Vous êtes sur la page 1sur 384

Olivier CHAMBO N

Michel MARIE-CARUTNE
1

Les bases
dela
psychothérapie
Approche intégrative et éclectique

3e édition
-- ----- ---

liMï1ii1
[)LJN()[)
1---ParTitr•··· •I

lol't '>'t l•l ""



....
.... .
, ,.. ,.,..

--
Olivier CHAMBON

Les bases
de la psychothérapie

Approche intégrative et éclectique

3e édition

1 -· ___J
_
1

DU NOD
le pictogramme qui figure ci-contre d'en seignemen supéri
t eur, provoquant une
mérite une explication. Son obiet est baisse brutale cles achats cle livres et cle
d'alerter le lecteur sur Io menace que rewes, ou point que Io
po ssibilité même pour
les auteurs de créer cles œvvres

®
représente pour l'avenir de l'écrit, ---
,- --..
particulièrement dons le domaine DANGER nouvelles et de les faire éditer cor-
de l'édition technique et universi- rectement est aujourd'hui menacée.
taire, le développement massif du Nous rappelons donc que toute
photocopilloge. reproduction, partielle ou totole,
le Code de Io propriété intellec- de Io présente publication est
tuelle du 1er iuillet 1992 interdit lf Plk1TlXXA1.IΠinterdite sons autorisation de
en effet expressément Io photoco- TIE LE LIVRE l'auteur, de son éditeur ou du
pie à usage collectif sons outori- Centre fronçais d'exploitation du
sotion des ayants droit. Or, cette pratique droit de copie ICFC, 20, rue cles
s'est généralisée dons les établissements Grands-Augustins, 75006 Paris).

©Dunod, Paris, 2010


© Dunod, 1999, 2003
ISBN 978-2-10-054594-0

le Code de Io propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article


l. 122-5, 2° et 3° a). d'une part, que les •copies ou reproductions strictement
réservées à l'usage privé d u copiste et non destinées à une utilisation collective»
et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et
d'illustration, « toute représentation au reproduction intégrale ou partielle laite
sans le consentement de l'auteur au de ses ayants droit ou ayants cause est
illicite • lart. l. 122-4).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce sait, constitue­
rait donc une contrefaçon sanctionnée par les ar ticles l. 335-2 et suivants du
Code de la propriété intellectuelle.
'

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIÈRES V

AVANT-PROPOS À LA TROISIÈME ÉDITION XI

INTRODUCTION

1. Les éléments de la psychothérapie 7

Qu'est-ce qu' une psychothérapie ? 7


Le niveau l, 10 •Le niveau Il,10 •Le niveau Ill, 11 •Le niveau
IV, 12 •Le niveau V, 14

Les cibles de la psychothérapie 16

Les diverses dimensions psychothérapeutiques 19

Un accent sur la prise de conscience (I'« awareness »)


et Le contact, 19 • Un accent comportemental, 19 • Un acce/11
paradoxal, 20 • Un accent cognitif, 20 • Un accell/
intrapsychique, 2 J
Les phases de la psychothérapie 21

Les facteurs non spécifiques des psychothérapies 21

5 Les facteurs curatifs communs 24

Le thérapeute et l ' i m age du parent 29

Le thérapeute et Le paradigme de l'éclectisme de la fonction


parentale, 30 • Prise en compte du stade développemental du
patient dans l ' attitude et les interventions du
psychothérapeute, 31 •L'évolution pluraliste des
psychothérapies, 33
VI ÎABLE DES MATIÈRES

2. Le patient 37
S'adapter au niveau de motivation et au stade
de changement du patient 37
Le stade de la pré-intention, 38 •le stade de L'intention, 40 •Le
stade de l 'action, 41 •Le stade de maintien, 42
L'interaction entre l'urgence et la conscience 44

La différence entre démarche et demande 47


La responsabilisation 47

Les caractéristiques du patient reliées aux résultats du traitement 48


Force et fonctionnement de l'ego 51
Les classes d'approches psychothérapeutiques, 55 •
Modifications du cadre thérapeutique, 57

3. Le thérapeute et la relation thérapeutique 59


Établir une relation thérapeutique 59
Les caractéristiques bénéfiques du thérapeute 60

Les caractéristiques d'une bonne alliance thérapeutique 62


Les aptitudes de base 63
Confiance et sécurité, 65 •Aptitudes d'attention et
d'observation, 66 •Aptitudes de relance, 67 •Aptitudes de
reflet, 70 •Exercices aux aptitudes de relance et de reflet, 73
Les attitudes de base 78
La relation d'aide selon Rogers, 78 •L 'écoute et l 'attitude
générale, 79 •L'empathie, 83 •Alliance thérapeutique et
dissonance cognitive, 88
Le transfert et le contre-transfert 89
Les transferts de type 1 et les trois« transferts »
selon Kohut, 90 •«Aménager» le transfert de type 2, 92 •
Résoudre le transfert de type 2, 93 •le contre-transfert, 97 •
l'expérience émotionnelle correctrice, 106

4. Évaluation, conceptualisation, planification l09


L'évaluation et la conceptualisation 109
L'utilité d'une évaluation, 111 •L 'observation au cours du ou
des premiers entretiens: Les quatre axes de l 'attention, 112 •Le
modèle de Tomm des questions thérapeutiques, 117 •La question
des diagnostics psychiatriques, 121 •Le génogramme, 122 •Le
modèle du BASIC ID, 126 •Les relations d'objet internalisées
TABLE DES MATIÈRES VII

(R.0.1.): une conceptualisation structurale des troubles


psychiques, 131
L'établissement d'objectifs thérapeutiques et la planification du
traitement 145
l'utilité de la formulation d'objectifs thérapeutiques, 146 •La
décomposition du problème en buts réalisables
et leur ordonnancement, 148 •Intégration des objectifs centrés
sur le changement symptomatique et sur le développement de la
personne, 149 •la décomposition du problème en buts
réalisables, l 5 l •l'ordonnancement hiérarchisé des objectifs
thérapeutiques, 154 •Éléments nécessaires à la planification du
traitement, 155

S. Les techniques psychothérapeutiques liées aux facteurs


communs 157

Quels facteurs communs et quelles interventions utiliser en priorité ? 1 57


Accroître l'estime de soi 159
les mécanismes de défense: gardiens de l'estime de soi, 160 •
la technique gestaltiste du dévoilement du secret
personnel, 166 •la technique gestaltiste de travail du rêve, 167
Amener à de nouveaux comportements 169
la pratique en imagination, 170 • la méthode du jeu de
rôle, 172
Réduire ou accroître Je niveau d'activation émotionnelle 174
Pratiquer la « cohérence cardiaque », 175 •Accroître la
conscience des émotions : sept méthodes, 176 •la technique de
la« chaise vide», 179 •La notion d'impact thérapeutique, 183
Induire des attentes positives et accroître la motivation 198
les diféf rents types d'encouragement, 198 •La méthode de
l'encouragement, 201 •Les interventions paradoxales, 204 •la
résistance et son abord, 208
Expériences conduisant aux changements des systèmes
de signification 213
la confrontation, 214
ë5
•Développer l 'insight par la triade
..
«clarification-confrontation-interprétation», 218 •Le
recadrage, 220 •la redécisiori, 223
VIII TABLE DES MATIÈRES

6. Oser la psychothérapie transpersonnelle par la pratique


des états modifiés de conscience 235
Qu'est-ce que l'ego, quel est l'intérêt thérapeutique d'en dépasser
les limites ? 237
Les capacités non-localisées de l'esprit: phénomènes« psi » 239

Les Expériences Extraordinaires 241

Les expériences mystiques ou psychospirituelles 242

Quelles sont les indications des PT ? 244


Les principales PT 245
la respiration holotmpique (RH), 247 • L'hypnose, 248 •
L'EMDR et l 'IADC, 248 •Le travail avec l 'énergie comme
le Toucher Thérapeutique, Le Reiki, l 'EFT, 251 •Le travail
avec L'intention comme la prière, 253 •Les techniques
chamaniques et la FSS, 253 •la psychothérapie
psychédélique, 255 •Le cadre, 256
Conclusion 258

7. Intégration et éclectisme face à la multitude des écoles 259


Questionnaire 260
Aperçu des principales écoles de psychothérapie 262
Présupposés et visions du monde sous-tendant les différentes écoles
de psychothérapie 265
Motivations du psychothérapeute: investir les différentes
dimensions du changement 269
Les principales écoles de psychothérapie: cibles thérapeutiques et
facteurs communs 270
Le caractère illusoire du cloisonnement par école 275
L'indication créative 283
Quelques repères pour concevoir une indication inventive 286
Des concepts intégratifs 298

Positionnement de notre approche vis-à-vis du mouvement


des psychothérapies intégratives et éclectiques 30 1
Notre conception de la psychothérapie emprunte à ces diverses
approches, 301 •Le thérapeute comme combattant, 304
La relation thérapeutique et l'éclectisme d'attitude 305
Les attitudes thérapeutiques selon les écoles, 306 • Le
décloisonnement des attitudes: une conception souple et
TABLE DES MATIÈRES IX

multidimensionnelle de la relation thérapeutique, 30 7 •


Quelques repères issus de la recherche, pour le choix du style
relationnel approprié, 317 •les difé f rentes façons de concevoir
et de traiter les manifestations transférentielles
et contre-transférentielles, 326 •Les styles de personnalité du
thérapeute et de son patient, 328

ANNEXE. IMPLICATIONS POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 33 1


Le bagage minimum du psychothérapeute, 331 •Des
programmes de formation intégratifs, 333 •Le
psychothérapeute« de base» et la fonction d'orientation, 341

BIBLIOGRAPHIE 343
Bibliographie par thème 343
Livres d'orientation générale, 343 • Psychothérapies
intégratives, 344 •Initiation aux diverses thérapies, 344
Bibliographie générale 346

LISTE DES FIGURES 36 1

LISTE DES TABLEAUX 363

INDEX 365
AVANT-PROPOS
À LA TROISIÈME ÉDITION

L
E TEMPSqui s'est écoulé depuis la deuxième édition a amené
beaucoup de changements dans ma vie, dans ma pratique, et dans
mon expérience de diverses autres psychothérapies.
Depuis 2003 je suis passé en libéral et j'ai eu l'occasion de me
former à des thérapies impliquant les états modifiés de conscience,
comme J ' EMDR, l' hypnose ericksonienne, les psychothérapies psyché­
déliques, le chamanisme 1 , ainsi qu'à des thérapies énergétiques comme
le magnétisme, l'hypno-magnétisme, l'EFf, ou le reiki. Ces expériences
thérapeutiques ont évidemment enrichi en profondeur ma conception du
soin et des processus de changement en psychothérapie.
Le rajout du chapitre « États modifiés de conscience et psychothérapie
transpersonnelle » est là pour en témoigner. JI ajoute une dimension
spirituelle à la pratique psychothérapique, qui ne s'oppose pas mais
est complémentaire aux psychothérapies classiques. Le tout pouvant, là
encore, dans l'esprit de ce manuel, être intégré dans un modèle plus large
de la psyché comme celui proposé par Stanislav Grof, dans son ouvrage
Pour une psychologie du futur (2002).
Au modèle mécaniciste puis systémique de l'esprit, dont rendaient
compte les deux précédentes éditions de cet ouvrage, est venu se
surajouter le modèle « non-local » de la conscience en résonance avec
les découvertes récentes de la physique quantique. Non-local est un
terme qu'utilisent les physiciens pour décrire les interactions à distance

1.Avec la branche francophone de la très sérieuse organisation « Foundation for


Shamanic Studies », fondée par l 'anthropologue et professeur d'université américain
Michael Harner.
XII AVANT-PROPOS À LA TROISIÈME ÉDITION

entre les particules atomiques. Or il a été prouvé que l ' esprit humain
peut connaître de telles interactions à distance (Dossey, 2002 ; Radin,
2006 ; Tart, 2009). La prise en compte des phénomènes «psi » (ou
paranormaux), des EMI (états de mort imminente) ou des CAM (commu­
nication avec les morts), des émergences psycho spirituelle et des états
mystiques, si fréquents en fait chez les gens ordinaires et sains d'esprit
(Allix & Berstein, INREES, 2009) nécessitait leur intégration dans un
nouveau modèle de compréhension de la nature de l ' esprit humain. Les
notions d'amour, d'intention, de conscience et d'énergie sont centrales
et essentielles dans ces thérapies qui tiennent compte du « non visible »
et de l'esprit.
Science et spiritualité peuvent très bien coexister dans une étroite
relation de collaboration, et, en tout cas, le psychothérapeute intégratif,
intéressé par tout ce qui peut aider son patient, pourrait fort bien
s'en inspirer. Il est donc temps d'intégrer«psi » (paranormal), «spi »
(spirituel) et« psy ».
Je reste totalement en accord avec l'esprit des éditions précédentes :
même avec un modèle encore plus intégratif, incluant le spirituel dans la
démarche psychothérapeutique, il reste illusoire de proposer un modèle
«idéal », une forme de thérapie que tous les autres devraient suivre. Carl
Rogers, Fritz Perls, et Milton Erikson, par exemple, sont parvenus à
des résultats thérapeutiques par des manières di fférentes à tous points
de vue. Chacun avait un type de personnalité différent, une façon de
travailler différente et probablement un genre de client différent, avec
lequel il se révélait plus efficace. Dans une démarche transpersonnelle
ou spirituelle, on sait bien que lorsque notre conscience s'ouvre à de
nouvelles perspectives, «comme par hasard » des clients qui peuvent
en bénéficier apparaissent. Puisse cette nouvelle édition augmentée
permettre au lecteur d'aider le plus grand nombre.
INTRODUCTION

ET OUVRAGE correspond la progression de l' enseignement en


C
à
deux années pratiquée par nous dans le cadre du Diplôme universi­
taire de psychothérapie l ' université Claude Bernard Lyon 1 1•
à
Nous présenterons d'abord l'ensemble des facteurs communs aux
différentes méthodes de psychothérapie en insistant en particulier sur
l'importance de la relation thérapeutique et de ses aléas.
Les facteurs communs aux psychothérapies sont comme les ingré­
dients de base de la cuisine : ils sont présents partout mais rarement
mis en avant dans le nom de la recette, et pourtant la maîtrise de leur
maniement est indispensable à l' habileté du cuisinier et au goût final du
plat.
Les facteurs communs sont mis en œuvre par l'intermédiaire de
techniques psychothérapeutiques provenant de différentes écoles de
psychothérapie. C'est pourquoi nous nous efforcerons dans un deuxième
temps de mieux connaître ces différentes écoles en traitant de leurs
spécificités tout en indiquant les concepts théoriques et les heuristiques
c: permettant une intégration théorique et un éclectisme technique perti­
"

nents et cohérents.
Nous nous attacherons donc dans ce manuel, à décrire les bases que
tout apprenti psychothérapeute devrait connaître lorsqu'il s'engage dans
l'aventure d'une relation thérapeutique.
Nous sommes fermement convaincus que laformation initiale dans le
domaine de la psychothérapie devrait passer par J 'étude et! 'apprentissage
de l ' usage des « ingrédients de base » et des facteurs communs, et nous
pensons plus particulièrement aux internes en psychiatrie, aux médecins

1. Site internet : www.psychotherapies.fr.st


2 INTRODUCTION

généralistes qui désirent mener des entretiens à visée psychothérapeu­


tique, aux psychologues en formation, ou aux infirmiers travaillant en
psychiatrie. Ce tronc commun, ouvert, impartial et aussi global que pos­
sible devrait précéder l'engagement dans une formation plus spécialisée
et nous semble plus à même d'être proposé par l 'université, plus libre
vis-à-vis des tentations commerciales ou des courants idéologiques qui
animent les luttes de pouvoir.
Malgré notre respect égal pour toutes les écoles de psychothérapie,
nous n'inciterons pas ici le lecteur à faire allégeance à l' une d'entre elles.
Il reste cependant évident dans notre esprit qu' après l' apprentissage des
bases, il est souvent souhaitable d'approfondir ses connaissances, de
parfaire sa formation et de se spécialiser.
Cet enseignement s 'adresse à trois catégories de psychothérapeutes :
l . les psychothérapeutes qui se réfèrent à une orientation théorique
unique mais qui désirent utiliser des méthodes d'interventions issues
d' autres théories ;
2. ceux qui se qualifient eux-mêmes d'éclectiques et qui voudraient
approfondir leur réflexion sur l'intégration et l'application plus systé­
matique des nombreuses techniques disponibles ;
3. les psychothérapeutes débutants qui, pour une raison ou une autre, ne
se sont pas rattachés à une école particulière, désireraient apprendre
une variété de techniques et savoir les appliquer d' une manière
cohérente et psychologiquement juste.
li existe actuellement plus de 400 formes de psychothérapies. Face
à cette offre surabondante et au choix complexe qu'elle implique, deux
attitudes opposées peuvent être adoptées.
La première, que nous recommandons, consiste à prendre le temps,
à avoir la patience, le courage et l ' humilité d'entrer progressivement
dans cet univers en l'explorant dans toutes ses dimensions, afin d'en
découvrir les arcanes et d'en utiliser de manière créative le plus grand
nombre des possibilités. Cette démarche n'est pas sans danger, le
principal étant de composer une « purée de théories » et une « salade
de techniques ». Il est donc nécessaire que l ' apprenti soit guidé par
une réflexion sur l'intégration et l'éclectisme au cours de sa formation
par des psychothérapeutes expérimentés. Le diptô� universitaire de
psychothérapie que nous avons mis en place (UCB Lyon 1 ) s'inscrit
dans cette démarche. Il fait parti d'un mouvement de réflexion national
qui a débuté, en 1 992, par la création de I 'Association française pour
l'approche intégrative et éclectique en psychothérapie (AFIEP), et
qui s'est vu tout récemment confirmé par la naissance, au sein de la
INTRODUCTION 3

Fédératfon française de psychothérapie, de la Fédération française de


psychothérapie intégrative et multiréférentieHe (FFPIM), dont I' AFIEP
est l'une des associations fondatrices.
La deuxième attitude, malheureusement peut-être encore la plus
fréquente, consiste, face à la diversité et la complexité, à éviter la
perplexité qu'elles engendrent, en se réfugiant prématurément derrière
une approche unique et « intégriste» (par opposition à intégrative),
en jugeant de façon radicale les autres comme erronées, fallacieuses,
ou inférieures. Cette attitude se renforce d'une méconnaissance des
autres écoles, directement liée au caractère trop précoce du choix d'une
orientation « pure», alimentée par des stéréotypes malheureusement
encore trop répandus. Pour citer quelques-unes de ces caricatures : le
comportementalisme serait du lavage de cerveau désubjectivant ne tou­
chant que des aspects superficiels ; la psychanalyse ne serait à proposer
qu'aux riches en bonne santé, et sans effets thérapeutiques ; les thérapies
cognitives seraient exercées par des thérapeutes obsessionnels aimant
avant tout rationaliser et maîtriser des « patients-objets» ; la psycho­
thérapie Gestalt entraînerait les patients dans des situations sexuelles,
dangereuses, explosives, et d'effets dévastateurs. Évidemment chacun
de ces clichés est parfaitement ridicule pour qui connaît de l' intérieur
chacune de ces techniques, mais peut paraître plausible pour celui qui
se contente de juger sur la foi des rumeurs renforcées de ses propres
projections.
Nous espérons que cet enseignement fera pencher la balance en faveur
de la première attitude, et vers une réflexion plus nuancée, objective et
complexe de la pratique de la psychothérapie.
Le but n'est surtout pas de constituer une école de plus (ce qui
rajouterait encore au cloisonnement) mais au contraire d'ouvrir un espace
de communication, de coordination et d' enrichissement mutuel des
différentes écoles. Il s'agit bien plutôt d'une « méta-école» qui vise
c:
"'
à garder en mouvement continu une réflexion qui ne doit pas se figer et
s'isoler.
Cette voie d' abord est encore novatrice dans notre pays, même si
actuellement beaucoup de psychothérapeutes, sans forcément oser le
dire, évoluent individuellement vers l ' intégration et l'éclectisme. Nous
désirons ainsi fournir des outils de réflexion et favoriser la légitimation
d'un mouvement encore trop officieux resté en partie caché, peut-être en
raison d'une trop grande sensibilité aux propos jusqu'alors lénifiants et
trop autosuffisants des tenants des principaux courants.
Dans une publication d'un collectif du Syndicat national des praticiens
en psychothérapies (Profession psychothérapeute, 1996), Lefebvre tenait
4 INTRODUCTION

des propos qui semblent cependant assez rassurants quand à l'évolution


des mentalités (p. 45) :

« [ . . ]je remarque actuellement une tendance chez de nombreux psychothé­


.

rapeutes et même chez certains psychanalystes, bien que cela soit plus rare
quand ils appartiennent à une école officielle, qui est de faire une synthèse
personnelle à partir des méthodes avec lesquelles ils se sont eux-mêmes
transformés ou qu'ils ont expérimentées, ainsi qu'à partir des théories qui
les conceptualisent. JI semble se dessiner une sorte de pratique qui intègre
plusieurs courants de pensée et plusieurs techniques à la personnalité
propre du psychothérapeute. Je ne parle pas des psychothérapeutes tentés
par un vague syncrétisme ou mêlant toutes sortes de techniques dont ils
n'auraient pas approfondi les fondements pratiques et théoriques ou dont
ils ignoreraient les processus par lesquels chacune de ces méthodes exerce
un effet transformateur. Mon propos concerne plutôt la personnalisation
et l'indépendance des psychothérapeutes contemporains par rapport aux
écoles d'origine, ce qui n'empêche nullement un axe de travail cohérent
et solide ».

Souhaitons qu'il en soit le plus rapidement possible ainsi, en tout cas,


c'est aussi le but que se propose ce travail.
La psychothérapie est une pratique multidimensionnelle aux formes
diverses et évolutives. Comme il n 'existe pas dans ce domaine de vérité
doctrinaire, c'est l'ouverture aux différents savoirs déjà constitués et aux
idées nouvelles, ainsi que le travail du lien entre ces savoirs établis et
ces idées nouvelles qui sont de judicieux principes directeurs. Nous nous
trouvons en plein accord avec Delourme quand il déclare que ce qui
permet d'être toujours en recherche et d'être aveugle moins souvent est
l ' alliance entre des théories et des méthodes issues de champ différents
(Delourme, 1 999). Le projet n'est en effet pas d'être spécialiste d'une
méthode mais d ' être utile au patient, ce qui est très différent. Cette
hétérogénéité n'est pas toujours confortable, mais elle a le mérite d'être
ouverte et évolutive.
Le temps des chapelles est fini. Plus que d'une révolution, il s'agit
d'une évolution inéluctable, en profondeur. Le psychothérapeute « Pro­
custéen» (Chambon, 1 992) qui adapte ses patients à sa théorie (et

non pas, malheureusement, l ' i nverse) et leur i mp� impérativement


une technique unique, en « coupant ceux qui dépassent du cadre et en
étirant ceux qui sont trop petits », sera peut-être une espèce en voie de
disparition d' ici une dizaine d'années.
Pour finir, indiquons les limites de notre formation. Elle concerne
principalement la psychothérapie individuelle ambulatoire de patients
non psychotiques et pour lesquels on n 'envisage pas la nécessité d'une
INTRODUCTION 5

hospitalisation en milieu psychiatrique ( ce qui exclue un certain nombre


de cas de troubles graves de la personnalité) 1, sous ses aspects théoriques
et techniques. Les considérations sur l ' éthique et la prise en charge
groupale ont été volontairement laissées de côté, tant elles nécessitent
d 'abondants développements qui ne peuvent trouver leur place ici.

1. La prise en charge des patients psychotiques ou des troubles graves de la personnalité


en milieu psychiatrique hospitalier a déjà été traitée ailleurs par les auteurs (0. Chambon,
C. Perris, M. Marie-Cardine, 1997 ; O. Chambon, M. Marie-Cardine, l 998a).
Chapitre 1

LES ÉLÉMENTS
DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Q U ' EST- C E Q U ' U N E PSYC H OT H É RAP I E ?

De nombreuses définitions ont été données du terme de psychothéra­


pie. Une des plus générales est celle proposée par E. Giusti (1995):

« La psychothérapie constitue toujours une rencontre entre deux ou plu­


sieurs personnes, dans laquelle l'une se définit ou est définie comme ayant
besoin d'aide et demande à être soignée ou à changer, alors que l'autre
possède et est reconnue pour avoir des qualités personnelles déterminées
et un corps de connaissance théorique et technique, qu'elle utilise pour
aider l'autre à produire un changement. »

Donc, pour définir une interaction comme psychothérapie il doit exis­


ter une relation interpersonnelle de type professionnel et une théorie qui
guide les interventions de changement du thérapeute. Chaque orientation
thérapeutique attribue une i mportance et une signification différentes à
ces différents éléments et à leur interaction, mais on ne peut parler de
psychothérapie sans qu'il y ait un échange interpersonnel inséré dans un
projet thérapeutique de changement.
8 LES BASES DE tA PSYCHOTHÉRAPIE

Nous pensons qu'il est utile de considérer aussi la définition de la


psychothérapie proposée par Strotzka en 1 978 :

« La psychothérapie est un processus interactionnel conscient et planifié


visant à influencer les troubles du comportement et les états de souf­
france qui, dans un consensus (entre patients, thérapeute et groupe de
référence). sont considérés comme nécessitant un traitement, par des
moyens psychologiques (par la communication) le plus souvent verbaux,
mais aussi non verbaux, dans le sens d'un but défini, si possible élaboré
en commun (minirnalisation des symptômes et/ou changement structurel
de la personnalité), au moyen de techniques pouvant être enseignées sur la
base d'une théorie du comportement normal et pathologique. En général
cela nécessite une relation émotionnelle solide ».

Cette dé fi nition res te assez large et ne fait pas peser heaucoup de


contraintes (notamment en terme d' exigences scientifiques) vis-à-vis
des méthodes d'intervention psychologique qui revendiquent le statut
de psychothérapie. Elle convient bien à la situation française puisque
la France est l'un des seuls pays européens où il n'est pas imposé de
cadre légal à l'exercice de la psychothérapie ni de formation obligatoire
dans ce domaine pour les psychiatres 1 • Or, actuellement, l' Association
européenne de psychothérapie (EAP) est en train de définir des critères
beaucoup plus stricts, insistant sur la nécessité d'une validation scien­
tifique des méthodes qui prétendront à l' appellation de psychothérapie,
et imposant un cursus de formation long et très complet pour pouvoir
exercer légalement un métier de psychothérapeute.
Dans les textes de l ' EAP, une méthode scientifiquement reconnue de
psychothérapie implique que :
• l'orientation ou la méthode offre un programme de formation complet ;
• la pensée associée à une méthode de formation soit étayée par des
publications scientifiques suffisantes ;
• l' orientation et la méthode soit internationalement reconnu ;
• l ' orientation ou la méthodedévelo we1 une théorie des désordres
psychiques, de leurs causes, et des m�dèles d' intervention (inventaire
dépendant de la méthode) ;

1. En fait les textes officiels prévoient bien dans le programme du D.E.S. de psychiatrie
un objectif concernant la psychothérapie. mais il n'est pas précisé et son contenu est
laissé à la libre appréciation des enseignants, si bien que cette formation varie beaucoup
d'une faculté à l'autre. Une réflexion sur ce sujet est engagée actuellement au sein du
Collège national universitaire de psychiatrie (CNUP) sous la direction du Pr G. Darcourt.
LES ÉLÉMENTS DE lA PSYCHOTHÉRAPIE 9

• la formation comprend un minimum de 250 séances de thérapie


personnelle (travail sur soi), 1 30 séances de supervision de la pratique
clinique et 250 heures de théorie.

Huber ( l 993) va même plus loin dans la rigueur scientifique en


réclamant qu'une psychothérapie remplisse les conditions suivantes :
• être basée sur une théorie scientifique de la personnalité et de ses
troubles ;
• se fonder sur une théorie scientifique de la modification des troubles et
sur un appareil technique éprouvé ;
• présenter des évaluations empiriques de ses effets, positifs et négatifs ;
• porter sur des troubles du comportement ou des états de souffrance
considérés comme requérant une intervention ;
• être pratiquée par des personnes formées et compétentes.

La raison d' être essentielle d'une telle définition est surtout d'ordre
éthique : la souffrance humaine ne doit pas être prise en charge par
des personnes incompétentes et avec des méthodes inefficaces. Dans
la pratique, cependant, l'on est bien souvent amené à intervenir sans
preuve scientifique de la validité totale, universelle, et éternelle de la
théorie de référence et sans assurance de la pertinence indubitable de la
technique thérapeutique utilisée dans le cas particulier du patient alors
en cause. Faut-il alors s'abstenir pour autant, et ne fait-on alors plus
de psychothérapie ? Qu'en est-il aussi, dans le cadre de cette définition,
des possibilités de création de combinaisons thérapeutiques (éclectiques
ou intégratives), qui font appel à l ' inventivité et aux capacités d"adap­
tation du thérapeute mais ne sont pas encore testées empiriquement,
comparativement à d' autres interventions ou au placebo, et en double
aveugle, sur un grand échantillon de patient ? Ne fait-on alors plus de
psychothérapie ?
c:
::l

Ces définitions doivent donc être utilisées comme garde-fou contre des
dérives fantaisistes de la pratique, mais ne doivent pas devenir un carcan
étouffant, inhibant et niant l'aspect artistique inhérent à la fonction de
psychothérapeute.
C. Garrone ( 1 985) fait de la psychothérapie l ' intégration de trois
éléments principaux : le processus relationnel (la relation établie entre
le patient et son psychothérapeute) est relié à un cadre par un contrat
plus ou moins formel. Selon les modalités d'intégration de ces différents
composants, nous avons proposé une classification des psychothérapies
qui peut avoir un certain intérêt, notamment quand il s' agit de discuter de
la formation. (J. Furtos et M. Marie-Cardine, 1 98 1 . 1 982; O. Chambon
10 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

et M. Marie-Cardine, 1 998). Elle n'implique pas de jugement de valeur


malgré sa graduation par ordre de spécificité et de complexité croissante.

Le niveau 1

Il repère ce que l'on peut appeler l' ajde psychologique de la vie


courante. Les relations humajnes peuvent être, selon les cas et les
c irconstances, bénéfiques ou cause de souffrance, voire pathogènes.
L'élaboration du deuil dans le cadre culturel, grâce aux différentes
possibilités de soutien offertes par la communauté en est une i llustration
courante. On sait par ailleurs que le risque suicidaire chez un dépressif est
d' autant plus important qu'il manque de soutien social (D. Leguay, 1 995 ;
M . Lejoyeux, 1 995). De même, l'évolution des troubles psychotiques
paraît mieux prédite par les facteurs sociaux que par les variables symp­
tomatiques (Bentall, 1 993). En outre, d'autres études plus générales ont
montré que les relations sociales pouvajent jouer un rôle thérapeutique ou
au moins préventif réel, comme peut le suggérer, par exemple, la théorie
des filtres en épidémiologie psychiatrique (D. Goldberg et P. Huxley,
1980 ; F. Rouillon, 1 985). Un grand nombre de troubles psychiques
mineurs ou d'intensité modérée sont pris en charge par les relais naturels
de la communauté et ne sont pas étiquetés officiellement comme maladies
mentales puisqu' ils ne traversent pas les filtres d'accès aux filières
professionnelles qui Je permettraient.
Ces relations familiales, amicales et sociales de la vie quotidienne
s'inscrivent dans des cadres divers auxquels les lient une multitude de
contrats variés plus ou moins explicités selon les cas.

Le niveau Il

Il désigne un processus relationnel i nscrit dans un cadre spécifique


mais qui correspond à un but différent du changement psychologique.

c;I.
On dit que le cadre et le processus n' onvpas un objet identique ou ne
sont pas homogènes. En fait, il s'agit ce que nous dénommons avec
J. Guyotat les attitudes psychothérapeutiques ou psychologie médicale.
J. Guyotat ( 1 978) écrit par exemple à ce sujet :

« Une distinction importante cependant doit être faite entre la formation à


des techniques psychothérapiques spécialisées, et la formation destinée à
développer une attitude psychothérapique plus adéquate dans la pratique
médicale, infirmière etc. quotidienne. »
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 11

Il s ' agit, notamment en médecine, mais le phénomène dépasse de


beaucoup la pratique médicale, des effets psychologiques et psychothéra­
piques implicites d'une pratique professionnelle dont l'objet est différent.
On peut ainsi parler des effets psychologiques liés à d' autres pratiques
professionnelles (assistantes sociales, éducateurs, avocats, enseignants,
prêtres etc.).
Dans toutes ces pratiques il existe bien un cadre, très nettement
défini, théorisé, guidant la pratique, mais le contrat qui lie le praticien à
son patient ou à son client selon les cas, n 'implique pas explicitement
ces effets psychologiques qui peuvent souvent prendre pourtant une
importance prédominante.

Le niveau Ill

Le troisième niveau requiert moins de commentaires puisqu'il


regroupe l'ensemble des psychothérapies spécifiques ou systématisées.
Ici, le processus, le cadre et le contrat sont parfaitement homogènes.
À l ' intérieur de ce niveau, cet ensemble de techniques a fait lui-même
l ' objet des classifications habituelles selon différents critères que nous
ne ferons que rappeler brièvement tant ils sont connus, tels que le mode
de communication (psychothérapies verbales et non verbales), le nombre
de protagonistes (individuelles ou de groupe), la théorie de référence
(psychanalytique, systémique, gestaltiste, analyse transactionnelle,
comportementales, cognitives etc . ) , l ' auteur de référence (freudienne,
rogérienne, etc.), leur durée (prolongée ou brèves etc.).
Le problème qui se pose pourtant est celui de la prolifération de ces
techniques (400 selon Karasu, 1 986) et donc du choix, des indications
ainsi que ceux de la formation.
Nous proposons une subdivision permettant de distinguer deux
extrêmes d'un même continuum : celui du conseil (counselling) ou
niveau Ilia et celui de la psychothérapie ou niveau illb. Selon qu'i l
s ' agisse d'une activité de conseil o u de psychothérapie, on aura
affaire à des clients jouissant d'une expérience de soi dans l 'ensemble
non pathologique versus gravement perturbée, qui présenteront des
comportements problématiques de nature essentiellement instrumentale
versus personnelle et affective, relevant plutôt de l ' actualité versus du
développement ; leur demande de consultation sera spécifique, concrète
et claire versus complexe.
Suivant en cela Duruz ( 1 994), nous réserverions l ' activité de conseil
(illa) pour signifier un travail psychologique qui reste essentiellement
focalisé sur l'explicite de la demande, et qui tend à présenter de manière
12 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

directive, bien qu' avec souplesse, des modèles de comportements que


Je consultant peut s' approprier. Le but de la consultation est de faire
acquérir au consultant des savoirs, des aptitudes cognitives et compor­
tementales, de manières à améliorer ses capacités adaptatives, à l ' aide
de techniques dites rationnelles dans le sens où leur utilisation est relati­
vement évidente pour le consultant. Dans la psychothérapie proprement
dite (Illb), l'abord des problèmes d'un point de vue rationnel, sous forme
d'aide éducative, ne semble plus suffire de par l'état psychopathologique
impliqué. I l s'agit alors de travailler avec les résistances du client et de
les dénouer à l'aide d'une logique différente de celle du sens commun ou
de la raison socialisée (association libre, connotation positive, injonction
paradoxale, réactivation intentionnelle de la crise, etc.).

Le niveau IV

Il se trouve ainsi naturellement introduit.


En effet, cette multiplication des psychothérapies systématisées, la
prise de conscience de la stérilité des luttes idéologiques qui en oppo­
saient les différents courants auxquelles elles se rattachaient, les effets
de la crise économique rendant nécessaire une plus grande solidarité
et de nombreux autres facteurs encore (J.C. Norcross et M.R. Gold­
fried, 1 998) ont conduit à l' apparition d'une nouvelle approche dans
le domaine des psychothérapies que nous situerons au niveau TV (en
modifiant quelque peu notre classification précédente) 1• C'est celui des
psychothérapies intégratives et éclectiques. Ce courant qui nous vient
des USA tend à prendre de l' importance et a été récemment introduit en
France 2 (O. Chambon et M. Marie-Cardine, 1 992 ; M. Marie-Cardine,
O. Chambon, R. Meyer, 1 993 ; O. Chambon et M. Marie-Cardine, 1 999).
Ce sont aussi les résultats de la recherche scientifique sur ces techniques
qui ont amené progressivement différents chercheurs (M.J. Lambert et
coll. 1 986, 1 998 ; Arkowitz, 1 989 ; Norcross et Greencavage, 1 989
etc.), au constat de l'existence de facteurs communs, dont la théorie

1. Dans nos travaux précédents nous situions les psychothérapies institutionnelles à


ce niveau IV, en les considérant comme des psychothérapies complexes, mais depuis,
le développement de ce courant des psychothérapies intégratives et éclectiques nous
a amenés à modifier quelque peu notre classification. Il nous paraît en effet plus
logique désormais de les situer ici (niveau IV) et de placer ensuite les psychothérapies
institutionnelles (niveau V).
2. Depuis 1992 a été créée une association, I' A.F.I.E.P. (Association française pour l'ap­
proche intégrative el éclectique en psychothérapie). Pour tout renseignement, s'adresser
à l'un des auteurs.
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 13

forme du reste la base de l'un des courants de cette perspective. En


effet, ces facteurs communs représenteraient 30 % des effets théra­
peutiques, soit le double des effets attribués aux facteurs spécifiques
( 1 5 %) produits par ces techniques. Parmi ces facteurs communs l ' un
des plus importants et le plus constamment retrouvé dans les études
est justement celui qui concerne la relation thérapeutique qui est au
cœur du processus psychothérapique. La qualité de l ' alliance ou de la
collaboration thérapeutique est l ' un des meilleurs facteurs prédictifs
de l 'évolution d'une psychothérapie quelle qu'elle soit. Mais on cite
encore l 'expression émotionnelle (catharsis, ou abréaction), l expérience
émotionnelle correctrice, l e désir de changement du patient, les qualités
personnelles du psychothérapeute, l amélioration du sentiment d'estime
de soi, l' acquisition de nouveaux comportements, la meilleure régula­
tion du niveau d' activation émotionnelle, l ' amélioration des capacités
d'introspection (insight) etc.
Il existe plusieurs conceptions de l' intégration et de l'éclectisme, outre
cette théorie des facteurs communs, dont notamment le courant de I 'éclec­
tisme technique (association de plusieurs techniques différentes en même
temps ou successivement, réalisées sur la base des résultats d' études
scientifiques, courant plus pragmatique et statistique que théorique) et
le courant de l ' intégration théorique qui, comme son nom l ' indique,
met l'accent sur l'intégration des théories sous-jacentes aux différentes
techniques. Comme le dit J.-C. Norcross, ( 1 998) dans une comparaison
gastronomique, l'éclectisme technique compose un menu avec différents
plats, alors que l' intégration théorique compose un nouveau plat en
combinant différents ingrédients.
L'éclectisme est encore très mal reçu en France pour des raisons
que nous avons analysées (M. Marie-Cardine, O. Chambon et R. Meyer,
1 994) mais J.-C. Norcross ( 1 998) précise bien qu'il est à l ' opposé
de l'amalgame et du syncrétisme. l i ne s'agit pas de l'effet d'une
c:
= subjectivité mal contrôlée, de la « bouillie pour les chats », « le refuge de
la médiocrité, le sceau de l' incompétence ». Il s ' agit, bien au contraire,
d ' un éclectisme méthodique et systématique, basé sur « des années
de recherche et d'expérience cliniques, fruit du travail de cliniciens
compétents dans plusieurs systèmes thérapeutiques, sélectionnant leurs
interventions de façon systématique en fonction des besoins de leurs
patients et des résultats comparatifs fournis par l a littérature. Sa force
est qu'on peut l'enseigner, la reproduire et l'évaluer ». On voit combien
ce point de vue nous concerne dans l'objectif de ce travail. Un des
défis rencontrés par cette approche, dont l ' adoption par les cliniciens
est i néluctable dans les prochaines décennies, consiste à clarifier les
14 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

articulations théoriques et techniques entre des ensembles cohérents


mais parfois contradictoires. Pour le praticien, il s'agit de ne pas craindre
ces contradictions, mais de faire en sorte que la mise en dialogue des
différents systèmes mène à une créativité personnelle et professionnelle
accrue. La flexibilité, l'ouverture mais aussi la vigilance critique sont
des principes directeurs de ce mouvement (Delourme, 1 999).

Le niveau V

Enfin, il nous paraît nécessaire de distinguer un niveau V, les psycho­


thérapies institutionnelles, qui doivent être distinguées à cause de leur
complexité, de l'interférence et de la combinaison de cadres et processus
multiples. Elles sont le lieu de la complexité maximum, faisant intervenir
différents niveaux entremêlés et à désintriquer (R. Kaës, J. Bleger et
coll., 1 987 ; M. Marie-Cardine et O. Chambon, 1995 ; O. Chambon et
M. Marie-Cardine, 1 998). En psychiatrie le problème du contrat se pose
parfois d'une manière particulière dans Je cadre des hospitalisations sans
consentement. Ici la complexité doit être analysée, travaillée, organisée
et utilisée pour traiter plus complètement Je patient.
D'autres précisions terminologiques doivent être envisagées. En effet
on a souvent différencié les termes de psychothérapie et de thérapie. Dans
le langage parlé, celui de thérapie n'est qu'une abréviation du premier,
d'origine anglo-saxonne. Il tend même à englober toute thérapeutique
indistinctement, ce qui est excessif. Mais dans une acception plus précise,
le terme de thérapie faisait naguère plutôt référence aux thérapies com­
portementales (puis cognitives qui en sont en partie dérivées et leur sont
souvent associées) par opposition aux psychothérapies, qui se référaient
davantage au courant psychanalytique par le biais des psychothérapies
d' inspiration psychanalytiques (P.I.P.) ou des psychothérapies brèves ou
focales de même référence (d'inspiration psychanalytique également).
Or, ces terminologies ne sont pas indifférentes dans leurs connotations,
car elles s' inscrivaient dans un contexte de lutte idéologique qui tend
fort heureusement à s ·estomper. Mais il y a_plus. En effet, la psycho­
thérapie, surtout dans son acception dé1tvée de la psychanalyse, fait
davantage référence à un travail effectué à l ' intérieur du fonctionne­
ment psychique, travail d'élaboration, de perlaboration, de prise de
conscience (introspection, insight etc.). Les différentes techniques de
ce type mettent en jeu principalement les mécanismes d' identification
consciente ou inconsciente. Dans la psychanalyse, c'est l' identification
au fonctionnement analytique lui-même qui est visé, du moins dans
l'idéal, et les effets de suggestion sont réduits par leur analyse. Les
autres types de psychothérapies visent davantage les modifications des
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 15

mécanismes d'identification eux-mêmes et utilisent des doses plus ou


moins importantes de mécanismes de suggestion.
Ces techniques mettent en jeu les fonctions d'analyse et de synthèse
du moi et visent en premier lieu les modifications de la personnalité
en profondeur, bien qu'en découle inéluctablement aussi un effet sur le
comportement et les symptômes. Les techniques inspirées par la psycha­
nalyse ou apparentées sont dites expectantes et non directives, bien que
dans ce registre d'importantes variations puissent être observées.
Inversement, .le terme de thérapie faisant davantage référence aux
techniques comportementales et cognitives, implique une dimension
éducative ou pédagogique plus importante. En effet, on parle couram­
ment, dans les milieux anglo-saxons de techniques psychoéducatives (ou
psychagogiques, par contraction de psychothérapie et de pédagogie ; le
terme existe, mais est rarement employé). L'aspect pédagogique de ces
techniques est, du reste, souvent remarquable et pourrait servir de modèle
dans bien des cas dans d' autres sphères de l'action éducative (notamment
dans le domaine de la pédagogie scolaire ou surtout universitaire qui
laisse tant à désirer.. . !). La pédagogie vise, en principe, davantage
une transformation ou des modifications du comportement extérieur
et observable. Ceci est particulièrement net en ce qui concerne les
thérapies comportementales. Il s'agit d'une action qui, donc, au premier
abord est plus superficielle, et qui se situe, en principe, à l'extérieur du
fonctionnement psychique. Ces méthodes sont en général très directives,
structurées et recourent plus à l 'imitation qu'à l' identification, utilisent
des techniques d'observation de soi-même inspirées par le modèle scien­
tifique, cherchent à stimuler une auto-observation et une autocritique de
son propre comportement par le malade, basée sur la réalisation de tâches
d' application dans la vie quotidienne conçue en fonction de l'expérience
personnelle que le patient a pu faire en présence de son thérapeute. Il
s'agit donc d'une pédagogie active, interactive, éclairée par un apport
substantiel d'informations données par le thérapeute. Cette action vise
en premier lieu les modifications du comportement et des symptômes,
� mais il n'est pas exclu qu' indirectement se produisent également des
remaniements plus ou moins prononcés de la personnalité sous-jacente.
Nous essayerons de montrer tout au long de notre travail que l'oppo­
sition entre psychothérapie et thérapie, ou entre changement superficiel
et profond, n'est qu'un artifice qui persistera tant que l'on adhérera
strictement à l'une des écoles qui cloisonne le champ de la psychothéra­
pie. En réalité, changements superficiels et profonds ne s'excluent pas
mutuellement et peuvent alterner en fonctions des phases que traverse
le patient. On ne peut affirmer a priori qu'une intervention donnée
16 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

produira un changement plus ou moins profond par rapport à d' autres


interventions : ce que peut faire un thérapeute, quelle que soit son école,
est de mettre le client en condition pour amorcer sa propre réorganisation.
Ce qu'il ne peut faire c'est contrôler et déterminer quand, comment et
avec quelles conséquences le changement aura lieu (Dell et Goolishian,
1 9 8 1 ).

LES C l BLES D E LA PSYC H OT H É RA P I E

Toute psychothérapie agit sur l ' une des cinq cibles de l a figure 1 :
le contexte social et interpersonnel, les cognitions (images, représenta­
tions, fantasmes, pensées, croyances), les affects (et les émotions), les
comportements, et les sensations.

Contexte, cadre social et familial

t
Cognitions
(pensées, représentations, croyances, images ... )

Affects

+ Comportements

Sensations

t
Figure /. les différentes cibles du changement et leur interaction.

Même si la plupart des psychothérapies- expliquent leur efficacité


par leur action privilégiée sur l'un de ces aspects, chacun d'eux est en
interaction dynamique avec les autres et chaque type de psychothérapie,
en agissant initialement sur un seul de ces facteurs, agit finalement sur
l'ensemble de ceux-ci.
Cependant, il existe une certaine hiérarchie liée au développement
temporel de ces différents systèmes, certains s' étant développés plus
précocement que d'autres et ayant joué un rôle important dans la consti­
tution de ceux qui les suivaient. C'est ainsi, en reprenant la distinction
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 17

faite par Max Pagès, que le système corporel (incluant l'axe sensation)
puis le système émotionnel se sont développés avant le système discursif­
représentatif (cognition). Pagès illustre remarquablement la nécessité,
pour la thérapie de certains patients, d' aborder d'abord le système
émotionnel par des techniques apparentées à la Gestalt, avant de pouvoir
aborder avec profit celui des conflits intrapsychiques inscrits dans le
système discursif-représentatif par une intervention psychodynamique.
On notera la complémentarité des approches psychothérapeutiques
puisque, par exemple, la psychanalyse met en relief les mécanismes
intrapsychiques, les thérapies systémiques éclairent le cadre général du
fonctionnement interpsychique et étudient le contexte humain, les théra­
pies psychocorporelles permettent de travailler sur les enjeux affectifs et
les modalités concrètes de la rencontre interpersonnelle.
Signalons une autre complémentarité, qui est celle existant entre les
niveaux conscients et non conscients de ces cibles (Delourrne, 1999). À
force d'insister sur les mécanismes inconscients, la psychanalyse en était
venue à considérer comme défensif ou superficiel ce qui relevait du vécu
conscient. De même, les approches psychocorporelles et systémiques, en
mettant l'accent sur les processus conscients, pouvaient parfois négliger
la part non consciente _qui habite chaque personne et chaque groupe.
Comme le propose très pertinemment Delourme ( 1 999), puisque la
psychanalyse privilégie les interactions fantasmatiques, et c'est là son
domaine de compétence, complétons-la avec des méthodes qui donnent
toute leur importance au niveau conscient et concret de la communi­
cation. Les psychanalystes travaillent sur le rêve, les fantasmes, et les
représentations de la pulsion, c'est-à-dire une partie du monde psychique.
Mais en fait, ils ont accès non pas directement à la vie inconsciente mais
à ce que la personne exprime. Les processus inconscients ne sont pas
atteints directement, ils passent par une relation par la communication :
par exemple on n'étudie pas le rêve mais le récit qu'en fait le rêveur, récit
qui est déjà une transformation ou une interprétation. Ce qui signifie que
les psychanalystes ont affaire le plus souvent à la conscience, de même
que les psychothérapeutes émotionnels ou systémiques touchent à la vie
non consciente.
Ainsi, quelle que soit la cible initiale d' intervention, toute psycho­
"

thérapie peut (et selon nous devrait) agir à deux niveaux vis-à-vis de
celle-ci :
• elle en accroît la conscience chez le sujet et développe les capacités
d' auto-observation de ce dernier ;
• elle implique le sujet dans de nouvelles expériences dans et hors des
séances et le conduit à s'exposer à ce qui était craint et évité.
18 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Revenons au premier de ces deux points. Il correspond aux psycho­


thérapies « découvrantes » (Gestalt, psychothérapies psychodynamiques,
par exemple). Quelle que soit la cible choisie initialement (sensations,
cognitions, émotions ... ), l'un des objectifs principaux de ces thérapies
consiste à développer une « dissociation thérapeutique du moi ». C'est­
à-dire que l ' on doit indiquer au patient une méthode et des objets
d'auto-observation, de façon à ce qu'il puisse simultanément ressentir
ses troubles et, en même temps, être en position d'observation vis-à-vis
de ce qui se passe en lui. Il peut ainsi, progressivement, devenir de plus
en plus conscient des courants affectifs qui le traversent, des imagos
qui le structurent, des pensées et des images qui l'influencent, et des
mécanismes de défense qui l' isolent de lui-même ou des autres. À partir
de cela, il connaîtra une « neutralité bienveillante » envers lui-même,
qui lui permettra d'observer tout ce qui se passe en lui, sans rien rejeter,
ni sans se condamner ou se culpabiliser, découvrant ainsi de nouvelles
parties de lui-même qu'il pourra intégrer au reste de sa personnalité.
Les thérapies qui n'ont pas pour objectif prioritaire d'être décou­
vrantes (thérapies stratégiques, ou comportementales, par exemple)
agissent alors plutôt au deuxième des niveaux que nous avions décrit
ci-dessus (nouvelles expériences relationnelles, nouvelles significations,
exposition).
Le travail sur les différentes cibles et l' articulation entre les diverses
approches est souhaitable parce que chaque cible et chaque approche
sécrètent leurs propres résistances, résistances qui sont inévitables dans
toute démarche de changement mais que l ' on ne doit pas cautionner.
- Les résistances par l'intellect concernent ceux qui ont tellement
développé les protections mentales qu'ils sont parfois enfermés dans
leur système intellectualiste : ceux-là peuvent voir leurs résistances
alimentées en psychanalyse par la priorité donnée à la symbolisation,
ou en psychothérapie cognitive de première génération (type Beck),
par la centration sur les processus cognitifs.
- Les résistances par l 'affect toucheront ceux qui, à l ' opposé, se sont
recroquevillés sur les sensations et les émotien et ne peuvent guère
élaborer tant ils sont captifs de leur sensibilité et de leur imaginaire
(ceux-là peuvent trouver dans les approches psychocorporelles une
certaine aisance mais aussi un renforcement de leur système défensif).
- Les résistances par la passivité et le renoncement peuvent être poten­
tialisées par des approches uniquement verbales sans durée temporelle
délimitée ni objectifs précisés L'alliance entre l' implication affective,
le travail réflexif, et l'engagement dans des actes, vise le dépassement
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 19

de telles résistances. L'emboîtement entre la communication émotion­


nelle (prise de conscience de ce que l'on ressent vraiment, expression
et partage de ces ressentis), l 'exploration mentale (autoconnaissance
et élaboration), la perception et le développement de sa libération dans
des actes (réorganisation de sa vie, changements de comportements et
prises de risques relationnels) favorise ainsi la cohérence et l' accord
intérieur.

LES DIVE RSES D I M E N S I O N S PSY C H OT H É RAPEUTI Q U ES

La psychothérapie « ouverte » que nous soutenons est une forme


interactive de traitement fondée sur le contact (Delisle, 1 990). Ses limites
sont relativement imprécises et sont colorées davantage par la personne
du thérapeute que par de strictes considérations théoriques. Elle permet
à ceux qui la pratiquent d'être aussi flexibles que la rencontre entre l e
thérapeute et l e client l'exige o u l e permet. On pourra utiliser une forme
centrée de dialogue, inspirée de B uber, ou s'en remettre à la mise en
actes. D'autrefois encore, on travaillera de façon assez cognitive, ou en
utilisant le corps comme lieu d'intervention. En fait, et quoi qu'il en soit
de notre style et de nos préférences, nous avons virtuellement accès aux
leviers suivants (Delisle, 1990).

Un accent sur la prise de conscience (I'« awareness »)


et le contact
On peut ainsi travailler sur la prise de conscience de ce qui se passe
« ici et maintenant » (awareness ) dans le cycle de l'expérience, c'est­
à-dire dans le processus de satisfaction des besoins et désirs du sujet,
tel qu'il se manifeste dans la séance. La continuité de la conscience
(awareness) et les processus qui l ' interrompent retiendront alors toute
l'attention du thérapeute. La façon qu'a une personne de se déplacer plus
ou moins harmonieusement sur un cycle d' expériences représente un
modèle réduit de sa manière d'agir dans un sens plus large. En y prêtant
attention, nous intensifions les microprocessus de nos clients de manière
à mettre en lumière leur façon de moduler leur contact et l 'usage qu'ils
font des systèmes de soutien.

Un accent comportemental

Il s'agit ici du comportement en tant que site d'intervention, levier


d'action et indicateur de changement. Les expérimentations, pendant les
20 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

séances ou en dehors de celles-ci permettent au patient d'observer ses


processus dysfonctionnels et d'essayer de nouveaux comportements. De
plus, les renforcements sélectifs provenant du thérapeute, qu'ils soient
volontaires ou non, qui émaillent l'examen des conséquences des actions
posées par le client soit en séance ou hors séance, s' apparentent beaucoup
à certains des processus behavioraux.
En posant des questions telles :

«... et alors, que s'est-il passé, que se passe-t-il maintenant que vous
avez dit cela ... qu'auriez-vous aimé pouvoir lui dire... quelle aurait été
sa réaction ... qu'éprouvez vous en pensant cela ? »,

le thérapeute favorise la consolidation chez le client d'une attitude


hasée sur l'expérience ( « expérientielle » ), sinon expérimentale. En
développant cette attitude d'observateur participant, le client en arrive
peu à peu à mieux saisir le tissu des renforcements positifs et négatifs
qui forment la trame et la texture de son expérience.

Un accent paradoxal

En utilisant une certaine forme de taquinerie humoristique et bien­


veillante (à ne pas confondre avec la moquerie), nous pouvons aider
le patient à exagérer certains de ses traits défensifs. Ainsi tel se met
à parler d'une façon délibérément obscure et embrouillée, tel autre se
comporte de manière autoritaire, tel autre encore devient le séducteur
irrésistible. Souvent, l 'on peut ainsi débloquer une certaine impasse et
réutiliser l'énergie oppositionnelle de beaucoup.

Un accent cognitif

Nous reconnaissons que notre expérience est influencée par certaines


croyances de base que nous entretenons à notre sujet et sur notre
environnement. Nous agissons sur ces croyances quand nous utilisons
de façon judicieuse certaines questions visant à élm:gida conscience des
processus cognitifs.

«Que pensez-vous maintenant ? comment pensez-vous que je me sens ?


qu'est-ce qui, selon vous, devrait se passer maintenant ? ».

Tous les procédés classiques favorisant la « décentration cognitive »


vis-à-vis des croyances profondes entretenues par le sujet peuvent aussi
être employés dans un dialogue « Socratique ».
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 21

Un accent intrapsychique

Nous pouvons traiter l 'histoire du patient en tant que suite de situations


inachevées de son passé, certaines fixées sous forme de relations d'objet
internalisées (R.O.I.), lorsqu'elles se trouvent figurées dans l ' ici et
maintenant de la séance. Le travail sur les rêves peut aussi nous révéler
les introjections archaïques de soi et des autres. Enfin, si l'on considère
que toute personne aspire à la cohérence et à la capacité de mettre un
« je » derrière tout ce qu'elle est et tout ce qu'elle fait, le cheminement
thérapeutique peut prendre la forme d'un long processus de clarification,
d' assimilation, et de complètement des parties plus ou moins désavouées
de soi. Le développement de la santé psychique se présente notamment
comme un effort de rapprochement et d'intégration entre des objets
internes plus ou moins isolés les uns des autres.

LES PHASES D E LA PSYC H O T H É RA P I E


Même s i les façons de procéder, les références théoriques, les tech­
niques, et les objectifs des psychothérapeutes sont très variés, le cours
d'une psychothérapie se décompose en différentes phases, se succédant
dans un ordre relativement fixe mais avec une importance variable accor­
dée à chacune d'entre elles selon l 'orientation du thérapeute (figure 2).
Tout commence par l ' établissement de la relation thérapeutique,
préalable nécessaire mais aussi moyen d' action thérapeutique, pour
aboutir à une conceptualisation et évaluation des problèmes, précédant
toute intervention technique spécifique.
On suit le cheminement « relation-compréhension-intervention » , qui
structurera d' ailleurs le plan de ce manuel. En caricaturant un peu,
on pourrait dire que c'est seulement lorsque le patient est motivé,
1' alliance thérapeutique suffisamment bonne, les phénomènes transféro­
contre-transférentiels précoces régulés, l a problématique du patient
bien conceptualisée et comprise, un accord trouvé conjointement sur
l'objectif thérapeutique principal, qu'une intervention par des techniques
spécifiques peut prendre place.

LES FACTEURS N O N SPÉC I FI Q U ES D ES PSYC H OT H É RAPIES

Pancheri et Brugnoli ( 1 992) ont défini les facteurs non spécifiques qui
8 influencent le devenir d'une psychothérapie, en les regroupant en quatre
@ catégories :
22 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

2. Conceptualisation
Évaluation des problèmes

5. Évaluation
des résultats
î
1 . Établissement
de la relation thérapeutique
3. Planification
du traitement

4. Mise en place des


techniques thérapeutiques
\
Figure 2. Les différentes étapes dd la psychothérapie (M. Young, 1992).

• les caractéristiques du patient, comme la motivation, les attentes


d'amélioration ;
• les caractéristiques du thérapeute, comme son équilibre psychologique,
son aptitude à instaurer une relation thérapeutique fiable ;
• les caractéristiques de la relation patient-thérapeute, que celle-ci soit
évaluée par le patient (sentiment de confiance envers le thérapeute,
par exemple), par le thérapeute (acceptation du patient, entre autres
facteurs), ou par un évaluateur extérieur Uugeant les manifestations
d'empathie du thérapeute par exemple) ;
• enfin, d' autres variables liées au processus thérapeutique, comme le
niveau d' activation émotionnelle.

Selon Karasu ( 1 986), les 3 principaux facteurs de changement en


psychothérapie sont, par ordre décroissant d'importance :
1 . les caractéristiques du patient (et notamment sa motivation) ;
2. les caractéristiques du thérapeute (et de la relation thérapeute­
patient) ;
3. les techniques reliées à des théories spécifiques de la psychothérapie.
On peut donc s' apercevoir que les techniques spécifiques sont loin
d'être le facteur primordial dans la réussite d'une psychothérapie. En
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 23

outre, comme le soulignent Lecomte et Castonguay ( 1 987, p. 2 1 4),


« reconnaître que 65 % du changement obtenu dépend de la personnalité
même du client invite à l 'humilité et montre la nécessité de se mettre à
son service » (et pas au service de nos théories, rajouterions-nous).
Le plan de notre ouvrage respectera d'ailleurs cette hiérarchie : nous
exposerons d' abord certaines données relatives à l'importance des
caractéristiques du patient, puis nous parlerons du thérapeute et de
ses capacités à établir une relation thérapeutique fiable, enfin, nous
terminerons en détaillant quelques techni.ques, vues sous l' angle des
« facteurs curatifs communs » .

Reynaud et Malarewicz ( 1 994) soulignent que les changements obser­


vés en psychothérapie sont liés à la fois à des facteurs généraux et des
facteurs spécifiques :

« On peut alors penser qu'une étude des processus spécifiques de change­


ment (propres à une technique) associés à une étude des facteurs généraux
(notamment de l 'alliance thérapeutique) devrait constituer un meilleur
prédicteur de changement que l'étude de la seule alliance thérapeutique
[ ... ] ou l'étude des seuls paramètres spécifiques (tels qu'ils sont en général
présentés dans les publications se référant à une seule école théorique) » .

Miermont (2000) propose une excellente métaphore illustrant à mer­


veille l importance respective des facteurs communs et des moyens
techniques spécifiques :

« Prenons un exemple : soit deux patients suicidaires ; le premier décide


de se pendre, le deuxième décide de se jeter dans la Seine. Un observateur
assiste à chaque fois à l'événement. Dans le premier cas, l'observateur
0 1 a la présence d'esprit de prendre un escabeau et de couper la corde
avec un couteau. Dans le deuxième cas, l'observateur 02 est bon nageur
et arrive à sortir la personne de l'eau. On pourra dire que le résultat
sera identique dans les deux cas : le suicide est évité, les deux patients
sont sauvés. Quels sont les points communs entre 01 et 02 ? Ils sont
courageux, suffisamment humains pour porter secours à une personne en
danger, et ont les moyens techniques pour réussir le sauvetage. Supposons
maintenant que l'observateur 0 1 assiste à la noyade de P2 mais qu'il
ne sache pas nager, et que l'observateur 02 assiste à la pendaison de P l
mais ne trouve pas à temps les moyens nécessaires pour enlever la corde
ou la couper. Il apparaît clairement que les moyens communs aux deux
sauveteurs sont indispensables, mais nettement insuffisants pour réussir le
sauvetage. On conçoit également que les moyens techniques spécifiques,
sans les qualités communes aux deux sauveteurs, ne soient pas non plus
suffisants. On ne saurait pourtant affirmer que ces moyens techniques
s'annulent mutuellement, et qu'il suffit, pour réussir le sauvetage, de ne
retenir que le plus petit commun dénominateur des gestes qui sauvent. En
24 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

dernière analyse, ce sont aussi les différences les plus contextuelles, et


parfoi s les plus infimes, qui se révèlent incontournables. »

Ce que nous allons décrire ci-dessous sous le terme de facteurs


curatifs communs des psychothérapies comporte à la fois certains des
facteurs non spécifiques que nous venons d'évoquer (principalement les
caractéristiques de la relation thérapeutique établie) et des facteurs plus
spécifiques à certains systèmes psychothérapeutiques, mais induisant des
processus généralement nécessaires.

LES FACTE U RS C U RAT I FS COMMUNS

Les facteurs curatifs communs constituent, avec les facteurs non


spécifiques, les « ingrédfents de base » à la disposition du psychothéra­
peute, dans lesquels il pe,lll puiser pour réaliser on travail thérapeutique.
Chacune des psychothérapies spécifiques exploite d'ailleurs plus particu­
lièrement un ou deux de ces facteurs communs.
J. Frank ( 1 98 1 , 1 99 1 ) a décrit six facteurs communs qu'il pensait
être partagés par toutes les thérapies et qu'il rendait responsable des
changements. Ces six facteurs consistaient en :
1 . la force de la relation patient/thérapeute ;
2. les méthodes qui accroissent la motivation et les attentes d'aide du
pati.ent ;
3. l'augmentation du sentiment de maîtrise et d'efficacité personnelle ;
4. l' exposition à de nouvelles expériences d' apprentissage ;
5. la stimulation des émotions ;
6. l'opportunité de pratiquer des nouveaux comportements.
Ces six facteurs ont été légèrement modifiés par M. Young ( 1992) et
c'est cette dernière version qui sera présentée dans la dernière partie de
l'ouvrage (figure 3).
Le premier de ces facteurs est la relation thérapeutique, positionnée
au centre de la figure 3. Elle est la composante initiale indispensable,
toujours à entretenir et à surveiller, qui permet et renforce l'efficacité de
tous les autres facteurs communs.
Elle correspond au lieu où se déroulent :
• la création d'une alliance thérapeutique (relation vécue d'aide et travail
en commun) ;
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 25

Sentiment d'efficacité
personnelle
et estime de soi

Expériences
génératrices Pratique de nouveaux
d'insight comportements

et Relation
thérapeutique
de changements Régulation
de perception ou accroissement
du niveau
d'activation
Induction
émotionnelle
d'attentes positives
et amélioration de la motivation

Figure 3. Les six facteurs curatifs des psychothérapies.

• une expérience émotionnelle correctrice, l ' achèvement de gestalts


bloquées inachevées, des expériences relationnelles contredisant les
schémas cognitifs (chacun de ces termes indiquant un changement
effectué grâce et au travers de l'expérience vécue de la relation
thérapeutique elle-même, avec des noms différents selon les écoles, à
savoir, respectivement, psychanalytique, Gestaltiste, et cognitiviste) ;
• la gestion des aléas de la relation (transfert et contre-transfert) ;
• l' éclectisme et l ' intégration en psychothérapie, qui ne se font pas
tellement au niveau des techniques ou des théories, mais bien plutôt au
= niveau de la pluralité des paradigmes relationnels utilisés au sein de la
0
relation.

Les autres facteurs curatifs communs seront examinés plus en détail


dans le chapitre 5 de ce manuel. Les techniques qui leur sont associées
6
y seront illustrées par de nombreux exemples. En voici simplement les
principes généraux qui les sous-tendent :
- Accroître le sentiment d'efficacité personnelle et d'estime de soi .
L' « efficacité personnelle » est le terme psychologique correspondant
à une attitude de confiance en son pouvoir d' achever avec succès
une tâche, qu'elle soit de nature instrumentale ou interpersonnelle.
L'estime de soi inclut ce sentiment d'efficacité personnelle mais aussi
26 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

celui de la valeur personnelle. Le « sentiment de valeur personnelle »


est une attitude globale consistant à se juger comme étant une personne
valable ayant le droit d'exister. La déficience de ce sentiment est
supposée être à la base de nombreux comportements autodestructeurs.
Ne pas se sentir valable est une raison fréquente pour ne pas effectuer
de changements dans sa propre vie. Accroître le sentiment d'efficacité
personnelle et d'estime de soi conduit le patient à une plus grande
volonté d'atteindre les objectifs thérapeutiques.
- La pratique de nouveaux comportements, basée sur les principes de
� l'apprentissage, présuppose que l' insight et la compréhension sont
rarement suffisants pour produire et maintenir le changement. Le
patient doit aussi mettre en application ce qu'il a appris ou compris
dans un contexte aussi semblable que possible à son environnement
habituel.
- Réduire ou accroître le niveau d'activation émotionnelle. La réalisation
personnelle peut être affectée par un trop plein ou un trop peu d' émo­
tions. Les méthodes cathartiques produisent un insight ou une prise
de conscience vis-à-vis de problématiques importantes que le patient
pouvait avoir éliminé de sa conscience. Réduire le niveau d'activation
émotionnel peut aussi être curatif lorsqu'un excès d'émotion interfère
avec la réalisation de soi.
- Induire des attentes d'aide et accroître la motivation. Ce facteur vise
à ce que le patient développe des attentes de plus en plus élevées vis­
à-vis de l'efficacité potentielle de sa psychothérapie (sans idéalisation
excessive et compte tenu du niveau de base) et qu'il garde présent
à l'esprit les bénéfices qu'il en a déjà retiré ou qu'il peut encore en
espérer. Les techniques qui s'y rattachent sont conçues pour réduire
sa démoralisation et aider à maintenir un état esprit fait d'espoir et
d'optimisme.
- Fournir des expériences génératrices d'insight et provoquer un chan­
gement de perception. Il s'agit ici d'un facteur commun regroupant
toutes les méthodes visant à modifier les perceptions du patient en
égard à sa vie en général ou à ses problèmes spécifiques. Cela peut
correspondre à un processus éducatif progressif ou à la production
d' insights soudains.

On peut rapprocher de ce dernier facteur un autre souvent cité dans la


littérature, notamment par Grencavage et Norcross ( 1 990), « le système
d'explication rationnel » fourni par le thérapeute, qui procure au patient
une explication et une nouvelle perspective vis-à-vis de son problème,
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 27

tout e n lui suggérant l' utilité de procédures particulières (techniques et


« rituels thérapeutiques ») pour le résoudre.
La recherche a apporté la preuve de l'importance des facteurs com­
muns. Luborsky et coll. ( 1 975) conduisirent une étude qui comparait
l'efficacité des formes de psychothérapies les plus pratiquées : leurs
conclusions furent que les psychothérapies étaient efficaces dans un
pourcentage élevé de cas, mais qu'ils n'avaient pas mis en évidence
de différences qui permettraient de dire que l'une des approches psy­
chothérapeutique était meilleure que les autres. D' autres études méta­
analytiques aboutirent à la même conclusion : aucune approche ne
s'était montrée supérieure aux autres (Bergin et Lambert, 1978 ; Gomes­
Schwartz, Hadley et Strupp, 1 978 ; Frank, 1979 ; Land man et Daces,
1982 ; Garfield, 1983 ; Michelson, 1 985 ; Lambert, Shapiro et Bergin,
1 986 ; Stiles, Shapiro et Elliot, 1 986). Parloff ( 1 979) responsable du
département de recherche sur les traitements psychosociaux de l'Institut
national de santé mentale (NIMH) des États-Unis, après une analyse
rigoureuse d'environ 500 études sur le sujet, conclut que toutes les
formes de traitement psychologique pouvaient être considérées comme
étant d'efficacité comparable.
Parmi les explications avancées pour justifier le phénomène de l'équi­
valence, émergea celle de la présence de facteurs communs à toutes les
formes de psychothérapie, qui pourraient être responsables du succès thé­
rapeutique (Lambert, l 986b). L'objectif des recherches sur les facteurs
communs devient alors d' individualiser les aspects qui rendent efficaces
les diverses psychothérapies, pour pouvoir les combiner en une forme
unique de traitement (Arkowitz, 1 992 ; Grencavage et Norcross, 1 990).
On peut voir sur la figure 4, tirée de l'analyse de Lambert ( 1 986a),
que les facteurs communs, présents dans la plupart des psychothérapies,
sont à l'origine de 30 % des changements, ce qui représente le double du
c:
changement attribuable aux techniques psychothérapeutiques spécifiques
::>
( 1 5 %). D'où l' importance de leur étude dans la formation de l'apprenti
psychothérapeute.
Weinberger ( 1 993) a montré que certains de ces facteurs communs
avaient déjà reçu une validation par la recherche. En particulier, il nota
" que les expériences correctives qui exposent le patient à leurs évitements
ou qui sont émotionnellement chargées et de nature cathartique, pos­
sèdent des bénéfices thérapeutiques démontrés de façon consistante par
de nombreuses études. De même, Weinberger cite le travail de Bandura
( 1 977, 1982) démontrant la valeur thérapeutique du développement d'un
sentiment d' efficacité personnelle. Bandura ( 1 982) défendit brillamment
28 LES BASES D E LA PSYCHOTHÉRAPIE

! Facteurs
communs
30 %

Techniques
15%

Figure 4. Pourcentage d'amélioration en psychothérapie des patients en


fonction des facteurs thérapeutiques (M.J. Lambert, 1 986).

la thèse selon laquelle l ' accroissement du sentiment d' efficacité person­


nelle était le facteur de changement le plus puissant, présent dans toutes
les thérapies.
Mais certains auteurs allèrent encore plus loin en disant que, même
si elles utilisent des techniques différentes (Stiles et coll. 1 986), aucune
psychothérapie n'était plus efficace que les autres dans le traitement de
problèmes spécifiques : n'importe laquelle des méthodes thérapeutiques,
pourvu qu'elle soit appliquée avec compétence, obtiendrait un pourcen­
tage très élevé de succès. Nous ne souscrivons pas à ce point de vue
extrême. Nous pensons qu'il est nécessaire de trouver une juste voie
entre l'utilisation des facteurs communs et des approches spécifiques. En
effet, force est de reconnaître que des approches spécifiques (notamment
cognitivo-comportementales) semblent avoir apporté la preuve de leur
plus grande efficacité, au moins au niveau symptomatique, vis-à-vis
de certains problèmes spécifiques, comme l'anxiété, la dépression, les
troubles alimentaires, ou les états limites (Barlow, 1 988 ; Dobson, 1 989 ;
Robinson et coll., 1990 ; Fairbum, 1 988 ; Linehan et coll., 1 987, 1 994).
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 29

Lazarus ( 1 990) insiste pour que tous les psychothérapeutes recon­


naissent et acceptent ces indications techniques très spécifiques, de la
même manière qu'un médecin digne de ce nom ne prescrirait pas de jus
de tomate à la place d'un antibiotique lors d'une infection à streptocoque.
Face à ces contradictions (facteurs communs versus techniques spé­
cifiques), nous pensons et enseignons qu'il est nécessaire de rechercher
les conditions dans lesquelles certains procédés fonctionnent ou non,
conditions largement tributaires à la fois des réactions passagères du
patient et de ses caractéristiques permanentes (Beutler, J 99 1 , Beutler et
Clark.in, 1990).

L E T H É RAPEUTE ET L' IMAGE D U PAR E N T


L'éclectisme et l ' intégration, pris dans leur sens l e plus fondamental,
ne révèlent pas tellement leur essence profonde dans la pluralité des
techniques ou des théories utilisées, mais bien plutôt à propos de la
pluralité des paradigmes relationnels utilisés à l'intérieur de la relation
patient-thérapeute.
Être « éclectique » , c'est alors dépasser l'utilisation rigide d'une seule
attitude relationnelle prescrite par une école « pure » : « l'écran neutre
et vierge » du psychanalyste, le rôle de « conseiller » du comporte­
mentaliste, la relation « chaleureuse, empathique et non directive » du
thérapeute rogérien, ou la relation « tactique » du thérapeute familial
stratégique.
Être « intégratif » c'est, dans cette optique, réussir à coordonner les
changements d' attitudes et de rôles à l'intérieur d'une même thérapie,
d'une manière qui soit cohérente pour le patient mais qui demeure
changeante en fonction des besoins de ce dernier.
Dans la vie courante, en fonction des besoins de nos interlocuteurs et
de nos proches, nous changeons souvent de registre relationnel et il n'y a
aucune raison que le thérapeute ne puisse avoir la possibilité d' adopter la
multitude des rôles nécessités par la complexité des problèmes humains.
Cette souplesse de fonctionnement, facteur d'aptitudes relationnelles,
n'est cependant pas toujours communément partagée. Elle peut définir
également le fonds de personnalité prédisposé à la psychothérapie. On
dit souvent qu'on ne devient pas psychothérapeute. On y est prédisposé
et la formation affine et perfectionne des talents préexistants, au moins
à l'état de germe. On sait du reste que l' apprentissage d'une technique,
pendant un certain temps, réduit les possibilités d'activité du candidat qui
en éprouve une gêne jusqu'à ce qu'il puisse suffisamment intérioriser les
30 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

nouveaux modèles qu'il doit acquérir. Certains y perdent de leur richesse


originelle et c'est dommage. D'autres au contraire s'y épanouissent et
finissent, avec l 'expérience, par trouver leur style personnel comme nous
venons de l'évoquer. Ces réflexions relancent le débat toujours pendant et
en partie vain, sur les rôles respectifs de la personnalité et de la technique,
déjà évoqués plus haut.

Le thérapeute et le paradigme de l'éclectisme


de la fonction parentale
La conception du rôle du thérapeute comme un parent permet d'or­
ganiser les différents rôles et attitudes qu'un thérapeute peut avoir à
endosser avec un même patient, en fonction du stade de la thérapie et
du niveau développemental inhérent au problème en cours de traitement.
Dans cette conception, le thérapeute est libre de s'engager dans de
multiples postures et rôles, de manière semblable à celle d'un parent
qui distinguerait naturellement chacun de ses enfants comme possédant
des caractéristiques différentes, étant dans des situations variées, et à
des moments distincts de leur cycle développemental. Les patients ayant
souffert de parents très intrusifs et peu respectueux de leur intimité,
par exemple, peuvent bénéficier de l ' attitude « d'écran vierge » ou
expectante du thérapeute. À l'inverse, le patient qui a grandi auprès de
parents distants, détachés, peut avoir besoin d'une attitude thérapeutique
plus active et directive, du type du « conseiller ». Comme la plupart des
individus ont été élevés dans des conditions « mixtes », ils bénéficieront
d'attitudes thérapeutiques « mixtes » (des phases où le thérapeute adop­
tera plus 1' attitude de I ' « écran neutre » et d'autres phases où il passera
à l' attitude du « conseiller », par exemple).
Ce sont donc les actions, interventions et attitudes relationnelles du
thérapeute qui seront adaptées au patient, et pas l ' inverse.
Bien sûr, pour que les changements d'attitude du thérapeute ne soient
pas de simples mouvements contre-transférentiels, il est nécessaire
que le thérapeute ait travaillé sur son roman familial, c 'est-à-dire ait
exploré les différents rôles qui lui ont été prescrits ou interdits, les règles
familiales implicites qu'il a intériorisées, les alliances et triangulations
dans lesquelles il a pu être pris à son insu, et les différents conflits non
résolus qui ont teinté ses relations avec les siens.
L'éclectisme ne consiste donc pas en un rejet des modèles théoriques
purs mais plutôt en un rejet des paradigmes relationnels rigides et
exclusifs qui y sont rattachés. Par exemple, quand un thérapeute éclec­
tique intègre des aspects de la thérapie comportementale à l ' intérieur
d'une psychothérapie de type psychodynamique, il ne rejette pas les
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 31

préceptes théoriques de la psychanalyse, mais plutôt choisit d'aban­


donner temporairement le paradigme de l' « écran vierge », ou de la
frustration systématique dans d' autres écoles, position qui le limitait
et ne lui permettait pas une attitude directive ouverte. Le thérapeute
éclectique quitte un rôle ( « écran vierge » ) pour endosser un nouveau
rôle ( « consultant comportemental » ).
De même, le thérapeute comportementaliste peut abandonner son
attitude de « consultant » pour passer à l' attitude d' « écran vierge » s ' il
veut être plus en résonance avec les besoins du patient, par exemple après
un divorce douloureux. Il n'agit cependant pas ainsi en pensant que la
théorie psychanalytique est supérieure à la théorie de l ' apprentissage
dans sa capacité à expliquer le comportement du patient. Il ressent plutôt,
qu'à ce moment particulier du traitement, dans le cadre de ce problème
précis, pour ce patient donné, il existe un réel besoin d' assumer un rôle
complémentaire.
Une « synthèse » des diverses attitudes paraît encore cependant irréa­
lisable en pratique (Duruz N., 1996). Prenons, par exemple, l 'opposition
des paradigmes relationnels de la thérapie comportementale et de la
psychanalyse (Chambon in Marie-Cardine et coll., 1 995). Il y a certains
points dans une thérapie où le thérapeute doit décider s'il doit encourager
l'action ou continuer l'exploration, s'il y a lieu d'écouter et d'interpréter
ou de mettre en question les suppositions irrationnelles et de faire des
propositions spécifiques. Ce sont là des possibilités qui s' excluent mutuel­
lement. Des perspectives et des vues différentes poussent le thérapeute
dans des directions différentes, mais qui deviennent complémentaires
pour un patient dans le cadre du paradigme relationnel ouvert et intégratif
du « thérapeute comme parent » .

Prise en compte d u stade développemental du patient


dans l'attitude et les interventions du psychothérapeute

La situation thérapeutique doit prendre en compte à la fois Je contenu


de la mémoire affective et surtout le stade de maturation affective du
patient.
" Basch ( 1 995) a très bien décrit 4 types d' « accidents » pouvant
advenir au développement affectif normal et qui ont une répercussion
évidente sur le déroulement de la relation et du processus thérapeutique,
influencent grandement la manière dont le thérapeute doit communiquer
et interagir avec le patient, et indiquent les tâches développementales qui
devront être menées à bien au sein de cette relation.
32 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

L'échec du lien affectif


L'échec de la mère à établir un lien affectif viable avec son nourrisson
dans les premiers mois de sa vie peut interférer avec Je contrôle de la
tension de base, c'est-à-dire le développement de fonctions régulatrices
nécessaires pour doser l'émergence d'affect et prévenir à la fois l' insuffi­
sance et l 'excès de stimulation.

La honte de l 'affect
Bon nombre de patients ont honte de leurs affects et, de ce fait,
contrôlent excessivement leur capacité de réponse affective. Plus tard,
cette disposition entrave le passage de l'affect au sentiment (l' individu
vit l'affect mais sans pouvoir en parler ni le reconnaître facilement ou
efficacement). D'où une relative incapacité à reconnaître et à exprimer
leur réaction affective et la difficulté d'établir avec les autres des relations
profondes et significatives.

Les problèmes liés à l 'accordage affectif


Le nourrisson, entre 7 et 1 8 mois manifeste une conscience de la
dimension interpersonnelle des relations et demande une réponse que
D. Stem appelle « l'accordage affectif » ( 1 985). Pendant cette période
de développement, le bébé a besoin que sa mère lui fasse savoir, à travers
sa voix, ses gestes, l'expression de son visage, et d' autres aspects de son
comportement, qu'elle participe activement à ce qu'il fait - en d' autres
termes, qu'elle aussi sent ce dont il fait l'expérience, que la personne
à laquelle il s'intéresse le plus pour le moment partage son expérience
affective, et, par là même, prouve la compétence de son comportement à
lui : il est compris et ce qu'il fait a son importance. Un manque important
de réponse appropriée à ce stade de développement peut entraîner chez
un individu un sentiment croissant de honte à l ' égard de ces besoins, puis
un désaveu de son envie de voir les autres manifester de l'intérêt pour sa
vie psychologique, et y participer.

Le défaut d'empathie pendant la phase œdipienne


Ces patients ont eu dans leur première enfance un développement
affectif normal et la structure de leur caractère est fondamentalement
saine. Ce n'est que plus tard, environ entre 3 et 5 ans, qu'ils font
l'expérience d'un défaut d' empathie, c'est-à-dire d'un échec relatif ou
total dans le registre de l' accordage affectif à propos des questions de
rivalité, en particulier dans le domaine de la sexualité infantile. L'individu
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 33

sera ensuite incapable de passer des sentiments d' excitation centrés sur
les figures parentales aux multiples émotions de l'amour.
Ainsi Basch décrit, à partir d'une situation thérapeutique donnée,
différentes attitudes thérapeutiques à adopter, en fonction du stade de
maturation affective du patient. L'exemple donné par cet auteur est celui
d'un patient qui arrive abattu à sa séance alors qu'il était reparti ravi après
une précédente très riche. En fait il s'avère que cette humeur triste est
liée à un léger retard du thérapeute. Le patient, qui était alors content de
venir à son rendez-vous, parce qu'il se sentait compris, a alors commencé
à se sentir abattu.
Si le patient a souffert d'un échec du lien affectif, si le contrôle d'une
tension fondamentale est en jeu dans la situation, au moment de la séance,
alors le thérapeute doit en venir le plus rapidement possible à formuler
ce qui, à son avis, se passe, afin d' anticiper les réactions improductives
de colère et de douleur qu'ont souvent des patients de ce type quand ils
se sentent frustrés affectivement.
Si le patient est un de ceux qui ne peuvent exprimer leurs sentiments
(honte de l ' affect), le thérapeute peut alors parler des sentiments suscités
en lui - combien il s'est senti lui-même triste et coupable quand il a vu à
quel point le patient semblait accablé - afin de donner un exemple de la
façon dont on transforme une expérience affective en sentiment, puis il
peut lui demander d'en faire autant, s'il le peut.
Si le patient a manqué d'harmonie affective au moment où cela était
essentiel à son développement (problème lié à l' accordage), le thérapeute
décide de ne pas rester silencieux mais aussi de ne pas exprimer l'affect
qui lui semble alors présent. Au lieu de cela, il peut commencer à
questionner activement le patient, mais en faisant en sorte qu'au moins
sur le moment ce dernier puisse surmonter la honte de son besoin du
thérapeute et en prendre conscience si possible.
Enfin, s'il semble que le patient souffre de troubles névrotiques (défaut
d'empathie pendant la phase œdipienne), il n'est alors pas nécessaire
de se concentrer sur son affect en tant que tel, sauf pour lui permettre
d'émerger. Le thérapeute peut alors ne rien dire et attendre. Si l' analysant
reste silencieux, il est alors possible de formuler les classiques relances :
« Oui ? », « Huhum ? » ou « Dites simplement ce que vous pensez », en

général suffisants pour mobiliser les associations chez un patient de ce


type.

!!évolution pluraliste des psychothérapies

Avant la période d'évolution pluraliste, chaque école thérapeutique


affirmait l'existence exclusive d' une seule attitude psychothérapeutique
34 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

correcte, une forme idéale de relation thérapeutique, et une manière


unique de résoudre les problèmes à l' intérieur de cette relation. Pour
un thérapeute humaniste, par exemple l'attitude psychothérapeutique
correcte était caractérisée par l 'acceptation, l'authenticité, et la chaleur ;
la forme idéale de relation thérapeutique par un dialogue « Je-Tu »
(Buber) ; la méthode pour gérer les problèmes relationnels consistant
en une transparence totale de la part du thérapeute. Pour un psycha­
nalyste orthodoxe, l'attitude correcte était une écoute neutre et sans
jugement ; la relation idéale devait maximiser le potentiel transférentiel ;
et les problèmes relationnels étaient travaillés par l ' interprétation du
transfert. Pour un thérapeute comportementaliste, l ' attitude correcte était
scientifique ; la relation idéale celle d'un rapport élève-enseignant (ou
scientifique et apprenti) ; les problèmes dans la relation étaient résolus
en définissant des objectifs précis et en clarifiant les moyens à utiliser.
La révolution pluraliste a réfuté cette prétention à l 'existence d'une
voie royale pour une relation thérapeutique « idéale » . Chaque prétendant
au titre pouvant, à diverses occasions, être mis en défaut. Il est donc
devenu nécessaire d'examiner les attitudes et réactions du psychothéra­
peute, et de remettre en cause celles qui ne sont pas congruentes aux
particularités du cas singulier. L'approche pluraliste fait ainsi écho au
concept d'expérience émotionnelle correctrice développé par Alexander
et French ( 1 946). Une expérience correctrice serait mise en place lorsque
le thérapeute adopterait une attitude exactement à l' opposé de celle
que le patient avait appris à attendre sur la base de ses interactions
pathogènes avec ses proches dans l'enfance. Donc, un patient dont les
parents auraient été excessivement permissifs pourrait recevoir plus
d' aide de la part d'un thérapeute imposant des limites, et un patient
dont les parents avaient été stricts et punitifs bénéficierait plus d'un
climat libéral et permissif. Toute autre attitude thérapeutique pourrait
donc s'avérer inadéquate pour un patient donné, en renforçant plutôt
qu'en réfutant les attentes dysfonctionnelles de ce dernier.
Lazarus ( 1 989) a ouvert une voie très fertile dans ce domaine avec ce
qu'il a appelé les « thérapies multimodales ». Cette approche préconise
la flexibilité thérapeutique en soulignant qu'il n ' existe pas une manière
unique d' approcher les problèmes psychologiques des individus. Le
thérapeute qui déborderait de chaleur et d'empathie avec tout ses patients
rebuterait ou tout au moins se révélerait moins efficace, avec ceux qui
préfèrent une interaction plus distante et formelle. On commence bien
sûr l'entretien initial d'une manière neutre, ouverte, et dans l'acceptation
totale. Mais la perception aiguisée du clinicien expérimenté pourra rapi­
dement le conduire à estimer comment modifier au mieux son attitude.
LES ÉLÉMENTS DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 35

Certains patients répondent très mal aux expressions de sympathie ou


d'empathie. Un patient peut répondre sèchement « ne me couvez pas » si
on lui avait dit de manière sincère « je ressens vraiment votre douleur »,
alors qu'il répondra très positivement si l ' on adopte ultérieurement une
attitude objective, impavide, presque insensible. La réflexion empathique
le conduirait seulement à s' apitoyer plus sur lui-même, alors que le
message « arrêtez d'en faire un tel plat » aurait plus de chance de Je
motiver à introduire des changements constructifs.
Certains patients ont besoin d'une clarification de leurs réactions
affectives. Pour eux, une approche rogérienne, dans une atmosphère
de réflexion empathique, est ce qui conviendra le mieux. D'autres ont
besoin d'une confrontation directe, et d'une remise en cause cognitive.
Ceux dont les difficultés concernent l 'efficience comportementale ou
l' habileté sociale pourront bénéficier d'un thérapeute actif se proposant
comme modèle, assumant le rôle de guide (de « coach »), sur la base d'un
entraînement aux habiletés sociales. Dans de nombreux cas, le thérapeute
sentira comme adéquat de traiter le même patient avec tendresse et
sympathie à certains moments et avec un esprit objectif et pragmatique à
d' autres.
Il est donc plus difficile pour un thérapeute d'être « multimodaliste »,
et de faire preuve d'adaptabilité et de flexibilité, que de suivre une seule
méthode et de laisser se faire « une sélection naturelle » des patients.
Lazarus dit que, si plusieurs collègues connaissant mal son approche
l' observaient travailler avec différents patients, leurs conclusions diver­
geraient quand on leur demanderait de reconnaître son orientation
thérapeutique. L'un pourrait dire : « il est rogérien. Pendant toute l'heure
il a surtout reflété les sentiments du patient ». Un autre dirait « il combine
l'approche d'Alfred Adler avec la thérapie de résolution de problème
de Jay Haley ». Un autre observateur pourrait conclure : « c'est un
thérapeute Gestaltiste. Il a utilisé le psychodrame et des techniques
d' imagerie ». « Je ne suis pas d'accord » pourrait dire un quatrième,
« il est évident qu' i l est comportementaliste-pendant toute la séance il a
pratiqué des procédures de désensibilisation, suivies d'un entraînement à
l'affirmation de soi. » Il est même possible que quelqu'un dise : « il est
psychodynarnicien. Il a passé la plupart du temps à simplement écouter
et faire de rares commentaires sur les événements infantiles ».
Lazarus insiste pour dire que l'emprunt technique à Freud, Rogers,
Perls, Ellis, ou d' autres grands maîtres de la psychothérapie, ne nécessite
pas que l'on adopte leurs théories ou principes.
La gamme de patients pour lesquels un thérapeute peut être utile est
probablement directement proportionnelle au niveau de flexibilité et de
faculté d' adaptation (de « polylinguisme ») qu'il peut contenir en lui.
36 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

La thérapie multimodale présuppose un type d'entraînement et d'ap­


prentissage du psychothérapeute très différent de celui des approches
traditionnelles de la psychothérapie. Un psychothérapeute multimodal
reste constamment vigilant à ne pas se laisser tenter d'adapter le patient
au traitement. Un objectif essentiel des premières séances consiste à
déterminer comment mettre le traitement à la portée du patient. Sinon
celui-ci risque de recevoir, non pas le traitement qui lui convient le mieux,
mais seulement le traitement que connaît le mieux celui qu'il consulte.
Ainsi un psychiatre biologiste aura peu chance de s'intéresser en détail à
la dynamique familiale (même si cela s' avérait essentiel pour le patient
qui vient le consulter), et un psychodynamicien occultera l'utilisation
potentiellement bénéfique qu'il pourrait faire occasionnellement de
techniques comportementales.
La plupart des travaux montrent ainsi qu'en général un psychothérapeute
tend à recommander la méthode proposée et développée par l'école
à laquelle il appartient, indépendamment de la nature des troubles du
patient !
Quand les thérapeutes suivent a priori des règles de conduites fixes
et rigides, qui se veulent universelles, ils détruisent l' initiative et la
créativité, au seul bénéfice de la sécurité.

« Ne répondez pas aux questions de votre patient ; cherchez à déterminer


la signification qui se cache derrière elles. Ne montrez rien de vous-même,
cherchez à rester un mystère. Ne sympathisez pas ou n'ayez pas de
relations sociales avec vos patients. Ne vous amusez pas à des sottises
comme l'aider à remettre son manteau ou lui donner l'accolade. Ne faites
pas de cadeaux et n'en acceptez pas. »

Les thérapeutes qui adhèrent à ces règles et à bien d' autres « ne


faites pas » se voient certainement soulagés de la peur de penser par
eux-mêmes. l i s savent comment répondre et quelle relation ils peuvent
permettre, comme si tous leurs patients provenaient du même moule. Par
contraste, les thérapeutes « multimodaux » abordent leurs patients de
nova et tentent d'apprécier la profondeur et la nature de la relation qui
conviendront le mieux aux besoins et attentes de l'individu qu'ils ont en
face d'eux. Les seuls « ne pas faire » auxquels ils obéissent sont : « Ne
soyez pas rigide » et « N'humiliez pas une personne ou ne la dépouillez
pas de sa dignité ».
Chapitre 2

LE PATIENT

S'ADAPTE R AU N IVEAU D E MOTIVAT I O N ET AU STADE


DE CHANGEMENT D U PAT I E N T
La réticence du patient à s'engager dans une démarche psychothé­
rapique doit d' abord être conçue comme un problème de motivation
au changement et de conscience des troubles, plutôt que comme une
résistance inconsciente, une tentative de se saborder soi-même ou de
saboter les efforts du thérapeute.
Les psychothérapeutes ont parfois tendance à se protéger de leurs
sentiments d'échec en blâmant le patient pour son manque de motivation.
Cette réaction provient d'un jugement dichotomique selon lequel un
patient qui n'est pas très motivé est forcément résistant. Une vision
différente peut émerger lorsque l'on pense au patient en fonction de son
niveau de motivation, de conscience, ou de préparation au changement.
L'attitude, les attentes, et les interventions du thérapeute doivent alors
s'adapter au niveau du patient.
Prochaska et Diclemente ( 1 982, 1 998) ont proposé une théorie en cinq
stades du changement psychothérapeutique. Chaque stade est caractérisé
par la relation et la perception qu'entretient le patient vis-à-vis de ses
troubles. Pour ces auteurs, i l existe un lien précis entre le stade de
38 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

changement et les processus psychologiques indispensables à mettre


en œuvre pour produire un changement.
Nous en avons retenu une forme simplifiée en quatre stades, déjà
proposée par M. Young ( 1 992), qui semble suffisante à notre propos.
1. À un stade préalable ou de pré-intention 1 , le patient n'est pas
conscient de sa souffrance ou bien il se montre totalement réticent
ou incapable d'en faire état. Le changement y est conçu comme
provoquant des conséquences plus négatives que la persistance de
l'état de difficulté où il se trouve.
2. Au stade suivant, dit d'intention, le sujet est conscient qu'un problème
existe mais il en dénie l ' importance, nie son besoin d'aide ou bien
pense que personne ne peut l ' aider.
3. La phase ultérieure, d'action, est celle de la mise en œuvre du projet
thérapeutique : le sujet désire le changement et il commence à changer
ou à chercher une aide extérieure.
4. Enfin, la phase de maintien cherche à assurer le maintien
des acquis thérapeutiques et les possibilités de progression
ultérieures du sujet, ou bien encore assure la gestion des problèmes
socio-environnementaux pendants. Ces phases ont surtout été décrites
dans le cas des pathologies addictives, mais les notions de niveau de
motivation et de stade de changement sont toujours importantes à
prendre en compte, quel que soit le type d' affection à traiter.
L'une des conclusions les plus utiles des recherches de Prochaska
et Diclemente ( 1 983) fut que des processus thérapeutiques spécifiques
répondaient à chacun des stades de changement. Cette constatation peut
guider les interventions d'un thérapeute. Une fois qu'il a repéré le stade
où se situe le patient, il sait quel processus appliquer pour l 'aider à
progresser vers le stade de changement (le niveau de motivation) suivant.
Les différents types d'interventions tenant compte de ces quatre
niveaux sont résumés dans le tableau 1 .

Le stade de la pré-intention

À ce stade, le patient n'est pas conscient d' avoir un problème, il


n'exprime pas de plainte, et peut avoir été amené à se soigner à la

1 . Nous préférons traduire ainsi ce terme tiré de l'anglais « precontemplation » et déjà


traduit littéralement (Cungi, 1997) sous la forme de « précontemplation », car son
usage, dans notre langue, renvoie essentiellement à un contexte religieux, spirituel, voire
mystique et cette traduction littérale nous paraît inappropriée.
LE PATIENT 39

Tableau 1. Les différents types d'interventions


tenant compte des quatre stades.
Étape Interventions
Pré-intention Exercices de prise de conscience
Observations/confrontation/interprétation
Techniques expressives
Remise en cause de l'environnement
É ducation

Intention Encourager l'engagement


Remise en cause personnelle
Identifier les bénéfices et les conséquences négatives
Promouvoir la responsabilité
Action Relation aidante
Stratégies d'action et d'efficacité personnelle
Contre-conditionnement
Contrôle des stimuli
Gestion des contingences
Répétition pratique
Tâches, épreuves
Maintien Contacts de suivi
Groupes de soutien
Stratégies d'autocontrôle
Prévention de la rechute

demande de tiers ou sous la contrainte. Sans demande personnelle,


la psychothérapie ne peut pas être mise en œuvre. Le fait, pour le
psychothérapeute de se représenter le malade comme étant au stade de
pré-intention le place dans une position technique vis-à-vis de lui ; il évite
ainsi d'être soumis à une obligation déontologique, dans une situation de
conflit moral, pris entre le devoir de le soigner et le refus qu'il oppose.
Cela peut donc rendre l ' interaction plus agréable. Plutôt que d'accepter
la plainte d'un tiers, le thérapeute va rechercher toute manifestation
provenant du patient qui puisse servir de base pour l ' amorce d'une
relation thérapeutique, comme, par exemple, « réussir à ce que ce tribunal
ne me gâche plus la vie », ou toute autre suggestion qui puisse lui sembler
pertinente. Autant être aussi bienveillant et chaleureux que possible et se
mettre du côté du patient. Le but est de passer de la phase de pré-intention
à la phase d' intention, et non pas de se sentir frustré (ou en faute) parce
qu'une psychothérapie, au sens où on la conçoit personnellement, n'est
pas possible. Pour pouvoir passer du stade de la pré-intention à celui de
l' intention, le patient doit affronter ses défenses, prendre conscience de
40 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

son problème puis se l 'approprier, et commencer à percevoir certains de


ses aspects négatifs.
Au stade de la pré-intention, on utilise significativement moins de
techniques de changement qu'à n'importe quel autre stade. Les individus
s'y posent moins de questions, dépensent moins de temps et d'énergie
à se remettre en cause, réagissent de façon moins émotive aux aspects
négatifs de leurs problèmes, s'ouvrent moins à leurs proches et font
peu d'efforts pour utiliser leur attention ou changer leur environnement
dans le sens d'une maîtrise de leurs problèmes. En thérapie, ce sont les
patients que l'on qualifie de résistants.
Les techniques thérapeutiques i ndiquées à ce stade seront celles qui
permettent d' accroître la conscience et de conduire à une réévaluation de
l'image de soi et de l' environnement.
D 'abord les interventions visant le développement de la prise de
conscience - observations, confrontations, interprétations - peuvent
les aider à devenir plus conscients des causes, des conséquences et du
traitement de leurs difficultés. Pour passer au stade de l'intention, ils
doivent se rendre compte davantage des conséquences négatives de leur
comportement. Il faut souvent aider ces patients à prendre conscience
de leurs défenses avant qu'ils ne puissent devenir plus conscients de ce
contre quoi leurs défenses les protégeaient. En second lieu, les techniques
expressives fournissent aux patients des expériences affectives utiles
(par exemple, le psychodrame ou la technique gestaltiste de la chaise
vide), qui peuvent faire surgir des émotions reliées aux comportements
problèmes. Des événements de la vie comme la maladie ou la mort d'un
être aimé peuvent jouer le même rôle, surtout si ces événements sont
reliés au problème.

Le stade de l'intention

Au stade de l' intention, le patient est plus réceptif aux interventions


visant le développement de la prise de conscience : observations, confron­
tations et interprétations. Il est plus enclin à utiliser la bibliothérapie
et autres interventions éducatives. Plus le patient prend conscience de
soi et de la nature de ses difficultés, plus il est libre de se remettre en
cause sur le plan cognitif et affectif. Le processus de remise en cause
personnelle comprend une réévaluation affective et cognitive de ses
valeurs personnelles : lesquelles lui faudra-t-il conserver, changer, ou
abandonner. Plus les comportements problèmes concernent ses valeurs
fondamentales, plus leur remise en cause impliquera de changements
dans son identité personnelle. À ce stade, il reconnaît également mieux
LE PATIENT 41

les effets de ses attitudes sur son environnement, particulièrement sur les
personnes qui comptent le plus pour lui.
Pour mieux préparer les individus au stade de l'action, il faut donc
modifier certaines des croyances qu'ils entretiennent vis-à-vis d'eux­
mêmes et du monde qui les entoure. li faut également les aider à
percevoir les avantages et inconvénients au long terme des différentes
possibilités qui s 'offrent à eux. Ils doivent alors se fixer des buts et
des priorités, et élaborer un plan d' action avec la ferme intention de le
suivre. Les approches cognitives classiques (type Beck ou Ellis) semblent
particulièrement indiquées ici.

Le stade de l'action

Au stade de l'action, il est important que le patient puisse agir dans le


sens de la libération de soi. Il va y affermir sa confiance en sa capacité à
changer sa vie. La libération de soi repose en partie sur le « sentiment
d'efficacité personnelle » décrit par Bandura ( 1 977) et sur la croyance
que ses propres efforts jouent un rôle critique dans la réussite face à des
situations difficiles.
Mais le fondement affectif et cognitif ne suffit plus. Ici les techniques
cognitivo-comportementales classiques vont plus spécifiquement pouvoir
entrer en jeu. Le patient doit ainsi devenir familier avec les techniques
comportementales, comme le contre-conditionnement et le contrôle
des stimuli, pour affronter les circonstances extérieures qui peuvent
provoquer une rechute. Si nécessaire, le thérapeute peut proposer un
entraînement aux techniques comportementales afin d' augmenter la
probabilité de réussite du patient dans ses entreprises.
Toujours à ce stade, le thérapeute offre une relation aidante dans
laquelle il est le consultant d'un « client » engagé dans une démarche
autonome de changement, l'aidant à identifier les erreurs qu'il peut
commettre dans ses tentatives de modifier son comportement ou son
environnement. La phase de l'action est un stade de changement particu­
lièrement difficile, qui implique de nombreuses occasions d'expérimenter
les contraintes, la responsabilité, la culpabilité, l'échec, le rejet et les
limites de sa liberté personnelle. Le patient a donc particulièrement
besoin de soutien et de compréhension. Savoir qu'il y a au moins une
personne qui se soucie de lui et qui est là pour l'aider permet de soulager
un peu son angoisse face au risque de changer sa vie.
42 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Le stade de maintien

Enfin, le stade de maintien vise à consolider les gains thérapeutiques


et considérer les conditions qui pourraient provoquer une rechute. Le
patient doit évaluer les moyens substitutifs dont il dispose pour affronter
ces situations à risque sans recourir à ses anciennes défenses autodestruc­
trices ou à d' autres réactions pathologiques.
Dans cette dernière phase, les objectifs intermédiaires deviennent
la planification de la fin de la thérapie et la prévention d'une rechute.
En outre, les interventions familiales ou de groupe prennent toute leur
valeur pour fournir le soutien social nécessaire ou pour aménager les
conséquences relationnelles du changement.
Une approche importante ne figure pas sur le tableau des interventions
liées aux stades. Il s'agit de la thérapie centrée sur le client, de Rogers
( 1 968). Prochaska et Diclemente ( 1 998) déclarent que, même s'ils ne
s 'appuient pas seulement sur les techniques centrées sur Je client pour
développer la relation d'aide, ils ont été personnellement très influencés
par la pensée et la pratique de Rogers, qui a joué un rôle déterminant pour
montrer l'importance déterminante de la relation thérapeutique comme
processus de changement. On retrouve donc, dans leur approche, les
interventions rogériennes à tous les niveaux de changement.
L'approche transthéorique de Prochaska et Diclemente ( 1 998) postule
une relation complémentaire des différentes théories psychothérapeu­
tiques : chacune d'elle a son propre domaine de compétence et leur
interaction maximise les points forts et minimise les faiblesses de
chacune. Plus précisément, les techniques d'inspiration psychanaly­
tique, Gestaltiste et stratégique sont mieux adaptées pour Je patient au
stade de la pré-intention, qui ne peut ou ne veut pas reconnaître ses
comportements inadaptés. Ces thérapies sont particulièrement habiles à
augmenter le niveau de conscience, localiser les défenses et aborder les
résistances. Une fois au stade de l' intention, quand le patient reconnaît le
problème mais n'est pas encore prêt à changer, c'est le tour des thérapies
cognitive, existentielle et bowénienne (familiale). Quand le patient est
prêt à l ' action, ce sont les stratégies comportementales et structurales
(familiale) qui semblent les plus efficaces.
Un dernier aspect de cette théorie du changement consiste à tenir
compte, pour chaque stade, du domaine de fonctionnement le plus
problématique. Il en existe ainsi cinq :
1 . symptômes ou difficultés liées à une situation donnée ;
2. cognitions dysfonctionnelles ;
LE PATIENT 43

3. conflits interpersonnels ;
4. conflits familiaux systémiques ;
5. conflits intrapsychiques.
Les difficultés survenant dans ces différents domaines peuvent néces­
siter des interventions provenant d'une ou deux écoles spécifiques de
psychothérapies qui soient globalement ajustées au stade de change­
ment et aux mécanismes de changement nécessaires. Par exemple, le
travail sur les cognitions dysfonctionnelles répondra mieux aux thérapies
adlériennes au stade de pré-intention, et mieux aux thérapies cognitives
classiques (Beck, Ellis) au stade d'intention. Autre exemple, l' abord des
conflits familiaux se fera préférentiellement par une approche stratégique
au stade de pré-intention, une approche familiale bowénienne au stade
d'intention, et une approche structurale (Minuchin) aux stades d'action
et de maintien 1 •

Prenons quelques exemples :


Au stade de pré-intention, le patient peut être dans le déni de tout
problème, ou en attribuer la responsabilité à quelqu'un d'autre.

Évoquons le cas d'un patient alcoolique, victime d'un accident de voiture, au


cours duquel il s'est cassé les deux poignets, et où un autre passager a été
légèrement blessé.

La stratégie du thérapeute sera d' éviter une confrontation trop directe


mais d'explorer les raisons de l'accident, les dommages corporels exacts,
le coût au niveau des assurances, les inconvénients, etc. Le thérapeute
peut aussi s'enquérir de la survenue antérieure d' accidents similaires,
liés à l'alcoolisation du patient, et demander si les choses ont tendance
à s' améliorer ou s' aggraver. Dans des cas graves, la confrontation ou
l ' intervention familiale ou celle de tiers concernés peut être nécessaire,
de manière à amener le patient à reconnaître le problème.
Au stade d'intention, le patient peut admettre avoir des difficultés
et désirer changer, mais ne pas savoir comment ou avoir peur du
changement.

Ainsi en est-il, par exemple, de cette femme battue de 29 ans, mariée et


mère de 2 jeunes enfants. Elle vient d'être examinée aux urgences pour

1 . Pour une présentation des différentes variétés de thérapie familiale, consulter l'ouvrage
de Salem ( 1 987).
44 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

une fracture de côtes à la suite d'une altercation avec son mari. Elle est
déterminée à le quitter mais est sans ressource financière et ne peut pas
imaginer vivre seule.

Dans ce cas, deux types d'interventions vont aider cette femme. Le


premier est de la persuader d'entreprendre des démarches utiles, certes
limitées mais directes, après avoir conçu un but réalisable. Par exemple,
on l'encouragera à solliciter le centre d'aide des femmes battues, sans
qu'elle se sente obligée de s'engager à quitter son mari. Le deuxième
type de stratégie consiste à l ' aider à commencer d' évaluer sa situation
personnelle par rapport à son mari : devrait-elle rester auprès de lui ou
le quitter ? Quels seraient les arguments pour ou contre la solution à
envisager ? Au cours de ce processus, bien entendu le psychothérapeute
aidera cette femme à prendre la décision de changer en faisant un choix
éclairé sans faire pression sur elle dans aucun sens. Si elle sentait que
c'est le thérapeute qui l'a persuadé de changer, elle ne prendrait pas la
responsabilité de sa réussite ou de son échec.
Le manque de motivation du patient ou l'arrêt précoce du traitement
est un phénomène fréquent, inévitable quels que soient les contextes de
soin (Garfield, 1 995). Un peu plus d'un tiers des patients consultant dans
des cliniques psychiatriques, semblant relever d'une bonne indication
de psychothérapie, refusent cette approche ; approximativement 40 %
des patients qui ont commencé une psychothérapie l ' arrêtent avant
les 4 premières séances. Les soignants de l' hôpital psychiatrique ne
devraient donc pas s 'étonner de la réticence opposée à la proposition
d'une approche similaire !

L' I NT E RACT I O N E N T R E L' U RG E N C E ET LA C O N SC I E N C E

Toujours en prenant en compte les variables propres au patient, nous


empruntons deux concepts essentiels à G. Delisle, celui d'interaction
entre urgence et conscience des troubles, et celui du continuum entre
introjection et assimilation vis-à-vis de l'intervention thérapeutique.
L'agencement des objectifs thérapeutiques dépend donc aussi de deux
autres facteurs : l' urgence relative du syndrome clinique ou du motif
de consultation et la conscience plus ou moins claire qu'a le patient de
l ' interaction entre les caractéristiques de sa personnalité et le syndrome
clinique. L'urgence relative d'une situation doit être comprise comme
reflétant un danger à court terme pour la santé ou l' intégrité physique
du patient ou de son entourage, ou encore un risque grave et immédiat
LE PATIENT 45

pour sa santé psychologique (par exemple un risque de décompensation


psychotique).
Quant à la reconnaissance de l' interaction entre les caractéristiques
de la personnalité et le motif de consultation, on doit y voir une certaine
disposition de la part du patient à se considérer au moins partiellement
responsable de son expérience et de son malaise. Certains patients
n'ont pas développé une capacité d' auto-observation suffisante pour leur
permettre de saisir l'existence de liens entre leur hygiène psychologique
et leur santé physique et mentale. Aussi se voient-ils comme subissant
une situation ou ayant « attrapé » une maladie psychologique, un peu
comme on attrape un rhume.
Il tombe sous le sens qu'un patient vivant une situation d' urgence
et qui estime n'y être pour rien n'est pas un bon candidat pour une
psychothérapie non directive, fondée sur l' ins.ight. Et pourtant, s'il a
le malheur de se retrouver face à un thérapeute trop centré sur son
approche, il risque de consacrer son énergie à une démarche frustrante et
infructueuse.
De l interaction entre ces deux variables, l' urgence et la conscience,
découlent virtuellement quatre configurations initiales qui sont illustrées
dans le tableau 2.

Tableau 2. Les quatre configurations initiales.

1 Urgence + Il Ill

1 Urgence - 1 IV
Conscience - Conscience +

Dans le carré I , le motif de la consultation ou le syndrome clinique


ne présente pas d'urgence particulière, et le patient n'est pas conscient
c:
des liens qui existent entre ce qui l 'amène à consulter d'une part et son
"

hygiène mentale et sa personnalité d' autre part. Le carré II contient les


situations initiales où le syndrome clinique présente une urgence, et
où le patient n'a pas conscience des liens tissés entre sa personnalité
et le syndrome clinique. Dans le carré III, la situation est urgente et
le client est conscient des liens établis avec sa façon de mener sa vie.
Finalement, dans le carré IV, la situation n'est pas urgente, et Je patient
est conscient des liens qu'elle entretient avec sa personnalité. Chacune de
ces configurations initiales commande une approche et un agencement
particuliers des cibles d'intervention.
Comment peut-on y travailler ? À quelles conditions et à quel moment
est-il indiqué d'intervenir sur le trouble de la personnalité ? Ici encore
46 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

on est forcé de constater que les réponses ne peuvent venir d'une


seule démarche psychothérapeutique, aussi large et efficace soit-elle.
À bien y penser d'ailleurs, on croirait presque que beaucoup d'approches
thérapeutiques ont été créées pour répondre à certaines des quatre
configurations urgence-conscience. La chimiothérapie vaut-elle mieux
que la psychothérapie ? Les approches actives sont-elles supérieures aux
approches non interventionnistes ? Doit-on répondre aux questions du
patient ou lui laisser trouver lui-même ses réponses ? Y a-t-il une relation
réelle ou tout n' est-il que transfert ?
À toutes ces questions et à bien d'autres, on ne peut répondre par oui
et non. Aussi bien dire qu'il s'agit de faux débats ! Diverses approches
peuvent et doivent être employées face à différentes situations.

Tableau 3. Le continuum introjection-assimilation


et l 'intervention thérapeutique.
Plus d'introjection Plus d'assimilation
Relation de Relation Relation Relation Relation mixte (réelle-
contention de d'aide- transfé- transférentielle)
prescription conseil rentielle
Court terme Moyen
Long terme
terme
Vers des situations Vers des situations
très urgentes et une non urgentes et la
absence de reconnaissance des
reconnaissance des liens entre la
liens entre la personnalité et le
personnalité et le motif de consultation
motif de consultation

Il existe une multitude de variables selon lesquelles on peut classer les


approches thérapeutiques. Pour notre propos, nous utiliserons la variable
introjection-assimilation, comme le montre le tableau 3.
À une extrémité du continuum, il convient que le patient introjecte. À
l'autre, il doit assimiler le processus de changement.
On peut donc constater que les quatre configurations initiales de base
appellent des modalités d'interventions différentes. Plus la situation est
urgente, moins le patient a conscience de l'interaction entre son type de
personnalité et son motif de consultation (carré Il), plus le mode d'inter­
vention doit s'appuyer sur l 'introjection (avec pour conséquence pratique
fréquente, l'adoption de solutions adaptées sans son consentement...). À
l ' inverse, moins la situation est urgente et plus le patient a conscience de
l'interaction entre ce qu'il est et ce qu'il déplore, et plus l ' intervention
repose sur sa capacité à assimiler le processus de changement.
LE PATIENT 47

À chacune de ces configurations correspond également u n certain


type de relations entre le thérapeute et le patient. Plus le travail repose
sur l ' introjection et se fait dans le court terme, plus le pouvoir de
l'intervenant est important. Plus Je travail s'inscrit dans une perspective
à long terme, mettant à profit la capacité d' assimilation du patient, plus
la relation peut tenir compte des processus interactifs entre le thérapeute
et Je patient, de même que des implications transférentielles.

LA D I FF É RE N C E ENTRE D ÉMARC H E ET D EMAN DE

Malarewicz souligne l a différence entre démarche et demande. Lors­


qu'il prend un rendez-vous, le patient effectue une démarche auprès d'un
professionnel. Il reste à ce professionnel à transformer cette démarche en
une demande, ce qui n'est pas toujours facile, car il arrive que le patient
se contente de sa démarche pour remettre entre les mains du thérapeute
son propre devenir.
Un des moyens que peut utiliser, parmi d' autres, ce dernier pour y
parvenir consiste à obtenir du patient les réponses aux quatre questions
suivantes :

« Qu'attendez-vous de ma part ? »
« Qu'avez-vous fait jusqu' à présent, pour tenter de trouver une aide
au problème dont vous me parlez aujourd'hui ? » , ou « Qu'est-ce que
vous avez appris avec le ou les autres thérapeutes que vous avez déjà
rencontrés ? »
« Combien de temps me donnez-vous pour vous aider ? »
« Quel sera pour vous le premier changement pertinent ? »

LA RESPO NSABI LISAT I O N

U n point qui devrait être commun à l'ensemble des méthodes consis­


terait à inviter l' individu à se responsabiliser (Delourme, 1 999). Cette
responsabilisation concernant soi-même, ses projets de vie et ses rapports
aux autres, deviendrait ainsi une responsabilité vis-à-vis du projet de
changement. li s'agit de rechercher le sens de sa vie à travers une
évaluation critique de nos différentes attitudes et l'augmentation de notre
capacité à choisir ce qui nous apparaît préférable, comme l ' illustre le
texte suivant (tiré du Livre tibétain de la vie et de la mort, Paris, La Table
Ronde, 1 994) :
48 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

« Je marche dans la rue


Il y a un grand trou dans le trottoir
Je tombe dedans
Je suis désespéré
Tout est foutu
Ce n'est pas de ma faute
Cela prend une éternité pour trouver comment sortir
Je marche dans la même rue
Il y a un grand trou dans le trottoir
Je fais comme si je ne le voyais pas
Je tombe dedans à nouveau
C'est incroyable de se retrouver là
Mais ce n'est pas de ma faute
Cela prend tout de même un sacré temps pour s'en sortir !
Je marche dans la même rue
Il y a un grand trou dans le trottoir
je vois qu'il est là
Je tombe dedans ... c'est une habitude ... mais mes yeux sont ouverts
Je sais où je suis
C'est de ma faute
J'en sors immédiatement
J'emprunte la même rue
li y a un grand trou dans le trottoir
je le contourne
J'emprunte une autre rue ».

Nous avons là l'illustration d'un scénario évolutif qui mérite notre


attention : expérience malheureuse, répétition de cette expérience mal­
heureuse, prise de conscience de cette répétition et de la souffrance
associée, réflexion sur l' aspect inéluctable ou non de cette situation,
responsabilisation vis-à-vis du choix possible, puis choix.

LES CARACTÉ RISTI Q U E S DU PAT I E NT R E L I É E S


A U X RÉSU LTATS D U TRAITEMENT
Certaines caractéristiques d u patient feront qu'il a plus ou moins de
chance d'être accepté pour une prise en charge psychothérapeutique.
Ainsi, pour entreprendre une psychanalyse faut-il être assez mal pour
en avoir besoin et suffisamment fort pour pouvoir la suppo1ter. Pour
L E PATIENT 49

certains auteurs, les caractéristiques requises pour entreprendre une


psychanalyse seraient d'être un patient Yarvis c'est-à-dire un patient
jeune ( Y = Young), attrayant ( A = Attractive), riche (R = Rich), ver­
balement doué (V = Verbal), intelligent (1 = Intelligent) et qui réussit
(S = Successfull), alors que les caractéristiques Hound (c'est-à-dire
casanier, vieux, sans succès, verbalement et intellectuellement peu doué)
vous donneraient moins de chances d' être accepté par un psychanalyste
et même tout simplement d'être pris en psychothérapie (Huber, 1 993).
Des recherches en la matière montrent que c'est là plus qu'un adage
ou une boutade. L'indication d'un traitement psychanalytique se fait en
fonction de certaines représentations semblables, comme le montre entre
autres le travail de Blaser ( 1 982).
Ainsi, les patients qui abandonnent précocement la psychothérapie
s'attendent plus souvent à recevoir un conseil précis lors de la première
entrevue, alors que ceux qui continuent s'attendent plus souvent à une
attitude permissive de la part du thérapeute (Heine, 1 962). La même
étude montre que les patients qui quittent précocement la thérapie ne
différencient pas bien le rôle du psychiatre de celui d'un autre médecin.
Vis-à-vis de l'engagement dans le traitement et des résultats thérapeu­
tiques, différentes variables liées au patient semblent importantes.
Pour les thérapies non psychanalytiques, l'éducation et la scolarité du
patient sont en corrélation légèrement positive avec les résultats, mais pas
l'âge, ni la classe sociale, ni la catégorisation en « Yarvis » ou « Hound ».
L'ouverture du patient à ses propres sentiments et pensées, sa capacité
et sa volonté de les exprimer sont importants pour la réussite du
traitement de même que ressentir et exprimer des affects et sentiments
négatifs en début de traitement (Garfield, 1 995). Pour le même auteur, si
l'origine socio-économique et le niveau d'éducation apparaissent comme
des variables qui ont quelque influence, ce ne semble quasiment pas être
le cas pour le sexe et l' âge du client, ni vraiment pour son statut psy­
chopathologique. Ce dernier point pourrait surprendre, mais les études
les plus récentes tendent à montrer que le seul diagnostic psychiatrique
n'est de loin pas décisif pour la bonne évolution d'une psychothérapie
alors que le sont les dispositions relationnelles du client, qui permettent
à une personne d' entrer en contact avec l'autre, d'exprimer ses émotions
et d' utiliser ses défenses, si primitives soient-elles, sans trop de rigidité.
Ainsi une personne diagnostiquée psychotique, ou état limite, n'est pas
ipso facto défavorisée par rapport à un patient névrotique, si elle fait
preuve d'une bonne capacité interactionnelle.
Le « contact avec soi-même » est un même type de variable-patient
importante. Elle peut être définie et opérationnalisée de diverses façons :
50 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

défensivité, auto-exploration, réceptivité, etc. Gaston et coll. ( 1 988)


ont ainsi trouvé une relation entre l ' importance de la défensivité et
celle de l ' engagement à la collaboration du patient. Ambühl et Grawe
( 1 988) ont pu constater que la réceptivité du patient « joue un rôle
médiateur important entre les interventions thérapeutiques et le résultat
thérapeutique ».
Certaines caractéristiques de la personnalité des patients semblent
les prédisposer à répondre plus à certaines formes d'interventions qu'à
d' autres. Ainsi, dans une étude menée par Abramowitz et al. ( 1 974), les
patients furent classés en « externalisateurs » (personnes qui pensent que
ce qui leur arrive dépend plus de l 'extérieur que d'eux-mêmes) ou « inter­
nalisateurs » (personnes qui pensent que ce qui leur arrive d'important,
de bien ou de mal, dépend plus d'eux-mêmes, de leur propre contrôle,
que de facteurs extérieurs) selon le type de leur locus de contrôle mesuré
par l'échelle J-E de Rotter. Les diverses thérapies dont bénéficièrent les
patients furent classées en « relativement directives » et « relativement
non-directives ». Les résultats indiquèrent que les patients ayant un locus
de contrôle externe répondaient mieux aux psychothérapies directives,
alors que les patients avec un locus de contrôle interne bénéficiaient plus
des psychothérapies non-directives.
Une étude plus récente de Beutler et al. ( 199 1 ) montra que les
patients déprimés externalisateurs répondaient mieux à la psychothérapie
cognitive que les internalisateurs, alors que ce dernier groupe s' améliorait
plus par une forme non directive de thérapie de soutien.
La nature et la gravité du trouble semblent en partie jouer un rôle
dans le résultat thérapeutique. La règle pronostique pour la rémission des
troubles névrotiques formulée par Ernst et al. ( 1 968) après de longues
années d'observation s'énonce comme suit : « plus la personnalité
prémorbide est douée et affirmé dans la vie, plus le début de la maladie est
aigu et le tableau dysphorique émotionnellement chargé, plus favorable
est le pronostic syndromatique ainsi que celui de la personnalité. Et, à
vrai dire, cela semble plus valable à long terme qu'à courte échéance ».
Des recherches récentes montrent cependant que la signification
pronostique du degré de gravité d ' un trouble dépend également de la
méthode de traitement.
Dans l'étude de Sloane et al. ( 1 975), par exemple, les psychanalystes
ont obtenu des résultats meilleurs avec des patients moins troublés,
alors que les résultats des thérapeutes comportementaux étaient aussi
bons pour les troubles plus graves ou plus légers. Grawe et al. ( 1990)
ont également trouvé des effets différentiels en matière d'intensité du
trouble ; les patients névrotiques plus fortement troublés avaient de moins
LE PATIENT 51

bonnes chances dans un traitement par la thérapie non-directive ou par


la thérapie multimodale, alors que dans la thérapie comportementale
interactionnelle le degré de gravité du trouble n'influençait pas le résultat
thérape utique.
Ces derniers résultats indiquent clairement que l' importance du degré
de gravité du trouble dépend de la forme d'intervention, et que dans le
cas de troubles graves, certaines interventions ont plus de chances de
succès que d' autres, et, de ce fait, semblent plus indiquées.

FORCE ET F O N C T I O N N EMENT D E L' EGO

La force de 1' ego s e réfère essentiellement à la stabilité et l ' adaptabilité


émotionnelle dont fait preuve une personne (surtout en face de facteurs
de stress psychosociaux significatifs).
On peut la concevoir en termes de « résistance à la dysfonction » et de
« résilience ». Un sujet résistant à la dysfonction continue à fonctionner

et ne s'effondre pas émotionnellement lors de stress. Il est capable de


ressentir et d'exprimer des émotions intenses de façon mature.
Le sujet est résilient s ' il est capable de se remettre émotionnellement
sans séquelles à la suite d'un facteur de stress majeur. Ses ressources
intérieures restent présentes même lors de souffrances émotionnelles
intenses.
De manière très rapide et générale, on pourrait énoncer la règle
suivante : les psychothérapies contenant ou stabilisant l ' ego sont indi­
quées pour les « ego faibles » et les psychothérapies confrontantes,
découvrantes, dites expressives ou exploratoires, sont plus à réserver
aux « ego forts » ; les psychothérapies qui stimulent et intensifient les
émotions sont pour les ego forts, les psychothérapies qui régulent et
"
"
stabilisent les émotions conviennent aux ego faibles.
On peut en effet évaluer le niveau de force de l'ego sur un continuum
allant de 7 mature, sain et adapté - à 1 - immature, pathologique et
-

inadapté - (voir tableau 4).


Ce continuum peut être retrouvé vis-à-vis plusieurs fonctions de l ' ego.
52 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

Tableau 4. Fonctionnement de l 'ego au regard


des 7 niveaux de sa force

Niveau Contrôle des émotions et impulsions

7 Montre à la fois l'habileté de contenir et de contrôler ses émotions de façon


appropriée et de choisir d'exprimer ses sentiments aux moments et lieux
adéquats (c.a.d. a la capacité de s'engager dans une expression
émotionnelle saine, comme faire le deuil de pertes, exprimer de la
frustration, etc.. )

5 Deux versions existent à ce niveau. Dans la première, l'individu se sent


submergé et peut soit exprimer ses émotions de manière inadaptée ou
ressentir une perte de contrôle (comme s'effondrer en pleurant à son travail).
Dans la seconde, il existe un excès de contrôle inadapté, où l'individu retient
son expression émotionnelle à un point excessif. Cela l'amène à des
difficultés à partager ses sentiments avec les autres et amoindrit sa capacité
à élaborer et intégrer ses expériences émotionnelles douloureuses.

3 À nouveau, il existe deux versions. Dans la première, l'individu est


extrêmement sensible aux stress et y répond par des accès émotionnels
intenses et pauvrement modulés (désespoir intense, rage, forte panique. . . ).
Dans la seconde, le sujet tente de contenir désespérément des affects
intenses, mais ce contrôle est fragile. L.'.excès de contrôle laisse en effet
souvent place à des acmés émotionnels. En outre, le trouble marqué du
contrôle constaté à ce niveau inclut le suicide, l'homicide, eVou les
comportements d'automutilation.

1 Trouble très sévère du contrôle des émotions.

Niveau Épreuve de réalité (et sens de la réalité)

7 É preuve de réalité intacte.

5 É preuve de réalité intacte dans la plupart des circonstances, cependant


signes d'altération dans le contexte de relations intenses (ex : réactions de
transfert) ou lors de fortes émotions (absence de distance et de perspective
en plein milieu d'un accès émotionnel significatif).

3 Altération significative de l'épreuve de réalité, comme une interprétation


grossièrement erronée de certains éléments du contexte social ou des
interactions interpersonnelles, ou des inférences arbitraires hâtives.
Estompement des frontières soi-autre.

1 Épreuve de réalité très altérée.

Niveau Comportement et affect

7 Absence de comportements autodestructeurs intentionnels. Productif


dans le travail, liens sociaux stables. Affects appropriés en intensité et par
rapport au contexte ; gamme incluant la culpabilité et l'humour.
LE PATIENT 53

Tableau 4. (suite)

4 Comportements autodestructeurs égo-dystoniques mais qui reviennent


sporadiquement.
Les liens sociaux ou le travail peuvent être remis en cause de manière
impulsive en cas de stress.
Tombe parfois dans des accès de colère inappropriés, ou dans une
dépression incapacitante (accès de désespoir et de sentiments
d'impuissance).

1 Activement autodestructeur.
Incapable de maintenir des liens institutionnels stables ; antécédents
professionnels très pauvres.
Affects inappropriés en intensité et vis-à-vis du contexte social ; rage et
dépression prédominent.

Niveau Capacités d'intimité

7 Relations intimes stables et durables.


Tolérant et sensible vis-à-vis du besoin des autres.
Pas particulièrement dans l'exploitation ou le contrôle d'autrui.

4 Capacité limitée d'intimité.


Quelques possibilités de ressentir et de tolérer les besoins des autres.
Utilise habituellement la manipulation pour contrôler les personnes qui lui
sont importantes.

1 Relations aux autres chaotiques et de courte durée. Liens objectaux


superficiels et de type hostile/dépendant. A besoin d'un contrôle absolu sur
les relations qu'il entretient.

Niveau Sens de son identité

7 Sens de l'identité clair et stable, ne vacillant pas en fonction des


circonstances.
A une perception appropriée de ses propres forces et limites. Capable
d'apprécier d'être seul.

4 Sens de son identité fragile ; degré moyen de suggestibilité. Le stress induit


une fuite dans la grandiosité ou le dénigrement de soi. Tolère d'être seul,
mais uniquement pour des temps brefs.

1 Peu de sens de son identité ; les croyances et conceptions de soi


fluctuent largement en fonction des circonstances.
La grandiosité coexiste ou alterne avec une estime de soi faible ou de
l'autodénigrement.
Ne supporte pas d'être seul.
54 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Le Moi ou ego a pour principale fonction de gérer les rapports avec


l 'extérieur (sens de la réalité, capacités d' intimité, autodétermination),
avec l ' intérieur (impulsions et émotions) ou avec le Soi (sens de 1' iden­
tité), comme l ' illustre la figure 5 .

Autodétermination
Comportement et Affect
Sens de la réalité

Non conscient

/
Capacités
d'intimité Sens de l'identité

Figure 5. Le Moi, le Soi, les R.0.1. : aménagements des rapports


avec l 'intérieur et l'extérieur du Moi.

La force de l' ego dépend directement du bon déroulement du dévelop­


pement affectif et cognitif. Ensuite seulement, « la vague du développe­
ment laisse sur la plage les galets des structures psychologiques » (les
relations d'objet internalisées ou R.O.I) dont le contenu fixera la nature
des rapports du sujet par rapport à Soi, aux autres et au monde.
La force du Moi ne suit donc pas un continuum névrose-état limite­
psychose : certains psychotiques ont en effet, entre les épisodes, une plus
grande force de l' ego que des patients états limites, et ce n'est que lorsque
leur R.O.I. pathogène principale est activée que le fonctionnement de
l' ego et sa force seront momentanément (ou plus durablement) diminués.
Il faut donc bien dissocier la notion de force du moi et celle de R.O.I. :
pour le patient psychotique, c'est la nature précoce de la formation de sa
R.0.I. pathogène, l' intensité des émotions qu'elle contient, son caractère
vital (sentiment de sécurité, sentiment de valeur personnelle), et sa non
intégration au reste du Soi qui est responsable de l'atteinte secondaire de
la force du Moi en cas d'activation.
LE PATIENT 55

Il faut donc « décontaminer » les échelles d'évaluation de la force du


Moi de tout ce qui est provoqué par les symptômes psychotiques : chez
ces patients la force du Moi reflète plus un « état » qu'un « trait » (au
sens psychométrique de ces termes).
La possibilité de travailler avec précision et efficacité sur les R.0.1.
dépend de la force du moi du sujet (capacités d'insight et de contact avec
soi et l'extérieur, de tolérance à la frustration, de non passage à l'acte, de
distanciation) et l'on peut donc concevoir que pour certains psychotiques
il soit plus facile d'élaborer leurs R.0.1. reliées aux symptômes psycho­
tiques que de le faire avec des patients borderlines pour leurs R.O.I. liées
à leurs problématiques sous-jacentes.
Les nouvelles tentatives d'intégration en psychothérapie se font
d'ailleurs actuellement en combinant des méthodes visant le changement
des structures psychiques (R.0.1.) comme la psychanalyse des relations
d'objet, l 'analyse transactionnelle, la psychothérapie cognitive, etc., avec
des méthodes visant à renforcer les capacités de contact du moi, ou la
force du moi, comme la Gestaltthérapie. Citons notamment les travaux
de Delisle ( 1 998) qui combinent la psychanalyse des relations d' objet de
Fairbairn avec la théorie du self gestaltiste de Perls-Goodman, et ceux
de Preston (2003) combinant l ' action sur les schémas cognitifs dysfonc­
tionnels précoces avec la prise en compte du degré de la force du moi.

Les classes d'approches psychothérapeutiques

Il existe trois grandes classes d' approches psychothérapeutiques en


fonction du degré de force du moi (tableau 5) :
1 . approches « stabilisantes et contenantes de l 'ego » (-stabilizing et ego
faible) ;
2. approches visant le « développement et le reparentage de l ' ego »
c:
" (ego-nurturing) et ego de force modérée ;
3 . approches visant la « confrontation et la remise en cause de l'ego »
(ego-challenging pour ego fort).
Ainsi, plutôt que de décrire les psychothérapies isolément en fonction
de leurs caractéristiques spécifiques, il semble préférable de les regrouper
en méthodes partageant un certain nombre de points communs et
convenant mieux à certaines catégories de patients. On obtient ainsi une
classification des psychothérapies qui se fait non plus en fonction des
besoins de compétition des écoles mais en fonction des problématiques
et des besoins spécifiques des patients. Shea ( 1 988) a proposé un tel
regroupement des psychothérapies en 3 classes, correspondant à des
56 L E S BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Tableau 5. Les 3 classes d'approches psychothérapeutiques


en/onction du degré deforce du moi.
Stabilisation Développement Confrontation et remise
et contenance et reparentage en cause
(ego faible) (ego suffisamment fort)
Améliorer le Développer un Soi sain, se Identification et
fonctionnement de l'ego : comportant comme un confrontation des défenses.
contrôle émotionnel, adulte équilibré, Intensification et
renforcement des défenses, raisonnable, s'occupant dramatisation des
amélioration des capacités des " enfants intérieurs ,, . émotions.
de résolution de problème Envers eux, il se montre
Prise de conscience et
et du sens de la réalité respectueux, disponible,
insight.
(restaurer une pensée affectueux, compréhensif,
Dégager le Soi sain des
réaliste, accroître le sens protecteur, permettant ainsi
relations d'objet
de la différence soi-autre), une expression adéquate
internalisées qui le
développer des stratégies des besoins et sentiments.
parasitent.
d'adaptation face aux Offrir une " expérience
difficultés quotidiennes et à émotionnelle correctrice "· Accroître la conscience de
la maladie, favoriser l'expérience intérieure et la
Exploration prudente des
l'autocontrôle. compréhension (du
émotions et des
Être actif et structuré pour comportement, du passé,
traumatismes passés.
des vérités intérieures), et
éviter les distorsions de
Imagerie et dialogue intensifier l'expérience ;
transfert.
imaginaire avec les solliciter des réponses,
Éviter activement les
différents enfants inviter à la réflexion,
techniques qui favorisent la intérieurs et reparentage.
encourager l'ouverture.
régression, stimulent
Techniques cognitives Triade
émotionnellement, ou
intégratives de Young, par clarification-confrontation ,
fragilisent les défenses.
exemple. interprétation
Techniques
pychodynamique,
comportementales, par
techniques expressives de
exemple.
la Gestalt, par exemple.

niveaux progressivement croissants de maturation, d'intégration et de


développement du moi du patient. Reprenons les plus en détail :
- Les méthodes de stabilisation du moi. Elles sont des approches douces
qui visent à aider le patient à développer des capacités de contact
avec la réalité, à établir un sentiment d'intégration du soi, accompagné
d' une compréhension minimale des considérations pratiques attachées
à leur trouble clinique. Un apport psycho-éducationnel progressif et
soutenant permettra de réduire certaines craintes et d'augmenter l' adhé­
sion au traitement (exemple typique : l'entraînement aux habiletés
sociales des malades psychotiques chroniques).
- Les méthodes de soutien au développement du moi. Elles s'axent déjà
plus sur le développement de l 'insight, de la compréhension de soi,
et d'un accroissement de l'estime de soi, à travers d'interventions
LE PATIENT 57

prudentes mais confrontant déjà un peu plus le patient, tout en tenant


compte de ses difficultés de contrôle vis-à-vis d'accès potentiels de
colère et de peur envers le thérapeute. Les techniques de « reparen­
tage » telles celles développées par Schiff en Analyse Transactionnelle
( 1 975) pour les psychotiques, et par Young et Klosko ( 1 995) pour
la prise en charge des troubles de la personnalité borderline, corres­
pondent parfaitement à l'objectif thérapeutique de ces méthodes.
- Le groupe des psychothérapies dites de « remise en cause du moi ».
Il comporte des techniques confrontant le patient et le poussant à
s'interroger sur les ramifications et les conséquences de ses pensées
aussi bien que de ses comportements. Ces thérapies demandent Je
plus souvent que les patients soient motivés, aient de bonnes habiletés
cognitives et soient enclins à l'introspection. Les psychothérapies psy­
chodynamiques brèves (Gilliéron, 1 997) ou la Gestalt-psychothérapie
proposent des interventions assez typiques de ce troisième groupe.
Bien sûr, il ne s'agit pas ici de catégories parfaitement étanches. Dans
le cas le plus favorable, par exemple, un patient pourra être pris en
charge dans un premier temps par des méthodes de stabilisation du
moi, puis, en cas d'évolution vraiment positive, par des méthodes
de soutien au développement du moi, voire de remise en cause du
moi. Les exemples d'applications techniques décrites dans le chapitre
des facteurs communs proviennent surtout des approches du dernier
groupe (de remise en cause du moi).

Modifications du cadre thérapeutique

Enfin, il est intéressant de noter les modifications du cadre de la


psychothérapie que tous les thérapeutes psychanalystes de patients
borderline ont soulignées comme étant nécessaires du fait de la faiblesse
de 1' ego rencontré chez ces derniers.
- Stabilité du cadre thérapeutique. Toute déviation du cadre devra être
traitée activement et les sentiments du patient vis-à-vis d'une telle
déviation devront être explorés lors de la séance.
- Activité accrue du thérapeute. Littéralement, le thérapeute parle plus
pendant la séance. La valeur de ses interventions réside non seulement
dans leur contenu mais aussi dans le fait qu'elles témoignent de la
présence du thérapeute et ancrent le patient dans la réalité, prévenant
ainsi de trop grosses distorsions transférentiel les.
58 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

- Tolérance du tramfert négatif. Le thérapeute doit supporter les assauts


verbaux du borderline sans retrait ni contre-attaque. Ce faisant, l'hosti­
lité du patient peut être examinée et comprise comme une facette d'un
mode général de relation avec les autres.
- Établir un lien entre les actes du patient et ses sentiments dans
le présent. Pour les borderlines, l ' action est une défense primaire
contre la prise de conscience d' affects désagréables. Comme une telle
conscience est indispensable pour l ' autonomie et le contrôle de soi, on
doit aider le patient à voir qu'il communique à travers l ' action et que
celle-ci possède une fonction défensive.
- Rendre non gratifiants les comportements autodestructeurs du patient.
Les actions de nature autodestructive gratifient certains désirs et
soulagent l 'anxiété chez le borderline. Le thérapeute doit à maintes
reprises attirer l'attention du patient sur les conséquences négatives
de comportements tels que l'utilisation de drogues, la promiscuité, les
comportements manipulatoires, et les accès de rage inappropriés, se
focalisant non pas sur les motivations mais sur les résultats de ces
actions.
- Bloquer les passages à l 'acte. Le thérapeute doit établir des limites aux
comportements qui menacent la sécurité du patient, du thérapeute, ou
de la thérapie. Au contraire des névrotiques, qui parfois passent à l'acte
les sentiments transférentiels mais ce faisant atteignent une meilleure
compréhension de leurs motivations et fantasmes, les borderlines
utilisent le passage à l ' acte comme une forme majeure de résistance à
la prise de conscience du transfert et donc au progrès de la thérapie.
- Focaliser les clarifications et interprétations sur ['ici et maintenant.
Les interprétations génétiques ou les tentatives de reconstructions
génétiques tôt dans le traitement ont bien des chances de se révéler
infructueuses voire néfastes, en ce qu'elles détournent l ' attention des
comportements pathologiques immédiats et souvent dangereux qui
perturbent la vie du patient.
- Faire très attention aux sentiments contre-transférentiels.
Chapitre 3

LE THÉRAPEUTE
ET LA RELATION
THÉRAPEUTIQUE

É TAB L I R U N E R E LATI O N T H É RAPEUTI Q U E

La première étape d'une psychothérapie consiste à établir une alliance


thérapeutique avec le patient. Le but de l'interaction initiale est de
développer une attirance ou un sentiment positif chez le patient par
c:
" l'empathie, la chaleur, la préoccupation authentique et un regard positif
inconditionnel vis-à-vis de lui. Le deuxième objectif est de faire passer
le sentiment que le thérapeute est une personne compétente, digne de
confiance, avec qui il sera possible de se découvrir et de former un lien
en toute sécurité.
L'alliance thérapeutique contient deux facteurs :
- le patient vit son thérapeute comme lui apportant aide et soutient (un
facteur affectif, le lien relationnel) ;
- il a le sentiment d'un travail en commun, d'une coopération avec lui
(un facteur cognitif et de motivation, l ' alliance de travail, impliquant
la collaboration des participants).
60 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

L'environnement de la consultation doit être exempt de toute cause de


distraction et fournir un cadre sécurisant et agréable.
Pour retenir le patient on rappellera la maxime : « les habitudes du
poisson sont plus importantes que les outils du pêcheur ».
On prendra aussi soin de prévenir le patient de ce qui l ' attend en lui
expliquant quel sera Je déroulement de son traitement.
Les aptitudes élémentaires d'écoute concernent l'attention et l'obser­
vation. Elles constituent les fondements essentiels de l 'établissement
d' une relation thérapeutique.
Faire attention, être tendu vers, suppose écouter avec tout son corps
et implique aussi de communiquer son état d'attention au patient. C'est
I ' « écoute non verbale ».
L'observation consiste à être attentif aux caractéristiques verbales et
non-verbales des propos du patient et à leur éventuelle incongruence.
Elle sera aussi reprise dans Je chapitre consacré à l'évaluation dans la
méthode des « 4 axes de l' attention ».
L'écoute compréhensive recourt à l'emploi d' aptitudes d' écoute plus
complexes, appelées aptitudes de relance et aptitudes de reflet.
Les aptitudes de relance correspondent à l'utilisation de techniques
d' invitation, de signaux minimaux d'encouragements, de questions
ouvertes, et d'un silence judicieux.
Les aptitudes de reflet incluent le paraphrasage, le reflet des émotions,
le reflet des significations, et le résumé
Le rôle essentiel des capacités d'empathie du thérapeute sera exploré
en détail plus loin.

LES CARACTÉRISTI Q U E S B É N É FI Q U ES DU T H É RAPEUTE

I l existe une convergence dans les résultats des études cherchant à


mettre en évidence les caractéristiques du thérapeute qui pouvaient être
reliées à son efficacité thérapeutique, quelle que soit l'école à laquelle il
appartenait.
C'est ainsi que l'on a pu montrer le caractère bénéfique des disposi­
tions suivantes (synthèse d' Orlinsky et Howard, 1 986) :
• absence de problèmes émotionnels ;
• confiance ;
• savoir-faire et compétence ;
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 61

• intérêt à aider ses patients, engagement pour Je patient (surtout en tant


qu'il est perçu par celui-ci) ;
• capacité de créer une relation chaleureuse et de soutien.

Au moins aussi important que ce qui précède est la perception qu'a


le patient de son thérapeute. Sloane et coll. ( 1 975) avaient réalisé une
enquête auprès de patients ayant suivi une psychothérapie d'orientation
analytique ou comportementale. Les cinq items considérés comme
« extrêmement importants » ou « très importants » par au moins 70 %

des patients qui avaient progressé étaient les suivants :


• la personnalité de votre thérapeute ;
• il vous a aidé à comprendre votre problème ;
• il vous a encouragé petit à petit à affronter les choses qui vous
tracassent ;
• vous avez pu parler à une personne compréhensive ;
• il vous a aidé à vous comprendre.

Ainsi, la façon dont le patient perçoit le thérapeute est d' une impor­
tance capitale. Si Je thérapeute est perçu comme soucieux du bien-être de
son patient, compétent et digne de confiance, on a plus de chances de le
voir développer une relation positive avec son patient, ce qui augmente
d'autant les chances de progrès, quelle que soit l' approche thérapeutique.
Dans le même registre, Miller, Taylor et West ( 1 980) ont comparé
l' efficacité de différentes approches comportementales pour aider des
buveurs dépendants à contrôler leur consommation d'alcool. Une consta­
tation marquante fut la découverte d' une forte relation entre l 'empathie
du thérapeute et les résultats du patient, à l'occasion d'entretiens de
suivi effectués six à huit mois plus tard pour évaluer le comportement
envers l' alcool. Ces résultats plaident en faveur de l ' importance de
'<)
l'aptitude du thérapeute à communiquer même dans les interventions
comportementales. Ce résultat est d' autant plus remarquable qu'il était
présenté dans un contexte où les différences entre les diverses techniques
comportementales testées ne montraient pas un effet aussi marqué sur
les résultats.
Delisle ( 1 990) suggère que ce n'est pas la seule personnalité du théra­
peute qui produit Je changement chez un quelconque patient ; ni que la
personnalité du patient détermine à elle seule la transformation. C'est la
différence qualitative entre les deux systèmes, du client et du thérapeute
qui détermine le changement. Giusti ( 1 997) a élaboré une grille des
compatibilités entre les styles de personnalité du thérapeute et ceux du
patient. Elle met en évidence les combinaisons où un rapport empathique
62 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

a le plus de probabilité de se développer et celles qui produisent les


croisements les plus hasardeux du point de vue de la probabilité d'une
collusion aux niveaux transférentiels et contre-transférentiels. Les petites
adversités du thérapeute, ses traits de caractères à peine accentués
peuvent donc être mis au service de certains patients. Cette optique
évite de rechercher naïvement le « bon thérapeute universel » et tient
compte des deux protagonistes de la rencontre.

LES CARACTÉRISTI Q U ES D ' U N E B O N N E ALLIANC E


T H É RAPE U T I Q U E
Sur l e plan de l a relation patient-thérapeute, l ' alliance de travail, la
résonance empathique, et l'affirmation mutuelle ainsi que la collabo­
ration dans Je partage de l ' initiative et de la responsabilité contribuent
positivement à la réussite thérapeutique. C'est donc une relation dans
laquelle on se fait confiance, où on se sent compris et où on sent l'intérêt
et la volonté de collaboration, qui conduit au succès (Huber, 1993). Une
relation bénéfique est aussi une relation dans laquelle le patient ressent
des sentiments chaleureux vis-à-vis du thérapeute, accepte celui-ci et a
un sentiment de ressemblance à son égard.
La notion d' alliance thérapeutique est essentielle et nous aimerions
nous y attarder. Bordin suggéra que l'alliance était composée de trois
éléments primordiaux : des objectifs communs, un accord sur les moda­
lités du travail psychothérapique, et, enfin, le développement d'un lien
de confiance approprié aux objectifs et au travail de la psychothérapie.
Il définissait ainsi la notion d' alliance de travail et précisait que la
collaboration patient-soignant est l 'élément essentiel de cette alliance.
En 1976, Luborsky a créé un instrument permettant de mesurer deux
types d' alliance aidante :
• le type 1 : l'alliance thérapeutique repose sur le fait que le patient vit
son thérapeute comme lui apportant aide et soutien ;
• le type 2 : l'alliance thérapeutique est basée sur le fait que le patient
a le sentiment d'un travail en commun, d'une coopération avec son
psychothérapeute.

D' autres méthodes d'évaluation de la relation thérapeutique ont aussi


montré que Je meilleur prédicteur de l 'évolution était le facteur de l a
participation du patient (Reynaud et Malarewicz, 1994) . Ceci amène donc
à concevoir l'échelle d'alliance thérapeutique comme composée de deux
éléments essentiels, l'un chargé de mesurer le lien relationnel-traduisant
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 63

un facteur d'ordre plutôt affectif, et l' autre mesurant la collaboration des


participants, alliance de travail traduisant plutôt un facteur cognitif et
de motivation. Il semble bien que ces facteurs, à la fois relationnels et
techni ques, soient peu dissociables en clinique.
Gaston ( J 990), en essayant d' intégrer les divers concepts qui ont été
proposés pour décrire l'alliance thérapeutique, a avancé l'hypothèse que
certaines des composantes suivantes de l'alliance sont mesurées par
certaines mais non par toutes les échelles de classification courantes :
• la relation affective du patient à son thérapeute ;
• la capacité du patient à poursuivre un objectif thérapeutique ;
• la compréhension empathique et l'implication du thérapeute ;
• l'accord patient-thérapeute sur les objectifs et les tâches de la thérapie.

Il ressort clairement de ces observations, ainsi que de certaines


recherches empiriques, que l ' alliance thérapeutique est différente des
conditions facilitatrices de Rogers. Par exemple, Johnson ( 1 988) ne
trouve aucune corrélation significative entre les classements des items de
l' inventaire relationnel (basé sur la conception rogérienne de la relation)
et ceux de deux échelles d'alliance.
L'alliance consiste aussi dans les sentiments chaleureux du patient
vis-à-vis du thérapeute, le patient acceptant le thérapeute et ayant
un sentiment de ressemblance à son égard. Dans l 'alliance on inclut
aussi les notions de résonance empathique, d' affirmation mutuelle, de
collaboration dans le partage de l ' initiative et de la responsabilité.
Ces travaux sur l'importance du lien psychothérapique permettent de
mieux comprendre pourquoi les patients les plus perturbés doivent sou­
vent passer des années de psychothérapie à construire progressivement
leurs liens relationnels et à les éprouver jusqu'à ce qu'ils soient ressentis
comme suffisamment solides pour pouvoir accepter les interventions du
c:
0
psychothérapeute.

LES APTIT U D ES D E BASE


"
Nous allons maintenant présenter séparément les aptitudes des atti­
tudes thérapeutiques. Les premières (relance, reflet...) sont des habiletés,
des savoir-faire, à ranger du côté des techniques de base, alors que les
secondes (attitude rogérienne, empathie . . . ) constituent des dispositions
relationnelles, des modalités de présence, des façons d'être avec le
patient. On utilise de manière assez automatique ces aptitudes et attitudes
de base lors des premières rencontres avec un patient, mais ensuite le
64 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

thérapeute doit savoir adapter son style relationnel et ses interventions


techniques en fonction des caractéristiques de son patient. Ainsi, par
exemple, l ' attitude rogérienne, présentée plus loin, ne doit pas être
considérée comme une panacée universelle qui conviendrait à tous.

Aptitudes
Techniques

Plus lié à une théorie

Confrontation
interprétation
recadrage
directives

,__
_ ____ - - - - - 1r - - - - - - - - - - -
__,_
Aptitudes 1 Paraphrases, invitations
1 encouragements minimaux
1
d'approfondissement
reflet des sentiments
de l'expression
: et signification, résumé
1
= relance et reflet

empathie, révélation de soi


f-------\ - - - r-- - - - - - - - - - -
1 Attention :
Aptitudes d'attention 1 - contact oculaire
et de présence : - distance optimale
= attention et observation
1 - posture, gestes et expression faciale
1 - toucher

Conceptuellement Observation :
neutre - du verbal et non-verbal
- les quatre axes de l'attention

Figure 6. Modèle hiérarchique du dél>eloppement des habiletés


psychothérapiques.

La figure 6 présente les diverses habiletés thérapeutiques sous forme


d' une séquence hiérarchique d' apprentissages à effectuer. Les aptitudes
indiquées à la base du triangle constituent celles à acquérir (par le
thérapeute) ainsi qu'à utiliser (en séance) les plus précocement, celles du
sommet correspondent à des habiletés dont l ' apprentissage et l'emploi
seront plus tardifs.
L'ensemble de ces habiletés est enseigné par l' apprentissage des
techniques associées aux facteurs communs des psychothérapies. li
comporte la prise en compte des facteurs 11011 spécifiques (les deux étages
de la base de la pyramide) et celle des facteurs spéc ifiques permettant la
mise en œuvre des facteurs communs (sommet de la pyramide).
LE THÉRA PEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 65

Confiance et sécurité

Que peut faire le thérapeute pour accroître les sentiments de sécurité


chez Je patient ? I l n'existe pas de solution rapide pour établir l a
confiance. Il faut du temps avant que ses comportements et l a démons­
tration par les faits l ' accroissent. Quand elle est établie, le patient se
livre plus facilement. Les confidences produisent alors des expériences
d' intimité et permettent plus d'empathie.
Le patient teste le thérapeute pour savoir s'il est digne de confiance.
Le tableau 6 montre comment le contenu de certains comportements
est associé à un processus plus profond ou à une demande ou question
sous-jacentes de sa part. Le thérapeute devra y répondre aussi bien qu'au
contenu manifeste et explorer sa demande de réassurance.

Tableau 6. Test de con.fiance sur deux niveaux.


Contenu : le test du patient Processus : la vraie question
Demande d'information Pouvez-vous me comprendre-m'accepter ?
Dit un secret Puis-je me montrer vulnérable avec vous ?
Demande une faveur Êtes-vous honnête et fiable ?

Se rabaisse lui-même Pouvez-vous m'accepter ?


Dérange ou met mal à l'aise le thérapeute Avez-vous des limites solides ?
Interroge les motivations du thérapeute Votre intérêt envers moi est-il réel ?

Le patient peut être amené à poser un certain nombre de questions


test avant d' être rassuré sur la sécurité de la relation thérapeutique. Voici,
ci-dessous, deux exemples de réponses possibles du thérapeute :

Patient - Quel âge avez-vous ?


Thérapeute J'ai 34 ans. Vous avez l'air de douter que quelqu'un de mon
-

âge puisse vraiment comprendre ce par quoi vous êtes en train de passer.
P Êtes-vous pour l 'avortement ?
-

T Je serai heureux de vous répondre. Mais avant, laissez-moi comprendre


-

pourquoi c'est important pour vous. Est-ce quelque chose qui vous
préoccupe actuellement ?

Dans les deux cas, on donne ou l'on promet une réponse au patient,
mais la motivation sous-jacente à la demande est aussi explorée et devient
le point de discussion le plus important.
66 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Aptitudes d'attention et d'observation

li s'agit ici de manifester de l 'attention (sous forme principalement


non-verbale) pour que le patient perçoive l 'intérêt du thérapeute.

Maintenir le contact oculaire


Le contact oculaire est le premier et plus important indicateur d'écoute
et d'implication. Un contact oculaire trop fixe peut être déconcertant et
devrait être interrompu de manière naturelle et intermittente.

Maintenir une distance physique adéquate


La distance peut varier, mais elle est habituellement d' J m 50 -

thérapeute et patient face à face et non séparés par un bureau. Cette


distance est à moduler selon l 'effet que l'on veut obtenir.

La posture
On doit aboutir à une « posture d'implication ». C'est une attitude
relaxée mais alerte, qui communique implicitement le message suivant :
« je suis à l'aise avec moi-même, et j'ai du temps pour vous écouter ». Par
contre, le thérapeute qui se vautrerait sur son siège pourrait renvoyer un
message d'implication insuffisante, voire de négligence ou de veulerie.
Se pencher légèrement en avant lors des moments importants ou chargés
émotionnellement traduit l'intérêt et la volonté de venir en aide. Une
posture « ouverte », sans bras ni jambes croisés semble encourager un
comportement moins défensif chez le patient.

Les gestes et l 'expression faciale


L'expression faciale peut être modérément réactive aux émotions du
patient, montrant ainsi l' attention du thérapeute. Certains gestes peuvent
distraire le patient. Se ronger les ongles, tapoter des doigts, jouer avec
un stylo ou changer fréquemment de peut être interprété par le patient
comme de l'anxiété, de l ' impatience, ou du désintérêt.

Toucher le patient
Le toucher peut constituer un puissant vecteur relationnel et émotion­
nel. Oui mais pas n' importe quel toucher, pas chez n'importe quel patient,
ni à n ' i mporte quel moment. Horton et coll. ( 1 995) ont identifié quatre
facteurs associés à l' évaluation positive ou négative du toucher par le
patient en psychothérapie :
1 . la clarté établie vis-à-vis des limites ;
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 67

2. la congruence du toucher ;
3 . le sentiment du patient d' être en contrôle du contact physique ;
4. Je sentiment du patient que le toucher est pratiqué pour son bénéfice
plutôt que pour celui du thérapeute.

L 'observation
L'observation peut porter sur le verbal, le paraverbal, le non-verbal et
les incongruences pouvant se manifester entre ces niveaux.
Concernant le verbal et le paraverbal, les praticiens de la PNL
(Programmation neurolinguistique) mettent l ' accent sur les modali­
tés visuelles, auditives et coenesthésiques de l'expression verbale et
conseillent d'utiliser des questions exploitant la modalité sensorielle
préférentielle du patient.
Le contenu verbal peut aussi parfois apparaître comme en désaccord,
en incongruence avec le comportement non-verbal, et le thérapeute
pourra être amené à tenter de clarifier ce phénomène.
« Le corps ne ment pas » disaient en substance Reich et Lowen :
l' observation du langage corporel (posture, gestes, mimiques, etc.)
permet parfois de détecter des émotions, des changements brusques de
l'humeur, l 'apparition de préoccupations, d'une gêne ou d'une résistance
qui ne transparaissent pas dans l 'examen du contenu verbal. Freud
(comme Perls d' ailleurs) aurait vite remarqué le patient qui, tout en
parlant d'un ton calme, manipule nerveusement son alliance, et l' aurait
exploité comme un matériel significatif.
L'observation fait partie des habiletés demandant au thérapeute d'ou­
blier momentanément toutes ses préconceptions théoriques. Elle peut
porter sur lui-même tout autant que sur son patient, comme cela est
exposé au chapitre concernant l'évaluation, dans la méthode dite des « 4
axes de l 'attention ».

Aptitudes de relance

Ces aptitudes aident le patient à se sentir libre de parler de lui, dans


une ambiance non coercitive, sans manipulation ni jeu .

Les « invitations »

Comme son nom l ' indique, i l s 'agit d'une invitation non coercitive à
parler. Elle signale la disponibilité de la part de celui qui écoute. C'est
habituellement une demande positive, sans notion de jugement, qui est
68 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

faite durant la phase initiale de contact. Elle peut inclure des observations
de la part du thérapeute :

« Je vois que vous êtes en train de lire un livre de Sollers (observation).


Vous plaît-il ? »
« J'ai l ' i mpression que vous êtes abattue ce matin (observation). Voulez
vous en parler ? »
« Qu'avez-vous à l'esprit ? »
« Parlez-moi de cela »
« Pourriez-vous en dire plus à ce propos ? »

Les encouragements minimaux


Ce sont des réponses verbales très brèves, qui communiquent l'intérêt
et l'implication, mais qui laissent le patient déterminer la direction
de la conversation. Elles communiquent simplement le fait que celui
qui écoute suit bien. Elles sont souvent accompagnées d'un hochement
approbateur de la tête. Voici quelques exemples :

« Je vois »
« Ou i »
« Juste »
« D'accord »
« Hmm hmm »
« Je vous suis »
« Je comprends »

Les questions ouvertes


I l y a deux types de questions, ouvertes et fermées.
Les questions fermées demandent une information spécifique et
entraînent généralement une réponse factuelle brève (parfois même un
simple oui ou non).
La question ouverte permet plus de liberté dans l'expression. Cette
dernière permet ainsi une utilisation moins fréquente des questions,
interrompant moins le processus d'écoute et respectant le besoin naturel
du patient de raconter ses histoires ou d'expliquer sa vie, surtout au tout
début.
Voici des exemples de questions ouvertes ou fermées et les réactions
probables des patients :
Fermée
LE THÉRAPEUTE ET tA RELATION THÉRAPEUTIQUE 69

Thérapeute Vous entendez-vous bien avec vos parents ces temps-ci ?


-

Patient Oui, assez bien


-

Ouverte

Thérapeute Pouvez-vous me dire comment vous et vos parents avez pu


-

composer avec vos différences ces temps-ci ?


Patient Et bien en fait, on n'y a pas réussi. On ne se dispute pas mais on
-

ne parle pas non plus. On coexiste juste.

Fermée

Thérapeute Êtes-vous marié ?


-

Patient non, divorcé


-

Ouverte

Thérapeute Pouvez-vous me parler un peu de vos relations personnelles


-

durant ces dernières années ?


Patient Bien, j'ai divorcé il y a six mois de ma deuxième femme. Cela
-

faisait sept ans que nous étions mariés quand, un jour, elle m'a quittée
pour ce type au travail. Depuis, je n'ai pas vraiment pas eu le courage de
voir quelqu'un.

Les exemples ci-dessus montrent que les questions ouvertes sollicitent


plus d'information tout, en reconnaissant, en même temps, le droit du
patient à ne pas répondre.
En fait, les questions ouvertes sont souvent formulées sous forme de
phrases affirmatives ou impératives, pour éviter de donner le sentiment
au patient d'être « interrogé ». Techniquement, ce sont cependant tou­
jours des questions, puisqu'elles demandent une réponse. Des exemples
c:
:J standards de telles questions ouvertes suivent :
"

« Dites-moi en plus à propos de ... » (phrase affirmative)


« Comment est-ce que cela vous touche ? »
« Pourriez-vous me donner plus d' informations ? »
« Prenons le temps de tout écouter » (phrase affirmative)

Le silence attentif
Permettre l'existence de moments de silence donne des temps de
réflexion au patient et du temps pour élaborer au thérapeute. Le silence
est souvent la réponse la plus appropriée à la révélation de pertes. Dans
70 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

ce dernier cas, les mots semblent en quelque sorte dénier la validité du


deuil de la personne ou peuvent être perçus comme une tentative de
réprimer les émotions. Il vaut bien mieux que le thérapeute se retire dans
un silence attentif de manière à être présent sans interférer. Finalement,
le silence est surtout efficace pour inciter le patient à se découvrir.

Aptitudes de reflet

Ces aptitudes communiquent aussi un sentiment de compréhension,


mais à un niveau plus profond.
Le terme reflet signifie répéter au patient ses pensées ou sentiments
avec des mots différents, d'une manière qui communique une réelle
compréhension, en soulignant la signification profonde qu'il tente d'ex­
pnmer.
Le reflet possède quatre fonctions en thérapie :
1 . il fournit un moyen verbal de communiquer l'empathie ;
2 . il agit comme un miroir qui permet à la personne de confirmer ou
invalider l' impression qu'il donne ;
3 . il stimule une exploration plus poussée de ce que la personne expéri­
mente ;
4. il maintient la communication sur la bonne piste, en appréhendant
l ' essence des préoccupations du patient qui pourrait être, autrement,
camouflée.

Le paraphrasage

Cette technique reformule le message de base, dans les termes de


celui qui écoute. Cette formulation en retour (feedback) se centre sur
le contenu du message plus que sur les émotions de la personne. Il
peut refléter certains sentiments, mais l'accent est mis sur les faits, les
pensées, ou les conclusions du patient et n'inclut pas une analyse de
la part de celui qui l'a formulé. Le paraphrasage est utilisé dans deux
buts : premièrement, lever le sentiment de confusion que peut éprouver
le thérapeute, et, deuxièmement, répéter certaines pensées, intentions ou
certains comportements importants qui étaient contenus dans les dires
du patient.

Patient - J'ai pris trois médicaments venant de trois médecins différents.


Bien sûr, j'ai arrêté d'en p rendre deux tout de suite. Mais c'était avant
l 'opération et maintenant je prends aussi des antalgiques. Pensez-vous que
je devrais arrêter de boire avec tous ces médicaments ?
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 71

Réponse 1 du thérapeute [paraphrase visant à diminuer la confusion


du thérapeute vis-à-vis du contenu] - D'accord, arrêtons-nous là pour
un moment. En ce moment vous prenez un médicament en plus des
antalgiques et vous buvez aussi de l 'alcool ?
Réponse 2 du thérapeute [paraphrase qui se focalise sur les pensées,
les comportements ou les intentions du patient] - D'après ce que j'ai
retenu, vous envisagez de réduire votre prise de médicament et votre
consommation d'alcool aussi ?

Le reflet des sentiments


Cette technique est identique au paraphrasage, sauf que, cette fois-ci,
l'accent est mis sur les sentiments plus que sur Je contenu (pensées,
idées, comportements et intentions). Le thérapeute y exprime dans ses
propres mots une description des sentiments évoqués ou impliqués par les
dires ou les comportements du patient. Cette technique possède plusieurs
vertus :
- Le patient devient plus facilement conscient de ses émotions liées à
un sujet précis. Par exemple, le thérapeute peut faire une réflexion
du genre, « je peux vous dire que vous êtes très en colère vis-à-vis
de cela ». La réponse du patient peut refléter sa surprise, « Oui !
je suppose que je Je suis ». Un tel reflet étant fait de manière non
évaluative, sans jugement aucun, il communique une compréhension
des sentiments - colère, culpabilité, tristesse - alors que le patient
pouvait croire qu'il n'était pas correct d'éprouver ces émotions.
- Un deuxième effet de cette technique est d' amener le patient à des
niveaux de plus en plus profond de révélation de soi. Un reflet adéquat
centre le patient sur ses émotions et lui apprend à en devenir conscient
et à les rapporter à quelqu'un. Même si le reflet n'est pas entièrement
juste, le patient corrigera lui-même et pourra ainsi révéler le sentiment
c: réel qui l' habite.
"
- Le dernier aspect de cette technique est qu'elle a un pouvoir presque
magique d'approfondissement de la relation. Rien ne peut mieux
transmettre une compréhension sans jugement. C'est pourquoi cette
technique, surtout mise en avant par Carl Rogers, est tant utilisée.
Un thérapeute débutant qui peut refléter de manière adéquate les
sentiments peut fournir une relation de soutien et de compréhension
sans aucun autre outil thérapeutique .

Q
72 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Le reflet des significations


Le thérapeute reformule l'impact personnel d'un événement décrit par
le patient. Cette technique implique parfois l'utilisation d' intuitions ou
d' hypothèses.
La « formule » utilisée pour refléter les significations est :

«Vous ressentez (émotion) parce que (fait et signification pour le


patient) »,

ou bien, plus détai llée

« Vous ressentez (émotion) à propos de (fait) parce que (signification pour


le patient) ».

Par exemple :

« Vous vous sentez découragé (sentiment) du fait que votre proposition ait
été rejetée (fait) parce que cela a représenté beaucoup de travail et une
cause qui est très importante pour vous (signification pour le patient) » .

Une fois cette formule maîtrisée, on pourra s'appliquer à faire cette


réflexion de manière la plus brève et ciblée que possible. Si l'on réutilise
l'exemple ci-dessus, voici comment le reflet de la signification peut être
abrégé et ne conserver que l' essentiel :

Patient - Vous savez tout le travail que m'a demandé ce projet de


création d'un rayon spécialisé. Et bien j ai découvert l' autre jour que
'

cette proposition avait été rejetée par le siège central. Oh dur !


Thérapeute - C'est décourageant après un tel travail.

Le résumé
C'est une formulation qui lie ensemble les thèmes et sentiments
principaux évoqués par le patient en les récapitulant de manière concise.
Un résumé peut se faire en début, en milieu, ou en fin de séance. Un
résumé : se focalise sur les points principaux évoqués dans le discours
du patient ; il récapitule le contenu, les sentiments et les significations ;
il souligne les thèmes qui ont sous-tendu la séance.
Il rassure le patient sur le fait que le thérapeute a écouté, qu'il a été
capable d'assimiler tout ce qui lui a été dit. Le résumé aide aussi le
patient à dégager un sens général à partir d'un ensemble pensées et de
sentiments évoqués de façon embrouillée tout au cours d'une séance.
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 73

Un résumé peut aussi proposer une transition pendant une séance pour
marquer le passage à un autre thème de discussion.
Voici des exemples de résumés :

Focalisation

« JI semble y avoir deux problèmes qui continuent à vous travailler. L'un


est la colère envers votre sœur, l ' autre est le sentiment que vous n'avez
pas pu développer vos possibilités dans votre métier ».

Identification de thèmes

« Pendant que vous parliez, il m'a semblé que je pouvais repérer une
répétition, et j ' aimerais le vérifier avec vous. On dirait que vous voulez
rompre les relations chaque fois qu'elles commencent à perdre de leur
côté pa sionné ou romantique ».

Terminaison de séance

« Récapitulons ce dont vous avez parlé jusqu'à maintenant. D'un côté,


vous avez atteint vos objectifs financiers mais vous êtes loin d'être
satisfait de vos relations amicales et familiales. Vous pensez que c'est
dû à votre manque d'assertivité. Il semble bien que ce soit là-des�us
que nous devrions nous concentrer lors de la prochaine séance. Qu'en
pensez-vous ? »

Exercices aux aptitudes de relance et de reflet

Les techniques d'invitation et de signaux minimums


d'encouragement
Ces techniques peuvent être employées pour favoriser la révélation de
soi et l'exploration.
Demandez aux participants de conduire une séance thérapeutique
en dyades, en utilisant seulement des « invitations » et des signaux
minimaux d'encouragement. Au début une personne a un problème,
puis ce sera !' autre.
Celui qui fait le patient doit imaginer qu'il a un problème d' alcool ou
de poids (image de soi négative) ou simuler le problème d' un vrai patient
qu'il prend actuellement en charge.
Faites discuter, à l intérieur des dyades, des résultats de lexpérience.
Quel est l'effet général de ces techniques ? Par contraste, faites à nouveau
74 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

simuler plusieurs minutes d'entretien, dans lequel les participants n'em­


ploieront aucun signal, verbal ou non verbal, d'encouragement minimal,
ni aucune invitation.

les questions ouvertes


Dans cet exercice, les participants devront éviter les questions fermées
si possible, et fonctionner surtout avec les questions ouvertes. Quand
cela est possible, ils devront transformer les questions en affirmations.
Divisez le groupe en triades. Chaque triade possède un thérapeute, un
patient, et un observateur. Le thérapeute devra conduite un entretien et
réussir à obtenir des informations importantes sur le patient. Le théra­
peute devra éviter de faire des demandes appelant une réponse fermée,
comme « dites-moi quel âge vous avez ». Le thérapeute devra plutôt dire
« dites-moi quelque chose sur vous ». L'observateur inteITompt la séance
lorsque le thérapeute retombe par inadvertance dans le questionnement
ou formule des demandes impliquant une réponse fermée.

Le reflet de significations
Un reflet de signification complet avance des hypothèses ou fait des
paris intuitifs sur la signification personnelle du contenu et du sentiment
décrits par Je patient.
Demandez à tous les participants à l'exercice d'écrire trois ou quatre
lignes résumant Je problème d'un patient fictif. Cela doit être écrit à la
première personne, comme dans l'exemple suivant :

« J'ai du mal à me faire obéir de mes enfants. Ce n'est pas tout. Je me sens
très déprimé et je ne pourrai pas payer mon loyer ce mois-ci. Que dois-je
faire ? »

Vous lirez l'ensemble de ces phrases au groupe et chaque participant, à


son tour, reflétera les sentiments et la signification en utilisant la formule :

« Vous sentez [ j à propos de [ .. ] parce que [ . ]


... . .. ».

Une réponse correcte au problème proposé ci-dessus pourrait être :

« Vous vous sentez déprimé à propos de tous ces problèmes parce que cela
vous renvoie une mauvaise image de vous-même. » .

Vous devrez demander une réaction en retour (feedback) au groupe


concernant l'adéquation du reflet de signification.
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 75

D. Servan-Schreiber (2003) propose une technique d'écoute « avec le


cœur » utile pour les médecins généralistes afin d'aider leur patient à se
sentir mieux . . . en dix minutes.
Il résume les points clefs de cette approche par l 'expression « les
questions de ! 'ELFE ».

_ Q pour « Que s 'est-il passé ? » où l'on demande à la personne de


raconter d'abord ce qui s'est produit dans sa vie et lui a fait mal.
L'important est d'écouter la personne en l ' interrompant le moins
possible pendant trois minutes mais à peine plus.
- E pour Émotion : « Et quelle émotion avez-vous ressenti ? ».
- Puis on enchaîne avec la plus importante de toutes les questions : L
pour Le plus difficile. C'est la plus efficace de toutes les questions :
« qu'est-ce qui a été le plus difficile pour vous ? ». Elle sert à focaliser
l'esprit de celui qui souffre et lui permet de commencer à regrouper
ses idées sur le point fondamental, celui qui lui fait le plus mal.
- F pour Faire face. Après avoir permis à l'émotion de s'exprimer, il
faut ensuite profiter du fait que l 'énergie est concentrée sur la source
principale du problème « et qu'est-ce qui vous aide le plus à faire
face ? ». On tourne ainsi l' attention de celui à qui l'on parle vers les
ressources qui existent déjà autour de lui et qui peuvent l' aider à s'en
sortir.
- Enfin, E pour Empathie. Pour conclure, il est toujours utile d' exprimer
avec des mots sincères ce que l'on a éprouvé en écoutant l.' autre. Cela
lui permettra de se sentir moins seul sur la route où il s'est engagé
(« ça doit être dur pour vous » ou « je suis désolé de ce qui vous est
arrivé, j ' étais ému, moi aussi, en vous écoutant »).

Un exercice pour pratiquer l 'ensemble des aptitudes d'écoute


c: Vous venez de voir quelles sont les habiletés nécessaires pour mani­
0

fester de l ' attention et une bonne écoute envers le patient. Mais ce qui
est le plus important est votre capacité à les utiliser dans un entretien.
Nous vous proposons l'exercice suivant :

l . Mettez-vous par groupe de trois ou quatre.

2. Assignez-vous des rôles pour un entretien simulé.


Le thérapeute devra pratiquer les différentes aptitudes d'écoute dans
un court jeu de rôle. Il devra réussir à faire ressortir les faits tels que les
présente le patient ainsi que les sentiments qui leur sont sous-jacents,
et il devra résumer en organisant de manière systématique ce que le
patient a dit et vécu à travers son propre cadre de référence. Chaque
76 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

aptitude d'écoute spécifique est supposée maîtrisée lorsque le thérapeute


a utilisé :

• des questions ouvertes qui ont conduit le patient à verbaliser davan­


tage ; des questions en « quel, qu'est-ce que, qu'est-ce qui » pour les
faits ; des questions en « comment » pour les sentiments ; des ques­
tions en « pourquoi » pour les raisons ; des questions en « pourriez­
vous » pour une exploration plus générale du problème ;
• des questions fermées pour obtenir des réponses plus spécifiques et
courtes ;
• des encouragements pour encourager le patient à parler de ses difficul­
tés ;
• des paraphrases pour vérifier les faits et les pensées du patient ;

• des reflets de sentiments pour vérifier ceux-ci et amener le patient à


davantage les verbaliser ;
• des reflets de significations pour vérifier si l'on a bien compris la façon
qu'a le patient de percevoir et d'interpréter son expérience ;
• des résumés pour organiser les faits et sentiments exprimés par le
patient.

Le patient raconte son histoire. À la fin du jeu de rôle, il fournit un


feed-back au thérapeute (s'est-il senti compris et accepté, notamment).

L 'observateur/opérateur manipule l 'appareil d'enregistrement audio


ou vidéo et fournit un feedback verbal ou écrit au thérapeute. Si
aucun appareil d'enregistrement n'est disponible, seule l'observation
est utilisée.

Le second observateur : il fournit un feedback écrit au thérapeute


et peut mieux se concentrer sur les dimensions non-verbales de son
comportement. Ceci est particulièrement important si un enregistrement
vidéo n ' a pu être réalisé.

3. Déterminer un problème à discuter pendant le jeu de rôle.


Un sujet très intéressant peut concerner votre expérience personnelle
vis-à-vis de l'alcoolisme. Ce peut être une histoire familiale personnelle
ou vos réactions à un ami ou une connaissance. L'important est de discu­
ter d'un événement concret qui s'est déroulé autour d'une alcoolisation.
Vous pouvez aussi choisir d' autres thèmes comme des difficultés au
travail, un confl it chronique avec des collègues ou des membres de la
famille, etc.

4. Surveillez le temps et fournissez un feed-back.


LE THÉRAPE UTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 77

Tableau 7. Aptitudes d'écoute du thérapeute

Aptitudes d'écoute du thérapeute

Cl>VI VI
' VICl> ...VI VICl> .!2C:
g Cl> .§ �
ra ...
... c: f! 'O lii 'O -
Cl> ...
Cl> ·-E
:::J �
:;
Cl>:::J -�Cl>... 1n � O E a. i> .�
àCl> o:::J .fi() Cl>Cl ...
ra
;:: ë ;: �
o- a:Cl> Cl>VI
Cl> c:
ra
Cl. a: Cl
ëi)

Phrase Mots-clefs de la
n• X du phrase du
théra- thérapeute
peute

10

11

12

13

14

15

16

17

18
78 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

Le jeu de rôle devrait durer approximativement 5 minutes et être


enregistré en audio ou vidéo. S ' il n'est pas enregistré, les observateurs
ont un rôle particulièrement crucial à jouer pour fournir un feed-back.
Il faut utiliser la feuille d'observation figurant ci-dessous, de manière
à donner des feed-back très précis au thérapeute. Ne formulez pas de
j ugements (par exemple, « beau travail ! » ) mais essayez plutôt d'être
spécifique et concret (par exemple, « tu as bien maintenu le contact visuel
et le patient y a répondu en se détendant progressivement, que ce soit à
travers sa posture corporelle ou le ton de sa voix » ).
5 . Changez d e rôles par roulement.
Chaque membre du sous-groupe devrait avoir eu l ' opportunité de jouer
le rôle du thérapeute et celui du patient. Soyez attentif à partager le temps
de manière équitable.
Utilisez cette feuille (tableau 7) pour classer les comportements
et phrases du thérapeute selon les différentes catégories d'aptitudes
d'écoute.
Notez les mots-clefs de chacune de ses interventions (ceux qui se
rapportent à une démonstration, réussie ou non, d'écoute et d'attention).
Vous verrez qu'un tel enregistrement permet de reconstituer l'entretien
avec une étonnante précision.
Le thérapeute a-t-il pu mettre en évidence les faits et sentiments vécus
par le patient, et les a-t-il synthétisés ?

L E S ATTIT U D E S D E BASE

La relation d'aide selon Rogers

Pour Rogers, trois attitudes sont indispensables au psychothérapeute :


la compréhension empathique du patient ; la considération positive incon­
ditionnelle ; le degré d'authenticité (de congruence), dans la concordance
entre paroles et sentiments.
Reprenons ces facteurs séparément :

La compréhension empathique du patient manifestée par le


thérapeute
Le thérapeute ressent (par identification) les sentiments et les réactions
personnelles éprouvés par le patient à chaque instant ; il sait les percevoir
« de l ' intérieur » tels qu'ils apparaissent au patient, et il réussit à lui en
communiquer quelque chose. Sentir son monde intérieur comme s ' i l était
LE THÉRA PEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 79

le sien, mais sans jamais oublier la nuance de la métaphore ( « comme


si ») - telle est l' empathie. Sentir les colères, les peurs et les confusions
du patient comme si elles étaient siennes, et cependant sans que sa propre
colère, peur ou confusion n'y retentissent ; telle est la condition que nous
essayons de décrire. Quand le monde intérieur du patient est ainsi clair
pour le thérapeute, et qu'il s'y meut aisément, i l peut aussi bien lui faire
appréhender ce qu'il en a compris, que lui proposer des formulations de
pensée s qui émergent à peine à sa conscience.

w considération positive inconditionnelle


Le thérapeute fait l 'expérience d'une attitude chaleureuse, positive,
et réceptive envers ce que vit son patient intérieurement. Cette attitude
implique qu'il accepte vraiment le sentiment qui traverse son patient à ce
moment-là - peur, confusion, douleur, orgueil, colère, haine, amour, cou­
rage ou terreur. Il se soucie de son patient, mais pas de façon possessive.
Il l' apprécie dans sa totalité plutôt que de façon conditionnelle. Il ne se
contente pas de l 'accepter lorsqu'il a certains comportements et ensuite
le désapprouver lorsqu'il en a d'autres. Ce sentiment positif s'extériorise
sans réserve ni j ugements. Le terme employé par Rogers à cet égard est
« considération positive inconditionnelle ». C'est une manière d'être qui
manifeste simplement « je vous porte attention », et non pas « je vous
porte attention à condition que vous vous comportiez de telle ou telle
manière ».

Le degré d'authenticité (de congruence) du thérapeute


Le thérapeute apparaît tel qu'il est, ses rapports avec son patient sont
authentiques, sans « masque » n i façade, exprimant ouvertement les
sentiments et attitudes qui l'imprègnent hic et nunc. Le psychothérapeute
dispose de ses sentiments d'une manière aussi libre que possible ; ils
sont accessibles à sa conscience, il est capable de les vivre, d' être ces
sentiments, et il est capable de les communiquer au moment opportun.
Plus le thérapeute sait écouter et accepter ce qui se passe en lui, plus
il sait être la complexité de ses sentiments, sans crainte, plus haut sera
son degré de congruence.

l'écoute et l'attitude générale

II y a plusieurs façons d'écouter, qui s' adaptent à trois types de


circonstances dans lesquelles une phase d ' écoute s ' avère nécessaire (la
première peut être qualifiée d'écoute « dégagée », et les deux suivantes
d'écoute « engagée »).
80 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

La première circonstance se présente souvent au début de la séance,


lorsque le thérapeute est disposé à écouter denovo, en mettant tem­
porairement de côté toute hypothèse précédente. Pendant cette forme
d'écoute, l ' attention est relativement 1 i bre des structures de la réflexion ;
elle correspond à ce que Freud ( 1 9 1 2) a appelé I' « attention flottante ».

L'attitude que Freud conseillait d'adopter pendant ce genre d'écoute était


la suivante :

« Le thérapeute devrait se contenter d'écouter, sans se préoccuper de retenir


quoi que ce soit » .

Même s'il est inévitable que le thérapeute ait un certain nombre


d' idées préconçues - parfois fort utiles - qui se fondent sur ce qu'il sait
du patient et les hypothèses qu'il se formule à son sujet, celles-ci doivent
demeurer purement hypothétiques de façon à rester ouvert à la possibilité
d'en considérer de nouvelles. Le fait que la méthode porte le nom de
psychothérapie analytique ne signifie nullement que Je thérapeute soit
tenu de rechercher une dynamique en particulier ; la méthode préconise
plutôt une attitude empirique, une disponibilité à écouter ce que dit l e
patient. Autrement, le modèle conceptuel d u thérapeute risquerait de
compromettre la qualité de l ' écoute.
C'est seulement après coup qu'il peut être opportun de se rappeler que
ce qu'a présenté le patient est conforme à une théorie en particulier, mais
il faut éviter de forcer les faits.
La seconde circonstance se présente lorsque le thérapeute a besoin de
formuler une hypothèse susceptible de l ' aider à affronter un problème
pressant relatif au traitement. En effet, il arrive que le thérapeute en sente
l'urgence pour être en mesure d'intervenir. Souvent, une telle attitude
permet justement que l'hypothèse se présente.
Toutefois, il peut arriver que le thérapeute se sente amené à intervenir
avant d ' avoir compris le sens de ce que dit le patient, et que, par
conséquent, il fasse une intervention, en principe, inopportune. Freud
( 1 9 1 2) ajoute un commentaire rassurant :

«Il ne faut pas oublier que, la pl upart du temps. nous entendons des choses
dont la signification n 'apparaîtra que plus tard. »

C'est une composante naturelle du processus thérapeutique qu'il y a


des périodes pendant lesquelles le thérapeute n ' a pas encore compris ce
qu'exprime le patient. li peut affronter le malaise qui en découle en se
rappelant que les significations qui lui échappent encore finiront par être
claires pour peu qu'il continue d'écouter.
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 81

Enfi n, une troisième forme d 'écoute convient lorsque l e thérapeute


tente de vérifier la validité de ses suppositions. Dans de telles circons­
tances. il écoute dans le but de déterminer à quel point les énoncés du
patient corroborent ses hypothè es. Cette forme d'écoute permet ainsi
au thérapeute de confi rmer, d'écarter ou de réviser les hypothèses qu'il
s'était formulées.
Dans une approche non-directive, le thérapeute doit écouter pour
déterminer le type de son intervention, car il ne doit pas être muni d'un
message prédéfini. Un passage du Tal mud illustre bien la place qu' occupe
l'écoute. Un jeune rabbin demande à son supérieur pourquoi les êtres
humains ont deux oreilles, mais une seule bouche. Et Je supérieur de
répondre : « Parce qu'il est écrit que nous devons écouter deux fois plus
que nous devons parler. »

Une bonne écoute, conduisant à l 'empathie est un processus intuitif


guidé par les règles suivantes (Strupp et Binder, 1 984) :
qui peut être

- Aussi souvent que possible, laisser l' initiative au patient. Permettez-lui


d'explorer, de poursuivre ses propres pistes, et de faire ses propres
découvertes.
- Continuez à écouter jusqu' à ce que vous ayez une conviction raison­
nable que vous comprenez ce que le patient essaie de vous communi­
quer. La plupart du temps, ne l ' interrompez, ou ne vous immiscez pas
dans le cours de ses pensées ou associations. Cependant, lorsque c'est
opportun, stimulez sa curiosité et son intérêt vis-à-vis de lui-même
et de sa collaboration. Posez des questions et interrogez-vous à voix
haute dans un effort pour clarifier et élaborer les communications du
patient.
- Mettez-vous à l 'écoute du thème (ou des thèmes) prédominant de
la séance. Si aucun thème ne semble émerger, soyez encore plus
attentif aux indices émanant de la relation. Si après un moment, vous
êtes encore dans la confusion, il peut être approprié de l 'exprimer,
dans l' idée de favoriser sa collaboration. Ne vous engagez pas dans
des constructions tirées par les cheveux. Apprenez à être à l ' aise en
reconnaissant que vous êtes perdus.
- Restez concentré et orienté sur un objectif mais gardez une attitude
décontractée. La psychothérapie est une affaire certes sérieuse mais pas
nécessairement triste. Un zeste d'humour occasionnel peut la rendre
moins lourde et faciliter la collaboration .
- Soyez économe de vos interventions sans pour autant parler par mono­
syllabes. Des formulations significatives à des intervalles relativement
rares ont plus d' impact qu'un continuel bavardage. Utilisez un langage
82 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

simple, non technique. En général, retenez-vous d'essayer de faire


passer votre point de vue en répétant vos commentaires, ce qui risquera
d'avoir comme effet de s'embourber plutôt que d'éclaircir le problème
discuté.
- Évitez d'énoncer des dogmes. Si à un moment donné, vous n'arrivez
pas à entrer en contact avec le patient, évitez de pousser plus fort. Reve­
nez en arrière et essayez de comprendre les raisons de l ' inattention du
patient ou de sa résistance, puis essayez de l' impliquer dans l' examen
de ce qui est en train de se passer.
- Soyez empathique avec les difficultés du patient, même si vous sentez
que votre patience est sérieusement mise à l ' épreuve. La patience est
l'une des qualités les plus importantes du bon psychothérapeute.
- Prenez soin de renforcer l'estime de soi du patient ; de même, ne faites
jamais de commentaires qui puissent avoir pour effet de la diminuer.
Soyez attentif aux occasions où il peut entendre vos manifestations
comme des critiques, un mépris, ou des exhortations. Sa tendance
à mettre en acte ses conflits relationnels peuvent conduire à leur
incompréhension ou à leur interprétation erronée. Essayez de corriger
les erreurs d ' interprétation aussi vite que possible.
- Soyez attentifs à ne pas être attiré dans des luttes de pouvoir, ou des
disputes. Plus généralement, restez attentifs à la pression exercée par
les rôles réciproques que le patient va involontairement vous assigner
(celui d'une figure d'autorité punitive ou d'un parent exploiteur ;
cf le rôle de l ' identification projective dans la théorie des relations
d'objets internalisées). En tant qu'observateur participant vous ne
pouvez totalement éviter d'être impliqué dans de telles prescriptions
de rôle, mais elles doivent être clarifiées (interprétées) en temps utile ;
- Faites bien passer le message que l ' aide la plus valable que vous
puissiez apporter est de participer au monde intérieur du patient, en
identifiant les scénarios qu'il met en acte et en clarifiant des processus
apparemment complexes. Les patients vont souvent exiger plus de vous
ou se plaindre que ce que vous donnez n'est pas assez. Acceptez ces
plaintes avec compréhension, sans vous en laisser atteindre et restez
ferme.
- Méfiez-vous des interventions qui sont basées sur des sentiments
intenses (positifs ou négatifs) de votre part ; il y a des chances que de
telles interventions soient dirigées par vos propres besoins plutôt que
par ceux du patient.
- Si vous êtes fatigué ou si vous n'êtes pas en bonne forme, il peut être
approprié de le dire franchement.
LE THÉRAPEUTE ET lA RELATION THÉRAPEUTIQUE 83

La neutralité technique des psychanalystes n ' exclut en aucune façon


)'empathie. À certains moments, les agressions de nature régressive
du patient dans Je transfert provoquent chez le thérapeute des contre­
réactions d'agressivité. Dans ces circonstances, la neutralité technique
dépend de la capacité émotionnelle, chez le thérapeute, à garder une
attitude empathique ( « holding », Winnicott), et de garder en même
temps la capacité d ' intégrer au niveau cogniti f (« contenir », Bion) les
transferts qui s ' expriment de façon fragmentée. Maintenir la neutralité
technique, c'est se tenir à une distance toujours égale des forces qui
déclenchent les conflits intrapsychiques du patient, ce n'est pas manquer
de chaleur ou d'empathie.
Il arrive aussi fréquemment qu'un thérapeute se sente frustré et
incapable d' établir un contact empathique avec son patient. Dans ce
cas, il est très important d'être attentif au contre-transfert, qui limite
gravement ses capacités d'empathie : nous aborderons ce sujet plus en
détail au prochain chapitre.

L'empathie

L'empathie est une notion centrale pour l ' activité de psychothérapeute.


Elle réunit trois composantes :

l . comprendre le point de vue et les émotions de l ' autre ;

2. faire éprouver cette compréhension (par les techniques de reflet des


sentiments et des significations) ;

3. rester soi-même.

L'empathie est l'outil psychologique le plus important à la disposition


du thérapeute. Sa mise en œuvre est liée à l ' écoute conçue comme
une aptitude à s ' i m merger dans le monde d ' u n autre être humain ; à
se permettre d'entrer en résonance avec les messages parlés et, plus
important encore, non-dits ; et à être conscient de ses propres senti­
ments, images, fantasmes, et associations, comme nous l ' avons déjà
exposé. Selon Kernberg, l 'empathie, chez le thérapeute, ne consiste pas
seulement à avoir intuitivement conscience de ce que vit le patient à tel
moment ; elle inclut aussi la capacité de percevoir ce dont il ne peut pas
tolérer l ' existence en lui-même. L'empathie thérapeutique dépasse donc
celle qui fait partie de toute relation humaine.
L'empathie du thérapeute peut être plus ou moins profonde. On peut
même définir des degrés progressifs d'empathie, le long d'une dimension
allant de 0 à 4 (tableau 8). Sur cette échelle, seuls les degrés 2 à 4
correspondent à une expression manifeste de l'empathie.
84 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Tableau 8. Les cinq degrés de l 'empathie.


Degré O " Votre monde intérieur ne m'intéresse pas "
Degré 1 " Je vous montre que je vous écoute parce que je le dois, en tant
que professionnel "
Degré 2 " Je comprends vos sentiments »

Degré 3 " Je vous aide a mieux vous comprendre et a exprimer vos


sentiments »

Degré 4 " Nous sommes " un ,, dans cette compréhension de


vous-même "

- Dans le degré 0, le thérapeute interrompt souvent le patient, dénie ou


ignore les sentiments de celui-ci, parle de lui-même, met en avant son
opinion, fait souvent des phrases partant de son propre point de vue
(moi, je . . . ).
- Dans le degré 1, le thérapeute joue un « rôle » de professionnel : il
utilise les paraphrases, pose beaucoup de questions, tente de montrer
au patient qu'il le comprend mais reflète de façon inadéquate les
sentiments, ou bien se focalise uniquement sur le contenu de ce que
dit le patient mais pas sur ses émotions, ou bien encore ne reflète que
les émotions qu'a déjà identifiées et exprimées verbalement le patient.
- Au niveau du degré 2, le thérapeute utilise un langage reflétant plus
les affects et émotions de son patient : il arrive à identifier et à pointer,
par un terme adéquat, les émotions que peut ressentir celui-ci mais
qu'il n'a pas encore pu repérer ou exprimer verbalement, étant trop
pris dans ce qu' i l vivait.
- Le degré 3 correspond au fait que le thérapeute a été capable de
nommer le sentiment du patient avant que celui-ci ne l 'exprime et,
dans ce cas, le patient confirme verbalement ou en vient à exprimer
ce sentiment. Une empathie de degré 3 accentue le processus d' auto­
exploration du patient et augmente l'expression de ses sentiments. Le
patient se montre donc d'accord avec le reflet des sentiments proposé
par le thérapeute et sa réaction émotionnelle le confirme.
- Enfin, au degré 4 d'empathie, le thérapeute est immergé dans le monde
intérieur du patient, en union avec lui, et l 'exprime par son propre
comportement non verbal (modifie sa posture en accord avec celle du
patient, parle plus vite ou plus lentement...) ou dans ses formulations
verbales (métaphores, images créatives et inspirées . . . ). Ici, en plus de
ce qui se déroule dans le degré 3, au lieu de s i mplement « tirer vers
l' extérieur » et favoriser l'expression du vécu émotionnel, le thérapeute
renvoie lui-même en nùroir ce peut vivre intérieurement son client.
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 85

Premier exercice pour pratiquer l 'empathie


Vous venez de voir quelles sont les habiletés nécessaires pour l'em­
pathie. Mais ce qui est le plus important est votre capacité à les utiliser
dans une interview. Nous vous proposons l'exercice suivant :
l . Mettez-vous par groupe de trois ou quatre
2. Assignez-vous des rôles pour un entretien simulé
Le thérapeute : celui-ci devra pratiquer l empathie dans un court jeu
de rôle. Il devra atteindre au moins Je niveau trois d'empathie vis-à-vis
de celui d'entre vous qui jouera le rôle du patient.
le patient : il raconte son histoire. À la fin du jeu de rôle, il fournit un
feed-back au thérapeute (s'est-il senti compris et accepté, notamment).
l 'observateur/opérateur : i l manipule l ' appareil d'enregistrement
audio ou vidéo et fournit un feedback verbal ou écrit au thérapeute.
Si aucun appareil d'enregistrement n'est disponible, seule l 'observation
est utilisée.

le second observateur : il fournit un feedback écrit au thérapeute


et peut mieux se concentrer sur les dimensions non-verbales de son
comportement. Ceci est particulièrement important si un enregistrement
vidéo n'a pu être réalisé.

3. Déterminer un problème à discuter pendant le jeu de rôle

Un sujet très intéressant peut concerner votre expérience personnelle


vis-à-vis de l ' alcoolisme. Ce peut être une histoire familiale personnelle
ou vos réactions à un ami ou une connaissance. L'important est de se
montrer empathique vis-à-vis d'un événement concret qui s'est déroulé
autour d'une alcoolisation. Vous pouvez aussi choisir d'autres thèmes
comme des difficultés au travail, un conflit chronique avec des collègues
ou des membres de la famille, etc.

t: 4. Surveillez le temps et fournissez un feed-back


"

Le jeu de rôle devrait durer approximativement 5 minutes et être


enregistré en audio ou vidéo. S ' i l n'est pas enregistré, les observateurs
ont un rôle particulièrement crucial à jouer pour fournir un feed-back.
Il faut utiliser la feuille d'observation figurant ci-dessous, de manière
à donner des feed-back très précis au thérapeute. Ne formulez pas de
jugements (par exemple, « beau travail ! >> ) mais essayez plutôt d'être
spécifique et concret (par exemple, « tu as bien reflété son sentiment à
ce moment-là, en disant . . . , et ton attitude corporelle ... était bien en phase
avec ce sentiment » ).
5. Changez de rôles par roulement
86 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Chaque membre du sous-groupe devrait avoir eu l 'opportunité de jouer


le rôle du thérapeute et celui du patient. Soyez attentif à partager Je temps
de manière équitable.

Tableau 9. Feuille d'enregistrement des habiletés d'empathie démontrées


par le thérapeute lors du jeu de rôle.

Niveaux d'empathie du thérapeute

0 1 2 3 4

Phrase n° X Mots-clefs de la phrase


du du thérapeute
thérapeute

10

11

12

13

14

15

16

17

18
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 87

Utilisez l e tableau 9 pour classer les comportements e t phrases du


thérapeute selon les différents niveaux d ' empathie.
Notez les mots-clefs de chacune de ses interventions (ceux qui se
rapportent à une démonstration, réussie ou non, d'empathie). Vous verrez
qu'un tel enregistrement permet de reconstituer l'entretien avec une
étonnante précision.

Autre exercice pour accroître les capacités d'empathie : la


méthode du « Double » du psychodrame de Moréno (Kipper et
Ben-Ely, 1979)
Présentation générale
Un participant (S) doit jouer le rôle d'une autre personne, corres­
pondant à une situation précise décrite à J ' avance (soit verbalement,
soit écrite sur une carte). Celui qui jouera le Double (D) est celui qui
va exercer ses capacités d'empathie vis-à-vis de S . D et S essaient,
ensemble, de jouer comme s'ils n'étaient qu'une seule et même personne,
c'est-à-dire S. Pour atteindre cet objectif, D devra imiter physiquement
le comportement manifeste de S, répéter ou souligner certains des mots
ou des phrases de S qui semblent être significatives dans ce qu' elles
expriment. D doit aussi chercher à comprendre la signification de
certaines manifestations affectives de S et les amplifier dans une sorte
de dialogue intérieur. La tâche de D est donc de clarifier, amplifier, et
faciliter une expression plus approfondie des sentiments et des pensées
de S, mais il doit éviter d'émettre des interprétations. D devra parler
au présent et à la première personne, puisqu' i l est censé être la même
personne que S. D devra se tenir physiquement proche de S, en se mettant
sur son côté.

S, de son côté, devra confirmer, réfuter ou discuter la véracité des


déclarations de D.

D doit devenir le « jumeau psychologique » de S, lui servir de voix et


de conscience intérieures, refléter ses sentiments, mettre à jour ou faire
des hypothèses sur ses pensées et préoccupations cachées, et aider S à
les exprimer pleinement et au grand jour.

Attention, D ne doit pas tomber dans le piège de se positionner dans


le rôle d'un « observateur extérieur professionnel » vis-à-vis de S ; i l
doit se considérer comme une partie impliquée, « semi-objective » de
S. Sinon D risque d'émettre ses propres interprétations du comportement
de S et être constamment en train de réaliser des « mini-entretiens ». Il
va alors poser beaucoup de questions. La meilleure façon d'être un D est
88 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

de formuler des phrases affirmatives et non pas des questions, en faisant


écho aux préoccupations de S et en ne fournissant aucune interprétation.

Consignes générales
Vous allez vous mettre par sous-groupes de 3, l'un d' entre vous jouera
S, l ' autre D, et un troisième (!' Observateur, 0) s ' assurera que vous
respectez bien vos rôles, vous remettant sur la bonne voie si vous en
déviez trop
Chaque exercice durera 1 0 minutes, puis vous échangerez vos rôles,
jusqu'à ce que chacun d'entre vous ait eu l ' occasion de jouer S, D, et O.

Consignes à D
S va recevoir la tâche de jouer le rôle d'un personnage qui a un
problème précis, décrit sur une carte, que vous ne connaîtrez pas à
l ' avance.
En tant que double, vous devenez une partie de S. Essayez d'imiter son
comportement, et d'entrer en empathie avec lui. Vous êtes une extension
de S., la part de lui qui n 'est pas verbalisée. Parlez à la première personne,
et essayez de mettre en évidence ce qui est caché ou non exprimé.
Vérifiez régulièrement auprès de S que vous êtes bien sûr la même
longueur d' onde. Rappelez-vous, vous parlez seulement avec S.

Consignes à S
Vous allez vous identifier à la problématique intérieure, aux souf­
frances et préoccupations du personnage décrit dans la situation qui vous
est proposée. Composez-vous un personnage crédible et que vous arriviez
à ressentir émotionnellement. Le double va essayer de s' identifier à son
tour à vous et de représenter un aspect intérieur du personnage que vous
jouez. D va essayer de vous aider en clarifiant vos pensées et sentiments.
Vous pourrez parler avec D comme si vous aviez un dialogue intérieur.
Si le double est dans le vrai, dites-lui. Si D est dans l'erreur (a mal perçu
vos pensées et sentiments, votre façon de ressentir et de percevoir les
choses) et dit des choses qui ne reflètent pas vos pensées et sentiments,
dites-le lui et corrigez les malentendus.

Alliance thérapeutique et dissonance cognitive

Un concept fondamental à la compréhension du changement est


la dissonance cognitive. Il y a dissonance cognitive quand le patient
prend conscience que ses attitudes diffèrent de celles d'un thérapeute
qu' i l estime. Il a alors le choix entre modifier ses attitudes pour se
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 89

rapprocher de la personne estimée, déprécier l ' autre, ou encore rompre


la relation. La tâche du thérapeute dans ce dilemme consiste à garder
suffisamment de valeur et d ' influence aux yeux du patient pour que, en
cas de dissonance, celui-ci accepte de remettre sérieusement en question
son propre système d' attitude, plutôt que de rompre prématurément la
relation ou de négliger le point de vue du thérapeute. Ce processus est
analogue à la perlaboration et repose sur la compétence à maintenir le
patient en contact cognitif avec Je conflit. La qualité du lien relationnel
et de l ' alliance thérapeutique, rendue possible par les approches décrites
précédemment (empathie, transferts selon Kohut, écoute), prendra toute
son importance à ce stade-là. Un style relationnel qui trouve le juste
équilibre entre le maintien du lien interpersonnel et la possibilité de
confronter et de modeler les attitudes est à la base d'une expérience
émotive corrective.

LE TRAN S F E RT ET LE C O N T R E -TRAN S F E RT
- Les réactions de transfert de type J consistent en de saines tentatives
de la part du moi du patient (processus non conscient le plus souvent)
pour puiser dans la relation thérapeutique les ingrédients relationnels
et humains qui ont fait défaut lors du développement infantile. Le
thérapeute peut ainsi momentanément, comme un parent substitutif (cf
les différents types de transfert selon Kohut) permettre une reprise de
croissance du moi par des « expériences émotionnelles correctrices ».

- Les réactions transférentielles de type 2 consistent en l a réactivation


ou la réactualisation des relations significatives de l ' enfance (et
notamment de celles qui ont été vécues avec les parents) projetées
sur la personne du psychothérapeute. Ainsi les rapports à autrui du
passé revivent comme un rapport réel au thérapeute. Les relations
d' objet internalisées (R.0.1.) sont ici en cause, dans le sens où,
par divers mécanismes psychiques inconscients (dont l ' i dentification
projective), le patient recréé, à l'extérieur et avec une personne réelle
(le thérapeute), un scénario relationnel préexistant entre des représen­
tations intrapsychiques de soi et de l 'objet, provenant d' internalisation
d'expériences vécues ou d'élaborations imaginaires et fantasmatiques.

L' i nterprétation du transfert de type 2 est une technique visant les


problèmes causés par les relations passées.

Souvent, cependant, au début d'une psychothérapie, on se contentera


d' aménager le transfert de type 2.
90 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

Un transfert positif ne doit généralement pas faire l 'objet d'une


intervention. De même, au début, un transfert négatif peut être géré
sans interprétation, simplement en l 'aménageant.
Le transfert type 2 doit être aménagé ( « aménager le transfert ») quand
il interfère avec l'atteinte des objectifs thérapeutiques, et ceci quelle que
soit l 'approche utilisée.
L'interprétation des réactions transférentielles principales de type 2
(hostilité, dépendance, érotisation), implique l'acceptation et l 'homologa­
tion des émotions du patient, la clarification et l'exploration du transfert,
son interprétation, et la découverte de nouvelles manières pour le patient
de satisfaire ses désirs et ses besoins.
- Le contre-transfert de type 1 fait référence à tous les sentiments vécus
par le thérapeute envers le patient dont la prise en charge de conscience
permet d'approfondir la compréhension, par exemple lorsque ces
sentiments sont provoqués par des processus de communications
inconscients émanant du patient. Ils peuvent être ressentis par d'autres
personnes en contact avec le patient et peuvent donc constituer une
source importante d'informations sur la manière dont celui-ci est en
relation avec les autres.
- Le contre-transfert de type 2 est le nom donné aux réactions émotion­
nelles intenses ressenties vis-à-vis du patient, lorsque celles-ci amènent
le thérapeute à répondre à ses propres besoins plutôt qu'à ceux de son
patient. Le thérapeute traite alors son patient comme s'il s'agissait de
quelqu'un d' autre ; ce sont les difficultés émotionnelles et les conflits
internes du psychothérapeute qui sont ici en cause.

À noter que les conceptions classiques, freudiennes, du transfert et


contre-transfert correspondent aux types 2 alors que les modernes ont
développé les types 1 .

Les transferts de type 1 et les trois « transferts »


selon Kohut
Il s'agit d'une tentative pour le Moi de reprendre un développement
normal là où il avait été arrêté. On y trouve l'expression des besoins
(surtout affectifs) naturels et sains nécessaires à la croissance du moi.
L'expérience émotionnelle correctrice et le « reparentage » liés à la
qualité de la relation psychothérapeutique constituent ici les principaux
facteurs de changement psychologique.
Kohut ( 1 97 1 , 1 977) discerne trois types de besoins fondamentaux
apparaissant dès la première enfance :
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 91

l . le nourrisson ou l 'enfant a besoin que ses comportements compétents


soient validés et approuvés ;

2. il a besoin d'être protégé et soutenu dans les moments de stress ou


de tension auxquels il est encore incapable de faire face de façon
satisfaisante ;

3. il lui est indispensable d'être reconnu par ses proches comme un être
humain semblable à eux.
Lorsque ces besoins n'ont pas été suffisamment reconnus ou compris,
ils peuvent finalement être transférés sur la personne du thérapeute dans
la relation thérapeutique ( « transfert de type 1 » ).
Kohut appelle ces répétitions respectivement transfert « en miroir »,
transfert « idéalisant », et « transfert à l'alter ego ». Dans le premier
type de transfert, le patient cherche à travers l'approbation du thérapeute
à se sentir reconnu ; dans le deuxième, il voit dans le thérapeute une
aide puissante qu'il admire, qui va le protéger et dont il peut tirer de la
force ; enfin, dans le troisième, il cherche le confort qu'offre le sentiment
d'appartenance, le fait « d'être comme l ' autre ».

Le transfert en miroir
Il est spécialement important, pour les nourrissons et les enfants, de
pouvoir obtenir de leurs parents une réponse affective appropriée, à
même de valider les compétences qu'ils manifestent par leurs comporte­
ments et dans leurs interactions. Le transfert en miroir met en évidence le
besoin ou désir d'un patient d'obtenir du thérapeute une telle validation.

Le transfert idéalisant
Le désir non reconnu de se sentir soutenu et protégé quand cela est
nécessaire par une union avec une personne forte et admirée donne lieu
c:
" au transfert idéalisant. L'absence de la satisfaction, du sentiment de
sécurité et de réconfort transmis au nourrisson ou au petit enfant quand
ses parents le tiennent tendrement mais fermement dans leurs bras, se
trouve au fondement de cette réaction.

Le transfert à l 'alter ego


Le besoin d'une réponse reconnaissant un lien de similitude ou de
parenté entre les participants à une relation thérapeutique s'y exprime. Il
répond à une exigence fondamentale : celle de voir notre humanité, notre
similitude avec les autres membres de notre espèce, facilement reconnue.
IL s ' agit du soutien discret trouvé dans la présence d'un autre par lequel
92 LES BASES DE L A PSYCHOTHÉRAPIE

on se sent accepté. Le petit garçon qui décide d' installer sa table de jeu
dans le bureau de son père, afin qu' il puisse lui aussi « travai ller » à
côté de son père, illustre ce que peut être la recherche d' expérience d'un
objet-soi à travers l ' alter ego.
« L'internalisation de transmutation » a été mise en évidence par cet
auteur comme la capacité du patient à saisir la fonction de compréhen­
sion qui est au départ celle du thérapeute, et, petit à petit, à la faire
sienne. L'internalisation de transmutation n'est pas une identification
au thérapeute, mais un processus sélectif adapté à ses besoins mis en
œuvre par Je patient. Il s 'approprie ce qui, jusqu' alors, appartenait au
thérapeute.

« Aménager » le transfert de type 2

Dans presque toutes les formes de psychothérapies, lorsque le transfert


provoque des perturbations (rupture de l'alliance thérapeutique, non
adhésion au soin, lutte de pouvoir, etc.) qui doivent être abordées, le
travail commence avec les manifestations conscientes et préconscientes,
et se poursuit jusqu'à ce que les fantasmes du patient sur le thérapeute
dans le « ici et maintenant » de la séance soient pleinement explorés et
clarifiés. Cependant, au début d'une psychothérapie où l'on ne connaît
pas encore bien le patient, et où une interprétation de transfert serait
prématurée, peut-être infondée et intrusive, on ne met pas en relation
par l ' interprétation les événements de la vie passée du patient (devenus
inconscients) avec leurs projections réactivées sur la personne du théra­
peute dans le vécu actuel du traitement. Au contraire, cette situation
est utilisée pour confronter le patient avec la réalité de la situation
thérapeutique et avec les distorsions que, parallèlement, il fait subir
à ses relations extérieures.

Les aspects extrêmes, tant positifs que négatifs, du transfert doivent


toujours être pris en compte, bien qu'en général ils ne doivent pas être
interprétés en relation avec les déterminants inconscients. Il est souvent
plus sûr de ne pas aborder une réaction transférentielle modérément
positive, mais toute réaction négative, même modérée, doit être relevée.

Cette approche d' aménagement des réactions transférentielles se fait


à l ' aide des principes suivants :

• réajustement, sans interprétation, des perceptions et conceptions erro­


nées les plus extrêmes du patient ;
• régulation de la distance entre le patient et le thérapeute ;
• révélation de soi appropriée du thérapeute ;
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 93

• développement d' attentes réalistes et cohérentes.

l . Le réajustement implique le repérage, la reconnaissance et l'élabo­


ration des sentiments du patient censés être transférentiels. Le théra­
peute procède aux ajustements nécessaires ( i nformation, rétroaction,
correction des malentendus, recadrage des faits et perceptions du
patient), afin de restaurer le sens de la réalité du patient. Il ne les
interprète cependant pas, encore une fois, à un stade précoce du
traitement, comme transférentiels.

2. La distance entre thérapeute et patient doit aussi être réglée en


fonction des besoins du dernier. Cela peut impliquer de modifier la
fréquence ou l'espacement des séances ou bien leur durée.

· 3. Une révélation de soi appropriée peut être nécessaire pour faire éclater
la « bulle » des fantasmes transférentiels, et est utile pour répondre
aux réactions transférentielles extrêmes comme la dévalorisation ou
l 'idéalisation massives. Cependant, il faut connaître les dangers de ce
procédé, et éviter les détails concernant les relations personnelles. Par
exemple, s i le thérapeute faisait savoir à son patient qu'il est marié, il
n'en resterait pas moins un objet érotique potentiel et risquerait, de
surcroît, de mettre sa famille en danger.

4. Enfin, il faut veiller à ne laisser se développer que des attentes réalistes


vis-à-vis du thérapeute. Un thérapeute disant à son patient « je serai
toujours disponible quand vous aurez besoin de moi » puis qui part
six semaines en vacances, risque de retrouver un patient fort perturbé
à son retour.

Résoudre le transfert de type 2

La résolution des réactions transférentielles est une manière de modi­


fier les effets encore actuels des relations passées en examinant leurs
manifestations dans la situation actuelle entre patient et thérapeute. La
mise à jour et l ' analyse des émotions fortes exprimées par le patient
envers le thérapeute constituent la clef de ce type de travail . L'expression
de ces émotions en provoque d' autres, à la fois chez le patient et chez
son thérapeute. Par exemple, son expression de colère peut provoquer
sa culpabilité et une attitude contre défensive chez le thérapeute. Les
trois syndromes émotionnels le plus souvent exprimés sont les réactions
transférentielles d'hostilité, de dépendance, et d' affection.
Les étapes de l'intervention sur ces manifestations sont les mêmes
pour les trois types. Elles consistent en :
94 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

• adopter une attitude non-défensive et homologuer la réponse émotion­


nelle du patient ;
• clarifier la réaction émotionnelle et encourager son exploration ;
• interpréter en établissant des liens entre la relation thérapeutique et les
autres relations, passées ou présentes ;
• aider le patient à découvrir d'autres manières d'exprimer ses senti­
ments et de satisfaire ses besoins.

l. L'acceptation et l'homologation des émotions du patient signifient


d'y répondre de manière exempte de réaction défensive, sans j ugement
de valeur, et de lui indiquer que de tels sentiments sont naturels dans le
cadre d'une relation thérapeutique. Ceci constitue une invitation à les
explorer.
2. La clarification et l 'exploration maintiennent l ' objectif sur le
patient en lui demandant d'exprimer pleinement ses réactions et de
discuter les préoccupations qui leur sont reliées. Certaines fois, ce
type de travail implique une certaine part de révélation de soi de la
part du thérapeute, non pas pour soulager ses propres tensions, mais
pour que le patient prenne conscience des effets interpersonnels de son
comportement. Le reflet des sentiments et des significations s ' y révèle
très utile.
3. L'interprétation est une technique dérivée de la psychanalyse, par
laquelle le thérapeute reformule les « résistances, défenses et symboles »

du patient, dans des termes que ce dernier puisse entendre et comprendre.


Cette reformulation peut impliquer de faire une hypothèse explicite,
partagée avec le patient, sur les liens possibles entre l'expérience présente
et des expériences infantiles. Ces interprétations peuvent prendre la
forme de questions comme :

« Pensez-vous que ces sentiments soient semblables à ceux que vous aviez
envers votre père ? ».

Elles peuvent aussi être formulées comme des affirmations :

« Je pense que votre colère n'est pas réellement dirigée contre moi, mais
plutôt contre votre femme qui vous a encouragée à venir » .

Des affirmations d e c e type doivent être présentées avec prudence


et relativité, toujours plutôt comme des hypothèses de travail que
comme des affirmations péremptoires et absolues, ne permettant aucune
échappatoire, car elles peuvent sembler très artificielles et activer d' éven­
tuelles préventions contre la psychanalyse. Une interprétation présentée
LE THÉRA PEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 95

comme une simple supposition qui reste à démontrer a plus de chance


d'encourager le patient à la considérer et à l'explorer.

4. Aider le patient à trouver de nouvelles manières d'exprimer ses


sentiments et de prendre en charge ses besoins signifie l'aider à mettre
en application les insights acquis au sein de la relation thérapeutique.
Par exemple, un patient ayant besoin d'être soutenu émotionnellement
par le thérapeute pourra répondre de façon adéquate à ce besoin en
créant progressivement un groupe d'amis attentifs et étayants. Les tâches
à réaliser hors séance peuvent amener le patient à travailler à atteindre
un tel objectif.

L'exemple de la réaction transférentielle hostile


Étape 1. Accepter et homologuer les sentiments du patient

L'hostilité est certainement la réaction de transfert la plus difficile


pour les thérapeutes. Elle tend à susciter chez eux de la colère, et une
réponse défensive peut être perçue par le patient comme une marque de
faiblesse, comme une réaction de culpabilité, ou comme une sanction.
La colère du patient peut être stimulée par la frustration liée au manque
de changement ou par le sentiment (éprouvé par projection) que le
thérapeute est inamical, inepte ou destructif. Une partie de l'acceptation
consiste à considérer comme normaux les sentiments du patient. Après
avoir exprimé cette hostilité, le patient peut s' inquiéter d ' avoir mis
en colère ou blessé le thérapeute ou peut craindre une vengeance de
celui-ci. Mais en réagissant avec équanimité ou sérénité, ce dernier
montre implicitement au patient qu' i l n'en est rien et le rassure.
Exemple

Patient - Je pense qu'on arrive à rien. Quand est-ce que l'on va parler
c:
enfin des vrais problèmes ? J'en ai marre de venir ici et de vous donner
"
tout cet argent.
Thérapeute - Je vois que vous êtes en colère. Je suis heureux que vous
ayez le courage d'être si honnête. Je ne pense pas que quelque chose
puisse être actuellement plus utile que de s'occuper de cela.

Étape 2. Clarifier et explorer

Après avoir exprimé son hostilité envers le thérapeute, le patient


peut se mettre en retrait, craignant la punition, de perdre son contrôle,
ou de blesser le thérapeute. L'exploration des sentiments hostiles du
patient implique de continuer à l 'encourager à exprimer et à nommer
ses sentiments, tout en essayant de clarifier la source de sa colère. Le
96 LES BASES DE tA PSYCHOTHÉRAPIE

reflet des sentiments et des significations est une manière d'explorer et


d' approfondir l ' expression du patient.

Exemple

Patient - Je ne pense pas que cela me soit utile, et j'en ai marre de venir
ici et d'entendre dire que tout est de ma faute.
Thérapeute option l (clarifier) - Qu'est-ce qui vous fait ressentir que tout
est de votre faute ?
Thérapeute option 2 (identifier la source tout en réfléchissant les senti­
ments) - Vous éprouvez de la frustration à voir que les choses ne bougent
pas aussi vite que vous le souhaiteriez, et, à un certain point, vous pensez
que cela est de ma faute.

Étape 3. Interprétation

En général, les interprétations de l ' hostilité sont difficiles pour le


thérapeute, qui doit souligner la source réelle des sentiments de colère du
patient et encourager celui-ci à accepter la responsabilité de ses propres
sentiments. Ci-dessous figurent deux exemples de telles interprétations.
La première est assez directe. La seconde utilise la méthode du reflet
de la signification. Cette méthode permet d'aller au-delà de ce que Je
patient dit, en reliant ses sentiments à sa perception du monde. Dans ces
interprétations, le thérapeute tente de relier l ' hostilité du patient envers
lui à des sentiments plus généraux envers le monde extérieur au cadre
thérapeutique.
Exemple I

Patient - Vous pensez que c'est facile pour moi d'arrêter de prendre cette
drogue ? Vous aimeriez travailler dans cette usine, en gagnant un salaire
de misère, même pas suffisant pour avoir un appartement et vivre avec sa
mère ? Ça vous plairait ça ?
Thérapeute Je ne pense pas que vous soyez en colère seulement vis-à-vis
-

de moi. Vous êtes découragé par rapport à la vie en général et je suis


la cible la plus proche. Est-ce que cette frustration s'étend sur d'autres
personnes de votre vie actuelle ?

Exemple 2

Patient C'est juste un boulot pour vous. Vous ête bien comme les autres.
-

Tout ce qui vous intéresse c'est mon argent.


Thérapeute - Vous êtes en colère, pas seulement vis-à-vis de moi, mais
surtout parce que vous suspectez que personne ne tient suffisamment à
vous pour vous aider. Est-ce à mettre en relation avec la tristesse que vous
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 97

m'aviez dit éprouver à l ' âge d e 5 ans, lorsque votre mère vous laissait de
longs moments seul, sans s'occuper de vous ?

Étape 4. Aider le patient à trouver de nouvelles manières d'exprimer ses


sentiments et de combler ses besoins
Par exemple, le patient qui exprime de la colère envers le thérapeute
nécessite parfois un entraînement à l'affim1ation de soi. Cette technique
aide les gens à exprimer leurs sentiments tout en demandant exactement
ce qu'ils désirent. Les patients exprimant une colère excessive ou qui
font des demandes masquées, indirectes, et entretiennent des sentiments
de vengeance, peuvent provoquer un éloignement ou un rejet de la part
des autres, et donc s ' engager dans des cercles vicieux interactifs. L'in­
terprétation a pour effet de rendre les patients conscients de ces cercles
vicieux, mais ceux-ci peuvent avoir besoin d'aide pour apprendre des
comportements nouveaux plus constructifs (en groupe ou en individuel).

Exercice sur l 'interprétation du tramfert


Chacun écrit un petit « scénario » comprenant deux éléments :

- l'expression d'une hostilité, d'une dépendance ou d'un affect érotique


par un patient vis-à-vis d'un psychothérapeute ;
- des aspects de l'histoire des relations affectives précoces du patient
qui puissent expliquer l ' apparition de ce transfert.

Les participants se mettent alors par deux, chacun passant le scénario


qu'il a écrit à l' autre, puis chacun son tour fera le thérapeute et inter­
prétera le transfert (trois premières étapes) à l ' autre qui joue le rôle
du patient, selon l'indication du scénario qu'il a en main (un troisième
participant peut aussi prendre un rôle d'observateur vérifiant que celui qui
joue le rôle de thérapeute a bien effectué les trois étapes correctement).

Le contre-transfert
i'.l

Le terme de contre-transfert prend un certain nombre de significations


spécifiques provenant de la théorie psychanalytique.
Initialement, il était utilisé pour décrire les projections de sentiments
et d'attitudes incon cients du psychanalyste sur le patient.
Cependant, dans un premier temps, nous utiliserons le terme dans sa
définition commune élargie actuelle, qui dénote tous les sentiments du
thérapeute envers un patient. Ensuite seulement, nous différencierons un
contre-transfert utile et un pathologique.
Luborsky ( 1 984) répertorie 4 principaux types de contre-transfert :
98 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

1 . La réaction contre-transférentielle type est le revers, appliqué au


thérapeute, des réactions transférentielles du patient. Dans ce cas,
c'est le thérapeute qui répond au patient en fonction de ses propres
problèmes relationnels par rapport à ses « objets archaïques ». La
meilleure façon pour le thérapeute de s'en protéger est d'en avoir
eu une expérience suffisante dans le passé, généralement grâce à
sa psychothérapie personnelle, de sorte qu' il sera en mesure de les
reconnaître, puis de les corriger.

2. La tendance à intervenir avant d ' avoir réfléchi ou compris suffisam­


ment vient souvent de ce que le thérapeute s'est laissé prendre par
ses échanges avec le patient, si bien qu'il n ' a plus Je détachement
nécessaire à la réflexion et à l' analyse dont ces échanges doivent faire
l'objet (aspect cognitif).
3. Une contagion d'humeur reflète la transmission interpersonnelle des
affects. Par exemple, s i le patient est déprimé, le thérapeute l'est aussi ;
si le patient est heureux, le thérapeute l ' est aussi, et ainsi de suite.
S'il est conscient de l ' existence de ce phénomène en psychothérapie,
le thérapeute sera en mesure de préserver sa sérénité et d'éviter de
partager systématiquement les états émotifs du patient. Des travaux
montrent cependant que ce sont les thérapeutes modérément (c'est-à­
dire pas trop ni pas trop peu) sensibles aux stimuli extérieurs qui sont
susceptibles de faire les interventions les plus utiles au patient et de
former la meilleure alliance thérapeutique (aspect affectif).

4. Le quatrième type de réaction se produit lorsque le thérapeute se com­


porte d'une façon qui confirme les craintes et les attentes négatives du
patient. Par exemple, si le patient manifeste la crainte d'être dominé
par les autres, il est possible que Je thérapeute adopte inconsciemment
un comportement dominateur. JI semble que le patient fasse quelque
chose qui stimule une telle réaction, mais d' une manière suffisamment
subtile pour passer inaperçue dans un premier temps (par exemple
par le biais du mécanisme d' identification projective, décrit plus
loin dans le cadre des relations d' objet intériorisées). Le thérapeute
peut éviter une réaction antithérapeutique en s'efforçant de maintenir
un certain équilibre entre l'écoute engagée et l 'écoute détachée.
Lorsqu'il a bien saisi, grâce à ces deux façons d'écouter, le thème
principal des problèmes relationnels du patient, cette compréhension
sert de protection supplémentaire contre le risque de se conformer aux
attentes négatives du patient (aspect interpersonnel).
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 99

Dans la forme 1, le psychothérapeute met e n acte sa propre problé­


matique : c'est un contre-transfert pathologique aussi appelé proactif ou
anormal (cf plus loin contre-transfert type 2).
Dans les formes 2, 3 et 4, c'est la problématique du patient qui
est agie dans la relation et cela peut s' avérer thérapeutique s'il y a
ensuite u n temps de compréhension, de dégagement, et d'utilisation des
réactions affectives : on appelle cela contre-transfert réactif ou objectif
(contre-transfert type 1 ).

Le contre-transfert « utile » ou pathologique


Les thérapeutes en formation ne doivent donc pas croire qu'une
réaction affective à un patient, en particulier quand elle est intense,
est nécessairement le fait d ' u n contre-transfert de nature pathologique,
néfaste d'un point de vue thérapeutique. La réaction affective du théra­
peute à ce qu'un patient dit ou fait, utilisée à bon escient, peut au contraire
se révéler d'une valeur inestimable pour parvenir à le comprendre.

Ce que Freud ( 1 9 l û) a appelé contre-transfert (au sens pathologique),


c'est l ' incapacité du thérapeute à décentrer sa réaction affective au patient
en raison de problèmes inconscients qui lui sont propres (contre-transfert
type 2).

Giusti ( 1 997) a développé les notions de contre-transferts réactifs et


proactifs. I l différencie le contre-transfert dérivant du matériel apporté
par le thérapeute (contre-transfert proactit), qui est en fait un type de
transfert pathologique du thérapeute vis-à-vis du patient, et celui dérivant
du matériel ·du patient auquel le thérapeute se limite à réagir, ou contre­
transfert réactif. Winnicott appelait contre-transfert objectif le contre­
transfert réactif, le thérapeute réagissant de manière précise et adéquate
aux projections engendrées par la structure de la personnalité du patient.
Le contre-transfert anormal de Winnicott ( 1 975) correspond au contre­
c
:> transfert proactif, considérant tous les pièges potentiels qui naissent de
l'intrusion des conflits irrésolus du psychothérapeute.

Pour résumer, les réactions affectives du thérapeute ne doivent pas
être appelées contre-transfert (au sens pathologique du terme) si elles
signifient simplement que le thérapeute est capable :

• de réagir affectivement,
• de se dégager de sa réaction affective pour se tourner vers le patient,
• d' utiliser sa réaction affective pour comprendre le patient ou l' aider.
1 00 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

Les contre-transferts concordant et complémentaire


Kernberg ( 1 995) a repris à son compte la formulation de Heinrich
Racker, divisant le contre-transfert en deux schémas distincts : concor­
dant et complémentaire. Cette division nous aide à comprendre comment
le contre-transfert éclaire la manière dont Je patient éprouve le soi et les
autres.

- Les réactions concordantes sont celles dans lesquelles le thérapeute


s' identifie au principal état émotionnel du patient (comme quand il
s 'identifie au patient lorsqu'il se sent victime, de telle sorte que la
sensation de persécution peut influencer la capacité du thérapeute à
------ évaluer le rôle que joue Je patient lui-même dans cette persécution).
Avec les patients névrosés, c'est avec la structure psychique dominante
dans le transfert que s' opère J ' iuenlification : le moi avec le moi, le ça
avec le ça, et le surmoi avec le surmoi. Avec les personnalités limites,
lidentification contre-transférentielle concordante se fait par I' identifi­
cation avec le soi ou les représentations d'objet qui prédominent dans
l ' instant.
- Dans les réactions complémentaires le thérapeute s' identifie au
contraire à l' autre tel qu'il est vécu par le patient qui le rejette, le clive
et Je projette en même temps. Ainsi, lorsque Je patient s ' identifie à
un soi victime, le thérapeute, dans le contre-transfert complémentaire,
s' identifie à la représentation d' objet du patient, à savoir un objet
persécuteur. Dans les névroses, les réactions complémentaires
comprennent l ' identification du thérapeute avec le Surmoi du patient,
alors que le patient est identifié au ça.

En même temps qu'elle permet au thérapeute de développer une empa­


thie particulière pour le patient, l' identification concordante comporte
ïe risque d'être trop massive. Avec l' identification complémentaire, au
contraire, le risque est que le thérapeute perçoive incomplètement le vécu
du patient.
La capacité du thérapeute à profiter de ses réactions affectives vis-à-vis
du patient dépend de sa capacité à les contrôler. Un thérapeute qui
ne se sent pas obligé d'agir se sentira plus libre d ' utiliser ses propres
réactions comme une source d ' information précieuse sur des aspects
sinon inaccessibles du patient. En maniant ainsi le contre-transfert, Je
thérapeute aide le patient à ne pas répéter les interactions pathologiques
de son passé. Parce qu'il ne participe pas à la re-création de ces schémas
pathologiques, le thérapeute permet l ' analyse du transfert et offre au
patient une relation d'objet différente. Analyser le transfert ne veut pas
forcément dire que l'on fait une interprétation. Il se peut que même
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 101

l' analyste garde l ' interprétation pour lui, en fonction de certains éléments
cliniques.
Le thérapeute qui a des difficultés avec l' identification concordante
intensifiera involontairement l ' identification complémentaire. Par
exemple, un thérapeute qui ne peut reconnaître l'impuissance aura du
mal à s ' identifier à celle du patient et sera susceptible de s' identifier à
la représentation d'objet du patient, à savoir un objet de puissance et de
contrôle. Un autre qui, pour des raisons narcissiques, s'identifie à l'objet
idéalisé, se révélera incapable d'avoir de l ' empathie pour le soi dévalué
du patient. Dans les deux cas, on aboutit à une diminution de l ' empathie
que Je thérapeute peut ressentir vis-à-vis de ce qu'éprouve le patient.
Une identification concordante excessive produit un déséquilibre
inverse. Le thérapeute qui s'identifie trop avec l ' impuissance du patient
ne peut l ' aider à intégrer les souhaits clivés de dominer les autres ou
l ' aider à comprendre comment il encourage les autres à le dominer.
La carence d'un sentiment stable du soi et des autres chez le patient
souffrant d'un état limite complique ce tableau déjà complexe : celui-ci
se vit continuellement en positions fluctuantes, avec des discontinuités
potentielles soudaines, comme victime ou comme persécuteur, comme
dominateur ou dominé, et ainsi de suite. Parallèlement, le thérapeute
devra lutter afin de rester à la fois ouvert et sensible à l 'état présent
du patient (identification concordante) et à ce que celui-ci projette sur
lui (identification complémentaire). Pour résumer, le thérapeute doit
ressentir de l' empathie pour le patient, à la fois en tant que tout-puissant
et impuissant.
Afin de comprendre l ' univers confus des objets et du soi des person­
nalités limites, le thérapeute doit s' identifier tour à tour à la distribution
complète de leurs personnages. Il doit examiner minutieusement ses
réactions afin d'y déceler des indices permettant de mieux comprendre
comment le patient se vit soi-même et comment il perçoit les autres. Le
thérapeute doit sans cesse se poser des questions comme celles-ci :

� « Est-ce que le fait que je me sente angoissé alors que le patient décrit
ses succès scolaires me renseigne sur la façon dont sa mère a vécu cette
expérience ? »
« Est-ce que mon excitation à l'idée de dire non à la patiente m'aide à
comprendre Je plaisir qu'elle a à rejeter les autres ? »

Il peut aussi être utile de se demander si le patient joue Je rôle d'un


objet ancien, où i l se conduit avec le thérapeute comme i l s'est lui-même
ressenti traité par cet objet dans le passé. Ainsi un thérapeute, perplexe
en entendant le patient relater les préjudices causés par une mère conçue
1 02 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

comme malveillante, pourra simultanément vivre le patient comme un


persécuteur. Qui persécute qui ? En se posant cette question, le thérapeute
peut prendre conscience que le vécu du patient avec sa mère se rejoue
avec lui. En comprenant mieux la représentation qu'a le patient de sa
mère, il peut alors repérer qu' i l est mis dans la position du patient qui,
lui, reprend le rôle de la mère.
La conscience que prend le thérapeute de sa réaction atypique consti­
tue le début du processus. Celle-ci n'est pas très définie au départ, et i l
doit tolérer c e flottement affectif afin de se laisser aller à ses associations
et à ce que continue de dire le patient. Lorsqu' il comprend mieux sa
réaction, il doit tenter d ' i maginer divers scénarios mettant en situation
le patient et son entourage jusqu'à ce qu' un des rôles puisse éclairer
sa réaction. Des efforts répétés de ce genre éclaircissent peu à peu le
monde interne des représentations du patient, y compris leurs aspects
contradictoires.

Le contre-transfert et Les difficultés d'empathie


Il arrive qu'un thérapeute se sente frustré et incapable d'établir u n
contact empathique avec son patient. I l l u i faut alors être très attentif à
ses mouvements affectifs et, en particulier à son contre-transfert. Dans
ce cas, il peut s 'avérer utile d'identifier les étapes par lesquelles il faut
passer pour arriver à une compréhension empathique, et de réfléchir à
chacune d'elles en s'efforçant de déterminer le problème empêchant un
tel contact.

On peut retrouver les étapes suivantes (cf le très bel exemple de


M. Albright dans Basch, 1 995, pp. 1 99-209) :

• prendre conscience de l ' affect éveillé en soi par le patient ;

• prendre du recul et considérer sa réaction affective objectivement ;

• identifier 1 'état affectif du patient ;

• apprécier l'importance du message du patient ;

• décider de quelle façon se servir le plus efficacement possible de ce que


l'on a appris (en fonction du stade de maturation affective du patient).

Les deux premières étapes, si elles sont bien négociées, peuvent


s' avérer essentielles pour la progression du travail. Si, au contraire, elles
sont ignorées ou mal gérées par le thérapeute (vrai contre-transfert, au
sens restrictif du terme), elles peuvent hypothéquer sérieusement l 'avenir.
En tant que psychothérapeute, décentrer sa réaction affective (deux
premières étapes) c'est prendre du recul par rapport à ce que l'on ressent,
et y réfléchir de façon dépassionnée. Au lieu de simplement réagir à ce
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 1 03

que l'on ressent en fonction de sa propre problématique, on prend e n


compte l e fait que c e qui s e passe e n soi est provoqué par l e patient, pour
des raisons qui lui sont propres. On peut ainsi mettre de côté son propre
problème et rechercher avec le patient les raisons du malaise.
Pour être empathique, et le rester en dépit des réactions contre­
transférentielles, il faut que le thérapeute soit capable de réponse affective
mais aussi de décentrage. La capacité de réponse affective d'un individu
est optimale quand ses interactions avec ses parents en tant qu'enfant
ont été appropriées, de telle manière que son développement affectif
ait pu se faire sans entraves jusqu'à l ' âge adulte. En fait, un résultat de
ce type est plutôt une exception qu'une règle. Au cours de la vie, l e
fait d ' avoir été largement incompris, e t souvent de façon traumatisante,
conduit certains à entreprendre une psychothérapie, et d'autres à devenir
psychothérapeutes (ce qui est alors une façon défensive d'éviter de
prendre conscience de ses propres souffrances en s'occupant de celles des
autres). Dans ce dernier cas, la peur de s ' engager soi-même affectivement
par crainte d'être blessé ou déçu crée une barrière qui empêche le sujet
de fonctionner efficacement comme psychothérapeute. Il se protégera
inconsciemment en s'empêchant de reconnaître et de ressentir pleine­
ment les sentiments positifs et négatifs que le patient éveille en lui.

Contre-transfert, thérapie personnelle et supervision


Pour u n thérapeute, la thérapie personnelle a deux fonctions princi­
pales dans l 'ordre de l' affectivité : l'une est de l' aider à comprendre les
circonstances négatives de son développement, afin de rétablir suffisam­
ment sa capacité de réagir affectivement, et l' autre de lui permettre de
contrôler ce qu'il ressent au lieu d' être dominé par sa réponse affective
au patient. Le décentrage permet au thérapeute de penser à ce que le
patient ressent et non à ce qu'il ressent lui-même à son égard. Non pas
que ce dernier aspect soit sans importance ou inutile. Au contraire, ce que
le thérapeute ressent face à un patient lui donne souvent des indications
sur ce qui ne va pas entre ce patient et les autres.
Tous les thérapeutes, au moins dans un premier temps, ont besoin
d'une supervision continue pour les aider à détecter et surveiller leur
tendance à être trop secourables ou pour faire face aux sentiments
d' attraction sexuelle, de colère, de peur, ou d ' insécurité. Dans ces cas,
le thérapeute en est venu à voir le patient comme un objet sexuel, une
opportunité de satisfaire ses besoins de puissance, de reconnaissance, ou
autres. Il peut aussi percevoir le patient comme un ami, une copie de
son propre Soi, ou une projection. Les sentiments contre-transférentiels
doivent être examinés de près et être soumis à une vigilance soutenue.
1 04 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Ceci, non seulement pour éviter des atteintes dommageables au processus


thérapeutique, mais aussi pour déceler la pathologie interpersonnelle du
patient. Sous les feux d'une telle attention, le contre-transfert permet de
comprendre en profondeur l' expérience du sujet.
L'encadré ci-dessous est une liste des principales causes des réactions
contre-transférentielles provenant uniquement du thérapeute (sans par­
ticipation essentielle du caractère particulier de la pathologie du patient
ou du processus thérapeutique).

L ES P R I N C I PALES CAUSES
DES R É ACTIONS CONTRE-TRANSF É RENTIELLES

Arrière plan culturel différent (thérapeute de la culture " dominante »/patient


de culture " minoritaire ,, ou bien l'inverse)
Tâches aveugles partagées avec le patient (provenant de règles person­
nelles ou culturelles semblables)
Conception romantique de la maladie mentale en général
Perception idéalisée du rôle de soignant
Compréhension inadéquate du processus pathologique du patient
Éléments transférentiels provenant du passé du thérapeute (le patient lui
évoque une relation avec des personnages importants de son passé ou de
son enfance)
Mécontentement si le patient ne paye pas ou peu
Pitié
Problématiques non résolues dans la vie du thérapeute (tout spécialement
rapports à la mort ou au handicap)
Suridentification et sympathie à la place de l'empathie

Lorsque le thérapeute se sent envahi de sentiments qui vont au-delà


du domaine de la relation de soutien, il peut consulter cette table après la
séance, de manière à détecter la source probable de ses sentiments contre­
transférentiels. Il est bien sûr difficile pour un thérapeute d'apprécier les
manifestations contre-transférentielles qui sont principalement incons­
cientes et d'origine développementale. Cependant, s ' i l porte attention à
son comportement envers le patient, de telles manifestations pourront
être mises à jour, comme, par exemple, si le thérapeute repère qu'il rejoue
des comportements de compétition juvénile ou de relation sadique qu'il
avait avec ses frères ou sœurs.
Une partie des sentiments de colère ou de frustration du thérapeute
peut venir d 'attentes ou de règles implicites vis-à-vis du patient. Cer­
taines de ces règles ( « i l faut que », « i 1 devrait » ) produisant la colère
sont directement liées au contre-transfert :
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 1 05

• le patient devrait essayer d'aller mieux ;


• le patient ne devrait pas devenir dépendant ;
• le patient devrait apprécier les efforts du thérapeute. La colère du
patient est une attitude ingrate ;
• le patient ne devrait pas manipuler avec succès le thérapeute.

Le contre-transfert se manifeste aussi dans certains aspects du syn­


drome d' « épuisement » ou de burnout qui correspond à la perte du
plaisir ou d'une signification personnelle à exercer sa fonction soignante.
Ce syndrome, qui comporte aussi des manifestations physiques (fatigue,
irritabilité, insomnie, dysphorie, cynisme et manque de curiosité), peut
être lié au système (charge de travail trop élevée, problèmes adminis­
tratifs), mais aussi peut être plus spécifiquement relié au contenu du
travail, ce dernier aspect pouvant s'aborder sous l'angle des réactions
contre-transférentielles. Si l'on prend, par exemple, le travail avec
les patients schizophrènes, les réactions suivantes peuvent conduire à
« l'épuisement thérapeutique » :

• dévalorisation des patients atteints d'une maladie chronique ;


• surévaluation de l' efficacité de la thérapie, que ce soit la psychothérapie
ou la chimiothérapie ;
• attribution de la maladie et du manque de progrès au patient ;
• tentative de réussir des guérisons rapides ;
• difficultés à entrer en empathie avec le désespoir.

Tableau 10. Attitudes transférielles.


Le patient est perçu Réponse émotionnelle Comportement du
comme du thérapeute thérapeute
Une personne fragile
Un agresseur
Un être immoral ou
pitoyable
Un ami
Un reflet de soi
Un objet sexuel ou
romantique
Un trophée à conquérir

Le thérapeute doit donc continuellement rester attentif à ses états


8 affectifs et apprécier l'opportunité de s'en servir et de les exprimer
g (révélation de soi) pour intervenir d' une manière bénéfique vis-à-vis du
1 06 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

patient. Inversement, il doit éviter d'en faire le prétexte à l 'exutoire de sa


tension personnelle. En général ses sentiments fournissent une excellente
manière d'évaluer l 'effet du patient sur les autres. Le lui montrer, sous
forme d'un retour (feedback) prenant notamment toujours en compte son
narcissisme, peut s' avérer utile dans certains cas. Par exemple, il pourra
révéler sa colère (sans le blâmer ni le blesser dans son amour-propre)
lorsqu'il sait que le patient est aussi très irritant pour les autres dans sa
vie quotidienne et qu'une partie de ses problèmes interpersonnels y est
reliée. Une telle prise de conscience, dans le cas où elle serait accessible,

1 pourrait permettre de les aborder.


Enfin, nous verrons dans l a partie réservée aux facteurs communs,
concernant la relation thérapeutique, que les diverses écoles de psycho­
thérapie préconisent une manière différente d ' utiliser le contre-tranfert
à fin thérapeutique. Nous y insisterons sur le fait qu'en fonction de
la relation thérapeutique en cours ou de celle que l'on veut instaurer,
on pourra choisir telle ou telle forme d'exploitation thérapeutique du
contre-transfert.

Le contre-transfert : exercice
Pour chacune des attitudes contre-transférentielles du tableau J 0,
tentez de découvrir comment celles-ci vont se manifester dans la relation
thérapeutique lorsqu'elles sont présentes chez le thérapeute. Indiquez,
d' après vous, quelles émotions et comportements risquent de se mani­
fester chez le thérapeute en fonction de sa façon de concevoir le patient.
Dans les principales modalités de manifestations contre-transférentielles
(au sens large) le patient peut être vu comme : une personne fragile, un
agresseur, un être immoral ou pitoyable, un ami, un reflet de soi, un
objet sexuel ou un partenaire romantique, un enjeu personnel (trophée
potentiel prouvant l 'habileté du thérapeute).
Mettez-vous par sous-groupes, chaque groupe travaillant sur 3 atti­
tudes différentes.

L'expérience émotionnelle correctrice

Le thérapeute peut induire progressivement une relation thérapeutique


positive qui procure au patient ce qui lui a le plus manqué lors de son
enfance (différent pour chaque patient), infirmant ainsi ses attentes et
croyances négatives vis-à-vis des relations humaines et modifiant son
image de soi. Une telle attitude permet au patient de connaître une expé­
rience émotionnelle correctrice. Les transferts affectifs et cognitifs des
patients, ainsi que les réactions des soignants, peuvent être identifiés et
LE THÉRAPEUTE ET LA RELATION THÉRAPEUTIQUE 1 07

Tableau J.l. L'inverse du contre-transfert négatif : adopter une attitude


permettant une expérience émotionnelle correctrice.

Schéma : " Tout m'est dû »

Contre-attitude
Attitude
négative du Contre-attitude positive
du patient
thérapeute du thérapeute
en séance
(« contre- ( reparentage »)
(
«
«transfert ")
transfert »)

Exige des Trop conciliant ou Assurance de soi et sens clair de ses


modifications, suggestible par peur limites personnelles, mais reconnaître
en sa faveur, du des réactions du honnêtement sa vulnéraibilité à la
cadre habituel patient (si thérapeute manipulation
a un schéma assujet-
Ne respecte pas tissement ++) Dévoilement de soi pour montrer les
les règles, teste effets des manipulations du patient
les limites Colère et rejet si le
thérapeute a un Se maintenir en observateur partial, en
Manque schéma exigences position " méta ,, qui aide le patient à
d'empathie par élevées ou un prendre conscience de ses buts, de
rapport aux problème narcissique ses options et des conséquences
sentiments du (carence affective, diverses de ses comportements
thérapeute imperfection)
Présenter les troubles du patient
Se met en Attitude moralisatrice comme des obstacles vis-à-vis des
colère lorsque le ou jugeante buts qu'il souhaite atteindre, en
thérapeute lui l'engageant dans une attitude de type
met des limites Policier qui punit par " résolution de problèmes ..
raisonnables rapport aux libertés
dans le service Être ferme mais pas rigide faire
=

Méprise et ne passer la " loi .. en douceur


tient pas compte Attitude rigide par
de ce que dit le peur d'être manipulé Aider à intégrer une certaine discipline
thérapeute par le patient, refus
de toute manipulation Ne pas gérer soi-même les
Ment, manipule dans une attitude récompenses ou les privations par
le thérapeute " on ne me la fait pas rapport aux comportements dans le
à moi .. service
c
"
Séduction par la Ne pas rester fixé sur les
" liberté ,. et la manifestations spectaculaires de ce
" force ., apparentes schéma, mais plutôt reconnaître et tenir
du patient compte du schéma primaire le plus
souvent sous-jacent

différenciés en fonction des schémas activés chez ces premiers. Certaines


attitudes peuvent être antithérapeutiques de la part du soignant ou bien,
au contraire, peuvent constituer une expérience émotionnelle correctrice
bénéfique, remettant en cause les schémas cognitifs dans et par la relation
1 08 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

thérapeutique elle-même. Le tableau 11 illustre l 'exemple d'un patient


ayant la croyance « tout m'est dû » (l'un des schémas dysfonctionnels
décrit par Young et Klosko, 1995), rencontré principalement dans les
troubles narcissiques graves et chez les personnalités antisociales. Il
contient des indications précises permettant de sensibiliser les soignants

aux enjeux relationnels liés à des schémas cognitifs. Il est possible d'en
faire de même pour tous les autres schémas décrits par ces auteurs
(Chambon et Marie-Cardine, 1 998a).
Chapitre 4

ÉVALUATION,
CONCEPTUALISATION,
PLANIFICATION

L' ÉVALUATION ET LA C O N C E PTUALISAT I O N

L'évaluation du cas n'est pas prise ici dans J e sens d'une évaluation
scientifique des effets ou du processus psychothérapique. li s'agit, d'une
manière très pratique, de se faire une représentation aussi précise que
c

possible de la situation du patient, de l ' i ndication de la psychothérapie,


::>

de la technique ou des moyens techniques à mettre en œuvre etc. Elle


amène à faire des hypothèses sur les causes des difficultés du patient, à
juger du risque suicidaire ou de la violence potentielle, à déterminer ses
forces et ses capacités d'adaptation, et à poser les bases de la planification
du traitement en mettant à jour les points critiques les plus importants.

- L 'observation clinique est un moyen informel d' évaluation globale.


Elle prend en compte l'attitude générale du malade, ses modalités
d'expression verbale et non verbale, ses différentes attitudes ou com­
portements (habitus, habillement, mimique, gestuelle etc.) pendant les
entretiens préliminaires. Cette observation ne se distingue en rien, en
1 10 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

fait, de l'observation clinique en psychiatrie, sauf en ce qu'elle exige

/ encore plus de finesse et d' attention aux détail s . En outre, elle exige
aussi du psychothérapeute un regard dirigé vers soi et notamment un
examen particulier des réactions émotionnelles, même très atténuées,
suscitées en lui à cette occasion.
- Les questions sont des sondes qui permettent d'investiguer et d'explo­
rer les difficultés, ou bien de remettre en question et de faire réagir le
patient.

Même si les modalités de cet examen préliminaire présentent des


points communs avec l'examen clinique en psychiatrie, l ' utilisation
des critères internationaux de diagnostic (DSM IV, CIM X) n'est pas
pertinente ici. Nous expliquerons pourquoi.

- Le génogramme est une méthode d'évaluation permettant d'obtenir des


informations plus complètes et plus précises sur l ' histoire fanùliale,
ainsi que sur les relations et la composition actuelles de la famille.

Chaque approche de la psychothérapie propose une méthode d'évalua-


tion qui lui est propre. Nous ne voulons pas exposer ici chacune d'elle ni
en élaborer une synthèse, tant il s'agirait d'une tâche longue et complexe,
nécessitant un ouvrage à elle seule.
- La conceptualisation peut se faire en utilisant un modèle mutidimen­
sionnel (ex. BASIC ID) ou bien un modèle structural (ex. les R.0.1.).

Les résultats de l'évaluation peuvent être synthétisés et mis en relation


entre eux grâce au modèle dit du BASIC ID. Il permet d'obtenir une
vision dynamique des difficultés du patient telles qu'elles apparaissent
hic et nunc. Il en analyse les différents aspects, précise la méthode
thérapeutique qui semble la plus adaptée, et permet d'en évaluer l'impact
sur les différents éléments en cause.
Les données obtenues par l 'évaluation peuvent aussi être mises en
relation avec le fonctionnement psychologique et la structuration de
la personnalité, prenant alors en compte le développement infantile
et les relations précoces du patient. On peut alors, compléter cette
représentation de ses difficultés en recourant au modèle des relations
d'objets intériorisées (R.0.1.).
La conceptualisation introduit l a théorie du thérapeute. Celle-ci est
nécessaire pour la rigueur de sa pensée, pour la cohérence de ses
interventions, et pour lorganisation du traitement. Mais elle peut réaliser
un obstacle à la perception de la singularité du patient et à l ' ajustement
nécessaire de la relation thérapeutique. Le thérapeute doit donc égale­
ment savoir « lâcher les concepts » pour revenir à une écoute et une
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION lll

observati on libres de toute arrière-pensée, vides de tout savoir a priori,


pour éviter de passer à côté de son patient ou de faire comme Procuste,
d'adapter son patient à sa théorie plutôt, malheureusement, que l'inverse.
Pour les mêmes raisons, quitte à utiliser des concepts théoriques, nous
proposons de donner la préférence à ceux qui sont intégratifs (comme
Je modèle des R.O.I.) puisqu'ils ne s ' opposent pas à l ' utilisation de
techniques provenant d' approches diverses, autorisent une souplesse
d'attitude de la part du thérapeute, et permettent une communication
entre différentes écoles.

L'utilité d'une évaluation

Indépendamment des modalités de sa conduite pratique et de l ' accent


qui peut être mis plus spécialement par telle ou telle approche sur
certaines données spécifiques, l'évaluation remplit plusieurs fonctions :

- Elle aide à repérer et faire des hypothèses sur les différents types de
facteurs en cause dans l 'apparition des difficultés. Ces facteurs mis
à jour, la psychothérapie peut viser à les réduire ou les éliminer (ex :
journées éprouvantes au bureau, la surconsommation de tabac, de café,
et surtout d ' alcool .). Cependant, dans de nombreux cas, la prise de
conscience approfondie de leur existence n ' amène pas la résolution des
troubles. Le comportement-problème est devenu « fonctionnellement
autonome » ou a été déconnecté des circonstances qui ont entouré
son origine (ex : patient qui était très pauvre dans sa jeunesse et qui,
devenu ensuite riche, s' accroche maintenant à son argent et se trouve
obsédé par ses économies).
- Elle peut aider à prévoir les comportements futurs du patient. Ce
pronostic intéresse surtout les intentions suicidaires, l 'éventualité de
la mise en acte du potentiel de violence, 1 'engagement du patient dans
son traitement, la probabilité qu'il a de s'y maintenir, la compatibilité
de son comportement et de ses modalités de relation avec celles de son
thérapeute.
-t1
- Elle aide le patient à comprendre ses difficultés. Non seulement
l'évaluation peut aider le patient à se comprendre plus complètement,
mais elle peut aussi lui révéler les liens existant entre sa plainte actuelle
et d 'autres domaines problématiques de son existence (ex : plainte
concernant sa relation de couple actuelle et points communs avec des
difficultés dans d' autres de ses relations).
- Elle fournit des informations essentielles sur l 'histoire du patient.
Il arrive fréquemment que Je patient s' accroche à des stratégies
adaptatives obsolètes et inefficaces mais apprises par lui lors de
112 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

l'adolescence ou au cours d'une autre période de son existence. Les


données rassemblées sur son histoire personnelle révéleront ainsi des
répétitions significatives dans son comportement.
- Elle met en évidence les .forces du patient. Il s'agit de mettre à jour
chez lui tout ce qui pourrait accroître son estime de soi à savoir toutes
ses capacités et habiletés, ses attributs positifs, et les manifestations de
force de son psychisme.
- Elle peut permettre éventuellement, telle quelle, une prise de
conscience plus ou moins complète par le patient de difficultés
qu'il ignorait précédemment. Il est souvent très difficile de l ' amener à
les faire siennes quand elles sont seulement relevées unilatéralement
par le thérapeute. Cependant, ce premier travail d' investigation peut
permettre de l u i demander d'examiner certains points sensibles
qui auraient été consciemment ou non jusqu'ici mis de côté. Ainsi,
ce travail préliminaire peut le conduire au seuil de la prise de
conscience. L'éprouvé de sa souffrance, en tout cas, si elle est
exprimée ouvertement et en son nom propre, peut fournir l'aiguillon
qui l ' amènera au début du processus de changement. La phase
d' évaluation est une manière de produire une activation émotionnelle
qui stimulera le changement.
- Elle rend le thérapeute conscient de difficultés dont le patient n ' a
pas parlé. Les psychothérapeutes débutants oublient fréquemment
d'évaluer les informations ayant trait au risque suicidaire ou à l ' abus
de toxiques. L'une des raisons majeures d'une évaluation standardisée
est de ne pas oublier de se poser des questions du genre « Suis-je passé
à côté de signes de risque suicidaire, de violence, d ' addiction, ou de
psychose ? ».

l'observation au cours du ou des premiers entretiens :


les quatre axes de l'attention

S.C. Shea ( 1 988) a développé une méthode d' observation des patients
lors d'un premier entretien psychiatrique.
L'objectif de cette méthode dite des « 4 axes de l ' attention » est de
créer, pendant l' entretien, plusieurs moments de prise de conscience
personnelle (d' « autoconscience » ) du thérapeute, de conscience de sa
propre activité clinique immédiate, pendant lesquels il recentre volontai­
rement et consciemment l' entretien autour de l ' un des axes d'observation
suivants (figure 7) :
Cette technique d'observation peut aussi s ' avérer très utile lors de
l'entrée dans un processus psychothérapeutique. En effet, la capacité du
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 113

Regarder le patient

Regarder à l'intérieur
de soi-même

I
Regarder avec le patient
..
Se regarder
en tant que clinicien

Figure 7. les différents regards cliniques.

clinicien à prendre du recul à plusieurs reprises pendant l ' entretien, de


manière à être en mesure d'utiliser rapidement et avec aisance chacun de
ces 4 axes d' observation, fait partie des aptitudes à l'observation néces­
saires au déroulement des premières séances de toute psychothérapie,
quelle que soit son orientation.
Nous employons cette méthode dans le cadre du séminaire de forma­
tion à la sémiologie psychiatrique de nos internes en psychiatrie. Aussi la
formulation des directives correspondant aux divers points d'observation
est faite dans un style s'adressant directement au lecteur
Examinons plus en détail ces quatre axes.

Regarder le patient
Il s'agit de faire un examen de son état mental, en l ' observant objec­
tivement, en détail, précisément, comme s ' i l s ' agissait d'un organisme
à étudier (comme lors d'un examen médical). Il consiste à recueillir
des données brutes d' observation, sans y introduire aucune opinion per­
sonnelle, ni aucune perspective conceptuelle (éviter les interprétations).
Il ne s ' agit pas de faire l'histoire de la maladie, ni de développer un
c récit personnel explicatif tentant d 'ordonner logiquement ou de donner
"
un sens à tous les éléments cliniques relevés. Il s ' agit juste de décrire
objectivement les comportements, pensées, sentiments et perceptions du
patient pendant la durée de l'entretien lui-même.
Les aspects suivants feront l 'objet de l'investigation (comme au cours
: l ' apparence et le comporte­
de tout examen sémiologique courant 1)
g ment ; le contenu de la pensée ; les troubles éventuels de la perception ;
ë

j
1 . Pour des raisons idéologiques ou d'idéalisation souvent mal comprises, beaucoup de
nos étudiants pensent que faire de la psychothérapie exclut toute possibilité d"examen
médical objectif.
1 14 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

la nature de l 'humeur et des affects ; la qualité de la conscience, du


fonctionnement cognitif, les capacités d'insight et le degré de motivation.

Regarder avec le patient


Cette attitude correspond à la pratique de l ' écoute empathique. I l
s ' agit d'essayer d e comprendre l 'expérience (son point d e vue e t ses
émotions) du patient en tentant de voir le monde à travers ses yeux à lui.
En particulier, pendant l 'entretien, essayez de répondre aux questions
suivantes :

« Quels sont les sentiments de ce patient selon vous ? comment comprend­


i l ce qui lui arrive ? quelles peuvent bien être ses croyances fondamentales
sur lui-même, les autres, le monde ? quelles phrases, quelles attitudes de
sa part semblent vous l e montrer ? »
« Quelles questions lui auriez-vous posé pour augmenter votre empa­
thie ? »
«Quels sentiments ou quelles significations lui auriez-vous reflété pour
vérifier et lui montrer que vous comprenez bien ce qu'il vit ? »

Se regarder en tant que clinicien


Une telle observation implique que, par moments, vous tourniez
volontairement votre attention sur vous en vous demandant « comment
est-ce que j ' apparais en ce moment à ce patient ? ». Pendant l ' entretien,
imaginez que vous avez un miroir en face de vous et que vous vous
voyez. Ou demandez à un collègue ou un superviseur, après l'entretien,
de répondre à cette question.
Selon l ' auteur, votre style de conduite d' entretien peut-être décrit
sommairement en le situant dans un continuum compris entre 4 paires
d'attitudes extrêmes :

l . répondant-non répondant : être répondant consi ste à montrer une


réponse affective aux comportements ou dires du patient ;

2. spontané-non spontané : être spontané signifie ici exprimer spontané­


ment ses affects et opinions ;

3 . animé-non animé : on entend par style animé la présence d'un niveau


de base élevé d'affectivité et de mobilisation du corps ;

4. transparent-non transparent : est transparent un thérapeute qui révèle


consciemment des émotions ou des pensées personnelles à son patient.

Vous devez aussi devenir progressivement conscient des caractéris­


tiques suivantes de votre style : tendance à exprimer chaleur et empa­
thie ; activités de déplacement ; gestes d'autocontacts ; utilisation de
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 15

)' humour ; langage corporel lors de l ' exploration de domaines sensibles ;


tangage corporel lors de l ' apparition de résistances ou de demandes ;
distance typique entre vous et le siège du patient (proxémique) ; langage
corporel et proxémique en présence de patients potentiellement violents ;
fréquence et contenu de vos prises de notes ; quantité du discours, ton
et volume de votre voix ; gestes de la main et hochements de tête ; style
d'habillement et apparence générale.
Enfin, vous devez avoir été capable d' adapter votre style aux caracté­
ristiques du patient en face de vous.

Regarder à l 'intérieur de soi


Ici, il vous faudra revenir périodiquement à l ' écoute de vous-même
pour noter les émotions ou les fantasmes qui vous traversent.

Ces réponses (émotionnelles ou fantasmatiques) peuvent être de trois


types : intuitives, associatives, et contre-transférentielles.
Penchons-nous d'abord sur les réponses émotionnelles du thérapeute.

• Les réponses intuitives. Elles représentent ses états émotionnels qui


sont facilement accessibles à sa conscience et qui pourraient être
provoqués pour la majorité des personnes interagissant avec le patient
pendant un certain temps. Le thérapeute dispose ainsi d'une informa­
tion directe sur la manière dont il peut affecter son entourage.
• Les réponses associatives (contre-transfert de type 1 ). Ici, ses sen­
timents ne seraient pas partagés ou pas aussi intensément vécus
par la majorité des gens face à un patient particulier. Il rappelle au
thérapeute une autre personne de son histoire passée ou plus récente.
Ses sentiments sont cependant conscients ou peuvent assez facilement
être amenés à la conscience. Le thérapeute, dès qu'il est conscient
de sa réponse et de ses ranùfications négatives possibles, peut alors
c: l ' utiliser au bénéfice du patient. I l s ' agit de ce que nous appelons
"
un contre-transfert de type 1 . Supposons que le thérapeute ait été
-;j élevé par des parents excessivement dominateurs et qu'il ressente
encore actuellement de l 'irritation à chaque occasion de rapprochement
avec ses parents. S ' i l commence à ressentir une irritation de même
nature face à son patient, il peut alors se servir de cette réaction
à la manière d'un baromètre sensible, comme un indice de traits
dominateurs, parfois très subtils, présents dans la personnalité de
ce dernier. Grâce à sa sensibilité particulière, et à sa conscience
de l 'émergence du sentiment d' irritation, le thérapeute est à même
de détecter plus facilement ces traits de personnalité que les autres
cliniciens.
1 16 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

• Les réponses transférentielles (contre-transfert de type 2 ) . Ici, la


réponse émotionneJle du thérapeute va poser problème parce qu'il
ne pourra en prendre conscience ni donc l' utiliser à fin thérapeutique.
Les émotions, associations, et défenses provoquées en lui par le patient
sont d'origine supposée inconsciente ou en tout cas extrêmement
difficile à amener à la conscience. Le thérapeute revit des relations
passées à l ' i ntérieur de la relation actuelle avec son patient. Il s ' agit
donc d'un véritable transfert du thérapeute sur le patient, ou d'un
contre-transfert de type 2. En reprenant l ' exemple précédent où i l
aurait été élevé par des parents trop dominateurs i l peut n'avoir jamais
pris conscience de l ' i mpact personnelle de son enfance et n ' avoir fait
face à son angoisse inconsciente que par un mécanisme de retrait à
l'encontre de ses parents, s'exprimant par une froideur envers eux.
Dans ce cas, lorsqu' il rencontre u n patient « dominateur » il peut se
montrer subitement froid, laconique et distant. S ' il prend peu à peu
conscience de son contre-transfert (par une thérapie personnelle ou une
supervision régulière), le contre-transfert de type 2 peut se transformer
progressivement en un de type 1 (réponse associative) qui constituera
alors un baromètre sensible aux traits de personnalité dominateurs de
ses futurs patients.

Le thérapeute peut aussi examiner les fantaisies et images évoquées


en lui par le patient.

Parfois il peut s'avérer nécessaire de reléguer à l ' arrière-plan ces


productions, comme lorsque le patient a besoin d'une écoute empathique.
Dans de telles circonstances, le clinicien peut les garder en mémoire pour
une exploration ultérieure.

À l'inverse, il peut s ' avérer très productif, à certains moments de la


séance, qu'il prenne du temps pour examiner en silence ses fantaisies et
images, de manière à les mettre en rapport avec certaines caractéristiques
de l ' interaction thérapeutique. Ce matériel peut être en lien direct
avec les réponses associatives ou transférentielles, ou bien simplement
correspondre à la mise en œuvre de son intuition.

La consigne donnée au clinicien pourrait être :

« Observez comment vous pouvez utiliser ce qui se passe à l ' i ntérieur de


vous pour mieux comprendre le patient ou pour éviter que vos réactions
per onnelles ne compromettent l' issue de l 'entretien ».
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 117

Le modèl e de Tomm des questions thérapeutiques


Tomm ( 1988) a proposé un modèle général qui classe les questions
thérapeutiques selon quatre classes issues du croisement des inten­
tions du thérapeute (comprendre ou influencer) et de son modèle de
compréhension des troubles ( linéaire ou causaliste, ou bien circulaire,
cybernétique). Ces quatre catégories de questions sont : les questions
linéaires, circulaires, stratégiques, ou réflexives.

Intention investigative
Ces questions sont des questions linéaires qui demandent : qui ? quoi ?
où ? et quand ? Une question typique serait « qu ' avez-vous ressenti
quand elle a dit qu'elle n ' était pas libre samedi soir ? ». De telles ques­
tions permettent une analyse fonctionnelle du genre de celle effectuée
par les thérapeutes cognitivo-comportementaux. Elles peuvent être utiles
pour commencer à préciser les données d ' un problème et pour établir
un engagement initial dans le traitement. Elles se fondent sur un modèle
linéaire réducteur de « cause à effet » et présupposent que certaines
caractéristiques, telles que la dépression, sont intrinsèques à la personne
plutôt qu' à des distinctions attribuées à la personne. Elles permettent
d'obtenir rapidement de l ' information mais peuvent sembler invasives
et empreintes de j ugement pour le patient si elles sont employées de
façon répétée et sans précautions. Elles risquent aussi de confirmer les
croyances erronées préexistantes du patient quant à la « cause » de sa
maladie.

Intention exploratoire
L'intention des questions circulaires est d'explorer. De même que
les questions linéaires, elles recherchent de l ' information, mais, cette
"
fois-ci, sur les événements interpersonnels récurrents. De telles questions
"

reposent sur un modèle de causalité circulaire (systémique), signifiant


que les événements s' inftuencent les uns les autres et constituent des
causes réciproques. Par exemple, l 'individu déprimé peut créer un rejet
chez les autres, de par les manifestations de sa dépression, ce qui, à son
tour, accentue la dépression. En utilisant le même exemple que ci-dessus,
une question circulaire pourrait être, « quand vous êtes devenu triste et
silencieux après avoir entendu votre amie dire qu'elle préférait rester un
peu seule chez elle, quel effet pensez-vous que votre réaction a eu sur
elle ? »
Les questions circulaires peuvent aussi s'enquérir de différences
entre divers événements, afin d'en approfondir et clarifier les liens.
118 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPI E

Par exemple, « quelle est la différence entre cette relation et les pré­
cédentes ? » ou, « à quel niveau cette dispute que vous avez eue avec
votre amie est-elle différente de celle que vous avez eue avec votre mère
la semaine dernière ? »

Intention correctrice
Une question stratégique est une question avec une intention cor­
rectrice. Les questions stratégiques tentent de mettre un terme à un
comportement ou d'influencer le patient pour qu'i l change dans une
direction particulière. Par exemple, le patient dit « je veux arrêter de
boire » . Le thérapeute demande « qu'est-ce qui vous empêche d'arrêter
de boire ? ». Il essaie de diriger le patient vers un passage à l ' action
précis.

S ' i l s'agit d'une thérapie familiale, sur la base d'hypothèses qu'il


entretient à propos de la dynamique familiale, l e thérapeute en vient à la
conclusion que « quelque chose ne va pas » et essaie, par des questions
stratégiques, d'amener la famille à changer, c'est-à-dire à penser ou à se
comporter d'une manière q u ' i l pense être plus « correcte ».

Intention facilitante
Ce sont des questions réflexives. Elles reposent à la fois sur un modèle
de causalité circulaire et en même temps exercent une influence sur le
patient. Ces questions visent à stimuler le patient pour q u ' i l trouve ses
propres solutions. À la différence des questions exploratoires, l ' i ntention
n'est pas d'orienter le thérapeute dans le monde intérieur du patient
mais de pousser le patient à creuser plus profondément. Par exemple, le
thérapeute pourrait dire, « si vous continuez à boire, quels effets pouvez­
vous vous attendre à constater sur votre relation avec Sylvie ? ». Les
questions réflexives stimulent la réflexion du patient sur les implications
qu'ont ses propres perceptions et actions actuelles, afin qu'il considère
de nouvelles perspectives.

Ces questions cherchent à influencer le patient de manière indirecte


ou générale, en se basant sur le fait qu'il est un individu autonome qui
ne peut donc véritablement changer par des « instructions » directes. Le
thérapeute cherche à stimuler les ressources de résolution de problèmes
ou la créativité du patient, sans forcément savoir ou cela va mener, n i
désirer plus particulièrement tel o u tel insight de s a part.
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 19

Autres exemples des quatre types de questions


Questions linéaires : « Quel genre de choses vous amène à vous sentir
stressé ? »
Question circulaire : « Quand vous ressentez ce type de stress, com­
ment les gens réagissent-t-ils envers vous ? »
Question stratégique : Patient : « Je ne peux m' affirmer face à mon
patron. » - Thérapeute : « Ne voulez-vous pas plutôt dire : je ne veux
pas m' affirmer face à mon patron ? »
Question réflexive : « Pensez-vous que votre relation avec votre mère
serait différente si vous vous disiez qu'elle ne pourrait jamais vraiment
changer ? »

Exercice
En partant d'une famille hypothétique, quatre types de questionnement
vont successivement être exposés : à vous de les classer, en fonction de la
nature des questions posées, en entretien linéaire, circulaire, stratégique,
ou réflexif.
Une femme demande une consultation pour son mari, qui est
« déprimé » depuis trois mois et reste au lit toute la journée, causant
ainsi une assez grande frustration en elle.
l . Pourquoi ne parlez-vous pas à votre mari de vos soucis, plutôt que
d'en parler à vos enfants ? (Il ne m 'écoutera pas, et il restera au lit)
- N'aimeriez-vous pas vous arrêter de vous inquiéter plutôt que d' être
si préoccupée par lui ? (Bien sûr, mais que vais-je faire vis-à-vis de
lui ?) - Que se passerait-il si, pendant la semaine qui vient, chaque matin
à 8 heures vous l u i proposiez q u ' i l prenne une part de responsabilité
dans ce qu' i l y a à faire ? (Ça n 'est même pas la peine d'essayer) -
Comment se fait-il que vous ne vouliez pas essayer encore plus fort
c de Je faire sortir du l i t ?(Je suis fatiguée et déçue. Il ne bougera pas
"
,,, et ça me frustrera encore plus) - Pouvez-vous voir à quel point votre
attitude de retrait déçoit et frustre votre femme ? (Que voulez-vous dire ?)
- Ne pouvez-vous pas voir comment le fait d'aller au lit plutôt que de
simplement discuter de ce que vous ressentez perturbe votre famille ? (Eh
bien, je . . . ) - Est-ce que cette habitude de faire des excuses est nouvelle ?
(Je ne savais pas que j 'en avais une) - Quand allez-vous prendre votre
vie en charge et commencer à chercher un travail ? etc.
2. Comment se fait-il que nous soyons réunis ensemble aujourd'hui ?
(J'ai appelé parce que je suis inquiète de la dépression de mon mari)
- Qui d'autre s ' inquiète ? (Les enfants) - D' après vous, qui s ' i nquiète
le plus ? (C'est elle - la femme) ; Vous pensez que qui s ' i nquiète le
1 20 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

moins ? (Je pense que c 'est moi - le mari) - Que fait-elle quand elle
s' inquiète ?(Elle se plaint beaucoup, surtout vis-à-vis de l 'argent et des
factures) - Que faites-vous quand elle vous montre qu'elle s ' i nquiète ?
(Je ne l 'embête pas, je reste dans mon coin) ; Qui perçoit le plus
l'inquiétude de votre femme ? (Les enfants, ils en parlent beaucoup)
- Vous êtes d'accord avec cela les enfants ? (Oui) - Que fait votre père,
habituellement, quand vous parlez avec votre mère ? (Il va au lit) Et -

quand votre père va au lit, que fait votre mère ? (Elle est encore plus
préoccupée) ; etc.
3 . Quel problème vous a amené à venir me voir aujourd'hui ? (C 'est
surtout la dépression) - Qui est déprimé ? (Mon mari) Qu'est-ce qui
-

vous déprime tant ? (Je ne sais pas) - Avez-vous des difficultés à dormir ?
(Non) Avez-vous perdu ou pris du poids ? (Non) Avez-vous d' autres
- -

symptômes ? (Non) - D' autres maladies récemment ? (Non ) - Avez-vous


beaucoup de pensées morbides ? (Non) - Êtes-vous déçu de vous même
pour une chose précise ? (Non) - Il doit y avoir quelque chose qui vous
perturbe, qu'est-ce que cela pourrait être ? (Je ne sais vraiment pas) -

D ' après vous, pourquoi votre mari est-il déprimé ? (Je ne sais pas non
plus, c 'est juste qu'il manque de motivation, il reste au lit tout le temps)
- Cela fait combien de temps qu'il est si déprimé ? (trois mois, il n 'a
pratiquement pas quitté son Lit depuis trois mois) Est-ce que quelque
-

chose de spécial est arrivé, qui ait pu provoquer tout cela ? (Je ne me
rappelle de rien de spécial) - Est-ce que quelqu'un essaie de le faire se
lever ? (Pas vraiment) - Pourquoi ? (Eh bien, je me décourage au bout
d'un moment) Est-ce que vous vous sentez frustrée ? (Assez) - Cela
-

fait combien de temps que vous vous sentez aussi frustrée par lui ? etc.
4. Si vous lui confiez vos soucis et lui disiez à quel point tout cela
vous mine, qu' imagineriez-vous qu'il puisse penser ou faire ? (Je ne sais
pas vraiment) - Imaginons que votre mari ait beaucoup de ressentiment
vis-à-vis d' une chose précise, mais qu'il ne veuille pas vous le dire
par peur de heurter vos sentiments, comment pourriez-vous alors le
convaincre que vous êtes assez forte pour entendre ? (Eh bien, je suppose
qu'il suffirait que je lui dise) - S ' i l y avait un problème relationnel non
réglé entre vous deux, qui serait le plus enclin à s'excuser ? (Elle ne
s 'excuserait jamais !) - Seriez-vous surpris si elle le faisait ? (Ah ça
c 'est sûr !) - Supposons que cela soit pour l' instant impossible pour elle
d 'admettre une en-eur de sa part, combien de temps pensez-vous que
cela vous prendrait avant que vous puissiez lui pardonner son incapacité
à le faire ? (Humm) - Si cette dépression disparaissait soudainement,
qu'est-ce qui changerait dans vos vies ? - etc.
ÉVAL UATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 21

Après avoir classé ces modes de questionnement, justifiez mainte­


nant vos choix en fonction des critères suivants, qualifiant ces modes
(tabl eau 1 2) :

Tableau 12. Les quatre modes de questionnements.

Questions linéaires Questions stratégiques


Effet " conservateur ,, pour la famille Effet contraignant sur la famille (devra faire
(rien de vraiment neuf par rapport aux ceci ou ne plus faire cela)
concepti ons antérieures de chacun) Attitude d'opposition du thérapeute vis-à-vis
Le thérapeute finit par émettre u n de certaines actions ou façons de penser
jugement s u r c e q u i est l a " cause ,, de la famille
Questions exploratoires Questions réflexives
Augmente la capacité d'acceptation de la Questions plus inventives de la part du
part du thérapeute thérapeute
Effet libérateur pour la famille, vis-à-vis Stimule la créativité de la famille (les
des limites des conceptions linéaires questions ouvrent un espace invitant la
antérieures famille à de nouvelles perceptions, à
imaginer de nouvelles connexions, à
envisager de nouvelles solutions)

La question des diagnostics psychiatriques

Comme nous l ' avons dit, il n 'est pas approprié, ici, d ' utiliser des
critères de diagnostic validés au niveau international, car il ne s'agit
pas, dans un premier temps, de communiquer avec d'autres cliniciens en
utilisant, pour s'entendre avec eux, la définition d ' entités reconnues par
la majorité d'entre eux, quitte à opérer un certain nombre de réductions
ou d ' approximations de l ' originalité du cas de chaque patient. Tout à
l' opposé, on doit ici apporter toute son attention à la singularité de
chaque cas clinique. Au lieu de réduire à la moyenne (ce qui est de
toute façon toujours critiquable), le but est de chercher à comprendre le
mieux possible le cas particulier de chaque malade, de lui faire sentir
qu'il est compris, et de rendre compte le mieux possible de sa singularité,

ne serait-ce que, par exemple, dans le cas d'une activité de supervision.
Si la recherche empirique sur les psychothérapies se rapproche, par
certains côtés, de la recherche clinique et épidémiologique d'un point
de vue plus général, elle utilise cependant des instruments d ' évaluation
propres à chaque technique psychothérapique, destinés à rendre compte
de ses effets et tenant également compte des particularités des malades.
Dans les différents domaines de la recherche, on cherche à générali ser
le plus possible les résultats des observations ou des études. Dans la
pratique psychothérapique, il s'agit de cerner le plus possible l ' originalité
1 22 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPI E

de chaque patient et de s'y adapter pour le comprendre, créer avec lui


la meilleure relation de collaboration possible et lui proposer la ou les
méthodes de traitement les plus appropriées à ses difficultés personnelles.
On voit ainsi à quel point cette position est éloignée d'une démarche
qui consisterait à faire correspondre un traitement spécifique à chaque
catégorie diagnostique.

Le génogramme

Le génogramme est un schéma de l' arbre généalogique du patient,


décrivant sur un mode graphique l'histoire familiale, son fonctionnement,
et la nature des relations qui s'y déroulent. I l vise à mettre en évidence
les influences familiales portant sur au moins trois générations (grands­
parents, parents, et fratrie du patient). On peut utiliser le génogramme
comme support d'hypothèses sur la manière dont l ' histoire familiale
a pu favoriser 1' émergence de telle ou telle situation chez le patient
(McGoldrick et Gerson, 1 990).
Il est recommandé de l'utiliser pour répondre à des questions spéci­
fiques que l'on est amené à se poser sur un individu, un couple, ou un
système familial.
Voici quelques raisons d'utiliser un génogramme :
- pour représenter les forces et faiblesses dans les relations entre les
membres de la famille ;
- pour découvrir la présence de perturbations familiales qui peuvent
affecter le patient, comme l'alcoolisme, les abus sexuels, les divorces,
les suicides, une maladie mentale dans la famille, les schismes mari­
taux, etc. ;
- pour repérer des modalités répétitives dans les relations du patient ;
- pour rendre conscient le patient et le thérapeute des attitudes de la
famille envers la santé et la maladie ;
- pour retracer les régularités familiales vis-à-vis de certaines préfé­
rences, valeurs, et comportements, comme par exemple les problèmes
légaux, les choix et comportements sexuels, l'obésité, et les problèmes
professionnels ;
- pour repérer les relations problématiques, les individus en compétition
ou les sujets triangulés (personne qui joue un rôle clivant ou essentiel
dans une relation entre deux autres personnes) ;
- pour obtenir et représenter de façon synthétique des informations sur
les traumatismes de l' histoire de la famille (suicides, morts, deuils,
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 23

fausses couches et avortements ... ) dont les effets pourraient refaire


surface beaucoup plus tard.

La figure 8 montre les symboles utilisés pour la construction d'un


génogram me.
Une méthode consiste à tracer le squelette du génogramme (les
3 générations : les membres et leurs liens) sur une feuille de papier et
d'en faire 3 ou 4 photocopies. Sur chaque copie, le psychothérapeute
pourra faire des annotations sur un aspect particulier du fonctionnement
du patient. Une fois le squelette du génogramme dessiné, le thérapeute
sélectionnera une ou plusieurs questions nécessitant une réponse. En
utilisant l'une des copies du squelette rempli, le thérapeute accumule des
données supplémentaires en interrogeant le patient sur les membres de
la famille y figurant.
Supposons que le génogramme soit utilisé pour répondre à la question
« le patient a-t-il une histoire familiale qui le prédispose à l ' abus d'al­
cool ? » . Les habitudes de boisson des membres de la famille, incluant les
membres qui pourraient être décédés à la suite de maladies ou d'accidents
liés à la consommation d'alcool, ou le type de difficultés que ce genre
d'intempérance vise à générer chez certains membres, peuvent être
mentionnés à côté de leur symbole figurant sur le génogramme. Cela peut
s'avérer une méthode puissante pour accroître la conscience cognitive et
émotionnelle des troubles chez le patient.
Une autre méthode consiste à remplir le squelette puis le recouvrir de
feuilles transparentes. Chaque transparent contiendra un type particulier
de données sur le patient, comme les métiers ou professions des membres
de la famille, les membres les plus influents et la forme de leur influence,
l'histoire des relations sexuelles, ou l 'existence d'addictions. En utilisant
deux ou plusieurs transparents, on pourra alors répondre à des questions
du genre, « quel est l'effet des membres influents de la famille sur le
c
::
choix des métiers ? » ou « quel est l'effet des comportements sexuels
de la famille et de son histoire collective sur les comportements actuels
du patient ? ». Les transparents peuvent ensuite être photocopiés pour
archivage (confidentiel évidemment), puis effacés et réutilisés.
" Après la période de questionnement et d' enregistrement, le patient et
le thérapeute débattent immédiatement des réflexions et déductions sus­
citées par l'établissement de ce schéma ; ils examinent encore ensemble
si d' autres situations répétitives devaient être rajoutées à la liste déjà
établie de façon à déterminer avec précision les objectifs thérapeutiques
des séances suivantes.
1 24 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Symboles du génogramme

D---�------�
Symboles de base Symboles relationnels

D
Homme
0Femme
Distants

[gJ
Patient homme
©
Patient femme

� Mariés

Autres symboles

n o .. .
� Entoure tous les membres
de la maisonnée du patient

D O (Durée)
' · - - - · - · - - - - - _ _ _ . ..:

vivant ensemble Nom/âge/date-durée


Jacques (1 999/1 an) pascale

Exemple de génogramme

ENFANTS

58 Garde au père / Garde à la mère

-...
ques ..t::"'
(1 980/25 ans)
J

Robert Mort-né Jumeaux Enceinte

Figure 8. Symboles du génogramme.


ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 25

Selon Malarewicz ( 1 996), à partir de ce genre d'information, on


peut dégager trois types d'interactions : protection/protection, pétéri­
sation 1/prématuration, et bouc émissaire/victime.
J . Dans l'interaction protection/protection, une personne anticipe les
prises de position d'une autre pour se substituer à elle avec, générale­
ment, les meilleures intentions du monde. Cela ne peut se faire qu'avec
la participation plus ou moins active, ou l 'accord tacite, de la seconde
personne, sinon de lensemble de l'entourage. Protéger revient donc,
dans certains cas, à « faire à la place de », mais également, dans
d'autres cas, à « faire plus que ». La protection n'est jamais univoque,
elle est toujours réciproque. Ainsi, une mère a toutes les bonnes
raisons de protéger un fils délinquant, mais ce même fils, en retour,
lui donne la possibilité d'exercer une autorité et de se sentir utile, la
protégeant ainsi, par exemple, de la dépression. Tout lien de protection
apparent se double donc d'un lien de protection caché, qui se noue
en retour pour mieux nourrir une boucle de rétroaction où chacun
protège mieux l ' autre pour recevoir la même attention.
2. Dans l'interaction d'incompétence à prématuration (dite par l'auteur :
de pétérisation/ prématuration), certains membres de la famille, et
notamment les parents, se hissent à leur niveau d'incompétence en
tant que parents, pour déléguer, dans un même mouvement, tout
ou partie de leurs prérogatives, à un ou plusieurs de leurs enfants.
Lorsque l'enfant accepte la ou les prérogatives parentales, il passe à
un état de prématurité qui le hisse au rang des adultes. L'incompétence,
auto-administrée, qu'il est possible d'appeler également autodisqua­
lification, s' accompagne donc d'une délégation pour aboutir à une
véritable inversion des rôles où, le plus souvent, un ou plusieurs et
parfois tous les enfants prennent la place des parents.
3. Enfin, l 'interaction bouc émissaire/victime, consiste en ce que, dans
"
une famille, la double logique du bouc émissaire et de la victime
"

devient complémentaire pour aboutir à ce que l'un des membres reste


prisonnier d'un symptôme. Le patient devient la figure emblématique
de la famille, celui qui permet, par son sacrifice, la rédemption de
tous les siens. Ainsi, de nouveau, une boucle se referme entre le
besoin, ou même parfois la nécessité, de se trouver un bouc émissaire
et la jubilation sacrificielle qu'un individu peut revendiquer. Cette

1 . Terme inexistant en français et propre à cet auteur, faisant référence au « principe


de Peter », trait d'humour anglo-saxon bien connu selon lequel on place à la tête des
administrations ceux des cadres qui ont atteint leur degré maximum d'incompétence. On
pourrait parler aussi bien de « principe d' incompétence ».
1 26 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

image peut être se présenter d'une manière particulièrement nette avec


certains patients comme, par exemple, des toxicomanes qui donnent le
sentiment de prendre sur eux toute la charge des troubles de la famille.

Le modèle du BASIC ID

Ce modèle, créé par Arnold Lazarus propose d'analyser toute souf­


france sous l'angle de sept variables essentielles, interdépendantes et
interactives : il s'agit du comportement (B : behavior), des réponses
affectives (A : affect), des sensations (S : sensations et impressions
corporelles ou physiques), des images mentales ( I : images), et des
cognitions (C : cognitions, pensées, croyances). Ces cinq modalités
(BASIC) surviennent dans un contexte relationnel (où le I de ID veut
dire interpersonnel) et biologique (D : drug, biologie, état physique,
habitudes hygiéniques, prise de drogues ou de médicaments). Pour
Lazarus (La thérapie multimodale, 1 989) la réalisation d'une thérapie
complète demande que l'on porte une attention spécifique à chacune de
ces dimensions si l'on veut obtenir une efficacité de résultats durable.
Les résultats le seraient d'ailleurs d'autant plus qu'un plus grand nombre
de modalités spécifiques du BASIC ID aurait été pris en compte par
l'intervention thérapeutique.
Cet auteur appelle profil de modalité la façon dont le problème
présenté par le patient est schématisé en utilisant les sept modalités
du BASIC ID. Il appelle profil structural la manière dont un sujet utilise
les sept modalités pour vivre : ainsi certains sont plus des penseurs
(C), d' autres des êtres d'action (B), d'autres encore des rêveurs ou des
imaginatifs (1), d' autres enfin des émotionnels (A) ou des relationnels (1
du ID). Chacun peut ainsi être évalué et recevoir une note sur 1 0 eu égard
à chacune des modalités du BASIC ID, ce qui établit le profil structural.
Nous allons voir en quoi ces notions de profil de modalité et de profil
structural peuvent servir à l'évaluation et à l ' indication des techniques
thérapeutiques à utiliser.

Le profil de modalité
La sélection des techniques thérapeutiques
L'analyse en BASIC I D transforme des problèmes diffus, vagues et
généraux (anxiété, dépression, estime de soi faible, insatisfaction exis­
tentielle, problèmes de couple, conflits familiaux, etc.) en des difficultés
spécifiques, bien limitées, et interactives. Le choix des techniques devient
alors assez évident. S i on demande « quel est la meilleure technique
pour le traitement d'une faible estime de soi ? » on peut répondre, « ce
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 27

problème général doit être décomposée en ses différents éléments avant


qu'on puisse fournir une réponse ».
Si le profil de modalité d'une personne souffrant d' une basse estime
de soi révèle :
• des insuffisances dans le domaine des habiletés sociales,
• des cognitions erronées à propos des capacités prêtées aux autres,
• un évitement de la prise de risque émotionnel,
• un discours intérieur négatif vis-à-vis de soi,
• des images d'échec persistantes.

Il est assez évident que les techniques à prescrire comprendront :


• un entraînement aux habiletés sociales,
• la correction des cognitions erronées,
• des tâches de prise de risque,
• des auto-instructions positives,
• des exercices de maîtrise en imagerie.

Cependant, bien que le choix des techniques est assez simple à


concevoir, la manière précise dont il sera le plus adéquat de les mettre
en application est une tout autre affaire.

La possibilité d'un profil de modalité de second degré


Le BASIC ID initial fournit une vue « macroscopique ». On peut aussi
établir un schème du BASIC ID de second degré sur n'importe lequel
des items de la figure initiale pour l'examiner plus en détail (vision
« microscopique » ).
Prenons un exemple où l' item « mal de tête » apparaît sur le profil de
c:
modalité initial du patient, sous la modalité sensorielle (S). Supposons
"
que la relaxation ou le biofeedback ont déjà été essayés avec peu de
résultats (la règle est en effet d'essayer de traiter les problèmes avec les
procédures les plus logiques, directes, et évidentes et dont les résultats ont
été confirmés par des études). Si leur emploie a échoué, une réévaluation,
en utilisant le BASIC ID de second degré, peut alors s'avérer nécessaire.
Le mal de tête va alors être analysé une nouvelle fois sous l'angle de
ses composantes comportementales, affectives, sensorielles, imaginaires,
cognitives, interpersonnelles, et biologiques .
Au fond, c'est une sorte d' aide-mémoire qui permet, d'une manière
concise, de procéder à une nouvelle exploration sans rien oublier d'im­
portant.
1 28 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

« Quand vous ressentez ces maux de tête, que faites-vous habituellement ?


comment affectent-elles votre comportement ? quelles émotions éprouvez­
vous plus spécialement ? pouvez-vous décrire les caractéristiques de la
douleur et ses localisations ? quelles autres sensations ressentez-vous
en même temps ? évoquez-vous certaines images !or que vous avez
des maux de tête sévères ? quelles sortes de pensées vous viennent à
l 'esprit ? comment vos maux de tête interfèrent-ils avec vos relations aux
autres ? prenez-vous d'autres médicaments que ceux déjà prescrits sur
votre ordonnance ? éprouvez-vous d'autres symptômes physiques comme
des vomissements ou de l 'insomnie ? »

Une analyse au second degré fournit souvent des indices essentiels sur
les facteurs qui maintiennent le trouble.
Les réponses à cette évaluation peuvent jeter une lumière complè­
tement différente sur la signification fonccionnelle des maux de têre
et expliquer pourquoi la relaxation et Je biofeedback se sont avérés
inefficaces. Finalement, le profil de modalité de second degré peut
indiquer le recours à d'autres modalités thérapeutiques, qui auront plus
de chance d'être efficaces.
L' « ordre de déclenchement » (sequentialfiring order) et le choix des
techniques initiales
La séquence d'enchaînement des modalités conduisant au trouble
donne des indications précieuses sur la dynamique du trouble ainsi que
sur les techniques thérapeutiques à utiliser en priorité. Ce procédé est
aussi appelé « traking » par Lazarus, dont la traduction française peut être
donnée par l'expression « suivre à la trace ». Par exemple, une personne
qui est anxieuse à la suite d'une séquence CISB (d' abord ruminant
des cognitions négatives, suivi d' images catastrophiques conduisant à
des sensations dystoniques et des comportements d'évitement) a moins
de chance de répondre à des psychothérapies à médiation corporelles
comme la relaxation (car « S » est la troisième modalité dans l 'ordre
de déclenchement) alors qu'un patient qui reconnaîtrait la modalité
sensorielle comme Je stimulus initial (par exemple SCIB) bénéficierait
moins de procédures cognitives ou d' imagerie si celles-ci précédaient les
interventions sensorielles.

Le profil structural
I l est surtout utile pour ce que Lazarus appelle le « bridging », ce
que d' autres appelleraient Je « }oining » et que nous appelons « parler le
langage du patient ». Il s'agit de se mettre en communication initialement
sur la modalité d'expression préférentielle du patient, connue grâce à son
profil structural, en attendant plus tard pour aborder d' autres domaines
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 29

pouvant s 'avérer plus productifs, de manière à « parler son langage » et


à l amener à se sentir compris.
Les gens sont enclins à valoriser et à s 'appuyer plus sur certaines
modalités que d'autres du BASIC ID. Par exemple, certains sont disposés
à faire face aux difficultés de manière cognitive (intellectuellement)
alors que d' autres recherchent des solutions affectives par la décharge
émotionnelle et ses concomitants corporels ( « réaction des tripes » ) .
Les « rêveurs émotionnels » ont un penchant pour vivre les situations
qu'ils rencontrent avec leurs affects et leur imagination. Ils ressentent
différemment les relations interpersonnelles des « penseurs » et des
« êtres d'action » (ceux qui favorisent les modalités cognitives et com­
portementales). Ce ne sont pas des catégories absolues et complètement
isolées qui rendent compte de toutes les situations et restent inchangées
à jamais. Cependant, les individus font preuve d'une tendance nette
et assez cohérente à employer plutôt certaines modalités dans des
circonstances prévisibles.
Considérons les exemples suivants :

Patient - J'ai eu une dispute terrible avec mon mari ce matin.


Thérapeute - Voudriez-vous me donner plus de détails ?
P - Oh, mon dieu ! Je suis encore tellement en colère que je peux le
ressentir dans mes tripes. J'en suis encore toute tremblante. Ma tête palpite
et tout mon corps semble sur le point d'exploser.

Comparons la réponse précédente à la suivante :

Patient - Je revois encore son visage, rouge comme une tomate. Ses yeux
semblaient près de sortir de sa tête. Il faisait cette sorte de moue avec sa
lèvre inférieure, qui fait penser à un bébé sur le point de pleurer.

c:
Considérons encore cette autre réponse :
"

Patient - Le problème avec Pierre c'est qu'il argumente à partir de pré­


misses erronées. À part ses syllogismes triviaux qui me rendent furax, la
plupart de ses conclusions sont biaisées par une faute logique élémentaire
de « petitio principii ». En d'autres termes, on ne peut jamais aboutir à
une conclusion satisfaisante du fait de la défectuosité de son raisonnement,
sa conclusion étant dès Je départ contenue dans ses prémisses initiales.

Le premier exemple est celui d'une patiente à modalités d'expression


corporelles ou physiques prédominantes (S). Le second est typique
d'un patient utilisant préférentiellement la modalité de l'imagerie, et
le troisième celui d'un patient principalement cognitif. Il est donc très
1 30 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

important de ne pas répondre de manière identique à ces trois patients,


mais de se mettre en phase avec la modalité préférentielle d' expression
de chacun d'eux, tant dans l 'évaluation (questions pour approfondir le
problème) que dans l' intervention (techniques initiales utilisées pour le
traitement). En réponse à la patiente à modalité d'expression physique
on pourrait dire « parlez-moi donc de ce que votre corps ressent tout de
suite ». La première intervention thérapeutique qu'elle se verra proposée
interviendra dans un registre similaire (ex : relaxation). Le patient
imaginatif pourrait se voir répondre « imaginez-vous en train d'utiliser un
téléobjectif pour vous focaliser sur ses yeux et voir quels messages vous
pouvez y lire ». On utilisera en premier des procédures thérapeutiques
à base d'imagerie. Le cognitif pourrait se voir proposer « relevez donc
quelques-unes des prémisses erronées et des inférences tautologiques
employées par Pierre ». Des techniques cognitives pourront être utilisées
en priorité chez lui.
S i le psychothérapeute entre ainsi dans le domaine privilégié du
patient, i l aura plus de chance de se sentir entendu, compris, et reconnu.
Ensuite, il pourra plus aisément glisser vers une autre modalité :
« essayons donc un jeu de rôle ».

Autant est-il important d' entrer en contact avec le patient selon sa


modalité préférentielle ou « surdéveloppée », autant est-il important de
ne pas s'en contenter, sous peine d'aller dans le sens des résistances de ce
dernier (résistances par l intellect dans la modalité cognitive, résistances
par l 'émotion dans la modalité affective, etc.). Ainsi i l faut assez vite
explorer et développer les modalités sous-utilisées. L'idéal étant d'utiliser
une approche qui commence par la modalité surdéveloppée mais qui
puisse aussi développer la modalité atrophiée : ainsi une personne à
forte composante cognitive et présentant un déficit dans la modalité
comportement se verrait au mieux proposer une psychothérapie cogni­
tivo-comportementale (et non pas cognitive ou comportementale pure).
Dans l 'exemple suivant, le psychothérapeute se rend compte que la
modalité préférentielle du patient est cognitive, et donc, plutôt que de
forcer ce dernier à exprimer ses sentiments, i l le rejoint tout d' abord
dans le domaine cognitif, puis passe à celui des sensations physiques, en
utilisant celles-ci comme une passerelle (bridging) pour enfin atteindre
la modalité affective (bridge : pont entre Je cognitif et l' affectif).

Thérapeute - Quand votre patron vous a renvoyé, qu'avez-vous ressenti ?


Patient Oh j ' ai ressenti que c'était tellement injuste, que je ne méritais
-

pas d'être renvoyé (exprime des pensées et des opinions plutôt que des
sentiments)
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 31

T - (restant dans le domaine cognitif ) Vous pensez que vous n'aviez rien
fait qui mérite un renvoi ?
P - Oui, rien du tout.
T - Quand vous repensez à ce moment-là, quand vous étiez dans son
bureau et à la façon dont il vous traitait, avez-vous conscience de certaines
sensations dans votre corps (utilise Le domaine des sensations corporelles
comme « pont » ).
P - Je me sens tendu, comme serré dans la poitrine et avec une boule dans
la gorge, j ' avais d'ailleurs ces sensations ce jour-là aussi.
T - Concentrez-vous sur ces sensations maintenant, cette boule dans la
gorge et ce serrement, et parlez-moi des sentiments ou des images qui
vous viennent à l ' esprit.
P - Je pense que je me sens en colère, oui c'est ça, en colère, et effrayé de
ne plus pouvoir retrouver de travail.
T - Parlez-moi un peu plus de votre colère.

Si le thérapeute avait insisté pour explorer l.es émotions au tout début,


le patient se serait senti forcé et intrusé, et il aurait peut-être conclu que
Je thérapeute ne le comprenait pas.
Le thérapeute lui-même doit pouvoir développer les différentes moda­
lités de son profil structural de manière à pouvoir entrer en commu­
nication avec les modalités préférentielles des divers patients qu'il
reçoit. En d' autres termes, un thérapeute n'ayant développé que des
modalités cognitives et comportementales (un thérapeute étroitement
« penseur et être d'action ») aura des difficultés pour entrer en résonance
avec un patient se vivant surtout au travers des modalités affectives et
imaginatives (un « rêveur émotionnel » ) .

Les relations d'objet internalisées (R.0.1.) :


une conceptualisation structurale des troubles psychiques
c
:::>
Comme nous l ' avions annoncé dans l ' introduction, la théorie des
relations d'objet intériorisées (R.O.I.) est l'un des concepts, avec ceux de
schémas cognitifs et de roman personnel ou « narrati f », qui permettent
à la fois une intégration théorique et un éclectisme technique. Elle
est reconnue comme référence théorique utile tant par des Gestaltistes
(Delisle, 1990), des thérapeutes familiaux systémiques (Framo, 1 992),
des psychothérapeutes cognitivistes (Ryle, 1 990 ; Chambon et Marie­
Cardine, 1994), ou des psychanalystes (Kernberg, 1 989, 1 995).
La théorie des R.0.1 . met en présence les représentations internes du
self et celles d' autrui (les personnes importantes, objets d'un investisse­
ment significatif).
1 32 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

Le self
Il correspond au sentiment d'existence individuelle, d'autonomie et ,
plus précisément d'habitation, dans le corps, de la psyché.

La notion de relation d'objet


Elle est très couramment employée dans la psychanalyse contempo­
raine pour désigner le mode de relation du sujet avec son monde, relation
qui est le résultat complexe et total d'une certaine organisation de la
personnalité, d'une appréhension plus ou moins fantasmatique des objets
et de tels types privilégiés de défense.
On parlera des relations d' objet d'un sujet donné, mais aussi de
types de relations d'objet se référant soit à des moments évolutifs (ex.
relation d'objet orale), soit à la psychopathologie (ex. relation d'obj�L
mélancolique) (J. Laplanche et J.-B. Pontalis, 1 967)
Si Freud ne .l ' a pas ignorée, cette notion s'est développée ultérieu­
rement. Comme l'a souligné D. Lagache, cette évolution dépasse la
psychanalyse et correspond à un mouvement d'idées qui conduit à ne
plus considérer l'organisme à l'état isolé, mais dans une interaction avec
l'entourage. Elle a eu des répercussions considérables dans de nombreux
domaines et notamment en psychanalyse.

La notion d'objet
Elle doit être quelque peu expliquée car elle fait souvent difficulté.
En psychanalyse, elle désigne tout ce qui est objet d' investissement par
l'énergie psychique (d' origine pulsionnelle). On parlera ainsi d'objet
d'attention, d'intérêt, d'amour, de haine etc. Ainsi le psychothérapeute
est investi comme objet par son patient et le patient est l'objet de la
psychothérapie sans que s'y mêle aucune connotation péjorative. C'est
un terme descriptif. Il s' ensuit que psychothérapeute et patient sont à la
fois l'un pour l'autre objet d' investissement tout en gardant par ail leurs
respectivement. leur qualité de sujets.
Mais, en outre, il s'agit d'objets intériorisés, c'est-à-dire, non plus
seulement des objets réels, mais des objets fantasmatiques, des représen­
tations de ces objets extérieurs que se forme le sujet dans son appareil
psychique. Naturellement, ces représentations, ces fantasmes des objets
vont venir influencer la perception de leur réalité.

Le terme de relation
Elle est à prendre à son sens fort : il s'agit en fait d'une interrelation,
c'est-à-dire non seulement de la façon dont le sujet constitue ses objets,
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 33

mais aussi de celle dont ceux-ci modèlent son activité. La relation entre
le sujet et ses objets se fait donc dans les deux sens
Les conceptions des auteurs qui se réfèrent à cette notion sont très
diverses. Nous utiliserons surtout ici surtout celle d'O. Kernberg qui
nous paraît la plus utile dans la perspective qui est la nôtre.
La théorie freudienne des pulsions en a été modifiée. L'accent est
passé de la source de la pulsion, comme son substrat organique et du
but, la satisfaction sexuelle de la zone érogène considérée, à la relation à
l'objet. Ainsi, ce qui devient prédominant, dans la relation d'objet orale,
ce sont les avatars de l'incorporation et la façon dont elle se retrouve
comme signification et comme fantasme prévalent au sein de toutes les
relations du sujet au monde.
La notion d' objet soulève aussi des discussions. Tous les objets sont-ils
peu ou prou interchangeables ou existe-t-il des objets typiques propres
à chaque mode de relation ? dans ce sens on parlerait d'objet oral, anal
etc.
En outre, dans telle modalité de la relation d'objet, ce n'est pas seule­
ment la vie pulsionnelle qui est impliquée, mais aussi les mécanismes
de défense correspondants, le degré de développement et la structure du
moi qui interviennent aussi de façon typique dans une modalité donnée
de relation. Cette notion de relation d'objet est donc « englobante »,
« holistique », et typique de l'évolution de la personnalité (J. Laplanche
et J.-B. Pontalis, 1 967)
Le terme de « stade » tend à s'effacer au profit de celui de relation
d'objet et l'on peut désormais concevoir que, chez un même sujet
coexistent, se combinent ou alternent plusieurs types de relations d'objet.
Enfin, dans la mesure où cette notion de relation d'objet met l' accent
sur la vie relationnelle du sujet, elle risque de conduire certains auteurs
à tenir pour principalement déterminantes les relations réelles avec
l 'entourage. C'est là une déviation que refuserait tout psychanalyste
" pour qui la relation d'objet doit être étudiée essentiellement au niveau
fantasmatique, étant bien entendu que les fantasmes peuvent venir modi­
fier l'appréhension du réel et des actions qui s'y rapportent (J. Laplanche
et J .-B. Pontalis, 1 967).
JI s'agit donc bien de relations d'objets, certes, mais qui ont subi une
transformation psychique, qui ont été intériorisées et sont passées à l'état
de fantasmes et de représentations conscientes et inconscientes, mais
susceptibles, cependant d' interférer avec les relations réelles et de les
modifier.
1 34 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Les relations significatives établies dans le passé par le sujet ont donc
été intériorisées sous forme de représentations et se trouvent réactivées
dans de nouvelles situations et avec de nouvelles personnes
La théorie classique des relations d'objet propose de dévoiler et modi­
fier ces identifications et ces relations pathogènes du passé. Cependant,
dans une conception plus large de la psychothérapie, il est aussi important
de repérer et de faire disparaître les modes d' action et les mécanismes
cognitifs qui maintiennent en activité les perceptions ou représentations
des relations passées.
Le self peut être défini comme l ' ensemble des représentations,
conscientes ou inconscientes, que l'on entretient vis-à-vis de soi. I l
est considéré comme une sous-structure du moi, dans l e cadre de la
deuxième topique freudienne. L' « intériorisation » est un processus
par lequel des relations intersubjectives sont transformées en relations
intrasubjectives (intériorisation d'un conflit, d'une interdiction, etc.).
C'est le sens le plus spécifique de ce terme. Il est parfois pris comme
synonyme d' « introjection », dans un sens plus large. En fait, ces deux
processus sont très liés : lors du déclin du complexe d'Œdipe, on peut
dire que le sujet introjecte l ' imago paternelle et qu' i l intériorise le
conflit d'autorité avec le père. Ils permettent ainsi la reproduction et la
fixation d'une interaction avec l 'environnement au moyen d'un ensemble
organisé de traces mnésiques impliquant au moins trois composantes :
l . l ' i mage d'un objet ;
2. l ' image du self en interaction avec cet objet ;
3. la coloration affective à la fois de l 'objet-image (représenté) et du
self sous l'influence de la pulsion prédominante au moment même de
! ' interaction.
Le concept de R.0.1. permet de se donner une représentation synthé­
tique des structures et des mécanismes psychologiques mis en jeu dans
la relation thérapeutique et dans le processus de changement.
La partie non-consciente de la vie mentale est structurée par plusieurs
R.0.1. chez chaque individu : certaines de ces R.0.1. sont « saines »,
adaptées, en ce sens qu' elles permettent à l 'individu de satisfaire ses
besoins et désirs affectifs, matériels et relationnels de manière souple,
non douloureuse, et adaptée aux personnes avec qui il est en interaction.
Par contre certaines R.0.1. sont « pathogènes » et la place prépondérante
qu'elles occupent dans l ' organisation psychique (leur « hypertophie »)
peut empêcher le développement de R.0.1. saines (cas des troubles de la
personnalité, par exemple).
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 35

Nous garderons le terme de R.O.I., même si la figure 9 correspond


en fait à une version remaniée par Horowitz ( 1 988). Cet auteur propose
une conception des R.O.I. qu'il appelle « modèles de rôles en relation ».
Cette conception présente l ' avantage d' inscrire explicitement, dans la
structure même des R.0.1., les notions de schémas cognitifs (le self
comme self-schéma, et l'objet comme schéma d'autrui) et de scripts, de
romans personnels, ou de narratifs (scénarios, ou séquences d'interac­
tions répétitives entre le self et l ' objet).

Script, scénario, transactions, règles

Désir, besoin, attente

Action 1

Réaction 1
Self Objet

(Self - schéma) (Schéma d'autrui)

(Enfant adapté) (Parent)

Action 2

Figure 9. La Relation d'objet intériorisée.

Un modèle de rôles en relation cons.iste en une schématisation mentale


des caractéristiques relatives du self et d'autrui, et une sorte de récit
intérieur (en anglais, script) indiquant ce que chacun peut faire à
l'autre à travers une séquence d'interactions. Cette séquence, constituée
de transactions anticipées, peut débuter par l'émergence d'un désir,
provenant d'une partie du self, d'exprimer des sentiments, de satisfaire
un besoin, ou d'interagir avec une autre personne ; l'élément suivant du
�.
script consiste en une réponse attendue de la part de l'autre ; Je troisième
temps sera constitué des réactions prévues de la part du self.
Lorsqu'un type de R.O.I. est activé dans le cadre de la relation patient­
thérapeute, des phénomènes transféro-contre-transférentiels peuvent
apparaître, notamment par la mise en œuvre du mécanisme d'identi­
fication projective.
L'identification projective est un mécanisme intra et intersubjectif qui
comporte trois phases :
l . la projection d'une partie (self ou l'un de ses objets) de soi-même sur
un objet extérieur ;
1 36 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

2. une interaction interpersonnelle par laquelle celui qui projette exerce


une pression active et une influence parfois très subtile sur le récepteur
de la projection, afin que celui-ci en vienne à penser, sentir, et agir en '
accord avec la projection ;
3. la réintériorisation de la projection après qu'elle a été élaborée
psychologiquement par le récepteur.
Dans un transfert à tonalité plutôt névrotique, le patient peut projeter
un objet interne sur le thérapeute, jusqu'à déformer ses caractéristiques
propres et réelles, et chercher, par son comportement, à le faire réagir
comme il est prévu que l'objet le fasse. Le thérapeute doit donc être très
attentif aux réactions cognitives, émotionnelles et comportementales
auxquelles il sera induit. Cela lui évitera de concourir à reproduire
une relation dysfo nc ti onnell e , ramenant le sujet à l 'état « d'équilibre
objectal » pathologique antérieur et empêchant tout changement. Clas­
siquement, quand on pense au transfert comme une répétition et une
réactualisation de relations réelles ou fantasmatiques du passé, et comme
résultant de la mise en œuvre de mécanismes de défenses liés à chacune
d'elles, on se réfère aux projections de ces représentations d'objet.

Par exemple (Kernberg, 1 995), Mme Y avait eu beaucoup de difficultés à


affirmer sa différence et son droit à des désirs personnels dans sa petite
enfance, à côté d'une mère dépressive, qui, par les effets de sa dépression,
annulait chez elle toute velléité d'autonomisation et la culpabilisait. Mme Y
avait donc intériorisé un self sous la forme d'une enfant obéissante, très
attentive aux besoins et aux émotions de sa mère, très vigilante à contrôler
ses propres pulsions, afin de ne pas déclencher la réaction négative d'un
objet maternel intériorisé toujours prêt à lui interdire ou à lui reprocher (en tant
que self) toute aspiration personnelle. Dans la psychothérapie, Mme Y avait
projeté l'objet interne sur le thérapeute et s'était elle-même identifiée au self,
et ceci par la mise en œuvre d'un mécanisme d'identification projective. Le
thérapeute avait ainsi peu à peu ressenti qu'il était amené, de manière assez
insidieuse et subtile, à se comporter comme l'objet, devenant anxieux sous
l'effet des émotions " incontrôlables dont lui disait être capable la patiente,
»

se sentant progressivement douter de ses capacités professionnelles à


gérer de telles .. impulsions et étant amené à lui imposer des limites
»

comportementales trop strictes. Mme Y. , après avoir tenu des propos très
inquiétants sur la gravité de sa souffrance mentale et sur les fortes impulsions
autodestructrices qui l'habitaient, commença à devenir de plus en plus
préoccupée de ne pas créer tant de soucis à son thérapeute, essayant
ainsi de lui .. épargner certaines de ses préoccupations et angoisses
»

personnelles, évitant certains sujets d'entretien qu'elle croyait propres à


réveiller son angoisse et ses sentiments d'incompétence.
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 37

Dans un transfert plus caractéristique des structures borderlines (état


limite) ou psychotiques, ce sont les représentations du self qui peuvent
être projetées, le patient s' identifiant alors aux représentations de l'objet
de sa R.0.1.

Par exemple (Kernberg, 1 995), M. X voit son thérapeute comme nul et


impotent, incapable de faire quoi que ce soit de bien. En réalité, le thérapeute
fait un excellent travail. M. X. ayant grandi dans un environnement où il était
constamment méprisé, rudoyé, et critiqué par sa mère, a intériorisé une
image de lui-même empreinte d'une impression de nullité et d'incapacité. On
a donc affaire à un transfert basé sur la projection d'une représentation de
soi profondément disqualifiée. Si le thérapeute est manipulé par le patient au
point d'en arriver à se sentir nul et incapable, alors les différents mécanismes
de l'identification projective sont à l'œuvre. Dans cette situation, le patient
peut s'identifier à l'objet interne (la mère méprisante et revêche) et devenir
agressif et méprisant à l'égard du thérapeute.

En acceptant de se laisser influencer intérieurement par le patient, tout


en en restant conscient et en se gardant bien d' agir, le thérapeute pourra
alors assez facilement se faire une idée de ses R.0.1. pathogènes et de la
structure de sa personnalité.
La tâche de la psychothérapie e t :
1 . de créer des conditions optimales (en toute sécurité) pour la mise en
œuvre des R.O.I. du patient ;
2. de permettre à ces modalités de R.0.1. d'être déployées suffisamment
pour pouvoir être aisément reconnues : Elles pourront, dans certains
cas, par exemple à l'occasion d'un jeu de rôle ou dans le cadre d'une
technique psychodramatique, être mises en acte de façon symbolique
et, évidemment, dans ces seules limites, de façon à être mieux
perçues ;
3. d' aider le patient à réaliser et à voir ce qu'il est en train de mettre
en scène ou d'induire, au moment donné, dans le déroulement de l a
thérapie 1 ;
4. de bien se garder d' adopter le rôle complémentaire assigné par lui,
pour l ' amener à modifier et corriger les croyances sous-jacentes à ses
scénarios.

1. Il peut s'agir d'une eule séance ou d'une séquence de plusieurs séances. un


mouvement psychothérapique pouvant se déployer sur plu ieurs séances successives
et ne prendre son sens qu'avec un peu de recul.
1 38 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Ce processus est de beaucoup facilité par une attitude cohérente et


fiable du thérapeute, qui se positionne en tant qu'être humain adulte et
surtout en technicien compétent, capable, à la fois, de comprendre de
l'intérieur ce que vit, souvent à son insu, Je patient, et de prendre assez de
recul pour pouvoir faire travailler techniquement la situation au lieu d'y
participer. La manière de réagir du psychothérapeute va ainsi invalider un
certain nombre de fantasmes ou de croyances fausses ou anachroniques,
en décalage par rapport à la réalité et ce que cette notion implique du
comportement ou des intentions des autres à son égard, mais toujours
actives chez le patient.

Rêves
Rêveries
diurnes

Problèmes
Relations relationnels
passées présents
significatives

Relation
thérapeutique

Figure JO. Les sources diagnostiques des R.0.1.

Les R.O.J. peuvent être repérées et nommées au cours de la phase de


conceptualisation, après une bonne écoute et une évaluation soigneuse.
Les modalités de R.0.1. les plus importantes seront repérées en raison
de leur présence récurrente dans quatre catégories de situations : les rela­
tions passées de l'enfance, les problèmes relationnels et psychologiques
actuels, la relation thérapeutique, les rêves et rêveries diurnes (Diguer et
coll., 1 997).
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 39

Chez chaque psychothérapeute sont également à l ' œuvre ses propres


modalités de R.0.1. Elles sont susceptibles d'entrer en interaction avec
celles du patient et d'influencer la relation thérapeutique.

Thérapeute

" Prédispositions "


" Scénario .,

Figure 1 1 . La relation thérapeutique et les R.0.1.

La figure 1 1 montre le rôle que les R.0.1. du patient et du thérapeute


peuvent jouer dans la relation thérapeutique. On y voit comment les
R.0.1. du patient (B l ) (transfert), mais aussi celles du thérapeute (82)
(contre-transfert), vont pouvoir jouer un rôle dans l' alliance de travail.
Les parties Al et A2, représentent le « moi observateur », fondé sur la
réalité, capable de reconnaître l'activité des R.0.1. et de s'en distancier.
Chez le patient, cette partie (A l ) est à l'origine de I 'aJJiance thérapeu­
tique et moteur du changement.
Le thérapeute doit bien connaître ses propres R.0.1., être conscient de
leur réactivation et savoir les neutraliser. Il doit même le plus souvent
les avoir modifiées, ou en tout cas suffisamment reconnues et en avoir
acquis une capacité de contrôle suffisante, par une thérapie personnelle.
Sa partie « moi observateur » (A2) doit s'être suffisamment développée.
Comme exemple de l'utilisation du concept de R.0.1. dans le cadre
d'une psychothérapie à visée « intégrative », prenons Je cas d'une
adolescente.
1 40 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Cette adolescente se lie toujours à des filles plus âgées ; celles-ci la traitent
de manière méprisante et l'exploitent. On pourrait concevoir cette situation
comme l'expression de la mise en actes, dans la situation actuelle, des
modalités d'une relation d'objet internalisée à partir de la relation (réelle et
fantasmatique) établie avec une mère vécue (à tort ou à raison) comme
abusive dans l'enfance. On peut supposer que ce type de relation avec sa
mère serait l'une de celles que cette adolescente pourrait chercher à changer
ou à fuir. Cependant, du fait des croyances négatives qu'elle entretient
à l'égard d'elle-même, et des façons erronées de concevoir les autres et
d'interagir avec eux ou elles auxquelles elle a été conduite, elle n'attire
finalement que des personnes qui la percevront et se comporteront avec elle
d'une manière qui ressemble à, et confirme l'image internalisée de sa mère
et celle qu'elle entretient d'elle-même.

La conception psychanalytique traditionnelle de la théorie des rela­


tions d' objet conduit à u n seul type d' intervention : l'interprétation de la
répétition inconsciente des traumatismes du passé et de ses répercussions
sur le mode de comportement actuel de cette adolescente avec ses
camarades.
Mais, dans une conception plus large, beaucoup d'autres interventions
sont possibles. Ici nous citerons des interventions cognitives, comporte­
mentales, gestaltistes, et systémiques.
- Les méthodes comportementales comme l' observation, la répétition,
ou l 'utilisation de modèles pourraient être utilisées pour construire et
renforcer J e répertoire d' habiletés interpersonnelles de cette adoles­
cente (affirmation de soi). Se conduire de façon plus adéquatement
affirmée modifierait ainsi les réponses des autres et l' amènerait à se
découvrir différente de ce qu'elle pensait.
- Les techniques cognitives pourraient être utilisées pour combattre
les conceptions négatives du self et aider le sujet à adopter des
jugements et des évaluations de ses relations interpersonnelles plus
justes et utiles pour lui. Des changements du fonctionnement cognitif
entraîneraient des expériences relationnelles positives. Mais, surtout,
ces changements mettraient un terme au renforcement continu du
prototype pathologique de mode de relation (le self impuissant abusé
par la mère), ce qui, en retour, ouvrirait la voie à la restructuration des
représentations d' objet intemalisées.
- Dans un groupe de psychothérapie Gestalt, cette patiente mettrait
probablement assez rapidement en jeu son mode de R.O.I. dans
l ' interaction avec d'autres participants. Elle se verrait alors confrontée
à la réalité des autres, différente de ce que lui faisait appréhender
ses projections, et ferait l 'expérience de relations profondes, dans
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 141

lesquelles elle trouverait une autre façon de satisfaire ses besoins


affectifs en se détachant des représentations de soi ou d'autrui qui
la conduisaient à s'en défendre et à les éviter plutôt qu'à les vivre.
- Dans une thérapie familiale systémique, elle prendrait conscience de
la nature biaisée des interactions et des rôles prescrits par la famille, à
l 'origine de ses représentations de soi et d'autrui. Elle pourrait alors
exprimer de manière nouvelle, envers certains membres de sa famille,
ses émotions et besoins affectifs. Certaines règles familiales ainsi que
certains rôles qui lui avaient été prescrits, intériorisés secondairement
sous forme de R.O.I., pourraient aussi y être remis en cause.

Selon le type de structuration psychique, les relations d'objet intério­


risées prendront une forme particulière (figure 1 2).

Structure névrotique

Structure bordeline

�'i -
-
Structure psychotique

Figure 12. Les relations d'objet intériorisées et la psychopathologie.


1 42 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

• dans la structure névrotique, une modalité de R.O.I. prédominante et


bien organisée sera au centre des difficultés du sujet ;
• dans l' organisation borderli ne de la personnalité, les représentations
du self ainsi que celles de l 'objet seront clivées, avec coexistence
de représentations partielles du self et de l ' objet (au moins deux de
chaque) ;
• dans l' organisation psychotique, une relation d'objet longtemps enkys­
tée et dissociée du reste de la vie psychique est réactivée lors d'un évé­
nement interne ou externe déclenchant des émotions non intégrables, et
la R.O.I., longtemps dormante et épargnant jusque-là la vie psychique,
vient l' envahir.

Pour chacune de ces organisations, une stratégie thérapeutique parti­


culière s'imposera.
- Dans la structure névrotique, une ou quelques R.0.1. prédominent,
s'expriment à la fois dans les difficultés présentes du patient, dans
la relation au thérapeute (transfert) et peut être mis en relation avec
l'histoire passée du patient (interprétation « génétique ») Cette ou ces
.

R.O.I., assez facilement reconnaissables, peuvent alors directement


faire l 'objet d' interventions thérapeutiques. Ces R.O.J. ont accom­
pagné le développement du patient, ont « grandi en même temps
que lui », et se sont trouvées confirmées à maintes reprises dans son
existence. Elles correspondant à des besoins, désirs, émotions que le
sujet ne peut se permettre de reconnaître ou d' exprimer, qu'il est obligé
de réprimer ou qui activent divers mécanismes de défense.
- Dans la structure des états limites (borderline), de multiples modalités
de R.O.I. clivées et partielles, contenant, chacune, des représentations
partielles du self et de l'objet liées par des relations affectives très
primitives, vont tour à tour être mises en jeu dans la situation théra­
peutique. L'échec de la mère à établir un lien affectif viable avec son
nourrisson dans les premiers mois de sa vie peut interférer avec le
contrôle de la tension de base - c'est-à-dire le développement de fonc­
tions régulatrices nécessaires pour doser l ' arrivée d' affect et prévenir
à la fois l'insuffisance et l'excès de stimulation (Basch). L'enfant sent
le danger entraîné par un excès de pulsions agressives peu modulées,
ces dernières pouvant être d'origine primaire (constitutionnelles) ou
secondaire (réactives à l'environnement) (Kernberg). Ainsi, l 'enfant
est soit né avec une capacité réduite à tolérer les pulsions agressives
normales et l' anxiété qui accompagne le fait d'éprouver des sentiments
agressifs envers l' être aimé, ou bien est le siège de pulsions agressives
d'une intensité inhabituelle, du fait de la frustration excessive de ses
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 43

besoins et de ses désirs fondamentaux par les parents. L'enfant a donc


été incapable de synthétiser les introjects positifs et négatifs dans
des images du self et de l 'objet cohérentes. Le thérapeute devra tout
d'abord, pendant une période assez longue, repérer, tolérer, mettre
en sens ces diverses formes de R.0.I. Ce n'est que plus tard qu'une
synthèse de ces formes partielles en une R.O.I. globale, intégrant les
diverses représentations du self et de l'objet pourra émerger et donner
lieu à un transfert ainsi devenu plus « névrotique ». Cette intégration
est d' ailleurs l' objectif principal du traitement du patient présentant
un état limite, l' amenant à tolérer l'ambivalence, à accepter une image
de soi et de l'autre qui ne soit ni totalement bonne ni totalement
mauvaise, à mieux identifier et maîtriser ses pulsions et émotions,
en les rattachant à une image de soi plus stable, plus complète et
valorisée.
- La. psychose correspond à un autre cas particulier. Dans la névrose
ou les troubles de la personnalité (hormis Je cas du borderline) la
R.0.1. a « grandi avec soi » : elle s'est donc « humanisée » et enrichie
de contacts avec la réalité qu'elle a elle-même un peu contribué à
transformer. À l ' i nverse, dans la psychose, une R.0.1. bien précise
s'est enkystée comme un abcès, épargnant Je reste de la vie psychique.
On pourrait émettre comme hypothèses, pour tenter d'expliquer cet
enkystement, la précocité de la formation de cette R.O.I., la nécessité
vitale, pour la survie, de contenir et mettre de côté certaines émotions
et représentations trop traumatisantes, des capacités faibles de verbali­
sation ou de réflexion sur lui-même de l'enfant à cette période-là, des
capacités neuropsychologiques d'intégration encore insuffisantes, etc.
En tout cas, cette R.0.1. est restée dormante, dissociée et clivée du
fonctionnement mental, (à cause d'émotions trop fortes, trop précoces,
trop traumatisantes, qu'elle contient aux deux sens du terme). Pour
continuer la métaphore, quand cet abcès s'enflamme il provoque une
"
:>
septicémie qui va envahir toute la vie psychique, avec un manque
total de toute possibilité de prise de recul, un égocentrisme cognitif
(au sens de Piaget) par impossibilité de décentration. En effet, une
fois réactivée au début du premier épisode psychotique, elle n'est pas
reconnue comme provenant de soi, elle est associée à des mécanismes
de défense infantiles et une pensée magique datant de l'époque de sa
formation, elle empêche l ' empathie vis-à-vis de soi et d'autrui, n'est
pas en contact avec la réalité et fonctionne de façon totalitariste. Elle
se manifeste par des hallucinations, la création d'un délire directe­
ment sous-tendue par son contenu cognitif et affectif, l' apparition de
sensations non reconnues comme provenant de soi par Je sujet, ou
1 44 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

si les émotions qu'elle provoque sont trop fortes, une confusion et


désorganisation de la vie mentale, provoquant des symptômes négatifs
de fuite, retrait, repliement sur soi-même, extinction de toute émotion,
et parfois de toute vie mentale. Il faut affiver à aider le patient à faire la
différence entre la R.0.1. qui a pris le contrôle de sa vie mentale et la
réalité des gens et du monde qui l'entourent, en réinstaurant l ' aptitude
à supporter l 'épreuve de réalité (au sens de O. Kernberg). Il faudra
aussi qu'il en vienne à ressentir cette R.0.1. comme faisant partie
de Soi, liée à son histoire, et qu'il s'en réapproprie les croyances et
émotions qui lui sont reliées. Dans la relation thérapeutique, il faudra
insister sur la relation réelle et la confronter aux distorsions qu'elle
subit, du fait des fantasmes, biais cognitifs, et défenses primitives du
patient : « qu'est-ce qui vient de vous », « qu'est-ce qui vient de moi ».
Il faut aussi que le patient devienne capable de réattribuer à ses propres
pensées et émotions des phénomènes qu'il attribue à l'extérieur et sur­
tout à autrui (hallucinations par exemple), lutter contre les biais de type
« pseudo-télépathie » 1 ou « raisonnement émotionnel » 2, développer
les capacités d'empathie et de reconnaissance des différences entre soi
et l ' autre.

Revenons sur l'épreuve de réalité, telle que la définit O. Kernberg.


Elle conespond à la capacité de distinguer le self du non-self, l'origine
intrapsychique des perceptions et des stimuli de Jeurs origines extérieures,
et aussi la capacité d' évaluer d'une manière réaliste ses propres affects,
son propre comportement et ses propres contenus de pensée, selon les
normes sociales habituelles.
Au plan clinique, on évalue les effets de l 'épreuve de réalité à :
• l ' absence d' hallucinations et de délires ;
• l' absence d' affects, de contenus de pensée ou de comportements
manifestement inadéquats ou bizarres ;
• la capacité de comprendre, dans une relation d' empathie, les remarques
que font les autres sur ce qui leur paraît inadéquat ou surprenant dans

1 . Biais qui correspond à la croyance « je sais très bien ce que tu penses » ou bien « tu
sais très bien ce que je pense (ou ce que je ressens) ». La conséquence est que le sujet
pense ne pas avoir besoin de communiquer avec l' autre pour vérifier si ses préjugés sur
les intentions de l' autre sont bien fondés.
2. Biais qui pourrait s' énoncer comme suit : « si je ressens quelque chose émotionneJ­
lement alors cela prouve que cela est vrai ». Cela peut provoquer des pensées ou des
croyances du genre « si j'ai peur de toi alors cela prouve que tu me veux vraiment du
mal ».
É VALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 45

les affects, les comportements, ou les contenus de pensée du patient


dans le contexte habituel de ses interactions sociales.

On remarquera avec une attention toute particulière que la survenue


d'un ou plusieurs épisodes psychotiques chez un patient ne signifie
pas que son fonctionnement psychique est organisé sur un mode de
structure psychotique : de tels patients peuvent aussi présenter une
structure d'organisation de la personnalité de type névrotique ou état
limite pendant les périodes de rémission.

L' ÉTABLISSEMENT D ' O BJ ECTIFS T H É RAPEUT I Q U ES


ET LA PLAN I FI CAT I O N D U TRAITEMENT
La psychothérapie nécessite l'établissement d'un contrat explicite
entre le patient et le thérapeute, qui énonce ouvertement les attentes réci­
proques, permette une focalisation des séances, et accroisse l'implication
du patient.
Les objectifs thérapeutiques devraient être déterminés conjointement
par les deux parties, en associant et en confrontant les deux points de
vue différents, celui du patient dans sa singularité personnelle et celui de
la compétence, de l' expérience, et de l' objectivité du thérapeute.
Il est important que les contrats soient formalisés sous formes d'objec­
tifs ou de reformulation positive des problèmes. Ces objectifs ne seront
pas nécessairement quantifiables, mais doivent être clairement compris
par les deux parties.
Il est fréquent que les objectifs aient besoin d'être simplifiés ou
décomposés en buts réalisables. Ceux-ci doivent alors être classés par
ordre de priorité avant de conclure la discussion du contrat.
L'intervention thérapeutique doit viser à l'intégration de deux types
d'objectifs : l'un concernant le changement symptomatique et l'autre, le
développement de la personne.
Une fois un tel contrat établi, le thérapeute doit s' atteler au choix
des stratégies thérapeutiques ou des techniques qui aideront le mieux le
patient à réaliser ses objectifs.
Comme cadre de référence, nous proposons l'utilisation du concept
de « facteurs curatifs communs » (adaptés de J. Frank), qui aide à
planifier de manière cohérente le traitement. Ce concept permet en effet
d'identifier, dans un premier temps, les facteurs curatifs qui semblent
déterminants pour la thérapie envisagée, puis, dans un deuxième temps,
1 46 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

de choisir un certain nombre de stratégies plus spécifiques, qui pourront


être employées pour aider Je patient à changer dans la direction souhaitée.

L'utilité de la formulation d'objectifs thérapeutiques

La fonnulation d'objectifs thérapeutiques, résultat d'une discussion et


d'une négociation entre le patient et le thérapeute peut se réaliser au cours
d'un processus de nature plus ou moins directif, actif, et systématique,
selon l 'approche psychothérapeutique dont il s'agit. Cependant, quelles
que soient les modalités de sa réalisation, elle semble indispensable,
même avec les techniques connues comme les moins directives. Ainsi,
Gilliéron ( 1 997), tenant des psychothérapies brèves d'inspiration psycha­
nalytique, insiste sur ce point :

« [ ] les critères d'efficacité sont loin d'être faciles à définir et varient


...

beaucoup selon les optiques théoriques (on pourrait parfois dire idéolo­
giques) du psychothérapeute. Pour le psychanalyste, l 'efficacité sera jugée
sur la base de l ' amélioration de l ' insight du patient (amélioration de l a
compréhension de soi-même) ; pour l e compo11ementaliste, c e sera surtout
la disparition des symptômes. Mais ces critères suffisent-ils à définir un
succès ou un échec ? Si le psychanalyste a obtenu ce qu'il désirait, une
prise de conscience chez le patient, si le comportementaliste a obtenu ce
qu'il désirait, la disparition du symptôme, qu'en est-il du patient ? De fait,
ce dernier a son mot à dire puisque c'est lui qui formule une demande,
même dans les cas où la consultation est motivée par la souffrance de
l 'entourage plus que par celle du consultant. Le thérapeute doit répondre
à une requête du patient et, si ce dernier n'éprouve aucun besoin d 'aller
au-delà d'un certain point, pourquoi devrait-ce être ressenti comme un
échec personnel ? Ne devrait-on pas adopter à son égard une attitude
empreinte de modestie et faire confiance à sa capacité de décision, non
sans lui avoir ouvert les portes d'un changement plus profond ? Pour
cette raison, nous considérons que la théorie de référence du thérapeute
devrait prendre en compte la demande du patient, ce que M. Balint a
montré il y a longtemps déjà ( 1960). C'est pourquoi, en conséquence, le
modèle théorique auquel nous nous référons est conditionné par l'analyse
des rapports entre attentes (demandes) du patient et offre (réponse) du
thérapeute ».

Greenberg et Paivio ( 1 997), tenants d'une psychothérapie « expérien­


tielle et processuelle » , de nature essentiellement humaniste, soulignent
que la formulation des problèmes et des objectifs thérapeutiques implique
un processus d'évaluation continu, se basant sur les problématiques
présentes au cours de chaque séance, et ne se centrant pas sur un
diagnostic global de personnalité. Le thérapeute se focalise donc toujours
sur ce qui émerge dans Je présent de la séance, et retient cela comme le
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 47

plus important pour le client. Cependant, Greenberg et Paivio soulignent


aussi, simultanément, qu'il faut toujours veiller à équilibrer, d'une part,
une présence attentive et souple aux processus en cours avec, d' autre
part, une prise en compte et une compréhension des buts plus larges de
Ja psychothérapie, qui ont été fixés auparavant de manière collaborative.
Par exemple, s'il a été préalablement décidé que Je client veut résoudre
une relation difficile avec un parent, et que ceci n'a plus été discuté lors
de plusieurs séances précédentes, le thérapeute peut demander : « où
en êtes-vous concernant les difficultés de relation avec votre mère ? » .
Ce recentrage sur la thématique principale est essentiel lors d'une
psychothérapie limitée dans le temps.
Les fonctions de la formulation d'objectifs sont les suivantes :
- elle modifie les attentes du patient concernant ce qui peut être accompli
de manière réaliste ;
- en sélectionnant les objectifs individuels du patient, la thérapie a plus
de chance de viser la satisfaction de ses besoins, plutôt que de viser des
objectifs dérivés uniquement de l'orientation théorique du thérapeute ;
- quand les objectifs sont compris de manière claire par le patient et son
thérapeute, le thérapeute peut déterminer s'il possède les compétences
nécessaires pour continuer la prise en charge, ou s'il doit référer le
patient à quelqu'un d'autre ;
- beaucoup de patients ont de la difficulté à imaginer ou à envisager un
mieux-être. La représentation de bénéfices du traitement aura tendance
à focaliser leurs ressources et leurs énergies et à accroître leurs espoirs ;
- des objectifs fournissent une base rationnelle pour sélectionner les
stratégies thérapeutiques qui seront employées ;
- des objectifs aident le thérapeute à déterminer à quel point une thérapie
a été bénéfique pour Je patient. Ces objectifs fournissent aussi au
patient une base pour évaluer à quel point le traitement lui a été
bénéfique ;
- de même que pour les procédures d'évaluation des problèmes, le
simple fait d'établir des objectifs peut s'avérer thérapeutique. Le
patient qui est au clair vis-à-vis de ses objectifs sera capable de
travailler sur ceux-ci pendant et en dehors des séances. L'établissement
d'objectifs thérapeutiques le motive aussi à travailler plus ardemment
au cours de la thérapie.
1 48 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

La décomposition du problème en buts réalisables


et leur ordonnancement
Souvent les patients se présentent au thérapeute non pas avec un
problème bien défini, mais avec une plainte composée d'un mélange
de sentiments, de malaises, de référence à des gens et à des événements
qui peuvent facilement égarer l'un et l'autre. Les objectifs thérapeutiques
de cette sorte sont de trois types : non focalisés, non réalistes, et non
coordonnés.
- Les objectifs non focalisés sont des objectifs qui sont soit trop larges,
soit hors de la conscience du sujet. De tels buts sont très difficiles à
hiérarchiser dans l'ordre d'une priorité thérapeutique. Ils sont difficiles
à formuler d'une manière qui les rende susceptibles d'élaboration. Un
exemple en est la déclaration suivante d'un patient : « je ne sais pas
vraiment ce qui va mal ; je suis simplement mal à l ' aise dans tout ce
que je fais ».
- Des buts non réalistes correspondent à des désirs vaguement exprimés
visant « le bonheur » ou bien « faire que tout redevienne comme avant
dans notre mariage » .
- Enfin, des buts non coordonnés sont des buts apparemment incompa­
tibles les uns avec les autres ou avec la personnalité du patient. Avant
d'accepter la formulation d'un objectif par le patient, celui-ci doit
être :
- décrit sous une forme qui en permette le travail,
- réaliste,
- ordonné à une priorité (les buts principaux doivent être évidemment
placés avant ceux de moindre importance).

Pour résumer, la tâche thérapeutique à ce niveau est de décomposer les


problèmes pour les transformer en objectifs réalistes, acceptables pour
le patient et le thérapeute, et ordonnés par ordre de priorité.
Une attention toute particulière sera portée à cette remarque : l'objectif
principal du traitement, tel qu'il doit être initialement présenté au patient,
doit viser à diminuer son inconfort, c'est-à-dire qu' i l doit d'abord
prendre pour cible les conséquences comportementales ou affectives des
difficultés évoquées par les plaintes. Si on se réfere au modèle A-B-C
d'Ellis ( 1 984), où A se réfère aux événements internes ou externes,
B aux croyances, pensées ou significations que le sujet attribue à ces
événements, et C aux conséquences affectives ou comportementales, le
problème pour le patient se situe en C, et pas en B, même si notre objectif
thérapeutique (à nous thérapeute) sera de modifier B. Les objectifs
É VALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 49

négociés devront donc concerner C et être formulés en des termes si


simples et concrets qu'un enfant de 7 ans devrait pouvoir les comprendre
(Berne).

Intégration des objectifs centrés sur le changement


symptomatique et sur le développement de la personne
Une division grossière peut être effectuée dans le champ des psycho­
thérapies entre deux grandes classes d' approches :
• l' approche directive et comportementale,
• l' approche non-directive se référant à la fois au champ des psychothé­
rapies psychodynamiques et des psychothérapies humanistes.
Le premier groupe privilégie le symptôme, et le second l'abord de la
personne. Une thérapie centrée sur le symptôme définit ses objectifs en
termes observables et précisément délimités. Une thérapie centrée sur
la personne les définit en prenant d'abord en compte le développement
harmonieux ou la maturation de la personne. La thérapie centrée sur les
symptômes vise des cibles, des habiletés, et des réalisations concrètes ;
la thérapie centrée sur la personne, elle, cherche à favoriser sa transfor­
mation, son épanouissement, et sa libération.
Le choix entre ces deux types d' objectifs est souvent conçu de
manière exclusive ; on doit diriger ses efforts soit vers la modification du
symptôme, soit vers le changement intérieur. Le thérapeute « orthodoxe »
préoccupé en priorité de la personne croit que le développement person­
nel constitue la voie royale pour modifier le symptôme ; le contraire
est vrai pour le thérapeute centré sur le symptôme. Il n'existe donc pas
de vrai choix pour les thérapeutes qui s' abritent en toute sécurité dans
le confort d'une orientation stable et unique. Pour le psychothérapeute
éclectique, à l 'inverse, le choix peut s' avérer paralysant. Un type de
technique permettant d'atteindre un objectif thérapeutique intégratif, qui
J.
"
lie l'action sur les symptômes et Je développement personnel avec effet
de réciprocité mutuelle, peut alors apporter une réponse à ce dilemme.
L'objectif intégratif peut être comparé à une formule qui donne une
pondération équivalente aux deux types d'objectifs, en établissant entre
eux un lien de causalité mutuelle : le progrès dans l'un des champs
d'action entraînera le progrès dans l ' autre. La formule contient deux
parties : la première consiste en un lien rationnel entre les deux objectifs,
et la seconde rend leur relation symétrique explicite. Par exemple (les
deux parties de l'objectif intégratif sont indiquées par les lettres « a » et
« b ») .
1 50 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Une jeune fille de 1 7 ans est envoyée consulter un psychologue scolaire


parce qu'elle est souvent découverte en état d'ébriété sous l'effet de l'alcool
ou d'une avtre drogue. Elle montre très peu d'intérêt à parler de ses
problèmes, mais exprime volontiers les sentiments confus qu'elle éprouve
à propos de sa situation personnelle et de sa vie sexuelle : elle a été une
enfant adoptée et se sent attirée par les femmes. Le thérapeute, cependant,
ne pourrait se contenter d'un objectif centré uniquement sur la personne,
car tout progrès dans le domaine personnel serait anéanti par l'effet des
drogues, de l'alcool, et des relations sociales qu'implique la consommation
de ces toxiques. l.'.avis suivant (à connotation intégrative) fut donc formulé :
(a) vous vous sentez profondément incertaine de votre identité : vous ne
savez pas qui étaient vos parents, vous doutez de votre identité sexuelle et
vous ne savez pas ce que vous voulez. Chaque fois que vous commencez à
entrevoir une direction personnelle, un lien encore fragile pouvant articuler
vos désirs, sentiments, et actions, vous effacez tout cela en vous droguant
ou en buvant. Les drogues et l'alcool agissent sur vous comme une tempête
de sable effaçant toutes les traces de votre identité naissante. D'un autre
côté, en ne sachant pas qui vous êtes, vous êtes attirée par les drogues
pour remplir votre vide intérieur. (b) Les deux problèmes n'en constituent
en fait qu'un seul : en vous gardant de toute consommation de drogue ou
d'alcool, vous entreverrez progressivement les signes d'une continuité et
d'une cohérence personnelle, et vous découvrirez quels sont vos désirs et
sentiments intérieurs. Et au fur et à mesure que vous apprendrez à savoir ce
que vous voulez et qui vous êtes, il vous deviendra moins difficile de vous
abstenir de drogues et d'alcool 1 •

En développant un objectif intégratif, le thérapeute n'est pas autorisé


mais obligé de considérer à la fois la perspective symptomatique et
développementale. Lorsqu'une relation de renforcement mutuel est
établie entre les deux types de perspective, l 'objectif intégratif transforme
l'hésitation conceptuelle en un puissant potentiel d'action. Chaque type
d' objectif est ainsi formulé qu'il implique obligatoirement l' autre, le
travail sur le symptôme devenant chargé de connotations personnelles
et le travail sur la personne se trouvant renvoyé à un arrière-plan
symptomatique. L'objectif intégratif offre donc la possibilité d'embrasser
les motivations du patient pour un changement à la fois symptomatique
et personnel, conduisant ainsi à un engagement plus fort dans sa psycho­
thérapie.

1 . Nous sommes bien conscients que ce type d'intervention n'est pas forcément efficace
i mmédiatement avec ce genre de malade. La question n'est pas ici de discuter des
modalités d'intervention auprès des adolescentes toxicomanes ou alcooliques, mais de
montrer comment les deux types d'objectifs peuvent y être liés.
É VALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 51

La formule aide le thérapeute qui se sentirait un peu perdu dans une


prise en charge, de différentes manières :
• elle relie des interventions thérapeutiques disparates à un thème
commun ;
• elle offre un cadre conceptuel suffisamment large pour donner un sens
à un matériel nouveau ;
• elle libère le thérapeute face à un choix paralysant ;
• elle accroît son sentiment d'efficacité, au profit de l'alliance thérapeu­
tique.

La décomposition du problème en buts réalisables

La décomposition du problème en transforme la formulation initiale


en des objectifs permettant un travail thérapeutique. Ce processus guide
le patient à travers 4 étapes :
1 . la déclaration d' intention,
2. la formulation de souhaits,
3. des buts spécifiques,
4. des objectifs concrets et spécifiques.

Étape 1. La déclaration d'intention


À cette étape, le patient montre son intérêt pour changer quelque
chose dans sa vie. Un exemple de déclaration d'intention serait, « i l
m'est récemment apparu clairement que j e ne peux pas continuer comme
ça ». Dans les premiers temps de la relation, le thérapeute est enclin
à demander au patient de continuer à développer cette formulation, de
manière à explorer, observer, évaluer, et établir fermement la relation de
c:
::J soutien. Le thérapeute peut répondre à la déclaration du patient en en
paraphrasant Je contenu.

Patient (déclaration d'intention) - Il m'est récemment apparu clairement


que je ne peux pas continuer comme ça.
Thérapeute (paraphrase le contenu) - Vous en êtes arrivé à un point où
vous avez besoin de changer quelque chose.

Finalement, thérapeute et patient ressentent le besoin de changer de


niveau et de commencer à travailler en visant un changement. À cette fin,
le thérapeute utilise des directives ou des questions qui permettent une
focalisation toujours plus étroite. Le dialogue suivant est un exemple de
1 52 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

décomposition du problème lorsque le patient présente une déclaration


d' intention.

Patient (déclaration d'intention) - Il m'est récemment apparu clairement


que je ne peux pas continuer comme ça.
Thérapeute (question avec une intention exp/oratoire) - Continuer, comme
quoi ?
P - Vivre cette situation à la maison. Ma femme, et toute la pression que
j'ai au travail. Au travail, personne ne comprend ce que j'endure, etj'en
ai matTe de faire des excuses.
T (utilise les mots pression et situation, pour être en accord étroit avec les
termes choisis par le patient pour décrire son problème et donc s 'identifier
à lui) - D'où vient le maximum de pression dans cette situation ?

P - Je dirais que c'est dans mon mariage. C'est su1tout de là. Deaucoup
de choses tournent autour de ça.
T (vérifie que le mariage constitue Le problème central) - Si le mariage
allait mieux, les autres choses s'en trouveraient-elles aussi améliorées ?
P - Oui. je serais certainement plus capable de me concentrer au travail.
T (décomposant le problème) - Qu'y a-t-il, à propos de votre mariage qui
vous affecte tant que vous ne pouvez arrêter d'y penser ?
P Je pense toujours qu'elle est peut-être, vous savez, infidèle. Je sais
-

qu'elle ne l'est pas, mais elle me dit que je suis toujours en train de la
surveiller. Et alors cela la met en colère.
T - Donc, une façon de formuler le problème est que vous êtes très souvent
préoccupé de savoir si votre femme voit quelqu'un d'autre, au point que
votre travail en est affecté et que votre femme est souvent en rogne contre
vous.
P - C'est ça.

Étape 2. Formulation de souhaits


Une fois le problème ainsi isolé, l'étape suivante consiste à transformer
le problème en une formulation de souhait. On procède en demandant au
patient d'envisager le futur, et d' imaginer comment les choses seraient si
le problème était résolu. Continuons le dialogue ci-dessus, pour illustrer
l' action du thérapeute.

Thérapeute - Comment aimeriez-vous que les choses soient. si tout


s'arrangeait ?
Patient - Bien, j'aimerais pouvoir aller au travail sans avoir à me demander
si ma femme n'est pas en train de batifoler. Et, quand je retourne à l a
maison, que nous puissions sortir ensemble plus souvent, comme nous le
faisions avant que nos enfants ne naissent. Pas tous les soirs. Je travaille
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 53

dur et parfois je suis vraiment trop fatigué. Et nous sortirions sans qu'il
n'y ait encore de disputes.

Étape 3. Des buts spécifiques


Maintenant que le patient a pu imaginer une issue favorable possible,
la troisième étape consiste à ce que le thérapeute reformule plus spé­
cifiquement le souhait du patient, en lui demandant ce sur quoi il est
d' accord et ce sur quoi il ne l'est pas. Ensuite, le thérapeute demande
au patient qu'il repère les aspects les plus importants du problème et
mette de côté, pour un examen ultérieur, les autres aspects. Le dialogue
ci-dessus continue, le thérapeute demandant au patient de noter des buts
spécifiques.

Thérapeute (reformulant) - D'accord, voyons si je comprends bien. Vous


aimeriez vous concentrer au travaH, et deuxièmement, vous aimeriez sortir
ensemble à l'occasion et passer un bon moment. Est-ce que c'est bien
cela ?
Patient Cela fait longtemps que nous ne sommes pas sortis et que nous
-

n'avons pas passé un bon moment ensemble. Oui, cela serait super. Le
pire de tout, cependant, c'est d'être toujours en train de me demander où
elle peut bien être.
T Donc, le plus important c'est que vous êtes capable de mieux vous
-

concentrer à votre travail, plus que de travailler sur le fait de passer un bon
moment quand vous sortez ensemble.
P Oui, parce que de toute manière, je ne peux pas passer un bon moment
-

avec elle si je pense sans an'êt qu'elle a peut-être d'autres types en tête.

Étape 4. Des objectifs concrets et spécifiques


Le thérapeute demande au patient de décrire de façon encore plus
précise les conditions qui permettraient de considérer la thérapie comme
achevée. Un aspect important en est de s' assurer que les objectifs du
patient sont réalistes. Le dialogue s'achève comme suit :

Thérapeute Donc, comment sauriez-vous que les choses se sont suf­


-

fisamment améliorées pour pouvoir arrêter de venir aux séances de


psychothérapie ?
Patient Je ne penserais jamais à elle quand je suis au travail. Je ne
-

l'appellerais jamais, ni sa mère, pour vérifier oi:I elle est.


T - Cela ressemble à de la perfection. Comme une guérison magique.
Je pense que ma question aurait dû être - « Quel niveau de changement
serait-il nécessaire qu'il se produise avant que vous ne ressentiez que les
choses se sont suffisamment améliorées pour que votre travai 1 n'en soit
1 54 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

plus affecté. » Ai-je raison si je vous dis qu'une meilleure performance au


travail est le but réel ?
P D'accord, j ' aimerais être capable d'attendre jusqu'à la pause de midi
-

avant de lui téléphoner, et j 'aimerais être capable de stopper ces pensées


qui repassent sans arrêt dans ma tête, de telle sorte que je ne fasse pas
d'erreur sur ma chaîne de montage. J ' aimerais avoir un meilleur contrôle
de qualité dans mon atelier.

Ici, le thérapeute peut continuer à faire pression sur le patient pour


qu'il établisse des objectifs encore plus spécifiques ou même quanti­
fiables, et à le mettre au défi d' agir. Par exemple, le patient peut établir
comme buts d'améliorer ses notes au contrôle de qualité, d' allonger les
périodes entre chaque appel téléphonique à sa femme, ou d' augmenter
les pensées positives (ou au moins non anxiogènes) vis-à-vis d'elle.
Les objectifs thérapeutiques peuvent se renégocier, plus tard, au cours
du traitement, lorsque le thérapeute et, ou, le patient en sont arrivés à une
compréhension approfondie ou différente de la nature réelle des troubles
(ex. le patient ci-dessus passe des problèmes de jalousie vis-à-vis de sa
femme à des problèmes liés à sa relation avec sa mère).

L'ordonnancement hiérarchisé des objectifs


thérapeutiques
La décomposition du problème peut conduire à une longue liste
d'objectifs thérapeutiques potentiels. Une telle liste peut se révéler peu
maniable et rendre la situation embrouillée. Il vaut mieux d'abord claire­
ment distinguer puis accomplir un petit nombre d'objectifs importants.
Quelques règles générales peuvent aider le thérapeute à ordonner par
ordre de priorité les problèmes et buts thérapeutiques :
1 . aider d' abord le patient à résoudre les crises ;
2. se concentrer sur les objectifs perçus comme fondamentaux par le
patient, même s'ils ne semblent pas l'être autant en réalité ;
3. en l'absence de crise, commencer d'abord par résoudre les problèmes
associés à l 'estimation d'une haute probabilité de succès ;
4. les buts pour lesquels le patient entretient peu de motivation devraient
être placés en bas de liste ;
5. favoriser les buts qui vont conduire à une amélioration générale de la
vie du patient plutôt que de proposer des « pansements » d' urgence.
Au cours de la thérapie, il peut être important de réévaluer le plan
initial et, dans certains cas, de réordonner les priorités initialement
établies.
ÉVALUATION, CONCEPTUALISATION, PLANIFICATION 1 55

É léments nécessaires à la planification du traitement

Afin de prévoir quelles seront les techniques thérapeutiques les plus


utiles, afin de déterminer quels seront les premiers changements à obtenir,
et pour tenter d'ordonner les interventions de manière stratégique, on
pourra s'appuyer sur les éléments suivants :
• évaluation et conceptualisation du problème selon un modèle linéaire
(analyse selon le schéma du BASIC ID) et, ou, un modèle structural
(modalités de R.0.J.) ;
• objectifs thérapeutiques négociés et clairement spécifiés ;
• choix du ou des facteur(s) curatif(s) cornmun(s) qui semblent les plus
utiles dans le cas présent du patient.

C'est ce dernier point que nous allons maintenant aborder dans Je


chapitre qui suit.
Chapitre 5

LES TECHNIQUES I

PSYCHOTHERAPEUTIQUES
LIÉES AUX FACTEURS
COMMUNS

Q U ELS FAC T E U RS COMM U N S ET Q U E LLES


I N T E RVE N T I O N S U T I L I S E R EN PRIO RITÉ ?
.;, L'approche des facteurs communs est peut-être celle qui permet le
� mieux aux thérapeutes de diverses orientations de communiquer entre
·� eux à propos de leur pratique, et de les comparer de manière constructive.
C'est en faisant ressortir les éléments communs à des orientations
disparates qu'on peut aussi sélectionner les plus performants. On peut
ainsi combiner et élargi�u__maximum la gamme des inter�tiens
thérapeutiques et des expériences qui seront mises au service du patient.
j De manière typique, chacun des systèmes de psychothérapies empruntant
'8 cette voie comporte une méthode d' évaluation dans laquelle sont pris en
a
compte et mis en relation les symptômes, les traits de personnalité, les
©l aspects caractéristiques de l'environnement, et les données de l'histoire
1 58 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

du patient. À partir de cette évaluation, une séquence d' interventions est


recommandée, qui propose une combinaison unique des facteurs curatifs
qui semblent les mieux adaptés aux besoins du patient.
Grencavage et Norcross ( 1 990) ont décrit les six facteurs de change­
ment les plus fréquemment cités dans la littérature :
l . une alliance thérapeutique marquée par la confiance, l'ouverture, la
chaleur, et un niveau de révélation de soi en augmentation progressive
chez le patient ;
2. des moments de pleine expression pour des émotions douloureuses et
jusqu'alors évitées (catharsis) ;
3. le développement et la pratique de nouvelles habiletés et de nouveaux
comportements, en particulier dans des domaines impliquant une
phobie ou un déficit en habiletés interpersonnelles ;
4. l' accroissement de l'espoir et des attentes positives de changement ;
5. les caractéristiques bénéfiques du thérapeute, surtout dans son aptitude
à encourager l'optimisme et l 'espoir de son patient ;
6. la mise en application d'une théorie qui expliquera sa souffrance et
conduira à la prescription de méthodes de changement.
Pour notre part, et dans la suite de ce chapitre, nous avons directement
emprunté à M. Young ( 1 992) sa catégorisation des facteurs communs
et nous les avons illustrés des techniques psychothérapeutiques qu'il
suggère d'y associer.
Selon cet auteur, après avoir évalué le patient et conceptualisé sa
problématique, la définition d'objectifs thérapeutiques doit amener le
thérapeute à décider quels facteurs communs devraient être utilisés de
façon prioritaire. Il devrait alors choisir soit :
• d'agir sur la nature de la relation thérapeutique ;
• d'accroître l'estime de soi ;
• d'amener à de nouveaux comportements ;
• d'agir sur le niveau d' activation émotionnelle ;
• d' induire des attentes positives et accroître la motivation ;
• d'amener à un changement des systèmes de signification.

Une fois cette décision prise, il lui faudrait encore décider du type de
technique psychothérapeutique spécifique qu'il utilisera pour mettre à
l 'œuvre le facteur curatif envisagé.
Il se basera alors sur plusieurs critères :
- sa compétence dans la technique envisagée ;
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 59

- le détail du problème spécifique du patient ;


- la volonté de changement et le stade de développement atteint par la
personnalité du patient ;
- l' acceptabilité socioculturelle de la technique ;
- le profil structural du patient et la séquence de déclenchement de ses
troubles selon l'analyse par la méthode dite du BASIC ID (cf les
processus de tracking et de bridging au chapitre 4).

ACC ROÎTRE L' ESTIME DE S O I

Une conception de soi positive est u n signe de succès thérapeutique.


À l' inverse, les troubles psychologiques présentés par nos patients sont
souvent associés à une faible estime de soi.
- L'estime de soi est comprise ici dans le sens global de sentiment de
valeur personnelle mais aussi de sentiment d'efficacité personnelle,
associé à l 'habileté d'accomplir des tâches spécifiques.
- Une faible estime de soi peut s 'être formée précocement et résulter
de l 'internalisation de messages négatifs adressés par autrui. Ces
messages sont ensuite renforcés par la répétition interne. De plus, ce
sentiment d'amoindrissement personnel peut provenir de croyances
irrationnelles, d'une image corporelle négative ou biaisée, ou d'infor­
mations erronées portant sur soi-même.
- L 'utilisation excessive de mécanismes de défense psychiques doit
attirer l'attention du clinicien vers des troubles potentiels de l'estime
de soi.
- L'auto-observation est une activité qui demande au patient une éva­
luation objective de certaines de ses caractéristiques personnelles et
un enregistrement des résultats de ses observations. L'information
en retour (feedback) fournie par les autres peut être une source de
connaissance de soi très valable et très souvent sous-utilisée (voir la
« fenêtre de Johari »).
- Contrer le critique intérieur est une méthode visant à éliminer les
autocritiques improductives ou trop négatives. Elle constitue souvent
la suite logique à l' auto-observation. Une fois que le patient a réussi
à identifier son dialogue intérieur autodestructeur, celui-ci doit être
remis en cause et discuté d'une manière compatible avec son système
de croyances plus général.
- L 'entraînement à l 'affirmation de soi est un terme assez général pour
décrire l' apprentissage d'un ensemble d' habiletés sociales qui aident
1 60 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

à construire l' estime de soi (Cungi, 1 996). Les habiletés qui nous
intéressent surtout ici consistent à savoir recevoir des critiques ou à
les faire formuler de façon acceptable et constructive, d'une manière à
pouvoir en retirer l ' information utile sur soi mais aussi à ce qu'elles
ne viennent pas renforcer le langage intérieur autocritique.
- Enfin, toute technique qui permettra d 'élargir et d'enrichir la per­
ception de soi, de reconnaître en soi des parties jusqu' alors cachées
ou rejetées, d' intégrer ses différentes polarités, de retrouver son
intégrité et sa plénitude, permettra de libérer de nouvelles énergies
de mieux s' accepter, de renforcer son sentiment de richesse et de
force intérieures, et celui de sa propre singularité (sans tomber dans la
surestimation de soi défensive).

Les mécanismes de défense : gardiens de l'estime de soi

Les mécanismes de défense, expression d'origine psychanalytique,


peuvent être considérés, dans un sens large, comme des « techniques »
psychologiques conçues, d'une manière consciente ou inconsciente, pour
réduire l' anxiété et protéger l'estime de soi. Les grands courants de la
psychothérapie ont tous décrit des mécanismes de défense, souvent les
mêmes sous des appellations différentes mais parfois assez spécifique à
leur école (Chambon et coll., 1 998), et ces phénomènes appartiennent
dorénavant tout autant au trésor commun des psychothérapies que les
manifestations transféro-contre-transférentiel les.
Le fonctionnement psychique normal recourt inévitablement à leur
utilisation, mais il le fait d'une manière souple, diversifiée et adaptée
à la réalité. Au contraire, plus leur mise en œuvre s'avère exclusive
ou peu variée, rigide, marquée d'une charge affective trop importante,
plus la personnalité prend une coloration pathologique jusqu'à l' appa­
rition de symptômes, dans la mesure où on les considère comme leurs
prolongements.
Un tel usage excessif est censé révéler un mode de fonctionnement
pathologique du fait que, par définition, il évite ou déforme la réalité
plutôt que d'y faire face. Toutefois, les mécanismes de défense ne sont
pas mauvais en eux-mêmes. Le déni, par exemple, est reconnu comme
utile pour faire face dans l'urgence aux situations traumatiques aiguës.
Ils permettent d' atténuer l ' expérience de l'anxiété de manière à ce que
] 'individu ne soit pas obligé de faire face à une excitation plus grande
que celle qu'il est capable de gérer.
Quoi qu'il en soit, l'utilisation excessive des mécanismes de défense
doit attirer l' attention du clinicien sur des troubles potentiels de l'estime
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTJQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS l 61

de soi. Le tableau 1 3 en énumère quelques-uns et met en correspondance


leurs fonctions. La plupart d'entre eux ont été décrits abondamment dans
la l ittérature (Ginger, 1 987 ; Ionescu et coll., 1 997 ; Chambon et coll.,
1 998), à l ' exception de l ' abus de drogues. L'abus de drogues apparaît
ici comme une manière par laquelle les sujets tentent habituellement de
réduire leur anxiété et de compenser une estime de soi défaillante par
une sensation de plaisir - malheureusement destructeur - et finissent par
susciter, bien souvent sans l'avoir demandée ou même en s'y opposant,
J ' aide d'autrui.

Tableau 13. Mécanisme de défense et estime de soi


Mécanisme de défense Fonction dans le maintien de l'estime
de soi
Évitement/retrait Échapper aux responsabilités (pas d'essai,
pas d'échec)
Déni Refuser d'admettre les problèmes
Fantasmes Imaginer le Self comme puissant et
performant
Abus de drogues Créer des images de soi grandioses et
puissantes
Rationalisation Dénier l'échec en donnant des excuses
Projection Dénier les traits et sentiments négatifs du
Self en les attribuant aux autres
Compensation Dénier le sentiment d'infériorité en
réussissant dans d'autres domaines

Méthode pour aider les patients à reconnaître leurs mécanismes


de défense
La méthode principale permettant de confronter le patient à sa réaction
défensive pourrait être appelée celle de la question suggestive. C'est un
mélange d'interprétation et de confrontation. Elle utilise une nuance
de suggestion en supposant des raisons plausibles au comportement du
patient et, en même temps, elle fait ressortir son aspect inapproprié.
Deux réponses thérapeutiques illustrent la façon dont la question sug­
<l
gestive tend à rendre Je patient conscient de ses manœuvres défensives :

Réponse thérapeutique au mécanisme de compensation

« Au fond, on peut se demander si tout ne se serait pas passé comme si, du


fait que votre sœur était très bonne en classe, vous auriez décidé d'exceller
en sport. Maintenant, je me demande si votre croyance comme quoi vous
1 62 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

ne seriez absolument pas doué pour les études est entièrement fondée ou
si c'est plutôt une aptitude que vous n'avez pas développée ? »

Réponse thérapeutique au mécanisme de l 'évitement et du retrait

« Il me semble que vous avez décidé d' arrêter cette relation parce que
vous avez été blessé dans d'autres relations antérieures. Même si vous
ne pouvez pas savoir ce qui peut réellement se produire au sein de
cette nouvelle relation, vous préférez l' arrêter maintenant et éviter une
souffrance possible. Est-ce juste ? »

En résumé, les réponses défensives du patient sont conçues pour


préserver son estime de soi mais reviennent en fait à troquer la croissance
personnelle contre de la sécurité. Le thérapeute ne doit pas toujours
insister sur la croissance personnelle mais doit amener à la conscience du
patient les mécanismes de défense, et laisser ce dernier décider comment
procéder. Les défenses ne doivent pas être attaquées sans ménagement,
mais explorées avec respect.

La fenêtre de Johari

Les croyances irrationnelles qui rabaissent le sentiment d'estime de


soi se mettent en place à une période précoce de la vie et constituent des
attitudes habituelles ou automatiques envers le self. La première étape
pour accroître l' estime de soi consiste donc à obtenir une information qui
soit la plus adéquate et objective possible vis-à-vis de soi. La fenêtre de
Johari (Luft, 1969) est une façon de figurer comment 1' information por­
tant sur soi peut provenir de deux sources : les choses que nous observons
nous-même et les observations provenant des autres (tableau 1 4).

Tableau 14. La fenêtre de Johari


Connu par soi Inconnu de soi
Connu par les autres 1 Domaine public Il Tâche aveugle
Inconnu des autres Ill Domaine caché IV Domaine inconnu

La révélation de soi élargit le « domaine public » et rétrécit le


« domaine caché ». Le retour de l ' information sur soi émanant des autres
aide à réduire la « tâche aveugle » et étendre le « domaine public ».
Cet élargissement du « domaine public » au moyen de ces procédés
a été considéré comme un facteur majeur d'augmentation de l'estime
de soi et de santé mentale en général. Évidemment, pour que le retour
émanant des autres ou le dévoilement de soi ne soient pas à l ' origine
de nouvelles blessures, il faut, au moins dans un premier temps, qu'ils
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 63

se déroulent dans une atmosphère de confiance et de sécurité, comme


dans le cadre d'un groupe thérapeutique ou de développement personnel,
ou lors de séances de psychothérapie individuelle. Pour aller plus loin,
dans l ' idéal, toute technique qui réduit le « domaine inconnu » en
amenant à la conscience du sujet des parties de lui-même qu'il avait
rejeté, méconnues, reniées, attribuées aux autres, permet la récupération
d'énergies et d'émotions nouvelles, sources d'une plus grande liberté,
responsabilité et créativité, et accroît ainsi l 'estime de soi, le sentiment
de vitalité et le plaisir de vivre du sujet, qui n'en revient pas d'être le
récipient de tant de forces et de richesses intérieures, si uniques et en
même temps si universelles.

Contrer le critique intérieur


Avant que l'on puisse ressentir un sentiment de valeur personnelle,
il est souvent nécessaire de réduire au silence Je critique intérieur, l a
« voix dans la tête » 1 , qui fait sans cesse des reproches e t trouve des
fautes. Ce critique est probablement issu de la période de l'enfance, de
l' apprentissage ou de la création de croyances irrationnelles et d'injonc­
tions intemalisées. Ces croyances et injonctions persistent ensuite dans
la vie adulte, répétées par l 'individu sous forme de langage intériorisé
(pensées) ou extériorisé (propos à thème de dévalorisation). Les pensées
émanant du critique intérieur tendent à se présenter automatiquement.
Elles peuvent survenir avant l ' action (« à quoi bon ? », « ça ne marchera
pas ») ou après l ' action (« c'était nul », « ça n'a servi à rien », « ça
n'est pas suffisant » ). Par exemple, avant de faire une intervention orale,
la pensée suivante peut surgir : « je vais me tromper et me couvrir de
ridicule ». Selon la théorie de la thérapie cognitive, ces pensées négatives
conduisent à des émotions de même coloration, comme la colère, la
tristesse, et à la réduction des attentes vis-à-vis de soi. Donc, avant
:<; que ne puisse émerger un sentiment d'estime de soi, il est souvent
nécessaire de réduire le pouvoir du critique intérieur et de modifier ces
� autoverbalisations.
La méthode pour contrer le critique intérieur comprend plusieurs
étapes.

·g.
g
ë
.:::

j
"8 1 . Langage intérieur, à bien distinguer des hallucinations, même si l'on peut estimer qu'il
Q existe des rapports entre les deux, à la lumière des travaux modernes (O. Chambon et
©l M. Marie-Cardine, 1993 ; O. Chambon, C. Perris et M. Marie-Cardine, 1 997).
1 64 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Étape 1. Identifier et explorer le langage intérieur négatif

Une fois que l'on a repéré une difficulté ayant trait au cnt1que
intérieur, il est essentiel de déterminer la nature et la fréquence des
autoverbalisations négatives, ainsi que les conditions dans lesquelles
elles surviennent. Dans ce but, on demande tout d'abord au patient
d'effectuer des exercices d'auto-évaluation ou « d' automonitorage ». Le
patient porte sur lui un petit carton bristol dans sa poche et note à chaque
occasion l'apparition de l'une de ces autocritiques. On lui demande d'être
objectif et de ne pas chercher à juger de leur validité.
Cette carte de relevé des autocritiques remplit deux fonctions : elle
fournit au patient et au thérapeute davantage de données relatives à la
difficulté, et elle aide le patient à faire le lien entre ses autocritiques et
les états affectifs qu'elles provoquent.
Le patient peut alors commencer à réaliser qu'au lieu de fournir des
remarques valides et constructives, le monologue intérieur produit surtout
des émotions négatives.

Étape 2. Examiner la fonction des autocritiques

Une fois que le patient a effectué au moins une semaine d' auto­
évaluation, les principaux thèmes cognitifs négatifs et les croyances
centrales sur soi peuvent être reconnus et rassemblés.
Avant que ces croyances puissent être contrecarrées avec succès, il
est important d'en débattre, en essayant de comprendre leur origine. On
doit se rappeler que les patients y adhèrent par habitude ou par mesure
d'autoprotection, et qu'ils ne les laissent donc pas facilement remettre
en question. Par exemple, certains individus les utilisent pour s'attribuer
un handicap et éviter de se remettre en cause personnellement : ils
préféreront se considérer comme porteurs d'une « anxiété des examens »
plutôt que comme paresseux ou manquant d' intelligence.
Une manière d' aborder ce domaine délicat consiste à demander au
patient d'évaluer chacune des pensées négatives de sa liste et de se
demander « qu 'est-ce que cette pensée négative m' aide à faire ou à
ressentir ? » ou « qu' est-ce que cette pensée négative m'aide à éviter ? ».
Si le patient découvre, par exemple, qu'il se rabaisse lui-même pour
éviter d'être blessé quand quelqu'un d' autre le critique, il commencera à
percevoir la nature défensive de son autocritique et pourra se sentir plus
motivé pour la remettre en cause. 11 peut aussi découvrir que son réel
désir serait plutôt de devenir moins sensible aux critiques des autres.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES UÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 65

Étape 3. Développer des « réfutations » efficaces


Le terme de « réfutation » correspond à la production d'une auto­
verbalisation incompatible avec la pensée critique. Cela peut être une
phrase, un fragment de phrase en style télégraphique, ou un simple
mot (comme « baliverne »). Cette réaction contredit l 'autocritique. Les
meilleures réfutations sont celles qui se trouvent en accord avec les
valeurs et la philosophie de vie du patient. C'est ensembles que le patient
et son thérapeute vont faire du brassage d'idée (du « brainstorming »)
pour imaginer un aussi grand nombre de réfutations que possible, le
patient en choisissant ensuite plusieurs à utiliser.
Voici un exemple d'autocritique et la liste des réfutations trouvées par
le patient et son thérapeute

Autocritique - Je suis stupide.


Réfutations l . Tu t'es toujours bien débrouillé à l ' école : il n'y a aucune
-

preuve d'une telle dépréciation ; 2. Se sentir stupide ne veut pas dire que
tu es stupide ; 3. C'est quelque chose que mon père me disait toujours.
Mais ce n'est pas vrai ! ; 4. Faux !

Le patient peut aussi être entraîné à se poser les « bonnes questions »


sur ses pensées critiques : cette pensée est-elle réaliste ? est-ce qu'elle
m' aide à me sentir mieux ? est-ce qu'elle m'aide à mieux gérer la
situation ? est-ce qu'elle m'aidera à mieux faire face la prochaine fois ?
(André et Lelord, 1 999). Le tableau 1 5 illustre un exemple de cette
approche.
Étape 4. Évaluer / 'efficacité des réfutations et procéder aux ajustements
nécessaires
Il faut toujours évaluer l'efficacité des réfutations que le patient
a utilisées depuis la dernière séance. JI aura très vraisemblablement
c
besoin de plus d'une semaine de pratique pour éprouver un sentiment
::l
d'efficacité : la pl.upart des autocritiques surviennent sans que le patient
en soit pleinement conscient. À court terme, il devrait être capable de
repérer une ou deux formules efficaces. Soulignons qu'il existe une
grande variabilité interindividuelle.
Une méthode permettant d'évaluer l'efficacité de ce procédé consiste
à pratiquer cette technique avec le patient. Celui-ci exprime une autocri­
tique, comme « je suis nul, je rate tout ce que j 'entreprends », puis note
le degré de détresse lié à l' émotion concomitante, sur une échelle de 0
à 1 00. Ensuite, le patient formule une réfutation et enregistre le degré
de diminution de l'intensité de sa détresse. Il apprend ainsi à apprécier
l' impact de la technique et à employer les aspects les plus pertinents.
1 66 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Tableau 15. Exemple d 'approche pour réfuter une autocritique.


D'après André et lelord, 1 999
« Je n'ai pas été à la Réponse Stratégie
hauteur hier soir ,,
1 . Cette pensée est-elle Je ne sais pas, je n'ai pas Je vais demander à
réaliste ? d'autre avis que le mien d'autres personnes ce
qu'elles en pensent
2. Est-ce que cette pensée Non, elle m'attriste et J'arrête de ruminer, et
m'aide à me sentir mieux ? m'angoisse j'agis : " Que faire
maintenant ? ,,
3. Est-ce que cette pensée Non, je me replie sur moi Je vais essayer de
m'aide à mieux faire face à téléphoner tout de suite à
la situation actuelle ? un ami
4. Est-ce que cette pensée Non, au contraire elle Je vais réfléchir à la
m'aidera à mieux faire face augmentera mes prochaine soirée :
à la situation la prochaine difficultés : la prochaine " Comment puis-je m'y
fois ? fois, je serai encore plus prendre pour ne pas
mal à l'aise ressentir à nouveau ce
sentiment
d'insatisfaction ? ,,

La technique gestaltiste du dévoilement du secret


personnel
Il s'agit d'un jeu ayant pour but d 'explorer les sentiments de culpa­
bilité et de honte ainsi que l ' attachement inconscient qu'on peut y
porter. En référence à la fenêtre de Johari, il s ' agit de transformer des
éléments du « Domaine caché » en « Domaine public » . On demande
aux participants installés deux par deux, en face à face, d' exprimer
successivement chacun à l'autre ce qu'est son secret et à quoi il lui
sert.
I l est surprenant de constater à quel point la mise au grand jour du
secret est accompagnée de sentiments positifs ou négatifs d'une grande
intensité (Marie Petit, 1 984) :

« Je manipule les autres pour en faire ce que je veux et je n'ai pas


l ' intention de m'arrêter » dit avec beaucoup d'énergie et de force un petit
jeune homme anodin.
« Mon secret, c'est que je suis frigide depuis que mon oncle m'a violée à
treize ans, et que je me demande si cela ne m'arrange pas de me venger
comme cela sur les mecs » sanglote une jeune femme.
« Je n'ai de secrets pour personne et j'en ai matTe de tout raconter à tout
le monde » hurle une mère de famille.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 67

La technique gestaltiste de travail du rêve

Ici, le patient peut explorer son domaine inconnu et le faire passer, en


groupe, dans le domaine public.
Le rêve comporte plusieurs éléments distincts, qui représentent chacun
un des aspects de la personnalité. Le travail du rêve, en Gestalttherapie,
aura pour but d'intégrer les parties aliénées ou dispersées de l'être, pour
les remettre en contact avec sa totalité.
Lorsqu'une personne raconte un rêve, elle en fait souvent un récit
privé d' émotion ou de vitalité. Il est indispensable de redonner au rêve
toute son intensité, et d'amener l a personne à le revivre en imagination
aussi complètement que possible. Au lieu de raconter une histoire, elle
sera l'héroïne d'un drame. Ceci en employant le temps présent au lieu
du passé : « je suis dans une ville ... il se passe ceci et cela... »
L'étape suivante consistera pour l ' auteur du rêve à le mettre en
scène. Il en disposera dans l'espace les éléments ou les protagonistes, et
s' identifiera successivement à chacun d'entre eux.
Le but des identifications est double :
• intégrer les conflits entre les différentes parties de soi qui y sont
représentées ;
• identifier et reprendre possession des caractéristiques considérées
comme négatives et, comme telles, projetées à l'extérieur.

On peut suggérer au patient de continuer le rêve lorsque l'identification


mène à un cul de sac où il se bloque. La consigne sera dans ce cas de
rester en contact avec son sentiment de vide, d'impuissance, et d'observer
ce qu'il advient. Immanquablement, après avoir été en contact avec cette
zone morte en lui-même, il se retrouve en contact avec ses forces vives,
ce qui se manifeste par un dépassement de cette situation difficile.
Le cas suivant, emprunté à Marie Petit ( 1 984) montre bien comment
un rêve met en évidence les différents éléments de la personnalité de son
auteur.

Anne raconte son rêve devant le groupe, co-animé par Hubert et moi
"

Anne - Je suis sur une petite île. Tout autour, la mer est démontée. J'aperçois
quelque chose qui tourne sur cette mer en tourbillon. J'observe le mouvement
circulaire de la chose, le mouvement circulaire des vagues. La chose est
complètement ballottée, sans amarres. Je suis à la fois sur l'île regardant
cette chose sans pouvoir lui porter aide et cette masse tourbillonnante quand
la mer, par un mouvement plus brusque, me renvoie cette masse qui échoue
sur l'île, noyée, vers laquelle je me précipite et à laquelle je fais la respiration
1 68 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

artificielle. Elle reprend vie. Bouge. Se meurt. Ce corps que je perçois comme
corps humain se transforme en animal : un chat qui s'échappe et s'en va.
Cela me trouble beaucoup parce que je sens dans ma vie ce double aspect
de tourbillons et de vagues, et en même temps, d'enracinement.
Hubert suggère à Anne de s'identifier au corps flottant.
Anne poursuit - Je tourne et en même temps que je fais cela, je suis très
confuse. Je suis une masse complètement informe. Je tourne autour d'un
point très délimité dont je vois le contour parfait. Bien délimité, dans lequel je
vois une harmonie, néanmoins je ne saurais pas le dessiner.

Notons que l'importance donnée par Anne à ce point fixe, bien


délimité, aurait pu amener Hubert à lui suggérer de s ' identifier au
point, puis d'instaurer un dialogue entre la masse informe et le point,
dialogue 4ui aurail certainement été fondé. Il a choisi néanmoins de
laisser l 'expérience suivre son cours.

Anne - J'atteins le rivage après le remous et les vagues. C'est le calme


complet. Après cette extrême confusion ... Je suis cette extrême confusion.
Je suis projetée sur la terre ferme. J'ai la sensation que sont les éléments
qui me projettent sur la terre. Je me sens anéantie. Pourtant le contact avec
la terre ferme amène un changement d'état.
Anne s'allonge spontanément alors qu'auparavant elle s'était assise en face
de Denise. Elle déclare reprendre la séquence du tourbillon car elle se sent
déconnectée de la suite - Je tourne, je tourne dans tous les sens ...
Elle accompagne ses mots avec son corps, e n tournant de plus e n plus
violemment sur le matelas. Un tourplus violent la projette à environ un mètre
du matelas. Elle s'immobilise.
Hubert - Où es-tu ?
Anne - Sur l'île, sur la terre. J'ai encore dans la tête l'extrême confusion par
laquelle je viens de passer.
Hubert - Tu peux devenir l'île ?
Anne - Je suis complètement à l'opposé. Je suis ferme, avec du sable fin,
sur lequel on peut s'allonger, sur lequel on est bien. (Elle sanglote.) Mais sur
cette île il n'y a personne, sur moi il n'y a personne. Je suis très sableuse.
À certains moments il y a le rocher sous le sable, mais le rocher n'est pas
apparent, il est caché sous le sable. Par moments on se blesse les pieds, car
sous mon sable il y a des parties rocheuses et coupantes qui font très mal,
qui font tellement mal qu'on prend la fuite et qu'on se réfugie dans l'eau.
Hubert - Deviens ce rocher.
Anne - Je suis le rocher. Je suis caché. Je suis bien assis au fond de
l'eau. Je suis entouré d'eau. Ma tête est au soleil. Je suis recouvert presque
totalement de sable. À mes pieds, pousse un bouquet d'arbres. Je suis le
relief de l'île, ce qui lui donne sa forme, sa personnalité. En même temps,
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 69

je blesse. En même temps, je suis l'endroit où on pourrait se réfugier si les


vagues étaient trop importantes.
Hubert - Peux-tu devenir le bouquet d'arbres ?
Anne - Ce sont des pins parasols comme on trouve dans le Midi. Sous
lesquels on se sent bien. La lumière passe à travers moi. Mes branches sont
assez hautes. Ma base est bien dégagée. C'est un endroit agréable où on
peut venir se reposer, où on peut venir sentir cette odeur de pins et de mer,
où on peut trouver un bonheur, un bien-être...
(D'une voix forte.) Je suis protecteur.
Un protecteur léger. J'ai une base régulière, pas avec des racines qui font
mal, une base bien moussue, bien moelleuse. Je suis un arbre accueillant.
Je n'ai personne à accueillir et cela me rend bien triste.
Anne soupire, puis ouvre ses yeux.

Hubert - Où es-tu, Anne ?


Anne - Sur mon île, mais je reviens.. . (silence) ... Je me sens triste et ma
tristesse disparaît petit à petit.
Elle se lève et va s'asseoir en face de Denise et lui prend les mains.

Elles se sourient.

Anne - Je me sens comme l'arbre sous lequel tu t'abrites.


Denise - Je me sens comme quelqu'un qui vient de donner la vie.

AM E N E R À D E N O UVEAUX COMPORT EME NTS

Le changement comportemental est souvent considéré comme un effet


important de la psychothérapie. On a aussi découvert qu'en changeant
le comportement, des changements concomitants s'opéraient dans les
domaines affectifs et cognitifs.
Le psychothérapeute ne peut souvent pas se contenter d'aider le patient
c:
" à se débarrasser d' anciens compo1tements ou d' atteindre un insight sur
une nouvelle manière d'être possible et désirable. Il doit aider le patient
à surmonter la force de l 'habitude et à mettre en place un ensemble de
nouveaux comportements, par et à travers une pratique intensive.
Il y a trois niveaux successifs pour apprendre et pratiquer un nouveau
comportement.
- Le premier, l 'imagerie est une méthode thérapeutique qui est com­
patible avec un grand nombre d'orientations psychothérapeutiques.
Elle peut être utilisée pour une répétition et un entraînement internes
vis-à-vis de comportements désirés. Elle peut permettre la pratique
d'un nouveau comportement d'une manière non menaçante.
1 70 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

- Ensuite, le jeu de rôle implique la réalisation du nouveau comporte­


ment dans le bureau du thérapeute, en ayant recréé un cadre le plus
proche possible de la situation réelle. Les principales contributions à
cette technique proviennent du psychodrame de Moreno et des com­
portementalistes. Cette technique permet au thérapeute d'obtenir des
informations de première main sur le style comportemental du patient
et sur les émotions qu'il tend à réprimer dans son expression, celui-ci
bénéficiant « en direct » d'informations en retour (de feedbacks) et de
possibilités de répétitions.
- Enfin, la prescription de tâches hors séance permet de prolonger le
traitement au-delà du temps qui lui est consacré. Les tâches doivent être
conçues sur mesure et peuvent impliquer de l' auto-observation. Des
interventions stratégiques peuvent être prescrites sous forme de tâches
interrompant le cycle des comportements familiers mais inadéquats du
patient.

La pratique en imagination

Elle peut se réaliser en suivant successivement plusieurs étapes.

Étape 1. Repérer la cible


La première tâche réalisée en collaboration par le patient et son thé­
rapeute est de préciser l ' objectif initial en dressant une liste d'habiletés
(comportements cibles) nécessaires au déroulement satisfaisant du projet
envisagé. Par exemple, si un patient se donne pour but d'être capable de
proposer une sortie à une personne du sexe opposé, les comportements
cibles (ou habiletés nécessaires) seront :
1 . appeler au téléphone,
2. se présenter et dire les politesses et banalités d'usage,
3. décrire l'activité proposée,
4. demander à l'autre de se joindre à soi dans cette activité.
Ceux qui sont très à l'aise dans ce domaine des habiletés sociales
peuvent trouver cette liste simpliste et stéréotypée. Pourtant, plus d'un
seraient surpris d'en faire le constat : en fait de nombreux patients, dans
leur clientèle, sont bien embarrassés pour accomplir des activités sociales
apparemment simples comme celles de faire une brève intervention lors
d'une réunion, d' exprimer leurs sentiments envers leurs amis, ou de
demander une augmentation de leurs émoluments.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS l71

Étape 2. Préparer le patient à l 'imagerie


La pratique en imagination se réalise idéalement dans un environne­
ment tranquille, les yeux fermés. Le thérapeute doit parfois rassurer le
patient en lui expliquant que ce n'est pas de l' hypnose mais un procédé
pratique de répétition en imagination. Il explique que c'est une méthode
apprenant à éliminer les images négatives d'échec et à en développer de
positives de succès.

Étape 3. Imaginer chacun des comportements cibles


On rappelle au patient le premier comportement cible et il doit se
représenter en train de l'accomplir dans une situation spécifique où i l
a de grandes chances d'être réellement mis e n œuvre. À partir de là, le
thérapeute demande au patient de faire apparaître chacune des étapes
successives du déroulement du scénario, n'enchaînant sur la suivante que
lorsqu'il a pu vivre avec une intensité suffisante chacune des précédentes.
Pendant cette opération, il est important de poursuivre le dialogue avec
le patient, de manière à s ' assurer de sa compréhension adéquate de la
tâche à réaliser, étape par étape, de ce qu'il est bien capable de se la
représenter visuellement et de la vivre avec l ' intensité souhaitable.

Étape 4. Imaginer la réussite de l 'ensemble de la séquence


Une fois que chaque comportement cible a été ainsi représenté et
vécu sur un mode visuel, le thérapeute reprend le déroulement de la
séquence d'une manière synthétique et y guide le patient, tout en lui
décrivant un exemple de réalisation réussie du comportement désiré. La
description est faite au temps présent, comme si le thérapeute était en
train de raconter une histoire. À divers moments, il souligne l 'un des
comportements cibles, en disant, par exemple, « maintenant vous êtes en
train de serrer la main à la personne qui vous dévisage, tout en conservant
u n bon contact visuel ».

Étape 5. Renforcement
À la fin de la première séance de représentation visuelle complète, le
patient se trouve gratifié d'un renforcement couvert (une récompense
imaginaire), sous forme de l'imagination d'une fin heureuse, pour établir
fermement le comportement. Par exemple, le thérapeute pourrait finir
l'exercice en disant, « Vous quittez l'entretien d'embauche en vous disant
à vous-même : "j 'ai fait le mieux que j'ai pu et je m'en sens très bien "».
1 72 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

Étape 6. Pratique
Lors d'essais ultérieurs dans le cabinet du thérapeute, le patient
imaginera le scénario jusqu'à ce que chaque comportement cible ainsi
qu'une issue positive, aient été fortement représentés et vécus sur un
mode visuel. Le patient doit éviter de se focaliser sur les images négatives
ou perturbatrices, mais, à la place, doit travailler au développement
d' images positives.

Étape 7. Repérage des obstacles


Après la répétition en imagination, on demandera au patient, premiè­
rement, d' établir une liste des obstacles qui pourraient surgir lors de la
mise en œuvre réelle du comportement et, deuxièmement, d'en prévoir
des parades, de manière à faire face à ces obstacles. Lors des séances
suivantes, le patient se représentera en train de faire face avec succès à
ces obstacles, grâce à l'acquisition d' habiletés ou à un effort soutenu,
mais non pas grâce à l ' intervention d'une autre personne lui venant
en aide. On lui demandera de ne pas imaginer des solutions magiques
ou improbables. Encore plus important, on lui demandera d' imaginer
une exécution réussie du comportement, et pas forcément une exécution
parfaite. Les objectifs du patient doivent être de faire face, mais pas de
réussir parfaitement.

La méthode du jeu de rôle

Indépendamment de l 'orientation théorique du thérapeute, le jeu de


rôle est un des . moyens les plus efficaces pour ramener dans l ' ici et
maintenant des expériences du passé. L'observation immédiate et la
réaction d'autrui, que ce soit en groupe ou individuellement, permettent
une pratique dans la réalité ; on ne s'y limite donc pas à l' évocation
verbale. La célèbre injonction de Moreno était « ne m'en parlez pas,
montrez-moi ». À un niveau plus profond le jeu rôle et la technique
d'inversion de rôle permettent au patient de devenir plus conscient de
ses sentiments et d'explorer son vécu subjectif eu égard à ses différentes
relations significatives.
La méthode décrite ci-dessous est une méthode générale servant
à mettre en pratique de nouveaux comportements. Dans une visée
pédagogique, et pour simplifier, elle est réduite ici à une dimension
d'apprentissage comportemental.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES llÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 73

Étape 1. Préparation psychologique


On y décrit au patient la méthode de jeu de rôle et on lui en
explique l' intérêt. On lui demande alors de présenter Je cadre de la
situation problématique dans laquelle il aimerait pouvoir changer de
comportement. L'aspect Je plus important de cette étape est de l' amener
à décrire et à décomposer le comportement souhaité de manière précise
et spécifique.

Étape 2. Mise en place de la scène


Quand le patient a décrit la situation et semble suffisamment détendu,
il est invité à décrire en détail le lieu où le comportement cible pourrait
être mis en acte. Le thérapeute lui demande alors de choisir des acces­
soires ou des pièces de mobilier dans la salle où se déroule le jeu de
rôle, pour créer une ambiance aussi proche que possible de celle de la
situation réelle.

Étape 3. Choisir les rôles


Le patient présente les protagonistes importants de la scène et les
décrit brièvement. Dans un travail en groupe, les rôles seront attribués à
d'autres membres du groupe. Dans une séance individuelle, des chaises
vides représentent ces personnes significatives.

Étape 4. Mise en acte


Le thérapeute demande au patient de résumer le scénario du com­
portement cible comme il fut décrit lors de l 'étape de préparation
psychologique. Le jeu de rôle proprement dit commence alors. Le
thérapeute encourage le patient de manière active lors de cette première
tentative, en lui rappelant (comme un souffleur au théâtre) de mettre en
c:
" œuvre chacun des traits du comportement souhaité. Si le patient ressent
une difficulté, le thérapeute peut alors se proposer comme modèle et lui
demander d'observer une autre façon de faire. Après la présentation de
ce modèle, le thérapeute peut demander au patient de réessayer, mais à
sa manière à lui (au patient).

Étape 5. Partage et rétroaction (jeedback)


Le thérapeute partage ses observations avec celle du patient sur la
réalisation de ce dernier. Ce feedback devrait être spécifique, simple,
basé sur des éléments observés, et compréhensible pour Je patient. II
devrait surtout renforcer les aspects positifs ou réussis.
1 74 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Étape 6. Répétition
Le patient va effectuer de nouveaux jeux de rôles, dans lesquels il
va recommencer toute l a séquence comportementale, jusqu'à ce qu'il
sente qu'il a atteint ses objectifs mais aussi jusqu'à ce que le thérapeute
sente que son patient maîtrise bien chacun des aspects du comportement
relevés au départ comme souhaitables.

Étape 7. Suivi
Lors de la prochaine séance, on demande au patient de faire état des
résultats de sa mise en pratique de l ' apprentissage dans la situation réelle.
Si nécessaire, un complément de pratique peut être proposé lors de cette
séance.

R É D U I RE O U ACCROÎTRE LE N IVEAU D 'ACTIVAT I O N


ÉMOTI O N N E LLE
La réduction ou l ' accroissement du niveau d' activation émotionnelle
est l'un des processus fondamentaux du changement thérapeutique.
L'activation émotionnelle motive le patient et lui procure une expérience
directe des sentiments réprimés. La sédation émotionnelle produit un
soulagement important des symptômes.
Si les émotions réprimées sont conçues comme provenant d' actions
incomplètes (un.finished business de la Gestalt) la thérapie vise à per­
mettre aux affects d'être enfin vécus et complétés.
La désensibilisation systématique, provenant de l'école comportemen­
tale, combine l ' imagerie et l'entraînement à la relaxation, et aide les
patients à surmonter leurs réactions émotionnelles excessives, surtout
leur peur et leur colère.
La pratique de la cohérence cardiaque est une méthode de régulation
émotionnelle qui permet de réduire grandement les manifestations de
stress ou d'anxiété chronique.
Nous décrirons sept méthodes générales permettant d' accroître la
conscience des émotions lors de séances thérapeutiques, comme I' atten­
tion, le recentrage, la concentration sur le présent, l ' analyse de l' expres­
sion, l ' intensification, la symbolisation, et l 'établissement d'intentions
d' actions.
La technique de la chaise vide est une technique provenant de la Ges­
talt, qui encourage l'expression des émotions afin de résoudre les conflits
intrapsychiques. La notion centrale de cette technique est de permettre
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTfQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS l 75

au patient d'entrer en contact avec les deux aspects d'une tendance


intrapsychique ambivalente, de manière à favoriser leur intégration.
L'association libre est l'une des plus anciennes techniques psycha­
nalytiques permettant de réaliser la catharsis émotionnelle et la prise
de conscience (l' insight). En dehors de la psychanalyse orthodoxe, on
l' utilise aujourd' hui pour aider le patient à reconnaître les significations
de ses productions picturales et des symboles rencontrés dans ses rêves
ou lors de l'imagerie guidée.
La notion d' impact thérapeutique se réfère au fait que le thérapeute
doit le plus rapidement possible toucher la personne qu'il a en face de lui.
Et un patient, ça ne se touche pas avec la tête mais bien avec les émotions.
Les habiletés de « dramatisation » du thérapeute sont essentielles pour
interpeller le patient au niveau émotionnel.

Pratiquer la « cohérence cardiaque »

Les différentes étapes de cette méthode, à mi-chemin entre la relaxa­


tion et la méditation guidée, centrée sur l'enfant intérieur, ont été dévelop­
pées et testées par le Heartmath lnstitute en Californie (Servan-Schreiber,
2003).
Elle se pratique dans toutes les situations de la vie courante, sans avoir
à fermer les yeux ni à s' allonger : c'est une méthode d'action. On y
retrouve trois étapes successives.

La centration sur soi par la respiration


Il faut d' abord s'extraire du monde extérieur et accepter de mettre
toute préoccupation de côté pendant quelques minutes. Pour cela, on
commence par prendre deux respirations lentes et profondes en laissant
son attention accompagner le souffle tout au bout de l'expiration avec
une pause de quelques secondes avant que l ' inspiration suivante ne
se déclenche elle-même. On se laisse porter par l'expiration jusqu'au
point où elle se transforme naturellement en une sorte de douceur et de
légèreté. Après dix ou quinze secondes de cette stabilisation, on reportera
consciemment son attention sur la région du cœur dans sa poitrine.

La centration sur le cœur (et sur l 'enfant intérieur)


On imagine que l'on respire à travers le cœur, en visualisant, en sentant
même, chaque inspiration et chaque expiration traverser cette partie si
importante du corps. Imaginez que l'inspiration lui apporte, au passage,
l 'oxygène dont elle a tant besoin, et que l ' expiration la laisse se défaire
1 76 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

de tous les déchets dont elle n'a plus besoin. Imaginez les mouvements
lents et souples de l'inspiration et de l'expiration qui laissent le cœur se
laver dans ce bain d'air pur, clarificateur et apaisant. Qu'ils le laissent
profiter de ce cadeau que vous lui faites. Vous pouvez imaginer votre
cœur comme un enfant dans un petit bain d'eau tiède où il flotte et s'ébat
à loisir, à son rythme à lui, sans contraintes ni obligations. Comme un
enfant que vous aimez et qui joue, vous ne lui demandez rien d' autre que
d'être lui-même, dans un élément naturel, et vous le regardez simplement
se déployer à sa manière en continuant de lui apporter de l ' air doux et
tendre.

La centration sur l 'amour et la gratitude


Cette dernière étape consiste à se connecter à la sensation de chaleur
ou d'expansion qui se développe dans la poitrine, à l' accompagner et
l'encourager avec la pensée et le souffle. Pour cela on peut évoquer
directement un sentiment de reconnaissance ou de gratitude et le laisser
envahir la poitrine. Le cœur est particul ièrement sensible à la gratitude,
à tout sentiment d' amour, que ce soit pour un être, une chose, ou même
l' idée d'un univers bienveillant. Pour la plupart d'entre nous, il suffit
d'évoquer le visage d'un enfant qu'on aime et qui nous aime, ou encore
celui d'un animal familier. Pour d' autre, ce sera une scène de paix dans
la nature ou un souvenir de bonheur dans l'action.
Une période d' entraînement « intensif » d'un mois, au rythme de
30 minutes par jour, cinq jours par semaine, permet un impact profond
sur la capacité à gérer les émotions et sur les manifestations psycholo­
giques et somatiques du stress (Servan-schreiber, 2003).

Accroître la conscience des émotions : sept méthodes

Diverses méthodes permettent d'accroître la conscience des émotions,


comme l'attention aux sentiments, le recentrage, la concentration sur le
présent, l' analyse de l'expression, l'intensification, la symbolisation, et
l'établissement d' intentions d'actions.

L 'attention aux sentiments


Ce procédé fait référence à toute tentative, de la part du thérapeute,
pour focaliser l' attention du patient sur l'aspect émotionnel de son dis­
cours. li inclut, bien sûr, la technique rogérienne du reflet des sentiments
décrite auparavant et toutes ses autres tentatives du thérapeute pour
réfréner les tendances à l 'intellectualisation du patient et accroître sa
conscience des émotions. Par exemple, le thérapeute peut noter que le
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 77

patient a esquivé les aspects émotionnels d'un problème et demander


« qu'êtes-vous en train de ressentir maintenant ? qu'est-ce que, ce que
vous venez de dire, vous fait éprouver ? de quelle émotion êtes-vous
conscient tout de suite ? ».

Le recentrage
Le recentrage consiste à inciter constamment le patient à être « pos­
sesseur » de sa propre expérience. Une manière de se distancer de ses
sentiments consiste à utiliser des termes généraux et impersonnels. Le
recentrage consiste alors à demander au patient de modifier son langage,
de façon à ce que celui-ci reflète sa responsabilité de ses sentiments. On
peut demander au patient d' utiliser « je » ou « moi » à la place de « on »
ou « vous ». Le langage impersonnel ou faussement objectif est utilisé
pour éviter ses sentiments de culpabilité ou de faute. Par exemple, un
patient peut dire « cela fait vraiment du mal quand mon 'ex' vient dans
le magasin. Mais vous apprenez à vous y faire au bout d'un moment » .
La technique d u recentrage pourrait, dans c e cas, amener à une réponse
de ce genre : « cela fait sans doute mal, mais à qui ? est-il à ce point
interdit d'exprimer ses sentiments ou de reconnaître sa souffrance dans
des conditions aussi légitimes ? ».

La concentration sur le présent


Basé sur les principes de la Gestalttherapie, le thérapeute demande
au patient d'être attentif aux aspects du problème qui provoquent les
émotions les plus fortes dans la situation présente. Il peut demander
« quelle partie de la situation vous trouble le plus ? ». Le second aspect
de la concentration sur Je présent consiste ensuite à amener le patient à
éprouver ce sentiment dans )'ici et maintenant en y portant son attention.
Quand le patient décrit une scène du passé, le thérapeute répond en disant
« et que ressentez vous maintenant que vous êtes en train de me décrire
cela ? ».

L'analyse de l 'expression
lei on rend consciente la manière dont le patient s'exprime. Son
attention sera attirée sur ses modalités de communication non-verbales,
comme le ton de la voix, les gestes, les mouvements oculaires, la
tension musculaire, etc. Le thérapeute peut simplement encourager le
patient à porter attention à un aspect particulier en disant, « êtes-vous
conscient que vous serrez vos mâchoires ? ». On peut aussi aboutir à
des prescriptions de tâche hors séance pour aider le patient à déterminer
l'importance de l' émotion dans d'autres contextes.
1 78 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

L'intensification
On demande au patient d'intensifier une émotion en cours, après
l'avoir reconnue. Par exemple, les patients doivent frapper sur des
oreillers ou se pousser mutuellement les uns les autres dans un emploi
de la technique en groupe. Lorsque, par exemple, il frappe une chaise
avec un oreiller, le patient effectue d'amples respirations et doit répéter
à voix haute une phrase particulièrement signifiante qui permette de
pousser plus loin ou d'approfondir l'expérience. Normalement le patient
est encouragé à rendre maximale et à exagérer l'expression émotionnelle.
Cette technique peut être effrayante pour certains et ne doit être employée
qu'à bon escient. Elle peut apparaître à d' autres comme artificielle ou
dérisoire, selon les cas. L'éducation des participants avant l'expérience,
la supervision et une grande expérience du thérapeute constituent les
prérequis indispensables pour une pratique conforme à l' éthique.
La mise en acte (enacting) est une méthode associée par laquelle le
patient expérimente plus fortement l'émotion en l ' agissant verbalement
ou physiquement. Par exemple, un individu peut être encouragé à répéter
la phrase « je te hais ! » plusieurs fois à voix haute, ou on peut lui
demander de démontrer ses sentiments d'isolement ou de dépendance
physiquement, en allant s 'isoler dans un coin de la pièce ou en s' accro­
chant à un autre membre du groupe.
La version psychodramatique de cette technique est appelée « mise
en scène physique » et peut impliquer plusieurs membres d'un groupe
thérapeutique. Par exemple, une jeune mère peut intensifier ses senti­
ments d'être prise au piège. Plusieurs membres du groupe peuvent jouer
ses enfants, chacun d'entre eux devant prononcer une phrase précise
résumant l'une des demandes de ses enfants. Ces « auxiliaires » doivent
doucement tirer et agripper la patiente tout en prononçant leur demande.
Cela permet d' intensifier les sentiments de la patiente d'être devenue
nécessaire mais aussi d' être piégée et restreinte dans sa liberté.

La symbolisation
Ce genre de technique peut être employé quand on sent que la
verbalisation risque de trop intellectualiser l'expérience et en détourner
du vécu. On encourage alors l'expression tangible des sentiments au
travers du dessin, de la peinture, de l'écriture poétique, du mouvement,
ou de la production de sons expressifs. Nombre de ces techniques peuvent
s'effectuer en groupe ou être conçues comme des tâches à réaliser en
dehors des séances. L'utilisation d'un « journal des sentiments » est un
autre exemple. On demande au patient d'enregistrer au quotidien les
situations émouvantes et de repérer les émotions éprouvées.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS l 79

L'établissement d'intentions d 'actions


Le patient doit aller au bout d'actions évoquées par le vécu émotionnel.
Quand il semble qu'il soit bien au contact de ses sentiments sous-jacents,
Je thérapeute se focalise sur ce que le patient désire faire ensuite. Le
pouvoir de motivation de l 'émotion ayant été éprouvé, libéré, une
direction doit lui être assigné. Le thérapeute encourage cette tendance
en stimulant le patient à développer un plan et des objectifs en tenant
compte, par des interventions de ce type, par exemple :

« De quoi avez-vous besoin ? »

« Que voulez-vous réellement ? »

« Qu'allez vous faire maintenant, à partir de cet état ? »

La technique de la « chaise vide »

Cette» technique utilisée en Gestalttherapie vise principalement l ' in­


tégration des tendances ambivalentes appelées ici des « polarités ».
L' intégration des polarités aide le patient à devenir ce qu'il est plutôt
que de s' identifier à ses idéaux. Un conflit entre des valeurs, des actions,
des pensées, et des sentiments y est traité en exprimant les deux aspects
du problème à la fois et pratiquement en même temps. L'idée est que
lorsqu'un aspect du self est survalorisé, la polarité opposée tend à
émerger. Comme dans un couple parental, où lorsque l'un des parents est
trop stricte l'autre devient trop souple, selon cette hypothèse, à l' intérieur
d'un individu le développement d'une tendance extrême produit aussi
l'accentuation de celle qui lui est opposée. L'intégration des tendances
opposées aide l' individu à effectuer la liaison des énergies vitales, et c'est
la raison de l' utilisation de la technique de la chaise vide. Cette technique
est donc indiquée lorsqu'un individu est en conflit avec deux tendances
opposées. Prenons l 'exemple d'une femme qui se sentirait incapable
"'
" d'agir à cause de sa colère. Dans un dialogue entre ces deux émotions
grâce à cette technique, la partie incapable se rendra compte de l'énergie
contenue dans le sentiment de colère ; elle n'osait pas !'utiliser car elle
avait peur de son aspect destructeur. Elle pourra le faire désormais, ayant
dépassé cette appréhension. À la fin de la séance, la patiente deviendra
capable d'imaginer une force personnelle qui ne soit pas destructrice.
Des couples de tendances opposées (polarités) fréquentes chez les
patients incluent :
• une extrême dépendance versus la tendance à être rejetant et indépen­
dant ;
1 80 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

• la tendance à avoir constamment peur d'être désapprouvé versus la


tendance ne tenir aucun compte des sentiments des autres ;
• la tendance à être extrêmement crédule opposée à celle à être très
méfiant ;
• la tendance à être excessivement émotionnel opposée celle à être trop
rationnel ;
• la tendance à être sexuellement abstinent opposée à celle à avoir une
sexualité débridée ;
• la tendance qui exprime ce que l'on devrait faire par opposé à celle qui
exprime ce que l'on veut réaliser.

L'application de la technique de la chaise vide se déroule en six étapes.

Étape 1. Expliquer la technique


L'explication des raisons d' utiliser la technique peut en réduire l ' as­
pect mystérieux mais peut aussi éliminer certaines résistances naturelles
que la méthode engendre. On peut demander au patient de penser en
silence au couple de tendances opposées et de se rappeler une scène qui
illustre bien comment i l a pu se comporter ou ressentir des sentiments
dans les deux tonalités. Le patient devrait essayer de devenir pleinement
conscient des émotions ressenties des deux côtés.
Il faut bien le prévenir que la procédure peut sembler étrange au début
mais que l ' anxiété liée à la mise en scène diminue habituellement.
La technique nécessite qu'une chaise vide soit placée directement
devant le patient. Lors des étapes suivantes, le patient devra exprimer
verbalement et non verbalement l'une des polarités lorsqu'il est assis sur
une chaise et l'autre polarité lorsqu' i l est assis sur l ' autre chaise.

Étape 2. Approfondissement de l 'expérience


Le thérapeute demande au patient de choisir un côté, selon la polarité
qu'il ressent le plus fortement ou à laquelle i l lui est le plus facile d' ac­
céder. À ce moment précis on lui accorde du temps pour qu'il rentre en
contact avec ses émotions et on lui conseille de « permettre à l 'expérience
de s 'approfondir ». Une manière de l 'aider à approfondir l'expérience
est de le ramener constamment à un récit au présent (concentration sur
le présent). Quand le patient dit « j 'aurais pu pleurer », le thérapeute
répond « êtes-vous conscient de cette tristesse tout de suite ? » .
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS l 81

Étape 3. Expression
Le thérapeute demande d' abord au patient de décrire la polarité la
plus saillante sous la forme de pensées, sentiments, et expériences qui lui
sont associées. On lui demande ensuite de maximiser cette expression
en utilisant et même en exagérant les gestes et le ton de la voix. Le
thérapeute peut lui demander de répéter une phrase particulière plusieurs
fois si elle semble pertinente et si elle semble accroître les sentiments ou
synthétiser les caractéristiques propres à la polarité. L'accent devrait être
porté sur la reviviscence de l 'expérience plutôt que sur sa description.
Cela n'est possible que lorsque le patient reste dans le temps présent.
Quand le thérapeute sent que le patient en est arrivé à un point mort
(ne peut plus rien exprimer d' autre du point de vue de la polarité), i l
lui demande d'aller s ' asseoir sur l 'autre chaise ( « la chaise vide » ) . Le
point d'arrêt est décidé par le thérapeute. Quand le patient semble être
à court de mots, répète les mêmes choses, est bloqué, ou semble avoir
pleinement exprimé la polarité, il a atteint le point d'arrêt.

Étape 4. L'expression contradictoire


En s' asseyant sur la chaise opposée, le patient répond directement,
émotionnellement, et aussi complètement que possible à la première
expression ou argumentation. Il essaye de passer au pôle opposé de
l'expression précédente et d' exprimer l' antithèse de la même manière
corporelle, agie, émotionnelle, verbale, et complète. À nouveau, le
thérapeute essaie d' accroître l 'expression émotionnelle du patient en
cherchant à approfondir l'expérience, en encourageant ses gestes et ses
phrases clefs, en répétant ses phrases avec un ton de voix plus fort.
Si le patient dit « je suis tellement en colère, je pourrais hurler », le
thérapeute peut soit répéter cette phrase avec plus de force, « vous êtes
assez en colère pour hurler » ou il pourrait même dire « écoutons donc
t:
" ce hurlement >>.

Étape 5. Répétition
Le passage d'un pôle à l ' autre du conflit est répété jusqu'à ce que le
patient ou le thérapeute sente que les deux tendances opposées ont été
pleinement exprimées. Durant ces alternances, les deux côtés peuvent
commencer à élaborer un compromis ou une solution. Le patient ne
j doit pas croire qu'une telle issue doive absolument se produire ; c'est
seulement un bénéfice occasionnel de la méthode. Qu'une prise de
conscience spectaculaire s'opère ou non, l' avantage de la technique de
la chaise vide est que le patient opère dorénavant avec une conscience
1 82 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

et une connaissance claires de ses deux tendances, et qu'il sera capable


d'effectuer des choix plus conscients.

Étape 6. Engagement
Même si le problème n'a pas trouvé une complète résolution, le
patient est encouragé à donner son agrément à un plan d'action qui
implique au moins la prise en compte des deux facettes de la situation
faisant problème. Prenons le cas d'un patient pris dans le dilemme entre
une dépendance constante aux autres dans la prise de ses décisions
et une indépendance méprisante. Une tâche hors séances pourrait lui
être assignée, d'utiliser chacune de ces deux attitudes à deux occasions
distinctes et d'en rapporter les résultats. On pourrait aussi lui demander
d'entreprendre une action qui utilise les énergies et forces des deux
pôles conjointement (par exemple, pour une décision, demander un avis
spécialisé ponctuel, tout en tenant compte de ses propres intuitions et
connaissances).
Un exemple d'utilisation de la chaise vide montre comment patient
et thérapeute peuvent travailler ensemble pour intensifier des sentiments
bloqués et comment cette intensification conduit à une résolution, à une
intégration cognitivo-affective « postcathartique ». Le patient va ici se
confronter à sa mère, qu' il imagine assise sur une chaise vide en face
de lui. L'expression physique et verbale est utilisée pour intensifier le
sentiment, de manière à ce qu'il puisse être pleinement vécu, éprouvé
jusqu'à son extinction et la résolution du conflit associé (la libération
du sentiment conduisant à une expérience différente). On demande au
patient de parler d'une voix forte pour rendre authentique l 'expression
verbale et pour « prendre le risque » de ressentir réellement l'émotion.

Patient (les bras tremblant et tapant des pieds) Je ne sais pas quoi faire
-

(parlant au thérapeute) J'ai peur de dire ce que je pense à ma mère.


Thérapeute - Que craignez-vous qu'il arrive ?
P J'ai peur qu'elle me frappe. Elle me frappait toujours quand j'étais
-

petit si je disais quelque chose.


T Maintenant vous avez une chance de lui dire ce que vous ressentez.
-

Elle ne peut pas vous frapper ici.


P (commence à marcher autour de la chaise en parlant à sa mère comme si
elle était là) Je ne t'aime pas (sursaute en arrière comme s ' il s 'attendait
-

à ce que sa mère le frappe) Ne me tape pas !


T faites un choix entre l 'expression de la peur et celle de la colère. Si
-

vous voulez exprimer la colère, parlez plus fort. Vous avez le contrôle
maintenant. Dites-lui à propos de quoi vous lui en voulez.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 83

P - Je veux lui dire pourquoi je suis en colère (regarde la chaise) Je t'en


veux de m'avoir piqué avec des épingles, je t'en veux de m'avoir frappé
(tremble encore plus).
T - Utilisez ce traversin pour frapper la chaise. Concentrez-vous sur ce
tremblement et dites-lui ce que vous ressentez.
P - (frappe la chaise avec le traversin) Je te déteste.
T - Soyez spécifique en lui disant exactement à cause de quoi vous l a
détestez.
P (frappe la chaise plusfort) - Laisse moi tranquille.
T - Je t'en veux de me battre (le thérapeute suggère au patient une phrase
en « Je » pour se focaliser sur l'émotion)
P (frappe la chaise) - Je t'en veux de me battre. je t'en veux de me dire
que c'était de ma faute (continue à frapper la chaise lors de chaque phrase).
Je t'en veux de m'avoir enfermé dans les toilettes. Je t'en veux pour avoir
laissé papa me battre. Je t'en veux pour m'avoir mjs dehors le soir où je
t'ai répondu (se redresse et paraît plus grand). Oooh, je me sens bien !
T - Dites lui comment vous vous sentez, après toutes ces années passées
à retenir vos sentiments (sollicite la reconnaissance des effets positifs de
l'expression pour accroître le sentiment de résolution).
P - Je me sens bien. mes mains sont fortes. Mes jambes sont puissantes.
Tu ne peux plus me faire de mal maintenant.
T - Dites à votre mère ce que vous avez accompli avec elle ici aujourd'hui
(pour ancrer plus encore l'effet d' accomplissement et de résolution).
P - Eh bien, maman, aujourd'hui j'ai été capable de te dire toute la colère
et le ressentiment que j ' avais gardé en moi pendant toutes ces années
(regarde le thérapeute) ça fait du bien ... Je me sens bien. et. .. serein.
T - D' accord. Dites au revoir à votre mère à votre façon et laissez la
quitter la pièce de manière à ce que nous puissions synthétiser et terminer
la séance.
P - Au revoir maman. Maintenant je peux te regarder dans les yeux quand
je te parle.

Le patient dans ce cas commence à ressentir de la force dans son


propre corps, réponse qu'il évitait quand sa mère Je frappait réellement
� dans l'enfance, quand c'était l'intérêt de l'enfant d'éviter d'irriter encore
plus sa mère. Cependant, en tant qu' adulte, passer de la peur à la force
de sa colère lui permettra d'exprimer ses sentiments et de se protéger de
violences ultérieures. Dans un environnement sûr, il peut laisser sortir
toute sa rage et apprendre des réponses nouvelles plus adaptées.

La notion d'impact thérapeutique


"8
0 Pour être efficace, le message thérapeutique doit atteindre l 'esprit
@ du patient et y demeurer pour s' activer dans les occasions où il en
1 84 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

aura besoin. Cela ne se produit pas lorsque ce message est négligé,


écouté superficiellement, ou oblitéré par les soucis de la vie quotidienne.
Quoique d'un aspect semblable à la « résistance » dans son effet, cet
affaiblissement du message thérapeutique peut en être indépendant. À
la différence de la résistance, il s 'agit d'une négligence passive, due
à la capacité limitée de l ' attention et de la mémoire. Elle reflète la
quantité réduite d'espace allouée au thérapeute dans l'esprit du patient.
Il peut être décourageant de constater que nos efforts thérapeutiques
sont ainsi gaspillés, non pas du fait de la gravité des troubles, ni d'une
résistance au soin, mais simplement parce que nous n'avons pas réussi
à faire impression. Nous présenterons ci-dessous quelques principes
permettant d'accroître l'impact des interventions : en cultivant l'attention,
en stimulant les émotions, en brouillant les attentes, ou en renforçant le
message, etc.
Soulignons auparavant que ces méthodes font partie du bagage tech­
nique des grands psychothérapeutes, quelle que soit leur appartenance
théorique, et qu'elles rentrent donc dans le cadre des facteurs communs
des psychothérapies. Elles ne sont pas hors de portée du psychothé­
rapeute commun, réservées à de « grands artistes », mais peuvent et
devraient être systématiquement enseignées lors de la formation initiale.
La première consiste à s 'assurer de l 'attention positive du patient. I l
existe plusieurs manières d ' y parvenir.

Favoriser l 'attention
Lorsqu'on observe des psychothérapeutes d' exception à l' œuvre, on
peut voir que, loin de prendre pour acquise l' attention du patient, ils la
cultivent de manière assidue, créant une attente favorable, construisant un
suspens, focalisant fortement l' attention sur un point précis, et soulignant
avec insistance le statut spécial des messages importants.
Prenons ainsi des exemples :
- La vigilance du patient peut être stimulée par des indices lui annonçant
que quelque chose d'important va an-iver. La façon la plus simple de
procéder consiste à lui dire qu'on va lui délivrer un message. Cela peut
être fait simplement (« je vais maintenant vous dire ce que je pense de
ce problème » ), ou bien plus formellement ( « maintenant, je vais vous
donner votre tâche pour la semaine à venir » ), ou bien encore avec
enthousiasme (« écoutez cela, c'est très important ! »), ou même avec
un sentiment d'urgence (« maintenant vous devez absolument écouter
ce que j ' ai à vous dire, car c'est vital. Êtes-vous prêt ? » ).
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS l 85

- Créer un suspens est une autre façon d'améliorer l'attention. Dans


la thérapie stratégique de Haley, par exemple, lors d'une tâche dite
« ordalique », le thérapeute annonce que le problème ne pourra être
résolu que si le patient est prêt à s'engager « aveuglément » dans
l' exécution d'une tâche désagréable mais extrêmement efficace. I l
lui demande de prendre e n considération ce « pacte avec l e diable »
pendant une semaine, et sa curiosité est ainsi mobilisée comme élément
de l ' alliance thérapeutique. Une utilisation semblable du suspens est
illustrée par l'école Milanaise de thérapie familiale, dans laquelle,
à la fin d'une séance, la famille est gardée en attente du « verdict
de l' oracle », représenté par !' équipe thérapeutique invisible cachée
derrière le miroir sans tain.
- li existe trois voies pour focaliser l 'attention : la focalisation senso­
rielle, la focalisation du contenu des échanges, et l'engagement dans
une activité structurée.
- La focalisation sensorielle peut s'effectuer simplement par le
contact visuel, un geste ou un toucher. Elle peut aussi se produire par
une action, ou un mouvement qui souligne le message thérapeutique.
Par exemple, au moment où l'on transmet le message, le thérapeute
peut appuyer sur le bouton d'enregistrement d'un magnétophone,
ou dessiner un diagramme sur une feuille de papier. Ou encore
pour attirer l'attention d'un groupe familial, pour que les parents
puissent parler sans interruption externe, le thérapeute s'interpose
entre les parents et les enfants, faisant obstacle avec son corps aux
distractions pouvant provenir de ces derniers.
- La focalisation du contenu des échanges consiste à circonscrire
soigneusement le contenu de la discussion. Les contenus peuvent
être spécifiés de manière assez générale, comme lorsque l'on dit
que le problème doit rester au centre de la discussion, ou plus
c
précisément, comme lorsqu'on se focalise sur des événements
::>
concrets. « Penser petit », c'est-à-dire traduire tous les objectifs
et les plaintes en termes de problèmes de la vie quotidienne, est

particulièrement indiqué lorsque l' attention du patient à tendance
à s'évader vers de lointains horizons ou de fumeuses abstractions
dans lesquels le message du thérapeute va sombrer sans laisser de
trace.
f - La focalisation par l 'engagement dans des activités consiste à effec­
tuer un exercice physique (comme une technique de relaxation ou
de respiration) ou une simple tâche (comme cuisiner un plat ou faire
"8
le ménage) avec le patient. Cela peut provoquer une recrudescence
a
@ de l'attention même chez la personne la plus désorganisée.
1 86 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

L 'attention doit s 'accompagner d'un état de réceptivité positive


La simple attention n'est en effet pas suffisante, comme on peut
le constater avec de nombreux patients « paranoïaques » qui sont très
attentifs à tous les signes énùs par le thérapeute, uniquement pour nùeux
le rejeter ou mal interpréter ses intentions. Ce qu'il faut obtenir c'est un
état de réceptivité positive. Les thérapeutes doivent donc aussi s'assurer
de la présence d'un arrière-plan émotionnel favorable, par des techniques
de rapprochement 1 et par des phrases marquant l ' empathie qui créent
une atmosphère de réassurance et de soutien, ou en se basant sur un
sentiment d'urgence et en persuadant les patients qu'ils ne peuvent rester
indifférents.

Le rapprochement (joining) avec la souffrance du patient


Si le thérapeute reflète de manière forte et convaincante l 'état du
patient, celui-ci sera plus ouvert aux propos du thérapeute qui auraient
été autrement ignorés ou rejetés.

Un mari jaloux qui venait de subir un infarctus sévère, harcelait malgré lui sa
récente épouse en lui faisant d'horribles scènes chaque fois qu'elle revoyait
d'anciens amis. Le thérapeute, après avoir échoué à plusieurs reprises dans
sa tentative de montrer à son patient en quoi son comportement allait à
l'encontre de ses intérêts, lui dit : Vous êtes dans une situation terrible,
«

parce que si votre femme vous quitte, vous risquez de mourir. Même si vous
ne mourez pas sur un plan physique, vous mourrez en tant que personne.
C'est pourquoi vous réagissez comme un animal acculé et, chaque fois
que votre femme fait un pas hors du domicile conjugal, vous ressentez une
menace de mort. Je ne sais pas si je pourrais réagir différemment si j'étais
dans votre situation. Mais l'ironie de tout cela, c'est que c'est seulement en
changeant votre comportement que vous pourrez sauver votre mariage ».

Une expression aussi vigoureuse de sa condition douloureuse conduisit le


patient à accepter ce qu'il avait rejeté à plusieurs reprises antérieurement, et
les scènes de jalousie s'arrêtèrent brusquement

Le rapprochement en mettant l 'accent sur les aspects positifs

Mettre l'accent sur ce qu'il y a de positif dans le comportement d' une


personne est aussi une manière d'accroître sa réceptivité. Minuchin
(thérapeute familial systémique, 1 979), par exemple, prépare souvent
ses interventions en s'émerveillant de la capacité des membres de la

1 . ou « joining », technique décrite par Minuchin, qui consiste à montrer à chaque


membre d'une famille que l'on comprend son monde et qu'on l'accepte.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 87

famille à saisir et réagir aux signaux non-verbaux que leur envoient les
autres, sans qu'ils aient à passer par la parole : « Extraordinaire ! Est-ce
que ce n'est pas merveilleux dans votre famille à quel point vous êtes
tous reliés les uns aux autres ? C'est très beau. Donc il y a ainsi des
fils invisibles qui vont de vous jusqu'à maman ». Cette stratégie rend la
famille plus ouverte à l ' intervention suivante plus confrontante ; (au fils)
« Combien de temps encore serez-vous le bébé ? Je connais des gens qui
sont en communion si étroite avec leur mère, comme vous l'êtes, qu'ils
n' ont plus vraiment d'espace pour vivre par eux-mêmes. Dans d'autres
familles, les gens qui sont attachés comme vous sont ficelés dans le rôle
du bébé pour très longtemps » .

Créer un sentiment d'urgence pour augmenter la réceptivité


Les psychothérapeutes existentiels amplifient le sentiment d'urgence
en se concentrant sur les « situations limites », c'est-à-dire les événe­
ments qui confrontent l'homme à sa nature de mortel et à sa faillibilité.
Les rencontres avec la mort d'un proche, les départs, les maladies, le
vieillissement, les décisions majeures, tout cela provoque une anxiété
existentielle et un sentiment d'urgence, car la vie est en train de fuir. Loin
d' essayer de soulager ces préoccupations, Yalom ( 1 98 1 ) essaie de les
stimuler, par exemple, par des rencontres imaginaires avec la mort, ou
bien en introduisant des malades du cancer dans des groupes de patients
« névrotiques en bonne santé », ou par des méditations guidées sur la
mort, dans lesquelles on demande au patient de se voir progressivement
dépouillé de sa profession, son statut, ses amis, sa famille, et sa santé.
Minuchin excelle dans une autre manière pour faire éclore un sentiment
d' urgence, en dramatisant les événements les plus banaux : quand un
père essaie d' aider son fils à ajuster son microphone pendant une séance,
Minuchin demande à la famille pourquoi ils empêchent le fils d' « utiliser
ses propres mains », d'agir de manière responsable et de grandir. Ce
c:
::> genre d'interventions, présentées telles quelles, hors de leur contexte,
peuvent paraître très agressives et susciter la réprobation. Elles peuvent
paraître en contradiction avec nos propos du début sur le respect de
l 'estime de soi du patient, l ' anaclitisme, le soutien, la création d'une
relation de bonne qualité et d'une alliance thérapeutique. En fait, elles
doivent, d' une part être évidemment replacées dans le cadre dans lequel
elles ont lieu et, d'autre part, elles sont citées surtout ici, pour donner
des exemples de la manière (discutable ou non) dont on peut user
pour augmenter l'impact des interventions du thérapeute. Bien entendu,
l'ironie ou le sarcasme, le double lien, l' hypocrisie, etc. ne peuvent pas
être utilisés sans précaution ni sans prudence. On laisse aux thérapeutes
1 88 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

familiaux systémiques ou stratégiques la responsabilité de leurs procédés.


Mais à titre de documentation, et pour en avoir nous-même utilisé avec
profit, il n'est pas inutile, en tout cas, de prendre connaissance, au moins,
de certains d'entre eux.

La stimulation émotionnelle
Une autre façon d' augmenter l'impact thérapeutique réside dans
l'utilisation appropriée de la stimulation émotionnelle.
Il est prouvé par de nombreuses études que l ' intensité des émotions
contribue à augmenter la fixation des souvenirs, surtout, du reste, si elles
sont positives (plaisir, joie, climat de bonheur ou de satisfaction).
Les émotions permettent donc de rendre mémorables les événements
thérapeuciques. Nous nous rappelons bien nos moments de vécus affectifs
intenses, nous leur attribuons une signification spéciale, et nous les
transformons en « poteaux indicateurs » dans le voyage de notre vie.
L'histoire d'une thérapie peut souvent être conçue rétrospectivement
comme le dénouement d'un événement hautement émotionnel. Les
périodes les plus calmes peuvent alors être interprétées soit comme des
étapes préparatoires à cet acmé émotionnel, soit comme une perlabora­
tion de son avènement.
La capacité qu'a un message de stimuler les émotions est presque
intuitivement équivalente à son impact mental. Dans les exemples
suivants, nous montrerons comment des interprétations, des interventions
tirées de thérapies familiales ou comportementales, en dépit de leurs
différences évidentes, peuvent servir l 'objectif commun de stimuler
les émotions nécessaires au psychodrame sous l'angle duquel peut être
envisagée une psychothérapie.
Quand une interprétation évoque de fortes émotions, elle sonne juste
et a de meilleures chances d'être acceptée et mémorisée.

Une veuve de 66 ans demanda une thérapie pour son incapacité à se décider
à vendre une maison qui représentait pourtant un fardeau considérable
pour elle. Tous les arguments rationnels en faveur de la vente ne l'aidèrent
absolument pas à se décider. Son mari était mort un an plus tôt ; le
thérapeute lui fit remarquer que cette maison était chargée de souvenirs
et qu'elle s'y accrochait en mémoire de sa vie passée avec son mari. Cette
interprétation provoqua de puissantes émotions, qui l'aidèrent à faire le
" travail de deuil '" à la fin duquel elle pût se décider assez facilement.
Une autre interprétation aurait cependant aussi bien fait l'affaire, pour autant
qu'elle ait aussi activé des sentiments intenses liés au deuil irrésolu. Dans
un autre cas, semblable, l'interprétation utile (qui provoqua aussi la décision
de déménagement) fut que la maison servait de coquille de protection et
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS l 89

que l'idée de la quitter faisait éprouver un sentiment de faiblesse et de


vulnérabilité. Dans les deux cas, alors qu'il faudrait débattre pour savoir
si les interprétations étaient vraies d'un point de vue causal, l'on peut être sûr
que la réponse émotionnelle fut essentielle pour rendre compte de l'impact
du message thérapeutique.

Une approche très différente est illustrée par l'utilisation de mises en


actes avec des familles d'anorexiques. Le thérapeute vise à changer les
tentatives infructueuses des parents de prendre en charge l'alimentation
de leur fille, et leur vision biaisée d'elle comme étant faible et malade.
Le repas est servi pendant la séance et on demande aux parents de faire
manger leur fille afin qu'elle puisse vivre (la température émotionnelle
s'élève). Ils essayent de le faire de leur manière habituelle et échouent. Le
thérapeute demande à l'un des parents d'essayer encore seul, pour éviter
les éventuelles tentatives de neutralisation de l ' autre (la température
émotionnelle s'élève encore plus). Si le premier parent échoue, l 'autre
doit essayer à son tour. U n nouvel échec provoque habituellement un
maximum d'intensité de l'émotion et tout le monde est proche du point
de rupture. La salle de thérapie ressemble souvent à un champ de
bataille, jonchée de débris alimentaires, et les habits, visages, et cheveux
des combattants sont maculés de sauce et de moutarde. Le thérapeute
intervient alors et déclare que la fille a montré à quel point elle était forte
et têtue, qu'elle a utilisé son pouvoir de manière futile et destructrice, et
qu'à partir de maintenant elle doit surveiller son propre corps, et, si elle
a besoin d'aide, elle en recevra de l'équipe. Ce message tire un impact
indélébile du drame intense qui l'a précédé.
Les thérapeutes comportementalistes utilisent encore d' autres che­
mins pour stimuler et utiliser les émotions. Des procédures comme
l'immersion en imagination, l ' exposition in vivo, et le conditionnement
c:
aversif fournissent aussi aux patients des expériences chargés d' affects
::>
qui servent de références facilement accessibles à sa mémoire pour la
suite de sa thérapie. Les longues séances d'exposition qui jalonnent
souvent le traitement des obsessionnels envahis par leurs rituels de
lavage constituent une représentation dramatique de leurs fantasmes
les plus catastrophiques. Comme tous les recoins de sa forteresse de
propreté (la séance la plus « dramatique » est conduite à son domicile)
sont rituellement pollués, le patient peut ensuite voir venir le futur avec
assurance, car il ne peut amener des événements aussi catastrophiques
que ceux qui viennent de se dérouler.
Tous ces différents exemples d'intervention et bon nombre des sui­
vants nous montrent combien, à côté de l ' acceptation inconditionnelle
1 90 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

du patient ou de la neutralité bienveillante, l'activité psychothérapique


mobilise d'agressivité de part et d' autre. Beaucoup de symptômes ou de
troubles du comportement, de quelque nature qu'ils soient, sont en fait,
dans une interprétation psychanalytique, des aménagements de l'agressi­
vité et plus particulièrement du noyau sadomasochiste qui est à la base de
la personnalité (Laplanche et Pontalis, 1 967). Le problème très souvent
pour le psychothérapeute est de savoir comment y répondre, que faire
du sadisme ou du masochisme sous-jacent aux manifestations présentées
par le patient. Dès lors, la question fondamentale de la psychothérapie,
devient celle du maniement de l' agressivité et du couple de forces
sadomasochistes. Ces différents exemples l'illustrent particulièrement,
chacun à sa façon. Ils doivent bien entendu être replacés dans leur
contexte qui ne peut être restitué ici, d'où souvent leur aspect quelque
peu choquant, mais au-delà de la mobilisation et ou de la régulation
des émotions (souvent sous-tendues par de l' agressivité colère, angoisse,
douleur, souffrance tristesse, etc.) c'est cette force négative qu'il s ' agit
d'utiliser, de canaliser, de retourner ou de transformer, au bénéfice du
patient bien entendu. Mais on voit combien, dans maints de ces exemples
le sadisme du psychothérapeute est directement sollicité et combien
il doit s'être entraîné au cours de sa formation, à en avoir clairement
conscience et à en maîtriser aussi complètement que possible les effets.
Dans l 'exemple du procédé de la chaise vide, tiré de la Gestalttherapie,
c'est le thérapeute qui, finalement, donne le signal de l' arrêt de la
séance. Bien entendu, i l se base sur des critères techniques ; il a par
ailleurs été suffisamment supervisé dans le maniement de cette technique
pour en faire bon usage, mais on voit que la limite est subtile entre
ce qui, est objectivement nécessaire pour le bien du patient et ce qui
pourrait servir son plaisir sadique secret. On pourrait en dire de même
des scénarios de thérapie familiale ou de l'exemple d'exposition in
vivo du thérapeute comportemental salissant au-delà de l'imaginable
les plages compulsivement nettoyées et renettoyées par le patient... Toute
une partie de la formation du psychothérapeute ne consiste-t-elle pas
à apprendre jusqu'où ne pas aller trop loin dans le maniement de son
propre sadomasochisme ?

la surprise et L 'originalité
Elles ont aussi un effet d'impact très important.
L'ambiance singulière, l'événement inhabituel, le « petit tour »
déjouant toute attente, et l' intervention paradoxale sont devenus des
techniques psychothérapeutiques reconnues. Les patients s'habituent
vite. La séance de thérapie peut vite s' intégrer dans la routine du
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 91

patient, qui peut alors conserver u n aspect monotone et stable à sa vie.


Pour éviter de protéger ainsi le statu quo, l' événement thérapeutique
« extraordinaire » peut constituer l'antidote approprié. Cependant, le

thérapeute qui s'y engage ne doit pas habituer le patient à l'exceptionnel,


sous peine de voir ce dernier développer une addiction aux « chocs
thérapeutiques » , finissant par en redemander à chaque séance.
Les surprises peuvent être rangées en trois catégories, selon qu'elles
portent sur le contenu, l' interaction, et l'ambiance.

1. Le contenu
En dehors de leur côté marquant, les contenus surprenants peuvent
avoir un effet désorganisateur salutaire vis-à-vis d'habitudes mentales
bien ancrées. Cet effet de surprise permet de comprendre pourquoi
les psychothérapies semblent plus efficaces à leur début, quand elles
sont encore nouvelles. Les interprétations sexuelles de Freud étaient
choquantes pour les premiers patients, alors qu' actuellement ceux-ci
peuvent être surpris de leur absence.
Les surprises thérapeutiques d' aujourd'hui sont d'un type différent.
L'une d'elles s'appelle le recadrage, qui consiste à fournir une nouvelle
signification au comportement du patient, habituellement une signifi­
cation positive. Par exemple, Yalom recadre souvent la culpabilité et
l' anxiété de ses patients en en faisant des appels intérieurs positifs qui
les préviennent du risque de manquer leur chance de vivre pleinement ;
ou bien, leur sentiment de solitude est recadré comme un isolement exis­
tentiel qui les sauve de la fusion interpersonnelle. Sullivan a recadré le
sentiment d'impuissance d'une femme vis-à-vis de ses tâches ménagères
comme un signal encourageant lui indiquant qu'elle avait mieux à faire
de son temps.
Une autre sotte de surprise thérapeutique, liée au recadrage, est le
c:
paradoxe, qui consiste à encourager le symptôme du patient. Par exemple,
:::
un paradoxe solennel peut consister à prescrire un rituel dans lesquels les
membres de la famille expriment leurs remerciements au patient identifié,
alors qu'un paradoxe plus humoristique peut consister à demander à un
patient, souffrant de plaintes cardiaques d'origine névrotique, de devenir
" le champion olympique des attaques cardiaques.
Une troisième sorte de surprise est / 'utilisation intentionnelle du
choc et de l 'absurdité. Par exemple, un thérapeute demande à une
femme suicidaire d' imaginer comment elle assassinerait son mari et
son thérapeute. Ou bien encore, un thérapeute encourage son patient, âgé
de 45 ans, à répéter de nombreuses fois à sa mère morte « je ne changerai
pas jusqu'à ce que tu me traites différemment de quand j'avais l 0 ans » .
1 92 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

2. L 'interaction.
Une surprise interactionnelle consiste en ce que Je thérapeute joue un
rôle contraire à ce qui était attendu de lui. L'expérience émotionnelle
correctrice d' Alexander et French, par exemple, consiste à se conduire
de manière diamétralement opposée à celle correspondant aux attentes
transférentielles du patient (comme réagir de façon permissive à un
patient élevé dans une atmosphère punitive, et de manière stricte et rigide
vis-à-vis d'un autre qui a grandi au sein d'une famille permissive).
Les surprises thérapeutiques peuvent aussi être réalisées par une
déviation du comportement habituel. Ainsi. un psychanalyste, après
avoir écouté pendant des mois les plaintes interminables de son patient,
provoqua un choc salutaire chez ce dernier en lui demandant s'il avait
l ' intention de continuer ainsi jusqu'au Jour du Jugement Dernier. Une
telle intervention aurait eu très peu d'impact si elle n' avait pas été
précédée par des mois d'écoute impassible et dénuée de la moindre
critique. L'attitude thérapeutique peut ainsi, dans de nombreux autres
cas, être spectaculairement inversée, d'une manière qui s' avère à la fois
bénéfique et mémorable.
La théorie de « la non-complémentarité » en psychothérapie soutient
que, dans toute interaction, les réponses attendues tendent à perpétuer
ou accroître le comportement initial. Donc, lorsqu'un thérapeute réagit
aux accusations d'un patient par une justification personnelle ou des
accusations en retour (les deux étant complémentaires), les accusations
initiales sont renforcées. Les réponses non complémentaires, au contraire,
brisent ce cercle vicieux et amènent un changement thérapeutique.

3. L 'ambiance

Une ambiance inhabituelle peut être provoquée par un cadre excep­


tionnel, ou par un état de conscience particulier, ou par une atmosphère
émotionnelle spéciale.
Des exemples de cadre de traitement inhabituels sont les salles de
déprivation sensorielle, les laboratoires de biofeedback, la grotte de
Lourdes, et une salle de jeu pleine d'ours en peluches pour accueillir
les cris et larmes d'adultes en thérapie. Parfois le cadre est inhabituel
seulement vis-à-vis du comportement en cause, comme lorsqu'un couple
doit aller faire ses scènes de ménage dans les montagnes, ou qu'un patient
obsessionnel doit abuser de son rituel favori entre 1 4 heures et 1 6 heures.
Des exemples d' « états spéciaux de la conscience » sont représentés
par l'hypnose, la relaxation, la méditation, la narco-analyse, les procé­
dures d' imagerie mentale guidée.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 93

Les atmosphères émotionnelles spéciales se retrouvent à de nom­


breuses occasions, comme dans les expériences cathartiques, les senti­
ments d' appartenance qui peuvent surgir dans un groupe ou une réunion
familiale, la prise de contact avec une partie aliénée de soi-même,
et la stimulation provoquée par une thérapie d'implosion. De telles
circonstances peuvent s'avérer d'un effet très puissant, si elles ne sont
pas répétées ad nauseam.

L 'engagement et la mobilisation dans l 'action


Elles peuvent aussi faire la différence entre l ' intervention vouée à
l'oubli et celle qui conduit à un changement significatif.
Nous nous rappelons bien ce que nous avons eu du mal à obtenir grâce
à notre effort personnel.
Selon les thérapies, il peut être demandé aux patients des tâches assez
simples, comme de noter leurs rêves sur une feuille ou de pratiquer
la relaxation ; ou des tâches plus difficiles comme d'encourager un
client souffrant de solitude à publier et répondre à des annonces dans le
journal ; ou même de véritables « épreuves » dans lesquels des tâches
très déplaisantes et le plus souvent apparemment absurdes doivent être
exécutées chaque fois que le patient s'adonne à son comportement
problématique. Notons que ces dernières tâches (les « épreuves » ) ne
cherchent pas à développer un « apprentissage actif » puisqu'elles
consistent habituellement à prescrire des activités dénuées d' intérêt
direct. Elles semblent cependant avoir un effet marquant et mémorable,
directement proportionnel à l'absurdité de l'effort qu'elles exigent.
Le simple fait de s'engager envers soi-même produit un impact. C'est
comme si en s'engageant, les patients réservaient leur attention, créaient
un « espace mémoire », et gardaient une disponibilité pour des actions
en faveur de l'effort thérapeutique à fournir.
C'est ainsi que le seul fait de rédiger et signer un contrat thérapeutique
avec le thérapeute peut avoir un effet important dans le traitement.

Créer un lien entre la thérapie et Le problème


L'acte thérapeutique devrait en outre porter directement sur le domaine
de la vie dans lequel le problème est vécu. l i est essentiel de créer un
lien entre la thérapie et le problème, de manière à éviter l ' isolation des
messages thérapeutiques dans le confinement du cabinet de consultation .
Le meilleur lien est réalisé par contact direct, soit en liant le pro­
blème vécu à la thérapie ou vice-versa. C'est la raison pour laquelle
les thérapeutes familiaux conduisent « une séance repas » avec les
1 94 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

familles d' anorexiques, et les thérapeutes comportementaux quittent


leurs bureaux pour désensibiliser in situ les phobiques.
Malheureusement, la plupart des situations problèmes sont moins
accessibles. Il est alors nécessaire d'établir des liens par des « évé­
nements médiateurs ». Le plus connu d'entre eux est probablement
l' utilisation du comportement en séance du patient comme représentation
« microcosmique » du comportement problème dans la « vie réelle ». Des
événements médiateurs peuvent aussi être créés artificiellement, comme,
par exemple, par le jeu de rôles, l ' imagerie guidée ou l' hypnose. Plus
ces simulations évoquent précisément les réactions du patient dans la vie
quotidienne, plus sont grandes les chances qu'il effectue un apprentissage
significatif.
Une autre manière d' établir un lien consiste à utiliser des « tâches ou
des objets médiateurs ». On demande au patient de recourir à de telles
tâches lorsque survient la situation problématique, comme en écrivant
des observations ou en se répétant des pensées correspondantes à des
insights acquis en thérapie. Les tâches peuvent s' incarner dans des objets
réels comme une lettre à lire à la maison, un appareil de biofeedback
portatif, ou une cassette audio à utiliser lors de l'apparition des difficultés.
Ce sont là autant de prolongements de l'action du thérapeute, ou d'objets
thérapeutiques transitionnels qui accompagnent le patient.
Certaines caractéristiques formelles du message thérapeutique ont
aussi leur rôle à jouer dans son impact.

L'utilisation judicieuse d'images et de mots évocateurs


Ceci par exemple, est une habileté psychothérapeutique de nature
littéraire que l'on enseigne rarement dans les instituts de psychothérapie.
Un message formulé en termes imagés et évocateurs est bien plus
frappant qu'un autre énoncé en des termes vagues ou abstraits, et un bon
slogan thérapeutique, synthétisant de longues interventions verbeuses,
peut provoquer bien plus de répercussions.
On peut ainsi formuler Je message sous forme d'une devise, qui
résonnera dans l'esprit du patient sans qu'il y ait besoin de beaucoup
d'élaboration de la part du thérapeute. Les slogans deviennent souvent
des sortes de « marques de fabrique » d'un style thérapeutique. Par
exemple : Je « jeu du oui-mais » (analyse transactionnelle) ; « prenez
la responsabilité de vos sentiments » (Gestalt) ; « la tyrannie des i 1 faut,
je dois » (thérapie rationnelle-émotive d' Ellis) ; « si votre mère parle à
votre place, vous n'aurez pas de voix » (thérapie familiale structurale de
Minuchin) ; « personne ne peut vous débarrasser de votre propre mort »
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 95

(thérapie existentielle). Les meilleurs slogans, cependant, sont faits sur


mesure.

Par exemple, une femme s'attendait à ce que les gens la rejettent comme
sa mère l'avait fait autrefois, et le thérapeute lui dit qu'elle se répétait en fait
sans cesse « le monde entier est ma mère ". Ou une femme acceptait toutes
les vexations de son mari par peur d'être abandonnée, et le thérapeute lui dit
« vous ne pourrez rester ensemble que lorsque vous serez vraiment prête à
vous séparer de lui "·

Une bonne image peut être plus mémorable que le meilleur slogan.
Minuchin, par exemple, pouvait demander à un enfant « incontrô­
lable », de se tenir debout sur une chaise pendant la séance, de manière
à concrétiser sa taille virtuelle dans la famille.

Une des patientes de Alon (thérapeute eriksonien ; 1 985) lui dit un jour,
alors qu'il lui demandait de fonctionner comme une parfaite horloge, qu'elle
savait elle-même que son mécanisme était détérioré depuis de nombreuses
années. Alon s'absenta pendant quelques minutes et revint avec un vieux
réveil dans les mains, disant à cette patiente : « je viens de vous trouver
couchée par terre dans mon sous-sol ". La patiente rit, et après dix minutes
de conversation, la pièce fut secouée par la sonnerie puissante et typique
d'un vieux réveil, ce qui inversa la métaphore de désespoir, émise initialement
par la patiente, la transformant en une image d'espoir inoubliable.

L 'aspect rythmique ou les variations répétitives du message


Ils peuvent aussi accroître l a puissance mobilisatrice de ce dernier.
Il arrive ainsi que les patients parlent de l'écho persistant des paroles
du thérapeute dans leurs oreilles et la « musique » du message, sous
cet angle, peut être aussi importante que celle d' une bonne devise
publicitaire.
Un message peut être potentialisé en le rejouant dans une série de
variation.

Ainsi, un thérapeute familial demanda à des parents de discuter d'un sujet


épineux entre eux. Toute la famille se mit à éclater de rire et les enfants dirent
que « les parents ne parlaient jamais comme cela "·Le thérapeute réitéra
sa demande, bloqua toute communication possible entre les parents et lui­
même, fit geste aux enfants de rester tranquilles, empêcha, en s'interposant,
les enfants de voir les parents, tourna les chaises de telle sorte que la mère
et le père soient face à face et en même temps regarda vers la fenêtre pour
1 96 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

éviter tout contact oculaire avec eux. Il poussa aussi au loin la chaise d'un
des enfants qui avaient interrompu le processus, et demanda aux parents
qu'ils n'invitent les enfants à parler que lorsqu'ils seraient tous les deux
d'accord pour que les enfants interviennent. Cette persistance sous forme
variée permit non seulement de renforcer la demande initiale, mais aussi de
souligner l'importance des frontières du système parental.

Une autre procédure de « variation sur un thème » est utilisée en


imagerie guidée ou en hypnothérapie : on demande au patient de s'en­
gager dans une rêverie diurne sur un thème donné, puis de le refaire
encore et encore tout en introduisant des variations dans le contexte,
les personnages, les émotions, ou la conclusion finale. Les contenus
imaginés deviennent ainsi de plus en plus riches et s'impriment plus
profondément dans l 'esprit du sujet.

Les contrastes perceptifs et conceptuels


Ils augmentent la mémorisation du message.
En présence de stimuli multiples, notre cerveau semble conçu pour
retenir surtout les contrastes, en les utilisant pour organiser la masse des
stimuli afférents.
Les oppositions bipolaires de figure par rapport au fond, et de senti­
ments par rapport aux pensées, se retrouvent dans de nombreuses théories
de la cognition, de l'émotion et de la personnalité. La perception et la
mémoire, les deux fonctions les plus liées à l'impact thérapeutique, sont
favorisées par les contrastes, et, les psychothérapeutes ont ainsi intuitive­
ment tendance à formaliser leurs messages en termes de polarités.
Certains des théoriciens des psychothérapies brèves définissent leurs
thèmes centraux d' intervention en les situant sur des axes d' opposition
bipolaires : devoir versus vrais sentiments, essai sincère et échec doulou­
reux, comportement infantile contre responsabilité adulte. Ces schémas
contrastés sont facilement perçus et mémorisés (par Je thérapeute et le
patient) comme un an·ière-plan qui organise le discours et la pensée.
Le contraste joue aussi un rôle dans la technique. La technique des
deux chaises de la Gestalt ; l'inclusion d'un patient atteint de cancer dans
un groupe de « névrotiques normaux » ; l ' utilisation de deux thérapeutes,
un bon et un mauvais (de façon concertée et non comme un effet
involontaire du clivage d ' un patient), pour faciliter l'action et canaliser
les résistances ; dans toutes ces techniques, l' impact thérapeutique se
fonde sur un contraste.
Garder à l 'esprit l' impact potentiel du contraste peut potentialiser
l'efficacité de nombreuses interventions. Par exemple, la technique de
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 97

progression dans le futur consiste habituellement à demander au patient


de se représenter dans un temps ultérieur après qu'il a résolu le problème
actuel. Cette façon de faire peut être renforcée en demandant d' abord
au patient de se voir dans une situation passée dans laquelle il s'était
senti humilié par l'existence de ses difficultés. Contre cet arrière-plan
négatif, l'imagerie du succès futur devient alors encore plus saillante et
mémorisable.
Enfin, il faut mettre en place des mesures de protection de l'acuité de
l' intervention. Son caractère percutant peut être rapidement atténué par
la routine ou les soucis de la vie quotidienne, et pour garder son aspect
incisif, elle doit survivre aux premiers jours suivant la séance.

Ne pas ensevelir une intervention sous un flot verbal


Les thérapeutes sont souvent conscient que trop parler peut être inutile
voir nuisible. La plus brillante des interventions, formulée trop tôt, peut
perdre son efficacité en se trouvant enfouie sous l' abondance des paroles
échangées. Son tranchant peut être émoussé, son contraste effacé, et
son effet de surprise retombé. Une intervention importante doit donc si
possible être formulée près de la fin d'une séance, et la moins possible
discutée. Une manœuvre associée consiste à demander au patient de
s'engager à ne discuter de sa séance avec personne pendant un nombre
précis d' heure après celle-ci.

Annoncer ou demander au patient de prédire les accidents qui


pourraient s 'opposer au message thérapeutique
Par exemple, on peut lui demander ce qui pourrait venir l'empêcher
d'exécuter la prescription d'une tâche thérapeutique ou de mettre en
actes une décision prise après avoir acquis une nouvelle manière de
comprendre ses difficultés. Cette manière représente une sorte de préven­
c:
"
.,,
tion (comparable à la vaccination ou à l' immunisation) : les difficultés
prédites étant ainsi généralement désamorcées.
Le peu de place qui a été réservée aux différentes caractéristiques
décrites ci-dessus dans la littérature sur la psychothérapie suggère que
la formation du psychothérapeute est encore incomplète. On apprend à
écouter le patient, à être attentif aux processus de la relation, à examiner
le contenu des communications, mais on devrait aussi apprendre à faire
attention à l' impact des paroles car nous sommes, que nous le voulions
ou non, des dramatistes écrivant et jouant pour une seule personne (ou
plusieurs, quand nous sommes thérapeutes de groupe).
1 98 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

I N D U I R E DES ATTENTES POSITIVES ET ACCROÎTRE


LA MOTIVAT I O N
L'absence d'attentes positives et un manque de motivation à effectuer
un changement en soi peuvent être dus au découragement, à la démorali­
sation, à la perte d'espoir.
L'encouragement selon A. Adler concentre l' attention sur les aspects
positifs de la situation ou de l'existence, implique la culture d'un
sentiment d'égalité, le respect du patient, et la nécessité de le mettre
à 1' épreuve.
Les méthodes paradoxales consistent à donner des prescriptions
en apparente contradiction avec les objectifs thérapeutiques pour que
le patient puisse les accomplir. Le paradoxe est une technique plus
spécifique, à utiliser seulement lorsque les méthodes habituelles se sont
révélées inefficaces.
Le terme de résistance, d'origine psychanalytique est d'un emploi
quelque peu controversé. Il désigne, en fait, tous les comportements
ou attitudes du patient semblant en contradiction avec les objectifs
thérapeutiques ou inadéquats à leur réalisation. Le manque de progrès
du patient est une source fréquente de frustration pour le thérapeute.
La résistance peut être combattue directement. Elle peut aussi être
surmontée en l' acceptant et en la laissant s'exprimer et se déliter. On
peut aussi utiliser des moyens de faire pencher la balance en faveur des
retombées positives du changement par opposition aux inconvénients
des comportements antérieurs, pour motiver le patient.

Les différents types d'encouragement

L'encadré suivant résume les différents aspects de l'encouragement


selon A. Adler.

L ES D I F F É RENTS ASPECTS DE LA TECHNIQUE D ' ENCOURAGEMENT

Se focaliser sur les aspects positifs

1. Reconnaître les efforts et les améliorations


2. Se concentrer sur les capacités, possibilités, et conditions présentes,
plutôt que sur les échecs passés
3. Se focaliser sur les forces du patient
4. Montrer de la confiance dans ses compétences et ses capacités
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 1 99

l[i" �������-----,
Porter l'accent sur l'égalité et l'u nicité

5. Montrer de l'intérêt pour la progression et le bien être du patient


6. Se focaliser sur les points qui l'intéressent ou le stimulent
7.Lui demander d'évaluer sa propre performance, plutôt que de la comparer
à un standard externe
8. Montrer du respect pour ce qu'il est, pour sa singularité et son caractère
unique
9. S'impliquer soi-même à travers une révélation de soi judicieuse
1 O. Offrir de l'aide en tant que partenaire à égalité dans le processus
thérapeutique

Stimuler avec chaleur

11. Utiliser l'humour


1 2 . Fournir des feedback précis portant sur les actes plutôt que sur la
personne
13. Confronter les croyances décourageantes
14. Apporter de l'enthousiasme adéquat et demander un engagement à
réaliser les objectifs

Reprenons ces 3 groupes de facteurs faisant partie de la notion


d'encouragement.

Se focaliser sur les aspects positisf


L'optimisme peut s 'apprendre, dans une certaine mesure, ou s' amé­
liorer, car il fait aussi partie des prédispositions ou des tempéraments
qui sont plus ou moins bien dotés en la matière. Indépendamment des
questions philosophiques que peut soulever cette attitude, elle favorise
indiscutablement, quand elle est raisonnable et tempérée, empreinte
de réalisme, le maintien d'une bonne santé physique et mentale. Son
amélioration fait partie des effets désirés des psychothérapies. On y
apprend au patient à moins focaliser son attention sur ses faiblesses pour
plus le po1ter sur ses forces et ses capacités. On souligne ses succès
et on lui montre la confiance que l'on a dans ses capacités de réussite.
Une manière utile d'agir dans ce sens consiste à détourner toutes les
conversations ayant trait au passé au profit du présent (dans la mesure où
le patient l accepte 1 ).

1 . En effet, certains patients - qui sont plus candidats aux P.1.P. - tiennent absolument
à ce que le psychothérapeute devienne le témoin de leurs souffrances passées. Ce
témoignage est très important à leur rendre, au moins pendant un certain temps et
ramener systématiquement l 'entretien sur le présent peut être ressenti par eux comme
200 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

Considérons l'extrait suivant :

Patient - J'ai l'impression que j'ai gâché toutes mes chances d 'avenir.
Thérapeute Dites moi ce que vous aimez réellement faire.
-

P - Quoi ? Oh, bien, j ' aime beaucoup jardiner (Le patient continue en
décrivant les sensations qu i l aime éprouver et le thérapeute l'encourage à
'

poursuivre).
T Comment vous sentez vous maintenant ?
-

P Mieux. Mais je me sens toujours mieux q uand je pense à des choses si


-

agréables.
T - Oui, moi aussi. Je préfère me sentir bien.
P (riant) - Moi aussi. Mais ce n'est pas toujours facile.

Porter l 'accent sur l 'égalité et l'unicité


Le thérapeute montre au patient, par sa manière d'être et de le traiter,
qu'il est mis sur un pied d'égalité avec lui et que chacun d'eux est
unique. Cette attitude psychothérapique est sous-tendue par un arrière­
plan philosophique et déontologique mais ne supprime pas pour autant la
nécessaire asymétrie de la relation, sur le plan technique. Le partenariat
thérapeutique est basé sur le paradoxe de l' unicité et de la séparation mais
aussi de l'égalité (dans l'humaine condition). En s'associant aux intérêts
de son patient, le thérapeute reconnaît sa valeur et sa singularité. En
acceptant, parfois, avec mesure et de façon adaptée, de lui faire part de ses
réactions personnelles, le thérapeute peut se départir ponctuellement et
provisoirement d'une partie de son rôle mais il entre alors en contact avec
son patient en tant qu'un autre sujet. Enfin, il lui apprend à abandonner la
conception selon laquelle la valeur d'une personne ne serait jugée que par
des critères extérieurs et conformistes. La notion de la valeur singulière
de chaque personne va à l ' encontre de cette croyance. Le patient doit
donc en venir à j uger ses actions en fonction de ses propres normes et à
apprécier positivement sa conception personnelle et unique de la vie.

Stimuler avec chaleur


L'encouragement n'est pas seulement du soutien : il ne signifie pas
accepter le statu quo. li comporte un aspect de confrontation et implique
un effort sincère pour produire un mouvement vers le changement chez

une marque d'incompréhension foncière, un manque d'écoute, un refus de les prendre


réellement en charge. Cette culture d'un optimisme systématique doit donc être nuancée,
pondérée, mesurée, tempérée par les nombreux autres aspects constitutifs des attitudes
psychothérapiques qui sont. par définition, complexes.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 201

le patient. Le découragement y est vu comme une manœuvre défensive


qu i maintient le statu quo. L'encouragement entraîne le patient en lui
fournissant des informations en retour (unfeedback), en confrontant sa
logique personnelle, en lui demandant un engagement et en utilisant
l' humour pour contourner ses défenses.
L'encouragement au sens adlérien n'est pas identique au renforcement
au sens comportementaliste du terme. Les deux techniques ont leur utilité.
L'encouragement vise à stimuler, accroître l 'espoir, inspirer, et soutenir ;
alors que le renforcement vise à accroître la probabilité d' apparition d'un
comportement spécifique. L'encouragement vise le développement de
l'autonomie, la confiance en soi, la coopération plutôt que la compétition
(il évite les comparaisons), et se situe sur un locus de contrôle interne.
Le renforcement consiste à favoriser un comportement lorsqu'il survient.
Le tableau 1 6 résume les principales différences.

La méthode de l'encouragement

Bien qu'elle soit typiquement employée en début et en fin de séance,


afin de reconnaître les forces du patient, d' accroître son adhésion au
traitement et l'application des nouveaux apprentissages, elle s' imbrique
dans les autres techniques thérapeutiques et sert à augmenter leur
efficacité.

Étape J. l'identification du besoin


Le thérapeute identifie (par l 'évaluation) un domaine de fonctionne­
ment où l'encouragement augmenterait les efforts et la persévérance du
patient.

Henri, vendeur de meuble, était au chômage. Il était devenu très pessimiste


sur ses chances d'une nouvelle embauche. Bien qu'il fût naturellement
plutôt actif, il avait récemment plus passé de temps à errer en voiture
<li qu'à rechercher vraiment un travail. Sa femme l'accompagna à sa première
séance mais refusa ensuite de revenir. Elle était en colère. Il avait, selon lui,
perdu toute ambition, et craignait de ne jamais plus pouvoir obtenir d'emploi.
Au début, le thérapeute utilisa des techniques d'écoute avec reflet pour
comprendre ses difficultés. li lui apparut qu'elles seraient mieux abordées en
l'aidant à recouvrer l'espoir, en augmentant ses attentes et sa motivation.

Étape 2. l'estimation de l 'opportunité de la méthode


Le thérapeute estime que les objectifs thérapeutiques du patient seront
respectés et renforcés par des méthodes d'encouragement.
202 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Tableau 16. Principales différences entre encouragement et renforcement.


Dimension Encouragement Renforcement
But Pour motiver, inspirer, Pour maintenir ou renforcer un
encourager, mettre en confiance. comportement spécifique.
Nature Se focalise en direction de Se focalise en direction de
l'intérieur et sur le contrôle l'extérieur et sur le contrôle
interne ; met en valeur externe ; met en valeur l'aspect
l'appréciation personnelle et matériel et le succès.
l'effort plus que le succès.
Population Tous âges et groupes. Semble plus approprié pour les
enfants, les situations dans
lesquelles le sujet a un
autocontrôle et un développement
limités, et pour les cas de troubles
spécifiques du comportement.
Pensées/ Un mélange équilibré de pensées, l.'.attention porte principalement sur
sentiments/ sentiments, et actions, avec les une réponse observable passant
émotions sous-jacentes aux par l'action (comportementale).
actions
réponses : satisfaction, joie,
excitation du défi.
Créativité Spontanéité et variabilité dans la Le renforcement survient en
manière de répondre à réponse à des comportements
l'encouragement : liberté de très spécifiques émis de manière
répondre de manière spontanée précise ; celui qui reçoit le
et créative ; cependant cela peut renforcement doit répondre d'une
rendre difficile la compréhension manière convenue et spécifique ;
de ce qu'attend celui qui émet peu de doutes sur ce qu'attend
l'encouragement. celui qui renforce ; utile pour
établir des objectifs.
Autonomie Favorise l'indépendance, moins Tend à développer un lien très fort,
de risque de dépendance vis-à-vis peut être une dépendance, entre
d'une chose ou d'une personne un renforçateur spécifique et un
précises ; plus de chance de se comportement ; moins de chance
généraliser à d'autres situations de se généraliser à d'autres
de la vie. situations de la vie.

L'encouragement fut considéré comme une technique de choix parce


que la démoralisation d 'Henri semblait être un facteur majeur l ' empê­
chant de reprendre un travail. Cela lui fut expliqué comme suit.

Thérapeute - Henri, mon sentiment est que ce dont vous avez réellement
besoin maintenant c'est d'un bon entraîneur. Vous semblez déjà posséder
les compétences pour rechercher un travail, vous avez de bons antécédents
dans le domaine professionnel, et une attitude positive vis-à-vis du métier
que vous avez choisi. Vous avez eu beaucoup de succès dans vos ventes
antérieurement. Peut-être pourrions-nous ensemble vous aider à retrouver
votre entrain.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 203

Étape 3. Le bilan des aspects positifs


Le thérapeute note les aspects positifs des tentatives actuelles du
patient, même minimes, pour atteindre son objectif.

Patient- Je me lève encore à 6 h 30 comme lorsque je travaillais. Je

m'habille et je m'y mets tout de suite. En premier, je lis le journal et


commence par faire un ou deux appels téléphoniques. C'est là que je
commence à m'effondrer. Je finis en tournant en ville en voiture, tuant
le temps jusqu'au dîner, laissant ma femme croire que je suis en train de
chercher un travail à l'extérieur. Pourquoi est-ce que je fais cela ?
Thérapeute - Bien, une des choses que je remarque, c'est que vous avez
encore le rythme. Vous êtes prêt à rentrer dans une cadence de travail, et
vous semblez aimer cela. Même si vous n'établissez pas de contacts, vous
vous gardez en mouvement, et ça, c'est un bon entraînement pour le jour
où vous retournerez au travail.

Étape 4. La reconnaissance des aspects uniques du patient


Le thérapeute reconnaît l' individualité du patient et refuse d' accepter
des comparaisons et des évaluations négatives.

Patient - Regardons les choses en face, je suis un perdant. C'est ce que dit
ma femme. ça la rendrait folle de colère de voir qu'en Juin je suis capable
d'être le vendeur du mois, puis, qu'en Juillet je tombe au plus bas des
ventes.
Thérapeute - En dehors de vos comparaisons avec les autres vendeurs, et
même en dehors de ce que dit ou pense votre femme, vous êtes-vous senti
compétent dans ce travail ? Est-ce le travail que vous aimez ?
P - Oui, je l 'aimais beaucoup. Mais parfois c'est très dur de vivre avec
toutes ces critiques. Cela me donne l 'impression qu'il y a quelque chose
qui ne va pas en moi. À vrai dire, l'argent n'était pas si important -
j 'appréciais beaucoup les gens. Faire connaissance, travailler pour de
c:
jeunes couples, essayer de les aider, et tout le reste.
"
T- Vous aimez le contact avec les gens. C'est quelque chose de spécial qui
vous est propre. Mais quand vous vous focalisez sur la compétition avec
les autres vendeurs ou sur les évaluations des autres, vous vous rabaissez
et doutez de vous. Est-ce bien cela ?

Étape 5. La demande d 'engagement


Le thérapeute fournit un reflet, ou utilise une confrontation, et
demande un engagement.

Thérapeute - J'ai quelques remarques à vous faire si vous êtes d'accord.


Patient - D'accord.
204 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

T - Il semble que vous veuillez obtenir l 'approbation des gens. Et,


cependant, vous semblez en même temps conscient que vous devez suivre
vos propres intérêts si vous voulez être heureux. J'ai l'impression que vous
devez faire un choix ou bien alors rester dans l'impasse.
P - J'ai besoin de reprendre le travail.
T Oui. Vous pouvez y arriver. J'en suis sûr. Que diriez-vous si nous nous
-

fixions un objectif allant dans cette direction pour la semaine prochaine ?

Étape 6. L 'intérêt manifeste du thérapeute


Le thérapeute fait preuve d'un intérêt persistant envers la progression
du patient et le montre. Il s' intéresse tant au vécu qu'aux progrès réels
de ce dernier.

Patienr (une semaine après) - Depuis la dernière séance, je n'ai pas fait
ce que nous avions décidé. Je n'ai pas passé deux coups de fil chaque jour
pour ma recherche de travail. Je pense qu'en moyenne j'ai passé un coup
de fil par jour. Le premier jour j'en ai passé trois, puis un, puis encore un,
et j'ai arrêté le week-end. Je n'ai pas eu de réponse.
Thérapeute - Je suis très heureux d'entendre ce que vous venez de me
dire. C'est ce genre de progrès que nous recherchons. Il semble que c'est
de se sortir du point mort qui soit le plus difficile et c'est justement ce que
vous avez fait. En outre, en vous montrant franc vis-à-vis de ce que vous
avez réellement fait, vous m'avez mis de votre côté. Maintenant, il suffit
de continuer vos efforts. Pas vrai ?
P - Je pense, oui. J'ai peur que cela ne marche pas, que cela fasse comme
la dernière fois et que tout se casse la figure.
T - Il est vrai que cela peut sembler inquiétant ; mais essayons de nous
concentrer sur le présent si on Je peut, plutôt que de regarder en arrière.
J'avais l ' espoir que les choses se passent comme cela. Continuons dans Je
même sens. Je vous appellerai Mercredi pour voir comment les choses se
passent. J 'insiste, mais je vous assure que j'ai une bonne impression quant
à la façon dont les choses ont commencé. Continuez dans cette veine.

Les interventions paradoxales

L'intervention paradoxale implique premièrement une directive ou un


avis donné au patient. Deuxièmement, cet avis est formulé de façon à
apparaître logique mais est en fait antithétique aux buts préalablement
établis par le plan thérapeutique. Troisièmement, il est conçu et prescrit
par Je thérapeute pour finalement atteindre les buts dont il semble de
prime abord détourner.
Le paradoxe est une technique d'encouragement car il peut produire
une motivation là où les autres méthodes plus directes ont échoué. Sa
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 205

nature illogique et sa nouveauté encouragent le patient découragé qui a


déjà presque tout tenté, par des moyens conventionnels, pour redonner
vigueur à ses attentes et sa motivation.
Cette catégorie de techniques peut être prescrite lorsque le patient
ne répond pas aux directives et-ou surtout lorsqu' il est pris dans un
comportement répétitif qui semble hors de contrôle, involontaire, et
automatique.
Les deux types de paradoxes les plus importants sont la prescription
de symptômes et la redirection. Dans la prescription de symptômes, on
demande expressément au patient de faire la chose même qu'il cherche
à éviter. Par exemple, le patient qui a peur de rougir lorsqu' il parle en
public devra essayer de rougir autant qu'il le pourra. Dans la redirection,
le symptôme est là aussi prescrit au patient, mais il ne doit se manifester
et n' être utilisé que de manière strictement limitée à des situations bien
spécifiques. Par exemple, un patient ne devra produire le symptôme que
dans un endroit où à un moment bien particulier.
La méthode de prescription de paradoxe se fait en plusieurs étapes.
Les deux premières étapes, l' évaluation et l' établissement d'un objec­
tif, sont deux procédures préliminaires recommandées quels que soient
les techniques et problèmes abordés ; cependant, elles sont réitérées ici
pour bien souligner le fait que les interventions paradoxales devraient
s'inscrire dans une démarche planifiée.

Étape 1. Repérer l 'aspect qui doit faire l 'objet d'un changement


L'évaluation doit amener à la compréhension du problème selon les
termes mêmes utilisés par le patient, et inclure des données sur son
contexte de survenue. Aussi devra-t-on solliciter des exemples de ces
difficultés, des tentatives de solutions, ainsi que la description aussi
exacte que possible de la séquence comportementale en cause. Par
c:
" exemple, un patient qui a peur de rougir devra décrire l 'histoire et les
origines de cette peur ; il devra établir une liste de tous les lieux où rougir
lui aura causé une gêne ; il devra aussi décrire les pensées, sentiments et
comportements qui précèdent et suivent sa rubéfaction, la fréquence des
incidents, ainsi que Jeurs conséquences positives et négatives.

Étape 2. Fixer un but spécifique et susceptible d'être atteint


Les buts qui conviennent le mieux aux interventions paradoxales
sont les séquences comportementales spécifiques récurrentes, comme
l ' insomnie, plutôt que des plaintes vagues du genre « ma solitude » ou
« mon ambivalence quant à mon travail ». Le thérapeute doit s' assurer
206 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIF.

que les méthodes habituelles, ou de « bon sens », pour résoudre le


problème ont été tentées et ont échoué. Une des raisons de l 'évaluation
est d'éviter au thérapeute de refaire ce que le patient a déjà tenté en vain.

Étape 3. Concevoir une stratégie paradoxale


Un point de départ utile consiste à penser à une directive précise
qui aiderait le patient, si elle était suivie, à accomplir son objectif (ex.
« faites ceci pour résoudre votre problème »). Une fois qu'une telle
directive banale a été formulée, son opposé est plus facile à imaginer.
Le thérapeute prépare alors une directive qui exagère ou qui est opposée
au but considéré. Ce procédé en deux temps est illustré par le dialogue
suivant, dans lequel le thérapeute formule une proposition opposée et
une exagération.

Patient - Je dois arrêter cette fréquentation. Elle ne m' apporte rien de


positif. Cela fait sept ans que ça dure. Elle ne me montre jamais d' affection
et n'a pas de temps pour moi, et en plus elle déteste mon fils. Je pense que
c'est seulement parce que je suis loyal. Et idiot. Elle ne se mariera jamais
avec moi, et elle m'a retenu à elle pendant tout ce temps. Elle sort avec
quelqu'un d'autre. On se bat sans arrêt. On n'aime pas les mêmes choses.
Elle devient violente q uand elle boit, ce qui arrive souvent. Je n'arrive
pourtant pas à rompre. Je !' aime.
Thérapeute (directive rationnelle) - Vous devez totalement l'éviter pour
rompre la relation.
T (proposition opposée) - Vous devez passer plus de temps avec elle.
T (exagération) - Son pouvoir est tellement fort, vous devez quitter la
France et aller vivre sur un autre continent pour échapper à son influence.

Étape 4. Choisir une formulation qui conduise à impliquer,


motiver, ou accroître les attentes du patient, et présenter le
paradoxe
I l faut faire accepter la directive paradoxale au patient. Dans ce
but, i l faut la rendre cohérente avec les mots, la situation, et le style
du patient, afin d'obtenir son accord. Dans certains cas cela signifiera
simplement donner quelques raisons pour l ' utilisation du paradoxe. Il
est mieux de commencer en complimentant le patient, pour gagner
sa coopération et accroître l 'effet de la directive. Ce compliment est
un « recadrage positif du symptôme ». Si l'on reprend l' exemple du
patient qui reste depuis 7 ans dans une liaison intolérable, la formulation
ci-dessous reflète l'utilisation d'un compliment et des mots du patient
pour manifester la compréhension de sa situation et renforcer l'effet de
l'intervention.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 207

Thérapeute - Maintenant, je suis sûr que vous avez raison Bruno. Vous
êtes une personne loyale. Et un aspect de votre loyauté consiste à ne pas
abandonner. Peut-être la situation vous semble-t-elle sans espoir. Mais je
suis certain que ce qu'il vous faut est une autre période de 7 ans avec cette
personne. Cela sera certainement difficile. Mais comme vous le dites, c'est
l'amour. J'espère qu'en retournant chez vous vous prendrez au sérieux
le fait que vous n'ayez pas essayé assez fort et que ce dont vous avez
vraiment besoin est une autre période d'engagement de 7 années.

Étape 5. Associer la prescription d'un comportement inhabituel,


si possible
Des cas ont été cités de traitement paradoxal de l' insomnie en
demandant au patient de rester debout toute la nuit. Dans de tels cas, il est
recommandé d'engager le patient dans une tâche répétitive et ennuyeuse
comme, par exemple, laver le sol et les vitres.
La prescription peut aussi permettre de briser les rituels habituellement
associés au comportement problème. Il est alors recommandé de choisir
des tâches qui soient bénéfiques (comme de l'exercice ou l'apprentissage
d'une nouvelle habileté).

Étape 6. Assurer un suivi de la réponse du patient au paradoxe


Lors des séances suivantes, le thérapeute demande au patient de décrire
les progrès qu'il a fait en direction du but paradoxal. Si le symptôme
n'est pas réapparu, Je thérapeute ne doit pas complimenter le patient
mais, au contraire, doit renforcer le paradoxe en exprimant de la surprise,
du chagrin, et de la déception. Si Je thérapeute n'est pas pleinement
convaincu que Je problème a été éliminé, divers types de « pessimisme
thérapeutique » peuvent être utilisés (prédire ou prescrire une rechute,
restreindre ou interdire le changement, déclarer son désespoir). Si le
c: problème est encore entièrement présent, le paradoxe doit être soutenu
"
en demandant laugmentation de la pratique paradoxale ou en demandant
"
au patient d'enregistrer ses tentatives. L'importance du suivi est que
le thérapeute doit se montrer consciencieux, faisant tout pour être sûr
que le paradoxe 1 : a été appliqué complètement par le patient et 2 : a
obtenu l'effet désiré. Le suivi inclut aussi des contacts après la fi n du
traitement pour savoir si les gains thérapeutiques ont été maintenus et
pour déterminer si un travail supplémentaire est nécessaire .
208 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

La résistance et son abord

L'abord technique des résistances du patient fut i nitialement décrit


par Freud et ses successeurs, mais la plupart des systèmes actuels de
psychothérapie y ont aussi apporté leur propre contribution.
Selon J. Laplanche et J.-B. Pontalis ( 1 967) on donne ce nom, au cours
de la cure psychanalytique, à tout ce qui dans les actions ou les paroles de
l'analysé s' oppose à l'accès de celui-ci à son inconscient. Par extension,
Freud a parlé de résistance pour désigner une attitude d' opposition à
ses découvertes en tant qu'elles révélaient les désirs inconscients et
infligeaient à l'homme une vexation psychologique. On voit qu'il existe
une grande différence avec l'usage que nous proposons de ce terme, en
désignant ainsi tous les comportements ou attitudes du patient semblant
en contradiction avec les objectifs thérapeutiques ou inadéquats à leur
réalisation.
Le manque de progrès de la part du patient est une source fréquente
de frustration pour le thérapeute, dans la mesure où il en attend une
gratification narcissique. Pour éviter cet inconvénient qui peut avoir des
conséquences d'un poids indéniable sur l'évolution du traitement, il
est préférable d'investir le maniement technique préférentiellement au
résultat 1 •
O n ne peut pas devenir complètement insensible à 1 'obtention de
changements chez le patient, mais il vaut mieux les espérer, dans un
but altruiste et si possible désintéressé, pour son bien propre et tenter
d'obtenir des gratifications narcissiques ou un bénéfice d' amour-propre
dans le maniement correct de la technique indépendamment des résultats.
C'est un exercice difficile à réaliser, un but à toujours renouveler, qui
nécessite un travail permanent, de la part du thérapeute, mais qui peut
être aussi source de progrès pour lui. La formation des psychothérapeutes
devrait être davantage axée sur ce point.
Face aux résistances du patient, la première précaution à prendre pour
le thérapeute est de s' assurer que sa réponse n'est pas dictée par son
contre-transfert de type 2 plutôt que par les objectifs thérapeutiques.
La frustration d'un thérapeute est une cause habituelle d' attaque des

l . Cette attitude n'est pas toujours admise par certaines approches. Dans la psychothéra­
pie stratégique, par exemple, le thérapeute est « le responsable du changement » et doit
avant tout, et à court terme. penser à solutionner les difficultés du patient. Cependant,
cette façon de transformer l ' opposition ou l' ambivalence au moins partielle du patient
à son traitement en problème technique est à notre avis un des traits de génie de
l' inventeur de la psychanalyse et réalise un apport considérable aux différentes techniques
psychothérapeutiques où cette difficulté est l' une des principales qu'on y rencontre.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTJQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 209

défenses du patient. Elle est encore plus importante lorsqu' il en veut plus
pour son patient que l' intéressé lui-même. Dans ce cas, il peut s'avérer
que les objectifs thérapeutiques n'étaient pas issus d'une négociation
préalable adéquate. Le patient devait alors satisfaire les objectifs du
thérapeute mais pas les siens propres. On peut citer, comme exemples
de réactions négatives du thérapeute aux résistances de son client : ne
rien faire ; en faire le reproche au patient ; renvoyer le patient à un
autre thérapeute de manière injustifiée ; prendre la résistance comme
une remise en cause personnelle, s'en sentir blessé et en tirer un
sentiment d'échec ; réagir en résonance, par le détachement, l' arrêt des
efforts thérapeutiques, et le développement d'une velléité subreptice de
vengeance.
Il existe trois types de méthodes pour aborder les résistances : l' af­
frontement direct, l'établissement d'un bilan favorable aux avantages du
changement, et l' acceptation des manifestations de la résistance.

L'affrontement direct
On confronte directement l'attitude du patient en l' amenant à réaliser
que le but sous-jacent à son opposition est de maintenir le statu quo. Il
s'agit d' une interprétation de la résistance 1 •
Dans le même esprit, le thérapeute peut être amené à révéler ses
sentiments personnels face à la résistance. Il s' agit d'une approche
délicate, dont l 'effet peut être puissant mais qui doit être utilisée avec
prudence et parcimonie : le thérapeute doit être sûr de s'en servir au
bénéfice de son patient et non pas pour soulager sa seule frustration. Il
peut ainsi être salutaire pour le patient de s'entendre dire :

« Depuis quelque temps un sentiment d'ennui s·est installé en moi. Cela


fait plusieurs semaines que vous exposez vos plaintes vis-à-vis de votre
mère ; vous avez décrit une série de conflits avec elle mais rien de neuf
ne semble vraiment émerger ; je me demande si c'est une bonne manière
d' utili er le temps des séances. »

Mais cette manière de faire est en général, sauf encore une fois motif
particul ier, à déconseiller. Elle risque d'augmenter les résistances du
"
patient.

c5 1. Au sens général du terme - donner une signification - et non pas au sens psychanaly-
fdl tique stricto sensu, de révélation de l'inconscient.
210 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

L'établissement d'un bilan favorable aux avantages du


changement
Il s'agit ici d' amener le patient à se concentrer sur les bénéfices du
changement et les aspects négatifs de la situation actuelle. Le thérapeute
peut lui demander d'établir une liste à deux colonnes : d'un côté sont
repérés et notés les facteurs qui peuvent entretenir une résistance au chan­
gement, et de l' autre les facteurs qui peuvent constituer une motivation
au changement. On part ici de l ' hypothèse que la résistance pourrait
être en partie liée au fait que les bénéfices tirés de la disparition des
comportements actuels ne sont pas aussi grands que ceux provenant de
leur maintien. Pour ces derniers, on parle aussi de bénéfices primaires ou
secondaires, ou, sans employer ces termes trop marqués par leur origine
psychanalytique, de trop d' avantages, directs ou indirects, trouvés dans la
condition de maladie ou de difficulté. Le patient doit décider des moyens
qu'il s'engage à employer pour faire pencher la balance en faveur du
changement, soit en valorisant les facteurs motivants, ou soit en réduisant
les bénéfices secondaires. Il existe ainsi des méthodes d'autocontrôle par
lesquelles le patient cherche à accentuer au maximum les conséquences
positives qui peuvent s'associer à ses nouveaux comportements et prévoit
des récompenses concrètes pour tout changement positif.

L'acceptation des manifestations de la résistance


La résistance, en tant qu'opposition, peut être acceptée et homologuée.
De nombreuses attitudes et techniques répondent à cet objectif comme,
parmi d'autres, les suivantes :
• se rappeler que la résistance est un aspect normal de la psychothérapie
et que l' évitement est un mécanisme de défense important ;
• recadrer la résistance aux directives thérapeutiques comme un pas en
avant dans le traitement plutôt que comme une mise en échec. Le
thérapeute peut même lui attribuer des intentions nobles, comme dans
la technique de connotation positive de Palazzoli et co11. ( 1 983) ;
• faire son propre examen et mettre fin aux interventions qui pourraient
sembler provoquantes ou coercitives ;
• inviter le patient à renégocier éventuellement les objectifs thérapeu­
tiques ;
• demander au patient de prendre le risque de changer pour une semaine
seulement, à titre d'expérience ;
• aller dans le sens de la résistance en utilisant une intervention para­
doxale ;
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 21 1

• engager le patient dans une séance de brassage d' idées (brainstorming)


où il formule toutes les excuses qu'il pourrait imaginer pour ne pas
suivre les prescriptions ou ne pas accomplir les objectifs thérapeu­
tiques.

Il reste à savoir laquelle de ces trois catégories d'interventions i l


faudrait choisir avec un patient particulier. Bien qu'il n ' y ait pas de
règle absolue, la plupart des psychothérapeutes semblent préférer utiliser
la stratégie d'acceptation en premier lieu, en espérant ainsi éviter une
rupture dans la relation thérapeutique. La méthode de l'établissement
d'un bilan semble plus appropriée dans un second temps. Enfin, l' affron­
tement direct est plutôt réservé aux patients ne pouvant de toute manière
échapper à la confrontation, comme les patients hospitalisés, ou réticents
au soin, ou lors d'une thérapie de groupe.

Exercice
Illustrons d'exemples ces trois méthodes. À vous de retrouver, en lisant
ou en écoutant chacun des trois scénarios suivants, à quelle méthode il
correspond.

Un patient se présente à sa deuxième séance sans s'être acquitté de la


tâche d'auto-observation. il s'agit d'un écrivain professionnel souffrant du
syndrome de " la page blanche ». Le thérapeute lui a demandé de noter le
temps passé chaque jour à écrire, et celui consacré à être assis à son bureau
à s'inquiéter de ne pas écrire. Dans la discussion qui suit, trois scénarios
différents illustrent comment la résistance peut être approchée selon les trois
types de méthodes décrites plus haut.

Exemple 1

Patient - Je n'ai pas réalisé la tâche dont nous avions parlé la semaine
dernière. Pour vous dire la vérité, j ' ai été tellement occupé que je l'ai
oubliée. Je n'ai pas non plus écrit.
Thérapeute (observation et confrontation) - Intéressant. D'un côté, vous
venez en thérapie pour trouver un remède à votre i nhibition d'écriture,
mais de l'autre vous ne faites pas les choses qui pourraient vous y aider.
Pourriez-vous m'expliquer cela ?
P - Bien, je veux y arriver, mais c'est juste que je ne suis pas assez motivé.
T - (confrontant) - Je pense que cette idée de motivation est encore une
excuse de plus pour ne pas accomplir la tâche. Quelle est l'importance de
la motivation qu'il aurait fallu avoir pour exécuter cette tâche ?
P - Pas très grande, je suppose.
212 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

T -(interprétation) Je ne suis pas très sûr que vous veuillez vraiment


-

recommencer à écrire. J'ai Je sentiment que vous êtes effrayé à l 'idée que
ce livre soit moins bon que les précédents.

Exemple 2
Des questions peuvent être utilisées pour repérer les domaines dans
lesquels des récompenses et des retenues pourraient être instaurées ou
modifiées :

« Pouvez-vous me raconter le plaisir que vous aviez à écrire ? »

« Comment pourriez-vous retrouver ce plaisir ? »


« Quelles activités vous semblent actuellement plus motivantes que l'écri­
ture ? »
« Quelles activités vous détournent de l ' écriture ? »
« Quelles récompenses pourriez-vous trouver pour encourager votre effort
d'écriture ? »
« Quelles activités plaisantes pourriez-vous retarder jusqu'à la réalisation
de votre travail d'écriture ? »
« Faites une liste de toutes les circonstances qui ( 1 ) vous poussent à écrire
et (2) vous empêchent d'écrire. Lesquelles parmi celles de la première
liste pourriez-vous renforcer et lesquelles de la seconde pourriez-vous
diminuer ? »

Exemple 3

Patient - Je n'ai pas exécuté la tâche dont nous avions parlé la semaine
dernière. Pour vous dire la vérité, j'ai été tellement occupé que je l'ai
oubliée. Je n'ai pas non plus écrit.
Thérapeute Vous semblez déçu de vous-même
-

P - Je le suis. J 'évite l'effort. C'est comme si ce bureau avait quelque


chose de mortel. Pourquoi ne puis-je pas m'y mettre ?
T (connotation positive) Bien, je peux comprendre votre point de vue,
-

mais il semble que les choses soient en train de bouger. Vous vous
occupez. Vous êtes sorti du marasme. En vous écoutant, je réalise que
le travail solitaire ne convient pas. Je pense que vous vous en êtes rendu
compte instinctivement et que c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas
effectué la tâche (attribue des intemions nobles). Travaillons donc plutôt
sur l'écriture ici et ensemble. Qu·en pensez-vous ?

On n' oubliera pas que souvent l' acceptation de la résistance est une
manière, en fait, d'accepter l 'agressivité qui la sous-tend. C'est ainsi
qu'elle peut amener éventuellement un changement, l ' agressivité du
patient étant acceptée n'a plus, dans un certain nombre de cas, de raisons
de se maintenir. C'est aussi se donner un délai pour réfléchir et rechercher
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 213

un moyen d'arriver à contourner la résistance. Mais ce peut être aussi


une façon obscure de manifester une connivence avec certains aspects
pathologiques. On voit donc que ce thème de la résistance 1 , abordé
trop succinctement ici, doit tenir une place capitale dans le travail du
psychothérapeute, quelle que soit son orientation. Il doit y réfléchir
constamment et enrichir ainsi la souplesse de son maniement technique.

EXPÉ R I E N C ES C O N D U I SANT AUX C HANGEMENTS


D E S SYSTÈMES D E S I G N I F I CATI O N
L'implication du patient dans des expériences visant à des change­
ments de ses systèmes de signification l'aide à accroître sa conscience
de soi et à développer de nouvelles perspectives.
Un tel changement peut se produire en psychothérapie par l'emploi
de diverses techniques comme l' observation de modèles, l'exposition à
des situations jusqu' alors évitées, l'utilisation de l'humour ou bien de
métaphores, le recadrage, la confrontation, la restructuration cognitive,
ou bien d' autres techniques encore.
Ce changement est plus durable et profond lorsqu'il impl ique une
expérience à la fois affective et cognitive. Cette combinaison est assez
fréquente en psychothérapie, où de nombreuses techniques impliquent
une intrication de ces deux facteurs. La psychothérapie psychodyna­
mique, par exemple, couple le processus intellectuel de clarification,
interprétation et perlaboration avec l'activation de puissants affects à
travers la confrontation.
La confrontation est une méthode qui vise à aider le patient à deve­
nir plus conscient des incohérences, des contradictions, opposant ses
pensées, ses émotions, et ses comportements. La confrontation doit être
effectuée sans hypothéquer la relation thérapeutique.
"'
"
L'ensemble clarification-confrontation-interprétation permet de déve­
E lopper l' insight (dans la compréhension de soi-même).
Le recadrage consiste en l'art d' amener le patient à voir son problème
différemment. Le recadrage va bien au-delà de l'acquisition d'une
attitude positive. Il consiste à amener le patient à se représenter sa
situation d'une manière radicalement nouvelle.

1. Il a sunout trait au perfectionnement du psychothérapeute et devrait faire l'objet d'un


ouvrage particulier.
214 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

La technique de redécision des décisions infantiles est commune à


de nombreuses formes de psychothérapie. Grâce à elle, le sujet entre
en contact avec son enfant intérieur et prend conscience des croyances
(« je suis comme ceci., le monde est comme cela . . . », « pour être aimé
il faut... », etc.), conclusions définitives (« plus jamais je ne . . » ; « il
.

faudra toujours que je ... » ; « à partir de maintenant je ne ... » etc.), et


contrats personnels qu'il s'était forgé lors d'expériences douloureuses
de son enfance, pour ensuite renégocier, contester ou assouplir ceux-ci.
Elle associe des procédés d'expression-abréaction émotionnelle avec
des méthodes cognitives de remise en cause des scénarios de vie. À ce
titre, elle combine les facteurs communs ayant trait aux émotions et aux
significations et aurait pu être décrite à part.
L 'EMDR ou méthode des mouvements oculaires de désensibilisation
et de retraitement, forme particulière de redécision, permet elle aussi au
patient d' acquérir une compréhension et des convictions nouvelles par
rapport à des expériences infantiles traumatisantes, permettant ainsi un
lien entre le cerveau émotionnel (enfant intérieur) et Je cerveau rationnel
( « reparentage » ) .

La confrontation

Il s'agit d'une technique qui met le patient face aux contradictions


opposant ses affects, ses cognitions, et ses comportements.
Il s'agit de remarques du thérapeute, qui souligne un fait et, sans
chercher directement à lexpliquer ou à l' intégrer aux autres faits, se
contente de le juxtaposer aux aspects contradictoires démontrés par
ailleurs par le patient.
Quand le thérapeute choisit d'y recourir, il utilise habituellement une
formulation du genre :

« Vous avez dit... mais vous avez fait... »

« Vous avez dit... mais vous avez aussi dit... »

« Vous avez fait... mais vous avez aussi fait... »


« Vous avez dit... mais j 'ai vu que ... »

La résolution ou la synthèse des incohérences est un but central de


presque toutes les orientations théoriques et la confrontation permet
d'établir un point de contact entre des aspects opposés ou des parties
disparates du self. Elle a pour résultat d' accroître la conscience des
incohérences et amène le patient à y réfléchir sinon à en ébaucher une
solution.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 215

Cinq des contradictions ou incohérences les plus fréquemment


exprimées par les patients
Elles sont illustrées dans les dialogues suivants :
1 . Incohérences entre messages verbal et non verbal

Patient - Ça a été l 'enfer. Tout ce bazar. c'est presque drôle (rit). vous
savez, parfois il m'aime, parfois i l me déteste.
Thérapeute - Votre rire et votre sourire me donneraient à penser que votre
problème n'est pas sérieux et, pourtant, je sais d'après ce que vous avez
dit que cela a été très douloureux pour vous.

2. Incohérence entre la perception que le patient a de soi et la


perception qu'en ont les autres

Patiente - Je fais du mieux que je peux Mais je ne suis vraiment pas


attirante. Cela fait quatre mois que je sors toujours avec les deux mêmes
types. Ils me disent que je suis jolie, mais je n'y crois pas.
Thérapeute - Vous me dites que vous n'êtes pas attirante, mais en même
temps vous me dites que vous n'avez pas de mal à trouver des partenaires.

3. Incohérence entre ce que le patient dit et la façon dont i l se comporte

Patient - Je suis allé chez les Alcooliques anonymes comme je l 'avais dit.
Mais cela ne m 'aide pas vraiment. Chaque fois que je revois mes vieux
potes je reprends de l' alcool.
Thérapeute - Je ne comprends pas très bien. Vous dites que vous voulez
arrêter l 'alcool et, cependant, vous continuez à voir vos copains de bistrot.

4. Incohérences entre l 'objectif du patient et les facteurs environne­


mentaux ou historiques

c: Patient- C'est vrai que moi et mon amie avons connu beaucoup de
=>
problèmes dernièrement. Mais si on déménageait pour vivre ensemble, je
.s pense que les choses s'arrangeraient.
Thérapeute - N'est-ce pas l ' un des aspects du problème que chaque fois
que vous passez quelque temps ensemble, vous vous battez violemment
pendant plusieurs jours ?

5. Incohérence entre deux messages verbaux


.'.l Patient - Ma femme gagne deux fois plus d 'argent que moi. Cela ne me
'8 dérange pas. Mais J'ai toujours l ' impression qu'elle me méprise à cause
0 de cela. je devrais gagner bien plus qu'actuellement. Je pense souvent
l9 chercher un autre travail.
216 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Thérapeute - D'accord, d'un côté vous dites que cela ne vous dérange pas,
et, d'un autre côté, vous vous sentez insuffisant aux yeux de votre femme
et vous pensez souvent à changer de travail !

D'un point de vue psychodynamique, ces contradictions internes


peuvent indiquer un conflit sous-jacent dans la structure psychique, mais
la confrontation ne s'y réfère pas explicitement ni directement, comme
dans l'exemple suivant :

Thérapeute - Vous me disiez il y a cinq minutes que j ' étais le meilleur


thérapeute que vous ayez jamais connu, et maintenant vous dites que
je ne vaux pas un clou (cela confronte le patient à un changement
rapide d'attitude, entre l'idéalisation et la colère, qui peut conduire à
une exploration de ses défenses primitives comme le clivage).

On ne doit utiliser cette technique qu'une fois la relation thérapeutique


bien établie Des confrontations prématurées et fréquentes, basées sur
une information insuffi sante, affaiblissent la crédibilité et le sentiment
de compétence donné par le thérapeute. Il vaut mieux attendre, avant
de confronter un aspect, qu'il se soit manifesté plusieurs fois et que les
chances d' acceptation du patient semblent élevées. li faut par ailleurs
toujours prendre soin de protéger le narcissisme ou l'estime de soi. La
confrontation n'est ni un sarcasme ni une moquerie. Elle ne doit jamais
porter sur la personne même du patient mais sur ses productions (faits,
gestes, paroles, fantasmes etc.). Enfin, la confrontation ne doit pas être,
à l'évidence, une manière pour le thérapeute de soulager sa frustration
vis-à-vis du patient. Il doit être prêt, cependant, ce faisant, à accepter
une réaction agressive de la part du patient (« vous n'y comprenez rien »,
« vous ne me comprenez pas, vous êtes toujours contre moi », etc.).

La méthode de confrontation se réalise en quatre étapes


Étape 1 . La clarification
Le thérapeute utilise la clarification et le reflet des sentiments pour
comprendre pleinement le message du patient lorsqu 'il fait preuve
d'incohérence.
La clarification consiste à demander au patient de définir un terme
dans ses propres mots. Le reflet des sentiments aide le patient à devenir
conscient des aspects émotionnels de son incohérence, comme dans le
dialogue suivant :

Thérapeute (clarification) - Pouvez vous me dire ce que signifie pour vous


le mot indépendance ?
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 21 7

Patient - Bien, ce que je veux dire c'est que je suis fatigué d'avoir à rendre
des comptes à ma femme. Je ne sais pas ce que je ferais sans elle. Mais
elle me casse les pieds la plupart du temps.
T ( reflet) - Vous ressentez durement on interférence, comme si elle était
votre patron au travail
P - Mais c'est une femme merveilleuse. Je ne pense pas vraiment ce que
je dis, vous savez.
T (confrontation) Sans vouloir vous contredire, vous pensez qu'elle est
-

merveilleuse, mais, cependant, vous vous sentez énervé vis-à-vis d'elle la


plupart du temps.

Étape 2. Obtenir l 'acceptation de la confrontation par le patient.


Il faut refléter la contradiction, l'incohérence, de manière prudente,
comme une observation n'impliquant aucun jugement, de manière brève,
en utilisant un langage semblable à la formulation du problème par le
patient. Des confrontations brèves, présentées en douceur, en prenant
soin de préserver l'amour-propre, sont moins susceptibles d'être rejetées
par le patient.

Étape 3. Maintenir la pression


Chaque fois que possible, surveiller la réponse du patient et réinter­
venir (souvent par une autre confrontation) pour maintenir la pression,
et en renforcer l'effet, ou amener le patient à explorer ou synthétiser les
deux aspects de la contradiction.
Les patients répondent aux confrontations par le déni, l 'accord, ou la
synthèse. Selon la réaction, le thérapeute doit se tenir prêt à poursuivre
son exploration, par une autre confrontation, ou par une clarification.
Comme une confrontation est désagréable il est souvent plus facile, mais
moins productif, de laisser le patient dévier du problème.

Thérapeute - Je m'égare. Sauf erreur, cela fait quatre semaines que vous
me dites que tout ce que vous désirez est d'être à nouveau réuni avec votre
femme. Or, maintenant qu'un rendez-vous pour une séance de thérapie de
couple a été pris, vous ne voulez pas y assister.
Patiem - Je veux vraiment que l'on se remette ensemble. mais simplement
je ne suis pas prêt.
T (renforçant la confrontation) - Quand vous dites que vous n'êtes pas
prêt, je suis très surpris. Cela fait des mois que vous me dites être prêt.
Est-ce qu'en fait vous me disiez que vous vouliez retourner auprès d'elle
tout en sentant, en même temps, que vous ne le vouliez pas ?
P- Oui j'ai très peur à l'idée d'avoir à nouveau à faire face à des disputes.
Je dois admenre que j'ai apprécié la paix et la tranquillité de ces derniers
temps.
218 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Étape 4. Faire suivre la confrontation par une action

Finalement, i l est i mportant de reconnaître que lorsqu'un patient


développe un insight ou répond positivement à une confrontation, cela
ne signifie pas nécessairement qu'un objectif a été atteint. Bien qu'elle
porte l' incohérence à la conscience du patient, le changement du com­
portement peut prendre bien plus de temps. Une fois qu'une incohérence
ou une contradiction a été détectée, un objectif de changement, basé sur
cette prise de conscience, doit être négocié.

Développer l'insight par la triade


« clarification-confrontation-interprétation »

L'insight inclut la compréhension intellectuelle et émotionnelle des


causes supposées et de la signification de ses problèmes, et le degré
de liberté que l'on a acquis vis-à-vis des mécanismes de défense
obscurcissant l' intelligence.
Par exemple, la réaction d'un patient à son patron peut être liée à
des interactions avec son père dans son histoire personnelle. Une fois
que cette réaction est interprétée, confrontée, et clarifiée, le patient
peut commencer à se rendre compte de ses motivations insconscientes
influençant son attitude. Une fois ce mouvement de compréhension
intérieure réalisé, ce nouveau mode d' appréhension peut être appliqué à
d' autres situations. Dans cet exemple, le patient peut devenir conscient de
tendances semblables dans ses relations avec d' autres figures d'autorité.
O. Kernberg ( 1 989) a très bien décrit les techniques de clarification­
confrontation-interprétation.
- Par clarification, on entend l'exploration, avec le concours du patient,
de tous les éléments d'information qu'il a fournis et qui restent vagues,
imprécis, déconcertants, contradictoires ou incomplets. La clarification
est la première étape cognitive qui permet de discuter ce que dit le
patient, sans lui infliger un interrogatoire, afin d'en dégager toutes les
implications, et de découvrir les limites de sa compréhension ou les
zones obscures de sa pensée. La clarification vise à faire surgir un
matériel conscient et préconscient sans mettre en doute la parole du
patient.
- La confrontation, deuxième étape dans le déroulement, consiste à
mettre le patient en présence des éléments d'information qui paraissent
contradictoires ou inconséquents. Tout d'abord, on attire son attention
sur un point, dans l'interaction, passé inaperçu ou qu'il a trouvé naturel,
mais que l' investigateur a noté comme inadéquat, en contradiction avec
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 219

d' autres aspects de l'information fournie, ou surprenant. La confronta­


tion exige le rapprochement entre des éléments du matériel conscient
et préconscient que le patient a présentés ou vécus séparément. Puis le
thérapeute pose la question de ce que peut signifier ce comportement
en référence avec ce que vit actuellement le patient. Enfin, il met en
relation des aspects de l' interaction ici et maintenant, et des problèmes
similaires rencontrés dans d' autres domaines. La confrontation, telle
qu'elle est décrite ici, requiert du tact et de la patience ; ce n'est pas
une intrusion agressive dans l'esprit du patient, ni un procédé destiné à
l'enfermer dans la relation ou à valoriser indûment Je psychothérapeute
à son détriment.
- L'interprétation, à la différence de la confrontation, relie le matériel
conscient et préconscient à des motivations ou fonctions, jugées ou
présumées inconscientes, supposées tirer leur origine dans le passé
mais toujours actives et présentes dans l ' ici et maintenant (et notam­
ment dans le transfert). Elle explore les origines conflictuelles de la
dissociation des états du moi (représentations clivées du self et de
l'objet), la nature et les motivations des opérations de défense mises en
œuvre et l'abandon (ou la perturbation) défensif de l 'épreuve de réalité.
En d' autres termes, l'interprétation est centrée sur l' activation des
angoisses et des conflits sous-jacents. La confrontation rassemble et
réorganise les éléments observés ; l'interprétation confère au matériel
une profondeur et une dimension causale supposée. Ainsi le thérapeute
met en relation les fonctions habituelles d'un comportement particulier,
avec les angoisses, motivations et conflits à l ' œuvre chez le patient,
ce qui éclaire les difficultés d' ordre général au-delà de l ' interaction
habituelle. Par exemple, montrer à un patient que son comportement
semble exprimer une suspicion, et explorer la conscience qu'il en
a, relève de la confrontation ; lui suggérer 1 ' idée que sa suspicion
ou sa peur vient de ce qu'il attribue à l' investigateur quelque chose
de « mauvais » qu'il essaie de mettre en dehors de lui (et dont il
ne savait rien jusque-là) est une interprétation. Montrer au patient
qu'il lutte contre le thérapeute vu comme représentant d'un « ennemi »
interne possédant ces caractéristiques, parce qu'il a vécu une situation
similaire autrefois avec une figure parentale, c'est une interprétation
de transfert. Une interprétation, quelle qu'en soit sa nature, doit être
formulée en tenant compte de trois impératifs : elle doit être concise ;
elle doit octroyer une prime narcissique ; elle doit réemployer .les mots
utilisés par le sujet.

En résumé, la clarification est un moyen cognitif non contraignant


de voir jusqu'à quel point le patient peut avoir conscience d'un certain
220 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

matériel. La confrontation tente de rendre le patient conscient de cer­


tains aspects potentiellement conflictuels et incongrus de ce matériel.
L'interprétation essaie de résoudre l ' aspect conflictuel du matériel
en proposant l 'hypothèse de motivations et de défenses inconscientes
sous-jacentes qui rendent finalement logique ce qui était apparemment
contradictoire. L' interprétation de transfert applique à l' interaction pré­
sente entre le patient et le thérapeute dans le transfert, toutes les modalités
techniques précédemment énumérées.

Le recadrage

Le recadrage est une technique thérapeutique qui amène le patient


à voir les côtés positifs ou plus avantageux de sa situation : il verra le
« verre à moitié plein » selon une image courante. En conséquence, il

adoptera une manière différente de l'appréhender ou d'y réagir. Il arrivera


à donner une nouvelle définition à ses difficultés, qui s' accorde aux faits
réels tout aussi bien qu'à l'ancienne présentation.
Il est donc essentiel, avant d'utiliser le recadrage, que le thérapeute
comprenne bien le cadre de référence, la position (valeurs, croyances,
inclinations, manière de percevoir le monde) du patient vis-à-vis de son
problème. Les mots et le style d'intervention utilisés devront être en
accord avec ce contexte propre au patient.
Il existe plusieurs étapes dans le recadrage.

Étape 1. Réaliser une évaluation approfondie du problème


Elle permet de déterminer si un recadrage de la situation est utile
d'emblée. Si le patient semble avoir des objectifs clairs et paraît percevoir
la dimension positive de sa situation, le racadrage peut ne pas être utile.
Si par contre, le patient présente son problème comme insoluble ou de
manière grandiose, et ne le perçoit que dans son aspect négatif, suggérant
qu'il n'a pas les moyens nécessaires à sa résolution, un recadrage peut
être nécessaire. De plus, et au préalable, pour une utilisation efficiente
de la technique, il est nécessaire de bien saisir les détails de la situation,
notamment ce qui concerne les individus impliqués, leurs relations et
l'ensemble du contexte. Des exemples de situations difficiles nécessitant
un recadrage, peuvent être formulés de la façon suivante :

« Tout le monde à mon âge connaît la direction que doit prendre sa vie.
Qu'est ce qui cloche chez moi ? »
« Mon mariage part en morceaux. Nous ne nous aimons plus. »

« Je ne peux plus supporter l 'anxiété. Je veux qu'elle disparaisse. »


LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 221

Les buts du patient, après un recadrage, peuvent prendre l aspect des


formulations suivantes :
Beaucoup de gens ne découvrent pas immédiatement l'ensemble de
leurs possibilités. li n'y a pas de correspondance avec l'âge qui soit
valable pour tout le monde. La personne moyenne change plusieurs fois
de carrière. I l est mieux que je continue à chercher et à me développer
plutôt que de rester bloqué dans une situation que je déteste. Je dois
utiliser ce que j'ai appris de mon expérience passée et l' appliquer à mon
exploration à venir.

« J'ai besoin d'améliorer ma communication avec mon conjoint. »

« Je suis maintenant très motivé pour apprendre à réduire mon anxiété,


petit à petit. »

Étape 2. Comprendre la position du patient


Au-delà des faits, le thérapeute doit arriver à saisir les aspects quali­
tatifs de la situation. Quelle est sa singularité ? Comment le patient la
présente-t-il ? Utiliser une métaphore ou une image, si nécessaire, pour
représenter ce vécu singulier.

Étape 3. Construire un pont


Développer un recadrage qui fasse le pont entre l'ancienne conception
du problème et un nouveau point de vue, qui en fasse ressortir les aspects
positifs, ou qui le présente comme résoluble.

Étape 4. Présenter Le recadrage comme une directive ou comme


une invitation
Des exemples de la façon dont cette étape peut être mise en œuvre
� sont donnés dans les dialogues suivants.

Directive au patient A Je veux que vous commenciez à penser un peu à


-

la chance que vous avez eue de connaître un grand père comme celui-ci.
Je ne vois pas comment vous auriez pu avoir un meilleur exemple de ce
qui échoit à la personne qui n'arrive pa à constituer des relations intimes.
Grâce à cet exemple, je ne pense pas qu'une telle chose puisse jamais vous
arriver.
Invitation au patient B Je me demande si vous ne pourriez pas com­
-

mencer à penser à cela d'une manière différente ? Bien que cela soit
dur parce que vous êtes encore actuellement tellement engluée dans la
souffrance, j'espère que vous serez en mesure de saisir quelques-unes des
nouvelles opportunités qui s'offrent à vous du fait de votre obligation de
changer de travail ? Quels sont les projets que vous avez toujours voulu
222 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

réaliser ? Quels sont ceux que vous pourriez avoir une chance de réaliser
maintenant ?

Étape 5. Renforcer le pont


Un changement de perspective se développe souvent lentement. Le
thérapeute doit rediriger en douceur le patient, au fil des séances se
déroulant après qu'un recadrage a été proposé.
Une manière de procéder ainsi consiste à accepter l'ancien point de
vue, puis de le remplacer par la nouvelle perspective. Par exemple :

Thérapeute au patient A Je sais que vous ressentez à nouveau cette vieille


-

rancœur envers votre grand-père. Cela vient tout seul. En même temps, je
constate une plus grande tendance en vous à être reconnaissant d'avoir été
épargné par ce triste sort. Il semble y avoir en vous actuellement pl us de
pitié que de colère.

Une autre manière d'accomplir le même cheminement consiste à


prendre l'objet du recadrage comme quelque chose de bien accueilli
par le patient et de fonder une démarche plus constructive sur cet acquis
supposé, comme dans J 'exemple suivant :

Thérapeute au patient B Je sais qu'il y a plusieurs possibilités que vous


-

êtes heureuse d'explorer en terme de carrière (prend le recadrage comme


bien accueilli par Je patient). J'ai aussi quelques idées que j 'aimerais vous
faire partager sur la façon dont nous pourrions mener nos recherches de
manière plus systématique (fonde une action constructive sur la base du
recadrage).

En outre, l'imagerie guidée et le jeu de rôle peuvent être utilisés


pour renforcer le pont. Le patient peut être guidé dans une séquence
comportementale en imagination, où le problème est vu dans la nouvelle
perspective et il peut en imaginer les conséquences positives. Le jeu de
rôles permet de démontrer, en utilisant des modèles (le thérapeute ou
d'autres membres du groupe), comment on agit lorsque l'on adopte Je
nouveau point de vue.

Étape 6. Tâches hors séance


La prescription de tâches hors séances à propos du recadrage demande
simplement au patient de vivre selon la nouvelle perspective plutôt que
de continuer à se référer au précédent cadre de référence. Par exemple, on
peut demander au patient de faire la liste de toutes les nouvelles activités
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 223

qu'il peut réaliser en tant que célibataire auxquelles il ne pouvait pas ou


ne voulait pas se livrer lorsqu'il était marié.

La redécision

La redécision est un terme issu de l' Analyse transactionne!Je mais


constitue un processus thérapeutique commun à la plupart des écoles de
psychothérapies. Il constitue souvent l' aboutissement d'une psychothé­
rapie réussie puisqu'il faut avoir été capable de faire émerger les parties
infantiles du patient, lui aider à en prendre conscience, à s'en distancier,
à utiliser leur force et saisir leur signification puis, finalement, à adopter
une autre attitude envers elles.
La redécision implique de faire revivre au patient une scène précoce
de son enfance au cours de laquelle (ou par la répétition de laquelle) il a
du supprimer une émotion, un sentiment ou une pensée jugés dangereux
en prenant une « décision » quant à ce que serait sa vie future ou
une « conclusion » définitive et prématurée quant à ce qu'il pouvait
en attendre.
Le processus de redécision se fait donc en deux étapes :
J . faire revivre l'enfant intérieur du patient lors de la séance
2. reparenter l'enfant ou renégocier ses contrats personnels.
Toute thérapie efficace passe par une redécision du passé. La psycha­
nalyse l'avait dit la première. Selon Freud, la prise de conscience du
matériel refoulé n'est pas une fin en soi. Le but, c'est que le moi prend
une décision libre et responsable le concernant : rejet, acceptation, moyen
terme ; une vraie décision doit remplacer le refoulement qui avait été une
mesure d'urgence, automatique, irrationnelle, coûteuse en énergie, prise
inconsciemment par l' enfant devant le danger. Nous verrons comment
c:
:i cette notion a été reprise par la plupart des écoles de psychothérapies, en
l'illustrant de techniques propres à chacune d'elles.
Quand le thérapeute favorise la reviviscence d'une scène précoce, il
Je fait en aidant le sujet à suspendre son attention à la réalité externe et
à s'absorber à l' intérieur de lui-même. L'état de conscience est modifié.
Le thérapeute a induit un état hypnotique et il produit le phénomène
hypnotique de la « régression en âge » couramment utilisé par les
éricksoniens. II est difficile de penser que le patient a pris sa décision
infantile d'une façon purement consciente, puisqu'il faut obtenir la levée
de l ' amnésie pour l ' atteindre : elle est donc bien inconsciente, que ce
soit depuis le début ou qu'elle le soit devenue (Megglé, 1 990). Il faut
224 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

prendre en compte l'importance du travail inconscient que Freud appelait


« l après-coup ».
Toute psychothérapie qui prend en compte les phénomènes transfé­
rentiels est à même de réaliser cet objectif, pour peu qu'elle respecte
certaines conditions. Il faut ainsi qu'elle ait amené le patient à mettre
en lien ses mouvements transférentiels avec des scènes précoces, que
celui-ci ait pu ensuite revivre ces scènes dans le cadre des séances, et
enfin qu'il ait pu décider de s'y repositionner différemment, en se basant
sur ses capacités actuelles d' adulte.
La psychothérapie Gestalt implique aussi souvent un processus de
redécision. Elle fait en effet apparaître les « gestalts inachevées » de
l 'individu, qui correspondent à des états infantiles dans lesquels des
besoins affectifs profonds n 'ont pu être satisfaits. Ensuite, elle propose
des « expérimentations », dans lesquelles le sujet se risque à ressentir
certaines émotions jusque-là réprimées pour exprimer différemment ses
besoins, en vue d'un aboutissement positif. Il est parallèlement amené à
« décider » d'adopter une autre attitude à leur égard.
II existe cependant des techniques plus spécifiques, permettant de faire
surgir « à volonté », et en tout cas plus rapidement, cet enfant intérieur.
Nous allons les décrire maintenant.

Faire revivre l 'enfant intérieur


Aucune transformation profonde ne pourra se produire si le patient
n' accepte pas d' admettre l ' existence de certaines émotions et tant qu'il
refusera d'en faire l'expérience. L'enfant qui éprouvait ces émotions est
encore bien en lui.
Il doit aller le chercher dans sa cachette, le comprendre et lui tendre la
main pour qu'il accepte de sortir et de réaliser que le monde n'est pas le
même que celui qu'il avait connu dans son enfance.
Toute psychothérapie, quelle que soit son orientation, doit avoir pu
« amener l'enfant (i ntérieur) en séance » , pour amener un véritable
changement.
Voici quelques techniques spécifiques, orientées directement vers la
réalisation de cet objectif.
On demandera au patient de décrire une situation récente dans laquelle
un état infantile a été réactivé. On lui demandera de ressentir à nouveau
pleinement les émotions qu'a suscité la réactivation de cet état, de ne pas
les réprimer, et d'explorer en profondeur tout l'éventail de ses émotions.
Par l ' imagerie mentale on lui fera revivre cette expérience.
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 225

« Fermez les yeux. Imaginez cette situation avec le plus de clarté et


d'émotions possibles. Laissez vos émotions faire surface. »

On lui demandera ensuite, une fois qu'il aura fini de visualiser cette
première scène, d'essayer d' évoquer une image de son enfance qui lui
fasse ressentir les mêmes émotions, les mêmes sensations désagréables :

« Fermez les yeux et laissez émerger un souvenir d'enfance qui suscite


en vous la même émotion que maintenant. Efforcez-vous de remonter Je
plus loin possible dans votre enfance. Ne forcez rien. Laissez les images
émerger à votre conscience. Laissez vous entraîner par les images qui se
présentent puis examinez les en détail. Décrivez la première image qui
vous vient à l'esprit. En compagnie de qui étiez-vous ? De votre mère ?
De votre père ? D ' un frère, d'une sœur, d'un ou d'une amie ? »

Le thérapeute peut demander au patient de s'adresser directement à


son enfant intérieur, en gardant les yeux fermés et en restant concentré
sur l 'image, ou bien le thérapeute peut lui-même poser des questions
à cet enfant, en demandant alors au patient de bien rester attentif aux
réponses que cet enfant va fournir.
Le patient peut aussi réaliser ses propres séances de remise en contact
avec les souvenirs de son enfant intérieur.
Dès qu'il constate la récurrence de certains sentiments douloureux
dans sa vie quotidienne, il peut se demander : d'où proviennent ces
sentiments ? qui dans sa famille lui a fait telle ou telle chose ? qui lui a
donné l'impression qu'il était mauvais, sans valeur, défectueux . . . ? son
père ? sa mère ? son frère ? sa sœur ? Il peut s'efforcer de se rappeler
certains événements spécifiques de la façon la plus détaillée possible.
Il peut regarder de vieilles photos. Visiter les lieux de son enfance, ou
recourir à l'imagerie mentale, en fermant les yeux dans une pièce calme
et obscure et en laissant surgir des souvenirs.
"
"
Il peut aussi directement entamer un dialogue avec son enfant intérieur.
Il prend une photo de lui lorsqu'il était petit ou un ours en peluche ou
une poupée et s'adresse à lui comme à son enfant intérieur en lui posant
des questions (que sens-tu ? qu' est-ce qui ne va pas ? que veux-tu que je
0
fasse pour toi ? que veux-tu que je comprenne ?). Ensuite il retourne ces
objets contre son cœur et laisse l' enfant lui répondre.
Ce dialogue intérieur peut aussi être écrit (I' adulte écrit avec la main
prédominante, droite chez les droitiers, et l'enfant répond avec l'autre
main).
Les techniques d' imagerie décrites par Lazarus permettent aussi ce
contact avec l ' enfant intérieur
226 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Trois images particulières semblent pouvoir apporter d'importantes


informations d'un point de vue clinique :
1 . La maison de l 'enfance

« Voulez-vous, s'il vous plaît, évoquer une image de la maison de votre


enfance. Vous avez peut-être vécu à différents endroits en tant qu'enfant,
mais presque tout le monde pense à un endroit particulier désigné comme
étant « la maison de son enfance ». Voulez-vous vous concentrer sur cette
image ? Fermez vos yeux si cela peut vous aider. Essayer de voir la maison
de votre enfance. (Pause de 10 secondes environ). Maintenant dites-moi,
où est votre mère dans cette scène ? Que fait-ell e ? Et où est votre père ?
Que fait-il ? »

2. La déambulation de pièce en pièce

« Déplacez-vous y en imagination d'une pièce à l ' autre. Regardez autour


de vous avec soin. Représentez-vous visuellement le mobilier. Essayez de
ressentir l 'ambiance. Notez-vous certaines odeurs ? Quels sons entendez­
vous ? »

3. L 'endroit sûr

« Je vous conseille de vous représenter un endroit spécialement sûr.


N ' i mporte quel endroit conviendra, qu'il soit réel ou imaginaire, pourvu
que vous vous y sentiez en parfaite sécurité. (Pause de JO secondes).
Rendez-vous à cet endroit-là. Voyez-le avec précision. (Pause de JO
secondes). Voudriez-vous bien me le décrire ? »

Étant donné que la famille d' origine constitue si souvent le terrain


d'éclosion des troubles émotionnels, l'exploration de la scène de la mai­
son d'enfance (a) fournit habituellement des informations significatives.
La déambulation de pièce en pièce (b) débloque souvent des souvenirs
et des émotions fortes qui jouent un rôle dans les difficultés actuelles du
patient. L'image de l 'endroit sûr fournit des indices importants sur les
comportements d'échappement et d'évitement mais aussi de réassurance.
Pour explorer la modalité d ' imagerie, on demande aussi au patient
quels sont ses rêves ou ses rêveries éveillées s'il en a.
Mary Goulding dit qu'il y a toutes sortes de façons aisées de retourner
dans le passé, par exemple en demandant simplement à la personne :

«Est-ce que ce malaise dont vous souffrez actuellement vous rappelle une
époque de votre jeunesse ? »

ou bien
l LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 227

« Allez ! Exagérez votre façon d'être assis comme ça. Vous vous sentez à
quel âge ? Quelle est la scène ? »

ou encore

« Vous dites que vous êtes triste et vous pensez : « ma femme ne m'aime
pas ; sans ça elle ne ferait pas ça », et ça vous donne envie de vous sauver.
Laissez-vous aller à ressentir votre tristesse, répétez vos mots, et regardez
comme ils vous conviennent bien quand vous étiez petit. »

Le patient s' absorbe ainsi dans la scène précoce qu'il réexpérimente


rapidement.

Reparenter ou renégocier les décisions infantiles


Technique de redécision de / 'Analyse transactionnelle
Lorsque le patient est immergé dans la ré-expérimentation d'une scène
du passé, ses images mentales prenant du relief, il peut, en imagination,
en modifier un paramètre. Par exemple, il introduit un personnage
consolateur de son choix qui se tient auprès de l'enfant solitaire et qui
lui dit les choses qu'il aurait eu besoin d'entendre à l 'époque ; cela,
jusqu'à ce que l'enfant consolé voie l'ensemble de la scène d'une façon
entièrement différente, jusqu'à ce qu'il ait remplacé son sentiment de
tristesse par un sentiment de triomphe. Ayant réussi à modifier ses
sentiments, le patient peut se donner à lui-même les qualités de son
allié, et repartir dans la scène sans son allié mais avec ses qualités. Il
peut savourer le triomphe d'avoir modifié ses sentiments en étant son
propre allié. Enfin, il ira aussitôt mettre sa redécision en pratique dans
le réel, après avoir répondu à la question du thérapeute « Que feras-tu
différemment aujourd 'hui pour renforcer ta redécision ? » .
Ici, il y a eu redécision d'un sentiment, l a tristesse, que l e sujet s'était
donné pour règle de ressentir depuis cette scène précoce.
Techniques de redécision issues de l 'hypnose eriksonienne : la
dissociation et le changement d'histoire de vie
La dissociation
Mise dans un état-ressource (état interne positif protégeant le sujet
d'un vécu douloureux et utilisant ses propres ressources déjà manifestées
dans le passé), la personne est invitée à visualiser le souvenir traumatique
sur un écran imaginaire (mentalement ou sur le mur du cabinet). Elle se
revoit sur l'écran en train de vivre la scène du passé, mais elle n'en a que
les images, pas les sensations. C'est l 'autre elle-même, celle du passé
qui est sur l'écran qui les a (dissociation simple). Si le souvenir est trop
228 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

violent, on demande à la personne de flotter au-dessus d'elle-même et de


se regarder de là-haut, assise dans la chaise en train de regarder sur le mur
la scène traumatique (dissociation double). Le souvenir apparaît sous
forme d'une photographie ou d'un film. Dans le cas d'une photographie,
le patient est incité à en modifier un paramètre secondaire. Si c'est
un film, le client le déroule à sa guise. La dissociation lui fournit la
télécommande d'un magnétoscope mental. D. Megglé raconte comment,
en double dissociation, il a soigné une femme violée à l'âge de 8 ans. Il
lui demande de laisser tout le film passer et de bloquer la dernière image :
la petite est seule dans la cave, le type parti, son forfait accompli. Elle
monte alors dans le film, comme l' héroïne de La rose pourpre du Caire.
Elle rejoint la petite fille et lui « dit les choses qu'elle a tellement besoin
d'entendre et qu'elle n'a pas entendues à l'époque ». Elle la prend dans
ses bras et la console. Quand ce travail est terminé, l'enfant et la femme
sont réassociés. On voit que cette technique s'apparente à la redécision
en AT.
Le changement d'histoire de vie
Quand le trauma est ancien et grave, plusieurs séances sont nécessaires.
Pendant son développement, le sujet a construit d'autres expériences sur
cette base. Il ne suffit pas d'y remonter car il a fait dériver son évolution
ultérieure. Comme le disait Freud à Rank :

« Ce n'est pas parce que vous détenez le trauma originaire qu'il ne faut
traiter que lui. Les pompiers qui, dans un incendie, n'enlèvent que la lampe
à pétrole responsable du feu ne font pas leur travail. Il faut combattre aussi
les flammes ».

Heureusement, le plus souvent, les patients ne nous offrent qu'un


nombre limité de souvenirs ultérieurs à soigner. Avec la technique du
« changement d' histoire de vie », les patients les traitent rapidement.
Au besoin, ils se donnent l'enfance et l'adolescence qu'ils estiment,
adulte, qu'il aurait été juste et bon qu'ils eussent eu. Ils ne gomment
pas la « vraie » : elle fait partie de leur passé. Ils augmentent leur choix
d'histoires possibles. On trouve Je prototype de cette technique dans une
célèbre thérapie d'Erikson, l'Homme de février.

Une jeune femme est au bord d'une grave décompensation dépressive.


Victime d'une carence affective sévère dans l'enfance, elle est-ce que
nous appellerions en France une « abandonnique '" Erikson entreprend
de " réparer cet abandonnisme en allant lui-même dans son enfance. Il
»

introduit un mystérieux personnage imaginaire, l'homme de février. C'est un


ami de la famille. En état hypnotique, la jeune femme reparcourt toute son
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 229

enfance puis son adolescence. Chaque étape est marquée par l a visite de
l'homme de février qui fait des cadeaux affectueux, s'enquiert avec soin des
soucis de la fille et lui donne des conseils adaptés à son âge.

Technique de redécision issue de l 'approche cognitive de Beck :


Renégocier ses contrats personnels
Les psychothérapeutes cognitivistes n' hésitent pas à dire aux patients
que leurs croyances est le fruit d'un contrat qu'ils ont passé avec
eux-mêmes dans l'enfance qu'il est temps maintenant de renégocier.
En cela, ils s' inspirent des techniques de « redécision » de l' analyse
transactionnelle.
Le thérapeute propose au patient de considérer la croyance dysfonc­
tionnelle comme un contrat passé avec lui-même ou une personne proche
(le plus souvent un ou les deux parents dans l 'enfance) et ensuite de
rechercher dans quelles circonstances ce schéma est utilisable, dans
quelles circonstances il est nocif. Thérapeute et patient évaluent ensuite
les possibilités d' adapter le schéma aux circonstances actuelles. Il est
important de respecter les « loyautés » (Boszormenyi-Nagy) du patient
envers ses parents dans le cas où ceux-ci sont impliqués dans le contrat,
sous peine de rentrer en conflit avec lui.

Technique de redécision issue de l 'approche intégrative de J. Young :


reparenter l'enfant
Chez beaucoup d'entre nous, le sentiment de rejet que nous avons vécu
avec nos parents est si profond qu'aujourd'hui encore, dans certaines
situations, le contact avec cette souffrance nous est encore trop doulou­
reux. La seule façon que l'enfant accepte d' affronter cette souffrance est
que l ' adulte soit présent à ses côtés et lui montre que cette douleur
est finalement supportable. Sans le soutien de 1' adulte, l'enfant est
c: renvoyé au caractère intolérable de son ancienne souffrance et cherche
::>
à s'en protéger par tous les moyens. l i développe ainsi tout un art
d'écarter ses sentiments, car un enfant ne peut vivre ceux-ci que lorsqu'il
y a quelqu'un qui l'accepte avec ces sentiments-là, le comprend et
l'accompagne.
Ainsi, chaque fois qu'un état infantile douloureux est activé, le patient
doit rentrer en contact avec cet enfant qui, réclamant de l'amour et une
reconnaissance, « ne recevait que ... » Le patient doit s'imaginer, enfant,
désirant ces choses. Il doit imaginer les êtres chers qui les lui refusaient
et il doit se laisser aller à revivre sa douleur. Puis, on demande au patient
d'entrer dans l' image en tant qu'adulte et de réconforter cet enfant :
230 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

« Entrez dans le tableau que vous visualisez, entrez-y tel que vous êtes
aujourd'hui, un adulte, et venez en aide à l'enfant. »

Le réconfort, l'amour, le soutien et l 'éloge, mais aussi l'action en


faveur de l'enfant, peuvent apaiser les sentiments douloureux, rendre
ceux-ci supportables et non destructeurs. Le patient doit prendre
conscience que, quoi qu'on lui ait fait croire, ses souffrances ne sont pas
venus de sa faute à lui, et que sa prétendue inadéquation n'était qu'un
alibi pour ceux qui l'ont élevé. I l doit trouver le bon enfant en lui, et
sympathiser avec l'enfant blessé.
Lorsque l'enfant se sentira ainsi en sécurité, reconnu et soutenu
par l'adulte intérieur, les souvenirs d'enfance afflueront, et le patient
pourra se remémorer beaucoup plus et se laisser plus aller à revivre ses
souffrances.
On le voit donc, une redécision réussie implique non seulement
la cognition (par laquelle le client en vient à comprendre l 'ancienne
décision et comment celle-ci l'entrave aujourd'hui), l' affect (qui permet
au client d'accéder aux couches profondes de lui-même, inaccessibles
à sa conscience, et qui doit participer au changement pour que celui-ci
soit durable), mais également l'intention : le choix clair et conscient
d'emprunter une voie différente de celle de jadis.

L'EMDR (« redécision » par l 'EMDR)


Le « R » d'EMDR signifie « retraitement » cognitif des émotions, i l
correspond à une forme spécifique de processus d e « redécision ».
Cette méthode (Eye Mouvements Desensitization and Retreatment)
a été créée à la fin des années quatre-vingt par Francine Shapiro.
D'une efficacité remarquable pour l ' intégration neuro-émotionnelle des
traumatismes affectifs (aigus avec un grand « T » ou chroniques avec un
petit « t » ) de l'enfance ou de l'âge adultes.
Elle intègre des éléments de plusieurs approches thérapeutiques, telles
que la psychanalyse, la thérapie cognitive et comportementale, l 'hypnose
ericksonienne et la thérapie Gestalt. Grâce à des mouvements oculaires
identiques à ceux se produisant au cours du rêve, un accès rapide à
tous les canaux d' association connectés au souvenir traumatique est
permis, alors que celui-ci demeurait isolé et inaccessible dans le cerveau
émotionnel (noyau amygdalien notamment). Au fur et à mesure que
ces canaux sont activés (que l'on se reconnecte avec l 'enfant intérieur
blessé), ils peuvent se connecter aux réseaux cognitifs (cerveau rationnel
cortical préfontal, siège du « parent intérieur » ) qui, eux, contiennent
l ' information ancrée dans le présent. C'est grâce à cette connexion que
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 231

l a perspective d e l ' Adulte, qui n' est plus, aujourd'hui, ni impuissant


ni soumis aux dangers du passé, finit par prendre pied dans le cerveau
émotionnel. Elle peut alors y remplacer l'empreinte neurologique de la
peur ou du désespoir (D. Servan-Schreiber, 2003).
En une seule séance on peut ainsi voir se dérouler sous nos yeux, de
manière très spectaculaire la connexion entre le point de vue de l ' adulte
et la vieille distorsion conservée dans son cerveau émotionnel (« c'est
parti ! comment ai-je pu me laisser affecter si longtemps par ça ? je savais
déjà plus ou moins que je n'étais pas responsable, mais je n'arrivais pas à
Je sentir... »). Ce type de douleur émotionnelle auquel s'adresse l'EMDR
en est une qui ne se résout pas simplement par exposition à l'émotion
(comme pour la résolution du deuil) mais qui, au contraire, s' intensifie, et
se répète inchangée lors du processus d'exposition (Mc Cullough, 2002).
Pendant la séance d'EMDR, il est demandé au patient de bouger les
yeux de gauche à droite, à un rythme régulier, tout en pensant à des
éléments d'un souvenir traumatique ou d'un deuil non résolu. D'autres
formes de stimulations (auditives ou tactiles par des tapotements sur les
mains) sont parfois utilisées à la place de la stimulation visuelle.
Le patient doit spécifiquement évoquer dans son espri t l'image d'un
des aspects pénibles de l'événement passé. Le thérapeute l ' aide à
focaliser son attention sur la dimension visuelle de la représentation
traumatique qui est la plus intensément associée avec l' affect. Le patient
énonce alors une conviction (cognition) négative qu'il a de lui-même
et qui résulte de cet événement (par exemple : « je suis impuissant »,
« je suis faible », « je ne peux pas prendre soin de moi », « je ne suis
pas assez bon »). Le patient identifie également l ' affect précisément
relié à l ' image (par exemple la peur, la colère, la tristesse) et évalue son
intensité sur une échelle de 0 à 1 0 appelée Je S.U.D. (Subjective Unit
of Distress : unité de détresse ressentie). En même temps le thérapeute
c:
l'aide à identifier les sensations physiques se manifestant dans son corps
"
et qui accompagnent ces i mages, pensées et émotions.
Le thérapeute et le patient définissent ensemble une direction pour
la thérapie en identifiant aussi une cognition positive. Cette cognition
répond à la question : « quand vous vous voyez dans cette situation,
que préféreriez-vous penser de vous-même à la place de la croyance
négative que vous venez d' énoncer ? » . Le patient doit alors évaluer le
degré de conviction qu'il associe à cette pensée positive : à quel point i l
l a ressent comme vraie. Cette évaluation, ainsi que l e S U D permettent
au thérapeute d'estimer le degré atteint dans la résolution du trauma,
et la progression au cours du traitement vers une interprétation plus
adaptative de l'événement passé. À ce stade, rien dans cette procédure
232 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

ne diffère fondamentalement d'une bonne psychothérapie d'un stress


traumatique utilisant les ingrédients des approches déjà bien établies
telles que la restructuration cognitive et l' utilisation de l'exposition
imaginaire décrites par Foa ( 1 997).
Après cette phase initiale, le patient maintient dans son esprit l'image,
la cognition, l'affect et les sensations physiques et suit des yeux le dépla­
cement bilatéral de la main du thérapeute entre la gauche et la droite (ou
porte son attention sur un autre type de stimulation alternant de gauche
à droite). Ces séries de mouvements latéraux durent de 20 secondes à
quelques minutes, en fonction de la réaction émotionnelle du patient.
Cette phase de stimulation bilatérale s' accompagne généralement d'une
réponse de relaxation physiologique avec baisse de la tension artérielle,
de la fréquence cardiaque et de la conductance cutanée.
À chaque pause, entre chaque série de mouvements bilatéraux, le
patient rapporte « ce qui lui est venu » pendant la période d' attention flot­
tante qui accompagne les mouvements oculaires. Il peut s'agir d' images,
de pensées, d'émotions ou de modification des sensations corporelles.
Le patient porte alors son attention sur cette information nouvelle et le
thérapeute commence alors une autre série de mouvements. Le thérapeute
se retient de demander des clarifications ou des précisions sur ce que
le patient rapporte. De même, il n'en donne aucune interprétation. Il
continue simplement de ramener l'attention du patient sur le matériel
révélé par la stimulation et amorce une nouvelle série de mouvements
jusqu' à ce que les associations ne suscitent plus de changements ou
jusqu'à ce que seulement des associations et sensations positives soient
rapportées. En fonction de l 'évolution du niveau de SUD donné par le
patient et selon la force de la nouvelle cognition positive, le thérapeute
peut ensuite décider de pousser plus loin le traitement de l'événement
initial ou de commencer à traiter d'autres aspects du traumatisme. La
succession des séries de stimulations tend à désamorcer les ruminations
obsédantes couramment constatées chez les patients souffrant de trouble
post-traumatique.
En une seule séance, il est fréquent que le patient revive de manière
intense certains aspects du traumatisme. Un calme et un sentiment de
compréhension nouvelle de l'événement accompagnent rapidement ces
sensations et celui-ci n'est alors plus associé à des émotions douloureuses
et des croyances négatives et dépréciatives sur soi. Les patients expriment
souvent de nouvelles convictions au sujet de l'événement traumatique
telles que « ce n' était pas ma faute », en souriant, et avec une expression
de soulagement et d'étonnement. Ou bien, ils se retrouvent, presque sans
y croire, en train d'accepter une erreur passée qui les avait tourmentés
LES TECHNIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES LIÉES AUX FACTEURS COMMUNS 233

pendant des décennies, avec des pensées nouvelles telles que « je n'avais
vraiment pas d' autre choix à l'époque, j'ai fait du mieux que j'ai pu ».
Entre les séries de mouvements oculaires, le patient parle normalement
au thérapeute, décrivant généralement ce qui s'est passé pour lui pendant
la stimulation. li ne semble pas être dans un état de transe. Il est typique
que le patient décrive le courant de conscience traversé pendant l a
stimulation un peu comme s ' i l s'agissait d'une rêverie concentrée. Le
travail est amorcé par un événement précis ou un affect particulier, mais
au fur et à mesure des mouvements oculaires, d' autres associations
à d' autres événements surgissent, des pensées sur soi ou même des
scénarios imaginaires. L'état émotionnel se modifie rapidement, au
rythme des changements d' associations cognitives.
Chapitre 6

OSER LA PSYCHOTHÉRAPIE
TRANSPERSONNELLE
PAR LA PRATIQUE
DES ÉTATS MODIFIÉS
DE CONSCIENCE

c:
"

D dire le plan horizontal décrit par les facteurs communs, à la « 30 »,


ANS CE CHAPITRE, je vous propose de passer de la « 2D », c'est-à­

en rajoutant l' axe vertical d'exploration thérapeutique de la psyché grâce


aux états modifiés de conscience (EMC). Les EMC sont des états non
ordinaires, d'élargissement et d'approfondissement de la conscience,
et ils constituent le facteur commun essentiel à un certain nombre de
psychothérapies, que l ' on peut qualifier de « transpersonnelles » 1 • Le
transpersonnel, c'est ce qui se dévoile à l' individu quand il dépasse les
limites du fonctionnement de l ' ego, ou selon la définition de Maslow

1. Élargissant le champ d'investigation de la psyché au-delà des limites étroites de l'ego.


236 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

( 1 972), créateur du terme, un au-delà de J' individualité, un au-delà


du développement de la personne individuelle. La psychologie trans­
personnelle, comme l ' écrivait James Fadiman, fondateur du Journal
of Transpersonnal Psychology, « se caractérise par un ensemble de
conceptions partagées par des personnes ayant vécu certains états non
habituels de conscience ».
Les Psychothérapies Transpersonnelles (PT) utilisent donc les EMC
pour exploiter certaines propriétés exceptionnelles de la conscience et
explorer cet « au-delà de l ' ego ». Les EMC sont les premiers outils
psychothérapeutiques dont a disposé l' humanité, notamment dans les
transes utilisées par les chamanes. Ils possèdent des effets thérapeu­
tiques qui peuvent être très bénéfiques, et quasiment inatteignables
par les méthodes conventionnelles laissant le sujet en état ordinaire
ou seulement légèrement modifié de conscience. En effet, lors d'un
EMC la conscience révèle beaucoup plus faci lement et fréquemment ses
capacités de « fonctionnement non localisé », et laisse apparaître des
phénomènes paranormaux (psi), des expériences extraordinaires (EE),
ou encore des expériences spirituelles ou mystiques (spi). Qu'est ce que
le « fonctionnement non localisé » de l 'esprit ? En bref, nous dit Larry
Dossey (2002) « l 'esprit ne se localise pas dans le cerveau ou dans le
corps. Il circule librement dans l 'espace ou dans le temps. L 'esprit est
plus que le cerveau ; il est capable de choses que le cerveau ne peut
pas faire, comme agir à distance et s 'évader du présent » . L'existence
des phénomènes paranormaux a été éprouvée et validée en laboratoire
depuis plus d'une centaine d'années (Radin, 2000). Les expériences
extraordinaires, illustrant encore d'autres capacités « non locales » de
notre conscience ont-elles aussi fait l'objet d'études extensives les
validant en les différenciant de la pathologie mentale ou de l'affabulation
(Allix et Bernstein, 2009). Quand aux expériences psycho-spirituelles
ou « mystiques », elles peuvent constituer une expérience décisive dans
la vie d'un individu, provoquant des changements positifs profonds et
durables (Si Ahmed, 2009).
L'accès spontané, ou provoqué, à du matériel provenant d'une autre
source que l'ego individuel présente un intérêt thérapeutique, voire
même un pouvoir « transformant », maintes fois démontré. Lorsque
cet accès est spontané, les PT aideront l'individu à en déployer et en
intégrer le sens, lorsque cet accès est provoqué par les PT, celles-ci en
fourniront 1 'accompagnement idéal. La grande différence entre l.es deux
approches, personnelle « classique » et transpersonnelle, est de même
nature que celle qui existe entre physique et métaphysique : alors que la
psychologie classique observait les phénomènes psychiques observables,
OSER LA PSYCHOTHÉRAPIE TRANSPERSONNELLE 237

sans tenir compte de l' inobservable, la psychologie transpersonnelle


tente d'observer, dans les phénomènes observables, l'incidence de ce qui
n'est pas directement observable.
Il est, selon moi, devenu indispensable d'intégrer le « psi » (paranor­
mal), les « expériences extraordinaires » et le « spi » (spiritualité) au
« psy », dans un modèle de la psyché permettant d'articuler et d'utiliser
à visée thérapeutique, ces dimensions fondamentales de l ' existence
humaine. Stanislav Grof ( 1 989) a ainsi créé la cartographie de la psyché
la plus complète et la plus aboutie de nos jours. Son modèle tient
compte non seulement de la biographie natale et postnatale, consciente et
inconsciente, comme dans le modèle freudien, mais aussi des expériences
prénatales et périnatales, ainsi que des expériences de transcendance,
transpersonnelles, au-delà de l 'espace-temps conventionnel. Il élargit
notablement le concept de R.O.J. (Relation d' Objet Internalisée) en le
rebaptisant « COEX » (systèmes d'expériences condensées), soit des
ROI qui condenseraient et synthétiserait les expériences transperson­
nelles, prénatales, périnatales, et postnatales.

Q U ' EST- C E Q U E L' EGO, Q U E L EST L' I NT É RÊT


T H É RAPE UTI Q U E D ' E N D É PASSE R LES LIMITES ?
Les psychothérapies occidentales classiques dont j'ai parlé jusqu'à
maintenant dans les autres chapitres de cet ouvrage se contentent de réta­
blir un homme fonctionnel, adapté aux contraintes de la vie quotidienne,
sociable, capable d' « aimer et de travailler », pour reprendre Freud.
Or la nature de la conscience humaine invite l' homme à des aventures
bien plus audacieuses, à un émerveillement et une joie bien plus grands,
en allant au-delà des limites de son ego, pour découvrir les ressources
insoupçonnées de son esprit, découvrir qu'il est bien plus grand qu'il
ne le pensait, et donner un sens supérieur à sa vie. Jung (qu'on peut
considérer comme un des pères fondateurs du transpersonnel) avait
fait cette découverte : dès que l' homme réalise une jonction réussie
avec la notion de sacré en lui, les forces de vie prennent le pas sur
celles de la névrose et de la maladie. Et il en donne la raison : « seule
mérite d'être vécue une vie qui nous déborde. L'existence qui n'a en vue
que le moi est étouffante ». Comme le souligne Descamps ( 1 999), « i l
faut s e sortir de l'égoïsme pour accéder à une vie qui ait du sens. Le
processus d'i ndividualisation prend de la valeur lors de la rencontre avec
l'expérience du Sacré au fond de soi ».
2 38 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Nous renvoyons le lecteur à l'ouvrage magistral de John Welwood


(2003), qui illustre mieux que tout autre à quel point l'approche psy­
chothérapeutique conventionnelle et l' approche spirituelle sont complé­
mentaires et indispensables l'une à l' autre, pour qui veut aller jusqu'au
bout des possibilités de la consultation, dans ce que l'auteur appelle une
« psychologie de l'éveil ».
Les psychologies occidentales et orientales peuvent probablement
tomber d' accord sur une définition large de l'ego en tant que sens de
soi, fabriqué ou construit, qui procure un sentiment de continuité et de
contrôle, dont nous semblons avoir besoin au cours des premières phases
de notre développement pour survivre et nous protéger. Cependant, l'ego,
par son activité habituelle de saisie sur des images et des concepts de
nous-mêmes, nous sépare de notre vraie nature (Welwood, 2003). Pour
vivre pleinement sa vie, et aussi résoudre certaines problématiques psy­
chologiques, un ego sain est nécessaire, mais il faut pouvoir le dépasser :
c'est le point de départ des psychothérapies transpersonnelles (PT) qui
commencent là où les psychothérapies conventionnelles finissent. Les
PT partent de l' homme qui a déjà établi un Moi solide, mais dont la
conscience est frustrée, malheureuse, ou angoissée dans son expérience
de confinement dans les limites étroites et mécaniques de l'ego. Ainsi,
la psychologie et les psychothérapies transpersonnelles, en réalité, ne se
bornent pas à l 'exploration des états modifiés de conscience, mais veulent
s'intéresser aux perturbations résultant de l'enfermement des potentiels
illimités de la Conscience (et du Soi) dans les structures limitées de l'ego.
Cependant la barrière n'est pas aussi rigide : certaines psychothérapies
« classiques » amènent à expérimenter le domaine transpersonnel, et les
PT, quant à elles, conduisent souvent à assainir l'ego en renforçant ses
fonctions le plus utiles. Il devient alors en partie erroné de dire que les
PT commencent là où s' arrêtent les thérapies plus classiques, car en fait
elles peuvent les intégrer. Les clients peuvent tout à fait débuter leur
travail thérapeutique avec un thérapeute transpersonnel et même aborder
une problématique de type œdipien avec ce thérapeute et en utilisant ou
non des méthodes inductrices d'EMC. Les psychothérapies transperson­
nelles ne vont pas à contre-courant des thérapies humanistes dans leur
ensemble, elles les intègrent mais dans un cadre de référence différent
ou plus large. Elles ne considèrent pas qu'un ego sain soit la finalité
du processus d'évolution, ni même du processus thérapeutique. On peut
même imaginer des psychothérapies intégratives à ce niveau, comme, par
exemple, une « psychanalyse transpersonnelle » (Pelletier, 2008) ou une
« psychanalyse d'élévation ou d'émergence » (Descamps, 1 999), dans
lesquelles les expériences puissent recevoir deux interprétations : l'une
OSER LA PSYCHOTHÉRAPIE TRANSPERSONNELLE 23 9

qui souligne l 'infantile, le répétitif, le névrotique ; l'autre qui met en


évidence le prospectif, le nouveau, la croissance, la création. Elles sont
toutes les deux vraies, dans leur tension même : la réflexion implique une
archéologie et une eschatologie de la conscience. L'esprit est de l'ordre
de l'ultime, l' inconscient de l' ordre du primordial (Pelletier, 2008).
Pelletier remarque que la reconnaissance de la dimension transper­
sonnelle en psychothérapie lui pem1et ( 1 ) de changer J'image de soi des
patients et de leur donner un sens plus vrai et plus large de leur identité ;
(2) de guérir des blessures et des traumatismes passés ; (3) de percevoir la
réalité dans un contexte totalement différent ; (4) de guider avec sagesse
les choix fondamentaux ; (5) d' intégrer dans un tout harmonieux les
expériences fragmentaires de la vie ; (6) de donner un sens et une valeur
à la vie même dans les situations apparemment absurdes ; (7) d' aider à
transcender l'étroite sphère de nos petites préoccupations et d'adopter
une vision universelle.
Le dépassement de l'ego permet l'accès au Soi, c'est-à-dire à la partie
de nous qui fonctionne de manière non locale et touche au sacré, au
divin.
Comme le rappellent Blin & Chavas (2009), « l'ouverture de la
conscience est un phénomène normal et naturel : la conscience se
développe graduellement, passe par le stade de l' identification à l'ego,
puis devrait pouvoir s' ouvrir à l'ensemble de la création, comme l'avait
d'ailleurs déjà décrit Carl Jung. L'ouverture à toute la création, ou à
tous les niveaux d'existence, est évidente aussi pour toutes les traditions
chamaniques. Et à son stade de développement ultime, la conscience
s' apparente à l'éveil ou à l'i llumination dont parlent de nombreuses
traditions mystiques ».
L'ouverture au transpersonnel transforme le psychothérapeute lui­
même. Les PT lui fournissent l'occasion de découvrir le pouvoir curatif
c
de l' Amour, de l'intention et de l'énergie (Moss, 1 99 J ; Laskow, 1 996).
:::>
Le thérapeute peut se mettre lui-même en EMC et constater que cela
affecte positivement ses capacités diagnostiques et thérapeutiques.

LES CAPACITÉS N O N - LOCAL I S É E S D E L' ESPRIT


P H É N OM È N E S « PSI »
L'esprit, et sa manifestation, la conscience, possède des propriétés
mieux expliquées actuellement par la nouvelle physique quantique que
par le vieux modèle « cartésio-newtonien », qui avait prévalu jusqu'au
début du x xe siècle. Ces propriétés sont les suivantes :
240 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

- la conscience dépasse les limites temporelles (possibilités de percep­


tion dans le passé ou dans le futur) : retro-cognition et pré-cognition
(Radin 2006 ; Tart. 2009)
- la conscience dépasse les limites spatiales (perception ou action à
distance) : clairvoyance et télépathie (Sheldrake, 2009 ; Tart, 2009),
soins à distance (Dossey, 1 995, 2002)
- la conscience ne se limite pas au corps : elle peut en sortir (OBE ou
« expériences de sortie hors du corps », Bernstein, 2009) et explorer
d'autres dimensions ( « voyages » chamaniques)
- la conscience crée et orchestre l'activité de l' information et de l 'énergie
(Chopra, 2008) : travaux sur différentes formes de « magnétisme »,
comme le « Toucher Thérapeutique » (Krieger) ou le reiki, résumés
par Dossey ( 1 995, p. 266-274) et par Janssen (2006, p. 270-276).

Ces capacités parapsychologiques ou « psi » ou non locales sont


prouvées scientifiquement (Tart, Radin, Dossey).
En 1997, Dean Radin, docteur en psychologie et ingénieur, publie une
méta-analyse de toutes les expériences psi réalisées dans le monde depuis
les débuts de la parapsychologie scientifique. Ce travail statistique phé­
noménal a permis de démontrer définitivement l'existence scientifique
des phénomènes psi (Radin, 2000, 2006). Charles Tart (2009) a parlé
du « Big Five » pour désigner les cinq capacités parapsychologiques qui
étaient clairement démontrées par des études scientifiques rigoureuses
en laboratoires, menées ces cent dernières années : la télépathie, la clair­
voyance, la précognition, la télékinésie (action à distance sur des objets
matériels), et la guérison « psi » (action à distance sur des systèmes
vivants).
Quel est l' intérêt de vivre ou de faire vivre vivre un phénomène
« psi » ? Ce n'est certes pas un gage d'accès automatique à la spi­
ritualité, mais cela peut y conduire. Cela fait éprouver à l' individu
la nature illusoire du sentiment de séparation produit par l'ego, lui
montre l' interconnexion de la conscience à tout ce qui existe, et lui
donne envie d'en connaître plus sur la réelle nature de son être. Les
phénomènes psi (ainsi que la plupart de ce qu'on appelle les expériences
extraordinaires ou EE, voir plus loin) constituent la « mystique moindre »
selon Wilber, ou la dimension transpersonnelle horizontale selon Blin. Ils
pointent cependant en direction de la « mystique vraie » ou dimension
transpersonnelle verticale. Voyons la description que font Blin et Chavas
2009) de ces deux axes : « La dimension transpersonnelle horizontale
comprend les relations ou identifications avec tout ce qui n 'est pas moi
(les autres, le vivant, la création) et les expériences d'interconnexion, de
OSER LA PSYCHOTHÉRAPlt TRANSPERSONNELLE 241

synchronicité, de solidarité, de fraternité. La dimension transpersonnelle


verticale nous plonge dans Le transcendant, l 'infini, / ' Un, Le divin,
le cosmique. À l 'intersection des deux, au centre de la croix qu 'ils
forment, on touche l 'ouverture du cœur, le cœur empli de l 'amour,
inconditionnel, le véritable amour, qui contient L 'accueil, la compassion,
l 'émerveillement et la gratitude ».

LES EXPÉ R I E N C E S EXTRAO R D I NA I R E S

Des « expériences extraordinaires » (EE) liées aux capacités non


locales de la conscience surviennent spontanément chez des gens nor­
maux, dépourvus de pathologie psychiatrique, beaucoup plus fréquem­
ment qu'on ne le croit 1 • Elles correspondent aux sorties hors du corps,
aux rencontres avec des entités extraterrestres ou appartenant à d'autres
dimensions spatio-temporelles (comme dans le chamanisme), aux com­
munications avec les défunts, aux rêves lucides, et aux états de mort
imminents (ou NDE), parmi les principales. Les sujets hésitent le plus
souvent à en faire part, de peur d'être pris pour des fous. Il est souvent
nécessaire d'aider ces personnes à intégrer ces expériences déroutantes
pour eux. Elles peuvent en effet s'avérer très bénéfiques, tant au niveau
psychologique que spirituel. L'INREES (Institut de recherche sur les
expériences extraordinaires) vient de publier un manuel à l' intention des
soignants pour aider les gens ayant vécu des expériences extraordinaires
(Allix & Bernstein 2009).
Ces très nombreux témoignages « d'expériences extraordinaires »
chez les gens ordinaires, ainsi que de multiples recherches scientifiques,
semblent bien montrer que la conscience n'est pas mortelle, qu'elle n'est
pas localisée au cerveau et qu'elle survit à la mort de ce dernier. Sont par­
ticulièrement probantes pour soutenir cette thèse : les OBE (Out of Body
Experience) ou sorties hors du corps (Bernstein, 2009), les NOE (Near
Death Experience) ou expériences de mort imminente (Charbonnier,
2008), les AOC (After Death Communication) ou communication avec
les morts (Botkin, 2005 ; Elsaesser-Valerino, 2009), et les expériences
de vie passées (récits validés de réincarnation par le Professeur Jan
Stevenson, 1 985).

1. Les études montrent qu'environ une personne sur deux en fait l'expérience au cours
de sa vie.
242 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

À propos de ce type d'expériences, Charles Tart (2009) parle des


« maybes » (les « peut-être ») c'est-à-dire des facultés parapsycholo­
giques qui, sans être démontrées de façon absolue, disposent d'ors et
déjà d'un faisceau d'argument solide en faveur de leur existence.
À la lumière de ces travaux, i l semble donc qu'actuellement l ' hypo­
thèse d'une survie de la conscience après la mort soit scientifiquement
plus solide et étayée que celle, matérialiste, d'un arrêt total de son
fonctionnement après la fin biologique du corps (Tart, 2009 ; Grof,
2009). Il devient clair également que la science matérialiste a une vision
incomplète et inadéquate de la réalité, et que ses idées concernant la
nature de la conscience et les relations entre conscience et matière doivent
être radicalement révisées.
Ces EE produisent très fréquemment chez celui qui les vit une ouver­
ture à la spiritualité et conduisent même au développement spontané de
facultés « psi ». Elles sont à l'origine de changements positifs profonds
et durables dans la personnalité de l' individu.

LES EXPÉRI E N C E S MYST I Q U E S O U PSYC HOSPI RITUELLES

Les peak-experiences o u « expériences paroxystiques » ont été


décrites par le psychologue américain Abraham Maslow ( 1 964, 1 972).
Maslow les décrit comme étant « une conscience soudainement élargie,
comme si l'on était au sommet d'une montagne. On a le sentiment
de percevoir l'essence de toute chose, on est rempli de joie et d'un
bien être intense ». Elles libèrent des énergies créatrices, réaffirment la
valeur de la vie, et changent la vision que la personne a d'elle-même.
Ce sont des expériences de conscience unitive caractérisées par un
estompage des limites du moi et un sentiment d' appartenance à une
totalité (ne plus faire qu'un avec l'autre, avec les autres, avec l' univers,
avec le divin) .Elles surviennent chez des personnalités saines, sans
antécédents psychiatriques. Elles sont très proches de ce que l'on appelle
les « expériences mystiques », qui sont des états à la faveur desquels
le sujet éprouve l'impression de s'éveiller à une réalité plus haute, de
percer le voile des apparences, de vivre par anticipation quelque chose
comme un salut.
Au « sommet spirituel » de l' expérience, le sujet quitte le monde
de la forme, ou, pour être plus précis, les mondes des formes, visibles
ou invisibles, de notre dimension ou d'autres dimensions, pour entrer
dans le domaine du pur esprit. Cette entrée réalise ce que les yogis
appellent le « sat-chit-ananda », c'est-à-dire « ce qui est pure conscience
OSER LA PSYCHOTHÉRAPIE TRANSPERSONNELLE 243

et félicité », l'illumination (temporaire), l 'entrée dans l'espace de !' Être,


ou de !'Esprit, là où paix, joie, amour, lumière, et pure conscience, sont
vécus comme des attributs équivalents de l'esprit universel.
Les caractéristiques de l' expérience mystique ont été différenciées
en sept types par Stace, en 1 9 6 1 . On peut y voir une description de
l'expérience mystique universelle, une « expérience religieuse primor­
diale », dépassant et intégrant les clivages imposés par les religions
« institutionnalisées ».
En voici la liste synthétique :
• Qualité noétique : le mystique ressent ce qu'il vit comme une illumina­
tion ou un accès à la connaissance authentique ; ses visions et pensées
sont vécues comme appartenant à une réalité objective et indépendante,
basées sur une connaissance directe et intuitive ;

Émotions profondément positives (la texture de l'univers est Amour) :
des sentiments de grâce, de joie, de paix, de bonheur et d' harmonie ;
• Sentiment du caractère sacré de la vie et de toutes choses : tout ce qui
est appréhendé revêt une nature divine ;
• L'Unité interne: tout est « Un » ; sentiment que derrière la multiplicité
apparente du monde, il y a une unité qui est appréhendée lorsque
la conscience se détache des formes sensorielles et des contenus
conceptuels ; au bout du compte, le mystique sent que les frontières
du soi se dissipent et il devient un avec une existence plus large que
lui-même ; s'y associe le sentiment que toutes les choses et créatures
sont reliées, et que toutes les choses sont vivantes
• Transcendance des limites du temps et de l 'espace : passé, présent et
futur coexistent simultanément sur un axe vertical ; le mystique ressent
que les notions de temps et d' espace ne sont plus applicables ;
• Ineffabilité de l'expérience : il s'agit d'une difficulté à décrire par des
mots l'expérience mystique, les concepts habituels semblant inadaptés
ou insuffisants, pour des phénomènes se situant au-delà de toute
description verbale ;
• La paradoxalité : les canons de la logique sont remis en cause ; pour
atteindre les royaumes du Divin, on doit laisser derrière nous notre
rationalité habituelle ;

Pahnke ( 1 963) rajoute deux autres catégories à cette liste :


.'.'l • Le caractère transitoire : la durée de l' état de conscience mystique est
délimitée, et bien différenciée quand l'expérience est terminée ; c' est
une différence importante entre la conscience mystique et la psychose ;
244 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

• Des changements positifs durables dans les attitudes et les compor­


tements : quand une personne traverse une expérience caractérisée
par les huit catégories décrites ci-dessus, elle présente souvent des
changements dans l'un au moins des domaines suivants :
- envers elle-même : intégration plus forte de la personnalité ; plus
grand sentiment de valeur personnelle ; détente des mécanismes de
défense de l'ego ; meilleure acceptation de soi ; plus grande foi dans
la créativité personnelle ; plus grand optimisme ;
- envers les autres : plus grande sensibilité, tolérance, compassion et
plus d'amour ;
- envers la vie : changements de valeurs, de buts et de signification de
la vie ; plus grande implication professionnelle ; perte de la peur de
la mort ; appréciation plus grande envers la totalité de la cnSation ;
- envers l 'expérience mystique elle-même : elle est ressentie comme
ayant conduit à un apprentissage utile. Après être ressorti de cette
expérience, bien des gens reconnaissent pour la première fois
qu'ils sont le centre créatif de leur existence physique, qu'ils sont
entièrement responsables de ce qu'ils font, autant par leurs pensées
que par leurs actes ; leurs problèmes sont vécus comme le lieu par
excellence où ils peuvent découvrir la sagesse et l'amour.

En effet, il existe, en dehors d' une expérience passagère, le transper­


sonnel au quotidien, qui se fait dans l' affrontement existentiel de la dure
réalité de tous les jours et dans l' appel confiant aux forces supérieures
protectrices (Descamps, 1 999).

Q U E LLES S O N T LES I N D I C AT I O N S DES PT ?

Hormis quelques contre-indications de type médical, différentes selon


les techniques envisagées, il y a peu d'obstacles à ces pratiques et
beaucoup de bénéfices (Blin & Chavas, 2009). Car les résistances
psychologiques habituelles, si elles sont toujours présentes, sont plus
facilement désactivées et amoindries.
Parmi les indications majeures, nous trouvons l' alcoolisme et les
toxicomanies, ce qui n'est pas étonnant quand on considère que grand
nombre de ces pathologies sont en fait des quêtes spirituelles avortées.
Le mouvement transpersonnel voit les dépendances (alcool, drogues,
relations) comme la manifestation « mal canalisée » d'une soif d' union
avec la « source intérieure ».
OSER LA PSYCHOTHÉRAPIE TRANSPERSO NNELLE 245

Les moments de crises (un départ en retraite, une maladie, un divorce


compliqué ... ) trouvent souvent des issues favorables avec cette psycho­
thérapie qui permet de changer de regard sur bien des évènements de la
vie ordinaire auxquels on n'est pas préparé.
De même, les dépressions dites « réactionnelles » ou « existentielles »
et de nombreux troubles psychosomatiques, répondent souvent bien aux
PT.
Une autre indication majeure est le traitement des deuils pathologiques,
grâce aux expériences induites de contact avec les défunts. En effet,
contrairement aux anciennes théories qui recommandaient de rompre
toute attache affective avec le défunt, i l est montré que la meilleure façon
de faire le deuil est, à travers un contact avec le défunt, de ressentir que
l'amour est plus fort que la mort, et de renforcer le lien affectif avec la
personne décédée.
Cette pratique s'adresse aussi à des personnes qui ont une quête
spirituelle, et qui veulent confirmer leur intuition de l'existence d'un
autre niveau de réalité. Toutefois, il est recommandé d'être bien équilibré.
Ces pratiques peuvent être dangereuses si on est fragile psychiquement,
et la quête de ces états modifiés de conscience peut être assimilée à des
fuites face à la vie.
Signalons aussi l'accompagnement et le soin des personnes ayant
vécu des expériences extraordinaires spontanément et qui ne pourront
être bien comprises et intégrées que par des thérapeutes formés en
PT. Les expériences transpersonnelles peuvent aussi survenir de façon
au cours de pratiques énergétiques et corporelles (tai-chi, chi-kong,
yoga) ou dans la méditati on, ou lors de consommation de substances
psychédéliques. L'INREES (http://inrees.com/) est en train de créer un
réseau national d' écoute, regroupant des soignants et accompagnants
qualifiés pour proposer un cadre nouveau d'accueil aux personnes ayant
vécu des expériences extraordinaires spontanées ou, en tout cas, hors
cadre thérapeutique

L E S P R I N C I PALES PT

Le transpersonnel n'est pas une méthode, c'est une conception de


l'être humain et du monde qui J 'entoure. Les psychothérapeutes qui
partagent cette conception peuvent pratiquer une approche classique et
simplement permettre à la dimension spirituelle d'occuper l'espace qui
lui est dû dans le développement humain. Mais, généralement, le travail
transpersonnel consiste à provoquer chez les individus des états modifiés
246 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

de conscience ou des expériences paroxystiques (les peak experiences


de Maslow) durant lesquels la personne se désidentifie de son ego. Ces
expériences sont destinées à faire éclater les limitations mentales ou
émotives et à donner accès à une conscience beaucoup plus vaste de
la réalité. Le psychothérapeute est chargé d'accompagner son patient
dans cette expérience et de l' aider à décoder et à intégrer. Le terme
de « thérapeute transpersonnel » désigne un thérapeute reconnaissant la
réalité du monde invisible, non matériel, spirituel, et travaillant aussi
avec cette réalité, en tenant compte de la notion d'inconscient collectif,
des liens invisibles qui sont tissés entre toutes choses et tous êtres
vivants (Baudin, 2009).
Plusieurs techniques sont utilisées à cet effet, la plupart empruntées
à des traditions spirituelles orientales ou chamaniques, ou adaptées de
celles-ci. Parmi les plus courantes, on trouve celles qui reposent sur la
respiration, comme la respiration holotropique, le rebirth, celles qui font
appel au rêve, comme le rêve éveillé (yoga nidra), le rêve lucide, celles
utilisant des techniques chamaniques comme le travail avec les rituels, les
danses sacrées, les huttes de sudation (sweat lodge), les quêtes de vision,
et celles procédant par l' induction psychothérapeutique d' EMC comme
l' hypnose, l'EMDR, la sophrologie, la visualisation créatrice. Certaines
formes de méditation fo nt également partie de l'arsenal transpersonnel
ainsi que les techniques énergétiques issues du magnétisme, du yoga
et du gi kong. Les substances psychédéliques (sauge divinatoire, LSD,
kétamine, champignons, ayahuasca, etc.. ) peuvent auss.i être employées
dans ce but par des thérapeutes spécialisés ou des chamanes.
Les psychothérapeutes qui utilisent ces techniques pour contacter des
états modifiés de conscience ne se définissent pas fo rcément comme
"transpersonnels". Il arrive aussi que ces outils soient utilisés au cours
d'un cursus plus classique.
Quelle que soit la technique, soulignons l' importance de la prise en
compte du corps dans une PT. Le corps est bien plus qu'un lieu possible
de travail ; il est le lieu essentiel de l'expérience. C'est le support, la porte
et le guide de l'expérience (Blin & Chavas, 2009). C'est en travaillant
dans, par, et avec le corps que ces expériences vont être transformatrices
et pouvoir être intégrées. II est le meilleur garant que le sujet ne va
pas se servir de la spiritualité pour échapper à sa condition humaine ou
la nier. I l permet d'avoir « les pieds sur terre en même temps que la
tête dans les étoiles >> . Il permet d' échapper à la caricature New Age
où les gens sont attirés vers le haut, le ciel, les anges, pour éviter de
rencontrer ce qui fait vraiment mal. Il est le maillon indispensable pour
OSER LA PSYCHOTHÉRAPIE TRANSPERSONNELLE 247

que l'expérience transpersonnelle s' intègre ensuite harmonieusement à


notre vie quotidienne pour y inscrire le changement.
La « positivité bienfaisante » (Descamps, 1 999) marque la participa­
tion et l 'implication du psychothérapeute à orientation transpersonnelle,
qui est plus empathique et chaleureux que le psychanalyste classique et
sa stricte « neutralité bienveillante ».
Le thérapeute transpersonnel est souvent non directif, pleinement
respectueux des limites et libertés de chacun. Il se contente souvent
de fournir un cadre et des processus qui mettent en route une dynamique
de changement interne propre à l 'individu soigné. En fait l' expérience de
l'état modifié de conscience montre clairement que chacun de nous a en
lui un potentiel et une force d' auto-guérison, un « guérisseur intérieur »
(lnner Healer). Et cette force de guérison, mobilisée lors d'un EMC,
a une intelligence thérapeutique et une sagesse qui dépassent de loin
celles de n' importe quel thérapeute et de n'importe quelle école de
psychothérapie (Baudin, 2009) . C'est ce guérisseur intérieur qui va
lui-même décider de l'agenda thérapeutique, de ce qui va être révélé et
traité lors d'une séance de PT.

La respiration holotropique (RH)

Elle est très représentative des PT. C'en est l'un des outils les plus
performants et les plus efficaces (Baudin, 2009). Le psychiatre Stanislav
Grof a créé cette technique vers 1 973, en combinant rebirth, musicothé­
rapie et massage. Il s'est aussi inspiré des stages de swami Muktananda,
qu'il a suivi. Cette thérapie se déroule généralement en groupe, où
chaque patient se choisit un partenaire. Le couple ainsi formé se compose
d'un accompagnant et d'un respirant. Le travail central de la thérapie
holotropique est la respiration, plus précisément l 'hyperventilation. Les
c: respirants sont allongés sur un matelas, dans la pénombre et avec un
::>
bandeau sur les yeux, près de leur accompagnant. La séance commence
avec une phase d'induction de 5 minutes, pour trouver le calme, puis
les respirants changent leur rythme respiratoire qui devient plus ample
et plus rapide. Dans le même temps, le thérapeute lance une musique
qui sert d'enveloppe groupale et répond aux diverses phases spécifiques
de la séance (d'une durée d'environ trois heures, avec trois ou quatre
phases musicales distinctes). L'accompagnant veille à l'aspect pratique,
à la sécurité, au confort du respirant. Occasionnellement, le thérapeute
peut aussi être amené à favoriser ou amplifier l'expression émotionnelle
spontanée du participant ou à se servir de techniques corporelles de
massages, en veillant cependant toujours à ne pas faire intrusion dans
248 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

le processus naturel du respirant et à respecter ses limites. Lorsque les


patients ont fini de respirer et que le thérapeute s'est livré à un rapide
check up, on met à leur disposition une feuille de papier sur laquelle
un cercle est déjà dessiné et où ils vont laisser une trace colorée de
leur expérience. Enfin, ils sont invités à faire des associations libres
sur leur expérience. La thérapie holotropique ne s'adresse pas à tout le
monde, dans la mesure où elle est assez éprouvante physiquement et
psychologiquement. Tous les phénomènes tranpersonnels cités au début
de ce chapitre peuvent s'y manifester. Néanmoins, moyennant le respect
de quelques contre-indications, et réalisée dans un cadre compétent
par un thérapeute certifié par l'institut de Stanislav Grof ou formé par
l ' IRETT en France, elle s'adresse au plus grand nombre.

L'hypnose

L'hypnose (hypnose eriksonienne, nouvelle hypnose, hypnose huma­


niste) est à la fois une technique pour aider à intégrer les expériences
extraordinaires spontanées et une méthode pour en provoquer (Si Ahmed,
2009). Au départ, l' hypnose thérapeutique moderne est surtout censée
être une manière de communiquer avec l ' inconscient d'un sujet pour en
mobiliser les capacités créatives et résoudre les problèmes et pathologies.
Mais l'on s'est aperçu que l 'hypnose rendait l'ego « poreux », ame­
nant la conscience du sujet à percevoir d'autres réalités hors contraintes
spatio-temporelles. Par exemple l' hypnose, connue pour provoquer des
régressions en âge, peut aller plus loin et permettre une exploration de
« vécus subjectifs de vies antérieures » pour traiter des phobies résistantes
( Moody, 1 99 1 ; Weiss, 1 995 ; Woolger, 2000 ; B iadatti, 2009) ou bien
s'engager dans une exploration de « vécu subjectif des vies futures »
(Weiss, 2006) ou dans la période de l'entre-deux vies pour mieux
comprendre le sens de la vie présente (Wambach, 1 979). L'hypnose
peut aussi provoquer certaines EE comme des NOE, des OBE, ou des
AOC (Lockert, 2006), dans un but, bien sûr, thérapeutique.

L'EMDR et l'IADC

L'EMDR, la célèbre technique de traitement des traumatismes psycho­


logiques à l'aide de mouvements oculaires rapides, popularisée en France
par David Servan-Scheiber, possède la particularité de mettre le patient
en état modifié de conscience, et d'ouvrir des canaux de perception sur
d'autres niveaux de réalités. C'est ainsi qu'en 2005, le psychologue Allan
Botkin, travaillant avec d' anciens combattants du Vietnam à Chicago,
a découvert Je phénomène de Communication Avec les Morts (CAM)
OSER LA PSYCHOTHÉRAPIE TRANSPERSONNELLE 249

induit par l'uti lisation de l'EMDR focalisée sur la tristesse lors de deuils
non résolus.
Cette découverte est réellement, je pèse mes mots, révolutionnaire,
car elle permet à tout praticien d'EMDR lambda (que je suis) de faire
facilement l'expérience du transpersonnel avec un bénéfice immédiat
et spectaculaire pour son patient. Il est très difficile, après avoir vécu
ce genre d'expérience, de continuer à adhérer à un modèle de pensée
matérialiste scientiste et sectaire (Tart, 2009).
Voici trois exemples tout frais issus de mes consultations.

• Mr X 34 ans, informaticien, d'esprit très cartésien, ayant jusqu'alors beau­


coup contrôlé ses émotions, fond en larmes lors de son mariage lorsqu'on
évoque le nom de son père et de son grand père maternel. Il découvre, au
contact de l'amour montré par ses proches lors de cette cérémonie qu'il
avait mis depuis la mort de son père un couvercle sur ses émotions et
s'était engagé dans une frénésie de travail. Il a en effet perdu son père il
y a 1 7 ans d'une rupture d'anévrisme. Il s'était disputé juste avant, puis
son père était allé se balader en vélo puis n'était jamais revenu. Il en
gardait une culpabilité dont il n'avait jamais vraiment parlé. Son grand père
maternel est mort par suicide il y a 3 ans, juste quelques heures avant qu'il
n'aille ne lui rendre une visite annoncée.
t..: E MDR est proposée pour permettre aux émotions si longtemps contenues
de s'extérioriser et de débloquer le reste de la vie émotionnelle.
La première séance se fait sur la scène de l'enterrement du père, lors de la
mise en terre du cercueil. Après quelques séries de mouvements oculaires
rapides, la tristesse, au départ élevée, s'abaisse considérablement. Vient
alors une série de mouvements oculaires où je propose, comme le
protocole le veut, de " laisser venir tout ce qui peut venir de la part
du père " . À la fin de cette série je demande au sujet de fermer les
yeux et " d'accueillir ce qui veut venir " · Le sujet présente de nombreux
mouvements spontanés des yeux sous les paupières et des froncements
c: de sourcils, des crispations des muscles péri-oculaires, puis au bout de
"
trente secondes ouvre les yeux. Cette séquence se reproduira plusieurs
fois. Ce que le patient vit alors est stupéfiant pour lui (et pour moi aussi je
l'avoue, même si c'était l'effet recherché). Il me dira, à la fin de la séance,
qu'il a eu plus de communication avec son père qu'en 25 ans. Il entend,
de manière télépathique, son père lui parler, celui-ci lui laisse aussi un
message en écrivant sur un fond noir, il le sent physiquement comme une
caresse dans son dos, ses épaules et ses avants bras qui chauffent, et il
le voit sous une forme physique rajeunie et en bonne santé. Son père lui
communique qu'il va bien, et lui dit " mène ta vie de famille, et embrasse
ta mère "· À la fin de la séance il est " scotché ,, selon ses dires, se sent
léger et très bien.
À la consultation suivante, il se montre très désireux de renouveler cette
250 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

expérience, avec son grand-père cette fois-ci. La scène choisie pour


provoquer le plus de tristesse est l'image du noyer sous lequel son grand
père s'est suicidé et où il a vu des traces de sang en arrivant sur les lieux
quelques heures après. Là encore, après quelques séries de mouvements
oculaires, la tristesse s'abaisse rapidement. En suivant les associations
mentales qui lui viennent, le patient se voit brûler le noyer et le couper en
morceau, ce qui l'étonne. Le sujet est prêt pour quelques séries en étant
« juste attentif à ce qui vient de son grand-père ., puis en fermant les yeux

après chaque série. Il voit alors son père et son grand-père ensemble,
le père disant au grand-père " c'est à ton tour de discuter "·Il voit son
grand père, qui lui propose de trinquer avec lui sous le noyer. Le grand
père est plus jeune et en bonne santé, et là aussi la communication est
télépathique. Le grand père lui demande de ne pas couper son arbre (ce
qui est intéressant car contraire aux associations personnelles spontanées
du patient antérieurement) et lui dit " rejoins-moi le plus tard possible, tu as
encore de belles choses à vivre ». Ensuite le grand-père est de nouveau
avec le père, qui demande alors c'était bien ? et tous deux sont vus
« ,,

s'en allant sur un chemin lumineux. Là encore le patient est interloqué,


il ne sait trop quoi penser. Les paroles, les visions sont inédites, ne sont
pas volontaires, ne ressemblent en rien à des souvenirs positifs ni à des
associations spontanées les yeux fermés, et les propos du grand-père
vis-à-vis du noyer vont à l'encontre de son envie naturelle. Le patient se
sent bien, détendu, soulagé.
• Un autre exemple avec cette femme qui a perdu son premier enfant
il y a deux mois, quelques heures après la naissance à cause d'une
malformation. Elle assiste impuissante à son décès en direct, et, depuis,
pleure tous les jours et a envie de le rejoindre pour apaiser ses souffrances.
Lors de la séance d'EMDR avec CAM, elle se sent sortir de son corps
et s'élève pour aller toucher son enfant. Elle sent nettement sur sa joue
droite le baiser de son enfant. Elle se sent bien et soulagée après cette
expérience.
• Enfin, une autre vignette clinique brève avec cette patiente homosexuelle
qui deux ans après le décès de sa petite amie, par abus de cocaïne alors
qu'elle avait une cardiopathie, se sent toujours triste et coupable de ne pas
avoir été présente au moment du drame. Pendant son IADC la patiente
entend, à l'arrière de sa tête, la voix de son amie lui dire " Gwen, je te kiffe
grave "· La patiente me dit alors " c'est elle, c'est sa façon à elle de me
parler, ça faisait tellement longtemps, c'est tout ce que je voulais savoir, et
pourtant je n'avais même pas posé la question ., . Ensuite la patiente vit
la présence physique de son amie sous forme d'une étreinte aux épaules,
une sensation physique tellement précise que cela lui fait dire " c'est elle,
je sais, sa chaleur " · Elle se sent alors bouleversée, rempli de chaleur,
légère, sereine, et pleine d'amour, soulagée et remplie de confiance. En
conclusion, elle me dit " je pense que j'ai eu le message qui m'a rassuré "·
OSER lA PSYCHOTHÉRAPIE TRANSPERSONNEllE 251

Le travail avec l'énergie comme le Toucher


Thérapeutique, le Reiki, l'EFT
Le travail avec l'énergie, l e magnétisme notamment, touche forcément
au transpersonnel, puisque l'énergie est partout, à l'origine de tout,
qu'elle n'a pas de barrière (en tout cas pas celle de l'ego), qu'elle se
transmet à distance, qu'elle est sensible à l 'intention et à l'amour, et
qu'elle démontre l'importance de l' invisible dans nos vies. Les EMC
permettent de mieux percevoir et utiliser l'énergie à fin thérapeutique.
Deux méthodes représentent Je mieux actuellement le renouveau du
magnétisme sous une forme moderne et validée par des recherches
en hôpitaux ou en laboratoires : Je Toucher Thérapeutique de Dolores
Krieger (TI : Therapeutic Touch, ou l'un de ses équivalents comme le
Quantum Touch ou le Healing Touch), et le Reiki. Ces deux méthodes
s'enseignent faci lement, et permettent rapidement à chacun de se rendre
compte de l 'impact thérapeutique de la conscience et de l'énergie.
Chacune de ces méthodes permet aussi le soin à distance, illustrant les
capacités non-locales de la conscience. Elles sont enseignées aux infir­
mières dans un nombre de plus en plus grand d'hôpitaux nord-américains
où elles y sont considérées comme faisant partie du bagage professionnel
officiel de ces soignants (quelle avance par rapport à notre pays, assez
« réactionnaire » en termes de spiritualité) 1 •
La différence entre ces deux méthodes réside dans leur niveau de
« directivité » . En TT le praticien est plus « actif » : i l doit sentir les
énergies, puis faire des gestes précis pour décongestionner ou débloquer
certaines zones, en revigorer d'autres, ré-harmoniser le champ d' énergie,
en y projetant des pensées, des couleurs ou des sons. En Reiki, le
praticien impose assez systématiquement ses mains à des endroits précis,
reçoit et canalise l'énergie universelle puis laisse agir l' intelligence de
celle-ci, qui sait d'elle-même où se diriger et comment opérer « pour le
mieux » de l' individu. Ceci dit, à un niveau de pratique plus élevé, les
deux méthodes se rejoignent avec des possibilités d'action à distance,
ainsi que sur le passé ou le futur, et à des niveaux autant spirituels que
psychique ou physique.
Les recherches ont montré que le TI avait une efficacité réelle
(West, 200 1 ) . Parmi les effets observés, on note : induction d'un état
de relaxation ; réduction du niveau d' anxiété et de stress ; accélération

1 . En France une émission de TV en 2009 a même essayé de faire passer le reiki pour
une « secte » : c'est dire l'arriération de mentalités et le degré de méconnaissance dans
notre pays sur ces sujets !
252 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

du processus de cicatrisation des plaies et fractures ; soulagement de la


douleur dans bien des cas ; renforcement du système immunitaire.
Janssen (2006) a recensé les effets démontrés du Reiki. Parmi ceux-ci,
notons : une diminution de la tension artérielle et de la fréquence car­
diaque ; une diminution significative de l 'anxiété et une augmentation des
lgA salivaires (marqueur d'immunité) ; une normalisation de la glycémie
chez des patients présentant un taux de glucose sanguin trop élevé ; chez
des patients souffrant de maladie chronique, une nette diminution de
leurs douleurs dune durée supérieur à trois mois ( !), de leur anxiété et
de leurs symptômes dépressifs, une légère amélioration de leur estime
d' eux-mêmes et une certaine ouverture spirituelle ; chez des patients
transplantés cardiaques, une quasi-absence de douleurs postopératoires,
aucun des symptômes dépressifs qui accompagnent habituellement ce
genre d'intervention, et aucun rejet de l' organe transplanté.
Et ces études, tant pour le IT que pour Je reiki ont été faites la plupart
du temps en comparaison avec des groupes contrôles à qui on faisait
semblant de pratiquer la méthode, pour éliminer l'effet placebo !
À quand la reconnaissance de ces pratiques non coûteuses, sans effets
secondaires, et humainement très riches, dans nos hôpitaux français ou
nos cabinets de consultation ?
Terminons cette partie consacrée à l'énergie en parlant de l'EFT (Emo­
tional Freedom Techniques) ce qui signifie en français, « techniques de
libération émotionnelle ». C'est une méthode qui se répand rapidement
outre-atlantique et maintenant en France car elle est efficace, simple à
enseigner et à apprendre, ludique et rapide. On l'appelle aussi « acupunc­
ture émotionnelle ». En effet, l'EFT est une cousine de l ' acupuncture :
i l s'agit de petits tapotements répétés avec les doigts ou la main, sur
quelques points d'acupuncture, pour libérer les émotions négatives. Elle
comporte également des mouvements oculaires de « neurointégration »
et une composante cognitive. Elle produit des résultats durables la plupart
du temps et apporte un soulagement là où d'autres thérapies ont échoué.
Elle complète utilement d'autres techniques telles que les thérapies
comportementales et cognitives, l'EMDR ou l'hypnose.
L'EFT est particulièrement adaptée pour la résolution de toutes les
émotions négatives telles que les peurs, les états de stress, la mélancolie,
la dépression, le dégoût, la culpabilité, la honte, la faible estime de soi,
l ' anxiété, etc. Elle permet aussi de traiter des problèmes physiques et
notamment bien des douleurs chroniques.
OSER LA PSYCHOTHÉRAPIE TRANSPERSONNELLE 253

Le travail avec l'intention comme la prière

Dossey, dans ses différents ouvrages, a rassemblé toutes les preuves


scientifiques extrêmement impressionnantes montrant l'efficacité des
intentions (ou des prières) du thérapeute à des fins de guérison à distance.
Elles illustrent l' utilisation des capacités non-locales de l'esprit, mises
à contribution pour soigner les systèmes biologiques. Elles incitent à la
pratique d' une « médecine de la troisième époque », dépassant les limites
de la médecine mécaniciste de la première époque et de la médecine
psychosomatique de la deuxième. La relation médecin-patient en est une
dans laquelle médecin et patient deviennent une seule et même personne
en raison de l' unité propre à l'esprit non-local. Pour Dossey, l' ingrédient
essentiel est l'amour, un état d' attention et de tendresse si ancré et si
vrai qu' i 1 transcende les barrières qui nous entourent. Et le pouvoir de
la prière ne concerne pas seulement les humains (par exemple évolution
plus positive des patients d'une unité de soins pour pathologie coronaire
cardiaque, ou de patients atteints de SIDA) mais aussi les bactéries (se
développant plus rapidement dans les tubes à essai) ou les souris blessées
qui guérissent plus vite quand on prie pour elles (par comparaison à des
groupes contrôles), pour lesquelles on ne peut suspecter l'influence de
biais comme l'effet placebo ou le simple effet de la « pensée positive ».
Alors, la prière, un outil thérapeutique de plus pour le psychothé­
rapeute transpersonnel ? Pourquoi pas ? Dossey rappelle que quelque
cinquante écoles de médecine américaines incluent dorénavant dans leurs
programmes des cours sur le rôle de la dévotion et de la prière dans la
guérison ! David Larson, président de l ' Institut National de la recherche
sur la santé à Rockville, Maryland, constate que les médecins sont prêts
à intégrer la spiritualité dans leur arsenal de traitements à condition que
la science soit là en renfort. Les tenants de ces nouvelles pratiquent
réalisent que nos relations ne sont pas seulement interpersonnelles mais
c
"
aussi transpersonnelles, qu'elles sont non-locales et sans limites.

Les techniques chamaniques et la FSS

Le chamanisme est le premier système thérapeutique élaboré par


"

l'homme. Le Chaman voit l' univers comme « fait de vibrations, d' infor­
mations, d'énergies et de connections », et perçoit d' autres dimensions
de la réalité dans un état modifié de conscience. Le Chaman pénètre des
mondes parallèles et entre en contact avec des esprits, des énergies et des
254 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

informations 1 , pour en ramener quelque chose d'utile à sa communauté


dans le monde ordinaire.
Il utilise les mêmes capacités non locales de la conscience déjà décrites
plus haut. Tout le monde possède ces qualités innées, elles sont inscrites
dans notre code génétique, donc tout le monde possède, au moins à
un certain degré, des « aptitudes chamaniques ». Actuellement, suite
aux travaux universitaires du Pr Michael Harner ( 1 980), les éléments
universels du chamanisme ont été rassemblés dans un enseignement
pour occidentaux (au sein de la FSS : Foundationfor Shamanic Studies),
afin de leur apprendre à utiliser à buts thérapeutiques les savoir-faire
développés par les chamanes de tout temps et de tous lieux. I l ne
s'agit pas de devenir « chamane » (Lenaif, 2007), mais d'être à même
d'intégrer aux techniques psychothérapeutiques classiques des outils
d'induction de processus transpersonnels, et une méthode rigoureuse
pour accompagner et guider ceux explorent des dimensions profondes
de la conscience.
II s'agit d' apprendre à percevoir et manipuler des informations et
énergies invisibles habituellement en état ordinaire (donc rétréci) de
conscience. Les techniques chamaniques universelles consistent à récupé­
rer et réintégrer des énergies ou des informations perdues par l'individu
(recouvrement d'âme) ou extérieures à lui (trouver ses esprits alliés
ou animaux de pouvoirs), ou bien, au contraire, de soustraire de lui
des énergies ou des informations qui lui sont néfastes (extractions
chamaniques). D'autres ressources utiles peuvent lui être apportées en
l 'aidant à communiquer avec ses rêves ou avec les esprits des défunts
(travail de psychopompe).
Lors de traumatismes physiques ou psychologiques, par exemple, un
individu se dissocie de certaines parties de lui et est envahi de matériel
étranger intrusif : une intervention associant recouvrement d'âme et
extraction chamanique est alors nécessaire. Puis à titre préventif, le
fait d' installer une relation avec un esprit allié ou animal de pouvoir,
le protégera de l'impact d'autres traumatismes éventuels.
Sandra Ingerman (2007) a parfaitement illustré comment des thé­
rapeutes occidentaux, apprenant la technique du recouvrement d'âme,
peuvent apporter une aide essentielle à des patients souffrant de dépres­
sion chronique, de dépendances diverses et de sentiment de vide intérieur.
Le dialogue entre la psychothérapie et le savoir chamanique a donc
déjà produit des avancées thérapeutiques, mais il reste encore beaucoup à

1. Pour la physique quantique tout est énergie ou information.


OSER LA PSYCHOTHÉRAPIE TRANSPERSONNELLE 255

faire pour en diffuser la connaissance auprès des professionnels (Huguelit


& Chambon, 20 10), du moins pour ce qui est d' une conceptualisation et
d'une formation pratique sérieuse, rigoureuse et encadrée.
À l' inverse, il faut vraiment se méfier de quiconque s' autoproclame
chamane après quelques ateliers de formation ou au décours d'une
expérience avec des plantes sacrées (ayahuasca, iboga, ... ), puis « vend »
du chamanisme à tout va, par appât du gain, délire de grandeur, ou
pour surfer sur un effet de mode « New Age ». Par contre le contact
avec un vrai praticien chamanique peut produire des changements
psychologiques authentiques et durables.

La psychothérapie psychédélique

Les études scientifiques récentes ont montré que, contrairement aux


croyances véhiculées dans notre société, les psychédéliques (LSD, kéta­
mine, champignons à psilocybine, cactus à mescaline, ayahuasca, iboga)
peuvent être des médicaments psychotropes très puissants lorsqu'ils
sont pris dans un cadre médicalisé sécurisé très précis. Pris dans
de bonnes conditions, ils se différencient alors nettement des drogues
(alcool, nicotine, héroïne, cocaïne, amphétamines) parce qu'ils ont des
effets bénéfiques pour le corps et l'esprit et qu'ils n'induisent pas de
dépendance physique (Chambon, 2009). Loin de rétrécir ou d'obscurcir
la conscience, comme les drogues (qui à cet égard peuvent, elles, être à
juste titre qualifiées de « stupéfiants »), les psychédéliques, au contraire,
éclaircissent, élargissent et approfondissent la conscience, en lui donnant
accès à un matériel inconscient mais aussi transpersonnel.
À des doses élevées, les PDL amènent le sujet dans les domaines
du transcendantal et du vécu mystique, dissolvent les frontières du
moi, provoquent une expansion de la conscience allant au-delà du soi,
et ouvrent les « portes de la perception », permettant des perceptions
extrasensorielles.
Les vécus « extraordinaires » ou les expériences mystiques permis par
les psychédéliques n' ont d'impact positif durable que s' ils s' inscrivent
dans un cadre thérapeutique ou spirituel, c'est-à-dire avec des intentions
"
précises, des attentes constructives, des motivations de développement
personnel ou spirituel, des attitudes mentales appropriées (être prêt à
s 'abandonner à tout ce qui se produira et se laisser aller dans le flux de
l ' expérience), et accompagnés de rituels créant des repères porteurs de
signification.
Seul ce type de cadre permettra vraiment de donner sens, intégrer,
ancrer, et réutiliser dans la vie quotidienne les prises de conscience et
256 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

apprentissages acquis au cours du voyage psychédélique. C'est aussi


ce cadre qui permettra une continuité et une progression, au travers
de la répétition des prises de la substance, pour un véritable parcours
thérapeutique ou initiatique personnalisé.
Des études scientifiques internationales, réalisées par des professeurs
de psychiatrie ou de psychologie dans de grandes universités, améri­
caines ou autres, ont montré l ' intérêt des psychédéliques pour traiter des
pathologies résistantes aux psychothérapies ou médications classiques.
Citons pour exemple (Chambon, 2009) les troubles obsessionnels com­
pulsifs traités par la psilocybine, les troubles de stress post-traumatiques
traités par la MDMA (ecstasy), les algies neuro-vasculaires de la face
traitées par psilocybine ou par LSD, les toxicomanies à l' héroïne, à la
cocaïne, ou l ' alcoolisme, traitées par l 'ayahuasca, l' iboga, ou la kétamine,
les souffrances de fin de vie chez les malades cancéreux, traités par LSD
ou psilocybine.
Attention, la prise de ces substances est interdite et entraîne des
poursuites judiciaires en France. La seule consommation possible est
dans les pays où elle est légale (en Amérique centrale ou du sud, en
Afrique, par exemple), ou bien dans le cadre d'essais cliniques autorisés
dans certains pays occidentaux (comme les USA par exemple).

Le cadre

Ce sont des techniques puissantes, et comme toutes les thérapies


profondes elles comportent des dangers. Elles doivent donc être utilisées
dans un cadre sécurisé, et effectuées par des personnes très compétentes
et particulièrement bien formées 1 • Tl faut donc choisir soigneusement le
thérapeute avec qui on souhaite se lancer dans une telle aventure.
Le psychothérapeute doit être un guide expérimenté au sens d'un
guide de montagne. Il doit être très au clair quant à ses motivations,
ses intentions, et son possible contre-transfert, encore plus qu'en psy­
chothérapie classique, car les EMC rendent le patient très suggestible
à de nombreuses influences, dont, bien sûr celle du thérapeute. Le
thérapeute ne doit pas devenir « un gourou tout puissant », gonflé
narcissiquement par ses « pouvoirs » paranormaux ou spirituels. Pour
cela, la pratique de la méditation peut être très utile pour développer

1. Par exemple, un organisme comme l ' IRElT (Institut de Recherche et d'Etudes en


Thérapie Transper�onnelle) propose des formations en 3 cycles cumulant 1 16 jours de
formation. ce qui est bien supérieur à beaucoup d'autres formations à la psychothérapie
« classique ».
OSER lA PSYCHOTHÉRAPIE TRANSPERSONNEttE 257

une « conscience-témoin », que l'on peut tenter de se représenter comme


J 'espace dans lequel existent pensées, émotions et sensations, mais qui
est distincte de ces contenus (Pelletier, 2008). Cette conscience-témoin
permet au thérapeute de garder une lucidité sur les raisons profondes
de son engagement thérapeutique, et de savoir s'il est mû par J ' amour
inconditionnel ou par des besoins purement « égoïques ».
Les approches de thérapies transpersonnelles ne sont pas des élucu­
brations faites par quelques "allumés" irresponsables ou n'ayant pas
les pieds sur terre ; ce sont au contraire des techniques qui, malgré
leur simplicité, requièrent une très bonne connaissance des bases de
la psychothérapie, une très grande habitude du voyage dans ces contrées
parfois déroutantes de l'esprit, et une très grande écoute de tous les
niveaux de l ' être.
Attention à la question du discernement dès que l'on s' approche
du monde spirituel, pour en éviter les dangers (Mabit, communication
personnelle, 2009) : Que cherche-t-on en fait et quels critères peut-on
accepter pour évaluer que quelqu'un va vraiment mieux ? En médecine
occidentale, allopathique, la puissance des corticoïdes est également
très convaincante et donne au médecin un pouvoir thérapeutique quasi
magique dans l ' immédiat. On sait avec le recul ce que cela donne sur le
long terme ... Donc la disparition des symptômes ne signale en rien qu'on
a agi correctement par rapport à la santé du malade sur le long terme.
Il en est de même pour toutes ces techniques psychothérapeutiques qui
peuvent obtenir des résultats immédiats signifiants mais qu'il reste à
évaluer sur le long terme. Or cette évaluation, dans le domaine spirituel
est difficile car quels en sont les critères ? Les mystiques deviennent
parfois très malades mais cela ne signe pas que leur approche est auto­
matiquement mauvaise, ni automatiquement bonne ... est-ce un processus
de purification ou une faille dans leur démarche ? Les critères spirituels
restent à définir dans le contexte psychothérapeutique : degré de liberté
intérieure du sujet, puissance de l'amour (et qu'est ce que l 'Amour ?),
joie et sérénité, acceptation et obéissance, humilité surtout...

Quand on aborde une technique psychothérapeutique à dimension


spirituelle (ou prétendue telle), on a tout intérêt à savoir précisément
d'où vient cette technique, comment s'est-elle révélée, qui en assume
le fondement spirituel, qui préside au niveau du monde invisible à
l'efficacité de la technique ... Car celui qui "s' initie" à cette technique
se lie spirituellement aux entités qui président à celle-ci, il entre dans
l 'égrégore et va fonctionner à l ' intérieur, même (et surtout) s'il ne le sait
pas. »
258 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

C O N C LU S I O N

I l s'agit l à probablement d'un domaine de recherche majeur d'où


viendront les futures thérapies les plus innovantes pour améliorer notre
efficacité thérapeutique. Il faudra encore bien séparer le bon grain
de l' ivraie et attendre que notre société matérialiste devienne plus
tolérante et se sente moins menacée par les EMC pour qu'une recherche
universitaire officielle de grande ampleur prenne le relais et forme alors
systématiquement les futurs soignants à ces pratiques transpersonnelles.
Nous avons heureusement déjà à notre disposition le modèle holistique
de Stanislav Grof (notamment dans son ouvrage « Pour une psychologie
du futur », 2002) qui intègre non seulement les différentes écoles de
psychothérapie mais aussi le travail dans les trois dimensions, physiques,
psychiques et spirituelles.
Chapitre 7

INTÉGRATION ET
ÉCLECTISME FACE À
LA MULTITU DE DES ÉCOLES

u
A rentes seront exposées. Nous essayerons de vous aider à trouver
de cette deuxième partie, plusieurs approches très diffé­
COURS

quelques repères dans cette multitude de pratiques.


Certains de ces repères seront rationnels et théoriques, d'autres plus
empiriques. Mais nous aimerions, avant même de commencer cette
exploration, vous inciter à faire confiance en vos capacités incons­
cientes et intuitives d'intégration et de synthèse vis-à-vis de tout ce
que vous apprendrez, expérimenterez et vivrez au contact des différentes
approches que vous pourriez être amené à rencontrer.
Nous empruntons les réflexions suivantes à D. Megglé ( 1 990). Le
champ des psychothérapies brèves paraît d'une inextricable complexité.
Milton Erikson disait « Les choses sont souvent moins compliquées
qu'elles ne paraissent ». JI prônait une attitude fondamentale de sym­
pathie à légard des efforts de tous les courants psychothérapiques.
Ces efforts sont des expressions de la créativité inconsciente des cher­
cheurs. Pendant que nous portons une attention positive à ces courants,
260 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

notre esprit inconscient en profite aussi. À l' insu de la conscience, il


sélectionne les informations qui sont de nature à élargir et approfondir
notre expérience professionnelle et personnelle, à augmenter ainsi notre
répertoire de possibilités d'une façon homogène par rapport à notre
personnalité.
Bonne route donc, et ne vous en faites pas, à la longue vous trouverez
vous-même ce que nous n'aurons pas su vous suggérer.
Le questionnaire suivant vous propose d'explorer vos propres concep­
tions, croyances et présupposés concernant ce qui constitue, selon vous,
l'essence même de la psychothérapie.

Q U EST I O N NA I R E 1

Q.1
Pour commencer, voici quelques questions demandant une relative­
ment longue réflexion.
Q. 1 . 1 . Selon vous, la relation établie en psychothérapie est-elle diffé­
rente des autres relations dans la vie ? pourquoi ?
Q.1 .2. Pouvez-vous évoquer ce qui vous a conduit à vous former plutôt
selon telle orientation que selon telle autre ?
Q. 1 .3. Qu'est-ce qui est nécessaire pour que vous preniez ou non une
personne en thérapie ?
Q. 1 .4. À quoi reconnaissez-vous qu'une thérapie a réussi ?
Q. 1 .5. Quelle est l' incidence sur votre pratique d'une appartenance à
une école ?
Q. 1 .6. Peut-on ne pas appartenir à une école, ne pas se référer à une
orientation psychothérapeutique définie ? si oui, à quoi appartient-on ?
Q. 1 .7. Selon votre expérience, qu'est-ce qui favorise le plus un chan­
gement en psychothérapie ?
Q. 1 .8. Y a-t-il un sens à ce que l a psychothérapie soit soumise à des
évaluations empiriques ?
Q. 1 .9. Comment décririez-vous l 'être humain que vous rencontrez en
situation thérapeutique ?

1 . Tiré de 2 articles de Duruz et Lob (Psychothérapies, 1996, vol. 1 6, n° 4, pp. 1 7 1 - 1 80,


et 1 997, vol. 1 7 , n° 2, pp. 67-77).
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 261

Q. 1 . 1 O . Quelle attitude avez-vous face à une société qui veut de plus


en plus savoir ce que fait le thérapeute ?
Q. 1 . 1 1 . Le fait d'avoir des convictions personnelles est-il compatible
avec une activité de psychothérapeute ?

Q.2
Pouvez-vous maintenant vous prononcer sur chacun des énoncés
suivants en le cochant 5 si vous le jugez très vrai, 4 vrai, 3 ni vrai
ni faux, 2 faux, ou l très faux ?
Q.2. 1 . Il y a une différence entre ce que les psychothérapeutes disent
qu'ils fo nt et ce qu'ils font réellement.
Q.2.2. Un modèle de psychothérapie qui intégrerait dans leurs diffé­
rences plusieurs approches thérapeutiques serait un enrichissement pour
le psychothérapeute.
Q.2.3. Les différentes orientations de psychothérapie se ressemblent
plus qu'elles ne le pensent du fait qu'elles utilisent des termes différents
pour décrire la même chose.
Q.2.4. Il existe des gens qui souffrent des mêmes troubles que je
traite et qui peuvent être aidés tout aussi efficacement par des non­
professionnels (prêtres, pasteurs, guérisseurs, marabouts ... ).
Q.2.5. Une méthode psychothérapeutique ne peut être qualifiée de
scientifique que si son efficacité est vérifiable expérimentalement.

Q.3
Pour terminer, voici une série de questions qui demandent chaque
fo is de brèves réponses. Vous pouvez les inscrire directement sous les
questions.
Q.3. 1 . Parmi les différentes orientations de psychothérapie, pouvez­
vous citer celle dont vous vous sentez le plus proche dans votre pratique
et celle dont vous vous sentez le plus éloigné(e) ?
Q.3.2. Selon vous, quelles sont au moins trois caractéristiques princi­
pales d'un bon psychothérapeute ?
Q.3.3. Pouvez-vous citer quelques-unes de vos références privilégiées,
de quelque ordre qu'elles soient, qui vous influencent dans votre travail
de psychothérapeute ?
Q.3.4. Quels sont les attributs qui vous viennent spontanément à
l'esprit pour décrire :
- l'homme psychiquement sain ;
- l'homme psychiquement perturbé.
262 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Q.3.5. Avez-vous une conception du monde ( Weltanschauung) qui


vous guide dans votre travail de psychothérapeute ? Si oui, pourriez-vous
brièvement la décrire ?
Q.3.6. En quelques mots, quelle est votre définition de la psychothéra­
pie ?

APERÇU D E S P R I N C I PALES ÉCOLES D E PSYC H OTH É RAP I E

Nous vous proposons ici un bref aperçu des principales écoles de psy­
chothérapie en en présentant quelques-unes des principales, en décrivant
les conceptions de l'homme sain qu'elles proposent (Duruz, 1 994) et
les types d'intervention qu'elles utilisent (notamment par rapport aux
cinq cibles de la psychothérapie : cognition, affect, comportement, corps,
contexte).
Le modèle psychanalytique vise de manière préférentielle un change­
ment au niveau de l'expérience cognitive et émotionnelle de l'homme,
qui se traduira dans sa capacité de supporter des conflits d' ambivalence
ou d' intégrer les contraires dans sa vie mentale en des compromis
souples et créatifs. Afin d'y parvenir, la psychanalyse et ses formes
dérivées tenteront d'intervenir sur la vie fantasmatique et inconsciente
de l' individu par le biais des manifestations transférentielles, de la libre
association et des mécanismes de répétition produits et dégagés lors de
la cure.
Parce qu'elle choisit méthodologiquement de s' intéresser au monde
interne des représentations et des affects d'un individu, à leur agence­
ment et fonction dans sa dynamique psychique, la psychanalyse retient
essentiellement des critères d'évaluation de l 'expérience cognitive et
émotionnelle de l'homme. Sera considérée comme psychiquement saine,
toute personne :
- faisant preuve de tolérance à la frustration, ce qui lui permet de ressen­
tir une douleur psychique et de supporter des conflits d 'ambivalence ;
- réussissant à intégrer les contraires de sa vie mentale dans des compro­
mis souples, créatifs, et non répétitifs ;
- pouvant disposer d'une vie imaginaire fantasmatique qui la rend
apte à élaborer mentalement ses émotions et à mieux comprendre
en conséquence ce qui se passe au niveau de ses comportements ;
- capable de différencier son monde interne du monde externe, sans
recourir à des projections abusives sur l 'extérieur, ni éprouver des
sentiments exagérés d'intrusion.
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 263

Pour Le modèle cognitivo-comportemental puisqu'il opère essen­


,

tiellement sur les facteurs qui produisent et maintiennent une série de


comportements, les critères vont davantage se centrer au niveau des
comportements observables et des variables médiationnelles mentales
(« cognitives »), qui sont estimées contrôlables dans Je processus d'in­
férence qui les dégage. Sera considérée psychiquement saine, toute
personne :
• présentant des comportements adaptés à une demande sociale détermi­
née ;
• faisant preuve d' autocontrôle, c'est-à-dire capable de faire face à
diverses situations sans être entièrement contrôlée par les événements
extérieurs ;
• agissant avec un sentiment d'autosatisfaction, parce que ses comporte­
ments répondent à ce dont elle a besoin.

Au niveau de l ' intervention, i.1 faut distinguer la thérapie comporte­


mentale de la psychothérapie cognitive.
La thérapie comportementale cherche à modifier les comportements
observables de l'homme qui échappent à son autocontrôle. Les interven­
tions de cette approche tentent d' apprendre à l' individu des moyens de
gestion et de résolution de problèmes en vue d'adapter ses comporte­
ments, cela grâce à l'acquisition de nouveaux apprentissages. Les res­
sources adaptatives acquises de l' individu sont ici visées, alors que leur
défaut contribue à l ' inadaptation de l ' homme face à son environnement.
La psychothérapie cognitive, quant à elle, s' adresse à la perception
par l'individu des situations de vie et aux interprétations qu'il s'en donne
dans son discours interne. La prise de conscience et la mise en question
des processus et des schémas cognitifs dysfonctionnels, à l 'œuvre dans
l'expérience émotionnelle, serviront de techniques permettant d'accéder
à l' appareil du traitement de l'information de chaque individu.
Le modèle humaniste , tel qu'il a été imaginé par Rogers, puis modulé
par différents auteurs comme Gendlin, Perls, etc., centre l'attention du
clinicien sur l 'expérience émotionnelle et corporelle de l' individu, gage
de la réalisation de soi. Sera considéré comme psychiquement saine.
toute personne :
- qui se montre active, spontanée, créatrice, voire responsable, dans
l' expression de ses comportements ;
- capable d'authenticité ou de congruence, c'est-à-dire, intégrant dans
une harmonie intérieure sans contradiction ses différents niveaux
d'expérience (senti, pensée et expression) ;
264 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

- soutenant son expérience de soi et des autres d'un vécu émotionnel et


corporel intense ;
- pouvant accéder librement à ses différents niveaux de conscience.

Les thérapies issues du mouvement humaniste cherchent à débloquer


la tendance actuaJisante de l'organisme-individu afin de permettre la
coïncidence entre ce qu'il ressent et ce qu'il est capable de symboliser
dans son image de soi. Les interventions porteront dès lors sur les
registres expérientiel et corporel de l'individu dans !'ici et maintenant, à
la faveur d'un climat de considération et d'acceptation positive.
Quand au modèle systémique , ses critères vont porter sur le fonction­
nement des différents systèmes activés : groupes sociaux et individus. En
effet, en tant que modèle communicationnel-systémique, il s' intéresse
particulièrement au fonctionnement des groupes constitués par la com­
munication interhumaine et analysés selon les propriétés des systèmes.
Mais l' individu peut également être conçu comme un système, et il
n'est pas pour autant exclu de cette approche. Sera considéré comme
psychiquement sain, tout individu ou groupe social :
- actualisant sa capacité évolutive en utilisant bénéfiquement ses crises
pour construire de nouvelles normes adaptatives ;
- pouvant trouver des alternatives, par la communication négociée, dans
un réseau de complexité qu'il ne réduit pas exagérément ;
- capable de vivre une individuation intégrée, c'est-à-dire d' être relié
aux autres avec qui il fait système sur un mode ni fusionnel ni éclaté,
parce qu'il est au clair sur les relations qu'il établit avec eux et sur
celles des autres entre eux.

Son intervention vise à modifier les règles et métacommunications


d' interaction entre les individus, par différentes techniques de recadrage.
Il cherche d'abord à agir sur les processus d'échange entre les membres
d'un groupe social, qui ont adopté chacun des comportements se renfor­
çant circulairement et produisant une communication dysfonctionnelle.
Un psychothérapeute devrait avoir travaillé sur lui-même (psycho­
thérapie personnelle et fo rmation) selon tous ces différents domaines
(cognitif, affectif, comportemental, corporel, social et familial, tant au
niveau conscient qu' inconscient) pour se connaître sous tous ces angles
et y être sensible chez ses patients.
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 265

PRÉSU PPOSÉS ET V I S I O N S DU M O N D E S O U S -T E N DANT


LES D I FF É RENTES ÉCOLES DE PSYC H OT H É RA P I E
Messer ( 1 997) a porté l' attention sur les structures thématiques sous­
jacentes, d'ordre existentiel, qui sous-tendent les théories et pratiques
psychothérapeutiques. Les méthodes psychothérapeutiques se différen­
cient entre elles en fonction de différences encore plus fondamentales
que celles déjà contenues dans leurs théories. Ces différences reposent
sur des présupposés ou a priori organisateurs de ces théories. Messer,
a ainsi repris la classification des différents genres en littérature de
Schafer ( 1976), en montrant à quel point elle s'applique parfaitement
aux psychothérapies. Elle repose sur quatre catégories, correspondant
à quatre visions définies du monde : les perspectives romantiques,
tragiques, ironiques, et de type « comédie » .
Les perspectives tragiques et ironiques se méfient des « happy end » .
De plus, elles sont réflexives, alors que les perspectives romantiques
et de type « comédie » sont plus orientées vers l'action. Dans l 'étude
de Duruz et Lob ( J 996), sur 77 psychothérapeutes Suisses, provenant
de 1 2 écoles différentes de psychothérapie, les 2 perspectives les plus
fréquentes étaient la romantique (29177) et la comédie (22177).
Actuellement, on peut constater que chaque école de psychothérapie
modifie progressivement sa vision du monde. la rendant plus relative ou
la combinant avec une autre, favorisant ainsi le mouvement d'éclectisme
et d'intégration.
Voici les caractéristiques de chacune de ces perspectives : essayez de
trouver celle qui correspond le plus à votre « philosophie personnelle »
de la psychothérapie.
De quelle vision du monde vous sentez-vous le plus proche ?

------ LA PERSPECTIVE DE TYPE « COM É D I E » -----�

Exemple : les thérapies comportementales


• Croyance au bonheur dans cette vie une fois les obstacles dépassés.
• Le sujet lutte avec des facteurs principalement externes dont il finit
toujours par triompher.
• Les choses ne peuvent que s'améliorer.
• La comédie met en scène des conflits entre des personnages et leur
situation malheureuse, et non ces combats intérieurs et ces implacables
oppositions que l'on rencontre dans le théâtre tragique.
• I mportance de satisfaire les pulsions pour parvenir à une existence plus
libre et plus joyeuse.
�------ �
266 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

� --------����--��-�

• On peut viser un soulagement immédiat de la souffrance et l'obtention


rapide de résultats positifs.

�----- LA PERSPECTIVE TRAGIQUE ------

Exemple : la psychanalyse freudienne classique


• Accepte certaines limites inhérentes à la condition humaine.
• Déterminisme interne.
• Les choses sont pires qu'elles ne paraissent.
• Exige que l'on reconnaisse une part de défaite dans la victoire et de
victoire dans la défaite, de souffrance dans le plaisir et de plaisir dans la
souffrance, la culpabilité dans l'action apparemment justifiée, la perte de
choix possible à chacun de nos choix, à chacun de nos pas.
• Dans le théâtre tragique, le héros, pour atteindre son but, commet, au
moins dans son esprit, un acte qui va le précipiter dans la honte ou la
culpabilité. Il vit un conflit douloureux entre passion et devoir et, après un
formidable combat intérieur, parvient à une plus grande connaissance de
lui-même.
• Voit la nature humaine comme dominée par des forces qui lui échappent,
dont certaines destructrices.
• Le cheminement du sujet dans la vie est réglé par des peurs et des
motivations inconscientes.
• La vie est une suite de deuils et de pertes, menant au deuil final : celui
de soi-même.
• Le sujet est fixé dans ses conflits, très difficilement malléable et amélio­
rable.
• Le changement est toujours difficile et douloureux.
• Contrairement à la vision ironique, implique l'engagement.

�----- LA PERSPECTIVE R O M A N T I Q U E ------

Exemple : Les psychothérapies humanistes


• La vie est une quête aventureuse.
• La personne est un héros qui transcende le monde de l'expérience, en
triomphe et s'en libère.
• Chaque deuil contient la possibilité d'une renaissance, chaque perte celle
d'un gain.
• Met l'accent sur l'exploration et la conquête de l'inconnu, du mystérieux,
de l'irrationnel.
L-------� �
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 267

f)(j' -------�
• En thérapie, met l'accent sur le potentiel infini de développement psy­
chologique, la volonté de prendre des risques, et la capacité d'auto­
actualisation.
• Les potentiels bloqués peuvent toujours être débloqués et se redévelop­
per naturellement " ·
«

• Les besoins essentiels de la personne sont ceux de liens aux autres,


d'appartenance, de tendresse, de plaisir et de trouver un sens à sa vie.
• Voit la nature humaine comme intrinsèquement bonne.
• La notion de quête existe dans la vision tragique, mais est nettement
moins optimiste.

�------ LA PERSPECTIVE I R O N I Q U----


E ---�

Exemple : la plupart des psychothérapies intégratives, les


psychothérapies stratégiques
• Attitude de détachement où l'on prend du recul et l'on voit l'autre côté
de la médaille. Elle défie nos croyances, nos traditions et nos illusions
(romantiques).
• Contient le moins de constructions philosophiques.
• Perce à jours nos illusions et nous amène à en rire (humour).
• Elle révèle la face cachée des propos et comportements du client, le sens
dérobé, les contradictions et les paradoxes.
• Le sujet recrée, sans le savoir, les vieilles craintes, relations, et expé­
riences conflictuelles, tout en ayant l'intention, ironiquement, de faire
autrement.
• L.:anxiété empêche le self de réviser ses structures et de rechercher de
nouvelles expériences.
• Plus le besoin de sécurité, de stabilité, et de répétition de l'identique est
supérieur au désir de changer, plus les conséquences ironiques dominent
c:
:::l l'existence.
• En se défendant pour ne pas souffrir, on maintient en fait la souffrance
(" Faites votre malheur vous-même ,. ) .

• Les conflits, motivations et peurs semblant provenir de l'enfance y sont


vus surtout comme des produits ironiques du fonctionnement quotidien
actuel.

Les patients nous amènent naturellement à considérer plutôt telle ou


telle perspective, qui peut être différente pour chacun. De plus, au cours
de l 'évolution d'une psychothérapie, le thérapeute passe parfois d'une
perspective à l'autre pour un même patient.
268 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Certains thérapeutes utilisent même ces perspectives dans un certain


ordre comme, par exemple, un début par une vision de type « comédie »
ou romantique, pour ensuite explorer le versant tragique de la souffrance,
et enfin terminer par une mise à distance ironique de celle-ci.
Vis-à-vis de notre propre vie, d'ailleurs, nous connaissons des phases
où son déroulement semble changer de perspective (nous traversons tous
des moments où nous vivons la vie comme une comédie, une romance,
une tragédie, ou une répétition plus ou moins drôle et lucide).
La fixation sur une perspective est défensive, car aucune ne résume
toute la complexité de la vie, mais chacune nous révèle l'une de nos
« facettes existentielles ». Quand un praticien tient absolument à la
supériorité de son école, n'est-ce pas en fait parce qu'il adhère rigidement
à une vision particulière de l ' existence ?
En outre, chaque groupe professionnel favorise une vision particulière
de la pathologie psychique : à titre d'exemple, on peut citer les médecins
et la vision de type « comédie » proposée par leur formation initiale, les
psychologues et la perspective tragique, les assistant(e)s sociaux et la
vision romantique.
Chaque perspective peut aider ou freiner le thérapeute : il ne faudra pas
qu'il refuse la perspective romantique (quand celle-ci s'avère pertinente)
par peur de se laisser aller aux émotions ou à la tendresse ; ni qu'il exclue
la perspective « comédie » par désabusement ou par croyance qu'il faut
systématiquement « en baver » ; ni qu' i 1 évite la perspective tragique par
peur d'entrer au contact de la dépressivité ou des limites existentielles
inévitables ; ni, enfin, qu'il évacue totalement la perspective ironique par
manque de capacité de détachement.
De même, chaque perspective peut aider ou freiner un patient : quoi
qu'il en soit, il faudra, au début, savoir « parler le langage du patient ».
C'est-à-dire qu'il faudra commencer par comprendre et respecter sa
vision du monde, adopter le style thérapeutique qui lui correspond (par
exemple ne pas proposer dès le départ un changement concret à court
terme, si le patient entretient une perspective tragique vis-à-vis de sa
souffrance) pour ensuite seulement, progressivement, introduire une
autre perspective qui lui permette de changer plus facilement.
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 269

MOTIVAT I O N S D U PSYC H OT H É RAPEUTE : I NVEST I R


LES D I FF É R E NTES D I M E N S I O N S D U CHANGEMENT
Une enquête, réalisée chez 64 psychothérapeutes d'orientations
variées (Gerin et Vignat, 1 984), a mise à jour trois motivations
principales pour être psychothérapeute :
L . comprendre,
2. aider à vivre mieux,
3. rencontrer.
Ce qui s'est révélé à la fois surprenant et essentiel c'est la corrélation
négative de chacune de ces motivations avec les deux autres (figure 1 3) .

Comprendre
1
1
1
1
1
1
Être valorisé
'

.....
.....
.....

Rencontrer Aider à vivre mieux

Figure 13. Les motivations exclusives du psychothérapeute « puriste ».

Seule une quatrième motivation, « être valorisé », satisfaction narcis­


e:
sique, se corrélait indistinctement avec les trois autres.
:J
Il nous semble regrettable (pour le patient notamment) qu'un psy­
chothérapeute ne puisse être mobilisé par ces différentes motivations :
lorsqu'il est psychanalyste ou psychodynamkien « pur » il privilégiera
comprendre ; quand il est cognitivo-comportementaliste, il cherche
OJ à aider à mieux vivre ; enfin, comme thérapeute humaniste i l vise
principalement à rencontrer, c'est-à-dire sentir, exprimer, vivre ensemble.
Nous pensons que tout patient a le droit à ce que son thérapeute cherche
à le comprendre, le rencontrer, et l'aider à vivre mieux. Aucune de ces
dimensions ne doit être dévalorisée, négligée, mise au second plan, pour
des raisons idéologiques ou théoriques, parce que « cela plaît plus » à
son thérapeute ou parce que ce dernier « y croit plus » .
270 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

Ces motivations constituent en effet à la fois un moteur essentiel des


psychothérapies, mais aussi un piège possible lorsqu'elle devient unique
et obligatoire. Le piège de n'être motivé que pour aider c'est de refuser
le manque, le temps nécessaire, les frustrations, les doutes, les limites
d' efficacité, qui sont potentiellement présents dans chaque thérapie. Ne
vouloir que comprendre accentue le danger de voyeurisme, de refus d'uti­
lisation de techniques actives qui se révéleraient pourtant bénéfiques, de
justification intellectuelle d'une attitude permanente de non implication
de nature défensive de la part du thérapeute. Enfin, être à tout prix et
uniquement dans la relation, risque de placer patient et thérapeute dans
une relation de dépendance mutuelle de type « qu'est-ce qu'on est bien
ensemble, qu'est-ce qu'on est important l'un pour l' autre », avec un jeu
de renforcement narcissique réciproque, une « exigence » d'intimité, et
une dévalorisation des techniques.
Ces risques semblent moindres si la satisfaction ressentie par l e
psychothérapeute, dans l'exercice de s a profession, est plus polymorphe
et passe rapidement d'un registre à un autre, sans que l'un d'eux,
privilégié, fige la situation comme prend un ciment.

LES PRI N C I PALES ÉCOLES D E PSYCHOTH É RA P I E C I BLES


T H É RAPEUTIQ U ES ET FACT E U RS C O M M U N S
Il existe cinq courants majeurs de psychothérapie qui, à eux seuls,
représentent l 'essentiel des approches utilisées actuellement. Ce sont :
1 . la psychanalyse et les psychothérapies dites psychodynamiques (ou
P.I.P. : psychothérapies d'inspiration psychanalytique) ;
2. les psychothérapies comportementales et cognitives ;
3. les thérapies stratégiques et systémiques ;
4. les psychothérapies humanistes dont la principale est la Gestalt ;
5. les psychothérapies de modification de l'unité psychocorporelle
(relaxation, sophrologie, thérapie reichienne et bioénergie. . . )
Ces approches semblent nettement se différencier par des caractéris­
tiques essentielles qui leur sont propres (tableau l 7).
Continuons notre comparaison des différents courants, en faisant
comme s'ils décrivaient réellement un nombre limité de possibilités d'in­
terventions, correspondant à des catégories discrètes mutuellement exclu­
sives. Chacun d'eux utilise préférentiellement un ou plusieurs facteurs
communs (tableau 1 9). Par exemple, les psychothérapies de « conscience
z
Tableau 1 7. Cinq thérapies vues par leurs représentants -<
'"'
Cl
(Huber, 1 993 ; modifié et complété par Chambon et Marie-Cardine). "'
)>
-<
0
Thérapie expérientielle/ z
Psychanalyse Thérapie comportementale et cognitive '"
Approche humaniste -<
(Freud, Gilliéron) (Lazarus, Beck, Goldfried, Mahoney) '"'
(Rogers, Greenberg, Delisle, Perls) ()
r-­

1. ()
m

Conflits pulsionnels de l'enfance Histoire d'apprentissage problématique et Aliénation de l'expérience, manque de -<
Conception refoulés et inconscients, dysfonctionnelle, déterminée surtout par la congruence entre l'expérience et le concept v;
déterminés surtout par des 3::
étiologique situation personne-milieu de soi m
facteurs intrapsychiques �
()
2. Résolution des conflits Restauration des capacités d'expérience Promotion de l'actualisation de soi, de la m
)>.
Concept de pulsionnels inconscients par et des compétences comportementales et croissance personnelle, de l'authenticité et
prise de conscience et cognitives, par la modification de la de la spontanéité :;:
3::
santé, but
thérapeutique élaboration " Où "Ça" était, "Je" conception et du contrôle de soi et la c
doit advenir " gestion du stress -<
r-­

::;
3. Interprétations d'associations Restructuration cognitive Rencontre, empathie, acceptation, dialogue c
0
'"
Moyens libres, d'actes manqués, des Modelage, exercices, habituation, Expériences, jeux de rôles, chaise vide, 0
thérapeutiques rêves et du transfert désensibilisation, renforcement, jeux de dialogues imaginaires, " awareness " et '"
V>

rôles, exposition confrontation des résistances à l'expérience '"'


()
0
4. Compréhension du présent à Compréhension du présent à partir de Compréhension du présent à partir de '"
r--

V>
Perspective partir du passé l'histoire d'apprentissage, l'accent étant l'expérience vécue présente, thérapie brève
temporelle
Thérapie à moyen et long terme mis sur l'analyse des problèmes et ou à terme moyen
comportements présents ; surtout thérapie
brève, mais peut s'étendre sur un an
5. Réfléchir, interpréter, neutralité Collaborateur expert dans la résolution de Partenaire d'un dialogue, acceptant l'autre,
Rôle du bienveillante, parfois frustrant ou problèmes, Rompu à l'exercice du mutuellement permissif
thérapeute donnant du soutien, mais dialogue socratique Parfois suit le processus en cours de
essentiellement non directif. tV
Chasseur de pensées et comportements manière non directive, parfois intervient et '-1
dysfonctionnels redirige ce processus en utilisant son contre-
Conseille, soutient transfert et en stimulant les émotions du
patient
l'V
-...J
l'V

Tableau 18. Cinq thérapies vues par leurs représentants (suite).

Approche Thérapies systémiques et de la communication Thérapies de l'unité psychocorporelle


(Watzlawick, Minuchin, Malarewicz) (Schultz, Caycedo, Vittoz, Reich, Lowen)

1. Des structures de communication inadéquates Hypertonie musculaire


Conception étiologique entraînent des troubles Excitabilité et vagabondage cérébral
Coupure vis-à-vis de soi-même
2. Mise en place de structures de communication Restaurer la fluidité de la conscience des différents
Concept de santé, but constructives, par dépistage et modification des mouvements du corps et de l'esprit
thérapeutique structures dysfonctionnelles Se déprendre des représentations et ruminations
habituelles, pathogènes
Retrouver le plaisir et le bien être dans le simple vécu de
soi-même
3. Instructions, jeux de rôles, métaphores, recadrages, Relaxation, méditation, visualisations, exercices de r­
,,,
Moyens thérapeutiques paradoxes thérapeutiques " pleine conscience .. V>

4. Compréhension et thérapie centrées sur la Compréhension du passé à partir du vécu corporel et �


V>
V>
,,,
Perspective temporelle communication présente mental " ici et maintenant ,,
0
Thérapie le plus souvent brève ou à terme moyen Thérapie brève ou à terme moyen ,,,
5. Observer, évoquer la structure de communication Observe les résistances à la détente >
.,,
Rôle du thérapeute dysfonctionnelle, donner éventuellement conseils et Stimule l'attention et la conscience
V>
-<
()
:r
soutien
Donne des instructions et des conseils
0
-<
:r
,,,,
s:;'
.,,
;:;;
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 273

psychocorporelle » agissent surtout en augmentant directement l'estime


de soi et en induisant la pratique de nouveaux comportements (nous
n' avons pas inclus le facteur « relation » dans le tableau puisqu'il est
présent dans chaque approche).

Tableau 19. Utilisation de facteurs communs par les différents courants.


Estime de Nouveaux Régulation Motivation lnsight
soi comporte- émotions perception
ments
Psycho- + +

dynamique
Cognitivo- + + +

comporte-
mental
Systémique + + +

et
stratégique
Humaniste- + + +

Gestalt
Conscience + + +

psychocor-
porelle

Les différentes écoles semblent agir par le biais de processus thérapeu­


tiques spécifiques privilégiés, mais cependant, maniées avec souplesse
par un thérapeute, elles sont à même, secondairement, de mettre en jeu
tous les facteurs communs. Ainsi, nous avons vu plus haut que toutes
doivent, au moins indirectement, avoir un impact émotionnel et amener
à un changement de perception pour prétendre à des effets significatifs
et durables.
Chacun de ces courants agit préférentiellement, du moins au départ,
sur une ou deux des cibles élémentaires de la psychothérapie (cognition,
affect, comportement, sensation, contexte) (tableau 20).
Cependant, au fur et à mesure de leur développement, chacune des
écoles de psychothérapie tend à devenir plus intégrative. Ainsi, la Gestalt
intègre de plus en plus les facteurs cognitifs, et les psychothérapies
cognitives de plus en plus les affects.
Jusqu'alors, cependant, les différentes traditions psychothérapeutiques
ont eu tendance à se focaliser sur différents phénomènes et sur différents
aspects du fonctionnement humain. En ce sens, on peut voir chaque
orientation comme la spécialiste d'un domaine (Goldfried et coll.,
1 998b ). Par exemple, 1' accent mis par la psychanalyse sur l' inconscient
a conduit au développement d'une compréhension hautement spécialisée
274 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Tableau 20. La cible thérapeutique préférentielle initiale des principaux


courants de psychothérapie.
Cognition Affect Comportemer Sensation Contexte
Psycho- +

dynamique
Cognitivo- + +

comporte-
mental
Systémique +

et stratégique
Humaniste- + +

Gestalt
Conscience +

psycho-
corporelle

et différenciée de phénomènes qui échappent à la conscience du patient


et d'une panoplie d'interventions pour travailler avec ce matériel (asso­
ciation libre, analyse des rêves, analyse des résistances . . . ). La tradition
cognitivo-comportementale s'est spécialisée dans l ' utilisation des lois
du comportement et a ouvert de nouvelles voies permettant d' aider le
patient à prendre des risques, notamment par modification des cognitions
erronées. L'i mportance accordée par l 'approche centrée sur le client
(Rogers) à la relation thérapeutique a conduit à une compréhension
finement articulée du rôle joué par des variables comme l 'empathie et
!'expérience personnelle dans le processus de changement. En général,
les thérapeutes « humanistes-expérientiels » (comme les gestaltthéra­
peutes) ont mis au point des méthodes pour aider le patient à prendre
conscience de son expérience émotionnelle immédiate et à l' intégrer
dans sa vie. Si l'on part du postulat qu'on peut provoquer le changement
en ne considérant qu'un aspect du fonctionnement d'un patient - que
ce soit l' absence d'insight, des problèmes de comportement ou un
affect réprimé - alors il est clair que ces différentes orientations sont
irréconciliables. Mais si l'on postule une synergie entre les pensées, les
actions, et les émotions, on peut alors considérer les forces de chaque
approche comme complémentaires. L'ouverture à l' intégration nous offre
ainsi J' opportunité d'échapper au cloisonnement théorique qui caractérise
notre domaine, tout en bénéficiant de la spécialisation conceptuelle et
technique.
Notons aussi que comme les diverses formes de psychothérapie
proviennent d' orientations théoriques différentes et utilisent des termes
et des concepts propres, elles semblent plus différentes qu'elles ne le sont
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 275

en réalité. Par conséquent, certaines variables ou processus communs


sont perçus comme dissemblables même quand ils sont essentiellement
similaires (Garfield, 1 998). Cette tendance peut conduire à négliger
certains processus d'importance fondamentale parce qu'ils ne sont pas
spécifiquement soulignés dans une technique particulière de thérapie.
Les chercheurs ont tendance à privilégier les processus et les méthodes
conformes aux hypothèses de leur orientation particulière et à négliger
les autres ou à les considérer comme « non spécifiques », et de moindre
importance.
C' est ainsi qu' avant de proposer une perspective bien moins cloi­
sonnée des possibilités d'intervention psychothérapeutique, nous allons
insister une dernière fois sur les conceptions et techniques mises en
avant comme « spécifiques » par chacune des cinq grandes orientations
(tableaux 2 1 à 25).

LE CARACTÈRE I LLUSO I R E DU C LO I S O N N EMENT


PAR ÉCOLE
En fait, si, au gré des comparaisons que nous venons de faire précédem­
ment ces approches semblent bien différentes, c'est parce qu'elles sont
maintenues comme différentes. Constater des différences essentielles
entre deux systèmes psychothérapeutiques et croire qu'il s'agit là d'inva­
riants fixes, contradictoires et irréductibles, c'est, comme dans l'histoire
des cinq aveugles qui touchent une partie différente d'un éléphant, croire
que ce dernier se résume à un tuyau creux (la trompe), « ou » ( « ou »
exclusif) à quatre troncs avec des écailles à la base (les 4 pattes), « ou »
à deux feuilles plates (les deux oreilles tâtées par l'un des aveugles) etc.
Il en est de même pour les différentes chapelles psychothérapeutiques.
Leurs différences apparentes ont soutenu l ' illusion de leur originalité
propre, comme des êtres réels qui auraient une existence autonome. Elles
furent alors érigées en vérité absolue dans le sillage de psychothérapeutes
très inventifs et charismatisques (les « maîtres » ) qui chosifièrent leur
singularité et le produit de leur créativité en système, et trouvèrent des
disciples pour les statufier et faire de leurs écrits une bible 1 . Et pourtant,
chacune de ces approches n'est que la fixation et I'« isolation » (au sens

1 . On peut aussi faire, à ce sujet, cette remarque : toute science doit s ' appu yer sur les
travaux des auteurs ; mais moins elle a de bases expérimentales, plus elle a tendance à
idéaliser leur opinion et en paniculier à absol utiser les travaux du père fondateur comme
c'est également le cas dans les religions .
"'
"'
°'

Tableau 21. L'orientation psychanalytique.

Psychothérapies psychanalytiques
Étiopathogénie Les symptômes (névrotiques) sont la manifestation de conflits sous-jacents (entre des pulsions sexuelles ou
agressives et des entraves morales '" réelles ou imaginaires, à leur satisfaction) que l'individu a refoulés hors
«

de sa conscience parce qu'ils étaient douloureux ou perturbants.


Les événements traumatiques " oubliés ,, et les fantasmes infantiles à contenu sexuel ou agressif sont à
l'origine des symptômes.
Processus thérapeutique Par un examen approfondi du passé, les expériences infantiles sont reconstruites, discutées, interprétées et
analysées.
Obtenir un insight du patient sur les forces inconscientes (sexuelles, agressives) qui le dirigent et les émotions
et fantasmes qui leur sont reliés, en l'amenant à relier ses problèmes actuels avec les traumas émotionnels, les
conflits, et les relations affectives frustrantes d'un lointain passé.
Obtenir une abréaction (catharsis), c'est-à-dire expérimenter et intégrer au niveau émotionnel les conflits
autrefois inconscients.

Atteindre une compréhension intellectuelle et affective du matériel inconscient émergé. m
"'
""
Techniques thérapeutiques Association libre, Interprétation (révèle le contenu du conflit inconscient, ses racines historiques et ses )>
"'
manifestations présentes). "'
m

Analyse des rêves, analyse et interprétation des résistances et du transfert. 0


m
Attitudes du thérapeute Position détachée, impersonnelle, objective, et libre de préjugés. )>
r-

.,,
Position passive, " écran blanc '" distant émotionnellement, attentif et silencieux. "'
-<
()
Caractéristiques du patient Bonnes capacités de verbalisation, solides bases culturelles, argent, temps, et énergie suffisants, forte volonté :r
0
et bonne capacité à supporter frustrations et souffrance, foi dans le modèle analytique. -<
:r
m.

.,,
;:;;
_J
..

z
-1
Tableau 22. L 'orientation Gestalt. ,..,,,
Cl
Psychothérapie gestalt �
6
Étiopathogénie L'individu ne peut satisfaire certains besoins physiques ou psychiques qui restent en suspens ou incomplètement satisfaits : z
,..,,
les " unfinished business " Ce sont les besoins non satisfaits, les situations inachevées, les sentiments qui n'ont pu -1
,..,,,
n
s'exprimer, dont l'individu n'est pas pleinement conscient, qui restent en suspens, et qui entravent la tendance innée du sujet
à vivre de manière enrichissante le présent. L'évitement correspond aux moyens utilisés par le sujet pour ne pas se ,..,,

n
confronter aux " expériences inachevées " et aux sentiments associés. Il préfère éviter d'expérimenter des émotions -1
v;
3::
douloureuses et donc éviter de s'exposer aux risques nécessaires pour changer, bloquant son processus de croissance. Le
conflit entre les besoins et demandes de l'individu et ceux de la société peut provoquer un " évitement du contact " mais ,..,,

aussi des " interruptions du contact " (avec soi, les autres, la situation) qui se manifestent dans les défenses activées �
n
empêchant une expérimentation pleine et réelle du présent. ,..,,

Processus Faire vivre jusqu'au bout les " expériences inachevées en prenant contact avec les émotions, pensées, images qui leur
:;:
"•

3::
thérapeutique sont reliées ; compléter le " cycle de satisfaction des besoins ...
Remettre l'individu au contact de ses propres besoins et exigences.
:=:
Amener le sujet à développer sa capacité d'être conscient de tous les aspects de son expérience " ici et maintenant '» et :j
-1
d'être plus pleinement lui-même dans des situations interpersonnelles qui auparavant auraient abouti à des distorsions ou c
0
rétrécissement de la conscience. ,..,,
0
Accepter et intégrer les " polarités " en soi. ,..,,
V>
,..,,,
n
Techniques Deux types de techniques :
thérapeutiques - Exercices : utilisés pour provoquer des émotions déterminées chez le sujet ; 0

- Expériences : émergent de la relation patient-thérapeute, déterminantes pour un vrai apprentissage expérimental. ,..,,
Vl
Exemples :
- Techniques de focalisation de la conscience et de l'attention sur l'expérience " ici et maintenant " ;
- Techniques de mise en scène des parties de soi jusqu'alors désavouées ou ignorées (psychodrame, chaise vide) ;
- Techniques corporelles.
Attitudes du Authentique, ouvert, respectueux, égalitaire ; actif, ni enseignant ni expert, utilise la frustration autant que le soutien,
thérapeute privilégie le faire par rapport au dire.
Privilégie la cc-implication active dans l'ici et maintenant et l'exploration des plus petites sensations vécues.
N
Mieux suivi par les patients ayant une certaine capacité verbale, intuitive et réflexive, de culture occidentale, de moyenne à .......
.......
Caractéristiques
du patient haute classe sociale, aimant jouer avec leur imaginaire.
Le niveau de souffrance doit être suffisamment élevé pour créer une motivation.
IV
'-J
CX>

Tableau 23. L'orientation cognitivo-comportementale.

Psychothérapies cognitivo-comportementales
Étiopathogénie Les difficultés du patient sont dues à des comportements perturbés ou inadaptés acquis lors d'apprentissages
défectueux (approche comportementale).
Le patient est perturbé parce qu'il possède des croyances erronées. Celles-ci le conduisent à des attentes
inadéquates vis-à-vis de lui-même, des autres, ou du monde, et donc il vit l'échec ou le malheur (approche
cognitive).
Processus thérapeutique Ce qui a été acquis par des apprentissages défaillants peut être modifié par l'application des principes de
l'apprentissage (approche comportementale).
Les croyances erronées peuvent être abandonnées ou modifiées et des plus positives ou réalistes acquises
(approche cognitive).
Techniques thérapeutiques - Comportementales : désensibilisation systématique, affirmation de soi, techniques utilisant le conditionnement
opérant ;
- Cognitives : remise en cause des croyances irrationnelles, analyse développementale des structures m

V>
cognitives.
)>
CD

V>
Attitudes du thérapeute Actif et directif, mais dans une relation de collaboration, où le patient choisit quel comportement changer et le m
V>
thérapeute choisit et apprend au patient les moyens du changement.
CJ
m
Caractéristiques du patient Toute classe socio-économique et tout groupe ethnique ; le patient doit être motivé au changement et prêt à r-
)>
collaborer aux tâches proposées. .,,
V>
Capacités verbales bien moins nécessaires pour les psychothérapies comportementales mais capacités

verbales et cognitives nécessaires pour les psychothérapies cognitives. ::i:
0
.....
::i:
m.


.,,
;:;:;
2:
Tableau 24. L'orientation systémique. -<

G)
"'"

Psychothérapies systémiques

-<

Étiopatho- Les problèmes d'un individu proviennent de son impossibilité de croissance personnelle au sein de sa famille, qui le maintient 0
2:
génie dans un rôle, entrave l'expression de son individualité ou de certaines de ses émotions, et l'empêche de métacommuniquer sur rn
-<
cet état de fait. rn.
L'individu est pris dans un réseau de conflits intrafamiliaux, d'alliances, de loyautés, de collusions, et des modalités de p
n
rn

-<
communication dysfonctionnelles (paradoxales, floues ... ) au sein de sous-systèmes (conjugaux, intergénérationnels, fratrie)
caractérisés par des modes d'interactions rigides et des règles implicites. <;;
:;::
Processus Restructurer et réorganiser le système familial par une action sur les relations entre les membres de la famille, en modifiant les rn


n
thérapeutique règles qui commandent ces dernières.
Apprendre aux membres de la famille à communiquer. rn

)>.
Faire découvrir de nouvelles façons d'envisager les relations et les solutions possibles aux problèmes.
Augmenter les possibilités de créativité du système en créant un contexte qui élargisse sa manière de penser et donc ses :;;:
possibilités de choix. :;::
c
-<
r-­

Techniques Questions circulaires =i


c
théra- Recadrage, redéfinition 0
Prescriptions de rituels, sculpture familiale rn
0
peutiques
Prescription paradoxale, connotation positive m
V>
Induction de nouveaux rôles et de nouvelles frontières rn.
n
0
Génogramme et reconstruction des interactions multigénérationnelles
" Devoirs " entre les séances r-­
rn
V>
Attitudes du Différente selon les modèles :
thérapeute - actif, directif et impliqué dans le système dans l'école structurale ;
- actif, directif, restant extérieur au système dans l'approche stratégique ;
- détaché, cherchant la " bonne distance '» non triangulé, dans l'approche intergénérationnelle ;
- détaché, neutre, non impliqué émotionnellement dans l'aooroche svstémiaue-écolooiaue.
Caracté- Aucune caractéristique particulière, sauf d'être motivé pour la thérapie, et d'être prêt à suivre les directives du thérapeute.
Le niveau de souffrance et le trouble lié au symptôme d'un membre doivent entraîner suffisamment de tension dans tout le
IV
ristiques
du patient système. '-J
Étant donné que l'on utilise des comportements actifs et des stratégies cognitives, aucune habileté verbale ni capacité '°
intellectuelle particulière n'est demandée.
"'-.">
Tableau 25. L 'orientation psychocorporelle. CX>
0

Psychothérapies de « l'unité psychocorporelle »

Étiopathogénie L'organisme humain est une réalité psychocorporelle intégrée.


Chaque événement psychique se manifeste à un niveau corporel à travers des tensions musculaires et somatiques, qui sont
des défenses contre l'angoisse et les émotions qui pourraient surgir de façons incontrôlées. Il existe des patrons récurrents
de blocage musculaire qui signalent quelles sont les émotions réprimées et comment elles sont bloquées. La répression des
émotions et des impulsions naturelles sont à l'origine de structures caractérielles névrotiques précises, qui se manifestent à
travers des tensions musculaires chroniques.
Peuvent créer ces blocages musculaires : les expériences émotives traumatiques, la répression des sentiments et les
conflits vécus dans les premières années de la vie par rapport aux parents.
L'excitabilité et le vagabondage cérébral créent une scission entre le corps et le psychisme et provoquent une coupure vis-à-
vis du vécu et des besoins corporels.
Processus Remettre en mouvement l'énergie par la manipulation directe des blocages musculaires et un travail d'interprétation à
thérapeutique caractère psychodynamique de la position défensive du caractère : les tensions musculaires sont utilisées comme défense.
Aider le patient à prendre conscience de son corps, à libérer les émotions réprimées et à libérer le flux d'énergie frustré
pendant l'enfance lui permettra de rejoindre la liberté intérieure.
Soulagement des tensions corporelles, expression émotionnelle et insight sont les trois facteurs déterminants du
changement. r­
ni
Techniques Mobilisation de toutes les parties du corps, massages, respiration, mouvements, vocalisations, position d'« enracinement ., V>

"'
thérapeutiques (grounding). )>
V>
Relaxation, visualisations, méditation. ni
V>
0
Attitudes Fonction de guide actif qui oriente continuellement le patient : utilise beaucoup le transfert et le contre-transfert. ni
.....
du thérapeute Observe les résistances à la détente ; stimule l'attention et la conscience ; donne des instructions et des conseils. )>
"'
V>
-<
Caractéristiques Personnes qui ont des difficultés à libérer leurs émotions, bloquées par l'anxiété, qui ont perdu contact avec leur propre
corps. n
::i:
du patient
Accessible à tous, ne demandant pas de capacités de verbalisation particulière ni de niveau culturel élevé : le patient doit 0
-i
seulement s'impliquer dans le travail thérapeutique avec honnêteté, responsabilité et volonté de changer ; il doit être ::i:
ni-
réellement motivé.
Patient sans graves troubles psychiques, états anxieux ou névrotiques engendrés par des problèmes existentiels. �
"'
Le travail corporel peut cependant faciliter le contact avec certains psychotiques. ;;:;
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 281

défensif) de l'une des nombreuses dimensions de la personne humaine


et des processus de changements psychologiques. Ces dimensions sont
naturellement en interaction les unes avec les autres ; elles doivent être
combinées et mélangées (comme le peintre mélange ses couleurs pour
créer un tableau) afin de faire face à la diversité et la complexité des
patients. Plusieurs travaux de recherche montrent d'ai lleurs que des
thérapeutes se réclamant d'une même école théorique agissent de façon
beaucoup moins uniforme dans leur pratique qu'on ne l ' avait supposé.
Les différences entre les écoles sont également moins prononcées qu'on
ne le dit généralement, surtout quand les psychothérapeutes comparés
ont déjà une expérience importante (Fiedler, 1 950). En psychothérapie,
« on ne fait pas ce que l'on dit et on ne dit pas ce que l'on fait », plus
souvent de manière non-consciente que volontairement. Les écrits sur
la psychothérapie ne sont pas en relation directe avec sa pratique : il y a
ce que nous faisons, ensuite ce que nous pensons en notre fort intérieur
à propos de ce que nous faisons, puis aussi ce que nous disons aux
autres à propos de ce que nous avons fait. La confusion du public et
sa difficulté à s'y retrouver, parmi la variété de thérapies proposées,
viennent souvent des différences entre le nom officiel d'une méthode et la
façon personnalisée dont le thérapeute s'en sert (Lefebvre, 1 996). Notre
expérience nous montre que les séances de psychothérapies menées par
de thérapeutes expérimentés se déroulent avec des techniques et à travers
des processus qui semblent plus souvent dictés par la personnalité et
l'expérience humaine du thérapeute, par les caractéristiques du patient
et le contexte (y compris familial) de sa demande que par la théorie de
l'école à laquelle disent appartenir ces thérapeutes.
Alors pourquoi ces différences entre écoles se maintiennent-elles
et sont-elles défendues avec autant d'opiniâtreté par leurs adhérents ?
Très probablement pour les mêmes raisons que celles sous-tendant, à
un niveau individuel, le maintien des structures mentales pathogènes,
c'est-à-dire pour des raisons défensives.
Appartenir à une école procure un sentiment de sécurité et un sens
d'identité. Chaque école, en restreignant la gamme des attitudes possibles
du psychothérapeute, le protège de certaines émotions et représentations
de soi auxquelles il n'a alors pas à se confronter et qu' i l n'a pas à
reconnaître en lui. C'est ainsi qu'il serait intéressant de réaliser une
typologie des personnalités des psychothérapeutes, en fonction de l' école
dont ils se réclament 1 •

1 . Travail débuté par Delisle ( 1 990) et Giusti ( 1 997).


282 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

En tout cas, il est reconnu que chaque école psychothérapique est


caractérisée par un contre-transfert spécifique. On peut dire qu'elle est
caractérisée par un transfert spécifique du thérapeute (Gilliéron, 1 997).
En effet, avant de voir son client, tel psychothérapeute spécialisé aura
déjà une idée préconçue de ce qu'il attend de ce dernier et de ce qu'il va
offrir.
Enfin, pour les chefs de file des écoles, les bénéfices narcissiques
et matériels (pour ne pas dire commerciaux) et le pouvoir assurés
par leur affiliation sont trop gratifiants ( « bénéfices secondaires » non
négligeables) pour qu'ils cherchent à reconnaître les limites de leur
approche ou ses besoins d' ouverture et d'intégration vis-à-vis des autres
formes d'intervention psychologique.
Parlant de la situation de la pratique psychothérapique en France,
Lefebvre ( 1 996) indique une évolution vers le décloisonnement :

« La rigidité dogmatique sclérosante excluant l'autre école comme non


psychothérapique et se prétendant gardienne de la vraie psy tend à sa
fin. Seuls alors ceux qui veulent davantage de renommée ou de pouvoir
créent une scission au sein de leur école d'origine pour fonder leur
propre courant ou bien s ' investissent au sein d'une vieille association
pour en maintenir l' orthodoxie. Les autres se contentent soit de prendre
simplement leur liberté en créant une synthèse personnelle cohérente avec
eux-mêmes après s'être nourris de plusieurs pratiques, soit d'entretenir
le sentiment d'appartenance dont ils ont besoin en restant fidèles à une
méthode qui leur convient. De plus en plus se dessine donc Je concept
général de « psychothérapeute » indépendamment des écoles de pensée et
des techniques )>.

Notons bien au passage que Je mouvement d'intégration et d'éclec­


tisme en psychothérapie ne cherche surtout pas à constituer une école
de plus (ce qui rajouterait encore au cloisonnement) mais au contraire
ouvre un espace de communication, de coordination et d'enrichissement
mutuel des différentes écoles. Il s'agit alors plutôt d' une « méta-école >)
qui vise à garder en mouvement continu une réflexion qui ne doit pas se
figer et s' isoler.
Après avoir partiellement réuni les principales approches psychothé­
rapeutiques par l 'étude transthéorique des facteurs communs nous avons
donc exposé les caractéristiques les séparant artificiellement.
Nous poursuivrons ce chapitre en indiquant trois voies qui permettent
d'être cohérent tout en maniant, selon les besoins de la situation, des
techniques et des attitudes thérapeutiques très diversifiées. Il s' agit,
premièrement, des heuristiques permettant de créer une psychothérapie
sur mesure, suivant les principes communs et universels de changement,
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 283

puis, deuxièmement, de l'utilisation de concepts théoriques intégratifs,


et, enfin, du développement de l 'adaptation créative de l'attitude du
psychothérapeute.
Enfin, nous clôturerons ce chapitre en indiquant notre position par rap­
port aux diverses formes d'intégration et d'éclectisme en psychothérapie.

L' I N D ICATION C RÉATIVE

La définition que nous proposions plus haut de la psychothérapie


laissait entrevoir qu'il devrait s'agir d'une activité scientifique ou, au
moins, d'un domaine dont les méthodes et théories devraient être
préalablement testées empiriquement et démontrées comme efficaces
(pour les techniques) et valides (pour les théories).
Or, nous allons voir que l'activité du psychothérapeute est encore
actuellement bien loin de se réduire à un exercice de ce type et qu'il
y persistera probablement, toujours, un aspect artistique. Cette opinion
peut être illustrée par l ' examen du concept d' « indication inventive ».
Partons d'abord du point de vue plus scientifique. Selon ce dernier, les
critères utiles pour le choix d'une thérapie peuvent se résumer dans les
points suivants (Huber, 1993).
- Le choix d' une thérapie devrait être fondé sur les résultats de la
recherche scientifique et se faire selon un processus de décision
rationnelle.
- Lorsqu'on dispose d'une méthode de traitement spécifique pour un
problème ou un trouble, elle devrait avoir la préférence.
- Lorsqu'il existe différentes méthodes pour traiter un problème ou un
trouble, on devrait consulter la recherche comparative en la matière.
- Lorsque différentes méthodes, plus ou moins équivalentes, sont pro­
posées pour le traitement d'un trouble, il peut être avantageux de ne
pas suivre le traitement standard, mais de choisir une combinaison des
éléments efficaces adaptée au patient et à son trouble.
- Autant que faire se peut, les procédés psychothérapeutiques devraient
bien sûr être indiqués et menés à terme selon leur « forme pure » . Au
cas où cela se révélerait insuffisant, il n'y a pas de raison pour ne pas
modifier le traitement ou changer de méthode.
Notre expérience est que, face à cette démarche rigoureuse d'indica­
tion, nous nous trouvons bien plus souvent dans les deux derniers cas de
figure (nécessité de combiner et modifier les approches existantes) que
dans les trois premiers (connaissances des méthodes les plus efficaces
284 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

pour un patient précis). L'indication thérapeutique est certes la recom­


mandation justifiée (par des arguments rationnels et empiriques) d'une
méthode d'intervention efficace pour la résolution d'un problème ou le
traitement d'un trouble. Mais, cependant, les effets d'une intervention
ne dépendent pas seulement du problème ou du trouble clinique et de la
méthode de traitement, mais également des caractéristiques du patient,
du thérapeute et de leur interaction. Vu l' individualité et la complexité
du patient et du contexte de traitement constamment mouvant, le savoir
acquis grâce aux recherches empiriques sur la psychothérapie ne suffit
cependant pas pour prendre une décision dans le cas concret. Dans la
pratique clinique, dans la majorité des cas, nous ne disposons pas encore,
en réalité, de résultats de recherches empiriques (comme il ressort, en
général, de la littérature), lorsqu'il s'agit de poser une indication.
Nous sommes donc souvent forcés de réduire notre visée de scien­
tificité dans nos indications et de nous tourner, fréquemment, vers une
indication inventive. En suivant Huber ( 1993), l'on peut en effet décrire
trois modèles d'indication, à savoir, les modèles sélectifs, adaptatifs, et
inventifs.
1 . La question de l 'indication sélective peut s'énoncer ainsi : dans ce
cas avec ses possibilités concrètes, laquelle des méthodes, pratiquée
par quel thérapeute, offre la meilleure possibilité de résoudre les
problèmes du patient et d' atteindre son but ? Répondre à cette question
suppose la connaissance du problème du patient et de ses aptitudes
à profiter des différentes méthodes, ainsi qu'un savoir empirique en
matière de conditions d'application et d'efficacité de ces méthodes.
2. La question de l 'indication adaptative demande : le type de traitement
étant sélectionné, comment faut-il l'adapter ou le modifier en fonction
des particularités du patient et de l'évolution de la thérapie ? Des
patients peuvent relever du même diagnostic et présenter des difficul­
tés similaires pour lesquelles une même méthode de traitement sem­
blerait promettre une réussite. Malgré cela, la méthode de traitement
doit être appliquée en tenant compte des différences individuelles, ce
qui suppose leur reconnaissance et un diagnostic accompagnant le
traitement.
3. Enfin, la question de l 'indication inventive se pose lorsqu'aucune des
méthodes connues ne semble adéquate et efficace dans le problème du
patient. Elle s'énonce : quelles interventions s'agit-il de développer ou
de combiner pour traiter le cas présent ? Selon nous, l' indication inven­
tive devrait être préférée aux autres, même quand l'on croit disposer
d'une méthode standard réputée être « efficace ». En effet, cette forme
d'indication repose sur moins de présupposés, permet de tirer bénéfice
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 285

des « meilleures » techniques parmi toutes celles proposées par les


diverses écoles, mais elle nécessite un thérapeute formé à plusieurs
approches et capable de les combiner avec cohérence. Mieux vaut, si
ce n'est pas le cas, tenter d'utiliser les autres méthodes d'indication.
Leur emploi nécessite cependant que le psychothérapeute soit bien
informé vis-à-vis des principales approches psychothérapeutiques
existantes, qu'il en connaisse les indications préférentielles, et qu'il
soit en relation avec des collègues spécialisés compétents vers qui il
puisse éventuellement envoyer son patient.
Concernant l 'indication différentielle, nous sommes, là encore, plei­
nement d' accord avec Huber ( 1 993) pour penser qu'il serait temps de se
défaire d'un stéréotype selon lequel l'éventail se réduirait à trois sortes
de thérapies et aux effets correspondants :
• La thérapie de soutien vise et obtient une suppression du symptôme
par renforcement des défenses et par développement de mécanismes
de contrôle nouveaux. Comme exemple, on cite souvent l' hypnose
suggestive, le conseil psychologique, la catharsis émotionnelle et la
désensibilisation.
• La psychothérapie rééducatrice effectue un changement de structure
partiel pour une modification directe du comportement et des relations
interpersonnelles comportant ou ne comportant pas de compréhen­
sion des conflits conscients. Les exemples cités sont la thérapie
non-directive et la thérapie comportementale.
• La psychothérapie reconstructive vise et obtient un changement curatif
de la structure et du développement du patient par la compréhension
et l'élaboration des conflits inconscients et de la structure de la person­
nalité. Les exemples donnés sont la psychanalyse, la psychothérapie
analytique, l'analyse existentielle, et la psychothérapie cognitive.

Cette classification semble certes très plausible et satisfaisante pour


l'esprit (et, comme le souligne Huber, bienfaisante pour le narcissisme
de certains thérapeutes). Quant aux faits, elle est cependant inexacte, et,
en ce qui concerne la guérison de structure, contredite par la recherche,
même psychanalytique (Wallerstein, 1 989).

'i5
Les résultats les plus récents suggèrent en outre, de renoncer à l ' idée
..
selon laquelle les cas légers et les phobies simples sont pour la thérapie
Q.
comportementale, les cas complexes et graves pour la psychanalyse .
L'opinion selon laquelle les conflits interpersonnels et intrapsychiques,
ainsi que les relations problématiques avec les personnes importantes
de l'enfance seraient accessibles à l a seule psychanalyse, mais hors de
portée de la thérapie comportementale, doit être contredite non seulement
286 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

par le développement de la psychothérapie cognitive, qui utilise des


méthodes comportementales (Cottraux et Blackburn, 1 995), mais aussi
par celui de la thérapie comportementale interpersonnelle. De plus, le
traitement des cas complexes ne nécessite pas toujours des mesures
complexes. Dans ce contexte, il faut également attirer l 'attention sur le
fait que la thérapie cognitivo-comportementale permet aujourd'hui de
traiter des problèmes aussi difficiles que les états limites (Linehan, 1 990,
1 994) et qu'elle y a même produit les meilleures preuves d'effets positifs
en ce domaine.

Q U E LQ U E S REPÈRES P O U R C O NC EVOI R
U N E I N D ICAT I O N I NVENTIVE
Nous vous proposons ici quelques notions.
Nous nous inspirons des travaux d' auteurs comme Golfried ( 1 980,
1982, 1 983, 1 995, 1 998), Prochaska et Diclemente ( 1 992, 1 998), et
Stiles ( J 986, 1 990, 1 992), pour l'élaboration d' une stratégie permettant
d' indiquer préférentiellement certaines techniques ou certains facteurs
communs selon les stades de la thérapie.
De nombreux auteurs ont identifié des opérations thérapeutiques
communes à tous traitements. Par exemple, il semble que les thérapeutes
humanistes, comportementalistes et psychanalytiques utilisent les tech­
niques de reflet, d'interprétation, de confrontation, de réassurance et
d'encouragement (Lecomte et Castonguay, 1 987). Mais, au-delà des
techniques, ce sont les stratégies et heuristiques générales qui nous
intéressent ici.
En 1 950, Fiedler a montré une plus grande ressemblance entre des
experts thérapeutes appartenant à des écoles différentes mais de même
niveau d'antériorité dans la pratique qu'entre de jeunes thérapeutes
inexpérimentés appartenant à une même école. Selon Fiedler, le nombre
d' heures de travail thérapeutique rendait les thérapeutes semblables entre
eux, parce que leur expérience les portait à sélectionner les interventions
qui s' avéraient les plus efficaces. Les conclusions de cet auteur influen­
cèrent certaines des recherches portant sur les « soubassements de la
psychothérapie » (Wachtel, 1977), dans lesquelles furent mises à jour
des règles informelles, non dites, mais cliniquement efficaces, suivies
par tous les thérapeutes considérés comme des experts en la matière.
Goldfried ( 1 980) a beaucoup étudié ces règles informelles. Il a
suggéré qu'un consensus pourrait être atteint en se focalisant à un
niveau d'abstraction se situant entre le niveau de la théorie et celui
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 287

de la technique, niveau qu'il a appelé de « stratégies cliniques ». II


s'agit des méthodes heuristiques qui guident implicitement les efforts des
thérapeutes chevronnés. Lorsque des recherches empiriques apportent
une confirmation à l' emploi de certaines de ces « stratégies cliniques »,
ces dernières méritent alors l'appellation « principes du changement ».
Cet auteur déclare :

« Dans la mesure où des cliniciens d 'orientations variées auront pu se


mettre d 'accord sur un ensemble commun de stratégies, il est probable
que cela produira des effets consistants, puisqu'ils auront survécu aux
distorsions imposées par les divers biais théoriques des thérapeutes » .

Pour Goldfried, les facteurs communs se situent justement au niveau


des principes et stratégies cliniques. Parmi quelques-unes des plus com­
munes citons celles par lesquelles le thérapeute réagit à une manifestation
de son patient (feedback) pour accroître son niveau de conscience,
l'encourage à prendre des risques, et facilite la confrontation progressive
avec la réalité.
Goldfried explique bien que la difficulté d'identifier un ensemble
d'éléments communs aux différentes orientations psychothérapeutiques
réside en grande partie dans le niveau d'abstraction choisi pour comparer
ces différentes approches. Ainsi a-t-on prétendu que les fondements
philosophiques et théoriques qui sous-tendent les diverses thérapies
étaient trop différents pour permettre d'établir un consensus. Si l'on
tentait d'identifier des points de convergence à un tel niveau d'abstraction,
il est fort probable que notre recherche serait vaine. Par ailleurs, en
comparant les différentes thérapies à un niveau trop concret, nous
poun-ions bien sûr identifier des similarités topographiques (les reflets
de sentiments ou les questions ouvertes par exemple), mais ces points de
convergence risquent d'être triviaux et peu fonctionnels. C' est pourquoi,
c
" Goldfried a situé les points communs les plus accessibles et les plus
significatifs à un niveau d' abstraction entre la théorie et les techniques
observables (figure 14).
C'est à ce niveau d'abstraction moyen que nous sommes Je plus
"'
susceptibles d' identifier des stratégies et des principes cliniques généraux
qui sont présents dans les différentes orientations thérapeutiques. Dans
cette optique, les méthodes d'application spécifiques de ces principes ou
stratégies varieront probablement d'une orientation à l'autre, tout comme
la rationalisation théorique utilisée pour justifier leur efficacité, alors que
les principes situés entre ces deux extrêmes seront identiques.
288 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

(----- i-�Jt----J
- •
----.-
Théorie Variables

Stratégies
et principes Identiques
cliniques

Méthodes d'application
et techniques Variables
spécifiques

Les niveaux d'abstraction décrivant le processus

Figure 14. Les niveaux d'abstraction décrivant le processus


psychothérapeutique.

Goldfried et Padawer ( l 982) ont pu dresser une liste de points


communs qui semblent se manifester à un niveau d' abstraction moyen.
Ce sont les points suivants :
- La conviction, d 'origine culturelle, que les thérapies sont susceptibles
d 'apporter l 'aide voulue. Se fondant essentiellement sur les travaux
de Frank ( 1 96 1 ), qui ont souligné que la thérapie (comme toute autre
forme de « cure » et d'influence personnelle) s'accompagnait d'un
effet placebo, plusieurs auteurs ont conclu que toutes les interventions
permettent d'augmenter l' attente d'être aidé. Or, en nourrissant un tel
espoir, la thérapie contribue à restaurer un sens de maîtrise qui était
absent avant qu'elle ne soit entreprise.
- La participation à une relation thérapeutique. Le fait de s' engager
dans une relation avec un thérapeute attentif, compréhensif et capable
de l' aider permet au client d'expérimenter une relation qui sera
probablement unique dans sa vie. J I semble que cette expérience en
soi exerce un effet bénéfique ou « thérapeutique » sur lui.
- La possibilité d 'obtenir une nouvelle perspective de soi et de son
univers. En leur offrant différentes formes de rétroaction (que ce soit
relativement à leurs pensées, à leurs sentiments, à leurs actes et aux
répercussions de ces derniers), les thérapeutes donnent à leurs clients
une perspective plus objective de ce qui était peut-être antérieure­
ment un point de vue subjectif, déformé et défaitiste. Comme c'est
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 289

également le cas pour les autres principes généraux de changement,


les méthodes particulières utilisées pour fournir une telle rétroaction
peuvent prendre différentes formes telles que la clarification, Je reflet,
l'interprétation, l 'auto-observation, ou la bibliothérapie.
- L 'acquisition d'expériences correctives. L'un des aspects cruciaux du
changement thérapeutique consiste à permettre aux clients ou aux
patients d'adopter des comportements qu'ils évitaient auparavant, afin
qu'ils puissent expérimenter l'absence de conséquences négatives
qu'ils appréhendaient à l'égard de ces comportements. Bien que le
moment où l'on devrait recourir à de telles expériences, soit pendant
les séances de traitement ou entre celles-ci, ne fasse pas l' unanimité des
thérapeutes, il semble largement accepté que ces nouvelles expériences
sont essentielles au processus de changement.
- La possibilité de tester constamment la réalité. Il s'agit ici d'une
combinaison des deux principes mentionnés ci-dessus (perspective
extérieure et expériences correctives), en vertu de laquelle les
clients observent continuellement comment leurs perceptions
déformées d'eux-mêmes et des autres se manifestent dans leur vie
quotidienne tout en essayant constamment de corriger ces perceptions
erronées ainsi que les émotions et les types de comportement qui les
accompagnent.

Dans plusieurs études consacrées aux modalités d'intervention (Beut­


ler et coll., 1 986), il semble que l'on soit autorisé à soutenir que le
thérapeute obtient davantage de succès lorsqu'il confronte le patient
avec ses sentiments et l'engage activement à un niveau émotionnel.
Un enseignement direct d'un contenu cognitif ou une interprétation
d'un événement passé semble avoir moins d'impact thérapeutique en
l' absence d'un vécu émotionnel.
Pour Frank aussi ( 1 974), les différences apparentes au sein des
techniques de chaque approche n'ont guère d'importance, puisque ces
méthodes ne sont que les formes particulières d'un processus d' influence
qui regroupe des éléments communs beaucoup plus significatifs pour la
réussite du traitement.
Une autre stratégie commune essentielle est la démarche séquentielle.
Il s'agit de mettre en œuvre les techniques ou facteurs communsqui
seraient les plus utiles en début de traitement, et notamment de cerner
quelles interventions initiales permettent de déblayer le terrain pour
d'autres modalités d'interventions applicables secondairement ou à un
stade de changement plus avancé.
290 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Dans cet esprit, Stiles et coll. ( 1 990) proposent un modèle du chan­


gement par assimilation. Pour eux, l 'assimilation des expériences pro­
blématiques est un i mportant mécanisme de changement commun aux
différentes thérapies. La résolution d'un problème se ferait en huit
étapes :
1 . évitement,
2. pensées involontaires,
3. vague conscience du problème,
4. reconnaissance du problème,
5. prise de conscience, compréhension,
6. mise en pratique de l 'objet de la compréhension,
7. résolution du problème,
8. maîtrise.
Ce modèle suggère que les interventions facilitant la prise de
conscience conviennent mieux aux premières étapes, alors que les
techniques demandant au sujet d'agir différemment sont plus adaptées
aux questions soulevées dans les dernières étapes de la résolution et de
l' assimi lation du problème, comme celle de la maîtrise. La stratégie
consiste donc à utiliser d' abord des méthodes mettant l'accent sur la
réduction des défenses, l' accroissement de la sensibilité et la facilitation
de la prise de conscience (méthodes psychodynamique et humanistes),
pour terminer avec des procédures cognitivo-comportementales qui
visent plutôt la résolution active et la maîtrise des problèmes.
Stiles et coll. ( J 992) ont d'ailleurs montré, dans l'une de leurs
recherches, que les techniques cognitives trouvaient leur pleine effica­
cité quand les patients avaient préalablement été « préparés » par une
approche centrée sur l'insight leur permettant de dégager la probléma­
tique centrale de leur souffrance.
Une séquence non spécifique, quasi-universelle, responsable de l'issue
favorable de toute psychothérapie quelle qu'en soit la théorie, consiste
en la suite « activation d'expérience affective-acquisition de nouveaux
éléments de compréhension de l'expérience-apprentissage de nouvelles
réponses comportementales » . La mobilisation de l'expérience affective
permet une ouverture à la relation psychothérapeutique. À travers cette
mobilisation, la personne devient beaucoup plus disponible pour l'in­
troduction dans son expérience de nouveaux éléments interprétatifs et
cognitifs (deuxième facteur de changement). La réduction de la résistance
au changement, permet alors l'adoption de nouveaux comportements,
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 29 1

qui occupent une fonction primordiale dans la croissance humaine en


général.
Goldfried ( l 994) propose une séquence d'intervention « humaniste
puis comportemental ». Il appelle cela l' approche « inside-out »
(intérieur-extérieur) puisque, par une technique gestaltiste dite de
la chaise vide 1 il aide son patient à mieux prendre conscience de ses
conflits intérieurs, de ses désirs, besoins, et buts personnels, puis, à partir
de cette base, il l'aide à mettre en acte, à l'extérieur, son choix ainsi
éclairé, par une technique comportementale d'entraînement en jeux de
rôles.
D'autres auteurs, comme Fensterheim ( 1 983) ou Wachtel ( 1 977)
proposent une séquence « psychodynamique puis comportemental ».
Fensterheim suggère ainsi d' utiliser le style d'intervention psychody­
namique pour être en mesure de formuler des hypothèses sur la façon
dont le patient organise sa perception du monde et pour sélectionner
les modèles de comportement appropriés à son problème. Ensuite le
thérapeute peut appliquer le style comportemental pour amener le chan­
gement de ces comportements de façon systématique et vérifiable. De
même, Wachtel propose d'aider les patients en leur permettant de traduire
leur prise de conscience (effectuée au cours d'interventions de nature
psychodynamique) en action par des interventions comportementales.
Leder ( 1 980) propose de diviser les principes communs d'intervention
en deux groupes : d'une part, ceux qui permettent un « apprentissage
passif » et, d' autre part, ceux qui favorisent un « apprentissage actif ».
L'apprentissage passif représente, pour Leder, les bienfaits que le client
retire au début du traitement sans être encore engagé dans les tâches
prescrites par le thérapeute (ex : soulagement émotionnel provoqué par
l' abréaction, par l'espoir d'être aidé et par le premier contact avec le
thérapeute). Pour cet auteur, les éléments qui sont à l' origine de ce type
d' apprentissage sont des variables non spécifiques (au sens placebo du
c:
"
terme). L'apprentissage actif, par ailleurs, correspond aux changements
qui sont amenés par les opérations de résolution de problèmes utilisées
par le thérapeute. Bien que nommés différemment par les tenants de
chaque approche, les buts de ces opérations visent, selon Leder, un plus
haut degré d'intégration personnelle (par exemple la restructuration de
la personnalité) tant à l' égard des structures cognitives, des réactions
émotionnelles que des patrons comportementaux.

l . Technique présentée en détail plus loi dans ce chapitre.


292 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Cette division des principes thérapeutiques correspond à la conception


de Strong ( 1 968) qui distingue deux stades d'intervention dans une
relation d'aide :
l . l'établissement d'un pouvoir d'influence du thérapeute par le déve­
loppement de la relation thérapeutique et la suggestion d' attentes
positives chez le client ;
2. l'utilisation de cette influence pour amener le client à s'impliquer dans
le traitement et à corriger ses attitudes, ses croyances, ses sentiments
et ses comportements inadaptés.
Cela rejoint les conceptions de Garfield ( 1 980) et de Marmor
( 1 976) qui définissent les variables non spécifiques (par exemple
attente, confiance, catharsis) comme des éléments importants au début
de l' intervention, progressivement remplacés par d' autres facteurs
(communs à toutes les approches ou propres à l'une de celles-ci)
permettant un changement plus significatif et durable.
Les stratégies cliniques identifiées par Goldfried peuvent être repla­
cées dans un contexte d' apprentissage passif et actif. En effet, les deux
premières stratégies de Goldfried répondent aux principes d'apprentis­
sage passif suggéré par Leder ; rappelons qu'il s'agit de la « suggestion
d' attentes positives » et de « l 'établissement de la relation thérapeu­
tique ». Les trois autres stratégies cliniques de Goldfried regroupent
des facteurs communs à l'origine d'un apprentissage actif : « l'obtention
d'une perspective externe », l'intégration « d'expériences correctrices »,
et « le test continu de la réalité ».
Des auteurs ont identifié des facteurs communs qui correspondent
aux stratégies de Goldfried de même qu'à la catégorisation proposée par
Leder.
Par exemple, Masserman ( 1 980) décrit les variables suivantes :
• réputation, rapport soulagement ;
• revue (nouvelle perspective), reconsidération et réorientation (expé­
rience correctrice) ;
• enfin, resocialisation et recyclage (test continu de la réalité).

Quant à Murray et Jacobson ( 1 978), la séquence proposée est :


• suggestion d' attentes positives ;
• correction de croyances non réalistes vis-à-vis de l'environnement et
changement de conception de soi (nouvelle perspective et, dans une
certaine mesure, expérience correctrice) ;
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 293

• développement de compétences face aux problèmes de la vie sociale


(test continu de la réalité).

Lambert ( 1 998) souligne que les facteurs communs peuvent être


regroupés en trois catégories, qu'il nomme soutien, apprentissage et
action, ordonnés selon une séquence développementale qu'on peut
retrouver dans plusieurs psychothérapies (recoupe en grande partie la
séquence. « affect-cognition-comportement » dont i l a été parlé précé­
demment). Les fonctions de soutien (alliance, confiance) précédent les
changements de croyances et d' attitude (compréhension de soi, insight),
qui eux-mêmes précédent les efforts du thérapeute pour encourager le
patient à l'action (action sur soi et sur le monde). L'action combinée de
ces facteurs permet le développement d'une coopération fructueuse qui
va accroître la confiance, la sécmité du patient, et va diminuer son état
de tension, ses appréhensions et son anxiété. Ceci l'amène à modifier sa
façon de conceptualiser ses difficultés et finalement sa façon d' agir, en
affrontant ses peurs, en prenant des risques et en travaillant sur sa gêne
dans ses relations interpersonnelles. Par rapport aux facteurs communs
(décrits en détail ailleurs), on voit que cette séquence d'intervention
correspond à l ' utilisation, dans un premier temps, du facteur « relation »,
puis, secondairement, des facteurs « motivation », « émotion », et « per­
ception nouvelle », pour enfin aboutir à la mise en œuvre des facteurs
« comportements nouveaux » et « efficacité personnelle » .
E n reprenant l e modèle transthéorique d e Prochaska et Diclemente
( 1 982, 1 998), nous pouvons nous focaliser sur les processus mis en jeu
au cours de la phase dite de I' « action ». Cette phase est caractérisée,
nous l'avons vu auparavant, par la capacité du patient à mettre en
œuvre des procédures de changements cognitifs et comportementaux.
Elle nécessite cependant des temps d' expression, de catharsis, et de
prise de conscience, qui précédent la phase de restructuration cognitivo­
comportementale. Simplement, à la différence des stades précédents, la
"'
"
séquence expression-affect-prise de conscience se déroulera rapidement,
parfois à plusieurs reprises au cours d'une même séance, et conduira
quelquefois à des prescriptions de tâches cognitives ou comportemen­
tales.
<>
La figure 1 5 permet une analyse plus fine des processus se déroulant
lors de la phase d'action (adapté de Marc, 1 987).
294 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

1 . Pré-intention

a) expression - actualisation
2. Intention b) lâcher prise
c) abréaction
d) intégration - prise de conscience
3. Action
e) redécision
f) restructuration
4. Maintien

Figure 15. Détail des étapes de la phase d'action.

- La première étape est l 'actualisation de la névrose 1 à l 'intérieur


du cadre thérapeutique. I l faut que le patient puisse répéter ses
symptômes, ses attitudes et ses mécanismes névrotiques mais dans un
contexte où ils ne seront ni rejetés ni renforcés, pour qu'un mouvement
de dégagement puisse s'amorcer. Il s'agit souvent d'instaurer une
scène théâtrale, de dramatiser une situation névrotique et de faire
jouer cette situation dans un réseau de significations rudimentaires
qui permet au sujet de s'y redéfinir, de s'y repérer, de s'assigner une
place dans le monde (Gentis, Leçons du corps). Ici, les techniques
utilisées amènent le sujet à exprimer et à vivre sa problématique dans
l'ici et maintenant au lieu de simplement l 'évoquer. Elles tendent
aussi à activer et à amplifier les mécanismes en jeu, ce qui permet de
les rendre plus perceptibles et aussi plus « insupportables » pour le
patient. Au fond, le cadre thérapeutique crée un effet grossissant et
permet une focalisation sur les mécanismes qu'il s'agit de modifier ;
c'est pourquoi i l va souvent provoquer une activation des défenses et
des résistances. Mais en même temps, il doit faciliter leur dépassement
en instaurant un climat de confiance dans lequel le patient sent qu'il
peut se laisser aller.

1 . Nous parlons ici de névrose car la fluidité, la finesse et l'étendue des processus
engagés au cours d'une séance ne s'envisagent dans toute leur intensité qu'avec les
patients névrotiques.
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 295

- Le lâcher prise constitue donc la deuxième étape. C'est un moment


décisif où le patient renonce à contrôler et à maîtriser le processus
et perçoit le caractère paralysant de ses résistances. Janov (Le Cri
primai) écrit : « le fait de perdre complètement le contrôle de soi
permet d'établir la connexion, car le contrôle de soi équivaut presque
toujours à la répression du moi réel ». Ce relâchement des défenses
permet le surgissement de ce qui était réprimé ou refo ulé. Il y a là
un « effet de surprise » où le sujet a l' impression que ce n'est plus
lui qui parle ou agit mais que « ça » se passe presque à son insu.
C'est Winnicott (Jeu et réalité) qui note : « le moment clé est celui où
l'enfant se surprend lui même ».
- Le lâcher prise permet la troisième étape, celle de l 'abréaction. Les
émotions et les sentiments retenus ou refoulés arrivent à s'exprimer
librement avec souvent une forte intensité. Le patient peut alors
s'éprouver avec un sentiment profond d'authenticité dans la souffrance
ou la révolte, les sanglots ou les cris, la peine ou la joie.
- Il s'ensuit une phase d 'intégration (quatrième étape) où le patient a
une impression de détente et d'unité intérieure et le sentiment qu'un
mouvement s'e t effectué.
- Une redécision des décisions infantiles peut parfois survenir à ce
moment du processus. Nous approfo ndirons ultérieurement cette
possibilité de changement commune à de nombreuses formes de
psychothérapie. A ce stade, le sujet peut en effet prendre conscience
des croyances Ue suis comme ceci., le monde est comme cela .. ., pour
être aimé il faut..., etc.), conclusions définitives (plus jamais je ne ... ; il
faudra toujours que je ... ; a partir de maintenant je ne . . . , etc.), contrats
personnels, qu'il s'était forgé lors d'expériences douloureuses de son
enfance, pour ensuite renégocier, contester ou assouplir ceux-ci.
- L'acuité de l'expérience émotionnelle qui a provoqué une brèche dans
le système de défense permet la réintégration des éléments rejetés,
la modification de l'équilibre énergétique au profit des fo rces vitales,
l'émergence de nouvelles perceptions de soi ou des autres qui autorise
de nouveaux comportements. Elle conduit donc à une restructura­
tion de l 'expérience, émotionnelle, cognitive, comportementale, et
a
relationnelle du sujet. Ce processus, décrit ici en termes psychody­
namiques, pourrait être réinterprété en termes de déconditionnement­
reconditionnement (comportemental) ou de déstructuration-recadrage
(systémique). Ainsi Lowen (La bioénergie) écrit : « toute thérapie
implique [ ... ] dans certaines limites un programme de réapprentissage
et de ré-entraînement ».
296 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

On peut constater que chaque étape met en jeu de manière privilégiée


l'un des moteurs du processus de changement (Marc, 1 987). Dans les
premières, c'est surtout la libre expression qui est opérante et qui va
en s' accentuant jusqu'au lâcher prise ; ensuite c'est la catharsis et la
prise de conscience ; dans la phase terminale c'est la redécision ou la
modification comportementale qui viennent au premier plan. Déjà Jung
(La guérison psychologique) avait noté que chaque approche et chaque
thérapeute a tendance à mettre l'accent sur un stade et à juger qu'il suffit
à produire un effet définitif, alors que le changement pour être complet
implique l'ensemble des stades :

« Chacun semble captivé par cette séduction du définitif qui émane de


la phase, quelle qu'elle soit, où il se trouve, et c'est là que provient la
confusion des opinions et des conceptions » .

Enfin l'intégration peut se réaliser en pratique par le travail conjoint


et complémentaire sur les di fférentes cibles de la psychothérapie (soit,
dans un traitement individuel : l' affect, la cognition, le comportement, le
corps et les sensations). Nous pourrions résumer ainsi les interventions
complémentaires de nature à changer le scénario de vie du patient :
découverte de nouvelles modalités de penser (et d'imaginer) soi-même
et les autres ; essai de nouveaux comportements sur un mode « expé­
rimental » ; modification des schémas biochimiques, musculaires ou
gestuels ; perlaboration des sentiments présents lors de la formation du
scénario de vie et lors des réactivations qu'ils subissent plus tard dans
la vie. Chacun de ces domaines peut se trouver impliqué quand le client
est invité à revivre émotionnellement Je moment de son existence où les
décisions, croyances, et perceptions ont été acquises, et à reprogrammer,
littéralement, autre chose à la place de tout cela, qui ne fonctionne
plus (cf la technique de « redécision » ). Revenons plus en détail sur
ces 4 domaines devant être simultanément ou successivement pris en
compte dans tout travail intégratif, chacun représentant une facette de la
problématique du patient.
1 . Le travail cognitif opère principalement au travers de l' alliance
thérapeutique entre l'état du moi adulte et le thérapeute. Il inclut
des éléments tels que le contrat de changement, la planification de
stratégies de comportement, et la recherche d'une vision claire des
anciens montages. Ce dernier élément peut être très important après
une séquence de travail affectif, pour fournir un cadre cognitif au
sein duquel le client pourra comprendre et « mettre le doigt » sur les
choses, en vue d'y accéder ultérieurement.
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 297

2. Le travail comportemental consiste à engager le client dans de


nouveaux comportements - comportements allant à l'encontre de
l'ancien système scénarique - qui vont provoquer, de la part des
autres, des réactions ne cadrant pas avec la collection de souvenirs
autorenforçant. C'est ainsi que l'on prescrit du travail à faire à la
maison, de sorte que ce qui est vécu en thérapie puisse être étendu
au-delà des séances formelles de thérapie. On invite les clients,
pendant les séances, à se comporter différemment avec .le thérapeute,
avec les autres membres du groupe (s'il s'agit d'une psychothérapie
de groupe), et (en imagination) avec ceux qui l'ont aidé(e) à construire
et maintenir son scénario de vie au fil du temps.
3 . Le travail affectif, bien qu'il puisse impliquer des sentiments actuels,
est plutôt susceptible d' impliquer des vécus archaïques et/ou introjec­
tés. Pour traiter les problèmes d'ordre affectif, nous devons aider nos
clients à contourner leurs contrôles cognitifs et mécanismes de défense
habituels, et à aller directement dans le royaume des sentiments. Il
n'est pas rare qu'il faille pour cela opérer un « retour » , c'est-à-dire
se vivre à l ' âge où eurent lieu les introjections originaires, ou à
l ' âge où furent prises les décisions de scénario, ou au moment où
ces introjections ou décisions ont été puissamment renforcées. Le
client, dans cet état régressé, ressent et pense comme s'il était une
version de lui-même, plus jeune. Au sein de la régression s'opère la
reconstruction de nombreuses attitudes et décisions qui ont participé à
la création du scénario de vie de la personne. Lors de cette régression,
accompagnée d'un soutien, l'occasion se présente d'exprimer les
sentiments, besoins, et désirs qui ont été refoulés, et d' assouplir
les défenses, devenues habituelles, contre le contact. Les décisions
inhibitrices prises des années auparavant reviennent à la mémoire de
façon très nette, et peuvent faire l'objet d'une réévaluation et d'une
redécision. On peut avoir recours à des techniques empruntées au
psychodrame, à des variantes du « travail de chaises » de la Gestalt­
therapie, ainsi qu'à diverses formes d'induction quasi hypnotiques
pour accomplir ces régressions.
4. La quatrième voie royale vers le scénario est la voie physique : le
travail direct avec les structures du corps. Comme William Reich
( 1 945) l a fait remarquer, les gens expriment leur structure caracté­
rielle par leur corps physique. Les décisions de scénario impliquent
inévitablement certaines distorsions du contact, et celles-ci nécessitent
toujours un certain degré de tension musculaire, retenir (rétroflexion)
pour être maintenues. À la longue, la tension devient habituelle, et
298 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

peut se refléter dans la structure actuelle du corps. En travaillant direc­


tement avec cette structure, par massage et manipulations musculaires
profondes, par des manœuvres bien conduites sur les schémas respi­
ratoires, en encourageant ou en inhibant tel ou tel mouvement, nous
pouvons aider le client à accéder aux vieux souvenirs et montages, à
vivre la possibilité de nouvelles options, qui n'étaient peut-être pas
disponibles au temps où s'est formé le scénario originel.

D E S C O N C E PTS INTÉGRATI FS

Certains concepts apparaissent plus facilement compatibles avec des


orientations théoriques divergentes et peuvent donc être utiles pour
celui qui cherche à intégrer les divers systèmes de psychothérapie.
Ils ont aussi la propriété d'expliquer et de prévoir des phénomènes
cliniques observés par des cliniciens d'orientation diverses. Enfin, ils
permettent d'utiliser de manière cohérente et coordonnée des techniques
psychothérapeutiques empruntées à diverses écoles. Il en est ainsi des
concepts de « schémas cognitifs » (Young et Klosko, 1 995 ; Alport et
Beck, 1 997 ; Chambon, Guillaume et Marie-Cardine, 1 998), de relations
d'objet internalisées (R.0.1.) ( Horowitz, 1 988, Ryle, 1 990, Delisle,
1 990), du modèle Gestaltiste pluraliste intégré (Giusti et coll., 1 995)
et de la notion de « narratifs » (Omer, 1 994, Gold, 1 996). Pour notre part
nous utilisons une version modifiée des relations d'objets internalisées
(R.0.I.), le concept de « modèle de rôles relationnel » , développé par
M. J Horowitz ( 1 988) et intégrant les notions de schémas cognitifs et de
scripts à celle des R.0.1. classiques. Ce modèle sera présenté plus tard,
dans le chapitre consacré à la conceptualisation.
On peut dégager six formes di fférentes dans le mouvement actuel de
l ' intégration et de l'éclectisme en psychothérapie :
• l'éclectisme d'indication,
• l' éclectisme technique,
• l ' éclectisme d'attitude,
• l'intégration théorique,
• l'approche des facteurs communs,
• l ' approche complémentaire.
1 . L 'éclectisme d'indication consiste à savoir choisir pour son patient
la méthode thérapeutique ou le psychothérapeute qui paraîtra lui
convenir le mieux. C'est une forme d' éclectisme à laquelle il faudrait
former les médecins généralistes et les différents professionnels de la
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 299

santé mentale, pour qu'ils sachent jouer leur rôle « d'orientateur psy­
chologique ». Comme le souligne Miermont (2000), chaque démarche
sera d'autant plus adaptée, dans sa cohésion méthodologique, qu'elle
aura à traiter des patients qui disposent de ressources suffisantes en
dehors de son domaine de pertinence. Ainsi, la psychanalyse est
d'autant plus efficiente que le patient arrive par lui-même à objectiver
la réalité interne et externe et à faire des plans et des projets (ne
serait-ce que celui d'envisager une psychanalyse sur plusieurs années).
Il a la capacité à virtualiser et concrétiser ce qui est réalisable sans
atteindre des coûts exorbitants. Les thérapies humanistes s' adressent
plutôt aux patients qui ne présentent pas de blocages fantasmatiques.
Les thérapies cognitivo-comportementales sont d' autant plus appro­
priées qu'elles s'adressent à des personnes qui savent où sont leurs
désirs et leurs projets vitaux. Les thérapies systémiques semblent
particulièrement adaptées pour des personnes capables de réorganiser
leurs relations sur un plan subjectif et objectif, pour peu que la
création de contextes nouveaux permette la mise en œuvre de projets
viables. Par contre, toujours selon Miermont (2000), les formes
complexes de troubles mentaux (psychoses, maltraitance, troubles
des conduites alimentaires, toxicomanies, etc.) posent des problèmes
méthodologiques et théoriques nouveaux qui nécessitent le recours à
des modélisations supposées être a priori incompatibles entre elles
(nous pensons, pour notre part, que cette dernière démarche est aussi
nécessaire et bénéfique pour les autres troubles psychologiques).
2. L 'éclectisme technique en psychothérapie se réfère à la combinaison
de méthodes cliniques. Il consiste à sélectionner des procédures
provenant de différents systèmes de psychothérapie, sur la base de
l'efficacité démontrée de chacune d'entre elles. Le clinicien peut être
amené à utiliser diverses techniques sur le plan clinique sans néces­
sairement adopter les orientations théoriques qui les sous-tendent.
c:
"'
3. l 'éclectisme d 'attitude renvoie à la notion de « psychothérapeute
caméléon », capable de changer d' attitude pour trouver la plus adé­
quate en fonction de la problématique, de la personnalité et du
niveau de développement de son patient. l i existe trois grandes
façons d'envisager la problématique de l'intégration : la première
constitue l'intégration théorique, qui cherche à développer une théorie
unitaire de la psychothérapie ; la seconde consiste à rechercher des
points communs aux différentes écoles, et repose sur l 'hypothèse
générale voulant que ces éventuels points communs représentent
des « phénomènes de base » puisqu'ils se manifestent en dépit des
positions théoriques propres à chaque école de pensée ; quant à la
300 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

troisième façon d'envisager la question, elle repose sur l'hypothèse


voulant que les différentes orientations thérapeutiques aient tendance
à s' intéresser chacune à certains aspects du fonctionnement humain
et du processus de changement plutôt qu'à d'autres, de telle sorte que
tout mode d'intervention complet devrait tenir compte de la nature
complémentaire de ces différents aspects.
4. L'intégration théorique, tente de parvenir à une synthèse des divers
systèmes théoriques. Elle essaye donc de développer une « méta­
théorie » de la psychothérapie. Pour prendre une métaphore culinaire
(Norcross, 1 998) : 1 'éclectique compose un menu en choisissant parmi
plusieurs plats, l' intégrationniste crée de nouveaux plats en combinant
différents ingrédients.
S. L 'approche des facteurs communs cherche à identifier les ingrédients
de base que les thérapies peuvent avoir en commun, dans le but de
favoriser le développement de nouvelles thérapies basées sur ces
ingrédients. Elle repose sur le postulat que les résultats thérapeutiques
sont dus davantage aux points communs aux différentes thérapies
qu'aux facteurs qui les différencient. Ainsi, comme l' éclectisme
technique naît de l' exigence d'utiliser de meilleures techniques pour
un client donné à un moment spécifique et dans une situation précise,
l'approche des facteurs communs répond à cette même exigence, mais
à un plus grand degré de profondeur. En effet. cette dernière considère
des facteurs non seulement liés à la technique, mais aussi aux figures
constitutives du rapport thérapeutique : client et thérapeute (Kleinke,
1 994).
6. Enfin, parlons de l 'approche complémentaire. L'existence de prin­
cipes communs ne signifie pas forcément que toutes les méthodes
utilisées pour appliquer ces principes sont interchangeables. Il n'est
pas impossible, en effet, que les méthodes cliniques associées à une
orientation thérapeutique particulière permettent de mettre en œuvre
plus efficacement un principe donné que les méthodes préconisées par
une autre orientation ou école. Plutôt que de concevoir ce domaine de
recherche comme un moyen d' évaluer l' efficacité d'une orientation
par rapport à une autre, il serait plus important de l'envisager sous
la forme d'études paramétriques des modes d'application les plus
efficaces des principes communs de changement. En outre, au-delà
des principes communs de changement, les différentes orientations
peuvent offrir quelque chose d' unique. En défendant les contributions
particulières que chacune des approches pourrait offrir au dévelop­
pement éventuel d'une compréhension intégrative de l' intervention,
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 301

Bergin ( 1 982) mentionne qu'une compréhension globale de I' orga­


nisme humain nécessite plus qu'un seul ensemble de principes. Ainsi,
les principes de la mécanique des fluides auxquels nous recourons
pour expliquer la circulation sanguine diffèrent radicalement des
principes électrochimiques nécessaires pour comprendre la façon
dont les impulsions sont transmises aux neurones. De la même façon,
les conceptions humanistes, comportementale, et psychodynamique
de l'intervention devraient avoir quelque chose d' unique à offrir, en
vertu même des différents aspects du fonctionnement humain qu'elles
tendent à souligner.

POSITIONN EMENT D E N OTRE APPRO C H E VIS -À-VIS


DU MOUVEMENT D E S PSYC H OT H É RAPI ES I NTÉGRATIVES
ET É C L E CTI Q U ES
Notre conception de la psychothérapie emprunte
à ces diverses approches

Les facteurs communs sont importants à considérer car ils fournissent


les techniques et attitudes de base au psychothérapeute en formation,
quelle que soit l'école plus spécifique vers laquelle il s' orientera plus
tard.
L'éclectisme technique et l' éclectisme d' attitude élargissent cette base
et permettent de l' adapter et de la personnaliser face aux particularités
de chaque patient et à la diversité des contextes de prise en charge.
Le modèle BASIC-ID de Lazarus, présenté au chapitre consacré à la
conceptualisation des troubles, procède de ces deux formes d'éclectisme
et permet d' assurer une cohérence aux interventions. Les concepts du
« psychothérapeute comme parent », ou celui du « psychothérapeute
caméléon », illustrent clairement ce que nous entendons par « éclectisme
d' attitude ».
Enfin, l ' intégration théorique, en tout cas l' adoption d'une conceptua­
lisation intégrative, assure une cohérence et donne un sens aux diverses
attitudes et techniques pratiquées par un même psychothérapeute.
Dans notre conception, les démarches éclectiques et intégratives ne
sont pas mutuellement exclusives mais au contraire complémentaires.
En effet, si l'éclectisme consiste à décomposer puis recombiner les
procédures d'intervention suggérées par les différentes écoles de psycho­
thérapies, en fonction des besoins spécifiques de chaque patient, et sans
adhérer aux soubassements théoriques et philosophiques de ces écoles,
302 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

l ' intégration permet d'offrir une théorie « large », flexible et ouverte,


permettant d'encadrer et d'intégrer les stratégies thérapeutiques issues
de la pratique éclectique. Nous pensons, avec Borgeat ( 1 989), que les
psychothérapeutes débutants gagnent à être familiers avec une théorie
qui peut rendre compte d'un maximum de phénomènes mentaux. Ces
connaissances théoriques exercent un effet sécurisant et unificateur de
leur travail clinique. En outre, lorsqu'elles sont assaisonnées d'un sens
critique bien développé (une théorie tant surtout être utile plutôt que
« vraie » ), elles peuvent avoir un effet heuristique important. Il semble

clair ici qu'une théorie intégrative possède de grands avantages sur les
autres (voir la théorie des relations d'objets internalisés). Hochman
( 1 989) souligne aussi l ' importance de l' investissement libidinal de la
théorie (une théorie par laquelle on se sent personnellement concerné),
ce plaisir trouvé à la manipuler, à s'en imprégner, à l ' utiliser de manière
adéquate, qui serait absolument indispensable à tout travail psychothéra­
pique. Nous pensons que ce plaisir est en effet bénéfique s ' il ne se fait
pas aux dépens de la réalité du patient, s'il se constitue en plaisir de la
découverte partagée. et non pas en activité masturbatoire du thérapeute.
En outre, il est nécessaire de garder en permanence à l'esprit le caractère
de fiction toujours incomplet de toute théorie.
Il s'agit ainsi, comme l ' a décrit Pagès ( 1 993), de maintenir, dans
l'activité clinique, une tension paradoxale entre deux extrêmes :
• d'une part l 'expérience d'être aux frontières de soi-même, à la ren­
contre de l' autre, celle de l'écoute, de la découverte, de l 'ouverture, de
l' imprévu, de l 'instant ;
• d'autre part, l'expérience d'une grande activité de pensée, où les
repères théoriques sont disponibles et affluent librement pour éclairer
la situation présente et suggérer l'utilisation de techniques déjà bien
connues. Il ne s'agit pas d'ailleurs forcément d'une pensée construite
et formulable, mais plutôt souvent d'une utilisation fluide, mais très
active, des connaissances disponibles, et de leur mise en rapport avec
l'écoute du patient.

La fécondation mutuelle de ces deux activités mentales, l'activité


théorico-technique objectivante, et l'ouverture existentielle à l 'écoute de
soi-même et de l'autre sont indispensables au psychothérapeute, surtout
s' i 1 se veut intégratif et éclectique.
On peut envisager deux catégories de thérapeutes.
- La première inclut ceux qui se préoccupent surtout de prouver le
bien-fondé de leur théorie ou lui obéissent fidèlement. Avec un patient
ils gardent les mêmes objectifs au fil des séances, et persistent dans
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 303

une même attitude relationnelle relativement invariante. En séance, ils


attendent que surgissent des faits en accord avec leur théorie et alors,
alors seulement, ils se permettent une intervention technique qui lui
soit congruente.
- La deuxième regroupe ceux qui ne se fixent pas d'objectifs thérapeu­
tiques trop lointains, globaux et théoriques, sachant que ces objectifs
varieraient en fonction de la théorie adoptée et pas en fonction de
l'originalité singulière du patient. Ces thérapeutes ont pour attitude
commune d'être très attentifs aux processus se déroulant dans l'ici et
maintenant de la séance, et de viser à confronter les défenses et les évi­
tements de leurs patients. Ils cherchent avant tout à les comprendre et
à les remettre en face de leurs choix, en leur permettant de réécrire leur
scénario de vie (leur « narratif ») sans limiter leur capacité d'inventer
une nouvelle histoire à un seul cadre de référence. Chaque théorie
de la psychothérapie à laquelle un thérapeute fait acte d'obédience
stricte amène en effet celui-ci à toujours proposer le même genre
d'histoires, structurées par un mythe unique : pour un psychanalyste
freudien, par exemple, l ' histoire à découvrir devra toujours tourner
autour du devenir des pulsions agressives et sexuelles en fonction de
leurs avatars œdipiens, alors que pour un comportementaliste le nœud
du récit comportera obligatoirement des expériences d' apprentissage
malheureuses, etc. On peut aisément concevoir à quel point ce genre
de thérapeute risque de manquer d'imagination et de créativité, et
pourra passer à côté de lectures pourtant beaucoup plus « parlantes »
et vivifiantes pour l 'histoire de vie de son patient t .

Pour illustrer la souplesse indispensable du psychothérapeute, enca­


drée toutefois par le « roc » des théories et d'une formation sérieuse, nous
citerons ce texte d ' inspiration taoïste, comparant le psychothérapeute à
l' image de l'eau :

« De bonnes manœuvres sont comparables au mouvement de l ' eau coulant


des montagnes vers la plaine .
Une bonne stratégie, évite le puissant et attaque le faible.
L'eau modifie son cours en fonction des changements du sol.
L'armée doit adapter ses plans aux changements de l 'ennemi.

1 . Pour qu'un thérapeute ait à sa disposition la plus large gamme d'histoires alternatives,
il faut à la fois qu'il connaisse et qu'il s'affranchisse du plus grand nombre de théories
et de façon de raconter des histoires possibles. Mais de tels recadrages théoriques »
«

ne sont pas aussi pertinents que ceux trouvés - créés par le patient dans le cadre de la
thérapie.
304 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Tout comme l'eau n'a pas de forme définie, l'art de la guerre n'a pas de
règles fixes. Un génie de la guerre est quelqu'un qui combat et gagne en
s'adaptant aux changements de son ennemi.
Une bonne stratégie est aussi changeante que les cinq éléments : le métal,
le bois, la terre, l'eau et le feu. Aucun d'eux n'est jamais totalement
dominant.
Elle est comme la succession des saisons, toujours en mouvement.
Elle est comme les jours, tantôt longs, tantôt courts.
Comme la lune, tantôt pleine, tantôt juste un croissant.
Il n'y a pas de règles fixes pour une bonne stratégie. Elle doit être aussi
changeante que l'eau qui s'accorde aux mouvements du sol. Il n'y a pas
non plus de règle d'or pour la manœuvre des troupes. Évitez toujours
les puissants et attaquez les faibles. Soyez toujours prêts à changer de
slralégie en fonction des changements de votre ennemi. »

(SUN-TZU, L'Art de la guerre)

le thérapeute comme combattant

La comparaison peut choquer, mais elle sera plus acceptable si nous


considérons que le psychothérapeute, tout comme le médecin, lutte
contre la maladie. Médecin et patient cherchent à unir leurs forces
pour éradiquer cet adversaire commun, même si M . Balint nous a bien
prévenus contre la tentation de la fonction apostolique (Balint, 1 967).
Le psychothérapeute lutte, bien entendu avec son patient, contre les
fantômes (fantasmes ... ) qui Je hantent.
Dans un combat réel, une seule technique ne suffit pas et la technique,
seule, ne suffit pas non plus. JI faut non seulement de l 'entraînement,
pour maîtriser de nombreuses techniques (clefs, atémis, immobilisations,
déséquilibres, etc. au judo ou au karaté par exemple) mais aussi avoir
transcendé la peur de mourir ou d'être gravement blessé, afin de garder
un esprit clair, débarrassé des réactions de colère ou de peur, très attentif
aux mouvements et réactions de l ' adversaire, sans idées préconçues
sur ce dernier. Cet aspect de la comparaison est peut-être un peu idéal
ou excessif (et ne s'appliquerait, en tout état de cause, qu'à certains
moments particulièrement héroïques que connaissent bien les thérapeutes
de psychotiques), mais il se justifie par l ' idée d'une grande l iberté
intérieure. Le moment de l 'attaque n'est pas calculé longtemps à l ' avance,
il se fait au moment « juste », dès que se crée une « ouverture », au
moment OLI l ' esprit de l'adversaire est inattentif ou leurré par une fausse
attaque. Celui qui se bat pour sa survie ne se pose pas la question « vais-je
utiliser une technique de judo, de karaté, d'aïkido, ou de kung-fu ? » : il
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 305

utilise tout ce qu'il peut et ce qu'il faux, intuitivement, dans l'inspiration


du mouvement d'attaque ou de défense.
Il en est de même pour un psychothérapeute (toute proportion gardée
cependant, encore une fois, car il ne lutte pas contre son patient, mais
contre sa maladie ou les effets de sa maladie, de sa souffrance, etc.)
face aux mouvements de résistances, défense et contre-attaque d'un
psychisme pathologique qui lutte contre le changement (tout en ayant
formulé une demande d'aide, dans son ambivalence). Il doit non seule­
ment maîtriser toute une gamme de technique mais aussi ne pas avoir
peur de son adversaire, de l ' imprévu, et rester toujours prêt à s' adapter
sans qu'un plan préconçu (ou sans qu'une identification excessive à
une théorie du combat) ne l 'empêche de suivre les mouvements de son
ennem1.
Les techniques qu'il lui faut posséder sont à la fois des « techniques de
compréhension » de la stratégie et du style de combat de son adversaire
(attitude rogérienne, utilisation de ses propres réactions émotionnelles,
observation du non-verbal, écoute du verbal, disponibilité de modèles
conceptuels dans son esprit), mais aussi des « techniques d'interven­
tion », pour passer à l' attaque et mettre définitivement hors de combat
son adversaire (le persécuteur intérieur, bien entendu.). Il doit résister à la
tentation de vouloir maîtriser à l ' avance un processus qui, par définition,
lui échappe, en essayant d'imaginer à l'avance un combat qui ne s'est
pas encore déroulé. li doit donc rester prêt à modifier toute sa stratégie
et laisser faire son expérience et son intuition pour placer la technique
décisive qui déterminera l' issue du combat.
Cette image un peu agressive n'est évidemment pas la seule. On
pourrait aussi, dans une autre optique, la tempérer par une évocation
plus contemplative (W. Bion avait évoqué la mystique dans l'un de ses
ouvrages) rappelant la technique expectante de l ' analyste tant il est vrai
que les mouvements psychiques à l'intérieur d'une même psychothérapie
c:
:::
peuvent être variés et contrastés.

LA R E LAT I O N TH É RAPE UTI Q U E ET L' ÉCLECTISME


'
O ATTITU D E

La relation thérapeutique, selon sa nature, peut fortement influencer


le vécu de la thérapie par le patient, et induire le thérapeute à utiliser
certaines techniques spécifiques plutôt que d' autres. Chaque type d'atti­
tude thérapeutique représente ainsi un terrain naturel propice à l'éclosion
privilégiée de techniques spécifiques.
306 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Les principales écoles de psychothérapie ont « fixé », rigidifié et


prescrit l ' adoption exclusive de certaines attitudes et techniques de la
part du psychothérapeute.
Dans une approche intégrative il s'avère essentiel de décloisonner ces
pratiques, pour passer de catégories fixes (les « boîtes » des écoles) à
des considérations dimensionnelles ou plutôt multidimensionnelles de la
relation psychothérapeutique.
Les attitudes du thérapeute devraient en effet être capables de varier
sous de nombreux aspects, chaque aspect se situant le long du continuum
d'une de ces multiples dimensions. I l est alors possible, pour le théra­
peute, de combiner et d' adapter ces diverses nuances de son influence
interpersonnelle en fonction des besoins spécifiques du patient.
Les diverses écoles de psychothérapie préconisent une manière diffé­
rente d'utiliser le contre-tranfe1t à fin thérapeutique. Nous insisterons sur
le fait qu'en fonction de la relation thérapeutique en cours ou de celle que
l'on veut instaurer, on pourra choisir telle ou telle forme d'exploitation
thérapeutique du contre-transfert.

Les attitudes thérapeutiques selon les écoles

Lors de la première séance, beaucoup s'accordent, quelle que soit


leur orientation théorique, pour prôner une attitude que l'on pourrait
qualifier globalement de « rogérienne ». Une écoute empathique permet
de communiquer au patient un réel intérêt et un désir sincère de l'aider.
Le patient y gagne la possibilité d' exprimer ses difficultés, ses pensées
et ses sentiments, face à un thérapeute compréhensif et réceptif. Puis, le
plus souvent, une fois passées la ou les premières séances, l' attitude du
thérapeute doit évoluer. Et ici, deux positions peuvent être adoptées : ou
bien cette modification d' attitude se fera en fonction d'impératifs dictés
par la théorie adoptée par le praticien, ou elle se réalisera en fonction
des caractéristiques propres au patient et à la relation unique en train de
s ' instaurer.
La première option consiste à suivre les prescriptions et proscriptions
d'attitudes engendrées par les « écoles ».
Le tableau 26 résume les attitudes relationnelles et les techniques
qui leur sont directement reliées, pour les 5 principaux courants de
psychothérapie.
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 307

Tableau 26. Caractéristiques de la relation et techniques associées.


Caractéristiques de la relation et Techniques directement
des attitudes du thérapeute liées aux caractéristiques
de la relation
Psycho- Frustrant, non impliqué, non-directif, Attention flottante
dynamique " écran neutre de projection '" Règle d'association libre
observateur anonyme interprétant, Clarification, confrontation,
« asepsie » et anonymat interprétation
chirurgicaux
Laisser se développer une
« névrose de transfert "
Cognitivo- Relation enseignant-élève Éducation, instructions,
comportemen- Collaboration empirique tâches d'auto-observation et
tale
« Deux chercheurs travaillant d'autoquestionnement (l'élève
ensemble " doit devenir maître)
Relation sûre et agréable, Questionnement socratique
chaleureuse et positive, le Questionnement
thérapeute fournissant empathie, d'hypothèses
compréhension, encouragement,
soutien, et évocation de solutions
alternatives
Stratégique Position basse Paradoxes, recadrages,
" Tirer avant de viser » métaphores, techniques
Être le moins prévisible possible d'« impact " pour « toucher le
cœur et frapper l'imagination "
La relation est fondamentalement
conflictuelle et triangulaire
(thérapeute-patient-logique de
non-changement)
Rogérienne Empathie, congruence, acceptation Reflet des significations et des
inconditionnelle, non directivité sentiments
Évitement de l'interprétation
Gestaltiste Rencontre authentique, honnête, Exercice-expériences pour
ouverte, émotionnellement chargée défaire les blocages, faire
Coparticipant, facilitateur cesser les évitements du
Se découvre, confronte les contact, au cours desquels le
" évitements du contact » du patient thérapeute refuse de
avec son Self ou avec le thérapeute s'engager dans des
interactions répétitives

Le décloisonnement des attitudes : une conception souple


et multidimensionnelle de la relation thérapeutique

Si les différences entre écoles semblent réaliser un obstacle insurmon­


table eu égard aux modè.les relationnels nettement différenciés qu'elles
prescrivent, celui-ci ne le demeure que si l'on décide soi-même de
garder « emballées dans leur boîte d'origine » ces différentes possibilités
d' entretenir et d'enrichir la relation thérapeutique. Dans l ' idée d'une
308 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

seconde option, nous voudrions au contraire mettre l'accent sur la notion


d'un « psychothérapeute-caméléon » (Lazarus. 1993) qui sache exploiter
avec nuance et souplesse les différentes dimensions potentielles de
la relation thérapeutique, en fonction des caractéristiques du patient
(Norcross, 1993). Ce psychothérapeute sait aussi utiliser les influences
mutuelles qui lient les techniques employées et la nature de la relation
thérapeutique (figure 1 6) : une technique sera plus pertinente dans Je
cadre d'une relation donnée, mais elle pourra aussi être employée pour
modifier cette dernière.

TECHNIQUE

RELATION PATIENT

Figure 16. interactions entre la relation établie, les techniques


psychothérapeutiques employées, et les caractéristiques singulières du
patient.

Ce faisant, nous nous élevons à un niveau d' abstraction supérieur


(Gilliéron, 1 997) :

« Nous ne nous demandons pas que faire avec ce patient ou quelle est
la technique applicable par ce thérapeute avec ce patient, mais nous
observons une situation relationnelle entre le thérapeute et le patient, nous
prenons en considération l'ensemble des deux partenaires. Et nous nous
plaçons face à l 'alternative suivante : que se passerait-il si le thérapeute
faisait ou disait cela et que se passerait-il s'il ne faisait ou ne disait pas
cela ? ».

L'attitude appropriée ne se trouve qu'après avoir reconnu les réactions


contre-transférentielles 1 précoces (comme révélatrices de l'état intérieur

1 . Nous parlons ici du contre-transfert dans le sens moderne d'instrument de travail


de base du thérapeute et non pas de l'expression de sa pathologie personnelle. Nous
proposerons par la suite de parler de contre-transfert de type 1 pour le premier et de type 2
pour le second. Le contre-transfert de type 1 est l'index colorimétrique du thérapeute,
sa jauge personnelle : mais évidemment une bonne jauge doit être toujours propre,
donc débarrassée de ses scories (ou du contre-transfert de type 2). M. Gressot - Genève -
parlait à ce propos d'une « toilette contre-transférentielle » (communication personnelle).
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 309

du patient), après avoir pu les examiner et en cherchant à les utiliser de


la manière la plus adéquate. En effet, dès les premières rencontres, le
patient tend à répéter avec le thérapeute la mise en œuvre des relations
d'objet inhérentes à son mode d' organisation psychique. Celui-ci devra
donc examiner très attentivement ses premières réactions émotionnelles
dans ces circonstances et observer les attitudes qui le poussent à adopter.
Il lui faudra observer l ' influence qu'exerce sur lui le patient sans y
réagir immédiatement d'une manière extériorisée. Dans un deuxième
temps seulement, i l sera en mesure de repérer quel type d'attitude ou
de modalités relationnelles permettra d'établir les conditions optimums
pour induire un changement.
Trouver la bonne attitude n'est pas chose aisée. Il faut procéder par
intuition et par essais et erreurs. I l n'existe pas de règle absolue. 11 ne
faut bien sûr pas répéter exactement la même relation d'objet pathogène
avec le patient, mais il ne faut pas non plus en prendre systématiquement
le contre-pied en adoptant une attitude inverse. La première ne ferait
qu'entraver toute opportunité de changement et l ' autre s' avérerait para­
doxalement inopportunément gratifiante, étrangère au monde interne du
patient. Il s'agit donc de trouver une attitude intermédiaire, induisant
une relation qui lui fasse revivre certains aspects de ses expériences
douloureuses, mais aussi qui introduit des changements qualitatifs
minimes mais perceptibles, lui donnant l' occasion « d'affronter maintes
et maintes fois ces situations émotionnelles qui furent précédemment
insupportables, et de se conduire à leur égard d'une manière différente
de l ancienne » (Alexander, 1 944 ).
Ici donc, le repérage de l'attitude adéquate s' inspire directement du
fait que la psychothérapie peut être considérée comme un processus
circulaire entre deux partenaires qui s'inftuencent mutuellement, dans un
contexte spécifique.
Mais d'autre part, des travaux de recherches ont commencé à dégager
des critères de personnalité ou de fonctionnement psychique du patient
qui sembleraient nécessiter des attitudes particulières de la part du
thérapeute. Nous en parlerons à la fin de ce paragraphe. Il s'agit là d'un
autre point de vue, basé non pas sur une observation des interactions et
sur leur conceptualisation en terme de relations d' objets intemalisées,
mais sur des caractéristiques individuelles observées indépendamment
de la relation thérapeutique.
Notre expérience personnelle, ainsi que l' apport précieux d'un numéro
spécial de la revue Psychotherapy, consacré entièrement à ce sujet
(automne 1993, 3, 30), nous amènent à proposer les dimensions suivantes,
310 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

qui nous semblent particulièrement pertinentes pour décrire les attitudes


variées et significatives du psychothérapeute (tableau 27).

Tableau 27. Les différentes dimensions de l 'attitude du thérapeute.

Autoritaire e Égalitaire

e
Directif (processus orienté par le
Non directif (processus juste stimulé)
thérapeute)

e
Direct (la manœuvre de changement Indirect (la manœuvre de changement
est ouvertement annoncée) n'est pas ouvertement annoncée)

e
Interprétatif (élabore l'information Éducatif (apporte une information
venant de l'intérieur) extérieure)

Relation paternelle e Relation maternelle

Frustrant e Nourrissant

Focus intrapsychique (préférence pour Focus interpersonnel (préférence pour


e
élaborer ce qui émerge du élaborer ce qui émerge de l'interaction
fonctionnement psychique spontané de de l'individu avec autrui : groupe, famille,
l'individu) société)

Centre sur le réel e Centre sur l'imaginaire

Ne cherche pas à comprendre (opère


e
Cherche à comprendre (en référence à
sans l'appui d'un modèle bien élaboré,
un modèle élaboré du psychisme)
intuitivement surtout)

Explore la tendresse e Explore l'érotisme

e
Sans implication (utilise surtout le canal Très impliqué (implique son corps et/ou
" cognitif verbal, analytique)
•., ses émotions, sa personne)

Sait à l'avance ce qu'il va faire e Ne sait pas à l'avance ce qu'il va faire

e
N'utilise pas les manifestations
Utilise le transfert et le contre-transfert
transféro-contre- transferentielles

e
Reste " en arrière .. (reste au niveau Va " en avant " (va plus loin que ce que
de ce qu'exprime, sait, ou dit le patient) le patient fait, exprime, ou ressent)

Confrontant e Non confrontant

Exprime de l'empathie e N'exprime pas de l'empathie

Chaleureux e Non chaleureux

Imprévisible (crée des " événements "


e
Prévisible (respecte un même cadre,
en séance, change de style, modifie le
ne varie pas son style ni sa technique)
cadre)
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 31 1

Position basse e Position haute

Répondant (montre une réponse


affective aux comportements ou dires e Non répondant
du patient)

e
Spontané (exprime spontanément des
Non spontané
affects et opinions)

e
Animé (niveau de base élevé
Non anime
d'affectivité et de mobilisation du corps)

Transparent (révèle consciemment des


émotions ou pensées personnelles au e Non transparent
patient)

Actif (Dans l'action) e Non actif (dans l'attente)

Centration sur la verbalisation e Centration sur la mise en action

Centration sur l'intervention verbale e Centration sur l'intervention non-verbale

Explore e Cherche à modifier

Ne cherche pas la metacommunication e Métacommunique intentionellelement

Vise à réduire l'angoisse e Vise à accroître l'angoisse

e
Cherche à aider le patient a mieux se Ne cherche pas à aider le patient a
contrôler mieux se contrôler

e
Cherche à modifier le comportement Cherche à modifier l'expérience interne
externe (dont l'adaptation) (dont l'insight)

Accent sur le symptôme e Accent sur l'insight

Cherche à stimuler émotionnellement e Cherche à réguler émotionnellement

Focalise sur ce qui émerge en séance e Explore ce qui se passe hors séance

Tout d' abord, soulignons bien que les dimensions proposées sont
toutes potentiellement soignantes : aucune d'elles n'est bonne ou mau­
vaise en soi, elles ne s' avèrent bénéfiques qu 'employées de manière
adéquate à la situation. Cependant, les réactions contre-transférentielles
inadéquates, de type 2, peuvent aussi, bien entendu, se manifester à tra­
vers ces attitudes. Nous n'avons pas abordé ici les attitudes correspondant
au maniement technique du contre-transfert, différent selon les écoles :
elles seront exposées plus loin.
C'est en reconnaissant ces différentes dimensions et en les acceptant
toutes pour soi, en tant que thérapeute (accepter de les ressentir ou de les
expérimenter), que l'on devient plus conscient de leur apparition, de leur
312 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

potentiel thérapeutique, et qu'on peut alors choisir de les utiliser à des fins
thérapeutiques. Certains thérapeutes, par exemple, ont du mal à accepter,
et donc utiliser, la tendance « directive » alors que d'autres, au contraire,
ont du mal à recourir à la « non-directivité ». Ce faisant, chacun se prive
(et prive son patient) de possibilité d'interventions plus particulièrement
inhérentes à l'une ou l'autre des attitudes. En effet, chacune d' entre elles
(directivité, non-directivité) implique plus ou moins certaines techniques
d'intervention : le fait de choisir l' attitude adéquate à un moment donné
de la relation thérapeutique permet alors à ces techniques de surgir avec
naturel, au bon moment et à bon escient, à partir du répertoire technique
éclectique que le thérapeute aura patiemment forgé (cf la métaphore du
« thérapeute comme combattant » ci-dessus)
Dans cette optique, presque aucune attitude ne s' impose d'une manière
exclusive ou absolue, y compris le fait d'être empathique et chaleureux,
qui peut ne pas convenir aux besoins relationnels spécifiques de certains
patients (comme par exemple les patients méfiants et soupçonneux : Kolb
et coll., 1985).
Les seules attitudes qui ne se situent pas le long d'une dimen­
sion et qui sont indispensables et universelles semblent être celles de
l' écoute adéquate, au sens où nous l'avons défini précédemment : elle
est imprégnée du respect et de l' intérêt pour le patient, protège son
narcissisme, se refuse à le manipuler et se soucie d'être suffisamment
souple pour s 'adapter à un contexte personnel variable. Dans le même
sens, notons-le incidemment, les passages à l' acte de nature sexuelle
ou agressive sont, bien évidemment, proscrits. Il peut paraître superflu,
voire surprenant d'évoquer cette dimension éthique de l'écoute, mais une
actualité récente et persistante, malheureusement, le justifie comme en
témoignent plusieurs publications (notamment Doucet, 1 992, 1 996).
En résumé, et pour toutes les attitudes possibles décrites ci-dessus :
- toutes peuvent être valables si elles sont utilisées en situation ;
- nous ne suggérons pas d'échelle de valeur ;
- il est indispensable pour un thérapeute d'être à l'aise dans ces modes
d'intervention et de pouvoir passer souplement de l'un à l' autre ;
- ces attitudes ne sont pas exclusives les unes par rapport aux autres.

Notons aussi que si les premières dimensions du tableau précédent


décrivent des attitudes de base du psychothérapeute, les dernières cor­
respondent déjà plus à des choix techniques influencés plus ou moins
directement par des modèles théoriques spécifiques. Les choix techniques
considérés ici exerceront cependant une grande influence sur la nature
de la relation. Ces techniques peuvent d'ailleurs être employées pour
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 313

préserver un certain type de relation tout en introduisant un changement


devenu nécessaire. On retrouve ici les deux orientations fondamentales
mais opposées suivies par Alexander ( 1959) et Ferenczi ( 1 9 J 9) qui furent
les pionniers des psychothérapies brèves d'inspiration psychanalytique.
Pour Alexander, les différentes attitudes de l' analyste peuvent varier
considérablement selon la problématique des patients : les modifications
proposées se situent sur une ligne continue allant de la neutralité
classique à J' activité éclectique, le but étant de confronter le patient à un
thérapeute différent des parents, dans une optique correctrice. À l'opposé,
pour Ferenczi, l'introduction de techniques dites « actives » (exposition,
prescription de symptômes, etc.) visait avant tout à confronter le patient
à lui-même pour relancer le processus analytique et permettre ensuite un
retour à la relation thérapeutique classique de la cure psychanalytique
(Gilliéron 1 997, pp. 39-42).
L'attitude du thérapeute représente donc une multitude de continuums,
dont certains aspects sont choisis comme faisant partie d'une stratégie
thérapeutique, et d'autres représentent ses valeurs, inclinations et sa
personnalité. Nous ne concevons pas l'attitude thérapeutique comme
une qualité statique qui refléterait les caractéristiques intrinsèques d'un
modèle théorique particulier. Nous la considérons comme adaptable
car faisant partie d'un plan général d'intervention. Certaines situations
demanderont que le thérapeute soit prêt à considérer son attitude interper­
sonnelle à la fois comme une force thérapeutique malléable et comme un
comportement sur lequel i l peut acquérir un contrôle conscient et réfléchi.
Son attitude peut alors être aj ustée aux caractéristiques du patient qui
ne sont pas bien repérées par les étiquettes diagnostiques classiques, y
compris par les critères diagnostiques internationaux en cours.
Le fait de décloisonner ainsi les attitudes prescrites par les écoles
permet d'aboutir à des interventions plus créatives et nuancées : on peut
ainsi se focaliser sur un changement de comportement du patient tout
c
" en restant relativement non-directif, alors que ! 'étiquette de « comporte­
mentalisme » alliait de façon apparemment indissociable l ' intérêt pour
Je comportement du patient et la directivité du thérapeute.
Chacune de ces dimensions peut apporter sa nuance à « l' œuvre d'art
thérapeutique ». Nous pourrions les comparer à des couleurs ; même
si celles-ci sont apparemment très différentes les unes des autres, le
peintre ne se pose pas la question « vais-je peindre un tableau rouge ou
un tableau bleu ? ». Il s'autorise à utiliser toutes les couleurs, et leurs
infinies combinaisons, dans l ' œuvre unique qui sera produite. Nous avons
rappelé ailleurs, du reste, sans insister sur cette comparaison, que c'est
dans le domaine de la peinture qu'au cours de l'histoire des civilisations
314 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

le courant de pensée éclectique a été le mieux réalisé (Marie-Cardine et


coll., 1 994).
Attirons l' attention sur un fait très important : un thérapeute devra
souvent utiliser, successivement, au cours d' une thérapie chez un même
patient, un grand nombre de ces dimensions en l 'explorant dans leurs
polarités. En effet, la relation thérapeutique repose à la fois sur l ' implica­
tion affective et sur le détachement réflexif, sur la vibration empathique
et sur l'élaboration rationnelle (Delourme, 1997). Ce n'est qu' ainsi que le
psychothérapeute sera en mesure d'accompagner son consultant dans des
tâches aussi diverses que restaurer ses capacités à connaître, à commu­
niquer, à aimer et à construire. Nous n 'avons donc plus aujourd'hui
à opposer les psychothérapies frustrantes, telles la psychanalyse, et
les psychothérapies gratifiantes, telles les approches psychocorporelles,
c'est-à-dire d'un côté le projet de dévoiler la négativité et de l'autre
celui de développer la joie (Delourme, 1 999). II faut dépasser ce schéma
simpliste pour élaborer une théorie plus précise des fondements de la
psychothérapie.
Voici quelques commentaires sur ces dimensions.
Il est important de faire la distinction entre d'une part les courants
directif et non-directif, et d 'autre part actif et non-actif. En effet, si
l'on prend l'exemple du gestaltthérapeute (Ginger, 1995), celui-ci peut
être intervenant et actif, sans être directif pour autant. Il peut inviter le
patient à amplifier les phénomènes observés, voir à faire l 'expérience
d'attitudes nouvelles de son choix personnel, et il réagit éventuellement
lui-même, mais ce n'est pas lui qui fixe la direction de l'action (sinon il
serait directif).
La relation paternelle met l ' accent sur la neutralité, la frustration, le
verbe, l'interprétation, les conflits liés au désir, la prise de conscience ;
elle préconise la distance du thérapeute, figure de la Loi et représentant
de l'ordre symbolique.
La seconde, la relation maternelle insiste sur la régression, l ' ar­
chaïque, le corps, l 'émotionnel, l'authenticité, le besoin, la symbiose
et la réparation ; elle prône la présence du thérapeute comme miroir et
compréhension chaleureuse.
Certaines personnes peuvent en effet bénéficier d'une expérience où
le psychothérapeute incarne dans la réalité un rôle structurant (de type
paternel, maternel, etc.) jusqu'ici non connu, sans que ce rôle puisse
être interprété comme le transfert d'une relation infantile « mal placée »
(Miermont, 2000). Loin de relever d' une « fausse connexion », ou d'une
erreur sur la personne, la rencontre psychothérapeutique permet de mettre
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 315

à l 'épreuve une forme de lien qui n'a pas besoin d'être interprété, analysé,
ou dénoué. Le lien se résout de lui-même.
La dimension de l 'érotisme et de la tendresse nous semble fondamen­
tale car elle reconnaît une pratique qui n'est pas exclusivement basée sur
la théorie freudienne de la libido et sur la notion de désir, et contient en
elle la problématique du besoin. Citons encore une fois Ginger ( 1995) qui
souligne que Freud et les psychanalystes se sont surtout intéressés à trois
orifices du corps humain (la bouche, l'anus, et le sexe) tandis que Perls et
les gestaltistes traitent avec celui de nos sens qui occupe la plus grande
surface de notre corps, la peau et le toucher. Et cet auteur de rappeler
les expériences de Kshler sur les singes nouveau-nés, montrant que ces
derniers recherchaient davantage le contact de la peau et la chaleur du
corps que Je lait de leur mère. D'une manière plus générale, la tendresse
est une nourriture fondamentale, malheureusement peu prise en compte
dans la littérature psychothérapique (Delourme, 1 997).
La centration sur l 'expression verbale porte une attention exclusive
au langage, correspond au niveau « sémiotique » qui intéresse toutes les
questions de représentation et de signification, et amène nécessairement
à minimiser ou même ignorer un second niveau, dit des phénomènes
énergétiques (ou économiques). Celui-ci est pris en compte dans une
approche centrée sur l'expression non verbale : ici la posture, la gestua­
lité, la voix, le regard, la respiration sont des moyens de communication
privilégiés entre Je patient et l e thérapeute.
Dans la centration sur la verbalisation, le patient est invité seulement à
dire, alors que dans la centration sur la mise en action, il est encouragé à
agir son vécu ou les situations qu'il évoque au sein du cadre thérapeutique
(comme dans le psychodrame, le jeu de rôle, la Gestalttherapie).
Le thérapeute peut prendre une position basse ou, à l'opposé, une
position haute. Chaque fois qu'une personne tente de persuader autrui,
dans une situation spécifique, qu'elle ne sait pas, qu'elle ne peut pas,
"'
"
qu'elle ne comprend pas, elle se met en position basse, autrement
dit elle prend un profil bas. En termes de communication, la position
basse est la plus solide, la plus efficace et la plus puissante. Il s'agit
là, paradoxalement, d'une position de pouvoir (Malarewicz, 1 996).
À l ' inverse, la position haute est celle de la personne qui cherche à
persuader l ' autre, toujours dans une situation spécifique, qu'elle sait
mieux, qu'elle peut mieux, qu'elle comprend mieux. En d' autres termes,
elle veut démontrer qu'elle est la plus forte et la plus puissante. Là encore,
dans un contexte communicationnel, cette position est celle de la fragilité,
de la dépendance à autrui, selon la fameuse dialectique du maître et de
316 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

l'esclave. L'art de la communication consiste, entre autres dimensions, à


amener l ' autre en position haute et donc à se mettre en position basse.
Le thérapeute peut sciemment adopter une attitude ou des comporte­
ments qui représentent une métaphore ou une métonymie de l'interaction
et des processus psychothérapeutiques. On dit alors qu'il cherche à
métacommuniquer. Il présente ainsi au patient une sorte de pictogramme
qui, bien plus que les jeux du verbe, est recevable pour la dynamique
psychique de personnalités à caractère psychosomatique ou borderline
(Maruani, l 985). l i court-circuite les mécanismes de défenses usuels du
patient et le symptôme perd ainsi sa fonction sans avoir été abordé de
front. Par exemple, le thérapeute peut découper du papier à condition de
recoller immédiatement dans un nouvel agencement les bouts obtenus,
lire son courrier et le classer vite et bien tout en discutant de manière
serrée avec le patient. Un des messages laissés alors au patient est qu'on
peut parfaitement faire deux choses à la fois et de la sorte déplacer le
symptôme de son usurpation du champ de conscience.
On aurait pu rajouter la dimension thérapeute-parentlthérapeute­
enfant, la première position consistant à adopter l 'état et la fonction
de parent (bénéfique) ou d'adulte, et la seconde à utiliser plutôt son
état enfant, ces concepts d'états du moi ayant été bien développés par
l' Analyse transactionnelle et pouvant se rattacher à notre métaphore du
thérapeute-parent (multitude des attitudes que l'on peut et doit assumer
à l' intérieur d'une famille, Chambon et coll., 1998).

Exercice
Pour mieux illustrer notre propos nous allons vous demander de penser
à un patient que vous suivez actuellement en psychothérapie.
Évaluez votre relation thérapeutique présente en fonction de ces diffé­
rentes dimensions. Demandez-vous alors pourquoi vous vous situez ainsi
avec ce patient-là. S'agit-il d'une décision consciente ou inconsciente de
votre part ? S'agit-il d'une décision initiale personnelle ou bien d'une
réaction à votre patient ? Qu'est-ce qui vous a poussé ou guidé dans
l'adoption de certaines attitudes ? Auxquelles caractéristiques de la
situation, de la thérapie, du patient, avez-vous réagi ou lesquelles avez­
vous jugé importantes pour développer cette attitude ? Quels avantages
possède-t-elle dans la situation présente ?
Le but de ce questionnement, surtout s'il devient une habitude,
consiste à devenir de plus en plus conscient des différentes nuances,
possibilités et évolutions de la relation, afin de pouvoir choisir consciem­
ment ce qui convient le mieux au patient, ou, tout au moins, vise à être
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 317

conscient de ce qui est en train de se dérouler à l' intérieur de la relation


thérapeutique.

Quelques repères issus de la recherche, pour le choix


du style relationnel approprié

Quelques repères conceptuels, testés empiriquement, (Beutler, Engle,


Mohr et coll., 1 99 1 ; Beutler, Mohr et coll., 1 99 1 ; Dolan et coll.,
1 993) peuvent d'ors et déjà nous guider dans l'adoption ou l' évitement
souhaitables de certaines positions extrêmes dans le maniement de ces
dimensions.
Il s'agit de concepts provenant de sources diverses comme le niveau
de motivation, le degré de réactance, et les stratégies d'ajustement dites
d'internalisation, d'externalisation, répressives, ou cycliques (Beutler,
1 993, 1998), ou encore les styles d' attachement anxieux-ambivalent,
évitant ou assuré (Dolan, 1 993).
Nous allons tout d'abord définir ces notions, avant de préciser en quoi
elles permettent de mieux positionner son attitude thérapeutique au sein
des multiples dimensions de la relation thérapeutique déjà décrites.
- Le niveau de motivation. Il s'agit en fait ici de la stimulation exercée
par l' intensité de la détresse du patient sur sa motivation au change­
ment. Pour ceux dont ce niveau est bas, le thérapeute aurait intérêt à
employer des procédures de confrontation à des situations ou des
représentations suscitant la crainte (pour autant qu'elles soient en
jeu dans les difficultés à traiter), de manière à la fois à centrer la
thérapie sur du matériel signifiant et à accroître le désir de se traiter.
Si, par contre, la détresse et la souffrance débordent les capacités de
fonctionnement mental de l'individu, des procédures de soutien et de
distraction devraient être utilisées pour réduire la tension ; les sujets
que le patient craint le plus sont alors réintroduits progressivement.
- Le niveau de réactance. La réactance est la tendance à réagir en
opposition aux pressions externes. Elle indique le niveau de direc­
tivité thérapeutique qui sera toléré sans révolte. Une personne qui
se sent facilement menacée dans son autonomie réagira mieux à de
faibles niveaux de directivité thérapeutique ainsi qu'aux interventions
paradoxales.
- Les stratégies d'internalisation et d' externalisation. Une stratégie
d'internalisation se caractérise par l ' autocondamnation et l ' autodé­
préciation, avec isolement de l 'affect et idéalisation des autres. Les
patients usant de cette stratégie sont susceptibles de mieux répondre
318 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

à des J(rocédures qui stimulent l 'insight ou la conscience des émo­


tions. A l 'inverse, dans une stratégie d'extemalisation, les personnes
attribuent la responsabilité de leur mal-être et de leur malaise à des
objets externes ou aux autres. Passant à l ' acte, projetant leurs peurs,
et externalisant leurs conflits, ces sujets bénéficient plus, selon les
recherches, d'une attitude thérapeutique se centrant sur le changement
et l'adaptation du comportement extérieur. Des patients portés à
l'externalisation et fortement réactants réagissent mal aux révélations
personnelles du thérapeute sur son expérience émotive ou même à
ses manifestations de sympathie (Kolb et coll., 1 985). Le thérapeute
doit donc adopter avec eux un langage formel et sans émotion. Les
patients très réactants ont tendance à mieux réagir à un thérapeute qui
semble distant, parfois hésitant, et sans grand charme ni charisme. À
l 'inverse, les patients qui ont un faible niveau de réactance tolèrent
un large éventail de comportements du thérapeute et d' interventions
thérapeutiques. Ils ont tendance à mieux réagir aux gens qui valorisent
le contact personnel, expriment ouvertement leurs sentiments positifs
et peuvent même bénéficier éventuellement d'un contact physique de
réconfort. Une posture tendue en avant, des vêtements et un décor
plutôt informels satisferont leur besoin de relation avec des figures
d'autorités douces, égalitaires et bienveillantes.
- Les stratégies répressives et cycliques. La stratégie répressive fait
la politique de l'autruche. Elle consiste à ignorer sciemment ou
inconsciemment une situation gênante, difficile, voir dangereuse, ou,
en tout cas, au moins certains de ses aspects. Elle correspond aux méca­
nismes de défense plus classiques de la répression, de la formation
réactionnelle, du déni ou de la négation. Elles répondent mieux aux
procédés thérapeutiques basés sur la catharsis et le développement de
l'aptitude à l' insight. Les stratégies cycliques sont caractérisées par
l ' instabilité et l' inconstance : les sujets oscillent entre l' internalisa­
tion et l' extemalisation par exemple. L' autocontrôle cognitif est une
procédure qui leur convient bien.
- Les différents styles d 'attachement basés sur les travaux de Bowlby,
Dolan et coll. ( 1 993) ont mené des recherches montrant l' impor­
tance du style d' attachement des patients vis-à-vis de l'attitude thé­
rapeutique qui s'avérera la plus adaptée. Le style d'attachement
anxieux-ambivalent caractérise des individus plutôt immatures, trop
dépendants, et très demandeurs d' attention et de soutien. En même
temps, ils ne font pas confiance et interprètent mal les manifestations
d' affection des autres, en les déclarant comme temporaires ou simulées.
Dans le style d'attachement évitant, l' individu tend à trop se fier
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 319

uniquement à lui-même, déniant tout besoin d'amour ou de soutien,


terrifié à l' idée de dépendre de quelqu'un ou que quelqu'un dépende de
lui. Dans l' attachement assuré l ' individu est capable d'échanges basés
sur la confiance, la bienveillance mutuelle, l'interdépendance, et tend
à être optimiste concernant les situations interpersonnelles. Il s'avère
difficile, pour les patients dont l ' attachement n'est pas suffisamment
tranquille et assuré, de recevoir l'offre d'une relation thérapeutique
chaleureuse et exprimant de l 'empathie émotionnelle. De plus, les
styles d'attachement évitant ont du mal, au début de la thérapie au
moins, à accepter les confrontations et interprétations de la part du
thérapeute.

Le tableau 28 reprend le précédent, mais inclut les « indications » de


certains positionnements sur ces dimensions.

Tableau 28. Quelques caractéristiques des patients influençant la nature


de la relation thérapeutique à adopte1:
Autoritaire e Égalitaire

Directif Non directif


(faible niveau de réactance) e (réactance élevée)
(attachement évitant)
Direct e
Indirect
(réactance élevée)
Interprétatif e
Éducatif
(internalisateur ; répressif) (externalisateur)
Frustrant Nourrissant
e (faible niveau de réactance ; pas pour
attachement anxieux ou évitant)
e
Focus intrapsychique Focus interpersonnel

Centré sur le réel e


Centré sur l'imaginaire
(patient psychotique) (patient névrotique)
Cherche à comprendre e Ne cherche pas à comprendre

Explore la tendresse Explore l'érotisme


e
(psychotique ou borderline) (névrotique, registre œdipien)
Sans implication (attachement évitant) e Très impliqué (internalisateur)

e
Sait à l'avance ce qu'il va faire Ne sait pas à l'avance ce qu'il va faire

Utilise le transfert et le contre-transfert N'utilise pas les manifestations


e
transféro-contre- transferentielles
320 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

e
Reste " en arrière " Va " en avant " (attachement sûr)

Confrontant (attachement sûr ; bas Non confrontant


niveau de motivation ; e
internalisateurs)
Exprime de l'empathie N'exprime pas de l'empathie
e (externalisateurs, haut niveau de
réactance)
Chaleureux e Non chaleureux

Prévisible e Imprévisible

Position basse e Position haute

Répondant e Non répondant

Spontané Non spontané


e (externalisateurs, haut niveau de
réactance)
Animé e Non animé

Transparent Non transparent


e
(externalisateurs, haut niveau de
réactance, états limites, traits
paranoïaques)
Actif (psychopathes) e Non actif

e
Interventions verbales Interventions non-verbales

Explore e Cherche à modifier

Ne cherche pas a métacommuniquer Métacommunique intentionnellement


e (caractère psychosomatique,
borderline)
Vise à réduire l'angoisse Vise à accroître l'angoisse
(psychotiques, états limites) e (bas niveau de motivation)
(névrotiques)
Cherche à aider le patient a mieux se
e
Ne cherche pas à aider le patient a
contrôler (style cyclique) mieux se contrôler
Cherche à modifier le comportement Cherche à modifier l'expérience
externe e interne
(externalisateurs) (internalisateurs)

e
Accent sur le symptôme Accent sur l'insight
(externalisateurs) (faible niveau d'externalisation)
Cherche à stimuler émotionnellement Cherche à réguler émotionnellement
(internalisateurs) e (Ego faible, borderline, psychotique)
(Ego fort, névrotique)
Focalise sur ce qui émerge en séance e Explore ce qui se passe hors séance
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 321

Une fois que le clinicien est vraiment conscient de son style personnel
caractéristique, il peut l' assouplir. Par exemple, si son style relationnel
est moyennement animé, s'il adopte habituellement un langage corporel
spontané, utilise volontiers l' humour, il devra être prêt, lorsqu' il est en
face d'un patient paranoïde, à atténuer toutes ces attitudes pour recourir,
initialement au moins, à un style plus « froid » avec lequel ces patients
semblent plus à l'aise. De même, s'il préfère habituellement adopter
une attitude « interprétative-passive », il lui faudra parfois accepter d'en
endosser une de nature plus « confrontante-active » lorsqu' il aura à
prendre en charge un patient psychopathe (Vaillant, 1 975).
Lazarus ( 1 998) propose de porter une attention particulière à trois
items de l' inventaire biographique multimodal qu'il fait passer à chacun
de ses patients :
1 . Dites en quelques mots sur quoi va porter la thérapie.
2. Combien de temps pensez-vous qu'elle puisse durer ?
3. Quelles sont les qualités personnelles du thérapeute idéal ?

S i le patient pense que la thérapie concerne le passé et ses consé­


quences actuelles, il sera probablement déçu par une approche centrée
exclusivement sur !'ici et maintenant. S'il envisage un traitement de trois
à six mois, il risque d'être dérouté par une thérapie à long terme. Et s'il
considère qu'un bon thérapeute doit « écouter activement, parler peu et
tout absorber », on peut penser qu'il n' acceptera pas un clinicien actif­
directif, centré sur la tâche. Certes, comme Lazarus le fait remarquer, il
serait naïf de présumer que les patients savent nécessairement ce qui leur
convient le mieux ou que Je thérapeute doive se conformer à chacune de
leurs attentes. Néanmoins, dans un premier temps, il semble qu'il soit
judicieux d' adhérer étroitement au scénario du patient pour établir une
bonne relation. Par la suite, il est plus acceptable et moins menaçant que
c::
le thérapeute en modifie certains aspects et propose une manière de faire
"
qui semble plus adaptée à la problématique en cours.
Les patients construisent en effet, au cours de leur existence, ce que
certains appellent un scénario existentiel, ou un narratif (en anglais a
narrative), et que nous appellerons par la suite un roman personnel. Le
thérapeute lorsqu 'il forme un lien avec son patient, y est inévitablement
intégré. Or, différents romans personnels nécessitent diverses approches
interpersonnelles de sa part, pour régler le style de l'interaction sur
des bases cliniques individualisées, plutôt qu'en fonction de considéra­
tions théoriques a priori. En d'autres termes, certains récits personnels
répondront mieux à une exploration neutre et à une interprétation des
éléments manquants, que ceux-ci soient des conflits inconscients ou
322 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

des images de soi ou de l 'objet. D'autres scénarios pathogènes dans


lesquels des expériences d' apprentissage essentielles auront manqué
répondront mieux à des instructions didactiques ou à un style d'en­
seignant ou d' expert. Les patients dont le scénario est marqué par un
manque de contact authentique avec leur propre vécu répondront plus
favorablement à une interaction caractérisée par une acceptation positive
inconditionnelle ou par une confrontation au niveau émotionnel. Par
exemple, un patient dont l'histoire suggère une petite enfance où faisait
défaut l'empathie, l' acceptation inconditionnelle et la valorisation, de la
part des parents, ne s' épanouira pas facilement dans l' atmosphère neutre
de la psychanalyse, ou au sein de l' interaction directive et éducative
proposée par un thérapeute d 'obédience cognitivo-comportementaliste.
Ces différents besoins relationnels insatisfaits se reflètent dans les aspects
spécifiques des romans personnels de chaque patient et sont à la base
des troubles dont ils souffrent. Il est probable que nombre d'entre eux
nécessitent et bénéficient grandement d' une relation dans laquelle le
thérapeute peut passer d'un type de style d'engagement à un autre au fur
et à mesure de l'émergence de nouveaux aspects de la problématique et
selon les caractéristiques spécifiques du processus en cours.
Les décisions techniques interagiront immédiatement avec les moda­
lités de l ' interaction, par le fait même que le choix de n'importe quelle
intervention impl ique l'utilisation optimale d'un style particulier de
relation. Chacune d'elles entraîne des possibilités différentes de modifier
les romans personnels. Par exemple, quand le thérapeute suggère une
désensibilisation pour un symptôme d' anxiété, il structure la relation
d'une certaine manière, alors que s'il choisit de confronter un contact
inauthentique avec soi-même, il engage l'interaction dans un autre sens.
Les expériences inconnues jusque-là qui pourront résulter de l'emploi de
ces techniques contrediront peut-être une partie défectueuse du roman
personnel du patient. Cette décision technique, et toutes les autres qui
l'accompagneront, deviendra partie intégrante d' une nouvelle histoire en
train de se créer entre le patient et le thérapeute. Les conséquences de
ces interventions peuvent constituer ensuite des données d'expérience
brutes sur lesquelles d'autres révisions du roman personnel pourront se
réaliser. Donc, toute considération technique doit toujours se situer dans
le contexte à la fois immédiat et lointain de la relation et de l'histoire
unique que la dyade du patient et du thérapeute a tissée.
Enfin, citons deux « super-dimensions », qui synthétisent plusieurs
dimensions à elles seules et, surtout, constituent un facteur crucial dans
le choix de la stratégie thérapeutique à mettre en œuvre en fonction des
besoins idiosyncrasiques du patient.
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 323

La prem1ere super-dimension est celle du niveau de directivité­


structuration de la thérapie (inclus notamment les dimensions directif ou
non directif ; cherche à explorer ou à modifier ; sait à l ' avance ou non
ce qu'il va faire), et la deuxième celle démantèlement ou renforcement
des défenses du patient (comprend les dimensions cherche à réguler ou
stimuler émotionnellement ; cherche à réduire ou accroître l'angoisse,
cherche ou non à aider le patient à mieux se contrôler).
Tableau 29. Niveau de directivité-structuration des interventions.
Directivité-structuration Non directivité-sans structuration
1. Dirigée par le thérapeute 1. Dirigée par le patient
2. Structurée 2. Le niveau de structuration varie, en
3. Objectifs : fonction du patient
- changement des comportements 3. Objectifs :
inadaptés - développer la conscience de soi
- réduction des symptômes - réduire le flou sur sa propre identité
- rendre possible les changements - accroître le sentiment de direction
environnementaux - promouvoir l'indépendance
- développer de nouvelles habiletés - construire la confiance en soi
- résolution de problème 4. Conseillée pour les patients qui sont :
4. Conseillée pour les patients qui sont : - capables d'établir tout seul leur propre
- disposés à suivre les conseils des autres direction
ou incapables d'établir par eux-mêmes - motivés par l'atteinte d'objectifs larges et à
leur propre direction long terme
- motivés principalement par l'atteinte - fonctionnellement acceptables, mais pas
d'objectifs spécifiques et limités au maximum de leurs possibilités
- très perturbés, fragile, avec des - pas en crise
comportements dysfontionnels - capables d'établir des limites
- en crise, ou en train de vivre des interpersonnelles appropriées, dans et
problèmes liés à des situations hors de la thérapie
contingentes
- avec des difficultés pour mettre des
limites, spécialement en thérapie
;<;
Par rapport à la première dimension, disons aussi qu'elle peut servir
à adapter son style thérapeutique au degré de préparation à la psycho­
thérapie du patient, selon que celui-ci soit prêt ou non à jouer son rôle
à l' intérieur de la thérapie, à s'impliquer et s' investir personnellement
dans celle-ci. Les trois composantes du degré de préparation à la thérapie
sont : la volonté de faire l'effort thérapeutique, les habiletés/compétences
liées, et la possibilité de confiance en soi et dans l' autre. Ainsi, plus le
degré de préparation est bas, plus la directivité doit être élevée et les
tâches assignées peu impliquantes ; l' inverse est vrai quand le degré de
préparation est élevé (Howard et coll., 1 986).
Par rapport à la seconde dimension, on peut dire que les personnes
avec les plus hautes capacités de cohérence du soi (ou force du moi)
324 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Tableau 30. Niveau de démantellement-renforcement des défenses.


Démantèlement des défenses Renforcement des défenses-soutien
1. Cherche à éliminer les obstacles au 1. Construit sur les défenses et sur les
développement forces existantes
2. Se focalise aussi bien sur le passé que 2. Se focalise sur le présent
sur le présent, en cherchant des répétitions 3. Fournit de l'acceptation, de la protection,
3. Procure des défis et des stimulations de la réassurance, de l'empathie
quant au changement, dans un contexte 4. Fournit des explications, des
d'acceptation informations
4. Aide le patient à trouver des 5. Objectifs :
interprétations, découvrir des informations - favoriser la réduction des symptômes et
5. Objectifs : l'amélioration du fonctionnement
- favoriser la croissance et le - accroître l'acceptation de soi
développement - renforcer les ressources existantes
- augmenter la compréhension des conflits 6. Conseillée pour les patients au " Moi
intrapsychiques faible ,, qui sont :
- développer de nouvelles ressources - réticents, fragiles, hautement
6. Conseillée pour les patients au " Moi dysfonctionnels, peu en contact avec la
fort ,, qui sont : réalité
- hautement motivés, bien organisés, en - orientés vers l'action
contact avec la réalité, raisonnablement - contrôlés par l'extérieur (locus de contrôle
sains externe), dirigés par les autres
- intuitifs, verbaux, psychologiquement
disposés -à locus de contrôle interne,
contents de voir un changement comme
résultat d'un effort

ont des résultats meilleurs avec l'emploi de stratégies « d' activation


émotionnelle » (expressive en anglais) qui bouleversent les défenses,
alors que celles avec les plus faibles capacités de cohérence (Moi faible)
bénéficient plus de stratégies de soutien ou « centrées sur le problème » .
Pour aller même plus loin, si l'on prend l 'exemple de la cure type ana­
lytique, dans certains cas l'induction d'une dépendance transférentielle,
au lieu d'être le moteur de dégagement des dépendances familiales, ne
fait que les déplacer ou les renforcer, sans possibilité de mobilisation.
L'aptitude à tirer profit des implications transférentielles suppose des
dispositifs de « deutero-apprentissages » relationnels, c'est-à-dire une
capacité de jeu entre les imagos parentales intériorisées, l 'expérience
induite par la rencontre avec le psychanalyste, et la classe générale
des imagos parentales : une telle aptitude n'est pas donnée à tout le
monde (Miermont, 2000). Certaines personnes présentent une fragilité
qui rend le maniement transférentiel inopportun, fragilité qui n'est pas
nécessairement incompatible avec des ressources personnelles suffisantes
pour pouvoir sérier les problèmes, les affronter, et trouver des solutions
par soi-même.
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 325

Enfin, chacune de ces dimensions peut être mise en œuvre à travers


l' emploi de techniques ou procédures transversales, provenant d'ap­
proches diverses.
Ainsi, dans le tableau 3 1 , on voit que les approches non-directives­
non-structurées laissent au patient le maximum de liberté de réponse
et servent à stimuler une exploration plus profonde de la personne.
Elles n' exigent pas de réponses spécifiques de la part de l 'autre, mais
invitent à explorer. Les interventions directives limitent, d'une manière
ou d'une autre, la réponse du patient. Elles prennent la forme de
demandes fermées ou focalisées, d' affirmations, de tâches à domiciles,
d'expériences guidées.

Tableau 31. Techniques psychothérapeutiques agissant sur la dimension


directivité-structuration.
Niveau d'expérience Non directif Directif
1. Sentiments non 1. Renvoi, reflet 1. Technique Gestalt des deux
identifiés 2. Associations libres ; chaises ; Centration sur la
2. Motivations travail personnel sur les sensation ; exposition massive
inconscientes rêves 2. Interprétation
3. Contenus cognitifs 3. Questionnement 3. Recueil de preuves ; blocage
4. Manifestations socratique de la pensée
comportementales 4. Information 4. Jeu de rôle, autosurveillance

Le niveau de démantèlement ou de renforcement des défenses s'ex­


prime lui aussi au travers de techniques provenant de méthodes thérapeu­
tiques variées.

Tableau 32. Techniques psychothérapeutiques agissant sur la dimension


« respect des défenses »

c
Réduit le niveau immédiat de Augmente le niveau immédiat
:i souffrance ou de stress d'activation
1. Épancher les sentiments 1 . Confronter
2. Rassurer 2. Planifier des rencontres avec des
3. Relaxer et distraire " autres significatifs ,.
4. Refléter les sentiments 3. Utiliser le dialogue sur les deux chaises
"'
5. Conseiller et enseigner
pour les relations non abouties
4. Utiliser des fantaisies orientées
6. Utiliser l'hypnose et provoquer des
images plaisantes 5. Analyser le transfert et les défenses

7. Aider à contrôler la respiration 6. Interpréter

8. Aider à se concentrer sur les sensations 7. Attendre en silence et. ..


et... 8 . . . faire des demandes
9. contre-conditionner
326 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

Concluons en disant que ce genre de considérations est loin d'avoir


abouti à la production d' une liste exhaustive de critères scientifiquement
démontrés quant à la bonne attitude à avoir face aux particularités des
patients : il se joue là tout l'avenir du progrès en psychothérapie !

Les différentes façons de concevoir et de traiter


les manifestations transférentielles
et contre-transférentielles
Chaque école de psychothérapie insiste sur l ' i ntérêt de certaines
facettes spécifiques du contre-transfert, terme emprunté à la psychanalyse
mais dont l'emploi tend à se généraliser, tant il correspond à une
expérience clinique partagée par tous.
Il existe ainsi des méthodes très différentes pour l ' utiliser dans une
visée thérapeutique. Toutes ces méthodes nous semblent valides et
utilisables, selon les circonstances, par un même psychothérapeute.
Simplement, chaque façon de l' utiliser influence différemment la
relation thérapeutique, et le choix de son mode d'exploitation doit donc
tenir compte du type de relation en cours ou du type de relation que le
thérapeute pense souhaitable d'instaurer.
La façon de conceptualiser le transfert entraîne souvent des impli­
cations dans le maniement du contre-transfert, c'est pourquoi nous
décrirons les deux, même si notre propos se centre sur l'uti lisation
thérapeutique du contre-transfert. Il existe en fait deux types de contre­
transfert : Je premier, pathogène sinon pathologique (contre-transfert de
type 2, selon la typologie exposée plus haut), est engendré par un manque
de connaissance, de maîtrise de soi, ou d'équilibre du thérapeute ; le
second est le contre-transfert technique (de type 1 ) , résultant de la
sensibilité du thérapeute qui fait résonance aux mouvements internes
du patient, consistant en des réactions qu'il pourra utiliser pour mieux le
comprendre et le traiter.
En simplifiant, on pourrait dire que :
- La psychanalyse maximise le développement du transfert et minimise
l'expression du contre-transfert (son expression mais pas son ressenti).
Nous venons d'en rappeler les deux principales conceptions, l'une
classique et négative, l'autre moderne et positive, en faisant un véri­
table instrument de travail. En effet, pour la psychanalyse classique,
le contre-transfert est l'équivalent du transfert sauf qu'il se situe chez
le thérapeute. Dans ce sens il est toujours « pathologique » , reflétant
des problématiques névrotiques inconscientes non résolues chez le
thérapeute, qui l'empêchent, momentanément au moins, d'exercer sa
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 327

fonction, et doivent être soumjses à une ré-analyse ou nouvelle tranche


d'analyse personnelle. Dans le courant psychanalytique moderne
(Kernberg, 1 989, 1 995) l'accent est plus porté sur l 'aspect « nor­
mal » du contre-transfert. La réponse du thérapeute au patient y est
conçue comme inévitable, et révélatrice d'informations essentielles
sur la dynamique pulsionnelle et représentative de ce dernier. Ainsi,
l ' analyste ne cherchera pas à éviter ces expériences ni à les mettre à
distance par une analyse purement intellectuelle. Au contraire, il doit
les accepter, les explorer, les analyser, travailler à dissocier ses propres
réactions du transfert du patient et se servir de ce travail intérieur pour
sa perlaboration interprétative.
- La Gestalt, à l'opposé, « minimise le développement du transfert
et maximise l' expression du contre-transfert » (Ginger, 1 994). Cette
approche considère le transfert comme un évitement d'une rencontre
vraie avec le self et avec l'autre. Le patient entre en relation avec Je
thérapeute dans des limites étroites et rigides, apprises par le passé
pour éviter l' anxiété. Ces réactions de transfert sont confrontées et
élaborées activement, en l ' aidant à s' ouvrir plus pleinement dans sa
rencontre avec son thérapeute. En psychanalyse classique, l 'analyste
est surtout attentif à favoriser l' émergence du transfert (pour déve­
lopper une névrose de transfert), tout en s'efforçant de contrôler au
maximum son propre contre-transfert ( « vigilance défensive » vis-à­
vis du contre-transfert). En Gestalt, à l 'inverse, le thérapeute s'efforce
de lirruter le transfert du patient (il débusque, au fur et à mesure de
leur apparition, les phénomènes spontanés de transfert, non sans les
avoir soulignés, voire exploités, au passage) tout en étant attentif
à exploiter délibérément son contre-transfert, notamment par une
awareness (conscience) permanente à son propre ressenti émotionnel
et corporel en écho au comportement verbal ou gestuel de son patient
( « exploitation offensive » du contre-transfert). Le gestaltiste est atten­
tif à ce qu'il ressent personnellement dans l'instant, face à son patient,
et n'hésite pas à partager « délibérément » une partie de son ressenti
avec lui (Ginger, 1 994 et 1 995). Pour un gestaltiste le contre-transfert
problématique correspond aux situations où le thérapeute évite une
rencontre authentique ou bien connaît une limitation de son awareness.
- Les thérapies cognitives « utilisent » (pour favoriser la compréhension
et la remise en cause des schémas cognitifs) le transfert et le contre­
transfert sans chercher à les développer ni à les éviter. Ces termes
n'y ont du reste pas cours, employés tels quels. Le psychothérapeute
cognitiviste gère le transfert (ou ce qui y correspond) par clarification,
confrontation, et réduction-rééducation, en faisant découvrir au patient
328 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

qu'il n'est pas approprié à la réalité de la relation thérapeutique.


Tl conceptualise le transfert en termes de schémas cognitifs activés
vis-à-vis du thérapeute ou du processus thérapeutique. Quelques
psychothérapeutes cognitivistes, principalement Guidano et Liotti
( 1 983) et Safran et Segal ( 1 990), ont placé les réactions du thérapeute
vis-à-vis du patient au centre du processus psychothérapeutique. Pour
ces auteurs, le thérapeute pourra changer plus profondément les
schémas et constructions mentales de son patient si les interactions
interpersonnelles qui alimentent les cognitions dysfonctionnelles sont
aussi changées. Pour ce faire, le thérapeute doit souvent utiliser comme
source d'information essentielle ses observations de son interaction
avec le patient, et celles de sa contribution à l'expérience du patient.
- Les thérapies rogériennes traitent les réactions de transfert comme tous
les autres sentiments, en les acceptant et en les réfléchissant au patient,
sans les interpréter. Sous l'influence de l'attitude typique du thérapeute
rogérien (la triade empathie-acceptation-congruence), le patient fait
l 'expérience d'un nouveau type de relation, non contaminée par le
transfert, et qui lui servira de base pour avoir accès à ses sentiments
et significations profonds. Le thérapeute tend à y être transparent
vis-à-vis du contre-tranfert en le reconnaissant ouvertement, ce qui fait
partie de l'attitude de congruence prescrite par Rogers. Les pensées,
sentiments, et autres réactions provoquées par le patient constituent
une source d'inspiration essentielle pour les réflexions et commentaires
faits par le thérapeute. Cependant, dans cette approche, toute réaction
faisant sortir le thérapeute du cadre d' une attitude empathique, d'accep­
tation inconditionnelle et authentique , est prise pour un contre-transfert
problématique nécessitant une remise en cause personnelle de sa part.
- Les thérapies stratégiques traitent de façon « tactique » le transfert,
le thérapeute se mettant le plus souvent en position basse vis-à-vis de
celui-ci, ou y répondant par des manœuvres paradoxales. On n'y parle
par conséquence pas du contre-transfert mais le thérapeute cherche à
désamorcer de façon créative les luttes symétriques pour le pouvoir
(dans lesquelles son contre-transfert pourrait l'entraîner, mais c'est
implicite ici), en se montrant le moins prédictible possible et en ne
jouant pas le jeu que le patient attend ou induit en lui.

Les styles de personnalité du thérapeute et de son patient

Une manière de prévoir si le psychothérapeute pourra aisément ou


non s' adapter aux caractéristiques de son patient consiste à étudier leur
compatibilité mutuelle en terme de style de personnalité. Turner et Greco
INTÉGRATION ET ÉCLECTISME FACE À LA MULTITUDE DES ÉCOLES 329

( 1 998), prenant en compte le travail de divers auteurs, en ont identifié


quatre « cardinaux » : les types Nord, Sud, Est et Ouest.
Les tableaux 33 et 34 en décrivent les caractéristiques ainsi que leurs
points forts respectifs.

Tableau 33. Caractéristiques et ressources des styles de personnalité


« cardinaux ».

Type Nord Type Est Type Sud Type Ouest


Assertif, indépendant Centré sur la Joueur d'équipe, Aime les risques,
Décisif, contrôlé qualité sociable aventureux
Rythme rapide, Détaillé, structuré Aimable, Rapide, énergique
s'autostimulant Lent, précis sympathique Utopiste,
Confiant, autoritaire Focalisé, Lent, tranquille non-conformiste
Centré sur les méthodique Bon écoutant, Innovateur, créatif
objectifs, ambitieux Planificateur empathique Flexible, capacités
Ouvert, direct, organisé Aimant la multiples
volontaire Logique, tranquillité, délicat, Accomplit avec
Compétitif, analytique hospitalier dextérité de
déterminé Correct, ponctuel Prend soin des nombreuses tâches
Leader, grand Besogneux, autres, maternant Adaptable
travailleur responsable Compréhensif, Spontané, non
Tourné vers les Traditionaliste, patient structuré
tâches, responsable conservateur Généreux, oblatif Enthousiaste, doué
Dirigé vers l'action, Sérieux, réservé Centré sur le d'humour
courageux processus Esprit libre, versatile
Idéaliste, rêveur

Tableau 34. Points deforce respectifs des styles de personnalités


« cardinaux ».

Type Nord Type Est Type Sud Type Ouest


Détermination Analytique Coopératif Créatif

<>

Confiance Planificateur Calme Novateur


Compétence Travailleur Impartial Souple
Directivité Capable de se Aidant Utopiste
Rapidité concentrer Plein de bonne Large d'esprit
Courage Focalisé volonté Plein d'idées
Sens de l'initiative Tenace Diplomate Enthousiaste
Décidé Logique Patient Motivé
Fiabilité Doué d'insight Loyal Adaptable
Correct Altruiste Curieux
Responsable Sensible
330 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Évidemment, chacun de ces types possède des caractéristiques qui


risquent d' interférer avec la bonne marche de la thérapie. Les dys­
fonctions les plus sévères surviendront dans les styles extrêmes, où
les caractéristiques seront excessivement exagérées. Étant un modèle
dimensionnel, toutes le caractéristiques intermédiaires sont possibles
(exemple : Est-Nord, Sud-Ouest, etc.).
Tout en reconnaissant notre style de personnalité originaire, nous
devons progressivement étendre les dimensions de notre « self profes­
sionnel » pour y inclure un certain nombre de caractéristiques et de
possibilités de fonctionnement propres aux différents styles cardinaux.
Pour pouvoir utiliser les diverses attitudes thérapeutiques décrites plus
haut, nécessaires pour s'adapter au patient (le « thérapeute caméléon »),
on ne peut se contenter d'être monolithique, fonctionnant uniquement
selon un type de personnalité : il faudra ainsi pouvoir parfois démontrer
la créativité et l' imprévisibilité du type Ouest, d' autres fois la rigueur et
l' aspect « obsessionnel )) du type Est, d' autres fois encore, le caractère
calme, patient, empathique, et nourrissant du type Sud, et, finalement,
parfois, le côté autoritaire et tourné vers l 'action du type Nord. Il
serait intéressant de mettre en place une recherche dans laquelle on
étudierait ce qui oriente Je plus les attitudes typiques du thérapeute
selon les différentes dimensions : son modèle d'appartenance théorique
ou son style de personnalité. Certains styles de personnalité orientent
d'ailleurs certainement le thérapeute vers le choix d'une approche : à
titre d'exemple nous suggérons que le type Est de personnalité va plus
conduire un psychothérapeute à adopter l'orientation comportementa­
liste, le type Sud l'approche rogérienne, le type Ouest l' approche Gestalt.
Certains styles de personnalités seront incompatibles en psychothéra­
pie : ainsi si thérapeute et patient sont tous les deux de type Nord, ou si
l'un est de type Est et l' autre Ouest, ou bien si l ' un est Nord et l' autre
Sud.
Annexe

IMPLICATIONS POUR
L'ENSEIGNEMENT I

DE LA PSYCHOTHERAPIE

Le bagage minimum du psychothérapeute

L' Association européenne de psychothérapie (E.A.P. : European Asso­


ciation of Psychotherapy) vient de proposer la création d'un diplôme
européen de formation à la psychothérapie, dont le programme est tout à
fait représentatif du haut degré de qualification nécessaire pour exercer
Je métier de psychothérapeute.
La durée totale de la formation proposée par l ' E.A.P. sera au moins
de 3 200 heures, réparties sur sept années, dont au moins quatre ans dans
une formation spécifique à la psychothérapie.
La formation comprend les éléments suivants :
- Expérience psychothérapeutique personnelle (ou équivalence). Cela
comprend les psychanalyses didactiques, l'expérience sur sa propre
personne et toute autre méthode impliquant des éléments de réflexion
à son propre sujet, de thérapie et d'expérience personnelle. Aucun
terme unique n ' a pu être retenu qui puisse recevoir l'aval de toutes
332 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

les méthodes psychothérapeutiques. Toute formation devra inclure des


dispositions assurant que les personnes formées peuvent reconnaître
et gérer correctement leur implication personnelle ainsi que leur
contribution aux processus psychothérapeutiques qu'ils pratiquent,
cela en cohérence avec leur méthode spécifique.
- Études théoriques. Celles-ci consistent en une partie d'études univer­
sitaires ou de formation professionnelle et une partie spécifique à la
psychothérapie. Les cours universitaires ou professionnels menant à
un diplôme universitaire de base ou à une qualification professionnel I.e
équivalente dans des sujets proches de la psychothérapie peuvent être
pris en considération comme une partie ou comme l'ensemble de
l'aspect général de la psychothérapie mais ne peuvent pas être pris en
compte dans les 4 ans de formation psychothérapeutique spécifique.
Le module de formation spécifique devrait inclure les composantes
suivantes :
- des théories du développement humain au travers des cycles de la
vie, notamment sur le plan sexuel ;
- des éléments de connaissance des autres approches psychothérapeu­
tiques ;
- une théorie du changement ;
- une compréhension des questions d'ordre social liées à la psycho-
thérapie ;
- des théories concernant la psychopathologie ;
- des théories d'évaluation et d'intervention.
- Formation pratique. Celle-ci comprend une pratique suffisante sous
supervision régulière, appropriée à la méthode psychothérapeutique
concernée ; sa durée est d'au moins deux ans.
- Stage dans un milieu ayant trait à la santé mentale (ou expérience
professionnelle équivalente). Le stage doit permettre une expérience
adéquate de crises psychosociales ainsi qu'une collaboration avec
d' autres spécialistes dans ce domaine.
Nous présenterons notre propre conception de la formation de base
indispensable dans la dernière partie de ce chapitre, en complétant ou
reformulant ces recommandations « officielles ».
Nous y insisterons sur l'importance de la démarche intégrative et
éclectique pour la formation du psychothérapeute, notamment en ce qui
concerne :
• son apprentissage des grandes règles du fonctionnement intrapsychique
et interpersonnel ;
IMPLICATIONS POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 333

• sa connaissance des diverses stratégies et attitudes thérapeutiques


générales (les facteurs communs) qui lui permettront de « transmettre )>
sa compréhension au patient ;
• sa souplesse psychique et la richesse de son vécu vis-à-vis des diverses
approches.

Des programmes de formation intégratifs

À 1' époque où se développe le mouvement intégratif et éclectique


n'est-il pas temps de revoir nos conceptions ? Puisqu'il est prouvé,
par des travaux scientifiques incontestables (du moins dans l'opinion
des chercheurs en psychothérapie) que toutes les techniques mettent en
œuvre les facteurs communs dont nous avons parlé et que ces derniers
expliquent 30 % de la variance des effets de ces différentes techniques,
dans les analyses factorielles et les méta-études (plus du double des
facteurs spécifiques), n'est-il pas raisonnable de centrer l'enseignement
et la formation sur leur acquisition et sur l'acquisition de ce que nous
avons appelé les habiletés de base du psychothérapeute (O. Chambon
et Marie-Cardine, 1 994) ? Il en résultera alors un type de formation
différent, beaucoup plus proche des méthodes psychoéducatives, laissant
alors au candidat le soin, par la suite, d' aborder d'une manière plus
approfondie la technique spécifique de son choix.
C'est le parti que prit F. Borgeat à Montréal ( 1 989). Directeur du
département de psychiatrie à cette époque, il avait fixé quatre grands
objectifs de formation, après avoir constaté que :

« Rien ne justifie présentement une définition étroite de la psychothérapie


en référence à une seule théorie ou école car une telle définition aurait
une saveur plus dogmatique que scientifique. Le choix des approches à
enseigner devient problématique et pourrait s'orienter en fonction des
besoins prévisibles des futurs psychiatres ».

Dans cette optique quatre objectifs de formation sont proposés :


1 . Former des psychiatres avec un esprit scientifique et critique, aptes
à faire progresser les connaissances et à développer une psychiatrie
rigoureuse, préoccupée de recherche évaluative : Certaines approches
ont davantage manifesté ce souci jusqu'ici : les approches com­
portementales, cognitives et psychodynamiques brèves ainsi que le
mouvement éclectique.
2. Former des psychiatres aptes à collaborer avec d' autres médecins
moins familiers avec la pratique psychothérapique (notamment avec
334 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

les médecins de famille). Ici encore certaines approches (comporte­


mentales et cognitives) se prêtent mieux à ce genre de collaboration
ainsi qu'à l'enseignement des médecins de famille.
3. Former des psychiatres à une théorie permettant de comprendre les
dimensions intrapsychiques de la psychopathologie, et ici la théorie
psychanalytique possède un net avantage.
4. Finalement, i l importe de former des psychiatres à l'aise avec une
pratique psychothérapique décloisonnée.
Une enquête réalisée auprès des résidents en psychiatrie de l' université
de Montréal en 1 989 montrait leur désir de recevoir une formation
diversifiée en psychothérapie. Bien que l ' accent fût mis sur l'appren­
tissage d'une approche inspirée par la psychanalyse individuelle à long
terme, une possibilité d'exposition à différentes autres formes de pratique
psychothérapique existait déjà, toutefois moins développée. L'opinion
majoritaire se prononçait en faveur de la psychothérapie analytique
brève.
F. Borgeat soulignait, comme nous venons de le faire, l ' hétérogé­
néité du champ de la psychothérapie ; il avançait même le qualificatif
d'hétéroclite évoquant la coexistence d' aspects proprement scientifiques
avec d'autres relevant plus de l' art, de l' humanisme, de la philosophie,
voire de la magie dans certains cas marginaux. C'est aussi, dit-il « un
sujet d'affrontement entre professionnels sur des questions corporatives
et financières, industrie prospère mais menacée des interventions des
gouvernements et des compagnies d' assurances ». Il relevait aussi la
prolifération d'un nombre excessif de théories ou écoles, dont toutes
ne peuvent prétendre au même degré de scientificité et dont certaines
sont probablement éphémères et ésotériques. Il constatait, comme nous
l'avons fait, l'importance des facteurs communs dans les résultats des
études des facteurs de changement, posant la question difficile du choix
des matières à enseigner. Chacun peut constater l'état de cloisonnement
extrême des différentes écoles qui s'ignorent mutuellement la plupart
du temps et il concluait son étude en orientant son choix pédagogique
en fonction de besoins des futurs psychiatres par rapport à l'évolution
prévisible de la discipline dans les prochaines années. On peut constater
d'ailleurs que l'évolution qui s'est produite depuis n'a pas démenti
le bien-fondé de ce choix qui était donc empirique et pragmatique et
aboutissait à définir les objectifs que nous avons cités précédemment.
IMPLICATIONS POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 335

Le diplôme universitaire de formation à la psychothérapie organisé


à l ' université catholique de Louvain La Neuve 1 fondé par W Huber
est organisé depuis dix ans d'une manière voisine avec bien entendu
des différences propres à cette école. Sans avoir encore jusqu'ici opté
nettement pour un enseignement inspiré par J 'approche éclectique et
intégrative, i l s'en rapproche dans son aspect général et lors d'un
symposium récent le sujet a été abordé et largement discuté 2 . Pour
l' instant la formation est divisée en deux parties. La partie théorique
est donnée à l' université proprement dite et comporte, sous forme de
séminaires, un enseignement de psychopathologie psychanalytique, de
théorie systémique et de théorie comportementale et cognitive. U n
enseignement d e pathologie psychiatrique, d e psychopharmacologie et
de neurophysiologie y est ajouté pour les étudiants qui ne sont pas
psychiatres car cette formation admet à la fois des psychiatres, des
médecins non psychiatres, des psychologues, des étudiants en sciences
de l'éducation. Il s'agit d'un enseignement spécialisé de troisième cycle
universitaire. Parallèlement, les étudiants doivent recevoir une formation
pratique et prendre en charge pour une durée déterminée un certain
nombre de malades, par l'une des grandes techniques citées de leur choix
et doivent se faire régulièrement superviser. Cette activité pratique de
cures supervisées est organisée par l' université et se déroule dans les
différents centres de psychiatrie communautaire de Wallonie qui veulent
bien collaborer avec l'organisation universitaire sur un mode contractuel.
En outre, les étudiants doivent également, conformément aux directives
européennes, s'engager dans une cure personnelle dans l'une des écoles
de leur choix, mais en fonction d'une sélection préalable opérée par
l'organisation universitaire. Ce diplôme, qui se déroule pour l'instant en
quatre ans, semble donner, d'après une enquête récente, toute satisfaction
aux étudiants aussi bien qu'aux enseignants, bien que de nombreuses
critiques de détail soient formulées et qu'une remise en cause permanente
c: veille à en favoriser l 'évolution en étroite relation avec les instances
::>
européennes.
Il existe également des formations universitaires à la psychothérapie
dans d'autres pays européens, notamment dans les pays nordiques, en

1. Diplôme d'études spécialisées en psychothérapie (Pr. N. Van Brœck)


2. X0 Journée d'étude du Diplôme d'études spécialisées en psychothérapie, N. Van
Brœck. université catholique de Louvain. 6 mars 1 998, M. Marie-Cardine et O. Chambon
« L'intégration de différentes orientations au sein de la formation. Pourquoi, comment et
avec quels résultats ? »
336 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Suède et en Norvège, en Allemagne et en Autriche. La thèse de J.­


F. Botermans ( 1 996) présente une synthèse complète de ces différentes
expériences.
Comme nous l ' avons dit, l ' orientation que nous avons prise, dans
notre université (UCB-Lyon 1 ), en créant un diplôme universitaire de
psychothérapie ' n'est pas opposée à ce point de vue. Il nous paraît
indispensable aujourd'hui de donner un enseignement inspiré par l'ap­
proche éclectique pour les raisons logiques et scientifiques déjà exposées
et notamment de baser l 'enseignement sur l 'étude en profondeur des
facteurs communs qui représente l'un des courants les plus actuels de
l'éclectisme en psychothérapie actuellement. En outre, un tel enseigne­
ment favorise l'ouverture d'esprit, la tolérance et le développement de
l' esprit critique des étudiants, leur évitant, de s'enfermer dès le départ
dans une attitude dogmatique, sectaire, et bien souvent irrationnelle. Les
arguments avancés par les partisans encore nombreux de ! ' initiation
à une théorie unique ne sont cependant pas négligeables : ce type
d'enseignement serait plus structurant ; il éviterait la dispersion entre
une multitude de théories et de techniques plus ou moins bien comprises
et impossibles à synthétiser. Ceci est vrai, mais correspond surtout à une
conception erronée de ce courant dont la critique a déjà été largement
avancée. li formerait l'étudiant dans une atmosphère de conflit reflétant
la conftictualité propre à la structure du psychisme humain, l'éclectisme
étant souvent, par opposition, confondu avec une sorte d' œcuménisme
fade et sans vigueur. On voit combien ce point de vue est trop radical
et risque surtout d'orienter l'enseignement dans un sens inspiré par une
attitude d'esprit proche du fonctionnement paranoïaque, par exemple des
idéalistes passionnés.
L'étude des facteurs communs, comme nous l'avons dit, ne pré­
tend pas donner la meilleure conception de la psychothérapie existant
actuellement. Elle se base sur les résultats d'une recherche scientifique
approfondie qui offre les meilleures garanties de sérieux en l'état actuel
des possibilités. Elle situe chacun des grands courants psychothérapiques
les uns par rapport aux autres, dans leur originalité comme dans leurs
points de convergence, dans leurs indications plus spécifiques comme
dans leurs zones de recoupement. Elle permet aux étudiants d'avoir un
panorama étendu de ce vaste domaine de la complexité de la clinique et
de la difficulté de la systématisation. Elle les rend plus aptes à la collabo­
ration interdisciplinaire et au travail institutionnel, devenue indispensable
aujourd' hui, dans le dans le champ de la clinique comme dans celui de la

1. Site internet : www.psychotherapies.fr.st


IMPLICATIONS POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 337

recherche. Elle permet de l' aborder avec un esprit scientifique, rationnel


et critique, qui est le propre de l'enseignement universitaire, leur laissant
ensuite la possibilité de choisir d'une manière plus fondée une formation
plus approfondie dans une école plus spécialisée, comme cela se fait
du reste, dans l 'ensemble des formations universitaires d'une manière
générale.
Nous considérons qu'un programme idéal 1 , réellement intégré de
formation de psychothérapeutes devrait conduire les candidats à :
l . Se connaître soi-même (s'être fait un « modèle de soi » ), souvent par
le biais d'une psychothérapie personnelle : connaître les forces et
les blessures qui agissent en soi consciemment ou inconsciemment,
et qui se retrouvent mises à l'œuvre dans les phénomènes contre­
transférentiels : c'est-à-dire connaître son histoire familiale, connaître
les différentes subpersonnalités, « relations d'objet », ou schémas
qui font partie de la carte du soi et tour à tour viennent prendre
le contrôle des opérations mentales, avoir reconnu l'origine de ses
premières souffrances, inscrites dans le psychisme et altérant les
relations interpersonnelles les plus intimes.
2. Avoir construit un modèle du fonctionnement mental suffisamment
global, riche et complexe intégrant la notion d'enfant intérieur, la
conception d'un psychisme divisé en multiples « subpersonnalités »
ou structures mentales en partie inconscientes et autonomes liées
à l ' histoire individuelles, la prise en compte des mécanismes de
défense psychiques. Ce modèle doit reconnaître les phénomènes
inconscients ou plutôt non-conscients (terme qui évite de se référer
à la topique freudienne) el l ' importance des relations précoces et
significatives, tout autant que l a place des rôles et fonctionnements
familiaux, el l'effet potentiel des changements comportementaux et
cognitifs sur l ' image de soi. Nous pensons que tout psychothérapeute,
indépendamment de son orientation ultérieure, devrait connaître les
principaux modes de défense et de répétition du psychisme, tels qu'ils
ont été décrits par les grands pionniers de la psychothérapie (Freud,
Perls, Beck ... ). Ainsi, vis-à-vis des mécanismes de défense, devraient
être connus à la fois :
- ceux qui visent les pulsions sexuelles et agressives (mécanismes de
défense classiques de la psychanalyse),

1. Pour d'autres modèles « idéaux » de formation intégrative et éclectique. consulter


Beutler ( 1988) et Beutler et Clark.in ( 1 990).
338 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

- ceux qui inhibent l'expression des différents besoins affectifs et


interrompent l'accomplissement du cycle de l'expérience (méca­
nismes décrits par la Gestalt, comme la proflexion, la retroflexion,
la déflexion, etc. cf. Delisle, 1 990),
- ceux qui évitent 1 'affrontement aux défis existentiels (Yalom, 1 9 8 1 ;
Salathé, 1995),
- ceux qui visent au maintien des schémas cognitifs (biais cognitifs
selon Beck ; mécanismes d'évitement ou de surcompensation selon
Young et Klosko, 1 995) ou des relations d'objets intériorisées
(mécanismes psychodynamiques décrits par O. Kernberg ( 1 989)
notamment à propos des différentes formes d'identification projec­
tive).
3. Connaître les stades du développement de l'enfant normal : les
différents besoins, styles relationnels, façons de penser et ressentir le
monde, présentés par l 'enfant à ses différents âges 1 •
4. Connaître les tâches et limites existentielles auxquelles doit se confron­
ter l'adulte (Yalom, Salathé).
5. Connaître les principales théories du fonctionnement mental et de ses
troubles :
- connaître leurs « mythologies », chaque école psychothérapeutique
étant plus particulièrement le reflet d'une conception philosophique
de l ' homme, d'une mode et d'une époque de la pensée humaine,
d'images et de métaphores scientifiquement infondées mais humai­
nement expressives ;
- connaître leurs implications pratiques, chaque théorie conduisant
à des interventions sur des niveaux différents du fonctionnement
mental, et impliquant par là même l' usage de techniques parfois
assez spécifiques ;

1 . À cet égard, nous recommandons vivement la lecture des ouvrages suivants : Dodson,
Tout se joue avant 6 ans. le père et son enfant ; Bradshaw, Retrouver / 'enfant en soi.
Notons au passage que les besoins développementaux dont i l est question peuvent être
de nature très variable. Ainsi, il est bien sûr important de savoir qu'entre 3 et 6 ans la
rivalité sexuelle vis-à-vis du parent de même sexe et I' « idylle familiale » fantasmée par
l'enfant, vont provoquer ce que d'autres appellent le complexe d'Oedipe. Simplement,
ce phénomène restera inclus dans un modèle général du développement de l 'enfant,
reconnaissant bien d'autres besoins (amour, affection, reconnaissance, protection, mise
en sens, etc .. ). Ainsi, la reconnaissance de la rivalité œdipienne ne conduira cependant
pas à un modèle pan-sexuel du psychisme.
IMPLICATIONS POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 339

- être bien conscient de leurs points communs et de leurs diffé­


rences, ou savoir comment, sous des terminologies différentes, des
techniques similaires sont utilisées ou bien des aspects du fonc­
tionnement mental très proches sont ajnsi observés et soumis au
changement ; mais aussi reconnaître ce que chacune d'elle contient
d'irremplaçable et d'irréductible, expliquant ainsi la nécessité de
sa présence dans un modèle intégré.
6. Se consacrer à l 'étude de modèles théoriques intégratifs de la psycho­
thérapie, comme ceux de narratifs, de schémas cognitifs, de modèle
gestaltiste pluraliste intégré, ou de Relation d' objet Intériorisées.
7 . S 'être impliqué dans la pratique des diverses techniques et être
capable d 'endosser des attitudes et des rôles thérapeutiques variés.
La meilleure façon de sortir des a priori et stéréotypes vis-à-vis d'une
méthode consiste à se mettre honnêtement à la pratiquer et à voir
ce qu'elle peut apporter : ses forces et faiblesses, ses indications et
contre-indications potentielles en sont ainsi plus justement cernées.
Il est difficile d' intégrer au niveau théorique des éléments non vécus
de manière pratique et personnelle. Ainsi que De Panafieu le dit,
l' apprentissage de plusieurs techniques a des effets bénéfiques sur le
psychothérapeute au plan personnel : chaque approche lui permet de
développer un aspect particulier de son être. De plus, le thérapeute
doit être capable, en fonction du type de relation thérapeutique rendue
nécessaire par l'abord de chaque patient particulier, de mettre en
pratique des attitudes variées qui font partie d'un répertoire qu'il s'est
forgé : en effet chaque méthode implique et prescrit certaines attitudes
thérapeutiques mais aussi, pour un thérapeute trop fortement identifié
à l ' image d'une seule école, en proscrit d' autres et en limite ainsi
la gamme de son propre registre ; or on sait bien que c'est moins
la théorie que la personne du thérapeute qui soigne. JI lui revient
c:
ainsi d' adopter le style relationnel qui lui parait le plus approprié
:::
au moment et au vécu de la phase de traitement qu'il conduit. Il
" lui faut, pour cela, pouvoir se référer à un modèle conceptuel de
plus haut niveau qui lui permet d' adopter ces changements d'attitude
d'une manière harmonieuse et d'en faire comprendre au patient la
nécessité. Celle-ci résulte d'une analyse suffisamment clairvoyante
de ses besoins tels qu'ils apparaissent pendant le déroulement de la
phase évolutive considérée.
8. Posséder des aptitudes psychothérapeutiques générales, et des stra­
tégies d'interaction psychothérapeutiques permettant de transformer
la compréhension du thérapeute en nouvel insight et possibilité d'agir
pour le patient. Comme le soulignent Beutler et coll. ( l 998), la
340 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

psychothérapie éclectique demande une formation de haut niveau


dans une variété de modèles très spécifiques. Il n'est pas évident qu'un
thérapeute puisse, en fait, acquérir un haut niveau de compétence, ou
même un niveau minimal, dans autant d'approches. Le thérapeute
doit cependant au moins maîtriser certaines méthodes thérapeutiques
appropriées à différentes catégories d'objectifs (comme l'augmen­
tation de l ' insight ; la prise de conscience, l ' intensification ou la
réduction des émotions ; le contrôle du comportement ; le changement
des perceptions). De plus, le thérapeute doit pouvoir appliquer ces
méthodes de façon plus ou moins directive. Mais il est encore plus
important qu'il sache faciliter la relation et qu'il dispose de techniques
pour l'enrichir, ce qui caractérise généralement un praticien efficace,
indépendamment de toute école thérapeutique particulière. Le pro­
gramme de formation devra donc.: insister, d' abord et avant tout, sur Je
développement de la compétence à établir et à maintenir une relation
thérapeutique. C'est alors seulement qu'on pourra introduire des
techniques spécifiques. Un psychothérapeute éclectique chevronné
recevra une supervision intensive dans le développement de méthodes
comportementales, d'interventions de changement cognitif, et dans les
nombreuses techniques d'amplification des états affectifs empruntés
à la Gestalttherapie. Il fera également l'expérience, sous supervision,
d'interventions destinées à clarifier les processus interpersonnels et
de méthodes d'orientation psychanalytique visant à favoriser et à
interpréter les relations de transfert. Dans chacun de ces domaines,
le thérapeute devra être familier aussi bien avec les fondements
théoriques qu' avec un échantillon de techniques.
9. Reconnaître / 'importance desfacteurs thérapeutiques non spécifiques.
En effet, ce qui est important en psychothérapie n'est pas ce que
le thérapeute dit avoir fait mais ce qu'il a réellement effectué et la
façon dont ses interventions ont été perçues, comprises et ressenties.
Ce ne sont pas forcément les activités et les explications fournies
par une orientation théorique particulière qui sont thérapeutiques,
mais l'expérience qu'en a faite le patient à travers son ressenti et ses
interprétations personnelles dans l ' interaction.
Plusieurs études (Garfield, 199 1 ) montrent que si lon compare I 'effica­
cité de différentes formes de techniques, ce ne sont pas ces dernières qui
font la différence mais les thérapeutes : ce sont certains thérapeutes, qui,
indépendamment de leur orientation, connaissent le plus de succès ; et si
J 'on demande aux patients ce qui les a aidés à changer, ils répondent, dans
leur grande majorité, que c' est le fait de s'être sentis écoutés, compris et
respectés par quelqu'un, qui a eu une relation chaleureuse et empathique
IMPLICATIONS POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 341

avec eux (sauf s i l e patient ne pouvait supporter une relation de c e type,


auquel cas le thérapeute était capable d'adapter son style, faisant preuve
ainsi d'une compréhension suffisante du fonctionnement psychique à
laquelle la formation éclectique permet d'accéder plus sûrement).
Quelques vers, tirés d'un tantra tibétain, illustrent par une métaphore
comment un thérapeute devrait pouvoir s'inspirer à toutes les sources,
sans craindre l' « excommunication » :

« Comme une abeille recherche le nectar


de toutes sortes de fleurs,
recherche partout les enseignements.
Comme un cerf qui trouve
un endroit calme pour brouter,
recherche la solitude pour digérer
tout ce que tu as amassé.
Comme un fou,
sans limites,
va où i l te plaît
et vis comme un lion,
libre de toute peur ».

Le psychothérapeute « de base » et la fonction


d'orientation
Face à un public de plus en plus sensibilisé à l'existence et à l' intérêt de
nombreuses formes de psychothérapie, un nouveau besoin se fait sentir :
celui du conseil de professionnels compétents, capables d' orienter les
demandes de psychothérapie vers les spécialistes et les méthodes les
plus adaptées à chaque cas. Il existe bien des services d'orientation
professionnelle, il faudrait que puissent aussi se développer des services
« d'orientation psychothérapeutique ». Or, les psychothérapeutes formés
selon une optique intégrative et éclectique seront les mieux placés pour
exercer ce rôle. À la suite d'une séance d'orientation, ils pourront alors
soit prendre en charge eux-mêmes les patients qui viennent les consulter,
ou être capables de distinguer l'approche spécialisée qui semble leur
convenir le mieux et les référer ainsi à des professionnels compétents.
Ils pourront aussi collaborer avec d'autres thérapeutes lorsqu'un
patient choisi (et c'est plus souvent le cas qu'on ne le pense) d' entre­
prendre deux thérapies simultanément, ou bien encore ils seront capables
d'indiquer à leurs patients d' autres méthodes pour continuer à progresser
à la fin d'une « tranche » de traitement avec eux.
Ainsi, comme Je dit Giusti ( 1 997) :
342 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

« De cette façon un grand nombre de patients qui aujourd'hui sont laissés


à la merci du sort ou victimes d'un envoi erroné qui peut se révéler fatal,
recevront un traitement adéquat à leur situation, déterminé non plus par
le conseil d'un ami ou d'un parent, par les pages jaunes d'un annuaire ou
par la télévision, mais par une procédure d'envoi très précise qui suivra
une logique bien étudiée. »

André ( 1 996), dans une petite brochure très intelligente, a ainsi précisé,
à l' usage des médecins général istes, des critères d'indications pour
différents types de psychothérapies, en fonction des caractéristiques
personnelles des patients déprimés qui pouvaient être amenés à les
consulter. Ce n' est qu'un début et il y aurait besoin d'une réflexion
approfondie et de conférences de consensus entre experts de l'approche
intégrative et éclectique, pour réaliser un tel système d'indications, qui
soit véritablement cohérent et autant que possible complet.
Comme Delisle ( 1 990) le souligne bien, il serait assez consternant que
tout client doive se soumettre à une démarche de dix rencontres ou d'une
durée de cinq ans et plus, simplement en raison du fait que Je thérapeute
qu'il pratique la thérapie brève, la gestalt, la PNL ou la psychanalyse.
Avant d'être des psychothérapeutes plus ou moins spécialisés, nous
devons être des professionnels de la santé mentale, capables de poser
un diagnostic et de choisir le traitement pour un client et une situation
donnée, et si nécessaire de 1 'orienter vers les praticiens des techniques
appropriées si nous ne voulons ou ne pouvons pas offrir ce traitement.
En tout cas, nous conclurons par les propos de Lazarus ( 1 990), pour
qui il est urgent de mettre un terme à la situation suivante :

« Quand quelqu'un décide de devenir un analyste jungien, ou un thérapeute


gestaltiste, ou un dévot de l 'analyse transactionnelle, ou un spécialiste de
toute autre école de pensée bien définie, cela est entièrement dû à des
facteurs subjectifs. Ce n'est pas parce que la personne a soigneusement
étudié des dizaines de systèmes thérapeutiques et a trouvé celui qui
avait les meilleurs statistiques d'efficacité. " Je suis un jungien, ou un
freudien, ou un adlérien, parce que c'est l'orientation que l'on m'a
enseignée ; ou cette orientation m ' a aidé personnellement ; ou elle me
parle beaucoup ". Personnellement, je n'ai pas d'objection à ce qu'un
praticien adhère strictement à une école, s'il est capable de reconnaître les
situations où il est nécessaire de référer à d'autres les patients. " Je suis
un analyste existentiel, mais comme vous avez besoin d'un entraînement
à l'affirmation de soi et d'une procédure de désensibilisation, je vous
recommande d'aller consulter auprès du Dr X, qui est un excellent
thérapeute d 'orientation cognitivo-comportementale ". Dans le monde
réel, le scénario précédent à une probabilité d'existence égale à zéro ! »
BIBLIOGRAPHIE

B I BLIOGRAPH I E PAR THÈME

Livres d'orientation générale

Alliance thérapeutique
ROGERS C. ( 1 942), La relation d' aide et la psychothérapie, Paris, Dunod, 1 996.
ROGERS C. ( l 961 ) , Le développement de la personne, Paris, Dunod, 1968.

Épistémologie
DU RUZ N . ( 1 994 ) Psychothérapie ou psychothérapies ?, Delachaux et Niestlé,
,

Paris.

:g Les diverses écoles


c:
"

MARC E. (2002), le changement en psychothérapie, Paris, Dunod.


MEGGLÉ D. ( 1 990), les thérapies brèves, Paris, Retz.

Indications différentielles des psychothérapies

HUBER W. ( 1 993), Les psychothérapies. Quelle thérapie pour quel patient ?,


Paris, Nathan université.

Le mouvement éclectique et intégratif


DELOURME A . (dir.) (200 1 ), Pour une psychothérapie plurielle, Paris, Retz.
344 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

MARIE- C A R D I N E M . , CHAMBON 0 . , MEYER R. ( 1 994), Psychothé­


rapies. l 'approche intégra/ive et éclectique, Toulouse, Éditions Le
Coudrier/Somatothérapies.

Psychothérapies intégratives

Psychodynamique, Gestalt, Théorie de la communication


PAGÈS M. ( 1 993), Psychothérapie et complexité, Marseille, Hommes et Pers­
pectives.

Psychodynamique, Gestalt, et Cognitivisme


YOUNG J.E., KLüSKO J.S. ( 1 995), Je réinvente ma vie, Montréal, Éditions de
l'Homme.

Approches cognitive, psychodynamique, rogérienne et neurobiologique


PRESTON J. (2003), Manuel de thérapie brève intégrative, Paris, InterEditions,
coll. « Développement personnel ».

Toutes orientations
NORCROSS J.C., GOLDFRIED M . R . ( 1 998), Psychothérapie intégrative, Paris,
Desclée de Brouwer.

Initiation aux diverses thérapies

Toutes orientations
Tous les ouvrages de la collection « Essentialis » aux Éditions Morisset, Paris.

Psychanalyse classique
FREUD S. ( 1 9 1 2) , la technique psychanalytique, Paris, Puf, Bibliothèque de
Psychanalyse, 1 953.

GILLIERON E. ( 1996), Le premier entretien en psychothérapie, Paris, Dunod.

GILLIERON E. ( 1997), Manuel de psychothérapies brèves, Paris, Dunod.

Psychanalyse des relations d 'objets internalisées


KERNBERG O. ( 1 989), les troubles graves de la personnalité : stratégies
psychothérapeutiques, Pari , Puf, coll. « Le fil rouge ».
BIBLIOGRAPHIE 345

KERNBERG O. ( 1 995), La thérapie psychodynamique des personnalités limites,


Paris, Puf, coll. « Psychiatrie ouverte ».

Psychologie développementale du self, selon Kohut


BASCH M.-F. ( 1 995), Comprendre la psychothérapie, Paris, Seuil, coll. « La
couleur des idées ».

Psychothérapies cognitive
COTTRAUX J. (2001 ), Les thérapies cognitives: comment agir sur nos pensées,
Paris, Retz, 1992.
MIRABEL-SARRON C., RIVIÈRE B. ( 1 993), Précis de thérapie cognitive, Paris,
Dunod.

Psychothérapies systémiques et stratégiques


M A L A R EWICZ J .-A. ( 1 993), Quatorze leçons de thérapie stratégique, Paris,
ESF.
M A L A R EWICZ J.-A. ( 1 993), Comment la thérapie vient au thérapeute, Paris,
ESF.

Gestalt
GINGER A. ( 1 987), La gestalt, une thérapie du contact, Paris, Éditions Hommes
et Groupes.
GINGER S. ( 1 997), Gestalt, l 'art du contact, Pari s, Marabout.
MASQUELIER G. ( 1 999), Vouloir sa vie. La Gestalttherapie aujourd'hui, Paris,
Retz .
346 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

B I B LI O G RAPH I E G É N É RALE
ABRAMOWITZ C.V., ABRAMOWITZ Journal of lntegrative and Eclectic
S.l., ROBACK H . B . , JACKSON C. Psychotherapy, 8, 8-16.
( 1 974), « Differential effectiveness of
ARKOWITZ H. (1992), (( Integrative theo­
directive and nondirective group the­
ries of therapy », in D.K. Freedheim
rapies as a function of client intemal­
(Ed.), History of psychorherapy : a
extemal control », Journal of Consul­
century of change, Apa, Washington
ting and Clinicat Psychology, 42, 849-
DC.
853.
ALBY J.-M., WlDLÔCHER D. ( 1 978), BALINT M. ( 1 960), Le médecin, son
Psychanalyse freudienne et processus malade et la maladie, trad. J.-P. Vala­
de changement, Encyclopédie médi­ brega, Paris, Payot, 1967.
cochrurgicale, Psychiatrie, 37810 F l 0 BALINT M. ( 1966), Techniques psycho­
( 10- 1 978-4a). thérapeutiques en médecine, Paris,
ALEXANDER F. ( 1 944), Psychothérapie Payot, Paris.
analytique, Paris, Puf, 1959.
BANDURA A. ( 1977), « Self-efficacy :
ALEXANDER F., FRENCH T. ( 1 946), Psy­ Toward a unifying theory of behavior
choanalytic psychotherapy, New York, change », Psychological Review, 84,
Ronald Press. 1 9 1-215.
ALFORD B . A . , BECK A.T. ( 1 997), The BANDURA A. ( 1 982), « Self efficacy
integrative power of cognitive therapy, mechanism in human agency », Ame­
The Guilford Press, New York. rican Psycho/ogist, 122-147.
ALON N . ( 1 985), « An Eriksonian BARLOW D.H. ( 1 988), Anxiety and its
approach to the treatment of chronic disorders : The nature and treatmenr
posttraumatic patients » in J.K.Zeig of anxiety and panic, New York, Guil­
(Ed.), Eriksonian psychotherapy, vol. ford Press.
Il, Brunner/Mazel, New York.
BASCH M.F. ( 1995), Comprendre la psy­
AMBÜHL H., GRAWE K. ( 1 988), « Die
chothérapie, Seuil, Paris.
Wirkungen von Psychotherapien ais
Ergebnis der Wechselwirkung zwi­ BAUDIN P., « La respiration holotro­
schen therapeutischem Angebot und pique : Aux sources de la guérison, les
Aufnahmebereischaft der Klienten. états modifiés de conscience », Medi­
Zeitschrift für Klinische Psycholo­ cis, 2009.
gie », Psychopathologie und Psycho­
therapie, 36, 308-327. BECK A.T., FREEMAN A. et al. ( 1 990),
Cognitive therapy ofpersonality disor­
ANDRÉ C. (1 996), Dépression et psycho­ ders, New York, The Guilford press.
thérapie, Paris, Pil et Ardix Editeurs.
BECK A.T., RUSH A . , SHAW B . , EMERY
ANDRÉ C . , LELORD F. (1 999), L'estime G. ( 1979), Cognitive therapy ofdepres­
de soi, Paris, Odile Jacob sion, New York, The Guilford press.
ANZIEU D. ( 1 98 1 ), Le groupe et l'in­
BENTALL R.P. ( 1 994). « Des études cog­
conscient. L'imaginaire groupai, Paris,
nitives sur la psychose à la thérapie
Dunod.
cognitivo-comportementale des symp­
ARKOWITZ H. (1 989), (( The rote of tômes psychotiques », in O. Cham­
theory in psychotherapy integration », bon, Marie-Cardine M. (Eds.) Psycho-
BIBLIOGRAPHIE 347

thérapie cognitive des psychoses chro­ DITH K., MERRY W. ( 1991), « Pre­
niques, Paris, Masson. dictors of differential and self-directed
psychotherapeutic procedures », Jour­
BERGIN A.E., LAMBERT M.J. ( 1 978),
nal of Consu/ting and Clinical Psycho­
« The evaluation of psychotherapy out­
/ogy, 59, 333-340.
comes », in S.L. Garfield, A.E. Ber­
gin (Eds.), Handbook of psychothe­
BEUTLER L.E., MAHONEY M . J . , NOR­
rapy and behavior change, New York,
CROSS J.C., PROCHASKA J . O . ,
Wiley.
ROBERTSON M . H . , SOLOD R.N.
BERNSTEIN P. (2009) « Expériences de ( 1 987), « Training integrative/eclectic
'sorties hors du corps ' », ln : Manuel psychotherapists II », Journal of lnte­
clinique des expériences extraordi­ grative and Eclectic Psychotherapy, 6,
naires, Eds. Allix S., Bernstein P., 296-332.
Inrees, lnterEditions, Paris.
BEUTLER L.E., MOHR D.C., GRAWE K.
BEUTLER L.E. ( 1 988), « Training to com­
ENGLE D., MACDONALD R. ( 1 9 9 1 ),
petency in psychotherapy », Journal of
« Looking for differential treatment
Consulting and Clinicat Psychology,
effects : Cross-cultural predictors of
56.
differential psychotherapy efficacy »,
BEUTLER L.E. ( 1 99 1), « Have ail won Journal of Psyclwtherapy lntegration,
and must ail have prizes ? Revisiting 1, 121-141.
Luborsky's et al.'s verdict », Journal
of Consulting and Clinicat Psychology, BLANCHET R. ( 1 996), « La Supervision,
59, 226-232. point de vue du supervisé », in P. Dou­
cet et W. Reid (éds.) La psychothéra­
BEUTLER L.E., CLARKIN J.F. ( 1 990),
pie psycha11alytique, Montréal, Gaètan
Systematic treament selection : toward
Morin, 605-61 O.
targeted therapeutic intervellfions,
New York, Brunner/Mazel. BLASER A. ( 1 982), « Worauf achtet der
B E UTLER L.E., CONSOLI A .J . ( 1 993), Psychotherapeut bei seinem prospek­
« Matching the therapist's interperso­ tiven Patienten im Erstinterview ? »,
nal stance to client's characteristics : Schweizerische Zeitschrift fiir Psycho­
contributions from systematic eclectic logie u11d ihre Anwe11du11gen, 41, 4,
psychotherapy », Psychorherapy, 30, 287-295.
3, 4 1 7-422.
BLIN B . , CHAVAS B., « Guérir l 'ego,
BEUTLER L.E., CONSOLI A.J. ( 1 998), révéler l 'être-Le défi des thérapies
« La psychothérapie éclectique systé­ transperso1111el/es », Guy Trédaniel
matique » in Norcross J.C. et Gold­ Editeur, Paris, 2009.
fried M.R. (Eds.) Psychothérapie lnté­
grative, Paris, Desclée de Brouwer. BOTERMANS, J.F. ( 1 996), The trai11ing
ofpsychotherapists : Impact on confi­
BEUTLER L.E., CRAGO M., ARIZMEND
dence and mastery, se/f-efficacy, and
T. G. ( 1 986), « Research on therapist
emotion11al reactivity, thèse d' État, (J.
variables in psychotherapy », in Garfi­
Ph. Leyens, A. Dazord), faculté de psy­
led S.L. & Bergin A.E. (Eds.) Hand­
chologie et des sciences de l'éducation,
book of psychotherapy and behavior
Louvain la Neuve, université Catho­
change, New York, Wiley, pp. 253-
lique de Louvain.
3 1 0.
BEUTLER L.E., ENGLE D . , MOHR D . , BOTKIN A., « !nduced After Death Com­
DALDRUP R.J., BERGAN J . , MERE- munication », Hampton Roads, 2005.
348 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

BOWEN M. ( 1 984), La différentiation du CHAMBON 0., M A R I E -C AR D I NE


soi, les triangles et les systèmes émo­ M. ( 1994) « Intégration, éclec­
,

tifs familiaux, ESF, Paris. tisme et formation du psychothéra­


peute : une réflexion nécessaire »,
CAMPBELL M.L. ( 1 989), « The oath : An
in Marie-Cardine M . , Chambon
investigation of the injunction prohi­
O., Meyer R. (Eds.) Psychothéra­
biting physician-patient sexual rela­
pies. L'approche intégrative et éclec­
tique, Toulouse, Éditions Le Cou­
tions », Perspectives in Biology and
Medecine, 32, 2, 302-308.
drier/Somatothérapies.
CARR M . ET RO B I N S ON G.E. ( 1 990), CHAMBON 0 . , PELLET J . , M AR I E­
« Fatal attraction : The ethical and CARDINE M . « Sémiologie de la clas­
clinical dilemma of patient-thérapist sification des psychoses au long cours
sex », Ca11adian Journal of Psychia­ de J. Guyotat ». Psychologie médicale.
try, 35, 2. 122-128.
2 1 , 9, 1360-1 364.
CAYCEDO A. ( 1 979). L'aventure de la CH/\MBON 0 . , PERRIS C . , MARIE­
sophrologie, Paris, Retz. CARDINE M. ( 1 997), Techniques

CHAMBON o. ( 1 992), « Psychothé­ de psychothérapie cognitive des psy­


rapeute Procustéen ou Éclectique : choses chroniques, Paris, Masson.
qui êtes vous ? », Act. Méd. Inter.­ CHARBONNIER J. (2008) « Les preuves
Psychiatrie, septembre, 9, 148, 20 1 . scientifiques d'une vie après la vie »,
CHAMBON o. (2009), « La médecine Editions Exergue.
psychédélique-Le pouvoir thérapeu­ CHOPRA D. (2008), « le livre des coïnci­
tique des hallucinogènes », Editions dences », J'ai Lu, Paris.
les Arènes, 2009.
CONSOLI S . M., ( 1 995) « Hypo-
CHAMBON 0 . , GUILLAUME S . , MARIE­ thèses psychopathologiques et
C A R D I N E M . (1998b), « La répéti­ méthodes épidémiologiques », in
tion : conceptualisation et interven­ F. Rouillon, J.-P. Lépine, J.-L. Terra
tion en psychothérapie cognitive », La (éd.), Épidémiologie psychiatrique,
Revue française de psychiatrie et de Upjhon-Duphar, J.P. Goureau, 13-27.
psychologie médicale, 18, 1 7-20.
CONSOLI S. M., BAUDIN M . L. ( 1 994),
CHAMBON 0 . , M A R I E-C A R D I N E M . « Vivre avec l'organe d'un autre : fic­
( l 998a), « Les psychothérapies cog­ tion, fantasmes, réalités », Psychologie
nitives dans l'institution », rapport de médicale, 26, 102- 1 1 O.
psychiatrie présenté au congrès de psy­
COTTRAUX J . ( 1 992), Les thérapies cog­
chiatrie et de neurologie de langue
nitives, Paris, Retz.
française, LXXXXVI0session, 1 0- 1 5
Mai 1998, Île de l a Réunion, Paris, COTTRAUX J . , BLACKBURN l . M .
Medias Flashs, Paris. ( 1 995), Thérapies cognitives des
t1vubles de la personnalité, Paris, Mas­
CHAMBON 0 . , MARIE-CARDINE M .
son.
( 1 992), La réadaptation sociale des
psychotiques chroniques. Approche CUNGI C. ( 1996), Savoirs 'affirmer, Paris,
cognitivo-comportementale, Paris, Retz.
Puf.
DA SILVA G. ( 1 996), « La supervi­
CHAMBON 0 . . MARIE-CARDINE M . sion collective fans l'enseignement
( 1 993), Psychothérapie cognitive des de la psychothérapie psychanalytique :
psychose.1· chroniques, Paris, Masson. enveloppe groupale et contenant pour
BIBLIOGRAPHIE 349

une rêverie à plusieurs », in P. Dou­ DOUCET P. ( 1992), « The analyst's trans­


cet et W. Reid (éds.) La psychothéra­ ference imagery », International Jour­
pie psychanalytique, Montréal, Gaétan nal of Psycho-Analysis, 73, 4, 647-
Morin, 6 1 3-627. 661 .

DE M'UZAN M. ( 1989), « Pendant la DOUCET P. ( 1996), « Le Contre­


séance », Nouvelle Revue de psycha­ transfert », in P. Doucet et W. Reid
nalyse, 40, 1 47 - 1 65. (éds.), La psychothérapie psycha­
nalytique, Montréal, Gaètan Morin,
DELISLE G. ( 1 990), Les troubles de fa 577-59 1 .
personnalité. Une perspective gestal­
tiste, Montréal, Ed. Centre d'interven­ DOUCET P. ( 1 996), « Les agirs sexuels
tion gestaltiste. des soignants : une approche théorique
et thérapeutique », in P. Doucet et W.
DELISLE G. ( 1 998), La relation d'ob­ Reid (éds.) La psychothérapie psycha­
jet en Gestafuhérapie, Otawa, Les nalytique, Montréal, Gaètan Morin,
Éditions du Reflet. 367-76

DELL P.F., GOOLISHIAN H.A. ( 1 9 8 1 ), DU BOR P. ( 1 971 ), « Dissociation de l'éco­


« Order through fluctuation : an evolu­ nomie et du sens chez le psychotique :
tionary epistemology for human sys­ utilisation du réel dans ('agir », Revue
tems », Austrafian Journal of Famify française de psychanalyse, 5-6.
Therapy, 2, 1 75 - 1 84.
Du BOR P. ( 1 979), « La gestion groupale
DELOURME A. ( 1 997), La distance de la psychose (et des manifestations
intime, Paris, Desclée de Brouwer. préobjectales) et le processus de créati­
vité groupai », (travail du Laboratoire
DELOURME A. ( 1999), Le bonheur pos­ de psychologie clinique de l'université
sible, Paris, Retz. Lyon Il), Bulletin de psychologie cli­
DESCAMPS M. A « Les thérapies trans­
.,
nique, 4, 103-105.
personnelles », Bernet-Danilo Edi­ DURUZ N. ( 1 994), Psychothérapie ou
tions, Collection Essentialis, 1999. psychothérapies ?. Paris, Delachaux et
Niestlé.
DIGUER L . , MORISSETTE E., NORMAN­
DIN L. ( 1 997), « L'évaluation des rela­ DURUZ N., Lob R. ( 1 996), « 1. Qu'est­

tions d'objet », Psychothérapies, 17, 2, ce que la psychothérapie ? Regard


59-65. métaclinique de 77 psychothérapeutes
suisses », Psychothérapies, 1 996, 16.
4, 1 7 1 - 1 80.
DOBSON K.S. ( 1989), « A meta-analysis
of the efficacy of cognitive therapy
for depression », Journal of consulting DURUZ N., LOB R. ( 1 997), « Il. Psycho­
and Clinical Psychology, 57, 4 1 4-419. thérapeutes : analyse de trois présup­
posés », Psychothérapies, 1 7, 2, 67-
DOLAN R.T., ARNKOFF D . B . , GLASS 77.
C.R. ( 1 993), « Client attachment style
and the psychotherapist's interperso­ ELLENBERGER H. F ( l98 1 ) . « Vue d'en­
nal stance », Psychotherapy, 30, 3, semble sur les psychothérapies », in
408-4 1 2 . R. Dugay, H. F. Ellenberger et coll.
(éd.), Précis pratique de Psychiatrie,
DOSSEY L . (2002), La médecine réinven­ vol. I, Paris, Maloine, Montréal, Ghe­
tée, Editions Vivez Soleil. nelière et Stanké, 437.
DOSSEY L., ( 1 995) « Ces mots qui gué­ ELLIS A. ( 1 984), « Expanding the ABC's
rissent », Editions Jean Claude Lattès. of rational emotive therapy », in M.J.
350 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

Mahoney & A. Freeman (Ecls.), Cog­ FRANK J.O. ( 1 979), « The present sta­
nition and Psychotherapy, New-York, tus of outcome studies », Journal of
Plenum, 3 1 3-324. Consulting and Clinica/ Psychology,
47, 3 10-316.
ELSAESSER-VALERINO E., « Vécu sub­
jectif de contact avec un défunt », In : FRANK J.D. ( 1 98 1 ), « Therapeutic com­
Manuel clinique des expériences extra­ ponents shared by all psychothera­
ordinaires, Eds. Allix S., Bernstein P., pies », in J.H.Harvey & M.M. Parks
Inrees, InterEditions, Paris, 2009. (Eds.), Psychotherapy research and
behavior change, Washington D.C. :
ERNST K . , KIND H . , ROTACH-FUCHS
American Psychological Association,
( 1 968), Ergebnisse der Verlaufsfor­
schung bei Neurosen, Berlin, Springer.
175-182.

ERSKINE R . , MOURSUND J.P. ( 1 997), FRANK J.D., J.B. ( 1 991 ), Per­


FRANK

Integrative Psychotherapy in action, Baltimore, MD :


suasion and healing,
non publié en français, traduit par John Hopkins University Press, 3rd ed.
Hélène Cadot. FREUD S. ( 1 9 10), « Perspectives d'ave­
FAIRBURN C.G. ( 1 988), «Thecurrent sta­ nir de la thérapie analytique », in La
tus of the psychological treatrnent for Technique psychanalytique. Paris, Puf,
bulimia nervosa », Journal of Psycho­ 1953.

GANTHERET F.
somatic Research, 32, 633-645.
( 1 987), « Winnicott »,
FAIRCHILD C.J., RUSH A.J., VASA­ Encyclopédia Universalis, Corpus 18,
VADA N . , GILES 0 . E . , KHATAMI 1 102.
M. ( 1 986), « What depressions are
GARFIELD S.L. ( 1 980), Psychotherapy :
placebo responders ? », Psychiatry
An eclectic approach, New York,
Research, 18, 2 1 7-224.
Wiley and Sons.
FENSTERHEIM H. ( 1983), « Introduc­
tion to behavioral psychotherapy », GARFIELD S.L. ( 1 99 1 ), « Common and
in H. Fensterheim & H.l. Glazer
specific factors in psychotherapy »,
Journal of lntegrative and Eclectic
(Eds.), Behavioral psychotherapy :
Basic principles and case studies, New
Psychotherapy, 1 9 9 1 , 10, 1, 5-13.
York, Brunner/Mazel. GARFIELD S.L. ( 1 995), Psychotherapy.
FERENCZI S. ( 1 9 19), « La technique psy­ John
An eclectic-integrative approach,
chanalytique », in Psychanalyse 2, Wiley & Sons, New York.
Paris, Payot, 1973. GARFIELD S.L. ( 1 998), « La psychothé­
FIEDLER F.E. ( 1 950), « The concept rapie éclectique : des facteurs com­
of an ideal therapeutic relationship », muns », in Norcross J.C. et Goldfried
Joumal of Consulting Psychology, 14, M.R. (Eds.) Psychothérapie Intégra­
239-245. tive, Paris, Desclée de Brouwer.

FOA E . B .( 1997), « Psychological Pro­ GAR FIELD S.L. (Ed.) ( 1983), « Special
cesses related to recovery from a section : meta-analysis and psychothe­
trauma and an effective traitrnent for rapy », Journal of Consulting and Cli­
PTSO », Annals ofthe New York Aca­ nicat Psychology, 51.
demy of Sciences, 821, 4 10-424.
GASTON L. ( 1 990), « The concept of the
FRANK J.O. ( 1971 ), « Psychotherapists alliance and its role in psychotherapy :
need theories », International Journal Theoretical and empirical considera­
of Psychiatry, 9, 146-149. tions », Psychotherapy, 27, 143-153.
BIBLIOGRAPHIE 351

GASTON L . , MARMAR C.R., THOMP­ GOLDFRIED M.R. ( 1 983), « A behavior


SON L.W., GALLAGHER 0. ( 1 988), therapist looks at rapprochement »,
« Relation of patient pretreatment cha­ Journal of Humanistic Psychology, 23,
racteristics to the therapeutic alliance 97-107.
in diverse psychotherapies », Journal
of Consulting and Clinical Psychology, GOLDFRIED M.R. ( 1 994), Cognitive­
56, 483-489. affective behavior therapy (vidéo),
Washington D.C., American Psycho­
GERIN P., VtGNAT J.-P. ( 1 984), L'iden­ logical Association, (sous-titrage en
tité du psychothérapeute, Paris, Puf. français : AFIEP).
GERVAIS ( I 996), « L'enseignement de
GOLDFRIED M.R. ( 1 995), From cogni­
la psychothérapie psychanalytique : le
tive behavior therapy ta psychotherapy
point de vue du superviseur », in P.
integration, New York, Springer.
Doucet et W. Reid (éds.) La psychothé­
rapie psychanalytique, Montréal, Gaè­ GOLDFRIED M . R . , CASTONGUAY L.G.,
tan Morin, vol. l , 596. SAFRAN J.O. ( 1 998b), « Questions
GILLIÉRON E. ( 1 996), Le premier entre­ fondamentales et perspectives d'ave­
tien en psychothérapie, Paris, Dunod, nir de l'intégration en psychothéra­
Paris. pie », in Norcross J.C. et Goldfried
M.R. (Eds.) Psychothérapie lntégra­
GILLIÉRON E. ( 1997), Manuel de psycho­ tive, Paris, Desclée de Brouwer.
thérapies brèves, Paris, Dunod.
GOLDFRIED M.R., NEWMAN C.F.
GINGER S. ( 1 995), La Gestalt, l 'art du
( l 998a), « Histoire de l 'intégration »,
contact, Paris, Marabout.
i n Norcross J.C. et Goldfried M.R.
GINGER S., GINGER A. ( 1 987), La Ges­ (Eds.) Psychothérapie lntégrative,
talt, une thérapie du contact, Paris, Ed. Paris, Desclée de Brouwer.
Hommes et Groupes.
GOLDFRIED M.R., PADAWER W. ( 1 982),
GIUSTI E. ( 1997), Psicoterapie : denomi­ « Current status and future directions
natori comuni, Milan, Franco Angeli. in psychotherapy », in Goldfried M.R.
GIUSTI E., Montanari C., Montanarella (Ed.) Converging themes in psychothe­
G. ( 1 995), Manuale di psicorerapia rapy, New York, Springer, 3-49.
integrata. Verso un eclettismo clinico
GOMES-SCHWARTZ 8., HADLEY S.W.,
metodologico, Milan, Franco Angeli.
STRUPP H. H. ( 1 978), (( lndividual
GLOVER E. ( 1955), Technique of Psycho­ psychotherapy and behavior therapy »,
c
= analysis, New-York, I.U.P. !ne. Annual Review of Psychology, 29, 435-
"'
"
47 1 .
GOLD J.R. ( 1 996), Key concepts in psy­
chotherapy integration. Applied Clini­ GRATER H . ( 1985), « Steps in psychothe­
cal Psychology, New York, Plenum rapy supervision : from therapy skills
Press. to sk.illed therapist », Professional Psy­
GOLDFRIED M.R. ( 1 980), « Toward the chology : Research and Practice, 16.
delineation of therapeutic change prin­
GRAWE K., CASPAR F., AMBÜLH H.
ciples », American Psychologist, 35,
( 1 990), « Die Berner Therapiever­
991 -999.
gleichsstudie : Wirkungsvergleich und
GOLDFRIED M.R. ( 1 982), « On the his­ differentielle lndikation », Zeitschrift
tory of therapeutic integration », Beha­ für Klinische Psychologie, XIX, 4,
vior Therapy, 13, 572-593. 338-36 1 .
352 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

GREENBERG L.S., PAIVIO S . C . ( 1 997), cales Spécia avec la participation du


Working wirh emorions in psychorhe­ F.R.S.Q., Paris. pp. 20-35.
rapy, New York, The Guilford Press.
GUYOTAT J., CHAMBON 0 .. PELLET
GRENCAVAGE L . M . , NORCROSS 1.C. J . , MARIE-CARDINE M. ( 1 989c),
( 1 990), « Where are the commonal­ « Place des troubles affectifs dans
ties among the therapeutic common les psychoses durables : Application
factors ? », Professional Psychology : aux psychoses de type I et II de
Research and Practice, 21, 372-378. J. Guyotat », Actes du colloque sur
Les aspects actuels du suivi des psy­
GRINKER R., WERBLE D. ( 1 987), The
choses au long cours. Des Hypothèses
à la thérapeutique,
Borderline patient, New-York, Jason
Lyon, 22-23 avril
Aron son.
1988, (J.Guyotat éd.), Éditions Médi­
GROF S., (2009) L'ultime voyage, Paris, cales Spécia avec la participation du
Tredaniel. F.R.S.Q., Paris, pp. 1 2- 1 9.

G ROF S. ( 1 989), Les nouvelles dimen­ HARNER, M. ( 1 980) « The way of the sha
sions de la conscience, Paris, Le man. A guide to power and healing »,
Rocher. San Francisco: Harper & Row.

GROF S. (2002), Pour une psychologie du HEIMAN P. ( 1 950), « On counter trans­


futur, Paris, Dervy. ference », !11temational Journal of
Psycho-Analysis, J 1, 1 8 1 -85.
GUIDANO V.F., LIOTTI G. ( 1 983). Cog­
nitive processes and the emotional HEINE R.W. ( 1 962), The student Physi­
disorders, New York, Guilford Press. cia11 as Psychotherapist, The Univer­
sity of Chicago Press, Chicago.
GUYOTAT J. ( 1 978), « Le fait psychothé­
rapique et ses conceptions », in Guyo­ HOROWITZ M.J. ( 1988), Introduction
tat (éd.) Psychothérapies Médicales, to psychodynamics. A new synthesis,
Paris, Masson, coll. « Médecine et Psy­ New York, Basic Books.
chothérapie », t. l, p. 32.
HORTON J . A . , CLANCE P. R., STERK­
GUYOTAT J. ( 1 989), « Formation à la psy­ ELIFSON C . , ENSHOFF J. ( 1 995),
chothérapie », i11 P. Deniker, Th. Lem­ « Touch in psychotherapy : A survey
périèrc et J Guyotat (éd.), Précis de of patient's experiences », Psychothe­
psychiatrie clinique de l'adulte, Paris, rapy, 32, 3, 443-457.
Masson, pp. 480-48 1 .
HOWARD G.S., NANCE 0.W., MAYERS
GUYOTAT J . , CAPPADORO R., MARIE­ P. ( 1 986), « Adaptive counseling
CARDINE M. ( 1976), « Pour une nou­ and therapy : an integrative eclectic
velle classification des Psychoses », mode! », Counseli11g Psychologist, 14.
L'Évolutio11 psychiatrique, 42, 4, 1 187- 3.
97.
HUBER W. ( 1 993), Les psychothérapies­
GUYOTAT J . , CHAMBON 0. ( 1 989b). « À Quel/e thérapie pour quel patient ?,
propos de la classification des psy­ Paris, Nathan Université.
choses au long cours : psychose et
HUGUELIT L., CHAMBON 0. (2010), Le
dépression », Actes du colloque sur
chamane et le psy. Dialogue entre deux
Les aspects actuels du suivi des psy­
mondes. Mama Editions.
choses au long cours. Des hypothèses
à la thérapeutique, Lyon, 22-23 avril lNGERMAN S. (2007), « Recouvrer son
1988, (J. Guyotat éd.), Éditions Médi- âme », Guy Tredaniel Editeur.
BIBLIOGRAPHIE 353

lONESCU S., JACQUET M.-M., LHOTE KOLB D.L., BEUTLER L.E., DAVIS
C.( 1 997), Les mécanismes de défense. C.S., CRAGO M . , S H A NFIELD S.
Théorie et clinique, Paris, Nathan. ( 1 985), « Patient personality, locus of
control, involvement, therapy relation­
JANSSEN T. (2006), La solution Inté­
ship, drop-out and change in psy­
rieure, Fayard.
chotherapy », Psychotherapy, 22, 702-
JEAMMET PH., REYNAUD M., CONSOLI 7 1 0.
S . M ., ( 1 996), Abrégé de Psychologie
KRIEGER D. (2005), Le guide du magné­
médicale, Paris, Masson, 2° ed.
tisme, Editions J'ai Lu, Paris.
JOHNSON M.E. ( 1 988), « Construct vali­
dation of the therapeutic alliance », LAMBERT M . , ARNOLD R. ( 1 987),
Paper presented at the annual mee­
« Research and the supervisory pro­
cess », Professio11al Psychology :
ting of the Society of Psychotherapy
Research and Practice, 18.
Research, June, Santa Fe, NM.

KAËS R. ( 1 976), L'appareil psychique LAMB ERT M., SHAPIRO D.A., BERGIN
groupai. Constructions du groupe, A . E . ( 1 986), « The effectiveness of
Paris, Dunod. psychotherapy », in S.L. Garfield, A.E.
Bergin (Eds.), Handbook ofpsychothe­
KARASU T.B.( 1 986), (( The specifi­ rapy and behavior change (3ed.), New
city versus nonspecificity dilemma : York, Wiley.
Toward identifying therapeutic change
agents », American Journal of Psy­ L A M B ERTM . J . ( l 986a), « Implications
chiatry, 143. 687-695. of psychotherapy outcome research
for eclectic psychotherapy », in J .C.
KERNBERG o. ( 1 989), Les troubles Norcross (Ed.), Handbook of eclec­
graves de la personnalité : stratégies tic psychotherapy, New York, Brun­
psychothérapiques, Paris, Puf, coll. ner/Mazel, pp. 436-462.
« Le fil rouge », trad. J. Adamov.
LAMBERT M.J. ( 1 986b), (( Sorne impli­
KERNBERG o. ( 1995), La thérapie cations of psychotherapy outcomes ».
psychodynamique des personnalités International Joumal of Eclectic Psy­
limites, Paris, Puf, coll. « Psychiatrie chotherapy, 5, 1 .
ouverte » .
LAMBERT M . J . ( 1998), « La recherche
KIPPER D . A . , B E N - ELY Z. ( 1 979), sur les résultats », i11 J. C. Norcross
« The effectiveness of the psychodra­
et M.R. Goldfried (éds.), Psychothé­
rapie lmégrative, trad. F. Bernier et
matic double method, the reflection
method, and lecturing in training of J.G. Offroy, Paris,. Desclée de Brou­
empathy », Journal of Clinical Psycho­ wer, p.1 1 7 .
logy, 35, 2, 370-375.
LANDMAN J .T., DACES R . M . ( 1982),
KLEINKE C.L. ( 1 994), Common prin­
« Psychotherapy outcomes : Smith and
s ciples of psyc/wtherapy, Wadsworth,
Glass conclusions stand up under
lnc., Belmont, C.A.
scrutiny », American Psychologist, 37,
KOHUT ( 1971 ) , 7ï1e analysis of the Self, 504-5 1 6.
New York, International Universities
LANTÉRl-LAURA G., LEHNING T.
Press.
( 1 990), « Introduction à la thérapeu­
KOHUT ( 1 977), The restoration of the tique en psychiatrie », Encycl. méd.
Self. New York, International Universi­ chir., Psychiatrie, Paris, Éditions
ties Press. tehchniques.
354 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

LASKOW E. ( 1 996), l'amour, énergie sub­ nality disorder : Theory and method »,
tile de la guérison, Dangles. Bulletin of the Menninger Clinic, 51,
261-276.
LAZARUS A. A. ( 1989), « The pratice
of Multimodal Therapy », Baltimore, L!NEHAN M.M., TUTEKD.A., HEARD
The John Hopkins University Press. H.L., ARMSTRONG H.E. ( 1994),
LAZARUS A. A. ( 1 990), « Can psychothe­ « Interpersonal outcome of cognitive
rapists transcend the shackles of their behavioral treatment for chronically
training and superstitions ? », Journal suicidai borderline patient », Ameri­
of Clinical Psychology, 46, 3, 3 5 1 -358. can Journal of Psychiatry, 151, 12,
1 1 7 1 - 1 1 76.
LAZARUS A. A. ( 1 993), « Tailoring the
therapeutic relationship, or being an LOCKERT 0. (2006), « Hypnose huma­
authentic chameleon », Psychotherapy, niste, IFHE Editions.
Fa/l, 30, 3, 404-407.
LUBORSKY L. ( 1977), (( Measuring a per­
LAZARUS A . A. ( 1 998), « La thérapie vasive psychic structure in psychothe­
multimodale : éclectisme méthodique rapy : The core Conflictual Relation­
et intégration minimale », iri Norcross ship Theme », in Freedman & Grand
J.C. et Goldfried M.R. (Eds.) Psycho­ (Eds.) Communicative structures and
thérapie /111égrative, Paris, Desclée de Psychic structures, New York, Plenum,
Brouwer. 367-395.

LECOMTE C., CASTONGUAY L.G. LUBORSKY L. ( l 984), Princip/es of Psy­


( 1987), Rapprochement et intégra- choanalytic Psychotherapy, New York,
1io11 en psychothérapie. Psychanalyse, Basic Books.
behaviorisme et humanisme, Montréal,
Gaètan Morin Editeur. LUBORSKY L. ( 1 990), « The Rela­
tionship Anecdotes Paradigm (RAP)
LEDER S. ( 1 980), « Research on the interviewing as a source of narra­
outcome of psychotherapy conside­ tives », in Luborsky & Crits-Cristoph
red from an eclectic point of view », (Eds.) Understanding Transference­
in De Mor W. et Winjngaarden H.R. The CCRT Method. New York, Basic
(Eds.), Psychotherapy : Research and Books, 102- 1 1 6.
training, Amsterdam, Elsevier/Horth­
Holland Biomedical Press. LUBORSKY L., SINGER 8., LUBORSKY
Y. ( 1996), (( Des repères pour
L. ( 1975), « Comparative studies of
LEFEBVRE
psychotherapy : Is this true that « eve­
marquer le champ de la psychothé­
rybody has won and ail must have
rapie », in Syndicat national des pra­
prizes ? », Archives ofgeneral psychia­
ticiens en psychothérapie (Ed. col­
try, 32, 995-1008.
lectif), Profession Psychothérapeute,
Paris, Buchet/Chastel. LUFT J. ( 1 969), Of Human Interaction,

LENA IF
P. (2007), « Naissance d'un cha­ National Press, Palo Alto, CA.
man », Editions Le Souffle d'or. MAHRER A.R. ( 1993), (( The experien­
LINEHAN ( 1 990), Dialectical Behavior tial relationship : is il all-purpose or is
Therapy Outline, Seattle, Departement it tailored to the individual client ? »,
of Psychology, University of Washing­ Psychotherapy, Fall, 30, 3, 4 13-416.

J-A ( 1993), Quatorze


ton.
MALAREWICZ
LINEHAN M . M . ( 1 987), (( Dialectical leçons de thérapie stratégique, Paris,
Behavior therapy for borderline perso- ESF.
BIBLIOGRAPHIE 355

MALAR EWICZ J-A ( 1 996), Comment la MASQUELIER G. ( 1 999), Vouloir sa vie­


thérapie vient au thérapeute, Paris, la Gestalt-thérapie aujourd'hui, Paris,
ESF. Retz.

MARIE-CARDINE M . et coll. (1990), MASSERMAN J. ( 1 980), Princip/es and


« La formation à la psychothérapie », practice of biodynamic psychiatry,
enquête du C.N.U.P. (Collège national New York, Thieme-Stratton.
universitaire de psychiatrie, France),
symposium sur « L'enseignement de la MATARAZZO R . , PATTERSON D. ( 1986),
psychothérapie dans le cadre de la for­ « Research on the teaching and lear­
mation en spécialité de psychiatrie », ning of therapeutic skills », in S. Gar­
in (J. M . Léger, éd.) Compte rendu du field & A. Bergin (Eds.), Handbook of
congrès de psychiatrie et de neurologie psychotherapy and behavior change,
de langue française, LXXXVII0 ses­ New York, Wiley.
sion, Montréal, 3-8 Juillet, 1 989, Paris,
M c CULLOUGH L. (2002), (( Explo­
Masson, pp. 125-1 40.
ring Change Mechanisms in EMDR
MARIE-CARDINE M . , CHAMBON 0 . , Applied to « Small-t Trauma » in
MEYER R. ( 1 994), Psychothéra­ Short-Term Dynamic Psychotheray :
pies. L 'approche intégrative et éclec­ Research Questions and Specula­
tique, Toulouse, Éditions Le Cou­ tions », Jaumal of Cli11ical Psycho­
drier/Somalothérapies. logy, vol. 58 12, 1 53 1 - 1 544

MARIE-CARDINE M., GERIN P., MCGOLDRICK M . , GERSON R. ( 1 990),


DAZORD A., GUISTI P., TERRA Génogrammes et entretien familial,
J.-L. ( 1 989a), « Étude de l a relation Paris, ESF.
médecin-malade à travers un ques­
tionnaire de plainte », Psychologie MEGGLÉ D. ( 1990), Les thérapies brèves,
Médicale, 21, 3, 320-324.
Paris, Retz, Paris.

MARIE-CARD!NE M . , GUYOTAT J., MESSER S. B ( 1998), « Les croyances des


HOCHMANN J . , TE RRA J.L. ( 1 989b), psychothérapeutes intégratifs et éclec­
« La Formation à la Psychothéra­ tiques : un examen critique », in NoR­
pie : Bilan des expériences Lyonnaises CROSS J.C., ÜOLDFRIED M.R. (Eds.)

( 1 967- 1 988) (Lyon, France), Psycholo­ Psychothérapie intégrative, Paris, Des­


gie médicale, 21, JO, 1 527-3 1 . clée de Brouwer.

MARMOR J. ( 1 976), « Common opera­ MICHELSON L. (Ed.) ( 1 985), « Meta­


c lional factors in diverse approaches to analysis and clinical psychology »,
::>
behavior change », in Burton A. (Ed.) Clinicat psychology review, 36.
What makes behavior change pos­
J. (2000), Psychothérapies
sible ?
MIERMONT
New York, Brunner/mazel.
contemporaines. Histoire, évolution,
MARUANI G. ( 1985), (( Attitude et perspectives, Paris, L'Harmattan.
psychothérapie », Psychothérapies, 3,
MILLER W.R., TAY LOR C.A., WEST
135- 137.
J. C. ( 1 980), « Focused versus broad­
MASLOW A. ( 1 964), Religions, Values, spectrum behavior therapy for pro­
and Peak Experiences, New York, blem drinkers », Journal of Consulting
Viking Press. and Clinicat Psychology, 48, 590-601 .

MASLOW A. (1972), Vers une psycholo­ MINUCHIN S. ( 1 979), Familles en théra­


gie de l'être, Paris, Fayard, 1972. pie, Paris, Delarge.
356 LES BASES DE lA PSYCHOTHÉRAPIE

MIRABEL-SARRON, B . RIVIÈRE ( 1 993), 1963, Unpublished doctoral disserta­


Précis de thérapie cognitive, Paris, tion, Harvard University.
Dunod.
PALAZZOLI M, BOSCOLO L., CECC H I N
MISSENARD A. et coll. ( 1 982), L'expé­ G., PRATA G. ( 1 982), (( Hypothétisa­
rience Balint : histoire et réalité, Paris, tion, circularité, neutralité », Thérapie
Dunod. familiale, Ill, 3, 1 17- 1 32.

MOODY R. ( 1 99 1 ), « Coming back-A PANCHERI L., BRUGNOLI R. ( 1 992),


psychiatrist explores Past-Life jour­ « Efetto placebo e fattori terapeuti
neys », Bantam Books. aspecifici in psichiatria », in Paolo
« Unifier-S'éveiller à
Moss R. ( 1 99 1 ),
Pancheri (Ed.), Trattato Jtaliano di Psi­
des énergies supérieures grâce à chiatria, vol. 3, Milan, Masson.
l'amour inconditionnel », Le Souffle PARLOFF M.B. ( 1 979), « Can psychothe­
d'Or. rapy research guide the policymaker ?
MURRAY E.J., JACOBSON L . I . ( 1 978), A little knowledge may be a dange­
« Cognition and Jearning in traditio­ rous thing », American psychologist,
nal and behavioral psychotherapy », 34, 296-306.
in Garfield S.L. et Bergin A.E. (Eds.)
PELLETIER P. (2008), Au-delà du moi­
Les thérapies tra11sperso11nelles, Petite
Handbook ofpsychotherapy and beha­
vior change : An empirical analysis
Collection Liber, Montréal.
(2de éd.). New York, Wiley and Sons.
PETIT M. ( 1 984), La Gestalt. Thérapie de
NEYRAUT M. ( 1 974), Le Transfert, Paris,
l'ici et maintenant, Paris, ESF.
Puf.
NORCROSS J . C . ( 1 993), « Tailoring rela­ PIGANI E. (2009), « Les perceptions
tionship stances to client needs : an extrasensorielles : le Psi », ln : Manuel
introduction », Psychorherapy, Fall, clinique des expériences extraordi­
30, 3, 402-403. naires, Eds. Allix S., Bernstein P. ,
Inrees, InterEditions, Paris.
NORCROSS J.C., GOLDFRIED M.R.
( 1 998), Psychothérapie intégrative, PROCHASKA J.0., DICLEMENTE C. C
Paris, Desclée de Brouwer. ( 1983), « Stages and processes of self­
change of smoking : Toward an inte­
NORCROSS J.C., NEWMAN C.F. ( 1 998), grative mode) of change », Journal of
« L'intégration en psychothérapie : Consulting and Clinicat Psychology,
synthèse et/ou éclectisme », in Nor­ 51, 390-395.
cross J.C. et Goldfried M.R. (Eds.)
Psychothérapie lntégrative, Paris, Des­ PROCHASKA J.O., DICLEMENTE C . C .
clée de Brouwer. ( 1992), « Stages o f change i n the modi­
fication of problem behaviors », in M.
OMER H. ( 1 994), Critical interventions in Hersen, R . M . Eisler, & P.M. Miller
psychotherapy, New York, W.W. Nor­
(Eds.), Progress in behavior modifica­
ton & Company. tion, Sage, Newberry, CA, vol. 28, pp.
PAGÈS M. ( 1993), Psychothérapie et com­ 262-289.
plexité, Marseille, Hommes et Perspec­
PROCHASKA J.0., DICLEMENTE C.C.
tives.
( 1 998), « L'approche transthéorique » ,
PAHNKE W.N., "An analysis of the rela­ in Norcross J.C. et Goldfried M.R.
tionship between psychedelic drugs (Eds.) Psychothérapie lntégrative,
and the mystical consciousness", Paris, Desclée de Brouwer.
BIBLIOGRAPHIE 357

RADIN D. (2006), La conscience invisible, SECHEHAYE M . A . ( 1 947), (( La réalisa­


Editions J'ai Lu. tion symbolique. Nouvelle méthode
de psychothérapie appliquée à un cas
REYNAUD M . , MALAREWICZ 1. A
de schizophrénie », Revue suisse de
( 1 994), « Quelles psychothérapies psychologie et psychologie appliquée,
pour le stress, l'anxiété, la dépres­ Berne, Hans Huber, /2 (Sup). 9-22.
sion et les troubles de la personna­
lité ? », in Marie-Cardine M . , Cham­ SELYINl-PALAZZOLI M . , BOSCOLO L . .
bon O., Meyer R. (Eds.). Psycho­ CECCHIN G., PRATA G. ( 1 980), Para­
thérapies. L'approche intégrative et doxe et contre-paradoxe, Paris, ESF.
éclectique, Toulouse, Éditions Le Cou­
SERYAN-SCHREIBER D. (2003), Gué­
drier/Somatothérapies.
rir, Paris, Robert Laffont, coll.
ROBINSON L.A., BERMAN J . S . , NEl­ « Réponses ».
MEYER R.A. ( 1 990), Psychotherapy
( 1989), « Efficacy of the eye
((
S HA Pl RO F.
for the treatment of depression, a com­
movement desensitization procedure
prehensive review of controlled out­
in the traitment of traumatic », Jour­
come resources », Psychological Bul­
nal of Traumatic Stress, 2, 1 99-223
letin, 108, 30-49.
S HEA S . C. ( 1 988), Psychiatrie lntervie­
ROGERS C. ( 1968), Le développement de
wing. The art of understanding. W.B.
la personne, Paris, Dunod.
Saunders Company, Philadelphia.
ROGERS C. ( 1 994), La relation d'aide et
SHECTMAN F.A. ( 1 975), « Operant
la psychothérapie, Paris, ESF.
conditioning and psychoanalysis :
RYLE A. ( 1990). Cognitive-analycic the­ Contrasts, similarities and some
rapy : active participation in change, thoughts about integration », Journal
J. Wiley & Sons , Chichester. ofpsychotherapy, 29, 72-78.

SAFRAN J.D .. SEGAL Z.D. ( 1 990), lnter­ SHELDRAKE R., « Le lien affectif facilite
personnal processes in cognitive the­ la télépathie », Nouvelles Clefs, N°63,
rapy, New York, Basic Books. Automne, p. 1 5- 1 9, 2009.

SALATHÉ N . K . ( 1 995). Psychothérapie S1 A HM E D D. (2009), « Les expériences


existelllielle. Une perspective gestal­ psycho-spirituelles », ln : Manuel cli­
tiste, publication de l 'Institut de psy­ nique des expériences extraordinaires,
chothérapie Gestalt-existententielle de Eds. Allix S., Bernstein P., Inrees,
Genève. lnterEditions, Paris.

SALEM G. ( 1 987), L'approche thérapeu­ SLOANE R . 8 . , STAPLES F.R., CRISTOL

tique de la famille, Paris, Masson, coll. A . H . , YORKSTON N . J . , W H IPPLE


« Médecine et psychothérapie ».
K . ( 1975), Short-Term Ana/)fically­
Oriented Psychotherapy versus Beha­
SCHAFER R. ( 1976), A new langage for vioral Therapy, Harvard University
psychoanalysis, New Haven, Yale Uni­ Press, Cambridge.
versity Press.
STACE W. ( 1 961 ), Mysticism and philoso­
SCHIFF J . L . ( 1975), Transactional Analy­ phy, London: McMillan Press.
sis Treatment of Psychosis, New York,
Harper & Row. STERN D . N . ( 1 985), The i11terpersona/
world of the infant, New York, Basic
SCHULTZ J . H . ( 1 979), Le training auto­ Books ; trad. fr., Le monde interper­
gène, Paris, Puf, 8c ed. sonnel du nourrisson : une perspective

r;-,i-T�--

·

- ....... ..,·

-- �-- - ;

· ������� �
358 LES BASES DE LA PSYCHOTHÉRAPIE

psychanalytique et développementale, VITTOZ R. ( 1 954), Traitement des psy­


Paris, Puf. chonévroses par la rééducation du
contrôle cérébral, Paris, Baillère.
STEVENSON r. ( 1985), Vingt cas suggé­
rant la réincamation, Sand, Paris. WACHTEL P.L. ( 1 977), Sychoanalysis
and behavior therapy. Toward an inte­
STILES W.B., BARKHAM M., S H A ­
gration, New York, Basic Books.
PIRO D.A., FIRTH-COZENS J. ( 1 992),
« Treatment order and thematic conti­ WALLERSTEIN R.S. ( 1 989), « The psy­
nuity between contrasting psychothe­ chotherapy research project of the
rapies : Exploring an implication of Menninger Foundation : an over­
the assimilation model », Psychothe­ view », Journal of Consulting and Cli­
rapy Research, 2, 1 1 2- 1 24. nicat Psychology, 57, 1 95-205.

STILES W.B., ELLIOT R., LLEWELYN WAMBACH H. ( 1 979), La vie avant la vie,
S.P., FIRTH-COZENS S . A . , MARGI­ Editions Ramsay.
SON F.R., SHAPIRO D.A., HARDY G. WEINBERGER J. ( 1 993), « Common fac­
( 1990), « Assimilation of problema­ tors in psychotherapy », in G. Stricker
tic experiences by clients in psychothe­ & J.-R. Gold (Eds.), Comprehensive
rapy », Psychotherapy, 27, 41 1 -420. handbook of psychotherapy integra­
STILES W.B., SHAPIRO D.A., ELLIOT tion New York, Plenum, pp. 43-58.
R. ( 1 986), « Are ail psychotherapies WEISS B. ( 1995), Nos vies antérieures,
equivalent ? », America11 Psychologist, Editions du Rocher.
41, 2, 165- 1 80.
WEISS B . (2006), Une même âme, de
STRONG S . R . ( 1 968), « An interpersonal nombreux corps, Editions Véga.
influence process », Jou mal of Coun­
J. (2003), Pour une psycho­
selling Psychology, 15, 2 1 5-224.
WELWOOD
logie de L'éveil, Editions de La Table
STROTZKA H . (Ed.) ( 1 978), Psychothe­ Ronde, Paris.
rapie : Grundlagen, Verfahren, lndika­
WEST A. (200 1), Le toucher thérapeu­
tionen, Munich, Urban & Schwartzen­
tique, Editions du Roseau.
berg.
WJDLÔCHER D. ( 1 9 8 1 ), « Les concepts
STRUPP H . H . , BINDER J.L. ( 1 984), Psy­ d'état limite », in Actualités de la schi­
chotherapy in a New Key. A guide to zophrénie, Paris, Puf, 55-70.
Time-Limited Dynamic Psychotherapy,
New York, Basic Books. WINNICOTT 0.W. ( 1 975), Through pae­
diatrics to psychoanalysis, London,
TART C.,(2009) The end of materialism , Hogarth Press and the Institute of
New Harbinger Publications. Psycho-Analysis.
TOLLÉ E. (2000), Le pouvoir du moment WOOLGER R., « Past-life therapy,
présel!t, Ariane. Trauma Release, and the Body », 2000,
www.rogerwoolger.com/images/
TURNER D., GRECO T. ( 1 998), The
body%20Paper.pdf
personality compass. A new way to
imderstand personality. Element, Bos­ YALOM 1. ( 1 98 1 ) , Existential
ton, MA .. psychotherapy, New York, Basic
Books.
VAILLANT G.E. ( 1 975), « Sociopathy
as a human process : A viewpoint », YOUNG J.E., KLOSKO J . S . ( 1 995), Je
Archives of General Psychiatry, 32, réinvente ma vie, Montréal, Éditions
178-1 83. de l'Homme.
BIBLIOGRAPHIE 359

YOUNG M. ( 1992), Counseling methods New York, Macmillan Publishing


and techniques. An eclectic approach, Company.
LISTE DES FIGURES

Figure 1 Les différentes cibles du changement et leur


interaction. 16
Figure 2 Les différentes étapes de la psychothérapie
(M. Young, 1 992). 22
Figure 3 Les sixfacteurs curatifs des psychothérapies. 25
Figure 4 Pourcentage d'amélioration en psychothérapie des
patients en fonction des/acteurs thérapeutiques
(M.J. Lambert, 1 986). 28
Figure 5 Le Moi, le Soi, les R.0.1. : aménagements des
rapports avec l 'intérieur et l 'extérieur du Moi. 54
Figure 6 Modèle hiérarchique du développement des
habiletés psychothérapiques. 64
Figure 7 Les différents regards cliniques. 1 13
Figure 8 Symboles du génogramme. 1 24
Figure 9 La Relation d'objet intériorisée. 1 35
Figure J O Les sources diagnostiques des R.0.1. 1 38
Figure 1 1 La relation thérapeutique et les R. O.l. 1 39
.,,
;o;

c:
Figure 1 2 Les relations d 'objet intériorisées et la
"'
psychopathologie. 141
t: Figure 1 3 Les motivations exclusives du psychothérapeute
« puriste ». 269
c:
" Figure 14 Les niveaux d 'abstraction décrivant le processus
ô.
psychothérapeutique. 288
Figure 1 5 Détail des étapes de la phase d'action . 294
1 Figure 1 6 Interactions entre la relation établie, les
"8
c: techniques psychothérapeutiques employées, et
les caractéristiques singulières du patient. 308
LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 Les différents types d'interventions tenant compte


des quatre stades. 39
Tableau 2 Les quatre configurations initiales. 45
Tableau 3 Le continuum introjection-assimilation et
L'intervention thérapeutique. 46
Tableau 4 Fonctionnement de L 'ego au regard des 7 niveaux
de sa force 52
Tableau 5 Les 3 classes d'approches psychothérapeutiques
en/onction du degré de force du moi. 56
Tableau 6 Test de confiance sur deux niveaux. 65
Tableau 7 Aptitudes d 'écoute du thérapeute 77
Tableau 8 Les cinq degrés de l 'empathie. 84
Tableau 9 Feuille d'enregistrement des habiletés d'empathie
démontrées par le thérapeute lors du jeu de rôle. 86
'<)
"
Tableau I O Attitudes transférielles. 1 05
5 Tableau 1 1 L'inverse du contre-transfert négatif : adopter une
attitude permettant une expérience émotionnelle
correctrice. 1 07
"'
c
0 Tableau 1 2 Les quatre modes de questionnements. 121
c
"'
. Tableau 1 3 Mécanisme de défense et estime de soi 161
8 Tableau 1 4 La fenêtre de Johari 1 62
ëi
-a
"' Tableau 1 5 Exemple d'approche pour réfuter une autocritique.
-l
1 D 'après André et Lelord, 1 999 1 66
::J
Tableau 1 6 Principales différences entre encouragement et
renforcement. 202
364 LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 7 Cinq thérapies vues par leurs représentants


(Huber, 1 993 ; modifié et complété par Chambon
et Marie-Cardine). 27 l
Tableau 1 8 Cinq thérapies vues par leurs représentants
(suite). 272
Tableau 1 9 Utilisation de facteurs communs par les différents
courants. 273
Tableau 20 La cible thérapeutique préférentielle initiale des
principaux courants de psychothérapie. 274
Tableau 2 1 L'orientation psychanalytique. 276
Tableau 2 2 L 'orientation Gestalt. 277
Tableau 23 L 'urientutiun cognitivo-comportementale. 278
Tableau 24 L'orientation systémique. 279
Tableau 25 L 'orientation psychocorporelle. 280
Tableau 26 Caractéristiques de la relation et techniques
associées. 307
Tableau 27 Les différentes dimensions de l 'attitude du
thérapeute. 310
Tableau 28 Quelques caractéristiques des patients influençant
la nature de la relation thérapeutique à adopter. 319
Tableau 29 Niveau de directivité-structuration des
interventions. 323
Tableau 30 Niveau de démantellement-renforcement des
défenses. 324
Tableau 3 1 Techniques psychothérapeutiques agissant sur la
dimension directivité-structuration. 325
Tableau 32 Techniques psychothérapeutiques agissant sur La
dimension « respect des défenses » 325
Tableau 33 Caractéristiques et ressources des styles de
personnalité « cardinaux ». 329
Tableau 34 Points de force respectifs des styles de
personnalités « cardinaux ». 329
INDEX

A - mixte 30
- neutre 30
abréaction 1 3 , 214, 29 l , 295
- permissive 49
accordage affectif 32
activation émotionnelle 22, 26, 1 1 2, 158,
1 74 B
alliance
- aidante 62
BASIC fD 110, 1 26, 127, 129, 155, 159
bioénergie 270
- de travail 62, 63, 1 39
borderli ne
- thérapeutique 1 3, 2 1 , 24, 59, 63,
88 - organisation 142

alter ego 91 , 92 - patient 57, 58, 3 1 6

approche transthéorique 42, 293 - structure 1 37, 142

association libre 1 2, 175, 274, 307 burnout (ou syndrome d'épuisement)

attitude 105

- antithérapeutique 107
- contre défensive 93 c
- contre-transférentielle 106
catharsis 1 3, 293, 296, 31 8
- de congruence 328
- empathique 328 - émotionnelle 1 75, 285

- interprétative-passive 3 2 1 clarification 2 1 3 , 216. 2 1 8

- non-défensive 9 4 cogn itivo-comportemental(e)

- relationnelle 29, 30 approche - 28

- rogérienne 29, 63, 64, 305, 307, modèle - 263

328 orientation - 278, 342

- transférielle 105 phase de restructuration - 293


attitude thérapeutique 10, 30, 33, 34, technique - 4 1 , 307
192, 200, 282, 305, 306, 31 3, 3 1 7 thérapeute - 1 1 7, 322
- d'écran vierge 30, 31 thérapie - 1 30, 286, 299
- directive ouverte 3 1 tradition - 274
366 INDEX

cohérence cardiaque 1 7 4 , 1 75 Diclemente 37, 38, 42, 286, 293


complémentarité 1 7 directivité 3 1 2, 3 1 3 , 3 1 7, 323
non - 192 - -structuration 323, 325
compréhension empathique 63, 78, 102 non - 3 1 2
confrontation 1 6 1 , 200, 203, 2 1 1 , 2 1 3,
218
contre-transfert 89, 90, 97, 102-106, E
306, 3 1 1 , 326-328
échelle 1 -E de Rotter 50
- anormal 99
éclectisme 2, 3, 1 3, 25, 29, 30, 259, 265,
- complémentaire 1 OO 282, 283, 298, 301
- concordant 1 OO - d' attitude 298, 299, 301, 305
- de type 1 90, 99, 1 1 5, 1 1 6 - d'indication 298
- de type 2 90, 99, 1 16, 208, 326
- de la fonction parentale 30
- négatif 107
- méthodique 1 3
- objectif 99
- technique 1 , 1 3, 1 3 1 , 298-301
courant de I'- 1 3
- pathologique 99
- proactif 99
ego 5 1 , 54
- problématique 328
- challenging 55
- réactif 99
- faible 5 1
- spécifique 282
- fort 5 1
- technique 326
- nurturing 55
- utile 99
- stabilizing 55
ego 57
D EMDR 2 1 4, 230, 2 3 1

D. U. de psychothérapie Voir Formation empathie 22, 34, 35, 59, 6 1 , 63, 65, 70,

à la psychothérapie 75, 79, 83-85, 1 00, 1 0 1 , 105, 1 1 4,


143, 186, 274
décentrage 103
- émotionnelle 3 1 9
demande 47, 65, 74, 1 46, 178, 195, 196
- e t neutralité 83
- d'aide 305
capacité d'- 60, 83, 86, 144
- d'engagement 203
- de consultation 1 1 défaut d'- 32, 33, 322

- indirecte 97 différents niveaux d'- 87

- masquée 97 difficultés d' - 102

- positive 67 les 5 degrés de I' - 84

démarche 47 pratiquer I'- 85

- constructive 222 relation d'- 144

- de changement 18, 4 1 encouragement 198, 200-202


- éclectique 3 0 1 , 332 - minimal 68, 73
- intégrative 3 0 1 , 332 différents types d' - 198
- planifiée 205 méthode d' - 20 l , 204, 286
- psychothérapeutique 37, 46 notion d'- 199
- rigoureuse 283 enfant intérieur 175, 2 1 4, 223-225, 337
- séquentielle 289 - blessé 230
INDEX 367

estime de soi 25, 159, 162, 163, 2 1 6 modèle - 263


- faible 1 27, 1 59 mouvement - 264
accroître le sentiment d'- 1 3, 25, thérapie - 34, 149, 266, 269, 270,
56, 82, 1 1 2, 158, 1 59, 1 62, 1 63, 286, 299
273 hypnothérapie 1 96
construire l ' - 160
protéger l'- 160, 162
respect de l '- 1 87 1
troubles potentiels de l' - 1 59, 1 6 1
identification projective 82, 89, 98,
expérience émotionnelle correctrice 1 3,
1 35-137, 338
25, 34, 90, 106, 107 1 92
' imageri e mentale 127-129, 169, 1 7 1 ,
extemalisation 3 1 8
1 74, 1 97, 224-226
stratégie d' - 3 1 7
- guidée 175, 192, 194, 1 96, 222
technique d' - 35, 225
F
impact thérapeutique 175, 183, 1 88, 1 96,
facteurs communs 289

approche des - 300 insight 13, 14, 26, 45, 55, 56, 1 14, 1 1 8,
étude des - 336 146, 1 69, 175, 1 94, 2 1 3 , 2 1 8, 274,
290, 293, 3 1 8, 329, 339
facteurs communs aux psychothérapies
1 , 1 2, 23, 24, 27, 28, 57, 64, 1 57, intégration 1 3, 296, 298
158, 1 84, 2 1 4, 270, 273, 282, 286, - d'expérience thérapeutique 292
287, 289, 292, 293 - personnelle 291
facteurs curatifs communs 23-25, 145 - théorique 298, 299, 301
facteurs non spécifiques 2 1 , 24, 64, 340 phase d'- 295
facteurs spécifiques 1 3, 23, 64, 333 problématique d'- 299
fenêtre de Johati 1 59, 1 62, 1 66
intégration- théorique 300
fonction d'orientation 341
internalisation 3 1 8
formation à la psychothérapie 2, 3 3 1 ,
- d'expérience vécue 89
335
- de transmutation 92
- des messages négatifs 1 59
G stratégie d'- 3 1 7

génogramme 1 1 0, 1 22, 1 23 introjection 2 1 , 44, 46, 47, 1 34, 297


Gestalttherapie 3, 1 7, 55, 57, 1 40, 1 67 ,
174, 1 77, 179, 1 90, 224, 230, 270,
273, 277, 297, 3 1 4, 3 1 5, 327, 340, J
344
jeu de renforcement narcissique 270
jeu de rôle 75, 76, 85, 86, 1 30, 137, 1 70,
H l 72, 1 73, 1 94, 222, 3 1 5
humaniste
- expérientiel 274
K
conception - 301
méthode - 290 Kohut Voir Transfert selon Kohut
368 INDEX

L p
Lazarus 34, 1 26 paradoxal(e)
locus de contrôle 50, 201 accent - 20

but- 207
M injonction - 1 2

manifestation intervention - 190. 204, 2 1 0, 3 1 7

- contre-transférentielle 104, 1 06, manœuvre - 328


326 méthode - 198
- transférentielle 262, 326
pratique - 207
- transféra-contre-transférentielle
stratégie - 206
160
mécanisme de défense 160, 1 6 1 , 2 I O tension - 302

méditation 175, 1 87, 192 traitement - 207

message paradoxe 1 9 1 , 198, 200, 204-207


- non verbal 2 1 5 patient
- thérapeutique 193
- types de 328
- verbal 2 1 5
perlaboration 14, 89, 1 88 , 2 1 3
modèle
- des sentiments 296
psychanalytique 262
systémique 264 - interprétative 327

Moi 54, 90 placebo 9, 288


- faible 324 pré-intention
force du - 54, 55 stade de - 38, 43
motivation 22, 58, 204
Prochaska 37, 38, 42, 286, 293
- au changement 2 1 0, 3 1 7
profi l
- d u psychothérapeute 269, 270
- de modalité 1 26, 127
- inconsciente 2 1 8, 266, 325
- sous-jacente 65 - structural 1 26, 128, 1 3 1 , 159

accroître la - 24, 26, 158, 1 9 8 psychanalyse 14, 17, 48, 1 32, 175, 262,
facteur d e - 63 266, 273 , 285, 299, 326, 327, 33 1 ,
334, 337, 342
hypothèse de - 220
manque de - 37, 44 psychodynamique 2 1 6

niveau de - 37, 38, 1 1 4 approche - 333


pouvoir de - 179 intervention - 17, 29 1 , 30 l
problème de - 37 mécanisme - 338

méthode - 290
N psychothérapie - 1 8, 30, 57, 149,
2 1 3, 270
neutralité 3 1 3, 3 1 4
psychose 143
névrose 54, 100, 142
- de transfert 307, 327 psychothérapeute

actualisation de la - 294 - procustéen 4


INDEX 369

Q Rogers 42, 7 1 , 78, 274


roman familial 30
question
- circulaire 1 1 7, 1 1 9
- de l ' ELFE 75 s
- de l ' indication adaptative 284 self
- de l'indication inventive 284 - schéma 1 35
- de l'indication sélective 284 self gestaltiste
- exploratoire 1 1 8 théorie du - 55
- fermée 68, 76 Soi 54
- linéaire 1 1 7, 1 1 9 sophrologie 270
- ouverte 68, 69, 74, 76, 287 supervision 103
- réflexive 1 1 8, 1 1 9
- stratégique 1 1 8, 1 1 9 T
- suggestive 1 6 1
technique gestaltiste
- thérapeutique 1 17
- de la chaise vide 1 74, 179, 180,
291
R - de travai l du rêve 167
- du dévoilement du secret
recadrage 93, 1 9 1 , 2 1 3, 220-222, 295
personnel 166
- positif 206
thérapeute
redécision 2 1 4, 223, 224, 227-230,
- types de 328
295-297
thérapie
reflet 289
- cognitive 327
- de sentiment 7 1 , 76, 84, 94, 176,
- multimodale 34
216
- personnelle 103
- de signification 72, 74, 76, 94
- reichienne 270
- de soi 106
- rogérienne 328
aptitude de - 70
- stratégique 328
relations d'objet intemalisées (R.0.1.) transfert
2 1 , 54, 89, 1 1 0, 1 3 1 , 298, 302,
- de type 1 89
309. 338
- de type 2 89, 92
relaxation 270
- selon Kohut 89
renégocier 227
renforcement des défenses 323
y
reparenter 227
résistance 198, 208 Yarvis
responsabilisation 47 patient - 49
054594 - (1) - ( 1 .5) - OSB 80° - CPW - CDD

Imprimerie Nouvelle
45800 Saint-Jean de Braye
N° dlmprimeur : 430952V
Dépôt légal : avril 2010

Imprimé en France
PSYCHOTH É RAPI ES • PSYCHANALYSE

• PSYCHOTHtRAPIES
HUMANISTES

• THtRAPIES
COMPORTEMENTALES
ET COGNITIVES
01 ivier Chambon

LES BASES 3
e
édition

DE LA PSYCHOTHÉRAPIE
Approche intégrative et éclectique

Parmi les p l us de quatre cents formes de psychothérapies OLIVIER CHAMBON

est psychiatre,
répertoriées, comment en retirer la q u i ntessence ? com­ psychothérapeute,
ment reconnaître les ingrédients de base uti l es et i n d is­ ancien chef de clinique
des universités, ancien
pensables ? et surtout, comment les intégrer et les adapter psychiatre des hôpitaux.
au cas particu l ier de chaque patient ? Il exerce actuellement en
libéral à Lyon.
C'est pour répondre à ces questions essentiel les que cet
MICHEL MARIE-CARDIN
ouvrage identifie et décrit de façon détaillée et pédago­ E
est psychiatre consultan
gique les principales techniques et attitudes permettant t'
psychothérapeute,
de favoriser le changement psychologique issues des professeur des universit
és'
médecin honoraire
écoles majeures de la psychothérapie.
des hôpitaux.
L'essentiel du livre déta i l le, avec de nombreux exemples
c l i niques et tableaux de synthèse, les applications tech­
niques des facteurs communs des psychothérapies indi­
viduelles ambulatoires de patients non psychotiques.
Particu 1 ièrement représentatif du processus d'i ntégration
et d'éclectisme, ce livre constitue une base de connais­
sance et de réflexion i n d ispensable pour tout psycho­
thérapeute en formation ou confirmé quelle que soit son
école. Il donnera également à un p u b l i c non spécial isé
une vision précise des mécanismes de guérison psychi­
que présents au cours d'une psychothérapie.
Cette troisième édition largement revue par l'auteur,
comporte notamment un nouveau chapitre important
consacré à la psychothérapie transpersonnelle par la
pratique des états modifiés de conscience.

JJJl11
6904700
ISBN 978-2-10-054594-0

Vous aimerez peut-être aussi