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Introduction
1. Les TOC sont-ils une forme de folie ?
2. Le TOC ou les TOC ?
3. Les TOC, §a vient d’où ?
4. Modèles psychopathologiques des TOC
5. Penser le monde, se le représenter : fonctions des rituels et des mythes
6. Quelles différences entre une prière, une superstition et un rituel mental ?
7. Âge d’apparition, évolution des TOC sans et avec thérapie
8. Comment pose-t-on le diagnostic de TOC ? Savoir si l’on en souffre ?
9. Quelles sont les différences entre une pensée normale et une obsession ?
10. Les TOC chez les enfants et les adolescents : repérer au plus tôt
pour mieux les aider
11. Une personne dans mon entourage semble atteinte de TOC : comment
la conseiller ? Que faire si elle n’exprime pas de plainte ?
12. Comment trouver un spécialiste compétent dans la prise en charge des
TOC ?
13. La question du suivi et de l’hospitalisation
14. La durée de la thérapie
15. Les médications dans les TOC
16. Les thérapies reconnues comme efficaces dans les TOC : les thérapies
comportementales et cognitives (TCC)
17. Les questions à se poser si on hésite à effectuer une thérapie
18. Comment savoir si la thérapie
que je viens de commencer est une véritable TCC ?
19. Les autres thérapies
20. Les techniques de stimulation cérébrale profonde et de stimulation
magnétique transcranienne
21. Les questions à se poser lorsque l’on pense souffrir de TOC et que l’on
hésite à consulter un spécialiste
Conclusion
Bibliographie
Adresses et liens utiles
Introduction
Cher lecteur,
Si une personne de votre entourage ou vous-même souffrez de trouble
obsessionnel compulsif, ce livre s’adresse d’abord à vous. Il ne sera alors
pas forcément à lire dans l’ordre des chapitres, mais dans l’ordre des
questionnements que chacun peut avoir par rapport à cette maladie.
Chaque chapitre va correspondre à une question précise. Et l’ensemble
des parties reliées les unes aux autres vous permettront de vous faire une
idée précise non seulement du trouble mais également des différentes
modalités de prise en charge thérapeutique et donc de ce que chacun peut
faire dans une démarche active pour reconnaître son trouble et choisir sa
thérapie.
Si vous êtes psychiatre, médecin, psychologue ou infirmier, ou
paramédical, ou toute personne désireuse de s’informer sur les TOC, ce
livre contient sous une forme condensée ce qu’il convient de connaître en
tant que soignant en santé mentale ou curieux de la chose scientifique.
Guidé par une présentation compacte et aisée à parcourir, vous y trouverez
tout ce qu’il est nécessaire de connaître sur ce trouble, des hypothèses sur
ses causes aux thérapies efficaces existantes, sans oublier les démarches
auprès de spécialistes de la maladie.
De même les coordonnées d’associations de familles de patients,
d’ouvrages scientifiques de référence vous permettront de cheminer avec
facilité dans les méandres de la littérature existante et de trouver rapidement
ce que vous recherchez : un thérapeute, des personnes susceptibles de vous
accompagner et de vous aider, une source de renseignements fiables sur les
données les plus actuelles de la science.
Il va de soi que cette nouvelle édition, augmentée par rapport à la
première édition parue en 2015, a intégré les apports scientifiques les plus
probants et les plus récents.
Nous vous souhaitons une bonne lecture !
1
Les TOC sont-ils une forme de
folie ?
Marc est étudiant en soins infirmiers, il éprouve des crises d’angoisse à l’idée de se rendre
sur des terrains de stage en milieu hospitalier. Il craint de s’infecter avec du sang contaminé et
évite les personnes malades ayant les stigmates du SIDA (faciès amaigri, pâleur, fièvre
inexpliquée) quand il ne passe pas une partie de son temps à vérifier les examens dans les
dossiers médicaux des patients.
Sa crainte principale est de mourir du SIDA des suites d’une contamination accidentelle.
Les peurs obsessionnelles
Les peurs obsessionnelles consistent en la crainte de perdre le contrôle,
celui de sa santé, de son corps, l’amour des autres. « Vouloir ne ressentir
aucune peur » repose sur une logique obsessionnelle de contrôle. La
personne affronte, de crainte de perdre la face, dans une posture volontariste
(« je dois y arriver »).
La peur obsessionnelle, source généralement d’un sentiment de honte, est
la plupart du temps dissimulée, cachée.
Pour Claire, ce n’est pas tant se contaminer avec une aiguille infectée par le VIH qui
représente la plus grande peur. Plus que pour sa propre santé, cette jeune mère redoute de
transmettre ce virus potentiellement mortel à ses deux enfants en jouant avec eux, par contact.
Cette tension physique en présence de cet enfant signifie que je le désire, c’est horrible, §a
veut dire que je suis un(e) pédophile.
Imaginer que je poignarde ma mère veut dire que je suis un meurtrier en puissance.
Si je ne m’assure pas que les lumières, le gaz, la porte d’entrée et les fenêtres ne sont pas
fermées (on peut transposer cette situation à celle de personnes vérifiant l’état de leur bureau
au moment de quitter leur lieu de travail), cela signifie que je ne suis pas une personne digne
de confiance.
Marion ne baisse jamais les vitres de sa voiture quand elle conduit, en ville ou lors de plus
longs trajets. Elle craint en effet de se sentir responsable de ne pas avoir sécurisé suffisamment
son véhicule si, par malheur, un homme séropositif se masturbe sur la chaussée et éjacule à
distance sur sa fille de 2 ans assise dans le cosy sur la banquette arrière. Le questionnement
socratique l’amène à verbaliser les conséquences tragiques pour sa fille : séropositivité, vie
adolescente dans la drogue ; pour elle-même, divorce, rejet par les deux familles et par ses
clients, tentatives de suicide, folie, hospitalisation à vie en milieu psychiatrique.
En résumé
Les schémas représentent les visions durables, stabilisées dans le temps,
qu’a une personne du monde, des autres et de soi-même. Les pensées au
contenu jugé intolérable, irrecevable représentent ainsi autant de cibles de
tentatives de répression répétées pour les bouter et/ou les maintenir hors du
champ de la conscience. Ces pensées, comme nous le savons, au contenu
banal, sont présentes dans l’ensemble de la population. C’est la tentative de
contrôle et de leur suppression qui l’est moins.
Le processus obsessionnel s’alimente de ce va-et-vient entre évitements
invalidants de pensées et mise en œuvre de comportements compulsifs
destinés à les chasser et soulager le mal-être, au prix d’une souffrance et
d’un épuisement psychiques.
Les recherches les plus récentes du Centre de thérapie stratégique
d’Arezzo, sous la direction de Giorgio Nardone, ont mis en évidence
différents sous-types de rituels identifiables selon leur fonction comme
selon leur structure.
En premier lieu, les rituels réparateurs sont distingués des rituels dits
préventifs.
Le « rituel réparateur » a pour fonction principale d’empêcher la
catastrophe après que l’acte redouté a été produit ; ainsi les rituels de
lavage, de nettoyage répétés après que l’on a été en contact avec une
personne ou une poignée de porte contaminante.
Les « rituels préventifs » sont plutôt assimilables à des prières,
formulations ou gestes proches de la superstition. Ils sont qualifiés par
Giorgio Nardone de « rituels propitiatoires » dans la mesure où ils revêtent
un caractère « magique », « protecteurs d’une catastrophe à prévenir ».
Ainsi une jeune femme répétait 5 fois l’action en cours chaque fois qu’elle
avait la pensée de causer un accident mortel à une supposée rivale
sentimentale.
Le caractère « propitiatoire » ou « magique » de certains rituels est à
distinguer des « rituels de type logique », dont la séquence
comportementale est attendue au vu du contenu de l’obsession et du
préjudice à éviter pour autrui. Il semble logique de vérifier par les sens du
toucher et de la vision que la porte d’entrée est bien fermée à clé lorsque
nous quittons notre domicile pour plusieurs heures.
Il existe des situations où une ambiguïté est à lever rapidement pour le
thérapeute. Ce dernier doit s’assurer du caractère « analogique » (basé sur
les sensations et répété jusqu’à l’obtention d’une sensation de soulagement)
ou « digital » (répété en fonction d’une logique numérique) du rituel. Un
rituel digital obéit à une logique numérique (« refaire l’action 5 fois »).
L’accomplissement des rituels, dits « analogiques », se poursuit « jusqu’à
ce que la personne ressente un soulagement », la disparition d’une tension
interne, un état désiré. Dans ce cas le rituel est répété jusqu’à cessation de
l’anxiété.
Un autre biais de perception entre en jeu dans la réalisation et la cessation
des rituels analogiques. Il s’agit du « raisonnement émotionnel », qui
considère que la peur, l’angoisse témoignent d’un danger réel. « Si j’ai peur,
c’est qu’il y a un danger ». Le « raisonnement émotionnel » n’est pas
exclusif des TOC, il se produit également chez les personnes souffrant de
phobies, de trouble panique. « Docteur, si j’éprouve de la peur à l’approche
d’une araignée, c’est bien le signe qu’elle est dangereuse, n’est-ce pas ? »,
me questionnait un patient phobique de certaines espèces d’araignées.
Concernant « les craintes obsessionnelles d’erreur », les « rituels de
vérification analogiques » consistent en « je répète l’action de fermer et
rallumer l’interrupteur jusqu’à ce que je ressente que c’est bon. Là je me dis
que je peux me faire confiance ». Le corollaire est que la cessation des
émotions anxieuses est interprétée comme disparition du danger. Ce dernier
étant du registre de l’imaginaire et non du réel, la personne se convainc de
la séquence « rituels 🡒 protection et disparition du danger 🡒 validation
des pensées obsessionnelles ».
D’une manière générale l’adhésion aux émotions de peur, de danger
provient de l’association entre une idée, une image, une pensée et des
sensations physiques à forte valence négative. Une tension diffuse dans les
muscles, une oppression thoracique avec impression de manque d’air, des
douleurs digestives font « gel » avec des associations d’idées au contenu
inquiétant. Le degré de croyance en une émotion est positivement corrélé à
la qualité du lien (du « gel ») entre une pensée immatérielle et des
manifestations physiologiques suffisamment intenses.
« Y aurait-il eu inondation si les rituels de vérification du robinet de la
cuisine n’avaient pas été produits ? » Cette question amène au dévoilement
d’un « autre biais cognitif », celui de « l’intolérance à l’incertitude ». Il
s’agit, pour chaque personne, de déterminer son niveau d’acceptation d’une
situation où il n’existe pas de certitude. Par exemple, quelle est la
probabilité que le bus scolaire ait eu une sortie de route depuis les 4 heures
où j’ai laissé mon enfant y monter ? Puis-je être absolument certain que ma
maison n’a pas été cambriolée depuis que je l’ai quittée il y a près d’une
journée ?
La tolérance à l’incertitude de nombre de situations de la vie quotidienne
semble diminuée chez les personnes souffrant de trouble d’anxiété
généralisée et de trouble obsessionnel compulsif.
Aussi l’angoisse et la tension nerveuse, générées par l’impossibilité de
s’assurer qu’aucune catastrophe n’est advenue, ne trouvent de résolution
que par l’émission de rituels mentaux et/ou ouverts.
En conséquence, l’adhésion au contenu des obsessions s’en trouve
renforcée chaque fois que la personne produit une compulsion. La force du
rituel est de soulager de l’anxiété et d’entretenir l’illusion que sans lui, la
catastrophe se serait produite. Par un phénomène de boucle rétroactive, la
compulsion consolide la fabrication des pensées obsédantes et la croyance
en leur validité et leur supposée utilité.
5
Penser le monde,
se le représenter : fonctions des
rituels et des mythes
Les citoyens grecs, bien avant Jésus-Christ, s’en remettaient aux oracles,
divinités qui, comme la pythie au Temple d’Apollon, produisaient des
réponses à leurs questionnements nés d’inquiétudes sur leur avenir.
Le besoin de connaître l’avenir avait déjà, comme certains d’entre nous
s’y livrent de nos jours par la voyance ou la cartomancie, fonction de
prévenir des dangers potentiels pouvant frapper l’individu.
Les mythes antiques gréco-romains, véritables entreprises de
symbolisation de vertus ou de qualités humaines (Aphrodite ou Vénus,
déesse de l’amour et de la beauté, la ruse avec Métis) ainsi que des
phénomènes naturels (Le vent avec Éole), sont aussi des créations de
l’homme pour expliquer le monde au moyen de représentations de ce
dernier, par le logos.
À l’extrême, l’entreprise de rationalisation des phénomènes de la vie a fini
par faire accroire l’idée que l’homme peut tout expliquer, tout mettre en lien
dans un Univers subsumé. En ce sens le passage du paganisme aux religions
monothéistes a simplement opéré un déplacement des thématiques
religieuses et spirituelles sans que le rapport de l’homme à ses pensées, ses
désirs ou ses états d’âme en soit modifié de manière significative.
Les rituels, d’un point de vue anthropologique, s’inscrivent aussi bien
dans des besoins de symbolisation que d’ordonnancement rassurants du
monde. Aussi peut-on concevoir, comme le souligne l’anthropologue Mary
Douglas, que la notion de souillure, au-delà de la dimension sanitaire,
représente la mise en danger de l’ordre socialement préétabli dans certaines
populations tribales (cf. système de castes en Inde). Sur un plan religieux, le
caractère performatoire des rituels (la prière comme la bénédiction « je te
bénis par ces mots ») assure au sujet la transition d’un état tourmenté,
soucieux vers un état de sérénité.
Bien que la prévalence des TOC demeure remarquablement stable quelles
que soient les cultures ou les ethnies (le taux de personnes souffrant de TOC
est généralement estimé entre 1,5 et 3 %), les manifestations des peurs
obsessionnelles, du moins en Occident, semblent imprégnées de culture
judéo-chrétienne. « Au commencement était le Verbe », affirme la Bible,
prémisse sémitique de civilisations prônant la supériorité sans partage de la
pensée sur d’autres réalités ; le « Je pense, donc je suis » ainsi que le doute
méthodique de Descartes en sont d’illustres témoignages. Au siècle dernier,
le fondateur de la psychanalyse, le viennois Sigmund Freud allait ainsi
jusqu’à prétendre au siècle dernier que l’inconscient est structuré comme un
langage. Si tout revient au langage et à la raison, alors le questionnement
propre au sujet des Temps Modernes, livré aux doutes et aux obsessions
incessantes, en est son incarnation la plus éminente. Dans le champ des
TOC, le questionnement obsessionnel consiste en la recherche continuelle
de réponses « absolues » à des questions qui ne peuvent amener à des
réponses certaines : le Mal et le Bien existent-ils ? Si je fais telle action de
mon vivant, irai-je ou non en Enfer ?
Le questionnement obsessionnel consiste en la répétition incessante de
questions pour lesquelles il n’y a pas de réponse rassurante : « je réfléchis
pour me rassurer, mais plus je réfléchis, moins je suis rassuré ». La
personne se questionne sur le bien-fondé de telle ou telle action ou pensée,
sur l’origine du monde, sur les notions abstraites du Bien et du Mal.
L’objectif recherché est le soulagement amené par une réponse qui
satisfasse la personne. Or, dans la mesure où les questions posées ne
peuvent amener de réponses certaines, chaque réponse trouvée par le sujet
est à l’origine d’une nouvelle question, et ainsi de suite… On retrouve bon
nombre d’exemples de doutes obsessionnels dans les ruminations
scrupuleuses de Saint Ignace de Loyola ou chez le philosophe et théologien
Soeren Kierkegaard.
7
Âge d’apparition, évolution des
TOC sans et avec thérapie
Les TOC apparaissent plus précocement chez les gar§ons. Ainsi 25 % des
hommes débutent la maladie vers l’âge de 10 ans.
De manière générale 25 % des cas apparaissent vers l’âge de 14 ans, pour
un âge moyen de début de la maladie vers 19,5 ans.
Il est plus rare, mais cela peut arriver, que les troubles apparaissent après
l’âge de 35 ans.
L’évolution des TOC sans traitement est marquée par la chronicité, parfois
avec des périodes d’accroissements et de décrues des symptômes OC.
Seulement une minorité de personnes évoluent selon un mode de
détérioration. Pour les adultes, les rémissions spontanées sont plutôt faibles,
et approchent les 20 % quand les personnes ont pu être réévaluées au bout
de 40 ans (Skoog).
Cependant, près de 40 % des individus, dont les TOC ont débuté dans
l’enfance ou à l’adolescence, peuvent vivre la rémission à l’entrée dans
l’âge adulte.
Les contenus des obsessions sont variables en fonction de l’âge et leurs
thèmes différents. Il y a plus d’obsessions religieuses et sexuelles parmi les
adolescents que chez les enfants, plus de craintes de porter malheur à un
être cher pour les enfants et les adolescents que chez les adultes.
Les études portant sur l’efficacité de la thérapie cognitive et
comportementale sont peu nombreuses. Selon Purdon, il est possible que la
thérapie cognitive amène de moins bons résultats que l’exposition avec
prévention de la réponse et que la prise en charge individuelle soit
meilleure que celle en groupe (Mc Lean, 2001).
En pratique courante, l’efficacité des TCC (Thérapies Cognitives et
Comportementales) vis-à-vis des TOC est estimée à 70 %, en excluant les
personnes qui refusent le traitement ou qui abandonnent en cours de
thérapie.
8
Comment pose-t-on le diagnostic
de TOC ? Savoir si l’on en
souffre ?
Sylvie redoute de répandre du gras dans toute sa maison si elle manipule directement du
beurre ou une bouteille d’huile de tournesol. La crainte d’être en contact avec ces substances
grasses occasionne évitements handicapants (le passage dans les rayons alimentaires au
supermarché est source d’anxiété) quand ce ne sont pas lavages répétés, y compris pour ses
enfants.
Les idées intrusives, que l’on retrouve aussi bien dans la population
générale que chez les personnes obsessionnelles, sont accompagnées d’un
sentiment léger de culpabilité et sont bien mieux acceptées que les
obsessions. Elles génèrent peu de résistance ou de rares tentatives de
contrôle visant à les réfréner ou à les expulser hors du champ de la
conscience. Elles ne sont pas per§ues comme représentatives de désirs
inconscients.
Associées aux obsessions, Clark retrouve un échec des tentatives
inefficaces de contrôle comme l’arrêt de la pensée, la distraction (se
focaliser sur une autre pensée ou cible d’attention), les évitements mentaux,
les rituels compulsifs. Ces tentatives défectueuses de mise à l’écart des
pensées intrusives, même si elles semblent couronnées de succès « à court
terme », aboutissent au renforcement des biais cognitifs et des schémas qui
les alimentent. Elles échouent d’autant plus sur le long terme qu’elles sont
produites dans des contextes de stress ou d’humeur triste, lesquels
favorisent la production de pensées intrusives et diminuent l’efficacité des
efforts de refoulement ou de suppression.
En conclusion, le mode de traitement rigide et inapproprié de certaines
pensées banales, universelles mais considérées à tort comme dangereuses,
indésirables ou choquantes, les transforme en pensées obsédantes.
Dans les années 80, Paul Salkovkis avait le premier développé une théorie
du passage d’une « pensée intrusive » en « obsession », en raison de
« schémas excessifs de responsabilité et de culpabilité » présents chez les
sujets obsessionnels.
Quelques années plus tard, Clark, Steketee, Purdon enrichiront ses travaux
en mettant en exergue d’autres biais cognitifs : importance excessive
accordée aux pensées, contrôle exercé sur les pensées, surestimation du
danger, désir de certitude, hyper-responsabilité, fusion pensée-action.
Le diagnostic de TOC est posé lorsque, pour une journée, la durée totale,
cumulée des compulsions, évitements et obsessions atteint une heure. Au-
delà de quelques heures, le retentissement est tel qu’il ne permet
généralement pas à la personne de continuer à faire son travail.
En de§à d’une heure par jour, on parle plutôt de syndrome obsessionnel
compulsif. La décision de consulter un spécialiste repose sur la souffrance
induite par les symptômes, au niveau de l’anxiété générale, du moral, de
l’entourage, du travail, des loisirs.
Le médecin généraliste est le premier interlocuteur auquel il est important
de confier ses inquiétudes. Son rôle est d’informer, rassurer sur les
questions soulevées par le diagnostic éventuel d’un TOC. La prise en
charge des TOC requérant une certaine expertise, le médecin traitant se doit
d’orienter au plus vite et au mieux le patient vers un spécialiste.
Les principaux types d’obsession
Types
Exemples cliniques
d’obsession
Contamination, Ai-je contaminé mon enfant avec l’hépatite en l’embrassant à mon retour de
saleté, maladie travail d’infirmier ?
Ai-je sali ma cuisine, vais-je empoisonner ma famille après que j’ai manipulé
des boîtes de conserve douteuses au supermarché ?
Erreur, doute Ai-je bien vérifié que les portes et fenêtres du domicile étaient bien fermées
pathologique en le quittant ? En cas de cambriolage, ce serait une catastrophe, par ma faute.
catastrophe, Ai-je bien écrit les bonnes adresses sur les enveloppes que je viens de poster ?
par ma faute Que de conséquences dommageables si j’ai interverti les adresses !
Religion, sexe Est-ce le signe que je vais violer cet enfant parce que je me sens nerveux en sa
présence ?
Penser avoir un rapport sexuel avec cet homme signifie que je suis homosexuel,
c’est inconcevable pour moi.
Accumulation Il est possible que j’ai encore besoin de ces vieilles chemises dans quelques
années, mieux vaut les garder.
Me débarrasser de ce rouge à lèvres, c’est me séparer d’une partie de moi.
10
Les TOC chez les enfants et les
adolescents : repérer au plus tôt
pour mieux les aider
Chez l’adulte, les TCC ont obtenu un grade A dans la prise en charge des
TOC chez l’adulte, et un grade B pour les enfants et les adolescents.
Les comportementalistes considèrent que les cibles thérapeutiques dans
les TOC sont les rituels, les évitements ainsi que les obsessions.
Quand les personnes souffrantes sont motivées et critiquent nettement le
bien-fondé des pensées obsédantes (« je sais, c’est complètement stupide de
se laver le corps entier parce qu’on pense contaminer sa famille après avoir
marché près d’une tache rouge dans la rue »), le thérapeute prescrit une
exposition par paliers de difficultés, répétée, et complète aux obsessions
SANS recourir aux rituels.
Dans une atmosphère collaborative et empathique, le sujet vit une série
d’expériences qui modifient graduellement sa perception de ses peurs et de
ses croyances.
Ne pas exécuter le rituel n’entraîne pas les catastrophes attendues ni ne
paralyse le sujet qui, au contraire, découvre un espace de liberté.
Les évitements sont abordés au même titre que les compulsions. Leur
suppression est donc progressive, adaptée au rythme du patient et selon
leurs niveaux croissants de difficultés.
Par exemple, proposer au patient de toucher du bout de deux doigts une
poignée de porte ; en cas de succès, le sujet est invité à poser chacun de ses
doigts au cours d’une série d’exercices. En parallèle, il diminue également
les évitements concernant d’autres parties de sa main : contact de la paume,
des deux faces de la main, de manière plus légère puis en exer§ant une
pression de plus en plus appuyée sur la poignée de porte.
Le processus thérapeutique privilégie la discussion des pensées
obsédantes quand ces dernières sont fortement investies par la personne.
L’obsession en cette occurrence n’est pas l’objet de critique claire émanant
du sujet. « Vous savez docteur, même si je trouve que c’est un peu exagéré
de me relaver les mains, on ne sait jamais, je peux quand même refiler des
germes mortels à mes enfants par l’intermédiaire des jouets ». L’expression
d’une adhésion, d’une validation des obsessions – qui peut se résumer en
« finalement, j’ai raison de prendre toutes ces précautions » – doit amener le
thérapeute à explorer les croyances qui les sous-tendent sans brusquerie.
Tant que la personne témoigne d’une ambivalence vis-à-vis de ses
obsessions, le thérapeute poursuit les questionnements, la mise en
perspective des TOC au regard des personnes non souffrantes ; les biais
cognitifs qui sont mis en jeu sont discutés (importance accordée aux
pensées, fusion pensée-action, etc.). C’est seulement lorsque la personne
critique la justesse de ses pensées obsédantes qu’elle est invitée à réaliser
les exercices d’Exposition avec Prévention de Réponse (ou EPR).
journées 1 2 3 4 5 6 7 8
Aurore vient demander une thérapie pour se débarrasser de pensées malsaines qui
l’envahissent par rapport à son bébé, qu’elle imagine projeter hors de sa poussette lors de
promenades. Elle évite de sortir seule et ne sort en conséquence qu’accompagnée de sa mère
ou d’une amie. Pour cette jeune femme, diminuer ses évitements et rituels signifie ne plus se
soucier de son enfant, car elle ne se préoccuperait plus des dangers éventuels. Autrement dit,
supprimer ses TOC reviendrait à lui enlever ses soucis ; or, pour Aurore, une femme qui ne se
fait pas de souci pour son enfant n’est pas une mère à la hauteur. Dans cet exemple, le facteur
limitant la réalisation d’une tâche comportementale est la croyance implicite : « une bonne
maman se fait du souci pour son enfant ».
18
Comment savoir si la thérapie que
je viens de commencer
est une véritable TCC ?
Dans les premières séances, vous apprenez à identifier les piliers des
TOC : compulsions, obsessions, évitements, situations déclenchantes.
Le thérapeute ne s’attarde pas sur votre enfance, il cherche à comprendre
avec vous les facteurs qui entretiennent les symptômes.
Il informe sur la conception des TOC d’un point de vue cognitivo-
comportementaliste, et décrit les principes de la TCC (exposition à
l’anxiété, habituation, extinction…).
En principe vous avez rapidement à tenir un cahier d’auto-observation des
symptômes. Ce journal de bord, qui recense les piliers des TOC, sert de
base à l’élaboration d’exercices.
Une règle d’or : il n’existe pas de TCC sans la prescription de tâches
comportementales (exemple : diminuer de 5 à 3 le nombre de comptages en
se couchant dans son lit). Leur absence doit vous amener à questionner le
thérapeute. Il est possible qu’il estime que vous n’êtes pas prêt à réaliser des
exercices (en raison de problème annexe type dépression ou soucis
importants de couple, de manque de motivation supposée, d’ambivalence).
En l’absence de réponse claire ou de redéfinition sur la stratégie commune
pour les séances à venir, la possibilité de changement de thérapeute se pose
légitimement.
Inutile d’attendre un hypothétique et salvateur déclic si vous en êtes à la
quinzième séance et que vous n’avez constaté aucune réduction
significative des TOC…
Le rythme des séances est primordial. Hebdomadaires ou tous les quinze
jours au cours des périodes d’investigation clinique et de premiers
« déblocages » des TOC, les rencontres thérapeutes-patients sont
progressivement espacées – tous les mois ou tous les deux mois – pour la
création d’un nouvel équilibre fonctionnel puis sa consolidation. Des
séances sont également consacrées à la prévention d’éventuelles rechutes.
19
Les autres thérapies
La psychanalyse
La psychanalyse reconnaît la névrose obsessionnelle comme structure de
personnalité. En revanche les TOC sont appréhendés comme des
symptômes de décompensation, témoins d’un impensé dans l’appareil
psychique. Leur abord n’est pas à proprement parler privilégié dans la cure
analytique, laquelle cherche à mettre en évidence la dynamique des conflits
inconscients auxquels ils font écho.
« Pour la prochaine séance, je vous demanderai donc de reproduire le rituel 5 fois, ni plus ni
moins, ou pas du tout. Soit vous n’effectuez pas le rituel, soit vous le répétez 5 fois. Si votre
rituel est de refaire l’action 3 fois quand surgit la pensée obsédante de malheur, vous
reproduisez donc l’action 15 fois, pas une fois de plus ni de moins. Vous pouvez également ne
pas le faire. »
Relaxation
La pratique de la relaxation amène généralement un apaisement des
tensions nerveuses et musculaires, une meilleure gestion de l’anxiété. La
plupart des études scientifiques ne rapportent pas de différences
significatives d’efficacité dans la thérapie des TOC selon l’inclusion ou non
d’un apprentissage à la relaxation.
Mindfulness
Méditer est une méthode séculaire d’investigation des mouvements du
corps et de l’esprit. L’attitude du méditant consiste à être présent, attentif à
tout ce qui surgit et/ou est déjà là dans son champ expérientiel, sans tenter
de le modifier.
Depuis près de trente ans les thérapies cognitives et comportementales
intègrent dans des protocoles thérapeutiques la pratique de la méditation de
pleine conscience (« mindfulness » en anglais). Dans ces cadres
thérapeutiques, cette adaptation laïque de la méditation de vision pénétrante
bouddhiste a démontré des vertus dans la prévention des rechutes
dépressives et dans le stress. Les programmes MBCT (« Mindfulness Based
Cognitive Thérapie » ou « Thérapie Cognitive Basée sur la Pleine
Conscience ») et MBSR (« Mindfulness Based Stress Reduction » ou
« Réduction du Stress Basée sur la Pleine Conscience ») consistent en des
exercices formels de méditation et de yoga, couplés à de la restructuration
cognitive. Ils sont habituellement étalés sur 8 séances espacées d’une
semaine. De plus en plus de praticiens TCCistes incluent avec une certaine
réussite la méditation pleine conscience dans leur prise en charge des TOC.
La reconsidération des pensées en tant que simples pensées, la culture de
l’acceptation plutôt que le rejet de toute idée ou émotion désagréable, ainsi
que le renforcement des capacités d’attention et de concentration,
représentent autant de facteurs thérapeutiques mobilisables par un
apprentissage guidé de mindfulness.
Hypnose
L’hypnose thérapeutique est à des années-lumière de l’hypnose de
spectacle. Ce furent les réussites spectaculaires dans certains suivis du
psychiatre américain, Milton Erickson, dans les années 60, qui remirent
l’hypnose dans le champ de la psychothérapie. L’hypnose ericksonienne
procède selon l’induction d’états modifiés de conscience (qui sont des états
naturels) au moyen de procédures de focalisation-distraction de cette
dernière. Les suggestions hypnotiques thérapeutiques sont formulées selon
des métaphores qui s’adressent directement à l’inconscient du sujet en vue
que ce dernier active ses propres ressources. Les études portant sur l’apport
de l’hypnose dans les TOC demeurent confidentielles et ne permettent pas
de conclure en faveur d’une efficacité spécifique à cette technique dans
cette indication ; bon nombre de praticiens TCCistes incluent des séances
d’hypnose en vue d’optimiser la réponse thérapeutique, notamment auprès
de la population adolescente et l’enfant, chez lesquels la perméabilité au
langage métaphorique demeure majeure.
20
Les techniques de stimulation
cérébrale profonde et de
stimulation magnétique
transcranienne