérée comme une identité
collective qui se construit dans les représentations et les pratiques du milieu de travail (Blin, 1997,
p.181). Le lien entre l’identité collective et l’identité professionnelle est repris par B. Fraysse (2000) :
« Les identités professionnelles seront donc comprises comme des identités collectives qui se définissent
à partir du groupe qui les fonde. »

Il existe plusieurs types d’identité professionnelle, classés différemment selon les auteurs. D’abord, C.
Dubar définit les 4 identités professionnelles suivantes, dépendant à la fois du travailleur mais aussi des
institutions. Ces identités sont issues d’une réflexion interne au professionnel, confrontant son passé à
son avenir. L’identité professionnelle serait alors le carrefour entre l’identité attribuée par autrui et
l’identité pour soi (Dubar, 2010, p.182).

L’identité d’exécutant stable menacé : Ce type d’identité s’apparente aux salariés considérés comme
incompétents par leurs supérieurs. Ils sont exclus car étiquetés comme incapables d’effectuer leurs
tâches. Ils ne s’investissent pas dans les projets d’entreprise, ni dans des formations continues,
l’évolution professionnelle n’étant pas envisageable pour eux. Ils souhaitent « durer leur emploi et
survivre dans leur entreprise », en travaillant seulement pour l’argent. De plus, ils n’ont pas confiance
en leur entreprise vue comme une « entité abstraite ». Cette exclusion peut aussi être vécue comme
première expérience professionnelle par des personnes sans travail au début de leur carrière, impliquant
une précarité potentiellement durable nuisant à leur construction identitaire sociale et donc
professionnelle (Dubar, 2010, chap.9).

L’identité bloquée : Les salariés avec ce type d’identité sont des collaborateurs, gestionnaires, experts
dans leur poste. Contrairement au type précédent, ils peuvent être polyvalents et recherchent
l’amélioration de leur travail. Souvent ils possèdent un diplôme technique. Ils recherchent la
reconnaissance de leur spécialité mais sont souvent « bloqués » car employés à un poste pour lequel ils
sont surqualifiés, ou dans lequel ils ne s’épanouissent pas. Ils aimeraient être mieux reconnus à travers
une meilleure reconnaissance financière. Par ailleurs, il leur est difficile d’accepter les remarques de

23
leurs supérieurs ou de changer de comportement si l’entreprise l’impose. Ils défendent leur identité de
métier en valorisant leur formation initiale, quitte à ne pas du tout considérer la formation continue qui
pourrait leur permettre d’évoluer. (Dubar, 2010, chap.10)

L’identité de responsable en promotion interne : Les salariés avec cette identité seraient en quête
d’évolution. Contrairement aux salariés avec une identité d’exécutant stable menacé, leur champ
d’exercice et de reconnaissance s’étend à l’entreprise. Il s’agit d’une double évolution : celle des
compétences des employés et donc celle de l’entreprise. Ils participent aux formations continues, qu’ils
jugent utiles à cette double émancipation. Leur identité sociale est une identité d’entreprise, ils se
réalisent grâce aux projets de leur entreprise. Finalement, ils ont un fort sentiment d’appartenance à leur
entreprise, favorisé par un langage technique. Ces salariés ont de bonnes relations avec leurs supérieurs,
reconnaissant leurs compétences. (Dubar, 2010, chap.11)

L’identité incertaine et « individualiste » : Ces salariés souvent jeunes, sont déçus par leurs
possibilités d’évolution : ils sont surdiplômés pour leur poste. Contrairement aux salariés avec une
identité de responsable en promotion interne, ils ne s’intéressent pas au projet d’entreprise. Leur réseau
professionnel externe à l’entreprise leur vaut parfois une étiquette d’« individualiste ». Ils préfèrent des
formations externes, aboutissant à des diplômes supplémentaires. C. Dubar parle d’une « identité
dédoublée », entre l’identité attribuée par autrui selon leur poste de travail qui est mensongère car ces
individus ne s’y reconnaissent pas ; et l’identité pour soi, véritable, qu’ils cultivent à travers des
formations externes et leurs loisirs. Souvent, ils ont un autre projet professionnel comme devenir auto-
entrepreneur. De par leurs relations professionnelles, ils restent sur un modèle individualiste, en
participant aux mouvements internes à l’entreprise dans le seul but de servir leurs objectifs personnels.
(Dubar, 2010, chap.12)

Il s’agit là de formes identitaires, impliquant à la fois l’identité pour soi et l’identité pour autrui selon la
définition de l’identité de C. Dubar. Nous percevons bien les éléments permettant la construction de
l’identité professionnelle : les relations avec autrui, l’organisation au sein du milieu de travail et la
nature des activités professionnelles. S’y rajoute également la notion de la reconnaissance, liée aux
relations interpersonnelles. Cette notion semble importante à l’épanouissement des individus au sein de
leur travail. Nous verrons plus loin que la notion de reconnaissance professionnelle est liée aux
représentations socioprofessionnelles.
Dans la partie sur le concept de l’identité, nous avons vu que l’identité est un processus dynamique. Ce
dynamisme peut parfois aboutir à des crises identitaires au niveau professionnel. « Les identités
sociales et professionnelles […] sont des constructions sociales impliquant l’interaction entre des
trajectoires individuelles et des systèmes d’emploi, de travail et de formation » (Dubar, 2010,
part.Conclusion).

24
Ainsi nous pouvons comprendre que les trajectoires et les attentes de l’individu peuvent diverger de
celles de son employeur ou de son entreprise. Par confrontation de valeurs et d’intérêts, des crises
identitaires peuvent apparaitre chez des professionnels comme les ergothérapeutes. Les trajectoires dont
C. Dubar fait référence peuvent ainsi correspondre aux valeurs professionnelles des ergothérapeutes, à
leur vision de la pratique, à leurs missions, ou encore aux capacités d’évolution des Services. De ce fait,
si les valeurs professionnelles des ergothérapeutes et leur vision de la profession diverge de façon
importante avec celles de leur hiérarchie, il est possible que les ergothérapeutes ne trouvent plus de sens
à leur profession. Par conséquent leur identité professionnelle peut être mêlée, d’où le terme de crise
identitaire.

Renaud Sainsaulieu quant à lui évoque la notion d’identité au travail comme étant la « façon dont les
différents groupes au travail s’identifient aux pairs, aux chefs, aux autres groupes, l’identité au travail
est fondée sur des représentations collectives distinctes, construisant des acteurs du système social
d’entreprise » (Sainsaulieu, 1985, p.9). Comme C. Dubar, il explique que l’identité professionnelle
dépend du contexte professionnel, des relations qui s’y jouent et de l’organisation des services. J.-F.
Blin évoque aussi ce lien effectué entre l’identité professionnelle et les représentations en disant que
« L’identité professionnelle serait un réseau d’éléments particuliers des représentations
professionnelles, réseau spécifiquement activé en fonction de la situation d’interaction et pour répondre
à une visée d’identification/différenciation avec des groupes sociétaux ou professionnels » (Blin, 1997,
p.187).

Finalement, un individu peut avoir différentes identités professionnelles qu’il peut adopter selon la
nature des interactions qu’il vit. Il s’approprie son identité en s’identifiant à des « groupes
professionnels d’appartenance et de référence qui se différencient à partir de langage et de codes
communs, de pouvoirs au sein de l’organisation, de valeurs et de fonctions sociales » (Blin, 1997, p.184).
Si nous reprenons l’exemple des ergothérapeutes, ils peuvent s’approprier une identité professionnelle
en appartenant à des groupes professionnels. Ces groupes peuvent être constitués d’autres
ergothérapeutes partageant le même langage et les mêmes valeurs professionnelles, pouvant d’ailleurs
être véhiculés par des modèles conceptuels.

R. Sainsaulieu a apporté une dimension culturelle à l’étude des relations de travail des individus.
Utilisant son expérience personnelle d’ouvrier d’usine pendant 6 mois, il a pu mettre en lumière
l’importance du collectif et du sentiment d’appartenance. Il explique que pour les ouvriers spécialisés,
seul le groupe permet d’accéder à une reconnaissance et à une identité. Aussi, il démontre que
l’organisation au travail liées à la culture au travail, permet la construction d’une identité sociale.
D’après lui, elle se construit avec les normes, valeurs et représentations véhiculées au sein de
l’entreprise.

25
Pour R. Sainsaulieu, la socialisation au sein d’une organisation professionnelle fait partie de la
construction identitaire d’un individu. Il considère que les organisations sont « des lieux
d’apprentissage culturel constants » (p.15) (Sainsaulieu, 2014, part.Préface). Par le terme culture, R.
Sainsaulieu entend « l’ensemble des significations, représentations et valeurs plus ou moins codifiées
dont on se sert pour agir et se faire comprendre dans les échanges » (Sainsaulieu, 2014, p.22). Il explique
que dans un contexte de relations humaines au travail, les individus expérimentent leurs capacités de
communication, et ainsi, leur culture évolue avec ces expériences.

Nous comprenons ici que la construction identitaire des ergothérapeutes en tant qu’individus, mais
aussi en tant que professionnels, s’effectue en partie dans leur milieu de travail. La culture de l’entreprise
dans laquelle ils travaillent, accompagnée de normes sociales et de représentations sur le soin ou encore
sur l’ergothérapie, leur permettent de construire leur(s) identité(s) professionnelle(s). R. Sainsaulieu
précise que selon « la position que l’on occupe [dans les organisations], on dispose de plus ou moins de
pouvoir et l’on construit des cultures spécifiques à cette position. » De ce fait, il faut garder à l’esprit
que les professionnels ont la capacité de faire évoluer la culture de leur entreprise en agissant donc
sur les normes et les représentations, ainsi ils peuvent faire évoluer leur propre identité
professionnelle.

Après la classification des identités professionnelles décrite par C. Dubar, il parait essentiel d’évoquer
ici une 2ème classification proposée par R. Sainsaulieu. En effet, il décrit 4 types de cultures au travail
permettant davantage de comprendre que l’identité professionnelle est propre à chacun, unique dans sa
construction et ses interactions. Les 4 types d’identités au travail sont donc les suivants (Halpern, 2016,
chap.4-Les identités au travail) :

Le modèle « fusionnel » : Les individus se regroupent, s’unissent avec des valeurs communes. Ils
choisissent un leader pour revendiquer le changement de leurs conditions de travail. D’après R.
Sainsaulieu, ce modèle se retrouve chez les « ouvriers spécialisés et des employés de bureau ».

Le modèle basé sur la négociation : Modèle présent chez des professionnels davantage qualifiés. Ils
ont les ressources en eux pour négocier leurs conditions de travail et leur reconnaissance vis-à-vis
d’autrui. Ces professionnels accordent une place importante à la valeur du travail.

Le modèle « affinitaire » : R. Sainsaulieu parle de « connivences affectives » (ententes cordiales) entre


les salariés. Ils sont motivés par leur carrière professionnelle. Dans ce modèle, les professionnels
attachent de l’importance à leur réseau professionnel. De plus, ils choisissent leurs relations dans le but
d’évoluer vers un projet commun. (Sainsaulieu, 2014, part.Préface)

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Le modèle de « retrait » : Ces personnes consacrent plus d’importance à leur vie en dehors du travail,
leur identité se construit à l’extérieur. Ce modèle correspond d’après R. Sainsaulieu à des « travailleurs
immigrés, des jeunes ou des ouvriers spécialisés occupant des emplois non qualifiés » (Halpern, 2016,
p.149). D’ailleurs, « ce modèle culturel se caractérise par le désengagement » (Sainsaulieu, 2014,
part.Préface) dans les relations avec ses collègues mais aussi dans leur travail de façon générale. S’en
suit donc une « logique de retrait » expliquant le paradoxe de ces employés qui tiennent à leur emploi
mais qui ne s’y investissent pas.

R. Sainsaulieu explique que ces identités au travail s’acquièrent avec l’expérience professionnelle.
L’expérience évolue d’ailleurs avec le temps. De ce fait, un individu peut passer tout au long de sa
carrière par diverses identités au travail (Sainsaulieu, 2014, part.Préface). D’après lui, l’identité
individuelle est intimement liée à la recherche du pouvoir social, car l’individu a peur de perdre la
reconnaissance de soi vis-à-vis d’autrui. Ainsi l’individu, par des processus d’identification et de
différenciation fait son « expérience sociale » dans un contexte professionnel dynamique, en quête de
reconnaissance. Les quatre types d’identités au travail définis par R. Sainsaulieu sont des moyens par
lesquels les individus y mènent leur quête de reconnaissance.

27
2.3. Le concept des représentations socioprofessionnelles
Par souci de compréhension et d’étymologie, nous développerons d’abord le concept des représentations
sociales, puis celui des représentations socioprofessionnelles.

2.3.1. Les représentations sociales


Serge Moscovici en 1961 évoque la notion des représentations sociales en expliquant que ce concept est
tiré de la sociologie (avec E. Durkheim qui parle de représentation collective) et de la psychologie
(évoquant les représentations mentales). Étymologiquement, une représentation signifie : « Action de
replacer devant les yeux de quelqu'un » (CNRTL, s. d.). Ainsi, quand on parle d’une représentation il
est important de considérer l’objet qui se veut être re-placé et le contexte dans lequel cette interaction
se fait (Blin, 1997, p.69). A l’image du concept d’identité, celui des représentations sociales ne présente
pas une seule et même définition sur laquelle les auteurs se sont entendus. Comme le mentionnait S.
Moscovici (1961) « Si la réalité des représentations sociales est facile à saisir, le concept ne l’est pas »
(Blin, 1997, p.70).

Nous avons tous besoin de comprendre le monde dans lequel nous vivons. Pour cela, nous créons des
représentations sociales nous permettant de « nommer et définir ensemble les différents aspects de notre
réalité de tous les jours, dans la façon de les interpréter, statuer sur eux et, le cas échéant, prendre une
position à leur égard et la défendre » (Jodelet, 2009, p.47). Les représentations sociales sont donc un
ensemble de processus d’interprétations permettant des relations avec autrui, impliquant la
communication et les conduites sociales. J.-F. Blin cite ainsi plusieurs auteurs : pour S. Moscovici
(1961), les représentations sociales sont une « forme de connaissance socialement élaborée et partagée
ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une identité commune à un ensemble social. »
Pour Denise Jodelet (1984), la représentation sociale est considérée « comme produit et comme
processus d’une élaboration psychologique et sociale du réel, images qui condensent un ensemble de
significations, système de référence permettant d’interpréter le monde » (Blin, 1997, p.71). Enfin, Pierre
Mannoni complète ces définitions en assimilant les représentations sociales à des « schèmes cognitifs
élaborés et partagés par un groupe qui permettent à ses membres de penser, de se représenter le monde
environnant, d’orienter et d’organiser les comportements […] » (Mannoni, 2016, p.4).

De ces définitions, nous pouvons retenir que les représentations sociales permettent la construction
d’une réalité commune à un ensemble d’individus. Cette réalité permet d’interpréter le monde nous
entourant et de réguler nos comportements. En effet, les représentations sociales sont impliquées dans
de nombreux processus psychosociaux et « régissent […] les problèmes d’identité et d’appartenance
groupale, ou encore de mentalité et de pratiques sociales » (Mannoni, 2016, p.102). D’ailleurs, la
représentation permet l’organisation des relations sociales et hiérarchiques au sein d’une société
ou d’un groupe (Blin, 1997, p.73).

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Par ailleurs, d’après P. Mannoni, l’émergence des représentations se fait sur 3 niveaux : d’abord
l’imaginaire personnel avec les représentations individuelles, ensuite l’imaginaire collectif avec
l’apparition des représentations sociales, puis la « réalité sociale agie, où se manifestent les actions
socialement représentées » (Mannoni, 2016, p.118). Les cinq caractéristiques d’une représentation
sociale sont alors les suivantes (Blin, 1997, p.71):
- Elle représente un objet ;
- Elle fait appel à l’imagination et produit des images mentales ;
- Elle est symbolique et elle a du sens ;
- Elle est constructive ;
- Elle fait appel à la créativité ;
- Elle comprend du social.

Les représentations sociales sont complexes dans leur compréhension et donc dans leur élaboration. Il
faut alors saisir leur structure interne. Deux écoles se sont donc intéressées à l’organisation des
représentations. L’école de Genève avec W. Doise se positionne sur une organisation en champs de
représentations avec des normes et attitudes sociales ; alors que l’école d’Aix en Provence avec J.C.
Abric préfère une organisation des représentations en noyaux. (Blin, 1997, p.74 à 78)

Les représentations sociales sont toujours relatives à un objet et un sujet car elles « sont toujours
représentation de quelque chose pour quelqu’un » (Mannoni, 2016, p.117). C. Flament de l’école d’Aix
en Provence ajoute que ce « quelqu’un » fait partie d’une « population homogène » (Blin, 1997, p.75).
En lien avec ce sujet de mémoire, l’« objet » en question peut ici faire référence à l’ergothérapie ; il
s’agirait d’informations relatives à l’ergothérapie, qui sont partagées par une équipe pluri
professionnelle par exemple.

Comme l’indique J.-F. Blin, l’étude des représentations sociales peut s’avérer difficile. En effet, il peut
être compliqué de s’exprimer sur ses propres représentations car nous n’en avons pas toujours
conscience, cela nous parait être la norme. Ainsi, pour étudier les représentations sociales d’individus il
est nécessaire de recueillir leurs paroles et d’étudier leur langage, ce qui sera fait dans le cadre de
recherche de ce mémoire en recueillant les témoignages d’ergothérapeutes.

29
2.3.2. Les représentations socioprofessionnelles
Nous pouvons remarquer que dans la littérature, le terme de représentations socioprofessionnelles est
davantage présent sous la forme de « représentations professionnelles ». Néanmoins, comme nous le
disions plus haut, le concept de représentations professionnelles prenant ses racines dans la sociologie,
nous garderons le concept de représentations socioprofessionnelles.

Étudier les représentations socioprofessionnelles permet de mieux comprendre les identités


professionnelles comme l’écrit C. Dubar (1991) cité dans l’ouvrage de J.F Blin :
C’est donc bien dans la compréhension interne des représentations cognitives et affectives,
perceptives et opérationnelles, stratégiques et identitaires que réside la clé de la construction
opératoire des identités […], ces représentations actives mettant en jeu les divers types de
savoirs constituent les meilleurs indicateurs possibles des identités sociales. (Blin, 1997, p.186)

L’activité professionnelle étant une activité sociale, elle possède ses propres représentations et identités.
Ces représentations divergent selon les contextes dans lesquels l’activité s’inscrit. Ainsi, cette partie va
s’intéresser aux représentations professionnelles, ou socioprofessionnelles.

Pour certains auteurs (Martin 1984, Trinquier et Bouyssières 1992), les représentations professionnelles
sont « un ensemble d’idées que partagent des individus sur un métier donné », il s’agit ici d’une
représentation sociale du métier. Pour d’autres il est question des représentations liées aux travail,
et non au métier lui-même : « Les rapports de travail structurent les interactions et ont pour
conséquences la construction d’un système de représentations professionnelles » (Lorenzi-Cioldi, 1991 ;
cité dans Blin, 1997, p.79). Ces représentations peuvent aussi être perçues et étudiées en fonction des
rôles professionnels (Gilly, 1986). Bien sûr il faut garder à l’esprit que les représentations dépendent
de plusieurs variables, comme la nature des relations entre les individus, et le contexte de la situation
(Blin, 1997, p.79).

L’activité professionnelle est construite à partir des représentations du métier en question. D’après
J.-F. Blin, ce système de représentations est plus ou moins structuré et conscientisé. Ainsi pour étudier
les représentations professionnelles d’un milieu, il faut se questionner sur la façon dont les
professionnels se représentent leur métier et leurs activités associées, en prenant en compte le contexte
professionnel. Il faut avoir conscience que les représentations ne sont pas les mêmes d’un individu à un
autre. Il y a aussi une variable intra-individuelle, puisque selon les situations rencontrées, la
représentation d’un même individu peut évoluer.

30
Comprendre ces représentations professionnelles permet plusieurs éléments :
- Comprendre les références sur lesquelles le groupe s’appuie pour définir un métier ;
- Percevoir l’impact de ces représentations dans un groupe et les changements identitaires qui y
ont lieu ;
- Saisir comment s’articulent les représentations et pratiques professionnelles.
Finalement, « Les représentations professionnelles sont des représentations sociales élaborées dans
l’action et la communication professionnelles (interagir et interréagir) et sont spécifiées par les
contextes, les acteurs appartenant à des groupes et les objets pertinents et utiles pour l’exercice des
activités professionnelles » (Blin, 1997, p.80).

Toujours d’après Blin (1997), les représentations professionnelles se jouent entre des acteurs sociaux
appartenant à un même champ professionnel. Concernant les représentations de l’ergothérapie le
champ professionnel est celui des ergothérapeutes, mais il peut s’élargir aux professionnels de la santé.

Aussi, il semblerait que la construction des représentations professionnelles dépend de l’activité et du


statut professionnel des personnes impliquées dans ces représentations (Blin, 1997, p.84). On comprend
ici que la représentation professionnelle d’un corps de métier est différente pour les individus selon
s’ils ont expérimenté ou non cette profession. Par ailleurs, il est question de l’implication et
l’engagement d’un individu ou d’un groupe professionnel dans l’activité. Selon l’intensité de cet
engagement, d’autres représentations professionnelles pourront naitre, portées non pas sur le métier en
lui-même mais sur le degré d’engagement dans l’activité.

Tout objet social n’est pas soumis à l’élaboration d’une représentation. Les individus construisent des
représentations sur des objets qui attirent leur attention, leur curiosité, ou des objets dont la définition
n’est pas claire (Blin, 1997, p.85). Moscovici (cité dans l’ouvrage de J.-F. Blin) évoque alors trois
conditions pour qu’un objet social devienne représentation :
- Le surplus d’informations concernant cet objet ;
- Le groupe ou l’individu se concentre sur l’objet en raison d’un intérêt particulier ;
- Le besoin de communiquer à propos de cet objet pour en saisir sa définition et améliorer ses
connaissances à son sujet.
En lien avec l’étude des représentations professionnelles de l’ergothérapie, on retrouve ces trois
conditions qui font que l’objet « ergothérapie » puisse devenir objet de représentation sociale et
professionnelle ; ou socioprofessionnelle. En effet, la littérature montre que l’ergothérapie possède de
nombreuses définitions, que nombre de professionnels se questionnent sur leur identité professionnelle
et le sens de leur métier, et qu’ils sont à la recherche d’éléments leur permettant une meilleure
communication sur leur profession.

31
Nous venons ainsi de voir comment un objet social peut devenir représentation. Désormais, nous allons
comprendre comment un objet est associé à des représentations socioprofessionnelles grâce à cinq
caractéristiques décrites par P. Moliner (Blin, 1997, p.86):
- L’objet est polymorphe, il peut avoir plusieurs sens ou définitions ;
- La maîtrise de la définition de l’objet est un enjeu pour un groupe social ;
- L’objet implique l’existence d’un groupe professionnel ;
- Les enjeux liés à l’existence de l’objet concernent l’identité professionnelle de l’individu ou du
groupe ;
- Le groupe professionnel dont il est question n’est pas régit ou contrôlé par une instance qui
pourrait réguler les informations concernant les représentations de l’objet.
Ici encore, nous percevons que l’objet « ergothérapie » peut être étudié comme faisant l’objet de
représentations professionnelles. En effet, il en existe plusieurs définitions, cela est un réel enjeu pour
les professionnels et il n’y a pas d’instance de contrôle comme un Ordre professionnel pour réguler ces
enjeux et questions identitaires.

Concernant les contenus des représentations professionnelles, il s’agit d’éléments, de cognitions à


propos de l’objet dont il est question. Selon C. Flament (1994), il existe deux types de cognitions :
prescriptive ou descriptive. Une cognition prescriptive est reliée à l’action, les conduites à adopter
(exemple sur les représentations professionnelles des ergothérapeutes : « les ergothérapeutes doivent
évaluer le rendement occupationnel de leurs patients »). Alors qu’une cognition descriptive est plutôt
reliée à la connaissance, au savoir (« les ergothérapeutes sont des professionnels du domaine
paramédical ») (Blin, 1997, p.88).
En conclusion, pour Blin (1997) :
Les représentations professionnelles, toujours spécifiques à un contexte professionnel sont
définies comme des ensembles de cognitions descriptives, prescriptives et évaluatives portant
sur des objets significatifs et utiles à l’activité professionnelle et organisés en un champ structuré
présentant une signification globale (Blin, 1997, p.89).

Il existe quatre fonctions des représentations professionnelles :


- Elles participent à la construction d’un savoir professionnel et permettent donc une
communication interprofessionnelle ;
- Elles contribuent à la définition des identités professionnelles et donc à la définition et au
maintien de la spécificité d’exercice professionnel de chacun ;
- Elles permettent de guider les pratiques professionnelles, et de les justifier ;
- Elles permettent aux professionnels d’expliquer leur choix de pratique, leurs prises de position
et leurs conduites professionnelles (Blin, 1997, p.95).

32
Ces quatre fonctions permettent de comprendre le lien existant entre les représentations
professionnelles et l’identité professionnelle des ergothérapeutes dont il est question dans la partie
problématique de cet écrit. Toutefois, il faut comprendre que les représentations professionnelles
influencent les pratiques professionnelles de manière sous-jacente. Il s’agit d’avoir des références
permettant de structurer, guider la pratique et les intentions professionnelles (Blin, 1997, p.143).

Selon les interactions entre les membres d’un groupe professionnel, les représentations
professionnelles peuvent évoluer. Les représentations professionnelles individuelles peuvent se
transformer en représentations partagées par le groupe. Ou au contraire, elles peuvent rester inchangées
si les interactions ne sont pas favorables à des échanges consensuels (Blin, 1997, p.152). Cela, P.
Mannoni en parle comme un « tissage des représentations sociales » qui permet aux membres d’un
groupe (professionnel par exemple) d’évoluer à travers un « univers mental » qui leur est commun. Il
ajoute aussi la notion de temporalité : il faut prendre en compte le fait que les représentations se
construisent selon le moment présent et l’ambiance régnant entre les pairs (Mannoni, 2016, p.75).
Nous comprenons ici que si le contexte d’interactions professionnelles au sein d’une équipe est
favorable, les représentations professionnelles sur l’ergothérapie peuvent évoluer. Il n’est pas ici
question d’une entité fixe dans le temps. Ces représentations peuvent évoluer, et ce par des échanges
interprofessionnels.

P. Mannoni explique aussi le lien existant entre les représentations et le conformisme. Au sein d’un
groupe, c’est souvent la représentation sociale portée par une majorité d’individus qui va dominer.
Cependant, si la minorité assure une stabilité et une assurance dans la défense de ses représentations,
elle peut convaincre les autres individus et ainsi la représentation dominante changera (Mannoni, 2016,
p.104). Dans le monde de la Santé, nous comprenons donc que si les ergothérapeutes véhiculent une
représentation socioprofessionnelle de leur profession correspondant à leurs valeurs et à la définition de
leur métier avec assurance et stabilité, les autres professionnels pourront voir évoluer leur propre
représentation de l’ergothérapie. Ainsi, la (re)connaissance de l’ergothérapie ne pourra qu’être
meilleure.

33
3. Cadre de recherche
3.1. Méthodologie pour le recueil de données
Dans ce travail d’initiation à la recherche en ergothérapie, la problématique a permis d’établir le contexte
de la recherche, et a abouti à une question et à une hypothèse de recherche. Ensuite un cadre théorique
a permis d’expliquer les trois concepts centraux de la recherche. Cependant, la théorie doit être
complétée par une phase de recueil de données, pour confronter un questionnement personnel avec la
littérature et la réalité des pratiques des ergothérapeutes.

3.1.1. Choix de l’outil pour le recueil de données


Pour le recueil de données j’ai choisi d’utiliser la technique de l’entretien de recherche. En effet, je
m’intéresse à des concepts que l’on retrouve davantage dans les sciences humaines. Je m’intéresse à
l’avis des ergothérapeutes sur des questions propres à leur profession et à leur pratique. Je recherche
leurs ressentis, leurs expériences concernant l’utilisation d’outils d’évaluation issus de modèles
conceptuels en ergothérapie, en lien avec des questions identitaires et la notion de représentations
socioprofessionnelles. Je souhaite pouvoir interagir avec les ergothérapeutes interrogés et m’assurer de
leur bonne compréhension des questions. Cette méthode de recueil de données qualitative me permettra
d’avoir « un accès direct à la personne, à ses idées, à ses perceptions ou représentations. » Aussi, mais
surtout, cela permettra à l’individu de « s’exprimer et de mettre en mots sa compréhension de ce qu’il
vit » (Tetreault et Guillez, 2014, p.216).

Cet entretien de recherche est à différencier de l’entretien exploratoire que j’ai pu mener à deux reprises
lors de la problématique. Il existe trois types d’entretien : structuré, semi-structuré et libre. Ici j’utiliserai
l’entretien semi-structuré qui comprend une grille d’entretien (présente en annexe 1) avec des questions
prédéfinies, mais dont l’ordre de passation peut varier. Ces questions ouvertes amènent l’individu
interrogé à s’exprimer davantage qu’avec des questions fermées. Dans ce type d’entretien, la personne
menant la discussion doit accompagner l’individu interrogé dans son raisonnement, et doit recentrer la
discussion autour des thèmes de la recherche (Tetreault et Guillez, 2014, p.223).

34
3.1.2. Population ciblée par le recueil de données
Ce travail est un mémoire d’initiation à la recherche en ergothérapie, ainsi il m’a paru important de
cibler mon recueil de données sur des ergothérapeutes déjà diplômés. Aussi, comme je le précisais dans
la problématique, je n’ai pas souhaité axer mon questionnement et ma recherche sur un modèle
conceptuel ou un outil d’évaluation en particulier, ni sur un domaine d’exercice précis. En effet, les
profils variés des ergothérapeutes interrogés permettront d’objectiver le lien entre l’utilisation des outils
d’évaluation et l’identité professionnelle, peu importe le modèle conceptuel choisi et le domaine
d’exercice. Ainsi, j’ai pu mener cinq entretiens (retranscrits en annexes) auprès de cinq ergothérapeutes
utilisant trois outils d’évaluation différents, exerçant dans cinq domaines différents. Ci-dessous se trouve
un tableau avec les caractéristiques personnelles et professionnelles des ergothérapeutes interrogés.
Caractéristiques E1 E2 E3 E4 E5
Ergothérapeutes
(E)
Sexe Femme Homme Homme Femme Femme
Lieu d’exercice SSR2 ESA3 Section EHPAD4 et SAMSAH6
d’Éducation PASA5
Motrice
Population Adultes et Personnes Enfants et Personnes Adultes
accompagnée enfants âgées adolescents âgées
Années de 14 ans 8 ans 2 ans 6 ans 6 ans
pratique en
ergothérapie
Outil MCRO depuis 2 AMPS MCRO depuis 2 MOHOST7 MOHOST
d’évaluation ans (formée) depuis 5 ans ans (non formé) depuis 6 ans depuis 2 ans
utilisé (formé) (non formée) (non formée)
Modèle MCREO MOH MCREO MOH MOH
conceptuel
Définition de Outil d’évaluation Évaluation Outil permettant Outil Outil
l’outil qui permet de qualitative de d’identifier les permettant d’évaluation
d’évaluation du connaitre les la difficultés du d’objectiver la qui permet de
habitudes de vie performance jeune, sa se pencher sur
point de vue de situation du
de la personne, et occupationne- satisfaction et son tous les
l’ergothérapeute ses besoins lle à travers rendement résident en domaines
interrogé humains, l’observation occupationnel. La termes de auquel
matériels et standardisée MCRO permet de participation s’intéresse le
environnementaux d’au moins 2 déterminer les et MOH.
. Il permet de tâches de vie objectifs de prise d’occupation.
connaitre les quotidienne en charge et Il permet
activités difficiles qui d’évaluer
d’identifier
importantes pour font parties l’efficacité de
elle et la façon des habitudes l’intervention des axes
dont elle les de vie de la ergothérapique. d’intervention
réalise. personne.
Tableau 1 : Caractéristiques socioprofessionnelles des ergothérapeutes interrogés et détails sur leur outil d'évaluation utilisé

2
Soins de Suite et de Réadaptation
3
Équipe Spécialisée Alzheimer
4
Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes
5
Pôle d’Activités et de Soins Adaptés
6
Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés
7
Model Of Human Occupation Sreening Tool

35
3.2. Analyse des données
Pour analyser les données de ces cinq entretiens, je me suis basée sur une grille d’analyse (présente en
annexe 7) qui relie les éléments des concepts théoriques, les thèmes abordés dans les questions de
l’entretien et les réponses des cinq ergothérapeutes.

3.2.1. Définition de l’ergothérapie pour soi et par autrui


Nommés « patients » ou « personnes », une chose est sûre, ce terme est présent dans la première phrase
du témoignage de chaque ergothérapeute concernant la définition de leur métier. D’ailleurs E3 précise :
« pour moi, l’ergothérapeute doit avoir une pratique très client-centrée. » La place du patient est donc
centrale dans leur pratique. Aussi, l’autonomie du patient est un réel objectif (E1, E4). La notion des
Activités de Vie Quotidienne (AVQ) revient dans trois des cinq définitions (E1, E2, E3), d’ailleurs
seuls les deux ergothérapeutes utilisant la MCRO ont effectué une catégorisation des AVQ en trois
domaines : soins personnels, loisirs, domaine de la productivité. Les ergothérapeutes utilisant l’outil
MOHOST ont préféré l’utilisation de termes appartenant au MOH ; E4 parle de « participation
occupationnelle » liée à la dynamique du MOH ; alors que E5 évoque les « intérêts » de la personne,
liés au concept de l’« Être » du modèle.

Il est intéressant d’étudier le vocabulaire utilisé par les ergothérapeutes pour décrire leur métier.
L’exemple des domaines des AVQ montre qu’en utilisant des outils d’évaluation issus de modèles
conceptuels, les ergothérapeutes ont intégré le vocabulaire spécifique au modèle utilisé. Ils le
mettent en avant pour expliquer leur métier.

Ensuite, en questionnant les ergothérapeutes sur la perception qu’ils ont de la définition de


l’ergothérapie par autrui, certaines similitudes émergent. D’abord, ils s’accordent sur le fait qu’il y a
un manque de connaissance du métier en lui-même par le grand public : pour E1 il s’agit d’un « soucis
de compréhension […] peut-être parce que les ergothérapeutes ont des difficultés à expliquer leur
métier. » Ensuite, E2 et E5 s’entendent sur le fait qu’autrui possède une définition restrictive du métier
d’ergothérapeute. D’après eux, les personnes ne s’imaginent pas que l’ergothérapeute possède une telle
diversité de champs d’action, en ayant une prise en charge globale. Souvent, le rôle de l’ergothérapeute
semble être réduit à la gestion du matériel et à l’aménagement de l’habitat (E3, E4, E5). Puis, le terme
d’occupation porte à confusion dans la définition de l’ergothérapie par autrui (E4) : la différence entre
« activité » et « occupation » n’est pas bien comprise, ce qui peut s’expliquer par une difficulté de
traduction du terme en français (E2). D’ailleurs, d’après E2 et E4, seuls les ergothérapeutes sont en
capacité de comprendre le terme d’occupation.

La définition de l’ergothérapie par autrui semble être altérée en partie par un manque de
compréhension du vocabulaire utilisé par les ergothérapeutes.

36
3.2.2. Point de vue sur l’identité professionnelle des ergothérapeutes
« Floue » (E4), « pas clairement définie » (E5), « pas bien reconnue » (E1), « non affirmée » (E2), voilà
les adjectifs attribués à l’identité professionnelle des ergothérapeutes, décrits par les professionnels
interrogés. Pour E3, l’identité professionnelle des ergothérapeutes est même quasiment inexistante. Mais
alors, comment l’expliquer ?
D’abord, il semble que les champs de pratique de l’ergothérapie soient tellement larges qu’ils
chevauchent ceux d’autres disciplines (E1, E2, E4, E5). E1 explique que des tensions
interprofessionnelles seraient liées à une confusion des rôles et des tâches de chacun. Cette diversité
d’action est directement liée à l’histoire de l’ergothérapie (E1, E2, E3). D’après E2 l’ergothérapie
dans sa construction s’est « nourrie de manquements des autres professions ». E1 ajoute que la
profession a souhaité « jouer sur beaucoup de plans différents ». E3 résume cela en expliquant qu’il y a
eu différents courants de pensées en ergothérapie, donnant naissance à différentes générations
d’ergothérapeutes. Il existerait donc des divergences dans la façon de considérer et de pratiquer
l’ergothérapie selon les générations d’ergothérapeutes, cela ne favorisant pas une identité
professionnelle clairement identifiée (E1, E2, E3, E5).
E5 parle aussi de « vision de l’ergothérapie » : d’après elle les anciennes générations d’ergothérapeutes
ont plutôt une vision biomédicale (surtout en rééducation), alors que les nouvelles générations adoptent
une vision « contemporaine » axée sur la science de l’occupation et « permise par les modèles
conceptuels ». Justement, le terme d’occupation est omniprésent dans les témoignages des
ergothérapeutes concernant leur identité professionnelle. Pour E3, elle évolue avec l’arrivée de ce terme
en France. Il explique d’ailleurs que cela est permis entre autres par l’ANFE qui met en place des actions
pour promouvoir l’importance de l’occupation en ergothérapie. E2 ajoute d’ailleurs que la nouvelle
génération d’ergothérapeutes devrait davantage se saisir de la signification du terme « occupation » pour
affirmer leur identité et oser utiliser une approche occupation-centrée. Aussi, pour E2 et E5, les instituts
de formation en ergothérapie (IFE) auraient un rôle non négligeable dans la construction de l’identité
professionnelle des ergothérapeutes. D’après eux le manque d’homogénéité dans les formations
concernant les approches à privilégier dans la pratique nuirait à l’affirmation de l’identité
professionnelle des ergothérapeutes français.

L’identité professionnelle des ergothérapeutes ne semble pas claire ni affirmée. Cela peut
s’expliquer par des champs de pratique larges chevauchant d’autres disciplines, en lien avec
l’histoire de l’ergothérapie. L’évolution des courants de pensée dans la profession a donc mené à
une évolution de la formation et donc à différentes générations de professionnels. La maitrise plus
ou moins claire du terme « occupation » et d’une approche occupation-centrée semble ainsi
participer à une identité professionnelle des ergothérapeutes non homogène sur le territoire
français.

37
En demandant aux ergothérapeutes les avantages et/ou inconvénients de travailler avec d’autres
ergothérapeutes, plusieurs éléments ont été relevés. D’abord, le fait de travailler avec des collègues issus
de la même formation que soi semble être un avantage car cela permet de confronter ses points de vue,
de se remettre en question, d’échanger sur sa pratique et de l’analyser (E1, E3, E4, E5). Aussi d’après
E1, travailler avec d’autres ergothérapeutes permettrait de renforcer son identité professionnelle.
Ensuite, un inconvénient à travailler avec d’autres ergothérapeutes semble résider dans les différences
entre les pratiques et les modèles de pensée (E3, E4, E5). E3 y voit d’ailleurs un lien avec les disparités
dans les formations au sein des IFE. Alors, si le vocabulaire utilisé (E2) par les ergothérapeutes au sein
d’une même équipe diffère, les autres professionnels peuvent être perdus concernant le rôle de
l’ergothérapeute. Il en est de même avec l’utilisation d’approches différentes : biomédicale, occupation-
centrée (E3).

Ici pour avoir une identité professionnelle affirmée, les ergothérapeutes témoignent de
l’importance de travailler avec leurs pairs pour échanger sur leur pratique et s’enrichir de leurs
expériences communes. Cependant, une limite à cette collaboration intraprofessionnelle semble
résider dans un vocabulaire professionnel et des modèles de pensée différents. Les IFE semblent
avoir un rôle à jouer dans ces divergences de pratique.

3.2.3. Les outils d’évaluation issus de modèles conceptuels dans la pratique


Différentes raisons ont poussé les ergothérapeutes interrogés à utiliser des modèles conceptuels dans
leur pratique via des outils d’évaluation. Certains souhaitaient utiliser une évaluation spécifique à leur
discipline (E2, E5). D’ailleurs E2 souhaitait que celle-ci soit orientée sur l’occupation, pour une
meilleure définition des objectifs d’intervention. E4 exprime quant à elle la volonté d’avoir un moyen
lui permettant d’objectiver la situation du résident et ses besoins. Justement, pour recueillir les besoins
et attentes du patient, E3 a décidé d’utiliser un outil d’évaluation (la MCRO) issu d’un modèle
conceptuel (ici le MCREO). Il témoigne d’ailleurs : « qui de mieux placé que l’ergothérapeute pour
identifier les besoins et attentes des personnes ? ». La mise en place d’un tel outil est parfois la décision
d’une équipe entière. C’est le cas de l’équipe de E1 : dans son service de rééducation, les
ergothérapeutes avaient besoin d’un outil leur permettant une meilleure reconnaissance de leur
profession, et une meilleure répartition des activités professionnelles.

38
Ainsi, suite à l’adoption d’un tel outil d’évaluation, les ergothérapeutes ont pu témoigner des
changements survenus dans leur pratique. En plus de la grille d’analyse des données présente en
annexe, le tableau ci-dessous résume les similitudes retrouvées dans les réponses des ergothérapeutes
sur cette question.
Changements dans la pratique E1 (MCRO E2 (AMPS E3 E4 E5

suite à l’utilisation d’un outil - MCREO) - MOH) (MCRO- (MOHOST- (MOHOST-

d’évaluation MCREO) MOH) MOH)

Meilleure définition des objectifs


X X X
d’intervention
Meilleur engagement du patient/de la
X X
famille dans la prise en charge
Approche client-centrée X X
Meilleure communication sur
X X X X
l’ergothérapie
Objectivation des observations X X
Pratique professionnelle plus
X X
signifiante
Plus de légitimité auprès de l’équipe
X X
pluriprofessionnelle
Tableau 2 : Changements dans la pratique des ergothérapeutes suite à l'adoption d'un outil d'évaluation issu d'un modèle
conceptuel

Nous pouvons constater que certains éléments sont présents à la fois chez des ergothérapeutes utilisant
des outils issus du MCREO, que chez des ergothérapeutes utilisant des outils du MOH. Aussi, certaines
réponses sont similaires entre deux ergothérapeutes (par exemple : E2 et E5) utilisant des outils
différents, mais issus du même modèle conceptuel (ici le MOH).
Certaines réponses, propres à certains ergothérapeutes méritent d’être exprimées ici. Par exemple, le fait
d’utiliser le AMPS pour E2 lui a permis d’appuyer sa pratique sur des preuves probantes, et lui a
conféré une certaine rigueur dans ses écrits professionnels. Aussi, le MOHOST a permis à E5 d’avoir
une vision globale de la personne, d’interroger toutes ses « dimensions », de rendre concrètes des
notions du MOH auparavant abstraites (habituation, volition).

Utiliser des outils issus de modèles conceptuels apporte des changements positifs dans la pratique
des ergothérapeutes. Peu importe le choix du modèle ou de l’outil d’évaluation, les changements
résident dans la collaboration avec le patient, la définition des objectifs d’intervention, la légitimité
de pratique, l’explication et la compréhension de l’ergothérapie et le sens attribué à sa propre
pratique professionnelle.

39
3.2.4. Des outils d’évaluation en ergothérapie pour une meilleure
collaboration interprofessionnelle
Tous les ergothérapeutes interrogés exercent au sein d’une équipe pluriprofessionnelle. La majorité (E2,
E3, E4, E5) a témoigné d’une bonne répartition des rôles professionnels dans l’équipe. E1 a seulement
mentionné quelques chevauchements de pratiques entre ergothérapeutes et masso-kinésithérapeutes.
Face à cela, une communication interprofessionnelle semble être nécessaire pour clarifier les rôles de
chacun (E1, E2, E3).
Justement, comment leurs collègues non ergothérapeutes ont-ils réagi suite à l’utilisation d’un outil
d’évaluation ergothérapique issu d’un modèle conceptuel ? Dans les équipes de E1, E2 et E5 cela a été
bien accueilli et compris. Toutefois, cela peut faire débat au sein de l’équipe d’ergothérapeutes. E2
expliquait en effet que le AMPS privilégiant une approche client-centrée ne faisait pas l’unanimité
auprès de ses pairs qui utilisent une approche pathologie-centrée. En tout cas un temps d’information
semble utile pour sensibiliser son entourage professionnel à l’outil (E1, E3, E4). Les ergothérapeutes
utilisant deux outils différents du MOH (E2, E5) ont décrit le même sentiment de surprise chez leurs
collègues. Les collègues de E5 ont été surpris que l’ergothérapeute, avec un outil comme le MOHOST,
puisse avoir une vision aussi globale de la personne. Tous ont en effet expliqué qu’en utilisant un tel
outil, leur rôle d’ergothérapeute a été mieux compris par l’équipe. Leurs compétences d’analyse
d’activité, de mise en situation (E2, E4), d’évaluation (E4) ont été mieux reconnues par leurs collègues,
laissant de côté l’image de gestionnaire de matériel (E4). E5 pense même que l’utilisation du MOHOST
a permis de changer la représentation que les professionnels avaient de son métier. Aussi, la
compréhension du rôle de l’ergothérapeute semble être liée à la compréhension du vocabulaire utilisé
en ergothérapie (E1, E3, E4). Avec la MCRO (E1, E3) ou le MOHOST (E4), les ergothérapeutes
expliquent que leurs collègues et patients ont mieux saisi le sens thérapeutique du terme « occupation »,
l’outil étant dans ce cas un support à la communication. Enfin, il semble que l’utilisation en ergothérapie
de ces outils d’évaluation bénéficierait à toute l’équipe pluriprofessionnelle (E2, E3, E4, E5). En
ESA, E2 explique que grâce au AMPS les Assistantes de Soins en Gérontologie (ASG) ont mieux
compris les interventions en ergothérapie, leur accompagnement avec les patients est ainsi plus efficace.
De la même façon, avec le MOHOST E3 et E4 relatent que l’outil permet à toute l’équipe d’avoir une
vision globale du résident.

Les outils d’évaluation issus de modèles conceptuels utilisés en ergothérapie semblent être bien
accueillis au sein des équipes interprofessionnelles et bénéficient à la pratique de tous. Cela
nécessite néanmoins un temps de communication. Avec ces outils, les équipes et les patients
comprennent davantage en quoi consiste l’ergothérapie, le rôle de l’ergothérapeute et ses
compétences. L’amélioration de la collaboration interprofessionnelle semble en partie être due à la
compréhension du vocabulaire utilisé, comme la notion d’« occupation ».

40
3.2.5. La représentation de l’ergothérapie
Les ergothérapeutes, face à une personne ayant une représentation erronée de l’ergothérapie semblent
réagir différemment selon l’origine professionnelle de leur interlocuteur. S’il s’agit d’une personne
extérieure au domaine de la santé, la plupart (E1, E3, E4, E5) adoptent une attitude d’explication. E3
témoigne son envie de répandre une bonne représentation de son métier : « plus il y a de monde qui
l’explique correctement, mieux ça sera représenté dans la tête des gens. » Cependant, s’il s’agit de
professionnels du domaine de la santé, un sentiment de frustration et d’agacement est présent chez E2
et E5 : « ça peut être à la fois un challenge, […] et parfois source de frustration. » (E5) Toutefois, les
ergothérapeutes dans cet esprit de challenge, poursuivent leur « combat » (E2) et usent de supports
matériels (comme l’aménagement physique du service de E1) ou scientifiques (E3 dit d’appuyer sur des
preuves scientifiques pour prôner l’approche client-centrée) pour expliquer à autrui son métier.

Face à une personne ayant une représentation erronée de l’ergothérapie, les ergothérapeutes
interrogés adoptent différentes attitudes. Si cette personne est extérieure au domaine de la santé,
les ergothérapeutes vont expliquer leur métier, même si cela peut être fatiguant. Si cette personne
travaille dans le domaine de la santé, de la frustration et de l’agacement peuvent émerger ; malgré
cela, ils en font un challenge et s’arment de supports pour tenter d’harmoniser les représentations
de leur profession.

Au sein des services/structures, les représentations de l’ergothérapie par les professionnels non
ergothérapeutes étaient soient similaires soient différentes de celles des ergothérapeutes interrogés.
Pour E1, E2 et E4, la représentation de l’ergothérapie diffère concernant la vision globale que
l’ergothérapeute peut avoir des patients/résidents/clients. E1 l’explique ainsi : « je ne suis pas
certaine que les personnes [non ergothérapeutes] pensent qu’on va aussi loin au niveau de
l’environnement de la personne, de son quotidien, de l’activité professionnelle, […] ne voient pas
aujourd’hui les objectifs aussi précis qu’on peut avoir avec nos patients […] » En lien avec cette vision
globale de la personne, les autres professionnels ne semblent pas percevoir la capacité d’analyse
d’activité de l’ergothérapeute (E4). Pour faire face, E1 explique la nécessité d’être actif pour être
mieux représenté en tant qu’ergothérapeute. Cela se traduit par des actions de communication au
sein de leur Service, des partenariats avec d’autres structures, répondre à des appels à projets ou encore
participer à des congrès. En résumé, « Il y a du boulot ! » comme le dit E4.
Cependant, pour E3 et E5, la représentation de leur métier semble correspondre à la représentation que
leurs collègues ont de l’ergothérapie. De leurs témoignages, plusieurs raisons émergent. E3 explique
que dans son Service, le fait que la directrice soit ergothérapeute de formation aide pour justifier la place
de l’ergothérapie au sein du Service et pour instaurer une représentation correcte de sa profession. Aussi,
il indique la notion de représentation numérique. En effet, sur 33 salariés, 5 sont ergothérapeutes.

41
Cela semble influencer positivement la représentation de l’ergothérapie dans son Service. E5 étant la
première ergothérapeute de son Service, elle voit en cette création de poste un aspect facilitant pour
instaurer une représentation de l’ergothérapie correspondant à la sienne.

La représentation de l’ergothérapie peut diverger entre l’ergothérapeute et son équipe. Souvent,


elle diverge concernant l’aspect holistique de l’accompagnement ergothérapique. Au contraire,
lorsqu’elle est similaire entre l’ergothérapeute et son équipe, des éléments facilitants peuvent
expliquer cela comme le nombre d’ergothérapeutes au sein de la structure ou encore le fait d’être
le premier ergothérapeute en poste dans celle-ci.

Interrogés sur l’évolution de leur représentation professionnelle en lien avec l’utilisation d’outils
d’évaluation issus de modèles conceptuels, deux éléments ont été relevés : la question de la
représentation de son métier, et la définition de son métier. Concernant la représentation de leur métier,
pour E1, E4 et E5, elle est inchangée avec l’utilisation d’un tel outil. Cela, E5 l’explique par le fait que
dès sa formation initiale en ergothérapie, elle a été sensibilisée au MOH, modèle sur lequel elle base
actuellement sa pratique. Par contre E3 explique que sa représentation de l’ergothérapie a justement
changé avec l’utilisation de la MCRO. Il témoigne ainsi : « j’ai pu mettre du sens sur comment mener
ma pratique, sur le bénéfice que ça pouvait apporter aux personnes, sur aussi comment je voyais mon
métier et surtout ça m’aide à avoir une ligne de conduite sur le professionnel que je veux être demain. »
Une pratique plus signifiante avec l’utilisation des outils d’évaluation, E1, E2 et E3 en font le constat.
Utilisant pour autant deux outils issus de modèles conceptuels différents, ils retrouvent ce même
changement dans leur pratique. E1 l’explique via la définition de l’ergothérapie : « elle [sa définition
de l’ergothérapie] a beaucoup plus de sens pour moi […] je ne me retrouvais pas dans du travail
analytique ». E2 exprime également que sa pratique a plus de sens avec le AMPS qui lui a permis de
« reprendre la bonne route, le bon chemin de l’occupation ». Mis à part la pratique professionnelle, c’est
aussi la définition de l’ergothérapie qui a plus de sens avec l’utilisation d’outils d’évaluation dont nous
parlons. Cela peut être lié à la maitrise du vocabulaire du modèle, permis par ces outils (E1, E3).

Le fait d’utiliser un outil d’évaluation issu d’un modèle conceptuel en ergothérapie semble se
traduire par des évolutions dans la pratique des ergothérapeutes. Pour certains, c’est la
représentation de leur métier qui a changé, pour d’autres il s’agit davantage de la définition de
l’ergothérapie. Dans les deux cas, il est question d’une pratique plus signifiante, et d’une meilleure
reconnaissance auprès d’autrui.

42
4. Discussion
4.1. Retour sur les hypothèses de recherche
Les entretiens réalisés auprès d’ergothérapeutes dans le cadre de recherche ont été effectués dans le but
de répondre à la question de recherche exposée dans la problématique de cet écrit.
Rappelons que la question de recherche est la suivante :
En quoi l’utilisation d’outils d’évaluation issus de modèles conceptuels généraux et appliqués en
ergothérapie pourrait permettre aux ergothérapeutes de renforcer leur identité professionnelle ?
Et que les hypothèses de recherche sont les suivantes :
- Première hypothèse : L’ergothérapeute peut modifier les représentations socioprofessionnelles
qu’il a de son métier en utilisant des outils d’évaluation issus de modèles conceptuels généraux
et appliqués en ergothérapie.
- Deuxième hypothèse : L’ergothérapeute peut permettre à autrui de modifier ses représentations
socioprofessionnelles sur l’ergothérapie en utilisant des outils d’évaluation issus de modèles
conceptuels généraux et appliqués en ergothérapie.
- Troisième hypothèse : Les modifications de ses propres représentations socioprofessionnelles
et de celles d’autrui à l’égard de l’ergothérapie, permises par l’utilisation d’outils d’évaluation
issus de modèles conceptuels permettent de renforcer l’identité professionnelle des
ergothérapeutes.

4.1.1. Première hypothèse


Les ergothérapeutes interrogés utilisent tous des outils d’évaluation issus de modèles conceptuels en
ergothérapie selon la classification de Marie-Chantal Morel-Bracq (2017) (voir la figure 1 dans le cadre
théorique de la partie sur les modèles conceptuels). Il s’agit en effet du MOH (pour E2-outil AMPS, E4
et E5-outil MOHOST), et du MCREO (pour E1 et E3). Ces deux modèles seraient alors des modèles
généraux en ergothérapie. Cependant, selon l’ergothérapeute E2 utilisant le AMPS, Anne Fisher, qui est
à l’origine de cet outil, a créé également le modèle OTIPM. Celui-ci correspondrait davantage au AMPS.
Ainsi, E2 utilise un outil issu d’un modèle conceptuel appliqué en ergothérapie : l’OTIPM. De ce fait,
les entretiens s’intéressent bien, à la fois aux modèles généraux, et aux modèles appliqués en
ergothérapie.

Le panel des ergothérapeutes interrogés pour répondre à la question de recherche a été choisi pour que
l’on puisse comprendre l’impact de l’utilisation d’outils d’évaluation issus de modèles conceptuels sur
la pratique des ergothérapeutes. Et cela, peu importe le modèle choisi ni l’outil d’évaluation. De
l’analyse des données, nous remarquons que l’utilisation d’outils d’évaluation issus de modèles
conceptuels a des apports similaires dans la pratique des ergothérapeutes, et justement sur la
représentation socioprofessionnelle qu’ils ont de leur métier.

43
Comme nous l’avons vu dans le cadre théorique, les modèles conceptuels permettent de guider et
d’organiser la pratique. Pour cela, ils offrent des outils d’évaluation (Morel-Bracq, 2017). Aussi, ce
processus d’évaluation permet de collecter des renseignements afin de prendre des décisions éclairées
(Ordre des Ergothérapeutes de l’Ontario, 2018). Cela, les ergothérapeutes interrogés ont pu le confirmer
comme nous pouvons le constater dans le tableau 2 relatant les changements survenus dans la pratique
des ergothérapeutes suite à l’utilisation d’outils d’évaluation issus de modèles conceptuels. Ces
changements, ils les ont plutôt qualifiés d’évolution comme en témoigne E3 en parlant de sa pratique :
« Elle n’a pas changé, elle a évolué ». Pour eux en majorité, l’évolution est synonyme de signification.
Dans leurs témoignages, les ergothérapeutes indiquent qu’en utilisant les outils d’évaluation, leur
pratique est devenue plus signifiante via la définition de l’ergothérapie grâce entre autres à
l’utilisation et à la compréhension du vocabulaire ergothérapique, lié à l’occupation. En effet, dans
l’analyse des données concernant la définition de leur métier, nous pouvons remarquer que selon le
modèle qu’ils utilisent, les ergothérapeutes emploient des termes spécifiques au champ épistémologique
(Morel-Bracq, 2017) du modèle en question.

Dans le cadre théorique sur les représentations, nous avons vu que « les représentations professionnelles
sont des représentations sociales élaborées dans l’action et la communication » (Blin, 1997). En agissant
par l’utilisation de ce vocabulaire spécifique, et en communiquant avec autrui sur les outils d’évaluation
issus des modèles conceptuels, les ergothérapeutes ont pu construire leur propre représentation de leur
métier. Ils ont ensuite pu la modifier en maitrisant un vocabulaire faisant sens à leur définition de
l’ergothérapie. D’après Martin 1984, Trinquier et Bouyssières 1992 (cités dans Blin, 1997), les
représentations socioprofessionnelles sont « un ensemble d’idées que partagent des individus sur un
métier donné ». Nous pouvons alors imaginer que ces idées peuvent être véhiculées dans la définition
que l’on donne du métier en question. La définition de l’ergothérapie était un terme redondant en effet
dans les entretiens menés auprès des ergothérapeutes : nous pouvons relever sa présence 17 fois au cours
des 5 entretiens. D’après moi, cela démontre l’importance de cette notion dans l’étude des
représentations socioprofessionnelles bien que le mot « représentation(s) » soit présent 57 fois au cours
de ces mêmes entretiens.

Finalement, les ergothérapeutes en mettant plus de sens dans la définition de leur métier, ont pu modifier
leur représentation de l’ergothérapie. Il semble ainsi que les témoignages des ergothérapeutes aillent
dans le sens de la première hypothèse.
Toutefois nous pouvons nous questionner sur l’exactitude des termes à employer. Faudrait-il dire qu’en
utilisant ces outils d’évaluation, les ergothérapeutes ont modifié la définition de leur métier, ou la
représentation qu’ils en ont ?

44
4.1.2. Deuxième hypothèse
L’activité professionnelle est construite à partir des représentations du métier en question selon Blin
(1997). C’est pourquoi il parait important de s’intéresser aux représentations de l’ergothérapie. Aussi,
la représentation permet l’organisation des relations sociales et hiérarchiques au sein d’une société ou
d’un groupe (Blin, 1997). De ce fait, ici je me suis principalement intéressée aux représentations portées
par le milieu professionnel des ergothérapeutes (collègues et patients) car ma troisième hypothèse de
recherche porte sur leur identité professionnelle. L’étude des représentations permet alors de
comprendre la place de l’ergothérapeute et sa reconnaissance dans cette dynamique de groupe.

De l’analyse des données, il apparait que des différences peuvent exister entre les représentations
que l’ergothérapeute a de son métier, et les représentations qu’autrui peut en avoir. Elles
concernent principalement la vision holistique qu’à l’ergothérapeute dans ses accompagnements, et cette
divergence semble être liée à un manque de compréhension du vocabulaire utilisé en ergothérapie,
notamment lié à l’occupation. Il s’agit alors de la représentation socioprofessionnelle qu’a la personne
de l’ergothérapie. Comme le précise D. Jodelet (1984), cela correspond à notre façon d’interpréter la
réalité, les éléments qui nous entourent. Pour autrui donc, sa représentation de l’ergothérapie est une
interprétation ; elle peut alors évoluer. C’est justement ce dont témoignent les ergothérapeutes
interrogés. Nous savons que les représentations sont « élaborées dans l’action et la communication »
(Blin, 1997) et comme le précise E1, il est nécessaire d’agir pour être reconnu en tant
qu’ergothérapeute. Ainsi en informant leur entourage professionnel concernant l’outil d’évaluation et
son vocabulaire spécifique, les ergothérapeutes participent à l’élaboration (voir la modification) de la
représentation qu’ont leurs collègues de l’ergothérapie. Ils ont alors assisté à des changements de
représentations, qui se sont traduits par une meilleure collaboration interprofessionnelle. En effet,
comme l’analyse des données le précise, les outils d’évaluation utilisés (la MCRO, le AMPS, comme le
MOHOST) ont permis aux professionnels de mieux saisir le sens thérapeutique du terme occupation et
donc de mieux comprendre en quoi consiste l’ergothérapie. Ces outils ont même été bénéfiques dans la
pratique de tous comme l’exprime E5 : « pour mes collègues ça a été une façon de réfléchir différente. »

En plus des collègues, les patients ont montré des changements dans leurs représentations de
l’ergothérapie. L’analyse des données a en effet montré qu’en utilisant des outils d’évaluation issus de
modèles conceptuels, les ergothérapeutes ont plus de facilité à expliquer leur métier à autrui. Leurs
patients ont ainsi mieux compris en quoi l’ergothérapie consistait, comme en témoigne E1 en parlant de
la MCRO : « Je pense qu’avec ça on peut comprendre quel est notre métier. » Ces différents éléments
semblent ainsi aller en faveur de la deuxième hypothèse.

45
4.1.3. Troisième hypothèse
Les deux premières hypothèses semblent ainsi tendre vers les déductions suivantes : en utilisant des
outils d’évaluation issus de modèles conceptuels en ergothérapie, les ergothérapeutes modifient les
représentations socioprofessionnelles qu’ils ont de leur métier. Cette utilisation permettrait également
la modification des représentations socioprofessionnelles d’autrui à l’égard de la profession.

Cette troisième hypothèse propose alors que ces modifications de représentations renforceraient
l’identité professionnelle des ergothérapeutes.

Comme nous l’avons vu dans le cadre théorique, des crises identitaires peuvent survenir si les
trajectoires individuelles du professionnel et celles de son système d’emploi ne convergent pas (Dubar,
2010). D’après les ergothérapeutes interrogés, ces trajectoires peuvent se traduire par les représentations
socioprofessionnelles sur l’ergothérapie. Les représentations de l’ergothérapie semblent en effet être
différentes entre l’ergothérapeute et les autres professionnels de son milieu de travail.
L’ergothérapeute E2 laissait ainsi paraitre de la colère et de l’émotion dans son témoignage en
expliquant qu’il se sentait en « croisade » face à une personne ayant une représentation de l’ergothérapie
différente de la sienne. Là où E3 se disait être fatigué de tenter d’unifier les représentations
socioprofessionnelles à propos de son métier. Cependant, il importe d’être vigilant aux possibles crises
identitaires et à la fatigue ressentie par les ergothérapeutes concernant leur propre identité
professionnelle. L’analyse des données montre également qu’aujourd’hui, il semble nécessaire d’être
actif pour justifier sa pratique, pour que sa profession soit mieux reconnue. Mais est-il normal que les
professionnels sur le terrain doivent se battre à l’heure actuelle pour s’assurer un avenir ? Devrions-nous
être davantage vigilant à ces possibles crises identitaires fatiguant les ergothérapeutes ?

D’après Freud (cité dans Blin, 1997), l’individu s’identifie aux représentations véhiculées par ses
groupes d’appartenance pour construire son identité collective. Cette théorie a pu être mise en relation
avec le cadre de recherche puisque les ergothérapeutes interrogés se sont montrés attachés aux
représentations que leurs pairs ont de l’ergothérapie, comme l’exprime E4 : « Ils n’ont pas la
représentation de l’ergothérapie telle que moi j’aimerais qu’ils l’aient. »

Aussi, l’identité professionnelle est une identité collective qui se construit dans les représentations et les
pratiques du milieu de travail (Obin, 1995, cité dans Blin, 1997). Nous percevons ainsi l’importance des
représentations socioprofessionnelles véhiculées au sein d’une organisation de travail dans la
construction identitaire professionnelle des ergothérapeutes. Si ces représentations sont erronées, cela
peut avoir des impacts négatifs sur l’identité professionnelle des ergothérapeutes.

46
C’est d’ailleurs ce que l’analyse des données relève comme dans le témoignage de E1 décrivant que
l’identité professionnelle des ergothérapeutes n’est pas bien reconnue et que cela engendre des tensions
interprofessionnelles. Car l’identité professionnelle se construit également dans les relations et
l’organisation au sein de son milieu de travail (Blin, 1997).

Enfin, rappelons que pour C. Dubar (Dubar, 2000 cité dans Fray et Picouleau, 2010, p.75), la
construction de l’identité s’effectue en plusieurs dimensions. Elle dépend de l’image que l’on a de nous-
même (identité pour soi), de l’image que l’on veut montrer à autrui (identité pour autrui) et de l’image
que les autres nous renvoient. Si nous parlons de l’identité professionnelle des ergothérapeutes, ici
l’identité pour soi et l’identité pour autrui peuvent correspondre à la représentation socioprofessionnelle
que l’ergothérapeute a de sa propre profession ; et l’image que les autres nous renvoient peut
correspondre à la représentation socioprofessionnelle de l’ergothérapie qu’autrui peut avoir.

Cette idée de C. Dubar vient appuyer le fait que l’identité professionnelle de l’ergothérapeute se construit
à partir de ses propres représentations socioprofessionnelles et à partir des représentations
socioprofessionnelles d’autrui à l’égard de l’ergothérapie. Justement d’après l’analyse des données, ces
représentations semblent être améliorées avec l’utilisation des outils d’évaluation issus de modèles
conceptuels. Les ergothérapeutes décrivent en effet une pratique plus signifiante et autrui semble mieux
saisir leur rôle et leurs compétences professionnelles.

De ces éléments nous comprenons que l’identité professionnelle de l’ergothérapeute se construit


véritablement dans les représentations socioprofessionnelles d’autrui.
De plus, suite aux retours sur les hypothèses précédentes, nous avons pu émettre le fait que l’utilisation
d’outils d’évaluation issus de modèles conceptuels en ergothérapie semble permettre de modifier
positivement les représentations socioprofessionnelles de l’ergothérapeute lui-même ainsi que celles
d’autrui (comprenant ses collègues et patients principalement).
Ainsi, les éléments du cadre théorique, couplés au cadre de recherche semblent aller dans le sens
de la troisième hypothèse de recherche : les modifications de représentations à l’égard de
l’ergothérapie renforceraient l’identité professionnelle des ergothérapeutes.

47
4.2. Positionnement professionnel et propositions d’action
Le questionnement initial qui a mené à cet écrit est issu de ma réflexion personnelle. Cependant, en
étudiant la littérature sur le sujet des modèles conceptuels et de l’identité professionnelle des
ergothérapeutes, je me suis vite aperçue que je n’étais pas la seule à avoir cette interrogation. Celle-ci
semble être d’actualité dans un contexte où l’ergothérapie se renouvèle de jour en jour. Certains seront
à l’affut des dernières nouveautés dans les champs de pratique des ergothérapeutes, là où d’autres
peuvent en être effrayés et remettre en question leur identité professionnelle. Se renouveler, évoluer,
oui, mais comment ? Quels sont nos repères en tant qu’ergothérapeutes pour évoluer avec notre
profession, dans une dynamique d’innovation, tout en préservant notre identité professionnelle ? Certes,
dans le cadre théorique de ce mémoire, nous avons vu qu’il existe différentes formes d’identité
professionnelle ; elle n’est pas stable dans le temps et elle peut évoluer pour un même individu.
Toutefois, il semble nécessaire de se questionner sur les moyens à mettre en œuvre dans nos pratiques
quotidiennes pour les unifier au plan de la profession et affirmer notre identité professionnelle dans une
certaine homogénéité nationale. Cela, dans une optique de conserver l’ergothérapie dans le paysage des
métiers du paramédical, en s’acquittant d’une certaine reconnaissance professionnelle.

Affirmer notre identité professionnelle, c’est une volonté qui est ressortie des témoignages des
ergothérapeutes interrogés dans ce mémoire. Mon mémoire se portant sur les outils d’évaluation issus
des modèles conceptuels en ergothérapie, c’est surtout une approche occupation-centrée qui est apparue
comme étant primordiale dans notre pratique actuelle d’après les témoignages des ergothérapeutes. Il
semble en effet que le virage pris actuellement par l’ergothérapie est celui de la science de l’occupation.
Ce virage semble alors nécessaire au maintien et à l’évolution de l’ergothérapie comme profession
innovante et répondant aux besoins des populations.

Ainsi, je vais émettre ici plusieurs propositions d’action qui ressortent de ce mémoire d’initiation à la
recherche concernant la pratique des ergothérapeutes. D’abord, il me semble que les ergothérapeutes
français ont besoin d’unifier leurs pratiques. Cela pourrait passer par une homogénéisation des
enseignements en Instituts de Formation concernant les approches à adopter en tant qu’ergothérapeutes
et le vocabulaire à utiliser. D’après moi, cette homogénéisation des pratiques pourrait s’effectuer par
des prises de position pour la profession au niveau national, avec des lignes directrices de pratique pour
la rédaction des écrits professionnels par exemple. Ensuite, pour permettre aux ergothérapeutes de
retrouver les fondements et valeurs de leur profession dans leur pratique quotidienne, pour renforcer et
affirmer leur identité professionnelle, l’utilisation d’outils d’évaluation issus de modèles conceptuels en
ergothérapie semble être judicieuse. Pour cela, je pense qu’il est nécessaire de faciliter l’accès à ces
modèles. En effet, leur nombre conséquent, la complexité de leurs outils et leur hétérogénéité globale
ne conditionne pas leur utilisation optimale.

48
5. Forces et limites de la recherche
L’élaboration d’un mémoire d’initiation à la recherche présente des forces et des limites. Les forces de
ce travail résident d’après moi dans la disponibilité des ergothérapeutes qui ont pris le temps de
s’entretenir avec moi. De plus, leurs témoignages ont été réellement pertinents pour tenter de répondre
à ma question de recherche. Par ailleurs, mon sujet de mémoire étant d’actualité, cela a facilité mon
recueil de données. Ce recueil a d’ailleurs été possible grâce aux nombreuses ressources documentaires
à ma disposition entre les bibliothèques de l’IFPEK (Rennes) et de l’Université Laval (Québec). Une
autre force de ce mémoire est qu’il aborde un sujet actuel, aujourd’hui peu traité par la littérature
scientifique. Ainsi, il amène des questionnements professionnels à la fois pour les professionnels que
pour les étudiants.

Cependant, des limites existent également. D’abord, peu de littérature porte sur les modèles conceptuels
généraux et appliqués en ergothérapie ainsi que leurs outils. En outre, il en existe encore moins en
littérature française. Cela ne m’a pas permis d’étayer mon premier concept.
Ensuite, m’interrogeant sur les représentations socioprofessionnelles d’autrui à l’égard de
l’ergothérapie, il aurait pu être intéressant de mener des entretiens avec des individus non
ergothérapeutes. Toutefois, mon recueil de données n’aurait sans doute pas pu s’intéresser à autant de
modèles conceptuels et d’outils d’évaluation différents. Le manque de temps pour réaliser ce mémoire
est justement une limite non négligeable.
Puis, d’après l’analyse des entretiens il semble qu’une confusion mais sans doute une corrélation existe
entre le terme de « représentation » et celui de « définition ». Alors, peut-être que mes hypothèses de
recherche auraient pu être présentées différemment.
Enfin, une autre limite peut résider dans le choix ou plutôt le non-choix d’un modèle conceptuel. En
effet, cette recherche aurait pu porter sur l’utilisation d’un seul outil issu d’un unique modèle conceptuel.
J’aurais pu choisir la MCRO, avec le MCREO par exemple ; cette mesure étant un des outils les plus
utilisés en ergothérapie en France. Cependant, j’ai renoncé à ce choix car j’avais envie de chercher les
similitudes et les différences rencontrées par des ergothérapeutes utilisant différents outils issus de
divers modèles conceptuels. Je cherchais à comprendre s’il pouvait avoir un même résultat concernant
l’identité professionnelle des ergothérapeutes, peu importe le modèle conceptuel utilisé. Finalement, je
souhaitais surtout m’intéresser au fait même d’utiliser un outil d’évaluation issu d’un modèle
conceptuel. Par ailleurs, je n’avais pas envie de privilégier un modèle ou un outil plus qu’un autre, pour
démocratiser leur utilisation même au sein de la communauté des ergothérapeutes. Malgré le fait que
mon recueil de données ne soit pas exhaustif.
Concernant ce recueil de données, une autre limite réside dans la formation des ergothérapeutes
interrogés aux outils d’évaluation qu’ils utilisent. En effet, seulement 2 ergothérapeutes sur 3 ont reçu
une formation, alors que le cadre théorique met justement en avant l’importance d’y être formé pour une
utilisation signifiante et responsable.

49
6. Conclusion
Ce mémoire s’est intéressé à un sujet d’actualité : l’influence des outils d’évaluation issus de modèles
conceptuels, sur l’identité professionnelle des ergothérapeutes. En effet, comment définir aujourd’hui
l’ergothérapie dans un contexte professionnel où se multiplient les champs de pratique ? Le cadre
théorique de cet écrit évoque le fait que l’identité professionnelle fait partie de l’identité globale de
l’individu. Ainsi, elle se construit à partir de l’identité personnelle et collective, au carrefour de l’identité
sociale. L’identité professionnelle, influencée par les relations, organisations et activités
professionnelles est donc un processus dynamique, sensible aux représentations socioprofessionnelles
véhiculées dans le milieu de travail. Par ailleurs les modèles conceptuels, étudiés en France depuis 2010,
proposent des outils d’évaluation permettant de guider et de justifier la pratique. Ces représentations
théoriques sous-tendant la profession permettent ainsi aux ergothérapeutes d’affirmer leur spécificité de
pratique

Une étude qualitative auprès de cinq ergothérapeutes a permis de mettre en lien leur identité
professionnelle, avec les modèles conceptuels, par le biais des représentations socioprofessionnelles.
Les résultats montrent que l’identité professionnelle des ergothérapeutes français ne semble pas claire
ni affirmée. Cela peut s’expliquer par des champs de pratique trop larges, en lien avec l’histoire de la
profession, mais aussi par des divergences de modèles de pensée entre les générations d’ergothérapeutes.
Aussi, l’utilisation de ces outils bénéficie à la collaboration avec les patients et la collaboration
interprofessionnelle. Cela semble être dû au vocabulaire utilisé, concernant la notion d’occupation. De
plus avec les outils d’évaluation, les ergothérapeutes ont témoigné d’une pratique plus signifiante, en
pleine évolution. Finalement, les résultats semblent aller dans le sens des hypothèses de recherche
suivantes. Il semblerait qu’en utilisant des outils d’évaluation issus de modèles conceptuels, les
ergothérapeutes modifient leur représentation de l’ergothérapie. Cela aurait aussi une influence sur les
représentations d’autrui à l’égard de la profession. Puis, ces modifications de représentations
permettraient de renforcer l’identité professionnelle des ergothérapeutes.

En conclusion, dans une optique d’homogénéisation des pratiques et d’affirmation de l’identité


professionnelle, pourrions-nous envisager l’utilisation de modèles conceptuels comme indispensable en
ergothérapie ? Il semble intéressant ici d’évoquer la pratique québécoise. Un Ordre professionnel permet
en effet aux ergothérapeutes de structurer et réguler de leur pratique, ayant aussi des bénéfices quant à
leur reconnaissance et leur identité professionnelle. Avec des lignes de conduite régionales, les
ergothérapeutes ont alors l’obligation de guider leur pratique selon des modèles conceptuels. Par
conséquent, à l’instar de cette pratique outre-Atlantique, devrions-nous envisager la création d’un Ordre
professionnel en France ? Cela semble d’après moi être un questionnement actuel, voir essentiel à
l’évolution de notre pratique.

50
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52
Table des Annexes

1. Annexe 1 : Grille d’entretien .................................................................................. I


2. Annexe 2 : Retranscription entretien Ergothérapeute E1 .................................. II
3. Annexe 3 : Retranscription entretien Ergothérapeute E2 ............................... VII
4. Annexe 4 : Retranscription entretien Ergothérapeute E3 ............................... XII
5. Annexe 5 : Retranscription entretien Ergothérapeute E4 ............................ XVII
6. Annexe 6 : Retranscription entretien Ergothérapeute E5 ............................. XXI
7. Annexe 7 : Grille d’analyse des données ........................................................ XXV
1. Annexe 1 : Grille d’entretien
Questions Préliminaires :
- Lieu d’exercice
- Population avec qui l’ergothérapeute travaille
- Nombre d’années de pratique en tant qu’ergothérapeute
- Outil d’évaluation utilisé ? explication rapide de l’outil ?
Questions sur la définition de l’ergothérapie :
- Comment définissez-vous votre métier ?
- En général, pas seulement sur votre lieu de travail, comment pensez-vous que les personnes non
ergothérapeutes perçoivent votre métier ? Comment définissent-ils l’ergothérapie ?
Questions sur l’identité professionnelle des ergothérapeutes :
- Que pensez-vous de l’identité professionnelle des ergothérapeutes ?
- Quels sont d’après vous les avantages ou contraintes de travailler dans une équipe où se trouvent d’autres
ergothérapeutes ?
Questions sur l’utilisation des outils d’évaluation [ergothérapiques] issus de modèles conceptuels
généraux et appliqués en ergothérapie :
- Vous utilisez des/un outil(s) issus de modèles conceptuels en ergothérapie, selon vous, quelle est leur/son
utilité ?
o Pourquoi avez-vous décidé d’en utiliser ?
o Que pouvez-vous me dire sur les apports de ces outils dans votre pratique ?
o Apports pour vous ? pour autrui ?
Questions en lien avec les autres professionnels :
- Vous travaillez en équipe pluriprofessionnelle, pouvez-vous me dire de quels professionnels elle est
constituée ?
- Comment se déroule la répartition des activités professionnelles dans votre équipe ?
- Que pouvez-vous me dire sur le rôle professionnel de chacun dans votre équipe ? Est-il bien établi ?
- Comment ont réagi ces professionnels quand ils ont constaté que vous utilisiez un/des outils
ergothérapiques ?
o Ont-ils compris leur utilité ?
o Ont-ils remis en question leur utilisation ?
- Pensez-vous que l’utilisation de cet outil engendre des changements pour ces professionnels ?
o Quel type de changement ?
o Quel aspect de l’outil a provoqué des changements ? (le fait d’en utiliser un ? le vocabulaire ?
un support pour la communication ?)
Questions en lien avec les représentations socioprofessionnelles :
- Comment vous sentez-vous quand vous êtes face à une personne qui a une représentation erronée de votre
profession ?
o Et quand c’est un professionnel de la santé ?
- Dans votre institution, comment qualifiez-vous la représentation de l’ergothérapie ?
o Sur votre lieu de travail, quelle représentation de l’ergothérapie l’équipe professionnelle et vos
supérieurs hiérarchiques ont-ils ?
o Partagez-vous cette représentation professionnelle ?
- Nous parlions des outils ergothérapiques tout à l’heure, d’après vous, est-ce que le fait d’utiliser des outils
a changé la représentation que vous avez de votre métier ?

I
2. Annexe 2 : Retranscription entretien Ergothérapeute E1
*A la demande de l’ergothérapeute interrogé, nous avons E1 : « En 2017… parce que les outils… fin non, peut-être
utilisé le tutoiement mutuel. que tu auras d’autres questions dans ton mémoire pour
ça… »
ML : « Est-ce que je peux te demander ton lieu ML : « Oui ! On va voir ça. Mais tu disais que les
d’exercice ? le domaine, le secteur ? » personnes non ergothérapeutes ne comprennent pas
E1 : « C’est un SSR spécialisé, on reçoit tous types de bien le métier d’ergothérapeute, mais à ton avis,
pathologies…neurologie, traumato, orthopédie, de la comment ils le comprennent, comment ils le
pédiatrie aussi. » définissent ? »
ML : « D’accord donc tu travailles avec des enfants E1 : « Après sans doute que moi je n’arrivais pas à le
comme des adultes ? » définir comme il le fallait non plus. C’est-à-dire que c’est
E1 : « Tout à fait, moi je suis sur le service appareil difficile de… on est à cheval entre de la rééducation et de
locomoteur mais j’ai été amenée à travailler sur les autres la réadaptation. Et quelques fois pour ne pas rentrer dans
services aussi et on reçoit tous types de patients oui. » les détails, quand je définissais l’ergothérapie…je
ML : « Et donc tu utilises la MCRO avec les adultes définissais simplement en disant qu’on mettait le patient
comme les enfants ? » en situation et qu’on essayait de résoudre les
E1 : « Oui, avec tous les patients quoi. » problématiques pour qu’il puisse rentrer à la maison et
ML : « Tu pratiques en tant qu’ergothérapeute depuis reprendre ses activités comme avant, ou du moins avec des
combien de temps ? » moyens de compensation. Et je pense que c’est très large,
E1 : « J’ai eu mon diplôme d’État en 2005 donc ça va faire c’est difficile à comprendre en donnant juste cette
14 ans. » explication là je trouve. »
ML : « D’accord. Est-ce que tu pourrais me résumer en ML : « D’accord, donc ce que j’entends, ce que tu dis c’est
quelques mots l’outil MCRO ? Comment tu le définis ? qu’avant la formation sur la MCRO, tu avais de la
» difficulté à expliquer en quoi consistait ton métier à des
E1 : « A mon sens, l’outil MCRO c’est d’abord un outil personnes qui n’étaient pas ergothérapeutes ? »
d’évaluation, en tout cas moi je l’utilise de cette façon-là E1 : « Tout à fait oui. Parce que je pense que…en tout cas
où on utilise des questions pour connaitre les habitudes de nous sur site on travaille de manière analytique en
vie de la personne, on les rassemble du coup en trois ergothérapie, mais pas que. On fait beaucoup de mises en
thèmes principaux avec les besoins humains, les besoins situation écologiques. Moi en tant qu’ergo je me retrouve
matériels et les besoins environnementaux. Et suite à ça, pas dans ma pratique à faire que de l’analytique. Donc
moi ce qui me semble le plus important c’est de dégager c’est pour ça aussi que j’avais du mal à l’expliquer à des
les problématiques cernées par le patient. Donc j’utilise la personnes qui ne connaissaient pas. Et là avec la MCRO,
cotation MCRO avec l’importance que les activités ont le fait d’aménager le service, de travailler encore plus sur
pour les patients, le rendement et la satisfaction qu’à le des mises en situation écologiques, j’ai beaucoup plus de
patient. Moi je l’utilise comme outil d’évaluation, je trouve facilités à l’expliquer. Je pense que ma formation qui date
qu’il s’apparente un peu au bilan vie quotidienne standard de 15 ans était beaucoup plus axée sur de l’analytique
que je pouvais faire passer avant mais il est plus axé quand qu’aujourd’hui. »
même sur les problématiques que vont nous ressortir les ML : « Ce que tu dis, c’est qu’avec la MCRO, tu as plus
patients. » de facilités à expliquer ton métier. Mais est-ce que tu
ML : « D’accord, ok, très bien. Comment tu définis ton penses que les personnes ont plus de facilités à
métier ? » comprendre ? »
E1 : « Je pense que l’ergothérapie… fin l’ergothérapeute, E1 : « Oui, je pense. Oui, oui, c’est sûr, c’est certain parce
accompagne les patients pour favoriser leur autonomie au que dire à une personne qui ne connait pas l’ergothérapie
quotidien, que ce soit dans leur travail… j’aurais peut-être que un patient, quand il arrive, qu’il ne peut pas se laver,
pas dû dire le travail en premier… mais lors des activités et que moi je vais aller peut-être en mise en situation du
de vie quotidienne, les soins personnels, les loisirs et quotidien à la douche pour voir les problématiques et
l’activité professionnelle effectivement. » essayer de trouver les solutions, oui, il comprend beaucoup
ML : « D’accord. Et comment penses-tu que les plus facilement. Que si je dis « le patient n’arrive pas à
personnes non ergothérapeutes perçoivent ton utiliser sa main, je vais travailler avec une potence pour
métier ? De façon générale, même si c’est l’entourage, rééduquer l’épaule » … ben oui je pense que ça parait
ou…toutes les personnes qui ne sont pas beaucoup moins…plus difficile à comprendre et à savoir
ergothérapeutes. » l’action que nous on a en tant qu’ergothérapeutes quoi. »
E1 : « Je pense qu’ils ne comprennent pas bien le métier, ML : « D’accord. Alors maintenant concernant l’identité
il est difficile de l’expliquer à des personnes qui n’ont professionnelle des ergothérapeutes : que penses-tu
jamais été confrontées à l’ergothérapie. Et donc par justement de l’identité professionnelle des
rapport au sujet de ton mémoire, et suite à la formation ergothérapeutes ? »
qu’on a pu avoir sur site il y a 1an ½, il m’est beaucoup E1 : « Je pense qu’on est à cheval entre plein de métiers
plus simple de définir l’ergothérapie parce que je le définis encore aujourd’hui. C’est-à-dire que certaines missions
aussi d’une autre manière en expliquant qu’on se met dans qui sont faites par les kiné parfois peuvent être faites par
l’environnement du patient pour le mettre en situation et les ergo aussi. Pareil, on peut être amenés à travailler la
connaitre ses problématiques. Donc je pense que moi aussi communication alors que les orthophonistes le font. Je
je définis différemment depuis que j’ai été formée à la pense que notre identité professionnelle elle est…on a
MCRO. » peut-être voulu à un moment jouer sur beaucoup de plans
ML : « Depuis la formation MCRO… qui a eu lieu en différents, toucher à plein de choses et de ce fait, je pense
quelle année du coup ? » que notre identité n’est pas bien reconnue quoi. Et ça peut
créer souvent des tensions je pense entre professionnels

II
dans les équipes. Alors après je pense que selon les activités de loisirs auxquelles avant j’y portais un intérêt
endroits où on travaille, et selon les médecins qu’on peut mais peut-être moindre que celui que je fais aujourd’hui. »
avoir sur la reconnaissance qu’ils ont de l’ergothérapie, je ML : « D’accord, donc ce que tu voux dire c’est que
pense que c’est plus ou moins facile. Mais en tout cas nous d’après toi la MCRO, son utilité, c’est vraiment porté sur
aujourd’hui, à l’endroit où je travaille, je trouve que notre les objectifs des interventions finalement ? »
identité professionnelle est beaucoup mieux reconnue sur E1 : « Oui. »
des mises en situation écologiques. » ML : « ça permet de mieux définir les objectifs… »
ML : « D’accord. » E1 : « Oui, et de vraiment voir l’importance que les choses
E1 : « …Les gens comprennent vraiment ce qu’on fait et ont pour le patient. Parce que je pense qu’un patient qui
encore plus du fait qu’on utilise la MCRO, qu’on a n’est pas… on ne peut pas faire à la place du patient. Moi
aménagé le service qui ressemble beaucoup plus à une je sais qu’au début de mes séances je questionne le patient
maison. Et un patient quand il rentre dans la pièce il sait ce sur ce qu’il veut faire ce jour-là et j’ai en tête quelques fois,
qu’il vient faire ici quoi. » fin la plupart du temps ce que je vais travailler avec lui
ML : « D’accord. Ce que j’entends dans ce que tu dis c’est mais je laisse quand même le patient être acteur, décider
que l’identité professionnelle, elle est un peu mal définie de ce qu’il veut faire, et en général j’ai pas de patients qui
parce qu’elle touche à beaucoup de métiers, mais aussi tu me disent « bah moi je ne sais pas aujourd’hui ce que je
parles de l’importance des équipes, de travailler en équipe vais faire. » Mais parce qu’aussi je pense qu’on a bien
et que du coup ça peut engendrer des tensions en lien avec défini avant, en début de prise en charge ce que c’était
la connaissance que les autres ont de l’ergothérapie… Est- l’ergothérapie, qu’est-ce qu’il allait y faire et je pense que
ce que d’après toi il y a des avantages ou des l’environnement que l’on a aujourd’hui dans le service
contraintes à travailler dans un même milieu que m’aide aussi à ça : à ce que le patient comprenne bien ce
d’autres ergothérapeutes ? de travailler avec d’autres qu’il vient faire. Et je pense que de définir bien dès le début
ergothérapeutes dans le milieu de travail ? » de la prise en charge, ce qu’on va faire, ce que le patient je
E1 : « d’être une petite équipe ou une grande équipe ? » veux qu’il soit acteur de sa prise en charge, que s’il a pas
ML : « de travailler tout simplement soit tout seul en étant de demandes et bien peut-être que ce jour-là on
le seul ergo dans l’équipe, ou est-ce que d’après toi il y a discutera… Je pense que c’est essentiel aussi dans sa
des avantages ou des contraintes à travailler dans une vision de l’ergothérapie au patient de moi ce que je vais
équipe où il y a d’autres ergothérapeutes ? » faire dans la séance et de l’intérêt qu’il va y porter quoi. »
E1 : « Je pense qu’il y a de gros avantages à travailler en ML : « Alors tu disais que c’est essentiel dans sa vision
équipes avec plusieurs ergo. Nous on est 15 dans le service qu’il a de l’ergothérapie… Est-ce que tu dirais qu’une
même si on n’a pas tous le même point de vue, de croiser des utilités de la MCRO c’est de justement mieux faire
le point de vue des uns et des autres ça permet d’avancer comprendre au patient ce que c’est l’ergothérapie ? »
ensemble avec parfois des désaccords, mais sur lesquels E1 : « Ah oui, complètement. Parce que du coup je lui
on peut discuter, parlementer, essayer de trouver des explique ce que c’est le bilan MCRO, je lui explique même
compromis. Parce que moi j’ai des collègues plus que c’est pas que je ne faisais pas de la même façon avant
analytiques que d’autres mais chacun peut trouver les mais que je ciblais moins les problématiques les plus
moyens adaptés à sa pratique pour travailler avec le patient importantes pour le patient. Je lui explique ce que c’est la
en fait. Je pense que c’est très riche de travailler à plusieurs MCRO et je lui montre le schéma avec le triangle, mais fin
ergothérapeutes. » beaucoup de collègues font ça aussi. Je ne le prends pas
ML : « Riche pour… Ce que j’entends c’est que c’est riche tout le temps le schéma avec moi… tu dois l’avoir en
de travailler ensemble pour trouver aussi des moyens et tête…»
échanger sur les interventions. Est-ce que tu penses que le ML : « Oui, le triangle. »
fait de travailler avec d’autres ergothérapeutes a un lien E1 : « Donc ça peut arriver qu’on l’imprime avec nous, et
avec l’identité professionnelle… que tu peux développer qu’on le remplisse à la main avec le patient. Alors comme
au cours de ta pratique aussi ? » ça prend un petit peu de temps, souvent on remplit par
E1 : « Oui c’est sûr, fin, je pense que d’échanger avec des informatique mais ça peut arriver qu’on prenne le schéma
ergothérapeutes qui travaillent dans d’autres structures et avec nous pour que le patient visualise bien le déséquilibre
qui ont pas forcément tout le temps la même façon de occupationnel… fin on emploie ces termes-là avec le
travailler… je pense que c’est bon d’entendre comment patient quelques-fois. »
chacun travaille et je pense que ça renforce l’identité ML : « Est-ce qu’on peut dire de ce que j’entends là c’est
professionnelle aussi. » que finalement la MCRO c’est utile aussi pour avoir une
ML : « D’accord. Par rapport à l’utilisation des outils approche client-centrée ? Est-ce que ça t’a vraiment aidé
d’évaluation donc toi, tu utilises la MCRO depuis bientôt là-dedans ? »
2 ans, qui est issue du modèle MCREO. Donc selon toi E1 : « Ah oui complètement. »
quelle est l’utilité de la MCRO ? » ML : « D’accord. Dans le service pourquoi vous avez
E1 : « A mon sens, en comparant avec ce que je pouvais décidé d’utiliser un tel outil ? »
faire avant, je trouve que la MCRO permet de faire E1 : « Alors c’est une collègue qui était très investie à
ressortir les problématiques identifiées par le patient même l’ANFE, qui lisait beaucoup d’articles, qui nous parlait de
si avant on a questionné le patient de façon assez… parce ça depuis très longtemps. Parce que la MCRO ça existe
que c’est un entretien quand même assez…c’est semi- depuis longtemps… Et c’est suite à ses démarches qu’elle
directif quand même… où moi j’aurai pu peut-être relever nous a expliqué ce que c’était, qu’on a décidé de faire une
des objectifs dans la prise en charge qui avaient pas formation transversale. On avait besoin je pense en équipe
l’importance que j’aurais mesurer si le patient m’avait pas de faire une formation transversale aussi, on était tous
indiqué les 5 problématiques prioritaires pour lui. Voilà, réunis autour d’une table à parler de la même chose, de se
donc je pense que mon travail se fait de la même façon poser sur notre pratique les uns et les autres… c’est suite à
mais j’axe quand même beaucoup plus je pense sur les ça qu’on a fait ça. Et ça a été très riche tant sur le bilan

III
MCRO qu’on utilise, mais tant au niveau de l’union dans E1 : « Je pense que c’est du positif pour tout le monde en
l’équipe en fait. » fait. Après, on travaille toujours de la même façon, ça n’a
ML : « D’accord. Alors tu parles d’un besoin de se poser pas révolutionné notre pratique. Mais je pense que ça… en
sur la pratique… tu parles aussi d’une union… qu’est-ce tout cas moi c’est sur ça m’a conforté dans mon métier, et
que tu entends par là ? Ce besoin de se poser, c’était en lien j’aurais aimé il y a 15 ans être formée comme ça parce que
avec quoi ? » je pense que j’avais des difficultés à définir mon travail. Je
E1 : « En fait on faisait beaucoup de mises en situation ne me retrouvais pas dans l’intensité de toute l’anatomie
écologiques déjà, on faisait déjà du travail analytique, on qu’on pouvait être amenés à faire, pendant les cours. Je
est un peu j’ai l’impression, tous dans des moules. C’est- trouve qu’on était à cheval sur beaucoup de travail, donc
à-dire que quand on arrive dans un centre on voit la j’aurais aimé être formée comme ça. »
pratique des uns et des autres quand on commence à ML : « Tu parlais d’équipe pluri professionnelle, est-ce
travailler et on se fond un peu dans la masse, après ce sont que tu peux me dire de quels professionnels elle est
des choses qui nous… qui au niveau professionnel, constituée ton équipe ? »
déontologique, qui nous vont aussi si on continue à E1 : « Il y a des ergo, des kiné, des professeurs d’APA, à
travailler dans la même structure. Mais moi ça fait du coup la balnéo on a des maitres-nageurs, des kiné en
un peu plus de 11 ans que je travaille ici. Je pense que de physiothérapie, des assistantes sociales, des psychologues,
se mettre autour d’une table pendant 2 jours pour réfléchir neuropsychologues, une infirmière tabaco, les médecins
sur notre pratique ça a été hyper riche et on a mis du temps bien sûr, aides-soignantes, infirmiers. Voilà
un peu à se dire « on y va », sur l’aménagement du service. globalement. »
Le bilan MCRO on était sûrs qu’on allait y aller, mais il y ML : « Oui, c’est une équipe de centre SSR bien
avait des collègues qui, aujourd’hui ne l’utilisent pas complète ! Alors comment se déroule la répartition des
encore, parce qu’ils ne sont pas à l’aise avec. Chacun a pris équipes professionnelles dans l’équipe ? Peut-être plus
ce qu’il pouvait prendre mais on s’est confrontés à un au niveau…fin tu parlais d’activités qui parfois se
moment à « bah oui, le kiné, on fait un peu comme lui, chevauchent entre différents champs professionnels ;
quelques fois il s’occupe du fauteuil roulant électrique, Comment se passe la répartition de ces activités
quelques fois c’est nous… quelques fois on fait de la justement ? »
mobilisation passive, mais normalement c’est le kiné… » E1 : « Alors nous ici les kiné font tout ce qui est
Donc quand tu me demandais tout à l’heure l’identité mobilisation, travail passif et actif. Nous en ergo on va être
professionnelle… Et bien la MCRO ça nous a permis de amenés à faire un peu de mobilisation passive. Du travail
nous dire, si on l’utilise, peut-être qu’on sera mieux analytique avec des potences, on le fait aussi mais dans le
reconnus, et peut-être qu’il y aura moins de conflits dans cadre d’un retour à domicile, si on a une main opérée, on
les équipes, peut-être qu’on définira mieux l’ergothérapie. va aller travailler les préhensions en analytique, mais on
Donc c’est plein de choses qui ont fait qu’on s’est va rapidement s’axer sur des mises en situation. Après tout
questionnés, on s’est remis en question, en cause. On n’a ce qui est fauteuil roulant manuel, électrique, c’est
pas changé notre pratique mais on l’a peut-être l’ergothérapeute, après le kiné va être amené à questionner
améliorée. » et à travailler aussi avec l’ergo quand il y a des
ML : « Donc si je comprends bien, vous avez décidé problématiques de déplacement à la marche. Pour le choix
d’utiliser un modèle ergothérapique, par quelque part un du fauteuil roulant ça se décide aussi en synthèse avec le
besoin d’une meilleure reconnaissance, ou d’une meilleure médecin, le kiné, les choix se font en équipe quoi. On a
répartition des activités professionnelles aussi. Tu parlais une psychomotricienne aussi qui intervient en pédiatrie.
de conflits…est-ce que ça c’était présent avant la Ça peut arriver qu’on ait des travaux pluridisciplinaires,
formation ? Est-ce qu’il y a eu des changements ? Quelle par exemple on fait de l’escalade pour les suivis rachis :
était la nature de ces conflits ? » ergo-kiné. On a peu d’activités encore pluridisciplinaires
E1 : « C’était présent avant. Je pense que c’est présent et on veut aller vers là. Par exemple des groupes
dans beaucoup d’équipes. Des conflits, oui… quelques d’éducation rachidienne qu’on fait aujourd’hui avec ergo,
fois on n’est pas d’accord, et puis les choses se font, et ce et là il y a des groupes de travail pour que ce soit
n’est pas accepté, que ce soit côté ergo, ou côté kiné, ou pluridisciplinaire kiné-ergo-APA. »
d’autres professionnels. Ce n’est pas toujours bien facile ML : « D’accord. Qu’est-ce que tu peux me dire sur le
de trouver sa place. Mais c’était déjà présent avant, alors rôle professionnel de chacun dans l’équipe ? Est-ce
du coup la MCRO, on en a fait le choix aussi par équipe : qu’il est bien défini ? »
elle a été présentée aux médecins de rééducation, aux E1 : « Oui, de toute façon s’il y a un doute, on
équipes de rééducation : kiné, APA, assistante sociale. On communique facilement. On peut aller se voir dans les
a fait des réunions, par service, pour expliquer ce que services, on communique par mail, par téléphone, on se
c’était. Parce que nous on a commencé à en parler aux voit en synthèse. Et quand il y a une problématique par
synthèses du bilan MCRO, donc forcément ça interpelle, rapport à peut-être un travail, un objectif bien précis, si ça
ça interroge en synthèse. Donc on a fait le choix d’en peut être à cheval sur 2 professionnels, on en parle quand
parler, d’en faire des études de cas, donc c’était une même et ça se définit assez bien. Et s’il n’y a pas de
réunion de 1h à chaque fois. Et les différents solutions trouvées, c’est le médecin qui tranche. Par
professionnels sont venus et ont mieux compris ce que exemple la thérapie miroir, souvent on le fait quand même
c’était. Aujourd’hui, ils savent ce que c’est, ils savent que en ergo sur le service appareils locomoteurs. Sur le service
l’aménagement du service à un lien avec cette formation. de neuro, c’est parfois fait par l’ergo, ou par les 2, et c’est
Ca a été présenté en CME aussi, au niveau de la direction, complémentaire. »
et super bien accepté par l’ensemble des médecins quoi. » ML : « Comment ont réagi les professionnels de votre
ML : « D’accord, donc finalement, la MCRO comme outil équipe quand ils ont constaté que vous utilisiez la
ça a eu des apports pour toi dans ta pratique, mais aussi MCRO ? Est-ce qu’ils ont compris l’utilité ? Est-ce
pour autrui. Donc les équipes avec qui tu travailles… Mais qu’ils ont remis en question l’utilisation ? »
aussi les patients finalement… »

IV
E1 : « On a compris rapidement ce qu’on venait faire à la dans l’équipe on l’a bien compris je pense que c’est pas
formation. On s’est remis beaucoup en question. On s’est encore bien compris au niveau des autres professionnels. »
demandé si c’était applicable ici, et je dirai qu’il a fallu ML : « Mais peut-être que du coup la MCRO leur permet
plusieurs semaines avant de se dire… fin certains, dès le de mieux avoir une définition du mot occupation ? »
lundi, après la formation, ont commencé à utiliser le bilan, E1 : « Oui, peut-être ; Mais je pense qu’il faut laisser du
notamment moi. Mais j’ai des collègues qui ont mis 2-3 temps aux équipes et nous dans le service on a eu besoin
mois avant de se dire que c’était possible sur leur service. de temps. Je pense que c’est pareil, ils n’ont pas compris
Et aujourd’hui il y a peut-être 2 collègues qui l’utilisent encore toutes les finalités de l’outil et de ce qu’on veut en
très peu, sur les 15. Je dirai qu’après il y a 5-6 personnes faire en ergo en fait. Je pense qu’on a encore des choses à
qui l’utilisent mais pas complètement avec la cotation par faire pour leur expliquer. »
exemple. Et je pense que c’est sur le service appareil ML : « Est-ce que, à ton avis, l’outil d’évaluation à la
locomoteur peut-être qu’on l’utilise plus, complètement, MCRO, est un support pour la communication sur
avec les cotations importantes sur le rendement, la capacité l’ergothérapie ? »
et la satisfaction. » E1 : « Oui bien sûr, c’est sûr. »
ML : « D’accord, donc ça se sont les ergothérapeutes. Tu ML : « Ça permet de l’expliquer finalement ? »
dis qu’ils ont mis un peu de temps selon la capacité de E1 : « Oui, moi en tout cas ça me permet de l’expliquer. Je
chacun à changer d’outil peut-être, une nouveauté dans le pense qu’avec ça on peut comprendre quel est notre
service finalement. Et les autres professionnels de l’équipe métier. »
pluri professionnelle finalement, ils ont vu justement que ML : « Et ce qui permettrait aussi pour les autres
vous utilisiez la MCRO, ils ont appris ça. Est-ce qu’ils ont professionnels, et les patients, de comprendre ce qu’est
compris l’utilité de la MCRO, est-ce qu’ils ont pu remettre l’ergothérapie ? »
en question son utilité ? » E1 : « Oui c’est sûr. »
E1 : « Oui, ils ont remis en question à un certain moment ML : « Et par rapport aux représentations professionnelles,
la MCRO sur certains objectifs pour un patient. Je prends comment tu te sens face à une personne qui a une
l’exemple d’un patient, il avait dit que le vélo c’était sa représentation erronée de ta profession ? »
problématique principale et qu’il ne pouvait pas en faire. E1 : « Ça dépend dans quelle circonstance. Si c’est en
Mais nous en ergo pour ce monsieur, c’était le fait qu’il ait dehors de mon travail, je ne vais pas m’étendre sur mon
besoin de se déplacer, il ne pouvait pas le faire en voiture métier je pense, par contre si c’est un patient je prends bien
et qu’il fallait qu’il aille en vélo chercher son pain. Donc le temps de lui expliquer. Je ne commence pas ma prise en
ma collègue elle avait l’objectif de voir s’il était capable charge avant qu’il ait bien compris ce qu’on pouvait faire
d’aller du point A au point B ; le kiné s’est demandé ensemble. »
pourquoi l’ergo allait faire du vélo parce que le monsieur ML : « C’est important dans ton travail qu’on comprenne
avait une problématique de cheville et qu’elle n’avait pas bien ce que c’est l’ergothérapie, et ce que tu fais
vérifié si la cheville allait bien. Donc je pense que peut- finalement ? »
être ça a pu être remis en cause la MCRO parce que la E1 : « Oui parce que je pense que sinon le patient ne peut
façon dont elle a été utilisée pour cette personne-là. Mais pas te parler de ses problématiques et on on ne va pas aller
en soit, il y a peut-être eu quelques fois des moqueries sur assez loin dans ce qu’on aura envie de travailler je pense
la façon dont on l’a utilisée… Après est-ce que ça avait été en tout cas. »
bien compris ? Je ne suis pas sûre non plus, donc après ML : « Donc finalement tu as une attitude d’explication,
c’est ce que chacun veut en comprendre aussi hein. » presque d’éducation par rapport à ce qu’est l’ergothérapie
ML : « En tout cas vous avez fait des formations auprès avec un patient. Et quand c’est un professionnel de santé
des autres professionnels pour leur expliquer. Et là qui a une représentation erronée de ta profession,
vous avez vu quand même, qu’ils avaient compris… il comment tu réagis ? »
y a eu un changement. » E1 : « Je prends le temps d’expliquer et le fait qu’on
E1 : « Oui, je pense qu’ils se sont dit que c’était bien pour aménage le service… Alors je n’explique pas forcément ce
notre métier de ne pas s’éparpiller. Fin moi j’ai déjà parlé que c’est le bilan MCRO, mais le fait d’aménager notre
plus personnellement avec quelques kiné en leur service suite à cette formation, je prends ces exemples là
expliquant ce que c’était. Et effectivement, ils m’ont dit pour leur expliquer et en général c’est bien mieux
que oui, c’est bien. Je pense qu’ils étaient sincères quand compris. »
ils m’ont dit que c’était bien pour notre métier quoi. » ML : « D’accord. Dans ton institution, comment tu
ML : « D’accord. Tu parlais de moins s’étaler… est-ce que qualifies la représentation de l’ergothérapie ? »
tu penses que c’était par rapport à ces chevauchements de E1 : « On est plutôt très bien reconnu, mais je dirais que
champs de pratique ? » depuis quelques années, on fait aussi les choses au niveau
E1 : « Oui, je pense. » de l’équipe pour être mieux reconnus, on répond à des
ML : « A ton avis, quel aspect de l’outil MCRO a appels à projets pour aménager le service ; On a eu par
provoqué ce changement-là, auprès des autres exemple une imprimante 3D il y a 2 ans. Donc on a fait
professionnels ? Est-ce que c’est juste le fait d’utiliser parler de nous, on a communiqué pour avoir de l’argent
un outil ergo ? Est-ce que c’est le vocabulaire qui est pour avoir cette imprimante. On a fait la même chose pour
utilisé ? » aménager le service donc on a abattu des cloisons. La
E1 : « Le vocabulaire, je pense que c’est le vocabulaire qui moitié du service aujourd’hui c’est… il y a une chambre,
a interpellé beaucoup : « balance occupationnelle, une buanderie, un salon avec un canapé, un espace
rendement, satisfaction… ». Et je pense qu’on n’a pas fini cafeteria. Ça date d’il y a deux semaines. Je pense qu’en
de l’expliquer parce que même au niveau de la direction et tant qu’ergothérapeute aujourd’hui on est encore obligés
de l’équipe ergo : avant la formation on percevait très mal, de faire des choses pour être reconnus, même au sein de
et moi aussi, le mot « occupation », c’était vécu comme notre institut. On est reconnus par les médecins, les
« s’occuper dans les loisirs, on s’ennuie ». Maintenant rééducateurs, mais je pense qu’on méconnait
l’ergothérapie quand on n’y a pas été confronté. Et nous

V
on a depuis plusieurs années, parce qu’on est dynamiques, pas dans du travail analytique pour faire déplacer des pions
et quand il y en a un qui s’essouffle il y a quelqu’un qui à un patient. Et je pense que le patient non plus. Mais j’ai
prend le relais, on a fait en sorte de pouvoir être reconnus commencé à travailler comme ça parce que c’était comme
dans notre travail, et on a communiqué pour ça. Chose que ça. Et aujourd’hui, je ne déplace plus de pions. »
je pense, un kiné aujourd’hui, n’est pas obligé de faire. » ML : « Peut-être que tu ne t’y retrouvais pas par rapport au
ML : « Ce que j’entends c’est que vous êtes plutôt sens du mot occupation ? »
actifs…et… » E1 : « Oui c’est ça tout à fait. »
E1 : « Oui, très actifs même ! »
ML « …et tu penses qu’aujourd’hui il faut être actif Fin de l’entretien
pour finalement être mieux représentés ? »
E1 : « Oui, il pour avancer aussi. Le fait d’être une grande
équipe aussi… il y en a qui cherchent dans les articles…
On travaille aussi avec Kerpape pour l’imprimante 3D, on
échange. Je pense que les partenariats, les échanges, en
direct ou lors de congrès, tout ça participe à faire avancer
la profession, à faire évoluer nos pratiques. Je suis
coordinatrice du service d’ergothérapie et j’argumente
assez souvent pour qu’on puisse bénéficier de journées de
congrès pour partager et pour avancer en fait. Je pense que
c’est essentiel, si on reste chez nous dans notre centre sans
bouger, on n’avancera pas. »
ML : « Est-ce tu dirais que la représentation que tu as
de ton métier, et la représentation que les autres
professionnels ont de ton métier est assez similaire
aujourd’hui ? »
E1 : « Pas encore, je pense qu’il y a encore du travail à
faire. Mais on va y arriver ! »
ML : « Qu’est-ce qui diffère entre les 2 représentations ? »
E1 : « Je pense qu’on s’en approche mais je ne suis pas
certaine que les personnes autres ergothérapeutes pensent
qu’on va aussi loin au niveau de l’environnement de la
personne, de son quotidien, de l’activité professionnelle.
Je pense que les personnes extérieures ne voient pas
aujourd’hui les objectifs aussi précis qu’on peut avoir avec
nos patients en fait. Analyser un poste de travail, sans être
ergonome, mais partir de la problématique du patient pour
aménager son poste de travail, ou mettre en situation un
patient qui ne lit plus parce qu’il n’est pas à l’aise avec sa
position au lit… Je pense qu’il y a des personnes qui ne se
disent pas qu’on va mettre le patient dans son lit, en mise
en situation avec un livre pour voir vraiment la
problématique qu’il a, et de trouver des solutions… Je
pense que les personnes extérieures ne pensent pas qu’on
va aussi loin que ça. »
ML : « Est-ce que tu dirais que l’équipe professionnelle
avec qui tu travailles et tes supérieurs hiérarchiques aussi,
n’ont pas cette vision large, cette représentation ? »
E1 : « Si, je pense que les personnes qui travaillent au
centre, savent qu’on fait ça car ils connaissent les moyens
qu’on a pour travailler. Ils ont notion qu’on peut aller aussi
loin. »
ML : « Est-ce que d’après toi le fait d’utiliser la MCRO
a changé la représentation que tu as de ton métier ? »
E1 : « Ah oui c’est sûr. Fin, je m’y retrouve beaucoup plus.
J’ai la même représentation de mon travail quand même.
Mais je te disais tout à l’heure, j’aurais aimé être formée
comme ça. Je me sens beaucoup plus valorisée dans ce
travail, et beaucoup plus reconnue professionnellement par
les patients grâce à ça en fait. »
ML : « Par les patients…est-ce que aussi par l’équipe ? »
E1 : « Oui. »
ML : « Finalement, ce que j’entends c’est que ta
définition de l’ergothérapie elle a un peu changé grâce
à l’outil MCRO, mais est-ce qu’on peut dire qu’avec la
MCRO elle a plus de sens ? »
E1 : « Oui, elle a beaucoup plus de sens pour moi. Je n’y
retrouvais pas forcément. Par exemple je ne me retrouvais

VI
3. Annexe 3 : Retranscription entretien Ergothérapeute E2
ML : « Est-ce que vous pouvez me dire où est-ce que considère qu’on a quelque chose dans la main, on
vous travaillez, le lieu d’exercice, la population avec considère que c’est une activité. Sauf que pour moi, ça ce
laquelle vous travaillez et puis combien de temps ça fait n’est pas de l’occupation. Donc voilà, ça c’est un peu tel
que vous êtes ergothérapeute ? » qu’on est perçus, par le grand public, ou même par les
E2 : « Je travaille actuellement en Équipe Spécialisée professionnels de santé. »
Alzheimer (ESA), ça fait 6 ans que j’y suis mais ça fait 8 ML : « Oui, d’accord. Ce que j’entends c’est que
ans que je travaille en tant qu’ergo. Je n’interviens que sur finalement les personnes non ergothérapeutes, elles ont des
les lieux de vie des gens, sur un secteur très rural et notions qui sont en lien avec l’ergothérapie, mais qu’elles
j’interviens avec une population de personnes atteintes de n’ont pas le sens qui va avec, ou le sens correct en fait du
maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées. » terme occupation, du terme activité quoi. »
ML : « D’accord, et donc l’outil d’évaluation que vous E2 : « Oui c’est ça, bah de toute façon le terme
utilisez, c’est le AMPS, est-ce que vous pouvez occupation je crois qu’il n’y a que nous les
rapidement m’expliquer l’outil, en quelques mots ? » ergothérapeutes qui le comprenons. En France
E2 : « Oui. C’est en fait une évaluation qualitative de la particulièrement parce qu’il est très difficile à traduire, à
performance occupationnelle. Il s’agit en fait d’évaluer la définir. Et parce qu’en France c’est tout nouveau, même
qualité de performance occupationnelle à travers pour les ergo. »
l’observation d’au moins 2 tâches de vie quotidienne qui ML : « Tout à fait… Et que pensez-vous de l’identité
font parties des habitudes de vie de la personne et que la professionnelle des ergothérapeutes justement ? »
personne aura elle-même choisies et aura elle-même E2 : « Oh bah je pense que l’identité professionnelle des
repérées comme potentiellement difficiles. Ou alors les ergothérapeutes, je pense que nous même on se tire une
proches lorsqu’on se retrouve avec des personnes atteintes balle dans le pied hein, il y a de nombreux ergothérapeutes
de maladies neurodégénératives, quand on se retrouve face qui continuent à accepter de travailler tel qu’a été définie
à une anosognosie, ou un déni. Donc en fait, on part sur l’ergothérapie il y a déjà quelques décennies maintenant.
l’observation de 2 tâches voire plus, de vie quotidienne. Je pense qu’à un moment donné de l’histoire,
Donc ça peut aller de tâches de soins personnels aux tâches l’ergothérapie s’est nourrie des manquements des autres
instrumentales beaucoup plus complexes. Et on ne se professions et a essayé de mettre du sens un peu à tout.
limite pas au domicile des gens, il y a également des tâches C’est pas par hasard qu’en centre de rééducation on voit
standardisées qui sont des tâches de « faire ses courses », des ergo qui ne rééduquent que des membres supérieurs
des tâches de jardinage, de prendre soin d’animaux… Il y sans penser occupation. Fin voilà je pense que on a une
a au total un peu plus de 135 tâches aujourd’hui qui sont génération d’ergothérapeutes qui ne nous aident pas à
standardisées, avec des critères spécifiques et le choix des mieux le définir je pense. Et puis les médecins, fin il y a
tâches est orienté à la fois par le choix des personnes, les des prescriptions médicales qui sont parfois lourdes de
habitudes de vie des personnes, les difficultés des sens on va dire, moi je reçois des prescriptions médicales
personnes et également, il faut que ces personnes réalisent qui m’agacent un peu. Quand je reçois des prescriptions
ces tâches-là selon les critères des tâches standardisés. » avec marqué dessus « bon pour l’intervention d’un
ML : « D’accord, et vous ça fait combien de temps que ergothérapeute », ou « rééducation de la mémoire », ça me
vous êtes formé au AMPS ? » froisse un peu. Donc je pense que le grand public n’est pas
E2 : « Je me suis formé en 2014. Ça fait bientôt 5 ans. » toujours au courant de ce qu’on fait. Je pense que c’est
ML : « Comment vous pouvez me définir votre métier : grandement favorisé, on va dire dans le mauvais sens du
ergothérapeute ? » terme, par ce que certains ergothérapeutes veulent bien
E2 : « Oh bah c’est assez simple au final en fait. faire voir de leur profession. Et puis c’est le serpent qui se
L’ergothérapie pour moi c’est la profession paramédicale bouffe la queue quoi, parce que ce si les ergo font tel ou tel
de la réadaptation. Donc il s’agit pour nous en fait de travail, on va orienter des patients vers eux pour le travail
réadapter une personne aux tâches de vie quotidienne qui qu’ils veulent bien montrer aux autres professionnels donc
lui deviennent difficiles, quelque soit la pathologie voilà, c’est plutôt systémique. Donc le changement est en
impactant la réalisation de ces tâches-là. Donc soit par une marche mais ça va prendre du temps. »
réadaptation de l’activité, soit par une adaptation de la ML : « Justement vous parlez de changement,
personne à une modification de l’activité. » changement du coup par rapport à une génération
ML : « D’accord, donc ça c’est votre explication de d’ergothérapeutes antérieure on va dire… et est-ce que
l’ergothérapie en tant qu’ergothérapeute. Mais vous vous travaillez avec d’autres ergothérapeutes
d’après vous, en général, comment pensez-vous que les dans votre métier actuel ? »
personnes qui ne sont pas ergothérapeutes perçoivent E2 : « Oui, alors pas en équipe spécialisée Alzheimer
votre métier ? Comment d’après vous ces personnes le précisément, quoique je rencontre des ergo, mais je ne
définissent ? » travaille pas tout le temps avec eux… mais ça me permet
E2 : « Ces personnes le définissent très très très souvent d’apprécier un petit peu le travail qu’ils font. Mais je
par la modification de l’environnement, de l’adaptation de travaille dans une structure où on a 4 ergothérapeutes dont
l’environnement, de la prévention des chutes, et puis faire une qui ne fait que de l’aménagement de domicile pour la
des exercices et des activités, mais pas au sens prévention des hospitalisations évitables, donc c’est
occupationnel du terme en fait. Pour eux, tel que moi je souvent pour les maladies neurodégénératives, autres que
l’entends en fait on est plus considérés comme des les maladies d’Alzheimer et maladies apparentées, où elle
techniciens de l’habitat et de l’adaptation de l’habitat, ou n’évalue pas, elle observe, elle va au domicile des gens et
alors des rééducateurs à travers l’activité. Sachant que elle regarde les obstacles. Et puis elle trouve des solutions
derrière le terme d’activité, la définition est complètement aux obstacles, donc c’est souvent très orienté
galvaudée parce que comme j’explique souvent, quand on modifications architecturales ou matérielles. Et puis on a

VII
une autre ergothérapeute qui est là à 30% qui elle fait que ML : « Alors justement vous, vous avez décidé
du positionnement, du contrôle d’environnement pour les d’utiliser l’outil d’évaluation AMPS, issu d’un modèle
personnes qui sont hospitalisées, mais qui ne prépare pas conceptuel, le MOH. Quels sont, ou quelle est l’utilité
au retour à domicile car elle n’a pas le temps. Et puis une pour vous de l’outil ? »
autre, plutôt jeune qui aurait pu venir un peu secouer le E2 : « Moi je me suis formé parce qu’au départ je me suis
cocotier, mais le problème c’est pareil, elle est dans je crois rendu compte que je ne savais pas évaluer. Je savais
son 2ème poste avec peu d’assurance, et puis voilà elle sort observer, analyser une activité, comme on dit à l’école.
d’une école également qui était très patho-centrée. Donc Mais au final je n’étais absolument pas confiant dans les
elle réfléchit à la patho… » informations que je pouvais partager à la suite de mes
ML : « Et elle travaille à l’ESA aussi cette dernière observations. Elles étaient différentes à chaque fois, pas
personne ? » suffisamment rigoureuses à mon sens, si bien que je me
E2 : « Ah non pas du tout elle est dans les étages, médecine suis un peu réfugié, comme j’avais pas confiance en mes
générale. » conclusions dans mon diagnostic… je me suis réfugié dans
ML : « D’accord, mais quand vous parlez d’étages, c’est- l’utilisation d’outils standardisés mais qui n’étaient pas les
à-dire, c’est quelle structure exactement ? » miens en fait, pas les nôtres en tant qu’ergothérapeutes,
E2 : « Oui en fait l’ESA est rattaché à un SSIAD, et le mais plutôt neurocognitifs. Et pour le coup ça m’a
SSIAD fait partie d’une fondation qui est une association drôlement perturbé moi sur mes premières années de
à but non lucratif. Et elle travail en médecine, on est un travail, de me dire, mais en fait je m’éloigne de l’activité
centre de soins de suite et de réadaptation. Et voilà, je de vie quotidienne, parce qu’en fait moi-même je ne
pense que je peux le dire assez facilement, la réadaptation maitrise pas l’outil orienté sur l’occupation. Donc ça
est quasi inexistante. Et pourtant on a des ergo, donc on a c’était un gros danger, je l’ai senti poindre, je n’étais pas
surtout beaucoup de soins de suite, mais peu de satisfait dans mon travail et j’ai voulu avoir un outil 100%
réadaptation. » ergo, 100% orienté sur l’occupation. Et ça me permettait
ML : « D’accord, parce que du coup d’après vous… moi en suite d’être beaucoup plus confiant, et de me sentir
comme vous ne travaillez pas forcément avec d’autres beaucoup plus légitime dans ce que je pouvais partager
ergothérapeutes directement, mais que vous êtes en contact avec les équipes derrières quoi. »
avec d’autres ergothérapeutes dans le SSIAD justement… ML : « Vous parlez de légitimité… »
quels sont d’après vous les avantages ou les contraintes E2 : « Oui, parce qu’à un moment donné on parle
de travailler justement dans une équipe où il y a d’occupation, un terme un peu nouveau, on parle
d’autres ergothérapeutes ? » d’activité, on parle de remise en activité des gens sur des
E2 : « Les avantages, moi c’est indéniable, par exemple tâches de vie quotidienne qui leur sont propres et
quand j’observe que la performance occupationnelle particulières. Et puis à un moment donné, on le fait, ça peut
pourrait être améliorée par de la modification de paraitre fumeux un peu pour certains professionnels, sauf
l’environnement, pour le coup moi je suis un peu limité que derrière bah c’est pas par hasard que cette profession
dans mes connaissances par exemple sur tout ce qui est se développe aussi quoi, c’est fondé sur des preuves quoi.
matériel de compensation. Donc en fait je travaille très Donc il y a de la recherche, de la rigueur scientifique qui
bien avec l’autre ergo qui travaille avec de la modification apparait, notamment dans les pays anglo-saxons ou
de l’environnement. Après, les gros inconvénients, bah en scandinaves. Donc autant qu’on le mette en avant, et le
fait c’est qu’on ne va pas parler le même langage et que les AMPS c’est un outil qui est issu d’un travail d’une grande
médecins ne vont rien comprendre ! Les médecins ne rigueur scientifique, avec un échantillon particulièrement
comprennent rien, ils vont dire « bah attends, je ne grand. Et pour le coup, ne serait-ce que d’utiliser un outil
comprends pas cet ergothérapeute-là fait ça, toi tu fais qui est validé scientifiquement, et bien ça a vachement plus
autre chose, fin, vous faites quoi au final ? » Et en fait on de gueule que d’arriver là : « bah moi j’ai vu que, moi j’ai
brouille les pistes sur l’identité professionnelle quoi. Donc observé que, moi j’ai… » Non, là clairement dire que « la
c’est un peu compliqué. » qualité de la performance occupationnelle se situe ici, par
ML : « Oui c’est ça, vous parliez de langage, c’est-à- rapport à ce qui est attendu pour une personne de son âge »,
dire que pour vous ce que j’entends c’est que c’est quand on sait que derrière c’est un échantillon de 2000 à
important d’unifier un peu les pratiques, et le langage, 4000 personnes, pour le coup on ne parle pas dans le vide,
pour finalement, avoir une meilleure reconnaissance on ne parle pas sur la base de rien du tout quoi. C’est fondé
du métier ? » sur des preuves quoi. »
E2 : « Oui, totalement. Et puis pour avoir son propre ML : « Ce que j’entends c’est que vous utilisez le
langage orienté vers l’occupation, et puis arrêter… au-delà AMPS, et il y a un apport dans votre pratique du fait
de ne pas avoir le même discours entre ergo, arrêter de que vous vous y retrouvez plus finalement dans
piquer le discours des autres aussi. Fin, à un moment l’ergothérapie, ça a plus de sens, vous êtes au contact
donné, il y a de nombreux ergothérapeutes qui utilisent des vraiment des activités de vie quotidienne, il y a un
termes neuropsychologiques qui ne maitrisent pas et pour apport aussi dans votre évaluation, vous vous sentez
le coup ça décrédibilise les compte-rendus ergo quand on plus légitime d’utiliser les termes, et à juste titre. Est-
est face à une neuropsychologue qui dit « non mais je ne ce que vous avez vu, ou observé des apports pour
pense pas que c’est ça que tu as voulu dire », ou alors qui autrui ? Pour vos collègues, les patients que vous
perd les médecins qui peuvent dire « mais attendez, je ne accompagnez ? »
comprends pas, vous faites les mêmes les mêmes bilans E2 : « Oui, alors ça c’est vraiment un point majeur en fait.
neuropsy que les neuropsychologues », fin voilà ils sont un Il y avait aussi une autre raison qui fait que j’ai été me
peu paumés. Donc en fait ça permet aussi de ne pas utiliser former à une évaluation, c’était pour être plus rigoureux
un langage qui n’est pas le nôtre, qui n’est pas centré sur dans la définition de mes objectifs de travail. Moi je fais
l’occupation et qui peut parfois en plus nous décrédibiliser de la délégation d’actes dans le cadre de l’ESA à des ASG
parce qu’on ne le maitrise pas quoi. » (assistantes de soins en gérontologie) et je voyais bien que
si mes objectifs n’étaient pas clairs et rigoureux et

VIII
occupation-centrés, pour le coup elles s’engouffraient dans qu’il y a d’autres professionnels avec qui vous
cette faille là pour faire des jeux de société, au motif d’une travaillez ? »
pseudo stimulation cognitive. Et moi personnellement, ça E2 : « Directement non, mais en fait on travaille beaucoup
m’hérissait les poils terriblement. Sauf que je me suis en partenariat avec les orthophonistes en ville, les
rendu compte que si je voulais un changement il fallait que neuropsychologues des consultations mémoire
je sois au centre de ce changement, et acteur de ce également ; Et puis dans notre équipe on a une art-
changement et j’avais aussi ma part de ce changement. thérapeute et une psychologue. »
Donc en fait en allant me former au AMPS, j’ai formé un ML : « D’accord, et alors comment se déroule la
petit peu mes collègues ASG sur ce qu’est la réadaptation, répartition des activités professionnelles dans
comment on peut se saisir de l’occupation comme un l’équipe ? Est-ce que le rôle de chacun est bien
moyen thérapeutique et comment on doit être sensibilisés établi ? »
à l’observation. Donc en fait j’ai modestement cherché à E2 : « Oui, on a bien pris le temps que chacun présente son
les former peut-être comme mes assistantes métier, les objectifs de son métier, son cadre
ergothérapeutes pour qu’en fait elles sachent observer en d’intervention, et puis les critères d’orientation. »
fait une tâche et saisir que, à tel moment, tel objectif on ML : « Quand vous dites que chacun a présenté les
doit chercher à l’atteindre. Donc en fait, ça a permis déjà objectifs de son métier… Par exemple vous en tant
de ne pas s’égarer et s’écarter des occupations visées et qu’ergothérapeute, est-ce que vous vous êtes servi aussi
puis ça leur a permis d’apprendre à intervenir au décours du vocabulaire du MOH, du AMPS pour présenter les
de l’observation d’une tâche, d’une mise en situation. Elles objectifs de l’ergothérapie, et ce que vous alliez y
font des mises en situation maintenant et elles modifient faire ? »
les tâches maintenant pour… et les remettre en activité E2 : « Alors je me suis beaucoup servi du vocabulaire du
avec la modification, et les ré entrainent à ces AMPS, moins du MOH parce que le AMPS s’en est pas
modifications les personnes. Donc ça a changé leur mal détaché sur les dernières années de développement
manière de travailler, et on a mis peut-être 2 ans ½ avant puisque Anne Fisher a créé son propre modèle derrière
que ce soit presque systématique, parfois je suis obligé de avec : l’OTIPM. Donc du coup le MOH pas trop parce que
faire de la coordination mais voilà en tout cas ça a changé les concepts de volition je trouve ça un peu compliqué à
ça du côté de mes collègues. Et du côté des patients, moi expliquer et à saisir, surtout qu’en plus la volition ça reste
ça me permet, par un compte-rendu beaucoup plus précis, un facteur personnel donc ça devient moins occupation-
beaucoup plus détaillé avec des habiletés bien définies de centré. Après, voilà c’est le AMPS qui m’a permis
documenter et de partager ça avec des personnes que d’utiliser des termes qui sont peut-être moins clinquants
j’accompagnais pour qu’elles sachent dans quelle direction mais qui veulent dire tout autant et qui sont beaucoup plus
on s’en allait et puis qu’elles sentent que ça puisse avoir compréhensibles pour l’ensemble de mes collègues. »
un intérêt de travailler là-dessus, notamment dans ML : « Justement, vos collègues, quand ils ont constaté
l’objectif du maintien à domicile. » que vous utilisiez un outil ergothérapique, le AMPS,
ML : « Est-ce que on peut dire que votre entourage au est-ce qu’ils ont compris tout de suite son utilité ? Est-
niveau de votre profession, donc les collègues, les ce qu’ils ont remis en question l’utilité d’un tel outil ?
patients, mêmes peut-être vos supérieurs hiérarchiques Comment l’arrivée de cet outil dans l’équipe s’est
ont mieux compris ce qu’était l’ergothérapie avec le passée ? »
AMPS ? » E2 : « Dans l’équipe de l’ESA, ça n’a pas du tout été
E2 : « Je pense. Après je n’ai pas envie non plus d’être trop critiqué, contesté, ou quoique ce soit. Ça a même été
naïf, mais je pense effectivement ; parce que moi accueilli avec surprise ou curiosité, et parfois
l’infirmière coordinatrice du service, quand je suis arrivé, indifférence ! Mais après c’est auprès de mes autres
elle m’a dit clairement « bon écoute l’ergothérapeute pour collègues ergothérapeutes que ça a été sujet de nombreux
moi c’était de la modification de l’environnement, je ne débats. Et notamment ces débats, tournaient autour de 2
comprends pas trop ce que vous y faites en ESA, sur le thèmes on va dire : l’intérêt de l’évaluation standardisée et
plan cognitif je ne comprends pas trop. » Et maintenant validée, et puis la rigueur…comment dire… la mise en
elle ne se pose plus la question en fait, maintenant elle situation et l’individualisation de la prise en charge quoi.
utilise un vocabulaire tourné vers l’occupation et vers Un exemple avec ma collègue qui intervient en domicile
l’autonomie et l’indépendance des gens quoi, donc je pour l’aménagement de l’environnement, elle me dit :
trouve que ça a changé pas mal de ce point de vue-là. Après « mais moi je n’ai pas besoin d’évaluer des gens sur des
en fait moi les médecins, j’en ai 2 particulièrement avec taches de vie quotidienne pour savoir qu’ils auront besoin
qui je travaille…alors ça peut paraitre peu 2 parce que je de tel ou tel fauteuil, pour savoir qu’ils auront besoin de tel
travaille avec presque 20 médecins, mais j’en ai 2 en fait ou tel matériel, parce que je connais la pathologie » ; voilà
qui m’orientent des personnes pour compléter leur le genre de combat auquel je m’attaque (rires). Pour moi
évaluation diagnostic en fait. Donc ils me demandent de ça fait patho-centré et puis, de ne pas évaluer, je ne vois
faire une évaluation AMPS pour compléter une évaluation pas comment… et puis moi c’est ce que je lui dis :
neuropsychologique. » « comment tu évalues si ce que tu as mis en place apporte
ML : « Donc les prescriptions ont changé ? » vraiment un gain dans la performance occupationnelle, si
E2 : « Ça a changé quelques prescriptions… 2 médecins tu ne l’évalues pas et si tu ne remets pas en situation après
ça ne représente pas beaucoup de prescriptions en fait mais avoir mis en place ton matériel ? » Et elle me dit « bah oui
parfois ils attendent pas toujours de moi au final que je mais à partir du moment où il se déplace dans sa maison,
propose un accompagnement de 15 séances derrière, moi ça me va. A partir du moment où il ne chute pas, ça
parfois ils attendent juste une évaluation. » me va. » Pour le coup, moi, ça me… voilà je ne baisse pas
ML : « D’accord, donc vous dites que vous travaillez en les bras, je me bats et puis… Mais j’entends bien, fin il y a
équipe pluri professionnelle, vous avez parlé des certains ergothérapeutes, quand je tiens le discours d’une
médecins, des assistants en soins de gérontologie, est-ce pratique occupation-centrée, ils m’écoutent d’une oreille
très discrète, parce qu’eux ça leur convient très bien

IX
d’avoir quelque chose d’un peu systématique. Et quand je les ergo peuvent avoir, mais aussi qu’autrui peut avoir
vous parlais tout à l’heure de pratique ou prise en charge de l’ergothérapie. Comment vous vous sentez quand
individualisée…. Je pense que d’évaluer sur la base vous êtes face à une personne qui a une représentation
d’habitudes de vie de la personne, je pense que c’est le erronée de votre profession ? »
premier pas pour individualiser la prise en charge plutôt E2 : « En croisade ! En fait je ne travaille que depuis 8 ans,
que de dire « il a telle pathologie, ça va évoluer de telle j’ai 33 ans, donc je me dis que si je commence à baisser
manière, donc il va falloir mettre en place tel matériel les bras maintenant, je vais finir comme tous ceux qui me
quoi. » » mettent au défi de leur prouver que l’occupation peut
ML : « Oui, parce que finalement l’outil a été quelque part suffire à notre travail. Oui effectivement, parfois ça
bien accueilli par les professionnels qui ne sont pas m’agace parce que c’est des jeunes et qui au final, sont
ergothérapeutes, puisque ça apportait une évaluation, une rentrés dans le moule et dans un certain confort. Parfois je
aide pour les objectifs. Mais pour les ergothérapeutes, c’est le comprends, parce qu’il y a une histoire derrière… enfin
vrai que c’est quelque chose d’assez spécifique qui ne selon l’école de laquelle on sort on a une approche très
parlait pas à tous, et donc qui n’est peut-être pas applicable différente de l’ergothérapie et ça c’est très dommage. Si on
dans toutes les pratiques. » veut parler aussi d’identité professionnelle, il faudrait qu’il
E2 : « En fait on revient à l’idée du changement qui prend y ait une uniformité des formations aussi et des
du temps. On est à un carrefour où il y a pas mal d’ergo enseignements au sein des instituts. Ça aussi c’est un gros
sur le marché qui ont été formés à faire de la menuiserie problème, et là je parle d’occupation… Il y a des IFE en
pour faire de la menuiserie, et pour rééduquer un membre France qui me feraient des gros yeux : « Ah ça y est encore
supérieur. Et le terme d’activité, comme je disais tout à un gourou de l’occupation ! ». Mais en même temps voilà,
l’heure, qui n’est pas une occupation parce qu’au final, se toutes les preuves scientifiques, tous les articles, toutes les
déplacer dans une maison c’est une activité. Mais dans grandes études scientifiques ergo parlent d’occupation, et
quel but ? Et c’est là que ça devient une occupation parce que d’occupation. Donc notre pratique est basée sur des
qu’elle aura du sens, parce que c’est une habitude de vie, preuves autour de l’occupation, je ne vois pas comment on
c’est une activité habituelle pour la personne. Et là pour le peut faire abstraction de ça. Je ne vois pas comment on
coup c’est des notions que certains ergothérapeutes qui peut… Parce qu’on va se retrouver à dire « Ah en France
sont en poste depuis longtemps n’ont pas forcément. Et on a 30 ans de retard en ergothérapie. » Bah ouais, mais si
puis le changement ça apporte toujours un peu d’inconfort, on ne lit pas la littérature, si on ne prend pas le train en
d’instabilité, une période un peu trouble, où ça remet en marche, bah ouais on va encore avoir 30 ans de retard. »
question un peu le sentiment de compétences qu’on avait ML : « Est-ce que vous pensez que justement, le fait
alors jusqu’à maintenant, de maitrise en tout cas, de ce d’utiliser des outils d’évaluation issus de modèles
qu’on faisait. Même si pour le coup c’était pas vraiment conceptuels ça peut permettre aux étudiants, mais aussi
orienté vers… la nouvelle définition de l’ergothérapie est aux professionnels déjà en place de plus s’y retrouver,
en train de se redéfinir quoi. » comprendre le vocabulaire, et donc de définir
ML : « Vous parliez du coup de changement, pour les l’ergothérapie avec plus de sens ? »
autres professionnels, pour vous, etc. D’après vous, E2 : « Oui complètement. Après les modèles conceptuels
quel aspect de l’outil a provoqué des changements, on vous les présente en 1ère année. »
qu’est-ce qui, dans le AMPS, a fait qu’il y a eu des ML : « En 2ème année »8
changements ? Est-ce que c’est le vocabulaire utilisé ? E2 : « D’accord, parce que je trouve qu’on les présente un
Est-ce que c’est juste avoir un support pour peu tôt, et ça peut paraitre un peu gonflant quand on est
communiquer ? » étudiants. Et quand on revient à son mémoire, ou à des
E2 : « Bah les 2 (rires). Il y a les 2 aspects en fait, de parler analyses de pratique professionnelle qu’on se rend compte
en termes d’habiletés, ça rend la chose beaucoup plus que ça peut être très éclairant d’avoir une vision
précise, beaucoup plus fine dans l’analyse et les objectifs systémique des choses, et d’avoir un vocabulaire purement
de travail. Et puis voilà, moi quand je communique les ergo. J’ai des difficultés à comprendre qu’un ergo puisse
résultats de mes observations, mon évaluation pour le s’appuyer sur un modèle de la CIF. Même du PPH parce
coup, bah les gens savent précisément où est le problème que pour le coup ce n’est pas purement ergo.
et comment on compte le régler. On sait qu’il y a sur les Effectivement il y a beaucoup de dimensions auxquelles
36 habiletés, il y en a 4 importantes sur le plan opératoire on est sensibles, mais pour le coup on a des modèles
qui sont déficitaires et qui ne sont pas performantes. En purement ergo et qui ont un vocabulaire purement ergo. Il
travaillant dessus, en faisant l’analyse après, des causes, faut s’en servir ! Ou créer le nôtre, je sais pas. »
on sait dire et partager avec les autres qu’on va chercher à ML : « Oui, parce que finalement c’est très en lien avec la
mettre en place tel ou tel moyen pour rendre plus représentation qu’on a de l’ergothérapie qui se forge de par
performante, compétente, telle ou telle habileté, qui notre formation, mais aussi de par nos outils qu’on utilise
augmentera la qualité de performance occupationnelle. Et au quotidien. Par exemple, la représentation de
là pour le coup ça pose un diagnostic ergo qui est adapté à l’ergothérapie, vous dans votre milieu de travail,
toute pathologie. Il faut qu’on arrête avec l’idée qu’il y a qu’est-ce que vous en pensez ? »
une ergothérapie par domaine d’intervention. Il n’y a pas E2 : « Il y a encore du boulot. La représentation… par
plusieurs ergothérapies, il y a une ergothérapie, quelque exemple, un exemple concret, la dernière fois j’étais avec
soit la pathologie. Et si on n’était pas patho-centré, on le le directeur et puis on discutait de… on a 2 pôles : un pôle
saurait. » SSR et puis un pôle médecine générale. Et sur le SSR, il
ML : « J’entends que vous êtes très attaché aux n’y a pas d’ergothérapeute. J’en parlais au directeur et je
définitions de l’ergothérapie, aux représentations que lui disais : « Je ne comprends pas en fait, le SSR c’est

8
Après vérification, les modèles conceptuels sont bien
présentés en 1ère année d’études d’ergothérapie.
L’ergothérapeute E2 a été informé de cette rectification.

X
quand même un « soins de suite et de réadaptation », dans puis en fait arrivé dans le monde du travail, cette condition
l’objectif de préparer le retour à domicile. Et puis, je ne a été mise à mal parce que je suis sorti sans outils
comprends pas qu’il n’y ait pas d’ergothérapeute sur la d’évaluation que je maitrisais et puis si j’ai voulu m’y
question du retour à domicile. » Et là je lui dis : « D’autant former c’est que je sentais que je perdais pieds un peu sur
plus qu’il y a pas mal d’études, notamment en Angleterre mon identité. Et que je n’avais pas signé pour ça, ça n’était
et au Canada qui ont montré que l’intervention d’un pas pour ça que j’avais fait ces études. Et que je me disais
ergothérapeute pour la préparation d’un retour à domicile que si je continuais comme ça je serai malheureux dans
permettait de réduire la durée moyenne de séjour. » Là je mon boulot quoi. Donc en fait le choix de me former à cet
parlais au directeur donc je savais aussi à qui je outil était vraiment guidé par le fait de me faire reprendre
m’adressais. Mais la durée moyenne de séjour ça c’est on la bonne route, le bon chemin de l’occupation parce que là
va dire le fer de lance des médecins et des cadres, et du je m’en éloignais petit à petit. Donc ça m’a permis de me
directeur particulièrement, puisque plus la durée moyenne reguider. »
de séjour est basse, plus il y a de financements car plus de ML : « D’accord, pas changée en tant que telle mais c’est
prises en charge et plus de lits de libres. Et là-dessus je me ça, vous aviez été formé avec quelque chose qui vous
suis appuyé sur les données probantes qui ont été représentait bien, un sens donné à l’ergothérapie qui vous
présentées à l’assemblée nationale par l’ANFE, en représentait mais vous n’aviez pas les outils d’évaluation
septembre ou octobre. Le directeur me disait : « Je ne qui vous permettait de l’appliquer et de se former une
comprends pas, comment ça l’ergothérapie diminue la identité professionnelle comme vous l’aviez quelque part
durée moyenne de séjour ? » L’ergothérapie, en se en formation un peu quoi. »
concentrant que sur l’activité de vie quotidienne, permet E2 : « Oui, exactement. »
de savoir, d’avoir un avis sur la capacité de la personne à
refaire ses activités de vie quotidienne, et d’avoir une Fin de l’entretien.
projection de son autonomie à domicile quoi. Et là du coup
il me dit : « Mais là du coup il faut que vous vous déplaciez
pour aller mettre des barres d’appui ? » (rires). Donc là je
me suis dit qu’il y avait du boulot. Mais en même temps
les ergo qu’il voit le plus, parce que moi étant souvent en
visites à domicile, sont ceux qui sont en structure, et c’est
eux qui mettent des télécommandes avec boutons
poussoirs pour commander sa télé, ou qui font des
exercices pour guider son fauteuil. Donc forcément ça peut
paraitre abstrait. »
ML : « Oui parce que ce que j’entends c’est que finalement
l’ergothérapie, dans votre institution ou au niveau de ce
directeur en tout cas, c’est que l’ergothérapie c’est assez
centré sur le matériel et quelque chose de concret comme
ça, pas forcément la vision globale de la personne, et non
pas l’évaluation aussi. »
E2 : « Oui c’est ça, il y a vraiment de ça, et puis il faut aller
vite, il faut proposer du matériel, et il faut proposer des
choses, parce qu’il ne faut pas d’inertie, parce qu’il ne faut
pas que les gens aient l’impression qu’on ne les prend pas
en charge donc il faut leur mettre un déambulateur vite, il
faut les faire marcher vite. C’est des choses qui disent pas
que si la personne sait diriger son fauteuil elle saura
derrière… En plus ça permet en plus de faire un travail
assez intéressant avec les assistants de service social parce
que nous on peut aussi définir que : « là, c’est compliqué,
il va lui falloir de l’aide de ce point de vue-là ». Ça permet
d’adapter des plans d’aide, ce qui permettrait donc aux
collectivités de moins dépenser, car il y aura peut-être
besoin de moins de temps, parce que parfois il y a des aides
à domicile qui vont faire une toilette complète. Alors que
parfois il y a des gens qui pourraient faire le haut, ou leur
petite toilette et que la grande toilette ne pourra être faite
que un jour sur deux, ou un jour par semaine, parce que ce
sont des habitudes de vie. Fin moi en tout cas travaillant
en milieu rural, c’est un peu les habitudes de vie quoi. »
ML : « Oui, c’est ça. Finalement on parlait des outils
ergothérapiques et de la représentation qu’on peut avoir en
lien. Est-ce que pour vous, le fait d’utiliser le AMPS a
changé la représentation que vous aviez de votre
métier ? »
E2 : « Ça ne l’a pas changé, ça l’a juste, comment dire…
remise dans le droit chemin. C’est-à-dire que moi je suis
sorti de l’école, j’étais convaincu de l’occupation, d’une
pratique occupation-centrée, fondée sur les preuves. Et

XI
4. Annexe 4 : Retranscription entretien Ergothérapeute E3
*A la demande de l’ergothérapeute interrogé, nous avons E3 : « Alors je vais essayer de distinguer la MCRO et le
utilisé le tutoiement mutuel. MCREO. Est-ce que tu veux parler du modèle ou de la
mesure ? »
ML : « Est-ce que tu pourrais m’expliquer ton lieu ML : « La mesure. »
d’exercice, et la population avec laquelle tu E3 : « Ok, donc pour moi la mesure c’est outil qui va
travailles ? » permettre à l’ergothérapeute d’identifier les difficultés des
E3 : « Je travaille dans une section d’éducation motrice personnes, alors moi plus précisément du jeune, pour
depuis 1 an et demi. Le terme de section est un peu derrière déterminer les objectifs de prise en charge. L’outil
novateur car la structure est jeune, elle a 10 ans et c’est te permet d’avoir une base pour connaitre les difficultés, et
particulier car ça ressemble énormément à un IME sauf à partir de là, déterminer des objectifs qui te semblerait
qu’on accueille les jeunes de 3 à 16 ans. Mais on a des réalisables, et que tu vas derrière de reformuler en objectifs
difficultés pour les faire partir après, pour qu’ils trouvent SMART. Ça te sert à identifier ça, et surtout, deuxième
d’autres structures du coup ils restent parfois jusqu’à 21 objectif c’est de savoir si ma prise en charge a eu un effet.
ans. Les jeunes qu’on accueille rentrent tous les soirs chez Après derrière je vais pouvoir mesurer la satisfaction et le
eux, ce n’est pas un IME classique, ce n’est pas un internat, rendement, un an après. Pour moi c’est un an après car les
donc je travaille beaucoup en lien avec les familles puisque jeunes ont une paralysie cérébrale et du coup l’évolution
comme ils rentrent tous les soirs, ça va un peu de pair quoi. est très minime, je ne peux pas faire ça tous les mois. Donc
Et les jeunes sont atteints de paralysie cérébrale en grande je l’ai adapté pour mon lieu d’exercice et je le fais tous les
majorité, ça évolue parce qu’avec les politiques actuelles ans. »
on ne peut pas accueillir que des paralysés cérébraux. On ML : « Donc ça c’est ta définition de la MCRO.
a un SESSAD handicap moteur et un SESSAD dys en plus. Maintenant est-ce que je peux te demander ta
Notre structure est plutôt bien car par rapport à la moyenne définition de ton métier, ergothérapeute ? »
nationale, on a 3 temps pleins en plus. Donc on est un peu E3 : « Alors l’ergothérapeute, je vais parler en termes très
novateur, on a de bons moyens et on est pas mal équipés. ergo du coup. Donc pour moi il vise à améliorer la
Et les professionnels sont jeunes, c’est assez dynamique. » performance occupationnelle des personnes et donc pour
ML : « Et tu travailles depuis combien de temps en tant moi l’ergothérapeute doit avoir une pratique très client-
qu’ergothérapeute ? » centrée. Et l’amélioration des performances
E3 : « Moi c’est ma 2ème année en tant que occupationnelles comme son nom l’indique en fait c’est
professionnel. J’ai été diplômé en juin 2017. » dans toutes les activités de la vie quotidienne : de loisir,
ML : « Est-ce que je peux te demander si tu as fait quelque instrumentales ou les soins personnels, ou les activités de
chose avant ? » productivité. Ça englobe tout. »
E3 : « Non, du tout. » ML : « Est-ce que, en général… Comment tu penses que
ML : « Donc 2ème année en tant que professionnel, dans la les personnes non ergothérapeutes perçoivent le métier
section d’éducation motrice ? » d’ergothérapeute ? Comment d’après toi elles le
E3 : « Oui, directement en CDI. » définissent ? En général, pas forcément des personnes
ML : « D’accord, et tu utilises la MCRO depuis qui travaillent avec toi, mais ton entourage, tout le
combien de temps ? » monde. »
E3 : « En fait, j’ai été formé durant mes études car on l’a E3 : « C’est très obscur. Car les gens ne savent pas du tout
bien développé, j’avais Jean-Michel Caire comme prof. ce que c’est ergothérapeute. J’ai déjà entendu dire que
Donc pendant mes études j’ai été sensibilisé, et je l’ai c’était un truc autour des champignons, l’étude des plantes,
utilisée, et j’ai formé aussi une autre structure. Et moi je un peu autour de tout ça. Après plus pour les métiers du
l’utilise bien depuis un an. » médical, il y en a beaucoup qui pensent qu’on fait de la
ML : « Mais tu n’as pas eu la formation avec la MCRO, kiné. En fait en dehors du médical c’est très obscur ils ne
sur plusieurs jours ? » savent pas du tout ce qu’on fait. Et il y en a d’autres, c’est
E3 : « Du tout car j’ai été assez sensibilisé pendant mes beaucoup autour de la kiné, ou qu’on fait que le matériel. »
études là-dessus et on a eu le livret à l’école et puis on a ML : « D’accord, donc ce que j’entends c’est que… toi ce
une cadre qui s’y connait vraiment dessus et puis même en que tu entends, c’est que l’ergothérapie c’est beaucoup
stage je l’avais déjà un peu travaillée quoi. » centré autour de choses qui ne sont pas du tout liées à
ML : « Pendant tes études tu as formé des gens ? » l’ergothérapie comme des champignons ou plantes, mais
E3 : « Oui en fait j’ai formé une structure, c’était en début aussi quelque part, on fait quand même un lien avec la
de 3ème année, j’ai formé une structure avec une dizaine kinésithérapie quoi. »
d’ergothérapeutes, je les ai sensibilisés sur l’importance E3 : « Oui, pour ceux qui sont dans le médical. »
d’utiliser la MCRO pour faire leur entretien d’entrée ML : « Oui, ceux qui sont dans le médical, ils font le lien
notamment puisque c’était un SAMSAH. Ils devaient avec la kinésithérapie. »
connaitre le projet individuel des personnes, et moi je E3 : « Oui, et même revendeur de matériel. On est
trouvais que l’outil le plus adapté pour ça c’était la beaucoup associés à ça. C’est très difficile de s’en sortir
MCRO. » quoi. »
ML : « Et donc c’était une sensibilisation ou une ML : « D’accord, et qu’est-ce que tu penses de l’identité
formation ? » professionnelle des ergothérapeutes ? »
E3 : « Non c’était une sensibilisation pour qu’ils puissent E3 : « Je trouve que… fin je n’ai pas beaucoup
l’utiliser après. Aujourd’hui ils ont fait la formation, et d’expérience, je n’ai pas beaucoup de recul. En tout cas en
aujourd’hui ils l’utilisent au quotidien. » 1 an ½, je trouve que l’identité professionnelle on en a pas
ML : « D’accord. Est-ce que tu peux m’expliquer vraiment. Parce que notre gros problème c’est qu’il y a eu
rapidement, pour toi, ce que c’est la MCRO ? » différents courants de pensées qui ont eu lieu au cours de
notre évolution. Bah notre diplôme date de 1973, en 50

XII
ans, il y a eu une énorme évolution de notre profession. contraintes de travailler dans une équipe où on est
Que ce soit en termes de ce qu’on faisait ou de notre plusieurs ergothérapeutes ? »
identité justement. Un des anciens courants de pensée par E3 : « D’accord, alors la 1ère contrainte se situe justement
exemple, encore présent dans de nombreux centres de au niveau de comment tu penses ta pratique, qui vient aussi
rééducation c’est une prise en charge très de comment tu as été formé, où tu as été formé. Parce
neuropsychologique, ou très motrice. Et là en fait qu’en fait tu es formé un peu différemment en fonction de
aujourd’hui, ce qu’amène l’ANFE c’est un gros l’école d’où tu viens. Et coup c’est ta 1ère contrainte parce
changement je trouve au niveau de notre identité que quand tu vas échanger avec tes collègues, ils ne vont
professionnelle car ça y est, notre terme d’occupation est pas être forcément d’accord avec toi au niveau de ta
vraiment ramené en France. Tout ce qu’on publie aussi…il pratique, surtout. Mais justement, c’est aussi positif car ça
y a une nouvelle génération qui ramène des choses, qui est te permet aussi de confronter plusieurs pratiques
très tournée autour de l’occupation et qui aujourd’hui, différentes, et ça te permets de te remettre en question par
essaie de bousculer les codes préétablis avant en France en rapport à un modèle de pensée qui t’a été enseigné et tu
ergothérapie. Et qui fait changer actuellement notre vois, de confronter un peu les 2 idées. C’est pas forcément
identité professionnelle. Mais pour l’instant c’est très négatif. »
différent entre un ergothérapeute qui a été en formation il ML : « Oui je comprends, ça permet de confronter nos
y a 30 ans, un ergothérapeute d’il y a 15 ans et idées et nos pratiques. »
l’ergothérapie d’aujourd’hui, ça a énormément évolué. Et E3 : « Voilà. »
du coup je trouve qu’on a pas vraiment d’identité ML : « Et est-ce que tu dirais que le fait de travailler en
professionnelle aujourd’hui en France. » équipe justement ça… donc on confronte nos
ML : « Oui, tu dis que finalement, l’identité pratiques… mais est-ce que tu dirais que ça permet
professionnelle pour toi il n’y en a pas vraiment, parce que d’enrichir aussi nos connaissances et donc quelque part
tu parles d’une mixité avec différents courants de pensées, la pair émulation fait qu’au niveau de la
qui sont liés aussi à l’histoire et aux générations. Et tu reconnaissance… est-ce que ça joue dans une
parles aussi beaucoup de changements. Alors pour toi, équipe ? »
c’est en train de changer grâce à l’ANFE ? » E3 : « ça ne joue pas au niveau de la reconnaissance dans
E3 : « Oui, j’associe l’ANFE parce que… fin c’est pas tout une équipe. Ça joue même en défaveur parce qu’il y a des
beau tout rose l’ANFE mais en fait ils permettent personnes qui peuvent avoir du mal à définir ce que tu fais.
d’évoluer là-dessus. C’est-à-dire qu’ils organisent des Par contre là où ça joue c’est toi au niveau de ta pratique,
évènements. Par exemple il va y avoir les assises en avril, parce que ça te permet de te remettre en question et de se
où on va pouvoir échanger autour de cette question. Il y a dire : « Bon, peut-être que ce que je pense ce n’est peut-
eu l’année dernière la journée nationale de l’ergothérapie être pas la bonne solution. » Tu vois ce que je veux dire ?
à Toulouse où le terme d’occupation a été défini et En fait ça dessert je trouve la reconnaissance par les autres
redéfini. Ça a été appuyé comme quoi aujourd’hui ça doit professionnels ou par les gens de l’extérieur au niveau de
vraiment être notre cœur de métier, ça doit faire partie de notre pratique, de notre cœur de métier. Par contre ça te
notre identité professionnelle. Et en fait ils véhiculent sert au niveau émulation… parce que forcément les
vraiment ce message-là. Et comme aujourd’hui… fin je personnes avec plus d’expérience t’apportent autre chose.
parle de l’ANFE parce que c’est l’asso qui aujourd’hui a Et après je pense ça parce que je suis jeune diplômé
le plus d’adhérents en France, c’est celle que je connais. aussi. »
Après il y a d’autres associations que je connais très bien ML : « Tu disais ça dessert au niveau des autres
comme celle des libéraux, qui font énormément de choses. professionnels… qu’est-ce que tu entends par là ? »
Mais au niveau de ceux qui font le plus avancer les choses, E3 : « Bah ça peut desservir parce que, si tu veux. Fin là je
c’est l’ANFE. Et comme ils en parlent, c’est eux qui font ne parle pas de mon cas, je m’imagine plus en centre de
avancer tout ça. » rééducation, avec d’autres ergothérapeutes. Alors si toi tu
ML : « Oui, et ce que j’entends c’est que c’est important as une vision très centrée sur l’occupation, que tu vas
aussi d’agir, par des évènements, pour clarifier les termes vouloir travailler sur l’activité type, derrière ce que tu vas
comme celui d’occupation, qui permettrait de faire évoluer amener à ton collègue qui a un mode de penser très
l’identité quoi. » rééducation, c’est-à-dire… »
E3 : « Et il n’y a pas que les évènements, il y a aussi les ML : « Biomédical ? »
formations. Il y a des actions qui sont menées. Et puis E3 : « Oui, une approche où par exemple pour aller
même, fin je n’y suis pas allé, mais pour avoir échangé attraper un verre tu vas empiler des cônes sur la table… »
avec pas mal de délégués territoriaux, maintenant quand ML : « Oui, ce que j’entends c’est que finalement, si on est
on va à l’ARS, on présente quel est le cœur de notre métier. plusieurs ergothérapeutes dans une équipe et qu’on a des
Et le cœur de notre métier c’est l’activité, c’est façons de penser l’ergothérapie différentes, on peut perdre
l’occupation. Et même au niveau des pouvoirs politiques, les interlocuteurs par rapport à leurs représentations
on présente comme ça notre métier. » finalement. »
ML : « Je reviens un peu sur du coup ta pratique. D’après E3 : « C’est ça. Parce que là tu vois par rapport à tes
toi, quels sont les avantages ou les inconvénients, les collègues, il y en a un qui va venir travailler sur l’activité,
contraintes, de travailler dans une équipe où se alors qu’un autre va être là pour améliorer au niveau du
trouvent d’autres ergothérapeutes ? » membre supérieur ses fonctions. Et du coup tu auras la
E3 : « Bonne question ! Les avantages, alors…non je connotation au niveau de la kiné. »
terminerai par les avantages. Les inconvénients : il y a ML : « Est-ce que d’après toi, le fait qu’on soit formés
plusieurs choses. L’inconvénients n°1 c’est qu’on est pas différemment, et qu’on n’ait pas tous une ligne de
forcément… Alors tu veux que je parle que de ma place, conduite identique…est-ce que d’après toi ça nuit au
ou un peu comment je vois… ? » fait qu’on ne soit pas beaucoup reconnus ou que
ML : « Fin, à ton avis, pas forcément dans ta pratique l’identité professionnelle des ergothérapeutes ne soit
actuelle, mais à ton avis quels sont les avantages ou les pas bien établie ? »

XIII
E3 : « Clairement pour moi oui. Je ne dirais pas que ça C’est vraiment ça, et du coup les familles aussi je l’ai ai un
nuit, mais je pense qu’on s’est longtemps cherchés, que ça peu ré-engagées dans la prise en charge. Ils en étaient
a nui à notre identité professionnelle. Mais maintenant vraiment éloignés, et là ça a bougé. Le professionnel ne
qu’on amène des expériences de l’étranger en termes contactait pas vraiment la famille avant, et ça a évolué. Et
d’occupation, aujourd’hui on est capables d’identifier la MCRO, je l’ai présenté à l’équipe et j’ai présenté aussi
notre vraie pratique professionnelle. » les fondements sur lesquels elle se basait. »
ML : « Donc ça change. » ML : « Donc, tu as expliqué le modèle ? »
E3 : « Oui ! Et toi qui est au Canada, tu dois bien le voir E3 : « Oui. »
quand même la différence ? » ML : « D’accord. »
ML : « Oui, bah justement au Québec ils ont un ordre déjà, E3 : « Et tout le monde a dit : « Ah bah c’est super vas-y
les ergothérapeutes. Et ils ont donc une obligation dans fonce ! ». Même des fois j’emmène l’éducateur avec moi
leur pratique, d’utiliser les modèles conceptuels. Et ça lors d’entretiens quand il peut. »
change beaucoup de choses justement en lien avec les ML : « Toi tu utilises la MCRO donc avec l’enfant et les
représentations, et l’identité professionnelle des ergo. » parents en même temps ? »
E3 : « C’est vrai que ça doit beaucoup changer avec la E3 : « Oui, alors après comme les jeunes sont en difficulté
France. » pour communiquer… Alors aujourd’hui je fais surtout
ML : « Oui, parce que aussi ce n’est pas du tout le même venir les jeunes qui peuvent communiquer en même temps
contexte. L’ordre je pense, joue sur beaucoup de choses qu’il y ait les parents. Là je vais avoir un 2ème temps pour
avec des attentes et puis l’ordre vérifie aussi les pratiques utiliser l’OT’hope, tu connais ? »
des professionnels et du coup il y a cette petite pression de ML : « Oui, j’en ai entendu parlé par Alexandra Perrault. »
se dire qu’on peut être sanctionnés. Donc ils font attention E3 : « Je vais essayer de l’utiliser avec les jeunes pour ceux
à bien utiliser des modèles et des outils dans leur qui n’ont pas la possibilité de communiquer oralement,
pratique. » pour aussi avoir leurs attentes. Mais ça prend aussi pas mal
E3 : « Bah leur identité est clairement définie quoi. C’est de temps, c’est ça le problème. »
vraiment l’occupation. » ML : « Tu parlais de l’outil qui a été présenté à l’équipe,
ML : « Il y a une différence oui, et je pense, fin de ce que ainsi que les fondements… donc tu peux me dire de quels
j’en ai perçu, elle est là quoi, elle est dans l’utilisation des professionnels est constituée ton équipe ? »
modèles via les outils. Et puis c’est pour ça que ça E3 : « Quasiment tous les professionnels habituels : 3 kiné,
m’intéresse et que je suis là aussi. Donc tout est lié ! 1 psychomot, 1 orthophoniste, 1 collègue ergothérapeute,
…Parce que toi du coup tu utilises la MCRO… D’après 1 médecin MPR, 2 éduc, 5 AMP, 1 infirmière, 1 assistante
toi, quelle est ton utilité dans la pratique ? » sociale, 1 psychologue et 1 orthoptiste. »
E3 : « Donc la mesure, par exemple quand… tu veux que ML : « Et comment se déroule entre vous la répartition
je te parle aussi de comment je l’ai amenée ? » des activités professionnelles ? Qu’est-ce que tu peux
ML : « Oui en fait ce qui m’intéresse c’est quelle est son me dire sur les rôles professionnels de chacun ? Est-ce
utilité dans ta pratique, qu’est-ce que ça apporte, et qu’ils sont bien établis ? »
aussi pourquoi tu as décidé de l’utiliser ? Est-ce que E3 : « … Et il y a 2 instit’ aussi. Alors comment on
c’est quelque chose que vous avez décidé en équipe ? effectue nos prises en charge c’est ça ? »
Pourquoi c’est venu ? » ML : « Non mais est-ce que tu dirais que le rôle de
E3 : « Ok. En fait quand je suis arrivé ils avaient eu une chaque professionnel dans l’équipe est bien établi, et
évaluation externe au niveau du SESSAD où en fait les qu’il n’y a pas de « zones grises » entre des activités qui
besoins et les attentes des parents n’étaient pas recueillies peuvent être faites par 2 professionnels… Est-ce que les
et ils avaient un énorme retard là-dessus. Donc moi en fait champs de pratique sont bien articulés ? »
ça m’a permis de m’appuyer sur ça pour dire : « Ah bah E3 : « Je trouve que les champs de pratique sont bien
qui de mieux placé que l’ergothérapeute pour identifier les articulés oui, notamment pour qu’il n’y ait pas de soucis,
besoins et attentes des personnes, notamment en partant on fait participer les éducateurs ou les AMP à nos prises
sur l’occupation des jeunes ? ». Donc je me suis dit que en charge parce qu’il y a des groupes ; Donc on montre un
l’outil me permettant de faire ça, ça s’appelle la MCRO. peu notre manière de faire et de penser. Il n’y a pas de
Donc je l’ai amenée comme ça. Après j’ai un peu de zones obscures parce qu’on essaie de bien définir notre
chance car ma directrice est une ergothérapeute. Et du identité professionnelle je trouve chacun. Parce que du
coup quand elle a vu ça, elle a dit : « très bien, on va coup pendant ces temps-là, on explique qu’est-ce qu’on
pouvoir rentrer dans le cadre de l’ARS. » Sauf qu’ils vient chercher par exemple dans l’activité que tu fais faire.
demandent autre chose en termes de besoins et d’attentes. Si j’ai un atelier cuisine, mon objectif c’est d’essayer le
Mais moi ça m’a permis de dire que ça pouvait être très jeune à suivre une recette, essayer de l’aider au niveau de
intéressant de le faire quand même. Et là en fait après au sa concentration, sa planification dans la tâche, fin
niveau des professionnels, ils ont bien identifié le fait que comment il fait concrètement l’activité quoi. »
moi je travaille au niveau des occupations, et que je partais ML : « Et justement tu disais qu’il n’y avait pas de zones
surtout des besoins et attentes des jeunes, et que j’avais une grises parce que justement chacun a bien défini son
vision très client-centrée. Du coup, à partir de là ça m’aide identité professionnelle. Est-ce que vous avez mis des
à savoir ce que le jeune veut travailler. Ils sont davantage moyens en place ? Est-ce que vous vous basez sur des
engagés dans mes séances, parce qu’on travaille vraiment outils pour justement que chacun puisse bien définir
à partir d’objectifs qu’eux ils souhaitent ainsi que les son rôle ? »
parents. Et justement quelque chose qui m’a bien montré E3 : « Il n’y a pas vraiment d’outils. Je pense qu’au niveau
ça c’est le premier entretien que j’ai fait où les parents des réunions, je pense que c’est un peu le moment où tu
m’ont dit : « oh c’est génial cet outil, on n’avait jamais montres ce que tu fais. Après aussi tu peux interpeller
demandé à mon fils comment il se trouvait en train de faire l’équipe éducative assez souvent, tu détailles un peu ce que
les occupations, comment il se voyait dans son quotidien, tu fais. Je pense que si on voulait on pourrait tous rester
où se situent les difficultés, qu’est-ce qu’il en pensait ? cachés dans notre bureau sans que personne ne sache ce

XIV
qu’on fait. Sauf qu’au final, c’est assez naturel de dire ce très bien car ça correspond au modèle du coup. C’est pas
qu’on fait avec le jeune. » forcément mon outil qui a fait le changement, c’est un
ML : « En fait c’est grâce aux réunions et à vos échanges contexte politique régional et national. »
que vous arrivez à définir vos rôles. » ML : « …Qui fait le changement que du coup, l’équipe est
E3 : « Oui, on n’a pas d’outils en particulier. » plus portée au niveau des objectifs sur les attentes du
ML : « Ok. Et du coup par rapport à la MCRO, patient et de sa famille. Mais tu disais quand même qu’il y
comment l’équipe a réagi à la mise en place de cet outil- avait un changement au niveau de l’identification du rôle
là ? Est-ce qu’ils ont compris l’utilité ? Est-ce qu’ils ont de l’ergo, avec le vocabulaire qui va avec. »
peut-être remis en question la MCRO ? » E3 : « En plus les professionnels, ça ne se passait pas très
E3 : « C’est très rigolo parce que ça vient assez en lien bien avec l’ergothérapeute qu’il y avait avant. Et là du
avec ta question précédente ! L’éducatrice spécialisée m’a coup je trouve que ma place est plus définie, c’est plus sur
avoué l’autre jour, 4-5 mois après que j’ai mis en place l’occupation. »
l’outil, elle m’a dit : « Bah au début j’ai cru que tu me ML : « Ta place est mieux définie, et est-ce qu’à ton avis
piquais mon boulot ! » Et puis elle m’a dit qu’après avoir c’est aussi parce que tu utilises dans ta pratique l’outil
assisté à une de mes séances : « J’ai vu comment tu MCRO, avec tout le courant de pensée qui s’apparente au
l’utilisais et dans quel but, et je me suis rendu compte que modèle ? »
ce n’était pas du tout comme je le pensais quoi. » C’était E3 : « Oui, en tout cas ma pratique de manière générale est
assez rigolo parce qu’elle m’a dit : « En fait t’es assez vraiment basée sur la MCRO. Je ne vois pas ma pratique
centré sur l’activité et tout ça. » Parce qu’elle fait aussi des autrement. »
entretiens de familles pour les projets individualisés. » ML : « ça permet d’avoir du sens à ta pratique ? »
ML : « C’est à ce moment-là qu’elle a cru que c’était E3 : « Du sens à ma pratique et surtout le sens que met le
pareil. » jeune dans ses séances. »
E3 : « Oui, mais c’était pas pareil, et ça a été la plus grosse ML : « A ton avis, est-ce que l’utilisation justement de
réticente que j’ai eue. Et encore elle ne me l’avait pas la MCRO a permis au patient et sa famille de mieux
exprimé sur le moment. Elle m’a dit un jour quand on comprendre ce que c’était l’ergothérapie et ce que vous
partait en visite à domicile : « En fait j’ai vraiment compris alliez faire ensemble ? »
à quoi ça servait et en fait c’est vraiment hyper E3 : « Tout à fait car du coup il y a certaines familles qui
intéressant. » » nous interpellent, qui s’engagent plus dans la prise en
ML : « Mais d’après toi, qu’est-ce qui a fait qu’elle a charge qu’avant. Oui je pense que ça a surtout permis de
compris ? » définir mon rôle. Parce qu’ils ne voyaient pas forcément
E3 : « Déjà le fait qu’elle soit venue une fois au moins pour ce que faisait l’ergothérapeute. Parce qu’il y en a beaucoup
faire mon entretien, ça a bien montré que c’était pas du tout qui m’ont dit que c’était de la kiné. »
le but. Elle m’a posé des questions sur l’outil, elle a ML : « Et comment tu te sens face à une personne qui a
cherché à comprendre aussi que le but n’était pas de une représentation erronée de ta profession ? »
prendre sa place mais que l’outil servirait à la pratique de E3 : « Le sentiment ? »
tous. » ML : « Oui, face à quelqu’un qui n’a pas la même
ML : « Du coup, cet outil a engendré des changements représentation que toi tu as de l’ergothérapie ? »
pour ces professionnels. Quels sont-ils ? Est-ce que ça a E3 : « Alors il y a 2 choses différentes dans ta question : la
été des changements parce que vous, ergothérapeutes, différence de ta représentation de l’ergothérapie, et par
vous utilisiez un outil ergo que peut-être vous n’utilisiez rapport à une personne qui ne sait pas ce que c’est
pas avant ? Est-ce que c’est à cause du vocabulaire ? l’ergothérapie. Pour une personne qui ne sait pas ce que
Qu’est-ce qui a changé à ton avis ? » c’est l’ergothérapie, ça ne me dérange pas de l’expliquer
E3 : « Par rapport à quoi ? » même si ça devient lassant de toujours réexpliquer la
ML : « Dans leur pratique à eux, ou dans leur vision de même chose. L’exemple typique c’est le blablacar ! Après
l’ergothérapie, il y a eu l’arrivée d’un modèle. A ton avis, ça ne me dérange pas car plus il y a de monde qui
qu’est-ce que ça a changé pour les professionnels de façon l’explique correctement, mieux ça sera représenté dans la
générale ? » tête des gens. Et c’est pour ça que je suis délégué
E3 : « Ils ont mieux identifié notre rôle je pense. Même si territorial, parce que ça me permet justement d’apporter
le rôle de l’ergothérapeute dans notre structure a toujours cette notion de l’ergothérapie à d’autres personnes qui ne
été bien défini parce qu’on a une directrice ergothérapeute. connaissent pas forcément et c’est hyper enrichissant.
Je pense que j’ai rapporté des termes très très ergo. J’ai Après par rapport à une personne qui n’a pas la même
essayé à ce qu’on arrête avec l’indépendance et vision que moi de l’ergothérapie je ne me suis pas souvent
l’autonomie. Parce qu’il y a eu un énorme dilemme. Quand confronté au problème mais je dirai que ce sont déjà des
je suis arrivé ils me parlaient d’indépendance fonctionnelle ergothérapeutes, du coup c’est plus difficile de faire
et d’autonomie je sais pas quoi… c’était un peu particulier. avancer cette mentalité. Ils ont été formés… C’est comme
Indépendance fonctionnelle… il suffit juste de mettre si toi on te disait : « bah non l’ergothérapie c’est pas autour
indépendance… Et ils mélangeaient les 2. Du coup je me des occupations. » »
suis rendu compte que j’avais fait une énorme boulette et ML : « Oui c’est une incompréhension. »
donc j’en parlais plus du tout et il n’y a plus une seule fois E3 : « Oui mais par contre si c’est une personne qui est
où je mets le terme d’indépendance ou d’autonomie dans vraiment intéressée, c’est le moment pour t’appuyer sur
mes compte-rendus. J’ai arrêté. Je parle de performance des preuves scientifiques. Il faut aller plus loin que des
occupationnelle, et que de ça. Et ça j’ai pu le faire paroles en l’air. »
notamment grâce à l’outil. Après, je trouve que depuis on ML : « Oui, tu dis que c’est important pour toi qu’on
a une approche qui part vraiment des attentes des parents. définisse… pour faire la promotion quelque part de
Mais c’est aussi parce que l’ARS nous demande de plus en l’ergothérapie et ce qui sert aussi à notre reconnaissance. »
plus de partir des besoins et des attentes des parents, E3 : « Oui et ce qui est difficile aujourd’hui, et ce qui peut
notamment au moment du projet individualisé. Et ça c’est nous mettre en difficulté c’est de justifier notre identité

XV
professionnelle, notre nouvelle identité, et qui peut être
vite fatigant pour les ergothérapeutes. Il y en a plein qui en
souffrent. »
ML : « Et dans ton institution, comment tu la
qualifierais la représentation de l’ergothérapie ? »
E3 : « Je trouve qu’elle est bien placée du fait qu’il y ait
déjà une ergothérapeute comme directrice, ça a positionné
notre rôle, c’est plus facile pour justifier des choses. Après
il y a quand même 5 ergothérapeutes sur la structure donc
c’est déjà pas mal en termes de représentation
professionnelle sur 33 salariés. »
ML : « Représentation numérique pour le coup. »
E3 : « Ouais. »
ML : « Et est-ce que tu dirais que la représentation
qu’ils ont au niveau de l’institution, tes collègues et
supérieurs, ça correspond à la représentation que toi tu
as de l’ergothérapie ? »
E3 : « Oui totalement. Surtout mes collègues ils ont une
représentation qui est très en lien avec l’amélioration de la
performance occupationnelle aussi et du coup je m’y
retrouve totalement. On n’utilise pas tous les mêmes
termes mais on s’y retrouve quand on échange entre
nous. »
ML : « Est-ce que d’après toi le fait d’utiliser la MCRO
permet que vos représentations de l’ergothérapie
soient homogènes, et qu’il y ait une bonne
représentation de la part de tes collègues et
supérieurs ? »
E3 : « Il y a une bonne représentation oui, mais je sais que
tous mes collègues n’utiliseraient pas la MCRO comme
outil. »
ML : « Ils pourraient utiliser un autre outil ? »
E3 : « Il y en a même qui ne sont pas du tout sur des
modèles de pensée. Clairement sur 5 de mes collègues il y
en a au moins 2 qui n’utiliseraient pas de modèle de pensée
ergothérapique. »
ML : « Est-ce que le fait d’utiliser un outil comme la
MCRO pour toi, est-ce que ça a changé la
représentation que tu as de ton métier ? »
E3 : « Oui, je trouve car j’ai pu mettre du sens sur
comment mener ma pratique, sur le bénéfice que ça
pouvait apporter aux personnes, sur aussi comment je
voyais mon métier et surtout ça m’aide à avoir une ligne
de conduite sur le professionnel que je veux être demain.
Même, ça me ramène des fois à cette ligne de conduite. Par
exemple j’ai vu que le jeune était en difficulté sur une
activité, j’ai envie de travailler ça avec lui. Et au bout d’un
moment, c’est se dire : « mais qu’est-ce que tu fais ? le
jeune n’a pas envie de travailler sur ça, c’est toi qui l’a
décidé parce que tu l’as identifié. Mais pourquoi tu ne pars
pas sur ce que lui a envie de faire quoi. »
ML : « Est-ce que ta définition de l’ergothérapie a
changé avec l’outil ou pas ? »
E3 : « Elle n’a pas changé, elle a évolué. Parce que changer
c’est quelque chose de complètement différent, comparé à
avant quoi. Je trouve qu’elle a évolué en rajoutant des
notions, idées, en mettant vraiment du sens sur mon
identité professionnelle ou sur ma pratique. »
ML : « Avec le vocabulaire et les termes qui ressortent du
modèle de pensée quoi. »

Fin de l’entretien.

XVI
5. Annexe 5 : Retranscription entretien Ergothérapeute E4
ML : « Est-ce que vous pouvez m’expliquer un peu dans votre entourage général, comment vous pensez qu’ils
quel lieu d’exercice vous travaillez ? » définissent l’ergothérapie ? »
E4 : « Je travaille dans un EHPAD depuis janvier 2014, ça E4 : « C’est une bonne question que je ne me suis jamais
fait un peu plus de 5 ans. A temps plein jusqu’au 31/10/18 posée ! A mon avis certains, alors ça dépend des personnes
et à mi-temps depuis le 1er novembre et donc je suis seule s’ils sont plus ou moins proches de moi. Certains pensent
ergothérapeute. C’est un EHPAD de 94 résidents avec 12 que je fais juste faire des activités, ou des animations aux
résidents qui sont en unité protégée et mon poste est personnes, que je les occupe. Mais occupe dans le sens,
financé par l’ARS sur le PASA. L’EHPAD date de mai pas propre à l’ergothérapie… au lieu de rien faire, on les
2013, donc j’ai fait l’ouverture du PASA. Mon poste est met en train de faire quelque chose quoi. Le terme
identifié sur le PASA mais j’ai pris des fonctions aussi occupation est difficile à… dans les 2 sens c’est difficile à
auprès des équipes soignantes en temps de formation définir… pas dans le sens thérapeutique du terme quoi. Je
gestes et posture, manutention ; Et auprès d’autres les mets en activité sans que ce soit des activités
résidents de l’EHPAD, je fais tout ce qui est aides thérapeutiques. Certains pensent que je fais du réglage de
techniques, positionnement au fauteuil, adaptations, etc. » fauteuil dans mon quotidien. Et les plus proches ont déjà
ML : « D’accord, et ça fait combien de temps que vous une idée plus pointue de ma pratique professionnelle. Et à
êtes diplômée en tant qu’ergothérapeute ? » mon avis, ils ont conscience du public auprès duquel je
E4 : « Je suis diplômée de juin 2013. » travaille, donc des personnes atteintes de démence… Et
ML : « Et donc vous avez utilisé l’outil le MOHOST pour eux, ils savent que je fais de l’occupationnel mais
dans votre pratique, vous ne l’utilisez plus dans le sens thérapeutique et ergothérapique en fait. J’aide
actuellement c’est ça ? » des personnes à gérer leur quotidien. »
E4 : « En fait je suis issue de l’IFE de Bordeaux, et après ML : « D’accord, plus dans l’aspect du quotidien. Et
mon diplôme il y avait Gladys Mignet qui a travaillé sur la qu’est-ce que vous pensez de l’identité professionnelle
production du MOHOST. Et dans sa traduction il a fallu des ergothérapeutes ? »
qu’elle présente l’outil à différents ergothérapeutes, et E4 : « Est-ce qu’elle est reconnue ? pas reconnue ? juste,
c’est dans ce cadre-là que premièrement c’était le MOH pas juste ? c’est ça ? »
que j’utilisais dans ma pratique. Et deuxièmement je me ML : « Oui, si je vous parle de l’identité professionnelle
suis dit : « bah tiens le MOHOST c’est quand même des ergothérapeutes, qu’est-ce que vous avez envie de me
intéressant, je vais l’utiliser. » Donc j’ai commencé à dire à ce sujet ? Comment ça vous parle ? »
l’utiliser dans le cadre du PASA. » E4 : « Bah moi je pense qu’elle n’est pas assez reconnue à
ML : « D’accord. Alors si vous êtes d’accord on va y sa juste valeur. Et je pense qu’elle est floue pour certaines
revenir un peu après dans les questions. Est-ce que vous personnes. A mon avis elle est très floue pour certains,
pouvez m’expliquer assez rapidement pour vous, ce pour diverses raisons. Parce que l’ergothérapeute aussi a
que c’est le MOHOST ? » un champ d’exercice très large et donc du coup en fonction
E4 : « C’est un outil d’évaluation, un bilan… je ne sais pas des personnes qu’il rencontre, des médias qu’il utilise etc,
trop définir l’un ou l’autre… En tout cas c’est un outil qui il va avoir un certain regard de l’ergothérapie qui n’est pas
pour moi me permet de recueillir, transcrire des forcément celui que moi j’exerce, ou il va être très
informations du résident, un certain nombre d’éléments. réducteur. Donc je pense qu’il y a différentes façons de
Cet outil va permettre de prendre du recul sur la situation connaitre l’ergothérapie. »
du résident en termes de participation, d’occupation et du ML : « Par rapport aux ergothérapeutes ? »
coup il va me permettre d’identifier des axes E4 : « Je pense que les gens n’ont pas conscience de
d’intervention à privilégier. Il permet à un instant t l’impact thérapeutique que l’on peut avoir. Et je pense que
d’évaluer la participation de la personne sur une période et c’est aussi parce qu’on va avoir un vocabulaire qui n’est
au moment de l’évaluation, de dire que cette personne elle pas médical d’un côté, mais un peu quand même, mais qui
a besoin de travailler telle ou telle chose, ou d’avoir est proche du quotidien des gens… Je ne sais pas trop
davantage de participation dans tel ou tel domaine. » comment expliquer ça. On n’a pas un langage purement
ML : « D’accord, donc ça c’est l’explication du médical et on a des expressions professionnelles qui ont un
MOHOST, et comment vous, vous définissez votre double sens par rapport au sens commun on va dire. Ça
métier d’ergothérapeute ? » met un peu de flou dans l’identité professionnelle car nous
E4 : « Définition simple ou plus complexe ? » on va exprimer notre quotidien, la façon dont on travaille,
ML : « Comme vous le souhaitez ! Votre définition de mais ça ne va pas être perçu de la façon avec laquelle on
votre métier. » va le faire transparaitre. Parce qu’on utilise des mots qui
E4 : « Moi tel que je le définis à quelqu’un qui ne le n’ont pas le même sens. »
connait pas je dis que l’ergothérapeute c’est une personne ML : « Oui, ce que j’entends en fait c’est que vous dites
qui permet à toute personne qui est en situation de que finalement la manière dont les ergothérapeutes
handicap, quel que soit son âge, de gagner en autonomie travaillent et le vocabulaire qui est utilisé peut porter à
ou en indépendance. Et je précise que du coup on travaille confusion auprès de la compréhension des autres
en EHPAD auprès de personnes âgées et que ma mission personnes. »
principale ça va être de stimuler sur le versant cognitif, E4 : « Oui c’est ça. Alors que les médecins ou
sensoriel et moteur la personne et de contenir les troubles psychologues ils vont avoir justement un vocabulaire qui
du comportement, à travers des activités signifiantes, pour ne va pas être compris et parce que les mots sont
favoriser leur participation occupationnelle. » complexes et nouveaux. »
ML : « D’accord. Et comment vous pensez que les ML : « Ok. Vous disiez que l’identité professionnelle
personnes qui ne sont pas ergothérapeutes… et pas donc elle était floue pour certaines personnes mais par
forcément dans votre lieu de travail mais même dans rapport aux ergothérapeutes, est-ce que vous pensez

XVII
que leur identité professionnelle propre peut être floue rendu pour que si jamais nos collègues lisent, se disent :
aussi ? » « ah bah oui ça tient la route ce qu’ils font, et ça sert à
E4 : « Non je ne pense pas. Je ne saurai pas l’argumenter quelque chose, elle est capable de bien expliquer, je
mais je ne pense pas qu’elle soit floue. Je pense que chaque comprends ce qu’elle fait. » A l’oral aussi, il faut qu’on
professionnel a sa propre identité, mais à mon avis elle est soit capables d’argumenter à l’oral et de comprendre et
claire pour la majorité on va dire. » d’expliquer aux uns, aux autres ce que l’on fait. Vous
ML : « Elle est claire pour les ergothérapeutes. Vous pouvez me rappeler la question de départ ? »
travaillez dans une équipe professionnelle où vous êtes la ML : « En fait vous disiez qu’aujourd’hui il était
seule ergo vous m’avez dit. Quels sont d’après vous les nécessaire d’argumenter et de prouver la place de
avantages ou les contraintes de travailler dans une l’ergothérapie au sein d’une structure et je vous
équipe où il y a d’autres ergothérapeutes ? » demandais : pour vous, comment on peut la prouver ? A
E4 : « Les avantages c’est qu’en terme de poids on va avoir partir de quoi ? Est-ce que vous vous avez des solutions
davantage de poids si on est 2 ou 4 à parler face à un même ou des outils pour prouver la place de l’ergo ? »
nombre de professionnels. Un autre avantage c’est que de E4 : « En EHPAD c’est aussi aller solliciter, demander des
parler avec un autre ergothérapeute ça nous permet de prescriptions médicales au médecin traitant, en
prendre du recul sur notre pratique professionnelle, ça argumentant et en amenant des éléments. »
nous aide à analyser notre pratique. Un autre avantage ML : « Donc je vais revenir un peu sur le MOHOST.
c’est que si jamais on a des questionnements sans réponses Donc vous l’avez utilisé à un moment de votre pratique,
on peut s’appuyer sur d’autres collègues pour s’appuyer d’après vous quelle était son utilisé, et quel apport ça
sur eux pour débloquer une situation avait dans votre pratique ? »
complexe. L’inconvénient c’est que si on est plusieurs E4 : « Alors en fait moi je travaille avec des résidents que
ergothérapeutes on peut avoir des modèles de pensée je voyais tous les jours, ou 3 fois/semaine, on passait la
différents et donc ne pas être sur la même longueur d’onde, journée ensemble. Je les connaissais très bien, on passait
et donc ne pas arriver à travailler ensemble. Ne pas aller beaucoup de temps ensemble, mais moi je me questionnais
dans le même sens ça peut être très compliqué parce qu’on quand même… Est-ce que je suis capable de prendre du
a des visions qui peuvent être différentes. Après quand j’ai recul sur ce qu’ils font au quotidien ? Est-ce que, ce que je
pris mon poste, pour moi c’était plus simple d’être seule leur propose, c’est adapté, est-ce qu’il faut réajuster mon
sur une ouverture de poste car je me suis dit que plan d’intervention ? Et j’ai utilisé le MOHOST dans cet
l’ergothérapie n’était pas du tout connue de mes collègues état d’esprit là. Aujourd’hui je me pose et je fais un bilan
et que si on vient soit remplacer quelqu’un ou soit dans une sur ce résident, et ça va m’aider à prendre du recul sur la
équipe avec d’autres collègues il y a automatiquement un situation du résident. »
élément de comparaison. Et donc soit on est meilleurs et ML : « Quand vous dites, besoin d’avoir du recul sur la
tant mieux, ça plait ou ça ne plait pas aux collègues et ça situation du résident, c’était par rapport à quoi
peut être compliqué parce qu’on a besoin de justifier, exactement ? »
d’argumenter, un manque de reconnaissance aussi, si ça ne E4 : « Bah c’était par rapport à sa participation dans les
se passe pas bien. » activités quotidiennes, son comportement, son
ML : « En fait ce que j’entends c’est que ça a été quelque investissement, la place qu’il occupe à l’EHPAD. Est-ce
part plus facile d’expliquer aux autres ce qu’était que j’ai une vision juste de la personne ? Je me disais que
l’ergothérapie parce que vous étiez seule, et sur une j’avais une vision très subjective de cette personne-là et
ouverture de poste et donc vous avez pu finalement pas forcément juste, et je voulais qu’elle soit plus
expliquer votre vision de l’ergothérapie et ce qui objective ? »
correspondait à votre pratique quoi. » ML : « D’accord, besoin d’objectiver en fait la situation
E4 : « Tout à fait. » d’un résident, avec ses besoins aussi, et qui il est ? »
ML : « Vous parliez de poids par rapport au fait d’être E4 : « Oui. »
plusieurs ergothérapeutes. Poids pour quoi exactement ? » ML : « C’est ça. Et pourquoi vous avez décidé d’utiliser
E4 : « Pour argumenter la vision ergo. Moi du coup, ma l’outil le MOHOST ? »
place est bien dans l’EHPAD, je n’ai pas de difficultés à E4 : « Parce que fin déjà il m’avait été présenté, je le
me faire entendre mais j’ai pu être dans des SSR par trouvais pertinent ; Aussi que pour moi à l’EHPAD je ne
exemple pour faire des remplacements où je sais qu’au me voyais pas faire un bilan soit en mettant en situation le
début il n’y avait pas du tout de visite à domicile. Il a fallu résident, soit avec un entretien. Parce que je considère
négocier pour montrer quel peut être l’apport de qu’on est sur un lieu de vie et qu’il ne doit pas se sentir
l’ergothérapie, il a fallu justifier l’intérêt de faire des évalué. Et je trouvais le MOHOST intéressant dans le sens
visites à domicile et si on est 1 ergothérapeute ce n’est pas où il s’appuie sur des observations de la personne, et non
pareil que si on est 10. On va avoir des arguments pas sur un entretien. Voilà, cette idée de pouvoir
différents et on va être davantage entendus. » retranscrire les observations que l’on fait de la personne et
ML : « Parce que vous pensez qu’aujourd’hui les ne pas l’avoir en entretien, c’était mon besoin en tout cas. »
ergothérapeutes ont besoin de négocier et ML : « Donc en fait finalement le fait de l’utiliser ça vous
d’argumenter l’apport de l’ergothérapie dans une a permis de plus avoir une vision objective de la situation
structure ? » de la personne quoi. »
E4 : « Oui. De prouver l’apport. » E4 : « Ouais. »
ML : « Et d’après vous comment on peut prouver ML : « Est-ce que vous avez vu aussi des apports peut-
l’apport de l’ergothérapie dans une structure, de être pour d’autres personnes que vous, dans votre
l’argumenter ? » institution, avec le MOHOST ? Vos collègues, les
E4 : « Déjà il faut avoir une certaine rigueur dans notre résidents ? »
travail, que ce soit sur les bilans, sur les compte-rendu E4 : « Oui parce que je l’utilisais du coup pendant les
d’interventions, etc. Il faut pouvoir être bon à l’écrit, faire projets personnalisés du résident. Le résumé que je faisais
de bons écrits, de bonnes transmissions, de bons compte- de la personne il était souvent représentatif de la vision

XVIII
qu’avaient les personnes du résident. Donc il permettait de E4 : « Je l’ai expliqué à ma supérieure hiérarchique. Fin à
mettre des mots justes sur la participation du résident au l’époque il n’était pas validé, pas la version française. Et
quotidien. En fait il a aidé pour les autres titulaires. » je l’ai aussi amené comme ça, pour agrémenter le travail
ML : « Cette équipe justement est-ce que vous pouvez de Gladys. Et que c’était pour aider dans la vision de la
me dire de quels professionnels elle est constituée ? » personne, pour analyser de manière plus objective la
E4 : « La psychologue, l’infirmière coordinatrice, un participation du résident au PASA. »
infirmier, une aide-soignante, une auxiliaire de vie sociale, ML : « Et est-ce que vous pensez que l’utilisation du
et voilà. » MOHOST justement a engendré des changements par
ML : « Et comment se déroule la répartition des rapport à l’équipe professionnelle ? »
activités professionnelles dans votre équipe ? » E4 : « Je pense que ça a créé un changement dans la vision
E4 : « Au PASA ? » du rôle de l’ergothérapeute. Après ça n’a pas créé de
ML : « Oui. » changement de vison de la personne, car je mettais en
E4 : « Au PASA on se répartit les temps de travail entre le exergue le truc qu’ils voyaient déjà, mais qu’ils n’étaient
PASA et l’EHPAD, et je travaille avec une assistante de pas en capacité d’identifier vraiment, qu’ils ne relevaient
soins en gérontologie au quotidien, après il y a la pas. »
psychologue pour les temps de réunion. Après au ML : « Donc vous dites que ça a provoqué un changement
quotidien on se répartit les activités en fonction de nos de la vision du rôle de l’ergothérapie. Est-ce que vous
compétences et de ce que l’on aime faire. » pouvez m’en dire un peu plus sur ce changement-là ? »
ML : « Et justement est-ce que en fait la répartition des E4 : « Souvent l’ergothérapeute en EHPAD peut être vu
activités professionnelles, même au niveau des rôles comme la personne qui gère le matériel. Et d’amener
professionnels de chacun, est-ce que c’est bien établi ? d’autres compétences en termes d’évaluation de la
Est-ce que vos champs de pratique et de compétence participation de la personne dans son quotidien, de la mise
sont bien établis ou est-ce qu’il y a peut-être des zones en activité, de l’évaluation des activités qu’elle fait…
grises, etc. ? » C’est en ce sens à mon avis que ça peut changer la vision
E4 : « Alors c’est bien établi mais en fait on ne fait pas mal du rôle de l’ergo. »
de transdisciplinarité au PASA. On sait ce que peut faire ML : « D’accord. En fait ce que j’entends c’est que peut-
l’un ou l’autre et surtout ce qu’il ne peut pas faire. Mais être avant que vous utilisiez le MOHOST dans votre
des fois on travaille en binôme aussi, ergo + ASG, on fait pratique à l’EHPAD, les autres professionnels avaient une
alors de la transdisciplinarité. Par exemple pour ce qui est vision de l’ergothérapeute un peu plus axée sur le matériel,
massage, relaxation je n’y touche pas, c’est le rôle de la la gestion du matériel en effet. Et puis avec l’outil, peut-
psychomot. » être qu’ils ont vu des nouvelles compétences en termes
ML : « D’accord, et donc ça veut dire qu’il y a des d’analyse d’activité et compréhension du quotidien de la
personnes qui font aussi de l’ergothérapie ? » personne. »
E4 : « L’ASG…fin de l’ergothérapie… Disons qu’on a les E4 : « Et aussi, ce que j’ai gagné c’est qu’en travaillant en
mêmes moyens : l’activité. Donc on va faire une activité PASA, mes collègues ne savent pas trop ce que c’est le
créative ça peut être de la peinture, de la mosaïque, mais PASA, et peuvent donc avoir une vision : « bah elle, elle
notre façon de l’amener, de stimuler la personne va être s’amuse avec les résidents. » Et d’apporter une certaine
différente. Notre façon d’observer la personne et analyse, ça permet de justifier qu’on ne fait pas des choses
d’analyser ce qu’elle va faire, va être différente. » juste pour s’amuser, pour prendre plaisir, et pour occuper
ML : « En fait vous travaillez avec des moyens similaires dans le sens du langage commun. »
mais vous avez votre approche et votre vision de la ML : « D’accord. Donc surtout ça a joué par rapport au
situation différente. » sens de l’occupation finalement, ça a changé la
E4 : « Oui et on met nos visions en commun. » compréhension du vocabulaire utilisé dont vous parliez
ML : « Oui, vous avez une communication par rapport à tout à l’heure, le sens commun est devenu un peu plus
vos différentes approches et ce que vous en ressortez, d’où thérapeutique. »
par exemple le compte-rendu dont vous parliez avec le E4 : « Ouais. »
MOHOST qui peut servir aux autres aussi. » ML : « D’accord ; Et vous me disiez que vous ne
E4 : « Tout à fait. » l’utilisez plus le MOHOST, pour quelles raisons ? »
ML : « Et donc ces professionnels en question, quand E4 : « Parce que à l’EHPAD parfois on a des périodes où
ils ont constaté que vous utilisiez l’outil du MOHOST, c’est difficile, avec du manque de personnel et qu’on est
comment ils ont réagi ? Comment ça a été par rapport obligés de faire au plus urgent et au basique. Et qu’à un
à l’arrivée d’un tel outil dans votre pratique ? » moment donné ma priorité, quand je me suis retrouvée
E4 : « Ils se sont dit, « c’est quoi ce truc ? A quoi ça seule comme professionnelle au lieu d’être en binôme, les
sert ? » ! Et voilà, après quand on arrive en équipe évaluations c’était moins important, et j’ai préféré prendre
pluridisciplinaire et qu’on dit « bah voilà moi j’ai relevé du temps pour proposer des activités aux résidents et
ça, ça, ça et ça. », moi je trouve que ça m’a permis de essayer de diminuer les troubles du comportement au lieu
montrer quelles compétences je pouvais avoir et les de faire des bilans tel que le MOHOST. Et après je n’ai
compétences d’analyse de la personne, sa participation. plus jamais repris la main. »
Mais au début ils se demandaient pourquoi je prenais du ML : « Parce que vous étiez en binôme avec quel
temps pour faire ça. » professionnel déjà ? »
ML : « Ce que vous dites c’est que ça a permis de montrer E4 : « Avec une assistante de soins en gérontologie. On
les compétences… vos compétences à vous et les était 2 sur le PASA et pendant plusieurs mois je me suis
compétences du patient ? C’est ça ? » retrouvée toute seule. »
E4 : « Non, mes compétences à moi d’analyse. » ML : « Parce qu’en fait c’est une évaluation qui prend du
ML : « Et comment vous l’avez expliqué ? Vous avez temps c’est ça ? »
pris un temps de réunion d’information ? » E4 : « Alors au début ça prend une grosse demi-heure ou
3/4 d’heure, et puis avec de l’entrainement j’arrivais à en

XIX
faire un en 20 minutes. Malgré tout il faut se poser pour le l’extérieur. Dernièrement, une infirmière coordinatrice est
faire, et faire le compte-rendu. Je courais après le temps venue faire des repas thérapeutiques avec nous, et elle m’a
quoi. » dit « En fait je ne pourrais pas travailler au PASA. » Parce
ML : « D’accord, et depuis vous n’avez pas réutilisé cet qu’elle ne se rendait pas compte de la difficulté que peut
outil-là. » être le contact auprès de cette population, car il faut les
E4 : « Non, je ne l’ai pas réutilisé, mais je le regrette un stimuler en permanence, parce qu’il faut mettre une
peu car récemment le conseiller expert-comptable de certaine énergie pour les amener à être en activité, il faut
l’ARS est venu nous voir pour redéfinir les besoins en surveiller… Et je pense que du coup quand on fait des
termes de soignants pour l’EHPAD et en fait on s’est rendu activités avec eux, ils pensent qu’on s’amuse, mais ils ne
compte qu’il y avait un gros manque d’évaluation du se rendent pas compte de tout ça. »
résident du PASA, qui n’avait rien comme évaluation. Et ML : « Ce que j’entends c’est que ce qui diffère entre la
je me suis dit que le MOHOST, si j’avais repris son représentation que vous vous avez de votre métier, et la
utilisation, il nous aurait peut-être servi à quelque chose. » représentation que vos collègues et supérieurs ont de votre
ML : « D’accord. Donc si je comprends bien le MOHOST, métier c’est toute l’analyse de l’activité qu’il y a derrière,
ça n’a pas changé votre vision de l’ergothérapie, ça reste c’est pas juste le fait d’être en activité, c’est tout ce qu’il y
un outil qui est vraiment utile pour communiquer aux autour de cette activité-là. »
autres ce qu’est l’ergothérapie, le sens de l’occupation, E4 : « Tout à fait. »
avoir un moyen d’évaluation qui permet d’objectiver une ML : « Est-ce qu’il y a autre chose sur laquelle vos
situation, mais vous avez arrêté de l’utiliser par manque de représentations diffèrent à votre avis ? »
temps et non pas par manque d’intérêt par rapport à E4 : « Non, à part ça je pense qu’on a les mêmes
l’outil. » représentations. »
E4 : « Oui, tout à fait. » ML : « On parlait d’outils ergo tout à l’heure… le
ML : « D’accord, je vais venir un peu là sur les MOHOST dans votre cas. D’après vous est-ce que le fait
représentations socioprofessionnelles : Vous, comment d’utiliser le MOHOST a changé la représentation que
vous vous sentez quand vous êtes face à une personne vous avez de votre métier ? »
qui a une représentation erronée de l’ergothérapie ? » E4 : « Non je ne pense pas en termes de représentation.
E4 : « Je lui explique comment je vois l’ergothérapie, C’est plutôt en termes de compétences, on nous reconnait
j’apporte des arguments pour l’amener à changer d’avis. » certaines compétences. »
ML : « Et quand c’est un professionnel de santé qui a ML : « En fait, par l’utilisation du MOHOST, vous avez
une représentation erronée de l’ergothérapie ? » l’impression que vos compétences ont mieux été relevées,
E4 : « En fait j’essaie de le questionner… j’essaie de comprises, d’autrui ? »
l’amener à avoir… comment expliquer… j’essaie de E4 : « Oui. »
questionner pour qu’il se rende compte que l’ergothérapie ML : « Mais votre définition de l’ergothérapie n’a pas
est autre chose de ce qu’il pense. Par exemple, disons au changé ? »
PASA : « bah voilà, toi tu fais des activités cuisine, tu E4 : « Non. »
t’amuses bien, ils sont beaux tes gâteaux. » « Oui, ok Fin de l’entretien.
effectivement je fais des gâteaux avec les résidents mais
est-ce que toi tu es capable d’analyser cette activité, quel
support tu as pour analyser cette activité ? ». Voilà, je
l’amène à ce qu’il se rende compte que je sers à quelque
chose et qu’il n’a pas la vision que j’aimerais qu’il ait en
tout cas. »
ML : « En fait ce que j’entends c’est que quand c’est une
personne qui n’est pas dans le monde de la santé vous lui
expliquez directement. Mais par contre si c’est une
personne qui est dans le monde de la santé, et qui est peut-
être déjà au contact d’ergos, vous l’amenez à réfléchir seul
pour que la réponse vienne de lui ? »
E4 : « Oui. »
ML : « Et dans votre institution, à l’EHPAD et au
PASA, comment vous qualifiez la représentation de
l’ergothérapie ? »
E4 : « Je pense que pour eux l’ergothérapeute les aides, est
clairement un soutien pour gérer les personnes avec des
troubles du comportement, pour les aider à maintenir des
capacités. Je pense qu’ils me voient clairement comme la
gestionnaire des aides techniques ! Mais pas que… Et c’est
en ça que je suis plutôt satisfaite. Gestionnaire des aides
techniques et des cas complexes de positionnement. »
ML : « D’accord ; Et est-ce que votre représentation de
votre métier correspond à celle qu’il y a dans votre
institution ? Ou est-ce que vous ne partagez pas la
même représentation de l’ergothérapie ? »
E4 : « Je pense qu’il y a du travail à faire. Ils n’ont pas la
représentation de l’ergothérapie telle que moi j’aimerais
qu’ils l’aient. A mon avis mon rôle au PASA est encore
flou car ils n’y viennent pas, ils ne voient que de

XX
6. Annexe 6 : Retranscription entretien Ergothérapeute E5
ML : « Est-ce que vous pouvez m’expliquer dans quel c’est qu’elles puissent faire ce qui est important pour elles
lieu d’exercice vous travaillez, et la population avec qui dans leur environnement. Et du coup moi j’ai toujours
vous travaillez ? » travaillé en réadaptation, jamais en rééducation donc en
tant qu’ergothérapeute je suis là en tant
E5 : « Alors moi je travaille au sein d’un SAMSAH
qu’accompagnateur de la personne pour trouver un peu des
(Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes
façons de faire différentes dans le quotidien pour adapter
Handicapés), c’est un service de coordination donc
son environnement, avec ce qu’elle est. Un peu un soutien
j’interviens avec une équipe pluri disciplinaire, donc
à la personne pour apprendre à faire autrement ce qu’elle
ergothérapeutes, infirmières, conseillère en économie
a envie de faire avec ce qu’elle est. »
sociale et familiale, éducatrice spécialisée, médecin,
psychologue. Et on intervient au domicile de personnes en ML : « D’accord, et de façon générale, pas forcément
sur votre lieu de travail, mais comment vous pensez que
situations de handicap qui sont âgées de 20 à 60 ans, voir
les personnes qui ne sont pas ergothérapeutes
plus. Et on n’est pas un service spécialisé, donc on
perçoivent votre métier ? Comment définissent-ils
accompagne les personnes quel que soit le handicap, donc
l’ergothérapie ? »
on a des personnes qui ont des problèmes, pathologies
neurodégénératives, des personnes avec des troubles E5 : « Alors généralement on a à faire à des définitions
assez restrictives de notre métier : souvent les aides
moteurs, associés à des problèmes sensoriels. On a des
techniques, l’adaptation du logement. En fait on est réduits
personnes déficientes intellectuelles également, ou des
à une action qu’on peut avoir mais rarement à une
troubles cognitifs liés à des traumatismes crâniens, on peut
avoir du handicap psychique également. Voilà on a un définition vraie de notre travail. Mais c’est vrai qu’on est
panel de personnes que l’on accompagne assez large, plutôt rattachés à des actions, où alors si les gens ont été
en centre de rééducation, « ah bah c’est vous qui faites les
voilà. On peut intervenir dans tout type de situation assez
exercices pour les membres sup, c’est vous qui travaillez
complexe avec généralement des problématiques qui sont
imbriquées, que ce soit au niveau de la pathologie, du l’équilibre. » En général on est rattachés à une action
qu’on peut avoir. »
social… Situations un peu lourdes à domicile. »
ML : « D’accord, donc très varié alors. » ML : « En fait ce que vous dites c’est que finalement les
définitions que vous entendez elles sont beaucoup tournées
E5 : « C’est ça. »
autour du matériel : les aides techniques, l’adaptation du
ML : « Et alors vous, depuis combien de temps vous
logement… Et puis ce que j’entends c’est que finalement
êtes ergothérapeute ? »
les personnes voient l’ergothérapie come seulement une
E5 : « J’ai été diplômée en juin 2013. »
ML : « Et vous utilisez donc l’outil d’évaluation le facette de tout ce qu’on peut faire, ne prennent pas en
globalité l’ergothérapie, c’est ça ? »
MOHOST, depuis combien d’années ? »
E5 : « Oui, en général, pas forcément partout mais dans la
E5 : « Je travaille au SAMSAH depuis janvier 2017 et
majorité, c’est plutôt ce à quoi moi j’ai pu être confrontée
donc je me suis penchée sur cet outil vraiment quand je
quand j’ai pu me présenter en tant qu’ergothérapeute
suis arrivée au SAMSAH, quand j’ai regardé sur quel outil
je pouvais m’appuyer, durant mes bilans. Donc je peux auprès de personnes avec qui j’avais pas travaillé avant.
C’est souvent quand même ça qui ressort encore
être amenée à l’utiliser depuis plus de 2 ans. »
malheureusement. »
ML : « Est-ce que vous pouvez m’expliquer
ML : « Et alors qu’est-ce que vous pensez de l’identité
rapidement, pour vous, qu’est-ce que c’est le
professionnelle des ergothérapeutes ? »
MOHOST ? »
E5 : « C’est un outil d’évaluation qui est utilisé du MOH E5 : « Actuellement ? »
ML : « Oui. »
et qui permet de se pencher sur tous les domaines auquel
E5 : « Alors pour moi c’est une grande question. C’est vrai
s’intéresse le MOH. Pour moi c’est surtout un rappel pour
qu’on a un métier très large qui s’appuie sur des concepts
rien oublier. Et du coup on va interroger la performance,
qui peuvent je pense être assez complexes à comprendre et
l’environnement, la volition, l’habituation. Moi ce qui
m’intéresse beaucoup c’est la description et les différents du coup je pense qu’on a encore notre identité
professionnelle, mais je ne sais pas si elle est partagée par
items dans tout ce qui est volition et habituation, qui pour
toutes les générations d’ergothérapeutes, voir même par
moi est assez intéressant dans cet outil-là. »
ML : « D’accord, donc ça vous permet vous disiez d’avoir tous les instituts de formation. Je pense qu’il y a encore
parfois quelques disparités entre les IFE, et du coup on a
un rappel pour rien oublier et puis interroger tous les
domaines de la personne. » encore une identité à affirmer car elle peut rester encore
floue, et du coup c’est compliqué parfois de l’asseoir aux
E5 : « C’est ça, et aussi de situer la personne, comme c’est
yeux du grand public ; Car parfois nous-même au sein de
bien décrit à chaque fois : si c’est facilitateur, si ça limite…
notre profession, l’identité de l’ergothérapeute n’est pas
Fin ça me permet un peu d’avoir un guide pour objectiver
encore toujours très claire. »
un peu mes observations et les informations que je peux
avoir au cours du bilan. Ça me permet de prendre de la ML : « Ce que je comprends bien de ce que vous dites c’est
que finalement, le fait que l’identité professionnelle des
distance et de mettre des mots plus objectifs sur les
ergo ne soit pas très claire au sein même de la communauté
situations. »
des ergothérapeutes via les formations aussi, finalement
ML : « D’accord, alors ça c’est votre explication du
c’est ce qui ferait que, pour le grand public ce n’est pas
MOHOST. Et est-ce que vous pouvez maintenant me
clair non plus quoi. »
définir votre métier, ergothérapeute ? »
E5 : « En tout cas je ne pense pas que ça soit la seule
E5 : « Alors pour moi en tant qu’ergothérapeute, mon
raison, mais ça peut jouer. Et puis aussi, c’est vrai qu’on
travail c’est que les personnes puissent réaliser leurs
occupations dans leur environnement avec ce qu’elles n’est pas encore reconnus donc les gens, en dehors des
IFE… les collègues parfois dans certains lieux dans le feu
sont, tout ce qu’elles sont au niveau moteur, cognitif, au
de l’action de leur activité, ils ne vont pas se poser la
niveau de leurs intérêts, de ce qu’elles aiment. Mon but

XXI
question de savoir s’il y a eu un ergothérapeute a un après c’est vrai que j’ai une collègue qui a été pendant ses
moment donné qui faisait comme ça parce que c’était pas études, sensibilisée au MOH, donc du coup c’est simple
encore la vision contemporaine qu’on en a, ils ne vont pas pour moi d’échanger avec elle. Du coup c’est vrai
forcément être toujours prêts à entendre une autre version qu’actuellement dans ma pratique je n’ai pas vraiment
du métier. Fin là j’ai l’impression que je vous décris un d’inconvénient à ce qu’il puisse avoir plusieurs
tableau très noir mais il y a des lieux où ça se passe très ergothérapeutes dans le service. Et dans mes anciens lieux
bien, où on est bien reconnus, il ne faut pas s’inquiéter non de travail j’étais toute seule, donc je n’ai pas trop
plus, mais c’est vrai qu’au niveau de l’identité d’inconvénients qui me viennent en tête. »
professionnelle en tout cas on a encore une grande marge ML : « D’accord. Et donc vous utilisez l’outil du
d’affirmation. » MOHOST, issu du MOH : selon vous c’est quoi son
ML : « Vous disiez que peut-être les ergothérapeutes ne utilité ? Son apport dans votre pratique ? »
partagent pas tous la même identité professionnelle, et E5 : « Pour moi ça me permet aussi… ça a un intérêt en
que ça a un lien aussi avec les formations. D’après vous, évaluation ça me permet d’objectiver mes observations par
qu’est-ce qui diffère entre les ergothérapeutes, et du rapport à la personne, notamment par rapport à des notions
coup les instituts de formation ? » qui peuvent être plus abstraites comme la volition ou
E5 : « Je pense vraiment qu’on est dans une vision l’habituation. C’est surtout pour ces 2 domaines là que je
aujourd’hui contemporaine de l’ergothérapie, avec les trouve ça intéressant. Et aussi ça m’a permis quand je suis
sciences de l’occupation, une vision plus holistique de la arrivée dans le service, que ce soit auprès de mes collègues
personne, voilà c’est vraiment cette démarche-là dans ou de ma direction, d’appuyer le fait que je pouvais avoir
laquelle on est aujourd’hui. Ça a été affirmé je pense en un regard sur ces dimensions-là. C’est-à-dire qu’il y a des
plus avec la réforme des IFE début 2010 avec l’intégration modèles ergo avec des outils qui questionnent ces
au niveau licence. Mais du coup les anciennes générations questions sur la personne, et du coup je suis aussi légitime
n’avaient pas forcément cette vision-là, avec une vision pour donner un avis, pour évaluer la personne à ce sujet-
plus biomédicale du métier, qu’on peut encore parfois là. Donc il y a à la fois le côté pratique pour moi, pense-
croiser en rééducation. Et suivant les IFE je pense qu’il y bête, et au sein de l’équipe un peu de, bah voilà, en tant
a eu aussi plus ou moins de temps qui a été mis pour qu’ergo je suis légitime pour questionner ces aspects-là. »
appréhender cette vision un peu plus contemporaine de ML : « D’accord. Ce que j’entends c’est que finalement
l’ergothérapie et pour la traduire à ses étudiants. C’est vous avez trouvé un intérêt pour votre pratique : ça permet
comme ça que je l’ai vécu moi à l’époque mais c’est aussi d’avoir une évaluation ergo, qui vous aide en pense-bête
parce que je faisais partie de la 1ère année de la réforme où quand vous évaluez la personne. Et puis d’appuyer votre
les modèles conceptuels, on était la première année où on pratique auprès de vos collègues et hiérarchie. »
en a entendu parler de façon plus poussée, en tout cas sur E5 : « C’est ça. »
le secteur où moi j’ai été formée. » ML : « Et pourquoi vous avez décidé d’utiliser un outil
ML : « Est-ce que du coup pour vous… vous parliez de ergo ? Avant vous n’en utilisiez pas, pourquoi avoir
la différence entre l’ancienne génération et la nouvelle utilisé le MOHOST ? »
génération qui est au niveau des sciences de E5 : « Parce que du coup quand je suis arrivée au
l’occupation… Est-ce que pour vous ça se traduit aussi SAMSAH c’était une création de service, je suis la 1ère
avec les modèles conceptuels ? » ergothérapeute à être arrivée, et ma collègue 1 an après.
E5 : « Oui je pense que les modèles conceptuels Donc la demande de ma hiérarchie c’était qu’il fallait que
participent vraiment à une nouvelle vision de chaque professionnel… quand la personne nous est
l’ergothérapie, à une pratique différente de l’ergothérapie, orientée dans le service on a une période
à des questionnements qui se posaient peut-être moins d’évaluation/bilan, et ensuite on fait un projet personnalisé
quand on les maitrisait moins. Et je pense en effet que les avec nos objectifs de travail avec la personne… Et donc on
modèles conceptuels ça contribue aussi à ce qu’on puisse nous a demandé de réfléchir à quels outils on pouvait
se positionner en tant qu’ergothérapeute ; Et c’est ce qui utiliser pour évaluer la personne au domicile. Et donc je
fait aussi la différence parfois dans nos pratiques avec… me suis lancée sur la question, l’outil je le connaissais de
des fois on peut avoir des actions qui se rapprochent nom, je l’avais déjà vu, mais jamais utilisé dans les faits.
d’autres catégories professionnelles, mais je pense que Et il m’a semblé approprié pour avoir une vision un peu
c’est la façon de les réfléchir à l’aide des modèles plus globale de la personne. Je ne l’utilise pas
conceptuels qui fait qu’on peut dire que c’est de systématiquement, mais c’est vrai que quand j’ai besoin de
l’ergothérapie, et qu’on peut le justifier comme ça. » recul sur ces dimensions d’habituation, volition,
ML : « D’accord. Je vais revenir par rapport à votre facilitateur, d’obstacle… c’est vrai que c’est quelque chose
pratique en tant qu’ergothérapeute : actuellement vous vers lequel je vais me tourner préférentiellement. En tout
travaillez dans un domaine où il y a d’autres cas ça a été une demande et un besoin de service de se
ergothérapeutes ou vous êtes la seule ? » pencher sur la question des outils d’évaluation qu’on
E5 : « On est 2 dans le service. » pouvait utiliser. »
ML : « D’après vous, quels sont les avantages ou ML : « D’accord donc c’était vraiment une demande de
contraintes de travailler dans une équipe où se trouvent votre hiérarchie, de votre service d’avoir des évaluations
d’autres ergothérapeutes ? » spécifiques à votre profession ? »
E5 : « Pour moi les avantages : ça permet d’avoir des E5 : « C’est ça. »
échanges réguliers sur notre pratique au niveau des ML : « Donc ce que vous dites c’est qu’il y avait un apport
situations car quand on se retrouve coincés sans trop pour vous dans votre pratique : ça vous permet d’avoir du
d’idées, on a la collègue qui peut être un peu là en recul sur la situation, etc. Est-ce que par rapport au
soutien… Mais au-delà du pratico-pratique ça permet de MOHOST, est-ce qu’il y a eu des apports pour peut-être
se questionner sur vraiment la pratique ergo : est-ce que là les usagers que vous accompagnez, vos collègues… En
je suis bien dans ma position ? est-ce que là c’est bien de plus d’avoir une évaluation ergo, est-ce qu’il y a eu des
l’ergothérapie ? Pour moi c’est vraiment un avantage, apports pour autrui ? »

XXII
E5 : « C’est vrai que pour les personnes accompagnées, je et fluide depuis le début et c’est une vraie chance dans
l’ai beaucoup utilisé avec des personnes qui étaient l’équipe. »
déficientes intellectuelles pour le coup. Donc je pouvais ML : « D’accord. Et alors comment ont réagi vos
être amenée à faire un entretien avec la famille pour collègues quand ils ont constaté que vous utilisiez un
conforter ce que j’avais pu observer dans leur quotidien. outil ergo, le MOHOST. Comment il a été accueilli ? »
Donc pour les familles parfois ça a permis de questionner E5 : « Alors du coup les toutes 1ères fois, donc il y a 2 ans,
sur des choses auxquelles ils n’avaient pas forcément ça a été un peu la surprise notamment au niveau de la
réfléchi avant. De là à dire que ça a eu un gros apport, je direction. Puisque la direction s’était renseignée sur quels
ne sais pas. Après on va dire que c’est tellement pris dans professionnels il y avait au sein d’un SAMSAH donc voilà
notre service global au sein de l’équipe que c’est difficile ils ont embauché un ergothérapeute mais c’est vrai qu’ils
de mesurer ça. Au niveau de mes collègues je dirai que ça ne s’attendaient pas à ce qu’il y ait une vision aussi globale
a permis de se dire aussi : « bah voilà, c’est vrai qu’on de la personne, et peut-être qu’ils avaient en tête une
avait pas pensé à quels sont ses centres d’intérêt, est-ce définition un peu plus restrictive de l’ergothérapie. Et au
qu’il fait facilement des choix ? Est-ce qu’il s’adapte niveau des collègues, quand on peut leur parler de certains
facilement ? » Donc pour mes collègues ça a été une façon de nos outils ils peuvent être surpris par l’aspect assez
de réfléchir différente. Et d’ailleurs avec ma collègue large de notre regard et surtout ce qui ressort parfois c’est
ergothérapeute on accompagne des situations complexes, sur la complexité de nos modèles et des termes aussi qu’on
et parfois on se prend aussi du temps en dehors des visites peut utiliser entre ergo. Donc au début ça a été plutôt de la
à domicile pour réfléchir aux situations, et on a proposé à surprise et après ça s’est intégré facilement dans nos
nos collègues à chaque fois de réfléchir sur la base de la pratiques en fait. »
volition de la personne : ses intérêts, ses valeurs ; ML : « Ce que j’entends finalement c’est que les
l’habituation : quels sont ses rôles et habitudes de vie ? changements que l’outil du MOHOST a fait au sein de
Quelles sont ses capacités ? Son environnement ? On s’est l’équipe c’est ce que vous disiez tout à l’heure : une façon
un peu inspiré de ce qu’on avait dans le MOH pour de réfléchir différemment, une vision plus globale de la
travailler avec nos collègues pour avoir une vision globale personne, et puis du coup par rapport à l’ergothérapie ça a
toutes ensemble sur la situation. Et c’est parti de ce que permis de se rendre compte de la vision globale qu’on avait
nous on utilise en ergothérapie et maintenant c’est utilisé face à un usager et de voir comment on pouvait aller dans
plus généralement par l’équipe du SAMSAH quand on a toutes ses dimensions. »
besoin de poser les choses et de réfléchir plus globalement E5 : « Exactement c’est ça. Je pense que ça leur a vraiment
dans les situations complexes. » permis de se rendre compte que l’ergothérapie ça n’était
ML : « D’accord. Vous parlez de vos collègues pas associé à une action particulière, que l’ergothérapie
justement, est-ce que vous pouvez me dire comment se c’était surtout une façon d’analyser la situation et qu’on
déroulent vos activités professionnelles dans l’équipe, allait pouvoir ensuite mettre en place des actions qui
au niveau des champs de pratique et compétences de effectivement… voilà c’est quelque chose beaucoup plus
chacun, est-ce que c’est bien défini ? Est-ce que le rôle large et riche que simplement des actions, interventions. »
de chacun est bien défini ? Ou est-ce qu’il y a des zones ML : « D’après vous c’est quel aspect de l’outil qui a
grises ? » provoqué ces changements ? Est-ce que c’est juste le
E5 : « Alors du coup on est amenés à travailler souvent en fait d’utiliser un outil d’évaluation ? Ou est-ce que c’est
collaboration. Alors nous au niveau ergo c’est vrai qu’on le vocabulaire utilisé ? Est-ce que c’est finalement juste
a un champ d’activités… en fait on intervient dans toutes d’avoir un support pour communiquer sur
les situations, que ce soit pour le quotidien, le loisir, le l’ergothérapie ? »
travail, pour l’adaptation de l’environnement, de stratégies E5 : « Je pense qu’il y a un peu de tout. Il y a le fait qu’on
de compensation… on intervient vraiment partout et on ait des bilans tirés de modèles ergo, il y a le fait qu’on ait
travaille en collaboration avec l’infirmière si on a besoin des termes pour analyser des situations bien spécifiques, je
d’une expertise plus médicale, en collaboration avec les pense que c’est un tout qui a fait avoir une vision différente
éducatrices spécialisées dès qu’il s’agit d’autonomie dans aux collègues. »
les activités instrumentales de la vie quotidienne ou quand ML : « Et par rapport aux représentations
on est dans le travail ; Nos collègues CESF vont être plutôt socioprofessionnelles, comment vous, vous vous sentez
des appuis pour nous quand on fait des demandes quand vous êtes face à une personne qui a une
administratives, de financement, des demandes représentation erronée de votre profession ? »
d’établissement, etc. Donc au sein de l’équipe c’est clair E5 : « ça dépend de la représentation. Quand c’est une
chacun a sa vision, c’est bien distinct entre personne qu’on peut accompagner, alors très souvent au
ergo/infirmière/éducatrice spécialisée/CESF, par contre on niveau du SAMSAH les gens n’ont jamais entendu parler
travaille beaucoup ensemble sur les mêmes points et c’est d’un ergo. Ils n’ont même pas de représentation erronée
rare qu’on intervienne toute seul dans notre coin pour un car ils ne savent pas ce que c’est. Mais certains peuvent en
domaine particulier. » avoir croisé en centre de rééduc, ça me donne envie de leur
ML : « D’accord. Donc le rôle de chaque professionnel est expliquer différemment. Je me dis que dans la pratique,
bien clair, le rôle de l’ergothérapie aussi, même si vous s’ils sont en capacité d’appréhender tout ça, la personne
intervenez un peu avec tout le monde, dans beaucoup de accompagnée ou la famille aura une vision qui va évoluer.
domaines, c’est assez clair dans votre institution ? » Parfois je suis frustrée quand ce sont des partenaires. Par
E5 : « Oui c’est vrai que depuis 2 ans je n’ai jamais eu exemple récemment une assistante sociale m’a dit : « mais
d’interpellation de mes collègues sur quelque chose qui qu’est-ce que vous faites toute la journée ? Une
n’était pas, qui ne relevait pas de l’ergothérapie, ou au ergothérapeute dans un SAMSAH, des aménagements de
contraire des collègues qui ne m’ont pas sollicité alors que domicile il n’y en a pas tous les jours ». Et là c’est plus de
c’était justement de l’ergothérapie, ou qui ont remis en la frustration car c’était dans un service de psychiatrie
question nos interventions. C’est vrai que ça a été très clair donc il y a des ergothérapeutes qui interviennent en
psychiatrie et qui ne font pas d’aménagements de

XXIII
domiciles non plus. Donc c’était plutôt de la frustration, J’ai eu la chance d’être la première ergo du service donc
mince le message ne passe pas ! Alors est-ce que c’était la j’ai pu avancer l’image que moi j’avais auprès de mes
professionnelle en face qui n’était pas apte à le recevoir ? collègues, c’est confortable. »
Ou est-ce que c’est les professionnels qui au bout d’un ML : « Est-ce que vous pensez que finalement,
moment n’ont plus envie de se battre non plus ? Ça peut l’utilisation d’un outil tel que le MOHOST dans
être à la fois un challenge, j’explique ce que c’est le métier l’équipe a changé la définition ou la représentation
et parfois c’est source de frustration. » qu’avait vos collègues de l’ergothérapie ? »
ML : « Oui… Et alors dans votre SAMSAH, comment E5 : « Oui je pense que certaines collègues quand elles
qualifiez-vous la représentation de l’ergothérapie ? » sont arrivées elles avaient de la même façon que la
E5 : « Pour mes collègues, les ergo on est celles qui se direction, que d’autres partenaires, une vision plus
posent beaucoup de questions, sur tout. Dès la phase restreinte du métier, parce qu’elles avaient travaillé en
d’évaluation… qui avons des outils un peu bizarres mais rééducation avant, parce qu’elles avaient vu que des
qui sont bien utiles parfois. Et qui après je pense qu’on est aménagements de domiciles ou de la préconisation d’aides
celles qui travaillent le plus souvent en collaboration avec techniques. Donc elles ne se disaient pas qu’on pouvait
les autres car du coup on peut intervenir dans tous les travailler sur de la mise en situation des activités au
domaines de la vie de la personne accompagnée. Et je quotidien, qu’on va se questionner sur les habitudes de vie.
pense que ça les collègues elles l’ont très bien compris et Je pense que du coup le fait d’avoir un outil qui se
que c’est comme ça qu’elles appréhendent notre travail. questionnait sur ces dimensions ça leur a permis d’avoir
Elles ne vont pas faire appel à nous que parce qu’il y a un une vision plus large de l’ergothérapie. »
problème dans les AVQ. Je pense qu’elles nous voient un ML : « Pourquoi vous avez choisi d’utiliser le
peu comme des professionnels polyvalents en tout cas au MOHOST plutôt qu’un autre outil ? On parle
niveau des domaines d’intervention. » beaucoup de la MCRO, etc… Pourquoi le
ML : « Est-ce que vous vous partagez cette MOHOST ? »
représentation professionnelle ou est-ce qu’il reste des E5 : « Alors quand j’ai été étudiante ergo j’ai eu la chance
points sur lesquels vos représentations diffèrent ? » de faire un stage avec une ergothérapeute colombienne
E5 : « Au niveau du SAMSAH la vision qu’ont mes d’origine, où en Colombie le MOH c’est vraiment la bible.
collègues de ma profession pour moi ça me va, ça répond Donc ça m’a sensibilisé particulièrement à ce modèle. Et
à la façon dont moi je vois mon travail. Peut-être la seule je n’ai jamais vraiment lâché au profit d’un autre même si
chose c’est que parfois on me demande un avis en tant j’ai lu là-dessus. Moi je me suis tout de suite tournée vers
qu’ « expert » pour certaines choses en tant qu’ergo je vais le MOH car il me parle le plus dans ma représentation de
avoir un avis sur la question. Et on va me dire : « ah bah si l’ergo. »
tu penses que c’est comme ça, mets ça en place. » Et où ML : « Et donc vous avez eu une formation pour
parfois je réponds que non parce que la personne n’est pas l’utiliser ? »
d’accord. Moi je ne peux pas imposer,même si j’ai un avis E5 : « Malheureusement non, c’est uniquement de la
sur la question. Je ne peux pas l’imposer à la personne, il documentation dans la littérature que j’ai pris parce que
y a peut-être autre chose à travailler. Comme je n’ai jamais j’ai demandé des formations et ça n’a pas été accepté par
travaillé en rééducation je n’ai pas cette vision où moi je mon établissement. Mais bonne nouvelle, bientôt on va
sais et je vais apprendre à la personne. Je suis vraiment là être formés au AMPS, c’est bien car c’est un outil du
en tant qu’accompagnatrice et du coup je me situe au MOH. »
même niveau que la personne, je ne lui impose rien, même ML : « Par rapport au MOHOST justement, est-ce que
si parfois il y a des notions de sécurité et il faut pousser un pour vous le fait d’utiliser cet outil a changé la
peu. Donc c’est ça qui manque parfois avec la vision de représentation que vous avez de votre métier ? »
certaines de mes collègues où bah oui t’es un professionnel E5 : « Pour moi non car j’ai été formée avec le MOH donc
du paramédical, toi tu sais donc tu imposes à la personne ça n’a pas changé ma représentation puisque c’est celle
ta façon de voir comme on peut le faire parfois en que j’avais déjà. Et c’est pour ça que je me suis tournée
rééducation. C’est le seul point je dirai où je peux différer vers cet outil-là car il répondait à la représentation que j’en
avec l’équipe. Et encore je ne sais pas si c’est propre à mon avait. »
identité d’ergothérapeute. Ou si je faisais un autre métier
je verrai les choses pareilles. Mais sinon la vision de Fin de l’entretien.
l’ergothérapie au sein de l’équipe, elle me va plutôt bien.

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7. Annexe 7 : Grille d’analyse des données
Le tableau est à consulter ligne par ligne. Les colonnes de gauche reprennent les concepts théoriques du mémoire avec les différents thèmes abordés lors des entretiens, les numéros correspondent
aux sous-thèmes. Les réponses des ergothérapeutes sont classées en fonction des thèmes et sous-thèmes pour une meilleure analyse.

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