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P S Y C H O PAT H O L O G I E
D E L’ E N F A N T
5e édition
Sous la direction de
Jean-Louis Pedinielli
Conception de couverture : Le Petit Atelier
Mise en page : PCA
Introduction ....................................................................................... 7
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Sommaire
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Sommaire
Glossaire............................................................................................. 120
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Introduction
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Introduction
1. « L’infans » désigne cet état de l’enfant avant d’être celui qui parle.
2. Bien entendu, l’enfant peut, dans d’autres contextes et avec d’autres spécialistes,
faire l’objet de bilans supplémentaires qui complètent les informations sur son déve-
loppement et sa symptomatologie (bilan orthophonique, auditif, neurologique, etc.).
3. On pourra s’intéresser à la grossesse de la mère, la naissance de l’enfant, son
évolution psychomotrice et affective, l’accès à la marche et au langage, ses antécé-
dents personnels, son entrée à l’école, ses relations avec ses pairs, sa fratrie et sa
famille, ses intérêts et loisirs extrascolaires ; en outre, on sollicitera des informa-
tions sur l’histoire du père et de la mère et de leur famille respective (décès, secrets
de famille, etc.), et enfin on s’intéressera à l’histoire des troubles de l’enfant, aux
examens réalisés, aux démarches thérapeutiques éventuellement engagées, etc.
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Introduction
1. Le lecteur pourra trouver des informations plus détaillées sur l’entretien clinique
et l’examen psychologique dans la plupart des manuels en psychopathologie de
l’enfant ; par exemple, Ajuriaguerra & Marcelli (1989), Ferrari & Epelbaum (1993),
Mazet & Houzel (1996), Houzel, Emmanuelli & Moggio (2000), Arbisio (2003),
Lebovici, Diatkine & Soulé (2004), Marty et al. (2010), etc.
2. La psychopathologie de l’adolescent ne sera donc pas abordée dans cet ouvrage.
3. La sémiologie porte sur l’observation du signe (« l’insomnie », par exemple) alors
que la discussion psychopathologique s’intéresse à son interprétation, à sa valeur
(« comment et pourquoi l’insomnie ? »).
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Introduction
infantile actuelle, établit des liens simplistes entre un trouble chez l’en-
fant et un facteur étiologique précis et univoque dans un enchaînement
causal linéaire. Ainsi, chaque fois que possible, nous insisterons d’une
part sur la nécessité d’analyser le trouble infantile dans une perspective
métapsychologique*1 et d’autre part sur les multiples spécificités de l’en-
fant à la fois du fait de sa maturation, la structuration de son psychisme et
sa dépendance à l’environnement.
Aux trois aspects de notre démarche répondront les trois axes complé-
mentaires de la présentation de la psychopathologie de l’enfant proposée
dans cet ouvrage ; ces trois axes constituent d’ailleurs les trois chapitres
qui le composent. L’évolution de l’enfant dans ses dimensions psychomo-
trice, cognitive, psychosociale et affective sera esquissée dans le premier
chapitre ; rendant compte des différentes théories concernant son dévelop-
pement affectif, nous envisagerons alors l’élaboration de son psychisme
dans une interaction permanente avec son environnement, son appareil
à penser et son corps. Soulignons que, dans cette nouvelle édition, nous
évoquerons les nouvelles théories cognitives sur la naissance de l’intelli-
gence, et l’actuelle discussion entre psychanalyse et neurosciences déve-
loppementales. La présentation des troubles des conduites, notamment
instrumentaux, de leur évolution et de leur thérapeutique sera réalisée
dans le deuxième chapitre ; simultanément et d’une part, nous tenterons
de sensibiliser le lecteur aux liens entre l’enfant et la société, d’autre part
nous exposerons les phénomènes typiques de la dépression chez l’enfant,
trouble extrêmement fréquent dans la clinique pédopsychiatrique, et
les discuterons, eu égard aux différents courants psychopathologiques.
Enfin, les grands regroupements nosographiques seront proposés dans
le troisième chapitre ; tout en soulignant les spécificités des phénomènes
typiques des psychoses, pathologies limites et troubles névrotiques de
l’enfant, nous discuterons pour chacun de ces syndromes les différentes
théories psychopathologiques qui s’y rapportent.
Dans ce travail et sans prétendre être exhaustive, nous avons choisi de
présenter une approche générale et synthétique de la psychopathologie de
l’enfant, nécessairement réductrice2.
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1 Le développement psycho-affectif de l’enfant
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Le développement psycho-affectif de l’enfant 1
ment une évolution par stades : cubito-palmaire (préhension par les quatre
derniers doigts) vers 5 mois, elle devient digito-palmaire (entre la paume
et les quatre derniers doigts) à 6 mois, puis radio-palmaire (entre le bord
latéral du pouce et les dernières phalanges de l’index) vers 7-8 mois et enfin
radio-digitale (entre le pouce et l’index) vers 10 mois. Dans le domaine de
la sensorialité, la différenciation de la vision et de l’audition permet au
jeune explorateur d’investir un environnement plus lointain. Enfin, en
dehors de la motricité spontanée caractérisée par des mouvements éven-
tuellement stéréotypés et circonscrits, normaux dans certaines limites, la
motricité impliquée dans la communication avec autrui s’enrichit. Ainsi,
la mimique volontaire apparaît vers 2 mois sous la forme de la réponse par
le sourire au visage humain de face (premier indicateur de Spitz, 1948),
et les mouvements de l’enfant s’organisent en gestes intentionnels avant
d’accéder au statut de conduites symboliques (fin de la deuxième année).
À partir de 2 ans et ensuite, les possibilités perceptivo-motrices de l’en-
fant se perfectionnent dans le sens d’une plus grande finesse et maîtrise, et
d’une plus grande capacité chez lui à se représenter son corps et l’espace.
Schématiquement, l’évolution concerne le contrôle tonico-moteur, la laté-
ralisation et le schéma corporel*, et l’image du corps* (Mazet & Houzel,
op. cit.).
1. D’autres travaux ayant pour but d’objectiver les potentialités et les ressources
du bébé se sont aussi développés ; ils s’intègrent aux théories expérimentale et
développementale. Les découvertes sur les compétences précoces du nourrisson
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1. Selon Piaget (1936), les schèmes sont des « modes de réactions susceptibles de se
reproduire et de se généraliser ».
2. Nous renvoyons le lecteur intéressé aux travaux de J. Piaget (1936 & 1947).
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1 Le développement psycho-affectif de l’enfant
du réel. Dans les premiers mois de la vie, Wallon insiste sur l’adualisme,
l’indistinction entre l’enfant et autrui, et l’incapacité du nourrisson à orga-
niser la causalité des situations de la vie du fait de son incapacité à orga-
niser le temps ; le changement est subi et non reconnu.
La théorie de Wallon décrit une série de stades qui répondent à un état
transitoire d’équilibre et accorde toute son importance aux axes de l’affec-
tivité-émotivité et de l’équilibre tonico-moteur. On lui doit le concept de
dialogue tonique, véritable interaction et échange préverbaux entre le nour-
risson et son entourage1 (Wallon & Ajuriaguerra).
En référence au concept d’intelligence et dans la lignée, certes relative,
des travaux piagétiens, citons Vygotski, puis Bruner (1983), de l’école
russe, qui ont proposé une théorie de l’apprentissage associant motricité,
socialisation et processus intellectuels internes (« l’intériorisation »). Ainsi,
le développement psychique serait engendré par la socialisation, les rela-
tions entre individus ou catégories intermentales, puis s’organiserait en caté-
gories intramentales, témoins de l’accès à la symbolisation.
Toutefois, après Piaget, les travaux des sciences cognitives2 sur le bébé
ont révélé, avec d’autres techniques expérimentales plus fines (observa-
tions vidéos reliées à des ordinateurs), qu’il en allait autrement. On a ainsi
découvert que déjà les bébés de quelques mois, bien avant l’apparition du
langage (2 ans), possèdent et manifestent l’algorithme cognitif d’invariance
du nombre par rapport à la longueur, grâce à un mécanisme de comptage
visuel. En outre, les bébés réalisent déjà visuellement des opérations arith-
métiques élémentaires exactes (additions et soustractions) et de véritables
statistiques. Autant de capacités proto-mathématiques, dont le siège céré-
bral est maintenant connu (le sillon intra-pariétal, SIP), qui oblige à réviser
la théorie de Piaget. Comment, en effet, peut-on expliquer à la fois ces
compétences numériques précoces, reposant en partie sur des mécanismes
innés, et les incompétences tardives observées dans la tâche de Piaget ?
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tant tant sur son développement mental que sur ses interactions avec sa
mère1 (et/ou son père). Si, en ce sens, les approches psychanalytiques2 sont
déterminantes pour rendre compte de ces correspondances, l’apport de
l’éthologie, de la systémique, de la psychologie développementale, voire
neuro-développementale, et enfin cognitive (voire neuro-cognitive) mérite
également notre attention.
1. Dans le cadre de cet ouvrage, le terme « mère » vaudra autant pour la mère réelle
de l’enfant que pour son substitut.
2. Ainsi, l’œuvre freudienne a pour ambition de relier le développement affectif
au développement intellectuel et d’intégrer les processus cognitifs dans un modèle
dynamique de l’appareil psychique. Celui-ci permet ainsi, par exemple, d’obtenir des
éléments pour comprendre les troubles intellectuels dans les pathologies mentales.
3. En fait, il s’agit d’une reconstruction réalisée par S. Freud à partir de cures analy-
tiques d’adultes et d’observations d’enfants (cf. chapitre 1, p. 21).
4. À ce propos, l’intersubjectivité considérée comme une forme de partage des
états psychiques intérieurs (au départ de la mère pour son bébé) fait l’objet récent
de nombreux travaux pour comprendre la genèse de la vie psychique du petit
d’homme et son accès au langage (Ciccone, 2001) ; dans l’autisme, par exemple,
l’intersubjectivité serait difficile voire impossible à instaurer.
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1. Notons au passage que, pour désirer l’objet, il faut qu’il ait été gratifiant.
2. Dans la pensée psychanalytique, le « sein » représente l’objet de la satisfaction, le
plus souvent la figure maternelle.
3. Une perception nécessite la présence de l’objet et est une garantie objective de la
réalité, alors qu’une représentation correspond à l’évocation d’un objet par sa non-
perception actuelle, c’est-à-dire à la réplique interne d’un objet externe. La repré-
sentation prend le relais lors de l’échec de la satisfaction hallucinatoire du désir et
implique une délimitation entre intérieur et extérieur.
4. Ainsi, nous pouvons faire l’hypothèse que le premier objet désiré n’est autre que
l’investissement hallucinatoire du souvenir de la satisfaction.
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et sur toutes les émotions primitives (les éléments). Les éléments alpha peuvent
être des images de rêve, les pensées de rêve, les fantasmes, les souvenirs et les
éléments refoulés, etc. Cette fonction alpha pourrait correspondre au préconscient
freudien (1900) ou à l’espace transitionnel de Winnicott (1951). La fonction alpha de
la mère désigne la capacité de la mère à accepter les projections destructrices du
bébé et à les transformer par sa propre activité mentale sous forme de rêverie ; là
encore, la qualité de la relation est fondamentale. Enfin, Bion décrit la barrière de
contact, constituée par l’assemblage des éléments alpha à mesure qu’ils prolifèrent.
Cette barrière, proche du préconscient freudien, marque le point de contiguïté (de
contact et de séparation) entre les éléments conscients et inconscients et empêche
que les éléments d’origine interne (fantasmes, émois, etc.) viennent submerger
les perceptions de la réalité extérieure ; réciproquement, elle empêche aussi les
éléments endo-psychiques d’être envahis par une vision réaliste. Cette barrière
ressemble à un filtre : elle laisse passer et elle retient. Selon Bion, la distinction entre
conscient et inconscient relève de la présence de cette barrière de contact.
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c) La théorie de l’attachement
Dans ce panorama, une place à part doit être faite à la contribution de
John Bowlby. Celui-ci affronte la question du point de vue de la psycho-
logie du développement, en proposant sa théorie sur l’attachement sous la
forme d’hypothèses vérifiables par les moyens de l’observation directe et
les procédures expérimentales. De plus, il les intègre à l’intérieur d’un
cadre théorique qui, dans le refus de la métapsychologie freudienne, tient
de l’éthologie et de la théorie des systèmes (Bowlby, 1969)1. Bowlby est
longuement resté isolé de la communauté psychanalytique, probablement
du fait d’une méthodologie insolite. Son œuvre a depuis peu commencé à
avoir une influence dans le domaine de la psychologie du développement
et de la psychanalyse (Fonagy et al., 2007). Cet intérêt croissant peut être
expliqué par la capacité de sa théorie à intégrer la compréhension psycha-
nalytique de la réciprocité affective et relationnelle mère/enfant avec les études
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Le développement psycho-affectif de l’enfant 1
1. Si l’on considère que l’enfant et sa mère sont dans un système dyadique, les
théories systémiques et de la communication peuvent, avec Lebovici (1983) notam-
ment, nous aider à mieux décrire ce dernier. Ainsi, la dyade mère-bébé est un
tout, régi par un principe d’homéostasie et dans laquelle la causalité est circulaire,
transactionnelle et rétroactive. Par ailleurs, basées sur les travaux de Bateson, les
études portant sur la communication intrafamiliale et ses modes d’équilibre s’inté-
ressent aux liens de paradoxalité et aux doubles liens. Le double lien (ou double
bind) consiste à donner des informations contradictoires dans le même message ;
par exemple, « je te hais, mon amour ».
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a) Le stade oral
Le stade oral se déroule durant la première année de la vie1 et est dominé
par la préhension, tant au niveau des objets que des informations. La zone
bucco-labiale et le carrefour aéro-digestif représentent à ce stade la source
pulsionnelle prévalente. Le nourrisson fait pénétrer à l’intérieur de lui les
éléments de son environnement extérieur à sa portée. L’objet pulsionnel
est représenté par le sein ; l’alimentation sert de médiateur dans la relation
symbiotique mère-enfant. Le but pulsionnel est l’association d’un plaisir
auto-érotique par la stimulation de la zone érogène orale et d’un désir
d’incorporation des objets. Les angoisses spécifiques de cette période sont
d’ailleurs des angoisses d’engloutissement (stade oral passif) et de dévora-
tion (stade oral actif).
Bien que le stade oral soit un stade anobjectal, c’est-à-dire sans
conscience de l’existence de l’objet, cette période signe la genèse de la rela-
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tion d’objet. En effet, l’empreinte laissée par ces relations précoces façonne
les relations objectales futures du petit d’homme.
Au stade oral, le nourrisson n’a pas une conscience claire du dedans
et du dehors, du soi et du non-soi ; il est dans une totale omnipotence
(narcissisme* primaire) puisqu’il considère comme faisant partie de lui-
même les objets qui le satisfont. Ce n’est que progressivement que l’enfant
va prendre conscience de l’existence des objets extérieurs et être conduit
au stade anaclitique, d’abord de relation à l’objet partiel puis à l’objet total
(cf. stade de l’angoisse de l’étranger de Spitz ou position dépressive de
Klein) ; ce cheminement étant rendu possible d’une part par la différencia-
tion entre les objets aimés (familiers) et les objets menaçants (étrangers),
et d’autre part à l’occasion des expériences de manque lorsque l’enfant
perçoit progressivement que la tension naît en lui-même alors que la satis-
faction lui arrive du dehors. En somme, c’est à travers les moments de
frustration que l’enfant ressent ses premiers affects et commence à conce-
voir sa mère séparée de lui, et existant en dehors de lui.
b) Le stade anal
Le stade anal apparaît environ lors de la deuxième année de la vie,
laquelle est principalement consacrée à l’emprise (la pulsion d’emprise) ;
précisément, le stade anal débute avec la maîtrise sphinctérienne*. La
zone érogène prévalente concerne toute la muqueuse digestive, au-delà de
l’estomac. Il s’agit soit de conserver les objets passés à l’intérieur de soi,
soit de les détruire puis de les expulser.
L’objet pulsionnel comprend les fèces mais également la mère et l’entou-
rage proche que l’enfant perçoit encore comme objets partiels à maîtriser.
Le but pulsionnel est à nouveau double : à la fois un plaisir auto-érotique
par stimulation de la zone érogène et une recherche de pression relation-
nelle sur son entourage, les objets et individus que l’enfant commence à
différencier.
Le stade anal est celui de l’ambivalence portée à son comble, grâce à
laquelle l’enfant consolide sa frontière intérieur/extérieur et soi/non-soi ;
les mouvements ambivalentiels par lesquels passe l’enfant concernent
autant l’alternance « soumission-opposition », « expulsion-rétention » que
« activité-passivité ». Le plaisir érotique pris dans la rétention, la soumis-
sion et la passivité s’oppose au plaisir agressif du contrôle de la maîtrise
et de la possession. L’enfant établit des relations avec l’objet total relative-
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1 Le développement psycho-affectif de l’enfant
ment à son choix devant ces deux types de plaisir. Pendant cette période,
les dimensions sadiques et masochistes sont présentes et caractérisent
particulièrement bien le type de relation d’objet établi par l’enfant.
c) Le stade phallique
Le stade phallique est vécu par l’enfant entre sa troisième et sa qua-
trième année, et annonce la période œdipienne. La source pulsionnelle
prévalente est l’urètre associé au double plaisir de la miction et de la réten-
tion. Le plaisir urétral ou érotisme urétral (et la masturbation1) comporte
une dimension auto-érotique et une dimension objectale (fonction uri-
naire) par le « laisser-couler ».
Chez le garçon, comme chez la fille, l’objet de la pulsion est représenté
par le pénis. Cette époque signe le début de la curiosité sexuelle infantile
(conscience de la différence des sexes) et se centre autour de la théma-
tique présence/absence du pénis. À cette période, et de façon très synthé-
tique, on voit apparaître des fantasmes concernant la scène primitive (et
les théories infantiles sur la fécondation – orale, mictionnelle ou sadique
par déchirure – et sur la naissance – orale, anale ou sadique – qui lui
sont associées) où la sexualité parentale est vécue de façon sadique et pro-
voque chez l’enfant un sentiment d’abandon. À ces fantasmes s’associe
une période d’exhibitionnisme et de voyeurisme.
Le stade phallique est un stade prégénital dans la mesure où le pénis,
d’ailleurs fantasmé comme phallus, est davantage perçu comme por-
teur de pouvoir, de puissance et de complétude narcissique que comme
un organe génital ; l’important étant la possession de celui-ci, ce stade
demeure en grande partie narcissique et non objectal. Ainsi, le garçon qui
possède le pénis est, de fait, soumis à l’angoisse de castration* ; quant à la
fille, elle est introduite à la dimension du manque. Le déni de la castration
a pour but dans l’un comme dans l’autre sexe de protéger l’enfant contre
cette prise de conscience.
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1. L’accordage affectif, selon Stern, est une forme particulière d’intersubjectivité qui
rend compte du partage des états affectifs (états psychiques intérieurs) entre une
mère et son bébé. Il correspond aux moyens utilisés par les parents et leur enfant
pour se faire comprendre mutuellement et partager, de ce fait, la qualité d’une expé-
rience. Il s’agit, en général, de l’utilisation d’un autre mode d’expression, d’une
transposition intermodale par l’adulte, généralement inconsciente, de ce qu’il a
perçu de l’état de son bébé ; ces comportements d’accordage traduisent l’événement
de façon analogique pour déplacer l’attention de l’acte vers ce qui se trouve derrière
le comportement, c’est-à-dire la qualité affective que la mère souhaite partager (ex :
le bébé s’exprime par un geste et la mère l’accompagne par la voix). Cette forme
d’échange participe à la découverte chez le bébé d’un partage possible avec l’autre
de ses états subjectifs et de sa vie intérieure (désirs, sensations, impressions, expé-
riences intimes, intentions, fantasmes, peurs, etc.) et est à la base de la construction
pour l’enfant du « sens pour soi » (cf. chapitre 1, p. 34).
2. Le sentiment continu d’exister est encore appelé « self » par Winnicott ; il corres-
pond au sentiment d’identité du sujet qui le fait se sentir le même dans le temps et
dans l’espace.
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2 Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant
a) Du côté de la mère
L’existence d’une dépression secondaire à la naissance ou d’une dépres-
sion vraie (pré- ou post-partum) en rapport ou non (deuils, fausses
couches, ruptures, séparations, etc.) avec le bébé dans ses premiers mois
de la vie est considérée comme un facteur de risque majeur des perturba-
tions interactives et ce faisant du développement psychologique de l’en-
fant (Mazet & Stoléru, 1988).
Schématiquement, les troubles éventuellement développés par le nour-
risson puis l’enfant peuvent être des troubles de l’humeur (notamment une
dépression précoce), des troubles anxieux (avec angoisse de séparation),
des troubles du comportement, des troubles cognitifs (difficultés scolaires,
troubles de l’attention, etc.), et à l’adolescence des troubles des conduites
avec addiction (toxicomanie, alcoolisme, etc.) ou délinquance. Dans toutes
ces situations de dépression maternelle, il est nécessaire de soigner la
dépression de la mère et lui venir en aide afin qu’elle puisse (re)trouver du
plaisir avec son enfant.
Par ailleurs, l’existence de troubles psychotiques chez la mère peut
perturber l’interaction mère-enfant, que l’état psychotique soit déclenché
par la naissance et prenne la forme d’une psychose puerpérale ou que les
troubles psychotiques préexistent à la maternité. Les difficultés de la mère
portent alors essentiellement sur la perception des besoins et des désirs de
son bébé qu’elle ne parvient pas/plus à reconnaître comme un individu à
part entière. S’il existe des incidences des troubles psychotiques maternels
sur la relation à l’enfant, il est nécessaire de proposer une médiation de la
relation qui pourra soutenir la mère (et éventuellement le père) dans leur
rôle et leurs compétences.
En outre, les conduites addictives, notamment toxicomanie et alcoolisme,
perturbent les interactions dès la naissance ; une intoxication placentaire
peut mettre en danger somatique le bébé et avoir des conséquences néfastes
sur son développement psychomoteur. Les perturbations relationnelles
peuvent s’aggraver par des comportements de violence, des problèmes éco-
nomiques, une instabilité du couple parental voire une absence du père.
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b) Du côté du nourrisson
La prématurité, qui altère les compétences néo-natales du bébé, est un
facteur de risque des interactions précoces. Pour les parents, leur bébé pré-
maturé les déçoit, blesse leur narcissisme* et attise leur culpabilité d’être
de mauvais parents incapables de mener la grossesse à terme ; l’enfant ne
correspond pas au bébé imaginaire idéalisé avant la naissance (Ravier et al.,
2018). Le retour au domicile sans leur enfant tant attendu est douloureux
et la mise en place de la parentalité rendue souvent difficile. De nos jours,
sous l’impulsion des travaux des psychanalystes d’enfants, les services de
néo-natologie réagissent à l’ensemble de ces risques possibles et mettent
en place des mesures prophylactiques (de prévention), telles que la créa-
tion d’unités « kangourous », l’ouverture des services jour et nuit pour per-
mettre aux pères les visites, la création de chambres mère-bébé, etc.
À un autre niveau, la maladie d’un enfant, engageant éventuellement
le pronostic vital, et/ou une malformation peut affecter considérablement
son développement affectif, cognitif et relationnel. L’affection peut gêner
directement le développement de l’enfant du fait de la nécessité d’hospi-
talisations fréquentes, par exemple, ou avoir des effets indirects lorsque la
maladie ou le handicap entraîne des perturbations au niveau des relations
parents-enfant. Ainsi, on peut assister à des comportements parentaux
ambivalents : toute l’attention des parents est focalisée sur les troubles
somatiques au détriment des besoins affectifs du bébé ou les attitudes de
surprotection parentale diminuent les potentialités d’initiative de l’enfant
et altèrent son évolution.
Pour aider l’enfant à vivre un développement harmonieux en interaction
avec ses parents, il apparaît nécessaire que ces derniers puissent réaliser
un travail psychique comparable au travail de deuil de l’enfant idéalisé, de
la fonction organique atteinte, des expériences impossibles à partager avec
l’enfant, etc. Ce travail mental peut permettre la création de nouveaux
modes d’interaction des parents avec leur enfant qui, avant d’être malade,
est un sujet désirant singulier.
Lorsque l’enfant grandit, la distorsion des relations qu’il partage avec
ses parents peut s’exprimer sous la forme d’un ensemble de maux qui
affectent le plus souvent la sphère des fonctions instinctuelles, du compor-
tement, du langage et de l’humeur et qui, toujours, traduisent une souf-
france psychique difficile, voire impossible, à mettre en mots.
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a) Le cauchemar
Le cauchemar ou rêve d’angoisse est un rêve pénible auquel s’associe
une sensation d’étouffement et d’oppression qui se termine par un réveil
en sursaut après une anxiété intense ; le cauchemar peut être raconté au
réveil ou le lendemain par l’enfant. Si le rêve est l’expression d’un désir,
et plus spécifiquement d’un désir refoulé, cette fonction onirique échoue
dans le cauchemar (Freud, ibid.).
Dans la terreur nocturne, l’origine psychologique est souvent la même
que pour le cauchemar – une angoisse intense chez l’enfant – mais le
tableau clinique est bien différent. En pleine nuit, l’enfant se dresse sur
son lit et, sans être réveillé totalement, hurle de peur : il est alors en proie à
un onirisme terrifiant dont la présence des parents, qu’il ne reconnaît pas
au départ et qu’il intègre dans ses hallucinations*, ne peut le faire sortir.
L’enfant est couvert de sueurs et, dans certains cas, se met à vomir ou
uriner dans son lit. Il se rendort sans avoir repris totalement conscience et
ne se souvient de rien le matin, au réveil.
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2 Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant
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Observation clinique
Adeline est un bébé de 18 mois quand je la rencontre accompagnée de
ses deux parents pour la première fois. Vive, souriante bien que parfois
anxieuse et apeurée, on lui donnerait le bon dieu sans confession et surtout
on n’imaginerait pas qu’elle ne dort pas la nuit quasi depuis sa naissance ;
ses parents non plus ! « On a tout essayé. On la fait s’endormir dans sa chambre
et quand elle se réveille, on prend son lit et on le met dans le salon en espérant
qu’elle se calme. Car quand elle se réveille, elle hurle. Et on ne peut absolument
pas la quitter ». Adeline souffre de troubles du sommeil déjà bien ancrés,
assortis d’autres embarras somatiques qui participent assurément de son
inconfort (conjonctivite, torticolis récurrents, etc.). En séance, je rencontre
des parents épuisés et décontenancés par une telle résistance à l’abandon
dans le sommeil. Progressivement Monsieur A., occupé par son travail,
laisse la place à sa femme et Adeline en consultation. Je note durant ces
séances à trois qu’Adeline est souvent inquiète par l’éloignement de sa mère
ou plutôt par ma présence en tant que figure étrangère. Ma trop grande
proximité physique la fait pleurer, les bruits insolites des jeux ou autres
poupons de mon bureau l’effraient… elle ne me semble pas avoir intégré
encore l’angoisse du 8e mois, précieuse à R. Spitz, signe de l’établissement
d’un objet stable et permanent à l’intérieur d’elle. Comment se séparer
sereinement (« sœur-hainement » ?!) la nuit quand on n’est pas assuré de la
solidité de l’objet intérieur ? Madame A., attristée, dit d’ailleurs en consul-
tation, « ne pas avoir vraiment rencontré sa fille qui lui apparaît comme une
étrangère ». Après quelques séances, elle et moi comprenons qu’Adeline
n’est pour cette mère que le substitut d’une sœur à la fois aimée et haïe,
que Madame n’a eu de cesse de chercher toute son enfance et qui s’est vue
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2 Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant
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Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant 2
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2 Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant
les cris, puis les vocalises, les lallations, le rire, les vocalises adaptées à
l’environnement, les sons et syllabes prenant l’allure de babillements, et
enfin le début d’une « conversation » au 10e mois ;
– le petit langage : il s’utilise approximativement de 1 an-1 an et demi
jusqu’à 3 ans ; la conversation est au départ plutôt un monologue et le
vocabulaire assez pauvre (quelques mots), puis celui-ci s’enrichit et est
marqué par l’apparition du « non » ;
– le langage : le « je » apparaît vers 3 ans et témoigne de l’accès à une
nouvelle étape dans la construction de l’identité de l’enfant ; l’utilisation
des mots abstraits précède l’apparition de la syntaxe (entre 3 et 5 ans),
laquelle est suivie par l’apprentissage de l’écrit vers 5-6 ans.
56
Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant 2
c) Les dysphasies
Les dysphasies fonctionnelles correspondent à une déformation des
mots, l’enfant étant incapable de répéter des syllabes sans erreur. Le retard
de langage est inhérent à ce trouble de la structure syntaxique des phrases.
Lorsque la dysphasie persiste, il y a un risque d’aggravation des troubles
du langage et de l’orthographe avec une forte probabilité de voir s’inten-
sifier des difficultés de compréhension, des troubles des praxies (coor-
dination normale des mouvements vers le but proposé), de la structure
temporo-spatiale et du rythme. Les répercussions cognitives plus globales
et les troubles de l’affectivité tels que l’impulsivité, l’hypersensibilité aux
frustrations, etc., sont alors fréquents.
d) Le bégaiement
Le bégaiement de la petite enfance (vers 3-4 ou 5 ans) est une anomalie
de l’émission de la parole dans laquelle prédomine un trouble du rythme ;
le trouble est fréquent (1 % de la population) et prédomine chez les gar-
çons. Le bégaiement physiologique transitoire qui disparaît vers 3 ans est
à différencier du bégaiement pathologique qui peut s’installer vers 4 ou
5 ans. Ce trouble est fréquent en cas d’antécédents de retard de langage. Le
pronostic est favorable si le trouble disparaît avant 7 ans de façon naturelle
ou par une rééducation orthophonique et/ou prise en charge psycholo-
gique. Nous devons souligner néanmoins l’existence d’un bégaiement de
pronostic moins favorable s’il apparaît (ou réapparaît) lors de la période de
latence et/ou à l’adolescence.
Généralement, le bégaiement survient chez des sujets introvertis, anxieux
et inhibés adoptant des attitudes de passivité teintée d’agressivité projetée
sur autrui ; ce symptôme peut être un indice d’un trouble de la communi-
cation d’avec l’un des membres de la famille, notamment la mère. La dis-
cussion sur l’étiopathogénie du bégaiement après la période œdipienne est
plurifactorielle et associe des facteurs héréditaires, physiologiques, neuro-
logiques, psychologiques, traumatiques, etc. Notons enfin que le risque de
conserver ce trouble à l’âge adulte, soit du fait de sa nature réactionnelle, soit
du fait de sa chronicisation, est important (Ajuriaguerra & Marcelli, 1989).
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2 Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant
Observation clinique
Myriam1 est une fillette de 8 ans et demi (mignonne et coquettement habil-
lée), suivie depuis plusieurs mois par une orthophoniste pour un retard
de parole et de langage. Devant la lenteur des progrès constatés lors de la
rééducation, un bilan psychologique est demandé. C’est sa mère qui l’ac-
compagne ; le père, indien, vend des légumes chez des grossistes et n’a pu
venir au rdv. La mère est une femme obèse, d’apparence chaleureuse voire
hyper-protectrice avec sa fille. Elle parle beaucoup durant l’entretien avec
un fort accent italien. On parle le français à la maison. Elle décrit Myriam
comme « une enfant difficile en ce moment », qui « dit non à tout » et « crie comme
une folle ». Elle met du temps à s’endormir et fait des cauchemars. Les diffi-
cultés dateraient de l’année dernière quand mère et fille se sont fait opérer
en même temps, l’une des varices et l’autre d’une verrue. Quand Myriam
s’est réveillée de l’anesthésie, elle a cru sa mère morte. Depuis, elle ne cesse
de parler de la mort, pense que sa mère va mourir et pleure souvent à la
maison en disant qu’on ne l’aime pas. À l’école, elle apprend difficilement
à lire en CE1, tout en ayant redoublé le CP ; elle dit aussi que sa maîtresse
ne l’aime pas. La petite enfance de cette fillette est marquée par deux chutes
spectaculaires, banalisées par sa mère (sic !), à 1 an avec traumatisme crânien
et 3 ans : l’une du premier étage, puis l’autre dans un escalier. Le père est
décrit comme un homme doux et gentil qui délègue à sa femme l’éducation
des enfants et le soin de se fâcher. Myriam parle de ses soucis de sommeil
et de ses peurs à tonalité œdipienne qui révèlent tout à la fois la chaleur
de ses conflits infantiles, l’angoisse phobique des représentations phalliques
et l’intégration difficile et anxiogène d’une position féminine (« peur qu’il y
ait des loups cachés sous son lit », « peur des voleurs qui pénètreraient dans sa
chambre »). La séparation psychique d’avec ses parents ne semble pas adve-
nue et Myriam appelle régulièrement sa mère la nuit, laquelle laisse la porte
de la chambre conjugale ouverte ! Cet été, au bal du 14 juillet, un homme
« l’a attaquée avec un long couteau » derrière l’estrade ; mais « quelqu’un est
venu quand elle a crié ». À la piscine aussi, un homme l’a agressée et lui « a
fait boire la tasse ». Myriam entoure son récit d’un halo très dramatique. Le
ton est bébé et de nettes séquelles de retard de parole rendent le discours
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2 Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant
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Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant 2
Observation clinique
Léo est un jeune garçon de 4 ans très vif, intelligent et séducteur. Ce garçon-
net, qui n’en semble pas du tout affecté, vient me consulter à la demande
de ses parents, surtout sa mère, pour d’abord une constipation puis une
énurésie nocturne, comme si l’une avait pris la place de l’autre (sic !). Assez
vite, la constipation s’amende et Léo peut aller aux toilettes sans véritable
difficulté. Sa difficulté à la séparation d’avec sa mère s’illustre dans cette
rétention anale. L’énurésie nocturne apparaît et résiste, quant à elle, à toute
forme de transformation et levée ! Léo a, semble-t-il, « besoin » de ce symp-
tôme bien qu’il n’en semble pas plus gêné que l’ancienne constipation. La
famille a mis en place un dispositif de couches la nuit qui enferme Léo,
par ailleurs très mature, dans un statut de « bébé » dont il a du mal à sortir
(bénéfices primaires et secondaires indiscutables), et dont ses parents (son
père et sa mère et pour des raisons différentes pour chacun) ont du mal à
le laisser se dégager. Léo est investi comme « le petit dernier de la famille » ;
celui dont la mère peut dire qu’elle s’inquiète déjà à l’idée « que plus tard,
il quittera le nid familial » et la laissera toute seule. Le père, quant à lui, est
inscrit dans une relation faite d’ambivalence où Léo est à la fois celui dont
il s’occupe encore comme d’un bébé et celui qui, rival, devient l’objet de
conflits vifs où les combats ont pour visée de savoir quel est le coq qui
gagnera ! Et à ce jeu-là, Léo a de l’endurance… crispant bien souvent des
situations avec son père. La position psychique de Monsieur reste infantile
et on a plutôt le sentiment qu’il a du mal à occuper la place asymétrique
d’adulte dont le rejeton a besoin. Celui-ci maintient très souvent (même
en séance) une position mégalomane faite de défiance, provocation, etc.
Les jeux de Léo sont au départ inscrits dans les luttes où les Playmobil
sont entremêlés et indistincts, sans que l’on repère la différenciation entre
les uns et les autres. Les dessins révèlent la chaleur du conflit œdipien et
l’appel à l’imago paternel pour imposer la loi structurante et séparatrice
d’avec l’imago maternelle. Léo, même s’il joue inconsciemment son propre
conflit œdipien, semble pris au piège d’une double assignation maternelle
et paternelle à la place de bébé dont il ne parvient pas à s’extraire.
4.2 L’encoprésie
D’une manière générale, le contrôle des sphincters* anaux s’acquiert
dès l’âge de 3 ans. Au-delà de 3 ans, et pour des raisons autres qu’orga-
niques, on définit l’encoprésie par des défécations répétées, produites au
moins une fois par mois, volontaires ou non, dans des endroits inappro-
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Winnicott écrit « l’enfant qui vole un objet ne cherche pas l’objet volé,
mais cherche la mère sur laquelle il a des droits ».
La conduite déviante associée aux vols ne prend sens dans l’organi-
sation psychopathologique de l’enfant qu’à partir de son sentiment de
carence initiale (réelle ou fantasmée) et de la réaction de ses parents aux
premiers larcins. En regard de l’organisation progressive du surmoi*,
associé à l’intériorisation de la loi parentale (maternelle puis paternelle)
et de la loi sociale, le vol se situe là encore sur un continuum allant d’une
« excessive rigueur surmoïque dont l’enfant ne peut se dégager à l’absence
totale d’instance critique dont la conduite antisociale est la résultante »
(Ajuriaguerra & Marcelli, 1989). Ainsi, le vol peut autant se rencontrer
dans le cadre d’une organisation névrotique de l’enfant que constituer
l’une des conduites habituelles de la psychopathie signant un mode d’en-
trée à l’adolescence dans la délinquance.
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Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant 2
Observation clinique
John est âgé de 10 ans et demi. La consultation est motivée par plusieurs
troubles du comportement qui aujourd’hui le pénalisent beaucoup. John
vole dans les magasins de quincaillerie des objets apparemment sans
importance (en fait, toujours des outils de chantier que son père utilise
pour son travail), et ment comme un arracheur de dents, avec un aplomb
qui déroute plus d’un adulte. John est le 4e enfant d’une fratrie de 6 enfants ;
sa mère semble dépressive et dépassée par le nombre de ses rejetons qui
l’épuisent ; son père, aux attitudes éducatives en apparence sévères quand
il est au domicile, est très souvent absent soit du fait de son travail sur les
chantiers, soit du fait de ses connaissances de comptoir de bar. Les vols de
John ne suscitent quasi aucune culpabilité et on a plutôt le sentiment qu’il
se dit lors du larcin : « j’y ai le droit ». « Avoir droit » pour le jeune garçon, au
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Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant 2
Observation clinique
Marion, âgée de 6 ans, nous est adressée par son pédiatre, laquelle s’in-
quiète des capacités de la fillette à suivre en CP ; inquiétude d’ailleurs
relayée par les parents. Petite fille toute fluette, son visage est fin mais
sérieux. Son apparence chétive et fatiguée la fait ressembler à une petite
souris à l’image de son « doudou ». Dans ses vêtements, elle a l’allure d’un
petit garçon et adopte aisément une posture campée de fillette détermi-
née. Si sa petite taille lui permet d’obtenir aisément le statut de petite fille
à protéger, Marion revendique son indépendance et son autonomie. Elle
est facile de contact (trop ?) et nous interpelle d’emblée sans jamais témoi-
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1. Si l’enfant est restitué à sa mère (ou si l’on parvient à trouver un substitut mater-
nel acceptable pour le bébé) pendant la période critique, c’est-à-dire entre la fin
du troisième et la fin du cinquième mois, les troubles inhérents à la dépression
anaclitique disparaissent avec une rapidité surprenante. En revanche, lorsqu’il y
a déprivation maternelle durable et totale, l’enfant sombre dans un état très grave,
appelé « hospitalisme » le conduisant à la mort (Spitz, 1948).
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2 Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant
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Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant 2
ment entraîne chez celui-ci une hémorragie narcissique très importante. Cette mère
devient « morte » pour l’enfant car elle le désinvestit, tout occupée qu’elle est à l’éla-
boration psychique d’un travail de deuil.
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2 Étude psychopathologique des conduites chez l’enfant
des individus, notamment dans les dépressions sévères à tous les âges, soit
sur certains comportements animaux de fixité ou de retrait ressemblant à
des conduites dépressives sévères observées lors d’expériences de sépara-
tions précoces du jeune animal de sa mère (cf. travaux de Harlow sur les
bébés singes Rhésus).
Observation clinique
Clara est une fillette de 8 ans qui vient consulter, accompagnée de ses
parents, pour une instabilité psychomotrice de plus en plus gênante pour le
milieu scolaire et familial. C’est son professeur de musique qui a remarqué
son hyperactivité, ses troubles de l’attention et sa dépressivité. Clara est
l’aînée d’une fratrie de 3 enfants ; deux frères de 5 et 3 ans, dont elle se dit
« jalouse », la suivent. Sa mère est une femme peu parlante et manifestement
ambivalente à l’égard de sa fille. Elle en a « assez de lui donner des fessées
inutiles pour qu’elle cesse de s’agiter – j’ai l’impression en plus qu’elle n’attend que
ça » ; elle l’appelle « ma chérie » en entretien tout en lui donnant une petite
claque sur la joue en lieu et place d’une caresse, enfin elle ne s’atermoie
même pas lorsque, du fait de son agitation, Clara se cogne dans le bureau
et se met à pleurer de douleur. Le père paraît beaucoup plus authentique-
ment préoccupé par sa fille, plus sensible à sa souffrance, même si Clara
« ressemble à ma sœur lorsqu’elle était enfant », et désireux de « faire quelque
chose pour elle ». Clara, quant à elle, présente quelques tics de la face avant
de parler, une instabilité psychomotrice évidente et une immaturité ; elle
est plutôt bougonne, boudeuse, refuse d’entreprendre un suivi psycholo-
gique de peur d’avoir à rester seule avec moi sans sa mère. Son angoisse de
séparation et d’abandon est très forte et sa souffrance dépressive transparaît
dans ses dessins très chargés, confus, labyrinthiques et noirs sur lesquels
Clara écrit, puis tente d’effacer, « papa, je t’aime ». Tout se passe comme si
Clara avait construit une imago maternelle peu contenante et destructrice,
et intériorisé l’image d’un père amoindri et déprimé. Le fonctionnement
psychique de cet enfant traduit déjà la mise en place de processus maso-
chistes où la réprimande recherchée vient calmer une culpabilité incons-
ciente – peut-être celle d’un amour œdipien pour le père – et l’existence
d’une problématique dépressive et anaclitique où l’objet, bien que défail-
lant, est toujours nécessaire. L’organisation d’une seconde rencontre pour
la mise en place d’une prise en charge à visée psychothérapeutique n’a fait
que réactiver les résistances tant de Clara que de ses parents devant toute
perspective de changement ; ces derniers n’ont jamais honoré le rendez-
vous, pas plus qu’ils n’ont cherché à reprendre contact.
3
Le champ nosographique
en psychopathologie infantile
1. Les psychoses de l’enfant
1.1 Une entité à part : l’autisme infantile
a) Les définitions de l’autisme
En 1911, Eugène Bleuler introduit le terme d’« autisme » à partir du
terme « auto-érotisme » trouvé chez S. Freud. Le concept d’autisme a fait
son apparition dans la nosologie psychiatrique avec Kanner et Asperger et,
depuis lors, les discussions se multiplient.
Pour Kanner (1943, 1949), il s’agit « de troubles et d’une incapacité
innée à constituer une relation affective et à répondre aux stimuli pro-
venant de l’environnement ». Simultanément, en 1944, Asperger, qui ne
connaît pas Kanner, isole une « psychopathie autistique de l’enfance » qui
se caractérise par une incapacité importante très précoce due à des diffi-
cultés d’intégration sociales malgré des habiletés cognitives et verbales
adaptées. Ferrari (2015) précise « tout comme les autres formes de psy-
choses infantiles précoces dont il ne peut être dissocié, l’autisme apparaît
comme une forme sévère de désordre de la personnalité altérant très pré-
cocement – parfois dès la naissance – l’organisation de la vie intérieure de
l’enfant et de sa relation au monde extérieur. Ces psychoses constituent
également des troubles du développement affectant de façon variée et non
homogène, divers secteurs du développement de l’enfant ».
En 1980, et à partir du DSM-III, l’autisme est situé parmi les « troubles
envahissants du développement » (TED). Dès 1994, le DSM-IV, qui insiste sur
la nécessaire apparition des symptômes de l’autisme avant l’âge de 3 ans,
les répertorie et souligne l’altération qualitative des interactions sociales
et de la communication, et le caractère restreint, répétitif et stéréotypé
des comportements, intérêts et activités. Ces trois groupes de symptômes
évoquent respectivement le premier symptôme, les symptômes secon-
daires et le deuxième symptôme (sur un versant déficitaire) de Kanner.
83
3 Le champ nosographique en psychopathologie infantile
Depuis 1996, l’autisme est considéré comme un handicap et non plus une
pathologie psychiatrique1.
• Le syndrome d’Asperger
Asperger isole une psychopathie autistique de l’enfance caractérisée par
une incapacité importante très précoce, due à des difficultés d’intégration
sociale, malgré des habiletés cognitives et verbales adéquates voire supé-
rieures.
84
Le champ nosographique en psychopathologie infantile 3
Observation clinique
Léa est une petite fille de 3 ans et 8 mois adressée en pédopsychiatrie,
accompagnée par ses parents, pour des troubles évoquant un tableau autis-
tique. Interrogé, le père décrit plusieurs types de troubles chez sa fille. À un
premier niveau, Léa présente des troubles du comportement alimentaire,
très anciens, ayant motivé la consultation. Léa n’accepte que des aliments
mixés et les conserve de façon prolongée dans sa bouche sans qu’il y ait
de véritable mérycisme1 ; les parents précisant d’ailleurs qu’il leur faut
5 heures par jour pour s’occuper matériellement de leur fille, notamment
de ses repas. Par ailleurs, on relève des troubles du langage, caractérisés
par le fait que Léa ne parle pas et a des crises de hurlements lorsqu’on
la sort de chez elle ; en consultation, elle emploie un « langage gribouil-
lis » que, manifestement, seule sa mère peut comprendre. Les parents de
Léa s’adressent rarement la parole et la différenciation entre eux est vague.
La mère est en proie à des phobies sociales (peur d’aller dans la rue, par
exemple) et pendant ses trois premières années sortait rarement sa fille
de la maison. En outre, il existe des troubles au niveau du développement
psychomoteur. Dans son berceau, Léa souriait de façon permanente et son
sourire ne s’adressait jamais à une personne particulière ; elle a marché à
21 mois sans avoir investi son corps de façon ludique, le jeu (avec des pairs
ou seul) n’a jamais été recherché, et la propreté n’a jamais été acquise. De
plus, l’observation de Léa rend compte de troubles de l’affectivité avec des
manifestations affectives pauvres et indifférenciées, et pas plus d’angoisse
de l’étranger vers 8 mois que de signe de jalousie plus tard, à la naissance
85
3 Le champ nosographique en psychopathologie infantile
de son petit frère, vers 21 mois ; Léa frappe par son absence de manifesta-
tion émotive de l’ordre du plaisir ou du déplaisir (excepté ses hurlements
ponctuels et intempestifs) et l’absence de choix d’une personne avec
laquelle établir une relation privilégiée. Enfin, on repère des troubles du
comportement (par défaut) marqués par un important retrait vis-à-vis du
monde extérieur, une très (trop ?) grande prudence dans ses gestes pouvant
aller jusqu’à l’inactivité, une absence d’agitation avec ses pairs, de jeu (seul
ou avec les autres enfants), de manipulation d’objets qui semblent d’ail-
leurs ne pas exister pour elle et un retrait par rapport aux autres enfants
sans chercher à établir de contact avec eux. Devant ce tableau clinique
plutôt inquiétant, Léa est hospitalisée dans le service de pédopsychiatrie
pour une période de 2 à 3 semaines. Au-delà du souhait de l’équipe hospi-
talière d’observer cette petite fille en situation d’être séparée de ses parents,
son hospitalisation vise essentiellement la mobilisation de ses ressources et
capacités pour changer et évoluer.
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Le champ nosographique en psychopathologie infantile 3
avant 4 ans et dans les 3 mois suivant le diagnostic. Les familles et les
enfants peuvent adopter avec l’ensemble des professionnels concernés des
interventions fondées sur l’analyse appliquée du comportement dites ABA,
des interventions développementales telles que mises en œuvre dans les
programmes TEACCH ou des prises en charge intégratives, type thérapie
d’échange et de développement.
87
3 Le champ nosographique en psychopathologie infantile
chez autrui des états mentaux, des croyances et des pensées semblables
aux siens ; cette capacité serait gravement compromise chez les enfants
autistes. Différentes évaluations sont venues démontrer cette déficience,
en révélant notamment les difficultés particulières des enfants autistes au
jeu de « faire semblant » ; on invoque alors, notamment, le déficit émo-
tionnel et les troubles de l’imitation chez ces enfants (Adrien, 1996). En
l’absence de données biologiques solides, cette théorie psychologique1 a
connu un franc succès. Les auteurs stipulent que l’autisme doit relever
d’une lésion d’une fonction neurologique périphérique plutôt que cen-
trale. Ainsi, par exemple, pour Frith (1992), il y aurait dans l’autisme
un dysfonctionnement du traitement de l’information qui affecterait par
retour le fonctionnement central de la pensée permettant d’assurer une
cohérence à l’interprétation d’informations disparates.
Parmi les critiques faites à cette hypothèse, certaines sont venues de
la part des cognitivistes, lesquels remarquent qu’un mécanisme d’inter-
subjectivité, présenté comme le résultat de plusieurs mécanismes préa-
lables, peut difficilement être conçu comme modulaire. Par ailleurs, pour
eux, la théorie de l’esprit tend à donner beaucoup plus de poids au symp-
tôme kannérien de « solitude extrême et retrait social » qu’au symptôme
« recherche de l’immuabilité ». Ainsi, Russel (1998) se montre partisan
d’une théorie selon laquelle les stéréotypies autistiques dépendraient de
deux troubles de base : l’incapacité du sujet au « suivi des actions » et de
ressentir qu’il est à l’instigation de la modification des entrées percep-
tives dans son corps ; la conscience de soi préthéorique serait entravée
(cf. chapitre 1). Ainsi donc, parmi les tenants de la théorie de l’esprit, les
uns considèrent qu’elle est « modulaire », et les autres qu’elle dépend d’un
certain nombre de préconditions, notamment le contrôle de la motricité.
Bien qu’historiquement parlant, le courant cognitiviste se soit déve-
loppé grâce aux élaborations des psychanalystes des années 1940-1950
qui s’appuyaient sur les applications de la cybernétique, la neurologie et
la psychologie, ces deux approches cognitives sont en profond désaccord
avec la perspective psychanalytique.
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Le champ nosographique en psychopathologie infantile 3
a) Définition
Les psychoses de l’enfant peuvent être définies comme un trouble de
la personnalité relevant d’un désordre de l’organisation du moi* et de
la relation de l’enfant avec le monde environnant qui se caractérise en
particulier par des relations interpersonnelles anormales et un retard de
langage. Les psychoses précoces se distinguent de l’autisme de Kanner
(10 % des psychoses précoces) car elles surviennent après une période de
développement psycho-affectif apparemment normal ; le début se situant
davantage entre 2 ans et demi et 3 ans, et 5 et 6 ans.
b) La symptomatologie
La variabilité sémiologique est extrême et peut associer les crises d’an-
goisse, les perturbations motrices (instabilité majeure ou inhibition), les
rituels défensifs, les troubles du langage et de la voix, les troubles psycho-
somatiques, une labilité affective fréquente et l’existence d’un investisse-
ment déficitaire des fonctions cognitives (Ajuriaguerra & Marcelli, 1989).
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3 Le champ nosographique en psychopathologie infantile
• L’observation clinique
Il n’y a pas une symptomatologie propre aux prépsychoses infantiles ;
tous les symptômes cliniques peuvent en effet se rencontrer, lesquels sont
inefficaces à lier l’angoisse toujours perceptible chez l’enfant qui ne peut
ni la maîtriser ni s’en dégager, tant au niveau économique que dynamique.
En dépit d’une (pseudo-)adaptation à la réalité, le contact avec l’enfant pré-
psychotique est de qualité particulière ; l’investissement de la relation est
massif et l’expression fantasmatique, dominée par une intense agressivité
mal contrôlée, est trop aisée et sans retenue. Le passage à l’acte, qui permet
à l’enfant de soulager une tension psychique par ailleurs difficilement éla-
borable, est fréquent et s’établit sur un mode auto- ou hétéro-agressif avec
parfois une vive impulsivité. Dans d’autres situations, la relation clinique
peut être dominée par l’inhibition laissant peu de place aux fantasmes,
ou par une apparente soumission aux désirs ou aux attentes supposées de
l’adulte (la niaiserie décrite par Diatkine, 1969).
• Le bilan psychologique
Le bilan psychologique peut être utile dans les cas de prépsychoses
infantiles, notamment du fait de la pseudo-adaptation à la réalité ou de
la soumission passive à l’adulte. Ce bilan met toujours en évidence les
contrastes évidents entre les prépsychoses infantiles et les organisations
psychotiques avérées, notamment par rapport à la labilité du fonction-
nement psychique, aux capacités d’adaptation à la réalité (notamment si
l’investigateur a une fonction cadrante) et de récupération de l’enfant.
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Le champ nosographique en psychopathologie infantile 3
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3 Le champ nosographique en psychopathologie infantile
1. Les lignées en cours de maturation font référence aux travaux d’A. Freud (1962)
portant sur les lignées de développement.
2. Selon Misès (1990), une telle démarche permet ainsi de concevoir des dysharmo-
nies évolutives à type de pathologie limite.
3. La visée « diachronique » renvoie à la nécessité d’une évaluation de la capacité
d’évolution d’une structure ou d’une personnalité dans un organisme en cours de
maturation.
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Le champ nosographique en psychopathologie infantile 3
Observation clinique
Maria est une fillette de 8 ans, scolarisée en CE2, fille unique d’un couple
de parents migrants. Monsieur a quitté son pays natal pendant sa petite
enfance et s’est depuis très bien intégré au mode de vie français. Madame,
quant à elle, a quitté sa terre natale pour épouser le père de Maria ; son
absence de formation lui impose une activité professionnelle peu valorisée
qui vient mettre à mal les idéaux de sa fille, notamment son idéal du moi*.
Depuis, elle se dit régulièrement traversée par des idées et des pensées
nostalgiques (mélancoliques ?), notamment ses parents restés au pays ; sa
fille constitue ainsi pour elle sa raison de vivre et leur lien de dépendance
l’une à l’autre est patent : « on ne parvient pas à se séparer ». Madame semble
avoir investi sa fille sur un mode essentiellement narcissique, en miroir.
Maria, quant à elle, suit sa mère dans ses moindres faits et gestes allant
jusqu’à épier ses conversations téléphoniques. Préoccupés par le vécu de la
puberté précoce de leur fille, monsieur et madame ne semblent pas d’em-
blée soucieux des comportements, pourtant singuliers, de Maria. Dans une
attitude de prestance particulièrement rigide pour son âge, Maria est peu
prolixe en entretien. Pourtant, les parents (surtout son père) décrivent un
ensemble de troubles assez préoccupants. Isolée depuis toujours (très peu
de contacts avec ses pairs), Maria n’aurait tissé aucune véritable relation
amicale ; sa seule préoccupation étant de conserver sa place de première
de la classe. Elle étudie beaucoup, dort peu et mange très mal « depuis
toujours ». Son appétit d’oiseau et son manque de sommeil traduisent en fait
des troubles alimentaires de type anorectiques d’une part et du sommeil
de type insomnie d’autre part assortis d’anxiété, voire d’angoisse, dans
des situations conflictuelles pendant lesquelles monsieur témoigne de son
mécontentement à voir sa fille collée à sa femme. Maria semble triste et
dévitalisée sans jamais exprimer d’affects dépressifs et/ou de représenta-
tions associés à la perte, au dénuement ou à la solitude. Les symptômes
phobo-obsessionnels sont marqués par certains rituels du coucher et une
nette tendance à contrôler et maîtriser ses parents mais aussi son emploi
du temps qui ne peut faire l’objet de fantaisies ou d’imprévus. Enfin, Maria
est en proie à une vive angoisse de séparation dont témoigne son besoin
extrême de sa mère dans sa réalité. Dans ce contexte, elle semble relever
d’un diagnostic de troubles de la personnalité de type pathologie limite
de l’enfance avec inquiétude d’une éventuelle décompensation anorexique.
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• À la période de latence
Entre 8 et 12 ans, les deux versants névrotiques correspondant au stade
maturatif de la latence sont représentés soit par l’inhibition1 (renoncement
du moi* aux pulsions – le ça*), soit par les conduites obsessionnelles (ten-
tative de dominer le moi*).
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• L’approche psychopathologique
Alors que la névrose infantile témoigne d’un moment structurant de
l’organisation psychique de l’enfant, la névrose de l’enfant correspond
davantage à un état morbide. Ainsi, les troubles névrotiques doivent tou-
jours être évalués au niveau de leur signification par rapport à l’économie
psychique de l’enfant et leur valeur pronostique. C’est la relation entre la
personnalité profonde des parents et de l’enfant qui induit la genèse des
symptômes névrotiques, voire la névrose.
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rité, des éléments naturels ou de l’école)1 ; ces phobies peuvent rester peu
envahissantes et disparaître avec l’achèvement du conflit œdipien tout en
induisant des conduites d’évitement ou l’utilisation d’objets contra-pho-
biques. Néanmoins, dans certains cas (réaction familiale inadaptée – sur-
protection, moqueries, etc.), les conduites phobiques peuvent se fixer et se
structurer secondairement en une organisation phobique entravant alors
considérablement la vie de l’enfant.
1. Les phobies sociales de l’enfant s’intègrent davantage dans des troubles graves
de la personnalité, de type pathologies limite ou psychoses infantiles.
2. Dans le cas du petit Hans, l’enfant pouvait, ainsi, rester avec sa mère.
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1. Ces thérapies ne donnent pas un sens aux troubles ni n’expliquent leur pourquoi
ou leur origine en s’attachant à leur valeur économique.
Conclusion
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Conclusion
1. Surexposition délétère aux écrans chez les tout-petits dans une visée calmante,
addiction aux technologies virtuelles avec risques de cyber-harcèlement et/ou
d’accès à des scènes hyper-violentes ou de pédo-pornographie pour des enfants ou
des pré-adolescents encore immatures, diagnostic psychopathologique (certes rare
et grave) du syndrome de Hikikomori (isolement, retrait à domicile, addiction au
virtuel) chez les adolescents (De Luca & Thoret, 2013), etc.
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Conclusion
doit sensibiliser autant les pouvoirs publics que politiques tant dans le
soin à porter à l’enfant que dans la prévention de sa souffrance psychique
et de ses difficultés de développement. L’enjeu est immense puisqu’il s’agit
pour tous les partenaires soucieux de l’enfant et de sa famille de veiller à
ce que l’intérêt pour le petit d’homme ne soit pas rétréci à la prévention
de la délinquance. Dépister, prévenir humainement n’est pas réprimer.
Ainsi, la collaboration entre toutes les disciplines des sciences sociales et
humaines et les pouvoirs publics est aujourd’hui nécessaire pour renforcer
ce domaine d’étude et de clinique et lui permettre de conserver tant sa
singularité que sa raison d’exister.
Glossaire
Nous faisons le choix de ne mentionner ici que les termes importants cités
dans cet ouvrage afin d’en faciliter sa compréhension.
Faux self : il est sous-tendu par un clivage du moi*. Le sujet maintient des
positions inconciliables sans qu’il y ait conflit interne, et développe, dans
certains secteurs, des aptitudes à la conformité qui font exister un lien
avec le réel à travers des rapports marqués par la soumission et le mimé-
tisme (Winnicott, 1964).
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Glossaire
Libido : terme, d’origine latine (désir), qui renvoie à l’énergie psychique des
pulsions sexuelles.
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Glossaire
laquelle l’intérêt de l’enfant est uniquement centré sur lui ; la libido* est
alors narcissique ou auto-érotique. Soulignons que lorsque la libido*
porte sur un objet extérieur à soi, on parle de narcissisme secondaire (ou
objectal).
Phonème : plus petite unité de langage oral qui constitue les signifiants et
les distingue entre eux ; le français comprend 36 phonèmes (16 voyelles
et 20 consonnes).
Sphincter : muscle annulaire qui se contracte et est situé autour d’un orifice
naturel qu’il ferme (sphincter anal, vaginal, etc.).
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Bibliographie
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Bibliographie
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Bibliographie
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