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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page I — #1


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L'hypnose centrée
sur les solutions

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Thierry Servillat

L'hypnose
centrée sur
les solutions
! Le compliment qui guérit !

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© Dunod, 2022
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com

ISBN 978-2-10-083351-1

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À Insoo Kim Berg et Steve de Shazer, mes chers Maîtres.

Dans la vie il n’y a pas de solution. Il y a des forces en marche : il faut les créer
et les solutions suivent.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Vol de nuit

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Ce livre est écrit pour tous les soignants, et les thérapeutes désirant fonder leur pratique
de l’hypnose sur des bases empiriques, non idéologiques, et donc scientifiques. Il pourra
intéresser aussi celles et ceux souhaitant enrichir leur pratique du soin, de la
psychothérapie et de toute forme de relation d’aide, avec de nombreux outils puissants.

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Table des matières

AVANT-PROPOS XIII
Une heureuse simplification XIII
Exercices introductifs XVI
Exercice 1, XVI • Autre exercice, plus facile, et à faire si le premier
vous semble difficile, XVI

1. Présentation générale de l’orientation solutions 1


Introduction 1
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Aux lecteurs connaissant déjà l’orientation solutions 2


Un peu d’histoire 4
Des racines anciennes, 4 • La longue histoire des thérapies orientées
problème, 6 • L’orientation solutions : une apparition en plusieurs
temps, 10
Les bases de l’orientation solutions 18
Du pourquoi au comment, 18 • La notion de solution, 18 • Causes
et solution, 19 • Brève histoire illustrée de la construction de solution
par l’espèce humaine, 20 • La complexité : l’absence de lien entre
problèmes et solutions, 21 • L’orientation solutions, 21 • Bases
théoriques du changement en thérapie, 23

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X TABLE DES MATIÈRES

2. Niveau de base 31
Aspects théoriques 31
Détecter les solutions, 31 • Questions utiles, questions inutiles, 32
En pratique : principes généraux 33
Exercice, 33 • Questions d’entame, 33 • Le rôle du silence, 35 • Que
faire après la ou les réponse(s) du patient ?, 38 • Les buts essentiels de
l’orientation solutions, 39
Outils non verbaux 42
Attitude du thérapeute, 42
Outils verbaux 44
Aspects non spécifiques relatifs à la communication, 44 •
Explications, 44 • Questions, 44 • Pause de réflexion et compliments, 69
• Question de clôture de la séance, 81

Conclusions du niveau 1 83

3. Niveau 2 85
Introduction 85
Les niveaux de demande et de relations 86
Du passant à l’acheteur : les niveaux de relation entre patient et
thérapeute, 87 • Les traitements en une séance, 95
Hypnose ou pas hypnose ? 96
Quand le patient la demande, 96 • L’hypnose comme moyen de « faire
autre chose », 97 • Importance de l’« esprit conscient », 98 •
L’humour, 99 • Quand le compliment peut donner lieu à une séance
d’hypnose : l’hypnose orientée solutions, 99
La philosophie générale : ouvrir des choix 102
La deuxième séance 104
Entame, 104 • Écouter, mais pas trop, 104 • Questions
d’explicitation, 105 • Quand adresser le premier compliment ?, 107 •

Encore de la prudence !, 108


Les situations plus difficiles 108
Préambule : intérêt du travail en équipe, 108 • Distinguer les récits
d’aggravation, de stabilité, de solutions, 109 • Utiliser des questions
particulières, 109 • Intervenir pour contenir les récits de problème, 110
• Utiliser pleinement le compliment, 110 • Les questions à échelle : pour

créer de la différence, 115 • D’autres idées de tâches, 123 • Une

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Table des matières XI

thérapie à part entière : la question miracle, 128 • Les situations


chroniques, 138 • Retour sur les tâches, 139

4. Niveau 3 141
Aller plus loin avec des outils spécifiques 141
Encore l’hypnose, 141 • Le corps dans l’approche orientée solutions, 146
Explorer les ressources relationnelles 157
Conjoint, 157 • Amis, collègues de travail, 161 • Famille, 161
Le travail avec les enfants 163
Recherche d’exceptions et construction de solutions, 163 • Particularités
des échelles chez l’enfant, 164 • Fabriquer les solutions !, 164
Le travail avec les adolescents 165
Établir le contact, 165 • Aider aussi la famille, 168
Le travail avec les personnes âgées 170
Le travail avec les personnes en situation de handicap 170
Le travail avec les personnes à haut potentiel 171
Le travail avec les personnes d’autres cultures 171
Encore l’hypnose 172
L’orientation solutions comme préambule à l’hypnose profonde 172
Champs par situations pathologiques 173
Anxiété et peurs, 173 • Troubles du sommeil, 175 • Dépression, perte et
deuil, 175 • Problèmes de dépendance : principes généraux et
spécificités, 178 • La question des médicaments, 181 • Surpoids et
obésité, 182 • Douleurs, 182 • Acouphènes, 183 • Problèmes
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

psychosomatiques, 183 • Problème de confiance en soi, 183 • Problème


d’estime de soi, 183 • Travail avec la colère, 184 • Conflits conjugaux,
sexologie, 184 • Troubles psychotiques, 186 • Le travail thérapeutique
orienté solutions avec les patients traumatisés, 186 • Problèmes
professionnels, 187
Contextes de pratiques professionnelles 188
Orientation solutions et médecine générale, 188 • Orientation solutions
et soins infirmiers, 188 • Maternité et accouchement, 188 •
Kinésithérapie, 188

5. Pour aller vers l’expertise 189


Déconstruire le problème par des « jeux de langage » 189

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XII TABLE DES MATIÈRES

Orientation solutions et externalisation. L’approche narrative orientée


solutions 191
Regard critique sur l’orientation solutions 192
Quand le corps se charge de tout 194
Autres domaines d’application 195
Autohypnose orientée solutions : orientation solutions et développement
personnel, 195 • Coaching et management orientés solutions, 196 •
Pédagogie orientée solutions, 196 • Orientation solutions et amélioration
des performances, 196
Quand rien ne marche 196
Quand de nouveaux problèmes apparaissent 198
Le patient a réellement d’autres problèmes, 198 • Le patient ne semble
pas réellement avoir d’autres problèmes qui le fassent souffrir, 199

6. Le compliment qui guérit 201


Le compliment : plus qu’un centre, une visée 201
Tout ce que fait le patient est bien 202
Le compliment thérapeutique : essence de l’hypnose éricksonienne 203
Le travail suscité par le compliment 203
Le sens profond du compliment : fais confiance à la vie 203

ANNEXES 207

BIBLIOGRAPHIE 219

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Avant-propos

U NE HEUREUSE SIMPLIFICATION

Il y a 30 ans, j’ai eu la double chance formidable de découvrir l’œuvre de Milton


Erickson et de m’initier à cette approche, et d’assister à un certain nombre
de formations avec des thérapeutes qui ne parlaient pas d’hypnose, mais de
« thérapies orientées solutions » : Steve de Shazer et Insoo Kim Berg.
Avec bonheur, j’ai appris à mettre en œuvre ces enseignements et j’ai pu pro-
gresser dans l’efficacité de mon travail thérapeutique avec mes patients.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Toujours avec bonheur, mais aussi avec des questions qui me tiraillaient en
permanence : quand faisais-je de l’hypnose, et quand s’agissait-il de thérapies
orientées solutions ?
Pendant de très nombreuses années, je vécus plus ou moins bien avec cet incon-
fort, jusqu’à l’intervention de Roxanna Erickson-Klein, lors d’une formation à l’île
de la Réunion où nous enseignions, ma conjointe Bernadette Audrain-Servillat
et moi ; Roxanna m’exprima son désaccord, me disant que j’avais mal présenté
l’intervention de Bernadette. Celle-ci portait sur l’orientation solutions, et dans
ma présentation, j’avais dit qu’il s’agissait d’ « hypnose sans hypnose ». J’avais
emprunté cette expression à Jacques Antoine Malarewicz qui l’utilisait pour
parler de la stratégie en psychothérapie.
« C’est de l’hypnose ! » protesta-t-elle.

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XIV L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

En entendant Roxanna, je sentis qu’elle paraissait appliquer totalement ce que


Milton Erickson, son père, répétait : « Quand c’est compliqué, simplifiez ! »
Ce que je ressentais depuis des années plus ou moins confusément s’éclairait
soudain, et tout, comme par magie, se simplifiait.
Quelque temps plus tard, je lus le texte de la conférence de Steve de Shazer au
3e congrès international sur les approches éricksoniennes de l’hypnose et de la
psychothérapie (de Shazer, 1988). Via ce texte, il me donnait la confirmation
de la possibilité d’intégrer l’orientation solutions, qu’il avait brillamment créée
avec sa conjointe Insoo Kim Berg, dans le corpus de l’hypnose thérapeutique.
J’ai fait ce livre afin que les étudiants et les praticiens d’aujourd’hui ne vivent
pas le tiraillement que j’ai connu pendant toutes ces années. Et qu’ils puissent
pratiquer l’hypnose orientée solutions de façon fluide et confortable, en utilisant
tous les outils qui semblent leur convenir, à eux et à leurs patients.
Ce livre est particulièrement destiné aux praticiens formés à l’hypnose et aux étu-
diants dans ce domaine qui cherchent à mieux structurer leur travail thérapeutique.
J’essaierai de montrer comment l’approche orientée solutions peut organiser,
d’une façon à la fois très solide et très simple, l’intervention thérapeutique dans
à peu près toutes les situations de patients ayant une demande d’aide.
Comme le pensait Milton Erickson, l’hypnose n’est pas toujours nécessaire, c’est-à-
dire qu’il n’y a pas toujours besoin de transe hypnotique. Les explications données
au patient et les suggestions peuvent suffire à aider plus que correctement.
Même si la recherche sur ce sujet reste nécessaire, la transe est habituelle-
ment considérée comme amplifiant l’effet des suggestions. Les fondateurs de
l’orientation solutions disaient ne pas s’intéresser à la transe, ce que reflétaient
leurs enseignements, que ceux-ci soient oraux ou écrits. Cela leur a permis de
s’adresser à un grand nombre de professionnels de différents métiers.
Dans cet ouvrage, j’ai tenté, tout en présentant le plus clairement possible les
mécanismes de l’orientation solutions, de réintégrer les considérations sur la
transe et son utilisation. Les conséquences de cette réintégration sont impor-
tantes. Elles permettent de considérablement enrichir l’approche et d’augmenter
son efficacité, pour les praticiens déjà formés, ou au moins pour ceux qui
s’intéressent à l’hypnose thérapeutique.
Intégrer l’hypnose, c’est faire une large part au travail corporel qu’elle constitue.
Ainsi j’ai ajouté un certain nombre d’outils thérapeutiques considérant le corps
comme un réservoir de ressources, conformément à la perspective éricksonienne.
J’ai également tenté d’enrichir cet ouvrage en y incorporant les applications
de vastes connaissances concernant les émotions et leur utilisation en relation

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Avant-propos XV

d’aide et en thérapie, connaissances acquises par les chercheurs depuis une


quarantaine d’années.
Il s’agit donc pour moi de vous proposer une conception très intégrative. Je
l’ai appelée « hypnose centrée sur les solutions », par analogie avec le terme
forgé par Bill O’Hanlon et Michael Marlin (O’Hanlon et Marlin,1992), mais en la
conceptualisant de manière différente de ces auteurs.
J’aurais peut-être dû l’appeler « l’orientation solutions avec amplification et
enrichissement par l’hypnose », puisque j’y intègre les approches corporelles et
émotionnelles. Mais évidemment une telle appellation aurait été inutilisable, car
bien trop longue.
Après une première partie introductive et une seconde partie de présentation
générale de l’orientation solutions, (chapitre 1), ce livre propose une progression
pédagogique selon quatre niveaux :
➙ un niveau de base, pouvant être très rapidement mis en œuvre par tout
praticien débutant (chapitre 2),
➙ un niveau plus complet, présentant l’approche dans sa globalité (chapitre 3),
➙ un niveau avancé, pour les praticiens ayant déjà assimilé les deux premiers
(chapitre 4),
➙ quelques éléments complémentaires, afin d’esquisser un niveau « expert »
(chapitre 5).

Enfin, quelques dernières précisions :


! alors que la littérature, surtout anglo-saxonne, parle de « client », j’ai choisi,
en tant que médecin, de parler de « patient ». Le lecteur pourra interpréter
ce terme comme cela lui convient le mieux.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

! De même, le choix du genre est laissé à l’appréciation du lecteur et de la


lectrice. Pour ne pas alourdir le texte, nous proposons au lecteur d’assigner
au terme de « thérapeute » et à toutes ses variantes le genre de son choix.

Comme nous en avons l’habitude, avant d’entrer dans le vif du sujet et dans ce
but, je vous propose deux exercices.

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XVI L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

E XERCICES INTRODUCTIFS

Exercice 1
"

Vous avez ce livre en main, peut-être le feuilletez-vous, peut-être commencez-


vous à en lire une ou quelques phrases...

À quoi pourrez-vous savoir, si c’est le cas, que ce que vous y verrez, ce que vous y
lirez, aura été utile pour vous ?
Tout à l’heure, ou ce soir quand vous repenserez à votre journée, ou peut-être dans
quelques jours, ou davantage ?
À part vous, qui d’autre saura que la lecture de ce livre vous aura été utile ?
Prenez le temps de recevoir les réponses de votre imagination, de votre mémoire, de
votre réflexion.
Ne faites pas trop d’efforts pour cela !
Observez, et si vous le souhaitez, notez...

Autre exercice, plus facile, et à faire si le premier


"

vous semble difficile

Quelle est la dernière fois que vous avez lu un livre qui a été utile pour vous ?
En quoi a-t-il été utile pour vous ?
Quel(s) passage(s) du livre vous semble(nt) avoir été le(s) plus aidant(s) ?
Quel(s) changement(s) la lecture de ce livre a-t-elle généré(s) dans votre vie ? Profes-
sionnellement ? Personnellement ?

Après cet exercice, faire éventuellement le premier si vous ne l’avez pas déjà fait.

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Chapitre 1

Présentation générale
de l’orientation solutions

I NTRODUCTION

La conceptualisation de l’orientation solutions est un des apports les plus ori-


ginaux et contributifs de la fin du siècle dernier pour la relation d’aide et la
thérapie. Elle a généré un important mouvement, donné lieu à de nombreuses
publications et manifestations.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Pourtant, 40 ans après son apparition, le mouvement semble s’essouffler.


À cela participent plusieurs raisons :
➙ une certaine austérité : les principaux auteurs furent des gens assez humbles,
sérieux, travailleurs. Philosophiquement, ils se préoccupaient peu de leur
égo ;
➙ un certain dépouillement : leurs théorisations reposaient essentiellement,
comme nous le montrerons, sur moins d’une dizaine de concepts, et leur
pédagogie était assez minimaliste ;
➙ à cette austérité, ce dépouillement s’ajoutait, bien que certains se soient
fortement inspirés de l’hypnose éricksonienne, un désintérêt vis-à-vis des
transes et des états de conscience modifiée ;

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2 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

➙ enfin et peut-être surtout, ces auteurs sont maintenant décédés depuis une
quinzaine d’années et ne semblent pas, en tout cas pour l’instant, avoir eu de
véritables « continuateurs », dans le sens d’auteurs cherchant à aller plus loin.

En tant qu’auteur de ce livre, mon cheminement de médecin et de psychiatre


s’est fait depuis le début avec l’hypnose éricksonienne. Effectivement, je suis
devenu psychiatre suite à la frustration générée par mes études de médecine.
La médecine me semblait se cantonner à un champ de connaissances trop limi-
tées pour véritablement pouvoir aider de nombreux patients, pour permettre
d’intervenir dans des contextes de difficultés et de souffrances. Elle voyait le
corps des patients comme une « chose » sur laquelle il fallait intervenir, et ne
s’ouvrait que peu à considérer les patients comme des personnes, des sujets
pouvant être actifs, compétents, susceptibles de coopérer avec les soignants.
Précisons que les choses ont, en partie, bien changé depuis, et heureusement,
avec le développement de l’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP).
Plus que de nouvelles connaissances (j’ai été aussi très frustré par la limitation
des connaissances dans ce domaine), la psychiatrie m’apportait de nouveaux
points de vue, mais peu d’outils pour aider, et c’est l’hypnose qui a rendu possible
mon cheminement pour mieux savoir aider mes patients. Après une formation à
l’hypnose éricksonienne, j’ai été amené à faire une première formation avec le
concepteur de l’orientation solutions, Steve de Shazer. Cette formation fut un
choc pour moi. Steve de Shazer me fit comprendre la simplicité fondamentale
de la démarche de la relation d’aide (Stierlin, in de Shazer (1991)). C’est cette
simplicité que depuis 25 ans j’essaie de garder, et d’enseigner à mes étudiants.
L’orientation solutions est une approche lumineuse, d’une utilité majeure. Elle
répond de manière pragmatique au grand déclin des grandes théories psycho-
logiques, psychiatriques et des autres sciences humaines qui se consacrent à
soigner et à aider. C’est un grand plaisir pour moi que d’essayer de la présenter
le plus clairement et simplement possible.

A UX LECTEURS CONNAISSANT DÉJÀ


L’ ORIENTATION SOLUTIONS

Avant de commencer ce parcours, il me faut préciser, à l’intention de certains


lecteurs qui connaissent déjà l’orientation solutions (les autres peuvent aller
directement paragraphe suivant), quelques points afin qu’ils puissent comprendre
ma démarche et entamer ensuite la lecture dans un esprit de clarté.

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Présentation générale de l’orientation solutions 3

Dans ce livre, je vous présente ma propre manière de pratiquer l’orientation


solutions et celle-ci est marquée, par rapport aux conceptions originales de ses
auteurs, par des choix personnels :
Le plus important est certainement, par rapport au choix initial des concepteurs
de ne pas s’intéresser aux états de conscience modifiée et à la créativité permise
par ceux-ci (de Shazer, 1988), de les réintégrer clairement dans la pratique de
l’orientation solutions. Les modifications de la conscience chez nos patients se
produisent naturellement, nous pouvons les remarquer si nous observons ceux-ci,
et nos patients s’en rendent compte, pas toujours, mais souvent. Aussi, si mettre
de côté l’intérêt pour les modifications d’état de conscience a été nécessaire
initialement pour concevoir l’orientation solutions, nous pensons qu’aujourd’hui,
une telle mise de côté n’est non seulement plus nécessaire, mais qu’elle doit
au contraire cesser. Cette réintégration de la prise en compte des états de
conscience modifiée est certainement une des caractéristiques principales de
mon travail.
Comme l’a expliqué Steve de Shazer :
« Depuis le début, mon travail a été basé sur les principes que j’ai retirés des
articles d’Erickson. De la façon dont je le considère, mon travail et celui de mes
collègues du Brief Therapy Center continue à utiliser le travail d’Erickson comme
un point de départ. De manière intéressante, après des années d’utilisation de
l’hypnose ou de méthodes basées sur la transe dans ma pratique, mon travail récent
a été effectué sans effort délibéré pour induire la transe. Et cependant je vois mon
travail maintenant comme davantage hypnotique, élargissant le travail qu’Erickson
a initié. »

Nous pensons que cette démarche si féconde de de Shazer doit maintenant se


réintéresser à la transe, au corps et à ses compétences, notamment ce qu’on
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

appelle aujourd’hui l’intelligence du corps, celle des émotions aussi. Pour essayer
d’aller plus loin encore, pour s’aventurer vers de nouveaux horizons. C’est pour
nous rendre hommage aux concepteurs géniaux de l’orientation solutions que
d’entreprendre cette exploration, que nous trouvons féconde.
Les « solutionnistes » (nous mettons ici des guillemets que nous ne mettrons
plus ensuite pour alléger le texte) ont pu retirer de l’œuvre éricksonienne une
grande partie de son essence et des éléments fondamentaux de sa pédagogie.
Une pédagogie qu’Erickson avait, c’est connu, beaucoup racontée à l’aide de cas
cliniques et d’anecdotes, mais assez peu explicitée dans ses détails. Ce progrès
s’est fait, nous le verrons, par une très grande attention au langage verbal.
Aller de l’avant maintenant passe selon nous par une reprise d’intérêt pour la
transe et le corps. C’est donc notre contribution à ce que nous espérons être un

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4 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

progrès que de mettre en pratique cet intérêt. Nous convions tous les praticiens
de l’hypnose à cette mise en pratique et à cet enrichissement, de façon à pouvoir
partager dans le futur de tels apports.
Nous avons aussi, et cela peut paraître bien naturel, intégré des progrès récents
de la science psychologique à notre présentation. Ainsi, les travaux menés
depuis une quarantaine d’années sur les émotions nous semblent suffisamment
essentiels dans le domaine de la relation d’aide et de la psychothérapie pour
devoir être pris en compte dans notre ouvrage. Erickson voyait les émotions
comme des ressources très utiles et a posé des bases pour leur utilisation, mais
ne disposait pas à l’époque des connaissances que nous avons actuellement à
leur sujet. Nous avons dans ce livre essayé d’enrichir les connaissances pour
développer un « travail émotionnel orienté solutions ».

UN PEU D ’ HISTOIRE

Pour pouvoir comprendre, intégrer et pratiquer la grande richesse de l’orientation


solutions (OS) et de l’hypnose orientée solutions (HOS), il est nécessaire de
poser quelques repères historiques. Ceux-ci aideront aussi celles et ceux qui
souhaiteront réfléchir aux implications éthiques de cette pratique, ainsi qu’aux
dimensions philosophiques qui lui sont liées.

Des racines anciennes


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Aider

L’orientation solutions, pour qu’elle soit bien comprise, pour que l’apport de ses
créateurs puisse être pleinement mesuré, doit être vue comme le fruit d’une
longue histoire.
Aider les autres est probablement une préoccupation essentielle des êtres
humains depuis le début de l’humanité.
Avant même que la parole existe, nos ancêtres ont dû comprendre qu’ils avaient
besoin de recevoir de l’aide, et que pour en recevoir ils devaient aussi en appor-
ter aux autres. Avant même que la notion de solution existe, il s’est produit
certainement des appels à l’aide, des gestes pour exprimer des demandes, et fort
heureusement des réponses à ces demandes. Des réponses qui furent plus ou
moins efficaces.

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Présentation générale de l’orientation solutions 5

On peut considérer que ces aidants (nous ne les appellerons pas des thérapeutes,
le concept de thérapie n’existant pas encore) vivaient deux types de situations :
" parfois ils savaient comment aider, avaient le savoir-faire pour mettre en
œuvre cette aide et la démarche réussissait. Cette réussite était probablement
souvent partielle, parfois totale ;
" d’autres fois ils n’avaient pas le savoir de « comment aider », mais ils met-
taient en œuvre un processus de créativité et d’inventivité, processus que
l’on peut désigner aujourd’hui par de nombreux termes : transes créatives,
pensées divergentes, imagination thérapeutique, etc.

Solutionner (les problèmes)

La notion de solution apparaît au XIIIe siècle : « Ce qui dénoue une difficulté »


(CNRTL1 ).
La notion de problème semble avoir préexisté, puisqu’elle existait dès l’Antiquité.
Le latin problema vient du grec πρόβληµα (próblêma) qui lui-même vient de
προβάλλω, (probállô), « jeter en avant ». Un πρόβληµα désigne quelque chose
qui est « jeté en avant », qui fait obstacle. C’est une tâche à réaliser pour pouvoir
avancer. Dans les assemblées grecques, c’est donc un sujet dont il est nécessaire
de parler pour faire progresser la gestion de la cité.
La notion de problème allait avoir une belle destinée !
Au XVIIIe siècle, le terme de « solution » prend un sens chimique : « action
de dissoudre une substance dans un liquide », et au XIXe , encore un nouveau
sens dérivant de ce sens chimique : « action de résoudre une difficulté, un
problème ».
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Enfin, mentionnons la fameuse expression « S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il
n’y a pas de problème », popularisée par le dessin animé des années soixante Les
Shadocks. Pour Portier (2018), cette expression semble avoir fortement dérivé
des travaux du philosophe Wittgenstein. Un philosophe qui inspirera beaucoup
les concepteurs de l’orientation solutions en thérapie.
Pour mieux comprendre la notion de solution, il semble utile de mieux com-
prendre celle de problème.

1. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : https://www.cnrtl.fr/

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6 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

La longue histoire des thérapies orientées problème


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De la notion de problème

Au départ, les Grecs : ce dont il faut parler


La notion de thérapie nous venant également des Grecs, il est donc conce-
vable que les premières thérapies aient été « orientées problème ». En Occident,
avant la naissance de la thérapie moderne, les demandes d’aide étaient très
habituellement adressées à des prêtres et à des religieux.
La notion de problème est ancienne d’environ deux mille ans, ce qui somme
toute est plutôt récent dans l’histoire de l’humanité. Un problème est donc
initialement ce dont il faut parler, débattre. Le débat est particulièrement utile
en démocratie, régime politique censé tenir compte de l’avis de tous les citoyens.
Depuis, tout au long de l’histoire philosophique et aussi politique, la notion de
problème est centrale dans notre culture occidentale. Cette notion va avec celle
de liberté de parole et de pensée, si essentielle à notre santé.

Nécessité d’une méthode


Parler est important. Parler permet non seulement de communiquer, mais aussi
de penser.
Mais pour que cette activité de pensée permette d’avancer, il a fallu très rapide-
ment réfléchir à concevoir comment cheminer. Le terme de « méthode » vient
justement de la notion de chemin : « Un chemin tracé d’avance, qui conduit à un
résultat » (Encyclopedia Universalis1 ). En Occident, le Discours de la méthode de
Descartes propose des règles pouvant servir de fondements à la science moderne
(Descartes, 1637).
Car parler comporte aussi des risques. Celui déjà de ne pas avancer, d’échouer à
cela. Au-delà du plaisir possible de l’échange, nous pouvons perdre le fil de ce
que nous disons. C’est ce qu’illustre la boutade de Woody Allen : « La réponse
est oui, mais quelle est la question ? »
Il est possible aussi d’instrumentaliser la parole afin d’empêcher que celle-ci
soit constructive, d’où cette autre boutade, fréquemment citée dans le domaine
politique : « Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission. »
Depuis deux mille ans donc, les philosophes d’abord, les psychologues ensuite,
mais aussi tous les métiers qui s’occupent de traiter des problèmes, s’efforcent

1. https://www.universalis.fr/

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Présentation générale de l’orientation solutions 7

de construire une méthodologie pour penser utilement, particulièrement pour


résoudre les problèmes.

Diagnostiquer. Théoriser
En médecine, la méthode a longtemps consisté, et c’est toujours la base essen-
tielle, à poser un diagnostic à partir de ce qui est observé et constaté. « Le but
est l’identification d’une maladie pour une prise en charge appropriée » (Godeau
et Couturier, 2006). Un diagnostic menant à un traitement efficace reste l’idéal
de la médecine. Mais nous savons que cet idéal, malgré les progrès de la science
médicale, n’est malheureusement pas toujours accessible.
En psychothérapie, les premiers efforts ont porté sur le fait de tenter comprendre
les problèmes. Au XIXe siècle, comme tous les scientifiques de son temps, Freud
a tenté de comprendre le psychisme humain. Il était à l’époque évident que
comprendre allait amener à ce que des traitements, des solutions, puissent
être trouvés. Si l’on ne comprenait pas un problème il n’était pas utile d’aller
plus loin.
Aussi, en psychologie, en psychothérapie et en psychiatrie, pendant longtemps
– et c’est toujours d’actualité –, c’était à qui se prévalait d’avoir la « bonne
théorie », susceptible d’éclairer le problème et de faire parvenir à des solutions.
Les théories ont été, et continuent d’être, extrêmement nombreuses. La théorie
historiquement la plus importante fut la psychanalyse. Freud, progressivement,
s’attacha davantage à comprendre les problèmes psychiques humains qu’à les
résoudre. Son œuvre donna lieu à des psychothérapies d’inspiration ou d’orien-
tation psychanalytique, plus ou moins efficaces, mais qui furent des étapes
importantes dans l’histoire de la thérapie.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Parallèlement, un autre courant se développa, surtout dans le monde anglo-


saxon : le cognitivo-comportementalisme, avec une théorie à peu près en tout
point opposée à celle de la psychanalyse. Il n’est pas dans notre propos de les
décrire ici, mais de pointer qu’elles furent pendant longtemps des « sœurs enne-
mies » revendiquant l’une et l’autre la vérité. Le cognitivo-comportementalisme
cherchait des preuves de cette vérité dans l’élaboration d’études à prétention
scientifique, sur de larges échantillons de patients. La psychanalyse se basait
généralement sur des études de cas individuels en les présentant comme des
éléments prouvant la théorie analytique.
En sciences humaines, lors de la deuxième moitié du XXe siècle, le structuralisme a
posé qu’il y avait quelque chose à la racine du problème, quelque chose qui devait être
dévoilé et sur quoi il fallait travailler afin de résoudre ce problème (de Shazer, 1991).

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8 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Le courant humaniste
L’intuition d’un troisième courant, souvent appelé courant humaniste, se construi-
sit progressivement dans le dernier quart du XXe siècle, reposant sur la conviction
qu’il fallait davantage personnaliser et individualiser la thérapie si l’on vou-
lait accroître l’efficacité des approches. Ce furent les thérapies centrées sur
la personne, de Carl Rogers, et de nombreuses autres approches s’attachant
essentiellement à identifier les ressources des patients afin de les activer pour
qu’ils aillent mieux. Milton Erickson a été une grande figure de ce courant, tout
comme Perl et la Gestalt-Thérapie, Jay Haley puis les membres du groupe de
Palo Alto avec les thérapies stratégiques. Dans ce dernier courant, une attention
était apportée à la compréhension des problèmes du patient, dans l’idée que
cette compréhension aiderait à la mise en œuvre de solutions.
Milton Erickson s’amusait de l’apparition, chaque année, de nouvelles théories
dans le domaine psychologique, affirmant d’ailleurs avec ironie que « chaque
année voyait apparaître une nouvelle théorie psychologique qui remplaçait la
précédente » (Vesely, 2014). Il gardait beaucoup de recul, sinon de méfiance,
vis-à-vis de celles-ci. Dans cette optique, il n’a ni approuvé ni désapprouvé les
travaux de l’école systémique de Palo Alto (Watzlawick et al.,1974). Giorgio
Nardone, psychologue italien continuateur de ces travaux, a développé une
approche « stratégique avancée » décrivant des protocoles étayés par un certain
nombre d’études d’efficacité.

Avantages et inconvénients de l’orientation problème

La notion de problème présente un avantage, celle de définir une source de


difficultés, d’identifier un mécanisme d’empêchement au bonheur et à la santé.
Elle peut être l’occasion d’une mise au travail afin d’y remédier.
Néanmoins :
" une telle mise au travail n’est pas d’emblée, ni toujours ensuite, une démarche
orientée vers l’action. Comprendre peut rester un but en soi, sans que le
patient passe ensuite à une étape capitale : décider de changer. Il est apparu
progressivement, lors des dernières décennies, que comprendre et agir relèvent
de deux registres complètement différents, et que pour aider un patient à
changer il est nécessaire de s’intéresser à ses motivations, capacités, désirs,
besoins et buts ;
" vouloir réfléchir pour comprendre un problème n’implique donc même pas une
demande d’aide. Ce qui explique que nous pouvons voir de nombreux patients
qui n’ont pas réellement envie d’être aidés, qui peuvent s’intéresser à nos

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Présentation générale de l’orientation solutions 9

façons de faire et nos méthodes, ou les contester et nous entraîner dans des
débats totalement stériles et inutiles. De même, il a été progressivement com-
pris qu’une plainte n’est pas forcément une demande. C’est plutôt une étape
préalable qui doit nécessairement être suivie par l’analyse de la demande,
afin d’éviter le risque que ce soit le soignant ou l’entourage qui imagine et
projette imaginairement ce que le patient voudrait réussir ;
" la notion de problème peut donner lieu à une hyperintellectualisation, avec
une analyse des causes du problème, processus qui peut bien souvent ne pas
être utile (notamment quand les causes, situées dans le passé, ne sont donc
plus susceptibles d’être modifiées).

En relation d’aide, il importe de valoriser dans un premier temps le travail


accompli par le patient pour venir exposer un problème, pour les efforts qu’il a
faits pour le décrire et essayer de le comprendre. Mais il est nécessaire d’être
attentif aux possibles limites de cette étape, voire à ses effets potentiellement
aggravants sur la souffrance du patient.
Il est donc nécessaire dans de nombreux cas de « passer à autre chose » pour
aider le patient à diminuer sa souffrance et à améliorer sa vie.

Les limitations

Effectivement, un problème n’a parfois pas de solution, et il est important de


prendre en compte la notion de limitation en relation d’aide et en psychothérapie.
Rappelons-nous des Shadocks et de leur bon sens, et complétons leur maxime
« s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème » : c’est une limitation
et il faut l’accepter. L’être humain peut vouloir des choses irréalisables, et peut
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

souffrir par la frustration que cela engendre.


Par exemple, de nombreux patients viennent me voir pour ne plus avoir de peurs.
Je leur explique avec regret que je ne peux pas les aider, en leur expliquant,
s’ils le souhaitent, que certaines peurs sont utiles. Des patients douloureux
chroniques veulent souvent « redevenir comme avant » leur accident, ou leur
maladie : l’expérience montre que tout traitement pratiqué dans cet esprit va
les décevoir.
L’orientation solutions s’attache beaucoup à distinguer problèmes et limitations
afin d’une part de ne pas créer de iatrogénie en faisant travailler le patient sur
un but impossible, et d’autre part de ne pas générer des thérapies très longues
et qui vont probablement échouer.

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10 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Milton Erickson avait l’habitude de répondre, quand la question lui était posée,
« qu’il n’était ni optimiste ni pessimiste ». Et il examinait soigneusement les
demandes d’aide qui lui étaient faites, pour en refuser certaines. Il semblait avoir
une aptitude particulière à évaluer si un couple pouvait arriver à fonctionner
ou non.
La notion de limitation semble faire contrepoint avec une attitude souvent rencon-
trée dans le milieu des thérapeutes créatifs du courant humaniste, qui semblent
fréquemment l’ignorer volontairement, ou par naïveté, ou par malhonnêteté.
Évaluer si ce qu’expose un patient est un problème ou une limitation peut être
très difficile. C’est pourtant la tâche du thérapeute. Nous tenterons d’exposer les
moyens qui permettent d’effectuer cette évaluation essentielle.

L’orientation solutions : une apparition en plusieurs temps


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Les ancêtres

Nombreux sont les praticiens qui probablement se sont lancés dans une sorte de
« hors-piste » (Robiou du Pont, 2021) en quittant leur théorie pour s’aventurer
avec leurs patients dans des entreprises thérapeutiques créatives. Ils en ont été
souvent blâmés par des chefs d’école, et au mieux furent tolérés du fait de leur
habileté à préserver leur liberté d’action non orthodoxe. Pour cela, l’histoire ne
les a souvent pas mémorisés et, même si cela peut paraître injuste, nous ne
les citerons pas, faute de disposer facilement d’écrits de leur part. Le lecteur
intéressé peut cependant trouver des ouvrages sur certains psychanalystes, com-
portementalistes, sans oublier évidemment la riche histoire du « magnétisme
animal » qui naquit d’une théorie très fantaisiste sur le fameux « fluide ».
Des personnalités très indépendantes, comme celle de Carl Rogers, méritent
comme nous l’avons fait, d’être citées comme des précurseurs, pour avoir mis au
premier plan le rôle de la relation et de l’alliance dans le processus thérapeutique.
Pour autant, l’histoire retient aujourd’hui le nom de Milton Erickson comme celui
du praticien qui est à l’origine d’une nouvelle manière de jouer et de voir le rôle
du thérapeute.

Milton Erickson

Présentation générale
Milton Erickson (1901-1980), psychiatre américain, se distingue principalement
par son détachement affiché vis-à-vis de toute théorisation. Fondamentalement

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Présentation générale de l’orientation solutions 11

pragmatique, il préconisait de concevoir pour chaque patient une thérapie unique


basée sur une théorie unique.
Ainsi, il adoptait son cadre de façon totalement libre. Et, bien qu’actuellement
connu pour sa reconceptualisation de l’hypnose thérapeutique, et pour avoir
créé de nombreux outils, il choqua à son époque, surtout pour cette liberté
dans la construction de son cadre. Notamment, et en cela, il est le pionnier des
approches familiales et conjugales, il recevait volontiers plusieurs personnes
d’une même famille.
Il préconisait de manière insistante à ses étudiants de soigneusement observer
(les fameux trois « o » : observer, observer et enfin, aussi, observer), afin d’être
capable ensuite d’intervenir. L’analogie qu’il utilisait était habituellement celle
de l’agriculture, où l’on prépare le terrain avant de semer et de planter.
Tantôt il entreprenait une démarche vraiment stratégique pour, comme il disait :
« donner le bon coup de marteau au bon moment et au bon endroit ». Tantôt il
fondait son approche sur une sorte de bon sens paysan pratiqué non sans humour.
Il utilisait abondamment les analogies et les métaphores, posant que celles-ci
étaient le langage qui parlait le plus aux gens.

Choisir et utiliser
Son approche était chaleureuse, bienveillante, et sa démarche clairement orien-
tée vers les ressources et les compétences des patients. « Ils ne savent pas
qu’ils savent » disait-il de ceux-ci. Et il s’efforçait de leur faire expérimenter, en
imagination (hypnose) ou lors de tâches thérapeutiques, qu’ils étaient en fait
capables, contredisant ainsi l’attitude médicale traditionnelle qui postule qu’ils
ne savent rien et qu’il faut tout leur expliquer.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le principe essentiel de son travail était le principe d’utilisation. Erickson cher-


chait, quelle que soit la technique qu’il employait, comment aider son patient à
utiliser les ressources qu’il avait en lui ou autour de lui. Et même, souvent, à
faire de son symptôme une ressource.
L’hypnose éricksonienne peut ainsi être considérée comme une grande marmite
pouvant intégrer tout ingrédient, d’où qu’il vienne. On comprend que l’approche
est donc relativement athéorique. D’autant que c’est le patient qui fait la thé-
rapie, y compris quand celle-ci est hypnotique. Le thérapeute n’a qu’un rôle
d’accompagnant, voire de guide pour que ce soit le patient qui fasse le travail.
Les théories du thérapeute peuvent donc facilement agir comme des facteurs
limitant les capacités d’initiative du patient. Par ailleurs, le thérapeute doit,
lorsqu’un patient montre trop d’admiration pour lui à l’issue d’une séance qui lui

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12 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

a paru utile, minimiser ce rôle excessif que le patient lui attribue : « C’est vous
qui avez fait, moi je n’ai fait que vous parler ».
Les métaphores habituelles d’Erickson pour parler du travail du thérapeute concer-
naient habituellement la cuisine, le restaurant et les cocktails. Trois domaines
où est au premier plan la notion de choix : choisir comment on va utiliser des
ingrédients, choisir ce que l’on désire et préfère.

Être attentif à ce qui est différent, inhabituel, exceptionnel


Erickson, dès son enfance, s’ennuyait souvent à l’école, et était intéressée par
ce qui ne rentrait pas dans le cadre du savoir officiel habituellement enseigné.
Atypique lui-même, il s’intéressait à ce qui était différent, inattendu, et à plus
forte raison, exceptionnel. Il répétait régulièrement, dans son activité d’ensei-
gnant, que chaque être humain est unique « comme des empreintes digitales
sont uniques ».
Accueillant un jour John Weakland, thérapeute de l’école de Palo Alto venu
lui rendre visite, Erickson attira l’attention de son visiteur sur les arbres de
la rue qui se trouvaient dans l’enfilade de son bureau, et lui demanda ce qui
caractérisait ces arbres. C’était une tâche qu’il faisait très fréquemment faire à
ses patient. Weakland lui dit que tous les arbres de la rue penchaient vers la
droite. Erickson répondit par la négative, évoquant un des arbres, qui penchait
à gauche. Cette anecdote allait symboliser la notion d’exception, l’exception qui
non pas confirme, mais infirme la règle (Malarewicz, 1994).
L’école de Palo Alto, dont Weakland fut un illustre membre, s’est particulièrement
intéressée, comme nous l’avons dit, à la dynamique des problèmes, à modéliser
ceux-ci afin de comprendre comment ils se structurent et deviennent durables.
S’intéressant au bouddhisme, elle considérait que tout problème finit toujours
par passer et se résoudre. Et que si un problème persiste, c’est qu’il y a quelque
chose d’inapproprié qui l’entretient.
Une autre équipe allait, à l’inverse, davantage s’intéresser à la mise en œuvre
des solutions, sans passer par une théorisation des problèmes : ce fut l’école du
Brief Family Therapy Center (BFTC) de Milwaukee.

L’équipe du BFTC : Steve de Shazer, Insoo Kim Berg et les autres

Un certain nombre de thérapeutes « éricksoniens », dans leur créativité et leur


inventivité, concevaient leurs interventions en se basant sur les observations
d’exceptions aux problèmes, mais ils n’avaient pas encore conceptualisé, orga-
nisé, structuré leur démarche comme Steve de Shazer et Insoo Kim Berg, ainsi

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Présentation générale de l’orientation solutions 13

que leurs plus proches collaborateurs, l’ont fait il y a maintenant 40 ans, dans le
cadre du Brief Therapy Center de Milwaukee.

Steve de Shazer
Professeur de sociologie, Steve de Shazer est né le 25 juin 1940 d’un père
ingénieur en électricité et d’une mère chanteuse d’opéra. D’origine germanique,
il lisait nombre de textes philosophiques allemands dans le texte. Il était aussi
un amateur de bière et s’intéressait aux différentes manières de brasser celle-ci.
Il aimait cuisiner, et obtint aussi un Bachelor en arts visuels.
Mais surtout, il fut d’abord un musicien professionnel, saxophoniste actif sur la
scène jazz des années soixante. McKergow raconte qu’il a entendu de la bouche
même de de Shazer comment celui-ci était entré en collision avec Paul Goncalves,
saxophoniste de l’ensemble de Duke Ellington, et lui avait endommagé son saxo-
phone, devant ensuite lui prêter le sien et l’accompagner par la même occasion
à la répétition du glorieux big band de Duke Ellington (McKergow, 2021).
De Shazer commença à s’intéresser au travail social et à la thérapie familiale
en 1969, découvrant apparemment par hasard le livre de Jay Haley Strategies
of Psychotherapy publié en 1963 : « Jusqu’à ce que je lise ce livre, aussi loin
que je me rappelle, je n’avais jamais entendu parler du mot "psychothérapie".
C’était certainement le premier livre sur ce sujet que je lisais. Je l’ai apprécié
bien davantage que tous les autres livres "professionnels" que j’avais lus. J’avais
lu sur la philosophie, l’histoire de l’art, l’architecture et la sociologie ; aussi
j’allai à la bibliothèque et regardais les livres de la même étagère, j’étais en état
de choc, je fus incapable de finir aucun autre livre » (Cade, cité par McKergow).
De Shazer continua, plus tard, ses découvertes avec le travail de Milton Erickson,
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

par la lecture de Jay Haley (Haley, 1973) qu’il trouva clair et bien écrit. Il était
en train d’entamer sa carrière en thérapie brève, obtenant un master of science
en 1971. Il publia son premier article académique On Getting Unstuck « Sur le
fait de se débloquer » dans le premier numéro de la revue Family Therapy sorti
en 1974. Il fréquenta l’équipe de Palo Alto, sans semble-t-il jamais y étudier
vraiment, y rencontrant John Weakland qui allait devenir son mentor et son
ami durable.
De Shazer est le grand théoricien de l’orientation solutions. Il voyait cette
pratique comme analogue à la musique où, comme les mots du patient émergent
suite aux questions posées après une réflexion souvent longue et silencieuse,
« l’important est ce qui se passe entre les notes ».

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14 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Insoo Kim Berg


Née à Séoul, en Corée, le 25 juillet 1944, Insoo Kim Berg a autant contribué
à l’élaboration de l’orientation solutions que Steve de Shazer. Si tant est qu’il
soit sensé de distinguer l’apport de l’un et de l’autre tant leur coopération
était profonde, puisqu’ils ont vécu en couple jusqu’à la mort de de Shazer, le
11 septembre 2005 à Vienne, en Autriche.
Insoo Kim Berg, deuxième de cinq enfants dont les parents travaillaient dans
une entreprise de fabrication de médicaments, étudia d’abord les sciences phar-
maceutiques en Corée, puis émigra aux États-Unis en 1957 accompagnée de
son premier mari, donnant naissance à sa fille l’année suivante. Elle s’inscrivit
à l’université de Milwaukee, et découvrit le climat de liberté dont bénéficient
les étudiants américains, et notamment la liberté d’étudier ce qui les intéresse,
plutôt que d’obéir au désir de leurs parents comme c’est la norme dans la culture
coréenne. Elle réalisa, vivant désormais à des milliers de kilomètres de ses
parents restés au pays, qu’elle pouvait faire de même (Yalom et Rubin, 2003).
Elle opta donc pour des études de sociologie, sans en prévenir ses parents. Et elle
évolua progressivement vers des études de psychothérapie, dans une perspective
de thérapie familiale.
Il est clair qu’Insoo Kim Berg a considérablement influencé son conjoint, l’en-
courageant et partageant avec lui beaucoup de réflexions qui allaient nourrir le
travail de chacun. Elle était très empathique, il était quasiment impossible de
résister à sa gentillesse. Experte exceptionnelle en compliments thérapeutiques,
elle ponctuait aussi les propos de ses patients de « formidable ! » répétés avec
son grand sourire. Elle est restée pour moi Mrs Wonderful.

Les autres auteurs


Le BFTC accueillit de nombreux étudiants stagiaires et résidents. Parmi ceux-ci :
" le psychologue Scott Miller, qui commença sa carrière en tant que directeur
des services secrets dans des traitements des problèmes de drogue et d’alcool.
À ce titre il a coécrit deux ouvrages avec I. Kim Berg sur le traitement orienté
solutions des personnes ayant des problèmes d’alcool. Il quitta ensuite le BFTC
pour s’intéresser davantage aux facteurs communs d’efficacité des différentes
psychothérapies ;
" initialement praticienne en hypnose éricksonienne, la psychothérapeute
Yvonne Dolan a été une personne très importante pour le BFTC. Elle a coécrit
avec les deux fondateurs deux ouvrages importants : Au-delà des miracles (de
Shazer et Dolan, 2007), Récits de Solution (avec I. Kim Berg, 2002) ;

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Présentation générale de l’orientation solutions 15

" initialement patient de Milton Erickson, le psychothérapeute William (dit Bill)


O’Hanlon s’est entre autres formé à la thérapie orientée solutions au BFTC,
mais s’est ensuite rapidement éloigné de cette pratique pour évoluer vers
d’autres approches.

En Belgique, le psychiatre Luc Isebaert a beaucoup développé l’approche orientée


solutions, particulièrement dans le domaine de l’alcoologie.
En France la psychiatre Marie-Christine Cabié a également contribué, et continue
de le faire, à la diffusion de l’orientation solutions en thérapie.
Ces deux auteurs ont coécrit un ouvrage (Cabié et Isebaert, 1997) où ils ont
explicité un certain nombre de considérations théoriques et aussi nombre d’outils
repris aux concepteurs.
Mais pour l’instant nous traiterons des démarches de ces deux premiers auteurs,
fondateurs de l’approche, que nous avons eu la chance de connaître et avec
lesquels nous avons pu étudier. Le lecteur pourra toujours s’intéresser aux autres
auteurs, sachant que, à part Luc Isebaert, ceux-ci se sont encore plus éloignés
de l’hypnose ultérieurement.

La genèse de ce livre : l’orientation solutions aujourd’hui

Depuis les années 2000 (Steve de Shazer est décédé en 2005 et Insoo Kim Berg
en 2007), cette puissante approche de l’orientation solutions a décliné en France.
Une des raisons de cette évolution est probablement la forte concurrence qui
règne actuellement entre les approches existant dans le champ de la psycho-
thérapie, avec d’importants effets de nouveauté qui, même s’ils sont souvent
éphémères, captent l’attention des étudiants et des lecteurs.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Signalons que certaines de ces nouveautés nous paraissent très utiles. Particu-
lièrement les conséquences des travaux des psychologues chercheurs s’occupant
du domaine des émotions. Ces conséquences sont notamment traduites par
l’élaboration des thérapies centrées sur les émotions (TCE), dont nous avons
intégré les apports dans cet ouvrage.
Pour autant, ayant eu la chance d’avoir étudié avec de Shazer et Kim Berg, j’ai eu
le sentiment de devoir écrire ce livre afin de contribuer à relancer l’orientation
solutions, approche éminemment utile pour aider de nombreux patients d’une
manière souvent assez rapide.
Dans un premier temps je pensais simplement retravailler les ouvrages majeurs
des deux auteurs fondateurs, dans le but d’en faire un qui soit clair et synthétique.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 16 — #32
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16 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

En commençant à travailler sur ce projet, j’ai rapidement eu l’impression que


mon but n’était pas suffisant, que j’étais amené à aller au-delà, que cette
clarification me conduisait à ajouter ma propre contribution en prenant position
sur différents points :
➙ déjà depuis longtemps, je ressentais fortement la place centrale du compliment
dans cette approche, d’où le titre de ce livre ;
➙ plus récemment, en découvrant des premiers textes, peu connus, de Steve
de Shazer, j’ai pu comprendre la nature réelle de la filiation de l’orientation
solutions avec l’hypnose, et ressentir l’importance de ce point et du devoir
que j’avais de le reprendre et de l’exposer en le publiant pour la première fois,
à ma connaissance, en langue française. Ces conséquences me paraissent en
effet multiples et majeures : elles ouvrent des perspectives nouvelles suscep-
tibles de prolonger fidèlement les intuitions géniales des grands auteurs ayant
développé et enrichi jusqu’à ce jour l’orientation solutions.

J’ai tenté d’écrire ce livre en me souvenant de mes séminaires avec de Shazer et


Kim Berg, séminaires que j’ai suivis entre la fin des années quatre-vingt-dix et
la disparition de ces personnes étonnantes et géniales.
Je me souviens particulièrement du premier séminaire, organisé par Jean-François
Croissant à Binic dans les Côtes-d’Armor. Steve de Shazer avait commencé son
intervention de manière pour nous, mes collègues et moi, assez provocatrice
et troublante : « Y a-t-il des questions ? » Ce fut des années plus tard que je
compris que la modification de nos états de conscience provoquée par cette
question introductive était à comprendre comme une induction hypnotique,
une activation de nos processus de recherche interne qui caractérisent l’hyp-
nose éricksonienne (et, depuis une période plus récente, de nombreuses autres
approches thérapeutiques).
La construction d’un tel séminaire à partir d’une telle question initiale est une
démarche que je n’ai jamais vu reproduire depuis, par aucun autre formateur,
que cela soit en psychothérapie ou en hypnose thérapeutique. La puissance de
cette induction hypnotique allait porter ses effets pendant les deux jours de
ce séminaire. D’ailleurs, dès la fin du premier jour, partageant nos impressions,
mon collègue de chambre et moi, nous tombâmes rapidement d’accord sur la
conclusion que nous nous rappellerions toute notre vie ce jour essentiel.
Le questionnement est, dit-on, le début de la philosophie, le début d’une activité
de pensée. De Shazer accordait une grande importance à la réflexion philoso-
phique, et dans cette mesure, il fut aussi un maître pour moi. C’est à cette
époque que je commençais une formation à la philosophie par des lectures

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 17 — #33
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Présentation générale de l’orientation solutions 17

personnelles, des rencontres, particulièrement avec mon ami Christian Martens


et aussi avec d’autres. J’ai essayé également dans cet ouvrage d’inclure cette
dimension, considérant que dans la période que nous vivons il devient particu-
lièrement indispensable de penser nos pratiques en les mettant en rapport avec
une réflexion sur des concepts aussi importants que ceux de vérité et de réalité.
Le climat philosophique de l’époque de l’émergence de l’orientation solutions
était très marqué par les réflexions complexes du constructivisme et du construc-
tionnisme social. Ces émergences furent des ouvertures importantes, car très
créatives. Concernant la notion de vérité, elles introduisaient des ouvertures
considérables, comme des sortes de bouffée d’air après une époque marquée par
des relations violentes entre les tenants de la psychanalyse et ceux du cognitivo-
comportementalisme. Concernant la notion de réalité, elles se situaient dans la
continuité des travaux de l’école de Palo Alto, et étaient illustrées notamment
par les livres de Paul Watzlawick. Ces travaux proposaient que la réalité ne soit
pas objective, mais construite, et que cette construction dépende de la manière
dont on observe les choses, reprenant le principe d’incertitude du physicien
Heisenberg énoncé au début du XXe siècle.
Pour autant, l’application souvent mal comprise du constructivisme et du
constructionnisme a amené de nombreux formateurs en psychothérapie et en
hypnose à des positions que je considère comme déraisonnables puisque niant
toute notion de vérité scientifique ; en menant à des propos tels que « la
vérité, ça n’existe pas ! », elles ouvrent la porte à un relativisme moral certain,
permettant des dérives éthiques importantes, dérives qui d’ailleurs ne semblent
pas terminées aujourd’hui.
De Shazer et Kim Berg ne niaient pas la notion de vérité. Simplement leur
culture philosophique anglo-saxonne ne contribuait pas à ce qu’ils s’intéressent
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

à celle-ci. Aussi il ne sera pas surprenant qu’il faille selon moi recourir à des
philosophies plutôt européennes, s’intéressant plus explicitement à la notion de
vérité, et notamment à la phénoménologie, dont cet ouvrage utilisera l’éclairage.
Ce qui n’empêchera pas non plus de maintenir notre intérêt pour les philosophies
orientales, tellement complémentaire des nôtres.
C’est donc maintenant le moment d’entrer vraiment dans le sujet de cet ouvrage,
en commençant par tenter d’en poser les bases.

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18 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

L ES BASES DE L’ ORIENTATION SOLUTIONS

Du pourquoi au comment
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Conscients des limites du raisonnement causaliste, nous avons vu progressive-


ment apparaître une démarche alternative substituant à la recherche de la cause
(pourquoi ?), l’identification du processus problématique (comment ?). Comment
fonctionne un problème, comment marche-t-il ? Quels en sont les différents
facteurs, désormais classés en deux types :
➙ les facteurs causaux (et le besoin de n’avoir qu’une cause initiale qui génère
toutes les autres causes),
➙ et, au moins aussi importants : les facteurs qui entretiennent un problème.
Ce deuxième type de facteurs a suscité de plus en plus l’attention, suite à la
Deuxième Guerre mondiale, avec le développement de la cybernétique et la mise
en évidence de boucles avec des rétroactions positives.
Cette évolution a mené à la construction de démarches thérapeutiques qui ont
été intégrées, d’une part par les thérapies cognitives comportementales, et
d’autre part par les approches systémiques.
L’identification de causes qui entretiennent le problème a mené à des prescrip-
tions de tâches susceptibles de modifier celles-ci :
➙ en diminuant ces facteurs d’entretien,
➙ ou en les faisant cesser,
➙ ou même en les inversant.
C’est la longue histoire des thérapies systémiques, avec la fameuse école de Palo
Alto, visant à objectiver le problème pour intervenir sur ses différentes compo-
santes susceptibles d’agir sur celles qui l’entretiennent, délaissant complètement
tout raisonnement causaliste.

La notion de solution
!

Étymologiquement, la notion de solution semble provenir de celle de résolution.


Dérivé du verbe latin luere, qui signifiait « dégager », au sens juridique du
terme, c’est-à-dire « s’acquitter de ». Ce verbe a ensuite été remplacé par solvere,
solutus : délier, désagréger, qui a servi lui-même à construire différents verbes
en utilisant différents préfixes : absoudre (délier), dissoudre (désunir, dissoudre),
résoudre (délier, démêler, débrouiller). Ce n’est qu’au XIIe siècle que le mot

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Présentation générale de l’orientation solutions 19

« solutionné » apparaît. Le terme de solution est donc sans surprise lié à son
sens le plus ancien, juridique : paiement, remise, mais aussi explication. Lorsque
deux personnes se sont expliquées, elles sont quittes et le lien entre elles est
délié, chaque personne devenant libre vis-à-vis de l’autre. Ultérieurement le
mot est utilisé en chimie, avec les mêmes notions de désagrégation, paiement
et explication.
Ce n’est qu’au XXe siècle que le mot « solutionner » apparaît.

Causes et solution
!

Parallèlement à cette évolution, intervient le positivisme philosophique qui va


promouvoir la notion de cause.
Le terme de cause à initialement deux dimensions, d’une part en logique, d’autre
part en droit. Ces deux dimensions sont toujours importantes actuellement.
Nombreux sont ceux qui considèrent qu’un esprit logique doit identifier les causes
d’un problème avant de pouvoir y remédier. Et la cause identifiée deviendra sou-
vent l’objet d’une accusation. Cette accusation de la cause pourra souvent être
l’ultime étape du processus, surtout lorsque cette cause ne peut être éliminée.
En thérapie, cela peut aboutir à charger la personne identifiée comme cause du
problème en la culpabilisant, ceci dans une logique violente d’exclusion ou de
condamnation. Une logique dont on connaît les limites en termes d’efficacité.
Le lien entre le raisonnement par cause et la violence des solutions qu’il préco-
nise mérite d’être souligné. En cancérologie (traitement anticancer), ou dans
d’autres domaines de la médecine (antibiotiques en médecine infectieuse), une
telle violence peut être efficace (même s’il importe toutefois d’en discuter aussi
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

les inconvénients possibles).


Dans bon nombre d’autres situations de souffrances humaines, les solutions
violentes ne semblent qu’ajouter des paramètres au problème.
C’est ce que Watzlawick a appelé l’« ultrasolution ».
Une citation :

« On veut une solution. Oh ! orgueil humain. Une solution ! Le but, la cause ! Mais
nous serions Dieu, si nous tenions la cause » (Gustave Flaubert, Lettres à Mlle Leroyer
de Chantepie).

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20 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Brève histoire illustrée de la construction de solution


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par l’espèce humaine

Quelques citations choisies vont illustrer quelques étapes dans la construction


de solution dans l’histoire humaine. Elles seront volontairement présentées sans
ordre chronologique.

« Un problème sans solution est un problème mal posé » (Einstein).

Cette citation d’Einstein insiste sur l’utilité de bien poser le problème. Si on


considère qu’un problème doit faire progresser la connaissance, il doit avoir des
solutions. Et, pour qu’il satisfasse à cette condition, il importe d’être attentif
à la manière de le formuler. Ce que Malarewicz évoquait d’une autre manière
lorsqu’il disait que l’on peut construire des problèmes avec les patients, mais
que ces problèmes doivent être biodégradables.

« Le temps malgré tout a trouvé la solution malgré toi » (Socrate).

Cette citation de Socrate exprime aussi une conception trouvée dans des philo-
sophies orientales : un problème finit toujours par évoluer avec le temps. Une
conception essentielle pour nous thérapeutes, que l’orientation solutions va
reprendre avec l’idée qu’il y a toujours des variations qui affectent un problème.
De plus, Socrate exprime bien la fréquente impuissance de l’être humain à
trouver des solutions et le réconfort possible de prendre en compte l’idée que
les solutions finissent toujours par arriver. Même si cela peut arriver trop tard.

« Montrer la simplicité de ce qui paraît complexe et la complexité de ce qui paraît


simple : c’est la leçon d’un grand maître » (Zhu Xiao-Mei).

Ce propos de la pianiste chinoise Zhu Xiao-Mei, élève d’une école de musique


pour enfants surdoués, avant d’être envoyée, lors de la révolution culturelle,
durant près de six ans dans un camp aux confins de la Mongolie, illustre d’une
autre manière ce que Milton Erickson disait : « Quand c’est compliqué, il faut
simplifier. » Les relations entre simplicité et complexité sont intimes, car le réel
est là, qui demeure, et avec lequel nous avons à faire.

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Présentation générale de l’orientation solutions 21

La complexité : l’absence de lien entre problèmes et solutions


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Progressivement, la démarche scientifique a évolué dans sa tentative de com-


prendre ce qu’est un problème. Jusqu’à ce qu’elle envisage, à partir de la fin
des années soixante-dix, une nouvelle vision d’un certain nombre de problèmes
concernant l’humain, et aussi l’environnement (écologie). Une vision qui a été
intitulée « complexité ». Ce mot indique l’abandon de recherche de causalités
simples pour expliquer un problème.

L’orientation solutions
!

Cet abandon permet alors d’atteindre une nouvelle étape en libérant la recherche
de solutions des liens avec le problème. La faible efficacité des psychothérapies
basées sur les recherches de cause montre la nécessité d’inventer de nouvelles
façons de faire. Plutôt que d’affirmer à tort des causes simples, on devient plus
prudent et on se met à faire des hypothèses, notamment dans les approches
cognitivo-comportementales.
Mais on va aussi plus loin quand on affirme l’inutilité de faire des hypothèses,
des hypothèses qui sont toujours plus ou moins fausses. Déjà, Erickson s’inscri-
vait dans cette démarche en affirmant qu’il fallait « une théorie pour chaque
patient ». De Shazer conceptualise à partir de cette intuition et formule à sa
façon de nouvelles manières de procéder qui sont complètement libérées d’une
recherche de compréhension du problème. On passe de « l’orientation problème »
à « l’orientation solutions », c’est-à-dire, et c’est une révolution dans le domaine
de la thérapie, à une nouvelle liberté pour le thérapeute dans sa manière de faire :
celle de pratiquer la construction de solutions dès que celle-ci peut être faite.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Dans son livre Différences, de Shazer raconte une histoire japonaise qui illustre
une situation où il n’y a pas de lien logique entre problèmes et solutions :
un paysan situé en hauteur voit un raz-de-marée arriver et veut prévenir ses
collègues, mais ceux-ci sont trop éloignés pour qu’il puisse les prévenir par des
moyens de communication habituels. Il décide de mettre le feu à son champ. Le
feu, qui se voit de loin, alerte les paysans qui viennent pour aider à l’éteindre,
mais qui en fait vont se trouver protégés de la catastrophe naturelle en se
mettant en sécurité à distance des côtes.
D’autres exemples tirés de l’écologie peuvent être également utilisés, comme de
rajouter une espèce nouvelle dans un lac pour préserver des espèces menacées
par la prolifération d’un prédateur.

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22 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Complexifier une situation permet souvent d’aider à la résoudre. J. A. Malarewicz


citait souvent l’art de réparer les montres lorsqu’elles étaient mécaniques, cet art
consistant habituellement à rajouter des éléments, en l’occurrence de nouveaux
rouages, pour les rendre réparables. Il expliquait ainsi que pour résoudre un
problème il fallait le complexifier. Les thérapeutes de couple savent qu’il est
souvent utile de faire venir les enfants quand la thérapie avec les deux adultes
ne fonctionne pas. De Shazer appelle ces solutions qui consistent à faire quelque
chose se situant en dehors des conditions paramètres du problème des mutations.
En créant un nouveau problème (un incendie de son champ) le paysan japonais
change une situation qui n’a pas de solution (paysans en danger, mais lui-même
trop éloigné pour les avertir) et qui est donc une limitation, pour susciter une
nouvelle solution par une tâche nouvelle (venir en aide au paysan dont le champ
est en feu) qui les amène à sauver leur vie. Le problème « feu » n’est aucune-
ment lié à la description originelle du problème, mais suscite un contexte où le
problème originel est résolu. Remarquons au passage combien cette solution est
basée sur une coopération mutuelle des intervenants.
De Shazer prône donc l’abandon des approches qu’il appelle « structuralistes »,
dans lesquelles les solutions dépendent du type de problème : cela ne signifie
pas qu’en matière de problèmes humains les « causes » soient absentes. Ceci
signifie simplement qu’au moins, dans le contexte de la théorie des symptômes,
il est impossible de connaître les « causes spécifiques », et donc que le concept
de causalité n’ayant pas été jugé utile, celle-ci peut être laissée de côté »
(de Shazer, 1991).
Par rapport à l’orientation problème, Steve de Shazer précise : « il y a davantage
de similitudes que de différences entre les traitements des phobies, les traite-
ments des énurétiques et le traitement des couples conflictuels. Et je ne suis
pas sûr que des différences fassent des différences ! Je suspecte que certains
d’entre vous sont choqués par cette idée, comme je l’étais moi-même au début.
Ne laissez pas tout cela vous empêcher de dormir comme cela m’en a empêché. »
Avant que de pouvoir entrer dans cette nouvelle ère, prenons encore le temps
d’examiner quelques notions concernant le changement, concept essentiel pour
comprendre les approches nouvelles en psychothérapie.

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Présentation générale de l’orientation solutions 23

Bases théoriques du changement en thérapie


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Attente (motivation)

Pour changer, il semble nécessaire de définir dans quel sens le changement est
désiré. « Je veux aller mieux », une phrase que nos patients nous disent souvent,
est certes l’expression d’une volonté, et cette expression est importante, elle
reflète un désir et en témoigne. Mais « aller mieux » reste une notion vague. Une
notion qui n’est pas encore suffisante pour créer de la motivation au change-
ment, et qui est évidemment encore très éloignée de pouvoir indiquer comment
le changement peut être obtenu. Nous pouvons considérer que vouloir « aller
mieux » est l’étape zéro dans la construction des solutions.

Action

Effectivement, nos patients arrivent dans nos cabinets pour savoir « comment
faire » pour aller mieux. Ils souhaitent généralement qu’on leur indique cela.
Pour cela, la notion de but, celle d’objectif même, est une notion essentielle au
changement. Un objectif précis et positif, alors que les patients veulent souvent
la disparition du problème qui les fait souffrir. Milton Erickson disait qu’« un
objectif sans date est un rêve ». Et Insoo Kim Berg : « D’après notre expérience,
nous pensons que les objectifs formulés sans terme négatif et qui comportent la
présence de quelque chose plutôt que l’absence de quelque chose mènent à un
traitement plus efficace et plus opérant » (Berg et Miller, 1992). Comme nous le
verrons, un objectif positif favorise des thérapies plus courtes.

Perception
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mais chacun sait que pour faire autrement, il faut se sentir capable de faire
autrement. « Se sentir capable » concerne notre perception de nous-mêmes.
De nombreux patients qui souffrent ne vont pas voir des thérapeutes, car ils
anticipent qu’ils ne seront pas capables de changer, et que c’est donc inutile
d’aller consulter. C’est pour cela que la première étape pour aider le patient
à changer est de l’aider à se sentir capable de faire autrement. L’aider à avoir
l’espoir qu’il y a d’autres possibilités de faire.

Une émotion utile : l’espoir

Cet espoir est un sentiment nécessaire pour que le patient vienne consulter. Les
émotions et les sentiments sont des sources d’énergie, et l’espoir est la première

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24 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

émotion, l’émotion la plus basique pour pouvoir changer. Quand l’espoir de


changer n’est pas là, il y a résignation, ou au moins acceptation que les choses
ne peuvent pas changer. Nous verrons ultérieurement si l’espoir est un sentiment
ou une émotion. Cette distinction n’est pas encore à faire pour l’instant.
« Nous pensons que l’espoir et une perspective nouvelle constituent les cadeaux
les plus beaux qu’un thérapeute puisse faire à un client » (Berg et Miller,1992).

Et l’espoir donne du courage, qui lui-même mobilise de l’espoir (Servillat, 2010).

Une orientation avenir

L’espoir est une émotion qui oriente vers l’avenir. Nous savons que le passé
est inchangeable, et que si nous pouvons avoir une action sur notre vie, cette
action est destinée à tenter de modifier notre avenir ; y compris notre avenir
proche, l’instant suivant de notre vie. L’orientation solutions est donc clairement
orientée avenir, de manière à mettre en œuvre cette libération du patient de la
recherche inutile de causes.

La perception, de nouveau : se sentir plausible

C’est alors que, pour que le patient se mette à faire autrement, il est néces-
saire qu’il se sente, comme de Shazer le disait, « quelqu’un de plausible ». Ce
sentiment d’être plausible est au cœur du changement. Mais que faut-il faire
pour qu’un patient se sente plausible ? Pour qu’il s’éprouve « crédible » (crédible
étant assez synonyme de plausible, cf. CNRTL1 ) ? Pour qu’il puisse s’investir dans
la construction de solutions qui puissent lui convenir personnellement en tant
qu’être humain unique, comme le professait Erickson ?

L’estime de soi

Nous savons que pour qu’un patient puisse s’investir dans une démarche de
construction de solutions, il faut qu’il puisse « croire en lui » (nous mettons
cela entre guillemets, car en toute rigueur, il faudrait pouvoir définir ce qu’est
« croire »). Qu’il puisse au moins croire qu’il est capable d’autre chose. En psy-
chologie, cela fait appel à la notion d’estime de soi. Cette notion est centrale,
car nous savons que, pour commencer un processus thérapeutique, il faut aussi
que nous, thérapeutes, estimions si ce que souhaite le patient est possible.

1. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : https://www.cnrtl.fr/

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Présentation générale de l’orientation solutions 25

Notamment pour lui faire faire l’économie d’une déception, d’une désillusion. Le
principe de la médecine suivant lequel il faut « d’abord ne pas nuire » trouve ici
toute son application en psychothérapie. D’abord ne pas aggraver la souffrance
ou la douleur. Et donc éviter au patient une démarche susceptible de créer une
telle aggravation. Or, quand un patient vient nous voir, il a généralement fait
différentes « tentatives de solutions » qui ont été inefficaces, ou au mieux qui
n’ont pas été durablement efficaces : c’est parce qu’il se sent impuissant à arriver
à changer par lui-même qu’il vient voir le thérapeute. Il estime qu’il ne peut pas
y arriver tout seul, et souvent il se dévalorise en estimant qu’il n’est pas du tout
capable de participer à la recherche de solutions. Le premier besoin en thérapie
est donc que le patient puisse trouver ou retrouver ce sentiment de pouvoir faire
la thérapie, en tout cas d’y participer.

L’importance centrale du compliment

Comment trouver ou retrouver ce sentiment d’être capable est donc une pré-
occupation centrale en psychothérapie. L’orientation solutions reposera donc
fondamentalement sur la mise en œuvre de techniques destinées à créer et à
maintenir ce sentiment pour que le patient puisse commencer à agir de façon
active dans la construction de solutions.

Contaminer, dissoudre le problème

L’ensemble de l’approche orientée solutions est justement destiné, non à résoudre


quelque problème que ce soit, mais à « contaminer » (ou « saper », les deux
termes sont utilisés de manière équivalente par de Shazer) le problème en
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

construisant avec le patient des solutions.


Ces solutions peuvent ne pas être explicitement en rapport avec le problème.
Conformément à la perspective éricksonienne, il s’agit plutôt d’augmenter, d’am-
plifier ce qui va bien, de créer des zones fonctionnelles et saines de façon que le
problème ait moins de possibilités d’exister, voire, peut-être, que des difficultés
se solutionnent de manière le plus souvent inconsciente, mais susceptible de
modifier les perceptions limitantes du patient.
Ainsi, un adolescent de 12 ans était venu me consulter pour un désinvestisse-
ment scolaire dans un contexte dépressif, avec un isolement social déjà marqué.
Comme loisir il pratiquait la boxe, et pendant toute une séance je lui demandais
ce qui était différent pour lui lorsqu’il boxait. Il me répondit en entrant en
transe et en vivant littéralement sa boxe, les yeux ouverts regardant le haut de

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26 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

mon thorax. À la séance suivante, il revint me dire que ces difficultés étaient
terminées.
Un autre concept est celui de dissoudre le problème. De Shazer emprunte ce terme
à Anderson et Goolishan (Anderson et Goolishan, 1988), auteurs qui semblent
s’inspirer de Giacomo et Weissmark : « Il y a trois manières de régler un conflit,
qui correspondent à des manières de traiter les problèmes en général : solution,
résolution et dissolution. Pour dissoudre un problème, les conditions générant la
dichotomie ont changé, si bien qu’il disparaît » (Giacomo et Weissmark, 1987).
Ce propos ne peut que nous faire penser à l’approche hypnotique de Milton
Erickson, où il s’agit d’apposer les contraires, de conjuguer les opposés dans une
approche inclusive et non exclusive. Ainsi, la « solution » est ce qui commence
à se développer une fois que le problème est en cours de dissolution et ce qui
se passe une fois que l’objectif est atteint (de Shazer, 1991).

Les métaphores de l’orientation solutions

Le travail orienté solutions peut utilement être métaphorisé, et l’a été par de
Shazer par :
" la métaphore de Sherlock Holmes : cette métaphore a été très utilisée par
Steve de Shazer. Elle représente essentiellement l’attention aux détails, sur
laquelle insistait inlassablement le célèbre détective dans les conseils qu’il
donnait à son fidèle ami le docteur Watson. Nous reviendrons particulièrement
sur cette métaphore lorsque nous traiterons des exceptions ;
" la métaphore de l’orpailleur : le chercheur d’or tamise l’eau de la rivière
aurifère pour chercher les pépites que sont les ressources et les germes de
solutions présents dans les récits du patient. Également très utilisée dans la
présentation du travail orienté solutions, elle témoigne là aussi de la qualité
d’attention nécessaire pour que le thérapeute puisse détecter tout ce qui
fonctionne bien dans ce que dit le patient.

La métaphore de l’orpaillage peut être rapprochée de celle du mineur, issue de la


conception éricksonienne du filon que l’on exploite jusqu’à épuisement dans une
mine d’or, avec nécessité d’être attentif à cette exploitation tant que le filon
« donne » (Zeig, 2012).
Nous verrons que l’orientation solutions exige peut-être encore davantage de
rigueur dans ce travail de minage.

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Présentation générale de l’orientation solutions 27

D’autres métaphores peuvent évidemment être utilisées selon la créativité de


chacun, et aussi la manière unique de procéder pour chaque thérapeute et
chaque patient.

Rigueur et imagination

Quelles que soient les métaphores utilisées, celles-ci témoignent d’une caracté-
ristique essentielle à la psychothérapie et la relation d’aide : la rigueur. Bateson
énonçait d’une manière lumineuse : « La rigueur sans l’imagination est stérile,
l’imagination sans la rigueur n’est que futilité. » C’est cette rigueur qui, dans
l’orientation solutions, confère une solidité essentielle à l’approche. C’est la
rigueur qui fonde la méthode, comme de Shazer pouvait aussi lui-même l’énoncer
en faisant allusion à sa carrière de musicien : « Avant que de pouvoir improviser,
le musicien doit faire ses gammes. »

Les trois règles

La rigueur de l’approche solution est bien illustrée par ce que ses concepteurs
appelaient les « trois règles ».
Ce sont trois règles très simples et très logiques, dont le bon sens témoigne du
minimalisme théorique qui sous-tend cette approche.
1. « Si ça marche continuez » : comme le mineur qui doit suivre méticuleusement
le filon qu’il a trouvé, comme l’orpailleur qui doit tamiser encore et encore
le cours d’eau qu’il a identifié comme aurifère, le thérapeute doit poursuivre
l’identification des ressources du patient lorsqu’il en a trouvé.
2. « Si cela ne marche pas, arrêtez et faites autre chose » : il ne sert à rien
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de s’évertuer à tamiser un cours d’eau stérile ni à creuser dans une roche


dépourvue de ressources. Il faut quitter l’endroit où on est pour aller chercher
ailleurs.
3. « Si ce n’est pas cassé ne réparez pas » : cette troisième règle est peut-être le
sommet du bon sens orienté solutions. Nous savons que nombre d’approches
psychothérapiques, peut-être même toutes, peuvent volontiers considérer
comme problème ce qui n’est pas vécu comme tel par les patients. Elles
peuvent « construire du problème ». Cela n’est évidemment pas le but d’une
thérapie ni d’une relation d’aide, et peut donc s’avérer nuisible. C’est ce que
l’on appelle iatrogénie, ensemble des problèmes créés par la médecine.
Cette iatrogénie peut être, involontairement, encouragée par les patients qui
généralement surestiment ce qu’il y a à changer dans leur vie pour aller mieux.

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28 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Mais les maladies et problèmes iatrogènes sont devenus une part importante
du champ pathologique dans la médecine actuelle. Revenons à la citation de
Malarewicz, qui était plutôt orienté problème, et qui disait avec insistance :
« Vous pouvez créer des problèmes avec vos patients à condition que ces pro-
blèmes soient biodégradables » (Malarewicz, 1994). Il voulait dire par là : à
condition que ces problèmes aient des solutions. Et probablement aussi que
ces problèmes, ayant des solutions, puissent ensuite être oubliés. L’orientation
solutions s’efforce beaucoup de ne pas construire des problèmes que les patients
n’ont pas : elle a une grande attention vis-à-vis de cela.
Tableau 1.1. Les trois règles

Si ça marche, continuez la même


Règle numéro 1 Et éventuellement en faire plus !
chose.

Une solution inefficace est


Si ça ne marche pas, arrêtez et faites aggravante. Pour l’arrêter, il faut
Règle numéro 2
autre chose. la remplacer par un autre
comportement.

Règle numéro 3 Si ça n’est pas cassé, ne réparez pas. Attention à la iatrogénie !

La capacité intégrative de l’orientation solutions

La première des trois règles précédemment énoncées montre la force intégrative


de l’orientation solutions. Celle-ci est capable effectivement, en encourageant les
thérapeutes « à continuer à faire ce qui marche », et même en le leur prescrivant,
d’intégrer tous les apports de solutions quelles que soient leurs origines.
Cette capacité, nous la mettons en œuvre au début de nos formations, en
encourageant avec insistance nos étudiants à continuer à faire ce qu’ils savent
très bien faire dans leur pratique ; sans nous préoccuper nullement de l’école
dont peuvent se réclamer leurs savoirs, ni des enseignants ou des auteurs dont
ils peuvent s’inspirer. Cela constitue la très grande liberté de l’orientation solu-
tions, liberté qui ressemble à celle d’Erickson, lorsqu’il s’amusait qu’apparaissent
chaque année des modèles de psychothérapie censés remplacer ceux de l’année
précédente.
L’orientation solutions est à notre connaissance le premier modèle de thérapie
qui permette cette complète liberté de pensée et de faire, dans la continuité de
la liberté de pratique de l’approche éricksonienne, et d’une certaine manière en
la solidifiant et en la pérennisant. Tout cela est rendu possible par l’utilisation
la plus complète et intense possible des germes de solutions identifiées.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 29 — #45
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Présentation générale de l’orientation solutions 29

Quelques réflexions philosophiques

Une telle liberté peut susciter, et même le doit, des réflexions sur la question de
la cohérence de l’approche. Celle-ci est définie comme pragmatique. Ce terme
est en France souvent dévalorisé, car mal compris, et même mal connu. Il a
pourtant des origines complexes, essentiellement américaines. Le précurseur
de la psychologie William James, s’il n’en est pas à l’origine, a précocement
joué un rôle essentiel dans l’histoire du développement du pragmatisme (Short,
2021). Pour en résumer le propos d’une manière, nous le reconnaissons, très
simplifiante, le pragmatisme (dont s’est beaucoup réclamée l’école de Palo Alto),
consiste effectivement à observer ce qui marche, ce qui fonctionne concrètement.
Le verbe mal traduisible to fit correspond à cette notion. C’est le verbe qui est
utilisé à propos d’un vêtement qui va bien à quelqu’un.
On retrouve ici la personnalisation des approches dites « pragmatiques ». Et
également la notion de « sur-mesure » éricksonien, préféré au prêt-à-porter, non
pour des raisons doctrinales, mais d’efficacité.
Cette efficacité particulière liée à la personnalisation et au « sur-mesure » est
vécue au quotidien par de nombreux praticiens et patients. Elle est pourtant très
difficile à démontrer par les chercheurs puisqu’elle repose méthodologiquement
sur les outils statistiques, et ceci incite à protocoliser les interventions et à
renoncer à ce « sur-mesure ». Antoine Bioy a notamment pu préciser, concernant
les études de recherche sur l’hypnose, la difficulté de construire, en plus du
groupe étudié, un groupe placebo : il s’agirait de faire, avec les patients d’un
tel groupe, quelque chose qui donnerait l’impression de faire de l’hypnose sans
que l’on fasse vraiment de l’hypnose (Inserm, 2015).
En France, notre culture philosophique encore très causaliste (cf. p. 9 et p. 18)
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

incite au rejet, ou au moins au scepticisme, concernant les approches pragma-


tiques, celles-ci suscitant notamment la méfiance et aussi, paradoxalement, des
craintes concernant la possible mise en œuvre de techniques déshumanisantes.
Ces craintes, comme souvent, ne sont pas totalement sans fondement. Car les
approches pragmatiques peuvent laisser entendre qu’elles ne s’intéressent pas à
la notion de vérité, piège dans lequel ne tombaient ni James ni ses collègues.
Pour autant, il faut convenir que c’est plus la philosophie européenne qui s’est
préoccupée de la question de la vérité, avec comme grand initiateur, Descartes.
Ce dernier est bien mal connu, même dans notre pays. Il a été injustement
disqualifié par les praticiens du courant humaniste, alors qu’il a été le premier à
vouloir fonder les sciences sur une approche rigoureuse et à se questionner sur
ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 30 — #46
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30 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Descartes a lancé une impulsion que de nombreux philosophes actuels, et pas


seulement américains, ont suivie. Particulièrement les phénoménologues, qui se
préoccupent de nos jours de cette question de la vérité et de ce qui peut faire
science. Leurs travaux, s’ils sont assez complexes à lire (en fait ils demandent,
comme tout champ nouveau, une sorte de formation de base pour apprendre
l’essentiel de la démarche), forment nos esprits à cette rigueur à laquelle nous
conviait Bateson, ainsi que les fondateurs de l’approche orientée solutions.
« Qu’est-ce qui est vrai ? », « Que pouvons-nous savoir ? », « Qui suis-je ? » et
autres questions fondent depuis maintenant plus de deux mille ans la démarche
philosophique. Il n’est donc pas étonnant que les processus de questionnement
constituent aussi l’essentiel des outils de l’approche orientée solutions.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 31 — #47
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Chapitre 2

Niveau de base

Les outils essentiels : questions et compliments

L sont effectivement les principaux outils utilisés dans cette


ES QUESTIONNEMENTS
approche, même si nous verrons que les compliments en sont finalement les
éléments essentiels.

A SPECTS THÉORIQUES

Détecter les solutions


!

Nous avons vu qu’une des métaphores de l’approche orientée solutions était celle
de Sherlock Holmes. Le célèbre détective avait habituellement un but : trouver
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

le coupable d’un meurtre ou d’un vol. Compte tenu de ce que nous avons dit,
cela semble bien paradoxal. Pourtant, sa démarche était de chercher des indices,
des indices que nous pouvons considérer comme des solutions susceptibles de
l’amener à ce but.
Et, pour chaque indice, il se questionnait sur ce qu’il pouvait en déduire, sur
ce que chaque indice pouvait amener comme progrès dans ce but d’identifier
le coupable.
Dans une perspective analogue, l’orientation solutions est dans une grande
mesure un enchaînement de questionnements, incluant des questions toutes
orientées vers le but fixé : ici non pas l’identification d’un coupable, mais la
construction de solutions pour une meilleure santé et une meilleure qualité de
vie du patient.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 32 — #48
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32 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Questions utiles, questions inutiles


!

« Y a-t-il des questions ? » demandait, comme nous l’avons dit, de Shazer pour
ouvrir ses séminaires. D’emblée il mettait ses étudiants au travail, sans perdre
une seconde. De cette manière, d’emblée il nous mettait en contact avec l’es-
sentiel : nos désirs et nos buts. Que souhaitions-nous en venant au séminaire ?
Qu’attendions-nous d’y apprendre ? Et concrètement : quelles questions utiles
pour atteindre notre but voulions-nous poser ?
Nous étions ainsi immédiatement confrontés personnellement au travail d’un
thérapeute orienté solutions. Un travail qui consiste beaucoup, et dans le premier
temps de la rencontre seulement, à essayer de poser des questions utiles pour le
patient, dans une perspective thérapeutique.
Un des principaux apprentissages des formations données par de Shazer était
destiné à nous aider à distinguer les questions utiles de celles qui ne servent à
rien, voire qui créent « du problème ».
Dans une perspective éricksonienne, on doit déjà s’efforcer de poser des questions
dont on utilisera les réponses, sinon ça ne sert à rien. Dans sa perspective, de
Shazer va plus loin qu’Erickson : tout ce qui ne sert à rien est potentiellement
nuisible. Une question inutile peut créer de la confusion chez le patient qui peut
se demander : « Mais pourquoi le thérapeute me pose-t-il cette question ? » Car
très vite le thérapeute doit orienter le travail vers les solutions, et être capable
à tout moment, comme c’est le cas aussi en hypnose, de pouvoir répondre à
l’éventuelle question du patient : « Mais pourquoi me demandez-vous cela ?
Pourquoi me dites-vous cela ? »
Dans l’apprentissage de l’orientation solutions, il importe donc de savoir repérer,
pour éviter de les poser, les questions non utiles. D’une façon générale sont
inutiles les questions :
➙ orientées vers la recherche des causes des difficultés, de la compréhension du
problème,
➙ ou posées sans intentionnalité particulière, de manière irréfléchie.
Dans une perspective pragmatique, une question inutile est une question dont
on n’utilisera pas les réponses. Cette non-utilisation est nuisible à l’alliance
thérapeutique.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 33 — #49
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Niveau de base 33

EN PRATIQUE : PRINCIPES GÉNÉRAUX

Exercice
!

Un exercice utile est de filmer un entretien, ou avec un vrai patient, ou avec


un collègue de travail acceptant de simuler le rôle d’un patient, puis de revoir
l’enregistrement vidéo en se demandant pour chaque question : « Cette question
est-elle utile ou non ? »
Ensuite, on demande l’avis au patient ou à la personne ayant joué ce rôle sur son
ressenti concernant l’utilité ou non de chaque question : « Cette question vous
a-t-elle aidé ou non ? » Et en cas de réponse négative : « Quelle autre question
vous aurait davantage aidé ? »
Cet exercice est très aidant pour apprendre les bases de l’orientation solutions,
tout comme d’ailleurs celles de l’hypnose thérapeutique.
De plus, et c’est une dimension importante de ce livre, poser des questions peut
induire des transes hypnotiques. Des transes le plus souvent légères, mais qui,
comme nous le verrons, peuvent être plus profondes.
On sait qu’Erickson définissait la transe hypnotique le plus souvent en utilisant
le terme de « dissociation », mais aussi, en deuxième position en termes de
fréquence, par la notion de « recherche interne » (internal search) (Erickson-
Klein, 1997). Répondre à certains types de questions, c’est justement effectuer
une recherche interne. C’est le cas notamment des questions utilisées par les
thérapeutes orientés solutions.
L’hypnothérapeute Ernest, lui aussi, dans la continuité de ce que faisait Erickson,
utilisait particulièrement les questions dans son travail hypnotique (Hill et
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Rossi, 2021).

Questions d’entame
!

La question d’entame est celle qui ouvre la séance orientée solutions. Elle peut
évidemment être posée de différentes manières.

La question type

Examinons celles qu’utilisait souvent de Shazer.


Commençons par la plus impliquante pour le patient, et potentiellement la plus
productive (niveau 1).

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34 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Question d’entame de niveau 1


« Je vous remercie d’être venu me voir. Je vais faire de mon mieux et je suppose que
vous le ferez également. Nous verrons alors ce que cela donnera. D’après vous, à
quoi vous pourrez savoir, si c’est le cas, que cette séance aura été, au moins un peu,
utile pour vous, peut-être quand vous sortirez de cet immeuble tout à l’heure, ou un
peu plus tard, en dînant avec votre conjoint, ou peut-être en fin de journée ou avant
d’aller vous coucher ? »

L’examen de cette question fait apparaître différents éléments :


➙ Je vous remercie d’être venu me voir.
C’est l’accueil, un accueil poli et respectueux, sans fioritures et donc plutôt
minimaliste.
➙ Je vais faire de mon mieux.
Le processus est expliqué au patient. Déjà philosophiquement : le thérapeute
est un être humain qui ne peut faire que, au maximum, de son mieux, suivant
l’éthique médicale d’une obligation de moyens et non de résultat.
➙ Et je suppose que vous ferez de même.
Le patient est invité à participer, à coopérer, à s’impliquer lui aussi de son mieux.
➙ Et nous verrons ce que cela donnera.
Cette allusion aux résultats signifie d’une part que l’on sera dans un état d’esprit
pragmatique en basant l’évaluation sur les éventuels résultats de l’intervention,
résultats que l’on espère bons, utiles au patient, tout en montrant aussi que l’on
accepte la possibilité (comme c’est aussi le cas en hypnose) qu’il n’y ait pas de
résultat.
Au moins aussi important : cette phrase met en œuvre déjà une orientation
du patient vers l’avenir. Si nous connaissons l’hypnose, nous pouvons recon-
naître, d’emblée, l’induction d’une anticipation en âge (encore appelée « progres-
sion en âge », ou pour les thérapeutes venant de l’hypnose non éricksonienne,
« futurisation »).
Cette orientation avenir est essentielle. Elle est destinée à aborder le but de
l’entretien, et permettre, quand l’approche fonctionne, d’en déterminer le ou
les objectifs.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 35 — #51
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Niveau de base 35

Questions d’entame moins impliquantes

D’après des éléments que nous avons pu avoir avant la rencontre, et/ou sim-
plement par la manière de se présenter du patient (nous reviendrons sur ces
éléments lorsque nous décrirons le type de relation qui s’établit avec le patient),
répondre à la question type semble demander trop d’efforts au patient. En tout
cas si on la pose d’emblée.
Dans ces cas, il sera plus productif de poser la question d’entame de façon
différente.

Questions d’entame de niveau 2


« À votre avis, qu’est-ce qui devra changer à la suite de votre venue ici, aujourd’hui ou
un peu plus tard, et qui vous fera dire que cela valait la peine que vous veniez ici ? »
(Berg et Miller, 1992.)

Cette formulation, plus simple, est moins hypnotique. Avec des patients qui
peuvent être réticents, ou même méfiants vis-à-vis de toute intervention hyp-
notique de crainte de perdre le contrôle, d’être manipulés, cette formulation
convient mieux. Elle demande moins d’efforts au patient. En quelque sorte elle
est moins puissamment orientée vers les solutions.
Enfin, chez les patients pour lesquels nous n’avons aucun élément nous faisant
penser qu’ils peuvent décider de s’absorber dans une anticipation, il est mieux
d’être plus progressif en commençant par :

Questions d’entame de niveau 3


« Que puis-je faire pour vous être utile ? »
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Cette question simple paraît plus naturelle et elle demande moins d’efforts
au patient. Paradoxalement, alors que sur le plan formel, littéral, elle semble
demander au patient qu’il précise d’emblée le rôle du thérapeute, la question est
en fait très permissive. Dans la plupart des cas, le patient n’est pas censé savoir
ce que le thérapeute peut faire concrètement d’utile pour lui, et interprétera la
question comme une invitation à commencer l’échange, éventuellement à dire
ce qui ne va pas.

Le rôle du silence
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Une fois la question posée, le thérapeute doit rester silencieux. Et ce pour


plusieurs raisons.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 36 — #52
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36 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Laisser au patient le temps de répondre

En hypnose nous savons que le thérapeute doit, une fois qu’il a prescrit une
tâche, maintenir son attitude suffisamment longtemps pour que le patient puisse
effectuer celle-ci. Ce silence indique donc au patient que c’est à lui de travailler.
Comme disait Erickson, c’est le patient qui fait le travail thérapeutique et le
thérapeute ne fait que le cadre.
Comme les pauses dans le travail hypnotique, le silence doit être suffisamment
long pour que le patient ait le temps de faire le travail.
Le comportement du thérapeute pendant la pause doit exprimer la confiance de
celui-ci quant aux capacités du patient à pouvoir répondre. Ce n’est donc pas un
silence de neutralité, mais au contraire un silence bienveillant qui suppose que
le patient va savoir répondre.

Présupposer que le patient est capable de répondre

Bien souvent les patients répondent : « Je ne sais pas. »


Le thérapeute a alors à estimer si le patient a suffisamment cherché, s’est suffi-
samment absorbé, éventuellement d’une manière hypnotique. Deux cas peuvent
se présenter :
1. Le patient semble avoir répondu trop vite, et n’avoir pas compris qu’une
telle question peut s’avérer difficile pour lui. Le thérapeute, par son silence,
véhicule le message : « Ma question est en fait difficile, prenez votre temps
nous ne sommes pas pressés, nous ne sommes qu’au début de notre rencontre,
cela est rentable que vous preniez votre temps, car répondre à ma question
est important. C’est la meilleure question que je puisse vous poser pour
l’instant. » Bon nombre de patients ont une faible estime d’eux-mêmes, voire
des complexes sur le plan intellectuel. Il faut maintenir le silence aussi
longtemps que nécessaire avec eux, afin qu’ils puissent décider d’activer une
réponse qui est précieuse pour la suite de l’intervention. Prendre le temps
d’attendre peut permettre finalement de gagner beaucoup de temps et d’en
faire gagner aussi au patient.
2. Le patient semble avoir déjà beaucoup cherché, ou alors donne l’impression
d’être en difficulté pour répondre. Le thérapeute sent que donner plus de
temps au patient n’aidera pas celui-ci à être plus productif. Il peut alors être
utile de lui donner le choix : « Je vois qu’il semble difficile pour vous de
répondre à ma question. Préférez-vous continuer à prendre le temps d’essayer
d’y répondre ? Préférez-vous que je vous pose une autre question ? » Ce type

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 37 — #53
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Niveau de base 37

d’intervention laisse le contrôle au patient, voire lui en donne davantage


et cela va généralement favoriser son implication. Il peut alors répondre
qu’il préfère continuer à réfléchir à la question « difficile » ou bien qu’il est
partant – et il montre habituellement du soulagement –, pour une question
« plus facile ».
Dans tous les cas de figure, quand le patient semble en difficulté, il est important
de lui dire et de lui redire que la question que nous posons est destinée à
construire des solutions.

Quand le patient préfère une question alternative

Si le patient continue à ne pas savoir, il est alors utile de choisir au sein des
questions d’entame une question moins impliquante, de niveau moins élevé et
demandant moins d’efforts au patient.
Si le patient se trouve toujours en difficulté avec une question de niveau 1, il
est alors utile de reconstituer la genèse de la demande :

Question pour reconstituer la genèse de la demande


« Comment avez-vous décidé de venir me voir ? »

Cette question peut susciter en retour des éléments de réponse à un équivalent


de la question de niveau 1.
Par exemple : « C’est mon médecin traitant qui m’a dit de venir. En fait je pense
qu’il commence à se décourager pour moi avec mon problème de douleurs. Il a
fait tous les examens et il ne trouve rien ! Au début ça ne me disait rien d’aller
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

voir un psy, mais il m’a bien expliqué qu’il savait que mon problème n’est pas
dans ma tête et que je ne suis pas fou, que vous avez juste des compétences
pour aider les gens pour des problèmes compliqués. »
Dans d’autres cas, le patient peut répondre qu’il ne vient pas pour lui-même,
mais pour une autre personne : conjoint, parents, amis, etc.
Il est alors possible de lui poser une question circulaire analogue à celle faisant
partie des outils systémiques :

Question circulaire d’exploration


« Supposez que votre conjoint (vos parents, votre ami, etc.) soit ici, si je lui posais
cette question (une des trois questions d’entame) que me répondrai(en)t-elle (il)(s) ? »

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 38 — #54
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38 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Parfois cette question est productive. Parfois elle ne l’est pas et il est utile
d’essayer de faire venir la personne demandeuse (cf. niveau 2, chap. 3).

Que faire après la ou les réponse(s) du patient ?


!

Après des réponses précises

Le but de la question d’entame est d’obtenir du patient une réponse précise.


Comme l’on sait en hypnose, l’anticipation en âge doit donner lieu à la construc-
tion, à l’imagination de détails sensoriels les plus nombreux possible.
Lorsque le patient répond à la question d’entame, le thérapeute doit pouvoir imaginer
précisément quelque chose. Quelque chose qui n’est pas confus, mais clair.
Mieux : il doit ressentir au moins un début d’émotion. Du plaisir, de la joie, un
sentiment de changement par rapport à ce que présente le patient. Ce sentiment,
cette émotion qui pourra rendre certain le thérapeute que la réponse du patient
a une valeur et qu’il peut ainsi commencer à construire un objectif thérapeutique
avec lui (cf. p. 50).

Quand les choses sont confuses

Lorsqu’un patient a tendance à répondre à côté d’une question, il est utile que
le thérapeute exprime la confusion qu’il ressent :

« Ce n’est pas bien clair pour moi encore, verriez-vous autre chose pour compléter
votre réponse ? »

Quand le thérapeute obtient une réponse précise du patient, il peut déjà com-
mencer à se préoccuper d’un objectif possible pour le travail thérapeutique.
Comme nous le verrons, construire un objectif travaillable avec le patient
demande parfois du temps. Il est parfois possible de le faire dès la première
rencontre, il est fréquent que cela nécessite plus qu’une séance. Nous aborderons
plus loin les critères qui définissent, au sens de l’orientation solutions, un
objectif travaillable (cf. p. 51 et suivantes).
Par contre, dans tous les cas, il est nécessaire, avant de terminer la première
séance, de complimenter le patient autant que possible.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 39 — #55
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Niveau de base 39

Les buts essentiels de l’orientation solutions


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Le compliment et l’autocompliment

Le compliment, ou les compliments, sont des moments centraux de l’orientation


solutions. Nous pensons d’ailleurs de même pour l’hypnose thérapeutique, où
c’est le terme de « ratification » qui est généralement utilisé.
Cette centralité du compliment peut être conçue, et schématisée (nous donnons
le schéma en annexe 1), comme l’intentionnalité de toute l’approche solution.
D’une certaine manière, comme il clôt l’entretien, il en est le but.

Définition
Commençons par définir ce mot : initialement issu du vocabulaire diplomatique
(visite de courtoisie à un personnage officiel), le terme de « compliment » est
rapidement devenu « paroles élogieuses adressées à quelqu’un » (CNRTL1 ).
Le compliment se situe un peu en deçà de l’éloge, qui est une « parole de
louanges en l’honneur de quelqu’un ».
Mais complimenter un patient est quand même l’honorer. Tout comme, dans
l’autre sens, le patient honore son thérapeute en lui donnant des honoraires.

Caractéristiques
Précisons ensuite une notion essentielle : un bon compliment n’est pas une
parole sophistiquée ni un texte littéraire, même si un compliment peut être
(bien) écrit et lu. Pour des raisons que nous verrons plus loin, il doit être surtout
authentique. Et aussi être mesuré.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Un bon compliment est un compliment qui va être accepté par le patient. Sinon
ce compliment ne sert à rien, voire peut même nuire à l’alliance thérapeutique
et à la qualité de la communication entre thérapeute et patient.
Pour qu’un compliment soit accepté, il doit être limité à l’essentiel. Le thérapeute
doit être en mesure, si le patient le lui demande, de justifier tel ou tel terme
prononcé. Dans sa conception, le compliment doit tenir compte de la capacité
du patient à l’accepter.
Il y a longtemps, au début de ma carrière, une jeune fille s’était présentée à moi
et m’avait dit, dès le début de la consultation : « Je vous préviens : je n’accepte
aucun compliment. ». Sortant d’une formation à l’orientation solutions, et ne

1. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : https://www.cnrtl.fr/definition/

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 40 — #56
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40 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

l’ayant pas très bien assimilée, je lui avais adressé un compliment à la fin de la
séance. Je ne l’ai pas revue et, contrairement à de nombreuses situations où nos
patients perdus de vue trouvent que l’aide qu’on leur a apportée est suffisante,
je pense que dans ce cas-là j’avais irrespectueusement ignoré sa mise en garde
et l’avais probablement inquiétée et irritée.
Car le but du compliment est au contraire que le patient puisse l’adopter, et se
le réapproprier. Qu’il puisse faire un travail de modification sur sa perception de
lui-même, et sur l’image qu’il a de lui. Une modification allant dans le sens d’une
perception et d’une image de lui-même plus riches de nouvelles possibilités. Le
but ultime de l’approche orientée solutions vise à ce travail que le patient fait,
en cas de réussite de cette approche.

Identifier des germes de solution

Du fait du caractère central du compliment dans l’approche orientée solutions,


nous pouvons maintenant affirmer que le but essentiel, et même finalement
unique, des questions est que le patient puisse identifier des germes, des débuts
de solutions. Identifier ces débuts de solution va permettre de justifier le com-
pliment fait par le thérapeute.
Bien sûr, certaines questions peuvent être nécessaires afin d’obtenir l’alliance
avec le patient. Certains patients s’attendent par exemple à ce qu’un psychiatre
pose d’abord des questions sur le problème. Mais même dans ce cas, ces ques-
tions destinées à créer de la confiance sont conçues dans le but que le patient
puisse, grâce à l’alliance créée, travailler sur les questions du thérapeute qui
sont destinées à identifier des germes de solution.
Comme nous le verrons, tous les outils utilisés, qu’ils soient verbaux ou non
verbaux, ont ce même but.
De Shazer a décrit le processus essentiel de la manière suivante : « Tout d’abord,
nous relions le présent au futur (ne tenant pas compte du passé, – excepté des
succès passés), ensuite nous complimentons les clients sur ce qu’ils font déjà et
qui est utile et/ou bon pour eux, et ensuite – une fois qu’ils savent que nous
sommes de leur côté – nous pouvons suggérer quelque chose de nouveau qu’ils
puissent faire et qui soit, ou tout au moins qui pourrait être bon pour eux »
(de Shazer, 1985).
Comme a écrit Insoo Kim Berg : « Lorsque le client admet la solution, il lui est
facile d’admettre également les problèmes » (Berg et Miller, 1992). Effective-
ment, il est habituellement difficile d’admettre que l’on a un problème. Avoir un

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 41 — #57
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Niveau de base 41

problème peut être vécu comme irritant, voire humiliant. Commencer à envisager
des débuts de solution atténue le malaise, et aide à sauver la face.
Beaucoup de patients viennent en thérapie en testant, le plus souvent incons-
ciemment, les capacités du thérapeute. Il est possible que les patients testent le
thérapeute aussi sur ses capacités humaines à se comporter respectueusement,
sans arrogance ni supériorité. Et les patients sont encouragés à travailler lors-
qu’ils ressentent la compétence du thérapeute à s’intéresser à ce qui va bien,
aux solutions, et à faire preuve de bon sens en cherchant à amplifier celles-ci. À
ce moment-là, ils sont plus sécurisés et enclins à aborder les problèmes qu’ils
vivent dans ce qu’ils ont de plus délicat et de plus technique.

Décrire le problème ?

Nous verrons progressivement, au fur et à mesure que nous en détaillerons les


outils, comment effectuer cette orientation vers les solutions, et combien il y
a de multiples façons de le faire. Dès la question d’entame, nous avons vu une
gradation possible dans cette orientation solutions.
Bon nombre de patients ressentent le besoin, la nécessité de décrire le problème.
Il est important de leur accorder suffisamment de temps pour le faire, et de les
écouter suffisamment dans un premier temps. Comme on l’a compris, ce n’est
pas vraiment pour avoir des informations utiles : c’est surtout pour établir une
alliance thérapeutique. Il existe encore dans notre société la forte croyance
que, lorsque l’on va voir un praticien exerçant un métier du soin, ce dernier a
besoin de savoir un certain nombre de choses. Cela est particulièrement vrai
pour certains métiers du soin comme la psychiatrie.
Une façon de procéder est d’expliquer au patient :
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

« Aujourd’hui nous allons d’abord faire connaissance. Pour nous faire gagner du temps,
je vais vous poser quelques questions, mais je vais aussi compter sur vous pour que
vous me disiez par vous-même ce que vous pensez que je dois savoir pour pouvoir
vous aider. Nous allons tenter d’être le plus efficace pour vous. OK pour vous ? »

Selon le type de réponse du patient, cette question permet de savoir si celui-ci


croit fortement que nous devons savoir beaucoup de choses, ou s’il est déjà très
ouvert et désireux d’aborder la construction de solutions.
Par ailleurs, il peut être aussi utile de demander des détails sur le problème pour
évaluer si le patient est capable de s’absorber, de focaliser son attention ; une
capacité tout à fait nécessaire pour pratiquer l’orientation solutions, et encore
plus si on envisage d’utiliser l’hypnose avec lui.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 42 — #58
! !

42 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Ces détails ne vont pas vraiment concerner la nature du problème ni sa gravité, et


ils ne porteront jamais sur des causes possibles. Ils seront en fait destinés à aider
le thérapeute à faire connaissance avec le monde du patient, voir aussi comment
il s’exprime, comment il pense, de façon à pouvoir s’adapter à ces éléments
afin de « trouver les manières d’orienter la conversation vers la prochaine étape,
celle qui l’amène à parler de la solution » (de Jong et Berg, 1988).
Après avoir montré comment comprendre d’une façon générale l’orientation
solutions, nous allons maintenant en détailler les outils utilisés.

O UTILS NON VERBAUX

Peu développés et explicités par les fondateurs, les aspects non verbaux ont
évidemment, par leur rôle important dans la communication en général, une
fonction essentielle dans l’approche orientée solutions.

Attitude du thérapeute
!

L’attitude du thérapeute doit être, comme Carl Rogers l’avait dit en son temps,
d’abord authentique. Et pour cela, elle doit lui correspondre, lui être confortable
dans le cadre de sa relation avec le patient.
Le but de cette attitude, de cette façon de se tenir, est de mettre le patient
au travail. Un travail créatif, attentif : construire des solutions. Mais aussi
un travail qui, comme nous l’avons dit, puisse motiver un compliment que le
patient, à un moment donné, accepte, voire même, ce qui, dans une logique
d’autonomisation, est encore plus souhaitable, qu’il puisse se faire à lui-même
(auto-complimentation).
Par ailleurs, le thérapeute doit se montrer d’emblée concentré. Milton Erickson
faisait de même. Il s’agit que le patient ressente d’emblée qu’il va devoir effectuer
un « dur travail » (hard work) où il va avoir à s’absorber s’il souhaite en obtenir
du bénéfice.
Le thérapeute est un supporter potentiel du patient.

Installation

L’installation peut, selon le contexte, être en position debout, notamment dans


le cadre médical ou infirmier lorsque l’intervenant effectue un soin sur un patient
allongé ou assis.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 43 — #59
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Niveau de base 43

Dans les situations de thérapie, l’installation sera généralement assise, avec


l’utilisation de sièges suffisamment confortables. Le degré de confort doit cepen-
dant être ajusté selon les préférences du patient, et ne pas non plus nuire à ses
capacités de concentration.

Habillement

Le thérapeute est habillé confortablement et simplement. Le but n’est pas de


susciter l’admiration du patient, mais sa mise au travail. Il n’y a donc pas
lieu d’étudier un habillement particulier, et il importe de se faire accepter par
le patient.

Ton de la voix

Le thérapeute utilise sa voix habituelle, le plus simplement possible. En fonction


de certains patients, et à certains moments (question « miracle » que nous
décrirons p. 128, compliment, questions à échelles...), il peut ralentir sa voix,
renforcer ses intonations sur des mots ou des expressions importantes. Ces
mesures sont destinées à optimiser la communication. Une communication opti-
male facilitera la transe et donc la mise en œuvre d’une recherche interne chez
le patient.

Gestes et mimiques

Là encore le thérapeute est naturel. Il peut cependant faciliter la communication


par des gestes, qui resteront sobres et modérés, mais chaleureux. Certaines
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

questions (comme la question miracle) gagneront à être accompagnées de gestes


congruents avec le discours (cf. p. 128).
Les gestes et mimiques d’approbation, qui peuvent être accompagnés d’éléments
paraverbaux (« Hem »), voire d’éléments verbaux courts (« Ok »), le fait de
prendre des notes (c’est-à-dire montrer de l’intérêt), sont des éléments qui
peuvent déjà beaucoup orienter vers les solutions.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 44 — #60
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44 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

O UTILS VERBAUX

Aspects non spécifiques relatifs à la communication


!

D’une façon générale, afin d’établir une communication efficace, le thérapeute


doit utiliser, comme dans la communication hypnotique, les mots et les expres-
sions que le patient utilise. Outre les valeurs de respect de ce que dit le patient,
c’est la notion éricksonienne d’utilisation qui, à ce niveau, prévaut. Tout ce
qui peut être utilisé dans ce qu’apporte le patient doit l’être (de Shazer, 1988).
Il en va ainsi pour pouvoir développer une capacité d’influence sur le patient
(notamment pour la délivrance des compliments). Nous verrons ultérieurement
que cette utilisation peut donner lieu à un travail de jeu avec le langage, afin
de déconstruire le problème et de le contaminer avec des solutions.
Ainsi, il est préconisé, lors de la prise de contact, de demander au patient com-
ment il souhaite qu’on l’appelle. Et aussi d’être ouvert aux manières personnelles
du patient de nous appeler en tant que thérapeute.

Explications
!

La mise en œuvre d’une approche thérapeutique nécessite généralement, au


moins par moments, que l’on donne des explications au patient.
Ainsi, lors de la question d’entame que nous avons évoquée précédemment, le
thérapeute explique que chacun « va faire de son mieux » et qu’« on verra ce
que cela donnera ». On peut penser que ces explications sont élémentaires. Elles
sont en tout cas minimales, et suivent en cela le minimalisme théorique déjà
évoqué, et que de Shazer qualifiait de « principe de parcimonie ».
Habituellement, les explications servent à introduire les questions.

Questions
!

Outre les questions orientées problème, qui servent essentiellement à construire


l’alliance thérapeutique et qui montrent au patient que l’on s’intéresse à sa
souffrance, l’essentiel des questions est orienté solutions. Parmi celles-ci, on
distingue des questions sur le présent, des questions orientées avenir et des
questions sur le passé.

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Niveau de base 45

Questions sur le présent

Deux questions utiles


Dans certains cas, mais dans certains cas seulement, le patient va spontanément
parler de choses qui vont bien. Rarement, il peut même aborder des choses qui
vont bien avant de parler de ses difficultés. Il est alors important de montrer
de l’intérêt pour ce qui est dit. Beaucoup de patients croient que les soignants
s’intéressent principalement ou uniquement à ce qui va mal, et craignent donc,
en exprimant ce qui va bien, de ne plus intéresser le thérapeute, ou pire, de
lui laisser penser qu’ils n’ont pas besoin de consulter. Montrer des réactions
d’intérêt, si ce n’est d’enthousiasme, contribue à déconstruire ces croyances
limitantes quand elles existent, ou simplement à confirmer au patient qu’il a
affaire à un être humain qui s’intéresse aussi bien à ce qui va bien qu’à ce qui
va mal.
Poser autant que possible des questions sur ce qui va bien permet d’identifier
chez le patient des compétences qui pourront peut-être servir ultérieurement.
Dans cette hypothèse il n’est donc pas gênant que le patient oublie de parler de
ses difficultés, s’il décrit spontanément, ou en étant très peu aidé à cela, des
exceptions, des ressources, des compétences, des relations utiles pour lui, etc.
On peut même aller plus loin ; en s’intéressant davantage à ce qui va bien, ce
qui fonctionne, le soignant peut :
" rééduquer le patient (Milton Erickson utilisait beaucoup ce terme pour parler
du travail thérapeutique) en lui apprenant ou réapprenant à développer sa
curiosité sur les ressources, à stimuler son intelligence créative pour inventer
des solutions ;
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

" en l’aidant à réorienter son attention vers ce qui fonctionne, apporter au


patient un soulagement ou en tout cas un espoir.

« Comment faites-vous cela ? »

C’est une excellente question pour de tels buts.


Tout comme, dans le prolongement de celle-ci, question :
« Ça marche mieux comme ça ? ».

L’intérêt du thérapeute pour « ce qui marche » montre au patient qu’il est prag-
matique, et l’informe, à moins qu’il ne l’ait déjà fait avant et dans ce cas-là il le
lui confirme, sur les éléments de sa méthode.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 46 — #62
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46 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Le patient est informé que le thérapeute s’intéresse à ce qui est concret, qu’il a
cette compétence, et cela est généralement rassurant.
Ces deux dernières questions sont considérées comme des techniques pour
amplifier les différences (cf. p. 47).
Il ne faut pas craindre de susciter un mécontentement chez le patient si la
séance se passe ainsi. Bien au contraire, il est habituellement constaté que ce
temps est très thérapeutique et peut au contraire favoriser une mise en confiance
pour aborder ensuite les problèmes et les difficultés sur une base optimale, le
patient ayant déjà expérimenté un moment où il se sent compétent, où il peut
avoir de l’espoir d’améliorer sa vie.

Dans les cas vraiment difficiles


Quand le patient souffre beaucoup et qu’il est pratiquement impossible de créer
de l’espoir, une question utile peut être :
« Comment vous débrouillez-vous ? »

Nous sommes alors dans le contexte présent du patient, parfois dans ce qu’il
fait pour survivre. Et, de façon très prudente, cela peut permettre, au moins sur
le plan du non verbal, des compliments, et éventuellement des onomatopées
prudemment émises ; en mettant en valeur, quand cela est possible, que le
patient, arrive à faire face.
Dans d’autres situations, une autre question utile peut-être :
« Je me demande comment les choses ne sont pas pires pour vous. Comment avez-
vous fait pour supporter cela, même si j’ai bien compris que c’est très difficile ? Com-
ment arrivez-vous à cela ? »

Questions orientées avenir

Questions relatives à l’entame


Chronologiquement, comme nous l’avons vu, ce sont les premières questions qui
sont utilisées.
Ainsi, nous avons vu que la première question (la question d’entame) est une
question orientée avenir. Il s’agit déjà d’une question potentiellement hypno-
tique, puisqu’elle a la forme d’une anticipation : « À quoi saurez-vous, si c’est
le cas, que notre rencontre aura été au moins un peu utile pour vous lorsque
vous sortirez d’ici, ou lorsque vous sortirez dans la rue, ou peut-être quand vous
verrez votre conjoint ce soir au dîner ? »

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 47 — #63
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Niveau de base 47

Notons que répondre à cette question demande déjà un effort au patient. Comme
on l’a vu, nous aurons prévenu le patient que nous supposons qu’il fera de son
mieux, ainsi sait-il déjà qu’il va avoir à se mettre au travail.

Questions sur l’entourage


Un autre type important de questions faisant partie de « l’outillage orienté
solutions » concerne celles impliquant l’entourage.
Comme disait Insoo Kim Berg, même une séance individuelle de thérapie est
toujours une thérapie familiale. Elle voulait dire par là que la thérapie doit
toujours intégrer l’environnement comme une ressource. Elle ne désignait pas
forcément, et surtout pas normativement, la notion de famille. Celle-ci pouvait
représenter les amis, les collègues de travail, les intervenants sociaux, et même
les animaux familiers du patient !
Ainsi, avec un patient très isolé socialement, la question peut être : « À quoi
votre poisson rouge saura que notre entretien aura été au moins un peu utile
pour vous ? »
Le modèle général de la question est donc :

« À quoi votre entourage saura, si c’est le cas, que cela valait la peine de venir me voir
aujourd’hui ? »

Modèle général des questions orientées solution

D’une façon générale, les questions orientées solution visent à obtenir des
détails, à créer de la différence. Le plus possible.
L’idée qui sous-tend la démarche est que la souffrance uniformise, génère de
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’anomie. Ce dernier terme a été créé par le sociologue Émile Durkheim pour
définir la perte des règles dans un groupe social, voire chez un individu. Suite à
la perte de ces règles organisatrices, le chaos s’installe.
Les questions orientées solution sont destinées à lutter contre ce chaos, à
construire de la différenciation et de l’individuation. En proposant notamment
des choix au patient, celui-ci peut exercer sa liberté nouvelle et exprimer des
préférences.
Les questions orientées avenir sont comme des toiles de peintres sur lesquelles
le patient va pouvoir exprimer ses souhaits et ses désirs, et les fruits de ses
actions. La question de base sera donc :
« Qu’est-ce qui sera différent ? »

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 48 — #64
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48 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Les questions orientées passé identifiant les exceptions sont des questions de
recherche de différences, telles celles du cinéaste visionnant différentes prises
de vues d’une même scène, de l’enfant jouant à chercher les « 7 différences »
entre deux dessins. La question de base est donc :
« Qu’est-ce qui était différent ? »

Vous-même, dans le cadre d’une régression en âge, ou comme nous le verrons,


dans le cadre d’une tâche de « comme si » :
« Qu’est-ce qui est différent ? »

Envisager la possibilité d’un premier compliment


Tout effort du patient pour répondre à ces questions justifie ce qu’on appelle
dans l’orientation solutions un compliment, dont nous allons encore préciser les
modalités.
Dans la plupart des cas, le patient va commencer par exprimer une plainte. Il
est très important de l’écouter, pour qu’il se sente accueilli. Au minimum, en
cas de première rencontre, les efforts pour venir à la séance, pour décrire ce
qui ne va pas, pour chercher les mots et les sélectionner au mieux, doivent être
valorisés par le thérapeute. Au moins au niveau non verbal, voire paraverbal et
même verbal. Il s’agit donc d’un premier compliment.
Dès que le patient marque une pause, la question d’entame peut être posée.
Le terme de compliment peut parfois étonner tant il est largement employé dans
l’orientation solutions. Cela peut être juste un hochement de tête du thérapeute,
qui peut signifier ce qui peut être verbalement exprimé ainsi : « Oh que cela a
l’air pénible ce que vous vivez ! »

Un premier compliment possible :


« Oh que cela a l’air pénible ce que vous vivez ! ».

Le compliment peut être davantage explicite : « Ouah ! C’est terrible ! C’est


horrible ! » (Etc.)
Point important : le but, quand on fait un compliment, est que celui-ci soit
accepté par le patient.
Lorsqu’il nous est fait un compliment, à moins d’être naïf ou très suggestible
(n’est-ce d’ailleurs pas la même chose ?) il est nécessaire de prendre un temps
pour l’examiner, afin de décider si nous allons l’accepter totalement, partielle-
ment, ou le refuser.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 49 — #65
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Niveau de base 49

Accepter un compliment nous amène à nous réapproprier ce qui a été dit, à le


prendre pour soi et en soi. Les conséquences en seront une modification plus
ou moins profonde, un réaménagement intérieur susceptible de créer en nous
un sentiment d’« être capable ». Cette dernière impression caractérise pour de
nombreux auteurs le sentiment de joie. D’où l’importance qu’avait déjà dans
l’œuvre d’Erickson la notion de ratification, et qui se retrouve dans l’orientation
solutions avec le compliment.
En pratique, pour qu’un compliment soit accepté, il importe de le sécuriser en
se gardant d’en faire trop, d’être plutôt minimaliste pour être sûr autant que
possible que le patient va accepter et s’approprier ce qui est dit.
Concernant le compliment « que cela a l’air pénible ce que vous vivez ! », ce qui
est sous-entendu, dans l’esprit de l’orientation solutions, est :
« Malgré cela vous êtes toujours vivant ! »

Ou :
« Et malgré toute cette souffrance, vous avez quand même trouvé la force de venir me
voir ! »

Première préoccupation concernant un objectif thérapeutique.


Réflexions critiques
Précisons aussi que dès cette première question, comme le montre le schéma de
l’annexe 1, la construction d’un objectif thérapeutique est envisagée.
Examinons tout de suite pourquoi et comment cette notion d’objectif est envisa-
gée dans l’orientation solutions.
Nous partirons du cas assez général ou le patient répond aux questions de la
manière suivante : « Je n’aurais plus de problème (peur, phobies, addictions,
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

disputes avec le conjoint, etc.) »


" Comment savoir que le problème n’existe plus ?
De Shazer s’est demandé à quoi il était possible de se rendre compte qu’un
problème n’existait plus. Reconnaissons que c’est une question de bon sens. Le
plus souvent les réponses sont normatives : les chiffres de la tension artérielle
seront de nouveau entre certaines valeurs, par exemple.
Concernant les comportements humains, une telle vision normative peut avoir
des inconvénients possiblement graves, en restreignant la liberté. Si l’on consi-
dère simplement la question de l’humeur, qu’est-ce qu’une humeur normale,
souhaitable ? Il est permis de considérer que les fabricants de médicaments anti-
dépresseurs ont la partie belle devant la difficulté de répondre à cette question.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 50 — #66
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50 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Cette question est donc finalement essentielle, et la réflexion de de Shazer est


précieuse :
« Cela ressemble peut-être un peu à imaginer l’absence du fauteuil sur lequel
vous êtes assis. Vous imaginez-vous être assis sur le plancher, sur un fauteuil
différent ? Sur un espace ? N’êtes-vous pas en train de comparer le fait d’être assis
sur le plancher avec le fait d’être assis sur ce fauteuil dont vous imaginez qu’il est
absent ? [...] » (de Shazer, 1980).
De même que les approches éricksoniennes, l’orientation solutions n’est pas
normative.
Et nous savons aussi que dans des situations de dépression chronique, mais
également chez des gens « normaux », le but n’est pas forcément d’avoir des
comportements de bonne santé mentale en permanence.
Aussi la réflexion de de Shazer va plus loin : « N’est-il pas beaucoup plus facile
d’imaginer simplement que vous avez acheté un nouveau fauteuil en cuir et que
ce nouveau fauteuil est celui dans lequel vous êtes assis en ce moment en lisant
ces lignes ? Cela ne suffit-il pas à ce que le vieux fauteuil soit absent de votre
imagination, sans que vous ayez à l’y maintenir simplement afin d’effectuer une
comparaison ? »
Le concept « absent » implique le concept « non absent » ou « présent ». Il est
bien entendu plus facile de savoir que quelque chose de différent est présent
qu’il ne l’est de savoir si quelque chose est absent. Ceci mène à l’idée que
l’absence de plainte implique la présence d’un objectif.
Pour cela donc, dans l’orientation solutions, il est demandé au patient de décrire
lui-même la situation qui lui montrera que son problème est résolu, qu’il l’est en
tout cas suffisamment pour lui.
Cet effort demandé au patient peut être difficile à obtenir. Il ne faut pas hésiter à
lui expliquer pourquoi on le questionne à ce sujet afin de recueillir son adhésion.
Outre le fait de lui expliquer qu’il peut être difficile de se rendre compte qu’un
problème est moins fort, on peut lui expliquer aussi que l’on veut vraiment se
baser sur son opinion à lui pour éviter tout malentendu.
Comme dit de Shazer : « L’attente des objectifs du client signale à la fois au
client et au thérapeute qu’une solution est en cours de développement où s’est
développée. Ceci implique la fin de la thérapie. »
" L’objectif : un guide pour la thérapie
Les thérapeutes stratégiques, notamment Jay Haley (qui, on l’a vu, avait beau-
coup travaillé avec Erickson) avaient déjà beaucoup insisté sur la notion d’ob-
jectif (Haley, 1987).

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 51 — #67
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Niveau de base 51

Mais ce sont les solutionnistes qui ont effectué le travail essentiel, d’un point
de vue théorique et pratique, sur ce que doit être un objectif pour donner lieu à
une intervention thérapeutique brève.
Notons, comme disait de Shazer, que « bref ne veut pas dire court » (Brief is
not short). C’est un état d’esprit : la préoccupation de faire juste le travail utile
et nécessaire.
Pour ce faire, l’orientation solutions, dans la continuité de l’hypnose érickso-
nienne, vise et veille à ce que soit envisagé un objectif raisonnable, un but
appelé « un objectif travaillable » dans le langage de l’orientation solutions,
ainsi que Marie-Christine Cabié et Luc Isebaert l’ont proposé. Le thérapeute doit
donc être attentif, avant de valider un objectif demandé au patient, à examiner
si celui-ci est travaillable (Cabié et Isebaert, 1997).
D’une façon générale : « Un petit changement est le maximum que le thérapeute
devrait aider un client à viser. Une fois qu’un petit changement est atteint,
il devrait s’écarter du chemin et laisser la déviance "bénéfique" s’amplifier
naturellement » (de Shazer, 1988 ; Berg et Miller, 1992).
" Valider un objectif travaillable/refuser un objectif non travaillable
La validation – ou la non-validation – de l’objectif va généralement être déjà
exprimée, surtout sur un mode non verbal, montrant :
➙ soit une acceptation du thérapeute qui semble envisager un futur positif avec
un changement accompli,
➙ soit un regret du thérapeute incapable de s’engager sur un objectif irréaliste,
et qui peut exprimer son sentiment de la manière suivante :

« Si c’est dans ce but que vous venez me voir, je suis désolé, mais je ne peux pas
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

m’engager à cela, un autre que moi sera peut-être compétent, mais moi je ne sais pas
faire ça ».

Il importe donc de savoir en fonction de quels critères un objectif est travaillable


ou non.

Critères d’un objectif travaillable


Ainsi, pour pouvoir être travaillable, l’objectif doit présenter les caractéristiques
générales suivantes :

Avoir du sens pour le patient, et être bénéfique pour sa santé et sa croissance ;


Être limité ;
...

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 52 — #68
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52 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

...
Être réaliste ;
Être rapidement réalisable (dans les 15 jours si possible) ;
Être perçu par le patient comme nécessitant sa participation active ;
Être identifiable pour les patients et pour le thérapeute ;
Ne pas représenter la totalité d’un processus, mais une impulsion solide de changement ;
Être évaluable ;
Être mesurable (si possible) ;
En termes de nouveau comportement, être interactionnel si possible

" Être considéré comme important car ayant du sens pour le patient et bénéfique
pour sa santé et sa croissance
L’objectif se doit effectivement d’avoir du sens pour le client, afin que celui-ci
puisse vraiment s’impliquer dans le travail thérapeutique pour le réaliser : un
objectif qui puisse améliorer sa vie, la réalisation de ses aspirations profondes
(recevoir de l’amour, avoir de la liberté, de l’autonomie, des possibilités de se
réaliser, etc.).
Berg et Miller évoquent, comme objectifs travaillables : conserver un emploi,
sauver un couple, ne plus avoir les parents sur le dos, respecter les conditions de
mise à l’épreuve et de liberté conditionnelle, récupérer un permis de conduire...
Tout comme chez Erickson, solutionner implique que c’est le patient qui fait la
plus grande part du travail. C’est pourquoi le principe de coopération suscite
cette attitude. Pour coopérer, le patient a besoin de travailler sur un objectif
personnel et motivant. Précisons ici que, même pour une thérapie imposée (une
obligation judiciaire de soins par exemple), le travail sur un objectif du patient
va, en créant cette coopération, favoriser chez ce dernier l’envie de travailler
sur un objectif qui va pouvoir convenir au thérapeute. Ce point est d’une grande
importance sur le plan éthique, car il engage celle du thérapeute, mais, d’un
point de vue pragmatique, il fonctionne.
L’aspect éthique est moins complexe lorsqu’il s’agit, chez un adolescent qui vient
à reculons sur la demande de ses parents, de trouver également un objectif
motivant pour celui-ci, même si, officiellement, il est adressé par ses parents
pour avoir de meilleurs résultats en classe.
Nous pouvons presque en dire autant pour quelqu’un qui vit en couple et qui
vient en thérapie sur demande de son conjoint (généralement la femme).
Signalons que des difficultés particulières peuvent apparaître lorsqu’il y a plu-
sieurs patients (par exemple le conjoint), plusieurs professionnels de santé,
voire plusieurs intervenants institutionnels (services sociaux par exemple). Il est

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 53 — #69
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Niveau de base 53

particulièrement utile dans ces situations d’obtenir les points de vue de chacun
et de chercher en accordage commun afin de déterminer l’objectif.
Dans cette optique, comme nous l’avons dit, la thérapie doit être présentée au
patient comme un dur travail (Berg et Miller, 1992).

" Être limité


Pour être travaillable, l’objectif thérapeutique doit être modeste, limité, de
préférence petit plutôt que grand.
Dans la continuité du step by step (pas à pas) éricksonien, l’orientation solutions
préconise la construction d’objectifs les plus limités possible (tout en ayant
quand même un sens pour le patient).
C’est la stratégie de fragmentation des objectifs qu’Erickson prônait qui est
reprise ici : il est plus facile de travailler sur des petits cailloux que sur une
montagne complète. On se rappellera ici la métaphore du mineur qu’Erickson
aimait à utiliser.
Ce critère de limitation de l’objectif doit être mentionné en second, car il devient
souvent très rapidement important dans la relation avec le patient. Surtout
si celui-ci sait que nous pratiquons l’hypnose, il peut venir et demander un
objectif démesuré, utopique, laissant sous-entendre qu’il nous situe en position
de magicien. À imaginer la perspective de travailler sur un tel objectif, et s’il
écoute son ressenti (ce qui est essentiel), le thérapeute se sent mal à l’aise,
voire accablé par cette demande. Comme toujours, le thérapeute doit écouter
son corps et ses émotions et les utiliser avec le patient :

« Ouah ! Ce serait super effectivement ! Mais (et montrant son vécu corporel d’acca-
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

blement), je regrette (le thérapeute montre corporellement ses regrets), je ne vois pas
comment... (pause)... si c’est ce but qui vous amène, je crois que je ne suis pas la
bonne personne... je suis désolé... »

Il vaut mieux effectivement être sincère et honnête avec le patient. Pour, avant
tout, que le thérapeute se protège. Mais en se protégeant, il protège aussi son
patient qui réagit habituellement sur le mode : « Ah, vous au moins vous êtes
honnête (pause). C’est dur à entendre, mais je comprends. D’ailleurs je m’en
doutais... Un de mes amis m’avait dit qu’il pensait que j’exagérais... Je vous
remercie, je vais réfléchir... »
La conception d’objectifs limités permet au patient qui les réussit d’avoir un
sentiment d’espoir et un accroissement de sa motivation à continuer le travail.

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54 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

A contrario se constitue le syndrome d’utopie, comme l’énonçait Watzlawick :


« En nous efforçant d’atteindre l’inaccessible, nous rendons impossible ce qui
serait réalisable » (Watzlawick et al., 1974).
Parfois les patients sont tellement préparés à un se voir refuser par le thérapeute
un objectif irréaliste qu’ils « switchent » rapidement pour demander un deuxième
objectif, plus limité :
➙ le thérapeute peut alors accepter l’objectif demandé,
➙ ou il peut avoir parfois à faire, une seconde fois, s’il trouve que l’objectif est
encore insuffisamment limité, la même intervention : « Je comprends, vous
comprenez ce que je vous ai dit. Mais là encore je regrette... là encore je crois
que je ne vais pas pouvoir... »
Une autre manière de refuser un objectif irréaliste est, quand le thérapeute en
est capable, de manier l’humour : « Waouh ! Gagner au loto ! Bonne idée, vous
avez une combine ? Sinon qu’est-ce qu’il pourra se passer d’autre pour que vous
puissiez dire que les choses vont au moins un peu mieux ? »

" Être réaliste


François Roustang évoquait tout processus de changement comme un saut dans
l’inconnu. Et pour réussir un saut, il faut avoir un bon appui. Il insistait alors
sur les prérequis d’une thérapie, notamment les conditions matérielles minimales
pour être autonome.
Dans l’orientation solutions, comme dans l’approche d’Erickson du pas à pas et
de la fragmentation, les prérequis pour faire une thérapie peuvent être diminués
le plus possible. Les questions à supposition, notamment, peuvent permettre
une réduction des objectifs :

« Supposez que (dire l’objectif ) soit possible, qu’est-ce que cela pourra changer pour
vous concrètement ? »

Prenons un exemple, en pratique rare, mais démonstratif :


« – Supposez que vous gagniez au loto, qu’est-ce que cela pourra changer pour
vous concrètement ?
– Bah je pourrais me faire plaisir et m’acheter une jolie voiture, et aussi, bien
sûr, je me sentirais en sécurité.
– OK. Quelle voiture achèteriez-vous ? Et puis aussi à quoi pourriez-vous savoir
que vous vous sentirez en sécurité ? Dans votre corps ou dans votre esprit ? »

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Niveau de base 55

De cette manière, dans certains cas, un travail hypnotique peut se mettre en


place à partir de ces formidables questions que sont les questions à supposition.
Selon Berg (1994), un objectif doit pouvoir être atteint dans la semaine ou les
deux semaines qui suivent la séance.
Mais l’expérience montre que le travail avec l’objectif gagne à ce que ce dernier
puisse être réalisé dans le contexte pratique de la vie du patient.
C’est pour cela que, dans certains cas, ce travail ne fonctionne pas. Le prochain
critère explique pourquoi.

" Être perçu par les patients comme nécessitant leur participation active
Pour que le patient puisse s’impliquer dans le travail thérapeutique, il est néces-
saire qu’il ait la compréhension et la perception qu’il doit participer activement
au travail, qu’il soit, comme nous l’avons dit, protégé de l’illusion de la magie et
surtout, qu’il ressente qu’il a la responsabilité du changement. Erickson insistait
beaucoup sur cette notion : « La vie comporte beaucoup de douleurs et de
souffrances, notre responsabilité est de créer de la joie. »

" Être identifiable pour les patients et pour le thérapeute


Dans de nombreuses situations, le patient ne sait pas véritablement ce qu’il
souhaite.
Dans certains cas, la demande est que certains de ses comportements s’arrêtent.
Il peut arriver aussi qu’il n’y ait même pas cette précision dans son désir.
Il peut par exemple exprimer son désir « d’aller mieux », « d’avancer », « de s’en
sortir ».
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Il est très important, dans de tels cas, que le thérapeute intervienne :

« Qu’est-ce que cela serait pour vous, aller mieux ? »,


« Vous voudriez avancer dans quelle direction ? »,
« À quoi pourriez-vous savoir que vous commencerez à vous en être sorti ? »

À un patient disant qu’il veut se sentir mieux :

« Qu’avez-vous besoin de faire pour vous sentir mieux envers vous-même ? »

L’approche orientée solutions, pragmatique et concrète, nécessite absolument


que le patient puisse clairement identifier le ou les changements (mais rappelons-
le, ceux-ci doivent être limités) souhaités.

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56 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Dans de nombreux cas, le caractère identifiable du changement souhaité doit


être formulé en termes de comportement visible par le patient et/ou par son
entourage.
Comme le dit le proverbe : « Au marin qui ne sait pas où il veut aller, il n’y a
pas de vent favorable. »
Pour le dire autrement, si l’objectif n’est pas clairement identifié, comment
pourrons-nous savoir si le travail thérapeutique avance ?
Un certain nombre de patients, intelligents et sensibles, sont souvent dans le
monde des idées et de l’abstraction. Il y a alors besoin de les informer, avec
gentillesse et patience (cf. « Le travail avec les personnes à haut potentiel »
chap. 4, p. 171), que la thérapie orientée solutions est destinée à provoquer des
changements concrets, palpables et tangibles, et ensuite de leur demander si
cela les intéresse.
Précisons ici que la description des changements souhaités doit mettre évidem-
ment en œuvre des comportements spécifiques et non pas des comportements
généraux. Seuls les premiers pourront servir de » boussole » à la thérapie.

" Ne pas représenter la totalité d’un processus, mais une impulsion solide
de changement
Spontanément les patients, parce qu’ils sous-estiment généralement leurs com-
pétences, demandent fréquemment des objectifs importants et souhaitent que
la thérapie les amène à ces objectifs.
Un patient est venu ainsi me voir à la veille de sa retraite pour préparer celle-ci.
Rapidement a émergé dans nos échanges l’idée d’un voyage en Amérique du Sud.
J’ai validé cet objectif, qui était quand même déjà lointain puisque destiné à
être réalisé six mois plus tard. Et survenait ensuite la pandémie de coronavirus
qui a empêché pendant deux ans l’accès aux moyens de transport pouvant leur
permettre, à lui et à son épouse, de se rendre dans les pays désirés. Persévérant,
ce patient a maintenu son objectif et à l’heure où j’écris ces lignes, il est très
optimiste sur le fait qu’il va pouvoir faire ce voyage prochainement. Cependant,
il a été nécessaire entre-temps de définir une suite d’objectifs limités destinés à
entretenir une dynamique de transition pour lui, puis, ensuite, pour sa femme
qui a pris sa retraite après lui. L’objectif du voyage reste quand même justifié,
car le couple désire profondément ce voyage, mais avec le temps il est devenu
moins essentiel et la confiance pour qu’il soit agréable a augmenté au fil du
temps chez les deux conjoints.

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Niveau de base 57

L’orientation solutions, en tout cas celle élaborée par les auteurs solutionnistes,
relève de la thérapie brève. Elle consiste, non pas à prendre en charge la totalité
du processus de changement, mais à l’initier et à donner au patient une bonne
confiance pour qu’il se sente capable de le continuer par lui-même. D’où un
aspect économique intéressant pour le patient et/ou ses financeurs.
Il semble important d’expliquer au patient de principe de la thérapie brève, et
aussi que le thérapeute fait confiance à ce qu’il dit. Particulièrement sur :
➙ l’importance de travailler sur des objectifs partiels de changement,
➙ les évaluations que le patient fait de sa propre confiance à maintenir les
objectifs de la thérapie. Des études ont montré, notamment en médecine
générale, que les médecins sous-estimaient la confiance qu’ils devaient avoir
envers ce que leur disaient les patients (Osadtchy, 2016), et que ceux-ci
étaient plus satisfaits lorsque le médecin montrait de la confiance dans la
bonne évolution de leur état de santé lors d’une consultation (Thomas, 1987).
D’où l’intérêt que « [...] Les objectifs soient décrits comme le début de quelque
chose plutôt que la fin de quelque chose » (de Shazer, 1991).
Très souvent, les patients expriment leur demande d’une façon très floue, et
c’est probablement pour cette raison qu’ils se sentent démunis pour avancer
par eux-mêmes. Le travail de la thérapie, dans l’orientation solutions, est conçu
comme l’aide aux patients à démarrer le processus de changement, à savoir
comment ils vont faire, en se concentrant particulièrement sur les premières
étapes du processus.
Même si les premières étapes peuvent être considérées par le patient comme
insuffisantes, lors de celles-ci il va apprendre à apprendre, c’est-à-dire qu’il
va apprendre (ou retrouver, s’il la connaît déjà, ce qui arrive chez certains
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

patients ayant déjà ce type de façons de faire, dans leur activité professionnelle
notamment), une méthodologie qui repose sur le bon sens. Le bon sens dont
déjà à son époque, Milton Erickson faisait l’apologie.
" Être évaluable et si possible mesurable
Il est fort important, pour le patient comme pour le thérapeute, de pouvoir se
repérer, notamment en étant capable de constater des éléments de progression.
La démarche évaluative est donc très présente dans l’orientation solutions, en
tout cas celle qui a été conçue par l’équipe du BFTC.
On sait qu’Erickson n’adoptait pas toujours l’esprit de la brièveté en thérapie,
et qu’il concevait même que, dans certains cas, la thérapie puisse être longue,
voire durer toute la vie du patient.

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58 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Dans un esprit de minimalisme, Steve de Shazer et Insoo Kim Berg, ainsi que
leurs collègues, se sont vraiment efforcés de déterminer avec leurs patients des
objectifs minimaux, des plus petits changements possible pour que la perception
des patients se modifie.
Par ailleurs, l’utilisation des échelles orientées solutions justifie que les objectifs
puissent être autant que possible mesurables. Aux États-Unis, où ces approches
ont été conçues, existe aussi l’intérêt de faire des graphiques à transmettre
aux mutuelles et aux assureurs qui financent la thérapie. En France, l’Assurance
Maladie continue à ne pas manifester d’intérêt pour les approches orientées
solutions, ni pour les thérapies brèves en général. Les assureurs et les mutuelles
pourraient progressivement le faire dans le futur, même si les mentalités ne
semblent pas encore prêtes.

" En termes de nouveau comportement, être si possible interactionnel


Il est fort difficile de montrer qu’un problème a disparu, ou même qu’il a régressé.
Et il est beaucoup plus simple de montrer que de nouveaux comportements sont
apparus. Des comportements qui soient concrets et précis (Berg et Miller, 1992).
La précision des objectifs :
➙ aide, quand le patient les a imaginés, à savoir ce qu’il a à faire pour les
atteindre,
➙ semble par ailleurs favoriser chez le patient le fait qu’il s’attribue immédiate-
ment les mérites du changement.

Ce n’est donc pas « être heureux », « être épanoui », « être zen », ni « ne plus
avoir de peur », « arrêter de fumer », « ne plus stresser », qui peuvent être consi-
déré comme des objectifs travaillables. Même « perdre du poids » est un objectif
qui n’est pas à considérer comme travaillable (sur ce sujet, voir « Surpoids et
obésité », chap. 4 p. 187).
L’intérêt d’un objectif positif, c’est-à-dire qui repose sur quelque chose « en
plus » dans la vie du patient, est triple (Berg et Miller, 1992).
➙ Il est beaucoup plus facile pour le thérapeute et le patient de savoir comment
il a été atteint. Car à l’inverse, il n’est jamais possible de savoir avec certitude
quand un objectif négatif (la disparition du problème ou son atténuation) est
atteint. Ainsi, convenir d’un objectif positif facilite les thérapies plus courtes.
➙ Nous ne pouvons pas ne pas faire quelque chose. Pour les solutionnistes, nous
sommes toujours en train de faire quelque chose. Roustang disait de son côté,
concernant l’hypnose, qu’il ne s’agissait pas de ne rien faire, mais de bien faire

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Niveau de base 59

rien. L’être humain a besoin de savoir ce qu’il doit faire. Un patient dépendant
à l’alcool a besoin de savoir ce qu’il fera lorsqu’il ne boira plus.
➙ Pour les patients qui luttent pour ne plus avoir un comportement, un objectif
positif les aide à éviter le paradoxe qui consiste, en se disant : « Aujourd’hui
il ne faut pas que (je boive, je frappe mon épouse, je fume, je déprime, j’an-
goisse, je mange trop ou certains aliments, etc.) », à renforcer leur problème
au lieu de le solutionner.

En pratique, comme il est plus simple de faire apparaître de nouveaux compor-


tements qui vont remplacer les comportements problématiques, ces nouveaux
comportements vont donc être privilégiés. Comme les patients peuvent avoir des
difficultés à constater l’apparition de nouveaux comportements solution, il peut
être très souhaitable que ces comportements nouveaux soient interactionnels
et relationnels, afin que certaines personnes de leur entourage puissent les
constater elles-mêmes et fournir ainsi les preuves des progrès thérapeutiques.
Dans l’esprit des thérapies brèves, un objectif doit être le commencement d’un
processus de changement et non sa totalité. L’approche orientée solutions vise à
construire une impulsion de changement, avec des premiers changements autant
que possible comportementaux (comme disait François Roustang : « À quoi
sert une thérapie qui ne modifierait pas les comportements ? »), relationnels,
objectivables, si possible évaluables, qui peuvent aussi être mesurables.
« Il en va de la responsabilité du client de nous (les thérapeutes) dire les change-
ments qu’il souhaite voir se produire. Nous prenons grand soin de nous assurer que
ces objectifs sont accessibles et suffisamment concrets pour que nous puissions
savoir quand ils sont atteints. Il est clair qu’établir les objectifs est un processus de
coopération et de négociation. Notre rôle actif dans cet aspect de la thérapie donne
un maximum de chances aux clients d’atteindre les objectifs fixés » (O’Hanlon et
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Weiner Davis, 1989).

La manière dont le thérapeute évalue le caractère travaillable d’un objectif est


hypnotique. Il doit pouvoir se représenter concrètement, imaginer l’objectif
demandé par le patient. Et c’est cette action qui va générer :
➙ ou un ressenti confortable (ce qui signera une bonne probabilité que l’objectif
soit travaillable),
➙ ou un ressenti inconfortable, de pesanteur, de lourdeur, qui signifiera que
l’objectif semble exagéré.

Comme ont pu dire I. K. Berg et S. Miller :


« La structure de la question miracle et des autres questions de ce type permettent
au patient de contourner leurs hypothèses structuralistes et causales. Ils n’ont

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60 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

pas à imaginer le processus de suppression du problème, uniquement ses résultats.


Ceci leur permet donc d’amener davantage de leurs expériences précédentes de
non-problèmes dans la conversation. »

Les objectifs doivent être autant que possible interactionnels : avec qui le
changement se produira-t-il ?
Insoo Kim Berg disait qu’un objectif travaillable est susceptible d’être atteint
dans les 15 jours qui suivent la consultation.
Un certain nombre de ces critères d’objectifs travaillables ont été exposés en
utilisant l’acronyme SMART (Doran, 1981) : spécifiques, mesurables, atteignables,
réalistes et temporellement définis. Smart signifie en anglais « intelligent ».
En conclusion : ce travail de précision sur les objectifs travaillables est assuré-
ment un des grands mérites de l’orientation solutions. Il protège du discours
de nombreux charlatans soi-disant thérapeutes et certainement malhonnêtes
qui abusent de la naïveté des patients. Sans nier le pouvoir de l’hypnose, y
compris dans la possibilité d’utiliser sa dimension magique, ce travail s’efforce
de sécuriser le thérapeute, et donc le patient, dans des situations où il faut
manifestement que le thérapeute refuse la demande.
Les objectifs ont donc la fonction de guide pour la thérapie. Il ne faut pas
permettre au patient de « partir dans tous les sens », de combler le vide avec des
mots. Chaque interaction avec le patient a un but, doit aller dans la direction
générale de ce but, et trouver des moyens pour atteindre l’objectif. Le thérapeute
doit donc tout le temps garder à l’esprit l’objectif, et soigneusement le noter
dans le dossier.

Retour aux réponses du patient aux questions d’anticipation


Nous pouvons maintenant revenir, muni des critères d’un objectif travaillable,
aux réponses données par le patient aux questions orientées avenir.
Si par exemple, le patient répond « je me sentirai plus léger, ma femme me verra
plus détendu et aller directement dans le jardin quand je rentrerai du travail,
ou s’il pleut, elle me verra m’installer à mon piano, elle sera rassurée, au moins
un peu, et recommencera à chanter et à me demander de l’accompagner. Cela
voudrait dire qu’elle aura un peu plus d’espoir que je reprenne bientôt mon
travail », nous avons désormais les éléments pour considérer que cette réponse
décrit un objectif vraiment travaillable.

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Niveau de base 61

Aspects techniques : être plus ou moins affirmatif


Précisons d’emblée un aspect technique particulier, inhérent aux questions orien-
tées avenir. Lorsque l’on pose une question susceptible de générer un effet
hypnotique (ici l’anticipation ou futurisation), on peut plus ou moins adopter
un langage hypnotique.
Ainsi on peut être prudent :

« À quoi pourrez-vous savoir, si c’est le cas bien sûr, car cela sous-entend que notre
séance sera fructueuse, mais si c’est le cas, à quoi pourrez-vous savoir en sortant
d’ici, ou peut-être plus tard, que vous aurez trouvé notre rencontre utile pour vous ? »

On peut être aussi à l’inverse très affirmatif, en adoptant une posture et une
tonalité beaucoup plus affirmées, et après avoir énoncé dans l’entame que
chaque personne présente fera de son mieux pour cela, concernant un résultat
rapidement visible de l’entretien :
« Qu’est-ce qui aura commencé à changer, même si c’est un changement qui vous
paraîtra minime ou peut-être même non significatif, pour que vous puissiez vous dire
que notre rencontre aura été utile pour vous ? »

Questions destinées à construire un objectif travaillable


Toutefois, lorsqu’un objectif irréaliste est évoqué, le thérapeute peut tenter
d’aider le patient à formuler un objectif moins ambitieux, par les questions
suivantes :
« Supposez que j’arrive à vous aider à atteindre cet objectif, qu’est-ce que cela chan-
gera pour vous, qu’est-ce qui sera différent ? »
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ce type de question est destiné à aider le patient à se rendre compte qu’il


surestime son besoin de changement, à comprendre qu’il n’a pas besoin d’un tel
changement pour ressentir que sa vie est meilleure.
L’anticipation hypnotique lui permet déjà de ressentir des modifications émotion-
nelles agréables susceptibles de le détromper sur la nécessité de changements
comportementaux compliqués. Elle solutionne alors le « syndrome d’utopie ».

Questions complémentaires
Précisons maintenant que, conformément à la métaphore du minage, lorsqu’une
question amène des réponses chez le patient, il importe d’aider celui-ci à com-
pléter son travail. La question la plus fréquente est alors :

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62 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

« Quoi d’autre ? »

Ainsi par exemple : « Si j’ai bien compris, lorsque vous aurez perdu 12 kg, vous
vous sentirez plus légère et à l’aise. Qu’est-ce que cela changera pour vous ? Que
pourrez-vous faire de différent ? Et quoi d’autre ? Et quoi d’autre encore ? »

Autres questions. Remarques théoriques


Une autre question utile est :
« Qu’est-ce que cela fera comme différence ? »,
« Qu’est-ce qui sera différent ? »

L’esprit de cette question se situe dans la continuité des travaux de Gregory


Bateson qui définissait la notion d’information par « une différence qui crée de
la différence ».
Le travail orienté solutions vise effectivement à aider le patient à contaminer (de
Shazer, 1991) sa souffrance par des éléments porteurs d’espoir et de positivité.
Par exemple, le patient déprimé vit, bien involontairement, un phénomène de
généralisation, de globalisation : « Tout est comme d’habitude. » Sa maladie
l’empêche de distinguer les nuances et les détails, de remarquer les moments où il
souffre moins, et peut-être où il ne souffre pas. Le patient douloureux chronique
vit des phénomènes analogues et constatables dans beaucoup d’autres patholo-
gies. L’orientation solutions, par un travail d’enquête à la Sherlock Holmes, vise
à mettre en évidence ces moments d’exception.

Questions orientées passé : la question de la régression

L’orientation solutions, dans le prolongement de ce qui vient d’être dit, vise à


enquêter très précisément avec le patient, et aussi, souvent, avec son entourage,
pour mettre en évidence les moments d’exception.
Les exceptions et leur description sont ce que visent toutes les questions uti-
lisées dans l’approche orientée solutions. En effet cette approche repose sur
le fait d’encourager le patient à refaire ces moments d’exception. D’en refaire
davantage si possible, et le plus possible.
Ces exceptions peuvent être complètes. Elles sont cependant le plus souvent
relatives. Dans notre monde actuel, la question de la nuance est souvent posée
(Birnbaum, 2021). Cliniquement, il s’agit d’aider le patient, sans forcément
susciter volontairement une transe hypnotique, vers ce qu’en hypnose on appelle
une « régression en âge ».

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Niveau de base 63

Questions recherchant et explorant les exceptions


Une question particulièrement importante dans ce but est :
« Est-ce qu’il y a eu, récemment, un moment, même court, où les choses ont été au
moins un peu moins difficiles pour vous ? ».

De manière plus risquée, mais potentiellement plus productive, il est aussi


possible de tenter la question :
« Quand est-ce que le problème se pose moins pour vous ?
À quel moment de la journée ?
Y a-t-il un jour de la semaine où le problème est moins fort ? »

À chaque fois qu’est mise en évidence une exception, les questions visant à créer
de la différence sont de nouveau utilisées :
« Qu’est-ce qui est différent à ces moments-là ? »
« Que faites-vous à ce moment-là ? »

Il est même utile d’être encore plus précis quand cela est possible, en utilisant
les « W questions ».

Les « W questions »
! When (quand) ?: « C’était quand ? » « Quelle heure était-il ? »,
! With who (avec qui) ? : « Avec qui étiez-vous ? Et qui d’autre ? Et qui d’autre ? »,
! Where (où) ? : Où était-ce ?
! What (quoi) ? : Outre les deux questions déjà énoncées : « Qu’est-ce que ces per-
sonnes voyaient de différent ? Qu’est-ce que ces personnes ont vu qui leur montrait
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

qu’il y avait moins de souffrance en vous ? », « Qu’est-ce que cela a changé pour
ces personnes ? À quoi avez-vous vu ce changement chez elle ? », « Qu’est-ce
que le fait de voir ces changements vous a fait ressentir de différent ? »
Quand cela est possible, cette question très constructive de solution lorsque le patient
peut décrire comment il a fait pour produire un moment d’exception :
! How (comment) ? : « Comment avez-vous fait cela ? »
Tant qu’il y a des réponses, le processus est poursuivi :
! « À part ce moment, quand est-ce qu’il y a eu d’autres moments où ... ? »

Il est important dès maintenant de préciser que, dans l’orientation solutions, il


existe toujours des exceptions relatives, qui témoignent qu’il y a toujours des
variations dans un problème qui, concernant le vivant, est donc complexe.

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64 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

C’est cela qui justifie, lorsqu’on choisit cette posture, de demander aux patients
quand y a-t-il eu des exceptions. Nous reviendrons sur cette possibilité d’une
telle posture affirmative, des circonstances où il est utile de l’adopter, et de
celles nécessitant d’être prudent.

Les exceptions sont des occasions pour formuler ou reformuler l’objectif


Comme nous l’avons dit, la mise en évidence de nouveaux matériaux est toujours
potentiellement une opportunité, lorsque l’objectif n’a pas encore été formulé ou
ne semble pas encore bien travaillable, d’amener le patient à reformuler celui-ci :
« Est-ce que cela pourrait être un objectif pour vous de pouvoir vivre d’autres moments
comme celui que vous venez de décrire ? »

Les exceptions peuvent ainsi être considérées comme des précurseurs d’objectifs
et de solutions en représentant des moments où les plaintes sont curieusement
absentes ou moins présentes (de Shazer, 1992) :
« Est-ce que le fait que la majorité de vos journées puissent se passer de cette manière
pourrait être le but de notre travail ? »

Avec ou sans modification de l’état de conscience


Précisons ici qu’il existe de nombreuses situations pathologiques pour lesquelles
la recherche d’exceptions n’implique pas la mise en œuvre d’une transe chez
le patient.
Ainsi, une patiente de de Shazer qui était addict à la cocaïne avait écrit ce qui
était différent quand elle ne consommait pas de produit : elle débranchait son
téléphone, elle refusait de répondre si l’on sonnait à sa porte, elle rentrait chez
elle, regardait la télévision et se couchait tôt, et elle faisait de la tapisserie.
Elle ajouta plus tard aussi qu’elle confiait son argent à une de ses tantes qui
travaillait dans le même bureau qu’elle. De Shazer lui dit, entre autres, de
continuer à faire cela (règle de « si ça marche, continuez »).

Complimenter
De même, la mise en évidence de nouveaux matériaux est une occasion poten-
tielle de pouvoir complimenter le patient :
" ou immédiatement, par une marque d’intérêt, une onomatopée valorisant ce
qui vient d’être dit, pouvant aller jusqu’à : « Waouh ! Formidable ! » ;
" ou à la fin de la séance, comme nous le verrons plus loin.

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Niveau de base 65

Cette enquête sur les exceptions peut être calquée sur la façon dont Sherlock
Holmes procédait, muni de sa loupe et n’hésitant pas à examiner les choses sous
différents angles de vue et à des distances variables.
Le but est d’avoir toujours plus de détails, c’est-à-dire d’informations qui vont
pouvoir positivement contaminer, saper la perception du patient : « Ce qui était
perçu comme primordial devient secondaire et ce qui était secondaire devient
primordial. En d’autres termes, les exceptions deviennent plus importantes que la
plainte et/ou les critères deviennent plus importants que ce à quoi ils servaient
de critère » (de Shazer, 1991).
La recherche de certains détails peut, nous le savons, occasionner un phénomène
de transe plus ou moins profonde, de par la focalisation de l’attention qui
s’opère chez le patient. Dans certains cas, il est même possible de parler au
présent : « Ça y est, vous êtes vendredi dernier, à midi, votre ami vient d’arriver
et vous annonce la bonne nouvelle... que l’entendez-vous vous dire ? Quelle est
la tonalité de sa voix ? Que ressentez-vous ? À quoi votre ami voit que vous
ressentez cela ? Que cela crée-t-il chez lui ? Et quoi d’autre ? »

Étiqueter

Exercice d’étiquetage

➙ Identifiez, durant les sept jours qui se sont écoulés, une journée que vous avez
plutôt mal vécue : identifiez et listez ce qui vous fait dire que c’était une journée
plutôt mauvaise.
➙ Une fois que vous avez fini, revoyez le déroulement complet de la journée, en com-
mençant, autant qu’il vous est possible de vous en rappeler, par ce que vous avez
commencé à faire dès que vous avez ouvert les yeux le matin en vous réveillant.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

➙ Classez les choses que vous avez faites en quatre colonnes : très négative, néga-
tive, positive, très positive.

On sait que les choses très négatives que nous vivons correspondent géné-
ralement à ce que l’on appelle un traumatisme ; il y a création de stress et
l’événement risque d’être durable. Nous vivons rarement de tels événements.
Les choses simplement négatives que nous vivons donnent lieu à des émotions
pénibles, mais ces événements sont vite retraités, ou oubliés, en cours de journée
ou pendant la nuit suivante.
Les événements positifs sont source d’émotions agréables, mais ne sont mémori-
sés durablement que s’ils sont réévoqués, racontés.

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66 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

C’est le but de la recherche d’exceptions que de susciter une description de celles-


ci, afin que les patients puissent les revivre et effectuer leurs mémorisations lors
d’une régression en âge, vivant l’événement comme si c’était la première fois.
C’est l’occasion aussi pour eux d’identifier que ces événements positifs peuvent
l’être bien plus qu’ils ne croyaient, lorsqu’ils retrouvent et mettent en évidence
un certain nombre de détails les concernant. À cette occasion, ces événements
très positifs mémorisés deviennent des ressources disponibles à long terme pour
le patient.
Tableau 2.1. Les quatre types d’événements (selon Lankton, 2009)

– - + ++

Trauma Stress modéré Bon moment Moment formidable

Mémorisé Rapidement Agréable, Mémorisé


et handicapant oublié/intégré mais non mémorisé (ressource)

Selon Lankton (2009), nous étiquetons ce que nous vivons de deux manières principales :
– qualitativement, en positif et en négatif ;
– quantitativement, entre « un peu » et « beaucoup ».

Significativité des exceptions


Attirer l’attention d’un patient sur des moments différents doit être complété
par une démarche visant à ce que le patient trouve significatifs ces moments
d’exception. Sinon il n’accordera pas d’importance à de tels moments, et il risque
même de remettre en cause l’intérêt de la démarche thérapeutique proposée.
Une exception significative est le contraire d’une exception qui serait due au
hasard. Beaucoup de patients n’accordent pas d’attention aux exceptions, car
ils présupposent qu’elles n’ont pas d’importance. Notamment ils présupposent
qu’un soignant ne s’intéresse qu’aux problèmes. C’est pourquoi il est important
et souvent nécessaire d’expliquer au patient que cela n’est pas un artifice ni une
démarche distractive pour un soignant que de s’intéresser aux moments où le
patient va bien. Ce que le philosophe Wittgenstein a pu exprimer de la manière
suivante : « Si je présume maintenant qu’il peut y avoir une série fortuite, c’est
donc une série au sujet de laquelle, car c’est sa nature même, rien ne peut être
su à part le fait que je ne peux pas le savoir. Mieux, qu’il est impossible de le
savoir » (Wittgenstein, 1965).
Une exception significative est donc une exception qui a du sens pour le
patient. Ce sens accordé par le patient résulte d’une activité de pensée. Cette

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Niveau de base 67

activité de pensée est en fait corporelle plus que cognitive. C’est l’attention du
thérapeute envers le patient qui, en vérifiant la congruence des langages verbal
et non verbal de ce dernier, va lui démontrer la significativité de ce que dit le
patient. La mimique du patient, la concentration que dénote son comportement
corporel prouvent au thérapeute l’importance de ce que le patient affirme. Le
thérapeute peut, en se synchronisant avec ces langages, participer à donner du
sens à l’exception, au compliment et à la tâche, pour créer la motivation chez
le patient.
Il y a quelques siècles, notamment au temps de Descartes, penser voulait dire
ressentir (Henry, 2011a) ; ressentir comme « pesant ». Penser et peser sont à
l’origine un même mot. On retrouve des traces de cette signification lorsqu’on
considère qu’un argument a du poids, lorsque l’on pèse nos décisions. Le travail
avec les mains d’Ernest Rossi renvoie à cette même notion de pensée corporelle.
Devant une exception, il faut donc que le patient éprouve corporellement l’im-
portance de celle-ci. Cet éprouvé correspond selon nous à un moment auto-
hypnotique lors duquel le patient se met en rapport avec, selon les terminologies
qu’il préfère, son corps, son inconscient, sa sagesse intérieure, son intelligence
corporelle ; la vie, etc.
On peut proposer au patient cet exercice :
« Lorsque vous pensez au moment que vous venez de me décrire, lorsque vous le
revivez, ressentez-vous que c’est quelque chose d’important ? Si oui dans quelle
mesure ? Vous pouvez me parler ou garder cela pour vous, c’est comme vous
préférez. »

Le caractère significatif d’une exception génère habituellement des modifications


non verbales chez le patient. Celles-ci sont plus ou moins importantes et elles
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

peuvent être validées par le thérapeute :


« Prenez votre temps pour examiner cela, voilà c’est très bien... Soyez à l’écoute de
ce que votre corps vous dit, ce que toutes vos formes d’intelligence vous disent... Voilà
c’est très bien... »

Le patient peut être activé dans un processus de déstabilisation où sa perception


de la réalité est remise en cause, où un doute, une hésitation sont générés.
Aussi, il importe d’accompagner cette déstabilisation comme on le fait lorsqu’il
y a un moment créatif en thérapie (Rossi, 2009).
Si le thérapeute pense que le patient vit un tel moment, il peut l’accompagner
de la manière suivante :

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68 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

« Oui, vous pouvez trouver cela étonnant... et peut-être un peu perturbant... peut-être
même un peu inquiétant... prenez votre temps pour vraiment examiner cela... afin que
vous puissiez décider si cela est important ou non... et... si c’est important... en quoi
vous allez trouver cela important... en quoi vous allez considérer qu’il y a peut-être...
dans ce que vous êtes en train d’examiner... des débuts de solutions... des débuts
qui sont peut-être minuscules... comme des germes qui vont pouvoir pousser... ou
peut-être simplement des graines minuscules... qui vont pouvoir se développer en
vous peu à peu... lentement... ou plus vite... »

Question pour préparer la fin de la séance :


y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez ajouter ?
Il existe encore d’autres types de questions très utiles, dont le rôle est égale-
ment de mettre en évidence des exceptions pouvant mener à des reformulations
d’objectifs et à des compliments. Nous les verrons plus loin. À moins de travailler
sur des séances très longues (mais qui risquent d’être fatigantes pour le patient
comme pour le thérapeute), la recherche d’exceptions peut prendre une séance
entière.
Voyons maintenant comment clore une séance.
Lorsque l’on s’achemine vers la fin de la durée de la consultation prévue, quelques
minutes avant cette fin (cela peut être quinze minutes en psychothérapie, cela
peut être quelques minutes dans une consultation médicale standard ou une
séance de soins infirmiers, kinésithérapiques, orthophoniques ou autres), on
demande au patient :

« Y a-t-il une ou deux dernières choses que vous trouveriez important d’ajouter ? »

Cette question permet au patient de se préparer à la fin de la séance, tout en


pouvant encore compléter le recueil de matériel, et aussi de hiérarchiser ce
matériel : « Ah si ! Il y a encore une chose qu’il faut ajouter, et d’ailleurs elle
est très importante ! »
Une fois ce dernier éventuel complément fait, arrive le moment du compliment
de fin de séance.

Remarques sur les questions

Sur le plan grammatical, on peut distinguer :


" les questions normales,
" les questions à supposition,
" les questions du type « imaginez que... ».

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Niveau de base 69

Les questions normales visent à obtenir des informations. « Qu’est-ce qui était
différent ? », « Quand était-ce ? » À moins que le patient soit déjà dissocié (ce
qui est fort possible en présence d’un soignant), ces questions sont dissocia-
tives, en général légèrement, à moins que le patient décide de s’absorber plus
profondément.
Les questions à supposition sont dissociatives et donc hypnotiques. Supposer
est un acte où nous construisons du réel (Melchior, 2008). En même temps,
supposer ne fait pas appel explicitement à l’imagination. Tout le monde suppose,
car nous ne pouvons pas toujours baser nos actions sur un savoir. Il nous faut
parfois faire des hypothèses pour développer des plans d’action. Si je suppose
qu’il va y avoir de la circulation pour aller à la gare, je peux acheter un billet
annulable pour pouvoir prendre le train suivant si j’arrive en retard. Il s’agit d’un
acte rationnel.
Les questions du type « imaginez que » se basent donc explicitement sur le
fait d’imaginer, et éventuellement de rêver. Elles sont beaucoup plus inductives
de transe, surtout si le thérapeute les prononce lentement, en mettant des
intonations sur certains mots et en faisant des pauses.

Pause de réflexion et compliments


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Organisation

Les compliments, au sens qu’Erickson donnait à ce mot, vont utiliser les éléments
principaux les plus pertinents pour aider le patient à continuer à contaminer
positivement sa perception négative du problème.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Par ailleurs, ce compliment de fin de séance (CFS) va contribuer à clore la séance.


On peut lui adjoindre des prescriptions de tâches, mais celles-ci ne sont pas
toujours nécessaires, comme nous verrons plus loin.
Concentrons-nous donc sur l’élaboration du CFS.

Se créer des conditions favorables


D’abord, il y a lieu de voir comment organiser au mieux cette élaboration : nous
sentons-nous à l’aise avec l’idée de réfléchir devant le patient ? Y a-t-il lieu
d’autoriser le patient, si celui-ci apprécie de se déplacer, à quitter la pièce
quelques instants ?
En pratique, même si le patient sort de notre bureau, nous en sortons également
pour aller dans une pièce afin de réfléchir, de nous dégourdir les jambes, de nous

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70 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

faire un café ou de boire un verre d’eau. Le patient est généralement étonné


de cela. Il est en tout cas placé dans une situation d’attente qui favorise un
état hypnotique, état lors duquel il peut notamment essayer de prévoir ce qui
va se passer après (même si certains patients vont aller fumer une cigarette ou
passer un appel téléphonique professionnel ou privé). Comme de Shazer l’avait
précisé, la pause « est presque comme une induction de transe puisque le client,
pendant qu’il attend, paraît devenir plus réceptif à ce que le thérapeute va lui
dire quand il retournera dans la pièce ».
Cet état sera renforcé et utilisé par des messages qui commencent par des
compliments de la part du thérapeute et de son équipe à propos de ce que le
patient fait de « bien », de « bon », d’« efficace » ou d’« utile ».
Le compliment de fin de séance continue de construire le yes set commencé
durant la phase d’entretien, qui renforce l’attente du client. Il prolonge et
amplifie l’ambiance des félicitations données par le thérapeute.
Puis les suggestions thérapeutiques sont données au patient. Pendant que nous
exprimons ces compliments, nous constatons fréquemment des comportements
ressemblant à des transes, c’est-à-dire « l’inconscient acquiesce », des change-
ments dans la fréquence respiratoire et des apparences de posture assise plus
relaxée. Les clients ont tendance à faire certaines versions des tâches quand le
yes set a été établi (de Shazer, 1988).
Nous introduisons la pause habituellement de la manière suivante :

« Je vais maintenant, si vous en êtes d’accord, vous laisser une dizaine de minutes
(mais cela peut être moins si le professionnel dispose de moins de temps) pour aller
réfléchir à tout ce que vous venez de me dire. Je vous retrouve ici dès que j’ai fini et
vous dirai le fruit de mes réflexions. »

Dans un cadre non psychothérapeutique, cette pause peut être moins formalisée,
moins expliquée. Elle n’en fournira souvent que davantage d’effets si le patient
ne s’attend pas à entendre des compliments.

Un compliment en trois ou quatre parties


Le compliment comprend habituellement trois ou quatre parties, et est terminé
par une question portant sur le rendez-vous suivant.
Dans de nombreux cas, il est mieux que ce compliment soit écrit. À moins
qu’il n’ait une excellente mémoire, cela est plus confortable pour le thérapeute.
D’autre part, cela peut donner plus de solennité à ce moment. Le compliment
est un moment destiné à susciter de l’émotion chez le patient.

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Niveau de base 71

Les émotions sont considérées actuellement comme centrales en psychothéra-


pie (Greenberg, 2020), comme nous le verrons au chapitre 4 (cf. « Rôle des
émotions... » p. 146.
Le compliment est le moment essentiel de la séance. Comme disait de Shazer :
« La première partie de l’entretien ,c’est le patient qui travaille, et pendant
le compliment c’est le thérapeute qui travaille » (de Shazer, communication
personnelle).
Sur un plan temporel, chaque soignant organise son temps en fonction de ce qui
lui paraît pertinent. Dans un cadre psychothérapique, il est conseillé d’utiliser
les deux premiers tiers de la séance pour l’entretien, faire ensuite une pause
d’une dizaine de minutes et de revenir voir le patient pour dire le compliment et
poser la question de fin de séance.
Outre le ressenti du thérapeute, essentiel et que nous avons mentionné, les
principaux points à examiner lors de la pause de réflexion sont :
➙ voir si des objectifs précis commencent à prendre forme ;
➙ évaluer quel est le type de relation entre le thérapeute et le patient (patient
non volontaire, passant, demandeur, acheteur).

Tableau 2.2. Les parties du compliment

Partie 1 Récapitulatif. Si j’ai bien compris...

Partie 2 Ressenti du ou des thérapeute(s). En repensant à notre entretien,


j’ai ressenti...

Partie 3 Réflexions du ou des thérapeute(s). Et une pensée m’est venue...


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Partie 4 Tâches thérapeutiques éventuelles, En réfléchissant sur comment vous


(fin) anticipations du prochain rendez-vous. aider, une idée m’est venue...

Les tâches à faire pour le thérapeute lors de la pause


de réflexion

! Observer son ressenti : plutôt agréable ? plutôt pénible ?


! Des intuitions ? des pensées qui viennent ?
! Un ou plusieurs objectifs commencent-ils à prendre forme ?
! Quel type de relation entre le thérapeute et le patient : patient non volontaire,
passant, demandeur, acheteur ?

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72 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Le thérapeute doit noter « tous les efforts positifs, réussis ou utiles que le client
a faits de sa propre initiative pour aller vers ses objectifs. On doit mettre en
lumière tout ce que le client fait et qui est bon pour lui et lui en attribuer le
crédit » (Berg et Miller, 1992).
Il est important que, lors du compliment, le thérapeute puisse parler calmement,
lentement (tout en restant naturel), en regardant le patient dans les yeux au
moins par moments, afin de lui montrer qu’il assume ce qu’il lui dit et qu’il est
sincère. C’est un moment où le thérapeute doit montrer son autorité profession-
nelle et personnelle. Il se montre prêt à répondre à toute remarque ou question
du patient (d’où l’importance d’avoir bien réfléchi avant !) Il est prêt également
à faire face un désaccord possible du patient, tout en maintenant autant que
possible la position qu’il a prise.
« Non, Monsieur je ne suis pas d’accord avec vous je n’ai aucun courage.
– Je suis désolé, mais moi je le pense vraiment. Et j’espère que vous allez bientôt vous
en rendre compte. »

Durant la pause, les patients sont habituellement dans une grande attente de ce
que le thérapeute va leur dire en les retrouvant.
Ils peuvent être assez anxieux à ce moment, anxiété qu’ils manifesteront lors du
retour du thérapeute, parfois en la verbalisant : « Alors mon cas est-il désespéré ?
Qu’avez-vous à me dire ? »
Mais le plus souvent, même en cas d’anxiété, des signes de transe sont clai-
rement repérables, signifiant que le patient est particulièrement suggestible.
D’où l’importance d’un compliment bien construit, précis, utilisant un langage
accessible pour les patients (le mieux est autant que possible de reprendre les
mots et les expressions de ceux-ci).

Récapitulatif : ce que le thérapeute a compris


Le soignant commence à revoir la séance en identifiant ce qu’il a consciemment
compris. Ce premier temps lui permet de récapituler les informations qu’il a
recueillies, puis d’en faire un résumé en fonction de ce qui lui paraît important.
Ce résumé gagnera, chez le thérapeute débutant mon encore familier de cette
démarche, à être écrit sous une forme parlée.
Prenons un premier exemple :
« Si j’ai bien compris, vous venez me voir pour la première fois, adressée par votre
médecin traitant, pour un problème de ... »

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Tableau 2.3. Exemples de compliments

Compliments sur les qualités


Compliments sur les comportements Compliments sur les valeurs
et compétences

Efforts pour venir. Courage d’être venu. Respect de son engagement à venir au RDV.
Efforts pour parler. Débrouillardise pour avoir trouvé comment Confiance et respect envers (la personne
venir au RDV. adresseuse, médecin ou autre).
Efforts pour réfléchir aux difficiles questions Débrouillardise pour avoir trouvé le lieu Responsabilité envers ses (enfants, parents, etc.)
posées. de consultation.
Efforts pour choisir les mots les plus précis Prudence de s’être fait accompagner. Conscience professionnelle.
possible.
Effort d’avoir dit quand il était en désaccord. Efforts pour se concentrer. Amour pour (son conjoint, etc.)
Effort de s’être levé pour venir au RDV. Ne parle pas pour ne rien dire. Honnêteté envers le thérapeute (d’avoir dit qu’il
ne savait pas répondre, etc.)
« C’est vraiment difficile pour vous en ce Clarté des objectifs. Loyauté.
moment. »
Bonnes raisons d’avoir le problème. Résilience : « Étant donné ce par quoi vous
êtes passé on aurait pu s’attendre à ce que
les choses soient bien pires. Ce qui signifie
que vous faites certaines choses tout à fait
comme il faut » (de Shazer,1991).
Motivation
Niveau de base
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74 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Il est conseillé de reprendre les mots utilisés par le patient, conformément aux
principes généraux d’une bonne communication thérapeutique (Bioy et Servillat,
2020).
Ne pas hésiter à préciser le ressenti du patient si celui-ci l’a exprimé, et si ce
n’est pas le cas, à en évoquer un :
Dans le premier cas :

« Si j’ai bien compris, vous venez me voir pour la première fois, adressée par votre
médecin traitant, pour un problème de ... qui vous fait beaucoup souffrir et commence
même à vous décourager. »

Dans le second cas :

« Si j’ai bien compris, vous venez me voir pour la première fois, adressée par votre
médecin traitant, pour un problème de ... et j’imagine que cela doit être drôlement
douloureux pour vous et que cela doit être difficile de garder un bon moral. »

Toujours dans ce second cas, ne pas hésiter à utiliser une langue expressive,
voire familière et même crue pour montrer au patient qu’il est compris :

« Si j’ai bien compris, vous venez me voir pour la première fois, adressée par votre
médecin traitant, pour un problème de ..., et putain j’ai vraiment l’impression que c’est
l’enfer pour vous ! »

Là encore il ne faut pas en faire trop, mais à partir du moment où le patient


l’accepte, il faut en faire le plus possible.
Dans un certain nombre de cas, il est possible d’aller plus loin en effectuant
certaines reformulations utiles :

« Si j’ai bien compris, vous venez me voir après avoir rencontré d’assez nombreux
thérapeutes, qui pensaient souvent qu’il fallait comprendre les problèmes d’abord, il
semble que ça ne vous ait pas convenu. »

Ressenti du ou des thérapeute(s) : émotions et sentiments


Dans une perspective phénoménologique, nous considérons que ce que nous
pouvons savoir est essentiellement subjectif. Comme a pu le dire Descartes, je
ne peux être sûr au départ que d’une seule chose, c’est que je ressens et donc
j’existe (Henry, 2011b).
Examiner notre ressenti de thérapeutes ou de soignant est donc essentiel.

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Niveau de base 75

D’abord pour être attentif à nos possibles émotions : ressentons-nous de l’in-


quiétude par rapport à ce que le patient nous a dit ? Et si oui qu’est-ce qui nous
inquiète ? Qu’est-ce que notre inquiétude nous encourage à faire ?
Ressentons-nous de la colère ? Y a-t-il des moments où nous ne nous sommes
pas sentis respecté par le patient ? Si oui à quel moment, et en quoi ?
Ressentons-nous de la tristesse, de l’accablement, du découragement ? Quels
éléments recueillis peuvent être à l’origine de ces émotions et de ces sentiments ?
Ressentons-nous une vive compassion à l’égard du patient ? Par rapport à quoi
notre compassion s’active-t-elle ? Cette compassion semble-t-elle vraiment
appropriée ? Ou excessive ?
Rappelons-nous ici qu’il semble impossible de ressentir vraiment ce qu’un patient
vit. Le croire est une illusion plus ou moins grave, plus ou moins préjudiciable.
Seul le patient peut connaître lui-même son ressenti, et s’il ne nous l’a pas
communiqué soyons prudents avec notre imagination !
Après ce premier temps émotionnel, examinons nos impressions plus durables :
que ressentons-nous de plus essentiel, de plus important en revoyant les diffé-
rents moments de la séance, et aussi dans le moment présent de cette réflexion ?
Il est important de pouvoir bien trouver les mots qui conviennent.
On pourra s’aider avec le répertoire des sentiments ci-après.

Répertoire des sentiments exprimables par le thérapeute

! Être impressionné.
! Être ému.
! Être touché.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

! Être étonné.
! Être intéressé.
! Être emballé, ravi.
! Être rassuré.

On sait aussi que les émotions sont ressenties à certains moments de la vie,
notamment des moments où nous vivons des choses qui concernent nos besoins,
nos objectifs, nos valeurs (Greenberg, 2020).

Les indicateurs émotionnels


Une émotion témoigne que nous vivons une situation en rapport avec :
➙ un besoin,
...

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76 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

...
➙ un objectif,
➙ une valeur.

Aussi, si les patients ont montré des émotions lors de la séance, et si le thé-
rapeute n’a pas encore essayé d’utiliser les émotions (cf. chap. 4, « Rôle des
émotions... », p. 146), lors de la pause, essayer d’identifier ce dont les émotions
du patient témoignent, essayer d’être à l’écoute de ses intuitions à ce propos.
Ce temps va constituer la deuxième partie du complément de fin de séance :
« En repensant à ce que vous m’avez dit,
J’ai trouvé particulièrement important ...
J’ai été impressionné par...
Je suis étonné (nous sommes...), c’est étonnant !
Je suis sûr que c’est vrai
J’ai eu l’impression que, je me suis demandé si...
etc. »

Ce temps émotionnel est destiné à favoriser le changement, autant que cela


est possible (cf. Greenberg, 2020), ainsi qu’à augmenter la mémorisation du
moment en cours.

Réflexion du ou des thérapeute(s)


Déjà, cette partie du compliment peut être l’occasion de procéder à un cer-
tain nombre de reformulations, de recadrages, voire d’avoir un temps vraiment
hypnotique avec des messages thérapeutiques forts. Par exemple avec un couple :

« Une chose est devenue très claire, c’est que vous avez commencé à bâtir une
nouvelle vie ensemble », « À nos yeux il est clair que vous êtes quelqu’un de très
volontaire et motivé », etc. (de Shazer, 1991).

Par ailleurs, il peut arriver qu’à partir de nos émotions et de nos ressentis,
survienne en nous une pensée corporelle, souvent sous forme d’images, ou/et
de sons, ou éventuellement concernant un autre canal sensoriel. Ce type de
pensée, typique d’un fonctionnement hypnotique, si elle est vraiment présente,
doit pouvoir être dite, à condition là encore que le patient puisse l’entendre.
« ... Et même, même si cela peut vous paraître un peu étonnant, une pensée m’est
venue (un souvenir d’enfance m’est revenu, le cas d’un patient que j’ai connu il y a
quelques années, m’est revenu à la mémoire, une image)... »

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Niveau de base 77

On voit ici que des éléments de ce genre peuvent susciter chez le patient un
court moment hypnotique fondé principalement sur l’étonnement, et qui peut
favoriser chez lui l’activation d’une recherche interne de sens.
Dans certains cas aussi, où la séance peut encore être prolongée suffisamment,
de tels éléments peuvent nourrir une séance d’hypnose, le plus souvent conver-
sationnelle, mais qui peut être aussi formelle, pour faire travailler le patient sur
ce qui vient.

La question des tâches thérapeutiques


" Prescrire ou pas
La question de prescrire une tâche doit être ensuite examinée.
Dans l’approche orientée solutions, la tâche n’est pas essentielle.
Elle est même souvent facultative, car comme nous le verrons plus loin, tous les
patients ne sont pas volontaires pour faire des tâches.
Il est par contre toujours nécessaire de tenter de faire un compliment bien fait.
Concernant les tâches, commençons par les cas les plus simples. Ceux-ci
concernent les patients qui vont prendre conscience lors de l’entretien :
➙ qu’ils ont déjà atteint leur objectif ;
➙ ou qu’ils sont en train de s’en rapprocher fortement.
Dans ces deux cas se produit une émergence de solutions solidement efficaces
et il y a alors lieu d’encourager le patient « à continuer ce qui marche » :
« Il nous semble que ce que vous devez simplement faire, c’est de continuer à faire
ce que vous avez fait depuis quelque temps. Il nous semble que vous avez là un bon
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

modèle à suivre : pour vous il fonctionne. C’est un bon modèle à suivre et nous pen-
sons que – alors qu’il va continuer à fonctionner – vous allez accroître votre confiance
en lui » (de Shazer, 1991).

Dans certains cas le thérapeute peut avoir l’intuition qu’il faut encourager le
patient à faire davantage ce qui marche, à le faire encore plus. Il est important
dans de tels cas d’évaluer :
➙ s’il est pertinent que le changement s’accélère (cela peut ne pas être le
cas dans des situations où existe une certaine chronicité (cf. chap. 3, « Les
situations chroniques », p. 138) ;
➙ s’il est pertinent de prescrire cette accélération ou si de lui-même, le patient
l’accélère à la vitesse qui lui convient. Il est souvent bon de faire confiance
au patient à ce sujet.

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78 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Un autre cas simple concerne un patient qui est très demandeur qu’une tâche lui
soit prescrite. Dans de tels cas, on peut considérer qu’une telle motivation doit
être validée et reconnue. Il existe des patients qui aiment expérimenter, et qui
par ailleurs supportent de passer par l’échec, voire sont même très compétents
pour apprendre de l’échec.
S’il reste du temps lors de la séance, on peut prescrire pendant celle-ci :
➙ des tâches comportementales dans la réalité : j’ai ainsi invité une patiente, il y
a quelques jours, à sortir dans la rue avec moi, à la fois pour observer comment
elle marchait, et aussi pour l’inviter à marcher avec plus d’assurance ;
➙ des tâches en imagination (tâches hypnotiques), le plus souvent effectuées
dans le bureau du thérapeute, pouvant se transformer peu à peu en une
vraie séance d’hypnose (de type voyage intérieur, écran de cinéma imaginaire,
situation de dialogue avec une personne non présente au rendez-vous, etc.).

Certains patients, également motivés, expriment même des idées de tâches. Il


nous semble important de considérer ces idées, notamment en examinant notre
ressenti, pendant la pause, à leur sujet. Dans certains cas, l’intervenant ressen-
tira une sensation d’inconfort. Il peut être important, dans de telles situations,
de complimenter le patient pour son idée, et de lui proposer des tâches plus
adaptées à la situation :

« Nous avons trouvé votre idée intéressante. Peut-être est-ce une bonne idée. Nous
en avons aussi eu une autre et nous vous proposons de choisir entre ces deux idées
celle qui vous paraît la plus pertinente. »

Nous envisagerons plus loin d’autres types de tâches qui peuvent être fréquem-
ment utiles dans l’approche orientée solutions : « comme si », tâches de prédic-
tion, tirage au sort, etc.

" L’intuition du thérapeute


Parfois aussi, une idée de tâche s’impose à notre esprit, dans un contexte
hypnotique. Il est important de la proposer au patient, sous une forme qui sera
le plus souvent prudente :

« Pour vous aider, voici une idée qui m’est venue, mais c’est juste une idée, elle vaut
ce qu’elle vaut et vous en aurez peut-être une autre qui vous paraîtra meilleure, enfin
mon idée est qu’il pourrait être utile que vous fassiez (telle tâche) d’ici notre prochaine
séance. »

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Niveau de base 79

Cette prudence est destinée à laisser de la place à la créativité du patient,


qui trouvera peut-être par lui-même une autre idée meilleure et qui se sentira,
devant l’incertitude du thérapeute, tenté d’essayer de la mettre en œuvre.
Nous présenterons plus loin d’autres types de tâches qui s’inscrivent dans cette
prudence, en suscitant des expériences ludiques et assez légères, tout en ayant
du sens et en étant assez protégées des risques d’échec.

" Faire simple quand on n’a pas d’idée : la tâche standard de fin de pre-
mière séance
Dans un certain nombre de cas, nous sentons qu’il est nécessaire de donner
une tâche au patient, mais nous n’avons aucune idée précise de celle-ci. Les
fondateurs de l’approche orientée solutions ont conçu une tâche simple, mais qui
peut être très aidante, au moins pour le thérapeute, en termes de recueil d’infor-
mations : la tâche standard de fin de première séance. Elle est habituellement
exprimée en ces termes :
« D’ici notre prochaine rencontre, j’aimerais que vous puissiez observer, et aussi noter,
tout ce qui se passera dans votre vie et que vous aimeriez voir continuer. Soyez vrai-
ment attentif à tout, y compris à ce qui pourra vous paraître anecdotique, anodin, sans
importance. Cela m’aidera à mieux vous connaître. »

Cette tâche, présentée de manière anodine :


➙ éveille et active la curiosité du patient ;
➙ paradoxalement, insiste sur le non-changement, et peut donc avoir notamment
l’effet, comme toutes les tâches paradoxales, d’augmenter la motivation du
patient à changer (Selvini Palazzoli et al., 1975) ;
➙ est protectrice, car elle attire l’attention sur ce qu’il est bon pour le patient
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de garder dans sa vie, et diminue l’ampleur du travail thérapeutique, en


application du principe « si ce n’est pas cassé, ne réparez pas ».

Quand ne pas prescrire


Enfin il y a des situations où il est important de ne pas prescrire, où il est utile
de s’en abstenir.
D’une façon générale il ne faut pas prescrire de tâche quand le patient n’est pas
encore assez engagé, pas assez impliqué dans le processus thérapeutique. Si le
thérapeute n’est pas attentif à cela, les risques sont multiples :
➙ le patient risque de ne pas faire la tâche. Même s’il y a souvent des façons de
récupérer les choses (par exemple, en demandant au patient ce qu’il a fait à

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80 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

la place de la tâche, mais cela ne marche pas toujours, car il peut répondre
qu’il n’a rien fait) ;
➙ il y a un risque de détérioration de l’alliance thérapeutique. Le patient peut
se sentir incompétent, honteux, coupable. Il risque de ne pas continuer
la thérapie.
Il est donc mieux de prévenir plutôt que de guérir, en évitant un tel risque.
Heureusement, le diagnostic des niveaux de relation entre le patient et le théra-
peute va pouvoir servir de guide. Tenir compte de ces niveaux va caractériser le
niveau 2 de la pratique de l’hypnose orientée solutions (cf. chap. 3).

Observer comment le patient reçoit le compliment


Tout au long des différentes parties du compliment, il est important d’observer
comment le patient les reçoit.
➙ Bien sûr comment il réagit au récapitulatif (s’il semble adhérer ou non à
celui-ci).
➙ Surtout, comment il réagit à la partie centrale (deuxième partie, celle des
émotions et des ressentis du thérapeute).
➙ Plus généralement, s’il accepte ou non tout ce qui est destiné à le mettre
en valeur.

L’intérêt d’être plusieurs thérapeutes


Avoir un observateur est très utile dans l’approche orientée solutions, quel que
soit le niveau de compétence de l’observateur.
En effet, la présence d’un stagiaire ou d’un observateur permet :
➙ dès l’entretien, de donner un rôle valorisant au patient, notamment si le
stagiaire prend des notes,
➙ d’avoir un échange avec lui pendant la pause de réflexion sur les différentes
phases du compliment à faire (récapitulatif, ressenti de chacun, réussite du
patient, valeurs du patient, diagnostic (cf. niveau 2) du niveau de relation,
idées de tâches),
➙ que le compliment de fin de séance puisse être dit conjointement par plusieurs
personnes, ce qui donne du poids à celui-ci,
➙ qu’il puisse exister des différences entre les compliments des intervenants, ce
qui peut enrichir le retour donné par les thérapeutes , voire
➙ induire une dissociation hypnotique profitable pour le patient, car lui facilitant
l’acceptation des compliments, au moins dans un premier temps.

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Niveau de base 81

Question de clôture de la séance


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Typiquement, la séance se termine immédiatement après le compliment, par


la question :
« Dans combien de temps pensez-vous qu’il serait utile de nous revoir ? »

Cette question implique qu’il serait utile de programmer encore un rendez-vous.


Il est donc important de tenir compte de cet implicite, même si celui-ci n’est pas
très important, puisque la position d’expert est quand même donnée au patient
qui reste donc assez libre dans sa réponse.
Poser cette question donne donc au patient l’occasion de faire un choix.
On peut distinguer trois cas de figure :
1. Dans la majorité des cas, le patient a une idée de délai de rendez-vous et
la donne au thérapeute en demandant à celui-ci, au moins de manière non
verbale, de l’approuver voire de la valider. Il est bon que le thérapeute, sauf
s’il a une raison précise de ne pas le faire, approuve le choix. Éventuellement
en présentant les choses sous l’angle d’une expérience scientifique :

« Oui je pense que nous pourrions nous revoir dans trois semaines, cela nous montrera
si c’est un bon délai ou s’il faudra le modifier la prochaine fois. »

2. Il peut choisir de répondre : « Je ne sais pas c’est vous le médecin. » Le


thérapeute peut alors davantage « créer du choix » pour le patient :

« Pensez-vous que dans une semaine... ou deux semaines... trois semaines... un


mois... deux mois ? »
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

En faisant cela, le thérapeute parle suffisamment lentement pour accompa-


gner le patient dans sa réflexion et lui donner la possibilité de parvenir à
une prise de position, celle-ci se faisant généralement sur le mode : « Ah
non, trois semaines ça fait trop ! »

« Alors on met un rendez-vous dans 15 jours ? »

3. Enfin, il peut être utile d’expliquer au patient, par exemple de la manière


suivante :

« Le délai d’ici notre prochain rendez-vous est une question importante. Si nous nous
revoyons trop vite, vous n’aurez pas suffisamment de temps pour faire des choses
utiles pour vous et vous rapprocher de votre objectif, et cela peut artificiellement créer
un sentiment d’échec. Si nous nous revoyons trop tardivement, cela risque de retarder

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82 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

l’avancée de la thérapie et cela serait donc dommage vu la motivation que vous venez
d’exprimer. »

Nota

Comme nous l’avons évoqué dans le premier cas de figure, il peut y avoir des situations
où il n’est pas pertinent de demander au patient de se prononcer sur le délai de rendez-
vous, car cela risque de susciter en lui une angoisse trop importante, ou même une
incapacité, du fait de sa pathologie. Une dépression clinique peut par exemple diminuer
les capacités d’anticipation et rendre le patient dépressif incapable de répondre.
Avant de conclure ce premier niveau, il faut envisager, même si cela est rare, les situa-
tions où il n’y a pas lieu de donner un autre rendez-vous.
Si, après une séance où l’objectif s’avère atteint, et/ou le patient exprime une bonne
confiance (au moins 70 %) pour que l’objectif qui l’intéresse soit maintenu, et se montre
satisfait du travail fait, poser la question du prochain rendez-vous pourrait semer le
doute et perturber le patient. Dans de tels cas, il est donc préférable :
! ou simplement de ne pas parler de prochain rendez-vous, en ayant l’air d’oublier
de poser la question. Ceci peut être pertinent notamment s’il y a une ambiance
hypnotique d’optimisme et de confiance à la fin de la séance,
! ou, ce qui est plus prudent, mais qui peut susciter aussi du doute, que le théra-
peute exprime au patient qu’il n’a pas l’impression qu’il soit utile de programmer
un prochain rendez-vous, et qu’il reste disponible si jamais le patient le trouve utile
ultérieurement. Le thérapeute peut éventuellement demander au patient son avis, lui
conférant une position d’expert. Il peut aussi dans de tels cas, afin de rassurer le
patient, lui préciser que s’il rappelle le secrétariat pour avoir un rendez-vous, il pense
bien à dire, à préciser qu’il a déjà un dossier au cabinet, notamment pour qu’il ait
un rendez-vous plus rapide que s’il était un nouveau patient inconnu.

Dans un bon nombre de ces cas, il peut aussi être utile de préciser au patient :
« Il n’est pas nécessaire que vous alliez plus mal pour que l’on se revoie. Dans certains
cas il peut être utile de revenir même lorsque l’on va bien. Je serai vraiment intéressé de
savoir ce que vous réussirez dans le futur. »
Nous verrons que dans d’autres situations au contraire, comme les situations de dépres-
sion par exemple, il peut être utile d’insister sur l’utilité de se revoir si le thérapeute a
le sentiment qu’il y a encore des facteurs de vulnérabilité qui sont encore très présents
et qui n’ont pas encore été assez travaillés (cf. chap. 4, « Dépression, perte et deuil »,
p. 175).

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Niveau de base 83

C ONCLUSIONS DU NIVEAU 1

Ce premier niveau a donc présenté les outils les plus essentiels à l’orientation
solutions.
Il permet de travailler la première séance de la majorité des situations avec
les patients.

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Chapitre 3

Niveau 2

Les autres outils : échelles et question miracle

I NTRODUCTION

Après avoir posé les bases générales de l’orientation solutions, ce chapitre va


approfondir ces bases en les prolongeant avec des outils et techniques complé-
mentaires.
Ces techniques conviendront :
! aux séances qui vont suivre la première,
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

! aux situations plus difficiles.


Dans ce chapitre nous envisagerons successivement :
1. La question des niveaux de relation entre thérapeute et patient. Ces niveaux
conditionnent de manière précise la façon d’aborder le patient et le point
jusqu’auquel le thérapeute peut lui demander à de s’impliquer dans la thérapie.
2. La question, essentielle dans notre livre, de réintroduire l’hypnose dans l’ap-
proche orientée solutions afin d’augmenter l’efficacité de celle-ci.
3. Les manières d’organiser la deuxième séance et les suivantes.
4. Les techniques utilisées dans les situations plus difficiles : travail en équipe,
distinction des différentes unités linguistiques dans le discours des patients,
utilisation de questions particulières, techniques d’interruption des récits

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86 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

L’éventail, symbole de l’ouverture des choix

de problème, optimisation des techniques de compliments, utilisation des


questions à échelle, diversification des tâches, question miracle, et spécificité
des situations chroniques.

L ES NIVEAUX DE DEMANDE ET DE RELATIONS

Pour utiliser ces techniques, il est important de considérer d’abord le degré d’en-
gagement du patient dans la thérapie, car les outils du niveau 2 lui demandent
des efforts plus importants que les outils du niveau 1.
Nous avons vu, en fin de chapitre précédent que la prescription des tâches
devait tenir compte de certains éléments. On appelle ces éléments les « niveaux
de relation entre thérapeute et patient ». Nous allons maintenant détailler ces
niveaux.
Afin de pouvoir bien les comprendre, il nous faut préciser que l’engagement
relationnel du patient dans la thérapie dépend de sa motivation pour travailler.

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Niveau 2 87

Deux facteurs interviennent pour définir la motivation :


➙ la demande de changement du patient, qui peut être plus ou moins importante,
➙ le niveau d’alliance et de coopération entre patient et thérapeute, qui lui
aussi peut être faible, moyen ou fort.
Précisons d’abord ce qui n’est pas une demande, notamment la plainte.

Nota : plainte n’est pas demande

Il est utile ici de rappeler d’abord qu’une plainte n’est pas une demande. Exprimer une
plainte est mieux que de souffrir en silence, et pour cela, au moins dans un premier
temps, il peut être utile de complimenter le patient pour le fait de se plaindre.
Pour autant, même si un tel compliment peut favoriser le passage de la plainte à la
demande d’aide, il est important de ne pas prendre une plainte pour une demande, au
risque de s’exposer à de sérieuses difficultés.

Steve de Shazer a défini trois types de relations que le patient peut établir avec
son thérapeute.

Du passant à l’acheteur : les niveaux de relation entre patient


"

et thérapeute

Le passant

Résister à des pulsions thérapeutiques exagérées


Le premier niveau est celui du « passant », encore appelé « visiteur », ou même
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

(mais nous évitons cette appellation, très susceptible d’être connotée négative-
ment) « touriste ».
Pour reprendre la métaphore du marché, le passant regarde les étalages, mais
n’achète rien. Pour le domaine qui est le nôtre, nous dirions qu’il ne choisit pas.
Il regarde les propositions, les examine. Il est, pour utiliser la classification de
Prochaska et al. (1992) dans un stade précontemplatif.
« Cette relation existe lorsque, la séance terminée, le thérapeute et le client
n’ont pas conjointement identifié une demande ou un objectif sur lequel travailler
pendant le traitement. En outre, le client peut signaler que, soit il n’existe pas
de problème nécessitant un traitement, soit le problème appartient à quelqu’un
d’autre. Aussi, dans une relation de type visiteur, le client trouve rarement quelque
motif que ce soit à changer, et encore moins de suivre une thérapie. Le thérapeute
accepte l’idée selon laquelle il n’y a peut-être pas de problème qui exige une

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88
L’ HYPNOSE

Tableau 3.1. Les niveaux de demande

Niveau de demande Critères Actions possibles du thérapeute

Opposition. Non-intervention.
Non volontaire
Ou plainte seule. Ou compliment.

Passant (visiteur) Pas de demande ou d’objectif sur lequel travailler. Compliment.

Le thérapeute et le patient : Compliment


! sont conjointement capables d’identifier un objectif ou une demande pour Tâche de réflexion ou d’observation
CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Demandeur le traitement, uniquement


! mais n’ont pas été capables d’identifier les étapes concrètes que le patient
doit entreprendre pour amener une solution.

Une demande ou un objectif a été conjointement identifié par le patient Compliments.


et le thérapeute. Tâches.
Le patient indique :
! qu’il se considère comme faisant partie de la solution et qu’il est prêt à faire
quelque chose en ce concerne le problème.
Acheteur (expert)
Le thérapeute :
! est d’accord pour travailler avec le patient sur la demande ou l’objectif
identifié, et
! croit avoir la capacité de le diriger vers la découverte d’une solution
ou la réalisation de son objectif.
“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 88 — #104

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Niveau 2 89

thérapie, mais reste prêt à aider le client à déterminer si, en fait, il y a quelque
chose d’autre sur lequel il aimerait travailler » (Berg et Miller, 1992).

Avec patient de type « passant », il y a juste à faire, autant que possible, des
compliments.
Le patient qui est simplement visiteur pourra donc être complimenté d’avoir fait
l’effort d’être venu, d’avoir répondu à des questions dont certaines peuvent être
considérées comme difficiles, d’avoir pris le temps de bien choisir ses mots avec
précision, etc.
Il ne faudra par contre pas lui prescrire de tâches, car il ne sera pas disposé à
les faire. Il risquerait sinon de résister, et l’approche orientée solutions essaie
d’éviter de susciter de la résistance (de Shazer, 1984).
Ainsi, il y a besoin d’être plus prudent avec ces patients. Le thérapeute doit
résister à ses éventuelles pulsions thérapeutiques qui peuvent lui faire croire à
tort que le patient est vraiment demandeur.
Les patients étant dans des positions relationnelles de « passants » sont vrai-
ment à considérer, même si cela est peu valorisant pour le thérapeute, comme
des personnes qui viennent voir ce que le thérapeute propose. Si leur curiosité
est forte, leur apparent intérêt peut assez facilement piéger le thérapeute en
faisant croire à celui-ci, généralement involontairement, qu’ils sont vraiment
demandeurs d’un changement alors que ce n’est pas encore le cas, en tout cas
pour l’instant. Si le thérapeute tombe dans le piège, il risque de susciter une
résistance s’il intervient trop et demande au patient de s’impliquer.
Il est bien évident pour nous, y compris pour des raisons éthiques, que nous ne
devons pas désirer un changement à la place de nos patients, et qu’il nous faut
ainsi nous abstenir lorsque le patient vient nous voir contre sa volonté. Pour
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

autant, la philosophie de l’orientation solutions est quand même de tenter d’être


utile, au moins un peu, dans la mesure de nos possibilités, aux personnes que
nous voyons. Cela peut être particulièrement justifiable lorsque nous voyons des
personnes mettre leur santé en danger par des comportements nocifs (addictions,
notamment).
Une nécessité pour que ce type de tentative puisse fonctionner est que le
thérapeute ne se montre pas plus affecté par les comportements problématiques
que ne l’est le patient. Sinon, comme ont pu le dire Berg et Miller (1992), le
thérapeute peut devenir « acheteur » de ses propres services, avec un potentiel
patient ne se sentant pas concerné.
En pratique, il s’agit donc pour le thérapeute :

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90 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

➙ de savoir s’abstenir de toute intervention dans certains cas,


➙ de tenter des interventions minimales, presque pour jouer, dans d’autres cas.
Ces interventions minimales sont essentiellement des compliments, au sens
large du terme en tout cas (marque d’intérêt, comportements d’intérêt pour
les éventuelles compétences ou valeurs que montre le patient, approbation
pour tout ce qui peut être approuvable). Même si le thérapeute a le sentiment,
à la fin de son intervention, que les choses ont fonctionné, il ne doit pas
proposer de rendez-vous, et montrer plutôt là de la réticence (par exemple
proposer au patient de prendre le temps de réfléchir et de rappeler plus tard
éventuellement) si le consultant lui demande de le revoir. Un tel comporte-
ment sera respectueux et plus susceptible, y compris dans la frustration qu’il
peut engendrer, de faire mûrir une demande.

Valoriser la résistance
On peut même, s’il n’y a pas encore d’objectifs clairs convenus avec le patient,
considérer que sa résistance est souhaitable. Cela peut même être renvoyé au
patient sous la forme d’un compliment :
« Je vois que vous êtes très réticent concernant ce que je suis en train de vous dire,
mais quand je prends le temps de réfléchir, je me dis que vous avez bien raison
puisque nous n’avons même pas encore convenu d’un objectif clair et réaliste pour
notre travail. Je vous félicite donc pour votre bon sens ! »

À plus forte raison, et comme nous l’avons dit, il n’est pas pertinent de prescrire
une tâche à ces patients avec lesquels, pour la même raison que celle que
nous venons d’évoquer, il n’a pas encore été convenu d’objectifs pour le travail
thérapeutique. C’est-à-dire, pour le dire autrement, avec lesquels qu’il n’y a pas
eu d’objectif thérapeutique de validé, d’accepté par le thérapeute.

Travailler la motivation
Dans de tels cas en effet, le patient n’a pas encore montré qu’il était prêt à
faire de son mieux pour atteindre l’objectif. Et c’est donc le rôle du thérapeute
que d’être protecteur devant le risque d’échec et de déception. Il s’agit de
professionnalisme de la part du thérapeute, ce qui génère chez les patients une
impression d’honnêteté habituellement très appréciée : « Vous au moins vous
êtes honnête ! »
On peut revenir ici sur l’intérêt des échelles de motivation :
« Sur une échelle de 1 à 10 où :
– 1 représente le fait que vous êtes juste prêt à prendre des médicaments et

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Niveau 2 91

– 10 représente le fait que vous êtes prêt à faire tous les efforts imaginables par vous,
à combien se situe votre motivation ? »

Cette question à échelle (nous en verrons d’autres du même type ultérieurement,


car elles sont très utilisées dans l’orientation solutions) est très utile pour que le
thérapeute, et aussi le patient, puisse évaluer la faisabilité d’atteindre l’objectif
que le patient demande.
Un chiffre de motivation inférieur à 7 laisse penser que l’objectif doit être
redéfini.
Ajoutons à cela que le meilleur outil du thérapeute orienté solutions reste,
comme c’est le cas en hypnose, son corps, c’est-à-dire son ressenti. Celui-ci
peut s’exprimer déjà sous forme de sensations : sensation plutôt désagréable
d’impossibilité, qui peut générer une sorte de tristesse ou de poids, ou à l’inverse
des sensations plutôt agréables de possibilités, de légèreté.
Ce ressenti peut aller jusqu’à celui de sentiments vraiment pénibles d’impuis-
sance, ou au contraire, de sentiments agréables d’enthousiasme créatif et de
perspectives de joie concernant le futur de la thérapie.
Si le thérapeute travaille d’une manière adaptée en tenant compte des caracté-
ristiques relationnelles de ce type de patients, ceux-ci vont se sentir respectés
et leur motivation à changer peut être amenée à augmenter en cas de com-
portements nocifs pour leur santé (addictions, agressivité relationnelle, colères
intempestives, etc.).
Nous reviendrons ultérieurement sur cette perspective phénoménologique en
évoquant un auteur qui a été influent sur François Roustang, éminente figure de
l’hypnose : le philosophe Michel Henry.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Parfois, le thérapeute peut trouver l’« acheteur caché »


« L’idée de l’acheteur "caché" est que, alors que les clients ne sont peut-être
pas initialement des acheteurs avec lesquels on traitera le problème pour lequel
ils ont été envoyés, ils sont éventuellement des acheteurs pour autre chose. Il
s’agit d’accepter la conception que le client a du problème ou ce qu’il aimerait
atteindre en thérapie, ce qui encourage la coopération et facilite ainsi les progrès
dans le sens des objectifs thérapeutiques » (Berg et Miller, 1992).

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92 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Parfois le thérapeute peut trouver l’« autre acheteur »


Dans de nombreuses situations de relations visiteurs, le patient est peu ou pas
motivé. Il a été envoyé par un proche (conjoint très souvent, parfois médecin
traitant, ou, pour les adolescents, ses parents, ou un ami, etc.).
Il peut être pertinent dans certains cas de demander au patient quel changement
la personne qui l’envoie souhaiterait. Il y a alors à examiner si, une fois le
changement effectué, le patient peut avoir une meilleure vie ou non. Et dans le
premier cas, travailler avec ce type d’objectifs.
Dans d’autres cas, il peut être mieux de rencontrer la personne qui est à l’origine
de la demande, afin de l’interroger directement sur ce qu’elle aimerait voir
changer. Le but est alors souvent que cette personne à l’origine de la demande,
en venant consulter :
➙ puisse favoriser la coopération avec le patient ;
➙ et/ou puisse s’impliquer dans le travail thérapeutique.
Comme on l’a compris, l’approche orientée solutions a particulièrement étudié la
possibilité de travailler avec des patients initialement non-demandeurs.
Le tableau 3.2 récapitule les questions à poser aux patients non demandeurs.
En conclusion :
« L’erreur la plus répandue est de prendre une relation de type visiteur pour une
relation de type demandeur ou acheteur » (Berg et Miller, 1992).

L’acheteur

Le niveau optimal est celui du passant qui s’arrête, examine, compare et choi-
sit : dans une optique commerciale, nous dirions qu’il devient un « client », un
« acheteur ».
C’est ce deuxième niveau de relations qui est visé dans l’approche orientée
solutions.
« Une relation de type acheteur existe lorsque, pendant la séance de thérapie,
une demande ou un objectif a été conjointement identifié(e) par le client et le
thérapeute, et que, de plus, le client indique qu’il se considère comme faisant
partie de la solution et qu’il est prêt à faire quelque chose en ce qui concerne le
problème. Le thérapeute est d’accord pour travailler avec lui sur la demande ou
l’objectif identifié(e), et croit avoir la capacité de le diriger vers la découverte
d’une solution ou la réalisation de son objectif » (Berg et Miller, 1992).
À un patient de type « acheteur », il y a lieu de proposer des tâches qui sont
des comportements concrets.

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Niveau 2 93

Tableau 3.2. Les questions à poser aux patients non demandeurs qui sont adressés

Questions sur la genèse de la démarche

« Qui a eu l’idée de cette consultation ? »


« Qui vous a dit de venir me voir ? »
« Qu’est-ce qui fait croire à... que vous avez besoin de venir me voir ? »
« Qu’est-ce qui fait penser à... que vous avez un problème ? »

Questions de construction d’objectifs

« Qu’est-ce qui doit se passer pour que... pense que votre problème aura diminué au moins
un peu ? »
« Pour que... pense que vous allez mieux ? »
« Pour que... oublie de continuer à vous dire de venir me voir ? »

Question pour définir un objectif comportemental précis

« Qu’est-ce que... devra-vous voir faire autrement pour ne plus penser que vous avez besoin
de moi ? »

Questions pour rechercher une exception

« Quand avez-vous fait ça la dernière fois ? Même au moins un peu ? »


« Comment avez-vous fait ? »
« Vous pouvez fermer les yeux si ça vous aide à vous en rappeler... comme de le revivre pour
retrouver les détails... ou même comme si vous le viviez pour la première fois... »
« Et imaginez que... soit là, que voit-il(elle) de différent ? »

Questions d’identification d’une tâche et de travail motivationnel

« Où et quand pourriez-vous refaire cela ? »


« Si... vous voir refaire cela comment réagira-t-il(elle) ? »
« Et qu’est-ce que cela changera pour vous alors ? »
« Et que ressentirez-vous ? »
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le demandeur

De Shazer a énoncé un niveau intermédiaire, celui de demandeur. Le demandeur


est motivé pour travailler sur lui-même, mais, à la différence de l’acheteur, il ne
se voit pas encore impliqué dans la mise en œuvre de solutions.
« Ce genre de relation existe lorsque, durant la séance, le thérapeute et le client
sont conjointement capables d’identifier un objectif ou une demande pour le
traitement, mais n’ont pas été capables d’identifier les étapes concrètes que le
client doit entreprendre pour amener une solution. Les clients qui sont dans une
relation de type demandeur sont capables de décrire leur demande ainsi que leur
objectif dans les moindres détails. Toutefois, ils peuvent avoir du mal à se voir
comme étant eux-mêmes une partie de la solution ; en fait, ils croient souvent

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94 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

que l’unique solution est qu’une personne, autre qu’eux-mêmes, change. Dans la
relation de demandeur, le thérapeute accepte d’aller plus loin avec le client dans
l’exploration de la demande ou de l’objectif, et de le faire d’une manière qui favorise
l’émergence d’une perspective nouvelle qui pourrait mener à une solution » (Berg
et Miller, 1992).

Avec un patient de type « demandeur », il ne sera possible, outre de le compli-


menter, que de lui prescrire des tâches d’observation et de réflexion.
Lorsque le patient est dans une relation de type demandeur, les perspectives
d’intervention pour le thérapeute s’élargissent. Le patient montre qu’il est réelle-
ment motivé pour aller mieux, même si cet « aller mieux » n’est pas encore bien
défini. Il émane de lui une impression d’envie, de désir, et aussi de responsabilité
qu’il s’attribue pour faire en sorte que la relation d’aide (thérapie) réussisse. Le
thérapeute ne sent pas de poids particulier, car il ressent bien que le patient
accepte la responsabilité d’une bonne partie du travail de changement, et que
les objectifs demandés semblent a priori atteignables.
Ce type de relation permet donc :
! des compliments plus consistants et conséquents, puisqu’il reflète une impli-
cation du patient plus importante que dans la relation de type passant ; que
ce soient des compliments en cours de séance ou des compliments de fin de
séance. Le récapitulatif peut donc être plus consistant, et aussi ce qui est dit
par le thérapeute sur ses ressentis et ses impressions ;
! que le thérapeute s’autorise plus facilement la prescription de tâches s’il a
l’impression d’avoir des idées pertinentes dans ce domaine, et si ce n’est pas
le cas il pourra travailler davantage avec le patient pour :
➙ soit lui demander s’il a des idées de tâches,
➙ soit lui prescrire des tâches standards comme la tâche standard de fin de
première séance (TSFPS).

Remarques

De même que dans l’approche de Prochaska et al. (1992), l’intervenant orienté solutions
s’efforce de faire passer le niveau de relation d’un degré au degré suivant, afin d’amener
progressivement le patient au niveau acheteur.
La situation de proposer au patient de créer lui-même ses solutions n’intervient donc
généralement pas d’emblée. Et une erreur fréquente est d’imaginer trop rapidement un
niveau de demande qui n’est pas encore atteint.

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Niveau 2 95

Les traitements en une séance


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Dans certains cas, il est tout à fait envisageable de faire des thérapies en une
seule séance, dans le même esprit que les hypnothérapies pratiquées dans ce
format de séance unique (Lankton et al., 1994). De telles démarches peuvent
être particulièrement envisagées, même si nous verrons ultérieurement d’autres
situations, dans lesquelles le patient prend conscience, réalise qu’il est déjà dans
une dynamique solidement positive qui lui fait ressentir qu’il a presque atteint
ses objectifs. Ce sera a fortiori le cas dans des situations où le patient, lors du
travail de questionnement et de compliments faits par le thérapeute, va se rendre
compte qu’il a déjà atteint l’objectif demandé, ce qui n’est pas si inhabituel !
Les autres cas, dont nous reparlerons, concernent les situations où il s’est produit
lors de la séance suffisamment de phénomènes hypnotiques pour envisager que le
patient a pu expérimenter un vécu suffisamment riche pour que ses compétences
soient activées ; l’« oubli » (nous mettons ce terme entre guillemets, car ce n’est
pas véritablement un oubli pour le thérapeute qui ne trouve pas cela pertinent
de le faire) de donner un prochain rendez-vous peut alors être tout à fait adapté
au désir de renforcer l’effet thérapeutique de la séance.
Enfin, des interventions avec séance unique peuvent avoir lieu dans un cer-
tain nombre de cas, que nous ne détaillerons pas pour l’instant, car ils sont
minoritaires :
! il peut s’agir d’une séance lors de laquelle le patient s’est rendu compte qu’il
avait déjà atteint son objectif,
! ou alors d’une séance où une solution s’est construite pour lui avec un très
bon niveau de confiance dans cette solution,
ou enfin du cas où la disponibilité limitée du thérapeute et le fait qu’il exerce
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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seul font qu’il ne peut donc pas être remplacé lors d’une séance ultérieure.

Nous ne mentionnerons pas ici les situations où le patient ne peut pas revenir, à
une époque où les visioconférences se sont beaucoup développées et rendent
possible dans tous les cas une séance ultérieure.
Mais comme le précise de Shazer :
« Une fois que les clients sont assurés que l’objectif a été atteint et que les chan-
gements inhérents à cet objectif vont probablement se poursuivre, les thérapeutes
et les clients savent qu’ils peuvent arrêter de se voir » (de Shazer, 1991).

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96 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

H YPNOSE OU PAS HYPNOSE ?

La question d’utiliser ou non l’hypnose, et, en cas de réponse affirmative, de


déterminer jusqu’à quel point on l’utilise, est délicate.

Quand le patient la demande


"

Une bonne raison d’utiliser l’hypnose est le fait que le patient la demande.
Cette raison n’est pas forcément suffisante, puisque l’hypnose n’est pas toujours
indiquée, et peut même être, toujours de façon relative, contre-indiquée.
Parfois, de plus, le thérapeute ne voit pas la nécessité de l’hypnose.
Généralement ce que demande le patient est surtout un résultat et non une
technique, et il faut partir de cette hypothèse. Si l’on veut s’en assurer, on peut
demander :
« Ce qui est le plus important pour vous c’est d’utiliser l’hypnose, ou c’est avoir un
résultat ? »

Ceci permet parfois de mettre en évidence que le patient souhaite avant tout
découvrir l’hypnose.
Parfois aussi, même s’il ne le dit généralement pas, il veut vérifier qu’il est hyp-
notisable, peut-être dans la perspective d’une intervention chirurgicale future,
ou en dentisterie.
La transe hypnotique est connue pour approfondir l’effet des suggestions théra-
peutiques. Cet approfondissement n’est pas toujours nécessaire, mais quand le
patient le souhaite, la règle habituelle est de lui proposer de l’hypnose.
Parfois aussi le patient, même s’il la souhaite, peut avoir peur de l’hypnose.
L’attitude est alors de comprendre de quelle peur il s’agit, et :
! soit de donner de l’information, comme c’est souvent le cas, afin de préciser
que l’hypnose n’est pas du sommeil et que l’on ne perd pas conscience ;
! soit d’approuver le patient si sa peur semble assez ancrée :

« Si vous pensez que vous allez perdre votre libre arbitre avec l’hypnose, vous avez
vraiment raison d’avoir peur de l’hypnose et je ne peux que vous approuver ! »

Il peut également être utile de demander au patient comment il se représente


l’hypnose, afin à la fois de l’informer sur notre propre pratique (par exemple
lui dire, comme c’est mon cas, que je ne pratique pas l’hypnose en position

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Niveau 2 97

allongée), et aussi de tenir compte, autant que possible, de ses représentations


concernant l’hypnose.
Le patient étant informé, il sera plus aisé d’introduire l’hypnose dans la pratique
orientée solutions. On pourra le faire par petites touches, au moins au début,
ou sans spécialement se limiter si le patient s’avère ouvert à des expériences
inhabituelles.
Habituellement, notamment en hypnose éricksonienne, on considère que le
thérapeute s’adresse alternativement pendant la séance à l’esprit conscient du
patient et à son esprit inconscient. La méthodologie de l’orientation solutions,
comme nous espérons l’avoir montré, est très rationnelle, très logique. Cet
aspect rationnel et logique est rassurant pour les patients méfiants vis-à-vis
de l’hypnose.

L’hypnose comme moyen de « faire autre chose »


"

En reprenant le principe numéro 3 de l’orientation solutions (« Si ça ne marche


pas, arrêter et faire autre chose »), on peut considérer le recours à l’hypnose
comme répondant à ce cadre. Si la mise en œuvre de la méthodologie de l’orien-
tation solutions, pourtant bien menée, n’apporte pas les solutions attendues, on
peut considérer que l’hypnose est une façon de faire autre chose.
Une des définitions de l’hypnose d’Erickson était d’ailleurs : « une expérience
que le patient n’a pas l’habitude de faire et qu’il est d’accord pour faire ».
Effectivement, la modification de l’état de conscience (la transe) permet au
patient de vivre « autre chose ». Quittant ses repères habituels, notamment la
relation à son environnement et sa relation au temps, il peut expérimenter ce
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

qu’il veut, en toute liberté et sans risque. Et cette expérimentation, tout en


étant imaginaire, est corporelle. C’est un des mystères de l’hypnose.
L’orientation solutions repose beaucoup sur les jeux de langage verbaux. L’hyp-
nose, elle, s’oriente davantage vers le travail corporel, considérant le corps
comme porteur de solutions. Le corps ou, si on le nomme autrement, l’incons-
cient corporel, l’esprit inconscient ou la partie inconsciente de l’esprit, la sagesse
intérieure, la vie...
Par exemple, parmi une infinité de possibilités – et nous n’entrerons pas dans ces
détails, ayant déjà abordé le sujet dans d’autres ouvrages (Servillat, 2017) –, on
peut imaginer que la respiration est une instance soignante et qui peut apporter
des solutions.

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98 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Le fait de confier à une fonction permanente de notre personne, comme la


respiration, le rôle de trouver des solutions à une difficulté peut aussi constituer
une excellente réponse pour arrêter ce qui ne marche pas, et lâcher prise, dans
le sens d’accepter l’impuissance des efforts conscients habituels à solutionner
un problème.
Considérée comme cela, l’hypnose représente par excellence le « faire autre
chose » du troisième principe.
On pourrait en dire autant de beaucoup d’autres approches reposant sur la
transe : yoga, méditation, taoïsme, différentes formes de bouddhisme (tibé-
tain, zen, etc.), voire d’autres méthodes thérapeutiques respectables parmi les
innombrables approches créées depuis ces dernières décennies.

Importance de l’« esprit conscient »


"

D’autre part, il semble actuellement considéré comme utile de s’adresser aussi à


l’esprit conscient en hypnose (Erickson-Klein, 2017 ; Gilligan, 2015). Les solu-
tionnistes ont eux-mêmes intégré beaucoup d’approches hypnotiques dans leurs
interventions, et il est tout à fait possible, pour un praticien formé à l’hypnose,
d’adjoindre créativement toute intervention hypnotique qu’il peut trouver utile
pour son patient.
Si l’orientation solutions ne s’intéresse pas officiellement à l’hypnose, elle la
pratique sans le dire, et de toute manière, elle l’accueille volontiers.

Tableau 3.3. Les différentes situations pour guider l’usage de l’hypnose

Niveau de relation
Utilisation possible de l’hypnose
patient thérapeute

Pas de demande Si possible compliment (minimal) ou rien.

Passant Éventuellement hypnose de découverte, et si possible compliment.

Hypnose active, compliment, éventuellement tâche de réflexion


Demandeur
et/ou d’observation.

Hypnose avancée, compliments, tâches actives


Acheteur
(dont autohypnose).

Hypnose et autohypnose, compliment et autocompliment,


Expert
autotâches.

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Niveau 2 99

L’humour
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Un autre aspect de l’hypnose est l’utilisation de l’humour. Alors que de Shazer


décrivait le travail orienté solutions comme des « conversations sérieuses »
(de Shazer, 1991), nous considérons, avec Bateson, que si l’imagination sans
la rigueur est futile, la rigueur sans imagination est stérile (Bateson, 1981).
Dans notre conception assez large de l’hypnose, nous pensons même que les
moments d’humour, par la collision de registres qui habituellement n’ont rien à
voir l’un avec l’autre (Koestler, 1964), sont des moments créatifs (Rossi, 2009).
Ils correspondent habituellement à une forme de transe hypnotique, le plus
souvent brève et légère, mais une transe hypnotique quand même.

Quand le compliment peut donner lieu à une séance


"

d’hypnose : l’hypnose orientée solutions

Avec ce que nous venons de voir déjà, il est possible de regarder maintenant
comment l’hypnose peut être développée de manière relativement facile avec de
nombreux patients.

Détermination d’objectifs, constructions d’exceptions imaginaires


et de solutions

Nous avons déjà vu que la détermination d’un objectif peut résulter de certaines
réponses aux questions posées, concernant particulièrement les exceptions :
« Cela vous paraîtrait-il intéressant de pouvoir revivre d’autres moments comparables
à celui-là ? »
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ce type de question peut déjà induire un fonctionnement hypnotique :


« Imaginez que vous ayez plus souvent des moments comme celui-là, qu’est-ce que
cela pourra changer dans votre vie ? »

De tels états de conscience, induits par ce type de question, peuvent donner


lieu à une activation de l’imagination des patients, ceux-ci pouvant commencer
une sorte de « voyage de conscience ».
On peut favoriser un tel voyage en proposant au patient de fermer les yeux s’il
le souhaite.
Un tel moment créatif peut aboutir à ce que le patient imagine d’autres excep-
tions, imagine des solutions, ou des objectifs utiles pour lui.

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100 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Comme en hypnose, le patient peut avoir le choix (un choix de plus !) d’en parler
au fur et à mesure, ou de préférer en parler après, ou même de garder pour soi
une partie ou la totalité de son expérience.

Autres idées hypnotiques

On peut proposer aux patients d’autres types d’expériences imaginaires.


Notamment :
➙ ce que le changement pourra provoquer chez des personnes de l’entourage ;
➙ ce que le changement pourra modifier dans l’estime que le patient aura de
lui-même ;
➙ et aussi dans l’image qu’il aura de lui-même
➙ et aussi dans la confiance qu’il aura en lui-même
➙ et aussi, dans une perspective circulaire, ce que ces changements (concernant
l’entourage, l’estime de soi, l’image de soi, la confiance en soi) susciteront
chez lui comme changements.

Régression sur des exceptions

La recherche d’exceptions, elle aussi, peut donner lieu à une séance d’hypnose
conversationnelle ou formelle. Le fait de proposer au patient de régresser vers
un moment d’exception qui a du sens pour lui, ce sens pouvant être simplement
un jeu « à la Sherlock Holmes » afin de détecter tout ce qui peut être différent
pendant un tel moment, peut être tout à fait pertinent.
Ceci afin que le patient :
➙ revive (il s’agit alors d’une remémoration et non réellement d’une régression),
➙ ou vive comme si c’était la première fois (véritable régression hypnotique) le
moment d’exception.

La séance peut alors être complétée en proposant au patient :

« Et maintenant, vous pouvez demander à votre mémoire, à votre inconscient, de


vous communiquer un autre moment... ou plusieurs autres... maintenant ou plus tard...
durant votre sommeil ou pendant une pause dans votre travail... un autre moment où
les choses ont été différentes pour vous... »

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Niveau 2 101

Transformation du compliment en séance d’hypnose

Il est aussi possible de transformer le compliment en induction à une séance


d’hypnose, formelle ou conversationnelle.
Là encore, la pause va permettre cette élaboration.
Le récapitulatif peut jouer le rôle ici d’une sorte de yes set (séquence d’accepta-
tion), à laquelle le patient, qui va se sentir compris, va adhérer. Il va ensuite
vivre l’expression des sentiments et des impressions du thérapeute comme une
induction indirecte à « tourner son regard vers l’intérieur de lui-même » afin
d’examiner lui aussi ses émotions et ses ressentis.
C’est au moment où le thérapeute exprime ses idées sur les tâches que l’induction
hypnotique formelle peut être effectuée, la tâche devenant alors une tâche d’ima-
gination. Comme le suggère Erickson, le thérapeute exprime au patient, dans
son style personnel, une proposition d’expérience inhabituelle que ce dernier
peut avoir envie de faire.
Par exemple, après le récapitulatif et l’expression des sentiments et des émotions
du thérapeute, celui-ci peut suggérer :
« Et je me demande ce qui se passerait si vous aviez d’autres moments (exceptions)
que celui que vous venez de me décrire... ce que cela changerait dans votre vie... est-
ce que vous pourriez imaginer avoir d’autres moments comme celui que vous venez
de me décrire... avec les mêmes différences que celui-là... ou même avec d’autres
différences au moins aussi intéressantes... vérifiez que vous êtes bien installé pour
faire ce travail... vous pouvez fermer les yeux... ou les garder ouverts et fixer un point
devant vous, cela n’a pas d’importance... et vous aider aussi de votre respiration qui est
une sorte de tapis roulant vers votre imaginaire... votre inconscient... votre intelligence
corporelle ou votre moi profond... selon comment vous préférez l’appeler... c’est très
bien... vivez cette expérience à l’intérieur de vous-même, de manière protégée... en
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

hypnose tout est sécurisé... vivez et remarquez... notez ce qui est intéressant pour
vous... vous pouvez me parler maintenant ou préférer me parler tout à l’heure... votre
mémoire est là pour noter ce qui est intéressant pour vous... vivez votre voyage de
conscience, c’est très bien... »

Nous reviendrons dans le chapitre 4 sur une utilisation plus avancée de l’hypnose
dans l’orientation solutions.

Remarques sur la résistance

En relation d’aide et en thérapie, en continuité de la psychanalyse freudienne, la notion


de résistance reste souvent utilisée.
Erickson nous a montré comment il savait utiliser la résistance, et même l’encourager.
Cette manière de faire peut être extrêmement utile.

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102 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Les solutionnistes ont proposé une manière originale d’utiliser la résistance des patients :
« Nous nous sommes aperçus que le fait de considérer la non-réalisation (des tâches)
comme un message sur la manière que le client a de faire les choses (plutôt que comme
un signe de résistance) nous permettait de développer une relation de coopération avec
le client (de Shazer, 1985).

LA PHILOSOPHIE GÉNÉRALE : OUVRIR DES CHOIX

Prenons maintenant le temps d’approfondir l’esprit général de l’approche. Le


but est de rendre le patient compétent, expert, capable d’élaborer lui-même
ses solutions.
Le thérapeute est donc dans une position de non-savoir (not knowing attitude)
(Anderson et Goolishian, 1992).
La souffrance humaine est conçue dans cette approche comme résultant d’une
absence de choix. Cette conception est en accord avec les bases les plus clas-
siques de la psychiatrie française, particulièrement celles posées par Henry Ey
qui voyait la pathologie mentale comme une pathologie de la liberté (Ey et
Brisset, 1960). Dès qu’un patient ressent de nouveau une possibilité de choisir,
sa souffrance s’allège.
La posture du thérapeute est donc de faire le maximum pour ne jamais faire les
choix à la place du patient (Cabié et Isebaert, 1997). Une telle posture peut
être difficile à pratiquer. De nombreux patients résistent à s’engager dans un
choix. L’imagination du thérapeute est donc souvent sollicitée pour proposer au
patient des situations destinées à ce qu’il fasse lui-même des choix.
Comme nous l’avons vu dans le chapitre sur les objectifs, une des réponses princi-
pales à cette difficulté est d’établir avec le patient des objectifs thérapeutiques
limités, step by step, dans la continuité de ce qu’Erickson pratiquait souvent.
Des objectifs limités, et même minimalistes, diminuent la peur du patient de
s’engager dans des choix, dédramatisent l’acte de choisir, pour favoriser une
ambiance de bricolage le plus joyeux, c’est-à-dire le plus créatif, possible. Berg-
son (1919) disait effectivement que « nous trouvons que partout où il y a joie,
il y a création : plus riche est la création, plus profonde est la joie ».
Une autre situation est lorsque le patient essaie de mettre le thérapeute en
position d’expert, dans des situations où ce dernier ne peut pas l’être, ou pour-
rait l’être, mais où il ne semble pas souhaitable qu’il le soit. Ainsi, un patient
demande à S. de Shazer s’il y a un lien entre stress et ronflements : « Je ne
sais pas. J’espère que non » (de Shazer, 1991). On peut considérer ici qu’il n’est

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 103 — #119
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Niveau 2 103

pas utile de favoriser la construction d’un lien entre deux problèmes, que cela
risquerait de créer un problème plus important, moins facile à dissoudre. Le
patient peut choisir d’établir un lien entre les deux, mais ce choix n’est pas du
tout encouragé par le thérapeute.
Nous verrons aussi un autre outil, la prescription d’une tâche de prédiction
(cf. chap. 3, p. 125).
Malgré tous ces outils destinés à favoriser l’ouverture des choix, comme nous
l’avons dit, une telle pratique peut être difficile dans différents cas :
➙ lorsque le patient a un important manque de confiance en lui, qu’il a vécu
des échecs encore douloureux ;
➙ c’est le cas aussi dans des situations dépressives majeures ;
➙ lorsque le patient n’est pas véritablement demandeur d’aide (passant).
Nous verrons plus loin les deux premiers cas mentionnés.
L’éventail est le symbole de l’ouverture des choix ; il peut être utilisé avec
les patients.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Autre image d’éventail

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 104 — #120
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104 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

LA DEUXIÈME SÉANCE

Dans l’orientation solutions, la deuxième séance et les suivantes sont position-


nées de manière particulière.

Entame
"

Une question d’entame intéressante peut être :


« Qu’est-ce qu’il y a de changé chez vous ? »

Cette question est très suggestive, et en même temps elle est sécurisée :
➙ elle suggère qu’il y a eu des changements ;
➙ elle ne suggère pas qu’il y a eu des changements positifs, donc elle ne génère
pas a priori de résistance ;
➙ d’autant plus qu’elle peut se baser sur le fait que le non-changement n’existe
pas, qu’il y a toujours des variations, voire des exceptions, sauf preuve du
contraire, et elle est ouverte au fait que la preuve du contraire est possible.
Mais il peut être vraiment rentable de commencer la deuxième séance et les
suivantes par une question plus affirmative :
« Qu’est-ce qui va mieux ? »

En effet, des récits de stabilité (« C’est toujours pareil, il n’y a pas de change-
ment, cela ne va pas mieux... ») ne sont pas vraiment utiles.
Les récits de digressions (le patient aborde un sujet qui n’est pas en rapport
avec l’objectif et qui ne contient pas de solution) ne sont pas utiles non plus.
Et c’est le rôle du thérapeute que d’orienter le travail vers les solutions ;
« Qu’est-ce qui va mieux ? »
« Qu’est-ce qui a changé positivement depuis la dernière fois ? »

Ce sont les meilleures questions pour cela.

Écouter, mais pas trop


"

Bien sûr, si le patient décrit une aggravation, il est important de l’écouter pour
le maintien de l’alliance thérapeutique. De l’écouter au cas où il y aurait quand

! !

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! !

Niveau 2 105

même des germes de solution dans son récit. De l’écouter aussi suffisamment
pour tenir compte du fait qu’il peut penser que le thérapeute a besoin d’avoir
des descriptions du problème pour pouvoir faire son travail de thérapeute.
Mais dès que le patient comprend que le thérapeute n’a pas besoin de descrip-
tion du problème, ce dernier peut plus facilement interrompre les récits, non
seulement de stabilité, mais aussi d’aggravation, et faire gagner ainsi du temps
au patient.
D’ailleurs, en fonction de la façon dont le patient est rentré dans une relation thé-
rapeutique impliquante, le thérapeute peut s’affirmer encore davantage, et même
couper la parole pour éviter les domaines de répétition repérés chez le patient,
et/ou pour l’aider à s’absorber dans le travail de construction de solutions.
Là encore, il s’agit de discerner les moments où il est important d’écouter le
patient, et ceux où il est important de reposer du cadre pour subvenir aux
besoins du patient d’être aidé dans le travail thérapeutique, en fonction de
l’objectif convenu avec lui.

Questions d’explicitation
"

S’il y a des changements rapportés qui vont dans le sens de l’objectif, ou en tout
cas de la demande du patient, il y a lieu de complimenter le patient dans un
premier temps, puis de lui demander :
« Comment avez-vous fait cela ? »

Cette question a pour but de faire évoluer la description du patient, c’est-à-dire


de l’amener à évoquer le changement non plus comme quelque chose qui s’est
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

produit tout seul, mais comme un événement dont il est l’auteur et l’acteur.
S’il s’agit d’un changement comportemental, il est préconisé de maintenir cette
question même si le patient répond en ne s’attribuant pas de responsabilité dans
le changement (de Shazer, 1991).
S’il y a des améliorations rapportées, mais exprimées conceptuellement (« Je
suis plus tolérante ») il y a lieu de faire concrétiser le propos :
« Qu’est-ce que vous faites qui est plus tolérant ? »

Là encore, si ce type de démarche produit des solutions, il y a lieu d’utiliser


les outils existants pour créer de la différence, reformuler les objectifs, tester
la confiance du patient dans sa capacité à les maintenir et éventuellement

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106 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

utiliser d’autres échelles, prescrire des tâches pour renforcer la dynamique, et


complimenter le patient le plus possible.
Tout ce qui est rapporté en termes de changement doit être explicité :
« C’est différent ? »
« Quoi d’autre ? »
« Répétez-le ? »
« Que devez-vous faire pour rester sur la bonne voie ? » (Berg et Miller, 1992.)

Les buts de la seconde séance

Les buts de la seconde séance, ainsi que des suivantes, sont :


! déterminer, dans le but de bien organiser la suite, la durée entre les séances
fixées ; cette durée correspond au temps nécessaire pour que des progrès
puissent avoir lieu ;
! vérifier si ce que le thérapeute et le patient font lors de la séance précédente
est perçu par ce dernier comme utile, c’est-à-dire si cela lui a permis de
percevoir un progrès, ou pourra le mener à en percevoir un ;
! aider le patient à comprendre ce qu’il est en train de faire, ainsi que ce qui a
rendu les progrès possibles, cela de façon à pouvoir reproduire le processus ;
! voir si oui ou non les progrès ont conduit à un niveau de satisfaction permet-
tant d’envisager la fin de la thérapie ;
! et, finalement, lorsque le patient ne décrit aucune amélioration, empêcher le
thérapeute et le patient de continuer à faire quelque chose qui n’a pas marché,
et donc les pousser à faire quelque chose de différent (de Shazer, 1994).
Aussi, lors de la seconde séance, il est utile d’avoir à l’esprit les questions
suivantes :
« L’objectif initial était-il approprié ?
Est-ce que je travaille avec la bonne personne ?
À quel point le client est-il prêt d’atteindre son objectif ?
Quel serait le prochain signe de succès ?
Qui doit faire quoi quand ou comment pour avancer d’un pas vers l’objectif ?
Qu’est-ce qui doit être modifié ?
Qu’est-ce qui a été pareil ? » (Berg, 1994.)

En cas de difficulté, si aucun changement positif n’est rapporté, la stratégie


est d’essayer d’interviewer le patient sur ce qu’il a fait pour que les choses ne

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Niveau 2 107

s’aggravent pas, ne soient pas pires, et de le complimenter le plus possible, de


prescrire aussi des tâches, etc.
Les séances suivantes peuvent se poursuivre jusqu’à ce que le patient atteigne
un objectif avec un degré de confiance suffisant pour le maintenir.
En cas de difficultés :
! il peut être utile de faire venir des personnes de l’entourage afin de favoriser le
travail de recherche d’exception, de compliments, le travail avec les échelles,
et bien sûr la mise en œuvre de la question miracle ;
! il peut être utile de proposer l’hypnose afin d’utiliser l’état de transe pour
amplifier le travail de suggestion. Les choses peuvent être d’autant plus
facilement mises en œuvre que des membres de l’entourage sont présents à la
séance, ce qui favorise, comme Erickson a pu le montrer, les communications
multiniveaux, qui consistent à s’adresser à une personne afin que ce soit une
autre qui entende. Ce travail indirect est réputé contourner les résistances.
Ainsi, dans une famille, s’adresser à un adolescent pour que ce soient les
parents qui entendent. Ainsi, dans un couple, s’adresser à chaque conjoint
afin que ça soit l’autre qui entende.
Rappelons que l’on peut aussi faire venir hypnotiquement des personnes de
l’entourage en demandant au patient d’imaginer que telle ou telle personne, par
exemple son conjoint, est présente :
« S’il était là et si je lui demandais ce qu’il a remarqué de différent chez vous dans les
trois dernières semaines, qu’est-ce qu’il dirait ? »

Là encore, à chaque fois qu’une question est productive il y a à « miner le filon »


par la question :
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

« Quoi encore, qu’est-ce qu’il dirait encore ? »

Tout comportement nouveau doit être ratifié, validé :


« C’est quelque chose de nouveau ? »

Quand adresser le premier compliment ?


"

Lorsque le patient exprime quelque chose qui peut paraître un progrès, mais qui
n’est pas vraiment affirmé comme tel, se pose la question de la pertinence de
faire un premier compliment en cours de séance.

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108 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Nous rappelons la prudence qu’il convient d’avoir afin d’éviter le refus d’un
compliment de la part du patient.
Deux attitudes sont possibles :
➙ le thérapeute peut tester, par un compliment non verbal notamment, la dis-
position du patient à accepter un premier compliment. Et, en cas de refus de
celui-ci, il se montrera plus prudent ensuite ;
➙ il peut aussi en parler avec le patient pour avoir son avis, en le situant comme
expert :

« Je pense que ce que vous venez de me décrire correspond à une exception vraiment
intéressante et significative, qu’en pensez-vous ? Sauf si vous me dites que cela ne le
mérite pas, j’ai vraiment envie de vous féliciter ! »

Encore de la prudence !
"

Enfin, dans le cas où le patient qui s’était vu prescrire une tâche lors de la
première séance ne l’a pas faite, il sera pertinent de s’abstenir d’en prescrire à la
séance suivante.

L ES SITUATIONS PLUS DIFFICILES

Préambule : intérêt du travail en équipe


"

Ainsi qu’il est couramment admis dans le domaine des thérapies brèves et straté-
giques, le travail en équipe est encouragé lorsque la thérapie s’avère difficile.
Il y a deux modalités de travail en équipe :
! le dispositif classique utilisé dans les thérapies systémiques consiste à utiliser
une glace sans tain. Plusieurs observateurs peuvent ainsi suivre la séance sans
être vus (mais, pour des raisons éthiques, après qu’ils ont été présentés au
patient et que son accord a été recueilli). Le thérapeute pourra, au moment
de la pause, rejoindre les membres de l’équipe afin de discuter, de recueillir
leurs points de vue pour s’en servir lors de l’élaboration du compliment.
Dans de nombreux cas, il peut être très utile, car cela suscite davantage
d’émotions, que tous les membres de l’équipe viennent dire le compliment
dans la salle de thérapie. Un compliment qui peut être commun (lu par
un représentant du groupe), ou des compliments différents lus par chaque
thérapeute.

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Niveau 2 109

! dans la continuité d’Erickson, qui recevait souvent des collègues et qui les
faisait participer aux séances, il peut aussi être très pertinent de recevoir
le patient à plusieurs thérapeutes. Cela permet un effet dissociatif qui peut
favoriser le lâcher-prise du patient, si ce dernier se sent bien sûr en sécurité.
Cela permet aussi la communication multiniveaux, hypnotique, insérée de
façon naturelle dans la séance.
Enfin, en cas d’hypnose formelle, la présence d’un collègue formé et expéri-
menté en hypnose permet de pratiquer des inductions hypnotiques à deux
voix, souvent plus puissantes et plus riches qu’à une seule voix.

Distinguer les récits d’aggravation, de stabilité, de solutions


"

Les solutionnistes, lorsqu’ils étudient ce que le patient dit, distinguent techni-


quement trois types de séquences :
! des récits d’aggravation des difficultés,
! des récits de stabilité et/ou de digressions,
! des récits de progrès, de solutions.

Nous avons vu qu’il est important d’être attentif lorsqu’il y a des récits de
changement positif (c’est-à-dire qui vont dans le sens de l’objectif), des récits
de solutions, afin d’essayer le plus possible de les amplifier.
Dans d’autres cas, ce sont les récits de stabilité qui prédominent : « C’est toujours
pareil Docteur, il n’y a rien de changé. »
Dans d’autres cas encore, les choses vont de plus en plus mal, continuellement,
les récits d’aggravation prédominent.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Un certain nombre d’outils peuvent permettre de faciliter le changement positif.

Utiliser des questions particulières


"

Afin de faciliter des récits de changement, il peut être utile pour le thérapeute
de considérer les récits que le patient fait sous un angle positif, même s’il le fait
d’une façon intériorisée en respectant la souffrance du patient.
Ainsi une stabilité, même décrite de façon négative par le patient, doit pouvoir
être examinée par le thérapeute comme une mise en œuvre de ressources et de
compétences. Envisager les choses sous cet angle peut amener le thérapeute,
et aussi le patient, à détecter des ressources et des compétences qui passaient

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110 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

totalement inaperçues dans un premier temps. En pratique, le thérapeute doit


être prudent, envisager des questions du type :
« Je connais des personnes qui iraient encore moins bien avec ce que vous me décri-
vez, comment faites-vous pour quand même arriver à éviter que les choses continuent
et ne s’aggravent pas ? »

A fortiori, avec les récits de détérioration et d’aggravation, il y a lieu d’être


encore plus prudent, mais sans s’interdire d’oser, en fonction de ce qui est
possible :
« Je connais vraiment des personnes qui iraient encore plus mal compte tenu de ce
que vous me décrivez, comment faites-vous pour que les choses ne soient pas pires
encore ? »

Parfois, les patients disent qu’ils sont décidés à certaines choses (arrêter une
addiction, quitter un conjoint, etc.). Pour favoriser des différences concrètes,
des questions peuvent être utiles telles que :

« À quoi saurez-vous que ce sera vraiment le moment de traiter votre dépendance à


l’alcool ? »
« Qu’est-ce qui vous indiquera que vous devrez quitter vraiment votre mari ? »

Intervenir pour contenir les récits de problème


"

Le thérapeute doit faire le maximum pour éviter au patient de renforcer son


problème en le redécrivant, en éprouvant des émotions pénibles à le faire, etc.
Ceci peut être fait en l’interrompant et en prenant son relais :
« Ça a été vraiment une journée de merde ! »
« Vous avez encore beaucoup souffert. »

Il ne faut pas hésiter à le faire de façon un peu catégorique, cela peut susciter
chez le patient une protestation : « Non, la soirée s’est quand même bien passée,
j’ai même eu un moment agréable à regarder un film avec ma femme. »

Utiliser pleinement le compliment


"

Nous avons déjà dit qu’il existait des compliments en cours de séance, et des
compliments en fin de séance.

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Niveau 2 111

Compliments en cours de séance

Les compliments en cours de séance sont habituellement plus faciles à faire,


car ils peuvent s’intéresser à des choses souvent perçues comme minimes par
le patient. Ils consistent à pointer, à relever tout ce qui peut être positivé.
Au cours de la séance, il est possible de tester des interventions en termes de
tentative de compliments, ces tentatives pouvant échouer sans que cela soit
grave (même s’il ne faut pas trop échouer non plus, car cela risque de nuire à
l’alliance thérapeutique).
Examinons d’abord comment rendre un compliment optimalement efficace.
Le compliment est comme nous l’avons dit au centre des préoccupations du
thérapeute. C’est cette intervention, même si d’autres interventions (recherches
d’exceptions, questionnement sur ce qui est différent pendant celle-ci, etc.)
peuvent être très utiles, voire, dans certains cas, déterminantes pour contaminer
positivement la perception du problème.
En cours de séance, si le patient ne semble pas accorder suffisamment d’impor-
tance à des changements positifs, le thérapeute ne doit pas hésiter à pointer,
toujours respectueusement et sans en faire trop, les éléments qui lui semblent
positifs et de les faire valider par le patient. Comme pour toute prise de position
du thérapeute, celui-ci doit assumer ce qu’il dit :
« Même si vous ne semblez pas trouver important qu’il n’y ait pas eu de disputes avec
votre épouse depuis notre dernière séance, je me demande quand même dans quelle
mesure cela peut témoigner de choses différentes qu’elle a pu remarquer chez vous. »

Compliments de fin de séance


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mais c’est le compliment de fin de séance qui reste à notre avis le centre de
l’intervention orientée solutions.
En effet, dans l’hypnose, il y a deux principes centraux qui se conjuguent :
! utiliser au mieux les compétences, les points forts, du patient ;
! et pour cette utilisation optimale, ratifier au maximum ce qu’il fait. La ratifi-
cation est considérée comme le fait d’approuver et de féliciter le patient, et
éventuellement son entourage, pour tout ce qu’il fait de positif, notamment
quand c’est en rapport avec son objectif thérapeutique. Le compliment a un
effet hypnotique en lui-même : pendant qu’un patient reçoit un compliment,
il se dissocie habituellement en deux parties :
➙ une partie qui prend plaisir à recevoir les félicitations,

! !

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112 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

➙ une partie qui habituellement examine s’il va accepter celles-ci, en se


posant notamment des questions : « Le thérapeute est-il sincère ? », « Le
thérapeute n’essaie-t-il pas de me manipuler dans un autre but que thé-
rapeutique ? ». Certains patients éprouvent le besoin de vérifier, et il est
important de repérer ce besoin. Un certain nombre de ces patients vont
poser la question au thérapeute : « Qu’est-ce qui vous fait penser ça ? »
(D’où l’importance pour le thérapeute d’être sincère dans ses compliments.)
Certains patients ne vont pas oser demander, et il est alors important que
le thérapeute détaille le « pourquoi » des compliments qu’il fait :

« Vous avez osé répondre à votre mère, à votre employeur (etc.) et je trouve que
vraiment, vu ce que vous m’avez dit sur vos peurs à leur propos, vous avez été
courageux. »

C’est pourquoi le récapitulatif est utile, déjà pour le thérapeute, pour lancer son
compliment. Il lui permet d’essayer de se focaliser sur l’essentiel de ce qui s’est
passé pendant l’entretien, pour mieux savoir ce qu’il convient de valoriser chez
le patient, voire aussi d’identifier les tâches les plus pertinentes.
Cependant, comme nous l’avons dit, il ne faut pas se précipiter sur les tâches :
la deuxième partie du compliment, sur les émotions du thérapeute et sur ses
impressions, va pouvoir grandement contribuer à examiner la question des tâches,
y compris en amenant le thérapeute à considérer que ces dernières ne sont pas
utiles. Ceci est particulièrement le cas quand le thérapeute a beaucoup de choses
à dire concernant ses émotions et ses ressentis. Cela peut aboutir à ce que cela
fasse prescrire trop de tâches.
Les fondateurs de l’approche centrée solutions préconisaient de dire le compli-
ment sur un mode hypnotique, et nous reprendrons évidemment leurs conseils :
! d’abord, parler suffisamment lentement et distinctement,
! ne pas hésiter à lire un compliment écrit. Particulièrement dans les situations
de psychothérapie, mais éventuellement aussi dans d’autres contextes (méde-
cine, soins infirmiers, etc.), Même si, dans ces derniers cas, cela peut être
l’unique fois que cela est fait, pour créer de l’étonnement, capter l’intérêt :

« Compte tenu de ce que vous m’avez dit, de ce que je crois comprendre, aujourd’hui
j’ai pris le temps de réfléchir et de noter un petit texte que je vais vous lire. »

! être attentif à la façon dont le soignant qui lit le compliment se tient et se


comporte. Il est important de croiser suffisamment le regard du patient pour
qu’il voie notre sincérité, pour qu’il ressente que nous assumons ce que nous

! !

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Niveau 2 113

disons, et même que nous le soutenons. Cela est particulièrement important


dans la phase finale, lorsque le thérapeute exprime ce qui l’a touché, ému.
! dans la partie consacrée aux tâches, il est plutôt conseillé de paraître un peu
détaché, pour éviter une position haute. À la différence des approches stra-
tégiques orientées problème (Palo Alto, Nardone), le thérapeute ne se situe
pas en position de conviction sur la tâche qu’il prescrit. Dans une optique
hypnotique proche de l’approche éricksonienne, voire semblable à celle-ci,
sauf exception (Erickson pouvait se montrer parfois très directif), le théra-
peute se montre comme modeste, voire faillible. Cette attitude va favoriser
alors la mise au travail du patient, au besoin en créant une sorte de frustra-
tion : « Le thérapeute ne m’a pas dit quoi faire, il ne m’a dit que des belles
paroles. » La colère peut même être utile, comme Erickson a pu le montrer
(Servillat, 2021).

Pour le dire autrement, en aucun cas le thérapeute ne doit s’imposer de trouver


la tâche adéquate. Comme en hypnose, le thérapeute ne se sent pas investi par
la mission d’aider le patient en lui disant la solution. Nous savons qu’une telle
mission ne donne pas de résultats (ou alors nous sommes dans un contexte de
thérapie stratégique, avec une méthodologie spécifique d’analyse du problème
et une recherche de solutions qui est en rapport avec cette analyse).

Garder une vision large de ce qu’est un compliment

Revenons aussi sur les compliments en cours de séance, et sur le sens élargi
avec lequel il faut les comprendre et les pratiquer. Toute marque d’intérêt de
la part du thérapeute est, nous le redisons, considérée comme un compliment.
Y compris le fait d’écrire, de prendre des notes. Dans ce sens large, il importe
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

vraiment de complimenter à chaque fois que c’est possible :


! en montrant une marque d’intérêt : regard, hochement de tête suffisamment
discret, manifestations vocales suffisamment discrètes (« hum hum »), prise
de notes ;
! en montrant un certain enthousiasme communicatif (selon le style du théra-
peute) :

« Waouh !! » ;
(Applaudissements) ;
(Le thérapeute peut se lever pour exulter).

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114 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Montrer ces signes peut être plus facile avec les patients que le thérapeute a
vus plusieurs fois, qu’il a connus en phase de dévalorisation, ayant exprimé le
sentiment d’être démunis et découragés.
Progressivement cependant, les thérapeutes qui pratiquent ces techniques le
font de plus en plus aisément et volontiers.

Transformer le compliment en séance d’hypnose

Comme nous l’avons dit, le compliment peut, s’il reste du temps, être un moment
très hypnotique où une induction peut être effectuée en quittant la forme de
base de terminaison de la séance. Cette induction peut être formelle ou conver-
sationnelle, et la séance va mettre en scénario les éléments identifiés avant
la pause.
Les formes en sont multiples :
! celle d’une anecdote :

« Ce que vous avez décrit avoir vécu la semaine dernière me rappelle un patient et qui
vivait un problème assez différent du vôtre, mais avec quelques points communs. »

! technique éricksonienne de « mon ami John » :

« Ça me rappelle un ami avec lequel j’avais l’habitude de... »

! communication par le thérapeute d’un phénomène de transe le concernant :

« En vous écoutant, cela m’a fait penser à un film que j’ai vu hier soir avec ma femme
(donner le titre du film), je ne sais pas si vous l’avez vu... au milieu du film il y a une
scène assez particulière... le moment où le héros ... (dans le cas où le patient exprime
quelque chose à ce sujet) c’est cela ! Exactement ! »

! bien évidemment une transe formelle, surtout si le patient vient pour faire de
l’hypnose, une transe qui va utiliser ce que l’on sait du patient pour prendre
en charge ses besoins, tels que ceux-ci ont été identifiés par le thérapeute et
le patient préalablement.
Notons que lorsque l’hypnose est mise en œuvre à partir du compliment, il n’est
pas forcément utile de poser la question habituelle : « Quand est-ce que vous
pensez utile qu’on se revoie ? » Il y a lieu plutôt de tenir compte de ce qui vient
de se passer et de ce que le thérapeute ressent pour adopter l’attitude qui lui
paraît pertinente. Y compris, à moins qu’il y ait lieu de prévoir un rendez-vous
pour des questions techniques médicales ou paramédicales, d’interrompre la

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Niveau 2 115

séance dès le réveil du patient et éventuellement le débriefing si celui-ci est


souhaité par le patient.
Une fois ces précisions sur le compliment posées, il devient plus facile d’aborder
les autres points possibles de difficultés, et les outils pour y remédier.

Les questions à échelle : pour créer de la différence


"

Fréquemment, les patients peinent à identifier les différences qui existent dans
leur vie. C’est souvent le cas chez les patients dépressifs, qui vivent des processus
de surgénéralisation leur faisant dire : « C’est tout le temps pareil, c’est comme
d’habitude, rien ne change. » De même, les patients douloureux chroniques
expriment souvent que « tout est gris » dans leur vie. Il va donc y avoir dans
ces cas besoin d’outils susceptibles de les aider à identifier des différences qui
pourront s’avérer des germes de solutions. Parmi ces outils, les questions à
échelle représentent une gamme importante d’outils très précieux.

Des exemples de questions à échelle

Principes des questions à échelle orientées solutions


Le but des échelles est de favoriser la recherche d’exceptions lorsque le patient
n’arrive pas à en trouver directement. Ces exceptions feront bien sûr l’objet d’un
compliment.
Des échelles orientées problème (telles que les échelles visuelles analogiques de
douleur) peuvent être, au début, utiles. Cependant il est mieux, dès que possible,
d’utiliser des échelles orientées solutions proposant des chiffres croissants en
fonction des ressources. Par exemple, des échelles de confort, de calme, de
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

confiance, etc.
Là encore il s’agit d’un travail précis, et il importe de bien définir les bornes de
ces échelles :
« Si 0 est le moment où vous avez appelé pour prendre rendez-vous, et 10 signifierait
que les choses vont correctement, à combien pensez-vous que les choses se situent
actuellement ? »

Un autre exemple :
« Si 0 signifie que rien ne va dans votre vie, et 10 que tout va bien, à combien sont les
choses actuellement ? »

La définition des bornes doit tenir compte :

! !

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116 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

➙ de paraître réaliste au patient, en ne sous-estimant pas la gravité de sa


souffrance ou de ses difficultés ;
➙ de leur fonction de favoriser le changement.
Dans cette idée, la borne supérieure de l’échelle devra concerner autant que
possible une situation correcte, sans que tous les problèmes soient complètement
résolus.

Le pouvoir magique des chiffres


Si, comme a pu l’écrire de Shazer, les mots étaient à l’origine magiques (de
Shazer, 1994), on peut penser que les chiffres l’étaient, et le sont tout autant.
Les chiffres permettent de symboliser les réussites de l’être humain. Pour certains
ce sera le souvenir de bonnes notes obtenues à l’école, ou de notes espérées.
Pour d’autres c’est le : « reçu 5 sur 5 » témoignant d’une communication réussie.
Pour d’autres enfin, ce sera d’être « motivé à 100 %, ou même à 200 % » !
Il semble que l’être humain aime gagner. C’est le souhait d’un enfant qui va
bien. C’est le souhait de notre « enfant intérieur ». L’utilisation des chiffres a
donc un rôle motivationnel puissant et dont on va se servir le plus possible dans
l’orientation solutions.
S’il est rationnel de vouloir diminuer ses problèmes, sa douleur, sa maladie,
avoir des motivations positives se révèle beaucoup plus efficace pour activer les
ressources et les compétences. L’enfant intérieur désire progresser, grandir, pour
peu qu’on sache s’adresser à lui. Nous retrouvons la capacité de l’orientation
solutions à redonner de l’espoir au patient ainsi qu’au thérapeute. Les chiffres
peuvent animer la coopération thérapeutique pour en faire quelque chose de
ludique, quelque chose qui donne envie de performer, d’être efficace.

Questions utiles avec les échelles


Nous pouvons maintenant aborder quelques questions qui vont permettre :
➙ d’explorer le présent afin d’identifier des ressources et des points forts ;
➙ d’identifier des exceptions ;
➙ de trouver matière à construire des compliments.
Questions pour explorer le présent
« À quoi savez-vous que les choses sont à 3 ? »
« À quoi d’autre savez-vous que les choses sont à 3 ? »
« Y a-t-il des moments où les choses sont à plus de 3 ? »

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Niveau 2 117

« Lors de ces moments les choses peuvent-elles être à 4 ? »


«5?»
« Plus de 5 ? »

Questions orientées avenir pour définir un objectif ?


« Est-ce que cela serait une bonne chose pour vous d’avoir davantage de moments
à plus de 5 ? »
« Qu’est-ce que cela pourra changer pour vous d’avoir davantage de moments à
plus de 5 ? »
« Est-ce que de stabiliser la situation à 3 pourrait être un objectif intéressant, ou
souhaitez-vous que les choses soient vraiment à plus de 3 ? »
« Qu’est-ce que cela fera de différent de pouvoir stabiliser la situation à 4 ? »
« À quoi saurez-vous que les choses sont à 5 ? »
« Supposez que la prochaine fois que nous nous verrons, les choses soient à 5, à
quoi pourrez-vous le savoir, ou qu’est-ce qu’il aura fallu qu’il se produise d’ici là ? »
« À quoi votre entourage saura-t-il que les choses sont à 5 ? »
« Qui dans votre entourage s’en rendra compte le premier ? »
« Qu’est-ce que cette personne vous verra faire de différent ? »
« Qu’est-ce que cela fera à la personne de se rendre compte que les choses
sont à... ? »
« Quelle émotion cela produira-t-il ? »
« Qu’est-ce que cela changera dans son comportement ? »
« À quoi verrez-vous ce changement ? »
« Qu’est-ce que cela vous fera de voir ce changement chez cette personne ? »
« Souhaitez-vous fermer les yeux pour imaginer cela ? Pour essayer de le vivre
à l’avance ? »
« Qui d’autre ensuite pourra se rendre compte que les choses sont à 5 ? »
« En quoi cela sera important pour vous que les choses passent de 3 à 5 ? »
« Qu’est-ce que cela pourra dire de vous ? »
« Cela changera-t-il l’image que vous avez de vous-même ? Si oui, de quelle
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

manière ? »
« À combien souhaiteriez-vous que les choses soient ? »

Questions à la recherche d’exceptions


« Quand est-ce que pour la dernière fois les choses ont été à... ? »
« C’était où ? »
« Avec qui ? »
« C’était comment ? »
« Qu’est-ce qui était différent ? »
« Comment faisiez-vous ? »
« Qui avait décidé de faire cela ? »
« Est-ce que cela pourrait être un objectif d’avoir davantage de moments comme
celui-là ? »

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 118 — #134
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118 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Questions pour identifier des tâches


Les questions à échelle peuvent mener à l’identification de possibles tâches, toujours
si le patient est dans une relation d’acheteur.
« Qu’est-ce que vous pensez qu’il vous serait utile de faire ici la prochaine fois ? »
« Si l’idée était de maintenir les choses comme elles sont, dans tout ce que vous
faites actuellement qu’est-ce qui vous paraît le plus déterminant de continuer
à faire ? »
« Quoi d’autre ? »

Questions pour la prévention des rechutes


« Qu’est-ce qu’il ne faudrait surtout pas qu’il arrive d’ici notre prochaine séance ? »
« Si malheureusement l’événement... arrivait, comment pensez-vous qu’il serait
utile de réagir ? »

Questions sur la motivation


« Si, sur une échelle de 1 à 10, 1 représente le fait que vous êtes juste prêt à
prendre des médicaments pour que ça aille mieux, et 10 représente le fait que vous
êtes prêt à faire tous les efforts possibles pour que ça aille mieux, à combien vous
situez-vous ? »
Échelle de prédiction : « Entre 0, vous êtes sûr que vous ne mettrez pas en place
cette idée de solution, et 10 vous en êtes certain, à combien êtes-vous ? »
« Que faudrait-il qu’il se passe pour que les choses augmentent d’un point sur cette
échelle ? »

Question sur la confiance


Échelle de confiance :
« Sur une échelle de 0 à 100, si 0 représente le fait que vous n’avez aucune
confiance pour que les choses continuent à aller bien, et 100 vous êtes sûr
et certain que les choses vont continuer à aller bien, à combien se situe votre
confiance ? »

Interprétation des échelles

En elles-mêmes, les échelles orientées solutions sont construites par le patient et


sont totalement personnalisées. Elles sont des outils véritablement hypnotiques
avec lesquels le patient crée des objectifs progressifs.
Ces échelles facilitent la recherche d’exceptions, et donc aussi la construction
de compliments.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 119 — #135
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Niveau 2 119

Elles conviennent particulièrement aux patients ayant une appétence pour les
chiffres et les évaluations chiffrées. Faisant intervenir des mesures, elles revêtent
un caractère scientifique aux yeux de certaines personnes, que cela rassure.
Ces mesures peuvent même être exprimées sous forme de diagrammes et de
courbes, outils non seulement utiles pour le patient, mais qui peuvent aussi être
montrés à l’entourage, au médecin traitant, aux infirmières.
Ces courbes peuvent aussi être montrées aux financeurs de soins (assurances
complémentaires santé) si celles-ci se mettent à s’intéresser un jour à ces infor-
mations. Dans certains pays, c’est le cas, et ces documents peuvent justifier la
nécessité d’une prise en charge financière.
Des études menées par le BFTC ont montré que les chiffres supérieurs ou égaux à
7 étaient habituellement de bons chiffres, reflétant un résultat que les patients
jugent suffisant.
De même, une confiance à 70 % pour maintenir un objectif est à considérer
comme un chiffre suffisant pour envisager avec sérénité l’arrêt des séances. On
peut s’en assurer en posant deux types de questions :
« Que faudrait-il qu’il se passe pour que votre confiance augmente encore, par exemple
à près de 80% ?»

Et/ou :

« Qu’est-ce qu’il ne faudrait surtout pas qu’il vous arrive ? »


« Et si malheureusement il arrivait (ce que le patient vient de répondre), comment
faudrait-il que vous réagissiez ? »
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les changements préthérapeutiques

Les questions à échelles mettent souvent en évidence l’existence d’une amé-


lioration dès avant le début de la thérapie. Ce n’est pas toujours le cas, mais
cela est fréquent. Certains auteurs envisagent un « effet de liste d’attente »,
c’est-à-dire une amélioration découlant du fait d’avoir déjà un rendez-vous
avec un thérapeute. Le travail avec les questions à échelle va tenter d’utiliser
pleinement ces changements préthérapeutiques, dans le but de faire gagner du
temps sur le travail thérapeutique.

Exemples de questions
Ainsi, à la question :

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 120 — #136
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120 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

« Sur une échelle où 0 signifie que les choses sont comme lorsque vous avez télé-
phoné pour prendre rendez-vous, et 10 signifie que les choses iraient bien, à quel
chiffre situez-vous les choses actuellement ? »

un patient peut répondre que les choses sont à 2. Et si le thérapeute demande :

« Qu’est-ce qui vous fait dire que les choses sont à 2 actuellement ? »

le patient peut répondre : « Je ne sais pas, je me sens déjà plus en confiance, je


suis même content de vous voir et j’avais vraiment l’espoir que notre rencontre
se passe bien... »

L’étude du BFTC
De Shazer et son équipe ont effectué une étude sur les changements préthéra-
peutiques en utilisant le questionnaire suivant :

Notre équipe est impliquée dans un projet de recherche et les chercheurs m’ont
demandé de vous poser quelques questions avant que nous commencions la thérapie.
1. « Il est souvent constaté, entre le moment de la prise de rendez-vous et la première
séance, que des choses semblent déjà différentes. Est-ce le cas pour vous et
qu’avez-vous remarqué à propos de votre situation ? »
2. (Si réponse positive à la question 1) : « est-ce que ces changements se rapportent
à la raison pour laquelle vous venez en thérapie ? »
3. (Si réponse positive à la question 1) : « aimeriez-vous que ces changements conti-
nuent à arriver ? »

Ces questions ont été soigneusement étudiées pour renforcer la tendance des
patients à rapporter des changements. Comme de nombreux patients s’attendent
à commencer le traitement en discutant de manière très détaillée du problème,
les auteurs ont intentionnellement distingué une phase de « recherche » et une
phase de « traitement » dans leur travail.
Ils ont considéré que cela pourrait augmenter la volonté des patients d’aborder
les changements positifs s’ils savaient qu’ils ne court-circuiteraient pas l’enquête
sur leurs plaintes. Par ailleurs l’existence de suggestions dans la question 1
complète utilement cet effet.
Cette étude a été effectuée auprès de 30 familles avec, pendant la séance, un
adolescent et au moins un des parents. Dans ce cas, 20% des parents ont rapporté
un changement positif avant le premier rendez-vous (soit deux cas sur trois)
(Weiner Davis et al., 1987).

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 121 — #137
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Niveau 2 121

Repérer les changements préthérapeutiques et les « relocaliser en position pri-


mordiale » peut permettre de commencer un jeu de langage construisant une
solution thérapeutique (de Shazer, 1991).
De Shazer affirme la pertinence de faire examiner les changements préthéra-
peutiques par le thérapeute : « Pour être pleinement satisfaisants, il semble
que les changements qui précèdent la séance doivent être certifiés par le thé-
rapeute comme des changements significatifs pour qu’ils soient perçus comme
authentiques et réels. Sans ces confirmations, il semble que les changements ne
puissent être vécus comme authentiques et réels » (de Shazer, 1991).
Par ailleurs, de Shazer (1980) envisage la grande importance de ces changements
préthérapeutiques, et pose, sans y répondre, la question dans Différence : « Les
clients ont-ils besoin de la thérapie pour leur rappeler ce qu’ils ont fait, pour
venir donner de l’importance à ce qu’ils ont accompli ? Est-ce bien ce que la
thérapie apporte aux clients ? »

Vertus dissociatives des échelles

Des échelles thérapeutiques en elles-mêmes


Comme tout acte de cotation, l’utilisation d’échelle a des propriétés dissociatives.
Le patient doit se mettre en position d’observateur de sa situation et il s’ensuit
de ce fait très fréquemment une amélioration thérapeutique. Cela est vrai des
problèmes de douleurs, de dépression, d’anxiété notamment.
Aussi, même s’il peut y avoir des réticences des patients (ceux-ci disant notam-
ment qu’ils n’aiment pas les chiffres, les cotations, etc.), il peut être utile que le
thérapeute insiste sur cette démarche, afin d’obtenir cet effet dissociatif utile :
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

« Je sais que c’est difficile pour vous et que vous êtes fatigué, aussi je n’abuserai pas
de votre temps. J’ai juste besoin, si vous en êtes d’accord, que vous me disiez, sans
trop y réfléchir, le chiffre qui vous viendrait pour caractériser votre moral aujourd’hui.
Cela peut vous paraître artificiel, mais pour mon évaluation, c’est très important. »

La mise en avant des besoins du thérapeute peut être un bon moyen pour
obtenir des patients un tel effort, en tout cas chez les patients qui sont dans une
relation de demandeur et qui ont ainsi une motivation pour aider le thérapeute
à les aider.
Dans d’autres cas, les patients peuvent avoir une facilité à utiliser des échelles,
et s’avérer capables d’en utiliser plusieurs, correspondant à plusieurs dimensions
de leur problématique.

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122 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

L’utilisation de multiples échelles va favoriser l’instauration d’une transe hypno-


tique qui peut s’avérer assez profonde. Dans de tels cas, il pourra être utile à un
moment donné de permettre au patient de vivre sa transe de façon autonome,
simplement en validant ce qui est en train de se passer en lui et en l’encourageant
à poursuivre son travail intérieur.
Enfin, le travail avec les échelles peut permettre aussi des échanges entre le thé-
rapeute et le patient, échanges visant à activer les ressources et les constructions
de solutions, avec des questions du type :

« Pensez-vous que quand votre humeur est au-dessus de 5, cela facilite l’augmenta-
tion du chiffre de confort pour vous ? »

Là aussi, ce type de questionnement favorise des processus hypnotiques qui


peuvent se mettre à évoluer pour leur propre compte en traitant d’autres maté-
riaux, et permettre aux patients de vivre des expériences thérapeutiques internes,
dont ils peuvent ou non parler au thérapeute.

Exercice
Imaginez un patient dont vous êtes actuellement en train de vous occuper. Quel(s)
type(s) d’échelle vous paraîtrait-il utile de mettre en œuvre ?

Il est important de concevoir que l’apparence scientifique objective de ces


échelles n’est là que pour servir de cadre à la mise en œuvre d’un jeu avec
le patient. Un jeu dans lequel peuvent se construire des pistes de solutions
pour lui.
Il est donc nécessaire que dans ce travail, le thérapeute soit régulièrement à
l’écoute de ce qu’il ressent, et aussi des phénomènes qui surviennent en lui. Ces
phénomènes sont là pour être utilisés et communiqués au patient :

« Tout ce que vous faites là en ce moment me fait penser à..., m’ évoque..., me rap-
pelle..., me fait ressentir... »

C’est alors au patient, s’il le souhaite, de se mettre en recherche des possibles


significations de ce que son thérapeute lui a dit. Ce dernier communique dans
une position basse, sans affirmer péremptoirement que les phénomènes internes
qu’il décrit sont importants ni qu’ils ont de la valeur.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 123 — #139
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Niveau 2 123

Faire intervenir des tiers

Qu’ils soient présents ou absents, il est souvent utile de faire intervenir des
tiers pour les questions à échelle. C’est bien sûr aussi le cas pour les thérapies
de couple.
D’une manière générale, il est utile de considérer le patient dans son environne-
ment, ce dernier étant vu essentiellement comme une ressource.
Comme il a été dit, c’est notre entourage qui voit plus volontiers que nous-
mêmes certaines choses utiles, certains changements, certaines améliorations.
C’est aussi notre entourage qui est là pour nous apporter de l’aide d’une manière
souvent spontanée.
Pour cela, non seulement il semble utile d’informer le patient qu’il peut venir
avec qui il veut aux consultations, mais aussi de l’encourager à inviter des
personnes de son entourage à assister aux séances, notamment quand le travail
thérapeutique s’avère difficile et laborieux.
Pour autant, il n’est pas forcément nécessaire de faire venir l’entourage physi-
quement aux séances. On peut le faire aussi hypnotiquement :
« Supposez que votre épouse soit là et que je lui demande, sur une échelle de 0 à 10,
comment elle trouve votre moral en ce moment, quel chiffre me donnerait-elle ? »

Et, selon que c’est le patient ou le membre de l’entourage qui met ou mettrait le
chiffre le plus élevé :
« Que voyez-vous de différent d’elle (qu’est-ce qu’elle voit de différent de vous ?) »
« Qu’est-ce que cela vous fait ressentir de constater cela ? »
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

D’autres idées de tâches


"

Après avoir vu la tâche de fin de première séance, on peut convenir que les
tâches possibles en orientation solutions sont innombrables.
Déjà, lorsqu’il a été mis en évidence une amélioration de la situation du patient,
en vertu de la première règle, il faut « continuer ce qui marche », surtout quand
c’est le patient qui en a l’idée.
Lorsque le patient échoue dans ses tentatives de solution, en vertu de la
deuxième règle, il est important qu’il arrête ce qu’il fait d’inefficace. Et il semble
très difficile d’arrêter de faire quelque chose sans le remplacer par une autre
tentative de résolution. Dans ce cas, n’importe quelle tentative de résolution

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124 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

non encore essayée peut-être valable, surtout, là encore, lorsque le patient en a


lui-même l’idée. Il y a donc lieu de l’encourager dans la mise en œuvre de cette
nouvelle tentative inédite.
Ceci étant dit, il y a des situations où les choses semblent compliquées. Dans ces
situations, un certain nombre de tâches, assez minimalistes, ont été proposées
par les fondateurs de l’orientation solutions.

Tâches consistant à faire « comme si » ou à prétendre que

Le « comme si » est déjà un classique. C’est une tâche qui peut être tout à fait utile :

« Je vous propose que d’ici notre prochaine rencontre, à une date et à une heure que
vous aurez fixée, et sans le dire à personne, vous fassiez pendant 10 minutes comme
si (votre problème était résolu, les choses s’étaient améliorées d’un point, etc.). Et
que pendant ces 10 minutes vous observiez, comme un scientifique, tout ce que vous
trouverez de différent, dans quelque domaine que ce soit. Et si vous avez trouvé cette
tâche utile, je vous encourage à la refaire une autre fois. »

Beaucoup a été dit sur cette tâche. Nous pouvons ajouter différents éléments.
! C’est une tâche protégée : il ne s’agit pas d’aller mieux, donc pas de vraiment
changer ; d’autant plus que cette tâche est effectuée en secret et n’engage
en rien le patient, ne diminue en rien sa liberté de choix ultérieure.
! Nous savons pourtant que « faire comme si », c’est quand même faire. La
distinction est subtile. C’est donc ici une suggestion de changement qui ne dit
pas son nom, une suggestion hypnotique dans le sens où elle comporte une
dimension de jeu qui n’est pas explicitée. « Faire comme si », cela ressemble
à un jeu d’enfant, un jeu où on imite, on joue un rôle : « On aurait dit que
j’étais un espion, un aventurier, un magicien... » Les positions simultanées
d’observateur et d’acteur créent une dissociation qui permet le lâcher-prise et
la créativité. En toute sécurité.
! Nous pouvons même dire que c’est une tâche protectrice : dans de nombreuses
situations familiales ou conjugales (ou d’autres types de situations de groupe),
le patient est réticent à changer, car il craint de perdre la face (notamment
quand il existe une dimension conflictuelle). La tâche de « faire comme si »
ou de « prétendre à » permet parfaitement à ces patients de pouvoir changer
sans perdre la face, et même en la sauvant.

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Niveau 2 125

Nota

Lorsqu’il y a plusieurs patients auxquels on prescrit ce type de tâches :

➙ Il est prudent d’anticiper que, au cas où chacun des patients est décidé à faire la
tâche le même jour, ce n’est pas du tout un problème !
➙ Il est habituellement amusant, après avoir débriefé avec chacun, que chaque prota-
goniste révèle la date et/ou l’heure des moments qu’il a choisis pour les tâches. C’est
un moment généralement ludique, vécu comme une sorte de récompense un peu
enfantine et agréable.

Si le patient a évoqué plusieurs problèmes, il peut être utile de préciser la tâche en


choisissant sur quel problème porte celle-ci.

Tâche de prédiction

Un des grands besoins de l’être humain est le besoin de contrôle. De nombreuses


situations cliniques n’évoluent pas parce que le patient a peur de perdre le
contrôle qu’il exerce dans de nombreuses situations pathologiques, cette peur
pouvant tout à fait côtoyer la souffrance. Souvent taxée d’ambivalence, avec
le reproche implicite au patient de « ne pas savoir ce qu’il veut », cette hésita-
tion est en fait tout à fait logique, car le but d’un changement est davantage
d’acquérir du contrôle que d’en perdre.
L’astuce est donc ici, de nouveau, de substituer à une situation angoissante et
bloquante une situation de jeu. Il s’agit, quelque part, de parier. Donc de prendre
un risque, celui de se tromper. Mais là encore la situation est protégée, car le
patient pratique cette tâche a priori secrètement, il la fait pour lui.
À un patient ayant un problème d’exhibitionnisme, de Shazer prescrivit de prédire
la veille s’il pensait avoir le lendemain une envie de s’exhiber. Il devait ensuite
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

comparer ce qui s’était produit le lendemain soir à ce qu’il avait prédit la veille.
Ce patient avait effectivement tendance à considérer que les exceptions étaient
non significatives, fortuites (de Shazer, 1991). Il revint la séance suivante en
disant qu’il s’était trompé dans ses prédictions, mais qu’il avait quand même
surmonté davantage d’envies irrésistibles qu’il ne l’avait fait lors des semaines
précédentes. « Il avait appris que les jours où il était suffisamment occupé, il
avait trouvé le moyen de surmonter ses impulsions. Lorsqu’il n’était pas suffi-
samment occupé, il surmontait moins fréquemment ses impulsions. » Agissant
ainsi, le thérapeute lui fit expérimenter que les exceptions étaient prévisibles
(de Shazer, 1991).
Ces tâches peuvent être prescrites dans les addictions, comme celle de demander
à un patient de :

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 126 — #142
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126 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Prédire chaque jour s’il va prendre de la cocaïne le lendemain et ensuite, à la fin de la


journée, de voir si la prédiction s’est vérifiée, et ensuite, de comprendre pourquoi sa
prédiction s’est vérifiée.

Dans la plupart des cas, le patient surmontait de plus en plus fréquemment


l’envie de prendre de la cocaïne.
Ces tâches de prédiction peuvent fonctionner même si le modèle de comporte-
ment n’est pas décrit par le patient.
Ces tâches de prédiction, quand elles fonctionnent, font fonction de prophéties
autoréalisatrices.
Au fur et à mesure de l’amélioration clinique, on peut les renforcer. Par exemple,
en demandant au patient de prédire si la journée du lendemain va se dérouler
sans perte de contrôle ou non. Si progressivement, les journées sans problème
deviennent progressivement la règle, « le jeu de langage centré sur les solutions
a mis ces exceptions au premier plan », excluant peu à peu le problème et en
construisant le sens de la situation autour du fait de surmonter et de finalement
éliminer le problème (de Shazer, 1991).
Dans le traitement de la dépression, on peut aussi demander ceci au patient :
« Je vous propose que chaque soir, vous preniez un temps avant de vous coucher pour
estimer, sur une échelle de 0 à 10, où 0 représente le fait que vous êtes convaincu que
vous passerez une mauvaise journée le lendemain, et 10 que vous êtes convaincu
que votre journée du lendemain sera excellente, comment la prochaine journée sera
pour vous. Et le lendemain soir, vous comparerez la prédiction que vous avez faite la
veille avec l’évaluation de votre journée qui vient de s’écouler. »

Tirage de dés ou à pile ou face

Une autre tâche assez originale est de demander au patient de tirer aux dés un
choix qu’il va faire. Là encore, cette situation ludique dédramatise le choix, ou
en tout cas le décale, le tirage de dés pouvant s’avérer aussi être un symbole de
l’importance d’un choix.
Ainsi, le mari d’une patiente ayant des troubles du sommeil devait, après le
repas du soir, tirer à pile ou face son comportement de la nuit à venir, au cas où
elle ne dormirait pas une heure après s’être couchée ;
➙ solution A : elle devait alors faire les corvées ménagères les plus ingrates
comme nettoyer le four, etc. ;
➙ solution B : elle devait rester allongée, les yeux grands ouverts, et se concen-
trer pour empêcher sa langue de toucher son palais (de Shazer, 1991).

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 127 — #143
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Niveau 2 127

« Je vous propose que ce soir, en vous couchant, vous preniez votre dé et le jetiez.
De 1 à 3 : vous programmez votre réveil pour qu’il sonne à sept heures, et ainsi vous
aurez largement le temps de vous préparer pour partir à votre travail à neuf heures.
De 4 à 6 : programmez votre réveil pour qu’il sonne à huit heures et vous aurez donc
une expérience permettant de tester si, en vous organisant bien, une heure de prépa-
ratifs peut vous suffire. »

Les tâches de tirage au sort sont également des outils pour les situations où le
patient demande au thérapeute son avis sur un comportement à adopter. Ainsi,
à un homme qui demande au thérapeute s’il doit quitter sa femme ou rester avec
elle, de Shazer propose de chaque soir tirer à pile ou face :
« La première et la troisième fois que ça tombe sur face, nous vous demandons, pen-
dant toute la journée suivante, de prétendre qu’un miracle s’est produit, que toute
cette histoire est terminée et que vous avez pris la décision de rester. La seconde et
la quatrième fois que ça tombe sur face, nous vous demandons de prétendre le jour
suivant que tout est terminé et que vous avez pris la décision de ne pas rester. Quand
ça tombe sur pile, vous n’avez pas à prétendre quoi que ce soit. Observez ce que
vous ressentez, ce que vous faites, ce que votre femme remarque. Elle ne doit rien
savoir de ce jeu : voyez comment elle réagit, etc. » (de Shazer, 1991).

Autres tâches

La tâche déjà énoncée :


« Quelle idée auriez-vous de ce qui serait utile de faire pour que les choses s’amé-
liorent d’un point sur l’échelle ? »

peut être utile, quand le patient est susceptible d’avoir des idées.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Poser la question expose au risque de non-réponse, mais ce risque n’est pas


forcément grave.
Si, au bout d’un certain temps, le patient ne répond pas, il est possible de
lui dire :
« Souhaitez-vous continuer à réfléchir à cette question ou préférez-vous que je vous
en pose une autre ? »

Cette dernière question permet, après toute question semblant mettre le patient
en difficulté, de lui redonner la liberté de choisir.
Dans certains cas, où il faut vraiment faciliter l’action chez un patient, surtout
quand celui-ci a insisté sur le fait qu’il était nécessaire pour lui de faire quelque

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128 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

chose, et, surtout si la fin de la consultation arrive bientôt, il est possible de


demander :
« Alors qu’allez-vous faire ? »

Ce qui va davantage assister le patient dans les choix qu’il a besoin de faire.

Une thérapie à part entière : la question miracle


"

Autant le dire tout de suite, la question miracle, conçue par Steve de Shazer, est,
encore plus que d’autres outils qu’il a pu concevoir, une induction hypnotique.
Adaptée de la technique des boules de cristal d’Erickson (Rossi, 1980), elle est
une induction complexe et riche, qui comporte plusieurs parties (même s’il n’est
jamais obligatoire de la poser dans son intégralité).
Le but de la question miracle est, comme celui de toutes les questions utilisées
dans l’approche orientée solutions, de trouver des exceptions.
Ces exceptions peuvent être trouvées par plusieurs moyens que nous allons
préciser. Et elles doivent finalement faire l’objet d’un compliment.

Tableau 3.4. Les différentes parties de la question miracle

Partie Contenu But

Partie 1 Supposition qu’un miracle Qu’est-ce que le patient voit de changé ?


se produit pendant la nuit
qui vient.

Partie 2 Idem. Qu’est-ce que l’entourage du patient voit


de changé ?

Partie 3 Recherche de petits morceaux Recherche d’exceptions.


de miracles qui se sont passés.

Partie 4 Évaluation des exceptions Construction d’une échelle basée sur le miracle.
avec des échelles. Détails sur les exceptions identifiées.

Les différentes parties de la question miracle

Première partie
! Description
Commençons par décrire la première partie de la question miracle :

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 129 — #145
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Niveau 2 129

« Supposez que... après notre rencontre... vous allez faire ce que vous avez prévu de
faire... peut-être quelques courses... puis rentrer chez vous et dîner... et peut-être faire
un peu d’ordinateur et vous préparer ensuite à dormir... et vous allez vous coucher...
et au bout d’un certain temps vous allez vous endormir... et, au milieu de la nuit, alors
que tout est calme chez vous... un miracle se produit (claquement de doigts du théra-
peute)... et le miracle c’est que les difficultés (ou le problème : reprendre les mêmes
mots que ceux du patient) qui vous amènent sont tout d’un coup résolues... mais
comme vous dormez, vous ne pouvez pas vous en rendre compte immédiatement...
ma question est donc... à quoi vous pourrez savoir le lendemain en vous réveillant, ou
peut-être plus tard, que les difficultés (le problème) ont été résolues ? Quoi d’autre ?
Quoi d’autre ? (etc.) »

! Analyse
La question miracle est une question à supposition (cf. chap. 2 p. 54). Supposer,
c’est imaginer une hypothèse, et imaginer, c’est partir en transe hypnotique.
Plus ou moins loin, plus ou moins fortement. Dans la question miracle, on crée
une attente en énonçant des truismes (des évidences), des événements prévi-
sibles (manger, aller se coucher). Ce sont les outils habituels d’une anticipation
hypnotique (encore appelée parfois « futurisation » en sophrologie).
Lors de cette anticipation survient un événement surnaturel. Le thérapeute
suscite la surprise en claquant des doigts d’une part, et d’autre part en par-
lant de miracle, notion assez peu usuelle à notre époque et qui fait intervenir
un registre magique ou spirituel, selon la position philosophique du patient.
L’évocation d’un miracle peut aussi susciter de la résistance, et c’est pour cela
qu’il est préconisé que le thérapeute concrétise ce miracle par un signal sonore
provoqué par un claquement de doigts ; un claquement de doigts qui reprend
une manœuvre habituelle de l’hypnose de spectacle, et qui évoque aussi le rituel
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

thérapeutique conçu par Giorgio Nardone dans le traitement de l’agoraphobie


(Nardone, 2021).
Par ailleurs, la résistance possible du patient est contrée par le fait que le miracle
ne peut être visible immédiatement. C’est un message paradoxal pour dire au
patient de ne pas partir en transe trop vite.
Ensuite, toujours paradoxalement, c’est en se réveillant que le patient peut
prendre connaissance que le miracle s’est produit. C’est donc l’inverse d’un scé-
nario hypnotique normal, lors duquel le réveil signifie la sortie de transe. Ainsi,
cette série d’énoncés est destinée à diminuer la résistance, et favoriser également
une transe assez profonde par cette alternance de réveils et de réinductions.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 130 — #146
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130 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Tant que le patient donne du matériel, comme dans l’ensemble des questions
orientées solution, le thérapeute exploite le filon, tel un mineur, en amenant
par ces questions :

« Quoi d’autre ? »

à récolter le maximum de matériel.


Les réponses à cette première partie commencent déjà à susciter de l’espoir et
de la joie.
La première partie s’achève lorsque le thérapeute peut parvenir à voir ce que
vit, ce que fait le patient le lendemain du miracle. Le patient est alors prêt pour
imaginer comment les personnes de son entourage vont réagir.
C’est la deuxième partie de la question miracle qui va générer encore plus l’espoir
et la joie.

Deuxième partie
! Description

« À part vous, et si vous ne dites rien à personne, qui, dans votre entourage, verra
qu’un miracle s’est produit ?
Et à quoi le verra-t-il ? Et qu’est-ce que cela générera chez lui (elle) ? À quoi le verrez-
vous ? Qu’est-ce que cela générera en vous de voir cela ? Qui d’autre dans votre
entourage le verra (etc.) ? »

! Analyse
Cette deuxième partie propose d’imaginer, dans une optique systémique où les
conséquences peuvent générer des causes (vision interactionnelle circulaire), des
réactions de l’environnement aux changements dus au miracle.
Le but de cette question est de générer des émotions positives (agréables) qui
vont elles-mêmes faciliter la construction et l’imagination des conséquences
positives du miracle. Le but est clairement, là encore, de miner la vision problé-
matique du patient par une vision solutionnée de la situation, et aussi que les
émotions viennent renforcer la motivation au changement (Greenberg, 2020).
L’émotion recherchée, la joie :
➙ active le sentiment d’être capable et est en même temps suscitée par lui,
➙ stimule et suscite la créativité du patient pour créer du détail,
➙ suscite un sentiment de fierté qui va également en retour activer la joie.

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Niveau 2 131

Pour reprendre l’exemple de de Shazer sur le fauteuil : « Cette réponse est plus
difficile que de simplement imaginer que vous avez remplacé votre fauteuil [...]
c’est un peu comme si on vous demandait d’imaginer quelqu’un d’autre imaginant
quelle sorte de fauteuil vous aviez bien pu acheter. »
Là encore, il importe d’exploiter le filon des solutions jusqu’à ce qu’il soit épuisé.

Nota

Parfois, le miracle peut impliquer que certaines personnes de l’entourage puissent avoir
dans un premier temps des réactions négatives (désapprobation, tendance au rejet ou
à l’éloignement, etc.). Il est alors préconisé de poser la question : « Combien de temps
mettra-t-il(elle) à s’habituer ? »

Troisième partie
! Description

« Selon vous, quand est-ce que s’est produit pour la dernière fois un morceau de
miracle ?
Et même un tout petit morceau ? »

! Analyse
Après avoir travaillé sur le futur et l’anticipation, la troisième partie de la
question miracle fait un retour sur le passé, dans un mouvement inverse, afin
d’identifier des exceptions ayant déjà eu lieu. Il s’agit d’une régression en âge
à partir d’un moment du futur. C’est une adaptation d’une manière de faire
qu’Erickson utilisait dans son travail avec le temps d’une manière vraiment
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

centrale.
À partir de la description de l’anticipation d’un futur où le problème est résolu
est utilisé un fractionnement du travail de recherche d’exceptions. Ce travail va
utilement compléter le travail de recherche d’exceptions effectué précédemment.
Sur le plan méthodologique, on pose le même type de questions que lors de la
recherche des exceptions après description du problème :

« C’était quand ?
Où ?
Vous étiez avec qui ?
Qu’est-ce qui était différent ?
Quoi d’autre ? »

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132 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Si le patient décrit un dernier morceau de miracle qui semble quand même assez
lointain dans le passé, il est utile de tenter la question suivante :
« Auriez-vous vécu plus récemment une situation qui serait un petit morceau, même
un tout petit morceau (ralentir le rythme de la voix) de miracle ? »

Et si c’est le cas, les questions habituelles sont de nouveau posées.

Remarque

Ce complément d’information sur les exceptions va d’autant plus se faire si la réponse à


la première partie de la question miracle, ou même à la deuxième, génère des éléments
étonnants, voire surprenants.
Effectivement, il n’est pas rare que la question miracle amène à imaginer des change-
ments dans le futur qui ne correspondent pas à ce que le patient imaginait dans sa
demande initiale d’aide.
Ce pouvoir révélateur de la question miracle nous paraît résider dans le fait que cet
outil constitue une aide puissante pour aider le patient à se remettre en contact avec ses
aspirations profondes, qui étaient éventuellement inconscientes jusque-là. La question
miracle, en suscitant de l’espoir, remet le patient dans la vie, elle lui fait recontacter des
émotions salvatrices.

Exemples
Exemple A
Un patient venant pour des problèmes de colère répondait, lors de la recherche d’ex-
ceptions suivant la description de ses difficultés, qu’il y avait des moments où il se
sentait calme, lorsqu’il allait jardiner, ou même se reposer au soleil dans son jardin.
Mais, après la question miracle, il lui est apparu d’autres exceptions avec des moments
où il avait davantage de confiance en lui et où il s’affirmait plus dans son travail.

Exemple B
Chez un patient venant pour une altération du moral, la question miracle a pu générer
la description d’un lendemain du miracle où se produisait un changement profes-
sionnel, alors que le patient pensait que c’est son couple qui générait pour lui de
la souffrance.

Dans de tels cas, il est important de redonner au patient le rôle d’expert. C’est
vraiment lui qui est à même de redéfinir ou non son objectif. Il est important
qu’il se sente libre de le faire s’il le souhaite vraiment.
Avec Robiou du Pont (2021), nous pensons que les patients sont les mieux placés
pour :

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Niveau 2 133

➙ non seulement savoir ce qu’ils désirent (nous nous situons ici, toujours, dans
une éthique du libre choix (Cabié et Isebaert, 1997) et non dans une pers-
pective psychanalytique susceptible de construire une genèse inconsciente
du désir ;
➙ mais aussi savoir, ressentir jusqu’où ils peuvent aller dans la mise en œuvre de
ce désir. Une autre raison pour considérer, ainsi que le faisaient de Shazer et
Kim Berg, que le rôle du thérapeute n’est pas de pousser le patient à désirer.
C’est un point important, que Malarewicz abordait en disant au patient :
« Méfiez-vous de moi, j’ai une pathologie : l’optimisme. »

Quatrième partie
! Description
La quatrième partie de la question miracle revient aux échelles et à leur
utilisation :

« Si 0 est le moment où vous avez téléphoné pour prendre rendez-vous avec moi, et si
10 représente le lendemain du miracle, à combien étaient les choses sur cette échelle
lors de ce dernier morceau de miracle ? »
« Et sur la même échelle, à combien les choses sont-elles maintenant ? »

! Analyse
Reposer des questions à échelle suite à la description
➙ du lendemain du miracle,
➙ des exceptions que la question miracle a permis d’identifier
peut très souvent s’avérer pertinent ; et ressembler à une inlassable enquête à
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

la manière de Sherlock Holmes.


Comme nous l’avons dit, les échelles introduisent de nouveau une dissociation,
ici une dissociation avec les émotions en favorisant une démarche évaluative
rationnelle. Cette dissociation contribue justement à sécuriser la relation patient
thérapeute pour remédier à un optimisme excessif du thérapeute.
La recherche persévérante d’exceptions, et le travail avec la précision que per-
mettent les échelles suscitent souvent l’obtention « de différences qui créent
des différences » comme disait Bateson (1981). C’est-à-dire des informations
susceptibles de contaminer le problème, voire de le dissoudre.
Par ailleurs, la poursuite de la mise en œuvre de ce cycle d’opérations :
identification d’exceptions !description des différences !mise en œuvre des échelles

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134 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

devient l’objet d’un apprentissage chez un certain nombre de patients. Un appren-


tissage conscient, ou qui peut rester inconscient. Comme une habitude : le
patient apprend à apprendre comment solutionner des problèmes.
Sur un plan pratique, les échelles peuvent être remplacées par des objets que le
patient peut manipuler : échelle en bois avec curseur, ou même dés (qui offrent
une gradation plus restreinte, de zéro à six, gradation qui peut être tout à fait
suffisante, et qui présente aussi l’intérêt de remettre du jeu dans le travail, voire
de stimuler des prises de décision dans certains cas).

Aspects techniques

Après avoir examiné la structure de la question miracle avec ses différentes


parties, abordons des points techniques sur son utilisation.

Quand poser la question miracle ?


! Le point de vue de de Shazer
Manière la plus fréquente de la poser
Steve de Shazer avait, tout comme Freud avec son complexe d’Œdipe, développé
une certaine fascination pour cet outil formidable qu’est la question miracle. Et
au fur et à mesure de son enseignement, il recommandait à ses étudiants de la
poser systématiquement. Ce point de vue, évidemment respectable, nous paraît
excessif.
D’abord, précisons que la question miracle demande des efforts assez conséquents
et, comme de Shazer le précisait parfois, elle nécessite une relation du type
demandeur entre patient et thérapeute. Un patient dans une relation de type
« passant » ne va pas vraiment s’investir dans la question miracle ni la mettre
en œuvre. Il risque, comme c’est le cas aussi quand on fait de l’hypnose avec un
patient qui n’est pas prêt à s’impliquer, de gâcher cet outil, de le banaliser en
lui ôtant sa puissance créatrice.
Et rappelons-le, la question miracle représente un outil tellement précieux, une
sorte d’approche thérapeutique en elle-même, que les conséquences d’un tel
gâchis pourraient être vraiment gênantes pour le futur du patient, en lui donnant
une perception dévalorisée de cette démarche thérapeutique.
Manière alternative
Ou alors, parfois, de Shazer proposait de poser d’emblée la question miracle en
l’introduisant sous cette forme :

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Niveau 2 135

« Avant que nous commencions la séance, j’aimerais vous poser une question... »

Cette manière décalée était celle de Milton Erickson lorsqu’il proposait à certains
patients de les voir plusieurs fois (en général une dizaine) pour leur apprendre
l’hypnose avant de commencer vraiment le travail sur les difficultés qui les
amenaient. Erickson précisait que bien souvent, les difficultés étaient résolues
avant même que le travail officiel sur celles-ci ne commence !
On peut penser que cette présentation de la question miracle posée d’emblée
pouvait correspondre aux situations où de Shazer percevait qu’il n’avait pas avec
le patient une relation d’implication suffisante (relation de type passant), et qu’il
valait mieux la présenter comme séparée du travail thérapeutique à proprement
parler.
Quand le patient se sent plausible
Dans ce même ordre d’idées, de Shazer nous avait répondu, lorsque nous lui
avions demandé à quel moment il était bon de poser la question miracle : « Quand
le patient se sent plausible. » Même si nous ne pouvons écarter l’hypothèse qu’il
ait répondu « quand cela est possible », nous ne pensons pas nous être trompé
sur cette réponse, qui n’a jamais par ailleurs été publiée à notre connaissance.
À un certain moment de l’entretien orienté solutions, il semble que le patient
soit prêt à ce que son problème soit dissous dans les solutions, au moins vir-
tuellement. Rappelons que « virtuel » ne s’oppose pas à « réel », comme on le
pense trop souvent. C’est plutôt à « actuel » qu’il faut l’opposer. Virtuel signifie
« potentiel ». Et un potentiel nécessite d’être actualisé.
Ainsi, un patient décrivant de nombreuses exceptions à son problème, ou une
exception très significative (cf. « Significativité des exceptions », chap. 2 p. 66)
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

peut bénéficier de la mise en œuvre de la question miracle.


Une autre manière encore
Enfin, le thérapeute peut oser assez précocement poser la question miracle, le
faire comme une « [...] tentative pour établir un jeu de langage centré sur les
solutions accompagnées d’un récit de progrès, comme point de focalisation de
la séance » (de Shazer, 1991).

Quand ne faut-il pas la poser ?


Il nous semble qu’il n’existe pas de contre-indication absolue à la question miracle.
Selon certains contextes, il y a juste des précautions à prendre et, là encore, le
thérapeute doit être attentif à son ressenti.

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136 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Il y a des situations où il ne nous semble pas pertinent de poser la question


miracle, mais comme c’est le cas général en hypnose, il paraît difficile de les
décrire clairement. Il s’agit plus de se fier, comme cela est souvent dit en
hypnose, à ce que nous éprouvons corporellement : « Quand on ne sent pas, on
ne fait pas ».
La question miracle peut effectivement faire jaillir des réponses potentiellement
déstabilisantes et embarrassantes pour le thérapeute.
Ainsi, posée à une patiente ayant perdu récemment son conjoint, la question
miracle présente un risque important de susciter une réponse du type : « Mon
mari sera vivant. »
Il peut y avoir dans certains cas des manières possibles d’utiliser ce genre
de réponse.
« Qu’est-ce qui sera différent alors pour vous ? »

Dans d’autres cas, ce type de question n’est pas pertinent, car pouvant susciter
de la douleur et freiner la construction des solutions.
C’est là encore le thérapeute qui peut se sentir à l’aise, car confiant dans les
capacités du patient pour prendre un tel risque et l’assumer.
Nous reviendrons sur ce genre de sujet lorsque nous aborderons les questions
relatives à la dépression et au deuil.

Être plus ou moins affirmatif


Ce que nous avons dit concernant les questions orientées avenir s’applique
évidemment à la question miracle.
On pourra considérer, et cela s’applique dans de nombreux cas, que la sup-
position d’un miracle doit inciter le thérapeute à être prudent quand il pose
cette question.
Notamment, le thérapeute doit pouvoir faire face à une réaction assez fréquente
chez les patients, du genre : « Mais je ne crois pas aux miracles ! »
Il est alors préconisé de répondre :
« Moi non plus ! C’est juste une supposition ! »

Pour autant, il paraît possible d’opter pour un autre choix. Le thérapeute peut
avoir envie d’être affirmatif, et même joueur, en adoptant une posture et une
tonalité très affirmatives, et même, dans certains cas, proches de l’hypnose de
spectacle s’il sent que cela peut convenir à son patient :

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Niveau 2 137

« Qu’est-ce que vous verrez comme différence le lendemain du miracle ? »

Ou même :

« Vous vous réveillez et ouvrez les yeux, et que voyez-vous de différent ? Qu’est-ce
qui a changé ? »

Il en est en fait de même pour toutes les questions faisant partie de la question
miracle, y compris les questions orientées passé pour la recherche d’exceptions
à partir du lendemain du miracle :

« Quand y a-t-il eu la dernière fois un morceau de miracle ? Un petit miracle ? »

L’ambiance hypnotique installée par la question miracle peut effectivement


être prolongée pour les recherches d’exceptions, les questions à échelle, les
compliments et les prescriptions de tâches.

Conséquences concernant le compliment et les tâches de fin de séance


La mise en œuvre de la question miracle peut avoir diverses conséquences :
! elle révèle dans certains cas, comme nous l’avons dit, qu’un autre objectif que celui
demandé au patient est souhaitable, désirable. D’autres compétences deviennent
alors utiles, justifiant d’autres types de compliments et d’autres tâches ;
! dans d’autres cas, la réponse à la question miracle va dans le même sens que
l’objectif demandé par le patient, mais révèle d’autres réactions de l’entourage
que celles que le patient envisageait, particulièrement, des réactions que le
patient n’envisageait pas (et habituellement, des réactions positives). Ces
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

réactions utiles de l’entourage peuvent mener à d’autres types de compliments,


voire à la prescription de certaines tâches ;
! elle peut générer la description d’autres exceptions que celle déjà identifiée
auparavant, et d’autres germes de solutions ;
! l’intensité de la projection dans le futur, et celle de l’expérience hypnotique
qu’elle génère peuvent faire que la question miracle suscite des émotions
positives, particulièrement de la joie, qui vont augmenter la créativité du
patient et sa capacité à imaginer des solutions. Cela peut mener à des tâches
utiles que le patient va s’autoprescrire ;
! dans un même ordre d’idées, le thérapeute peut lui aussi vivre un fonction-
nement hypnotique joyeux qui va aiguiser sa propre créativité, le menant à
imaginer des tâches thérapeutiques. Il peut proposer en séance un certain

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138 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

nombre de celles-ci, et particulièrement des tâches d’imagination et de sup-


position, donc des tâches hypnotiques que le patient peut réaliser en étant
accompagné par son thérapeute.

Une thérapie à part entière

De par sa succession d’étapes, savamment organisées d’une manière très logique,


et très diversifiées dans leurs processus, la question miracle est capable de
constituer une thérapie en soi.
Elle peut l’être dans le cadre d’une seule séance, ou de plusieurs s’il y a besoin.
Comme nous l’avons évoqué, elle peut être posée en marge de la thérapie. Déjà,
Erickson proposait à de nombreux patients un entraînement à l’hypnose pendant
une bonne dizaine de séances avant de commencer à travailler les difficultés.
De manière analogue, on peut proposer la question miracle, en le faisant d’une
certaine manière « hors thérapie », comme un moment ou une séance à part. Une
telle présentation peut, chez de nombreux patients, favoriser la libération de leur
imaginaire, la venue d’émotions stimulantes et ainsi la créativité thérapeutique.

Les situations chroniques


"

Les situations chroniques se caractérisent par des états d’équilibre durant les-
quels le problème persiste, mais à un niveau acceptable pour le patient et son
entourage.
Dans ces situations, vont survenir des difficultés supplémentaires si l’objectif
est excessif.
La question miracle, tout particulièrement, peut donner lieu à des descriptions
pénibles et il importe d’être très prudent dans le fait de la poser.
Dans bon nombre de cas, ce n’est pas le patient qui va souffrir d’une amélioration,
mais l’entourage :
! très souvent le conjoint, qui s’est habitué tant bien que mal aux difficultés et
qui peut être déstabilisé. Pour cette raison, si cela arrive, il peut être utile de
poser la question :

« Combien de temps sera-t-il nécessaire à votre femme pour qu’elle s’habitue au miracle ? »

! dans certaines familles, ce seront les parents qui pourront être déstabilisés
par des questions qui anticipent une amélioration. C’est l’intérêt de faire

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Niveau 2 139

des séances familiales, afin que tout le monde participe à la description du


miracle et puisse expérimenter les difficultés possibles d’une amélioration
du problème. Le thérapeute peut ainsi les accompagner avec empathie, leur
montrer de la compréhension voire de la compassion. Dans les cas les plus
difficiles, il peut être très utile d’être deux thérapeutes, voire davantage, avec
une équipe d’observateurs derrière la glace sans tain.

Retour sur les tâches


"

Nous voyons donc que, concernant les tâches, l’importance de celles-ci est
moindre que dans d’autres approches thérapeutiques, comme les thérapies
cognitivo-comportementales. Nous savons que les réticences aux tâches en
limitent l’efficacité. Pour le dire autrement, les tâches peuvent facilement
susciter de la résistance chez le patient et un des buts de l’orientation solutions
est de diminuer, voire de faire disparaître la résistance. Nous reviendrons
d’ailleurs sur cet aspect, qui peut être complexe et subtil.
Dans l’orientation solutions, on pourrait dire que les tâches sont souvent rem-
placées par les compliments faits par le thérapeute. Mais ne soyons pas naïfs.
! Recevoir un compliment et déterminer si on va l’accepter ou non est une
tâche assez intense. Accepter un compliment est, chacun le sait, accepter
un certain niveau de relation et d’influence de la part de la personne qui
nous fait le compliment. Cela amène à évaluer particulièrement la sincérité
de celle-ci, son honnêteté. Accepter un compliment est un travail intense
de positionnement. Nous restons marqué par le cas d’une jeune fille venue
nous voir après un de nos premiers séminaires de formation sur l’orientation
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

solutions, et qui nous avait dit d’emblée, dès le début de la première séance :
« Je vous préviens, je n’accepte aucun compliment. » Fort de l’enseignement
que nous venions de recevoir, et qui n’était pas encore complété par les sémi-
naires d’approfondissement que nous avons suivi depuis, nous n’avons pu nous
empêcher de faire un compliment pour finir la séance et nous n’avons jamais
revu la jeune fille, dont nous pouvons penser qu’elle avait été raisonnable de
ne pas vouloir revoir quelqu’un d’aussi irrespectueux !
! Par ailleurs, un compliment doit être fait à un patient qui a fait des efforts
pour participer activement au travail pendant la séance, notamment celui de
s’efforcer à répondre à des questions assez difficiles somme toute, particuliè-
rement les recherches d’exception, la description des différences caractérisant
ces moments, etc.

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140 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Enfin, il existe des situations où le patient n’a pas fait les tâches. Dans l’orien-
tation solutions, ces situations ne sont pas vues comme des résistances. Le
thérapeute est intéressé d’écouter les raisons que le patient donne, notamment
ce que le patient a fait et les résultats que cela a donnés. Si ces derniers ont été
très bons, il peut même aller jusqu’à complimenter le patient de ne pas avoir fait
la tâche. Pour cela, devant un patient qui, exprimant une certaine culpabilité,
dit au thérapeute qu’il n’a pas fait la tâche, il est bon de poser la question :
« Qu’avez-vous fait à la place ? » Il doit toujours avoir la même posture que celle
qu’avait Erickson quand il disait que tout ce que les patients faisaient était bien.
« [...] dans tous les cas, ce que le client a vraiment fait pour rendre les choses
meilleures est plus important que la réalisation de la tâche » (de Shazer, 1991).

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Chapitre 4

Niveau 3

Approfondissement

A LLER PLUS LOIN AVEC DES OUTILS SPÉCIFIQUES

Nous allons maintenant récapituler les différentes possibilités d’organiser une


séance d’hypnose orientée solutions. Le schéma du dispositif de l’orientation
solutions (cf. annexe 1) permet de montrer la place possible des différents outils
utilisables dans une séance.

Encore l’hypnose
!
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Revenons d’abord sur l’adjonction d’outils hypnotiques. Comme nous l’avons


vu, l’hypnose amplifie les effets des suggestions. Les effets spécifiques des
suggestions peuvent être suffisants en eux-mêmes. Mais il peut être souvent
utile de les amplifier avec des outils hypnotiques.

Le travail corporel du thérapeute.

Alors que le travail corporel du thérapeute n’est pas l’objet, dans les écrits solu-
tionnistes, d’une préoccupation particulière, Steve de Shazer et Insoo Kim Berg
étaient manifestement très attentifs à leur langage paraverbal et non verbal.
De Shazer pouvait être très élégant, et il adoptait manifestement avec son
habillement, lui qui travaillait beaucoup avec des personnes défavorisées, voire

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 142 — #158
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142 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

sans domicile fixe, une attitude débonnaire et relax, un peu à la Philippe Noiret
dans Alexandre le bienheureux, ou Nick Nolte dans Le Clochard de Beverly Hills.
On sait que le travail corporel du thérapeute est souvent considéré comme le
premier outil hypnotique. Un travail relatif à la posture, aux mimiques, aux
intonations, aux silences, etc.
De Shazer était assis de manière presque avachie, montrant ainsi une position
basse, de non-savoir et de proximité fraternelle.
Insoo Kim Berg était dans une posture beaucoup plus tonique, beaucoup plus
émotionnelle également, avec une empathie prononcée. Elle utilisait énormé-
ment son sourire et sa voix aiguë et musicale. Son regard était vif et invitait à
la vie.
Chacun d’eux, à sa manière, se mettait à mon avis en autohypnose sur le patient,
et cela favorisait l’entrée en transe de celui-ci (Havens, 1988).

Bien s’installer

Un autre outil peut être de proposer au patient d’être attentif à son installation,
et de vérifier qu’il est suffisamment confortablement installé, qu’il peut aussi
être attentif à des sensations simples, comme le sol sous ses pieds, le dossier
du fauteuil derrière son dos, peut-être aussi les sensations liées à sa respiration,
la différence entre la chaleur de l’air qui sort de ses narines et la fraîcheur de
l’air qui y rentre, etc.
Il n’est pas forcément utile de parler d’hypnose. Il n’est pas forcément néces-
saire d’en parler pour utiliser l’hypnose. Il s’agit d’une question habituelle des
praticiens qui débutent leur formation hypnotique, et nous avons l’habitude de
répondre que, l’hypnose étant un phénomène naturel (dans la vision érickso-
nienne naturaliste de l’hypnose), il n’y a pas d’autorisation à demander au patient
pour utiliser avec lui des outils hypnotiques. Le respect du patient consiste
plus à attentivement l’observer pour vérifier qu’il est d’accord pour effectuer ce
travail, et tenir compte des éventuels signes de désaccord pour ne pas aller plus
loin dans ce sens.

Utiliser ce que fait hypnotiquement le patient

Une autre façon d’utiliser l’hypnose est de le faire dans le cadre de la première
règle (« continuer ce qui marche »), lorsque le patient évoque qu’il utilise déjà
un fonctionnement hypnotique dans les solutions qu’il met en œuvre.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 143 — #159
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Niveau 3 143

Par exemple, un patient qui décide de vivre un bon souvenir par régression
en âge, pour se sécuriser lors de pauses pendant un examen, sera encouragé
à effectuer d’autres régressions pour trouver des ressources qui l’aideront dans
d’autres situations. Un autre patient, anxieux, qui utilise l’anticipation pour se
motiver à vivre des situations qu’il redoute sera incité à faire de même pour
travailler à fortifier sa confiance en lui et améliorer son image de soi.
Il est généralement utile, ainsi que l’ont montré certaines recherches (Gandhi
et Oakley, 2005), de dire au patient que ce qu’il fait est de l’hypnose, au
besoin en le félicitant d’avoir inventé lui-même une technique d’autohypnose
qui lui convient.

Procéder par analogie

Une autre façon encore est, lorsque le thérapeute constate qu’il vit avec le
patient une situation analogue à celles pour lesquelles il utilise l’hypnose avec
succès (gestion de douleurs chroniques par exemple), de proposer au patient
l’hypnose ; le thérapeute la nommera comme telle s’il pense qu’il n’y a pas d’a
priori contraire la concernant, ou ne la nommera pas s’il pense que le patient peut
avoir une crainte concernant cette approche. Il peut alors être bon, pour laisser
au maximum le patient en position d’expert, de compléter cette proposition de
la manière suivante :

« Je peux vous proposer de l’hypnose... à moins que vous ayez de votre côté une
autre idée que vous trouveriez intéressant d’explorer ? »

Comme nous l’avons dit au début de cet ouvrage, toute la posture du thérapeute,
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ainsi que la très grande majorité de ses interventions visent à ce que le patient
devienne lui-même l’expert, dans une relation de type « acheteur ». D’une cer-
taine manière, et à la différence des postures de nombreux hypnothérapeutes,
y compris, parfois, de celle de Milton Erickson, les postures des thérapeutes
orientés solutions témoignent d’une grande austérité dans leur travail, d’une
austérité que l’on peut parfois qualifier de monacale.
Il y a tellement de patients qui ne se donnent pas (encore) les moyens pour
obtenir ce qu’ils souhaitent qu’il est très tentant de consentir à une sorte de faci-
lité. Une facilité qui sera finalement frustrante et décevante, ce qui explique que
nombre de thérapies se finissent dans des climats assez médiocres. L’orientation
solutions, encore plus qu’Erickson (qui pourtant se montrait très sévère lors de
la première rencontre pour évaluer s’il prenait ou non en thérapie les patients)

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144 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

est, comme nous l’avons montré avec les critères d’un objectif travaillable, très
préoccupée par cet examen rigoureux de la faisabilité des objectifs.
Rassurons-nous, le plaisir viendra, plus tard, généralement joint à l’étonnement
de voir les progrès réalisés par les patients, et bien sûr le retour de l’espoir et
de la joie, la joie de se sentir capable. La célébration des progrès pourra même
se faire de manière ostensible et extériorisée, en suivant le bon exemple de nos
amis américains dans ce type de situation.

Arrêter et faire autre chose

Une autre situation correspond à la deuxième règle de l’orientation solutions, et


peut être appliquée dans les situations où de nombreuses tentatives de solution
ont été essayées sans résultat. Des tentatives de solution qui peuvent parfois
correspondre au « toujours plus de la même chose » évoqué par Paul Watzlawick,
c’est-à-dire des tentatives de solution qui correspondent au cadre habituel de
référence du patient.
Nous reprendrons ici l’exemple donné par Watzlawick d’un homme souhaitant
planter un clou dans un mur et ayant échoué, répétant les coups de marteau de
plus en plus fortement jusqu’à détruire son mur. Le thérapeute, dans de tels cas,
peut utilement expliquer :
« Vos tentatives ont été tout à fait logiques. Car votre raisonnement était que si vous
échouiez, c’est parce que beaucoup de coups étaient donnés avec une force insuffi-
sante. Votre cadre de référence était que "si on y met une force suffisante, on y arrive".
Vous avez eu raison, car dans un très grand nombre de situations, probablement dans
la majorité d’entre elles, ce cadre de référence fonctionne bien pour réussir ce que
l’on entreprend. Malheureusement dans la situation qui était la vôtre, et contre toute
attente, cela n’a pas fonctionné. Mais gardez cette logique pour toutes les situations
où elle fonctionne très bien. »

Parfois aussi, le patient a pu se montrer particulièrement créatif et tester un


certain nombre de solutions paraissant réellement très différentes les unes des
autres, mais qui n’ont malheureusement pas fonctionné. Dans ces cas, l’hypnose
va être présentée comme l’exploration de quelque chose de différent. Comme le
disait Erickson : « Quelque chose que les patients n’ont pas l’habitude de faire
et qu’ils ont envie de faire. »
Il s’agit alors pour le thérapeute de proposer à son patient faire « ce qui vient »,
à condition que cela soit différent de ce que le patient a l’habitude de faire :
" ce qui vient au thérapeute,
" ce qui vient au patient.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 145 — #161
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Niveau 3 145

« Faire autre chose » est bien sûr extrêmement large et notre ouvrage ne suffira
certainement pas à être exhaustif concernant toutes les possibilités. On peut
mettre l’accent sur l’intérêt d’utiliser un état de conscience différent (transe).
On peut juste parler de faire quelque chose de différent.
Un certain nombre de techniques de créativité peuvent être utilisées. Nous
les évoquerons dans le chapitre 4, à propos des émotions (cf. « Rôle des émo-
tions... » p. 146).

Préserver et amplifier ce qui fonctionne

La troisième règle est plus une règle de vérification : que l’on ne s’évertue pas
à réparer ce qui n’est pas cassé. Aussi, à tout moment où se met en place un
travail de recherche de solutions, il importe de vérifier qu’il existe vraiment
un problème ou une difficulté dans ce domaine. Si ce n’est pas le cas, il est
nécessaire de montrer au patient, sous forme de compliments, qu’il met en œuvre
des solutions satisfaisantes.
Volontairement, nous prendrons un exemple qui peut sembler un peu farfelu.
Celui d’un homme qui mettait des lunettes de soleil dans l’espoir que ça favorise
le retour du beau temps :
« Bien sûr cela n’a pas fonctionné, je suis d’accord avec vous. Mais sachez que cela
aurait vraiment pu. C’est ce que les scientifiques appellent la synchronicité, et ce que
désigne aussi très bien le proverbe : « L’espoir fait vivre. » Cela n’a pas fonctionné
évidemment, mais il faudrait plutôt dire cela n’a PAS ENCORE fonctionné. Et si vous
continuez à le faire, cela fonctionnera. C’est juste que, comme nous tous dans notre
société, vous êtes pressé. Vous vivez le temps comme étant de l’argent et vous voulez
économiser le temps. C’est une curiosité, mais nous sommes, que voulez-vous, tous
concernés par cette mentalité. Au point que bon nombre de gens, même en vacances,
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

sont extrêmement actifs et ne se reposent pas. »

Avec un patient qui dit avoir des difficultés à prendre des décisions dans sa vie
professionnelle :
« Vous avez su montrer, lorsque vous receviez des amis et que votre épouse s’in-
quiétait que le repas soit apprécié, en disant avec beaucoup d’humour que le dîner
était délicieux, que vous saviez prendre des décisions pragmatiques et efficaces, en
comprenant que ces nouveaux amis étaient un peu timides et n’osaient pas clairement
complimenter votre conjointe. Cela me fait penser à un stratagème chinois. Vous vous
êtes vraiment comporté comme un général d’armée, très habile stratégiquement. »

De cette manière aussi, les ressources du patient sont amplifiées, afin de lui
faire éprouver qu’il possède les solutions.

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146 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

L’orientation solutions met en évidence des germes de solution. À tout moment,


l’hypnose peut venir faire croître ces germes.

Faire faire des tâches corporelles

Une autre piste pour pratiquer l’hypnose est encore de proposer en séance des
tâches corporelles. Nous insisterons particulièrement sur l’apport de François
Roustang dans ce domaine, avec le travail avec le geste (Roustang, 2004) : il
suffit de proposer au patient de se mettre en contact avec le problème ou la
difficulté qui le fait souffrir, et de laisser son corps faire un geste de solution. Une
série d’exercices peuvent être déclinés, en proposant au patient des variations
de ce geste : faire le même geste, mais avec le bras gauche au lieu du bras droit,
faire le geste plus rapidement, faire le geste plus lentement, etc. (cf. tableau
4.3 p. 154).

Le corps dans l’approche orientée solutions


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Rôle des émotions : Greenberg et son école

Un autre mode d’approfondissement de l’hypnose orientée solutions est le travail


avec les émotions.
S’il le pratiquait beaucoup, Erickson a peu théorisé dans ce domaine. Il faut
dire qu’à son époque les émotions étaient encore peu étudiées, l’étude des
comportements et, un peu plus tard, des cognitions (pensées) était dominante
dans la psychologie américaine.
Depuis une quarantaine d’années, une importante activité de recherche sur les
émotions a été mise en œuvre, essentiellement aux États-Unis, et particulière-
ment autour de Greenberg, un ancien étudiant de Carl Rogers.

Des solutions souvent adaptées


Les travaux de Greenberg et de ses élèves ont révolutionné la psychothérapie
dans le monde, et sont en train de le faire en France.
Ils postulent et montrent que les émotions sont généralement des réactions
d’adaptation. Leur fonction est protectrice. Ainsi, notamment :
➙ la peur protège du danger ;
➙ la tristesse et la douleur, par leur aspect déplaisant, sont des moteurs pour
prendre soin de soi afin d’améliorer sa vie et/ou sa santé, pour aller de l’avant ;

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 147 — #163
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Niveau 3 147

➙ la colère incite elle aussi à la protection : celle de notre personne, de notre


corps, de nos valeurs. Grâce à la colère, nous mettons des limites et des
frontières avec les autres, et nous préserverons nos valeurs, c’est-à-dire le
sens que nous donnons à notre vie ;
➙ le plaisir et la joie entretiennent en nous le goût de vivre.
D’une façon générale, il a été montré notamment que les émotions favorisaient
les processus d’apprentissage.

Les émotions sont des solutions


Bon nombre de patients ignorent les fonctions utiles de leurs émotions.
Or, dans de nombreuses situations cliniques, il est essentiel d’enrichir l’approche
orientée solutions par un travail pour aider le patient à utiliser ses émotions.
Greenberg et ses étudiants ont montré que la meilleure manière d’atténuer une
émotion était de l’accepter et de l’accueillir (Greenberg, 2020). Avec Erickson,
nous irons même plus loin : l’utiliser.
Bon nombre de patients, qu’on appelait jadis « alexithymiques », et aujourd’hui,
« carencés en intelligence émotionnelle », ont besoin d’aide, particulièrement
lorsqu’ils donnent au traitement certains objectifs qui nécessitent la mise en
œuvre des émotions.
L’orientation solutions nécessite alors d’intégrer cette dimension spécifique
d’aide concernant :
➙ l’information relative aux émotions : définition des émotions, distinction
entre émotions et sentiments, utilité des émotions pour la survie (dans les
sociétés primitives ou dans les situations extrêmes), dans la communication
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

interhumaine, dans les processus de décision complexes (Damasio, 1994), etc.


➙ l’utilisation des émotions dans leur vie et dans un monde actuel plus complexe,
dans lequel l’utilité des émotions semble moins évidente.

Cet enseignement peut utilement être agrémenté par des exercices de mise en
pratique avec des jeux de rôle, de simulation, de tels jeux induisant eux-mêmes
fréquemment des modifications d’état de conscience.

L’apport d’Insoo Kim Berg


Dans un article publié en 2000 avec Gale Miller, Steve de Shazer, répondant
à des critiques, précisait que les émotions faisaient « partie intégrante des
interactions de la thérapie centrée sur la solution » (Miller et de Shazer, 2000).

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148 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Tableau 4.1. Les fonctions utiles des différentes émotions

Émotion Fonction

Peur, anxiété Protège d’un danger

Colère Protège (l’intégrité corporelle, les valeurs)

Plaisir Nourrit l’envie de vivre

Douleur/tristesse Protège (l‘intégrité corporelle, l’envie de vivre)

Dégoût Protège la santé et l’envie de vivre

Culpabilité Protège l’appartenance au groupe

Honte Protège la vie

L’importance des émotions dans l’orientation solutions a surtout été abordée en


pratique par Insoo Kim Berg dans le travail avec les familles : elle insiste sur
l’importance déterminante d’évaluer au sein d’une famille quelle personne est
« suffisamment préoccupée, ennuyée ou bouleversée par le problème pour faire
quelque chose afin de le résoudre ».
Pour repérer cette ou ces personne(s), elle donne des indices suivants :
" l’expression d’émotions fortes, à la fois positives et négatives, lorsqu’on
discute du problème ;
" des indices non verbaux qui s’accordent avec les mots exprimant boulever-
sements et préoccupations, c’est-à-dire que l’exposé du problème fait par
la personne s’accompagne de la réaction émotive appropriée, telle qu’une
attitude prostrée ou penchée vers l’avant, une expression inquiète du visage,
etc. ;
" des réponses verbales qui indiquent un investissement dans le changement :
« Il faut faire quelque chose », « Ça ne peut pas continuer comme ça plus
longtemps », « C’est terrible », « Rien de ce que je fais ne marche », « Je ne
sais plus quoi faire » ;
" la volonté exprimée de faire quelque chose concernant la situation ;
" l’expression d’un certain espoir, la conviction qu’avec de l’aide les choses
peuvent changer.
Dans son livre remarquable sur le travail social avec les familles en difficulté,
Insoo Kim Berg considère les émotions comme des énergies pouvant être utiles
à la thérapie (Berg, 1994).

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Niveau 3 149

Outils pratiques
L’aide au patient pour lui apprendre à utiliser ses émotions peut passer par de
multiples supports, selon l’âge du patient, son contexte culturel, ses centres
d’intérêt.
Des cartes sur les émotions peuvent être utilisées, des histoires, des dessins, des
extraits de films, des expériences hypnotiques, etc.
Le but est d’aider le patient à se mettre en contact avec son intelligence corpo-
relle émotionnelle, grâce à ces multiples contextes, de le guider et de le valider
dans la mise en œuvre d’émotions qui soient adaptées à ceux-ci.
La créativité du thérapeute et celle du patient sont convoquées afin de rendre
le travail vivant, ludique et agréable.

Une complexité supplémentaire : les émotions inappropriées


Dans un certain nombre de situations cliniques, intervient une complication
supplémentaire : les émotions du patient sont inappropriées, mal adaptées.
Pour Greenberg, les cas suivants peuvent être à l’origine d’émotions inappro-
priées :
" des situations liées à des causes biologiques : par exemple, l’hypothyroïdie
prédispose à la fatigue et à la tristesse, l’hyperthyroïdie à l’anxiété. D’autres
situations de pathologie endocriniennes sont également concernées. Elles se
traitent habituellement par des médicaments spécifiques ;
" des situations telles que la maltraitance infantile, lors desquelles l’enfant peut
apprendre à percevoir les relations interpersonnelles comme effrayantes et
devant être évitées ;
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

" avec des parents ou des substituts ayant des réactions problématiques, l’enfant
peut apprendre aussi, afin de s’adapter, à inhiber sa colère et à la transfor-
mer en tristesse, par exemple. En l’absence de comportement protecteur des
parents, il peut aussi développer une anxiété ou un sentiment de solitude,
générant une peur ou une honte, voire une rage pathologique. Il s’ensuit
le développement d’un sentiment de soi vide, avec une impuissance et un
désespoir secondaires ;
" dans certaines familles l’impossibilité d’exprimer sa colère peut amener le
développement de sentiment d’impuissance. L’humiliation en réponse à des
larmes ou à une demande d’affection peut faire naître une honte inadaptée
avec repli sur soi et isolement.

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150 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

« Si le présent déclenche des réponses passées, la nouveauté, la richesse et les


détails du moment présent se retrouvent perdus » (Greenberg, 2020).
Dans de telles situations, le travail thérapeutique implique de guider le patient
afin qu’il puisse accéder à ses émotions appropriées et aidantes. À ses émotions
solutions.
Après avoir brièvement évoqué l’importance des émotions dans les processus
thérapeutiques (cf. p. 146), nous pouvons maintenant préciser que le travail
orienté solutions avec les émotions est rendu possible par les recherches dans
ce domaine depuis une quarantaine d’années. Il est en effet établi actuellement
que les émotions ont d’importantes fonctions positives pour l’être humain ; prin-
cipalement des fonctions adaptatives. Il ne faut donc pas craindre de proposer
aux patients souffrant de blocages émotionnels de travailler sur leurs émotions
en les aidant à utiliser ces fonctions. Plutôt que d’imposer un dogme, il est plus
utile d’aider le patient à cheminer pour qu’il puisse identifier la ou les fonction(s)
positive(s) de son émotion.
Greenberg, tête de file dans la recherche sur les émotions, distingue quatre types
d’émotions :
1. Les émotions adaptatives primaires, qui sont immédiates et adaptées.
Les émotions primaires surviennent immédiatement spontanément. Lors-
qu’elles sont adaptées, alors elles méritent d’être encouragées et il s’agit
d’aider le patient à faire confiance à ses émotions afin de pouvoir les
utiliser optimalement.
2. Les émotions primaires mal adaptées.
Par contre, lorsqu’elles sont inadaptées, il importe d’aider le patient à
cheminer afin qu’il puisse trouver lui-même, par un travail expérientiel,
l’émotion qui serait adaptée pour qu’elle remplace la précédente.
3. Les émotions secondaires.
Les émotions secondaires surviennent dans un second temps et remplacent
émotions primaires adaptées. Elles sont habituellement en rapport avec les
traumatismes passés. Là aussi il est important d’aider le patient à pouvoir
accéder à son émotion primaire afin de pouvoir utiliser le potentiel utile
de celle-ci.
4. Les émotions instrumentales.
Les émotions instrumentales sont des émotions apprises afin d’obtenir
des effets utiles sur les autres : tristesse pour avoir de la compassion,

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Niveau 3 151

colère pour soumettre et dominer. Le travail sur les émotions secondaires


consiste à aider le patient à retrouver leurs fonctions utiles, afin de les
reconnaître comme lui ayant été utiles, et de pouvoir choisir d’avoir des
comportements plus adaptés à ses objectifs.
Un certain nombre de tâches existent afin d’aider le patient à faire ce travail
sur ses émotions problématiques. Les thérapies centrées sur les émotions (TCE)
proposent plusieurs types de tâches, des tâches que l’on peut considérer comme
hypnotiques.

Tableau 4.2. Les quatre types d’émotions

Type d’émotion Observations

Les émotions adaptatives primaires adaptées À encourager.

Les émotions primaires mal adaptées Aider le patient à trouver l’émotion adaptée.

Aider le patient à accéder à son émotion


Les émotions secondaires
primaire adaptée.

Pour obtenir des bénéfices.


Les émotions instrumentales
Pas forcément conscientes.

Apport de la phénoménologie

N’étant pas philosophe professionnel, notre cheminement philosophique est


toujours balbutiant. C’est vers l’âge de 30 ans que nous avons pris conscience,
notamment en nous occupant de patients dépressifs, de la nécessité d’acquérir
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

une formation philosophique de base, que nous n’avions malheureusement pas


reçue pendant nos études initiales.
Le domaine de la phénoménologie est réputé pour sa difficulté d’accessibilité et
de compréhension. C’est donc en ayant grandement conscience de nos capacités
limitées que nous proposons, quand même, cet éclairage à notre avis essentiel.

Notre corps
Sous l’influence de François Roustang en France, un regain d’intérêt pour la
phénoménologie est en train de s’opérer actuellement, particulièrement avec les
travaux du phénoménologue Michel Henry.
Cette approche peut être résumée de la manière suivante : dans la continuité
de Descartes, nous ne pouvons être sûrs que d’une seule chose, de notre propre

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152 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

existence. Chacun de nous peut ressentir (ce qu’à l’époque Descartes appelait
« penser ») qu’il existe. C’est donc une vérité subjective qui s’avère être le fonde-
ment d’une véritable science s’occupant de la vérité. Nous ne pouvons donc pas
être sûrs que ce que nous voyons est vrai (nous pouvons être victimes d’illusions
d’optique notamment). Mais nous pouvons être sûr que nous voyons.
De manière comparable, nous pouvons être sûrs aussi de ce que nous ressentons,
en étant attentifs à rester dans la sphère corporelle et en nous gardant donc de
toute activité interprétative susceptible de générer de l’erreur.
Michel Henry a été plus loin, en déduisant de ce qui précède que nous sommes
notre corps (Henry, 2011b). Le corps présente d’importantes dimensions, biolo-
gique bien sûr, mais aussi relationnelles, spirituelles (en étant attentif à ne pas
attribuer à ce mot une signification forcément religieuse), etc.
De nombreux patients s’avèrent dissociés de leur corps, et cela est particulière-
ment visible en clinique, particulièrement chez les patients étant, généralement
douloureusement, dans le mental, dans les idées, c’est-à-dire ce que l’on peut
qualifier d’abstractions irréelles.
Là aussi, un travail d’éducation, si le patient est preneur, et en le laissant
toujours avoir le premier rôle dans son propre processus de découverte, peut-être
proposé pour qu’il puisse se réintéresser à son corps (c’est-à-dire à lui-même),
se remettre en contact avec la vie qui est en lui, avec sa subjectivité, seule
source de savoir fiable et utile.
Comme nous l’avons déjà dit, cette démarche contraste avec la précédente
période qu’ont connue les sciences humaines, particulièrement dans les pays
anglo-saxons, où la vérité était une notion relative et dévalorisée, ouvrant la
porte aux dérives qui ont été constatées dans les domaines des psychothérapies
et de l’hypnose thérapeutique.
Les questions centrales sont alors :

« Qu’éprouvez-vous ? »
« Que ressentez-vous ? »

Avec, si le patient a du mal à quitter le domaine de l’abstraction, l’utilité de lui


proposer, en l’accompagnant, de retourner à son corps.
Dans la perspective de Michel Henry, il n’y a rien d’autre que le corps, parti-
culièrement comme source de savoir. Et la vie est un processus qui se produit
dans notre corps, un processus qu’il qualifie d’auto-affection (Henry, 2011a), ce
qui renvoie à ce que nous avons évoqué concernant la joie, le sentiment d’être

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Niveau 3 153

capable, la créativité, la fierté et l’espoir au chapitre 3, dans la deuxième partie


de la question miracle, « Analyse », p. 130.

(Re)devenir notre corps


Retenons pour l’instant en pratique qu’avec des patients intellectuels enclins
à se dissocier de leur corps, cette approche s’avère essentielle. Elle a conduit
François Roustang à élaborer de nombreux exercices, qu’il a pu détailler dans ses
principaux livres (cf. tableau 4.3).
Après avoir envisagé ces importants apports, revenons maintenant à d’autres
outils issus du travail des fondateurs de l’orientation solutions, et particulière-
ment maintenant, à la question miracle.
Les techniques de créativité (moments créatifs de Rossi, particulièrement celles
de travail corporel comme le travail avec les mains, mais aussi la danse et le
théâtre) et aussi celles des chocs thérapeutiques.

Moments créatifs et thérapies de choc

L’intervention de l’intelligence corporelle et émotionnelle va conduire à l’inté-


gration d’une immense gamme d’outils thérapeutiques à l’orientation solutions.
Nous avons montré que cette dernière mettait en œuvre, outre l’intelligence
logique, des phénomènes :
" d’anticipation,
" de régression,
" de suppositions (avec particulièrement la question miracle).
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

C’est maintenant l’ensemble des capacités de solutions imaginatives que nous


pouvons intégrer pour aider le patient.
Ainsi nous pouvons susciter et utiliser l’intégralité des phénomènes hypnotiques
(Edgette et Sasson Edgette, 2009), sans aucune limitation si ceux-ci peuvent être
pertinents pour aider le patient, à condition que le thérapeute garde une posture
d’humilité telle que nous l’avons décrite précédemment. Ces interventions sont
présentées au patient, dans la continuité de l’éthique éricksonienne, comme
des expériences qui méritent d’être essayées et explorées ensemble, thérapeute
et patient.
Les solutions imaginatives sont en fait infinies. Mais les solutions mobilisant
les émotions des patients ont une importance particulière vu le rôle que l’on
reconnaît aujourd’hui aux émotions dans les processus d’apprentissage.

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154
L’ HYPNOSE

Tableau 4.3. Les principaux exercices inspirés de Roustang

Intitulé Contenu Rationnel

Redevenir un animal. Redevenez un animal, là, maintenant. L’être humain est un animal, mais qui est
souvent coupé de cette animalité, de son
corps, de la vie. Il importe de s’y reconnecter.

Caresser son problème. Caressez votre problème comme s’il était Il importe d’entrer en contact avec son
CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

un renard, ou un autre animal de votre choix. problème pour que ce dernier puisse se
modifier, se transformer.

Laisser le cerveau descendre dans les pieds. Laissez votre cerveau descendre vers le bas L’être humain privilégie son cerveau pour
de votre corps, jusqu’à vos pieds. améliorer sa vie. La vie se trouve dans
l’ensemble de notre corps.

Se réinstaller dans le siège d’une manière Prenez votre temps pour vous réinstaller dans Souffrir nous pousse à quitter la vie, et il
qui convient. votre fauteuil d’une manière qui vous convient. importe de s’y réinstaller, de reprendre place.

Faire un geste. Pensez à ce qui vous crée un problème et Notre corps est un lieu de pensée créative,
laissez votre corps faire un geste de solution, donnons-lui la parole et écoutons-le.
répétez-le, inversez-le de toutes les manières
possibles.
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Niveau 3 155

Dans l’œuvre éricksonienne, ces solutions ont été appelées « moments créatifs »
et « thérapies de choc ». Ces pratiques s’intègrent totalement dans la règle pré-
conisant de « faire autre chose » quand les solutions habituelles, celles faisant
consensuellement partie du cadre de référence des patients et des thérapeutes,
ne fonctionnent pas.
Peu de thérapeutes sortent effectivement de ce cadre de référence. Citons parmi
ceux que nous avons rencontrés ou que nous connaissons : Ernest Rossi, Roxanna
Erickson-Klein, Franck Farrelly, Joyce Mills, Patrick Bellet, François Roustang,
Steve Lankton, Stefano Colombo, Antoine Bioy, Jean-Claude Lavaud et Arnaud
Gouchet. Auxquels j’ajouterai mes collègues du CITI Bernadette Audrain-Servillat,
Nicolas Gouin, Pierre-Henri Garnier et Léo Robiou du Pont.
Tous ces praticiens s’autorisent. Mais, en pratique, qu’est-ce que s’autoriser ?

S’autoriser
" Être raisonnable et fou
Pour arrêter de faire ce qui ne marche pas et tenter de faire autre chose, il semble
nécessaire, notamment avec des patients qui ont vu de nombreux thérapeutes
sans obtenir de leur rencontre des résultats suffisants, de les emmener au-delà.
Mais au-delà de quoi ?
Nous entrons là dans des questions paradoxales. Des questions qui mettent en
jeu les notions habituelles de raison.
Selon l’Encyclopedia Universalis1 : « Le terme de raison – du latin ratio, qui
désigne à l’origine le calcul pour prendre ensuite le sens de faculté de compter,
d’organiser, d’ordonner – possède dans toutes les langues modernes une multi-
tude d’acceptions qui, cependant, par des détours plus ou moins longs, peuvent
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

être ramenées au sens premier. »


Ainsi, initialement, la raison est ce qu’indique un calcul basé sur un sens logique,
éventuellement logico-mathématiques.
Cependant, depuis un siècle environ :
" de nombreux logiciens ont montré qu’il n’existait pas une, mais de nombreuses
logiques possibles, comme l’a montré F. Nef, dont nous avons eu la chance
d’être l’élève (Nef, 1991) ;

1. https://www.universalis.fr/

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156 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

" Husserl, initialement professeur de mathématiques, a mis en évidence un


certain nombre de fondements discutables dans les mathématiques. C’est sur
ce doute qu’il a initié la phénoménologie actuelle.
S’autoriser serait donc alors, pour un thérapeute, se permettre, en accord avec la
science, et aussi en accord avec le patient, d’imaginer des expériences inédites,
ou en tout cas, comme le disait Erickson, inhabituelles pour le patient. Il y aurait
alors à l’accompagner en fonction de ses besoins dans l’intégration de son vécu
expérientiel, de manière à ce que le patient, à son tour, s’autorise. Il s’autorise
en faisant lui-même ses choix, en fonction de ses propres préférences.
Le thérapeute, ainsi, en s’autorisant, transmet, sème à son patient un contexte
dont il peut ensuite se saisir pour cheminer dans sa vie de façon autonome.
Pour ce faire, le thérapeute doit faire preuve à la fois d’adaptation et d’atypicité
et avoir, comme le disait le vieil adage, « un pied dans le monde et un pied hors
du monde ». Il doit à la fois être inséré dans le monde et être aussi connecté à
la vie sauvage. Être raisonnable et fou.
En pratique, il peut être utile de se rappeler que lorsque Milton Erickson était
en difficulté avec un patient, il se mettait en autohypnose afin de se créer une
amnésie de ce qu’il savait de celui-ci dans le but de le voir comme si c’était la
première fois. Comme s’il y avait à recréer un nouveau contexte pour que puisse
exister, enfin, une rencontre (Buber,1923).

Exercice
Afin de développer la créativité thérapeutique, j’invite lecteur à refaire (s’il a déjà fait cet
exercice dans le cadre de sa formation à l’hypnose thérapeutique), ou à faire l’exercice
suivant, qu’Erickson proposait souvent à ses patients :
Choisissez une de vos mains, et regardez-la comme si c’était pour la première fois...
comme si vous pouviez vous rappeler la première fois que vous avez vu votre main,
que vous avez, en constatant qu’elle était reliée à vous... su que c’était votre main.
Si un vertige vous prend... laissez-le vous emmener... et cessez l’exercice dès que
vous le souhaitez... dès qu’un signal de votre corps vous informe que votre expérience
a été suffisante.

Techniques
Après avoir fait cet exercice, nous pouvons détailler un certain nombre de techniques
destinées à favoriser la créativité des patients comme celle des thérapeutes.
➙ Changer le référentiel habituel : que serait l’inverse de ce qui est normalement essayé ?
Le 180° de Palo Alto.
➙ Raconter des histoires : peu importe lesquelles.
...

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Niveau 3 157

...
➙ S’autoriser : l’éclairage des thérapies narratives.
➙ Provoquer : être plus fou que le patient pour qu’il fuie dans la solution.
➙ Dessiner, jouer de la musique, écrire.
➙ Inviter à se lever.
➙ Faire la thérapie ailleurs.
➙ Utiliser la réalité virtuelle.

E XPLORER LES RESSOURCES RELATIONNELLES

Comme en hypnose éricksonienne, l’orientation solutions implique toutes les


personnes que le patient souhaite voir venir en séance et qui sont prêtes à venir,
sauf raison valable de s’y opposer.

Conjoint
!

Convier les conjoints à venir en séance en consultation est très souvent utile.
Ils vont notamment donner des informations qui vont faciliter au thérapeute
son entrée dans le monde du patient ; parfois même des informations assez
intimes et précieuses. Dans d’autres cas, ils vont révéler au thérapeute l’existence
d’exceptions que le patient n’avait pas pu indiquer lui-même.

Pour apporter des informations

Avec un patient adulte, c’est, de tous les membres de l’entourage, le plus souvent
le conjoint qui vient participer à des séances.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Souvent, dès le premier rendez-vous, le conjoint se propose de venir à la séance.


Il semble important de donner au patient le choix d’accepter ou non la présence
de son conjoint.
Le patient peut choisir de refuser ; il nous semble important que ce choix soit
respecté.
Souvent, cependant, les patients acceptent, ressentant l’utilité d’une partici-
pation qui peut être aidante pour le thérapeute, par les informations que le
conjoint peut apporter.
La participation du conjoint, dans d’autres situations, peut ne commencer qu’à
des séances ultérieures.
Les informations apportées par le conjoint peuvent être déterminantes pour le
travail thérapeutique. Il peut signaler des moments d’exception notamment, et

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158 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

donner des détails sur ceux-ci : qu’est-ce qui est différent ? Comment l’exception
a pu se réaliser ? etc.
Dans certains cas, il peut être très utile, si le conjoint semble impliqué, de lui
poser un certain nombre de questions.

Pour susciter des questionnements utiles

L’utilisation des échelles peut aussi avoir un fort impact lorsque le conjoint
donne des chiffres meilleurs que le patient.
On peut ainsi utiliser des échelles croisées :
« Vous Madame, à combien vous pensez que les choses sont pour votre mari ? »
« Et vous Monsieur, auriez-vous dit ce chiffre ? »

À d’autres moments, les scores d’évaluation vont différer en étant plus élevés
chez le patient que chez le conjoint. Ce constat peut générer un travail conjugal,
un travail très indirect et donc souvent plus facilement accepté par le conjoint.
Dans de tels cas, une question utile peut être :
« Pour vous, les choses sont à 6 sur l’échelle alors que votre conjointe dit qu’elles sont
à 4. Qu’est-ce que vous pensez voir que votre épouse ne voit pas ? »

Ces échelles peuvent utilement, afin que chaque conjoint garde son propre
résultat secret dans un premier temps, être faites avec des dés, objet qui pré-
sente aussi, comme nous l’avons évoqué, une dimension ludique favorisant les
prises de décision. Il s’agit alors de favoriser le passage de la compétition à la
coopération, dans le but de mieux s’adapter à l’autre (Robiou du Pont, 2021).

Pour délivrer des compliments au couple

Dans certains cas, il est utile que les deux membres du couple soient là, afin
de recevoir :
" des compliments sur ce que chacun a fait d’utile pour construire des solutions,
pour les mettre en œuvre et se rapprocher de l’objectif ;
" des compliments sur les valeurs de chacun, et les valeurs du couple.
Ainsi, il est possible de dire à un couple que le thérapeute a été impressionné
par la façon dont les conjoints s’aiment (ce compliment sera applicable aussi
pour les familles), par leur volonté de faire ce qui est bien pour l’autre, etc.

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Niveau 3 159

Pour retravailler l’objectif thérapeutique

Dans certains cas où le travail a du mal à se mettre en place, il est nécessaire


de retravailler les objectifs afin de bien prendre en compte les avis de chacun.
Si, dans un premier temps, la thérapie s’est faite individuellement et qu’elle a du
mal à avancer, il peut être utile, en début de séance, de requestionner le patient,
et de questionner le conjoint, par une question commune :
« Qu’est-ce qui devra changer pour vous et qui vous fera dire que cela a été une bonne
chose de venir ici ensemble ? ».

Comme dans toutes les situations où il y a plusieurs personnes qui viennent à la


thérapie, il est important ici de travailler à l’émergence d’un objectif commun. En
tout cas, dans la mesure du possible, car si chaque participant (en l’occurrence
ici chaque conjoint) exprime des objectifs qui divergent, le travail d’accordage
peut aboutir, même si cela est relativement rare, à un éloignement voire à
une séparation.

Pour prescrire des tâches à l’accompagnant

Un autre aspect est de considérer que, à un conjoint vraiment motivé, il est


possible de prescrire des tâches, même si, officiellement ce n’est pas lui qui a le
problème, mais l’autre. Cela est particulièrement important quand le conjoint est
à l’origine de la thérapie et exprime une souffrance importante. Une plainte forte
peut témoigner dans ce cas d’une forte motivation pour contribuer à la thérapie.

Pour impliquer le conjoint ressource


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Dans bon nombre de situations aussi, ce n’est pas la personne qui a le problème
qui vient en thérapie, mais le conjoint qui en souffre.
Un certain nombre de questions peuvent être utiles dans de tels cas :
« En quoi la dépression de votre mari vous pose-t-elle problème ? »
« D’après vous, comment votre mari verrait-il le problème de son point de vue ? »
« Que devez-vous constater de différent pour considérer que votre mari est moins
déprimé ? »
« Qu’avez-vous jusqu’à présent fait pour essayer d’aider votre mari ? »
« Dans tout ce que vous avez fait ou faites en ce moment, qu’est-ce qu’à votre avis
votre mari a trouvé utile ? »
« Le plus utile ? »

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160 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

« Le moins utile ? »
« Si votre mari était là, que dirait-il sur ce que vous pourriez faire pour lui être utile ? »
« Qu’avez-vous essayé dans tout cela qui a marché au moins un peu ? »
« Qu’est-ce que votre mari dirait qu’il a besoin de faire autrement pour aller mieux ? »
« Qu’est-ce que votre mari dira à propos des changements dans votre famille lorsqu’il
sera moins déprimé ? »

Cette dernière question permet de mettre en évidence une possible chronicité et


les difficultés susceptibles d’apparaître en cas d’amélioration (Berg, 1994).

Avec les conjoints résistants

Lorsque le conjoint insiste vraiment sur le fait que c’est l’autre qui a un problème
et pas lui-même, les questions suivantes peuvent aider :
« Comment les problèmes de votre conjoint vous affectent-ils ? »
« À votre avis, que dirait-il des conséquences du problème sur lui-même, sur sa famille,
sur sa vie ? »
« À votre avis, que dirait votre conjoint sur ce qu’il est prêt à faire pour solutionner son
problème ? »
« À votre avis, qui est le plus intéressé pour résoudre le problème, lui ou vous ? »
« À votre idée, que dirait-il que vous pourriez faire qui soit le plus utile pour lui
maintenant ? »
« D’après vous, que dirait-il qu’il est prêt à faire pour (reprendre les termes utilisés par
le patient) ? »
« D’après vous, que dirait-il que vous êtes prête à faire si son problème continue ? »
« D’après vous, dirait-il qu’il prend au sérieux votre menace de le quitter ? »
« D’après vous, que dirait-il de ce qu’il perçoit de ce que vous êtes sérieuse dans votre
menace de le quitter ? »
« Quand vous serez arrivée à le persuader que vous êtes absolument sérieuse quand
vous menacez de partir, à votre idée que se dirait-il prêt à faire ? »
« À votre avis, qu’est-ce qui pourra le persuader que vous êtes sérieuse ? »
« À votre idée, comment vous considèrera-t-il quand vous aurez finalement appris à
vous détacher des problèmes de votre mari ? »

Le patient, nous l’avons dit, vient en séance avec qui il veut. Si le thérapeute
ressent une réticence à recevoir un accompagnant, il est utile qu’il puisse l’ex-
pliciter au patient, sous la forme d’une information qu’il donne, afin que ce soit
finalement le patient qui fasse le choix.
Ainsi, avec un patient déjà reçu plusieurs fois en présence d’un conjoint anxieux
qui semblait parasiter le travail thérapeutique :

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Niveau 3 161

« Vous m’avez pendant plusieurs séances exprimé votre volonté de prendre une déci-
sion concernant votre besoin de prendre du recul dans votre couple, et vous venez
aujourd’hui avec votre conjoint, je me sens un peu déstabilisé. Pouvez-vous me confir-
mer que vous souhaitez vraiment sa présence aujourd’hui ? »

Amis, collègues de travail


!

Avec des personnes plus éloignées, les questions sont en fait à peu près les
mêmes qu’avec le conjoint. Elles font effectivement toujours l’objet de questions
circulaires destinées à recevoir de l’information utile pour la thérapie.

Famille
!

Nous avons vu l’importance de repérer les personnes d’une famille qui montrent
le plus des émotions. Celles-ci peuvent être considérées comme des points forts
de la famille.
Une autre manière, complémentaire, d’identifier les compétences d’une famille
est de réaliser un génogramme orienté solutions. Le génogramme est un outil
classique en thérapie familiale systémique, qui consiste, en respectant un certain
nombre de règles, de dessiner la famille d’un patient, généralement sur les trois
dernières générations.
Il y a de multiples façons d’utiliser le génogramme, y compris en orientant
celui-ci vers les solutions. Seront ainsi notées particulièrement :
" les qualités des personnes ;
" des compétences (et éventuellement la ou les plus grande(s) réussite(s)
concrète(s)) ;
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

" les valeurs.


I. K. Berg (1994) propose, lors d’un tel génogramme, d’examiner particulièrement
quatre questions :
1. Quelle perception le client a-t-il de sa famille d’origine ? La voit-il plutôt
comme une ressource ou plutôt comme un problème ?
Dans le premier cas, comment a-t-il choisi d’adopter les traits positifs de
sa famille ?
Dans le second cas, comment a-t-il été assez avisé pour savoir comment ne pas
adopter ces traits ?
2. Quelles sont les alliances et les ressources actuelles ?

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162 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

On peut demander :
« Qui rend visite à qui et à quelle fréquence ? »
« Qui reste en contact avec les membres de la famille par mail, en visio ou par
téléphone ? »
« Où la famille se réunit-elle ? »
« Qui diffuse particulièrement les informations familiales ? »
« Qui le patient appelle-t-il lorsqu’il a besoin d’aide ? »

Ces questions vont servir notamment à déterminer quelle est la personne la plus
influente dans la famille, ce que le patient fait pour entretenir cette relation de
soutien et ce qu’il devrait faire pour la conserver.
Si le patient a perdu un soutien précieux, que faudrait-il faire pour que ce membre de
la famille l’aide à nouveau ?
Quelles sont les règles du jeu pour conserver ce soutien, est-ce que cela vaut le prix
à payer ?

Par ailleurs, afin de pouvoir préparer l’avenir, le thérapeute peut utilement


réfléchir à la personne de l’entourage avec laquelle il serait plus particulièrement
utile de développer une bonne alliance.
3. Même si une évolution est constatable dans le fonctionnement de notre
société, une source importante de conflits familiaux, lorsque la patiente
est une jeune fille, consiste dans la manière que la famille a de considérer
son comportement avec les hommes. On peut considérer que l’intérêt de la
famille pour cette question est, jusqu’à preuve du contraire, un signe qu’elle
se préoccupe profondément d’elle :

« Comment sa famille voit-elle ses relations avec les hommes ? »


« Est-ce que la famille approuve son choix ? »
« Pense-t-elle qu’au cours des années elle s’y est bien prise dans ce domaine ? »
« Que croit-elle qu’elle devrait faire ? »
« Quelle est, pense-t-elle, la raison pour laquelle elle est attirée par des hommes qui
la maltraitent ? »

4. Quel sentiment a le patient de son autonomie ?

« La patiente pense-t-elle qu’elle a réussi comme mère, comme fille, comme profes-
sionnelle ou comme personne ? »
« Croit-elle par exemple qu’elle a mieux ou moins bien réussi avec son enfant que sa
mère avec elle ? »
« Quel genre de mère veut-elle être ? »

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Niveau 3 163

« En quoi ressemble-t-elle à sa mère ou en quoi en diffère-t-elle ? »

Il importera alors d’identifier les plus petits indices d’indépendance et d’autono-


mie pour ensuite les amplifier.
Et si la jeune fille pense mieux s’y prendre avec son enfant que sa mère l’a fait à
son égard :
« Comment a-t-elle appris à faire ça ? »
« Est-ce qu’elle a fait ça par elle-même ou est-ce qu’elle a appris avec quelqu’un
d’autre ? »
« Avec qui ? »

Toutes ces réponses doivent être les plus détaillées possible et faire l’objet de
compliments et de félicitations (Berg, 1994). Voir « Plan de traitement famille »
en annexe 4.
D’une façon générale, l’esprit d’une intervention familiale orientée solutions peut
utilement se baser sur les principes suivants :
➙ jusqu’à preuve du contraire les parents souhaitent le bonheur, l’épanouisse-
ment et la bonne santé de leurs enfants ;
➙ jusqu’à preuve du contraire les enfants souhaitent faire plaisir à leurs parents
et que ceux-ci soient fiers d’eux.
Évidemment, il importe que le thérapeute soit lucide, et que si la preuve du contraire
est apportée, il intègre cette limitation dans la démarche thérapeutique.

LE TRAVAIL AVEC LES ENFANTS


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’orientation solutions est habituellement plus facile à pratiquer avec les enfants.
Une fois que ceux-ci se sentent respectés et validés par le thérapeute, ils
sont généralement ouverts à une relation thérapeutique ludique et créative.
Les enfants souhaitent souvent que leurs parents viennent, à juste titre, et la
recherche d’exceptions va pouvoir ainsi concerner l’enfant et ses parents.

Recherche d’exceptions et construction de solutions


!

Avec l’enfant, la recherche d’exceptions a certaines particularités :


" il peut ne pas être facile pour l’enfant vu individuellement de repérer, et
surtout de verbaliser des moments d’exception. La présence d’un parent ou

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164 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

d’un substitut parental sera utile pour identifier des moments où le pro-
blème aurait dû se poser et où il s’est produit moins fortement ou pas du
tout. L’interrogatoire conjoint du parent et de l’enfant crée alors le maximum
de différence.
" L’enfant peut, plus facilement que l’adulte, personnifier un problème ou le
métaphoriser. Il peut alors le dessiner, ou le construire avec des Lego, ou tout
autre moyen créatif.
Une fois le problème construit, l’enfant peut agir sur lui, de multiples manières,
en le modifiant.
De nombreux enfants peuvent travailler un certain nombre de peurs en les
dessinant et en les faisant disparaître avec, par exemple, du correcteur liquide.
Il peut aussi dessiner dans le coin d’une feuille le problème, et dans le coin
opposé la solution, et tracer un chemin qui va de l’un à l’autre, en dessinant les
différents obstacles possibles. Et, pour chacun des obstacles, il peut dessiner
une solution (Mills et Crowley, 1995 ; Audrain-Servillat, 2019)
En fait, tout support créatif ou ludique qui convient à l’enfant est pertinent pour
le travail thérapeutique.
À chaque fois que le travail individuel est difficile, il importe d’élargir le champ
d’observation afin d’identifier des exceptions, en incluant :
➙ l’école (par un contact avec l’enseignant) (Durrant, 1997) ;
➙ et évidemment l’environnement familial.
Il importe aussi de chercher une pathologie dépressive (cf. chap. 4, « Dépression,
perte et deuil », p. 175).

Particularités des échelles chez l’enfant


!

Plutôt que des échelles chiffrées, il est généralement plus pertinent d’utiliser
des échelles analogiques.
Des échelles utilisant des smileys évoluant par exemple, progressivement, de
« tristes » à « heureux », sont souvent pratiques.

Fabriquer les solutions !


!

La fabrication d’objets solutions convient particulièrement aux enfants, surtout


s’ils aiment bricoler et/ou un de leurs parents a du goût pour cela.

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Niveau 3 165

Échelle pour enfants sous forme de smileys

Toutes les inventions sont pertinentes, du bouclier protecteur de chevalier à des


curseurs pour moduler la colère ou la frustration.
Dans le cadre de troubles du contrôle sphinctérien (énurésie, encoprésie) :
➙ la recherche d’exceptions (lit sec, culotte propre) générera souvent la construc-
tion des solutions ;
➙ celles-ci pourront être renforcées par un travail ludique sur les fonctions
sphinctériennes (dessin, Lego) pour aider l’enfant à imaginer son corps et
la maturation de son système urinaire (dans l’encoprésie, il est important
d’envisager les phénomènes d’hypercontrôle (l’enfant se retient trop) et les
situations émotionnelles de colère.
Les situations de troubles de l’attention pourront être travaillées avec les
exceptions lors desquelles l’enfant se montre intéressé et devient capable de
se focaliser.

LE TRAVAIL AVEC LES ADOLESCENTS


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Établir le contact
!

Avec les adolescents existent deux grands cas de figure :


" les situations où les adolescents sont volontaires et demandeurs. Le travail
est habituellement plutôt facile et assez analogue à celui avec les adultes :
construction d’un objectif travaillable, recherche des exceptions, compliments,
éventuellement questions à échelle et question miracle. L’hypnose peut évidem-
ment être ajoutée à tout moment s’il y a une demande du patient. Comme avec
les enfants, il peut être utile d’aller avec l’adolescent dans ses domaines de
prédilection, comme les jeux vidéo. Par ailleurs, les outils de réalité virtuelle,
très hypnotiques (Gouin et al., 2022) suscitent la curiosité des adolescents

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 166 — #182
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166 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

et génèrent des expériences qu’ils n’ont pas l’habitude de vivre, des sortes
d’exceptions ;
" les situations où ce sont les parents, voire l’école, qui sont demandeurs sont
fréquentes. Ceci fait qu’une des caractéristiques du travail avec l’adolescent
est d’être assez souvent confronté au fait que celui-ci ne parle pas et ne
répond pas aux questions du thérapeute.
Une des particularités du travail avec les adolescents est que ceux-ci peuvent
donc être plus ou moins demandeurs, et donc, au début, peu coopératifs. Ils
peuvent aussi avoir peur des psys, et être mal à l’aise avec un adulte qu’ils ne
connaissent pas. Une intervention souvent adaptée à ce genre de situation est
la suivante, en en faisant un compliment, et donc en disant de manière sincère :
« Toi au moins, tu ne parles pas pour ne rien dire ! »

Le travail pour aider les adolescents est souvent fait de manière indirecte, les
parents (ou au moins un des deux) venant au début, car l’adolescent refuse de
participer. Dès qu’il est possible de voir l’adolescent seul, un certain nombre de
questions peuvent s’avérer très utiles.
« Qu’est-ce qu’il faudra que tes parents voient comme changement pour qu’ils arrêtent
de t’obliger à venir me voir ? »

Ce type de questions mène souvent, même si cela peut étonner, à des objectifs
travaillables et qui intéressent vraiment l’adolescent. Cela n’est pas si étonnant
si on tient compte de principes déjà énoncés au chapitre 3, « Le passant »,
p. 55.
Ainsi, le dialogue avec un adolescent amené par ses parents qui trouvent qu’il
n’est pas respectueux envers eux :

« – Je pense que ce mercredi, tu aurais vraiment autre chose à faire de plus agréable
que de venir me voir, moi psychiatre, dans mon bureau. J’aimerais bien, si tu peux me
le dire, ce que tes parents pensent qu’il doit se produire pour qu’ils ne t’obligent plus à
venir ici ? »
– Ils trouvent que je suis agressif. Mais moi je ne trouve pas.
– C’est chouette que tu ne le sois pas alors.
– Bah oui moi je suis quelqu’un de gentil, c’est ce que tous mes amis disent. Mais mes
parents sont tellement à me dire tellement de trucs...
– Ça doit être vraiment embêtant pour toi.
– Bah oui, je ne peux vraiment rien faire. Même le samedi, il faut que je rentre tôt, que
je laisse mes amis continuer sans moi...

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Niveau 3 167

– Ça doit être frustrant !


– C’est insupportable. J’en ai vraiment marre !
– Je comprends.
– Ils ont peur de tout. Ils me prennent pour un petit garçon fragile. Je n’en peux plus.
– Oui j’ai vraiment l’impression que tu as tellement pris sur toi...
– Ça c’est sûr, mais là...
– Oui je sens que tu es vraiment à bout. Mais est-ce que tu crois que je pourrais t’aider
à quelque chose ?
– Non je ne vois pas... enfin si... il y a une fille, elle est trop belle. Je crois que vraiment
j’ai envie que ça aille plus loin entre nous.
– Ah bon ? C’est super !
– Bah oui, mais j’ai trop peur. Je n’arrive pas à lui parler. Je ne comprends pas pourquoi,
d’habitude avec les filles...
– Oui d’habitude tu sais bien t’y prendre ?
– Oui plutôt. Mais là, quand je suis avec elle je suis comme un crétin.
– Alors que tu ne l’es pas !
– Ben non je crois pas. Enfin ça dépend des matières, mais je suis plutôt bon. Et avec
les filles je sais plutôt bien parler d’habitude.
– Ah oui ?
– Bah oui avec les autres filles...
– Qu’est-ce qui est différent avec les autres filles ?
– Bah je suis moi-même !
– Et comment fais-tu pour être toi-même ?
– Bah rien. Je suis calme et je m’amuse, et je dis des trucs qui les font rigoler...
– Dis donc, j’ai l’impression que t’as un crush pour cette fille ?
– Bah c’est sûr. J’ai vraiment beaucoup plus d’émotions comme vous dites.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

– Ça te dirait de pouvoir mieux contrôler tes émotions avec elle ?


– Bah ouais. Ça me dirait grave. Je crois que je suis amoureux vraiment. Et je crois
que mes parents le sentent et que ça les inquiète...
– Ça veut dire que si tu contrôles tes émotions tes parents le sentiront et seront rassu-
rés ?
– Oui probablement. Mais j’ai vraiment envie que vous m’aidiez. »

L’expérience montre qu’il est utile de prendre ce genre de mandat, qui impulse
une histoire de réussite pouvant donner ensuite envie à l’adolescent d’envisager
d’autres objectifs potentiellement plus maturants.
Le travail avec les adolescents est riche et intense, souvent en rapport avec les
besoins d’expérimenter et les questions existentielles qui caractérisent cet âge.

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168 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Aider aussi la famille


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Souvent le travail avec la famille va à la fois être une aide pour le thérapeute,
et une occasion indirecte pour aider la famille, dans une coopération circulaire.
Prenons l’exemple d’une situation fréquente : deux parents qui amènent leur fils,
car ils trouvent que celui-ci joue trop aux jeux vidéo :

« D’après vous, de quoi votre fils dirait avoir besoin pour moins jouer aux jeux vidéo ? »
« D’après vous, jusqu’à quel point votre fils dirait qu’il peut faire partie de la famille ? »
« D’après vous, qu’est-ce que votre fils dirait qu’il lui faudrait pour devenir un meilleur
lycéen ? »
« Quel sera le premier signe qui vous dira que venir ici vous est utile ? »
« Selon vous, qu’est-ce que votre fils dirait que vous faites autrement après que
vous êtes venus ici ? »
« D’après vous, que dirait votre fils des chances qu’il y a qu’il joue moins aux
jeux vidéo ? »
« À votre avis, quelles seraient les principales objections que vous auriez quant aux
jeux vidéo ? »
« Selon vous, quelles sont les pires choses que votre fils dirait qu’il lui arriverait s’il
continuait à jouer aux jeux vidéo comme il le fait ? »
« D’après vous, qu’est-ce qui, aux yeux de votre fils, est le plus important, les jeux
vidéo ou d’aller faire des choses dehors avec ses amis ? »
(d’après Berg et Miller, 1992.)

Lorsque la situation semble bloquée entre parents et enfants, il se produit


souvent un retrait de l’adolescent de la thérapie, car il en a assez d’être l’unique
patient désigné.
Une manière de remettre du jeu dans ces situations et de prescrire un « faire
comme si » de la manière suivante :
(À l’adolescent) :
« Je te propose que, d’ici la prochaine fois que nous nous verrons, et par deux fois, tu
fasses comme si le miracle était arrivé. Mais je veux que tu ne dises rien à personne
surtout. Et à ces moments-là, je te propose d’observer comment les personnes de
ton entourage, que ce soient les parents ou d’autres personnes, tes copains ou le
personnel de ton collège, ou d’autres personnes, vont réagir »
(Aux parents) :
« À vous je vous demande de deviner, séparément l’un de l’autre, les fois où votre
adolescent va faire cette tâche. »

En fait, peu importe si les parents ont deviné ou non les moments où leur
adolescent fait comme si le miracle s’était produit. C’est la dynamique souvent
créée par cette prescription qui est intéressante et qui nécessite d’être validée.

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Niveau 3 169

À la fin du processus thérapeutique, il peut être demandé aux parents :


« Observez tous les signes qui vous permettent de dire s’il fait semblant ou s’il est
simplement en train de faire semblant de faire semblant » (de Shazer, 1991).

Un des mérites particuliers de la tâche du « comme si » est de permettre de


sauver la face.
Ainsi, cette tâche permet aux adolescents de changer sans pour autant recon-
naître qu’ils avaient un problème ni admettre que leurs parents avaient raison.
Une fois que l’adolescent voit que l’entourage répond positivement à son chan-
gement, il peut alors « oublier de faire semblant » (de Shazer, 1991).
Une autre façon de travailler avec les parents est de le faire simplement en les
évoquant, particulièrement lorsque l’adolescent n’a vraiment aucune demande
personnelle :

« À ton avis, d’après toi, qu’est-ce qu’il faudra que tes parents voient comme change-
ment pour qu’ils arrêtent de te faire venir me voir ? »

Remarquons que ce type de question peut aussi s’appliquer aux séances prescrites
par la justice (obligation de soins) ou à toute autre situation où le patient
explique qu’il ne vient pas librement. Il y a évidemment ici une question éthique
très importante à aborder au cas par cas, et ce type de démarche peut ne pas
être du tout pertinent dans certains.
Enfin, certaines tactiques peuvent être utilisées dans ce travail nécessitant
souvent d’être subtil.
Ainsi de Shazer a pu relater le cas suivant : « Un jeune homme a prétendu que le
problème était résolu, de façon à troubler et tromper ses parents qui pensaient
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

qu’il avait un problème, même si lui ne le pensait pas. Dans ce cas, son objectif
était qu’un de ses parents le laisse tranquille, et la façon dont il s’y est pris a été
d’abord de prétendre qu’il avait un problème, de façon à pouvoir se comporter par
la suite comme si celui-ci était résolu. C’est-à-dire que les parents considéraient
que leur fils avait un problème. Le fils ne percevait pas ce problème, mais pensait
que ses parents étaient inutilement sur son dos. Il a résolu ce problème d’avoir
ses parents sur le dos, ce qui a accidentellement résolu le problème de ses
parents » (de Shazer, 1991).
Avec les familles comprenant des adolescents, il peut être utile aussi de poser
des questions aux parents, notamment lorsque l’adolescent n’est pas là. À
une mère qui répond qu’elle sera plus gentille avec son fils lorsqu’il deviendra
plus autonome :

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170 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

« Alors, qu’est-ce qui doit venir en premier, est-ce qu’il doit changer le premier, en ce
cas vous serez plus gentille envers lui ou est-ce que vous avez à être plus gentille
pour lui avant qu’il ne change ? » (Berg, 1994.)

LE TRAVAIL AVEC LES PERSONNES ÂGÉES

De même que, depuis quelques années, l’expérience de nombreux profession-


nels de santé montre que l’hypnose peut être pratiquée, en tenant compte de
certaines caractéristiques, avec des personnes âgées (Floccia, 2020), de même
l’orientation solutions peut également être très riche avec ce type de population.
Les principales caractéristiques du travail sont :
" des objectifs souvent assez concrets, immédiats (même s’il peut arriver que
des personnes âgées puissent avoir des objectifs assez anticipés, tel celui de
mettre leurs affaires en ordre avant de mourir) ;
" une recherche d’exceptions moins essentielle qu’avec les patients plus jeunes,
compte tenu des difficultés cognitives concernant la mémoire de fixation.
Cependant, dans ce cadre, peuvent apparaître des exceptions anciennes et
bien mémorisées qui peuvent être revécues hypnotiquement ;
" le maniement des échelles peut-être dans certains cas limité par des difficultés
cognitives et/ou par une réticence culturelle ;
" la question miracle peut être souvent utilement posée, et susciter une gamme
très variée de réponses. Certaines d’entre elles peuvent mener à des considé-
rations spirituelles et philosophiques pertinentes ;
" pour les thérapeutes jeunes, il peut être difficile de complimenter des patients
nettement plus âgés qu’eux. Un outil peut être, si le thérapeute pense manquer
d’autorité, d’évoquer la présence d’un thérapeute plus expérimenté :

« Si mon Maître, Steve de Shazer était là, je pense qu’il vous dirait que... »

LE TRAVAIL AVEC LES PERSONNES EN SITUATION


DE HANDICAP

Avec les personnes en situation de handicap, il est particulièrement important :


" de bien prendre le temps pour entrer dans le monde du patient, en considérant
ce dernier comme un expert et en lui posant bon nombre de questions. Celles-ci

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Niveau 3 171

vont très rapidement apparaître comme des solutions plus ou moins précieuses
que le patient a trouvées pour s’adapter. Dans de tels cas, la pratique de
l’orientation solutions s’avère assez facile et simple ;
" la délivrance des compliments doit cependant se faire avec parcimonie. Des
compliments trop marqués peuvent, en réactivant des problèmes (vécu d’in-
justice, souffrances diverses y compris des douleurs corporelles), être refusés
par le patient.

LE TRAVAIL AVEC LES PERSONNES À HAUT POTENTIEL

Depuis ces dernières années, les personnes dites à haut potentiel intellectuel
(HPI) viennent chercher davantage d’aide. Mieux identifiées, bien mieux infor-
mées, elles ont davantage l’espoir de parvenir, en tout cas lorsqu’elles sont encore
jeunes, à s’épanouir professionnellement, ce qui est essentiel pour pouvoir aussi
s’épanouir affectivement.
Les commentaires des tests qu’il faut les encourager à pratiquer doivent être
centrés :
➙ sur la bonne nouvelle que constitue le diagnostic d’un haut potentiel intel-
lectuel : celui-ci mérite un compliment, en insistant sur le fait que cette
particularité étant génétique en grande partie, le compliment s’adresse aussi
aux ancêtres du patient ;
➙ sur les points forts montrés par le test (homogénéité des tests verbaux et non
verbaux s’il y en a une, insistance sur les subtests les plus réussis).
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

LE TRAVAIL AVEC LES PERSONNES D ’ AUTRES CULTURES

Là encore, le thérapeute valorisera toutes les compétences d’adaptation, et


tentera autant que possible de situer le patient en position d’expert.
Avec des personnes ayant des difficultés à parler la langue française (y compris
avec les personnes sourdes) :

« Vous parlez beaucoup mieux le français que je ne parle votre langue ! »

L’intervention d’un interprète pourra cependant être aussi une bonne solution,
si le patient la souhaite et si elle est possible.

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172 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

E NCORE L’ HYPNOSE

Si on considère que toutes les formes de transe, même les transes légères, sont
de l’hypnose, ce qui est notre cas (Bioy et Goldschmidt, 2022), une réflexion
peut avoir lieu aussi concernant la mise en œuvre plus ou moins marquée et plus
ou moins abondante de l’outil hypnotique lors de la question miracle. Celle-ci
peut ainsi être modifiée pour d’autres expériences hypnotiques d’anticipation ou
d’imagination. Particulièrement en proposant au patient de vivre hypnotiquement
certaines de ses réponses.
Revenons sur des réflexions de de Shazer : « [...] le problème est déjà en cours de
dissolution par la description des exceptions de certains précurseurs de l’objectif,
de la possibilité d’exception par des descriptions de solutions imaginées. La
dissolution du problème n’est que le point de départ » (de Shazer, 1991).
Ainsi, un patient qui a répondu que, le lendemain du miracle il se rendrait compte
du changement en ayant envie de s’habiller différemment :
« Ça y est, après toutes ces années à y penser, vous osez mettre des vêtements de
couleur, des vêtements qui vous plaisent profondément, et vous voici dans la rue en
train de marcher ainsi vêtu. Par moments, vous regardez votre image dans une vitrine,
à d’autres moments vous vous sentez le corps et l’esprit légers et libres... »

Une autre application de l’hypnose à l’orientation solutions consiste dans la mise


en œuvre de techniques de confusion, pour introduire du doute.
Avec un patient déprimé disant que, depuis la dernière séance, les choses
sont toujours pareilles, l’utilisation d’un ton et d’une posture hypnotique peut
amplifier la recherche des exceptions :
« Nous nous sommes vus mardi dernier, je crois... et après vous me dites que vous
êtes rentré chez vous, que vous avez enlevé votre manteau... et qu’un ami vous a
appelé ? Il a demandé de vos nouvelles ? Il vous a même parlé de faire quelque chose
avec vous au prochain week-end ? N’était-ce pas au moins un peu différent, là ? »

L’ ORIENTATION SOLUTIONS COMME PRÉAMBULE


À L’ HYPNOSE PROFONDE

L’orientation solutions peut même mener vers une induction d’hypnose profonde
qui peut permettre au patient de travailler certaines difficultés peu accessibles
autrement.

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Niveau 3 173

Deux types d’évolution vers l’hypnose peuvent être tentés par le praticien :
1. Comme une progression, avec, à un moment donné, plus ou moins nettement,
une rupture de processus avec une mise en appel de l’imaginaire du patient,
de sa créativité, décidée par le thérapeute lui-même parce qu’il « le sent ».
En cas de résistance du patient, le thérapeute pourra toujours se justifier
en disant :

« Excusez-moi, je ne sais pas ce qui m’a pris, je me suis mis à me faire confiance
dans ce qui me venait et je pense que je n’aurais pas dû, cela vous a déstabilisé, ou
en tout cas surpris, je suis désolé je ne recommencerai pas. »

Ce qui permet au patient de se positionner de la manière suivante : « Ne vous


excusez pas, j’ai vraiment beaucoup apprécié et, passé un peu l’étonnement
initial, j’ai très bien compris ce que vous vouliez me faire faire. Et c’est moi
qui me mets à me faire confiance, j’ai l’impression maintenant ! »
2. L’autre type d’évolution est que le thérapeute propose au patient de l’hypnose
formelle et profonde, en lui demandant son accord pour cela.

C HAMPS PAR SITUATIONS PATHOLOGIQUES

Même si, comme nous l’avons dit, les solutions peuvent n’avoir aucun rapport
avec les difficultés du patient :
" il existe souvent, selon les champs pathologiques, des caractéristiques concer-
nant les postures du thérapeute et les techniques utilisées ;
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

" il peut exister, au moins par moments, des idées de tâches qui sont pertinentes
en fonction du type de difficultés.

Anxiété et peurs
!

Ce qui caractérise souvent les situations d’anxiété est que le patient exprime
le besoin d’être rassuré en sentant que le thérapeute est expérimenté. Aussi,
avant que l’entretien s’oriente vers les solutions, il importe que le professionnel
élimine (notamment s’il est médecin) ou fasse éliminer une pathologie médicale
s’il a un doute à ce sujet (par exemple une hyperthyroïdie). L’hypnose orientée
solutions est une médecine alternative et complémentaire (MAC) qui doit suivre,
comme toutes les autres MAC, cette règle.

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174 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Ayant fait cela, il importe de bien écouter la description du problème faite par
le patient et/ou son entourage. C’est à partir de la description du problème
que pourra se faire la recherche des exceptions, moment où le problème devrait
arriver, mais où il ne survient pas, ou moins qu’il ne pourrait.
L’enquête sur ce que le patient a fait à la place d’avoir un comportement de peur
ou d’anxiété sera précise. Et si le patient évoque des conditions extérieures, il
importe de poser le type de question :

« Qu’est-ce que le fait qu’il fasse beau temps vous a permis de faire ? »
« ... Et quoi d’autre ? »

Toutes les réponses du patient doivent être exploitées comme un filon dans
la mine.
Concernant les phobies, l’accent est mis sur la décision :

« Comment avez-vous fait pour décider de ... (aller dans la situation phobogène) ? »

Et dans les cas où l’avancée est difficile, il est important d’aider le patient à
utiliser son émotion comme une solution.

« Je vous propose aujourd’hui que nous travaillions sur les émotions, êtes-vous
d’accord ? Car les émotions sont en fait des solutions, comme les chercheurs
l’ont montré depuis 40 ans, surtout aux États-Unis, mais cela commence arriver en
France. La peur est une émotion protectrice. Elle nous protège du danger. Il faut dire
qu’au temps de la préhistoire, c’était assez simple : les peurs étaient assez faciles
à comprendre. On peut imaginer que quand nos ancêtres chassaient le mammouth,
et qu’ils se rendaient compte que leur binôme avait une cheville défaillante et qu’il
ne pouvait pas courir, il valait mieux faire demi-tour, ou si c’était impossible, faire le
mort. Peut-être même la peur décuplait pour ramener quelque chose à manger s’ils
n’avaient rien...
Dans notre monde actuel, il est souvent difficile de savoir de quoi nous avons peur.
Beaucoup de gens ne savent même pas de quoi ils ont peur. Car notre monde est
devenu plus complexe et plus difficile à comprendre.
En tout cas, les chercheurs nous ont montré que la meilleure manière d’atténuer
une émotion était de l’accepter, et aussi de l’accueillir.
L’accueillir peut être déjà la remercier. Vous pouvez même lui parler, lui dire « Merci
de vouloir me protéger. »
Et si vous le pensez, vous pouvez lui dire : « merci, mais je pense que je n’ai pas
besoin de toi en ce moment, car en ce moment, je pense que je suis en sécurité
et j’ai envie de vivre ma vie tranquillement... par contre merci aussi de revenir me
donner des signaux si tu penses que je suis vraiment en danger plus tard. »

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Niveau 3 175

Troubles du sommeil
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Très fréquents, les troubles du sommeil ont des solutions multiples et très
diverses.
Quelquefois des conseils de bon sens suffisent, relatifs notamment à l’hygiène
du sommeil.
Mais il est intéressant d’explorer les éventuelles exceptions concernant des nuits
satisfaisantes :
« C’était quand ? Où ? Avec qui ? Qu’est-ce qui avait été différent ce jour-là ? »

Les exceptions ne permettent pas de toujours trouver des germes de solution et


la question miracle peut être très productive, et donner des résultats étonnants
qui n’ont pas toujours de rapport avec le sommeil.
Certaines tâches peuvent aussi être aidantes, comme nous l’avons déjà montré.
Comme tous les comportements involontaires, le sommeil peut donner lieu à des
tâches de prédiction. Par exemple :
« Chaque matin, j’aimerais que vous puissiez essayer de prédire la qualité de votre
sommeil la nuit suivante, de 0, si vous pensez que vous allez avoir une nuit détestable,
à 10, si vous pensez que vous allez dormir tout à fait correctement. »

Dépression, perte et deuil


!

Dans ce domaine-là aussi, il peut être utile de questionner sur les exceptions.
Néanmoins, en cas de déception importante, il peut exister une tendance à la
généralisation ainsi qu’à la pensée dichotomique qui gêne le patient dans ses
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

fonctions cognitives et le rend incapable de répondre.


Les questions à échelle peuvent introduire de la nuance, et lutter contre ces
handicaps cognitifs.
La question miracle, si le patient est prêt à faire l’effort d’anticiper et en est
capable (la dépression diminue les capacités d’anticipation) peut s’avérer très
productive et créer, là aussi, de l’étonnement, voire de la surprise.
Chez les patients dévalorisés, les compliments sont délicats à faire et il importe,
plus qu’avec tous les autres patients, d’être parcimonieux dans ce domaine même
si les compliments, bien choisis et bien prononcés, sont à faire.
Le choix des compliments se fait au mieux en raison de leur caractère significatif par
rapport à la nature des ressources nécessaires pour solutionner les difficultés. Devant
des patients ayant des sentiments de grande impuissance :

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176 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

« En repensant à ce que vous m’avez dit, je trouvais qu’effectivement, les choses


sont toujours très difficiles pour vous, c’est évident, et je trouve que vous avez quand
même une sacrée persévérance pour continuer à venir me voir. En même temps, dans
ce que vous m’avez décrit de votre dernier dimanche, je trouve qu’il y a des raisons
de persévérer. Vous m’avez dit que, au moins par moments, vous avez ressenti des
sensations agréables pendant votre promenade familiale, et je me suis dit en relisant
mes notes, que ça, ça n’était pas arrivé depuis longtemps... »

Le travail émotionnel orienté solutions concerne le plus souvent la tristesse


et/ou la douleur.
On pourra reprendre, par analogie, ce que nous avons dit concernant les pro-
blèmes anxieux :
« La tristesse (la douleur) est une émotion assez protectrice. Elle est désagréable,
mais il y a un sens. Elle nous encourage à changer. C’est une sorte d’émotion pour
cela, pour aller vers une vie meilleure. C’est un signal qu’il peut être parfois difficile
d’entendre tellement il est désagréable. Mais c’est un signal vivant qui nous dit que
nous pouvons avoir une vie meilleure.
Vous n’êtes pas encore résigné, cela se voit, et bravo pour cela d’avoir résisté à la
résignation. Il est encore temps d’utiliser votre tristesse pour changer ! »

Dans les situations de dépression, il est connu qu’il existe des facteurs de vulné-
rabilité dépressive qui doivent être traités, même si une humeur satisfaisante
est retrouvée et même si elle est stable.
C’est pour cela que le thérapeute, dans les moments d’amélioration, doit faire
très attention à être modéré dans ses compliments quand il le faut, et repérer
des facteurs de vulnérabilité dépressive pour les prendre en compte dans ses
prises de position.
Les deuils, eux, doivent faire l’objet d’une empathie importante.
Les compliments en cours de séance et en fin de séance doivent être suffisants
dans ce domaine :
« Vous vivez une situation vraiment horrible, perdre cet ami cher qui était en pleine
santé, soudainement, vraiment je n’aimerais pas du tout être à votre place en ce
moment... »

Dans les deuils, comme dans de nombreuses dépressions, la colère est une
émotion très présente et peut être utilisée comme une solution :
« Je comprends vraiment votre colère. Vous en avez assez de cette dépression qui
commence à s’éterniser. Je pense que votre colère est un message utile pour vous...
je ne sais pas trop lequel par contre... oui c’est cela, je suis d’accord avec vous... elle
vous dit que vous méritez mieux ! »

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Niveau 3 177

Enfin, signalons que, lors de deuils où la situation semble vraiment bloquée,


sans aucun changement ni variation plus d’un an après la perte d’un être cher,
et lorsqu’il y a un mandat du patient pour vraiment l’aider à aller mieux, poser
la question miracle peut s’avérer très productif :

« Vous me dites que s’il y a un miracle, votre femme sera de nouveau vivante. Bien.
Quelle sera la première chose de différent que vous ferez ? Et quelle autre ensuite ?
Et quelle autre ensuite ? »

Lorsque la situation est bloquée, la colère peut devenir une ressource.


" La colère est une émotion souvent réprimée et il importe de savoir la détecter,
et de la valoriser (Servillat, 2021) :

« Les émotions du deuil sont habituellement au nombre de 3 : la tristesse ou le chagrin,


la culpabilité avec des reproches que l’on se fait à soi-même, et, assez souvent non
prise en compte, la colère.
La colère très naturelle que l’on a envers la personne disparue, qui est partie, et qui
nous a laissé tout seul... il est tout à fait normal que, même si cette colère vous paraît
injuste, vous la ressentiez pour vous en vous sentant comme vous le dites, abandonné.
Cette colère, je vous invite à la dire. En tout cas à ne pas la garder pour vous et en
vous. Et si vous le souhaitez, vous pouvez, en imaginant que la personne est là en
face de vous, lui dire. À moins que vous préfériez aller lui dire en allant au cimetière.
Et si vous le souhaitez, je peux vous y accompagner.
Alors, qu’est-ce que votre colère protectrice vous incite à lui dire ? »

" La colère est souvent une émotion secondaire, qui est destinée à mettre à
distance une émotion primaire telle que la peur, et/ou la tristesse ou la
douleur. Un peu comme chez une panthère qui aurait un réflexe de colère pour
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

mettre à distance les prédateurs attirés par l’odeur de ses petits, et pour ne
pas leur montrer sa peur, car ils sont en supériorité numérique :

« Ainsi votre colère est là pour vous protéger, car vous me dites que vous êtes dans
une situation où il serait dangereux pour vous de vous montrer en infériorité, de mon-
trer vos faiblesses. »

(Voir chap. 4, « Problèmes professionnels », p. 187.)


Dans ces domaines cliniques, nous avons commencé à alterner séances simple-
ment orientées solutions et séances avec travail émotionnel orienté solutions,
il nous semble que, non seulement cette alternance est très bien acceptée par
les patients, mais aussi que celle-ci est très utile pour prendre en charge les
différents besoins de ces patients.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 178 — #194
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178 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Problèmes de dépendance : principes généraux et spécificités


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Le travail avec les patients dépendants a été particulièrement étudié par les
solutionnistes, notamment par Insoo Kim Berg et Scott Miller. La dépendance à
l’alcool a été l’objet d’un ouvrage (Berg et Miller, 1992), mais le type d’approche
peut être largement transposé aux dépendances à d’autres produits, voire à
d’autres situations.

Le libre choix entre mieux contrôler ou se sevrer

D’abord et avant tout, rompant avec les dogmes à l’époque encore très puissants
de l’abstinence totale, l’orientation solutions a proposé de travailler en vue
d’obtenir des abstinences partielles, sur des consommations mieux contrôlées
(Isebaert,1999). Cette conception peut être appliquée assez largement aux
dépendances à d’autres produits que l’alcool.

Objectif sobriété

Le vocabulaire utilisé par le thérapeute peut être très important pour apporter
au patient cette vision utile. Ainsi les mots « sobre » et « sobriété » lui donnent
la possibilité de leur attribuer le sens qu’il souhaite et qui est le plus utile
pour lui.
Le travail en vue d’une consommation contrôlée peut aboutir, dans un certain
nombre de cas, vu les difficultés rencontrées, à ce que le patient finisse par
choisir une abstinence totale. C’est particulièrement vrai dans les dépendances
à la nicotine, qui sont particulièrement difficiles à contrôler sans abstinence,
même si dans un certain nombre de cas (qui semblent quand même assez rares)
existent des consommations contrôlées après une dépendance, même forte.

Travail conjugal

Dans certains cas aussi, lorsque se fait le travail sur les objectifs, le patient peut
exprimer que le sien serait que son conjoint arrête de surveiller sa consommation
de produits. Il est important d’être attentif à ce genre de demande, y compris
bien sûr lorsque le conjoint est présent. Celui-ci peut, à ce moment-là, manifester
des émotions (notamment des peurs) qui doivent bien sûr être accueillies et
prises en compte par le thérapeute (cf. chap. 4, « Rôle des émotions... » p. 146).
Des questions à suppositions peuvent aussi être très utiles dans ce type
de situation :

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Niveau 3 179

« Supposez que votre femme (ou mari) vous surveille moins (reprendre les mots utili-
sés par le patient), qu’est-ce que cela pourrait faire de différent ? »

Si, comme il est fréquent, le conjoint proteste et justifie sa conduite de sur-


veillance, il peut être utile, pour favoriser l’alliance avec celui-ci, de préciser :

« Sachez que je comprends fort bien votre inquiétude, vous m’avez dit, et même votre
conjoint m’a dit, qu’il avait consommé en cachette. Je comprends parfaitement que
vous ayez de l’inquiétude et peut-être même de la colère. Ces émotions sont tout à
fait normales et je les comprends. Ceci étant totalement posé, je vous propose de
permettre à votre conjoint de continuer à s’exprimer et nous verrons ensemble ce qu’il
y a lieu de faire à l’issue de la séance. Est-ce correct pour vous ? »

Ce type de mention peut bien sûr être applicable à toutes les situations où une
plus grande autonomisation du patient est envisagée, mais où celle-ci suscite
de l’inquiétude, de la colère, et d’autres émotions d’ailleurs, chez le conjoint, les
parents, le médecin traitant, etc.
Comme d’habitude, remarquons que la question peut être posée de façon plus
affirmative :

« Alors, quand cela se produira, qu’est-ce qui se passera entre vous deux et qui vous
fera dire que cela valait la peine de suivre une thérapie ? » (Berg et Miller, 1992).

Faire du patient l’expert de son propre cas

Consistant dans le fait d’aider le patient à faire de meilleurs choix possibles


pour lui, une des caractéristiques de l’orientation solutions dans le domaine des
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

addictions est de considérer que c’est le patient qui peut décider quand il est prêt
à modifier sa consommation de produits addictifs. Par ailleurs, cette modification
peut consister en une diminution partielle et/ou progressive de la consommation.
Cela ne doit pas engendrer de l’irréalisme ni amener à sous-estimer la force de
la dépendance générée par certains produits. Le thérapeute peut tout à fait
exprimer ses doutes quant aux objectifs que le patient se fixe. L’important est
de ne pas fixer le patient dans ses choix, et bien au contraire, de lui ouvrir des
choix alternatifs.
Ainsi, le fait de voir qu’un patient échoue à fumer moins dans la bienveillance
peut l’amener à décider de se sevrer totalement.

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180 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Attitude orientée solutions devant une rechute

Dans les addictions, tous les problèmes de perte de contrôle, et bien d’autres
problèmes en fait, les patients décrivent ce qu’ils appellent une « rechute ».
Le mot lui-même est décourageant, et il vaut mieux que le thérapeute choisisse
une autre façon, quand le patient n’utilise pas celle-ci, de nommer ce qui se
passe. Et parfois le patient garde ce terme et il importe alors de l’utiliser.
Les questions orientées solution les plus utiles sont généralement :

« Comment vous êtes-vous arrangé pour arrêter de boire au moment où vous


l’avez fait ? »
« Comment avez-vous su que cinq bières cela suffisait et qu’il fallait vous arrêter ? »
« Que faites-vous pour être plus sensible à ces indices ? »
« Comment avez-vous fait pour vous arrêter à cinq verres et ne pas aller jus-
qu’à six ? »
« Qu’avez-vous fait de différent ? »
« Selon vous, que dirait votre compagne si on lui demandait ce que vous avez fait
de différent pour vous arrêter à un seul verre ? »
« Durant cette période, qu’a fait votre compagne pour vous être utile ? »
(Berg et Miller, 1992.)

L’accent est donc mis sur ce que fait le patient pour ne pas vivre une rechute
plus grave.
Dans l’orientation solutions, les choses peuvent toujours être plus graves. Si un
état d’ivresse a mené à une perte de connaissance, il y a lieu de complimenter le
cerveau ou le corps du patient pour avoir réussi à mettre des moyens en œuvre
pour stopper la rechute.
Si les rechutes se répètent, et que les mêmes réponses se produisent, non seule-
ment ce n’est pas gênant, mais on peut penser qu’apparaissent des processus
d’autosuggestion qui vont finir par fonctionner.
Face à la croyance possible chez le patient que les choses se répètent à l’iden-
tique, des questions suscitant des descriptions de différence sont utiles :

« En quoi cette rechute est-elle différente de la précédente ? »


« Cette fois-ci, qu’avez-vous fait de différent (arrêter de boire plus tôt, changer
d’endroit, séquence des événements, etc., en insistant sur les détails) ? »
« Comment êtes-vous arrivé à comprendre qu’en agissant ainsi vous arrêtiez plus
vite de boire ? »
« À votre idée, qu’est-ce que votre conjoint (vos parents) dirai(en)t qui a changé
pour vous cette fois-ci ? »

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Niveau 3 181

« Qu’avez-vous besoin de faire pour maintenir ce changement ? »


« Quelle différence cela fait-il quand vous agissez ainsi ? »
« Qu’est-ce que cet épisode vous a appris sur vous-même ? »
« Racontez-moi ce que cette rechute vous a appris sur votre problème d’alcool
(stratégie pour faire face au stress, question d’amour-propre, façon de vous occuper
de vous, etc.) ? »
« En conséquence que ferez-vous de différent ? »
« À votre avis, si on lui demandait ce que vous allez faire différemment à la suite
de ce que vous avez appris de nouveau sur vous-même, qu’est-ce que votre mère
répondrait ? »
« D’après vous, que fera-t-elle alors de différent ? »
« Que vous faut-il pour en faire plus ? »
« Quand vous en ferez plus, quelles différences cela fera-t-il dans votre relation
avec votre époux ? »
« Serait-ce un moyen inconscient de vous rappeler que vous avez encore un pro-
blème d’alcool ? »
« Quels autres moyens avez-vous pour vous rappeler que vous avez encore un
problème d’alcool ? »
« À votre avis qu’est-ce que votre meilleur ami vous suggérerait de vous rappeler ? »

Effectivement de nombreux patients se testent pour savoir s’ils vont arriver à


résister à leurs problèmes.

La question des médicaments


!

Dans nombre de situations, les patients qui sont sous traitement médicamenteux,
essentiellement psychotrope, expriment une confiance limitée dans le maintien
des résultats de la thérapie, du fait qu’ils attribuent au moins en partie celui-ci
à la poursuite de leur traitement médicamenteux.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Dans de tels cas, il est tout à fait nécessaire de communiquer au patient les
effets réels de ces médicaments, ainsi que leurs inconvénients.
Il est aussi nécessaire de leur donner, quand c’est le cas, l’information concer-
nant l’incapacité des médicaments à fournir au patient des effets ne relevant
pas d’eux.
Après de nombreuses années à encourager les patients à arrêter leur traitement,
l’expérience nous a montré qu’il était beaucoup plus efficace de donner de
l’information aux patients afin que ce soit eux qui décident ce qu’ils doivent
faire concernant leur traitement médicamenteux.
L’information doit évidemment inclure les règles de sécurité concernant l’arrêt
des médicaments, essentiellement pour les tranquillisants et somnifères.

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182 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Dans le cas des antidépresseurs, il est important également d’informer le patient


qu’il va ressentir de nouveau ses émotions, agréables comme désagréables, les
antidépresseurs masquant le plus souvent les émotions.

Surpoids et obésité
!

Comme nous l’avons dit, des objectifs favorables dans l’orientation solutions
sont plutôt des « en plus » que des « en moins » dans la vie du patient.
Aussi, toute demande de perte de poids doit être explorée afin d’aider le patient à
identifier ce que cela pourra changer pour lui de perdre du poids, pour ensuite le
faire avancer sur des échelles de progrès concernant ce que cela pourra changer
positivement pour lui.
Dans ces domaines, il sera souvent particulièrement important de proposer la
construction de différentes échelles autres que celles du poids : échelles d’image
de soi, d’estime de soi, de capacité à la bienveillance envers soi.
La question miracle est également une question précieuse à poser, généralement
après que le travail a, au moins partiellement, commencé.
Des tâches pour faire expérimenter des sensations corporelles sont souvent
utiles. Ainsi que des tâches de « comme si ». Ces tâches pourront être effectuées
hypnotiquement avant d’être faites dans la réalité.

Douleurs
!

Le travail sur la douleur chronique est un domaine important de l’orientation


solutions.
La détermination d’objectifs minimaux et réalistes est essentielle dans ce
domaine afin de faire éprouver au patient les possibilités d’amélioration, alors
qu’il existe très souvent dans ce domaine une forte tendance à demander des
objectifs très irréalistes et donc décevants.
Le travail sur les exceptions peut produire des germes de solution : identification
des zones les moins douloureuses, voire même des ondes confortables du corps,
moment où la douleur est moins forte (y compris grâce à l’aide des médicaments),
le travail avec l’entourage, avec les échelles et, éventuellement la question
miracle sont très utiles.
Avec, évidemment, toute la créativité hypnotique dont ses patients peuvent
faire preuve.

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Niveau 3 183

Acouphènes
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Dans ce domaine, et sur les mêmes principes que le travail avec les problèmes
de douleurs, l’orientation solutions peut être précieuse.
Comme dans les douleurs, il peut être utile de faire évaluer de manière diffé-
rente l’intensité des acouphènes, la gêne qu’ils occasionnent et le handicap
qu’ils suscitent.

Problèmes psychosomatiques
!

Il en est encore de même dans ce domaine, très modifié ces dernières années par
la mise en évidence d’un deuxième cerveau digestif, et de l’importance essentielle
de s’occuper du microbiote pour une bonne santé corporelle, et même mentale.
Quel est pour vous le mot qui signifie le contraire du stress ?
« Sur une échelle de 0 à 10 où 0 signifie que vous n’avez pas l’impression d’avoir du
contrôle sur votre vie, et 10 que vous vous sentez que vous avez un contrôle correct
sur vie, les choses sont à quel chiffre ? »

Problème de confiance en soi


!

L’importance du travail sur la confiance, couplé à la détermination d’objectifs


travaillables, fait de l’orientation solutions une aide majeure. Surtout quand elle
les conjugue avec le travail d’utilisation solutionniste des émotions que nous
avons évoqué.
Accompagner ses patients dans des choix s’avère délicat. Lorsqu’un patient
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

hésite, il ne faut pas... hésiter à lui demander vers quel choix il penche, parmi
ceux qu’il envisage. À défaut de réponse, quel choix il aimerait faire. Ou qu’est-ce
qui lui dira qu’il voudra faire tel choix.

Problème d’estime de soi


!

Les situations où l’estime de soi est insuffisante sont nombreuses, pas seulement
en psychothérapie.
Avec ces patients il est utile de favoriser :
➙ la description des réussites passées, même lorsqu’elles ont été de courte durée ;
➙ les tâches qui consistent à refaire ce que les patients savent déjà faire.

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184 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Et il faut évidemment être attentif à ne convenir que d’objectifs vraiment


travaillables.
Il importe d’explorer les nouvelles façons de réussir que le patient met en œuvre
et de l’accompagner dans la prise de conscience de ses schémas de réussite.

Travail avec la colère


!

On insistera sur les compliments sur la sensibilité, le sens de la justice ou


de la justesse. L’exploration de ce que le patient ressent comme injuste, les
compliments sur les efforts faits et sur les valeurs.

Conflits conjugaux, sexologie


!

D’abord et avant tout, les conflits conjugaux suscitant souvent la honte, il est
important de mettre à l’aise ce type de couple, en banalisant, ou tout du moins
en normalisant ces situations :
« C’est normal. C’est comme ça que sont les mariages. C’est la façon dont vous traitez
les différends qui importent » (de Shazer, 1991).

Une situation fréquente lors des conflits conjugaux est que l’un des conjoints,
et même les deux souvent, évoque uniquement des solutions qui relèvent d’un
changement chez l’autre.
Dans de tels cas, une astuce peut être :
« Qu’est-ce qu’il aura fallu que votre conjoint voit de différent pour qu’il adopte le
comportement X ? »

On peut également, avec ces couples, prescrire la tâche du « faire comme si »,


de la manière suivante :
« À vous, Monsieur, je demande, à une date que vous aurez gardée secrète pour
vous, de faire comme si le miracle s’était produit, mais uniquement pendant quelques
minutes. »
« Madame, votre tâche sera de deviner le moment où Monsieur aura fait la tâche. »

Cette tâche peut évidemment être prescrite de manière croisée à la conjointe,


avec les mêmes instructions ou avec des modifications en rapport avec le contexte.
Voici un exemple significatif et assez riche d’une intervention solutions avec un
couple qui se dispute, et qui décrit une absence de disputes importantes depuis
la dernière séance :

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 185 — #201
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Niveau 3 185

Thérapeute : Vous n’avez pas connu de grosses disputes... Ça, c’est différent.
Madame : C’était seulement deux semaines.
T : Est-ce que d’habitude vous n’aviez pas au moins une dispute sur une période
de deux semaines ?
Madame : On en a eu une petite qui aurait pu...
Monsieur : ... devenir une grosse dispute.
T : Mais ça ne s’est pas produit.
Madame : On a juste laissé tomber. Je suppose que pour nous c’était une grande
victoire.
T : Oui. Ça a l’air différent. Comment est-ce que vous avez fait ça ?
Madame : je me suis simplement arrêtée.
T : Comment vous êtes-vous forcée à vous arrêter ?
Madame : je me suis dit que je devais arrêter.
T : Et vous vous êtes écoutée.
Madame : Je suppose que c’est ça.
T : Mais, et lui alors ? Pour se battre, il faut être deux.
Madame : Il est parti. Quand je me suis tue, il est parti. D’habitude je n’arrête pas.
T : OK. Vous vous taisez, et il accepte. Il est parti, et vous l’avez laissé faire. Et
c’est comme ça que vous avez fait que ce qui aurait pu devenir une grosse dispute
ne l’est pas devenu. Pour moi, c’est quelque chose de différent. (Longue pause)
Vous devriez faire la même chose avec quelque chose d’autre, est-ce que ça ne
serait pas un minimum acceptable ? Pas parfait, mais passable ?
Madame : Oui, ça le serait. (de Shazer, 1991.)

Lors du travail avec les couples, il ne faut par ailleurs surtout pas hésiter,
lorsqu’un objectif est évoqué, à être très précis. Y compris et peut-être particu-
lièrement dans des détails intimes. Notamment lorsque le couple a justement des
difficultés dans ce domaine. À un conjoint qui aimerait des rapports sexuels plus
fréquents, il ne faut pas hésiter à lui faire préciser ce que « plus fréquent » veut
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dire pour lui. Une telle précision peut susciter un accord sur ce type d’objectifs,
et cela va permettre un travail sur le degré d’intimité souhaité par eux.
Il importe également de favoriser l’émergence de nouveaux comportements et
de nouvelles réponses.
Ainsi, avec les couples, même si c’est le cas en général, il importe d’être plus
particulièrement attentif aux exceptions qui se produisent et aux nouveaux
comportements, et d’essayer de mettre en évidence des liens avec de nouvelles
réponses chez le conjoint. Avec des questions du type :

« Pensez-vous qu’il y a un rapport entre le fait que votre mari est moins déprimé le lundi
et que vous sentiez du soulagement dès le dimanche soir et alliez plus fréquemment
au cinéma ce soir-là ? »

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 186 — #202
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186 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Avec des situations, souvent compliquées, où l’un des deux conjoints envisage
la séparation, il peut être utile de demander à l’autre conjoint :
« Voyez-vous quelque chose qui pourrait convaincre votre conjoint de rester ? »
(En multipliant ce type de questions si des réponses sont obtenues) :
« Et quelle autre chose pourrait le convaincre ? »

Troubles psychotiques
!

Dans son enseignement, de Shazer a pu, dans la continuité d’Erickson, montrer


une pratique non normalisatrice et la possibilité d’entrer, lors de certaines situa-
tions, dans la logique du patient pour l’aider à construire des solutions. Nous
renvoyons donc le lecteur aux situations décrites par Erickson.

Le travail thérapeutique orienté solutions avec les patients


!

traumatisés

Les états de stress post-traumatique sont habituellement considérés par les


spécialistes comme des répétitions de souvenirs qui ne sont pas intégrés par
le patient. L’écoute et l’accompagnement empathiques qui sont prônés dans
l’orientation solutions suffisent dans de très nombreux cas à ce que le patient
choisisse, après un travail intégrant la dimension émotionnelle (cf. chap. 4,
« Rôle des émotions... », p. 146), de « ranger son passé en lui » (en en oubliant
une partie) et d’aller de l’avant.
Dans la grande majorité des cas, il est utile de considérer et de faire considérer
au patient que celui-ci, en survivant au traumatisme, et en atteignant un certain
nombre d’objectifs dans sa vie ensuite, a déjà pu construire les solutions les plus
essentielles et les plus difficiles. Ce travail de valorisation est extrêmement thé-
rapeutique lorsque le patient accepte d’être complimenté au sujet des solutions
qu’il a pu mettre en œuvre.
Parfois, le patient n’accepte pas les compliments, et ces situations témoignent
généralement de problèmes de honte ou de culpabilité. Dans de telles situations,
le travail émotionnel orienté solutions est habituellement efficace. Il consiste à
resituer, comme nous l’avons déjà exposé, la fonction utile de ces émotions :
" dans les problèmes de honte :

« La honte est une émotion très protectrice. Lorsque nous avons des comportements
inacceptables, comme d’abuser de personnes en situation de faiblesse ou de fragilité,

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 187 — #203
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Niveau 3 187

et que nous sommes exposés à des comportements de vengeance consécutifs à ce


que nous avons fait, la honte nous pousse à nous cacher, à nous dissimuler afin que
nous ne puissions plus être identifiés comme auteurs de ces véritables fautes. »

" dans les problèmes de culpabilité :

« Le sentiment de culpabilité est une émotion protectrice, car, lorsque nous avons mal
agi et que nous avons nui à quelqu’un, il nous pousse, comme il est désagréable à
vivre, à aller vers la personne à laquelle nous avons nui pour reconnaître nos torts et
faire le maximum pour les réparer. »

Pour d’autres patients, il semble exister des souvenirs non intégrables tels
quels, non digérables. Le travail orienté solutions va alors consister à aider le
patient à enrichir son souvenir d’éléments transformateurs le rendant intégrable
et digérable.
Milton Erickson (2019), dans L’homme de février, a inauguré ce type d’approche.
Il a aidé sa patiente, qui avait été traumatisée et négligée dans son enfance, à
ajouter dans ses souvenirs, en utilisant l’hypnose, un personnage ressource. Ce
travail est analogue à celui que l’on peut faire avec les enfants en rajoutant des
fées, des grands-mères imaginaires (des bonnes sorcières !) aux contes qu’on
leur raconte.
D’autres approches existent (EMDR1 et dérivées), qui sont toutes les bienvenues
dans la mesure où elles sont utiles pour le patient. Nous préférons les effets de
l’approche hypnotique, mais il peut être utile d’informer les patients pour que
ce soit eux qui choisissent le type d’approche qu’ils souhaitent.
Dans ce but, il est vraiment nécessaire que les différentes techniques existantes
soient étudiées de manière comparative. Notre intuition clinique est qu’elles
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

n’ont pas les mêmes effets entre elles, mais la recherche doit préciser cela pour
éclairer le choix des patients, qui restent trop dépendants de ceux du thérapeute
qu’ils rencontrent.

Problèmes professionnels
!

Bon nombre des difficultés des patients ont lieu dans leur vie professionnelle, et
celles-ci sont de moins en moins taboues. Les différents outils de l’orientation
solutions peuvent ici également être utiles, sans pour autant nier la réalité.
Reprenant les principes du « jusqu’à preuve du contraire », tout le monde dans

1. Eye Movement Desensitization and Reprocessing

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188 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

une entreprise cherche à faire de son mieux pour le bon fonctionnement de


celle-ci et le respect optimal de ses collègues. Les séances où l’on fait venir, au
moins virtuellement, d’autres personnes peuvent être utiles, y compris dans le
cadre du travail solutionniste avec les émotions.

C ONTEXTES DE PRATIQUES PROFESSIONNELLES

Orientation solutions et médecine générale


!

L’orientation solutions peut être tout à fait pratiquée en médecine générale. Le


facteur limitant va être essentiellement le temps, en lien avec la rémunération
du praticien.

Orientation solutions et soins infirmiers


!

L’orientation solutions ne demande pas forcément plus de temps aux soignants


dans ce cadre. Des compliments courts, des recherches d’exception et des pra-
tiques d’échelle peuvent s’insérer relativement facilement dans la pratique infir-
mière. Et des tâches fort utiles peuvent être prescrites avec les patients deman-
deurs (tâches d’observation) et les patients acheteurs (nombreuses tâches pos-
sibles).

Maternité et accouchement
!

L’orientation solutions est encore peu pratiquée dans le domaine obstétrical,


mais un nombre croissant de praticiens s’inspirent de cette approche, avec la
pratique particulièrement développée des compliments.

Kinésithérapie
!

La kinésithérapie est une pratique destinée à mettre les patients en mouvement,


tout comme l’hypnose thérapeutique. Un nombre croissant de praticiens, déjà
formés à l’hypnose, s’intéressent à l’orientation solutions et à la confection
d’outils adaptés à leurs pratiques ; particulièrement les échelles d’amplitude de
mouvement, couplées à des échelles de calme, de confiance, etc.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 189 — #205
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Chapitre 5

Pour aller vers l’expertise

P et ceux qui souhaitent progresser, quelques approfondissements


OUR CELLES
nous semblent souhaitables et nécessaires.

D ÉCONSTRUIRE LE PROBLÈME PAR DES « JEUX


DE LANGAGE »

D’abord, concernant la notion de jeu de langage, elle a été élaborée par le


philosophe Wittgenstein qui, comme nous l’avons dit, a grandement inspiré
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de Shazer.
Wittgenstein (1965) postule une analogie entre le langage et le jeu. Lors de son
expérience d’instituteur, qui a duré plusieurs années, il a particulièrement étudié
l’apparition du langage chez les enfants. Et, après s’être intéressé à la logique,
c’est vers le langage que son attention s’est portée. C’est ce qu’on a appelé le
« second » Wittgenstein.
Pour lui, la manière dont un enfant apprend à parler révèle quelque chose
d’essentiel sur le langage. Et comme l’explique Laurent Bachler, « ce que nous
dévoile l’usage que l’enfant fait du langage, c’est que celui-ci n’a rien à voir avec
la réalité, et encore moins avec la question de la vérité. Le langage est d’abord
un jeu ». L’enfant apprend d’abord à jouer avec les mots, en faisant confiance
à l’adulte qui les lui apprend. Ainsi la notion de « jeu de langage » devient un

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 190 — #206
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190 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

concept central. « Le sens d’un mot n’est pas sa définition, adéquate à la réalité,
c’est l’ensemble des usages que j’en fais et des croyances qui accompagnent
mes gestes. Ainsi on apprend le langage en jouant avec les mots. » Dans ce
processus, l’enfant ne questionne pas la vérité de ces jeux de langage, pas plus
que leur fausseté. Et l’enfant n’a donc aucune difficulté à remettre en cause cet
arbitraire, si cela lui permet de jouer. Ce n’est que plus tard que l’enfant, devenu
adulte, entre dans le domaine de la certitude, oubliant que le langage est un jeu
(Bachler, 2018).
Alors que la démarche médicale, y compris psychiatrique, accorde une grande
importance à la nomination d’un problème, de Shazer, dans la continuité de Witt-
genstein, ne croit pas que la nomination d’un problème reflète la réalité de celui-
ci. Ainsi, il peut jouer, et permettre aux patients de jouer avec les mots utilisés.
Il inaugure cette démarche dans Différences, avec une patiente qui présente un pro-
blème désigné initialement par le mot « nymphomanie ». Au fur et à mesure de
la conversation, cette « nymphomanie » est utilement recadrée en troubles du
sommeil pour lui éviter d’« amener avec [ce mot] dans cet usage particulier toutes
les significations précédentes que ce mot a eues pour lui » (de Shazer, 1991).
Nous voyons bien, ici aussi, que la préoccupation est vraiment de dissoudre les
problèmes le plus possible. De Shazer, citant le déconstructiviste J. Hillis Miller,
précise qu’il s’agit de « chercher à trouver l’élément dans le système étudié (la
conversation sur la plainte, les objectifs du client, etc.) qui est illogique, le fil...
qui va tout démêler, ou la pierre branlante qui va faire crouler tous les édifices »
(Miller, 1976).
Nous constatons ici combien l’hypnose orientée solutions peut emprunter, jusqu’à
un certain point, aux approches poststructuralistes telles que celle de Jacques
Derrida. Déconstruire peut être tout à fait synergique au fait de dissoudre les
problèmes. Précisons qu’il s’agit à ce moment-là d’être dans la même éthique
que celle du soin, pour justifier une telle pratique. Peut-être même est-il utile
d’être tout à fait transparent avec le patient, comme nous faisons lorsque nous
proposons à certains patients traumatisés de modifier leur souvenir pour le
rendre plus facilement intégrable (Erickson, 2019) ; nous précisons au patient
que le traitement va modifier sa perception de la réalité, notamment dans le cas
où on ne lui parle pas d’hypnose.
De Shazer s’est beaucoup intéressé à la question des jeux de langage, se basant
sur le fait que les mots n’ont souvent pas le même sens pour chacun de nous. Il
propose l’idée que le thérapeute crée des « malentendus créatifs », c’est-à-dire
qu’il fait comme s’il comprenait les mots du patient en leur attribuant un autre

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 191 — #207
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Pour aller vers l’expertise 191

sens, qui va être utile au patient pour le travail thérapeutique. Dans la conti-
nuation de Milton Erickson qui le faisait déjà, il est proposé au thérapeute de
jouer avec son patient sur la signification des mots. Lorsque le patient effectue
des glissements de sens qui peuvent lui être préjudiciables, il s’agit de stopper
ceux-ci, voire de proposer des mots ayant un sens nouveau (comme trouble du
sommeil au lieu de nymphomanie) et d’arrimer ceux-ci solidement pour éviter
au patient qu’il ne rechute dans le problème.
Il s’agit là de porter une attention hypnotique aux mots et à leur sens, de façon
à construire avec le patient une nouvelle perception de la réalité, un nouveau
ressenti lui permettant de quitter ses ressentis d’incapacités et de limitations.
On ne saurait se fier aux frontières entre concepts, et l’accent mis sur l’insomnie
durant l’interview et dans le message d’intervention à la fin de la séance est
destiné à imposer une contrainte externe, une tentative pour stopper le glis-
sement de sens pour les besoins d’un jeu de langage centré sur les solutions.
Le changement ou la transformation qui suit la redistribution ou l’inversion du
concept et des critères, le renversement de la hiérarchie entre ceux-ci, et le jeu
de langage centré sur les solutions doivent être maintenus en place, solidement
arrimés dans le cadre de la conversation, à des fins pragmatiques, thérapeutiques.
Autrement, le nouveau sens, instable, va continuer à glisser et se dérober, et
la patiente peut « rechuter » dans la nymphomanie. Au cas où ce glissement
et cette dérobade se poursuivraient à l’infini, ceci, comme l’a explicité Jacques
Derrida : « laisserait en fait le champ vierge, sans aucune prise sur l’opposition
(ou la différence) précédente, empêchant ainsi toute intervention efficace dans
le champ (Derrida, 1972, cité par de Shazer, 1991). Et comme le précise de
Shazer (1991) : « Le jeu de langage problématique resterait intact. »
Aussi, comme le résume de Shazer : « Dans la vie courante, il paraît utile de se
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

comporter comme si le sens était stable, et c’est bien la façon dont nous nous
comportons habituellement. Chaque intervention est conçue pour aider le client
à débuter de nouvelles expériences dans sa vie quotidienne » (de Shazer, 1980).

O RIENTATION SOLUTIONS ET EXTERNALISATION.


L’ APPROCHE NARRATIVE ORIENTÉE SOLUTIONS

L’apport essentiel des thérapies narratives, celui de son aspect le plus créatif
(White et Epston,1990) peut aussi utilement être intégré dans l’hypnose orientée
solutions. Et ceci pour deux raisons :

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 192 — #208
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192 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

➙ son attention pour nommer utilement le problème, d’une manière qui convienne
au patient,
➙ son utilisation pour externaliser le problème par l’emploi d’un vocabulaire
adapté.

Pour une clarté optimale, précisons que cette approche ne se destine pas à
dissoudre le problème, mais plutôt à l’externaliser pour le contenir, voir pour
l’expulser. On retrouve dans cette approche des analogies avec la démarche
sorcière d’utiliser les mots pour faire sortir le problème.
De Shazer a été assez proche de Michael White, le concepteur des thérapies
narratives. Précisons que ce dernier récusait d’ailleurs le terme de thérapie. Ses
premiers travaux, avec David Epston, partageaient beaucoup de points avec
l’approche éricksonienne, puis s’en sont éloignés ensuite.
De Shazer critiquait la notion d’événement unique prôné par les narrativistes et
qui est un équivalent de l’exception solutionniste. Car il disait que les exceptions
peuvent être répétées, voire fréquentes.
Il partageait par contre l’idée d’aider le patient, au cours de la thérapie, à « écrire
une histoire de succès ». Les approches narratives considèrent que malgré cer-
tains éléments imposés par notre environnement, notre tâche est avant tout
d’écrire notre vie. Et ce par l’ensemble de nos comportements, y compris bien
sûr le travail d’écriture, mais pas seulement. L’enjeu est de devenir des auteurs
de nos vies, autant que possible.

R EGARD CRITIQUE SUR L’ ORIENTATION SOLUTIONS

Malgré notre admiration, mais peut-être surtout du fait de celle-ci, en suivant


l’exemple de notre maître Malarewicz, qui disait qu’il fallait critiquer Milton
Erickson, prenons le temps d’un regard critique sur le travail des solutionnistes.
La première critique que nous ferons au travail pourtant génial de Steve de
Shazer, Insoo Kim Berg et de leur équipe est leur désintérêt pour la transe. En
tout cas ce qu’ils en disent (de Shazer, 1988). Pour nous, thérapeute, il est très
difficile de comprendre un tel désintérêt. Depuis Erickson, nous savons que c’est
le patient qui fait la transe, et ne pas s’y intéresser est, dans une approche qui
vise à complimenter le plus possible les patients, quelque chose pour nous de
très étonnant.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 193 — #209
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Pour aller vers l’expertise 193

Le travail de transe est souvent difficile, demande des efforts, et après de tels
moments, le patient est généralement fatigué. Pourquoi donc ne pas s’y inté-
resser ? La seule explication que nous y voyons est qu’il n’y a pas d’explication,
juste un constat. Comme dit l’expression sur le fait que les goûts et les couleurs
ne s’expliquent pas, l’équipe des solutionnistes n’avait pas de goût pour la transe
hypnotique.
En avaient-ils un pour le travail corporel ? Dans un article plutôt tardif, Miller
et de Shazer (2000), en réponse à un article disant qu’ils négligeaient les
émotions dans leur travail, disent que cela est faux. Leurs arguments, basés sur
la philosophie du langage de Wittgenstein, ne nous semblent pas convaincants.
Pourtant, pour avoir vu travailler ces auteurs, je peux témoigner qu’il y avait
une authentique dimension émotionnelle dans leur travail, avec de l’empathie et
un accompagnement verbal de l’émotion. Pour autant, il n’y avait pas réellement
d’aide apportée au patient pour l’aider à utiliser ses émotions. Cela témoigne
peut-être d’une mauvaise compréhension de notre part de ces textes, de lecture
assez ardue. Néanmoins nous pensons, comme cela était le cas dans l’approche
narrative, assez voisine de l’orientation solutions, qu’il y a eu une évolution vers
une intellectualisation théorique.
À la décharge des solutionnistes, il faut préciser que les travaux de recherche
sur les émotions, particulièrement ceux de Leslie Greenberg, sont relativement
récents et étaient encore peu connus à l’époque où les solutionnistes ont
construit leur théorisation.
D’où notre effort pour tenter de pallier ce déficit dans le chapitre 4, « Rôle des
émotions... » p. 146.
Modestement, nous nous proposons d’effectuer, en nous intéressant à la transe,
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

un retour au corps de l’orientation solutions. Notre démarche s’inscrit, comme


nous l’avons montré, dans un éclairage phénoménologique que les solutionnistes
n’ont pas utilisé (en précisant, là aussi, que l’intérêt pour cette branche de la
philosophie était à l’époque très peu marqué dans les pays anglo-saxons).
La préoccupation continuelle des solutionnistes est de construire des solutions.
À aucun moment ils ne voient le corps lui-même comme susceptible de construire
des solutions. Ils font encore moins appel à la notion d’inconscient créatif
élaboré par Erickson. Leur intérêt est centré sur le langage et ses jeux. En cela
nous pensons qu’ils se compliquent la vie.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 194 — #210
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194 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

De Shazer portait, nous l’avons vu, un vif intérêt à la pensée de Wittgenstein.


Particulièrement à sa notion d’« ensorcellement » : « Nous devons nous débar-
rasser de toute explication, et la seule chose qui doit prendre sa place, c’est la
description » (Wittgenstein, 1984, remarque 145).
Wittgenstein pense, d’une façon tout à fait intéressante, que les explications
nous « ensorcellent ». Nous pourrions dire qu’elles créent des suggestions néga-
tives pathogènes de non-changement. Ce qui est problématique est qu’il voit
les solutions comme « une bataille contre l’ensorcellement de notre intelligence
par les outils du langage » (Wittgenstein, 1984). En tant qu’ éricksonien, nous
considérons plutôt que cette « bataille » doit être menée grâce aux ressources
du corps, de ce que nous appelons l’« inconscient corporel », ou, en suivant
Michel Henry, « la vie ».
Le corps a son langage qui n’est pas une construction, et qui est probablement
– nous disons probablement, car nous avons un grand besoin de recherche pour
étayer cela – le lieu de manifestation de la vérité.

Q UAND LE CORPS SE CHARGE DE TOUT

Nous avons évoqué le fait de confier au corps la recherche de solutions. De la


confier notamment à la respiration.
Confier à la respiration ou au corps la recherche de solutions peut amener le
patient à vivre, consciemment ou inconsciemment, ces solutions.
Des précurseurs en hypnose, dont Milton Erickson, évoquaient que ce type de
travail amenait à recevoir des messages sous forme d’images, de métaphores.
Milton Erickson demandait aussi à ses patients de faire des rêves, ou en cours
de séance, ou pendant leur nuit.
On sait depuis longtemps (Bible, Freud, Carl Jung, et autres), que les rêves
peuvent contenir et fournir, consciemment ou non, des solutions à des problèmes.
L’orientation solutions ne se limitait donc à notre avis pas du tout au travail
conscient, même si les solutionnistes peuvent le laisser entendre. En tout cas
ils ne l’ont jamais affirmé.
Confier à notre sommeil le soin de solutionner nos problèmes peut donc égale-
ment constituer un enrichissement hypnotique de l’approche orientée solutions.
Le sommeil orienté solutions ?

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Pour aller vers l’expertise 195

A UTRES DOMAINES D ’ APPLICATION

Autohypnose orientée solutions : orientation solutions


!

et développement personnel

De même que l’autohypnose est devenue un champ majeur d’application de


l’hypnose, nous proposons que l’orientation solutions puisse enrichir considéra-
blement les possibilités d’un travail auto-hypnotique.
Déjà, une attention aux exceptions qui infirment la règle (Malarewicz, 1994)
apporte une modulation très utile dans notre tendance à généraliser, à construire
des problèmes qui deviennent vite, dans la vie quotidienne, de véritables limita-
tions. Nous pourrions dire que c’est la dimension préventive de l’utilisation de
l’orientation solutions dans la vie quotidienne.
Une autre application remarquable est celle de se poser individuellement la
question miracle, y compris en fermant les yeux, avec aussi la possibilité d’en
dicter les réponses à un appareil enregistreur (dictaphone ou autre).
Il est possible de se poser la question miracle devant n’importe quelle difficulté
de vie, et également de le faire en l’absence de contexte problématique. En
d’autres termes : il n’est pas besoin d’être en difficulté pour se poser la question
miracle !
Comme nous l’avons vu, la réponse à la question miracle, en pensant bien à y
inclure la partie sur les répercussions sur l’environnement, permet d’accéder à
des exceptions non identifiées préalablement, et donc à des germes de solutions.
On y inclura évidemment, et c’est essentiel, toutes les démarches d’autocompli-
ments. Dans la continuité de l’hypnose éricksonienne, s’autocomplimenter est
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

quelque chose d’absolument essentiel, que cela soit lorsque nous sommes seuls
ou avec d’autres personnes. S’autocomplimenter peut être considéré comme une
hygiène de vie essentielle, notamment pour entretenir et développer notre estime
de nous-mêmes. Il s’agit d’un développement juste, non excessif et adapté.
En pratique, s’autocomplimenter consiste généralement à faire un geste de
remerciement et/ou de félicitations à notre corps, c’est-à-dire à nous-mêmes,
lorsque l’on réussit quelque chose de difficile dans notre vie. Il s’agit d’un travail
auto-hypnotique, c’est-à-dire d’un geste auquel on accorde un certain sérieux,
de la valeur.
Le niveau de difficulté demandé dépend de chacun. Il peut dépendre du besoin
ressenti de se narcissiser.
Se narcissiser, ou encore simplement s’aimer est une nécessité et une responsabilité.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 196 — #212
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196 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Coaching et management orientés solutions


!

La vie professionnelle est, comme nous l’avons dit, un domaine où peuvent


non seulement survenir différentes souffrances, mais aussi un certain nombre
de situations complexes, notamment de dysfonctionnements relationnels. Ces
derniers nécessitent souvent de l’aide, une aide qui ne requiert pas forcément un
professionnel de soins, plutôt des professionnels de la relation d’aide qui sont
familiarisés avec les milieux professionnels.
L’orientation solutions semble être une pratique très pertinente dans ce domaine,
et les publications sont de plus en plus nombreuses.
Par ailleurs, les techniques de management pourraient s’enrichir utilement de
l’orientation solutions.

Pédagogie orientée solutions


!

Le champ de l’éducation est lui aussi un domaine où s’applique de plus en plus


l’orientation solutions. Un nombre croissant d’enseignants s’intéressent à cette
approche.

Orientation solutions et amélioration des performances


!

Il en est de même pour la préparation mentale des sportifs, qui se développe


dans les pays anglo-saxons, mais qui tarde à arriver en France.

Q UAND RIEN NE MARCHE

Même si nous avons mentionné, en nous référant au deuxième principe « si


ça ne marche pas, arrêter et faire autre chose », que le thérapeute pouvait
trouver et proposer d’autres manières de faire quand la méthodologie de base de
l’orientation solutions ne fonctionnait pas, il semble honnête, qu’à un moment
donné, le thérapeute reconnaisse son incapacité à être aidant.
Un grand nombre de situations où le patient nous dit qu’il n’y a pas d’amélio-
ration correspondent chez lui au fait d’avoir un grand désir de changement, de
changement spectaculaire et impressionnant pour lui et pour son entourage.
Dans de tels cas, il est utile d’approuver le désir de changement du patient pour
qu’il puisse devenir attentif aux changements minimes ou mineurs.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 197 — #213
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Pour aller vers l’expertise 197

Les petits changements caractérisent souvent les débuts du travail thérapeutique,


et il est essentiel que le patient puisse devenir sensible et attentif à ceux-ci. Ce
travail l’est d’autant plus si le praticien pratique l’hypnose thérapeutique et est
connu pour cela. L’hypnose favorise les attentes magiques, et les outils orientés
solutions sont excellents pour pallier cette attente magique, et l’utiliser. Et cela
est possible dans de très nombreux cas, grâce notamment aux compliments faits
au patient.
Nous savons qu’un certain nombre d’approches ne fonctionnent pas pour
des raisons liées au thérapeute : erreurs de posture parfois, communication
inadaptée, etc.
Dans de nombreux cas, il peut y avoir de vraies limitations du côté du thérapeute.
Il semble nécessaire de les accepter à un moment donné. Les thérapeutes ont
aussi leurs limites et leurs rigidités, qui peuvent être temporaires ou durables.
Même orientés solutions, nous pouvons avoir dans un certain nombre de cas le
devoir de reconnaître notre incompétence. Ce point est délicat. Mais, après que
les objectifs ont été réexaminés et, si besoin, revus, il arrive un moment où le
thérapeute doit se déclarer incompétent.
Cette incompétence peut aussi correspondre au fait que le thérapeute n’a pas
identifié que la demande du patient consistait à refuser une limitation inhérente
à lui-même.
Cette difficulté peut facilement survenir. Les praticiens de l’école de Palo Alto
avaient déjà prévenu, en recommandant au thérapeute, une fois un premier
objectif atteint, de préconiser une pause avant de s’engager sur un deuxième
objectif.
L’orientation solutions, approche plus ouverte, insiste, afin de se prémunir du
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

risque, pour repréciser l’objectif convenu lors de chaque séance, et de le modifier


si le patient le souhaite, mais sans lâcher l’objectif précédent si le patient ne
donne pas les raisons de cette modification, qui peuvent être les suivantes :
" le patient a déjà construit des solutions aux problèmes précédents et est
confiant dans son aptitude à pouvoir continuer par lui-même,
" et/ou une nouvelle difficulté est apparue, qu’il ressent comme plus gênante
et vraiment prioritaire.

Enfin, le thérapeute doit être attentif, même si le patient montre son insatis-
faction quant au résultat de la thérapie, a aidé celui-ci à évaluer où en sont les
choses. La meilleure manière de le faire et de recourir à une échelle :

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198 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

« 1 signifie que les choses sont comme au début de la thérapie, et 10 représente ce


que vous souhaitez que soit votre vie à la fin de la thérapie, où en sont les choses
actuellement ? »

Très souvent, les chiffres donnés par le patient, alors que nous nous croyons en
échec, sont bons : 7 ou 8, et parfois 9 et même 10 !
Y aurait-il une difficulté à se séparer du thérapeute ?
Ou une décision à prendre sur le fait que les choses sont bien comme elles sont ?
Une décision qui doit être favorisée par le thérapeute, car elle ne peut être prise
spontanément par le patient seul ?
La question de la dépendance au thérapeute peut se poser, avec la répétition de
schémas d’estime de soi insuffisante chez le patient.
La question :

« Alors, comment allez-vous faire ? »

Peut être utilement employée comme manière assez revigorante d’encourager le


patient à s’autonomiser, à se faire confiance, en le mettant en quelque sorte
« au pied du mur » lorsqu’il répète des comportements d’incompétence à choisir.
Malgré ces précautions, il existe des patients, même s’il ne faut pas surestimer
leur fréquence, qui continuent à demander de l’aide, et nous allons voir quelques
manières de procéder avec eux.

Q UAND DE NOUVEAUX PROBLÈMES APPARAISSENT

Lorsqu’un problème est en voie de résolution, un certain nombre de patients en


évoque un nouveau. Cela peut correspondre à deux contextes différents.

Le patient a réellement d’autres problèmes


!

Cela est fréquent dans certaines situations cliniques, comme notamment


les addictions.
Le patient commence à avoir réellement un meilleur contrôle sur sa ou ses
consommation(s), et souhaite traiter un trouble anxieux qui était masqué
jusque-là.

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Pour aller vers l’expertise 199

Un patient dépressif va mieux sur le plan de l’humeur, et ressent qu’un problème


d’anxiété, ou de manque d’estime de lui (ou tout autre facteur de vulnérabilité
dépressive) doit être traité pour qu’il ne rechute pas.
Il est bien sûr utile, car le travail thérapeutique n’est pas encore suffisant
(en particulier, la confiance dans le maintien des résultats n’est pas encore
satisfaisante), de compléter l’aide au patient, notamment en faisant évaluer
l’objectif thérapeutique, en affinant.
Néanmoins il est nécessaire de garder aussi jusqu’à la fin de la thérapie l’objectif
initialement convenu, afin de vérifier qu’avec le travail complémentaire effectué,
l’objectif initial est bien maintenu.

Le patient ne semble pas réellement avoir d’autres


!

problèmes qui le fassent souffrir

Dans d’autres cas de bonne évolution, le patient continue à évoquer d’autres


problèmes que celui pour lequel il est venu initialement, et le thérapeute ressent
que s’il accepte sans limitation ces nouveaux objectifs demandés, la thérapie
peut continuer indéfiniment et perdre de son sens.
Trois types de situations peuvent exister, et même coexister :
" le patient a pris goût au travail thérapeutique, a ressenti la pertinence de
sa méthodologie et souhaite l’appliquer à d’autres niveaux de sa vie pour
améliorer celle-ci. Dans de tels cas, le thérapeute doit valider l’apprentissage
que son patient a fait de la méthode de travail qui a été construite avec lui.
Cette validation se fait essentiellement par les compliments :
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

« Je ressens que, grâce au magnifique travail que vous avez effectué et dans lequel
je vous ai accompagné, cette réussite vous donne envie de continuer à faire évoluer
positivement votre vie. Cela est tout à fait normal et excellent. Comme j’ai d’autres
patients qui demandent à me voir et qui vont mal, je vais vous aider à comprendre tout
ce que vous avez appris pendant notre travail ensemble. Et pour cela j’ai besoin que
vous me disiez, afin que nous puissions ensuite l’appliquer à d’autres domaines, ce
qui, dans tout ce que nous avons fait, vous a le plus aidé ? »

" Il peut aussi exister un fort attachement du patient à son thérapeute. Le


thérapeute doit savoir identifier cela et pouvoir authentiquement partager
son ressenti :

« J’ai bien conscience que toute amélioration signifie aussi, quand le travail a bien
fonctionné, que bientôt il va falloir nous séparer. J’en suis personnellement triste, mais
c’est la vie. (Le thérapeute observe son patient pour vérifier que ce dernier acquiesce.)

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 200 — #216
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200 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Sachez que nous pourrons nous voir de temps en temps. Il n’y a pas besoin que
vous alliez mal pour que l’on se revoie. (Et si l’assurance-maladie une complémentaire
santé prend en charge financièrement tout ou partie de la thérapie.) La sécurité sociale
est d’accord avec ça. »

" Dans certains cas, la difficulté à arrêter les entretiens peut être l’occasion de
diagnostiquer une problématique abandonnique.
Celle-ci peut se résoudre en travaillant sur des nouveaux objectifs d’extension
et d’enrichissement du réseau social du patient.
Elle peut aussi témoigner d’une souffrance post-traumatique.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 201 — #217
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Chapitre 6

Le compliment qui guérit

D nous avons souhaité présenter le plus fidèlement possible l’ap-


ANS CE LIVRE
proche orientée solutions fondée par nos maîtres, Steve de Shazer et Insoo
Kim Berg, en la réintroduisant dans le champ de l’hypnose dont elle venait, et
en ajoutant des compléments relatifs aux émotions principalement.
Pour terminer cet ouvrage, nous souhaitons revenir sur quelques points et
les détailler.

LE COMPLIMENT : PLUS QU ’ UN CENTRE , UNE VISÉE


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

En commençant à rédiger ce livre, nous pensions définir la place du compli-


ment comme centrale dans l’orientation solutions. Au fur et à mesure de la
rédaction, et en approfondissant notre compréhension de cette approche, notre
position a évolué. L’orientation solutions est fondamentalement subtile, même
si son apparence logique peut laisser croire que sa simplicité peut être un peu
mécanique.
Il n’y a en fait pas de centre dans l’orientation solutions. Celle-ci peut être
l’occasion de faire vivre aux patients des expériences qui peuvent être décisives :
l’identification d’une exception, la compréhension lumineuse de celle-ci, du fait
qu’il est simple de la reproduire, ou de nombreuses autres expériences peuvent
générer une modification de perspective, un éclairage qui va transformer la
perception et générer une solution.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 202 — #218
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202 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

Le compliment peut aussi constituer ce type d’expérience modificatrice. Combien


de patients ont pu me dire, ainsi qu’à mes collègues : « C’est la première fois
que l’on me parle comme cela, que l’on me dit des choses positives sur moi. »
Et de manière plus nuancée, combien de patients ont pu voir leur perception
d’eux-mêmes modifiée par des compliments en cours de séance ou des compli-
ments de fin de séance.
Mais en fait, ce qui caractérise surtout le compliment dans l’approche orientée
solutions est que le compliment est le but de toutes les interventions du thé-
rapeute. Le but est que le patient puisse accepter un compliment, ou, encore
mieux, qu’il puisse s’en faire à lui-même et par lui-même.

T OUT CE QUE FAIT LE PATIENT EST BIEN

Déjà, Milton Erickson avait pu montrer que les patients font généralement de
leur mieux, contrairement à ce qu’ils pensent souvent. Et il avait développé une
créativité exceptionnelle pour proposer à ses patients, par expérience, qu’ils com-
prennent cela. Les auteurs solutionnistes ont prolongé la démarche en inventant
une méthode qui relève beaucoup de l’art de l’ingénieur. Ils nous ont transmis
leur ingéniosité comme un cadeau, pour nous et pour nos patients. Reprenant
l’esprit d’Erickson, ils en ont structuré l’approche :
! tout problème connaît des variations ? Cherchons-en systématiquement les
exceptions, il y en a toujours, même s’il n’est pas toujours possible d’aider le
patient à les exploiter. Les échelles chiffrées peuvent y aider, et quand il y en
a besoin, utilisons-les en en créant avec et pour nos patients ;
! le présent ne semble pas offrir de germes de solution, le passé non plus ?
Projetons-nous dans le futur, comme le faisait déjà Erickson dès qu’il avait
découvert dans sa jeunesse l’ouvrage Time Distorsion in Hypnosis de Linn
Cooper et qu’il avait été émerveillé par les effets cliniques produits avec
ses patients.

« Tout ce que fait le patient est bien » disait Erickson, et les solutionnistes ont
été des virtuoses pour mettre en pratique et décliner de nombreuses techniques
illustrant ce principe. Voir les patients faire, souvent intuitivement inventer des
solutions, ce fut pendant des décennies ce qui réjouissait ces hommes et ces
femmes, et ce qui donnait de l’espoir aux patients.

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 203 — #219
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Le compliment qui guérit 203

LE COMPLIMENT THÉRAPEUTIQUE :
ESSENCE DE L’ HYPNOSE ÉRICKSONIENNE

Les solutionnistes ont compris à quel point le compliment thérapeutique consti-


tuait l’essence de l’hypnose éricksonienne. En élargissant de manière géniale
l’amplitude et la portée de cette notion, ils ont compris et constitué la dimension
première de cette approche et de celle de l’hypnose thérapeutique.
Même des auteurs beaucoup plus réservés dans ce domaine, et nous pensons ici
à François Roustang, pratiquaient, à leur manière, le compliment.

LE TRAVAIL SUSCITÉ PAR LE COMPLIMENT

Les solutionnistes ont donc développé tout un travail du compliment. En laissant


libre chaque praticien de pratiquer les modalités non verbales qui leur conve-
naient, ils en ont détaillé les modalités verbales. Leur travail a permis, et nous
avons essayé de le montrer, comment le rapport est venu, alors qu’il s’en était
détourné, enrichir en retour la pratique et la technique hypnotiques ; insuffler
une puissance thérapeutique solide, car résultant d’une méthode à la fois simple
et approfondie. Libre à chaque praticien, dans ce cadre structuré, de développer
et de filer des métaphores adaptées, des anecdotes (vraies ou fausses) perti-
nentes, de proposer aux patients des expériences hypnotiques pouvant prendre
mille et une formes, des jeux corporels ou langagiers susceptibles de dilater les
possibilités et les horizons des patients.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

LE SENS PROFOND DU COMPLIMENT :


FAIS CONFIANCE À LA VIE

En expérimentant ces héritages, nous pouvons, grâce à l’orientation solutions,


éprouver le sens profond qu’Erickson mettait dans son travail, et, grâce à l’apport
de personnalités aussi impressionnantes que furent de Shazer, Kim Berg et
d’autres, l’enrichir et le diversifier.
Le minimalisme des solutionnistes nous paraît pouvoir encore mieux mettre en
évidence la signification profonde de la démarche thérapeutique initiée avec la
naissance de l’hypnose moderne à la fin du XVIIIe siècle avec Mesmer, et peut-être
encore plus avec Puységur, et poursuivie avec tant d’hommes et de femmes

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 204 — #220
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204 L’ HYPNOSE CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS

(même si ce sont plus les hommes qui nous ont transmis leurs écrits). Donner
de l’espoir en mettant en valeur la créativité des patients.
Assurément, c’est une philosophie, en plus d’être une méthode, qui semble
pertinente pour notre époque. Car c’est une philosophie concrète qui apporte
de l’espoir.
Sans que cela génère un stoïcisme susceptible de repousser à plus tard la
recherche de solutions, l’orientation solutions considère que les choses peuvent
toujours aller plus mal, et que le présent recèle donc presque toujours des
germes de solutions et d’espoir. Il suffit de regarder les choses, ou comme disait
Erickson de les observer, avec ce regard caractéristique, car orienté. Et, comme
en témoigne l’étymologie, orientée vient d’« orient », de là où le soleil se lève
et génère une nouvelle journée.
Une philosophie orientée solutions est profondément porteuse d’espoir pour
notre époque, tout en restant modeste et humble comme l’était foncièrement
Erickson et comme ont pu l’incarner tout au long de leur vie les fondateurs
du solutionnisme.
Créer de l’espoir qui peut générer de la joie, de la joie anticipatrice qui est donc
déjà là, au moins un peu.
De l’espoir qui peut générer, au bout du tunnel où nos patients nous disent
souvent vivre, un peu de lumière même si elle peut être vacillante.
De l’espoir qui peut donc réanimer, raviver et renforcer la vie.

Pour conclure...

Si le problème a une solution, il ne sert à rien de s’inquiéter.


Mais s’il n’en a pas, alors s’inquiéter ne change rien.
PROVERBE TIBÉTAIN
Si tu vois un crocodile s’acheter un pantalon,
c’est qu’il a trouvé une solution pour faire sortir sa queue.
PROVERBE ÉTHIOPIEN

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Le compliment qui guérit 205

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! !

Annexes

ANNEXE 1
Récapitulatif du dispositif de l’orientation solutions
(d’après S. de Shazer et I. Kim Berg)

2 exception 1 compliment
O
B
J
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

E 3 questions à échelle

C
T
I
F 4 question miracle

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208 A NNEXES

1. Je fais un compliment au patient à chaque fois que c’est possible, en cours de


séance, et en fin de séance.
2. L’identification d’exceptions nourrit les compliments.
3. Les questions à échelle nourrissent la recherche de détails sur les exceptions, et
donc les compliments.
4. La question miracle nourrit les questions à échelle, la recherche de détails sur les
exceptions et donc les compliments.
En parallèle : tout matériel recueilli auprès du patient peut nourrir la définition d’un
objectif, par le patient aidé par le thérapeute.

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Annexes 209

ANNEXE 2
Plan de traitement individuel adulte

Nom et prénom Situation professionnelle


................................ ................................
Adresse ................................
................................ Si arrêt de travail, depuis :
Mail ................................
................................ Métiers/emplois précédents
Téléphone ................................
................................ ................................
Date de naissance ................................
................................ Compétences
Nom du médecin traitant ................................
................................ ................................
Nom de l’intervenant ................................
1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................
2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................
................................
Patients ................................
1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................
2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Objectif (date) Situation de vie personnelle


................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
Ce qui ne marche pas Conjoint ou personne(s) proche(s)
................................ ................................
................................ ................................

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210 A NNEXES

Exceptions trouvées (et ce qui est Échelles utilisées


différent à leur occasion) ................................
! Exceptions volontaires ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
! Exceptions dues au hasard ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................
Question miracle (date) ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................

Intérêt pour l’hypnose Émotions


................................
□ Certain ................................
□ Probable ................................
□ Y est opposé ................................
□ Ne sait pas

Remarques Relation au corps


................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................

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Annexes 211

Génogramme
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................

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212 A NNEXES

ANNEXE 3
Fiche enfant

Nom et prénom de l’enfant Nom des parents


................................ ................................
Adresse ................................
................................ Situation des parents
Mail ................................
................................ Si séparés : mode de garde
Téléphone ................................
................................ ................................
Date de naissance ................................
................................
Nom de l’intervenant Nom du médecin traitant
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................

Motif de consultation (date) Fratrie et rang dans la fratrie


................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
Motivation de l’enfant à venir en Contexte familial
consultation ................................
□- ................................
□+ ................................
□ ++ ................................
□ +++

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Annexes 213

Scolarité et apprentissages Activités extra-scolaires


................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................

Tentatives de solutions face aux Ce pour quoi l’enfant se sent


difficultés ! Fort
................................ ................................
................................ ................................
! Très fort
!Efficaces ................................
................................ ................................
................................ ! Très très fort
................................ ................................
................................ ................................
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

! Inefficaces
................................ Orientations sensorielles
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................

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214 A NNEXES

Génogramme
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
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...................................................................

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! !

Annexes 215

ANNEXE 4
Plan de traitement famille

Nom de la famille Histoire


................................ ................................
Adresse ................................
................................ ................................
Mail ................................
................................ ................................
Téléphone ................................
................................ ................................
Date ................................
................................ ................................
Nom du médecin traitant ................................
................................ ................................
Nom de l’intervenant ................................
1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................
2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................
Patients ................................
................................ ................................
................................ ................................
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Objectifs (signes de succès) Exceptions


................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................

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216 A NNEXES

Miracle Qui est :


................................ ! Acheteur
................................ ................................
................................ ................................
................................ ! Demandeur
................................ ................................
................................ ................................
................................ ! Visiteur
................................ ................................
................................ ................................

Compliments Remarques pour la prochaine séance


................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
Tâches ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................
................................ ................................

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Annexes 217

Génogramme
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
...................................................................
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...................................................................
...................................................................

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220 B IBLIOGRAPHIE

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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 221 — #237
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