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psychotiques en pédopsychiatrie. Toulouse : Erès.
Collection Les Âges de la vie
Dirigée par Pr Daniel Marcelli
La consultation
avec l’enfant
Approche psychopathologique
du bébé à l’adolescent
Pierre Delion
Professeur de pédopsychiatrie
Faculté de médecine de Lille 2
Chef du service de pédopsychiatrie du CHRU de Lille
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présente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le
domaine universitaire, le développement massif du « photo-
copillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans
les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale
des achats de livres, au point que la possibilité même pour les
auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correc-
tement est aujourd’hui menacée.
Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisa-
tion, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes
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eux et leur enfant, non pas comme auxiliaires thérapeutes, mais comme
parents présentant à la fois une souffrance spécifique à propos de leur en-
fant et des savoirs à son sujet, dont nous avons à tenir compte pour sa prise
en charge. Le moment de la consultation est un temps déterminant pour
s’engager dans une telle voie avec eux. Et assurément, l’expérience acquise
en psychiatrie d’adultes peut y contribuer, notamment, nous le verrons,
lorsque la psychopathologie parentale a besoin de répondant dans le travail
avec l’enfant.
Collégialité
Mais aujourd’hui, le pédopsychiatre ne travaille pas seul : il est entouré
d’une équipe et est en liens avec de très nombreux partenaires. Dans son
équipe, plusieurs personnes dotées de compétences diversifiées viennent
compléter son avis de pédopsychiatre-consultant. Et en fonction des si-
tuations des enfants venus en consultation, il sera intéressant de prendre
les avis complémentaires d’un ou de plusieurs d’entre eux. Les principaux
métiers qui collaborent avec le pédopsychiatre sont le psychologue, le psy-
chomotricien, l’orthophoniste, l’infirmier (infirmier de secteur psychia
trique, infirmier DE et cadre-infirmier), l’éducateur (spécialisé ou de jeunes
enfants), la puéricultrice, l’assistant social, et les professions rencontrées
dans tout fonctionnement hospitalier ou de secteur (administratif, secré-
tariat, aides soignants…). Dans certaines circonstances, des instituteurs ou
des professeurs des écoles peuvent être détachés de l’Éducation nationale
sur un poste spécialisé, par exemple dans un hôpital de jour pour enfants
autistes ou un CATTP (centre d’accueil thérapeutique à temps partiel) pour
adolescents avec difficultés scolaires, et il n’est pas rare que nous ayons
besoin de leur avis de pédagogue sur les difficultés de tel ou tel enfant à ce
sujet. Dans d’autres situations, il est impératif de faire appel aux collègues
médecins d’autres spécialités, et ce sont évidemment les pédiatres qui sont
en première ligne, notamment les neuropédiatres. Mais il arrive aussi que
l’avis du généticien soit requis, voire celui du médecin rééducateur ou du
médecin de PMI (protection maternelle infantile). Tous ces avis peuvent
avoir un grand intérêt pour éclairer tel ou tel point de la consultation dans
une visée diagnostique, de bilan, ou pour préparer un suivi.
Mais dans nombre de situations, les liens avec d’autres partenaires encore
peuvent jouer un rôle facilitateur pour approcher de la façon la plus perti-
nente l’enfant qui présente des difficultés psychopathologiques. Ainsi, les
pédiatres de ville, les médecins généralistes et autres spécialistes de l’enfant
(ORL, ophtalmologues, obstétriciens et sages-femmes…), mais aussi les pé-
dagogues des écoles ordinaires ou spécialisées ainsi que les divers instituts
médico-sociaux (pédagogues et éducateurs du médico-social), les juges des
enfants et leurs « auxiliaires » (IOE, référents ASE…), les professionnels de
Introduction 3
Diagnostic et synthèse
Une (ou quelques) consultation(s) peut dans certains cas permettre rapi-
dement au pédopsychiatre de se faire une idée suffisamment claire de la
situation de l’enfant pour proposer une prise en charge adaptée à sa pro-
blématique. Mais dans d’autres circonstances, un temps plus long doit être
pris pour dégager, avec différents intervenants, les principaux points qui
peuvent éclairer le symptôme et la structure sous-jacente. Dans de tels cas,
toutes ces informations de nature et de statuts différents doivent être ana-
lysées et intégrées par le pédopsychiatre dans le cadre de ce que l’on appelle
couramment les réunions de synthèse, afin de pouvoir en proposer une res-
titution aussi complète et dynamique que possible, dans l’idée de proposer
à l’enfant et à ses parents une conduite à tenir à laquelle ils puissent adhé-
rer. Ce temps, fondamental, de restitution à l’enfant et aux parents consti-
tue une étape à part entière de la consultation et coïncidera souvent avec
le temps de l’annonce du diagnostic. Seront repris avec eux les éléments du
bilan réunis après synthèse avec l’ensemble de ceux qui y ont contribué, et
dans une dynamique de partage, ce diagnostic sera l’occasion de proposer,
si nécessaire, des indications de soins pédopsychiatriques pour l’enfant.
Indications de soins
La question des indications de soins sera également développée, dans la
mesure où ce sont elles qui donnent la réponse à l’inquiétude des parents
en regard de la souffrance de leur enfant ; si elles sont bien travaillées avec
4 La consultation avec l’enfant
Cadre institutionnel
En fonction des possibilités de consultations, le tour que prendra cette ren-
contre particulière aura une grande importance puisqu’il peut s’agir de for-
mes très différentes d’exercice de la pédopsychiatrie. La consultation inter-
venant le plus souvent dans un cadre de service public, nous rappellerons
l’organisation de la psychiatrie de secteur dans sa composante infanto-
juvénile et les dispositifs des centres médico-psychologiques, de pédopsy-
chiatrie de liaison et autres. Il arrive aussi que des enfants soient vus par des
pédopsychiatres installés en libéral, ou exerçant leur profession en milieu
associatif. Il existe enfin des pratiques de consultation sensiblement diffé-
rentes, notamment lors des hospitalisations en urgence, et des approches
expertales, comme dans le cas des adoptions, ou pour des raisons médico-
légales, ou à titre de conseil.
Aujourd’hui, les expériences d’un certain nombre de pédopsychiatres les
conduisent à expérimenter des formes nouvelles de consultation au service
d’une vision plus ouverte du champ de la pédopsychiatrie. C’est ainsi que
la pratique des consultations conjointes devient plus répandue, que ce soit
avec le médecin de PMI dans le cadre de son exercice clinique, avec le mé-
decin généraliste dans l’urgence avec un adolescent, ou avec l’oncopédiatre
ou le néonatalogue pour partager une expérience de consultation de liaison
à propos d’un enfant présentant un cas très complexe. Les consultations
conjointes entre le pédopsychiatre et le neuropédiatre correspondent, elles,
à une approche intégrative des éléments différents couverts par le champ
de l’un et de l’autre (par exemple dans les cas de THADA ou de syndromes
autistiques atypiques…) et pour lesquels une synthèse en situation présente
Introduction 5
Référence
Marcelli, D. (2000). La Surprise, chatouille de l’âme. Paris : Albin Michel.
1 La consultation
en pédopsychiatrie
puisse les attendre sans trop s’ennuyer, en entamant une tâche ou un jeu qui
pourrait l’intéresser et avec la consigne qu’il peut venir à tout moment les
rejoindre. Après quoi, les parents se rendront dans la salle d’attente pendant
le temps consacré à l’enfant seul. Puis ce sera le temps de la reprise ensemble
des éléments déjà « récoltés » au cours de ce premier entretien.
Cette organisation de la consultation est une proposition de décomposi-
tion de ses temps et de ses espaces, mais le praticien doit s’adapter à chaque
enfant, en tenant compte de son observation lors des premiers temps de la
rencontre, de son intuition clinique et des réactions des uns et des autres, y
compris de la sienne. Il arrive souvent que lors de la première consultation,
l’enfant n’accepte pas si facilement de rester seul sans ses parents. Dans cer-
tains cas, il peut être utile de respecter cette difficulté et de recevoir l’enfant
seul à partir des consultations suivantes quand c’est possible. Le fait de le
prévoir avec lui et ses parents lui permettra souvent d’anticiper les difficul-
tés de séparation qu’elle peut mettre en scène. Par contre, il arrive que des
enfants ne souhaitant pas être reçus seuls par le consultant manifestent
à leur manière non seulement leur difficulté à se séparer, mais également
celle du parent à se séparer d’eux. Dans de telles circonstances, il est quel-
quefois intéressant d’insister un peu pour soulager les parents et l’enfant de
la douloureuse décision de se séparer. Mais, dans d’autres cas, l’insistance
du praticien peut aboutir au résultat inverse, et accentuer encore davantage
des signes d’opposition à cette expérience douloureuse qui préexistaient de
façon implicite, et qu’il nous reviendra de comprendre ensemble. C’est dire
si l’intuition clinique fait partie des outils à développer.
Il est donc essentiel d’envisager cette rencontre inhabituelle en fonction
de ce qui se présente, et de ne pas perdre de vue que l’objectif est d’accueillir
l’enfant et ses parents avec leur souffrance psychique, de poser un diagnos-
tic quand il existe une pathologie, puis de proposer une indication de soin
quand elle est nécessaire ; dans le cas où il n’existe pas de pathologie avérée,
la consultation assurera une fonction préventive. Mais quel que soit le scé-
nario, pour parvenir aux objectifs, c’est davantage le chemin, les éléments
de sa construction et les méandres suivis que la rectitude académique ou
idéalisée de son tracé qui importent.
1 Les interactions feront l’objet d’un rappel spécifique dans le chapitre consacré à la
consultation du bébé.
2 Le contre-transfert caractérise l’ensemble des réactions conscientes et inconscientes du
thérapeute envers son patient, à l’inverse du transfert, qui concerne la relation du patient
vers le thérapeute. Ce concept peut être repris dans le travail de consultation dans la mesu-
re où, très souvent, c’est l’occasion pour l’enfant de montrer comment il fait connaissance
avec une personne nouvelle, et notamment en déclenchant chez elle une série de réponses
qu’il est intéressant de repérer et d’étudier.
La consultation en pédopsychiatrie 11
Observer
Observer est une des bases de la relation médicale. Là, il s’agira non seule-
ment d’observer ce qui se voit, mais aussi de prêter son attention psychique3 à
ce qui se passe, de façon à se laisser pénétrer par des éléments d’observation
3 Référence aux travaux d’Esther Bick sur l’observation des bébés dans leurs familles,
pour lesquels Didier Houzel propose de « traduire » observation par attention psychique.
12 La consultation avec l'enfant
qui ne sont pas dicibles par l’enfant, et notamment tout ce qui concerne
son tonus, son ajustement postural, ses capacités développementales et psy-
chomotrices et son accordage affectif (Stern, 1989) avec son ou ses parents,
ainsi qu’avec le consultant. Nous verrons plus loin et plus en détail qu’il
peut également être intéressant de s’intéresser à ce que la relation obser-
vée « déclenche » chez l’observateur. En effet, si Michel Foucault a évoqué
la spécificité de l’observation médicale dans son ouvrage Naissance de la
clinique (Foucault, 1963), puis en a souligné les travers et les vicissitudes
dans Surveiller et Punir (Foucault, 1975), la perspective psychopathologique
inventée par Freud, en insistant sur les mécanismes d’identification à l’œu-
vre dans toute rencontre, a permis d’utiliser ce que l’observateur ressentait
comme un des éléments essentiels de la relation, et ce, à partir des pre-
mières rencontres. La consultation en pédopsychiatrie, en acceptant ce sa-
voir fondamental, peut ainsi s’enrichir d’une qualité facilitant l’expression
de la souffrance de l’enfant, non seulement dans le but déjà louable de la
soulager, mais aussi d’en faire un élément clinique irremplaçable. Plusieurs
auteurs se sont intéressés à ces problématiques d’observation en psycho-
pathologie infantile, mais les travaux d’Esther Bick (Delion, 2008) nous
paraissent les plus à même de nous aider de façon adaptée dans notre travail
d’accueil et d’observation lors de la consultation.
Jouer
Le jeu est l’activité culturelle de base des petits enfants. Avant même qu’ils
ne s’expriment, ils peuvent jouer leurs expériences et progressivement en
maîtriser les imprévus et les représenter. Certes, avant dix-huit mois, il s’agit
plus de manipulation que de jeu ; toutefois, emboîter, transvaser, culbuter…
montrent les capacités du jeune enfant à représenter ses expériences par sa
psychomotricité. À partir de cet âge, il peut jouer d’une façon plus symbo-
lique avec des petits jouets familiers (poupées, animaux, maisons, voitu-
res…). Entre dix-huit mois et six ans environ, il pourra ainsi se retrouver
dans un milieu familier par l’intermédiaire des jouets, et ainsi participer à la
consultation avec les moyens représentatifs à sa disposition, aussi bien du
côté de l’évocation de scénarios de déplaisir (un poupon tape violemment
sur un autre) que de plaisir (jeux de dînette). Comme Melanie Klein nous
l’a appris, le jeu permet à l’enfant de raconter son histoire, et notamment ce
qui l’amène à souffrir, non pas toujours avec objectivité (le jeu serait l’exacte
copie des expériences rapportées), mais précisément avec subjectivité (le
jeu, ici et maintenant, dans la relation avec le consultant, raconte certains
éléments d’une certaine expérience ou d’un fantasme de l’enfant).
Dessiner
Puis vient l’âge du dessin. Vers cinq ou six ans, l’enfant, qui auparavant se
servait de crayons et de stylos pour gribouiller et réaliser des formes simples
La consultation en pédopsychiatrie 13
4 La psychiatrie de secteur (cf. encadré dans ce chapitre) est le mode d’organisation légale
de la psychiatrie publique française (loi du 31 juillet 1985). Chaque partie d’un dépar-
tement (ou secteur) dispose d’une équipe de psychiatrie publique chargée d’accueillir et
de traiter les patients atteints de troubles mentaux et de les suivre le temps nécessaire à
l’amélioration de leur santé mentale. Ces soins peuvent être dispensés en centre médico-
psychologique, dans les services psychiatriques de l’hôpital ou dans différents autres lieux
de soins mis en place pour ce faire (maison de retraite, hôpital général, foyer de jeunes
travailleurs…). C’est le concept de continuité des soins qui prévaut dans cette organisation.
Il existe des secteurs de psychiatrie générale, de psychiatrie infanto-juvénile et d’autres spé-
cialités (médico-pénitentiaire, toxicomanies…). Cette doctrine de la psychiatrie a constitué
une véritable révolution culturelle dans la psychiatrie du xxe siècle.
5 Le pédopsychiatre fait d’abord sa médecine à la faculté, puis une fois l’internat des
hôpitaux (maintenant appelé examen national classant) passé, il effectue la spécialité de
psychiatrie ; au cours de ses études de psychiatrie générale au cours desquelles il devra faire
des stages pratiques et théoriques en pédopsychiatrie, il acquiert sa spécialité de pédopsy-
chiatrie en deux années. Le cursus universitaire dure donc au minimum douze années.
La consultation en pédopsychiatrie 15
x
eux-mêmes permettaient de garder vivante l’idée que les pédopsychiatres s’oc-
cupent des enfants et des adolescents en lien étroit avec les équipes de psychia-
trie d’adultes. Mais cette psychiatrie générale bien comprise, dans la lignée des
inventeurs du secteur (Bonnafé, Paumelle, Daumezon, Tosquelles… voir Ayme,
1995), a eu beaucoup de difficulté à se maintenir au-delà des bonnes intentions.
Les secteurs de pédopsychiatrie se sont ainsi recentrés sur les enfants et les ado-
lescents et ont, pour diverses raisons, laissé les relations avec les psychiatres
d’adultes se distendre. Dans de trop nombreuses équipes, des cloisonnements
existent et ont des effets sur les problématiques sinon communes, du moins
nécessairement convergentes : la périnatalité et les pathologies puerpérales,
les enfants de parents malades mentaux, les passages des jeunes adolescents
ayant besoin de soins au-delà de leurs seize ans, les suivis de certains parents
d’enfants très en difficulté… ne trouvent pas toujours les réponses qu’une har-
monie suffisante entre les équipes chargées des enfants et adolescents et celles
chargées des adultes pourrait apporter. Dans d’autres cas, la pensée commune
des problèmes concernant les deux modalités pratiques du secteur géodémo-
graphique permet d’innover et de mettre en place des dispositifs intéressants
pour les populations desservies (prises en charge des adolescents par des per-
sonnels soignants issus des équipes de pédopsychiatrie et de psychiatrie d’adul-
tes, unités d’accueil mère-bébé assurées en complémentarité…).
Toujours est-il que, malgré ces avanies inévitables, la pédopsychiatrie de sec-
teur est fondée sur les mêmes prémisses que sa grande sœur la psychiatrie de
secteur : une même équipe médico-psychosociale prend en charge sur un terri-
toire géodémographique donné la population des enfants et des adolescents
qui présentent une souffrance psychique (naguère une maladie mentale). Elle
dispose pour ce faire d’une panoplie de dispositifs de prises en charge qui va de
la consultation au CMP, le pivot du service sectorisé, à l’hospitalisation à temps
plein en passant par toutes les formules nécessaires pour assurer un accueil
thérapeutique à temps partiel (hôpital de jour, de nuit, CATTP, unité du soir…).
L’accent est mis sur la prévention et dans cette perspective, ce sont les soins
en ambulatoire qui sont privilégiés chaque fois que c’est possible. Toutefois,
lorsque des soins plus intensifs sont nécessaires en raison de la gravité de la
pathologie, les autres modes de soins (hospitalisation) sont utilisés en fonction des
indications thérapeutiques. Les prises en charge, se dispensant dans la durée,
nécessitent une continuité des soins, qui est en quelque sorte la condition de
possibilité du suivi d’une relation thérapeutique (appelée aussi par les psycha-
nalystes « relation transférentielle »).
Pour permettre à l’enfant ou à l’adolescent de bénéficier des soins, l’équipe
soignante se doit d’être en lien de travail, sous l’égide des parents, avec les par-
tenaires exerçant une fonction de relais dans la cité (instituteurs, PMI, crèches,
pédiatres…). La pédopsychiatrie de secteur n’a donc d’autres ambitions que de
permettre de suivre dans les meilleures conditions les enfants et les adolescents
qui en ont besoin. À noter que le développement de la psychiatrie du bébé et
celui de la périnatalité ont permis de compléter à la fois les réflexions psychopa-
thologiques et le dispositif d’aide aux enfants très jeunes et à leurs parents.
La consultation en pédopsychiatrie 17
Bilan diagnostique
Le diagnostic en pédopsychiatrie, comme dans toutes les spécialités médi-
cales, comporte une démarche progrédiente constituée d’un certain nom-
bre d’éléments que nous allons passer en revue dans cet ouvrage. Mais
avant d’y arriver, nous voudrions insister sur le fait que cette démarche
Syndrome et maladie
Un exemple permet de comprendre cette distinction, celui du syndrome
autistique, réunissant des signes cliniques tels que la difficulté à être en
interaction avec d’autres et à communiquer, à supporter les changements, la
présence de stéréotypies, et d’autres signes que nous envisagerons plus loin.
Cette forme grave de la souffrance psychique amène les parents à consulter
en pédopsychiatrie. Ce syndrome autistique doit faire l’objet d’une étude
clinique et paraclinique approfondie, car il peut s’observer dans des
maladies sensiblement différentes comme une maladie de Bourneville, une
maladie de Rett ou un autisme de Kanner. Il importe de rechercher les
maladies sous-jacentes au syndrome parce qu’il existe dans certains cas des
traitements spécifiques qui permettent des évolutions plus favorables : un
enfant autiste peut, par exemple, présenter une épilepsie améliorable par un
traitement médicamenteux.
Difficulté du diagnostic
Pour réunir les signes des syndromes et des maladies, le pédopsychiatre et
le psychologue doivent connaître les classifications qui leur permettront de
retrouver leur chemin dans le monde des maladies infantiles et juvéniles.
Mais si ces classifications sont très utiles pour la démarche diagnostique,
il n’est pas possible de réduire cette dernière à une approche uniquement
22 La consultation avec l'enfant
Toute cette stratégie des avis complémentaires demande une bonne colla-
boration entre les spécialités pédopsychiatriques et pédiatriques et doit faire
l’objet de grandes attentions pour faciliter ces échanges dans des conditions
sereines pour les enfants et leurs parents. Le respect entre les différents spé-
cialistes est l’assurance d’une bonne qualité d’accueil de l’enfant et de ses
parents par les collègues. L’inverse conduit souvent l’enfant et ses parents
à se retrouver en position d’otages dans des conflits ou des rivalités qui ne
les concernent en rien.
x
des « troubles du développement psychologique » et des « troubles du compor-
tement et troubles émotionnels apparaissant habituellement dans l’enfance ».
Le « retard mental » est traité dans un chapitre autonome et comporte quatre
catégories : léger, modéré, sévère et profond.
Les troubles du développement psychologique comportent cinq types de trou-
bles : troubles spécifiques du développement de la parole et du langage (arti-
culation, langage expressif, langage réceptif, aphasie acquise avec épilepsie),
troubles spécifiques des acquisitions scolaires (lecture, orthographe, arithmé-
tique, mixtes), troubles spécifiques du développement moteur, troubles spéci-
fiques mixtes du développement et troubles envahissants du développement
(trouble autistique, autistique atypique, syndrome de Rett, autre trouble désin-
tégratif, trouble hyperkinétique avec retard mental et mouvements stéréoty-
pés, syndrome d’Asperger).
Les troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituel-
lement dans l’enfance comportent sept sections : troubles hyperkinétiques
(perturbation de l’activité et de l’attention, trouble hyperkinétique et trouble
des conduites), trouble des conduites (limité au milieu familial, type mal socia-
lisé, type socialisé, trouble oppositionnel avec provocation), troubles mixtes des
conduites et des émotions (troubles des conduites avec dépression), troubles
émotionnels débutant spécifiquement dans l’enfance (anxiété de séparation,
trouble anxieux phobique, anxiété sociale, rivalité fraternelle), troubles du
fonctionnement social (mutisme électif, trouble réactionnel de l’attachement,
trouble de l’attachement avec désinhibition), tics (tic transitoire, tic moteur ou
vocal chronique, syndrome de Gilles de la Tourette) et autres troubles du
comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement dans
l’enfance (énurésie non organique, encoprésie non organique, trouble de
l’alimentation, pica, mouvements stéréotypés, bégaiement, bredouillement).
CFTMEA, zero to three
La classification française comporte neuf catégories : autisme et troubles psy-
chotiques, troubles névrotiques, pathologies limites - troubles de la person-
nalité, troubles réactionnels, déficiences mentales, troubles spécifiques du
développement et des fonctions instrumentales, troubles des conduites et des
comportements, troubles à expression somatique et variations de la normale.
Pour chacun des diagnostics, une correspondance est proposée avec la CIM-10.
Dans la dernière révision (CFTMEA R. 2000, Misès et Quémada, 2002), un axe
spécifique pour les bébés a été introduit de façon à faciliter les diagnostics
portant sur cette population jusque là absente des classifications interna
tionales, malgré le travail effectué par le groupe Zero to Three sous la direction
de Greenspan ; cette classification a été traduite et adaptée en français par
A. Guédeney (Zero to Three, 1998). Elle est issue de la réflexion approfondie de
cliniciens américains formés pour beaucoup à la psychopathologie d’inspiration
psychanalytique, dirigés par Stanley Greenspan. Elle propose un système provi-
soire de classification comportant cinq axes. L’axe I donne le diagnostic primaire
qui se doit de refléter les caractéristiques ressortant le plus du trouble considéré
x
26 La consultation avec l'enfant
x
(état de stress traumatique, trouble de l’affect, trouble de l’ajustement, trouble
de la régulation, trouble du comportement de sommeil, de l’alimentation, trou-
bles de la relation et de la communication). L’axe II concerne la classification
du trouble de la relation. L’axe III décrit les affections médicales et troubles du
développement. L’axe IV concerne les facteurs de stress psychosociaux et l’axe V
détaille le niveau fonctionnel du développement émotionnel.
DSM-IV
Classification multiaxiale issue de l’American Psychiatric Association, elle est en
grande partie semblable à la CIM-10, mais peut différer sur quelques points
particuliers faisant l’objet de débats entre spécialistes. En ce qui concerne la
pédopsychiatrie, elle propose un chapitre consacré aux troubles habituelle-
ment diagnostiqués pendant la première enfance, la deuxième enfance ou
l’adolescence. Elle comprend le retard mental, les troubles des apprentissages,
le trouble des habiletés motrices, les troubles de la communication, les trou-
bles envahissants du développement, les troubles avec déficit de l’attention
et comportement perturbateur, les troubles de l’alimentation et troubles des
conduites alimentaires de la première ou de la deuxième enfance, les tics, les
troubles du contrôle sphinctérien et les autres troubles de la première enfance,
de la deuxième enfance ou de l’adolescence. A noter dans l’introduction de ce
chapitre une précision pouvant expliquer l’attachement des pédopsychiatres
français à leur classification : « proposer une section à part pour les troubles
dont le diagnostic est habituellement porté dès la première enfance, la deuxième
enfance, ou l’adolescence, est un exercice de pure forme et n’est pas censé
suggérer qu’il existe une distinction claire entre les troubles de l’enfant et les
troubles de l’adulte ».
qui l’aident. Et, quelques mois plus tard, il peut se faire que l’évolution
plus favorable de ce même enfant autorise une réduction substantielle
de ses temps de soin. L’idée générale est de mettre en place pour chaque
enfant, non pas un costume thérapeutique « prêt-à-porter », issu de
« standards » trop généraux, mais un costume thérapeutique « sur mesu-
re », qui variera en fonction d’un certain nombre de critères individuels,
dont l’évolution. Il nous paraît important de penser le dispositif de soin
d’une façon souple et modulable pour mieux suivre les aléas évolutifs
de l’enfant.
Si dans la plupart des cas, l’enfant est suivi en ambulatoire, c’est-à-dire
reste dans son milieu familial et scolaire habituel, les différents soins
proposés varient en fonction de chaque psychopathologie. Un enfant
pourra ainsi bénéficier d’une prise en charge hebdomadaire par un des
membres de l’équipe soignante : pédopsychiatre, psychologue, psycho-
motricien, orthophoniste ou autres. Quelquefois, ce temps hebdoma-
daire ne suffit pas et il peut être intéressant de lui adjoindre d’autres
temps de prises en charge, soit par le même thérapeute qui verra l’enfant
plusieurs fois dans la semaine, soit par plusieurs thérapeutes différents
du fait de ses difficultés spécifiques. Habituellement, un enfant peut
avoir jusqu’à trois séances hebdomadaires, quand l’équipe dispose de
moyens suffisants.
Dans d’autres cas plus préoccupants, l’enfant peut être accueilli sur des
temps plus longs au cours desquels il participe à un atelier thérapeutique
(atelier contes, atelier pataugeoire…), à un groupe (groupe d’écriture,
psychodrame…), à des activités thérapeutiques (avec les activités
piscine, cheval, théâtre… comme prétextes à une rencontre thérapeu-
tique). Il s’agit dans de tels cas d’une sorte d’hospitalisation de jour à
temps partiel.
Il arrive enfin que certains enfants ou adolescents présentant des patholo-
gies plus aiguës et graves (anorexie, bouffée délirante aiguë, suicide…) aient
besoin d’une hospitalisation dans un service de pédopsychiatrie à temps
complet, et ce, pendant plusieurs jours ou semaines. Nous voyons alors que
la consultation peut se conclure par une indication de soins qui peut entraî-
ner de profonds changements dans la vie de l’enfant et de ses parents. Dans
tous les cas, l’accord éclairé des parents est nécessaire, afin d’aider l’enfant
à s’engager dans une thérapeutique que ses parents demandent au décours
de la consultation qui l’a rendue possible.
Nous reprendrons les indications de soin d’une façon plus précise, en
fonction des diverses pathologies, au cours de cet ouvrage.
La consultation en pédopsychiatrie 29
7 Cité par Giampino (2009, p. 102). Cet avis peut être trouvé sur le site :
http://www.ccne-ethique.fr.
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2 La consultation d’un bébé
avec ses parents
Les parents
La mère du bébé est généralement présente à la consultation et montre sou-
vent ses difficultés concernant les symptômes l’ayant amenée à consulter.
Sa vulnérabilité sera mise en lien avec sa malléabilité psychique, et donnera
accès à la manière dont elle met en forme le processus de parentalisation.
36 La consultation avec l’enfant
Le bébé
On observera le bébé afin de percevoir son état général, sa capacité à être
en contact avec ses parents, à manifester ses besoins et éventuellement à se
retirer quand cela paraît nécessaire. Il est classique de distinguer plusieurs
niveaux de vigilance, notamment à l’aide de la NBAS (Neonatal Behavioural
Assessment Scale, échelle d’évaluation comportementale néonatale) de
Brazelton (1983), qui étudie les compétences du bébé dans les premiers jours
et semaines. Dans certaines conditions, le bébé est capable de montrer des
compétences que les parents n’imaginaient pas, ce qui a généralement pour
effet sur eux de les conforter dans leur confiance dans ce bébé, et ainsi de
contribuer à soutenir son narcissisme débutant. Par exemple, le port de la
tête par l’examinateur permet de libérer certaines compétences motrices de
façon spectaculaire (la motricité libérée d’A. Grenier, 1981).
La NBAS de Brazelton
Cet examen est habituellement réalisé par le pédiatre ou les puéricultrices lors
des premiers jours de vie du bébé (entre le 3e et le 28e jour), et peut être mis à
la disposition du pédopsychiatre qui s’en servira pour étayer son point de vue
concernant les compétences objectives du bébé.
Les états de vigilance du bébé sont évalués de 1 à 6 :
1 : sommeil sans mouvements oculaires, sans mouvements corporels, respiration
régulière
x
La consultation d’un bébé avec ses parents 37
x
4 : éveil calme et attentif, compétences optimales
6 : cris, pleurs, motricité intense, visage rouge et grimaçant
Dans l’échelle d’évaluation néonatale de Brazelton, les différents éléments
constituant les 27 items (irritabilité, capacité à être calmé, à se calmer, consola-
bilité, activité motrice, capacités sensorielles, comportement social) sont cotés
de 1 à 9.
Par ailleurs, on étudie les interactions entre le bébé et son ou ses parents.
Pour mieux en apprécier la qualité, on distingue plusieurs niveaux : les
interactions biologiques, les interactions comportementales, les interactions
affectives, les interactions fantasmatiques et les interactions symboliques.
Nous passerons rapidement sur les premières et les dernières, dans la
esure où le bébé, une fois sorti de l’utérus maternel dans lequel ses inte-
m
ractions biologiques étaient essentiellement régies par la circulation fœto-
placento-maternelle continue, a des interactions biologiques toujours aussi
déterminantes, mais dominées par le nourrissage oral. Bien sûr, existent
entre lui et ses parents des échanges biologiques discrets, mais qui relèvent
désormais davantage d’un comportement (l’alimentation fractionnée) que
des seules lois biologiques naturelles. Quant aux interactions symboliques,
elles sont évidentes dans l’attribution d’un prénom, d’un nom, du bain de
langage, d’une culture, pour ne citer que quelques exemples, mais nous ver-
rons qu’elles sont en permanence travaillées par la qualité des trois autres
niveaux de relations.
Interactions comportementales
Elles correspondent à ce que nous voyons au cours de la consultation.
Ces interactions s’expriment par différents canaux :
Interactions visuelles
Dès le 15e jour, pendant la tétée, la mère et son bébé ont un regard mu-
tuel, et la qualité de cette mutualité, qui donne d’ailleurs tout son sens à
« l’envisagement » réciproque, permet déjà de dégager une structure de base
de ces interactions, la subtile dialectique de l’objet d’arrière-plan primaire
(Grotstein, 1981, p. 77-89) et de l’interpénétration des regards (Haag, 1988).
38 La consultation avec l’enfant
Interactions vocales
Les interactions vocales, telles que les cris et pleurs, constituent une sorte de
cordon ombilical sonore avec la mère. Et le langage de la mère à son bébé est
souvent en synchronie avec la motricité du bébé, enveloppant ainsi dans
une comodalité (Stern, 1989) l’expression des besoins élémentaires du bébé.
Mais, dans le langage, ce sont les caractères prosodiques (rythme, timbre,
intonation) qui influencent le bébé. Il est intéressant de remarquer comment
s’organisent ces prémisses du langage chez le bébé. Cette manière particu-
lière de parler au bébé, le « mamanais », se développe intuitivement chez
la mère de tout bébé. Pour D. Stern, chez le nouveau-né, la prosodie mater-
nelle a des pauses silencieuses plus longues que les émissions langagières,
le rythme est régulier, adapté au rythme du bébé ; à partir de quatre mois,
les mots sont souvent répétés, les bébés sont intéressés par la mimique, et la
mère exerce des variations prosodiques rythmiques importantes pour main-
tenir l’intérêt de l’enfant ; de six à vingt-quatre mois, le contenu du langage
de la mère change, elle désigne les objets (présentation des objets de Winnicott,
1972) de l’environnement de l’enfant et communique à leur propos, et
la parole maternelle soutient et facilite l’exploration de l’environnement.
Interactions corporelles
Les interactions corporelles et cutanées passent par l’ajustement corporel et
le holding (portage ; Winnicott, 1969b) / handling (manipulation ; Winnicott,
1970). L’ajustement corporel est la marque d’une bonne qualité d’inte-
raction entre un bébé et son parent, car il demande de la part des deux
partenaires une confiance réciproque encore dissymétrique, certes, mais
néanmoins indicative.
Holding
Le holding, décrit par Winnicott, est cette fonction de portage que les
parents exercent avec leur bébé, de façon spécifique en fonction du sexe de
chacun des parents, et qui résulte de la néoténie du bébé. Ce portage, appelé
également « fonction phorique » (Delion, 2000) est assuré par les parents
tout le temps que le bébé ne pourra se porter lui-même ; puis par extension,
tout le temps qu’il ne pourra se porter ou se représenter dans le langage –
soit à peu près jusqu’à la réalisation de son individuation-séparation. La
La consultation d’un bébé avec ses parents 39
Handling
Le handling, ou manipulation du corps du bébé dans l’intersubjectivité, est
une manière tendre de présenter au bébé son propre corps et de favoriser
avec lui, dans une atmosphère de jeu, la découverte non seulement de la
géographie de son corps mais aussi de sa fonctionnalité. Le toucher « peau à
peau », par les caresses, les chatouillements et baisers, contribue également
au partage de plaisir en rapport avec la découverte du corps du bébé. Vers
sept à huit mois, âge de l’intersubjectivité secondaire (Stern 1992), le bébé
répond en tendant les bras, et à la fin de la première année, il amorce lui-
même un tel échange, qu’il complète par une étreinte ; ce circuit pulsionnel
montre alors que le bébé a accès à la reconnaissance de l’autre et commence
ses mécanismes d’introjection identificatoires (Laznik-Penot, 1992).
Tous ces éléments peuvent être observés à l’occasion d’une tétée, d’un
change, ou lors de moments d’échanges spontanés au cours de la consul-
tation. Il est intéressant de laisser les parents prendre possession de notre
bureau de consultation pour leur donner la possibilité de nous montrer ce
type d’échanges comportementaux si riches en informations cliniques.
Sourire
Le sourire est également un précieux indicateur. Nous savons depuis Spitz
(1979), qui le considère comme le premier organisateur du psychisme, que
le sourire à valeur d’échange social apparaît généralement après quelques
semaines et qu’il faut le distinguer du sourire réflexe, dit « sourire aux
anges », qui correspond dans les premiers jours après la naissance à la détente
musculaire post-réplétion. Ce sourire est un signe de la qualité des interactions
et témoigne, dans le cadre de l’intersubjectivité primaire (Trevarthen et Aitken,
2003), d’une première conscience d’un autre à qui le sourire vient signifier la
satisfaction d’un besoin. Il a une grande valeur pour les parents qui y lisent la
confirmation que le dialogue entre leur bébé et eux est désormais engagé, et
que les messages échangés, bien qu’ils soient encore dissymétriques (le parent
40 La consultation avec l’enfant
parle à son bébé et le bébé vocalise et babille vers son parent ou manifeste par
ses mimiques, gestes et postures encore élémentaires ses états émotionnels),
sont reçus et authentifiés. Il suffit de voir la désorganisation qui résulte de
l’absence d’apparition du sourire dans les problématiques de bébés à risque
autistique pour avoir une idée de l’importance de son existence. En outre, le
sourire, en deçà de sa dimension comportementale introduit directement par
les échanges qu’il permet, aux interactions affectives ».
Interactions affectives
Mais sous ces interactions comportementales apparentes, manifestes, le
bébé est animé d’une vie émotionnelle et affective qu’il convient d’appro-
cher par l’étude des interactions affectives en faisant appel à ce que nous res-
sentons de la qualité des échanges en consultation. Elles sont caractérisées
par l’influence réciproque de la vie émotionnelle du bébé et de celle de la
mère et du père.
Si les interactions comportementales servent de support aux interactions
affectives, la mère, grâce à ses capacités d’empathie, perçoit ce que ressent
le bébé et lui en propose une interprétation par des mots et des gestes ; en
retour, le bébé peut percevoir si la mère est contente ou non, si elle se pré-
sente comme d’habitude ou non. En effet, plus que le sens des mots, c’est la
prosodie et l’ajustement tonico-postural qui sont autant d’indices de l’état
affectif de sa mère, et réciproquement. De la possibilité pour le bébé de
communiquer ses émotions à ses proches de façon authentique résultera la
qualité de l’adéquation entre ses états internes et ses moyens de les partager.
Dans les conditions favorables, il y a accordage affectif (affect atunment de
Stern, 1981) et le bébé peut exprimer avec son visage l’intérêt, le dégoût, la
tristesse, la surprise, puis, à quatre mois, la joie et la colère et, plus tard, la
peur. Quand un bébé peut facilement exprimer ses états affectifs dans l’in-
teraction, la capacité de transformation maternelle ou fonction alpha (Bion,
1965) va aider le bébé à psychiser ses sensations en retour.
La fonction alpha
La fonction alpha de Bion peut être définie (Athanassiou 1997) comme une
fonction symbolique primordiale permettant à l’enfant de se souvenir, d’éla-
borer et de transmettre l’ensemble des expériences qui le caractérisent. Cette
fonction, qui se construit par identification à celle de la mère, va transformer
les « vivances émotionnelles » – éléments bêta – en éléments alpha qui peuvent
être repris dans le système de pensée. Dans les cas où l’enfant ne peut trans-
former ses éléments bêta en éléments alpha, les premiers restent des « choses
en soi » et ne peuvent qu’être évacués par projection pour donner les objets
bêta-bizarres, caractéristiques du fonctionnement psychotique.
La consultation d’un bébé avec ses parents 41
Le bébé est ainsi sur le chemin d’un monde dans lequel ses questions
(sa curiosité) trouvent des réponses, même imparfaites. Or, parmi les états
affectifs, l’angoisse relève d’un statut particulier qu’il convient d’examiner
attentivement. En effet, lorsque les réponses parentales ne permettent pas
de solution, l’angoisse peut apparaître chez le bébé, et nous savons que
ces angoisses non transformées, non élaborées, restent sous la forme de
« grains d’angoisse », infiltrant la vie psychique des bébés et déclenchant
chez eux des tentatives d’évacuation préjudiciables à leur fonctionnement
psychique. Ces angoisses résultantes contribuent à dégrader les interactions
affectives et les moments de résolution plaisants, et aboutissent fréquem-
ment aux troubles fonctionnels tels que les insomnies. Les angoisses et les
symptômes qui résultent de leur non-transformation deviennent tout natu-
rellement des objets sur lesquels les projections parentales peuvent venir se
greffer, amenant lors de la consultation la nécessité du détour par l’explora-
tion de la vie fantasmatique des parents.
Interactions fantasmatiques
Elles peuvent devenir accessibles dans ce que nous allons faire raconter de
leur histoire aux parents. Elles sont la manière dont les fantasmes des parte-
naires trouvent leur expression dans l’interaction et, dans cette perspective,
on comprendra que les fantasmes de chaque partenaire répondent à et
modifient ceux de l’autre. Elles permettent d’approcher notamment la ques-
tion de l’intergénérationnel et du transgénérationnel, mais aussi la place
que le bébé occupe dans la vie infantile de chacun des parents.
x au terme d’un parcours de plus en plus difficile avec le mari. C’est ainsi qu’« il
ne la laissait pas dormir une nuit entière », qu’« il la maintenait dans la soumis-
sion la plus totale en la réveillant de nombreuses fois la nuit ». Passée voir ses
parents de retour de vacances, la maman de Marie, confrontée une nouvelle fois
à une situation de décompensation de sa mère, avait, toujours avec le médecin,
obtenu de haute lutte avec son père une nouvelle hospitalisation. C’est au cours
de cette hospitalisation que sa mère était décédée. La culpabilité, déniée, est très
importante pour cette maman et dès la première consultation, cette probléma-
tique envahit tout.
Pendant cette consultation, Marie reste assise sur le tapis et joue avec les dif-
férents jouets à sa disposition, mais passe beaucoup de temps à regarder sa
maman qui parle, en suçant son pouce avec un regard très avide dirigé vers elle.
Au bout d’un long temps, le pédopsychiatre commence à parler un peu avec la
maman et Marie tourne alternativement la tête vers celui qui parle. Vers la fin de
la consultation, elle lui sourit largement en laissant tomber son pouce et sa pelu-
che, comme dans un lâché du tonus ouvrant sur la relation avec lui. Elle prononce
quelques mots tels que « maman », « papa », « au oir », « boir », « patir » et
montre manifestement une grande intelligence. Lors de la fin de cette consulta-
tion, le pédopsychiatre insiste pour que le papa vienne la fois suivante. La maman
est un peu réticente, mais un créneau qui convient à tout le monde est trouvé.
Lors de la deuxième rencontre, le papa est là ; la maman dit que Marie a bien
dormi les nuits qui ont suivi la première consultation, mais que depuis peu, elle
s’est remise à ne pas très bien dormir. Elle dit au consultant : « C’est comme si
votre action s’estompait au fur et à mesure. Marie se réveille plusieurs fois la
nuit, pousse un grand cri, et veut les bras ; nous ne pouvons pas la recoucher
avant qu’elle ait pris un biberon. » Puis, à son tour, le papa raconte son histoire
familiale. Il est le seul fils dans une famille très traditionnelle et il a deux sœurs.
C’est le seul à avoir réussi brillamment des études supérieures. Il enseigne en
faculté et on le considère dans sa famille comme un « intello ». Sa façon d’éle-
ver sa fille a été longuement mûrie avec sa femme avant qu’ils aient ce premier
enfant. « Il n’est pas question de dresser les enfants, il ne faudra pas la stimuler
pour obtenir d’elle quelque chose qui n’est pas vraiment nécessaire pour elle,
mais serait seulement utile pour le plaisir des parents ; elle marchera quand
elle le décidera et elle mangera seule si elle le veut… » Mais cette façon de
« permettre à un enfant de devenir un sujet libre » semble bizarre à la famille
paternelle et « quand ils ont su qu’elle n’arrivait pas à dormir, cela leur a fait
bien plaisir de constater les résultats désastreux de la méthode, surtout ma sœur
aînée, elle est terrible ». Pendant cette consultation, Marie vient s’accrocher à
son papa en rampant et avec ses mains tendues vers lui, arrive à se faire mettre
debout et à tenir à peine devant lui. À certains moments, il est dans « sa mé-
thode éducative » et elle tombe sur ses fesses ; la maman se lève pour venir la
prendre sans la consoler et la repose sur le tapis ; Marie recommence dès lors
son ascension vers son papa.
Le pédopsychiatre essaye prudemment de reprendre ce qui a déjà été dit ensem-
ble de la vie de Marie en s’appuyant sur les éléments de son histoire : l’hospitali-
sation à l’âge de dix mois, considérée comme le point de départ de son insomnie x
La consultation d’un bébé avec ses parents 43
x rebelle, et l’entrecroisement avec les histoires familiales des ses deux parents.
Marie regarde ses deux parents qui se regardent et regardent le consultant,
alternativement, touchés, semble-t-il par le travail de miroir réfléchissant auquel
il se livre avec eux. Elle est entre eux trois et, prenant appui sur le divan proche
d’elle avec sa main droite et sur sa peluche de sa main gauche, elle se met de-
bout directement sur la moquette (elle a quitté le tapis) et commence à marcher
pour la première fois. Elle va vers son papa avec les deux bras écartés et sa pelu-
che tenue fermement dans sa main gauche, et, arrivée à un pas de lui, regarde
sa maman sur sa droite et finalement se jette dans ses bras à elle. Le papa est très
ému, la maman se met à pleurer de joie, en tenant près d’elle sa fille. Elle se love
dans son creux droit et en même temps, la mère se raidit très vite en repoussant
un peu sa fille. Le pédopsychiatre dit : « ça fait du bien de pouvoir manifester sa
joie à Marie alors qu’elle vient juste de marcher » et le papa répond : « on s’est
tellement dit que c’était pour elle et pas pour nous qu’elle marchait que comme
c’est arrivé, on a du mal à retenir notre émotion ». La maman tourne sa fille pour
qu’elle aille vers son papa ; elle y va et le papa la « reçoit » de ses mains, mais
sans la prendre dans ses bras. Marie le regarde et dit : « marche » très distinc-
tement ; le papa, à ces mots, dit en la prenant dans ses bras : « oui tu marches,
Marie, et toi, tu en es très contente ». La troisième consultation va montrer la
confirmation de la marche, mais surtout la disparition des insomnies. Mais un
long travail de consultations thérapeutiques sera nécessaire pour permettre aux
parents d’assouplir quelque peu leurs processus idéalisants…
Troubles du sommeil
L’insomnie du premier trimestre, puis de neuf à trente mois, l’insomnie
liée à l’hyperactivité motrice, puis les insomnies comme manifestation de
l’angoisse de séparation, à type de défense maniaque.
Troubles de l’alimentation
L’anorexie commune du deuxième semestre, les vomissements, le méry-
cisme, l’hyperphagie, la boulimie, le pica…
Autres troubles
Abdominaux et intestinaux (coliques du premier trimestre…), respiratoires
(spasme du sanglot, asthme précoce…), dermatologiques (urticaire, psoria-
sis, eczéma, pelade…), et le nanisme psycho-social.
Dépressions
Dépression anaclitique
La dépression anaclitique a été décrite par Spitz (1945) : un bébé de plus de
six mois est séparé brutalement de sa mère alors qu’il avait de bons liens
avec elle antérieurement. Il va s’ensuivre une phase de pleurs, de cris, et des
comportements d’accrochage à l’adulte. Puis, on observe l’installation en
quelques semaines d’un état d’apathie massive avec refus de contact et in-
différence à l’entourage, une conduite anorexique avec perte de poids, une
insomnie, un arrêt de développement, une régression des acquisitions mo-
trices et intellectuelles, et une grande sensibilité aux infections. L’évolution
est variable en fonction de ce qui est organisé autour du bébé : si on restitue
la maman à son bébé ou si un substitut convenable lui est trouvé avant trois
à cinq mois, la dépression régresse, mais le bébé reste hypersensible aux
séparations ultérieures. Sinon, l’évolution se fait vers le marasme de plus
en plus inquiétant sur le plan physique (infections pouvant aller jusqu’à la
mort) et sur le plan psychique (régression de l’état psychomoteur laissant
des séquelles indélébiles) et vers l’hospitalisme (Spitz, 1945).
Bébés à risque
Un certain nombre de bébés peuvent présenter des signes de souffrance
psychique assez importants, faisant éventuellement penser à des signes pré-
curseurs d’une pathologie autistique.
Toutefois, la présentation de signes de type autistique ne peut être pré-
dictive de l’apparition ultérieure d’un syndrome autistique dans tous les cas
x
• atypie de la pince fine : non pas entre le pouce et l’index, mais entre petit
doigt et annulaire ou en interdigital ;
• signe des oubliettes : l’objet est jeté sans poursuite oculaire ;
• Non-participation au jeu de tomber-ramasser ;
• stéréotypies gestuelles, jeux de mains avec fascination visuelle ;
• perte du pointage du doigt avec échange visuel vers neuf ou dix mois.
Devant ce tableau d’évitement relationnel, ou de retrait (Guédeney, 1999), la
consultation mettra en évidence les diagnostics possibles suivants et devra donc
s’appuyer sur des investigations complémentaires pour retenir un diagnostic.
ses parents dans ces cas-là soit, assez rarement, comme une planche (hyperto
nie), soit, plus souvent, comme une poupée de son (hypotonie). L’attitude
anticipatrice, elle, s’observe habituellement lorsque le bébé de quatre mois envi
ron tend ses bras vers celui qui se penche vers lui, montrant ainsi qu’il a inscrit
en lui les premières représentations motrices et psychomotrices des rythmes de
sa vie quotidienne interactive. Les troubles alimentaires peuvent se manifester
par des difficultés à téter, des vomissements et, quelquefois, une anorexie très
précoce. Les troubles du comportement peuvent se présenter sous la forme
d’une inactivité, d’un ralentissement et de comportements stéréotypés.
D. Houzel (2002) et M.-C. Abgrall (1978) avaient proposé une synthèse
qui a été très longtemps utile aux praticiens intéressés par la question du
dépistage précoce : sagesse particulière, retrait et indifférence aux personnes
et aux choses, non-apparition des organisateurs de Spitz, troubles tonico-
posturo-moteurs (défaut d’ajustement postural, d’attitude anticipatrice, sté-
réotypies, retards à la position assise, à la marche), troubles de l’audition,
du regard, troubles des conduites alimentaires (difficultés à téter, vomisse-
ments, anorexies précoces), troubles du sommeil. Mais si ces signes sont
effectivement retrouvés, et doivent attirer notre attention, ils sont difficiles
à différencier des manifestations d’autres états pathologiques du très jeune
enfant : dépression du bébé et carences affectives, troubles sensoriels de
l’audition et du regard, autres atteintes physiques avec signes autistiques
(métaboliques, génétiques, neurologiques…).
Une récente recension d’A. Baghdadli (2006) propose aux pédiatres, en
conformité avec les classifications internationales des troubles envahissants
du développement, des signes requérant leur attention aux trois niveaux
des sphères communicationnelles, sociales et comportementales chez un
enfant venant consulter pour des troubles inquiétant les parents :
• au niveau de la communication : un retard de langage ou la perte de
mots acquis, l’absence de réponse à son nom, un enfant qui ne peut pas dire
ce qu’il veut, l’absence de réponse aux ordres, un enfant qui semble sourd
par moments, un enfant qui ne pointe pas et en fait pas « au revoir » ;
• au niveau de la socialisation : l’absence de sourire social, peu de
contact oculaire, un enfant qui semble préférer jouer seul et reste dans
son monde, un enfant qui ignore ses parents et ne porte pas d’intérêt aux
autres enfants ;
• au niveau du comportement : colères, oppositions, hyperactivité, atta-
chement inhabituel à des objets, un enfant qui ne sait pas utiliser les jouets,
un enfant qui reste fixé sur certaines choses de manière répétitive, un enfant
qui marche sur la pointe des pieds ou effectue des mouvements bizarres.
On peut retenir, en bref, les éléments suivants : l’absence de babillage ou de
gestes sociaux conventionnels (au revoir, pointer…) à douze mois, l’absence
de mots à seize mois, l’absence d’association de mots à vingt-quatre mois, tou-
te perte de langage ou de compétences sociales quel que soit l’âge de l’enfant.
La consultation d’un bébé avec ses parents 51
Dans cette description, l’auteur insiste sur un cas particulier, l’autisme de haut
niveau ou syndrome d’Asperger : ce diagnostic est généralement posé tardive-
ment, à l’âge scolaire, en moyenne vers l’âge de dix ans, alors que les parents
s’inquiètent depuis que leur enfant a trois ans. Cette situation est due au fait que
ces enfants n’ont ni retard de langage ni retard mental, mais ont souvent une
hyperlexie, des troubles du contact avec les pairs et des difficultés psychomotrices.
Didier Houzel (2003) a proposé récemment une bonne récapitulation des
différentes découvertes successives. Il a regroupé l’ensemble des signes pré-
coces dans les dix catégories suivantes :
• troubles des conduites sociales non linguistiques : défaut d’attitude an-
ticipatrice (Kanner), défaut d’ajustement postural (Kanner), aversion pour le
contact corporel, défaut d’attention conjointe (Baron-Cohen), défaut de jeu
de « faire semblant » (Baron-Cohen), défaut de pointage (Baron-Cohen) ;
• troubles du prélangage : défaut de lallation (Rutter), babillage mono-
tone (Ricks), vocalisation idiosyncrasique (Ricks) ;
• retard et anomalies du développement psychomoteur : hypotonie,
dystonie, mauvais contrôle postural, perte temporaire des acquisitions ;
• absence des organisateurs de Spitz : absence ou rareté du sourire au
visage humain, absence d’angoisse devant le visage non familier ;
• troubles des conduites perceptives : défaut du contact œil à œil, évi-
tement actif du regard, fascination par les mains, impression de surdité,
réactions paradoxales aux bruits ;
• troubles du comportement : retrait, indifférence au monde extérieur (Kan-
ner), absence d’intérêt pour les jouets, inactivité, ralentissement (Kanner),
comportements répétitifs (Kanner), mouvements stéréotypés, maniements
étranges des objets (objets autistiques de F. Tustin), cris, colères, autoagressivité ;
• troubles fonctionnels : difficulté à téter, vomissements, anorexie très précoce
(Kanner), mérycisme (Sauvage), insomnies agitées ou calmes (Soulé et Kreisler) ;
• phobies précoces des bruits ménagers ;
• conduites d’agrippement (Bick4) ;
• conduites de démantèlement (Meltzer5).
4 Une conduite d’agrippement est une des défenses contre les angoisses archaïques qui
perpétuent, sur le plan psychique, la fonction des réflexes archaïques type grasping obser-
vés chez le bébé au tout début de la vie. Le concept vient de l’éthologue et psychanalyste
hongrois Imre Hermann (1943), collègue et ami de Ferenczi. Bowlby s’est appuyé sur ces
travaux pour développer la théorie de l’attachement et Esther Bick en a notamment extrait
la notion d’identité adhésive. (Bick, E. [1968], « L’expérience de la peau dans les relations
d’objets précoces », trad. G. Williams, in Les écrits de Martha Harris et Esther Bick, Larmor
Plage, Editions du Hublot, 1998).
5 Le concept de démantèlement a été proposé par D. Meltzer en 1975 (Meltzer 1975) à
partir de ses travaux sur l’autisme. Le démantèlement est un mécanisme psychique passif
coïncidant avec une suspension de l’attention qui a pour effet de réduire l’expérience de
l’enfant à une somme de sensations juxtaposées, à l’opposé du mantèlement favorisé par
les moments d’attraction consensuelle maximale.
52 La consultation avec l’enfant
x La maman reste triste et dit qu’« il a été opéré de son bras, mais le chirurgien dit
que Moïse ne comprend rien, alors, il ne peut pas profiter de l’opération ».
Elle me dit alors avec une voix plus tonique : « Le docteur P., quand il m’a dit en
plus que peut-être Moïse, il est autiste, alors là j’ai craqué. » Elle pleure à nou-
veau, mais là, Moïse remet le mouchoir dans sa bouche et se met à faire d’une
voix monocorde assez basse, un son continu, presque une mélopée. Il tient le
bout inférieur de son grand mouchoir dans sa main droite et rythme cette pau-
vre mélodie avec le balancier de son bras. La maman me dit : « Ce qui me cha-
grine le plus, c’est que quand je l’appelle, il ne m’écoute pas, c’est comme si je
n’existais pas. Et pourtant, le docteur lui a regardé les oreilles. » Et comme si elle
voulait me démontrer quelque chose, elle se lève en disant à son fils : « Moïse,
Moïse », et vers moi, avec un regard désespéré : « vous allez voir », et elle quitte
aussitôt la pièce de consultation dans une sorte d’improvisation de la Strange
Situation6 que les théoriciens de l’attachement font passer à leurs patients.
Moïse ne bouge pas pendant un moment, puis, à mon appel, il se tourne vers
moi avec une grande lenteur, son regard met quelques instants à me trouver.
Puis tout aussi lentement, il se recolle encore plus près de la fenêtre, et redevient
absent. La maman revient et me dit cette phrase terrible : « Vous voyez, docteur,
il ne me connaît pas. » La fin de la consultation permet de mieux apprendre
l’histoire de ce petit garçon et nous convenons de nous revoir.
L’évolution montrera chez Moïse un syndrome autistique typique, avec dans
ses antécédents, un traumatisme néonatal représenté par la paralysie du plexus
brachial, et des conditions sociopsychologiques de vie précaires. La prise en charge
précoce a néanmoins permis une évolution relativement favorable de ce petit
patient.
Maltraitance à bébé
Si des textes législatifs et réglementaires (loi de juillet 1989, loi de mars
2007) aident désormais les équipes concernées à tenir compte de la réalité
clinique observée par les précurseurs dans ce domaine, la maltraitance à
bébé reste un phénomène étonnamment méconnu. Les manifestations les
plus fréquentes sont l’enfant battu (plaies cutanées et muqueuses, fractu-
res, hématome sous-dural), l’enfant secoué et le syndrome de Munchaüsen
par procuration (Dayan, 2000). Les statistiques sont pourtant éloquentes,
démontrant que plus l’enfant est jeune, plus il est non seulement vulné-
rable, mais surtout victime. On retrouve encore aujourd’hui que 80 % des
enfants victimes de maltraitance ont moins de trois ans et que sur cette
population, 40 % a moins d’un an (Strauss et Rouyer, 1982 ; Cummings
et al., 1994).
6 Strange Situation : expérience mise au point par Mary Ainsworth (1982) pour étudier le
type d’attachement du bébé à sa mère vers la fin de sa première année. Il s’agit d’une série
de huit épisodes de trois minutes chacun, permettant d’étudier le bébé en présence de sa
mère, à son départ, à son retour et en présence d’un autre observateur inconnu du bébé.
La consultation d’un bébé avec ses parents 55
Elias, un mois
Elias est maltraité dés les premières semaines de vie
Premier bébé, il n’a pas d’antécédents néonataux particuliers. Le pédiatre le
reçoit un soir en urgence à son cabinet pour un « hématome ». Il a un mois et
c’est la deuxième fois qu’il le voit. Une première consultation avait eu lieu quinze
jours auparavant, au cours de laquelle tout allait bien. Le pédiatre constate avec
une extrême émotion que le bébé présente un volumineux hématome de la joue
et du pavillon de l’oreille, une ecchymose conjonctivale et des lésions purpuriques
du cou. Il a beaucoup de difficultés à rentrer en contact avec Elias. À l’examen
complet, il découvre également un hématome du siège. Il fait alors part de sa
vive inquiétude aux parents et leur annonce que devant ce tableau clinique il va
hospitaliser Elias pour qu’il bénéficie d’un bilan, en particulier de la coagulation
sanguine. Pour lui, il s’agit d’abord de protéger le bébé au plus vite, dans la me-
sure où les lésions présentées ne font, pour lui, aucun doute sur la maltraitance.
Malgré la gravité de son état, les parents ne montrent pas d’émotion particulière
à l’annonce de l’hospitalisation de leur enfant. Après avoir averti les parents
de ses démarches, le pédiatre téléphone à son collègue du service hospitalier
pour s’assurer que son hospitalisation a bien été réalisée. Il a par ailleurs faxé
au substitut du procureur de la République un signalement décrivant les signes
de son examen clinique. Elias est resté hospitalisé une semaine, le temps prévu
pour mettre en place une AEMO (action éducative en milieu ouvert) et mobiliser
le service de PMI.
Ayant appris par son collègue hospitalier que le bébé allait sortir, le pédiatre
a adressé un nouveau fax au substitut pour lui faire part de son extrême inquiétude
à l’idée qu’il puisse ressortir chez ses parents. Entendu ensuite par la brigade des
mineurs, il a déclaré une fois encore qu’Elias serait en danger grave s’il sortait chez
ses parents. Pourtant Elias est sorti chez ses parents malgré tous les avertissements x
56 La consultation avec l’enfant
x des professionnels. Les conditions n’ayant pas changé entre-temps, Elias a été vic-
time à nouveau de violences à domicile et est décédé en réanimation pédiatrique
des suites d’un hématome cérébral à l’âge d’un mois et demi.
Un bébé à venir
Dans la défense d’un dispositif de santé mentale périnatale, l’accompa-
gnement du processus de parentalisation dès l’anténatal a fait figure de
révolution préventive. En effet, s’il est extrêmement important de proposer
des consultations en pédopsychiatrie pour les parents et leur bébé lorsque
les interactions sont difficiles ou dans toutes les situations que nous avons
abordées dans ce chapitre, les progrès récents dans la compréhension du
processus en question ont montré que la grossesse était un moment opportun
pour étendre les propositions préventives qui étaient faites à partir de la
naissance.
Nous ne pouvons citer ici tous les auteurs qui ont contribué à ces travaux,
mais Michel Soulé fait figure de penseur de la psychiatrie fœtale (Soubieux
et Soulé, 2005). Le groupe de travail créé par lui et Sylvain Missonnier au
sein de la WAIMH francophone (World Association for Infant Mental Health,
Association internationale pour la santé mentale du bébé), appelé le « pre-
mier chapitre », est un des lieux où ces chercheurs tentent d’allier les avan-
cées scientifiques avec le maintien d’une position psychodynamique dans
la compréhension des phénomènes en question. Par ailleurs, les formations
proposées par Françoise Molénat (2009) et ses collaborateurs pour penser la
périnatalité en réseau constituent la trame institutionnelle sur laquelle les
interventions anténatales vont pouvoir s’organiser. Des textes ministériels7
x plupart du temps, elle la trouve « trop intrusive », et elle a très peur que l’arrivée
de cette petite fille n’« aboutisse à un rapt par sa propre mère ». De plus, son
père, d’avec lequel sa mère avait divorcé, est décédé l’an dernier ; or, elle a vécu
sous l’emprise de sa mère qui lui interdisait d’avoir des contacts avec lui. Mainte-
nant elle s’en veut de l’avoir écoutée… La consultation va mettre en évidence un
vécu à la fois douloureux et nostalgique de ce qu’elle a traversé antérieurement,
notamment pendant son adolescence.
À dix-sept ans, elle a quitté le foyer familial, la nuit consécutive à une énième
dispute, particulièrement violente, entre son père et sa mère, pour aller se
réfugier chez une copine qui avait des parents « hypersympas ». C’est dans ces
circonstances qu’elle avait rencontré à l’époque son compagnon actuel. Si la
violence du père est l’argument qui justifie en premier cette quasi-fugue, la dis-
cussion fait apparaître le désir de « se sortir de l’emprise de sa mère ». Ayant
pris ainsi son indépendance relative, ses études ont été chaotiques, mais elle a
néanmoins réussi assez bien, et finalement a pu suivre des études universitaires
jusqu’à la licence. Et puis, ce parcours effectué, elle a connu quelques années
de dépression, dont un moment d’effondrement dont elle « garde un souvenir
stressant qui la réveille régulièrement ces derniers temps ». Elle n’a renoué que
plusieurs années plus tard avec sa mère.
Elle se dit que sa grossesse, d’un certain point de vue, lui fait craindre le retour
de cet effondrement. La préoccupation pour son futur bébé n’est pas très pré-
sente lors de cette première consultation ; elle en parle peu sauf pour exprimer
ses craintes de le décevoir et sa probable incompétence maternelle. Il faudra at-
tendre les consultations suivantes pour que progressivement, parallèlement aux
sensations qu’elle parvient à mieux exprimer dans cet espace, « son bébé prenne
naissance dans son esprit ». L’état anxiodépressif va s’amender progressivement
à mesure que le travail d’élaboration permettra de resituer à sa place chacun des
acteurs de sa vie quotidienne passée et présente. Les consultations postnatales
seront, pour cette femme très inquiète et angoissée pendant les deux premiers
trimestres de sa grossesse, l’occasion de se découvrir, beaucoup plus aisément
qu’elle ne s’y attendait elle-même, une « mère suffisamment bonne ». Les in-
teractions avec sa petite fille se sont avérées satisfaisantes pour cette maman,
qui « se surprenait à s’intéresser à un bébé alors qu’elle pensait cela tellement
inatteignable ». En même temps, elle découvrait sous un jour inattendu son
compagnon et le rôle qu’il allait jouer dans leur histoire commune. La démarche
de prévention des possibles distorsions interactives entre cette mère et son bébé
a conduit à une suite de quelques consultations thérapeutiques opérant une
fonction de soutènement des mécanismes de parentalisation.
Exemple d’indications
Pour les premiers, conflits de type névrotique, une proposition de psycho-
thérapie brève parents-enfant sera envisagée sur une dizaine de séances. Il
peut également être conseillé de recourir à un travail sur la séparation tel
qu’il est prôné par les expériences de « maisons (ou)vertes » (Dolto et al.,
2009). Pour les seconds, conflits de type masochiste, des psychothérapies
brèves sont envisageables, mais souvent prolongées par le travail psycho-
thérapique d’un des parents, lorsque l’opportunité se présente. Par contre
pour les troisièmes, conflits de type narcissique, les psychothérapies brè-
ves sont contre-indiquées, mais se fait jour la nécessité d’un travail au long
cours avec recours à un accueil en unité spécialisée dans les bébés et très
jeunes enfants permettant un travail avec les parents ou séparés d’eux, et
une reprise ensuite avec eux pour favoriser l’appropriation de leur fonc-
tion parentale, ou en tout cas accompagner la pathologie du lien (Myriam
David, inspirée de son expérience au Children Center de Boston, puis des
pratiques de Loczy, Françoise Jardin, Rosa Mascaro et son association Le
fil d’Ariane, Sophie Marinopoulos et son association Les pâtes au beurre ;
David, 2004 ; David et Appell, 1973 ; Jardin et Détry, 2003 ; Mascaro,
1999 ; Marinopoulos, 2007). Quelquefois, on pourra mener un travail
à domicile selon deux perspectives : celle de S. Fraiberg (Fraiberg et al.,
1983), avec notamment une approche de la crise, et celle de E. Bick
(1992), créatrice de l’observation directe du bébé, et dont les applications
aux bébés présentant des pathologies plus lourdes sont très intéressantes
(Houzel, 1995).
La consultation d’un bébé avec ses parents 61
x qu’il a bien compris en quoi cette proposition pouvait les aider à élever leur
enfant. Ils confirmeront au cours d’une consultation commune leur demande
de cette visite à domicile hebdomadaire. Cette consultation montrera comment
la future maman, par le récit de la dernière échographie, tente d’exclure les
émotions de son compagnon, exprimées à l’échographiste par le commentaire :
« Oh, il a une bonne bouille », en lui répondant sèchement : « Il a une tête
normale, point à la ligne. » Puis, constatant qu’il bouge et se cache, elle ajoute :
« le bébé en a marre, il est bien énervé ». Lors de cette consultation, la maman
a un aspect assez renfermé, tandis que le papa regarde les deux soignants qui
les reçoivent avec une grande attention ; il est honteux lorsqu’elle le traite d’in-
capable devant eux, ce qui l’amène à répondre : « Si, si, je suis capable d’être
père, même si c’est difficile. » Il évoque alors son désir d’être porté lui aussi dans
le ventre d’une mère.
À ce jour, après deux ans d’observations thérapeutiques réalisées par l’infirmière,
Jessy a présenté un développement satisfaisant, et malgré quelques passages
difficiles dans les interactions entre lui et sa maman notamment, le pédiatre et
la puéricultrice de PMI, qui continuaient de suivre cet enfant et ses parents
régulièrement, ont pensé qu’une indication de retrait ne semblait pas opportune.
Bien plus, lorsque la maman a été à nouveau enceinte d’un septième bébé, le
deuxième de son troisième mari, l’atmosphère de cette nouvelle grossesse en a
été sensiblement changée, comme si le déroulement assez différent de la vie de
Jessy avait redonné à sa maman une assise narcissique suffisante pour aborder
la grossesse d’Océane d’une façon nouvelle.
Nous voyons dans un tel exemple comment le travail de la consultation peut
bénéficier d’un soutien intermédiaire de façon utile au déploiement d’une fonction
parentale « suffisamment bonne ». D’un certain point de vue, ces observations
thérapeutiques font partie intégrante de la consultation thérapeutique.
différents) d’un même objet (par exemple l’objet maternel) se lient dans
les comodalités lors de ces occasions, puis plus tard, une représentation de
mot vient donner la clé de voûte à l’objet représenté. Dans ce travail, la psy-
chomotricité a pour le bébé une importance capitale, car elle est à la base
de ses réponses interactives en attente de son accès à la parole. L’exemple
du sourire du bébé en réponse à une expérience de nourrissage satisfaisant
permet le partage émotionnel. Prendre un objet, et le lâcher, puis se lever et
marcher, jusqu’au pointage proto-impératif puis proto-déclaratif… chacune
de ces étapes constitue un ensemble d’expériences indispensables pour que
le bébé intériorise le cadre dans lequel se joue la vie quotidienne. Tout cet
enchaînement se rejoue dans le jeu de l’enfant, le jeu solitaire d’abord où
il prend les différentes places, imitations et rôles. Puis c’est le jeu avec les
autres où il accepte le partage des rôles et les échanges de places, dans un
premier « jeu de rôles » spontané.
C’est enfin parce que ses représentations internes sont bien stabilisées
qu’il va pouvoir accepter la séparation, par exemple pour aller à l’école.
Mais introduisez une télévision dans le système sus-décrit, et des chan-
gements notables ne tarderont pas à apparaître (Shram et al., 1961). Elle
existe dans les maternités dès le premier jour (et en anténatal à la maison) et
joue un rôle non négligeable dans la relation interactive lorsque la maman
revient à la maison : les échanges sont régulièrement « troués » par une
attention qui se détourne vers l’écran pour le parent et pour le bébé. Les
attitudes du bébé sont en général d’être « médusé » par l’écran. Puis quand
on l’éteint, la sidération est suivie d’une excitation pour obtenir sa restau-
ration. Parfois, le bébé sourit en réponse à un personnage de la télévision
qui sourit mais, brusquement, il y a un changement de plan ou de scène et
l’interaction ne se produit pas, laissant le bébé interloqué. Cela ne stabilise
pas les représentations, mais au contraire les fragilise.
Plutôt que de faciliter la séparation future des bébés et des jeunes enfants,
la télévision les entraîne sur le circuit de la dépendance qui durera pendant
leur enfance et donne des scénarios peu réjouissants comme le couplage en-
tre boulimie alimentaire et télévisuelle (Christakis et Zimmerman, 2006 et
2004), le conditionnement à la violence en fonction du temps passé devant
l’écran (Himmelweit et al., 1958 ; Jeffrey et al., 2002 ; Josephson, 2004), et,
quand l’enfant grandit, la précipitation vers les écrans de l’ordinateur, du
jeu vidéo et autres cybercommunications déjà sur le marché.
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66 La consultation avec l’enfant
Parler
Parler pour dire à un autre
La parole est le matériau de base utilisé lors des consultations. Nous avons vu
qu’elle résulte pour le bébé d’une longue et complexe mise en forme de l’air
qui sort des poumons par les différents muscles qui en bordent le trajet, dans le
cadre d’interactions complexes avec son « bain de langage » et ceux qui en sont
la source. Ce n’est donc pas une création ex nihilo et l’enfant a déjà communi-
qué avec les moyens qu’il avait à sa disposition pendant cette période « avant
la parole ». Nul doute que les conditions dans lesquelles il a ainsi échangé
avec ses parents et son entourage ont un impact sur le développement de son
langage parlé, aussi bien dans la dimension émettrice que réceptrice. Parler
devient dès lors non seulement le moyen de communication spécifique de
l’homme, qu’il est certes en passe de stabiliser plus ou moins selon les normes
de son âge, mais également le reflet de la manière dont il a intégré progressive-
ment son appartenance à la communauté humaine. Il convient de faciliter l’ex-
pression par la parole lors de la consultation afin de permettre aux parents et
à l’enfant, chacun à leur niveau, de dire les raisons qui les ont conduits à venir
rencontrer le praticien, et dans le même temps, d’en observer le déploiement
dans la relation entre l’enfant, ses parents et le consultant. Lors des échanges
avec eux, le praticien verra l’enfant se saisir du langage et notamment les diffi-
cultés qu’il peut avoir à le faire. Il sera important de distinguer les conditions de
possibilité du langage, qui autorisent son expression, du contenu de celui-ci.
En effet, le langage est soumis au bon fonctionnement de systèmes mul-
tiples et complexes qui doivent chacun être indemnes et à l’articulation
de l’ensemble. Il est aujourd’hui admis que si le langage dispose de lois
propres sur les plans linguistique, cognitif et psychopathologique, il pos-
sède une base biologique qui fait de son exercice une propriété émergente
du système nerveux (Edelman, 1994). Il semble donc nécessaire de vérifier
devant toute difficulté d’un enfant à parler le fonctionnement dudit sys-
tème. Il conviendra éventuellement de vérifier également les capacités de
l’appareil auditif, des organes de la phonation, des circuits neurologiques et
musculaires périphériques commandant les praxies buccofaciales et les aires
cérébrales impliquées dans le langage, aussi bien au niveau expressif que
réceptif. Toutes ces explorations, quand elles s’avèrent nécessaires, doivent
être conduites par les spécialistes concernés qui, en fonction de leur examen
clinique et des symptômes présentés par l’enfant, compléteront leur bilan
par des examens spécialisés – PEA (potentiel évoqué auditif), scanner, IRM
(imagerie par résonance magnétique), EEG (électro-encéphalogramme)…
Une fois ces précautions prises, parler avec un enfant peut se faire avec
une liberté suffisante pour explorer ses intérêts, ses activités et ses difficultés
dans la vie quotidienne, afin de susciter ses possibilités d’échange tant sur
le plan informatif qu’affectif. Dans un bon nombre de cas, ces échanges
de paroles semblent donner du plaisir à l’enfant, et cet aspect est déjà un
élément favorable de la future prise en charge. Dans d’autres cas, l’enfant
ne répond pas ou trop difficilement, soit parce qu’il est inhibé ou déprimé,
soit parce qu’il n’a pas saisi l’importance de cette consultation par rapport
aux difficultés qu’il éprouve par ailleurs.
La consultation avec un enfant 69
Il nous faut alors distinguer les enfants qui parlent facilement de ceux qui
ne le font pas et, plus avant, de ceux qui le font avec difficulté. Dans tous les
cas, il sera utile de voir si la même chose se produit lorsque l’enfant est seul
ou au contraire, si cela permet de changer ses capacités langagières. Il n’est
pas anodin qu’un enfant parle facilement dans un contexte et pas dans un
autre, surtout si c’est dans le contexte familial que l’enfant ne peut le faire.
Par contre, si l’enfant exprime les mêmes difficultés quelque soit le milieu
où cela se produit, son trouble est davantage lié à une difficulté faisant par-
tie de son fonctionnement propre. On voit que ces difficultés d’expression
ouvrent deux grandes séries de troubles, ceux qui dépendent du contexte
socio-familial et ceux qui dépendent de ses capacités individuelles.
Bégaiement
Le bégaiement est un trouble de la fluidité verbale sans anomalies des
organes phonateurs. Il est très souvent lié à la présence physique d’un autre,
et doit à ce titre, être considéré comme un trouble de la communication
intersubjective verbale source de difficultés relationnelles qui peuvent être
considérables, aboutissant parfois à de véritables comportements de phobie
sociale. Si l’enfant présente des répétitions brusques, saccadées et explosi-
ves de syllabes au début de mots ou de phrases, il s’agit d’un bégaiement
clonique. Si au contraire l’enfant est interrompu dans son élocution par
un blocage, il s’agit d’un bégaiement tonique. Ces signes sont souvent ac-
compagnés de troubles vasomoteurs, de syncinésies plus ou moins enva-
hissantes. L’enfant peut en revanche parler seul, chanter, lire correctement,
montrant ainsi qu’il peut ne pas bégayer. Il convient alors de différencier
ce bégaiement d’un bégaiement « normal » qui peut se manifester pendant
une courte période entre trois et cinq ans. Dans tous les cas, il conviendra
d’évaluer le retentissement du bégaiement de l’enfant sur son équilibre psy-
choaffectif, dans la mesure où cette difficulté de l’expression souvent spec-
taculaire nuit à la représentation que l’enfant se fait de lui-même.
Trouble de l’articulation
C’est la difficulté ou l’incapacité à prononcer un phonème correctement.
Quand l’enfant prononce le ch comme un s ou le j comme un z, il s’agit
d’un zézaiement ou sigmatisme interdental. Quand la prononciation de ces
consonnes entraîne un écoulement d’air entre dents et joues, il s’agit d’un
schlintement ou sigmatisme latéral.
70 La consultation avec l’enfant
Retard de parole
C’est la prolongation du « parler bébé ». L’enfant garde les simplifications
habituellement accueillies avec le sourire par les adultes qui écoutent un
jeune enfant parler. Il témoigne le plus souvent d’une immaturité affective
de l’enfant au-delà de cinq ans. Il convient alors d’explorer avec les parents
les raisons qui les conduisent plus ou moins consciemment à « maintenir »
leur enfant dans ce statut de bébé, et l’enfant à s’y complaire sinon à s’y
résoudre.
Retard de langage
Il peut être soit simple soit complexe. Lorsque l’enfant parle tardive-
ment, notamment lorsqu’il produit ses premières phrases après trois
ans, a un langage rudimentaire, un vocabulaire pauvre, confond les
mots, acquiert les notions de pronom, de temps, de grammaire simple
avec difficulté, et que ces troubles sont accompagnés ou non de troubles
articulatoires et d’un retard de parole, on peut évoquer un retard simple de
langage. Différents facteurs sont à explorer car, outre les aspects génético-
neurologiques et héréditaires, le milieu socio-familial, exploré par les
sociolinguistes, peut avoir une influence sur ce retard (Bernstein, 1976 ;
Labov, 1994). Mais il sera également utile d’explorer les facteurs du
développement psycho-affectif, à l’instar de ceux qui peuvent produire
un retard de parole.
Dysphasie
Par contre, lorsque l’enfant a très peu de langage oral après six ans, et que
ses difficultés portent à la fois massivement sur le versant expressif, mais
aussi sur le versant réceptif, sans toutefois que nous puissions retrouver
ni déficit intellectuel, ni troubles majeurs de l’audition, ni troubles de
la personnalité (TED et psychoses infantiles), le diagnostic de dysphasie
doit être évoqué. C’est la forme la plus grave des retards de langage,
et sa prise en charge doit être intensive le plus précocement possible.
La grande difficulté de ce diagnostic tient au fait que dans certains cas,
les formes de passage avec un autisme ou une psychose infantile sont
possibles, au point que des auteurs comme Diatkine (Diatkine et Denis,
1985) présentaient la dysphasie comme une forme minimale de patho-
logie autistique.
Dans de telles histoires, il convient d’approfondir la description clinique
de l’enfant à la recherche d’autres signes passés inaperçus dans un premier
temps, notamment dans les antécédents personnels de l’enfant, montrant
La consultation avec un enfant 71
Mutisme
Il résulte de la disparition du langage chez un enfant ayant parlé antérieure
ment, et ceci en l’absence de tout trouble neurologique repéré (aphasie
de Landau-Kleffner). L’enfant peut présenter un mutisme total ou électif,
permanent ou transitoire. Lorsque l’enfant ne parle plus du tout, sou-
vent à la suite d’un traumatisme émotionnellement significatif (deuil,
guerre, violence, conflit familial ou scolaire, abus sexuels…), il s’agit d’un
mutisme total ou émotionnel qui peut être soit passager soit durable, et
s’accompagner ou non de troubles du comportement, d’encoprésie, de
cauchemars très anxiogènes, de passages à l’acte. Dans tous les cas, les
mécanismes défensifs de l’enfant le conduisent au mutisme et il convien-
dra de procéder avec tact dans la proposition psychothérapique afin de ne
pas renforcer le mécanisme phobique à l’œuvre dans l’organisation de sa
personnalité.
Mais le mutisme peut survenir électivement soit dans le cadre familial,
et il y aura lieu de préciser les circonstances de survenue de ce trouble
souvent en rapport avec un comportement inadéquat (qui peut varier
d’un abus sexuel avéré à la résolution difficile de la névrose infantile)
d’un membre de la famille, soit en « extra-familial », et notamment à
l’école, ce qui conduira à l’exploration des conditions de vie scolaire de
cet enfant, et plus précisément à la recherche de phénomènes de persécu-
tion objective (harcèlement, brimade, punition intempestive…) ou sub-
jective (troubles de la personnalité, phobie scolaire débutante, dépression
masquée…).
72 La consultation avec l’enfant
x
1.04 Trouble du développement multiple et complexe (MCDD – MultiCom-
plex Developmental Disorder / Dysharmonie psychotique) [F. 84.8]
1.05 Trouble désintégratif de l’enfance [F. 84.3]
1.08 Autres TED ou psychoses précoces [F. 84.8]
1.09 TED ou psychoses précoces non spécifiées [F. 84.9]
CIM-10 et DSM-IV (AAP, 2000)
F. 84.0 [299.00] Trouble autistique
F. 84.2 [299.80] Syndrome de Rett
F. 84.3 [299.10] Trouble désintégratif de l’enfance
F. 84.5 [299.80] Syndrome d’Asperger
F. 84.9 [299.80] Trouble envahissant du développement non spécifié
Description du trouble autistique par le DSM-IV (AAP, 2000, p. 58-59)
A. Un total de six (ou plus) parmi les éléments décrits en (1), (2) et (3), dont au
moins deux de (1), un de (2) et un de (3) :
(1) altération qualitative des interactions sociales, comme en témoignent au
moins deux des éléments suivants :
(a) altération marquée dans l’utilisation, pour réguler les interactions so-
ciales, de comportements non verbaux multiples, tels que le contact oculaire,
la mimique faciale, les postures corporelles, les gestes ;
(b) incapacité à établir des relations avec les pairs correspondant au niveau
de développement ;
(c) le sujet ne cherche pas spontanément à partager ses plaisirs, ses intérêts
ou ses réussites avec d’autres personnes ;
(d) manque de réciprocité sociale ou émotionnelle ;
(2) altération qualitative de la communication, comme en témoigne au moins
un des éléments suivants :
(a) retard ou absence totale de développement du langage parlé (sans ten-
tative de compensation par d’autres modes de communication, comme le
geste ou la mimique) ;
(b) chez les sujets maîtrisant suffisamment le langage, incapacité marquée
à engager ou à soutenir une conversation avec autrui ;
(c) usage stéréotypé et répétitif du langage, ou langage idiosyncrasique ;
(d) absence d’un jeu de « faire semblant » varié et spontané, ou d’un jeu
d’imitation sociale correspondant au niveau du développement ;
(3) caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts
et des activités, comme en témoigne au moins un des éléments suivants :
(a) préoccupation circonscrite à un ou plusieurs centres d’intérêt stéréo-
typés et restreints, anormale soit dans son intensité, soit dans son orienta-
tion ;
(b) adhésion apparemment inflexible à des habitudes ou à des rituels spé-
cifiques et non fonctionnels ;
x
74 La consultation avec l’enfant
x
(c) maniérismes moteurs stéréotypés et répétitifs ;
(d) préoccupations persistantes pour certaines parties des objets.
B. Retard ou caractère anormal du fonctionnement, débutant avant l’âge de
trois ans, dans au moins un des domaines suivants :
(1) interactions sociales ;
(2) langage nécessaire à la communication sociale ;
(3) jeu symbolique ou d’imagination.
C. La perturbation n’est pas mieux expliquée par le diagnostic de syndrome de
Rett ou de trouble désintégratif de l’enfance.
x dès que l’immutabilité est remise en question. Gabriel peut passer des heures
dans sa chambre à faire tourner des roues de petites voitures. Il mange très peu
et ne mâche sa nourriture que depuis peu de temps. Les nuits sont agitées par
des cauchemars ponctués de cris qui réveillent régulièrement les parents. La sco-
larité a, de fait, posé des problèmes depuis son arrivée en maternelle dans l’école
catholique de son village. Il a commencé l’école à quatre ans parce qu’il n’était
pas propre et que les instituteurs ne voulaient pas le prendre ; ce sont donc
les grands-parents qui ont assuré l’accueil de Gabriel, en raison du travail des
deux parents. Depuis sa scolarisation, il n’a pratiquement pas de contact avec
les autres enfants ; il erre seul dans la cour de récréation, envahi par des manié-
rismes moteurs stéréotypés à type de battements des bras. Les instituteurs ont
essayé en vain de mobiliser les parents pour qu’ils fassent quelque chose, mais
rien n’y a fait. Même le psychologue de la direction diocésaine, invité à donner
son avis, n’a pas pu voir les parents : « Notre fils n’est pas fou… » En attendant,
Gabriel qui tourne autour de la cour de récréation en battant des ailes s’est fait
appeler « Gabriel l’archange » par le directeur de cette école maternelle.
La consultation permettra de faire un peu sortir ces parents de leur isolement
familial et de leurs réactions de déni de la réalité clinique de Gabriel. La survenue
de la crise épileptique a sans doute beaucoup compté pour déclencher chez eux
une demande d’aide pour leur fils. La confirmation du diagnostic d’autisme sera
complétée par un bilan réalisé à l’unité d’évaluation et de diagnostic du Centre
ressources autisme. L’équipe d’évaluation sera très étonnée de recevoir cet
enfant de plus de six ans, passé entre les mailles du dépistage précoce désormais
prôné par les pédopsychiatres et les différentes instances de santé publique.
ont tardé, puis ce sont les enseignants de maternelle qui ont menacé les
parents de ne pas garder leur enfant…). L’urgence de la prise en charge
est criante, même pour les parents dès qu’ils peuvent trouver la force de
reconnaître que leur enfant ne présente pas seulement un trouble du lan-
gage. Le trouble du langage est immédiatement révélateur d’une pathologie
complexe qui engage l’ensemble de la personnalité de l’enfant, et plusieurs
investigations complémentaires vont alors être nécessaires pour préciser le
diagnostic et asseoir rapidement la prise en charge nécessaire.
1 Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ; réseau existant encore dans l’Édu-
cation nationale, constitué de psychologues scolaires, de psychomotriciens et de psycho-
pédagogues. Mais ces structures pourtant très importantes pour la prévention et les soins
primaires à l’école sont actuellement menacées de disparition.
La consultation avec un enfant 77
Classification
Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent
(Misès et Quémada, 2002)
Hyperkinésie, instabilités psychomotrices (6.08)
Cet ensemble est caractérisé par :
• sur le versant psychique : des difficultés à fixer l’attention, un manque de
constance dans les activités, et un certain degré d’impulsivité ;
• sur le plan moteur : une hyperactivité ou une agitation motrice incessante.
Ces troubles, en décalage net par rapport à l’âge et au niveau de développe-
ment mental de l’enfant, sont plus importants dans les situations nécessitant
de l’application, en classe par exemple. Ils peuvent disparaître transitoirement
dans certaines situations, par exemple en relation duelle ou dans une situation
nouvelle. Inclure : les troubles de l’attention sans hyperactivité motrice propre-
ment dite. Exclure : l’activité excessive adaptée à l’âge (chez les petits enfants
notamment) ; l’instabilité psychomotrice liée à un déficit mental ou à des trou-
bles de la personnalité ; les manifestations à type d’excitation maniaque.
x
78 La consultation avec l’enfant
x
CIM-10 (OMS, 1993)
Troubles hyperkinétiques : ensemble de troubles caractérisés par : un début
précoce ; l’association d’une activité excessive et désorganisée, d’une inatten-
tion marquée et d’un manque de persévérance dans les tâches ; la présence de
ces caractéristiques comportementales dans de nombreuses situations et leur
caractère persistant (F. 90).
Quatre sous-groupes :
• F. 90.0 : perturbation de l’activité et de l’attention « quand l’ensemble des
critères du trouble hyperkinétique (F. 90) sont réunis alors que ceux de F. 91
(troubles des conduites) ne le sont pas » ;
• F. 90.1 : troubles hyperkinétiques et troubles des conduites « quand l’ensem-
ble des critères du trouble hyperkinétique (F. 90) et l’ensemble des critères d’un
trouble des conduites (F. 91) sont simultanément présents » ;
• F. 90.8 : autres troubles hyperkinétiques ;
• F. 90.9 : troubles hyperkinétiques sans précisions.
x
La consultation avec un enfant 79
x
Hyperactivité
(a) remue souvent les mains ou les pieds, ou se tortille sur son siège ;
(b) se lève souvent en classe ou dans d’autres situations où il est supposé
rester assis ;
(c) souvent, court ou grimpe partout, dans des situations où cela est inap-
proprié ;
(d) a souvent du mal à se tenir tranquille dans les jeux ou les activités de
loisir ;
(e) est souvent « sur la brèche » ou agit souvent comme s’il était « monté
sur ressorts » ;
(f) parle souvent trop ;
Impulsivité
(a) laisse souvent échapper la réponse à une question qui n’est pas encore
entièrement posée ;
(b) a souvent du mal à attendre son tour ;
(c) interrompt souvent les autres ou impose sa présence.
B. Certains des symptômes d’hyperactivité-impulsivité ou d’inattention ayant
provoqué une gêne fonctionnelle étaient présents avant l’âge de sept ans.
C. Présence d’un certain degré de gêne fonctionnelle liée aux symptômes dans
deux, ou plus de deux types d’environnement différents.
D. On doit mettre clairement en évidence une altération cliniquement significa-
tive du fonctionnement social, scolaire ou professionnel.
E. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours d’un trouble enva-
hissant du développement, d’une schizophrénie ou d’un autre trouble psycho-
tique, et ils ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental (trouble
thymique, anxieux, dissociatif ou de la personnalité).
L’exemple clinique qui suit montre que les symptômes d’instabilité peu-
vent « cacher » des problématiques que la consultation doit s’attacher à
découvrir pour aider l’enfant et ses parents à sortir d’une impasse, souvent
constituée à leur insu.
x comment il fait pour « défléchir » vers l’extérieur de lui (appareil psychique et corps)
cette énergie submergeante dont il ne sait que faire. Jordi, sans doute touché par
l’accueil compréhensif de sa souffrance, accepte de revenir la voir une autre fois.
La seconde consultation se déroule avec Jordi et sa maman. La maman va parler
pendant pratiquement l’heure entière de son chagrin au sujet de son fils Jordi ;
elle pleure à plusieurs reprises, et à ces moments-là Jordi s’arrête instantanément
de s’agiter pour la regarder pleurer. La psychologue ne comprend pas très bien
ce qui se passe, et fait part à cette maman de ses interrogations sur les raisons
de son chagrin : aurait-elle mal entendu quelque événement morbide au sujet
de Jordi ? N’en a-t-elle pas parlé lors de la première consultation ? Elle la regarde,
étonnée, et lui dit en désignant du doigt son fils : « Je ne vous ai pas dit que
Jordi porte le prénom de “mon garçon” que j’ai perdu deux ans avant sa nais-
sance ? » La psychologue réalise alors que l’embarras qui l’avait envahie devant
le trouble de Jordi n’était qu’un aspect contre-transférentiel de ce que « Jordi
2 » devait vivre chaque jour pour faire vivre en lui le « Jordi 1 » dont sa maman
n’avait manifestement pas commencé ou au moins accompli le travail de deuil.
Un travail approfondi avec Jordi et ses parents a permis qu’il quitte son « rôle »
d’enfant de remplacement pour regagner sa place singulière dans une histoire
familiale dont il avait été exclu après la perte insupportable d’un frère aîné.
est décrite comme une peur sans objet), inquiet, soucieux, et qui présente des
manifestations somatiques fonctionnelles (à type de céphalées, de troubles di-
gestifs…), une insomnie d’endormissement, des cauchemars ou des terreurs noc-
turnes, des attaques de panique est organisé sur le mode névrotique anxieux.
Un autre enfant antérieurement angoissé en permanence s’est progres-
sivement stabilisé sur le mode phobique, la névrose phobique, en ne pré-
sentant plus ses symptômes anxieux que dans certaines circonstances pré-
cises, en présence d’objets phobogènes. Pour aménager son existence, il
met au point des comportements contre-phobiques, refusant d’aller dans
tel endroit sans être accompagné de tel objet ou de telle personne, et même
parfois ritualisant quelque peu ses rapports avec la situation angoissante
désignée. Allant plus loin dans cette direction, ses comportements subissent
une véritable ritualisation obsessionnelle de sa vie, en le soumettant à des
comptages (arithmomanie), à des actes conjuratoires (pensée magique) et
autres troubles obsessionnels du comportement (névrose obsessionnelle).
Enfin, des manifestations soit paroxystiques soit chroniques peuvent sur-
venir chez un enfant présentant des troubles conversifs majeurs (névrose
hystérique). Ces troubles qui peuvent débuter dès la période oedipienne
et durer pendant la « latence » ne doivent pas faire oublier la nécessaire
investigation par les collègues somaticiens de troubles somatoformes res-
semblants et parfois révélateurs de pathologies organiques.
Carence affective
L’enfant boude quelques instants au début de la consultation puis, trop
vite, vient demander de s’asseoir sur les genoux du consultant, ou de bé-
néficier d’un câlin sous le regard gêné de ses parents qui ont commencé à
raconter que vraiment tout se passe bien à la maison et qu’ils ne compren-
nent pas pourquoi l’instituteur leur a demandé de venir voir un pédopsy-
chiatre ou un psychologue. D’ailleurs quand ils étaient eux-mêmes enfants,
ils ont, quelquefois les deux parents, été accueillis à la DASS parce que leurs
parents avaient eu divers problèmes de précarité ou de violence conjugale.
Eux se sont promis de ne pas donner à leurs enfants la même éducation que
celle qu’ils avaient reçue de leurs parents. Et très rapidement, d’une absence
de compréhension du motif de la consultation, les parents en arrivent à
« déverser » l’immensité de leur souffrance et à manifester leurs difficultés
plus ou moins reconnues dans l’éducation de leurs propres enfants. Quel-
quefois au contraire, les parents semblent absents et ne peuvent s’inscrire
dans cette relation qui leur demande beaucoup. Que ce soient les problèmes
divers qui s’accumulent sur leurs épaules, les difficultés éducatives avec leurs
enfants, éventuellement même un ou des enfants déjà placés, et ces parents
correspondent à ce que Gilbert Diatkine (1979) a décrit comme « famille
sans qualité », autre dénomination pour « famille à problèmes multiples ».
82 La consultation avec l’enfant
Les parents vont osciller entre une grande envie de faire ce que nous leur
proposons et une impossibilité à s’y conformer, avec une difficulté à en com-
prendre les ressorts intimes. Il apparaît alors fréquemment que l’un des pa-
rents présente une pathologie limite, l’autre étant engagé avec lui ou elle
dans une relation de cumul des problématiques psycho-affectives. Que ce
soit l’alcool, la dépression chronique, les violences de tous ordres, le quoti-
dien de l’enfant est imprégné de ces éléments d’inorganisation progressive de
son développement qui aboutira à l’une des formes d’attachement décrites
par les théoriciens de l’attachement sous le nom d’attachement « insécure ».
Mais souvent, paradoxalement, l’enfant est très vite loquace, parle de cho-
ses intimes avant que la confiance ait pu être suffisamment établie dans la
consultation, montrant à l’envi que la régulation affective des relations est
problématique pour lui. La carence affective dont il est le témoin et le résultat
peut être de différentes sortes, soit quantitative, soit qualitative, soit mixte.
Ce qui va être important à effectuer dans la consultation est la possibilité
d’ouvrir à cet enfant un espace dans lequel il puisse en même temps profiter
de la présence de ses parents dans ce qu’ils peuvent lui apporter, tout en ne
méconnaissant pas les risques de leur demander trop pour ce qu’ils peuvent
donner. Les éléments de la clinique sont habituellement présentés comme
proches, voire similaires, de la dépression de l’enfant. La grande question
va être de départager ce qui peut être réactionnel du fait de l’apparition ré-
cente d’événements qui compliquent le développement de l’enfant, d’autres
éléments qui la constituent et se révèlent in fine pathogènes pour son déve-
loppement s’ils ne sont pas suppléés par des ressources en fonction parentale
« suffisamment bonnes » (Winnicott, 1965), y compris si elles doivent être
assurées par un placement familial, une famille d’accueil à temps plus ou
moins partiel, et dans certains cas, par un établissement d’accueil spécifique
pour ces problématiques (foyers de l’enfance, structures médico-sociales…).
Les indications d’orientations dépendront pour une grande part des
résultats de ces consultations chargées d’évaluer, si possible avec l’accord
des parents qui peuvent quelquefois convenir de leurs difficultés à assu-
mer leurs fonctions parentales, la psychopathologie de l’enfant. En effet,
si l’aspect réactionnel est prévalent, la stratégie visera à aider ces parents
à retrouver leurs fonctions parentales mises en difficulté en raison d’une
cause sur laquelle une amélioration peut être obtenue. Par contre, s’il s’agit
d’un scénario plus structuré, ayant infiltré la relation depuis longtemps déjà,
les solutions seront plutôt à trouver dans un aménagement des rencontres
parent(s)-enfant, quitte à prévoir des visites médiatisées dans les cas les plus
préoccupants (Berger et Bonneville, 2008).
Dépression de l’enfant
Chez l’enfant, cette forme de pathologie se présente souvent sous la for-
me d’un état dépressif survenant après un événement déclenchant que les
La consultation avec un enfant 83
Déficience
Le retard mental est une cause fréquente de consultations en pédopsychia-
trie dans les cas présentant une pathologie associée. Dans de tels cas, l’en-
fant présente une difficulté structurale de langage dans la mesure où, nous
l’avons vu, le développement neurologique est la condition du langage à
venir. Nous observerons des variations entre les enfants en fonction du
niveau de déficience, mais aussi avec des compétences qui peuvent être
corrélées à d’autres facteurs, tels que l’investissement de l’enfant par ses
parents dans une interaction mobilisatrice. Souvent, l’enfant a d’abord été
vu par un pédiatre ou un neuropédiatre, et il est habituel que les parents
arrivent à cette consultation avec le diagnostic de la pathologie causale.
Dans de tels cas, l’observation clinique de l’enfant montre au niveau de son
comportement spontané une gestualité, une tonicité et des mouvements
souvent anormaux. L’examen neurologique effectué a mis en évidence une
anomalie du périmètre crânien, du tonus, un déficit moteur, une atteinte
sensorielle, une comitialité, des malformations particulièrement évocatrices
de la face, de la peau, des extrémités, ou autres. Les examens complémen-
taires demandés par le neuropédiatre (biologiques, génétiques, imagerie,
EEG…) ont contribué à mettre en évidence l’étiologie. Mais devant les trou-
bles relationnels présentés par l’enfant dans sa famille et dans l’établisse-
ment qui l’accueille en raison de sa pathologie, il convient de recueillir
les éléments de son histoire familiale et personnelle qui nous aideront à
améliorer son comportement et son bien-être. Cette anamnèse approfondie
sera complétée par des bilans complémentaires effectués par des collabora-
teurs en fonction du domaine à explorer : psychomotricité, langage, niveau
intellectuel. Il sera également très important de demander aux personnels
de l’établissement accueillant l’enfant de préciser les conditions de vie quo-
tidienne de l’enfant avec eux. Tous ces éléments contribueront à proposer
une prise en charge élaborée susceptible de répondre aux difficultés rencon-
trées par l’enfant dans son insertion institutionnelle.
Mais il peut se faire que l’enfant ne présente aucune anomalie retrouvée
par le pédiatre, et soit néanmoins en grande difficulté dans son apprentis-
sage de la vie, notamment scolaire, voire dans le médico-social. Dans de tels
cas, il sera important de procéder à une évaluation des capacités intellectuel-
les de cet enfant pour mettre en évidence non seulement ses difficultés, mais
aussi ses potentialités, et plus précisément celles qui sont en émergence. Car
c’est à partir d’elles que le travail de restauration pourra s’engager. Toutefois,
au-delà de ces évaluations nécessaires, il est également très important de
tenter de trouver avec les parents et l’enfant lui-même lorsque c’est possi-
ble, le chemin qui l’a conduit à ne pas comprendre le monde dans lequel il
vit. En effet, il peut s’agir dans un certain nombre de cas d’enfants présen-
tant une déficience relative, de symptômes névrotiques quelquefois massifs
La consultation avec un enfant 85
l’enfant n’occupe pas encore une place bien définie au sein de la nosogra-
phie pédopsychiatrique actuelle. La clinique montre que les schizophrénies
à début très précoce, c’est-à-dire avant l’âge de douze ans, ont à voir avec les
troubles envahissants du développement dont certains symptômes sont re-
trouvés rétrospectivement, mais aussi avec les schizophrénies de l’adulte vers
lesquelles elles se montrent en continuité. » (Goeb et Delion, 2009).
La consultation va donc devoir insister sur l’étiologie multifactorielle, la
prise en compte des diagnostics différentiels à la fois psychiatriques et
médicaux, ainsi que sur l’importance d’un repérage précoce de la souffrance
de l’enfant et de sa famille. La littérature et la pratique quotidienne mon-
trent que les hallucinations et les idées délirantes sont observées dans des
populations cliniques très diverses (somatiques, neurologiques ou psychia-
triques) et dans des populations non cliniques (Larøi et al., 2006). Ainsi,
des enfants non psychotiques peuvent manifester des hallucinations dès
l’âge de 5 ans (Schreier, 1998 ; Edelsohn, 2006). Dans les populations non
cliniques, les études qui ont examiné la prévalence des hallucinations et des
idées délirantes chez des enfants et adolescents dans la population générale
en montrent une prévalence variant entre 6 et 33 %, selon les critères rete-
nus, notamment de durée et de complexité (Dhossche et al., 2002 ; McGee
et al., 2000 ; Yoshizumi et al., 2004 ; Altman et al., 1997). De nombreux
symptômes psychopathologiques sont généralement associés aux expérien-
ces hallucinatoires et délirantes dans ces populations : processus dissociatifs,
syndromes dépressifs, abus de toxiques, états de stress post-traumatique,
phobies sociales et troubles anxieux. Ces différents symptômes sont plus
nombreux en cas d’hallucinations multimodales, en particulier d’hallucina-
tions auditives associées à des hallucinations visuelles, et parmi les halluci-
nations visuelles, pour celles avec un contenu concret – en opposition aux
hallucinations visuelles plus abstraites ou sans contenu concret.
La présence d’hallucinations et d’idées délirantes chez les enfants et
adolescents augmente le risque de troubles psychopathologiques (schi-
zophrénies bien sûr, troubles bipolaires, mais également des troubles non
psychotiques) au cours de l’enfance et de l’adolescence, mais également à
l’âge adulte. Cependant, il est important de souligner que beaucoup de ces
hallucinations et idées délirantes sont de nature transitoire et peuvent ainsi
disparaître en peu de temps. Car l’expérience montre que nombre d’enfants
et d’adolescents présentant des hallucinations ou des idées délirantes ne dé-
velopperont pas de psychopathologie majeure au cours de leur vie. Il faudra
néanmoins s’enquérir du contexte dans lequel surgissent les hallucinations,
car il est fondamental : retard psychomoteur et de langage, difficultés socia-
les, émotionnelles ou comportementales. De même, en cas d’événements
de vie traumatiques : les abus sexuels ou physiques, les deuils et les sépara-
tions représentent des facteurs déclenchants importants chez des enfants et
88 La consultation avec l’enfant
adolescents par ailleurs en bonne santé (Murase et al., 2000 et 2002 ; Kauf-
man et al., 1997 ; Semper et McClellan, 2003 ; Escher et al., 2004). Dans la
grande majorité de ces cas, ces hallucinations et idées délirantes ne sont que
transitoires et ne nécessitent aucune médication : l’intervention n’implique
souvent que des consultations thérapeutiques pour l’enfant et sa famille.
Dans les populations cliniques, les hallucinations et les idées délirantes peu-
vent se manifester chez les enfants et les adolescents présentant des troubles
non psychiatriques, médicaux : troubles métaboliques (hypoglycémies),
mais surtout neurologiques (migraines, épilepsies temporales, frontales…).
Parmi les troubles psychiatriques, les hallucinations et les idées délirantes
ne signent pas la schizophrénie infantile, car elles peuvent aussi se mani-
fester au cours de troubles d’humeur (dépressions graves, mélancolies, accès
maniaques, troubles anxieux), et de certains troubles des conduites.
La question du délire chez l’enfant est complexe et déborde les seules
pathologies schizophréniques à début précoce, du fait des nombreux états
frontières avec les psychoses, comme les troubles réactionnels, les patholo-
gies de la personnalité, les états dépressifs ou déficitaires, et les états pré- ou
para-psychotiques, les dysharmonies évolutives, et les troubles envahis-
sants du développement non spécifiques (Bizouard, 1999). Lebovici évoque
des « comportements délirants » (Lebovici, 1989) dont il souligne la valeur
défensive momentanée et Michel Botbol parle de « nécessité développe-
mentale transitoire » (Botbol et al., 2001).
D’un point de vue sémiologique, alors que le délire chez l’adulte est carac-
térisé par sa durée, sa permanence, la conviction inébranlable et incroyable
(bizarrerie des thèmes), la pathologie imaginaire chez l’enfant malade est
différente. L’enfant semble vivre dans un rêve continu, autour duquel la
réalité semble s’effacer, mais la conviction n’est pas toujours absolue et les
thèmes sont très fluctuants, généralement inspirés de l’environnement sco-
laire ou télévisuel (jeux vidéo).
Indépendamment des cas où les thèmes délirants sont partagés ou induits
(délire en héritage), l’entourage est essentiel pour que l’enfant distingue
rêve et réalité.
Attribuer aux productions imaginatives de l’enfant un caractère patholo-
gique est très difficile avant « l’âge de raison » (autour de six ou sept ans), et
il convient de les situer dans le contexte du développement de l’enfant et
de son histoire, d’être sensible au degré d’envahissement de la vie de l’en-
fant par ses productions ludiques, leur persistance ou seulement leur non-
modification en présence de l’adulte, la disparition des repères d’espace et
de temps, l’indistinction des limites corporelles et psychiques, le retentis-
sement scolaire et familial, les répercussions sur le sommeil et l’alimen-
tation. Il importe également de rechercher les angoisses, les moments de
panique éprouvés par le sujet comme des anéantissements de sa personne.
La consultation avec un enfant 89
Pour P.-C. Racamier (1989), cette angoisse intense, précipitant le sujet dans
la psychose, émane d’un conflit intrapsychique ancien, réactualisé, dont
le délire est une solution qui permet de préserver la capacité de penser. Et
nous savons que les troubles du cours de la pensée sont fréquents dans les
cas les plus pathologiques. Une histoire clinique nous montrera les signes
qui peuvent se manifester en consultation.
x « tous les ancêtres sont en lumière, dans le ciel ». Il existe également des éléments
phobiques inhabituels, comme la peur des bruits secs, et des matières « secs ».
Une proposition de traitement, dont les effets sur les hallucinations avaient donné
de bons résultats antérieurement, fut immédiatement refusée par Didier : « C’est
hors de question ! Il y a des voix qui me protègent ! Des réincarnations de vieux
savants. Ils me protègent et me donnent la réponse des exercices de maths. »
Au cours de cette consultation, la mère fut difficile à convaincre de la réalité des
hallucinations de son fils. Il faudra que l’enfant quitte la pièce et y revienne en
disant « … sinon, je vais désobéir aux ordres de Dieu » pour qu’elle comprenne
l’importance des contraintes psychiques subies par Didier. De manière intéres-
sante, on note que dès la maternelle, il présentait des troubles spatio-temporels
et une dyslexie au CP. Didier s’isolait beaucoup et se faisait attaquer par les autres
enfants. Didier était toujours dans la lune en classe. Le pédopsychiatre évoque
le diagnostic de schizophrénie infantile à la fin de la première consultation, mais
demande à la psychologue de recevoir Didier pour recueillir son avis.
x Planche 8 BM
« Là, je vois un ange… on dirait qu’il va faire quelque chose à l’homme – je ne
sais pas ce qu’il va faire – avec un autre homme devant – qu’on va dire qu’ils
vont couper en rondelles. »
Planche 10
« Je vois un homme et une femme ils sont dans la position où ils vont faire un
bisou sur la bouche. »
Planche 11
« Je ne comprends rien du tout. »
Planche 12BG
« Là je vois une barque on va dire une barque un peu rectangulaire dans un
jardin avec plein d’arbres. »
Planche 13B
« Je vois une maison, une grande porte de maison avec un enfant, il est blond
avec un jean et un tee-shirt. »
Planche 16
Didier rigole beaucoup.
« C’est plus que facile – je vois comme un bateau qui est sous en tempête, que
la mer est en tempête. »
Planche 19
« Je vois… il était une fois un joli petit garçon qui courait dans les bois, et que
le loup ne pouvait jamais manger tellement il était costaud, c’était un champion
de karaté, de boxe… il travaillait dans les Jeux olympiques, grand sportif, imbat-
table car mange beaucoup… »
Didier a aimé la planche 19 car « les autres », il ne les trouve pas très belles, « en
tout cas je ne les aime pas ».
Didier se débarrasse rapidement des planches qu’il ne regarde que très furti-
vement. Son regard plafonne souvent et il veut à tout prix toucher à la pâte à
modeler. Didier n’en fait qu’à sa tête. Il franchit l’interdit dès qu’il le peut, ce qui
a le don d’énerver sa maman.
Pendant la passation du test avec la psychologue, Didier se présente comme un
enfant charmant avec un langage précieux. Mais son discours occupe très vite
tout l’espace et ses précautions oratoires deviennent rapidement difficilement
supportables. Il en met plein les yeux et se présente ainsi comme un être à part,
comme un petit génie. On ne peut être qu’émerveillé par son discours avant de
découvrir qu’il est emprunté, imposant, très intellectualisé. Très vite, si on prend
le temps de l’écouter, on entend des mots jaculatoires, des confusions, des pas-
sages du coq à l’âne, manifestant ses troubles du langage de type schizophré-
nique. De plus, pendant la passation, Didier n’arrête pas de bouger, de parler et
il est difficile de lui demander quoi que ce soit qui ne va pas dans le sens de ce
x
qu’il fait.
92 La consultation avec l’enfant
Jouer
par les jeux avec la parole. Quand le petit fils de Freud proclame son fameux
« ooo » (que Freud interprète fort, « loin ») en jetant la bobine et « aaa » (da,
« ici ») en la tirant avec la ficelle pour la rendre présente à son regard, il ne joue
pas seulement avec la figurine censée représenter sa mère in absentia, il joue
également avec les mots qui en qualifient la présence et l’absence. Nous voyons
dès lors que le jeu permet non seulement de se dégager de la frustration des
contraintes de la réalité en inventant une transposition imaginaire qui va de la
reconnaissance déprimante de cette réalité à la maîtrise jubilatoire de la situa-
tion, mais aussi son articulation avec le langage. C’est peu dire que sont conte-
nues dans ce jeu les conditions de la représentation sous ses différentes formes
qui vont des plus élémentaires (psychomotrices) aux symboles langagiers (mots
différents pour qualifier le même objet dans deux positions différentes).
Le jeu en consultation
Jouer avec un enfant reçu en consultation est donc un élément absolument
essentiel pour mieux le connaître sur ces différents plans. Le pédopsychia-
tre ou le psychologue doit donc pouvoir se mettre à la portée de l’enfant
pour entreprendre avec lui cette activité spécifique. Il arrive souvent que les
parents soient étonnés que nous puissions nous asseoir par terre pour jouer
à construire un château fort, voire nous allonger sur le sol pour récupérer
une petite balle qui est envoyée par l’enfant sous le divan ! Mais l’enfant lui
ne s’y trompe pas, et c’est quelquefois la seule solution pour franchir une
inhibition ou un désintérêt qu’il manifestait jusqu’alors. Dans certains cas,
l’enfant reste sans vie, cloué sur son siège par une dépression grave ; son
incapacité à nous rejoindre dans un jeu devient alors un signe de sa clinique
et de sa psychopathologie. Dans d’autres cas, l’enfant peut explorer tous les
jeux que nous avons à notre disposition dans le bureau de consultation, mû
par une curiosité insatiable et une impossibilité à se fixer sur l’un d’entre
eux, ce qui signifie un autre type de problématique, évocateur de patholo-
gies différentes de la précédente. Dans ce dernier exemple, il sera intéres-
sant de voir au moment de conclure la consultation comment l’enfant et
les parents se préoccupent ou pas du rangement des nombreux jeux ouverts
et répandus sur le sol. Nous pouvons souvent constater à ce moment où en
est la capacité effective de la puissance limitante parentale.
Dessiner
Dans la consultation avec un enfant, il est très rare de ne pas avoir recours
au dessin. Il ne s’agit pas pour lui de nous montrer à quel point il est doué
en dessin, et encore moins de lui faire passer un concours pour entrer aux
Beaux-Arts (Constant et al., 1983, p. 131), ni d’en déduire comme la pythie
de Delphes le sens caché des symptômes qui jusqu’alors, étaient restés énig-
matiques. Le dessin est une activité habituelle qui permet à l’enfant entre
trois à quatre ans et jusqu’à la puberté (exclue) d’exprimer ainsi ce qu’ils
ont à dire de leur rapport au monde et à leur entourage, sans se perdre dans
des explications langagières qu’ils maîtrisent moins facilement pour nombre
d’entre eux. C’est ce que Luquet (1927) avait proposé d’appeler la « narration
graphique ». Mais si le dessin demande à l’enfant d’avoir à sa disposition une
bonne maîtrise du système moteur (y compris des praxies fines), il est inté-
ressant de constater que cela lui permet d’exprimer ses états affectifs et ses
capacités représentatives. Dessiner sans paroles devant un pédopsychiatre
ou un psychologue permet de leur montrer ou quelquefois même de révéler
des éléments de son monde interne que la parole ne pourrait autoriser aussi
facilement. Pour ce faire, il convient de proposer à l’enfant un matériel de
base qui l’attire suffisamment, mais sans le presser de nous dire au fur et à
mesure tout ce que le dessin évoque pour lui. Dans certains cas, l’envie trop
évidente ainsi manifestée par le consultant aura un effet dissuasif sur l’en-
fant et pourra le pousser à se retrancher soit derrière un dessin dont la bana-
lité sera manifeste, soit à l’interrompre dans ses processus internes de pensée
et à manquer une occasion de rentrer en contact avec lui par ce média.
La consultation avec un enfant 97
Pourquoi dessiner ?
Dessiner pour représenter
Comme nous l’avions décrit pour ses gestes imitant le comportement d’un
autre, le dessin donne à l’enfant une possibilité de représentation de ce qu’il
voit autour de lui puis également sur et en lui. Au fil de son évolution, d’abord
intéressé par les surfaces où projeter l’expression de sa proto-pensée, l’enfant
va dessiner des gribouillis informes, puis des petits fagots, des formes tournan-
tes ; puis, conquérant la troisième dimension, il va commencer à pointiller,
puis dessiner successivement les différentes formes de bonshommes ; lorsque
son image du corps sera stabilisée et que les dessins qu’il en produira seront
reproductibles formellement et progressivement modifiables, il modifiera
alors le corps qu’il habite (Jeangirard et De Graaf, 1998) en « corps-maison »
habitant le monde, faisant d’habiles transformations de sa tête en soleil, de
la robe de fille en toit de maison, et des yeux en multiples fleurs et papillons
peuplant le jardin idéal de son enfance. Divers éléments notables viennent
indiquer des mécanismes psychiques à l’œuvre dans son développement, tels
que la transparence des murs de la maison souvent aperçue grâce au dessin
de la lumière (une ampoule-soleil) de la salle à manger visible de l’extérieur, à
l’aune de l’incertitude de l’herméticité de sa tête et de ses pensées, ou la mul-
tiplicité des oiseaux-becs (à la Hitchcock) dans le ciel bleu venant indiquer
des imagos parentaux plus ou moins menaçants, racines de futures instances
surmoïques plus ou moins cruelles. Il conviendra bien entendu de ne faire de
commentaires sur ces invariants que si les « dires » de l’enfant le permettent
sans faire intrusion dans cet espace transférentiel en construction.
Luquet (1927) décrit cette progression en isolant successivement quatre
stades : réalisme fortuit à trois ans, réalisme manqué entre trois et quatre
ans, réalisme intellectuel entre quatre et douze ans et réalisme visuel après
douze ans. Mais si cet auteur a été un des premiers à s’intéresser à ce sujet,
de nombreux psychologues après lui ont apporté leur contribution à ce
moyen d’expression privilégié de l’enfant. En matière d’évaluation, le des-
sin est souvent utilisé comme matériel propice ; il fait partie des items pro-
posés dans la plupart des évaluations psychologiques (figure de Rey, dame
de Fay, bonhomme, Bender, Machover, Abraham…). Plus récemment, et
dans une perspective également psychothérapique, Virginie Martin-Lavaud
98 La consultation avec l’enfant
lequel l’enfant s’imagine d’autres parents que les siens. Nous pouvons voir
dans ce mécanisme un effet du refoulement des fantasmes oedipiens.
Mais pour faire face à ces modifications profondes de la constitution du
Moi, l’enfant va produire des mécanismes de défense et des symptômes
névrotiques transitoires déjà évoqués antérieurement. Les mécanismes de
défense de la période de latence, étudiés plus particulièrement par Anna
Freud (1936), sont l’identification à l’agresseur, la dénégation par la rêverie,
la restriction du Moi, la soumission altruiste et l’externalisation du conflit.
Tous ces mécanismes peuvent détourner l’énergie psychique de la subli-
mation, et entraîner l’enfant vers les difficultés scolaires, soit sous la forme
d’une inhibition, soit sous celle d’une phobie scolaire.
Phobie scolaire
Si le terme de phobie paraît bien choisi pour décrire cette pathologie de
l’enfant en forte progression ces dernières années, c’est par la constatation
d’une différence considérable entre la clinique des jours avec école et des
jours de congés scolaires. En effet, l’état clinique de l’enfant pendant les
La consultation avec un enfant 103
x même il vomissait sur le chemin de l’école. Quand la mère, qui assure habituel-
lement les transports scolaires, le laissait à l’école, il lui semblait si pâle qu’elle
rentrait chez elle en se demandant ce qui se passait. Et quelques semaines plus
tard, il a franchi une étape de plus, en demandant plusieurs jours de suite à
son instituteur de sortir pour aller aux toilettes ; et il partait se cacher dans les
buissons de la cour de l’école, sans revenir quelquefois avant la fin de la classe.
C’est là que les autres élèves ont commencé à dire des choses sur Émile, le
« traitant3 » (de qualificatifs plutôt désobligeants comme « lopette », « fayot »,
« branleur »), et lui donnant en quelque sorte des raisons de « ne pas aimer sa
classe ». Aux vacances de novembre, il a dit à ses parents qu’il ne « pouvait »
plus aller à l’école (et non pas qu’il ne voulait pas y aller), que « les autres lui en
voulaient », que « l’instituteur était méchant, et était de leur côté ». La rentrée
de ces vacances a été dramatique, et Émile n’y va plus depuis, sauf quelquefois
une demi-journée. La seule copine qu’il voit encore un peu est la fille d’amis de
ses parents qui accepte de lui faire passer les leçons et les devoirs. Émile continue
à travailler avec sa mère, et le directeur de l’école a demandé aux parents d’ob-
tenir un certificat médical pour officialiser les absences de leur fils.
La consultation est l’occasion de parler de tous ces éléments cliniques qu’ils
n’avaient jusqu’alors abordés avec personne d’autre. Le médecin généraliste
est-il au courant ? « Non, on ne lui fait pas tellement confiance ! » Avez-vous
parlé avec les grands-parents d’Émile ? « Non, on est fâchés avec eux des deux
côtés. » Et les amis dont la fille transmet les leçons et devoirs ? « Ça ne va pas
durer, elle en a marre ! »… Il apparaît rapidement que la famille est dans une
position sociale particulière, sans relations avec quiconque, sauf quelques rares
exceptions. La mère est centrée entièrement sur Émile et le père va à son travail
de préposé à la voirie et en revient sans jamais déroger de ses horaires très ré-
glés. Quand le consultant demande s’il y a eu un événement cet été qui pourrait
expliquer les changements notables survenus dans le comportement d’Émile. La
mère d’Émile répond d’abord évasivement : « Non, rien de bien grave. Ah ! si !
puisque vous le dites : j’ai été opérée d’une tumeur du sein au centre antican-
céreux et depuis je suis une chimiothérapie qui m’a mise sur le flanc. » Puis plus
vivement : « Mais vous savez, dans la famille, ma mère, ma grand-mère, elles en
ont eu un aussi et elles vont très bien. »
Le pédopsychiatre reçoit ensuite Émile seul et constate qu’il est en grande diffi-
culté dans son expression, son idéation est lente, son imagination pauvre et son
humeur très triste. Il va s’appesantir longuement sur le harcèlement dont il est
victime à l’école, aussi bien des élèves de sa classe que de son maître. Quand
le pédopsychiatre essaye de le faire parler sur ces ressentis, il finit par dire du
bout des lèvres que s’ils sont comme ça avec lui, c’est parce qu’ils sont jaloux de
lui, de sa mémoire, de ses rédactions qui sont toujours parfaites… Une ombre
de grandeur envahit quelque peu le bureau de consultation. Puis lorsqu’il peut
aborder ses craintes concernant le cancer de sa mère, il éclate en sanglots, et dit
que le plus dur « c’est quand il l’a vue sans aucun cheveu sur la tête (pendant x
L’enfant et la télévision
Dès qu’on parle de la télévision, la nuance est rarement de mise. Ceux qui
y voient l’une des sources principales d’une grande partie des maux actuels
font sans doute preuve d’exagération et de diabolisation. Bien sûr, certaines
émissions – y compris parmi les émissions enfantines – sont intéressantes et
réussies, mais, reconnaissons-le, par rapport à l’ensemble de la production,
elles font figure d’exceptions. Aux spectateurs, quel que soit leur âge, la
télévision impose une position de passivité telle qu’ils acceptent souvent
sans réagir les interruptions incessantes de leur programme, et se voient
imposer des tunnels de publicités. Cette passivité est inquiétante essentielle
ment pour les enfants, souvent abandonnés devant la télévision. Et la
question que l’on peut se poser devant les symptômes présentés par certains
d’entre eux – insomnie, cauchemars, excitabilité, troubles de l’attention –
est celle de son influence sur leur développement et leur comportement.
Quand, au moment du coucher, papa ou maman prend quelques ins-
tants pour lui raconter une histoire, le jeune enfant « rentre en lui-même »
et, grâce à son imagination, va faire prendre corps aux différents héros du
récit. Il se met ainsi à inventer un nouveau monde, qui vient nourrir et
enrichir son monde interne de nouvelles représentations. Les personnages
qui s’y déploient, aussi bien les gentils que les méchants, seront les siens,
ses propres représentations psychiques. Durant cette lecture, l’enfant fait
retour sur lui, son regard se tourne vers l’intérieur de lui-même, il joue avec
son objet transitionnel (son doudou), mais d’une façon déjà un peu détachée.
En un mot, il s’absente pour mieux habiter son espace mental (Resnik, 1994),
106 La consultation avec l’enfant
4 Nous pensons notamment à ces films d’horreur que beaucoup d’enfants voient trop
tôt, avec une ambivalence réduite à l’impuissance par la sidération qui s’empare d’eux.
La consultation avec un enfant 107
x parents une émission de télévision sur Arte, consacrée aux graves troubles du
sommeil et que les images présentées avaient pour les parents eux-mêmes un
caractère très choquant : on y voyait un patient hospitalisé en bilan de sommeil
chez lequel les réalisateurs de l’émission avaient réussi à montrer par un procédé
cinématographique les hallucinations très angoissantes dont ce patient souffrait.
Nathalie, choquée de ces images, avait commencé ce soir-là ses insomnies. La
reprise de cet événement avec la fille et ses parents a permis de sortir de l’im-
passe morbide dans laquelle elle se trouvait. L’évolution rapidement favorable a
permis de proposer un soutien psychothérapique à Nathalie de manière à l’aider
à dépasser les quelques fragilités qu’elle présentait préalablement. C’est l’appro-
fondissement des éléments concernant la télévision et ses potentialités traumati-
ques lors des consultations qui a permis d’amoindrir les troubles de cet enfant.
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4 La consultation
avec un adolescent
Tout le monde s’accorde sur le fait que le pubertaire (Gutton, 1991) corres-
pond au travail de psychisation de la puberté physiologique. Et aujourd’hui,
il est admis de considérer que la psychopathologie ne concerne pas la seule
âme de la personne, mais qu’elle a aussi quelque chose à dire sur son corps,
ou plus précisément sur l’image de son corps (Schilder, 1935). Il est main-
tenant établi que les aspects complémentaires corporo-psychiques sont
à la fois différents et indissociables dans l’étude et la compréhension des
phénomènes concernant le développement humain. « Le corps est dans
le monde social, mais le monde social est dans le corps », déclarait Pierre
Bourdieu lors de sa leçon inaugurale au Collège de France2. Et dans cette
perspective, il semble que l’adolescence soit une voie d’entrée royale pour
en permettre la démonstration. Mais en outre, le rapport que l’adolescent
va entretenir avec le socius est une extension d’abord homothétique, puis
progressivement ou brutalement divergente du milieu familial, qu’il soit
classique ou « recomposé ». En effet, lors de son ouverture sur le monde
social, l’adolescent va transposer sur ce nouveau monde les manières qu’il
a apprises pour entrer en relation avec l’ancien monde, telles qu’il les a
mises au point dans son enfance, avec ses parents et sa famille nucléaire
puis élargie. La défiance et la confiance sont des catégories qui datent de la
construction de l’enfance familiale de ces adolescents. Comment séparer la
défiance que les adolescents vivent et font vivre à leurs partenaires – « pour-
quoi tu me regardes comme ça ? » – sans la relier aux types d’attachements
insécures décrits par Bowlby et ses élèves (Bowlby, 1978 ; Main et Cassidy,
1988) ? Comment ne pas comprendre les relations de confiance que cet
adolescent inspire à ses proches sans les mettre en rapport avec un attache-
ment sécure originaire ? Mais comment comprendre également, pour ne
pas restreindre cet exercice aux seules théories de l’attachement, que ce sont
les limitations successives de sa toute-puissance infantile qui vont amener
l’adolescent à établir un nouvel étalonnage et de nouvelles délimitations
en fonction des expériences que son corps pubère lui permet d’envisager
sinon de réaliser ? Toute la théorie de Françoise Dolto sur les castrations
symboligènes (Dolto, 1984) vient ici prendre une place qui est trop souvent
confinée à la petite enfance péri-œdipienne. Or l’adolescent, après la longue
traversée de la période de latence, revisite toutes ces expériences infantiles
pour en ajuster les premiers contours à la mesure de ses nouveaux gabarits.
De même que chez l’enfant, ces limitations successives, ombilicales, orales,
anales, de différenciation sexuelle et de résolution œdipienne avaient pour
conséquence l’intériorisation, ou pas, des interdits vampiriques, canniba-
liques, du meurtre, du parricide et de l’inceste, concourant à l’édification
d’une identité infantile, de même, chez l’adolescent, pourrait-on revisiter
avec lui ces différents niveaux en les actualisant à la lumière de sa nouvelle
2 Le 23 avril 1982.
La consultation avec un adolescent 113
3 Au sens développé par Jacques Schotte dans son « anthropopsychiatrie » ; cf. Schotte,
1996.
114 La consultation avec l’enfant
La première consultation
La première consultation peut le plus souvent avoir lieu avec l’adolescent
seul. Les parents seront bien entendu reçus dans tous les cas, mais après
ces premiers contacts avec l’adolescent, de façon à lui adresser le message
que nous sommes d’abord à sa disposition pour l’aider à franchir une passe
difficile, et que ses parents constituent une « force d’appoint » nécessaire
pour le faire, même si, à première vue, c’est l’hostilité qui domine les rap-
ports entre eux. Il paraît intéressant de penser cette première consultation
comme une double rencontre, avec l’adolescent dans un premier temps,
puis aussitôt avec lui et ses parents. Cela permet de lui proposer le mode de
travail que nous allons entreprendre, respectant à la fois son point de vue,
mais prenant également en compte celui de ses parents, sans les laisser faire
trop intrusion dans son espace thérapeutique personnel, mais sans non plus
les abandonner à leurs angoisses inévitables, et parfois aggravantes de la
pathologie de leur adolescent. Et lors de cet entretien, il est fréquent que
les parents, contraints par cette angoisse qui les a submergés depuis les pre-
mières interrogations sur le comportement, pathologique ou non, de leur
adolescent, posent devant lui des questions au consultant portant sur son
intimité ou sa vie privée. La manière dont le consultant va alors réagir « en
direct » à ces tentatives des parents de reprendre le contrôle de la situation
sera déterminante dans la poursuite de la prise en charge. En répondant
aux parents sans agressivité que certains espaces concernant leur adolescent
sont maintenant garantis par sa présence vigilante, le consultant agit sur
les deux plans : aux parents, il demande de bien vouloir avoir la générosité
intellectuelle et affective de suspendre leur mode de fonctionnement anté-
rieur le temps qui sera nécessaire à la réorganisation « adolescente » non
pathologique de leur enfant, et ce, sous bénéfice d’inventaire ; à l’adoles-
cent, il signifie que leurs entretiens sont sous le sceau du secret, et que s’il lui
a demandé, malgré ses réticences, de les recevoir avec lui lors de cette pre-
mière consultation, il ne doit pas en redouter les effets dévastateurs, mais au
contraire en attendre certains qu’il n’imaginait plus possibles. Cependant,
La consultation avec un adolescent 117
Consultations suivantes
La deuxième consultation va permettre de réaliser à quel point l’adolescent
et sa famille sont désireux de continuer cette relation dont ils ont entrevu
les possibilités d’ouvertures lors de la première rencontre. L’adolescent a
déjà réfléchi à certains aspects et en a produit quelques éléments qui mon-
trent son investissement dans ce travail, ou bien au contraire, il se redit par
rapport à la dernière fois, mettant son énergie au service d’une répétition
sans autre intérêt que conservatoire. Les parents, eux, ont également pu
entreprendre une première recherche à la suite des questions restées sans
réponses la fois précédente, indiquant ainsi leur souhait de se mobiliser
pour aider leur adolescent à changer. Quelquefois, l’adolescent vient seul,
amené par un parent qui reste dans sa voiture, avec l’impression qu’il porte
seul la malédiction familiale. Toutefois, cette impression partagée avec le
consultant peut déjà permettre, à condition de ne pas s’y enferrer, une pre-
mière alliance sur la piste familiale transgénérationnelle. On peut constater
dans certains cas que l’adolescent est retourné dans sa tour d’ivoire après
avoir quelque peu abaissé son pont-levis lors de la première rencontre, et
qu’il va falloir déployer beaucoup d’énergie pour le rejoindre à nouveau
par-delà les douves de sa forteresse. Ses mécanismes de défense sont à l’œu-
vre, sa résistance est entière, ses réponses sont minimalistes. Dans d’autres
cas, l’adolescent idéalise les pouvoirs du consultant, en attend beaucoup sur
le mode projectif, et se prépare, sans le savoir, à une désillusion quasi obli-
gatoire. L’art du consultant va consister à repérer ces lignes de force pour les
conjuguer au futur.
Ces consultations vont permettre de préciser les hypothèses diagnostiques
à partir des évaluations déjà réalisées, et éventuellement d’en approfondir
quelques aspects à l’aide de bilans complémentaires. Ces éléments permet-
tront en outre de déterminer les indications thérapeutiques, mais égale-
ment quelques éléments de pronostic. Cet aspect, souvent mis en avant
dans les préoccupations parentales en terme de poursuite de scolarisation
ou de réussite professionnelle à venir, est important mais aussi difficile à
avancer et aléatoire. Il peut dépendre de plusieurs facteurs, parmi lesquels
les plus saillants sont la capacité de l’adolescent à s’intéresser à son monde
interne, à faire des liens entre ses symptômes et ses fantasmes sous-jacents
et à les parler plutôt qu’à les agir, l’investissement conservé d’autres sphè-
res (scolaires, culturelles, sportives…) de sa vie intellectuelle et affective, et
enfin les possibilités d’adaptation (fiabilité, sécurité, souplesse, ouverture
La consultation avec un adolescent 119
Acte manqué
L’« acte manqué » est un « acte où le résultat explicitement visé n’est pas
atteint mais se trouve remplacé par un autre. On parlera d’actes manqués
non pour désigner l’ensemble des ratés de la parole, de la mémoire et de
l’action, mais pour les conduites que le sujet est habituellement capable de
réussir, et dont il est tenté d’attribuer l’échec à sa seule inattention ou au
hasard. Freud a montré que les actes manqués étaient, comme les symp
tômes, des formations de compromis entre l’intention consciente du sujet et
le refoulé. » (Laplanche et Pontalis, 1990, p. 5-6.) Lacan commente joliment
la découverte freudienne avec ces mots : « Tout acte manqué est un discours
réussi » (1966).
x une interview du commandant de la caserne pour que les autres sachent ce que
les militaires y réalisent comme activités. Et lors de la rencontre prévue à cet
effet, elle demandera à la fin de l’interview du commandant si par hasard il ne
connaîtrait pas le caporal « X », son père ou s’il ne pourrait pas se renseigner sur
lui, car elle ne sait pas ce qu’il a fait quand il était à l’armée. « On m’a raconté
tellement de bobards à son sujet… » Il se trouve que le commandant a bien
connu le père de Diane et que des éléments de sa biographie laissés jusqu’alors
dans l’ombre vont pouvoir resurgir d’un passé incertain, grâce à ce témoin inat-
tendu. Un travail psychothérapique pourra alors être entrepris et Diane sortira
assez rapidement du service de pédopsychiatrie pour entrer dans un établis-
sement de formation pré-professionnelle. Son comportement essentiellement
constitué d’agir a pu se modifier par l’analyse et la prise en compte de certains
de ces actes.
La crise
On distingue, dans ces consultations, les situations dans lesquelles l’adoles-
cent et son entourage sont manifestement débordés par la survenue d’événe-
ments qui se traduisent dans son comportement par des signes l’amenant
à consulter « en crise ». Or dans bien des cas, il s’agit d’un problème qui
n’est pas à proprement parler médical, mais plutôt d’une difficulté éduca-
tive plus ou moins ancienne et qui surgit de façon aiguë à l’occasion d’une
frustration quelconque. Dans ces histoires, il convient de ne pas médicali-
ser le problème si le diagnostic ne le justifie pas selon les critères retenus
habituellement. En effet, une réponse de type pédopsychiatrique dans un
tel cas risque de déclencher à la fois une lecture inadéquate, puisque par
La consultation avec un adolescent 123
x
les sensorialités (visuelles, auditives, cénesthésiques, olfactives), et quel-
quefois atteindre à l’automatisme mental (devinement de la pensée,
conduites imposées par les hallucinations, héautoscopie), aboutissant ainsi
à un sentiment fréquent de dépersonnalisation avec, dans certains cas, des
phénomènes de dédoublement de la personnalité ou des sentiments de
transformation corporelle.
Évolution
Elle se fait généralement vers une évolution assez favorable en quelques
semaines. Dans la moitié des cas, elle restera une expérience unique, mais
les autres cas vont évoluer soit vers la récidive à l’identique, soit vers une
psychose maniaco-dépressive, soit enfin s’installer dans une chronicité de
type schizophrénique.
Un trouble du comportement
L’adolescent attend dans la salle d’attente de la consultation d’astreinte
de l’hôpital avec un éducateur. Il doit être reçu en consultation dès que
le psychiatre aura pu se libérer de ses tâches ordinairement program-
mées. Le comportement de cet adolescent est déjà problématique : il parle
avec véhémence à l’éducateur qui l’accompagne et se moque de l’enfant
déficient qui attend lui aussi son rendez-vous avec un autre pédopsychiatre.
Lorsque le psychiatre est libre, il propose à l’adolescent de venir dans son
bureau après avoir échangé quelques mots avec l’éducateur, et lu la lettre
que lui adresse son collègue le médecin généraliste du foyer où il est placé
depuis quelques mois : « Je vous adresse pour une hospitalisation fermée
le jeune X, âgé de 15 ans, qui a agressé deux éducateurs depuis quelques
jours, dont l’un est en arrêt de travail consécutif à sa blessure. Il est au foyer
depuis le tant, et a rapidement présenté des troubles des conduites qui sont
incompatibles avec la vie des autres adolescents. On ne note pas dans ses
antécédents d’éléments médicaux nécessitant d’être signalés, hormis son
passé d’enfant battu dans une famille violente, placé puis victime d’inceste
par son beau-père (ce dernier est d’ailleurs encore en prison actuellement),
et quelques épisodes récents d’alcoolisation massive avec violence à la suite
de frustrations mineures au foyer de l’enfance. Je vous remercie de ce que
vous ferez pour lui. »
Cet adolescent est agité, victime selon lui d’injustice depuis qu’il est dans
ce foyer ; s’il a été obligé de « cogner sur les éducateurs », c’est parce qu’on
l’y a contraint en « l’accusant à tort de faits qu’il n’avait pas commis » ; le
consultant tente de lui faire raconter sa vie, mais son enfance est manifeste-
ment une contrée à éviter, et les quelques éléments qu’il donne sont confus,
fluctuants, contradictoires. Il veut retourner chez sa mère comme ses frères
et sœurs qui, eux, y sont toujours ; il veut aller voir son père qui est dans
La consultation avec un adolescent 127
x
automutilation que sur une agression ou une bagarre sanglante. L’ins-
tabilité est la règle et constitue l’état psychique de base sur lequel les
impulsions viennent cristalliser son incapacité à trouver la juste distance
avec l’autre, et sa soumission implicite à la seule loi qui vaille pour lui :
« tout ce que je veux et quand je veux ». Cette instabilité a des consé-
quences sur les plans affectif, intellectuel et scolaire en termes de ruptures
fréquentes d’investissements, ce qui aggrave ses difficultés d’intégration,
et le conduit souvent à appartenir à une bande dans laquelle se joue à la
fois la passivité de celui qui ne réussit pas ses entreprises individuelles et
la dépendance identificatoire à des meneurs sadiques, seul modèle accep
table dans la lignée d’une toute-puissance infantile non limitée par son
éducation d’enfant. Le langage n’est qu’un moyen pour obtenir et non un
moyen de communication, ce qui renforce la tendance à utiliser la force
musculaire ou l’intimidation pour arriver à ses fins. L’anamnèse retrouve
dans la plupart des cas une biographie en « dents de scie », faite de rup-
tures et de séparations traumatiques dans la petite enfance et l’enfance,
et, que ces éléments du développement soient spectaculaires ou cachés,
les fonctions parentales semblent n’avoir pas eu d’impact socialisant sur
l’enfant, souvent en raison de la présence de pathologies limites chez les
parents eux-mêmes (alcoolisme, toxicomanie, violence conjugale, aban-
don plus ou moins objectif des enfants, emprisonnement d’un parent
pour acte délictueux violent…).
Dépression majeure
L’adolescent entre dans le bureau de consultation avec ses parents, et cha-
cun des trois présente une tristesse notable : le premier manifestement
dans le cadre d’un état dépressif majeur, les seconds, très inquiets pour
leur adolescent, sont dans un état de préoccupation anxieuse visible.
L’adolescent consent à s’asseoir malgré un ralentissement psychomoteur
marqué. Sa mimique et sa gestuelle sont également ralenties et lui don-
nent un air malheureux. Son apathie est telle que ce sont les parents qui
donnent spontanément les premières réponses aux questions posées par le
consultant. En effet, cet adolescent présente une lenteur dans ses processus
de pensée, un ralentissement idéique et une difficulté évidente à répon-
dre aux questions sur sa vie récente. L’impression du consultant est que
l’adolescent est obnubilé par quelque chose qu’il ne peut pas dire ou doit
taire. C’est sur cette « réponse dépressive de base » que peut prendre corps
l’humeur dépressive constituée de sentiments de tristesse et de désintérêt
pour le monde extérieur, surtout pour des activités ou des personnes proches
auxquelles, aux dires des parents, il était très attaché antérieurement. En
insistant de façon empathique, le consultant peut apprendre de l’adolescent
La consultation avec un adolescent 129
que sa scolarité est plutôt en perte de vitesse, et qu’en tout cas, si les ré-
sultats sont encore préservés, son investissement est nettement diminué.
Il peut exprimer son impression authentique que l’estime qu’il a pour lui-
même est médiocre, et quelquefois, c’est un sentiment de culpabilité qui
envahit le tableau. Si le dialogue le permet et que la question est abordée
sans tergiversations, la présence d’idées suicidaires explique en partie l’état
dans lequel on trouve les parents. L’interrogatoire auprès des parents per-
mettra de découvrir des symptômes somatiques fonctionnels tels que les
difficultés d’endormissement ou de réveils nocturnes, voire une insomnie
(quelquefois une hypersomnie), des troubles de l’alimentation (anorexie
plus ou moins prononcée, boulimie) avec perte ou prise de poids, et des
troubles du transit intestinal (constipation). Dans quelques cas, l’angoisse
peut être au-devant des signes de dépression, et se traduire par une agita-
tion anxieuse avec thymie triste.
Quoi qu’il en soit, et contrairement à ce qui se passe habituellement
avec un adolescent en consultation, la gravité de l’état dépressif peut
conduire le consultant à décider que l’entretien seul se fera ultérieu-
rement, et qu’il est utile de le recevoir lors de ce premier contact avec
eux. On peut retenir avec Braconnier (2000, p. 183) trois facteurs dont il
faut tenir compte dans l’évaluation de la dépression de l’adolescent : la
dysphorie est nettement plus fréquente que chez les adultes tandis que
l’émoussement affectif caractérise mieux la dépression de l’adulte ; et le
noyau affectif dépressif de l’adolescent comporte souvent une humeur
plus réactive.
Le consultant devra préciser la tonalité mélancolique du tableau dépres-
sif de l’adolescent, avec ses formes classiques (anxieuse, délirante, stupo-
reuse), dans lequel le risque suicidaire est très grand et impose souvent
une hospitalisation à temps plein dans un service de pédopsychiatrie.
En outre, cet état mélancolique peut être inaugural d’une psychose
maniaco-dépressive, et demande au consultant de veiller aux signes éven-
tuels d’inversion de l’humeur après quelque temps de traitement de l’état
dépressif. Mais un adolescent peut aussi présenter une dépression réac-
tionnelle, consécutive à une circonstance particulière ou un événement
dont il faudra faire préciser les contours pour mieux l’aider à le surmonter
ou le dépasser. En tout état de cause, l’adolescent semble mieux « armé »
contre la dépression lorsqu’il en connaît ou en pressent la raison. Et il est
important de distinguer dans cette optique un état dépressif d’un deuil
« normal ».
Les classifications internationales retiennent à cet effet les critères
suivants :
130 La consultation avec l’enfant
Le processus
Nous prendrons les exemples du trouble des conduites alimentaires, et plus
précisément celui de l’anorexie mentale de l’adolescent, et de la dépen-
dance alcoolo-toxicomaniaque pour illustrer les aspects processuels de la
psychopathologie de l’adolescent accueillis dans la consultation.
auteurs (Ledoux et al., 1991), de 1 pour 800 à 1 pour 100, tandis que celle
de la boulimie est proche de 1 pour 100. Ce trouble peut se présenter sous
la forme d’une anorexie ou d’une boulimie, ou d’une forme mixte avec des
épisodes d’anorexie et de boulimie. Enfin, il paraît intéressant d’évoquer
l’obésité qui, bien ne faisant pas partie de ces troubles, devient un pro-
blème très préoccupant de santé publique, dans lequel les aspects psycholo-
giques ne sont pas négligeables (Kechid et al., 2010), et peuvent manifester,
conjointement aux facteurs organiques, un véritable trouble de la conduite
alimentaire.
Nous ne présenterons dans ce volume que le cas de l’anorexie mentale,
qui constitue une pathologie spécifique de l’adolescence, bien que le nom-
bre des anorexiques prépubères ne soit pas négligeable (entre 5 et 10 %, voir
Marcelli et Braconnier, 2008, p. 152).
« L’anorexie occupe une place particulière dans le champ de la patholo-
gie mentale : sa stéréotypie clinique, la prévalence du sexe féminin et un
âge de début assez caractéristique tranchent avec l’habituel polymorphisme
des troubles psychopathologiques, surtout à l’adolescence » (Marcelli et
Braconnier, 2008, p. 143). Si la fameuse triade symptomatique anorexie,
amaigrissement et aménorrhée est retrouvée depuis que cette entité a été
décrite, elle a conduit les médecins à rechercher des étiologies organiques
pendant longtemps. Sans passer à côté des diagnostics de pathologies neu-
roendocriniennes qu’il faudra rechercher devant certains signes évocateurs,
la lecture clinique d’aujourd’hui penche pour une compréhension psy-
chopathologique de la maladie. L’anorexie fait figure d’un des avatars des
problématiques de la dépendance. Son articulation relativement fréquente
avec la boulimie, parfois décrite comme une toxicomanie alimentaire, n’en
est qu’un des aspects illustratifs ; si bien que « l’anorexie est parfois incluse
parmi les nouvelles addictions rencontrées à l’adolescence » (Marcelli et
Braconnier, 2008, p. 145).
Caractéristiques épidémiologiques
La prédominance féminine est écrasante : 90 à 97 % des cas. Deux pics :
vers 15-16 ans et 18-19 ans. La prévalence est de 1 à 5 pour 1 000. La
famille appartient souvent aux classes socioprofessionnelles moyennes
ou aisées. Contrairement à de nombreuses autres pathologies psychiatri-
ques, divorces et séparations parentales ne sont pas plus fréquents. Cer-
tains milieux socioprofessionnels semblent plus à risque : mannequins,
danseuses.
x
132 La consultation avec l’enfant
x
Description clinique du syndrome anorexique
Le tableau se constitue en trois à six mois, après une période marquée
par un désir de suivre un régime pour perdre quelques kilos jugés superflus.
Un événement déclenchant peut être incriminé : conflit ou séparation
familiale, deuil, naissance, rupture sentimentale, qui prend le plus souvent
l’aspect d’une perte-séparation. La restriction alimentaire s’aggrave et le
syndrome anorectique devient évident. Il associe :
• la conduite anorectique : orgasme de la faim, véritable jouissance tirée
par l’anorectique de sa maîtrise sur le besoin physiologique ;
• l’amaigrissement : de 20 à 30 %, jusqu’à 50 % dans les formes cachecti-
santes ;
• l’aménorrhée.
• À côté de ces trois signes typiques, il y a trois autres signes qui peuvent
être retenus :
• l’hyperactivité intellectuelle ou physique ;
• la perception déformée de l’image du corps sous forme de dysmorpho-
phobies localisées ;
• le désintérêt pour la sexualité.
La famille de l’anorexique
On a dit que la mère de l’anorexique est anxieuse et hypocondriaque,
ambitieuse, utilisant sa fille comme valorisation narcissique, hyperprotectrice,
avec des difficultés à percevoir les besoins propres de sa fille et une tendance
à maintenir la confusion, froide, peu intéressée par l’imaginaire, valorisant
chez sa fille l’aspect opératoire. Le père est chaleureux, effacé, permissif,
« maternisé ». Le couple donne une impression superficielle d’aller bien,
mais supporte des conflits intenses non dits ; quelquefois, l’un des deux est
très perturbé par des traits psychotiques ou dépressifs. Mais comme dans
beaucoup de ces situations, est-ce une cause ou une conséquence ?
Aucun signe biologique spécifique n’est retrouvé
Il existe un dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire non
entièrement explicable par l’amaigrissement, qui disparaît avec l’amélio-
ration clinique.
Formes cliniques
L’anorexie masculine représente entre 3 et 20 % des cas. Plus souvent
hypocondrie, psychose, et angoisses archaïques.
L’anorexie prépubère entre 5 et 10 % des cas. Souvent grave avec une
rigidité des mécanismes psychiques individuels et familiaux, et des trou-
bles graves de la personnalité (psychose). Il existe souvent un arrêt de la
croissance.
Diagnostic psychiatrique
État limite, psychose froide, relation fétichiste à l’objet, en comorbidité
avec des troubles de l’humeur, des troubles de la sexualité, des conduites
addictives, personnalité borderline. x
La consultation avec un adolescent 133
x
Évolution
La forme mineure, assez fréquente, présente tous les symptômes mais ne
dure que quelques mois et disparaît après quelques aménagements pro-
posés par le médecin de famille.
La forme grave cachectisante, comme le suicide, peut conduire à la mort,
en moyenne dans 5 à 7 % des cas selon les diverses études.
Il existe souvent des hospitalisations en réanimation ou aux urgences,
comme un déni de la dimension psychopathologique. L’évolution intermé-
diaire est ponctuée d’épisodes anorectiques avec des épisodes de reprise
de poids, soit lors de crises boulimiques, soit en raison des hospitalisations.
Pour Jeammet (1984), dans 70 % des cas les règles réapparaissent un an
après le dernier épisode, dans 80 % des cas le poids et les conduites ali-
mentaires se stabilisent à peu près ; 50 % peuvent être considérées comme
« guéries » avec un recul de dix ans. Dans les autres cas, une chronicisation
s’installe, marquée par l’alternance de phases anorexiques et de périodes
boulimiques, et l’apparition de troubles psychiques divers : dépressions,
suicides, phobies, obsessions, hypocondries, toxicomanies.
x avec l’équipe du service de pédiatrie pour faire le point sur l’évolution de Béné-
dicte. Le pédiatre recevra régulièrement les parents et des rencontres auront lieu
avec le pédopsychiatre pour travailler les questions qui surgissent au cours du
travail psychothérapique et par ailleurs les soutenir dans le long accompagnement
qui les attend.
x de cet adolescent qui suivait une pente entropique pour satisfaire à un des-
tin pulsionnel très chargé de déchéance et de mort. Plusieurs années après les
soins, il continue d’être reçu régulièrement en consultation thérapeutique. Il a
pu passer un BEP, et travaille dans une structure adaptée. Il reste solitaire, mais
son comportement alcoolo-toxicomaniaque a disparu. Il participe à des activités
thérapeutiques organisées dans le secteur psychiatrique de sa commune, ce qui
lui permet de rencontrer régulièrement d’autres personnes.
cet adolescent connu pour son tempérament précédent, mais qui s’illustre
depuis plusieurs semaines ou mois par des bizarreries, une impénétrabilité
de ses motivations ou un détachement encore plus évident par rapport aux
autres, quand à l’occasion d’un évènement significatif pour lui, il « mon-
tre » franchement les signes positifs et négatifs de son syndrome schizoph-
rénique.
Les troubles pseudonévrotiques se manifestent par des symptômes qui
reprennent les grands tableaux classiques des névroses : angoisse, phobie,
hystérie, obsession. Mais par comparaison avec les névroses, les symptô-
mes sont marqués par la bizarrerie et la difficulté à rester dans la « rela-
tion névrotique au monde », notamment à tenir compte in fine du prin-
cipe de réalité. Ainsi, l’angoisse peut être très envahissante et la phobie
désorganisante, sans la présence habituellement retrouvée des phénomènes
contraphobiques et d’évitement anxiolytiques typiques des névroses ; les
manifestations qui pourraient faire pencher pour l’hystérie sont plutôt de
type hypocondriaque, et les obsessions quasi délirantes, sans la présence du
conflit intrapsychique avec sa lutte anxieuse pouvant se présenter sous la
forme d’un trouble obsessionnel compulsif. Dans la plupart des cas, l’image
du corps est gravement perturbée et peut être déjà marquée par un fonc-
tionnement délirant.
L’installation progressive du délire avec apparition d’un syndrome d’auto-
matisme mental peut être longtemps ignorée, car l’adolescent, relativement
conscient de sa désorganisation interne, lutte contre elle et peut y arriver
tout un temps. Mais, à l’occasion d’un événement particulier, il peut alors
perdre ses défenses et présenter des attitudes d’écoute, signes indirects de
ses hallucinations longtemps masquées.
Dans ces différents modes d’installation, l’adolescent présente souvent des
difficultés à rester intégré dans sa famille, dans son établissement scolaire,
avec ses pairs, sans que l’investissement qui régissait préalablement ses
comportements se modifie d’une façon ou d’une autre, et quand le tableau
de schizophrénie se manifeste, ses proches disent souvent qu’ils avaient
remarqué des changements chez lui, mais que cela s’étant passé insidieuse-
ment, ils n’en avaient pas tiré de conclusions.
marquer le trouble grave de l’identité. Elle est corrélée avec quatre qualifi-
catifs qui en précisent le côté énigmatique : bizarrerie, détachement, ambi
valence et impénétrabilité. La désagrégation de la vie psychique peut se
définir comme « un désordre discordant des phénomènes psychiques qui ont
ainsi perdu leur cohésion interne » (Ey et al., 1962, p. 569). La dissociation
se traduit par des troubles du cours de la pensée (fading mental, barrages…)
et du champ de la conscience, des troubles du langage (néologismes), une
altération du système logique (pensée déréelle et archaïque), des troubles
psychomoteurs (stéréotypies, impulsions, syndrome catatonique…), et une
désorganisation de la vie affective (vide affectif, rires immotivés, indiffé-
rence, déchaînement pulsionnel…).
Le syndrome délirant paranoïde est caractérisé par un délire inorganisé, flou
et non systématisé qui peut d’abord être florissant puis peu à peu s’amenui-
ser. Les mécanismes sont hallucinatoires (hallucinations auditives, visuelles,
cénesthésiques…), intuitifs et interprétatifs. On note souvent la présence
d’un automatisme mental avec idées d’influence, d’emprise sur la pensée,
qui viennent accentuer la dépersonnalisation.
Classiquement, la schizophrénie évolue vers un autisme secondaire cor-
respondant à un retrait narcissique sur le monde interne.
À côté de cette forme princeps, il existe la forme hébéphrénique (sans
délire clairement exprimé), la forme hébéphréno-catatonique (avec un fort
négativisme catatonique), la forme héboïdophrénique (avec des troubles
du comportement pouvant aller jusqu’à des actes délictueux) et une forme
dysthymique (avec des troubles de l’humeur dominants).
Sur le plan psychopathologique, nous retrouvons les mécanismes patho-
logiques et défensifs typiques de la psychose : projection, clivage, identifi-
cation projective, déni de la réalité, reconstruction délirante de la réalité,
retrait autistique.
x
(3) le sujet ne cherche pas spontanément à partager ses plaisirs, ses
intérêts ou ses réussites avec d’autres personnes ;
(4) manque de réciprocité sociale ou émotionnelle.
B. Caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des
intérêts et des activités, comme en témoigne au moins un des éléments
suivants :
(1) préoccupation circonscrite à un ou plusieurs centres d’intérêt sté-
réotypés et restreints, anormale soit dans son intensité, soit dans son
orientation ;
(2) adhésion apparemment inflexible à des habitudes ou à des rituels
spécifiques et non fonctionnels ;
(3) maniérismes moteurs stéréotypés et répétitifs ;
(4) préoccupations persistantes pour certaines parties des objets.
C. La perturbation entraîne une altération cliniquement significative du
fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines impor-
tants.
D. Il n’existe pas de retard général du langage significatif sur le plan cli-
nique.
E. Au cours de l’enfance, il n’y a pas eu de retard significatif sur le plan
clinique dans le développement cognitif ni dans le développement, en
fonction de l’âge, des capacités d’autonomie, du comportement adaptatif
(sauf dans le domaine de l’interaction sociale) et de la curiosité pour l’en-
vironnement.
F. Le trouble ne répond pas aux critères d’un autre TED spécifique ni à ceux
d’une schizophrénie.
x désespérés, avec lesquels les échanges affectifs avaient été vécus de façon très
dissymétrique. Il avait toutefois pu verbaliser sa difficulté à leur montrer son
chagrin et la quasi-absence de sentiments correspondant habituellement à un
travail de deuil. Mais cette consultation a été demandée récemment par Éloi
lui-même pour parler d’un problème dont il ne veut pas parler avec ses parents.
D’ailleurs ceux-ci, une fois les quelques éléments sur les derniers événements
échangés, quittent le bureau et laissent leur fils seul avec le pédopsychiatre.
Éloi pose sur la table du pédopsychiatre un journal qu’il a rédigé et dans lequel
il raconte un événement récent qui l’a beaucoup affecté, parce qu’il a réalisé,
dit-il qu’il ne pourra jamais « avoir une femme comme c’est raconté dans les
histoires au cinéma ». Éléonore est une des élèves de sa classe. Depuis trois mois
déjà il la regarde souvent et tente de lui sourire. Elle a bien vu « son manège »
et ne le regarde plus du tout, comme si elle avait compris ce qu’il voulait sans
lui avoir jamais dit. Et puis n’y tenant plus, il lui envoie une lettre dans laquelle il
lui dit qu’elle « lui plaît beaucoup et voudrait qu’ils aillent au cinéma ensemble
le samedi suivant ». Il ajoute : « Non seulement elle n’a pas répondu à la lettre,
mais en plus elle en a parlé à ses copines et maintenant », il voit bien qu’« elles
se foutent de lui ». Au-delà de ce récit, ce qui frappe le pédopsychiatre, ce sont
les affects dépressifs dans l’expression d’Éloi. Il raconte ce qui lui arrive avec une
émotion contenue, manifestant de la tristesse à l’évocation de l’attitude d’Éléo-
nore, de l’agacement voire de la colère à celles de ses copines, et du pessimisme
quant à son avenir sentimental. Quelques consultations psychothérapiques vien-
dront à bout de cet état dépressif réactionnel survenant chez cet adolescent aux
antécédents d’Asperger, ainsi qu’une proposition d’aide par une association de
personnes avec Asperger, visant à instaurer des « habiletés sociales », de nature
à lui permettre d’échanger des expériences avec d’autres personnes dans des
situations comparables. Les parents ont aidé à la réalisation de ces aides, se
demandant si cet épisode dépressif n’était pas également en rapport « tardif »
avec la mort de leur fils trois ans auparavant.
L’adolescent et le virtuel
La télévision peut proposer des objets culturels dont on parle en consul-
tation avec un adolescent quand un ou plusieurs films, séries ou autres
émissions l’intéressent, et particulièrement ceux qu’il aime regarder quel-
quefois compulsivement. On se souvient que certains d’entre eux ont ainsi
connu un grand succès dans ce domaine (certains adolescents allant jusqu’à
le visionner plusieurs dizaines de fois), tel que le film de Luc Besson Le Grand
Bleu, ou les films d’horreur fantastique qui peuvent jouer pour certains
auteurs (Hendrickx, 2009) la fonction « d’organisateur psychique de l’ado-
lescence ». Or les études récentes (Christakis et Zimmerman, 2006) montrent
que l’adolescent désinvestit la télévision au profit des techniques qui le met-
tent en contact avec le virtuel. Il s’agira donc plutôt d’explorer avec l’adoles-
cent l’utilisation qu’il en fait, de façon à percevoir le rôle que le virtuel joue
dans son existence quotidienne et notamment dans sa vie imaginaire.
144 La consultation avec l’enfant
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La consultation avec un adolescent 147
Exercice de la parentalité
Il correspond, au plan symbolique, à ce qui définit les cadres nécessaires pour
qu’un groupe humain, une famille et un individu puissent se développer.
Mais s’il comporte un aspect non pas causal mais fondateur, l’exercice de
la parentalité a trait aux droits et devoirs qui sont attachés aux fonctions
parentales, à la place qui est donnée dans l’organisation du groupe social à
chacun des protagonistes, enfant, père et mère, dans un ensemble organisé
et, notamment, comme nous l’avons déjà vu, dans une filiation et une
généalogie. Enfin, l’exercice de la parentalité inclut l’autorité parentale mais
ne se résume pas à elle.
Expérience de la parentalité
Elle concerne l’expérience subjective de ceux qui sont chargés des fonctions
parentales. Elle représente le niveau de l’expérience affective et imaginaire de
tout individu impliqué dans un processus de parentification. Il s’agit de pro-
cessus psychiques conscients et inconscients, et c’est le niveau auquel se joue la
relation imaginaire et affective du parent avec son enfant, son conjoint, ses
parents, qui amène à plusieurs types de représentations : enfant réel, enfant
imaginaire et enfant fantasmatique.
Pratique de la parentalité
Elle englobe les tâches effectives, observables, qui incombent à chacun des
parents : aussi bien les soins à l’enfant, que les interactions comportemen-
tales, ou les pratiques éducatives. Chaque fois qu’un enfant est séparé de ses
parents, ces pratiques sont déléguées à d’autres adultes, que ce soit dans le
cadre d’une vie habituelle (assistante maternelle, crèche…) ou du fait d’une
séparation demandée ou imposée (justice, administration, précarité…).
Pathologies « héritées »
Dans certains cas cliniques, la composante génétique, neurodéveloppemen-
tale ou plus généralement biologique peut être prévalente lorsque l’enfant,
suivi par ailleurs pour ces pathologies, a besoin d’être reçu en consultation
de pédopsychiatrie pour des troubles spécifiques. Tels sont les syndromes
allant des anomalies génétiques classiques (Langdon-Down ou trisomie 21,
Le travail spécifique avec les parents 153
comme un élément contre lequel il faudrait lutter, mais plutôt comme signe
d’une souffrance partagée avec leur enfant en difficulté. Dans cette direc-
tion, il conviendra de les aider à transformer cette culpabilité inévitable en
responsabilisation progressive.
le vécu des retrouvailles avec leur enfant sans avoir l’impression que cela
ne dépend que d’eux, mais sont également touchés de voir que progressive-
ment les soignants connaissent très bien leur propre enfant, et que malgré
leur professionnalisme, il leur arrive aussi de ne pas mieux réussir avec lui.
Ces identifications croisées permettent aux parents de se « refabriquer » une
nouvelle énergie à notre contact à partir des expériences de réalité partagées.
Dans un certain nombre de cas, nous n’en restons pas là, et ces échanges
débouchent sur des hypothèses communes qui enrichissent notre réflexion
psychopathologique, et nos reprises contre-transférentielles. Il va de soi que
ces consultations avec les parents sont alors des moments extrêmement
importants pour la compréhension générale de la pathologie de l’enfant, et
pour la stratégie à suivre en fonction des ressources concrètes et psychiques
de l’enfant, mais aussi de celles des parents.
Fratrie
Le problème de la fratrie est également un chantier très important à prendre
en considération lorsque l’enfant ou l’adolescent soigné en a une. Dans ce
cas, il peut être utile de dire aux parents que les frères et sœurs souffrent
même s’ils ne le disent pas dans un premier temps, de façon à ce que les
parents sachent qu’il ne faut pas trop leur demander d’assumer seuls les désor
ganisations résultant de la maladie d’un membre de la fratrie, notamment
pour protéger leur propre sécurité affective de base. En effet, lorsqu’il existe
par exemple un enfant autiste dans la famille, il arrive que les autres enfants
soient plus ou moins délaissés, non pas activement par leurs parents, mais
du fait de l’intense mobilisation que cette pathologie leur demande. Les
enfants de la fratrie vont alors surcompenser ce délaissement en laissant
penser à leurs parents que tout va bien. Or il n’en est rien, et les parents
doivent être aidés à en réaliser les conséquences. Ainsi, certaines équipes
ont pu organiser des réunions de fratrie pour y travailler ensemble de telles
problématiques, plutôt que de voir les frères et sœurs en consultation, ce
qui a souvent pour effet de leur laisser penser qu’eux aussi sont malades.
Il semble plus intéressant de les laisser exprimer, avec l’aide de personnes
formées à cet effet, leurs difficultés, en insistant sur le fait que ces dernières
sont habituelles voire « normales », et qu’elles ont été décrites comme tel-
les. De plus, leurs témoignages nous montrent qu’ils sont soulagés de savoir
que d’autres enfants partagent leur problème et ces « identifications laté-
rales » leur permettent souvent de se sentir appartenir à un groupe dont
les membres traversent des histoires semblables. Ces groupes peuvent être
utilisés par le consultant lorsqu’il sent que la fratrie de l’enfant qu’il reçoit
avec ses parents semble avoir besoin d’être aidée lors d’un moment parti-
culièrement difficile.
Grands-parents
Lorsque nous avons présenté le travail de consultation, il nous a semblé
important d’insister sur la construction de l’arbre généalogique. Les grands-
parents y jouent un rôle essentiel, puisque les parents de l’enfant reçu sont
chacun issus d’un lignage dont ils peuvent « témoigner ». Le travail consiste
alors à permettre aux parents et à leur enfant de revisiter avec notre aide
cette histoire constitutive de leur famille. Cette recherche rouvre habituelle-
ment des espaces imaginaires et symboliques que la psychopathologie avait
vu se figer progressivement sous l’effet de forces de diverses origines à l’œu-
vre. Et dans la plupart des cas, ces élaborations se passent sans la présence
physique des grands-parents. Pourtant, il peut arriver que leur présence
soit requise pour aller plus loin dans telle ou telle hypothèse concernant
la genèse des troubles de l’enfant. Dans ce cas, conformément aux
Le travail spécifique avec les parents 159
Références
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6 Les avis complémentaires
Le psychologue
Avant d’aborder l’approche spécifique du psychologue, il est important
de rappeler son rôle essentiel dans la consultation de pédopsychiatrie,
puisqu’il peut dans les cas où la possibilité en a été discutée avec le pédo
psychiatre, et la responsabilité assumée par les deux, également assurer les
Tests de niveau
Les tests de niveau se divisent en deux grandes rubriques : les tests de
développement intellectuel et les tests d’efficacité intellectuelle. Les tests de
développement intellectuel permettent de chiffrer le quotient intellectuel
(QI) de l’enfant examiné par rapport à une classe d’âge statistiquement défi
nie par leur niveau moyen de développement. Ce chiffre mesure donc pour
cet enfant « l’avance ou le retard à l’aune de la performance attendue, qui
est fourni par le décompte en mois de l’âge réel de l’enfant testé » (Jeammet,
1994). On retrouve dans ces tests la NEMI de Binet-Simon revue par Zazzo,
initialement créée pour évaluer le niveau d’inadaptation scolaire. Le
Termann-Merill et le Borel-Maisonny sont également utilisés dans certains
cas (surdité). Le test important pour apprécier le niveau de développement
des bébés est le Brunet-Lézine, issu des travaux de Gesell, qui donne un
quotient de développement (QD) portant sur les quatre aspects suivants :
moteur ou postural, verbal, adaptation ou comportement avec les objets,
relations interpersonnelles. Le test de Denver est également intéressant dans
la même perspective développementale, ainsi que le test de Bailey. La passa
tion de l’échelle de Brazelton peut également apporter pour le nouveau-né
des éléments très intéressants pour mettre en évidence ses compétences ou
leur absence.
Les tests d’efficience intellectuelle obtiennent le QI non plus à partir d’un
rapport arithmétique entre la vitesse de développement de l’enfant et celle
qui est validée statistiquement au même âge, mais « à partir d’un indice de
dispersion par rapport à la moyenne d’un groupe d’âge » (Jeammet, 1994).
La WPPSI6 pour la période pré-scolaire (de quatre à six ans) et le WISC-R7
(échelle de Wechsler dans sa forme révisée) pour la période scolaire (jusqu’à
seize ans et demi) définissent un QI et des niveaux d’intelligence qui vont
du déficient (moins de 70) au très supérieur (plus de 130) en passant par
les variantes de la normale. À noter que la forme pour adultes (WAIS8) est
validée à partir de treize ans. Ce test comporte deux types d’épreuves, les
verbales (information, compréhension, arithmétique, similitude et voca
bulaire) et les performances (complétion d’images, arrangement d’images,
épreuves de Kohs, assemblage d’objets, codes et labyrinthes). L’échelle de
pensée logique de Piaget et Longeot mesure le niveau de développement
de la représentation symbolique. Plusieurs tests complètent ces approches
fondamentales : ce sont le Benton (épreuve perceptivo-motrice), la figure
de Rey (épreuve également perceptivo-motrice portant sur la reconnaissan
ce, la mémoire et la reproduction des formes spatiales et graphiques) et le
Thématiques
Des tests dits « thématiques » peuvent également être proposés. Plusieurs pos
sibilités s’offrent au psychologue en fonction de l’âge et de son expérience
avec tel ou tel test. Le TAT (Thematic Aperception Test) et sa variété pour les
enfants de moins de huit ans, le CAT (Children Aperception Test), sont des ensem
bles de planches mettant en scène des personnages humains pour le premier
et animaux pour le second, dans des situations ouvertes, c’est-à-dire pouvant
être interprétées de diverses manières en fonction de l’état psychique interne
Les avis complémentaires 165
Dessin de l’enfant
Les tests faisant appel au dessin de l’enfant sont également utiles et intéres
sants. Tels sont les tests du bonhomme, de la famille, de l’arbre, de la dame
(Fay) qui permettent de mieux approcher les capacités de représentation du
monde par l’enfant et surtout les contenus qu’il peut ainsi laisser entrevoir
à l’observateur avisé.
Le psychomotricien
L’orthophoniste
L’orthophoniste (ou logopède) est un professionnel qui prend en charge
les troubles du langage oral et écrit de l’enfant et de l’adulte, que ce soit
concernant son acquisition chez le premier, ou sa récupération chez le
second. Un enfant peut avoir un retard dans l’acquisition du langage oral ou
écrit, et son orthophoniste fera d’abord un bilan approfondi pour l’aider
à mieux cerner où il en est de son développement et, à partir des résultats
de ce bilan, croisés avec ceux des autres spécialistes consultés, pourra lui
proposer une prise en charge spécifique. Un adulte ayant subi un trouble
neurologique peut perdre ses facultés langagières, et l’orthophoniste aura
également la mission de l’aider à récupérer, quand c’est possible, certaines
de ses facultés. Mais les deux champs sont sensiblement différents, dans la
mesure où pour les enfants en développement il s’agit d’un rapport avec
le langage qui est souvent problématique d’emblée. Et les orthophonistes
investissent aujourd’hui les conditions dans lesquelles le langage apparaît,
et surtout les signes avant-coureurs, ce que nous avons désormais l’habitude
de nommer les « précurseurs du langage » (Golse, 2005). Dans cette perspec
tive, il est extrêmement utile d’avoir l’avis de ces professionnels pour mieux
aider un enfant en « délicatesse » avec le langage sous toutes ses formes.
Enfin, il existe chez l’enfant des formes de troubles du langage en rapport
avec des pathologies telles que les troubles de l’audition, les infirmités
motrices d’origine cérébrale, l’épilepsie… Là encore, un avis des spécialistes
concernés sera requis.
Le langage est une fonction complexe qui se développe chez un enfant
en interaction avec ses parents, dans un milieu culturel donné et compor
tant une langue maternelle parlée au moins par la mère de l’enfant, sinon
par son père et leur groupe d’appartenance culturel. Mais si ces aspects
anthropologiques du langage sont fondamentaux, l’imbrication avec le
développement neurologique et psychologique est évidente, et on ne pourra
donc pas isoler les symptômes qui concernent le langage et ses avatars de
l’ensemble du développement de l’enfant.
Langage et parole
Nous devons distinguer langage et parole, qui, à leur tour, renvoient à plu
sieurs concepts. Le langage renvoie aux systèmes sémantique et syntaxique,
tandis que la parole renvoie aux systèmes phonétique et phonologique.
Concernant le langage, la sémantique prend le sens pour objet et la struc
turation sémantique implique un codage et une mémorisation des mots
du vocabulaire de façon précise par l’enfant en développement. Le champ
sémantique est « l’aire couverte dans le champ de la signification par un
mot ou par un groupe de mots de la langue » (Dubois et al., 1994, p. 423).
Les avis complémentaires 171
L’examen
En tout état de cause, les finalités du langage sont de communiquer avec
son entourage, non seulement sur les aspects informatifs et cognitifs, mais
aussi à partir des vécus émotionnels et affectifs que l’enfant traverse et
qu’il doit pouvoir donner à penser à un autre avant de les penser lui-même
en son for intérieur. L’examen devra donc comporter plusieurs aspects
complémentaires : la qualité de la communication, le degré de motivation
ou d’incitation et le niveau auquel est arrivé l’enfant dans la possession du
langage. Pour y parvenir, le consultant utilisera les échanges de paroles lors
de la consultation, que ce soit avec les parents ou avec l’enfant, mais aussi
les techniques indirectes telles que le dessin et le jeu. Certains enfants vont
pouvoir facilement parler en consultation quand d’autres se révéleront
incapables de le faire, alors qu’ils peuvent parfaitement échanger lors d’un
dessin ou d’un jeu. Dans d’autres cas, seul le petit groupe thérapeutique
pourra vaincre l’inhibition de l’enfant. Quel que soit le style langagier de
l’enfant, il sera intéressant d’apprécier sa capacité à communiquer par la
parole, le dessin, le jeu, mais aussi par la communication non verbale : le
regard, la mimique, les gestes peuvent permettre à l’enfant de montrer qu’il
a le souhait de communiquer tout en ayant des difficultés à le faire de façon
ordinaire. L’examen de l’orthophoniste viendra compléter ces éléments
récoltés lors des consultations en proposant son cadre spécifique dans lequel
tous ces éléments seront repris plus finement et en y associant des épreuves
systématiques. Son examen comporte une étude du langage oral, du langa
ge écrit lorsque l’enfant y est parvenu, et doit s’intéresser aux troubles asso
ciés. Cet entretien se fait souvent en présence des parents de façon à étudier
les interactions verbales et non verbales entre l’enfant et ses parents (avec
une attention particulière pour les familles non francophones), sa capacité
à investir une personne jusqu’alors inconnue, et ses possibilités d’attention
conjointe, de pointage proto-impératif puis proto-déclaratif, son « désir » de
Les avis complémentaires 173
qui parle mal mais comprend tout (selon ses parents) la confusion compré
hension verbale/compréhension globale donne l’illusion de l’intégrité de
la compréhension ; la mise en avant par les parents du seul problème du
langage peut faire commettre une erreur diagnostique dommageable, ce
qui conduit les équipes sollicitées à ne pas proposer un entretien avec l’or
thophoniste en première intention ; la confusion entre le trouble du langa
ge et l’échec scolaire amène souvent l’enfant chez l’orthophoniste comme
seule indication thérapeutique alors qu’il nécessiterait davantage une prise
en charge pluridisciplinaire.
Nous voyons à nouveau l’importance de ces approches complémentaires
du symptôme de l’enfant, qui justifient à la fois le point de vue du travail
en équipe et la rigueur de chacun de ses participants. Ce travail permettra
en outre la réflexion sur l’indication des soins orthophoniques lorsqu’ils
s’imposent en synthèse clinique, éventuellement corrélés à d’autres prises
en charge souhaitables.
Dans les classifications françaises et internationales, les troubles de la
arole et du langage font partie des troubles du développement et des fonc
p
tions instrumentales. Nous y retrouvons successivement les troubles isolés
de l’articulation, les troubles du développement du langage, les retards de
parole ou simples de langage (troubles expressifs), les retards complexes ou
dysphasies (troubles expressifs et réceptifs), les aphasies acquises de l’enfant
avec épilepsie (Landau-Kleffner11) ou sans épilepsie, le mutisme (complet ou
électif) et le bégaiement. Mais il faut y ajouter les troubles cognitifs et des
acquisitions scolaires (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie et autres trou
bles du développement et des acquisitions scolaires). Enfin, il est important
de resituer la présence de troubles de la parole et du langage dans le cadre
des autres pathologies pédopsychiatriques. En effet, il s’agit d’un symptôme
qui traverse l’ensemble de ce champ, que ce soient les pathologies de la per
sonnalité (autisme, syndrome d’Asperger, dysharmonies psychotiques…),
celles du développement (retards, déficiences, précocités…), ou celles du
comportement (instabilité psychomotrice, THADA…).
Les orthophonistes peuvent souhaiter se spécialiser dans une technique
de facilitation du langage. Certains vont utiliser la méthode Makaton12 ou
L’infirmier
13 Le PECS (Picture Exchange Communication System) est une méthode qui consiste à appren
dre à l’enfant à initier spontanément une interaction de communication en lui montrant
comment s’approcher de l’adulte et lui donner l’image de l’objet qu’il désire en échange de
cet objet. Cette approche souligne l’importance chez l’enfant autiste de la partie iconique
(Peirce) du signe.
176 La consultation avec l’enfant
L’éducateur
Les éducateurs appartiennent au service socio-éducatif dans les hôpitaux.
Avec une formation sensiblement différente, ne comportant notamment
que très peu d’aspects médicaux, ils peuvent s’inscrire dans la même
trajectoire que les infirmiers lorsqu’ils acceptent la responsabilité et
Les avis complémentaires 177
La puéricultrice
Dans les services de pédopsychiatrie ou de psychiatrie d’adultes compor
tant des unités mères-bébés, les puéricultrices ont un rôle important pour
la prise en charge du bébé en interaction avec sa mère, de façon à l’aider,
chaque fois que c’est possible, à assurer sa fonction maternelle avec lui ;
mais les indications d’hospitalisation dans ces structures de soins spéciali
sées sont portées principalement lorsque la mère présente une pathologie
psychiatrique avérée et a besoin pour ses propres soins psychiques d’un
soutien de ce type. L’ensemble de l’équipe soignante doit donc centrer son
attention sur les deux plans complémentaires du soin psychique à la mère
et de l’aide au bon développement et à la protection du bébé en interaction
avec elle. Les puéricultrices, en lien avec le pédiatre et le pédopsychiatre
avec lesquels elles participent à la consultation, veillent sur la bonne évo
lution du bébé, et accordent leurs approches avec celles des soignants qui
prennent en charge plus spécifiquement la mère et ses problèmes puerpé
raux. Mais lorsque l’équipe chargée de la périnatalité dans un service de
pédopsychiatrie développe toutes les dimensions de prévention telles que
la circulaire Molénat14 le suggère fortement, les puéricultrices ont un rôle
important dans le suivi à domicile de mères qui présentent des pathologies
L’enseignant spécialisé
Dans un grand nombre de situations, l’enfant est scolarisé, soit dans une
classe ordinaire correspondant à son âge et à son niveau, soit dans une
classe spécialisée de son école ou de son collège (CLIS, UPI, SEGPA16…),
soit encore dans l’établissement médicosocial correspondant à son niveau
intellectuel et psychoaffectif (IME, ITEP, IMPro, IEM17…), soit enfin dans
La secrétaire médicale
Enfin, quels que soient les dispositifs de la pédopsychiatrie, la secrétaire
médicale a un rôle essentiel à jouer dans l’accueil des demandes de consul
tations. C’est elle qui est en première ligne pour ce travail de décodage
souvent subtil qui vise à distinguer les urgences des autres appels, à orienter
vers des collègues spécialisés dans tel ou tel domaine pour éviter de faire
attendre en vain, à transmettre les éléments indispensables à la constitution
des dossiers, et à organiser les consultations et les bilans qui sont deman
dés par le consultant dans les premiers temps. Il arrive fort souvent que les
parents parlent à la secrétaire de façon plus directe d’éléments qu’ils n’abor
deront pas toujours avec le consultant. Elle peut même être la cible d’une
agressivité destinée au consultant qui est épargné plus ou moins consciem
ment par le ou les parents. Il va sans dire que les liens professionnels entre
le consultant et la secrétaire sont déterminants dans la qualité des presta
tions attendues.
ne vont pas ici faire l’objet d’une étude approfondie, mais il paraît désor
mais évident que ces avis complémentaires sont absolument nécessaires
quand ils peuvent ouvrir de nouvelles perspectives diagnostiques et thé
rapeutiques. La collaboration entre ces divers spécialistes contribue à réar
ticuler des champs de la médecine qui ont trop longtemps été cloisonnés.
C’est par ailleurs ce qui a conduit quelques-uns d’entre eux à proposer des
consultations conjointes dont nous parlerons plus avant.
Consultations interculturelles
La consultation en pédopsychiatrie peut accueillir des enfants de familles
migrantes. Les motifs recoupent ceux des consultations habituelles, mais du
fait des origines de ces familles, les problèmes sont très souvent intriqués.
C’est ainsi qu’aux problèmes de souffrance psychique peuvent d’ajouter des
difficultés somatiques, des difficultés d’intégration dans le lieu d’accueil de
la famille, des troubles de la scolarité, sans compter les pesanteurs
Les avis complémentaires 181
milieu desquels il peut être amené à vivre sa maladie. C’est pourquoi l’inté
rêt du consultant pour tout ce qui se passe à la maison aura des effets béné
fiques sur l’alliance thérapeutique à venir, tandis que le mépris ou le rejet de
ces éléments pourra se révéler délétère pour sa structuration en renforçant
le clivage entre monde interne et monde externe. Enfin, un des leviers du
développement de l’enfant est son accès au monde symbolique et à l’un de
ses outils principaux, le langage. L’utilisation de la langue familiale est un
élément essentiel de cette première culture, qui facilitera l’intégration de
la deuxième. À ce titre, favoriser l’acquisition de la langue maternelle d’un
enfant auprès de ses parents est une « véritable prévention des dysfonction
nements psychiques et cognitifs ultérieurs » (Moro, 1993).
Un des dispositifs pour accueillir ces demandes singulières est celui du
« cercle observant ». Tobie Nathan, élève de G. Devereux, a étudié dans
chaque peuple les réponses aux problèmes de la maladie mentale, quelle
que soit la manière dont on la dénomme dans les différentes civilisations.
Il a abouti sur le plan concret à des « cercles observants » (Nathan, 1994).
Quand un Béninois vient consulter parce que son enfant pleure toutes les
nuits, quand un Maghrébin fait une tentative de suicide alors que c’est rare
dans cette civilisation, les psychiatres de secteur des banlieues parisiennes
interpellés ne sont pas formés pour tenir compte de ces spécificités culturel
les. Ces patients sont donc adressés à l’équipe de pédopsychiatrie. Dans ce
cercle observant avec l’enfant et sa famille sont réunis plusieurs praticiens
dont certains, sans être forcément de la même ethnie que le consultant, par
lent sa langue maternelle. Il y a d’abord une discussion avec les « clients »,
puis dans un deuxième temps une reprise est effectuée dans le groupe de
praticiens. Ils vont ainsi faire une lecture de ce symptôme dans la culture
du consultant et aboutir à des propositions de compréhension et de prises
en charge spécifiques.
technique de la vie collective dans les professions prenant en charge les dif
férents modes de la relation humaine est soumise à des considérations spé
cifiques. On ne peut les comparer à des réunions d’information classiques,
car elles doivent pouvoir se pencher sur des éléments concernant l’histoire
de l’enfant et de sa famille, leur affectivité, les aspects traumatiques, et divers
éléments faisant habituellement l’objet d’échanges privés voire secrets.
Il est très important de rappeler aux participants de ces réunions qu’ils sont
tenus au secret médical partagé. La réunion est décrite comme faisant dialo
guer concomitamment trois préoccupations : un premier niveau d’informa
tion, un deuxième niveau d’échanges affectifs et un troisième de décision
(Rothberg, 1968).
x
• La CARS (Childhood Autism Rating Scale) est une échelle diagnostique
d’utilisation simple qui permet aussi d’apprécier le degré de sévérité des
troubles autistiques.
• Différents domaines du développement doivent être systématiquement
examinés, mais il n’y a pas de procédure ou de test standard. L’adapta
tion (contexte de passation, présentation des épreuves, interprétation des
résultats) des procédures ou des tests habituellement utilisés pour les
enfants au développement typique est nécessaire en fonction des particu
larités comportementales.
Observation clinique dans une situation semi-structurée (de jeux avec
un adulte par exemple) ou en situation non structurée (en situation de vie
quotidienne). — Une observation éventuellement répétée dans le temps
est indispensable pour permettre le recueil sur une période suffisante des
capacités et difficultés.
Examen psychologique. — Il est indispensable pour déterminer le profil
intellectuel et socio-adaptatif. Les tests non spécifiques de l’autisme sont à
adapter pour mesurer le niveau de fonctionnement (Brunet-Lézine, tests de
Weschler, K-ABC1…). L’échelle de Vineland est validée et disponible en fran
çais ; elle permet d’apprécier les capacités socio-adaptatives. Elle fournit aussi
une estimation intéressante du fonctionnement global (en particulier chez les
enfants de bas niveau), car elle repose sur une estimation des capacités en
situation ordinaire. Le PEP-R (Psychoeducational Profile – Revised), destiné spé
cifiquement aux personnes autistes, permet aussi une description du compor
tement et des compétences développementales dans différentes situations.
Une évaluation neuropsychologique peut être utile en complément.
Examen du langage et de la communication. — Il est indispensable
pour évaluer les aspects formels (parole et langage sur les versants expres
sif et réceptif ainsi que les praxies) et pragmatiques (attention conjointe
et autres actes de communication) ainsi que le langage écrit si besoin,
voire le langage gestuel. Le choix des tests dépend du profil individuel de
l’enfant. L’ECSP (Échelle de communication sociale précoce) et la grille de
Whetherby peuvent être utilisées pour décrire le profil de communication,
en particulier chez les enfants avec peu ou pas de langage.
Examen du développement psychomoteur et sensorimoteur. — Il est
indispensable pour examiner la motricité (globale et fine), les praxies et l’in
tégration sensorielle. Les tests, non spécifiques de l’autisme, sont à adapter.
Après ces recommandations précisant les moyens utilisés pour valider une
démarche diagnostique en matière de troubles envahissants du dévelop
pement, les rapporteurs définissent les conditions dans lesquelles elle doit
se dérouler pour satisfaire aux critères de bonnes pratiques consensuelles.
Ces conditions portent sur la qualité des professionnels concernés, sur les
lieux, l’organisation de la procédure diagnostique et imposent un échéan
cier pour en limiter la durée.
x
• La procédure diagnostique implique une articulation en amont et en
aval avec les professionnels qui vont assurer la prise en charge.
• Il n’y a pas d’organisation standard de la procédure diagnostique. Elle
peut se dérouler sur plusieurs demi-journées continues et comporter une
synthèse en équipe suivie d’un compte-rendu oral et écrit aux parents. Elle
peut être plus étalée dans le temps sur une ou deux semaines pendant
lesquelles les examens nécessaires sont réalisés (au cours d’observations
en séquence d’hospitalisation à temps partiel) ainsi que la réunion de syn
thèse et le compte-rendu aux parents.
• Il est important de constituer en collaboration avec la famille et les
autres professionnels un dossier réunissant les résultats des différentes
investigations ayant pour objet l’établissement du diagnostic nosologique,
de l’évaluation fonctionnelle ou le diagnostic des troubles associés.
• Une évaluation régulière (généralement tous les 12 à 18 mois) doit être
envisagée pour les enfants jusqu’à leur sixième année. Le rythme des éva
luations ultérieures est à définir suivant l’évolution.
Échéancier
• Les équipes assurant la responsabilité du diagnostic doivent donner la
priorité à l’examen des enfants pour lesquels aucun diagnostic n’est
encore établi. Le délai pour la réalisation de l’évaluation ne devrait pas
dépasser 3 mois.
Ces recommandations données pour les TED sont intéressantes, car elles
permettent aux équipes de se référer à un consensus établi à partir des
dernières données scientifiques disponibles et en appui sur les pratiques
reconnues par la communauté des professionnels et des personnes concer
nées ou de leurs représentants. Mais il est important que dans chaque
région, dans chaque département, dans chaque secteur géodémographique,
en fonction des cultures de référence des personnes chargées de ce travail de
bilan diagnostique, en fonction des ressources à disposition de ces équipes
et des possibilités de prises en charge ultérieures, des initiatives puissent
être prises pour conserver la qualité de la relation humaine dans laquelle
se déroulent ces investigations. Il ne serait pas admissible que, sous des
prétextes divers, des équipes se trouvent dans l’impossibilité d’opérer cette
mission. Les secteurs de pédopsychiatrie, des services hospitaliers de
pédiatrie, des CAMSP, des CMPP et d’autres établissements qualifiés peuvent
rendre ce service valablement à la condition de tenir compte des recom
mandations exposées ci-dessus. Dans ce cadre, la continuité entre le bilan
et la prise en charge peut être préservée. Si les centres ressources autisme
régionaux sont la référence de ce travail, des relations de coopération entre
ces derniers et les équipes de première ligne sont hautement souhaitables,
plutôt que des rapports de subordination, car la dynamique qui présidera à
188 La consultation avec l’enfant
Références
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Les avis complémentaires 189
Position du problème
L’annonce du diagnostic se fera au cours d’une consultation avec l’enfant
et ses parents. Nous avons choisi, pour des raisons pédagogiques, d’en
séparer l’exposition de celle des propositions de prises en charge, qui se font
habituellement lors de la même rencontre. Ce problème essentiel des indi
cations de soins fera l’objet du chapitre suivant. Mais il est bien évident que
dans la pratique, les indications de prise en charge viendront pour une part
répondre aux nombreuses questions que ne manquent pas de se poser les
parents lors de l’annonce du diagnostic. Et dans certains cas, la désespéran
ce qui peut la suivre est en partie compensée par les possibilités thérapeu
tiques, pédagogiques et éducatives offertes à l’enfant. Mais que l’on ne s’y
trompe pas : un diagnostic contient une part de souffrance incontournable
qui fera violence aux parents et à l’enfant. Il s’agit d’aider les protagonistes
à la reconnaître, à la métaboliser et à la dépasser, car l’engagement dans la
démarche de soins nécessitera souvent de leur part une énergie disponible
à long terme.
La question du diagnostic en pédopsychiatrie est devenue aujourd’hui
une nouvelle donne dans la démarche médicale, car il est désormais impor
tant, et c’est la moindre des choses de le faire, d’informer les parents de la
pathologie présentée par leur enfant. De plus, cette question a fait l’objet
d’une loi (5 mars 2002) qui sera étudiée plus loin.
Mais si cela est devenu « normal » de délivrer un diagnostic, cela ne
veut en aucun cas dire que la démarche qui y conduit est simple. Bien au
contraire, nous sommes là encore devant une démarche complexe qui aura
beaucoup de répercussions dans le destin de l’enfant. Si l’on peut admettre
sans difficulté qu’un enfant présentant une maladie organique, dont le dia
gnostic est certain, peut faire l’objet d’une annonce diagnostique précise à
ses parents, il en va tout autrement lorsque les éléments du diagnostic sont
incertains. Toutefois, il semble maintenant nécessaire de faire part aux
parents des éléments qui sont en possession du médecin de façon à ce qu’ils
accompagnent au mieux leur enfant, dans l’état actuel des connaissances
de la science médicale sur la pathologie qui le concerne. Le pédopsychia
tre ou le psychologue vont annoncer le diagnostic aux parents lorsque les
différents éléments réunis au cours de leurs consultations, éventuellement
enrichis des bilans demandés à cette occasion, auront été discutés pour y
être travaillés dans la réunion de synthèse de l’équipe. Puis, en fonction de
ce qui aura été élaboré par les personnes ayant reçu l’enfant et les parents,
le pédopsychiatre ou le psychologue, accompagné des collègues dont l’avis
peut être rapporté directement aux intéressés, le recevra en consultation
d’annonce du diagnostic. Et comme nous l’avons déjà évoqué, il arrive le
plus souvent que cette consultation soit un moment au cours duquel vont
se discuter les indications de prise en charge proposées, car il nous apparaît
très utile de ne pas laisser les parents avec ce diagnostic suspendu, risquant
de faciliter autour de l’enfant l’émergence d’une angoisse difficile à élabo
rer. Nous verrons au chapitre suivant que la « mobilisation » des énergies
parentales autour des propositions de prises en charge est un des modes
possibles de transformation de l’angoisse et de la culpabilité parentales en
énergie au service de leur enfant.
On ne peut donc pas proposer une méthode unique d’annonce du diag
nostic ; ces annonces sont par définition plurielles, dépendant autant des
éléments objectifs à dire que de la personne qui l’assume. Il n’est pas inutile
de rappeler que chacun des consultants doit pouvoir mêler en fonction de
son équation personnelle les qualités médicales d’objectivité et de rigueur
scientifiques avec celles d’humanité, d’empathie et d’accueil attentif des
réactions des protagonistes, de façon à permettre « en direct » de composer
avec les réactions qui ne vont pas manquer de survenir lors de cette rencon
tre inhabituelle. Nul doute que les capacités de porter les inquiétudes et de
partager les angoisses pour les transformer en énergie utile pour la prise en
charge soient les enjeux fondateurs d’une alliance thérapeutique à venir.
Annonces du diagnostic
Nous allons envisager successivement plusieurs situations engageant l’en
fant et ses parents dans des démarches différentes en fonction des psycho
pathologies présentées. Pour balayer l’ensemble des problématiques, nous
présenterons un enfant porteur d’une souffrance psychique de type névro
tique, puis un enfant présentant une difficulté d’apprentissage, un enfant
atteint de trouble envahissant du développement, un enfant victime de
mauvais traitement et d’abus sexuel, une adolescente anorectique, un ado
lescent suicidaire et un bébé présentant une incertitude diagnostique.
x enfant en difficulté qui requiert une prise en charge soutenue que nous pouvons
mener en partie grâce à ses qualités pédagogiques. Ce jeune garçon de sept ans
est en difficulté scolaire, sans doute en raison d’une instabilité psychomotrice
importante, comportant des troubles attentionnels apparents et une grande et
permanente « envie de bouger ». Ses pairs finissent par être gênés par ses atti-
tudes et il est en passe de devenir le bouc émissaire de sa classe. Les parents l’ac-
compagnent à la première consultation et, une fois son histoire précisée, nous
proposons aux parents de réaliser un bilan de niveau intellectuel et un examen
de sa psychomotricité, après avoir mis en évidence un état dépressif masqué par
son agitation anxieuse. La psychologue le reçoit et met en évidence un niveau
intellectuel très performant, avec un quotient homogène (verbal et performance)
aux alentours de 120. Le psychomotricien insiste sur les motions anxieuses qui
traversent l’ensemble du tableau clinique d’Eliott, et il retrouve également des
thèmes dépressifs nombreux : un fort sentiment de dévalorisation, ne pas être
aimé de ses parents ou des autres dans son école. Seule son institutrice trouve
grâce à ses yeux. Nous voici donc devant un jeune garçon qui présente une insta-
bilité psychomotrice symptomatique d’un état dépressif préoccupant, et assorti
d’un échec lors de l’année scolaire en cours.
Lorsque Eliott et ses parents arrivent à la consultation pour le rendu du bilan et
les propositions de soins, nous sommes frappés par le calme anxieux d’Eliott,
contrastant avec les consultations précédentes. Ses parents sont tristes tous les
deux, manifestement préoccupés par l’attente des « résultats ». Les conclusions
provisoires des consultations et bilans effectués sont présentées en donnant suc-
cessivement la parole aux deux collaborateurs, psychologue et psychomotricien.
Le pédopsychiatre propose ensuite « en situation » une synthèse de ce que ces
trois professionnels ont compris de la souffrance psychique d’Eliott, quand ce
dernier demande à prendre la parole et, s’adressant à sa mère, lui dit : « Est-ce
qu’on peut demander au docteur ce qu’elle a Mathilde ? » La mère se met à
pleurer à chaudes larmes et son mari l’entoure affectueusement de son bras. Il
est visiblement « secoué » lui aussi. Nous assistons à quelque chose qui n’était
pas prévu pour cette restitution : nous apprendrons des parents, dès que la
mère aura cessé de pleurer, que la première consultation d’Eliott avait coïncidé
avec l’hospitalisation en urgence de Mathilde, leur première fille, âgée de
12 ans, pour une décompensation grave de son anorexie récente, remontant à
la dernière rentrée scolaire, et correspondant au début de l’instabilité d’Eliott.
Les parents, extrêmement inquiets de cet élément dramatique, avaient omis ou
pensé inutile de parler de ce traumatisme à propos de l’état dépressif d’Eliott.
La proposition d’un travail psychothérapique à Eliott, prévue pour le diagnostic
initialement retenu, a fait place à des consultations thérapeutiques pour y traiter
ce qui devenait un état dépressif réactionnel à des circonstances familiales vul-
nérantes pour lui. Après discussion ensemble, il a été convenu que les parents
prendraient rendez-vous avec l’institutrice pour lui faire part du contexte dans
lequel Eliott vivait depuis quelques mois, soit en détaillant les raisons soit en
restant suffisamment allusifs pour être compris, mais sans dévoiler un élément
de l’histoire intime de la famille.
196 La consultation avec l’enfant
x
détracteurs de l’information précise pensent qu’elle risque de sidérer
les parents, de les empêcher de penser leur enfant avec son individua-
lité. Pour Aussilloux, ce sont les modalités de l’annonce et son articu-
lation avec des moyens pour permettre aux parents de lui faire face
et d’être soutenus dans la durée qui vont la rendre “acceptable” ou
pas. La littérature médicale est peu importante autour de cette ques-
tion de l’annonce d’un diagnostic d’autisme à des parents. Elle montre
que l’annonce entraîne effectivement un choc affectif chez les parents,
mais que la majorité considère que l’attitude du professionnel qui fait
l’annonce, la clarté des informations et sa capacité à répondre aux ques-
tions sont les aspects les plus importants de cette démarche. Une enquête
menée auprès de pédiatres amenés dans leur pratique à annoncer à des
parents des diagnostics de troubles graves du développement montre
qu’il y a très peu de liens entre leurs pratiques de l’annonce et leur expé-
rience ou leur entraînement, suggérant l’intervention d’autres facteurs
comme la personnalité du clinicien. Dans cette même étude, il est montré
que les professionnels ont des pratiques au cours de leur annonce qui ne
sont pas nécessairement des déterminants de la satisfaction des parents.
La capacité des parents et des professionnels à échanger au moment de
l’annonce peut être amoindrie par des problèmes de communication.
Sherman, Austrian et Shapiro décrivent l’écart dans la perception par des
parents et des professionnels du label diagnostique utilisé à propos d’un
enfant. Ainsi, les représentations les plus dramatiques sont associées par
les pédiatres à la notion de trouble du développement cérébral, à la
notion d’autisme par les psychiatres et à la notion de retard mental par les
parents. Les professionnels doivent donc prendre en compte ces écarts
entre leurs représentations et celles des parents et s’adapter à eux pour
leur permettre d’assimiler et d’accepter à leur rythme les informations
données. Par ailleurs, le niveau socioculturel et l’état émotionnel des
parents influencent le degré de complexité de l’annonce et la rapidité avec
laquelle les informations sont délivrées aux parents. Geiger et al. observent
que l’annonce par les professionnels du niveau de développement d’un
enfant est d’autant plus sévère que les parents sont perçus par ces profes-
sionnels comme “irréalistes” sur le niveau de fonctionnement de l’enfant.
Les résultats de ces observations suggèrent que les médecins ne devraient
pas chercher à “convaincre” les parents de leur représentation personnelle
du fonctionnement de l’enfant, mais à leur donner des informations en
prenant en compte leur point de vue et en respectant ce qu’ils sont capa-
bles d’accepter. La difficulté de certains parents à admettre la “validité”
du diagnostic qui leur est annoncé est évoquée par Gray en même temps
que leurs “désaccords” avec l’idée qu’il n’y a pas de traitement curatif de
ce syndrome. L’implication des parents dans les procédures diagnostiques
et d’évaluation est considérée par certains comme moyen pour améliorer
la collaboration parents-professionnels.
x
198 La consultation avec l’enfant
x
Contenu et modalités de l’annonce
Beaucoup d’études soulignent le fait que le moment, le contenu et les
modalités de l’information donnée aux parents à propos du diagnostic
de leur enfant sont d’une importance capitale puisqu’ils peuvent modi-
fier leur attitude à l’égard de l’enfant. Pour cette raison, des études ont
cherché à mettre en évidence les facteurs reliés à la satisfaction des
parents qui reçoivent une information diagnostique. Ainsi, dans une étude
publiée en 1997, Howlin et Moore qui ont interrogé les parents de 1 294
enfants autistes rapportent que 39 % se déclarent satisfaits du processus dia-
gnostique. Leur satisfaction est d’autant meilleure que le délai pour obtenir
un diagnostic a été court et que le diagnostic donné a été précis. Les parents
à qui ont été annoncés les diagnostics de traits autistiques ou de tendance
autistique comptent parmi les moins satisfaits. Globalement, le pourcentage
de parents “satisfaits” progresse. Hasnat et Graves rapportent que 82,6 %
(versus 39 % dans les études antérieures) des parents se déclarent satisfaits
de l’annonce du diagnostic de leur enfant. Leur satisfaction est surtout liée à
la quantité des informations qu’ils ont reçues, à leur exhaustivité ainsi qu’à la
prise en compte de leur point de vue dans la procédure diagnostique et l’éva-
luation. En revanche, elle n’est pas liée à la présence au moment de l’annonce
des deux parents, ni à la présence de l’enfant ou d’une tierce personne.
Ces observations sont confirmées par Brogan et Knussen qui ont interrogé
126 parents d’enfants autistes sur leur satisfaction par rapport à l’établis
sement du diagnostic de leur enfant et qui observent que 55 % sont
satisfaits. Leur degré de satisfaction est dans cette étude encore fonction
de la clarté, de la précision et de l’exhaustivité des informations communi-
quées au moment de l’annonce du diagnostic (la précision des informations
recouvre la transmission d’un document écrit et la possibilité de poser des
questions pendant l’entretien à la personne qui annonce). Leur degré de
satisfaction n’est en revanche pas fonction de l’âge de l’enfant au moment
du diagnostic ni du délai écoulé entre leurs premières préoccupations et
l’établissement du diagnostic. Dans cette même étude, les parents les plus
satisfaits sont ceux dont l’enfant a reçu le diagnostic de syndrome d’Asperger
(versus autisme), ceux qui ont reçu un diagnostic définitif (versus “diagnostic
de travail”) et enfin ceux dont les enfants ne sont pas en éducation spéciale.
Baird, McConachie et Scrutton rapportent, après avoir interrogé les parents
d’enfants atteints de paralysie cérébrale, qu’ils sont souvent globalement
satisfaits du diagnostic (75 %), mais que seuls 54 % se déclarent satisfaits du
contenu de l’information délivrée au moment de l’annonce. Globalement,
le niveau de satisfaction des parents semble meilleur quand le diagnostic
est plus précoce et quand les troubles de l’enfant sont modérés.
Communication d’un rapport écrit aux parents
Un certain nombre de professionnels sont réservés sur le fait d’adresser
un rapport écrit, à propos des résultats des investigations diagnostiques,
x
Annonce du diagnostic 199
x
aux parents en raison de la complexité de ces résultats. McConachie,
Lingam, Stiff et Holt ont interrogé les parents d’enfants présentant diver-
ses pathologies du développement sur l’utilité du compte-rendu écrit des
examens concernant leur enfant. Les 25 parents qu’ils ont interrogés ont
presque tous trouvé utile ce document. Ils indiquent en particulier que
ce compte-rendu les a aidés dans leurs discussions avec leur entourage
et avec les professionnels. Un seul parent a trouvé le rapport écrit inu-
tile et deux parents ont déclaré qu’il était difficile à comprendre. L’utilité
d’un compte-rendu écrit est aussi soulignée dans l’enquête effectuée par
Piper et Howlin auprès de familles d’enfants ayant des troubles du déve-
loppement. McConachie, Salt, Chadury et al., qui ont cherché à décrire les
pratiques des unités d’évaluation en Grande-Bretagne, indiquent qu’un
rapport écrit est remis aux parents dans 70 % des cas et que des réunions
de synthèse se font aussi en présence des parents dans trois quarts des cas.
Gianoulis, Beresford, Davis et al. indiquent que 78 % des parents qu’ils ont
interrogés souhaitent que les résultats des investigations diagnostiques
permettent d’évaluer les difficultés de leur enfant et d’établir le diagnos-
tic précis de ses troubles ; 49 % souhaitent obtenir aussi un avis éducatif ;
35 % souhaitent une prise en charge et 19 % des informations détaillées
sur le diagnostic posé. En réponse à ces attentes initiales, 81 % des parents
sont satisfaits de l’avis diagnostique, 46 % sont satisfaits de l’avis éducatif,
38 % sont satisfaits de la proposition de prise en charge et 30 % seulement
sont satisfaits des informations données à propos du diagnostic posé. Ce
pourcentage faible peut être interprété comme le besoin de formaliser
davantage les informations communiquées aux familles lors de l’annonce
avec la transmission d’un rapport écrit à propos du diagnostic, mais aussi
par exemple de plaquettes d’informations sur la procédure diagnostique,
sur la maladie, les ressources communautaires, etc.
Préparation de l’annonce
Une des clés de l’annonce est sa préparation. Il est important de disposer
d’un temps suffisant (60 mn environ) pour ne pas être dans la précipi-
tation, de bien connaître l’enfant, d’avoir eu l’occasion de discuter avec
les professionnels qui ont réalisé les examens complémentaires et enfin
d’avoir suffisamment documenté le diagnostic qui est annoncé. L’annonce
doit être faite dans un endroit calme où il est possible de ne pas être
interrompu.
Laisser la possibilité de poser des questions au moment de l’annonce,
mais aussi plus tard quand les parents ont « assimilé »
Les parents se montrent très sensibles au fait que le médecin les encourage
à s’exprimer, à parler de leurs émotions et à poser des questions.
Offrir des aides
L’annonce du diagnostic ne peut être envisagée en dehors de la perspec-
tive de propositions de soins et d’éducation pour l’enfant et de soutiens
x
200 La consultation avec l’enfant
x
divers à sa famille. De plus, l’existence de ressources communautaires suf-
fisantes est un élément important de la qualité des relations et collabora-
tions entre parents et professionnels.
Organisation pratique de l’accueil des familles
Dans une étude publiée en 1992, Piper et Howlin ont examiné les prati-
ques d’accueil des familles dont l’enfant est reçu pour une évaluation à
visée diagnostique. Elles ont questionné les parents de 30 enfants atteints
d’un retard de développement. La majorité des parents ont exprimé le
besoin de plus d’informations pratiques sur la durée précise de la consul-
tation, ses conditions d’accès, l’aménagement de la salle d’attente, l’exis-
tence d’une cafétéria à proximité. Ces remarques, qui peuvent apparaître
mineures pour certains, indiquent l’importance de s’assurer que des
parents qui ont parfois voyagé plusieurs heures pour atteindre un centre de
consultation puissent être accueillis dans des conditions matérielles conve-
nables. Un autre besoin formulé par les parents est celui d’une description
plus précise des conditions et du déroulement de l’évaluation : qualité
des intervenants, motif et modalités de l’examen vidéo par exemple, mais
aussi précision de la nature de la participation de certains professionnels.
En effet, une des remarques est que le médecin qui effectue l’annonce
n’a généralement pas participé directement à la procédure d’évaluation
et n’a donc rencontré que brièvement l’enfant. Sous ces conditions, les
particularités de la participation des différents intervenants doivent être
expliquées aux familles.
Formation des professionnels
C’est une perspective importante si on veut améliorer la satisfaction des
familles vis-à-vis du processus diagnostique. En Grande-Bretagne, une
enquête a été effectuée auprès de 250 étudiants en médecine pour évaluer
leur connaissance sur l’autisme. Les résultats de cette enquête montrent
que si les étudiants à la fin de leurs études, comparés à ceux qui les
débutent, ont plus de connaissances sur les caractéristiques de l’autisme, ils
n’ont pas davantage de connaissances sur son étiologie, son pronostic évo-
lutif et sa prise en charge. En France, la situation n’est guère meilleure
puisque l’enseignement consacré à l’autisme durant le cursus médical du
deuxième cycle est d’une à deux heures et que les médecins généralis-
tes en formation n’ont aucune obligation de se “former”. Seuls des sémi-
naires de sensibilisation à la psychologie et à la psychiatrie sont imposés
avec une application variable entre les facultés. Ces connaissances limitées
constatées chez les futurs professionnels sont probablement un frein à la
mise en place d’un réseau de diagnostic et de prise en charge efficace des
enfants atteints d’autisme et des efforts sont suggérés dans le domaine de
la formation initiale et de la formation continue ».
Recommandations pour la pratique professionnelle
du diagnostic de l’autisme (Aussilloux et Bagdadli, 2005, p. 46-48).
Annonce du diagnostic 201
x
202 La consultation avec l’enfant
x
• Dans les cas où il est difficile d’établir avec précision le diagnostic, il est
important de donner un cadre diagnostique, tel que “TED non spécifiés”
ou “troubles du développement”. Une explication doit être donnée aux
parents sur les raisons de ces imprécisions et une évaluation ultérieure doit
être proposée.
• Conformément à la demande de la plupart des parents, il est recom-
mandé de leur remettre un rapport écrit synthétisant les principaux résul-
tats des bilans réalisés.
• Il est souhaitable de favoriser l’accès des familles aux informations sur
leurs droits, les associations, les ressources locales, le syndrome autistique,
etc.
Information à la personne (enfant, adolescent ou adulte) sur son diagnos-
tic
• Il revient au professionnel responsable de la prise en charge ou au pro-
fessionnel responsable de l’équipe qui a réalisé le diagnostic d’informer la
personne.
• Cette information doit se faire soit au terme de la procédure diagnos-
tique, soit à tout autre moment de sa vie lorsque cette question se pose
(perception de sa différence, période d’orientation…).
• L’annonce doit tenir compte de l’âge et des capacités cognitives de la
personne et se situer dans son projet de vie.
Une attention particulière devra être portée aux membres de la fratrie et
une information spécifique pourra leur être donnée
Recommandations pour la pratique professionnelle du diagnostic de
l’autisme (Aussilloux et Bagdadli, 2005, p. 49).
x manger quoi que ce soit. Elle n’a pratiquement rien avalé depuis trois semaines,
précisément depuis le premier soir passé ensemble, immédiatement après une
promenade au cours de laquelle s’était produit un incident insignifiant, et sa
maigreur attire maintenant le regard des gens sur elle. Elle est très fermée et
ne veut rencontrer personne. Les relations dans la famille sont très tendues,
et l’angoisse des parents est à la mesure de leur inquiétude. Pamela leur pose
question depuis quelque temps déjà. En effet, son enseignante référente de
cinquième les avait rencontrés quelques semaines avant la sortie pour leur dire
que leur fille inquiétait l’ensemble des professeurs par sa manie de la perfection,
son hyperinvestissement des matières scolaires, au point de ne pas supporter la
moindre baisse de note, et un engagement dans la pratique du sport qui dépas-
sait l’entendement, ne lui laissant aucun instant de répit. Elle était, de plus, en
passe de devenir un bouc émissaire des collégiens de sa classe à cause de ses
attitudes « capricieuses » et des crises qui suivaient ses frustrations scolaires. Les
parents, surpris de ces éléments révélés un peu brutalement sans avoir entendu
évoquer le moindre problème auparavant, avaient eux-mêmes remarqué que
leur fille était moins bien à la maison, moins gaie, moins souriante, moins servia-
ble. Elle qui avait l’habitude de s’occuper de son petit frère et de sa petite sœur
de façon très rapprochée avait brutalement décidé que « ça suffisait comme
ça, qu’elle n’était pas leur esclave… ». Mais ils avaient mis ces modifications
sur le compte des changements corporels récents de Pamela, en rapport avec
l’apparition de ses premières règles en début d’année. Ils se préparaient à une
adolescence sans doute assez mouvementée… Le médecin généraliste avait reçu
Pamela et ses parents le matin même. Il avait été lui-même très alerté et avait
téléphoné au collègue pédopsychiatre de son secteur pendant la consultation
pour demander un avis et des conseils sur la conduite à tenir. Le pédopsychiatre
n’ayant pas de disponibilité ce jour, avait demandé à la psychologue du CMP de
la ville de résidence des parents de Pamela, si elle pouvait recevoir l’adolescente.
Il avait rappelé le médecin généraliste pour lui proposer un rendez-vous le soir
même avec la psychologue. Ils en parleraient ensemble après la consultation.
La rencontre permet de mettre en évidence les signes cardinaux de l’anorexie
de Pamela (anorexie, aménorrhée, amaigrissement), ainsi que d’autres qui sont
habituellement retrouvés (hyperinvestissement scolaire, du sport, difficultés rela-
tionnelles intrafamiliales et avec les pairs…). L’état clinique de cette adolescente
est très préoccupant et, comme convenu avec le pédopsychiatre et le médecin
généraliste avant la consultation, la psychologue l’adresse au pédiatre de garde
au CHU. Devant l’ampleur des signes cliniques, ce dernier demande aux parents
l’accord pour l’hospitaliser immédiatement dans le service de pédiatrie en raison
des troubles métaboliques mis en évidence lors du bilan d’urgence consécutif à
l’examen physique. Pamela, contrairement à ce que les parents attendaient, ne
marque pas d’opposition à cette hospitalisation. Elle semble curieusement apai-
sée, comme si elle l’attendait en quelque sorte. Il est alors convenu avec Pamela,
ses parents et les médecins et la psychologue qui sont directement concernés par
cette prise en charge que l’hospitalisation en pédiatrie serait maintenue jusqu’à
ce que le pédiatre donne son accord pour un transfert en pédopsychiatrie, service
dans lequel le suivi thérapeutique continuerait ensuite si cela s’avérait nécessaire. x
Annonce du diagnostic 207
x des psychotropes que prend sa mère depuis plusieurs années. Il est actuel-
lement encore somnolent, mais son visage est triste et fermé. Les parents,
qui sont reçus en consultation par le pédopsychiatre d’astreinte, expliquent
qu’ils ont été avertis par un de ses amis qui leur a téléphoné vers 22 h pour
leur dire que leur fils lui avait envoyé un mail pour lui dire « adieu », que
« le râteau qu’il s’était pris avec sa copine, il ne pouvait pas le supporter »,
et qu’il était chargé de « dire à ses parents qu’il les aimait ». Albert est ha-
bituellement un garçon que tout le monde aime bien, il est drôle, sympa
et il y a toujours des tas de copains à la maison, et aussi une copine, Julie.
Mais depuis quelques semaines, il a dû se passer quelque chose parce qu’il
n’était plus pareil, il rentrait triste le soir après le collège, il ne parlait plus
beaucoup, juste le nécessaire… Et la mère ajoute : « c’était donc ça ! sa Julie
l’a plaqué ! ». Albert présente donc un état dépressif réactionnel à une rup-
ture sentimentale ; cela l’a conduit à une tentative d’autolyse avec prise de
médicaments en quantité non négligeable ; il a prévenu quelqu’un, mais son
humeur au réveil de son coma vigile est dépressive. Le pédopsychiatre annonce
les différents éléments dont il dispose aux parents et leur parle de la nécessité
d’une hospitalisation de courte durée pour passer le cap du lendemain d’un
tel geste. En effet, il est fréquent que les adolescents, dont la tension interne
a sensiblement baissé à la suite de ce geste de désespoir, aient l’impression
postcathartique d’avoir résolu le problème, et que tout va bien. Mais dans la
plupart des cas, l’état dépressif revient vite assiéger l’adolescent et le risque de
récidive est alors important. Les parents acceptent la proposition, et la discus-
sion s’engage avec Albert pour lui expliquer ce qui va se passer dans les jours
qui viennent. Il n’est pas très partant pour cette hospitalisation, mais devant la
position des parents, il finit par en accepter la réalisation. Il paraît en effet im-
portant non seulement de soigner Albert de son état dépressif, mais également
d’entreprendre la prévention de sa rechute probable.
x entendre autour d’elle. Elle est très étonnée ; et ajoute : « alors, peut-être qu’elle
n’est pas autiste ? ». Le médecin lui dit que son habitude est de voir plusieurs
fois un enfant avant d’annoncer un tel diagnostic. Et il lui donne un rendez-vous
rapide. La fois suivante, Maëva arrive, triomphante, en marchant, la maman le
sourire au visage ; elle dit : « je ne sais pas ce qui s’est passé, mais Maëva n’est
plus la même enfant, elle a marché le soir de la consultation de la semaine der-
nière et en plus, elle ne se tape plus ». Le travail qui s’en est suivi a permis de
mettre en évidence un grave état dépressif chez cette petite fille, et si la prise
en charge a été émaillée de nombreux épisodes difficiles, le syndrome autistique
n’est pas réapparu dans son évolution clinique.
Information a priori
Le principe et les modalités sont posés à l’article L. 1111-2 du Code de la
santé publique :
4 Id.
Annonce du diagnostic 213
5 Id.
6 Auxiliaire de vie scolaire individuel, service d’éducation spéciale et de soins à domi
cile.
214 La consultation avec l’enfant
informations doivent être rédigés sur papier à en-tête et adressés sous pli
cacheté au médecin de la commission départementale.
Références
Association américaine de psychiatrie (2000). Mini-DSM-IV. Critères diagnostiques.
Paris : Masson.
Aussilloux, Ch., Bagdadli, A. (2005). Recommandations pour la pratique professionnelle
du diagnostic de l’autisme. Paris : Ministère de la Santé (DGS, DGAS, HAS). (Dispo
nible à l’adresse : http://www.has-
Kahn-Bensaude, I. (2009). Bulletin d’information de l’Ordre national des médecins, 6,
13.
Lhuillier, J.-M. (2007). La protection de l’enfance. Actualités sociales hebdomadaires,
2535, supplément.
8 Indications de soins
Soins ambulatoires
Les soins ambulatoires peuvent se dispenser dans les lieux de soins dirigés
par un pédopsychiatre, soit dans le service public, soit en associatif, soit
en libéral. Les structures qui comportent un dispositif accessible pour des
suivis ambulatoires, quelles que soient les pathologies présentées, sont les
CMP (centres médico-psychologiques) des secteurs de pédopsychiatrie, où
travaillent les pédopsychiatres du service public avec une équipe multidis-
ciplinaire, les CMPP (centres médico-psycho-pédagogiques) et les CAMSP
(centres d’action médico-sociale précoce), où travaillent les pédopsychiatres
associatifs avec une équipe également multidisciplinaire. Les pédopsychia-
tres libéraux reçoivent dans leur cabinet. Les SESSAD (services d’éducation
spéciale et de soins à domicile) viennent compléter ces dispositifs. Nous
allons voir plus précisément les domaines de compétences des uns et des
autres en fonction des formes d’exercices et des indications de soins. Puis
nous envisagerons les modalités utilisées pour affiner la prise en charge, soit
individuelle, soit en groupe.
psychiatres d’alors d’y suivre les patients sortis des hôpitaux, puis confirmé
dans les circulaires de création de la psychiatrie de secteur (mars 1960 puis
mars 1972), le CMP prend force légale par la loi du 31 juillet 1985, ainsi que
l’ensemble de la politique de psychiatrie de secteur. Il s’agit d’instaurer une
vision globale de la psychiatrie, dont la psychiatrie infanto-juvénile est une
partie importante, assurée par des équipes spécialisées. Partant du principe
que les soins des enfants et des adolescents doivent être, sauf exception,
assurés en ambulatoire, le CMP devient le lieu vers lequel affluent toutes
les demandes les concernant. Là, une équipe dirigée par un pédopsychiatre
pourra proposer une ou des consultations et un bilan pour évaluer la souf-
france psychique en question et proposer une réponse adéquate en accord
avec les parents. À cette fin, après ces consultations et les bilans, les indi-
cations de soins seront réfléchies lors des synthèses de l’équipe du CMP et
proposées aux parents et à l’enfant ou à l’adolescent. Ces soins peuvent être
assurés en ambulatoire ou selon d’autres modalités que nous envisagerons
ultérieurement.
Peuvent également exister des suivis psychothérapiques par le pédopsy-
chiatre de liaison qui a rencontré un enfant lors d’une hospitalisation en
pédiatrie pour une pathologie organique et dont les soins psychiques ont
pu débuter grâce à cette rencontre particulière (voir dans le chapitre 9 la
partie consacrée à la pédopsychiatrie de liaison). Les consultations externes
des hôpitaux ont également cette fonction de suivi à plus long terme. Il
arrive que ces consultations soient indépendantes des secteurs de pédo
psychiatrie, mais le plus souvent, elles viennent compléter les fonctions
assumées par ces services, y compris dans les services de pédopsychiatrie
universitaires.
Centre médico-psycho-pédagogique
Le CMPP est une structure ambulatoire qui est spécialisée dans les souffran-
ces psychiques en lien avec l’école, le collège et le lycée, que ce soit pour des
troubles des apprentissages ou des souffrances psychiques induites par un
rapport avec la situation de scolarité. Ces structures ont été créées par voie
de décret (décret no 56-284 du 9 mars 1956 modifié (annexe XXXII)
18 février 1963), dans la lignée d’expériences lancées par les pionniers dans
l’immédiat après-guerre (1946) pour répondre de façon ambulatoire aux
problèmes psychopathologiques spécifiques posés aux élèves par la fréquen-
tation des établissements de l’Éducation nationale. Ces structures associa
tives sont au nombre de 530 environ actuellement en France. Leurs référen-
ces sont plutôt psychodynamiques. Six consultations sont proposées par un
pédopsychiatre, au cours desquelles un bilan sera fait, puis une indication
de soins posée si nécessaire et le suivi assuré dans le cadre de la structure par
des professionnels dont les statuts sont à peu près identiques à ceux d’un
CMP : psychologue, orthophonistes, psychomotricien, pédopsychiatre.
Indications de soins 217
internat. Dans certains cas, ils ont été créés par les CAMSP pour complé-
ter leur action préventive par une possibilité de soin plus soutenu. Des
consultations y sont proposées pour l’accompagnement de l’enfant et de
ses parents. Les suivis des enfants peuvent avoir lieu dans la structure, à la
crèche, à l’école ou à domicile.
Dans toutes ces consultations, la possibilité d’un travail en équipe permet
le recours à la pluridisciplinarité. Dans ces différentes structures, les indi-
cations de soins sont posées après les premières consultations et les bilans
effectués à l’intérieur de l’équipe. Elles peuvent proposer des soins ambula-
toires individuellement ou en petits groupes, à raison d’une à plusieurs fois
par semaine, en fonction de la psychopathologie présentée par l’enfant. Les
services d’éducation spéciale assurent un soutien à l’intégration scolaire ou
à l’acquisition de l’autonomie aux enfants et adolescents jusqu’à vingt ans,
en liaison avec les familles. Ils sont spécialisés par handicap et portent des
appellations différentes :
• SESSAD (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) pour les
déficiences intellectuelles et motrices, ainsi que pour les troubles du carac-
tère et du comportement ;
• SSAD (service de soins et d’aide à domicile) pour le polyhandicap, qui
associe une déficience motrice et une déficience mentale sévère ou profonde ;
• SAFEP (service d’accompagnement familial et d’éducation précoce) pour
les déficiences auditives et visuelles graves des enfants de zéro à trois ans ;
• SSEFIS (service de soutien à l’éducation familiale et à l’intégration sco-
laire) pour les déficiences auditives graves des enfants de plus de trois ans ;
• SAAAIS (service d’aide à l’acquisition de l’autonomie et à l’intégration
scolaire) pour les déficiences visuelles graves des enfants de plus de trois
ans.
Les SESSAD sont des services médico-sociaux autonomes ou rattachés aux
établissements d’éducation spéciale, réglementés par l’annexe XXIV modi-
fiée du décret no 56-284 du 9 mars 1956, qui définit les conditions d’auto-
risation, d’installation et de fonctionnement des établissements et services
prenant en charge des enfants et adolescents handicapés.
Les SESSAD assurent trois missions principales :
• le soutien à l’intégration familiale, sociale, scolaire et à l’acquisition de
l’autonomie ;
• le conseil et l’accompagnement de la famille et de l’entourage en général ;
• l’aide au développement psychomoteur, psychoaffectif et cognitif et aux
orientations ultérieures.
La souplesse et la mobilité de ces structures leur permettent d’assurer un
accompagnement à la fois éducatif, pédagogique et thérapeutique, articulé
au sein du projet individualisé de chaque enfant ou adolescent, quels que
soient son âge et le niveau de son handicap.
Indications de soins 219
Soins individuels
Ils peuvent comporter plusieurs options selon les besoins de l’enfant. Le
psychologue est formé pour le travail psychothérapique individuel. L’ortho-
phoniste reçoit individuellement les enfants pour des rééducations, mais
aussi les plus jeunes pour un travail sur les précurseurs du langage, et dans
quelques occurrences, pour un travail psychothérapique tel que Chassagny
(1977) a pu le faire exister dans certaines pratiques. Le psychomotricien
reçoit également individuellement pour des rééducations, mais également
pour des psychothérapies psychomotrices, des relaxations ou thérapies
sensorimotrices (Bullinger, 2004). Le pédopsychiatre reçoit les enfants
individuellement lorsqu’une indication de psychothérapie est posée. Il
assure également, comme le psychologue, les entretiens avec les parents
et les différents intervenants qui rencontrent les enfants individuellement,
de façon à rassembler régulièrement les éléments des prises en charge qui
gagnent à être articulés ensemble. Les techniques de psychodrame individuel
(Widlöcher, 2003) sont très intéressantes pour les enfants et adolescents.
Prescription médicamenteuse
La prescription médicamenteuse fait partie de l’arsenal du pédopsychiatre.
Mais la philosophie générale de la prescription chez les enfants est de ne pas
l’utiliser en première intention, sans avoir auparavant tenté les autres appro-
ches, ou les avoir au moins entrepris dans le même mouvement. En effet, les
effets thérapeutiques reconnus des médicaments psychotropes sont essen-
tiellement destinés à l’éradication du symptôme. Il va falloir juger des effets
attendus de la chimiothérapie en comparaison avec les inconvénients de sa
prescription. Par exemple, les effets du méthylphénidate sont maintenant
reconnus (AMM1 à partir de six ans) ; toutefois, sa prescription va notable-
ment modifier la vie quotidienne de l’enfant hyperactif, ce qui peut avoir des
conséquences en terme de qualité et de sens de la vie. C’est pourquoi, chaque
fois qu’une telle prescription intervient, elle doit être accompagnée d’un tra-
vail psychothérapique qui va permettre à l’enfant d’intégrer dans sa vie psy-
chique les nouveaux éléments qui résultent de la modification obtenue par le
médicament. L’exemple de la prescription de neuroleptiques pour des trou-
bles graves du comportement chez l’enfant autiste (angoisse majeure, auto-
mutilation, hyperagitation motrice…) est une deuxième circonstance dans
laquelle les effets attendus doivent être resitués dans un ensemble plus vaste
qui comprend toute la prise en charge. En effet, il y a lieu de ne prescrire ces
médicaments que sur une période limitée, sous peine de perdre l’efficacité
obtenue, ce qui a pour conséquences de penser l’ensemble de cette prise en
charge, y compris institutionnelle, en utilisant de façon cohérente chacun
des éléments de la thérapeutique. Toutes les classes de médicaments psycho-
tropes peuvent ainsi bénéficier d’une telle approche, ce qui offre l’avantage
de conjuguer les effets attendus du médicament sur le symptôme et le travail
Action
Le pic plasmatique a lieu une à deux heures après la prise orale. Le délai
d’action apparaît entre vingt et soixante minutes après la prise, avec une
durée d’action de trois à six heures. Il a des effets spécifiques sur le déficit
attentionnel, l’hyperactivité et l’impulsivité avec améliorations aux niveaux
moteur, social et cognitif.
Indications de soins 223
Posologie
La prescription de comprimés sécables de 10 mg se fait à la posologie de
0,3 à 1 mg/kg·j en trois prises jusqu’à 16 h environ. L’arrêt, possible, aux
vacances et aux week-ends est maintenant moins recommandé. Les ordon-
nances sécurisées, valables pour un an, doivent être rédigées par un spécia-
liste hospitalier (neurologue, psychiatre et pédiatre), et les renouvellements
tous les 28 jours peuvent être faits par un docteur en médecine.
Contre-indications
Les contre-indications sont : hypersensibilité au méthylphénidate, mani
festations d’angoisse, manifestations psychotiques, affections cardio-
vasculaires sévères, hyperthyroïdie, glaucome, grossesse, allaitement ou
jeune fille en âge de procréer, traitement par IMAO, antécédents personnels
ou familiaux d’abus de substances, antécédents personnels ou familiaux de
tics moteurs et de maladie de Gilles de la Tourette. La tolérance s’apprécie
au niveau neuropsychiatrique : irritabilité, troubles de l’endormissement,
diminution de l’appétit, céphalées, somnolences, vertiges. La prescription
est possible chez l’enfant épileptique si le traitement antiépileptique est
bien équilibré.
Effets secondaires
Il existe quelques cas exceptionnels de psychoses toxiques avec hallucina-
tions, de dysphorie passagère, notamment des éléments dépressifs. Au plan
digestif, on retrouve douleurs abdominales, nausées, vomissements, séche-
resse de la bouche ; au plan cardiovasculaire, palpitations, variations de la
pression artérielle, tachycardies ; au plan cutané, prurit urticarien, érup-
tions, purpuras thrombopéniques rares ; au plan hématologique, throm-
bopénie, leucopénie, anémie. Un éventuel retentissement sur la croissance
peut être rattrapé : Pliska (2006), dans une étude sur les adultes traités
pendant l’enfance par méthylphénidate, montre qu’il n’y a pas de diffé-
rence de croissance.
Dépression de l’enfant
Lorsque la symptomatologie dépressive est très importante avec ralentis-
sement psychomoteur, anorexie, insomnie, affects dépressifs et douleur
morale intense, et bien sûr si le risque suicidaire est important, une pres-
cription d’antidépresseur peut être envisagée. Cette prescription se fait dans
224 La consultation avec l’enfant
Tricycliques
Inhibiteurs de la recapture synaptique de la noradrénaline et de la séroto-
nine, l’Anafranil, le Tofranil, le Laroxyl et le Pertofran peuvent causer asthé-
nie, somnolence, sécheresse buccale, troubles de l’accommodation, consti-
pation et rétention urinaire, prise de poids, hypotension orthostatique, plus
rarement mouvements anormaux (tics, tremblements, incoordination),
cutanés (rash, photosensibilisation), virage de l’humeur, crises comitiales
par diminution du seuil épileptogène. Les troubles sévères sont dose-
dépendants : confusion mentale, cardiotoxicité avec syndrome QT long,
voire mort par troubles du rythme cardiaque, état de mal épileptique,
collapsus, arrêt respiratoire.
Avant la prescription, il convient de réaliser un examen clinique avec
mesure de taille, poids, pouls, pression artérielle, recherche d’atteinte car-
diaque chez l’enfant ou dans sa famille, un ECG et un bilan hépatique.
Éventuellement, un test de grossesse sera pratiqué en fonction de l’histoire
clinique.
L’AMM est accordée pour la Clomipramine (Anafranil) en dessous de
quinze ans pour l’énurésie : commencer par 10 mg/j et augmenter jusqu’à
0,5 à 1 mg/kg·j.
La posologie est de 25 mg jusqu’à 1 à 3 mg/kg·j en deux à trois prises.
Des dosages plasmatiques sont réalisés à J7 et à chaque changement de
dose. Taux plasmatiques efficaces entre 130 et 250 ng/ml pour l’imipra-
mine (Tofranil) et entre 80 200 ng/ml pour la clomipramine (Anafranil) et
l’amitryptiline (Laroxyl). Un ECG est réalisé tous les trois mois quand la
dose est stabilisée. Si PR est supérieur à 0,20 s, QRS à 0,12 s, QTc à 0,48 s, si le
pouls est supérieur à 100 ou 110 chez les enfants de moins de dix ans, et la
pression artérielle supérieure à 15/9,5, cela conduit à l’arrêt du traitement.
Isrs
Les plus connus sont la fluoxétine (Prozac), la fluvoxamine (Floxyfral), la
paroxétine (Zoloft) et le citalopram (Seropram). La demie-vie est de un à deux
jours. Il n’y a pas de corrélation entre la dose plasmatique et l’effet théra-
peutique. Le métabolisme est hépatique. Les signes d’intolérance sont à type
de nausées, dyspepsie, diarrhée, variations pondérales (diminution avec
la fluoxétine et augmentation avec la paroxétine), irritabilité, insomnie,
sédation, impatience motrice, bouche sèche. Plus rarement, on retrouve des
virages de l’humeur, crises d’épilepsie, rash et syndrome amotivationnel, et
exceptionnellement un syndrome sérotoninergique avec agitation, troubles
Indications de soins 225
Neuroleptiques classiques
Ils sont représentés par les butyrophénones avec l’halopéridol (Haldol) à la
dose de 0,025 mg/kg·j à 0,5 mg/kg·j, et les phénothiazines avec notamment
la thioridazine (Melleril) à la dose de 0,5 mg/kg·j à 3 mg/kg·j.
Neuroleptiques atypiques
Outre la clozapine (Leponex), qui n’est pas prescrite chez l’enfant sauf excep-
tion, nous avons deux possibilités, la rispéridone (Risperdal) et l’olanzapine
(Zyprexa). Elles possèdent les mêmes caractéristiques que les neuroleptiques
classiques, mais avec moins d’effets secondaires pénibles. La rispéridone
se prescrit à la dose de 0,25 mg/j si le poids est inférieur à 50 kg et jusqu’à
2 mg/j s’il est supérieur à 50 kg. L’olanzapine se prescrit à la dose de 5 à
10 mg/j, jusqu’à 20 mg/j maximum.
Troubles anxieux
Avec les différents tableaux anxieux, obsessionnels, phobiques et de conver-
sions hystériques, ces troubles pourront faire l’objet d’une prescription de
psychotropes anxiolytiques ou antidépresseurs à condition que cette pres-
cription soit comprise comme un des éléments de la prise en charge psy-
chothérapique.
226 La consultation avec l’enfant
Antihistaminiques
C’est l’hydroxyzine (Atarax) qui est le plus utilisé. Ce dérivé de la pipéra-
zine possède des propriétés anticholinergiques (pouvant entraîner bouche
sèche, constipation, troubles visuels) et antihistaminiques. Il sera prescrit
à la dose de 1 mg/kg·j de trente mois à 15 ans, pour une durée légale de
douze semaines.
Le petit Hans
Hans est le fils de deux élèves de Freud. Il va développer une phobie des ani-
maux qui va peu à peu lui faire redouter de sortir de chez lui dans la crainte de
rencontrer des chevaux et de se faire mordre par eux. Freud met en évidence le
rôle du conflit d’ambivalence qui s’y déploie, car l’enfant nourrit des sentiments
tendres pour sa mère tout en éprouvant de l’hostilité et de l’amour pour son
père. L’amour et la haine sont tous deux dirigés vers la même personne, et le
symptôme produit par Hans peut être compris comme un compromis entre ces
tendances opposées, et la phobie comme une tentative pour résoudre ce conflit
d’ambivalence.
L’enfant a le choix entre pérenniser ce conflit et fonctionner sur le mode du
clivage ou accepter ces sentiments contradictoires vis-à-vis de ses parents, et
évoluer vers la position dépressive. L’hostilité à l’égard de son père fait craindre
à Hans que celle-ci ne se retourne contre lui, et cela déclenche en partie une
angoisse désignée par Freud comme « angoisse de castration ». Pour maintenir
son unité narcissique, le Moi de Hans, par un refoulement dû à cette angoisse,
déplace par projection sa crainte de l’agressivité paternelle sur un cheval, consti-
tuant sa phobie infantile, expression renversée en son contraire d’un désir de
mort envers le père. La phobie de Hans découvre une des composantes du
complexe d’Œdipe, l’angoisse de castration, étape décisive dans le développe-
ment libidinal de l’enfant, puisqu’il est ainsi confronté à la différence des sexes,
privilège du stade phallique (Freud) ou de la castration primaire (Dolto). Si la phobie x
2 « Vous connaissez tous en effet le mécanisme, de beaucoup plus énergique, qui consiste
à utiliser le transfert. » S. Freud 1910, p. 64.
228 La consultation avec l’enfant
les petits patients touchés par les pathologies graves ont, eux, besoin des
« conditions nouvelles » d’une institution, au sens prescrit par Tosquelles
(1984)4, pour les accueillir. Or nous savons par expérience que plus les
pathologies sont graves plus les institutions à inventer avec ces patients
seront « lourdes », car ce sont eux qui ont le plus besoin d’un portage au
moins psychique (la fonction phorique5). La qualité du phénomène trans-
férentiel en jeu entre un enfant et ceux qui vont s’engager avec lui dans
une relation psychothérapique au long cours, par exemple dans le cas d’un
enfant autiste, passe par le partage des expériences d’angoisses archaïques, au
cours desquelles l’enfant éprouve la solidité de la fonction contenante des
soignants. Des précautions sont alors nécessaires, et l’histoire nous a montré
que sans elles, des difficultés pouvaient surgir, quelquefois très rapidement.
C’est pourquoi plusieurs psychanalystes ont décidé de réfléchir à la spéci-
ficité du transfert chez les enfants. De très nombreux travaux ont été écrits
à ce sujet, parmi lesquels ceux de Melanie Klein et d’Anna Freud, notam-
ment, sont fondateurs de pratiques psychothérapiques à leur service. Nous
passerons sur les conflits, notamment sur les « controverses de Londres »
(King & Steiner, 1996), qui en ont émaillé la mise en place. Il en a résulté
une nouvelle manière d’envisager la prise en charge psychothérapique des
enfants, puis de ceux atteints de graves troubles mentaux. Houzel résume
aujourd’hui les étapes de ces traitements à propos des enfants autistes :
« transfert sur le contenant, transfert infantile, névrose de transfert, fin de
la cure » (Houzel, 2000, p. 743). Nous avons vu que le transfert sur la fonc-
tion contenante ne peut se conduire dans la plupart des cas graves que dans
un cadre institutionnel. Et c’est dans ce cadre que le dispositif de la « cons-
tellation transférentielle » trouvera sa nécessité opératoire. Nous voudrions
insister sur le fait que plus encore que les espaces dans lesquels les enfants
sont accueillis pour leurs soins, ce sont les personnes qui constituent le
véritable cadre humain et vivant de leurs investissements. Et même si dans
certaines pathologies comme l’autisme infantile, des objets matériels peu-
vent les remplacer, tels les objets autistiques, la reprise des éléments contre-
transférentiels ne peut se faire qu’avec les soignants, sous la forme de réu-
nions, dans lesquelles le contre-transfert de chaque soignant pourra être
travaillé. Par exemple, dans un service de pédopsychiatrie, un enfant autiste
4 Dans l’acception de Tosquelles, l’institution ne doit pas être confondue avec l’établis-
sement. L’établissement est ce qui est créé par la loi, relayée par l’État, pour parvenir à des
objectifs concernant ses citoyens : l’hôpital, le lycée, sont des établissements de santé,
d’éducation, tandis que les groupes humains qui vont les faire fonctionner constituent
autant d’institutions au service de leurs utilisateurs.
5 La fonction phorique, dont le concept a été tiré par Robelet du Roi des aulnes de Michel
Tournier (1970), permet de situer le niveau auquel se situe le soin dans des pathologies
archaïques faisant appel à une prise en « charge » importante. Il s’agit de porter le patient
sur nos « épaules psychiques » jusqu’à ce qu’il puisse se porter lui-même. Cf. Delion 2000.
230 La consultation avec l’enfant
Références
Bullinger, A. (2004). Le Développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars : un
parcours de recherche. Ramonville : Erès.
Chassagny, C. (1977). Pédagogie relationnelle du langage. Paris : PUF.
Delion, P. (2000). L’Enfant autiste, le bébé et la sémiotique. Paris : PUF, coll. Le fil
rouge.
Freud, S. (1909/1998), Analyse de la phobie d’un garçon de cinq ans : le petit Hans.
In Œuvres complètes, IX, trad. R. Lainé, et al. Paris ; PUF.
Freud, S. (1910/1993). Les chances d’avenir de la thérapie psychanalytique. In Œuvres
complètes, X. Paris : PUF.
Freud, S. (1975). La Technique psychanalytique. Paris : PUF.
Indications de soins 231
Consultation thérapeutique
Définition
La consultation thérapeutique est un dispositif proposé par Winnicott (1971)
lorsque les parents instaurent d’emblée une confiance avec le consultant et de
ce fait autorisent leur enfant à travailler avec lui, ce qui lui permet d’établir
une communication à partir de laquelle les changements intervenus dans le
comportement problématique de l’enfant viendront renforcer la confiance
des parents dans la démarche entreprise. Dans la plupart des cas, ce mode
de consultation est bénéfique pour l’enfant, mais lorsque celui-ci présente
des symptômes surdéterminés par plusieurs ordres de problèmes, ou lorsque
son milieu familial reste dans un fonctionnement « anormal », ou que les
facteurs sociaux bloquent toute possibilité d’évolution favorable, il y aura
nécessité d’entreprendre une thérapeutique plus intensive. Si, pour Winnicott,
ces consultations thérapeutiques ont un intérêt, c’est aussi de permettre à
l’enfant de laisser venir en lui, pour pouvoir les exprimer plus facilement,
les raisons qui l’ont conduit chez le pédopsychiatre. Et ce dernier doit avant
tout rechercher à ouvrir cette possibilité chez l’enfant et éventuellement chez
ses parents. Afin de faciliter l’apparition de cette dimension chez l’enfant, il a
conçu une sorte de jeu, le « squiggle », qui peut y aider. « Il commençait par
tracer un “squiggle” (gribouillis) sur une feuille de papier, puis il demandait à
l’enfant d’ajouter quelque chose. Au cours du premier entretien, Winnicott et
l’enfant dessinaient chacun tour à tour quelque chose en réponse au squiggle
de l’autre. De cette manière, les squiggles en arrivaient parfois à former des des-
sins. Cela faisait en général une trentaine de dessins par entretien. Pour Win-
nicott, le “squiggle game” n’était pas seulement un instrument de diagnostic,
mais il était aussi ce qu’il a appelé une consultation thérapeutique. » (Abram,
2001, p. 347.) Lebovici (1983), poussant plus loin le concept winnicottien,
propose des consultations thérapeutiques centrées sur un symptôme résis-
tant aux démarches thérapeutiques classiques. Prenant dans ces cas le temps
nécessaire, utilisant ses grandes capacités empathiques et « enactantes1 », il
1 Enaction : Pour F. Varela, « la cognition est d’abord incarnée » (Varela 1999) avant toute
représentation. Dans la relation avec un patient, ce mécanisme appartient au contre-transfert
corporopsychique. « Serge Lebovici fait de l’enaction le ressort principal des processus de chan-
gement dans ses consultations thérapeutiques, en soulignant son caractère inconscient et
donc la nécessité, pour l’utiliser, d’une solide formation au commerce avec l’inconscient, ceci
dans le “cadre bien tempéré” (J.-L. Donnet) de la cure psychanalytique. » (Varela 2001).
x fin de la consultation se passe avec un très bon échange entre cette maman et
son bébé.
Pendant cette consultation, outre l’observation fine, si possible, de ce à quoi je
suis invité à partager, j’utilise ce que je ressens dans le transfert pour comprendre
les partenaires de la situation ; je passe par une période pendant laquelle je
m’identifie au bébé et vis d’une manière très désagréable la relation qu’elle
entretient avec lui ; puis, au fur et à mesure que la maman associe des éléments
de son histoire familiale aux raisons pour lesquelles elle est venue me trouver, je
me détends avec le bébé et suis très ému quand la maman se met à pleurer et
que Micheline s’arrête de le faire. Je commente sobrement ce que j’observe et
propose progressivement à la maman de chercher avec moi des hypothèses de
travail pour comprendre ce qui se passe.
Lors de la deuxième consultation, la maman arrive et dit que son mari va mieux,
qu’il a repris le travail, et que depuis, Micheline est moins grognon. Elle est sur
le matelas avec un jouet Duplo, souriante et avec un bon tonus. La maman
dit : « est-ce qu’elle risque de s’étouffer si elle se retourne ? » ; nous parlons
de la mort subite d’un enfant de ses amis et des angoisses que ça lui a fait à
elle quand c’est arrivé. Micheline recommence à pleurer pendant cet échange
et jette le jouet que sa maman lui a donné ; la maman lui redonne ; Micheline
le rejette et pleure à nouveau. La maman met sa fille dans le relax et la regarde
en lui caressant les cheveux ; elle dit : « Mon mari s’en est occupé et elle avait
l’air contente de son papa. » Micheline la regarde parler et sourit ; la maman
dit : « son papa est beaucoup moins à la maison… c’est plutôt mieux parce que
quand il est là, il m’embête ! », et elle rit. Micheline joue avec les doigts de sa
maman et avec ses bagues. La maman dit : « Je trouve qu’elle est encore socia-
ble. » Je dis « encore ? » ; elle me répond : je voulais dire « déjà ».
Ce jour-là, les choses se sont un peu arrangées, mais les thèmes de la mort et de
la dépression émergent un peu avec l’allusion à la MSN (mort subite du nourris-
son) et le lapsus encore/déjà, et ceux de la problématique conjugale avec la satis-
faction qu’il ait repris le travail, bien sûr, mais surtout qu’il ait dégagé la piste !
À la troisième consultation, Micheline a eu de nouveau des troubles du sommeil
et pleuré. « On m’aurait dit : je te la prends, je l’aurais donnée ; je suis prête
à aller chez un magnétiseur ; si ça continue j’ai peur de ma réaction [elle sait
que son pédiatre peut l’hospitaliser au cas où] ; en plus quand c’est comme ça,
Micheline renvoie ses repas ; et puis la nuit, quand je me lève elle a son petit
air victorieux. » Il apparaît que Micheline est prise dans une situation soit d’être
joyeuse, contente et sa maman pense qu’elle se fait manipuler, soit de pleurer
et sa maman ne peut le supporter si bien qu’elle la prend aussitôt dans ses bras
dans lesquels elle la serre fort, sans même attendre un peu de savoir ce qu’elle
veut.
Pendant la consultation, nous arrivons à élaborer cela en utilisant le relax comme
transition entre les deux positions, et la maman nous quitte en se souvenant que
son fils aîné avait un doudou le soir pour s’endormir, mais pas Micheline.
Quatrième consultation : « ça va mieux, elle a une otite ! Et puis je me sers
davantage de son relax, comme ça je peux lui demander pourquoi elle pleure et
c’est comme si elle était intéressée par la conversation. » La maman peut dire x
236 La consultation avec l’enfant
Consultation conjointe
Une consultation conjointe est une consultation effectuée simultanément
par deux médecins avec un objectif inhabituel, celui de procéder à l’examen
clinique de l’enfant, en présence de ses parents, avec deux points de vue spé-
cialisés différents mais complémentaires. Cette manière de faire vient d’une
pratique relativement récente qui consiste à rendre rapidement lisible pour
l’enfant et ses parents l’articulation nécessaire des approches dans certaines
pathologies. Il est désormais admis qu’il faut donner aux parents les éléments
de diagnostic et leur proposer la prise en charge afin d’en faciliter la mise en
Autres formes de consultation 237
place dans de bonnes conditions de faisabilité. C’est ainsi qu’un très jeune
enfant à risque autistique présentant les signes d’une phacomatose ou d’une
épilepsie complexe peut bénéficier de ce dispositif lorsque la consultation
pédopsychiatrique ne permet pas d’explorer suffisamment les aspects orga-
niques. Plutôt que de demander son avis au neuropédiatre dans un second
temps, il peut être opportun de proposer d’emblée une consultation conjoin-
te qui permettra aux parents et à leur enfant de bénéficier d’un dialogue en
direct avec les deux spécialistes. Nous allons voir que cet exemple peut laisser
la place à beaucoup d’autres, tels que le pédiatre, le généticien, l’obstétricien,
le médecin de PMI ou le généraliste. Dans chaque cas, il importe de penser
l’intérêt d’un tel dispositif pour l’enfant et ses parents, mais aussi pour
l’équipe ou les équipes qui le prendront en charge ultérieurement.
Enfin, il est des cas dans lesquels il est intéressant de demander au neuro
pédiatre son avis pour compléter les bilans déjà entrepris à propos d’un
enfant reçu par le pédopsychiatre, ce qui donne lieu à des discussions de
dossiers entre neuropédiatres et pédopsychiatres qui facilitent pour les uns
l’accès au champ de réflexion des autres, et réciproquement.
Dans tous les cas, les parents témoignent en général de l’intérêt d’une
telle approche, trouvant que la présence lors de ces consultations des deux
spécialistes leur permet de dialoguer avec les deux points de vue, afin de
trouver ensemble une prise en charge intégrant les différentes données plu-
tôt que d’avoir à en choisir certaines au détriment d’autres en fonction des
qualités de persuasion de chacun des médecins consultés.
Avec le gynéco-obstétricien
La consultation avec le gynéco-obstétricien survient en général dans un
contexte de pathologie puerpérale, alors que ce praticien est amené à
recevoir une future mère qui présente les signes avant-coureurs d’une
décompensation grave. La sage femme ou le médecin généraliste qui suit la
grossesse a signalé sa patiente au gynéco-obstétricien de référence pour un
avis spécialisé. L’habitude de travailler ensemble, notamment en liaison,
permet au gynéco-obstétricien de prévoir cette consultation commune de
façon à répondre le plus pertinemment possible au trouble présenté par
la patiente, non seulement sur le plan pharmacologique, mais également
en ce qui concerne le suivi psychothérapique nécessaire. Une autre occur-
rence de consultation commune peut surgir à l’occasion du suivi d’une
femme présentant une psychose chronique de type schizophrénique, et
qui est enceinte. L’avis conjoint des deux spécialistes sera intéressant pour
242 La consultation avec l’enfant
Avec le néonatalogue
La consultation avec le néonatalogue peut être nécessaire pendant l’hos-
pitalisation d’un bébé prématuré lorsque les circonstances l’imposent, par
exemple en cas de graves difficultés psychopathologiques d’un ou des deux
parents. La possibilité pour le psychiatre de prendre le relais nécessité par
l’état psychique du parent est facilitée lorsqu’il s’agit d’une démarche effec-
tuée ensemble, et mettant en avant l’importance de la santé mentale des
parents pour le bon développement du bébé prématuré. Il arrive également
que le néonatalogue ait besoin de l’avis du pédopsychiatre lors des consul-
tations après l’hospitalisation. Plutôt que de transmettre des écrits, certains
praticiens ont préféré organiser des consultations communes pour partager
les points de vue concernant l’évolution d’un bébé, et de façon préféren-
tielle lorsque ce bébé a été suivi par les deux praticiens antérieurement. Là
encore, les parents intègrent plus facilement l’idée que le développement
d’un enfant, à l’instar de son suivi conjoint, comporte des aspects corporels
et psychiques dont il est bon de tenir compte.
Avec l’enfant
Lorsqu’un enfant est malade et a besoin d’être hospitalisé en pédiatrie, le
vécu de cette expérience va dépendre de nombreux facteurs, mais évidem-
ment beaucoup des raisons qui président à cette hospitalisation. En effet,
s’il s’agit d’une appendicite aiguë, ou d’une maladie infectieuse bénigne,
cela n’aura pas sur lui le même impact que si l’hospitalisation est nécessitée
par un bilan pour suspicion de néoblastome ou un diagnostic d’insuffisance
rénale chronique : selon le cas, en fonction du diagnostic, l’enfant va devoir
faire face à un moment passager désagréable ou à un véritable traumatisme
venant bouleverser son existence voire en signifier la fin rapide. Les équipes
de pédiatrie ont progressivement appris comment accueillir ces probléma
tiques grâce aux expériences pionnières de psychiatres, souvent psych
analystes, venant régulièrement dans leurs services pour y prendre en consi-
dération ces souffrances psychiques résultant de maladies dites organiques.
C’est ainsi que Françoise Dolto, Ginette Rimbault, Léon Kreistler et d’autres
ont pu lancer ce mouvement dans les hôpitaux français. De très nombreu-
ses expériences sont maintenant engagées dans ce domaine, et cela donne
lieu dans plusieurs spécialités à la création, sinon de postes de pédopsychia-
tres pour en assurer la charge, du moins à celle de postes de psychologues.
Ces professionnels sont désormais des membres à part entière des équipes
pédiatriques spécialisées et permettent à l’enfant de trouver des temps au
cours desquels la souffrance psychique est expressément prise en compte. Il
existe actuellement des psychologues dans la plupart des services de pédia-
trie des grands hôpitaux, aussi bien en chirurgie infantile qu’en nutrition
parentérale, avec les enfants mucoviscidosiques qu’en oncopédiatrie, en
dialyse rénale qu’en néonatalogie. Les objectifs poursuivis par ces psycho-
logues, en lien avec le pédopsychiatre de liaison quand il existe, consistent
à tenter de redonner sens aux symptômes présentés par l’enfant, non pas
dans une visée réductionniste et psychosomatique superficielle, mais plutôt
en lui permettant d’en historiciser la survenue dans sa vie et celle de sa
famille. Toute maladie organique a un pouvoir désorganisateur bien connu
sur la personne malade, mais peut-être trop ignoré encore chez les enfants,
chez lesquels le fait qu’ils soient en développement constitue un élément
de fragilisation supplémentaire. Il n’est pas rare que l’enfant présente un
état dépressif réactionnel à l’irruption de la maladie dans sa vie, et l’aider à
réaliser que c’est somme toute une réaction normale de son organisme lui
permet souvent d’en dépasser les effets de souffrance psychiques.
La problématique des bébés hospitalisés, notamment en néonatalogie, est
relativement particulière puisqu’il s’agit de pouvoir observer l’apparition de
244 La consultation avec l’enfant
signes de souffrance psychique chez un être qui n’a pas encore les moyens
de la signifier par la parole. Il sera alors nécessaire de recourir à des techni-
ques d’observation telles que celles mises en pratique par René Spitz, Emmi
Pikler à Loczy, Esther Bick à Londres, ou Als à Boston et d’autres. La pos-
sibilité pour les parents d’être très présents dans ces services permet aux
soignants d’instaurer le plus rapidement possible des interactions « mini-
males » qui constituent, avec d’autres éléments sur lesquels nous ne revien-
drons pas ici, les fondamentaux d’une prévention de la santé mentale des
bébés prématurés.
La problématique des bébés hospitalisés en maternité à l’occasion de
leur naissance vaut plus par la possibilité d’aborder la question sous l’angle
de la souffrance psychique de la mère, et fonde toute l’entreprise de pré-
vention engagée récemment autour du plan périnatalité déjà largement
évoqué.
x fils à échapper à ce qui l’attend. Ce premier dessin est exécuté dans l’angoisse,
et le pédopsychiatre lui évoque la peur qu’il éprouve dans ses cauchemars. Il
en convient facilement. Il sourit un peu après qu’il lui a fait raconter comment
il a vu le film de Spielberg. Il confie, en regardant fréquemment vers la porte
par laquelle ses parents sont sortis, qu’il l’a regardé par-dessus l’épaule de son
oncle, au cours des vacances chez lui et il ajoute : « Mon oncle, il aime beau-
coup des films comme ça ! » Le deuxième dessin ramène à des fantasmes plus
classiques puisqu’il s’agit d’une famille dans laquelle les deux parents regardent
« un film à la télé », pendant que le frère et la sœur jouent. Mais sur ce deuxième
dessin, c’est la petite sœur qui casse le château que son frère est en train de
construire avec ses Legos dans sa chambre. Le pédopsychiatre fait prudemment
remarquer que « cela peut être sympa de construire un château tranquillement
quand on est un enfant tout seul, mais que dès qu’on est obligé de partager sa
vie avec une sœur, cela devient moins facile, on est moins tranquille qu’avant,
quelquefois même, on a envie que la sœur, elle ne soit pas née »… Il le regarde,
et ajoute : « le docteur de ma sœur, il m’a dit qu’elle allait peut-être mourir,
c’est pour ça que mes parents m’obligent ». Quelques instants en silence. Le
pédopsychiatre devine qu’il est en train de penser à ce qu’il lui arrive depuis
cette consultation qui a bouleversé sa vie. Il lui dit : « tu veux encore dessiner
quelque chose ? », il répond aussitôt : « oui, regarde comment il va me faire
la piqûre pour prendre ma moelle, le docteur » et il entreprend de représenter
un docteur à la tête peu amène sous le regard de parents peu souriants, qui, à
l’instar du Tyrannosaurus Rex, va le ponctionner en répandant beaucoup de sang
autour de lui… Le pédopsychiatre demande aux parents de les rejoindre et ils
reprennent ensemble les derniers évènements. Le père déclare qu’ils n’ont pas
été très adaptés avec Joselito, mais qu’ils ont vécu dans une angoisse horrible
depuis l’annonce du diagnostic de leucémie. La mère prend son fils dans ses bras
et l’embrasse longuement et avec émotion. Joselito sort le troisième dessin de la
pochette et leur montre tout en demandant si ça va lui faire mal la grosse piqûre.
Ils conviennent que si le besoin se fait sentir, Joselito pourra demander à venir
revoir le pédopsychiatre. Le collègue pédiatre qui l’attend après la consultation
est tout étonné du dénouement de cette histoire clinique, et aborde quelques-
unes des autres « aventures » qu’il a déjà traversées dans ce service. À noter que
la petite sœur a guéri de sa leucémie.
Octavia et la gastrostomie
Le néonatalogue demande au pédopsychiatre de voir un bébé de deux mois
d’âge corrigé qui devrait sortir si ce n’était son anorexie qui s’accentue au fur et
à mesure que la sortie se rapproche. Il s’agit d’une petite fille prématurée qui a
traversé plusieurs grandes pathologies du fait de son très faible poids de nais-
sance et qui, si elle va bien actuellement, mise à part son anorexie, a néanmoins
vécu dans un climat d’angoisses néonatales considérables. Le défi est important
puisque si rien ne change dans son comportement alimentaire, la gastrostomie
aura lieu le lendemain ou le surlendemain. Il conduit le pédopsychiatre dans la
chambre d’Octavia et la lui présente ainsi qu’à sa mère. Après quelques paroles x
248 La consultation avec l’enfant
x de mise en liens, il les laisse tous les trois dans la chambre de son service. La
mère est triste et ne semble pas bien comprendre ce qu’un pédopsychiatre vient
faire dans sa chambre. Le pédopsychiatre regarde tranquillement Octavia pour
faire un peu connaissance. Elle est dans son petit berceau, la main de sa mère
l’entourant d’un geste de tendresse. Octavia est absente, un peu somnolente. Il
ne faut pas très longtemps à la mère pour raconter l’étendue de son angoisse,
les moments par lesquels elle et son mari sont passés depuis cet accouchement
prématuré. Octavia ouvre alors ses yeux plus grands et regarde sa mère avec un
beau regard vif et éveillé, et elle tète un petit bout de drap qui touche ses lèvres.
Le pédopsychiatre oriente un peu le dialogue vers les antécédents familiaux et
cette jeune mère raconte très facilement son périple d’adolescente anorexique,
les angoisses qu’elle a ressenties de la part de ses parents alors qu’elle était
peu consciente elle-même de ce qui lui arrivait. Et puis l’hospitalisation longue
en pédiatrie, chez les adolescents avec des difficultés psychopathologiques, ses
hauts et ses bas, et puis l’amélioration de sa santé et la sortie. En racontant
ces souvenirs, elle est soudain prise d’une grande émotion et pleure à chaudes
larmes en prenant sa fille dans ses bras. Un silence entoure quelques instants les
protagonistes. Elle dit à sa fille : « Maman a tout mélangé mon trésor. » Puis au
pédopsychiatre : « Vous savez, je n’avais jamais fait le rapprochement jusqu’alors
entre ces deux hospitalisations, mais je me souviens maintenant que ce qui m’a
motivée à l’époque, c’est quand j’ai su qu’une anorexique risquait de ne pas
avoir d’enfant », puis à nouveau à Octavia : « Papa et maman ne t’auraient pas
eue, tu te rends compte ? Quel dommage ! » C’est alors qu’elle réalise quelque
chose qu’elle n’avait pas encore vu : « Mais alors son anorexie à elle, vous croyez
que ça a un rapport ? » Le pédopsychiatre lui répond que ce sont des hypothèses
pour comprendre, qu’il faut se donner le temps de la réflexion, mais qu’en tout
état de cause, c’est elle qui en a parlé très vite. Octavia lui sourit avec beaucoup
de joie dans les yeux et dans le ton. Le pédopsychiatre convient avec la mère de
la revoir le lendemain. Puis il les laisse avec le sentiment que cette mère voit sa
fille sous un nouveau jour. Lorsqu’il revient le lendemain, le néonatalogue lui
déclare que la gastrostomie n’aura pas lieu : Octavia prend son repas depuis le
matin sans aucune difficulté. Quand il va saluer la mère et Octavia, elles sont
rayonnantes. La mère dit : « Vous savez, envisager la sortie d’Octavia après une
hospitalisation de plusieurs mois, avec tout ce qui s’est passé, tout ce qui pour-
rait arriver, on est trop angoissés, mais maintenant qu’elle a décidé de remanger,
je crois que c’est ce qui manquait ! » Elle lui demande spontanément si elle peut
le revoir si elle en avait besoin.
x pour qu’un suivi rapproché soit organisé pour obtenir une étiologie éventuelle
à ce trouble néonatal. Quelques semaines plus tard, Amélie était hospitalisée en
urgence pour une série de crises convulsives non résolutives. L’examen avait par
ailleurs mis en évidence un retard massif du développement venant accompa-
gner la seule hypotonie du début de vie d’Amélie. Rapidement, un diagnostic
d’encéphalopathie avait été posé par le neuropédiatre, et l’hospitalisation avait
permis de traiter les crises convulsives. Le bébé allait sortir quand une soudaine
décompensation respiratoire avait révélé une septicémie. La mère avait alors pré-
senté un état d’angoisse-panique très important nécessitant l’intervention dans
le service de neuropédiatrie du psychiatre d’astreinte. Les deux parents effondrés
étaient reçus par le médecin et ce dernier découvrait qu’ils n’avaient absolument
pas intégré les éléments d’information donnés au fur et à mesure au sujet de
leur fille. Entre-temps, le neuropédiatre avait transféré Amélie en réanimation
pédiatrique pour la poursuite des soins en milieu intensif, et c’est là qu’il avait
demandé au pédopsychiatre de les rejoindre pour faire le point ensemble sur
cette situation complexe, et de l’aider dans l’accompagnement de ces parents en
grande difficulté. Les parents ont rapidement accepté de parler avec le pédopsy-
chiatre de liaison et le travail a consisté à les aider dans la réalisation de la clinique
très préoccupante présentée par Amélie, en complément des explications beau-
coup plus proches de ces parents fournies par les différents pédiatres chargés de
cette situation. Le suivi a duré plusieurs mois, et a contribué non pas à améliorer
l’évolution d’Amélie dont le pronostic est resté très péjoratif, mais bien plutôt de
les aider à être avec elle à la mesure de ce qu’elle pouvait donner en fonction
de son encéphalopathie profonde. Lors du dernier rendez-vous souhaité par les
parents, la mère a annoncé, un peu plus détendue, qu’elle était enceinte.
Expertise juridique
Présentation de la consultation pour expertise
Cette forme particulière de consultation intervient dans plusieurs circons-
tances que nous allons essayer de présenter, sans entrer dans les détails, car
cet aspect est relativement périphérique par rapport au sujet général. Toute-
fois, bien qu’il s’agisse d’une pratique qui ne se construit pas sur les mêmes
paradigmes, nous ne saurions trop insister sur le fait qu’elle peut bénéficier
grandement des qualités requises pour celle des consultations pédopsychia-
triques et psychologiques. En effet, la difficulté de se prononcer sur les gran-
des questions du discernement, de la responsabilité et de la punissabilité,
ou sur les séquelles de crimes ou délits, est déjà considérable dans le cas de
patients adultes victimes ou auteurs. Mais il s’agit là de considérer des sujets
en développement, enfants ou adolescents, pour qui ces problématiques
peuvent être éclairées valablement par une évaluation qui prend en compte
les aspects psychopathologiques à côté des seuls événements rapportés.
Pour autant, dans tous les cas que nous allons présenter, et à des degrés
divers, la procédure s’impose au détriment de la relation thérapeutique qui
est l’objet habituel de la consultation de pédopsychiatrie. Le praticien est
requis pour procéder à un examen qui aura une importance souvent déter-
minante dans le jugement ultérieur, bien qu’il ne soit qu’un des éléments
du dossier entre les mains du juge, venant éventuellement compléter les
investigations demandées auprès des services mis à la disposition de la jus-
tice (SEAT, CAE2, IOE confiée à la PJJ). Le dossier lui est communiqué par
l’instance qui le nomme pour l’expertise, et il doit rendre un rapport à cette
instance. L’expert recevra l’enfant et les parents, et chacun séparément si
l’affaire le nécessite. Avec eux il devra, après avoir exposé les motifs de son
examen et le cadre dans lequel il est commis, écouter, noter, questionner en
s’efforçant de ne pas prendre partie, et en rédigeant un rapport accessible
tant au magistrat qu’aux parents et à l’enfant (si sa compréhension le per-
met). Les conclusions doivent être suffisamment claires pour ne pas prêter
à confusion ni donner lieu à des interprétations par les partisans (avocat,
médecins-conseils des compagnies d’assurance) de l’un ou de l’autre, ce qui
serait, in fine, préjudiciable à l’enfant.
À noter également que le pédopsychiatre et le psychologue peuvent
être requis pour ces expertises, à des titres différents : le premier pour
d’instruction qui instruit l’affaire. Il est habituel que celui-ci ordonne une
expertise psychiatrique qui devient obligatoire s’il s’agit d’une infraction
sexuelle (qu’elle soit d’ailleurs criminelle ou délictuelle). En fonction de
l’âge du mis en examen et de la nature des faits, il s’agira d’une expertise
psychiatrique ou d’une expertise médico-psychologique. Mais c’est le plus
souvent une expertise médico-psychologique qui sera d’abord demandée,
l’expertise psychiatrique venant en complément. » (Durand, 2009.) Après la
question du discernement, c’est celle du niveau de responsabilité de l’enfant
ou de l’adolescent, puis de sa punissabilité qui peuvent être éclairées par
l’expert. En effet, la réglementation précise que : « n’est pas pénalement res-
ponsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble
psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle
de ses actes » (article 122-1, alinéa 1, du Code pénal). « La personne qui était
atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique
ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes, demeu-
re punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance
lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. » (Ibid.) Là encore, les
avis émis par l’expert peuvent avoir un impact très important sur l’intime
conviction de celui qui jugera.
Expertise administrative
Une expertise est parfois nécessaire pour la constitution de dossiers admi-
nistratifs en vue d’une adoption ou de la reconnaissance d’un handicap.
Handicap
En ce qui concerne le handicap3, les parents viennent voir le pédopsychia-
tre pour avoir une évaluation diagnostique et un avis sur la prise en charge,
ainsi qu’un certificat précisant l’orientation vers laquelle leur enfant doit
être dirigé. Cette consultation peut avoir lieu dans le cadre d’un suivi clas-
sique de pédopsychiatrie, par exemple au CMP, au CMMP, au CAMSP ou en
libéral, mais certains collègues ne souhaitent pas être à la fois le pédopsy-
chiatre traitant et celui qui donnera un avis sur le degré de handicap, sur
l’orientation ou la prise en charge.
Les raisons avancées tiennent à leur souhait de ne pas mélanger les posi-
tions de thérapeute et d’expert. Le premier se doit d’assurer les soins dans
la continuité et ne se sent pas toujours bien placé dans la relation d’aide
pour exprimer un avis objectif sur le niveau de handicap. Le second doit
donner à un moment de la trajectoire du petit patient un avis sur le degré de
handicap, indépendamment de toute contingence relationnelle. Ces deux
positions que l’on peut comprendre peuvent être nuancées et trouver au
sein d’une équipe les réponses auprès de deux personnes différentes, sans
3 Loi du 11 juillet 2005 sur l’égalité des chances et l’accès à la citoyenneté.
Autres formes de consultation 255
Avis « expertal »
Dans le développement rapide de la médecine contemporaine, il n’est plus
question de maîtriser suffisamment bien toutes les données disponibles
dans un champ spécifique comme la pédopsychiatrie ou la pédiatrie. Le
médecin est donc tout naturellement amené à demander leur avis à un
certain nombre de spécialistes avec lesquels il développera progressivement
des relations de travail à plus long terme. C’est dans ce cadre que l’avis
expertal peut être demandé. Que ce soit pour une technique encore peu
utilisée (la TMS dans l’hallucination de l’enfant schizophrène ou le packing
dans l’automutilation d’un enfant autiste), pour un avis diagnostique dans
un centre ad hoc (les différents centres créés récemment à cet effet : CRDTA4,
CRA5, …) ou auprès d’une personne reconnue pour sa compétence dans
tel ou tel domaine plus spécifique, ou que ce soit encore pour un avis lors
d’une impasse thérapeutique avec un enfant ou un adolescent, le recours à
l’avis expertal est une nécessité dans l’exercice de la médecine et a fortiori
de la pédopsychiatrie.
Consultation multidisciplinaire
Dans certaines disciplines, dont la pédopsychiatrie, il est prévu des consul-
tations multidisciplinaires pour résoudre des problèmes particuliers mettant
plusieurs spécialités en jeu (au moins trois). Ainsi, les enfants présentant
une maladie neuromusculaire peuvent relever de trois spécialités concou-
rant à leur prise en charge, et nécessiter dans certains cas des consultations
pour juger d’une intervention thérapeutique avec les avis des différentes
spécialités en question. Par exemple, un enfant myopathe présente une
scoliose très grave et une cardiopathie préoccupante. Comment interve-
nir ? Que prévoir si l’opération chirurgicale conseillée n’est pas possible
en raison de la cardiopathie ? Un autre domaine récent a vu une nouvelle
législation apparaître, c’est celui de la douleur en général et celle de l’en-
fant en particulier. Devant ce symptôme quelquefois très complexe sur le
double plan des étiologies en causes et de la prise en charge, il n’est pas
inutile de prévoir des consultations multidisciplinaires. Un psychologue de
liaison est attaché à ces consultations, mais il arrive que le pédopsychiatre
soit invité à donner son avis. Tous ces exemples sont du même ordre que
ceux donnés à l’occasion des consultations de pédopsychiatrie de liaison :
il s’agit à chaque fois de réunir autour d’un patient, et ici de ses parents, les
différents spécialistes pour trouver ensemble la meilleure solution, voire le
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Gallimard.
Conclusion
Nous avons parcouru les différentes possibilités offertes par les consul-
tations en pédopsychiatrie en examinant successivement les situations
concernant le bébé, l’enfant et l’adolescent, et en présentant à ces occa-
sions, les exemples cliniques les plus fréquents pour chacune d’entre elles.
Bien sûr, il n’était pas possible d’être exhaustif, et ces exemples cliniques
sont indicatifs d’autres histoires proches que chacun des lecteurs a, a eu ou
aura à rencontrer dans sa pratique et dans ses réflexions. Mais si atteindre
l’exhaustivité ne semblait pas réalisable, il nous aura paru important de pré-
senter les diverses modalités de consultations en pédopsychiatrie en nous
appuyant sur une philosophie de travail clinique et une compréhension
psychopathologique enracinées dans une pratique et sur une théorie qui
revendiquent leur appartenance à une des formes de la relation humaine
et à son éthique spécifique, la relation médicale. La pédopsychiatrie dont
nous avons voulu décrire les pratiques actuelles est une médecine de la
relation avec l’enfant et ses parents, et à ce titre, comporte des aspects à la
fois scientifiques et techniques, mais également relationnels. Si les apports
scientifiques se révèlent essentiels dans les mises à jour permanentes qu’elle
nécessite – nous l’avons par exemple mis en exergue dans les pathologies
autistiques et dans les instabilités psychomotrices – elles ne sont jamais suf-
fisantes pour aller jusqu’au bout de l’aide que nous pouvons proposer lors
des consultations. C’est ainsi que la prévalence psychothérapique a été mise
en avant dans toute la démarche de cet ouvrage, afin que le lecteur ne perde
pas de vue que les professionnels concernés par ces consultations n’y trou-
veront pas une succession de conseils pratiques visant à éviter la réflexion
incontournable qu’elles nécessitent, mais davantage une sorte de métho-
de générale de l’approche pédopsychiatrique. Il nous a également semblé
nécessaire de compléter la seule démarche de la consultation d’autres élé-
ments qui sont indispensables aux conséquences concrètes qui devront en
être tirées, de façon à mettre l’accent sur les outils dont disposent les prati-
ciens concernés, sur le contexte dans lequel ils les réalisent, les partenaires
avec lesquels ils devront travailler, que ce soit dans le cercle restreint auquel
ils appartiennent (leur équipe de référence) ou celui des différents réseaux
auxquels ils sont sensés participer. Enfin, nous avons voulu insister sur la
question des parents ou de leurs substituts pour faire en sorte que la consul-
tation de pédopsychiatrie, et plus généralement toute la pédopsychiatrie,
puisse bénéficier de ce parti pris auquel nous sommes très attachés, celui de
la fonction des parents. En effet, ils ne sont pas seulement importants dans
le développement de leur enfant pour l’élever et le protéger, mais égale-
ment dans la prise en compte des signes de souffrance de leur enfant qu’ils
A attention, 8
accordage affectif, 12, 40 ––conjointe, 95
acte manqué, 119 ––psychique, 11
actes de la demande, 115 attraction consensuelle maximale, 62
acting out, 120 autisme, 49
autisme infantile précoce type
activité culturelle, 12
Kanner, 72
activité fantasmatique, 13
automutilation, 128
adolescent, 1, 111
autorité de l’infantile, 152
adoption(s), 4, 254
avis « expertal », 255
agir, 119 avis complémentaires, 24
agitation, 83 avortement, 115
agonies primitives, 19
agressions sexuelles, 115 B
agrippement, 51 babillages, 11
ajustement postural, 12 bailey, 34
allaitement télévisuel, 96 bain de langage, 68
anamnèse, 84 bébés à risque, 46
angoisse(s), 18, 103 bégaiement, 23, 69
––automatique, 19 bilan(s) complémentaire(s), 23, 118
––de précipitation, 19 bilan sensorimoteur, 169
––du non-familier, 111 biographie de l’enfant, 7
––signal, 19 bouc émissaire, 95
––primitives, 19 bouffée délirante aiguë, 28, 115
anorexie, 28, 131 brunet-Lezine, 34
antihistaminiques, 226
C
aphasie de Landau-Kleffner, 71
approche intégrative, 4 cabinet libéral, 215
après-coup, 17 capacité de penser, 89
arbre généalogique, 158 capacités intellectuelles, 84
capacités langagières, 69
assistance éducative, 204
carence(s) affective(s), 60, 81
assistant de service socio-éducatif, 178
castrations symboligènes, 112
assistant social, 2
centre d’accueil thérapeutique à temps
atelier partiel, 2, 179
––contes, 28 centre d’action médico-sociale
––pataugeoire, 28 précoce, 161
––thérapeutique, 28 centre médico-psycho-pédagogique, 161
atonie thymique, 44 centre(s) médico-psychologiques, 4, 161
attachement, 19, 43 cercle observant, 182
F I
faire semblant, 94 idées délirantes, 86
famille identification(s), 12
––à problèmes multiples, 81 ––adolescentes, 115
––alliance, 34 ––à l’agresseur, 93
––lignage, 34 ––projective, 139
fantasme(s), 12 identité adolescente, 113
––oedipiens, 102 image du corps, 124
––sexuels, 115 immaturité affective, 70
––sous-jacents, 118 impulsivité, 77, 79
fonction inattention, 78
––alpha maternelle, 20, 40 incertitude diagnostique, 208
––contenante, 229 indications de soins, 3, 215
––paternelle, 135 indications thérapeutiques, 118
––phorique, 38 inertie motrice, 45
fratrie, 35, 158 infirmier(s), 2, 175
infirmiers de secteur psychiatrique, 175
G informations préoccupantes, 204
gazouillis, 11 inhibition, 102
généticien, 2 inhibition intellectuelle, 85
grand(s)-parent(s), 35, 158 insécure, 19
graphisme, 167 insomnies, 22
grossesse, 1, 115 instabilité psychomotrice, 77
grossesse psychologique, 33 institut d’éducation motrice, 178
groupes, 113 institut médico-éducatif, 178
institut médico-professionnel, 178
H institut thérapeutique, 178
habiletés motrices, 167 instituteurs, 2
hallucinations, 86 institution(s), 113, 229
hallucinogènes, 124 interaction(s), 10, 33
handicap, 254 ––affectives, 37
handling, 39 ––biologiques, 37
harcèlement, 71 ––comportementales, 37
hébéphrénique, 139 ––corporelles, 38
262 La consultation avec l’enfant
U violence conjugale, 81
unité du soir, 179 virtuel, 143
unités mères-bébés, 177 visites médiatisées, 82
urgences, 155 vocalisations, 11
vulnérabilité, 14
V
vagissements, 11 Z
vécus émotionnels, 10 zézaiement, 69