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L'hypnose centrée
sur les solutions
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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page II — #2
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Thierry Servillat
L'hypnose
centrée sur
les solutions
! Le compliment qui guérit !
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© Dunod, 2022
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-083351-1
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Dans la vie il n’y a pas de solution. Il y a des forces en marche : il faut les créer
et les solutions suivent.
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Ce livre est écrit pour tous les soignants, et les thérapeutes désirant fonder leur pratique
de l’hypnose sur des bases empiriques, non idéologiques, et donc scientifiques. Il pourra
intéresser aussi celles et ceux souhaitant enrichir leur pratique du soin, de la
psychothérapie et de toute forme de relation d’aide, avec de nombreux outils puissants.
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AVANT-PROPOS XIII
Une heureuse simplification XIII
Exercices introductifs XVI
Exercice 1, XVI • Autre exercice, plus facile, et à faire si le premier
vous semble difficile, XVI
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2. Niveau de base 31
Aspects théoriques 31
Détecter les solutions, 31 • Questions utiles, questions inutiles, 32
En pratique : principes généraux 33
Exercice, 33 • Questions d’entame, 33 • Le rôle du silence, 35 • Que
faire après la ou les réponse(s) du patient ?, 38 • Les buts essentiels de
l’orientation solutions, 39
Outils non verbaux 42
Attitude du thérapeute, 42
Outils verbaux 44
Aspects non spécifiques relatifs à la communication, 44 •
Explications, 44 • Questions, 44 • Pause de réflexion et compliments, 69
• Question de clôture de la séance, 81
Conclusions du niveau 1 83
3. Niveau 2 85
Introduction 85
Les niveaux de demande et de relations 86
Du passant à l’acheteur : les niveaux de relation entre patient et
thérapeute, 87 • Les traitements en une séance, 95
Hypnose ou pas hypnose ? 96
Quand le patient la demande, 96 • L’hypnose comme moyen de « faire
autre chose », 97 • Importance de l’« esprit conscient », 98 •
L’humour, 99 • Quand le compliment peut donner lieu à une séance
d’hypnose : l’hypnose orientée solutions, 99
La philosophie générale : ouvrir des choix 102
La deuxième séance 104
Entame, 104 • Écouter, mais pas trop, 104 • Questions
d’explicitation, 105 • Quand adresser le premier compliment ?, 107 •
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4. Niveau 3 141
Aller plus loin avec des outils spécifiques 141
Encore l’hypnose, 141 • Le corps dans l’approche orientée solutions, 146
Explorer les ressources relationnelles 157
Conjoint, 157 • Amis, collègues de travail, 161 • Famille, 161
Le travail avec les enfants 163
Recherche d’exceptions et construction de solutions, 163 • Particularités
des échelles chez l’enfant, 164 • Fabriquer les solutions !, 164
Le travail avec les adolescents 165
Établir le contact, 165 • Aider aussi la famille, 168
Le travail avec les personnes âgées 170
Le travail avec les personnes en situation de handicap 170
Le travail avec les personnes à haut potentiel 171
Le travail avec les personnes d’autres cultures 171
Encore l’hypnose 172
L’orientation solutions comme préambule à l’hypnose profonde 172
Champs par situations pathologiques 173
Anxiété et peurs, 173 • Troubles du sommeil, 175 • Dépression, perte et
deuil, 175 • Problèmes de dépendance : principes généraux et
spécificités, 178 • La question des médicaments, 181 • Surpoids et
obésité, 182 • Douleurs, 182 • Acouphènes, 183 • Problèmes
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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ANNEXES 207
BIBLIOGRAPHIE 219
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Avant-propos
U NE HEUREUSE SIMPLIFICATION
Toujours avec bonheur, mais aussi avec des questions qui me tiraillaient en
permanence : quand faisais-je de l’hypnose, et quand s’agissait-il de thérapies
orientées solutions ?
Pendant de très nombreuses années, je vécus plus ou moins bien avec cet incon-
fort, jusqu’à l’intervention de Roxanna Erickson-Klein, lors d’une formation à l’île
de la Réunion où nous enseignions, ma conjointe Bernadette Audrain-Servillat
et moi ; Roxanna m’exprima son désaccord, me disant que j’avais mal présenté
l’intervention de Bernadette. Celle-ci portait sur l’orientation solutions, et dans
ma présentation, j’avais dit qu’il s’agissait d’ « hypnose sans hypnose ». J’avais
emprunté cette expression à Jacques Antoine Malarewicz qui l’utilisait pour
parler de la stratégie en psychothérapie.
« C’est de l’hypnose ! » protesta-t-elle.
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Avant-propos XV
Comme nous en avons l’habitude, avant d’entrer dans le vif du sujet et dans ce
but, je vous propose deux exercices.
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E XERCICES INTRODUCTIFS
Exercice 1
"
À quoi pourrez-vous savoir, si c’est le cas, que ce que vous y verrez, ce que vous y
lirez, aura été utile pour vous ?
Tout à l’heure, ou ce soir quand vous repenserez à votre journée, ou peut-être dans
quelques jours, ou davantage ?
À part vous, qui d’autre saura que la lecture de ce livre vous aura été utile ?
Prenez le temps de recevoir les réponses de votre imagination, de votre mémoire, de
votre réflexion.
Ne faites pas trop d’efforts pour cela !
Observez, et si vous le souhaitez, notez...
Quelle est la dernière fois que vous avez lu un livre qui a été utile pour vous ?
En quoi a-t-il été utile pour vous ?
Quel(s) passage(s) du livre vous semble(nt) avoir été le(s) plus aidant(s) ?
Quel(s) changement(s) la lecture de ce livre a-t-elle généré(s) dans votre vie ? Profes-
sionnellement ? Personnellement ?
Après cet exercice, faire éventuellement le premier si vous ne l’avez pas déjà fait.
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Chapitre 1
Présentation générale
de l’orientation solutions
I NTRODUCTION
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➙ enfin et peut-être surtout, ces auteurs sont maintenant décédés depuis une
quinzaine d’années et ne semblent pas, en tout cas pour l’instant, avoir eu de
véritables « continuateurs », dans le sens d’auteurs cherchant à aller plus loin.
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appelle aujourd’hui l’intelligence du corps, celle des émotions aussi. Pour essayer
d’aller plus loin encore, pour s’aventurer vers de nouveaux horizons. C’est pour
nous rendre hommage aux concepteurs géniaux de l’orientation solutions que
d’entreprendre cette exploration, que nous trouvons féconde.
Les « solutionnistes » (nous mettons ici des guillemets que nous ne mettrons
plus ensuite pour alléger le texte) ont pu retirer de l’œuvre éricksonienne une
grande partie de son essence et des éléments fondamentaux de sa pédagogie.
Une pédagogie qu’Erickson avait, c’est connu, beaucoup racontée à l’aide de cas
cliniques et d’anecdotes, mais assez peu explicitée dans ses détails. Ce progrès
s’est fait, nous le verrons, par une très grande attention au langage verbal.
Aller de l’avant maintenant passe selon nous par une reprise d’intérêt pour la
transe et le corps. C’est donc notre contribution à ce que nous espérons être un
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progrès que de mettre en pratique cet intérêt. Nous convions tous les praticiens
de l’hypnose à cette mise en pratique et à cet enrichissement, de façon à pouvoir
partager dans le futur de tels apports.
Nous avons aussi, et cela peut paraître bien naturel, intégré des progrès récents
de la science psychologique à notre présentation. Ainsi, les travaux menés
depuis une quarantaine d’années sur les émotions nous semblent suffisamment
essentiels dans le domaine de la relation d’aide et de la psychothérapie pour
devoir être pris en compte dans notre ouvrage. Erickson voyait les émotions
comme des ressources très utiles et a posé des bases pour leur utilisation, mais
ne disposait pas à l’époque des connaissances que nous avons actuellement à
leur sujet. Nous avons dans ce livre essayé d’enrichir les connaissances pour
développer un « travail émotionnel orienté solutions ».
UN PEU D ’ HISTOIRE
Aider
L’orientation solutions, pour qu’elle soit bien comprise, pour que l’apport de ses
créateurs puisse être pleinement mesuré, doit être vue comme le fruit d’une
longue histoire.
Aider les autres est probablement une préoccupation essentielle des êtres
humains depuis le début de l’humanité.
Avant même que la parole existe, nos ancêtres ont dû comprendre qu’ils avaient
besoin de recevoir de l’aide, et que pour en recevoir ils devaient aussi en appor-
ter aux autres. Avant même que la notion de solution existe, il s’est produit
certainement des appels à l’aide, des gestes pour exprimer des demandes, et fort
heureusement des réponses à ces demandes. Des réponses qui furent plus ou
moins efficaces.
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On peut considérer que ces aidants (nous ne les appellerons pas des thérapeutes,
le concept de thérapie n’existant pas encore) vivaient deux types de situations :
" parfois ils savaient comment aider, avaient le savoir-faire pour mettre en
œuvre cette aide et la démarche réussissait. Cette réussite était probablement
souvent partielle, parfois totale ;
" d’autres fois ils n’avaient pas le savoir de « comment aider », mais ils met-
taient en œuvre un processus de créativité et d’inventivité, processus que
l’on peut désigner aujourd’hui par de nombreux termes : transes créatives,
pensées divergentes, imagination thérapeutique, etc.
Enfin, mentionnons la fameuse expression « S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il
n’y a pas de problème », popularisée par le dessin animé des années soixante Les
Shadocks. Pour Portier (2018), cette expression semble avoir fortement dérivé
des travaux du philosophe Wittgenstein. Un philosophe qui inspirera beaucoup
les concepteurs de l’orientation solutions en thérapie.
Pour mieux comprendre la notion de solution, il semble utile de mieux com-
prendre celle de problème.
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De la notion de problème
1. https://www.universalis.fr/
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Diagnostiquer. Théoriser
En médecine, la méthode a longtemps consisté, et c’est toujours la base essen-
tielle, à poser un diagnostic à partir de ce qui est observé et constaté. « Le but
est l’identification d’une maladie pour une prise en charge appropriée » (Godeau
et Couturier, 2006). Un diagnostic menant à un traitement efficace reste l’idéal
de la médecine. Mais nous savons que cet idéal, malgré les progrès de la science
médicale, n’est malheureusement pas toujours accessible.
En psychothérapie, les premiers efforts ont porté sur le fait de tenter comprendre
les problèmes. Au XIXe siècle, comme tous les scientifiques de son temps, Freud
a tenté de comprendre le psychisme humain. Il était à l’époque évident que
comprendre allait amener à ce que des traitements, des solutions, puissent
être trouvés. Si l’on ne comprenait pas un problème il n’était pas utile d’aller
plus loin.
Aussi, en psychologie, en psychothérapie et en psychiatrie, pendant longtemps
– et c’est toujours d’actualité –, c’était à qui se prévalait d’avoir la « bonne
théorie », susceptible d’éclairer le problème et de faire parvenir à des solutions.
Les théories ont été, et continuent d’être, extrêmement nombreuses. La théorie
historiquement la plus importante fut la psychanalyse. Freud, progressivement,
s’attacha davantage à comprendre les problèmes psychiques humains qu’à les
résoudre. Son œuvre donna lieu à des psychothérapies d’inspiration ou d’orien-
tation psychanalytique, plus ou moins efficaces, mais qui furent des étapes
importantes dans l’histoire de la thérapie.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Le courant humaniste
L’intuition d’un troisième courant, souvent appelé courant humaniste, se construi-
sit progressivement dans le dernier quart du XXe siècle, reposant sur la conviction
qu’il fallait davantage personnaliser et individualiser la thérapie si l’on vou-
lait accroître l’efficacité des approches. Ce furent les thérapies centrées sur
la personne, de Carl Rogers, et de nombreuses autres approches s’attachant
essentiellement à identifier les ressources des patients afin de les activer pour
qu’ils aillent mieux. Milton Erickson a été une grande figure de ce courant, tout
comme Perl et la Gestalt-Thérapie, Jay Haley puis les membres du groupe de
Palo Alto avec les thérapies stratégiques. Dans ce dernier courant, une attention
était apportée à la compréhension des problèmes du patient, dans l’idée que
cette compréhension aiderait à la mise en œuvre de solutions.
Milton Erickson s’amusait de l’apparition, chaque année, de nouvelles théories
dans le domaine psychologique, affirmant d’ailleurs avec ironie que « chaque
année voyait apparaître une nouvelle théorie psychologique qui remplaçait la
précédente » (Vesely, 2014). Il gardait beaucoup de recul, sinon de méfiance,
vis-à-vis de celles-ci. Dans cette optique, il n’a ni approuvé ni désapprouvé les
travaux de l’école systémique de Palo Alto (Watzlawick et al.,1974). Giorgio
Nardone, psychologue italien continuateur de ces travaux, a développé une
approche « stratégique avancée » décrivant des protocoles étayés par un certain
nombre d’études d’efficacité.
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façons de faire et nos méthodes, ou les contester et nous entraîner dans des
débats totalement stériles et inutiles. De même, il a été progressivement com-
pris qu’une plainte n’est pas forcément une demande. C’est plutôt une étape
préalable qui doit nécessairement être suivie par l’analyse de la demande,
afin d’éviter le risque que ce soit le soignant ou l’entourage qui imagine et
projette imaginairement ce que le patient voudrait réussir ;
" la notion de problème peut donner lieu à une hyperintellectualisation, avec
une analyse des causes du problème, processus qui peut bien souvent ne pas
être utile (notamment quand les causes, situées dans le passé, ne sont donc
plus susceptibles d’être modifiées).
Les limitations
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Milton Erickson avait l’habitude de répondre, quand la question lui était posée,
« qu’il n’était ni optimiste ni pessimiste ». Et il examinait soigneusement les
demandes d’aide qui lui étaient faites, pour en refuser certaines. Il semblait avoir
une aptitude particulière à évaluer si un couple pouvait arriver à fonctionner
ou non.
La notion de limitation semble faire contrepoint avec une attitude souvent rencon-
trée dans le milieu des thérapeutes créatifs du courant humaniste, qui semblent
fréquemment l’ignorer volontairement, ou par naïveté, ou par malhonnêteté.
Évaluer si ce qu’expose un patient est un problème ou une limitation peut être
très difficile. C’est pourtant la tâche du thérapeute. Nous tenterons d’exposer les
moyens qui permettent d’effectuer cette évaluation essentielle.
Les ancêtres
Nombreux sont les praticiens qui probablement se sont lancés dans une sorte de
« hors-piste » (Robiou du Pont, 2021) en quittant leur théorie pour s’aventurer
avec leurs patients dans des entreprises thérapeutiques créatives. Ils en ont été
souvent blâmés par des chefs d’école, et au mieux furent tolérés du fait de leur
habileté à préserver leur liberté d’action non orthodoxe. Pour cela, l’histoire ne
les a souvent pas mémorisés et, même si cela peut paraître injuste, nous ne
les citerons pas, faute de disposer facilement d’écrits de leur part. Le lecteur
intéressé peut cependant trouver des ouvrages sur certains psychanalystes, com-
portementalistes, sans oublier évidemment la riche histoire du « magnétisme
animal » qui naquit d’une théorie très fantaisiste sur le fameux « fluide ».
Des personnalités très indépendantes, comme celle de Carl Rogers, méritent
comme nous l’avons fait, d’être citées comme des précurseurs, pour avoir mis au
premier plan le rôle de la relation et de l’alliance dans le processus thérapeutique.
Pour autant, l’histoire retient aujourd’hui le nom de Milton Erickson comme celui
du praticien qui est à l’origine d’une nouvelle manière de jouer et de voir le rôle
du thérapeute.
Milton Erickson
Présentation générale
Milton Erickson (1901-1980), psychiatre américain, se distingue principalement
par son détachement affiché vis-à-vis de toute théorisation. Fondamentalement
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Choisir et utiliser
Son approche était chaleureuse, bienveillante, et sa démarche clairement orien-
tée vers les ressources et les compétences des patients. « Ils ne savent pas
qu’ils savent » disait-il de ceux-ci. Et il s’efforçait de leur faire expérimenter, en
imagination (hypnose) ou lors de tâches thérapeutiques, qu’ils étaient en fait
capables, contredisant ainsi l’attitude médicale traditionnelle qui postule qu’ils
ne savent rien et qu’il faut tout leur expliquer.
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a paru utile, minimiser ce rôle excessif que le patient lui attribue : « C’est vous
qui avez fait, moi je n’ai fait que vous parler ».
Les métaphores habituelles d’Erickson pour parler du travail du thérapeute concer-
naient habituellement la cuisine, le restaurant et les cocktails. Trois domaines
où est au premier plan la notion de choix : choisir comment on va utiliser des
ingrédients, choisir ce que l’on désire et préfère.
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que leurs plus proches collaborateurs, l’ont fait il y a maintenant 40 ans, dans le
cadre du Brief Therapy Center de Milwaukee.
Steve de Shazer
Professeur de sociologie, Steve de Shazer est né le 25 juin 1940 d’un père
ingénieur en électricité et d’une mère chanteuse d’opéra. D’origine germanique,
il lisait nombre de textes philosophiques allemands dans le texte. Il était aussi
un amateur de bière et s’intéressait aux différentes manières de brasser celle-ci.
Il aimait cuisiner, et obtint aussi un Bachelor en arts visuels.
Mais surtout, il fut d’abord un musicien professionnel, saxophoniste actif sur la
scène jazz des années soixante. McKergow raconte qu’il a entendu de la bouche
même de de Shazer comment celui-ci était entré en collision avec Paul Goncalves,
saxophoniste de l’ensemble de Duke Ellington, et lui avait endommagé son saxo-
phone, devant ensuite lui prêter le sien et l’accompagner par la même occasion
à la répétition du glorieux big band de Duke Ellington (McKergow, 2021).
De Shazer commença à s’intéresser au travail social et à la thérapie familiale
en 1969, découvrant apparemment par hasard le livre de Jay Haley Strategies
of Psychotherapy publié en 1963 : « Jusqu’à ce que je lise ce livre, aussi loin
que je me rappelle, je n’avais jamais entendu parler du mot "psychothérapie".
C’était certainement le premier livre sur ce sujet que je lisais. Je l’ai apprécié
bien davantage que tous les autres livres "professionnels" que j’avais lus. J’avais
lu sur la philosophie, l’histoire de l’art, l’architecture et la sociologie ; aussi
j’allai à la bibliothèque et regardais les livres de la même étagère, j’étais en état
de choc, je fus incapable de finir aucun autre livre » (Cade, cité par McKergow).
De Shazer continua, plus tard, ses découvertes avec le travail de Milton Erickson,
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
par la lecture de Jay Haley (Haley, 1973) qu’il trouva clair et bien écrit. Il était
en train d’entamer sa carrière en thérapie brève, obtenant un master of science
en 1971. Il publia son premier article académique On Getting Unstuck « Sur le
fait de se débloquer » dans le premier numéro de la revue Family Therapy sorti
en 1974. Il fréquenta l’équipe de Palo Alto, sans semble-t-il jamais y étudier
vraiment, y rencontrant John Weakland qui allait devenir son mentor et son
ami durable.
De Shazer est le grand théoricien de l’orientation solutions. Il voyait cette
pratique comme analogue à la musique où, comme les mots du patient émergent
suite aux questions posées après une réflexion souvent longue et silencieuse,
« l’important est ce qui se passe entre les notes ».
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Depuis les années 2000 (Steve de Shazer est décédé en 2005 et Insoo Kim Berg
en 2007), cette puissante approche de l’orientation solutions a décliné en France.
Une des raisons de cette évolution est probablement la forte concurrence qui
règne actuellement entre les approches existant dans le champ de la psycho-
thérapie, avec d’importants effets de nouveauté qui, même s’ils sont souvent
éphémères, captent l’attention des étudiants et des lecteurs.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Signalons que certaines de ces nouveautés nous paraissent très utiles. Particu-
lièrement les conséquences des travaux des psychologues chercheurs s’occupant
du domaine des émotions. Ces conséquences sont notamment traduites par
l’élaboration des thérapies centrées sur les émotions (TCE), dont nous avons
intégré les apports dans cet ouvrage.
Pour autant, ayant eu la chance d’avoir étudié avec de Shazer et Kim Berg, j’ai eu
le sentiment de devoir écrire ce livre afin de contribuer à relancer l’orientation
solutions, approche éminemment utile pour aider de nombreux patients d’une
manière souvent assez rapide.
Dans un premier temps je pensais simplement retravailler les ouvrages majeurs
des deux auteurs fondateurs, dans le but d’en faire un qui soit clair et synthétique.
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à celle-ci. Aussi il ne sera pas surprenant qu’il faille selon moi recourir à des
philosophies plutôt européennes, s’intéressant plus explicitement à la notion de
vérité, et notamment à la phénoménologie, dont cet ouvrage utilisera l’éclairage.
Ce qui n’empêchera pas non plus de maintenir notre intérêt pour les philosophies
orientales, tellement complémentaire des nôtres.
C’est donc maintenant le moment d’entrer vraiment dans le sujet de cet ouvrage,
en commençant par tenter d’en poser les bases.
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Du pourquoi au comment
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La notion de solution
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« solutionné » apparaît. Le terme de solution est donc sans surprise lié à son
sens le plus ancien, juridique : paiement, remise, mais aussi explication. Lorsque
deux personnes se sont expliquées, elles sont quittes et le lien entre elles est
délié, chaque personne devenant libre vis-à-vis de l’autre. Ultérieurement le
mot est utilisé en chimie, avec les mêmes notions de désagrégation, paiement
et explication.
Ce n’est qu’au XXe siècle que le mot « solutionner » apparaît.
Causes et solution
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« On veut une solution. Oh ! orgueil humain. Une solution ! Le but, la cause ! Mais
nous serions Dieu, si nous tenions la cause » (Gustave Flaubert, Lettres à Mlle Leroyer
de Chantepie).
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Cette citation de Socrate exprime aussi une conception trouvée dans des philo-
sophies orientales : un problème finit toujours par évoluer avec le temps. Une
conception essentielle pour nous thérapeutes, que l’orientation solutions va
reprendre avec l’idée qu’il y a toujours des variations qui affectent un problème.
De plus, Socrate exprime bien la fréquente impuissance de l’être humain à
trouver des solutions et le réconfort possible de prendre en compte l’idée que
les solutions finissent toujours par arriver. Même si cela peut arriver trop tard.
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L’orientation solutions
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Cet abandon permet alors d’atteindre une nouvelle étape en libérant la recherche
de solutions des liens avec le problème. La faible efficacité des psychothérapies
basées sur les recherches de cause montre la nécessité d’inventer de nouvelles
façons de faire. Plutôt que d’affirmer à tort des causes simples, on devient plus
prudent et on se met à faire des hypothèses, notamment dans les approches
cognitivo-comportementales.
Mais on va aussi plus loin quand on affirme l’inutilité de faire des hypothèses,
des hypothèses qui sont toujours plus ou moins fausses. Déjà, Erickson s’inscri-
vait dans cette démarche en affirmant qu’il fallait « une théorie pour chaque
patient ». De Shazer conceptualise à partir de cette intuition et formule à sa
façon de nouvelles manières de procéder qui sont complètement libérées d’une
recherche de compréhension du problème. On passe de « l’orientation problème »
à « l’orientation solutions », c’est-à-dire, et c’est une révolution dans le domaine
de la thérapie, à une nouvelle liberté pour le thérapeute dans sa manière de faire :
celle de pratiquer la construction de solutions dès que celle-ci peut être faite.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Dans son livre Différences, de Shazer raconte une histoire japonaise qui illustre
une situation où il n’y a pas de lien logique entre problèmes et solutions :
un paysan situé en hauteur voit un raz-de-marée arriver et veut prévenir ses
collègues, mais ceux-ci sont trop éloignés pour qu’il puisse les prévenir par des
moyens de communication habituels. Il décide de mettre le feu à son champ. Le
feu, qui se voit de loin, alerte les paysans qui viennent pour aider à l’éteindre,
mais qui en fait vont se trouver protégés de la catastrophe naturelle en se
mettant en sécurité à distance des côtes.
D’autres exemples tirés de l’écologie peuvent être également utilisés, comme de
rajouter une espèce nouvelle dans un lac pour préserver des espèces menacées
par la prolifération d’un prédateur.
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Attente (motivation)
Pour changer, il semble nécessaire de définir dans quel sens le changement est
désiré. « Je veux aller mieux », une phrase que nos patients nous disent souvent,
est certes l’expression d’une volonté, et cette expression est importante, elle
reflète un désir et en témoigne. Mais « aller mieux » reste une notion vague. Une
notion qui n’est pas encore suffisante pour créer de la motivation au change-
ment, et qui est évidemment encore très éloignée de pouvoir indiquer comment
le changement peut être obtenu. Nous pouvons considérer que vouloir « aller
mieux » est l’étape zéro dans la construction des solutions.
Action
Effectivement, nos patients arrivent dans nos cabinets pour savoir « comment
faire » pour aller mieux. Ils souhaitent généralement qu’on leur indique cela.
Pour cela, la notion de but, celle d’objectif même, est une notion essentielle au
changement. Un objectif précis et positif, alors que les patients veulent souvent
la disparition du problème qui les fait souffrir. Milton Erickson disait qu’« un
objectif sans date est un rêve ». Et Insoo Kim Berg : « D’après notre expérience,
nous pensons que les objectifs formulés sans terme négatif et qui comportent la
présence de quelque chose plutôt que l’absence de quelque chose mènent à un
traitement plus efficace et plus opérant » (Berg et Miller, 1992). Comme nous le
verrons, un objectif positif favorise des thérapies plus courtes.
Perception
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Mais chacun sait que pour faire autrement, il faut se sentir capable de faire
autrement. « Se sentir capable » concerne notre perception de nous-mêmes.
De nombreux patients qui souffrent ne vont pas voir des thérapeutes, car ils
anticipent qu’ils ne seront pas capables de changer, et que c’est donc inutile
d’aller consulter. C’est pour cela que la première étape pour aider le patient
à changer est de l’aider à se sentir capable de faire autrement. L’aider à avoir
l’espoir qu’il y a d’autres possibilités de faire.
Cet espoir est un sentiment nécessaire pour que le patient vienne consulter. Les
émotions et les sentiments sont des sources d’énergie, et l’espoir est la première
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L’espoir est une émotion qui oriente vers l’avenir. Nous savons que le passé
est inchangeable, et que si nous pouvons avoir une action sur notre vie, cette
action est destinée à tenter de modifier notre avenir ; y compris notre avenir
proche, l’instant suivant de notre vie. L’orientation solutions est donc clairement
orientée avenir, de manière à mettre en œuvre cette libération du patient de la
recherche inutile de causes.
C’est alors que, pour que le patient se mette à faire autrement, il est néces-
saire qu’il se sente, comme de Shazer le disait, « quelqu’un de plausible ». Ce
sentiment d’être plausible est au cœur du changement. Mais que faut-il faire
pour qu’un patient se sente plausible ? Pour qu’il s’éprouve « crédible » (crédible
étant assez synonyme de plausible, cf. CNRTL1 ) ? Pour qu’il puisse s’investir dans
la construction de solutions qui puissent lui convenir personnellement en tant
qu’être humain unique, comme le professait Erickson ?
L’estime de soi
Nous savons que pour qu’un patient puisse s’investir dans une démarche de
construction de solutions, il faut qu’il puisse « croire en lui » (nous mettons
cela entre guillemets, car en toute rigueur, il faudrait pouvoir définir ce qu’est
« croire »). Qu’il puisse au moins croire qu’il est capable d’autre chose. En psy-
chologie, cela fait appel à la notion d’estime de soi. Cette notion est centrale,
car nous savons que, pour commencer un processus thérapeutique, il faut aussi
que nous, thérapeutes, estimions si ce que souhaite le patient est possible.
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Notamment pour lui faire faire l’économie d’une déception, d’une désillusion. Le
principe de la médecine suivant lequel il faut « d’abord ne pas nuire » trouve ici
toute son application en psychothérapie. D’abord ne pas aggraver la souffrance
ou la douleur. Et donc éviter au patient une démarche susceptible de créer une
telle aggravation. Or, quand un patient vient nous voir, il a généralement fait
différentes « tentatives de solutions » qui ont été inefficaces, ou au mieux qui
n’ont pas été durablement efficaces : c’est parce qu’il se sent impuissant à arriver
à changer par lui-même qu’il vient voir le thérapeute. Il estime qu’il ne peut pas
y arriver tout seul, et souvent il se dévalorise en estimant qu’il n’est pas du tout
capable de participer à la recherche de solutions. Le premier besoin en thérapie
est donc que le patient puisse trouver ou retrouver ce sentiment de pouvoir faire
la thérapie, en tout cas d’y participer.
Comment trouver ou retrouver ce sentiment d’être capable est donc une pré-
occupation centrale en psychothérapie. L’orientation solutions reposera donc
fondamentalement sur la mise en œuvre de techniques destinées à créer et à
maintenir ce sentiment pour que le patient puisse commencer à agir de façon
active dans la construction de solutions.
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mon thorax. À la séance suivante, il revint me dire que ces difficultés étaient
terminées.
Un autre concept est celui de dissoudre le problème. De Shazer emprunte ce terme
à Anderson et Goolishan (Anderson et Goolishan, 1988), auteurs qui semblent
s’inspirer de Giacomo et Weissmark : « Il y a trois manières de régler un conflit,
qui correspondent à des manières de traiter les problèmes en général : solution,
résolution et dissolution. Pour dissoudre un problème, les conditions générant la
dichotomie ont changé, si bien qu’il disparaît » (Giacomo et Weissmark, 1987).
Ce propos ne peut que nous faire penser à l’approche hypnotique de Milton
Erickson, où il s’agit d’apposer les contraires, de conjuguer les opposés dans une
approche inclusive et non exclusive. Ainsi, la « solution » est ce qui commence
à se développer une fois que le problème est en cours de dissolution et ce qui
se passe une fois que l’objectif est atteint (de Shazer, 1991).
Le travail orienté solutions peut utilement être métaphorisé, et l’a été par de
Shazer par :
" la métaphore de Sherlock Holmes : cette métaphore a été très utilisée par
Steve de Shazer. Elle représente essentiellement l’attention aux détails, sur
laquelle insistait inlassablement le célèbre détective dans les conseils qu’il
donnait à son fidèle ami le docteur Watson. Nous reviendrons particulièrement
sur cette métaphore lorsque nous traiterons des exceptions ;
" la métaphore de l’orpailleur : le chercheur d’or tamise l’eau de la rivière
aurifère pour chercher les pépites que sont les ressources et les germes de
solutions présents dans les récits du patient. Également très utilisée dans la
présentation du travail orienté solutions, elle témoigne là aussi de la qualité
d’attention nécessaire pour que le thérapeute puisse détecter tout ce qui
fonctionne bien dans ce que dit le patient.
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Rigueur et imagination
Quelles que soient les métaphores utilisées, celles-ci témoignent d’une caracté-
ristique essentielle à la psychothérapie et la relation d’aide : la rigueur. Bateson
énonçait d’une manière lumineuse : « La rigueur sans l’imagination est stérile,
l’imagination sans la rigueur n’est que futilité. » C’est cette rigueur qui, dans
l’orientation solutions, confère une solidité essentielle à l’approche. C’est la
rigueur qui fonde la méthode, comme de Shazer pouvait aussi lui-même l’énoncer
en faisant allusion à sa carrière de musicien : « Avant que de pouvoir improviser,
le musicien doit faire ses gammes. »
La rigueur de l’approche solution est bien illustrée par ce que ses concepteurs
appelaient les « trois règles ».
Ce sont trois règles très simples et très logiques, dont le bon sens témoigne du
minimalisme théorique qui sous-tend cette approche.
1. « Si ça marche continuez » : comme le mineur qui doit suivre méticuleusement
le filon qu’il a trouvé, comme l’orpailleur qui doit tamiser encore et encore
le cours d’eau qu’il a identifié comme aurifère, le thérapeute doit poursuivre
l’identification des ressources du patient lorsqu’il en a trouvé.
2. « Si cela ne marche pas, arrêtez et faites autre chose » : il ne sert à rien
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Mais les maladies et problèmes iatrogènes sont devenus une part importante
du champ pathologique dans la médecine actuelle. Revenons à la citation de
Malarewicz, qui était plutôt orienté problème, et qui disait avec insistance :
« Vous pouvez créer des problèmes avec vos patients à condition que ces pro-
blèmes soient biodégradables » (Malarewicz, 1994). Il voulait dire par là : à
condition que ces problèmes aient des solutions. Et probablement aussi que
ces problèmes, ayant des solutions, puissent ensuite être oubliés. L’orientation
solutions s’efforce beaucoup de ne pas construire des problèmes que les patients
n’ont pas : elle a une grande attention vis-à-vis de cela.
Tableau 1.1. Les trois règles
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Une telle liberté peut susciter, et même le doit, des réflexions sur la question de
la cohérence de l’approche. Celle-ci est définie comme pragmatique. Ce terme
est en France souvent dévalorisé, car mal compris, et même mal connu. Il a
pourtant des origines complexes, essentiellement américaines. Le précurseur
de la psychologie William James, s’il n’en est pas à l’origine, a précocement
joué un rôle essentiel dans l’histoire du développement du pragmatisme (Short,
2021). Pour en résumer le propos d’une manière, nous le reconnaissons, très
simplifiante, le pragmatisme (dont s’est beaucoup réclamée l’école de Palo Alto),
consiste effectivement à observer ce qui marche, ce qui fonctionne concrètement.
Le verbe mal traduisible to fit correspond à cette notion. C’est le verbe qui est
utilisé à propos d’un vêtement qui va bien à quelqu’un.
On retrouve ici la personnalisation des approches dites « pragmatiques ». Et
également la notion de « sur-mesure » éricksonien, préféré au prêt-à-porter, non
pour des raisons doctrinales, mais d’efficacité.
Cette efficacité particulière liée à la personnalisation et au « sur-mesure » est
vécue au quotidien par de nombreux praticiens et patients. Elle est pourtant très
difficile à démontrer par les chercheurs puisqu’elle repose méthodologiquement
sur les outils statistiques, et ceci incite à protocoliser les interventions et à
renoncer à ce « sur-mesure ». Antoine Bioy a notamment pu préciser, concernant
les études de recherche sur l’hypnose, la difficulté de construire, en plus du
groupe étudié, un groupe placebo : il s’agirait de faire, avec les patients d’un
tel groupe, quelque chose qui donnerait l’impression de faire de l’hypnose sans
que l’on fasse vraiment de l’hypnose (Inserm, 2015).
En France, notre culture philosophique encore très causaliste (cf. p. 9 et p. 18)
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Chapitre 2
Niveau de base
A SPECTS THÉORIQUES
Nous avons vu qu’une des métaphores de l’approche orientée solutions était celle
de Sherlock Holmes. Le célèbre détective avait habituellement un but : trouver
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
le coupable d’un meurtre ou d’un vol. Compte tenu de ce que nous avons dit,
cela semble bien paradoxal. Pourtant, sa démarche était de chercher des indices,
des indices que nous pouvons considérer comme des solutions susceptibles de
l’amener à ce but.
Et, pour chaque indice, il se questionnait sur ce qu’il pouvait en déduire, sur
ce que chaque indice pouvait amener comme progrès dans ce but d’identifier
le coupable.
Dans une perspective analogue, l’orientation solutions est dans une grande
mesure un enchaînement de questionnements, incluant des questions toutes
orientées vers le but fixé : ici non pas l’identification d’un coupable, mais la
construction de solutions pour une meilleure santé et une meilleure qualité de
vie du patient.
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« Y a-t-il des questions ? » demandait, comme nous l’avons dit, de Shazer pour
ouvrir ses séminaires. D’emblée il mettait ses étudiants au travail, sans perdre
une seconde. De cette manière, d’emblée il nous mettait en contact avec l’es-
sentiel : nos désirs et nos buts. Que souhaitions-nous en venant au séminaire ?
Qu’attendions-nous d’y apprendre ? Et concrètement : quelles questions utiles
pour atteindre notre but voulions-nous poser ?
Nous étions ainsi immédiatement confrontés personnellement au travail d’un
thérapeute orienté solutions. Un travail qui consiste beaucoup, et dans le premier
temps de la rencontre seulement, à essayer de poser des questions utiles pour le
patient, dans une perspective thérapeutique.
Un des principaux apprentissages des formations données par de Shazer était
destiné à nous aider à distinguer les questions utiles de celles qui ne servent à
rien, voire qui créent « du problème ».
Dans une perspective éricksonienne, on doit déjà s’efforcer de poser des questions
dont on utilisera les réponses, sinon ça ne sert à rien. Dans sa perspective, de
Shazer va plus loin qu’Erickson : tout ce qui ne sert à rien est potentiellement
nuisible. Une question inutile peut créer de la confusion chez le patient qui peut
se demander : « Mais pourquoi le thérapeute me pose-t-il cette question ? » Car
très vite le thérapeute doit orienter le travail vers les solutions, et être capable
à tout moment, comme c’est le cas aussi en hypnose, de pouvoir répondre à
l’éventuelle question du patient : « Mais pourquoi me demandez-vous cela ?
Pourquoi me dites-vous cela ? »
Dans l’apprentissage de l’orientation solutions, il importe donc de savoir repérer,
pour éviter de les poser, les questions non utiles. D’une façon générale sont
inutiles les questions :
➙ orientées vers la recherche des causes des difficultés, de la compréhension du
problème,
➙ ou posées sans intentionnalité particulière, de manière irréfléchie.
Dans une perspective pragmatique, une question inutile est une question dont
on n’utilisera pas les réponses. Cette non-utilisation est nuisible à l’alliance
thérapeutique.
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Niveau de base 33
Exercice
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Rossi, 2021).
Questions d’entame
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La question d’entame est celle qui ouvre la séance orientée solutions. Elle peut
évidemment être posée de différentes manières.
La question type
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Niveau de base 35
D’après des éléments que nous avons pu avoir avant la rencontre, et/ou sim-
plement par la manière de se présenter du patient (nous reviendrons sur ces
éléments lorsque nous décrirons le type de relation qui s’établit avec le patient),
répondre à la question type semble demander trop d’efforts au patient. En tout
cas si on la pose d’emblée.
Dans ces cas, il sera plus productif de poser la question d’entame de façon
différente.
Cette formulation, plus simple, est moins hypnotique. Avec des patients qui
peuvent être réticents, ou même méfiants vis-à-vis de toute intervention hyp-
notique de crainte de perdre le contrôle, d’être manipulés, cette formulation
convient mieux. Elle demande moins d’efforts au patient. En quelque sorte elle
est moins puissamment orientée vers les solutions.
Enfin, chez les patients pour lesquels nous n’avons aucun élément nous faisant
penser qu’ils peuvent décider de s’absorber dans une anticipation, il est mieux
d’être plus progressif en commençant par :
Cette question simple paraît plus naturelle et elle demande moins d’efforts
au patient. Paradoxalement, alors que sur le plan formel, littéral, elle semble
demander au patient qu’il précise d’emblée le rôle du thérapeute, la question est
en fait très permissive. Dans la plupart des cas, le patient n’est pas censé savoir
ce que le thérapeute peut faire concrètement d’utile pour lui, et interprétera la
question comme une invitation à commencer l’échange, éventuellement à dire
ce qui ne va pas.
Le rôle du silence
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En hypnose nous savons que le thérapeute doit, une fois qu’il a prescrit une
tâche, maintenir son attitude suffisamment longtemps pour que le patient puisse
effectuer celle-ci. Ce silence indique donc au patient que c’est à lui de travailler.
Comme disait Erickson, c’est le patient qui fait le travail thérapeutique et le
thérapeute ne fait que le cadre.
Comme les pauses dans le travail hypnotique, le silence doit être suffisamment
long pour que le patient ait le temps de faire le travail.
Le comportement du thérapeute pendant la pause doit exprimer la confiance de
celui-ci quant aux capacités du patient à pouvoir répondre. Ce n’est donc pas un
silence de neutralité, mais au contraire un silence bienveillant qui suppose que
le patient va savoir répondre.
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Niveau de base 37
Si le patient continue à ne pas savoir, il est alors utile de choisir au sein des
questions d’entame une question moins impliquante, de niveau moins élevé et
demandant moins d’efforts au patient.
Si le patient se trouve toujours en difficulté avec une question de niveau 1, il
est alors utile de reconstituer la genèse de la demande :
voir un psy, mais il m’a bien expliqué qu’il savait que mon problème n’est pas
dans ma tête et que je ne suis pas fou, que vous avez juste des compétences
pour aider les gens pour des problèmes compliqués. »
Dans d’autres cas, le patient peut répondre qu’il ne vient pas pour lui-même,
mais pour une autre personne : conjoint, parents, amis, etc.
Il est alors possible de lui poser une question circulaire analogue à celle faisant
partie des outils systémiques :
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Parfois cette question est productive. Parfois elle ne l’est pas et il est utile
d’essayer de faire venir la personne demandeuse (cf. niveau 2, chap. 3).
Lorsqu’un patient a tendance à répondre à côté d’une question, il est utile que
le thérapeute exprime la confusion qu’il ressent :
« Ce n’est pas bien clair pour moi encore, verriez-vous autre chose pour compléter
votre réponse ? »
Quand le thérapeute obtient une réponse précise du patient, il peut déjà com-
mencer à se préoccuper d’un objectif possible pour le travail thérapeutique.
Comme nous le verrons, construire un objectif travaillable avec le patient
demande parfois du temps. Il est parfois possible de le faire dès la première
rencontre, il est fréquent que cela nécessite plus qu’une séance. Nous aborderons
plus loin les critères qui définissent, au sens de l’orientation solutions, un
objectif travaillable (cf. p. 51 et suivantes).
Par contre, dans tous les cas, il est nécessaire, avant de terminer la première
séance, de complimenter le patient autant que possible.
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Niveau de base 39
Le compliment et l’autocompliment
Définition
Commençons par définir ce mot : initialement issu du vocabulaire diplomatique
(visite de courtoisie à un personnage officiel), le terme de « compliment » est
rapidement devenu « paroles élogieuses adressées à quelqu’un » (CNRTL1 ).
Le compliment se situe un peu en deçà de l’éloge, qui est une « parole de
louanges en l’honneur de quelqu’un ».
Mais complimenter un patient est quand même l’honorer. Tout comme, dans
l’autre sens, le patient honore son thérapeute en lui donnant des honoraires.
Caractéristiques
Précisons ensuite une notion essentielle : un bon compliment n’est pas une
parole sophistiquée ni un texte littéraire, même si un compliment peut être
(bien) écrit et lu. Pour des raisons que nous verrons plus loin, il doit être surtout
authentique. Et aussi être mesuré.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Un bon compliment est un compliment qui va être accepté par le patient. Sinon
ce compliment ne sert à rien, voire peut même nuire à l’alliance thérapeutique
et à la qualité de la communication entre thérapeute et patient.
Pour qu’un compliment soit accepté, il doit être limité à l’essentiel. Le thérapeute
doit être en mesure, si le patient le lui demande, de justifier tel ou tel terme
prononcé. Dans sa conception, le compliment doit tenir compte de la capacité
du patient à l’accepter.
Il y a longtemps, au début de ma carrière, une jeune fille s’était présentée à moi
et m’avait dit, dès le début de la consultation : « Je vous préviens : je n’accepte
aucun compliment. ». Sortant d’une formation à l’orientation solutions, et ne
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l’ayant pas très bien assimilée, je lui avais adressé un compliment à la fin de la
séance. Je ne l’ai pas revue et, contrairement à de nombreuses situations où nos
patients perdus de vue trouvent que l’aide qu’on leur a apportée est suffisante,
je pense que dans ce cas-là j’avais irrespectueusement ignoré sa mise en garde
et l’avais probablement inquiétée et irritée.
Car le but du compliment est au contraire que le patient puisse l’adopter, et se
le réapproprier. Qu’il puisse faire un travail de modification sur sa perception de
lui-même, et sur l’image qu’il a de lui. Une modification allant dans le sens d’une
perception et d’une image de lui-même plus riches de nouvelles possibilités. Le
but ultime de l’approche orientée solutions vise à ce travail que le patient fait,
en cas de réussite de cette approche.
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Niveau de base 41
problème peut être vécu comme irritant, voire humiliant. Commencer à envisager
des débuts de solution atténue le malaise, et aide à sauver la face.
Beaucoup de patients viennent en thérapie en testant, le plus souvent incons-
ciemment, les capacités du thérapeute. Il est possible que les patients testent le
thérapeute aussi sur ses capacités humaines à se comporter respectueusement,
sans arrogance ni supériorité. Et les patients sont encouragés à travailler lors-
qu’ils ressentent la compétence du thérapeute à s’intéresser à ce qui va bien,
aux solutions, et à faire preuve de bon sens en cherchant à amplifier celles-ci. À
ce moment-là, ils sont plus sécurisés et enclins à aborder les problèmes qu’ils
vivent dans ce qu’ils ont de plus délicat et de plus technique.
Décrire le problème ?
« Aujourd’hui nous allons d’abord faire connaissance. Pour nous faire gagner du temps,
je vais vous poser quelques questions, mais je vais aussi compter sur vous pour que
vous me disiez par vous-même ce que vous pensez que je dois savoir pour pouvoir
vous aider. Nous allons tenter d’être le plus efficace pour vous. OK pour vous ? »
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Peu développés et explicités par les fondateurs, les aspects non verbaux ont
évidemment, par leur rôle important dans la communication en général, une
fonction essentielle dans l’approche orientée solutions.
Attitude du thérapeute
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L’attitude du thérapeute doit être, comme Carl Rogers l’avait dit en son temps,
d’abord authentique. Et pour cela, elle doit lui correspondre, lui être confortable
dans le cadre de sa relation avec le patient.
Le but de cette attitude, de cette façon de se tenir, est de mettre le patient
au travail. Un travail créatif, attentif : construire des solutions. Mais aussi
un travail qui, comme nous l’avons dit, puisse motiver un compliment que le
patient, à un moment donné, accepte, voire même, ce qui, dans une logique
d’autonomisation, est encore plus souhaitable, qu’il puisse se faire à lui-même
(auto-complimentation).
Par ailleurs, le thérapeute doit se montrer d’emblée concentré. Milton Erickson
faisait de même. Il s’agit que le patient ressente d’emblée qu’il va devoir effectuer
un « dur travail » (hard work) où il va avoir à s’absorber s’il souhaite en obtenir
du bénéfice.
Le thérapeute est un supporter potentiel du patient.
Installation
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Niveau de base 43
Habillement
Ton de la voix
Gestes et mimiques
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O UTILS VERBAUX
Explications
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Questions
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Niveau de base 45
L’intérêt du thérapeute pour « ce qui marche » montre au patient qu’il est prag-
matique, et l’informe, à moins qu’il ne l’ait déjà fait avant et dans ce cas-là il le
lui confirme, sur les éléments de sa méthode.
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Le patient est informé que le thérapeute s’intéresse à ce qui est concret, qu’il a
cette compétence, et cela est généralement rassurant.
Ces deux dernières questions sont considérées comme des techniques pour
amplifier les différences (cf. p. 47).
Il ne faut pas craindre de susciter un mécontentement chez le patient si la
séance se passe ainsi. Bien au contraire, il est habituellement constaté que ce
temps est très thérapeutique et peut au contraire favoriser une mise en confiance
pour aborder ensuite les problèmes et les difficultés sur une base optimale, le
patient ayant déjà expérimenté un moment où il se sent compétent, où il peut
avoir de l’espoir d’améliorer sa vie.
Nous sommes alors dans le contexte présent du patient, parfois dans ce qu’il
fait pour survivre. Et, de façon très prudente, cela peut permettre, au moins sur
le plan du non verbal, des compliments, et éventuellement des onomatopées
prudemment émises ; en mettant en valeur, quand cela est possible, que le
patient, arrive à faire face.
Dans d’autres situations, une autre question utile peut-être :
« Je me demande comment les choses ne sont pas pires pour vous. Comment avez-
vous fait pour supporter cela, même si j’ai bien compris que c’est très difficile ? Com-
ment arrivez-vous à cela ? »
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Niveau de base 47
Notons que répondre à cette question demande déjà un effort au patient. Comme
on l’a vu, nous aurons prévenu le patient que nous supposons qu’il fera de son
mieux, ainsi sait-il déjà qu’il va avoir à se mettre au travail.
« À quoi votre entourage saura, si c’est le cas, que cela valait la peine de venir me voir
aujourd’hui ? »
D’une façon générale, les questions orientées solution visent à obtenir des
détails, à créer de la différence. Le plus possible.
L’idée qui sous-tend la démarche est que la souffrance uniformise, génère de
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
l’anomie. Ce dernier terme a été créé par le sociologue Émile Durkheim pour
définir la perte des règles dans un groupe social, voire chez un individu. Suite à
la perte de ces règles organisatrices, le chaos s’installe.
Les questions orientées solution sont destinées à lutter contre ce chaos, à
construire de la différenciation et de l’individuation. En proposant notamment
des choix au patient, celui-ci peut exercer sa liberté nouvelle et exprimer des
préférences.
Les questions orientées avenir sont comme des toiles de peintres sur lesquelles
le patient va pouvoir exprimer ses souhaits et ses désirs, et les fruits de ses
actions. La question de base sera donc :
« Qu’est-ce qui sera différent ? »
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Les questions orientées passé identifiant les exceptions sont des questions de
recherche de différences, telles celles du cinéaste visionnant différentes prises
de vues d’une même scène, de l’enfant jouant à chercher les « 7 différences »
entre deux dessins. La question de base est donc :
« Qu’est-ce qui était différent ? »
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Niveau de base 49
Ou :
« Et malgré toute cette souffrance, vous avez quand même trouvé la force de venir me
voir ! »
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Niveau de base 51
Mais ce sont les solutionnistes qui ont effectué le travail essentiel, d’un point
de vue théorique et pratique, sur ce que doit être un objectif pour donner lieu à
une intervention thérapeutique brève.
Notons, comme disait de Shazer, que « bref ne veut pas dire court » (Brief is
not short). C’est un état d’esprit : la préoccupation de faire juste le travail utile
et nécessaire.
Pour ce faire, l’orientation solutions, dans la continuité de l’hypnose érickso-
nienne, vise et veille à ce que soit envisagé un objectif raisonnable, un but
appelé « un objectif travaillable » dans le langage de l’orientation solutions,
ainsi que Marie-Christine Cabié et Luc Isebaert l’ont proposé. Le thérapeute doit
donc être attentif, avant de valider un objectif demandé au patient, à examiner
si celui-ci est travaillable (Cabié et Isebaert, 1997).
D’une façon générale : « Un petit changement est le maximum que le thérapeute
devrait aider un client à viser. Une fois qu’un petit changement est atteint,
il devrait s’écarter du chemin et laisser la déviance "bénéfique" s’amplifier
naturellement » (de Shazer, 1988 ; Berg et Miller, 1992).
" Valider un objectif travaillable/refuser un objectif non travaillable
La validation – ou la non-validation – de l’objectif va généralement être déjà
exprimée, surtout sur un mode non verbal, montrant :
➙ soit une acceptation du thérapeute qui semble envisager un futur positif avec
un changement accompli,
➙ soit un regret du thérapeute incapable de s’engager sur un objectif irréaliste,
et qui peut exprimer son sentiment de la manière suivante :
« Si c’est dans ce but que vous venez me voir, je suis désolé, mais je ne peux pas
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
m’engager à cela, un autre que moi sera peut-être compétent, mais moi je ne sais pas
faire ça ».
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...
Être réaliste ;
Être rapidement réalisable (dans les 15 jours si possible) ;
Être perçu par le patient comme nécessitant sa participation active ;
Être identifiable pour les patients et pour le thérapeute ;
Ne pas représenter la totalité d’un processus, mais une impulsion solide de changement ;
Être évaluable ;
Être mesurable (si possible) ;
En termes de nouveau comportement, être interactionnel si possible
" Être considéré comme important car ayant du sens pour le patient et bénéfique
pour sa santé et sa croissance
L’objectif se doit effectivement d’avoir du sens pour le client, afin que celui-ci
puisse vraiment s’impliquer dans le travail thérapeutique pour le réaliser : un
objectif qui puisse améliorer sa vie, la réalisation de ses aspirations profondes
(recevoir de l’amour, avoir de la liberté, de l’autonomie, des possibilités de se
réaliser, etc.).
Berg et Miller évoquent, comme objectifs travaillables : conserver un emploi,
sauver un couple, ne plus avoir les parents sur le dos, respecter les conditions de
mise à l’épreuve et de liberté conditionnelle, récupérer un permis de conduire...
Tout comme chez Erickson, solutionner implique que c’est le patient qui fait la
plus grande part du travail. C’est pourquoi le principe de coopération suscite
cette attitude. Pour coopérer, le patient a besoin de travailler sur un objectif
personnel et motivant. Précisons ici que, même pour une thérapie imposée (une
obligation judiciaire de soins par exemple), le travail sur un objectif du patient
va, en créant cette coopération, favoriser chez ce dernier l’envie de travailler
sur un objectif qui va pouvoir convenir au thérapeute. Ce point est d’une grande
importance sur le plan éthique, car il engage celle du thérapeute, mais, d’un
point de vue pragmatique, il fonctionne.
L’aspect éthique est moins complexe lorsqu’il s’agit, chez un adolescent qui vient
à reculons sur la demande de ses parents, de trouver également un objectif
motivant pour celui-ci, même si, officiellement, il est adressé par ses parents
pour avoir de meilleurs résultats en classe.
Nous pouvons presque en dire autant pour quelqu’un qui vit en couple et qui
vient en thérapie sur demande de son conjoint (généralement la femme).
Signalons que des difficultés particulières peuvent apparaître lorsqu’il y a plu-
sieurs patients (par exemple le conjoint), plusieurs professionnels de santé,
voire plusieurs intervenants institutionnels (services sociaux par exemple). Il est
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Niveau de base 53
particulièrement utile dans ces situations d’obtenir les points de vue de chacun
et de chercher en accordage commun afin de déterminer l’objectif.
Dans cette optique, comme nous l’avons dit, la thérapie doit être présentée au
patient comme un dur travail (Berg et Miller, 1992).
« Ouah ! Ce serait super effectivement ! Mais (et montrant son vécu corporel d’acca-
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
blement), je regrette (le thérapeute montre corporellement ses regrets), je ne vois pas
comment... (pause)... si c’est ce but qui vous amène, je crois que je ne suis pas la
bonne personne... je suis désolé... »
Il vaut mieux effectivement être sincère et honnête avec le patient. Pour, avant
tout, que le thérapeute se protège. Mais en se protégeant, il protège aussi son
patient qui réagit habituellement sur le mode : « Ah, vous au moins vous êtes
honnête (pause). C’est dur à entendre, mais je comprends. D’ailleurs je m’en
doutais... Un de mes amis m’avait dit qu’il pensait que j’exagérais... Je vous
remercie, je vais réfléchir... »
La conception d’objectifs limités permet au patient qui les réussit d’avoir un
sentiment d’espoir et un accroissement de sa motivation à continuer le travail.
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« Supposez que (dire l’objectif ) soit possible, qu’est-ce que cela pourra changer pour
vous concrètement ? »
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Niveau de base 55
" Être perçu par les patients comme nécessitant leur participation active
Pour que le patient puisse s’impliquer dans le travail thérapeutique, il est néces-
saire qu’il ait la compréhension et la perception qu’il doit participer activement
au travail, qu’il soit, comme nous l’avons dit, protégé de l’illusion de la magie et
surtout, qu’il ressente qu’il a la responsabilité du changement. Erickson insistait
beaucoup sur cette notion : « La vie comporte beaucoup de douleurs et de
souffrances, notre responsabilité est de créer de la joie. »
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" Ne pas représenter la totalité d’un processus, mais une impulsion solide
de changement
Spontanément les patients, parce qu’ils sous-estiment généralement leurs com-
pétences, demandent fréquemment des objectifs importants et souhaitent que
la thérapie les amène à ces objectifs.
Un patient est venu ainsi me voir à la veille de sa retraite pour préparer celle-ci.
Rapidement a émergé dans nos échanges l’idée d’un voyage en Amérique du Sud.
J’ai validé cet objectif, qui était quand même déjà lointain puisque destiné à
être réalisé six mois plus tard. Et survenait ensuite la pandémie de coronavirus
qui a empêché pendant deux ans l’accès aux moyens de transport pouvant leur
permettre, à lui et à son épouse, de se rendre dans les pays désirés. Persévérant,
ce patient a maintenu son objectif et à l’heure où j’écris ces lignes, il est très
optimiste sur le fait qu’il va pouvoir faire ce voyage prochainement. Cependant,
il a été nécessaire entre-temps de définir une suite d’objectifs limités destinés à
entretenir une dynamique de transition pour lui, puis, ensuite, pour sa femme
qui a pris sa retraite après lui. L’objectif du voyage reste quand même justifié,
car le couple désire profondément ce voyage, mais avec le temps il est devenu
moins essentiel et la confiance pour qu’il soit agréable a augmenté au fil du
temps chez les deux conjoints.
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Niveau de base 57
L’orientation solutions, en tout cas celle élaborée par les auteurs solutionnistes,
relève de la thérapie brève. Elle consiste, non pas à prendre en charge la totalité
du processus de changement, mais à l’initier et à donner au patient une bonne
confiance pour qu’il se sente capable de le continuer par lui-même. D’où un
aspect économique intéressant pour le patient et/ou ses financeurs.
Il semble important d’expliquer au patient de principe de la thérapie brève, et
aussi que le thérapeute fait confiance à ce qu’il dit. Particulièrement sur :
➙ l’importance de travailler sur des objectifs partiels de changement,
➙ les évaluations que le patient fait de sa propre confiance à maintenir les
objectifs de la thérapie. Des études ont montré, notamment en médecine
générale, que les médecins sous-estimaient la confiance qu’ils devaient avoir
envers ce que leur disaient les patients (Osadtchy, 2016), et que ceux-ci
étaient plus satisfaits lorsque le médecin montrait de la confiance dans la
bonne évolution de leur état de santé lors d’une consultation (Thomas, 1987).
D’où l’intérêt que « [...] Les objectifs soient décrits comme le début de quelque
chose plutôt que la fin de quelque chose » (de Shazer, 1991).
Très souvent, les patients expriment leur demande d’une façon très floue, et
c’est probablement pour cette raison qu’ils se sentent démunis pour avancer
par eux-mêmes. Le travail de la thérapie, dans l’orientation solutions, est conçu
comme l’aide aux patients à démarrer le processus de changement, à savoir
comment ils vont faire, en se concentrant particulièrement sur les premières
étapes du processus.
Même si les premières étapes peuvent être considérées par le patient comme
insuffisantes, lors de celles-ci il va apprendre à apprendre, c’est-à-dire qu’il
va apprendre (ou retrouver, s’il la connaît déjà, ce qui arrive chez certains
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
patients ayant déjà ce type de façons de faire, dans leur activité professionnelle
notamment), une méthodologie qui repose sur le bon sens. Le bon sens dont
déjà à son époque, Milton Erickson faisait l’apologie.
" Être évaluable et si possible mesurable
Il est fort important, pour le patient comme pour le thérapeute, de pouvoir se
repérer, notamment en étant capable de constater des éléments de progression.
La démarche évaluative est donc très présente dans l’orientation solutions, en
tout cas celle qui a été conçue par l’équipe du BFTC.
On sait qu’Erickson n’adoptait pas toujours l’esprit de la brièveté en thérapie,
et qu’il concevait même que, dans certains cas, la thérapie puisse être longue,
voire durer toute la vie du patient.
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Dans un esprit de minimalisme, Steve de Shazer et Insoo Kim Berg, ainsi que
leurs collègues, se sont vraiment efforcés de déterminer avec leurs patients des
objectifs minimaux, des plus petits changements possible pour que la perception
des patients se modifie.
Par ailleurs, l’utilisation des échelles orientées solutions justifie que les objectifs
puissent être autant que possible mesurables. Aux États-Unis, où ces approches
ont été conçues, existe aussi l’intérêt de faire des graphiques à transmettre
aux mutuelles et aux assureurs qui financent la thérapie. En France, l’Assurance
Maladie continue à ne pas manifester d’intérêt pour les approches orientées
solutions, ni pour les thérapies brèves en général. Les assureurs et les mutuelles
pourraient progressivement le faire dans le futur, même si les mentalités ne
semblent pas encore prêtes.
Ce n’est donc pas « être heureux », « être épanoui », « être zen », ni « ne plus
avoir de peur », « arrêter de fumer », « ne plus stresser », qui peuvent être consi-
déré comme des objectifs travaillables. Même « perdre du poids » est un objectif
qui n’est pas à considérer comme travaillable (sur ce sujet, voir « Surpoids et
obésité », chap. 4 p. 187).
L’intérêt d’un objectif positif, c’est-à-dire qui repose sur quelque chose « en
plus » dans la vie du patient, est triple (Berg et Miller, 1992).
➙ Il est beaucoup plus facile pour le thérapeute et le patient de savoir comment
il a été atteint. Car à l’inverse, il n’est jamais possible de savoir avec certitude
quand un objectif négatif (la disparition du problème ou son atténuation) est
atteint. Ainsi, convenir d’un objectif positif facilite les thérapies plus courtes.
➙ Nous ne pouvons pas ne pas faire quelque chose. Pour les solutionnistes, nous
sommes toujours en train de faire quelque chose. Roustang disait de son côté,
concernant l’hypnose, qu’il ne s’agissait pas de ne rien faire, mais de bien faire
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Niveau de base 59
rien. L’être humain a besoin de savoir ce qu’il doit faire. Un patient dépendant
à l’alcool a besoin de savoir ce qu’il fera lorsqu’il ne boira plus.
➙ Pour les patients qui luttent pour ne plus avoir un comportement, un objectif
positif les aide à éviter le paradoxe qui consiste, en se disant : « Aujourd’hui
il ne faut pas que (je boive, je frappe mon épouse, je fume, je déprime, j’an-
goisse, je mange trop ou certains aliments, etc.) », à renforcer leur problème
au lieu de le solutionner.
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Les objectifs doivent être autant que possible interactionnels : avec qui le
changement se produira-t-il ?
Insoo Kim Berg disait qu’un objectif travaillable est susceptible d’être atteint
dans les 15 jours qui suivent la consultation.
Un certain nombre de ces critères d’objectifs travaillables ont été exposés en
utilisant l’acronyme SMART (Doran, 1981) : spécifiques, mesurables, atteignables,
réalistes et temporellement définis. Smart signifie en anglais « intelligent ».
En conclusion : ce travail de précision sur les objectifs travaillables est assuré-
ment un des grands mérites de l’orientation solutions. Il protège du discours
de nombreux charlatans soi-disant thérapeutes et certainement malhonnêtes
qui abusent de la naïveté des patients. Sans nier le pouvoir de l’hypnose, y
compris dans la possibilité d’utiliser sa dimension magique, ce travail s’efforce
de sécuriser le thérapeute, et donc le patient, dans des situations où il faut
manifestement que le thérapeute refuse la demande.
Les objectifs ont donc la fonction de guide pour la thérapie. Il ne faut pas
permettre au patient de « partir dans tous les sens », de combler le vide avec des
mots. Chaque interaction avec le patient a un but, doit aller dans la direction
générale de ce but, et trouver des moyens pour atteindre l’objectif. Le thérapeute
doit donc tout le temps garder à l’esprit l’objectif, et soigneusement le noter
dans le dossier.
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Niveau de base 61
« À quoi pourrez-vous savoir, si c’est le cas bien sûr, car cela sous-entend que notre
séance sera fructueuse, mais si c’est le cas, à quoi pourrez-vous savoir en sortant
d’ici, ou peut-être plus tard, que vous aurez trouvé notre rencontre utile pour vous ? »
On peut être aussi à l’inverse très affirmatif, en adoptant une posture et une
tonalité beaucoup plus affirmées, et après avoir énoncé dans l’entame que
chaque personne présente fera de son mieux pour cela, concernant un résultat
rapidement visible de l’entretien :
« Qu’est-ce qui aura commencé à changer, même si c’est un changement qui vous
paraîtra minime ou peut-être même non significatif, pour que vous puissiez vous dire
que notre rencontre aura été utile pour vous ? »
Questions complémentaires
Précisons maintenant que, conformément à la métaphore du minage, lorsqu’une
question amène des réponses chez le patient, il importe d’aider celui-ci à com-
pléter son travail. La question la plus fréquente est alors :
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« Quoi d’autre ? »
Ainsi par exemple : « Si j’ai bien compris, lorsque vous aurez perdu 12 kg, vous
vous sentirez plus légère et à l’aise. Qu’est-ce que cela changera pour vous ? Que
pourrez-vous faire de différent ? Et quoi d’autre ? Et quoi d’autre encore ? »
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Niveau de base 63
À chaque fois qu’est mise en évidence une exception, les questions visant à créer
de la différence sont de nouveau utilisées :
« Qu’est-ce qui est différent à ces moments-là ? »
« Que faites-vous à ce moment-là ? »
Il est même utile d’être encore plus précis quand cela est possible, en utilisant
les « W questions ».
Les « W questions »
! When (quand) ?: « C’était quand ? » « Quelle heure était-il ? »,
! With who (avec qui) ? : « Avec qui étiez-vous ? Et qui d’autre ? Et qui d’autre ? »,
! Where (où) ? : Où était-ce ?
! What (quoi) ? : Outre les deux questions déjà énoncées : « Qu’est-ce que ces per-
sonnes voyaient de différent ? Qu’est-ce que ces personnes ont vu qui leur montrait
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
qu’il y avait moins de souffrance en vous ? », « Qu’est-ce que cela a changé pour
ces personnes ? À quoi avez-vous vu ce changement chez elle ? », « Qu’est-ce
que le fait de voir ces changements vous a fait ressentir de différent ? »
Quand cela est possible, cette question très constructive de solution lorsque le patient
peut décrire comment il a fait pour produire un moment d’exception :
! How (comment) ? : « Comment avez-vous fait cela ? »
Tant qu’il y a des réponses, le processus est poursuivi :
! « À part ce moment, quand est-ce qu’il y a eu d’autres moments où ... ? »
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C’est cela qui justifie, lorsqu’on choisit cette posture, de demander aux patients
quand y a-t-il eu des exceptions. Nous reviendrons sur cette possibilité d’une
telle posture affirmative, des circonstances où il est utile de l’adopter, et de
celles nécessitant d’être prudent.
Les exceptions peuvent ainsi être considérées comme des précurseurs d’objectifs
et de solutions en représentant des moments où les plaintes sont curieusement
absentes ou moins présentes (de Shazer, 1992) :
« Est-ce que le fait que la majorité de vos journées puissent se passer de cette manière
pourrait être le but de notre travail ? »
Complimenter
De même, la mise en évidence de nouveaux matériaux est une occasion poten-
tielle de pouvoir complimenter le patient :
" ou immédiatement, par une marque d’intérêt, une onomatopée valorisant ce
qui vient d’être dit, pouvant aller jusqu’à : « Waouh ! Formidable ! » ;
" ou à la fin de la séance, comme nous le verrons plus loin.
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Niveau de base 65
Cette enquête sur les exceptions peut être calquée sur la façon dont Sherlock
Holmes procédait, muni de sa loupe et n’hésitant pas à examiner les choses sous
différents angles de vue et à des distances variables.
Le but est d’avoir toujours plus de détails, c’est-à-dire d’informations qui vont
pouvoir positivement contaminer, saper la perception du patient : « Ce qui était
perçu comme primordial devient secondaire et ce qui était secondaire devient
primordial. En d’autres termes, les exceptions deviennent plus importantes que la
plainte et/ou les critères deviennent plus importants que ce à quoi ils servaient
de critère » (de Shazer, 1991).
La recherche de certains détails peut, nous le savons, occasionner un phénomène
de transe plus ou moins profonde, de par la focalisation de l’attention qui
s’opère chez le patient. Dans certains cas, il est même possible de parler au
présent : « Ça y est, vous êtes vendredi dernier, à midi, votre ami vient d’arriver
et vous annonce la bonne nouvelle... que l’entendez-vous vous dire ? Quelle est
la tonalité de sa voix ? Que ressentez-vous ? À quoi votre ami voit que vous
ressentez cela ? Que cela crée-t-il chez lui ? Et quoi d’autre ? »
Étiqueter
Exercice d’étiquetage
➙ Identifiez, durant les sept jours qui se sont écoulés, une journée que vous avez
plutôt mal vécue : identifiez et listez ce qui vous fait dire que c’était une journée
plutôt mauvaise.
➙ Une fois que vous avez fini, revoyez le déroulement complet de la journée, en com-
mençant, autant qu’il vous est possible de vous en rappeler, par ce que vous avez
commencé à faire dès que vous avez ouvert les yeux le matin en vous réveillant.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
➙ Classez les choses que vous avez faites en quatre colonnes : très négative, néga-
tive, positive, très positive.
On sait que les choses très négatives que nous vivons correspondent géné-
ralement à ce que l’on appelle un traumatisme ; il y a création de stress et
l’événement risque d’être durable. Nous vivons rarement de tels événements.
Les choses simplement négatives que nous vivons donnent lieu à des émotions
pénibles, mais ces événements sont vite retraités, ou oubliés, en cours de journée
ou pendant la nuit suivante.
Les événements positifs sont source d’émotions agréables, mais ne sont mémori-
sés durablement que s’ils sont réévoqués, racontés.
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– - + ++
Selon Lankton (2009), nous étiquetons ce que nous vivons de deux manières principales :
– qualitativement, en positif et en négatif ;
– quantitativement, entre « un peu » et « beaucoup ».
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Niveau de base 67
activité de pensée est en fait corporelle plus que cognitive. C’est l’attention du
thérapeute envers le patient qui, en vérifiant la congruence des langages verbal
et non verbal de ce dernier, va lui démontrer la significativité de ce que dit le
patient. La mimique du patient, la concentration que dénote son comportement
corporel prouvent au thérapeute l’importance de ce que le patient affirme. Le
thérapeute peut, en se synchronisant avec ces langages, participer à donner du
sens à l’exception, au compliment et à la tâche, pour créer la motivation chez
le patient.
Il y a quelques siècles, notamment au temps de Descartes, penser voulait dire
ressentir (Henry, 2011a) ; ressentir comme « pesant ». Penser et peser sont à
l’origine un même mot. On retrouve des traces de cette signification lorsqu’on
considère qu’un argument a du poids, lorsque l’on pèse nos décisions. Le travail
avec les mains d’Ernest Rossi renvoie à cette même notion de pensée corporelle.
Devant une exception, il faut donc que le patient éprouve corporellement l’im-
portance de celle-ci. Cet éprouvé correspond selon nous à un moment auto-
hypnotique lors duquel le patient se met en rapport avec, selon les terminologies
qu’il préfère, son corps, son inconscient, sa sagesse intérieure, son intelligence
corporelle ; la vie, etc.
On peut proposer au patient cet exercice :
« Lorsque vous pensez au moment que vous venez de me décrire, lorsque vous le
revivez, ressentez-vous que c’est quelque chose d’important ? Si oui dans quelle
mesure ? Vous pouvez me parler ou garder cela pour vous, c’est comme vous
préférez. »
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« Oui, vous pouvez trouver cela étonnant... et peut-être un peu perturbant... peut-être
même un peu inquiétant... prenez votre temps pour vraiment examiner cela... afin que
vous puissiez décider si cela est important ou non... et... si c’est important... en quoi
vous allez trouver cela important... en quoi vous allez considérer qu’il y a peut-être...
dans ce que vous êtes en train d’examiner... des débuts de solutions... des débuts
qui sont peut-être minuscules... comme des germes qui vont pouvoir pousser... ou
peut-être simplement des graines minuscules... qui vont pouvoir se développer en
vous peu à peu... lentement... ou plus vite... »
« Y a-t-il une ou deux dernières choses que vous trouveriez important d’ajouter ? »
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Niveau de base 69
Les questions normales visent à obtenir des informations. « Qu’est-ce qui était
différent ? », « Quand était-ce ? » À moins que le patient soit déjà dissocié (ce
qui est fort possible en présence d’un soignant), ces questions sont dissocia-
tives, en général légèrement, à moins que le patient décide de s’absorber plus
profondément.
Les questions à supposition sont dissociatives et donc hypnotiques. Supposer
est un acte où nous construisons du réel (Melchior, 2008). En même temps,
supposer ne fait pas appel explicitement à l’imagination. Tout le monde suppose,
car nous ne pouvons pas toujours baser nos actions sur un savoir. Il nous faut
parfois faire des hypothèses pour développer des plans d’action. Si je suppose
qu’il va y avoir de la circulation pour aller à la gare, je peux acheter un billet
annulable pour pouvoir prendre le train suivant si j’arrive en retard. Il s’agit d’un
acte rationnel.
Les questions du type « imaginez que » se basent donc explicitement sur le
fait d’imaginer, et éventuellement de rêver. Elles sont beaucoup plus inductives
de transe, surtout si le thérapeute les prononce lentement, en mettant des
intonations sur certains mots et en faisant des pauses.
Organisation
Les compliments, au sens qu’Erickson donnait à ce mot, vont utiliser les éléments
principaux les plus pertinents pour aider le patient à continuer à contaminer
positivement sa perception négative du problème.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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« Je vais maintenant, si vous en êtes d’accord, vous laisser une dizaine de minutes
(mais cela peut être moins si le professionnel dispose de moins de temps) pour aller
réfléchir à tout ce que vous venez de me dire. Je vous retrouve ici dès que j’ai fini et
vous dirai le fruit de mes réflexions. »
Dans un cadre non psychothérapeutique, cette pause peut être moins formalisée,
moins expliquée. Elle n’en fournira souvent que davantage d’effets si le patient
ne s’attend pas à entendre des compliments.
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Niveau de base 71
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Le thérapeute doit noter « tous les efforts positifs, réussis ou utiles que le client
a faits de sa propre initiative pour aller vers ses objectifs. On doit mettre en
lumière tout ce que le client fait et qui est bon pour lui et lui en attribuer le
crédit » (Berg et Miller, 1992).
Il est important que, lors du compliment, le thérapeute puisse parler calmement,
lentement (tout en restant naturel), en regardant le patient dans les yeux au
moins par moments, afin de lui montrer qu’il assume ce qu’il lui dit et qu’il est
sincère. C’est un moment où le thérapeute doit montrer son autorité profession-
nelle et personnelle. Il se montre prêt à répondre à toute remarque ou question
du patient (d’où l’importance d’avoir bien réfléchi avant !) Il est prêt également
à faire face un désaccord possible du patient, tout en maintenant autant que
possible la position qu’il a prise.
« Non, Monsieur je ne suis pas d’accord avec vous je n’ai aucun courage.
– Je suis désolé, mais moi je le pense vraiment. Et j’espère que vous allez bientôt vous
en rendre compte. »
Durant la pause, les patients sont habituellement dans une grande attente de ce
que le thérapeute va leur dire en les retrouvant.
Ils peuvent être assez anxieux à ce moment, anxiété qu’ils manifesteront lors du
retour du thérapeute, parfois en la verbalisant : « Alors mon cas est-il désespéré ?
Qu’avez-vous à me dire ? »
Mais le plus souvent, même en cas d’anxiété, des signes de transe sont clai-
rement repérables, signifiant que le patient est particulièrement suggestible.
D’où l’importance d’un compliment bien construit, précis, utilisant un langage
accessible pour les patients (le mieux est autant que possible de reprendre les
mots et les expressions de ceux-ci).
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Efforts pour venir. Courage d’être venu. Respect de son engagement à venir au RDV.
Efforts pour parler. Débrouillardise pour avoir trouvé comment Confiance et respect envers (la personne
venir au RDV. adresseuse, médecin ou autre).
Efforts pour réfléchir aux difficiles questions Débrouillardise pour avoir trouvé le lieu Responsabilité envers ses (enfants, parents, etc.)
posées. de consultation.
Efforts pour choisir les mots les plus précis Prudence de s’être fait accompagner. Conscience professionnelle.
possible.
Effort d’avoir dit quand il était en désaccord. Efforts pour se concentrer. Amour pour (son conjoint, etc.)
Effort de s’être levé pour venir au RDV. Ne parle pas pour ne rien dire. Honnêteté envers le thérapeute (d’avoir dit qu’il
ne savait pas répondre, etc.)
« C’est vraiment difficile pour vous en ce Clarté des objectifs. Loyauté.
moment. »
Bonnes raisons d’avoir le problème. Résilience : « Étant donné ce par quoi vous
êtes passé on aurait pu s’attendre à ce que
les choses soient bien pires. Ce qui signifie
que vous faites certaines choses tout à fait
comme il faut » (de Shazer,1991).
Motivation
Niveau de base
73
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Il est conseillé de reprendre les mots utilisés par le patient, conformément aux
principes généraux d’une bonne communication thérapeutique (Bioy et Servillat,
2020).
Ne pas hésiter à préciser le ressenti du patient si celui-ci l’a exprimé, et si ce
n’est pas le cas, à en évoquer un :
Dans le premier cas :
« Si j’ai bien compris, vous venez me voir pour la première fois, adressée par votre
médecin traitant, pour un problème de ... qui vous fait beaucoup souffrir et commence
même à vous décourager. »
« Si j’ai bien compris, vous venez me voir pour la première fois, adressée par votre
médecin traitant, pour un problème de ... et j’imagine que cela doit être drôlement
douloureux pour vous et que cela doit être difficile de garder un bon moral. »
Toujours dans ce second cas, ne pas hésiter à utiliser une langue expressive,
voire familière et même crue pour montrer au patient qu’il est compris :
« Si j’ai bien compris, vous venez me voir pour la première fois, adressée par votre
médecin traitant, pour un problème de ..., et putain j’ai vraiment l’impression que c’est
l’enfer pour vous ! »
« Si j’ai bien compris, vous venez me voir après avoir rencontré d’assez nombreux
thérapeutes, qui pensaient souvent qu’il fallait comprendre les problèmes d’abord, il
semble que ça ne vous ait pas convenu. »
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Niveau de base 75
! Être impressionné.
! Être ému.
! Être touché.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
! Être étonné.
! Être intéressé.
! Être emballé, ravi.
! Être rassuré.
On sait aussi que les émotions sont ressenties à certains moments de la vie,
notamment des moments où nous vivons des choses qui concernent nos besoins,
nos objectifs, nos valeurs (Greenberg, 2020).
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...
➙ un objectif,
➙ une valeur.
Aussi, si les patients ont montré des émotions lors de la séance, et si le thé-
rapeute n’a pas encore essayé d’utiliser les émotions (cf. chap. 4, « Rôle des
émotions... », p. 146), lors de la pause, essayer d’identifier ce dont les émotions
du patient témoignent, essayer d’être à l’écoute de ses intuitions à ce propos.
Ce temps va constituer la deuxième partie du complément de fin de séance :
« En repensant à ce que vous m’avez dit,
J’ai trouvé particulièrement important ...
J’ai été impressionné par...
Je suis étonné (nous sommes...), c’est étonnant !
Je suis sûr que c’est vrai
J’ai eu l’impression que, je me suis demandé si...
etc. »
« Une chose est devenue très claire, c’est que vous avez commencé à bâtir une
nouvelle vie ensemble », « À nos yeux il est clair que vous êtes quelqu’un de très
volontaire et motivé », etc. (de Shazer, 1991).
Par ailleurs, il peut arriver qu’à partir de nos émotions et de nos ressentis,
survienne en nous une pensée corporelle, souvent sous forme d’images, ou/et
de sons, ou éventuellement concernant un autre canal sensoriel. Ce type de
pensée, typique d’un fonctionnement hypnotique, si elle est vraiment présente,
doit pouvoir être dite, à condition là encore que le patient puisse l’entendre.
« ... Et même, même si cela peut vous paraître un peu étonnant, une pensée m’est
venue (un souvenir d’enfance m’est revenu, le cas d’un patient que j’ai connu il y a
quelques années, m’est revenu à la mémoire, une image)... »
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Niveau de base 77
On voit ici que des éléments de ce genre peuvent susciter chez le patient un
court moment hypnotique fondé principalement sur l’étonnement, et qui peut
favoriser chez lui l’activation d’une recherche interne de sens.
Dans certains cas aussi, où la séance peut encore être prolongée suffisamment,
de tels éléments peuvent nourrir une séance d’hypnose, le plus souvent conver-
sationnelle, mais qui peut être aussi formelle, pour faire travailler le patient sur
ce qui vient.
modèle à suivre : pour vous il fonctionne. C’est un bon modèle à suivre et nous pen-
sons que – alors qu’il va continuer à fonctionner – vous allez accroître votre confiance
en lui » (de Shazer, 1991).
Dans certains cas le thérapeute peut avoir l’intuition qu’il faut encourager le
patient à faire davantage ce qui marche, à le faire encore plus. Il est important
dans de tels cas d’évaluer :
➙ s’il est pertinent que le changement s’accélère (cela peut ne pas être le
cas dans des situations où existe une certaine chronicité (cf. chap. 3, « Les
situations chroniques », p. 138) ;
➙ s’il est pertinent de prescrire cette accélération ou si de lui-même, le patient
l’accélère à la vitesse qui lui convient. Il est souvent bon de faire confiance
au patient à ce sujet.
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Un autre cas simple concerne un patient qui est très demandeur qu’une tâche lui
soit prescrite. Dans de tels cas, on peut considérer qu’une telle motivation doit
être validée et reconnue. Il existe des patients qui aiment expérimenter, et qui
par ailleurs supportent de passer par l’échec, voire sont même très compétents
pour apprendre de l’échec.
S’il reste du temps lors de la séance, on peut prescrire pendant celle-ci :
➙ des tâches comportementales dans la réalité : j’ai ainsi invité une patiente, il y
a quelques jours, à sortir dans la rue avec moi, à la fois pour observer comment
elle marchait, et aussi pour l’inviter à marcher avec plus d’assurance ;
➙ des tâches en imagination (tâches hypnotiques), le plus souvent effectuées
dans le bureau du thérapeute, pouvant se transformer peu à peu en une
vraie séance d’hypnose (de type voyage intérieur, écran de cinéma imaginaire,
situation de dialogue avec une personne non présente au rendez-vous, etc.).
« Nous avons trouvé votre idée intéressante. Peut-être est-ce une bonne idée. Nous
en avons aussi eu une autre et nous vous proposons de choisir entre ces deux idées
celle qui vous paraît la plus pertinente. »
Nous envisagerons plus loin d’autres types de tâches qui peuvent être fréquem-
ment utiles dans l’approche orientée solutions : « comme si », tâches de prédic-
tion, tirage au sort, etc.
« Pour vous aider, voici une idée qui m’est venue, mais c’est juste une idée, elle vaut
ce qu’elle vaut et vous en aurez peut-être une autre qui vous paraîtra meilleure, enfin
mon idée est qu’il pourrait être utile que vous fassiez (telle tâche) d’ici notre prochaine
séance. »
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Niveau de base 79
" Faire simple quand on n’a pas d’idée : la tâche standard de fin de pre-
mière séance
Dans un certain nombre de cas, nous sentons qu’il est nécessaire de donner
une tâche au patient, mais nous n’avons aucune idée précise de celle-ci. Les
fondateurs de l’approche orientée solutions ont conçu une tâche simple, mais qui
peut être très aidante, au moins pour le thérapeute, en termes de recueil d’infor-
mations : la tâche standard de fin de première séance. Elle est habituellement
exprimée en ces termes :
« D’ici notre prochaine rencontre, j’aimerais que vous puissiez observer, et aussi noter,
tout ce qui se passera dans votre vie et que vous aimeriez voir continuer. Soyez vrai-
ment attentif à tout, y compris à ce qui pourra vous paraître anecdotique, anodin, sans
importance. Cela m’aidera à mieux vous connaître. »
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la place de la tâche, mais cela ne marche pas toujours, car il peut répondre
qu’il n’a rien fait) ;
➙ il y a un risque de détérioration de l’alliance thérapeutique. Le patient peut
se sentir incompétent, honteux, coupable. Il risque de ne pas continuer
la thérapie.
Il est donc mieux de prévenir plutôt que de guérir, en évitant un tel risque.
Heureusement, le diagnostic des niveaux de relation entre le patient et le théra-
peute va pouvoir servir de guide. Tenir compte de ces niveaux va caractériser le
niveau 2 de la pratique de l’hypnose orientée solutions (cf. chap. 3).
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Niveau de base 81
« Oui je pense que nous pourrions nous revoir dans trois semaines, cela nous montrera
si c’est un bon délai ou s’il faudra le modifier la prochaine fois. »
« Le délai d’ici notre prochain rendez-vous est une question importante. Si nous nous
revoyons trop vite, vous n’aurez pas suffisamment de temps pour faire des choses
utiles pour vous et vous rapprocher de votre objectif, et cela peut artificiellement créer
un sentiment d’échec. Si nous nous revoyons trop tardivement, cela risque de retarder
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l’avancée de la thérapie et cela serait donc dommage vu la motivation que vous venez
d’exprimer. »
Nota
Comme nous l’avons évoqué dans le premier cas de figure, il peut y avoir des situations
où il n’est pas pertinent de demander au patient de se prononcer sur le délai de rendez-
vous, car cela risque de susciter en lui une angoisse trop importante, ou même une
incapacité, du fait de sa pathologie. Une dépression clinique peut par exemple diminuer
les capacités d’anticipation et rendre le patient dépressif incapable de répondre.
Avant de conclure ce premier niveau, il faut envisager, même si cela est rare, les situa-
tions où il n’y a pas lieu de donner un autre rendez-vous.
Si, après une séance où l’objectif s’avère atteint, et/ou le patient exprime une bonne
confiance (au moins 70 %) pour que l’objectif qui l’intéresse soit maintenu, et se montre
satisfait du travail fait, poser la question du prochain rendez-vous pourrait semer le
doute et perturber le patient. Dans de tels cas, il est donc préférable :
! ou simplement de ne pas parler de prochain rendez-vous, en ayant l’air d’oublier
de poser la question. Ceci peut être pertinent notamment s’il y a une ambiance
hypnotique d’optimisme et de confiance à la fin de la séance,
! ou, ce qui est plus prudent, mais qui peut susciter aussi du doute, que le théra-
peute exprime au patient qu’il n’a pas l’impression qu’il soit utile de programmer
un prochain rendez-vous, et qu’il reste disponible si jamais le patient le trouve utile
ultérieurement. Le thérapeute peut éventuellement demander au patient son avis, lui
conférant une position d’expert. Il peut aussi dans de tels cas, afin de rassurer le
patient, lui préciser que s’il rappelle le secrétariat pour avoir un rendez-vous, il pense
bien à dire, à préciser qu’il a déjà un dossier au cabinet, notamment pour qu’il ait
un rendez-vous plus rapide que s’il était un nouveau patient inconnu.
Dans un bon nombre de ces cas, il peut aussi être utile de préciser au patient :
« Il n’est pas nécessaire que vous alliez plus mal pour que l’on se revoie. Dans certains
cas il peut être utile de revenir même lorsque l’on va bien. Je serai vraiment intéressé de
savoir ce que vous réussirez dans le futur. »
Nous verrons que dans d’autres situations au contraire, comme les situations de dépres-
sion par exemple, il peut être utile d’insister sur l’utilité de se revoir si le thérapeute a
le sentiment qu’il y a encore des facteurs de vulnérabilité qui sont encore très présents
et qui n’ont pas encore été assez travaillés (cf. chap. 4, « Dépression, perte et deuil »,
p. 175).
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Niveau de base 83
C ONCLUSIONS DU NIVEAU 1
Ce premier niveau a donc présenté les outils les plus essentiels à l’orientation
solutions.
Il permet de travailler la première séance de la majorité des situations avec
les patients.
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Chapitre 3
Niveau 2
I NTRODUCTION
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Pour utiliser ces techniques, il est important de considérer d’abord le degré d’en-
gagement du patient dans la thérapie, car les outils du niveau 2 lui demandent
des efforts plus importants que les outils du niveau 1.
Nous avons vu, en fin de chapitre précédent que la prescription des tâches
devait tenir compte de certains éléments. On appelle ces éléments les « niveaux
de relation entre thérapeute et patient ». Nous allons maintenant détailler ces
niveaux.
Afin de pouvoir bien les comprendre, il nous faut préciser que l’engagement
relationnel du patient dans la thérapie dépend de sa motivation pour travailler.
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Niveau 2 87
Il est utile ici de rappeler d’abord qu’une plainte n’est pas une demande. Exprimer une
plainte est mieux que de souffrir en silence, et pour cela, au moins dans un premier
temps, il peut être utile de complimenter le patient pour le fait de se plaindre.
Pour autant, même si un tel compliment peut favoriser le passage de la plainte à la
demande d’aide, il est important de ne pas prendre une plainte pour une demande, au
risque de s’exposer à de sérieuses difficultés.
Steve de Shazer a défini trois types de relations que le patient peut établir avec
son thérapeute.
et thérapeute
Le passant
(mais nous évitons cette appellation, très susceptible d’être connotée négative-
ment) « touriste ».
Pour reprendre la métaphore du marché, le passant regarde les étalages, mais
n’achète rien. Pour le domaine qui est le nôtre, nous dirions qu’il ne choisit pas.
Il regarde les propositions, les examine. Il est, pour utiliser la classification de
Prochaska et al. (1992) dans un stade précontemplatif.
« Cette relation existe lorsque, la séance terminée, le thérapeute et le client
n’ont pas conjointement identifié une demande ou un objectif sur lequel travailler
pendant le traitement. En outre, le client peut signaler que, soit il n’existe pas
de problème nécessitant un traitement, soit le problème appartient à quelqu’un
d’autre. Aussi, dans une relation de type visiteur, le client trouve rarement quelque
motif que ce soit à changer, et encore moins de suivre une thérapie. Le thérapeute
accepte l’idée selon laquelle il n’y a peut-être pas de problème qui exige une
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88
L’ HYPNOSE
Opposition. Non-intervention.
Non volontaire
Ou plainte seule. Ou compliment.
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Niveau 2 89
thérapie, mais reste prêt à aider le client à déterminer si, en fait, il y a quelque
chose d’autre sur lequel il aimerait travailler » (Berg et Miller, 1992).
Avec patient de type « passant », il y a juste à faire, autant que possible, des
compliments.
Le patient qui est simplement visiteur pourra donc être complimenté d’avoir fait
l’effort d’être venu, d’avoir répondu à des questions dont certaines peuvent être
considérées comme difficiles, d’avoir pris le temps de bien choisir ses mots avec
précision, etc.
Il ne faudra par contre pas lui prescrire de tâches, car il ne sera pas disposé à
les faire. Il risquerait sinon de résister, et l’approche orientée solutions essaie
d’éviter de susciter de la résistance (de Shazer, 1984).
Ainsi, il y a besoin d’être plus prudent avec ces patients. Le thérapeute doit
résister à ses éventuelles pulsions thérapeutiques qui peuvent lui faire croire à
tort que le patient est vraiment demandeur.
Les patients étant dans des positions relationnelles de « passants » sont vrai-
ment à considérer, même si cela est peu valorisant pour le thérapeute, comme
des personnes qui viennent voir ce que le thérapeute propose. Si leur curiosité
est forte, leur apparent intérêt peut assez facilement piéger le thérapeute en
faisant croire à celui-ci, généralement involontairement, qu’ils sont vraiment
demandeurs d’un changement alors que ce n’est pas encore le cas, en tout cas
pour l’instant. Si le thérapeute tombe dans le piège, il risque de susciter une
résistance s’il intervient trop et demande au patient de s’impliquer.
Il est bien évident pour nous, y compris pour des raisons éthiques, que nous ne
devons pas désirer un changement à la place de nos patients, et qu’il nous faut
ainsi nous abstenir lorsque le patient vient nous voir contre sa volonté. Pour
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Valoriser la résistance
On peut même, s’il n’y a pas encore d’objectifs clairs convenus avec le patient,
considérer que sa résistance est souhaitable. Cela peut même être renvoyé au
patient sous la forme d’un compliment :
« Je vois que vous êtes très réticent concernant ce que je suis en train de vous dire,
mais quand je prends le temps de réfléchir, je me dis que vous avez bien raison
puisque nous n’avons même pas encore convenu d’un objectif clair et réaliste pour
notre travail. Je vous félicite donc pour votre bon sens ! »
À plus forte raison, et comme nous l’avons dit, il n’est pas pertinent de prescrire
une tâche à ces patients avec lesquels, pour la même raison que celle que
nous venons d’évoquer, il n’a pas encore été convenu d’objectifs pour le travail
thérapeutique. C’est-à-dire, pour le dire autrement, avec lesquels qu’il n’y a pas
eu d’objectif thérapeutique de validé, d’accepté par le thérapeute.
Travailler la motivation
Dans de tels cas en effet, le patient n’a pas encore montré qu’il était prêt à
faire de son mieux pour atteindre l’objectif. Et c’est donc le rôle du thérapeute
que d’être protecteur devant le risque d’échec et de déception. Il s’agit de
professionnalisme de la part du thérapeute, ce qui génère chez les patients une
impression d’honnêteté habituellement très appréciée : « Vous au moins vous
êtes honnête ! »
On peut revenir ici sur l’intérêt des échelles de motivation :
« Sur une échelle de 1 à 10 où :
– 1 représente le fait que vous êtes juste prêt à prendre des médicaments et
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Niveau 2 91
– 10 représente le fait que vous êtes prêt à faire tous les efforts imaginables par vous,
à combien se situe votre motivation ? »
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L’acheteur
Le niveau optimal est celui du passant qui s’arrête, examine, compare et choi-
sit : dans une optique commerciale, nous dirions qu’il devient un « client », un
« acheteur ».
C’est ce deuxième niveau de relations qui est visé dans l’approche orientée
solutions.
« Une relation de type acheteur existe lorsque, pendant la séance de thérapie,
une demande ou un objectif a été conjointement identifié(e) par le client et le
thérapeute, et que, de plus, le client indique qu’il se considère comme faisant
partie de la solution et qu’il est prêt à faire quelque chose en ce qui concerne le
problème. Le thérapeute est d’accord pour travailler avec lui sur la demande ou
l’objectif identifié(e), et croit avoir la capacité de le diriger vers la découverte
d’une solution ou la réalisation de son objectif » (Berg et Miller, 1992).
À un patient de type « acheteur », il y a lieu de proposer des tâches qui sont
des comportements concrets.
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Niveau 2 93
Tableau 3.2. Les questions à poser aux patients non demandeurs qui sont adressés
« Qu’est-ce qui doit se passer pour que... pense que votre problème aura diminué au moins
un peu ? »
« Pour que... pense que vous allez mieux ? »
« Pour que... oublie de continuer à vous dire de venir me voir ? »
« Qu’est-ce que... devra-vous voir faire autrement pour ne plus penser que vous avez besoin
de moi ? »
Le demandeur
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que l’unique solution est qu’une personne, autre qu’eux-mêmes, change. Dans la
relation de demandeur, le thérapeute accepte d’aller plus loin avec le client dans
l’exploration de la demande ou de l’objectif, et de le faire d’une manière qui favorise
l’émergence d’une perspective nouvelle qui pourrait mener à une solution » (Berg
et Miller, 1992).
Remarques
De même que dans l’approche de Prochaska et al. (1992), l’intervenant orienté solutions
s’efforce de faire passer le niveau de relation d’un degré au degré suivant, afin d’amener
progressivement le patient au niveau acheteur.
La situation de proposer au patient de créer lui-même ses solutions n’intervient donc
généralement pas d’emblée. Et une erreur fréquente est d’imaginer trop rapidement un
niveau de demande qui n’est pas encore atteint.
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Niveau 2 95
Dans certains cas, il est tout à fait envisageable de faire des thérapies en une
seule séance, dans le même esprit que les hypnothérapies pratiquées dans ce
format de séance unique (Lankton et al., 1994). De telles démarches peuvent
être particulièrement envisagées, même si nous verrons ultérieurement d’autres
situations, dans lesquelles le patient prend conscience, réalise qu’il est déjà dans
une dynamique solidement positive qui lui fait ressentir qu’il a presque atteint
ses objectifs. Ce sera a fortiori le cas dans des situations où le patient, lors du
travail de questionnement et de compliments faits par le thérapeute, va se rendre
compte qu’il a déjà atteint l’objectif demandé, ce qui n’est pas si inhabituel !
Les autres cas, dont nous reparlerons, concernent les situations où il s’est produit
lors de la séance suffisamment de phénomènes hypnotiques pour envisager que le
patient a pu expérimenter un vécu suffisamment riche pour que ses compétences
soient activées ; l’« oubli » (nous mettons ce terme entre guillemets, car ce n’est
pas véritablement un oubli pour le thérapeute qui ne trouve pas cela pertinent
de le faire) de donner un prochain rendez-vous peut alors être tout à fait adapté
au désir de renforcer l’effet thérapeutique de la séance.
Enfin, des interventions avec séance unique peuvent avoir lieu dans un cer-
tain nombre de cas, que nous ne détaillerons pas pour l’instant, car ils sont
minoritaires :
! il peut s’agir d’une séance lors de laquelle le patient s’est rendu compte qu’il
avait déjà atteint son objectif,
! ou alors d’une séance où une solution s’est construite pour lui avec un très
bon niveau de confiance dans cette solution,
ou enfin du cas où la disponibilité limitée du thérapeute et le fait qu’il exerce
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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seul font qu’il ne peut donc pas être remplacé lors d’une séance ultérieure.
Nous ne mentionnerons pas ici les situations où le patient ne peut pas revenir, à
une époque où les visioconférences se sont beaucoup développées et rendent
possible dans tous les cas une séance ultérieure.
Mais comme le précise de Shazer :
« Une fois que les clients sont assurés que l’objectif a été atteint et que les chan-
gements inhérents à cet objectif vont probablement se poursuivre, les thérapeutes
et les clients savent qu’ils peuvent arrêter de se voir » (de Shazer, 1991).
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Une bonne raison d’utiliser l’hypnose est le fait que le patient la demande.
Cette raison n’est pas forcément suffisante, puisque l’hypnose n’est pas toujours
indiquée, et peut même être, toujours de façon relative, contre-indiquée.
Parfois, de plus, le thérapeute ne voit pas la nécessité de l’hypnose.
Généralement ce que demande le patient est surtout un résultat et non une
technique, et il faut partir de cette hypothèse. Si l’on veut s’en assurer, on peut
demander :
« Ce qui est le plus important pour vous c’est d’utiliser l’hypnose, ou c’est avoir un
résultat ? »
Ceci permet parfois de mettre en évidence que le patient souhaite avant tout
découvrir l’hypnose.
Parfois aussi, même s’il ne le dit généralement pas, il veut vérifier qu’il est hyp-
notisable, peut-être dans la perspective d’une intervention chirurgicale future,
ou en dentisterie.
La transe hypnotique est connue pour approfondir l’effet des suggestions théra-
peutiques. Cet approfondissement n’est pas toujours nécessaire, mais quand le
patient le souhaite, la règle habituelle est de lui proposer de l’hypnose.
Parfois aussi le patient, même s’il la souhaite, peut avoir peur de l’hypnose.
L’attitude est alors de comprendre de quelle peur il s’agit, et :
! soit de donner de l’information, comme c’est souvent le cas, afin de préciser
que l’hypnose n’est pas du sommeil et que l’on ne perd pas conscience ;
! soit d’approuver le patient si sa peur semble assez ancrée :
« Si vous pensez que vous allez perdre votre libre arbitre avec l’hypnose, vous avez
vraiment raison d’avoir peur de l’hypnose et je ne peux que vous approuver ! »
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Niveau de relation
Utilisation possible de l’hypnose
patient thérapeute
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Niveau 2 99
L’humour
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Avec ce que nous venons de voir déjà, il est possible de regarder maintenant
comment l’hypnose peut être développée de manière relativement facile avec de
nombreux patients.
Nous avons déjà vu que la détermination d’un objectif peut résulter de certaines
réponses aux questions posées, concernant particulièrement les exceptions :
« Cela vous paraîtrait-il intéressant de pouvoir revivre d’autres moments comparables
à celui-là ? »
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Comme en hypnose, le patient peut avoir le choix (un choix de plus !) d’en parler
au fur et à mesure, ou de préférer en parler après, ou même de garder pour soi
une partie ou la totalité de son expérience.
La recherche d’exceptions, elle aussi, peut donner lieu à une séance d’hypnose
conversationnelle ou formelle. Le fait de proposer au patient de régresser vers
un moment d’exception qui a du sens pour lui, ce sens pouvant être simplement
un jeu « à la Sherlock Holmes » afin de détecter tout ce qui peut être différent
pendant un tel moment, peut être tout à fait pertinent.
Ceci afin que le patient :
➙ revive (il s’agit alors d’une remémoration et non réellement d’une régression),
➙ ou vive comme si c’était la première fois (véritable régression hypnotique) le
moment d’exception.
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Niveau 2 101
hypnose tout est sécurisé... vivez et remarquez... notez ce qui est intéressant pour
vous... vous pouvez me parler maintenant ou préférer me parler tout à l’heure... votre
mémoire est là pour noter ce qui est intéressant pour vous... vivez votre voyage de
conscience, c’est très bien... »
Nous reviendrons dans le chapitre 4 sur une utilisation plus avancée de l’hypnose
dans l’orientation solutions.
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Les solutionnistes ont proposé une manière originale d’utiliser la résistance des patients :
« Nous nous sommes aperçus que le fait de considérer la non-réalisation (des tâches)
comme un message sur la manière que le client a de faire les choses (plutôt que comme
un signe de résistance) nous permettait de développer une relation de coopération avec
le client (de Shazer, 1985).
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Niveau 2 103
pas utile de favoriser la construction d’un lien entre deux problèmes, que cela
risquerait de créer un problème plus important, moins facile à dissoudre. Le
patient peut choisir d’établir un lien entre les deux, mais ce choix n’est pas du
tout encouragé par le thérapeute.
Nous verrons aussi un autre outil, la prescription d’une tâche de prédiction
(cf. chap. 3, p. 125).
Malgré tous ces outils destinés à favoriser l’ouverture des choix, comme nous
l’avons dit, une telle pratique peut être difficile dans différents cas :
➙ lorsque le patient a un important manque de confiance en lui, qu’il a vécu
des échecs encore douloureux ;
➙ c’est le cas aussi dans des situations dépressives majeures ;
➙ lorsque le patient n’est pas véritablement demandeur d’aide (passant).
Nous verrons plus loin les deux premiers cas mentionnés.
L’éventail est le symbole de l’ouverture des choix ; il peut être utilisé avec
les patients.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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LA DEUXIÈME SÉANCE
Entame
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Cette question est très suggestive, et en même temps elle est sécurisée :
➙ elle suggère qu’il y a eu des changements ;
➙ elle ne suggère pas qu’il y a eu des changements positifs, donc elle ne génère
pas a priori de résistance ;
➙ d’autant plus qu’elle peut se baser sur le fait que le non-changement n’existe
pas, qu’il y a toujours des variations, voire des exceptions, sauf preuve du
contraire, et elle est ouverte au fait que la preuve du contraire est possible.
Mais il peut être vraiment rentable de commencer la deuxième séance et les
suivantes par une question plus affirmative :
« Qu’est-ce qui va mieux ? »
En effet, des récits de stabilité (« C’est toujours pareil, il n’y a pas de change-
ment, cela ne va pas mieux... ») ne sont pas vraiment utiles.
Les récits de digressions (le patient aborde un sujet qui n’est pas en rapport
avec l’objectif et qui ne contient pas de solution) ne sont pas utiles non plus.
Et c’est le rôle du thérapeute que d’orienter le travail vers les solutions ;
« Qu’est-ce qui va mieux ? »
« Qu’est-ce qui a changé positivement depuis la dernière fois ? »
Bien sûr, si le patient décrit une aggravation, il est important de l’écouter pour
le maintien de l’alliance thérapeutique. De l’écouter au cas où il y aurait quand
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Niveau 2 105
même des germes de solution dans son récit. De l’écouter aussi suffisamment
pour tenir compte du fait qu’il peut penser que le thérapeute a besoin d’avoir
des descriptions du problème pour pouvoir faire son travail de thérapeute.
Mais dès que le patient comprend que le thérapeute n’a pas besoin de descrip-
tion du problème, ce dernier peut plus facilement interrompre les récits, non
seulement de stabilité, mais aussi d’aggravation, et faire gagner ainsi du temps
au patient.
D’ailleurs, en fonction de la façon dont le patient est rentré dans une relation thé-
rapeutique impliquante, le thérapeute peut s’affirmer encore davantage, et même
couper la parole pour éviter les domaines de répétition repérés chez le patient,
et/ou pour l’aider à s’absorber dans le travail de construction de solutions.
Là encore, il s’agit de discerner les moments où il est important d’écouter le
patient, et ceux où il est important de reposer du cadre pour subvenir aux
besoins du patient d’être aidé dans le travail thérapeutique, en fonction de
l’objectif convenu avec lui.
Questions d’explicitation
"
S’il y a des changements rapportés qui vont dans le sens de l’objectif, ou en tout
cas de la demande du patient, il y a lieu de complimenter le patient dans un
premier temps, puis de lui demander :
« Comment avez-vous fait cela ? »
produit tout seul, mais comme un événement dont il est l’auteur et l’acteur.
S’il s’agit d’un changement comportemental, il est préconisé de maintenir cette
question même si le patient répond en ne s’attribuant pas de responsabilité dans
le changement (de Shazer, 1991).
S’il y a des améliorations rapportées, mais exprimées conceptuellement (« Je
suis plus tolérante ») il y a lieu de faire concrétiser le propos :
« Qu’est-ce que vous faites qui est plus tolérant ? »
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Niveau 2 107
Lorsque le patient exprime quelque chose qui peut paraître un progrès, mais qui
n’est pas vraiment affirmé comme tel, se pose la question de la pertinence de
faire un premier compliment en cours de séance.
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Nous rappelons la prudence qu’il convient d’avoir afin d’éviter le refus d’un
compliment de la part du patient.
Deux attitudes sont possibles :
➙ le thérapeute peut tester, par un compliment non verbal notamment, la dis-
position du patient à accepter un premier compliment. Et, en cas de refus de
celui-ci, il se montrera plus prudent ensuite ;
➙ il peut aussi en parler avec le patient pour avoir son avis, en le situant comme
expert :
« Je pense que ce que vous venez de me décrire correspond à une exception vraiment
intéressante et significative, qu’en pensez-vous ? Sauf si vous me dites que cela ne le
mérite pas, j’ai vraiment envie de vous féliciter ! »
Encore de la prudence !
"
Enfin, dans le cas où le patient qui s’était vu prescrire une tâche lors de la
première séance ne l’a pas faite, il sera pertinent de s’abstenir d’en prescrire à la
séance suivante.
Ainsi qu’il est couramment admis dans le domaine des thérapies brèves et straté-
giques, le travail en équipe est encouragé lorsque la thérapie s’avère difficile.
Il y a deux modalités de travail en équipe :
! le dispositif classique utilisé dans les thérapies systémiques consiste à utiliser
une glace sans tain. Plusieurs observateurs peuvent ainsi suivre la séance sans
être vus (mais, pour des raisons éthiques, après qu’ils ont été présentés au
patient et que son accord a été recueilli). Le thérapeute pourra, au moment
de la pause, rejoindre les membres de l’équipe afin de discuter, de recueillir
leurs points de vue pour s’en servir lors de l’élaboration du compliment.
Dans de nombreux cas, il peut être très utile, car cela suscite davantage
d’émotions, que tous les membres de l’équipe viennent dire le compliment
dans la salle de thérapie. Un compliment qui peut être commun (lu par
un représentant du groupe), ou des compliments différents lus par chaque
thérapeute.
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Niveau 2 109
! dans la continuité d’Erickson, qui recevait souvent des collègues et qui les
faisait participer aux séances, il peut aussi être très pertinent de recevoir
le patient à plusieurs thérapeutes. Cela permet un effet dissociatif qui peut
favoriser le lâcher-prise du patient, si ce dernier se sent bien sûr en sécurité.
Cela permet aussi la communication multiniveaux, hypnotique, insérée de
façon naturelle dans la séance.
Enfin, en cas d’hypnose formelle, la présence d’un collègue formé et expéri-
menté en hypnose permet de pratiquer des inductions hypnotiques à deux
voix, souvent plus puissantes et plus riches qu’à une seule voix.
Nous avons vu qu’il est important d’être attentif lorsqu’il y a des récits de
changement positif (c’est-à-dire qui vont dans le sens de l’objectif), des récits
de solutions, afin d’essayer le plus possible de les amplifier.
Dans d’autres cas, ce sont les récits de stabilité qui prédominent : « C’est toujours
pareil Docteur, il n’y a rien de changé. »
Dans d’autres cas encore, les choses vont de plus en plus mal, continuellement,
les récits d’aggravation prédominent.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Afin de faciliter des récits de changement, il peut être utile pour le thérapeute
de considérer les récits que le patient fait sous un angle positif, même s’il le fait
d’une façon intériorisée en respectant la souffrance du patient.
Ainsi une stabilité, même décrite de façon négative par le patient, doit pouvoir
être examinée par le thérapeute comme une mise en œuvre de ressources et de
compétences. Envisager les choses sous cet angle peut amener le thérapeute,
et aussi le patient, à détecter des ressources et des compétences qui passaient
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Parfois, les patients disent qu’ils sont décidés à certaines choses (arrêter une
addiction, quitter un conjoint, etc.). Pour favoriser des différences concrètes,
des questions peuvent être utiles telles que :
Il ne faut pas hésiter à le faire de façon un peu catégorique, cela peut susciter
chez le patient une protestation : « Non, la soirée s’est quand même bien passée,
j’ai même eu un moment agréable à regarder un film avec ma femme. »
Nous avons déjà dit qu’il existait des compliments en cours de séance, et des
compliments en fin de séance.
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Niveau 2 111
Mais c’est le compliment de fin de séance qui reste à notre avis le centre de
l’intervention orientée solutions.
En effet, dans l’hypnose, il y a deux principes centraux qui se conjuguent :
! utiliser au mieux les compétences, les points forts, du patient ;
! et pour cette utilisation optimale, ratifier au maximum ce qu’il fait. La ratifi-
cation est considérée comme le fait d’approuver et de féliciter le patient, et
éventuellement son entourage, pour tout ce qu’il fait de positif, notamment
quand c’est en rapport avec son objectif thérapeutique. Le compliment a un
effet hypnotique en lui-même : pendant qu’un patient reçoit un compliment,
il se dissocie habituellement en deux parties :
➙ une partie qui prend plaisir à recevoir les félicitations,
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« Vous avez osé répondre à votre mère, à votre employeur (etc.) et je trouve que
vraiment, vu ce que vous m’avez dit sur vos peurs à leur propos, vous avez été
courageux. »
C’est pourquoi le récapitulatif est utile, déjà pour le thérapeute, pour lancer son
compliment. Il lui permet d’essayer de se focaliser sur l’essentiel de ce qui s’est
passé pendant l’entretien, pour mieux savoir ce qu’il convient de valoriser chez
le patient, voire aussi d’identifier les tâches les plus pertinentes.
Cependant, comme nous l’avons dit, il ne faut pas se précipiter sur les tâches :
la deuxième partie du compliment, sur les émotions du thérapeute et sur ses
impressions, va pouvoir grandement contribuer à examiner la question des tâches,
y compris en amenant le thérapeute à considérer que ces dernières ne sont pas
utiles. Ceci est particulièrement le cas quand le thérapeute a beaucoup de choses
à dire concernant ses émotions et ses ressentis. Cela peut aboutir à ce que cela
fasse prescrire trop de tâches.
Les fondateurs de l’approche centrée solutions préconisaient de dire le compli-
ment sur un mode hypnotique, et nous reprendrons évidemment leurs conseils :
! d’abord, parler suffisamment lentement et distinctement,
! ne pas hésiter à lire un compliment écrit. Particulièrement dans les situations
de psychothérapie, mais éventuellement aussi dans d’autres contextes (méde-
cine, soins infirmiers, etc.), Même si, dans ces derniers cas, cela peut être
l’unique fois que cela est fait, pour créer de l’étonnement, capter l’intérêt :
« Compte tenu de ce que vous m’avez dit, de ce que je crois comprendre, aujourd’hui
j’ai pris le temps de réfléchir et de noter un petit texte que je vais vous lire. »
! !
! !
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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 113 — #129
! !
Niveau 2 113
Revenons aussi sur les compliments en cours de séance, et sur le sens élargi
avec lequel il faut les comprendre et les pratiquer. Toute marque d’intérêt de
la part du thérapeute est, nous le redisons, considérée comme un compliment.
Y compris le fait d’écrire, de prendre des notes. Dans ce sens large, il importe
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
« Waouh !! » ;
(Applaudissements) ;
(Le thérapeute peut se lever pour exulter).
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! !
Montrer ces signes peut être plus facile avec les patients que le thérapeute a
vus plusieurs fois, qu’il a connus en phase de dévalorisation, ayant exprimé le
sentiment d’être démunis et découragés.
Progressivement cependant, les thérapeutes qui pratiquent ces techniques le
font de plus en plus aisément et volontiers.
Comme nous l’avons dit, le compliment peut, s’il reste du temps, être un moment
très hypnotique où une induction peut être effectuée en quittant la forme de
base de terminaison de la séance. Cette induction peut être formelle ou conver-
sationnelle, et la séance va mettre en scénario les éléments identifiés avant
la pause.
Les formes en sont multiples :
! celle d’une anecdote :
« Ce que vous avez décrit avoir vécu la semaine dernière me rappelle un patient et qui
vivait un problème assez différent du vôtre, mais avec quelques points communs. »
« En vous écoutant, cela m’a fait penser à un film que j’ai vu hier soir avec ma femme
(donner le titre du film), je ne sais pas si vous l’avez vu... au milieu du film il y a une
scène assez particulière... le moment où le héros ... (dans le cas où le patient exprime
quelque chose à ce sujet) c’est cela ! Exactement ! »
! bien évidemment une transe formelle, surtout si le patient vient pour faire de
l’hypnose, une transe qui va utiliser ce que l’on sait du patient pour prendre
en charge ses besoins, tels que ceux-ci ont été identifiés par le thérapeute et
le patient préalablement.
Notons que lorsque l’hypnose est mise en œuvre à partir du compliment, il n’est
pas forcément utile de poser la question habituelle : « Quand est-ce que vous
pensez utile qu’on se revoie ? » Il y a lieu plutôt de tenir compte de ce qui vient
de se passer et de ce que le thérapeute ressent pour adopter l’attitude qui lui
paraît pertinente. Y compris, à moins qu’il y ait lieu de prévoir un rendez-vous
pour des questions techniques médicales ou paramédicales, d’interrompre la
! !
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Niveau 2 115
Fréquemment, les patients peinent à identifier les différences qui existent dans
leur vie. C’est souvent le cas chez les patients dépressifs, qui vivent des processus
de surgénéralisation leur faisant dire : « C’est tout le temps pareil, c’est comme
d’habitude, rien ne change. » De même, les patients douloureux chroniques
expriment souvent que « tout est gris » dans leur vie. Il va donc y avoir dans
ces cas besoin d’outils susceptibles de les aider à identifier des différences qui
pourront s’avérer des germes de solutions. Parmi ces outils, les questions à
échelle représentent une gamme importante d’outils très précieux.
confiance, etc.
Là encore il s’agit d’un travail précis, et il importe de bien définir les bornes de
ces échelles :
« Si 0 est le moment où vous avez appelé pour prendre rendez-vous, et 10 signifierait
que les choses vont correctement, à combien pensez-vous que les choses se situent
actuellement ? »
Un autre exemple :
« Si 0 signifie que rien ne va dans votre vie, et 10 que tout va bien, à combien sont les
choses actuellement ? »
! !
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Niveau 2 117
manière ? »
« À combien souhaiteriez-vous que les choses soient ? »
! !
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Niveau 2 119
Elles conviennent particulièrement aux patients ayant une appétence pour les
chiffres et les évaluations chiffrées. Faisant intervenir des mesures, elles revêtent
un caractère scientifique aux yeux de certaines personnes, que cela rassure.
Ces mesures peuvent même être exprimées sous forme de diagrammes et de
courbes, outils non seulement utiles pour le patient, mais qui peuvent aussi être
montrés à l’entourage, au médecin traitant, aux infirmières.
Ces courbes peuvent aussi être montrées aux financeurs de soins (assurances
complémentaires santé) si celles-ci se mettent à s’intéresser un jour à ces infor-
mations. Dans certains pays, c’est le cas, et ces documents peuvent justifier la
nécessité d’une prise en charge financière.
Des études menées par le BFTC ont montré que les chiffres supérieurs ou égaux à
7 étaient habituellement de bons chiffres, reflétant un résultat que les patients
jugent suffisant.
De même, une confiance à 70 % pour maintenir un objectif est à considérer
comme un chiffre suffisant pour envisager avec sérénité l’arrêt des séances. On
peut s’en assurer en posant deux types de questions :
« Que faudrait-il qu’il se passe pour que votre confiance augmente encore, par exemple
à près de 80% ?»
Et/ou :
Exemples de questions
Ainsi, à la question :
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! !
« Sur une échelle où 0 signifie que les choses sont comme lorsque vous avez télé-
phoné pour prendre rendez-vous, et 10 signifie que les choses iraient bien, à quel
chiffre situez-vous les choses actuellement ? »
« Qu’est-ce qui vous fait dire que les choses sont à 2 actuellement ? »
L’étude du BFTC
De Shazer et son équipe ont effectué une étude sur les changements préthéra-
peutiques en utilisant le questionnaire suivant :
Notre équipe est impliquée dans un projet de recherche et les chercheurs m’ont
demandé de vous poser quelques questions avant que nous commencions la thérapie.
1. « Il est souvent constaté, entre le moment de la prise de rendez-vous et la première
séance, que des choses semblent déjà différentes. Est-ce le cas pour vous et
qu’avez-vous remarqué à propos de votre situation ? »
2. (Si réponse positive à la question 1) : « est-ce que ces changements se rapportent
à la raison pour laquelle vous venez en thérapie ? »
3. (Si réponse positive à la question 1) : « aimeriez-vous que ces changements conti-
nuent à arriver ? »
Ces questions ont été soigneusement étudiées pour renforcer la tendance des
patients à rapporter des changements. Comme de nombreux patients s’attendent
à commencer le traitement en discutant de manière très détaillée du problème,
les auteurs ont intentionnellement distingué une phase de « recherche » et une
phase de « traitement » dans leur travail.
Ils ont considéré que cela pourrait augmenter la volonté des patients d’aborder
les changements positifs s’ils savaient qu’ils ne court-circuiteraient pas l’enquête
sur leurs plaintes. Par ailleurs l’existence de suggestions dans la question 1
complète utilement cet effet.
Cette étude a été effectuée auprès de 30 familles avec, pendant la séance, un
adolescent et au moins un des parents. Dans ce cas, 20% des parents ont rapporté
un changement positif avant le premier rendez-vous (soit deux cas sur trois)
(Weiner Davis et al., 1987).
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Niveau 2 121
« Je sais que c’est difficile pour vous et que vous êtes fatigué, aussi je n’abuserai pas
de votre temps. J’ai juste besoin, si vous en êtes d’accord, que vous me disiez, sans
trop y réfléchir, le chiffre qui vous viendrait pour caractériser votre moral aujourd’hui.
Cela peut vous paraître artificiel, mais pour mon évaluation, c’est très important. »
La mise en avant des besoins du thérapeute peut être un bon moyen pour
obtenir des patients un tel effort, en tout cas chez les patients qui sont dans une
relation de demandeur et qui ont ainsi une motivation pour aider le thérapeute
à les aider.
Dans d’autres cas, les patients peuvent avoir une facilité à utiliser des échelles,
et s’avérer capables d’en utiliser plusieurs, correspondant à plusieurs dimensions
de leur problématique.
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« Pensez-vous que quand votre humeur est au-dessus de 5, cela facilite l’augmenta-
tion du chiffre de confort pour vous ? »
Exercice
Imaginez un patient dont vous êtes actuellement en train de vous occuper. Quel(s)
type(s) d’échelle vous paraîtrait-il utile de mettre en œuvre ?
« Tout ce que vous faites là en ce moment me fait penser à..., m’ évoque..., me rap-
pelle..., me fait ressentir... »
! !
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Niveau 2 123
Qu’ils soient présents ou absents, il est souvent utile de faire intervenir des
tiers pour les questions à échelle. C’est bien sûr aussi le cas pour les thérapies
de couple.
D’une manière générale, il est utile de considérer le patient dans son environne-
ment, ce dernier étant vu essentiellement comme une ressource.
Comme il a été dit, c’est notre entourage qui voit plus volontiers que nous-
mêmes certaines choses utiles, certains changements, certaines améliorations.
C’est aussi notre entourage qui est là pour nous apporter de l’aide d’une manière
souvent spontanée.
Pour cela, non seulement il semble utile d’informer le patient qu’il peut venir
avec qui il veut aux consultations, mais aussi de l’encourager à inviter des
personnes de son entourage à assister aux séances, notamment quand le travail
thérapeutique s’avère difficile et laborieux.
Pour autant, il n’est pas forcément nécessaire de faire venir l’entourage physi-
quement aux séances. On peut le faire aussi hypnotiquement :
« Supposez que votre épouse soit là et que je lui demande, sur une échelle de 0 à 10,
comment elle trouve votre moral en ce moment, quel chiffre me donnerait-elle ? »
Et, selon que c’est le patient ou le membre de l’entourage qui met ou mettrait le
chiffre le plus élevé :
« Que voyez-vous de différent d’elle (qu’est-ce qu’elle voit de différent de vous ?) »
« Qu’est-ce que cela vous fait ressentir de constater cela ? »
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Après avoir vu la tâche de fin de première séance, on peut convenir que les
tâches possibles en orientation solutions sont innombrables.
Déjà, lorsqu’il a été mis en évidence une amélioration de la situation du patient,
en vertu de la première règle, il faut « continuer ce qui marche », surtout quand
c’est le patient qui en a l’idée.
Lorsque le patient échoue dans ses tentatives de solution, en vertu de la
deuxième règle, il est important qu’il arrête ce qu’il fait d’inefficace. Et il semble
très difficile d’arrêter de faire quelque chose sans le remplacer par une autre
tentative de résolution. Dans ce cas, n’importe quelle tentative de résolution
! !
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Le « comme si » est déjà un classique. C’est une tâche qui peut être tout à fait utile :
« Je vous propose que d’ici notre prochaine rencontre, à une date et à une heure que
vous aurez fixée, et sans le dire à personne, vous fassiez pendant 10 minutes comme
si (votre problème était résolu, les choses s’étaient améliorées d’un point, etc.). Et
que pendant ces 10 minutes vous observiez, comme un scientifique, tout ce que vous
trouverez de différent, dans quelque domaine que ce soit. Et si vous avez trouvé cette
tâche utile, je vous encourage à la refaire une autre fois. »
Beaucoup a été dit sur cette tâche. Nous pouvons ajouter différents éléments.
! C’est une tâche protégée : il ne s’agit pas d’aller mieux, donc pas de vraiment
changer ; d’autant plus que cette tâche est effectuée en secret et n’engage
en rien le patient, ne diminue en rien sa liberté de choix ultérieure.
! Nous savons pourtant que « faire comme si », c’est quand même faire. La
distinction est subtile. C’est donc ici une suggestion de changement qui ne dit
pas son nom, une suggestion hypnotique dans le sens où elle comporte une
dimension de jeu qui n’est pas explicitée. « Faire comme si », cela ressemble
à un jeu d’enfant, un jeu où on imite, on joue un rôle : « On aurait dit que
j’étais un espion, un aventurier, un magicien... » Les positions simultanées
d’observateur et d’acteur créent une dissociation qui permet le lâcher-prise et
la créativité. En toute sécurité.
! Nous pouvons même dire que c’est une tâche protectrice : dans de nombreuses
situations familiales ou conjugales (ou d’autres types de situations de groupe),
le patient est réticent à changer, car il craint de perdre la face (notamment
quand il existe une dimension conflictuelle). La tâche de « faire comme si »
ou de « prétendre à » permet parfaitement à ces patients de pouvoir changer
sans perdre la face, et même en la sauvant.
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Niveau 2 125
Nota
➙ Il est prudent d’anticiper que, au cas où chacun des patients est décidé à faire la
tâche le même jour, ce n’est pas du tout un problème !
➙ Il est habituellement amusant, après avoir débriefé avec chacun, que chaque prota-
goniste révèle la date et/ou l’heure des moments qu’il a choisis pour les tâches. C’est
un moment généralement ludique, vécu comme une sorte de récompense un peu
enfantine et agréable.
Tâche de prédiction
comparer ce qui s’était produit le lendemain soir à ce qu’il avait prédit la veille.
Ce patient avait effectivement tendance à considérer que les exceptions étaient
non significatives, fortuites (de Shazer, 1991). Il revint la séance suivante en
disant qu’il s’était trompé dans ses prédictions, mais qu’il avait quand même
surmonté davantage d’envies irrésistibles qu’il ne l’avait fait lors des semaines
précédentes. « Il avait appris que les jours où il était suffisamment occupé, il
avait trouvé le moyen de surmonter ses impulsions. Lorsqu’il n’était pas suffi-
samment occupé, il surmontait moins fréquemment ses impulsions. » Agissant
ainsi, le thérapeute lui fit expérimenter que les exceptions étaient prévisibles
(de Shazer, 1991).
Ces tâches peuvent être prescrites dans les addictions, comme celle de demander
à un patient de :
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Une autre tâche assez originale est de demander au patient de tirer aux dés un
choix qu’il va faire. Là encore, cette situation ludique dédramatise le choix, ou
en tout cas le décale, le tirage de dés pouvant s’avérer aussi être un symbole de
l’importance d’un choix.
Ainsi, le mari d’une patiente ayant des troubles du sommeil devait, après le
repas du soir, tirer à pile ou face son comportement de la nuit à venir, au cas où
elle ne dormirait pas une heure après s’être couchée ;
➙ solution A : elle devait alors faire les corvées ménagères les plus ingrates
comme nettoyer le four, etc. ;
➙ solution B : elle devait rester allongée, les yeux grands ouverts, et se concen-
trer pour empêcher sa langue de toucher son palais (de Shazer, 1991).
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Niveau 2 127
« Je vous propose que ce soir, en vous couchant, vous preniez votre dé et le jetiez.
De 1 à 3 : vous programmez votre réveil pour qu’il sonne à sept heures, et ainsi vous
aurez largement le temps de vous préparer pour partir à votre travail à neuf heures.
De 4 à 6 : programmez votre réveil pour qu’il sonne à huit heures et vous aurez donc
une expérience permettant de tester si, en vous organisant bien, une heure de prépa-
ratifs peut vous suffire. »
Les tâches de tirage au sort sont également des outils pour les situations où le
patient demande au thérapeute son avis sur un comportement à adopter. Ainsi,
à un homme qui demande au thérapeute s’il doit quitter sa femme ou rester avec
elle, de Shazer propose de chaque soir tirer à pile ou face :
« La première et la troisième fois que ça tombe sur face, nous vous demandons, pen-
dant toute la journée suivante, de prétendre qu’un miracle s’est produit, que toute
cette histoire est terminée et que vous avez pris la décision de rester. La seconde et
la quatrième fois que ça tombe sur face, nous vous demandons de prétendre le jour
suivant que tout est terminé et que vous avez pris la décision de ne pas rester. Quand
ça tombe sur pile, vous n’avez pas à prétendre quoi que ce soit. Observez ce que
vous ressentez, ce que vous faites, ce que votre femme remarque. Elle ne doit rien
savoir de ce jeu : voyez comment elle réagit, etc. » (de Shazer, 1991).
Autres tâches
peut être utile, quand le patient est susceptible d’avoir des idées.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Cette dernière question permet, après toute question semblant mettre le patient
en difficulté, de lui redonner la liberté de choisir.
Dans certains cas, où il faut vraiment faciliter l’action chez un patient, surtout
quand celui-ci a insisté sur le fait qu’il était nécessaire pour lui de faire quelque
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Ce qui va davantage assister le patient dans les choix qu’il a besoin de faire.
Autant le dire tout de suite, la question miracle, conçue par Steve de Shazer, est,
encore plus que d’autres outils qu’il a pu concevoir, une induction hypnotique.
Adaptée de la technique des boules de cristal d’Erickson (Rossi, 1980), elle est
une induction complexe et riche, qui comporte plusieurs parties (même s’il n’est
jamais obligatoire de la poser dans son intégralité).
Le but de la question miracle est, comme celui de toutes les questions utilisées
dans l’approche orientée solutions, de trouver des exceptions.
Ces exceptions peuvent être trouvées par plusieurs moyens que nous allons
préciser. Et elles doivent finalement faire l’objet d’un compliment.
Partie 4 Évaluation des exceptions Construction d’une échelle basée sur le miracle.
avec des échelles. Détails sur les exceptions identifiées.
Première partie
! Description
Commençons par décrire la première partie de la question miracle :
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Niveau 2 129
« Supposez que... après notre rencontre... vous allez faire ce que vous avez prévu de
faire... peut-être quelques courses... puis rentrer chez vous et dîner... et peut-être faire
un peu d’ordinateur et vous préparer ensuite à dormir... et vous allez vous coucher...
et au bout d’un certain temps vous allez vous endormir... et, au milieu de la nuit, alors
que tout est calme chez vous... un miracle se produit (claquement de doigts du théra-
peute)... et le miracle c’est que les difficultés (ou le problème : reprendre les mêmes
mots que ceux du patient) qui vous amènent sont tout d’un coup résolues... mais
comme vous dormez, vous ne pouvez pas vous en rendre compte immédiatement...
ma question est donc... à quoi vous pourrez savoir le lendemain en vous réveillant, ou
peut-être plus tard, que les difficultés (le problème) ont été résolues ? Quoi d’autre ?
Quoi d’autre ? (etc.) »
! Analyse
La question miracle est une question à supposition (cf. chap. 2 p. 54). Supposer,
c’est imaginer une hypothèse, et imaginer, c’est partir en transe hypnotique.
Plus ou moins loin, plus ou moins fortement. Dans la question miracle, on crée
une attente en énonçant des truismes (des évidences), des événements prévi-
sibles (manger, aller se coucher). Ce sont les outils habituels d’une anticipation
hypnotique (encore appelée parfois « futurisation » en sophrologie).
Lors de cette anticipation survient un événement surnaturel. Le thérapeute
suscite la surprise en claquant des doigts d’une part, et d’autre part en par-
lant de miracle, notion assez peu usuelle à notre époque et qui fait intervenir
un registre magique ou spirituel, selon la position philosophique du patient.
L’évocation d’un miracle peut aussi susciter de la résistance, et c’est pour cela
qu’il est préconisé que le thérapeute concrétise ce miracle par un signal sonore
provoqué par un claquement de doigts ; un claquement de doigts qui reprend
une manœuvre habituelle de l’hypnose de spectacle, et qui évoque aussi le rituel
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Tant que le patient donne du matériel, comme dans l’ensemble des questions
orientées solution, le thérapeute exploite le filon, tel un mineur, en amenant
par ces questions :
« Quoi d’autre ? »
Deuxième partie
! Description
« À part vous, et si vous ne dites rien à personne, qui, dans votre entourage, verra
qu’un miracle s’est produit ?
Et à quoi le verra-t-il ? Et qu’est-ce que cela générera chez lui (elle) ? À quoi le verrez-
vous ? Qu’est-ce que cela générera en vous de voir cela ? Qui d’autre dans votre
entourage le verra (etc.) ? »
! Analyse
Cette deuxième partie propose d’imaginer, dans une optique systémique où les
conséquences peuvent générer des causes (vision interactionnelle circulaire), des
réactions de l’environnement aux changements dus au miracle.
Le but de cette question est de générer des émotions positives (agréables) qui
vont elles-mêmes faciliter la construction et l’imagination des conséquences
positives du miracle. Le but est clairement, là encore, de miner la vision problé-
matique du patient par une vision solutionnée de la situation, et aussi que les
émotions viennent renforcer la motivation au changement (Greenberg, 2020).
L’émotion recherchée, la joie :
➙ active le sentiment d’être capable et est en même temps suscitée par lui,
➙ stimule et suscite la créativité du patient pour créer du détail,
➙ suscite un sentiment de fierté qui va également en retour activer la joie.
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Niveau 2 131
Pour reprendre l’exemple de de Shazer sur le fauteuil : « Cette réponse est plus
difficile que de simplement imaginer que vous avez remplacé votre fauteuil [...]
c’est un peu comme si on vous demandait d’imaginer quelqu’un d’autre imaginant
quelle sorte de fauteuil vous aviez bien pu acheter. »
Là encore, il importe d’exploiter le filon des solutions jusqu’à ce qu’il soit épuisé.
Nota
Parfois, le miracle peut impliquer que certaines personnes de l’entourage puissent avoir
dans un premier temps des réactions négatives (désapprobation, tendance au rejet ou
à l’éloignement, etc.). Il est alors préconisé de poser la question : « Combien de temps
mettra-t-il(elle) à s’habituer ? »
Troisième partie
! Description
« Selon vous, quand est-ce que s’est produit pour la dernière fois un morceau de
miracle ?
Et même un tout petit morceau ? »
! Analyse
Après avoir travaillé sur le futur et l’anticipation, la troisième partie de la
question miracle fait un retour sur le passé, dans un mouvement inverse, afin
d’identifier des exceptions ayant déjà eu lieu. Il s’agit d’une régression en âge
à partir d’un moment du futur. C’est une adaptation d’une manière de faire
qu’Erickson utilisait dans son travail avec le temps d’une manière vraiment
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
centrale.
À partir de la description de l’anticipation d’un futur où le problème est résolu
est utilisé un fractionnement du travail de recherche d’exceptions. Ce travail va
utilement compléter le travail de recherche d’exceptions effectué précédemment.
Sur le plan méthodologique, on pose le même type de questions que lors de la
recherche des exceptions après description du problème :
« C’était quand ?
Où ?
Vous étiez avec qui ?
Qu’est-ce qui était différent ?
Quoi d’autre ? »
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Si le patient décrit un dernier morceau de miracle qui semble quand même assez
lointain dans le passé, il est utile de tenter la question suivante :
« Auriez-vous vécu plus récemment une situation qui serait un petit morceau, même
un tout petit morceau (ralentir le rythme de la voix) de miracle ? »
Remarque
Exemples
Exemple A
Un patient venant pour des problèmes de colère répondait, lors de la recherche d’ex-
ceptions suivant la description de ses difficultés, qu’il y avait des moments où il se
sentait calme, lorsqu’il allait jardiner, ou même se reposer au soleil dans son jardin.
Mais, après la question miracle, il lui est apparu d’autres exceptions avec des moments
où il avait davantage de confiance en lui et où il s’affirmait plus dans son travail.
Exemple B
Chez un patient venant pour une altération du moral, la question miracle a pu générer
la description d’un lendemain du miracle où se produisait un changement profes-
sionnel, alors que le patient pensait que c’est son couple qui générait pour lui de
la souffrance.
Dans de tels cas, il est important de redonner au patient le rôle d’expert. C’est
vraiment lui qui est à même de redéfinir ou non son objectif. Il est important
qu’il se sente libre de le faire s’il le souhaite vraiment.
Avec Robiou du Pont (2021), nous pensons que les patients sont les mieux placés
pour :
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Niveau 2 133
➙ non seulement savoir ce qu’ils désirent (nous nous situons ici, toujours, dans
une éthique du libre choix (Cabié et Isebaert, 1997) et non dans une pers-
pective psychanalytique susceptible de construire une genèse inconsciente
du désir ;
➙ mais aussi savoir, ressentir jusqu’où ils peuvent aller dans la mise en œuvre de
ce désir. Une autre raison pour considérer, ainsi que le faisaient de Shazer et
Kim Berg, que le rôle du thérapeute n’est pas de pousser le patient à désirer.
C’est un point important, que Malarewicz abordait en disant au patient :
« Méfiez-vous de moi, j’ai une pathologie : l’optimisme. »
Quatrième partie
! Description
La quatrième partie de la question miracle revient aux échelles et à leur
utilisation :
« Si 0 est le moment où vous avez téléphoné pour prendre rendez-vous avec moi, et si
10 représente le lendemain du miracle, à combien étaient les choses sur cette échelle
lors de ce dernier morceau de miracle ? »
« Et sur la même échelle, à combien les choses sont-elles maintenant ? »
! Analyse
Reposer des questions à échelle suite à la description
➙ du lendemain du miracle,
➙ des exceptions que la question miracle a permis d’identifier
peut très souvent s’avérer pertinent ; et ressembler à une inlassable enquête à
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Aspects techniques
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Niveau 2 135
« Avant que nous commencions la séance, j’aimerais vous poser une question... »
Cette manière décalée était celle de Milton Erickson lorsqu’il proposait à certains
patients de les voir plusieurs fois (en général une dizaine) pour leur apprendre
l’hypnose avant de commencer vraiment le travail sur les difficultés qui les
amenaient. Erickson précisait que bien souvent, les difficultés étaient résolues
avant même que le travail officiel sur celles-ci ne commence !
On peut penser que cette présentation de la question miracle posée d’emblée
pouvait correspondre aux situations où de Shazer percevait qu’il n’avait pas avec
le patient une relation d’implication suffisante (relation de type passant), et qu’il
valait mieux la présenter comme séparée du travail thérapeutique à proprement
parler.
Quand le patient se sent plausible
Dans ce même ordre d’idées, de Shazer nous avait répondu, lorsque nous lui
avions demandé à quel moment il était bon de poser la question miracle : « Quand
le patient se sent plausible. » Même si nous ne pouvons écarter l’hypothèse qu’il
ait répondu « quand cela est possible », nous ne pensons pas nous être trompé
sur cette réponse, qui n’a jamais par ailleurs été publiée à notre connaissance.
À un certain moment de l’entretien orienté solutions, il semble que le patient
soit prêt à ce que son problème soit dissous dans les solutions, au moins vir-
tuellement. Rappelons que « virtuel » ne s’oppose pas à « réel », comme on le
pense trop souvent. C’est plutôt à « actuel » qu’il faut l’opposer. Virtuel signifie
« potentiel ». Et un potentiel nécessite d’être actualisé.
Ainsi, un patient décrivant de nombreuses exceptions à son problème, ou une
exception très significative (cf. « Significativité des exceptions », chap. 2 p. 66)
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Dans d’autres cas, ce type de question n’est pas pertinent, car pouvant susciter
de la douleur et freiner la construction des solutions.
C’est là encore le thérapeute qui peut se sentir à l’aise, car confiant dans les
capacités du patient pour prendre un tel risque et l’assumer.
Nous reviendrons sur ce genre de sujet lorsque nous aborderons les questions
relatives à la dépression et au deuil.
Pour autant, il paraît possible d’opter pour un autre choix. Le thérapeute peut
avoir envie d’être affirmatif, et même joueur, en adoptant une posture et une
tonalité très affirmatives, et même, dans certains cas, proches de l’hypnose de
spectacle s’il sent que cela peut convenir à son patient :
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Niveau 2 137
Ou même :
« Vous vous réveillez et ouvrez les yeux, et que voyez-vous de différent ? Qu’est-ce
qui a changé ? »
Il en est en fait de même pour toutes les questions faisant partie de la question
miracle, y compris les questions orientées passé pour la recherche d’exceptions
à partir du lendemain du miracle :
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Les situations chroniques se caractérisent par des états d’équilibre durant les-
quels le problème persiste, mais à un niveau acceptable pour le patient et son
entourage.
Dans ces situations, vont survenir des difficultés supplémentaires si l’objectif
est excessif.
La question miracle, tout particulièrement, peut donner lieu à des descriptions
pénibles et il importe d’être très prudent dans le fait de la poser.
Dans bon nombre de cas, ce n’est pas le patient qui va souffrir d’une amélioration,
mais l’entourage :
! très souvent le conjoint, qui s’est habitué tant bien que mal aux difficultés et
qui peut être déstabilisé. Pour cette raison, si cela arrive, il peut être utile de
poser la question :
« Combien de temps sera-t-il nécessaire à votre femme pour qu’elle s’habitue au miracle ? »
! dans certaines familles, ce seront les parents qui pourront être déstabilisés
par des questions qui anticipent une amélioration. C’est l’intérêt de faire
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Niveau 2 139
Nous voyons donc que, concernant les tâches, l’importance de celles-ci est
moindre que dans d’autres approches thérapeutiques, comme les thérapies
cognitivo-comportementales. Nous savons que les réticences aux tâches en
limitent l’efficacité. Pour le dire autrement, les tâches peuvent facilement
susciter de la résistance chez le patient et un des buts de l’orientation solutions
est de diminuer, voire de faire disparaître la résistance. Nous reviendrons
d’ailleurs sur cet aspect, qui peut être complexe et subtil.
Dans l’orientation solutions, on pourrait dire que les tâches sont souvent rem-
placées par les compliments faits par le thérapeute. Mais ne soyons pas naïfs.
! Recevoir un compliment et déterminer si on va l’accepter ou non est une
tâche assez intense. Accepter un compliment est, chacun le sait, accepter
un certain niveau de relation et d’influence de la part de la personne qui
nous fait le compliment. Cela amène à évaluer particulièrement la sincérité
de celle-ci, son honnêteté. Accepter un compliment est un travail intense
de positionnement. Nous restons marqué par le cas d’une jeune fille venue
nous voir après un de nos premiers séminaires de formation sur l’orientation
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
solutions, et qui nous avait dit d’emblée, dès le début de la première séance :
« Je vous préviens, je n’accepte aucun compliment. » Fort de l’enseignement
que nous venions de recevoir, et qui n’était pas encore complété par les sémi-
naires d’approfondissement que nous avons suivi depuis, nous n’avons pu nous
empêcher de faire un compliment pour finir la séance et nous n’avons jamais
revu la jeune fille, dont nous pouvons penser qu’elle avait été raisonnable de
ne pas vouloir revoir quelqu’un d’aussi irrespectueux !
! Par ailleurs, un compliment doit être fait à un patient qui a fait des efforts
pour participer activement au travail pendant la séance, notamment celui de
s’efforcer à répondre à des questions assez difficiles somme toute, particuliè-
rement les recherches d’exception, la description des différences caractérisant
ces moments, etc.
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Enfin, il existe des situations où le patient n’a pas fait les tâches. Dans l’orien-
tation solutions, ces situations ne sont pas vues comme des résistances. Le
thérapeute est intéressé d’écouter les raisons que le patient donne, notamment
ce que le patient a fait et les résultats que cela a donnés. Si ces derniers ont été
très bons, il peut même aller jusqu’à complimenter le patient de ne pas avoir fait
la tâche. Pour cela, devant un patient qui, exprimant une certaine culpabilité,
dit au thérapeute qu’il n’a pas fait la tâche, il est bon de poser la question :
« Qu’avez-vous fait à la place ? » Il doit toujours avoir la même posture que celle
qu’avait Erickson quand il disait que tout ce que les patients faisaient était bien.
« [...] dans tous les cas, ce que le client a vraiment fait pour rendre les choses
meilleures est plus important que la réalisation de la tâche » (de Shazer, 1991).
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Chapitre 4
Niveau 3
Approfondissement
Encore l’hypnose
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Alors que le travail corporel du thérapeute n’est pas l’objet, dans les écrits solu-
tionnistes, d’une préoccupation particulière, Steve de Shazer et Insoo Kim Berg
étaient manifestement très attentifs à leur langage paraverbal et non verbal.
De Shazer pouvait être très élégant, et il adoptait manifestement avec son
habillement, lui qui travaillait beaucoup avec des personnes défavorisées, voire
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sans domicile fixe, une attitude débonnaire et relax, un peu à la Philippe Noiret
dans Alexandre le bienheureux, ou Nick Nolte dans Le Clochard de Beverly Hills.
On sait que le travail corporel du thérapeute est souvent considéré comme le
premier outil hypnotique. Un travail relatif à la posture, aux mimiques, aux
intonations, aux silences, etc.
De Shazer était assis de manière presque avachie, montrant ainsi une position
basse, de non-savoir et de proximité fraternelle.
Insoo Kim Berg était dans une posture beaucoup plus tonique, beaucoup plus
émotionnelle également, avec une empathie prononcée. Elle utilisait énormé-
ment son sourire et sa voix aiguë et musicale. Son regard était vif et invitait à
la vie.
Chacun d’eux, à sa manière, se mettait à mon avis en autohypnose sur le patient,
et cela favorisait l’entrée en transe de celui-ci (Havens, 1988).
Bien s’installer
Un autre outil peut être de proposer au patient d’être attentif à son installation,
et de vérifier qu’il est suffisamment confortablement installé, qu’il peut aussi
être attentif à des sensations simples, comme le sol sous ses pieds, le dossier
du fauteuil derrière son dos, peut-être aussi les sensations liées à sa respiration,
la différence entre la chaleur de l’air qui sort de ses narines et la fraîcheur de
l’air qui y rentre, etc.
Il n’est pas forcément utile de parler d’hypnose. Il n’est pas forcément néces-
saire d’en parler pour utiliser l’hypnose. Il s’agit d’une question habituelle des
praticiens qui débutent leur formation hypnotique, et nous avons l’habitude de
répondre que, l’hypnose étant un phénomène naturel (dans la vision érickso-
nienne naturaliste de l’hypnose), il n’y a pas d’autorisation à demander au patient
pour utiliser avec lui des outils hypnotiques. Le respect du patient consiste
plus à attentivement l’observer pour vérifier qu’il est d’accord pour effectuer ce
travail, et tenir compte des éventuels signes de désaccord pour ne pas aller plus
loin dans ce sens.
Une autre façon d’utiliser l’hypnose est de le faire dans le cadre de la première
règle (« continuer ce qui marche »), lorsque le patient évoque qu’il utilise déjà
un fonctionnement hypnotique dans les solutions qu’il met en œuvre.
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Par exemple, un patient qui décide de vivre un bon souvenir par régression
en âge, pour se sécuriser lors de pauses pendant un examen, sera encouragé
à effectuer d’autres régressions pour trouver des ressources qui l’aideront dans
d’autres situations. Un autre patient, anxieux, qui utilise l’anticipation pour se
motiver à vivre des situations qu’il redoute sera incité à faire de même pour
travailler à fortifier sa confiance en lui et améliorer son image de soi.
Il est généralement utile, ainsi que l’ont montré certaines recherches (Gandhi
et Oakley, 2005), de dire au patient que ce qu’il fait est de l’hypnose, au
besoin en le félicitant d’avoir inventé lui-même une technique d’autohypnose
qui lui convient.
Une autre façon encore est, lorsque le thérapeute constate qu’il vit avec le
patient une situation analogue à celles pour lesquelles il utilise l’hypnose avec
succès (gestion de douleurs chroniques par exemple), de proposer au patient
l’hypnose ; le thérapeute la nommera comme telle s’il pense qu’il n’y a pas d’a
priori contraire la concernant, ou ne la nommera pas s’il pense que le patient peut
avoir une crainte concernant cette approche. Il peut alors être bon, pour laisser
au maximum le patient en position d’expert, de compléter cette proposition de
la manière suivante :
« Je peux vous proposer de l’hypnose... à moins que vous ayez de votre côté une
autre idée que vous trouveriez intéressant d’explorer ? »
Comme nous l’avons dit au début de cet ouvrage, toute la posture du thérapeute,
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
ainsi que la très grande majorité de ses interventions visent à ce que le patient
devienne lui-même l’expert, dans une relation de type « acheteur ». D’une cer-
taine manière, et à la différence des postures de nombreux hypnothérapeutes,
y compris, parfois, de celle de Milton Erickson, les postures des thérapeutes
orientés solutions témoignent d’une grande austérité dans leur travail, d’une
austérité que l’on peut parfois qualifier de monacale.
Il y a tellement de patients qui ne se donnent pas (encore) les moyens pour
obtenir ce qu’ils souhaitent qu’il est très tentant de consentir à une sorte de faci-
lité. Une facilité qui sera finalement frustrante et décevante, ce qui explique que
nombre de thérapies se finissent dans des climats assez médiocres. L’orientation
solutions, encore plus qu’Erickson (qui pourtant se montrait très sévère lors de
la première rencontre pour évaluer s’il prenait ou non en thérapie les patients)
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est, comme nous l’avons montré avec les critères d’un objectif travaillable, très
préoccupée par cet examen rigoureux de la faisabilité des objectifs.
Rassurons-nous, le plaisir viendra, plus tard, généralement joint à l’étonnement
de voir les progrès réalisés par les patients, et bien sûr le retour de l’espoir et
de la joie, la joie de se sentir capable. La célébration des progrès pourra même
se faire de manière ostensible et extériorisée, en suivant le bon exemple de nos
amis américains dans ce type de situation.
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« Faire autre chose » est bien sûr extrêmement large et notre ouvrage ne suffira
certainement pas à être exhaustif concernant toutes les possibilités. On peut
mettre l’accent sur l’intérêt d’utiliser un état de conscience différent (transe).
On peut juste parler de faire quelque chose de différent.
Un certain nombre de techniques de créativité peuvent être utilisées. Nous
les évoquerons dans le chapitre 4, à propos des émotions (cf. « Rôle des émo-
tions... » p. 146).
La troisième règle est plus une règle de vérification : que l’on ne s’évertue pas
à réparer ce qui n’est pas cassé. Aussi, à tout moment où se met en place un
travail de recherche de solutions, il importe de vérifier qu’il existe vraiment
un problème ou une difficulté dans ce domaine. Si ce n’est pas le cas, il est
nécessaire de montrer au patient, sous forme de compliments, qu’il met en œuvre
des solutions satisfaisantes.
Volontairement, nous prendrons un exemple qui peut sembler un peu farfelu.
Celui d’un homme qui mettait des lunettes de soleil dans l’espoir que ça favorise
le retour du beau temps :
« Bien sûr cela n’a pas fonctionné, je suis d’accord avec vous. Mais sachez que cela
aurait vraiment pu. C’est ce que les scientifiques appellent la synchronicité, et ce que
désigne aussi très bien le proverbe : « L’espoir fait vivre. » Cela n’a pas fonctionné
évidemment, mais il faudrait plutôt dire cela n’a PAS ENCORE fonctionné. Et si vous
continuez à le faire, cela fonctionnera. C’est juste que, comme nous tous dans notre
société, vous êtes pressé. Vous vivez le temps comme étant de l’argent et vous voulez
économiser le temps. C’est une curiosité, mais nous sommes, que voulez-vous, tous
concernés par cette mentalité. Au point que bon nombre de gens, même en vacances,
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Avec un patient qui dit avoir des difficultés à prendre des décisions dans sa vie
professionnelle :
« Vous avez su montrer, lorsque vous receviez des amis et que votre épouse s’in-
quiétait que le repas soit apprécié, en disant avec beaucoup d’humour que le dîner
était délicieux, que vous saviez prendre des décisions pragmatiques et efficaces, en
comprenant que ces nouveaux amis étaient un peu timides et n’osaient pas clairement
complimenter votre conjointe. Cela me fait penser à un stratagème chinois. Vous vous
êtes vraiment comporté comme un général d’armée, très habile stratégiquement. »
De cette manière aussi, les ressources du patient sont amplifiées, afin de lui
faire éprouver qu’il possède les solutions.
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Une autre piste pour pratiquer l’hypnose est encore de proposer en séance des
tâches corporelles. Nous insisterons particulièrement sur l’apport de François
Roustang dans ce domaine, avec le travail avec le geste (Roustang, 2004) : il
suffit de proposer au patient de se mettre en contact avec le problème ou la
difficulté qui le fait souffrir, et de laisser son corps faire un geste de solution. Une
série d’exercices peuvent être déclinés, en proposant au patient des variations
de ce geste : faire le même geste, mais avec le bras gauche au lieu du bras droit,
faire le geste plus rapidement, faire le geste plus lentement, etc. (cf. tableau
4.3 p. 154).
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Cet enseignement peut utilement être agrémenté par des exercices de mise en
pratique avec des jeux de rôle, de simulation, de tels jeux induisant eux-mêmes
fréquemment des modifications d’état de conscience.
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Émotion Fonction
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Outils pratiques
L’aide au patient pour lui apprendre à utiliser ses émotions peut passer par de
multiples supports, selon l’âge du patient, son contexte culturel, ses centres
d’intérêt.
Des cartes sur les émotions peuvent être utilisées, des histoires, des dessins, des
extraits de films, des expériences hypnotiques, etc.
Le but est d’aider le patient à se mettre en contact avec son intelligence corpo-
relle émotionnelle, grâce à ces multiples contextes, de le guider et de le valider
dans la mise en œuvre d’émotions qui soient adaptées à ceux-ci.
La créativité du thérapeute et celle du patient sont convoquées afin de rendre
le travail vivant, ludique et agréable.
" avec des parents ou des substituts ayant des réactions problématiques, l’enfant
peut apprendre aussi, afin de s’adapter, à inhiber sa colère et à la transfor-
mer en tristesse, par exemple. En l’absence de comportement protecteur des
parents, il peut aussi développer une anxiété ou un sentiment de solitude,
générant une peur ou une honte, voire une rage pathologique. Il s’ensuit
le développement d’un sentiment de soi vide, avec une impuissance et un
désespoir secondaires ;
" dans certaines familles l’impossibilité d’exprimer sa colère peut amener le
développement de sentiment d’impuissance. L’humiliation en réponse à des
larmes ou à une demande d’affection peut faire naître une honte inadaptée
avec repli sur soi et isolement.
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Les émotions primaires mal adaptées Aider le patient à trouver l’émotion adaptée.
Apport de la phénoménologie
Notre corps
Sous l’influence de François Roustang en France, un regain d’intérêt pour la
phénoménologie est en train de s’opérer actuellement, particulièrement avec les
travaux du phénoménologue Michel Henry.
Cette approche peut être résumée de la manière suivante : dans la continuité
de Descartes, nous ne pouvons être sûrs que d’une seule chose, de notre propre
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existence. Chacun de nous peut ressentir (ce qu’à l’époque Descartes appelait
« penser ») qu’il existe. C’est donc une vérité subjective qui s’avère être le fonde-
ment d’une véritable science s’occupant de la vérité. Nous ne pouvons donc pas
être sûrs que ce que nous voyons est vrai (nous pouvons être victimes d’illusions
d’optique notamment). Mais nous pouvons être sûr que nous voyons.
De manière comparable, nous pouvons être sûrs aussi de ce que nous ressentons,
en étant attentifs à rester dans la sphère corporelle et en nous gardant donc de
toute activité interprétative susceptible de générer de l’erreur.
Michel Henry a été plus loin, en déduisant de ce qui précède que nous sommes
notre corps (Henry, 2011b). Le corps présente d’importantes dimensions, biolo-
gique bien sûr, mais aussi relationnelles, spirituelles (en étant attentif à ne pas
attribuer à ce mot une signification forcément religieuse), etc.
De nombreux patients s’avèrent dissociés de leur corps, et cela est particulière-
ment visible en clinique, particulièrement chez les patients étant, généralement
douloureusement, dans le mental, dans les idées, c’est-à-dire ce que l’on peut
qualifier d’abstractions irréelles.
Là aussi, un travail d’éducation, si le patient est preneur, et en le laissant
toujours avoir le premier rôle dans son propre processus de découverte, peut-être
proposé pour qu’il puisse se réintéresser à son corps (c’est-à-dire à lui-même),
se remettre en contact avec la vie qui est en lui, avec sa subjectivité, seule
source de savoir fiable et utile.
Comme nous l’avons déjà dit, cette démarche contraste avec la précédente
période qu’ont connue les sciences humaines, particulièrement dans les pays
anglo-saxons, où la vérité était une notion relative et dévalorisée, ouvrant la
porte aux dérives qui ont été constatées dans les domaines des psychothérapies
et de l’hypnose thérapeutique.
Les questions centrales sont alors :
« Qu’éprouvez-vous ? »
« Que ressentez-vous ? »
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L’ HYPNOSE
Redevenir un animal. Redevenez un animal, là, maintenant. L’être humain est un animal, mais qui est
souvent coupé de cette animalité, de son
corps, de la vie. Il importe de s’y reconnecter.
Caresser son problème. Caressez votre problème comme s’il était Il importe d’entrer en contact avec son
CENTRÉE SUR LES SOLUTIONS
un renard, ou un autre animal de votre choix. problème pour que ce dernier puisse se
modifier, se transformer.
Laisser le cerveau descendre dans les pieds. Laissez votre cerveau descendre vers le bas L’être humain privilégie son cerveau pour
de votre corps, jusqu’à vos pieds. améliorer sa vie. La vie se trouve dans
l’ensemble de notre corps.
Se réinstaller dans le siège d’une manière Prenez votre temps pour vous réinstaller dans Souffrir nous pousse à quitter la vie, et il
qui convient. votre fauteuil d’une manière qui vous convient. importe de s’y réinstaller, de reprendre place.
Faire un geste. Pensez à ce qui vous crée un problème et Notre corps est un lieu de pensée créative,
laissez votre corps faire un geste de solution, donnons-lui la parole et écoutons-le.
répétez-le, inversez-le de toutes les manières
possibles.
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Dans l’œuvre éricksonienne, ces solutions ont été appelées « moments créatifs »
et « thérapies de choc ». Ces pratiques s’intègrent totalement dans la règle pré-
conisant de « faire autre chose » quand les solutions habituelles, celles faisant
consensuellement partie du cadre de référence des patients et des thérapeutes,
ne fonctionnent pas.
Peu de thérapeutes sortent effectivement de ce cadre de référence. Citons parmi
ceux que nous avons rencontrés ou que nous connaissons : Ernest Rossi, Roxanna
Erickson-Klein, Franck Farrelly, Joyce Mills, Patrick Bellet, François Roustang,
Steve Lankton, Stefano Colombo, Antoine Bioy, Jean-Claude Lavaud et Arnaud
Gouchet. Auxquels j’ajouterai mes collègues du CITI Bernadette Audrain-Servillat,
Nicolas Gouin, Pierre-Henri Garnier et Léo Robiou du Pont.
Tous ces praticiens s’autorisent. Mais, en pratique, qu’est-ce que s’autoriser ?
S’autoriser
" Être raisonnable et fou
Pour arrêter de faire ce qui ne marche pas et tenter de faire autre chose, il semble
nécessaire, notamment avec des patients qui ont vu de nombreux thérapeutes
sans obtenir de leur rencontre des résultats suffisants, de les emmener au-delà.
Mais au-delà de quoi ?
Nous entrons là dans des questions paradoxales. Des questions qui mettent en
jeu les notions habituelles de raison.
Selon l’Encyclopedia Universalis1 : « Le terme de raison – du latin ratio, qui
désigne à l’origine le calcul pour prendre ensuite le sens de faculté de compter,
d’organiser, d’ordonner – possède dans toutes les langues modernes une multi-
tude d’acceptions qui, cependant, par des détours plus ou moins longs, peuvent
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. https://www.universalis.fr/
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Exercice
Afin de développer la créativité thérapeutique, j’invite lecteur à refaire (s’il a déjà fait cet
exercice dans le cadre de sa formation à l’hypnose thérapeutique), ou à faire l’exercice
suivant, qu’Erickson proposait souvent à ses patients :
Choisissez une de vos mains, et regardez-la comme si c’était pour la première fois...
comme si vous pouviez vous rappeler la première fois que vous avez vu votre main,
que vous avez, en constatant qu’elle était reliée à vous... su que c’était votre main.
Si un vertige vous prend... laissez-le vous emmener... et cessez l’exercice dès que
vous le souhaitez... dès qu’un signal de votre corps vous informe que votre expérience
a été suffisante.
Techniques
Après avoir fait cet exercice, nous pouvons détailler un certain nombre de techniques
destinées à favoriser la créativité des patients comme celle des thérapeutes.
➙ Changer le référentiel habituel : que serait l’inverse de ce qui est normalement essayé ?
Le 180° de Palo Alto.
➙ Raconter des histoires : peu importe lesquelles.
...
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Niveau 3 157
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➙ S’autoriser : l’éclairage des thérapies narratives.
➙ Provoquer : être plus fou que le patient pour qu’il fuie dans la solution.
➙ Dessiner, jouer de la musique, écrire.
➙ Inviter à se lever.
➙ Faire la thérapie ailleurs.
➙ Utiliser la réalité virtuelle.
Conjoint
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Convier les conjoints à venir en séance en consultation est très souvent utile.
Ils vont notamment donner des informations qui vont faciliter au thérapeute
son entrée dans le monde du patient ; parfois même des informations assez
intimes et précieuses. Dans d’autres cas, ils vont révéler au thérapeute l’existence
d’exceptions que le patient n’avait pas pu indiquer lui-même.
Avec un patient adulte, c’est, de tous les membres de l’entourage, le plus souvent
le conjoint qui vient participer à des séances.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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donner des détails sur ceux-ci : qu’est-ce qui est différent ? Comment l’exception
a pu se réaliser ? etc.
Dans certains cas, il peut être très utile, si le conjoint semble impliqué, de lui
poser un certain nombre de questions.
L’utilisation des échelles peut aussi avoir un fort impact lorsque le conjoint
donne des chiffres meilleurs que le patient.
On peut ainsi utiliser des échelles croisées :
« Vous Madame, à combien vous pensez que les choses sont pour votre mari ? »
« Et vous Monsieur, auriez-vous dit ce chiffre ? »
À d’autres moments, les scores d’évaluation vont différer en étant plus élevés
chez le patient que chez le conjoint. Ce constat peut générer un travail conjugal,
un travail très indirect et donc souvent plus facilement accepté par le conjoint.
Dans de tels cas, une question utile peut être :
« Pour vous, les choses sont à 6 sur l’échelle alors que votre conjointe dit qu’elles sont
à 4. Qu’est-ce que vous pensez voir que votre épouse ne voit pas ? »
Ces échelles peuvent utilement, afin que chaque conjoint garde son propre
résultat secret dans un premier temps, être faites avec des dés, objet qui pré-
sente aussi, comme nous l’avons évoqué, une dimension ludique favorisant les
prises de décision. Il s’agit alors de favoriser le passage de la compétition à la
coopération, dans le but de mieux s’adapter à l’autre (Robiou du Pont, 2021).
Dans certains cas, il est utile que les deux membres du couple soient là, afin
de recevoir :
" des compliments sur ce que chacun a fait d’utile pour construire des solutions,
pour les mettre en œuvre et se rapprocher de l’objectif ;
" des compliments sur les valeurs de chacun, et les valeurs du couple.
Ainsi, il est possible de dire à un couple que le thérapeute a été impressionné
par la façon dont les conjoints s’aiment (ce compliment sera applicable aussi
pour les familles), par leur volonté de faire ce qui est bien pour l’autre, etc.
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Niveau 3 159
Dans bon nombre de situations aussi, ce n’est pas la personne qui a le problème
qui vient en thérapie, mais le conjoint qui en souffre.
Un certain nombre de questions peuvent être utiles dans de tels cas :
« En quoi la dépression de votre mari vous pose-t-elle problème ? »
« D’après vous, comment votre mari verrait-il le problème de son point de vue ? »
« Que devez-vous constater de différent pour considérer que votre mari est moins
déprimé ? »
« Qu’avez-vous jusqu’à présent fait pour essayer d’aider votre mari ? »
« Dans tout ce que vous avez fait ou faites en ce moment, qu’est-ce qu’à votre avis
votre mari a trouvé utile ? »
« Le plus utile ? »
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« Le moins utile ? »
« Si votre mari était là, que dirait-il sur ce que vous pourriez faire pour lui être utile ? »
« Qu’avez-vous essayé dans tout cela qui a marché au moins un peu ? »
« Qu’est-ce que votre mari dirait qu’il a besoin de faire autrement pour aller mieux ? »
« Qu’est-ce que votre mari dira à propos des changements dans votre famille lorsqu’il
sera moins déprimé ? »
Lorsque le conjoint insiste vraiment sur le fait que c’est l’autre qui a un problème
et pas lui-même, les questions suivantes peuvent aider :
« Comment les problèmes de votre conjoint vous affectent-ils ? »
« À votre avis, que dirait-il des conséquences du problème sur lui-même, sur sa famille,
sur sa vie ? »
« À votre avis, que dirait votre conjoint sur ce qu’il est prêt à faire pour solutionner son
problème ? »
« À votre avis, qui est le plus intéressé pour résoudre le problème, lui ou vous ? »
« À votre idée, que dirait-il que vous pourriez faire qui soit le plus utile pour lui
maintenant ? »
« D’après vous, que dirait-il qu’il est prêt à faire pour (reprendre les termes utilisés par
le patient) ? »
« D’après vous, que dirait-il que vous êtes prête à faire si son problème continue ? »
« D’après vous, dirait-il qu’il prend au sérieux votre menace de le quitter ? »
« D’après vous, que dirait-il de ce qu’il perçoit de ce que vous êtes sérieuse dans votre
menace de le quitter ? »
« Quand vous serez arrivée à le persuader que vous êtes absolument sérieuse quand
vous menacez de partir, à votre idée que se dirait-il prêt à faire ? »
« À votre avis, qu’est-ce qui pourra le persuader que vous êtes sérieuse ? »
« À votre idée, comment vous considèrera-t-il quand vous aurez finalement appris à
vous détacher des problèmes de votre mari ? »
Le patient, nous l’avons dit, vient en séance avec qui il veut. Si le thérapeute
ressent une réticence à recevoir un accompagnant, il est utile qu’il puisse l’ex-
pliciter au patient, sous la forme d’une information qu’il donne, afin que ce soit
finalement le patient qui fasse le choix.
Ainsi, avec un patient déjà reçu plusieurs fois en présence d’un conjoint anxieux
qui semblait parasiter le travail thérapeutique :
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Niveau 3 161
« Vous m’avez pendant plusieurs séances exprimé votre volonté de prendre une déci-
sion concernant votre besoin de prendre du recul dans votre couple, et vous venez
aujourd’hui avec votre conjoint, je me sens un peu déstabilisé. Pouvez-vous me confir-
mer que vous souhaitez vraiment sa présence aujourd’hui ? »
Avec des personnes plus éloignées, les questions sont en fait à peu près les
mêmes qu’avec le conjoint. Elles font effectivement toujours l’objet de questions
circulaires destinées à recevoir de l’information utile pour la thérapie.
Famille
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Nous avons vu l’importance de repérer les personnes d’une famille qui montrent
le plus des émotions. Celles-ci peuvent être considérées comme des points forts
de la famille.
Une autre manière, complémentaire, d’identifier les compétences d’une famille
est de réaliser un génogramme orienté solutions. Le génogramme est un outil
classique en thérapie familiale systémique, qui consiste, en respectant un certain
nombre de règles, de dessiner la famille d’un patient, généralement sur les trois
dernières générations.
Il y a de multiples façons d’utiliser le génogramme, y compris en orientant
celui-ci vers les solutions. Seront ainsi notées particulièrement :
" les qualités des personnes ;
" des compétences (et éventuellement la ou les plus grande(s) réussite(s)
concrète(s)) ;
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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On peut demander :
« Qui rend visite à qui et à quelle fréquence ? »
« Qui reste en contact avec les membres de la famille par mail, en visio ou par
téléphone ? »
« Où la famille se réunit-elle ? »
« Qui diffuse particulièrement les informations familiales ? »
« Qui le patient appelle-t-il lorsqu’il a besoin d’aide ? »
Ces questions vont servir notamment à déterminer quelle est la personne la plus
influente dans la famille, ce que le patient fait pour entretenir cette relation de
soutien et ce qu’il devrait faire pour la conserver.
Si le patient a perdu un soutien précieux, que faudrait-il faire pour que ce membre de
la famille l’aide à nouveau ?
Quelles sont les règles du jeu pour conserver ce soutien, est-ce que cela vaut le prix
à payer ?
« La patiente pense-t-elle qu’elle a réussi comme mère, comme fille, comme profes-
sionnelle ou comme personne ? »
« Croit-elle par exemple qu’elle a mieux ou moins bien réussi avec son enfant que sa
mère avec elle ? »
« Quel genre de mère veut-elle être ? »
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Niveau 3 163
Toutes ces réponses doivent être les plus détaillées possible et faire l’objet de
compliments et de félicitations (Berg, 1994). Voir « Plan de traitement famille »
en annexe 4.
D’une façon générale, l’esprit d’une intervention familiale orientée solutions peut
utilement se baser sur les principes suivants :
➙ jusqu’à preuve du contraire les parents souhaitent le bonheur, l’épanouisse-
ment et la bonne santé de leurs enfants ;
➙ jusqu’à preuve du contraire les enfants souhaitent faire plaisir à leurs parents
et que ceux-ci soient fiers d’eux.
Évidemment, il importe que le thérapeute soit lucide, et que si la preuve du contraire
est apportée, il intègre cette limitation dans la démarche thérapeutique.
L’orientation solutions est habituellement plus facile à pratiquer avec les enfants.
Une fois que ceux-ci se sentent respectés et validés par le thérapeute, ils
sont généralement ouverts à une relation thérapeutique ludique et créative.
Les enfants souhaitent souvent que leurs parents viennent, à juste titre, et la
recherche d’exceptions va pouvoir ainsi concerner l’enfant et ses parents.
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d’un substitut parental sera utile pour identifier des moments où le pro-
blème aurait dû se poser et où il s’est produit moins fortement ou pas du
tout. L’interrogatoire conjoint du parent et de l’enfant crée alors le maximum
de différence.
" L’enfant peut, plus facilement que l’adulte, personnifier un problème ou le
métaphoriser. Il peut alors le dessiner, ou le construire avec des Lego, ou tout
autre moyen créatif.
Une fois le problème construit, l’enfant peut agir sur lui, de multiples manières,
en le modifiant.
De nombreux enfants peuvent travailler un certain nombre de peurs en les
dessinant et en les faisant disparaître avec, par exemple, du correcteur liquide.
Il peut aussi dessiner dans le coin d’une feuille le problème, et dans le coin
opposé la solution, et tracer un chemin qui va de l’un à l’autre, en dessinant les
différents obstacles possibles. Et, pour chacun des obstacles, il peut dessiner
une solution (Mills et Crowley, 1995 ; Audrain-Servillat, 2019)
En fait, tout support créatif ou ludique qui convient à l’enfant est pertinent pour
le travail thérapeutique.
À chaque fois que le travail individuel est difficile, il importe d’élargir le champ
d’observation afin d’identifier des exceptions, en incluant :
➙ l’école (par un contact avec l’enseignant) (Durrant, 1997) ;
➙ et évidemment l’environnement familial.
Il importe aussi de chercher une pathologie dépressive (cf. chap. 4, « Dépression,
perte et deuil », p. 175).
Plutôt que des échelles chiffrées, il est généralement plus pertinent d’utiliser
des échelles analogiques.
Des échelles utilisant des smileys évoluant par exemple, progressivement, de
« tristes » à « heureux », sont souvent pratiques.
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Niveau 3 165
Établir le contact
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et génèrent des expériences qu’ils n’ont pas l’habitude de vivre, des sortes
d’exceptions ;
" les situations où ce sont les parents, voire l’école, qui sont demandeurs sont
fréquentes. Ceci fait qu’une des caractéristiques du travail avec l’adolescent
est d’être assez souvent confronté au fait que celui-ci ne parle pas et ne
répond pas aux questions du thérapeute.
Une des particularités du travail avec les adolescents est que ceux-ci peuvent
donc être plus ou moins demandeurs, et donc, au début, peu coopératifs. Ils
peuvent aussi avoir peur des psys, et être mal à l’aise avec un adulte qu’ils ne
connaissent pas. Une intervention souvent adaptée à ce genre de situation est
la suivante, en en faisant un compliment, et donc en disant de manière sincère :
« Toi au moins, tu ne parles pas pour ne rien dire ! »
Le travail pour aider les adolescents est souvent fait de manière indirecte, les
parents (ou au moins un des deux) venant au début, car l’adolescent refuse de
participer. Dès qu’il est possible de voir l’adolescent seul, un certain nombre de
questions peuvent s’avérer très utiles.
« Qu’est-ce qu’il faudra que tes parents voient comme changement pour qu’ils arrêtent
de t’obliger à venir me voir ? »
Ce type de questions mène souvent, même si cela peut étonner, à des objectifs
travaillables et qui intéressent vraiment l’adolescent. Cela n’est pas si étonnant
si on tient compte de principes déjà énoncés au chapitre 3, « Le passant »,
p. 55.
Ainsi, le dialogue avec un adolescent amené par ses parents qui trouvent qu’il
n’est pas respectueux envers eux :
« – Je pense que ce mercredi, tu aurais vraiment autre chose à faire de plus agréable
que de venir me voir, moi psychiatre, dans mon bureau. J’aimerais bien, si tu peux me
le dire, ce que tes parents pensent qu’il doit se produire pour qu’ils ne t’obligent plus à
venir ici ? »
– Ils trouvent que je suis agressif. Mais moi je ne trouve pas.
– C’est chouette que tu ne le sois pas alors.
– Bah oui moi je suis quelqu’un de gentil, c’est ce que tous mes amis disent. Mais mes
parents sont tellement à me dire tellement de trucs...
– Ça doit être vraiment embêtant pour toi.
– Bah oui, je ne peux vraiment rien faire. Même le samedi, il faut que je rentre tôt, que
je laisse mes amis continuer sans moi...
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Niveau 3 167
L’expérience montre qu’il est utile de prendre ce genre de mandat, qui impulse
une histoire de réussite pouvant donner ensuite envie à l’adolescent d’envisager
d’autres objectifs potentiellement plus maturants.
Le travail avec les adolescents est riche et intense, souvent en rapport avec les
besoins d’expérimenter et les questions existentielles qui caractérisent cet âge.
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Souvent le travail avec la famille va à la fois être une aide pour le thérapeute,
et une occasion indirecte pour aider la famille, dans une coopération circulaire.
Prenons l’exemple d’une situation fréquente : deux parents qui amènent leur fils,
car ils trouvent que celui-ci joue trop aux jeux vidéo :
« D’après vous, de quoi votre fils dirait avoir besoin pour moins jouer aux jeux vidéo ? »
« D’après vous, jusqu’à quel point votre fils dirait qu’il peut faire partie de la famille ? »
« D’après vous, qu’est-ce que votre fils dirait qu’il lui faudrait pour devenir un meilleur
lycéen ? »
« Quel sera le premier signe qui vous dira que venir ici vous est utile ? »
« Selon vous, qu’est-ce que votre fils dirait que vous faites autrement après que
vous êtes venus ici ? »
« D’après vous, que dirait votre fils des chances qu’il y a qu’il joue moins aux
jeux vidéo ? »
« À votre avis, quelles seraient les principales objections que vous auriez quant aux
jeux vidéo ? »
« Selon vous, quelles sont les pires choses que votre fils dirait qu’il lui arriverait s’il
continuait à jouer aux jeux vidéo comme il le fait ? »
« D’après vous, qu’est-ce qui, aux yeux de votre fils, est le plus important, les jeux
vidéo ou d’aller faire des choses dehors avec ses amis ? »
(d’après Berg et Miller, 1992.)
En fait, peu importe si les parents ont deviné ou non les moments où leur
adolescent fait comme si le miracle s’était produit. C’est la dynamique souvent
créée par cette prescription qui est intéressante et qui nécessite d’être validée.
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« À ton avis, d’après toi, qu’est-ce qu’il faudra que tes parents voient comme change-
ment pour qu’ils arrêtent de te faire venir me voir ? »
Remarquons que ce type de question peut aussi s’appliquer aux séances prescrites
par la justice (obligation de soins) ou à toute autre situation où le patient
explique qu’il ne vient pas librement. Il y a évidemment ici une question éthique
très importante à aborder au cas par cas, et ce type de démarche peut ne pas
être du tout pertinent dans certains.
Enfin, certaines tactiques peuvent être utilisées dans ce travail nécessitant
souvent d’être subtil.
Ainsi de Shazer a pu relater le cas suivant : « Un jeune homme a prétendu que le
problème était résolu, de façon à troubler et tromper ses parents qui pensaient
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
qu’il avait un problème, même si lui ne le pensait pas. Dans ce cas, son objectif
était qu’un de ses parents le laisse tranquille, et la façon dont il s’y est pris a été
d’abord de prétendre qu’il avait un problème, de façon à pouvoir se comporter par
la suite comme si celui-ci était résolu. C’est-à-dire que les parents considéraient
que leur fils avait un problème. Le fils ne percevait pas ce problème, mais pensait
que ses parents étaient inutilement sur son dos. Il a résolu ce problème d’avoir
ses parents sur le dos, ce qui a accidentellement résolu le problème de ses
parents » (de Shazer, 1991).
Avec les familles comprenant des adolescents, il peut être utile aussi de poser
des questions aux parents, notamment lorsque l’adolescent n’est pas là. À
une mère qui répond qu’elle sera plus gentille avec son fils lorsqu’il deviendra
plus autonome :
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« Alors, qu’est-ce qui doit venir en premier, est-ce qu’il doit changer le premier, en ce
cas vous serez plus gentille envers lui ou est-ce que vous avez à être plus gentille
pour lui avant qu’il ne change ? » (Berg, 1994.)
« Si mon Maître, Steve de Shazer était là, je pense qu’il vous dirait que... »
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Niveau 3 171
vont très rapidement apparaître comme des solutions plus ou moins précieuses
que le patient a trouvées pour s’adapter. Dans de tels cas, la pratique de
l’orientation solutions s’avère assez facile et simple ;
" la délivrance des compliments doit cependant se faire avec parcimonie. Des
compliments trop marqués peuvent, en réactivant des problèmes (vécu d’in-
justice, souffrances diverses y compris des douleurs corporelles), être refusés
par le patient.
Depuis ces dernières années, les personnes dites à haut potentiel intellectuel
(HPI) viennent chercher davantage d’aide. Mieux identifiées, bien mieux infor-
mées, elles ont davantage l’espoir de parvenir, en tout cas lorsqu’elles sont encore
jeunes, à s’épanouir professionnellement, ce qui est essentiel pour pouvoir aussi
s’épanouir affectivement.
Les commentaires des tests qu’il faut les encourager à pratiquer doivent être
centrés :
➙ sur la bonne nouvelle que constitue le diagnostic d’un haut potentiel intel-
lectuel : celui-ci mérite un compliment, en insistant sur le fait que cette
particularité étant génétique en grande partie, le compliment s’adresse aussi
aux ancêtres du patient ;
➙ sur les points forts montrés par le test (homogénéité des tests verbaux et non
verbaux s’il y en a une, insistance sur les subtests les plus réussis).
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L’intervention d’un interprète pourra cependant être aussi une bonne solution,
si le patient la souhaite et si elle est possible.
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E NCORE L’ HYPNOSE
Si on considère que toutes les formes de transe, même les transes légères, sont
de l’hypnose, ce qui est notre cas (Bioy et Goldschmidt, 2022), une réflexion
peut avoir lieu aussi concernant la mise en œuvre plus ou moins marquée et plus
ou moins abondante de l’outil hypnotique lors de la question miracle. Celle-ci
peut ainsi être modifiée pour d’autres expériences hypnotiques d’anticipation ou
d’imagination. Particulièrement en proposant au patient de vivre hypnotiquement
certaines de ses réponses.
Revenons sur des réflexions de de Shazer : « [...] le problème est déjà en cours de
dissolution par la description des exceptions de certains précurseurs de l’objectif,
de la possibilité d’exception par des descriptions de solutions imaginées. La
dissolution du problème n’est que le point de départ » (de Shazer, 1991).
Ainsi, un patient qui a répondu que, le lendemain du miracle il se rendrait compte
du changement en ayant envie de s’habiller différemment :
« Ça y est, après toutes ces années à y penser, vous osez mettre des vêtements de
couleur, des vêtements qui vous plaisent profondément, et vous voici dans la rue en
train de marcher ainsi vêtu. Par moments, vous regardez votre image dans une vitrine,
à d’autres moments vous vous sentez le corps et l’esprit légers et libres... »
L’orientation solutions peut même mener vers une induction d’hypnose profonde
qui peut permettre au patient de travailler certaines difficultés peu accessibles
autrement.
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Niveau 3 173
Deux types d’évolution vers l’hypnose peuvent être tentés par le praticien :
1. Comme une progression, avec, à un moment donné, plus ou moins nettement,
une rupture de processus avec une mise en appel de l’imaginaire du patient,
de sa créativité, décidée par le thérapeute lui-même parce qu’il « le sent ».
En cas de résistance du patient, le thérapeute pourra toujours se justifier
en disant :
« Excusez-moi, je ne sais pas ce qui m’a pris, je me suis mis à me faire confiance
dans ce qui me venait et je pense que je n’aurais pas dû, cela vous a déstabilisé, ou
en tout cas surpris, je suis désolé je ne recommencerai pas. »
Même si, comme nous l’avons dit, les solutions peuvent n’avoir aucun rapport
avec les difficultés du patient :
" il existe souvent, selon les champs pathologiques, des caractéristiques concer-
nant les postures du thérapeute et les techniques utilisées ;
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
" il peut exister, au moins par moments, des idées de tâches qui sont pertinentes
en fonction du type de difficultés.
Anxiété et peurs
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Ce qui caractérise souvent les situations d’anxiété est que le patient exprime
le besoin d’être rassuré en sentant que le thérapeute est expérimenté. Aussi,
avant que l’entretien s’oriente vers les solutions, il importe que le professionnel
élimine (notamment s’il est médecin) ou fasse éliminer une pathologie médicale
s’il a un doute à ce sujet (par exemple une hyperthyroïdie). L’hypnose orientée
solutions est une médecine alternative et complémentaire (MAC) qui doit suivre,
comme toutes les autres MAC, cette règle.
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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 174 — #190
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Ayant fait cela, il importe de bien écouter la description du problème faite par
le patient et/ou son entourage. C’est à partir de la description du problème
que pourra se faire la recherche des exceptions, moment où le problème devrait
arriver, mais où il ne survient pas, ou moins qu’il ne pourrait.
L’enquête sur ce que le patient a fait à la place d’avoir un comportement de peur
ou d’anxiété sera précise. Et si le patient évoque des conditions extérieures, il
importe de poser le type de question :
« Qu’est-ce que le fait qu’il fasse beau temps vous a permis de faire ? »
« ... Et quoi d’autre ? »
Toutes les réponses du patient doivent être exploitées comme un filon dans
la mine.
Concernant les phobies, l’accent est mis sur la décision :
« Comment avez-vous fait pour décider de ... (aller dans la situation phobogène) ? »
Et dans les cas où l’avancée est difficile, il est important d’aider le patient à
utiliser son émotion comme une solution.
« Je vous propose aujourd’hui que nous travaillions sur les émotions, êtes-vous
d’accord ? Car les émotions sont en fait des solutions, comme les chercheurs
l’ont montré depuis 40 ans, surtout aux États-Unis, mais cela commence arriver en
France. La peur est une émotion protectrice. Elle nous protège du danger. Il faut dire
qu’au temps de la préhistoire, c’était assez simple : les peurs étaient assez faciles
à comprendre. On peut imaginer que quand nos ancêtres chassaient le mammouth,
et qu’ils se rendaient compte que leur binôme avait une cheville défaillante et qu’il
ne pouvait pas courir, il valait mieux faire demi-tour, ou si c’était impossible, faire le
mort. Peut-être même la peur décuplait pour ramener quelque chose à manger s’ils
n’avaient rien...
Dans notre monde actuel, il est souvent difficile de savoir de quoi nous avons peur.
Beaucoup de gens ne savent même pas de quoi ils ont peur. Car notre monde est
devenu plus complexe et plus difficile à comprendre.
En tout cas, les chercheurs nous ont montré que la meilleure manière d’atténuer
une émotion était de l’accepter, et aussi de l’accueillir.
L’accueillir peut être déjà la remercier. Vous pouvez même lui parler, lui dire « Merci
de vouloir me protéger. »
Et si vous le pensez, vous pouvez lui dire : « merci, mais je pense que je n’ai pas
besoin de toi en ce moment, car en ce moment, je pense que je suis en sécurité
et j’ai envie de vivre ma vie tranquillement... par contre merci aussi de revenir me
donner des signaux si tu penses que je suis vraiment en danger plus tard. »
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Niveau 3 175
Troubles du sommeil
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Très fréquents, les troubles du sommeil ont des solutions multiples et très
diverses.
Quelquefois des conseils de bon sens suffisent, relatifs notamment à l’hygiène
du sommeil.
Mais il est intéressant d’explorer les éventuelles exceptions concernant des nuits
satisfaisantes :
« C’était quand ? Où ? Avec qui ? Qu’est-ce qui avait été différent ce jour-là ? »
Dans ce domaine-là aussi, il peut être utile de questionner sur les exceptions.
Néanmoins, en cas de déception importante, il peut exister une tendance à la
généralisation ainsi qu’à la pensée dichotomique qui gêne le patient dans ses
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Dans les situations de dépression, il est connu qu’il existe des facteurs de vulné-
rabilité dépressive qui doivent être traités, même si une humeur satisfaisante
est retrouvée et même si elle est stable.
C’est pour cela que le thérapeute, dans les moments d’amélioration, doit faire
très attention à être modéré dans ses compliments quand il le faut, et repérer
des facteurs de vulnérabilité dépressive pour les prendre en compte dans ses
prises de position.
Les deuils, eux, doivent faire l’objet d’une empathie importante.
Les compliments en cours de séance et en fin de séance doivent être suffisants
dans ce domaine :
« Vous vivez une situation vraiment horrible, perdre cet ami cher qui était en pleine
santé, soudainement, vraiment je n’aimerais pas du tout être à votre place en ce
moment... »
Dans les deuils, comme dans de nombreuses dépressions, la colère est une
émotion très présente et peut être utilisée comme une solution :
« Je comprends vraiment votre colère. Vous en avez assez de cette dépression qui
commence à s’éterniser. Je pense que votre colère est un message utile pour vous...
je ne sais pas trop lequel par contre... oui c’est cela, je suis d’accord avec vous... elle
vous dit que vous méritez mieux ! »
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Niveau 3 177
« Vous me dites que s’il y a un miracle, votre femme sera de nouveau vivante. Bien.
Quelle sera la première chose de différent que vous ferez ? Et quelle autre ensuite ?
Et quelle autre ensuite ? »
" La colère est souvent une émotion secondaire, qui est destinée à mettre à
distance une émotion primaire telle que la peur, et/ou la tristesse ou la
douleur. Un peu comme chez une panthère qui aurait un réflexe de colère pour
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
mettre à distance les prédateurs attirés par l’odeur de ses petits, et pour ne
pas leur montrer sa peur, car ils sont en supériorité numérique :
« Ainsi votre colère est là pour vous protéger, car vous me dites que vous êtes dans
une situation où il serait dangereux pour vous de vous montrer en infériorité, de mon-
trer vos faiblesses. »
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Le travail avec les patients dépendants a été particulièrement étudié par les
solutionnistes, notamment par Insoo Kim Berg et Scott Miller. La dépendance à
l’alcool a été l’objet d’un ouvrage (Berg et Miller, 1992), mais le type d’approche
peut être largement transposé aux dépendances à d’autres produits, voire à
d’autres situations.
D’abord et avant tout, rompant avec les dogmes à l’époque encore très puissants
de l’abstinence totale, l’orientation solutions a proposé de travailler en vue
d’obtenir des abstinences partielles, sur des consommations mieux contrôlées
(Isebaert,1999). Cette conception peut être appliquée assez largement aux
dépendances à d’autres produits que l’alcool.
Objectif sobriété
Le vocabulaire utilisé par le thérapeute peut être très important pour apporter
au patient cette vision utile. Ainsi les mots « sobre » et « sobriété » lui donnent
la possibilité de leur attribuer le sens qu’il souhaite et qui est le plus utile
pour lui.
Le travail en vue d’une consommation contrôlée peut aboutir, dans un certain
nombre de cas, vu les difficultés rencontrées, à ce que le patient finisse par
choisir une abstinence totale. C’est particulièrement vrai dans les dépendances
à la nicotine, qui sont particulièrement difficiles à contrôler sans abstinence,
même si dans un certain nombre de cas (qui semblent quand même assez rares)
existent des consommations contrôlées après une dépendance, même forte.
Travail conjugal
Dans certains cas aussi, lorsque se fait le travail sur les objectifs, le patient peut
exprimer que le sien serait que son conjoint arrête de surveiller sa consommation
de produits. Il est important d’être attentif à ce genre de demande, y compris
bien sûr lorsque le conjoint est présent. Celui-ci peut, à ce moment-là, manifester
des émotions (notamment des peurs) qui doivent bien sûr être accueillies et
prises en compte par le thérapeute (cf. chap. 4, « Rôle des émotions... » p. 146).
Des questions à suppositions peuvent aussi être très utiles dans ce type
de situation :
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Niveau 3 179
« Supposez que votre femme (ou mari) vous surveille moins (reprendre les mots utili-
sés par le patient), qu’est-ce que cela pourrait faire de différent ? »
« Sachez que je comprends fort bien votre inquiétude, vous m’avez dit, et même votre
conjoint m’a dit, qu’il avait consommé en cachette. Je comprends parfaitement que
vous ayez de l’inquiétude et peut-être même de la colère. Ces émotions sont tout à
fait normales et je les comprends. Ceci étant totalement posé, je vous propose de
permettre à votre conjoint de continuer à s’exprimer et nous verrons ensemble ce qu’il
y a lieu de faire à l’issue de la séance. Est-ce correct pour vous ? »
Ce type de mention peut bien sûr être applicable à toutes les situations où une
plus grande autonomisation du patient est envisagée, mais où celle-ci suscite
de l’inquiétude, de la colère, et d’autres émotions d’ailleurs, chez le conjoint, les
parents, le médecin traitant, etc.
Comme d’habitude, remarquons que la question peut être posée de façon plus
affirmative :
« Alors, quand cela se produira, qu’est-ce qui se passera entre vous deux et qui vous
fera dire que cela valait la peine de suivre une thérapie ? » (Berg et Miller, 1992).
addictions est de considérer que c’est le patient qui peut décider quand il est prêt
à modifier sa consommation de produits addictifs. Par ailleurs, cette modification
peut consister en une diminution partielle et/ou progressive de la consommation.
Cela ne doit pas engendrer de l’irréalisme ni amener à sous-estimer la force de
la dépendance générée par certains produits. Le thérapeute peut tout à fait
exprimer ses doutes quant aux objectifs que le patient se fixe. L’important est
de ne pas fixer le patient dans ses choix, et bien au contraire, de lui ouvrir des
choix alternatifs.
Ainsi, le fait de voir qu’un patient échoue à fumer moins dans la bienveillance
peut l’amener à décider de se sevrer totalement.
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Dans les addictions, tous les problèmes de perte de contrôle, et bien d’autres
problèmes en fait, les patients décrivent ce qu’ils appellent une « rechute ».
Le mot lui-même est décourageant, et il vaut mieux que le thérapeute choisisse
une autre façon, quand le patient n’utilise pas celle-ci, de nommer ce qui se
passe. Et parfois le patient garde ce terme et il importe alors de l’utiliser.
Les questions orientées solution les plus utiles sont généralement :
L’accent est donc mis sur ce que fait le patient pour ne pas vivre une rechute
plus grave.
Dans l’orientation solutions, les choses peuvent toujours être plus graves. Si un
état d’ivresse a mené à une perte de connaissance, il y a lieu de complimenter le
cerveau ou le corps du patient pour avoir réussi à mettre des moyens en œuvre
pour stopper la rechute.
Si les rechutes se répètent, et que les mêmes réponses se produisent, non seule-
ment ce n’est pas gênant, mais on peut penser qu’apparaissent des processus
d’autosuggestion qui vont finir par fonctionner.
Face à la croyance possible chez le patient que les choses se répètent à l’iden-
tique, des questions suscitant des descriptions de différence sont utiles :
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Niveau 3 181
Dans nombre de situations, les patients qui sont sous traitement médicamenteux,
essentiellement psychotrope, expriment une confiance limitée dans le maintien
des résultats de la thérapie, du fait qu’ils attribuent au moins en partie celui-ci
à la poursuite de leur traitement médicamenteux.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Dans de tels cas, il est tout à fait nécessaire de communiquer au patient les
effets réels de ces médicaments, ainsi que leurs inconvénients.
Il est aussi nécessaire de leur donner, quand c’est le cas, l’information concer-
nant l’incapacité des médicaments à fournir au patient des effets ne relevant
pas d’eux.
Après de nombreuses années à encourager les patients à arrêter leur traitement,
l’expérience nous a montré qu’il était beaucoup plus efficace de donner de
l’information aux patients afin que ce soit eux qui décident ce qu’ils doivent
faire concernant leur traitement médicamenteux.
L’information doit évidemment inclure les règles de sécurité concernant l’arrêt
des médicaments, essentiellement pour les tranquillisants et somnifères.
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Surpoids et obésité
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Comme nous l’avons dit, des objectifs favorables dans l’orientation solutions
sont plutôt des « en plus » que des « en moins » dans la vie du patient.
Aussi, toute demande de perte de poids doit être explorée afin d’aider le patient à
identifier ce que cela pourra changer pour lui de perdre du poids, pour ensuite le
faire avancer sur des échelles de progrès concernant ce que cela pourra changer
positivement pour lui.
Dans ces domaines, il sera souvent particulièrement important de proposer la
construction de différentes échelles autres que celles du poids : échelles d’image
de soi, d’estime de soi, de capacité à la bienveillance envers soi.
La question miracle est également une question précieuse à poser, généralement
après que le travail a, au moins partiellement, commencé.
Des tâches pour faire expérimenter des sensations corporelles sont souvent
utiles. Ainsi que des tâches de « comme si ». Ces tâches pourront être effectuées
hypnotiquement avant d’être faites dans la réalité.
Douleurs
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Niveau 3 183
Acouphènes
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Dans ce domaine, et sur les mêmes principes que le travail avec les problèmes
de douleurs, l’orientation solutions peut être précieuse.
Comme dans les douleurs, il peut être utile de faire évaluer de manière diffé-
rente l’intensité des acouphènes, la gêne qu’ils occasionnent et le handicap
qu’ils suscitent.
Problèmes psychosomatiques
!
Il en est encore de même dans ce domaine, très modifié ces dernières années par
la mise en évidence d’un deuxième cerveau digestif, et de l’importance essentielle
de s’occuper du microbiote pour une bonne santé corporelle, et même mentale.
Quel est pour vous le mot qui signifie le contraire du stress ?
« Sur une échelle de 0 à 10 où 0 signifie que vous n’avez pas l’impression d’avoir du
contrôle sur votre vie, et 10 que vous vous sentez que vous avez un contrôle correct
sur vie, les choses sont à quel chiffre ? »
hésite, il ne faut pas... hésiter à lui demander vers quel choix il penche, parmi
ceux qu’il envisage. À défaut de réponse, quel choix il aimerait faire. Ou qu’est-ce
qui lui dira qu’il voudra faire tel choix.
Les situations où l’estime de soi est insuffisante sont nombreuses, pas seulement
en psychothérapie.
Avec ces patients il est utile de favoriser :
➙ la description des réussites passées, même lorsqu’elles ont été de courte durée ;
➙ les tâches qui consistent à refaire ce que les patients savent déjà faire.
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D’abord et avant tout, les conflits conjugaux suscitant souvent la honte, il est
important de mettre à l’aise ce type de couple, en banalisant, ou tout du moins
en normalisant ces situations :
« C’est normal. C’est comme ça que sont les mariages. C’est la façon dont vous traitez
les différends qui importent » (de Shazer, 1991).
Une situation fréquente lors des conflits conjugaux est que l’un des conjoints,
et même les deux souvent, évoque uniquement des solutions qui relèvent d’un
changement chez l’autre.
Dans de tels cas, une astuce peut être :
« Qu’est-ce qu’il aura fallu que votre conjoint voit de différent pour qu’il adopte le
comportement X ? »
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Niveau 3 185
Thérapeute : Vous n’avez pas connu de grosses disputes... Ça, c’est différent.
Madame : C’était seulement deux semaines.
T : Est-ce que d’habitude vous n’aviez pas au moins une dispute sur une période
de deux semaines ?
Madame : On en a eu une petite qui aurait pu...
Monsieur : ... devenir une grosse dispute.
T : Mais ça ne s’est pas produit.
Madame : On a juste laissé tomber. Je suppose que pour nous c’était une grande
victoire.
T : Oui. Ça a l’air différent. Comment est-ce que vous avez fait ça ?
Madame : je me suis simplement arrêtée.
T : Comment vous êtes-vous forcée à vous arrêter ?
Madame : je me suis dit que je devais arrêter.
T : Et vous vous êtes écoutée.
Madame : Je suppose que c’est ça.
T : Mais, et lui alors ? Pour se battre, il faut être deux.
Madame : Il est parti. Quand je me suis tue, il est parti. D’habitude je n’arrête pas.
T : OK. Vous vous taisez, et il accepte. Il est parti, et vous l’avez laissé faire. Et
c’est comme ça que vous avez fait que ce qui aurait pu devenir une grosse dispute
ne l’est pas devenu. Pour moi, c’est quelque chose de différent. (Longue pause)
Vous devriez faire la même chose avec quelque chose d’autre, est-ce que ça ne
serait pas un minimum acceptable ? Pas parfait, mais passable ?
Madame : Oui, ça le serait. (de Shazer, 1991.)
Lors du travail avec les couples, il ne faut par ailleurs surtout pas hésiter,
lorsqu’un objectif est évoqué, à être très précis. Y compris et peut-être particu-
lièrement dans des détails intimes. Notamment lorsque le couple a justement des
difficultés dans ce domaine. À un conjoint qui aimerait des rapports sexuels plus
fréquents, il ne faut pas hésiter à lui faire préciser ce que « plus fréquent » veut
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
dire pour lui. Une telle précision peut susciter un accord sur ce type d’objectifs,
et cela va permettre un travail sur le degré d’intimité souhaité par eux.
Il importe également de favoriser l’émergence de nouveaux comportements et
de nouvelles réponses.
Ainsi, avec les couples, même si c’est le cas en général, il importe d’être plus
particulièrement attentif aux exceptions qui se produisent et aux nouveaux
comportements, et d’essayer de mettre en évidence des liens avec de nouvelles
réponses chez le conjoint. Avec des questions du type :
« Pensez-vous qu’il y a un rapport entre le fait que votre mari est moins déprimé le lundi
et que vous sentiez du soulagement dès le dimanche soir et alliez plus fréquemment
au cinéma ce soir-là ? »
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Avec des situations, souvent compliquées, où l’un des deux conjoints envisage
la séparation, il peut être utile de demander à l’autre conjoint :
« Voyez-vous quelque chose qui pourrait convaincre votre conjoint de rester ? »
(En multipliant ce type de questions si des réponses sont obtenues) :
« Et quelle autre chose pourrait le convaincre ? »
Troubles psychotiques
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traumatisés
« La honte est une émotion très protectrice. Lorsque nous avons des comportements
inacceptables, comme d’abuser de personnes en situation de faiblesse ou de fragilité,
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Niveau 3 187
« Le sentiment de culpabilité est une émotion protectrice, car, lorsque nous avons mal
agi et que nous avons nui à quelqu’un, il nous pousse, comme il est désagréable à
vivre, à aller vers la personne à laquelle nous avons nui pour reconnaître nos torts et
faire le maximum pour les réparer. »
Pour d’autres patients, il semble exister des souvenirs non intégrables tels
quels, non digérables. Le travail orienté solutions va alors consister à aider le
patient à enrichir son souvenir d’éléments transformateurs le rendant intégrable
et digérable.
Milton Erickson (2019), dans L’homme de février, a inauguré ce type d’approche.
Il a aidé sa patiente, qui avait été traumatisée et négligée dans son enfance, à
ajouter dans ses souvenirs, en utilisant l’hypnose, un personnage ressource. Ce
travail est analogue à celui que l’on peut faire avec les enfants en rajoutant des
fées, des grands-mères imaginaires (des bonnes sorcières !) aux contes qu’on
leur raconte.
D’autres approches existent (EMDR1 et dérivées), qui sont toutes les bienvenues
dans la mesure où elles sont utiles pour le patient. Nous préférons les effets de
l’approche hypnotique, mais il peut être utile d’informer les patients pour que
ce soit eux qui choisissent le type d’approche qu’ils souhaitent.
Dans ce but, il est vraiment nécessaire que les différentes techniques existantes
soient étudiées de manière comparative. Notre intuition clinique est qu’elles
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
n’ont pas les mêmes effets entre elles, mais la recherche doit préciser cela pour
éclairer le choix des patients, qui restent trop dépendants de ceux du thérapeute
qu’ils rencontrent.
Problèmes professionnels
!
Bon nombre des difficultés des patients ont lieu dans leur vie professionnelle, et
celles-ci sont de moins en moins taboues. Les différents outils de l’orientation
solutions peuvent ici également être utiles, sans pour autant nier la réalité.
Reprenant les principes du « jusqu’à preuve du contraire », tout le monde dans
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Maternité et accouchement
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Kinésithérapie
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Chapitre 5
de Shazer.
Wittgenstein (1965) postule une analogie entre le langage et le jeu. Lors de son
expérience d’instituteur, qui a duré plusieurs années, il a particulièrement étudié
l’apparition du langage chez les enfants. Et, après s’être intéressé à la logique,
c’est vers le langage que son attention s’est portée. C’est ce qu’on a appelé le
« second » Wittgenstein.
Pour lui, la manière dont un enfant apprend à parler révèle quelque chose
d’essentiel sur le langage. Et comme l’explique Laurent Bachler, « ce que nous
dévoile l’usage que l’enfant fait du langage, c’est que celui-ci n’a rien à voir avec
la réalité, et encore moins avec la question de la vérité. Le langage est d’abord
un jeu ». L’enfant apprend d’abord à jouer avec les mots, en faisant confiance
à l’adulte qui les lui apprend. Ainsi la notion de « jeu de langage » devient un
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concept central. « Le sens d’un mot n’est pas sa définition, adéquate à la réalité,
c’est l’ensemble des usages que j’en fais et des croyances qui accompagnent
mes gestes. Ainsi on apprend le langage en jouant avec les mots. » Dans ce
processus, l’enfant ne questionne pas la vérité de ces jeux de langage, pas plus
que leur fausseté. Et l’enfant n’a donc aucune difficulté à remettre en cause cet
arbitraire, si cela lui permet de jouer. Ce n’est que plus tard que l’enfant, devenu
adulte, entre dans le domaine de la certitude, oubliant que le langage est un jeu
(Bachler, 2018).
Alors que la démarche médicale, y compris psychiatrique, accorde une grande
importance à la nomination d’un problème, de Shazer, dans la continuité de Witt-
genstein, ne croit pas que la nomination d’un problème reflète la réalité de celui-
ci. Ainsi, il peut jouer, et permettre aux patients de jouer avec les mots utilisés.
Il inaugure cette démarche dans Différences, avec une patiente qui présente un pro-
blème désigné initialement par le mot « nymphomanie ». Au fur et à mesure de
la conversation, cette « nymphomanie » est utilement recadrée en troubles du
sommeil pour lui éviter d’« amener avec [ce mot] dans cet usage particulier toutes
les significations précédentes que ce mot a eues pour lui » (de Shazer, 1991).
Nous voyons bien, ici aussi, que la préoccupation est vraiment de dissoudre les
problèmes le plus possible. De Shazer, citant le déconstructiviste J. Hillis Miller,
précise qu’il s’agit de « chercher à trouver l’élément dans le système étudié (la
conversation sur la plainte, les objectifs du client, etc.) qui est illogique, le fil...
qui va tout démêler, ou la pierre branlante qui va faire crouler tous les édifices »
(Miller, 1976).
Nous constatons ici combien l’hypnose orientée solutions peut emprunter, jusqu’à
un certain point, aux approches poststructuralistes telles que celle de Jacques
Derrida. Déconstruire peut être tout à fait synergique au fait de dissoudre les
problèmes. Précisons qu’il s’agit à ce moment-là d’être dans la même éthique
que celle du soin, pour justifier une telle pratique. Peut-être même est-il utile
d’être tout à fait transparent avec le patient, comme nous faisons lorsque nous
proposons à certains patients traumatisés de modifier leur souvenir pour le
rendre plus facilement intégrable (Erickson, 2019) ; nous précisons au patient
que le traitement va modifier sa perception de la réalité, notamment dans le cas
où on ne lui parle pas d’hypnose.
De Shazer s’est beaucoup intéressé à la question des jeux de langage, se basant
sur le fait que les mots n’ont souvent pas le même sens pour chacun de nous. Il
propose l’idée que le thérapeute crée des « malentendus créatifs », c’est-à-dire
qu’il fait comme s’il comprenait les mots du patient en leur attribuant un autre
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“Servillat_Hypnose_centree_solutions_083351_BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2022/7/4 — 11:13 — page 191 — #207
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sens, qui va être utile au patient pour le travail thérapeutique. Dans la conti-
nuation de Milton Erickson qui le faisait déjà, il est proposé au thérapeute de
jouer avec son patient sur la signification des mots. Lorsque le patient effectue
des glissements de sens qui peuvent lui être préjudiciables, il s’agit de stopper
ceux-ci, voire de proposer des mots ayant un sens nouveau (comme trouble du
sommeil au lieu de nymphomanie) et d’arrimer ceux-ci solidement pour éviter
au patient qu’il ne rechute dans le problème.
Il s’agit là de porter une attention hypnotique aux mots et à leur sens, de façon
à construire avec le patient une nouvelle perception de la réalité, un nouveau
ressenti lui permettant de quitter ses ressentis d’incapacités et de limitations.
On ne saurait se fier aux frontières entre concepts, et l’accent mis sur l’insomnie
durant l’interview et dans le message d’intervention à la fin de la séance est
destiné à imposer une contrainte externe, une tentative pour stopper le glis-
sement de sens pour les besoins d’un jeu de langage centré sur les solutions.
Le changement ou la transformation qui suit la redistribution ou l’inversion du
concept et des critères, le renversement de la hiérarchie entre ceux-ci, et le jeu
de langage centré sur les solutions doivent être maintenus en place, solidement
arrimés dans le cadre de la conversation, à des fins pragmatiques, thérapeutiques.
Autrement, le nouveau sens, instable, va continuer à glisser et se dérober, et
la patiente peut « rechuter » dans la nymphomanie. Au cas où ce glissement
et cette dérobade se poursuivraient à l’infini, ceci, comme l’a explicité Jacques
Derrida : « laisserait en fait le champ vierge, sans aucune prise sur l’opposition
(ou la différence) précédente, empêchant ainsi toute intervention efficace dans
le champ (Derrida, 1972, cité par de Shazer, 1991). Et comme le précise de
Shazer (1991) : « Le jeu de langage problématique resterait intact. »
Aussi, comme le résume de Shazer : « Dans la vie courante, il paraît utile de se
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
comporter comme si le sens était stable, et c’est bien la façon dont nous nous
comportons habituellement. Chaque intervention est conçue pour aider le client
à débuter de nouvelles expériences dans sa vie quotidienne » (de Shazer, 1980).
L’apport essentiel des thérapies narratives, celui de son aspect le plus créatif
(White et Epston,1990) peut aussi utilement être intégré dans l’hypnose orientée
solutions. Et ceci pour deux raisons :
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➙ son attention pour nommer utilement le problème, d’une manière qui convienne
au patient,
➙ son utilisation pour externaliser le problème par l’emploi d’un vocabulaire
adapté.
Pour une clarté optimale, précisons que cette approche ne se destine pas à
dissoudre le problème, mais plutôt à l’externaliser pour le contenir, voir pour
l’expulser. On retrouve dans cette approche des analogies avec la démarche
sorcière d’utiliser les mots pour faire sortir le problème.
De Shazer a été assez proche de Michael White, le concepteur des thérapies
narratives. Précisons que ce dernier récusait d’ailleurs le terme de thérapie. Ses
premiers travaux, avec David Epston, partageaient beaucoup de points avec
l’approche éricksonienne, puis s’en sont éloignés ensuite.
De Shazer critiquait la notion d’événement unique prôné par les narrativistes et
qui est un équivalent de l’exception solutionniste. Car il disait que les exceptions
peuvent être répétées, voire fréquentes.
Il partageait par contre l’idée d’aider le patient, au cours de la thérapie, à « écrire
une histoire de succès ». Les approches narratives considèrent que malgré cer-
tains éléments imposés par notre environnement, notre tâche est avant tout
d’écrire notre vie. Et ce par l’ensemble de nos comportements, y compris bien
sûr le travail d’écriture, mais pas seulement. L’enjeu est de devenir des auteurs
de nos vies, autant que possible.
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Le travail de transe est souvent difficile, demande des efforts, et après de tels
moments, le patient est généralement fatigué. Pourquoi donc ne pas s’y inté-
resser ? La seule explication que nous y voyons est qu’il n’y a pas d’explication,
juste un constat. Comme dit l’expression sur le fait que les goûts et les couleurs
ne s’expliquent pas, l’équipe des solutionnistes n’avait pas de goût pour la transe
hypnotique.
En avaient-ils un pour le travail corporel ? Dans un article plutôt tardif, Miller
et de Shazer (2000), en réponse à un article disant qu’ils négligeaient les
émotions dans leur travail, disent que cela est faux. Leurs arguments, basés sur
la philosophie du langage de Wittgenstein, ne nous semblent pas convaincants.
Pourtant, pour avoir vu travailler ces auteurs, je peux témoigner qu’il y avait
une authentique dimension émotionnelle dans leur travail, avec de l’empathie et
un accompagnement verbal de l’émotion. Pour autant, il n’y avait pas réellement
d’aide apportée au patient pour l’aider à utiliser ses émotions. Cela témoigne
peut-être d’une mauvaise compréhension de notre part de ces textes, de lecture
assez ardue. Néanmoins nous pensons, comme cela était le cas dans l’approche
narrative, assez voisine de l’orientation solutions, qu’il y a eu une évolution vers
une intellectualisation théorique.
À la décharge des solutionnistes, il faut préciser que les travaux de recherche
sur les émotions, particulièrement ceux de Leslie Greenberg, sont relativement
récents et étaient encore peu connus à l’époque où les solutionnistes ont
construit leur théorisation.
D’où notre effort pour tenter de pallier ce déficit dans le chapitre 4, « Rôle des
émotions... » p. 146.
Modestement, nous nous proposons d’effectuer, en nous intéressant à la transe,
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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et développement personnel
quelque chose d’absolument essentiel, que cela soit lorsque nous sommes seuls
ou avec d’autres personnes. S’autocomplimenter peut être considéré comme une
hygiène de vie essentielle, notamment pour entretenir et développer notre estime
de nous-mêmes. Il s’agit d’un développement juste, non excessif et adapté.
En pratique, s’autocomplimenter consiste généralement à faire un geste de
remerciement et/ou de félicitations à notre corps, c’est-à-dire à nous-mêmes,
lorsque l’on réussit quelque chose de difficile dans notre vie. Il s’agit d’un travail
auto-hypnotique, c’est-à-dire d’un geste auquel on accorde un certain sérieux,
de la valeur.
Le niveau de difficulté demandé dépend de chacun. Il peut dépendre du besoin
ressenti de se narcissiser.
Se narcissiser, ou encore simplement s’aimer est une nécessité et une responsabilité.
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Enfin, le thérapeute doit être attentif, même si le patient montre son insatis-
faction quant au résultat de la thérapie, a aidé celui-ci à évaluer où en sont les
choses. La meilleure manière de le faire et de recourir à une échelle :
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Très souvent, les chiffres donnés par le patient, alors que nous nous croyons en
échec, sont bons : 7 ou 8, et parfois 9 et même 10 !
Y aurait-il une difficulté à se séparer du thérapeute ?
Ou une décision à prendre sur le fait que les choses sont bien comme elles sont ?
Une décision qui doit être favorisée par le thérapeute, car elle ne peut être prise
spontanément par le patient seul ?
La question de la dépendance au thérapeute peut se poser, avec la répétition de
schémas d’estime de soi insuffisante chez le patient.
La question :
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« Je ressens que, grâce au magnifique travail que vous avez effectué et dans lequel
je vous ai accompagné, cette réussite vous donne envie de continuer à faire évoluer
positivement votre vie. Cela est tout à fait normal et excellent. Comme j’ai d’autres
patients qui demandent à me voir et qui vont mal, je vais vous aider à comprendre tout
ce que vous avez appris pendant notre travail ensemble. Et pour cela j’ai besoin que
vous me disiez, afin que nous puissions ensuite l’appliquer à d’autres domaines, ce
qui, dans tout ce que nous avons fait, vous a le plus aidé ? »
« J’ai bien conscience que toute amélioration signifie aussi, quand le travail a bien
fonctionné, que bientôt il va falloir nous séparer. J’en suis personnellement triste, mais
c’est la vie. (Le thérapeute observe son patient pour vérifier que ce dernier acquiesce.)
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Sachez que nous pourrons nous voir de temps en temps. Il n’y a pas besoin que
vous alliez mal pour que l’on se revoie. (Et si l’assurance-maladie une complémentaire
santé prend en charge financièrement tout ou partie de la thérapie.) La sécurité sociale
est d’accord avec ça. »
" Dans certains cas, la difficulté à arrêter les entretiens peut être l’occasion de
diagnostiquer une problématique abandonnique.
Celle-ci peut se résoudre en travaillant sur des nouveaux objectifs d’extension
et d’enrichissement du réseau social du patient.
Elle peut aussi témoigner d’une souffrance post-traumatique.
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Chapitre 6
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Déjà, Milton Erickson avait pu montrer que les patients font généralement de
leur mieux, contrairement à ce qu’ils pensent souvent. Et il avait développé une
créativité exceptionnelle pour proposer à ses patients, par expérience, qu’ils com-
prennent cela. Les auteurs solutionnistes ont prolongé la démarche en inventant
une méthode qui relève beaucoup de l’art de l’ingénieur. Ils nous ont transmis
leur ingéniosité comme un cadeau, pour nous et pour nos patients. Reprenant
l’esprit d’Erickson, ils en ont structuré l’approche :
! tout problème connaît des variations ? Cherchons-en systématiquement les
exceptions, il y en a toujours, même s’il n’est pas toujours possible d’aider le
patient à les exploiter. Les échelles chiffrées peuvent y aider, et quand il y en
a besoin, utilisons-les en en créant avec et pour nos patients ;
! le présent ne semble pas offrir de germes de solution, le passé non plus ?
Projetons-nous dans le futur, comme le faisait déjà Erickson dès qu’il avait
découvert dans sa jeunesse l’ouvrage Time Distorsion in Hypnosis de Linn
Cooper et qu’il avait été émerveillé par les effets cliniques produits avec
ses patients.
« Tout ce que fait le patient est bien » disait Erickson, et les solutionnistes ont
été des virtuoses pour mettre en pratique et décliner de nombreuses techniques
illustrant ce principe. Voir les patients faire, souvent intuitivement inventer des
solutions, ce fut pendant des décennies ce qui réjouissait ces hommes et ces
femmes, et ce qui donnait de l’espoir aux patients.
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LE COMPLIMENT THÉRAPEUTIQUE :
ESSENCE DE L’ HYPNOSE ÉRICKSONIENNE
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(même si ce sont plus les hommes qui nous ont transmis leurs écrits). Donner
de l’espoir en mettant en valeur la créativité des patients.
Assurément, c’est une philosophie, en plus d’être une méthode, qui semble
pertinente pour notre époque. Car c’est une philosophie concrète qui apporte
de l’espoir.
Sans que cela génère un stoïcisme susceptible de repousser à plus tard la
recherche de solutions, l’orientation solutions considère que les choses peuvent
toujours aller plus mal, et que le présent recèle donc presque toujours des
germes de solutions et d’espoir. Il suffit de regarder les choses, ou comme disait
Erickson de les observer, avec ce regard caractéristique, car orienté. Et, comme
en témoigne l’étymologie, orientée vient d’« orient », de là où le soleil se lève
et génère une nouvelle journée.
Une philosophie orientée solutions est profondément porteuse d’espoir pour
notre époque, tout en restant modeste et humble comme l’était foncièrement
Erickson et comme ont pu l’incarner tout au long de leur vie les fondateurs
du solutionnisme.
Créer de l’espoir qui peut générer de la joie, de la joie anticipatrice qui est donc
déjà là, au moins un peu.
De l’espoir qui peut générer, au bout du tunnel où nos patients nous disent
souvent vivre, un peu de lumière même si elle peut être vacillante.
De l’espoir qui peut donc réanimer, raviver et renforcer la vie.
Pour conclure...
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Annexes
ANNEXE 1
Récapitulatif du dispositif de l’orientation solutions
(d’après S. de Shazer et I. Kim Berg)
2 exception 1 compliment
O
B
J
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
E 3 questions à échelle
C
T
I
F 4 question miracle
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208 A NNEXES
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Annexes 209
ANNEXE 2
Plan de traitement individuel adulte
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210 A NNEXES
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Annexes 211
Génogramme
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212 A NNEXES
ANNEXE 3
Fiche enfant
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Annexes 213
! Inefficaces
................................ Orientations sensorielles
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214 A NNEXES
Génogramme
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Annexes 215
ANNEXE 4
Plan de traitement famille
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216 A NNEXES
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Annexes 217
Génogramme
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222 B IBLIOGRAPHIE
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