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les couples
en crise ?
Carrefour des psychothérapies
Collection dirigée par Édith Goldbeter-Merinfeld
Comment aider
les couples
en crise ?
Le modèle multigénérationnel
en thérapie de couple
1re édition
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : Février 2022 ISSN : 1780-9517
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2022/13647/007 ISBN : 978-2-8073-3045-0
Sommaire
Remerciements 7
Introduction 9
Sommaire 5
CHAPITRE 13. Le couple dans le divorce 177
Remerciements 7
Enfin, un remerciement spécial, affectueux et reconnaissant, est réservé à
nos conjoints Lorena et Carlo, pour nous avoir supportés à la maison, tantôt
fatigués, tantôt absorbés, entre engagements professionnels et inspirations sou-
daines, durant les neuf mois de gestation traversés pour donner naissance à ce
livre.
Introduction 9
des partenaires choisit de parler des difficultés qu’il a avec l’autre à un tiers, le
thérapeute, au lieu d’affronter ensemble les problèmes. Cependant, les crises
de couple, les divorces hostiles et les retombées sur la santé, tant physique que
psychologique, des enfants se sont accrus démesurément, au point que certains
experts influents de la famille ou du couple affirment que les demandes de
thérapie de couple sont en constante augmentation.
Une erreur historique de la thérapie de couple d’orientation systémique a été
de créer une sorte de frontière infranchissable entre ce qui tient à la famille et
ce qui regarde le couple ; frontière par ailleurs en contradiction avec le concept
même de système familial, où la totalité n’est pas égale à la somme des parties.
Ainsi, il peut arriver que des thérapeutes de couple ne rencontrent jamais de
famille dans leur pratique clinique, réservant toute leur attention exclusivement
aux dynamiques entre les partenaires. Il arrive même que, faisant référence à sa
propre formation de psychothérapie, on choisisse d’énumérer ses compétences
spécifiques : thérapie individuelle, de couple et familiale, comme si elles étaient
des interventions très diversifiées, quand au contraire la matrice théorique de
référence devrait être la même. Je me souviens de façon encore assez nette,
de deux pionniers de la thérapie familiale, avec une sensibilité et une formation
très différentes, qui affirmaient au congrès international de Florence de 1978 :
« La thérapie de couple n’existe pas ! » Il s’agissait de Mara Selvini Palazzoli et
de Jay Haley, qui soulignaient que le couple est seulement un sous-système de la
famille, et qu’on doit affronter ses problématiques dans un cadre familial. Cette
pensée, qui à l’époque me semblait un peu catégorique, guiderait mon travail
clinique avec les couples dans les quarante années suivantes, malgré la proli-
fération, au fil du temps, des thérapeutes et des écoles de formation de théra-
pie de couple. Mais alors jeune thérapeute j’avais besoin, au-delà des petites
phrases, d’apprendre concrètement comment affronter le thème du couple
dans la dimension intergénérationnelle. Dans cette recherche de compétence,
la rencontre de Murray Bowen à Washington et celle avec James Framo à
Philadelphie, tous les deux venant d’une formation psychodynamique, furent
fondamentales pour ma croissance personnelle et professionnelle.
Bowen avait développé une théorie révolutionnaire sur la famille, qui est
encore aujourd’hui une pierre angulaire de la thérapie familiale multigénéra-
tionnelle. En réalité, nous pourrions affirmer que ses énoncés offrent une des-
cription évolutive très sophistiquée de la croissance d’un individu à l’intérieur
de ses relations familiales. C’est précisément en réfléchissant sur cela que j’ai
choisi d’intituler Dalla famiglia all’individuo (Bowen, 1979 ; « De la famille à l’in-
dividu ») la traduction italienne parue sous ma direction qui réunit les essais
les plus importants de Bowen. Pour travailler sur le couple dans une dimen-
sion intergénérationnelle, les concepts de différenciation du Soi de sa famille
d’origine, de coupure émotionnelle, de transmission intergénérationnelle des
processus d’immaturité, d’onde de choc affective qui traverse les triangles fami-
liaux en situation de stress, pour n’en citer que quelques-uns, sont un manuel
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éprouvés. Framo préférait la rencontre avec les personnes réelles, et préparait
soigneusement avec chaque partenaire une rencontre spéciale avec sa famille
d’origine. Dans ces séances, que Framo appelait « la chirurgie majeure de la
thérapie familiale », les familles élaboraient leur passé et leur présent. Il affir-
mait que les enfants devenus adultes doivent résoudre leurs conflits avec leurs
parents avant que ceux-ci ne meurent. Réussissant à pardonner à ses parents,
on peut percevoir le partenaire d’une façon plus réaliste. Je peux confirmer
que je fus très impressionné par le travail préparatoire pour ces rencontres spé-
ciales, et par la conduite chaleureuse et respectueuse de Framo ; mais je dois
admettre, comme nous le verrons dans le cours de ce livre, que l’idée de séparer
le couple dans les rencontres respectives me semblait manquer une occasion
spéciale, où chaque partenaire pourrait apprendre quelque chose sur soi et sur
la relation de couple à travers l’expérience en direct et très engageante de
l’autre. Peut-être le long parcours clinique partagé avec Whitaker m’empê-
chait-il de servir de pont entre les deux conjoints, surtout face au dévoilement
des vérités familiales importantes tant pour l’un que pour l’autre partenaire.
Suivant la devise whitakerienne, « on ne fait jamais de plans dans le dos des
familles » ; il me paraissait difficile de devenir dépositaire de connaissances
profondes sur la croissance d’un partenaire en excluant l’autre.
Fort différentes et très originales étaient les séances de multicouples, qui étaient
conduites en cothérapie. La structure générale était très simple. Il s’agissait de
trois couples, et chacun parlait pendant vingt-cinq minutes des problèmes les
plus importants de leur relation, guidé par les questions et les interventions de
Framo. Puis, pendant les cinq minutes qui suivaient, les deux autres couples four-
nissaient leurs réflexions à ce sujet. Et le même schéma se répétait pour chaque
couple. D’une certaine façon, on introduisait un concept social de soutien émo-
tionnel et de solidarité réciproque à l’intérieur de la séance, qui devenait à tous
égards une thérapie de groupe, où chaque couple pouvait se refléter dans l’autre, et
transformer ses propres problèmes en ressources relationnelles. Pendant quelques
années, de retour en Italie, je me suis moi aussi essayé au travail clinique avec les
multicouples, sans toutefois élaborer à fond l’expérience, et sans rien écrire sur cette
intéressante forme d’intervention groupale, reprise plus amplement par de nom-
breux cliniciens dans le travail multifamilial.
Whitaker n’avait pas un schéma de travail spécifique par rapport aux problèmes
de couple, pas plus que concernant les problèmes liés aux conflits entre parents
et enfants. Son modèle était un travail trigénérationnel naturel, quasi instinctif,
visant à dépathologiser la famille, en élargissant le champ d’observation soit vers le
haut (la génération aînée) soit vers le bas (les enfants), dans le but de saisir au sein
de ce voyage dans l’histoire l’essence de chaque individu, à travers l’expérience
de la thérapie. Ses interventions étaient basées sur ses intuitions et associations
libres (son contre-transfert), où des sauts temporels d’une génération à l’autre,
des questions métaphoriques et des self-disclosure permettaient de rompre les sché-
mas défensifs, et de mettre à nu la partie la plus intime de chacun. Son modèle
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de Fromm, Sullivan et Thompson, qui s’étaient détachés de la pensée freu-
dienne pour leur vision positive de l’homme, qui porte en lui une nécessité
vitale de se réaliser, un élan vers la vie plutôt que vers la destructivité.
La disponibilité, l’humanité du thérapeute face à la douleur authentique du
patient ainsi que sa sécurité intérieure et ses résonances affectives sont les élé-
ments essentiels du processus thérapeutique selon Morrone, l’inspirateur de la
thérapie hornéienne en Italie. Intéressante et convergente est la description du
développement de la thérapie familiale fournie par Minuchin, lors du congrès
historique de Rome en 2000 consacré aux pionniers de la thérapie familiale.
Minuchin illustre l’American quilt of family therapy en distinguant deux sortes de
thérapeutes, l’un plus chaud et interventionniste, et l’autre plus froid et déta-
ché. Et dans la première catégorie, il identifie comme précurseur du mouvement
naissant de thérapie familiale justement le groupe néofreudien cité plus haut.
Les attitudes thérapeutiques de recherche du positif, apprises dans ma
formation psychanalytique, je les ai amplement transférées dans mon travail
avec les couples en crise, où se rencontrent deux histoires de souffrance et
d’espérance. La danse relationnelle entre deux partenaires et l’harmonie dans
les mouvements s’apprennent, si on restitue la subjectivité de l’un comme de
l’autre, en dépassant les emboîtements de couple et les complémentarités dys-
fonctionnelles. De deux moitiés qui se mélangent, on peut passer à deux unités
qui se rencontrent : si ce passage évolutif a lieu, on peut reformuler le choix de
l’autre, et passer du partenaire dont on a besoin, à celui entier avec qui partager
les expériences de vie. Ce virage sera possible si chaque partenaire réussit à
redécouvrir son vrai Soi, et à donner un sens à son histoire de développement.
Les ennemis à vaincre, selon Horney, sont aux deux extrêmes : d’un côté, le
Soi idéalisé, qui pousse vers une perception grandiose et sans limite de sa propre
existence, et qui nécessite une approbation constante de l’environnement
extérieur ; à l’autre extrême, au contraire, se situe le Soi méprisé, qui s’exprime
avec une forme de haine et de dévalorisation totale vis-à-vis de soi-même.
Nous avons déjà écrit à propos du couple à plusieurs occasions. La première,
chronologiquement, remonte à 1988, à la suite d’un extraordinaire congrès
international sur la Thérapie de couple, organisé par l’Institut de thérapie
familiale de Rome l’année précédente. En effet, est sorti alors La crisi della
coppia (Andolfi, 1999 ; « La crise du couple »), un livre historique qui découle
d’un travail de grande valeur, encore très actuel, et dédié à la mémoire de
Virginia Satir qui avait participé activement au congrès susnommé.
Il y a vingt-sept ans (1993), naissait l’académie de psychothérapie de la famille,
véritable pépinière d’expériences cliniques et de réflexions théoriques sur la famille
et sur le couple. Après plusieurs années de travail de collecte de données, est ainsi
paru le livre La thérapie racontée par les familles (Andolfi, Angelo, D’Atena, 2001),
qui recueillait une recherche qualitative sur les résultats à distance de la thérapie
familiale. À l’intérieur de la recherche, un sous-groupe significatif était représenté
Introduction 15
le pont relationnel privilégié, pour rencontrer leur famille. Grâce au guidage par
les enfants et à la spécificité de leurs troubles, nous sommes remontés aux pro-
blèmes les plus lourds et les plus pressants du couple, qui n’aurait jamais réussi
à formuler une demande d’aide explicite et directe, soit par peur de la sépara-
tion, soit à cause des traumas et des blessures encore ouvertes avec les familles
d’origine respectives. Dans ce parcours à rebours, que nous pourrions appeler du
bas vers le haut des générations, ma formation de pédopsychiatre, qui m’amenait
à un rapport constant et assidu avec les enfants, m’a été d’une grande aide. Les
enfants m’ont ouvert la porte sur leurs familles, et en les prenant comme guides,
j’ai pu orienter mes explorations et mes interventions. À mon tour, pendant
cinquante ans, j’ai cherché à transmettre à de nombreux collègues et institu-
tions de soins la même philosophie, et avec Anna Mascellani, nous voudrions
maintenant emmener le lecteur dans ce voyage au cœur des trames de la famille,
à la recherche de transformations de couple authentiques et durables.
Maurizio Andolfi
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du couple conjugal. Toutefois, il arrivait souvent que, après un premier par-
cours thérapeutique avec la famille pour un problème d’un enfant, on réus-
sissait à entrer dans les problématiques du couple plus purement relatives au
rapport conjugal. Et justement, ce dernier passage consolidait tout le travail
fait avec la famille. C’était une sorte de parcours thérapeutique à rebours, qui
partait d’un symptôme constaté d’un dysfonctionnement parental pour arriver
à la distorsion de base pertinente de la conjugalité. Il s’agissait de thérapies de
couple camouflées, amplement citées et décrites dans ce livre.
Si je devais dire ce que j’ai appris de plus dans mon expérience clinique
depuis tant d’années, c’est que la thérapie de couple devrait être considérée
comme une thérapie préventive, vers laquelle se tourner quand la crise entre
les partenaires est manifeste et se prolonge dans le temps, surtout s’ils sont déjà
parents ou veulent le devenir. Le sous-système du couple est l’axe central de
tout l’échafaudage familial : si celui-ci vacille, tout l’édifice Famille sera tou-
jours en danger.
Au fil des années, la thérapie de couple en tant que telle s’est révélée de
plus en plus comme une richesse explicite, également à l’académie de psycho-
thérapie de la famille. Et c’est ainsi qu’en 2004, un petit groupe de six per-
sonnes (Maurizio Andolfi, Lorena Cavalieri, Alessandra Santona, Massimo
Falcucci, Fulvio Sciamplicotti et moi-même) décida de former une équipe
stable, donnant vie au service de psychothérapie du couple au sein du pôle cli-
nique de l’académie. L’idée de fond était d’utiliser le modèle de thérapie fami-
liale multigénérationnelle directement dans le sous-système du couple, mais aussi
celle de proposer une méthode de travail qui voit la cothérapie homme-femme
comme une constante de toutes les interventions, avec l’aide de tout le groupe
derrière la glace sans tain. Tous les jeudis, pendant de nombreuses années,
l’équipe se rencontrait pour travailler ensemble, avec un nombre croissant de
couples qui demandaient à être aidés pour eux-mêmes, en affinant toujours
plus une intervention spécifique : la thérapie de couple intergénérationnelle. Dans
un climat de grand enthousiasme et de curiosité, nous nous essayions à former
différents couples thérapeutiques, en alternant le suivi des cas, et en apprenant
toujours quelque chose de nouveau, soit de la part des couples soit de notre
groupe. Cette expérience professionnelle qui est la nôtre a été présentée dans
divers congrès et a été la source d’articles et de recherches conduites au sein
de l’académie.
Depuis quelques années, Maurizio Andolfi a déménagé en Australie, où
il vit la majeure partie de l’année et où il continue de travailler, rencontrant
couples et familles dans un contexte culturel évidemment très différent du
contexte italien. À titre d’exemple, en Australie, le nombre moyen d’enfants
par famille est de deux/trois ; ils quittent très jeunes la maison ; et la famille
d’origine n’est quasiment jamais en soutien du couple : soit elle vit très loin,
soit du moins elle n’est pas impliquée et engagée comme celle italienne.
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dans le treizième chapitre, nous décrirons notre méthode de travail dans les situa-
tions de divorce bloqué, souvent à l’origine d’une symptomatologie des enfants,
pour laquelle arrive une demande d’aide, ainsi que ces demandes contraintes de
la part d’institutions pour des couples en phase de séparation et fortement hos-
tiles, afin de les aider à retrouver une fonctionnalité sur le plan parental.
Dans le dernier chapitre, nous traitons enfin le travail avec le couple dans
les familles reconstituées, en illustrant comment notre modèle thérapeutique
intergénérationnel est appliqué dans ces situations qui voient vraiment dans
la capacité de survie du couple, face aux différents défis que ce type de famille
lui impose, le facteur le plus significatif pour le bien-être et le développement
sain de la famille entière.
Nous aurions voulu conclure ce livre en consacrant un chapitre à la thérapie
avec les couples homosexuels, thème sans doute significatif dans la conjoncture
actuelle. Mais nous avons préféré ne pas le faire, parce que nous aurions dû
nous limiter à raisonner sur une revue bibliographique, étant donné que notre
casuistique en matière de thérapie des couples du même sexe est très limitée.
Comme on le verra, le livre entier a une physionomie essentiellement clinique.
À partir de notre double expérience, celle de Maurizio Andolfi dans l’hémis-
phère austral, et la mienne en Italie, nous avons choisi de proposer au lecteur
notre modèle thérapeutique, en offrant deux cultures différentes : l’italienne,
résolument latine et sans aucun doute plus expressive, et l’anglo-saxonne, plus
détachée et introvertie. Et nous avons choisi de le faire en utilisant notamment
le récit d’histoires thérapeutiques, certaines vécues ensemble en cothérapie,
d’autres séparément, chacune dans son contexte de travail actuel. Dans le désir
d’illustrer l’exposé des constructions théoriques et la description de la pratique
thérapeutique à travers des exemples ponctuels, quarante-sept vignettes cli-
niques sont présentées dans ce livre, rendant vivante la présence des nom-
breux couples que nous avons rencontrés, ainsi que leurs enfants, leurs familles
d’origine et leurs amis, en tant d’années d’expérience clinique. Évidemment,
pour des motifs de confidentialité, les noms et les références des nombreux
protagonistes ont été modifiés, mais tous les cas cliniques présentés sont réels.
Au terme de notre long travail, en relisant les différents cas racontés, nous
avons vu notre intuition initiale confirmée : bien que les couples diffèrent
entre eux d’un point de vue culturel, les problèmes que nous sommes amenés
à affronter quotidiennement sont partout très semblables, comme s’il existait
une composante universelle du malaise de couple. Et la méthode intergéné-
rationnelle s’avère également efficace dans des cultures et des modalités de
faire-famille très différentes les unes des autres. Comme nous le verrons sous
peu, les dynamiques et les problématiques de couple d’un bout à l’autre du
monde, sont presque les mêmes.
Anna Mascellani
L’approche cognitivo-comportementale
L’approche cognitivo-comportementale dans la thérapie de couple tend à mettre
l’accent sur les processus cognitifs et les interactions comportementales à l’in-
térieur du couple, en aidant chaque partenaire à devenir un meilleur observa-
teur de ses propres pensées automatiques, ainsi que de ses hypothèses et de ses
schémas cognitifs au sujet de leur relation qui se sont enracinés au cours du
temps (Baucom, Epstein, Kirby, 2015). Le postulat de base est que les réponses
dysfonctionnelles de chaque partenaire, émotionnelles ou comportementales,
aux évènements relationnels sont influencées par les erreurs dans l’élaboration
des informations, et par les évaluations cognitives faussées ou arbitraires des
évènements mêmes (par exemple : « Tu es sorti boire avec tes amis après le
travail parce que tu t’intéresses plus à eux qu’à moi ! »), ou par des standards
déraisonnables et extrêmes sur la façon dont la relation de couple devrait être
(par exemple : « Si notre mariage était vraiment heureux, nous ne devrions
jamais être en désaccord ni nous disputer ! ») (Baucom, Epstein, 1990).
Frank Dattilio, représentant éminent de la thérapie cognitivo-
comportementale de couple, a été profondément influencé par les idées de
Beck, qui déjà en 1967 affirmait que les individus répondent aux stimuli à tra-
vers une combinaison de réponses cognitives, affectives et comportementales,
et que chacun de ces stimuli interagit avec les autres. Dattilio (2010), dans
son livre Cognitive-Behavioral Therapy with Couples and Families, présente une
intégration des concepts clés des théories neurobiologiques, systémiques et de
l’attachement, et illustre comment la Schema Therapy, basée sur les schémas
(les croyances) du Soi propres aux individus, peut être appliquée aux couples,
une fois mis en lumière les schémas émotionnels de chaque partenaire.
Le choix du partenaire
Deux personnes qui tombent amoureuses et décident ensuite de se marier, ou
de vivre ensemble, ne se choisissent jamais par hasard. L’attraction physique a
la fonction d’un aimant, qui permet aux partenaires de ressentir un intérêt spé-
cial et un désir de contact qui passent par des sensations ressenties fortement
dans le corps. Or nous savons bien qu’à travers le regard, les gestes, le ton de la
voix et le contact physique, on peut arriver à conclure des relations sexuelles,
d’ailleurs très agréables et épanouissantes, mais cela ne conduit pas toujours à
tomber amoureux. Alors, qu’est-ce qui déclenche le désir de se lier vraiment
à cette personne-là, que peut-être à une autre occasion nous n’aurions jamais
imaginé choisir ? La volonté de s’unir à quelqu’un définitivement se base sur un
jeu extrêmement subtil et sophistiqué, dans lequel l’attraction est plus psycho-
logique que physique et est corrélée avec le contexte et un moment précis du
processus évolutif de chacun des deux individus. Le passage de l’état d’engoue-
ment, et donc de l’idéalisation de l’autre, et du rapport qui fait perdre le vrai
sens de la réalité dans une sorte de fusion à deux, à un amour « moins aveugle »
et plus mature est complexe et demande du temps.
De nombreux auteurs ont étudié et décrit les raisons profondes qui amènent
à choisir le partenaire et à stabiliser une relation amoureuse, en utilisant dif-
férents prismes d’observation. D’un côté, nous avons ceux qui ont embrassé
la théorie de l’attachement, pensant que le choix du partenaire et l’amour
adulte peuvent se comprendre en se basant sur les styles d’attachement infan-
tiles (Mikulincer, 1995 ; Shaver, Mikulincer, 2002 ; Bowlby, 1979 ; Johnson,
Whiffen, 2003 ; Santona, Zavattini, 2007). Ils pensent aussi que la formation
d’un couple repose sur la capacité du partenaire de confirmer les représenta-
tions de soi et des autres développées dans la petite enfance.
CAS CLINIQUE
Un épisode particulier
Paul et Sandrine se rencontrent un soir d’été et tombent amoureux. Elle vient d’une
famille aisée, plutôt sophistiquée, dans laquelle les thèmes de la culture et du formalisme
ont depuis toujours marqué la distinction. Dernière de quatre filles et préférée de son
père, un professeur de philosophie qui la comblait de cadeaux, souvent des livres,
Sandrine a toujours eu un rapport difficile avec sa mère, femme raffinée, mais épouse
négligente d’un homme éternellement en quête d’approbation. Le conflit profond,
mais enfoui, entre ses parents a été le leitmotiv de la vie familiale, dans un contexte de
haute imprévisibilité émotionnelle, et Sandrine, qui depuis toujours s’est chargée du
maintien de la stabilité couvrant les tensions conjugales, a incarné pour toute la famille
la valeur de la sécurité. Sandrine est une femme forte, décidée et rigoureuse. Appliquée,
avec d’excellents résultats scolaires, elle est diplômée en histoire de l’art et a réussi le
concours pour enseigner à l’université.
Paul, fils unique, a perdu son père à l’âge de 2 ans dans un accident de voiture. À la
suite de la tragédie, la jeune mère au foyer retourna vivre chez ses parents, âgés, retraités,
d’origines modestes, assumant le rôle de chef de famille, se trouvant un travail, consa-
crant ses journées entières à soutenir sa famille. Elle n’a jamais refait sa vie, et Paul a
quasiment été élevé par ses grands-parents. Grandissant parmi les adultes, et avec de
rares fréquentations d’enfants, passionné de lecture depuis petit, Paul passait son temps
libre tout d’abord en jouant seul, puis en lisant des bandes dessinées et des romans
d’aventures. Aujourd’hui, c’est un homme timide et introverti, mais avec de profondes
valeurs morales. Après une période houleuse en début d’adolescence, il se ressaisit en
commençant à étudier avec d’excellents résultats, et en choisissant une profession sûre
comme celle d’ingénieur.
« Ce qui m’a fait tomber amoureuse de lui, c’est sa simplicité et sa spontanéité ! » dira
Sandrine en parlant de Paul aux thérapeutes. Et elle racontera l’épisode, apparemment
insignifiant, qui lui avait fait penser avoir finalement rencontré la bonne personne pour
elle. Un jour, elle était allée avec Paul acheter un jouet pour un neveu. Une fois sortis
du magasin, assis dans la voiture, Paul lui avait donné un cadeau, un paquet pour elle,
tout juste acheté en cachette. Il contenait une poupée faite de chiffons colorés, un
emblème mimique de la générosité de son papa, mais aussi de son enfance bafouée,
finalement reconnue.
CAS CLINIQUE
Un faux départ
Alain et Claire sont en couple de longue date. Mariés depuis plus de trente ans, deux
enfants jeunes adultes partis depuis peu de la maison. Lui est un chirurgien cardiaque
pédiatrique reconnu, alors qu’elle est employée dans une petite entreprise, sans beau-
coup de satisfaction. Ils ont une très belle maison, soignée dans les moindres détails,
et Claire est une épouse impeccable, presque parfaite, qui s’occupe de son mari comme
s’il était un oracle. Cinq chemises repassées sur le lit tous les matins, chaussettes et
cravates de différentes couleurs : il doit seulement choisir lesquelles enfiler pour aller
au travail. Claire anticipe tous ses désirs, prépare le café avant même qu’il ne le demande,
et inonde la maison d’une musique douce, celle qu’il préfère.
C’est Alain qui fait la demande de thérapie de couple. Il a un peu plus de 60 ans, il se
rapproche de la retraite, ses enfants sont partis, et il a des troubles psychosomatiques
qui l’inquiètent : tension élevée, tachycardie, il se sent comme s’il était en prison. Dorée,
mais une prison quand même. Il dit ne plus vouloir vivre ainsi, avec ce sentiment de
culpabilité qui l’envahit et est en train de le tuer. Depuis toujours, il trompe son épouse
avec de multiples femmes, essentiellement ses collaboratrices, rien d’important, mais
pour lui tout cela a toujours été nécessaire, il n’arrivait pas à en faire moins. Aujourd’hui,
toutefois, il n’en peut plus. Il veut comprendre s’il aime sa femme, qu’il apprécie beau-
coup, et s’il peut rester seulement avec elle.
Claire a toujours connu et accepté avec une tranquillité apparente l’existence des rela-
tions extraconjugales de son mari, dont il lui a toujours raconté même les détails. Elle
n’a jamais fait de scène de jalousie. Elle a suivi une longue thérapie individuelle, de plus
de dix ans, pour sa dépression, compagne de vie depuis la naissance de son premier
enfant ou peut-être même avant. Elle accepte de venir en thérapie avec Alain, dit vouloir
changer les choses, mais elle sait qu’elle ne pourrait pas vivre sans lui. Elle ne peut pas
le perdre.
En réalité, le pacte intime sur lequel les deux conjoints se sont unis il y a tant d’années
était un pacte impossible, basé sur l’alimentation d’un sentiment de culpabilité paralysante.
Ils se sont connus à 18 ans, au moment où Claire s’était retrouvée presque seule au
monde : son père était mort avant sa naissance dans un accident de la route, sa mère
mourut d’un cancer quand Claire avait à peine 15 ans, et son unique frère venait de
décéder d’une leucémie foudroyante. Alain raconte que, précisément sur le parvis
de l’église où venaient d’être célébrées les funérailles du frère de Claire, une tante de cette
dernière la lui confia, lui demandant d’en prendre désormais soin pour toute la vie.
Alain, troisième de cinq frères, a toujours été le fils modèle, le seul vraiment fiable aux
yeux d’un père très fier de lui, qui le préférait aux autres, suivant toujours ses conseils
brillants et géniaux, les seuls en mesure de sauver son activité commerciale, et créant
des jalousies et des rivalités entre les frères. Ce fils et ce frère « infaillible » a été en réalité
Le couple harmonieux
Cette première sorte de configuration de couple est composée de deux parte-
naires capables de partager les expériences de la vie et de se respecter récipro-
quement dans une relation stable et intime. Tous les deux ont réussi à réaliser
Le couple déséquilibré
Les couples qui ne peuvent pas se reconnaître dans la configuration décrite
ci-dessus sont identifiés par nous comme des couples déséquilibrés, dans lesquels
le lien à deux est sérieusement compromis par un ensemble de distorsions rela-
tionnelles. Retenons que le terme de distorsion est plus adapté que celui de
relations pathologiques ou perverses, parce que, plutôt que de se concentrer
sur des aspects symptomatiques, il favorise une attitude bienveillante chez le
thérapeute, assurément beaucoup plus adéquate dans la construction de l’al-
liance thérapeutique, et dans l’attente d’une transformation positive.
Les couples déséquilibrés sont des couples insuffisamment équipés pour
accomplir leurs tâches de développement, parce que l’équilibre entre appar-
tenance et séparation est définitivement compromis, et que les frontières
générationnelles sont confuses. L’aspect le plus problématique de ces situa-
tions concerne l’impossibilité de modifier cette organisation de couple quand
a) Le couple conflictuel
La tension et la souffrance vécues quotidiennement par ce type de couple
en fait la configuration que nous rencontrons majoritairement en thérapie.
Dans le couple conflictuel, il n’y a pas d’harmonie, mais des oppositions et
des désaccords à de nombreux niveaux. D’un côté, nous trouvons un par-
tenaire qui ne s’est jamais vraiment séparé de sa famille d’origine, mais a
vécu une coupure émotionnelle précoce (Bowen, 1979), fuyant tout type de
lien familial, tout en continuant à alimenter sa colère vis-à-vis des ques-
tions laissées en suspens avec ses parents et ses frères et sœurs. L’autre par-
tenaire, à l’inverse, n’a pas réussi à se séparer / s’individuer du lien avec sa
famille, avec laquelle il maintient encore une forte relation de dépendance
émotionnelle. Ce sont ces situations dans lesquelles le couple est en pratique
adopté par la famille du partenaire indifférencié, dès lors qu’aucun des deux
n’est en mesure de nourrir ni de protéger l’unité du couple de l’intrusion
de la famille d’origine. L’un est trop impliqué, et l’autre est trop distant.
En réalité, le partenaire qui a vécu une condition de privation émotionnelle
de ses premières figures d’attachement, pourrait inconsciemment désirer la
dépendance de la famille de l’autre, favorisant ainsi le développement d’une
relation de couple de type concurrentiel, semblable à celle entre des frères
et sœurs querelleurs.
CAS CLINIQUE
Une adoption mal réussie
Régis et Sylvie, 41 et 37 ans, sont les parents de jumeaux de 12 ans, qu’ils ont eus
immédiatement après leur mariage. Ils habitent à proximité de la maison des parents
et des sœurs de Sylvie, et ils travaillent tous les deux dans la boulangerie dont ils sont
propriétaires, située au centre du petit village où ils résident. Ils demandent une thérapie,
sur les conseils d’un ami à elle, pour les disputes continuelles qui rendent la vie à la
maison impossible, mais aussi parce que Sylvie a découvert que son mari prend du
temps sur son travail pour aller le passer sur les machines à sous d’un bar situé dans
le chef-lieu du département.
Régis est le dernier de cinq garçons qui, depuis qu’ils sont petits, ont appris le métier
de leur père boulanger et qui, par la suite, ont émigré à Paris pour ouvrir tous ensemble
une affaire, plutôt florissante encore aujourd’hui. À l’âge de 15 ans, Régis suivit ses frères
en s’installant à Paris ; mais après une brève période, il sentit qu’il n’arriverait pas à rester
dans cette grande ville, et il est retourné au pays vivre avec sa mère, désormais seule,
et qui entretenait une relation spéciale avec lui. Il rencontre Sylvie, une fille du même
endroit très liée à sa famille, et l’épouse. Dernière de trois sœurs, Sylvie est une jeune
débrouillarde et une grande travailleuse, entièrement dévouée jusqu’au sacrifice pour
garantir le confort économique à sa famille. À la mort de sa mère, qui se produira peu
de temps après, Régis souffrira énormément, et les parents de Sylvie sauront l’accueillir
comme un fils dans leur grande famille, qui au-delà d’offrir son aide quotidienne pour
les petits-enfants, soutiendra économiquement le couple dans l’ouverture au village
de l’activité commerciale, dans laquelle Régis et Sylvie investiront toute leur énergie.
Régis se liera fortement à ses beaux-parents, et particulièrement au père de Sylvie,
représentant pour ce dernier le fils qu’il n’a jamais eu. Ce sera malheureusement la
découverte d’une maladie incurable du beau-père qui générera les premières frictions
dans le couple : Régis aurait voulu tout faire pour le sauver, en le faisant opérer par le
b) Le couple instable
Ce type de couple est généralement composé de deux personnes très insécures
et seules, qui ont vécu des expériences analogues de négligence ou de détache-
ment dans leurs familles d’origine. L’attraction entre les partenaires apparaît
fortement centrée sur la condition commune de privation affective. Dans la
tentative de satisfaire les besoins frustrés d’attention et d’affection, chacun
demande à l’autre de devenir le parent qu’il n’a jamais eu, créant une grande
confusion quant aux attentes et aux demandes à l’intérieur du couple. Tout
cela donne lieu à une relation instrumentale qui ne conduit pas à une réelle
intimité ni à une complicité de couple, mais plutôt à une demande pressante
de présence et de proximité affective qui limite la liberté des deux en étant le
résultat de l’incapacité de chacun à supporter la distance.
Le manque de sécurité et l’instabilité sont les ingrédients essentiels de ce type
de couple, dans lequel les deux partenaires se comportent comme des orphelins,
même si les parents sont encore en vie, mais pas disponibles pour répondre à
leurs demandes. Métaphoriquement, nous avons défini cette condition comme
celle de deux orphelins psychosociaux, dans laquelle les partenaires, pour sup-
porter leur situation douloureuse d’incertitude et de grande confusion, sont à
la recherche constante de réassurance. Si celle-ci n’est pas reçue par les étages
élevés (la génération précédente) ou, encore moins, par leur relation de couple,
ils la chercheront à l’étage des enfants. Il n’est pas difficile de comprendre qu’un
enfant mis au monde pour remplir un vide sera prématurément privé de soins et
d’attentions authentiques pour bien grandir (Andolfi, 2015).
CAS CLINIQUE
La fille avec la valise et l’ermite
Alexandra et Lionel demandent une consultation, car ils ont reçu des alertes de la part
de l’école de Marco, leur enfant de 7 ans, qui ne reste jamais tranquille, ne suit pas, et
surtout perturbe le déroulement des leçons. Effectivement, durant la première séance,
à laquelle est présent l’enfant, ce dernier est très agité, il se contorsionne, mais surtout,
à peine repris par ses parents, il manifeste un niveau élevé de rage, à laquelle il donne
voix par tous les moyens, menaçant de tout casser. Ce qui frappe les thérapeutes est
l’attitude des deux adultes face aux attaques continuelles de l’enfant : ils lui parlent
d) Le couple sandwich
Écrasé entre deux générations, le couple sandwich représente la configuration
de beaucoup de couples contemporains. La génération ancienne, avec une
durée de vie toujours plus longue, est souvent présente dans la vie du couple
et dans le développement des petits-enfants, selon des modalités cohérentes
avec des modèles et des traditions culturelles très divers. Dans les situations
où est présent un parent âgé, malade physiquement ou mentalement, quand
on n’est pas en état de recourir à des structures de soutien, comme des maisons
de retraite ou des aides à domicile, il est très commun que ce soit la famille
qui doive s’en occuper, imposant de gros sacrifices aux générations les plus
jeunes. Prendre soin de parents âgés nécessitant une assistance, peut-être pour
de nombreuses années, peut devenir pour le couple un engagement pénible et
épuisant, tant d’un point de vue émotionnel que de celui plus purement orga-
nisationnel. À cette situation, nous devons en ajouter une autre toujours plus
CAS CLINIQUE
Je ne veux pas m’en mêler !
Simone et Paul sont mariés depuis dix ans, ils ont trois enfants de 8, 6 et 4 ans, tous
les trois désirés, selon un projet partagé depuis les premiers moments de leur relation :
les jeunes conjoints allaient construire ensemble une grande famille, pleine de joie et
d’allégresse. Depuis les premières années de mariage, Simone et Paul ont instauré des
relations de profonde amitié avec différents couples semblables au leur, dans lesquelles
les adultes se fréquentent à tour de rôle dans les habitations respectives, toujours avec
leurs enfants, dans un contexte festif et familier. Avec une famille en particulier, qui
habite sur le même palier, et composée de Stéphane, Marie et de leurs trois enfants,
D’autres types d’amis, ceux qui ne fuient pas face au couple hautement
conflictuel, auront tendance à prendre parti pour l’un ou l’autre partenaire,
devenant leurs confidents, et alimentant les incompréhensions entre les deux,
au lieu d’œuvrer pour une recomposition du conflit. Surtout, quand ce dernier
est particulièrement ouvert et perdure, il y aura très probablement de nouveaux
amis pour elle et de nouveaux amis pour lui, fréquentés individuellement et
inconnus du partenaire. C’est la façon classique de se préparer à une sépara-
tion. Il est facile de comprendre en quoi ces situations auront des conséquences
néfastes sur le Nous de couple, qui perdra une part toujours plus importante de sa
valeur identitaire, celle conférée par la reconnaissance externe du pacte officiel.
Normalement, les amis qui comptent réellement sont ceux qui, face à un
couple en crise, sont capables d’être là sans encombrer, de ne pas disparaître de
la circulation, et en même temps de ne pas prendre parti pour l’un ou l’autre.
Ce sont des ressources affectives très importantes et, à notre avis, des ressources
thérapeutiques fondamentales.
Le psychothérapeute individuel
À notre époque, où les séparations de couple sont à l’ordre du jour, il arrive
souvent que les partenaires que nous rencontrons affirment avoir déjà tenté
d’autres thérapies dans le passé ou en suivre actuellement une de type indivi-
duel. Dans de nombreux cas, la souffrance que les personnes se retrouvent à
affronter dans une crise de couple prolongée peut se manifester par une symp-
tomatologie individuelle parfois lourde. Attaques de panique, états dépressifs,
troubles alimentaires peuvent se manifester chez l’un ou les deux partenaires,
les amenant à penser que le trouble doit être traité par un psychothérapeute
individuel, ou mieux encore par un psychiatre qui peut administrer des médi-
caments appropriés et résoudre le problème en peu de temps.
CAS CLINIQUE
La complicité perdue
La confiance
Dans les demandes de thérapie, souvent les couples affirment que la cause de
leurs conflits conjugaux est le manque de communication ou son inefficacité.
On ne se parle pas beaucoup ou on ne se comprend pas. L’importance de pou-
voir parler ou d’être écoutés entre partenaires est donc perçue par eux-mêmes.
Toutefois, on devrait se demander pourquoi, parfois, on parle plus facilement
avec des inconnus de ce qui compte le plus pour nous émotionnellement, plu-
tôt qu’avec les personnes affectivement significatives. Pourquoi, parfois, ne
peut-on pas, ou ne sait-on pas, parler avec qui devrait réellement écouter ce
que nous avons à dire ?
L’intimité peut faire très peur, car elle peut amener de la souffrance. Par
exemple, quand l’autre n’est plus là, laissant un vide effrayant en nous ; ou
encore, de façon sournoise, quand il profite de nous, nous manipule et abuse de
notre disponibilité. Tout cela peut provoquer en nous une grande douleur et
nous pousser à faire un pas en arrière, à nous retirer, car nous sentons au fond
que, plus l’autre se rapproche, plus nous risquons de souffrir.
Une communication ouverte et efficace dans les relations affectivement
significatives ne peut pas ne pas dépendre du niveau de sécurité de la rela-
tion. Quand on exprime un désaccord, on ne peut que décevoir les attentes
de celui qui nous écoute, et cela pourrait aussi représenter un défi à affronter ;
mais ce qui ne doit pas être en danger, c’est la continuité de la relation, en
fonction justement de ce sentiment d’appartenance qui nous lie à une iden-
tité commune. Perdre la relation serait un prix trop élevé à payer ; donc, si ce
risque existe, mieux vaut le silence.
Le respect
Le respect est un comportement qui caractérise toutes les relations saines et
fortes. Généralement, on estime que, dans la relation sentimentale, l’amour est
l’ingrédient suffisant pour générer la satisfaction réciproque, mais en réalité,
cela survient seulement quand l’amour est accompagné par le respect. L’amour
et le respect sont à considérer comme les deux piliers principaux d’une relation
solide et gratifiante. Avec le respect réciproque, beaucoup peut être fait dans
une relation.
Selon Peter Gray (2012), le respect pourrait aussi être plus crucial que
l’amour pour le succès de la relation de couple. Apprendre à manifester un res-
pect réciproque augmentera la satisfaction conjugale, favorisera la proximité
entre partenaires et renforcera l’union pour les années à venir.
Dans la relation de couple, le respect peut être beaucoup plus difficile à
reconnaître que l’amour. Un partenaire peut offrir à l’autre des manifestations
claires d’amour, mais cela pourrait être carrément une façon de cacher un pro-
fond manque de respect. L’autre peut ne pas s’en rendre compte, pensant être
aimé plus que toute autre chose, mais à long terme, cet état se révélera être
une recette désastreuse. Une personne qui montre de l’amour, mais pas de
respect, est seulement intéressée par la récolte des bénéfices d’une relation ; et
en réalité, elle ne fait rien pour rendre heureux aussi son partenaire. Un parte-
naire vraiment attentionné respectera l’autre et le reconnaîtra comme un être
humain autre que soi-même.
Être disposé à faire des compromis dans le mariage est une démonstration
de respect pour le partenaire, parce qu’on honore ses désirs comme s’ils étaient
les nôtres. Et le compromis confère de la flexibilité à une relation. Connaître
l’autre personne, valider ses besoins, ses peurs, ses désirs, et évaluer ce qui
est important pour elle, sont les clés d’une saine collaboration. Chercher à
comprendre le point de vue de l’autre et l’écouter quand il se confie à nous,
signifie lui démontrer non seulement qu’il peut nous faire confiance, mais aussi
que nous respectons sa personne et que nous sommes en mesure de valider ses
émotions.
Quand un partenaire ne cherche pas à contrôler la vie privée de l’autre et
ne s’immisce pas dans toutes ses interactions sociales, c’est un bon signe de
respect, ainsi que de confiance. Savoir s’arrêter dans la limite fixée par l’autre
démontre du respect pour son indépendance et sa stature en tant qu’être
humain autonome. De plus, un partenaire respectueux saura ce qui ne plaît pas
à l’autre et fera tout son possible pour l’éviter. Le respect, toutefois, va toujours
La trahison
Dans les couples harmonieux, la communication émotionnelle, quand elle
concerne le tiers, prend généralement la forme de la triangulation positive.
C’est une dynamique relationnelle physiologique dans la gestion du flux émo-
tionnel de la relation même, qui ne constitue pas une menace, mais qui, en
fait, soutient le pacte d’alliance et fertilise le terrain de l’espace du Nous. Dans
le couple, toutefois, la présence du tiers peut toujours être risquée, quand la
vitalité de son espace intime est mise à dure épreuve par des moments critiques
du cycle vital et par des adversités de la vie.
La crise de couple commence toujours par l’arrêt évolutif du pacte intime
ou par son caractère irréalisable. Les partenaires, généralement, ne s’en
rendent pas compte, car l’emboîtement profond entre les deux est inconscient.
Ce qu’ils perçoivent, toutefois, est que le mal-être, la déception et le désarroi
commencent à occuper toujours plus l’espace de couple, qui devra se donner le
moyen et le temps de reconnaître et d’affronter la crise. Si cela ne se produit
pas, le risque d’impliquer une autre personne dans une triangulation négative
augmente considérablement, donnant lieu à différentes formes de trahison,
plus ou moins graves, plus ou moins explosives. Il y a la trahison qui implique
un tiers pour contrebalancer l’équilibre relationnel du couple, quand le pacte
intime est inapplicable ou incapable de se renouveler ; et puis, il y a celle plus
féroce, capable de réduire en morceaux tout le pacte d’alliance, parce qu’en
plus du pacte intime, déjà mort, elle détruit aussi le pacte officiel, le lien, cette
partie consciente du pacte d’alliance à l’intérieur du couple, et surtout recon-
naissable par l’extérieur.
CAS CLINIQUE
Une voix dans le silence
Pierre et Jenny, 45 et 43 ans, sont deux carriéristes. Tous les deux de belle apparence,
très soignés esthétiquement, et affables dans leurs manières, ils demandent une thé-
rapie de couple parce qu’elle a découvert que son mari, depuis environ trois ans, a
une relation extraconjugale avec une femme d’une autre ville, dans laquelle il se rend
souvent pour des raisons professionnelles. Pierre affirme que sa relation a été un déra-
page et qu’elle est définitivement terminée depuis déjà quelques mois ; mais, Jenny
est bouleversée par cet incident et dit ne pas savoir si elle arrivera jamais à dépasser
cette trahison, parce que désormais la confiance est irrécupérable. Pour Jenny, la
découverte a été dévastatrice ; le monde s’est écroulé autour d’elle, d’autant plus que,
depuis environ trois ans, le couple cherchait à avoir un enfant par procréation médi-
calement assistée. Ils ont fait diverses tentatives, qui ont malheureusement échoué,
et Jenny ne réussit pas à supporter le fait que, justement pendant qu’elle était en train
de se soumettre à la dernière insémination, Pierre était avec sa belle dans un lieu de
vacances. Le couple est ensemble depuis plus de dix ans, et marié depuis huit ans.
Depuis le mariage, Jenny aurait voulu un enfant, mais elle n’a jamais voulu le demander
à Pierre, dans l’attente que ce soit lui qui le désire. Ils se sont traînés en silence pendant
des années dans une relation monotone, dans une sexualité tiède, sans jamais affronter
leur insatisfaction.
Jenny est née dans un pays nord-européen ; c’était une fille qui ne posait jamais de
problème à sa famille, à la différence de son frère qui a toujours concentré sur lui les
préoccupations de leurs parents, en raison de diverses difficultés physiques et psycho-
logiques apparues dans les premières années de vie. Ayant grandi en silence, dans un
petit coin invisible, elle a représenté pour sa famille la fille accomplie : bonne à l’école,
excellente dans le travail, toujours irréprochable. Venue dans le pays pour ses études
universitaires, Jenny choisira d’y rester, connaîtra Pierre et s’unira à lui.
Aujourd’hui, Jenny maintient des liens avec sa famille d’origine, la voyant quelques fois
durant l’année, mais leur confie peu sur elle, et absolument rien de ce qui concerne ses
problèmes personnels. Par exemple, les siens ne savent pas qu’elle cherche à avoir un enfant
par procréation assistée, et évidemment, ils ne devront jamais avoir connaissance de ce qui
se passe maintenant, parce que : « Je ne peux leur causer aucun chagrin. Maintenant, ils
sont finalement heureux, parce que mon frère leur a donné deux petits-fils ! ».
Seul garçon d’une famille bourgeoise, Pierre a suivi les traces professionnelles de son
père, homme prospère et très aimé de tous pour sa générosité et sa correction, un
modèle autant pour sa famille que pour la collectivité. Un homme qui avait toujours
Christine et Fabrice sont deux quadragénaires mariés seulement depuis trois ans. Ils
ont un fils de 1 an. Ils demandent une thérapie de couple, car les choses entre eux ne
vont plus bien, et Christine suspecte Fabrice d’avoir d’autres intérêts sentimentaux.
Cette femme est depuis toujours très liée à sa famille d’origine, dans une relation de
dépendance, tandis que Fabrice, à la suite d’une coupure émotionnelle, semble avoir
trouvé en elle et dans sa belle-famille un lieu où il se sent finalement reconnu comme
fils. Dans ce cas, la distorsion de base de la relation, qui a à voir avec le non-
accomplissement de la première tâche évolutive du couple, celle de se différencier de
leurs familles, a empêché la construction de l’espace du Nous, basé sur la complicité,
la confiance et le respect. Avec l’arrivée du bébé, le couple s’est engagé vers une dis-
torsion encore pire, qui concerne la relation avec leur fils : Fabrice qui, avant même
d’être père, avait instauré avec sa femme une relation de type mère-enfant, dans laquelle
il jouait le rôle de fils, se retrouve, avec la naissance du bébé réel, au même étage,
comme s’il en était le frère, en concurrence avec lui pour les soins maternels. Christine,
de son côté, une fois qu’elle a finalement eu son vrai bébé, n’est plus disposée à jouer
son ancien rôle dans le couple ; au contraire, elle rappelle avec force son mari à ses
devoirs parentaux et de réciprocité. Fabrice, se sentant trahi, vit son fils comme l’amant
de sa femme, et réagit peut-être au vécu d’abandon par une trahison réelle.
CAS CLINIQUE
Ma vie, ma joie !
François et Isabelle ont une fillette de 2 ans, Marie-Laure, conçue juste après leur
mariage. C’est François qui demande de l’aide, car depuis l’arrivée de Marie-Laure, la
vie de couple semble s’être complètement éteinte. Si, avant la naissance de la fillette,
les conjoints fréquentaient des amis soit chez eux soit à l’extérieur, et s’ils prenaient du
temps pour eux, depuis cet évènement, leur vie quotidienne tourne exclusivement
autour des besoins de leur fille, qu’Isabelle refuse de laisser aux grands-parents, par
ailleurs disponibles, en recourant à une baby-sitter pendant ses heures de travail. La nuit,
la fillette dort entre eux depuis longtemps.
Le rapport entre Isabelle et ses parents est le même depuis toujours, presque inexistant
pour elle qui n’a jamais senti de leur part un véritable intérêt à son égard, et sûrement
pas à l’égal de celui qu’elle a vu à l’inverse pour sa sœur plus petite, éternellement
demandeuse de soins. Isabelle a grandi en toute hâte, niant de fait ses besoins de
dépendance et faisant montre d’une grande autonomie dans ses relations extérieures,
laissant penser qu’elle était quasiment autosuffisante. C’est ainsi qu’elle rencontre François,
dernier de trois enfants de parents qui ont toujours valorisé ses capacités personnelles,
lui donnant le sentiment d’être un fils réussi, de qui ils pouvaient être fiers.
L’autonomie d’Isabelle sera un motif de fascination pour François, qui se sentira moins
sollicité sur le plan de l’attention émotionnelle. Une femme comme elle, moins dépen-
dante de lui que ne le fut sa mère, aurait pu lui garantir la liberté de se dédier à lui-même
CAS CLINIQUE
La fiancée de papa
Sandrine, depuis petite, a toujours eu un rapport spécial avec son père, de qui elle était
la fille préférée. De plus, à la différence de sa femme, énigmatique et distante, sa fille
a été pour cet homme l’unique femme de sa vie qui a su le valoriser, approuvant et
imitant beaucoup ses choix, tant ludiques que professionnels. En réalité, le comporte-
ment de Sandrine, en dehors de lui garantir la proximité d’au moins un parent affectueux
et généreux, répondait à la demande implicite de ses parents de compenser la décep-
tion paternelle, due à une relation conjugale insatisfaisante. Sandrine, fortement trian-
gulée dans la relation parentale, a depuis toujours occupé la place de sa mère, jouant
le rôle de la « fiancée de papa ». Encore aujourd’hui, c’est ainsi pour elle ; son père reste
à la première place comme figure masculine irremplaçable, un mythe inaccessible pour
n’importe quel homme qu’elle peut rencontrer. Évidemment, si Sandrine ne réussit pas
à divorcer de son père, elle ne pourra jamais réellement épouser quelqu’un d’autre.
CAS CLINIQUE
Fais attention, tu vas le perdre !
L’auto-trahison : l’aveuglement
Parmi toutes les sortes de trahisons possibles, il y en a une, la trahison de soi-
même, qui est probablement la plus sérieuse et la plus dangereuse de toutes,
car une fois découverte, elle peut donner lieu à une douleur profonde, très
semblable à celle qu’on éprouve à la suite d’un deuil dévastateur.
Développant le concept de Soi idéalisé / Soi méprisé, Horney (1950) affirme
que, pour arriver à la construction d’un Soi réel, qui permet d’être authentique
à l’intérieur de la relation, on oscille souvent entre deux extrêmes : d’un côté,
une forme idéalisée de soi, la grandeur ; et de l’autre, une forme méprisée de
soi, la dévalorisation. Winnicott (1965), avec son concept de faux-self, fait
réfléchir sur ces situations dans lesquelles l’enfant confond soi-même avec les
besoins plus enracinés de ses caregivers1, et niant l’existence d’une partie de
soi, il la façonne pour l’acceptation de l’autre. Endosser un masque pour vivre,
quand on ne se sent pas digne d’être accepté pour ce que l’on est, est le pire
destin de tout être humain, car cela signifie se trahir profondément soi-même.
Nous avons déjà décrit dans de précédents travaux (Andolfi, Angelo,
D’Atena, 2001 ; Andolfi et al., 2006) le concept d’aveuglement. Il s’agit d’une
forme sournoise de trahison, parce qu’elle est fondée sur des actions volon-
taires et conscientes, qui amènent la personne à choisir de réduire au silence,
pendant de nombreuses années, sa propre authenticité. Nous rapportons un
fragment de la lettre qu’une femme a écrite à Maurizio Andolfi à la fin d’une
longue thérapie de couple :
Certes, la connaissance implique la souffrance, notamment pour qui doit
admettre, ne laissant envahir son territoire par personne et oubliant de vivre,
qu’il a accompli la plus grave, impardonnable et irrémédiable des trahisons, non
1. Caregivers : personnes apportant du soin et de l’attention à un enfant, en premier lieu ses
parents, N.d.T.
Généralement, les couples ne s’adressent pas à nous pour faire une demande
de thérapie dès les premières difficultés de relation ; ils s’éternisent longtemps
dans des situations difficiles, cherchant à résoudre leurs problèmes comme ils
le peuvent. C’est une petite minorité d’entre eux qui cherche un professionnel
pour se faire aider, dès les premiers parfums de crise dans la relation de couple ;
tous les autres ne pensent à se fier à la thérapie qu’au moment où ils n’ont
plus aucune possibilité d’affronter, avec leurs propres forces, les problèmes qui
les affligent. Depuis toujours, la tradition, l’éducation sous ses aspects les plus
formels et une certaine forme de réserve relationnelle tendent à détourner les
partenaires d’une prise de conscience qui amène à une demande d’aide. Les
problèmes de couple, à la maison, sont parmi les plus délicats : les préjugés
relatifs aux difficultés sexuelles et aux éventuelles trahisons conjugales sont
délétères, même quand la problématique ne concerne ni les unes ni les autres.
Un autre facteur à ne pas sous-évaluer est que, sur le couple et son harmo-
nie présumée, pèse lourdement la peur des partenaires d’être jugés par leurs
familles respectives, comme s’ils devaient souffrir aussi, au-delà de leurs diffi-
cultés personnelles et de relation, des peines qu’ils vont infliger aux familles
d’origine. Il y a enfin la peur que la demande d’intervention puisse conduire à
la dissolution de la famille, peur par ailleurs déjà ressentie à la maison dans les
moments de conflit ouvert.
Tout cela, à notre avis, dissuade d’une demande simple et explicite de thé-
rapie de couple dans les moments importants de crise conjugale. Souvent, si
on est mal dans la relation, on choisit le chemin le plus simple de la thérapie
individuelle ; ou on attend que la tension entre les partenaires fasse exploser
certains symptômes chez les enfants. En effet, demander de l’aide pour les dif-
ficultés d’un enfant ou d’un adolescent est plus facilement accepté, que ce soit
au sein de la famille ou dans le tissu social.
Ce retard à demander une intervention professionnelle a à voir avec cer-
tains stéréotypes sociaux et de couple qui concernent les genres masculin et
La demande d’aide 77
féminin. Il y a longtemps déjà, nous nous interrogions sur la façon dont était
formulée une demande d’aide face à une difficulté de couple (Andolfi, 1996).
À l’époque aussi, c’était principalement la femme qui prenait l’initiative, en
demandant à fixer un rendez-vous pour les deux, pendant que l’homme avait
tendance à repousser ou à suivre sa femme pour lui faire plaisir, déclarant que, si
cela n’avait tenu qu’à lui, il ne l’aurait jamais fait. Notre expérience nous révèle
que, encore aujourd’hui, dans la majorité des cas, c’est la femme qui cherche
une aide professionnelle spécifique pour le couple. Toutefois, les demandes
masculines sont en constante augmentation dans les dernières années, parti-
culièrement de la part de pères d’adolescents, et encore plus de la part de maris
déjà avancés en âge (Andolfi, Mascellani, 2012). Ces hommes nous appellent
quasiment toujours pour sauver une famille de la volonté de rupture de leur
épouse. Nous devons reconnaître que les difficultés survenues dans la relation
de couple ne sont pas nécessairement ressenties par les partenaires de la même
façon, ni au même moment. Il arrive souvent qu’à notre question : « Quand les
problèmes sont-ils apparus entre vous ? », les réponses soient très différentes.
Par exemple, alors que l’un peut indiquer que le début de la crise remonte
à environ trois ou quatre mois auparavant, l’autre peut affirmer que les pro-
blèmes entre eux ont commencé il y a bien cinq ans. Il est évident que déjà ces
premières informations revêtent une importance notable pour le thérapeute,
qui devra s’occuper initialement de comprendre les attentes implicites de cha-
cun des deux afin d’estimer leur motivation à s’impliquer dans un processus de
changement.
Un autre élément important dans cette première évaluation est comment
le couple arrive : si c’est à la suite d’un choix autonome des deux partenaires
ou d’un d’entre eux ; s’il a été conseillé, et éventuellement par qui ; ou encore
s’il ne s’agit pas d’un non-choix et, comme cela arrive quelquefois, d’une
obligation. Dans leur spécificité, les diverses sortes de référents informent
implicitement le thérapeute sur les attentes que le couple amène avec lui à
la première rencontre. Par exemple, dans les cas où l’envoi en thérapie est de
type contraint, comme cela arrive quand sont impliqués les services sociaux ou
le tribunal, il est facile d’imaginer que le couple aura très probablement peu
d’attentes, ou de désir réel de changer quelque chose dans la relation ; et donc,
le premier objectif du thérapeute sera de devoir transformer une obligation
en désir. Dans la situation opposée, quand le couple choisit de demander une
thérapie de façon autonome, les attentes du référent ne seront plus les seules
impulsions à l’intervention ; toutefois, elles auront leur poids, il sera donc utile
de les prendre toujours en considération.
Si le couple arrive à la suite d’un conseil, il sera important d’en connaître
la provenance. Quand celui-ci émane d’un parent ou d’un ami, il sera utile
de comprendre le rôle ou les fonctions que revêt cette personne, dans la
vie du couple ou de la famille élargie. C’est différent si le conseil vient plu-
tôt du psychothérapeute individuel d’un des deux, du médecin de famille
La demande d’aide 79
attribuer les fautes et les punitions. Il incombera au thérapeute de ne pas accé-
der à une telle demande ; et de faire en sorte que, non seulement le partenaire
trompeur trouve un authentique intérêt à s’impliquer en thérapie, mais aussi
que l’autre, qui semble avoir une grande raison d’être là, le fasse plus encore,
car en réalité il a peu de motivation à jouer le jeu.
Il y a ensuite ces couples qui ont compris depuis longtemps que leur vie rela-
tionnelle est définitivement éteinte, mais qui n’arrivent pas tout seuls à mettre
en acte la séparation. La demande implicite est alors de les aider à affronter la
fin de la relation conjugale et de gérer de façon adéquate le rapport de chacun
des deux avec leurs enfants. Dans ces cas-là, la motivation est conjointe, mais
les deux doivent affronter les difficultés et la souffrance liées à la rupture.
Même dans ces situations apparemment plus équilibrées, quand les deux par-
tenaires affirment être d’accord pour rechercher un meilleur climat de couple,
la possibilité demeure que leurs objectifs implicites soient profondément dif-
férents. Et pendant que l’un voudrait restaurer la relation, l’autre demande à
être aidé à se séparer de façon correcte, sans trop de bruit, de pleurs ni de souf-
france, peut-être dans la crainte de devoir en quelque sorte subir des rétorsions,
par exemple la peur de perdre ses enfants. Parfois, derrière cette demande en
apparence noble, le détachement émotionnel d’un des deux s’est déjà produit
il y a longtemps ; et de la part de ce dernier, peut se cacher la demande impli-
cite de déléguer au thérapeute la responsabilité d’une séparation inévitable, à
servir comme un plat froid à quelqu’un qui ne veut pas l’accepter.
CAS CLINIQUE
Dis-lui toi, s’il te plaît !
Jean-François et Sylvie, mariés depuis plus de trente ans et parents de quatre enfants
jeunes adultes, demandent de l’aide pour leur relation, en crise à la suite de la décou-
verte d’une trahison de sa part à lui. En réalité, ce n’est que la dernière d’une série de
tromperies survenues au fil des ans, toujours pardonnées par madame, femme conci-
liante, médiatrice et apparemment héroïque dans sa capacité de dépasser les adversités
de la vie depuis qu’elle est devenue orpheline quand elle était petite et qu’elle s’est
chargée du soin de quatre de ses frères et sœurs cadets. Sylvie est en thérapie indivi-
duelle depuis environ un an, et cette fois, elle n’est plus disposée à pardonner : avec
force, bien que souffrant beaucoup, elle a imposé à Jean-François de s’en aller de la
maison. De cette séparation de fait, c’est Sylvie qui souffre le plus authentiquement, et
elle ne semble pas disposée à engager une séparation légale. Lui s’est immédiatement
trouvé un hébergement plutôt plaisant, et il vit ses journées de façon sereine, fréquen-
tant des amis « privés ». Par ailleurs, il n’est pas si clair que sa relation extraconjugale
ait été interrompue.
C’est lui qui demande la thérapie de couple. Après une recherche soigneuse du thé-
rapeute approprié pour lui, arrive le premier appel téléphonique, lors duquel Jean-
François se présente en demandant explicitement une thérapie de couple, pour
La demande d’aide 81
Le processus d’affiliation
À la différence de la thérapie individuelle, dans laquelle l’alliance est clairement
formée par la dyade thérapeute-patient, dans la thérapie de couple, comme dans
la thérapie familiale, les choses sont un peu plus complexes. Dès la première
séance, le thérapeute devra s’engager dans la construction d’une relation de
confiance avec le couple ; et il est évident que, s’agissant de deux personnes, il
est nécessaire que le processus d’affiliation soit double. L’utilisation d’un modèle
triadique dans le travail avec le couple, comme dans celui avec la famille, est
fondamentale pour comprendre que le thérapeute ne se lie pas à l’un ou à l’autre
partenaire dans une dimension duelle, mais que l’alliance va se construire dans
la mesure où, à travers la relation avec l’un, on vient aussi associer l’autre par-
tenaire. Le premier pas dans la construction de l’alliance thérapeutique consiste
dans l’attention constante de la part du thérapeute pour que chacun des par-
ticipants à la rencontre, thérapeute compris, garde vivace son intérêt pour ce
qui arrive ou est dit en séance ; métaphoriquement parlant, nous pourrions dire
que chacun des présents devrait toujours se sentir « sur le terrain, et non sur le
banc de touche ». Cet intérêt n’est autre que la première pierre de la motiva-
tion conjointe : la motivation à revenir. Si les deux partenaires désirent nous
rencontrer une autre fois, les raisons pour lesquelles ils nous ont demandé de
l’aide peuvent même rester différentes ; et le thérapeute ne sera pas choisi sur la
base de sa coalition avec l’un ou avec l’autre, mais pour sa capacité à accueillir
la réalité amenée par chacun des deux et, en même temps, ces divergences à
l’origine de la crise de couple. C’est avec ces dernières que le thérapeute doit
surtout s’allier, pendant qu’il se met à la recherche, avec le couple et les deux
individus qui le composent, des ressources avec lesquelles les affronter.
La motivation conjointe, une fois construite, devra ensuite être cultivée
durant l’expérience même de la thérapie, car c’est la prémisse relationnelle qui
arrose, séance après séance, la plante de l’alliance thérapeutique. Chaque par-
tenaire devra pouvoir sentir qu’elle est présente aux rencontres pour lui-même,
et non pas seulement pour le couple.
Le processus d’affiliation avec la famille qui cherche de l’aide pour un
symptôme d’un enfant amène immédiatement en séance un certain niveau
de consensus : la famille, concentrée sur le problème, confère une déléga-
tion substantielle au thérapeute, aussi parce que souvent, dans ces cas, l’en-
voi implique un professionnel. Pourtant, si les différentes composantes de la
famille peuvent ne pas partager la nature du problème et le type de solutions
à adopter, la motivation du groupe converge sur le problème de l’enfant. Mais
comment peut-on, en revanche, construire une alliance avec le couple, pour
qu’il puisse transformer une compétition et un désaccord en une collaboration
active, et en une confiance réelle dans un projet thérapeutique ? Et de quelle
façon, comme thérapeutes, pouvons-nous éviter le risque de prendre parti pour
l’un ou l’autre en écoutant seulement les arguments d’un des deux ?
La demande d’aide 83
CAS CLINIQUE
La trottinette sur l’autoroute
Joël et Gabrielle arrivent en thérapie en affirmant que c’est le dernier recours. Lui en
particulier est en train de penser sérieusement à la séparation, y voyant l’unique pos-
sibilité de réacquérir un peu de sérénité dans sa vie. Durant la première séance, ils
exposent leurs problèmes de manque complet de communication. Lui, il le fait sur un
mode désinvolte et destructeur, utilisant des termes tranchants et manifestant du mépris
pour cette femme incapable ; elle, elle déplore le détachement de son mari, qui s’en
est allé désormais vivre dans la zone des invités, une dépendance de leur maison, parce
qu’ils ne réussissent même plus à partager un petit espace commun. Si Joël veut se
séparer, Gabrielle voudrait tout faire pour retrouver l’harmonie d’antan. Ils ont deux
enfants de 5 et 7 ans, qui s’efforcent, comme ils le peuvent, de faire en sorte qu’à la
maison, il y ait un semblant de sérénité. Alors que Gabrielle, d’une voix faible et un peu
tremblante, raconte ses efforts quotidiens pour essayer de se faire entendre par son
mari, le thérapeute l’interrompt.
THÉRAPEUTE : Quand avez-vous appris à vous battre contre des moulins à vent ?
GABRIELLE : Quand j’étais petite, et que ma mère me disait que je ne réussirais jamais à
attirer l’attention de papa, qui passait tout son temps au milieu de ses livres…
et qui ne voulait pas être dérangé ! Sinon…
THÉRAPEUTE : Ça devait être dur de vous sentir sur une trottinette qui voyage à contresens
sur l’autoroute !
Saisir, à travers une image métaphorique, le sentiment de solitude et de danger vécu
par cette femme durant ses efforts continus pour chercher une proximité, et le mettre
au premier plan en le reliant à un passé ancien dans lequel son mari n’était pas encore
présent dans sa vie, permet à Gabrielle de se sentir vue et comprise par le thérapeute
dans ses expériences les plus profondes, et dans le même temps, de concentrer l’at-
tention sur elle et sur son destin presque évident, mais sur lequel elle n’a jamais réfléchi
jusqu’à aujourd’hui.
La motivation du thérapeute
Pour que ce qui vient à peine d’être décrit puisse se réaliser, il est extrêmement
important que le thérapeute s’interroge aussi sur sa propre motivation à s’enga-
ger dans l’expérience thérapeutique. Si, pour des raisons variées, le thérapeute
La demande d’aide 85
n’est pas suffisamment motivé, le risque d’accepter silencieusement la moti-
vation partielle du partenaire demandeur, voire d’épouser la motivation du
référent, devient plus important, compromettant lourdement la possibilité de
construire la motivation conjointe.
Les patients arrivent avec leur demande, ils s’attendent à pouvoir trouver
la solution à leurs problèmes auprès de quelqu’un qui, à leur avis, la vend.
La disponibilité en temps du thérapeute, ses qualités humaines et relation-
nelles, sa curiosité pour connaître les personnes qu’il a face à lui comme si
c’était toujours une première rencontre, une pensée non jugeante, la patience
de rester dans l’incertitude, la mise en relation avec les patients dans sa qua-
lité de chercheur en possession seulement d’une méthode de lecture, plutôt
que d’un expert en solutions, sont des éléments fondamentaux pour évaluer la
motivation du thérapeute à transformer les attentes des patients. C’est donc
vraiment la motivation du thérapeute qui sera la mise à la table de jeu de la
thérapie. D’un autre côté, si le couple peut être confus, le thérapeute doit avoir
les idées claires sur quoi proposer, et il se doit de toujours montrer qui il est.
CAS CLINIQUE
Un cavalier parfait
CAS CLINIQUE
Héros et malfaiteurs, honte et salut
Marianne est la quatrième fille de deux parents voleurs de profession, morts jeunes
dans un accident de voiture gravissime, durant leur fuite après le cambriolage d’un
petit magasin de village, alors qu’ils étaient poursuivis par la police. Les quatre orphelines,
entre privations et honte, ont grandi avec leur grand-mère maternelle, seule, sans le
sou et avec peu de scrupules. Plus grandes qu’elle, ses sœurs ont été entraînées dans
le circuit de la prostitution. Seule Marianne a réussi à étudier un peu plus et à prendre
de la distance avec ces valeurs négatives qui ont caractérisé sa famille depuis toujours.
Honnête et capable, elle n’a jamais rechigné à faire les travaux les plus humbles, pour
réussir à réaliser ce qu’elle avait en tête et abandonner le pays où elle était née et avait
grandi pendant de nombreuses années, sous le poids de la honte.
Sur le dessin de son génogramme, Marianne se met elle-même loin de sa famille, le
petit cercle qui la désigne émerge plus à l’extérieur et est formé d’un trait décidé.
Des autres, elle fait un tas plutôt indistinct, dessiné au crayon avec un trait léger, faci-
lement effaçable.
Aux alentours de ses 18 ans, à peine diplômée, Marianne trouve un emploi dans l’entre-
prise la plus importante de la région où elle vit. Elle s’y consacre avec conscience et
assiduité, obtenant en peu de temps l’admiration du propriétaire, un homme tout d’un
bloc, de peu de paroles, mais qui comme elle, a construit entièrement à la seule force
du poignet tout ce qu’il a. Petit à petit, Marianne assume des charges toujours plus
importantes, dont elle s’acquitte avec la plus grande précision. Durant le récit de son
histoire, Marianne nous montre les photos de cette époque. Ce sont des photos qui la
représentent souriante et soignée, devant l’entreprise, avec le propriétaire et ses collè-
gues. C’est l’époque, nous dit-elle, où elle était heureuse.
Peu de temps après, elle rencontre Romain, fils unique de son employeur, tout juste
revenu d’une mission en Afrique, où il faisait du bénévolat. Ils tombent amoureux et,
au bout de deux ans, se marient avec l’approbation complète de la famille de Romain,
qui a toujours reconnu l’honnêteté et le désintérêt économique de Marianne : exacte-
ment ce qui la distingue de sa famille d’origine. Romain représente pour elle la possibilité
de rachat de cette vie humble et malchanceuse de quand elle était enfant, et en même
temps, un projet à long terme, dans lequel elle est encore une fois protagoniste.
Dans son génogramme, Romain se représente seul et détaché de ses parents, vécus
par lui comme toujours très unis et complices. « Ils ont toujours été surtout un couple ;
Un génogramme alternatif
Il est intéressant maintenant de décrire brièvement une méthode de recueil des
informations, simple et en même temps très efficace, surtout si on travaille dans
un contexte privé plutôt que dans un cadre institutionnel. C’est une modalité
qu’Andolfi a commencé à utiliser en Australie, où il vit depuis quelques années
et où les demandes de thérapie arrivent souvent de villes très éloignées de celle
où il réside. Sur le continent australien, caractérisé par des distances substan-
tielles entre une ville et une autre du pays, le courrier électronique est un des
moyens de communication les plus utilisés.
Face à la demande d’aide formulée au téléphone ou par e-mail par un des
deux partenaires, plutôt que de repousser le recueil des informations à une pre-
mière rencontre, on peut demander que chaque partenaire envoie par e-mail
au thérapeute des informations séparées sur deux aspects en particulier : la des-
cription du problème pour lequel chacun voudrait être aidé et les informations
les plus significatives sur l’histoire du développement de chacun des deux dans
sa famille d’origine.
CAS CLINIQUE
Deux récits pour une histoire
Victoria et Peter sont envoyés par la thérapeute individuelle de Victoria, qui la suit depuis
longtemps et estime utile une intervention centrée sur le couple. Le thérapeute, avant
même de les rencontrer, leur demande de lui faire parvenir par e-mail, les informations
concernant leur histoire qui, selon eux, sont les plus significatives, ainsi qu’une brève
description du problème. Tous les deux répondent avec application, et de façon très
structurée, étant lui un professeur d’université, et elle une enseignante de sciences en
écoles supérieures.
Victoria a 53 ans et présente son histoire dans le détail, en phases, depuis la prime
enfance, et progressivement au travers de son cycle scolaire, jusqu’à arriver à décrire
son premier amour qui la conduira à son premier mariage, pendant cinq ans, qui s’est
terminé par un divorce, avant de rencontrer Peter, l’homme de sa vie, auquel elle a
toujours demandé un amour inconditionnel ! Cette recherche totalisante d’amour conju-
gal contraste avec la description pleine de carences affectives de ses années d’enfance,
marquée d’abord par une difficile émigration en Australie depuis le Sud du Pakistan et
ensuite par des relations violentes et abusives en famille, que ce soit entre ses parents
ou entre ceux-ci et ses grands-parents maternels.
Victoria décrit ensuite la naissance de ses trois enfants, très rapprochés en âge, aux
soins desquels elle a dû pourvoir toute seule dans leurs premières années de vie,
soit parce que son mari était trop occupé à mener sa carrière académique, soit
parce que sa belle-mère ne l’a jamais acceptée dans sa famille, du fait de préjugés
à l’égard de ses origines pakistanaises. Elle ne s’est jamais sentie défendue par son
mari, qui, selon ses dires, a toujours été plus proche émotionnellement de sa mère
que d’elle.
Dans la seconde partie de l’e-mail, Victoria se décrit nettement comme la personne
fragile du couple, soit du fait d’une dépression du post-partum commencée après la
naissance de son premier enfant, soit du fait de l’émergence ultérieure de troubles
obsessionnels-compulsifs. Pour ce qui concerne la situation actuelle, elle raconte une
relation faite de disputes et de solitude réciproque, le tout accentué par des modèles
éducatifs très différents à l’égard des enfants, désormais tous en fin d’adolescence, et
malheureusement souvent ralliés à leur père.
Bien qu’elle ait envoyé deux pages qui décrivent une enfance très difficile, des oppo-
sitions conjugales violentes, des exclusions de la part de ses enfants et un rejet à son
encontre de la part de la mère de Peter, Victoria termine son écrit par le souhait que
la thérapie puisse les aider à retrouver non seulement une entente conjugale, mais
aussi un « mariage heureux avec Peter, fait d’amour inconditionnel ».
CAS CLINIQUE
Ont-ils quitté leurs maisons d’origine ?
Reprenons l’exemple d’Annie, une femme qui, déjà dans son premier appel au service
clinique affirmait que son mari Marc était trop dépendant de sa mère, comme s’il n’avait
jamais quitté sa maison d’origine, et que cela interférait avec la qualité de leur relation
de couple. Une fois en séance, nous pourrions lui demander de nous faire mieux
comprendre, avec un exemple concret, de quelle façon son mari manifeste sa dépen-
dance à sa mère ; et ensuite, nous pourrions lui demander ce que représente la dépen-
dance pour elle, et quels sentiments cela suscite en elle. Nous pourrions étudier qui,
dans sa famille d’origine, était le plus dépendant de l’autre, et comment cela a interféré
avec les relations familiales. Nous voudrions ensuite lui demander comment elle a réussi
à quitter sa maison, et comment se sont comportés son frère aîné et sa sœur cadette.
Selon l’idée de Keeney (1983), qui considérait la conversation thérapeutique comme
« une visite de musée », nous pouvons transférer par exemple le mot dépendance de
la phrase faisant référence à son mari, pour explorer les processus de dépendance et
d’autonomie dans la famille de l’épouse, élargissant ainsi le cadre familial afin de mieux
comprendre l’entrelacement de couple et la complémentarité possible entre celui qui
a grandi dans la dépendance et celle qui peut-être est devenue autonome à un stade
précoce.
CAS CLINIQUE
Un arbre desséché dans le silence
CAS CLINIQUE
Un arbre desséché dans le silence (suite)
CAS CLINIQUE
Le citron pressé et la sainte femme
« Je me sentais vidée comme un citron pressé » : c’est l’image fournie par Julie lors de
la première rencontre de couple avec son mari Clovis, lequel vient en thérapie pour
elle, qui semble avoir aussi souffert de dépression à la suite d’un cancer du sein, par
chance en rémission ces dernières années. Ils sont tous les deux designers à succès et,
après avoir passé quelques années de formation professionnelle à l’étranger, sont rentrés
dans leur ville natale où vivent leurs familles respectives et où ils ont eu leurs deux
enfants.
Tout est allé bien dans leur relation tant qu’ils vivaient libres d’obligations et loin de la
maison. Le retour a coïncidé avec la nécessité de s’affirmer professionnellement et de
faire famille. De surcroît, à la naissance de leur fille aînée, Julie développe une tumeur
du sein, et après la naissance du second, elle subit une intervention d’hystérectomie.
Deux évènements heureux, assombris par deux problèmes de santé de Julie très pré-
occupants, et qui déstabilisent le couple. En réalité, la dépression de Julie débute à la
suite de sa tumeur, mais encore plus à cause de l’attitude de Clovis, qui ne sait pas
comment être proche d’elle et qui soigne ses propres angoisses « en retournant dans
le ventre de sa mère ». Sa mère s’est depuis toujours occupée jour et nuit de ses trois
garçons pendant leur croissance, sans jamais se plaindre et sans avoir le soutien de son
mari, trop occupé au travail ; et elle est heureuse de protéger son fils maintenant qu’elle
le sent aussi fragile. Clovis affirme que les mères croates sont ainsi, comme si c’était
une donnée culturelle, et que lui n’est pas capable de prendre soin de quelqu’un. Il peut
seulement se réfugier dans le travail, dont il reçoit de nombreuses satisfactions, selon
un code masculin (Garfield, 2015) ancestral et dur à faire disparaître, bien plus répandu
que dans la seule Croatie.
Julie est une perfectionniste – et on peut aussi comprendre cela comme une défense
contre ses angoisses – qui consacre beaucoup de son temps à la maison et aux enfants,
mais qui se plaint constamment, amenant Clovis à se sentir perpétuellement en faute.
La thérapie de couple devra alors partir des mythes originaires des deux,
qui se basent sur des systèmes de valeurs et des comportements appris et qui,
comme nous le savons, peuvent avoir une forte fonction contraignante pour
les générations suivantes (Andolfi, Angelo, 1987 ; Andolfi, 2015). La proposi-
tion thérapeutique sera de se libérer des scripts familiaux répétitifs pour réussir
à construire des relations plus harmonieuses et équilibrées, dans lesquelles les
stéréotypes de genre (les femmes se sacrifient à la maison, les hommes sont
dépendants et se réfugient dans le travail) et les loyautés familiales ne repré-
sentent plus une prison pour aucun des deux.
CAS CLINIQUE
Le citron pressé et la sainte femme (suite)
Reprenons le cas de Julie et Clovis. Nous demanderons aux deux de nous faire voir
leurs relations avec leurs mères respectives, en créant une image spatiale et en utilisant
des objets : celle de Julie, sacrificielle et plaintive, qui se sent comme un citron pressé
(métaphore que Julie utilise aussi pour elle), et celle de Clovis, mère universelle et ventre
maternel toujours prêt à accueillir ses enfants. Sa mère pourra être représentée par
Julie à l’aide d’objets ou peluches, ou en posant sur une chaise quelque chose qui en
évoque la présence, et en décrivant le rapport spatial de proximité ou d’éloignement
entre elles deux. Après avoir farfouillé dans le panier des objets et des jeux de la salle
de thérapie, Julie prendra deux balles dégonflées de dimensions différentes (en l’ab-
sence de citrons), elle y dessinera deux émoticônes tristes et les posera sur deux petites
chaises d’enfant bancales, l’une face à l’autre, afin d’évoquer un sentiment de fragilité
et de précarité dans leur dimension de femmes. Clovis, à son tour, dessinera une carte
géographique de la Croatie (très belle, étant donné que c’est un dessinateur profes-
sionnel) sur un tablier enveloppant, à l’intérieur duquel il mettra trois oursons en peluche
blancs pour représenter les trois frères. Lui sera l’ours le plus grand, au centre de la scène,
De la présence symbolique
à la présence physique
La convocation de la famille d’origine en séance marque le début de la phase
intermédiaire de la thérapie de couple. Comme nous avons pu le voir dans
les chapitres précédents, le travail effectué dans la partie initiale du proces-
sus thérapeutique se base sur l’objectif d’accompagner les partenaires vers la
perception de la crise de couple qu’ils sont en train de traverser comme un
arrêt évolutif, étroitement connecté aux modalités relationnelles apprises
par chacun des deux durant leur processus de développement au sein de leurs
familles, et à l’histoire de ces dernières. Le pacte intime, qui naît à distance et
qui se base sur un dialogue profond qui a à voir avec des demandes implicites
de réparation, est désormais plutôt clair pour le couple. Travailler la dimen-
sion intergénérationnelle, durant la première phase de la thérapie, a permis de
retracer et de partager justement ces limites personnelles, qui empêchent les
partenaires de poursuivre naturellement et en autonomie le chemin évolutif
du couple, dans le moment actuel. Jusqu’à maintenant, le thérapeute, utilisant
tous ses instruments, a réussi à insinuer des doutes, à susciter de la curiosité et
donc de la flexibilité, vis-à-vis des préjudices et des convictions que chaque
partenaire a sur sa propre histoire et sur lui-même. Et tout cela a amené au
sein du contexte thérapeutique et, de façon spéculaire, au sein de la relation de
couple, une nouvelle capacité partagée d’écoute et de compréhension.
Mais on peut faire plus : si le passé est passé et qu’on ne peut pas changer
l’histoire, on peut la reraconter par la voix de qui était réellement présent, et
l’a vécue, se donnant l’opportunité de la comprendre plus complètement.
L’idée de Whitaker (1989), que même la pire des familles a en elle les
ressources pour affronter ses problèmes, est une pensée que nous partageons.
Et notre conviction est que l’amour à l’intérieur de la famille est le carburant
Objectifs de la séance
La convocation des parents
Les raisons qui nous poussent à organiser ces rencontres spéciales sont diverses,
et évidemment les motivations concernant l’invitation des parents peuvent
aussi être très différentes de celles concernant les frères et sœurs.
Les parents sont invités en séance pour aider un enfant en difficulté. C’est le
message que nous voudrions transmettre dans cette convocation. Les parents,
en général, sont disposés à aider un enfant en plein développement, qu’il soit
petit ou adolescent, s’il présente un problème. Il est moins probable que cela
se produise quand il est devenu adulte, et encore moins quand il a construit sa
propre famille et qu’il jouit d’une complète autonomie. Il convient de considé-
rer que nous voyons des couples en crise de jeunes adultes, mais aussi d’adultes
matures de 40 ou 50 ans, et même au-delà. À 25 ans, tout juste au début d’une
relation de coupe, on peut s’attendre majoritairement à une aide, à un support
affectif de la part des parents. À un âge mature, après des années de vie de
couple et avec des enfants adolescents ou adultes, l’idée d’être aidés par ses
parents, peut-être âgés ou en mauvaise santé, pour une crise de couple pro-
fonde et souvent destructrice, est différente.
Évidemment, la demande d’aide et la réponse à une telle demande varient
selon un ensemble de raisons, dont l’âge n’est seulement qu’une composante.
CAS CLINIQUE
Un maudit malentendu
L’histoire de David est significative pour illustrer ce que nous venons de dire. David,
rempli de colère et de rancœurs anciennes, est en crise depuis longtemps avec son
épouse, qui se déclare incapable de maintenir une relation sereine avec un homme
toujours tendu et impulsif. Après une longue période de travail sur le couple et de
préparation à cette rencontre, David trouve le courage d’inviter sa mère, désormais
âgée, avec laquelle il a coupé les ponts depuis de très nombreuses années, en la
décrivant comme hypocrite et égoïste, et anticipant : « Elle ne viendra sûrement
jamais ! » Sa mère, à sa grande surprise, accepte l’invitation et se présente en séance
avec un fourre-tout plein de « preuves » qu’elle a été une mère aimante, pour ainsi se
défendre des accusations possibles de son fils. Accusations qui ne tardent pas à venir,
avec le risque de rouvrir des conflits jamais apaisés. Néanmoins, après un échange initial
de revendications réciproques, le climat affectif de la séance change positivement, après
que la mère en larmes a réussi à se défouler et à révéler, quasiment en hurlant, l’élément
déclencheur de leur rupture : son fils, alors jeune adulte de 21 ans, présent à la maison,
n’avait pas voulu prendre sa défense contre son mari pendant que ce dernier était en
train de la frapper ; au contraire, il avait dit à son père de lui donner plus de coups.
Après un long silence, chargé d’émotion, le fils réussit à se rapprocher de sa mère, à
lui demander pardon pour cet épisode qui a marqué sa (leur) vie, au point de couper
toute relation avec elle, et à lui dire que, malgré tout, il l’a toujours aimée. Ce moment
important de réconciliation est ensuite scellé par un geste de pacification : mère et fils
réussissent à se tenir la main tendrement et à se regarder finalement dans les yeux.
Ce moment magique ne peut certes pas changer la longue et triste histoire du passé,
mais il peut sûrement libérer David de son armure, pleine de rancœur et de sentiment
de culpabilité, pour le plus grand bien de la relation de couple, qui peut finalement se
libérer de poids qui ne la regardent pas.
CAS CLINIQUE
Le nœud à l’estomac
Dans le cas des frères et sœurs non plus, comme cela peut arriver avec la
convocation des parents, on n’obtient pas toujours l’ouverture et la réconci-
liation espérées. Il y a des histoires familiales cristallisées, où des rancœurs
anciennes et des distorsions de rôle à l’égard des parents ne réussissent pas non
plus à être ébranlées. Malgré cela, mettre un adulte face à une nouvelle tenta-
tive authentique d’ouvrir un contact avec ses frères ou ses sœurs distants peut
avoir une valeur thérapeutique en soi. Cela peut transformer la colère ou la
rancœur, pour ce qu’on ressent avoir perdu ou avoir payé émotionnellement à
l’égard des frères et sœurs dans les phases de croissance, en une douleur sincère
pour une perte définitive. Grâce au non à sa demande d’aide, un adulte mature
peut réussir à accepter de façon sereine le détachement affectif, au même titre
qu’une mort réelle. Cette acceptation devient un élément de résilience très
positif, qui permet de croître à un niveau personnel et aussi dans la relation de
couple, parce qu’une frontière claire a été marquée entre l’histoire et les bles-
sures du passé d’un côté, et les vicissitudes actuelles de l’autre.
CAS CLINIQUE
Déborah n’est plus là
Greg vient en thérapie de couple avec Louise, après plusieurs années de cohabitation.
Ils se sont connus et fréquentés à Paris, après la fin de leurs précédents mariages, dans
lesquels Louise a eu deux filles, aujourd’hui jeunes adultes, et Greg, deux garçons qui ont
plus de 30 ans. Pour des raisons très différentes, ces unions précédentes se sont terminées
sur un mode très douloureux. Louise à cause d’épisodes répétés de violence physique
et psychologique de la part de son mari, qu’elle a quitté de façon houleuse, emmenant
ses deux filles encore petites. Greg, en revanche, a perdu son épouse, à qui il était très
lié, à cause d’une tumeur qui l’a affaiblie progressivement au fil des années. À l’égard de
ses garçons, Greg a développé un sentiment de protection et de préoccupation, même
si aujourd’hui tous les deux font leur vie sans manifester de problèmes particuliers.
Le jeu et la créativité
La présence des enfants en séance crée un contexte ouvert au jeu et à la créati-
vité. Nous utilisons souvent une baguette magique, avec de nombreuses petites
étoiles à l’intérieur, en demandant à un enfant de faire de la magie pour rame-
ner l’harmonie dans la famille, donnant ainsi la parole à l’espoir de change-
ment et au désir de mettre fin aux comportements hostiles et violents entre les
conjoints. C’est incroyable d’observer la capacité d’imagination des enfants et
les réponses émotionnelles des parents, qui parviennent à participer à un jeu
créatif comme si c’était la réalité.
Quelquefois, nous recourons à la construction d’un conte comme canal ver-
bal pour un possible dépassement des conflits conjugaux. Nous créons ainsi,
avec les petits enfants, une histoire avec un canevas général, qui part toujours
d’Il était une fois une époque où la famille était heureuse…, pour passer ensuite
à la description de ce qui s’est passé qui a rendu tout le monde triste et en
colère, afin de découvrir à la fin que le chemin peut prendre une direction dif-
férente, et permettre à tous de retourner vivre heureux pour toujours. Le théra-
peute peut commencer le conte par Il était une fois une famille… pour ensuite
passer la parole à l’enfant, qui devra le continuer, tandis que c’est finalement
aux parents de le conclure. Ces derniers, grâce au conte, peuvent se libérer du
poids de positions rigides et défensives, et transmettre des messages implicites
de changement à eux-mêmes comme couple, à leurs enfants et au thérapeute.
Dans d’autres cas, le dessin peut être utilisé comme véhicule projectif, en
demandant aux enfants de dessiner les personnages principaux de la famille et
le monde qui les entoure. Généralement, du dessin émerge la vision qu’ont les
enfants des relations familiales ; et grâce aux couleurs qu’ils choisissent d’utili-
ser, les sentiments et les états d’âme de chaque membre de la famille peuvent
être décrits. Avec les couples où prévaut la colère ou l’anxiété, on peut deman-
der aux enfants de les décrire avec des feutres sur un papier cartonné : en ayant
CAS CLINIQUE
Les cartons jaunes et rouges :
histoire d’un couple impossible
Anne et David se sont connus à Dublin, où ils étudiaient tous les deux, et leur amour
a été irrésistible. Par amour, il a tout quitté, sa famille, ses amis, son travail à l’université
CAS CLINIQUE
Pères absents et mariages de substitution
Martin est le fils aîné d’un couple en crise de longue date, qui vient en thérapie pour
retrouver une entente et une intimité perdues depuis longtemps. Quand nous convo-
quons Martin en séance comme consultant, le garçon est un fleuve en crue. Il décrit
la famille comme brisée depuis environ douze ans. Il a aujourd’hui 20 ans, et il affirme
que son père, Richard, a toujours été absent, engagé comme ingénieur dans un travail
qui le maintenait en Arabie Saoudite plusieurs mois par an. Sa mère, Catherine, bien
qu’ayant épousé son mari par amour, et ayant accepté son travail qui l’obligeait à vivre
autant à l’étranger, a de fait élevé ses deux fils, Martin l’aîné et George de deux ans son
cadet, comme si elle était un parent célibataire.
Martin est non seulement devenu précocement l’adulte de la maison, mais aussi le
vrai partenaire de sa mère. Dans ce rôle, il se souvient avoir représenté depuis tout
petit le soutien affectif de sa mère, qui non seulement était seule à la maison avec
deux enfants, mais en plus venait d’une famille avec une histoire très longue de dépres-
sions et d’hospitalisations psychiatriques. Bien qu’ayant mis une distance considérable
entre elle et la Suède, son pays d’origine, elle avait emmené énormément de tristesse
et de sentiment de culpabilité d’avoir abandonné ses proches. Martin rapporte en
séance ne pas se souvenir d’un sourire de sa mère, et que, petit, il la chatouillait pour
la faire sourire !
Le couple vient en thérapie car il voudrait retrouver une entente conjugale après des
années d’éloignement physique et de vide d’intimité. Elle, elle se présente comme la
victime qui a sacrifié toute sa vie pour ses enfants ; lui, il se sent coupable de ne pas
avoir compris la solitude de sa femme, et d’avoir délégué totalement son rôle paternel
à Catherine, et implicitement à Martin, qui apparaît très ambivalent et méfiant à l’idée
de céder aujourd’hui à son père sa place comme vrai partenaire de sa mère. Par ailleurs,
il est difficile pour Richard de reconquérir un espace significatif à la maison, bien qu’il
veuille réussir à se faire accepter comme père par ses deux garçons.
Les deux séances avec les enfants sont très utiles pour mieux comprendre les dyna-
miques familiales, et rétablir un peu d’ordre. De fait, au cours des années, s’est créé un
lien très fort entre mère et fils, un lien que nous pourrions définir de survie affective
pour la mère, et hautement dysfonctionnel pour Martin. Ce dernier, engagé à protéger
sa mère, a renoncé à poursuivre ses études et à se projeter à l’extérieur des murs
domestiques. Il est énorme, ce qui contraste avec le corps minuscule de Catherine.
Tous les deux passent beaucoup de temps à la maison dans la journée, elle à remplir
Au cours de la thérapie de couple, il peut arriver que soient relatées des expé-
riences importantes, vécues avec des amis dans des situations particulières de
la vie. Ou encore peuvent être décrits des aspects conviviaux de moments
spéciaux vécus avec eux au cours de voyages ou de week-ends passés ensemble.
Tout cela sera utile pour réfléchir sur la valeur des rapports amicaux dans la
dynamique de couple, et sur la grande ou la moindre ouverture du couple sur
le versant social.
Il est assez prévisible que, pour les couples harmonieux et unis, les amis
soient une ressource extraordinaire de leur réseau social et qu’ils soient dis-
ponibles en cas de besoin. Comme ces couples réussiront à partager de nom-
breuses expériences de vie et à croître ensemble, ils sauront aussi comment
faire avec leurs amis, à qui ils peuvent demander du soutien et de l’aide en
toutes circonstances.
À ce propos, nous pourrions décrire brièvement l’histoire d’un couple qui,
en proie au désespoir, a demandé une intervention thérapeutique, après la mort
brutale d’un de leurs enfants adolescent, des suites d’un accident domestique.
En fait, les conjoints, ainsi que leur fils cadet, avaient littéralement fugué de
chez eux, avec de nombreux bagages, tout de suite après ce tragique évène-
ment, demandant l’hospitalité à un couple d’amis, qui pendant plus d’un mois
les avait accueillis à bras ouverts, les aidant à dépasser le premier impact terrible
de cette perte soudaine. Ce sont toujours ces mêmes amis qui, par la suite, leur
ont conseillé de suivre une thérapie pour faire face à leur deuil et redonner un
sens à leur vie. Au cours de la thérapie, il a donc été très touchant d’apprécier
l’épaisseur humaine et la générosité de ces amis, à travers les paroles du couple,
pleines de reconnaissance et de gratitude. Il a été très simple pour le thérapeute
de demander leur présence en séance, afin de donner une plus grande valeur
et une perspective au « travail thérapeutique » déjà accompli par eux dans
CAS CLINIQUE
Se regarder sous un autre jour…
Joanna et Marco sont un couple mixte, lui italien d’origine toscane, elle péruvienne. Ils
vivent à Rome et ont un fils de 3 ans.
La relation entre les deux, née d’un coup de foudre, s’est dégradée très tôt, et est devenue
vraiment hostile après la naissance de leur bébé. Joanna affirme que Marco la disqualifie
constamment dans ses fonctions de mère devant leur enfant, pendant que Marco utilise
sa profession de médecin pour la critiquer sur tout, soutenant qu’elle est une mère
dépourvue de sentiments, intéressée seulement par son travail social à temps plein avec
la communauté péruvienne de Rome, travail par ailleurs très peu payé. Elle est fatiguée
de cette vie, faite d’humiliations constantes. Elle ne l’aime plus et voudrait le quitter.
Marco, bien que se sentant méfiant dans la relation avec Joanna, défend l’institution
Famille, et énumère tous les dégâts et les éventuelles maladies de l’enfant qui pourraient
dériver du possible traumatisme de la séparation. En fait, ce qui rassemble le couple,
c’est un sentiment de profonde solitude : elle a quitté le Pérou, sa famille, ses amis en
espérant que Marco aurait été pour elle un soutien affectif solide, en mesure d’atténuer
son sentiment de détachement de son monde originaire. Et c’est justement pour
compenser ce vide que Joanna travaille à temps plein pour la communauté péruvienne.
En aidant d’autres personnes déracinées comme elle, elle espère se sentir moins seule.
Évidemment, leur conflit ouvert et quotidien provoque des réactions négatives chez
leur fils, qui souffre d’eczéma et de coliques récurrentes, confirmant de cette manière
les prévisions paternelles de troubles dus au traumatisme de l’enfant. Comment aider
alors deux conjoints qui se sentent impuissants et qui attribuent tous les torts à l’autre ?
La famille de Joanna est loin physiquement, celle de Marco est encore plus indisponible.
Le père de Marco est mort quand lui et ses deux petites sœurs étaient très jeunes,
CAS CLINIQUE
L’infidélité : un mérite spécial aux amis !
Laurent est un brillant architecte qui a épousé il y a dix ans Céline, enseignante de
collège. Les deux conjoints ont deux petites filles et vivent dans une grande ville du
Nord du pays, pour favoriser sa carrière professionnelle à lui, même si tous les deux
proviennent d’une petite localité du Sud, où ils ont grandi dans leurs familles respectives
et où ils ont effectué leurs études.
Leur union est décrite comme un mariage d’amour, couronnée par l’arrivée de deux
belles fillettes, fortement désirées par tous les deux.
La demande de thérapie est liée à la découverte récente d’une relation extraconjugale
de Laurent, avec une collègue de son cabinet professionnel, relation qui au moment
de la thérapie est décrite comme interrompue. Un tel évènement a plongé Céline dans
un état d’angoisse totale, comme si son monde intérieur s’était effondré. Laurent est
en proie à un sentiment de culpabilité et ne sait pas s’expliquer comment tout cela a
pu arriver. Par ailleurs, la relation extraconjugale prend corps quand Céline est encore
en train d’allaiter leur seconde fille, ce qui la fait se sentir encore plus vulnérable et
trahie.
Les conjoints viennent ensemble en séance, et on perçoit le caractère dramatique de
la situation, dans laquelle les deux semblent paralysés, elle par sa douleur de la blessure
subie, lui par l’effroi d’avoir tout ruiné et d’être la cause d’un possible éclatement
familial.
Il faudra de nombreux mois de thérapie pour commencer à voir une possible récon-
ciliation. On parle beaucoup de leurs familles lointaines, surtout celle de Céline, dont
elle ressent fortement le manque. En parlant de ses parents, elle affirme : « Ils mourraient
s’ils savaient ce qui est arrivé. » Laurent a compris le grave dégât provoqué par son
comportement et se sent encore plus coupable parce que, selon lui, il s’est trouvé sous
la coupe des avances de sa collègue sans en comprendre les conséquences, lui qui
avait toujours pensé être lucide et rationnel dans la vie. Par ailleurs, aujourd’hui, bien
que la relation extraconjugale soit terminée, Laurent continue à travailler dans la même
étude d’architectes, et Céline est en proie à de vrais cauchemars, pensant que la menace
est encore présente.
Ayant appris l’existence de deux amis très proches et fiables de chacun des conjoints,
le thérapeute propose au couple de les inviter séparément, pour l’aider à comprendre
comment mieux avancer en thérapie. Il préfère faire deux séances distinctes, auxquelles
chacun des deux vient avec son ami, pour éviter toute forme d’embarras et de
formalisme.
Céline a une amie, Julie, avec laquelle elle a étudié à l’université. Elle a maintenu des
liens avec elle, même après avoir quitté sa ville d’origine. Céline s’est toujours confiée à
Dans les années 1980, de retour des États-Unis, Andolfi a commencé à tra-
vailler avec les couples, sous l’influence de Bowen, qui peut être considéré
comme le premier thérapeute individuel systémique (son modèle était centré
sur l’individu et ses processus de différenciation), et de Framo, qui, à l’intérieur
de la thérapie de couple, avait développé les fameuses séances avec la famille
d’origine de chaque partenaire.
La première ébauche de thérapie de couple intergénérationnelle naquit de
l’intégration de ces deux modèles, dont les premiers résultats furent présentés
par le même Andolfi, lors du congrès historique consacré au couple en crise, qui
s’est tenu à Rome en 1987, avec la publication ultérieure d’un article dans le
livre qui en fut tiré (Andolfi, 1988).
De Bowen, il a surtout intégré le modèle évolutif de collecte des données
sur la croissance individuelle, grâce à l’utilisation dynamique du génogramme
familial, et de Framo, la conduite des séances avec la famille d’origine de
chaque partenaire.
Naquit ainsi l’idée originale de diagnostic précoce du fonctionnement du
couple, qui prévoyait d’emblée des séances individuelles avec chaque parte-
naire, en plus des séances avec les enfants et avec les familles d’origine res-
pectives. Tout cela était programmé dans les cinq ou six premières séances,
et était considéré comme un processus évaluatif propédeutique à la thérapie,
à l’instar de ce qui se passe dans le cadre médical, où, pour faire un diagnostic,
sont demandés, selon les cas, des examens radiologiques, des analyses de sang
ou d’urine. Par ailleurs, en procédant ainsi, il allait de soi que la thérapie de
couple était envisagée à l’intérieur d’un cadre familial, sans même la nécessité
de trop l’expliquer. Et ce programme était justement présenté avec ce langage
clinique au couple qui demandait une intervention.
CAS CLINIQUE
Besoins impérieux de visibilité
Anne et David demandent tous les deux une thérapie de couple, mais pour des motifs
très différents et avec un niveau incroyable de conflictualité verbale et de mépris réci-
proque, qui met aussi le thérapeute dans une position insoutenable, équivalente à celle
d’un gardien de la paix qui doit séparer deux adversaires. À la fin de la première séance,
deux rencontres individuelles sont programmées, qu’ils acceptent tous les deux avec plaisir,
peut-être avec le désir implicite pour chacun de dire du mal de l’autre en son absence.
En réalité, il est tout de suite stipulé que, dans la rencontre individuelle, il sera interdit de
parler du couple, parce que la séance portera sur des thèmes relatifs à la vie de chacun
avant qu’ils ne fassent connaissance. Ce type de précision du thérapeute fait désormais
partie de notre expérience, qui a fait ses preuves, même s’il est toujours surprenant d’ob-
server comment le contexte d’une rencontre individuelle peut changer, seulement en
posant des limites nettes quant à ce dont on peut parler et ce qui est interdit.
Les deux conjoints apparaissent comme deux adultes qui ont été blessés et négligés
quand ils étaient enfants et otages de leurs familles respectives. Anne parlera de son
enfance en Iran et de la fuite ultérieure de sa famille pour des raisons politiques, de leur
arrivée en Australie comme réfugiés, après avoir perdu tous leurs biens. Ses parents,
pour donner un nouveau cours à leur vie, négligèrent complètement ses besoins pri-
maires de croissance ; et surtout, sa mère l’impliquait lourdement dans son désespoir,
en l’utilisant comme soupape d’échappement à tous ses maux. Anne sera otage de sa
mère toute sa vie ; elle ne sera même pas libre de ses propres décisions quand elle aura
ses enfants, contrainte de suivre quand même le bon vouloir et les besoins de sa mère.
David vient d’une famille intellectuelle anglo-saxonne, où l’affection ne peut se montrer,
et où il a souffert d’une jalousie profonde à l’égard de son frère aîné, qui semblait jouir
CAS CLINIQUE
L’institutrice et le gros bébé
Un cas emblématique et unique en son genre est celui d’un couple où Sara a toujours
joué le rôle de l’institutrice, et Roberto, celui de gros bébé. Dans le cours de la thérapie,
face à une situation d’impasse, et en tout cas d’une difficulté de l’homme à changer,
nous assistons par trois fois consécutives à la venue de Roberto sans Sara. Bien que
nous éprouvions des doutes sur l’utilité de consentir à ces rencontres individuelles,
nous les avons finalement acceptées, et nous avons continué la thérapie de couple
D’autres fois, la rencontre individuelle est demandée pour réfléchir sur une
situation d’impasse et sur le risque concret d’une séparation conjugale.
CAS CLINIQUE
Le thérapeute ingénieur
CAS CLINIQUE
Mes larmes libres
Au cours d’une thérapie de couple, les enfants adultes de Vittorio sont invités en séance
en qualité de consultants. Leur présence permet à leur père d’affronter un nœud du couple
encore très complexe, relatif à la mort par cancer, après une longue maladie, de sa première
femme, dont le fantôme hante encore les murs de la maison. Et pourtant, plus de quinze
ans ont passé depuis que Vittorio et Adélaïde se sont mis ensemble. Malgré leur lien
profond, remplacer une épouse et une mère exceptionnelle n’a pas été facile, et souvent
aussi les conflits s’activent au sujet de ce tiers encore difficile à maintenir éloigné.
Les enfants permettront le virage, même si Vittorio ne voulait même pas les faire par-
ticiper, craignant que ne se rouvrent des blessures profondes pour eux. À sa grande
surprise, non seulement ses enfants ont été en mesure d’affronter les thèmes de la
perte du passé, mais ils ont été très doués pour libérer leur père de ce cauchemar, ce
qui, par voie de conséquence, a permis au couple une plus grande sérénité.
À la suite de la rencontre avec ses enfants, Vittorio demande une séance individuelle,
parce qu’il veut réfléchir encore sur la signification profonde de cette rencontre. Au cours
de la séance, Vittorio, qui avait toujours montré beaucoup de réticence à faire sortir ses
émotions les plus profondes, réussit à éclater dans des pleurs libérateurs longtemps
retenus, et à entrer en contact avec la partie la plus fragile et vitale de lui-même. Peut-
être la présence d’un thérapeute homme et d’un contexte duel a-t-elle permis à Vittorio
de réfléchir sur soi, sans rester coincé, comme toujours, dans un travail de médiation
entre les deux femmes de sa vie.
Nous voudrions maintenant illustrer une autre partie de notre travail, non
moins importante, celle qui est menée sur la dimension horizontale du couple,
et qui est focalisée sur la relation à deux. C’est un travail qui se développe tout
au long du processus thérapeutique, dans ses différentes phases, et dont le set-
ting est constitué uniquement du thérapeute et du couple.
En imaginant à nouveau avoir entre les mains le Rubik’s cube, la position
des deux individus sur la face du Nous est le point de référence constant du
thérapeute pour évaluer la force interne du couple, cette énergie positive qui
lui permet de rester solide face aux différentes sollicitations auxquelles il est
exposé durant son cycle de vie, et de nourrir affectivement les partenaires, en
en promouvant la croissance.
Comme nous l’avons vu, dans le travail intergénérationnel, qui se passe
dans la dimension verticale du couple, le thérapeute pourra aider les parte-
naires à se repositionner, à l’intérieur de ces distances rigides qui remontent
à une époque qui les voyaient bloqués dans des rôles ou des fonctions inadé-
quats au moment évolutif présent. Le travail thérapeutique sur la dimension
horizontale, tout aussi important, sera en revanche focalisé sur les capacités
autonomes du couple de se nourrir lui-même, pour se fortifier et croître en
s’appuyant sur la force du Nous.
Rétablir le respect
Avant tout, on devra s’occuper d’accueillir et de contenir la frustration qui
résulte de la quotidienneté d’une relation dysfonctionnelle, laissant émer-
ger en séance les sensations que chaque partenaire éprouve face au compor-
tement de l’autre, en en amplifiant la portée et en soutenant les deux pour
qu’ils s’écoutent plus, au travers d’un tiers. La capacité du thérapeute de ne pas
prendre parti pour l’un ou l’autre sera indispensable dans ces circonstances, afin
qu’il soit perçu par le couple comme un médiateur et un interprète, capable de
l’aider à faire émerger en séance des états émotionnels et de donner du sens
aux demandes implicites. L’accueil des vécus de chacun des deux, en présence
du partenaire, leur confère implicitement une dignité d’écoute ; et ce faisant,
le thérapeute pourra favoriser la restauration du respect, un des présupposés
fondamentaux de n’importe quel type de bonne relation. Plus le thérapeute
veillera au maintien d’un contexte basé sur l’écoute respectueuse à l’intérieur
des séances, plus le couple aura la possibilité de sentir que le respect est utile,
et donc qu’il est souhaitable de le rétablir en dehors. La première conséquence
naturelle sera une diminution du conflit, et une augmentation de la curiosité
entre les partenaires qui a, comme nous le savons bien, pratiquement disparu
dans les couples hautement conflictuels, laissant le champ libre au blâme.
Particulièrement dans un setting de cothérapie formé par deux thérapeutes de
sexe différent, ce que nous venons de décrire peut se réaliser encore plus facile-
ment peut-être : ce dispositif offrira aux partenaires la possibilité de se refléter
dans le couple thérapeutique, à l’intérieur duquel les deux personnes mettront
Augmenter la confiance
La relation thérapeutique, qui se fonde sur la confiance, introduit dans le
contexte thérapeutique la possibilité pour les partenaires d’expérimenter
ensemble la confiance. Comme nous le savons, cette dernière est, à l’égal
du respect, un autre élément fondamental de la relation de couple. Ce sera
au thérapeute de faire en sorte que la confiance que les membres du couple
répandent dans la relation thérapeutique puisse s’étendre à l’intérieur de
leur relation : en réalisant des tâches à la maison ou en exécutant des pres-
criptions comportementales spécifiques, les partenaires seront accompagnés
dans la tentative timide d’augmenter les possibilités de se fier l’un à l’autre,
par le biais d’exercices d’apprentissage des capacités réelles du couple et de
déconstruction des préjugés désormais consolidés. La capacité des partenaires
de répondre de façon satisfaisante sera un premier petit pas sur le bon chemin,
lequel devra conduire à la reconstruction de la confiance relationnelle dans le
couple. Parfois, c’est une route hérissée d’obstacles, car totalement inconnue.
Cependant, ces petites perceptions qui donnent la sensation d’être apprécié et
accepté par l’autre pour ce que l’on est, produisent un sentiment de gratitude
et de complicité, ouvrant la porte de l’intimité, véritable force motrice de la
relation sentimentale.
CAS CLINIQUE
Le compte courant percé
Martine est une jeune travailleuse indépendante qui aime beaucoup se faire plaisir en
faisant du shopping chaque fois qu’elle est payée pour son travail. Elle se fiche pas mal
des dépenses qu’elle fait, souvent excessives, mais elle n’est pas au courant de l’évolution
de son compte bancaire. C’est Damien, son mari, qui tient la comptabilité du foyer et qui
gère les deux comptes courants du couple, le sien et celui au nom de Martine, parce
que, selon ses dires, elle ne serait pas en mesure de le faire. L’argent, et surtout la façon
dont il est dépensé, est souvent un motif de litige : elle, elle sent sa liberté personnelle
minée par celui qui établit un hypercontrôle, et lui, il craint quotidiennement pour la
stabilité économique de la famille, étant donné qu’il doit souvent transférer de l’argent
de son compte sur celui de son épouse, en soudaine chute libre. Leur couple est haute-
ment conflictuel. Ils se disputent sur presque tout, et leur relation ressemble beaucoup
à celle qu’il pourrait y avoir entre une adolescente transgressive et un père intègre, piégés
dans deux positions antagonistes, dans lesquelles l’un ne se fie pas à l’autre, et vice versa.
Déjà dans les premières séances, l’argument de l’argent fera irruption et sera très problé-
matique. Les thérapeutes proposeront ce qui semblait la solution la plus évidente, mais
à laquelle le couple n’avait jamais pensé : que Martine s’occupe directement de la gestion
Redécouvrir l’intimité
Pendant longtemps, on a discuté sur le fait que les thérapeutes familiaux trai-
taient peu ou aucunement les aspects sexuels dans la relation conjugale. Il faut
admettre que leur travail avec les familles a souvent contribué à maintenir ces
aspects en dehors du setting, étant donné la présence constante des enfants en
séance. En revanche, quand un thérapeute familial travaille avec le couple,
la sexualité est un thème important et à ne pas sous-estimer, ne serait-ce que
parce que, comme cela a déjà été amplement décrit, c’est le miroir de la rela-
tion (Schnarch, 1997) et le dialogue préféré de l’intimité de couple. Dans notre
travail sur la dimension horizontale du couple, l’intimité et la sexualité sont
l’objet de prescriptions données dès le début de la thérapie. Proposer aux par-
tenaires de s’organiser pour augmenter les occasions de rencontre à deux et de
restaurer la dimension ludique dans le quotidien, en demandant par exemple
à chacun de faire quelque chose qui surprenne l’autre, permet de réactiver les
prodromes de la relation, ces sentiments initiaux qui les firent se choisir alors.
D’un point de vue structural, le couple est ainsi aidé à retracer les lignes de
frontière qui le distinguent de tout ce qui est en dehors de l’espace du Nous :
la dimension totalement privée, qui renferme en son sein la vraie puissance et
la vitalité du couple, est revigorée de cette façon, devenant plus résistante aux
chocs et une propulsion vers le développement.
CAS CLINIQUE
La fête magique
Caroline et Cédric sont mariés depuis moins de trois ans et ont un enfant de 2 ans. Ils
sont en train de penser sérieusement à se séparer, toutefois ils acceptent le conseil
d’une amie de Caroline d’essayer de faire une thérapie de couple. Ils viennent d’une autre
ville et mettent trois heures pour rejoindre notre centre en train. Dans la première
CAS CLINIQUE
La colère a disparu !
Mariés depuis plus de cinq ans, Tania et David demandent une thérapie de couple,
parce que leur relation est en train de dégénérer. Ils se disputent beaucoup pour la
moindre question, et tous les deux commencent à penser à la séparation. Ils n’ont pas
encore d’enfant, parce qu’ils ne sauraient pas comment s’organiser avec le travail. Lui est
un jeune manager plutôt intelligent, très apprécié dans son entreprise, en particulier
par ses proches employés, pour être une personne attentive et compréhensive à leur
égard. David, à son retour le soir, voudrait trouver de la légèreté et de la disponibilité
pour sortir et s’amuser avec son épouse. Cette dernière, en revanche, est toujours très
fatiguée, parce qu’elle a le sentiment de ne jamais pouvoir se décentrer du travail, dès
lors qu’à son bureau elle a différents ennemis qui, « jaloux de ses résultats », se débar-
rasseraient d’elle très volontiers.
Des histoires de vie des deux partenaires, nous apprendrons que David, dernier-né
de trois garçons, perdit sa mère d’un infarctus quand il avait environ 7 ans, et ses
frères s’occupèrent de lui, étant donné que leur père se remaria peu de temps après
et partit de la maison. Depuis toujours reconnaissant envers ses frères, David a grandi
en ayant le sentiment de devoir les rassurer sur lui-même, sur combien il allait bien,
reléguant sa douleur personnelle liée à la perte dans un grenier dont il a jeté la clé.
La tâche de représenter son génogramme à la maison, pour le revoir ensemble en
séance, aura déjà un premier effet déstabilisant sur le sourire enjoué constamment
gravé sur le visage de David, qui se retrouvera face à un graphique plein de deuils :
en plus de celui de sa mère, il en indiquera beaucoup d’autres, tous de parents jeunes.
Sa solitude d’enfant, avec la douleur profonde qui l’accompagnait, pourra finalement
être nommée. Mais si la mort est invincible, la solitude peut se modifier, en changeant
la direction à sa vie. Les frères de David seront des témoins précieux en thérapie, en
enrichissant leur triste histoire de nouveaux détails et en donnant la possibilité à la
fratrie entière de se retrouver dans le partage d’une douleur profonde, enfouie pen-
dant de nombreuses années, et de la colère jamais exprimée d’avoir été abandonnés
à eux-mêmes par leur père. Les larmes sur le visage de David pourront finalement
couler, le libérant de cette prison dorée dans laquelle il a toujours eu le sentiment
de devoir vivre.
L’histoire de Tania est en revanche complètement différente : première fille d’une
femme carriériste et d’un père violent, elle a grandi en combattant pour obtenir
justice à la maison, où les femmes comptaient peu ou pas. Les querelles furieuses
avec son père, qui dégénéraient souvent en violence physique, étaient le pain quo-
tidien de son adolescence, durant laquelle Tania commença une anorexie grave, qu’elle
n’a pas encore complètement surmontée aujourd’hui. Le conflit de couple entre ses
parents, totalement caché, ne s’est jamais résolu jusqu’à la mort de son père. Tania
CAS CLINIQUE
Le mythe de la peur
Françoise et Xavier se sont adressés à nous en raison de la crise qu’ils traversent déjà
depuis quelques années et probablement commencée après la naissance de leur
second fils. Stéphane et Mathieu, de 8 et 5 ans, ont complètement bouleversé leur
routine, imposant des rythmes difficilement conciliables avec les engagements profes-
sionnels pressants des deux partenaires. Leur vie est devenue seulement un ensemble
d’obligations à accomplir du matin au soir, et le couple n’a pas réussi à préserver un
temps minimum pour lui-même. Même la sexualité en a souffert : « Je peux seulement
dire que nous avons des rapports sexuels, mais nous ne faisons plus l’amour ! » affirme
Françoise d’un air sombre durant les premières rencontres. En outre, Xavier passe de
plus en plus souvent ses soirées en compagnie de son ordinateur, et Françoise craint
une probable infidélité.
Le couple s’en remettra complètement à la thérapie, demande effectuée par les deux
partenaires pour se faire aider à retrouver ce climat du passé, dans lequel ils réussissaient
également à jouer. Le premier objectif des thérapeutes sera d’aller chercher quelle signi-
fication ont vraiment eue les obligations dans les deux familles d’origine du couple.
À partir du travail d’environ une année accompli avec eux, de nombreuses prises de
conscience seront obtenues, par exemple comment, depuis enfants, tous les deux ont
CAS CLINIQUE
Elle est encore entre nous, malgré tout !
Reprenons le cas de Pierre et Jenny décrit dans le quatrième chapitre, dans lequel
l’infidélité prolongée de Pierre durant des années, dès sa découverte par Jenny, a jeté
le couple dans une crise profonde et douloureuse. Comme nous l’avons déjà amplement
décrit précédemment, la crise de couple qui éclate à la suite d’une infidélité est une
des plus dangereuses, que ce soit par la blessure narcissique extrêmement douloureuse
pour le partenaire trahi ou par la rupture du pacte d’alliance en entier : la confiance,
qui en sort extrêmement mal en point, apparaît dans ces cas inexorablement
irrécupérable.
Le thérapeute attentif aura dédié tout le temps et l’espace nécessaires à la douleur et
à la culpabilité, ces sentiments prévalents, pour pouvoir en élaborer toutes les facettes,
La séparation consensuelle
Une seconde issue possible de la thérapie de couple est la séparation consensuelle,
en nous référant évidemment au niveau psychologique et non pas juridique.
Ce sont ces situations dans lesquelles la conscience partagée de l’impossibi-
lité de rester ensemble met les partenaires dans les conditions de pouvoir se
réapproprier chacun ces parties de soi investies dans la relation, en mettant
un terme au rapport intime tout en maintenant vivante et efficace la relation
CAS CLINIQUE
Les jeux sont faits !
La séparation déséquilibrée
Une issue encore différente de la thérapie de couple est celle qui voit la
thérapie se terminer par une séparation déséquilibrée. C’est ce que le théra-
peute ne voudrait jamais voir arriver, parce que c’est une issue préjudi-
ciable, autant pour les adultes que pour les enfants. Il peut arriver que,
pour un des deux partenaires, sa conscience de vouloir se séparer augmente,
alors que l’autre ne se sépare pas, reste seul, vivant une situation d’abandon
et ne réussissant pas à accepter que le Nous de couple n’existe plus. Un des
deux clôt la relation, pendant que l’autre ne renonce pas à l’idée de rester
ensemble. En réalité, il se peut que la plus grande peur de ce dernier ne soit
pas celle de laisser partir le couple, mais plutôt celle de rester seul. Dans
de telles situations, les enfants sont à risque, surtout parce qu’il est très
difficile de construire un Nous parental suffisamment bon sur un insuccès
total du Nous de couple. C’est un parcours qui, sur le plan de la thérapie de
couple, peut probablement être considéré comme un échec, même si sur
un plan personnel, un des deux peut en avoir tiré profit pour sa croissance.
Toutefois, comme le montrent certaines recherches sur l’évaluation de la
thérapie (Andolfi, Angelo, D’Atena, 2001), même des expériences théra-
peutiques que nous définissons comme des insuccès, peuvent engager des
processus transformatifs, que les personnes récupèrent et utilisent même
très longtemps après la fin de la thérapie.
CAS CLINIQUE
Ne les mettons plus au milieu !
CAS CLINIQUE
Le passé est passé !
Paul et Sara ont demandé une thérapie pour se faire aider à comprendre s’ils voulaient
vraiment se marier, bien qu’ils aient déjà deux enfants de 7 et 2 ans. La peur de s’engager,
malgré le fort sentiment qui les liait, maintenait particulièrement Paul dans une position
de doute et d’attente que quelque chose change magiquement entre eux. Sara, de son
côté, s’adaptait aux doutes de Paul comme si elle s’était habituée au fait de ne jamais
se sentir vue comme fille à l’intérieur de sa famille, écrasée qu’elle était par les attentes
que toutes les figures significatives de sa vie avaient depuis toujours placées en elle.
La thérapie dura environ une année et se termina par une issue positive. Voyons ci-après
ce que le couple choisira de raconter de l’expérience thérapeutique, un peu plus de
deux ans après la dernière rencontre.
CAS CLINIQUE
Mais quel âge as-tu ?
À titre d’exemple, voyons un court extrait de conversation avec Camille, une fille de
13 ans, convoquée en séance avec ses parents divorcés depuis peu :
THÉRAPEUTE : En résumé, ta famille n’est pas exactement la famille idéale… Qui souffre le
plus ?
CAMILLE : Maman… Peut-être que lui, il ne lui montre pas… parce qu’il sourit
toujours.
THÉRAPEUTE : S’il ne souriait pas, que pourrait-il faire ?
CAMILLE [en colère, se tournant vers son père] : Tu as dit que tu n’es plus amoureux, mais
qu’est-ce que ça veut dire ?
THÉRAPEUTE : Maman aurait pu faire la même chose ?
CAMILLE : Non.
THÉRAPEUTE : Elle est restée amoureuse ?
CAMILLE : Oui.
CAS CLINIQUE
Je ne le dessinerai pas !
Clara et Simon, 10 et 8 ans, sont les enfants de Roseline et Daniel, un couple séparé de
fait qui, depuis cinq ans, est dans une séparation judiciaire houleuse. Depuis des années,
les enfants assistent à de violentes disputes entre leurs parents chaque fois qu’ils sont
contraints de communiquer. Roseline a un travail précaire, elle vit seule avec les enfants,
et elle ne peut compter sur aucune sorte d’aide. Elle a presque cessé tout contact avec
sa famille d’origine, avec laquelle elle a une relation extrêmement conflictuelle. Lors du
premier appel, elle nous dit qu’elle est aussi très effrayée des fréquentes crises de colère
qui l’assaillent, y compris en présence de ses enfants. Elle a bénéficié de deux prises en
charge individuelles dans le passé, mais avec de médiocres résultats.
Daniel vit à l’étranger pour le travail, et il est perpétuellement aux quatre coins du
monde. Il voit ses enfants comme il peut, entre deux voyages, chez ses propres parents,
avec lesquels son ex-femme n’a plus de relation.
Roseline a demandé une thérapie familiale sur les conseils de l’école de Simon, parce
que l’enfant a des problèmes d’apprentissage : il ne suit pas, et surtout il se bloque
pendant des heures sans jamais mener à terme un devoir. À la suite de la passation de
divers tests psychologiques, on suspecte un retard cognitif.
Le père refuse l’invitation formulée par les thérapeutes à venir dès la première séance,
parce qu’il ne croit pas que ce soit utile. Roseline est d’accord, parce qu’elle n’a aucune
intention de rencontrer son ex-mari. Daniel nous donne son consentement, toutefois,
pour rencontrer ses enfants avec leur mère, et les thérapeutes acceptent de commencer
ainsi.
« Je ne le dessinerai pas ! » répond Clara quand les thérapeutes lui demandent où elle
voudrait placer son père sur le génogramme. Elle ne veut pas le dessiner, parce qu’elle
ne saurait pas où le mettre sans blesser sa mère. La loyauté de la fillette est un bon
point de départ pour les thérapeutes, afin de faire émerger, sous le regard attentif de
la mère, ses difficultés de fille, mais surtout son renoncement à une relation affective
Les appels symboliques de Simon à la force pour creuser, à l’énergie que ces enfants
emploient pour garantir la continuité d’une famille, sont certainement des stimuli de
réflexion, qui ne peuvent pas passer inaperçus des parents. Et les enfants, pendant qu’ils
peuvent finalement aussi manifester leur affection à leur père, en lui faisant percevoir
la valeur que leur relation avec lui a pour eux, peuvent aussi exprimer leurs peurs.
THÉRAPEUTE [tournée vers les enfants] : Mais vous êtes émus de la présence de papa ?
CLARA : Eh oui, quand papa vient, c’est…
SIMON : La fête !
CLARA : Oui, c’est aussi la fête, parce que c’est un beau moment, parce que lui, d’ha-
bitude, il est loin. Donc, quand il est ici, sa présence met de la joie. C’est bien
de voir aussi qu’il est toujours là !
ROSELINE : Et puis, est-ce que je peux dire mon opinion ? Étant donné qu’il n’y a pas
tant d’occasions où nous sommes tous ensemble, peut-être que la dernière
était l’année passée, quand nous sommes allés la chercher à l’école tous les
deux ensemble accidentellement… la première chose qu’a dite Clara, après
avoir écarquillé les yeux, a été : « Oh, mon Dieu, appelez la police, parce que
maintenant… ! »
SIMON : Ils vont se disputer !
ROSELINE : Ils vont s’égorger, en somme !
DANIEL [tourné vers son ex-femme] : Mais qui ? Toi et moi ?
CAS CLINIQUE
Quand un enfant divise
Jean-Luc et Charlotte vivent dans deux villes différentes, elle à Marseille et lui à Paris.
Leur enfant de 4 ans, Frédéric, vit avec sa maman dans la maison de ses grands-parents,
qui s’occupent de lui pendant la journée, pendant que la mère est au travail. Il y a trois
ans, les deux parents ont décidé de se séparer, en se mettant d’accord de façon auto-
nome tant du point de vue économique que pour faire en sorte que le bambin puisse
voir son père le plus fréquemment possible. C’est ainsi que Charlotte, deux week-ends
par mois, accompagnait Frédéric en train à Paris, le confiant à son père, pour ensuite
Bonjour Docteur,
Je vous remercie pour votre sollicitude.
Le parcours judiciaire se poursuit, je me souhaite d’aller dans une direction souhaitable dans
l’intérêt premier de Frédéric.
Je vous retourne mes vœux pour un Noël serein, pour vous et votre famille.
Cordiales salutations,
Charlotte Leroy
Bonsoir Docteur,
Ça m’a fait très plaisir de recevoir votre e-mail, et de voir que vous vous souveniez de nous
trois.
Avant tout ; je vous envoie, bien qu’avec quelques jours de retard, et je m’en excuse, mes vœux
de joyeux Noël. J’espère que vous les accueillerez quand même.
La première instance s’est conclue à la fin de juin dernier, sensiblement avec l’acceptation en
totalité de la proposition de la CTU par le juge, à savoir une organisation de rencontres qui
garantit à Frédéric d’être avec moi 142 jours par an.
Mais, malheureusement, la situation ne s’est pas améliorée par rapport au moment où vous
l’avez vue, en fait. Quelques jours après la publication de la sentence, mon ex-compagne a
En lisant cet e-mail, il nous reste quelques regrets : Charlotte n’a pas réussi à ne pas se
faire aspirer par les forces centrifuges du système judiciaire, trop fortes pour elle, bien
que Jean-Luc ait accepté un compromis valable au niveau des rencontres avec leur fils.
Toutefois, malgré tout, nous pouvons conclure en disant que notre temps n’a peut-être
pas été totalement perdu : ce père « aux traits schizoïdes et à la personnalité paranoïde »
semble être un père affectueux.
CAS CLINIQUE
Chacun à sa place
Lucie et Nicolas, de 40 et 43 ans, sont tous les deux séparés et parents. Elle, d’un garçon
de 11 ans, Marc, et lui, de Clarisse, 12 ans. La séparation de Lucie est survenue quand
Marc avait 3 ans, au terme d’une relation que Lucie qualifie d’« épuisée ». Son ex, qu’elle
a connu sur les bancs de l’école, la trompait depuis toujours, et elle, dans la crainte de
rester seule, a toujours toléré ses allers-retours. Elle l’a directement épousé, et ensuite,
une fois qu’elle a eu Marc, elle a décidé de mettre définitivement un terme à la relation,
par ailleurs avec soulagement chez son ex-mari. Ils sont restés en bons termes, même
si c’est elle qui a entièrement subvenu financièrement aux besoins de leur fils. Marc
définit son père comme « son meilleur ami » : il l’appelle par son prénom, et il va
s’amuser avec lui à chaque fois qu’ils se rencontrent.
Nicolas, de son côté, a quitté son ex-femme il y a trois ans avec une séparation consen-
suelle. En réalité, il connaissait déjà Lucie, et il avait commencé une relation extraconju-
gale avec elle.
Clarisse, qui est restée vivre avec sa mère, fréquente son père deux week-ends par mois
et deux jours durant la semaine, comme prévu par les accords de séparation. Les rela-
tions entre Nicolas et son ex-femme sont plutôt froides et occasionnelles ; toutefois,
son ex se montre disposée à collaborer pour leur fille, en lui concédant la possibilité
de fréquenter la nouvelle famille de son père.
CAS CLINIQUE
Bibbidi bobbidi bou : qu’ils se sourient !
Marlène et Xavier sont tous les deux originaires du Gabon et sont deux conjoints en
cours de divorce.
Pour elle, c’est la seconde séparation. Marlène a déménagé en Italie très jeune pour
étudier la médecine, et elle y est tombée enceinte de Mélissa, qui a aujourd’hui 17 ans,
d’une relation avec un camarade de promotion. Pour terminer leurs études, les deux
jeunes décideront d’envoyer la fillette au Gabon, en la confiant à la famille maternelle.
En réalité, après peu de temps, les deux jeunes se quitteront, et Marlène cessera tota-
lement les relations avec le père de sa fille, qui ne verra plus cette dernière. Arrivée à
son doctorat, Marlène reprendra Mélissa avec elle, pour déménager en France, où elle
commencera sa spécialisation, en gagnant sa vie grâce à de petits boulots. Après peu
de temps, elle rencontrera Xavier.
Pour Xavier, c’est le troisième divorce. Des deux précédents mariages, il a eu quatre
enfants : du premier, Laurent, qui a aujourd’hui 18 ans, et du second, Esther, âgée de
16 ans, et des jumelles de 14 ans, Sophie et Isabelle. Xavier a aussi déménagé jeune
en Europe. En France, il a terminé brillamment ses études et entrepris une carrière dans
le champ de l’économie et de la finance dans différentes villes. Il s’y mariera deux fois,
et à la suite de ses divorces, ses enfants resteront vivre avec lui. Malgré tout, il main-
tiendra une bonne collaboration parentale avec ses ex-épouses.
Marlène et Xavier se sont connus il y a huit ans à Paris, et après à peine six mois, elle
tombe enceinte, et ils décident de se marier. C’est ainsi que Marlène et Mélissa démé-
nagent chez Xavier, où ils vivront tous ensemble avec ses quatre enfants. D’un seul
coup, au moment de leur mariage, la famille sera composée de sept personnes : deux
Déjà, à partir de ces premières répliques, nous pouvons imaginer ce que les conjoints
cherchaient chacun chez l’autre. Effectivement, Xavier avait besoin d’une femme près
de lui qui l’aide à élever ses enfants, et qui lui redonne un peu de vie. C’est un homme
qui a des tendances dépressives, qui ressent fortement la responsabilité parentale, mais
qui a aussi beaucoup de lacunes à remplir : un père cryptique, et deux ex-épouses
étrangères qui l’ont abandonné.
Le mode de vie de Marlène, moins prudent que le sien, l’a sans doute fasciné ; et
cette femme, originaire du même pays, lui a probablement donné confiance. Mais
Marlène est aussi une femme très ambitieuse, projetée surtout vers son avenir pro-
fessionnel. Habituée qu’elle était à vivre dans une grande famille (avec tant de
femmes !), elle est entrée dans sa nouvelle famille un peu comme une des nombreuses
filles, tournée plus vers son avenir personnel que vers le présent d’une famille
complexe.
À la fin de la première séance, la thérapeute propose de rencontrer la famille avec tous
les enfants, un peu avec l’idée de se faire aider par eux, pour trouver les ressources
utiles pour une séparation consensuelle, mais aussi pour observer la relation entre les
frères et sœurs, et particulièrement entre Mathilde et Laurent. Nous devons dire en
préambule que, selon le rapport du CTU, l’histoire de l’abus apparaît infondée et comme
un prétexte ; toutefois, la dénonciation, dont les aînés ont certainement connaissance,
car ils y sont mêlés, doit avoir quand même provoqué une certaine inquiétude chez
les enfants.
La séance avec toute la famille sera fixée, mais malheureusement, quelques heures
avant la rencontre, Marlène téléphonera à la thérapeute en lui disant qu’elle ne sera
pas présente, ni Mélissa non plus. Elle dira qu’elle est vraiment désolée, mais qu’elle ne
se sent pas de le faire, au moins pour le moment. Mais, elle sera contente si la rencontre
entre les adolescents et les fillettes a lieu avec leur père.
La séance avec Xavier et tous ses enfants sera très utile pour restaurer l’harmonie entre
les frères et sœurs qui cohabitent. On abordera les divorces précédents, les différentes
mamans, comment était le passé pour les adolescents, comment ils vont aujourd’hui
et leurs projets futurs.
Xavier pourra toucher du doigt combien ses enfants ont toujours perçu ses difficultés
de père, et ont accepté pour lui des compromis, parfois en payant des prix personnels
dont lui-même ne s’était peut-être jamais rendu compte jusqu’au bout.
La grande absente, Mélissa, manquera un peu à tous, moins à certains, et le plus à
Esther, la sœur impliquée dans la scabreuse confidence sur Laurent, qui se sentait
peut-être coupable d’avoir contribué à créer un grand malentendu. Mais en laissant
un peu de temps au temps, elle pourra toujours lui téléphoner directement, et elles
pourront éventuellement se voir pour manger une glace.
Marlène suspendra toute action juridique, acceptant de fait la décision de droit de
garde des fillettes à leur père.
CAS CLINIQUE
Un transatlantique à la dérive
Une femme téléphone, sollicitant un rendez-vous pour une « thérapie individuelle systé-
mique ». Un peu surprise par la technicité inhérente dans ce premier appel, la thérapeute
demande quelques éclaircissements sur le type de problème pour lequel la dame voudrait
être aidée. « J’ai un compagnon depuis dix ans, qui a un fils de 18 ans, avec qui
Le génogramme de Sveva
La quatrième séance sera dédiée au génogramme photographique et au récit de l’his-
toire de Sveva, avec l’objectif de découvrir comment, dans son processus de dévelop-
pement, elle a appris à jouer le rôle de timonier.
« Dans un village des Alpes suisses… j’étais la première fille d’une mère hypertrophique
et d’un père dont il fallait prendre soin… » synthétise Sveva en parlant de ses parents
Le timonier
La séance avec Greta et ses parents, ensemble sur le même divan, prendra pour la fille
une signification spéciale, dans laquelle elle pourra finalement apporter son vécu
d’« observatrice », particulièrement « durant la guerre ». Greta parlera de son anorexie,
de son extrême solitude, de son désir de mourir, de sa constante préoccupation pour
son frère plus jeune, et de ses nombreuses tentatives pour le protéger du tremblement
de terre qui démolissait les murs de la maison autour d’eux.
La déchirure soudaine de leurs certitudes, et surtout cette atmosphère d’imprévisibilité
dans laquelle les enfants ont vécu pendant très longtemps, ont fait grandir rapidement
Greta, qui a puisé dans toutes ses ressources pour naviguer dans la tempête sans sombrer.
Et tout bien considéré, elle y a réussi, mais le prix qu’elle a dû payer a été de saborder
son projet de vie : elle a interrompu ses études, et aujourd’hui, elle n’a rien construit
pour elle-même ; elle n’en a pas eu l’énergie. Elle parle cinq langues ; elle est extrêmement
intelligente, sensible ; elle a un sens pratique ; mais à l’intérieur, elle est désespérée.
Ses parents, assis à côté, écoutent et réfléchissent.
Autant Sveva que John accepteront de revenir seuls aux deux séances suivantes.
L’alliance parentale commence à se renforcer, et leur attention converge maintenant
sur le présent des enfants et sur l’avenir qu’ils peuvent contribuer à construire ensemble
pour eux. Ils parlent de leurs enfants de manière plus constructive, et ils s’accordent
sur la manière de procéder.
Au terme de la dernière rencontre, Sveva dira : « Je suis en train de chercher une maison
à louer pour mon compagnon et moi. »
La peur de Greta
Dans l’intervalle avec la rencontre suivante, déjà fixée avec Greta et sa mère, Greta
téléphonera à la thérapeute en lui demandant une « rencontre exceptionnelle où elle
viendrait seule ». Si cette demande représentait la difficulté d’un timonier à lâcher le
gouvernail, le comportement de cette fille ne serait pas ensuite aussi étrange. Toutefois,
à cette rencontre individuelle, Greta amènera autre chose, et peut-être pour la première
fois dans sa vie. Greta avait commencé différentes thérapies individuelles au fil du temps,
adressée par sa mère ou par son père, mais la vérité est qu’elle ne s’est jamais engagée
vraiment, quittant le terrain dès les premières séances.
Dans la rencontre individuelle, cette fois, elle débutera ainsi : « J’ai tellement peur, car
l’espoir est revenu ! Vous êtes sûre de ce que vous faites ? Parce que je ne pourrais pas
supporter une autre désillusion. »
Sûrs du résultat, nous le savons, nous ne le sommes jamais. Ce que toutefois nous
mettons de nous-mêmes dans notre travail, tant en matière personnelle que profes-
sionnelle, c’est l’unique vrai investissement de notre part. Généralement, quand notre
investissement est substantiel, fait de curiosité sincère, de respect et d’affection pour
la famille, cette dernière le sent ; et au moment de prendre des risques, si nous le
faisons, nous, la famille nous suivra.
Avant de commencer…
Deux jours après la rencontre avec la famille reconstituée, la thérapeute recevra un
appel téléphonique de Stéphane : « Dans l’intervalle, je voudrais vous rencontrer avec
mon fils ! Est-ce possible ? », dira-t-il au téléphone.
Malgré notre expérience clinique pendant toutes ces années, il est toujours surprenant
de voir comment les patients réussissent à nous étonner. Stéphane, sûrement hostile
pendant longtemps envers la thérapeute, cette inconnue qui était en train de per-
turber si rapidement ses relations significatives dans son dos, est maintenant dans
une position différente. Les changements dans la vie des enfants de Sveva et dans
leurs relations avec leurs parents biologiques, bien que redoutés, ont évidemment
intrigué Stéphane, qui maintenant voudrait faire une tentative pour améliorer la rela-
tion avec son fils.
Cette rencontre aura lieu, et sera fructueuse. Fleuriront de nouvelles curiosités entre
père et fils, qui ouvriront la voie pour un dialogue différent, plus franc et moins lié à la
peur de se blesser qui les caractérise tous les deux.
Un épisode particulier 35
Un faux départ 38
Une adoption mal réussie 48
La fille avec la valise et l’ermite 49
Une étrange demande 51
Je ne veux pas m’en mêler ! 54
La complicité perdue 56
Une voix dans le silence 69
Une mère pour deux 72
Ma vie, ma joie ! 72
La fiancée de papa 73
Fais attention, tu vas le perdre ! 73
Dis-lui toi, s’il te plaît ! 80
La trottinette sur l’autoroute 84
Un cavalier parfait 89
Héros et malfaiteurs, honte et salut 91
Deux récits pour une histoire 93
Ont-ils quitté leurs maisons d’origine ? 95
Un arbre desséché dans le silence 96
Un arbre desséché dans le silence (suite) 97
Le citron pressé et la sainte femme 99
Le citron pressé et la sainte femme (suite) 101
Glossaire 239
Couple instable : couple déséquilibré, chaque partenaire est impliqué dans une
composé de deux partenaires très insécures dynamique d’identification projective des
qui ont vécu des expériences analogues de relations objectales internes réciproques.
négligence ou de détachement dans leurs Emboîtement inédit : union de couple
familles d’origine. Les besoins affectifs et reposant sur la synthèse entre les diffé-
d’attention donnent lieu à une relation ins- rences profondes que chaque partenaire
trumentale qui ne conduit pas à une réelle apporte dans la rencontre avec l’autre : dif-
intimité de couple, mais à une constante et férences de genre, différences entre les his-
pressante demande de présence et de proxi- toires, différences dans les besoins et dans
mité affective. les manques.
Couple sandwich : métaphore pour dési- Famille équilibrée : système familial dans
gner un couple écrasé entre les demandes lequel les relations entre les membres sont
et les poids provenant de la génération pré- fluides, les frontières sont claires, et aucun de
cédente, celle des aînés, et de la génération ses membres ne doit assumer des fonctions
suivante, celle des enfants. non adaptées à son développement et à sa
Coupure émotionnelle : situation affective génération. Il existe un bon équilibre entre
dans laquelle s’est produite une interrup- appartenance et séparation, qui favorise une
tion brutale du lien parent-enfant, sans pro- individuation positive de ses composantes.
cessus graduel de séparation. Faux-self : processus de développement
Cycle de vie de la famille : processus évolu- dans lequel l’enfant confond soi-même
tif d’un groupe avec une histoire commune, avec les besoins plus ancrés de ses care-
subdivisé en stades de développement et en givers, et, niant l’existence de parties de
évènements critiques dans le devenir des soi, il les façonne par l’accueil de l’autre
générations. (Winnicott).
Différenciation du Soi : processus destiné Frontières familiales : métaphore destinée
à favoriser l’émancipation et l’acquisi- à indiquer le degré d’individuation, et donc
tion d’une position Je, grâce à une trans- le niveau d’autonomie atteint par un sujet,
formation progressive de la dépendance ou par un sous-système familial spécifique,
intergénérationnelle. par rapport à un autre, ou encore du groupe
Distorsions relationnelles : relations entre familial vis-à-vis du contexte social.
les membres de la famille liées à des rôles Génogramme : représentation graphique
rigides et non fonctionnels pour l’individua- de la structure familiale sur au moins trois
tion des personnes, et caractérisées par des générations, qui permet de visualiser des
frontières non claires entre les générations. évènements et des moments émotionnels
Divorce émotionnel : processus psychique de la famille dans le cours de son histoire.
d’éloignement du Soi (espoirs, rêves et pro- Identité de couple : processus par lequel
jets) de l’union matrimoniale. les partenaires construisent une identité
Dyade dominante : noyau fondamental d’ensemble. Chacun d’eux devra affronter
autour duquel s’articulent les relations dans des tâches évolutives spécifiques : dans une
la famille. Dans les cultures plus tradition- optique verticale comme enfants, en se dif-
nelles, la dyade dominante est celle parent- férenciant de la famille d’origine, et dans
enfant ; dans les pays à fort développement une optique horizontale comme individus
industriel, prédomine la dyade mari-épouse. appartenant à la même génération, dépas-
Comportements mimiques : gestes et sant l’autoréférence.
comportements symboliques que les parte- Intimidation intergénérationnelle : sen-
naires retrouvent tout de suite chez l’autre, timent d’inadéquation vis-à-vis de ses
parce qu’ils se lient à des modèles relation- parents, qui finit par empêcher le déliement
nels du passé, le mythe familial, matrice émotionnel susceptible de garantir sa crois-
fondatrice de notre identité. sance et son affirmation personnelle.
Emboîtement inconscient : modèle psy- Inversion générationnelle : assomp-
chanalytique ; dans la relation de couple, tion de rôles inappropriés au moment
Glossaire 241
Questions intergénérationnelles : instru- position fortement idéale et une position de
ment du thérapeute pour introduire du total mépris.
mouvement avec les « sauts temporels » Stade de la parentalité : stade du cycle de
qui connectent les évènements du passé vie, qui marque le passage du couple à la
aux relations actuelles et aux fantaisies sur famille avec l’arrivée des enfants. La tran-
l’avenir. Elles favorisent l’accès à l’histoire sition prévoit la construction d’une relation
du développement de chacun. responsable et d’une entente entre les par-
Relation de mauvaise foi : modalité de tenaires pour élever la progéniture en gran-
relation, dans laquelle le sentiment, la défi- dissant ensemble grâce à un tiers.
nition et donc les règles de la relation sont Syndrome d’indemnisation : métaphore
maintenus et, dans le même temps, minés qui indique la tendance d’un individu à
par la mauvaise foi de l’un ou des deux répercuter, dans sa vie d’adulte et dans ses
contractants de la relation. relations, la charge de douleur résultant des
Sceau du besoin : forme spécifique que manques et des besoins non satisfaits dans
vient à prendre, en chacun, l’absence de ses relations primaires au sein de sa famille
satisfaction de besoins particuliers de rela- d’origine. Ce sentiment de débit affectif
tion avec les figures familiales les plus signi- promeut une recherche continue de paie-
ficatives. Cela fait que la demande reste ment qui ne peut être satisfaite.
toujours actuelle, et qu’elle cherche conti- Système de l’orgueil : ensemble de facteurs
nuellement une réponse en forme de rela- qui concourent à constituer cette modalité
tion compensatoire. de détachement du Soi et des autres, fondée
Scénario familial : attentes partagées par sur une position d’évaluation exagérée et
les membres de la famille quant à la façon arrogante de ses propres mérites.
dont les rôles doivent être représentés. Thérapie de couple camouflée : situation
Séparation de couple déséquilibrée : situa- dans laquelle l’enfant, au travers d’une de
tion dans laquelle seulement un des par- ses problématiques, amène ses parents en
tenaires mûrit la conscience de vouloir se thérapie afin de permettre à ces derniers de
séparer, alors que l’autre vit une telle déci- se confronter à leurs difficultés.
sion comme une situation d’abandon, ne Triade perverse : configuration relation-
réussissant pas à accepter que le Nous de nelle distordue, qui voit l’enfant coalisé
couple n’existe plus. avec un parent contre l’autre, de façon
Séparation de la famille d’origine : proces- latente ou explicite (Haley).
sus qui inclut l’ensemble des changements Triangle primaire : triade formée par les
qui amènent les membres de la famille à parents et l’enfant, en tant qu’unité d’étude
développer une identité plus définie, avec des relations humaines.
un accroissement des espaces d’autonomie, Troisième planète : métaphore par laquelle
et une redéfinition du contenu des liens on veut désigner le système thérapeutique
relationnels et des attentes réciproques. comme produit de la rencontre entre la
Soi idéalisé / Soi méprisé : concepts car- famille et le thérapeute. Cela représente
dinaux de la théorie de Horney, où sont l’espace dans lequel se développe le nou-
décrites deux dimensions extrêmes du Soi veau système, scandé par un temps qui suit
qui, ne réussissant pas à se construire sur le le rythme des séances et l’évolution du pro-
plan de la réalité, peut osciller entre une cessus thérapeutique.
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Sommaire 5
Remerciements 7
Introduction 9