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Neurosciences

cliniques
Neurosciences et cognition

Neurosciences
cliniques
De la perception aux troubles du comportement

François Math
avec la collaboration de
Jean-Pierre Kahn et Jean-Pierre Vignal
Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de
spécialisation, consultez notre site web : www.deboeck.com.

© Groupe De Boeck s.a., 2008 1re édition


Éditions De Boeck Université
Rue des Minimes 39, B-1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.


Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie)
partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le
communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
Les crédits sont mentionnés en regard des illustrations. Si malgré nos soins attentifs, certaines deman-
des d’autorisation de reproduction n’étaient pas parvenues aux auteurs ou à leurs ayants droit, qu’ils
veuillent bien nous en tenir informés.

Imprimé en Belgique

Dépôt légal :
Bibliothèque Nationale, Paris : mai 2008 ISSN 1374-0903
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2008/0074/055 ISBN 978-2-8041-5672-5
Dans cet ouvrage, les auteurs ont voulu que les étudiants de 1er
cycle en psychologie, de 2e cycle en médecine, les élèves infirmiers
spécialisés en psychiatrie ou encore les étudiants de 1er et 2e cycles en
biologie et physiologie trouvent les données essentielles les plus
récentes sur la physiologie neurosensorielle. Ils trouveront les indis-
pensables sources documentaires, en particulier des adresses web con-
tenant des compléments documentaires le plus souvent riches en
illustrations d’anatomie. Les encadrés marqués « ZOOM » représentent
des informations médicales complémentaires.
Dans une première partie sont présentées les bases techniques
et sémiologiques des investigations en neurosciences ou en clinique
neurologique et psychiatrique, les éléments d’organisation du cerveau
et des organes sensoriels.
Dans la seconde partie sont développées les approches senso-
rielles des divers aspects des comportements humains, depuis les com-
portements de base (faim, sexualité, sommeil, agressivité…)
jusqu’aux fonctions cognitives, ainsi que la mémoire, les communica-
tions et l’intelligence. Enfin, nous avons passé en revue les principales
altérations des comportements humains, des troubles de l’enfant ainsi
que ceux du vieillard et du mourant, pour rappeler que même en fin de
vie la communication, avec les proches et avec les soignants, reste une
nécessité de l’accompagnement.
Remerciements

Toute ma reconnaissance va à mes premiers Maîtres des années 1970 : les


Professeurs Scherrer et Verley de la Faculté de Médecine de Paris-Salpê-
trière et à Madame le Professeur Albe-Fessard, responsable de l’Institut
Marey de Paris. Ils ont été parmi les fondateurs des Neurosciences Clini-
ques et c’est pendant les années passées à leurs côtés que j’ai acquis les
méthodes d’explorations électrophysiologiques sous-corticales.
Je remercie également les Professeurs Shepherd et Spencer, de
la Faculté de Médecine de l’Université de Yale, USA, qui m’ont
accueilli à plusieurs reprises, entre 1995 et 1998, comme Professeur
Invité et ont suivi mes investigations sur l’exploration de l’olfaction en
tant que méthode diagnostique.
J’exprime aussi ma gratitude au Professeur Vespignani, Chef
du Service de Neurologie du Centre Hospitalier Universitaire de
Nancy, qui m’a ouvert son service et qui a suivi de près mes investiga-
tions cliniques.
Mes remerciements enfin à mon épouse pour avoir relu et cor-
rigé la multitude de fautes qui ont jalonné les pages de ce travail.

Professeur François Math


PARTIE 1
ÉLÉMENTS DE PHYSIOLOGIE
SENSORIELLE
ET DE PSYCHOPHYSIOLOGIE

Chapitre 1
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles
et cérébrales 11
Chapitre 2
L’organisation des récepteurs sensoriels 67
Chapitre 3
L’organisation du système nerveux 117
Chapitre 4
Les organes sensoriels 159
CHAPITRE
1
Les méthodes d’exploration
des fonctions sensorielles
et cérébrales

1.1 Les paramètres physicochimiques et leur variabilité 13

1.2 La psychophysique 17

1.3 Mathématiques, informatique et analyse sensorielle 18

1.4 Les outils comportementaux 23


12 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Dans ce chapitre, vous allez :


• Aborder les principaux signaux sensoriels et leurs caractéristiques.
• Découvrir les différentes techniques et les outils neurologiques et compor-
tementaux indispensables autant en recherche qu’en clinique.
• Comprendre les choix méthodologiques d’investigation utilisés en neuro-
logie et psychométrie pour diagnostiquer des troubles neurosensoriels.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 13

1.1 Les paramètres physicochimiques et leur variabilité

1.1.1 La nature générale des stimuli sensoriels


Quand on observe les mouvements apparemment erratiques d’une paramécie, un uni-
cellulaire courant dans nos eaux stagnantes, nageant dans une goutte de liquide pré-
levée dans un bouillon de culture, on ne s’interroge guère sur ce qui guide le
Protozoaire. Pourtant, les mouvements incessants des cils qui assurent sa propulsion
ne sont pas totalement aléatoires. Un physiologiste, Roger Eckert, a montré que
divers stimuli chimiques modifiaient la fréquence, le sens des battements et ainsi
l’orientation prise par cet unicellulaire. Les mouvements dépendent donc directement
des caractéristiques physicochimiques des microenvironnements successifs traversés
par la paramécie. Pour cet être simple, les comportements se ramènent à éviter des
sensations incompatibles avec la vie et à rechercher dans le milieu les zones favora-
bles, celles où la température est propice à une division reproductrice ou les régions
sont riches en aliments.
Qu’il s’agisse d’unicellulaires ou de pluricellulaires comme nous, nos actes
de chaque instant sont constitués par les réponses des milliards de cellules qui for-
ment notre corps aux multitudes de stimulations physicochimiques qui sont pour nous
autant d’informations précises sur notre milieu extérieur ou intérieur.
Les informations physicochimiques contenues dans l’environnement devien-
nent attractives pour l’organisme quand elles contiennent des éléments compatibles
avec la vie, favorisant la reproduction et la pérennité de l’espèce. Elles sont toujours
répulsives lorsqu’elles présentent une dangerosité pour l’intégrité de l’espèce ou
compromettent ses chances d’assurer une continuité.
Ainsi, pour qu’à tout instant l’organisme puisse capter ces deux types d’infor-
mations et soit en mesure d’y répondre efficacement, divers systèmes de capteurs
physicochimiques se sont développés autour et au sein des espèces animales. Nous
bénéficions ainsi de millions d’années de mise au point de capteurs de lumière, de
sons, de molécules, de pressions et de températures, sans compter une possible détec-
tion de courants électriques ou électromagnétiques.
Nous aborderons, lorsque les mécanismes en sont connus, les aspects généti-
ques qui règlent l’organisation ancestrale du décodage sensoriel. Mais nous verrons
que les organes sensoriels comme les autres fonctions sont soumis à des mécanismes
moléculaires génétiquement programmés qui utilisent des molécules dont l’efficacité
structurale a été bien rodée au cours de l’évolution.

1.1.2 Génétique et sensorialité : l’exemple de la génétique


de l’olfaction
Les expériences dans le domaine de la génétique de l’olfaction montrent amplement
l’influence des gènes sur les systèmes sensoriels. Nous verrons que le système olfactif
14 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

(chapitre 4.1) destiné à la détection des molécules de l’environnement est à la fois pri-
mitif, car il possède une propriété unique de régénération comme celle des Inverté-
brés et dispose pourtant, chez les Mammifères, dont l’Homme, d’un système de
codage génétique complexe lié, entre autres, au chromosome 17. Ce chromosome est
celui sur lequel se trouve un « cluster » (une sorte de librairie de gènes) destiné au
codage génétique des molécules de l’immunité (le complexe majeur d’histocompati-
bilité ou CMH qui code la molécule de base des anticorps). La synthèse des protéines
réceptrices qui identifie les molécules odorantes est aussi dépendante d’un « cluster »
comportant 200 gènes qui est situé sur le même chromosome.
La génétique de ce système nous apprend aussi que des gènes de codage des
mêmes molécules existent sur les chromosomes équivalents des Invertébrés (comme
les Drosophiles) et des Mammifères qui nous ont précédés dans l’évolution (comme
la Souris, dont le chromosome 9 est l’équivalent du chromosome 17 humain).
Dès 1980, Rohon Lancet émettait l’hypothèse qu’il existait de grandes ana-
logies entre les récepteurs des odeurs et ceux des anticorps. Dix ans plus tard, la
découverte des clusters géniques contrôlant l’expression de ces récepteurs ne fit que
conforter cette idée. Et nous verrons que cette organe sensoriel et son système d’inté-
gration central possèdent encore bien des particularités remarquables.
Nous ne disposons pas d’autant d’informations précises sur les gènes des
autres organes sensoriels, mais tout porte à croire que le codage de la photoréception
ou celui des sons n’ont pas justifié la lourdeur de combinaisons génétiques analogues
à celles des molécules odorantes. Chez les Mammifères comme l’Homme, ces orga-
nes visuels et auditifs ont développé des analyseurs centraux très sophistiqués. L’évo-
lution a mis en place une programmation génétique rigoureuse élaborée d’abord
lentement, pendant la phylogenèse puis, au cours de l’embryogenèse, et cela grâce à
des petits groupes de gènes dont le rythme de mise en service est lui-même réglé par
des horloges internes dont nous verrons le fonctionnement. En outre, nous verrons
que pour sécuriser l’expression correcte des gènes, les chromosomes se sont multi-
pliés et ont répété plusieurs fois des gènes similaires. C’est la redondance génique.
Avant d’aborder chaque organe sensoriel, nous passerons en revue les
moyens d’investigation, les précautions techniques générales à prendre pour isoler
chaque sensorialité de son contexte et dissocier les éléments objectifs donnés par les
paramètres physiques, et les éléments subjectifs dépendant du sujet testé, de son sexe,
de son âge, de son état physiologique.

1.1.3 Les paramètres sensoriels ou comment isoler une sensorialité


pour l’étudier
Les paramètres sont variés et variables à la fois dans le temps et dans l’espace. Le
sujet lui-même peut avoir une influence sur son environnement, et c’est encore plus
vrai pour l’Homme qui peut augmenter ou diminuer l’éclairement, la puissance
sonore, la température ambiante, etc., et ainsi moduler volontairement ses sensations.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 15

Certains paramètres physiques sont aisément identifiés : la lumière, un son,


des vibrations, des mouvements, des champs électriques ou magnétiques. Les para-
mètres chimiques sont infiniment plus variés et beaucoup moins bien identifiés. Les
cellules olfactives réagissent à une énorme variété de molécules en suspension dans
l’air et entrant dans le nez, alors que les organes gustatifs ne sont sensibles qu’à des
qualités chimiques limitées au sucre, au sel, au glutamate, à l’acide et à l’amer.
D’autres sont complexes car ils associent plusieurs éléments. Ainsi, les autres
individus qui évoluent dans le même environnement que le sujet étudié sont aussi des
stimuli. Par exemple, un enfant qui court dans le couloir en tapant dans un ballon
constitue un ensemble de stimuli par sa taille, la couleur de ses cheveux, les caracté-
ristiques du ballon, la vitesse, le bruit, etc. Nous changeons l’environnement en prê-
tant attention à ce signal et en envoyant un signal de communication, par exemple en
demandant à l’enfant de faire moins de bruit. À ce stade, il se produit des échanges
d’informations sensorielles sous forme de langage, d’éléments non verbaux, puis de
rétroactions qui dépendent du comportement de l’enfant. Enfin, nous abordons ainsi
l’aspect cognitif : en voyant l’enfant courir, nous évaluons les risques, nous pré-
voyons divers événements possibles, imaginaires, qui sont à la fois le fruit de notre
apprentissage et de notre imagination.
Qu’est devenu le signal « bruit du ballon » que nous avons entendu il y a
quelques minutes et qui a servi de stimulus-signal déclenchant un certain nombre de
comportements, d’émissions de stimuli-réponses, puis d’autres réponses chez
l’enfant, etc. ?
Même chez des unicellulaires, il n’est pas aisé d’évaluer l’impact d’un signal
physicochimique unique sur le comportement ou sur le métabolisme. L’environne-
ment est par essence formé d’un ensemble plus ou moins complexe de paramètres,
liés ou non entre eux (comme l’effet thermique de la lumière, comme l’effet électro-
gène des variations de composition ionique, etc.).
Si on peut montrer que certaines réponses physiologiques sont indubitable-
ment associées à un seul paramètre (comme la longueur d’onde d’un faisceau de
lumière, une bande de fréquence sonore) car leur effet est macroscopiquement indu-
bitable, d’autres stimuli sont parfois très difficiles à étudier isolément. Les raisons de
ces difficultés sont variées : soit les stimuli peuvent se confondre dans la foule des
autres informations, soit les récepteurs y sont peu sensibles, soit le sujet d’expérience
est peu motivé pour le test. Ces éléments indiquent l’importance de la notion de seuil
de perception sensorielle.
La plupart des analyses sensorielles visent à rechercher ce seuil perceptif,
c’est-à-dire à définir la plus petite valeur d’intensité du stimulus qui produit une modi-
fication physiologique décelable. On l’obtient soit par une analyse objective (par
exemple en mesurant des changements de fréquence des trains de potentiels d’action
résultant de la stimulation) soit à partir d’une réponse comportementale significative
(appui sur une pédale, ou chez l’Homme, réponse par oui ou par non). Le tableau 1.1
présente les divers éléments d’un questionnaire d’évaluation sensorielle.
16 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Tableau 1.1
Un questionnaire simplifié mais polyvalent est souvent utile dans l’analyse préalable de troubles
sensoriels. Les principales questions que le praticien peut se poser devant un patient présentant
des dysfonctionnements comportementaux ont été mises dans ce tableau sans présumer ni
du contexte environnemental ni des éléments pathologiques. (À partir de : Disability and the
sensory approach to rehabilitation . The association for the neurologically disables of Canada.)

Questionnaire d’évaluation sensorielle


Chémoréception : Sensibilité tactile
Odorat – difficulté à s’asseoir
– renifle tout – tolérance élevée à la douleur
– ne mange pas avant d’avoir flairé – géné par les vêtements
– tache son lit ou le mur avec ses excréments – ôte souvent ses vêtements
– flaire les cheveux des autres – hyper- ou hyposensibilité au chaud ou froid
– aime l’eau de cologne ou les parfums – mange peu
– évite la cuisine quand on y prépare – grince des dents
du poisson ou du chou – n’aime pas avoir les cheveux mouillés
Goût – n’aime pas porter une casquette
– Ne sait pas distinguer des aliments – n’aime pas être touché
– aime ou n’aime pas des boissons sucrées – met sa langue ou son visage contre la vitre
– ne mange que certains aliments de la fenêtre
– n’aime que des aliments très épicés – ne mastique pas
– ne mange que des aliments fades – ne mange que du sucré
– porte tout à sa bouche – apprentissage de la toilette tardif
– machonne les vêtements, ses doigts,... – maladroit et/ou non coordination
Vue des mouvements
– bat des mains à hauteur des yeux – marche lourdement
– se balance – marche sur la pointe des pieds
– roule la tête d’un côté et de l’autre – se lave fréquemment les mains
– aime l’eau Audition
– s’amuse à fixer des lumières – sensible aux bruits un peu forts
– s’amuse à allumer et éteindre les lumières – entend normallement mais ne prête aucune
– s’amuse à regarder des choses qui tournent attention
– joue avec ses mains devant les yeux – crie ou hurle dans raison apparente
– presse ses yeux avec ses doigts, surtout – n’aime pas être avec d’autres
dans les coins des yeux – s’isole parfois dans son propre monde
– très sensible à la lumière – fredonne constamment
– aime les choses en ordre, – est très bruyant
– aime ouvrir et fermer les portes – retard de language
– a des difficultés pour passer d’une surface – aime à se placer devant une machine
à une autre (tapis à carrelage par exemple) bruyante en se bouchant les oreilles
– aime jouer dans la salle de bain – aime écouter de la musique ou regarder
– tourne les pages la télévision avec un son très fort
– aime les miroirs – se met les mains sur les oreilles
– aime les reflets ou les objets réfléchissants – n’aime pas qu’on lui coupe les cheveux,
– ne soutien pas le regard qu’on lui lave ou qu’on lui brosse
– semble regarder à travers les gens – se détend quand on lui murmure
– fasciné par les ventilateurs ou les choses – aime la musique
qui tournent – frappe sur la table, les mures pour faire
– se fatigue les yeux rapidement quand du bruit
il lit – présente souvent des infections dans
les oreilles
– claque les portes souvent
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 17

1.2 La psychophysique
Fondée par le physiologiste Ernst Heinrich Weber (1795-1878) et son continuateur
Gustav Theodor Fechner (1801-1887), la psychophysique se propose d’étudier quan-
titativement les variations entre les excitants (lumineux, tactiles, etc.) et les sensations
perçues par le sujet. Deux grandes lois furent ainsi établies :

1.2.1 La loi de Weber et ses variantes (figure 1.1)


La première loi ou loi de Weber, concerne les seuils sensoriels et s’énonce ainsi :
« L’accroissement de l’excitant nécessaire pour produire un accroissement juste per-
ceptible de la grandeur de la sensation est une fonction constante de cet excitant. »
Quelle que soit la méthode, l’analyse des réponses sensorielles montre que l’intensité
des réponses objectives ou subjectives à partir du seuil suit une courbe sensiblement
sigmoïdale répondant à l’équation :
Réponse = log (Intensité du stimulus/Intensité au seuil)

A) B)
Seuil Probabilité de détection
de perception 1,0 de la stimulation a b
sensorielle
c

1,0
Courbes de Fechner
Courbes de Weber
0,5
0,5

Intensité
du stimulus
Seuil de détection par le récepteur

Figure 1.1
Seuil de perception : courbes de Weber et courbes de Fechner
Les lois fondamentales de la psychophysique bien qu’établies dès 1700 restent utiles en sciences
cognitives ou dans l’imagerie médicale. La loi de Weber (A) s’exprime comme le seuil différentiel
∆E/E= K*I dans laquelle ∆E/E est le seuil, K est la fraction de Weber qui dépend de la grandeur
physique et du système sensoriel étudié et I est l’intensité du stimulus. La Loi et les courbes de Fech-
ner (B) représentent le seuil absolu de détection d’un stimulus sensoriel. La loi donne : S= k*log I
(S : intensité de la sensation k, la constante de Weber, I : intensité du stimulus). La courbe b est la
courbe idéale ; les courbes a et c représentent les variations possibles selon le sujet et son état
physiologique. La loi de Fechner a été modifiée par Stevens vers 1960 et son équation donne :
S= k*I*n (S est la sensation ; I est le stimulus, k est une constante dépendant de l’unité de mesure
et n est l’exposant qui varie avec la dimension étudiée et donne la pente de la courbe).
18 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Ceci a été défini par Weber. C’est la loi de Weber qui s’applique assez bien aux
réponses d’un sujet humain subissant des tests auditifs ou visuels qu’aux variations
d’activités électrophysiologiques des cellules visuelles de l’œil (voir chapitre 4.3 « La
vision » et figure 4.6).

1.2.2 La loi de Fechner


La seconde loi, dite loi de Fechner, se déduit mathématiquement de la première et
s’énonce ainsi : « La sensation croît comme le logarithme de l’excitant. » Ce qui
signifie que pour qu’un sujet ait l’impression que l’éclairage d’un écran ou l’intensité
d’un son varient de manière régulière, il faut augmenter l’intensité de l’éclairage ou
du son dans une progression croissante comme dans la série 1, 2, 4, 8, 16, etc.

1.3 Mathématiques, informatique et analyse sensorielle


L’analyse des perceptions sensorielles repose en partie sur le problème de la distribu-
tion spatiale et temporelle des signaux physicochimiques qui parviennent aux récep-
teurs. Si lors des mesures en psychophysique, on s’efforce d’utiliser un stimulus dont
les paramètres sont bien définis (fréquence, intensité, cadence de présentation, etc.)
pour diverses raisons, on ne peut pas maîtriser totalement l’homogénéité du signal et
son interaction avec le milieu. Lorsque ce signal arrive aux récepteurs, il rencontre
diverses situations physiologiques que l’on ne peut pas toujours identifier. Par exem-
ple, les molécules odorantes sont entraînées dans le flux de mucus dont la densité et
l’écoulement varient. Ainsi, même si la vitesse et la densité des molécules peuvent
être mesurées par un débitmètre au moment de parvenir à l’interface air/mucus, elles
se distribuent de manière relativement hétérogène dans le fluide avant de parvenir aux
récepteurs. En outre, elles sont capturées par des protéines « chaperons » dont la den-
sité varie avec l’activité sécrétoire des glandes à mucus.
D’autre part, ces mêmes molécules d’odeurs se déplacent selon un gradient
de poids moléculaire. Il en est de même pour tous les systèmes d’analyse sensorielle
et on peut donc admettre qu’en fait ces systèmes réalisent une interprétation de la
valeur moyenne des signaux qui leur parviennent. On peut donc dire que les quanti-
fications neurosensorielles reposent entièrement sur des lois de distributions statisti-
ques. Une tâche essentielle de l’investigateur sera de définir le nombre de paramètres
concernés par les tests effectués tout en tenant compte des facteurs liés au sujet ou
encore à l’environnement.
Nous touchons là le côté aléatoire de la biologie. C’est pourquoi le besoin d’une
analyse mathématique a été proposé depuis bien longtemps. Les lois et la courbe de
Weber et Fechner en sont des exemples. L’analyse fractale et les statistiques paramétri-
ques et non paramétriques sont autant de moyens d’analyses qui permettent d’obtenir
une quantification des processus mis en jeu dans l’analyse sensorielle.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 19

Nous verrons cependant que l’apprentissage au cours du développement


réduit la distribution aléatoire des messages nerveux et optimise les voies de mise en
circulation de l’information en installant un nombre croissant de synapses
« passantes ».

RETENEZ :
La perception sensorielle, la diffusion des signaux dans le cerveau, l’organi-
sation des réponses ont un caractère aléatoire. Les récepteurs et l’optimisa-
tion des performances des circuits par les apprentissages réduisent le
caractère aléatoire en resserrant la distribution gaussienne.

1.3.1 L’outil statistique et l’analyse des données

A. Statistiques paramétriques
Il faut tester la moyenne, l’analyse de variance ou Anova, l’écart-type, le t de Student,
le test du Khi carré : tous ces tests sont disponibles sur votre logiciel Excel ou Statgraph.
Le choix du test dépend : 1) du nombre de données, 2) de la nature de
l’échantillonnage, 3) de l’appariement des données.
La droite de Henri ou droite de régression permet de définir les relations fonc-
tionnelles (c’est le coefficient de corrélation) existant entre deux ou plusieurs séries
de mesures.

B. Statistiques non paramétriques


Citons les tests les plus courants : Gomolgorov-Smirnov, Mann et Whitney, Cocran,
Kruskal Wallis, etc. Ces tests sont très utilisés en biologie du comportement
lorsqu’on souhaite analyser plusieurs paramètres simultanément avec un nombre
réduit de mesures, ce qui est très fréquent dans les tests comportementaux.

RETENEZ :
Toutes les analyses statistiques impliquent un minimum de 15-30 points de
mesure. – Elles doivent s’appliquer à des données comparables au même
temps de mesure, à la même température, tous les paramètres étant identiques
pour chaque comparatif. – On peut éliminer des valeurs extrêmes qui sont à
l’évidence la conséquence d’erreurs, mais il faut alors éliminer toutes les
mesures liées. – Une statistique paramétrique, pour être valable doit donner
la variance et l’écart-type pondéré par le nombre de mesures. L’expression
est : A (la valeur moyenne) ± écart-type (erreur standard/nombre de mesure).

Le tableau 1.2 récapitule l’essentiel des principaux tests statistiques disponibles.


Voici les questions que l’on doit se poser lorsqu’on a obtenu des séries de
chiffres résultant des tests expérimentaux :
20 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

1. Quelle est la nature des données ? Leur distribution suit-elle une courbe de
Gauss ? Une loi normale réduite ? L’échantillon a-t-il plus ou moins de
30 valeurs ?
2. Doit-on comparer des rapports entre des séries de données ?
3. Est-ce que ce sont des données quantitatives ?
4. Est-ce que ce sont des données qualitatives ?
5. Quel est le type de problème ? Une variable ? Deux variables ? Plus de deux
variables ?

Tableau 1.2
Les principaux tests statistiques : Ce tableau regroupe les principaux tests statistiques. Après une
étude scientifique amenant a s’interroger sur la validité des résultats, à se poser les questions sur
l’homogénéité des échantillons, sur les échelles des données, sur le nombre d’échantillons, nous
conseillons vivement de se rapporter à ce tableau pour choisir les tests les plus appropriés.
LNCR : loi normale centrée réduite.

Statistiques
Statistiques univariées
bivariées
Échelle 1 2 PLUS DE
de rapport : ÉCHANTILLON ÉCHANTILLONS 2 ÉCHANTILLONS
Proportion- LNCR t-Student t-Student ANOVA ANOVA Régression et
nelle : Échelle Échelle indépen- apparié corrélation
Distribution indépen- appa- dant
Gaussienne dante riée
Egalités
Variances
Échelle Komolgorov- Mann- Wil- Kruskal- Friedman Test Spearman
ordinale Smirnov Whitney coxon Wallis
Échelle Κhi2 Κhi2 Mac Κhi2 Cochran Coefficient de
qualitative Nemar contingence

Un cours de statistique très complet se trouve sur :


http://www.cons-dev.org/elearning/stat/index.html

C. L’analyse harmonique et la transformée de Fourier


Cette analyse est extrêmement précieuse et est très utilisée en analyse électrophysio-
logique, en imagerie médicale (Résonance Magnétique Nucléaire) et en physique
médicale. La décomposition des ondes, des signaux périodiques, constituant un sono-
gramme (enregistrement de la voix) ou l’électroencéphalogramme (enregistrement
des ondes cérébrales) permet d’obtenir, en utilisant la fonction et la série de Fourier
(SF), des fonctions simples (en gros, 1/2, 1/4, 1/8, 1/16, etc.), comme le sont les har-
moniques des sons. Le calcul de chaque fonction constitue la transformation de Fou-
rier qui est entièrement calculée par votre ordinateur et permet l’analyse du spectre
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 21

de fréquence en fonction des sollicitations sensorielles ou l’extraction de signaux


parmi du bruit biologique périodique ou la reconstitution d’une structure moléculaire.
Le filtrage Wiener est une analyse mathématique également courante pour
améliorer la qualité des signaux électriques enregistrés dans l’électroencéphalogra-
phie ou les potentiels évoqués.
La « Directed Transfer Function », la corrélation linéaire et non linéaire sont
utilisées pour la localisation d’une source de potentiels dans l’électro-encéphalogra-
phie (EEG) ou la stéréo-électro-encéphalographie (SEEG).

D. Fractales et psychophysique
L’analyse fractale permet de mettre en équation des données apparemment aléatoires.
Exemple : les Courbes de Julia, les flocons de Von Koch ou l’équation
gamma donnent des estimations d’évolution de figures géométriques en utilisant des
nombres complexes. Des modèles utilisant la diffusion autour d’une semence cen-
trale et la formation de fronts de diffusion sont utilisés pour prévoir des variations
dans les écosystèmes ou encore estimer l’évolution d’une tumeur cancéreuse.

1.3.2 L’outil informatique


A. La neurocybernétique et la modélisation sensorielle
L’informatique est un outil remarquable pour faciliter les calculs sur les données, le
traitement statistique, la mise en forme graphique. Elle est aussi un moyen d’investi-
gation utilisé pour modéliser les réponses des récepteurs sensoriels, prévoir des
réponses cérébrales, ou par exemple, créer des robots intelligents ou prévoir des com-
portements.

B. Modélisation moléculaire
La modélisation moléculaire utilise aussi l’informatique et permet à partir des para-
mètres physicochimiques propres à chaque molécule, comme sa structure et les
liaisons chimiques possibles, de proposer des modèles d’interactions moléculaires.
L’une de ces recherches, parmi les plus intéressantes concerne la modélisation des
interactions « molécule signal-molécule réceptrice » et l’interaction « antigène-
anticorps ». Les données prédictives ont été à l’origine de nombreuses recherches sur
la distribution des récepteurs membranaires dans le cerveau.

C. L’informatique en neurosciences
Depuis longtemps, c’est l’outil privilégié du comportementaliste. Utile pour les cal-
culs statistiques, l’ordinateur pilote aussi les expérimentations, permet de contrôler la
présentation des tests de manière standardisée, de définir le « timing » de présentation
et de mise en œuvre d’un conditionnement tout en laissant le soin à l’expérimentateur
22 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

d’observer les particularités comportementales du sujet. L’informatique permet aussi


d’augmenter le nombre des tests dans des batteries expérimentales où le comporte-
ment de plusieurs dizaines de sujets soumis à des épreuves, est suivi par vidéo dont
les images sont numérisées et analysées automatiquement.

D. La modélisation et la simulation expérimentales


La modélisation informatique au service des biologistes est une application déjà
ancienne qui est actuellement l’outil de référence en génétique ou en immunologie.
Lorsqu’on a introduit les paramètres constitutifs d’une macromolécule (on donne à la
machine la position des liaisons, les types de liaisons, les différentes chaînes d’acides
aminés qu’elle contient), l’ordinateur donnera la configuration de toutes les molécu-
les qui peuvent se fixer sur la macromolécule et leur nom, s’il est connu et présent
dans une banque de données structurelles. Ceci vaut pour l’identification des ADN
par exemple et permet d’extrapoler sur la localisation potentielle de gènes avant
qu’ils ne soient découverts. Ceci donne ainsi des pistes de recherches aux généticiens.

E. La modélisation informatique au service des comportementalistes


C’est là une utopie ancienne que de prévoir des comportements à partir de paramètres
neurosensoriels. Aujourd’hui de tels modèles sont reproduits par des robots capables
de réaliser des comportements élémentaires comme l’apprentissage et la communica-
tion nécessaire à la sollicitation pour des besoins vitaux. De tels robots peuvent rem-
placer l’homme dans des tâches délicates ou dangereuses. Ainsi, les robots renifleurs
détectent des explosifs et peuvent les détruire.

F. La modélisation informatique au service de la neurologie


Les applications de la neuro-informatique en neurosciences sont très variées. Elles
sont des outils indispensables dans le traitement des images cérébrales obtenues en
tomographie cérébrale pour donner les fausses couleurs indicatrices d’activité. Les
logiciels permettent une automatisation de la lecture des images en calculant le déclen-
chement probable d’un comportement en fonction d’un ensemble de paramètres. Cer-
taines machines traduisent les caractères ou des images en sons ou en braille. Ce n’est
pas une utopie, l’implantation d’une matrice de 5000 capteurs miniatures dans l’œil
humain a été très récemment réalisée (Science, juin 2006). Connectée aux aires corti-
cales, elles assurent une vision a minima pour des non-voyants. La liste de ces techno-
logies électroniques et informatiques pourrait occuper toutes les pages de cet ouvrage.

RETENEZ :
Les méthodes mathématiques comme les statistiques, l’analyse harmonique et la
modélisation sont très utilisées en neurosciences. Leur application est très simpli-
fiée par les traitements informatiques qui sont proposés par de nombreux logiciels.
Cependant, c’est de l’expérimentateur que dépend le choix des outils mathémati-
ques et de ce choix dépendront la qualité et la sûreté de l’expression des résultats.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 23

1.4 Les outils comportementaux

1.4.1 Les méthodes psychométriques en psychologie clinique


et en psychiatrie
A. Définitions
La psychométrie, c’est-à-dire la technique d’évaluation des phénomènes psychiques,
fondée sur l’utilisation d’instruments standardisés est apparue dès la fin du
XIXe siècle. Pour H. Piéron, l’examen psychométrique est « une situation expéri-
mentale standardisée servant de stimulus à un comportement. Ce comportement est
évalué par comparaison statistique à celui d’autres individus placés dans une même
situation permettant de classer ainsi le sujet examiné soit quantitativement, soit
typologiquement ».
Et pourtant, l’utilisation d’échelles d’évaluation n’a pas été, et n’est toujours
pas, une pratique habituelle dans la prise en charge des patients au quotidien, par les
cliniciens des champs de la psychologie clinique, de la psychiatrie ou de la santé men-
tale. Ceci est probablement en partie lié à l’influence, longtemps considérable de la
psychanalyse et de la psychothérapie psycho-dynamique, pour lesquelles la compré-
hension du patient repose essentiellement sur la mise en évidence et l’analyse de traits
individuels et où les symptômes étaient considérés comme la résultante de conflits
intrapsychiques et d’une dynamique psychique sous-jacente, en grande partie
inconscients ; c’est aussi parce que la plupart des cliniciens ne sont pas formés et
entraînés à leur maniement. Enfin, la nature même de la pratique clinique en psychia-
trie, (une clinique lente et intersubjective) rend difficile d’inclure ce type de tâche
dans chaque rencontre clinique singulière.
Mais, jusqu’à ce que l’on puisse utiliser en pratique clinique courante des
« marqueurs » diagnostiques clairs, fiables et validés, l’utilisation d’instruments psy-
chométriques telles les échelles de psychométrie quantitative et les évaluations dia-
gnostiques standardisées représente probablement la meilleure approche vers une
pratique fondée sur des preuves (« evidence based medecine »). L’utilisation de ces
instruments quantitatifs, pour l’évaluation objective des symptômes et de la réponse
aux soins dans des essais thérapeutiques contrôlés est une approche permettant un
jugement objectivable, pour ne pas dire objectif. Cependant, historiquement, la psy-
chiatrie est en retard sur d’autres disciplines médicales dans l’adoption de méthodes
d’évaluation standardisées pour évaluer le diagnostic et les réponses aux traitements
(évaluation des psychothérapies).

B. Pourquoi utiliser des échelles d’évaluation en pratique clinique ?


Il est maintenant communément admis que la mesure de la sévérité des symptômes
au cours du temps est utile pour évaluer l’évolution du traitement des affections psy-
chiatriques. Ainsi, tous les essais cliniques publiés utilisent des échelles cliniques
24 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

centrées sur certains symptômes spécifiques pour apprécier l’efficacité clinique et


thérapeutique de différents traitements : pharmacothérapies et psychothérapies. Éva-
luer qualitativement et quantitativement certains symptômes est aussi devenu un élé-
ment central dans les thérapies cognitivo-comportementales (TCC).
Par ailleurs, un certain nombre d’évolutions tendent à imposer l’utilisation
d’instruments d’évaluation et en font un domaine de développement prioritaire en
psychiatrie. En premier lieu, la « médecine fondée sur des preuves » devient une
approche importante en médecine mais aussi en psychiatrie. Elle tend à promouvoir
des recommandations et des guides de bonnes pratiques, fondés sur des preuves,
s’imposant progressivement comme des normes dans le champ des pratiques. Un cer-
tain nombre de ces guidelines proposent des options cliniques, en fonction de scores
obtenus au moyen d’échelles d’évaluation. Par ailleurs, on insiste de plus en plus,
actuellement sur la psycho-éducation et l’auto-évaluation par les patients, ce qui
nécessite l’emploi d’échelles d’auto-évaluation. Dans le domaine de la recherche épi-
démiologique par exemple, pour laquelle de nombreux sujets doivent être examinés,
les entretiens sont souvent menés par des personnes qui n’ont pas de formation spé-
cifique en psychologie ou en psychiatrie. Il faut donc établir des règles, standardiser.
Enfin, deux des enjeux essentiels de la médecine fondée sur des preuves sont
de mesurer l’efficacité de nouvelles thérapeutiques et l’efficience des pratiques pro-
fessionnelles. En effet, sur le plan de la clinique, compte tenu des coûts relatifs à la
santé publique, les médecins ne peuvent plus se contenter d’évaluer le devenir et
l’amélioration des patients ou l’efficience de leurs propres pratiques, uniquement par
une approche et des questions d’ordre général. Dans le domaine de la recherche, par
ailleurs, les symptômes et les syndromes doivent être évalués d’une manière fiable.

C. Classification des tests d’évaluation utilisés


Les tests d’évaluation utilisés peuvent être classés selon trois critères :
1. selon la procédure utilisée : techniques d’auto-évaluation où le sujet enregis-
tre lui-même ses réponses, de façon standardisée et techniques d’hétéro-éva-
luation, fondées sur le jugement d’un évaluateur autre que le sujet, un
clinicien le plus souvent ;
2. selon le domaine exploré : l’évaluation peut porter sur la personnalité, sur
les performances de diverses fonctions cognitives, sur une symptomatologie
clinique…
3. selon le type de classification qu’elles permettent : catégorielle ou dimen-
sionnelle.
Ces instruments de quantification et d’évaluation psychométrique doivent
tous, pour répondre à leurs objectifs, présenter trois qualités métrologiques
fondamentales : la sensibilité, la fidélité et la validité.
1. La sensibilité désigne la capacité de l’instrument à discriminer soit des grou-
pes d’individus présentant des stades de gravité différents (sensibilité inter-
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 25

individuelle), soit des changements survenant au cours du temps, chez un


même individu (sensibilité intra-individuelle).
2. La fidélité traduit le fait qu’il existe une bonne concordance soit entre deux
passations successives du même questionnaire (concordance test/re-test) soit
entre plusieurs évaluateurs, dans le cas des échelles (concordance inter-juge).
3. La validité désigne le fait qu’un instrument mesure effectivement ce qu’il est
censé mesurer. La validité externe est appréciée à l’aide d’un critère extérieur
qui peut être une mesure objective ou une évaluation clinique globale, par
exemple. La validité interne traduit la bonne consistance interne et l’homo-
généité de l’instrument.
Ces différents instruments ne peuvent et ne doivent être utilisés que dans le
cadre de la pathologie psychiatrique, pour laquelle ils ont été spécifiquement validés.
Enfin, les échelles d’évaluation ne doivent être utilisées que par des cliniciens (méde-
cins, psychologues, infirmiers…) connaissant l’instrument et formés à son utilisation
par un apprentissage préalable dans le cadre de séances d’entraînement et de cotation
où l’on évalue précisément la fidélité inter-juges.

D. Les tests mentaux


On distingue classiquement les tests mentaux, qui évaluent les performances cogni-
tives (tests d’efficience, évaluation du niveau intellectuel, quotient intellectuel, dété-
rioration mentale) et les tests évaluant la personnalité des individus. Ne seront
envisagés ici que les tests utilisés le plus couramment en psychiatrie de l’adulte.

! Les tests d’efficience


Les tests d’efficience mesurent une performance, de façon « binaire » : les réponses
sont correctes ou incorrectes. Certains de ces tests explorent des aspects du fonction-
nement psychique, également appréciables par l’examen clinique (comme la
mémoire verbale, par exemple) mais de façon plus objective où discriminative ;
d’autres par contre explorent des aspects qui échappent à l’examen clinique habituel,
comme la mémoire visuelle, d’où leur intérêt pour la clinique et/ou la recherche. Il
existe un grand nombre de tests, dont la plupart ne sont utilisés que dans des domaines
spécifiques. Ils concernent les domaines suivants :

! L’évaluation du niveau intellectuel


Selon la théorie factorielle de Spearman, dans toute tâche intellectuelle interviennent
à la fois un facteur général (facteur « g »), présent quel que soit le type d’épreuve, et
des facteurs spécifiques qui varient selon le type d’épreuve utilisée. L’évaluation du
niveau intellectuel fait ainsi appel à deux types de méthodes : a) la méthode des échel-
les composites, dans lesquelles l’épreuve est composée de plusieurs « sub-tests »
mettant en jeu des processus mentaux différents ; l’échelle de ce type la plus utilisée
en France est une adaptation de la Wechsler Adult Intelligence Scale (WAIS), qui per-
met de calculer trois notes de coefficient intellectuel (QI) : QI global, QI verbal et QI
26 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

de performance ; b) la méthode du test unique, dans laquelle l’épreuve est constituée


d’un seul test hautement saturé en facteur « g » ; le plus utilisé en France est le test de
vocabulaire de Binois et Pichot, qui consiste à souligner, dans des séries de six mots,
le synonyme d’un mot inducteur.

! La notion de quotient intellectuel


Les résultats aux tests d’intelligence sont en général exprimés en QI, situant la posi-
tion du sujet par rapport à une distribution de notes caractérisée par une moyenne et
un écart-type. Dans la population générale, 95 % des notes sont comprises dans
l’intervalle déterminé par deux écarts-types de part et d’autre de la moyenne.

! La notion de détérioration mentale


Il s’agit d’un concept purement descriptif. Les tests mentaux mesurent l’efficience
actuelle, mais cette efficience peut se trouver abaissée, alors que le potentiel reste
intact. Ceci peut apparaître dans de nombreuses situations pathologiques comme la
dépression, l’anxiété, l’administration de psychotropes ou certaines maladies somati-
ques qui viennent entraver le fonctionnement normal du psychisme. Par ailleurs, cer-
tains mécanismes intellectuels subissent une détérioration physiologique avec l’âge,
qui doit être prise en compte. La baisse de performance par rapport à un niveau anté-
rieur peut alors être estimée rétrospectivement, par le degré de réussite scolaire et
socioprofessionnelle. Certaines épreuves sont donc étalonnées par rapport à un
niveau préalable et l’âge. Enfin, les processus pathologiques ne touchent pas de façon
uniforme les différentes épreuves d’efficience, certaines étant altérées plus précoce-
ment que d’autres. Certains tests se montrent très sensibles dans la détection d’une
atteinte cérébrale organique, comme les tests explorant la perception visuelle. La
figure complexe de Rey et le test de rétention visuelle de Benton sont parmi les plus
utilisés. Ce dernier consiste à présenter au sujet une figure géométrique pendant dix
secondes, puis à lui demander de la dessiner de mémoire. Certaines erreurs de repro-
duction sont caractéristiques d’une atteinte cérébrale organique. L’étude des fonc-
tions psychiques est un domaine en pleine expansion. La psychologie cognitive
étudie et explore les fonctions cognitives, telles la mémoire (échelle de mémoire de
Wechsler), l’attention (test de mesure de l’attention de Stroop), ainsi que les fonctions
du lobe frontal, les fonctions exécutives en particulier (Wisconsin Card Sorting Test :
WCST). Ce domaine est trop complexe pour être développé ici (voir chapitre 6).

! Les tests de personnalité


On distingue deux types de tests de personnalité : les tests projectifs et les question-
naires. Les tests projectifs reposent sur une conception unitaire de la personnalité ;
leurs résultats apparaissent donc sous la forme d’une description qualitative. Les
questionnaires présupposent la description de la personnalité d’un sujet, comme la
résultante de plusieurs traits ; leurs résultats s’expriment donc sous la forme d’une
note pour chacune des dimensions étudiées.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 27

– Les tests projectifs cherchent à explorer une personnalité de façon globale,


en confrontant le sujet à des situations faiblement structurées auxquelles le
sujet répond en fonction de ses tendances profondes et de l’organisation de
sa personnalité. Il se « projette » ainsi dans ses réponses de façon tout à fait
singulière. Le test de Rorschach est le test projectif le plus utilisé, chez
l’adulte (figure 1.2). Il est constitué d’une série de dix planches représentant
chacune une tache symétrique par rapport à un axe vertical, noire ou poly-
chrome, que le sujet doit commenter en disant ce qu’il y voit, ce à quoi cela
ressemble. L’interprétation du test de Rorschach aboutit à un « psycho-
gramme », pouvant servir d’aide au diagnostic clinique et à l’exploration de
l’organisation de personnalité et la dynamique psychique du sujet, en réfé-
rence aux concepts psychanalytiques (pulsions, conflits intrapsychiques,
mécanismes de défense inconscients…).
– Les questionnaires de personnalité sont des épreuves constituées de plu-
sieurs questions (ou items), auxquelles le sujet doit répondre en se référant à
son mode de fonctionnement habituel. La réponse aux différents items peut
être dichotomique (vrai/faux ; oui/non), ou graduée, mais est standardisée, ce
qui rend ces outils faciles d’emploi et exploitables dans des populations cli-
niques importantes. Le plus utilisé est le Minnesota Multiphasic Personnality
Inventory (MMPI), questionnaire de 550 items, explorant différentes carac-
téristiques de la personnalité et différents symptômes. Les résultats du MMPI
fournissent un « profil » constitué de neuf échelles cliniques : Hypocondrie
(Hs), Dépression (D), Hystérie (Hy), Déséquilibre psychopathique(Dp),
Masculinité-féminité (Mf), Paranoïa (Pa), Psychasthénie (Pt), Schizophrénie
(Sc), Manie (Ma). Chacune de ces échelles se caractérise par une note
moyenne et par un écart-type. Plus la note d’un sujet à une échelle s’élève au-
dessus de la moyenne, plus le sujet à des chances de présenter les traits patho-
logiques afférents à cette échelle.

E. Méthodes d’évaluation de la symptomatologie clinique


Il existe de très nombreux instruments d’évaluation de la symptomatologie des diffé-
rentes affections et pathologies en psychiatrie. Ce sont les progrès de la psychophar-
macologie, des recherches cliniques et épidémiologiques en psychiatrie qui en ont
suscité le développement. Il existe des instruments d’évaluation globale, d’évaluation
de symptômes généraux et des instruments d’évaluation spécifiques à certaines
pathologies. Il peut s’agir d’inventaires (check-lists) ou d’échelles d’évaluation
(rating scales).
Selon que l’évaluation est assurée par le sujet lui-même ou par un observa-
teur/examinateur extérieur, on distingue des instruments d’auto-évaluation et
d’hétéro-évaluation. Ces instruments sont en général composés d’un ensemble
d’items qui doivent faire l’objet d’une cotation indépendante, selon des critères spé-
cifiques à chaque instrument, dans des conditions de passation semi-standardisées. La
cotation des différents items peut être dichotomique (présence/absence d’un symp-
28 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

tôme, par exemple) ou graduée, évaluant la fréquence de survenue ou l’intensité d’un


item selon un certain nombre d’échelons. L’utilisation des instruments d’hétéro-éva-
luation nécessite le plus souvent une formation et un entraînement à la cotation des
évaluateurs, pour avoir une bonne fiabilité. Les instruments d’auto-évaluation en
revanche, sont utilisables par tout un chacun, de façon spontanée et intuitive, ce qui
en fait précisément l’intérêt.
Nous nous contenterons d’évoquer, à titre illustratif, les plus connus et les plus
utilisés de ces différents instruments, sans vouloir avoir ici une approche exhaustive.

! Les questionnaires globaux


Les questionnaires fournissent un mode d’évaluation parfaitement standardisé. Ils
sont très faciles d’emploi et largement utilisés actuellement, malgré certaines limites
méthodologiques.
Parmi les questionnaires globaux, les échelles analogiques visuelles de Scott
sont très utilisées. Elles sont constituées d’un simple trait de 100 mm de longueur,
séparant deux qualificatifs ou propositions antonymes : tendu/détendu, triste/gai, pas
du tout anxieux / extrêmement anxieux, par exemple… On demande au sujet de se
situer sur ce trait, par rapport à ces deux propositions et on mesure « objectivement »
une dimension subjective globale. Les échelles d’évaluation de la douleur en sont une
illustration.
On peut également citer le General Health Questionnaire (GHQ), mis au point
par Goldberg pour apprécier une souffrance psychique globale en population générale
et identifier les troubles psychiatriques en médecine générale. La version la plus utilisée
en est la version à 28 items (GHQ-28), formulés sous forme de questions. Par exemple :
« Récemment, et en particulier ces dernières semaines, vous êtes-vous senti(e) cons-
tamment tendu(e) ou stressé(e) ? ». Il existe quatre niveaux de réponses possibles.
Parmi les questionnaires généraux, le plus connu est la Hopkins Symptoms
Checklist (SCL-90), comportant 90 propositions avec chacune, quatre modalités de
réponses, allant de « pas du tout » à « extrêmement ».
Les questionnaires de symptômes spécifiques ne seront pas développés ici.
Ils concernent pour la plupart la dépression et l’anxiété (voir chapitre 7.2).

! Les inventaires et échelles d’appréciation clinique


Parmi les échelles globales d’évaluation, il faut citer l’échelle d’impression clinique
globale, Clinical Global Impressions ou CGI, qui évalue la gravité des troubles men-
taux actuels d’un patient, à un moment donné ou son amélioration au fil du temps, au
cours d’un essai thérapeutique par exemple. Ce type d’échelle est surtout utilisé en
psychopharmacologie clinique et comporte sept points à apprécier en fonction de
l’expérience personnelle de l’évaluateur.
Les échelles spécifiques sont destinées à l’évaluation des principaux états
pathologiques rencontrés en clinique, états psychotiques et schizophréniques en par-
ticulier, états dépressifs, troubles anxieux.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 29

Pour l’évaluation des états psychotiques et de la schizophrénie, c’est l’échelle


abrégée d’appréciation psychiatrique Brief Psychiatric Rating Scale (BPRS) qui a
longtemps été l’instrument de référence. Cette échelle comprend 18 items, cotés en
7 degrés de sévérité. Depuis quelques années, d’autres échelles ont vu le jour, parmi
lesquelles la Positive and Negative Syndrome Scale (PANNS) composée de 30 items,
cotés chacun de 1 à 7.
Les échelles de dépression sont très largement utilisées. C’est l’Échelle de
Dépression de Hamilton ou Hamilton Depression Rating Scale (HDRS), qui reste la
plus employée. Elle existe sous deux versions, l’une de 21 items, l’autre plus fré-
quemment utilisée de 17 items. Cette échelle évalue les symptômes psychiques et
somatiques de la dépression, mais elle est également fortement saturée par des symp-
tômes d’anxiété. La cotation se fait en 3 ou 5 points, selon les items. Une autre échelle
plus spécifique de la dépression est préférée dans les pays européens : il s’agit de
l’échelle de dépression de Montgomery et Asberg ou Montgomery Asberg Depres-
sion Rating Scale (MADRS). Cette échelle est composée de 10 items gradués de 0 à
6, évaluant des symptômes objectifs et subjectifs de la dépression.
Pour les troubles anxieux, c’est l’Échelle d’Anxiété de Hamilton ou Hamilton
Anxiety Rating Scale (HARS), composée de 14 items qui est la plus utilisée. Mais il
existe pour certains troubles, tels les troubles obsessionnels compulsifs, les troubles
phobiques ou d’autres troubles tels que les troubles des conduites alimentaires ou
l’évaluation des comportements suicidaires, des instruments spécifiques à ces diffé-
rentes entités nosographiques ou dimensions cliniques.
Enfin, il faut mentionner le développement, ces dernières années, d’échelles
mesurant la qualité de vie, telle la SF-36, fort utilisée dans la recherche pharmacolo-
gique.

F. Classifications et critères de diagnostic des troubles mentaux


À partir des années 1960, et parallèlement au développement des neurosciences (neu-
robiologie, psychopharmacologie, et plus tard imagerie cérébrale), des scientifiques
et des cliniciens ont pris conscience de la nécessité de disposer d’un langage et de cri-
tères communs pour définir, classer et étudier les différentes pathologies psychiatri-
ques. En effet, les aspects théoriques et empiriques de la discipline, la multiplicité des
courants idéologiques qui la traversent et en façonnent les contours et les modalités
de prise en charge pratique ont montré qu’il existait, entre différents pays parfois très
proches sur le plan géographique, des différences considérables dans la conceptuali-
sation et la prise en charge d’une même pathologie. Afin de sortir de ce « Babel
psychiatrique », on a alors développé progressivement des systèmes critériologiques
de diagnostic et d’enregistrement standardisé de la symptomatologie. Dans les années
1970, l’élaboration de critères de recherche clinique par l’équipe universitaire de
Saint Louis, puis les travaux de l’équipe de Spitzer, à New York, aux États-Unis
(Research Diagnostic Criteria) devaient aboutir à la création et la publication, en
1980 par l’association américaine de psychiatrie du Manuel Diagnostique et Statisti-
30 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

que des Troubles Mentaux, 3e édition, Diagnostic and Statistical Manual of Mental
Disorders, appelé communément DSM III (voir chapitre 7). Cette classification pré-
sente à la fois une approche multiaxiale et critériologique. Par ailleurs, pour permettre
l’utilisation de cette classification, ont été simultanément élaborés des guides d’entre-
tien structurés ou semi structurés, permettant de recueillir de façon précise les critères
servant de base à l’élaboration de la nosographie des ces manuels.
Cette maturation collective du corps professionnel sur le plan international a
également abouti à la publication, en 1992 par l’Organisation Mondiale de la Santé,
de la 10e édition de la Classification Internationale des Maladies (CIM 10) et des gui-
des d’entretien plus ou moins standardisés permettant de recueillir les critères dia-
gnostiques considérés.

! La classification du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders


(DSM)
La classification du DSM est actuellement admise de façon quasi unanime par la
communauté psychiatrique internationale et constitue la classification des troubles
mentaux la plus utilisée. Son caractère multi-axial permet de situer les données rela-
tives à un patient sur 5 axes : l’axe 1 est celui des troubles psychiatriques caractérisés,
c’est-à-dire des différentes entités nosographiques de la pathologie psychiatrique ;
l’axe 2 est consacré aux troubles de la personnalité, c’est-à-dire à la définition de don-
nées plus diachroniques, relatives à ce qu’il est encore convenu d’appeler la structure
de la personnalité des individus ; l’axe 3 permet de répertorier la comorbidité existant
entre les troubles psychiatriques repérés sur l’axe 1 et différentes pathologies soma-
tiques évoluant concomitamment ; l’axe 4 apprécie les facteurs de stress environne-
mentaux ; l’axe 5, quant à lui, évalue de façon sommaire et globale le niveau
d’adaptation sociale à un moment donné d’un individu.
Cette classification qui se veut et se présente comme « athéorique », indépen-
dante et essentiellement pragmatique, a sensiblement évolué, ce qui s’est traduit par
de nombreux remaniements conceptuels, qu’elle a progressivement intégrés, après
des études de terrain, dans ses remaniements successifs. Cette approche évolutive
rend l’instrument particulièrement intéressant, mais n’est pas sans poser de nombreux
problèmes méthodologiques et théoriques. Depuis la publication en 1980 du DSM III
(3e édition), se sont succédés une révision en 1987 (DSM III-R), le DSM IV paru en
1994 et sa révision le DSM IV-TR paru en 2000. Ces différentes révisions illustrent
le caractère instable et en même temps, la rapidité d’évolution de nos connaissances.

! La 10e Classification Internationale des Maladies (CIM 10)


La CIM 10 a été publiée par l’OMS en 1992. Elle s’est largement inspirée du
DSM III. Elle comporte 4 versions destinées à différentes utilisations : – la version de
base, à vocation médico-administrative qui se limite à une liste des principales caté-
gories accompagnées de codes et d’un glossaire ; – la version clinique qui comporte,
pour chaque trouble, une description des caractéristiques de ce trouble et des mani-
festations qui lui sont associées ; – la version recherche qui, pour chaque trouble, pré-
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 31

sente des critères d’inclusion et d’exclusion permettant de définir de façon précise des
échantillons homogènes de malades et de faciliter ainsi les recherches et les compa-
raisons entre les résultats obtenus par des équipes différentes ; enfin une version mul-
tifactorielle permettant d’enregistrer pour chaque patient des informations
potentiellement importantes sur le plan thérapeutique et pronostique.
À partir de ces classifications, on peut dresser un aperçu du protocole à adop-
ter avant l’entretien avec le malade, puis la conduite à tenir et enfin les examens com-
plémentaires jugés utiles (tableau 1.3). Si les troubles psychiatriques comportent une

Tableau 1.3
Tableau synoptique des conduites psychiatriques dans le cas de l’examen et des décisions à prendre face à
un sujet agité.

CONDUITE PSYCHIATRIQUE
ABORDER LES ÉTATS D’AGITATION

INTERROGATOIRE EXAMEN PSYCHIATRIQUE EXAMEN NEUROLOGIQUE


(Anamnèse) – Conscience : vigilance, désorientation ET PHYSIOLOGIQUE
– Drogues ? alcool ? spatio-temporelle – Troubles neurologiques,
Médicaments ? Sommeil, Anxiété, Délire organiques, cardiovasculaires,
– Antécédents psychiatriques – Agitation quantifier Toxicomanie
personnels, familiaux – Autres symptômes : troubles Trouble endocrinien
– Problèmes récurrents de l’humeur, délire, anxiété, trouble Immunologique,
de la personnalité Anomalie génétique
– Comportement associal

BILAN BIOLOGIQUE
Glycémie, Urémie,
Créatinine, Ions, Alcool,
Toxines, Drogues

TROUBLES PSYCHIATRIQUES TROUBLES ORGANIQUES


– Troubles anxieux – Confusion, encéphalopathies
– Troubles de l’humeur, infectieuses, génétiques,
mélancolie, délire dégénératives, traumatologique
– Paranoia, Schizophrénie Alcoolisme : Délirium tremens,
Touble de la personnalité, Syndrome de Korsakoff,
hystérie Toxicomanie
Psychose,Violence Démence

CONDUITE DES SOIGNANTS Thérapie médicamenteuse

Isolement Rassurer Psychothérapie : CONTENTION CHIMIQUE


Calme Dédramatiser Comportementale, Uniquement Thérapie médicamenteuse
Dialogue familiale si danger Benzodiazépines
Diazépam
Neuroleptiques
32 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

agitation pathologique, des troubles anxieux ou un comportement violent, les règles


de base du soignant sont : d’abord rassurer, calmer puis mettre en œuvre une psycho-
thérapie comportementale adaptée (familiale si utile). L’immobilisation et/ou la thé-
rapie chimique ne sont appliquées que si les étapes précédentes sont inefficaces.

G. La psychométrie : une technique à la limite des sciences sociales


et biologiques
La psychométrie et l’élaboration de critères opérationnels de jugement pour apprécier
et évaluer qualitativement et quantitativement les différents aspects cliniques et évo-
lutifs des pathologies mentales et les réponses aux procédures thérapeutiques se sont
fortement développées ces dernières décennies. Cette démarche rencontre toutefois
encore de nombreuses résistances. Il est évident que, si celle-ci est indispensable sur
le plan de la recherche et du progrès de la discipline psychiatrique, elle ne concerne
pas la pratique quotidienne de l’immense majorité des cliniciens. Cependant, l’élabo-
ration et l’existence de ces instruments ont permis sans aucun doute à la communauté
clinique et scientifique internationale de promouvoir la psychiatrie et les sciences du
comportement à la place qu’elles doivent occuper, au carrefour des sciences « dures »
et « molles », des sciences biologiques et des sciences humaines.

RETENEZ :
Plus les tests sont compliqués et plus vous multipliez les tests, plus les analy-
ses seront longues et délicates. Pour tous les tests qui seront décrits dans la
suite, ayez présent à l’esprit ce principe, il permet souvent d’éclaircir le dia-
gnostic. Réfléchissez bien avant de choisir un questionnaire puis une échelle.

! Un exemple de la difficulté de mise en œuvre des tests psychologiques


Le test de Rorschach (figure 1.2) est parmi les tests délicats à mettre en œuvre
et à interpréter, au point d’être mis en question. Il consiste en 10 planches (7 noires,
3 couleurs) faisant appel à une interprétation libre du sujet sur la base de sa sensoria-
lité et de ses interprétations. Le bilan psychopathologique est donné dans le psycho-
gramme. Cependant, la passation des tests, en particulier les consignes données au
sujet, varient d’un clinicien à l’autre. En général, dans une première phase, le sujet
examine librement les planches, puis ensuite il dira ce qu’il croit avoir vu. Durant
cette phase, le clinicien note scrupuleusement tout ce que le sujet fait, dit, ses com-
mentaires et les stratégies qu’il développe. Enfin, il faut donner une cote à chacun des
éléments du protocole (localisation des réponses, mode d’appréhension, contenus,
banalités). Ainsi, malgré des essais de standardisation, même si le test de Rorschach
reste d’un intérêt certain pour évaluer des pathologies, les conclusions d’un psycho-
gramme ne peuvent pas être utilisées comme des bases uniques de diagnostic.
Les investigations possibles en fonction de l’organe sensoriel seront abordées
au cours de l’étude de chaque organe sensoriel car l’arsenal de la psychophysique est
important et doit être strictement ciblé.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 33

Figure 1.2
Test de Rorschach
Ce test d’évaluation de l’imagination et de la projection est très discuté voir discutable. Il a pour-
tant été largement utilisé pendant des années. Ce qui compte dans son interprétation, c’est la
spontanéité de ce que le sujet pense voir dans une telle image. Cependant, associé à un électro-
dermogramme (EDG), l’analyse des figures peut donner des indications psychologiques intéres-
santes à condition de graduer les étapes d’analyses : une étape d’observation et de réponses
libres spontanées suivie d’une étape où le sujet est guidé vers des extensions imaginaires et des
projections intellectuelles à partir de ses premières réponses.

RETENEZ :
Il est important d’utiliser une progression dans la complexité des tests. – Il est
important de présenter les tests autant que possible dans le désordre pour que
le sujet ne puisse pas anticiper sur les réponses et que ses récepteurs ne subis-
sent pas d’accommodation.

1.4.2 Les techniques d’analyse sensorielle


A. Techniques objectives et subjectives
Les tests objectifs sont toutes les investigations psychophysiques qui ne dépendent
que des paramètres et des capteurs sensoriels primaires. L’état du sujet, son âge, son
sexe et son état de santé n’interfèrent pas avec les mesures. Il s’agit de déterminer si
l’organe sensoriel reçoit bien les bons signaux. Cela est important dans l’identifica-
tion des surdités de transmission ou de perception, dans les cécités visuelles, ou dans
les troubles de la sensibilité tactile. Des tests simples utilisant un diapason pour les
surdités, les tests de lecture des tables pour la vision, ou l’esthésiomètre pour le tact
34 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

suffisent à délimiter les anomalies éventuelles avant de rechercher des investigations


plus complexes. Les tests subjectifs sont toutes les investigations qui sont soumises à
l’état du sujet en particulier à son état psychique, à sa coopération, à ses expériences.

! L’importance de la participation du sujet


La qualité des investigations dépend de la coopération du sujet. La durée des tests doit
rester courte pour ne pas lasser le sujet. La physiologie des organes sensoriels est telle
qu’ils ne disposent pas d’une possibilité d’activité indéfinie, il est important de penser
à l’adaptation et à la fatigue sensorielle. Les sujets qui ont déjà subi les tests aupara-
vant, selon leur ressenti pendant et après ces tests, coopéreront plus ou moins bien.
Cela est fréquent chez les patients suivis depuis longtemps, comme les enfants présen-
tant une maladie génétique dont les symptômes sensoriels sont apparus depuis long-
temps. Il est donc recommandé de regarder le dossier du patient avant de le recevoir,
mais, en prenant soin de ne pas se laisser influencer par les analyses antérieures, elles
ont certainement évolué en raison des thérapies et de l’évolution propre au patient.

! L’adaptation sensorielle
La courbe donnée par l’équation atteint une limite supérieure qui définit l’adaptation
sensorielle ; ce paramètre modifie le seuil perceptif. L’adaptation, c’est-à-dire la pos-
sibilité que les récepteurs ne répondent plus aux stimuli, représente un facteur qui
limite les tests dans le temps. Ce phénomène est très lent pour l’olfaction, il apparaît
rapidement dans l’audition, il est lent et tardif pour les récepteurs de douleur, il est
rapide pour les corpuscules du tact. Il apparaît en deux phases dans l’exploration réti-
nienne (figure 1.3). La répétition de la même stimulation trop intense sature les élé-
ments sensoriels et il faudra attendre plusieurs minutes pour qu’ils redeviennent
efficaces. Il est recommandé d’utiliser des stimuli juste liminaires (proches du seuil
de perception) de chaque sujet.

Figure 1.3 Sensibilité


Seuil de perception et temps d’adaptation
Courbes d’adaptation à l’obscurité. La recherche des
seuils de réponse à l’obscurité est une méthode mettant
30
en évidence le passage de la perception utilisant des
cônes (les cellules de la vision colorée) à la perception
due aux bâtonnets (les cellules sensibles aux faibles
20 Point alpha
luminosités) lorsque la luminosité diminue. Or cette Seuil
méthode nécessite beaucoup de précautions : contrôle terminal
de l’éblouissement avant le test, de la durée du stimulus brut
et du diamètre pupillaire. Cette méthode est l’exemple
type de la technique qui demande aux manipulateurs
l’utilisation d’un protocole d’examen rigoureux. Le point
alpha, observé au bout de 3 minutes, représente le pas- 10 20 30
sage de la phase rapide d’adaptation à la phase très Temps d’adaptation (minutes)
lente.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 35

! Les limites de la perception


Pour la vision, si on considère la relation de Planck-Einstein : E =hν = hc/λ , dans
laquelle h est la constante de Planck ; ν, c et h sont respectivement la fréquence, la
vitesse et λ la longueur d’onde de la lumière, hν est l’énergie des photons. Pour les
signaux ondulatoires comme la lumière ou le son, l’énergie dépend de la vitesse et de
la longueur d’onde. Si on considère un photon de lumière bleue (l = 500 nm), l’éner-
gie est alors de 57 kcal/mol, soit 100 fois l’énergie thermique du photon. La limite est
donnée par l’énergie des longueurs d’ondes que les pigments peuvent absorber.
La limite inférieure de perception est forcément représentée par la plus petite
énergie susceptible d’activer une cellule réceptrice. Notez que cela ne correspond pas
nécessairement à l’initiation d’un signal remontant jusqu’au cortex, puis d’une sen-
sation. Même s’il est possible d’engendrer des signaux subliminaires, cela ne se fait
pas avec un seul photon ou avec une seule molécule d’odeur, mais il faut un certain
« quantum » d’énergie pour qu’apparaisse un changement d’état de la membrane du
neurone qui reçoit les ondes. Ce changement doit provoquer ce que nous appellerons
un « potentiel local » qui représente une accumulation de charges électriques crois-
santes à chaque fois qu’une molécule ou qu’une onde frappent la membrane. Ce
potentiel croît jusqu’à un seuil tel que l’énergie de la dépolarisation est suffisante
pour produire un potentiel générateur. Ce dernier enclenche une variation très brève
du potentiel membranaire lorsqu’il atteint la zone gâchette (la zone génératrice ou
cône axonique (zone du neurone d’où part l’axone)). C’est le potentiel d’action pro-
pagé sur le nerf (l’axone ou les dendrites).

! Les techniques générales de l’analyse comportementale


Chez l’animal, les méthodes comportementales comme la boîte de Skinner (le sujet
doit faire un choix), le labyrinthe (le sujet doit s’orienter dans l’espace) ou l’open
field (le sujet doit prendre des options de déplacement dans un espace) permettent de
définir les limites perceptives.
Chez l’Homme, ces méthodes ne sont pas employées, sauf divers labyrinthes
manuels, et c’est beaucoup plus la participation active du sujet qui est recherchée. Les
tests psychométriques étant relativement subjectifs, le praticien a recours à des tech-
niques complémentaires qui assurent l’objectivation des réponses. Ainsi, chez des
enfants déficients mentaux le passage de tests psychologiques à base visuelle peut
entraîner des erreurs précisément à cause de déficience visuelle (vision en tunnel des
trisomiques, aversion lumineuse des autistes). L’appui de tests neurophysiologiques
s’avère souvent indispensable pour connaître les limites perceptives du sujet.

! Les outils éthologiques


On utilise des observations (par vidéo-caméras par exemple) sur des sujets placés
dans des espaces libres ou complexes, isolés ou au sein d’un groupe dont les membres
sont choisis pour leurs caractéristiques compatibles avec les sujets testés.
36 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Chez l’animal comme le rat, on utilise les dispositifs déjà cités et bien para-
métrés pour un comportement particulier. L’open field (espace circulaire quadrillé
sans repère pour l’animal) permet d’évaluer les capacités motrices et la prise de déci-
sion sous l’effet de drogues. Les labyrinthes en T, en Y ou dichotomiques sont utiles
pour tester la mémoire. La boîte de Skinner, qui est un caisson muni d’appareils de
stimulations externes ou de grilles dans lesquelles on peut envoyer un léger courant
électrique. Une pédale dans le caisson permet à l’animal d’obtenir une croquette de
nourriture selon la qualité, la nature et les paramètres de stimulation. Il s’agit là de
conditionnements opérants (voir chapitre 5) car les comportements sont associés à un
acte rétroactif de l’animal lui permettant de recevoir une autre stimulation ou au con-
traire de faire cesser le stimulus.
Chez l’Homme, ces tests matériels sont difficiles à appliquer et sont rempla-
cés par des tests informatisés qui font appel essentiellement à la vision et à la coordi-
nation motrice (exemple : labyrinthe en étoile) :
– l’espace de tests doit pouvoir permettre de contrôler tous les paramètres physico-
chimiques (température, luminosité et contraste, hygrométrie, bruit, odeurs…)
que ce soit : en situation de déprivation sensorielle (suppression d’une ou plu-
sieurs sources de signaux) ou,
– en milieu enrichi (utilisable chez les jeunes enfants), la position des éléments
de l’environnement change souvent ainsi que les formes et les couleurs.
L’observation est faite par des vidéo-caméras judicieusement positionnées.
Les déplacements, les gestes, les phases d’activités sont notées ou seront repérables
sur les enregistrements en fonction des rythmes journaliers en utilisant des dateurs et
en plaçant éventuellement des repères d’identification sur le sujet. Les tests sont com-
mentés en direct sur dictaphone dont la bande son est annexée à la bande vidéo.
Si le sujet subit des tests psychophysiques comme le labyrinthe en étoile, le
temps de réaction ou un test de vision stéréoscopique, pour n’en citer que quelques-
uns, il doit être assis confortablement sans contrainte. Le repose-tête qui empêche la
rotation de la tête pour des tests visuels doit être positionné selon les suggestions du
sujet pour ne pas le blesser ou ne pas créer une gêne qui détournerait sont attention.
Ceci est d’autant plus vrai pour les jeunes enfants pour qui l’immobilisation pendant
cinq minutes est un calvaire et qui développent aisément un stress dit de contention.
C’est moins vrai chez l’adulte, surtout s’il est volontaire ou s’il estime que les tests
peuvent lui être bénéfiques. De même, il est déconseillé de laisser le sujet masquer un
œil ou de se boucher une oreille avec la main. Utilisez un cache-œil ou un cache-
oreille du commerce qui n’offre aucune gêne et donne du confort à la fois au sujet et
au praticien. Une longue immobilité avec des électrodes sur les bras et sur la tête est,
selon les cas et les éventuelles pathologies, ennuyeuse ou peut être douloureuse.
Le praticien doit donc veiller constamment au confort des sujets et à la par-
faite disponibilité des tests. Si les appareils doivent être manipulés par le sujet, éviter
les fils d’électrocardiogramme qui se prennent dans les accoudoirs et limitent les
mouvements. Contrôler l’état des appareils, les sujets ignorent les bases techniques,
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 37

même si on leur explique sommairement le protocole qu’ils vont subir, et ils ne per-
cevront pas les défaillances éventuelles du matériel.

B. Les méthodes de déprivation


Les méthodes de déprivation sont rarement utilisées en clinique, mais en expérimen-
tation, c’est l’un des moyens commodes pour délimiter le rôle d’une sensorialité ou
d’un des paramètres de cette sensorialité.

! La déprivation sensorielle
Les expériences de Brunjes ont été reprises chez l’homme. Nous pratiquons nous-
mêmes l’obturation nasale unilatérale chez des patients souffrant d’épilepsie tempo-
rale. La latéralisation fréquente des symptômes avec décompensation contralatérale
apporte des informations sur la capacité d’adaptation du matériel cérébral en cas de
défaillance et éventuellement sur les possibilités de mise en jeu d’une autoréparation,
c’est la plasticité cérébrale dont nous reparlerons plus loin. Il est évident que ce type
de déprivation est aisément mis en œuvre. L’isolement dans une « tour d’ivoire » ou
les masques sur les yeux ou un casque sur les oreilles sont les solutions techniques
appropriées. L’isolement sensoriel prolongé peut créer de l’angoisse puis un stress
préjudiciable au sujet.

! La déprivation chirurgicale
L’ablation d’un œil (à la suite d’un traumatisme par exemple) ou la section d’un nerf
sensoriel peut être nécessaire si un neurinome douloureux se trouve sur le trajet des
voies. Il en résulte des sensations différentes, stressantes, bien connues. Dans les
jours qui suivent une opération d’un glaucome bilatéral, les yeux sont obturés par une
œillère étanche. Le malade peut percevoir des hallucinations visuelles dans les jours
suivants.

! La neutralisation temporaire d’une perception


La suppression temporaire la plus aisée est la destruction de l’épithélium olfactif par
l’action toxique du sulfate de zinc. L’application de ZnSO4 détruit une partie des cel-
lules olfactives, mais celles-ci se reforment en quelques semaines et restituent un odo-
rat identique à ce qu’il était auparavant. L’application d’une anesthésie locale sur la
peau (éther, novocaïne) supprime temporairement le fonctionnement normal des
récepteurs cutanés.

C. Les données de la pathologie


Les observations cliniques sont très riches en informations utiles pour la compréhen-
sion des fonctionnements ou des dysfonctionnements du système nerveux, mais
n’oublions pas que le malade est rarement affecté d’une altération unique (monopo-
laire) mais bien souvent de troubles multiples (bipolaires ou multipolaires) qui ne per-
38 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

mettent pas de tirer des conclusions faciles. C’est une situation tellement courante
que, même à l’examen d’un malade souffrant d’une épilepsie bien focalisée, on doit
s’interroger sur l’existence d’une altération moins évidente qui potentialiserait les
symptômes épileptiques (comme une neuropathie).

D. L’enrichissement sensoriel
Ce sont les résultats des travaux de Himwich et de Rosenzweig vers 1980. L’enrichis-
sement sensoriel qui consiste à mettre le sujet dans des conditions complexes, chan-
geantes, riches en stimuli divers, a apporté des informations remarquables sur les
modalités de la plasticité corticale. L’enrichissement accélère les progrès psychomo-
teurs des très jeunes enfants (cf. les travaux d’Hubert Montagner).
L’utilisation de stimulations sensorielles multiples et pluridimensionnelles
constitue des formes d’enrichissement sensoriel. Elles sont recommandées chez les
enfants polyhandicapés par exemple et nous avons obtenu d’assez bons résultats sur
des enfants handicapés mais très coopérants. Chez les adultes en état de torpeur ou
même de coma léger, la multistimulation sensorielle s’avère utile pour aider au retour
à la vigilance. Ce sont des actions lourdes en énergie et en moyens humains, car il faut
se relayer auprès des patients pour leur apporter des signaux divers pendant des heu-
res, avec parfois une petite réponse, un clignement qui indiquent une étape vers le
réveil.
Bien souvent, la faible efficacité a raison des bonnes volontés et les gens qui
se relaient près du malade finissent par abandonner. Notez que, d’un point de vue
objectif, la multistimulation, comme toute activité intellectuelle, ne peut pas être main-
tenue trop longtemps. L’acharnement est même contraire aux règles de la plasticité
physiologique. L’espoir de restituer un peu de vigilance chez un enfant physiquement
et mentalement handicapé tient à une infinie patience et à une phase obligatoire de
repos, car même en l’absence de réponse apparente, les stimulations sensorielles, si
elles atteignent les centres cérébraux, mobilisent une activité métabolique des neuro-
nes qui est parfois très inférieure à celle d’enfants intacts du même âge.

E. Le conditionnement
Le conditionnement est fréquemment utilisé en tant qu’élément d’analyse et de thé-
rapie. Les principes et la réalisation en seront abordés plus loin (chapitre 5). Par
l’association d’un stimulus non conditionnel à un stimulus conditionnel il est possible
d’éliminer les influences centrales sur la manière d’interpréter les signaux de l’envi-
ronnement. Le transfert utilisé en psychothérapie utilise les bases du conditionne-
ment et du déconditionnement.

RETENEZ :
Insister sur des stimulations peut entraîner des effets inverses à ceux qui sont
attendus. Il est préférable de chercher les stimuli donnant des signes évidents
d’activation. – Trop souvent négligées, les attitudes, les stratégies, donc, le
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 39

comportement général du sujet au cours des tests, me semblent aussi impor-


tants que les tests eux-mêmes. Les gestes, stratégies, les mimiques doivent être
soigneusement notés et incorporés dans le dossier car ils peuvent contenir des
détails utiles.

1.4.3 Les méthodes en neurologie

A. Les méthodes psychophysiques


L’audiométrie et l’acoumétrie sont des méthodes classiques de l’exploration auditive
qui combinent un appareillage de mesure physique à des sensations psychiques que
le sujet apprécie selon son humeur. Ainsi, en ORL, on utilise des courbes audiomé-
triques reflétant la réponse du sujet à des sons de fréquence et de puissance variables.
Les psychophysiciens utilisent des courbes tenant compte des sensations des sujets.
On dresse des courbes dites « d’égale sonorie » pour représenter les variations per-
ceptives propres à chaque sujet.
Certaines des méthodes utilisées en ophtalmométrie sont moins subjectives,
même si elles demandent une coopération active du sujet : les optotypes (les tableaux
de lettres et d’icônes utilisés pour tester l’acuité visuelle), la périmétrie (une demi-
sphère matérialisant le champ visuel et dans laquelle on déplace un point lumineux),
l’ophtalmomètre (Javal, etc.), le fond de l’œil, utilisent des paramètres de mesures
physiques. Cependant, de nombreux facteurs peuvent influencer les réponses aux
tests visuels : l’âge, le type de vision, les mouvements oculaires volontaires ou non,
les expériences visuelles antérieures, etc.
Les tests d’olfactométrie consistent à appliquer des odeurs dans les narines
soit à l’aide de tampons soit par un jet d’air porteur d’odeurs. Ils donnent des réponses
très dépendantes du sexe, de l’âge, des expériences odorantes mémorisées. Ici encore,
les tests doivent impérativement être distribués de façon aléatoire pour éviter que le
sujet ne mémorise la succession des tests.
Les tests neurologiques utilisent un certain nombre de « signes » qui sont des
réflexes parfois très spécifiques permettant d’établir un diagnostic très rapide et pré-
cis de la localisation d’une lésion (tableau 1.4). Il en existe un grand nombre, mais
beaucoup sont très peu utilisés. Divers tests d’apparence simple comme la rotation
passive de la tête, la flexion passive des membres, ou la marche en suivant une ligne
au sol donnent des bases de diagnostics évitant parfois le recours à des méthodes lour-
des, chères et contraignantes.
La neurologie utilise également amplement l’électrophysiologie et les diver-
ses formes d’imagerie comme moyens d’investigation objective des troubles affec-
tant les organes sensoriels ou des structures centrales.
Les signes neurologiques sont des observations simples mais révélatrices de
certaines pathologies. Le tableau 1.4 n’est là que pour confirmer que l’observation
méticuleuse du sujet est un préalable indispensable à l’établissement d’un diagnostic.
40 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Tableau 1.4
Quelques-uns des signes neurologiques fréquemment utilisés dans le diagnostic de troubles
neurologiques.

Signe Test Diagnostic si absence de réponse


Babinski Percussion du tendon : Section du nerf sciatique, section médul-
Genou : extension de la jambe laire
Achille : extension du pied chez Lésion ; section médullaire
l’adulte Anomalie motrice
Pronation du pied chez le nouris-
son
Bell Si on demande au sujet de fermer Paralysie faciale
les yeux, l’un des globes oculaires
pivote vers le haut et l’extérieur
Chvostek Percussion du coin des lévres Lésion du nerf facial
provoque un rictus du même coté
Diplopie Horizontale : atteinte du VI Myasthénie ; myopathie thyroidienne
De lecture ou d’escalier : atteinte (avec signe de Moebius) ;
du IV
Autres : atteinte du III
Grasping Chez le nourisson, la main se Anomalie de coordination motrice ou
referme si on pose un crayon sur altération de la sensibilité tactile
la paume
Hémianopsies Déficit du champ visuel au test Atteinte des voies visuelles ou au niveau
périmétrique cortical
Lasegue Élevation de la jambe sur Si sciatique : angle presque impossible
l’abdomen selon un angle Si géne ou lombalgie, l’angle dépend
maximum possible du site de blocage
Mouvements Mouvements incoordonnés ; Athétose ; maladie de Huntington
choreiques balancement du tronc
Parachutiste Chez le nouveau né extension Anomalie de coordination cérébelleuse
latéral des bras si on le laisse
rouler sur le dos
Romberg Difficulté ou impossibilité de se Atteinte cerébelleuse
tenir debout, pieds joints, en ayant (Tabes par exemple)
les yeux fermés
Tremblements Au repos : Maladie de Parkinson
Pendant un mouvement : Sénilité ; hyperthyroidie ; sévrage de
drogues
Trousseau La pose d’un garot au bras déclen-
che une contracture de la main et
de l’avant bras
Vertige Difficulté à maintenir l’équilibre Atteintes bulbo-pontiques ou
Nausée cérébelleux ; troubles vestibulaires
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 41

B. L’électrophysiologie

La neurographie et les potentiels des nerfs (figures 1.4 et 1.5) sont des méthodes désuè-
tes, mais à ne pas négliger, car elles ne sont pas traumatisantes pour le sujet et sont rapi-
dement mises en œuvre. Selon l’exploration attendue, des électrodes autocollantes sont
placées sur la peau au-dessus du point présumé de situation d’un nerf sensitif si l’on
explore la sensibilité, sur un nerf moteur si l’on veut vérifier l’intégrité d’une voie
motrice. Si les réponses motrices ou sensorielles sont peu ou pas traduites par des con-
tractions, la recherche d’une réponse sous forme d’un potentiel d’action est une manière
objective de vérifier la perception. Dans ce cas, on place un couple d’électrodes sur une
zone à stimuler ; un stimulateur envoie un très faible courant (quelques mA) entre les
électrodes ; un autre couple d’électrodes en argent, dont l’une très fine dite « active »
est placée sur la région où le nerf stimulé est sensé se prolonger et l’autre électrode,
assez large, dite « référence » est placée sur une région neutre (sans activité électrique :
lobe de l’oreille par exemple). La détection des potentiels est faite par un amplificateur
différentiel spécial à très haute impédance (la résistance en courant alternatif) très supé-
rieure à l’impédance moyenne de la peau (10 à 20.000 ohms).

C. L’électro-encéphalographie (EEG) (figures 1.5 à 1.8)

C’est une technique très ancienne (plus d’un siècle), mais aujourd’hui, les énormes
progrès de l’informatique ont fait de l’EEG un outil incontournable en neurologie. Il
est possible de placer un grand nombre d’électrodes (jusqu’à 64) de manière à qua-
driller la surface du crâne (stéréo-encéphalographie) selon des emplacements stan-
dardisés (figure 1.6). Les tracés EEG montrent chez un sujet au repos des ondes lentes
(ondes thêta, θ, et delta, δ) oscillants à des fréquences proches de 2 à 4 ondes par
secondes. Sur le sujet en veille diffuse, peu attentif, les oscillations forment les ondes
alpha(α) réguliéres parfois orgzanisées en fuseau bien reconnaissables. L’amplitude
de ces ondes des quelques dizaines à quelques centaines de microvolts les distingue
des ondes de veille active ou ondes béta (β) de petite amplitude et de fréquence pro-
che de 24 ondes par seconde. Les analyses harmoniques (voir la section mathémati-
que de ce chapitre) montrent que d’autres fréquences plus élevées existent dans
l’EEG et représentent des composantes d’activité locale due à l’attention ou à
l’apprentissage. Les systèmes de filtres numériques (enregistrement suivi d’un fil-
trage Wiener…), la puissance de calcul des ordinateurs, le développement d’équipe-
ments de saisie de données ont en partie simplifié la lecture des tracés. Les paramètres
des ondes cérébrales sont recalculés et permettent des diagnostics précis. Les ondes
sont présentées sur la figure 1.8. À partir de l’EEG, très amplifié et filtré, le calcul
numérique permet d’extraire des potentiels qu’on ne détectait qu’avec des aiguilles
introduites à travers l’os du crâne. Ces enregistrements donnent les potentiels évo-
qués corticaux dont l’analyse fournit des données intéressantes sur la topognosie, sur
les projections sensorielles, sur l’identification des aires cérébrales concernées par
une opération mentale.
42 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Électronystagmographie

Lumière Capteur photosensibles Balayage du regard

A Les tracés ENG

+ microVolts
Nystagmus droit
Temps

– Nystagmus gauche
Préamplificateur
Électronystagmographie B
Filtres 4 à 24 Hz
passe bas
Électrodes
Filtrage Potentiels évoqués C
hautes fréquences corticaux
et moyennage 100 à 1000 Hz

Os Méninges D
crânien
Surface du cortex

Activité de réseaux
Courants Neurones du thalamus
de neurones de relaxation P1 P2

signaux venant des récepteurs sensoriels


Modéle de l’organisation synaptique responsable des rythmes EEG corticaux

E
10 ms
Réponses unitaire
d’un neurone

Figure 1.4
Les techniques électrophysiologiques
Le principe de ce type d’exploration est constant. Des électrodes conductrices sont placées sur une région du
corps : sur le cerveau, près du cœur ou sur sur la peau, sur un organe sensoriel ou même sur les neurones eux -
mêmes.
On peut ainsi mesurer l’activité et les capacités des tissus à générer des ondes ou du courant. Du fait que tous
les tissus biologiques contiennent des ions, ils se comportent plus ou moins en générateurs de courant. On peut
ainsi mesurer les rotations de l’œil avec l’ENG (A), les ondes cérébrales avec l’EEG (B), les potentiels musculai-
res avec l’EMG, les ondes cardiaques avec l’ECG et les réponses dermo-sympathiques par l’EDG (ou RPG), les
potentiels évoqués corticaux (C) ou encore comme sur les potentiels d’actions produits par un circuit neuronal
(D) ou une seule cellule (E) ; (ENG, Electronystagmographie ; EEG, electroencéphalographie ; ECG, electrocar-
diographie ; EMG, electromyographie ; EDG, électrodermogramme).
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 43

mV

Électrode référence

200

100 Amplificateur

0 Stimulateur

Électrode active
Stimulation

Enregistreur

Durée en msec
10 20 30

Figure 1.5
La neurographie : Cette méthode électrophysiologique permet d’obtenir des potentiels de nerfs en réponse à
des stimulations distantes. Cette méthode simple sert à tester la continuité des fibres entre un point de stimulation
et une zone innervée et elle est très voisine de la technique des potentiels évoqués (figure 1-9). Ici on stimule la
peau du visage et on recueille les potentiels à distance. Cette technique permet aussi de tester les seuils des
réponses ou l’existence d’altérations de la conduction nerveuse comme dans les problèmes moteurs liés à des
adhérences dans le syndrome du canal carpien.

Panneau
d’électrodes
FP1 REF FP2
Frontal F8
F7
F3 F4
FZ

T3 C3 CZ C4 T4
Gauche

Droite

Pariétal
Temporal
PZ P4
P3 T6
T5

O1 GND Amplificateurs
O2

Occipital Filtrage

Lecture directe Numérisation

Analyse numérique Stackage

Figure 1.6
Électroencéphalographie. Disposition des électrodes EEG : Les numéros affectés aux électrodes placées sur le
scalp (le cuir chevelu) correspondent à une nomenclature internationale qu’il est important de respecter (voir le
mise en place des électrodes sur un patient sur la figure suivante).
44 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Figure 1.7
3
Électroencéphalographie. Les 2
1
électrodes : les électrodes (1)
sont faites de petite boules de
coton imbibées de solution
conductrice. Elles sont posées
en des points précis du cuir
chevelu en surplomb des aires
cérébrales. Des connecteurs 4
(2) et leurs fils électriques
relient ces électrodes au pan-
neau de connexion (3) de
l’enregistreur graphique. À
droite, le boîtier (4) qui fait
face au sujet permet de pro-
duire des stimulations lumineu-
ses intermittentes (SLI) utilisées
pour modifier l’activité EEG ou
tester la réactivité corticale.

Figure 1.8
Électroencéphalographie. Tracés. L’électroencéphalogramme (EEG) a été découvert il y a plus d’un siècle.
Aujourd’hui encore c’est un outil de diagnostic efficace pour qui sait lire les variations des tracés. Le sujet est
préparé comme figure 1-7. Les tracés représentent l’ensemble de l’activité électrique plus ou moins synchrone de
millions de neurones situés sous l’électrode (une boule de coton imprégnée de solution conductrice et fixée sur
une petite tige d’argent). En A, un exemple de tracé d’un sujet au repos avec d’amples ondes alpha. En B, les
principales ondes observées sur les tracés EEG. Les ondes de veille active, yeux ouverts sont les ondes béta. Les
ondes de veille diffuse, yeux fermés, sont les ondes alpha (les premières découvertes car très amples). Les ondes
théta sont des ondes de sommeil liées à l’activité hippocampique. Les ondes delta sont présentes dans le som-
meil profond et très altérées chez les épileptiques.

RETENEZ :
Les ondes EEG à connaître sont : les ondes béta (fréquence 24 ondes/sec ; vigi-
lance), les ondes alpha (fréquence 8 à 12 ondes/sec ; repos), les ondes thêta (4-6
ondes/sec ; sommeil) ; les ondes delta (1 à 3 ondes/sec ; sommeil ondes lentes).

Pour en savoir plus sur l’électro-encéphalographie :


http://www.chups.jussieu.fr/polys/neuro/semioneuro/POLY.Chp.5.8.html
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 45

D. La somnographie (figure 1.9)


La somnographie (polygraphie du sommeil) est une technique de suivi des activités
d’un sujet pendant son sommeil. Le patient qui porte des électrodes enregistrant le
maximum de paramètres (électrocardiogramme, électroencéphalogramme, respira-
tion, mouvements oculaires, etc.) est suivi jour et nuit par une caméra vidéo et l’on
peut noter tout ce qu’il dit et fait au cours d’un cycle journalier. La technique peut être
ambulatoire lorsqu’on utilise un émetteur portatif qui donne plus de liberté au patient
et lui permet d’assurer ses activités quotidiennes sans contraintes tout en enregistrant
les paramètres nécessaires au diagnostic.

E. Les potentiels évoqués et potentiels de champs (figure 1.10)

On parlera de potentiels évoqués visuels (PEV), potentiels évoqués somesthésiques


(PES), tactiles, thermiques et des potentiels évoqués auditifs (PEA).
On peut donc extraire des potentiels évoqués de l’EEG par un traitement
mathématique comme la transformation de Fourier ou le filtrage Wiener (cf. mathé-
matiques), mais les potentiels des structures profondes comme le thalamus ou les
noyaux de la base ne peuvent pas être vus à travers l’EEG de surface car les signaux
sont noyés dans l’immense bruit électrique cérébral. Pour accéder à ces structures, on
a recours à de fines électrodes de 0,5 à 1 mm de diamètre et de plusieurs centimètres
de longueur. On utilise parfois plusieurs électrodes montées en « peigne » que l’on
introduit à travers des orifices ménagés dans le crâne, à travers les méninges et à tra-

Vidéo du patient Écran de contrôle


dans sa chambre Polygraphique

Figure 1.9
Somnographie
La somnographie : le patient,
porteur d’électrodes EEG
comme sur l’image figure 1-7,
est suivi 24h/24H pendant ses
activités diurnes et nocturnes.
Les soignants de garde le voit
et peuvent dialoguer avec lui à
distance. Les tracés EEG (écran
du bas à droite) permettent de
suivre des épisodes de som-
meils anormaux ou de détecter
l’apparition de crises d’épilep-
sie. (cliché : service de Neuro-
logie CHU-Nancy).
46 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Délai de la réponse N1 N2 Réponse évoquée


secondaire
Dépend de l’activation
corticale

Associative
Stimulation

10 msec

Réponse évoquée
primaire P1 P2 N2/P3 dépendent
Dépend de l’intensité des interactions
du stimulus corticales associatives
P1-N1

Figure 1.10
Les potentiels évoqués : Lorsqu’on stimule une région précise de la surface du corps en utilisant une piqûre ou du
courant électrique, il est possible, à l’aide d’une électrode (plus fine que celle utilisée pour l’EEG) placée sur le
scalp ou en utilisant une électrode fine descendue dans le cerveau, d’enregistrer des potentiels dans une zone
restreinte correspondante à la surface du cortex ou dans la profondeur du cerveau. Ce type de potentiel dit
potentiel évoqué est recueilli sur le scalp. Il peut être obtenu par la stimulation de la peau, c’est un potentiel évo-
qué somesthésique (PES), par un son, c’est un potentiel évoqué auditif (PEA), par une stimulation lumineuse, c’est
un potentiel évoqué visuel (PEV) ou encore par une stimulation odorante, c’est un potentiel évoqué olfactif (PEO).
En clinique, les PEV, PEA ou PES sont utilisés pour contrôler la continuité d’une voie de liaison entre les récep-
teurs sensoriels périphériques et les régions d’intégration cérébrale.

vers le cortex cérébral. L’électrode détecte, en descendant dans le cortex, des varia-
tions des champs électriques. Ce sont des Potentiels de Champs Neuronaux.
La mise en place d’un tel appareillage relève évidemment de la neurochirur-
gie et requiert l’utilisation d’un double contrôle : un appareil stéréotaxique qui permet
un positionnement extrêmement précis des électrodes et un suivi optique par une
caméra à Rayons X. Les électrodes sont positionnées en fonction des données de
l’imagerie préalable pour repérer à moins de 1/10 de mm près la position de la région
à explorer. Un atlas, un catalogue de coupes histologiques des structures cérébrales,
sert à affiner le positionnement par rapport à des repères osseux qui sont l’inion (inter-
section des écailles occipitales et pariétales) et le vertex (intersection des écailles
pariétales et temporales).

F. La réponse psychogalvanique (RPG) ou électrodermogramme


Cette méthode, simple d’emploi et de réalisation, utilise une réponse physiologique,
la libération d’adrénaline, pour évaluer l’émotivité du sujet. Le recrutement plus ou
moins important des sécrétions de sueur avec les réponses émotives produit des peti-
tes variations de l’impédance de la peau qui peuvent être mesurées en continu. Le
sujet porte deux électrodes placées l’une dans la paume l’autre sur le dos de la main.
C’est cet appareil qui est utilisé comme « détecteur de mensonge ». C’est un complé-
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 47

ment aux méthodes psychométriques. Le sujet peut être stimulé par une liste de mots
ou par des projections d’images chargées ou non d’un impact psychologique.

G. L’électronystagmographie, électro-oculographie (voir figure 1.5)


Des électrodes placées au-dessus et en dessous des orbites détectent les mouvements
des dipôles électriques que sont les yeux. Cette méthode, qui demande un système
informatique d’analyse des données numérisées un peu complexe, est remplacée par
un dispositif utilisant un fin faisceau d’infrarouge qui se réfléchit sur la cornée et
donne directement les déplacements des pupilles sur l’enregistreur. Ces deux métho-
des sont à la fois utiles pour l’évaluation des troubles moteurs de la vision, la détec-
tion de nystagmus, ou pour tester le suivi du regard et les mouvements saccadés de
l’œil.

H. L’électrorétinogramme (ERG) (voir chapitre 4, figure 4.11)


Peu utilisée, cette méthode est plutôt expérimentale. On place d’une part une fine
mèche de coton imprégnée de solution conductrice sur la cornée et d’autre part une
petite électrode adhésive sur la tempe ou sur le lobe de l’oreille. En envoyant un fin
pinceau lumineux peu intense et de couleur choisie dans l’œil, on peut obtenir un
tracé représentant les étapes de la sollicitation des cellules visuelles (les cônes et les
bâtonnets).

I. La neuro-imagerie
• L’histologie, les marquages des voies et l’immunocytologie sont des tech-
niques maintenant très classiques mais complexes. L’utilisation de sondes
radiomarquées, de sondes immunologiques ou de marqueurs enzymatiques
nécessitent non seulement une très bonne connaissance des méthodes, de la
courte durée de vie de certains éléments et des risques fréquents d’artefacts.
Un marqueur intéressant des voies nerveuses est la peroxydase du raifort ou
HRP qui colore en brun les axones selon un mouvement rétrograde, c’est-à-
dire en sens inverse du flux axonique. On lui couple d’autres méthodes de tra-
çage par des sondes immunologiques. Les observations utilisent un micros-
cope à fluorescence qui permet d’obtenir un rendu de couleurs et une
quantification à l’aide de compteurs automatiques de cellules ou de surface
ou de densité de couleur.
• L’échographie classique ou en 3D, les scannographies, la Résonnance
Magnétique Nucléaire (RMN ou IRM) et le PETScan (utilisant l’émission de
positons), le scalpel à rayons gamma (GAMMA KNIFE, permettant la des-
truction d’une tumeur cérébrale avec une très grande précision utilisant la sté-
réotaxie), sont des techniques fines de l’interprétation des déficits des
réponses sensorielles à partir de l’imagerie cérébrale, mais ce sont des tech-
niques coûteuses qui ne doivent être requises que lorsque les signes neurolo-
giques et l’EEG n’ont pas apporté de réponses suffisantes pour faire un
48 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Figure 1.11
Coupe IRM Espace
Imagerie cérébrale : méning
ningé
méningé
L’image en IRM présente
une coupe sagittale de la
tête entière. La coupe
passe par la région inter- Cortex Corps calleux
hémisphèrique et permet frontal
de voir la face interne de
l’hémisphére droit, le
corps calleux, le tronc Tronc Cervelet
cérébral, la moelle épi- cérébral
bral
Cr tes
Crêtes
nière, et le cervelet. turbinales
Notez la position du cer-
veau dans le crâne,
l’espace méningé bai-
gnant le cerveau est Moelle
bien visible autour du épini
piniére
re
épiniére
tissu cérébral, la position
du pôle frontal au-dessus
de l’éthmoïde, au-des-
sous duquel ont remar-
que les fosses nasales
avec les crêtes turbinales
(voir chapitre 4, Olfac-
tion). (crédit : service de
Neuroradiologie, CHU,
Nancy). Voir aussi
Chapitre 3, Anatomie
du cerveau.

Figure 1.12
Coupe horizontale
Image en tomodensitomètrie d’une sec-
tion horizontale du cerveau permettant
de localiser les noyaux gris centraux.
Cette image est à comparer à la coupe
anatomique faite au même niveau et pré-
sentée dans le Chapitre 3, Fig. 3-6). Les
structures visibles : CC : corps calleux ;
CI : capsule interne ; CV : cortex visuel ;
F3 : circonvolution frontale ; PU :
putamen ; TH : thalamus ; tNC : tête du
noyau caudé.) (Cliché Service de Neuro-
radiologie, CHU-Nancy)
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 49

diagnostic clair. Les images cérébrales obtenues par l’IRM sont d’une qualité
telle qu’il est possible d’identifier, avec un œil de praticien exercé, des ano-
malies structurales (figures 1.11 et 1.12).
• La méthode stéréotaxique. L’utilisation de la méthode stéréotaxique
(figure 1.13) dans le repérage du cerveau à partir de repères anatomiques pré-
cis permet de guider les « gestes » en neurochirurgie. Des planches présen-
tant des coupes cérébrales sont disponibles dans des atlas stéréotaxiques
remplacés par les images précises de tomographie. Enfin, l’utilisation de
bombardement par un faisceau de rayons gamma permet de coaguler avec
une grande précision une tumeur cérébrale. L’appareil utilisé est le Scalpel
gamma (Gamma Knife) (figure 1.14) inventé depuis longtemps mais dont
l’usage dans sa nouvelle version se répand dans l’arsenal hospitalier malgré
son coût très élevé.

J. Les outils génétiques


Nous développerons plus loin la neurogénétique, mais on ne peut plus aborder les
méthodes de l’analyse sensorielle sans évoquer les extraordinaires possibilités que
nous offre l’outil génétique pour fabriquer des molécules ciblées et pour comprendre
l’apparition des maladies que l’on restreignait au terme « génétique ». Aujourd’hui

Micromanipulateur

Électrode Figure 1.13


Intracranienne Cadre Stéréotaxie
stéréotaxique L’approche des structures cérébrales à
des fins chirurgicales nécessite une
extrême précision dans la pénétra-
tion des outils au sein du tissu céré-
bral et il est possible de descendre de
fines et très longues électrodes pour
stimuler ou électrocoaguler des
régions de tailles réduites situées en
profondeur ou d’induire la nécrose de
tumeurs profondes. Le crâne du sujet
est solidement fixé dans un cadre sté-
réotaxique comme celui de cette
image. Un micromanipulateur est fixé
sur ce cadre ce qui permet des dépla-
cements micrométriques motorisés
d’une fine aiguille de plusieurs centi-
mètres. Le même matériel sert aussi
pour fixer la tête du patient dans le
scalpel gamma (figure suivante).
(Crédit : Société ELEKTA)
50 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

e
Cadr ue
ré o t axiq
sté
Vue

grossie

Figure 1.14
Knife
Un dispositif d’imagerie cérébrale : le KNIFE. Le sujet est couché sur un chariot mobile et sa tête est fixée dans
un cadre stéréotaxique indiqué par la flèche (comme dans la figure 1-13). Le cadre permet de standardiser la
position de la tête et de la placer de manière rigoureuse afin d’identifier les structures cérébrales en utilisant des
repères crâniens. L’appareil émet un fin faisceau de rayons gammas destinés à nécroser une cible cérébrale
comme une tumeur, d’où le nom de « scalpel gamma » (ici Leksel Gamma Knife ; avec l’autorisation de la
Société ELEKTA)

des anomalies génétiques se retrouvent dans pratiquement tous les troubles neurolo-
giques, puisque n’importe quel gène peut changer son expression sous l’effet
d’agents mutants, viraux, chimiques, ou simplement au cours du vieillissement natu-
rel, etc.
Il est évident que les perceptions que nous avons de notre environnement
varient sensiblement d’un individu à l’autre, tout en conservant tout de même quel-
ques constantes. Cette personnalisation dans nos jugements nous confère nos particu-
larités en tant qu’individus. Les interprétations sur nos sensations sont donc propres
à l’espèce humaine, mais nous avons conservé des propriétés sensorielles qui sont
celles de notre famille, les Mammifères et celles de notre groupe plus vaste des Ver-
tébrés. L’évolution des espèces a conservé les changements génétiques successifs, les
a intégrés, enfouis dans notre patrimoine. Les méthodes de la génétique appliquées
aux comportements et à la physiologie visent donc à rechercher les traits de caractère
appartenant à ces différents niveaux et à montrer comment certains de nos actes, cer-
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 51

taines de nos réponses aux stimuli sensoriels sont bien la conséquence des acquis
lointains de nos ancêtres.
L’un des supports les plus importants en génétique humaine pour interpréter
l’influence des gènes est l’observation des jumeaux monozygotiques et dizygotiques.
Cependant, il a été récemment montré que ces observations n’avaient qu’une valeur
limitée en raison de la dérive de l’expression génétique avec l’âge chez tout le monde,
y compris chez les vrais jumeaux. Les jumeaux sont cependant riches en enseigne-
ment car ils permettent de comprendre l’influence du milieu d’élevage commun sur
l’évolution sensorielle.
La Souris est depuis longtemps le modèle utilisé pour comprendre l’effet des
gènes sur le fonctionnement des organismes. Ce choix vient d’une part du fait qu’il
est assez facile de produire rapidement des descendants (durée de gestation de la
souris : 21 jours) et d’autre part du fait qu’il existe de nombreuses homologies entre
les gènes de tous les Mammifères. Certains gènes ou certains clusters géniques sont
identiques chez l’Homme et la Souris.
! Mutation (création de souches dépourvues de sensorialité)
La haute cadence d’obtention des générations produit aussi une haute fréquence de
mutations géniques. Lorsqu’une mutation est identifiée par un phénotype différent de
celui des géniteurs (mutant « deaf » par exemple), on isole les jeunes, puis ils seront
amenés à se reproduire soit avec une souris standard – les descendants seront des
hétérozygotes –, soit avec un autre jeune de sexe opposé portant la même mutation –
les descendants seront des homozygotes. À la génération F1, nous disposons alors de
parents chez lesquels les gènes sont exprimés et présentent la mutation, ou de parents
dits, « porteurs », chez lesquels le phénotype mutant n’apparaît pas, mais se trouve
sur l’un des chromosomes d’une paire connue. Des mutations peuvent être induites
par des agents mutagènes comme lorsqu’on expose l’animal ou ses cellules reproduc-
trices à des radiations. Dans ce dernier cas, les cellules altérées sont réintroduites et
les gènes mutés sont naturellement incorporés.
! Knock-out et transgènes (modification de gènes régulant la mise en place
d’un système)
Il est possible de prélever les gènes pour les transformer puis les réimplanter chez un
animal, on réalise ainsi un transgène. Il est aussi possible de supprimer le gène et de
réintégrer un génome ainsi altéré, c’est un knock-out. Dans ce dernier cas, la protéine
normalement exprimée par le gène supprimé n’apparaît pas, et peut, si c’est un gène
dominant et essentiel, faire apparaître une altération du phénotype.
Les choses ne sont pas en fait aussi simples. La plupart des phénotypes, et ainsi
des processus physiologiques, sont soumis à des influences multigéniques ou le gène qui
a été neutralisé sur un chromosome peut être en fait présent en plusieurs exemplaires sur
d’autres chromosomes (on parle de redondance génique). Dans ces cas, le knock-out
peut être sans effet, ou parfois provoquer une hyper-expression par les gènes restants.
Un arsenal génomique de près de 30 000 gènes humains et de souris est actuellement à votre
disposition sur http://symatlas.gnf.org/SymAtlas/ et, depuis septembre 2006, il est possible
52 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

d’utiliser l’Allen Brain Atlas qui fournit des cartes du cerveau en 3D pour les différents gènes
et protéines du système nerveux.

K. Les outils immunologiques


Nous aborderons la neuro-immunologie plus loin dans la mesure où un certain nom-
bre de troubles neurosensoriels résultent d’anomalies des défenses immunitaires si
particulières au cerveau. Dans le présent chapitre, nous ne retiendrons que les métho-
des immunologiques dans leur intérêt technique.
Toute molécule non reconnue par l’organisme est un antigène. Pour rejeter
ces molécules différentes, non programmées, les structures humorales et cellulaires
du corps utilisent deux procédés : l’inflammation et la fabrication d’anticorps. Ce
sont les anticorps que nous retiendrons ici.
Au cours du fonctionnement des organes récepteurs, des molécules sont libé-
rées, métabolisées en plus ou moins grandes quantités. Ces molécules sont des enzy-
mes, des neurotransmetteurs, des oncogènes, des protéines membranaires comme les
récepteurs moléculaires et les canaux ioniques par exemple. Les biologistes se sont
dotés d’outils de détection d’une quantité énorme de telles molécules à rôle biologi-
que. L’outil courant est l’anticorps fabriqué spécifiquement, « dirigé », puisqu’on
parlera de sonde immunologique, contre la molécule dont on veut suivre la trace. À
un instant donné des tests, on injecte les anticorps seuls ou portés par des molécules
porteuses ou « chaperons » (facilitant l’entrée dans les tissus pour éviter leur destruc-
tion par les cellules immunitaires qui fabriqueraient des anti-anticorps. Ces sondes
anticorps se fixent sur les molécules choisies. La durée de vie de l’association anti-
gène (la molécule cible)-anticorps (la sonde) dure peu de temps. Il faut très rapide-
ment faire des prélèvements tissulaires et l’histologie particulière, l’immuno-
cytologie, qui révélera la position des molécules cibles (figure 1.15). Il est possible
de suivre les déplacements des sondes en utilisant un marqueur radioactif ou enzyma-
tique. Un capteur permet alors de situer les éléments recherchés dans les tissus.
Les méthodes d’immunodétection dépendent du choix des anticorps, de leur
spécificité qui elle-même dépend des procédés de fabrication des anticorps. Des
expériences négatives parfois, et même des déboires dans l’identification de certains
neuropeptides impliqués dans la formation des messages de régénération cellulaire ne
sont dus qu’à des erreurs de choix et même de la qualité des anticorps. Un choix de
pureté et de plus grande sélectivité d’un seul type d’antigène peut être déterminant
dans le succès d’une expérimentation.

! Méthodes utilisées en neuro-immunologie


Radioimmunoassay (RIA) : les anticorps secondaires sont conjugués à un atome
radioactif de tritium ou d’iode 125.
ELISA (Enzyme Linked ImmunoStimulation) : le dosage utilise l’action d’un
enzyme (phosphatase alcaline, peroxydase du raifort ou HRP). Le dosage terminal
utilise une colorimétrie ou mieux une chimioluminescence.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 53

Figure 1.15
Bulbe olfactif. Immunohistologie.
Un exemple d’utilisation de l’outil immu-
nologique dans le cerveau. Le principe
consiste à injecter un anticorps très spéci-
fique de la molécule que l’on veut repérer
dans le cerveau. Si l’anticorps porte un
colorant, on peut le retrouver par immu-
nofluorescence. Ici le marquage concerne
BULBE OLFACTIF
un neuropeptide, la somatostatine. Les
points de fixation sont représentés par
Cellules marquées des taches claires que l’on retrouve dans
une région cérébrale appelée le bulbe
olfactif, indiquant la forte activité physio-
logique de cette molécule dans cette
région du cerveau. Il est claire que pour
localiser ces zones marquées, il faut alter-
ner avec des coupes utilisant des colo-
rants classiques permettant d’identifier les
régions marquées. La technique d’immu-
nocytologie est très utile en pharmacolo-
gie expérimentale car elle permet de
localiser les cibles cérébrales des nou-
veaux médicaments (doc. personnelle).

Les méthodes utilisent soit la phase liquide et les produits des réactions restent
en solution, soit la phase gazeuse et il ne reste plus de solvant. L’avantage est de pou-
voir précipiter les complexes antigènes-anticorps. La fixation sur des microbilles poreu-
ses ou l’utilisation de microbilles aimantées permet de séparer les complexes, de les
rompre par coupure enzymatique, puis de faire un dosage colorimétrique classique.
Les réactions en phase solide, sur feuille de nitrocellulose : les réactions sont
plus faciles à contrôler, mais des complexes parasites peuvent s’accrocher au gel et
donner des fausses réponses. Il faut donc traiter le support et éviter une saturation des
pores qui limiterait les fourchettes de mesures.

L. L’outil pharmacologique, la neuropharmacologie

! La neuropharmacologie
La neuropharmacologie trouve sa place ici, parmi les méthodes, car elle est un formi-
dable outil pour les neurobiologistes à qui elle donne un arsenal de molécules neuro-
actives important pour activer ou inhiber des actes expérimentaux bien précis. La
neuropharmacologie et la psychopharmacologie mettent au service des thérapeutes
des moyens de traitement de plus en plus ciblés, sans effets secondaires, donc effica-
ces et confortables pour les malades. Nous ne pouvons pas développer ici toutes les
facettes de la pharmacothérapie utiles en physiologie sensorielle mais nous vous
ferons survoler les éléments essentiels à connaître.
54 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

On sait depuis fort longtemps, en dehors du contexte clinique et thérapeuti-


que, que certaines substances ou drogues, modifient les sensations c’est-à-dire la per-
ception des choses qui nous entourent. Le tabac et l’opium, ou encore l’alcool n’ont
eu comme usage que celui de donner une autre « vision du monde » et c’est ainsi que
certains artistes, peintres et poètes, de Gauguin à Baudelaire, entre autres, ont usé et
abusé de l’absinthe (boisson alcoolisée à base d’extraits d’une plante Artemisia absin-
thium contenant du thuyrone qui est un isomère du camphre et un puissant excitant
du système nerveux central et un convulsivant) pour rendre dans leurs œuvres des
sensations traduites par des mots ou des couleurs que seuls leurs talents pouvaient
exprimer. Un piment, le Capsicum frutescens, contient la capsaïcine qui, appliquée
sur la langue (les plats mexicains) ou sur la peau (pour les douleurs), produit une sen-
sation perçue comme une chaleur intense durable mais qui est efficace dans des trai-
tements de douleurs rhumatismales par son puissant effet vasodilatateur rappelant
l’inflammation.

Ainsi, les drogues modifient les perceptions sensorielles non pas directement
par leur action sur les récepteurs, mais surtout par les modifications d’activité neuro-
nale qu’elles induisent sur les centres cérébraux et le cortex. Nous verrons dans le
chapitre 5 (section 6) et dans le tableau 1.5, les principales drogues et leurs effets
physiologiques et comportementaux.

Il nous paraît nécessaire de proposer ici une incursion dans ce champ d’inves-
tigation important à divers titres : d’abord, parce que l’action des médicaments démon-
tre l’éventuelle dissociation entre le récepteur sensoriel, organe physique de la saisie
et de la mise en forme des messages sensoriels et l’interprétation des messages par les
centres nerveux, c’est-à-dire les distorsions qui apparaissent au sein du SNC. D’autre
part, la neuropharmacologie est devenue une discipline et/ou une méthode d’étude du
fonctionnement sensoriel indispensable. Cet aspect a pris une importance considérable
dans le cas de la perception de la douleur, comme nous le verrons plus loin.

! Les médicaments du système nerveux central

L’étude des effets des médicaments n’est pas indépendante des conceptions que l’on
a de la maladie mentale et entraîne de nombreuses divergences et discussions. Une
expérimentation préalable doit être effectuée sur un animal ; les effets constatés sont
extrapolés à l’homme quand il existe des similitudes physiologiques avérées expéri-
mentalement et confirmées statistiquement. Chez l’homme, on est loin de compren-
dre les modes d’action des agents neuro-actifs. On sait que beaucoup de ces
médicaments agissent au niveau des neurotransmetteurs, substances chimiques qui
transmettent les messages d’un neurone à l’autre. L’effet de ces produits s’applique
probablement aux processus tels que le stockage dans la cellule, la synthèse, la libé-
ration dans la synapse, l’inhibition des enzymes destructives des neurotransmetteurs
(voir chapitre 4, « Bases neuronales »). Mais il y a un fossé entre l’action biochimi-
que et la compréhension de l’effet de ces produits sur le psychisme.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 55

Tableau 1.5
Quelques drogues fréquemment consommées. (Acc : accoutumance ; la cocaïne est la substance qui induit la plus
forte accoutumance. Temps : correspond au temps d’élimination moyen de la drogue.) Notez qu’un grand nombre
des substances considérées comme des drogues sont aussi des médicaments. C’est le cas des substances comme
la morphine indispensable pour soulager la douleur aigue des patients, des benzodiazépines d’usage courant en
neurologie et neuropsychiatrie ou encore des analgésiques utilisés comme anesthésiques chirurgicaux.

Classe Nom Nom vulgaire Acc. Effets Temps (h)


Stimulant
Amphétamine Benzedrine speed ++ Euphorie 24-72
Perte de sommeil
Méthylenedioxy- Ectasy NDMA + Insomnies, vertiges, 24-72
métamphétamine excitation
Cocaine crack ++ Sensation de plaisir ; 24-96
hallucinations
Analgésiques semi-synthétiques
Codéine Tylénol Schoolboy + Somnolence, 24-72
Codéine (vient Nausées, excitation
de l’opium)
Morphine Roxanol Morph +++ Dépresseur, Antidouleur 24-72
Euphorie, délire
Analgésiques synthétiques
Méthadone Phénadon Dollies ++ Somnolence, 72
Dolophine myosis
Propoxyphéne Darvon 0 Somnolence myosis 6-48
Meperedine Demerol Pain killer ++ Somnolence, Syncopes, 24-72
hallucinations
Hallucinogènes
Cannabinoides Marijuane Hasshich, + Psychédélique
Tétrahydro- chanvre
cannabinol
Acide lysergique LSD acide ++ Troubles perceptifs 1-5 jours
hallucinations
Phencyclidine PCP ++ Psychose, agressivité 14-30 jours
Cocaine Alcaloide Coke +++ Psychostimulant Délire
Hallucination,
TOXICOMANIE
Dépresseurs
Barbituriques : Phénobarbital Downers ++ Somnolence, 4-12
Mortel à 4 grammes
Benzodiazépines
Diazépan Valium + Tranquillisant,
Somnolence, ataxie, trou-
bles visuels
Tabac + Effet psychostimulant
Action de la nicotine sur le
systeme limbique
Alcool + Dépresseur, parfois excita- 1
teur, Syndrome de Korsakoff
56 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

! Classification des agents pharmacologiques


À partir de ces modifications, on a établi différentes classifications, dont la plus uti-
lisée est celle de Delay et Deniker (tableau 1.6).
a) Les psycholeptiques ralentissent ou amoindrissent l’activité des fonctions psy-
chiques et ont une fonction sédative. Trois sous-groupes peuvent être distingués :
– Les hypnotiques, qui font dormir, barbituriques ou non.
– Les neuroleptiques*, ou tranquillisants majeurs, dont le chef de file est la
chlorpromazine, et qui sont utilisés surtout dans le traitement des graves
maladies mentales, comme la schizophrénie ; ce sont les médicaments qui
ont les effets neurologiques les plus connus du public. Ils créent un état
d’indifférence psychomotrice de type catatonique, proche de la stupeur,
ont une action sédative sur les états d’agitation et réduisent progressive-
ment les troubles psychotiques. Leur action sous-corticale peut engendrer
des manifestations typiques, à la fois végétatives et motrices. La classifi-
cation des neuroleptiques repose sur la structure chimique (tableau 1.6).
Ce sont certaines phénothiazines comme les antihistaminiques (Phéner-
gan, Théralène), qui sont d’utilisation courante en médecine ambulatoire.
Le Largactil, administré à faible dose, peut également jouer le rôle de tran-
quillisant. D’autres neuroleptiques, en revanche, comme les butyrophéno-
nes (Halopéridol), efficaces dans les états hallucinatoires et délirants, sont
le plus souvent réservés aux malades hospitalisés. Les benzamides substi-
tués ont une action antiémétique plus élevée que celle de la chlorproma-
zine. On trouve parmi les benzamides des substances courantes comme le
vogaléne et l’agréal.

RETENEZ :
Les neuroleptiques ont des effets antiadrénergiques et antihistaminiques. Les
phénothiazines ont un effet anticholinergique. Les butyrophénones et les
phénothiazines pipérazinées ont des effets antidopaminergiques importants
et sont de puissants antipsychotiques. Mais les phénothiaziazines pipéridi-
nées sont faiblement dopaminergiques (traitement d’entretien).

Pour plus d’informations sur les neuroleptiques :


http://www.senon-online.com/Documentation/telechargement/2cycle/moduleD/neurolepti-
ques.pdf

On considère aussi les neuroleptiques selon leurs effets : l’effet sédatif ini-
tial (dans les agitations et les troubles maniaques), l’effet antipsychotique
(réduction des symptômes de délire et d’hallucinations), et l’effet antidéfi-
citaire (athymormie, psychoses chroniques).
– Les sédatifs et les tranquillisants mineurs, qui ont moins d’effets neurolo-
giques et sont l’objet d’une consommation de masse impressionnante. Les
psychoanaleptiques, les antidépresseurs, les stimulants de la vigilance,
comme les amphétamines, dont on connaît le risque de toxicomanie,
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 57

Tableau 1.6
Classification des neuroleptiques

Phénothiazines neuroleptiques Nom Effet


Phénothiazines aliphatiques antipsychotiques
chlorpromazine largactil® Agitation, agressivité
Lévomépromazine Nozinan® délires
Phénothiazines pipérazinées
fluphénazine Moditen® délires
Phénothiazines Pipéridinées
pipotiazine Piportil® Psychoses, schizophrénie
thioridazine Melleril®
BUTYROPHENONES
Dérivés pipéridinés
Halopéridol Haldol® anxiété
triflupéridol Tripéridol®
Dérivés pipérazinés
Fluanisone Sédalande®
Dérivés apparentés
penfluridol Semap® Psychoses, délires
Pimozide Orap®
Benzamides antiémétique
Amisulpiride Amisulpiride® schizophrénie
Sulpiride Dogmatil® Agitation, agressivité

d’autant plus que ce sont les sujets prédisposés qui sont amenés à les con-
sommer le plus.
On confond ainsi dans le langage courant les anxyolitiques, les antidépres-
seurs, les soporifiques ou les somnifères. Or ces substances sont celles que
nous avons décrites (barbituriques, benzodiazépines, antihistaminiques ou
encore l’alcool). Ce ne sont pas des substances anodines qui se consom-
ment dès que l’on dort mal ou dès que l’on se sent déprimé et si ces subs-
tances sont consommées sans prescription médicale, cela ne doit se faire
que sur quelques jours.
58 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

RETENEZ :
Les sédatifs sont des substances qui ont une action dépressive sur le système
nerveux central et produisent somnolence et relaxation, et ont des effets
anxiolytiques.
b) Les psychodysleptiques, enfin, ne sont pas actuellement utilisés en tant que
médicaments, mais surtout comme drogues ; par exemple, l’acide lysergique
(LSD), la mescaline, etc. Cette liste n’est pas limitative ; il faudrait, par
exemple, citer les régulateurs de l’humeur, comme les sels de lithium, qui ont
un effet certain sur les rechutes de la psychose maniaco-dépressive, les
amphétaminiques, les psychostimulants.
Depuis 1955, les neuroleptiques ont été largement introduits en thérapeutique
psychiatrique, notamment pour être appliqués aux psychoses chroniques et
aux états paroxystiques. Ils créent un état d’indifférence psychomotrice de
type catatonique, proche de la stupeur, ont une action sédative sur les états
d’agitation et réduisent progressivement les troubles psychotiques. De par
leur action sous-corticale, ils engendrent des manifestations typiques à la fois
végétatives et motrices.
c) Les benzodiazépines (Bzp) : il s’agit d’une classe de médicaments utilisés
comme antiépileptiques, myorelaxants, antispasmodiques et anxyolitiques
ou encore hypnotiques depuis près de 30 ans. Les Bzp agissent comme des
modulateurs d’un important neurotransmetteur inhibiteur cérébral, l’acide
gamma-aminobutyrique (GABA) (voir plus de détails dans le chapitre 2, les
neurones). Ces molécules engendrent une tolérance et des effets addictifs
dans leur usage au long terme.
Dans cette classe de médicaments, les représentants sont : le diazepam
(Valium® ; anxyolitique ; demi-vie : 24 heures), le chlorazépate (Tranxéne® ;
anxyolitique, demi-vie : 40 heures), le lorazépan (Themesta® ; anxyolitique,
12 heures), le flunitraépan (Rohypnol®, hypnotique, anesthésiant, demi-vie
16 heures). La liste des Bzp est longue pour des produits trop souvent sur-uti-
lisés, parfois en automédication, malgré les effets secondaires et les effets de
dépendance.
d) Les effets secondaires. Tous ces médicaments peuvent avoir des effets indé-
sirables ou provoquer de graves complications comme des troubles extrapy-
ramidaux particulièrement nets avec les neuroleptiques. Ces effets justifient
de déconseiller vivement la conduite lorsqu’ils sont prescrits. Notez encore
que l’emploi inconsidéré de somnifères chez l’enfant peut provoquer ulté-
rieurement de graves perturbations de type toxicomaniaque.
e) Les difficultés de leur utilisation. La difficulté principale vient de la création
d’une sorte de dépendance du malade à son traitement surtout chez les psy-
chotiques, même si manifestement, dans certains cas, la thérapie n’a que peu
d’effets.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 59

RETENEZ :
Les psychodysleptiques et les benzodiazépines sont des substances largement
utilisées en psychiatrie comme régulateurs de l’humeur ou de l’anxiété. Ces
molécules présentent cependant des effets secondaires addictifs ou sous la
forme de complications neuromotrices.

M. L’anesthésie

Lors des interventions chirurgicales, le confort du patient, homme ou animal, et le


bon déroulement de l’opération sont assurés de façon optimale grâce à l’anesthésie.
Par l’anesthésie, on recherche une insensibilisation plus ou moins relative et impor-
tante à la douleur. Une perte de sensibilité peut être artificiellement provoquée par des
substances chimiques (anesthésiques) ou des techniques, telles que l’acupuncture,
pour diminuer ou supprimer la douleur lors d’actes médicaux douloureux. On parle
alors d’anesthésie thérapeutique, et elle peut être générale, régionale ou locale.
L’anesthésie est un outil capital de l’exploration du système nerveux.
N’oublions pas ce paradoxe : l’anesthésique doit mettre en veille toutes les sensa-
tions, surtout douloureuses, mais elle doit permettre une réactivation post-anesthési-
que rapide et optimale sans altération des fonctions neurovégétatives. Dans certaines
interventions de neurochirurgie, le patient doit rester vigilant pour que les gestes du
chirurgien ne produisent pas une lésion irrémédiable. On comprend alors que la tâche
de l’anesthésiste est délicate car il doit strictement ajuster ses « cocktails » anesthési-
ques aux besoins des gestes chirurgicaux et aux caractéristiques physiologiques du
malade, en particulier pour réduire le « choc opératoire » au minimum et rendre la
phase de réveil la moins pénible possible.

! Modes d’action des anesthésiques


Nous verrons plus loin les mécanismes physiologiques de la douleur, mais notons ici
que la douleur naît de l’excitation de terminaisons nerveuses situées dans la peau ou
dans les organes : il en résulte un influx nerveux qui remonte une information de dou-
leur vers la moelle épinière et le cerveau où se réalise la « prise de conscience » dou-
loureuse. La conduction est assurée par la membrane de la cellule nerveuse et une
simple application d’éther sur une petite portion d’un nerf sciatique isolé de gre-
nouille empêche la conduction de l’influx nerveux engendré par une stimulation élec-
trique. L’application d’éther directement sur la peau (avant une piqûre) supprime (ou
réduit) la sensation douloureuse. Des substances comme la lidocaïne (xylocaïne)
réduisent fortement la sensibilité locale en bloquant les échanges ioniques transmem-
branaires ou comme la procaïne par une action anticholinergique. L’anesthésie médi-
cale consiste à réduire ou à bloquer l’influx en un point de son parcours sans porter
atteinte aux fonctions végétatives automatiques.
Un anesthésique comme la cocaïne stabilise les constituants de la membrane,
alors que leur fluidité est indispensable à la propagation de l’influx d’une extrémité à
60 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

l’autre du neurone. Dans l’anesthésie de surface par la xylocaïne, la conduction est


temporairement abolie dès que le récepteur situé dans la peau est bloqué.
Les inhalants et les barbituriques, véhiculés par voie sanguine, agissent sur
les neurones du cerveau, mais à cause de la complexité du système nerveux central,
leur mode d’action est hypothétique. Les nombreuses théories se rejoignent sur le fait
que la propagation de l’influx d’un neurone à l’autre serait réversiblement altérée.
La recherche du mode d’action de la morphine a permis la découverte, dans
les membranes des neurones de la moelle épinière et du cerveau, de récepteurs spéci-
fiques de sa molécule, bien qu’elle ne soit pas naturellement présente dans l’orga-
nisme. Certains neurones libèrent des molécules qui sont les endorphines, semblables
à la morphine (celles du cerveau étant les enképhalines), dont le rôle est de réduire la
perception douloureuse, sans l’effet d’accoutumance.

! Anesthésie générale
L’objectif de l’anesthésie générale est double : éviter la douleur et protéger l’opéré
des perturbations physiologiques induites par l’acte chirurgical. Il y a suppression de
la sensibilité – sommeil ou narcose –, abolition des réflexes chez le patient et relâche-
ment musculaire facilitant le travail du chirurgien.
Lorsque l’anesthésie cesse d’agir, le patient repasse par la deuxième phase,
sommeil profond, puis par la première phase ; enfin, il reprend conscience et ne se
souvient de rien. Cette amnésie postopératoire est en partie due à la médication pré-
cédant l’intervention.
Les techniques d’anesthésie générale les plus employées sont l’inhalation et
l’injection par voie intraveineuse. Cette dernière permet l’administration de drogues
hypnotiques, dérivées de l’acide barbiturique. La plus utilisée est le penthotal, le pen-
tobarbital (nembutal), qui permet d’endormir le patient en 30 à 90 secondes, mais
l’effet ne dure que de 5 à 10 minutes. Ces substances sont donc particulièrement utiles
pour commencer une anesthésie. L’inconvénient est qu’elles perturbent la ventilation
pulmonaire et l’activité cardiaque et dépriment l’activité cérébrale (les potentiels
cérébraux en particulier). Des anesthésiants non barbituriques comme la Kétamine
sont préférables car ils ne donnent pas un sommeil hypnotique et ne provoque pas
d’effets laryngés (comme des encombrements respiratoires).
– Anesthésie par injection intrapéritonéale. C’est l’une des voies d’injection
pour l’anesthésie de l’animal de laboratoire, mais pas chez l’homme. L’un de
ces « coktails » anesthésiques est par exemple l’équithésine (mélange de phé-
nobarbital, chloral et de chlorure de calcium) utilisée en médecine vétérinaire.
– Aides à l’anesthésie. Certaines substances sont administrées pour préparer le
patient à l’anesthésie, en le décontractant ou en diminuant, de façon tempo-
raire, sa sensibilité. Des substances non barbituriques comme la kétamine
sont utilisées seules mais parfois, comme leur effet n’est que d’une dizaine
de minutes, elles peuvent être utilisées comme potentiateurs de l’action de
barbituriques en doses plus faibles.
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 61

– Les analgésiques. Les analgésiques diminuent ou suppriment la douleur. La


morphine, longtemps utilisée pour diminuer la douleur, a l’inconvénient de
provoquer une dépression respiratoire. Elle a été remplacée avantageusement
par des analogues de synthèse beaucoup plus puissants.
– Les neuroplégiques. En abaissant l’activité du système nerveux, les neuroplé-
giques inhibent la réaction à l’agression chirurgicale et diminuent ainsi l’état
de choc.
– Les curarisants. Les curarisants (gallamine, d-tubocurarine) agissent en blo-
quant la transmission de l’influx nerveux jusqu’aux muscles, ce qui provoque
un relâchement musculaire facilitant l’acte chirurgical. Leur utilisation exige le
contrôle de la ventilation, car ils induisent également la paralysie des muscles
respiratoires. D’autre part, les curarisants ne doivent jamais être utilisés seuls.
En effet, il faut se rappeler que ces substances ne font que paralyser le sujet sans
abolir sa sensibilité. Opérer sous curare seul se ramène à une vivisection.

! Anesthésie régionale et locale


À la différence de l’anesthésie générale, les anesthésies régionales et locales n’inté-
ressent que la partie ou la région du corps à opérer. Le patient reste conscient et se
souvient de tout ; il peut même converser avec le chirurgien et son équipe et ne ressent
aucune douleur. Les produits utilisés sont essentiellement la cocaïne et les dérivés de
la procaïne.
– Techniques d’anesthésies régionale et locale. Les techniques varient suivant
le territoire à anesthésier et son importance. On a recours soit au refroidisse-
ment local (hypothermie contrôlée), qui diminue l’activité tissulaire et per-
met certaines amputations, soit au badigeonnage ou à la pulvérisation sur une
muqueuse (anesthésie de surface), soit à l’injection d’une solution anesthési-
que. Selon l’importance de l’opération envisagée, l’injection se fait au niveau
d’un membre entier (anesthésie locale), d’un gros tronc nerveux (anesthésie
régionale) ou de la moelle épinière (anesthésie locorégionale). Dans ce der-
nier cas, les deux techniques de plus en plus utilisées sont :
a) La rachi-anesthésie : elle s’applique au système nerveux central. On
injecte l’anesthésique dans le liquide céphalo-rachidien, au contact même
des racines des nerfs rachidiens. Il en résulte la paralysie et l’insensibilité
totale des territoires innervés. Selon la région de la moelle épinière infil-
trée, cette technique porte différents noms. On a recours à la rachianesthé-
sie en chirurgie orthopédique et toutes les fois qu’une anesthésie générale
est contre-indiquée.
b) La péridurale : on peut choisir cette technique, lors de l’accouchement,
pour éviter d’intoxiquer le fœtus. À l’aide d’une aiguille, de petites quan-
tités d’analgésique sont introduites entre la 4e et la 5e vertèbre lombaire,
insensibilisant la partie inférieure du corps.
62 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

– Autres techniques d’anesthésie : d’autres techniques, en général encore peu


utilisées (sauf l’acupuncture dont l’usage est très répandu en Chine), répon-
dent essentiellement au besoin d’éviter l’administration de drogues :
a) L’hypnose : le résultat de l’hypnose dépend de l’état de réceptivité du
patient ; elle n’est évidemment applicable que pour des petites interven-
tions ou pour la préparation d’importantes opérations chirurgicales. En
France, les chirurgiens ne semblent pas encore très intéressés par la tech-
nique de l’hypnose en raison de son instabilité.
b) L’anesthésie électrique : combinée à l’anesthésie médicamenteuse,
l’anesthésie électrique est parfois utilisée en chirurgie. Elle consiste à sou-
mettre le cerveau à l’action d’un courant électrique de très faible intensité.
Les douleurs lors d’un accouchement peuvent également être abolies, dans
30 à 70 % des cas, par le passage d’un courant électrique transmis par des
électrodes placées sur la peau, de part et d’autre du rachis.
c) L’acupuncture et l’électro-acupuncture : par l’implantation d’aiguilles en
certains points du corps, alors excités, on provoque une analgésie de la par-
tie du corps en rapport avec ces points. On a expérimenté ces techniques,
d’origine chinoise, pour supprimer les douleurs de l’accouchement, ainsi
que dans des opérations sur le thorax et en chirurgie dentaire, mais leur
succès n’est pas toujours garanti.
d) Le biofeedback : le biofeedback est une technique d’autocontrôle, sur des
fonctions physiologiques involontaires, fondée sur le conditionnement. Le
patient apprend à contrôler les effets de l’agression et de sa douleur en
diminuant l’intensité de signaux visuels ou sonores qu’un ordinateur lui
envoie et qui traduisent son état. Il est essentiellement utilisé dans le trai-
tement de troubles psychosomatiques telles certaines migraines.
e) La sophrologie : utilisée dans la préparation à l’accouchement, la sophro-
logie tend aussi à faire prendre conscience au sujet de ses possibilités men-
tales pour maîtriser les sensations douloureuses.
f) La neurostimulation : elle consiste à stimuler des fibres nerveuses, libéra-
trices de neuromédiateurs, qui activeraient un système naturel de réduction
de la perception douloureuse. Elle semble être une méthode d’avenir per-
mettant d’éviter le recours aux drogues anesthésiantes et leurs cortèges
d’inconvénients.
Il n’en reste pas moins que la perception de la douleur est relative suivant les
individus et que la composante psychologique joue un rôle important.

! L’anesthésie dans l’analyse des perceptions sensorielles


L’anesthésie d’un homme ou d’un animal pour une expérimentation particulière est un
acte réfléchi qui doit respecter les règles de l’éthique biologique. Il est impératif, dès
lors que l’analyse envisagée risque de provoquer une quelconque gêne ou douleur chez
l’animal testé, même si l’intervention est brève, de procéder à une anesthésie appro-
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 63

priée. Il est clair que l’expérimentateur doit faire des choix cruciaux entre le maintien
du confort de son sujet et la qualité ou la quantité des données qui pourront être
recueillies pendant l’état anesthésique. Une charte de protection des animaux soumis
à des expériences de physiologie dans un but exclusivement scientifique est acceptée
par tous les chercheurs concernés et lorsqu’on doit réaliser une intervention traumati-
sante pour l’animal, il est impératif de se poser les questions préalables sur la nécessité
de l’intervention, ses conséquences et l’intérêt général qui pourra en être tiré.
Pour en savoir plus sur l’éthique et l’expérimentation animale :
http://www.cons-dev.org/elearning/ethic/index.html

! Les placebos
Les placebos sont des produits ou compositions pharmaceutiques dépourvus d’un ou
de plusieurs des composés pharmaco-actifs présents dans le médicament. Les sol-
vants excipients et agents de goût ne sont pas réputés avoir un effet notable lorsqu’ils
sont consommés seuls.
Les placebos sont utilisés en expérimentation en tant que « blanc » et permet-
tent de comparer la réactivité du sujet au médicament. Or il est clair que, chez certains
malades, le placebo agit favorablement comme le ferait le traitement médicamenteux.
Certains placebos suffisent à alléger les douleurs post-opératoires. Expéri-
mentalement il est montré que, si on bloque les récepteurs des opiacés par de la
naloxone, on empêche l’effet placebo. Il faut donc penser que le placebo, via des
mécanismes psychiques, potentialise des actions qui activent les récepteurs des opia-
cés et réduisent la douleur.
Ces effets placebos sont retrouvés dans d’autres méthodes non médicamen-
teuses, comme l’hypnose par des effets de suggestion, l’acupuncture par l’effet
« piqûre » qui stimule à la fois des nerfs et des éléments vasculaires, ou aussi le récon-
fort apporté par le soignant surtout en phase préopératoire et dans les états de choc et
de stress intense.
Le réconfort maternel (ou paternel), qui « soulage » la douleur de l’enfant et
diminue son agitation après un traumatisme, évite ou réduit l’usage de substances
morphiniques.
64 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

CE Q U ’I L F A U T R E T E NI R D U C H A P I TR E 1 :
LE S MÉ T H O D E S D E L ’A NA L Y S E SE N SO R I E LLE
Les outils et méthodes de l’analyse sensorielle sont ceux de la physiolo-
gie ou de la biologie au sens large.
La perception sensorielle, c’est-à-dire la façon dont le sujet intègre et
interprète les différents signaux de l’environnement, est entièrement liée
à l’organisation cérébrale, mentale, à ses particularités personnelles.
Ainsi, la mesure des réponses à un test précis nécessite une grande rigu-
eur, des contrôles statistiques et le respect de diverses régles impératives
dans le choix des tests.
On utilisera des méthodes subjectives qui sont celles de la psycho-
physique (labyrinthes, temps de réaction, etc…) lorsqu’on évalue les
aptitudes personnelles du sujet à réagir dans un test et des méthodes
objectives lorsqu’on contrôle des paramètres rigoureux quantifiables
comme la fréquence des potentiels ou les éléments d’une image céré-
brale.
Les outils comportementaux : déprivation sensorielle et enrichisse-
ment du milieu permettent de modifier expérimentalement les performan-
ces d’apprentissage des animaux de laboratoire.
Les méthodes psychométriques sont utilisées en neuropsychiatrie
et psychothérapie. Même si ces techniques de diagnostic sont à la limite
des sciences sociales et des sciences biologiques elles sont indispensa-
bles dans l’approche des troubles mentaux et dans la classification des
altérations comportementales.
Parmi les méthodes d’analyses couramment utilisées, nous avons décrit
ici des outils strictement objectifs :
La génétique permet d’étudier l’influence des gènes sur le développe-
ment des organes des sens et sur leur activité, – l’immunologie, elle est
un outil aujourd’hui fondamental en neurosciences car grâce aux anti-
corps, il est possible de fabriquer des sondes extrêmement précises per-
mettant de reconnaître les molécules impliquées dans des actes
comportementaux,
L’immunologie est une technique d’étude des mécanismes de défense
de l’organisme, mais grâce à ses développements moléculaires, l’immu-
nologie a trouvé une place indispensable dans l’arsenal neurologique
en particulier à cause de l’immunocytologie, une technique histologique
qui permet d’identifier avec une très grande précision les molécules
caractéristiques des fonctions neuronales ou celles qui sont impliquées
dans certains troubles neurologiques.
La pharmacologie, fait partie des outils car les molécules-médi-
caments peuvent moduler des activités neuronales ou cérébrales. Dans
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales 65

l’application de cette dernière technique se trouve aussi l’anesthésie dont


la finalité dans les investigations comportementales est importante car
ces substances agissent fortement sur les perceptions sensorielles. Parmi
ces molécules, les unes sont des médicaments du système nerveux : ce
sont en particulier, les psycholeptiques, les neuroleptiques, les psycho-
dysleptiques. Les autres substances sont des anesthésiques, des neuroplé-
giques ou des analgésiques. Enfin, parmi ces substances certaines sont
utilisées en clinique pour réduire la douleur, comme la opiacés.

QUES TIONS
1. Les lois de Weber : détaillez leur importance dans l’analyse sensorielle.
2. Dans quels cas peut-on utiliser les tests statistiques non paramétriques ?
3. Qu’est-ce qu’un placebo ?
4. Quelles sont les méthodes de déprivation sensorielle ?
5. La réponse psychogalvanique est une méthode intéressante en neuros-
ciences. Pour ce type d’étude, les électrodes sont posées : sur la tête ?
dans les muscles ? sur une main ?
6. Dans les techniques de modifications géniques, qu’appelle-t-on un trans-
gène ?
7. Quel est le rôle des neuroleptiques ? Citez-en un exemple.
8. Rappelez les principes généraux de l’anesthésie générale. Citez une
catégorie d’anesthésiques d’usage classique.

RÉFÉREN C E S
1. Roewer N. et Thiel H., Atlas de poche d’anesthésie, Paris, Flammarion médecine-scien-
ces, 2003, 392 p.
2. Stahl Stephen M., Psychopharmacologie essentielle, Paris, Flammarion médecine-scien-
ces, 2002.
3. Tiberghien, G., Initiation à la psychophysique, Paris, PUF, 2000.

S ITES
Introduction aux statistiques :
http://www.cons-dev.org/elearning/stat/index.html
Électroencéphalographie :
http://www.chups.jussieu.fr/polys/neuro/semioneuro/POLY.Chp.5.8.html
Arsenal génomique :
http://symatlas.gnf.org/SymAtlas/
Neuroleptiques :
http://www.senon-online.com/Documentation/telechargement/2cycle/moduleD/
neuroleptiques.pdf
Éthique et expérimentation animale :
http://www.cons-dev.org/elearning/ethic/index.html
CHAPITRE
2
L’organisation
des récepteurs sensoriels

2.1 Variabilité des stimuli physicochimiques 69

2.2 Modalités générales de capture et de conversion des informations 70

2.3 Embryogenèse du système nerveux 72

2.4 Neurogénétique et organisation sensorielle 83

2.5 Les neurones 96


68 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Dans ce chapitre vous allez :


• Découvrir les mécanismes de base de la conversion (on dit de la transduc-
tion) des signaux reçus de l’environnement par les organes sensoriels en
messages neuronaux interprétables par le système nerveux.
• Étudier quelques aspects de l’embryogenèse et de la génétique des systè-
mes sensoriels et du système nerveux central.
• Revoir, en quelques pages, la physiologie des neurones et les bases de la
neurotransmission.
L’organisation des récepteurs sensoriels 69

2.1 Variabilité des stimuli physicochimiques


Les signaux qui activent les récepteurs sensoriels sont extrêmement variés. Ils sont :
• de nature chimique : molécules odorantes ; phéromones et allormones ; aci-
des, bases ; sucres (glucose, saccharose) ; thiocyanates
• de nature vibratoire : lumière : spectre de l’ultra-violet (2000 Å, ou 2000
angströms) jusqu’à l’infrarouge (6000 Å) ; sons : des basses fréquences de 20
à 40 Hz jusqu’à des sons proches des hautes fréquences (15000 Hz) ; mouve-
ments, déplacements en basses ou très basses fréquences ; accélération ;
électricité ; ondes herziennes
• de nature mécanique : pression, déformation
Il y a aussi des stimuli complexes à caractères sociaux et sexuels : émissions
vocales, gestes, mimiques, écriture. Ainsi, les odeurs, les sons, la lumière, les vibra-
tions, les mouvements, mais aussi, les prédateurs, les proies, d’autres individus du
groupe, des jeunes individus ou la reconnaissance de ses amis et de ses ennemis, donc
tout ce qui constitue notre environnement, sont autant de signaux.
Les signaux provenant de l’environnement ou ceux qui sont émis par les
autres habitants de l’environnement sont toujours d’ordre moléculaire, mais les carac-
téristiques structurales, les comportements des autres individus dans le milieu, leurs
transformations par le milieu apportent à chaque individu un ensemble de données
parmi lesquelles il puise et trie celles qui représentent des déclencheurs d’actes fon-
damentaux pour l’espèce.
Les molécules présentes dans l’air respiré sont innombrables, sont agréables
ou désagréables, ou même toxiques. Quelles qu’elles soient, elles parviennent à l’épi-
thélium olfactif, sont entraînées dans le flux muqueux et si leur densité est importante,
elles ont de fortes chances de percuter un récepteur convenable, ou un autre indiffé-
rent. La ou les molécules odorantes ne deviennent des stimuli significatifs ou stimuli
déclencheurs ou stimuli clés que si elles se fixent correctement au récepteur, permet-
tent la naissance de signaux électriques qui tous ensemble activent un nombre adé-
quat de neurones, eux-mêmes intégrés dans des circuits optimisés pour répondre à
l’ensemble des molécules représentant l’odeur.
Virtuellement, du fait de la structure moléculaire commune à toutes les mem-
branes, toutes les cellules sont capables de répondre à toutes les formes de stimuli
physicochimiques comme le font les paramécies ou les amibes. Mais dans un souci
d’améliorer les performances perceptives et d’assurer une meilleure vigilance des
organes sensoriels, l’évolution a incorporé dans les membranes des molécules dont la
structure, la position ou la mobilité facilitent ou mieux amplifient l’effet d’un stimu-
lus spécifique sur la membrane.
De la sorte, notre cellule olfactive possède des récepteurs moléculaires dont
la conformation dans l’espace n’autorise que la fixation des molécules odorantes
ayant une certaine stéchiomètrie (conformation moléculaire). La membrane des cel-
70 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

lules photoréceptrices a développé des cils contenant des molécules de photopig-


ments assurant la capture des photons et l’amplification locale de l’effet résultant. Les
cellules sensibles aux vibrations ou aux déplacements présentent des cils modifiés qui
changent la disposition des protéines membranaires quand les cils sont déplacés par
le mouvement du liquide ou de l’air environnant.

2.2 Modalités générales de capture et de conversion


des informations
La quasi-totalité des systèmes sensoriels utilise des voies hiérarchisées depuis la
structure de recueil des informations jusqu’au niveau d’intégration complexe (exem-
ple pour la vision : rétine-noyau géniculé-thalamus postérieur-cortex visuel). Cela
correspond à des étapes de traitement requises pour coder, indexer et mémoriser les
paramètres constituant l’information sensorielle. Le signal visuel est ainsi décomposé
en des éléments temporels ou spatiaux, des couleurs, des déplacements grâce au pre-
mier niveau rétinien. Le niveau 2 dans les noyaux géniculés code ces paramètres, le
niveau 3 dans le pulvinar (thalamus postérieur) indexe les informations et les répartit
dans les régions cérébrales pour les interpréter, puis le niveau 4, le cortex identifie,
globalise et mémorise. Les mêmes modalités seront retrouvées dans l’ensemble des
sensorialités.
Cependant, on ne peut pas se contenter d’une conception d’une hiérarchie
ascendante. Au cours des variations des états physiologiques normaux (fluctuations
endocriniennes, immunologiques…), les étages du contrôle peuvent subir des varia-
tions fonctionnelles qui réorganisent les processus d’intégration corticaux. Il existe
des niveaux descendants formant un feed forward, c’est-à-dire des rétroactions indis-
pensables à la stabilité du traitement des signaux. Ces rétroactions existent sous forme
de fibres fines libérant des neurotransmetteurs ou des neuropeptides sur le site des
effecteurs principaux. Ceci entraîne une neuromodulation périphérique.
Une seconde particularité importante des systèmes de prise d’information
concerne la redondance. Des sons simples ou quelques molécules odorantes enclen-
chent généralement l’activation de plusieurs neurones simultanément. Les mêmes
signaux remontent ainsi les voies, sont traités parallèlement, puis distribués en même
temps vers des niveaux d’intégration de même classe hiérarchique. En effet, il suffit
qu’il existe une très légère modification dans le signal pour qu’apparaisse un décalage
dans le codage, puis l’indexation. Un tel aspect se retrouve ainsi dans le codage du
relief ou du contraste des images. Les très petites différences de luminosité ou de
forme d’un même objet donnent lieu à un codage en fréquence identique pour tous les
paramètres. Cependant, le relief vient d’une analyse des images vues légèrement dif-
férentes par les deux yeux, ce qui produit un léger décalage de la fréquence des poten-
tiels émis par chaque œil ; de la sorte, il y a bien redondance du même signal, mais
cela est accompagné d’indications utiles pour reconnaître le relief. La redondance est
L’organisation des récepteurs sensoriels 71

également un moyen pour le système sensoriel de s’assurer que statistiquement la


moyenne des éléments codés est bien représentative du signal d’origine ? En effet, les
neurones ne sont pas fiables. Individuellement un neurone a une identité propre et ne
répond pas au même signal de façon strictement identique à ses voisins.
Toutes les conversions ou transductions sensorielles utilisent des adaptations
particulières des membranes des cellules réceptrices pour réaliser la transformation
du signal physicochimique en un signal électrique dont la caractéristique est la même
pour tout le système nerveux de toutes les espèces animales.
Ce signal électrique est un potentiel d’action d’amplitude fixe (+ 40 mV), de
durée fixe (2 ms) mais dont la fréquence varie comme dans les émissions radio en
modulation de fréquence. C’est dire que, globalement, la fréquence peut dépendre de
l’amplitude du signal ; cependant il est des situations où le signal agit sur des synap-
ses inhibitrices et d’autres où les signaux n’ont d’autre effet que de faire varier
l’amplitude d’un potentiel car la modulation de fréquence est assurée par d’autres
neurones.
Les adaptations ne sauraient être envisagées ici, elles seront décrites pour
chaque sensorialité. Notez que la conversion peut n’être associée à aucune adaptation
si le capteur est une fibre nerveuse libre simple. La terminaison peut être recouverte
d’une capsule destinée à atténuer la puissance du signal. Enfin, la cellule peut se doter
de modification remarquable, comme par exemple un cil qui s’emplit de substance
photosensible ou qui sert d’instrument amplifiant un mouvement de liquide.
Quel que soit le système, la transduction revient à modifier l’agencement des
protéines de la membrane plasmique de la cellule réceptrice ce qui provoque un désé-
quilibre ionique de part et d’autre de la membrane (voir ce chapitre).
Toutes les informations sensorielles convergent directement vers le thalamus
(sauf l’olfaction qui passe d’abord par le cortex olfactif avant d’atteindre le thala-
mus). Les informations codées sous forme de trains de potentiels modulés en fré-
quence circulent simultanément à travers divers centres cérébraux (tableau 2.1) avant
d’induire un signal de commande utile pour engendrer une réponse comportementale.

Tableau 2.1
De la stimulation à l’acte comportemental, les principales structures.

STIMULI SENSORIELS Thalamus Complexe amygdalien F. réticulée

Cortex sensoriel Réponses


Noyau gris
comportementales

Cortex associatif Hypothalamus


72 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

2.2.1 La transduction des signaux


Les informations sortant des récepteurs subissent un codage en intensité, en durée, en
fréquence, sur leur localisation ou sur la qualité.
Le fait que fondamentalement, ce sont bien les membranes plasmiques qui
représentent à la fois l’interface, donc le premier élément cellulaire qui est soumis au
stimulus, leur confère également le rôle privilégié de convertir les stimuli physicochi-
miques en une cascade de réactions chimiques. Ce sont les variations ioniques trans-
membranaires qui produisent cette cascade de réactions chimiques intracellulaires
dont les éléments sont selon les neurones : l’adénylecyclase, les phosphodiestérases
ou la calmoduline. Toutes ces protéines nécessitent de fortes quantités de calcium et
lorsqu’elles sont activées elles provoquent l’activation de messagers intracellulaires
(voir les seconds messagers comme l’AMPc) destinés au codage nucléaire.
Cette cascade membranaire est responsable du second degré de conversion,
ou de la transduction sensorielle, qui est la modification du potentiel de membrane et
en particulier la naissance d’un potentiel de récepteur. Les caractéristiques du poten-
tiel de récepteur dépendent directement des différentes étapes qui ont lieu dans la cas-
cade membranaire. C’est déjà à ce niveau qu’ont lieu à la fois les premiers tris parmi
les signaux et l’amplification des réactions, mais le potentiel de récepteur, pris dans
l’absolu, n’a aucune signification tant qu’il n’est pas converti en un train de potentiels
d’action dont la cadence, la fréquence, la modulation est seule représentative de la
nature du signal, de sa forme, de sa durée, de son intensité. Ce stade du traitement
général des stimuli représente le codage sensoriel.
C’est cette étape qui met en forme le signal émis par la ou les cellules récep-
trices pour que l’information soit saisie, analysée, interprétée et éventuellement
mémorisée par les centres nerveux auxquels l’organe sensoriel est raccordé par ses
axones.

RETENEZ :
La saisie et le codage des informations venant de l’environnement ou des
constituants internes du corps sont deux étapes préliminaires liées à des
adaptations physiques des récepteurs puis à des moyens cellulaires de trans-
formation des signaux physicochimiques en potentiels d’action.

2.3 Embryogenèse du système nerveux

2.3.1 Notions d’embryologie


La connaissance du développement embryonnaire fait partie des éléments que doit
avoir à l’esprit un étudiant dont le futur métier est d’observer les fonctions mentales
plus ou moins altérées, même si cela alourdit les connaissances sur le système ner-
veux. Cette évolution est résumée dans la figure 2.1.
L’organisation des récepteurs sensoriels 73

NAISSANCE

âge en semaines

Évolution

Figure 2.1
Principales étapes de la neurogenèse du foetus humain. La placode olfactive se forme très tôt, presque en même
temps que se forment les premières vésicules céphaliques. Ceci permet de comprendre que certaines altérations
qui empêchent la formation des deux vésicules antérieures sont associées à l’absence de bulbes olfactifs,
comme dans l’holoprosencéphalie. La placode visuelle puis la placode auditive se forment successivement entre
4 et 7 semaines de conception. On n’identifie l’apparition du sommeil que vers 15-20 semaines. Quant aux
réactions aux sons elles ne sont nettes que vers 25 semaines.

A. Les feuillets embryonnaires en quelques lignes


Aussitôt après la fécondation, l’amas cellulaire précurseur de l’embryon, appelé la
« morula » se forme, par division cellulaire. Il se divise en 2, puis 4 puis 8, 16, 32, 64
cellules puis évolue rapidement en « blastula », puis en « gastrula » (l’amas cellulaire
se creuse d’une cavité). C’est au cours de ce stade que se forme l’ébauche des trois
feuillets qui seront la source des divers organes :
• L’ectoblaste ou ectoderme : il couvre toute la surface et s’agrandit continuel-
lement (ectoderme) puis s’invagine partiellement pour constituer le futur
4e feuillet (le neuroblaste) à partir duquel se formeront le cerveau et le sys-
tème nerveux (tableau 2.2). Il formera la peau et les phanères (les cheveux,
les poils, les ongles) à partir du feuillet épiblastique externe et le système
méso-encéphalique à partir du feuillet neuroblastique interne.
74 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Le chordo-mésoderme s’enfonce également à l’intérieur et fait la liaison avec


l’ectoderme. Situé entre les feuillets interne et externe, il formera la trame
segmentaire de la colonne vertébrale, depuis la selle turcique jusqu’au bour-
geon caudal. Vers E25, apparaissent les vésicules céphaliques qui formeront
trois éléments : le prosencéphale, le mésencéphale et le rhombencéphale. Ces
vésicules vont se subdiviser vers E30 pour donner les cinq vésicules définiti-
ves dont la plus antérieure, le télencéphale prend chez l’homme un dévelop-
pement considérable (figure 2.2).

Tableau 2.2
L’évolution des vésicules cérébrales au cours de l’embryogenèse (voir aussi la figure 2.1).

Vers E17 Après E21 E25-E30 Après E30


Neuro- Neurulation : Vésicule Télencéphale Cortex
ectoblaste tube neural prosencéphalique Système limbique
encéphalique Striatum
Diencéphale Rétine
Epiphyse
Thalamus
Hypothalamus
Vésicule Mésencéphale Tubercules quadrijumeaux
mésencéphalique Noyaux des nerfs crâniens
III et IV
Pédoncules cérébraux
Vésicules Métencéphale Cervelet
rhombencéphalique Noyaux des nerfs crâniens
V à VIII
Protubérance
Myélencé- Bulbe rachidien
phale Noyaux des nerfs crâniens
IX et XII

• Le mésoblaste ou mésoderme : il formera les différentes sortes de tissus con-


jonctifs (tendons, aponévroses, enveloppes des bourses séreuses, gaines ten-
dineuses, tissus adipeux, derme cartilagineux, tissus osseux). Il sera aussi à
l’origine de : la musculature du cœur et des vaisseaux, la musculature lisse,
les endothéliums sanguins et lymphatiques, les souches des cellules sangui-
nes, le tissu réticulo-endothélial, l’appareil excréteur urogénital, les gonades
et tous les tissus tapissant les cavités colomiques.
• L’endoblaste ou endoderme : il s’individualise distinctement dans la profon-
deur. Ses feuillets sont les matrices qui vont donner chacun naissance à un
ensemble d’organes et de tissus comme la plupart des glandes endocrines, tel-
les que l’hypophyse antérieure, la thyroïde, les parathyroïdes, le pancréas,
ainsi que le thymus, les glandes intestinales et les organes de la respiration et
de la digestion.
L’organisation des récepteurs sensoriels 75

4 mois

32 jours

25 jours

Figure 2.2
Évolution des différentes vésicules céphaliques au cours de l’embryogenèse. Le tube neural est, dès son appari-
tion, plus renflé en avant qu’en arrière. Dès 25 jours, alors que le tube neural est encore ouvert en avant, appa-
raissent 3 vésicules. Vers 32 jours, la première vésicule (prosencéphale) et la dernière (rhombencéphale) se
divisent en deux, ce qui forme un total de cinq vésicules qui vont se développer inégalement puisque c’est le
télencéphale qui prend une extension considérable pour former les hémisphères cérébraux.

B. La crête neurale
La crête neurale est la zone support du développement du système nerveux. Elle se
formera dans l’enceinte du mésoblaste à partir de l’ectoblaste, de chaque côté du tube
neural sur toute la longueur de la chorde dorsale, sous forme de bandelettes métamé-
risées (ces segments bien visibles sur le fœtus), qui vont donner la matrice du système
nerveux orthosympathique-parasympathique. C’est à partir de la crête ganglionnaire
que se formeront :
• Les ganglions crâniens et rachidiens spinaux, les ganglions sympathiques
et les paraganglions, la chaîne paraganglionnaire parasympathique, l’épi-
physe, le paraganglion tympanique (nerf de Jacobson), le glomus carotidien,
le ganglion abdominal de Zukerkandel, le paraganglion coccygien de Lus-
chka, la médullo-surrénale.
• Le système sympathique : d’origine ectoblastique, il passe par les relais
ganglionnaires et s’infiltre dans tous les tissus en envoyant ses axones jusque
dans chaque cellule. Il possède donc un contrôle sur tout l’organisme.
• Les systèmes nerveux centraux : les systèmes sensoriels et moteurs ne
seront en relation avec le thalamus au travers du bulbe et de la moelle épinière
que tardivement. La formation de leurs connexions dépend de l’état de matu-
rité des organes sensoriels. Ainsi chaque secteur sensoriel se développe sépa-
rément au début de l’embryogenèse puis s’interconnecte avec le thalamus en
envoyant les fibres ascendantes le long de la moelle.
76 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Tout ce qui touche à la commande neuro-hormonale passe par le système


sympathique au travers de ses relais secondaires que sont les plexus et la chaîne
latéro-vertébrale. Les informations de maturation viennent de l’hypophyse antérieure
qui elle même reçoit des fibres du thalamus et de l’hypothalamus. Ce sont ces derniè-
res structures qui maturent en premier. L’hypothalamus existe dès la première
semaine fœtale et c’est lui qui commandera la formation ou l’involution des autres
glandes et le développement et la maturation du système nerveux.
La surveillance et la modulation de cette organisation sont assurées par le
système parasympathique et ses ganglions qui subsisteront en l’état le long de la
moelle épinière, chacun contrôlant un territoire cutané ou dermatome.
– Les glandes endocrines, en général, sont issues de l’endoblaste.
– Les sensorialités, le cerveau, tout le système nerveux (y compris le lobe pos-
térieur de l’hypophyse) et la médullosurrénale sont issus de l’ectoblaste puis
du neuroblaste.
– L’assimilation des matières nutritives est dévolue à l’endoblaste : digestion,
respiration, séparation des substances inutiles.
– Le métabolisme est géré au niveau du mésoblaste : respiration cellulaire, irri-
gation sanguine, stockage des réserves, régulation du pH.
Au cours de l’embryogenèse, certaines cellules ectodermiques se différen-
cient et se regroupent pour former des placodes. C’est le cas des cellules neuroépithé-
liales olfactives, ou des cellules visuelles et auditives. Ces plaques ectodermiques
évoluent en formant des contacts avec les tissus qui les environnent et les enveloppe-
ront pour les annexes sensoreilles ou formeront les prolongements et les connexions
nerveuses pour les nerfs sensoriels.
Contrairement à ce qui s’est passé chez les Invertébrés, la distribution des récep-
teurs périphériques tactiles thermiques et douloureux n’a pas subi de regroupement chez
les Vertébrés. L’organisation des organes sensoriels est soumise à un contrôle génique
des étapes de construction et des éléments constitutifs (figures 2.1, 2.2 et 2.3).

ZOOM
Les gènes homéoboxes
Le programme de fabrication des tissus se trouve sur un segment chromosomi-
que que l’on nomme un homéobox. Ce sont les 180 premières paires de bases
précédant un gène sur la chaîne d’ADN. Tous les homéoboxes de tous les
gènes sont pratiquement identiques. Les 60 acides aminés associés sur la pro-
téine finale constituent l’homéodomaine. On retrouve ce système d’homéobox
chez tous les métazoaires. Il y a donc une origine commune à tous les méta-
zoaires, et cette information peut être utile en phylogénie.
En réalité, on sait aujourd’hui que les gènes de l’homéobox interagissent avec
d’autres gènes portés par d’autres chromosomes pour assurer un développe-
ment conforme au programme génétique. La communication entre gènes et
entre chromosomes implique en particulier la répétition des mêmes fonctions ou
redondance génique. Plus une fonction est ancienne, définie comme vitale par
la sélection naturelle, plus il y aura de chromosomes présentant les mêmes
L’organisation des récepteurs sensoriels 77

Figure 2.3 Échographie


Echographie à 3 mois de conception. Comparez avec les étapes de l’embryogenèse de la figure 2-3. La flèche
localise le fœtus (la tête est à gauche sous la flèche). À ce stade on distingue nettement le cerveau, les yeux, la
placode olfactive, la placode otique et les membres (clichés personnels). À gauche l’image échographique sans
grossissement. À doite l’image agrandie pour mieux observer les organes embryonnaires comme le foie (F) déjà
volumineux (clichés personnels).

gènes pour les mêmes synthèses protéiques. Ceci met également (théorique-
ment) à l’abri des effets des mutations au cours du vieillissement puisque si un
gène est altéré, il en existera d’autres pour assurer le bon fonctionnement.
Pour en savoir plus sur l’embryologie de l’œil :
http://www.snof.org/maladies/embryogenspe.html

2.3.2 Quelques éléments sur l’embryogenèse du cerveau


(figures 2.1 à 2.3, tableau 2.2)
Le cerveau se développe en avant, à partir d’une plaque embryonnaire dite plaque
neurale. Sur cette plaque s’organisent des petits territoires distincts, les somites. La
plaque se plisse en gouttière sur toute sa longueur. Lorsque cette gouttière se ferme,
la portion antérieure ou rostrale gonfle en 2 vésicules céphaliques ou prosencéphale.
Puis se forme une série de constrictions de cette première vésicule qui vont constituer
le télencéphale, le mésencéphale, le métencéphale, le diencéphale et le rhom-
bencéphale. Tout le reste de la plaque neurale formant un long tube constituera le
myélencéphale à partir duquel se constitue la moelle épinière (tableau 2.2).
Notez que le tube neural, une fois fermé, va filtrer le sang qui l’environne et
ce filtrat nourricier pour les neurones en croissance est le liquide céphalo-rachidien
(LCR). Il drainera toutes les structures cérébrales grâce à l’assemblage étanche des
cellules des capillaires ou endothélium et des cellules de soutien des neurones ou
névroglie. La diffusion du LCR vers toutes les structures nerveuses est assurée grâce
78 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

à une diverticulisation antérieur du canal neural qui forme les ventricules cérébraux.
L’exsudat du LCR passe aux neurones grâce aux pressions de filtration qui poussent
du liquide neuf vers les cellules et assurent une récupération des déchets grâce à des
cellules gliales spécialisées très diverticulées, les oligodendrocytes.
Nous verrons que cet ensemble endothélium-névroglie-neurones forme la
barrière hémoencephalique (BHE) qui constitue l’ultime filtrage des molécules ali-
mentant les neurones et évacuant les déchets du métabolisme neuronal (voyez les
détails dans le chapitre 3). Cette BHE ne devient efficace que vers la naissance. À
cette période, elle va strictement contrôler les entrées-sorties des ions calcium, ces
ions indispensables à toutes les activités neuronales (voir aussi la section 2.5 « Les
neurones » et la figure 2.7).
Les zones embryonnaires où commence la préparation de l’organe sensoriel
sont dites des placodes, leur formation est induite par le contact avec des nerfs sen-
soriels venant de l’ectoderme :

A. La placode olfactive
C’est une zone cellulaire d’ectoderme qui émet de très fins filets nerveux qui,
lorsqu’ils entrent en contact avec le cerveau antérieur ou prosencéphale, déterminent
la formation d’une protubérance antérieure, le bulbe olfactif. Certaines cellules
encore indifférenciées poursuivent la migration vers la partie inférieure du
métencéphale et s’installe dans la paroi de l’épendyme de ce qui va devenir l’hypo-
thalamus. Ces cellules vont contribuer à la spécialisation des cellules péri-épendy-
maires impliquées dans la détermination du sexe.
Des cellules non différenciées, ou quiescentes, resteront dans la zone péri-
ventriculaire d’une autre structure importante pour nos comportements : l’hippo-
campe. Ces cellules, capables de se diviser si besoin est, migreront chez l’adulte vers
les zones antérieures du cerveau où elles contribuent avec l’assistance de cellules
accessoires, les cellules gliales, à renouveler certains microneurones morts. La mort
programmée des neurones, ou apoptose, permet de programmer aussi le flux de cel-
lules utiles dans le renouvellement.

B. La placode optique
C’est à partir d’une zone ectodermique placée en avant du prosencéphale que se
forme la partie optique de l’œil, c’est-à-dire la sphère oculaire, les conjonctifs et les
capsules d’emballage de l’œil. À partir de la partie antérieure du cerveau embryon-
naire se forme un diverticule, le futur nerf optique qui s’allonge, provoque la forma-
tion de la capsule et s’y installe, s’y étale dans le pôle postérieur. Cette partie qui est
la portion nerveuse constitue la rétine, le capteur sensible à la lumière.
De la rétine et des cellules rétiniennes partent les nerfs optiques qui se rendent
vers l’arrière du mésencéphale. Ces fibres feront un relai synaptique dans la région
postérieure des tubercules quadrijumeaux où les images sont dèjà codées, avant de
rejoindre l’arrière du thalamus ou pulvinar pour y former un nouvel étage de synap-
L’organisation des récepteurs sensoriels 79

ses. Les zones visuelles thalamiques se forment dans des champs neuronaux restreints
qui grandissent avec l’apprentissage visuel. Lorsque chaque champ a atteint une
maturité suffisante entre la naissance et quelques mois, les fibres nerveuses, ou radia-
tions optiques, partent coloniser le cortex occipital. Ce cortex deviendra le cortex pri-
maire ou aire 17 de la nomenclature officielle (définie par Broca).

C. La placode otique
Ici encore, cette zone ectodermique va former et induire la différenciation des deux
composantes de l’oreille : la partie auditive et la partie vestibulaire. La partie auditive,
l’oreille externe et l’oreille moyenne, restent liées à l’ecoderme. La genèse des zones
centrales, la cochlée pour l’oreille interne et les canaux semi-circulaires, pour le sys-
tème vestibulaire, viennent d’un aménagement de l’os temporal qui se creuse pour
abriter les cellules nerveuses venant des zones temporales du cerveau. Les cellules
ciliées externes et internes formeront un relai dans l’axe du limaçon osseux que l’on
nomme l’organe de Corti.
Des cellules plus particulièrement issues du cervelet se placent au creux de
chacun des trois tubes en anneaux, tous perpendiculaires les uns aux autres. Ces cel-
lules des taches maculaires sécrètent une forte quantité de calcium qui en précipitant
forme les otolithes qui restent englués sur les cils des cellules sensorielles. Ce sont les
déplacements et accélérations des cristaux qui, en tirant et déformant les cils, feront
naître les sensations de mouvement de la tête au niveau du cortex cérébral.
La colonisation des zones corticales par les cellules auditives et les cellules
labyrinthiques ne se déroule qu’après la naissance. C’est ce qui explique les attitudes
et les réflexes temporaires propres aux nourrissons qui disparaissent à chacune des
étapes de la colonisation du cerveau par les informations auditives. Dans le cas de
l’audition, la localisation principale se situe dans l’aire 42, mais elle est environnée
de nombreuses zones sensori-motrices qui associent plusieurs fonctions. Sommaire-
ment, ce seront des fonctions visuelles dont l’importance est considérable lors de
l’apprentissage de l’écriture et de la lecture, des aires motrices (l’aire 42 est proche
de la base de l’aire motrice) et cela influera sur le graphisme ou sur la motricité man-
dibulaire utile dans le langage oral.

D. La placode gustative
Elle regroupe les cellules gustatives dans des papilles situées dans la langue, en
arrière, sur le « V » lingual, mais on sait que des cellules gustatives sont aussi présen-
tes dans le palais. Ces cellules viennent d’une différentiation tardive de certaines cel-
lules du revêtement épidermique de la langue.

E. La sensibilité tactile
Comme chez toutes les espèces animales, chez l’Homme compris, la sensibilité tac-
tile n’est pas concentrée en une capsule. Les divers récepteurs sont disséminés dans
80 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

la peau pour donner à notre corps les sensations de contact avec l’environnement, les
sensations thermiques, quelques informations chimiques périphériques, car les cap-
teurs sont souvent polyvalents. En outre, l’environnement n’est pas que source
d’informations nutritives ou agréables ; il malmène l’organisme ou même le blesse,
ce qui justifie la présence des nocicepteurs (récepteurs de la douleur).
L’embryogenèse se constitue à partir de territoires restreints qui sont succes-
sivement soumis au contrôle de quelques gènes contenus dans des homéoboxes (voir
zoom plus haut). Ensuite apparaît la segmentation ou métamérie de l’embryon, qui
nous rappelle que nos origines sont communes à celles de tous les métazoaires, comme
le sont les vers. Chaque segment de l’embryon, ou somite, contrôle un territoire ecto-
dermique qui formera la peau, un territoire où se formeront des muscles et des os.
Notez ainsi que chaque os vertébral rappelle cette segmentation en somites.
Chaque territoire somitique se développe pour son compte. Ainsi le territoire cutané
provenant d’un somite est un dermatome qui se projette au niveau primaire sur cha-
que segment de la moelle épinière. Chacun de ces territoires cutanés dispose très tôt
de projections vers le prosencéphale. Les mesures en potentiels évoqués chez l’ani-
mal ont montré que les zones neuronales corticales se disposaient en des champs res-
treints de quelques centaines de micromètres indépendants les uns des autres. Nos
dermatomes resteront aussi indépendants durant toute notre vie. Cette territorialisa-
tion incorpore les zones cutanées, mais aussi des systèmes de défenses immunitaires
propres à chacun de ces territoires. Certaines pathologies comme le zona (récurrence
du virus de la varicelle) rappellent cette superposition des territoires immunitaires et
des territoires cutanés.
Chaque zone somitique et chaque champ récepteur se projettent dans une fine
zone corticale de quelques micromètres de diamètre et de 100-200 micromètres de
long. C’est ce que l’on nomme une colonne corticale (figure 2.4). Dans chaque
colonne, les terminaisons de quelques neurones sont colonisées par des microneurones
qui constituent des satellites régulateurs avec des connexions activatrices et énormé-
ment de synapses inhibitrices. Pendant une grande partie du développement cérébral,
les colonnes sont indépendantes et mûrissent leur organisation. Elles forment en fait
une unité neuronale fonctionnelle, celle qui analysera et mémorisera les inputs senso-
riels. La maturation a lieu sous le contrôle de gènes de croissance comme celui de la
limbic-system-associated membrane protéine (LAMP) qui assure la cohérence du cor-
tex mais dont le dysfonctionnement introduit une anomalie de la couche IV probable-
ment responsable de certaines formes de schizophrénies catatoniques.

2.3.3 Période sensible et période critique


L’apparition des connexions entre colonnes corticales correspond à une phase que
nous appelons la période sensible. Durant cette période où se constituent les intercon-
nexions sous-corticales, certains signaux sensoriels seront particulièrement influents
sur la suite du développement. La trace neuronale que les signaux laisseront lors de
la période sensible donne sa spécifité à chacune des colonnes puis lors de la hiérar-
L’organisation des récepteurs sensoriels 81

Surface du cortex
E100
Cellules gliales
radiales

Colonnes
corticales
Voies inter-
hémisphériques
E40

Voies sous-
corticales

Vers effecteurs

Colonnes
thalamiques
Afférences sensorielles

Figure 2.4
Le développement cérébral et les colonnes thalamiques et corticales. Dans le cortex cérébral, les territoires neu-
ronaux où se projettent les fibres sensorielles se positionnent avant l’arrivée des axones sensoriels. Ensuite, ils
s’organisent lentement dans un petit compartiment de quelques centaines de micromètres cubes autour d’un ou
de quelques neurones, ce sont les colonnes corticales. Chaque colonne radiale correspond au territoire d’un
neurone, à ses ramifications puis à ses interconnexions avec des petits interneurones proches. Il est probable
que les colonnes voisines formées après un clonage de souches neuronales proches traitent des informations de
qualité similaire. Les colonnes éloignées contiennent des neurones de caractéristiques de plus en plus différentes
et traitent d’autres types de signaux. La mise en relation de colonnes avec les voisines ne se fait que lorsque cha-
que colonne est complète avec des neurones développés, des microneurones associés et des cellules gliales
accessoires. (Modifié d’après Tanic, 1972.)

chisation, à chaque strate corticale. On peut ainsi admettre qu’un même signal orien-
tera plusieurs colonnes différentes dans des zones corticales éloignées. C’est dès ce
stade que sont préparés les mécanismes de plasticité et du futur potentiel de réorga-
nisation dont jouira le cerveau jusqu’à un âge avancé.
La période sensible ne correspond pas nécessairement aux périodes critiques
des comportementalistes, ces phases au cours desquelles peuvent se former des rela-
tions fortes entre des comportements, comme des conditionnements. Au cours de ces
périodes, il peut naître, par exemple, un phénomène d’empreinte qui associe solide-
ment, au moment de la naissance du bébé, la vision d’un objet coloré quelconque à sa
mère ou à son père. Cette dernière notion forme chez l’homme une base pour la for-
mation des complexes au sens psychiatrique (réseau mental).
Cependant, pour que tous les territoires sensoriels soient identifiés par notre
cerveau, chaque zone qui fait plusieurs relais dans un segment médullaire renvoie le
82 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

long de voies ascendantes, des fibres destinées au thalamus où se fait une première
intégration tactile, puis vers le cortex somesthésique, l’aire 6, où sont projetées les
fibres de chaque territoire. Les zones sont si bien représentées topographiquement que,
lorsqu’on stimule par une impulsion électrique chaque zone des dermatomes, on
retrouve des potentiels évoqués équivalents sur le cortex. Grossièrement, on a pu défi-
nir une représentation schématique, zone par zone, qui a été appelée l’homonculus. Ce
n’est qu’une représentation considérablement simplifiée en surface du cortex, alors
que des zones cutanées importantes comme celles de la face ou des doigts se retrouvent
à deux, trois ou quatre millimètres dans la profondeur du cortex somesthésique.
Autour de ces zones primaires se retrouvent des aires associatives reliant par
réflexe une zone de contact avec une réponse motrice. Cependant, il est important de
noter ici que c’est d’abord au niveau de chaque zone réceptrice tactile, reliée par une
synapse à un segment de la moelle, connectée à un unique neurone moteur, ou moto-
neurone, situé dans la corne antérieur, que se forme ce que l’on nomme l’arc réflexe
primaire. C’est ce réflexe rapide qui fait retirer la main dès que l’on sent que cela
pique ou que cela brûle.

2.3.4 Évolution fœtale et périnatale des perceptions

A. L’olfaction
C’est la première sensorialité qui au premier stade du développement (2e semaine
après la conception) représente plutôt une chémoréception. Le fœtus reçoit à travers
le liquide amniotique diverses molécules de la mère et de son propre environnement
(ses déchets métaboliques par exemple). Ces molécules entrent en contact avec des
cellules olfactives déjà présentes en particulier au niveau de l’organe septal. Le bulbe
olfactif accessoire se forme très tôt et assure un apprentissage de la reconnaissance de
sa mère. Cette reconnaissance perdurera longtemps après la naissance grâce à un reli-
quat d’organe, le complexe glomérulaire modifié. Cette empreinte précoce de l’odeur
a et aura une influence déterminante pour le développement harmonieux du fœtus et
l’expression des gènes de croissance. En effet, la stimulation précoce des cellules
olfactives permet d’exprimer divers oncogènes activant l’expression de gènes impli-
qués dans la plasticité cérébrale au cours du développement.

B. Sensibilité tactile
Dès le 2e mois de grossesse, les premiers mouvements du fœtus sont visibles à l’écho-
graphie. À partir du 4e mois, les récepteurs de la sensibilité cutanée au niveau du
visage, des doigts et de la plante des pieds se forment. Ce sens qui évolue tout au long
de la grossesse permet au fœtus de recevoir des informations de contact même si son
environnement aqueux ne délivre qu’assez peu de signaux. Le fœtus perçoit et réagit
aux caresses de ses parents. Il participe activement aux interactions avec l’extérieur.
Vers le 6/7e mois, il met le pouce dans la bouche et le suce.
L’organisation des récepteurs sensoriels 83

C. Le goût
À partir de 24 semaines, le fœtus perçoit les modifications du goût du liquide amnio-
tique dans lequel il baigne et qu’il absorbe. Cependant, la suite de la maturation
n’apparaîtra qu’avec l’apprentissage alimentaire.

D. La vision
Chez l’homme, la vision est un sens fondamental, qui commence à se former tôt chez
l’embryon. À 18 jours, une évagination se forme à la base du prosencéphale. Elle
forme la vésicule optique raccordée au diencéphale par un pédoncule, le futur nerf
optique. À 27 jours apparaît la placode optique qui dérive de l’ectoderme, puis quel-
ques jours après la placode englobe la vésicule optique et le cristallin se forme. À
40 jours, l’œil peut être reconnu avec ses principaux constituants, y compris l’épithé-
lium germinatif destiné à former la rétine. Cette dernière structure n’est complète
qu’après 4 mois et continue de s’organiser. Les axones des premières cellules gan-
glionnaires se développent à partir du 2e mois pour gagner le diencéphale. Ces axones
croisent sous le plancher du diencéphale pour former le chiasma optique, puis ils
gagnent les corps genouillés où ils forment une première synapse.

E. L’audition
Les relations entre le fœtus et l’extérieur passent essentiellement par l’audition. Du
point de vue anatomique, l’audition est possible à partir du 5e mois de la vie intra-uté-
rine. Le fœtus entend d’abord les bruits qui lui parviennent de l’utérus maternel : ryth-
mes cardiaques, rythme du flux sanguin dans son propre cordon. Vers le 6e mois, il
réagit aux bruits qui lui viennent de l’extérieur : les voix humaines, les rires, la musique,
les portes qui claquent. Ces bruits lui parviennent de manière atténuée surtout pour les
aigus (d’où l’idée que la voix paternelle serait mieux perçue que celle de la mère). Tou-
tefois la voix maternelle émerge mieux que d’autres voix émises au même niveau.

2.4 Neurogénétique et organisation sensorielle


2.4.1 Éléments de neurogénétique
Le déterminisme génétique du développement des structures cérébrales mérite d’être
évoqué ici car les comportements humains, qu’ils soient innés ou appris, sont fonda-
mentalement liés à des contrôles géniques. Depuis quelques années, des structures
comme les centres de recherche sur le génome humain américains, puis français plus
récemment, ont identifié des milliers de gènes. L’identification moléculaire de cha-
que gène ne signifie pas que leur rôle est connu et, en l’état des connaissances, il n’est
pas, sauf quelques cas, possible d’affecter un gène à une fonction physiologique uni-
que. La plupart des contrôles sur nos activités organiques sont multigéniques. Pour-
tant, le contrôle génétique du fonctionnement cérébral est maintenant assez bien
cerné, même si beaucoup de gènes restent encore à connaître.
84 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

La neurogénétique est une discipline en plein développement qui s’intéresse


autant à la transmission du patrimoine génétique qu’aux conditions de cette transmis-
sion, en particulier lorsqu’il existe des gènes transmissibles anormaux. Ces études
permettent en particulier d’étudier les risques qu’ont les parents de transmettre une
pathologie exprimée par un gène dominant, ou une pathologie latente, non exprimée
liée à un gène récessif.
Des progrès intéressants ont été réalisés dans des études sur la transmission
des gènes exprimant par exemple les récepteurs du cholestérol et, plus précisément,
nous connaissons les perturbations cellulaires que cela entraîne. Mais, dans des trou-
bles complexes tels ceux de l’autisme, nous ignorons ce qui se passe exactement dans
le système nerveux central et comment les gènes altèrent les fonctions cognitives.
Chez un enfant trisomique, dont seule l’expression de quelques gènes portés par le
chromosome 21 est modifiée, l’expression des gènes surnuméraires altère les fonc-
tions mentales légèrement, puis il semble que les déficits d’expression se dégradent
et l’enfant peut devenir totalement autiste et présenter des altérations tardives d’autres
gènes.
Dans l’avenir, les démarches utilisées pour les troubles neuropsychiatriques
pourraient englober une approche pharmacogénétique de la thérapeutique en pré-
sence d’un premier épisode de schizophrénie, l’identification d’éléments oligogéni-
ques (multifactoriels) qui sont à l’origine de troubles neuropsychiatriques
héréditaires et les fondements biologiques des maladies (DSM-IV) en termes de
pathologie, de biochimie et de génétique. D’autres outils précieux engloberaient un
moyen de prévoir la susceptibilité d’une personne aux troubles neuropsychiatriques
(maladie d’Alzheimer, autisme, trouble bipolaire, dépression, psychose, schizophré-
nie), aux toxicomanies, au jeu compulsif ou à d’autres dépendances. La carte haplo-
type (de l’ensemble des gènes sur un même chromosome) sera utile pour des études
d’association multigéniques.
Les ressources et les outils utilisés à l’appui de ces approches pourraient
englober la mise au point de profils d’expressions des gènes dans le cerveau et la cor-
rélation des phénotypes (l’ensemble des caractères observables qui caractérisent un
individu) cliniques. Le phénotypage classique appliqué aux aspects neurocognitifs est
malheureusement peu intéressant pour les organismes de financement de la recher-
che. Sauf s’il apparaît un jour utile d’avoir recours au phénotypage pour le recrute-
ment de responsables de grands groupes industriels ou de dirigeants politiques.
La génomique et la protéomique (l’étude des protéines élaborées par un orga-
nisme, donc les conséquences des actions des gènes sur leur synthèse) sont des disci-
plines intégrées dans la biologie de la transduction des signaux et son application dans
les maladies du SNC et les troubles du comportement. Ce secteur englobe la signali-
sation chimique à l’intérieur des cellules et entre les cellules à des niveaux différents,
par exemple dans les systèmes organiques. Le développement avant et après la nais-
sance est programmé. La plasticité synaptique, la physiologie cellulaire, les polymor-
phismes et les cibles pour la découverte de médicaments et les mécanismes de l’effet
de l’environnement en font également partie.
L’organisation des récepteurs sensoriels 85

2.4.2 Les chromosomes (figure 2.5)


Même s’il est sûrement utile de revenir sur l’ensemble des phénomènes qui accom-
pagnent la transmission des caractères héréditaires, sur la fonction des chromosomes
porteurs des gènes, de l’ADN et des mécanismes du codage des informations généti-
ques, il n’y a pas la place ici pour revenir sur un système complexe qui s’enrichit cha-
que jour de travaux nouveaux. Nous vous renvoyons aux nombreux ouvrages récents
sur la génétique. Nous n’évoquerons ici que quelques points qui, souhaitons-le, inci-
teront le lecteur à faire des recherches plus poussées sur la génétique.

A. Les gènes et l’ADN


Il devenu banal dans le public d’entendre parler de l’ADN grâce à la presse qui le
montre comme un outil de la police scientifique. Bien sûr, un gène est de l’ADN,
c’est-à-dire l’enchaînement des séquences de nucléotides, G (pour guanine), C (pour
cytosine), A (pour adénine) et T (pour tyrosine). Les nucléotides sont associés par
paires (AT ou GC par exemple) et distribués en séquences (figure 2.5). Ces séquences
sont combinées le long de la double hélice dont les deux brins sont complémentaires.

Un gène :
la double
hélice d’ADN
1 2 3 4 5

6 7 8 9 10 11 12

13 14 15 16 17
Paires de bases

18 19 20 X Y

Figure 2.5
La carte des chromosomes humains. Les stries représentées sur chaque chromosome représentent des domaines
ou des densités ou des « clusters » c’est-à-dire une zone contenant beaucoup de gènes contrôlant un type de
synthèse protéique. Chez l’homme, il y a 22 chromosomes (autosomes) et deux hétérochromosomes sexuels X
(2X chez la femme dont le caryotype est représenté ici) et un X et un Y chez l’homme (Y non représenté ici).
Remarquez que certains chromosomes présentent un petit étranglement plus ou moins marqué qui représente
une zone de jonction entre les segments. Une telle région représente un point de cassure ou de fragilité ou qui
facilite le dédoublement. Ainsi la rupture au niveau du chromosome X est responsable d’une forme d’autisme :
le X fragile ; donc ces points peuvent être responsables de beaucoup d’anomalies de la délétion (perte d’un
fragment d’ADN, comme dans le syndrome de DiGeorge ; voir chapitre 7) ou de translocation comme dans des
monosomies ou des trisomies. À voir, un site très pédagogique : http://edumed.unige.ch/dnaftb/table_
matiere.html
86 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Les nucléotides nécessaires pour qu’un gène active le codage de chaque protéine dont
nous avons besoin sont disposés sur l’ADN de manière discontinue dans ce que nous
appelons les exons (séquences codantes) et les introns (séquences non codantes), soit
une séquence nucléotidique, avec un couple de nucléotide indicateur de début et un
autre indiquant la fin. La lecture des différentes séquences se fait donc comme sur un
disque numérique et s’opère dans les ribosomes.

B. Les techniques d’analyse en biologie moléculaire


L’une des techniques d’analyse est la PCR (Polymerase Chain Reaction ou Amplifi-
cation en chaîne par polymérase). Il s’agit d’une technique d’amplification génique
in vitro, qui permet de copier en grand nombre et en quelques heures une séquence
d’ADN ou d’ARN connue, à partir d’une faible quantité d’acide nucléique. La tech-
nique PCR, qui fait appel à des amorces spécifiques (des oligonucléotides de synthèse
de 20 à 25 nucléotides, complémentaires des extrémités 3’ des brins d’ADN) permet
entre autres de détecter la présence du virus VIH (virus de l’immunodéficience
humaine), des OGM (organismes génétiquement modifiés), des virus des hépatites B,
C et D. Cette technique est de plus en plus utilisée en criminologie. Le dosage des
produits est effectué ensuite par densitométrie.
Il faut citer ici un ADN particulier qui est l’ADN mitochondrial. Cet ADNmt est
hérité uniquement de la mère. Chaque cellule, comme les neurones ou les cellules gliales,
renferme des centaines de mitochondries dont l’ADN est soit celui d’origine, ou ADNmt
sauvage, soit modifié par différentes causes ou ADNmt muté. Ces formes d’ADN sont
aussi impliquées dans des encéphalopathies ou dans l’épilepsie myoclonique.

2.4.3 La transmission des gènes


L’autisme ou le X-fragile sont trouvés plus fréquemment si la mère ou la grand-mère
ont elles-mêmes présenté des symptômes. Ce syndrome du X-fragile, dont la forme
génétiquement transmissible est responsable d’un retard mental dont l’occurrence
n’est pas négligeable (1/4000 naissances), a été récemment étudié. Le symptôme, qui
est une altération du développement des dendrites des cellules pyramidales du cortex
cérébral pendant l’ontogenèse entraîne une immaturité rappelant les effets d’une
déprivation sensorielle. Ceci est dû à une anomalie d’un seul gène, ce qui est assez
rare pour être souligné. À titre indicatif, il s’agit du gène exprimant un trinucléotide
(CGG) agissant sur le gène FMR1 qui empêche la synthèse de la protéine FMRP (Fra-
gile X Mental Retardation Protein). L’absence de FMRP est responsable de la non-
maturation des dendrites. Mais le chromosome X porte à lui seul des centaines de
gènes dont certains peuvent être altérés et produisent une autre maladie introduisant
divers symptômes neurosensoriels : le syndrome de Rett (voir détails au chapitre 7 :
gènes MECP2 ou MAP2), retard mental (AHDS et ARX), une cécité visuelle et audi-
tive (comme dans le syndrome de Usher), ou encore une absence de corps calleux ou
de circonvolutions cérébrales. Les chromosomes non sexuels ou autosomes portent
également des milliers de gènes dont la transmission s’accompagne d’une altération,
« délétion », « crossing-over », surnombre, et engendre des troubles divers.
L’organisation des récepteurs sensoriels 87

Les données obtenues à partir des observations sur les vrais jumeaux ont
apporté beaucoup à la connaissance à la fois de la transmission génétique et aux moda-
lités d’expression des gènes. La question qui est souvent posée également par des
patients inquiets est la suivante : « Ma mère avait une maladie d’Alzheimer lorsqu’elle
est morte ; est-ce que je risque de développer la même chose ? » ou « Mon père est mort
d’une leucémie ; est-ce que je cours le risque d’avoir aussi cette maladie ? ».
Aujourd’hui, en l’état des connaissances sur le génome humain couvrant près
de 75 % des gènes, on serait tenté de disposer d’éléments de réponse. Il est vrai que
certaines formes d’Alzheimer sont liées en partie au gène APO (exprimant les apoli-
poprotéines), que certaines leucémies sont liées au gène « Philadelphie », que certai-
nes tumeurs apparaissent lorsque le gène H-RAS est exprimé.
Lors d’expériences, dont les nôtres, sur des souris porteuses de gènes provo-
quant une neurodégénérescence proche d’Alzheimer, nous observons les lésions du
cortex limbique. Des essais de traitements par thérapie génique sont inopérants. En
fait, s’il existe bien une altération de la synthèse des protéines membranaires, on
observe aussi que, dans de nombreuses situations, dont la nécessaire protection de
l’intégrité du cerveau, il n’y a pas qu’un gène, mais plusieurs qui se synchronisent
pour assurer la régulation nécessaire aux synthèses. Et dans notre cas, le gène observé
ne s’avérait être que l’un des éléments d’un groupe d’une vingtaine de gènes régulant
la construction des membranes neuronales.

2.4.4 L’étude de l’expression des gènes


Donc, les milliers de gènes identifiés chez l’homme agissent rarement seuls. Nous
avons représenté sur le diagramme de la figure 2.6 les 22 chromosomes plus le chro-
mosome X, quelques-uns des gènes ayant une action sur une fonction sensorielle.
Comprenez bien que chaque système est contrôlé par des centaines ou des milliers de
gènes et que le schéma est surtout destiné à rappeler la redondance fréquente des
influences géniques et les contrôles croisés qui sont tels que la défaillance d’un seul
gène situé sur un chromosome peut aussi agir sur plusieurs fonctions (voir par exem-
ple les troubles visuels et la surdité dans le syndrome de Usher : détails au chapitre 7).
Non seulement les gènes peuvent agir en groupes synchrones comme dans les
homéoboxes fœtales, mais leurs actions sont contrôlées par des gènes sans étiquette
n’ayant d’autre rôle que celui d’enclencher le démarrage de la lecture du code des
gènes, ce sont les oncogènes et ils sont assez nombreux. Ainsi, lorsqu’une volée de
potentiels est générée par une stimulation des cellules auditives, des pro-oncogènes,
comme c-FOS ou c-MIC, sont activés sur le site membranaire, migrent vers le réticulum
endoplasmique rugueux, enclenchent la lecture des gènes par les ribosomes, et ainsi
commence la synthèse de protéines réceptrices appropriées aux messages nerveux.
Quand un maximum de protéines a été renouvelé, cela produit un changement d’état des
protéines porteuses de calcium comme la calmoduline, qui interrompt le mouvement
des vésicules de renouvellement. Il est probable que cela enclenche l’action de gènes de
répression qui stoppent la synthèse et détruisent l’excédent de produits.
88 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Figure 2.6
Représentation gène par gène de quelques-uns parmi les milliers de gènes identifiés dans des contrôles géni-
ques exercés sur des systèmes sensoriels et responsables de quelques anomalies d’expressions sur les organes
sensoriels. Même si l’on ne connaît pas encore toutes les expressions de tous les gènes, on remarque sur ce
schéma circulaire : 1) que tous les chromosomes contiennent au moins un gène codant des éléments sensoriels ;
2) que certains chromosomes semblent comporter un nombre important de gènes influents sur une structure
sensorielle ; c’est le cas du chromosome 1 qui contrôle beaucoup de paramètres visuels ou du chromosome 17
qui contrôle surtout l’olfaction ; 3) certains chromosomes semblent plus concernés par l’organisation corticale.

Il est clair que cette petite usine de fabrication et l’acheminement des protéi-
nes s’activent vigoureusement à la suite de l’action plus ou moins spécifique d’hor-
mones. On connaît bien les mécanismes membranaires par lesquels les hormones
thyroïdiennes enclenchent les cascades d’activation génique. On connaît maintenant
les anomalies de fonctionnement et les troubles de l’identification du code génique
lorsque les hormones thyroïdiennes enclenchent des intenses synthèses d’anticorps
responsables de la thyroïdite d’Hachimoto.
L’organisation des récepteurs sensoriels 89

Une autre particularité de l’expression des gènes est le fait qu’elle peut ne pas
être instantanée. L’expression génique différée vient de causes diverses :
– soit parce que l’horloge donneuse de rythme interne étale dans le temps
l’action du gène ;
– soit parce que, pour que le gène s’exprime, il faut qu’un ou plusieurs autres
gènes aient déjà été exprimés ;
– soit par une action effet-dose qui fait qu’aussi longtemps qu’une certaine
quantité d’un peptide n’est pas atteinte, le gène n’est pas actif ;
– soit parce que l’apparition de certaines molécules, comme des hormones acti-
ves à la puberté ou à la ménopause ou à des périodes non physiologiques,
active des gènes.
C’est ainsi que naissent certaines pathologies tardives pour lesquels le ou les
gènes existent bien entendu dès la conception de l’individu, mais n’apparaissent que
très tard, comme la chorée de Huntington qui n’apparaît qu’à l’âge adulte, ou certai-
nes leucémies, car l’expression du gène ABL-BCR sur le chromosome 22 (dit de Phi-
ladelphie) n’apparaît que chez le jeune adulte.

2.4.5 Les méthodes d’étude de la transmission des caractères


génétiques
A. Les méthodes classiques
Établissement de la carte chromosomique : lecture du caryotype.
Phénotypage et génotypage : recherche du phénotype soit par mesure de
l’activité enzymatique, soit par administration d’un substrat test.
Le clonage : 1) clonage par scission de l’embryon ; 2) clonage par transfert
de noyau de cellule d’embryon ; 3) clonage par transfert de noyau de cellule déjà dif-
férentiée dans un ovule.

B. L’apport de la génétique des souris


L’utilisation des souris comme modèles de transmission des caractères est justifiée
par les très grandes analogies avec les génotypes humains. On lira utilement les arti-
cles récents parus sur l’apport de la génétique des souris dans la connaissance de la
pathologie humaine : Bases génétiques des malformations corticales, Arch. Neurol.,
2004, 61, pp. 637-640 ; L’avenir de la génétique dans les troubles neurologiques,
Arch. Neurol., 2006, 63, pp. 1529-1536. Voir aussi Neurological Review.
Pour consulter la revue Archives of Neurology :
http://archneur.ama-assn.org/cgi/collection/review_?page=2
90 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

ZOOM
L’apport de la génétique de la souris dans la recherche des gènes
de la maladie d’Alzheimer (AD)
On doit à la souris la possibilité de constituer des appariements de gènes utilisés
par exemple pour identifier les molécules impliquées dans la maladie d’Alzhei-
mer. L’un des gènes impliqué est celui du gène APP (codant la β-amyloïde) porté
par le chromosome 21. Le fait que les porteurs de l’anomalie d’APP développent
un syndrome de Down, puis après 10 ans peuvent présenter un syndrome
d’Alzheimer (AD) a fait penser que l’origine de Alzheimer se trouvait dans un
gène situé sur le chromosome 21. L’autre molécule présumée est l’apolipopro-
teine qui semble favoriser l’apparition de AD. En outre il est généralement décrit
la formation de plaques de β-amyloïde et de fagots (ou « tangle », dus à l’accu-
mulation de protéines Tau). Or les protéines Tau ne sont pas les indices précur-
seurs d’Alzheimer, mais plutôt de la démence sénile dite démence fronto-
temporale. Pour éclaircir ces points, il a été réalisé des souris portant un gène
APP (single transgène), des souris porteuses de deux gènes modifiés APP+PS1
ou APP+TAU ou encore de triples transgènes porteuses de APP+PS1+TAU.
D’autres travaux américains récents ont montré qu’une dérégulation ou un blo-
cage de la voie TGFbéta (transforming growth factor) provoquait l’équivalent de
AD chez des souris. Cette voie est intéressante mais on ne connaît pas encore les
molécules qui pourraient provoquer le blocage et bien sûr les molécules assez
petites pour passer la barrière sang-cerveau et réactiver la voie du TGFbéta.

C. Le déterminisme génétique des organes sensoriels et de leurs fonctions


Les processus d’organogenèse sont fondamentalement liés à des processus généti-
ques. Les séquences de différenciation, de migration, puis de mise en place des cel-
lules dans les placodes sont dépendantes de la synthèse de protéines de croissance et
d’enzymes strictement contrôlées en temps et en lieu par des gènes.

D. Homéobox et protéine-signal
Les principaux événements qui concourent à la formation d’un organe se trouvent
contenus dans une zone chromosomique contenant une séquence spécifique d’ADN
nommée homéobox (Hox).
On a longtemps cru que l’homéobox contenait toutes les informations utiles
à l’élaboration complète d’une structure. En fait, ce n’est malheureusement pas aussi
simple. Ces homéoboxes ont été étudiés sur des organismes relativement plus simples
que les Vertébés, chez un Ver, Coenorhabditis elegans, chez la mouche, Drosophila
mélanogaster et sur des souris possédant des mutations ou sur lequelles ont été prati-
qués des échanges de gènes (transgènes) et des neutralisations de gènes (knock out).
La cadence de reproduction de ces animaux permet d’obtenir de nombreuses généra-
tions et la relative simplicité du génome permet d’ôter ou d’ajouter, ou de modifier
des gènes pour en observer les effets fonctionnels. Sur ces animaux, même si un
homéobox assure bien un contrôle essentiel sur l’organogenèse, il n’en a pas le total
contrôle ; des gènes d’autres régions chromosomiques et d’autres chromosomes
interviennent également.
L’organisation des récepteurs sensoriels 91

Un article paru dans la revue Nature (octobre 2005) apporte une clé supplé-
mentaire à notre connaissance du déterminisme génétique. Dès les premiers stades du
développement, un ensemble de protéines-signaux dont le « signal Hedgehog » est
activé par un système appelé « cilium primaire » (en raison de la forme particulière
de la protéine). Cette activation provoque la fixation de Hedgehog sur son récepteur
membranaire, ce qui émet un signal destiné au noyau et produit une synthèse de pro-
téines et active une autre protéine dite « smoothened » qui en retour active le cilium.
Ce système de boucle de contrôle se retrouve dans l’expression et la transformation
des cellules souches, les neuroblastes, en divers éléments nerveux, mais probable-
ment aussi en cellules tumorales.

E. Contrôle monogénique et polygénique


Un même gène peut contrôler de manière primaire le démarrage de l’installation de
plusieurs organes différents. Ainsi, plusieurs gènes (voir tableau) contrôlent la mise
en place à la fois du système visuel et du système olfactif de la mouche, puis ensuite
d’autres gènes communs aux deux systèmes réguleront la fonctionalité de ces deux
systèmes. Au sein du même système, la synthèse des molécules importantes dans la
transduction est généralement assurée par plusieurs gènes situés sur des chromoso-
mes différents. Ainsi le contrôle des photopigments est distribué de la manière
suivante : le gène codant pour le pigment des bâtonnets est sur le chromosome 3 ; le
gène codant le pigment sensible au bleu est situé sur le chromosome 7 ; le gène et ses
deux allèles codant le vert et le rouge sont situés sur le chromosome sexuel X.
On retrouve aussi cette apparente dispersion pour les gènes codant les récep-
teurs olfactifs. Ceux-ci sont très nombreux (quelques centaines) mais regroupés dans
une séquence du chromosome ou cluster. Or il existe chez la drosophile un seul clus-
ter qui s’est multiplié au cours de la phylogenèse, de sorte que l’on connaît 13 clusters
olfactifs chez la souris et chez l’Homme distribués sur 5 chromosomes différents sur
lesquels ils sont répartis par 1 ou 3 paquets de gènes. Il s’agit d’un remarquable exem-
ple de la redondance génique. C’est une assurance pour l’évolution que l’espèce con-
servera longtemps et sans altération une séquence de gènes indispensables à sa
pérénité. C’est un inconvénient pour le généticien qui veut étudier le fonctionnement
d’un gène, puisque beaucoup sont multiples, répartis sur plusieurs chromosomes et
leurs sites n’en sont pas tous encore connus.
Ainsi, l’expression des gènes est un ensemble complexe d’interactions entre
gènes, oncogènes, gènes répresseurs, introns, exons, qui ne font pas qu’interagir sur
des sites proches distants de quelques kilobases (Kb) sur un seul chromosome, mais
entre chromosomes proches dans le noyau.
Les millions de gènes sont potentiellement susceptibles de donner des infini-
tés de combinaisons dans les formes et les fonctions sensorielles. Or il n’en est rien.
L’évolution a conduit à stabiliser certaines combinaisons. C’est ce qui fait que l’œil
des milliards de Mammifères, y compris l’Homme, présente la même structure et le
même type de fonctionnement à quelques molécules près. L’instabilité n’apparaît qu’à
92 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

la lumière des mutations naturelles, la plupart sont létales, de sorte qu’elles ne propa-
gent pas la nouvelle combinaison génique. Mais ces types de mutations évidentes ne
représentent qu’une infime fraction des mutations plus subtiles non décelables
aujourd’hui, mais dont les effets n’apparaîtront que dans des siècles ou des millénaires.
En effet, les anomalies de transmission par cassure, crossing-over, mutation, peuvent
donner des anomalies embryologiques catastrophiques, comme l’holoprosencéphalie
ou la septodysplasie (voir les troubles du développement), qui sont des conséquences
d’un arrêt du développement cérébral dû à la défaillance des gènes codant des molé-
cules nécessaires à la migration des neurones. Les conséquences sont la cyclopie,
l’anomalie de formation de la face, mais elles peuvent être plus discrétes. Le « bec de
lièvre » et l’absence de formation de l’épithélium olfactif sont des conséquences plus
bénignes de la même anomalie génique, transmissible lors de la reproduction. D’autres
erreurs plus discrètes ne prendront forme que bien après la naissance, comme la mala-
die de Huntington ou les dysgénésies du cortex qui perturbent l’arrangement normal
des couches corticales et qui pourraient faire apparaître des troubles sensorimoteurs
tardifs comme dans certaines formes de schizophrénie ou d’autisme.
Aujourd’hui, les nombreuses équipes focalisées sur l’identification des gènes
ont rempli un long catalogue de molécules, encore bien incomplet. En réalité, ce cata-
logue ne devient utile que lorsqu’on connaît, non seulement la fonction de chaque
gène, mais aussi quels sont les gènes qui les activent et ceux avec lesquels ils doivent
interagir pour former progressivment une oreille ou du cortex cérébral.
Dans ce domaine, les machines automatiques de séquençage ne peuvent rien.
La recherche n’avance qu’à petit pas et il s’écoulera beaucoup de temps avant que
l’on ait pu comprendre les multitudes de combinaisons géniques et encore plus de
temps avant qu’il devienne possible de les compenser lorsqu’une mutation viendra
perturber la chronologie ou la distribution spatiale des séquences embryologiques.
Les choses sont d’autant plus difficiles à cerner que les séquences géniques
ont parfois besoin de données externes, de paramètres physicochimiques de l’envi-
ronnement. Des événements externes sont indispensables à la poursuite de certaines
séquences de croissance axonales. Les fibres du nerf olfactif poussent toutes seules
sans informations externes dans une boîte de culture, mais l’implantation de ces fibres
sur le cerveau ne se produit correctement que lorsque des odeurs activent les cellules
olfactives immatures. L’absence d’exposition précoce aux odeurs entraîne une
régression du bulbe olfactif puis des cellules olfactives. D’autre part, il existe des
séquences d’initiation ou d’apprentissage des cellules sensorielles immatures, proba-
blement liées à des échanges d’information avec des cellules gliales. C’est là un pro-
cessus exactement semblable à l’action « éducative » des cellules dendritiques vis-à-
vis des lymphocytes lorsqu’ils doivent sélectionner leurs récepteurs de surface spéci-
fiques. Si l’on sait aujourd’hui que les cellules gliales sont des aides indispensables
aux processus de croissance, on ne sait pas vraiment quelles sont les cellules impli-
quées, ni comment elles procèdent pour inciter des choix parmi les combinaisons
géniques responsables du développement des axones et des dendrites.
L’organisation des récepteurs sensoriels 93

Il existe des étapes de tests de conformité des circuits, sortes de compilations,


qui sont responsables du développement par essai et erreur. Une progression en appa-
rence non structurée, mais qui permet l’élimination des circuits neuronaux incohérents.
L’apoptose ou mort neuronale programmée est un phénomène normal du développe-
ment. Une cellule qui meurt selon un programme génique rigoureux est assistée par des
cellules gliales et elle émet des signaux d’alerte induisant la différentiation et la migra-
tion de cellules qui s’installent et forment une nouvelle combinaison dans les réseaux
de neurones. Cette réorganisation a lieu jusqu’à ce que le système génique estime que
les réponses aux autotests des nouveaux circuits et que les simulations sensorielles don-
nent des réponses conformes à celles qui sont prédéfinies dans les mémoires.
À ce stade, l’organe sensoriel peut répondre à des stimulations rudimentaires
et devra apprendre à discriminer les signaux. C’est là ce que l’on a appelé la période
sensible et la période critique. Les premières réponses neuronales activent des cir-
cuits simples qui déclenchent des réponses comportementales rudimentaires, suffi-
santes pour permettre au jeune organisme de trouver rapidement la source de
nourriture, ou de retrouver sa mère. Ces circuits simples dont la trace neuronale fonc-
tionnelle est sensée subsister longtemps est l’empreinte, dont l’importance dans les
comportements est aujourd’hui remise en cause. (Voir aussi la section 2.3 « Embryo-
genèse du système nerveux ».)
Ainsi un organe sensoriel résulte de la coordination d’événements génétiques
et de la survenue au moment opportun d’événements environnementaux physicochi-
miques (auxquels appartiennent les composantes sociales).

2.4.6 Thérapies géniques et clonage

A. Le clonage
Qu’est-ce que le clonage ? C’est une technique consistant à développer une lignée de
cellules à partir d’une cellule unique, isolée après une sélection très stricte, parce
qu’elle présente des caractéristiques biologiques intéressantes. Un clone est ainsi un
assemblage de cellules en culture, de tissus, d’un organe (culture organotypique) déri-
vant d’une (ou de quelques cellules souches) dont elles sont la copie exacte à la suite
des divisions mitotiques de cette cellule souche. Quels espoirs le clonage permet-il
pour la réparation cérébrale ?

B. Clonage et thérapie génique


Depuis la présentation de Dolly, la brebis clonée à partir d’une cellule mammaire de
brebis, le clonage est devenu réalité. Une réalité qui suscite peur, fascination et doute.
En attendant les preuves de cette expérience, découvrez les secrets de la technique du
clonage, ainsi que ses limites sur le site :
http://www.seg-web.org/francais/reunions/cr/brugges/clonage_fichiers/
clonage.htm
94 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Depuis les manifestations récentes et dérangeantes de la secte de Raël et


l’annonce de la naissance d’« Ève », premier clone humain, ou encore les expériences
du gynécologue italien Antinori, la perspective d’un clonage humain déchaîne les
passions et, pour beaucoup, une crainte de voir resurgir des problèmes éthiques
sérieux. Rappelons-nous que des régimes dictatoriaux des années 1940 envisageaient
déjà de sélectionner le meilleur de la race humaine et que, sans l’effondrement de
leurs régimes, nous serions entourés de guerriers combatifs reproduits à l’infini. Rap-
pelons-nous que les banques de génomes humains représentent des informations pré-
cieuses pour détecter plus tôt un grand nombre de maladies, qu’elles contiennent ainsi
les espoirs fous de ceux qui paieraient très cher l’achat de gènes du génie des mathé-
matiques ou de toutes autres connaissances pour les faire implanter dans le cerveau.
Malgré ces craintes, les atermoiements et les indécisions des comités d’éthi-
ques des divers pays ont laissé la place à un clonage à visée thérapeutique. À ce jour,
des enfants, parfaits clones d’un bébé né avec une maladie rare, vont naître et apporter
à leur grand frère les cellules ou les gènes manquants pour lui restituer une vie nor-
male. Ici, l’usage d’une telle thérapie représenterait un potentiel formidable dans
l’arsenal médical. Dans le cas des altérations neurologiques, dans les traumatismes
crâniens, dans les ruptures de continuité de la moelle épinière, apparaissent de nou-
velles méthodes pleines d’espoirs qui mettront au placard les clones thérapeutiques,
contournant sans risque les problèmes d’éthique. En particulier, il faut attendre beau-
coup des possibilités thérapeutiques et reconstructives des cultures cellulaires et tis-
sulaires, bref tout un potentiel neuronal de réparation du matériel cérébral (voir
« Cellules progénitrices » ci-dessous).

C. Les cellules progénitrices

Dans les recherches sur les cellules progénitrices, les neuroblastes non divisés, dits
les « quiescents », portent le potentiel génétique qui leur permet de refaire n’importe
quelle cellule nerveuse. Nous savons maintenant manipuler l’ADN cellulaire par
transfection (transfert de gène entre des cellules) pour induire une transformation,
puis une évolution de ces cellules vers les neurones souhaités. Dans peu de temps, ces
cellules pourront être injectées par stéréotaxie dans la zone où la moelle est lésée et
elles reconstitueront en quelques mois ou années les connexions manquantes qui per-
mettront à l’hémiplégique de retrouver au moins partiellement l’usage de ses mem-
bres. Une intense recherche récente concerne l’utilisation des cellules souches
embryonnaires prélevées non sur l’embryon, mais sur des annexes comme l’allan-
toïde. Les cellules ainsi prélevées peuvent subir un transfert nucléaire pour ensuite
évoluer vers des tissus de remplacement.
Nous saurons faire de même dans le cerveau. Après avoir prélevé dans les
zones péri-hippocampiques des cellules pré-mitotiques (progénitrices), celles-ci sont
mises en culture pendant quelques semaines. On injecte l’ADN de neurone pyramidal
dans ces cellules. Quelques semaines plus tard, ces neurones tout frais seront injectés
dans le cerveau pour refaire une aire frontale abîmée par un traumatisme. Le pro-
L’organisation des récepteurs sensoriels 95

blème est que la source de ces cellules est limitée à quelques zones et qu’elles ne sont
pas faciles d’accès par la chirurgie.
Qu’importe, les cellules tumorales savent se répliquer à partir de ces cellules
profondes. En provoquant une tumeur avec des gènes comme RAS, il va se former
une grosse quantité de telles cellules, faciles à trouver, à prélever, puis à cultiver
comme précédemment. L’avantage en est que ce sont les propres cellules du malade
et qu’il n’y a donc qu’assez peu de risques de rejet, sauf si les gènes injectés dans ces
cellules lors de la transfection font synthétiser des protéines hors normes, donc recon-
nues comme des antigènes.
L’autre perspective est de disposer d’embryon à partir du ou des clones du
malade, sur lesquels seront prélevées des cellules (ou des organes) que l’on pourra
cultiver et sur lesquelles on pourra purifier les gènes dans des cultures dites organo-
typiques. De telles cultures sont réalisées depuis des années. Elles présentent tous les
avantages allogéniques et l’avantage d’être un organe embryonnaire débarrassé des
éléments structuraux gênants. En effet, dans les cultures cellulaires, les prélèvements
de fragments de parenchyme cerébral contiennent souvent des éléments cellulaires
qui prolifèrent mieux que les neurones. Les cellules endothéliales des capillaires san-
guins et les cellules gliales sont toujours abondantes, et même si l’on sait les séparer
par leurs marqueurs de surface (méthodes d’immunoséparation), il en reste toujours
que la technique a ratées et qui se développent rapidement.

Z OOM
Les greffes neuronales
Des médecins américains de l’Université de l’Oregon (Portland) ont, à la mi-
décembre 2005, transplanté des cellules souches neuronales dans le cerveau
d’un enfant de 6 ans atteint d’une maladie génétique rare, la maladie de Batten.
D’après les statistiques, cette affection neurodégénérative concerne environ 2000
enfants dans le monde et se caractérise par une accumulation de pigments d’ori-
gine lipidique, curieusement autofluorescents dans les neurones. Son pronostic est
effrayant : cette pathologie mène à la cécité, et à la paralysie avant de mourir.
Après un an de réflexion, la Food and Drug Administration a donné, en octobre
2005, le feu vert à ce premier essai clinique. Les scientifiques espèrent que des
cellules fœtales transplantées, développées par la société StemCells, fabrique-
ront l’enzyme dont l’absence est responsable de la destruction des neurones.
Un mois après cette transplantation, l’enfant malade est rentré chez lui et sem-
ble en bon état. D’autres enfants devaient être transplantés dans le cadre de cet
essai, mais, depuis cette première, aucun résultat n’a été communiqué.

En utilisant des cultures organotypiques (des cultures dont on attend qu’elles


forment des éléments d’organes) de tissus d’embryon provenant de clonage, on
s’assure du juste équilibre des constituants tissulaires et des possibilités optimales de
réparation procurées par le greffon. Tout cela est encore en observation, en test sur
les animaux de laboratoire. Les essais humains sont encore rares et trop peu probants,
à notre connaissance. Mais peut-être que des savants illuminés par le génie du clo-
96 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

nage et arrosés par des moyens financiers occultes se penchent-ils déjà sur le sujet !
Peut-être certains d’entre eux ont-ils déjà réparé le cerveau d’un richissime armateur
détérioré par un accident vasculaire cérébral !
Que ces savants retiennent deux remarques que nos expériences en génétique
nous ont apportées. La première remarque est que le monogénisme est exceptionnel
et relève surtout de l’expérimental chez l’animal. Les expériences sur les souris por-
teuses de mutations ou de knock-out d’un seul gène ne donnent que peu ou pas
d’effet. Aussi, en dehors de la correction génétique de l’activité d’une enzyme
défaillante identifiée, toute tentative d’injecter, par exemple, le gène de l’intelligence
est forcément vouée à l’échec. Dans des processus de reconstruction, les influences
multigéniques sont imprévisibles car, statistiquement, les centaines de gènes intera-
gissent les uns sur les autres. Ce facteur aléatoire rend difficile l’usage de la thérapie
génique, car ce qui agit parfaitement pour un sujet peut n’avoir aucun effet ou un effet
contraire sur un autre.
Notre seconde remarque est que l’observation affirmant qu’un individu cloné
est comme un strict jumeau n’est pas exacte. Nous le savons, il existe des petites diffé-
rences entre vrais jumeaux (voir Farell et al., 2005), et l’individu résultant d’un clonage
suit la même règle statistique qui veut que des milliers de gènes combinés entre eux
pour former un individu ne reproduiront pas strictement les mêmes expressions, donc
engendrent des erreurs de copie. En outre, les erreurs de copies sont parfois amplifiées
comme lors des croisements consanguins, et les risques de développer des anomalies
métaboliques sont accrus. De la sorte, les très récents travaux de Fraga (2005) et ceux
de Farell et al. (2005), portant sur le vieillissement du chromosome 1 des vrais
jumeaux, montrent qu’il n’existe pratiquement pas de différence de méthylation chez
les jumeaux de 1 an, mais les différences deviennent importantes chez les jumeaux de
50 ans. Ceci traduit des évolutions différentes de l’expression des gènes au cours du
développement puis du vieillissement. Donc, en réalité, chaque jumeau est unique.
Il reste donc une multitude d’étapes à franchir, de tests à réaliser, avant que
nous puissions disposer d’organes génétiquement, strictement identiques à ceux qui
doivent être remplacés parce qu’ils sont défaillants.

Pour en savoir plus sur la génétique, voir les sites :


http://www.infirmiers.com/etud/courslibre/hematokc/base-genetique.pdf
http://genomesonline.org/
http://edumed.unige.ch/dnaftb/

2.5 Les neurones


Remarque aux lecteurs : Cette section est un rappel succinct des éléments de phy-
siologie du neurone développés en premier cycle. On ne peut pas comprendre les per-
L’organisation des récepteurs sensoriels 97

ceptions comme l’audition (qui utilise le potassium de l’endolymphe) ou les fonctions


cérébrales, comme la mémoire ou le sommeil, sans posséder un minimum d’informa-
tions sur l’activité neuronale, les échanges ioniques et la neurotransmission.

2.5.1 Membranes neuronales : quelques rappels succincts


La membrane plasmique délimite le contour de tout le neurone, des épines dendriti-
ques aux terminaisons axonales. Elle est constituée d’une bicouche lipidique (choles-
térol), dans laquelle sont incluses des protéines, l’ensemble formant la texture en
« mosaïque fluide », c’est-à-dire un sandwich de molécules très diverses : protéines
externes (protéines réceptrices, protéines du CMH), internes (calmodulines, phospo-
diestérases) ou traversantes (canaux ioniques).

A. L’équilibre ionique
Il existe dans toute cellule une inégalité de répartition des ions de part et d’autre de la
membrane plasmique. Les ions potassium (K+) sont les cations préférentiels du
milieu intracellulaire, les ions sodium (Na+) sont ceux du milieu extracellulaire. Les
principaux anions du milieu intracellulaire sont des molécules organiques (P-) (acides
aminés, protéines) chargées négativement ; ceux du milieu extracellulaire sont les
ions chlorure (Cl-). Le calcium extracellulaire [Ca2+ ext, 1 mmole/litre] est 104 fois
plus important que le calcium intracellulaire [Ca2+ int, 10-4 mmole/litre].

B. Les ions inorganiques


Les ions inorganiques (Na+, K+, Cl-, Ca2+) peuvent traverser la membrane (on dit
qu’elle leur est perméable) tandis que les ions organiques (P-) ne le peuvent pas. Ces
mouvements passifs des ions ne se font qu’au niveau de protéines transmembranaires
spécialisées, les protéines-canaux, car la couche bi-lipidique est imperméable aux
ions ainsi qu’à la plupart des protéines polaires, hydrophiles. Les mouvements passifs
d’ions à travers la membrane entraîneraient des changements irréversibles dans la
composition des milieux intra- et extracellulaires, si des protéines ne rétablissaient
continuellement, par transport actif l’inégalité de répartition des ions entre les deux
milieux. Ces protéines sont des « pompes » ioniques ou des transporteurs. Ainsi, la
membrane plasmique assure continuellement grâce à ses protéines une régulation
stricte du passage des ions et des molécules entre les deux milieux.

C. Les lipides membranaires


Les lipides membranaires appartiennent à trois classes principales : 1) les
phospholipides ; 2) le cholestérol ; 3) les glycolipides. Tous ces lipides possèdent une
tête polaire hydrophile et une queue, peu chargée, hydrophobe.
• Les phospholipides les plus représentés sont les phosphoglycérides. Placés en
milieu aqueux, ils s’orientent spontanément, les têtes hydrophiles se mettant
98 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

au contact de l’eau et les queues se rassemblant entre elles afin d’exclure


l’eau. Dans la membrane, ils forment ainsi deux films monomoléculaires,
accolés et parallèles, appelés bicouche lipidique. Les têtes sont en contact des
milieux aqueux extra et intracellulaires et les queues forment l’intérieur de la
bicouche.
• Les molécules de cholestérol s’intercalent dans la membrane parallèlement
aux phospholipides. Le cholestérol joue un rôle dans la fluidité de la
membrane : sa molécule contient, en effet, une partie plane et rigide (noyaux
stéroïdes) qui assure la stabilité mécanique de la membrane.
• Le groupement polaire de la tête des glycolipides est constitué par un ou plu-
sieurs résidus glucidiques. Les plus représentés sont les cérébrosides et les
gangliosides. Ils sont localisés exclusivement dans le feuillet externe de la
membrane, les résidus glucidiques étant orientés vers le milieu extracellu-
laire. Ils pourraient jouer un rôle dans les processus de communication et de
reconnaissance intercellulaires.
La localisation préférentielle de certains lipides dans un des deux feuillets
(par exemple, les glycolipides) donne à la bicouche lipidique une asymétrie de struc-
ture et une asymétrie fonctionnelle. La phase lipidique de la membrane est fluide : les
phospholipides sont mobiles et peuvent se déplacer latéralement ou être animés de
rotation. Cette fluidité, qui dépend de la température et de la teneur en cholestérol,
permet aux protéines de se déplacer latéralement dans la membrane, permettant ainsi
à de nouvelles protéines de s’y introduire. Ceci permet le renouvellement continu des
membranes.
Du fait de sa partie centrale hydrophobe, la bicouche lipidique a une faible
perméabilité aux substances hydrophiles comme les ions, l’eau et les molécules polai-
res. Ainsi, les ions ne peuvent traverser passivement la membrane qu’au niveau de
protéines spécialisées : les protéines-canaux. De même, ils ne traversent activement
la membrane qu’au niveau des pompes ou des transporteurs. Cette organisation per-
met la régulation du passage des ions, passage focalisé au niveau de protéines dont
l’ouverture (protéines-canaux) ou le fonctionnement (pompes, transporteurs) sont
étroitement contrôlés.

D. Les protéines membranaires


Elles assurent les fonctions dynamiques (perméabilité, fonctions enzymatiques) de la
membrane.
Certaines protéines traversent complètement la bicouche lipidique. Leurs
régions hydrophobes (acides aminés apolaires) s’organisent dans la bicouche (hélices
transmembranaires), tandis que les régions hydrophiles (acides aminés polaires) se
placent au contact des milieux aqueux intra- et extracellulaire. Nous en verrons deux
exemples : les protéines-canaux et les récepteurs liés aux protéines G. Ces
protéines G (G pour Guanine Nucléotide Binding Protéins) sont très importantes. Ce
sont elles qui permettent le transfert d’information à l’intérieur des neurones. Lors de
L’organisation des récepteurs sensoriels 99

l’activation d’un récepteur membranaire extracellulaire (par des vibrations, des pho-
tons…), elles activent ou inhibent la conversion de GDP en GTP (Guanosine Di- et
Tri-phosphate) pour enclencher ou bloquer une cascade de réactions dont un élément
est un second messager, l’AMP cyclique (adénosine monophosphate cyclique). Ce
sont donc des facteurs de la transduction intracellulaire des signaux.
D’autres protéines ne sont présentes que d’un seul côté de la membrane et ne
traversent pas la bicouche lipidique. Elles sont soit « collées » soit « ancrées » à la
membrane. Les protéines collées, comme les protéines G, interagissent avec les
régions polaires des protéines transmembranaires par des interactions ioniques. Les
protéines ancrées dans la membrane renferment dans leur structure une chaîne lipidi-
que d’attache, liée par une liaison covalente avec un acide aminé. Elles sont ancrées
du côté cytoplasmique (sous-unité catalytique de la protéine kinase A) ou du côté
extracellulaire (acétylcholinestérase, AChE).
Des protéines de transport assurent soit le transport passif des ions, soit leur
transport actif. Parmi ces protéines, on distingue celles qui assurent directement le
transport passif des ions : les protéines-canaux, et celles qui modulent ce transport :
les récepteurs liés aux protéines G.

! Les protéines-canaux
Elles ont une structure tridimensionnelle qui délimite un pore aqueux au travers
duquel passent sélectivement certains ions. Elles assurent elles-mêmes le passage des
ions à travers la membrane (canaux ioniques). Leur ouverture est régulée soit par un
changement du potentiel de membrane : ce sont les canaux sensibles au voltage ou
canaux voltage-dépendant ; soit par la fixation d’un ligand (une substance comme un
neurotransmetteur) : ce sont les récepteurs-canaux.

! Les protéines réceptrices


Leur ligand est un neurotransmetteur ou une molécule libérée par le signal sensoriel.
Elles sont liées aux protéines G ou aux récepteurs et elles ont pour rôle de moduler
l’ouverture des canaux ioniques, dont elles sont complètement distinctes. Cette
modulation s’effectue par l’intermédiaire d’une protéine G (protéine « collée »), qui
a la propriété de lier le GTP (Guanosine Triphosphate).

! Les protéines du transport actif


Elles ont besoin d’énergie pour fonctionner. Les pompes utilisent l’énergie fournie
par l’hydrolyse de l’ATP (Adénosine Tri-phosphate). Les transporteurs utilisent,
quant à eux, l’énergie d’un gradient ionique, comme le gradient sodium par exemple.
La synthèse des canaux ioniques et des récepteurs des neurotransmetteurs est
codée par divers gènes présents sur des chromosomes différents. Du fait des diverses
expressions géniques, ils présentent des variantes multiples et de nombreuses altéra-
tions. Mais tous les canaux, et l’activation des récepteurs qui leurs sont attachés,
fonctionnent de la même manière. Les changements d’ouverture des canaux, leur
100 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

répartition sur un neurone peuvent être mesurés par la technique du Patch Clamp (une
micropipette de verre isole une surface de 1 micron carré à travers lequel on peut
appliquer des variations de potentiels reproduisant Vm artificiellement).
Selon la valeur du potentiel de membrane (Vm, courant de porte), ces canaux
sont dans un état pore ouvert (passage des ions) ou dans un état pore fermé. Les
canaux sensibles au voltage sont essentiellement perméables à un seul type d’ions
(Na+, Ca2+ ou K+). Le rôle des canaux Na+ sensibles au voltage (canaux Na+ voltage
dépendants) est de générer et de propager le potentiel d’action. Le rôle des canaux
Ca2+ sensibles au voltage (canaux Ca2+ voltage dépendants) est de faire entrer les ions
Ca2+ dans le milieu intracellulaire, ions Ca2+ qui vont intervenir dans la régulation de
nombreuses réactions intracellulaires (libération du neurotransmetteur par l’élément
présynaptique).
Les récepteurs-canaux sont des canaux ouverts par un ligand (neurotrans-
metteur). La structure tridimensionnelle de ces protéines transmembranaires délimite
un pore et comporte, du côté extracellulaire, un ou plusieurs sites récepteurs du neu-
rotransmetteur. Sites récepteurs du neurotransmetteur et canal ionique font partie
d’une même et unique protéine. Lorsque le neurotransmetteur se fixe sur son ou ses
sites récepteurs, la protéine change de conformation et évolue transitoirement vers un
état où le pore s’ouvre. Certains canaux sont perméables aux cations (Na+, K+, Ca2+),
liés aux récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine ; d’autres sont plus sélectifs (récep-
teurs GABA-A : perméables aux ions Cl-). Les récepteurs-canaux assurent la trans-
mission synaptique rapide en provoquant une augmentation rapide de la perméabilité
ionique en réponse à la fixation du neurotransmetteur.
En réponse à la fixation du ligand (neurotransmetteur-signal sensoriel), les
récepteurs liés aux protéines G modulent les propriétés des canaux ioniques. Ils sont
totalement distincts des canaux ioniques et exercent leurs effets via une protéine péri-
phérique « collée » du côté cytoplasmique appelée protéine G car elle lie le GTP. Le
récepteur activé par la fixation du neurotransmetteur active une protéine G qui
module directement ou indirectement (via un second messager) l’ouverture des
canaux ioniques. Les protéines G convertissent et amplifient le signal. Elles assurent
une transmission synaptique lente et interviennent aussi dans la régulation de la libé-
ration du neurotransmetteur par l’élément présynaptique.
Exemples : le récepteur muscarinique ou nicotinique de l’acétylcholine ; les
récepteurs N-méthyle-D-aspartate (NMDA), AMPA, glutamate, récepteurs de GABA-A
et B.

RETENEZ :
Les protéines membranaires sont les molécules dont la structure peut traver-
ser la membrane de part en part et constituer un canal ionique, ou bien être
fixée à l’extérieur et constituer des récepteurs de transmetteurs ou d’anti-
corps. Elles peuvent être fixées à la face interne et servir de transporteur
intracellulaire ou séquestrer des ions inorganiques. Dans tous les cas, les
protéines peuvent changer de conformation et modifier les propriétés mem-
branaires.
L’organisation des récepteurs sensoriels 101

E. Les pompes ioniques


La pompe Na+-K/ATPase rétablit continuellement l’inégalité de répartition des ions
Na+ et K+ de part et d’autre de la membrane. Elle fonctionne à un rythme plus ou
moins rapide, s’adaptant à l’activité électrique du neurone.
La pompe Ca2+/ATPase participe au maintien de la concentration cellulaire en
ions Ca2+ à un niveau très faible (10-4mmol/l), en dépit des entrées d’ions Ca2+ (canaux
Ca ) et de la libération intracellulaire d’ions Ca2+ par le réticulum endoplasmique. La
2+

moindre élévation du Ca2+ intracellulaire contrôle un grand nombre de réactions intra-


cellulaires (contraction musculaire, transmission synaptique) (figure 2.7).
Symport : les co-transporteurs Na+/neurotransmetteur transportent les molé-
cules de neurotransmetteur présentes dans la fente synaptique vers le cytoplasme de
l’élément présynaptique ; c’est la recapture du neurotransmetteur (catécholamines,
glutamate/aspartate, GABA). Certains précurseurs de la synthèse des neurotransmet-
teurs (choline, tyrosine) sont captés selon le même mécanisme.
Antiport : l’échangeur Na/Ca transporte activement les ions Ca2+ à l’exté-
rieur de la cellule.

2.5.2 La formation du potentiel de membrane et du potentiel


d’action
Certaines cellules ne disposent pas des mécanismes actionnant des échanges rapides
d’ions transmembranaires et ne forment qu’un potentiel lent, non propagé, qui est le
potentiel local ou le potentiel de récepteur (PR). L’amplitude de ce potentiel croît

Figure 2.7
Ions calcium
Les ions calcium jouent un rôle capital dans la
mise en place précoce du système nerveux. Ici
sont sont résumés schématiquement quelques
uns des rôles des ions calcium dans la forma-
tion des canaux et des récepteurs des membra-
nes neuronales.(LTP : Potentiation à long
terme ; IEG : gènes rapidement inductibles.)
102 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

dans le même sens que l’intensité de la stimulation. Généralement, l’amplitude du


potentiel de récepteur varie comme la courbe de Weber-Fechner.
Le cumul des PR sur la membrane synaptique suffit à activer les mécanismes
qui libérent des petites quantités de neurotransmetteurs. Le cumul de ces molécules
sur le versant post-synaptique active des mécanismes électrogènes ou potentiels post-
synaptiques excitateurs (PPSE) si cela provoque une ouverture de canaux sodium
suivi d’un potentiel d’action propagé. L’activation s’arrête lorsque le neurotransmet-
teur est dégradé par son enzyme spécifique (comme une cholinestérase pour l’acétyl-
choline). Les molécules transmettrices comme l’acide Gamma amino-butyrique
(GABA), mobilisent des ions chlores qui produisent un potentiel post-synaptique
inhibiteur (PPSI) et bloquent la synapse jusqu’à l’élimination des molécules de
GABA par des enzymes de dégradation.
Segment initial et nœuds de Ranvier : les potentiels formés sur les centaines
de synapses qui font face à la membrane neuronale (car les synapses ne sont pas inser-
rées, mais reposent sur la membrane) convergent vers le point de départ de l’axone.
Cette région, le cône axonique, est particulièrement riche en métabolites permettant
une intense activité des pompes. Aussi, lorsqu’un nombre de potentiels appropriés,
dépendant des types de neurones, parvient au cône, il se forme un potentiel d’action,
PA, qui est un potentiel électrique bref (quelques millisecondes) qui naît au point de
potentiel le plus bas de la membrane, -70 mV, et monte très vite à + 40 mV. La pointe
ou pic de potentiel se forme en moins d’une milliseconde ; elle est immédiatement
suivie d’une chute moins rapide durant quelques millisecondes, puis très souvent
quand le potentiel atteint la valeur zéro mV, il apparaît une phase dite post-potentiel
légèrement négative qui peut durer quelques 10 msec ou plus.
Ces phases correspondent aux étapes d’activation des mécanismes actifs de
maintien du potentiel de membrane. Le neurone ne peut pas refaire un potentiel pen-
dant la phase montante du PA (phase réfractaire absolue) mais il peut en refaire un
pendant la phase de récupération (phase réfractaire relative). Les périodes réfractaires
ne sont pas les mêmes pour tous les neurones, ce qui fait que certains neurones peu-
vent cadencer des PA jusqu’à 200 ou 300 PA par seconde quand d’autres ne caden-
cent qu’à 10 PA/sec. Il y a là un mécanisme d’économie du métabolisme neuronal.
Une structure « d’urgence » comme des fibres de douleur doivent alerter très vite et
abondamment le cerveau ; des cellules pyramidales du cortex cérébral ou des cellules
de Purkinje du cortex cérébelleux non seulement ne débitent jamais à haute cadence
mais présentent autour d’elles des quantités énormes de petites cellules GABAergi-
ques qui empêchent le fonctionnement à haute cadence pour éviter un épuisement du
stock de neurotransmetteurs.
Le potentiel d’action peut soit être propagé sur l’axone nu (fibres non myéli-
nisées) avec une vitesse lente (0,5 -1 m/sec) soit sur des axones myélinisés de gros
diamètre et pourvus de segment d’une gaine isolante (la myéline, un phospholipide).
L’amplitude du potentiel décroît sur le nerf si aucun mécanisme régénérateur n’inter-
vient. Ces mécanismes sont localisés dans le nœud de Ranvier, un bref espace ou la
gaine de myéline s’interrompt.
L’organisation des récepteurs sensoriels 103

2.5.3 Les méthodes d’exploration électrophysiologique


des membranes

• Électrophysiologie unitaire : on utilise une électrode faite à partir d’un tube


capillaire de verre étiré très fin dont la pointe a un diamètre inférieur à
1 micromètre remplie d’une solution conductrice. Une telle électrode permet
d’approcher ou de pénétrer un neurone sans le détruire (du moins durant quel-
ques minutes). On obtient ainsi des potentiels d’action unitaires (à ne pas
confondre avec les potentiels d’action de nerf, obtenus par neurographie au
moyen d’une grosse électrode posée sur un nerf et qui sont la somme de nom-
breux potentiels d’action unitaires).
• Techniques du Patch-clamp, whole-cell et cell-attached : cette méthode
dérive de la précédente, puisqu’on utilise un très fin tube de verre qui est posé
délicatement sur la membrane du neurone. En appliquant une légére dépres-
sion, l’orifice du tube est plaqué de manière étanche sur la membrane. Ceci
permet : de voir l’ouverture et la fermeture des canaux ionique (courants de
porte) ; d’identifier chaque type de canal ; de tester des agents pharmacolo-
giques sur les canaux.
• Les techniques micro-iontophorétiques d’étude des mouvements ioniques : si
on introduit une résine échangeuse d’ions dans une fine pipette de verre,
celle-ci se transforme en un détecteur d’ions libres. On peut alors évaluer les
entrées-sorties de calcium, sodium ou potassium circulant à travers la mem-
brane cellulaire.
• La microscopie confocale : cette méthode utilise des optiques et des filtres
spéciaux. Sur des fragments tissulaires, il est ainsi possible de voir les neuro-
nes en trois dimensions et de suivre par contraste le trajet des nerfs et des con-
nexions. Avec certains filtres sélectifs, le système confocal est adapté à la
visualisation d’ions ou de molécules marquées. De récentes adaptations per-
mettent de voir de manière non invasive (sans lésion ou section) les cellules
à travers la peau (la résolution reste encore assez médiocre car elle est supé-
rieure à 10 micromètres).
• Microscope électronique : cette technique est la plus adaptée à l’identifica-
tion visuelle des composants membranaires car elle permet d’atteindre
l’échelle des grosses protéines membranaires. Les fragments de tissu sont
congelés et coupés en très fines tranches. Des traitements particuliers permet-
tent une visualisation par contraste. Une variante est le cryodécapage qui per-
met sur les coupes d’éclater le tissu au niveau de zones peu adhérentes
comme les synapses. Cela permet d’obtenir une vue plane de très bonne qua-
lité sur la surface entière d’une membrane.
• Autres méthodes : biochimie, séquençage protéique, clonage de gène expri-
mant la synthèse des protéines canaux.
104 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

2.5.4 Les synapses et les neurotransmetteurs


A. Structure des synapses
Les synapses sont des différenciations des prolongements du neurone. Elles existent
partout où un contact entre neurones est nécessaire (figure 2.8).
Les synapses fœtales sont « symétriques » avec un espace intersynaptique
important. Comme la membrane est fluide (pauvre en protéines) chez le fœtus, les synap-
ses peuvent se délier aisément pour se former ailleurs. Chez l’adulte, les tensions liqui-
diennes interstitielles suffisent à maintenir la structure dilatée présynaptique à quelques
centaines d’angströms de la membrane du neurone suivant ou zone post-synaptique.
La structure globale des synapses change peu, qu’elles soient dendritiques ou
axonales. Néanmoins, on remarquera qu’un grand nombre de synapses dendritiques
sont surtout dendrosynaptiques ou synaptodendritiques ou dendrodendritiques. Ces
dernières sont ce que l’on nomme des synapses réciproques ou synapses alternées
présentant une face libérant un neurotransmetteur activateur (glutamate) et la face
décalée opposée libérant un inhibiteur. Ces synapses sont abondantes dans la rétine
et le bulbe olfactif. Les terminaisons axoniques sont généralement des synapses axo-
neuronales ou axo-dendritiques.

Neurones
Vésicules post-synaptiques
synaptiques

4 = activation
des récepteurs
post-synaptiques

2 = dépolarisation 5 = potentiels
pré-synaptique post-synaptiques
gradués

1= potentiels
d’action

Terminaison
axonique
Fente
synaptique 3 = libération d’un
neurotransmetteur

Figure 2.8
Synapse
Les étapes de la formation du potentiel synaptique. L’arrivée d’une volée de potentiels présynaptiques (1) est
essentielle pour activer la synapse et provoquer la libération de vésicules contenant un neurotransmetteur (3).
Les molécules de neurotransmetteurs activent des récepteurs post-synaptiques (4) qui enclenchent des cascades
de réactions chimiques sous-membranaires (comme l’AMP-cyclique). Si cette activation atteint un niveau suffi-
sant, il peut apparaître des potentiels post-synaptiques (5). La transmission synaptique est une étape fondamen-
tale dans la transmission des messages nerveux entre les neurones, au sein de tout le système nerveux. Les
altérations d’une partie de cette transmission peuvent provoquer des désordres fonctionnels autant au cours du
développement cérébral que pendant le fonctionnement du cerveau adulte.
L’organisation des récepteurs sensoriels 105

Notez que les synapses dendritiques des organes sensoriels et des cellules
granulaires ou des interneurones sont modifiables en réponse à des stimulations, aux
apprentissages, lors de l’autoréparation cérébrale. Cette dynamique synaptique repré-
sente la base de la plasticité cérébrale.

B. Les neurotransmetteurs et leur distribution dans le système nerveux


Les neurotransmetteurs sont élaborés dans le corps cellulaire puis transportés le
long de l’axone par le flux axonique ou dendritique orthograde qui se dirige vers la
ou les synapses terminales. Les neurotransmetteurs ou leurs précurseurs (pour l’adré-
naline) sont stockés dans les vésicules présynaptiques soutenues dans le réseau des
neurotubules. Les mécanismes métaboliques engendrés par le potentiel d’action (PA)
activé par des flux de calcium, produisent une progression des vésicules en direction
de la fente synaptique où ils éclatent en libérant le neurotransmetteur. La distance très
courte entre les faces pré- et postsynaptique est franchie en un temps irréductible de
0,5 milliseconde. L’excédant de substance est soit dégradé par des enzymes de la
fente synaptique (comme des Monoamines oxydases, MAO, par exemple), soit il dif-
fuse latéralement et s’accroche à des autorécepteurs qui activés bloquent l’entrée du
calcium et arrêtent les déplacements des vésicules, donc stoppent la transmission.
La notion de neurotransmission est indissociable de celle des récepteurs des
neurotransmetteurs. On les classe en deux grands groupes : les récepteurs ionotropi-
ques qui, lorsqu’ils fixent le neurotransmetteur, modifient un canal ionique. Les
récepteurs métabotropiques associés à une protéine G et qui sont liés au métabolisme
intracellulaire de substances comme l’adénylate cyclase.
Il est impossible ici de donner beaucoup de détails sur la biochimie, la phar-
macologie et la physiologie des neurotransmetteurs. Retenez cependant quelques élé-
ments sur les principales molécules impliquées dans l’activité cérébrale et les
comportements :
• Le Glutamate est l’un des premiers neurotransmetteurs apparaissant durant
l’ontogenèse. Il assure une entrèe de Na+ et il est donc générateur d’une dépo-
larisation formant un potentiel comme un PPSE. Il existe plusieurs récepteurs
du glutamate, dont le récepteur à l’alpha-amino-3-hydroxy-4-isoxazole-pro-
pionate (appelé le AMPA) et celui au N-méthyl-D-aspartate (ou NMDA) qui
est accompagné d’un déplacement d’ions calcium et que l’on trouve sur les
synapses formant une potentiation post-tétanique (la forme élémentaire de
mémoire à court terme). Il existe aussi des récepteurs glutamate sensibles au
quisqualate ou au kaïnate.
RETENEZ :
Le récepteur glutamate du type NMDA est un élément de la transmission
synaptique de la mémoire neuronale à court terme.
• L’Acide gamma amino-butyrique (GABA) est le neurotransmetteur inhibi-
teur abondant et présent partout dans le cerveau. Il est surtout libéré par les
petits interneurones et par les cellules de Purkinje du cervelet. Il agit sur le
récepteur GABA-A en favorisant le déplacement des ions chlore, ce qui
106 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

forme une hyperpolarisation empêchant la formation du PA. Les récepteurs


de GABA sont nombreux et GABA-B (bacloféne dépendant) est associé au
calcium. Une sous-unité du récepteur GABA est celle qui fixe les benzodia-
zépines (BZD), qui sont des molécules très utilisées en pharmacologie dans
les troubles comportementaux, car elles potentialisent l’effet inhibiteur. Les
BZD sont des anxyolitiques, amnésiants et anticonvulsifs grâce à ces effets
bloqueurs des synapses.
RETENEZ :
GABA est un neurotransmetteur inhibiteur qui a un rôle modérateur dans les
comportements. La plupart des neuroleptiques utilisent l’activation d’une
partie du recepteur GABA par les Benzodiazépines.
• La Dopamine (DA) est un activateur. Elle est présente dans les interneurones
de certaines régions cérébrales, comme par exemple les bulbes olfactifs, ou
dans la région sous-thalamique impliquée dans la régulation motrice, le stria-
tum, ou dans les noyaux gris centraux. Chacune de ces régions présente des
récepteurs de la dopamine différents.
RETENEZ :
La dopamine est le transmetteur des voies motrices, mais aussi on la trouve dans
les voies régulant le plaisir. Beaucoup de drogues agissent sur son récepteur.
• La Sérotonine ou 5 Hydroxytryptamine (5HT) est peu répandue mais surtout
localisée dans les zones cérébrales impliquées dans la vigilance comme les
noyaux du raphé. La secrétion de 5HT est suspendue pendant le sommeil.
RETENEZ :
5HT est aussi une molécule impliquée dans l’humeur et dans la dépression.
• L’Acétylcholine (ACh) est le premier neurotransmetteur découvert. Elle
n’est pas abondante dans le système nerveux central, mais plutôt en périphé-
rie puisqu’elle est le transmetteur des synapses neuromusculaires. Cepen-
dant, on la trouve dans quelques régions cérébrales et ses récepteurs
nicotiniques sont impliqués dans des phénomènes de plaisir et d’addiction,
dans les mécanismes de mémoire et d’apprentissage. L’acétylcholine (sur son
récepteur muscarinique) est aussi le transmetteur des synapses contrôlant des
structures végétatives comme l’innervation cardiaque, intestinale, pulmo-
naire, glandes endocrines…
RETENEZ :
ACh est probablement l’une des molécules de contrôle de la mémorisation
cérébrale. C’est aussi la molécule provoquant la contraction des muscles.
• L’Adrénaline et la Noradrénaline (NA) sont des neurotransmetteurs formés
massivement en dehors du cerveau par le système nerveux végétatif et les
glandes surrénales. Ces molécules sont dites antagonistes de l’acétylcholine
dans la mesure où, aux endroits où Ach ralentit ou bloque une activité, l’adré-
naline intervient comme activateur.
L’organisation des récepteurs sensoriels 107

RETENEZ :
L’adrénaline est la molécule libérée au cours du stress et des émotions.

Les voies nerveuses reliant les différents centres cérébraux comportent géné-
ralement plusieurs neurotransmetteurs modulant les différents constituants des voies
et agissant selon la distribution des récepteurs moléculaires. Ainsi, si l’on observe des
voies de contrôle de la motricité (voies striatales, voir chapitre 3), la dopamine agit
fortement sur les neurones contenant des récepteurs dopaminergiques D1, qui,
lorsqu’ils sont activés, libèrent du GABA. Si peu de GABA est libéré, cela permet
l’activation de neurones des noyaux sous-thalamiques libérant du glutamate qui
active les neurones du pallidum. Ces boucles sont représentées dans la figure 2.9.

Glu
Cortex cérébral

Striatum
Glu
Thalamus Récepteur
D1
Dopamine
D1

GABA GABA

Pallidum Pallidum

Glu

Noyau GABA Réticulée


sous thalamique

Interactions entre les structures cérébrales et les neurotransmetteurs.


(Glu: glutamate; GABA: Acide gamma-aminobityrique; D1: récepteurs
de la dopamine

Figure 2.9
Neurotransmetteurs
Un exemple de distribution des neurotransmetteurs dans différentes régions du cer veau. Ce schéma n’est qu’une
représentation très simplifiée des circuits cérébraux centraux. Cependant, il montre qu’il existe une prédomi-
nance de l’influence de certains neurotransmetteurs dans des régions cérébrales comme c’est le cas de la dopa-
mine dans les noyaux gris centraux (voies striatales). Retenez aussi que le GABA est un neurotransmetteur
inhibiteur très répandu tandis que le glutamate (GLU) est un neurotransmetteur activateur impor tant par exemple
dans les phénomènes mnésiques.
(Glu : glutamate ; GABA : Acide gamma-aminobutyrique ; Dopamine et D1 : récepteurs de la dopamine.)
108 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

C. Les neuropeptides
On ajoutera à cette panoplie neuro-effectrice les neuropeptides, qui sont des neuro-modu-
lateurs agissant en très petite quantité, mais dont l’influence centrale est considérable.
Les neurones du système nerveux central (SNC) contiennent une incroyable
variété de peptides (> 40), dont la distribution dans le cerveau est à chaque fois dis-
tincte. Nombre de ces peptides avaient été identifiés comme messagers chimiques
dans d’autres tissus : hypothalamus, hypophyse, glandes endocrines, système diges-
tif. C’est le cas du neuropeptide Y (qui contrôle la réserve des graisses), de la
substance P, de la bombésine, de la somatostatine et de l’angiotensine II (hypothala-
mique, elle participe au déclenchement de la soif), pour n’en citer que quelques-uns.
Un groupe important de peptides nous retiendra, ce sont les peptides chimi-
quement proches de la morphine et qui ont été qualifiés de morphines endogènes ou
endorphines. La morphine est le ligand exogène des récepteurs dont les peptides
opioïdes sont les ligands endogènes. Ces peptides interviennent essentiellement dans
le contrôle de la douleur. Les peptides, habituellement formés à partir d’un précurseur
plus ou moins long, sont synthétisés dans le corps cellulaire du neurone, au niveau
des ribosomes transportés dans la lumière du reticulum endoplasmique rugueux (RE).
Ils passent ensuite dans l’appareil de Golgi puis, de là, dans des vésicules de sécré-
tion. Ces vésicules de sécrétion sont transportées par le transport axonal antérograde
rapide jusque dans les terminaisons de l’axone du neurone peptidergique. Il y a donc
un long chemin à parcourir entre le lieu de synthèse (soma) et le lieu de sécrétion (ter-
minaisons axonales). Dans de nombreux cas, un même précurseur donne par clivage
plus d’un peptide physiologiquement actif : la Pro-opiomélanocortine (POMC), qui
agit sur la β-endorphine, l’α-MSH et l’ACTH. Les peptides sont dégradés par des
endopeptidases.
Notez que les peptides de la famille des tachykinines (substance P) comme
les peptides opioïdes agissent sur des récepteurs liés aux protéines G comme des
récepteurs métabotropiques.
Notez encore que tous ces neuropeptides sont associés (ou colocalisés), dans
une terminaison synaptique, à un autre neuromédiateur dit « classique » ou à un autre
neuropeptide. Il a d’ailleurs été également montré que ces peptides étaient présents
dans la peau où ils servent de médiateurs ou de potentiateurs de réponses immunitai-
res et/ou dans les sensations douloureuses locales.

RETENEZ :
Les neuropeptides sont des molécules neuroactives agissant par des quantités
très inférieures aux neurotransmetteurs et largement distribuées dans tout le
corps, y compris dans le système digestif.

D. Les autres médiateurs


De nombreuses molécules peuvent intervenir dans les régulations cellulaires du sys-
tème nerveux. Certaines d’entre elles sont fréquemment avancées comme neuromo-
L’organisation des récepteurs sensoriels 109

dulateurs, bien que leurs fonctions de messagers neuronaux ne soient pas toujours
clairement établies.
L’adénosine et l’adénosine triphosphate (ATP) jouent un rôle neuromodula-
teur. Les taux tissulaires d’adénosine et d’ATP varient beaucoup selon les conditions
physiologiques. À l’état normal, le taux d’ATP est quelques centaines de fois supé-
rieur à celui de l’adénosine. Cette molécule du métabolisme agit surtout sur les ter-
minaisons dans le système végétatif.
Le monoxyde d’azote (NO) est présent dans les neurones, la glie et l’endothé-
lium vasculaire. Ce gaz dissous, qui diffuse rapidement au travers des membranes, joue
un rôle certain dans les phénomènes liés à l’ischémie. Son intervention est aussi propo-
sée dans les phénomènes de potentialisation à long terme (mémoire) et de plasticité neu-
ronale. Nous retrouverons l’action de NO au côté de divers neurotransmetteurs.

E. Les hormones
Les hormones sont libérées dans la circulation sanguine, et sont distinctes des neuro-
transmetteurs. Néanmoins, il existe des récepteurs hormonaux dans le cerveau. La
mélatonine, sécrétée par l’épiphyse, présente un cycle de sécrétion lié à l’éclairement.
Des récepteurs à la mélatonine sont identifiés dans le noyau suprachiasmatique de
l’hypothalamus.
Les hormones stéroïdes jouent un rôle sur la mémoire à long terme et dans la
vigilance (progestérone : somnolence). On a pu mettre en évidence un site de liaison
des stéroïdes couplé aux récepteurs GABA-A, par lequel les stéroïdes pourraient
diminuer la fréquence d’ouverture du ionophore Cl- (site d’action membranaire/sites
intracellulaires jusqu’ici connus des hormones stéroïdiennes).
La corticostérone faciliterait le transport du tryptophane et entraînerait une
augmentation de la synthèse de 5-HT. Ceci souligne combien les deux grands systè-
mes de communications intercellulaires de l’organisme, que sont le système nerveux
et le système hormonal, sont étroitement interconnectés
Pour en savoir plus sur les neurones :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Neurones
http://www.staps.univ-avignon.fr/S4/UE2/Neurophysiologie//Neurophysiologie_
diaporama_partie_2.pdf
http://neurobranches.chez-alice.fr/pdf/neurone.pdf

2.5.5 Les champs récepteurs


La distribution des terminaisons sensorielles ou des cellules sensorielles elles-mêmes
n’a pas une répartition homogène de sorte que certaines zones ou certains territoires
sont plus richement pourvus en éléments sensoriels. De la sorte, un même neurone, une
même cellule sensorielle pourra distribuer ses prolongements de manière plus ou moins
étendue. Certains éléments n’ont que quelques fibres et sont très serrés, d’autres au con-
110 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

traire émettent des prolongements innervant un large territoire. Cette zone couverte par
la cellule réceptrice et ses expansions forme un champ récepteur. On peut prendre cons-
cience de ce que représente un champ récepteur en testant divers territoires cutanés sur
l’avant-bras ou sur les doigts au moyen des aiguilles d’un esthésiomètre.
La répartition de ces territoires ou dermatomes est définie génétiquement et
dépend de l’évolution des espèces. Ainsi, chez l’homme, l’usage de la main et des
outils a pourvu la peau des doigts d’une grande densité en terminaisons reliées à pres-
que autant de neurones. Les champs récepteurs ne couvrent qu’une très petite surface
(inférieure au mm2) propre à faciliter la discrimination entre deux points où l’on
applique la piqûre d’une aiguille. Au contraire, la peau du haut du bras présente des
expansions très ramifiées. Les champs récepteurs des neurones innervant cette zone
couvrent plusieurs cm2 et ces champs peuvent se recouvrir très largement. Cette dis-
position donne lieu à ce que l’on nomme l’illusion phi, obtenue en appliquant une
piqûre sur deux point du bras séparés de 10 cm. Avec cette distance, le sujet qui a les
yeux bandés perçoit deux points de stimulations distincts. Si l’on rapproche l’un des
points de test de l’autre, lorsque l’espace dépasse 7-8 cm, le sujet ne perçoit plus
qu’une seule stimulation. Cela signifie que les deux stimulations se retrouvent dans
un seul champ récepteur, d’ailleurs assez étendu.
Notez que, chez nos animaux domestiques comme le chat et le chien, les
champs récepteurs et les territoires sont différents. Ainsi, l’innervation des vibrisses
(les moustaches des chats ou des rats) est extrêmement dense et très précisément
représentée dans le cerveau. Ce qui donne des fonctions tactiles importantes pour un
animal qui est nocturne. Même si la peau autour des lèvres est bien innervée, chez
l’Homme cette représentation s’est altérée. Cette représentation grossière de l’impor-
tance de l’innervation cutanée évaluée par l’amplitudes des réponses évoquées par
des stimulations électriques a été appelée l’homoncule.
Les champs récepteurs représentent des unités des territoires sensoriels qui
assurent une logique dans les trajets des nerfs puis dans leur répartition cérébrale.
La densité et la structure des champs se retrouvent dans les principaux relais
cérébraux comme les tubercules quadrijumeaux pour l’audition et la vision, puis dans
le thalamus. Cette logique est également retrouvée dans des relais simples comme le
ganglion de Gasser qui est l’élément intermédiaire entre les fibres sensorielles de la
face et le thalamus.
Les territoires et leur surface se retrouvent enfin au niveau du cortex primaire,
là où les informations se projettent en premier, après le relais thalamique. L’utilisa-
tion des potentiels évoqués somesthésiques (stimulation électrique des champs récp-
teurs cutanés) donne des densités en potentiels directement liées à la taille des champs
récepteurs. On schématise cette relation par l’homoncule représenté à la surface de
l’aire pariétale ascendante ou aire somesthésique. L’homoncule représente une sorte
de fœtus dont les pieds sont dirigés vers le haut de la circonvolution. Le pouce, les
lèvres donnent beaucoup de potentiels évoqués et sont dessinés très gros, tandis que
les pieds ou les jambes, peu innervés donc pauvres en champs récepteurs, ne donnent
que très peu de potentiels et sont donc très petits.
L’organisation des récepteurs sensoriels 111

Ainsi, la zone de compétence couverte par un neurone et ses branches den-


dritiques est très variable selon les dermatomes, et cette compétence se retrouve au
niveau du cortex cérébral.
RETENEZ :
Le champ récepteur est la zone sensorielle couverte par les terminaisons den-
dritiques d’un neurone. La taille du champ récepteur varie selon les territoi-
res cutanés. Plus il est large, moins il y a de sensibilité. Plus il est réduit, plus
la sensibilité est précise. Les récepteurs visuels sont aussi organisés en
champs récepteurs qui permettent d’intervenir dans la finesse des détails et
du contraste des images.
112 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

CE Q U ’I L F A U T R E T E NI R D U C H A P I TR E 2 :
L’O R G A NI S A T I O N D E S R É C E PTE U R S SE N SO R I E LS
Explorer
Le développement du système nerveux
L’exploration de l’embryogenèse du système nerveux repose surtout sur
les examens prénataux comme l’ échographie et la recherche des alpha
fœto-protéines dont le taux chute normalement après 3 mois. Si le taux
est élevé, il y a des risques de malformations.
Le fonctionnement des neurones
L’exploration se fait avec l’électrophysiologie unitaire, patch-clamp,
micro-iontophorèse,
La microscopie confocale, le microscopie électronique ou le microscope
effet tunnel.
La pharmacologie permet de tester les réponses des neurones et l’influence
des neurotransmetteurs, des récepteurs et des canaux.

Connaître quelques anomalies


Les anomalies du développement du système nerveux
Elles sont extrêmement diverses et ne pourraient pas être citées toutes ici.
Anomalies crâniennes avec pour conséquence une altération du déve-
loppement du cerveau : anencéphalie, microcéphalie, dysmorphie crâ-
nio-faciale, holoprosencéphalie, malformations de Chiari de type 1, 2
ou 3 (amygdales cerébelleuses trop basses, risque de syringomyélie),
hydrocéphalie, neurodysraphie, bec de lièvre, craniosténose, agénèse
du corps calleux (ou agénésie commissurale). Voir aussi syndrome
d’Aicardi (chapitre 7)
Moelle épinière : Myéloméningocèle, spina bifida, syndrome de Currarino
(vertèbres L1-L2), syndrome de la queue de cheval unilatérale ou bilatérale.
Troubles neurologiques d’origine génétiques
Voyez aussi le chapitre 7.3.
On peut en noter ici quelques uns parmi un nombre malheureusement
énorme de maladies « orphelines » liées à une altération du génome :
Des troubles dus à une ou des malformations cérébrales comme le syn-
drome dysmorphique de la face, l’holoprosencéphalie, la septodyspla-
sie avec bec de lièvre.
Certains troubles génétiques comportent un retard mental et un retard
de croissance.
L’organisation des récepteurs sensoriels 113

D’autres présentent des troubles neurologiques comme l’autisme.


Certaines maladies présentent une ou des atteintes sensorielles nettes :
– Une atteinte olfactive : la maladie de Kallmann
– Une atteinte auditive : c’est la surdité syndromique héréditaire. Une
forme d’autisme, le syndrome de Usher, dû à une anomalie de
USH1B, produit une surdité associée à un déficit visuel, la rétinite
pigmentaire.
– Le syndrome branchio-oto-rénal associe une surdité, une anomalie de
la morphologie de l’oreille et un trouble rénal.
L’évolution de ces maladies est dépendante de l’horloge qui régule les
gènes défaillants, de sorte que certaines maladies génétiques sont
observées dès la naissance alors que d’autres restent latentes pendant
des années.
Les anomalies liées à la membrane neuronale et sa fonction
Les anomalies des protéines membranaires sont nombreuses et provo-
quent toujours des neuropathies : l’anomalie de la protéine Tau et des
apolipoprotéines est responsable de la maladie d’Alzheimer, il en est de
même lorsque les protéines réceptrices ne sont plus renouvelées ou res-
tent saturées, comme c’est le cas pour le récepteur du glutamate.
Il existe également des « channelopathies » qui sont des maladies
dues à une altération génétique ou acquise des canaux ioniques. Ainsi
la mutation de la sous-unité béta du canal sodium se retrouve dans les
crises infantiles hyperpyrétiques associés à un syndrome de convulsion
fébrile. Une autre altération du canal sodium provoque des décharges
électriques anormales et serait responsable des douleurs d’origine cen-
trale (douleur thalamique). La plus connue des channelopathies est la
fibrose kystique qui provient d’une défaillance du canal chlore. Certai-
nes épilepsies et des migraines avec des symptômes accompagnés de
manifestations sensitives irradiantes sont expliquées par des anomalies
du canal potassium.
Les maladies neurologiques résultant d’anomalies de la synthése de neu-
rotransmetteurs (absence, surabondance) sont très nombreuses et ne peu-
vent être citées ici. Elles seront signalées avec l’étude des symptômes
lorsqu’une pathologie est directement liée à une altération du récepteur.
Retenons ici cependant que beaucoup de pathologies sont dues à une
anomalie génétique de la synthèse d’un récepteur (voir chapitre neuro-
génétique).
Certaines anomalies sont bien caractérisées, comme la maladie de Par-
kinson, due à une production anormale de dopamine (DA) et une dégé-
nèrescence des neurones exprimant DA. Les anomalies de production
de sérotonine (troubles du comportement, dépression), de GABA (athé-
tose, troubles obsessionnels) sont aussi parmi les dysfonctionnements les
plus connus.
114 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Résumé du chapitre 2
L’ontogenèse du système nerveux
Le développement du système nerveux est parfois divisé en une période
embryonnaire de 56 jours à compter de la fertilisation et une période
fœtale qui dure sur les 30 semaines restantes. À partir de feuillets se
repliant en une longue crête neurale se développeront les ébauches
encéphaliques (prosencéphale, mésencéphale, rhombencéphale). Le cer-
veau représente une énorme prolifération de tissu nerveux du pro-
sencéphale dans la portion de la tête, formant le télencéphale. Les sens
spéciaux comme la vision, l’audition et l’équilibration, l’odorat, le goût
sont concentrés sur la tête dans des placodes. Le tact, la proprioception
et la douleur sont répartis dans tout le corps.
La neurogénétique
La construction du système nerveux comme l’ensemble des structures qui
composent un organisme vivant sont contrôlés par les gènes portés par
nos chromosomes (22 autosomes et 2 chromosomes sexuels, X et Y).
Les premières étapes de l’organogenèse sont programmées dans des
complexes géniques, les homéoboxes. Par la suite, la formation des
structures nerveuses se forme grâce à un autoentretien des expressions
des gènes contrôlant les divers organes sensoriels. En effet, la compo-
sante nerveuse d’un organe induit l’activation du développement des tis-
sus qui le reconnaissent, s’y attache et y prolifère, puis forment une
placode qui sera intégrée dans un contexte organique.
Chez l’adulte, le fonctionnement des récepteurs restera contrôlé par
l’influence des gènes transmis au cours de la fusion des gamètes ou aux
influences exercées par l’environnement ou une altération de l’expres-
sion génique liée à l’âge qui provoque progressivement des troubles
neurosensoriels plus ou moins précocement.
La génétique est aussi un outil utilisé en neurophysiologie, soit pour
identifier des troubles neurologiques, soit pour créer des protéines
codées par les gènes mais absentes chez certains malades. Ce sont les
techniques de génie génétique et de la thérapie génique. On attend
également dans le futur, la possibilité de modifier les ADN, donc les
gènes de cellules indifférenciées comme des cellules progénitrices, pour
les convertir en cellules de remplacement dans des altérations cérébra-
les par exemple.
Bases neurophysiologiques du fonctionnement neuronal
Les cellules nerveuses, comme toutes les cellules de l’organisme, sont limi-
tées par une membrane plasmique. La structure moléculaire de cette
membrane est dotée de protéines organisées en canaux ioniques et
en transporteurs ioniques. La signalisation neuronale se produit grâce au
L’organisation des récepteurs sensoriels 115

contrôle du potentiel transmembranaire et aux variations des conduc-


tions ioniques pour les ions fondamentaux : Na+, K+ et Ca2+. Le maintien
de l’équilibre suit la loi de Nernst. Les changements de perméabilité sont
passifs ou actifs, grâce aux différents canaux ioniques et aux transpor-
teurs membranaires. Les canaux sont des sortes de pores membranaires
qui s’ouvrent ou se ferment sous l’action des signaux électrochimiques
que détectent les organes sensoriels. L’ouverture laisse entrer des ions
sodium ou potassium ou calcium qui modifient l’équilibre ionique trans-
membranaire produisant soit un potentiel local d’amplitude graduée, le
potentiel de récepteur (PR), soit un potentiel tout ou rien propagé de
grande amplitude, le potentiel d’action (PA). Le PA est l’unité d’informa-
tion de tout le cerveau et les neurones modulent la cadence de formation
des PA comme un signal en modulation de fréquence codée ayant valeur
d’information pour les autres neurones.
Sur les terminaisons synaptiques, le PA ne peut pas passer, entraînant
une conduction dans un seul sens, mais l’information devient un mes-
sage chimique dû à la libération de divers neurotransmetteurs et divers
neuropeptides. Un même neurone, même s’il présente une synthèse pré-
pondérante pour un type de messager, peut potentiellement élaborer et
libérer plusieurs autres transmetteurs et peptides dans des épisodes dif-
férents de ses activités. Le fonctionnement synaptique assure la commu-
nication entre les neurones ou avec des structures effectrices. Ce sont les
neurotransmetteurs qui modulent le fonctionnement des neurones post-
synaptiques en agissant sur des récepteurs spécifiques situés sur la mem-
brane post-synaptique. Cependant d’autres substances comme les hor-
mones et les neuropeptides modulent aussi l’activité neuronale.
Un seul neurone couvre avec ses dendrites et/ou ses axones des territoi-
res dont l’étendue est différente selon les organes sensoriels et selon les
types de neurones, c’est ce que l’on nomme le champ récepteur.

QUES TIONS
1. Quelles sont (la) les structure(s) encéphalique(s) formées par le pro-
sencéphale ? par le rhombencéphale ?
2. Qu’est-ce qu’un homéobox ?
3. Citez des anomalies neurosensorielles liées à un défaut d’organisation
génique.
4. Donnez un exemple de cascade membranaire importante dans la con-
version signal sensoriel-activation neuronale.
5. Qu’est ce qu’une placode ? Décrivez un exemple.
6. Citez les principaux neurotransmetteurs.
7. Citez quelques neuropeptides.
116 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

RÉF É R E NC E S
1. Calvino Bernard, Qu’est-ce qu’un neurone ? Paris, Éditions le Pommier, 2006, 56 p.
2. Escudier E. et Encha-Razavi F., Embryologie humaine : de la molécule à la clinique,
Paris, Masson, coll. Abrégés, 2003, 328 p.
3. Pasternak Jack J., Génétique moléculaire humaine. Une introduction aux mécanismes
des maladies héréditaires, Bruxelles, De Boeck, 2003, 522 p.
4. Slack J.M.W., Biologie du développement, Bruxelles, De Boeck, 2004, 488 p.

S ITE S
Clonage :
http://www.seg-web.org/francais/reunions/cr/brugges/clonage_fichiers/clonage.htm
Embryogenèse et contrôle génétique :
http://www.embryology.ch/genericpages/moduleembryofr.html
Embryologie de l’œil et de ses annexes :
http://www.snof.org/maladies/embryogenspe.html
Génétique :
http://www.infirmiers.com/etud/courslibre/hematokc/base-genetique.pdf
http://genomesonline.org/
http://edumed.unige.ch/dnaftb/

Neurones :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Neurones
http://www.staps.univ-avignon.fr/S4/UE2/Neurophysiologie//
Neurophysiologie_diaporama_ partie_2.pdf
http://neurobranches.chez-alice.fr/pdf/neurone.pdf

Revue Archives of Neurology :


http://archneur.ama-assn.org/cgi/collection/review_ ?page=2
Spina bifida et anomalies de développement :
http://www.spina-bifida.org/Myelomeningocele.htm
Troubles de l’embryogenèse du système nerveux :
http://www.med.univ-rennes1.fr/cerf/edicerf/NR/NR014.html
CHAPITRE
3
L’organisation
du système nerveux

3.1 Éléments d’anatomie du système nerveux 119

3.2 Le drainage cérébral 136

3.3 De l’anatomie à la sémiologie neurologique 139

3.4 La neuro-immunologie 143

3.5 Éléments de neuro-endocrinologie 148


118 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Dans ce chapitre vous allez :


• Découvrir les éléments indispensables à connaître sur la structure du sys-
tème nerveux central lorsqu’on doit comprendre les neurosciences et les
mécanismes de formation des principales fonctions cognitives.
• Aborder les éléments de la physiologie si particulière au cerveau (vascu-
larisation, immunité, glandes endocrines) et dont les défaillances sont res-
ponsables de graves troubles du système nerveux.
• Connaître quelques éléments de sémiologie neurologique.

RECOMMANDATION :
La découverte des structures du cerveau est ardue. Nous ne pouvons pas entrer
ici dans le détail. Pour parfaire les connaissances, nous conseillons de se
reporter aux ouvrages d’anatomie et de physiologie humaine (Elaine N.
Marieb, Biologie humaine. Anatomie et physiologie, Bruxelles, De Boeck,
2000, par exemple). Nous conseillons de travailler sur le site d’images d’ana-
tomie du cerveau de l’Université de Washington (accès gratuit) : http://
www9.biostr.washington.edu/cgi-bin/DA/imageform
L’organisation du système nerveux 119

3.1 Éléments d’anatomie du système nerveux


Ce chapitre ne propose qu’un simple survol des principales structures cérébrales à
connaître et de leur organisation. Nous décrirons en particulier les voies qui véhicu-
lent les informations sensorielles (corps calleux (CC), bulbe, moelle épinière), les
structures qui reçoivent les signaux, les analysent et les mémorisent (cortex frontal,
pariétal, occipital, temporal), l’hippocampe (Hip), le thalamus (Tha) (figure 3.1) et
les structures annexes indispensables au fonctionnement et à l’équilibre métabolique
et à la défense contre les agressions (la vascularisation, l’immunité cérébrale et les
glandes endocrines). La figure 3.1 donne un schéma très simplifié de l’encéphale. Il
vous servira à situer les structures céphaliques et sensorielles fondamentales dans la
plupart des figures de ce chapitre.
Les messages sensitifs sont filtrés, modulés et sont à l’origine de réponses
réflexes adaptées. Ces étapes se déroulent à différents niveaux : dans la moelle épi-
nière, dans le tronc cérébral, dans le thalamus, et dans le cortex qui reçoit certaines
informations (aires primaires), les interprète (aires gnosiques), les met en mémoire et
assure les commandes des comportements (comme le cortex frontal).

3.1.1 La moelle épinière


La structure de la moelle épinière a conservé l’organisation phylogénétique de la
métamérie (des segments identiques comme les vers et les arthropodes) et embryon-
naire sur lesquels on voit parfaitement les segments ou métamères.

Figure 3.1
Schéma de l’encéphale en vue 3/4 posté-
rieure, celle qui montre un maximum de
structures. Afin que le lecteur puisse situer
les principales structures qui seront décrites
ou nommées dans ce livre nous avons
représenté les principaux pôles cérébraux
avec les aires corticales frontales, pariéta-
les, temporales et occipitales, le cervelet et
le vermis médian (Ve), des structures de
coordination motrice, le bulbe rachidien et
le départ de la moelle épinière et, au sein
de l’encéphale, supposés vus par transpa-
rence en grisé, des structures essentielles :
le corps calleux (CC) qui est une structure
d’interconnexion entre les hémisphères ; le
thalamus (Tha), qui est la structure de cen-
tralisation et d’intégration ; les noyaux gris
centraux, tel le noyau lenticulaire (NL, puta-
men, pallidum) et le noyau arqué (NA) ;
l’hippocampe (Hip), la structure fondamen-
tale dans les processus mnésiques. (Voir
aussi : http://lecerveau.mcgill.ca et http://
www.vulgaris-medical.com)
120 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Un métamère correspond à un segment de moelle innervant des éléments


somatiques (dermatome, myotome, sclérotome) et viscéraux (viscérotome). Il existe
un recouvrement périphérique des dermatomes entre eux. L’expérience montre qu’il
faut sectionner trois racines dorsales adjacentes pour obtenir un territoire d’anesthésie
complète. Les viscérotomes ont des limites imprécises. À l’origine des informations
sensitives, on distingue des récepteurs cutanés activés par des stimuli mécaniques,
thermiques, douloureux (nocicepteurs), des récepteurs musculaires sensibles à l’éti-
rement (fuseau neuro-musculaire, organe de Golgi) et à la pression, des récepteurs
articulaires, des récepteurs viscéraux mécaniques, thermiques et nocicepteurs.
Les fibres sensitives périphériques comportent :
– des fibres myélinisées du groupe Aß, de diamètre de 20 à 1 micromètre et de
vitesse de conduction de 15 à 20 m/s ;
– des fibres amyéliniques du groupe C de 0,2 à 1,5 µm de diamètre et 0,5 à 2,5
m/s de vitesse de conduction.
Le tact et la proprioceptivité sont conduits par des fibres A de gros et moyens
calibres. La sensibilité thermoalgésique par des fibres A et C.

A. Les racines médullaires


Les fibres sensitives pénètrent dans les racines dorsales (figure 3.2). Les corps cellulai-
res des premiers neurones sont situés dans le ganglion spinal. Alors qu’à ce niveau, les

Moelle épinière Thalamus Cervelet

Racines
rachidiennes Voies ascendantes spinothalamiques postérieures Voies
descendantes
Faisceau spino-
Ganglion spinal cérébelleux

FB FG FG FB
CP
Racine rachidienne Faisceaux croisés Faisceau
cortico-
FST FST spinal
Neurones
CA moteurs
FSTA FSTA
Muscles

Voies ascendantes spinothalamiques antérieures

Figure 3.2
Coupe schématisée passant par un segment de moelle épinière. Un segment médullaire correspond sensiblement à
un segment somitique embryonnaire qui innervera une région spécifique ou un territoire cutané bien délimité (derma-
tome). On peut systématiser les structures médullaires ainsi : chaque segment reçoit des fibres dendritiques venant des
récepteurs périphériques dont le corps cellulaire est situé dans le ganglion spinal et l’axone entre dans la moelle par
la corne postérieure (CP). Les dendrites forment des synapses avec les micro-neurones des cornes postérieures et les
fibres qui en sortent forment les voies ascendantes vers le thalamus (voies spinothalamiques ; FG : faisceau de Goll ;
FB : faisceau de Burdach) soit directement soit par croisement vers les cotés opposés. Les voies descendantes entrent
latéralement (cordons corticospinaux, voie pyramidale) et gagnent les neurones moteurs des cornes antérieures.
L’organisation du système nerveux 121

axones sont mélangés au sein de la racine dorsale, au niveau de la zone d’entrée de cette
racine dans la moelle, les fibres s’organisent suivant leurs destinées spinales. Les fibres
de gros calibres destinées au cordon dorsal se situent dans la partie dorso-médiale, les
fibres proprioceptives sont en situation intermédiaire et les fibres plus fines (nocicepti-
ves) se dirigent dans la région ventro-latérale, vers la corne dorsale et le tractus de Lis-
sauer, ou vers des collatérales ascendantes et descendantes par lesquelles elles vont se
distribuer aux étages métamériques adjacents (3 à 5). Cette organisation spatiale des
fibres dans la zone d’entrée suivant leur fonction et leur destinée, permet de réaliser des
interruptions sélectives, notamment du contingent de fibres myotatiques et nociceptives
(par la DREZotomie microchirurgicale, DREZ pour Dorsal Root Entry Zone).

B. La corne dorsale (figure 3.2)

La corne dorsale de la substance grise de la moelle est un lieu de modulation des sen-
sibilités qui y font relais. Elle est caractérisée par une organisation cellulaire lami-
naire formée de six couches. La sensibilité thermo-algique et protopathique
(sensibilité grossiére, par opposition à la sensibilité fine épicritique) fait relais au
niveau de l’apex dans les couches II, III et IV où il existe une modulation, un filtrage
par l’intermédiaire d’interneurones inhibiteurs. Ceux-ci sont mis en jeu par des col-
latérales des grosses fibres tactiles et proprioceptives se destinant aux cordons dor-
saux et par des voies descendantes, notamment sérotoninergiques en provenance des
noyaux du raphé du tronc cérébral.

La connaissance de ces mécanismes de contrôle inhibiteur a permis de déve-


lopper des thérapeutiques les renforçant pour le traitement de certaines douleurs chro-
niques (voir la section 4.6, « La douleur »).

Il existe des connexions avec la corne ventrale motrice, par l’intermédiaire


d’interneurones, réalisant des circuits réflexes pluri-segmentaires homo- et contro-
latéraux à l’origine des réflexes de défense en flexion.

La sensibilité proprioceptive inconsciente, voie afférente cérébelleuse (voir


la section 4.4, « Propriocepteurs ») fait relais dans le noyau thoracique de Clarke (de
C8 à L2) pour celle issue du tronc. Le contingent provenant des membres fait relais
dans les noyaux de l’isthme de Betcherew, au niveau des renflements médullaire, cer-
vical et lombaire. La sensibilité intéroceptive se met en rapport avec la base de la
corne dorsale et donc avec la substance intermédiaire centrale organisée autour du
canal central (canal épendymaire).

Une lésion du ganglion spinal et de l’apex de la corne dorsale est réalisée par
le zona (maladie cutanée virale). Une anesthésie douloureuse de topographie radicu-
laire répondant à un ou plusieurs dermatomes s’installe, en raison de la perturbation
des contrôles inhibiteurs de la corne dorsale.
122 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

C. Les voies ascendantes médullaires (figure 3.2)


Les fibres de gros calibres qui transmettent la sensibilité tactile épicritique et proprio-
ceptive consciente ne font pas relais dans la substance grise médullaire, elles se dirigent
vers le cordon dorsal homolatéral en s’y organisant de façon somatotopique : les fibres
sacro-lombaires ascendantes à la partie médiale dans le faisceau gracile, les fibres
ascendantes thoraco-cervicales dans le faisceau cunéïforme. Dans leur grande majorité,
les cordons dorsaux sont formés par des fibres proprioceptives conscientes. Les fibres
tactiles moins nombreuses sont regroupées en profondeur à la partie ventrale.
À sa périphérie s’organisent les faisceaux ascendants spinocérébelleux, des-
tinés au paléocervelet :
– Le faisceau ventral est constitué par les axones des deuxièmes neurones de la
proprioceptivité inconsciente des membres située dans le noyau de l’isthme.
Ces axones se dirigent vers le cordon latéral controlatéral en traversant la
commissure grise ventrale.
– Le faisceau dorsal, situé en arrière du précédent, est constitué d’axones
homolatéraux issus des noyaux thoraciques (pour la sensibilité propriocep-
tive du tronc).
En avant de la corne ventrale se place le tractus spino-thalamique. Cette voie
est constituée par les axones du deuxième neurone de la sensibilité protopathique et
nociceptive dont le corps cellulaire est situé au niveau de l’apex de la corne dorsale,
dans les couches corticales III, IV et V.
Ces axones croisent la ligne médiane par la commissure grise ventrale (sur 2
à 5 niveaux métamériques adjacents), pour former le tractus spino-thalamique selon
une organisation topique dans le cordon latéro-ventral opposé. Cette disposition est
utilisée pour interrompre la voie nociceptive soit au niveau de la décussation médiane
par la « myélotomie commissurale » soit au niveau du tractus par la « cordotomie
ventro-latérale ».

D. Le tractus spino-thalamique
Le tractus spino-thalamique peut être séparé en :
– tractus néo-spino-thalamique, ou voie de transmission rapide du message dou-
loureux vers le thalamus puis vers le cortex somesthésique, dont la somatotopie
précise, responsable des impressions discriminatives (topographie, intensité) ;
– tractus paléo-spino-réticulo-thalamique, à conduction lente et à somatotopie
(la représentation topographique du corps) plus rudimentaire, établissant de
nombreux relais vers la formation réticulaire en particulier. Le message véhi-
culé n’est pas discriminatif (douleur globale, durable).
RETENEZ :
La moelle épinière est un axe fait de tissu nerveux qui s’étend de la base du
tronc cérébral jusqu’au sacrum ; elle contient des petits neurones, des fibres
nerveuses myélinisées et non myélinisées dans les cornes postérieures, là où
pénètrent les fibres venant de la peau et des propriocepteurs articulaires et
L’organisation du système nerveux 123

musculaires. Les gros neurones se trouvent dans la corne antérieure, là où


finissent les voies pyramidales motrices, sur les motoneurones qui émettent
un gros axone destiné au muscle. Les lésions médullaires, selon leur locali-
sation produisent des troubles sensoriels et/ou des paralysies motrices.

3.1.2 Le tronc cérébral


Il est formé du bulbe rachidien et de la protubérance annulaire sur laquelle
s’implantent les pédoncules cérébelleux (figure 3.3).
Le tronc cérébral contrôle l’activité du cœur (rythme cardiaque) et des pou-
mons (centres respiratoires). Il contrôle aussi les entrées de signaux venant de la péri-
phérie (formations réticulées, voies spino-cérébelleuses, voies sensorielles para-

Épiphyse
Tubercules quadijumeaux
antérieur
Pédoncule
cérébral Tubercules quadijumeaux postérieur
(relais de la vision et de l’audition
vers le thalamus)

Plancher du IVe ventricule (noyaux


Pédoncule
des nerfs crâniens, centre de contrôle
cérébelleux
cardio-respiratoire)
Nerf facial (VII), Nerf auditif (VIII)
Stries
acoustiques Nerf glosso pharyngien (IX)

Bulbe rachidien
Nerf spinal (XI)

Racines médullaires (voir


l’organisation de la moelle
sur la figure 3.2)

Moelle
épiniére Cornes postérieures
(entrées sensorielles)
Cornes antérieures
(sorties motrices)

Figure 3.3
Moelle épinière
Vue de la face postérieure du tronc cérébral et de la moelle épinière. Cette dissection de la moelle épinière et
du tronc cérébral permet de localiser quelques éléments des voies sensorielles : en haut, les tubercules quadriju-
meaux, des relais synaptiques de l’audition et de la vision, puis en descendant, divers nerfs crâniens. Notez que
deux nerfs crâniens sensoriels : le nerf olfactif (I) et le nerf optique (II) ne sont pas visibles dorsalement.
124 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

sympathiques) et le passage des voies destinées aux muscles (faisceaux pyramidaux,


voie cérébello-spinale).
C’est au niveau du tronc cérébral qu’aboutissent tous les nerfs crâniens à par-
tir du nerf III. Notez que le nerf I = nerf olfactif se projette dans le bulbe olfactif et le
nerf II = nerf optique se projette dans les corps genouillés puis les tubercules quadri-
jumeaux, donc plus en avant que le tronc cérébral (figure 3.4). Les 12 nerfs crâniens
sont olfactif, I ; optique, II ; moteur oculaire commun, III ; pathétique, moteur ocu-
laire, IV ; trijumeau, V ; moteur oculaire externe, VI ; facial, VII ; vestibulo-auditif,
VIII ; glossopharyngien, IX ; vague, X ; spinal, XI et hypoglosse, XII.

RETENEZ :
Les nerfs crâniens sensitifs sont le nerf olfactif (I), le nerf optique (II), la bran-
che sous-orbitaire du tri-jumeau (V2), le nerf vestibulo-auditif (VIII). Les
autres nerfs sont soit mixtes (V, VII, IX, X, XII), soit moteurs (III, IV, VI).

A. La voie lemniscale
Les fibres des cordons postérieurs font relais dans les noyaux graciles et cunéiformes,
à la partie inférieure du bulbe rachidien. Dans ces noyaux, se situent les péricaryons

Figure 3.4
Nerfs crâniens
Les nerfs crâniens. Les nerfs crâniens sont au nombre de 12. Parmi ceux qui seront étudiés ici, parce qu’ils véhi-
culent des informations sensorielles, il faut retenir : le nerf olfactif (I) et le nerf optique (II) qui se branchent en
avant du cerveau sur la face ventrale. Le nerf Trijumeau (V), le nerf facial (VII), le nerf auditif et vestibulaire (VIII),
le glossopharyngien (IX), le nerf vague (ou pneumogastrique ; le X) et le nerf hypoglosse (XII) s’implantent sur la
face ventrale de la région bulbo-protubérantielle. En A, nous avons placé les nerfs crâniens sensoriels dans leur
position dans la tête. En B, la région bulbaire agrandie, en vue ventrale, montre les nerfs crâniens dans leur
implantation dans cette région où confluent les informations sensorielles mais aussi d’où partent les commandes
des fonctions vitales (sommeil, fonctions cardio-respiratoires).
L’organisation du système nerveux 125

des deuxièmes neurones de cette voie, dont les prolongements croisent la ligne
médiane pour former le lemniscus médian ascendant.

B. La voie extra-lemniscale
Au niveau du bulbe rachidien, le tractus néo-spino-thalamique s’accole au lemniscus
médian. Sa localisation à la surface du mésencéphale, dans le triangle de Riel, est uti-
lisée pour son interruption chirurgicale par « tractotomie mésencéphalique stéréo-
taxique » lors du traitement de certaines douleurs chroniques.
Le tractus paléo-spino-réticulo-thalamique envoie de nombreuses collatéra-
les au système réticulaire du tronc cérébral pour se poursuivre vers les formations
réticulaires du thalamus et son noyau médian. Il est responsable ainsi de l’éveil cor-
tical et de la diffusion du message douloureux à de nombreuses structures cérébrales
(voir la section 6.3). Ce tractus, dit extra-lemniscal, se place à côté du faisceau spino-
cérébelleux ventral dans le bulbe rachidien et le pont, puisqu’il vient s’intercaler entre
le lemniscus médian et latéral (voie cochléaire) dans le mésencéphale.
Notez que le faisceau spino-cérébelleux dorsal monte par le pédoncule céré-
belleux inférieur, tandis que le faisceau spino-cérébelleux ventral monte par le pédon-
cule cérébelleux supérieur, gagnant le paléo-cervelet (voir la section 4.4).
Pour plus de renseignements sur les voies somesthésiques, voir :
http://www.neur-one.fr/11a_somesthesie_sensorial.pdf

RETENEZ :
Le tronc cérébral est la zone de transition entre la moelle et la base du cer-
veau. On trouve dans cette structure des voies lemniscales impliquées dans la
vigilance, des voies spino-cérébelleuses destinées au cervelet. La voie lemnis-
cale est la voie de la sensibilité discriminative (épicritique). La voie extra-lem-
niscale est celle de la transmission de la sensibilité douloureuse et thermique
grossière (protopathique).

3.1.3 Le cervelet
Le cervelet (figure 3.5) permet la coordination des mouvements du corps. La com-
mande corticale de la motricité est soumise aux contrôles complémentaires du cerve-
let et des noyaux gris centraux qui s’articulent autour du thalamus ventro-latéral.
Mais surtout, il reçoit et interprète les signaux sensoriels venant de l’oreille interne
(vestibule) et des propriocepteurs musculaires (fuseaux neuromusculaires) et articu-
laires (organes neurotendineux).

A. Lobe inférieur
Le lobe inférieur (ou floculo-nodulaire, archéocervelet) est le centre de l’équilibra-
tion vestibulaire. Il contrôle et coordonne les informations en provenance de l’oreille
interne, après relais dans le noyau vestibulaire et passage dans le pédoncule cérébel-
126 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Figure 3.5
Cervelet vu en coupe sagit- Plan de coupe
tale.
On situera cette coupe sur la
petite cartouche. Le cervelet, Cortex
placé en dérivation sur l’axe
moelle-cerveau joue un rôle moteur
dans le contrôle de la motri-
cité involontaire et volon-
taire. Les trois régions ont
chacune une fonction : le
paléocervelet régle les auto-
matismes, l’archicervelet coor- Voie cortico-motrice
donne les entrées venant des Paléocervelet
propriocepteurs impliqués Tonus musculaire
dans l’équilibre, et le néocer-
velet est le chef d’orchestre
des déplacements et des ges-
tes volontaires demandés par
le cortex pyramidal. (Crédit : Néocervelet : voie
cortico-cérébelleuse-motricité
Laboratoire d’Anatomie de la
Faculté de Médecine de
Nancy.) Cervelet
Récepteurs
musculaires

Archéocervelet : Voie
vestibulo-cérébelleuse-
Voies spino-
équilibre
cérébelleuses

leux inférieur (PCI). Les efférences, après relais dans le noyau fastigial (noyau du
toit), font retour par le même PCI aux noyaux vestibulaires à l’origine de la voie ves-
tibulo-oculo-céphalogyre et vestibulo-spinale, transmettant des ordres moteurs pour
le tonus de posture de l’extrémité céphalique, facteur de l’équilibration.

B. Lobe ventral
Le lobe ventral (ou paléocervelet), formé des 2/3 antérieurs des hémisphères et du
vermis, apparaît chez les Amphibiens, pour permettre le contrôle du tonus de posture
chargé de contre-balancer les effets de la pesanteur. Chez l’Homme, il reçoit des
informations proprioceptives musculaires et péri-articulaires en provenance des
membres par le faisceau spino-cérébelleux ventral. Il y a un passage par le pédoncule
cérébelleux supérieur (PCS) et en provenance du tronc par le faisceau spino-cérébel-
leux dorsal, puis passage par le PCI.
Après contrôle de ces informations et élaboration de schémas moteurs du
tonus, les efférences transitent par des noyaux profonds du cervelet (noyaux emboli-
L’organisation du système nerveux 127

forme et globuleux) puis se dirigent après passage dans les PCS vers les noyaux
moteurs sous-thalamiques :
– le noyau rouge responsable des réflexes de redressement de la tête par l’inter-
médiaire du faisceau rubro-spinal ;
– le striatum et le thalamus (noyau ventro-latéral) se projetant sur le cortex
moteur.

C. Lobe dorsal
Le lobe dorsal (ou néocervelet), formé du 1/3 postérieur des hémisphères et du ver-
mis, est l’apanage des Mammifères. Il se développe parallèlement au telencéphale et
à la nécessité d’une coordination motrice des membres. Il est responsable de l’orga-
nisation temporelle du mouvement, mais probablement aussi de la mémoire de cer-
tains gestes.
Il est en relation essentiellement avec le cortex moteur par l’intermédiaire
d’une longue boucle rétroactive cortico-cérébello-thalamo-corticale (c’est-à-dire :
cortex moteur-noyaux du pont ( pédoncule cérébelleux moyen ( néocervelet ( noyau
dentelé ( PCS ( noyau ventro-latéral du thalamus ( cortex moteur). Cette boucle per-
mettrait au cervelet de participer à l’initiation et à la programmation des mouvements
balistiques qui sont trop rapides pour être corrigés en cours d’exécution, car le cerve-
let dispose d’une véritable mémoire motrice à la disposition du cortex moteur).
RETENEZ :
Le cervelet, le « petit cerveau », est organisé comme le cerveau avec des struc-
tures primitives et d’autres structures complexes, comme le néo-cervelet, qui
ajustent la motricité ainsi que l’apprentissage et la mémoire gestuelle.

Un cours sur le cervelet :


http://www.anatomie-humaine.com/Le-Cervelet.html

3.1.4 Le thalamus
Les noyaux gris centraux sont composés du thalamus (figure 3.6) et du globus palli-
dus (pallidum) d’origine diencéphalique et du striatum (formé par l’association du
putamen et du noyau caudé) d’origine telencéphalique. On peut y associer fonction-
nellement le noyau sous-thalamique (corps de Luys) ainsi que la substance noire
mésencéphalique (locus niger).
Le thalamus est composé stricto sensu par des noyaux relais sur les voies
extrapyramidales en direction du cortex moteur : le noyau latéro-ventral antérieur
recevant des afférences du striatum et le noyau latéro-ventral intermédiaire recevant
les voies néocérébelleuses efférentes.
Le thalamus joue un rôle d’intégration, de réception et d’analyse des informa-
tions avant de les transmettre à la périphérie du cerveau : le cortex cérébral. Autrement dit,
le thalamus permet de traiter les informations sensitives avant de les transmettre au cortex.
128 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Cortex frontal
Cortex cingulaire pariétal, temporal
Noyau arqué

THALAMUS Noyau
gustatif
S N. superficiel
(latérodorsal) N.Postérieur
N. Pu
Antérieur M
Sensibilité
CGM auditive
NLVA NLVP
NLVI CGL
VO Sensibilité
Putamen, visuelle
Pallidum
Hippocampe

Figure 3.6
Thalamus
Organisation simplifiée du thalamus : Les compartiments du thalamus sont conservés ici pour permettre la systé-
matisation des régions en rapport avec des sensorialités.
(1) les noyaux ventraux : latéroventral (NLVA), latéroventral intermédiaire (NLVI), latéroventral postérieur (NLVP),
Noyau latérodorsal (re-dénommé noyau superficiel, S) ; (2) le noyau antérieur ; (3) la région médiane (M) et (4)
les régions postérieures avec le noyau postérieur (N.Post) ou pulvinar (Pu) ainsi que les corps genouillés
médians (CGM) et corps genouillés latéraux (CGL) qu’on s’accorde à classer comme des relais synaptiques
indépendants et non comme une région thalamique. Des régions périthalamiques, comme la région postérieure
du noyau arqué ou la région pallidale (VO) peuvent aussi être associées au thalamus.

RETENEZ :
Le thalamus est une structure par laquelle transitent toutes les informations
sensorielles avant de gagner le cortex (sauf l’olfaction).

3.1.5 Les corps striés


Toutes les informations afférentes se dirigent vers le striatum. Elles proviennent :
– largement du cortex cérébral ;
– de la substance noire ;
– du noyau thalamique latéro-ventral postérieur qui reçoit la sensibilité pro-
prioceptive inconsciente.
Toutes les informations efférentes partent du pallidum, formant trois fais-
ceaux (H1 : sous-thalamique vers la réticulée, H2 : hypothalamique, H3 : thalamique
vers le cortex moteur).
Le striatum reçoit des informations sensitivo-sensorielles du cortex et du thala-
mus. La substance noire (par la voie dopaminergique nigro-striée) modère son action
inhibitrice sur le pallidum. À partir de schémas moteurs pré-intégrés dans le striatum, le
L’organisation du système nerveux 129

pallidum envoie vers le cortex, via le thalamus, la commande des mouvements proxi-
maux automatiques accompagnant le mouvement volontaire. Il règle également le tonus
musculaire nécessaire à l’exécution motrice par l’intermédiaire de la réticulée qu’il
inhibe. Le pallidum est lui-même sous le contrôle inhibiteur du noyau sous-thalamique.

RETENEZ :
Les corps striés sont des structures associées au thalamus et qui régulent la
motricité.

3.1.6 L’hypothalamus
L’hypothalamus comprend lui-même des petits noyaux gris qui se prolongent par
deux glandes : l’hypophyse en bas, reliée par la tige pituitaire, et l’épiphyse en arrière,
par le ganglion cervical supérieur. L’hypothalamus est une région centrale du cerveau
disposée à sa base, juste au-dessus de l’hypophyse à laquelle il est relié par une tige
appelée la tige pituitaire (figure 3.7). L’hypothalamus joue un double rôle de sécré-
tion des hormones et de régulation du système nerveux végétatif (système nerveux

CERVEAU

Thalamus

Noyau supra-
chiasmatique
Corps TRONC
Infundibulum mammillaires CÉRÉBRAL
Hypothalamus
Hypothalamus antérieur périventriculaire
Chiasma Hypothalamus
Tuber
Réseau capillaire porte postérieur
Hypothalamico-hypophysaire
Artère Hypophyse
hypophysaire supérieure postérieure

Réseau hypophysaire
Hypophyse Veine hypophysaire
antérieure

Figure 3.7
Organisation schématique de l’hypothalamus. Situé à la base du cer veau, au-dessous du thalamus, l’hypothala-
mus est une structure neuroendocrine
capitale car elle contrôle la plupart des fonctions physiologiques et les comportements de base. Les principaux
noyaux qui seront décrits et cités : les noyaux supra-optiques et supra-chiasmatiques (non représentés mais voi-
sins des premiers), les corps mammillaires en arrière, les noyaux antérieurs, postérieurs, para- et périventriculai-
res. Le tuber est la tige portant l’hypophyse ; c’est une zone de stockage des neurosecrétats.
130 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

automatique), et il contrôle l’activité des viscères. Nous en décrirons divers aspects


dans le chapitre 5 consacré à la faim et à la sexualité.
Les diverses hormones ou plutôt les facteurs d’activation comme FSH (sti-
mulation des follicules ovariens), TSH (stimulation de la thyroïde), ACTH (stimula-
tion des surrénales), LH (lutéinisante), ne seront pas décrites ici.
La sexualisation précoce de l’hypothalamus est en relation avec la formation
de la placode olfactive. Certaines des cellules secrétant LH-RH (Luteising-Hormone-
Releasing-Hormone) de la placode olfactive primitive migrent au-delà de la région
antérieure du prosencéphale pour aller coloniser l’hypothalamus paraventriculaire
embryonnaire. Cet épisode marque les cellules hypothalamiques d’une empreinte
sexuelle. L’absence de migration de ces cellules décrite dans le syndrome de Kallman
est associée à une non-différenciation sexuelle et un syndrome d’hypogonadisme
(syndrome adiposogénital).

A. Organisation générale de l’hypothalamus


En quelques mots, situons les noyaux et leurs fonctions comportementales :
– l’aire supraoptique et suprachiasmatique et les influences nycthémérales (les
rythmes biologiques) : des informations sur l’environnement issues de la rétine
passent par le ganglion cervical puis dans l’épiphyse et dans l’hypothalamus ;
– l’infundibulum : les noyaux paraventriculaires interviennent dans les méca-
nismes de faim et de soif, la régulation de la prise alimentaire, la satiété,
l’influence des morphines endogènes, la régulation thermique et encore la
régulation des activités sexuelles ;
– enfin, notez les relations étroites entre les noyaux mamillaires (des petits
noyaux postérieurs) reliés à l’hippocampe et au système limbique, ou encore
les interactions permanentes entre le système limbique et l’hypothalamus.
Ces interactions sont dues aux particularités des drainages sanguins de cette
structure, les arcs vasculaires et les terminaisons synaptiques que les neuro-
nes des noyaux hypothalamiques forment sur ces zones vasculaires.

B. L’interface entre l’hypothalamus et le corps : l’hypophyse


Même si on ne retrouve pas une influence aussi majeure des organes des sens sur les
structures endocrines, n’oublions pas que la structure endocrine la plus importante,
l’hypophyse, est formée de deux éléments : un élément ectodermique qui se déve-
loppe à partir des zones pharyngées embryonnaires. Cela formera l’hypophyse anté-
rieure ou adénohypophyse. L’autre partie, dite neurohypophyse ou hypophyse
postérieure, est due à une évagination de la base du mésencephale embryonnaire, la
poche de Ratke, qui s’accole à l’adénohypophyse, mais garde la relation avec la base
du cerveau par la tige hypophysaire ou tige pituitaire.
L’adénohypophyse se relie à l’hypophyse par un double réseau vasculaire
complexe qui draine la neurohypophyse en traversant l’adénohypophyse. On parle
L’organisation du système nerveux 131

d’un système porte hypophysaire. Les hormones d’une région passent dans la
seconde et modulent réciproquement les deux zones. L’hypophyse nerveuse, reçoit,
à travers la tige hypophysaire et son insertion sur la base de l’hypothalamus, le tuber-
cule cendré, un flux important d’hormones hypothalamiques dont la libération est
essentiellement le résultat de l’activité cérébrale.
Cette centrale de commande neuro-endocrine est influencée par toutes les
informations afférentes sensorielles : température, luminosité, cycles journalier ou
annuel, faim, soif, satiété, plaisir, douleur…
Inversement, cette même centrale endocrine agit à long terme sur le niveau
d’activité et l’état des divers récepteurs. Elle agit en synchronisation avec l’épiphyse
pour assurer les rythmes biologiques.

RETENEZ :
L’hypothalamus est une structure neuro-endocrine importante reliée à tous
les comportements fondamentaux comme la faim, la soif, la sexualité, les
rythmes circadiens ; du fait de la sexualisation de cet organe, il module un
grand nombre de comportements sociaux ou agressifs.

3.1.7 L’épiphyse
À l’arrière du cerveau, entre les deux hémisphères, se trouve le complexe de l’épi-
physe, ou glande pinéale (l’œil pinéal des reptiles). Il a été retrouvé sur les squelettes
fossilisés de Vertébrés (agnates, placodermes), d’ancêtres de Poissons actuels, mais
également chez les Amphibiens et chez les Reptiles primitifs. Il s’agit d’une structure
mixte, sécrétrice et photoréceptrice, sensible aux variations de lumière, et elle inter-
viendrait dans la régulation des activités rythmiques, notamment la reproduction et le
métabolisme.
Chez les Oiseaux et chez les Mammifères, il était admis que la photorécep-
tion liée à la glance pinéale avait complètement disparu. Chez l’Homme, bien que
l’épiphyse subsiste et conserve ses propriétés sécrétrices (elle produit la mélatonine,
une hormone antigonadotrophique), on suppose que son rôle photorécepteur a dis-
paru. Néanmoins, on peut démontrer expérimentalement que le rôle de cet organe
dans les rythmes circadiens subsiste bien, même chez l’Homme.
Il a été en particulier montré que certaines cellules ganglionnaires de la rétine,
sécrétant la mélanopsine, émettent des axones dans l’hypothalamus et l’épiphyse.

Voyez un cours détaillé sur les glandes endocrines et l’hypothalamus :


http://www.cegep-ste-foy.qc.ca/profs/gbourbonnais/sf_181/powerpoint/endocrino181.pdf
http://ici.cegep-ste-foy.qc.ca/profs/sparadis/images/syst-endocrinien.pdf
http://www.chups.jussieu.fr/polys/poles/
pole_endocrinologie_nutrition_nephrologie_diabetologie/hypothalamus/hypothalamus.pdf
132 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

3.1.8 Les hémisphères cérébraux


Le cerveau est constitué de deux hémisphères qui sont réunis par le cerveau moyen,
appelé également diencéphale, et le corps calleux, ce très gros faisceau qui relie les
deux hémisphères.
Ces hémisphères cérébraux représentent environ 83 % de la masse de
l’encéphale. On peut les comparer à un chapeau de champignon couronnant le pied
constitué lui-même par le tronc cérébral. Le cerveau est disposé au-dessus du tronc
cérébral lui-même faisant suite à la moelle épinière. Il repose également sur le dessus
du cervelet et est séparé de celui-ci, ainsi que nous l’avons dit précédemment, par la
tente du cervelet. Chaque hémisphère cérébral contrôle la moitié du corps se trouvant
du côté opposé. C’est l’ensemble de ces trois structures qui constitue l’encéphale à
l’intérieur de la boîte crânienne.
Chaque hémisphère est subdivisé par des scissures formant plusieurs lobes
(figures 3.8, 3.9 et 3.10) : le lobe frontal en avant, le lobe pariétal au-dessus, le lobe
temporal latéralement, et le lobe occipital en arrière.
La figure 3.8 présente une coupe horizontale du cerveau. On y voit les deux
hémisphères et les indentations dues au cortex en surface. On y repère aisément les
structures décrites dans les paragraphes précédents : au centre, le thalamus et les
corps striés, les bandes plus claires des commisssures antérieures et postérieures.

Pla
nd
ec
ou
p

Circonvolutions
corticales

Figure 3.8
Coupe horizontale du cerveau
Coupe horizontale du cerveau humain. Sur cette coupe apparaissent clairement les circonvolutions et les nom-
breux replis du cortex humain, les noyaux gris centraux (NGC ; contrôle de la motricité volontaire), le thalamus
(Thal ; contrôle et intégration sensorielle), les commissures, des parties du corps calleux, qui sont d’énormes fais-
ceaux de fibres nerveuses reliant les deux hémisphères, l’une antérieure (CIA,) et l’autre postérieure (CIP), et les
ventricules cérébraux latéraux (VL). (Crédit : Laboratoire d’anatomie, Faculté de médecine de Nancy.) (À com-
parer aussi avec la coupe en tomodensitométrie de la figure 1.12.)
L’organisation du système nerveux 133

La figure 3.9 montre une coupe passant entre les deux hémisphères. Les
zones corticales de la face interne sont bien visibles : en haut, le cortex est longé par
une longue et large bande claire, le corps calleux qui représente la principale voie de
liaison entre les différentes structures cérébrales ; en bas, le retour cortical est dû au
cortex temporal dont la partie rostrale forme l’hippocampe avec sa « pointe » ou
uncus de l’hippocampe ; cette portion inférieure contient aussi le cortex entorhinal,
aire d’intégration de l’olfaction et de divers comportements instinctifs. Ces structures
sont une partie importante de l’ensemble fonctionnel constitué par le complexe lim-
bique qui est impliqué dans la régulation des actes comportementaux (figure 3.11).
La figure 3.10 permet de localiser les aires cérébrales. La plupart furent identi-
fiées vers 1909 par Brodman et la numérotation courante utilisée est : aire 1 = aire
pariétale ascendante, aires 2 et 4 = aires frontales motrices, aire 10 = cortex frontal, aires
17, 18 et 19 = aires visuelles, aires 40, 41, 42= aire auditive et des communications.
Sur les figures, on remarque les découpages importants du cortex cérébral. Ces
découpages forment des circonvolutions, des gyri (pluriel de gyrus : qui tourne) et des

Plan de coupe

Épi

Hyp Temporal
interne

Figure 3.9
Coupe verticale du cerveau
Coupe interhémisphèrique présentant la face interne de l’hémisphère droit. CG : Commissure grise ; Hyp :
hypothalamus ; Epi : épiphyse ; T : trigone. Ce plan de coupe est important à connaître car on y observe les
rapports fondamentaux entre les composantes neuronales du cerveau et la taille des éléments neuroendocri-
niens (l’hypothalamus et l’épiphyse ; zones hachurées) très petits, mais d’importance considérable sur l’activité
cérébrale. (Crédit : Service d’Anatomie, Nancy.)
134 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

scissures qui partagent le cortex en aires cérébrales fonctionnelles pour certaines comme
l’aire somesthésique, ou en aires associatives coordonnant plusieurs fonctions cérébrales
comme les aires de la communication (aires 22, 40, 44, par exemple), formant le gyrus
frontal, le gyrus angulaire et le planum temporal. Les lésions de ces aires produisent des
troubles du langage complexes, telles que les aphasies de Broca ou de Wernicke.
À leur tour, ces différents lobes sont creusés par des sillons qui forment des
plis appelés également circonvolutions. À l’intérieur du cerveau proprement dit, on
constate la présence de cavités : les ventricules. Ceux-ci sont remplis du liquide
céphalo-rachidien qui permet de nourrir et de protéger le cerveau. On décrit trois
ventricules : deux ventricules cérébraux latéraux, un dans chaque hémisphère du cer-
veau et un troisième ventricule qui correspond au diencéphale, au centre du cerveau.

Scissure de Rolando
Aire somesthésique : tactile
Aire
Aire frontale :
motrice
décisions, mémoire,
analyses

Aire de Broca
Aire de Wernicke
Aire occipitale :
vision
Scissure
de Sylvius
Aire temporale :
Face externe audition

Corps calle
ux

Thalamus

Aire occipitale :
vision Aire temporale Scissure
de la face interne de Sylvius
Face interne

Figure 3.10
Aires cérébrales
Localisation des principales aires cérébrales sur la face externe et sur la face interne du cerveau. Nous avons
limité ici les localisations aux principales aires. Elles seront citées à de nombreuses reprises au cours de
l’ouvrage. (Pour plus de détails, voir http://lecerveau.mcgill.ca.)
L’organisation du système nerveux 135

Le cerveau, comme d’ailleurs le reste du système nerveux central, comprend


deux types de substances, la substance blanche et la substance grise. La substance
blanche est constituée des gaines de myéline des fibres nerveuses représentant en

Territoire des artères carotides antérieures :


Artère sylvienne gauche : hémiplégie, hémianopsie
Artère sylvienne droite: Négligence gauche, anosognosie, apraxie d’habillage
Artère sylvienne superficielle: Hémiplégie face et membre
Artère sylvienne droite : Hémiplégie globale
Artère sylvienne droite : Hémiplégie membre inférieur

Artères
cérébrales Artères
moyennes cérébrales
postérieures
Artère
cérébrale Hypothalamus
antérieure

Chiasma Cervelet
optique

Artère
Artères
communicante
cérébelleuses
antérieure

Artère Tronc cérébral


carotide
externe Artère
communicante
Hypophyse postérieure

Tronc
Artère basilaire Artères
carotide vertébrales
interne

Territoire des artères cérébelleuses : Territoire des tronc basilaire-artères


Syndrome de Wallenberg ; vertébrales :
perte sensibilité douloureuse Côté lésé (ipsilatéral) :
et thermique ipsilatérale du visage paralysie des nerfs craniens
et contralatérale du corps. Côté lésé (contralatéral) :
Vertige, dysphonie, hémiparésie ; hémihypoesthésie

Figure 3.11
Vascularisation cérébrale
Les territoires vasculaires du cerveau et les troubles associés à une interruption du flux sanguin. La vascularisation
cérébrale est organisée sous forme d’un réseau vasculaire centré sur le cercle artériel (artères communicantes)
placé à la base du cerveau, autour de l’hypophyse, sous l’hypothalamus, et formé par la confluence des artères
carotides externes, internes et du tronc artériel postérieur ou artère basilaire. Ce schéma regroupe quelques uns
des troubles neurologiques liés des altérations de l’irrigation sanguine dans quelques-unes des régions cérèbrales.
136 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

quelque sorte le « câblage » de l’encéphale, et qui permettent de relier les différentes


structures cérébrales, mais également l’encéphale et la moelle épinière.
La substance grise, quant à elle, correspond au corps des neurones et des
synapses (contact entre les neurones) ; elle permet la réception des messages, l’éla-
boration et l’analyse qui permettra de déclencher une réponse, comme un mouvement
par exemple. Ces mécanismes sont possibles grâce à la présence de grosses cellules
grossièrement triangulaires appelées cellules pyramidales à vocation motrice. Les
cellules fusiformes qui traversent le corps calleux, quant à elles, jouent également un
rôle dans ce sens. Les neurones du cortex cérébral sont également destinés à la récep-
tion des stimulations périphériques, autrement dit des sensations tactiles, des infor-
mations visuelles ou des ondes sonores. Cette substance grise se répartit en une
couche superficielle épaisse recouvrant le cerveau : le cortex, et en noyaux profonds :
les noyaux gris centraux. Les noyaux gris des hémisphères jouent un rôle important,
pour ne pas dire primordial, dans la motricité qualifiée d’extrapyramidale, autrement
dit, qui facilite les mouvements volontaires.
Le parenchyme cérébral ou cortex, formé essentiellement des neurones et des
prolongements synaptiques, comporte des assises de cellules dont le nombre et
l’organisation dépendent de la région observée. Le cortex comporte :
– le néocortex : la couche I, couche moléculaire ; la couche II, couche granu-
laire externe ; la couche III, couche pyramidale externe ; la couche IV, cou-
che granulaire interne ; la couche V, couche pyramidale interne ; la
couche VI, couche des cellules polymorphes ;
– et l’allocortex : l’archicortex qui caractérise les structures hippocampiques ;
le paléocortex, observé dans le cortex olfactif.
Le néocortex complet comporte six couches, tandis que l’allocortex n’en
comporte que quatre. Nous reparlerons du rôle des différentes régions corticales dans
les chapitres suivants (voir figure 3.10).

RETENEZ :
Le rôle des principales aires corticales : occipital : vision ; temporal :
audition ; pariétal : tact ; frontal ascendant : motricité ; frontal et
préfrontal : mémoire, décisions.

3.2 Le drainage cérébral

3.2.1 La vascularisation cérébrale


Ce qui caractérise la vascularisation cérébrale est d’une part la redondance des drai-
nages de certains territoires et d’autre part le double système de drainage. Il est assuré
par les flux sanguins à haute pression (artères carotides externes et internes et tronc
basilaire) et un système à basse pression dont le véhicule est le liquide céphalo-rachi-
L’organisation du système nerveux 137

dien (LCR) qui draine la face interne de la moelle épinière et de l’encéphale via le
canal médullaire et les ventricules cérébraux. Enfin, il existe un ultime dispositif de
filtrage, la barrière sang-cerveau (BHE ou barrière hémato-encéphalique) qui protège
et régule les flux de substances parvenant aux neurones.
Le cerveau est irrigué par plusieurs troncs artériels qui sont en partie connectés
entre eux au niveau du collier qui encercle le tronc cérébral. Les carotides externes, les
carotides internes et le tronc basilaire convergent vers la base du crâne et se connectent
entre eux par des artères courtes dites troncs communicants. Ce dispositif forme le cer-
cle artériel de Willis qui encercle le tronc cérébral et à partir duquel repartent les artè-
res interhémisphériques et les artères sylviennes latéralement (figure 3.11).
En arrière, les deux troncs artériels vertébraux convergent pour former le très
gros tronc basilaire duquel partent les trois artères cérébelleuses. Le tronc basilaire
fusionne avec les troncs postérieurs du cercle artériel.
Les troncs veineux qui recueillent le sang cérébral emplissent les vastes espa-
ces sinusaires situés au-dessus de l’espace inter-hémisphérique : sinus sagittal supé-
rieur et en dessous du cerveau, le sang veineux draine le sinus caverneux lui-même
traversé par les carotides internes.
L’espace caverneux est important car il est traversé par le système porte-
hypophysaire via les artères et les veines hypophysaires. C’est là un double circuit
sanguin très important : d’une part, il apporte les métabolites destinés aux structures
hypothalamo-hypophysaires et d’autre part, il récupère les sécrétions endocrines libé-
rées par ces deux structures à destination des autres glandes et organes. Plus précisé-
ment, l’artère hypophysaire antérieure forme à l’interface hypophyse antérieure/
hypophyse postérieure des arcs artériels qui pénètrent l’infundibulum (la base de
l’hypothalamus). Ils se poursuivent par un second réseau qui s’étale dans l’hypophyse
antérieur avant de la quitter par la veine hypophysaire qui contient les diverses molé-
cules, hormones et peptides destinés à leurs cibles organiques.
Le drainage cérébro-spinal est assuré à l’intérieur du tube nerveux par le
liquide céphalorachidien. Le liquide céphalorachidien (LCR) est un exsudat du sang
filtré à travers la paroi épendymaire dont les cellules filtrent les nutriments et les divers
métabolites. Le LCR se distribue sur toute la face interne du cerveau grâce à la pres-
sion de filtration qui est faible. Le LCR circule dans le IVe ventricule, l’aqueduc de
Sylvius qui fait le jonction entre le tronc cérébral et le cerveau puis le IIIe ventricule.
Les ventricules I et II ou ventricules latéraux drainent les structures profondes, les
noyaux gris. Ces ventricules se diverticulisent fortement en avant pour former les cor-
nes antérieures des ventricules cérébraux drainant les couches internes des aires fron-
tales et des ventricules ventraux qui drainent les régions temporo-amygdaliennes.
La vascularisation cérébrale particulière permet, grâce au cercle artériel,
d’assurer une entrée de sang sous haute pression même si les flux venant des artères
carotides ou du tronc artériel sont défaillants si l’une ou l’autre des voies d’apport est
obturée ou s’il y a une fuite lors d’une hémorragie. La figure 3.11 récapitule les prin-
cipales conséquences neurologiques des défaillances de la vascularisation.
138 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

3.2.2 La barrière hémato-encéphalique (BHE) (figure 3.12)


La BHE est l’élément actif du filtrage ultime des molécules qui entrent dans le cer-
veau et elle forme une barrière plus ou moins efficace contre les antigènes et les molé-
cules toxiques. La BHE est formée par des cellules endothéliales des ultimes
ramifications artériolaires et des cellules gliales qui les entourent. Ce dispositif assure
un tri sélectif mais aussi des transformations moléculaires, notamment de certains
neurotransmetteurs comme les catécholamines et peut-être aussi de certaines neuro-
hormones et neuropeptides.
La BHE est particulièrement active dans la régulation du métabolisme hydro-
minéral cérébral et joue un rôle capital dans les flux d’ions des espaces interstitiels.
Ces mécanismes peuvent être aisément étudiés dans les glomérules des bulbes olfac-
tifs. Un glomérule est une formation sphérique contenant des milliers de terminaisons
synaptiques de 150-200 micromètres de diamètre. Il est délimité par une capsule
gliale étanche aux ions potassium intercalée avec des cellules granulaires dopaminer-
giques et GABAergiques. Cette structure qui assure le contraste des images olfactives
(renforce le pouvoir discriminateur des détecteurs olfactifs) perd sa capacité de fil-
trage si l’on injecte un bloqueur du métabolisme des cellules gliales et il laisse alors
entrer des quantités massives de potassium.

Ions
Nutriments
divers
Acides
Glucose aminés,…
Ions
Acides
aminés Glucides,
sélectionnés lipides
Ions

Acides
aminés
Pieds
astrocytaires
CELLULE
NEURONE GLIALE
(astrocyte)
Capillaire sanguin

Figure 3.12
La BHE
La cellule gliale dans le tissu nerveux. Au départ de l’ontogenèse, les cellules gliales sont des auxiliaires de sou-
tien, des supports du développement cérébral. Leur nombre devient considérable pendant la croissance fœtale.
Les cellules gliales adultes sont des intermédiaires entre la circulation sanguine cérébrale et le neurone. Les neu-
rones ne sont nourris qu’à travers le filtre glial. C’est la barrière hémato-encéphalique (BHE). Les astrocytes fil-
trent les ions et en abaissent la concentration au niveau du neurone. Ce rôle de filtre, leur organisation en
réseaux d’interconnexions gliales, leur rôle dans la défense immunitaire, y compris celui d’éboueur du cer veau,
font des cellules gliales des auxiliaires essentiels de la vie des neurones, et pour certains auteurs, leur rôle
dépasserait la simple assistance pour intervenir dans l’intégration et la mémoire.
L’organisation du système nerveux 139

RETENEZ :
La vascularisation cérébrale est une composante importante du fonctionne-
ment cérébral. Elle comprend des gros troncs artériels qui irriguent le cerveau
en arrivant par la base du crâne et se distribuant à tout l’encéphale. Le retour
veineux passe par des sinus larges. Entre les deux, le drainage et l’alimentation
du tissu cérébral se résout près des capillaires proches des neurones formant
avec les cellules gliales protectrices la barriére hémato-encéphalique (BHE).

3.3 De l’anatomie à la sémiologie neurologique

3.3.1 Signes de localisation


L’examen neurologique permet de spécifier les signes de localisation qui donnent une
indication sur la zone du cerveau atteinte. En effet, chaque territoire cérébral possé-
dant une activité propre ou plus précisément une fonction spécifique, une lésion d’un
lobe en particulier, provoque ce que l’on appelle des signes de localisation. Ainsi,
selon leur siège, le patient peut présenter divers symptômes :

A. Effets de lésions du lobe frontal


Une lésion ou une tumeur du lobe frontal (lobe en avant du cerveau) peut produire :
Une hémiplégie correspondant à la paralysie croisée d’une moitié du corps ;
des troubles de la personnalité de type moria avec un comportement caractérisé par
une humeur gaie, des calembours, de la désinvolture auxquels peuvent succéder ; des
troubles du comportement tels qu’une apathie, de la négligence, de la tristesse, ou une
absence de réactions affectives ; des troubles de la parole (aphasie) ; des troubles de
l’écriture avec impossibilité de reproduire des dessins même très simples ; un manque
d’initiative gestuelle avec négligence de l’hémicorps, mais stéréotypie gestuelle ; une
perte de la compréhension du langage ; des troubles de l’attention et de la mémoire.

B. Effets de lésions du lobe pariétal


Une lésion d’un lobe ou des lobes pariétaux (situés sur le dessus du cerveau) peut
produire :
Des troubles des mouvements volontaires ; une apraxie (difficulté à exécuter
un geste, une manipulation d’objets) ; une agnosie tactile (perte de reconnaissance
d’un objet en le touchant, alors que les organes sensoriels sont intacts).

C. Effets de lésions du lobe occipital


Une lésion d’un lobe ou des lobes occipitaux (postérieurs) peut produire :
Une agnosie visuelle (impossibilité pour les sujets d’identifier ce qu’ils
voient) ; si la lésion touche le cortex primaire (aire 17), on observe une hémianop-
140 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

sie,une quadranopsie ou des crises comitiales visuelles (point, lignes, colorés ou


non) ; si la lésion touche le cortex associatif (aire 18-aire 19) : il peut exister des trou-
bles visuels complexes, des difficultés à reconnaître les visages, des formes familiè-
res, des hallucinations visuelles et des crises comitiales mettant en scène des
personnages, par exemple.

D. Effets de lésion du lobe temporal


Une lésion du lobe temporal (parties latérales) peut produire :
– des troubles du langage ; des troubles de l’écriture ; des troubles de la
communication ;
– des troubles associatifs comme ceux qui associent la vision et la reconnais-
sance des caractères.

3.3.2 Examens complémentaires des tests neurologiques


Les examens complémentaires des tests neurologiques et psychophysiques (énumé-
rés à la fin de chaque chapitre), permettant de visualiser le cerveau, de l’explorer
grâce à l’imagerie radiologique, sont multiples et doivent être adaptés aux besoins du
diagnostic.
Lorsque les examens psychophysiques font apparaître un déficit qui peut
avoir une origine organique (lésion, hémorragie, tumeur), l’imagerie peut être néces-
saire pour localiser la zone altérée. On utilisera alors le scanner hélicoïdal ou spiralé
(Spiral Computorized Tomography), dont le principe associe une rotation en continu
du tube qui émet des rayons X et un déplacement également continu et linéaire de la
table où le patient est allongé. Grâce à cet appareil, il est possible d’obtenir des ima-
ges en trois dimensions.

A. La tomographie par émission de positons (TEP)


Grâce à cet examen, il est non seulement possible de voir sur un ordinateur un cerveau
ou un autre organe en trois dimensions et sous différents angles, mais aussi d’étudier
son métabolisme (fonctionnement) intime (consommation d’oxygène, de sucre, etc.).
Cette technique consiste à associer une tomographie et une détection de positrons
(électrons chargés positivement). La tomographie est un procédé radiologique qui
permet de prendre des clichés par plans d’un organe.
Le PETscan ou tomographie par émission de positons permet des mesures de
l’état physiologique et métabolique du cerveau par une injection préalable de méta-
bolites radioactifs (comme le glucose). La lecture utilise des détecteurs de radioacti-
vité localisant ainsi les radio-isotopes. La reconstitution des images en fausses
couleurs et leurs comparaisons aux structures anatomiques permettent de dresser une
cartographie métabolique des différentes régions cérébrales. Cela permet aussi de
reconnaître les liens entre une activité cérébrale et certains comportements. Des
microcaméras à positons permettent selon la même méthode d’obtenir une résolution
L’organisation du système nerveux 141

très fine approchant les 25 micromètres, donc de lire des activités de zones cérébrales
très réduites comme celles de l’hypothalamus.
La tomographie par émission de positons nécessite l’injection de quantités
infimes de molécules radioactives. Ces molécules s’accumulent dans certaines zones
préférentielles du cerveau ou d’un autre organe et se fixent spécifiquement puis émet-
tent des positons. Il s’agit de particules élémentaires de la même masse que l’électron
et de charge opposée. Le positon peut être considéré comme un électron issu de la
dégradation d’un nombre élevé d’isotopes radioactifs. Certains de ces isotopes sont
utilisés en médecine nucléaire.
Les isotopes sont des produits constitués d’atomes ayant le même nombre
d’électrons et de protons, mais pas de neutrons. Ils ont la propriété d’émettre des
rayonnements utilisés en thérapeutique (télécobalthérapie), ou pour faire un diagnostic
(iode, phosphore radioactif). Les molécules utilisées sont marquées par un isotope de
base constitutive de la matière vivante (carbone 11, O 15, N 13). Par l’intermédiaire
de ces isotopes, il est possible de « marquer », c’est-à-dire de laisser une trace sur cer-
taines molécules biologiques simples comme l’eau. Ces traceurs permettent ensuite de
mesurer le débit sanguin et celui du glucose (sucre) radioactif. On obtient de cette
manière une image de l’activité et du fonctionnement du cerveau. Autrement dit, cet
appareil renseigne sur la biochimie des organes, mais il nécessite l’utilisation d’un
marqueur radioactif qui émet des photons (grain de lumière) de très courte durée de
vie, d’où la présence nécessaire d’un accélérateur de particules à proximité immédiate
des appareils. Cela constitue un des inconvénients de la tomographie par émission de
positons, avec son coût. En effet, cet appareil ne peut fonctionner que s’il possède à
proximité de lui un cyclotron médical qui va fabriquer au fur et à mesure des radio-
isotopes qui ont une courte durée de vie.

B. L’imagerie par résonance magnétique (IRM)


Cette méthode utilise une puissante énergie électromagnétique pour induire des effets
moléculaires (donc pas de Rx). La tête du sujet est placée au centre d’un puissant
aimant et un détecteur à bobine se déplace pour explorer le cerveau. Les images
reconstituées par le dispositif permettent de déceler de petites altérations du paren-
chyme cérébral. Une des applications principales est certainement le diagnostic des
syndromes à démyélinisation.

C. L’électro-encéphalographie (EEG)
L’EEG permet l’enregistrement de l’activité électrique de l’encéphale en plaçant des
petits conducteurs faits de petites électrodes d’argent entourées de coton imprégné
d’une solution conductrice. Lorsque de nombreux neurones sont actifs en même
temps, leurs activités électriques s’ajoutent et peuvent être synchronisées pour former
les ondes caractéristiques de la veille active ou ondes bêta(β) (fréquence 18 à 24
ondes par seconde), de la veille diffuse ou ondes alpha (α) (fréquence 8 à 12 ondes
142 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

par seconde en oscillations amorties harmonieuses), du sommeil profond ou ondes


théta (θ) (ondes lentes de fréquence 4 par seconde).
Un type d’onde traduit la souffrance cérébrale extériorisée par l’épilepsie.
Deux événements sont obervables par l’EEG : la crise électrique généralisée corres-
pondant aux phases de l’aura du grand mal (clonies, convulsions) et des signes élec-
triques localisant le foyer épileptique reconnaissables aux ondes alpha déformées ou
même pointues et aux ondes dites delta (δ)-pointes-ondes qui sont des ondes de
moyenne fréquence, grande amplitude surtout observées au point du foyer de souf-
france.
L’EEG apparaît un peu désuet de nos jours, car il pourrait être suppléé par la
magnétoencéphalographie (MgEEG) dans les années à venir. Cette méthode utilise la
formation des très petits champs magnétiques produits par les activités neuronales.
L’EEG reste cependant un instrument utile pour identifier toute anomalie
cérébrale à localisation corticale ou d’origine plus profonde mais ayant des effets cor-
ticaux (lésions thalamiques par exemple).
La saisie puis de l’analyse de l’EEG par l’informatique améliore la qualité de
l’identification des ondes et permet des diagnostics précis. Elle a permis en particulier
le développement de l’analyse de potentiels plus restreints, les potentiels évoqués
(PE) corticaux et sous-corticaux. Cette méthode permet de détecter des activités neu-
ronales de zones restreintes, en plaçant de fines électrodes dans le cortex ou dans des
zones profondes du cerveau. Les PEV sont provoqués par des stimulations visuelles
pour les potentiels évoqués visuels (PEV), par des sons pour les potentiels évoqués
auditifs (PEA), ou par des stimulations tactiles pour les potentiels évoqués somesthé-
siques (PES).
La recherche des PEV nécessite la mise en place d’un appareillage de conten-
tion et d’un support d’électrodes de haute précision. Le cadre métallique gradué qui
est fixé sur le crâne osseux du patient est appelé cadre stéréotaxique. Les électrodes
sont placées sur un micromanipulateur mu par des micromètres dans les trois direc-
tions de l’espace. Il est ainsi possible de placer la pointe d’une électrode en la faisant
passer à travers un trou de 1 mm foré dans l’os du crâne pour la descendre à 10 micro-
mètres près dans une structure sous-corticale profonde.
L’exploration stéréotaxique est une méthode délicate et très minutieuse qui
nécessite un contrôle radiologique de la position de la pointe de l’électrode pour
s’assurer de son parfait positionnement par rapport à des repères vasculaires et par
rapport aux sutures entre les écailles osseuses formant le crâne.
Voici un exemple de nouvelle technique chirurgicale utilisant les coordon-
nées stéréotaxique : le Leksell Gamma Knife (LGK). Depuis un an, les chercheurs
suédois ont mis au point un appareil de microchirurgie appelé simplement le Knife
(bistouri à rayons gamma). La tête du patient est bloquée dans un cadre stéréotaxique,
tandis qu’à partir de repères neuro-anatomiques prédéfinis et en suivi réel, le chirur-
gien peut bombarder une lésion vasculaire ou tumorale pour la détruire avec un très
fin faisceau de rayons gamma sans ouvrir le crâne osseux.
L’organisation du système nerveux 143

RETENEZ :
Les deux méthodes les plus courantes dans l’exploration du fonctionnement
cérébral sont l’imagerie (IRM, PET-scan) et l’exploration électrophysiologi-
que (EEG, Potentiels évoqués).

3.4 La neuro-immunologie

Le lien entre le système immunitaire et les organes sensoriels n’est pas admis depuis
longtemps. Il est même de découverte récente que le cerveau contient un système de
cellules gliales chargées de protéger les neurones contre les agressions bactériennes
et virales.

Il serait étonnant qu’il n’en soit pas ainsi, car les voies d’entrées d’agents
pathogènes dans le cerveau sont multiples. Les trajets des nerfs crâniens sont autant
de possibilités d’entrées par effraction. Les nerfs olfactifs, dont les cellules sensoriel-
les sont exposées à l’air libre dans les fosses nasales, permettent l’entrée de virus
divers ainsi que de particules qui entrent, malgré les capsules gliales qui entourent les
terminaisons nerveuses. Diverses pathologies inflammatoires comme le neuroepithe-
loma, une sorte de tumeur qui affecte le nerf olfactif, des neurinomes du nerf optique
mais aussi les tumeurs cérébrales sont la preuve que des agents pathogènes peuvent
entrer dans le parenchyme cérébral et qu’ils peuvent y faire des dégâts.

La protection cérébrale est donc particulière. Le sang, qui est la voie de péné-
tration la plus classique des agents pathogènes, n’entre pas en contact direct avec les
neurones. Les éléments véhiculés par le sang se trouvent séparés par la barrière
hémato-encéphalique formée des cellules endothéliales dont les pores sont fins et ne
laissent filtrer que des molécules nutritives et les gaz. Les molécules trop volumineu-
ses comme les protéines sont dégradées avant de traverser l’endothélium.

Le second niveau est celui des cellules gliales, comme des cellules microglia-
les, qui ressemblent avec leurs gigantesques tentacules très fins aux cellules dendriti-
ques observées dans tous les organes importants de l’immunité comme la rate ou les
ganglions lymphoides. Leur rôle est capital car il est probable que non seulement elles
empêchent l’entrée des particules étrangères mais elles doivent aussi assurer la sélec-
tion des anticorps appropriés aux antigènes. Les cellules gliales sont présentes partout
dans le parenchyme cérébral et également au niveau des parois épendymaires, au con-
tact du liquide céphalorachidien (LCR) contenu dans le canal rachidien et dans les
ventricules cérébraux. Le LCR est le liquide circulant à faible pression dans les struc-
tures nerveuses et il est formé à partir d’une ultrafiltration du sang à travers les cellu-
les épendymaires. Il est un autre vecteur d’agents pathogènes et nous en connaissons
quelques-uns comme les méningocoques.
144 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

3.4.1 Y-a-t-il un lien entre le système immunitaire cérébral,


le système immunitaire général et le fonctionnement cérébral ?
Des liens sont évidents. Les stimulations des nerfs par les molécules libérées pendant
les réponses immunitaires, comme par exemple dans les voies du complément, pro-
voquent la libération de molécules diverses en périphérie comme de l’adrénaline,
comme les endorphines, comme la bradikinine et probablement des neurohormones
diverses, les interleukines. Ces molécules sont des activateurs des processus immuni-
taires (figure 3.13). Naturellement, l’axe hypothalamo-hypophysaire joue un rôle
majeur, en particulier au moyen des corticoïdes libérés par les glandes surrénales éga-
lement contrôlées par l’hypothalamus via l’ACTH (Hormone AdrénoCorticotrophi-
que hypophysaire). D’autres évidences montrent qu’un moral d’acier facilite la lutte
contre la maladie, tandis qu’en situation de stress, les taux de corticoïdes élevés dimi-
nuent l’efficacité des défenses immunitaires (voyez le chapitre 7).

3.4.2 L’immunité en quelques lignes


Retracer les divers processus impliqués dans l’immunité en quelques lignes relève de
la gageure. Voyez les ouvrages spécialisés. Pour faire simple, retenons qu’il existe
des mécanismes de défense moléculaire ; ce sont les mécanismes qui se déroulent dès
l’apparition d’un élément non reconnu comme appartenant au « SOI » par
l’organisme : les mécanismes de l’inflammation et les facteurs du complément, qui
sont une série de 12 molécules, dont la molécule C3, ou molécule d’opsonisation
(adhérant et favorisant la destruction) et la C3bBb qui en dérive, qui interviennent en
cascade dès qu’il y a des agents pathogènes par deux voies : soit par la voie directe,
soit par l’intermédiaire des molécules complexes que sont les anticorps – c’est la voie
alterne du complément.

A. Les molécules de surface destinées à identifier les antigènes


Un groupe directement fixé sur les membranes des cellules est peu spécifique mais
ancestral et universel, ce sont les molécules du CMH ou complexe majeur d’histo-
compatibilité. L’autre groupe est celui beaucoup plus spécifique des anticorps fabri-
qués par les cellules immunitaires de type B. La fabrication de ces molécules, CMH
et anticorps, est totalement contrôlée par des groupes de gènes ou clusters comportant
plus de 200 gènes placés, par exemple, sur le chromosome 17. Les combinaisons don-
nées par ces centaines de gènes agissant entre eux assurent la possibilité de fabriquer
des milliards de molécules d’anticorps et ainsi de faire face à la demande de protec-
tion de l’organisme lorsqu’il est envahi par des particules étrangères.
Mécanismes de défense cellulaire : chaque cellule de l’organisme peut à son
échelle apporter une contribution à la défense locale au moins en ralentissant la pro-
gression d’un agent pathogène et en émettant des molécules-signaux, comme l’inter-
feron (Ifn), destinées aux cellules spécialisés qui sont les lymphocytes.
L’organisation du système nerveux 145

Raphé médian
Locus coeruleus
Ach
Dopamine (DA)
DA
Cellules hypothalamiques
TRONC CÉRÉBRAL

Ax
e
hy
po
th
ala
m
o-
hy
po
ph
ys
Corticotrophine air
releasing factor e

Hypophyse
Lymphokines
– Thymosine

+ Acétylcholine
Cellule
ACTH Ach
Phagocytaire Sérotonine

Cortex Cortico
surrénal stéroides Lymphocyte B Prolifération des lignées
+ cellulaires

Système
Lymphocyte T immunitaire
Antigène

Figure 3.13
Immunologie
Aspects de la neuroimmunologie. Nous avons représenté sur ce schéma du tronc cérébral et de la base du cer-
veau les éléments que l’on présume actuellement impliqués dans l’immunité cérébrale. L’interaction entre l’activité
cérébrale, le potentiel d’activité et l’immunité est maintenant bien avérée. Les corticoïdes surrénaliens sont parmi
les substances les plus actives sur l’immunité mais aussi on en connaît l’action sur le stress (voir chapitre 7). Cet
effet résulte de l’activité de l’axe hypothalamus-hypophyse-surrénal qui est modulée par les neurones centraux et
qui module elle-même le fonctionnement neuronal. Ces effets se répercutent sur l’immunité cellulaire et les capaci-
tés de prolifération des lymphocytes. Ces boucles neuro-endocriniennes passant par certaines composantes
immunitaires représentent des axes de recherches en neuropsychologie qui restent à explorer.

Les lymphocytes : les lymphocytes T élaborés par le thymus en période fœtale,


puis par les organes lymphoïdes, sont une variété de cellules sanguines dont le rôle est
peu ou pas spécifique. Il existe des lymphocytes Tc cytotoxiques, des lymphocytes T
tueurs, des lymphocytes Th d’aide… Les troubles de la fabrication et de l’activité sti-
mulée par le système du complément, peuvent provoquer une immunodépression ou
même une immunosuppression touchant certains de ces lymphocytes T.
Les lymphocytes B (bursa dépendant) sont élaborés par les cellules souches,
les prolymphocytes, de la moelle osseuse. Les lymphocytes B sont génétiquement
146 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

programmés pour synthétiser les anticorps. La programmation de ces cellules est réa-
lisée dans la rate par les cellules dendritiques sous le contrôle des cellules mémoires
qui reproduisent les paramètres géniques indéfiniment dans les ADN des lymphocy-
tes qui passent dans les prolongements dendritiques. Les plaquettes sanguines sont
formées dans la moelle osseuse.
Les astrocytes : ils sont dans le cerveau à la fois les lymphocytes et les cellu-
les dendritiques qui assurent la protection des neurones.
Les effets des éléments moléculaires et cellulaires sont liés. Les terminaisons
nerveuses activent, par l’adrénaline qu’elles libèrent, la vitesse de progression des
lymphocytes et leur rapidité à traverser les vaisseaux sanguins. Les substances libé-
rées par les facteurs moléculaires du complément stimulent les fibres nerveuses, en
particulier celles qui captent la douleur. Ces informations remontent vers les structu-
res centrales cérébrales. Ces réflexes de base contribuent à activer les différentes pha-
ses de la défense immunitaire.

B. Les particularités des mécanismes de défense du système nerveux


Le nettoyage des éléments étrangers au cerveau et au système cérébro-spinal est
assuré par les cellules épendymaires et par les astrocytes qui éliminent les cellules
mortes, ayant subi une apoptose. Les constituants moléculaires sont en partie
récupérés : des molécules de cholestérol, des éléments du cytosquelette, des molécu-
les recyclables dans le cycle de Krebs, sont prélevées par les composants de la bar-
rière hémato-encéphalique pour retourner au sang.
Les éléments difficiles à recycler ou qui sont produits en quantité anormale-
ment abondante s’accumulent et peuvent devenir toxiques : c’est le cas du glutamate
qui, si l’excédent n’est pas éliminé, peut produire une neurotoxicité mortelle pour les
neurones ; c’est le cas aussi des apolipoprotéines qui, lorsqu’elles ne sont plus élimi-
nées, s’accumulent à la surface des membranes neuronales jusqu’à en boucher les
canaux et bloquent ainsi les échanges ioniques.

C. La neuro-inflammation
La neuro-immunologie c’est aussi l’étude de l’inflammation qui survient dans le sys-
tème nerveux central. La quasi-totalité des troubles neurologiques, notamment les
maladies qui ont toujours été associées à l’inflammation, comme la sclérose en pla-
ques, et celles qu’on croyait purement dégénératives, comme la maladie d’Alzheimer,
comportent des éléments inflammatoires.
La neuro-inflammation est attribuable à la pénétration de leucocytes (glo-
bules blancs) dans le système nerveux et à la production de molécules immunitaires
par les neurones eux-mêmes. L’interaction entre les leucocytes et les neurones favo-
rise la neuro-inflammation et les lésions. Ces dernières années, les scientifiques ont
appris à apprécier les propriétés réparatrices de la neuro-inflammation et ont compris
L’organisation du système nerveux 147

que la ligne de démarcation est mince entre les effets bénéfiques et les effets négatifs
de ce processus.

D. Les cellules gliales et leur rôle immunitaire


Les cellules gliales ne sont pas des cellules électrogènes, mais des cellules dont les
fonctions sont très polyvalentes au sein du parenchyme cérébral. Elles servent en par-
ticulier à assurer les échanges nutritifs des neurones et à défendre le tissu cérébral
contre les divers éléments dangereux pour l’intégrité des fonctions.

E. Les neurones et le complexe majeur d’histocompatibilité


Le système nerveux ne dispose que de peu d’expression du complexe majeur d’his-
tocompatibilité (CMH de classe I et CMH de classe II). L’expression du CMH I et du
CMH II a lieu sur les cellules gliales. Dès qu’un neurone cesse de fonctionner, il
meurt et ne présente plus de potentiel électrique. Cela provoque l’expression du
CMH II sur les cellules gliales comme les cellules microgliales qui émettent des
signaux induisant l’expression du CMH I. La microglie et les astrocytes activés pro-
duisent des cytokines (comme l’interleukine, IL10, ou un facteur de croissance des
lymphocytes, le TGF). La microglie sécrète aussi des attracteurs de lymphocytes T
helpers (Th) comme MIP-1, tandis que les astrocytes sécrètent un autre attracteur de
Th, le MCP1.
Les réactions des cellules gliales sont peu efficaces comparées à l’action des
lymphocytes T ; la présentation des antigènes n’induit que des effets limités. Le
matériel cérébral n’est pas facilement renouvelable sauf les cellules gliales et quel-
ques microneurones renouvelés occasionnellement. Ainsi, le système immunitaire
opte pour maintenir en vie quelques neurones altérés par des antigènes plutôt que ris-
quer une destruction cellulaire définitive.
C’est ainsi que les cellules cérébrales peuvent exprimer un gène (Ras) qui est
un marqueur de surface que l’on retrouve sur certains lymphocytes passant la barrière
sang-cerveau. L’interaction avec les cellules gliales induit la mort des lymphocytes
par apoptose pour éviter leur prolifération. Réciproquement, le même mécanisme
peut provoquer la mort d’oligodendrocytes et ainsi former les plaques de démyélini-
sation que l’on observe dans la sclérose en plaque.

F. Le cas des prions


Les prions (PrP) sont des petites protéines qui s’accumulent sous une forme anormale
et provoquent les lésions observées dans le système nerveux central. Elles sont norma-
lement synthétisées chez tous les organismes. Chez l’homme, le même gène, situé sur
le chromosome 20, code cette protéine PrP qui peut, une fois synthétisée, adopter les
deux formes, normale et anormale. La PrP est résistante partiellement à la dégradation
naturelle des protéines, elle s’accumule en fibrilles (des polymères) et forme des pla-
ques amyloïdes ; cette accumulation entraîne la mort des neurones environnants.
148 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

La nature de cette protéine résistante reste encore à définir. On sait qu’elle est
impliquée dans diverses atteintes sévères du cerveau de type encéphalopathies,
comme la maladie de Kreuzfeld Jacob (variante ESB).

RETENEZ :
L’organisation immunitaire du cerveau est moins élaborée que dans le reste
du corps. La barrière sang-cerveau ne laisse pas entrer les cellules immuni-
taires. Ce sont des cellules gliales qui assurent l’élimination des antigènes,
des déchets et débris des neurones morts. Quand le système ne suffit plus les
produits accumulés deviennent neurotoxiques entraînant des dysfonctionne-
ments neuronaux.

3.5 Éléments de neuro-endocrinologie

Comme cela a été précisé dans l’introduction, l’activité du système nerveux, le fonc-
tionnement, la sensibilité des structures sensorielles et l’ensemble des incitations
comportementales sont étroitement liés à l’activité endocrine. Cet effet peut ne
dépendre que de l’activité métabolique générale modulée par les hormones thyroï-
diennnes, mais beaucoup plus spécifiquement, les performances sensorielles peuvent
être directement liées aux phases d’activité sexuelle elles-mêmes contrôlées par les
hormones sexuelles ou à des rythmes journaliers endocriniens.
Ainsi, nous savons que le seuil de sensibilité à certaines odeurs dépend des
périodes des cycles œstriens ou de l’état de satiété.
Les diverses hormones ou plutôt leurs facteurs d’activation comme FSH,
TSH, ACTH, LH ne seront pas décrites ici. Mais le rôle du système hypothalamo-
hypophysaire est fondamental.

3.5.1 L’hypothalamus
Les noyaux hypothalamiques ont été décrits plus haut (section 3.1.6). La sexualisation
précoce de l’hypothalamus est en relation avec la formation de la placode olfactive.
Certaines des cellules secrétant LH-RH (luteising-hormone-releasing-hormone) de la
placode olfactive primitive migrent au-delà de la région antérieure du prosencéphale
pour aller coloniser l’hypothalamus paraventriculaire embryonnaire. Cet épisode mar-
que les cellules hypothalamiques d’une empreinte sexuelle. L’absence de migration de
ces cellules, décrite dans le syndrome de Kallman, est associée à une non-différencia-
tion sexuelle et un syndrome d’hypogonadisme (syndrome adiposogénital).
Cette centrale de commande neuro-endocrine est influencée par toutes les
informations afférentes sensorielles : température, luminosité, faim, soif, satiété, plai-
sir, douleur… Inversement, cette même centrale endocrine agit à long terme sur le
niveau d’activité et l’état des divers récepteurs.
L’organisation du système nerveux 149

Chez l’homme, l’épiphyse produit la mélatonine (une hormone antigonado-


trophique). Néanmoins, on peut démontrer expérimentalement que le rôle de cet
organe dans les rythmes circadiens subsiste même chez l’homme. Or il existe bien des
interactions entre le noyau supra-chiasmatique (où se projettent des fibres venant de
la rétine) et l’épiphyse. Cette relation agit sur les cycles d’activités de l’hypothalamus
et probablement sur le cerveau dans son ensemble.

3.5.2 Les glandes sexuelles


Les cycles ovariens agissent sur la réceptivité sexuelle et tous les éléments sensoriels
qui s’y rattachent : la vue, le toucher, ou encore l’olfaction, peuvent subir des chan-
gements de seuils. Ainsi, les odeurs sexuelles comme le musc, l’androsténone, sont
bien identifiées par les femmes en période d’œstrus. Il en est de même de l’homme,
qui sait identifier une partenaire réceptive, et l’industrie des parfums participe active-
ment à ces moyens d’identification.
Les hormones thyroïdiennes provoquent des modifications de la sensibilité
thermique et des altérations psychosensorielles, des troubles de l’humeur décrits dans
la maladie de Basedow (goitre).
Les hormones cortico-surrénaliennes sont très influentes chez l’enfant. Les
variations cycliques des taux d’hormones surrénaliennes, comme la corticostérone,
entraînent en même temps des modifications d’activité générale et des passages à des
phases d’hyper-sensibilité et d’hyper-réactivité. Le Cortisol est la molécule respon-
sable du stress et de la dépression.
RETENEZ :
Il existe des voies de liaisons entre le système nerveux et les systèmes hormo-
naux qui peuvent moduler fortement les comportements fondamentaux.
150 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

CE Q U ’I L F A U T R E T E NI R D U C H A P I TR E 3 : N E U R O A N A TO M I E
Explorer
Le fonctionnement de la moelle épinière
L’examen des réflexes et des signes neurologiques (Babinski, Laségue
par exemple : voir tableau 1.4) permet, bien souvent, une localisation
de l’anomalie médullaire.
Le contrôle de base est l’examen radiologique et, en particulier, la posi-
tion des racines médullaires par rapport aux trous vertébraux. Les trous
dits trous de conjugaison laissent passer les racines nerveuses et des
plexus sanguins. Leur examen en scanner ou en IRM permet de contrôler
les flux liquides ou l’existence d’éventuelles oblitérations. Pour un
meilleur examen, on injecte un produit de contraste par ponction lom-
baire (en L2-L3) pour l’examen des étages inférieurs et en cervical (C1-
C2) pour une myélographie cervicale.
Le fonctionnement du cervelet
L’examen du fonctionnement du cervelet se confond généralement avec
celui du système vestibulaire. On recherche donc à observer le maintien
de la posture, de l’équilibre en position orthostatique (debout) et de la
marche. Il est utile d’observer la marche du patient pour voir si elle est
altérée, titubante (comme la démarche ébrieuse du cérébelleux), sacca-
dée ou dandinante (dite « en canard » ; le patient doit contrôler chaque
étape de sa marche) On vérifie le triangle de sustentation pour savoir
s’il est exagéré et/ou instable (typique d’une atteinte cérébelleuse). On
cherche à savoir si le sujet chute (surtout chez les personnes âgées, voir
chapitre 7). Il faut préciser s’il existe une douleur centrale ou périphéri-
que au cours des mouvements. L’anamnèse (l’interrogatoire sur l’histoire
du malade ; voir chapitre 1) peut montrer des antécédents neurologi-
ques comme une épilepsie, un traumatisme crânien, un accident vascu-
laire, un problème psychiatrique (stasophobie par exemple). On
observera aussi le réflexe oculomoteur et vestibulaire (mobilisation de la
tête, test au fauteuil pendulaire, mesure du nystagmus).
L’activité thalamique et le fonctionnement cérébral
Ces structures interviennent dans le contrôle cognitif et comportemental.
On recherche tous les éléments qui sont impliqués dans le contrôle
visuo-spatiale, constructif, le langage, la mémoire, les comportements
en présence du praticien. L’interrogatoire est très important pour décrire
d’éventuelles manifestations neurosensorielles, cognitives ou comporte-
mentales inhabituelles. Le GREFEX (syndrome dysexécutif cognitif) est
recherché en mobilisant l’attention, l’intérêt pour les tests, les stratégies
éventuelles utilisées pour compenser un déficit ou les stratégies dévelop-
pées pour masquer le trouble cognitif. Les tests utilisables seraient : la
L’organisation du système nerveux 151

reproduction d’une figure géométrique complexe (figure de Rey), la


tâche Go-Nogo, des consignes conflictuelles (les règles changent dans
un classement de figures présentées), le test de Stroop, la capacité à
reproduire une séquence graphique. Ce sont là quelques tests utilisés
pour tester les capacités exécutives parmi d’autres.
Les systèmes endocrines
Anatomo-histologie, histophysiologie, immunohistologie : le fonctionne-
ment physiologique des glandes endocrines est essentiellement repré-
senté par les synthéses et productions de protéines secrétoires ayant des
cibles organiques multiples et des cibles neuronales. Les diverses techni-
ques d’histologie, de microscopie et maintenant, de l’imagerie IRM et
par scanner permettent d’identifier les activités glandulaires et de recon-
naître toute altération.
Dosages par immunocytochimie, dosages enzymatiques : la quantifica-
tion des secrétions soit par les « kits de dosages » commerciaux, soit
par des méthodes plus complexes : électrophorèse, isolement et séquen-
çage des aminoacides contenus dans les produits pour les identifier.
Le système immunologique
Les méthodes d’exploration de la neuroimmunologie, comme celles de
la neurogénétique, sortent du cadre de notre présentation car ce sont
celles de la biochimie et de la biologie moléculaire.

Connaître quelques pathologies


Des troubles associés à des atteintes médullaires
– Une atteinte du cordon dorsal (traumatique, tumorale, tabès) est à
l’origine de douleurs fulgurantes et térébrantes, dans le cadre d’un
déficit sous-lésionnel tactile superficiel et de la sensibilité propriocep-
tive (ataxie, hypopallesthésie) mais avec conservation des autres
modalités sensitives.
– L’hémisection de la moelle réalise le syndrome de Brown-Sequard
(traumatique ou par lésion intra- ou extra-médullaire). Du côté de la
lésion, on observe un syndrome pyramidal et un syndrome cordonal
dorsal (les voies restantes sont homolatérales). Du côté opposé à la
lésion, on note une hypoesthésie thermo-algique (voies d’origine con-
trolatérales).
– Une atteinte centro-médullaire (tumeur intra-médullaire, cavité centro-
médullaire...) entraîne un syndrome syringomyélique avec abolition
de la thermo-algésie (par lésion de la commissure grise) en regard de
la zone lésionnelle (déficit suspendu) et conservation des sensibilités
cordonales postérieures.
152 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Des lésions du tronc cérébral


– Une lésion médiane du tronc cérébral (tumorale, vasculaire...) peut
entraîner une anesthésie tactile superficielle et proprioceptive croisée
(par atteinte du lemniscus médian au-dessus de la décussation sensitive).
– Une lésion latérale bulbo-protubérantielle peut être à l’origine d’une
anesthésie thermo-algique controlatérale (atteinte spinothalamique)
avec respect de la sensibilité lemniscale.
– Aux atteintes de la sensibilité peut s’associer un syndrome alterne (syn-
drome pyramidal controlatéral et paralysie homolatérale des nerfs
crâniens).
Des altérations du fonctionnement thalamique et des corps striés
Le syndrome de lésion thalamique comporte un versant moteur avec :
– une incoordination motrice (mouvements raides, maladroits, main
thalamique) ;
– une libération de mouvements automatiques involontaires : chorée
(mouvements courts et rapides), athétose (mouvements amples et lents).
Une lésion de la substance noire libère l’activité inhibitrice du striatum,
à l’origine du syndrome parkinsonien : akinésie, hypertonie plastique
avec phénomène de roue dentée (rigidité par libération de la réticulée),
tremblement de repos (3-6/sec).
Une lésion du pallidum est source de syndrome parkinsonien (voir
figure 7.6).
Une lésion du striatum est à l’origine d’une diminution de son contrôle
inhibiteur sur le pallidum devenant plus actif : libération de mouvements
automatiques (chorée, athétose) et hypotonie.
Une lésion du noyau sous-thalamique diminue son rôle inhibiteur sur le
pallidum et se traduit par des mouvements anormaux à type d’hémiba-
lisme (salves de mouvements amples de la racine des membres).
Les lésions bilatérales des voies striato-pallido-frontales peuvent induire
une perte d’auto-activation psychique (PAP) caractérisée par une
absence d’activité spontanée seulement provoquée par une sollicitation
externe, un vide mental et des activités pseudo-compulsives.
Des troubles du fonctionnement hypothalamique
Altérations précoces : syndrome de Kallman ou adiposogénital.
Altérations tardives : adénopathie affectant les centres hypothalamiques ;
ischémie liée à une oblitération des artères hypothalamiques ; troubles de
la prise alimentaire.
Troubles de l’activité épiphysaire
Un déficit de mélatonine entraîne des troubles du sommeil.
L’organisation du système nerveux 153

Pinealome : tumeur qui prend naissance à partir des cellules du paren-


chyme de la glande pinéale.
Maladie de Legg-Perthes-Calvé : ostéochondrite et ostéonécrose de la
hanche.
Syndrome de Smith-Magendie : lié au chromosome 17, ce syndrome
entraîne chez l’enfant un retard mental, des troubles du comportement
et du sommeil associés à une sécrétion anormale de mélatonine dans la
journée.

Des troubles cérébelleux


Le syndrome vermien : une atteinte médiane du cervelet (ex. : médullo-
blastome) se traduit principalement par des troubles majeurs de l’équili-
bre statique et de la marche. Une atteinte bilatérale des noyaux
fastigiaux, relais obligatoires de toutes les efférences archéo-cérébelleu-
ses, a les mêmes conséquences cliniques.
Le syndrome hémisphérique cérébelleux : il se caractérise par une
atteinte prédominante du paléo- et du néo-cervelet (ex. : hématome ou
tumeur d’un hémisphère cérébelleux). Si l’atteinte est unilatérale, il se
traduit par des troubles de la coordination des mouvements (retard à
l’initiation, adiadococinésie, dysymètrie, signe de Stewart-Homes) ; par
une hypotonie (par perte de l’influence activatrice du cervelet sur les
voies rubro- et corticospinales) ; par un tremblement d’intention cérébel-
leux s’associe après lésion du noyau dentelé.
On peut encore signaler la cerébellite infectieuse avec ataxie qui peut
faire suite à une mononucléose infectieuse ou à une varicelle, et la céré-
bellite alcoolique.

Quelques pathologies cérébrales


Impossible de les citer toutes ici : voyez le chapitre 7 pour plus de
détails.
Retenez les principales :
Les traumatismes crâniens (les sources de troubles cérébraux les plus
fréquentes) ; Les accidents vasculaires cérébraux (appelés par les
patients « attaque cérébrale ») et des hémorragies cérébrales ; Des con-
vulsions d’origine épileptique ou d’autres facteurs épileptogènes (voir
chapitre 7) ; Des tumeurs bénignes ou malignes (cancer) ; Des perte de
conscience (voir chapitre 7) ; Élévation de la pression du liquide
céphalo-rachidien à l’intérieur de la boîte crânienne (hypertension
intracrânienne) ; des infections comme les encéphalites généralement
d’origine virale ; Des dégénérescences cérébrales (à l’origine de la
démence fronto-temporale) ; La maladie de Parkinson (diminution de la
synthèse de dopamine) ; La maladie d’Alzheimer (stockage anormal
de beta-amyloïdes) ; La sclérose en plaques (destruction de la myéline) ;
154 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Des maladies neurologiques congénitales ; Des maladies psychiatriques


(dépression, schizophrénie, démence, etc.).
Les troubles liés à des altérations de la BHE : il est difficile de cerner les
altérations de la BHE car tous les traumatismes crâniens, les œdèmes ou
la compression du tissu cérébral entraînent des anomalies du fonction-
nement de la barrière sang-cerveau. La nature des troubles neurologi-
ques dépend donc directement ou secondairement du lieu de la
dégradation et de l’extension de celle-ci. (Certaines pathologies seront
détaillées plus loin.)
Des défaillances du système neuro-immunologique
– Les tumeurs, les méningiomes, les neurinomes, les neuro-épithéliomas.
– Maladie d’Alzheimer : d’abord liée aux gènes APP, les apolipopro-
téines anormales font l’objet d’un mécanisme de rejet.
– Sclérose en plaques (SP) : la défense est dirigée contre la myéline
entraînant une démyélinisation multifocale en plaques de petites
tailles. Dans la SP, on observe une forte accumulation de
lymphocytes T et de macrophages. Puis apparaissent des processus
inflammatoires dans le cerveau. La SP frappe surtout les gens de race
blanche et il apparaît que 15 % des malades ont des parents ayant
eu cette maladie (voir aussi neurogénétique). Même si l’héritabilité
n’est pas le facteur majeur, il est probable que l’origine multifactorielle
de la SP favorise l’expression en chaîne d’autres gènes pour créer un
terrain propice au développement de SP.
– Encéphalopathies à virus ; Méningite à virus ; Méningite bactérienne ;
Encéphalomyélite para-infectieuse ; Encéphalomyélite auto-immune ;
Encéphalomyélite chronique : elle peut être une manifestation retardée
de maladies infectieuses comme la rougeole, la rubéole ou les oreillons.
Les facteurs sont des virus simples qui provoquent d’abord des mouve-
ments incohérents puis progressivement sur des temps assez longs, des
troubles démentiels variés.
– Encéphalomyélite : inflammation simultanée de l’encéphale et de la
moelle épinière (encéphalite + myélite). L’encéphalomyélite myalgi-
que ou SFC (syndrome de fatigue chronique) est reconnue par l’OMS
comme une neuropathologie grave. De diagnostic difficile, elle pré-
sente des symptômes particuliers : asthénie importante et invalidante,
fatigue persistante inexpliquée (de plus de 6 mois) et non soulagée
par le repos. Les causes sont encore mal connues : on pense à une
hyperactivité immunitaire, à un dysfonctionnement neuro-hormonal ou
à la combinaison de ces facteurs et d’autres. 80 % des sujets atteints
sont des femmes.
L’organisation du système nerveux 155

Myasthénie : c’est une altération neuromusculaire qui comporte égale-


ment des troubles sensoriels divers (troubles de la vision en particulier).
La myasthénie est due au fait que l’organisme des malades forme des
anticorps anti-récepteurs de l’acétylcholine, ce qui produit des troubles
de la transmission synaptique.
Quelques pathologies neuroendocrines
– Thyroïdites : maladies de Basedow, hyperthyroïdisme.
– Maladie d’Adison : hypersurrénalisme.

Résumé du chapitre 3
L’anatomie de l’axe spino-cérébral
Sauf le système olfactif connecté en avant de l’encéphale, tous les orga-
nes sensoriels envoient des nerfs qui sont soit les nerfs crâniens de 2 à
12, qui se connectent au tronc cérébral ou les nerfs de la sensibilité
périphérique qui se connectent par les racines médullaires postérieures
à la moelle épinière.
Les faisceaux de fibres nerveuses véhiculant les informations sensitives
« remontent » le long de la moelle et du tronc cérébral pour pénétrer
dans le thalamus avant de faire relais vers les autres structures cérébra-
les, en particulier vers le cortex cérébral. Les signaux sensoriels sont
intégrés et sont retournés vers les effecteurs musculaires, en particulier
par les voies descendantes motrices pyramidales et extrapyramidales.
Les informations sensorielles sont aussi intégrées dans des structures
régulatrices des comportements comme le complexe limbique et les cen-
tres hypothalamiques.
Le cerveau dispose d’un système de drainage complexe (le cercle arté-
riel) qui assure une vascularisation sous haute pression et un drainage
interne par le liquide céphalo-rachidien. Au niveau du tissu cérébral,
l’apport nutritif et la récupération des déchets métaboliques sont assurés
par la barrière sang-cerveau formée de cellules sanguines (endothélia-
les) et de cellules gliales.
Aspects fonctionnels des interconnexions entre les noyaux
– Le diencéphale assure, par l’intermédiaire du thalamus, la répartition
des informations sensitives puis, par l’intermédiaire de l’hypothala-
mus, la commande sur la sécrétion des hormones et des viscères.
– Les hémisphères cérébraux sont à l’origine des sensations conscien-
tes, de la cognition (facultés intellectuelles), des émotions et de la
motricité volontaire (effectuer un mouvement quand on le désire).
– L’ hypophyse est dite « le chef d’orchestre », car elle régule l’ensem-
ble des autres glandes de l’organisme à partir des données fournies
par l’hypothalamus.
156 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

– Les troubles de l’activités corticale seront détaillés dans les chapitres 6


et 7.
L’immunité cérébrale
Le système nerveux dans son ensemble et le cerveau en particulier sont
protégés des agressions des agents externes, comme des antigènes, par
une organisation immunologique particulière.
Il existe plusieurs niveaux de protection mais le système immunitaire
cérébral n’oppose généralement qu’une défense modérée, à la diffé-
rence des organes où il y a une destruction des cellules infestées par les
macrophages. Les neurones sont précieux par les informations de
mémoire qu’ils contiennent, aussi le système immunitaire opte pour lais-
ser vivre un neurone infesté de virus mais fonctionnel plutôt que le
détruire. Ce sont essentiellement les cellules gliales qui assurent l’entre-
tien et le nettoyage du tissu cérébral.
Les défaillances de ce système apparaissent dans les encéphalopathies
avec des destructions plus ou moins étendues de matière cérébrale,
dans la sclérose en plaques dans laquelle les cellules immunitaires
détruisent la couche isolante des nerfs, la myéline ou encore des proces-
sus inflammatoires qui résultent de la mutation de molécules comme les
protéines Tau qui ne sont plus identifiées et détruites avec les neurones
qui les portent, ce qui est probablement la cause de la maladie
d’Alzheimer.

QUE S T I O NS
1. Quelle est la sensibilité dont les fibres remontent dans la voie spino-
cérébrale ?
2. Dans une lésion thalamique, qu’observe-t-on ? Uniquement des troubles
de la vision ? Des troubles moteurs ? Une sensation de douleur
intense ? Divers troubles sensoriels et moteurs ?
3. Quelles sont les aires corticales (selon la nomenclature de Brodman) ?
4. Que représente le cercle artériel de Willis ?
5. Quels sont les éléments qui composent la barrière hémo-encéphalique ?
6. Quelles sont les cellules qui assurent la défense immunitaire du cerveau ?
Les lymphocytes ? Les cellules gliales ?
7. Quelles sont les principales fonctions neuro-endocrines de l’hypothalamus ?
8. Les hormones agissent-elles sur le cerveau ? Donnez un exemple.
L’organisation du système nerveux 157

RÉFÉREN C E S
1. Gosling J.A., Harris P.F., Whitmore I., Willan P.L.T., Anatomie humaine. Atlas en cou-
leurs, Bruxelles, De Boeck, 2003, 396 p.
2. Lacombe Michel, Abrégé d’anatomie et de physiologie humaines, Rueil-Malmaison,
Lamarre, 1998.
3. Marieb Elaine N., Biologie humaine. Anatomie et physiologie, Bruxelles, De Boeck,
2000.

S ITES
Anatomie du cerveau (images de l’Université de Washington, accès gratuit) :
http://www9.biostr.washington.edu/cgi-bin/DA/imageform
Cervelet :
http://www.anatomie-humaine.com/Le-Cervelet.html
Système endocrinien et hypothalamus :
http://www.cegep-ste-foy.qc.ca/profs/gbourbonnais/sf_181/powerpoint/
endocrino181.pdf
http://ici.cegep-ste-foy.qc.ca/profs/sparadis/images/syst-endocrinien.pdf
http://www.chups.jussieu.fr/polys/poles/
pole_endocrinologie_nutrition_nephrologie_diabetologie /hypothalamus/hypothala-
mus.pdf

Voies somesthésiques :
http://www.neur-one.fr/11a_somesthesie_sensorial.pdf
CHAPITRE
4
Les organes sensoriels

4.1 L’olfaction : nerf crânien I 161

4.2 La gustation : nerfs IX et X 170

4.3 La vision : nerf II 172

4.4 L’audition : nerf VIII 189

4.5 Propriocepteurs 195

4.6 Sensibilté périphérique 206

4.7 La douleur 214


160 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Dans ce chapitre, vous allez :


• Découvrir les bases de la physiologie des organes sensoriels et leur fonc-
tionnement.
• Découvrir les pathologies neurosensorielles les plus courantes.
• Apprendre les principales méthodes psychophysiques ou les tests indis-
pensables pour évaluer les fonctions sensorielles.
Les organes sensoriels 161

4.1 L’olfaction : nerf crânien I

4.1.1 Le neuro-épithélium olfactif


L’olfaction, considérée à tort comme un sens mineur chez l’homme, n’a été qu’assez peu
étudiée jusque vers 1975. Pourtant, on a découvert maintenant que l’odorat intervient
dans la plupart de nos comportements inconscients et les parfumeurs sont très conscients
de l’intérêt commercial de l’usage des parfums corporels ou encore alimentaires.
Les récepteurs sensoriels sont placés dans l’épithélium (un neuro-épithélium)
olfactif qui tapisse l’intérieur des narines, dans une zone abritée par des cornets
osseux. L’air qui entre et sort par les narines est en partie dérivé vers ces culs-de-sac
olfactifs que l’on nomme les crêtes turbinales (figure 4.1).
Les cellules réceptrices sont formées à partir d’une assise basale comme on
en rencontre dans tout épithélium. Elles sont renouvelées tous les 8 à 15 jours selon
les quantités et les qualités des odeurs inhalées par chacun.
Cette couche basale repose sur les très fines lames osseuses de l’ethmoïde,
percées d’une multitude de très fins orifices qui laissent passer les fibres nerveuses
venant des cellules sensorielles caliciformes. Ces cellules sont très hautes, plusieurs
dizaines de micromètres, et renflées à leur extrémité comme un goulot de bouteille.
Sur ce renflement (un moignon de dendrite) prennent naissance plusieurs tentacules
de 100 à 200 micromètres (mm) dont les extrêmités libres flottent dans une épaisse
couche de mucus sécrété par des glandes similaires aux glandes lacrymales : les glan-

Figure 4.1
Olfaction
Lame Localisation des structures olfactives. L’air chargé de
criblée de molécules ayant une signification odorante entre dans
l’ethmoïde les fosses nasales. Une très grande partie de l’air part
dans le pharynx pendant l’inspiration et remplit les
Bulbe poumons. Une très faible partie, sous l’effet de la pres-
olfactif sion, passe à travers les méats situés à la base des
trois crêtes turbinales pour entrer dans les cornets, ces
petites cavités tapissées par les cellules neuroépithélia-
Ai les olfactives. Les molécules légères (des gaz comme
r+ NH4 ou CO2) remontent sur les crêtes supérieures. Les
Od
AIR

Trachée eu régions rétropharyngées communiquent avec les fos-


rs ses nasales. Lors de la déglutition, l’arrière-gorge se
ferme et augmente la pression buccale, ce qui laisse
remonter des composantes volatiles des aliments vers
le haut du pharynx. Les orifices postérieurs de la cavité
nasale (les choanes) s’ouvrent ensuite, puis ces subs-
tances alimentaires parviennent aux crêtes et stimulent
Pharynx les neurones olfactifs. Les perceptions directes et rétro-
nasales participent à l’appréciation hédonique des ali-
ments (voir Chapitre 5). (Clichés service
neuroanatomie ; Faculté de médecine de Nancy.)
162 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

des de Bowman. Le liquide sécrété du côté supérieur des crêtes turbinales s’écoule
vers les canaux d’évacuation du canal de Schlemm, puis dans les narines.
Cette sécrétion joue plusieurs rôles : elle aide à la régulation de la tempéra-
ture du sang de l’étage céphalique, car la grande surface développée par les crêtes tur-
binales fortement vascularisées constitue un échangeur thermique. On estime que ce
dispositif peut modifier de 10 % la température du sang arrivant au cerveau. Si on sait
qu’en hiver, une grande partie du sang reflue dans les zones corporelles centrales et
céphaliques, on peut comprendre l’importance du nez dans la gestion métabolique et
la « goutte au nez » n’est que la traduction de la formation d’eau « vapeur » excéden-
taire éliminée par la chaleur du sang.
Les sécrétions de Bowman ont un autre rôle dans l’entretien (le nettoyage) de
l’épithélium et la régulation des constituants qui baignent les tentacules sensoriels.
Les tentacules sont déplacés en permanence par l’écoulement du mucus. Des molé-
cules d’odeurs pénètrent par millions dans les narines, mais du fait de la position en
retrait derrière les crêtes, environ 10 % seulement des molécules parviennent à l’épi-
thélium. Les molécules odorantes accèdent aux crêtes olfactives selon leurs densités ;
les plus lourdes s’arrêtent aux crêtes inférieures et les plus légères montent vers les
crêtes supérieures. Certaines molécules ayant un rôle social et que l’on classe dans les
phéromones, malgré leurs dimensions, montent assez haut dans les narines pour
entrer en contact avec une zone épithéliale centrale appelée l’organe septal, très réduit
chez l’homme, mais suffisamment présent et efficace pour que les tests d’olfactomé-
trie incluent des items destinés à éliminer les réponses septales.
La reconnaissance des odeurs qui entrent en contact avec des récepteurs
membranaires situés sur les tentacules se déroule comme la reconnaissance antigène
anticorps. L’analogie est tellement vraie que le codage et la synthèse des récepteurs
membranaires sont contrôlés par plus de 200 gènes situés sur le chromosome 17, à
côté des gênes contrôlant une structure génique relative à l’immunité, le complexe
majeur d’histocompatibilité (CMH). En fait, le système de reconnaissance entre les
molécules biologiques est la forme que l’évolution génétique a retenue, parmi
d’autres, car elle permet aussi l’identification des molécules étrangères à l’organisme.
Certains récepteurs savent reconnaître des odeurs associées à des comportements
humains et leurs signaux sont intégrés comme tels par les étages corticaux supérieurs.
Le mécanisme de l’olfaction commence à être bien connu. Néanmoins, des
théories sur le codage des odeurs ont vu le jour, et des expériences ont démontré que la
sensibilité olfactive de l’homme conditionne toujours certains de ses comportements.
Comme la gustation, l’olfaction est un sens chimique, mais l’analyse des
odeurs est un processus bien plus complexe que celui de l’analyse des saveurs. Si une
saveur se classe selon cinq primaires (l’amer, le sucré, l’acide, l’umami, ou le salé),
la gamme de l’odorat semble beaucoup plus étendue. Par le passé, les chercheurs ont
tenté d’identifier les primaires de l’odorat. Ils en ont recensé, selon les théories, entre
4 et 44 ; toutefois, aucune de ces théories n’a pu être retenue, faute d’expliquer com-
plètement le phénomène olfactif. Aujourd’hui, les analyses géniques ont montré que
les cellules olfactives portent sur leurs tentacules des molécules réceptrices des
Les organes sensoriels 163

odeurs qui sont codées par un grand nombre de gènes situés dans des clusters bien
identifiés aussi bien chez la Drosophile, chez la Souris que chez l’Homme. Plus de
400 gènes ont été reconnus. Ainsi, les cellules sensorielles portent probablement plu-
sieurs récepteurs moléculaires et des cellules sensorielles différentes présentent des
combinaisons différentes. Comme les très fins axones émis par les millions de cellu-
les convergent vers quelques milliers de glomérules olfactifs situés en périphérie du
bulbe olfactif, c’est finalement un décryptage de la mosaïque des combinaisons de
potentiels de récepteurs des différentes cellules porteuses de divers récepteurs qui va
constituer le premier message nerveux représentant le codage d’une ou de plusieurs
odeurs.
Les molécules odorantes sont transportées jusqu’aux deux niveaux de saisie
des molécules odorantes. Le stimulus est composé de molécules à l’état gazeux ame-
nées par le mouvement inspiratoire qui crée un courant gazeux circulant sur les crêtes
turbinelles ; à ce niveau a lieu un premier tri des molécules odorantes en fonction de
leur taille et de leur mobilité dans le support gazeux. Il y a là deux modalités de sti-
mulation soit par la voie nasale, soit par la voie rétronasale (depuis la cavité buccale,
à travers le pharynx, permettant par exemple d’exprimer les composés aromatiques
des aliments). La molécule active doit entrer en contact direct avec la muqueuse ; en
outre, pour être « active », elle doit présenter une composition chimique qui la rend
capable d’entrer en interaction avec les cellules réceptrices et la muqueuse olfactive.
On peut observer expérimentalement que le seuil de réponse aux odeurs est extraor-
dinairement bas : pour les corps chimiques les plus actifs (les plus odorants), ce seuil
peut atteindre une dilution au milliardième. Chez le chien, le seuil est un million de
fois plus bas. La latence d’une sensation est d’environ 0,5 s chez l’homme. La sensa-
tion croît en fonction de l’intensité de la stimulation. La structure moléculaire est un
facteur fondamental de la capture des odeurs par le mucus, puis de l’accrochage de
ces molécules avec des protéines chaperons qui facilitent l’accrochage des odeurs sur
les récepteurs membranaires, puis de l’identification de la molécule odorante par le
récepteur. Si la molécule se fixe au récepteur membranaire adéquat, elle enclenche la
cascade des réactions membranaires passant par l’INSP3 (Inositol Phosphate) jusqu’à
la protéine G. L’une de ces protéines G est assez spécifique de la transcription des
odeurs en un message métabolique puis électrique.
La complexité du phénomène olfactif réside dans le fait qu’un récepteur
donné réagit fréquemment de façon comparable face à des molécules de familles chi-
miques différentes, et que ses réponses divergent pour des molécules chimiques très
proches. De même, il est difficile de trouver chez deux récepteurs des réponses tota-
lement et constamment identiques.
Pourtant, des observations ont montré que les molécules d’une même famille
d’odeurs stimulent globalement toujours les mêmes zones de la muqueuse ; ces
observations ont donné naissance à la notion de codage spatial des odeurs. Chaque
odeur serait ainsi caractérisée par une activation géographique spécifique de la popu-
lation neuronale, et chacun des neurones stimulés contribuerait à la détermination de
l’odeur.
164 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

La notion de « primaires olfactifs » ne doit pas être complètement rejetée


pour autant. Des arguments fondés permettent de supposer qu’il existe différentes
catégories de récepteurs, ce que semble prouver, en pathologie, l’apparition d’anos-
mies spécifiques, ou incapacité à percevoir certaines odeurs. Ces « cécités
olfactives » sont très souvent génétiques, et les spécialistes en ont répertorié un peu
plus d’une soixantaine. Elles pourraient s’expliquer par l’absence ou le mauvais fonc-
tionnement d’un type particulier de récepteurs olfactifs.

4.1.2 La perception olfactive


Le seuil de sensibilité olfactive est défini comme la plus petite concentration d’une
substance volatile nécessaire pour donner naissance à une sensation d’odeur. Le seuil
de détection absolue est, chez l’homme, de 107 molécules par millilitre d’air, contre
103 chez le chien ; on peut exprimer autrement cette différence en notant qu’il nous
faut, au minimum, 200 molécules d’éthylmercaptan (ou éthanethiol) – contre
30 molécules chez le chien – pour détecter une odeur d’ail.
Notre capacité à sentir n’est pas constante au cours du temps. Un phénomène
d’adaptation des récepteurs apparaît au bout d’une durée plus ou moins longue en
fonction des odeurs : ainsi, il n’est plus possible de distinguer une odeur de vanille
encore présente au bout de 2 minutes, ou une odeur de camphre au bout de 5 minutes.
Qui plus est, de nombreux facteurs physiologiques (état de vigilance, infections oto-
rhino pharyngées) ou physiques (température, humidité) peuvent modifier l’acuité
olfactive ; elle atteindrait son maximum entre 20 et 40 ans, puis tendrait à diminuer
avec l’âge, comme l’ouïe et la vue.

RETENEZ :
L’olfaction est une chémosensibilité et elle est la sensibilité la plus primitive
des Vertébrés. Il existe des molécules d’identification des odeurs sur les ten-
tacules des cellules olfactives de l’épithélium situé dans la cavité nasale.

Même s’il est avéré que l’odorat a perdu de son importance chez l’homme, il
conditionne encore, de façon consciente ou inconsciente, un grand nombre de nos
comportements sociaux. Nos relations avec autrui sont souvent influencées par les
odeurs. Ne dit-on pas : « Je ne peux pas sentir cette personne » ? L’odeur ou le par-
fum sont les premiers éléments que nous percevons d’autrui à distance ; ce sont aussi
des éléments déterminants dans la séduction.
Mais alors que dans nos sociétés on cherche à masquer les odeurs corporelles,
considérées comme gênantes, on introduit dans les parfums des fragrances animales
susceptibles de stimuler le désir. Le souvenir d’un parfum, puissamment évocateur,
peut persister très longtemps car la mémorisation des odeurs s’opère par des circuits
reliant directement les voies olfactives primaires aux circuits de Papez (voies tempo-
rales-frontales-hippocampiques). Le succès de l’industrie du parfum se fonde sur ces
données ; la styliste Coco Chanel considérait le parfum comme une parure indispen-
sable à la femme.
Les organes sensoriels 165

L’olfaction est le premier sens en éveil chez le nourrisson qui peut reconnaître
sa mère à l’odeur, alors que sa vue est encore très imparfaite. Si on présente à un bébé
en pleurs différents tee-shirts, seul celui que sa mère a porté peut l’apaiser. Il semble,
dans d’autres cas, que les odeurs puissent agir sur nous par des mécanismes non seule-
ment inconscients, mais également imperceptibles. Enfin, la gastronomie est sans doute
le domaine dans lequel l’odorat joue encore un rôle très important, et ce au même titre
que le goût. Qui pourrait en effet nier l’importance sociale, physiologique et la valeur
hédonique du parfum que dégage une bonne table rehaussée d’un vin chambré à point ?

4.1.3 Les bulbes olfactifs : premiers étages de l’intégration olfactive


A. Structure interne du bulbe olfactif
Les bulbes olfactifs de l’homme ne sont pas plus gros qu’un petit pois. Ils ne sont
séparés de l’épithélium que par quelques millimètres.
La structure interne est en gros sphérique et les couches cellulaires internes
le formant sont concentriques. La première couche externe est formée des fibres du
nerf olfactif qui se distribuent en respectant la position des territoires de l’épithélium.
La seconde couche est la couche glomérulaire. Chaque glomérule est formé d’une
couche externe de cellules périglomérulaires et de cellules gliales. La sphère ainsi
constituée forme une sorte de balle étanche remplie uniquement de fibres nerveuses :
quelques centaines de fibres issues du nerf, les dendrites apicaux des cellules périglo-
mérulaires et les dendrites de deux à quatre gros neurones, les cellules mitrales.
Chaque cellule mitrale est située deux ou trois cents micromètres au-dessous
de chaque glomérule (figure 4.2). Chaque cellule mitrale émet un axone qui circule
en profondeur et se rend au bulbe olfactif opposé via le tractus olfactif latéral ou au
noyau olfactif qui émet des fibres destinées à l’hippocampe. Cette distribution bilaté-
rale crée une sorte de latéralisation permettant un effet de contraste des odeurs d’une
part et d’autre part situe la source d’odeur grâce à la subtile différence de débit ou de
densité d’odeur qui parvient aux narines droites et gauches.
Il existe à la partie inférieure du bulbe adulte une petite zone formée de glo-
mérules atypiques et dont les axones se rendent directement dans le cortex
entorhinal : c’est le bulbe olfactif accessoire qui ne compte que quelques très gros
glomérules. Cet élément est présent dès la naissance et permet au nouveau-né d’iden-
tifier les odeurs de sa mère et les odeurs alimentaires utiles.

B. Le cortex olfactif : étage d’intégration et de mémorisation


Comme cela a été précisé au début, les informations olfactives se distribuent dans le
cortex olfactif qui est lui-même une partie du système limbique. De la sorte les
signaux olfactifs sont d’abord intégrés par le cortex entorhinal, le cortex hippocam-
pique, le cortex pyriforme et les corps mamillaires, d’où des informations à caractère
associatif qui rentrent dans le thalamus antérieur pour rejoindre les cortex concernés.
Dans ces structures, les informations odorantes restent inconscientes, mais elles peu-
166 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Système
limbique

Le système olfactif
des vertèbres Thalamus
Cortex
orbitofrontal

Cortex entorhinal

Ethmoïde Hippocampe

gl CGI1
Nerf olfactif Cerveau

cm
Hipothalamus
CGI2
Bulbe
Glomérule
olfactif
= réseau
de décodage

Cellules olfactives
Phénomènes
odeurs sociales Organe
odeurs d’aletes voméronasal

Figure 4.2
Bulbe olfactif
Le système olfactif. Les cellules réceptrices (cellules caliciformes) sont situées dans le neuroépithélium qui tapisse
les crêtes turbinales dans les fosses nasales. Les très fins filets nerveux, qui sont les axones des cellules olfactives,
traversent la lame criblée de l’éthmoïde pour s’insérer dans le bulbe olfactif. Plusieurs centaines de terminaisons
axoniques s’implantent au même point de la surface du bulbe formant des centaines de glomérules olfactifs.
Chaque glomérule est délimité par des petits neurones associatifs ou neurones périglomérulaires et par une cap-
sule de cellules gliales entourant une énorme arborisation dendritique d’une ou de quelques cellules mitrales
(CM : les très gros neurones équivalents aux neurones pyramidaux du cortex). Du bulbe olfactif sortent des axo-
nes destinés au noyau olfactif et au cortex entorhinal. La sortie de l’analyseur olfactif n’est pas connectée direc-
tement au thalamus comme les autres sensorialités, mais elle transite d’abord par le cortex orbitofrontal avant de
se rendre au thalamus. (CGl1 et CGl2 : complexes glomérulaires ; Gl : glomérule.)

vent être génératrices de comportements ou régler certaines de nos attitudes. Ce n’est


qu’à partir de ces informations corticales associées que la mémorisation consciente
des odeurs est perçue. De la sorte, comme cela est rappelé par l’anecdote de la made-
leine de Proust, la mémoire des odeurs ne surgit consciemment que par l’association
avec d’autres perceptions sensorielles.
RETENEZ :
Des messages nerveux olfactifs sont formés par les combinaisons entre des
potentiels de récepteurs parvenant après une forte convergence des fibres
olfactives sur les glomérules des bulbes olfactifs. Les sorties des bulbes vont
directement au cortex olfactif et non au thalamus.
Les organes sensoriels 167

4.1.4 Explorer l’olfaction


A. Méthodes générales
– L’olfactométrie : un olfactomètre est un dispositif comportant des vases de
maintien des odeurs à la pression de saturation, des pompes à débit régulé,
des électrovannes qui permettent de sélectionner les flacons et des dispositifs
push-pull tels que l’air porteur d’odeur ne varie ni en pression, ni en débit, ni
dans sa concentration en une odeur (figure 4.3).
– Tests olfactifs de reconnaissance : ce sont des tests comportant des odeurs
placées dans des flacons dans leur solvant approprié. Le sujet peut soit trem-
per une languette dans le parfum ou bien renifler le flacon. Il doit identifier
l’odeur.
– Tests de sensibilité : les flacons contiennent des odeurs en concentrations
variables ou pas d’odeur du tout. Le sujet doit retrouver les flacons contenant
des odeurs.
Les tests olfactifs sont très difficiles à pratiquer si une quantification est
nécessaire. Cependant, rappelons que les tests olfactifs utilisant des odeurs
familières, alimentaires par exemple, sont d’une grande utilité pour reconnaî-
tre des lésions centrales telles les altérations dues à Alzheimer, Parkinson, à
la schizophrénie, à l’épilepsie. L’un des tests les plus classiques est le test
UPST (University of Philadelphia Smell Test).
– L’électroolfactogramme : une électrode munie d’une fine mèche de coton
conductrice est approchée de l’épithélium et une autre est collée sur la tempe.
Elles permettent de dériver une activé électrique très lente (plusieurs centai-
nes de millisecondes pour une réponse) dont l’amplitude et la durée peuvent
être reliées à certaines odeurs et à leur concentration dans le test.

Figure 4.3
NEZ Air 0-10 l/min Olfactomètre
du sujet Principe d’un système d’olfacto-
V
mètrie. Un tel système est parti-
Débimètre culièrement utile pour explorer
Odeur 1 de façon précise les réponses
aux odeurs. Le sujet porte un
masque ou une sonde nasale.
Les odeurs sont appliquées par
Thermostat un dispositif de flux aérien por-
Odeur 2 Odeur 1 teur de l’odeur test dont le
V V débit, la pression et la dilution
Vide des molécules d’odeurs sont
V maîtrisés. Pour plus de justesse
dans les tests, on doit appli-
Air quer la loi des gaz (PV/T =
humidifié constante) pour que la dilata-
Synchronisation Synchronisation tion des gaz portant l’odeur et
stimulations stimulations entrant à 37°C dans le nez ne
modifie pas les paramètres.
168 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

B. Méthodes d’étude des bulbes olfactifs


Les bulbes olfactifs sont placés sous le cerveau, enfouis sous l’épaisseur des sinus ;
voir et détecter l’activité bulbaire est donc délicat. Néanmoins, l’IRM donne de bonnes
informations sur la taille, l’absence de bulbe, ou l’existence d’une tumeur bulbaire.
– Électro-olfactométrie : une électrode de coton imprégnée de solution con-
ductrice est posée aussi près que possible de l’épithélium olfactif. Cette
méthode aisée chez l’animal est délicate chez l’homme à cause de la com-
plexité des crêtes turbinales. Il est possible d’obtenir un courant lent et de
grande amplitude représentant la réponse globale de toutes les cellules récep-
trices pour une même odeur ou même groupe d’odeur.
– Électrocorticographie bulbaire : extrêmement délicate, elle a quelquefois été
obtenue lors d’interventions chirurgicales.
– IRM, tomographie de la région frontale.

C. Exploration du cortex olfactif et des intégrations olfactives


– UPST test (Philadelphia test) : test d’identification des odeurs basé sur des bat-
teries de flacons contenant (ou ne contenant pas) des odeurs. Ce test est com-
plexe, contenant beaucoup d’odeurs différentes en concentrations différentes.
– Tests olfactifs français : batterie de tests mis au point par le groupe français
d’étude de l’olfaction (Lyon).
– Olfactométrie : les tests olfactométriques utilisent des odeurs placées dans
des conteneurs de grands volumes sous vapeur d’eau saturante. Ce sont des
électrovannes qui commandent l’entrée d’un courant d’air à débit constant
porteur des odeurs.
– Potentiels évoqués : les potentiels évoqués olfactifs ont été obtenus par Kan-
del, en utilisant une méthode numérique pour les extraire de l’EEG frontal.
Cet auteur a décrit les altérations des PEvolf chez les malades présentant un
syndrome d’Alzheimer et chez des Parkinsoniens.
– IRM : très utile pour identifier une altération anatomique des voies et des bul-
bes olfactifs (leur absence a été observée dans le syndrome adiposogénital).

4.1.5 Les altérations de l’olfaction


L’existence de troubles de l’olfaction est assez peu rapportée par les patients ainsi que
par les praticiens. L’idée que cette sensation est très minorée chez l’homme masque
une méconnaissance des indications neurologiques que de telles altérations peuvent
donner en neurologie.

A. L’hyposmie et l’anosmie
L’hyposmie est très souvent relatée par les malades. Lorsque l’altération a été identi-
fiée en proposant quelques tests utilisant des odeurs familières, son origine doit être
Les organes sensoriels 169

recherchée car il peut s’agir d’un trouble temporaire lié à une obstruction nasale, à la
prise de médicament, à une destruction des récepteurs par une inhalation massive
d’odeurs ou de molécules agressives (le tetroxyde d’osmium détruit une très grande
quantité de cellules olfactives). Cette épreuve est aussi l’une des méthodes de traite-
ment de certains troubles comportementaux accompagnés d’hallucinations olfactives
(comme certaines schizophrénies).

B. Le syndrome de Kallmann
Cette maladie tire son origine de plusieurs altérations survenant dans la migration de
cellules de la paroi de l’allantoïde vers la placode olfactive embryonnaire. Certaines
de ces cellules, des cellules à GnRh, sont destinées à migrer vers l’hypothalamus ou
elles contribuent à la sexualisation hormonale et sont impliquées dans la puberté.
L’altération du gène KAL 1 nuit à la synthèse d’une protéine présente dans le système
olfactif, l’anosmine, qui serait à la fois une protéine d’adhésion des neurones (cellules
mitrales) et un substrat de développement embryonnaire du système olfactif. Une
conséquence précoce est l’absence de formation du bulbe olfactif ; l’autre consé-
quence observable plus tardivement est un hypogonadisme (syndrome adiposogéni-
tal) comportant le maintien de caractères gonadiques femelles (pas de maturation des
lignées de spermatogonies) malgré des caractères sexuels secondaires mâles.

C. L’holoprosencéphalie et la septodysplasie
Elles sont souvent associées à de sérieux problèmes de développement cérébral ; la
vésicule céphalique ne se divise pas en deux et ne forme pas les bulbes olfactifs, car leur
développement nécessite la formation d’un cortex frontal. L’anosmie est ici encore pri-
maire puisqu’il n’existe pas d’organe sensoriel. Il existe divers intermédiaires allant
d’une microcéphalie et septodysplasie, et dans ce cas les formes d’idiotie ou de retards
mentaux sévères minorisent les troubles sensoriels. Les formes moins graves comme
l’holoprosencéphalie avec le maintien d’un fente palatine ouverte (bec de lièvre) peu-
vent avoir des conséquences sur les capacités d’apprentissages et les contacts sociaux.
L’absence de système olfactif est, chez ces sujets, responsable de divers trou-
bles de communication et sociaux plus ou moins sévères. Nos explorations montrent
des altérations sévères de la mémoire des odeurs dans l’épilepsie temporale, chez les
patients souffrant d’Alzheimer ou chez ceux atteints de la maladie de Parkinson, ainsi
que dans de nombreuses atteintes liées à l’autisme. Les observations utilisant le test
de Pennsylvanie (UPST : University of Pennsylvania Smell Identification Tests) per-
mettent de mettre en évidence des atteintes portant sur les odeurs familières, culinai-
res, des confusions et, chez certains patients épileptiques, certains rapportent des
hallucinations olfactives (odeurs nauséabondes, odeur de brûlé). Divers troubles neu-
ropsychologiques comme la schizophrénie comportent également des atteintes olfac-
tives difficiles à objectiver par l’imagerie ou les potentiels évoqués.

Le site web recommandé :


http://olfac.univ-lyon1.fr/documentation/olfaction/
170 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

4.2 La gustation : nerfs IX et X

La gustation assure la détection des qualités chimiques des aliments. Elle est liée à
l’organisation des cellules sensorielles regroupées dans les papilles gustatives qui
sont elles-même alignées en un double V sur la langue (le V lingual).

4.2.1 Les cellules gustatives


Elles sont placées dans des petites cavités situées dans le V lingual où sont regroupées
une dizaine de cellules sensorielles. La transduction chémosensorielle se fait par des
modifications directes des flux transmembranaires pour la perception du sodium ou
du potassium, pour le glucose ou pour les sensations acides.
La langue porte les organes sensoriels, mais les sécrétions des glandes sali-
vaires placées au-dessous (sub-linguale), latéralement (parotides) et sous-maxillaires
dissolvent les nutriments en libérant les sels, les glucides et les acides qui sont ainsi
en solution, le seul moyen pour permettre un flux liquide entrant en contact avec les
calices gustatifs.

4.2.2 Les papilles et les bourgeons du goût (figure 4.4)


La langue est recouverte d’une muqueuse constituée d’un épithélium et d’un derme
plus ou moins épais selon les régions. Sur la face supérieure, les papilles (petites
saillies) qui hérissent la muqueuse sont réparties en cinq groupes : les hémisphéri-
ques, les papilles foliées, les filiformes, les caliciformes et les fongiformes. Seuls les
deux derniers types renferment des bourgeons du goût, les papilles filiformes ne pos-
sédant que des terminaisons tactiles.
Les bourgeons du goût, localisés à l’intérieur de la muqueuse, sont constitués
de cellules en contact avec le milieu extérieur par l’intermédiaire d’un pore, la fossette
gustative. Ils ont globalement la forme d’un oignon et mesurent environ 80 mm de
hauteur et 40 mm de diamètre. On en dénombre environ 800 dans les papilles calici-
formes. Un bourgeon est formé de cellules structurales et sensorielles : les cellules de
soutien sont disposées à la périphérie et au centre du bourgeon ; les cellules gustatives,
qui portent les récepteurs, sont au nombre de quatre à dix par bourgeon. De forme
allongée, ces dernières sont terminées par des microvillosités qui pénètrent la fossette
gustative et portent les récepteurs gustatifs proprement dits. De nombreuses cellules
nerveuses sont réparties autour des cellules gustatives et des cellules de soutien.

4.2.3 La physiologie du goût chez l’homme


Les saveurs perçues appartiennent à cinq catégories (salé, sucré, acide, amer, umami
une saveur liée au glutamate).
Les organes sensoriels 171

Figure 4.4
Nerf
glossopharyngien Gustation
Bourgeons du goût La gustation est une senso-
rialité qui, comme l’olfac-
tion, se classe dans la
chémosensibilité, les sens
Amer chimiques. Le rôle des
récepteurs gustatifs dans la
Acide prise alimentaire et dans
l’appréciation de l’hédo-
Salé nisme des aliments est
Sucré important dans le comporte-
Corps cellulaires dans le noyau ment alimentaire. Chaque
solitaire (bulbe) papille gustative contient
Nerf facial (VII) des cellules sensorielles gus-
Thalamus tatives équipées de longues
microvillosités apicales.
Comme les cellules olfacti-
Aire gustative
ves, ces cellules sensorielles
(cortex pariétal somesthésique)
se renouvellent à partir des
cellules basales.

La conversion des cinq différentes molécules activant l’organe du goût est


réalisée par quatre types de cellules. Des cellules sensibles aux ions hydrogènes (pro-
tons) donc au pH de la salive chargées de molécules alimentaires ; des cellules sensi-
bles à la présence de sodium, dont la membrane comporte beaucoup de canaux
sodium ; des cellules sensibles à des molécules comme la quinine, de goût amer ; des
cellules sensibles à la présence de glucose du fait de la présence de récepteurs mem-
branaires de type GLU qui modifient la perméabilité aux ions.
Les papilles sensibles aux saveurs primaires sont disposées sur la langue de
façon spécifique pour chacune : la zone de l’amer est située sur la partie postérieure
de la langue ; la zone du sucré, sur la partie antérieure ; les zones de l’acide et du salé
sont localisées sur les bords, vers l’arrière pour les premières et vers l’avant pour les
secondes. La partie centrale de la langue et sa face inférieure ne réagissent à aucune
saveur. Cependant, il existe des effets liés au seuil (le salé à faible concentration peut
paraître sucré), et certains récepteurs répondent à plusieurs catégories de saveurs.
Ceci tient à la fois à la distribution et aux caractéristiques des récepteurs membranai-
res des molécules.

4.2.4 La gustation dans les mécanismes de la prise alimentaire


L’olfaction est le détecteur primaire responsable de l’hédonisme, mais le goût assure
l’entretien de la motivation alimentaire tant que les récepteurs sont stimulés. Dans le
même temps, le mélange des aliments à la salive et le broyage libèrent les saveurs et les
arômes qui stimulent l’odorat par la voie rétro-nasale et activent les centres du plaisir
hédonique (libération d’opiacés endogènes). Ce mélange forme les flaveurs, qui com-
binent éléments gustatifs et odeurs des aliments dans l’appréciation de l’hédonisme.
172 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

4.2.5 Les fibres gustatives


À la différence des autres modalités sensorielles, il n’existe pas de voies nerveuses
spécifiques pour le goût. Les fibres sensitives partent des bourgeons situés dans les
papilles de la langue et cheminent, avec les fibres du tact ou de la température, vers
la branche du 5e nerf crânien, le trijumeau (V). Elles se dirigent ensuite vers le nerf
de la corde du tympan et entrent dans le cerveau par le 7e nerf crânien, le facial (VII).
D’autres fibres gustatives rejoignent l’encéphale par les 9e et 10e nerfs crâniens.
Il existe également une topographie des récepteurs : le tiers postérieur du V
lingual émet des fibres qui forment la branche linguale du nerf V. Les deux tiers anté-
rieurs forment des fibres qui rejoignent le nerf facial. Le nerf facial est également
mixte et donne surtout (facial proprement dit) des fibres motrices assurant les contrô-
les des muscles de la face, des mimiques en particulier. Le facial intermédiaire, plus
petit que le précédent, est sensoriel et correspond à l’innervation des papilles gustati-
ves des deux tiers antérieurs de la langue, dont la racine spinale est devenue le gan-
glion de Gasser.

4.2.6 Les aires du cerveau impliquées dans le goût


À partir des noyaux centraux (noyau solitaire) correspondant à chacun de ces nerfs,
les fibres gustatives établissent une première connexion avec un neurone et se projet-
tent sur le thalamus ventro-postéro-médian. De là partent des fibres destinées au néo-
cortex pariétal situé entre l’insula antérieur et l’opercule intérieur. D’autres fibres
sont destinées au cortex orbito-frontal qui, en association avec le cortex olfactif, con-
tribue à la mémoire et à l’identification des flaveurs des aliments.
Notons qu’avec les expériences de Pavlov sur le conditionnement aversif, il
est apparu que la stimulation gustative forme un stimulant conditionnel et que, si on
lui associe un désagrément (toxine, choc, malaise) constituant le stimulus incondi-
tionnel, il apparaît une réponse inconditionnelle de refus de l’aliment. Ce point prend
une importance non négligeable chez les patients qui subissent des chimiothérapies,
par exemple. L’association entre la prise buccale et le malaise produit une réponse
aversive qui d’une part peut altérer la prise alimentaire et entraîner une anorexie,
d’autre part peut avoir un effet psychologique négatif dû au désagrément associé au
traitement.

4.3 La vision : nerf II

C’est peut-être la sensorialité la plus étudiée. Les voies d’intégration visuelles ont
atteint une complexité corticale très supérieure chez l’homme à celle des autres Mam-
mifères, ce qui fait que les processus centraux de la vision sont encore mal cernés. La
vision, étant très élaborée, joue un rôle important dans les activités humaines.
Les organes sensoriels 173

4.3.1 L’œil : instrument d’optique


Les images de notre environnement sont capturées par l’œil, instrument d’optique,
traduites en messages nerveux codés dans la rétine. Les signaux photochimiques sont
convertis en trains de potentiels, puis codés par les cellules ganglionnaires. Ces
signaux empruntent les voies visuelles avant de parvenir aux étages cérébraux où ils
sont triés, décodés et interprétés (figure 4.5).
Les éléments d’optique ne seront pas développés ici en détail. Néanmoins, il
faut rappeler qu’en position frontale du globe oculaire se trouvent des lentilles forte-
ment convergentes qui sont la cornée et le cristallin. Elles ont une puissance optique
importante de l’ordre de 60 dioptries (1/distance focale du dioptre oculaire = 1,5 cm).
Les images sont projetées réduites et inversées sur le fond de l’œil qui est tapissé par
la couche de cellules sensibles à la lumière : la rétine, dont nous verrons un peu de
détails plus loin.
La deuxième lentille, le cristallin, possède assez d’élasticité grâce au glisse-
ment des fines couches transparentes qui le constituent, pour changer de courbure,
donc de puissance optique. Cela représente un mécanisme d’accommodation qui
ajuste la distance focale de l’œil de manière à ce que le centre des images reste net et
soit au maximum de luminosité. Pour ce faire, le cristallin est suspendu à un cercle de
muscles lisses, les muscles ciliaires, qui sont commandés par un réflexe transmis par
le nerf moteur oculaire commun (III).

Sclérotique

Cristallin Couche pigmentaire


Cornée Rétine Figure 4.5
Axe optique
Fovea Œil
Iris Représentation schémati-
Nerf optique que de l’œil, de ses struc-
Humeur vitrée tures internes et de leurs
Tache aveugle
rôles dans la formation
Procès ciliaire Humeur aqueuse des images. Le schéma
du haut situe les princi-
paux constituants de
l’œil : a) les éléments
Rétine = convertit la lumière
en potentiel de récepteur optiques : cornée, cristal-
codage des images sous lin, chambres antérieures
Système optique forme de trains de et postérieures ; b) élé-
potentiels d’action ments cellulaires
Cornée et cristallin nerveux : la rétine. Le
mise au point schéma du bas rappelle
Fovea = cônes
vision diurne les rôles de ces princi-
Iris paux éléments dans la
des couleurs
régle le flux
lumineux et
formation des images.
la profondeur Bâtonnets = Pour en savoir plus :
de champ vision nocturne http://www.chups.jus-
et de détail sieu.fr/polys/ophtalmo/
POLY.Chp.1.html
174 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Un autre réglage optique, le réflexe pupillaire, optimise l’entrée de lumière


pour améliorer la résolution des images ou au contraire diminue l’entrée de lumière
pour protéger la précieuse couche de cellules sensorielles. Ce réglage automatique est
lui aussi commandé par des fibres du nerf III.
N’omettons pas le rôle des paupières, qui protègent, nettoient et occultent la
cornée.
Les images diurnes (de la journée) sont colorées et contrastées. Elles se for-
ment surtout au centre de l’œil. La convergence est telle que les images occupant un
angle d’environ 180° se concentrent sur une très petite région centrale de la rétine : la
fovéa. Nous le verrons, cette région est extrêmement riche en un type de cellules réti-
niennes, les cônes. Mais les couleurs proches du bleu ou de l’ultraviolet sont déviées
vers le pourtour de la rétine où les cellules sensibles, les bâtonnets, sont peu denses
et uniquement sensibles à des longueurs d’ondes proches de 2000-3000 Å. Ce sont
d’ailleurs ces cellules qui assurent la vision nocturne.
L’appareil optique vivant est mobile. Chaque œil, grâce aux muscles oculai-
res (moteur oculaire externe, moteur oculaire interne, moteur oculaire commun), peut
suivre un objet mobile ou balayer une zone de l’environnement tout en conservant des
images de bonne qualité. En effet, la recherche de l’optimisation des images formées
sur la rétine impose un déplacement précis. L’électro-oculogramme montre que, cha-
que fois que l’œil vise un objet de l’environnement, un balayage rapide s’opère auto-
matiquement pour estimer les zones de forts contrastes et y fixer l’axe optique. La
formation des images se poursuit par d’imperceptibles saccades produites par les
muscles oculaires. Ces mouvements saccadés ne sont pas perceptibles, car ils sont
plus rapides que le temps de saisie des images qui est de l’ordre de 24 images/sec. Les
mouvements saccadés accompagnent tous les déplacements de l’œil et représentent
les très fines oscillations du système qui cherche en permanence à optimiser les ima-
ges formées.
La mesure de l’acuité visuelle, l’optométrie, se fait en utilisant des tables pré-
sentant des lettres ou des icônes (pour les enfants) de tailles différentes. Sur la
figure 4.6, apparaît la classique table de Monoyer formée de très grosses lettres en
haut puis de lettres de taille décroissante, mais nous connaissons tous les tables de
Parinaud, faites de planches de texte de tailles différentes.
Nous avons envisagé jusqu’à maintenant la vision monoculaire. Cependant,
en se servant de la visée d’un point vu par un des yeux, qui devient ainsi l’œil direc-
teur, l’autre œil ajuste ses mouvements avec un léger décalage dû à la distance inte-
roculaire et au temps de réaction d’un œil par rapport à l’œil directeur. Cette
différence est responsable de la vision du relief et des contrastes. C’est la vision qui
permet d’apprécier rapidement les distances et les perspectives.
La vision du relief est la vision stéréoscopique que l’on peut examiner en uti-
lisant soit les cartes stéréoscopiques que l’on regarde à l’aide d’une sorte de jumelle,
soit avec l’appareil stéréoscopique dans lequel le sujet doit lui-même réajuster avec
des manettes la position du porte-objet pour obtenir la vision binoculaire correcte.
Les organes sensoriels 175

Figure 4.6
Table de Monoyer
La très classique échelle
optométrique de Monoyer
est utilisée par tous les prati-
ciens pour une évaluation
sommaire des performances
visuelles. La table est placée
à environ 5 mètres, bien
éclairée et le sujet place un
cache en carton devant un
œil puis devant l’autre. Il
doit identifier les caractères
désignés par le manipula-
teur. Son équivalent pour les
enfants qui ne connaissent
pas les caractères est une
échelle figurant des ani-
maux. Un autre test courant
est la planche de test de
Parinaud, comportant de
petits morceaux de texte
dont la taille est croissante.

RETENEZ :
L’œil est d’abord un instrument d’optique comportant une série de structures
formant des lentilles fortement convergentes, la cornée avec la chambre anté-
rieure d’une part et le cristallin d’autre part (soit plus de 30 dioptries).

La vision évolue considérablement entre la naissance et la sénescence. La


vision chez le nouveau-né est limitée à la formation d’images rétiniennes peu nettes,
car les mécanismes adaptatifs sont réduits. Le bébé perçoit des contours et semble
sensible à la forme générale des visages familiers. Dans le chapitre relatif au vieillis-
sement (chapitre 7), nous décrirons les altérations de l’appareil visuel : glaucome,
astigmatisme, myopie, presbytie.

4.3.2 La rétine
A. Nature et fonctions
Cette assise cellulaire contient les cellules et les produits nécessaires à la transforma-
tion de la lumière en signaux électriques (figure 4.7). Les cônes et les bâtonnets sont
les cellules photosensibles.
176 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Fovea
Couche
pigmentaire -
Bâtonnets Cônes

Cellule
horizontale

Cellule
Cellule bipolaire
de Muller

Cellule
amacrine
Cellule
ganglionnaire

Fibres du nerf optique

LUMIÈRE

Figure 4.7
Rétine
Organisation schématique de la rétine. La rétine est un feuillet formé de « lames » cellulaires superposées. La
rétine des Vertébrés est dite inverse car la lumière doit traverser les couches cellulaires pour atteindre les cellules
sensibles. La couche la plus externe est la couche pigmentaire, dans laquelle s’interpénètrent les prolongements
apicaux des cellules de la couche des cellules sensorielles, cônes et bâtonnets. Une couche de neurones d’inter-
connexion se trouve sous les cellules sensorielles, ce sont les cellules bipolaires. Enfin la couche la plus interne
est la couche de cellules intégratives, les cellules ganglionnaires ou multipolaires. On trouve aussi des cellules
associatives traversantes comme les cellules horizontales et les cellules amacrines, ainsi que des cellules nourri-
cières et de soutien comme les cellules de Muller.

Les cônes contiennent chacun un pigment rétinien sélectif d’un spectre de


couleur : le cyanolabe est le pigment filtrant le bleu, le chlorolabe filtre le vert et
l’érythrolabe filtre le rouge. Les cônes sont très nombreux et cencentrés dans les quel-
ques millimètres carrés d’une zone centrée de la rétine, la fovéa.
Les bâtonnets ne contiennent qu’un pigment unique, la rhodopsine, qui est
décalé vers l’ultraviolet. Les bâtonnets constituent la très grande majorité des cellules
de la rétine et en occupent plus de 95 % de la surface.
Le pigment rétinien : la transduction est d’abord un phénomène photochimi-
que (figure 4.8). L’adaptation rétinienne dépend des pigments. Les cônes et leurs pig-
ments fonctionnent sous des intensités lumineuses et avec des pigments spécifiques
pour chacune des trois couleurs. Les bâtonnets opèrent en faible luminosité et ont une
très bonne adaptation aux faibles luminances (figure 4.9).
Ce sont les pigments qui sont dégradés par la lumière et dans une succession
de réactions aboutissent à des mouvements du calcium intracellulaire. Ceci a pour
Les organes sensoriels 177

Lumière
Canal sodium de
courant d’obscurité

Membrane Rh

Transducine

Rhodopsine PDE Na+

5-GMP c-GMP

Figure 4.8
Pigment
La dépolarisation des cellules sensibles à la lumière résulte d’une interaction entre les photons et les substances
chimiques situées sur la membrane cellulaire et dans la cellule photosensible. La substance s’appelle la rhodop-
sine (PDE = phosphodiestérase ; GMP : guanosine monophosphate.). Sa transformation par la lumière ouvre un
canal sodium (canal rhodopsine) qui laisse entrer des ions, ce qui forme un potentiel de récepteur dont l’ampli-
tude est proportionnelle à la quantité des photons qui ont activé la rhodopsine.

log B λ
Figure 4.9
Courbes
Adaptation
des cônes
Ces courbes montrent la dualité et les diffé-
rences de performances des deux types de
cellules visuelles. Les cônes, cellules opé-
rant en forte luminosité et sensibles aux
couleurs du spectre de la lumière du jour
Adaptation
(vision photopique) sont peu adaptables et
des bâtonnets
les bâtonnets (vision nocturne scotopique)
prennent leur relai quand la luminosité
baisse. Quand le sujet reste un temps crois-
sant dans l’obscurité, on voit que ce sont
les bâtonnets qui s’adaptent le mieux et
Temps d’obscurité (minutes) restent efficaces dans les faibles luminan-
Courbe d’efficacité des cellules rétininnes ces. Ce type de courbe montre que les per-
(Bλ: luminance de l’objet) formances de l’appareil visuel dépendent
étroitement des conditions d’examen.

effet la libération de transmetteur, le glutamate, par les synapses des cellules rétinien-
nes. La réponse post-synaptique crée un potentiel post-synaptique excitateur (PPSE)
qui est fortement modulé par l’assemblage des dendrites locales. Un système de jonc-
tions dendrodendritiques utilisant du GABA assure un système d’inhibition locale
dite réciproque. Ce processus est fondamental dans la formation des images, car il
ajuste le contraste grâce à des mécanismes de verrouillage de champ synaptique placé
autour d’une cellule visuelle. Ceci forme une frange non excitable autour de chaque
neurone dite zone d’occlusion.
178 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Notion de champs récepteurs neuronaux : chaque cellule photosensible n’a


que très peu de connexions avec les couches neuronales suivantes. Elle répond à un
très fin pinceau de lumière, colorée ou non, de quelques dizaines de micromètres de
diamètre. L’activation de plusieurs cônes ou bâtonnets provoque soit un phénomène
d’activation centrale (effet « on ») soit une inhibition centrale (effet « off »). Autour
de ces zones se constitue un blocage des synapses empêchant la diffusion latérale du
signal. Ceci forme une sorte de tache isolée (comparable au pixel, l’unité constituant
une image) et contribue à la formation du contraste des images (figure 4.10).
Les cellules bipolaires sont des éléments intermédiaires. Les synapses des
cellules photosensibles s’insèrent sur des cellules bipolaires et forment la première
étape du codage des potentiels d’action. Les cellules horizontales et les cellules ama-
crines sont des éléments intermédiaires à rôle essentiellement inhibiteur (réglant le
système de contraste par exemple).
Rôle des cellules ganglionnaires : elles sont le premier niveau d’intégration
des signaux visuels (figure 4.10). Elles transmettent au cerveau un signal contenant
des informations visuelles : amplitude, durée, couleur, sens du déplacement du spot,
dimension dans l’espace. Chaque cellule ganglionnaire est en relation avec plusieurs
dizaines de cellules bipolaires par le pôle dendritique. Chaque cellule ganglionnaire
émet un axone qui forme le nerf optique destiné aux voies visuelles.

Synapse
Neurones
Potentiels
Repos d’action

Temps

– – Stimulus – –

Actif Potentiels
d’action
Temps (barres verticales = 1 PA)

Figure 4.10
Neurones de la rétine
Mécanismes de l’inhibition latérale dans la rétine. Ce schéma résulte de mesures faites à l’aide de microélectro-
des placées près des cellules visuelles chez l’animal. Au repos, (tracés du haut) toutes les cellules ont la même
cadence de potentiels d’action (petits traits verticaux). Quand la stimulation lumineuse active le centre (neurone
hachuré), en gagnant les cellules environnantes, la dépolarisation crée une inhibition via les synapses GABAer-
giques. Ceci est la réponse dite « centre-on » où l’on voit que la cadence des potentiels d’action (les petites bar-
res verticales) est diminuée. Cette réponse est la fonction responsable du contraste visuel des images que nous
percevons. Ceci montre que les cellules de la rétine procèdent à un encodage des paramètres des stimulations
lumineuses tels que la dimension du stimulus dans le champ visuel ou l’intensité, ou le déplacement dans le
champ visuel.
Les organes sensoriels 179

La transparence des milieux baignant la rétine permet d’observer le tapissage


vasculaire et pigmentaire qui la tapisse. L’examen du fond de l’œil (figure 4.11) se
fait en utilisant un ophtalmoscope. Le praticien place le dispositif très près devant
l’œil du sujet et il peut observer à travers l’oculaire les zones rétiniennes éclairées par
le fin faisceau lumineux émis par l’appareil (figure 4.12).

Figure 4.11
Fond de l’œil
Vaisseaux L’observation du fond de l’œil en utilisant un bio-micros-
rétiniens cope permet de voir nettement la vascularisation réti-
nienne. Les vaisseaux sanguins entrent et sortent par la
Macula tache aveugle qui est aussi la zone d’émergence du
Fovéa nerf optique. La fovéa, la région riche en cônes sensi-
bles à la lumière colorée, se situe dans la zone du spot
visible sur l’image et en occupe à peu près la surface.
Le reste des zones irriguées correspond au reste de la
Disque optique rétine, c’est-à-dire une très grande surface dans laquelle
(tache aveugle) se trouvent les bâtonnets. La mise au point récente de
système d’optique adaptative devrait permettre, en com-
binaison avec un système de gestion informatique, de
voir les cellules visuelles sur cette image passant ainsi
d’une résolution de 50 micromètres à 3 micromètres.
(Service Ophtalmologie, CHU Nancy.)

A B

Œilleton
d’observation

Observateur
Jeu de lentilles
montées sur deux
disques tournants

Ampoule
et piles

Figure 4.12
Ophtalmoscope et ophtalmomètre
Un modèle d’ophtalmomètre dit de Javal (A, à gauche : la tête du sujet est placée de manière stable sur l’étrier.
Le tube ophtalmométrique vise un œil. Le dispositif envoie une fenêtre calibrée et le praticien, dont l’œil est
placé derrière l’oculaire, observe le reflet avec la partie biomicrosope. L’image de la fenêtre doit se superposer
à celle observée, sinon il y a une déformation de la cornée comme dans l’astigmatisme (Cliché : service
d’Ophtalmologie ; CHU-Nancy). L’ophtalmoscope (B, à droite) : l’ophtalmoscopie est une technique d’examen
utilisant un outil d’examen simple mais très utile pour regarder la cornée et le fond de l’œil. Le dispositif est cons-
titué d’une optique de focale réglable qui permet au praticien de regarder l’œil et d’un système d’éclairage
(dans le manche) qui traverse l’optique en direction de l’œil examiné et permet d’illuminer les différentes cham-
bres oculaires. (Cliché : service d’Ophtalmologie ; CHU-Nancy , Courtesy Heine-Optoteknics.)
180 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

RETENEZ :
La rétine est une membrane formée à partir du cerveau antérieur. Elle contient
des cellules photosensibles, les cônes chargés de pigments sensibles à trois cou-
leurs et les bâtonnets, ne contenant qu’un pigment sensible au noir et blanc.
Ces cellules se relient à deux couches de neurones, les cellules bipolaires et les
celllules multipolaires dont partent les axones qui forment le nerf optique.

B. Tests du fonctionnement de la rétine


L’exploration du fonctionnement de la rétine est réalisée en utilisant l’électro-rétino-
gramme (ERG) (figure 4.13). Une électrode de coton imbibé de solution physiologique
est placée sur la cornée ; l’autre électrode est collée sur le front. Les pupilles sont dila-
tées au préalable par l’action d’un collyre à l’atropine. On envoie un fin pinceau de
lumière itérative (des flashes émis par des photodiodes). Le dispositif détecte des varia-
tions de courant électrique induites par l’activation des différentes cellules de la rétine.

A Amplificateur B

b Électrode
cornéenne

Lumière
Électrorétinogramme C

Micro-
électrode

Potentiels des bâtonnets

Stimulation
Rétine

Lumière

Figure 4.13
ERG
On peut obtenir une trace des variations de courant électrique produit par les dépolarisations successives des cellules
de la rétine lorsqu’un faisceau lumineux active les cônes ou les bâtonnets. Ce tracé s’appelle l’électrorétinogramme
(ERG). A : L’enregistrement de l’activité électrique des cellules rétiniennes fait partie des méthodes d’explorations élec-
trophysiologiques. Une électrode est posée sur la cornée, l’autre est placée sur une zone neutre (sur la tempe par
exemple). Les variations de courant montrent une succession d’ondes liées à l’activation des différentes cellules de la
rétine. L’occurrence des phénomènes avec les dépolarisations des cellules est contrôlée chez l’animal par le position-
nement d’une microélectrode au contact direct de chaque type de cellules de la rétine. On décrit sur l’ERG : l’onde a,
la dépolarisation des cellules réceptrices, l’onde b, la réponse de cellules associées comme les cellules bipolaires et
l’onde d qui apparaît à l’arrêt de l’éclairement. On rapprochera ces réponses de l’effet « inhibiteur » décrit dans la
figure 4.10. On peut ainsi obtenir des réponses scotopiques, (en B) liées aux réponses des bâtonnets (luminance 1
candéla/m2) et les réponses scotopiques (en C), dues aux réponses des cônes (luminance 100 candéla/m2).
Les organes sensoriels 181

La réponse a-b correspond à l’activation des récepteurs par l’allumage d’une lampe.
L’amplitude des ondes dépend de la couleur de la lumière, de son intensité et de l’adap-
tation préalable à l’obscurité. Une onde c apparaît lors de l’arrêt de l’éclairement.
L’ophtalmologue teste la vision des couleurs au moyen des tables d’Ishihara,
dont une planche est extraite dans la figure 4.14. Elles permettent de diagnostiquer
une dyschromatopsie ou anomalie de vision des couleurs (environ 10 % des garçons,
0,5 % chez les filles). Le test comporte une vingtaine de planches dans lesquelles le
sujet doit identifier des chiffres sur un motif formé de pastilles colorées.

4.3.3 Les voies visuelles et les projections corticales


Les images formées et codées dans la rétine sortent de la chaîne de traitement des
signaux par les cellules ganglionnaires dont les axones courent à la face interne de la
rétine et convergent vers un point commun de sortie qui est la tache aveugle toute pro-
che de la zone sensible, la fovea.

A. Nerf optique et chiasma


Nerf optique : les fibres nerveuses sont organisées selon leur position sur la rétine, mais la
moitié nasale de la rétine forme un faisceau de nerfs qui se rend vers l’autre côté du crâne
et rejoint la moitié temporale des nerfs venant de l’œil opposé. Cela forme le chiasma opti-
que, le point des deux nerfs optiques où les nerfs visuels se croisent (figure 4.15).
Le chiasma optique occupe une position basale. La portion postérieure du X
de la décussation encadre une région endocrine fondamentale, qui est le promontoire
infundibulaire, une zone importante d’échanges nerveux et vasculaires avec l’hypo-
thalamus, la tige pituitaire et l’hypophyse qui est suspendue à cette tige pituitaire.
Quelques fibres du nerf optique entrent donc dans cette région qui contrôle en parti-
culier nos rythmes journaliers. Ces informations sur la luminosité ambiante ont un
rôle fondamental dans les activités endocrines diverses synchronisées avec l’autre
glande sensible à la lumière qui est l’épiphyse, située au-dessus des tubercules qua-
drijumeaux, donc en haut et en arrière du diencéphale (à voir avec cette structure).

Figure 4.14
Tables d’Ishihara
La vision des couleurs : les tables d’Ishihara permettent
d’identifier des anomalies de vision des couleurs ou dyschro-
matopsies, comme le Daltonisme ou les troubles moins mar-
qués telles que les trichromatopsies ou les dichromatopsies.
Les pastilles sont colorées en utilisant des nuances de cou-
leurs particuliéres au type d’anomalie recherchée, et dont
certains points tracent des chiffres qui sont mal identifiés ou
ne sont pas vus chez les sujets présentant un trouble de
vision des couleurs. Les tables complètes en couleur sont visi-
bles sur : http://daltonien.free.fr/daltonien/article.
php3?id_article=6
182 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Figure 4.15
Voies visuelles
Sur la vue 3/4 arrière du cerveau, nous
avons tracé sommairement les voies
optiques. Il est important de voir les rap- Thalamus
ports de ces structures par exemple au
niveau de la base du crâne où les voies
optiques croisent au niveau du chiasma
en avant de l’hypothalamus. Après le
croisement, les fibres forment les corps
genouillés. Ceux-ci se connectent sur les
tubercules quadrijumeaux qui eux-
mêmes se branchent sur la région pos-
térieure du thalamus (pulvinar). (Voir :
http://lecerveau.mcgill.ca pour plus de
détails.)
Nerf optique
Corps
Région genouillés
Chiasma Hypothalamus-
optique hypophyse (en
arrière du
chiasma optique)

B. Corps géniculés
En quittant le chiasma, le nerf optique forme un angle, le genou, et se rend vers les
tubercules quadrijumeaux postérieurs. Toujours très stratifiées, selon l’organisation
rétinienne puis celle du nerf optique, les fibres nerveuses se disposent dans les tuber-
cules quadrijumeaux selon leur provenance rétinienne. Dans cet étage, l’analyse des
signaux est liée aux déplacements des images, à leur position, et aux contrastes. En
effet, les tubercules quadrijumeaux sont collés au pôle postérieur du thalamus. Or cette
structure intègre de manière systématique toutes les informations sensorielles et le
mouvement détecté par l’œil est ainsi dissocié en ses paramètres visuels, labyrinthi-
ques, propriocepteurs (donc sensibilité musculaire) ou encore tactiles éventuellement.
Le fonctionnement du thalamus pourrait se comparer à une structure de logis-
tique. Le thalamus entre en repos quand le triage et les interrupteurs des formations
réticulées s’ouvrent. Les informations sensorielles n’arrivent plus au cerveau. Le tha-
lamus ne trie plus rien. Il ne transmet plus rien au cortex qui lui aussi se met en veille.
Nous le verrons, c’est l’un des aspects du sommeil. Les commandes sensorielles du
thalamus concernent les signaux venant du côté homolatéral (même côté) ; mais, du
fait de la décussation, des informations contralatérales (du côté opposé) sont contrô-
lées par une structure ancienne logée dans la profondeur du parenchyme et qui étend
son action à tout le cortex, c’est la structure hippocampique. Elle joue un rôle très
important dans notre quotidien. Sa structure et ses fonctions dans le transfert des
informations sensorielles d’un hémisphère à l’autre et dans l’acquisition de la
mémoire seront développées dans la section 6.2 « La mémoire ».
Les organes sensoriels 183

C. Aires optiques
Le thalamus, après intégration des signaux visuels, redistribue les informations trai-
tées vers le cortex primaire situé sur le pôle le plus postérieur du cerveau, le pôle occi-
pital. Dans la nomenclature de Brodman, c’est l’aire 17. Là, les mesures en potentiels
évoqués montrent que l’organisation, neurone ganglionnaire par neurone ganglion-
naire, fibre par fibre, se retrouve dans le cortex primaire. La stimulation d’un neurone
par un fin pinceau de couleur appropriée déclenche la formation d’un potentiel évo-
qué dans le cortex de l’aire 17.
Les informations visuelles intégrées, associées à d’autres informations sen-
sorielles, comme le mouvement ou des odeurs, sont envoyées vers l’aire voisine,
l’aire 18. Les stimulations sensorielles y évoquent des images simples. Enfin, dans
l’aire dite de gnosie visuelle, l’aire 19, les stimulations visuelles ou des stimulations
transcrâniennes de cette aire évoquent des scènes visuelles vécues chez le sujet
(figure 4.16). Globalement, les informations visuelles empruntent deux voies : l’une,
ventrale, est destinée au cortex temporal et permet une perception dynamique des
images et les impressions colorées. L’autre voie, dorsale, est destinée au cortex parié-
tal et concerne l’analyse du mouvement et des formes.

Cortex
pariétal

ale
rs
do Formes
ie
vo mouvements Cortex
Formes (V3A) frontal
positions (V5)

Thalamus
Taches
colorées Cortex temporal
ale
ventr formes dynamiques
voie
Formes (V3) couleurs
mouvements (V4) Rétine
Cortex occipital Corps geniculé Nerf optique

Cervelet

Figure 4.16
Voies visuelles
L’organisation des voies optiques est présentée ici de manière simplifiée. Le nerf optique apporte des signaux
électriques dont la fréquence contient le codage des paramètres des images qui ont été formées sur la rétine. Le
codage concerne la forme, la couleur, l’extension dans l’espace, la position dans l’espace, les déplacements.
Une grande partie de la préparation et du tri des images est faite par les couches neuronales des tubercules
quadrijumeaux ce qui permet d’assurer des actions comportementales rapides et adaptées sans transiter par le
cortex frontal ou temporal. La distribution des informations par le thalamus postérieur projette les signaux en
fonction de leur contenu vers des zones du cortex adaptées à l’interprétation et à la mémorisation.
184 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

4.3.4 Associations avec d’autres aires


Les associations avec d’autres aires sont globalement classées ainsi : la voie du
« quoi », l’identification de l’objet, est une voie occipito-temporale (avec l’aire tem-
porale 4) qui permet de reconnaître l’objet et ses attributs. Sa lésion produit des agno-
sies visuelles dans lesquelles le malade ne sait plus identifier un objet familier.
La voie du « où », qui intègre les données spatiales, est une voie occipito-
pariétale qui agit en coordination avec les aires pariétales postérieures pour localiser
un objet ou coordonner certains comportements visuo-moteurs. Certaines lésions de
cette voie peuvent provoquer une négligence unilatérale (le patient ignore une partie
de son corps) ou une ataxie visuelle.
La voie « implicite » a été identifiée dans certaines cécités. Elle court-circui-
terait, dans un parcours sous-cortical, la voie des radiations optiques en connectant
directement les tubercules quadrijumeaux aux aires pariétales. Cette voie serait utile
aux comportements visuo-moteurs inconscients, comme par exemple dans les évite-
ments d’obstacles. Elle a surtout été identifiée chez des patients présentant des alté-
rations importantes du champ visuel.

RETENEZ :
Le nerf optique formé dans chaque œil donne un très gros faisceau qui croise
au chiasma optique, sous la base du cerveau, puis forme des corps genouillés
qui se fixent sur l’arrière du thalamus au niveau du pulvinar. Du thalamus,
les radiations optiques envoient des fibres vers le pôle occipital postérieur ou
aire visuelle.

4.3.5 Les anomalies visuelles


Elles sont nombreuses et complexes. En bref, voici une liste des principaux troubles
visuels fréquents.

A. Anomalies de l’appareil optique visuel


Les amétropies : myopie, presbytie, hypermétropie ; l’astigmatisme : un défaut de
courbure de la cornée ; la cataracte : l’opacification du cristallin ; le glaucome : aug-
mentation de la pression du liquide dans l’œil, qui provoque une dégradation de la
rétine ; les hémianopsies : ce sont des anomalies du champ visuel dûes à une anomalie
des voies visuelles ou à une altération du cortex occipital ; le scotome : lacune du
champ visuel due à une altération rétinienne ; des anomalies et paralysie des nerfs
moteurs des yeux : diplopie (vision double), strabisme convergent ou divergent (les
yeux ne dévient pas parallèlement) ; des anomalies du diamètre pupillaire : la
mydriase paralytique (dilatation permanente de la pupille) ou des anomalies du myo-
sis (fermeture de la pupille) comme le signe d’Argyll-Robertson qui associe l’accom-
modation-convergence à un myosis bilatéral et l’absence de réflexe photo-moteur. Le
signe de Claude Bernard-Horner associe un myosis et un globe oculaire faiblement
Les organes sensoriels 185

dilaté (énophtalmie) ; une anomalie de mydriase (dilatation de la pupille) : une len-


teur anormale de l’ouverture de la pupille est observée dans le syndrome d’Adie.

B. Anomalies liées à une altération rétinienne


Décollement de rétine ; la dégénérescence maculaire : chez les personnes âgées, il y
a une dégradation du centre de la rétine entraînant une mauvaise vision, voire une
cécité ; l’achromatopsie : pas de vision des couleurs ou anomalie de vision des
couleurs ; l’héméralopie : problème de vision nocturne ; le scotome : lacune du
champ visuel sur un ou deux yeux, centrale ou périphérique (toujours lié à une lésion
pré-chiasmatique) ; les phosphènes : taches colorées qui persistent en obscurité ; des
flashes lumineux sont souvent liés à un déchirement de rétine et les hamartomes (mal-
formations) astrocytaires rétiniens.

C. Anomalies des voies optiques


Méningiome du nerf optique : c’est une sorte de tumeur qui peut apparaître chez
l’enfant de moins de 10 ans dans les cas de fibromatose, formant une tumeur
méningée ; les hémianopsies et les quadranopsies : perte de la vision sur une moitié
latérale, temporale ou nasale, fovéale ou non ; interruption des voies visuelles ; la
cécité corticale : ischémie des artères cérébrales postérieures, lésion ou tumeur du
cortex occipital ; les agnosies visuelles ; le syndrome de Balint : l’incapacité à orien-
ter le regard volontairement (lié à une atteinte pariéto-temporale) ; la négligence spa-
tiale unilatérale : l’incapacité à détecter ou s’orienter vers des stimuli situés dans
l’hémichamp opposé à la lésion corticale ; paralysie de la motricité oculaire d’origine
corticale ; syndromes d’absence de réflexe photomoteur ; l’ophtalomoplégie
internucléaire : problème de motilité synchrone des deux yeux ; réflexe palpébral (au
contact de la cornée les paupiéres se ferment) altéré ; ptosis : mobilité altérée des
paupières ; Amaurose bilatérale : forme de cécité plus ou moins durable.

RETENEZ :
Les anomalies visuelles touchent l’appareil optique, son système moteur, les
voies visuelles à différents niveaux et les centres cérébraux chargés d’analy-
ser et mémoriser les images.

4.3.6 Les techniques d’analyse de la vision


A. Mesures de la convergence et des variations des éléments optiques
Les principales techniques de mesure et de dépistage des anomalies ou simplement :
– Les lunettes d’essai ; l’ophtalmométrie ; l’échelle de Monoyer (figure 4.6) et
la table de Parinaud ; la mesure de la tension intra-oculaire : le glaucome ; la
campimétrie et périmétrie.
– Le biomicroscope ; l’ophtalmoscope (figure 4.12) ; l’électro-oculogramme
(EOG) ; la stéréoscopie.
186 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

B. Techniques d’exploration des variations des éléments optiques de l’œil :


optométrie
– Lunettes d’essai : ce sont des porte-verres analogues à des lunettes, sur les-
quels on peut placer des verres concaves ou convexes pour mesurer l’amétro-
pie, ou des verres cylindriques pour mesurer un astigmatisme.
– Ophtalmométrie : l’ophtalmomètre de Javal se présente comme un appa-
reillage qui demande une forte coopération du sujet. Il faut expliquer qu’une
forte lumière, non dangereuse, va être utilisée. La tête du sujet doit être bien
calée sur la mentonnière et dans l’arc frontal. Le sujet doit accepter de main-
tenir un œil ouvert. Ne pas omettre de provoquer la dilatation de la pupille au
préalable. L’appareil comprend : une lunette de visée permettant d’observer
l’image d’une mire reflétée sur la cornée ; un arc de cercle horizontal sur
lequel deux mires, l’une rectangulaire, l’autre en escalier, peuvent se
déplacer ; un prisme placé au milieu de la lunette, qui est destiné à dédoubler
les mires. De la sorte, il y a quatre mires identiques deux par deux. Lorsqu’on
vise la cornée du sujet, si celle-ci est sphérique les images des mires se super-
posent. S’il existe une déformation, l’astigmatisme, les mires sont décalées et
ne s’alignent plus. En faisant tourner l’arc porte-mire, on peut définir l’orien-
tation de l’astigmatisme et son intensité.
– Mesure de la tension intra-oculaire : indispensable pour détecter le glaucome
elle se fait en appliquant un fin jet d’air qui produit une déformation de la cor-
née dépendant de la tension exercée sur la paroi par le liquide intraoculaire
(forte tension intraoculaire = faible dépression).
– Campimétrie et périmétrie : ces deux appareils permettent de préciser le
champ visuel d’un sujet en déplaçant un curseur lumineux blanc ou coloré
dans l’espace visuel. On obtient un tracé des limites du champ visuel utile
pour préciser l’éventuelle existence de rétrécissement, comme c’est le cas
dans la vision en tunnel des trisomiques ou des cécités dans l’hémichamp
nasal ou temporal. Dans le périmètre de Goldman, la tête du sujet est placée
au centre d’un hémisphère vertical en plastique translucide sur lequel sont
tracés les équateurs et les méridiens. Le manipulateur déplace un spot de
l’extérieur vers l’intérieur jusqu’à ce que le sujet annonce qu’il voit le spot.
– Biomicroscope : c’est une sorte de loupe binoculaire permettant à l’ophtal-
mologue d’observer l’iris, les bords du cristallin ou le fond de l’œil à travers
la pupille grâce à un éclairage illuminant l’intérieur de l’œil.
– Ophtalmoscope : il est destiné aux examens du fond de l’œil ou des différen-
tes chambres oculaires. Le système dit ophtalmoscope à réfraction est le plus
classique. Il est formé d’un ensemble de lentilles montées sur des petits dis-
ques tournant autour d’un miroir concave percé d’un petit trou en son centre.
Les verres sont tournés pour optimiser la vision. Il est nécessaire de s’appro-
cher au plus près de l’œil fixe du sujet. Un éclairage frontal permet d’éclairer
l’œil sans former de zone d’ombre car il faut déplacer l’appareil et donc l’œil
de l’observateur pour voir toutes les régions de l’œil. Ces observations sont
Les organes sensoriels 187

fondamentales et un préalable obligatoire à tout diagnostic, en particulier


pour les problèmes liés à la vascularisation, les décollements de rétine, l’opa-
cification du cristallin.
– Électro-oculogramme (EOG) : des électrodes autocollantes sont placées de
chaque côté des yeux. Elles détectent les variations des globes oculaires, con-
sidérés comme des générateurs de courant, en évaluant les variations de cou-
rant électrique. Une mesure informatique de coïncidence reconstitue les
déplacements du regard. De mise en œuvre simple, cette méthode est pour-
tant de moins en moins utilisée, en particulier dans certains diagnostics de
neuropsychiatrie lors des tests de Rorschach. D’autre part, l’EOG permet
d’évaluer l’importance et l’occurrence du nystagmus ou de strabisme ou
encore de diplopie.
– Vision stéréoscopique : le stéréoscope est le plus précis, mais il est utile de
commencer, surtout chez l’enfant, par le stéréoscope de Brewster, formé de
jeux de cartes complémentaires formées de dessins simples qui doivent se
superposer si la vision stéréoscopique est correcte. L’inconvénient est le fait
que la mesure ne concerne que la vision rapprochée (punctum proximum).
Une quantification peut être obtenue par le stéréoscope à miroir, dans lequel
le sujet est éloigné de plusieurs mètres des images présentées qui sont des
mires que le sujet déplace lui-même jusqu’à estimer les objets superposés.

C. Techniques d’examen de la rétine et de son intégrité


– Électrorétinogramme : une électrode de coton imprégné de sérum physiologi-
que (type Ringer) est posée sur la cornée, hors pupille et une autre électrode
métallique adhésive fixée en temporale (figure 4.13). Le courant obtenu repré-
sente l’activité des couches cellulaires de la rétine. Cela permet d’objectiver
des anomalies de vision des couleurs en reconnaissant des différences de den-
sité de neurorécepteurs ou d’évaluer l’étendue d’une destruction cellulaire.
– Biomicroscope et ophtalmoscope (figure 4.12) et examen du fond de l’oeil.
– Fond de l’œil : examiné à l’ophtalmoscope selon le principe décrit plus haut.
Ici, l’examen permet de voir un déchirement, une hémorragie, un décolle-
ment, une lésion (figure 4.11).
– Analyse des fibres nerveuses rétiniennes.
– Examen « laser flare meter ». On utilise l’effet Tyndall ou tyndallomètrie qui
évalue la diffraction d’un faisceau laser He-Ne lorsqu’il traverse des protéi-
nes ou des débrits de cellules présents dans l’œil s’il y une inflammation..
– Angiographie rétinienne : on injecte de la fluoroscéine dans le pli du coude
et on prend des images des yeux en lumière bleue fluorescente (utile pour les
rétinopathies diabétiques).
– Tomodensitométrie orbitaire et IRM oculo-orbitaire : plus précis permettant
la localisation de tumeurs intra-oculaires.
188 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

– Vision des couleurs : les tables d’Ishihara, inventées depuis plus d’un siècle,
sont formées d’une mosaïque de pastilles colorées représentant des figures ou
des nombres qui ne sont reconnus que dans une vision normale. Les planches
sont conçues pour identifier les anomalies de type dyschromatopsies tel que
le daltonisme (figure 4.14).
– Échographie oculaire : écho A pour la mesure de la longueur axiale de l’œil
(22-23 mm) et écho B bidimensionnelle pour l’examen du pôle postérieur de
l’œil (catarcte, hémorragie, décollement de rétine)

D. Techniques d’exploration des voies visuelles


– Électrophysiologie : électrorétinogramme, électro-oculogramme pendant le
suivi des déplacements d’un spot lumineux.
– L’exploration chirurgicale.
– Électro-encéphalographie (EEG) : activité du pôle occipital avec ouverture et
fermeture des yeux. Les stimulations lumineuses intermittentes (SLI, pen-
dant l’EEG) : la SLI peut « entraîner » le rythme alpha, mais elle peut provo-
quer une crise d’épilepsie chez certains patients ; la réaction d’arrêt visuel à
l’EEG : c’est l’un des tests incontournables pendant l’enregistrement au
cours duquel on demande au sujet d’ouvrir et fermer les yeux.
– Potentiels évoqués visuels : ils permettent la recherche précise de cécité cor-
ticale (voir chapitre 1 pour la technique) en appliquant des stimulations
visuelles dont les réponses sont recueillies par des électrodes placées sur le
crâne.
– Imagerie : l’IRM et la tomodensitométrie sont très utiles pour visualiser un
obstacle ou une altération vasculaire associée à une altération de l’intégration
des images.

RETENEZ :
Les techniques d’examen de la vue sont le plus fréquemment des mesures des
caratéristiques optiques de l’œil et de ses altérations. Lorsqu’on soupçonne
des altérations rétiniennes l’examen du fond de l’œil est fait avec l’ophtal-
moscope. Les altérations qui affectent les voies visuelles et les projections
corticales utilisent l’imagerie et l’EEG.

Pour en savoir plus sur l’œil et les troubles visuels :


http://www.snof.org/phototheque/phototheque.html
Les organes sensoriels 189

4.4 L’audition : nerf VIII


4.4.1 Le récepteur : oreille externe, moyenne et interne
Le dispositif récepteur des vibrations des molécules de l’air se décompose en une
structure externe, l’oreille externe, comportant le pavillon, le conduit auditif et le
tympan ; une structure intermédiaire, l’oreille moyenne, qui est un atténuateur de la
puissance sonore constitué par la chaîne des osselets ; l’oreille interne, ou cochlée,
qui assure la conversion des vibrations sonores en potentiels d’actions.
L’oreille externe n’assure que des fonctions restreintes de protection et de
guide d’onde. La protection est indispensable car le système labyrinthique, compre-
nant la cochlée et les canaux semi-circulaires creusés dans la cavité de l’os temporal,
forment un ensemble fermé par de très fines membranes posées sur la fenêtre ovale
et la fenêtre ronde. Elles sont très fragiles et ne supportent pas les sons puissants ou
les chocs sur ce que nous appelons la « capsule otique ». Quant au guide d’onde, au
sens physique, c’est un tube dont le diamètre et la longueur constituent un filtre qui
sélectionne une gamme de fréquences que l’étage d’analyse qui suit admettra. De ce
fait, notre oreille ne retient que les fréquences comprises entre 40 et 16000 Hz, mais
sans ces filtres, elle pourrait être sensible dans des plus hautes fréquences
(figure 4.17).

Niveau sonore
en décibels (dB)

160

BOEING 140

TONDEUSE
100
À GAZON

SALLE DE Figure 4.17


RESTAURANT 80
ANIMÉE Spectre auditif
Les niveaux sonores des bruits fami-
liers sont exprimés sur l’échelle de
ASPIRATEUR 75 droite en décibel (dB). Notez que les
bruits familiers, donc pratiquement les
bruits de fond de notre environne-
BRUITS MOYENS 50 ment, sont à 50 dB et que des bruits
DOMESTIQUES donnant une sensation gênante ne
sont qu’à 75 ou 80 dB. Ceci vient de
MIAULEMENT l’utilisation de l’échelle logarithmique
25 de quantification des sons et cela
DE CHAT
montre que la sensation, selon les
principes généraux de la psychophy-
CHUCHOTEMENT 10 sique, dépend du logarithme de
l’intensité (voir loi de Weber,
chapitre 1).
190 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Retenez aussi le fait que les vibrations sont transmises vers l’oreille interne
par la voie de la conduction aérienne, par le conduit auditif, par le tympan, par les
osselets, puis par le liquide endolymphatique de la rampe tympanique. L’autre voie
est dite conduction osseuse, qui fait directement vibrer l’ensemble de l’appareil
osseux, comme le fait un diapason dont le pied est posé derrière l’oreille. Nous ver-
rons plus loin que, selon le cas, la surdité venant d’une altération des voies aériennes
peut être en partie compensée par la transmission des sons qui produisent des vibra-
tions limitées de l’os temporal.
L’oreille moyenne (figure 4.18) : entre la membrane tympanique et l’oreille
interne s’interpose un mécanisme destiné à atténuer l’amplitude des vibrations, c’est la
chaîne des osselets : le marteau, l’enclume et l’étrier. Même si la taille et le poids des
osselets sont très petits, leur mobilisation n’est possible que dans la gamme des fréquen-
ces normalement perçues par l’homme. Les infrasons de moins de 20 Hz ne passent pas
l’os temporal et les ultrasons au-delà de 20000 Hz ne sont pas perçus. Le dernier osselet,
l’étrier, est collé sur la membrane de la fenêtre ovale fermant l’oreille interne.
La chaîne des trois osselets fonctionne dans une cavité qui est ouverte sur la
cavité naso-pharyngée par un conduit, la trompe d’Eustache. Ce tube cartilagineux est
fermé au repos. Mais s’il s’ouvre, les variations de pressions buccales ou nasales
modifient la pression dans cette cavité au-dessus ou en dessous de la pression atmos-
phérique. Cela revient à faire plus ou moins bomber ou rentrer la membrane tympa-
nique, donc à déplacer l’alignement des osselets. Nous connaissons spécialement cet
effet dans la plongée sous-marine ou lorsqu’on monte en altitude. La déformation du
tympan alors tendu est douloureuse car un nerf, la corde du tympan, qui est un rameau
du nerf facial VII, contourne le tympan. Dans ces cas, la déglutition permet de rétablir
une pression de part et d’autre du tympan.
L’oreille interne est formée d’un système labyrinthique qui comprend à la
fois le système cochléaire, dit aussi limaçon, en raison de la forme de la cochlée, et
les canaux semi-circulaires, qui sont les trois tubes perpendiculaires les uns par rap-
port aux autres ayant pour fonction de détecter les mouvements de la tête.
Les deux systèmes sont reliés entre eux par des réservoirs de liquide
endolymphatique : les saccules et l’utricule. En effet, le liquide baignant le tube
cochléaire est identique à celui qui se trouve dans les canaux semi-circulaires.
D’ailleurs, nous le verrons, le principe de détection est identique. Il n’y a qu’une
modification simple de l’élément mécanique transmetteur : c’est un cristal de cal-
cium, l’otolithe, collé aux cils des cellules sensorielles dans les canaux et c’est un
bourrelet membranaire, la membrane tectoriale, collée aux cils dans la cochlée.
La cochlée est cloisonnée sur sa longueur par la lame basilaire pour former
trois chambres ou rampes, dont deux plus volumineuses sont reliées entre elles. La
rampe située au-dessus de la membrane osseuse centrale ou lame basilaire, est la
rampe vestibulaire fermée à son extrêmité par la fenêtre ovale. La rampe placée au-
dessous de la membrane basilaire est la rampe tympanique qui est fermée par la fenê-
tre ronde. Le petit canal central creusé dans la lame basilaire est appelé rampe
Les organes sensoriels 191

A B
Canaux semi-
circulaires :
équilibration,
mouvements de la tête

Tympan, osselets
Cochlée : audition

C
Cochlée = deux
tubes accolés :
rampe vestibulaire
+ rampe tympanique

D RV
RC
GC MB
RT
CA (Organe de Corti,
cellules auditives
internes et externes)

Figure 4.18
Audition
L’appareil vestibulo-auditif est situé derrière l’oreille, dans la capsule otique (A). En (B), la structure grossie de
cet appareil. La cochlée, l’appareil interne de l’audition, agrandie en C, est formée de deux tubes accolés
enroulés en spirale et obturés à une extrêmité par la fenêtre ronde qui ferme la rampe tympanique (RT) et la
fenêtre ovale qui ferme la rampe vestibulaire (RV). Les deux fenêtres sont situées du côté de la cavité de l’oreille
moyenne. L’étrier est collé sur la membrane fermant la fenêtre ovale. En D, une coupe de la cochlée. Les cellules
auditives (CA) (voir fig 4-19) reposent sur la membrane basilaire (MB) et leurs cils baignent dans l’endolymphe
riche en ions potassium de la rampe cochléaire (RC), isolée des RV et RT. Ce sont les oscillations de la MB qui
produisent les déplacements des cils.

cochléaire et il comporte en particulier la partie contenant les cellules sensorielles,


formant le canal de Corti (figure 4.18 C et D).
Les sons qui arrivent à la fenêtre ovale, après transmission par la chaîne des
osselets mettent en vibration la membrane et le liquide endolymphatique incompres-
sible. Ces vibrations sont transmises uniformément d’un bout à l’autre de la rampe
vestibulaire, puis reviennent par la rampe tympanique où les déplacements sont
absorbés par les déformations de la fenêtre ronde.
192 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Les vibrations du liquide sont transmises à la lame vestibulaire qui oscille en


retour. La largeur de cette lame diminue depuis la fenêtre ronde jusqu’à l’apex, l’extré-
mité de la cochlée. Comme la longueur des lames frappées du piano qui répondent par
une fréquence croissante des plus longues aux plus courtes, la lame basilaire vibre aux
basses fréquences près de la fenêtre ovale et aux plus hautes fréquences à l’apex. Ces
vibrations de la lame basilaire font bouger les cellules sensorielles qui reposent sur
cette lame. En montant et descendant, les mouvements de la lame tirent ou écrasent les
cils très longs de ces cellules qui sont collés à la courte membrane tectoriale, qui est
suffisamment trapue pour ne pas vibrer. Ces déformations découvrent de manière plus
ou moins importante des canaux ioniques placés à la base du long stéréocil
(figure 4.19). Ce sont des ions potassium qui entrent, car il y en a plus dans l’endolym-

Stimulation :
oscillations de
Cellules auditives la membrane basilaire Cellules auditives
internes ou de l’otolithe externes
Membrane tectoriale

Ca2+
K + Liquide K+
endolymphatique

K+

Cellule
de soutien

Réticulum
endoplasmique
Myofibrilles
noyau
GLU
GLU
GLU

GABA GABA

Fibres venant du
ganglion de Corti
Membrane basilaire
Afférences vers
les cellules ganglionnaire Oscillations produites par les sons

Figure 4.19
Cellules auditives
Les cellules ciliées qui tapissent la rampe cochéaire, forment la partie sensorielle de l’organe de Corti. Les cils
sont collés à la membrane tectoriale rigide et c’est la membrane basilaire qui oscille selon la fréquence des sons.
Cela provoque des déplacements des cils qui ouvrent des pores membranaires et laissent entrer du calcium. Ces
ions Ca2+ activent des réactions chimiques intracellulaires. À la fin de la cascade de réactions, du glutamate, un
neurotransmetteur activateur passe sur les structures post-synaptiques qui forment un potentiel postsynaptique exci-
tateur (PPSE). Notez la particularité des cellules externes qui contiennent des myofibrilles contractiles. Ainsi en se
contractant selon la fréquence des sons elles modulent les oscillations de la membrane basilaire.
Les organes sensoriels 193

phe baignant les cellules que dans les cellules. Ces entrées d’ions produisent la forma-
tion d’un courant de dépolarisation gradué dépendant directement de l’intensité des
vibrations. Ce n’est qu’en passant à la dendrite de la deuxième cellule placée dans le
ganglion spiral ou ganglion de Corti qu’apparaîtra un potentiel d’action.
Ce mode de transduction des sons vaut aussi bien pour les cellules auditives
des deux rangées internes, que pour les cellules externes alignées sur trois rangs légè-
rement décalés les uns par rapport aux autres. Les cellules internes répondent direc-
tement aux fréquences et à un point de la membrane basilaire, les quelques cellules
concernées ne répondent qu’à une fréquence assez ciblée.
Les cellules externes ne répondent pas à une telle règle stricte de fréquence.
Elles contiennent des éléments élastiques dans leur cytoplasme qui les font réagir aux
fréquences en se contractant « au rythme de la musique ». En fait, cette propriété rend
les cellules externes capables de coder les harmoniques des sons qui entrent dans
l’oreille. Ces particularités des cellules externes et leurs positions externes au sein de
la cochlée les rendent sensibles aux variations externes comme la température, aux
chocs, aux atteintes traumatiques. Des altérations ioniques peuvent entraîner des con-
tractions spontanées des cellules externes artefactuelles gênantes que l’on nomme les
acouphènes (des bourdonnements d’oreille), qui sont des auto-émissions sonores
restreintes à l’oreille interne, mais qui parasitent la perception auditive des patients et
peuvent, chez certains patients, être audibles par le médecin au cours de l’examen.
RETENEZ :
Les sons qui pénètrent dans l’oreille externe subissent une atténuation par la
chaîne des osselets de l’oreille moyenne. Le dernier osselet est inserré sur la
membrane de la fenêtre ovale fermant la cochlée à une extrêmité. Les vibrations
de cette membrane sont transmises par le liquide endolymphatique à la rampe
tympanique qui en oscillant met en mouvement les cellules auditives contenue
dans la canal de Corti. Ce sont seulement les cellules dont la position sur la rampe
correspond à une fréquence qui répondent en libérant un neurotransmetteur.

4.4.2 Les voies auditives et l’intégration corticale


Les cellules auditives sont reliées aux cellules ganglionnaires du ganglion de Corti
par leurs dendrites. Elles émettent un axone destiné aux tubercules quadrijumeaux
antérieurs avant de pénétrer dans le thalamus postérieur. Après un relai, les fibres
auditives remontent vers le cortex temporal, l’aire 42. Les fibres se distribuent en res-
pectant la topographie qui est celle des cellules internes. Donc en utilisant des poten-
tiels évoqués, on retrouvera la répartition des fréquences dans l’ordre de leur
attribution sur la membrane basilaire. Autour de l’aire de perception 42 se trouve
l’aire de gnosie et les aires du langage.
RETENEZ :
Le neurotransmetteur libéré par les cellules auditives active les synapses de
l’extrêmité dendritique des cellules du ganglion de Corti, tandis que leur axone
envoie des messages nerveux vers le thalamus, puis vers le cortex auditif.
194 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

4.4.3 L’exploration de l’audition


Les explorations de l’audition les plus courantes sont l’audiométrie (figure 4.20) et
l’acoumétrie (figure 4.21).
Dans le cas de l’audiométrie, le sujet est équipé d’un casque à deux écou-
teurs. On envoie des sons de fréquences variables dans une oreille puis dans l’autre.
Le sujet peut indiquer en appuyant sur un bouton qu’il perçoit le son. On dresse ainsi
des courbes constituant l’audiogramme caractéristique des capacités auditives du
sujet. Si la puissance des sons est modifiée en même temps que les fréquences, on
peut dresser un diagramme donnant les courbes d’égale sonorie, représentant l’aspect
subjectif de la perception auditive.
Pour l’acoumétrie, on utilise un diapason que l’on met en vibration. Les bran-
ches en vibration sont placées devant l’oreille. Puis, on place le pied du diapason soit
derrière l’oreille (épreuve de Weber), soit sur le front (épreuve de Rinné). La
figure 4.21 montre la position du diapason dans les deux types d’épreuves.
Par l’examen du conduit auditif, on vérifie l’absence de bouchon ou de lésion
tympanique.
Potentiels évoqués auditifs (PEA) : si on est sûr de l’intégrité de l’oreille
externe et moyenne, l’enregistrement des potentiels évoqués corticaux permet de con-
trôler l’intégrité des voies. La présence ou l’absence de neurinome de l’acoustique ou
de lésion sont à vérifier par imagerie. Cependant, une tumeur comprimant le nerf VIII
produit un allongement du délai du PEA. Des modifications d’amplitude et de durée
des phases, P1, N1, P2 ou N2, sont des indications d’anomalies corticales.

Fréquence en Herz (Hz) Fréquence en Herz (Hz)


125 250 500 1000 2000 4000 8000 160000 125 250 500 1000 2000 4000 8000 160000
0 0
X X
Intensité en décibels (dB)

X Audition normale
X
Audition normale X
Légère perte d’audition
50 X 50

Perte d’audition modérée


Perte auditive sévére X
Altération d’audition sévère
X
100 100
Perte d’audition très sévère

Figure 4.20
Audiométrie
L’audiogramme est un graphique sur lequel on a reporté les réponses perceptives du sujet auquel on envoie des
sons de fréquence et de puissance variables à travers des écouteurs. Chaque fois que le sujet dit entendre, il
appuie sur un bouton et on note le point sur le diagramme. Pour un sujet d’audition normale (x), les réponses jus-
que 3000 Hz se situent dans le haut du graphique. Plus les altérations sont sévères, plus les réponses se déca-
lent vers le bas comme dans le cas d’une surdité sévère (●). Le diagramme de droite donne une répartition
approximative des zones du graphique caractérisant des troubles auditifs.
Les organes sensoriels 195

Test de Weber
Diapason
1 2
sur le front

Test de Rinne

1 2

Test audiométrique
Diapason
derrière
l’oreille
Test acoumétrique

Figure 4.21
Acoumétrie
Les tests acoumétriques de base. Un diapason mis en vibration est placé à côté de l’oreille ou le pied du diapa-
son est posé derrière l’oreille ou au sommet du crâne du sujet. Ce sont les épreuves de Weber et les épreuves de
Rinne (estimation d’une surdité de perception ou d’une surdité de transmission). À droite, le sujet por te des écou-
teurs reliés à un appareil qui délivre des sons de fréquence et de puissance variables : c’est l’audiométrie.
L’audiométrie tonale liminaire est faite en envoyant des sons purs dans l’oreille ; le sujet indique s’il perçoit un
son. On peut ainsi dresser l’audiogramme de la figure 4.20. Dans l’audiométrie vocale on teste la capacité de
reconnaissance des mots prononcés par l’expérimentateur.

4.5 Propriocepteurs
Le maintien de l’équilibre postural ne résulte pas que d’un seul organe sensoriel, mais
d’un ensemble d’informations issues de divers récepteurs et d’intégrations sensoriel-
les coordonnées. De ce fait, lorsqu’on a devant soi un patient qui présente des problè-
mes de maintien en position orthostatique (debout), il faut s’interroger sur les
différentes causes possibles et recourir à un ensemble de méthodes assez variées pour
préciser à quel étage du système de la régulation posturale se trouve l’anomalie.
L’équilibre du corps est assuré :
– par les récepteurs des canaux semi-circulaires situés dans l’organe vestibulo-
auditif, qui analysent la position de la tête dans l’espace et l’accélération de
la rotation de la tête ;
196 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

– par les yeux, qui envoient des informations de positions définies par les ima-
ges en trois dimensions ;
– par l’état de tension des muscles et des articulations, qui est évalué par les
propriocepteurs situés dans les muscles – ce sont les fuseaux neuromusculai-
res – et par les récepteurs placés dans les articulations – ce sont les organes
neurotendineux.
Toutes ces informations convergent vers la principale structure chargée de
régler l’équilibre : le cervelet qui lui-même contrôle les muscles via les voies céré-
bello-spinales assurant la position du corps ; mais en même temps, il fait remonter les
informations de position vers les centres cérébraux comme ceux qui assurent les
réflexes oculo-céphalogyres (qui déterminent automatiquement le rattrapage du
regard quand la tête tourne).

4.5.1 L’équilibration : nerf crânien VIII et canaux semi-circulaires


Le système vestibulaire est formé d’un ensemble de trois tubes circulaires reliés
ensemble et perpendiculaires les uns aux autres (figure 4.22). Le tube le plus antérieur
est vertical, le postérieur est parallèle et le canal latéral est horizontal. Ceci définit
trois plans qui permettent aux récepteurs d’interpréter la position de la tête dans les
trois dimensions. Chaque tube se termine par un renflement, l’ampoule, qui est fixée
sur l’utricule. Le renflement oblong intermédiaire est la saccule. L’ensemble contient
un liquide, l’endolymphe, qui baigne les cellules réceptrices regroupées dans chaque
ampoule. Les longs cils des cellules vestibulaires sont agglutinés dans une gelée et
surmontés d’une cupule de cristaux d’oxalate de calcium, l’otolithe. Au centre de la
saccule, se trouvent des cellules sensorielles identiques aux précédentes dans une
zone dite macula utriculaire ou statique. Les cils ne sont pas rassemblés dans la gelée
et dans celle-ci sont parsemés de petits cristaux d’oxalate, les otoconies. Ainsi sont
transmises les accélérations de la tête grâce aux déplacements et à l’inertie des petits
cristaux qui déplacent les cils.
Lorsque les cils des différentes cellules sont déplacés par les cristaux en mou-
vements ou sous l’effet de l’inclinaison dans un sens ou l’autre des crêtes ampullaires,
ils ouvrent des canaux ioniques voltages dépendants (canaux calcium-potassium-
dépendants) situés à la base du stéréocil (figure 4.22). La concentration en K+ étant
plus élevée dans l’endolymphe que dans le milieu intracellulaire, du potassium entre
dans la cellule. Comme nous l’avons dit pour les cellules auditives, il se forme ainsi
une dépolarisation qui gagne la zone pré-synaptique et induit la libération de gluta-
mate. Cela forme un potentiel post-synaptique sur la dendrite de la cellule ganglion-
naire située dans le ganglion de Scarpa. L’axone émis par la cellule ganglionnaire
(figure 4.23) rejoint soit le cervelet formant la voie vestibulo-cérébelleuse, soit les
noyaux des nerfs moteurs oculaires, formant la voie vestibulo-oculaire.
Ces deux systèmes sont reliés au noyau vestibulaire et renvoient des fibres
descendantes dans la moelle contrôlant la motricité, séparées du système pyramidale,
c’est la voie vestibulo-spinale.
Les organes sensoriels 197

Canaux
semi-circulaires

Sac endolymphatique Canal semi-circulaire


postérieur

Canal semi-
circulaire
antérieur

Canal semi-
circulaire
externe-
horizontal

Utricule

Saccule

Ampoules Cochlée Cellules réceptrices


ciliées

Figure 4.22
Structure vestibulaire
Organisation du système vestibulaire. Ce système est formé de trois canaux membraneux semi-circulaires reliés
entre eux au niveau des utricules et des saccules, communs à la cochlée et où se forme le liquide endolymphati-
que riche en K+. À la base de chaque canal se trouve une ampoule contenant comme la saccule des cellules
ciliées au-dessus desquelles flottent des cristaux de calcite, les otolithes. En se déplaçant, les otolithes déplacent
les cils et font s’ouvrir des canaux ioniques provoquant la formation d’un potentiel de récepteur.

RETENEZ :
L’équilibration est assurée par l’appareil vestibulaire comportant des canaux
semi-circulaires. Les cellules ciliées qui le tapissent utilisent la position des
cristaux ou otolithes collés aux cils pour convertir ces déplacement en poten-
tiels d’action. Ces signaux sont surtout transmis aux cervelet.

4.5.2 Les propriocepteurs


Ce sont les fuseaux neuromusculaires (fibres Iα et II) et les organes neuro-tendineux
de Golgi (fibres Iβ).
198 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Stimulation :
oscillations de
la membrane basilaire
Otholites ou de l’otolithe

Ca2+
K+
Cellule type I Cellule type II
K+
Ca2+

Actine +
fodrine
Ca2+ Cellule
de soutien

noyau

GLU

GABA

Efférences

Afférences Efférences

Figure 4.23
Cellules de l’équilibre
Organisation des cellules vestibulaires. Les déplacements des cristaux (otolithes) dans le liquide baignant les cellu-
les font bouger les cils apicaux sur les cellules. Cela laisse entrer du calcium qui active des synthèses cellulaires et
en particulier celles d’un transmetteur, le glutamate (GLU), qui active la portion post-synaptique (PS). Les fibres PS
sont destinées au noyau vestibulaire. Notez la présence de fibres libérant du GABA, un neurotransmetteur inhibi-
teur, destiné à moduler la dépolarisation des cellules de type I. Les cellules de type II reçoivent des collatérales des
dendrites afférentes et forment une modulation latérale des activités cellulaires. Notez la similitude de fonctionne-
ment avec les cellules auditives (voir http://www.vestib.org/chap4anatphysio/physiocelletcomp.html).

Ces récepteurs ont beaucoup de points communs dans leur organisation, leur
structure et leur rôle sensoriel avec ceux de la sensibilité tactile (voir section 4.6.2 et
4.6.4). On prle aussi de la sensibilité kinesthésique.
La kinesthésie est la sensibilité intramusculaire détectant l’état général des
muscles, leur position absolue et relative. Ces informations sont conscientes pour per-
mettre une réponse volontaire adaptée ou inconsciente, en particulier, celles qui for-
ment des arc réflexes médullaires ou qui ne font que circuler dans le cervelet.
La boucle gamma est formée typiquement par une innervation sensitive
située au sein du muscle, qui émet des potentiels dont la cadence indique l’état d’éti-
Les organes sensoriels 199

rement du muscle ; si le muscle est étiré, cela produit une salve de potentiels qui
active un motoneurone situé dans la corne antérieure de la moelle. Ce motoneurone
répond en agissant sur le muscle concerné.
Ce type de réponse rapide est produit par la percussion dans le réflexe rotu-
lien ou le réflexe achiléen. La boucle ne constitue donc pas une forme d’activité
motrice, mais représente l’activation d’une unité motrice. Tous les éléments sensori-
moteurs et les éléments d’intégration cérébelleuse et cérébrale émettent des fibres
descendantes qui s’achèvent par une synapse sur des motoneurones médullaires.
C’est ce que l’on nomme la « voie finale commune ». Cette voie représente l’ensem-
ble des phénomènes modulateurs qui jouent sur les milliers de synapses comme sur
un clavier et assurent l’harmonie et la précision des mouvements de nos membres.
Les éléments impliqués dans la coordination motrice étant très nombreux, les
dysfonctionnements qui peuvent les affecter ne le sont pas moins.

4.5.3 Voies nerveuses de l’équilibration


Les propriocepteurs situés dans le muscle et les articulations sont les points de départ
d’un arc réflexe représentant le mécanisme de base de l’ajustement de l’équilibre et
de la motricité. L’arc réflexe ou « boucle Gamma » est entièrement localisé à un seg-
ment médullaire. Les fibres des interneurones remontent par les cornes postérieures
dans le faisceau spino-cérébelleux.
Les vois vestibulaires empruntent le nerf VIII et entrent dans le tronc cérébral
(figure 4.24). C’est dans le cervelet et le thalamus que sont intégrés les signaux sen-
soriels de l’équilibre. Dans le cervelet, les fibres venant des interneurones médullaires
forment les fibres grimpantes qui convergent vers les cellules de Purkinje. Leurs axo-
nes redescendent dans la moelle par le faisceau cérébello-spinal, se rendent surtout
vers la « voie finale commune » motrice représentée par un motoneurone, les termi-
naisons axoniques des voies motrices pyramidales et extra-pyramidales, les fibres des
organes sensoriels propriocepteurs et les terminaisons des fibres issues du cervelet.

4.5.4 L’intégration centrale de l’équilibration


A. Le cervelet et les noyaux gris centraux
Petit et placé en arrière de l’encéphale, les neurobiologistes ont longtemps pensé que
le cervelet n’était qu’une structure accessoire réduite au rôle de centre de l’équilibre
et régulateur de la motricité involontaire. Il est aujourd’hui admis que le cervelet con-
tient des oscillateurs internes destinés à rythmer les événements moteurs médullaires,
que le cortex cérébelleux a un rôle d’intégration et de mémoire des gestes, des attitu-
des et des mouvements. Ainsi, les études des potentiels évoqués permettent de retrou-
ver dans le cortex cérébelleux une somatotopie comparable à celle du cortex cérébral.
Les noyaux gris centraux (ganglions de la base) : ces structures sont sous-tha-
lamiques et reçoivent un énorme contingent de fibres motrices venant du cortex extra-
pyramidal. Ces fibres forment un cloisonnement des noyaux gris en plusieurs
200 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

CERVEAU Cortex

Corps calleux

Noyau
gris
Thalamus

Muscles
oculaires Noyau
rouge
Noyau Pédoncules
oculo- Formation cérébelleux
Vermis moteur réticulée
Noyau
pontique

vestibulaire
Appareil
Noyau
vestibulaire

Nerf VIII
Noyau

dentelé
TRONC
CERVELET CÉRÉBRALE

Voie spino Faisceau


cérébelleuse cortico-spinal
Lobe flocculo- Noyau Otolithe
Faisceau
nodulaire vestibulo- olivaire
spinal

Voies proptioceptives
ascendantes
Voies vestibulaires et cérébelleuses de l’équilibre

Figure 4.24
Voies vestibulaires
Équilibration-proprioception. Les canaux semi-circulaires de l’oreille interne sont chargés de détecter les mouve-
ments de la tête ainsi que les déplacements relatifs du corps ou les accélérations. Les informations données par
l’organe vestibulaire sont coordonnées et comparées à celles délivrées par les organes propriocepteurs des ar ti-
culations. L’ensemble des données est intégré par le cervelet d’une part et par les zones du cortex moteur
d’autre part. les ajustements utiles aux mouvements, aux gestes ou aux actions complexes résultent de la syner-
gie des ordres envoyés par le cortex moteur, les noyaux gris centraux et le cervelet.

structures : le putamen, le pallidum, le striatum, le noyau arqué, le locus niger, pour


ne citer que les principaux. Ces noyaux sont connectés entre eux et avec le thalamus,
comme c’est le cas du pallidum et de la substantia nigra.
Entrer ici dans le détail des activités spécifiques de chacune des structures des
noyaux gris centraux serait trop long. Retenons cependant que la voie motrice nigro-
striatale est l’une des voies dopaminergiques (utilisant la dopamine comme neuro-
transmetteur destiné aux commandes motrices). C’est aussi la dégénérescence pro-
gressive de cette voie qui produit cette maladie invalidante, la maladie de Parkinson.
Les organes sensoriels 201

B. Les voies pyramidales et extrapyramidales


Le cortex de la circonvolution frontale ascendante (aire IV) envoie un contingent de
fibres qui descendent directement vers le bulbe, où 80 % des fibres passent dans la
moelle du côté opposé. Les aires oculo-motrices, le centre oculo-céphalogyre, sont
des centres réglant automatiquement les mouvements du regard, les mouvements de
la tête et les mouvements du corps. Les altérations de ces centres peuvent créer des
sensations de vertige.

C. Autres voies impliquées dans le maintien postural


! La motricité oculaire
Le mouvement de base des yeux, imperceptible, est constitué par les mouvements
saccadés. Ce sont des mouvements de l’œil, dont l’amplitude est très faible et de
vitesse variable qui constituent des « sauts » d’un point à un autre. Généralement, il
y a entre 3 et 5 saccades par seconde. Ces saccades peuvent être rendues visibles par
l’électro-oculogramme (EOG), qui donne aux tracés des mouvements des yeux un
aspect tremblé. L’automatisme du contrôle du regard échappe aux centres corticaux
quand le regard doit s’ajuster à la poursuite d’un objet en mouvement, quand la tête
se déplace ou pivote (figure 4.25).

Rotation de la tête
Contraction Figure 4.25
Contraction Muscle droit Réflexe oculaire
interne Représentation schématique
Œil Œil du mécanisme du réflexe
gauche droit vestibulo-oculaire. Ce
Muscle droit
externe réflexe est important car il
assure la stabilité correcte
de la vision de l’environne-
ment lorsque nous nous
déplaçons ou si des élé-
ments de l’environnement
bougent. Ce réflexe inter-
vient dans la plupart de nos
comportements exécutifs
pour ajuster les gestes à la
vue des objets. Lorsque la
tête tourne pour suivre un
III III objet en mouvement,
Bandelette l’action conjuguée des yeux
longitudinale
IV IV et des canaux semi-circulai-
supérieure
res agit sur des noyaux bul-
VI VI baires qui contrôlent la
Canaux semi-
circulaires contraction des muscles ocu-
laires de telle sorte que
VM VM l’objet mobile repéré reste
dans l’axe optique et est tou-
jours vu net.
202 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

L’ensemble des contractions musculaires permettant la coordination du


déplacement du corps et des mouvements du regard constitue le réflexe oculo-vesti-
bulaire. Ces mouvements coordonnés des deux yeux pour s’adapter rapidement aux
déplacements de l’objet ou aux rotations de la tête forment le nystagmus. Le déroule-
ment du nystagmus est suivi par l’EOG, le sujet étant par exemple assis sur un fauteuil
pendulaire soumis à une rotation continue ou avec des changements de sens. La pro-
cédure est représentée sur la figure 4.26.
Réflexe oculo-céphalogyre ou cervico-oculaire : les rotations des yeux
s’accompagnent d’une rotation de la tête (comme lorsqu’on regarde le paysage dans
un train). Un test psychophysique consiste à placer le sujet au centre d’un cylindre
garni de bandes alternées blanches et noires. Les positions du regard sont suivies par
EOG et les mouvements de la tête sont définis par des électrodes d’EMG.
Nystagmus opto-cinétique : les deux yeux suivent les déplacements d’un
objet en mouvement par une succession de mouvements lents de poursuite et de
secousses rapides « de rappel » vers une nouvelle fixation.

A Mouvements rotatoires C Stimulation rotatoire pendulaire


du fauteuil

B D

30
Fréquence du nystagmus

20

T D G 10

Amplificateur - Enregistrement
1 2 34 5 6 10 18
Accélération maximale degré/sec2

Figure 4.26
Nystagmus
Les épreuves au fauteuil pendulaire permettent d’induire des rotations des yeux comme la poursuite visuelle ou le
nystagmus. Les mesures de la fréquence des nystagmus ou de la stratégie centrale utilisée pour réaliser la coor-
dination de la motricité des yeux et de la tête sont intéressantes pour dresser un diagnostic de divers troubles de
l’équilibre (A). Le sujet est assis dans le fauteuil pendulaire (B, photo en cartouche ; cliché société Amstred) qui
peut être animé de mouvements de rotation dans un sens puis dans l’autre avec une vitesse ajustable. Les ajuste-
ments visuels sont observés lorsqu’on arrête le fauteuil brusquement. Les déviations du regard (nystagmus optoci-
nétique) dont les mouvements (secousses nystamiques) sont mesurés (C) permettent de dresser un diagramme de
fréquence des déviations nystagmiques (D).
Les organes sensoriels 203

! D’autres récepteurs d’étirement


Les récepteurs d’étirements ne sont pas seulement impliqués dans la posture mais
aussi dans le contrôle d’activités neurovégétatives. Nous les citerons ici pour
mémoire puisqu’ils sont des intérocepteurs dont les données sont intégrées incons-
ciemment le plus souvent et consciemment quand il existe un dysfonctionnement
accompagné de douleur.
Contrôle de la motricité intestinale : les plexus d’Auerbach et de Meissner
situés dans la paroi intestinale contrôlent les contractions des muscles lisses. Les ter-
minaisons libres de ces plexus détectent le remplissage de l’intestin et ajustent les con-
tractions régulières, le péristaltisme, qui contribue à la progression du bol alimentaire.
Contrôle de la motricité de la paroi des vaisseaux sanguins : la paroi des
vaisseaux sanguins est formée de cellules endothéliales et de muscles lisses dont les
contractions sont contrôlées par le système neurovégétatif et le couple endocrinien
formé par la rénine-angiotensine.

4.5.5 Les méthodes d’exploration


Les épreuves de contrôle de l’équilibre doivent permettre de dissocier les troubles
d’origine vestibulaire, cérébelleuse ou articulaire (propriocepteurs).
Contrôle de l’intégrité des articulations : test des réflexes articulaires. La
particularité des troubles liés à une anomalie des articulations des vertèbres de la tête
doit être recherchée par une épreuve de mobilisation passive de la tête en rotation et
en basculement. Le test simple du maintien de l’équilibre sur un pied, yeux ouverts,
puis yeux fermés, permet une première approche. Si le patient présente une tendance
à chuter, cela indique une anomalie cérébelleuse probable.
Tests au fauteuil pendulaire : la recherche d’un nystagmus normal, c’est–à-
dire du déplacement synchrone des deux yeux pendant un mouvement de la tête, est
contrôlé par l’électronystagmographie (ENG). L’ENG est mesuré par un dispositif,
comme une caméra numérique infrarouge, le sujet étant dans l’obscurité, qui recueille
les paramètres de déplacement, vitesse, convergence des deux yeux et évalue le déca-
lage entre les deux yeux (voir la figure 4.26). L’existence d’anomalie dans la valeur
de l’angle de déviation du nystagmus indique un trouble vestibulaire.
Les nystagmus peuvent être classés en :
– nystagmus positionnel (la manœuvre de Hallpike), qui apparaît en provo-
quant une déviation brusque à 45° de la tête de sujet ;
– nystagmus de position : chez un sujet assis, la tête est déviée lentement dans
diverses positions ;
– nystagmus induit par la manœuvre du « head shaking » : on imprime des
secousses assez rapides à la tête du sujet. Quelques secondes après l’arrêt du
test, un nystagmus apparaît. S’il est horizontal et harmonieux, il évoque une
altération du système vestibulaire. S’il est vertical, il évoque une origine
centrale ;
204 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

– nystagmus d’hyperventilation (NIHV) ; fréquent si il existe un neurinome de


l’acoustique.
– nystagmus par pression sur le tragus (le petit promontoire dans la conque
auriculaire) ;
– nystagmus de manœuvre de Valsalva (injection d’air dans les trompes d’Eus-
tache pour équilibrer la pression dans l’oreille moyenne) ; la manœuvre
d’Halmagyi, qui consiste en une manœuvre de rotation brève de la tête avec
le regard fixé sur le nez du praticien. Si le regard change de position par sac-
cade, cela indique une hyporéflexie vestibulo-oculaire souvent liée à une
lésion de l’organe vestibulaire.
– la Skew Deviation ou divergence verticale des axes oculaires.

4.5.6 Les troubles de la posture et du mouvement


L’existence d’un contrôle central de la posture et du mouvement explique l’impor-
tance de la perturbation de ces fonctions au cours des atteintes du système nerveux.
L’apparition, à côté des lésions des centres ou des voies nerveuses, de complications
liées à la croissance chez l’enfant ou de complications orthopédiques à tout âge, doit
faire prendre en charge simultanément les composantes neuro-orthopédiques des
membres inférieurs et les troubles de régulation centrale.

A. L’hémiplégie
Elle est une conséquence d’une lésion interrompant ou détruisant les voies de con-
trôle de la motricité unilatérale.
La rééducation conduit l’hémiplégique à utiliser les systèmes non affectés.
Cela représente une mise en jeu considérable de la plasticité cérébrale en imposant la
formation de nouvelles fibres et de nouvelles synapses. Cela impose un réajustement
des éléments sensoriels impliqués dans l’équilibre. Si les informations propriocepti-
ves sont détruites, c’est par exemple la vue qui assurera la compensation en réajustant
l’équilibre et en contrôlant la marche. Un tel système de compensation se voit et
s’entend dans la marche du tabétique (syphilis touchant le cervelet). La sensibilité
proprioceptive des membres inférieurs est très altérée et le malade ne peut marcher
qu’en contrôlant le niveau de soulèvement de son genou, l’angle du pied, puis regarde
où le pied va se poser, il pose le pied au sol, etc., ce qui donne une marche décompo-
sée avec des mouvements trop amples et un claquement du pied qui ne sent pas le con-
tact avec le sol.
L’équilibre de l’hémiplégique se caractérise par une augmentation de la sur-
face d’appui en appui bipodal et par un transfert d’appui vers le côté sain, d’autant
plus marqué qu’il s’agit d’une hémiplégie gauche. Ceci est interprété comme un déca-
lage de la référence égocentrée du côté de la lésion cérébrale. Dans les conditions de
déprivation sensorielle étudiée sur Equitest, les patients hémiplégiques privilégient
Les organes sensoriels 205

les afférences visuelles dans leurs réactions d’équilibration et se trouvent en difficulté


lorsque cette afférence est inexacte.
La mise en jeu d’un programme de rééducation utilisant un biofeedback pos-
tural peut contribuer à une amélioration de ces troubles statiques (cette modification
n’étant toutefois pas corrélée à l’amélioration des paramètres d’équilibration au cours
de la marche). Récemment, une étude prospective et comparative a toutefois montré
que l’utilisation du feedback visuel n’améliorait pas les scores d’équilibre par rapport
à une rééducation classique.

B. Les paraplégies
Ce sont des troubles de la motricité affectant les membres des deux côtés.

C. La maladie de Parkinson
Les troubles de l’équilibre chez le parkinsonien sont dominés par une perte des réac-
tions d’équilibration et une diminution des ajustements posturaux anticipateurs. Il en
résulte un retard à l’initiation du mouvement ainsi qu’à sa réalisation en particulier en
condition d’équilibre instable. Cette perte d’adaptation rend ces patients particulière-
ment sensibles aux chutes lors de déséquilibres internes (réalisation d’un geste) ou
externes (déstabilisation par une poussée).
Au niveau de la régulation de l’équilibre, les études ont montré chez ces
patients une contribution préférentielle des afférences visuelles sur les afférences pro-
prioceptives ou vestibulaires.
Au niveau de l’équilibre, l’utilisation de tests cliniques permet de différencier
les patients parkinsoniens à risque de chutes des autres. S’il n’existe pas de différence
significative en appui bipodal, on observe chez les patients chuteurs une diminution
significative de la durée maximale d’équilibre en appui unipodal.

D. Syndromes cérébelleux
L’augmentation des oscillations posturales du cérébelleux est connue de longue date.
L’utilisation d’une plate-forme de force permet de quantifier l’augmentation de la
surface du stabilogramme et de suivre l’évolution des troubles sous l’influence d’un
traitement. Dichgans et coll. ont dégagé de l’enregistrement stabilométrique quelques
éléments plus spécifiques, en particulier l’augmentation privilégiée des oscillations
antéropostérieures dans les lésions vermiennes et des oscillations latérales dans les
lésions spinocérébelleuses.

E. Ataxies proprioceptives
La perte des afférences proprioceptives des membres inférieurs est compensée par
une sollicitation préférentielle des afférences visuelles bien mise en évidence par le
test de Romberg. Dans les formes frustes, l’examen clinique peut être complété par
206 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

une évaluation sur plate-forme de force qui permet d’objectiver une valeur élevée du
quotient de Romberg.

F. Polynévrites
La neuropathie diabétique entraîne une augmentation des oscillations posturales
mesurées sur plate-forme de forces. Dans les neuropathies évoluées, la perte des affé-
rences périphériques et le déficit moteur se conjuguent pour rendre inefficaces les
stratégies de cheville et périlleuse l’initiation du pas (steppage). La prise en compte
de ces déficiences doit conduire dans les formes évoluées à un chaussage adapté qui
rigidifiera l’extrémité du membre inférieur tandis que l’on privilégiera l’équilibration
à partir des stratégies de hanche.

G. Les vertiges
La sensation de vertige se caractérise par une sensation visuelle et mentale désagréa-
ble qui va de la difficulté à fixer des éléments devant soi jusqu’à la sensation de tour-
ner ou de voir tourner les objets dans le champ visuel ou même dans sa tête, les yeux
fermés (ce que l’on dit « tournis »). La sensation peut apparaître en lien avec des
migraines, ou se développer lors de mouvements de tête brusques ou lors de change-
ments de position (passage brutal en position debout après une position couchée).
Les vertiges sont plus fréquents avec l’âge et c’est l’une des plaintes fréquen-
tes d’inconfort. Les chutes sans raison apparente, non liées à des syncopes par exem-
ple, sont également assez fréquentes chez les personnes âgées, et leurs causes seront
développées à la fin de cet ouvrage (voir aussi 7.5.2).
Le vertige paroxystique positionnel résulte du fait que les cristaux de calcium
otolithiques peuvent sortir de la région maculaire en provoquant des vertiges pénibles
lors des changements de position (coucher ou lever du lit).
La maladie de Ménière (appelée l’otocodynie) est une maladie complexe
affectant l’oreille interne. Le malade présente des vertiges rotatoires et des nausées,
des troubles auditifs (acouphènes) parfois gênants et une perte d’audition plus ou
moins durable. Les vertiges fréquents deviennent très gênants dans le quotidien. Ces
symptômes seraient dus à une augmentation de la pression du liquide endolymphati-
que, provoquant donc une distension des régions sensibles.

4.6 Sensibilité périphérique

4.6.1 Organisation générale de la sensibilité périphérique


La sensibilité générale ou somesthésie représente l’ensemble des perceptions trans-
mises par l’ensemble des terminaisons sensorielles, dont certaines sont modifiées
pour recevoir des pressions, des torsions, des élongations, des stimulations thermi-
Les organes sensoriels 207

ques ou chimiques. Ces fibres sont distribuées partout dans notre corps selon les ter-
ritoires embryologiques (somites, dermatomes).
De la sorte, nous pouvons distinguer les catégories de fibres suivantes :
– la sensibilité tactile superficielle discriminative,
– la sensibilité profonde (viscérale),
– la sensibilité thermique,
– la sensibilité nociceptive et la douleur,
– la sensibilité proprioceptive (sens du mouvement et de la position, consciente
ou non).
Chaque sensibilité dispose de récepteurs périphériques plus ou moins diffé-
renciés. L’information circule sur des fibres spécifiques d’un 1er neurone dont le
corps cellulaire est situé dans le ganglion spinal de la racine dorsale. L’axone du
2e neurone croise la ligne médiane et se termine dans le thalamus. Le 3e neurone tha-
lamico-cortical apporte l’information au cortex sensitif primaire.

A. La sensibilité tactile superficielle


Le tact est une modalité sensorielle qui a pour origine la stimulation mécanique, chi-
mique ou thermique de la peau. Cette sensibilité est assurée par des récepteurs tactiles
de types variés qui sont soit des corpuscules soit des fibres nerveuses libres. Ils sont
répartis dans les différentes couches du revêtement cutané. Parmi les corpuscules pré-
sents en très grand nombre dans la couche superficielle de la peau, on trouve les cor-
puscules de Pacini, de Meisner, de Merckel et de Ruffini (figure 4.27). Ils sont
particulièrement nombreux dans la pulpe des doigts et la paume de la main. Ces
récepteurs sont activés par des stimulations mécaniques qui sont appliquées sur la
peau (pressions, déformations), ce qui confère la sensibilité superficielle que nous
appelons aussi le sens du toucher. Dans la couche cutanée superficielle se trouvent
aussi des fibres nerveuses, qui entourent le follicule pileux, rendant ainsi la zone du
poil particulièrement sensible. Dans la région sous-cutanée résident d’autres types de
récepteurs : les récepteurs de Pacini et de Golgi. On rencontre également des récep-
teurs spécialisés dans les sensations thermiques, traditionnellement identifiés comme
les récepteurs de Ruffini pour le froid et de Krause pour le chaud. Enfin, on trouve
disséminées dans tout le revêtement cutané, mais aussi dans les tissus profonds, de
simples terminaisons nerveuses, dites terminaisons libres, qui paraissent jouer un rôle
essentiel dans la sensibilité à la douleur.
Le système sensoriel contenu dans la peau est encore loin d’être parfaitement
connu, bien que plusieurs types de récepteurs aient été identifiés depuis longtemps.
Chaque région du corps a une densité de récepteurs qui lui est propre. Ainsi, ceux du
tact, qui nous permettent d’analyser avec finesse la nature de la surface des objets,
sont surtout concentrés au bout des doigts et sur le visage. Par opposition, la peau du
dos ou des épaules ne possède qu’une faible densité de récepteurs tactiles. Les terri-
toires ainsi délimités correspondent à un dermatome associé à un segment de la
moelle épinière dans laquelle se trouvent les corps des cellules nerveuses. En fait,
208 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

chacun de ces dermatomes est le reliquat de la segmentation embryonnaire (les terri-


toires somitiques) dont chacun a pris une extension fonctionnelle qui lui est propre.
Remarquons que ces territoires sont représentés sur le cortex correspondant, le cortex
pariétal ou cortex somesthésique, comme nous le verrons plus loin.

B. Les récepteurs tactiles


La peau est sensible à trois types de stimuli : la pression (appui sur la peau), le tou-
cher, la vibration. Les corpuscules de Merkel et les disques tactiles situés dans la cou-
che basale de l’épiderme sont sensibles à la pression et au toucher léger. Le
corpuscule de Meissner, dans la partie haute du derme, répond au toucher (zones gla-
bres). Les récepteurs des follicules pileux, sensibles à l’orientation passive ou active
des poils, interviennent aussi dans le toucher (zones velues). Le récepteur de Pacini
(figure 4.27), situé dans l’hypoderme, mais aussi dans le mésentère et les tendons des
mammifères, répond aux pressions et aux vibrations.
Le récepteur de Pacini comme les autres corpuscules récepteurs, n’est finale-
ment rien d’autre qu’une terminaison dendritique des cellules du ganglion rachidien.
Ces terminaisons sont faites soit de fibres de gros diamètre à conduction rapide, soit
de très fines fibres à conduction lente. C’est le cas du corpuscule de Pacini placé sur
une fibre de gros diamètre et qui présente en outre un emballage terminal constitué
d’un bulbe dont le diamètre varie selon le cas de quelques centaines de micromètres
à 1-2 mm. Ce bulbe est fait de plusieurs tuniques concentriques qui ont deux rôles :
la protection de la fibre nerveuse, la répartition des pressions dont une partie se dis-

Corpuscule
de Meissner
Corpuscule
de Pacini

Figure 4.27
Corpuscule
Deux exemples de corpuscules tactiles : le corpuscule de Meissner à gauche et le corpuscule de Pacini (pres-
sion, vibration) à droite. Ces deux organites tactiles sont des adaptations des extrêmités des dendrites des cellu-
les situées dans les ganglions spinaux. Tous deux sont des terminaisons réceptrices encapsulées. Les corpuscules
de Meissner sont placés sous le derme, assez proches de la surface, tandis que les corpuscules de Pacini, sou-
vent assez gros, sont situés en profondeur, dans l’hypoderme. Notez que la peau contient également des cor-
puscules de Merckel (récepteur de contact) et des corpuscules de Ruffini (tension, étirement) également situés
dans le derme et l’épiderme.
Les organes sensoriels 209

sipe dans le sens du glissement des couches les unes sur les autres. Ainsi, la pression
reçue par la fibre est fortement atténuée et présente une valeur adéquate pour qu’elle
présente une marge d’efficacité sensorielle avant saturation (figure 4.28). La marge
dans laquelle les pressions provoquent une élévation progressive du potentiel de
récepteur se situe entre 0 et 0,5 bar.
Le corpuscule de Pacini est un exemple de récepteur adaptable, c’est-à-dire
que ses réponses ne durent pas aussi longtemps que les stimuli. Cependant, si l’on
« épluche » les tuniques par une dissection fine et qu’une pression est appliquée
directement sur la fibre nue, la réponse est durable. C’est donc une autre fonction du
bulbe terminal qui, en dissipant les forces, limite la durée des réponses du corpuscule.
Lorsque le potentiel du récepteur atteint la valeur seuil, il provoque l’activa-
tion de la zone génératrice située au premier noeud de Ranvier qui suit le bulbe. Il naît
alors un potentiel d’action qui se propage de noeud en noeud jusqu’au corps de la cel-
lule ganglionnaire situé dans le ganglion rachidien.

C. Les récepteurs thermiques


L’identité exacte des récepteurs thermiques est encore incertaine bien que le récep-
teur de Ruffini ait longtemps été associé au chaud, et le récepteur de Krause au froid.
Aujourd’hui, on suppose que les thermorécepteurs sont des terminaisons nerveuses

A Corpuscule de Pacini B

Axone myélinisé
Corpuscule
sans capsules

Potentiel Potentiel

Stimulus Stimulus
mécanique mécanique

Figure 4.28
Corpuscule de Pacini
Formation du potentiel générateur et du potentiel d’action dans un corpuscule tactile. En A, la fibre s’adapte très
rapidement et forme un potentiel si la dépolarisation est suffisante, donc si la pression a atteint une amplitude
adéquate. Il apparaît alors des potentiels au début, c’est l’effet « on », puis à la fin du signal, il y a effet « off ».
En B, on a détruit la capsule et la fibre nerveuse est libre, mais elle ne peut plus répondre que par un plateau de
potentiel sans adaptation, ainsi, il ne peut pas y avoir de codage en fréquence des stimuli.
Notez que c’est dans la terminaison encapsulée que se forment les potentiels gradués. Les potentiels d’action
(les pics du tracé) se forment au niveau du premier nœud de Ranvier (l’interruption de la gaine de myéline ; flè-
che vers le bas du dessin).
210 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

libres, de fin diamètre, localisées au-dessous de l’épiderme (récepteurs de froid) et


dans les régions supérieures et moyennes du derme (récepteurs de chaud).
Notons qu’il existe des neurones sensibles au froid dans la moelle cervicale (au
niveau C4 ; l’activation de ces récepteurs donne le frisson). Des neurones du noyau
paraventriculaire dans l’hypothalamus sont aussi sensibles à la température du sang.

D. Les récepteurs de la douleur


Les récepteurs de la douleur (nocicepteurs) sont particulièrement abondants et impor-
tants dans la couche basale de l’épiderme. Ils sont eux aussi constitués par des termi-
naisons libres de neurones présents dans la peau et dans les viscères. Certains sont
sensibles à la piqûre ou à la torsion (nocicepteurs mécaniques), d’autres aux tempé-
ratures extrêmes (nocicepteurs thermiques), d’autres encore à tout type de stimulus
provoquant une lésion (nocicepteurs polymodaux). Les récepteurs du toucher, de la
pression ou de la température sont également susceptibles de donner naissance à des
sensations douloureuses s’ils sont soumis à des stimulations spécifiques de forte
intensité. Nous verrons dans la section 4.7 consacrée à la douleur les mécanismes plus
particuliers que ces fibres peuvent enclencher en particulier au niveau cérébral.

4.6.2 Les voies nerveuses de la sensibilité tactile


(Voir aussi la section 3.1.1, à propos de la structure de la moelle épinière.) Les fibres
nerveuses des récepteurs cutanés s’achèvent dans le ganglion rachidien. Les neurones
bipolaires du ganglion forment des axones qui pénètrent dans la moelle épinière par
la corne dorsale (postérieure), où ils forment une première synapse avec un second
neurone. Ce dernier émet un axone qui soit se rend vers les structures centrales du
même côté, soit croise au niveau du même segment médullaire, ou encore croise au
niveau bulbaire pour remonter ensuite vers le cerveau.
On distingue deux voies principales : la voie spino-thalamique (ou extralem-
niscale) et la voie lemniscale. La voie lemniscale postérieure véhicule surtout les
informations tactiles et proprioceptives (ajustement de la posture) conscientes. La
voie extralemniscale antérieure transporte les informations thermiques et nocicepti-
ves, ou des informations tactiles grossières. Ces deux voies remontent finalement vers
le thalamus dans lequel elles forment un second relais avant de parvenir au cortex.
Les différentes sensations tactiles (chaleur, froid, frôlement, douleur, pression) cor-
respondent dans le cerveau à de nombreuses zones spécialement destinées à les per-
cevoir. Ces zones s’organisent selon leur origine anatomique le long de la circon-
volution pariétale ascendante.
Les neurologues, sur la base des mesures utilisant les potentiels évoqués cor-
ticaux, leur ont associé la représentation schématique d’une sorte de fœtus difforme
(homonculus) dont la tête est située vers la base de la circonvolution ; dans ce modèle,
les zones corticales les plus étendues correspondant aux régions du corps les plus
abondamment pourvues en récepteurs, c’est-à-dire les mains, les pieds, la langue et
les lèvres (figure 4.29).
Les organes sensoriels 211

Épaule
Poignet Pied

Main
Index
Orteils

Visage

Corte
x parié
tal
Lévres

Langue

Pharynx

Figure 4.29
Somesthésie
Organisation des projections somesthésiques (tactiles) sur le cortex pariétal. Cette représentation sous forme d’un
corps schématique et déformé (homoncule) a été obtenue en stimulant les zones du corps indiquées et en recueillant
les potentiels évoqués à la surface du cortex pariétal. Cela montre surtout que sur le cortex primaire, les projections
sensorielles se font point par point à partir de l’organe sensoriel tactile, respectant la ‘somatotopie’ (l’organisation
topographique du corps) comme cela d’ailleurs est aussi le cas pour les projections visuelles et auditives.

4.6.3 Projections thalamiques de la sensibilité tactile


Les deux noyaux thalamiques, chacun de la taille d’un petit œuf contenant l’ensemble
des noyaux thalamiques, ont un rôle de relais de toutes les sensorialités, sauf peut-être
de l’olfaction dont les voies primaires ne font pas un relais direct dans le thalamus.
En fait, le thalamus peut être subdivisé en plusieurs noyaux distincts anatomi-
quement et fonctionnellement : noyaux de relais sensoriels spécifiques, relais corticaux,
associatifs ou non associatifs.
Le noyau ventral postériel projette ses fibres sur les aires cérébrales de la sen-
sibilité tactile ou aires somesthésiques : somatotopie (Aires 3a et 3b), et les aires asso-
ciatives (Aires 5 et 7).
212 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

4.6.4 Perceptions somesthésiques et comportements


Le terme « somesthésie » désigne la perception de stimuli (chaud, froid, tact, douleur,
pression, etc.) en provenance du corps. Ces stimuli sont perçus par l’activation de ter-
minaisons nerveuses et de récepteurs sensoriels, qui transforment des stimulations
mécaniques, thermiques ou chimiques en messages qui vont au cerveau et sont analy-
sés par lui. Ils représentent d’abord un moyen d’identifier et de percevoir les diverses
parties du corps. En soi, ces récepteurs sont donc essentiels pour la connaissance du
soi à travers les états de confort ou d’inconfort que véhiculent les neurones sensoriels.
Les informations somesthésiques ont aussi deux fonctions différentes mais
complémentaires : l’une, d’alarme, permet au corps de maintenir son intégrité en
assurant une « vigilance » du bon état des différentes partie du corps, et l’autre lui
permet d’évaluer ses propres attitudes et positions dans l’espace. Ces deux fonctions
mettent en jeu les deux systèmes, lemniscal (voie directe, rapide) et extralemniscal
(voie lente, avec nombreuses synapses). La somesthésie englobe la pallesthésie, sen-
sibilité aux vibrations, la baresthésie, faculté d’évaluer un poids, la topo-esthésie,
capacité de localiser précisément une sensation, et la stéréognosie, faculté d’identifier
la forme tridimensionnelle d’un objet en le palpant.

4.6.5 Évaluer les troubles de la sensibilité tactile


L’analyse du tact, de la sensibilité et du pouvoir discriminateur est menée au moyen
d’un esthésiomètre, une batterie faite de fines pointes lestées de poids pesant de quel-
ques milligrammes à quelques grammes. La pointe est posée sur la peau et déplacée
de point en point ce qui permet d’évaluer quantitativement et qualitativement les per-
formances tactiles.
L’analyse est complétée de tests thermiques obtenus par des fines pointes
chauffées ou refroidies par effet Peltier. Mais la durée précise d’application du test
est indéfinissable. En utilisant des électrodes laser qui permettent une stimulation
thermique de durée contrôlée de quelques millisecondes à quelques secondes, on réa-
lise des tests très précis sur les récepteurs cutanés.

4.6.6 Les troubles de la sensibilité somesthésique


Les troubles sensoriels liés à une altération des circuits nerveux du toucher sont très
nombreux et très divers. Ils peuvent se manifester par une disparition plus ou moins
complète de certaines sensations ou, au contraire, par l’apparition de sensations para-
sites (paresthésie, douleurs).

A. Absence de sensation tactile (anesthésie)


La perte de sensation survient à la suite d’une lésion des fibres transportant l’infor-
mation sensitive ou des zones cérébrales chargées de traiter cette information. La
nature et l’étendue de la perte sont spécifiquement liées à la localisation de la lésion.
Les organes sensoriels 213

Un traumatisme au bas de la moelle épinière, par exemple, affectera uniquement la


sensibilité des membres inférieurs, tandis qu’un traumatisme à un niveau supérieur
affectera, en plus, la sensibilité du tronc, voire des membres supérieurs. Un accident
vasculaire cérébral survenant au niveau de l’aire sensitive corticale supprimera toute
sensation issue du côté du corps opposé à la lésion.

B. Les paresthésies
Ce sont des sensations cutanées de type engourdissement, fourmillement ou picote-
ment. Elles surviennent après des lésions nerveuses directes, lorsqu’un nerf est com-
primé ou, par exemple, lorsque les récepteurs fonctionnent mal, faute d’une
oxygénation suffisante. Un des grands problèmes en neurologie est l’apparition de
douleurs chroniques après une lésion nerveuse due à une maladie infectieuse, une
tumeur maligne ou un accident. Après l’amputation d’un membre, un individu peut
encore ressentir de vives douleurs semblant provenir du membre « fantôme ».
Il existe des perturbations de la perception des informations tactiles. À la
suite d’une lésion de la région associative du toucher, on peut observer une perte de
la capacité à identifier un objet avec les mains, alors que les sensations tactiles ne sont
pas lésées.
Syndrome de compression (Entrapment Syndrome) : très connues, ces altéra-
tions sensorielles résultent d’une compression anormale exercée sur les fibres nerveu-
ses. L’un de ces troubles est le syndrome du canal carpien (voir test de Phalen :
flexion maintenue du poignet), très fréquent, surtout chez les femmes, et qui consiste
en une compression du nerf médian par le ligament annulaire. Cela produit des pares-
thésies (sensations de fourmillement) nocturnes, une altération de la sensibilité tac-
tile, puis une douleur liée à la possible altération des tissus, enfin les gestes sont très
affectés (difficulté de tenir un crayon, de coudre…).
Les syndromes de compression peuvent affecter un grand nombre de nerfs :
nerf tibial (douleur plantaire), nerf radial (« paralysie du samedi soir », caractérisée
par la main tombant librement sur le poignet), nerf ulnaire (syndrome de la « main en
griffe » avec troubles de la sensibilité tactile).

RETENEZ :
La sensibilité tactile cutanée est due à la présence de fibres nerveuses termi-
nées par des récepteurs adaptés aux facteurs d’environnement et de terminai-
sons nerveuses libres. Toutes les fibres sensorielles transittent par la moelle
épiniére avant de gagner le thalamus et le cortex. La répartition topographi-
que des récepteurs sur le corps forme la somatotopie et sa projection sur le
cortex cérébral représente la somesthésie.
214 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

4.7 La douleur
Nous avons envisagé les fibres nerveuses des voies protopathiques, voyons comment
notre cerveau reçoit et interprète la douleur.
La douleur constitue une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable
qui résulte en général d’une lésion, d’une inflammation ou d’un dysfonctionnement
organique qui sollicite les fibres de la sensibilité douloureuse ou nociceptives. La
douleur étant associée à de nombreuses situations pathologiques, on ne peut en don-
ner une définition satisfaisante. De même, il est difficile de l’identifier ou d’en inter-
préter les manifestations. Ainsi, les études expérimentales effectuées sur l’animal
sont insuffisantes pour rendre compte de l’expérience de la douleur chez l’homme,
car il est impossible d’établir une parfaite transposition de la douleur animale (une
sensation comme une autre chez l’animal) de la douleur humaine dans ses atteintes
psychologiques : douleur = dégradation = atteinte à l’image de soi ; douleur = mort
possible ; douleur = isolement des autres ; douleur et violence ; etc.
La douleur est un événement neuropsychologique qui trouve son origine dans
le système nerveux central : les mécanismes à l’origine de la douleur peuvent être
aussi bien de nature physique (lésion tissulaire, blessure) que psychique, même si les
voies de la douleur neurologique ne sont pas celles de la souffrance psychique, même
si les composantes lemniscales sont communes.
La compréhension d’un processus douloureux nécessite que l’on prenne en
compte la notion de durée : un simple symptôme, un « signal d’alarme » qui permet de
déterminer l’origine de la douleur et de la traiter. Une douleur peut évoluer par sa persis-
tance en véritable syndrome, ou « douleur chronique », qui est exacerbée dans les hyper-
esthésies (syndromes d’hypersensibilité cutanée) et dans des symptômes dépressifs.
Un stimulus est nociceptif quand il met en cause l’intégrité physique de l’orga-
nisme. Un stimulus de ce type est susceptible d’anticiper sur un événement traumati-
sant pour que tout soit mis en œuvre pour préserver l’intégrité de l’organisme.

ZOOM
La migraine et les céphalées
Les douleurs céphaliques doivent inciter le praticien à rechercher parmi des syn-
dromes douloureux, comme des céphalées de tension, des algies vasculaires de
la face (artérite temporale, céphalée de Horton), une névralgie faciale (plus fré-
quente chez l’homme : 4 hommes pour 1 femme) liée à une inflammation du
nerf trijumeau ou encore le syndrome para-trigéminal (Sunct syndrome).
Les crises migraineuses touchent plus les femmes que les hommes et elles con-
cernent les femmes encore plus en période des régles (crises cataméniales) en
relation avec la chute du taux d’œstrogènes.
Des symptômes de céphalées apparaissent en précurseurs de diverses neuropa-
thies sévères, chez l’organisme jeune ou chez l’adulte (anévrismales, encé-
phalopathies, épilepsies). Les investigations dans la présomption de douleurs
céphaliques doivent immédiatement intégrer une exploration en imagerie et
Les organes sensoriels 215

EEG pour éventuellement cerner une hémorragie crânienne et/ou un foyer


comitial (soupçon d’épilepsie).
Dans divers cas, le syndrôme douloureux s’accompagne de paresthésie seule
(fourmillement comme dans les migraines ophtalmiques) ou de paresthésie et
d’allodynie (douleur produite par des stimulations légères de régions hypersen-
sibles à la douleur). L’allodynie se retrouve aussi dans les atteintes périphéri-
ques (lésion des cordons dorsaux de la moelle, mais alors, la douleur a un
siége périphérique et non central).

4.7.1 La neurophysiologie de la nociception


A. Les circuits de la douleur
Le trajet parcouru par l’information sensorielle nociceptive commence à la périphérie
de l’organisme, au niveau des nocicepteurs cutanés ou viscéraux. Les terminaisons
nerveuses sont constituées par fibres nerveuses (des dendrites des cellules des gan-
glions spinaux), libres et très fines, situées dans la peau ou les viscères. Elles sont
appelées fibres Aδ si elles sont entourées d’une gaine protectrice de myéline, et
fibres C si elles ne sont pas myélinisées (figure 4.30).
Les fibres Aδ conduisent l’information nerveuse plus vite (4 à 20 m/s) que
les fibres C (moins de 2 m/s). La forte stimulation (thermique, chaude ou froide, ou
par pression d’un nocicepteur) génère une décharge de la fibre nerveuse qui lui est

Cerveau

Ganglion dorsal Lésion


Voie spinothalamique
Bradykinine
Prostaglandines
Leukotriénes

Transmission Substance P +
dans la corne Récepteurs de
dorsale : Histamine douleurs dans la peau
Glutamate,
Neurotensine, Mastocyte
Substance P

Mécanismes biochimiques de la douleur

Figure 4.30
Douleur
Le déclenchement de la douleur consécutive à une lésion est le résultat de l’influence de plusieurs substances chi-
miques libérées immédiatement par les tissus lésés comme l’histamine, et du largage différé de substances loca-
les comme les leukotriènes ou au niveau protubérantiel, la libération de la bradykinine et d’opiacés endogènes.
Donc la douleur ressentie résulte d’un équilibre entre les substances comme l’histamine qui stimulent les fibres
libres véhiculant des signaux douloureux et les substances qui réduisent la sensation douloureuse et activent les
mécanismes réparateurs.
216 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

associée, et cela forme des potentiels d’action. Il existe également des fibres senso-
rielles, mises en jeu par des stimulations de faible intensité : ce sont toutes de grosses
fibres myélinisées, les fibres Aα et Aβ, dont la vitesse de conduction de l’information
est très rapide (de l’ordre de 100 m/s).

B. La transmission de la douleur
L’information nerveuse nociceptive est propagée jusqu’à la moelle épinière par
l’intermédiaire des fibres fines des nerfs sensoriels. Ces fibres sont les axones des
neurones nociceptifs de premier ordre, dont les corps cellulaires sont rassemblés au
sein des ganglions rachidiens. Elles pénètrent dans la moelle épinière par la racine
dorsale, jusqu’aux couches superficielles de la corne dorsale. Les terminaisons des
fibres fines viennent établir une liaison synaptique avec les neurones nociceptifs de
deuxième ordre, dont les corps cellulaires sont situés plus ou moins profondément
dans la corne dorsale. Ces neurones, que l’on rencontre dans tous les segments de la
moelle épinière (cervical, thoracique, lombaire et sacré), sont aussi présents dans le
système trigéminal (innervé par le nerf trijumeau, nerf V, au niveau du bulbe), lequel
intervient dans la nociception de la face et de la cavité buccale. Ils sont à l’origine des
deux principales voies de conduction de l’information nociceptive vers l’encéphale :
le faisceau spino-thalamique, qui se termine dans les noyaux du thalamus latéral, et
le faisceau spino-réticulaire, qui se termine dans la substance réticulée.

C. Les sites de projection des fibres


Les structures mises en jeu dans la physiologie de la nociception sont nombreuses. Ce
sont les sites de projection des voies ascendantes. Des fibres entrent dans le complexe
ventrobasal du thalamus latéral, qui contient une grande quantité de neurones noci-
ceptifs (ceux du troisième ordre). Ceux-ci codent l’intensité de la stimulation et sont
impliqués dans la discrimination de la douleur (localisation du territoire corporel où
s’exerce la stimulation). Ils se projettent dans l’aire sensorielle primaire du cortex
cérébral, second site dans lequel les nombreux neurones nociceptifs du quatrième
ordre répondent aux mêmes types de propriétés que les neurones thalamiques. Par
ailleurs, certaines structures de l’hypothalamus interviennent dans la composante
neurovégétative de la douleur : pression artérielle, fréquence cardiaque, sudation.
Celles du système limbique interviennent dans la composante émotive.

D. Transmission des messages nociceptifs


Elle peut être modulée par plusieurs systèmes endogènes de contrôle. Les systèmes
de contrôle spinaux « segmentaires » permettent l’annulation de l’activité des neuro-
nes nociceptifs, situés dans la corne dorsale de la moelle épinière, par la stimulation
des fibres afférentes Aα et Aβ, lesquelles se trouvent au même niveau segmentaire.
Autrement dit, l’application sur un territoire douloureux d’une stimulation non noci-
ceptive peut inhiber cette douleur – c’est le principe de l’analgésie induite par stimu-
lation électrique transcutanée, qui met en jeu des stimulations de faible intensité mais
de haute fréquence (50 à 100 Hz).
Les organes sensoriels 217

Notez cependant que des travaux récents (Science, mai 2006) utilisant des
tests douloureux sous contrôle d’IRM ont montré que le cerveau des sujets ressentait
l’attente d’un risque de stimulation douloureux comme aussi pénible que la douleur
elle-même. Cet effet est tel que les volontaires optent pour recevoir une très forte sti-
mulation immédiate plutôt qu’attendre un temps indéfini un choc électrique d’inten-
sité moindre. Une telle alternative est appelée le « choix inter-temporal » responsable
des prises de décisions. Notez que cette étude à été menée par des économistes qui
souhaitaient comprendre comment les gens prennent des décisions « douloureuses »
quant il s’agit de choix financiers.
La stimulation électrique des structures du tronc cérébral (en particulier cer-
tains noyaux du raphé) peut déclencher des analgésies très puissantes dans l’orga-
nisme via les systèmes de contrôle supra-spinaux. Les voies inhibitrices
descendantes activées exercent leur action sur les neurones nociceptifs de la corne
dorsale de la moelle épinière.
C’est le principe de l’analgésie induite par stimulation cérébrale profonde,
grâce à des électrodes implantées dans l’encéphale ; cette technique, peu utilisée car
controversée, permet au malade de se stimuler lui-même et de soulager ses douleurs.

E. L’absence de sensibilité à la douleur


Une anesthésie ou insensibilité locale peut être observée chez certains sujets. Elle
résulte soit d’une altération génétique responsable d’une faible densité des récepteurs
dans un dermatome, soit d’une anesthésie temporaire résultant d’un traumatisme. Les
fibres sensorielles dégénèrent (c’est la dégénerescence wallérienne) et bien entendu
ne captent plus de sensation.
Sur le lieu de la lésion, des molécules de neuropeptides peuvent être libérées
et produire une hypo-esthésie salutaire. Il est fréquent qu’au cours de la régénéres-
cence des fibres sensorielles une hyperesthésie apparaisse.
Hypo-esthésie et anesthésie d’origine génétique : elle a été mise en évidence
très récemment (Journal of Child Neurology, 2006) et concerne une délétion du chro-
mosome 10q. Cette « indifférence à la douleur » est assez fréquente chez les enfants
souffrant de retard mental et de troubles du comportement accompagnés de violence
et d’automutilation. L’identification d’une possible relation avec un gène contrôlant
la neurogenèse frontale permettrait d’envisager dans le futur une thérapie génique.

4.7.2 La neuropharmacologie de la douleur


A. Le pavot et la morphine
Leurs propriétés les rendent à la fois indispensables et redoutables. La morphine est
la molécule la plus active contre la douleur, elle est mortelle à haute dose – après
ralentissement du rythme respiratoire, la mort survient par dépression respiratoire.
Mal utilisée, elle entraîne une tolérance (il faut augmenter régulièrement les doses
218 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

pour obtenir la même efficacité) et, à terme, une dépendance (l’arrêt du traitement, ou
sevrage, déclenche, chez le patient accoutumé à une prise régulière, l’apparition d’un
syndrome dramatique, tant physiologique que psychique : l’état de manque).
Le mode d’action de cette molécule sur son récepteur dans le système ner-
veux est maintenant connu. Ce récepteur est une molécule protéique localisée sur la
membrane de certaines cellules, sur laquelle vient se fixer la morphine, mais aussi les
morphines endogènes comme les endorphines, les enképhalines et les dynorphines.
La description de la distribution des récepteurs morphiniques et des morphi-
nes endogènes dans le système nerveux a permis de mieux comprendre la relation
entre morphine et physiologie de la nociception.
La présence de nombreux récepteurs morphiniques sur les terminaisons des
fibres C et la forte densité de neurones, synthétisant des morphines endogènes, dans
la partie superficielle de la corne dorsale de la moelle épinière laissent à penser que
ces morphines (libérées dans des situations physiologiques mal identifiées) module-
raient la transmission de l’information nociceptive en se fixant sur les récepteurs.
La fixation de la morphine sur les mêmes récepteurs expliquerait son action
analgésique au niveau spinal. Au niveau supraspinal, la morphine agirait également en
se fixant sur les nombreux récepteurs morphiniques des structures du tronc cérébral,
comme le font les morphines endogènes synthétisées (dans des situations physiologi-
ques encore mal identifiées) par les neurones qui se projettent dans ces structures.
Ces connaissances approfondies permettent de traiter la douleur par une pres-
cription, efficace et plus sûre de la morphine et de ses dérivés synthétiques. Il a été
prouvé que son utilisation prolongée contre un grand nombre de douleurs chroniques
n’entraîne pas de phénomènes de tolérance.
L’utilisation d’une pompe à morphine PCA auto-ajustée par le malade en
fonction de l’inconfort douloureux est une solution fréquente, surtout chez les mala-
des cancéreux (les métastases osseuses et nerveuses provoquent des douleurs), ceci
en association avec des antalgiques pour réduire les doses de morphine. Cependant,
il ne faut pas oublier qu’avec l’accroissement des doses peuvent apparaître des symp-
tômes hallucinatoires générateurs d’angoisses désagréables et très fréquemment
décrits par les patients.

B. Les analgésiques
Divers neurotransmetteurs et neuropeptides (la substance P par exemple) modulent
aussi la douleur. Des molécules analgésiques sont spontanément libérées lors d’une
blessure cutanée (histamines, kinines, prostaglandines). Ces substances interviennent
dans les phénomènes d’inflammation et induisent des mécanismes immunitaires.
L’aspirine inhibe la synthèse des prostaglandines et s’oppose efficacement à
l’entretien de l’inflammation et au prolongement de la douleur. Malgré ses effets
secondaires, notamment son action irritante sur l’estomac et l’intestin, c’est un excel-
lent analgésique périphérique qui agit directement au siège de la genèse de la douleur.
Les organes sensoriels 219

Si les substances morphiniques forment des « analgésiques centraux », car


elles agissent sur le système nerveux central, elles ont des effets toxicomanogènes et
psychotropes non désirés. Ce n’est pas le cas des molécules à action périphérique
comme l’aspirine ou le paracétamol. Les dérivés stéroïdiens ayant une activité anti-
inflammatoire sont aussi analgésiants, mais, à forte dose, ils présentent des effets
secondaires (œdèmes par exemple).

C. L’évaluation de la douleur en clinique


L’analyse de la douleur est plus complexe car elle n’obéit pas aux mêmes règles phy-
siologiques linéaires que le tact. C’est le plus souvent le patient qui évalue l’intensité
de la douleur en fonction de l’inconfort qu’elle crée. Cette évaluation purement per-
sonnelle pose des problèmes aux soignants qui doivent réaliser un compromis entre
les doses d’analgésiques qui réduisent la douleur et le perçu plus ou moins intense.
Les réglettes d’auto-évaluation sont le moyen le plus courant de test.
Des méthodes objectives basées sur l’électrophysiologie (vitesse de conduc-
tion sur les fibres de la douleur par exemple) sont possibles du fait de la libération de
substances analgésiantes endogènes qui modulent les seuils de formation des poten-
tiels d’action.

Z OOM
L’évaluation de la douleur chez le fœtus
Dès le milieu de la gestation, tous les éléments utiles à la sensibilité douloureuse
sont en place chez l’embryon. En outre, la substance P, l’un des modulateurs de
la sensibilité douloureuse est observable dès 12 semaines et les systèmes des
enképhalines et endorphines apparaissent vers 20 semaines. Mais les con-
nexions thalamo-corticales nécessaires à l’interprétation de l’information doulou-
reuse ne sont pas en place. Elles ne se constituent qu’entre 23 et 30 semaines.
Alors est-ce qu’un fœtus peut ressentir une douleur s’il ne possède pas les struc-
tures cognitives appropriées ?
Si la parturition et surtout l’avortement représentent des instants délicats et dou-
loureux pour le fœtus, il est aussi possible que les quantités de molécules de
protection comme les opiacés endogènes augmentent pour éviter une expé-
rience douloureuse.
Dans le doute, si une intervention chirurgicale doit concerner le fœtus, les obsté-
triciens utilisent des anesthésiques et/ou des analgésiques en doses convena-
bles pour le fragile organisme qu’est le fœtus. Ainsi, pour une interruption de
grossesse après 24 semaines, le fœtus peut recevoir du Fentanyl 10 µg/kg et
du Pentothal 10 µg/kg. Si on doit intervenir in utero, le fentamyl 1 µg/kg est
utilisé en association avec du curare.
Voir : M. Van de Velde, J. Jani, F. De Buck, J. Deprest, « Fetal pain perception
and pain management », Semin Fetal Neonatal Med., 2006, 11(4), 232-236 ;
S.J. Lee, H.J. Ralston, E.A. Drey, J.C. Partridge, M.A. Rosen, « Fetal pain : a
systematic multidisciplinary review of the evidence », JAMA, 2005, 294(8),
947-954.
220 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

4.7.3 Les syndromes douloureux

Les médecins sont beaucoup plus concernés par les douleurs chroniques que par les
douleurs aiguës. Les douleurs chroniques sont présentes dans de nombreuses mala-
dies et elles sont souvent la cause de perturbations neuropsychologiques de longue
durée. Leurs conséquences diffèrent donc totalement de celles de la douleur aigüe.
Les processus neurophysiologiques intervenant dans la douleur chronique sont
encore mal connus du fait des difficultés de recherche. Car, en clinique, le respect
des patients qui souffrent prime sur des investigations qui, pour être valables,
demanderaient à suspendre l’administration de drogues réduisant la douleur.

Les situations douloureuses rencontrées chez l’homme sont complexes


puisqu’elles interviennent même en l’absence d’une stimulation nociceptive ou
d’une lésion, telles les douleurs ressenties par un amputé (douleur du membre fan-
tôme) ou après lésion des nerfs sensoriels innervant un territoire de l’organisme
(douleur de déafférentation). Les mécanismes à l’origine de ces douleurs ne sont
pas connus, et si le rôle des extrémités des nerfs sectionnés dans la genèse de la dou-
leur est envisagé, la participation du système nerveux central (processus psycholo-
giques ou hallucinatoires) est certaine (tableau 4.1). La difficulté à soulager ces
malades rend compte de la complexité des phénomènes douloureux et de l’insuffi-
sance de la seule physiologie de la nociception à expliquer les processus interve-
nant dans la douleur.

Tableau 4.1

Comment faire la différence entre la douleur dite : « névralgie du trijumeau » et celle dite « algie
faciale ». Ce tableau donne les aspects cliniques d’une plainte douloureuses des patients.
Elle a des manifestations et des causes bien différentes mais parce que la douleur extrêmement
violente affecte la face, elle fait partie de ces sémiologie délicates à interpréter car le malade a
souvent beaucoup de difficulté à décrire ses crises.

Névralgie du trijumeau Algie faciale atypique

Survenue Soudaine/intermittente Permanente

Caractéristique de la douleur Intense Sourde

Distribution Territoire du trijumeau Chevauche sur le territoire


du trijumeau

Fréquence Fréquent Rare

Existence de zones gâchettes Oui Non

Causes psychopathologiques Non Oui, fréquente


Les organes sensoriels 221

A. Sclérose en plaques

C’est une maladie due à une dégradation sévère de la myéline qui protège les fibres
nerveuses. Cette dégradation liée à un processus inflammatoire fait apparaître des
épisodes extrêmement douloureux au cours de la progression médullaire de la démyé-
linisation.

B. Polyradiculonévrite

Les polyradiculonévrites sont des neuropathies périphériques symétriques qui provo-


quent des troubles sensitifs et moteurs très généralement symétriques (les deux côtés
du corps). Ces affections sont plus importantes que les polynévrites, car elles concer-
nent les nerfs et leurs racines des quatre membres, ainsi que les nerfs crâniens. Il en
résulte des troubles essentiellement moteurs, mais en général, la guérison est sponta-
née (rétrocession) après quelques semaines.

C. Douleur thalamique

La douleur résulte d’une altération du canal sodium qui provoque des décharges élec-
triques anormales provoquant des douleurs d’origine centrale impossibles à préciser
par le patient.

D. Douleurs crâniennes

Les symptômes de douleurs crâniennes, les céphalées (aussi communément dénom-


mées « maux de tête » et migraines) représentent le ressenti douloureux le plus fré-
quent, mais dont les origines sont variées et délicates à cerner dans la plupart des cas.
Un interrogatoire doit permettre de définir les points suivants devant une douleur
céphalique :
– La douleur est-elle unilatérale, bilatérale ? Est-elle pulsatile ou constrictive
(en étau) ? Est-elle modérée n’empêchant pas une activité normale ou au con-
traire sévère et gênante ? La douleur est-elle aggravée par le mouvement ? Le
patient supporte-t-il la lumière et le bruit ou les fuit-il ? Y-a-il des nausées et/
ou des vomissements ? Quelle est la durée des crises (moins de 72 h ou plus
de 72 h).

Au moins deux des critères trouvés permettent de définir une douleur cépha-
lique. Globalement, une migraine est pulsatile, ne dure que quelques heures et cède
aisément à l’aspirine ou au paracétamol (tableau 4.2).
222 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Tableau 4.2
Les symptômes d’un mal extrêmement courant, le mal de tête dit aussi migraine ou céphalées. Pour
que le lecteur différentie ces deux affections nous donnons les critéres les plus caractéristiques.

Migraine Céphalée de tension


Durée Quelques minutes à quelques 30 min à 7 jours
heures
Caractérisitiques Unilatèrale Bilatérale
Pulsatile Constrictive
Modérée à sévère (genante Légére à modérée
pour une activité normale) Non aggravée par le mouvement
Aggravée par le mouvement
Symptômes Nausée et/u vomissement Pas de nausée
Intolérance à la lumière Légére intolerance à la lumière
et au bruit et au bruit
Fréquence Rare Souvent
Localisation Temporale Nuque avec diffusion
Condition Examen neurologique norm Examen neurologique norm

E. Autres pathologies avec douleurs


Douleurs viscérales : liées à une atteinte organique, inflammatoire ou lésionnelle, can-
cer, tumeur ; céphalées, céphalées migraineuses, céphalées de tension ; migraines avec
aura (migraines ophtalmiques) et sans aura (migraines classique) ; migraines catamé-
niales (périmenstruelles) ; algie vasculaire de la face ; névralgie du trijumeau, syn-
drome de Sunct (algie vasculaire faciale) ; douleur thalamique ; hémicranie
paroxystique. L’ hyperpathie est une souffrance étendue au-delà de la zone stimulée et
qui apparaît avec une stimulation normalement indolore. L’hyperesthésie et l’allody-
nie sont assez fréquemment décrites sous forme d’une sensibilité douloureuse exacer-
bée par un simple effleurement. L’hypoesthésie : pas de sensibilité, douloureuse en
particulier (atteinte radiculaire par exemple) ; plus rare, on l’observe sur des patients
qui se blessent parfois sévérement sans s’en apercevoir.
Les organes sensoriels 223

CE QU’IL FAUT RETENIR DU CHAPITRE 4 : LES ORGANES SENSORIELS


Explorer
L’olfaction
L’exploration se fait par l’olfactométrie qui est :
– soit une méthode simple utilisant des batteries de flacons contenant divers
odorants en solution convenable dans des solvants dénués d’odeurs. Le
sujet met son nez au-dessus des flacons ou utilise une languette de buvard
pour identifier les odeurs (le test UPSIT, de l’Université de Pennsylvania,
est un des plus fiables ; des tests ESUS, plus simples, ont été mis au point
par l’équipe Neurosciences et Systèmes sensoriels de Lyon) ;
– soit un olfactomètre utilisant des électrovannes et un dispositif contrôlant
le débit des gaz odorants envoyés sur chaque narine. Les paramètres
physiques des gaz sont strictement contrôlés, selon les lois des gaz
parfaits : PV/T = Constante (recours à l’électro-olfactométrie : recueil des
potentiels sur la muqueuse olfactive ; potentiels évoqués olfactifs ; IRM).
La vision
– Examens de la partie optique : optométrie, opthalmoscope, ophtalmomè-
tre, campimétrie.
– Examen de la rétine : fond de l’œil, biomicroscope, électrorétino-
gramme.
– Examen de l’intégrité des voies optiques : recherche des anopsies, sté-
réoscopie.
– Examen du cortex visuel : électro-oculogramme, EEG, potenteils évoqués
visuels.
L’audition : oreille externe, moyenne et interne
– Examen du pavillon, du conduit auditif et du tympan.
– Audiométrie et courbes audiométriques (figure 4.20)
– Audiométrie tonale : utilisation de bruits blancs, de bruits roses, de
sons divers plus ou moins aléatoires. Contrôle de l’effet de masque et
des effets de l’attention du sujet sur les réponses.
– Acoumétrie : test de Weber, test de Rinné (figure 4.21).
– Électrocochléogramme : une fine électrode conductrice souple est posée
sur le tympan et une électrode de référence sur le front. Les potentiels
recueillis lors d’une stimulation sonore reproduisent les oscillations du son
avec la même fréquence, ce sont les potentiels microphoniques.
– Potentiels évoqués auditifs : les réponses des cellules auditives se tra-
duisent par des potentiels évoqués corticaux.
– IRM : l’imagerie des régions de l’oreille interne est important pour vérifier
l’intégrité des tissus.
224 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

L’équilibration
– Tests d’équilibration simples : maintien en position orthostatique
(debout), rôle actif ou non de la vision dans la position, précision et
ajustement des mouvements…
– Tests au fauteuil pendulaire (permet d’observer les mouvements de la
tête et des yeux en plaçant devant les yeux un dispositif de vidéonys-
tagmographie, VNG) ; stabilométrie (utile pour observer les stratégies
du maintien en position verticale) (figure 4.25).
– Nystagmus : il dépend directement du réflexe vestibulo-oculaire.
– Exploration des réflexes : des réflexes tendineux, des étirements neu-
romusculaires, neurographie, électromyographie.
– Exploration des réponses oculaires : nystagmographie (évaluation de
l’intensité et du sens du nystagmus), électro-oculogramme (EOG), fau-
teuil pendulaire, électromyographie (EMG).
– Méthodes d’investigation sur les troubles de l’équilibre d’origine
centrale : IRM, nystagmographie, électromyographie, potentiels évo-
qués, électrostimulations.
La somesthésie
– Esthésiomètre : une batterie d’aiguilles lestées d’un poids de valeurs
comprises entre 1 gramme et 50 grammes.
– Yeux fermés : recherche de la sensibilité avec un esthésiomètre.
– Test de l’aire de saut : sur l’avant-bras du sujet, yeux fermés. Les deux
pointes d’un compas séparées de 12 cm sont ensuite rapprochées ; il
existe une distance minimale à laquelle le sujet ne perçoit plus qu’une
pointe. Cette distance dépend de l’organisation des champs récep-
teurs.
– Examen neurographique : la stimulation électrique ou thermique produit-
elle un potentiel sur le nerf ? Un potentiel évoqué cortical ?
La douleur
– Souvent considérée comme subjective, la douleur est très difficile à
apprécier et à quantifier pour ajuster les doses de sédatifs.
– La réponse douloureuse à une piqûre d’aiguille (on utilisera un esthé-
siomètre) permet une approche quantifiée.
– Retenons du point de vue sémiologique que les douleurs radiculaires
correspondent au territoire de la racine concernée. Ainsi, si la douleur
cède au repos d’un membre, elle indique une souffrance des fibres
dans les parties mobiles (articulaires ou discales). La palpation induit-
elle une crispation ou une réponse douloureuse ? Le patient cherche-t-
il une position du membre ou du tronc compensatoire qui le soulage ?
Les organes sensoriels 225

– La description de la douleur : est-elle continue, paroxystique, fulgu-


rante avec accès hyper-algique ? Existe-t-il une paresthésie associée à
la poussée douloureuse (fourmillements fréquents dans les migraines
ophtalmiques) ?
– Le recours aux échelles de douleur (règle avec curseur que le patient
positionne selon une gradation allant de « pas de sensation » à
« douleur très forte » doit être considéré non dans l’absolu mais selon
une évolution ou en fonction d’un traitement. Pour les enfants en bas
âge, on utilise une échelle des visages stylisés grimaçants, douloureux
ou satisfaits. Le petit patient sait rapidement ajuster son appréciation
de douleur et n’abuse jamais de l’automédication.
Connaître des troubles sensoriels
Le système olfactif
– Anosmie, dysosmie : elles peuvent être accidentelles après inhalation de
substances volatiles. Des produits comme le tétroxyde d’osmium détrui-
sent totalement les cellules sensorielles. Le neuroepithélioma du nerf olfac-
tif (sorte de tumeur) peut altérer le fonctionnement des récepteurs. Il existe
aussi une agenèse de la placode olfactive.
– Une agenèse des bulbes olfactifs existe dans l’holoprosencéphalie
(trisomie 13 ou 18, syndrome de Van der Woude) et il existe une
dégénérescence bulbaire comme dans la maladie de Kallmann ou
syndrome adiposo-génital.
– Lésions du cortex olfactif : des anomalies du cortex dont le cortex olfactif
sont parfois observées comme l’absence d’une couche de cellules granu-
laires a été observée dans le cortex orbito-frontal. Ces anomalies peuvent
produire des altérations de la mémoire des odeurs.
Des troubles de la gustation
– L’agueusie est assez rare mais peut être la conséquence de l’utilisation
de médicaments ou de substances toxiques pour les cellules gustatives.
Quelques troubles visuels
– Altérations de l’appareil optique : myopie, presbytie, astigmatisme, cata-
racte, glaucome.
– Altérations de la rétine : décollement de la rétine, dégénérescence
maculaire, hypertension oculaire.
– Altérations des voies optiques : neurinome de l’optique, interruption
traumatique du nerf optique.
– Altérations corticales : agnosie visuelle, lésions traumatiques du cor-
tex occipital.
226 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

Quelques troubles auditifs


– Hypo-acousie : problèmes d’osselets (chez les personnes agées), lésions
plus ou moins sélective des cellules auditives. Une surdité peut-être liée
à des anomalies de l’oreille externe, notamment à un encombrement des
conduits, à des otites ou à des altérations de la chaîne des osselets.
– Les acouphènes sont des bruits surajoutés, bourdonnements, essentielle-
ment d’origine cochléaire et les oto-émissions acoustiques sont du bruit
dû à des contractions spontanées des cellules auditives externes.
Il existe un neurinome de l’acoustique qui est une tumeur occupant le
canal cochléaire.
– La maladie de Ménière est une surdité de perception accompagnée de
vertiges et d’acouphènes (dûs à un défaut d’élimination de l’endolymphe
provoquant une surpression).
– Les troubles auditifs d’origine corticale sont fréquents, citons : les
agnosies auditives, l’aphasie de Broca, l’aphasie de Wernicke, la
dyslexie, la cécité auditive traumatique, la surdité congénitale comme
le syndrome de Usher (associé à des troubles de la vision), et les hal-
lucinations auditives.
Troubles de l’équilibration
– Interruption traumatique de la voie spinale : sclérose en plaques, neuro-
dégénérescences médullaires, myopathies.
– Anomalies de l’équilibration et de la motricité : ataxie périphérique,
troubles vestibulaires, atteintes de l’oreille interne, infections bacté-
riennes ou virales, otites, parkinsonisme, vertiges d’origine vestibu-
laire : maladie de Ménière.
– Anomalies liées aux centres d’intégration : ataxie cérébelleuse ou
hérédo-ataxie (la dégénérescence du cervelet provoque un tremble-
ment de mouvements), dystonie (perturbations du tonus musculaire),
hyperkinésie (formations de mouvements involontaires, comme dans
le syndrome de Tourette).
– Dyskinésie : tabes (hérédo-syphilis), chorée (fréquente dans la maladie
de Huntington par exemple : mouvements stéréotypés), troubles cérébel-
leux (engagement de l’uvule), syndromes cérébelleux (encéphalopathies
virales et à prions, encéphalopathie spongiforme bovine, ESB), altération
des noyaux gris centraux, paralysie et plasticité de l’équilibration, hémi-
plégie, paraplégie (maladie de Parkinson).
Troubles de la sensibilité tactile
Ils sont fréquents, citons : la paresthésie avec une sensation de fourmil-
lement dans un membre ; une anesthésie avec une perte de sensibilité ;
Les organes sensoriels 227

une hypoesthésie comme une baisse de la sensibilité ; une allodynie avec


une hypersensibilité locale ; une hémiparésie avec une insensibilité unila-
térale.
Symptômes douloureux
Parmi les plus sévères : la douleur thalamique, la sclérose en plaques, les
Céphalées et les migraines, diverses souffrances viscérales dues au cancer.

Résumé du chapitre 4
La perception des odeurs
Les mécanismes qui assurent la conversion des molécules d’odeur en
des sensations olfactives sont les suivantes :
– Les molécules odorantes en suspension dans l’air sont capturées par le
nez, puis passent sur l’epithélium olfactif, formé par les cellules olfactives
qui tapissent les crêtes turbinales. Les molécules odorantes entrent dans le
mucus et se fixent sur des récepteurs spécifiques à chaque type molécu-
laire, qui sont intégrés dans la membrane des cellules olfactives. La fixa-
tion provoque une cascade réactionnelle dans la membrane qui produit
en particulier l’ouverture de canaux ioniques et engendre la formation de
potentiels d’action.
– Les interneurones, situés dans les bulbes olfactifs, forment des synap-
ses dendrodendritiques inhibitrices avec les fibres olfactives. Cela
assure le codage, le contraste, et permet au cerveau d’identifier les
odeurs et leurs caractéristiques, de les mémoriser et de les comparer
aux informations olfacives antérieures.
– Les signaux codés dans le bulbe olfactif sont répartis soit vers le bulbe
contralatéral pour une analyse différentielle des concentrations en molé-
cules, soit via le trigone olfactif ; les odeurs envahissent soit le paléo-
encéphale, le cortex entorhinal, le cortex olfactif et le système limbique.
La gustation
La perception des saveurs (sucré, salé, amer, acide, umami) par les
bourgeons du goût est liée au fonctionnement de récepteurs complexes
polymodaux. Les sensations sont projetées via le noyau solitaire (tronc
cérébral) vers le thalamus puis vers le cortex pariétal dans une zone
recueillant les sensations gustatives et vers le cortex frontal. Il existe peu
d’anomalies gustatives (agueusie, hypogueusie).
La vision
Le système visuel est formé d’un instrument d’optique : la chambre anté-
rieure cornéenne, le cristallin à convergence variable, l’iris au centre
duquel se trouve le trou de diamètre variable, la pupille. Le réglage
de la courbure du cristallin ainsi que la mydriase (ouverture) et le myosis
228 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

de la pupille sont réglés par des noyaux situés dans les centres bulbai-
res. L’ensemble du globe oculaire est déplacé par les muscles oculaires
contrôlés par des réflexes optomoteurs centraux.
L’œil contient une membrane cellulaire pourvue de cellules
photosensibles : les cônes pour la vision des trois couleurs primaires, les
bâtonnets pour la vision nocturne ou en faible luminosité. Les signaux
lumineux décomposent un pigment chimique et forment au niveau des
cellules bipolaires un signal nerveux électrique qui est transmis aux cel-
lules ganglionnaires.
Les axones des cellules ganglionnaires forment les deux nerfs optiques
qui convergent vers le chiasma optique à la base du cerveau et qui
échangent une moitié des fibres visuelles. Ainsi, une partie des images
d’un hémichamp visuel se projette sur le cortex visuel (aire
occipitale 17) du côté opposé (contralatéral) et l’autre moitié se projette
sur le cortex homolatéral.
L’audition
Le système auditif comporte un ensemble guide d’onde : le conduit
auditif ; un ensemble transmetteur des vibrations : la chaîne des osse-
lets, les membranes de la fenêtre ovale et ronde qui font vibrer le liquide
endolymphatique contenu dans la cochlée, enfin le système transducteur
contenu dans le canal de Corti.
L’ensemble des tubes osseux spiralés de la cochlée comporte une lame spi-
rale portant la membrane basilaire qui supporte les cellules auditives ciliées
internes sur deux rangs et les cellules auditives externes sur trois rangs.
Les vibrations du liquide font fléchir les cils des cellules sensibles en les
écrasant sur la membrane tectoriale. Ces déplacements provoquent une
entrée d’ions potassium responsables de la formation des potentiels
cochléaires. Ces potentiels sont transmis aux dendritiques des cellules du
ganglion spiral de Corti qui elles-mêmes forment le nerf auditif VIII. Les
influx sont transmis aux aires auditives temporales pour y être intégrées.
Équilibration et propriocepteurs
Les mécanismes du maintien postural sont d’abord liés au fonctionne-
ment des boucles locales de régulation comme la boucle gamma formée
d’un récepteur neuromusculaire, d’une fibre sensorielle qui fait synapse
sur un motoneurone et qui émet un axone vers le muscle contenant le
fuseau neuromusculaire. Cette unité motrice reçoit des signaux de con-
trôle venant de la tête (position des yeux, de la tête, des canaux semi-
circulaires) qui modulent les effecteurs de la boucle.
Le système des canaux semi-circulaires, grâce à des cristaux, les otoli-
thes et les otoconies, mobiles dans le liquide endolymphatique, bougent
au-dessus des cils des cellules sensorielles. Ils permettent de capter les
déplacements et les accélérations de la tête. Le noyau vestibulaire situé
Les organes sensoriels 229

dans le bulbe envoie des informations vers le cervelet et vers les noyaux
gis centraux pour assurer une coordination motrice pendant les mouve-
ments, la marche ou les changements de position du corps ou encore
pour ajuster les mouvements des yeux pendant un mouvement de la tête
ou du corps.
Les troubles des dispositifs d’équilibration sont soit liés à des anomalies
du système vestibulaire ou de ses voies centrales, soit du cervelet, soit
d’altérations médullaires qui perturbent le fonctionnement de la boucle
gamma. Les vertiges sont parmi les troubles les plus fréquents de gravité
parfois modérée, alors que les ataxies, dystonies, hyperkinésies, bien
que moins fréquentes, sont des dysfonctionnements très sévères.
La sensibilité tactile
La sensibilité générale comporte des récepteurs périphériques superfi-
ciels sensibles au contact, à la température, à la douleur, et des récep-
teurs profonds viscéraux.
Les récepteurs tactiles, comprenant des corpuscules de Pacini, de Merc-
kel, de Meisner ou encore de Ruffini ou des fibres dendritiques libres,
détectent les changements mécaniques, chimiques et thermiques au
niveau de la peau. Chaque territoire cutané correspond à un secteur
restreint de la moelle épinière, le dermatome. Les fibres sensorielles
cutanées pénètrent dans la moelle épinière par la corne postérieure,
entrent en contact avec un neurone intermédiaire avant de croiser du
côté opposé pour la majorité des fibres. Une partie des fibres entrent en
contact avec un motoneurone de la corne antérieure de la moelle épi-
nière, formant ce que l’on appelle « l’arc réflexe » assurant une réponse
rapide entre le stimulus externe et la réponse motrice locale. La très
grande majorité des fibres remontent le long de la moelle dans des
« cordons » destinés essentiellement au thalamus où elles s’achèvent sur
un interneurone. Cela forme le faisceau spino-thalamique, dit aussi voie
extra-lemniscale. La voie lemniscale postérieure véhicule les signaux
propriocepteurs. Les informations tactiles sortant du thalamus sont
ensuite dirigées vers le cortex pariétal ou aire somesthésique.
La douleur
Les informations liées à un traumatisme ou à une anomalie fonctionnelle
se traduisent par l’apparition de signaux ressentis par notre cerveau
comme douloureux avec divers niveaux. Ces signaux sont d’abord
transmis par les fibres sensorielles tactiles de la zone lésée dont les
seuils sont bas, donc très réactives. Lorsque le traumatisme est plus
intense, il sollicite les fines fibres de la douleur, bien que des molécules
locales analgésiantes diminuent la sensation. Le signal de douleur
emprunte les voies protopathiques ascendantes en direction des forma-
tions bulbaires. Dans la réticulée, des bradykinines et des morphines
endogènes modulent l’intensité du signal. Une partie du signal active
230 Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie

des mécanismes végétatifs (accélération du rythme cardiaque, de la respi-


ration, libération d’adrénaline) pour assurer un comportement de sauve-
garde adapté à la nature du phénomène nocif et pour protéger l’intégrité.
Du fait de sa valeur d’avertisseur de dysfonctionnement, la douleur est un
signal omniprésent de beaucoup de pathologies et terriblement trauma-
tisant dans certaines maladies comme la sclérose en plaques ou dans le
cancer en stade terminal.

QUE S T I O NS
1. À combien estime-t-on le nombre de gènes codant les protéines réceptri-
ces des odeurs ? Sont-ils sur un seul chromosome ou sur plusieurs ?
2. Comment teste-t-on l’olfaction ? Citez au moins cinq troubles neuropsy-
chiques dans lesquels il existe de sévères altérations de l’olfaction avec
troubles cognitifs.
3. Qu’est-ce que les hémianopsies ? Faire la relation entre ces différentes
altérations du champ visuel et la structure des voies visuelles.
4. Dans quelle maladie neurologique avec troubles comportementaux
observe-t-on une altération simultanée de l’olfaction et de l’audition ?
5. Les émissions oto-acoustiques sont liées à une altération de l’oreille
interne. Laquelle ?
6. Comment réalise-t-on un audiogramme ? Que montre ce type d’analyse ?
7. Comment évalue-t-on le nystagmus ? À quoi sert cette mesure ?
8. Décrivez la différence entre les voies de la sensibilité tactile périphéri-
que et les voies de la douleur.
9. Que sont les morphines endogènes ? Sont-elles présentes en périphérie,
sous la peau par exemple ou dans le cerveau ? Quelles sont les voies
qui produisent leur libération ?

RÉF É R E NC E S
1. Lazorthes Guy, L’ouvrage des sens. Fenêtre étroite sur le réel, Paris, Flammarion, 1997,
228 p.
2. Pezard Laurent, Sentir. Manuel de physiologie sensorielle, Paris, Contemporary
Publishing International-GB Science Publisher, 2005, 117 p.

S ITE S
Œil et troubles visuels :
http://www.snof.org/phototheque/phototheque.html
Olfaction :
http://olfac.univ-lyon1.fr/documentation/olfaction/
Audition :
http://www.neurophys.wisc.edu/h&b/textbook/textindex.html
Organes sensoriels :
http://bio.m2osw.com/gcartable/systeme%20nerveux/organessensoriels.htm
PARTIE 2
LES COMPORTEMENTS HUMAINS :
DE L’INTÉGRATION
DES INFORMATIONS SENSORIELLES
AUX ALTÉRATIONS
DES COMPORTEMENTS

Chapitre 5
Intégration des données sensorielles par le cerveau 233

Chapitre 6
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 305

Chapitre 7
Les troubles des comportements humains 367
CHAPITRE
5
Intégration des données
sensorielles par le cerveau

5.1 Les bases des comportements fondamentaux


et les différents niveaux d’intégration comportementale 235

5.2 Les rythmes nycthéméraux et le sommeil 241

5.3 La vigilance et l’attention 252

5.4 De la faim à la prise alimentaire 255

5.5 Le comportement dipsique 264

5.6 Agressivité et violence 266

5.7 Sexualité-reproduction 276

5.8 Du plaisir à la toxicomanie 287


234 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Dans ce chapitre, vous allez :


• Découvrir les différents niveaux de l’intégration cérébrale assurant les
régulations des comportements fondamentaux.
• Aborder les principaux comportements humains à la fois dans leur orga-
nisation neurophysiologique, dans leur structure psychologique et à tra-
vers les troubles qui les affectent.
• Découvrir les comportements fondamentaux (faim, soif, sexualité, agres-
sivité), leurs supports neurophysiologiques et comment les états d’équili-
bre-motivation-satisfaction sont liés aux circuits limbiques du plaisir.
• Étudier les principales altérations neuropsychologiques qui affectent ces
comportements fondamentaux.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 235

5.1 Les bases des comportements fondamentaux


et les différents niveaux d’intégration comportementale
Les comportements résultent des activités intégratives à trois niveaux.

5.1.1 Intégration sensorielle


Elle représente les territoires de projection et d’intégration dans les régions médullai-
res, bulbaires et dans les tubercules quadrijumeaux, le thalamus, l’hippocampe et le
système limbique.
Les études faites sur la vision des oiseaux nocturnes montrent que les tuber-
cules quadrijumeaux jouent plus qu’un rôle de relais à destination du pulvinar (le pôle
postérieur du thalamus) car, dès ce niveau, il est déjà réalisé une mise en forme pré-
cise des images visuelles. Aussi est-il probable que chez l’homme également certai-
nes réponses stéréotypées associées à la vision soient simplement le résultat
d’analyses sommaires faites par les niveaux d’intégration peu élevés dans la hiérar-
chie cérébrale comme le sont les tubercules quadrijumeaux.

5.1.2 Intégration corticale


Elle représente les niveaux supérieurs d’intégration des messages sensoriels. Le cor-
tex des différentes aires mémorise et intègre les informations, tandis qu’un système
de recherche des comportements programmés forme des protocoles prédéfinis qui
sont ou ne sont pas retenus dans nos actes conscients selon leur importance en termes
d’économie physique et d’efficacité dans l’accomplissement de l’action projetée. Un
schéma simplifié des voies intégrant les signaux jusqu’à la réponse exécutive est
donné dans la figure 5.1.
Selon le niveau de hiérarchie de l’intégration cérébrale, les niveaux des moti-
vations ou des pulsions agissent sur les systèmes pour enclencher le comportement le
plus satisfaisant selon le besoin et l’attente du sujet, selon sa personnalité, selon le

STIMULI SENSORIELS Thalamus Complexe amygdalien F. réticulée

Cortex sensoriel Réponses


motrices

Cortex associatif Hypothalamus

Figure 5.1
Organisation du comportement
Organisation très simplifiée des principaux circuits reliant les réponses des récepteurs aux réponses finales effec-
trices (motrices ou sécrétoires).
236 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

degré d’incitation, selon les acquisitions antérieures. Le passage à l’acte comporte-


mental dépend donc des informations en mémoire, des expériences liées au condition-
nement et à l’apprentissage et enfin, de l’intelligence et de sa structuration particulière.

5.1.3 Intégrations neuro-endocrines


Rôle de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. En fonction des rythmes journa-
liers et des informations des deux niveaux précédents, les systèmes neuro-endocrines
ajustent les sécrétions pour adapter le métabolisme au comportement dans ses com-
posantes métaboliques en particulier. En effet, lorsque le comportement est déjà
l’objet d’une procédure inscrite dans le système limbique, le système endocrinien
peut anticiper sur les besoins requis par l’acte comportemental. Le stress en repré-
sente un aspect puisque, dans la situation d’attente d’un événement inconnu, présumé
dangereux, l’hypothalamus et les surrénales libèrent des hormones destinées à préve-
nir un accroissement métabolique en vue d’un acte de protection.
Les comportements fondamentaux peuvent être définis comme les comporte-
ments indispensables à la survie de l’organisme et/ou à la survie de l’espèce (sexuel,
agressivité…). Ils sont aussi dits « comportements motivés primaires ». On suppose
donc qu’ils sont en gros liés à des modifications dans l’équilibre physiologique de
l’organisme. Mais cela peut être aussi des comportements motivés secondaires quand ils
apparaissent sans modification physiologique et ils ne sont alors plus nécessaires pour
la survie. La figure 5.2 rappelle que les informations sensorielles jouent un rôle impor-
tant dans la modulation neuro-endocrine et donc dans l’initiation des comportements.
Les comportements fondamentaux sont orientés. On peut leur attribuer une
fonction particulière :
– fonction de préservation (comportement alimentaire, dispsique, thermorégu-
lation) ;
– fonction de restauration (sommeil) ;
– fonction de protection (agressivité, comportement maternel) ;
– fonction de pérennisation de l’espèce (reproduction).
Ces comportements sont puissants et persistants du fait de leur finalité. Ils
sont périodiques (cycles sexuels des femelles de Mammifères autres que l’Homme)
et sont hiérarchisés selon des priorités (exploration d’un nouvel environnement avant
de manger), selon des acquis ancestraux et selon des expériences personnelles.

5.1.4 Les déterminants des comportements


A. Rôle de la motivation primaire
C’est d’abord la motivation primaire qui déclenche généralement des comportements
préparatoires (exploration souvent). Ils ont pour fonction de nous permettre d’optimi-
ser les stimuli déclencheurs avant de déboucher sur la réalisation du comportement.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 237

Figure 5.2
Neuro-endocrinologie
Récepteurs
sensoriels Thalamus L’activité neuroendocrine due à l’activité céré-
brale est fortement modulatrice des activités
comportementales. Les récepteurs agissent sur
l’hypothalamus, soit directement par les fibres
qui quittent les voies visuelles (noyau supraopti-
HYPOTHALAMUS que-suprachiasmatique) ou qui viennent du sys-
tème olfactif, soit indirectement après un relai
HYPOPHYSE dans le thalamus. Ainsi quelle que soit la voie,
des informations sensorielles peuvent avoir une
action sur les secrétions endocrines, donc elles
Glandes
modifient des comportements mais aussi, elles
endocrines
changent les seuils perceptifs, en conséquence,
l’activité.
Organes
cibles

COMPORTEMENT

Modifications
de l’environnement
Secrétions endocrines et comportement

Tableau 5.1
Dans ce tableau ont été regroupés quelques-uns des facteurs générateurs d’actes comportementaux. Le stimulus
est soit externe, soit interne (endogène), soit une sensation imaginaire. Ce tableau montre que tout stimulus
induit une réponse qui peut devenir à son tour une facteur activateur induisant secondairement une réponse.

STIMULUS STIMULUS induit NOUVELLES


→ RÉPONSES → →
initial par la réponse RÉPONSES
Extérocepteurs
(Images, Sons, Odeurs, → Motrices → Propriocepteurs → Motrices
Toucher)

Endogènes Neurovégétatives → Viscérales → Viscérales



(Viscérocepteurs) Émotions → Viscérales → Viscérales

Sensation Réponses
→ → Imaginaire → Imaginaire
Imaginaire imaginaires
238 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Certains considèrent que la motivation primaire est non spécifique, c’est


l’incentive motivation (la motivation stimulante). Une deuxième école considère que
la motivation primaire est spécifique et entraîne le comportement adéquat.
L’idée de motivation non spécifique vient d’une expérience. La stimulation
électrique d’une zone particulière de l’hypothalamus d’un rat adulte peut entraîner un
comportement d’agression sur un rat mâle adulte (c’est le stimulus déclencheur), ou
un comportement alimentaire s’il y a de la nourriture, ou encore un comportement
sexuel si une femelle réceptive est présente. L’incentive motivation déclenche le com-
portement adéquat vis-à-vis du stimulus présent.
La motivation est liée à des stimuli déclencheurs : les récepteurs du glucose,
la demande d’énergie par les cellules, un conditionnement engendrant une automati-
cité de prise alimentaire sans besoin. L’aspect « nourriture appétissante » est une
motivation secondaire. C’est l’hédonisme bien connu et utilisé en marketing pour
inciter les clients à acheter selon un goût, une couleur, une forme sans autre motiva-
tion. On peut aussi avoir le contraire où le stimulus « inhibe » le comportement (la
nourriture est ressentie comme peu appétissante chez les anorexiques). Il existe des
signaux homéostasiques qui traduisent un déficit et induisent un réajustement des élé-
ments des boucles de rétroactions.
L’organisme est un milieu ouvert, en perpétuelle recherche d’un point
d’équilibre (set point). Dès que l’équilibre (l’homéostasie) s’éloigne de ce point appa-
raissent des signaux de déficits qui nous ramènent au « set point ». Il existe des détec-
teurs dans l’organisme pour évaluer ce déséquilibre. Ces détecteurs ont un seuil de
détection très bas. Ils sont très dispersés et nombreux (système redondant) et les
détecteurs peuvent avoir un seuil de détection différent selon leur localisation.
L’organisme tient aussi compte de la température extérieure en modifiant le
seuil de sensibilité pour adapter ce système, grâce à des récepteurs cutanés. La prise
alimentaire peut aider à fournir de la chaleur notamment par la graisse brune. Des ali-
ments rafraîchissants aident à limiter l’augmentation de la température corporelle
quand il fait chaud.

B. Rôle des hormones


La composante hormonale due à l’hypothalamus est un déterminant essentiel des
comportements (figure 5.2).
– Effet direct : une hormone va agir sur des cellules nerveuses, cela débouche
sur une motivation ou sur son blocage. Par exemple les hormones sexuelles
qui agissent sur les cellules de l’hypothalamus déclenchent un comportement
sexuel donc une motivation (appétit sexuel), ou encore l’insuline ou la leptine
qui bloquent la motivation (sensation de faim et de satiété).
– Effet indirect ou fonction tampon : par exemple une glucopénie (chute du
taux de glucose) cellulaire peut ne pas déboucher sur un comportement ali-
mentaire car elle entraîne la libération de glucagon pancréatique ainsi que de
l’adrénaline et de la noradrénaline par la médullosurrénale. Cela produit la
Intégration des données sensorielles par le cerveau 239

glycogénolyse dans le foie et la libération de glucose dans la circulation. Il


n’y a pas eu ici besoin de comportement alimentaire. Cela permet de différer
le comportement mais pas de le supprimer.

Autre exemple, celui de la déshydratation intracellulaire, qui entraîne la libé-


ration de vasopressine pour limiter la diurèse, ou encore une baisse de la température
qui induit la mobilisation énergétique, l’augmentation de l’activité du système ner-
veux sympathique pour diminuer les pertes et augmenter la production de chaleur.
Cela peut être suffisant pour ne pas avoir recours à un comportement de thermorégu-
lation (mettre un manteau par exemple).

L’action des hormones sur les organes impliqués dans les comportements est
résumée dans le schéma de la figure 5.2.

5.1.5 Les rapports entre l’homéostasie et les comportements

L’homéostasie est l’un des mécanismes fondamentaux qui contribuent à réajuster les
équilibres physiologiques nécessaires au fonctionnement optimum de l’organisme.

Les processus fondamentaux maintenant l’équilibre homéostasique sont en


partie endocriniens et pour l’autre partie ce sont les régulations nerveuses. L’exis-
tence de programmes génétiques de régulation est une évidence aujourd’hui. Les
expériences et les observations faites sur les animaux, des singes en particulier, mon-
trent par exemple que l’utilisation d’outils pour saisir de la nourriture et la transfor-
mer puis l’ingérer est une séquence comportementale transmise des parents aux
enfants sans passer obligatoirement par un apprentissage maternel.

Les hypothèses hédonistes des comportements admettent que la plupart des


comportements visent à la recherche de sensations agréables. Or ces sensations
appréciées sont définies par nos origines, par des habitudes familiales, par notre con-
formation personnelle.

5.1.6 Les conditionnements et les apprentissages

Nous verrons que les bases neurologiques des conditionnements sont proches de celles
de l’apprentissage. Les voies nerveuses passent par des boucles neuronales ou des cir-
cuits neuronaux. Les conditionnements et les apprentissages sont des mécanismes basés
sur l’activation de neurones aboutissant à la formation de circuits neuronaux qui n’exis-
tent pas à la naissance et qui se structurent sous l’effet des stimulations sensorielles.

Les apprentissages sont par exemple la résultante de conditionnements asso-


ciant un acte comportemental à une récompense (ou à une punition). Ces aspects
seront développés dans la section 6.1.2 « L’apprentissage ».
240 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

5.1.7 Les centres du plaisir et les expériences d’autostimulation


Les comportements d’autostimulation (AS) et d’autointerruption (AI) obtenus grâce
à une électrode placée dans la région septale (zone du plaisir dans le système limbi-
que) permettent de comprendre l’entretien de certains comportements (alimentaire
par exemple) et l’absence de leur régulation dans certaines anomalies comportemen-
tales (l’hyperphagie par exemple).
Notez qu’on utilise ces stimulations chez l’homme pour lutter contre la mala-
die de Parkinson ou contre la douleur. Dans ces expériences, un rat est implanté d’une
électrode dans la région septale. Si on stimule uniquement la zone septale quand il se
trouve dans une partie particulière de la boîte de Skinner où il se trouve, il apprend
très vite à aller dans cette zone. On peut facilement en déduire que c’est parce qu’il
aime cela : il a associé la localisation au plaisir. De même si on lui donne un système
de levier qui induit la stimulation, il va appuyer plus fréquemment (autostimulation,
AS). On peut ainsi lui apprendre un trajet précis en le félicitant par de la nourriture ou
avec une stimulation. C’est même plus efficace avec la stimulation.
L’autointerruption, AI, est le phénomène inverse : la stimulation induit la
fuite de la zone où elle a été donnée. Si on lui met un levier qui arrête la stimulation,
il passe son temps à appuyer dessus. Ce n’est pas une douleur mais plutôt un mal-être,
comme le démontrent quelques tests réalisés en cours d’intervention en neurochirur-
gie. Ces comportements mettent en jeu des zones différentes du cerveau qui sont les
centres de plaisir pour l’autostimulation.
On considère à la suite de ces expériences qu’il y a dans le cerveau trois types
de structures : les structures d’autostimulation, les structures d’auto-interruption, et
les structures neutres. Ces dernières représenteraient 80 % du total des structures.
L’autostimulation est localisée :
– au faisceau médian du télencéphale : il débute à l’aire tegmentale ventrale
puis se poursuit dans l’hypothalamus antérieur latéral puis dans la région sep-
tale. C’est dans l’hypothalamus latéral que la réponse d’autostimulation est
maximale (3500 fois en 30 min) ;
– aux structures limbiques : aire septale, hippocampe, amygdale, régions frontales.
L’auto-interruption est obtenue dans le cerveau médian comme dans l’hypo-
thalamus ventromédian et les noyaux gris centraux du mésencéphale.
L’autostimulation, et à un moindre degré l’auto-interruption, sont extrême-
ment développées dans l’hypothalamus, qui constitue la région cérébrale nécessaire
aux comportements fondamentaux.
Sur un plan fonctionnel, des stimulations électriques centrales qui produisent
un comportement d’autostimulation ou d’auto-interruption peuvent être substituées
au renforcement conventionnel positif ou négatif utilisé dans le conditionnement ou
l’apprentissage (récompenser l’animal ou le « punir »).
La position de l’électrode dans l’expérience d’autostimulation est-elle spéci-
fique du comportement fondamental ? Il est prouvé qu’il existe à l’intérieur de
Intégration des données sensorielles par le cerveau 241

l’hypothalamus des structures qui régulent particulièrement un comportement fonda-


mental. Ainsi, l’autostimulation de l’hypothalamus postérieur diminue si l’animal est
castré par une lésion de cette zone de l’hypothalamus ; donc cette zone joue un rôle
dans le comportement sexuel. Mais ce n’est pas le cas pour le comportement alimen-
taire. La situation s’inverse au niveau de l’hypothalamus latéral. Il existerait une spé-
cificité des structures pour le comportement.
Il existe bien des relations entre l’AS et comportement fondamental. L’AS
générerait un « besoin de plaisir » qui peut être satisfait par un comportement fonda-
mental. Il pourrait exister un système de motivation générale et des systèmes de moti-
vations spécifiques à chaque comportement. Dans certains cas, la satisfaction du
« plaisir pur » peut devenir entièrement prioritaire sur la satisfaction d’un besoin phy-
siologique. Les rapports entre AS/AI et comportement fondamental ont également été
analysés dans des expériences de psychopharmacologie utilisant par exemple
l’amphétamine, des agonistes ou antagonistes des récepteurs D1 et D2, des peptides
opioïdes endogènes ou leurs antagonistes.
Des études électrophysiologiques que nous avions faites sur le rat, ont permis
aussi de décoder des séquences de trains de potentiels caractéristiques d’activations
spécifiques dans des zones primaires du bulbe olfactif (odeurs sociales, sexuelles, ali-
mentaires) qui semblent liés à une activation hypothalamique puis à des comportements
particuliers adaptés aux stimulations. C’est ainsi le cas dans la reconnaissance interin-
dividuelle et l’identification des relations de dominance chez les rats.

RETENEZ :
Les comportements résultent d’un grand nombre de facteurs internes orga-
niques et cérébraux et des facteurs externes de l’environnement au sens
large. Les facteurs internes se constituent sur la base d’un patrimoine for-
mant les comportements de base et sur les successions d’apprentissages et
acquis sensoriels. La motivation et le plaisir sont des facteurs qui agissent
fortement sur les comportements.

Voir à ce sujet :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Comportement
http://www.chups.jussieu.fr/polys/dus/duneuropsycho/troublescliniquesmotivation.pdf

5.2 Les rythmes nycthéméraux et le sommeil


Les techniques d’exploration cérébrales montrent qu’il existe entre la vigilance et le
sommeil des états intermédiaires par lesquels nous pouvons passer avec des phases
de transitions au cours de la journée. L’organisation des différents états de veille-
sommeil peut être considérée du point de vue comportemental. On parle alors de :
La veille active : état dans lequel l’individu présente le maximum de capacité
d’interagir avec son environnement. Les récepteurs sensoriels captent pleinement
tous les paramètres, le sujet les reçoit, les intègre et réagit de manière appropriée.
242 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

La veille diffuse : état que l’on peut imaginer après un bon repas un peu
copieux. Les informations sont captées, mais le sujet réagit peu ou pas. Il interagit fai-
blement avec son environnement.
Le sommeil léger : même si l’activité musculaire reste encore efficace, il sub-
siste des réflexes neuromusculaires. Le sujet n’interagit plus ou très faiblement avec
son environnement.
Le sommeil profond : il n’y a plus d’activité musculaire, il n’y a plus de
réflexes. Les muscles de la nuque ne soutiennent plus la tête. Le sujet ne perçoit pas
les informations sensorielles.
Chacun de ces états correspond à des paramètres physiologiques mesurables
par l’électroencéphalogramme, par l’évaluation du métabolisme, par un dosage des
sécrétions hormonales. Cette description n’est pas satisfaisante d’un point de vue neu-
rologique car les différents rythmes EEG sont caractéristiques des phases de sommeil.
L’organisation du sommeil physiologique est donnée par les variations des
ondes cérébrales enregistrées sur l’EEG. Dans ce cas, on parle de :
– veille : l’EEG montre des ondes rapides non synchronisées ;
– stades I et II, ou sommeil léger à ondes lentes ;
– stades III et IV : sommeil lent profond ; durant ces phases, il y a une baisse
du tonus musculaire, de la fréquence cardiaque, respiratoire, de la pression
artérielle et du métabolisme ;
– sommeil paradoxal : les activités cérébrales sont rapides, les yeux bougent
dans les orbites (on parle de Rapide Eye Movement ou sommeil à REM), mais
le métabolisme augmente ainsi que la fréquence cardiaque et la pression arté-
rielle, tandis que les muscles posturaux sont paralysés.
En l’absence de pathologie, le passage d’un état à l’autre dépend d’une part
des rythmes journaliers propres à chacun ou de la volonté consciente de passer de la
veille au sommeil.

5.2.1 Des rythmes biologiques aux rythmes du sommeil


Il est certain que les donneurs de rythmes externes sont la succession jour-nuit et les
saisons. Mais les expériences hors du temps ont montré que nos rythmes internes ne
sont pas simplement réglés par le temps sidéral. Il existe des horloges internes qui
sont en fait les véritables donneurs de temps de notre organisme (figure 5.3).
Notre cerveau contient des horloges qui rythment notre endormissement puis
organise notre sommeil puis notre éveil. La figure 5.4 présente les éléments céré-
braux impliqués dans les mécanismes de veille-sommeil.
Les horloges chimiques qui assurent les rythmes se situent au sein du cerveau,
dans des structures qui orchestrent toutes nos fonctions vitales : l’hypothalamus (il con-
trôle diverses glandes et règle la croissance, l’activité sexuelle…) et la glande pinéale
(ou épiphyse, dont l’activité est très liée à la luminosité et aux rythmes jour/nuit).
Intégration des données sensorielles par le cerveau 243

Les horloges sont des cellules nerveuses qui fabriquent et éliminent cyclique-
ment des protéines, des neurohormones, comme une sorte d’horloge à eau qui se rem-
plit et se vide sur un rythme journalier d’environ 24 heures (figure 5.3). Mais
l’électrophysiologie montre que le cerveau contient plusieurs groupes d’oscillateurs
neuronaux qui sont les horloges utilisées par les structures de mémoire pour cadencer
le stockage des trains d’informations et les restituer au même rythme. L’hippocampe
contient un oscillateur très stable à 4 cycles/sec délivrant le rythme théta hippocam-
pique. Les expériences chez le rat ont montré que si l’on module la fréquence au cours
de l’apprentissage d’un geste, la mémorisation sera incorrecte ou mal restituée.
D’autres oscillateurs neuronaux sont décrits dans le noyau arqué et interviendraient
dans les boucles de contrôle de la motricité.
Mais beaucoup de facteurs modifient nos rythmes journaliers (ou rythmes
nycthéméraux ou alternances veille-sommeil).

CYTOPLASME

Réticulum Protéine
endoplasmique

Gene frq

NOYAU

Figure 5.3
Sommeil
Les rythmes biologiques qu’ils soient journaliers comme les cycles veille-sommeil ou mensuels comme les cycles oes-
triens sont d’abord soumis au fonctionnement d’horloges cellulaires et moléculaires. Le schéma représente une hypo-
thèse cellulaire dans laquelle les rythmes de la synthèse et de la dégradation d’une protéine sont sous l’influence
d’un gène nommé fra (situé sur le chromosome X près de la zone fragile. Ceci semble vrai pour un ver (coenorhab-
ditis elegans) chez lequel la mutation du gène clk1 allonge les rythmes biologiques. C’est probablement ainsi qu’on
peut le concevoir dans l’hypothalamus, dans le noyau supra-chiasmatique précisement (gène per1). L’hypothalamus
est une structure endocrine essentielle qui comporte des systémes donneurs de rythmes impliqués dans les régula-
tions physiologiques et dans les rythmes neuroendocriniens. On connaît par exemple un tel système de formation
d’un dimère protéique Per-Per cyclique dans le rythme de libération de la vasopressine. Pour un développement,
voyez : http://horlogebio.free.fr/index.php?page=horloge_ biologique.
244 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Le rêve ou sommeil
paradoxal est une
Rêves
fonction cérébrale
importante Activation Avec images
du cortex sensorielles
L’activité onirique
permet de réaliser une Voies
remise à jour et un visuelles
rangement des fichiers
mentaux Locus coeruleux
Noyau du raphé
Mouvements PGO (Potentiels
oculaires Géniculés Occipitaux)
(REM) Formation et tonus de la nuque
mouvements réticulée
rapides des yeux Fonctions MAIS perte de tonus
végétatives sur tout le corps
Quelques Muscles
mimiques de la face

Organes
sensoriels Déconnexion sensorielle
Muscles Le rêve ne représente
que des images mentales

Pas de tonus
Tous les muscles
relaxés

Figure 5.4
Veille-sommeil
Voies et structures impliquées dans la régulation des états de veille et sommeil. L’essentiel des structures se situe
dans la région bulbo-protubérentielle, donc sur des éléments des formations réticulées activatrices ou inhibitri-
ces, celles qui précisément laissent remonter ou bloquent les informations sensorielles destinées au thalamus. Les
structures essentielles dans le sommeil : le noyau du tractus solitaire (NTS), le noyau du raphé (NR) et le locus
coeruleus (LC ; placé sous les pédoncules cérébelleux). L’activation de certains noyaux pendant le sommeil pro-
voque des mouvements oculaires (d’où le nom de sommeil à Rapide Eye Movements (REM) ou encore des poten-
tiels importants dans la zone pontique (P) ou potentiels ponto-géniculés-occipitaux (sommeil à PGO) donné
parfois au sommeil paradoxal (SP). Voir : http://sommeil.univ-lyon1.fr/

L’alternance jour-nuit (détectée par l’œil) est en relation avec l’hypothala-


mus antérieur car le noyau supra-chiasmatique reçoit quelques fibres de la rétine, et
avec une autre glande placée au-dessus du cervelet, l’épiphyse ou glande pinéale qui
secrète une hormone impliquée dans le sommeil, la mélatonine (impliquée également
dans la pigmentation de la peau).
Les rythmes d’activités suivent les phases de vigilance-sommeil. La
figure 5.5 montre que, chez l’adulte, les périodes d’efficacité-meilleure vigilance se
situent le matin avant 11 heures et entre 17 heures et 20 heures.
Le rythme de travail (maintien d’une activité psychomotrice ; travail en
3 × 8 heures ou 2 × 8 heures), l’âge (les phases de sommeil du nourrisson sont très
Intégration des données sensorielles par le cerveau 245

rapprochées et un bébé passe 2/3 de la journée en sommeil profond ; l’adulte, puis le


vieillard passent moins d’un tiers de la journée en sommeil profond), l’état physiolo-
gique (avant ou après une prise alimentaire ; cycle sexuel ; mais aussi : obésité ; taba-
gisme ; alcoolisme ; drogues, stress…), médicaments…
La rythmicité journalière, cadrée en gros sur un peu plus de 24 heures, est don-
née par les horloges internes situées dans les régions caudales de l’hypothalamus. Il
s’agit d’un groupe de cellules neurosécrétrices dont les sécrétions protéiques internes
sont indépendantes des autres secrètions et des activités neurosécrétoires. Ces synthè-
ses se déroulent en 24 heures et l’horloge centrale sert de référence ou de donneur de
temps à l’hypothalamus et à l’épiphyse. Ces structures intègrent aussi des données
lumineuses, elles utilisent donc le rythme donné par l’horloge interne et les comparent
au rythme jour-nuit reçu par la vision, ainsi qu’à toutes les données sensorielles.
Ces événements sécrétoires produisent en particulier une chute de la synthèse
de neurotransmetteurs comme la sérotonine. Cela a pour effet d’interrompre l’activité
d’un noyau de la formation réticulée, le locus coeruleus. Rappelons que la formation
réticulée inhibitrice désactive l’entrée des informations sensorielles vers le thalamus
mais cela peut activer en même temps un groupe cellulaire du noyau pontique. Les
noyaux cholinergiques de la région ponto-mésencéphalique ont aussi un rôle.
L’essentiel des structures impliquées dans l’organisation du sommeil se trouvent dans
la figure 5.3. La balance physiologique qui fait passer d’un taux d’hormone bas à une
remontée dans les régions diencéphaliques, associant diverses structures cérébrales,
est l’événement qui déclenche le passage de la veille au sommeil.
Ainsi, lorsque le cerveau cesse de recevoir ou bloque l’entrée des informa-
tions, la baisse d’activité thalamique qui en résulte est la mise en sommeil léger puis
le sommeil profond.
Entre la vigilance et le sommeil certaines régions thalamiques envoient et
reçoivent des informations de commandes non motrices qui correspondent à nos acti-
vités intellectuelles. Ces échanges complexes cortex préfrontal, cortex frontal, cortex
orbito-frontal, thalamus médian et aires corticales sensorielles sont en fait le siège de
nos activités psychiques à partir desquelles nous formons nos actes intelligents, à par-
tir desquelles sont anticipées certaines de nos actions. Les lésions préfrontales, les
tumeurs ou les chocs traumatiques frontaux modifient plus ou moins sévèrement la
personnalité et surtout la vigilance qui assure l’interactivité avec les autres et l’exploi-
tation de l’intelligence, sans pour autant apporter de troubles du sommeil.
Dans l’état de sommeil profond, le cerveau est soumis à des événements
complexes majeurs : l’activité cérébrale externe manifestée par l’action sur divers
effecteurs dont les muscles n’existe plus. Le cerveau est dans l’état dit « cerveau
isolé » et ne reçoit rien et n’émet rien.
L’activité cérébrale se déroule uniquement dans le cerveau : la déconnexion
sensorielle, la très forte baisse du métabolisme permettent de concentrer l’activité sur
la récupération et la reconstitution du matériel nerveux et surtout celle des neurotrans-
metteurs dont les réservoirs se sont vidés dans la journée pendant l’intense activité
246 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

cérébrale journalière. La figure 5.5 montre un cycle veille-sommeil journalier et le


lien avec les états d’activité de meilleures performances physiques et intellectuelles.
Ces phases peuvent être comparées aux enregistrements de l’EEG pendant le
sommeil, ou hypnogramme représenté sur la figure 5.6. Dans les phases de sommeil,
les informations mémorisées dans l’un des deux hémisphères, le gauche chez les droi-
tiers, tournent en boucle, telles celles décrites par Lorente de No dans le cervelet, sur
des circuits de mémoire à court terme. Il n’y a plus de parasitage externe pendant le
sommeil cérébral, les informations sont filtrées et transférées vers l’hémisphère de
stockage opposé grâce au commutateur hippocamique.
Dans cette structure, l’apparition d’oscillations en basses fréquences très sta-
bles, comme le rythme théta hippocampique à 4 cycles par seconde, indique qu’un
rythme d’horloge (ou celui d’un cadenceur, au sens informatique) induit le passage
et/ou la lecture des signaux selon une cadence d’horloge à partir d’une matrice de
codage et d’un multiplexage puis un démultiplexage que l’on pourrait trouver dans le
thalamus. Donc le système qui a inscrit la mémorisation dans les zones cérébrales la
relit aussi avec la même cadence, ce qui assure une stabilité des informations, même
s’il existe des bruits parasites venant des sensibilités indépendants du thalamus ou
induits par des activités aléatoires venant d’autres structures.
Les informations qui passent d’un hémisphère vers l’autre contribuent à con-
solider les informations et à les mémoriser. En particulier, la mémorisation se fait
sous formes de protéines membranaires formées spécialement sous l’action des
potentiels d’action, c’est l’engramation. Ces protéines externes sont incorporées dans

Vigilance active Activité


Efficacité Meilleures performances

2h 5h 8h 11h 14h 17h 20h 23h 1h

Fatigue
Sommeil Sommeil
Besoin de détente
nocturne nocturne
Sieste
Variations des phases d’activité au cours d’une journée d’adulte

Figure 5.5
Cycles journaliers
Ce schéma donne les variations de rythme de veille, activité, sommeil sur 24 heures. Il est connu maintenant, et
de manière notoire, que chez l’enfant cette rythmicité est très marquée et influence beaucoup la réceptivité et
l’attention. Les périodes de meilleures performances sont situées vers 11 heures du matin et 16 heures.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 247

Narcolepsie Énurésie Éveils répétés entre minuit et 5 heurees Paralysie


Hallucinations Terreurs nocturnes du réveil
hypnagogiques Somnambulisme Bruxisme Cauchemars
Somniloquie Énurésie
tardive
Hallucinations
Éveil hypnopompiques

Sommeil
paradoxal

Sommeil
lent léger
Sommeil
lent profond

Horaire
20 22 Minuit 2 4 6

Figure 5.6
Hypnogramme
L’hypnogramme et quelques troubles du sommeil. L’hypnogramme est le graphique représentant les passages
successifs par les différents états depuis la veille active (en haut) jusqu’au sommeil profond (en bas) et leur durée
au cours d’une nuit. Certains troubles sont plus fréquemment liés à des phases particulières. Le somnanbulisme
apparaît dans les premières phases brèves du sommeil paradoxal (SP), alors que les cauchemars ou les halluci-
nations sont plus fréquents lors des phases SP du matin.

les neurones, c’est l’« internalisation » du récepteur associé à la protéine fixée. Enfin,
le complexe internalisé active des gènes particuliers, les oncogènes, qui provoqueront
enfin une synthèse d’ARN messager qui donne à ce neurone la capacité de refaire des
protéines membranaires strictement identiques à celles que l’information sensorielle
a fait synthétiser et incorporer dans la membrane. Tant que des informations adéqua-
tes circuleront à la surface du neurone concerné, des protéines identiques seront repla-
cées dans la membrane, ce qui permettra aux prochains signaux de redonner la même
lecture de la membrane, donc le même signal s’il est relu au rythme d’horloge hippo-
campique (voir la section 6.2 « La mémoire »).
Notez que ceci ne fait que décrire la sémantique de base de la mémoire. Cha-
que neurone est spécialisé et ce n’est que par la comparaison-association entre les lec-
tures des protéines placées à la surface des neurones que se formeront les messages
interprétés comme des signaux relus dans nos mémoires. Je dis bien : « nos
mémoires » car le langage courant parle toujours de LA mémoire. Dans la section 6.2,
consacrée à la mémoire, seront développées plus en détail les méthodes d’étude de la
mémoire et les anomalies.
Pendant le sommeil, les muscles se relâchent, ce qui permet de reconstituer
les stocks de molécules nécessaires aux activités des muscles. Pendant le sommeil, le
cerveau est déconnecté du corps, il en profite pour reconstituer les molécules néces-
saires aux fonctions cérébrales. Pendant le sommeil, nos circuits cérébraux sont par-
248 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

courus par des signaux d’évaluation qui opèrent des « reset » des neurones, qui
éliminent tout ce qui n’a pas été utilisé, y compris des synapses, mais pendant le som-
meil, nous renouvelons aussi 2000 à 5000 neurones. Cette activité lente, peu consom-
matrice d’énergie, permet la consolidation de la mémoire des événements enregistrés
dans la journée.
Tandis que, pendant le sommeil, se fait le transfert des signaux par l’énorme
dispositif d’interconnexions qui relient les deux hémisphères, corps calleux, la relec-
ture des informations rend celles-ci interprétables malgré le sommeil. Ce sont les ima-
ges formées pendant les rêves. Cette période courte apparaît pendant le sommeil
profond sans toutefois modifier les paramètres externes liés au sommeil. Les muscles
du sujet sont toujours inertes, et les informations sensorielles n’entraînent aucune
réaction. L’activité de rêve ou activité onirique s’accompagne cependant d’une acti-
vité visible par un observateur, ce sont les mouvements rapides des yeux. La phase
de rêve est appelée aussi sommeil paradoxal, en raison de l’anachronisme apparent
entre l’état d’endormissement profond et les mouvements des yeux.

RETENEZ :
Le sommeil est une phase d’économie métabolique du fait de l’absence
d’activités musculaires mais l’activité cérébrale ne cesse pas pendant cette
période et au contraire le stock des métabolites se reconstitue et les informa-
tions sont triées, classées ou éliminées.

5.2.2 L’évolution du sommeil avec l’âge

Le sommeil est un état d’activité interne du cerveau. Il est certain que les phases de
sommeil profond résultent de la dissociation du cerveau d’avec ses effecteurs. Cela
permet une récupération physiologique de tous les effecteurs puisque, sans com-
mande cérébrale, ils sont en repos et cela permet d’en optimiser le fonctionnement. Il
est aussi certain que, pendant cette déconnexion, le cerveau n’est l’objet que d’une
activité réduite et il peut reconstituer ses stocks de métabolites. Il peut alors recharger
les réserves neuronales en neurotransmetteurs et classer les informations stockées en
mémoire.
Une conséquence est qu’avec le développement du cerveau au cours de la
croissance, avec l’apprentissage et avec les sollicitations multiples auquelles est soumis
le cerveau immature, les phases de vigilance et de sommeil changent considérablement.
Chez le nouveau-né, il n’y a qu’une alternance sommeil profond-sommeil
calme (tableau 5.2), puis vers 2 mois, le sommeil profond alterne avec un peu de som-
meil paradoxal. La quantité de sommeil paradoxal croît jusqu’à l’adolescence et ne
varie qu’assez peu jusqu’à la sénescence. À ce stade, les activités motrices et les
apprentissages sont moins intenses et la durée des phases de sommeil paradoxal peut
décroître ainsi que la durée et la distribution des cycles de sommeil.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 249

Tableau 5.2
Evolution des stades du sommeil avec l’age. Chez le nouveau né les durées de sommeil lent sont
d’environ 50 minutes de sorte qu’il peut passer jusqu’à 18 -20 heures en sommeil calme ou pro-
fond sans rêve. Vers 2-3 mois, le bébé commence a s’adater aux cycles jour-nuit (nycthémère).

Âge
Naissance – 2 mois Sommeil Sommeil
agité calme
2 mois – 9 mois Sommeil Sommeil lent Sommeil lent
paradoxal profond
9 mois – Adulte Sommeil lent Sommeil Sommeil lent Sommeil lent Sommeil
très léger lent léger profond très profond paradoxal

5.2.3 Les troubles du sommeil


Les troubles du sommeil les plus fréquents sont l’insomnie, l’apnée du sommeil, les
cauchemars et le syndrome de la jambe sans repos (tableau 5.3). La survenue des alté-
rations dépend des phases nocturnes (figure 5.6).

Tableau 5.3
Les principaux troubles du sommeil chez l’adulte. Nous ne faisons apparaître ici que les troubles
avérés fréquents. Ici encore, il faut être prudent dans l’évaluation des troubles. Certaines person-
nes peuvent estimer être insomniaques ou « petits dormeurs » alors que l’examen en somnogra-
phie (voir figure 1-9, techniquess EEG)réalisé sur une nuit ne révèle rien d’alarmant.

Principaux désordres du sommeil Caractéristiques


Insomnie 1. Difficulté à s’endormir et à rester endormi
2. Éveils fréquents, éveil matinal prématuré ou retardé
Apnée du sommeil 1. Une interruption périodique et momentanée de la
respiration durant le sommeil.
2. Durée : de 10 à 60 secondes
3. Fréquence : peut aller jusqu’à environ 30 fois par nuit
Crampes nocturnes 1. Mouvements involontaires sous forme de contrac-
tions ou spasmes musculaires (mollets et cuisses).
2. Survient surtout au petit matin lorsque les taux de
dopamine sont bas.
Hypersomnie 1. Sensation de fatigue et d’endormissement extrêmes
2. Somnolence excessive durant le jour
Cauchemars 1. Rêves inquiétants, périodes d’agitation et d’activités
inconscientes.
2. Souvent un effet secondaire de la médication.
Troubles du sommeil paradoxal 1. Disparition de la baisse de tonus musculaire durant
la phase du sommeil paradoxal.
2. Agitation, activités inconscientes.
250 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

A. Insomnie
L’insomnie, ou réduction et altération de la qualité du sommeil, est un trouble fré-
quent. Des altérations passagères du sommeil sont parfois annoncées par les sujets
comme de l’insomnie. On peut évaluer le niveau d’insomnie au moyen du test
d’Epworth (tableau 5.4).
Le patient annonce : « Peu ou pas moyen de m’endormir ou si je me réveille,
impossible de me rendormir. » ; « Mon sommeil est peu ou pas réparateur, je me sens
fatigué au réveil. » On note de l’agressivité et un manque de capacité de concentration
sur le travail.
Angoisse de se coucher et de ne pas se reposer. Origines : quelques-unes sim-
ples, comme le stress, le manque d’activité physique, la veille trop tard, les drogues et
l’alcool ; quelques-unes complexes, comme des problèmes neurologiques, la prise de
médicaments et encore le travail posté en rythme inversé (veilleur de nuit, usine…).
Tableau 5.4
Les troubles du sommeil
Cette échelle d’Epworth est fréquemment utilisée pour préciser des troubles du sommeil déclarés
par un sujet. C’est donc le patient lui-même qui rempli le questionnaire en sachant que ses répon-
ses mêmes erronées, ne mènent pas à un diagnostic, mais incitent à consulter un centre d’étude
du sommeil. Il peut être amené à subir une somnographie au cours d’un séjour dans un hôpital
où seront estimés la réalité des troubles et le diagnostic utile à un éventuel traitement.

Échelle de somnolence d’Epworth


Nom : Âge :
Prénom :
*instructions :
Vous arrive-t-il de somnoler ou de vous endormir, et non de vous sentir seulement fatigué, dans
les situations suivantes ? Cette question s’adresse à votre vie dans les mois derniers. Même si
vous ne vous êtes pas trouvé récemment dans l’une des situations suivantes, essayez de vous
représenter comment elle aurait pu vous affecter.
Choisissez dans l’échelle suivante le nombre le plus approprié à chaque situation.
0- ne somnolorait jamais
1- faible chance de s’endormir
2- chance moyenne de s’endormir
3- forte chance de s’endormir

Situation Nombre
Assis en train de lire _______
En train de regarder la télévision _______
Assis, inactif, dans un endroit (au théatre, en réunion) _______
Comme passager dans une voiture roulant sans arrêt pendant une heure _______
Allongé l’après midi pour se reposer quand les circonstances le permettent _______
Assis en train de parler à quelqu’un _______
Assis calmement après un repas sans alcool _______
Dans une auto immobilisée quelques minutes dans un encombrement _______
* Instructions pour l’analyse de l’échelle de somnolence d’Epworth : Johns M.W. A new methode for measu-
ring daytime sleepiness : the Epworth sleepiness Scale. Sleep. 14, 540-545, 1991.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 251

B. Apnée du sommeil
L’apnée du sommeil (ou syndrome de Pikwick par analogie avec la description de
Charles Dickens à propos de Mr Pikwick) est une suspension plus ou moins durable
de la respiration pendant le sommeil. Deux personnes sur 100 ont ce problème.

C. Apnées centrales
Dans le bulbe rachidien, les centres du sommeil sont voisins des centres régulateurs
respiratoires. Il en résulte qu’au cours du sommeil une activation anormale de la for-
mation réticulée entraîne des anomalies respiratoires.

D. Apnées obstructives
Gêne des voies respiratoires, amygdales gonflées (et ronflement) sont des causes
d’apnées du sommeil.

E. Hypopnée et insomnie
IAH = (Nombre d’apnées + Nombre d’hypopnées) / Durée du Sommeil (mn) × 60

F. Crampes nocturnes
Syndrome de la jambe sans repos et paralysie nocturne. La crampe nocturne affecte sur-
tout les muscles des mollets et la douleur est telle qu’elle provoque le réveil, donc de
mauvaises nuits. Lors du syndrome de la jambe sans repos (Restless Syndrom), il appa-
raît des mouvements incontrôlables d’une jambe ; cette anomalie provient d’un défaut de
verrouillage des contrôles musculaires par la formation réticulée bulbo-protubérentielle.

G. Paralysie de l’éveil
Au réveil, le corps est totalement paralysé (évoque le lock-in syndrome). Cette ano-
malie résulte d’un décalage entre l’éveil cérébral et la sortie du sommeil profond et la
reconnexion des muscles par la formation réticulée bulbo-protubérentielle.

H. Somnambulisme
Phase d’activité motrice paradoxale. On observe souvent de la motricité pouvant aller
jusqu’à sortir du lit et déambuler ou réaliser des actes automatiques qui sont oubliés
au réveil. Elle est assez fréquente chez l’enfant et souvent accompagnée d’énurésie.

I. Parasomnie
Ce sont des phases de sommeil paradoxal agité se traduisant par des cauchemars ou
par des terreurs nocturnes. Fréquentes chez l’enfant du fait des instabilités endocrines
liées à la croissance. Chez l’adulte, les épisodes de parasomnie surviennent lors d’état
252 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

fiévreux ou après des stress intenses. La parasomnie disparaît avec un retour à un état
physique ou psychique calme. Les états psychotiques, la dépression, sont souvent
accompagnés de parasomnie qui s’expliquent par un métabolisme anormal des neu-
rotransmetteurs.

J. Hypersomnie
L’hypersomnie ne concerne pas que l’augmentation du temps de sommeil, mais aussi
la possibilité qu’apparaisse un endormissement à tout moment. Les formes diverses
sont : la narcose (sommeil durable et profond), la catalepsie (endormissement brutal),
la catatonie (sommeil très profond). Toutes ces altérations peuvent fortement pertur-
ber la vie quotidienne et le travail.

K. La déprivation de sommeil
Comment fonctionne le sommeil d’un travailleur posté travaillant en usine, l’interne
de garde, le veilleur de nuit ? Une déprivation de sommeil répétée (plus de deux nuits
sans sommeil) expose à des risques d’accident en provoquant des « absences » (pertes
de vigilance) de quelques secondes. Elle peut aussi provoquer des troubles métaboli-
ques endocriniens puis, dans les déprivations supérieures à une à deux semaines, des
troubles neurologiques (hallucinations, névroses, dépressions).

Pour en savoir plus :


http://neurobranches.chez-alice.fr/sommeil/sommeil.html

5.3 La vigilance et l’attention


La vigilance n’est pas le strict contraire du sommeil considéré d’un point de vue neu-
robiologique. L’un comme l’autre sont des états d’activité cérébrale qui sont induits
par des noyaux situés dans le tronc cérébral, mais bien distincts l’un de l’autre.
L’attention est un état de vigilance particulier qui requiert l’activité du cortex frontal.
La vigilance s’enclenche lors de l’activation du locus coeruleus. Elle se tra-
duit par une rupture de la synchronisation des neurones corticaux. Ceci reflète la mise
en service des voies de l’éveil. On peut considérer que l’attention rejoint la cons-
cience lorsque, en état de vigilance, hors sommeil, le sujet est capable de soutenir une
activité psychomotrice active.
Les bases neurophysiologiques de l’attention sont liées au maintien d’une
activité neuronale activatrice sollicitant les différentes mémoires. Dans le syndrome
frontal, la prise de décision est très dégradée, le sujet dort normalement, dispose
d’une mémoire et d’une intelligence analytique normale, mais ne peut pas entrepren-
dre ou planifier spontanément une action et sans sollicitation externe son attention se
dissipe immédiatement.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 253

Le lobe frontal est la structure la plus impliquée dans l’attention et la prise de


décision comportementale. Lorsque nous ne dormons pas, notre cerveau enregistre
les informations venant de l’environnement. Certains signaux sont perçus, identifiés
et analysés, peut-être même mémorisés instantanément. D’autres signaux nous
échappent, bien que les capteurs sensoriels détectent des informations. Certaines
informations échappent donc à la conscience parce que leurs paramètres physiques
sont indécelables (les très hautes fréquences ou les ultraviolets par exemple).
D’autres informations ne sont pas intégrées lorsque le niveau de vigilance est insuf-
fisant (figure 5.7).
Même en situation optimale du cerveau éveillé, il est peu probable que toutes
les informations soient capturées. Dans la figure 5.7, nous donnons une idée des
choix liés aux mécanismes de l’attention. Soit les informations sensorielles immédia-
tement sont identifiées comme des signaux familiers. Dans ce cas, une recherche dans
la mémoire procédurale conduit, par quelques situations essai-erreurs ou des conflits,
à prendre les décisions déterminants l’acte optimum. Si des éléments d’information
ne sont pas connus, le cerveau sollicite le système préfrontal et les mécanismes atten-
tionnels. Ceux-ci recherchent dans la mémoire procédurale les actes programmés les
plus appropriés.
L’attention peut être plus ou moins perturbée par deux situations : les pensées
distractrices (brain walking), situation où la concentration du sujet sur une tâche est
perturbée par des pensées qui peuvent être obsédantes ; et l’inertie mentale (brain

L’ENSEMBLE DES INFORMATIONS SENSORIELLES


CORRESPOND À UNE :

Mémoire SITUATION SITUATION


de travail FAMILIÈRE NOUVELLE

Recherche
Décision CONFLIT
SYSTÈME
Mémoire ATTENTIONNEL
procédurale SUPERVISEUR
Schémas d’action

Indexation de
la nouvelle situation ACTION

Figure 5.7
Attention
Proposition d’organisation schématique des mécanismes de l’attention. On prend l’hypothèse de deux
situations : l’une est un « déjà vécu » ; sa structure est analysée et comparée à d’autres expériences et conduit
rapidement à des actions modulées en fonction des apprentissages. Si la situation est inconnue, les mécanismes
d’attention sont sollicités afin d’extraire les éléments indexables nouveaux d’autres paramètres de la situation,
donc dèjà indexés, ceci de manière à adapter l’éxécution de l’action au plus près des paramètres idnetifiés mal-
gré les éléments nouveaux.
254 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

blanking), où le sujet a beaucoup de difficulté à mobiliser ses capacités intellectuelles


pour traiter des informations.
Ces altérations de l’attention sont courantes surtout chez l’enfant. Chez ce
dernier, les tâches intellectuelles consistant à maintenir une attention soutenue sur
une activité difficile (calculs mentaux par exemple) épuisent les mécanismes énergé-
tiques. Un enfant de moins de dix ans ne peut pas maintenir une attention soutenue
pendant plus de dix minutes, tandis qu’un adolescent peut rester attentif pendant vingt
à quarante minutes, selon la matière et les activités qui ont précédé. Nous savons que
nos étudiants, bien qu’adultes, ne suivent attentivement une conférence que durant
1 h 15 à 1 h 30.
Quand nous parlons d’attention, cela signifie qu’à la fin du cours, l’étudiant
est capable de restituer le plan général du cours qu’il vient de suivre pendant 75 à
90 minutes. Au delà de ces durées, la plupart des élèves passent en écriture automa-
tique et sont déconnectés du contenu. Il est alors de règle d’utiliser des signaux
d’alerte, dit alerte attentionnelle phasique, qui restituent la vigilance. Ces situations,
où les organes sensoriels apportent un flux tellement dense d’informations, épuisent
aussi les réserves en énergie et en neurotransmetteurs cérébraux. Cet état se rapproche
de l’inertie mentale. C’est aussi l’état qui se constitue lors de la conduite automobile.
Selon les heures de la journée, l’état physiologique, avant ou après un repas, avant ou
après une nuit de sommeil ou une nuit peu réparatrice, le conducteur subit des altéra-
tions de sa vigilance dont il n’a bien souvent pas conscience. Un dispositif laser repé-
rant la position de la pupille associé à un électromyogramme des muscles de la nuque
pendant la conduite d’une voiture montre que cycliquement le conducteur présente
des phases de perte de vigilance avec un nystagmus plus ou moins prononcé qui tra-
duit des niveaux approchant l’endormissement.
Ces baisses de vigilance sont imputables à un épuisement métabolique qui
envoie une signalisation adéquate au tronc cérébral et commande les phases d’endor-
missement.
La vigilance est donc l’état dans lequel les circuits de la formation réticulée
activatrice conduisent efficacement les informations sensorielles vers le thalamus*.
Les modifications de fonctionnement des structures bulbaires liées à une baisse phy-
siologique ou pathologique du flux sanguin, par ischémie vasculaire, arrivant en par-
ticulier par le tronc artériel postérieur ou tronc basilaire, entraînent des troubles de la
vigilance et des cycles veille-sommeil. Les troubles du sommeil eux-mêmes ont pour
conséquence des troubles de la vigilance car un sommeil insuffisant ne permet par le
rétablissement correct du niveau des métabolites cérébraux. Inversement, l’hyper-
somnie, en augmentant et en perturbant la durée des phases de sommeil profond, nuit
fortement à la vigilance et ne permet pas chez beaucoup de patients une activité pro-
fessionnelle soutenue.
L’attention est maintenue par deux dispositions : l’alerte tonique, qui est
dépendante en particulier du rythme journalier, et l’alerte phasique qui est constituée
par des signaux inhabituels. Une troisième disposition est l’alerte sélective qui est
utile chez les professionnels qui ont à surveiller un dispositif ponctuel comme un
Intégration des données sensorielles par le cerveau 255

écran radar par exemple. Dans ce cas, seul un réseau sensoriel ciblé se maintient en
état permanent de vigilance pour réagir en situation d’urgence.

Pour en savoir plus sur les troubles de l’attention :


http://www.ifrns.chups.jussieu.fr/production/Bartolomeo-science.pdf

5.4 De la faim à la prise alimentaire

5.4.1 La faim
A. Le comportement alimentaire
Les mécanismes de la faim et de la satiété sont avant tout liés à la détection du niveau
de glucides (glucose et saccharose) par les détecteurs cellulaires hypothalamiques et
à des phénomènes gastro-intestinaux. Le comportement alimentaire est donc de
manière plus fondamentale un comportement à but homéostatique, mais sa dépen-
dance aux mécanismes sensoriels apparaît bien dans le schéma synthétique de la
figure 5.8. En fait, même si le schéma paraît complexe, les déclencheurs de la faim
sont essentiellement l’horloge interne journalière, le taux de glucose sanguin et les
facteurs de plaisir hédonique qui active l’envie de prise alimentaire.
Ainsi, la phase gastrique du « coup de pompe de 11 heures », qui entame des
contractions de l’estomac sans la présence d’aliments, représente un signal végétatif
lié au rythme journalier annonçant un besoin de prise alimentaire. Au contraire, les
phases de la recherche de nourriture et d’ingestion sont directement dépendantes des
organes sensoriels. Vous achetez vos fruits selon leur couleur et la mémoire de leur
odeur et de leur goût, la viande selon le critère de sensibilité dentaire représentant la
tendresse des fibres, etc.
Le comportement alimentaire de l’homme actuel s’est fortement éloigné de
celui des autres animaux et, bien sûr, de celui de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. La
recherche de nourriture est devenue beaucoup moins aléatoire et les qualités senso-
rielles des aliments, leur couleur, leur forme, leur emballage, leur odeur prennent une
importance terriblement renforcée par les recherches en marketing associées aux
choix statistiques des consommateurs et aussi grâce à la participation de psycholo-
gues connaisseurs des pulsions et affects des consommateurs.
Dans nos sociétés où la nourriture est abondante, le comportement de recher-
che d’aliment ne correspond pas à la couverture de besoins nutritifs, mais à la recher-
che d’agrément voir de plaisir.
Aussi, les organes des sens sont essentiels dans le déroulement de toutes les
étapes de cet ensemble de comportements à la fois élémentaires et malgré tout
complexes du fait des apprentissages, de la culture, du mode de vie, des habitudes
individuelles…
256 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Stimuli signaux à Système


signifcation alimentaire: limbique Cortex sensoriel
et associatif Mémoire
Odeur
Vision Thalamus

SANG
Électrolytes Cortex temporal
Glucose = 1 Hippocampe Adipocytes
N. Amygdalien
Lipides = 2
Protéines= 3
Insuline, CCK HYPOTHALAMUS
Leptines
Dopamine Horloge
Sérotonine GABA
interne
Adrénaline + –
1 Neuropeptide Y Région bulbo-
Noyau Noyau N. latéral
Protubérance
2 Galanine para- ventro- « centre de
Noyau du tractus
ventriculaire médian la faim »
solitaire
3 Opioides
Dopamine
SATIÉTÉ
Adrénaline

X
FAIM Cholécystokinine(CCK)

IX
Duodénum
1 2 3
Remplissage gastro-
Glucides Lipides Protéines intestinal
consommation
Dopamine Goût
Adrénaline

Noyau caudé-
Plexus intestinal
putamen

Activation des effecteurs Le contrôle de la


musculaires manducation faim et de la satiété
gestes alimentaires
coordonnés

Figure 5.8
La faim
Ce schéma un peu compliqué prétend donner les principaux facteurs qui règlent les mécanismes de l’un de nos
comportements les plus primitifs : la faim. Si l’on ne retient que les principaux facteurs : le taux de sucre circu-
lant et les données hypothalamiques sur l’état de l’équilibre satiété-faim constituent les déterminants majeurs.
Mais il est aussi évident que les informations corticales, les pulsions ou la recherche d’un hédonisme sont, chez
l’homme, des facteurs qui prédominent sur les seules données hypothalamiques.

! L’odorat
L’odorat est certainement la sensorialité qui guide le nourrisson vers le sein maternel
(via le bulbe olfactif accessoire). Le nouveau-né sait distinguer l’odeur de sa mère
sans erreur parmi d’autres.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 257

L’odeur des aliments intervient dans un premier temps : les arômes dégagés
par les aliments dans l’atmosphère enclenchent la recherche en mémoire olfactive des
éléments correspondants aux odeurs, puis vient l’appréciation du caractère hédoni-
que, c’est-à-dire le caractère agréable des aliments. L’hédonisme est lié à la fois aux
odeurs des composantes des aliments, à la couleur, et en bouche, au goût et aux odeurs
que les aliments mastiqués, broyés et plus ou moins mélangés à la salive, dégagent
dans l’arrière-gorge et qui remontent vers les crêtes turbinales pour réactiver à nou-
veau la mémoire des odeurs (odeur de « la madeleine » évoquée par Proust).

! Existence de rythmes de prise alimentaire

Le couple hypothalamus-épiphyse médié par le noyau suprachiasmatique, ce tout


petit noyau perché sur le chiasma optique, coordonne les cycles jour-nuit ou circa-
diens avec le rythme d’horloge biologique donné par les cellules hypothalamiques
pour contrôler nos comportements fondamentaux y compris la prise alimentaire.

! La gustation

La gustation n’est peut-être pas un inducteur de l’hédonisme mais la résurgence mné-


sique de goûts agréables ressentis en absorbant certains aliments peut inciter à les
rechercher. Les goûts sucré ou salé sont parmi ces inducteurs. La recherche de forts
goûts sucrés chez les enfants et pourquoi pas chez les adultes, qui est appelée « la frin-
gale de sucres » peut se rapprocher de la toxicomanie. Le besoin pressant de saccha-
rose pour induire la libération de sérotonine cérébrale, donc stimuler les structures
centrales du plaisir, explique cette sorte d’addiction qui fait boire des quantités anor-
males de boissons sucrées sans caractère nutritif ou absorber des confiseries jusqu’à
l’hyperglycémie.

! La vision

Chez l’homme, les choix alimentaires sont très dépendants de la vue. Les aliments
sont reconnus par leur forme, leur présentation dans les rayons du magasin, leur cou-
leur, et cela dépend en outre de notre culture et des habitudes culinaires ancestrales.
La vue des aliments enclenche un réflexe conditionné de type pavlovien avec une
salivation, parfois des contractions de l’estomac entamant un épisode pré-digestif.
L’art culinaire et la gastronomie utilisent des présentations savantes, décoratives,
suggestives qui stimulent l’hédonisme autant que les papilles gustatives.

! Les facteurs liés à l’apprentissage et à l’expérience

Si le sujet a eu une expérience désagréable antérieure, il ne va pas mettre en œuvre le


comportement alimentaire et le remplace par un comportement d’aversion alimen-
taire qui peut être conditionné.
258 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

B. Les habitudes alimentaires sociales


Les expériences que nous avons menées chez des jeunes enfants d’origines européen-
nes différentes montrent un certain goût précoce pour les aliments consommés habi-
tuellement par les parents, même s’ils n’en ont pas encore consommé. Testées en
crèche ou en accueil de la petite enfance, les présentations des odeurs alimentaires qui
ne font pas partie des habitudes culinaires « régionales » provoquent des mimiques
de répulsions et des réponses aversives chez les très jeunes enfants. Au contraire, il y
a des préférences conditionnées qui déclenchent le comportement alimentaire alors
que les conditions physiologiques de faim ne sont pas présentes.
Il existe un contrôle du psychisme sur les mécanismes physiologiques parti-
culièrement évident dans les comportements alimentaires. La motivation psychique
est parmi ces facteurs. Nous réprimons aisément nos sensations de faim par
l’influence des structures néocorticales et le système limbique et en refoulant
l’influence de l’hypothalamus et du mésencéphale. Si nos activités nous y contrai-
gnent, nous oublions l’heure du repas. Et si les parents n’éduquent pas de manière
appropriée les comportements alimentaires de leurs enfants, il apparaît des anomalies
métaboliques, des aversions incongrues pour certains aliments et cela engendre un
nombre croissant de trouble nutritifs et d’anomalie des comportements alimentaires.
Les signaux externes comme l’odeur des aliments contribuent à activer les
centres hypothalamiques latéraux du plaisir associé à la prise d’aliment. Les neuro-
peptides régulateurs de la faim comme la substance P, la somatostatine, le neuropep-
tide Y, à la fois présents dans l’intestin et dans les régions cérébrales impliquées dans
la prise alimentaire induisent l’activation des neurones indiquant la « faim » puis la
« satiété » au niveau conscient cortical.
Il est probable que les stimuli visuels apportent à la fois des informations
d’intensité lumineuse (jour-nuit), des signaux sur la vision d’une proie ou d’un gâteau
appétissant. Ces signaux agissent d’abord sur le noyau suprachiasmatique de l’hypo-
thalamus qui compare ces données à l’état du noyau ventro-médian où se trouvent les
détecteurs de glycémie sous la forme de récepteurs neuronaux.

5.4.2 Les hormones et l’hypothalamus dans les comportements


alimentaires
A. Noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus
Le taux d’hormones circulantes est un des facteurs d’activation de l’hypothalamus
(figure 5.8). C’est le cas en particulier des hormones thyroïdiennes.
Le noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus (figure 3.7) est une très
petite zone de l’hypothalamus qui surplombe le chiasma optique. Des axones des
voies visuelles pénètrent dans ce noyau pour y jouer un rôle dans l’activité de l’axe
hypothalamo-hypophyse-surrénale et qui se connecte aussi à la glande pinéale ou épi-
physe, qui secrète une hormone plusieurs fois envisagée ici, la mélatonine. Ces con-
Intégration des données sensorielles par le cerveau 259

nexions sont responsables de la rythmicité jour-nuit et des comportements


alimentaires associés.
Le noyau préoptique qui est proche, juste au-dessus du noyau suprachiasma-
tique reçoit des informations de divers récepteurs locaux du volume liquidien comme
les glomus carotidiens et des osmorécepteurs hypothalamiques. Ce sont ces éléments
qui régulent la sensation de soif.
Des lésions bilatérales électrolytiques du noyau ventromédian induisent un
syndrome d’hyperphagie chez le rat avec augmentation du poids de l’animal et du
comportement alimentaire. Puis vient une phase statique durant laquelle il y a main-
tien du poids autour d’un nouvel équilibre, au bout de 14-15 semaines. Tout indique-
rait ainsi que l’hypothalamus ventro-médian inhibe l’hypothalamus latéral et que
c’est bien cette région latérale qui représente le centre de la faim.
D’autres lésions, à l’aurothioglucose, donnent les mêmes résultats. (Le glu-
cose de cette molécule se fixe sur ses récepteurs et sa partie métallique détruit la struc-
ture réceptrice.)

B. Rôle des neurotransmetteurs

Les lésions des voies dopaminergiques (expérimentalement ou dans certains syndro-


mes touchant le locus niger et le locus coeruleus) engendrent une aphagie, tandis que
des lésions des zones sérotoninergiques (region septale par exemple) produisent une
hyperphagie. Les voies catécholaminergiques étant largement distribuées, en particu-
lier vers le système limbique, les effets de ces neurotransmetteurs pourraient n’être
que secondaires à des altérations structurales d’autres centres.

C. Le contrôle mécanique

La paroi du tube digestif contient des récepteurs d’étirement qui se trouvent dans des
plexus nerveux contenus aussi dans la paroi intestinale (plexus d’Auerbach et plexus
de Meissner) et agissent sur la motricité de l’estomac et de l’intestin. L’estomac vide
avec les récepteurs inactifs contribue à la faim par les signaux transmis par la branche
sensitive du nerf vague (X) vers le noyau situé dans la zone bulbo-protubérantielle
puis vers l’hypothalamus.
Le remplissage de l’intestin par le bol alimentaire active des peptides libérés
par le pylore comme la cholécystokinine (CCK) et la bombésine. Ces molécules cor-
respondent donc à la satiété et son trouvées effectivement en très petites quantités
dans les régions hypothalamiques quand on provoque leur libération massive dans le
pylore. Lorsqu’elles sont injectées dans l’hypothalamus chez l’animal ou injectées
par voie sanguine, elles induisent un état de satiété suivi parfois d’une compensation
qui fait diminuer la taille du repas (pour libérer moins de CCK) mais incite à manger
plus souvent.
260 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

D. Le rôle des glucorécepteurs (GLUR)


Les glucorécepteurs qui induisent l’activation de l’hypothalamus, la sensation de
faim et le comportement alimentaire ne sont pas situés dans cette région. On trouve
des GLUR dans la région ponto-protubérentielle, comme l’indiquent les effets de
l’injection de glucose dans l’aqueduc de Sylvius, si celui-ci est obturé en avant chez
le rat. Dans une telle expérience, il y a hyperphagie et hyperglycémie. Donc des neu-
rones du plancher du IVe ventricule contiennent des GLUR. Il y en a aussi dans le
foie. Lorsque ceux-ci sont activés par du glucose, il apparaît des potentiels sur le nerf
vague destiné au plancher du IVe ventricule. Donc les GLUR de l’hypothalamus
ventro-médian jouent plutôt un rôle purement endocrine dans la régulation de la gly-
cémie et de la lipidémie ainsi que du métabolisme général.

E. Le contrôle génétique
Des travaux déjà anciens ont montré qu’une hormone, la leptine, était impliquée dans
la prise de poids de certaines souches de souris. Ainsi, les souris homozygotes por-
teuses du gène Ob/Ob sont obèses. Ce gène Ob code la leptine et contrôle le prélève-
ment des lipides par les adipocytes. D’autre part, la leptine, hormone périphérique, se
retrouve dans le cerveau en quantité proportionnelle à sa concentration sanguine. Le
neuropeptide Y (NPY) accroît le stockage des graisses et chez les souris ObOb, le
neuropetide Y est fortement exprimé dans le noyau arqué. D’où l’idée que NPY pour-
rait aussi être responsable de l’obésité et des altérations du comportement alimentaire
associé, mais faute d’observation clinique liée à une éventuelle déficience génétique
en NPY, cela reste des hypothèses.

5.4.3 Troubles des comportements alimentaires


A. Principales altérations
Les principales altérations du comportement alimentaire sont bien connues : ce sont
la boulimie et l’hyperphagie d’une part, et l’anorexie d’autre part. Toutes ces alté-
rations répondent à un mal-être, un état dépressif souvent difficile à résorber car, dans
les situations chroniques, les troubles de la prise alimentaire – qu’ils entraînent une
obésité comme chez les hyperphagiques ou une extrême maigreur comme chez les
anorexiques – produisent des dérèglements métaboliques très sérieux qu’il faut
d’abord corriger avant d’aborder la psychothérapie.
Certains troubles sont plus modérés. Les syndromes dépressifs saisonniers,
formes de dépression mineure observée dans les pays nordiques et liée au raccourcis-
sement du jour, sont traités par luminothérapie. On note une augmentation de la con-
sommation des hydrates de carbone. L’interprétation en est une sorte d’auto-
médication : la consommation d’hydrates de carbone entraînerait une libération
accrue de 5HT, connue pour être antidépresseur. Dans les états de stress, on a aussi
en général une hausse de la prise alimentaire. Une des explications est que le stress
entraîne une augmentation de la libération de corticostérone et il a été montré que cela
Intégration des données sensorielles par le cerveau 261

va amplifier les effets des agonistes de NA, d’où le déclenchement du comportement


alimentaire pour les hydrates de carbone.
L’appétit pour les graisses et les protéines est déclenché par la libération de
peptides opiacés (endorphine, enképhalines) agissant sur le noyau paraventriculaire
(NPV). Des injections d’endorphine dans le NPV augmentent le comportement ali-
mentaire au profit des graisses. Le neuropeptide Y (NPY) ou la boulimine déclenche
lui aussi le comportement alimentaire de façon spectaculaire. Mais il n’est pas parti-
culièrement spécifique de l’appétit des graisses et protéines. La consommation de
graisse et de protéines va entraîner une hausse du taux de tyrosine plasmatique, qui
est un précurseur de la dopamine. Il y a alors possibilité d’augmenter la transmission
dopaminergique, qui correspondrait au système de satiété spécifique. La dopamine
agit sur la zone périfornicale.
Les neuroleptiques, utilisés pour traiter des psychoses maniaco-dépressives
sont des antagonistes D1/D2, comme l’halopéridol. Les patients qui consomment ces
substances présentent un accroissement d’appétit sélectif pour les graisses et les pro-
téines, car ces antagonistes vont retarder le phénomène de satiété.
Le stress a aussi un effet sur l’augmentation de la libération des peptides opia-
cés, d’où un comportement alimentaire orienté aussi vers la consommation de grais-
ses et protéines. Il est très facile chez le rat de déclencher un stress, par la technique
du « tail pinch » (pincement de queue). Si on fait un « tail pinch » sur un rat traité
avec halopéridol, on n’induit pas d’augmentation de comportement alimentaire. Ce
sont donc bien ces peptides opiacés qui sont ici impliqués. D’une façon générale, un
stress modéré entraîne un accroissement du comportement alimentaire, par deux
mécanismes : corticostérone pour les hydrates de carbone et peptides opiacés pour les
graisses et protéines.
On a pu mettre en évidence un certain nombre de mécanismes liés à l’action
de neurotransmetteurs.

B. L’appétit spécifique
Il est curieux d’observer chez les animaux, en fonction des saisons, des changements
dans les choix alimentaires. Ces choix sont directement en relation avec un besoin
nutritif particulier. Chez l’homme, des choix peuvent faire éliminer certains nutri-
ments parce qu’il y a une aversion plus ou moins justifiée ou parce qu’ils sont perçus
comme nocifs. Dans ces choix, nous placerons les « végétaliens » qui optent pour
n’ingérer que des nutriments extraits des plantes.
L’appétit spécifique pour les sucres : les sucres agissent comme déterminants
de l’activité hypothalamique. Il est certain que la surconsommation de sucres active
les récepteurs du plaisir et incite à choisir ce type d’aliment qui de toute manière
enclenche la sensation de satiété mais laisse la sensation du besoin de se faire plaisir
en mangeant des sucres. Notez que l’association glucides-antidépresseurs agit en pro-
duisant une libération de noradrénaline ce qui peut entrainer une prise de poids en
réduisant la dégradation des lipides.
262 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

L’appétit spécifique pour les graisses : il semblerait associé à la libération de


neuropeptide Y. L’appétit spécifique pour les graisses serait aussi lié à la libération
d’opiacés endogènes par le noyau paraventriculaire.
Les enfants atteints d’autisme présentent des troubles secondaires du com-
portement alimentaire pour deux raisons : 1) ils présentent fréquemment des problè-
mes immunitaires qui favorisent l’apparition d’irritation plus ou moins importante
des muqueuses buccale, œsophagienne et gastrique. Il en résulte des difficultés pour
ingérer certains aliments irritants comme les glucides ; 2) ils peuvent fixer des choix
alimentaires spécifiques enclenchés par une odeur, une forme, une couleur particu-
lière. Il devient alors difficile de faire changer les mets qu’ils ne connaissent pas ou
dont les caractéristiques ne sont pas celles qu’ils affectionnent.

C. Des troubles plus complexes

! Hyperphagie
L’hyperphagie est une pathologie dans laquelle le malade consomme des quantités
d’aliments très supérieures à ses besoins sans jamais parvenir à trouver du plaisir.

! Hyperphagie nocturne
Le sujet éprouve un besoin pressant de manger à n’importe quelle heure de la nuit. Il
peut s’agir d’une forme de boulimie dans certains cas. Dans beaucoup de cas, des
troubles du sommeil (insomnie) ou des perturbations des rythmes journaliers (veiller
très tard pour des jeux ou pour regarder la télévision, rythmes professionnels noctur-
nes…) entraîne une rythmicité déréglée des activités liées à l’hypothalamus, y com-
pris des comportements alimentaires.

! Boulimie
À la différence de l’hyperphagique, le boulimique avale beaucoup de nourriture uni-
quement pour stimuler les centres du plaisir et il se fait vomir pour régurgiter les ali-
ments et pour mieux recommencer immédiatement après. La boulimie peut apparaître
en alternance avec de l’anorexie.

! Syndrome d’hyperphagie-boulimie
Ce syndrome (« Binge Eating Syndrome ») est une sorte de cumul des deux symptô-
mes mais ici le comportement de boulimie ne s’accompagne d’aucune régulation par
les vomissements ou par des laxatifs.
Les hyperphagies et/ou boulimies correspondent à 5 critères, qui peuvent
faire l’objet d’un questionnaire visant à établir s’il existe un problème du comporte-
ment alimentaire :
1. la quantité de nourriture absorbée en moins de deux heures est supérieure à
la consommation habituelle ;
Intégration des données sensorielles par le cerveau 263

2. le sujet perçoit une perte du contrôle sur la prise d’aliments comme le senti-
ment qu’il ne peut plus s’arrêter d’avaler n’importe quoi ; au moins trois des
critères suivants sont réunis :
– la prise alimentaire est beaucoup plus rapide que la normale ; le sujet ne
s’arrête que lorsqu’il ressent une douleur due à la forte distension de
l’estomac ; le sujet mange sans avoir de sensation de faim ; le sujet se
cache pour manger ; le sujet ressent un dégoût pour son comportement
mais ne parvient pas à l’empêcher ; le sujet se sent dépressif.
3. il existe une souffrance psychique très marquée ;
4. le sujet est considéré comme boulimique si ses crises se manifestent plus de
deux fois par semaine sur au moins six mois ;
5. certains comportements boulimiques se font sans vomissements et se trou-
vent fréquemment chez des sujets obèses.

! Diabète
Interroger sur l’existence d’un diabète. Cette maladie fait partie des facteurs de ris-
ques d’altération du comportement alimentaire.

! Anorexie
L’anorexique est un ou plutôt une adolescente qui manifeste une répulsion pour la nour-
riture qui fait prendre du poids et déforme le corps. La dépréciation croissante de sa propre
image entraîne un blocage de la prise d’aliment. Les malades n’éprouvent ni besoin, ni
bien sûr de plaisir à manger puisque manger revient à abîmer sa propre image corporelle.
L’anorexie est parmi les perturbations de la prise alimentaire les plus délica-
tes à soigner car le début de la répulsion pour la nourriture peut être sous-estimé par
les parents, surtout si cela intervient en période de conflit parent-fille. Il est parfois
possible d’observer une rémission où l’adolescente cède à la pression de l’environne-
ment ou aux soignants. Malheureusement une telle phase est souvent suivie d’une
nouvelle étape dans le refus de s’alimenter auquel s’ajoutent des altérations diverses
secondaires à des maladies organiques sévères. Il faut rechercher les origines dans des
conflits familiaux, le plus souvent anodins et donc oubliés de tous, ce qui ne facilite
pas la tâche des psychothérapeutes. Comme pour toutes les déviations comportemen-
tales, l’indication de thérapies familiales et de groupe peut être plus efficace que le
placement forcé sous perfusion en milieu clinique (pourtant cela est parfois utile pour
éviter une trop forte perte de protéines qui peut mettre l’anorexique en danger).
L’hypophagie des malades souffrant de cancers variés soumet ceux-ci à des
souffrances sévères et à une cachexie (affaiblissement profond) qui ne fait qu’aggra-
ver les déficits métaboliques. Il est important pour ces patients qu’un soin tout parti-
culier soit apporté dans la confection de repas riches en hédonisme et assurant au
mieux l’équilibre nutritif.
Pour en savoir plus sur les troubles alimentaires :
http://www.caducee.net/DossierSpecialises/psychologie/anorexie.asp
264 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

5.5 Le comportement dipsique : la soif


La consommation d’eau dans le but de maintenir l’équilibre hydrominéral de l’organisme
est une nécessité vitale. Notre corps est formé de plus de 70 % d’eau distribuée entre le
compartiment extracellulaire, soit près de 50 % et les compartiments intracellulaires (eau
interstitielle et eau plasmatique). Des structures comme le foie et la rate ont des volumes
liquidiens qui varient considérablement dans des conditions physiologiques.
Rappelons que l’eau est la molécule exceptionnelle qui sert à la fois de diluteur
des substances chimiques entrant ou sortant de notre corps, de support de réactions, le
véhicule de l’oxygène utile à la respiration cellulaire et quantité d’autres rôles. Une
homéostasie de l’eau est donc nécessaire. L’eau est perdue par évaporation à 37° (sueur,
respiration et perspiration), par des plaies (perte sanguine par hémoragie).

5.5.1 Les structures du contrôle du comportement dipsique


Les récepteurs sont les osmorécepteurs et les volorécepteurs (figure 5.9). Les osmo-
récepteurs sont sensibles à la concentration en sels minéraux, en NaCl surtout, du
plasma sanguin, donc à l’osmolarité. Ces cellules sensibles se situent dans les régions
épendymaires bordant les ventricules cérébraux, l’organe vasculaire de la lamina ter-
minalis (OVLT), et la région subfornicale (OSF), qui sont aussi des régions reliées à
l’hypothalamus. Certains osmorécepteurs sont également trouvés dans l’aire préopti-
que de l’hypothalamus.
Les récepteurs du volume liquidien sont surtout différents barorécepteurs
dont les plus importants sont les barorécepteurs carotidiens mais d’autres sont sensi-
bles à la pression veineuse ou à la pression ventriculaire. Ils envoients des influx ner-
veux sur le nerf vague vers le noyau du faisceau solitaire bulbaire (figure 5.9).

5.5.2 Le système rénine-angiotensine-vasopressine


C’est une petite structure cellulaire placée dans les reins près de la sortie des canaux
urinaires qui détecte les changements de pression du sang arrivant au rein. Elle
répond en libérant de la rénine. La rénine agit dans le foie pour activer une enzyme,
l’angiotensinogène, qui convertit l’angiotensine I en angiotensine II agissant au
niveau cérébral. Cette hormone donne la sensation de soif par une action sur l’organe
subfornical et peut-être sur l’OVLT qui agissent en retour sur l’hypothalamus pour
déclencher les mécanismes comportementaux : boire, prélever nécessaire à satisfaire
la soif, modifier l’étanchéité des barrières surtout la barrière hémo-encéphalique,
pour que l’eau pénètre dans les espaces intercellulaires. La vasopressine, hormone
antidiurétique, est libérée par l’hypothalamus.
La régulation thermique corporelle influe aussi sur les besoins en eau. L’éva-
poration cutanée peut être très élevée lorsqu’il fait très chaud. Dans ce cas, les volu-
mes sanguins et donc l’eau, se déplacent en périphérie pour faciliter l’évaporation et
Intégration des données sensorielles par le cerveau 265

Noyau hypothal.
SOIF HYPOVOLÉMIQUE Angiotensine
paraventriculaire

Secrétion de
vasopressine
Noyau hypothal. Noyau hypothal.
Noyau préoptique
paraventriculaire paraventriculaire
Osmolarité cérébrale
(vigilance, mémoire)
Papilles
VII, IX, X Noyau gustatif
linguales Hypothalamus
latéral

SOIF Concentrations Organe vasculaire


OSMOTIQUE électrolytes du sang (OLVT)
Zona incerta

PRISE DE LIQUIDE

Figure 5.9
La soif
Le déterminisme de la soif utilise d’autres facteurs que la faim. Le taux d’ions sodium présents dans la sphère
orale ou dans le sang circulant sont les déclencheurs de la soif. Mais les expériences et la clinique montrent que
des facteurs activateurs des centres hypothalamiques induisent la libération de vasopressine, active sur la vaso-
motricité cérébrale (la vasopressine est parfois appelée l’hormone de l’attention). Des troubles centraux peuvent
être associés à une soif intense telle que la potomanie (fréquente dans la schizophrénie).

aider à la réfrigération du corps. Nous avons vu que les récepteurs thermiques sont
répartis soit dans l’hypothalamus qui agit sur la synthèse des hormones contrôlant le
métabolisme, comme la thyréostimuline hypophysaire (TSH), soit dans la moelle épi-
nière en C4-C5. Ces récepteurs sont sensibles à la température du sang systémique
arrivant par l’artère basilaire, juste avant l’entrée dans le tronc cérébral. L’activation
de ces récepteurs provoque le frisson et la contraction des muscles érecteurs des poils.
Ce qui libère un peu d’énergie pour réchauffer la surface du corps.

5.5.3 Les troubles du comportement dipsique


A. La polydipsie
Sensation de soif permanente qui impose de boire beaucoup. Elle s’observe surtout
dans le diabète insipide. En outre, ces patients ont une polyurie importante et une
osmolarité urinaire basse. On traite le diabète insipide grâce à la vasopressine. La
polydipsie est observée également dans le diabète sucré associé à une polyphagie,
dans les insuffisances rénales, dans le syndrome de Cushing (hyper-corticisme), dans
des diarrhées et certaines gastrites.
266 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

B. La potomanie
Besoin de boire par habitude comme dans l’alcoolisme.

C. L’adipsie
L’absence de besoin de boire est observée dans de rares cas, comme dans l’anorexie.
Les patients peuvent rester plusieurs semaines sans éprouver le besoins de prendre
des liquides. Chez les anorexiques chez lesquels l’adipsie n’est pas compensée par
l’absorption d’aliments contenant de l’eau, il est indispensable de faire des apports
hydriques par perfusion.

D. La déshydratation
Elle est fréquente dans diverses maladies affectant le tube digestif. Les vomissements
répétés et les violentes diarrhées induisent des pertes conséquentes d’eau qu’il faut
compenser. Elle est fréquente aussi chez l’enfant ou le vieillard lors des fortes chaleurs.

E. Les brûlures étendues


La destruction plus ou moins étendue de la couche cutanée laisse passer l’eau qui dif-
fuse et s’évapore massivement. Les mécanismes régulateurs et les récepteurs thermi-
ques de la peau ne sont alors plus efficaces et il faut maintenir une immersion des
patients pour éviter les pertes d’eau catastrophiques.

F. Alcoolisme et besoins en eau


Il est frappant d’observer que, chez l’alcoolique chronique, la sensation de soif est
associée à la consommation du liquide responsable de l’intoxication. Donc, les volo-
récepteurs assurent bien l’appel de liquide, mais le besoin de prise d’alcool pour répon-
dre à l’addiction substitue l’alcool à l’eau et aggrave l’intoxication. Le même
problème est observé chez les consommateurs de boissons sucrées. Si un enfant boit
du sirop sucré pour étancher sa soif, il s’opère une addiction pour le sucre telle que les
récepteurs GLU hypothalamiques ne saturent plus et appellent encore plus de glucose.

5.6 Agressivité et violence

5.6.1 Les différences entre comportement agressif et violence


Les attitudes agressives font partie des signes externes primitifs permettant de proté-
ger le territoire chez diverses espèces animales, de se réserver une proie ou bien un
partenaire sexuel. Les signes d’agressivité ne sont donc pas des réactions pathologi-
ques, mais des réponses souvent produites par un stimulus stressant visant à la pro-
tection de soi ou de ce que l’on possède. Les réponses agressives sont d’ailleurs
Intégration des données sensorielles par le cerveau 267

directement dépendantes du taux de stéroïdes et des androgènes en particulier.


L’agressivité est assez naturellement un signe de virilité et elle apparaît dès la puberté
chez les garçons. Les jeux agressifs, voir même violents, sont d’ailleurs entretenus
par l’apprentissage par les parents qui incitent et apprennent aux garçons à se défen-
dre et à protéger les individus du groupe. L’agressivité est donc d’abord un héritage
génétique qui est entretenu par un apprentissage socio-culturel et peut être cultivé et
exacerbé dans le cadre socio-professionnel, puisque parmi les critères requis pour un
cadre commercial figurent une bonne dose d’agressivité qui est canalisée dans des
stages spécialisés.
L’impact des organisations socio-médiatiques est important : voir la violence
des autres exacerbe ou résurge les pulsions agressives chez les sujets déjà prédisposés
par des troubles mentaux latents à des pulsions violentes. Un contexte familiale ins-
table, voire violent (violences conjugales, violences sur les enfants, conflits…) peut
représenter un schéma normalisé sur lequel l’enfant établira ses propres relations avec
les autres. Un enfant maltraité régulièrement ne peut que subir, accepter puis recon-
duire comme une norme parentale les violences qu’il a subies et, selon son MOI ou
même son SURMOI, il reproduira ou développera une violence habituelle précoce
dans son schéma social ou bien il réprimera de lui-même cette violence qu’il enfouira
dans son subconscient (figure 5.10).
Sans frein socio-culturel ou moral, seul devant un écran de télévision,
l’agressivité passive glisse vers une violence contenue puis, si les effets sont plai-
sants, vers une violence active. Le passage de l’agressivité à la violence destructrice
peut se constituer à partir d’un enchaînement d’actes de plus en plus destructeurs ou
peut ne consister qu’en une réponse isolée explosive où un sujet très passif peut pas-
ser brutalement à un acte violent autodestructeur (comme le suicide) ou hétérodes-
tructeur (le meurtre).

RETENEZ :
Si on peut considérer que la violence est contraire à la raison, l’agressivité
représente un comportement intégré dans notre patrimoine. Un comporte-
ment agressif se trouve, dans sa limite de mise en jeu physiologique, être une
attitude ou une réaction d’intensité proportionnée au stimulus nocif ou frus-
trant déclencheur.

La violence est une pulsion destructrice qui n’a pas de motivation comporte-
mentale raisonnée. C’est un besoin de détruire les autres ou soi-même et en tous cas
d’éliminer un stimulus interprété comme dangereux pour le sujet. L’automutilation,
même si elle représente une phase par laquelle peuvent passer certains schizophrènes,
n’est qu’un aspect de la violence. La violence s’exerce sous forme verbale dans les
démences séniles par exemple ; le malade profère alors des mots orduriers et inju-
rieux qui sont totalement incongrus à l’adresse des parents ou des soignants. Cela se
trouve exprimé aussi de manière intempestive dans le syndrome de Tourette avec
cette différence que les mots injurieux sont hurlés comme dans un spasme et ne
s’adresse à personne en particulier (tableau 5.5)7.
268 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Figure 5.10
Agressivité
Les facteurs déclenchant les mécanismes d’agressivité sont multiples. Fondamentalement, ce sont des mécanis-
mes de protection de l’individu ou de son espèce. Ces mécanismes sont d’abord inscrits dans notre mémoire
ancestrale (en lien avec le système limbique). Les composants du noyau amygdalien semblent avoir un rôle
assez sélectif des composantes émotivité-agressivité-violence, comme on le voit sur ce schéma.

5.6.2 Les bases neurobiologiques de l’agressivité


Les bases éthologiques sont celles évoquées d’abord. L’agressivité en tant qu’instinct
et son utilisation pour survivre sont gravées dans notre « moi » depuis des millénaires.
Cet instinct donne lieu à des relations entre dominants, ceux qui répondent le
mieux aux stimuli externes nocifs pour le groupe et dominés, ceux qui sont les moins
réactifs. De même sont les relations prédateurs-proies où l’agressivité reste l’usage de
la force pour se nourrir et procréer. Lorsque l’agressivité devient une violence des-
tructrice, c’est que les inhibiteurs sociaux sont sans effet.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 269

Les structures cérébrales (figure 5.10) qui contrôlent ces comportements sont
essentiellement : le lobe limbique ; le lobe frontal, en particulier orbito-frontal (dont
l’organogenèse anormale est l’une des causes de certaines formes de schizophrénies) ;
et l’hypothalamus.
Schématiquement, les voies impliquées dans l’agressivité et l’émotion se
résument ainsi : pour la neurobiologie, on considère qu’un stimulus stressant, libérant
de l’adrénaline et des corticoïdes, enclenche un état agressif. La physiologie globale,
le métabolisme, l’activité musculaire se prépare à une réponse adaptée à ce stress : la
fuite ou une réponse violente.
L’initiation des réponses agressives se situe surtout au niveau mésencéphalo-
diencéphalique et en particulier dans l’hypothalamus latéral et péri-ventriculaire.
Notez que ce sont aussi des zones responsables de l’appétence, du plaisir et par corol-
laire à la défense lorsque les zones de satisfaction ne sont plus activées ou même se
trouvent inhibées : l’agressivité mésencéphalique correspond ainsi à la peur, et l’irri-
tabilité diffuse ; l’agressivité diencéphalique correspond à des phases de colère diri-
gée contre un élément considéré comme une agression du MOI ; l’agressivité limbo-
corticale est la plus complexe et correspond à des réponses intégrées à des éléments
perturbants liés à des symboles ou à des aspects affectifs.
Les neurotransmetteurs tels la sérotonine sont impliqués dans l’agressivité.
Son hyposécrétion dans les psychoses maniaco-dépressives accroît l’apparition
d’épisodes violents. Or il existe une prédisposition familiale à l’hyposécrétion de
sérotonine qui suggère une transmission génétique des tendances agressives. Ce prin-
cipe est conforté par les études sur des souris rendues agressives par une modification
génétique.

5.6.3 La biochimie de la violence


Les comportements violents qui se concrétisent par des actes destructeurs voir meur-
triers relèvent d’abord de la justice, puis selon les degrés d’appréciation et des exper-
tises psychiatriques, ils justifieront des soins psychologiques plus ou moins longs et
complexes. Les expertises neurologiques reposant sur l’imagerie et/ou les examens
neurologiques peuvent requérir des analyses plus poussées, comme les expertises
biochimiques. Nous avons évoqué l’hypothèse du faible taux de sérotonine dans les
comportements agressifs. D’autres molécules sont impliquées.

A. L’acide gamma-amino-butyrique (GABA)


La transmission GABA-ergique atténue l’état aversif induit par une stimulation natu-
relle ou expérimentale. Une injection locale dans le système périventriculaire (hypo-
thalamus) d’un agoniste du GABA accentue les réponses d’approche vers le stimulus
naturel et facilite les comportements offensifs dans des situations d’interaction
sociale. Des substances qui peuvent déclencher soit des comportements violents, soit
270 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

des actions dites de désinhibitions (benzodiazépines [BZD], alcool), sont en particu-


lier des substances qui activent la transmission GABAergique.

B. Les systèmes opioïdes


Les systèmes opioïdes constituent le second grand système modulateur du système
périventriculaire, agissant en balance avec le système GABA-ergique. Les antagonis-
tes des récepteurs opioïdes schématiquement augmentent les comportements agres-
sifs. À l’inverse les peptides opioïdes (les enképhalines) et la morphine sont
considérés comme des substances anti-agressives. Les phénomènes agressifs décrits
lors des sevrages aux opiacés mettent en jeu d’autres systèmes à neurotransmissions,
précisément modulés par les récepteurs opiacés (exemple des systèmes dopaminergi-
ques). De même un lien formel a été établi entre la consommation de drogues (dont
les opiacés) et la criminalité.

C. Les amines biogènes


L’activation noradrénergique facilite l’agressivité chez l’animal. Précisément une
telle activation survient dans tout stress et peut perdurer. Ces résultats ont conduit cer-
tains auteurs à préconiser le recours aux bêta-bloqueurs chez les sujets agressifs.

D. La dopamine
De même, la dopamine augmente les comportements agressifs. L’amphétamine qui
stimule la transmission dopaminergique diminue l’agressivité chez la souris sponta-
nément agressive mais l’augmente chez les animaux non agressifs. Les doses sont
importantes à considérer, les faibles doses induisant un comportement défensif.
L’agressivité notée chez des consommateurs de cocaïne (inhibiteur du transporteur
pré-synaptique de la dopamine) peut conduire à des accès de violence ou d’agressivité.

E. La sérotonine
Ce neurotransmetteur semble aujourd’hui jouer un rôle prédominant dans l’impulsi-
vité et l’agressivité. Tant chez l’homme que chez l’animal, les nombreuses études
démontrent schématiquement que la sérotonine (5 HT) inhibe les comportements
agressifs.

F. Testostérone et androgènes
La testostérone et les androgènes sont incriminés, chez l’animal, dans l’agression ou
dans la potentialisation des effets délétères comportementaux de l’alcool. Chez
l’homme, le constat répété d’une corrélation entre des actes de violence et les taux
circulants de testostérone est bien argumenté, en notant au passage qu’il n’y a pas de
différence selon le type de violence notamment dans le domaine sexuel. Ces données
ont conduit à préconiser les anti-androgènes chez les sujets les plus violents.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 271

RETENEZ :
Les molécules de l’agressivité sont surtout l’adrénaline et les androgènes. Les
comportements violents serait lié à la sérotonine.

Tableau 5.5
Comportement agressifs et comportements violents. Les états psychologiques qui font qu’un sujet
passe de l’agressivité, comportement programmé d’autoprotection, à la violence, c’est à dire au
passage à des actes de violence verbale ou physique contre lui-même et les autres est loins
d’être facile à délimiter. Si l’on s’en tient aux théories freundiennes, le courant libidinal et la vio-
lence latente ou violence fondamentale peuvent être intégrés comme des actes naturels sans
nécessité de motivation ou de pulsion. Au contraire, la violence courante est généralement
induite par des états pulsionnels.

Structure Intégration de la violence Pulsion


Névrose Violence courante Courante libidinale/symbolisation
fondamentale libidinal Agressivité Violence
Psychose Courant Violence libidinale Agressivité
Violence
fondamentale
Configuration Violence courante Violence
limite Fondamentale libidinale fondamentale

5.6.4 Les comportements violents et dangereux


dans les troubles neurologiques
A. La violence des psychotiques
Les comportements agressifs ou violents sont fréquents dans les pathologies cérébra-
les et les troubles mentaux. Si l’on connaît bien les épisodes de dangerosité des schi-
zophrènes, quoique le caractère imprévisible de l’épisode soit le cas le plus fréquent,
il est possible de saisir actuellement les origines neurologiques de ces états. Et il faut
bien reconnaître que dans ce domaine les déterminants de la violence sont parfois
incompréhensibles, même chez ceux, y compris les soignants, qui connaissent bien le
malade (tableau 5.5 et tableau 5.6).
La violence des psychotiques trouve des déterminants à la fois génétiques,
des altérations de l’organisation corticale et procède parfois de dysfonctionnements
des relations familiales. Pour les psychiatres, les dissociations familiales et les diffi-
cultés ou les impossibilités pour la mère de correctement désigner les pulsions de son
bébé, de guider son choix sensoriels et ses ressentis émotionnels empêchent le refou-
lement des pensées violentes. Les impulsions non contenues par l’apprentissage con-
trôlé des parents ne constituent plus la protection nécessaire contre les pulsions
« toxiques ». On parle de non-détoxication alpha. Le MOI se construit ainsi de
manière régressive et non évolutive. Cette régression ramène à la dominance limbi-
272 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Tableau 5.6
Agression active et passive
Ce tableau propose une sorte de tri dichotomique parmi les situations agressives. Il permet de strucutrer un com-
portement agressif en fonction des manifestation plus qu’en fonction de l’origine du comportement.

Type d’agression Manifestation externe


directe coups
physique
indirecte coups
directe Verbale : insultes
Agression active verbale
indirecte Verbales : médisances
directe Harcèlement moral
psychique
indirecte Attitude perverse

directe Contrainte exercée sur les autres


physique
indirecte Refus d’être actif dans une action avec les autres, mutisme
directe Injures
Agression passive verbale
indirecte Refus d’accord
directe Refus d’aide
psychique
indirecte Exposition au danger

que sans contrôles frontaux ou temporaux, donc libère les comportements d’agres-
sion qui s’exacerbent au cours du développement.
Les psychotiques adultes vivent des phases de délires qu’ils ne savent pas
délier de leur environnement, faute de disposer des connexions corticales adaptées.
Le délire verbal qui est souvent mêlé à des épisodes d’expression cohérente,
contient généralement tous les éléments qui créeront le passage à l’acte violent ou
acting. Ce chaos des pensées du psychotique à amplement été décrit par Freud et revu
par Lacan. Ainsi, chez le psychotique, il se réalise un clivage entre le MOI en contact
avec la réalité et la partie de la personnalité reliée aux comportements primitifs. Ce
clivage rend aussi difficile l’intégration de la qualité bonne ou mauvaise des stimuli
objets de l’épisode violent.
Chez les schizophrènes, les courants violents et libidinaux résultent d’une
déviation ou d’une perversion de l’agressivité. Le malade organise son MOI sur l’élé-
ment moteur de sa personnalité. De la sorte les références par rapport à la réalité sont
Intégration des données sensorielles par le cerveau 273

déstructurées et en particulier il existe un décalage plus ou moins important des seuils


des signaux sensoriels qui déclenchent l’acting, la violence physique, avant que les
mécanismes mentaux de raisonnement et d’analyse corticale ne puisse réguler
l’action. Les hallucinations auditives sont fréquentes, comme le sont d’autres altéra-
tions sensorielles comme des hallucinations olfactives, la perception d’odeurs nau-
séabondes ou aversives.

B. Les structures paranoïdes


Le délire paranoïaque diffère du précédent en ce que le malade reçoit des informa-
tions sur des événements dont la nature est souvent un signal insignifiant, mais il ne
les interprète pas correctement. Les situations anodines qui le blessent ou représente
pour lui une trahison sont amplifiées et libidinalisées. L’expression pathologique de
l’agressivité se réalise sous toutes les formes : verbale, perverse, sournoise, prévue à
l’avance, soigneusement complotée en utilisant un tiers exécuteur. Le délire de per-
sécution est l’aspect le plus classique de la paranoïa.
Il n’y a plus de régression comme dans la schizophrénie mais une recherche
permanente d’affirmer sa personnalité et d’exercer son agressivité. La paranoïa ne
résulte pas de l’agressivité, mais plutôt de son absence (libido insuffisante par exem-
ple). La structure paranoïde monte d’un cran et l’agressivité aussi quand le passage à
l’acting est contrarié.

C. Les structures mélancoliques


Même si le terme de mélancolie rappelle le romantisme, en termes psychiatriques les
épisodes mélancoliques rejoignent la régression vers les stades prégénitaux au sens
freudien et engendrent des phases de détresse psychotiques accompagnés de violence
dirigée vers l’objet d’une frustration précoce. Cet objet peut être la mère, le compa-
gnon ou la compagne qui l’a quitté, ou qui est mort. Le malade dans sa frustration de
l’objet absent ne peut « tuer » le mort mais exercera sa violence contre celui qu’il sup-
pose être responsable de la mort. La phase de deuil impossible se transforme en haine
puis en détermination meurtrière contre l’objet considéré comme responsable et qui
peut être le malade lui-même.

D. Les névroses
Les névroses se distinguent des structures pathologiques précédentes par le fait
qu’elles résultent de manière primaire de situations conflictuelles violentes : conflit
CA – dans le MOI-SURMOI, angoisses de castration, existence d’une fonction
d’interdiction du SURMOI, conflit et autocensure d’un complexe d’œdipe, pour ne
citer que quelques situations.
Expérimentalement, les situations conflictuelles névrosantes sont aisément
créées par un conditionnement d’évitement chez le rat lorsqu’après une phase de
récompense pour un évitement correct, on enlève la récompense. Alors apparaît une
274 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

situation de névrose expérimentale. Ainsi, la situation « recherche de plaisir – non-


satisfaction » peut apparaître génératrice d’une névrose.
Ceci se reconnaît dans les névroses résultant de l’addiction aux drogues ou à
l’alcool. Ces situations engendrent des comportements violents et destructeurs qui
s’expliquent bien par les mécanismes neurophysiologiques liés au plaisir.
Les névroses obsessionnelles : l’agressivité y est parmi les plus intenses. Elle
reste masquée ne se traduisant que par des colères, des tics, des attitudes ironiques
avec violence verbale.

E. L’agressivité liée à l’ivresse alcoolique


Elle évolue en trois phases : 1) l’excitation psychomotrice (avec désinhibition) ; 2) la
phase d’ébriété (irritabilité, incohérence) ; 3) la phase d’anesthésie (somnolence et
parfois coma éthylique).
Lors de la désinhibition, les comportements violents résultent de l’inhibition
des contrôles corticaux qui ramènent à une régression psychique sous contrôle du seul
système limbique. L’alcoolique à jeun contient son agressivité mais il la libère en état
d’ébriété. Cette violence n’est liée qu’à l’imprégnation alcoolique. Cependant, la
dépendance à l’alcool crée une autre forme de violence. Celle qui est liée à la dépen-
dance. L’alcoolique chronique boit de l’alcool non plus pour satisfaire les zones « du
plaisir » mais pour échapper à la souffrance que crée le manque. Pour échapper à la
souffrance, le malade progresse dans sa logique cognitivo-comportementale qui, en
même temps que progressent les problèmes organiques, métaboliques, respiratoires,
produisent aussi des conflits avec l’entourage proche. Le malade développe sa propre
logique pour expliquer son besoin d’alcool et il se trouve en conflit avec un MOI logi-
que qui le culpabilise. Il est clair qu’en outre, la progression de l’alcoolisme conduit
souvent au syndrome amnésique de Korsakoff (voir troubles de la mémoire).
Le sevrage alcoolique (ou de toutes les autres drogues) est également géné-
rateur de violence. Le sevrage tentant de supprimer la protection que le malade s’est
créé contre son effondrement psychique, il se crée un conflit ramenant à une névrose
avec le contingent de violence qu’elle engendre.

F. La violence sexuelle
Voir le comportement sexuel (section 5.7).

G. La violence de la souffrance
On ne saurait taire ces réactions de « rébellion » des malades contre le « mauvais
coup du sort » qui leur inflige une souffrance parfois atroce. Cette violence est dif-
fuse. Le malade qui lutte contre la mort focalise ses pensées sur son propre état et en
rend responsable les soignants par exemple. La régression psychique jusqu’à l’infan-
tilisation des malades en fin de vie s’accompagne d’épisodes douloureux et violents.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 275

Le malade refuse l’aide et tente d’extérioriser son problème par l’agressivité ou la


violence.

H. La violence dans les maladies neurologiques


Les comportements dangereux des autistes sont proches de ceux décrits chez les schi-
zophrènes au point de prêter à confusion, surtout dans l’autisme de type Asperger.
Cependant, la fréquence des crises de colère ou des actes dangereux est extrêmement
variable d’un malade à l’autre.
Un syndrome intermédiaire, très fréquent, mérite d’être noté, il s’agit de
l’hyperactivité. Ce trouble du comportement, ou trouble du déficit d’attention avec
hyperactivité (TDAH) de l’enfant se caractérise par une hypermotricité et une appa-
rente recherche active de signaux sensoriels tactiles, propriocepteurs, coenesthési-
ques. Le caractère est instable et l’enfant est impulsif jusqu’à la colère, avec de la
violence verbale ou physique. Il ne peut ainsi pas focaliser son attention sur une tache
intellectuelle soutenue et les résultats scolaires déplorables sont des avertissements
pour les parents. Les travaux récents sur le sujet tendent à montrer que lorsque le
TDAH n’est pas correctement soigné chez l’enfant et l’adolescent, les troubles peu-
vent subsister chez l’adulte et, s’agissant de troubles éxécutifs, cela peut nuire aux
prises de décisions autant socialement que professionnellement.

I. La violence des adolescents


On peut également évoquer ici les comportements volontairement dangereux des
adolescents. Il s’agit bien souvent d’attitudes au sein d’un groupe dans lequel l’ado-
lescent veut démontrer sa personnalité et affirmer une relation de dominance dans la
force et la résistance à la douleur physique. Ces comportements parfois incités par les
images quotidiennes de violence sont d’abord des défis puis adoptent des formes
d’addiction car, dans le danger, l’adolescent retrouve un certain plaisir masochiste à
la douleur.
Ces types de comportements ne sont pas a priori à rattacher dans un trouble
psychologique. Mais ils sont malheureusement de plus en plus fréquents, non raison-
nés et générateurs d’une forte mortalité chez les adolescents. Le plus fréquent de ces
comportements est celui qui utilise la motocyclette ou une voiture comme instrument
de transfert et d’amplification de l’agressivité contenue. Le moteur, c’est la puissance
qu’on a pas, pour exprimer un SURMOI et défier les autres, rouler très vite, n’importe
où, et narguer la société répressive qui condamne la vitesse.
La violence routière est pour l’adulte bien pensant dans le même registre.
L’homme au volant qui maîtrise la puissance de la mécanique doit partager avec les
autres ce ÇA possessif intégré dans son SURMOI. Si les tiers violent l’espace où
s’exerce le ÇA sur l’objet automobile, il apparaît une violence explosive libérée par
les centres hypothalamiques avec une poussée d’androgènes et la violence contenue
dans le système limbique, inhibée par l’apprentissage de la conduite. Cette violence
explosive s’exerce soit verbalement (c’est heureusement le plus fréquent, et les
276 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

imprécations sont celles entendues dans les démences), soit via l’objet automobile
(course poursuite, tentative de détruire l’autre avec l’instrument automobile), soit
directement, par une agression physique au corps à corps.

Pour en savoir plus :


http://www.psy-desir.com/leg/spip.php ?article 1164

5.7 Sexualité-reproduction

5.7.1 La sensorialité et la communication dans les comportements


sexuels
Les comportements sexuels, puis les comportements reproducteurs, sont fortement
liés à des mécanismes de communication entre partenaires. Le spectre des stimuli-
signaux est extrêmement large malgré la large dépendance des comportements
sexuels à différents centres cérébraux anciens comme les structures limbiques, céré-
belleuses et hypothalamiques (donc neuroendocrines).
La sexualité est fortement liée aux signaux sensoriels. Chez beaucoup
d’espèces animales l’odeur émise par un partenaire potentiel, les couleurs du pelage
ou des plumes ou des écailles sont importantes. Chez certains poissons, il suffit de
remplacer une femelle par un leurre en plastique de même forme et même couleur
pour que le mâle démarre une parade prénuptiale. Dans la figure 5.11, nous avons mis
en parallèle les comportements sexuels mâle et femelle. L’asymétrie est nette entre
l’influence d’hormones multiples chez la femme (oestrogènes, progestérone, ocyto-
cine, prolactine) et la dépendance des comportements mâles aux androgènes et à la
prolactine.
Chez l’homme, les moyens de communiquer aux autres les états de maturité
sexuelle et la disposition à procréer sont représentés par des caractères sexuels secon-
daires évidents qui n’apparaissent qu’avec la maturité sexuelle (barbe, cheveux, voix,
seins, attitudes…), par la reconnaissance visuelle du dimorphisme sexuel, par des
choix personnels vestimentaires, attitudes, gestes. Il y a aussi des éléments plus sub-
tils et inconscients comme des émissions d’odeurs corporelles et par exemple sexuel-
les comme le musc, qui sont renforcées par les parfums soigneusement choisis. Mais
aussi des gestes et attitudes inconscientes destinés à afficher subtilement son carac-
tère viril par la force, l’agressivité, la dominance sociale chez le mâle humain, et dou-
ceur, féminité, attractivité chez la femelle humaine.
Chez l’homme, les comportements sexuels se sont diversifiés plus que chez
les autres espèces de Mammifères au cours de l’évolution. En particulier, l’impor-
tance prise par les tâches sociales, les interdits religieux (datant du Moyen Âge), les
tabous qui ont primé jusqu’au début du XXe siècle, ont amené l’homme à extérioriser
plus les comportements communautaires et à cacher dans les secrets d’alcôve sa
Intégration des données sensorielles par le cerveau 277

Comportement sexuel mâle Présence d’une femelle Comportement sexuel femelle


(émissions de signaux
Synchronisation par l’axe sensoriels : attitudes, Synchronisation par l’axe
hypothalamo-hypophyse-testicule odeurs) hypothalamo-hypophyse-ovaire

OESTROGENES
TESTOSTERONE

Cour-parade Réponse à la cour

Comportement proceptif-
Comportement proceptif :

CYCLE REPRODUCTIF
agressivité vis à vis
Acceptation-lordose
des autres mâles

PROGESTERONE
Copulation Copulation

Gestation

Ocytocine
PROLACTINE

PROLACTINE
Comportement parental : nourissage des jeunes
Éducation-Apprentissage

Figure 5.11
Régulation sexualité
Schéma général simplifié des régulations du comportement sexuel chez diverses espèces animales. La périodi-
cité de la reproduction chez la plupart des animaux permet de mieux disséquer les phases des comportements
reproducteurs. Chez l’homme cette cyclisation est fortement atténuée, même si, comme le constatent les gynéco-
logues, il subsiste des périodes annuelles où la fécondité augmente. Cependant les actes reproductifs, les pha-
ses gestatives et les comportements parentaux restent sous le contrôle d’abord de l’hypothalamus puis des
centres cérébraux.

sexualité. L’activité sexuelle dans ces conditions vise plutôt à la recherche du plaisir
qu’à la nécessité de procréer. Ceci caractérise les orgasmes des hommes et des fem-
mes ensembles ou séparément selon des choix librement consentis ou non. C’est là
une dérive proprement humaine puisque la sexualité animale vise d’abord à maintenir
la pérénité de l’espèce.
Et dès lors qu’on évoque le plaisir sensoriel, ce dernier peut être recherché
par tous les moyens.

5.7.2 Sexualité de l’homme


Dans l’espèce humaine, pour le mâle, les stimulations mécaniques comme la mastur-
bation ou le coït, ou les stimulations mentales ou les deux produisent et maintiennent
l’érection du pénis grâce à l’importante densité en mécanorécepteurs situés dans la
278 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

peau du gland. Cependant, la mise en condition mentale et physique préalable aug-


mente l’excitation et prolonge la durée du plaisir sexuel jusqu’à l’éjaculation qui cons-
titue, de manière purement réflexe et brève la phase finale de l’orgasme masculin.
Les observations faites par imagerie cérébrale montrent que le plaisir sexuel
de l’homme active trois régions cérébrales : le claustrum, le putamen et le cortex cin-
gulaire antérieur, qui sont des zones de contrôle moteur. D’autres zones sont activées
comme le cortex frontal ou désactivées comme le cortex temporal, mais les structures
impliquées dans les comportements sexuels sont multiples. En outre, ces données ont
été obtenues chez des hommes et actuellement, la cartographie des régions cérébrales
contrôlant le comportement sexuel féminin est loin d’être complétée.
L’action des hormones est essentielle et il est important de parler de l’axe
hypothalamico-hypophyso-gonadique. Une région de l’hypothalamus, située juste en
dessous des noyaux paraventriculaires centraux sécrète la gonadotropine-releasing
hormone (GNRH) qui va entraîner elle-même la sécrétion par l’hypophyse de deux
hormones : la Lutéotropine (LH) et la Folliculostimuline (FSH).
C’est le taux de GNRH modulé par des cellules migrant depuis la placode
olfactive qui modifiera les sécrétions hypothalamiques ultérieurement pour parvenir
à une sexualisation mâle. L’absence de migration de cellules GNRH chez un fœtus
génétiquement mâle laisse une féminisation de son hypothalamus avec un hypogona-
disme (maladie de Kallmann).
La LH est l’hormone commandant au niveau du testicule la fabrication de la
testostérone, celle qui nous intéresse dans la sexualité au sens relationnel. La
deuxième hormone hypophysaire, la FSH, va stimuler la formation des spermatozoï-
des. La testostérone agit sur le développement et la capacité de réponse de tous les
organes sexuels, comme les testicules eux-mêmes, la verge, mais aussi la peau et le
cerveau, elle aura notamment un effet sur le comportement, et donc, sur la puissance
sexuelle.
Ces hormones sont produites selon un mode pulsatile, il est donc important
d’avoir un fonctionnement cérébral et un rythme nycthéméral intact pour avoir une
pulsatilité hormonale. La LH sécrétée par l’hypothalamus a un pic matinal. Ce pic
entraîne une poussée de testostérone. Si le pic n’est pas présent ou s’il est irrégulier
la sexualité est perturbée.
Quelles sont les causes d’une telle perturbation ? Un trouble du sommeil, lié
à l’anxiété de la vie de tous les jours, à l’alimentation, lié à un surpoids, à des apnées.
Le rôle du vieillissement est mal défini mais la perte de la pulsatilité de la sécrétion
de LH liée à l’âge est démontrée.
Le taux de testostérone diminue avec l’âge, mais en règle générale, si la
sexualité est harmonieuse cette baisse n’induit pas forcément une baisse de la sexua-
lité. Du reste il faut être prudent en parlant d’hypogonadisme car il est rare d’avoir
une mesure effectuée chez un homme avant la survenue de problèmes. On ne sait
jamais quel était le niveau de testostérone, ni son degré de pulsatilité préalable, cela
demanderait une étude prospective assez longue.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 279

Au niveau cellulaire des organes cibles, la testostérone est aromatisée en oes-


tradiol ce qui pose la question du rôle des estrogènes dans la sexualité de l’homme.

RETENEZ :
Le sexe biologique est défini par la présence des chromosomes XX (femelle)
ou XY (mâle). La féminisation de l’hypothalamus est la première manifesta-
tion de sexualisation lors de l’embryogenèse. Des gonades indifférentiées
coexistent puis la sexualisation mâle ne se produit que plus tard selon qu’il y
a ou non une colonisation par les cellules GNRH venant des voies olfactives.

5.7.3 Les troubles de la sexualité masculine


Beaucoup de troubles de la sexualité masculine viennent essentiellement d’anomalies
de l’érection. Soit par une altération du désir sexuel, l’affaiblissement du plaisir, par
une perte de la sensibilité des mécanorécepteurs souvent liée à une maladie systémi-
que, un problème circulatoire et à la prise de médicaments et de drogues, ou encore
une lésion traumatique de la moelle épinière. En effet, l’érection est un mécanisme
réflexe contrôlé par le système parasympathique (lié à l’acétylcholine) ou orthosym-
pathique (lié à l’adrénaline). Les ganglions sont situés dans la région sacro-lombaire
mais surtout en S2-S4. Ce lien entre les mécanismes de l’érection indispensable pour
assurer la pénétration dans le vagin, assurer le maintien tactile de l’érection jusqu’à
l’éjaculation, et le système adrénergique modulé par le stress peut expliquer certains
troubles sexuels chez des patients anxieux, traumatisés ou déprimés.
Ces situations sont indépendantes de l’éjaculation précoce qui résulte d’une
hypersensibilité pénienne et qui peut être corrigé par un contrôle mental. L’impossi-
bilité de produire une érection par des stimulations mécaniques et/ou de la maintenir
pendant plusieurs minutes constitue un état d’impuissance sexuelle qui peut être traité
par une psychothérapie dans un grand nombre de situations car cela provient essen-
tiellement d’états anxieux réversibles. Notez que l’anxiété causée par la difficulté
d’érection auto-entretien la crainte d’impuissance et peut être cause de troubles psy-
chotiques et d’obsession.
Au contraire, le priapisme est le maintien d’une érection pendant des temps
très longs, de plusieurs heures ou plusieurs jours. C’est une situation où le sang stagne
dans le pénis sans pouvoir en sortir. Ceci peut provoquer, faute de renouveler l’oxy-
gène et les métabolites utiles aux tissus du pénis, une nécrose ou même une gangrène
plus ou moins sévère, avec une douleur persistante.

5.7.4 Aspects neurophysiologiques de la sexualité de la femme


A. Sexualité-sensorialité chez la femme
Chez la femme, les différents stades qui conduisent à l’orgasme sont identiques à
ceux de l’homme et devraient avoir le même décours temporel pour synchroniser les
280 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

orgasmes entre partenaires et faire en sorte que l’éjaculat soit aspiré par les contrac-
tions du vagin et pénètre correctement dans l’utérus pour optimiser la fécondation.
Les études en sexologie montrent un certain nombre d’asynchronismes.
Après un orgasme, l’homme subit une période de plusieurs minutes où il n’est plus
stimulable ; ceci n’existe pas chez la femme qui reste sensible bien plus longtemps.
Les perceptions sensorielles ne sont utilisées que pendant quelques minutes chez
l’homme pour parvenir à l’orgasme ; chez la femme, diverses zones sensorielles, les
déterminants psychiques de la sexualité allongent notablement cette durée de recher-
che de stimulations sensorielles pour parvenir à l’orgasme.

B. La contraception
Les moyens de contraception sont essentiellement hormonaux (pilules contracepti-
ves, patches) mais les méthodes utilisant un diaphragme ou un stérilet entravent la
fécondation de manière « mécanique ». On ne décrit pas d’altérations neurosensoriel-
les sous l’action des contraceptifs, mais les effets vasculaires et hormonaux étant
incontournables, la prise continue de ces substances peut agir sur le caractère.

RETENEZ :
Les hormones de la sexualité féminine :
– Les œstrogènes : les variations du taux d’œstrogènes ont des effets certains
sur les cycles veilles sommeil. 17 % des femmes rapportent des pertubations
du sommeil pendant les règles, donc pendant la chute du taux d’œstradiol, le
produit de dégradation des oestrogènes. L’hypo-œstrogénie peut produire :
céphalées, migraines, bouffées de chaleur, asthénie, insomnie, tendance à la
dépression. L’hyperœstrogénie peut induire : irritabilité, anxiété.
– La progestérone : l’hormone de la gestation est aussi l’hormone qui con-
trôle le comportement maternel.
– La prolactine : l’hormone de la lactation. Ces différentes hormones ont
des effets directs sur les réponses sensorielles, sur les seuils de réponse,
sur les variations de l’humeur (troubles thymiques) (figure 5.10).
– Les gonadotrophines : ces hormones sont libérées par l’hypothalamus.
Celui-ci est activé par diverses étapes de la sexualité : maturation, puberté,
cycles sexuels. Cela induit l’activation de la gonadolibérine hypothalami-
que (GnRH ou LHRH) qui agit sur la sécrétion de l’hormone folliculo-sti-
mulante (FSH), puis sur les ovaires en libérant des œstrogènes.

5.7.5 La gestation et les modifications neurosensorielles


Les hormones libérées par l’action de LH-RH agissent aussi en libérant de l’hormone
lutéinisante (LH) qui agit sur la maturation du corps jaune dans les follicules ovariens
et libère la progestérone. Cette hormone prépare l’utérus à l’implantation du fœtus et
les glandes mammaires pour la lactation. Les hormones de la gestation préparent
aussi l’organisme féminin à l’organisation générale de la grossesse, y compris les
interactions mère-fœtus jusqu’au comportement maternel (figure 5.12).
Intégration des données sensorielles par le cerveau 281

COMPORTEMENT MATERNEL Cerveau antérieur

Stimulations en période post-natale


PROGESTÉRONE
Tétée Cris et pleurs Mouvements Odeurs
Ocytocine
+ Relaxine
Terminaisons Système auditif
réduisent l’anxiété
sensorielles
du mamelon

Hypophyse
Hypotalamus Oxyde

postérieur
nitrique

Prolactine
Commande

Hypophyse
Ocytocine GABA

antérieure
de stockage d’Ocytocine
Cerveau

locale + –

Opioides

Terminaisons sensorielles
+ Action sur +
du col utérin OESTROGÈNES
le gène de Libération
l’ocytocine d’ocytocine
Mouvements du fœtus

UTÉRUS
Stimulations en période fœtale

PRÉPARATION AU COMPORTEMENT Production


de lait Glandes mammaires
MATERNEL
Cerveau

Figure 5.12
Comportement maternel
Le comportement maternel est préparé pendant la grossesse. Tandis que la progestérone prépare l’installation, ou
nidation, de l’embryon dans la muqueuse utérine, les œstrogènes provoquent la libération d’ocytocine qui agit sur
les contractions de l’utérus, sur la sécrétion de lait et sur l’hypothalamus. Ce dernier induit la formation de voies de
« plaisir » dans lesquelles le contact et les communications mère-enfant libérent des opiacés et de l’oxyde nitrique
au niveau des synapses avec le système limbique. La formation de cette voie « maternelle » active également la
mémoire ancestrale des actes à accomplir pour optimiser la croissance et les soins au nourrisson.

La grossesse modifie de manière notable les perceptions sensorielles en par-


ticulier l’odorat, la gustation et la sensibilité tactile. Cependant, il existe un ensemble
de signaux physicochimiques qui sont échangés entre la mère et le fœtus pendant la
gestation. Quantité de molécules comme des neurotransmetteurs, des peptides et des
anticorps traversent la barrière placentaire et ont très certainement un rôle détermi-
nant dans le développement harmonieux du fœtus. Dans le même temps, la mère émet
des signaux sonores, et ses mouvements modifient les récepteurs musculaires du
fœtus et activent des fibres nerveuses encore peu différenciées. Ces stimuli élémen-
taires n’ont pas de valeur d’information à proprement parler, mais ils stimulent et sol-
licitent les composants primitifs du fœtus et nous avons vu que cela était nécessaire
pour induire les différentiations synaptiques.
282 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

5.7.6 L’adaptation neurosensorielle dans le comportement maternel


L’ocytocine et la prolactine (hormones de l’attachement maternel et des câlins) mul-
tiplient le besoin de toucher et d’être touchées. Les contacts tactiles mère-enfant sont
fondamentaux pour poursuivre la différentiation neuronale et la maturation corticale.
Un enfant dont la mère ne présente pas de comportement maternel se trouve une situa-
tion de déprivation sensorielle. Comme nous l’avons vu, cela ralentit le développe-
ment cortical et la maturation synaptique, parfois cela peut altérer l’organisation des
couches dans le cortex.
Ces hormones de la gestation et de la lactation jouent également un rôle dans
le développement des interactions mère-enfant. Elles agissent en réduisant les cycles
de sommeil profond et les phases d’attention nocturne liées à la surveillance de leur
bébé. Il est probable que, comme pendant la grossesse, les sensorialités qui forment
les liens affectifs (odeurs, vue, toucher) ont des performances accrues, faisant croire
à un « sixième sens » maternel. Les communications non verbales entre la mère et
l’enfant sont ainsi particulièrement accrues et aident considérablement au développe-
ment harmonieux du nourrisson.

5.7.7 La ménopause
La fin de la production des ovules est réputée correspondre à la fin de la sexualité
féminine avec l’apparition de la ménopause. En fait, la chute du taux de progesterone
à cette période fait bien cesser l’œstrus et peut réduire le désir sexuel, mais ce sont
plus les effets secondaires comme l’altération du métabolisme du calcium, les phases
d’hyperthermie, la diminution de l’influence apaisante des hormones féminines qui
provoquent des altérations croissantes de la sexualité et des changements ou une ins-
tabilité d’humeur des femmes ménopausées. En effet, des traitements hormonaux
modérés sont relativement utiles dans le maintien des rapports de couple des person-
nes d’âge mûr en réduisant notablement les troubles ménopausiques.

5.7.8 Le sexe, cerveau gauche, cerveau droit et comportements


Il ne s’agit nullement de polémiquer sur la prééminence d’un hémisphère sur un autre,
ni de sombrer dans un sexisme qui n’a pas sa place ici, mais de présenter quelques
particularités de l’organisation du cerveau et du système sensoriel chez l’homme et la
femme. Tous les chercheurs en neurosciences sont d’accord aujourd’hui pour consi-
dérer que :
– Le cerveau gauche est sensiblement plus développé chez les femmes et que
le cerveau droit est plus développé chez les hommes – contrairement à ce que
pense encore le grand public et cela sous l’influence directe des hormones
sexuelles (testostérone, œstrogènes, etc.). Ainsi, la femme est plus portée sur
la communication et le partage social du fait la dominance du rôle de l’hémis-
Intégration des données sensorielles par le cerveau 283

phère gauche, tandis que l’homme est plus centré sur l’action et la compéti-
tion car il est soumis à son hémisphère droit.
– La femme est moins émotive, mais elle exprime davantage son émotivité et
son anxiété alors que l’homme est, en réalité plus émotif, mais il n’exprime
qu’assez peu ses émotions bien qu’il ne les domine pas.
– La femme se repère mieux dans le temps (cerveau gauche) en utilisant une
mémoire de signes et d’objets concrets où elle excelle dans les tests de
mémoire et de dénomination. L’homme s’oriente mieux dans l’espace (cer-
veau droit) ainsi que le montrent les tests de rotation spatiale à trois dimen-
sions réalisés dès l’enfance.
– Globalement, les femmes sont beaucoup plus sensibles dans les basses fré-
quences et présentent une ouïe mieux développée que l’homme (d’où
l’importance des mots doux, du timbre de la voix, de la musique dans la
dépendance sensorielle de la femme).
– La sensibilité chromatique est généralement meilleure chez la femme. En
outre, il se trouve que les anomalies de vision colorée sont beaucoup plus fré-
quentes chez l’homme (plus de 20 % des hommes ont une anomalie généti-
que des pigments rétiniens comme le daltonisme, alors que cela est très rare
chez la femme).
– Les analyses montrent que les femmes possèdent jusqu’à 10 fois plus de
récepteurs cutanés pour le contact tactile que les hommes.
– L’olfaction féminine est plus fine : jusqu’à 100 fois, à certaines périodes du
cycle. L’organe voméro-nasal relativement régressé chez l’Homme par rap-
port aux autres Mammifères, perçoit les phéromones (molécules-signaux
transmises à distance) qui traduisent plusieurs formes d’émotions : désir
sexuel, colère, crainte, tristesse. Nos tests olfactifs sur de grandes populations
d’étudiants des deux sexes montrent une plus grande sensibilité chez les fem-
mes (serait-ce là ce qu’on appelle « l’intuition » ?).
– La vision est davantage développée – et érotisée – chez l’homme (d’où son
intérêt et son excitation par les vêtements, le maquillage, les bijoux, l’éroti-
sation du nu, son attirance pour les revues pornos…). Cependant, la femme
dispose d’une meilleure mémoire visuelle (reconnaissance des visages et ran-
gement des objets).
– Mais ajoutons qu’en ce qui concerne les aptitudes scientifiques, contraire-
ment aux idées toutes faites, les chiffres obtenus sur 25 000 enfants ne mon-
trent aucune différence intellectuelle entre les garçons et les filles. Chez les
scientifiques, la pente des courbes de productivité est la même pour les hom-
mes que pour les femmes, tandis que ces dernières sont handicapées par des
difficultés à disposer de moyens de produire de même hauteur que les hom-
mes (voir la revue Nature, 442, 13 juillet 2006, pp. 133-136).
Ces différences viennent des milliards de gènes échangés au cours de l’évo-
lution. Ils ont été sélectionnés pour assurer les meilleures conditions de survie de
l’espèce en maintenant un mâle puissant qui défend le territoire de la femelle et de ses
284 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

petits. Puis avec l’homo erectus sont apparus la nécessité de répartir les tâches : les
tâches de puissance et dangereuses ont donné à l’homme une vision développée, un
odorat adapté à sentir des proies à distance ; les tâches de la femme ont consisté à édu-
quer les enfants, à mettre en œuvre les moyens de nourrir et d’optimiser la vie de la
progéniture. Qu’on accepte ou non ces principes ne change rien à la construction
neuro-anatomique et ainsi aux modes d’organisation neuropsychiques qui font la
complémentarité des deux sexes.

5.7.9 Les troubles des comportements sexuels


Les troubles appartiennent au moins à deux groupes :
– les dysfonctionnements d’origine organique provoqués par une altération
endocrinienne en particulier ou une anomalie anatomique ne permettant pas
la réalisation des étapes normales de l’acte sexuel. Certains troubles sexuels
sont associés à des problèmes sphinctériens ;
– les dysfonctionnements psychiques liés à des états mentaux incompatibles
avec l’accomplissement de l’acte et de la recherche du plaisir sexuel.
Nous ne donnons ici qu’à titre d’information une liste de quelques-unes des
anomalies sexuelles (tableau 5.7). Il est évident que beaucoup de troubles,
dont les paraphilies, sont des distorsions de l’image des autres et le résultat
de l’exacerbation des pulsions parfois violentes et incontrôlables.
– La procréation assistée médicalement : lorsqu’il existe des anomalies sexuel-
les (l’azoospermie de l’homme : spermatozoïdes rares, oligospermie, ou
absents ou ceux-ci sont peu mobiles, asthénospermie ; ou la perméabilité
tubaire est insuffisante chez la femme, cancer du vagin) qui ne permettent pas
une fécondation naturelle, les couples ayant un désir parental peuvent avoir
recours à la fécondation in vitro (FIVE) ou à l’injection d’un spermatozoïde
dans l’ovule. Ces méthodes de fécondation sont de plus en plus utilisées et
donnent des résultats dépassant 30 % d’aboutissement à une grossesse clini-
que. La réimplantation des ovules fécondés ou même d’embryons permet
l’accomplissement de grossesses dans des conditions similaires à la normale
donc aboutissent à un comportement maternel prénatal et post-natal satisfai-
sant du point de vue neurosensoriel chez la mère et chez le nouveau-né.

Tableau 5.7
Troubles du comportement sexuel

Trouble Nature Origine


Paraphilies Toutes recherches excessives d’excitants Perte du contrôle préfron-
qui renforcent des pulsions sexuelles tal restricteur de pulsion
et/ou temporal régula-
teur de l’anxiété
Exhibitionnisme Exhibition des organes génitaux en public
Intégration des données sensorielles par le cerveau 285

Trouble Nature Origine


Fétichisme Utilisation d’objets inanimés pour obtenir une
excitation sexuelle
Frotteurisme Recherche de l’excitation par des contacts et des
frottements sur des gens non consentants
Masochisme Utilisations d’actes cruels ou humiliants mimés
ou réels pour parvenir au plaisir sexuel.
Pédophilie Les pulsions sexuelles sont assouvies sur de
jeunes enfants impubères (moins de 15 ans)
Sadisme Plaisir dans la souffrance consentie ou non
d’un partenaire
Travestisme- Chez un homme hétérosexuel, c’est le besoin
fétichisme de se vêtir en femme.
Violeur Recherche du plaisir sexuel sans le consente-
ment du partenaire et souvent avec violence.
Voyeurisme Recherche du plaisir en obervant les actes
sexuels des autres à leur insu
Autres paraphi- Scatologie et obscénité téléphonique
lies
Absence ou Il s’agit là d’un problème primaire qui doit être Consommation de médi-
perte de désir traité avant un trouble de l’érection ou tout trou- caments, d’alcool, de
sexuel ble organique drogues. Stress, dépres-
sion, dyspaneurisme
(douleur sexuelle)
Aversion sexuelle La perspective d’accomplir l’acte sexuel provo- Troubles de la Libido,
que de l’anxiété voir de la panique qui induit viol précedent, victimes
une inhibition nuisible à l’excitabilité de pédophiles, dyspa-
neurisme
Echec de la Chez l’homme = pas ou peu d’érection
réponse génitale Chez la femme = sécheresse vaginale
Ejaculation Trouble de l’éjaculation du à une hypersensibi-
précoce lite sexuelle.
Vaginisme non
organique
Hyperactivités
Nymphomanies
Satyriasis
Troubles de 1)Identification intense au sexe opposé
l’identité sexuelle 2) Sentiment d’inconfort dans son sexe génétique
3)Perturbe profondément l’activité profession-
nelle ou sociale
Troubles de
l’orientation
sexuelle
Perturbations
organiques
286 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Trouble Nature Origine


Priapisme Erection douloureuse persistante Maladie urinaire,
adenome prostatique,
séquelle de traumatisme
sacro-coxigien
Hypogonadisme Syndrome adiposo-génital ou maladie de Hypothalamus
Kalmann. Les caractéres sexuels secondaires Altération des secrétions
sont peu marqués ou absents (testicules petits, de LH-RH
régles absentes, impuissance)
S. Turner Apparence féminine mais ovaires peu développés Anomalie génétique
Dite X0 (pas de chromo-
some Y)
S. Klinefelter Anomalie génétique
Due à un chromosome
sexuel supplémentaire
Phénotype Production congénitale d’androgénes en excès Hyperplasie
intersexué chez un individu XX (donc de sexe féminin surrénalienne
génétique)

– Conduites excrémentielles et sexualité anale : ce sont toutes les conduites


liées aux fonctions d’élimination des déchets organiques associées à des acti-
vités corporelles ou psychoaffectives. Elles concernent surtout la petite
enfance et la mise en place de la sexualité en rapport avec les fonctions anales
et sexuelles. Cependant, dans les troubles neurologiques associés à un retard
mental profond, on retrouve des comportements anormaux liés aux excré-
ments sans l’expression de dégoût qui lui est associée par l’éducation. Dès le
stade anal, les conduites fécales sont conditionnées et l’enfant sort de ce stade
par une association à des objets, des jouets, des mots. La fonction fécale asso-
ciée au plaisir et à une récompense fait place à d’autres pulsions sphinctérien-
nes et ou sexuelles ou alimentaires.
Les principaux troubles : l’énurésie, la miction involontaire, très fréquente
avant 4 ans et devenant exceptionnelle à 10 ans. L’écoprésie : l’élimination
involontaire de selles. La constipation que l’on décrit chez les enfants autis-
tes, les hypochondriaques.
Pour en savoir plus sur une approche freudienne du problème :
http://phi.lap.free.fr/HTML/inconscient-sexuel/Inconscient-sexuel.pdf
http://www.med.univ-angers.fr/discipline/psychiatrie_adulte/doc-dossier/semiologie%20
psychiatrique.pdf
Pour plus de détails sur la neurophysiologie sexuelle :
http://www.sfscsexo.com/publi/pub2301.htm
Intégration des données sensorielles par le cerveau 287

5.8 Du plaisir à la toxicomanie

5.8.1 Physiologie du plaisir


Le plaisir est une sensation qui psychologiquement est ressentie comme procurant
une satisfaction ou qui fait disparaître un besoin (alimentaire, sexuel, de soulager une
douleur, de satisfaire une pulsion).
On ne peut pas opposer strictement le plaisir à la douleur. Le plaisir peut
résulter d’un état d’équilibre dans lequel le sujet ne ressent aucun besoin et trouve
ainsi une satisfaction optimale. La douleur est un signal d’alerte destiné à indiquer un
état pathologique.
Dans bien des situations le plaisir est illustré par la satiété après un bon repas,
par la réussite à un examen. Le confort représente un état métabolique et physiologi-
que où l’individu n’a pas de besoin et la recherche du confort thermique tend à faire
en sorte que toutes les stimulations froides ou chaudes, la sudation, la soif par déshy-
dratation disparaissent. Le plaisir du confort se trouve chez l’homme situé vers une
température ambiante de 25°C. Dans cette situation l’économie physiologique est
maximale. La physiologie du plaisir peut ressembler à une recherche d’un état d’équi-
libre neurobiologique et la sensation s’atténue ou disparaît quand le besoin est satis-
fait. Nous verrons que la prise de drogue a dans un premier temps pour effet de créer
une sensation de plaisir en décalant artificiellement l’index de satisfaction.
La physiologie du plaisir est liée à la libération de morphines endogènes dans
diverses structures cérébrales.
Le plaisir ainsi que l’accomplissement des moyens qui permettent de l’attein-
dre trouvent leurs limites dans les observations sur la psychologie de la dépression.
De la sorte, dans notre langue, on peut dire que l’opposé biologique du plaisir est la
frustration, plutôt que la douleur.
Nous pouvons placer ici l’hédonisme, qui peut se définir comme une pulsion
à rechercher le plaisir par les sens. Aujourd’hui, l’hédonisme est l’un des aspects que
recherchent les concepteurs des produits du marché : aliments, objets, vêtements.
L’aspect, la couleur, le toucher des produits vendus doivent apporter du plaisir ou
l’inciter jusqu’à induire une motivation à l’achat proche de l’addiction (figure 5.13).
On voit sur le diagramme de la figure 5.13 que le passage du plaisir hédonique à
l’addiction dépend des substances et de la dominante hédonique, c’est-à-dire l’impor-
tance que chacun donne à son plaisir.
Pour des raisons faciles à comprendre, la psychologie classique, qui a étudié
la douleur, n’a pas abordé l’étude du plaisir (difficile à réaliser en laboratoire) avec la
même ampleur. Les premières recherches allemandes des années 1900 ont montré
qu’il existait, dans l’infrastructure du toucher, des récepteurs spécifiques de la dou-
leur, des « points de douleur », distincts des points de sensibilité à la pression et à la
chaleur, et qui possédaient leurs voies propres de conduction vers le cerveau par la
substance blanche de la moelle épinière. On a tout naturellement pensé qu’il y avait
288 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Psychotrope
Café Tabac
directe
Chocolat Alcool
Drogues

Type
d’hédonisme
Jeux vidéo Jeux
Travail pathologiques
Sexualité
Psychotrope addictive
indirecte

Faible Forte
Dominante de la solution hédonique

Figure 5.13
Hédonisme
La gestion hédonique. Les composantes qui lient le plaisir à l’hédonisme ont été classées ici en éléments procu-
rant du plaisir, mais avec faible dépendance, comme le chocolat ou le café. À l’opposé, les composantes
sexuelles ou les drogues qui sont associées à une forte addiction engendrent une puissante dominante hédoni-
que génératrice de plaisir et recherchées tout spécialement dans les pathologies à forte dépendance. (Adapté
de Loonis and Apter, 2000.)

des « points de plaisir »(comme les zones érogènes redécouvertes récemment). Ce


n’est qu’avec la découverte des centres cérébraux liés au plaisir que le principe neu-
robiologique du plaisir a été éclairci.
Le plaisir est en effet une réalité physiologiquement et psychologiquement
plus complexe que la douleur et son étude ne peut être entreprise qu’en le situant par
rapport aux besoins fondamentaux de la vie organique, sociale et culturelle.

5.8.2 Étude psychanalytique


Travaillant dans cette direction, la psychanalyse freudienne renouvelle et enrichit, sur
une base expérimentale, la conception du plaisir, centrant son étude sur le plus
méconnu : le plaisir sexuel. La conception freudienne du plaisir peut se résumer à par-
tir des quelques idées fondamentales suivantes.
Il convient de distinguer un plaisir de fonction, qui naît de la satisfaction
d’une activité vitale, et un plaisir d’organe. Pour le nourrisson, téter le sein de sa mère
est, par exemple, un plaisir de fonction, sucer son pouce un plaisir d’organe. Le plaisir
d’organe naît de la réduction agréable de tensions provoquées dans certaines régions
du corps nommées zones érogènes. En principe, n’importe quelle région du corps
peut être ou devenir une zone érogène, mais, en fait, certaines d’entre elles y sont plus
particulièrement prédisposées : régions orale, anale, génitale, pointe des seins, etc.
Il existe, bien entendu, un plaisir de fonction en ce qui concerne la sexualité,
lié à l’accomplissement du coït, mais la psychologie traditionnelle l’a pris en consi-
Intégration des données sensorielles par le cerveau 289

dération, assimilant pratiquement les deux notions de sexualité et de génitalité. En


réalité, selon Freud, le plaisir génital de l’organisme physiologiquement adulte est
précédé, dans la prime enfance d’une série complexe de satisfactions dues à l’excita-
tion des zones érogènes, à la réduction de cette excitation indépendante de toute fonc-
tion vitale. Tel est le sens de la découverte freudienne de la sexualité infantile et de
l’auto-érotisme. La manière dont l’être humain réalise sa sexualité dans ces phases
antérieures à la puberté est déterminante pour son équilibre affectif ultérieur.
Ce qui a longtemps caché à l’observateur l’existence du plaisir sexuel prégé-
nital est que celui-ci s’appuie sur des fonctions vitales qui, contrairement à la génita-
lité, existent dès la naissance. Le nourrisson qui tète connaît un plaisir d’abord
alimentaire, mais sur lequel vient se greffer, comme une « prime », un plaisir d’une
nature déjà sexuelle dont la succion du pouce n’est que le substitut. Le plaisir dû à
l’excitation des zones érogènes ne peut pas s’expliquer en termes purement physio-
logiques. Ces zones, dans un contexte psychosocial variable selon les différentes cul-
tures humaines, sont en effet les points par lesquels le corps de l’enfant entre en
relations affectives profondes avec son entourage humain, les lieux où se localise en
quelque sorte l’amour qu’on lui porte. D’où leur importance purement psychologique
et le rôle qu’elles jouent dans la constitution de sa personnalité.
Généralisant les vues précédentes, Freud a été amené à faire de la recherche
du plaisir sous toutes ses formes, qu’il désigne sous le nom de principe de plaisir, l’un
des deux principes fondamentaux qui régissent la vie humaine. Le principe de plaisir
exige la satisfaction, par les voies les plus courtes, de toutes les pulsions conscientes
ou inconscientes du psychisme humain. Mais il se heurte très tôt à un principe anta-
goniste, le principe de réalité, qui impose la renonciation au plaisir à cause des con-
séquences fâcheuses qui en résulteraient pour l’individu, du fait des interdits
socioculturels.

5.8.3 « Principe de plaisir », « principe de réalité »


Le principe de plaisir constitue, pour Freud, un des deux principes régissant le fonc-
tionnement mental : l’activité psychique, dans son ensemble, a pour but d’éviter le
déplaisir et de procurer le plaisir. Freud précise que ce principe est un principe éco-
nomique, dans la mesure où, si le déplaisir est lié à l’augmentation des quantités
d’excitation, le plaisir, en revanche, est lié à leur réduction.
Or la notion de principe de plaisir intervient principalement dans la théorie
psychanalytique en étant liée à celle de principe de réalité, ces deux principes consti-
tuant les deux principes du fonctionnement psychique.
Cela met en lumière la raison pour laquelle, en psychanalyse, le plaisir ne
peut être assimilé à « l’apaisement d’un besoin ». La notion de plaisir apparaît, en
effet, sur ce terrain, davantage liée à des processus (« l’expérience de satisfaction »,
par exemple), à des phénomènes (le rêve), dont le caractère irréel est évident. C’est
dans cette perspective que se joue l’antagonisme entre ces deux principes, l’accom-
290 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

plissement d’un désir inconscient répondant à d’autres exigences et fonctionnant


selon d’autres lois que la seule satisfaction des besoins vitaux.
Le principe de réalité est énoncé comme tel par Freud en 1911, dans son
ouvrage intitulé Formulation sur les deux principes du fonctionnement psychique.
Régulateur du fonctionnement psychique, il apparaît secondairement comme modifi-
cation du principe de plaisir, qui règne d’abord en maître. Son instauration correspond
à toutes sortes d’adaptations que doit subir l’appareil psychique : développement des
fonctions conscientes, attention, jugement, mémoire, naissance de la pensée, etc.
Étant donné l’existence de ces deux principes, la recherche de la satisfaction
ne peut s’effectuer par les voies les plus courtes, mais emprunte des détours et ajourne
son résultat en fonction des conditions imposées par le monde extérieur.
Il convient d’ajouter que, si dans leur développement, les pulsions d’autocon-
servation sont amenées à reconnaître pleinement l’emprise du principe de réalité, par
contre les pulsions sexuelles ne « s’éduqueraient » qu’avec retard. Elles resteraient du
domaine privilégié du principe de plaisir, cependant que les pulsions d’autoconserva-
tion représenteraient rapidement les exigences de la réalité.

5.8.4 Plaisir, humeur et affectivité


Si la recherche du plaisir représente une motivation qui peut être rattachée à des états
cognitifs, l’humeur et l’affectivité peuvent être étroitement dépendants des états
neuro-endocriniens des individus. L’humeur, selon Delay, est « une disposition
affective fondamentale, riche de toutes les instances émotionnelles et instinctives, qui
donne à chacun de nos états d’âme une qualité agréable ou désagréable, oscillant
entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur. L’humeur est à la sphère thy-
mique qui englobe toute l’affectivité… ». Mais, pour J.D. Vincent, nous ne pouvons
pas considérer qu’il existe une réelle opposition entre l’émotif et le cognitif, entre les
sentiments et la pensée. Notre « soupe » neuronale balance ainsi entre des composi-
tions qui changent nos humeurs et influencent notre analyse sur nos propres états
affectifs. Nos estimations du bien et du mal, du plaisir ou du désagrément, de l’amour
ou du dégoût dépendent des états des différents étages perceptifs au moment des
stimulations : l’étage neuronal intègre les données rapidement et incite les réponses
affectives ou agressives immédiates (les cris de joie et gesticulations à la fin d’un
match dont nous sommes victorieux) ; l’étage hypothalamique apprécie et ajuste les
réponses « plaisir-répulsion » plus tardivement et sur des périodes durables.
Même si les états affectifs tendent finalement vers un équilibre optimisant le
comportement pour parvenir à une sensation de satisfaction, car nous nous créons une
hiérarchisation des états affectifs (agréables : joie, victoire, bien, amour, rapproche-
ment des autres- désagréables : désespoir, défaite, haine, dégout, éloignement). Cette
hiérarchie revient à classer dans notre mémoire ancestrale des critères affectifs qui
accélèrent et optimisent nos choix. Mais il est fréquent qu’un conflit dans le choix
apparaisse. L’humeur du moment, c’est à dire l’équilibre dans la composition de la
soupe nourrissant les neurones est rompu et les niveaux hiérarchiques ne sont pas
Intégration des données sensorielles par le cerveau 291

retrouvés. Il apparaît un conflit qui s’il devient chronique conduit à une « névrose »
identique à celle que l’on produit expérimentalement chez le rat soumis à une stimu-
lation désagréable. Il peut l’éviter en appuyant sur une pédale qui empêche l’envoi du
choc électrique. Il s’habitue à ce choix après quelques tests. Si on dérègle le système,
le rat ne sait plus si son choix est le bon et il développe rapidement ce que l’on nomme
une « névrose expérimentale ». Certains psychothérapeutes considèrent que l’ano-
rexie peut être traitée en déplaçant les choix. Si le problème vient d’un conflit mère-
fille, il est fondamental de dissocier le conflit affectif du problème prise alimentaire.
L’option est de déplacer le conflit vers le soignant qui restera neutre sans chercher à
s’attirer l’affection du malade puisque la pathologie résulte déjà d’un trouble affectif.
Les troubles obsessionnels compulsifs relèvent aussi de tels conflits de choix.
Les sujets sont en permanence dans l’indécision. Selon le Modèle cognitif (Mihaescu
& Delsignore, 1998) les pensées s’organisent entre la vulnérabilité biologique (la
soupe neuronale), la vulnérabilité psychologique et les modèles placés dans la
mémoire. Lors du traitement de l’information le cerveau compulsif introduit un élé-
ment représentant un danger si le choix n’est bon. Cela conduit à un état de détresse
puis de panique et enclenche un comportement visant à réduire l’anxiété, c’est-à dire
un retour à un examen de la source du conflit, etc., ce qui réactive l’angoisse et le bou-
clage du comportement.

5.8.5 Morphines endogènes et plaisir


La physiologie de la faim que nous décrivons plus haut, rejoint parfaitement le besoin
de plaisir. Elle fait appel à un ensemble de phénomènes complexes, mettant en jeu le
système nerveux central et le système neurovégétatif, le métabolisme corporel et
divers stimuli d’ordre réflexe.
La prise alimentaire associe le besoin métabolique au plaisir et la satiété
revient à l’estimation de la couverture des besoins et à l’inhibition des structures
impliquées dans le plaisir. Il en est de même de diverses substances comme l’alcool,
le tabac, les diverses drogues qui agissent sur des voies nerveuses comme celles du
noyau du raphé. Toutes ces substances agissent sur des composantes d’une boucle
nerveuse « besoin – recherche de la satisfaction – récompense » (figure 5.14) impli-
quant la libération de dopamine.
Dans certaines maladies neurologiques, la libération excessive d’opiacés
endogènes ou l’insuffisance d’efficacité des boucles du contrôle inhibiteur peuvent
conduire à rechercher une continuelle libération d’opiacés endogène et le malade agit
alors selon des pulsions qui satisfont ses besoins de se faire plaisir grâce à la libération
d’opiacés. Cela conduit à une boucle non interrompue sensation-plaisir comme dans
les crises maniaques.
On sait actuellement que la plupart des voies sensorielles forment des con-
nexions avec des structures riches en récepteurs des opiacés (figure 5.15).
292 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Alcool
A Nicotine Opiacés

Endorphines GABA
Benzodiazépines
ATV Alcool
Cocaïne NA Canabis
Amphétamines Nicotine
Hippocampe H
Récompense
Hipothalamus (H) Opiacé
Besoin
(lié au récepteur
Cocaïne présynaptique réduit la
(inhibe la libération d’Ach et DA)
Amphétamines recapture
(bloquent la libération Noyau
B des catécholamines) Accubens (NA)

Aire Tegmentale
Ventrale (ATV) Toxines LSD Alcool
(empêchent (agoniste de (augmente les
la conduction) sérotonine) récepteurs de GABA)

Figure 5.14
Drogues
Actions de certaines drogues sur le système nerveux. Ces schémas sont destinés à montrer que l’impact des dro-
gues est très varié. L’alcool, la nicotine et les opiacés agissent sur les noyaux du raphé dorsal et dans d’autres
voies notamment dopaminergiques (A). La cocaïne et le canabis agiraient sur le noyau accubens. Comme le
montre le schéma d’un circuit de neurones liant l’hypothalamus au noyau accubens (B), les drogues agissent à
des niveaux très variés des corps cellulaires : les toxines altèrent la conduction des messages électriques, les
amphétamines empêchent la libération de catécholamines, le LSD agit en se substituant à la sérotonine.

5.8.6 La notion de pulsion

La pulsion en psychanalyse s’entend d’un processus dynamique consistant en une


poussée (charge énergétique), facteur de motricité qui fait tendre l’organisme vers un
but. Selon Freud, une pulsion a sa source dans une excitation corporelle ; son but est
de supprimer l’état de tension qui règne à la source pulsionnelle ; c’est dans l’objet,
ou grâce à lui, que la pulsion peut atteindre son but.

En allemand, il existe deux termes : Instinkt et Trieb, employés indifférem-


ment par certains auteurs pour évoquer la notion de pulsion. Pour Freud, on trouve les
deux termes, mais dans des acceptions distinctes. Quand il parle d’Instinkt, c’est pour
qualifier un comportement animal, caractéristique de l’espèce considérée et adapté à
son objet. Le terme de Trieb, au contraire, met en évidence la notion de « poussée »
propre à la pulsion chez l’être humain.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 293

STIMULATION SENSORIELLE

Système de l’activation d’une action

Action gratifiante Action utile pour


possible éviter la douleur
Plaisir ou face au danger

Activation de Activation de
FMT PVS

DÉSIR FUITE
Si impossible
SATISFACTION AGRESSIVITÉ LUTTE

Figure 5.15
Un exemple de séquence comportementale initiée par la douleur (stimulus nociceptif) ou le danger. La séquence
passe par les voies de l’hypothalamus paraventriculaire (PVS) ce qui enclenche une séquence motrice de fuite
et/ou d’agressivité si la fuite n’est pas la bonne option (obstacle, force insuffisante…). Cela conduit à une situa-
tion d’équilibre telle qu’il n’existe plus de motivation ou de désir. L’aboutissement est ainsi analogue à la voie
liée à la pulsion et le besoin de satisfaire un plaisir. Cette voie passe par le faisceau médian du télencéphale
(FMT).

La pulsion a des forces multiples, et cette pluralité suppose la notion d’oppo-


sition (ou de dualité). Pour la psychanalyse, en effet, les pulsions se rassemblent en
deux groupes qui s’affrontent, et c’est de cette opposition que naît la dynamique de
l’évolution du sujet, c’est-à-dire la dynamique de sa vie.

5.8.7 Toxicomanie et addiction

A. Les drogues

On place dans les drogues une quantité très variée de substances dont certaines sont
des substances à caractère thérapeutiques, d’autres n’ont aucun usage médical mais
sont utilisées comme hallucinogènes parce qu’elles provoquent chez celui qui
l’absorbe au début des sensations agréables. Ces dernières substances sont certaine-
ment parmi les plus dangereuses.

Le tableau 5.8 donne un aperçu non limitatif des substances que l’on peut
classer comme des drogues.
294 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Tableau 5.8
Quelques drogues fréquemment consommées
(Acc : accoutumance ; la cocaïne est la substance qui induit la plus forte accoutumance. Temps :
correspond au temps d’élimination moyen de la drogue en heures (sauf hallucinogènes où le
temps est en jours)
Notez qu’un grand nombre des substances considérées comme des drogues sont aussi des médi-
caments. C’est le cas des substances comme la morphine indispensable pour soulager la douleur
aigue des patients, des benzodiazépines d’usage courant en neurologie et neuropsychiatrie ou
encore des analgésiques utilisés comme anesthésiques chirurgicaux.

Classe Nom Nom vulgaire Acc. Effets Temps


Stimulant
Amphétamine Benzedrine speed ++ Euphorie 24-72
Perte de sommeil
Méthylenedioxy- Ecstasy NDMA + Insomnies, vertiges, 24-72
métamphétamine excitation
Cocaïne crack ++ Sensation de plaisir ; 24-96
hallucinations
Analgésiques semi-synthétiques
Codéine Tylénol Schoolboy + Somnolence, 24-72
Codéine (vient nausées,
de l’opium) excitation
Morphine Roxanol Morph +++ Dépresseur, 24-72
antidouleur
Euphorie, délire
Analgésiques synthétiques
Méthadone Phénadon Dollies ++ Somnolence, 72
Dolophine myosis
Propoxyphène Darvon 0 Somnolence 6-48
myosis
Meperedine Demerol Pain killer ++ Somnolence, 24-72
syncopes,
hallucinations
Hallucinogènes
Cannabinoïdes Marijuane Hasshich, + Psychédélique
Tétrahydro- chanvre
cannabinol
Acide lysergique LSD acide ++ Troubles perceptifs 1-5
hallucinations jours
Phencyclidine PCP ++ Psychose 14-30
agressivité jours
Cocaïne Alcaloïde Coke +++ Psychostimulant
délire, hallucination,
TOXICOMANIE
Dépresseurs
Barbituriques Phénobarbital Downers ++ Somnolence, 4-12
Mortel à 4 grammes
Intégration des données sensorielles par le cerveau 295

Classe Nom Nom vulgaire Acc. Effets Temps


Benzodiazépines
Diazépan Valium + Tranquillisant,
Somnolence, ataxie,
troubles visuels
Tabac +, Effet psychostimulant
Action de la nicotine
sur le systeme limbique
Alcool + Dépresseur, parfois 1
excitateur, Syndrome
de Korsakoff

B. L’abus de drogues

L’abus de drogues comme les psychostimulants, l’amphétamine, la cocaïne entraîne


une augmentation plus ou moins notable de la dopamine des noyaux gris centraux.
L’excès de dopamine active les récepteurs morphiniques liés à la sensation de plaisir.
Les tests sur les animaux montrent que le noyau accubens est fortement
impliqué dans le phénomène d’addiction et d’accoutumance à la prise de drogue.
Un animal présentant un système de micropompe relié au noyau accubens et
qui a déjà consommé de la drogue active la pédale qui enclenche l’injection de dro-
gue. Si on injecte un antagoniste préalablement dans le noyau accubens, l’animal ne
sollicite pas de drogue. L’injection massive d’antagonistes des récepteurs de dopa-
mine produit également une inhibition du besoin de drogue.
L’intoxication tabagique via la nicotine a des effets qui ressemblent beau-
coup à ceux des psychostimulants, mais la nicotine agit surtout sur les récepteurs
dopaminergiques du système mésolimbique.

C. Intoxication alcoolique

L’excès d’alcool (intoxication à l’éthanol) conduit à divers symptômes neuro-psy-


chiatriques qui échappent à la perception du malade, dont le syndrome de Korsakoff.
Le syndrome de Korsakoff est une maladie caractérisée par une amnésie por-
tant sur les souvenirs récents et sur une affabulation destinée à compenser les oublis.
L’origine en est d’abord alcoolique, car elle vient de lésions dégénératives du thalamus
et des corps mamillaires (zone postérieur de l’hypothalamus), mais la cause profonde
vient de l’apparition d’une carence chronique en thiamine, un acide aminé indispensa-
ble au fonctionnement neuronal. Sa disparition entraîne une mort de neurones.
Il faut remarquer que l’existence d’altérations de la mémoire liées à des
lésions hypothalamiques indique que cette structure pourrait jouer un rôle dans la
consolidation des informations qui doivent être mémorisées dans le cortex.
296 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

L’E S S E NT I E L À R E T E NI R D U C H A P I TR E 5 :
IN T É G R A T I O N D E S D O NNÉ E S SE N SO R I E LLE S
Explorer
Les troubles des comportements
L’interrogatoire préalable doit comporter l’historique des problèmes, c’est-
à-dire l’anamnèse, regroupant les faits qui ont conduit à la consultation,
l’évolution des troubles, les différents symptômes décrits par le patient.
Il faut préciser : – L’alimentation, la sexualité, la aspect sociaux pour soi-
même (dépendance, drogues) ou pour les autres (agressivité, violence).,
la consommation éventuelle d’alcool, de drogue ?
– L’examen comportemental doit se faire en dehors de l’influence du
récit du sujet et de ses proches. Il faut évaluer le niveau d’activité, la
facilité de communiquer, l’existence de gestes répétitifs,l’autonomie
du malade dans sa vie quotidienne, l’état affectif, l’humeur, la qualité
de sa sexualité, l’agressivité ou l’indifférence pendant l’entretien, la
familiarité éventuelle, une désinhibition, les capacités intellectuelles
(raisonnements élémentaires, mémoire, logique, calcul simple).
– En fonction des observations préliminaires, l’examen neurologique
cherchera des troubles sensori-moteurs, des signes neurologiques tra-
duisant une atteinte centrale, des troubles organiques (objectivés par
des mesures de tension, de pouls, de respiration ou d’analyses biolo-
giques. Lorsque des altérations centrales semblent en cause, une ana-
lyse EEG et peut-être l’imagerie cérébrale s’imposent.
Explorer le sommeil
– Tests psychométriques, test d’Epworth, un questionnaire simple portant
sur les habitudes domestiques du sommeil et sur les éventuels troubles.
Des questionnaires plus documentés sont nécessaires (tableau 5.4).
– L’électro-encéphalographie (EEG) : indispensable pour objectiver les
différents états de sommeil en particulier pour quantifier les phases de
sommeil paradoxal. Le rythme alpha indique généralement une phase
de synchronisation optimale des oscillations des neurones pyrami-
daux, donc une faible activité de veille. Le sommeil onde lente est
riche en ondes théta. Ce rythme est aussi celui, très constant de l’hip-
pocampe, la structure essentielle dans la mémoire. Des rythmes désyn-
chronisés cohabitent avec des ondes lentes typiques du sommeil
paradoxal, la phase de rêve. Notez que l’observation des mouve-
ments oculaires rapides (REM) et la perte de tonus musculaire pendant
le sommeil indiquent aussi le passage par du paradoxal. Les tracés
recueillis permettent de dresser l’hypnogramme de chaque sujet
Intégration des données sensorielles par le cerveau 297

– (figure 5.6) représentant le temps passé dans chacune des phases de


sommeil au cours d’une nuit.
– Polysomnographie : le patient, porteur d’électrodes EEG, ECG et res-
piratoires, entre en observation pour deux à trois jours afin d’observer
par caméra son activité, ses mouvements pendant le sommeil. C’est
un examen lourd et long qui ne se justifie que si le patient dit avoir
des troubles sérieux du sommeil voir de l’insomnie et que la thérapie
dépendra de ces observations.
– Magnétoencéphalographie : à la différence de l’EEG, la MEG
détecte les faibles émissions magnétiques des dipôles neuronaux et
représentent plus précisement des phases d’activités coordonnées de
plusieurs champs neuronaux, indétectables par EEG.
Explorer la vigilance
– Temps de réaction : c’est la mesure du temps séparant l’apparition
d’un item et la réponse détectée par appui sur un bouton.
– Test de barrage de signes : le sujet doit barrer rapidement une lettre
ou un caractère dans une longue liste de lettres (test de barrage de
cloches, de lignes, de nounours chez l’enfant).
– Dessins spontanés ou à reproduire : tests très riches en informations sur
la vision, les capacités graphiques, sur l’existence de lésions corticales…
– Batterie TEA de Zimmermann et Fimm : le sujet doit surveiller l’appa-
rition inopinée d’une cible et répondre instantanément. Ce test est
associé à la mesure du temps de réaction.
Explorer les troubles de l’alimentation
– L’interrogatoire peut apporter des informations sur les habitudes ali-
mentaires, l’existence de maladies métaboliques comme le diabète,
des troubles thyroïdiens ou hypophysaires. Cependant, il est parfois
nécessaire d’utiliser des critères plus objectifs : le poids et sa variation
trop rapide, le rapport taille/poids permettant d’évaluer les risques
d’obésité ou inversement un problème de perte de poids. Les mesures
des plis de la peau permettent d’évaluer la charge lipidique, l’hydra-
tation, l’élasticité directement liées à la surcharge pondérale par
exemple. Les analyses plus poussées sont : soit des mesures de méta-
bolisme en chambre calorimétrique avec exercice (chambre d’Atwa-
ter), la mesure des ingestats/excrétats, des dosages sanguins.
– La mesure des besoins en eau est plus difficile à évaluer. Ainsi,
l’enfant et le vieillard peuvent souffrir d’états de déshydratation sans
présenter un besoin de boire. Cependant les états de déshydratation
sont assez facilement identifiables surtout chez l’enfant ou le vieillard.
Chez l’un comme chez le second, les récepteurs volémiques sont inef-
ficaces et n’enclenchent pas de sensation de soif en tant que signal
298 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

– d’alerte vital. Il faut y palier en imposant une consommation d’eau


minimale. L’état de la sphère orale, l’apparition de diarrhée, de dés-
hydratation doivent alerter.
Les comportements violents
– L’analyse des comportements violents est délicate car le diagnostic
doit être fait au cours d’une crise dénoncée par les proches, par la
police ou par les soignants. Le patient est rarement consentant sauf si
ses crises violentes nuisent à sa vie sociale et/ou professionnelle.
L’étude comportementale doit comporter un avis des parents, des pro-
ches, des collègues ou des responsables sans toutefois en faire des
éléments absolus de diagnostic. L’analyse est celle que nous repre-
nons pour tous les troubles comportementaux. Si le patient peut parler,
ses explications relèvent-elles du délire ou son comportement est-il dû
à un incident souvent insignifiant, inaperçu ? A-t-il consommé de
l’alcool, de la drogue, est-il en manque, en sevrage ?
– Le comportement violent est-il sans but cohérent particulier ? Le
malade dirige-t-il sa violence contre lui ? Automutilation ? Contre les
autres ? Les symptômes sont-ils du domaine neurologique ou
psychiatrique ? Les symptômes se prolongent-ils avec hyperactivité,
logorrhée, hallucinations, ou est-il manifestement dépressif ?
– Les bonnes questions à poser devant un enfant violent :
- Est ce que l’enfant remue sans arrêt ? Est-ce qu’il a du mal à parti-
ciper à une activité calme plus de quelques minutes ? Est-ce qu’il
bouscule les autres sans réfléchir aux risques pour les autres ou
pour lui-même ? Est-ce qu’il quitte sa place sans arrêt ? Est-ce qu’il
parle beaucoup sans tenir compte des réactions des autres ?
- L’enfant est peut-être un hyperactif : est-il attentif pendant une
activité ? Écoute-t-il ce que vous lui dites ? Néglige-t-il les activités
habituelles des enfants de son âge ? Parvient-il à organiser son
travail ? Les devoirs sont-ils faits ou inachevés, perd-il ses affaires ?
- L’enfant présente des déficits d’attention : ne s’intéresse-t-il pas ou
peu aux activités des autres ? Est-il souvent impliqué dans des acti-
vités violentes ? Langage limité et parfois violent ? Supporte-t-il mal
les rappels à l’attention ? Est-il violent sur lui-même ? Sur les autres,
ses parents en particulier ? Violence directe physique ou verbale ?
Les comportements sexuels
– Contrôles physiologiques : taux hormonaux, ovulation, règles, com-
position du sperme, capacités sexuelles : existe-t-il des troubles de
l’érection, des anomalies de formation (cryptorchies anciennes) et de
l’écoulement du sperme (varicocoele) ? Y a-t-il un soupçon d’anomalie
génétique (Klinfelter, Turner, syndrome adiposogénital) ?
Intégration des données sensorielles par le cerveau 299

– Contrôles psychologiques : interrogatoire sur les habitudes sexuelles.


Existe-t-il un trouble comportemental (stress, dépression), une maladie
neurologique (lésion cérébrale, tumeur) ?
– Anomalies psychiatriques : y-a-t-il des antécédents familiaux.
Les comportements addictifs
– L’interrogatoire porte sur les habitudes : tabac, alcool et sur la con-
sommation de drogues.
– Examiner l’état physiologique général. État de stress, dépression.
L’addiction est-elle installée ?
– L’objectivation des symptômes conduit à orienter le patient vers une
consultation spécialisée. Évaluation des activités gestuelles (habileté,
coordination…), état des mémoires, comportement social, agressivité.
Le patient présente-t-il une auto-agressivité. Évaluer les consommations
souvent volontairement sous-évaluées ou justifiées ; drogues dures,
passage aux drogues douces vers drogues dures. Les traces des dro-
gues comme la cocaïne, la morphine et cannabis sont mesurées par
des kits de dosage de la salive ou de l’urine.
Connaître des troubles des comportements cognitifs
Troubles de La motivation
Ils représentent une composante importante des troubles comportementaux
que nous développeront dans le dernier chapitre.
Les principaux troubles de la motivation sont :
– L’aboulie : troubles de la volonté et perte de spontanéité dans les
actes, forte distractibilité, mais capacités intellectuelles préservées.
– Le mutisme akinétique : apathie, indifférence, langage spontané très
limité. Lésion uni- ou bilatérale du corps calleux.
– Le syndrome athymormique : lié à un infarctus du striatum-capsule bila-
téral. Absence d’auto-activation motivationnelle et troubles affectifs.
– La perte d’auto-activation (PAAP). L’apathie représente plus une alté-
ration de la volonté que celle de la motivation, même si elle peut
entraîner des anomalies comportementales sérieuses. Lésions bilatéra-
les du pallidum et/ou des liaisons pallido-thalamo-frontales.
Les troubles du sommeil (quelques-uns dans l’ordre de fréquence et de gravité)
– L’insomnie : réduction et altération de la qualité du sommeil.
– L’apnée du sommeil (ou syndrome de Pikwick) : suspension plus ou
moins durable de la respiration pendant le sommeil.
– Hypersomnie cataleptique.
– Le syndrome de la jambe sans repos (Restless Syndrom) : il apparaît
pendant le sommeil des mouvements incontrôlables d’une jambe avec
une fréquence variable mais gênante pour les patients car elle altère
plus ou moins la qualité du sommeil.
300 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Les troubles de l’attention et de la vigilance


– Syndromes liés à des altérations du tronc cérébral.
– Syndrome préfrontal.
– Lésions hippocampiques.
– Syndrome préfrontal et syndrome frontal.
– Liées à des lésions ou des tumeurs, ces altérations sont fréquentes lors
des traumatismes crâniens.
– Syndrome thalamique.
– Effets de la résection des deux lobes temporaux : l’ablation chirurgi-
cale des deux lobes est utilisée pour traiter des épilepsies bitempora-
les sévères ; entraîne une absence d’initiative et des troubles de la
personnalité. L’ablation bilatérale des cornes de l’hippocampe réduit
plus manifestement la vigilance.
Principaux troubles du comportement alimentaire
– Boulimie : recherche du plaisir par absorption de grandes quantités
de nourriture généralement non gardée.
– Anorexie : refus et répulsion pour les aliments.
– Hyperphagie : absorption d’aliments très supérieure aux besoins.
– Hypophagie : observée dans des maladies altérant la sensation de
plaisir, dans des cancers, dans certains troubles mentaux.
Les troubles du comportement dipsique
– La polydipsie : sensation de soif permanente qui impose de boire
beaucoup.
– La potomanie : besoin de boire par habitude comme dans l’alcoolisme.
– L’adipsie : l’absence de besoin de boire est observée dans de rares cas
comme dans l’anorexie et fréquemment chez les personnes âgées.
Les principaux syndromes comportant des comportements violents
– Psychose et schizophrénie : la perte de contact avec la réalité peut
s’assortir d’accès de violence.
– Paranoïa, proche des psychoses mais avec délire de persécution et
de danger. Cette déstructuration peut s’accompagner de violence.
– Névroses : conflit psychique refoulé. La violence se trouve dans les
névroses obsessionnelles.
– Syndromes alcooliques : les cas de violence envers le conjoint et
l’enfant sont fréquents.
– Syndromes liés à l’addiction pour des drogues ou l’alcool.
– Agressivité et violence liées à la souffrance.
– La violence des démences séniles et Alzheimer.
– La violence dans les états dépressifs à rapprocher des violences suici-
daires des mélancoliques. L’apparition de phases de violence auto-
Intégration des données sensorielles par le cerveau 301

– auto-agressive ou hétéro-agressive chez les dépressifs fait souvent


craindre un risque de suicide.
– La violence des autistes est inconstante et déterminée par les altérations
corticales liées aux troubles génétiques spécifiques de l’ontogenèse.
Les troubles des comportements sexuels
– Troubles d’origine organique : infécondité par exemple.
– Troubles psychiques : difficultés d’accomplissement de l’acte sexuel.
– Déviation sexuelle (voir tableau 5.6).
Les troubles des comportements addictifs
– Alcoolisme : intoxication alcoolique ; syndrome de Korsakoff.
– Drogues ; tabagisme.

Résumé du chapitre 5
Les comportements
Le déterminisme des comportements humains est le résultat des influen-
ces centrales, corticales et endocriniennes. La motivation est l’ensemble
des informations neurosensorielles qui incitent le sujet à réaliser les ges-
tes comportementaux qui permettront de satisfaire un but prédéfini. Ce
but peut être défini génétiquement, socialement ou faire partie des habi-
tudes familiales ou personnelles. Mais, si les niveaux de la hiérarchie de
l’intégration cérébrale le demandent parce que la motivation est com-
plexe, le sujet créera un nouveau programme comportemental à partir
de ses apprentissages, des expériences mémorisées et de la structura-
tion de son intelligence.
La veille et le sommeil
Nos comportements sont rythmés quotidiennement par l’alternance veille-
sommeil. L’état de sommeil joue un rôle important : il assure la régénéra-
tion des métabolites consommés pendant les activités psychomotrices, il
déconnecte le cerveau pendant les phases de sommeil profond et de som-
meil paradoxal, ce qui permet le transfert, le tri, le classement et la mémo-
risation des informations acquises pendant la vigilance, et il permet en
outre la relaxation musculaire, puisque la motricité est déconnectée pen-
dant le sommeil.
L’attention
Les mécanismes volontaires de l’attention sont indépendants du sommeil.
La principale structure impliquée dans le maintien de l’attention est le lobe
frontal. L’attention est l’état de conscience au cours duquel notre cerveau
capture, analyse et intègre le mieux les signaux sensoriels. Les sujets souf-
frant d’altérations qui affectent le lobe frontal présentent un syndrome
caractéristique dans lequel ils perdent toute initiative et ne peuvent pas
prendre de décision spontanée, mais ils conservent une intelligence et une
mémoire normale.
302 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Les comportements alimentaires et comportements dipsiques


La faim et la soif sont des sensations fondamentales, vitales, délivrées par
des centres nerveux situés dans l’hypothalamus à partir des stimulations de
neurones les uns sensibles au niveau du glucose sanguin (glucorécepteurs)
pour la faim, les autres au niveau de sodium libre sanguin pour la soif. La
stimulation de ces centres entraîne une activation des centres limbiques qui
enclenchent un comportement de recherche et de prise alimentaire, en
fonction de données sensorielles (olfactives, visuelles), chronobiologiques,
humorales. Le comportement débute par une sensation de plaisir qui
s’achève à la satiété. Beaucoup de facteurs personnels et socio-profession-
nels modifient les comportements alimentaires. La qualité de la prise ali-
mentaire peut être altérée par tous les processus qui altèrent les
comportements : le stress, la dépression, les états psychotiques. Parmi les
troubles fréquents : la boulimie (recherche du plaisir de la prise alimentaire
sans garder les aliments), l’hyperphagie (prise excessive d’aliments), l’ano-
rexie (absence d’intérêt pour l’acte alimentaire), l’hypophagie (surtout fré-
quente chez le vieillard et les grands malades).
Le comportement dipsique est moins complexe au niveau central, mais
les mécanismes de régulation du métabolisme hydrique sont très variés :
des osmorécepteurs centraux et périphériques, des barorécepteurs caro-
tidiens et rénaux. Les variations de volume liquidien, donc de pression
sanguine stimulent des récepteurs justaglomérulaires rénaux qui libèrent
une hormone, la rénine. La rénine active la conversion d’un peptide,
l’angiotensine qui agit sur les centres cérébraux pour former la sensa-
tion de soif.
L’agressivité et la violence
L’agressivité naturelle est programmée dans le système limbique et son
expression est liée aux sécrétions hypothalamus-hypophyse-surrénales.
L’agressivité est réprimée par l’apprentissage et l’intégration sociale.
La violence apparaît de manière primaire dans les comportements psy-
chotiques, on parle de violence fondamentale : c’est le cas dans les
démences paranoïdes, les schizophrénies ou les psychoses.
La violence n’apparaît que secondairement quand les structures cortica-
les réprimant la violence ne sont plus capables d’exercer un contrôle :
La violence est une agressivité dont le seul but est l’autodestruction ou
l’hétérodestruction. Les mécanismes qui refoulent la violence et répri-
ment les réponses instinctives sont absents dans certains troubles com-
portementaux.
Les comportements sexuels
Le comportement sexuel humain est dépendant : de facteurs primaires tels
que le sexe génétique, la sexualisation de l’hypothalamus, la maturation
physiologique des caractères sexuels secondaires puis des cycles neuro-
endocriniens qui associent la fécondité à des signaux sensoriels significa-
tifs pour les individus en âge de procréer.
Intégration des données sensorielles par le cerveau 303

L’espèce humaine en se dotant de structures socio-culturelles et religieuses


contrôlant les comportements a apporté des modifications profondes des
déterminants sexuels telles que l’intégration sensorielle au plus haut niveau,
une codification des comportements sexuels, et les a refoulés dans les struc-
tures limbiques primitives. Il existe ainsi un grand nombre d’altérations du
comportement sexuel, dont certaines ne sont que des troubles primaires dus
à des troubles neurologiques (troubles de l’érection, du désir) ou à des per-
turbations endocrines (maladie de Kalmann ou syndrome adiposogénital).
D’autres altérations sont à placer dans des troubles psychiatriques, comme
dans certaines névroses obsessionnelles, dans des schizophrénies, dans les
troubles de la libido. Il peut exister alors une violence sexuelle destinée à
détruire l’objet sexuel cause du mal-être du psychopathe.
Plaisir et toxicomanie
Le plaisir est généré par la stimulation de neurones libérant des opiacés
endogènes dans la région septale. Le plaisir représente une motivation
comportementale majeure. Dans tous nos comportements existe une part
de recherche de plaisir qui est parfois le déclencheur essentiel de la prise
alimentaire, des comportements sexuels, mais aussi dans les déviances
psychiques et dans la consommation de drogues et d’alcool. Dans ces
situations, la recherche du plaisir peut primer sur les besoins fondamen-
taux jusqu’à devenir un besoin et non plus une simple récompense. Le
besoin impérieux de substances rétablissant une sensation agréable ou de
plaisir crée l’addiction. Si le plaisir n’est que la sollicitation de circuits cen-
traux impliquant la libération d’opiacés endogènes, l’addiction devient
une situation de contrainte jusqu’à la souffrance, car la saturation des
récepteurs des opiacés ne permet plus de parvenir à la satisfaction. Ce
sont alors les récepteurs de la douleur qui sont activés sans disposer de
l’atténuation apportée par les opiacés.

QUES TIONS
1. À quels mécanismes comportementaux se rattachent l’autostimulation et
l’auto-interruption ?
2. L’électro-encéphalogramme est une technique indispensable pour objec-
tiver les états de vigilance. En vous référant aux sections 1.4.3, 3.3.2,
5.2 et 5.3, attribuez les ondes correctes aux événements du cycle
journalier :
1. Ondes alpha a) Veille active
2. Ondes bêta b) Veille diffuse-somnolence
3. Ondes théta c) Sommeil profond
4. Ondes delta d) Sommeil paradoxal
5. Est-ce que la boulimie équivaut à l’hyperphagie ? Argumentez.
304 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

6. Le système hypothalamo-hypophysaire (SHH) joue un rôle important


dans le mécanisme de la faim. Quels sont les centres incriminés ? Quel
lien existe entre les besoins de prise alimentaire à certaines périodes de
la journée et le fonctionnement du SHH ?
7. Quelles sont les données expérimentales sur l’animal qui permettent
d’attribuer des fonctions spécifiques à certaines régions cérébrales
dans l’agressivité ? Quelles sont ces régions ? Quels sont les détermi-
nants neurophysiologiques qui interviennent dans l’agressivité ?

RÉF É R E NC E S
1. Berg Kathleen, Hurley Dermot, McSherry James, Strange Nancy, Les troubles du com-
portement alimentaire, Bruxelles, De Boeck, 2005, 352 p.
2. Billiard M., Le sommeil normal et pathologique. Troubles du sommeil et de l’éveil, Paris,
Masson, 1998.
3. Rigaud Daniel, Anorexie, boulimie et autres troubles du comportement alimentaire, Tou-
louse, Milan, 2002.
4. Rigaud Daniel, Pennacchio Hélène, Anorexie, boulimie et compulsions. Les troubles du
comportement alimentaire, Paris, Marabout, 2003, 323 p.
5. Vanderlinden Johan, Vandereycken Walter, Traumatismes et troubles du comportement ali-
mentaire. Guide diagnostique et thérapeutique, Dibeek (Belgique), Satas, 2000, 240 p.

S ITE S
Comportement :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Comportement
Comportement alimentaire :
http://psyfontevraud.free.fr/psyangevine/publications/semiologieCA.htm
Comportement sexuel :
http://www.sfscsexo.com/publi/pub2301.htm
Formation en psychiatrie infirmière :
http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychologie/psychologie/
Législation psy :
http://www.psy-desir.com/leg/spip.php ?article 1164
Motivation :
http://www.chups.jussieu.fr/polys/dus/duneuropsycho/troublescliniquesmotivation.pdf
Sexualité et signification :
http://phi.lap.free.fr/HTML/inconscient-sexuel/Inconscient-sexuel.pdf
http://www.med.univ-angers.fr/discipline/psychiatrie_adulte/doc-dossier/semiolo-
gie%20
psychiatrique.pdf
http://www.sfscsexo.com/publi/pub2301.htm

Sommeil :
http://neurobranches.chez-alice.fr/sommeil/sommeil.html
Troubles de l’alimentation :
http://www.caducee.net/DossierSpecialises/psychologie/anorexie.asp
Troubles de l’attention :
http://www.ifrns.chups.jussieu.fr/production/Bartolomeo-science.pdf
CHAPITRE
6
Comportements cognitifs :
apprentissage, mémoire,
communication

6.1 Conditionnement, apprentissage et plasticité cérébrale 307

6.2 La mémoire 315

6.3 Cognition et intelligence 334

6.4 Communications verbales et non verbales 343

6.5 De la perception du SOI au comportement social 353


306 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Dans ce chapitre, vous allez :


• Aborder les fonctions mentales supérieures sous les angles neurobiologi-
ques, psychologiques et cognitifs.
• Découvrir les méthodes d’analyse des fonctions cognitives.
• Étudier les principales déviations des fonctions cognitives.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 307

6.1 Conditionnement, apprentissage et plasticité cérebrale

Il est difficile de parler de l’apprentissage sans aborder les bases neurophysiologiques


du conditionnement, que l’on appelle l’apprentissage répondant ou apprentissage de
type I et de la mémoire. Il est bien plus délicat de relier les capacités d’apprentissage,
les performances mnésiques et l’intelligence.

6.1.1 Le conditionnement
Le conditionnement constitue la procédure de base de l’apprentissage car la réalisa-
tion d’associations fonctionnelles entre des voies neuronales normalement indépen-
dantes résulte de successions de conditionnements.
Décrit et étudié amplement chez l’animal, surtout à la suite des travaux de
Pavlov, le conditionnement implique des modifications majeures dans les circuits
neuronaux. Comme dans un apprentissage traditionnel, la première phase a un départ
purement sensoriel qui repose sur un réflexe non spécifique, c’est-à-dire un réflexe
qui se constitue quelle que soit la nature de la stimulation. La répétition d’un grand
nombre de stimulations engendre toujours la même réponse réflexe, en dehors du fait
qu’il apparaît un épuisement neuromusculaire. Il est donc préférable de procéder par
des séries de salves stimulantes.
Expérimentalement, le conditionnement peut être obtenu en associant un sti-
mulus aux salves. La nature du stimulus conditionnant peut être spécifique ou non,
mais, envoyé seul, ce stimulus n’entraîne pas de réponse d’un effecteur. Le stimulus
conditionnant suit le stimulus inconditionnel avec un délai constant dépendant de la
nature des voies concernées. Après un certain nombre de stimulations, le condition-
nement est effectif quand le stimulus conditionnant agit seul sur l’effecteur.
Les conditionnements sont réalisés soit par l’utilisation de stimulations sen-
sorielles, on parle de conditionnement instrumental, soit par l’association de deux
phénomènes physiologiques, c’est le conditionnement pavlovien.

RETENEZ :
Le conditionnement est un mécanisme d’apprentissage dans lequel un type de
stimulation (dite inconditionnelle) est suivie d’une récompense ou d’une puni-
tin (stimulus conditionnel) de sorte que les deux événements deviennent asso-
ciés. Cette association est instable et nécessite un renforcement périodique.

6.1.2 L’apprentissage
A. Les bases de l’apprentissage
L’apprentissage est l’étape neurosensorielle par laquelle commencent les processus
mentaux.
308 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Au début du développement des circuits neuronaux, le premier signal qui est


formé dans l’œil ou l’oreille embryonnaire progresse lentement le long des nerfs, car
la myélinisation est encore faible, bien que les voies nerveuses soient sommaires et
toujours très courtes au début de l’ontogenèse. Le signal nerveux pénètre dans le pre-
mier neurone de la chaîne qui est encore « naïf » (dont la membrane est intacte) car il
n’a jamais reçu d’information. La membrane est pauvre en protéines et les synapses
primitives symétriques ne sont pas ancrées sur la surface du neurone, ce qui permet
les réarrangements synaptiques indispensables pendant les phases d’apprentissage et
de recherche de la meilleure organisation des réseaux.
En outre, chez l’embryon, les neurotransmetteurs présents sont l’adrénaline,
l’acétylcholine et le glutamate. Dopamine, sérotonine et GABA n’augmenteront en
quantité qu’après des longues périodes de maturation, d’essais et erreurs et d’accroisse-
ment dans la densité et la longueur des arborisations dendritiques. Le rapport nombre
de synapses activatrices-nombre de synapses inhibitrices est quasiment 1 dans le paren-
chyme cérébral du fœtus, il deviendra 1/10 après quelques mois de vie postnatale. Ainsi,
c’est bien l’accroissement considérable des synapses inhibitrices qui va faire évoluer
l’apprentissage. Il s’agit d’abord d’un jeu dichotomique de type essai-erreur dans lequel
l’essai pendant l’apprentissage consiste à émettre une synapse et, lorsqu’il y a erreur, à
rechercher une meilleure implantation. Si la connexion formée s’avère utile, parce
qu’elle est sollicitée au cours du recueil et des premiers traitements d’informations,
alors, des synthèses protéiques consolideront cette synapse. Si elle s’avère inutile ou
que la zone de tests pré-synaptiques ne parvient pas à lire un code de validation,
l’espace sous-synaptique n’est pas consolidé, la synapse provisoire est éliminée.

B. L’apprentissage des odeurs et la réorganisation des circuits


dans les bulbes olfactifs
Ce processus d’apprentissage peut être observé dans les connexions qui se forment
entre les cellules olfactives et les glomérules olfactifs qui sont l’étage synaptique, ou
triade olfactive, connectant la cellule sensorielle, la cellule mitrale et une cellule gra-
nulaire particulière, la cellule péri-glomérulaire. Chez l’adulte, les cellules sensoriel-
les olfactives meurent lorsque leur membrane est saturée de molécules odorantes ou
lorsqu’un signal de fin de vie commande l’apoptose, c’est-à-dire la mort programmée
du neurone. Elles sont remplacées par les cellules germinatives. La figure 6.1 montre
le processus de mort et de renouvellement des circuits neuronaux. De nouveaux axo-
nes se forment et gagnent les glomérules. Lorsque les mêmes odeurs sont appliquées
au cours de la formation des axones, ceux-ci reprennent les mêmes connexions et
donneront des trains de potentiels ayant les mêmes patterns.
Or ce sont ici les signaux sensoriels qui provoquent l’activation du gène c-
FOS, gène qui induit une commande de synthèses protéiques, en particulier de récep-
teurs spécifiques. Mieux, dans cette structure glomérulaire, les cellules périgloméru-
laires qui perdent leurs connexions avec les axones des cellules sensorielles
disparaissent. Elles sont remplacées par des cellules venant de l’épendyme bordant
l’hippocampe. Ces cellules représentent un contingent de neurones de remplacement.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 309

Figure 6.1
Mort cellulaire et apprentissage
Mort et remplacement des neurones et plasticité cérébrale. Les structures olfactives représentent un modèle
remarquable de reconstruction permanente du matériel neuronal. Si l’on inflige une destruction massive de cellu-
les sensorielles olfactives par inhalation de sulfate de zinc, il se produit une dégénérescence des milliers d’axo-
nes destinés au bulbe olfactif. Les glomérules olfactifs qui reçoivent ces axones sont des structures contenant
d’énormes quantités de synapses et pas de neurones, ceux-ci sont situés en bordure des glomérules. Dans les
2 jours suivant la disparition des synapses, les sujets sont anosmiques. Même en l’absence de stimulations odo-
rantes, 8 à 10 jours après la destruction, les performances d’identification et de mémoire des odeurs sont restau-
rées. Ceci signifie que les structures rétrobulbaires donnent les informations utiles pour reconstruire
l’organisation synaptique glomérulaire comme elle l’était avant la destruction. Cela signifie aussi qu’il existe une
mémoire locale de l’organisation des circuits dont les cellules gliales sont l’un des supports. En effet, ces derniè-
res, qui servent entre autre à éliminer les neurones morts en restant sur place garderaient la mémoire de la
bonne position que les nouveaux neurones ou les nouvelles synapses doivent retrouver.

Des cellules gliales porteuses de molécules de reconnaissance type n-CAM assistent


ces neurones dans leur migration et les guident jusqu’à la région où ils devront refaire
des connexions convenables. Au niveau de la triade glomérulaire s’opère une identi-
fication réciproque où les trois éléments nerveux doivent impérativement se reconnaî-
tre pour se lier. Ces mécanismes assez remarquables sont bien identifiés dans les
bulbes olfactifs. Ils représentent à l’évidence la concrétisation des effets de l’appren-
tissage olfactif, puis de la mémorisation des odeurs. Ici, les mécanismes d’essais et
d’erreurs sont peu probables car chacune des cellules gliales de la couche glomérulaire
pourrait posséder une mémoire à long terme de l’organisation du réseau local.
Ce serait donc les cellules névrogliques, de type astrocytes radiaires, qui
feraient apparaître et se consolider une ou des synapses au cours de l’apprentissage.
Nous savons en particulier que les facteurs qui affectent le fonctionnement glial altèrent
310 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

les processus mnésiques par défaillance d’assistance au guidage des nouveaux neuro-
nes. Ces cellules gliales dont les gènes expriment les molécules d’adhésion comme les
n-CAM, peuvent remplir les espaces laissés vides par une dégénérescence neuronale et
contribuer à la formation de tumeurs cérébrales. L’astrocytome thalamique est une
illustration des effets de la prolifération des cellules gliales résultant d’une dégénéres-
cence neuronale. Dans cette affection, outre des douleurs lancinantes de l’hémicorps
(douleur thalamique), on observe des altérations très importantes de la mémoire.
Progressivement, avec l’assistance des astrocytes, les réseaux de neurones se
développent, s’allongent, s’interconnectent progressivement entre les structures
sous-corticales puis relient les aires corticales et assurent des associations fonction-
nelles. À ce stade, même s’il subsiste des réarrangements synaptiques durant toute la
vie d’adulte, la circulation des messages nerveux se fait à grande vitesse (entre 1 et
40 m/sec), excluant des modifications synaptiques trop lentes. Dès ces étapes,
l’apprentissage est réalisé par une multiplication et une amplification par des circuits
neuronaux spécialisés tels ceux qui sont trouvés dans l’hippocampe. Ainsi les circuits
entretiennent la circulation des informations utiles pendant un temps suffisamment
long pour que s’opèrent des modifications moléculaires sur les membranes. Puis à
plus long terme, sous l’effet des commandes moléculaires, les circuits se réorgani-
sent, se consolident de telle sorte qu’un prochain signal identique empruntera les cir-
cuits ainsi créés pour faciliter le passage sélectif des signaux concernés. Ces
opérations de remise en forme, de rafraîchissement des protéines membranaires puis
des circuits neuronaux représentent la plasticité cérébrale qui est une découverte
remarquable des neurosciences récentes.
Les troubles de l’apprentissage, indépendamment des altérations de la
mémoire, apparaissent bien chez les patients atteints d’épilepsie temporale affectant
l’hippocampe ou chez les patients dépressifs traités par une thérapie d’électrochocs
qui interrompt aussi l’activité hippocampique. Ces patients ont tous de grandes diffi-
cultés dans l’apprentissage de nouvelles tâches car les régions temporales sont impor-
tantes dans la transformation des informations apprises en informations mémorisées.
Or ces tâches de conversion sont liées à des groupes de neurones dont les synapses
sont essentiellement de type N-méthyl-D-aspartate (NMDA ; voir section 2.5.4 à pro-
pos des neurotransmetteurs). Tout cela est le fait de l’apprentissage unitaire.
Chaque neurone accroît sa compétence et sa spécialisation. Pourtant, chaque
neurone reçoit dès la formation de l’embryon une dotation génique qui le différentie
très vite en interneurone, en cellule de Betz, en microneurone, en macroneurone, en
cellule pyramidale ou en cellule de Purkinje.
Cette différenciation précoce est à la fois un atout fonctionnel, car la cellule
contient un programme de compétence qui permet à un neurone du cortex visuel de
reconnaître une information codée pour la couleur ou la vitesse de déplacement. La
circulation des informations lors des premiers apprentissages synaptiques ne fait
qu’activer les gènes de compétence pour que les neurones concernés soient très rapi-
dement efficaces. Là encore, si une erreur de choix de compétence a lieu, la synapse
mal orientée disparaît ou le neurone meurt.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 311

Cette différenciation peut être un handicap. Si les cellules se différentient


trop tôt, le système perd sa capacité à reformer des circuits compétents. Mais c’est
oublier un peu vite que l’évolution, qui a testé au cours du temps des millions de com-
binaisons cellulaires de survie, a prévu les erreurs de la distribution combinatoire des
synapses et même, il a été prévu la perte de matériel qui survient naturellement lors
des lésions ou lors des altérations dues à des virus par exemple.

RETENEZ :
L’apprentissage est l’acquisition de nouvelles connaissances, gestes ou com-
pétences. L’expérience qui précède l’apprentissage peut être innée ou
acquise.

6.1.3 La plasticité cérébrale


C’est un processus de reconstitution des structures et/ou des connexions fonctionnel-
les qui s’opère pendant l’apprentissage ou le conditionnement au cours de l’ontoge-
nèse ou qui vise à reconstruire des éléments neuronaux connectés à la suite de lésions
à des stades matures et chez l’adulte.
La plasticité particulière à l’ontogenèse est la plus facile à évaluer. Les expé-
riences de répétition de tests comportementaux chez des jeunes rats modifient le
métabolisme des neurones dans les circuits concernés. L’activation répétée par les sti-
mulations sensorielles d’oncogènes comme c-FOS enclenche la formation de récep-
teurs spécifiques, réorganise la distribution des dendrites puis des synapses. Ainsi, les
stimulations peuvent moduler la nature et la densité en récepteurs et en canaux ioni-
ques dans les membranes neuronales. Cet ensemble de modifications n’a d’autre but
que d’optimiser les connexions entre neurones qui véhiculent le même signal. Ces
modifications ont été observées par des sondes anticorps dirigées contre les récep-
teurs et les canaux membranaires.
Il se produit ainsi une réorganisation fonctionnelle permanente dans différen-
tes régions cérébrales depuis la naissance jusqu’à l’âge adulte. Cette plasticité synap-
tique sert avant tout à consolider la mémorisation des informations. Mais, lorsqu’au
cours de la sénescence, le nombre de morts neuronales augmente, la seule solution
restante pour mémoriser ou retrouver plus aisément des informations est d’accroître
la densité en connexions synaptiques. Le système olfactif présente un tel potentiel
régénératif et de plasticité (figure 6.1).
Lorsque des lésions ont détruit des portions limitées de parenchyme cérébral,
c’est encore un ensemble de mécanismes de reconstitution qui va tenter d’opérer la
réparation (figure 6.2). Ce sont des situations recherchées et largement exploitées
dans les lésions temporales responsables d’aphasie. Ainsi, le thérapeute cherche à
activer un mécanisme de conditionnement utilisant par exemple des voies auditives
non affectées par la lésion pour progressivement induire un détournement de ces
voies vers des zones cérébrales saines qui se chargeront de la récupération d’une
expression verbale minimale.
312 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

neurodégénérescence
vieillissement
traumatismes

apport
de molécules
par le sang
apprentissage

cerveau 2 croissance
des axones
et formation
de nouvelles
synapses
= plasticité

Comment le cerveau rafraîchit-il ses


circuits ou répare-t-il ses neurones ? sortie de
1– En renouvelant certains constituants quiescence
3
moléculaires de cellules
non différenciées
2– En développant de nouveaux axones et leur migration
ou en formant de nouvelles synapses

3– En induisant la différentiation de cellules


au repos multipotentes qui peuvent renouveler
massivement les neurones morts ou apporter
de nouveaux neurones « naïfs »

Figure 6.2
Plasticité
Les mécanismes généraux de la réparation cérébrale :
Selon le type d’altération du matériel cérébral, il apparaît des mécanismes particuliers :
L’origine traumatique avec une perte de matière. Si la perte est importante, les mécanismes de réparation sont
incapables de restaurer spontanément une portion de cortex. Si la dégradation est légère ou si il y a une neuro-
dégénerescence neuronale, plusieurs voies de réparation existent, localement, il peut se former une hypertro-
phie des zones contiguës à partir desquelles se formeront de nouveaux circuits qui reprendront en charge les
fonctions défaillantes. Si l’apoptose, la mort cellulaire, est un mécanisme habituel de renouvellement du stock de
neurones associatifs, il existe alors une prolifération de nouveaux neurones formés à partir de cellules quiescen-
tes présentes dans la région péri-acqueducale. Des vagues de migration guidées par des « rails » de cellules
gliales acheminent ces cellules vers la zone où des neurones sont morts.

La sollicitation de la plasticité cérébrale est aussi recherchée dans les psycho-


thérapies, puisqu’on recherchera à recréer les voies mentales normalement utilisées
mais altérées en se servant de circuits associant d’autres régions corticales pour y opé-
rer des transferts d’informations au moyen de conditionnements.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 313

On le sait, la réparation cérébrale se fait à la même vitesse que la reconstruc-


tion des nerfs après lésion (dégénérescence Wallérienne). On estime qu’en moyenne
un nerf se reconstitue à la vitesse de 1 mm par jour. Il faut donc des semaines ou des
mois pour reconstruire. Il faut parfois des années pour réparer une lésion médullaire
ou cérébrale. Malheureusement, des lésions étendues entraînent des besoins énormes
en matériel neuronale et surtout des signaux appropriés pour gérer la réparation.
L’examen des migrations de neuroblastes quiescents depuis la couche périépendy-
maire vers des zones cérébrales lointaines donne beaucoup d’informations sur cette
plasticité complexe. Pour migrer vers les neurones lésés ou morts, les neuroblastes se
déplacent à raison de quelques millimètres par jour guidés par des astrocytes qui éti-
rent leurs prolongements dans la direction d’où viennent des signaux chimiques
d’alerte. Des n-CAM (des molécules d’adhésion) seraient parmi ces signaux. D’astro-
cyte en astrocyte, les quelques centaines de neurones recrutés pour cette mission de
réparation progressent sur plusieurs centimètres. Ils trouvent de nouveaux astrocytes
en position de pont tangentiel sur lequel le neuroblaste grimpe pour venir dans sa
position définitive. L’information de position est donnée de la même façon que pen-
dant l’ontogenèse grâce à l’expression de gènes de reconnaissance qui placent des
récepteurs membranaires sur les cellules locales indiquant au nouveau neurone où il
doit se fixer. Le nouveau neurone peut alors développer des dendrites et se connecter
pour refaire des circuits normaux.

A. Les cellules de la plasticité cérébrale


Les cellules progénitrices du cerveau sont un formidable espoir pour des réparations
plus ciblées des traumatismes cérébraux ou des effets des neurodégénèrescences. La
thérapie cellulaire est en plein essor grâce à la possibilité de transfecter (remplacer les
ADN) de ces cellules progénitrices pour en faire à volonté des cellules pyramidales
ou des cellules de Betz par exemple.
Le système nerveux central conserve toute sa vie un stock de cellules indif-
férentiées, au repos ou quiescentes, maintenues bloquées en état post-mitotique, on
les nomme aussi les cellules progénitrices, comme les cellules des assises germinati-
ves de l’épithélium olfactif. Ces cellules sont attirées sous l’action de signaux senso-
riels qui stimulent des oncogènes et enclenchent la reprise de la division cellulaire,
puis elles migrent pour s’installer là où des cellules gliales les guident.
Ainsi se trouvent mêlés des processus cellulaires, qui sont ceux de l’appren-
tissage, à ceux, tout aussi importants, de la plasticité et la réparation cérébrale. En
effet, au cours des processus d’apprentissages, les essais et erreurs sont responsables
de nombreuses morts neuronales, et il est donc nécessaire de refaire le stock des cel-
lules. La reconstruction des réseaux obéit aux mêmes règles. Une lésion traumatique
ou une dégénérescence cellulaire locale peut faire l’objet de réparation neuronale
ponctuelle, soit par des vagues migratoires de cellules quiescentes qui avec l’aide des
cellules gliales, en particulier grâce à des molécules attractives qu’elles émettent, soit
par l’émission de circuits plus ou moins longs terminés par des synapses. Notons que
certaines thérapies réparatrices des aphasies, comme celles de la maladie de Wer-
314 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

nicke, utilisent des apprentissages sensoriels qui permettent de reconstruire de nou-


veaux réseaux et d’insérer de nouvelles cellules.
Ces processus se confondent avec un autre mécanisme important dans
l’apprentissage, c’est le conditionnement.

B. De la plasticité cérébrale au transfert et au phénomène d’empreinte

La plasticité cérébrale, et très précisément, la capacité de restructuration du matériel


neuronal en réponse à des apprentissages, ou dans le but de réparer des altérations
fonctionnelles du parenchyme cérébral, est un mécanisme bien décrit par les neuro-
biologistes.
Des mécanismes neuropsychologiques utilisent aussi les bases de la plasti-
cité. C’est le cas de l’« empreinte », un phénomène précoce qui lie psychiquement le
nouveau-né aux premiers « objets » que sa sensorialité lui fait découvrir. La forma-
tion de l’empreinte a été décrite par l’équipe de Bloch sur le poussin qui par un tel
mécanisme fixe l’image du leurre (un chiffon, une poupée) qu’on lui présente à
l’éclosion. Ce concept a été un peu rapidement étendu aux Mammifères.

! Empreinte, période critique, période sensible


L’empreinte : bien démontrée chez l’animal, les Oiseaux en particulier, apparaît sous
la forme d’un attachement du jeune au premier objet qu’il rencontre, sa mère ou tout
objet qu’on lui substitue. L’empreinte se traduit par une propension du poussin à sui-
vre sa mère (ou le leurre qui la représente) partout. On montre aujourd’hui que
l’empreinte est peut-être filiale ou sexuelle.
L’empreinte se forme dans une période propice à la réceptivité que l’on
nomme la période critique, limitée dans un laps de temps restreint (par exemple dans
les 12-16 heures qui suivent la naissance du poussin), dans les heures suivantes il n’y
a plus aucune préférence, donc plus d’empreinte possible. L’apprentissage peut au
contraire se faire selon des périodes favorables liées au cumul de condition de déve-
loppement neurosensoriel et d’environnement social. On donne à cette période le
nom de période sensible.
Ces phases existent elles chez le nouveau-né humain ? Pour Konrad Lorenz
(1903-1989), les instincts ont tendance à perdre leur spécialisation (y compris l’agres-
sivité qui s’exprime dans des conditions particulières et selon des rituels chez
l’animal ; chez l’homme la violence ne représente plus une spécialisation comporte-
mentale et n’a plus les limites de règle décrites chez l’animal). Pourtant, on ne peut
pas exclure que les interactions mère-fœtus, puis à la naissance, l’identification olfac-
tive et visuelle de la mère, n’induise pas un phénomène d’empreinte. La séparation
du prématuré inhibe-t-elle l’empreinte ou la déplace-t-elle sur des objets ou les
soignants ? On ne connaît pas actuellement les effets à long terme d’une possible
empreinte ou de son absence chez l’enfant.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 315

! Le transfert
Le transfert se définit comme le report sur le thérapeute de sentiments inconscients
éprouvés dans le passé. Ceci implique une régression du patient vers un stade infantile
dépendant de la période où les frustrations ou les haines se sont développées. Le sujet
assimile progressivement le psychanalyste à un parent, celui qu’il considère comme res-
ponsable de ses problèmes vécus. Le transfert peut être poussé à un stade d’assimilation
avancé, mais la névrose de transfert est une étape difficile à opérer. L’analyste doit rester
neutre et le plus possible en retrait, mais chez certains schizophrènes ou psychotiques, la
résurgence des sentiments archaïques violents peut conduire à des comportements dan-
gereux. En France, le transfert est rarement pratiqué totalement et remplacé par la con-
duite vers une prise de conscience des défenses construites pour oublier les sentiments
enfouis. Le thérapeute développe plutôt un « contre-transfert » destiné à rendre le patient
actif dans sa propre thérapie et non plus totalement dépendant de l’analyste.
Les transferts mettent en œuvre des mécanismes de réorganisation synapti-
que et donc la plasticité cérébrale. Les expérimentations de situations conflictuelles
des conditionnements aversifs produisent des modifications des synapses des neuro-
nes associatifs dopaminergiques et GABAergiques dans le cortex frontal. Schémati-
quement, il faut provoquer une réorganisation corticale par la thérapie. Cela est
d’autant plus difficile que les désordres ont une origine précoce, probablement pen-
dant les phases « critiques » ou périodes critiques de maturation corticales, c’est-à-
dire lorsque les zones corticales spécifiques reçoivent un grands nombre de signaux
sensoriels provoquant la structuration des colonnes corticales.

RETENEZ :
La plasticité cérébrale est la capacité du matériel cérébral à se réorganiser en
fonction d’apprentissages ou à la suite d’une altération du matériel cérébral.

Pour en savoir plus sur le comportement animal, lisez le cours de A. Lenoir


(2004) sur « Le développement des comportements ». Voir à l’adresse :
www.univ-tours.fr/irbi/UIEIS/Publis%20AL/Cours%20AL/Ontog.pdf

6.2 La mémoire

6.2.1 De la mémoire cellulaire aux circuits neuronaux


Le stockage des informations reçues par le cerveau, la mise en forme des informa-
tions de manière redondante dans plusieurs régions puis la résurgence coordonnée des
informations forment autant d’opérations exécutées par diverses régions du cerveau
dont certaines restent mal connues. Ce qui est sûr, c’est que certains hommes possè-
dent une capacité et une rapidité surprenantes d’accès au stockage d’information
(figure 6.3). Chez ces génies, la structuration de la mémoire diffère de celle de la
grande majorité d’entre nous.
316 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Figure 6.3
Échec
Mémoriser la position des
pièces sur un échiquier est
un exercice mental difficile
pour la plupart d’entre
nous. Mémoriser plusieurs
stades du jeu ou anticiper
les possibilités sur trois,
quatre ou cinq coups
relève de la mémoire
d’ordinateur ou des calcu-
lateurs géniaux. La mémori-
sation de la position de 2,
3 ou 4 pièces est impossi-
ble chez certains malades,
tout comme il est difficile
de retenir un mot ou un
nombre de plus de trois
chiffres dans certains trou-
bles de la mémoire (voir
empan mnésique).

Notez que nos connaissances sur la mémoire sont surtout dues aux observa-
tions cliniques sur les troubles de la mémoire que nous résumerons plus loin dans ce
chapitre.
En ce qui concerne la mémoire, les mécanismes de rétentions des informa-
tions ont déjà été décrits sommairement. Mais il n’est pas mauvais de revenir sur les
bases neurophysiologiques de la mémoire, puisque la répétition est précisément l’un
des paramètres qu’utilise notre cerveau.

6.2.2 Mémoire instantanée et à court terme


Il est difficile de parler de mémoire vraie ici. Les informations, des potentiels
d’action, sont mis en circulation sur les réseaux de neurones qui assurent le maintien
en circulation auto-entretenu de certains signaux. La persistance des signaux se fait
sur les circuits en boucle de type identique à ceux décrit par Lorente de No dans le
cervelet. Un autre type de circuit permet de multiplier les signaux à partir d’un neu-
rone principal qui entre en contact avec deux, trois ou quatre neurones intermédiaires,
qui eux-mêmes s’articulent sur plusieurs neurones selon le principe de la chaîne de
transmission. Le signal unique d’entrée est ainsi distribué par des dizaines ou des cen-
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 317

taines de neurones à la sortie. Dans les deux modèles, n’importe quel signal entrant
est multiplié ou répété jusqu’à ce qu’il trouve un circuit qui l’amplifie ou le sélec-
tionne parce que ce signal active des éléments membranaires adéquates. Dans ce cas,
le ou les quelques potentiels sortant du circuit mettent en jeu une capacité particulière
de certains neurones à renforcer le signal convenable. Ces neurones, sous l’action
d’un train de potentiels ayant une séquence appropriée, sont capables de former une
potentiation (élévation du potentiel) post-tétanique (après le tétanos crée par le bref
train de potentiel).
La potentiation post-tétanique (PPT) : c’est un phénomène électrique synap-
tique temporaire qui a ceci de particulier que, même si le train de potentiel est sensi-
blement au dessous du seuil de déclenchement d’un potentiel, ses caractéristiques
reconnues par le neurone comme le bon code font apparaître un décalage du potentiel
de membrane qui durera quelques minutes en diminuant doucement. Si dans les dix
minutes (maximum) qui suivent cette élévation du potentiel local un second train de
code parfaitement identique survient il fait basculer le potentiel membranaire vers le
seuil de déclenchement d’un potentiel d’action.
Il est clair que la trace membranaire du PPT qui reste soutenue pendant plu-
sieurs minutes constitue la première étape de la mémoire à court terme. Le PPT ne
peut apparaître que sur des neurones dont les synapses fonctionnent en utilisant des
récepteurs glutamatergiques spéciaux que l’on trouve surtout dans les neurones asso-
ciatifs du cortex. Les récepteurs sont de type NMDA (le N-méthyl D-aspartate) et les
neurones concernés possèdent beaucoup de récepteurs membranaires identifiant le
glutamate. Le glutamate, ne peut activer les récepteurs NMDA qu’après qu’une dépo-
larisation qui déplace les ions magnésium et empêche l’entrée de calcium. Ainsi, il
faut des conditions particulières d’excitation des neurones pré-synaptiques pour que
des ions calcium pénètrent dans le neurone par des canaux ioniques voltage-dépen-
dants et forme un potentiel d’action.
Au cours de cette étape de formation du PPT, un certains nombre d’oncogè-
nes sont formés et favoriseront une synthèse plus abondante de ces récepteurs pour
que le signal dont le code a été identifié continue de circuler sans atténuation et puisse
atteindre les régions de stockage à moyen terme. C’est aussi l’unité neuronale qui est
utilisée dans l’apprentissage des tâches ou de comportements et qui sert à la mémori-
sation des événements acquis.
RETENEZ :
La mémoire à court terme est la mémoire de travail qui utilise des modifica-
tions temporaires du potentiel post-synaptique ou potentiation post-tétanique.

6.2.3 La mémoire à long terme


A. Bases anatomiques des mémoires
Alors que la mémoire explicite est permise par le système limbique, la mémoire impli-
cite fait plutôt appel aux ganglions de la base et au cervelet. Le traitement initial des
318 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

données, pour la mise en mémoire, est le fait de circuits fonctionnels (système limbi-
que, ganglions de la base). Le concept que les données ne seraient mémorisées qu’en
lieu précis du cerveau, selon la nature de l’information, est abandonné pour une mul-
tiplication des points de stockages. Le système limbique est l’étape « obligatoire »
pour une mise en mémoire à long terme.
Du point de vue fonctionnel, le système limbique comporte le circuit de
Papez, un ensemble de structures comprenant : la région septale en rapport avec les
structures de l’hippocampe, l’amygdale, la substance réticulée du tegmentum
mésencéphalique, et les zones des lobes frontaux et temporaux ainsi que les corps
mamillaires. Les messages sensoriels provenant des aires corticales, puis intégrés par
le cortex associatif, sont pris en charge par le système limbique.
L’information à mémoriser à long terme va suivre le circuit de Papez (voir
figure 3.11) . Une lésion de ce circuit peut être impliquée dans le syndrome de Kluver-
Bucy.

ZOOM
L’hippocampe
L’hippocampe ou corne d’Ammon est un ensemble de structures cérébrales
déterminantes dans la formation de la mémoire et dans la restauration des infor-
mations mémorisées.
C’est la structure la plus importante du circuit de Papez. Elle fut identifiée en
1957 à la suite d’observations faites sur un patient devenu célèbre à cause de
ses troubles de la mémoire. Suite à une exérèse (ablation) temporale interne
bilatérale, il perdit la capacité à mémoriser les nouveaux évènements de sa vie,
alors que la plupart de ses souvenirs anciens – y compris autobiographiques –
et de ses connaissances générales étaient conservées. Il restait capable
d’apprentissages moteurs (mémoire procédurale) mais souffrait d’un oubli au
fur et à mesure des événements de la vie de tous les jours. Toute lésion de l’hip-
pocampe provoque une amnésie rétrograde affectant autant les mémoires
récentes que les mémoires éloignées.
Dès lors, les recherches se sont concentrées sur le rôle de l’hippocampe dans la
mémoire. Les travaux français récents (INSERM) montrent que l’hippocampe est
le siège d’une mémoire épisodique à long terme, c’est-à-dire de l’ensemble des
événements de l’existence. Il y a donc bien un centre de mémoire à long terme
dans cette structure contrairement à l’idée d’un simple rôle de commutateur des
circuits de mémoire extra-hippocampiques.
Références : Quinette P. et al., The relationship between working memory and
episodic memory disorders in transient global amnesia, Neuropsychologia,
2006, 44(12), 2508-19.

L’hippocampe est une étape importante dans le stockage à long terme des
informations (voir aussi le chapitre 3). Il repose sur la 5e circonvolution temporale
(ou gyrus parahippocampique), recouverte en partie par les aires rhinales (le long du
sillon qui sépare les 4e et 5e circonvolutions temporales) et entorhinales. Il a une
forme d’anneau, situé à la face interne des hémisphères.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 319

La partie réceptrice de la formation hippocampique est constituée par le


gyrus denté, sa partie émettrice par le subiculum.
Le gyrus denté comprend une couche de neurones granulaires, aux larges
expansions dendritiques. L’hippocampe proprement dit est fait des champs pyrami-
daux, conventionnellement numérotés de CA1 à CA4 (CA pour Corne d’Ammon), et
qui se poursuivent par le subiculum. Les axones des grands neurones pyramidaux du
subiculum se dirigent vers les noyaux sous-corticaux par la fimbria, mince lame de
substance blanche au bord interne de l’hippocampe, puis le fornix, ou vers les aires
isocorticales avoisinantes.
L’hippocampe est à l’extrémité d’une chaîne de connexions qui relient entre
elles les aires corticales sensorielles primaires, associatives unimodales (ne concer-
nant qu’une modalité sensorielle) et multimodales, et les cortex rhinal et entorhinal
(traitant en particulier l’olfaction et la mémorisation des odeurs). Ces connexions
dites antérogrades, convergent vers l’hippocampe et sont doublées d’un courant rétro-
grade, allant de l’hippocampe vers les cortex primaire. Les voies antérogrades servi-
raient à alimenter l’hippocampe en informations élaborées, les voies rétrogrades à
fixer les informations dans les synapses corticales par des mécanismes qui restent à
élucider.
Certaines données expérimentales suggèrent que l’hippocampe serait impli-
qué plus dans la mémoire épisodique que dans la mémoire sémantique.
Notez que l’hippocampe est la structure la plus épileptogène du cerveau. Les
tumeurs ou foyers d’inflammation peuvent provoquer des crises psychomotrices (ou
attaques crépusculaires) caractérisées par des absences, des sensations d’étrangeté,
des hallucinations olfactives et de mouvements de déglutition répétés.

B. L’amygdale
Il s’agit d’un volumineux complexe nucléaire, situé à la partie antéro-supérieure du
gyrus parahippocampique et qui effleure l’extrêmité antérieure de l’hippocampe, au
niveau de la queue du gyrus denté (ou uncus de l’hippocampe).
L’amygdale, dans sa partie baso-latérale, reçoit des afférences du gyrus para-
hippocampique et de l’hippocampe. Les efférences empruntent le faisceau amygda-
lien ventral pour aller rejoindre l’hypothalamus antérieur et le noyau dorso-médian
du thalamus. L’amygdale est également connectée aux structures olfactives.
L’amygdale se trouve de plus au sein d’un réseau unissant les noyaux gris
centraux et le lobe frontal. Ce réseau joue probablement un rôle dans la charge affec-
tive liée aux souvenirs ainsi que le prouve sa stimulation électrique expérimentale
chez l’animal.
Aire entorhinale : c’est un allocortex situé sue les côtés de l’hippocampe. Il
reçoit des afférences olfactives importantes (comme son nom l’indique), mais aussi
néo-corticales. L’abondance des afférences sensorielles diverses laisse à penser que
320 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

le cortex entorhinal serait un important centre d’association et d’intégration avant


transmission vers l’hippocampe.
D’autres structures sont impliquées dans la mémoire : le fornix, les tubercu-
les mamillaires, le thalamus aire cingulaire, le septum et la région basale, le cortex
frontal inférieur. Ainsi, une lésion des corps mamillaires est responsable d’un syn-
drome amnésique dont le plus classique est le syndrome de Korsakoff (amnésie anté-
rograde, fabulations, fausses reconnaissances, désorientation temporo-spatiale). La
cause la plus classique est une carence d’apport en vitamine B1, comme on peut le
voir dans l’alcoolisme chronique. Toutefois, l’association de ces symptômes à des
éléments cliniques évoquant un syndrome frontal (désinhibition) ont fait suggérer que
le tableau était la conséquence d’une atteinte du noyau dorso-médian du thalamus.
Le lobe frontal : c’est la région corticale la plus volumineuse de toutes les
aires corticales. Le lobe frontal joue un rôle important dans les processus de mise en
mémoire et de rappel, ainsi que dans l’organisation temporo-spatiale des données. Le
lobe frontal droit semble impliqué lorsqu’une tâche réclame le rappel d’un souvenir
appartenant à la mémoire épisodique. La mise en mémoire d’une donnée épisodique
fait, elle, appel au lobe frontal gauche.
Les difficultés mnésiques des patients frontaux ont été interprétées de multi-
ples façons qui témoignent de la complexité du traitement isocortical qui accompagne
la mémoire. Les patients frontaux éprouvent des difficultés à établir une chronologie
correcte. Ils apprécient mal la fréquence d’un événement (nombre de présentations
d’une image) et la séquence des événements (ordre de présentation des images).
La mémoire de travail est généralement considérée comme dépendante du
lobe frontal, et surtout des voies de connexions sous-cortico-frontales. Le PET scan
montre son activation au cours des tâches qui y font appel.
Le lobe frontal joue un rôle important dans la capacité d’éloigner les activités
parasites pour mener à bien une action. Le déficit de l’attention, plus souvent noté
dans les lésions frontales internes (cingulaires) pourrait perturber l’enregistrement
des souvenirs.
La métamémoire est affectée non seulement au cours des déficits frontaux,
mais aussi dans le syndrome de Korsakoff. Cependant, les mécanismes impliqués
dans la métamémoire et leurs localisations restent discutés. L’acquisition et le stoc-
kage se font dans les zones néocorticales, là où l’information a été traitée : cortex
visuel, auditif, tactile...

RETENEZ :
La mémoire à long terme est constituée par différents niveaux de mémorisa-
tion hiérarchisés. Une voie empruntée par les informations mise en forme
pour être mémorisée est le circuit de Papez comprenant en particulier l’hip-
pocampe, une portion de la réticulée mésencéphalique et les lobes frontaux
et temporaux.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 321

6.2.4 L’organisation des différentes mémoires


La mémoire n’est pas unitaire mais multi-systémique et multi-niveaux (figure6-4).
On peut considérer qu’à partir du récepteur sensoriel jusqu’au bout de la chaîne de
l’intégration corticale, il y a un stockage de l’information, soit très brièvement, quel-
ques millisecondes ou quelques secondes dans la mémoire sensorielle puis dans les
ganglions intermédiaires, soit plus longuement, au niveau cortical, soit enfin, il se
forme une rétention permanente pour consolider la trace laissée par le ou les signaux
le long des voies sensorielles. Au final, la rétention définitive concerne le niveau
cellulaire.

A. Mémoire sensorielle
C’est la mémoire issue des perceptions sensorielles, inconscientes pour certains, pré-
conscientes pour d’autres (par exemple : images ou sons subliminaux). C’est un
domaine dont l’exploration en pratique clinique courante est peu utile mais qui carac-
térise la rémanence des récepteurs. La mémoire sensorielle est représentée aussi bien
par la persistance rétinienne due au temps de décomposition du pigment rétinien, par
la persistance olfactive venant de la formation très lente du potentiel de récepteur.
D’autre part, tout signal sensoriel provoque des modifications neuronales portant sur
des phénomènes métaboliques (internalisation des récepteurs, expression des pro-
oncogènes, synthèses de nouvelles protéines) de durée limitée mais suffisante pour
modifier des ADNs neuronaux.

B. Mémoire à court terme


C’est aussi la mémoire immédiate, ou mémoire primaire. Elle est limitée en taille et
en durée, et elle est en étroite relation avec les capacités attentionnelles. Elle est défi-
nie par la faculté de garder en mémoire pendant un laps de temps très court (moins
d’une minute environ) une information et de pouvoir la restituer pendant ce délai. Elle
est définie par l’empan mnésique endroit. La tâche consiste à restituer, dans l’ordre,
une série d’éléments qui viennent d’être énoncés. En général, nos facultés nous per-
mettent de retenir une séquence de 5 à 9 chiffres.

C. Mémoire antérograde/rétrograde
C’est une terminologie fréquemment utilisée. Pour simplifier, retenons que la
mémoire antérograde est celle qui permet d’acquérir de nouveaux souvenirs et elle est
à rapprocher de la mémoire à court terme. La mémoire rétrograde est celle qui assure
le maintien des souvenirs déjà acquis, est à rapprocher de la mémoire à long terme.

D. Mémoire de travail
La mémoire de travail est un système de stockage temporaire qui permet d’effectuer
des traitements cognitifs complexes sur les éléments du stockage (tableau 6.1).
322 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Tableau 6.1
Comparaison mémoire de travail-mémoire associative
Un classement des mémoires utilise le « savoir que » et le « savoir comment ». Ceci repose sur
les aspects psychologiques de la mémoire plus que sur les circuits intra-cérébraux.

Mémoire explicite « savoir que » Mémoire implicite « savoir comment »


– déclarative – procédurale
– flexible – inflexible
– consciente – inconsciente
épisodique habitudes, savoirs
faits personnels apprentissage
indiçage amorçage perceptif/sémantique
liée au contexte, à la charge affective
sémantique
faits historiques
concepts
décontextualisée

L’empan mnésique inverse explore cette mémoire. Pour l’évaluer, la tâche


consiste à restituer, dans l’ordre inverse, une série de mots ou de chiffres qui vient
d’être énoncée. Deux exemples illustrent la mémoire de travail :
– le numéro de téléphone, que l’on relève sur l’annuaire et que l’on est capable
de restituer par cœur, immédiatement sur le cadran téléphonique. Ce dernier
acte représente le traitement cognitif. Le numéro n’est pas gardé plus long-
temps en mémoire ensuite. D’ailleurs, si une interférence, une distraction sur-
vient entre la lecture du numéro sur l’annuaire, et la restitution de mémoire
sur le cadran, le numéro est résolument perdu ;
– la traduction simultanée d’un interprète. Il doit traduire et restituer la traduc-
tion, tout en retenant les informations qui lui parviennent dans le même temps
et en langue originelle
L’empan varie très peu d’un individu à l’autre et pour un même individu au
cours d’une journée, d’une année ou d’une vie.
Sommairement, la mémoire de travail peut être composée d’un administrateur
central qui gère les ressources attentionnelles et coordonne les opérations de traite-
ment. On lui affecte deux systèmes « esclaves » par analogie (avec l’ordinateur : sys-
tème « master-slave ») : la boucle phonologique (qui traite l’information verbale) et le
calepin visuo-spatial (maintien des informations et manipulation d’images mentales).
Dans la figure 6.5, nous avons représenté un type d’exploitation des mémoi-
res de travail lors du passage d’une information sensorielle jusqu’à sa dénomination
phonétique. Nous voyons un objet, nous recherchons dans la mémoire de travail les
indexations possibles qui donnent la forme et la couleur de l’objet. La mémoire lexi-
cale reçoit ces informations sériées et les convertit en signaux valant des phonèmes
que la mémoire des sons de notre culture transforme en un mot.
Les circuits impliqués dans ces recherches des différents index représentatifs
peuvent être schématisés selon la figure 6.5. Nous parlons ici de prédictions car les
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 323

A B

20 nm
Figure 6.4
Caractéristiques
Un morceau d’une carte mémoire d’un ordinateur personnel des années 1980 est montré en A. Un tel système
posséde une mémoire de 256Ko. Les bits d’informations sont stockés dans les millions de transistors dont l’état
est O ou 1. La relecture grâce à un système décodeur, de même cadencement que le codeur qui a permis le
codage, assure une restitution fidèle des données. En B, un aspect de la surface d’un disque CD (à gauche) et
DVD (à droite). C’est sur cette surface que sont stockées des centaines de Mo de mémoire de vos données ou de
vos vidéos.Même si les performances (puissance de calcul, vitesse) ont changé, le principe de base reste identi-
que, très éloigné du système modifiable, extensible et multi-mémoires dont dispose notre cerveau. En C, une
image de microscopie à force atomique montrant deux vues d’un fragment de membrane contenant 3 récep-
teurs d’Ach sur une surface de 400 nm2 (10-18 m2). La texture est tout aussi hétérogène qu’en B, mais les compo-
sants protéiques ont plusieurs conformations différentes selon leur sensibilité aux courants ou aux
neurotransmetteurs ce qui fait que la capacité de mémoire des membranes est infiniment supérieure à celle du
réseau cristallin qui recouvre un DVD.

nombreux signaux venant des entrées sensorielles et répartis par le thalamus se dis-
tribuent au hasard dans les circuits des mémoires de travail. Si les signaux correspon-
dent à une parfaite coïncidence avec le circuit de prédiction invariante mémorisée, il
apparaît un train de potentiels porteurs des paramètres du mot. Ceux-ci agissent fina-
lement sur des effecteurs tels que les muscles de la phonation.

E. Mémoire à long terme


La mémoire à long terme, ou mémoire secondaire concerne tous les souvenirs en aval
de la mémoire immédiate, qu’on les rappelle au bout de quelques minutes ou après
des années. Il est possible de schématiser cette mémoire à long terme comme la suc-
cession dans le temps de quatre grands processus de base :

! L’encodage
Cette étape est très importante et très complexe. Elle fait intervenir ce que l’on appelle
les processus d’encodage : traitement et élaboration de l’information pour en fabri-
324 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Figure 6.5
De la perception à la mémoire
Entre l’œil qui voit les vaches (1) et le mot « vache » prononcé (5) s’interposent des étapes de récupération des
fichiers comme dans un panier à commission : l’examen des étiquettes de chaque fichier est très rapide (2) et il
permet de parcourir un grand nombre de fichiers et de sortir ceux qui correspondent aux critères (3), puis
ensuite vient la recherche en mémoire lexicale (4) pour restituer le mot correct mentalement pour enfin créer la
séquences des contractions des muscles impliqués dans la phonation.

quer un véritable souvenir. Ces processus sont parfois conscients parfois incons-
cients. L’encodage vise à donner un sens et un poids à l’information en la traitant si
possible sous tous ses aspects. De la profondeur de l’encodage dépendra l’efficacité
de la récupération. L’association d’idées, d’images, entre différentes informations qui
permettront grâce à ces « liens mentaux » de retrouver une information. C’est de cette
organisation que dépendent des procédures mentales propres à chaque individu.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 325

! L’indexation
Il s’agit d’une indexation, notamment spatio-temporelle, des informations qui sont
rangées dans des catalogues et selon une hiérarchie partant de catégories d’informa-
tions très générales jusqu’à un classement pointu par couleur, forme, taille des élé-
ments mémorisés. Une information qui a subi les processus d’encodage peut être
stockée de manière définitive. Néanmoins, il existe un certain degré d’effacement
signifiant que le stockage dépend, là aussi, de processus actifs.

! La consolidation
L’information doit être consolidée pour devenir moins vulnérable à l’oubli. C’est
cette consolidation qui différencie le souvenir des faits récents du souvenir des faits
anciens. Le sommeil, dans sa phase paradoxale notamment, ainsi que les révisions
(scolaires par exemple) jouent un grand rôle de consolidation. Il y a aussi reconstruc-
tion des fichiers en mémoire : de nouvelles informations peuvent en rappeler de plus
anciennes. Ces anciennes sont alors confrontées aux nouvelles, retravaillées, réactua-
lisées. Les anciens souvenirs sont donc inconsciemment à nouveau mémorisés, en
fonction des souvenirs plus récents.

! La restitution des informations


Le rappel d’un souvenir est aussi un phénomène élaboré. L’activation des souvenirs,
volontaire ou non, fait appel à des mécanismes actifs qui vont travailler grâce aux
indices de l’encodage. Plus un souvenir sera codé, élaboré, organisé, structuré, plus
il sera facile à retrouver. Cela explique que l’évocation d’un indice peut rappeler à la
conscience une information, qui elle-même peut constituer un indice pour retrouver
une autre information...
Les concepts de mémoire de travail et de mémoire à court terme sont sensi-
blement différents. Schématiquement, la mémoire à court terme correspond à un sys-
tème unitaire et homogène, alors que la mémoire de travail est conçue comme un
système composite hiérarchisé.

F. Mémoire implicite/explicite
L’acquisition d’un souvenir peut se faire de manière consciente, volontaire, et la con-
naissance acquise peut être exprimée, de manière verbale ou non verbale, témoignant
du caractère explicite de l’acquisition. L’acquisition d’un souvenir peut aussi se faire
à l’insu du sujet et être mis en évidence de manière indirecte.

G. Mémoire épisodique (sémantique)


La mémoire épisodique est le système impliqué dans le souvenir des faits autobiogra-
phiques et des événements personnels, comme ce qui a été vécu la veille, par exem-
ple. La charge émotionnelle vécue par le sujet au moment des faits conditionne la
qualité de la mémorisation épisodique. C’est un système permettant donc d’enregis-
326 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

trer des informations spécifiques situées dans leur contexte temporel et spatial. C’est
cette composante de la mémoire qui fait le plus souvent l’objet des plaintes des
patients ou de leur entourage. Ainsi, la majeure partie de l’examen neuropsychologi-
que cherche à mesurer et à décrire des déficits dans ce domaine.

6.2.5 Troubles de la mémoire


La mémoire est extrêmement corrélée aux autres fonctions cognitives, au comporte-
ment global de l’individu et à son environnement. Elle est parasitée par des troubles
attentionnels et par tous les facteurs susceptibles d’influencer le fonctionnement mné-
sique, comme les altérations psychosensorielles, la motivation, et certains facteurs
génétiques ou familiaux.
Nous avons envisagé quelques altérations résultant directement de lésions
anatomiques. Mais les pertes de mémoire ou les altérations des processus mnésiques
peuvent résulter de mécanismes psychiques bien plus difficiles à cerner que les
lésions du cortex frontal.
La frontière entre altération cognitive normale et altération pathologique
devient floue chez le sujet âgé. Il existe ainsi un chevauchement des troubles de la
mémoire du sujet âgé normal et du sujet souffrant de pathologie dégénérative débutante.
Ceci a eu pour conséquence l’émergence de nouveaux concepts nosologiques : troubles
de la mémoire et déclin cognitif lié à l’âge. Nous verrons dans la section 7.7 sur le
vieillissement sensoriel quelques aspects des troubles mnésiques de la sénescence.
Le trouble le plus fréquent est l’amnésie, mais il peut apparaître des troubles
légers dits « mild cognitive impairment » (MCI). La mémoire de travail épisodique
est la fonction la plus précocement atteinte, avec un défaut des processus d’encodage
et des processus de récupération active. L’indiçage est peu ou pas efficient. On note

Figure 6.6 Fibres venant Fibres venant


Mémoire du thalamus d’une zone mémoire
Pour « récupérer » un nom mis en = pattern (boucle phonologique)
mémoire, les structures cérébrales utili- constant
sent un système de voies comparati- Fibres venant
ves. Les fibres nerveuses venant des C1 du thalamus
voies auditives forment un phonème
que les voies reliées à la mémoire Circuit neuronal
C2
Couches corticales

dites « boucles phonologiques » scru- d’identification


tent pour retrouver une séquence iden-
tique. La séquence du nom est émise si Cellules de « NOM »
C3a Séquence de « nom »
le détecteur de coïncidence trouve une Input attendu vers cortex supérieur
conformité. Si la séquence n’est pas C3b (C2 colonne voisine)
Inhibition
complète, il n’y a pas d’éléments iden-
tiques dans la séquence et les patterns Séquence incomplète
sont retournés au cortex pour réajuste- vers cortex supérieur
C4 (C3 colonne voisine)
ment. (Adapté de J. Hawkins, Input inattendu
« On Intelligence », Ed H. Holt, 2004)
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 327

une tendance aux intrusions (test des 5 mots). Un score au MMS (« mini memory
score ») normal ne doit pas être un élément rassurant.
L’anxiété, à la fois liée à un stress ou une dépression et surajoutée aux pro-
blémes mnésiques de l’adulte, est spontanément verbalisée en évoquant surtout les
troubles de la mémoire. Les troubles mnésiques sont le fait de troubles attentionnels
pouvant altérer de manière variable les processus d’encodage et les processus de
récupération active. Ces sujets restent néanmoins sensibles à l’indiçage.
Il est important de rechercher d’autres symptômes, essentiellement physiolo-
giques et/ou physiques, de manifestations d’anxiété. Des troubles du comportement
peuvent s’associer ; ils sont alors reconnus, et parfois évoqués spontanément.

Stimulation de CA3

Fimbria
Neurones CA3
Fibres moussues

Corps
Alveus godronné

Neurone
granulaire
Collatérales
de Schaffer

Neurone CA1
Voie
perforante
Enregistrement en CA1 /

Subiculum

Cortex entorhinal

Organisation de l'hippocampe (circuit de papez)

Figure 6.7
L’attention
Ce schéma récapitule les voies essentielles empruntées par les informations pour être mises en mémoire. L’hippo-
campe en est le moteur essentiel. Les tests électrophysiologiques consistant à stimuler la couche neuronale CA3
montrent bien les projections empruntant les collatérales de Schaffer vers des niveaux hiérarchiques impor tants
dans la couche neuronale CA1. A voir : http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_07/a_07_cr/a_07_cr_tra/a_
07_cr_tra.htm
328 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

A. Les amnésies
Certaines sont dues à des lésions cérébrales : les amnésies neurologiques ; d’autres
ont des causes psychologiques : les amnésies psychiatriques. Selon les cas, la forme
de l’amnésie varie. On distingue :
– l’amnésie antérograde ou amnésie de fixation : le malade ne peut plus acqué-
rir de nouvelles données, mais les souvenirs anciens sont préservés. Ce type
d’amnésie se rencontre notamment dans le syndrome de Korsakoff (voir plus
loin) ;
– l’amnésie lacunaire : perte de mémoire se rapportant à une période bien
déterminée (période d’une perte de conscience, d’une crise d’épilepsie, d’un
épisode psychiatrique...) ;
– l’amnésie globale qui touche aussi bien les faits récents et anciens et qui se
rencontre dans les démences ;
– la paramnésie, ou l’illusion du déjà vu ou du déjà vécu ; isolée et en dehors
d’un tableau clinique psychotique (schizophrénie), il s’agit d’un défaut
d’interprétation, d’un trouble de la perception parfois lié à la fatigue ;
– l’hypermnésie : elle est évoquée dans les cas de troubles psychiatriques où les
souvenirs du patient occupent une place obsédante, exagérée et même
invraisemblable ;
– l’amnésie totale passagère : elle consiste en une brusque perte de mémoire,
dont la durée va de quelques secondes à plusieurs heures, sans qu’il y ait perte
de conscience. Aucune information n’est mémorisée pendant ce laps de
temps et la perte de mémoire est donc totale. Les accès peuvent être récur-
rents, et on pense qu’ils proviennent de réductions passagères du flux sanguin
irriguant certaines régions du cerveau (elles annoncent vraisemblablement
une attaque d’apoplexie). On peut continuer à agir de façon automatique pen-
dant l’attaque (automatisme traumatique).Des phénomènes analogues peu-
vent se produire avec la mémoire collective ;
– l’amnésie traumatique : lorsqu’une personne reprend conscience après un
traumatisme cérébral, provoqué par une blessure à la tête, elle est en général
hébétée, troublée et imparfaitement consciente du lieu où elle se trouve et des
circonstances dans lesquelles elle est. Cet état ne permet pas de mémoriser de
nouveaux souvenirs. Lorsqu’elle revient à elle, il arrive que la personne soit
incapable de se rappeler ce moment (amnésie post-traumatique) et qu’elle ait
un trou de mémoire concernant des événements passés, de courte ou longue
durée (amnésie rétrograde). Par la suite, les souvenirs peuvent revenir pro-
gressivement et être reliés dans une séquence chronologique appropriée. Des
phénomènes analogues peuvent se produire dans le cas de la mémoire collec-
tive, par suite d’une catastrophe naturelle ou d’un grand bouleversement
social (guerre, révolution, etc.), ou par suite des dommages causés à l’un des
dépositaires de la mémoire collective ;
– l’amnésie rétrograde : elle consiste en une perte de mémoire des événements
qui se sont passés à un moment où le fonctionnement du cerveau n’était pas
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 329

altéré. Elle est donc généralement due à l’impossibilité de retrouver des sou-
venirs, bien que ce phénomène soit généralement très sélectif – on voit sou-
vent apparaître des « îlots » de mémoire dans une « mer » d’amnésie ;
– l’amnésie hystérique : elle peut notamment se traduire par l’incapacité de se
rappeler certains événements passés, éventuellement au cours d’une période
donnée. Elle peut aussi se manifester par l’incapacité d’enregistrer les événe-
ments du moment et, par suite, de les remémorer. Dans ces deux cas, les sou-
venirs peuvent influer sur le comportement, bien qu’ils résistent aux efforts
faits pour les retrouver. Ces souvenirs sont généralement pénibles et refoulés
comme par une défense psychologique. (Il faut noter que les souvenirs peu-
vent être retrouvés sous hypnose.)
– l’amnésie alternante : c’est la situation dans laquelle deux états de conscience
distincts alternent ; dans chaque état on oublie les événements qui se sont
produits dans l’autre. Chacun forme un ensemble complexe de souvenirs,
d’attitudes et de comportements ayant des caractéristiques bien précises et il
se manifeste de façon séquentielle et disjointe (c’est une forme d’amnésie
hystérique) ;
– l’amnésie hypnotique : on peut induire l’amnésie par suggestion, générale-
ment sous hypnose (dans un état de transe). Dans l’état d’hypnose, la mémoire
est floue, fragmentaire, surtout si la suggestion est relative à l’oubli ;
– l’aphasie : il s’agit d’une détérioration du code linguistique formel dans la
communication orale, causée par certaines lésions cérébrales circonscrites
(voir les troubles du langage) ;
– la paramnésie et la confabulation : ce sont des erreurs et des illusions de la
mémoire et leur reproduction. Elles peuvent consister à traiter les fantasmes
comme des événements authentiques, à croire que des événements sembla-
bles à un événement unique se sont déjà produits (redoublement de la
mémoire) ou à croire qu’un événement identique à un événement antérieur
est déjà arrivé (déjà vu). Bien que tout souvenir dépende fortement de la
reconstruction et non de la seule reproduction, la confabulation est une forme
de production de souvenirs falsifiés et de fabulation, avec forte tendance à
l’erreur ;
– le syndrome de Korsakoff : il s’agit d’un syndrome complexe, défini par qua-
tre états possibles : forte déficience de la mémoire récente, oubli à mesure
(associée à l’amnésie rétrograde), bien que la mémoire des événements loin-
tains et celle des faits acquis de façon didactique demeurent intactes – déso-
rientation dans le temps ou dans l’espace, un certain degré de fabulation et
une reconnaissance erronée (confusion). Ce syndrome se manifeste dans
toute une série de maladies mentales toxiques (intoxication alcoolique) et
infectieuses et avec certains troubles nutritionnels. La gravité du syndrome
peut être de nature à provoquer des périodes « intermittentes » de conscience,
au cours desquelles l’information n’est retenue que l’espace de quelques
secondes, et ne présentant aucune continuité entre une expérience et la sui-
330 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

vante. Dans ce cas, l’apprentissage risque d’être extrêmement limité ou


impossible. Cet état peut être passager ou chronique ;
– les défauts de mémoire d’origine particulière : des troubles de la mémoire
apparaissent généralement après une opération du cerveau, une encéphalite
(inflammation du cerveau) ou une thérapeutique convulsivante à l’électro-
choc. Les troubles qui se produisent dans le premier cas peuvent parfaitement
ressembler à ceux du second, qui sont eux-mêmes apparentés à ceux du syn-
drome de Korsakoff. Toutefois, dans les deux cas, l’individu admet sa diffi-
culté à se souvenir. Des électrochocs fréquents conduisent parfois à un
manque démesuré de mémoire pour les événements quotidiens.

D’autres maladies dégénératives, moins répandues touchent le cerveau et


s’attaquent aux facultés intellectuelles (syndrome de Pick, chorée de Huntington,
maladie de Steel-Richardson, syndrome amnésique).

B. Les tests de mémoire

Il existe de nombreuses batteries de tests permettant d’évaluer les capacités mnési-


ques. Médecins et psychologues y ont recours. Le MMS (« mini memory status »), le
plus courant, est présenté dans le tableau 6.2, mais le test de l’empan mnésique, qui
permet de tester la mémoire de travail, est source de données immédiates sur la capa-
cité à mémoriser des chiffres ou des mots. La plupart des tests psychotechniques intè-
grent des épreuves de mémoire. Des investigations plus spécifiques, permettant
notamment de déceler des détériorations organiques du cerveau, existent depuis bien
longtemps. C’est le cas du test de rétention visuelle de Benton.
Pour chaque étudiant existe un dilemme en période d’examen, comment
améliorer ses performances mnésiques ; la mémoire se travail comme on s’entraîne à
un sport (tableau 6.3). La répétition des informations accroît le nombre des synapses
et réorganise les voies de circulation des signaux, crée des conditionnements facili-
tant l’activation de processus mnésiques sélectifs. Si l’entrainement s’avère insuffi-
sant, existe-t-il des médicaments pour améliorer ses scores ? Il n’existe pas vraiment
de médicament hypermnésiant mais des substances qui agissent sur le métabolisme
de l’acétylcholine semblent avoir quelques effets sur la mémoire.

RETENEZ :
Les troubles de la mémoire peuvent résulter d’altérations organiques, neu-
ropsychiques, de lésions cérébrales traumatiques ou d’accident vasculaire.
Le trouble le plus fréquent est l’amnésie.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 331

Tableau 6.2
Le mini-test de mémoire (MMS). Ce test est utilisé très couramment en neurologie comme approche d’un trouble
de mémoire déclaré par un sujet. On peut aussi utiliser les tests d’empan mnésique (plusieurs chiffres ou lettres à
retenir). Un score normal est de 30 points ou plus. Au-dessous de 27 points on considère qu’il y a un déficit.
(fiche : service de Neurologie ; CHU Nancy)
332 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Tableau 6.3
Les patients (un peu âgés) qui pensent ressentir des troubles de la mémoire avérés ou non (le plus souvent)
demandent qu’on leur indique des méthodes pour faire travailler ou entretenir leurs neurones. Ce tableau ne
regroupe que quelques-unes des méthodes auxquelles nous ajouterons la lecture et la communication avec les
autres, car cela oblige à faire des efforts de rappel mnésique.

Type de mémoire Méthodes


Mémoire à court terme Se concentrer et catégoriser
Répéter pour soi-même
Écrire un mémo
Mémoire des noms Décomposer le mot et le répéter
Associer son et image
Jeux de mots
Mémoire des concepts Apprendre trois mots par jour, noter leur sens dans un petit lexique
Se faire des images mentales de la scène
Lire
Mémoire des numéros Grouper par unités significatives et apprendre par coeur
Mémoire des visages Connexion visage-nom (il ressemble à...)
Reconnaître les visages à la télévision, mettre des noms sur les visages
d’acteurs ou de personnalités politiques
Mémoire des adresses Revoir des photos
Marquer (mémo) des indices (rimes, abréviations...)

6.2.6 Médicaments et mémoire


La question de l’impact des médicaments sur les processus mnésiques est non seule-
ment d’actualité au moment des examens, mais cela est de plus en plus fréquemment
évoqué, tant par les malades que par leurs familles ou les autorités et l’administration
en charge de la surveillance et du développement des médicaments.
Avant tout traitement utilisant des substances promnésiantes, il est nécessaire
de se rappeler :
– que la performance mnésique est sous le contrôle d’autres fonctions ou états
psychologiques, telles la vigilance, l’attention, l’humeur... dont les modula-
tions pharmacologiques pourront retentir secondairement sur la mémoire ;
– que, selon l’approche cognitiviste, la mémoire est constituée de modules,
autant de composantes anatomiques dont l’activité utilise des molécules spé-
cifiques, des neurotransmetteurs particuliers (comme le néostriatum qui uti-
lise surtout la dopamine). Il n’y a pas une molécule de mémoire, mais une
« soupe cérébrale » subtilement composée par notre génome, puis par nos
apprentissages. Aussi, comment peut-on cibler la molécule défaillante dans
un trouble mnésique parmi des milliers d’autres ?

A. Médicaments et produits de seconde génération


Les médicaments améliorant la performance mnésique peuvent être classées en deux
catégories de produits :
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 333

Les produits à action globale :


– Les composés à visée cérébrovasculaire : Ces médicaments ont été utilisés
pour améliorer le débit sanguin cérébral et la biodisponibilité de l’oxygène.
– Les psychostimulants : ils renforcent les activités comportementales et, pro-
bablement, agissent comme des thymoanaleptiques (régulateur d’humeur) ou
des activateurs des processus attentionnels.
– Les composés métaboliques : les composés dits « nootropes » ne sont ni séda-
tifs ni stimulants et sont présentés comme des médicaments susceptibles
d’améliorer l’apprentissage et la mémoire. De tels composés, au mieux illustrés
par le piracétam, sont typiquement des activateurs du métabolisme cérébral.
Les produits de seconde génération :
– Les cholinergiques : certains produits destinés au traitement des troubles mné-
siques visent à renforcer la neurotransmission cholinergique du système ner-
veux central. Un large faisceau d’arguments biochimiques et pharmaco-
logiques renforce l’hypothèse d’une implication directe du système cholinergi-
que dans les troubles de la mémoire surtout ceux liés à l’âge. De nombreux
inhibiteurs de l’AChE ont été testés. Certains comme les récepteurs nicotini-
ques, la nicotine et les agonistes nicotiniques exercent des effets bénéfiques sur
l’humeur, la vigilance et la mémoire, mais, hélas, au prix d’un risque d’accou-
tumance. D’autres substances peuvent agir sur le métabolismes des neurotrans-
metteurs, comme le glutamate (nous avons parlé des récepteurs glutamates de
type NMDA dans la section 2.5.4 à propos des neurotransmetteurs et dans la
section 6.2.2 à propos de la mémoire instantanée et à court terme).
– Les neuropeptides : ce sont des molécules neuroactives en très faibles quantité
(quelques picomoles par litres, soit 100 à 1000 fois moins concentrées que les
neurotransmetteurs). Les neuropeptides modifient les comportements en agis-
sant au sein du système nerveux central soit comme de réels neurotransmet-
teurs, soit comme des modulateurs des neurotransmetteurs identifiés. Les
neuropeptides analogues de l’hormone adrénocorticotrope (ACTH) et de la
vasopressine exercent chez l’animal des effets bénéfiques sur l’apprentissage
et la mémorisation. Bien que les analogues de l’ACTH (ACTH 4-10 et ACTH
4-9) améliorent l’attention, l’éveil et la motivation chez le sujet sain jeune mais
aucun bénéfice n’a pu être démontré soit chez le sujet âgé normal.

B. Facteurs promnésiants divers


L’une des pistes de recherche réside dans le recours aux facteurs de croissance, en
particulier le facteur de croissance des nerfs (Nerve Growth Factor ou NGF) ou des
facteurs plus spécifiques comme la Protéine Associée à la Membrane des neurones
du système Limbique (LAMP), pour renforcer la viabilité des neurones. Étant donné
que beaucoup de modifications du système nerveux central sont associées à une perte
ou une dégénérescence des neurones, l’utilisation de facteurs de croissance pourrait
servir à prévenir ou à retarder la mort cellulaire, ou à favoriser la migration de cellules
334 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

progénitrices et la restauration de jonctions synaptiques, et ainsi à préserver la


mémoire et d’autres fonctions cognitives.
La découverte de médicaments actifs sur les processus mnésiques apparaît
donc comme un défi bien réel de la neuropharmacologie contemporaine.
RETENEZ :
Beaucoup de médicaments diminuent les capacités cognitives et mnésiques.
Les médicaments augmentant la mémoire sont les promnésiants et compren-
nent des psychostimulants, des nootropes, des subtances cholinergiques ou
encore glutamatergiques.

Pour obtenir des tests de mémoire, mais aussi des tests psychotechniques
et de QI :
http://gk.methodes.free.fr/test_gratuit_QI_Personnalite_Logique.html

6.3 Cognition et intelligence


Si la mémoire est un instrument de l’intelligence, elle n’est pas l’intelligence. L’intel-
ligence, c’est conceptualiser, planifier, rêver, fantasmer et au sommet de la concep-
tualisation, le raisonnement hypothético-déductif. Toutes ces activés intellectuelles
sont dues à la richesse des acquis et à la stratégie neuronale personnelle que chacun
met en œuvre pour acquérir les informations (donc les processus cognitifs) puis pour
exploiter les contenus des différentes mémoires.

6.3.1 De la cognition à l’intelligence : le cerveau est-il


un ordinateur ?
L’intelligence représente tout à la fois la forme mentale d’assimilation des informa-
tions venant de l’environnement, donc les capacités cognitives, la capacité d’adapter
les comportements selon cet environnement, l’aptitude à imaginer des événements, à
analyser des situations, à inventer des solutions ou à anticiper à plus ou moins long
terme sur des besoins ou des intérêts projetés dans le temps passé ou futur. Toutes ces
capacités nous éloignent de l’idée du « réseau neuronal » qui fut à la base des pre-
miers ordinateurs.

6.3.2 Les étapes de mise en forme de l’intelligence


Ce concept purement mental qu’est l’intelligence se construit par une succession
d’étapes. Ce sont des superpositions de niveaux de raisonnements de complexités
croissantes. Bien entendu l’intelligence utilise amplement des fichiers mis en
mémoire. En ce sens, les procédures d’exploitation des informations stockées, la
vitesse et l’ordre d’extraction des signaux significatifs, l’agencement des signaux
extraits selon des protocoles particuliers, constituent en soi les éléments matériels qui
sous-tendent la mémoire.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 335

L’enseignement scolaire a pour but de donner à l’enfant des méthodes de ran-


gement optimisé des informations pour permettre de retrouver plus vite et plus effi-
cacement les informations mémorisées.
Ce sont les études de Piaget et de Wallon qui ont ouvert la voie de l’explora-
tion du développement des processus intelligents chez l’enfant. Même si une telle
« stratification » se discute aujourd’hui, elle simplifie notre façon « neurophysiologi-
que » de comprendre les niveaux d’intelligence.

6.3.3 L’ intelligence sensorielle


A. Maturations de l’intelligence
Jusqu’au septième ou huitième mois de vie fœtale, ce sont les informations sensoriel-
les qui stimulent des circuits réflexes dont les effecteurs ne sont pas encore des sorties
mais des circuits tests, en quelque sorte des simulateurs. Les activités intelligentes
apparaissent avec la relation sensation-objet. La découverte des positions, formes,
couleurs ou contacts font partie des premiers niveaux.
Vers un an et demi à trois ans, apparaissent des activités exploratoires, de
découvertes du SOI et progressivement d’interactions avec les autres. Cependant, le
SOI ne reste relatif que par rapport aux interactions avec l’environnement, ce n’est
pas encore l’abstraction qu’en fait l’adulte.
De 3 à 7 ans : période d’apparition du langage et du symbolisme, le besoin
d’expériences répétitives pour l’acquisition et la mémorisation des composantes
environnementales limite l’intelligence au développement du langage pour commu-
niquer et découvrir des informations nouvelles. L’enfant est encore au stade LUI ET
LES AUTRES et il ne construit pas ses raisonnements dans l’abstraction mais uni-
quement sur les rapports entre le phénomène observé et le jugement concret.
Après 7 ans commencent les bases du raisonnement, prémices de concepts
intellectuels. Avec l’acquisition de structures logiques, le dénombrement, le calcul et
l’analyse s’intègrent progressivement dans les opérations mentales.
Enfin, vers 11 à 14 ans apparaît ce qui a été nommé l’intelligence opératoire
formelle. La capacité d’abstraction commence à se développer. En même temps se
développe la capacité de conceptualiser et d’apprécier des situations dans un cadre
complexe d’espace-temps.
Cette maturation de l’intelligence suit en fait l’intégration progressive des
structures sensorielles dans les couches corticales (les colonnes sensorielles), puis
avec la formation des connexions sous-corticales apparaissent les bases cognitives où
les paramètres environnementaux sont systématisés et classés par catégories dans les
différentes mémoires. L’enrichissement synaptique acquis par l’apprentissage mul-
tiplie les territoires corticaux affectés aux mémoires de travail et aux mémoires
sémantiques et permet d’élargir progressivement les raisonnements, la conceptualisa-
tion et l’imagination.
336 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

B. Remodelage et reconstruction chez le fœtus et le nouveau-né


Bien que programmé, le fœtus subit des influences sensorielles, endocrines et méta-
boliques. De la sorte la dynamique de sa construction influence l’organisation des
structures qui formeront ses capacités cognitives, sa mémoire, son intelligence. Elles
sont profondément modulées avant la naissance, puis pendant la période postnatale
au cours de laquelle il expérimente ce qu’il a ressenti in-utéro. L’expérience qu’il
acquiert remodèle ses structures corticales. Parmi celles-ci, le passage en
« apesanteur » dans le liquide amniotique à l’influence de la gravité terrestre remo-
dèle les circuits proprioceptifs et vestibulaires.
Ces expériences perceptives débutent les fondements de la communication
du foetus. Ses gestes, ses émissions sonores, produisent des réponses des éléments de
son environnement qu’il reçoit sous forme de contacts différent, de satisfaction ali-
mentaire, d’odeurs variées qu’il intègre et qui l’incite à ré-expérimenter pour estimer
le point d’équilibre entre plaisir-satiété-sommeil-sollicitation.
Nous suggérons de voir sur le sujet les travaux de H. Montagner, par exemple
à propos de la genèse de la communication chez l’être humain, sur :
http://probo.free.fr/textes_amis/modele_unitaire_communication_enfant_h_montagner.pdf

6.3.4 L’intelligence de l’adulte


L’intelligence s’avère être la capacité de chacun d’utiliser les structures mentales
patiemment stockées dans divers sites cérébraux selon les catégories que nous venons
de décrire. L’organisation logique des classements des informations nous échappe
encore. Il est certain que les modes d’accès à la mémoire, les types d’informations
sélectionnées selon les goûts de chacun permettent une exploitation et un travail
d’extraction que les méthodes d’évaluation de l’intelligence comme le quotient intel-
lectuel (QI) mesurent en réalité. Nos mesures sur des étudiants scientifiques avancés
(bac+5 à +8) dans leur cursus montrent les faiblesses du test actuel du QI :
1. Les étudiants en informatique, souvent assez forts en mathématiques, résol-
vent la plupart des items plus vite que les étudiants en biologie ou en chimie.
2. Les réponses sont nettement améliorées de 10 à 20 points lorsqu’on recom-
mence des tests (même différents) quelques heures après, c’est-à-dire lorsque
le sujet a compris les mécanismes logiques de résolution des items.
3. Le QI mesure l’intelligence logique, mais les éléments de l’intelligence créa-
trice ne sont pas évalués par le QI.

6.3.5 Y-a-t-il un support anatomique à l’intelligence ?


Il y a encore peu d’années, une grande confusion était faite entre la mémoire et l’intel-
ligence. Certaines cartographies cérébrales des années 1950 présentaient les aires de
l’intelligence. S’il existe bien des sites matériels de la mémoire, ceux de l’intelligence
ne sont en fait pas délimités ni matérialisés.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 337

Ainsi, il n’existe pas plus une aire cérébrale de l’intelligence qu’une aire uni-
que de la mémoire. Mais il est certain que si une mémoire gigantesque ne caractérise
pas nécessairement une grande intelligence, une mémoire correctement organisée
facilite l’accès aux zones de stockage et permet l’expression optimale de l’intelli-
gence. De la sorte, il faut rechercher dans l’apprentissage au long de la vie les fonde-
ments de l’intelligence.
Cette organisation commence à l’instant où les neurones pyramidaux com-
mencent à se relier entre eux. Les réseaux neuronaux ne se forment pas de façon aussi
systématique que lorsqu’un électronicien câble des transistors entre eux.
Il existe une part de hasard dans la distribution des connexions quand elles se
font par essais-erreurs pendant le développement des différents cortex. Cette part de
variabilité donne à chacun d’entre nous non seulement des performances perceptives
variables, mais aussi des modes d’organisation des systèmes contrôlant l’accès aux
mémoires très différents. Il est clair qu’il n’existe probablement pas deux individus
ayant strictement les mêmes circuits cérébraux. Le cortex concerné par la mémoire et
l’intelligence contient quelques dizaines de milliards (1010) de neurones qui chacun
forment quelques milliers ou dizaines de milliers de synapses avec d’autres neurones.
Supposez qu’il y ait un nombre de neurones identiques pour tous, que la matrice orga-
nisationnelle de base est la même pour tous, que les natures et que les quantités
d’informations saisies par chacun des organes sensoriels soient les mêmes pour tous,
ce qui pourrait être tout à fait concevable chez un nouveau né doté d’un cerveau
vierge de toute information. Ce n’est déjà plus vrai pendant la période fœtale car le
cerveau en formation reçoit des informations venant des récepteurs viscéraux, perçoit
des signaux in utero. Bref, il commence à recevoir des informations et à les ranger
dans le système paléocortical. Les nouvelles informations reçues se superposeront
sans supprimer les données antérieures.
Cette stratégie de stockage par strates intègre ainsi d’emblée des systèmes de
hiérarchie qui trient les informations selon leur nature, selon l’importance que nous y
attachons, selon le souvenir antérieur que nous en avons et même selon le projet con-
ceptualisé qui fait que nous classons des informations en prévision de situations ima-
ginaires et probables donc non stockées dans notre mémoire sémantique. La
figure 6.8 donne une vue simplifiée des évènements mnésiques, logiques et organisa-
tionnels qui interviennent lorsque nous enclenchons une stratégie cognitive.
Au cours des apprentissages successifs qui accompagnent la croissance du
cerveau, la construction des réseaux de neurones puis leur association entre eux se
font par vagues successives contrôlées par les horloges internes et par les données
apportées par les gènes. Il existe une matrice qui se trouve définie dans les homéobox
qui fait que globalement tous les êtres humains de toutes les ethnies, de toutes les
races, voient leur cerveau se construire sur le modèle de nos ancêtres communs loin-
tains. Les variations statistiques de distribution des connexions, aussi faibles soient-
elles, les fluctuations de l’environnement, aussi subtiles soient-elles, les contacts
sociaux avec des individus du groupe ou étrangers au groupe, constituent ce que
Greenough appelait un environnement enrichi.
338 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

La croissance du cerveau en période pré- et post-natale dans des environne-


ments complexes ou appauvris a été bien étudiée. Les nombreuses observations faites
en crèche et en maternelle montrent clairement qu’un très jeune cerveau dont le déve-
loppement est soumis à un environnement complexe, changeant, riche en signaux
divers, subit une amélioration des performances psychomotrices en accélérant sensi-
blement le développement des ramifications dendritiques des cellules pyramidales
dans diverses zones corticales.
Inversement, les perturbations métaboliques et/ou nutritionnelles qui sur-
viennent en période pré-sevrage ont des conséquences graves sur la formation du cor-
tex et la synthèse des neurotransmetteurs, en particulier des précurseurs du GABA.
Une conséquence peut être un arrêt du développement de certaines couches cortica-
les, en particulier dans le cortex frontal et orbitofrontal.

RETENEZ :
L’intelligence est la capacité d’utiliser les expériences et les bases cognitives
pour adapter, anticiper, programmer des actions volontaires aux contraintes
réelles ou imaginées de l’environnement.

Prédiction invariante mémorisée


grâce à des connexions fixées antérieurement

C1

C2

C3

C4

C5 – + –

C6

Input antéropropagé
apportant un train de PA Prédiction spécifique
sensoriels spécifique

Figure 6.8
Cognition
Représentation d’une hypothèse sur la prédiction d’une réponse à un événement. Les informations sensorielles
relatives à l’événement, sous la forme de trains de potentiels d’action (PA), remontent les signaux jusqu’au cor-
tex. Les signaux balayent les circuits de C1 jusqu’à trouver une connexion correctement activée par un train de
potentiels (flèche centrale). La détection de la meilleure coïncidence produit l’activation d’un groupe de neuro-
nes en C5 qui coordonne l’activation d’une région corticale précise qui elle même produira une prédiction de
l’acte comportemental programmé. Dans ce processus, la potentialisation (+) est celle que l’on décrit sous le
nom de potentialisation à long terme (PLT) produite par l’activation de synapses qui restent passantes pendant
plusieurs minutes. (voir le chapitre 2 « synapses NMDA » et le chapitre 5, « mémoire »). (Modifié de Hawkins
J., On Intelligence, ed H. Holt, 2004).
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 339

6.3.6 L’ intelligence et l’ordinateur


C’est naturellement un parallèle philosophique souvent avancé. Les points communs
entre les « circuits neuronaux » utilisés dans un ordinateur et le cerveau sont :
1. fonctionnement binaire des neurones,
2. réseaux interconnectés de manière comparables,
3. engrammation (gravure des traces mnésiques) par des changements de con-
figurations moléculaires sur un support (la membrane) (voir figure 6.4),
4. autotest de l’état des circuits et de la mémoire (sommeil par exemple),
5. autoréparation possible des éléments usés ou morts (plasticité),
6. mémoires de travail et mémoires évolutives.
Voyez, dans la figure 6.9, la structure des différents types de mémoires utili-
sés dans notre cerveau. Les nanomolécules, qui mémorisent des informations sur
votre disque dur, sont infiniment moins performantes et adaptatives que chaque neu-
rone du cerveau et les interactions entre les mémoires de votre ordinateur sont bien
moins complexes.

Recherche
Identification
mémoire Fonction cognitive
des images
rétrograde

Assemblage des objets Dénomnation

LANGAGE
Reconnaissance des images Agilité verbale

Mémoire Mémoire Mémoire


des images sémantique lexicale

Aire visuelle 1 (aire 19) Sons


Décisions
Aire visuelle 1 (aire 18)
Aire
Aire Aire frontale
visuelle temporale
C. auditif

Figure 6.9
Organisation de la mémoire
Interactions entre mémoires : pour assurer l’exécution correctement adaptée d’un acte comportemental il faut en
général que les contenus des mémoires activées par les contenus des stimuli soient comparés pour éviter des redon-
dances puis relues en fonction des registres, enfin l’acte comportemental dont l’exécution est suivie par une voie
rétroactive. Ici, nous avons considéré des taches de reconnaissance d’objets. Le cortex visuel contient une mémoire
des formes. Le cortex temporal et le cortex frontal, chacun pour leur compte en fonction des images, estiment quels
sont les séquences décisionnelles à appliquer et pour cela ils sollicitent une recherche dans la mémoire sémantique
pour optimiser la réponse et dans la mémoire lexicale pour identifier les sons et leur affecter une signification.
340 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Les différences :
1. mémoires mortes et mémoires vives délimitées dans l’espace, alors que les
mémoires cérébrales utilisent tous les composants cérébraux.
2. l’apprentissage est illimité, car le cortex se spécialise avec l’apprentissage,
l’identification et le tri des « inputs » qui sont ensuite affectés dans une
mémoire.
Ce tri des signaux dans le cortex cérébral est représenté dans la figure 6.10.
Comme dans un ordinateur, les signaux convergent dans les mémoires pour y recher-
cher les éléments indexés. Les fibres thalamiques maintiennent un niveau de patterns

A F O Test

Vision

Mémoire sensorielle
Les caractères qui n’ont été vus
A F qu’une fois se dégradent dans
la mémoire visuelle

Mémoire lexicale Corps genouillé

La mémoire lexicale reconstruit


le caractère en fonction de la position
des tâches qui le composent
Chaque étage des couches neuronales
apporte un élément fusionnant au précédent

Stockage/reconnaissance
Les informations sur
Boucle les caractères sont
Mémoire de travail phonologique mis dans des mémoires
en boucles
Associations
Autre mémoire Mémoire imagée Formation d’une association
à long terme (long terme) mots-images
Double codage
un MOT + une IMAGE
Autre mémoire Mémoire sémantique Stockage de la signification
sémantiques (long terme) des mots-images et formation
d’une « dénomination » (un
Associations
étiquettage dans une catégorie
RESTITUTION ontologique)

Figure 6.10
Hiérarchie des mémoires
La lecture des chaînes de caractères au cours de la lecture fait appel à un système de hiérarchisation des données
stockées en mémoire puis restituées. Ce schéma est à rapprocher des schémas des figures 6.4 et 6.5. Cependant,
nous avons voulu surtout montrer ici les stratégies de fonctionnement et de coordination entre les mémoires.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 341

prédéfinis constants qui permettent de faire basculer des sortes de « portes » qui lais-
sent passer l’information si celle-ci est celle qui est attendue.
Un autre signal quasiment identique peut être inventorié dans une autre strate
pour accroître les interactions avec d’autres événements, ce que ne sait pas faire un
ordinateur.
Enfin, le biologiste Mountcastle disait que chaque région cérébrale possède
son algorithme, alors que l’algorithme des mémoires d’ordinateurs est le même pour
toutes les hiérarchies. Remarquez encore qu’au niveau moléculaire, les protéines
membranaires représentent les bits de mémoires et sont modifiables, renouvelables.

6.3.7 Rêves, fantasmes, hallucinations, fabulations


Lors des rêves, la formation d’images sensorielles imaginaires fait partie des compor-
tements (dits comportements oniriques) liés aux états de sommeil, du sommeil para-
doxal en particulier, et représentent même une étape fondamentale du fonctionnement
de la mémoire. Dans ses dérives, le rêve peut devenir le cauchemar qui ne représente
qu’une forme déplaisante ou angoissante du rêve.
Les fantasmes procèdent de la création plus ou moins volontaire d’images ou
de scènes irréelles dans lesquelles le sujet s’imagine vivre ou qu’il pense ressentir.
Les plus fréquents sont les fantasmes sexuels. Dans l’ensemble, les fantasmes ne
représentent pas une pathologie, mais une transposition temporaire de personnalité
qui sert d’exutoire.
Rêves et fantasmes sont des épisodes de l’activité mentale procédant des
bases cognitives. Le rêve du sommeil n’est pas contrôlé, mais le rêve conscient des-
tiné à former des images mentales représentatives d’une idéation du futur ou d’une
création personnelle rentre dans le domaine cognitif élaboré. Ces activités qui trou-
vent leurs limites chez les génies créatifs (comme Léonard de Vinci ou Jules Vernes)
ou chez des visionnaires politiques (comme Charles Fourier) sont l’indication que les
aires associatives peuvent, à partir des acquis, former à leur tour de nouveaux proces-
sus intellectuels qui sont soigneusement et logiquement organisés au sein des zones
frontales.
Les hallucinations et les fabulations représentent des situations irréelles mais
vécues volontairement ou plus souvent involontairement par les sujets. Les halluci-
nations sont des impressions sensorielles que le patient ressent comme vraies et qui
dévient ainsi plus ou moins son comportement. Dans les schizophrénies, les halluci-
nations olfactives (odeurs de brûlé ou de moisi) ou des hallucinations auditives (des
bruits sans signification sont perçus comme s’ils présentaient un danger). Au con-
traire, les fabulations sont des situations souvent puisées à partir d’entrées sensoriel-
les réelles mais transformées pour satisfaire les pulsions, procurer du plaisir dans une
situation qui convient même si elle n’existe pas réellement.
Tous ces comportements cognitifs imaginaires répondent à la capacité du cer-
veau humain de créer et d’inventer à partir des acquis intellectuels de nouvelles situa-
342 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

tions. Et surtout, ces dérives cognitives permettent de se mettre dans une situation
(imaginaire) qui est plus plaisante et donc favorable au patient.

6.3.8 Les troubles de l’intelligence


(Voir aussi « Troubles neurologiques », chapitre 7.3) Souvent liés à une déficience
mentale et à une altération de la mémoire, les troubles de l’intelligence et du raisonne-
ment apparaissent dans diverses neuropathies et dans des altérations résultant d’ano-
malies de l’organisation du lobe préfrontal. Les troubles les plus caractérisés sont ceux
qui altèrent la mémoire dans les lésions de l’hippocampe ou du corps calleux.
Divers désordres cognitifs sont associés de manière variable aux altérations
de la mémoire : troubles de l’initiation de l’action, difficultés à élaborer une pensée
abstraite, à utiliser de manière efficace le savoir acquis, altération de la personnalité
et du caractère. Ces troubles pourraient être liés à un dysfonctionnement frontal,
comme le suggèrent certaines données de scintigraphie cérébrale de perfusion. Le
langage, les praxies et les gnosies sont relativement conservées.
Des troubles du comportement peuvent s’associer ; ils sont alors précoces et
reconnus, parfois évoqués spontanément par l’entourage.
Certains médicaments peuvent avoir une action défavorable sur les mécanis-
mes de la cognition et de la mémoire : sédatifs, benzodiazépines et substances appa-
rentées. Peuvent aussi agir : les antinauséeux et antivertigineux du fait de leur action
neuroleptique, les antidépresseurs par leur action anticholinergique, les anti-hyper-
tenseurs à action centrale, ou encore les bêta-bloquants franchissant la barrière
hémato-encéphalique.

A. Troubles mentaux d’origine métabolique


– Idiotie phénylpyruvique : résulte d’une altération génétique de la phénylala-
nine hydroxylase, l’enzyme qui dégrade la phénylanine et se trouve ainsi en
excès et excrétée dans les urines sous forme de l’acide phénylcétonurique. Ce
trouble du métabolisme l’acide aminé entraîne une encéphalopathie qui au
début peut ne pas présenter de signes neurologiques, mais ceux-ci se révèlent
plus tard avec des problèmes neurologiques et comportementaux.
– Crétinisme : lié à une insuffisance thyroïdienne précoce. Cela entraîne une
réduction conséquente du nombre des synapses dans le cortex cérébral.

B. Troubles mentaux liés à des anomalies organisationnelle du cortex


Ils sont souvent liés à des anomalies génétiques identifiées. On trouvera ici des ano-
malies comme les trisomies : syndrome de Dowm ou trisomie 21 ou les diverses for-
mes d’autisme, dans lesquelles on commence à reconnaître l’influence des gènes.
– La schizophrénie : certaines anomalies d’organisation de la couche 4 du cor-
tex orbitofrontal seraient responsables des délires des schizophrènes.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 343

– Délires et hallucinations : ils sont considérés comme des délires des croyan-
ces fausses personnelles basées sur des déductions incorrectes à partir de la
réalité externe et soutenues fermement malgré des preuves évidentes.
– Les troubles psychotiques tels le délire ou les hallucinations sont expliqués
par les théories cognitives intéressantes fautes de tout éclaircir. Je retiendrai
ici le modèle ABC (Auditory, Believe, Consequency) utilisé pour les délires
et hallucinations auditives.
Trouvez des batteries de tests d’intelligence et de personnalité :
http://gk.methodes.free.fr/test_gratuit_QI_Personnalite_Logique.html
Diverses conférences en vidéos et diapos sur la conception représentationnelle :
http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/college/v2/index.htm

6.4 Communications verbales et non verbales


Les communications sont utilisées pour transmettre à nos semblables nos émotions
ou nos intentions ou encore des motivations vitales comme la faim, la soif, les appé-
tences sexuelles, l’état de maturité sexuelle, les intentions agressives ou au contraire
pacifiques, etc. Tous les individus de toutes les espèces animales communiquent entre
eux par des moyens extrêmement différents, mais leurs répertoires sont assez limités.
Le schéma de Shannon est la représentation la plus simple pour expliquer la
communication :

ÉMETTEUR (message codé)-----CANAL-----(décodage) RÉCEPTEUR------CERVEAU DE L’ÉMETTEUR

Les communications via des signaux chimiques, des émissions sonores ou


des signes visuels sont les formes les plus courantes.
Les animaux se transmettent ces types d’informations non-verbales qui ont
des rôles importants dans le fonctionnement normal des relations interindividuelles
et, bien sûr, chez les espèces sociales, la communication représente un élément fon-
damental de la cohésion sociale entre les différents individus.
Nos expériences, dérivées de celles de Greenough sur l’influence de l’envi-
ronnement enrichi, ont montré que les rats qui vivent dans des espaces vastes et com-
plexes développent des comportements sociaux comparables à ceux des rats du désert
connus pour leur organisation en groupes organisés. Chez ces animaux devenus
sociaux apparaissent des processus de communications complexes dont les plus évi-
dents sont des « émissions-reconnaissances » d’odeurs corporelles chargées d’infor-
mations qui sont décodées dans les bulbes olfactifs et converties en trains de potentiels.
Les séquences des trains de potentiels présentent les mêmes images pour les mêmes
odeurs sociales, comme un « code barre » d’identification. Les mêmes identifications
olfactives se retrouvent dans les interactions mères-jeunes qui présentent aussi des
344 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

signaux électriques caractéristiques. Or la reconnaissance olfactive des jeunes de la


portée semble importante pour l’apprentissage en période de pré-sevrage, même si les
émissions sonores des jeunes sont également très informatives pour la mère.
Chez l’homme, nous retrouvons des caractères similaires. La reconnaissance
entre individus passe par des émissions-reconnaissances d’odeurs. L’organe septal
détecte spécialement des odeurs de type phéromones et assure en partie l’équilibre
de chacun dans ses relations sociales. L’altération de la perception des odeurs, les hal-
lucinations olfactives, sont des signes constants de troubles neuropsychiques que l’on
retrouve dans la maladie d’Alzheimer, dans la schizophrénie ou dans les troubles
autistiques.
Dans ces maladies, aux anomalies olfactives s’ajoutent aussi beaucoup
d’autres problèmes sensoriels (visuels ou auditifs) qui perturbent les communications.

6.4.1 Communications non verbales à base moléculaire


Une telle reconnaissance inter-individuelle basée sur les odeurs existe chez l’homme.
Elle présente un caractère inconscient dans le fait que la perception de l’odeur-signal
n’est pas décelée comme l’odeur de cacao ou de géranium. Cette odeur-signal agit en
particulier sur les récepteurs de l’organe septal. Elle déclenche des mécanismes
ancestraux de reconnaissance du message odorant qui peut être apaisant ou agressif,
à caractère sexuel ou alimentaire, qui peut enclencher un comportement stéréotypé du
nourrisson ou un comportement maternel. L’émission-réception des odeurs joue là un
rôle capital dans les communications non verbales entre des individus du même
groupe ou au contraire d’espèces différentes.
Si les communications non verbales ne paraissent pas présenter un spectre de
modalités variées, elles agissent de manière déterminante sur les comportements
humains. Les hormones dont les produits de dégradation s’achèvent dans les glandes
sudoripares, dans la peau, dans les urines ou dans les fèces, les molécules comme le
musc, les molécules volatiles comme les allomones (hormones émises hors du corps
et n’ayant valeur de signal qu’entre individus de même espèce) et les phéromones
(hormones émises hors du corps et ayant valeur de signal entre des individus d’espè-
ces différentes).
En abordant les hormones, il est difficile de passer sous silence le fait qu’elles
jouent un rôle de molécule-signal au sein de l’organisme contribuant à l’équilibre
général et en particulier elles assurent un fonctionnement optimum du système ner-
veux central et périphérique. Certaines molécules hormonales, comme les hormones
thyroïdiennes et stéroïdiennes, passent à travers la barrière sang-cerveau et ainsi, elles
agissent directement sur le fonctionnement cérébral. L’activité hormonale, qui assure
les régulations physiologiques majeures, à moyen et long terme, agit sur les fonctions
cérébrales et même très simplement sur tous les aspects du métabolisme, donc sur
l’activité générale du système nerveux. Les observations cliniques courantes décri-
vent bien les altérations sensorielles liées à l’hyperthyroïdie (hyperthermie), à l’hypo-
gononadisme (maladie de Kallman et altérations olfactives), à l’hypercorticisme, etc.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 345

Les neurohormones et les peptides neuractifs sont des protéines dont certai-
nes sont synthétisées dans les glandes endocrines ou dans des structures diverses
comme la paroi intestinale. Des neuropeptides comme la somatostatine, le
neuropeptide Y, la substance P, la cholécystokinine (CCK) sont des molécules acti-
ves sur les cellules intestinales et que l’on retrouve dans les neurones de certaines
régions cérébrales.

6.4.2 Autres communications non verbales


Les attitudes, les gestes et les mimiques faciales représentent une autre modalité de
communication entre les individus. La très forte influence de la vision sur les com-
portements humains fait une place importante aux communications non verbales.
Notons qu’elles constituent un atout important dans les cécités auditives pour lesquel-
les le langage des signes remplace efficacement la défaillance du système auditif.
Les stéréotypes de ces communications non verbales sont gravés dans le cor-
tex limbique et cela appartient à notre patrimoine culturel ou simplement familial.
Ces stéréotypes sont des informations simples liées aux comportements prédateur-
proie, faim-soif, reproduction, survie de l’espèce.
L’altération des mécanismes de décodage de ces signaux ou l’incapacité de
saisir la signification de ces signaux non verbaux produisent des perturbations sévères
des relations sociales, donc des relations avec les autres ou des troubles sexuels. Ces
perturbations sont observées dans beaucoup de troubles psychotiques et dans la majo-
rité des altérations mentales précoces. La plupart des formes d’autisme s’accompagne
de difficultés de communication d’abord non-verbales avant d’être des difficultés
verbales.
L’observation des nouveau-nés et des petits enfants en crèche ou en mater-
nelle (travaux de H. Montagner), chez lesquels la communication verbale est encore
très limitée, apporte beaucoup d’informations sur les moyens de communication non
verbale utilisés d’instinct par l’homme. Les gestes et les mimiques faciales indiquent
aux autres enfants du groupe des signes d’amitié ou d’animosité, l’envie de jouer ou
de dormir, la faim, ou plus encore peuvent traduire des états de dominance sociale ou
au contraire de soumission. Ces mêmes petits disposent d’un système olfactif réduit
à ce que l’on appelle le bulbe olfactif accessoire qui subsistera dans le bulbe olfactif
principal lorsque celui-là se développe dans les mois suivant la naissance. Nos expé-
riences électrophysiologiques ont montré que cette structure assure la reconnaissance
de la mère ou de tout élément odorant propre au groupe dans lequel est né l’enfant.
Chez l’adulte, la reconnaissance individuelle et la communication non-ver-
bale subsistent essentiellement de manière inconsciente. Rappelons-nous que lorsque
nous passons des tests d’embauche, le psychologue analyse les attitudes, les positions
de notre corps et les gestes automatiques qui traduisent nos états psychiques intérieurs
et il en tire autant d’informations sur notre personnalité qu’à travers nos discours qui
sont appris, travaillés pour donner une image favorable.
346 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Notre manière de nous asseoir, de cacher nos mains, de bouger, peuvent tra-
hir notre timidité ou au contraire traduisent trop d’assurance.
Les gestes et mimiques peuvent servir à indiquer à l’adversaire l’état de
force, d’agressivité, de sérénité pendant un combat. Lorsque nous regardons évoluer
et s’exprimer des danseurs à l’opéra, nous comprenons le sens de leurs gestes. Il en
est de même consciemment ou inconsciemment lorsque nous dialoguons car nos pen-
sées profondes sont gestualisées.
Il est certain que les altérations pathologiques de la motricité peuvent avoir
des conséquences sur les gestes et les attitudes et perturber les qualités des commu-
nications inter-individuelles. Il est une tâche importante des rééducateurs de tout met-
tre en œuvre pour restituer des moyens gestuels qui permettent à un handicapé de se
faire comprendre autant par les mouvements des yeux, de la tête ou de la main que
par les paroles.
Il est clair que les patients atteints de troubles moteurs (parkinsoniens, ataxies
et apraxies diverses) éprouvent de grandes difficultés à communiquer car ils sentent
que leur difficulté d’effectuer les gestes simples devant les autres est mal ressentie ou
mal interprétée.

RETENEZ :
Les communications non verbales sont les différentes formes de transmission
de signaux gestuels, d’attitude, de mimiques ou moléculaires.

6.4.3 Communications verbales


Chez l’homme, les communications verbales et écrites se sont considérablement
développées, infiniment plus que chez les primates ancestraux. C’est en particulier la
croissance considérable du cortex qui a permis le développement d’une infinité de
variété d’émissions sonores et leur mémorisation en tant que code de traitement et de
reconnaissance des émissions vocales en tant que phonèmes.

A. Le langage
La formation des sons dans la parole est due aux cordes vocales et à la participation
synchronisée des noyaux des nerfs crâniens.
L’émission des sons est structurée pour former des phonèmes (à ne pas con-
fondre avec les syllabes qui contiennent plusieurs phonèmes). La phonation résulte
de la coordination de plusieurs réflexes musculaires (figure 6.11) : ceux des muscles
du larynx (15 muscles), ceux des muscles respiratoires (diaphragme surtout), ceux de
la langue et l’ouverture de la bouche contrôlée par le muscle orbiculaire.
L’air poussé sous pression par les voies respiratoires passe devant les cordes
vocales puis traverse les cartilages du larynx et parvient dans la cavité buccale. Un
programme cérébral de contractions volontaires ou non des divers muscles respiratoi-
res est installé dans le cortex temporal, aire du langage, cela dès notre enfance et à la
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 347

Épiglotte
Voies
aériennes
supérieures

Larynx

Cordes
vocales
Fausses
cordes
vocales

Cordes M M
vocales
M

Trachée Air
M

Air M

Figure 6.11
Cordes vocales
Représentation simplifiée du passage de la pensée à la parole et quelques aphasies associées à certaines des
étapes de verbalisation. Il existe une grande diversité d’aphasies et certaines se superposent. Il est ainsi difficile
de préciser sur un tel schéma la nature neurophysiologique des anomalies. Les lignes brisées du schéma repré-
sentent les régions impliquées dans un type d’aphasie. Le schéma de la figure 6.5 qui représente une vue simpli-
fiée des circuits neuronaux peut être intégré dans l’une ou l’autre des étapes du « moment » puisque chaque
moment est une phase d’organisation et de recherche de mots dans les mémoires appropriées.

suite de l’apprentissage de la parole. La formation des sons typiques d’une langue est
essentiellement le résultat d’une succession de réflexes et d’automatismes acquis très
jeunes et continuellement consolidés par l’usage (figure 6.12).
L’aire du langage est essentiellement l’aire temporale de l’hémisphère gau-
che pour 95 % des hommes. L’hémisphère droit n’a donc pas d’accès au contrôle de
la parole, mais il sait identifier les mots à partir d’images.

B. L’écriture
L’écriture s’acquiert à la même époque approximative que le langage, mais elle ne se
constitue pas par les mêmes processus. L’écriture peut être dissociée du langage dans
certaine aphasie où le malade peut écrire le nom d’un objet, mais ne sait pas le nom-
mer avec le mot correct.
348 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Mobilisation des muscles


Quelqu’un crie « salut »
de la phonation

L’information est traitée


Cortex moteur
par le cortex auditif
primaire
primaire

Réduction Analyse spectrale


du bruit des sons

Le signal est traité comme


un signal entrant dans Aire de Broca
l’aire de Wernicke

Recherche dans la mémoire Recherche dans la mémoire


Ordre de réponse
lexicale du mot entendu lexicale du mot à exécuter

Un modèle théorique de voies de la phonation

Figure 6.12
Phonation
De L’audition à la phonation. Le modèle proposé ici tient essentiellement compte des données cliniques et des résul-
tats des thérapies utilisées pour traiter des aphasies. Certaines de ces aphasies sont précisées dans la figure 5.14. Il
est certain que la grande variété des formes de troubles qui affectent la parole et la lecture entrent dans le champ
des structures mnésiques que l’on ne peut détailler ici. La séquence part de l’identification d’un mot dans la mémoire
selon la procédure neuronale de la figure 6.5 et 6.6. Ensuite, une réponse est constituée selon une procédure pro-
grammée dans la mémoire lexicale puis exécutable par l’action des aires corticales sur les muscles de la phonation.

L’écriture est le fruit d’un apprentissage liant les sons, les images des carac-
tères, aux objets. Elle utilise à la fois la vision, donc les voies visuelles et les structu-
res motrices qui contrôlent la ou les mains et le bras, donc des champs neuronaux très
différents puisque liés aux contrôle médullaire et non à des noyaux moteurs bulbaires
comme pour le langage.
Selon Frith, l’apprentissage de la lecture passe par trois stades : le stade logo-
graphique (relation entre une image et un mot comme le mot « kokakola » et l’image
de la bouteille sur une affiche) ; le stade alphabétique (association des composantes
des mots, les phonèmes, avec leur structure, les graphèmes, et apprentissage de la
manière de les combiner pour leur donner un sens) ; le stade orthographique (asso-
ciation entre les formes phonologiques et la composition orthographique)
Il est donc évident que notre apprentissage de la formation des images, leur
reproduction sur du papier et leur association à une modulation vocale implique des
niveaux d’intégration cérébraux élaborés, parfois encore immature au moment où on
demande à l’enfant de commencer le transfert images-sons. Inversement, les liens
sous-corticaux associant l’écriture et la phonation, donc associant des zones tempo-
rales proches mais distinctes, représentent des structures fragiles, facilement inter-
rompues par divers facteurs pathologiques.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 349

Les observations cliniques montrent l’importance de l’intégrité des voies


associatives transcalleuses. L’hémisphère droit où sont situées les capacités de dessi-
ner et les représentations d’images complexes n’intervient qu’assez peu dans l’écri-
ture si ce n’est pour guider les axes principaux du graphisme, mais il ne reconnaît pas
les caractères. Cette fonction reste dévolue à l’hémisphère gauche et les enfants dont
l’hémisphère droit a été fortement lésé ne peuvent pas retrouver des capacités langa-
gières complètes même après rééducation.
C. Le langage des signes
Le langage des signes (LS) est un code visuo-gestuel utilisé par les sourds. Il peut être
considéré comme un langage à part entière. Contrairement aux communications ges-
tuelles des normo-entendants représentant des objets ou mimant des attitudes, les
codes gestuels, le regard et les mimiques faciales de ce langage des sourds utilise des
signes avec une configuration, un emplacement par rapport au corps et un mouvement
précis. Ces signes sont en nombre suffisamment limité pour que puissent être enchaî-
nées des séquences formant des phrases respectant également les régles grammatica-
les. Certains signes iconographiques peuvent représenter un objet mais d’autres
peuvent être des lettres (lettre phi par exemple pour imager un psychologue).
Les examens utilisant l’imagerie fonctionnelle du cerveau de personnes attein-
tes de surdité montre une utilisation prépondérante de l’aire de Broca de l’hémisphère
gauche. Cette aire traite donc le LS comme un langage parlé bien que les voies d’entrée
dans le thalamus soient très différentes. L’utilisation de l’hémisphère gauche pour inter-
prèter le LS chez les sourds n’exclus pas le fonctionnement complémentaire normal de
l’hémisphère droit dans le traitement des données visuo-spatiales.
L’aquisition du LS par les jeunes sourds implique une utilisation différente
du potentiel neural et un transfert des fonctions d’analyse graphique. Cela inclue la
séparation précoce des composantes liées au langage des autres informations visuel-
les qu’un adulte devenu sourd plus tardivement aura beaucoup de mal à maîtriser.
RETENEZ :
Les communications verbales sous forme de langage parlé ou écrit ont atteint
chez l’homme un degré de complexité considérable inégalé par les autres
espèces animales.

Pour divers outils d’apprentissage et d’entraînement cognitif, consulter :


http://www.editions-cigale.com

6.4.4 Troubles du langage et de la communication


A. La dyslexie et la dysorthographie
La dyslexie est définie comme une difficulté durable dans l’apprentissage de la lec-
ture chez un enfant chez qui il n’y a pas de déficits neuro-sensoriels apparents, ni de
problèmes d’environnement. La dyslexie est l’altération la plus discutée. Elle a été
longtemps considérée comme le fruit d’une paresse intellectuelle des enfants souvent
considérés comme normalement intelligents, voir très intelligents.
350 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

ZOOM
La dyslexie, une maladie génétique ?
Des travaux récents montrent des différences anatomiques dans les aires parié-
tales impliquées dans le langage et semblent montrer que la petite zone dite
« planum temporal » est 7 fois plus développée chez les enfants lisant normale-
ment par rapport aux enfants dyslexiques. Il s’y ajoute des anomalies de forma-
tion des colonnes corticales dans lesquelles les couches externes peuvent
présenter des altérations cellulaires. Les mesures IRM faites en 2002 montrent
aussi des insuffisances de consommation d’oxygène dans ces zones pariétales
ainsi que dans le gyrus cingulaire. Si l’on y associe le fait qu’il y a une nette
prédominance de garçons, cela indique bien une influence génétique. De très
récentes recherches ont montré des anomalies de gènes (DYX1-chromosome 15
et DYX2-chromosome 6) impliqués dans l’organogenèse du corps calleux
(l’énorme dispositif contenant les fibres des voies nerveuses qui assurent les
échanges de signaux entre les hémisphères cérébraux).

B. Dysphasie
Trouble central entraînant des difficultés de langage. On parle de dysphasie expres-
sive et de dysphasie de réception (identifiables vers 18 mois à 2 ans). La dysphasie
est accompagnée de troubles cognitifs et sociaux parfois sévères. Voir aussi agnosies.

C. Autres troubles du langage


– Les paraphasies : productions anormales du langage oral. On observe des para-
phasies phonémiques (les mots sont transformés), des paraphasies verbales
(remplacement d’un mot par un autre), des paraphasies sémantiques (remplace-
ment par un mot ayant le même sens), le jargon (mots inventés ou néologismes).
– Les paragraphies : anomalies d’écriture comportant les mêmes altérations
que dans le langage.
– Les aphasies : aphasie de Broca, aphasie de Wernicke.
Troubles du langage parlé :
– Aphasie verbale, aphasie phonémique : trouble de l’agencement syntactique
des mots (agrammatisme) et troubles de la répétition.
– Aphasie amnésique : trouble dans le rappel des mots et inhabilité à nommer
(quelque chose ou quelqu’un).
– Aphasie sensorielle : inaptitude à interpréter les stimuli auditifs verbaux
(malgré une audition normale), trouble de la compréhension (altérant l’exé-
cution d’instructions) et désorganisation de l’attention (distractibilité ou
emprisonnement dans une structure de langage répétitive).
La figure 6.13 montre que les aphasies résultent d’altérations soit du moment
prosodique (aphasie de Broca), soit du moment verbal (aphasie de Wernicke et apha-
sie anomique), soit d’une altération de la programmation motrice des émissions sono-
res (aphasie anomique).
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 351

Troubles du langage écrit (y compris la reproduction des graphèmes) :


Les troubles de la lecture comprennent la désintégration totale du sens de la
structure du mot et de la correspondance phonique-graphique dans l’écriture et la pro-
nonciation (alexie-agraphie), mais ils peuvent se limiter à la lecture (alexie), avec des
efforts erronés de compensation.
Réhabilitation de l’enfant malentendant : la stimulation auditive précoce est
un élément important de la réhabilitation.
Le tableau 6.4 donne un certain nombre de termes utilisés en orthophonie. Il
nous a semblé utile de connaître des terminologies essentielles utilisées lors de rée-
ducations aussi complexes que celle du langage, comme dans les aphasies de Broca
ou de Wernicke. Bien sûr il existe bien d’autres termes que l’on retrouvera dans le
Dictionnaire d’Orthophonie, de Brin et Courrier, 2004., 228 pp.

FORMULATION VERBALE

MOMENT MOMENT MOMENT VERBAL


CONCEPTUEL PROSODIQUE

Formulation de la pensée, Se forme en premier


impression globale, chez l’enfant
mise en ordre Ordre des mots
des éléments Choix des mots
de la pensée Intonation, Grammaticalisation
rythme de la parole,
ton, accentuation

Aphasie de Broca : Aphasie


Perturbation du moment Programmations sonores anomique :
prosodique, du choix +/– automatiques Problème
des mots, de l’éxécution +/– conscient de choix
motrice. des mots

Aphasie de Wernicke :
Aphasie de
Perturbation du moment
conduction :
verbal, ordre des mots, de Programmations motrices
Problème
la grammaticalisation, de Émissions sonores, parole
programmation
la programmation sonore
sonore
des mots

Figure 6.13
Verbalisation
Représentation simplifiée du passage de la pensée à la parole et quelques aphasies associées à certaines des
étapes de verbalisation. Il existe une grande diversité d’aphasies et certaines se superposent. Il est ainsi difficile
de préciser sur un tel schéma la nature neurophysiologique des anomalies. Les lignes brisées du schéma repré-
sentent les régions impliquées dans un type d’aphasie. Le schéma de la figure 6.5 qui représente une vue simpli-
fiée des circuits neuronaux peut être intégré dans l’une ou l’autre des étapes du « moment » puisque chaque
moment est une phase d’organisation et de recherche de mots dans les mémoires appropriées.
352 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Dans le tableau 6.5 sont rappelés un certain nombre de troubles de la commu-


nication assez courants.

Tableau 6.4
Quelques définitions de termes utilisés en linguistique et orthophonie

Adressage : Procédure de lecture consistant à faire correspondre l’image mentale avec un


mot cible connu afin de retrouver son « adresse » dans le mémoire lexicale. Cela implique
une reconnaissance globale.
Assemblage : Procédure de lecture consistant à reconstruire la forme phonologique d’un
mot par assemblage de ses phonèmes.
Fluence lexicale : capacité de retrouver volontairement un ou plusieurs mots dans la
mémoire lexicale.
Graphème : unité graphique minimale dans un système de langage écrit.
Homographes : mots ayant la même orthographe mais une prononciation et une significa-
tion différente.
Homophones : mots ayant une prononciation identique mais une orthographe et une signi-
fication différente.
Logatome : (non-mots) séquence de graphèmes ou de phonèmes constituant un ensemble
prononçable mais sans signification.
Phonème : unité sonore minimale dans un système de langage oral.
Prosodie : contenu « musical » du langage oral obtenu par les intonations, les accentua-
tions, le rythme et la mélodie.

Tableau 6.5
Divers troubles de la communication à déterminant neurologiques sont regroupés
dans ce tableau non exshaustif

Trouble Déficit Cortex


Anosmie Trouble de la perception olfactive olfactif
Écholallie Répétition des derniers mots entendus temporal
Paraphasie Trouble du langage parlé avec subsitution d’un mot temporal
par un autre
Jargonophasie Trouble du langage dans lequel les mots sont mélangés temporal
et sans signification
Aboulie Réduction de la capacité à choisir et à décider frontal
Acalculie Difficulté à effectuer des calculs simples pariètal
Achromatopsie Trouble de la discrimination du langage temporal
Agnosie Trouble de la reconnaissance (selon l’aire concernée :
agnosie visuelle, agnosie auditive,…)
Agraphie Trouble du langage écrit pariétal
Alexie Trouble de la lecture
Anopsie Perte d’une partie du champ visuel (hémianopsie ; occipital
quadranopsie)
Anosognosie Déni de la maladie
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 353

Trouble Déficit Cortex


Aphasie Trouble du langage parlé : frontal
de Broca
Aphasie Trouble du langage parlé : Temporo-
de Wernicke pariétal
Apraxie Trouble de l’éxécution d’un mouvement indépendant Pariétal-cortex
des propriocepteurs moteur
Asomatognosie Négligence motrice et sensorielle pariétal
Dyslexie Difficultés de lecture et troubles de l’orientation spatiale Temporal (pla-
num temporal)
Persévération Difficulté à s’adapter à des difficultés nouvelles dans frontal
la réalisation d’une tâche
Prosopagnosie Trouble de la reconnaissance des visages temporal
Syndrome Cumul d’une acalculie, agraphie, agnosie digitale pariétal
de Gertsmann

À lire « Les troubles spécifiques du langage oral et écrit » :


http://www.crdp-lyon.cndp.fr/g/g1/g13/g133/g133edit/bonepage/langage/p7072.pdf

6.5 De la perception du SOI au comportement social

6.5.1 La représentation cérébrale du MOI


Pour la neurophysiologie, le MOI, c’est la représentation que chacun a de son corps,
de ses comportements et de ses différences par rapport aux autres, tout cela considéré
comme un ensemble.
La représentation corporelle, au sens neurophysiologique, est la projection
somesthésique ou somatique des sensibilités sur le cortex cérébral (l’homonculus en
est une figuration), c’est l’image visuelle formée jour après jour sur la rétine et le cor-
tex visuel, c’est l’apprentissage et la structuration progressive des structures cérébrale
et l’analyse que chacun de nous fait des données sensorielles. Le MOI, c’est aussi
l’ensemble des millions de productions hormonales et des secrétions de neurotrans-
metteurs qui font que la chimie du corps de chacun a très peu de chance d’être identi-
que à celle des autres. L’individualité physicochimique de chacun est donc ce qui fait
que son MOI physiologique ne se superpose qu’assez peu avec le MOI psychologique.
Le MOI psychologique est formé par l’organisation complexe forgée par
l’apprentissage psychosensoriel, par l’éducation, par l’environnement général de cha-
cun. Au final, le MOI est le fruit de l’utilisation plus ou moins dosée de la soupe chi-
mique qui nous constitue. Un peu plus de neurotransmetteurs, un peu moins
d’hormones et quelques pincées de neuropeptides transforment le MOI humain stan-
dard génétiquement programmé en un MOI personnalisé.
354 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

L’étude, l’analyse, et la thérapie des altérations de l’image du MOI sont


l’objet de la psychiatrie ou de la psychologie. Les troubles de l’image du soi résultent
selon diverses théories soit de troubles perceptifs soit de troubles cognitifs. De la
sorte, les thérapies peuvent associées peuvent viser à se rapprocher de la neurologie
si l’on cherche à rétablir une perception qui restitue un comportement proche du stan-
dard. Si la thérapie vise à corriger les distorsions cognitives, donc la manière dont le
cerveau interprète puis commande les effecteurs, le thérapeute cherchera à normaliser
les comportements pour que les rétrocontrôles réadaptent les récepteurs.
Quoi qu’il en soit, on peut considérer que les comportements résultent des
associations présentées dans le tableau 5.1 du chapitre 5.
Ainsi, la théorie comportementale considère que les comportements s’enchaî-
nent à partir des stimuli internes ou externes et également, ce qui est nettement caracté-
ristique des comportements humains, à partir de stimuli imaginaires. Si l’une des étapes
est défaillante, la thérapie suppose que l’on cherchera à rétablir cette étape. La thérapie
comportementale utilisera donc des processus comportementaux tels que le condition-
nement comme dans l’énurésie nocturne en utilisant un stimulus conditionnel positif
comme une sonnerie ; l’extinction expérimentale, en utilisant des contre-conditionne-
ments qui neutralisent puis installent des réponses restituant un comportement normal
comme cela se fait dans les névroses (restitution d’habitudes adaptées, neutralisation
des crises de clonies ou des crises de colère chez les enfant autistes).
La substitution des stimuli responsables de comportements inadaptés par des
nouveaux stimuli donnant des réponses neutralisant les clonies ou les colères est aussi
utilisée dans les thérapies des enfants psychotiques, chez les schizophrènes ou chez
les toxicomanes.

6.5.2 Le comportement social


Par opposition au MOI, la vie dans un groupe social implique de partager la zone
d’influence que le MOI peut avoir sur les composantes de l’environnement et
d’échanger des informations et des signaux sensoriels, avec les autres éléments du
groupe. D’autre part, le fait d’appartenir à un groupe donne à chaque individu la pos-
sibilité de se comparer aux autres et d’en tirer un bénéfice pour évoluer et agir pour
maintenir la cohésion de l’ensemble.
Ainsi chez l’enfant en bonne santé, le fait de ressentir la limite entre le MOI et
les AUTRES, fait apparaître un sentiment de culpabilité lorsque les actes du MOI entraî-
nent des réponses négatives ou agressives des autres. La frustration et la gratification font
également apparaître les objets « bons » ou « mauvais » et les liens avec les pulsions.
La structuration mentale autour du groupe social est directement liée au fonc-
tionnement du système limbique et à son intégrité. Le lobe préfrontal en particulier
réprime les agressivités et l’acceptation de l’autre. Ainsi, la construction des interac-
tions sociales se réalise avec la maturation sensorielle et celle des premiers niveaux
d’intégrations centrales.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 355

De ce point de vue simpliste, les sociétés humaines se structurent comme


n’importe quelle société animale. Les relations de dominance, le partage des taches,
les interactions entre les individus du groupe, les communications verbales et non
verbales sont inscrites dans le patrimoine génétique. Mais l’évolution, osseuse, mus-
culaire, organique, et cérébrale de l’homme au cours des millions d’années ont peu à
peu transformé l’environnement social et dévié les relations interindividuelles dans
les groupes. La cérébralisation a pris le pas sur l’organisation de la survie et la péren-
nisation de l’espèce.
La position de chacun s’intègre dans un ensemble que la métaphore de
« l’oignon de la cognition » transcrit assez bien. L’individu, le MOI est au centre de
couches concentriques qui se superposent jusqu’aux AUTRES.
L’individu, du moins son MOI, peut vivre seul ou à deux ou en famille. Il
subit l’influence de son entourage qui influence le fonctionnement du groupe familial
qui lui-même peut exercer une influence sur le couple. L’image des tuniques de
l’oignon se poursuit vers le contexte professionnel puis au-delà, le milieu socio-cul-
turel qui correspond au métier.
Cette structuration de l’environnement social est évidemment évolutive et
n’est pas nécessairement structuré de manière aussi linéaire, même en l’absence de
troubles du MOI. Ainsi, la métaphore de l’oignon est en défaut quand le MOI n’inter-
fère strictement qu’avec le milieu professionnel ou socio-culturel ou quand l’entou-
rage influe particulièrement sur le MOI sans agir sur les couches intermédiaires.
Les interactions entre les composantes sociales font croître les couches et
peuvent modifier la position de chaque élément. Les thérapies de groupe et en parti-
culier les thérapies familiales utilisent la structuration en couches pour aider un indi-
vidu destructuré à se repositionner dans le contexte familial ou plus largement social.
L’organisation sociale et l’apprentissage de chacun s’organise dès la nais-
sance. L’enfant doit apprendre à reconnaître les signaux émis par les individus du
groupe. Nous avons d’ailleurs mis en évidence de telles identifications en plaçant des
électrodes dans le cortex entorhinal de jeunes rats en cours de sevrage. La présenta-
tion des odeurs des parents, des frères puis d’autres individus donnent des trains de
potentiels différents selon les individus. Cependant cette identification ne vaut que
pour un individu et elle n’est pas standard.
Au cours du développement s’organise une sorte de hiérarchie dans laquelle
l’individu fait d’abord partie du groupe familial. C’est une structure de base dont les
caractéristiques, les normes d’acceptation sont génétiquement définies et dès ce stade se
précise la libido (l’énergie vitale de chacun selon Freund) de chaque individu. Les rap-
ports de l’individu avec ses parents connaissent des normalisations sociales prédéfinies.
Au second stade d’intégration sociale, l’individu doit intégrer un groupe et en
être accepté. Cette étape est vitale, elle s’installe dans la petite enfance quand l’enfant
doit s’éloigner de la protection familiale pour entrer dans le cercle des AUTRES.
D’un point de vue sensoriel, le MOI est alors confronté aux autres MOI. L’apprentis-
sage de la communication représente le facteur majeur de cette intégration des autres
356 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

MOI dans l’image de son propre environnement. C’est une commutation douloureuse
où l’enfant cesse d’être unique pour devoir donner et recevoir des informations des
autres. La même étape douloureuse d’acceptation des autres recommencera dans le
passage à la vie professionnelle
Ce sont ces structurations qui forment les complexes dans le sens psychologique,
c’est-à-dire une sorte de réseau d’associations inconscientes qui lie le MOI aux autres.
Attention au terme « complexe », car il convient de ne pas confondre le com-
plexe d’infériorité selon Adler, qui est un simple problème de sous-estimation du
MOI chez les déprimés ou les névrosés, avec le complexe au sens jungien (incons-
cient et charge affective), le complexe au sens freudien (noyau associatif inconscient
surtout lié à l’affect, dont le type même est le complexe d’œdipe), et le complexe laca-
nien (complexe d’œdipe, complexe de sevrage et complexe d’intrusion reposant sur
l’imago, qui est l’image du MOI chargée de valeur affective).

6.5.3 Les altérations du MOI et du comportement social


Les maladies mentales modifient la position de l’individu dans le groupe. La modifi-
cation de l’image du SOI peut résulter de troubles neurologiques, les altérations du
cortex somesthésique modifiant la représentation du corps, les paralysies faciales, les
maladies invalidantes renvoient aux patients des images d’eux différentes de ce qu’ils
ont connu et les malades imaginent que l’entourage ne voient d’eux que cette image
déformée.
L’anorexie mentale tire son origine d’une forte altération de l’image du corps
que l’adolescent voudrait conforme à un idéal qu’il ne peut atteindre.
Chez l’autiste, l’enfermement, l’intériorisation précoce, isole l’enfant de ses
parents et plus largement du groupe social. La thérapie essentielle consiste à tenter de
fendiller la coquille dont l’enfant s’entoure pour laisser entrer les signaux de l’envi-
ronnement, même si l’enfant refuse la lumière intense, les bruits un peu forts ou craint
le contact physique. D’intéressantes expériences ont été commencées, il y a quelques
années, pour faire communiquer indirectement des autistes entre eux et éviter des
conflits. L’outil commode a été l’ordinateur mis en réseau. Les enfants doivent
s’envoyer des signaux ou des caractères de couleurs diverses et répondrent par le
canal de l’ordinateur selon leur désir. La naissance d’un dialogue numérique est sou-
vent suivi d’échanges plus complexes qui aboutissent à une forme de communication
inter-individuelle car nous avons observé des niveaux d’échanges de textes courts
mais progressivement structurés, puis plus longs, et dans un petit nombre de cas, il se
forme un véritable dialogue sous forme d’un chat comme sur Internet.
L’enfermement sensoriel dû au dysfonctionnement cortical précoce est direc-
tement la cause de la dégradation progressive du comportement social de l’autiste et
non, comme cela a été dit à tort, la conséquence d’un rejet de l’enfant par ses parents
parce qu’ils le voient différent des autres enfants ou non conforme à leur espérance
ou le surprotègent en l’isolant des autres enfants.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 357

L’ES S EN T I E L À R E T E NI R D U C H A P I TR E 6 :
COM POR T E ME NT S C O G NI T I F S
Explorer
Tests d’apprentissage
Il est indispensable d’évaluer d’abord les capacités attentionnelles. Des
tests montrant une image apparaissant dans 4 ou 5 fenêtres irrégulières
permettent d’évaluer la capacité d’analyse et d’attention.
Chez l’enfant : pour évaluer les capacités d’attention de l’enfant, il faut
s’assurer qu’il peut maintenir une tâche ludique pendant quelques
minutes et qu’il peut respecter des consignes du test ; oublie-t-il la tâche
initiale si on le distrait avec un jouet ? suit-il une épreuve de reproduc-
tion de rythme ? est-il hyperactif et impulsif ?
Chez l’adulte : indifférence aux tests ; distractible ; « stroop test » ; test
d’attention-orientation vers un but ; tests de barrage ; tests de transcrip-
tion de code (couleurs converties en signes par exemple ; un tel test per-
met de dissocier le transfert des informations apprises vers l’hémisphère
opposé pour mémorisation).
Explorer la mémoire
Le contrôle de la fonction mnésique implique que l’on s’assure d’un état
de vigilance-attention intact.
L’interrogatoire précisera le terrain, les antécédents personnels et fami-
liaux, les antécédents pathologiques (addiction, alcoolisme, dépression,
stress, épilepsie…) ; il est important de valider la plainte mnésique par un
éventuel témoignage des proches ou des collègues. Tester bien entendu
l’état des récepteurs sensoriels, du langage, des fonctions cognitives.
Chez l’enfant :
– Test de localisation d’un objet caché (test A-non-B). Il existe deux cachet-
tes possibles devant le bébé. Les deux cachettes sont connues du bébé.
Le jouet est placé dans une cachette tandis que l’attention du bébé est
détournée brièvement. Le bébé de moins de 6-7 mois ne retrouve pas le
jouet rapidement. Un nourrisson plus âgé retrouve le jouet s’il n’y a aucun
délai entre l’instant où l’objet est caché et celui où l’attention a été dis-
traite. Si le délai dépasse 3 à 5 secondes le bébé cherche d’abord au
dernier endroit où le jouet était caché. Donc la mémoire du geste domine
sur la mémoire représentationnelle d’un objet caché. Le test n’évalue que
la mémoire de travail. Après 12 mois, tous les bébés savent retrouver
l’objet même après une distraction introduisant un délai de plus de
10 secondes.
Notez que certains amnésiques ne parviennent pas à réussir le
test A-non-B.
358 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Chez l’adulte :
– Test rapide Mini Mental Status (MMS ; voir tableau 6.2) ou tester une
brève liste de 5 mots ou chiffres et contrôler la rétention soit après une
minute soit après dix minutes en ayant pratiqué quelques actes anodins.
– Tests de la mémoire de travail : en clinique ou en évaluation psychologi-
que, dans tous ces tests, le sujet doit apprendre des listes de chiffres ou
d’objets dont l’agencement introduit par exemple une distraction passa-
gère, ou une absence de logique empêchant l’utilisation rapide de
moyens mnémotechniques. Voir aussi : test de Corsi ou Blocking taping
test ; test de Brown-Peterson : ce test évalue la mémoire de stockage et le
traitement des informations ; Échelle de mémoire de Wechsler.
– Tests de la mémoire à long terme : voir tests des portes et des visages.
– California Verbal Learning test (CVLT) : permet d’évaluer la mémoire épi-
sodique (celle du souvenir d’événements récents) ; test de Bruschle ou test
de rappel sélectif
Tests d’intelligence
Test MMS (mini memory standard) ; Test QI ; épreuve de Rorscharch,
test d’imagination.
Tests psychométriques divers.
Méthodes d’évaluation du langage et de ses altérations
Examen de la parole et recherche d’une dyslexie : – le médecin ORL
s’assure que les systèmes « mécaniques » de la phonation ne sont pas
altérés (examen bucco-linguo-facial ; voile du palais ; existence ou non
d’apraxie ; évaluation des difficultés de langage, tirer la langue, mobi-
lité de la langue, reproduction de séquences verbales comme
« spectacle exceptionnel »). Existe-t-il des problèmes de lecture de gra-
phies complexes ? Des inversions de syllabes ? Des problèmes concer-
nant la lecture des mots irréguliers ?
Épreuve de Khomsi ou épreuve d’identification de mots écrits (ECIM) :
ce test collectif de lecture permet de déceler rapidement les sujets lents,
qui font de nombreuses erreurs ou qui ont des difficultés d’attention. Test
de conscience phonologique : auto-appréciation des rythmes, rimes,
substitution de phonèmes ; test de l’empan de chiffres à l’endroit puis à
l’envers. Barrage de Zazzo (test d’attention visuo-spatial) ; épreuve de
Rey (reproduction de figures) sur des figures simples pour l’enfant ou
plus complexe pour des adolescents.
Recherche d’une aphasie : aphasie de Broca : compréhension orale et
écrite préservées, conversation et lecture perturbées. Aphasie de
Wernicke : conversation fluente avec jargon, langage et écriture perturbée.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 359

Aphasie de conduction : compréhension orale et écrite préservées, le


reste est perturbé bien que langage soit fluent, les phrases sont lentes.
Aphasie globale : toutes les expressions écrites et parlées sont sévère-
ment altérées.
Test de Wada : l’injection d’amytal de sodium (un anesthésique modéré)
dans une carotide puis dans l’autre, permet de déterminer quel est
l’hémisphère dominant.
Tests d’orthophonie chez l’enfant : 1) bilan orthophonique destiné à
évaluer les capacités langagières, le codage-décodage linguistique, les
aptitudes cognitives, précision sur la nature du trouble (structurel comme
une dysphasie ou « simple » retard de langage) ; 2) la rééducation doit
découler du bilan et ne doit pas être seulement un apprentissage de la
lecture et de l’écriture. S’agissant souvent de stratégie de compensation
et de transfert de voies, il faut donner à l’enfant une méthode d’appren-
tissage qui lui est particulière. De ce fait, en fonction des étapes du
développement, il faut réactualiser ces méthodes chez l’enfant dyslexi-
que au cours des changements de niveau scolaire (par exemple CM1,
6e, 4e, seconde). Chez les dysphasiques la rééducation doit commencer
le plus tôt possible. Les méthodes compensatoires telles que la méthode
augmentative ou celle des pictogrammes.
Méthode Borel-Maisonny : association d’un graphème à un geste rap-
pelant la forme de la lettre et le mouvement de la bouche.
Méthode Gattegno : couleur des syllabes.
Imagerie (IRM, scanner) : les images utilisant les métabolites du glucose
(2-DeoxyGlucose) permettent d’évaluer les zones cérébrales actives de
manière précise. Voir l’intérêt dans la dyslexie.
Examiner la personnalité
Outre les données anamnésiques nécessaires, interroger sur la prise de
drogues, d’alcool, les éventuels antécédents familiaux, comportements
familiaux, liens parents-enfants, comportements maternels. Y-a-t-il un
désir de communiquer ou un repliement du patient, une indifférence,
une hostilité,une familiarité excessive avec le praticien ? Quel est le
niveau d’activité professionnelle, la responsabilité, l’investissement,
selon l’avis du patient et de celui de l’entourage. Le malade respecte-t-il
les conventions sociales ?
Un Examen neurologique complémentaire de l’état sensoriel et du com-
portement peut permettre de lier les problèmes à un trouble neuropsy-
chiatrique ?
Connaître les troubles
Troubles de l’apprentissage
Ils existent dans un grand nombre d’anomalies de l’embryogenèse
cérébrale :
360 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

– Altération de l’organogenèse des structures cérébrales sévères : dysmor-


phie crânio-faciale, neurodysgraphie, malformation de Chiari type 1 et
type 2, holoprosencéphalie. syndrome de Rubinstein-Taybi, syndrome de
Cornelia de Lange (avec microcéphalie) (voir chapitre 7.3).
– Altérations métaboliques : phénylcétonurie, idiotie phényl-pyruvique.
– Altérations génétiques : trisomies, X-fragile, lissencéphalie, absence
de corps calleux.
– Anomalies des N-CAM, les molécules assurant la cohésion entre les
neurones : craniosténoses (fermeture prématurée, souvent prénatale,
des sutures des os du crâne).
– Absence de cellules gliales, les cellules qui guident les prolongements
axoniques : maladie de von Recklinghauser ; dégénérescence gliale :
diabète.
– Troubles de l’apprentissage liés à des problèmes attentionnels : dyslexie.
Les troubles de la mémoire
On dit que les troubles mnésiques sont régressifs liés souvent à un ictus
amnésique temporaire (connu chez les migraineux) ou liés à l’épilepsie,
l’alcoolisme, un traumatisme crânien, à un choc psycho-affectif.
Les troubles sont dits non régressifs dans les pathologies bi-encéphali-
ques comme le syndrome de Korsakoff (une conséquence d’un état
alcoolique chronique sévère), dans des encéphalopathies où il y a mort
neuronale massive (démence sénile, alzheimer), les accidents vasculai-
res cérébraux, parfois tumeur.
Les amnésies
– Amnésie aigüe : le malade interrompt brutalement son activité en
interrogeant sur sa présence et en oubliant immédiatement les répon-
ses qui lui sont faites. Retour à une mémoire normale en une heure à
quelques heures.
– Amnésie antérograde : (amnésie de fixation) le patient ne peut plus
mémoriser de nouvelles informations mais se rappelle parfaitement
tout ce qui précède la maladie.
– Amnésie rétrograde : empêche le patient de retrouver les souvenirs
antérieurs à la maladie.
– Amnésie lacunaire : la perte de mémoire ne concerne qu’une période
limitée dans le temps qui peut correspondre à un épisode épileptique,
une perte de conscience ou un coma temporaire.
– Amnésie globale : la perte de mémoire affecte aussi bien les événe-
ments du passé que les faits récents. Cette amnésie se rencontre dans
les démences.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 361

– La paramnésie : c’est l’illusion du déjà vu ou vécu. Dans les situations cou-


rantes, elle représente le résultat d’erreurs perceptives. La paramnésie
accompagne divers symptômes de schizophrénie (voir chapitre 7.3).
– L’hypermnésie : le malade donne une place importante à ses souvenirs
au point qu’ils l’obsèdent.
Les troubles de l’intelligence
Il existe une grande variété de troubles de l’intelligence qui sont :
– soit associés à des dysfonctionnements métaboliques, comme l’idiotie
phényl-pyruvique, mais qui peuvent aussi résulter de l’usage des substan-
ces perturbant le métabolisme (drogues, médicament, alcool) ;
– soit liés à des affections neuro-psychologiques comme la schizophré-
nie ou les troubles psychotiques.
Les troubles du langage
De l’enfant :
– dyslexie : difficulté durable d’apprentissage du langage
– dysorthographie : trouble d’apprentissage caractérisé par un défaut
d’assimilation important et durable des règles orthographiques
– dysphasie : trouble central entraînant des difficultés de langage. On
parle de dysphasie expressive et de dysphasie de réception (identifia-
bles vers 18 mois à 2 ans).
De l’adulte :
– aphasie : aphasie de Broca, aphasie de Wernicke.
Des troubles de la personnalité
On observe des troubles très variés : Personnalité paranoïaque :
méfiant à l’excès, rancunier, ressent des doutes injustifiés. Personnalité
schizoïde : évite les autres, activités solitaires, détachement. Personna-
lité schizotypique : comportement bizarre, illusions, parfois idées déli-
rantes. Personnalité borderline : instabilité, impulsivité, menaces
suicidaires, sentiments de vide. Personnalité antisociale : opposée aux
règles, agressivité, peut être associée à la schizophrénie. Personnalité
histrionique : aime attirer l’attention des autres, théâtralisme, humeur
changeante. Personnalité narcissique : se surestime, besoin d’admira-
tion, arrogance. Personnalité évitante : évite l’engagement par peur
d’être critiqué, se sent incompétent : Personnalité dépendante : n’agit
qu’avec l’appui des autres. Personnalité obsessionnelle-compulsive.
Schizophrénie, dépression, psychoses : sont des troubles mentaux asso-
ciés à une altération de l’image de soi ou d’une configuration anormale
de sa propre place parmi les autres.
362 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Résumé du chapitre 6
L’apprentissage
L’apprentissage et les procédures de conditionnements qui l’accompa-
gnent constituent des préalables de la mémoire. Les voies essentielles
sont en particulier l’hippocampe et les régions temporales médianes.
La cause primaire des difficultés d’apprentissage peut être un déficit
neuro-sensoriel (altération visuelle ou auditive), problèmes affectifs
socio-familiaux, donc indépendants de toute affection neurologique.
Les déficits mentaux – comme l’« intelligence lente » – peuvent être asso-
ciés à des troubles de l’apprentissage (langage, écriture, calcul). Parmi
ces troubles il faut noter : – la dyslexie : un trouble de l’apprentissage
du langage lié dans certaines formes à une anomalie génétique ; – les
dyspraxies : altération des fonctions de planification et de la planifica-
tion des gestes volontaires ; – les dyscalculies développementales : soit
liées à une dyspraxie, soit dues à un déficit du raisonnement ; – les trou-
bles de la mémoire : d’origine épileptique ou traumatique, ils sont liés à
des troubles de l’attention et du langage.
La mémoire
Simplifions d’abord : il existe surtout deux catégories de mémoires,
lorsqu’on parle de la fixation des événements : les mémoires à court terme
(sensorielle, potentialisation post-tétanique au niveau des neurones en parti-
culier celles qui utilisent le glutamate (récepteur NMDA) et les mémoires à
long terme : elles sont de durée variable selon les besoins. La mémoire de
travail, le calepin visuo-spatial et les mémoires en boucles phonologiques
permettent le maintien d’une information pendant quelques minutes et dispa-
raissent s’il n’y a pas de « renforcement » (répétition). Les mémoires à long
terme sont les mémoires explicites (déclarative, consciente, sémantique) et
les mémoires implicites (procédurale, inconsciente, ce sont les habitudes).
Lorsqu’on parle de la récupération des informations stockées, on parle
de mémoire antérograde : celle qui permet de retrouver les derniers sou-
venirs (liée à la mémoire en boucle) ; la mémoire rétrograde est celle
qui permet de retrouver des informations très anciennes (liée aux
mémoires à long terme) ; la mémoire lacunaire comporte des « îlots »
de souvenirs intacts.
Les mémoires à long terme sont dues à un stockage multiple qui utilise
d’abord les voies anatomiques du circuit de Papez avant un stockage
dans différentes zones corticales. Il est en effet certain que des informa-
tions importantes engrammées sur la membrane des neurones le sont
dans plusieurs aires simultanément permettant la récupération des sour-
ces par associations (comme dans les moyens mnémotechniques).
Les troubles de la mémoire : ils sont nombreux et complexes car presque
toujours associés à une altération fonctionnelle de n’importe quelle zone
cérébrale des circuits de mémoire.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 363

L’amnésie est la forme la plus courante. Elle apparaît sous forme


d’amnésie antérograde passagère ou d’amnésie rétrograde durable et
dont le traitement est très délicat.
Il existe une abondante pharmacopée des promnésiants ou substances
activant la mémoire. Cependant, la polyforme des mémoires ne permet
pas encore un ajustement ciblé de médicaments restituant ou maintenant
la mémoire ou mieux favorisant la reconstitution de neurones neufs resti-
tuant la mémoire défaillante dans les grands syndromes neurologiques.
La cognition et l’intelligence
La façon dont nous traitons les informations sensorielles puis le classe-
ment, la mémorisation forme l’aspect cognitif de l’intelligence. Mais
l’intelligence est aussi la conceptualisation, la possibilité de créer,
d’imaginer, de dépasser le cadre de l’espace et du temps pour projeter
des concepts dans le futur sans le support d’éléments mémorisés, mais
uniquement créés de-novo.
Du point de vue neurophysiologique, il existe des niveaux hiérarchiques
de l’intelligence qui chez l’enfant sont d’abord relatifs à l’assimilation
directe des signaux (les « inputs ») sensoriels. Les informations sont
entrées dans les différentes couches de la mémoire et c’est en fonction
de la stratégie de classement que se constitue l’intelligence. Donc l’intel-
ligence est plutôt la manière logique, acquise par notre apprentissage
et superposée aux acquis patrimoniaux, d’utiliser les différentes mémoi-
res pour en tirer des conceptualisations plus ou moins élaborées.
Les communications non verbales et le langage
La communication entre nos congénères passent par des mécanismes
complexes : des molécules émises par notre corps et celles que nous
recevons des autres ont des implications inconscientes dans nos com-
portements interindividuels. Les gènes ancestraux qui assurent l’expres-
sion des récepteurs d’odeurs sont inscrits dans notre patrimoine évolutif.
Les gestes et mimiques faciales sont aussi des éléments transmis comme
des messages plus ou moins conscients. Ces éléments gestuels sont inter-
prétés et les réponses comportementales dépendent de nos expériences
ou nos acquis génétiques.
Les communications verbales sont le résultat de l’ajustement de mécanis-
mes neurophysiologiques et musculaires appris au cours du développe-
ment post-natal. Cependant, les programmes ancestraux et la variabilité
des comportements cognitifs modulent l’expression du language, de la
formation des images puis de l’écriture qui en est la transcription visible.
Les troubles de la communication portent soit sur des altérations centrales
comme dans les aphasies dans lesquelles les lésions corticales nuisent
à la reconnaissance des mots, des caractères, de l’expression mêmes
des constituants du langage. Les troubles peuvent être périphériques
364 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

et liés à des anomalies anatomiques des structures impliquées dans les


communications. Enfin, les troubles peuvent être liés à des dysfonction-
nements comportementaux majeurs dans lesquels le sens des éléments
de communications n’est pas interprété correctement malgré l’absence
d’anomalies organiques.
Le MOI et les comportements sociaux
L’image que chacun perçoit de lui-même n’est pas que celle qui est for-
mée par les organes sensoriels et la représentation stéréognosique de
notre corps. Le MOI est forgé à la fois par les apprentissages précoces,
les relations parentales, et la façon dont les autres nous renvoient notre
image.
Cependant, si les perceptions sensorielles sont altérées, l’image de soi
ne rentre pas dans le cadre prédéfini par la programmation génétique
ou sociale. Alors le sujet ne perçoit plus l’environnement qu’à travers un
système incompatible avec son propre plaisir.

QUE S T I O NS
1. Expliquez les mécanismes de la plasticité cérébrale.
2. Reliez les étapes de la maturation corticale à la réalisation des pério-
des sensibles et de l’empreinte.
3. Qu’est-ce que la mémoire sensorielle ?
4. Qu’est-ce qu’une boucle phonologique ?
5. Qu’est-ce que l’amnésie rétrograde ? Qu’est-ce que l’amnésie alternante ?
6. Comment peut-on tester la mémoire à court terme ? Comment tester
l’attention ?
7. Quelles sont les structures cérébrales les plus concernées par la
mémoire ?
8. Décrivez le syndrome frontal.
9. Quels sont les étapes du passage du SOI vers les relations sociales
chez l’enfant ?
10. Comment nomme-t-on le principal circuit cérébral que parcourent les
informations qui doivent être mémorisées ?
11. Quels sont les composantes des communications gestuelles ?

RÉF É R E NC E S
1. Barrier Guy, La communication non verbale. Comprendre les gestes et leur signification,
Paris, ESF, 2006.
2. Candeau J., Mémoire et identité, Paris, PUF, 1998.
3. Cordier F., Gaonac’h D., Apprentissage et mémoire, Paris, Armand Colin, 2005.
4. Dupont J.-C. et al., Histoires de la mémoire : pathologie, psychologie et biologie, Paris,
Vuibert, 2005.
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication 365

5. Guillerault Gérard, L’image du corps selon Françoise Dolto. Une philosophie clinique,
Paris, Éditions Les Empêcheurs de penser en rond, 1999.
6. Guillerault Gérard et Dolto Francoise, Sentiment de soi. Aux sources de l’image du
corps, Paris, Gallimard, 1997.
7. Jeannerod M., Le cerveau intime, Paris, Odile Jacob, 2002.
8. Kekenbosch C., La mémoire et le langage, Paris, Armand Colin, 2005.
9. Lieury A., Psychologie de la mémoire : histoire, théories, expériences, Paris, Dunod,
2005.
10.Marc Edmond & Picard Dominique, Relations et communications interpersonnelles,
Paris, Dunod, 2000.
11.Pasquier F., Lebert F., Petit H., Consultations et centres de la mémoire, Marseille, Solal,
1997.
12.Pretz Jean E., Cognition and Intelligence. Identifying the Mechanisms of the Mind, Cam-
bridge, Cambridge University Press, 2005, 358 p.
13.Ricœur P., La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Le Seuil, 2000.
14.Rossi J.-P., Psychologie de la mémoire. De la mémoire épisodique à la mémoire séman-
tique, Bruxelles, De Boeck, 2005.
15.Saklofske Donald H. & Zeidner Moshe, International Handbook of Personality and Intel-
ligence, New York, Plenum Press, 1995, 274 p.
16.Schacter D., Science de la mémoire : oublier et se souvenir, Paris, Odile Jacob, 2003.
17.Van der Linden M., Adam S., Agniel A., et al., L’évaluation des troubles de la mémoire.
Présentation de quatre tests de mémoire épisodique (avec leur étalonnage), Marseille,
Solal, 2004.

Sites
Comportement animal, développement des comportements :
http://www.univ-tours.fr/irbi/UIEIS/Publis%20AL/Cours%20AL/Ontog.pdf

Conférences de la Cité des Sciences à Paris (en vidéos et diapos) :


http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/college/v2/index.htm

Genèse de la communication chez l’être humain :


http://probo.free.fr/textes_amis/
modele_unitaire_communication_enfant_h_montagner.pdf

Outils d’apprentissage et d’entraînement cognitif :


http://www.editions-cigale.com

Tests de mémoire, d’intelligence et de personnalité (sélection de tests) :


http://gk.methodes.free.fr/test_gratuit_QI_Personnalite_Logique.html

Troubles de la personnalité :
http://www.psychomedia.qc.ca/diagnos/dia14.htm

Troubles spécifiques du langage oral et écrit


http://www.crdp-lyon.cndp.fr/g/g1/g13/g133/g133edit/bonepage/langage/
p7072.pdf
CHAPITRE
7
Les troubles
des comportements humains

7.1 Comportements humains et aberrations sensorielles 369

7.2 Stress et dépression 378

7.3 Troubles neurologiques 383

7.4 Troubles comportementaux de l’enfance et de l’adolescence 392

7.5 Les altérations sensorielles du vieillissement 396

7.6 Pertes de conscience et coma 403

7.7 Les troubles psycho-sensoriels de la fin de la vie 407


368 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Dans ce chapitre, vous allez étudier :


• Les déterminants neuro-psychologiques des comportements.
• Les dysfonctionnements cérébraux responsables des altérations des com-
portements et des fonctions exécutives.
• Les altérations spécifiques des comportements observés chez l’enfant,
l’adolescent puis chez le vieillard.
• La relation malade-soignant au cours d’altérations sensorielles sévères
dont l’origine est un traumatisme, un cancer ou une altération organique
grave conduisant à la dépendance du malade aux autres.
Les troubles des comportements humains 369

7.1 Comportements humains et aberrations sensorielles


Nous avons vu dans le chapitre 5.1 que les comportements sont des actes complexes
résultant de diverses actions coordonnées par les centres cérébraux. Ils sont liés aux
perceptions sensorielles et à la façon dont notre cerveau traite l’ensemble des infor-
mations externes et internes en fonction des apprentissages et des expériences emma-
gasinées dans notre cortex.
Les comportements résultent globalement de trois niveaux d’influence :
– Le niveau neuropsychologique associant les systèmes de détections senso-
rielles (formation réticulée, thalamus), les systèmes associés aux grandes
motivations comportementales (hypothalamus, système limbique), les systè-
mes qui contrôlent le démarrage et le déroulement des principaux program-
mes comportementaux (lobes frontaux).
– Le niveau moléculaire plus diffus est un second niveau qui agit globalement.
C’est la « soupe moléculaire » qui nous constitue avec des enzymes, des hor-
mones, des neurotransmetteurs, des métabolites divers qui modulent à cha-
que instant notre activité. L’humeur en est un exemple (figure 7.1). Entre les
structures dites de « plaisir » utilisant la dopamine et celles qui interviennent
dans le stress et sont liées à la sérotonine et à l’adrénaline, il existe des états
d’équilibre ou des fluctuations génératrices de problèmes comportementaux.
– Le MOI est le troisième niveau. Il est purement symbolique et représente ce
qui donne ses particularités à chaque individu avec ses acquis, sa culture, ses
apprentissages et ses comportements sociaux.
Un Maître de la neurophysiologie, Mountcastle, précisait que nous ne con-
naissons notre environnement que par l’idée que nous nous en faisons à partir des sen-
sations variées que nous recueillons. Nous avons vu au cours de l’examen des
diverses sensorialités qu’elles étaient chacune des outils perceptifs à la fois très sen-
sibles mais assez fragiles et soumis aux variations de l’environnement ou qu’elles

Figure 7.1
Humeur
Hypothèse schématique de l’équilibre entre les influences dopaminergiques et adrénerqiques dans le détermi-
nisme de l’humeur. Les voies dopaminergiques sous-thalamiques forment ce que l’on nomme communément les
« voies du plaisir ». Les structures adrénergiques, plus dispersées, sont impliquées dans le stress et dans toutes
les situations mobilisant l’énergie. Les états d’humeur et les troubles de l’humeur sont la résultante des équilibres
entre les niveaux de ces neurotransmetteurs.
370 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

pouvaient subir des altérations plus ou moins sévères. Il est alors certain que les actes
comportementaux, s’ils sont associés à des perceptions altérées, s’en trouveront eux-
mêmes perturbés.

Les informations collectées peuvent subir des distorsions dès le traitement


par les cellules sensorielles, puis au moment de leur codage, de leur transmission et
enfin de leur intégration dans le cerveau.

Ainsi, je classerai les perturbations perceptives en deux groupes : les erreurs


de traitement primaire des signaux et les anomalies de l’interprétation des signaux.

7.1.1 Les erreurs de traitement primaire des signaux

Nous avons vu que les erreurs primaires sont dues à :


– des variations ou des altérations du dispositif capteur (troubles optiques de la
vue, altération des cônes, destruction des cellules auditives, lésions des osse-
lets, lésions cutanées…) ;
– des défaillances dans la transmission des signaux vers les centres cérébraux
comme dans les hémianopsies (altérations du nerf optique) ou une tumeur
(neurinome) qui comprime le nerf optique, nuisent à l’acheminement correct
des signaux visuels ;
– des lésions des voies médullaires ascendantes comme dans la syringomyélie
ou une interruption traumatique des voies.

Les erreurs d’interprétation des informations, et l’essentiel des troubles cogni-


tifs comme les illusions, les hallucinations, sont entièrement dues à des défaillances de
l’intégration par le cerveau. Il n’est ainsi statistiquement pas pensable que des mil-
liards de neurones qui reçoivent des milliards d’informations sensorielles à un même
instant donnent tous les mêmes réponses pour un même signal entrant. Pour que cela
soit réalisable, il faudrait au minimum que le traitement des signaux par les neurones
concernés se fasse à partir d’unités cellulaires dont la membrane serait « naïve ». Cela
signifierait que la membrane neuronale n’a subi aucune modification juste avant l’arri-
vée d’une volée d’influx chargée d’un code représentant un message nerveux. Il fau-
drait qu’ensuite la membrane revienne à l’état initial après chaque sollicitation.

Cela n’est physiologiquement pas possible. Un neurone n’est pas un compo-


sant électronique qui commute en moins d’une nanoseconde d’un état actif à l’état de
repos (même si les changements de configuration d’une porte ionique sont très rapi-
des). Un neurone est un composant vivant dont les mécanismes d’activation-désacti-
vation fonctionnent à la vitesse des réactions chimiques intracellulaires et des
ouvertures-fermetures des « portes » membranaires permettant l’entrée-sortie des
ions, soit entre 0,1 msec environ et 20-30 msec.
Les troubles des comportements humains 371

7.1.2 Les fonctions mentales sont assujetties à une distribution


plus ou moins aléatoire des signaux
A. Distribution aléatoire des signaux
Il n’y a pas à un instant donné, deux neurones du cortex visuel ou du cortex auditif pré-
sentant le même état métabolique. Ainsi, la distribution du glucose fluctue au niveau
des neurones et de même, les quantités de précurseurs de neurotransmetteurs varient
en fonction des apports. Les neurones sont équipés du même potentiel génétique, mais
chaque message sensoriel que reçoit un neurone modifie les expressions géniques con-
trôlant les synthèses protéiques et module la distribution des protéines réceptrices et
des protéines-canaux dans la membrane plasmique au niveau de chaque cellule.
Les réponses vont généralement représenter une sorte de moyenne numéri-
que des potentiels. De la sorte, si une information sensorielle isolée a été peu diffusée
sur peu de circuits parce qu’elle est inconnue ou de faible intensité, la réponse
moyenne engendrée est faite sur très peu d’informations et le résultat est imprécis et
ne peut ne pas être consolidé en mémoire. Si une information est isolée, mais que ses
paramètres sont reconnus par le cerveau comme étant remarquables ou si les signaux
qui la caractérisent arrivent en même temps que des informations déjà identifiées, elle
ne disparaît pas, même si elle est noyée dans un « bruit » d’informations (effet de
masque). En fait, elle restera associée au deuxième influx comme c’est le cas dans un
conditionnement. Les messages publicitaires utilisent amplement ce type d’associa-
tion voir même ils exploitent ce que l’on appelle les stimuli infraliminaires, donc des
signaux dont l’amplitude est située en dessous du seuil de perception consciente.
L’observateur n’entend pas ou ne voit pas ces signaux, mais la répétition de ces brefs
signaux associés à des stimuli significatifs qui ont des composantes comportementa-
les, activent des circuits d’associations.

RETENEZ :
Les mécanismes de l’attention visent à activer des voies de communications
privilégiées entre centres cérébraux. Cela permet de centrer au maximum la
distribution Gaussienne des messages nerveux et cela limite l’éparpillement
des informations dans toutes les structures.

Ainsi naît cette extraordinaire variabilité perceptive qui fait que nous estime-
rons un tableau superbe alors qu’un autre observateur le trouvera très laid ou que les
mêmes parfums de grands prix seront achetés par certaines clientes et évités par
d’autres. Ici, la variabilité perceptive est toujours discrète et n’a souvent qu’une
influence mineure sur les comportements quotidiens (sauf sur la « fidélisation
commerciale » et la canalisation des conduites jusqu’à en faire des obsessions). Mais
lorsque, chez un sujet, les signaux sont très distordus ou que l’étage cérébral dégrade
ou n’interprète pas correctement l’information, les réponses paraissent inadaptées
pour l’observateur, alors qu’elles sont ressenties comme correctes par le sujet. On se
trouve en présence d’altérations perceptives et cognitives suffisamment sévères pour
que les comportements quotidiens d’un tel sujet soient très altérés. C’est dans ces cas
372 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

que se situeront les comportements compulsifs, psychotiques ou névrotiques, qui


assujettissent les actes résultant de perceptions sensorielles correctes déviées par des
interprétations centrales erronées.

B. La douleur et le plaisir sont des modulateurs


des actes comportementaux

L’essentiel des comportements quotidiens des espèces animales visent à trouver un


équilibre permanent entre le plaisir, sous forme de récompenses immédiates ou diffé-
rées, et le désagrément, voire même la douleur, immédiat ou à plus ou moins longue
échéance. Chaque jour, nos récepteurs sensoriels reçoivent des informations agréa-
bles ou désagréables. Comme le rat, dans une cage à conditionnement soumis à des
stimuli électriques qu’il doit éviter, (voir le conditionnement pavlovien, aversif, skin-
nerien), nous réagissons en tentant de récolter le moins possible de stimuli désagréa-
bles. Or nous avons vu qu’il y a des différences considérables entre les circuits de
douleur et les circuits du plaisir (figure 7.1). Pour mémoire, la douleur est le résultat
des stimulations locales des récepteurs sensoriels nociceptifs. Les voies de la douleur
sont parfaitement identifiées. Ces signaux de douleurs remontent par la voie protopa-
thique dans les structures réticulées bulbo-protubérantielles où sont exécutés les
ordres d’agir sur les effecteurs pour faire cesser la douleur.

Les structures du plaisir sont beaucoup moins clairement identifiées. Or la plu-


part des éléments générateurs de satisfaction et de plaisir sont dépendants de l’hypo-
thalamus. La faim ou la sexualité sont des générateurs de plaisir. Cependant, s’il est
certain que le plaisir est généré par l’hypothalamus, la sensation de plaisir pourrait être
générée dans les noyaux gris sur des voies dopaminergiques. Dans ce cas, la réception
d’informations douloureuses peut se trouver associée à une libération anormale
d’opiacés endogènes qui provoquent du plaisir (ce que l’on retrouve dans les compor-
tements sadiques et masochistes ou dans la scarification ou l’automutilation).

7.1.3 Comportements et fonctions exécutives

Si les comportements représentent l’ensemble des activités résultant d’informations


sensorielles, on définira les fonctions exécutives comme des actes comportementaux
résultant d’activités cérébrales de « haut niveau », en particulier liées au fonctionne-
ment du cortex frontal. En ce sens, le terme de « syndrome dysexécutif » remplace
celui de « syndrome frontal » utilisé jusqu’à maintenant.

Parmi les troubles exécutifs on trouvera : l’apathie, l’aspontanéité, l’aboulie,


la pseudo-dépression, l’impulsivité, l’hyperactivité, la désinhibition, la moria (inhibi-
tion avec euphorie, tendance facétieuse), la persévération et la stéréotypie, les digres-
sions, les confabulations, l’indifférence, l’akinésie psychique et l’athymhormie, ainsi
que des troubles des comportements sociaux.
Les troubles des comportements humains 373

A. Classification des troubles exécutifs


Elle est distincte de celle des troubles comportementaux classiques. On considère
ainsi :
– les hypoactivités globales (apathie, aboulie…) ;
– les hyperactivités globales (impulsivité, distractibilité…) ;
– les persévérations (stéréotypie…) ;
– les dépendances à l’environnement (imitation ou répétition des mots de
l’interlocuteur comme dans l’écholalie, par exemple).
Du fait de la grande dimension du cortex frontal et de ses interconnexions
avec une multitude de structures, les symptômes sont rarement très spécifiques et leur
classification demande l’utilisation de batteries de tests et des analyses objectives
reposant sur l’imagerie dynamique (toutes ces méthodes ont déjà été présentées dans
le chapitre 1). Le choix des tests est éminemment important, car il faut que les zones
du cerveau supposées impliquées dans des tâches exécutives restent actives un temps
suffisamment long pour être lisibles sur les images de l’IRM. Ainsi, dans une tâche
comportementale, le sujet doit à chaque test découvrir une nouvelle série pour éviter
qu’il ne la mémorise. Il faut néanmoins représenter des tests identiques en nombre
suffisant pour sérier les résultats. Ce type de méthode comparative est dit technique
de soustraction cognitive avec ses difficultés liées à la lourdeur des procédures, car il
faut une série de référence intégrant la tâche exécutive et une autre série dans laquelle
il n’y a plus de tâches. On préférera l’étude en conjonction qui tient compte des con-
vergences entre structures cérébrales activées et rapprochera les données des images
de la réalité des processus cognitifs.

RETENEZ :
Les troubles exécutifs, même s’ils sont identifiables en première approche par
des activités hors norme des patients, nécessitent des investigations comple-
xes car ils sont souvent liés à des associations intercorticales anormales.

B. Les aberrations perceptives, illusions, hallucinations et dérives


des capteurs
Les dérives que constituent les aberrations perceptives sont observées chez les
sujets présentant des troubles sensoriels chroniques, comme dans les schizophrénies,
ou dans les troubles aigus, lors de crises comitiales dans l’épilepsie. Parmi ces dérives
primaires, il y a les erreurs de perceptions qui ne mettent pas en cause les capteurs,
mais les structures d’analyse :
– l’hyperesthésie, se retrouve dans des troubles thalamiques dans lesquels la
sensation est exacerbée (comme par exemple quand un contact léger devient
insupportable) ;
– l’anesthésie, où il y a suppression de la perception par l’action de drogue ou
à la suite d’un traumatisme ;
374 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

– l’hypoesthésie, avec une baisse du seuil de perception et une insensibilité à la


douleur d’une blessure, qui peut être observée dans des lésions médullaires ;
– la paresthésie, caractérisée par une sensation tactile anormale, comme des
fourmillements dans les doigts (lors des migraines) ou encore dans le syn-
drome du membre amputé ou du membre fantôme (cette sensation est due à
la réorganisation fonctionnelle du cortex après amputation). Toutes ces ano-
malies résultent de dysfonctionnement des récepteurs, de leur organisation et
de l’interprétation centrale. Ce sont donc des troubles cognitifs.
Les illusions sont des anomalies perceptives qui entraînent une erreur de for-
mation des messages sensoriels. Les illusions perceptives résultent à la fois de mises
en défaut de l’appareil perceptif et d’erreurs d’interprétation des analyseurs centraux :
– l’illusion de l’aire de saut (voir « tact ») appartient au premier type ;
– les acouphènes sont des bruits de fond comme des sifflements ou des bruis-
sements tels ceux perçus dans les migraines ;
– les auto-émissions acoustiques sont des illusions auditives résultant de dys-
fonctionnement des cellules auditives externes qui se contractent de manière
intempestive. L’intensité des auto-émissions peut être assez intense pour que
l’observateur entende ces sons semblables à du « larsen » ;
– les anosmies et les dysosmies affectent fréquemement la reconnaissance des
odeurs. On note de telles anomalies primaires dans un grand nombre de
pathologies mentales.
Les hallucinations sont des fausses sensations perceptives, parfois épisodi-
ques, dans lesquelles le sujet croit voir ou entendre ou bien ressentir des sensations
qui n’existent que dans son esprit. Ici, les erreurs viennent d’anomalies neuro-anato-
miques telles qu’une couche corticale incomplète dans le cortex orbito-frontal
(comme dans certaines schizophrénies) ou une dégénérescence neuronale métaboli-
que du cortex limbique (comme dans la maladie d’Alzheimer). Les neurones chargés
de la mémorisation de la matrice de décodage dans les aires d’idéation frontale ou
préfrontale sont absents, ce qui fausse la synchronisation des signaux et fait résurger
des images d’éléments mémorisés sans base perceptive et de manière aléatoire.
On observe des hallucinations tactiles dans l’abus de cocaïne, des hallucina-
tions auditives chez les sourds, des hallucinations olfactives dans certaines épilepsies
temporales, des hallucinations visuelles chez les aveugles.
Dérive des capteurs. Les récepteurs osmotiques et thermiques sont aussi
sujets à des perturbations, mais celles-ci sont liées au fonctionnement des structures
centrales diencéphaliques.
Par exemple, les récepteurs situés dans l’infundibulum hypothalamique con-
trôlent l’état de la glycémie et de l’équilibre salin du sang (voir « la faim » et « la
soif »). Leur dérèglement, provenant d’une fausse évaluation du rapport glucose/
métabolites disponibles, entraîne des anomalies de la prise alimentaire comme
l’hyperphagie. Les détecteurs de satiété fonctionnent comme des récepteurs des opia-
cés et entraînent un état de satisfaction ou de plaisir de manger. Leur saturation sou-
Les troubles des comportements humains 375

tenue entraîne une forme de conditionnement ou d’addiction à la prise alimentaire


(pas forcément à l’ingestion) et provoque la boulimie. À l’inverse, l’absence de
récepteur ou de stimulation des récepteurs ne provoque aucune satisfaction à absorber
des aliments et le mécanisme de prise alimentaire n’est pas incité, ce qui produit
l’anorexie. Les mécanismes neuronaux de ces altérations comportementales sont à
rapprocher des mécanismes d’accoutumance et d’addiction et leurs thérapies respec-
tent les mêmes règles.
Les dérives neuronales provoquant l’accoutumance sont donc d’abord la con-
séquence de sur-stimulations sensorielles qui, comme nous l’avons vu dans le
chapitre 5 (« les drogues »), contribuent à instaurer une consolidation d’un condition-
nement à partir des molécules de drogue, et ce type de conditionnement est renforcé
lors de chaque nouvelle absorption de drogue.

C. Les troubles anxieux et les troubles obsessionnels compulsifs (TOC)


L’anxiété est un état d’alerte, de tension psychologique et somatique en réponse à un
sentiment désagréable ou à des situations anxiogènes comme de l’inquiétude, de la
peur. L’anxiété est souvent disproportionnée par rapport à l’objet ou simplement à
l’idée que le sujet se fait des risques qu’il encourt. Les troubles anxieux sont des états
comportementaux pathologiques dans lesquels le sujet ne peut pas maîtriser son
anxiété. On peut dissocier l’anxiété de l’angoisse, dont la nature se trouve dans la
dépression, dans une psychose, une perte d’objet, et dont l’analyse ne peut se faire
que dans le cadre psychanalytique. Crainte, regret, frustration ou déception sont les
émotions ressenties par l’anxieux. Les manifestations de l’angoisse et de l’anxiété
rejoignent souvent celles des états de stress chronique : les vertiges, la sensation de
gêne respiratoire et des palpitations cardiaques sont souvent des causes d’angoisses
nocturnes avec la crainte de la mort, des sueurs plus ou moins intenses, tous ces symp-
tômes rappelant l’influence du système sympathique. Le « raptus anxieux » est une
situation d’anxiété extrême.
Les mécanismes neurophysiologiques de l’anxiété sont présentés dans la
figure 7.3. La stimulation anxiogène de l’environnement active les structures gaba-
ergiques qui agissent sur les noyaux du raphé et les structures du tronc cérébral. Elles
activent le système limbique dont le contenu rappelle au sujet les comportements de
défense, d’anxiété. Ces états sont renforcés par l’activité neuroendocrine (hypothala-
mus, surrénales) qui libére du cortisol et installe l’état anxieux.
Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), peuvent aussi entrer dans ces
catégories d’aberrations sensorielles, même si du point de vue neurologique cela res-
semble à des altérations du comportement d’origine centrale. Dans ces altérations, les
éléments des boucles de contrôle des réseaux assurant des actes quotidiens sont alté-
rés. Ainsi, lorsque je pars pour mon travail, j’enclenche la séquence comportementale
quotidienne suivante : 1) j’ouvre ma porte d’entrée, 2) je la ferme derrière moi, 3) je
prends ma clef dans ma poche, 4) je la mets dans la serrure, 5) je tourne la clef, 6) je
la mets dans ma poche, 7) je pars vers ma voiture, etc. J’aurai accompli 7 gestes
376 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

réflexes différents initiés chacun par une image (la porte, la clef, la serrure,). Ces ges-
tes sont enchaînés de sorte que je n’accomplis pas l’étape 5 si les étapes 1 à 4 n’ont
pas été réalisées.
Les TOC débutent souvent pendant l’adolescence, de toute manière très sou-
vent avant 25 ans. La fréquence des obsessions et des compulsions (rituels) des TOC
peut être telle qu’elle constitue un handicap empêchant une vie professionnelle.
L’anxiété ou la détresse des gens souffrant de TOC est très difficile à dominer car les
actes répétitifs incontrôlables sont induits par des situations parfois anodines qui
enclenchent les comportements stéréotypés ou les phases d’anxiété. Le sujet connaît
son problème, redoute les crises mais ne parvient pas à les dominer seul. Les thérapies
cognitives sont rarement efficaces.
Dans les altérations des séquences comportementales, le trouble cognitif
vient du fait que l’une des étapes ne parvient pas à s’enclencher du fait d’un « trou »
perceptif. Pour une raison encore mal connue, la mémoire à court terme n’enregistre
pas correctement une sensation, et ainsi le sujet oublie le geste qu’il devait effectuer
et le recommence jusqu’à enclencher la séquence attendue pour qu’elle soit reconnue
par la mémoire procédurale et que s’enchaînent enfin les autres étapes.
Les TOC sont extrêmement variés : trichotillomanie (s’arracher des touffes
de cheveux), onychophagie (se ronger les ongles), kleptomanie (besoin de voler),
agoraphobie (peur d’un espace sans repères), ou encore la recherche excessive de la
propreté et un besoin d’ordre strict (fréquent car cela sécurise).
L’évaluation des TOC recourt au test de Yale-Brown, basé sur une auto-éva-
luation de l’importance prise par les troubles dans la vie quotidienne, sur la capacité
à dominer les obsessions ou les compulsions, l’existence d’anxiété… Dans leur forme
bénigne, ces troubles entraînent l’apparition de comportements répétitifs incontrôlés.
Les TOC peuvent devenir invalidants et perturber la vie sociale et profession-
nelle car le malade ne peut progresser dans la structuration d’une d’action coordonnée
que si chaque étape a fait l’objet d’un contrôle qui est refait un grand nombre de fois.

RETENEZ :
Les TOC ne sont pas des troubles mnésiques mais un bouclage sans fin lié à
un défaut d’inhibition par les interneurones gaba-ergiques.

D. Divers troubles de la reconnaissance sensitive


L’incapacité à reconnaître la signification d’une perception constitue l’un des aspects
des troubles perceptifs. Les agnosies ou la « négligence » font partie de ces troubles.
Ces altérations résultent de lésions traumatiques ou de dégénérescences corticales ou
de tumeurs. L’agnosie affecte toutes les sensorialités et le sujet ignore alors les sen-
sations qu’il reçoit.
Quelques variations d’agnosies sont la prosopagnosie (l’incapacité à recon-
naître des formes ou des visages familiers) et l’astéréognosie (l’incapacité à percevoir
du relief dans les images). Une forme assez semblable à cette altération est la négli-
Les troubles des comportements humains 377

gence ou agnosie spatiale, qui résulte d’une lésion ou d’une tumeur pariétale. L’hémi-
négligence induit un trouble sévère dans lequel le patient ignore une moitié de son
corps, comme si elle ne lui appartenait pas. Cet effet peut être partiel dans certaines
formes de céphalées ophtalmiques, dans lesquelles l’insensibilité temporaire d’un
membre est assorti de la sensation que le membre insensible n’appartient pas au
malade.

E. Les troubles du langage : des anomalies perceptives ou cognitives ?


Ces anomalies ne sont en rien liées à une altération de la mémoire ; les composantes
mnésiques essentielles subsistent, mais elles viennent d’une incapacité à restituer les
éléments corrects, soit parce que les voies associatives sont détruites, soit parce que
les feedbacks de contrôle des processus de communication verbale sont altérés.
Les aphasies sont caractérisées par la substitution d’un mot par un son et l’on
parle alors de paraphasie quand un son est remplacé par un autre son.
Dans les cas les plus légers, l’expression verbale est remplacée par l’échola-
lation où le sujet répète involontairement, plus ou moins correctement, la dernière
phrase ou les derniers mots de l’interlocuteur. Mais le malade ne peut généralement
pas en dire plus ou ne trouve pas les mots adéquats pour poursuivre logiquement le
fil du dialogue avec l’investigateur. Dans d’autres situations, le sujet invente des
mots, qui sont des néologismes, et ne parvient pas à utiliser les mots corrects.

F. Aphasie de Broca, aphasie de Wernicke, aphasie mixte


L’aphasie de Broca : l’expression verbale des aphasiques est discontinue, donc non
fluente, car le malade doit rechercher les mots. Ce qui caractérise l’atteinte est le fait
qu’il se trompe très souvent. Cette aphasie peut être associée à des difficultés d’écri-
ture ou agraphie et à l’incapacité de retrouver les noms des objets familiers ou ano-
mie. Ces troubles résultent de lésions de l’aire frontale antérieure ou aire de Broca
située en avant de la scissure de Sylvius (voir chapitre 3.2).
L’aphasie de Wernicke : des lésions de l’aire temporale située en arrière de
la scissure de Sylvius ou aire de Wernicke produisent les symptômes de l’aphasie
Wernicke. Dans cette maladie, le langage paraît normal, fluent, dans son débit. Par-
fois, au contraire, le débit verbal est anormalement élevé, le malade parle sans arrêt,
c’est une logorrhée inconstante et parfois associée à d’autres troubles comme certai-
nes psychoses. Chez ces aphasiques, certains mots sont corrects mais intercalés avec
des permutations syllabiques rendant l’expression incohérente. La reconnaissance
des mots lus (alexie) et l’écriture sont très perturbés (agraphie).
Les aphasies mixtes représentent les cas les plus fréquents.

G. Dyslexie
La dyslexie représente un problème complexe parmi les agnosies. De manière globale,
les dyslexiques ont des difficultés à comprendre ce qu’ils lisent malgré un QI normal.
378 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Le trouble affecte plus les garçons et les gauchers. En orthophonie, il est admis que ce
sont les éléments sensoriels qui sont altérés et génèrent une distorsion des phonèmes.
En neurologie, l’idée est que la dyslexie peut être accompagnée de troubles dans l’uti-
lisation de l’hémisphère gauche. S’agissant de troubles de l’organisation neuronale, il
a été observé une certaine fréquence de relations entre la dyslexie et une anomalie
génétique sur le chromosome 6 (DYX2) et 15 (DYX1), ce dernier gène étant proche
du gène ACCPN dont l’altération produit une anomalie ou une agenèse du corps cal-
leux. Ceci conforterait l’hypothèse neurologique d’un dysfonctionnement dans le
transfert d’informations liées au langage entre les deux hémiphères.

Pour en savoir plus sur les troubles comportementaux :


http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychologie/psychologie/

7.2 Stress et dépression

7.2.1 Situation de stress et axe limbo-hypothalamo-hypophyso-


surrénalien
Ce terme couvre toute situation dans laquelle l’organisme subit une contrainte, une
agression nécessitant une réponse rapide et efficace pour éviter ou retarder la cause
de cette contrainte. Il s’agit donc d’une réponse de l’organisme préparant les réponses
comportementales adaptées.
Les divers stress sont de types traumatique (état de choc), chirurgical ou psy-
chologique. Le maintien des situations de stress sans parvenir à supprimer la cause et
revenir à une situation psycho-affective et physique équilibrée conduit progressive-
ment à une psychose de conflit, puis vers un état dépressif, voir maniaco-dépressif.
Le stress, quel qu’en soit la cause, produit une réponse en deux temps
(figure 7.2) : une réponse nerveuse avec une libération de neuromédiateur immédiate ;
si l’intensité du stress est telle que la réponse immédiate ne suffit pas, il apparaît une
réponse humorale plus tardive, mais de plus longue durée. Les molécules du stress sont
l’adrénaline, un agent immédiat des réponses neurovégétatives et musculaires, puis le
cortisol.
L’axe LHHS (système limbique-hypothalamus-hypophyse-surrénale) con-
trôle le stress (figure 7.3). Une situation stressante active diverses régions selon
l’ordre suivant :
1. la région bulbo-protubérentielle génère une activation végétative accélérant le
rythme cardiaque, la fréquence ventilatoire et active le système neurovégétatif ;
2. l’information parvient au système limbique (amygdale, hippocampe), qui
contient dans la mémoire héréditaire les informations sur les séquences à pro-
duire pour réagir à la situation stressante de l’instant ;
Les troubles des comportements humains 379

Figure 7.2
Hippocampe Stress
Ce schéma récapitule les principaux
facteurs impliqués dans le stress. Lors
GR du stress, l’activation hypothalamique
– produit la libération de corticoïdes. Par
une rétroaction liant les surrénales à
Hypothalamus l’hypothalamus, l’excès de corticoïdes
ventral –
GR charge les glucorécepteurs, ce qui per-
met au sujet stressé de revenir à un état
de calme (AVP : arginine-
vasopressine ; CRH : corticoreleasing
CRH
hormone ; GR : glucorécepteur). Voyez
AVP
Hypophyse http://www.unites.uqam.ca/cnc/
psy4042/emotions_2005.pdf.
GR –

Surrénale

Corticostéroïdes
cortisol
Glandes
muscles

3. l’information parvient au cortex frontal, où sont prises les décisions d’agir ou


de ne pas réagir. C’est dans la mémoire événementielle que sont également
identifiés, le niveau de dangererosité pour l’organisme et le comportement le
plus approprié à adopter pour faire face à la situation. Il est évident qu’entre
l’instant du phénomène stressant et la prise de décision, il peut exister un
délai long.
Imaginez-vous au volant de votre voiture. Un obstacle survient. Le condition-
nement qui vous amène à mettre le pied sur le frein est un réflexe spinal que l’état de
stress et la décision corticale vont moduler.
Le temps de réponse simple ou temps de réaction, c’est-à-dire le temps entre
la vision de l’obstacle et le freinage, est d’environ 0,2-0,3 seconde. C’est la vitesse de
propagation de l’influx (1 à 2 m/s entre l’œil et le cerveau, soit 0,1 seconde) puis
s’ajoute l’effet moteur propagé à 10 m/s sur la longueur du sciatique, soit à nouveau
0,1 seconde.
La réalité n’est pas aussi simple, car les éléments du stress dû au phénomène
inattendu, l’obstacle, allonge plus ou moins fortement ce temps.
Observez qu’après un freinage d’urgence sans conséquence majeure, votre
pouls s’est accéléré, une sensation d’anxiété plus ou moins importante trouble la suite
de la conduite. Cette situation de trouble conduit la plupart des conducteurs à s’arrêter
380 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Diminution des agonistes


Neuromodulateurs
de GABA et des récepteurs des
du récepteur GAGAa
benzodiazopines (Bz)

Traitement :
agoniste de Bz

GABA

– Levée de l’inhibition
Systèmes à neurotransmetteurs excitateurs :
raphé : 5HT, Locus coeruleus : NA Buspirone
Inhibiteur des
Monoamines Oxydases
+ +
Système limbique Hypothalamus :
CORTEX Excès de Corticolibérine (CRH)

AdénoHypophyse
Hormone corticotrope
(ACTH)

Corticosurrénale

ANXIÉTÉ Cortisol

Figure 7.3
Anxiété
Mécanismes généraux de l’anxiété. L’apparition d’un événement imprévu, pas forcément stressant, dans l’envi-
ronnement, agit sur les récepteurs de GABA et en diminue l’influence régulatrice, laissant apparaître les effets
excitateurs de l’adrénaline ou de la sérotonine. Cela active les structures limbiques et induit un sentiment
d’anxiété que les facteurs stressants (comme le cortisol) peuvent accentuer. (Bz : benzodiazépines : NA :
noradrénaline ; 5-HT : sérotonine ; GABA : acide gamma amino-butyrique).

pour attendre un retour à un état physiologique et psychique normaux. Cela en con-


duit d’autres, également stressés, à prendre un comportement de fuite pour répondre
à un instinct irréfléchi de ne pas voir et de ne pas subir la conséquence d’une erreur.
Là encore, les effets neuropsychiques du stress ramènent chacun à l’état de la réponse
que lui dicte sa programmation limbique : dominant, dominé, réactif, passif…

7.2.2 Le stress et les récepteurs des glucocorticoïdes


Les liens entre le codage génétique des récepteurs des glucocorticoïdes (GR) et
l’occurrence d’un stress sont maintenant bien montrés (figure 7.2). Une altération des
gènes régulant la synthèse des récepteurs de GR induit un stress chronique. Une con-
séquence est une anxiété soutenue et une tendance dépressive.
Les troubles des comportements humains 381

Le traducteur final des états d’anxiété, d’angoisse et de dépression est certai-


nement le complexe amygdalien. Cette structure est particulièrement riche en récep-
teurs de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), le neurotransmetteur chargé de
l’inhibition pratiquement dans tout le cerveau. Le récepteur de GABA le plus abon-
dant est lié spécifiquement à des molécules, les benzodiazépines (Bzp). Ces molécu-
les facilitent l’effet inhibiteur de GABA (figure 7.3).
Les symptômes du syndrome de Klüver-Bucy, dans lequel les malades sont très
calmes, joviaux, sereins, sont à l’opposé de ceux du stress. Or le syndrome de Klüver-
Bucy résulte d’une lésion ou d’une lobotomie (ablation chirurgicale) du lobe temporal et
en particulier de l’absence d’amygdale, cette structure riche en récepteurs des benzodia-
zépines.
Les récents travaux d’une équipe de chercheurs de l’Institut de psychiatrie de
l’État de New York montrent que les patients dépressifs-suicidaires ont plus de récep-
teurs de la sérotonine (récepteurs 5-HT2C) dans le cortex préfrontal, la région char-
gée de la planification des actes, et moins de ces récepteurs dans l’amygdale, cette
région déjà impliquée dans les tendances agressives (chapitre 5.5). Ces résultats cor-
roborent des observations montrant que des substances souvent prescrites en psychia-
trie pour les troubles anxieux de l’enfant et de l’adolescent comme les IRSSs
(Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, (la Fluoxetine par exemple)
augmentent la quantité de récepteurs de 5-HT liés au suicide.

RETENEZ :
Le stress est d’abord un état physiologique destiné à préparer une réaction
optimisée de l’organisme à une situation qui peut le mettre en danger.

7.2.3 La dépression
La dépression est un trouble mental courant se caractérisant par une tristesse de
l’humeur, une perte d’intérêt pour toute activité et une baisse d’énergie. Elle se distin-
gue des modifications normales de l’humeur par son degré de gravité, ses symptômes
et la durée des troubles. Le suicide est l’une des issues courantes évoquée par le dépres-
sif, mais elle est le plus souvent évitable. Si les épisodes dépressifs alternent avec une
exubérance exagérée ou de l’irritabilité, on parle alors de troubles bipolaires. Les trou-
bles dépressifs et la schizophrénie sont à l’origine de 60 % des suicides. Les causes de
la dépression sont variables et des facteurs psychosociaux, comme le fait de vivre dans
des conditions difficiles, peuvent influer sur l’apparition et la persistance des épisodes
dépressifs. Des facteurs génétiques et biologiques jouent également un rôle.
Selon les estimations, 121 millions de personnes souffrent actuellement de
dépression dans le monde et, chaque année, 5,8 % des hommes et 9,5 % des femmes
connaissent un épisode dépressif. Ces chiffres varient néanmoins selon les populations.
Pour la plupart des patients dépressifs, le traitement de première intention
consiste à leur donner des antidépresseurs, à leur faire suivre une psychothérapie ou
à associer les deux. Les antidépresseurs sont efficaces à tous les degrés de gravité des
382 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

grands épisodes dépressifs. La mise en place de réseaux de soutien pour les individus,
les familles et les groupes vulnérables est une autre intervention efficace. En ce qui
concerne la prévention des dépressions, les données recueillies sont moins tranchées :
seules quelques études isolées ont montré que les interventions proposées étaient effi-
caces. Ces troubles sont de plus en plus considérés comme des désordres génétiques
(Huda, 2005).
Les altérations sensorielles ou les fausses sensations peuvent produire des
déviations comportementales. Mais, si les structures sensorielles sont intactes, les
réponses qui ont lieu à l’une des étapes de la programmation des comportements peu-
vent être anormales. Ainsi, dans la dépression, une information sensorielle quelcon-
que, anodine, peut prendre une importance énorme dans l’esprit du sujet. Cette idée
fait ainsi passer notre conception des troubles comportementaux vers des troubles
cognitifs.
L’humeur du dépressif dépend du nombre d’activités dont les réponses pro-
duisent une satisfaction. Si la quantité de plaisir, donc de réponses-récompenses,
diminue, le renforcement du conditionnement est de plus en plus négatif. Moins le
malade reçoit de réponses satisfaisantes, plus il accroît sa situation dépressive. Si l’on
se place du point de vue cognitif, on peut dire que le malade perçoit une baisse de
l’estime de soi et s’imagine moins performant ou inutile ou encombrant. Il ne déplace
pas le curseur de la qualité des informations sensorielles qu’il reçoit, il semble au con-
traire qu’il ignore de plus en plus l’intérêt des choses de son environnement pour
internaliser ses difficultés.

RETENEZ :
La dépression est un trouble de l’humeur qui peut résulter de l’interaction
d’un ensemble de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Sa surve-
nue est délicate à diagnostiquer, son évolution encore imprévisible et à hauts
risques car elle peut mener au suicide sans signe précurseur.

7.2.4 Les névroses, les phobies


Les névroses sont des états de conflit psychique résultant d’une difficulté à prendre
une décision par crainte de ne choisir que le choix provoquant des souffrances. Dans
ces troubles comportementaux, le sujet se focalise facilement sur un élément de
l’environnement qui le gêne, d’abord un peu, puis cela prend une importance accrue.
L’objet du conflit psychique occupe l’esprit du malade au point que celui-ci n’agit
plus qu’en fonction de son probléme. On assiste à une amplification des signaux sen-
soriels tels qu’un signal indéterminé subit un zoom en parvenant dans le cortex. Il faut
voir dans ce phénomène une altération des boucles inhibitrices gabaergiques.
D’ailleurs, le traitement utilise des antidépresseurs de type benzodiazépines.

Pour en savoir plus sur la dépression et les dépressions nerveuses :


http://www.creapharma.ch/depression.htm
Les troubles des comportements humains 383

7.3 Troubles neurologiques

7.3.1 Étiologie des troubles neurosensoriels


Une personne sur quatre présente un ou plusieurs troubles mentaux ou du comporte-
ment au cours de sa vie, et cela dans les pays développés comme dans ceux en voie
de développement. On peut désormais diagnostiquer ces pathologies de manière aussi
fiable et précise que la plupart des troubles physiques courants. Il est possible d’en
prévenir certaines et toutes peuvent être prises en charge et traitées avec succès. Nous
présentons ici un bref aperçu des principales altérations neurologiques. Il ne s’agit pas
d’un classement, mais cela montre que des troubles métaboliques, génétiques ou
immunitaires peuvent induire secondairement des altérations neurologiques dont les
corollaires sont des troubles comportementaux.

A. Troubles neurologiques d’origine organique


– Traumatismes crâniens sans lésion, amnésie rétrograde plus ou moins durable.
– Traumatismes crâniens avec hématome, selon la localisation de l’hématome.
S’il y a des lésions du parenchyme cérébral, il peut apparaître des troubles
neurologiques plus ou moins complexes qui dépendent du site de la lésion. Les
plus fréquentes sont les lésions temporales entraînant une aphasie, mais un
traumatisme frontal peut induire des troubles de l’attention et de la mémoire.
– Tumeurs cérébrales, telles les neurinomes et les méningiomes : ce sont des
syndromes de compression du tissu cérébral. Le neurinome de l’acoustique
produit des troubles auditifs par exemple.
– Accident vasculaire cérébral (AVC) : caractère hémorragique avec forte
céphalées, vomissements et déficit sensori-moteur. L’hémorragie cérébrale
représente 15 % des AVC. Dans le chapitre 3, nous décrivons la vascularisa-
tion cérébrale et divers syndromes. Si l’origine est ischémique (embolique)
avec survenue brutale, l’oblitération de l’artère provoque des symptômes cor-
respondant au territoire affecté.
– Anévrisme : dilatation formant une hernie de la paroi d’une artère. Il constitue
un point de rupture potentiel. 95 % de ces anévrismes se situent sur le cercle
artériel ou sur la carotide. Au moment de la rupture, l’hémorragie produit une
forte céphalée en étau qui peut représenter un signe précurseur (voir
chapitre 3). À ce stade, il y a urgence à faire clamper la zone hémorragique
avant des dommages irréversibles du tissu cérébral. En effet, non seulement
l’arrêt de l’apport sanguin entraîne rapidement la mort neuronale (en quel-
ques minutes), mais le sang entre en contact avec le parenchyme et sa teneur
en métabolites peut aussi détruire les tissus. Enfin, la poche de sang accumulé
forme une zone kystique de compression qui écrase le tissu cérébral et peut
entraîner une activation des tissus de type comitial.
384 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

B. Troubles neurologiques d’origine neuro-endocrine


– Syndrome de Cushing : un excès de corticostéroïdes surrénaliens entraîne des
troubles neurovégétatifs, fatigue, dépression, troubles maniaco-dépressifs,
troubles du sommeil.
– Hypoparathyroidisme : ce symptôme entraîne une hypocalcémie. Il peut se
former des dépôts de calcium dans les noyaux gris centraux. Il existe des
troubles psychiatriques fréquents : anxiété, émotivité, confusion ou même
psychose et hallucinations.
– Dysfonctionnement hypothalamique : il est consécutif à une lésion caudale
(hypothermie), une lésion rostrale (hyperthermie), une lésion du tuber
(hyperphagie), du noyau latéral (anorexie), une lésion ou une anomalie de
secrétion LH-RH (hypogonadisme, maladie de Kalmann).
– Hyposurrénalisme : ou maladie d’Addison, rare, liée à un déficit surrénalien.
Mais un déficit surrénalien temporaire peut apparaître après une forte émo-
tion ou un stress intense. Dans ce cas, on retrouve des symptômes comme un
amaigrissement et de l’asthénie ainsi qu’un état dépressif.
– Hyperthyroïdisme : le goître exophtalmique et la maladie de Basedow sont
des maladies auto-immunes. Parmi les symptômes métaboliques et physiolo-
giques comme l’amaigrissement, on peut trouver une thermophobie, de
l’anxiété, des changements d’humeur.

C. Troubles neurologiques d’origine immunitaire


– Névrite : cela correspond à une lésion nerveuse d’origine inflammatoire ou
dégénérative.
– Sclérose en plaques (SEP) : c’est une démyélinisation avec une destruction
de la myéline dans la substance blanche de l’encéphale et de la moelle, res-
pectant les axones. Les premières manifestations peuvent être : une parapa-
résie, c’est-à-dire une paralysie partielle affectant les membres inférieurs ;
une monoplégie (paralysie d’un seul membre) brachiale ou crurale ; un désé-
quilibre en position debout (cérébelleux ? proprioceptif ? vestibulaire ?) ; des
troubles sensitifs, paresthésies, dysesthésies, zones d’hypoesthésie cutanée ;
une névrite optique rétro-bulbaire ; plus rarement la paralysie d’un nerf crâ-
nien, une paralysie faciale ; des épisodes douloureux divers et inconstants.
– Encéphalopathies : ce sont maladies auto-immunes ; encéphalomyélites
auto-immunes ; myasthénie ; encéphalomyélite parainfectieuse, consécutive
à une infection virale ou après une vaccination antivirale.
– Syndrome de Di-George (anomalie du thymus et hypoparathyroïdie) : c’est
un déficit immunitaire primitif provoqué par un développement anormal de
certaines cellules pendant la croissance et la différenciation du fœtus. Cer-
tains enfants atteints peuvent présenter des anomalies faciales, avec parfois
une fente palatine et un retard d’acquisition du langage, des troubles de la
Les troubles des comportements humains 385

mastication et de la déglutition. Certains patients ont aussi des troubles de


l’apprentissage et souffrent d’hyperactivité.
– Syndrome de Guillain-Barré : il comporte une neuropathie axonale motrice
et sensorielle aiguë. C’est une maladie rare auto-immune présentant des
symptômes divers telles qu’une faiblesse bilatérale des membres et une
paresthésie (picotements, engourdissement des membres).
– Syndrome de Reye : c’est une maladie rare qui affecte surtout les enfants ou
les adolescents atteints d’une maladie virale et consommant de l’aspirine. Au
cours de l’évolution de la maladie apparaissent des troubles de l’humeur, de
l’agressivité, de l’ hyperactivité puis un délire et un coma.
– Encéphalite post-infectieuse de l’enfant, parfois consécutive à une infection
virale : elle peut s’accompagner de divers troubles, comme des troubles de la
conscience, d’obnubilation, de confusion, de coma, de convulsions, de signes
neurologiques déficitaires, de signes extra-pyramidaux, de signes cérébel-
leux (ataxie, par exemple).
– Encéphalite « primitive » : c’est une maladie sévère due à une infection her-
pétique. L’EEG montre des anomalies bi-temporales. Les symptômes peu-
vent être ceux décrits ci-dessus.
– Maladie de Lyme : elle est due à certaines tiques, comme Ixodes sp qui peu-
vent être infectées de bactéries qu’elles injectent occasionnellement dans le
sang de l’homme. Des mois ou des années après l’infection apparaissent des
troubles neuro-sensoriels : polynévrite, atteinte des nerfs crâniens avec
atteinte auditive, hémiparésie, ataxie cérébelleuse, dépression et asthénie.

D. Troubles neurologiques d’origine génétique


Quelques anomalies génétiques des organes sensoriels sont isolées (voir le contrôle
génétique). On trouvera parmi elles des altérations des gènes qui assurent les fonc-
tions sensorielles :
– Vision : divers syndromes liés à des altérations génétiques sont accompagnés
de troubles visuels (syndrome de Rett, autisme et vision en tunnel) ; ou
encore des altérations des pigments rétiniens, daltonisme, héméralopie,
achromatopsie, anomalies des cellules rétiniennes, altérations de la synthèse
de la rhodopsine…
– Audition : anomalies de la cochlée, anomalies cellulaires (cellules externes),
surdité syndromique héréditaire, syndrome de Usher, équilibration (maladie
vestibulo-cérébelleuse, nystagmus congénital).
– Olfaction : synthèse des cellules olfactives (cluster sur chromosome 17 : 400
gènes différents), agenèse des bulbes olfactifs dans la septodysplasie et
l’holoprosencéphalie (bec de lièvre).
– Tact : distribution des récepteurs sensoriels, hypoesthésie, hyperesthésie,
hypersensibilité thermique (liée au canal chlore), paresthésie.
386 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

D’autres anomalies génétiques se cumulent avec diverses pathologies (défi-


cits moteurs, troubles systémiques, immunologiques). Parmi ces maladies nous pou-
vons en préciser quelques-unes, tels les syndromes malformatifs neurogénétiques,
qui associent un retard statural précoce, un retard mental et un syndrome dysmorphi-
que de la face (holoprosencéphalie et septodysplasie avec bec de lièvre) et des ano-
malies des extrémités (syndactilie).
C’est en fait un large groupe d’étiologies dont nous ne donnons que deux
exemples : le syndrome de Rubinstein-Taybi ou syndrome des pouces et des gros
orteils trop larges, qui est un syndrome dysmorphique associant un retard mental, un
aspect caractéristique de la face et des extrémités, un retard de croissance ; le syn-
drome de Cornelia de Lange (SDCL), est un syndrome congénital dans lequel l’enfant
présente une microcéphalie, une petite taille et des problèmes auditifs et parfois
visuels.
Pour en savoir plus sur les maladies génétiques :
http://www.pqmgo.org/

7.3.2 Quelques syndromes neurologiques


– L’ autisme. L’autisme touche près de 80 000 personnes en France (2 à 6 nais-
sances sur 1000). Ce trouble mental se traduit par une absence de communi-
cation avec les autres, des troubles du comportement social et un retard de
développement consécutif au repliement neurosensoriel progressif. Une prise
en charge précoce et intensive permet aux enfants touchés d’évoluer vers plus
d’autonomie. L’autisme touche 3 à 4 fois plus les garçons que les filles, d’où
deux hypothèses liées d’ailleurs à l’origine génétique associée au chromo-
some Y masculin.
Ceci rappelle qu’une maladie proche de l’autisme, dite syndrome du X fra-
gile, vient de la particularité de la structure du chromosome sexuel X qui aug-
mente le risque de cassure à la transmission pendant la méiose. L’autre
hypothèse est endocrinienne et impliquerait une forte sécrétion de testosté-
rone à la naissance dont les effets seraient un blocage des zones cérébrales
impliquées dans la communication. La sécrétion de testostérone étant plus ou
moins sous la dépendance du chromosome sexuel mâle Y, on se rapproche de
l’hypothèse génétique.
Les très récents travaux de l’équipe de chercheurs de D. Kennedy de l’Uni-
versité de San Diego (États-Unis) utilisent des tests associés à des IRM. Ils
montrent que les zones frontales sont activées chez les enfants non atteints
d’autisme lorsque l’attention est sollicitée et qu’ elles commutent en repos
pendant l’attention diffuse ou la rêverie (les auteurs nomment ces régions :
« zones de rêverie »). Il existerait une relation entre l’intensité du marquage
et les émotions. Cependant, chez l’enfant autiste, ces régions frontales restent
en permanence au repos. Pour ces auteurs, cela indique que les zones identi-
fiées sont responsables de l’image de soi et des autres, donc seraient impli-
Les troubles des comportements humains 387

quées dans les altérations des comportements sociaux. Cette même région est
aussi affectée dans la maladie d’Alzheimer.
– Syndrome de Tourette : apparition précoce de tics moteurs ou d’émissions
sonores involontaires. Fréquence, 0,7 % de la population scolaire.
– Syndrome de Usher : maladie génétique très hétérogène liée à divers gènes
dont trois sont maintenant bien identifiés, USH1, 2 et 3. Les troubles variés
concernent des altérations visuelles la surdité.
– Syndrome de West : c’est une encéphalopathie-épileptique qui évolue ensuite
vers un syndrome autistique et des troubles comportementaux.
– Syndrome d’Asperger : syndrome proche de l’autisme touchant surtout les
garçons. Ce syndrome est lié au chromosome X et au chromosome 6. Cette
maladie produit une altération du cortex de l’hémisphère droit au cours du
développement.
– Syndrome de Charcot-Marie-Tooth (CMT) : maladie due à une altération des
gaines des neurones entraînant des troubles neuromoteurs (signe du pied
creux par exemple) divers et une surdité plus ou moins importante. La CMT
est liée à une altération de plusieurs gènes (KIF10 sur chromosome 1 ou
CMT2B sur chromosome 3).
– Syndrome de Rett. C’est une forme d’autisme d’origine génétique ne tou-
chant que les filles. L’apparition est parfois brutale, car entre 8 et 18 mois on
peut noter un syndrome autistique avec repliement sur soi, stéréotypies
manuelles (frottement répété des mains), régression des acquisitions psycho-
motrices, scoliose, accès de respiration forcée. Des signes d’épilepsie sur-
viennent vers 3 ou 4 ans.
– Syndrome d’Aicardi : il associe un polyhandicap moteur et mental. C’est une
anomalie du développement caractérisée par une agenèse du corps calleux, des
anomalies rétiniennes, des convulsions et un retard de développement mental.
– Chorée de Huntington : c’est une maladie héréditaire à transmission autoso-
male dominante. Elle est rarement juvénile, mais ses symptômes apparaissent
chez l’adulte de plus de 20 ans. Les symptômes qui débutent la pathologie :
mouvements anormaux (mouvements choréiques), comportements anor-
maux, troubles psychiatriques (syndrome dépressif), puis apparaissent des
chutes fréquentes, une maladresse, des troubles de la parole et de la dégluti-
tion. Enfin, on décrit des anomalies cognitives et parfois de la démence.
Le gène HD de la chorée de Huntington a été identifié en 1993. Il est localisé
sur le chromosome 4. L’imagerie montre des lacunes de neurodégéneres-
cence au niveau du striatum (figure 7.4).
– Phénylcétonurie. La phénylcétonurie (PCU, idiotie phénylpyruvique) est une
affection héréditaire transmise sur le mode autosomique récessif. La fré-
quence de porteurs hétérozygotes dans la population est de 1/50. Un couple
sur 2500 présente donc le gène PAH (chromosome 12). Il s’agit d’une
encéphalopathie évolutive dont la fréquence dans la population est de 1/16
500. Cette affection est due au déficit d’une enzyme hépatique : la phényla-
388 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Figure 7.4
Huntington
Images IRM et TEP (voir Chapitre 1.4 section 1 « techniques imagerie ») du cerveau d’un patient atteint de la
maladie de Huntington ou chorée de Huntington. Les images montrent des zones de neurodégénérescence
situées dans le striatum, le noyau caudé par exemple est atrophié (voir « anatomie du cerveau », coupe horizon-
tale). Une telle altération explique les mouvements choréiques (balancements) et les déficits sensoriels et cognitifs
décrits dans cette affection. (Crédit : service de Neuroimagerie ; CHU Nancy.)

lanine-hydroxylase qui permet la transformation de la phénylalanine en tyro-


sine. Dans la PCU typique, la phénylalanine dans le sang dépasse 25 mg/
100 ml.
Spontanément très grave, cette maladie est curable par un régime qui doit
débuter avant le 3e mois de vie. Seul un diagnostic précoce (test de Guthrie
au 4e jour de naissance) et un traitement immédiat évitant à ces enfants des
troubles neurologiques graves : retard mental, troubles du comportement,
psychoses, spasmes en flexion, épilepsie, etc.
Tyrosinémie type I ou hépatorénale : maladie héréditaire fréquente au
Canada(1/16 000 naissances) dû à une altération de l’enzyme qui dégrade la
tyrosine. Cela entraîne des troubles métaboliques précoces puis des désordres
neurologiques.
Tyrosinémie type III ou hypertyrosinémie : maladie précoce également liée à
un déficit de l’enzyme qui dégrade les acides aminés aromatiques, associée
parfois à des troubles neurologiques.
Chorée de Sydenham ou danse de Saint-Guy : apparaît entre 5 et 15 ans, par-
fois à la suite d’un choc émotif ou d’un traumatisme crânien. Elle est carac-
térisée par des mouvements involontaires, un réflexe rotulien avec un retour
au repos retardé, un EEG riche en ondes lentes irrégulières.
Les troubles des comportements humains 389

– Trisomie 21 ou syndrome de Down. La fréquence de la trisomie 21 est de 1/


700 naissances. Les garçons sont autant touchés que les filles. La méiose pour-
rait donner à la suite d’une non-disjonction de cause inconnue, deux cellules
germinales (ovocytes) : l’une avec 24 chromosomes (deux chromosomes 21
au lieu d’un) et l’autre avec 22 chromosomes (aucun chromosome 21). Si
l’ovule avec deux chromosomes 21 est fécondé par un spermatozoïde normal,
on aboutit à un embryon porteur de trois chromosomes 21. Plus la mère est
âgée, plus le risque de mauvaise distribution des chromosomes lors de la
méiose est grand : 1/100 après 40 ans et 1/46 après 45 ans. Entre 20 et 25 ans,
le risque est de 1/1600.
La maladie se traduit parmi beaucoup d’autres symptômes par : un retard
mental de degré variable (QI de 20 à 80 avec une moyenne à 50), un retard
psychomoteur (tenue assise vers 1 an, marche vers 2 ans, etc.), un caractère
doux et affectueux, une petite taille, une nuque plate, un visage plat, rond
avec un nez large. À partir de 6-7 ans, une instabilité motrice, intellectuelle
et affective peut apparaître. En outre, les enfants trisomiques ont une grande
fragilité ORL et peuvent présenter des cardiopathies congénitales ou des
infections respiratoires.
– Le syndrome de Prader-Willi (PWS). Les patients atteints du PWS présentent
une hyperphagie conduisant à une obésité sévère, un retard global de déve-
loppement, un retard mental d’intensité variable, un profil d’apprentissage
altéré avec des forces et des faiblesses et des problèmes comportementaux
spécifiques. Le PWS est lié à l’absence d’expression paternelle de gènes sou-
mis au phénomène d’empreinte, localisés dans la région chromosomique
15q11-q13, comme le gène de NECDIN, ce qui n’est pas sans rappeler ce que
l’on observe dans une autre maladie neurogénétique, le syndrome adiposogé-
nital ou maladie de Kalmann (voir neuroendocrinologie). Il existe un lien
entre le nombre des neurones hypothalamiques à LH-RH. Par ailleurs, la
déficience du gène de NECDIN est associé à des troubles comportementaux
et mnésiques.
– Autres retards mentaux. Divers retards mentaux sont associés à des mutations
génétiques héritées ou non : le chromosome X à lui seul cumule près d’une
centaine d’anomalies recensées. Parmi elles : le syndrome du X fragile, les
gènes ARX, AHDS, ou encore DCX qui entraînent une lissencéphalie,
l’ARTS qui est responsable d’une surdité associée à une cécité visuelle et une
ataxie, ou encore le CGF qui serait associé à des troubles cognitifs et des com-
portements sociaux, et enfin le gène AIG qui entraîne une absence de forma-
tion du corps calleux. Cependant, tous les autosomes portent aussi des gènes
dont la mutation peut entraîner des dysfonctionnements comportementaux.
– La schizophrénie. La schizophrénie est une altération grave des comporte-
ments qui se déclare tardivement vers la fin de l’adolescence ou au début de
l’âge adulte. Elle se traduit par des distorsions profondes de la pensée et elle
affecte le langage, les pensées, les perceptions et la conscience de son iden-
tité. On observe souvent des expériences psychotiques avec des hallucina-
390 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

tions auditives ou des délires. Elle perturbe la façon dont le sujet fonctionne
en lui faisant perdre les capacités acquises comme celle de gagner sa vie ou
de faire des études. On peut décrire une séparation de la pensée, des émotions
et du comportement.
Vers 1930, Bleurler a inventé le terme de schizophrénie en remplacement de
celui de démence précoce souvent utilisé pour distinguer cette maladie de la
paranoïa (voir ci-dessous) ou des troubles maniaco-dépressifs. Il a introduit
les quatre As, qui caractérisent cette maladie : Association, Affect, Autisme,
Ambivalence, et il y a ajouté les symptômes hallucinatoires et les délires.
Outre le fait que la schizophrénie est liée à des anomalies d’organisation du
cortex orbito-frontal, il ressort de nombreuses observations cliniques qu’elle
pourrait résulter d’une hyperactivité dopaminergique. Mais, compte tenu des
anomalies neuronales parfois décrites, il pourrait y avoir d’autres neurotrans-
metteurs impliqués, comme la sérotonine, car cette substance est liée au com-
portement suicidaire, chez les schizophrènes en particulier.
On avance aussi la superposition de ces anomalies avec la théorie dite de la
diathése (les facteurs internes favorables au développement d’une anomalie).
Cependant, il existe au moins un gène dit SCZD4 (chromosome 22) lié à une
certaine forme familiale de schizophrénie. Cette forme serait liée à une orga-
nisation anormale de la couche IV du cortex orbitofrontal.
Dans le monde, environ 24 millions de personnes souffrent de schizophrénie.
Sa fréquence est à peu près identique pour les deux sexes. Elle tend à appa-
raître plus tardivement chez la femme, avec une évolution plus favorable
après traitement.
La prévention primaire est impossible. De récents travaux de recherches se
sont intéressés néanmoins au développement de moyens pour déceler les sta-
des très précoces de la maladie. Ce dépistage permettrait d’instaurer rapide-
ment le traitement et de faire diminuer les risques de récidives et de lésions
résiduelles graves.
Les médicaments peuvent soulager les symptômes et éviter les rechutes.
L’éducation et les interventions psychosociales sont utiles pour aider les
patients et leur famille à faire face à la maladie. La réadaptation est un moyen
d’aider les patients à réintégrer la communauté.
Avec les progrès de la chimiothérapie et des soins, on peut désormais espérer
une guérison complète dans la moitié des cas. Pour les autres, l’évolution
peut devenir chronique ou récurrente, avec des symptômes résiduels et des
limitations importantes dans les activités journalières.
– Paranoïa. La paranoïa est un trouble psychique dans lequel on observe de
fréquents délires paranoïaques. La personnalité et les relations avec les autres
sont affectées par une surestimation pathologique du MOI, une extrême
méfiance des autres et un jugement altéré. On trouvera des sujets souffrants
de délire de persécution, de survalorisation ou d’interprétation.
Les troubles des comportements humains 391

– Syndrome maniaco-dépressif. Le syndrome maniaco-dépressif ou désordre


bipolaire est un désordre dans lequel la dépression alterne avec des phases
d’euphorie intense, une hyperactivité, un sommeil réduit à quelques heures,
un appétit sexuel important et des aberrations du jugement. Cependant, il
existe des degrés d’atteinte variés et un malade peut n’avoir qu’une dépres-
sion modérée, quand d’autres présentent des crises de mélancolie sévères.
– Épilepsie. C’est l’affection cérébrale la plus répandue (5 à 8 pour 1000 habi-
tants). Elle se caractérise par des crises récurrentes pouvant aller d’une perte
d’attention très brève à des convulsions graves et fréquentes. Leur fréquence
peut varier entre plusieurs fois par jour et une fois de temps en temps, à quel-
ques mois d’intervalle. Ces crises sont dues à des décharges électriques
excessives dans le cerveau.
Il s’agit avant tout d’une anomalie de l’électrogenèse neuronale (figure 7.5).
L’une des causes peut être une « channelopathie », c’est-à-dire une anomalie
de la structure du canal sodium ou potassium. Les entrées-sorties d’ions sont
alors mal contrôlées et une sortie massive brutale de potassium peut entraîner

Bruit

Dérivations
fronto-paritales

Dérivations
temporales

Dérivations
occipitales

Figure 7.5
Épilepsie
Tracés électroencéphalographiques d’une crise d’épilepsie. Le tracé polygraphique présente des ondes plus
« pointues » que sur le tracé normal de la figure 1.8. Certaines dérivations pariéto-temporales sont particulière-
ment affectées. Chez ce patient, il suffit d’un bruit soudain pour déclencher un début de crise électrique très nette
en T4-C4 et T3-C3 situant le foyer dans les régions temporales. La crise comitiale qui accompagne la crise électri-
que peut être une simple phase temporaire d’ « absence » au cours de laquelle le sujet perd conscience sans
chute. Cependant, certaines crises (« grand mal ») sévères entraînent la chute, des convulsions et un relâchement
des sphincters pendant plusieurs minutes. Ces épisodes comitiaux donnent aussi des crises électriques impression-
nantes car il y a une généralisation des décharges électriques violentes sur toutes les dérivations de l’EEG.
392 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

une crise électrique qui se propage de neurones en neurones comme une onde
de choc jusqu’à envahir une zone restreinte (le foyer épileptique) ou une
grande partie du cortex cérébral (épilepsie généralisée).
La propagation de l’onde de crise électrique n’est pas instantanée et
« s’annonce » chez la plupart des malades sous forme d’un trouble localisé
provoquant des mouvements stéréotypés ou une logorrhée. Si la crise s’étend,
elle provoque des convulsions dramatiques dont le malade n’a pas conscience.
C’est l’aura. Une phase d’amnésie suit généralement ces épisodes comitiaux.
Si un grand nombre de ces anomalies sont d’origine génétique et assez bien
reconnues, d’autres restent mal définies, même si le déroulement des crises
restent identiques. Dans tous les cas, l’existence d’un foyer épileptique indi-
que un état de souffrance cérébrale résultant de lésions cérébrales dues à des
infections, à l’alcool, à l’abus de drogues ou d’autres substances médicamen-
teuses ou à des tumeurs ; il existe des foyers diffus ; des parasitoses comme
ceux dus aux ténias, à la schistosomiase, au paludisme et à l’encéphalite figu-
rent parmi les maladies infectieuses fréquemment responsables de l’épilepsie.
L’origine reste cependant inconnue dans la moitié des cas.
Le classement international des épilepsies repose sur leur étiologie. On
reconnaît ainsi : des crises occasionnelles que l’on trouve dans les convul-
sions, l’hypoglycémie, l’alcoolisme ; l’épilepsie symptomatique résultant
d’une tumeur cérébrale, d’un accident vasculaire cérébral, d’une encéphalite
ou d’un traumatisme crânien ; l’épilepsie cryptogénique due à une cause
organique ; l’épilepsie idiopathique sans cause décelable.
Le traitement vise à prévenir les crises épileptiques et à réintégrer les malades
dans tous les aspects de la vie communautaire. Les crises peuvent disparaître
totalement dans près de 70 % des cas nouvellement diagnostiqués en admi-
nistrant des médicaments antiépileptiques (comme ceux utilisés vers 1970,
Depakine®, Tégrétol®, relayés depuis 10 ans par le Neurontin®., Lamic-
tal®, Epitomax®, Trileptal®, Keppra®, etc…)

Pour en savoir plus sur les maladies neurologiques :


http://www.medisite.fr/medisite/-maladies-neurologiques-.html
http://www.medicalistes.org/spip/rubrique53.html

7.4 Troubles comportementaux de l’enfance


et de l’adolescence
Les troubles mentaux et du comportement sont courants pendant l’enfance et l’ado-
lescence et on estime que 10 à 20 % des enfants en présentent un ou plusieurs. La
pédopsychiatrie s’intéresse aux troubles comportementaux entre 0 et 16 ans. Il existe
une adopsychiatrie plus spécialisée dans les problèmes dépressifs, de mal-être, de la
Les troubles des comportements humains 393

violence, de l’anorexie ou des troubles obsessionnels des adolescents. Bien des trou-
bles rencontrés fréquemment chez l’adulte, comme la dépression, peuvent commen-
cer pendant l’enfance. On distingue deux grandes catégories spécifiques à l’enfance
et à l’adolescence :
– les troubles du développement psychologique, comme la dyslexie ou l’autisme ;
– les troubles du comportement et les troubles émotionnels, comme l’hyperac-
tivité et/ou un déficit de l’attention (les troubles hyperkinétiques) ou les trou-
bles des conduites comportementales.
Le test socio-affectif psychologique (PSA). Le PSA est un instrument stan-
dardisé qui permet aux personnes œuvrant directement auprès de jeunes enfants
d’évaluer leurs compétences sociales et leurs difficultés d’adaptation. Présenté sous
la forme d’un questionnaire de 80 énoncés, le PSA comporte huit échelles de base et
quatre échelles globales. Ces échelles permettent d’établir un profil socio-affectif de
l’enfant, qui présente ses compétences sociales aussi bien que ses difficultés d’adap-
tation et, en cas de difficultés, qui différencie les problèmes affectifs et comportemen-
taux. Les échelles de base comportent toutes dix énoncés : cinq décrivent un aspect
positif et cinq un aspect négatif de l’adaptation de l’enfant, donnant ainsi à chaque
échelle un pôle positif et un pôle négatif. Trois de ces échelles décrivent l’adaptation
affective de l’enfant : déprimé-joyeux, anxieux-confiant, irritable-tolérant ; trois
autres décrivent ses interactions avec ses camarades : isolé-intégré, agressif-contrôlé,
égoïste-prosocial, et deux décrivent ses interactions avec les adultes, en particulier les
éducateurs ou les enseignants : résistant-coopératif, dépendant-autonome. Les quatre
échelles globales, développées sur la base d’analyses statistiques approfondies, résu-
ment l’adaptation de l’enfant sous les rubriques suivantes : compétence sociale, pro-
blèmes intériorisés, problèmes extériorisés et adaptation générale.
Après l’évaluation neuropsychique, le traitement des troubles de l’enfance et
de l’adolescence impose de poursuivre les soins sur une longue période et d’établir
des liens entre différentes structures : hôpitaux, services ambulatoires, services
sociaux, familles et écoles.
Les traitements peuvent recouvrir à la fois une aide psychologique indivi-
duelle ou en groupe et le recours à des médicaments, comme pour le traitement des
troubles d’hyperactivité avec déficit de l’attention (troubles hyperkinétiques) ou des
techniques comportementales pour les troubles de l’anxiété.
Des tests de neuro-imagerie, d’EEG et de potentiels évoqués permettent de
définir précisément les fonctions cérébrales altérées dans un certain nombre de trou-
bles, ce qui permet de mieux cibler les options thérapeutiques. Les soins ambulatoi-
res, moins contraignants que l’hospitalisation, sont une option préférable chez
l’enfant ou l’adolescent.
Pour diagnostiquer ces troubles, il est indispensable de bien comprendre le
développement psychologique normal et anormal. Ce sont des observateurs formés
qui peuvent le mieux y arriver, avec des outils cliniques variés à leur disposition, en
plus des indications données par les parents et les enseignants.
394 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

7.4.1 Retard mental


Très souvent associé aux maladies neurologiques, plus ou moins précoces, le retard
mental peut apparaître à la suite d’un traumatisme psychologique précoce (abus
sexuels, absence de comportement protecteur et éducatif parental) ou être engendré
par des lésions cérébrales (syndrome des « bébés secoués »).
Il est utile pour aider ces enfants et leur famille de faire une reconnaissance
précoce pour permettre l’utilisation optimale des capacités intellectuelles de l’indi-
vidu au moyen de la formation, de l’éducation de la famille et d’un soutien psycho-
médical : formation professionnelle pour des possibilités d’emploi ultérieurs dans des
environnements protégés ; formation des parents au rôle d’enseignants et de mentors
pour l’apprentissage des gestes de la vie quotidienne (rôle des associations d’aide) ;
groupes de soutien pour les parents (associations spécialisées).

7.4.2 Syndrome d’Aicardi


Le cumul de plusieurs déficits du type de ceux décrits ici est parfois associé à de gra-
ves atteintes cérébrales d’origines diverses : mais 30 % ont des causes prénatales
(embryofœtopathies, malformations, causes génétiques) et 20 % des causes périnata-
les (souffrances obstétricales). La grande prématurité peut constituer un terrain favo-
rable au cumul de pathologies diverses.
Le QI est généralement de l’ordre de 50 avec des altérations mnésiques, du
langage, du raisonnement, des situations spatio-temporelles. Il s’y ajoute des troubles
comportementaux sévères : stéréotypie, auto-agressivité, repli psychologique, psy-
choses très régressives. Les mêmes problèmes se retrouvent dans le syndrome de
West ou dans la maladie de Huntington.
C’est l’échelle du comportement autistique du nourrisson (ECAN) qui est le
plus utile de 0 à 3 ans ; il est donc possible de dresser un bilan psychosensoriel et
moteur. L’ECRAN est un instrument fait de 28 questions couvrant les principales
altérations de l’autisme.
L’évolution vers la perte d’autonomie et vers un état grabataire, la répétitivité
des crises d’épilepsie, l’impossibilité à terme de se servir seul d’un fauteuil, de man-
ger seul, représentent pour ces enfants et leur famille une souffrance quotidienne.
Les espaces sensoriels qui peuvent aider les enfants « simples déficients » à
retrouver du plaisir à vivre avec les autres, ne suffisent plus aux enfants handicapés
mais leur permettent de rester en communication avec leur environnement. Même
s’ils ne répondent que très peu aux sollicitations, ils les reçoivent et les attendent, et
en soi, c’est là une forme de psychothérapie qui les aide à survivre.

7.4.3 Les troubles neuropsychiatriques de l’enfant


Les troubles mentaux et du comportement peuvent être observés pendant l’enfance et
l’adolescence. Une mauvaise interprétation des altérations sensorielles précoces – car
Les troubles des comportements humains 395

il faut d’abord envisager des troubles auditifs, visuels ou des difficultés à communi-
quer, très fréquents – peut retarder le diagnostic et laisser des troubles neuropsychia-
triques s’installer plus sérieusement. Bien des troubles rencontrés fréquemment chez
l’adulte, comme la dépression, peuvent commencer pendant l’enfance sans qu’ils
soient identifiés. Des pathologies sérieuses comme la maladie de Huntington ou
encore de Charcot-Marie-Tooth peuvent n’être identifiables qu’après l’adolescence.
Il est aussi notoire que le taux de dépressions précoces avec passage à un acte violent
ou suicidaire augmente chez les jeunes adolescents.

On distingue deux grandes catégories de troubles spécifiques à l’enfance et à


l’adolescence : les troubles du développement neuropsychologique, comme la dys-
lexie ou l’autisme et les syndromes proches ; les troubles du comportement et les
troubles émotionnels, comme l’hyperactivité / le déficit d’attention (les troubles
hyperkinétiques) ou les troubles des conduites compirtementales.

L’idée de suicide chez les enfants reste souvent purement verbale. La répéti-
tion de l’idée de mort chez un jeune enfant nécessite une consultation chez un pédop-
sychiatre car, même si le passage à l’acte mortel n’est pas imminent, il peut rester
latent jusqu’à se concrétiser. Pour l’enfant, la mort est l’immobilité temporaire
comme au théatre ou au cinéma. C’est peut-être pour cela que les jeux dangereux,
comme l’autostrangulation, lui semblent sans conséquence.

7.4.4 Troubles liés à l’utilisation de drogues chez l’enfant


et l’adolescent

Un certain nombre de troubles résultent de l’utilisation très précoce de substances


psychoactives comme l’alcool, les opioïdes (opium ou héroïne), les dérivés du can-
nabis comme la marijuana, les sédatifs ou les hypnotiques, la cocaïne, d’autres stimu-
lants, les hallucinogènes, le tabac et les solvants volatils. On trouve dans les
pathologies : l’intoxication aiguë, l’usage nocif, la dépendance et les troubles psycho-
tiques. Le tabac et l’alcool sont les substances les plus consommées dans le monde et
celles qui ont les plus graves conséquences pour la santé publique.

Il est indispensable d’apporter aux enfants qui entrent dans la spirale dange-
reuse des drogues une aide psychosociale qui ne passe pas par la répression (ce sont
toujours des victimes) et il faut aussitôt que possible éviter chez les plus jeunes
d’atteindre un niveau d’addiction irréversible.

Les traitements sont ceux déjà décrits plus haut. L’approche primaire est tou-
jours très difficile puisque il y a une addiction psychologique (consommer de la dro-
gue donne la sensation d’être l’égal des adultes et non asservi à leurs lois) et une
addiction physiologique. Un des manifestations est l’installation d’une violence tou-
jours démesurée chez l’adolescent, voir dangereuse, car elle peut être accompagnée
d’un passage à un acte visant à détruire les autres ou lui-même.
396 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

RETENEZ :
En dehors des anomalies organiques développementales, les troubles les plus
fréquents chez les enfants et les adolescents sont la schizophrénie, les trou-
bles des conduites alimentaires, les comportements antisociaux, les troubles
obsessionnels compulsifs, les comportements dangereux et suicidaires et des
séquelles de traumatismes psychologiques précoces.

Pour en savoir plus :


http://www.orpha.net (site d’information sur les maladies orphelines)
http://autisme.france.free.fr/ (site de l’association autisme France)
http://www.hon.ch/HONselect/Selection_f/F03.html (site utilisant un système de recherche
dichotmique jusqu’à la ou les publications traitant les troubles mentaux)
http://www.educateur-specialise.net/articles/Enfance/21-la-psychopathologie-de-l-enfant
(site de la Revue des éducateurs spécialisés)

7.5 Les altérations sensorielles du vieillissement

Le vieillissement altère les fonctions sensorielles de manière inégale. La dégradation


du fonctionnement de l’appareil optique de l’œil (perte de souplesse du cristallin,
opacification cornéenne), l’altération de l’audition, les troubles gestuels, une lenteur
mentale, qui sont des aspects ressentis, mais pas toujours bien acceptés par les
patients, sont parmi les troubles courants des plus de 65 ans. Il s’y ajoute des altéra-
tions des systèmes propriocepteurs et vestibulaires qui provoquent des perturbations
plus ou moins sévères de l’équilibre avec des vertiges et des risques de chutes et sur-
tout avec le grand âge apparaissent d’importants troubles psychiatriques. L’OMS a
introduit assez récemment la psycho-gériatrie, un domaine d’analyse des troubles
neuropsychiatriques, dont l’origine est parfois ancienne, mais souvent sévères chez
les personnes très âgées.

7.5.1 Troubles sensoriels


Les altérations visuelles les plus fréquentes sont :
– le glaucome : l’écoulement de l’humeur aqueuse est rendu difficile et cela
entraîne une hypertension oculaire gênante, voire même douloureuse qui peut
provoquer une lésion du nerf optique ;
– la cataracte : elle résulte d’une opacification progressive et d’une perte de
souplesse du cristallin ;
– la dégénerescence maculaire : il peut apparaître une destruction des cellules
(les cônes) de la très petite région maculaire entraînant une altération pro-
gressive de la vision des couleurs, puis de la qualité des images. La cause est
un défaut de vascularisation de l’œil.
Les troubles des comportements humains 397

Les altérations auditives : la plus fréquente est la presbyacousie, qui est une
baisse des performances auditives liées à la fois à une perte de la souplesse des liga-
ments reliant les osselets ou encore à une perte de quantités plus ou moins importan-
tes de cellules ciliées.

7.5.2 Troubles de la posture et de l’équilibre


C’est là un sujet de plainte fréquent chez les personnes âgées. Le vieillissement
affecte, en effet, tous les éléments entrant en compte dans la régulation de la posture
et de l’équilibre, qu’il s’agisse du contrôle central, des effecteurs moteurs ou des affé-
rences périphériques :
– Le vieillissement des afférences est le mieux connu car il est le plus facile à
évaluer et cela peut s’ajouter à un syndrome parkinsonien (voi figure 7.6).
– Le vieillissement du système nerveux périphérique a pour conséquence une
diminution de la sensibilité vibratoire et discriminative chez le sujet âgé, en
l’absence de neuropathie caractérisée, tandis que les explorations neurophy-
siologiques montrent une diminution des vitesses de la conduction nerveuse
après 60 ans.
– Au niveau visuel, le vieillissement se caractérise par une diminution de la
perception fovéale et périphérique, et de façon plus spécifique, par une dimi-
nution de la perception visuelle des oscillations spontanées du corps par rap-
port à l’environnement.
– Au niveau vestibulaire, le vieillissement n’est responsable des troubles de
l’équilibration que dans les conditions d’exclusion des autres afférences pro-
prioceptives ou visuelles.
Plusieurs protocoles ont été proposés afin de caractériser le vieillissement du
contrôle postural, faisant appel, suivant les cas, à la posturographie statique, dynami-
que ou à des paradigmes expérimentaux plus sophistiqués.
Sur une plate-forme de force statique (examen stabilométrique), le vieillisse-
ment se caractérise par une augmentation des oscillations posturales que l’on peut
rapprocher de la perte de la sensibilité discriminative au niveau des pieds, sans que
cette relation soit exclusive de tout autre paramètre. L’élément le plus caractéristique
est l’importance prise au cours du vieillissement par les afférences visuelles. On
observe une augmentation du coefficient de Romberg (rapport des oscillations yeux
fermés/yeux ouverts). Dans ces conditions, le sujet âgé « s’accroche » à ses afféren-
ces visuelles, plus qu’aux autres afférences, proprioceptives ou vestibulaires. Au-delà
d’un certain âge, on observe, suivant certains auteurs, une inversion de ces résultats,
témoignant de la dégradation de la fonction visuelle qui perd alors de sa prépondé-
rance dans les réactions d’équilibration.
L’étude de l’équilibre dynamique sur plate-forme de force a montré chez les
personnes âgées l’utilisation plus fréquente de stratégies utilisant les hanches.
398 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Privilégier la stratégie de hanche chez la personne âgée apparaît donc comme


une réponse à la perte des afférences périphériques des membres inférieurs, bien que
l’on ne puisse exclure la participation d’autres paramètres biomécaniques.
Le syndrome cerébelleux et l’ataxie proprioceptives du vieillard (test de
Romberg) sont aussi des altérations centrales entraînant des troubles posturaux.

7.5.3 Maladie de Parkinson


Le tremblement du parkinsonien affecte le membre au repos. Il apparaît rarement
chez l’adulte jeune, mais il existe un parkinsonisme juvénile lié au gène PARK2
(chromosome 6). Ce n’est en fait qu’une partie visible des troubles liés à la dégrada-
tion des voies dopaminergiques. Les troubles apparaissent progressivement : l’akiné-
sie (difficulté de mouvement, marche « à petits pas », comme si les pieds étaient
collés au sol), hypertonie pyramidale (raideur des membres cédant par à-coups, signe
de la roue dentée). L’origine est mal connue en dehors de la disparition progressive
des cellules dopaminergiques de la voie nigro-striatale. Le traitement se cantonne à
stimuler les récepteurs dopaminergiques manquant soit par des molécules comme la
L-DOPA, soit en empêchant la dégradation de la dopamine en utilisant des inhibiteurs
de l’enzyme de dégradation (la catechol-O-methyl tranferase).
À l’origine du syndrome parkinsonien (figure 7.6) :
– une lésion de la substance noire libérant l’activité inhibitrice du striatum ;
– l’akinésie-hypertonie plastique avec phénomène de roue dentée (rigidité par
libération de la réticulée) et tremblement de repos (3-6/sec) ;
– une lésion du pallidum peut aussi être une source de syndrome parkinsonien.
L’ataxie motrice due à la maladie est très préjudiciable psychologiquement
car elle nuit à la qualité des mouvements, des gestes et, surtout, elle devient une mala-
die visible par les autres. Le malade le ressent comme une altération de l’image de
son MOI. Cela entraîne diverses pathologies : dépression, agressivité, baisse d’atten-
tion préjudiciable aux processus cognitifs et à la mémorisation. D’ailleurs, lorsque le
traitement tarde, les altérations du métabolisme de la dopamine produisent aussi des
altérations perceptives, de très grandes difficultés gestuelles, une marche à petit pas,
et peu à peu des troubles sévères du langage et de l’écriture.

7.5.4 Les chutes chez les personnes âgées


L’analyse de la chute des personnes âgées et des complications secondaires à type de
fracture de siège divers fait discuter depuis de nombreuses années l’implication d’un
certain nombre de paramètres physiques qu’il convient de prendre en compte dans un
programme de rééducation.
Les modifications de force et d’équilibre liées à l’âge sont bien connues ; on
a pu ainsi préciser la diminution conjointe lors du vieillissement de la force du qua-
driceps, de la proprioception articulaire et des capacités posturales.
Les troubles des comportements humains 399

Figure 7.6
Maladie de Parkinson
Organisation schématique des ganglions de la base et N. CAUDE-PUTAMEN
les altérations liées à la maladie de Parkinson. La dopa-
mine exerce deux effets opposés sur la sortie du Enképhalines Substance -P
striatum : activation de la voie directe (voie de la subs-
tance –P) et réduction d’activité sur la voie indirecte
(voie des enképhalines). Lorsque la maladie détruit les
neurones dopaminergiques, ce contrôle disparaît. La Voie Voie
voie indirecte enkephalines-GABA augmente son inhibi- indirecte directe
tion sur le pallidum, ce qui a pour effet de réduire l’inhi- –
bition sur les noyaux sous-thalamiques et libére une
forte activité des neurones sortant, ce qui produit les Pallidum
troubles moteurs, entre autres perturbations. (Adapté de
P.M. Conn, Neurosciences in Medicine, Humana Press, X
2003.) –
Noyaux
sous-
thalamiques

+ –

X Subtancia nigra

La comparaison de populations de patients chuteurs et non-chuteurs permet


de mettre en avant un certain nombre de caractéristiques du patient à risque de chute.
Certains paramètres relévent de pathologies associées et de caractéristiques de l’envi-
ronnement et ne seront pas discutés ici. Nous ne soulignerons que les paramètres inté-
ressant le rattrapage de l’équilibre et les facultés de rééducation.
Il existe à la phase initiale du déséquilibre une période critique de mise en jeu
des réactions destinées à éviter la chute. Ces réactions ont pour but de freiner la chute
du centre de gravité. Elles peuvent être mises en défaut chez la personne âgée par plu-
sieurs facteurs :
– défaut de perception du déséquilibre du fait du vieillissement ou d’une lésion
des récepteurs périphériques (visuels, vestibulaires, neuro-musculaires et
cutanés). La diminution d’efficacité de la vision est associée de façon directe
à une majoration du risque de chutes ;
– retard du déclenchement des activités réflexes par augmentation des latences
nerveuses (neuropathie, compression des voies nerveuses intra-rachidiennes) ;
– augmentation des délais de traitement du signal : le vieillissement se traduit
par une augmentation des temps de réaction aux ordres simples et surtout
complexes ou successifs ;
– impossibilité d’assurer plusieurs tâches simultanément : les tests de charge
mentale augmentent les temps de réactions élémentaires chez le sujet âgé ;
– déficit moteur au niveau des muscles effecteurs : muscles des membres infé-
rieurs qui interviennent dans les réactions d’équilibration tels le quadriceps
400 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

et le tibial antérieur ; muscles des membres supérieurs tels les triceps qui
interviennent dans la protection lors de la chute.
Les capacités d’entretien des fonctions d’équilibration et de la force muscu-
laire sont préservées chez les personnes âgées, ce qui présage de la possibilité d’amé-
liorer ces performances. Les études épidémiologiques ont montré intérêt d’un
exercice régulier sur la diminution du risque de chute, indépendamment du rôle de
l’exercice sur la prévention de l’ostéoporose. D’une façon générale, toutes les prises
en charge incluant des exercices physiques et un travail de l’équilibre entraînent une
diminution du risque de chutes.

7.5.5 Les altérations de la mémoire des personnes âgées


Ce sont des symptômes très fréquents dont les causes sont des micro-accidents vas-
culaires cérébraux (AVC), des ischiémies cérébrales, ou de l’athérosclérose qui obs-
true des artéres. Ces troubles vasculaires entraînent des pertes de neurones et de leurs
axones et ainsi sont la cause d’interruptions des voies associatives qui empêchent la
mémorisation à court et moyen terme, perturbent le langage (mémoires lexicale et
sémantique altérées) et la coordination motrice. D’autre part, les performances des
organes sensoriels sont diminuées et l’identification des signaux est dégradée entrai-
nant des troubles cognitifs.
La dégradation mnésique peut-être progressive. Beaucoup d’études montrent
que l’engagement individuel dans des activités stimulant l’activité mnésique (cours
suivis et évalués, jeux complexes comme le scrabble) non seulement assurent le
maintien d’un niveau des capacités mnésiques mais aussi semble retarder les effets
dégénératifs dans les démences séniles. Dans les situations d’AVC, dans l’apparition
de la démence sénile ou dans la maladie d’Alzheimer, des troubles cognitifs sérieux
apparaissent sans beaucoup d’espoir de récupération. Cependant, la sollicitation
intellectuelle, même si elle devient difficile avec les progrès de la dégradation men-
tale, semble aussi avoir des effets retardateurs sur la neurodégénérescence et l’altéra-
tion des processus cognitifs.
En quoi le vieillissement perturbe-t-il la mémoire ? On a longtemps cru que
la perte progressive des neurones expliquait, à elle seule, les difficultés mnésiques des
personnes âgées. À présent, on sait que notre capital de neurones est tellement impor-
tant et sous-employé que nous pouvons aller au terme de notre existence avec des
potentialités préservées. Cela explique sans doute la qualité des performances mnési-
ques de certains sujets parfois très âgés.
On sait pourtant qu’avec l’âge, se produit un ralentissement des capacités
cérébrales (Salthouse, 1996). C’est la théorie du ralentissement cognitif :
– la transmission des informations est moins rapide (mécanisme du temps
limité) ;
– les nouvelles acquisitions sont plus difficiles ;
Les troubles des comportements humains 401

– les souvenirs anciens existent mais leur rappel est plus complexe (mécanisme
de la simultanéité).
S’il existe des raisons physiologiques à la baisse des performances, le vieillis-
sement de la mémoire s’explique également par une baisse de l’activité psychique, de
l’exercice physique et intellectuel ainsi que par un isolement. La mémoire a besoin
d’être fréquemment sollicitée pour bien fonctionner : sa gymnastique doit se poursui-
vre le plus tard possible, mais cela ne constitue pas une thérapie si la maladie est avan-
cée. L’entrée dans la phase de retraite doit être, pour les personnes vieillissantes
l’occasion d’entretenir et de stimuler les processus cognitifs et la mémoire. L’entre-
tien d’une activité de communication via des associations, des visites de proches ou
d’animateurs sont également fondamentales pour les stimulations cérébrales et le
maintien d’une certaine qualité intellectuelle.

7.5.6 La maladie d’Alzheimer et la démence sénile


Il s’agit d’une maladie cérébrale dégénérative fréquente chez le vieillard se caracté-
risant par un déclin progressif de la mémoire, de l’idéation, de la compréhension, du
calcul, du langage, de la capacité d’apprendre et du jugement. Il faut néanmoins faire
nettement la distinction entre cette maladie et le déclin normal des fonctions cogniti-
ves lié au vieillissement, beaucoup plus progressif et moins invalidant. L’imagerie
(figure 7.7) montre une neurodégénérescence corticale qui démarre dans le cortex
limbique par une atrophie de l’hippocampe.
En outre, il existe une forme dite juvénile (précoce comme chez les patients
affectés de trisomie 21) et plusieurs formes sont liées à des gènes identifiés (sur les
chromosomes 11, 19 et 21) contrôlant la synthèse des apoliproteines.
On estime qu’actuellement, dans le monde, 37 millions de personnes sont
atteintes de démence sénile, la maladie d’Alzheimer étant à l’origine de la majorité
de ces cas. Environ 5 % des hommes et 6 % des femmes de plus de 60 ans en souf-
frent. Avec le vieillissement des populations, ces chiffres devraient, selon les projec-
tions, augmenter rapidement au cours des vingt prochaines années.
Il n’y a actuellement pas de traitement. Les objectifs thérapeutiques concourent
à maintenir autant que possible le fonctionnement et le confort du malade. Dans ce but,
on cherchera à diminuer les incapacités provoquées par la perte des fonctions mentales
et à réorganiser les habitudes de vie de façon à utiliser au mieux les fonctions restantes,
à réduire au maximum les symptômes comme la méfiance, l’agitation et la dépression.
Les interventions psychosociales, éducation, aide, conseil, placements tem-
poraires, sont extrêmement importantes dans le cas de la maladie d’Alzheimer, que
ce soit pour le patient ou pour les aidants familiaux. Quelques médicaments ont mon-
tré une certaine utilité en améliorant le fonctionnement cognitif et l’attention, tout en
faisant diminuer les délires.
La démence sénile est également de plus en plus fréquente avec l’allonge-
ment de l’espérance de vie. C’est un syndrome confusionnel lié à une ischémie céré-
402 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Figure 7.7
Maladie d’Alzheimer
Image IRM d’un plan du cerveau d’un malade atteint de la maladie d’Alzheimer (AZ). On remarque d’abord la
forme anormale, asymétrique des ventricules cérébraux qui est accompagnée d’une neurodégénèrescence
débutant dans le système limbique par une atrophie de l’hippocampe. À droite une image d’histologie montre
les amas de fibres anormales, les « fagots » formés par des dépôts excessifs de lipoprotéines qui se déposent
dans le cortex entorhinal en raison d’une synthèse anormale d’apolipoprotéines. Parmi les facteurs responsables
de la mort des neurones chez les patients souffrant d’AZ on désigne actuellement une anomalie familiale du
métabolisme du calcium dans le réticulum endoplasmique et l’appareil de Golgi (les organistes cellulaires où se
fabriquent les protéines) qui seraient peut-être les signes les plus précoces de AZ (Cell Calcium, Juin 2006).(Ser-
vice de neuroradiologie, CHU-Nancy.)

brale concernant souvent l’artère sylvienne, irriguant l’aire temporale et l’hippo-


campe, d’où les troubles du langage et de la mémoire. Elle entraîne une forte dégra-
dation cognitive, une désorientation spatiale et temporelle, une agressivité et l’appa-
rition d’un langage parfois scatologique inhabituel.
D’autres démences : la maladie de Pick, démence sénile à évolution rapide
avec diminution du volume cérébral (surtout lobes frontaux et temporaux) ; la maladie
de Binswanger, ou atrophie interstitielle, est cause de démence vasculaire ; la démence
à corps de Léwy, ou démence dysphasique héréditaire, est une autre cause de démence.

7.5.7 Vieillissement cognitif et fonctions exécutives


Bien que, dans des troubles comme la maladie d’Alzheimer, les altérations apparais-
sent d’abord dans les structures limbiques, les récentes observations sur le vieillisse-
ment montrent que des modifications neuroanatomiques et neurochimiques affectent
d’abord le cortex frontal. Pour preuves : la diminution métabolique de l’activité fron-
Les troubles des comportements humains 403

tale vue en imagerie, l’altération des performances dans les tests des fonctions exécu-
tives, l’altération de la mémoire de travail.
Les observations de Raz (2000) montrent qu’il existe une corrélation âge/
volume de structure cérébrale qui affecte plus le cortex frontal que l’hippocampe
(pourtant essentiel dans la mémoire). Il apparaît en outre que l’efficience des méca-
nismes d’attention est fortement altérée du fait de la dissolution des mémoires de tra-
vail (difficulté à se concentrer sur une tâche pendant un certain temps).
Un aspect important du viellissement cérébral est lié à l’altération des méta-
mémoires, c’est-à-dire la connaissance qu’a le sujet de ses propres capacités mnési-
ques et cognitives. Cette autocritique (en fait ce que l’on appelle « feeling-of-
knowing », FOK) semble jouer un rôle dans la progression de l’apprentissage de nou-
velle tâche. Le FOK est évalué par des tests appréciant le niveau sémantique (par des
quiz) et le niveau épisodique (retenir une série de mots). Dans le vieillissement, l’éva-
luation montre une nette altération (près de 85 % de déficit) du FOK épisodique. Les
sujets âgés ont ainsi des difficultés à mémoriser des tâches de plus en plus complexes
car leurs métamémoires permettant par exemple d’anticiper la tâche à réaliser et de
réserver des places mémoires ne sont plus disponibles.

7.5.8 Syndrome de vieillissement prématuré : le progeria


Cette affection très rare peut apparaître très tôt chez des sujets jeunes. Le processus
de viellissement est accéléré avec des altérations cutanées, articulaires et surtout vas-
culaires, touchant également les artères cérébrales. Les gènes impliqués sont mal con-
nus (peut-être un ARN messager ou une télomérase). Les atteintes cérébrales
touchent surtout les carotides internes et les artères sylviennes, provoquant des trou-
bles comparables à la démence sénile.

Pour en savoir plus :


http://www.francealzheimer.org/
(site de l’association France Alzheimer contenant des fiches sur divers troubles du vieillissement)
http://lyon-sud.univ-lyon1.fr/D3/Module_4/Dubreuil/Vieillissement.pdf
(un diaporama sur les troubles de l’équilibre chez la personne âgée)

7.6 Pertes de conscience et coma

7.6.1 Les différentes formes de perte de conscience


Le tableau 7.1 résume les différents niveaux de perte de conscience. Nous avons vu
le sommeil qui représente un état physiologique de perte de conscience indispensable
à l’activité cérébrale. Pourtant, il existe dans les états de sommeil des situations
pathologiques comme le sommeil cataleptique qui représente un état de sommeil très
404 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Tableau 7.1
Sémiologie des différents niveaux de vigilance
Du sommeil pathologique au coma. L’état « sommeil » est considéré ici dans sa structure pathologique comme
une narcolepsie ou une hypersomnie. Il se caractérise par une très grande difficulté à obtenir des réactions du
sujet et même à le réveiller, comme dans l’hypersomnie cataleptique. Ce sont les tracés EEG et les absences de
réactions « d’arrêt » des ondes lentes en réponses aux stimulations qui constituent des arguments pour préciser
les états de conscience.(Voir échelle de Glasgow : tableau 7.2.)

Niveau Description Cause


L’obnubilation Le patient fait des réponses correctes Baisse d’activité du cortex frontal et
mais lentes à des stimulations complexes, préfrontal (irrigation défaillante, lésions)
fatigabilité
Confusion Réponses incorrectes (altération Baisse d’activité du cortex frontal et
cognitive) ; vigilance variable préfrontal (irrigation défaillante, lésions)
Catalepsie Etat de sommeil profond Dysfonctionnement des centres
régulateurs du sommeil
Syncopes Perte de conscience temporaire Probléme cardio-respiratoire
Chute de tension artérielle
Stupeur Des stimulations intenses (cris, secousses) Traumatisme crânien, état de choc
sont nécessaires pour maintenir en éveil ;
subsistance de mouvements spontanés ;
ERG ondes lentes type delta avec
anomalies
État végétatif Les stimulations intenses nocives sont Lésion cérébrale plus ou moins étendue,
inefficaces pour éveiller le patient. L’EEG tumeur.
GRAVITÉ

présente une activité rythmique ; parfois


des signes d’éveil. MAIS l’état
d’inconscience reste manifeste et sur de
longues période on parle de « mort
cognitive » dans laquelle seules
subsistent des commandes végétatives.
État comateux Le patient semble en état de sommeil Altération importante de l’ensemble des
profond ; aucune réponse aux structures cérébrales comportant des
stimulations intenses ; l’EEG est absent lésions :
ou disparaît progressivement. Corticales très ét endues : coma plus
Le patient passe en situation de « mort sévére si atteinte gauche
cérébrale ». Sus-tentorielles : le tron c cérébral est c
omprirné paru ne tumeur ou un oedéme ;
altérati on severe de la conscien ce,
troubles cardio-respiratoires
Sous-tentorielles : hémorragie,
traumatisme, hématome sous-dural
Métabolique : poisons, médicaments,
droguesalcoolanoxie, hypoglycémie,
encéphalite
Les troubles des comportements humains 405

profond de longue durée qui peut parfois être proche de la stupeur car le patient ne
peut pas être ramené à la conscience aisément.
Les syncopes sont des pertes de conscience temporaires dont l’origine est
encore peu précise. Ce que l’on nomme syncope vagale s’applique à beaucoup de
syncopes car cette perte de conscience résulte d’une stimulation du nerf vague (pneu-
mogastrique) qui inhibe fortement l’activité cardiaque créant une bradycardie source
du malaise. Mais d’autres syncopes peuvent se produire dans diverses circonstances
comme un lever nocturne rapide ou une position debout trop prolongée (hypotension
orthostatique) ; l’hydrocution ou l’effort du marathonien provoquent aussi des synco-
pes dont les conséquences peuvent être graves.

7.6.2 Le coma
Les pertes de conscience temporaire comme dans un évanouissement ou une syncope
représentent des états généralement bénins dus à une diminution du débit sanguin
cérébral.
La perte de conscience de longue durée sans signes de réponse à des stimu-
lations sensorielles est toujours l’indication de symptômes plus graves résultant de
traumatisme, de tumeur, d’hémorragie cérébrale, de surdosage médicamenteux, de
substances toxiques ou de drogues.
La conscience est un état d’équilibre entre des voies qui associent le cortex
cérébral et ses commandes sur les ganglions de la base, le thalamus pour les actes
volontaires, le système limbique pour les actes inconscients, l’humeur, l’attention, la
motivation, et les voies spinothalamiques qui apportent les informations sensorielles
vers les différents centres en traversant le commutateur des voies situé dans le tronc
cérébral. Schématiquement, le maintien de la conscience peut se résumer grâce à
l’aide de l’échelle de Glasgow (voir tableau 7.2).
Ainsi, des lésions de l’un des éléments cérébraux ou l’interruption des con-
nexions les associant peuvent entraîner une perte de conscience plus ou moins étendue.
Le coma, avec ses différents niveaux de réactivité, représente une situation
où les stimulations diverses ne peuvent ramener aisément le patient à la conscience
ou simplement le faire réagir par des réflexes neuromusculaires.
Le diagnostic de l’état de conscience est donné par les tracés de l’EEG. Des
activités de sommeil profond à ondes lentes peuvent représenter des effets d’anesthé-
sie ou traduire des anomalies réversibles. La disparition de l’EEG indique le passage
en état comateux. Le silence électrique représente la mort cérébrale.
L’EEG permet, à la différence des examens par IRM, de discriminer un état
où subsiste une perception sans possibilité de réponse motrice comme dans le syn-
drome de blocage (Locked in syndrome décrit ci-dessous) et dans l’état comateux.
406 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Tableau 7.2
Échelle du coma de Glasgow

Points
Critères Réactions observées Points
attribués

Ouverture des yeux – spontanée 4


– à l’appel 3
– à la douleur 2
– aucune réaction 1

Réponse verbale – orientée 5


– confuse 4
– inadaptée/mots 3
– incomprehensible/sons 2
– aucune réponse 1

Réponse motrice – sur ordre 6

– défense ciblée 5
– flexion normale 4
Stimulation par
– flexion anormale 3
douleur
– extension 2
– aucune réponse 1

TOTAL 3-15

Échelle de Glasgow* : échelle des points


*Échelle du Coma de Glasgow (GSC mise au point à Glasgow, Écosse) a été développée pour per mettre
d’évaluer l’état de conscience d’un patient victime d’un TCC** mais aussi de toute situation provoquant un
trouble de la conscience.

Évaluation Points obtenus Remarques

Traumatisme crâniocérébral** sévére 3-8

Traumatisme crâniocérébral** moyen 9-12

Traumatisme cràniocérébral** léger 13-15

**Le traumatisme crâniocérébral (TCC) inclut les lésions du cerveau et des nerfs crâniens consécutives à un
choc violent.

7.6.3 Locked in syndrome


Le locked in syndrome, ou syndrome d’enfermement, est un syndrome secondaire à
une atteinte bilatérale de la partie basse de la protubérance annulaire consécutive à
une thrombose du tronc basilaire. Le « ramollissement » du parenchyme du tronc
cérébral crée un état nommé « cerveau isolé » car le tronc cérébral n’assure plus les
relations nerveuses avec le corps via la moelle épinière.
Les troubles des comportements humains 407

Le cerveau fonctionne car les fonctions mentales, la vigilance, la pensée res-


tent intactes. Le sommeil disparaît puisque cette activité est assurée par des noyaux
du tronc cérébral.
Au cours de cette affection le patient est atteint de paralysie motrice de
l’ensemble du corps, y compris les mouvements des yeux contrôlés par les noyaux
des nerfs crâniens moteurs 3, 4 et 6, puisqu’ils sont détruits. Le malade présente une
rigidité dite de « décérébration » car il n’y a plus de contôle du tonus musculaire.
D’autre part, il est dans l’impossibilité de communiquer, puisque les muscles laryn-
gés sont paralysés. Quelquefois, grâce à des mouvements codifiés de ses yeux ou plu-
tôt des paupières, le malade peut dialoguer avec sa famille ou un soignant. Voir Jean-
Dominique Baudry, Le scaphandre et le papillon, Pocket, 1998 (et film).

7.7 Les troubles psycho-sensoriels de la fin de la vie


On ne peut pas décrire les altérations sensorielles sans évoquer celles qui accompa-
gnent la fin de vie aussi bien chez le vieillard que chez les malades atteignant un degré
de dégradation physiologique dramatique. Qu’ils soient âgés ou non, l’état psychique
du malade en fin de vie est devenu, au-delà de la médecine, un problème social. « La
personne n’est jamais aussi vivante qu’au moment de la mort », a-t-on dit.
La situation physiologique en fin de vie et la nécessité de soins particuliers
adaptés se justifient dans cette phrase. Au moment où les traitements médicaux et les
ressources thérapeutiques sont inefficaces, le patient cesse d’être un malade et rede-
vient lui-même. S’il est encore jeune, il peut ne pas accepter l’issue fatale et refuser
de communiquer, refuser les soins et souhaiter ce qui fait un débat éthique actuel,
l’euthanasie. S’il est âgé ou très âgé, il sait que la mort est partie intégrante du cycle
vital et peut attendre l’échéance avec son entourage à condition que ses souffrances
restent tolérables.
Les soignants connaissent bien les demandes pressantes des malades et de
leurs familles quand la maladie apporte des souffrances « intolérables », des dérégle-
ments métaboliques létaux, des cicatrisations, des escarres qui ne peuvent plus être
soignés.
Les réponses se trouvent généralement dans l’utilisation de substances anal-
gésiques et ultimes moyens, de la morphine, dont les effets sont évidemment limités
dans les stades terminaux de cancers ou de sclérose en plaques.
En effet, l’apparition de troubles neurosensoriels peuvent accompagner le
cancer. Les métastases cérébrales apparaissent dans 25 % des cancers ou les altéra-
tions du métabolisme cérébral liées aux traitements administrés. Les métastases, en
provoquant progressivement une compression du parenchyme cérébral peuvent
induire des crises d’épilepsie, des épisodes d’hémiplégie mais aussi des altérations
sensorielles, des troubles de la mémoire, une apraxie, des troubles attentionnels et
aussi parfois du langage. Toutefois, il est délicat d’utiliser ces symptômes, trop sou-
408 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

vent tardifs, comme moyen de localisations des atteintes cérébrales car les troubles
sont le plus souvent diffus. La détection des métastases est possible en imagerie IRM
après injection de produits de contraste (gadolinium, iode). L’évolution de ces métas-
tases (méningites, épidurite, plexopathies très douloureuses) connaît un pronostic
rapidement défavorable.
Les traitements anti-cancers peuvent produire des complications neuro-sen-
sorielles qui sont parfois réversibles (encéphalites et certaines neuropathies des chi-
miothérapies). D’autres sont irréversibles quand il y a atteinte de la moelle ou des
tumeurs radio-induites avec une atteinte neurologique.
La douleur fréquente dans ces phases cérébrales de prolifération métastatique
est inconstante et difficile à soulager ; des comportements dépressifs, de l’insomnie
et des angoisses sont des constantes des stades terminaux.
Les réglettes données aux patients pour qu’ils « quantifient » leur douleur
donnent des indications relatives certes, mais permettent de maintenir les doses
d’antidouleurs divers à la juste limite assurant une dignité consciente mais avec une
souffrance réduite au maximum.

7.7.1 Les soins palliatifs


Nous ne considérons ici que l’aspect psycho-sensoriel des malades pour lesquels les
analgésiques et tous les traitements sont sans effets. Ils visent essentiellement à privilé-
gier le confort d’un patient. Il s’agit là d’une prise en charge nouvelle car le but n’est
plus de guérir mais d’accompagner en maintenant la dignité du patient devenu dépen-
dant des soignants ou de sa famille pour son hygiène de base et pour ses déplacements.

7.7.2 De l’importance de la relation malade-famille-soignants


dans l’accompagnement
Si c’est bien le ou les médecins qui portent le diagnostic avec un possibilité
d’échéance létale plus ou moins proche selon les critères de défaillances métaboli-
ques (taux de créatine, urée…), physiologiques (tension artérielle, difficulté respira-
toires), neurologiques (état cérébral, état moteur…), la révélation de l’échéance fatale
est un premier problème de la fin de vie. Si la plupart des familles recevront l’annonce
avec dignité et assureront l’aide au mourant, du côté des malades le ressenti demande
une formation psychologique, une préparation de l’ensemble des soignants qui vont
côtoyer le patient et sa famille.
Le malade et sa famille peuvent ressentir une culpabilité (les abus divers, le
comportement réciproque « Ais je fais assez ? j’aurais dû faire,… ») car la maladie peut
être ressentie comme une punition. L’altération des fonctions essentielles, la dépen-
dance progressive mettent le malade dans une situation psychologique complexe dans
laquelle la douleur prend une part immense, le SOI n’est plus ressenti que par la souf-
france et les autres s’intéressent au malade parce qu’il arrive au bout de l’échéance.
Nous l’avons dit, la souffrance peut s’exprimer par la violence liée au fait que la lutte
Les troubles des comportements humains 409

pour la survie fait développer inconsciemment une stratégie de protection contre l’envi-
ronnement. Cette violence s’exprimera jusqu’à l’acceptation de l’état assisté par les soi-
gnants et la famille, il s’opère un transfert vers une réalité moins douloureuse.
Mais diverses étapes peuvent encore précéder le renoncement, y compris la
dépression, ou chez certains grands handicapés dépendants, un renoncement à vivre
qui peut se traduire par des états de profonde aptahie que l’on pourrait attribuer à une
recherche interne, via des exacerbations parasympathiques, pour trouver le moyen de
ne plus respirer ou d’« arrêter le cœur » pour en finir. Une telle lutte interne est per-
ceptible par les soignants mais elle est difficile à exprimer scientifiquement et mérite
que pendant des années encore des chercheurs se penchent sur la psychologie de la
fin de vie avant de prendre des décisions définitives comme le choix de l’euthanasie.

7.7.3 La dépendance et l’autonomie


Disons que « la dépendance est la situation de la personne qui a besoin d’aides pour
mener une vie normale ». L’autonomie par contre est « la capacité de se gouverner
selon ses propres lois (Littré), ou la possibilité de disposer librement de soi, concept
proche de la notion de liberté ». De cela, il résulte que des personnes dépendantes
peuvent garder une autonomie certaine, et à l’inverse, que des personnes non dépen-
dantes, peuvent ne pas être autonomes.
Cette relation de dépendance ou de perte d’autonomie liée à la maladie met
le malade dans un état psycho-sensoriel particulier : si les soignants sont trop attentifs
aux sollicitations, le malade abandonne le peu d’autonomie dont il dispose s’il est
alité et incapable de mobilité. L’hyperprotection, le maternage provoquent une forme
de régression, presque une infantilisation du malade.
Certains patients apprécieront ce cocooning car il leur semble possible que
les soignants absorbent leur douleur et qu’il est plus facile d’écouler sa peur de la fin
quand on peut en parler à d’autres.
Les récits de fin de vie de cancéreux accompagnés et entourés par leurs pro-
ches et leur soignant sont admirables de sérénité. L’aide apportée par les dérivés mor-
phiniques semble mineure au regard des échanges entre le malade qui ressent
inconsciemment les étapes qui le mènent à la mort et ceux qui sont à son écoute, pas
forcément à son chevet mais un peu plus loin, car autour de lui, la vie continue.
Le cocooning peut être refusé par d’autres pour qui la perte d’autonomie dans
la douleur est insupportable. Ils veulent partir seuls et demandent des doses élevées
de drogues pour ne rien ressentir. Dans ces situations, l’utilisation des pompes à mor-
phine contrôlées par le patient sont très utiles et généralement ils ne se délivrent des
doses de morphine qu’aux phases de douleur intenses.

7.7.4 Euthanasie ? Un choix ou pas de choix


C’est un débat éthique qui sort du cadre de cet ouvrage, mais quand la question de
l’« euthanasie » se présente, il faut étudier l’état neuropsychologique du patient : sa
maladie n’altère-t-elle pas la conscience du sujet, son jugement et son choix personnel
410 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

de cesser de vivre. On doit alors s’interroger sur les capacités cognitives du malade, et
nous avons vu tout au long de la deuxième partie de cet ouvrage qu’elles dépendent de
nombreux facteurs pour demeurer optimales. Elles sont altérées de manière primaire ou
secondaire dans un grand nombre de pathologies et bien sûr dans la fin de vie.
Poser le problème de l’euthanasie ne doit pas faire oublier qu’un malade
valide peut opter pour s’autodétruire, et se suicider, tandis que le patient grabataire,
totalement dépendant, doit faire accomplir son suicide par une tierce personne. Dans
le suicide, on accepte les aspects psychosensoriels comme une raison suffisante pour
s’ôter la vie soi-même, alors qu’on oppose ces arguments au choix de l’euthanasie.

Tableau 7.3
Quelques-uns des symptômes physiologiques et neurologiques observés chez les patients en fin de vie

Changement Signes
Altérations générales
Fatigue, faiblesse Baisse d’activité, hygiéne délaissé
Difficulté à se déplacer autour du lit
Difficulté à lever la tête au-dessus de l’oreiller
Ischémie cutanée Érythème au-dessus des saillies osseuses
Peau marquée par le moindre coup
Perte d’appétit, cachexie Anorexie
Prise alimentaire réduite
Perte de poids, fonte musculaire et graisseuse
en particulier sur les tempes
Perte du besoin de prise liquide, Faible prise de boisson
déshydratation Œdème périphérique dû à l’albuminurie
Déshydratation, sécheresse des muqueuses et
des conjonctifs
Altération du fonctionnement cardiaque Tachycardie
et rénal Hypertension suivie d’hypotension
Refroidissement périphérique
Cyanose périphérique et centrale

Altérations neurologiques
Baisse du niveau de conscience Augmentation de la narcose
Difficulté à s’éveiller
Ne répond pas aux stimulations verbales et
tactiles
Difficulté croissante à communiquer Difficulté à trouver les mots
Mots monosyllabiques, phrases courtes
Réponses tardives ou inappropriées
Délirium terminal Symptomes précoces de perte cognitive
(désorientation, confusion jour-nuit)
Agitation
Mouvements répétitifs

Troubles respiratoires Fréquence ventilatoire variable


Les troubles des comportements humains 411

Changement Signes
Difficulté à déglutir Dysphagie
Toux, bruits de gorge
Douleur Grimaces
Difficulté à fermer les yeux Paupières entrouvertes
Blanc des yeux trouble (pupilles visibles ou non)

La question du choix doit émaner, sous n’importe quelle forme, du malade


lui-même, s’il conserve un niveau de conscience convenable. Le choix peut être con-
senti avec les proches et les soignants qui discutent des niveaux de souffrances, de
détresse, de dépression du patient. Cela ne devrait pas influencer le choix du malade.
Le médecin doit rester un arbitre qui est seulement détenteur d’un outil mortel. La
réflexion « pas le choix de naître, mais le droit de mourir » progresse sur le net. Le
débat devra être étalé, et des commissions de psychologues et de médecins devront
dans un futur proche fixer les limites : euthanasie, oui, quand plusieurs spécialistes,
oncologistes, psychologues auront évalué l’importance du service humain rendu au
souffrant dont on entretient l’indignité par des fils et des pompes. Euthanasie, non,
lorsqu’un état de santé gravement altéré peut potentiellement trouver une issue favo-
rable scientifiquement avérée. Nous savons tous qu’un certain nombre de critères
physiologiques (taux d’urée, potassium, EEG, ECG) donnent un chiffrage, en heures
souvent, de l’iminence de la fin (tableau 7.3). Dans ces cas, on demande à la famille
si elle accepte qu’on cesse les soins, c’est une « bonne pratique médicale ». L’inter-
ruption volontaire de vie assistée médicalement n’est plus de la pratique médicale, car
un thérapeute n’a pour vocation que de guérir et non de mettre à mort.
Pour en savoir plus sur l’accompagnement des personnes en fin de vie
et sur la question du droit à mourir dans la dignité (de nombreux pays
optent pour le suicide assisté selon certaines conditions : Belgique,
Canada, Espagne, Pays-Bas) :
http://agora.qc.ca/thematiques/inaptitude.nsf/Dossiers/Suicide_assiste
http://www.admd.net/sommair.htm
http://www.sfap.org/pdf/VI-C7b-pdf.pdf
412 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

L’E S S E NT I E L À R E T E NI R D U C H A P I TR E 7 :
LE S T R O U BL E S D E S C O MP O RTE M E N TS H U M A I N S
Examiner
Analyser les fonctions éxécutives
On utilise une batterie comprenant des épreuves neuropsychologiques
explorant différents aspects des fonctions exécutives :
1. Planification (Test de la La Tour de Londres).
2. Inhibition (Test de Stroop, Test de Hayling, plus récent) ; consignes
conflictuelles.
3. Flexibilité mentale (Trail Making Test, TMT).
4. Catégorisation (Wisconsin Sorting Card Test, WSCT).
5. Mémoire de travail (Corsi, empan de chiffres et fluence verbale).
Examiner des aphasies
1. Le langage : l’étude du langage spontané permet tout d’abord de
déterminer le caractère fluent ou non fluent (le débit des mots par
exemple). On recherche aussi la capacité de dénomination : le sujet
doit nommer des objets, des images, des couleurs, des parties du
corps. Manque-t-il des mots ? Les mots choisis sont-ils adaptés ?
Présence de paraphasies sémantiques (un mot pour un autre), phonémi-
ques (modification des phonèmes constituant un mot, néologismes) ?
Il faut aussi étudier la compréhension orale : des ordres simples, semi-
complexes puis complexes., la répétition : mots simples et complexes,
phrases simples puis complexes ; La présence de paraphasies sémanti-
ques ou phonémiques ?
En cas d’échec, on demande au patient de faire un essai d’auto-
correction ?
2. Analyse de la lecture : la lecture est-elle hachée, syllabique ? Existence
de pParalexies sémantiques ou phonémiques ? Compréhension ?
3. Analyse de l’écriture : le sujet met-il la ponctuation ? Les articles ? Y-a-t-
il Agrammatisme ? Dysorthographie ? Paragraphie ?
Examiner des états de stress-dépression
À l’interrogatoire : le patient est-il communicatif, inexpressif, indifférent,
euphorique-dépressif ? Est-il sous anti-dépresseurs, sous drogues ou
alcool ? Est-il hypochondriaque ?
Présente-t-il des tics, des gestes répétitifs, des stéréotypes, des obnubila-
tions évidentes ?
Y-a-t-il un ou des événements sur lesquels il insiste particulièrement, les
rendant responsables de son état ?
Les troubles des comportements humains 413

Du point de vue relations sociales, se sent-il inutile, rejeté, critique vis-à-


vis de ses collègues ? Donc, l’image de SOI est-elle très dépréciée ?
Une plainte fréquente est celle du sujet qui se sent inutile, incompris,
sous-estimé, qui ne voit pas d’issue ou de moyen de s’en sortir seul.
Du point de vue neurologique : le patient fait-il état de troubles mnési-
ques plus ou moins sérieux contrastant avec une activité socio-profes-
sionnelle préservée ?
Se sent-il « sous pression », corroboré par une tension artérielle anorma-
lement élevée ? Attention : éviter l’examen sur un patient sous antidé-
presseurs, cela ne permet pas d’objectiver convenablement
l’importance relative des troubles dépressifs et des troubles cognitifs.
Les troubles comportementaux
Divers tests sont disponibles en fonction du type d’investigation sur le
comportement :
Relations avec les autres : test ou échelle de Willoughby : test en 25 items.
Anxiété : Le Test ou échelle de la peur de Wolpe et Lang : liste de
108 noms chargés d’évoquer un certain degré de frayeur.
Autonomie : Échelle de Berneuter : 60 questions proposant des répon-
ses oui-non. Pour un bilan inférieur à 20, on admet que le sujet manque
d’autonomie et présente des troubles comportementaux concernant la
prise de décision et la difficulté d’affirmer sa personnalité (à voir dans
des dyslexies, agraphies, bégaiement…)
Dépression : le questionnaire DSMIII, test de dépression à l’usage des
psychothérapeutes ou encore le questionnaire de Beck, destiné aux
patients : 13 items avec 4 choix sont proposés dans lesquels il faut auto-
apprécier son propre état de fatigue, dégoût, lassitude, dépression. Il
est clair que seule la comparaison des deux questionnaires permet de
se faire une idée précise de l’état dépressif du patient.
Autres analyses : imagerie (RMN, tomodensitométrie). Elles permettent
parfois de voir des altérations telles que l’hypertrophie des ventricules
cérébraux ou des volumes hippocampiques élevés, mais ces données
sont inconstantes.
Électrophysiologie : l’EEG peut montrer des foyer épileptiques. Les
potentiels évoqués sont anormaux dans divers troubles comportemen-
taux liés à des dégénérescences neuronales.
L’électronystagmographie montre aussi fréquemment des difficultés à sui-
vre du regard une cible mouvante (chez les schizophrènes par exemple).
Profil socio-affectif psychologique (PSA) : Le PSA est un instrument stan-
dardisé qui permet aux personnes œuvrant directement auprès de jeu-
nes enfants d’évaluer leurs compétences sociales et leurs difficultés
d’adaptation.
414 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Examiner les troubles neuro-psychologiques de l’enfance


Antécédents familaux, problèmes à l’accouchement ? Morphologie :
faciès, existence d’anomalies anatomique des yeux, des oreilles,
microcéphalie ? Y-a-t-il un retard mental, des troubles neurosensoriels ? Il
faut rechercher d’éventuelles altérations neuromotrices et comportemen-
tales spécifiques du nourisson ou de l’enfant : réflexes, énurésie tardive,
troubles du sommeil, reconnaissance des visages familiers, gazouille
(ou parle), indifférence, ? Le diagnostic de retard mental est-il récent ?
Si il y a des signes évidents de troubles neurologiques, faire un caryoty-
page (recherche d’anomalie chromosomique), et rechercher une malfor-
mation crânienne ou cérébrale (IRM) et faire des examens EEG et EMG.
Examiner les troubles neurosensoriels du vieillard
L’analyse doit faire la part entre le vieillissement sensoriel normal et les
troubles neurosensoriels altérant plus ou moins fortement l’autonomie.
Y-a-t-il une baisse de l’acuité visuelle ou de l’audition, des pertubations
des rythmes du sommeil. même si ces troubles donnent un sentiment
d’inconfort, permettent-ils d’accomplir des tâches ménagères ? Le
patient a-t-il encore des contacts sociaux ? Discute-t-il de manière claire,
cohérente ? Présente-t-il des troubles évidents de la mémoire à court
terme ? À long terme ? Présente-t-il une apathie, une indifférence ? Com-
ment est sa motricité ? A-t-il des tremblements ? La préhension est-elle
aisée ou y-a-t-il une altération de la dextérité manuelle ? Debout yeux
ouverts, garde-t-il une position verticale stable ? Sur une jambe (si motri-
cité aisée), que devient son équilibre ? Relate-t-il des vertiges, des chutes
inexpliquées ? Présente-t-il des douleurs cervicales ?
Connaître quelques altérations comportementales
Altérations du fonctionnement cortical
On trouvera dans le tableau 7.1 quelques-uns des troubles divers liés à
des altérations du fonctionnement du cortex. Ces altérations ont des
causes métaboliques, traumatiques ou encore génétiques. Toute lésion
ou anomalie d’intégrité du cortex cérébral entraîne des troubles neuro-
sensoriels, perceptifs ou cognitifs. Les agnosies et les aphasies sont
parmi les troubles les plus fréquents.
Altérations mentales de l’enfance et l’adolescence
Tous ces troubles ont une une origine génétique et apparaissent préco-
cément (voir les détails dans le chapitre).
Rappelons quelques uns des troubles : la trisomie ; la phénylcétonurie ; la
tyrosinémie type I ou hépatorénale et de type III ;.L’autisme, qui est un
trouble comportemental fréquent de l’enfance, et des troubles proches de
l’autisme comme le X-fragile, le syndrome de Rett, le syndrome de Tou-
rette, le syndrome de Usher :avec des altérations visuelles et une surdité.,
le syndrome de West, le syndrome d’Asperger (et syndrome de Kaner).
Les troubles des comportements humains 415

Le syndrome de Charcot-Marie-Tooth (CMT) est une maladie génétique


due à une altération des gaines des neurones
Le polyhandicap de l’enfant ou syndrome d’Aicardi résultant d’une age-
nèse du corps calleux.
Bien que d’origine génétique, certains des troubles suivant se manifes-
tent tardivement comme la Chorée de Sydenham qui apparaît entre 5 et
15 ans et la Chorée de Huntington (parfois dite danse de Saint-
Guy) apparaît après une neurodégénérecence du striatum vers 40 ans.
Il y a lieu d’ajouter les troubles de la communication comme la dyslexie ou
des troubles du comportement comme l’hyperactivité associés ou non à des
troubles de l’attention que l’on identifie qu’au stade de la scolarisation.
Altérations neurosensorielles liées au vieillissement
Syndromes neurologiques : maladie d’Alzheimer, démence sénile,
maladie de Parkinson, syndromes cérébelleux.
Altérations purement sensorielles : vision (glaucome, rétinopathies, cata-
racte, dégénerescence maculaire) ; équilibre (vertiges, chutes) ; audi-
tion (baisse de l’acuité auditive, surdité).

Résumé du chapitre 7
Les troubles perceptifs
Les récepteurs sensoriels ne sont pas des capteurs fiables car leurs per-
formances peuvent s’altérer par exemple au cours du vieillissement. Il en
est de même des analyseurs centraux qui traitent statistiquement les
signaux et peuvent commettre des erreurs, ce sont les illusions, ou trans-
former des signaux corrects en hallucinations ou en phénomènes déli-
rants dans lesquels le comportement s’adapte à la situation erronée
perçue par le sujet.
Les agnosies et les aphasies sont des troubles perceptifs fréquents dans
les atteintes neurologiques. Les agnosies sont caractérisées par des diffi-
cultés perceptives. Les aphasies se traduisent par des problèmes dans
les processus d’expression verbale.
Stress, dépression, psychoses
Les troubles comportementaux comme la dépression et certaines psycho-
ses peuvent résulter du maintien pendant des durées anormalement lon-
gues d’un taux de glucocorticoides résultant d’un stress. Des
modifications centrales de la disponibilités des récepteurs membranai-
res entraînent des altérations des fonctions cognitives et conduisent,
selon la région concernée, à des troubles dépressifs avec une dégrada-
tion de l’image de SOI.
416 Les comportements humains : de l’intégration des informations sensorielles…

Les troubles neurologiques de l’enfance et de l’adolescence


Les troubles observés peuvent être d’origine anténatale, hérités ou liés à
des accidents d’accouchement. D’autres troubles, bien que d’origine
génétique, apparaissent parfois tardivement voir même au stade juvé-
nile avancé (syndrome de Huntington, par exemple). Ces maladies com-
portent des troubles neurosensoriels souvent associés à des pathologies
variées qui concourent à la dégradation physiologique. Le syndrome
d’Aicardi concerne un tel ensemble de handicaps.
Des altérations comportementales comme la dépression, la psychose et la
schizophrénie sont décrites chez l’enfant. Certains troubles résultent de la
consommation précoce de drogue, de tabac ou d’alcool qui entraînent
une addiction sévére précoce extremement difficile à soigner.
La sensorialité et la cognition du vieillard
Le vieillissement entraîne plus ou moins tardivement une altération des
fonctions métaboliques diverses et dégrade aussi les fonctions sensoriel-
les et mentales. Des troubles visuels, auditifs, proprioceptifs nuisent au
confort de vie et sont responsables des altérations motrices et de l’équili-
bre. Diverses maladies apparaissent avec la sénescence : démence
sénile, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, qui affectent plus
ou moins fortement l’activité intellectuelle, la mémoire, la réactivité.
De la perte de conscience au coma
Les états de perte de conscience représentent des altérations des fonc-
tions cérébrales plus ou moins sévéres. La syncope « vagale » repré-
sente la forme légère dans laquelle le patient perd conscience avec une
chute du tonus musculaire. Les différents stades du coma représentent
des formes sévères résultant soit d’une ischémie, d’une hémorragie,
d’un traumatisme, d’une lésion d’une région cérébrale. Dans ces situa-
tions, le cortex cérébral peut cesser de former une électro-encéphalo-
gramme, indiquant l’arrêt de l’activité de zones neuronales plus ou
moins importantes.
Les troubles des comportements humains 417

QUES TIONS
1. La perte de neurones suffit-elle à expliquer les altérations neurosenso-
rielles liées au vieillissement ?
2. La maladie de Parkinson est-elle uniquement un symptôme de
tremblement ? Sinon, quels sont les autres altérations ?
3. L’autisme peut-il avoir une origine génétique ? Quelles sont les altéra-
tions sensorielles précoces qui peuvent indiquer chez un enfant l’exis-
tence de troubles autistiques ?
4. Quels sont les six critères caractéristiques de la schizophrénie ?
5. Pour tester un patient peut-être atteint d’aphasie : j’utilise un test com-
portant la lecture d’une liste de mots ? je lui demande d’écrire le nom
des objets familiers que je lui présente ? Je demande au patient de des-
siner un objet courant ? je le soumets au test des cloches ?
6. Quels sont les éléments sémiologiques qui permettent d’assurer qu’un
enfant est hyperactif ?
7. Qu’est-ce que le syndrome d’Aicadi ?
8. Origine et situation neurologique dans le locked-in-syndrome.

RÉFÉREN C E S
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Lexique

Acétylcholine Cortex cérébral


Neurotransmetteur essentiel qui assure Écorce enveloppant le cerveau et compo-
notamment la « commande » des mus- sée de myriades de neurones. Le cortex
cles. Son déficit est une des causes de la humain est si grand qu’il forme des plis,
maladie d’Alzheimer. des circonvolutions et des « canyons »,
les scissures, qui permettent de cartogra-
Adrénaline phier le cerveau.
Molécule essentiellement formée par le
système nerveux ortho-sympatique (par Démence
opposition à l’acétylcholine formée dans Maladie due à un dysfonctionnement du
le système para-sympathique) ; C’est cerveau entraînant des troubles compor-
aussi la molécule du stress. tementaux divers et des altérations intel-
lectuelles.
Amnésie
C’est une perte plus ou moins durable de Dopamine
la mémoire. C’est un des troubles de la La molécule du plaisir, abondante dans le
mémoire les mieux connus du public. On cerveau, ce neurotransmetteur étant sur-
parle d’amnésie rétrograde et d’amnésie tout important dans les voies motrices
antérograde. nigrostriatales de la base du cerveau.

Axone Empreinte
Prolongement du neurone chargé de con- Définie par Konrad Lorenz, l’empreinte
duire l’influx nerveux et se terminant par correspond à une phase précoce, dite
une synapse formée sur un autre neurone. période sensible, au cours de laquelle les
acquisitions sensorielles durant une brève
Corps striés période post-natale, vont déterminer la
Ensemble de systèmes sous-corticaux gamme des perceptions qu’utilisera le
qui, avec le cervelet, commandent notre jeune organisme au cours de la croissance
vie motrice. cérébrale.
420 Neurosciences cliniques

Empan l’événement à l’origine du traumatisme


Dans une série de tests de mémoire, c’est est rappelé avec beaucoup de détails.
la longueur de la dernière liste retenue
Hypothalamus
sans erreur.
Région centrale du cerveau, interface
Épilepsie entre les structures nerveuses et les stru-
Trouble cérébral provoqué par des cures endocrines. L’hypothalamus con-
décharges électriques neuronales plus ou trôle tous nos comportements fonda-
moins intenses de zones corticales ou mentaux en agissant sur toutes les glan-
sous-corticales altérées. Cela se traduit des endocrines.
par des crises brèves allant d’ « absence »
ou perte de conscience à des violentes cri-
Influx nerveux
ses dites « aura » avec des convulsions. Activité éléctrique résultant de l’activité
des neurones ; l’influx nerveux est consti-
Épiphyse tué par des trains de potentiels d’action
Glande endocrine située au sein du cer- circulant le long des prolongements neu-
veau et secrétant la mélatonine qui dérive ronaux.
d’une conversion de la sérotonine.
Insomnie
GABA L’un des troubles du sommeil, courant et
(Acide Gamma-aminobutyrique) caractérisé par des difficultés d’endor-
Neurotransmetteur ayant un rôle inhibi- missement.
teur sur beaucoup de neurones cérébraux.
Neuromédiateur
Glutamate Substance chimique permettant à l’infor-
L’autre neurotransmetteur facilitant le mation de passer d’un neurone à l’autre.
recyclage des informations codées sous
forme de trains de potentiels d’action. Névrose
Une classe de molécules particulières Trouble de la personnalité résultant de con-
proches du glutamate, le NMDA (N- flits inconscients des composantes de la
méthyl-D-aspartate) intervient dans la personnalité.
formation de la mémoire à court terme,
nommée potentiation post-tétanique. Neurone
Cellule spécialisée ayant des prolonge-
Hippocampe ments d’entrée (les dendrites) et de sortie
Structure du cerveau basal dont la des- (l’axone) qui permettent de communi-
truction provoque l’incapacité quasi quer à distance avec d’autres neurones ou
totale de mémoriser des informations cellules.
nouvelles (mots, visages, images).
Potentiation à long terme (LTP)
Hypermnésie ou « exaltation Renforcement persistant de l’efficacité
de la mémoire » synaptique dépendant des patterns d’acti-
Trouble caractérisé par une intense acti- vité antérieure.
vité mnésique et la nécessité pathologi-
que de retrouver des événements ou de Plasticté cérébrale
mémoriser des quantité de chiffres. Il Capacité du matériel cérébral de réorga-
existe des syndromes, tels celui de Tar- niser les circuits neuronaux selon les
gowla, courants chez les traumatisés ou apprentissages ou lorsqu’il existe des
les prisonniers de guerre chez lesquels lésions.
Lexique 421

Récepteurs membranaires Somesthésie (système)


Ce sont des protéines particulières fixées Les structures qui interviennent dans le
sur la membrane des neurones et sur les traitement des informations sensorielles
membranes synaptiques en particulier. Le tactiles et proprioceptives.
protéines réceptrices en fixant une molé-
cule de neurotransmetteur activent des Synapse
cascades de réactions intracellulaires qui Portion terminale d’un neurone qui sert à
peuvent modifier l’activité neuronale ou transformer des informations sous forme
même agir sur des synthèses de protéines. de potentiels d’action en une libération
proportionnelle de substances chimiques
Rythmes circadiens et rythmes comme des neurotransmetteurs destinés
nyctéméraux au neurone suivant ou à une structure
Rythmes biologiques produits par des hor- effectrice comme le muscle.
loges internes, de l’hypothalamus et de
l’épiphyse en particulier et par une modu-
Système limbique
lation produite par des rythmes d’éclaire- L’ensemble des structures corticales et
ment jour-nuit. sous-corticales intervenant dans les émo-
tions. Les éléments les plus importants de
Schizophrénie ce système sont l’hippocampe, l’amyg-
Psychose avec une désintégration de la dale et le gyrus cingulaire.
personnalité.
Thalamus
Sérotonine ou 5-hydroxytryptamine Ensemble de systèmes sous-corticaux qui
Neurotransmetteur dérivé du tryptophane traitent de façon élémentaire les percep-
impliqué dans la régulation de l’humeur tions (brillance, couleur, etc.) avant leur
et dans l’anxiété. Sa transformation dans traitement au niveau du cortex pour plus
l’épiphyse forme de la mélatonine. d’élaboration.
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Index

A 328–329, 360, 383, 392 330, 333, 335, 337, 340,


amphétamine 241, 270, 295 344, 348, 352, 354–355,
accommodation 173
amplification génique 86 357, 359, 362, 389, 394
acide gamma amino-butyrique
amygdale 319 apraxie 139
(GABA) 105
acoumétrie 39 analgésie 216 aqueduc de Sylvius 137, 260
acouphénes 226, 374 analyse fractale 21 aspirine 218
activité endocrine 148 analyse harmonique et trans- astrocytome thalamique 310
activité onirique 248 formée de Fourier 20 audiométrie 39
acupuncture 62 anesthésie 37, 59–62, 120– aura 392
adaptation sensorielle 34 121, 151–152, 212, 274, autisme 262, 386
addiction 293 373, 405 autiste 84, 355–356
adipsie 266 anesthésie locale 37, 61 auto-émissions acoustiques 374
agnosie 377 anévrisme 383 autostimulation 240
agnosie tactile 139 angiotensinogène 264 axe limbique-hypothalamus-
agnosie visuelle 184, 185 anorexie 300 hypophyse-surrénale 378
agressivité 236, 250, 266– anticorps 14, 21, 52, 88, 143–
276, 296, 300, 302, 346, 144, 146, 154, 311 B
402 antidépresseurs 381
barrière hémoencephalique 78
aire entorhinale 319 anxiété 375
barrière sang-cerveau 147
alcool 53, 250, 270–271, 274, aphasie 139, 311, 329, 347,
377, 383 bâtonnets 47, 91, 175–176
295–296, 298–300, 303,
359, 395 aphasie de Broca 377 benzodiazépines 58, 106, 270
alcoolisme 245, 266, 274, aphasie de Wernicke 377 bistouri à rayons gammas 142
320, 360 apnée du sommeil 251 Bleurler
allodynie 221 schizophrénie 390
apoptose 78, 93, 146–147
allomones 344 boucle de rétroactions 238
appareil stéréotaxique 46
Alzheimer 87, 154, 167–168, apprentissage 79, 82–83, 92, boucle gamma 198
300, 374, 401 106, 236, 239–240, 243, boucle phonologique 322
amaurose bilatérale 185 248, 267, 271, 275, 302, boulimie 262
amnésie 60, 295, 320, 326, 307–311, 313–314, 317, bulbe rachidien 123
432 Neurosciences cliniques

C cortex cingulaire 278 empan mnésique 321


catécholamines 138 cortex frontal 379 empreinte 81
cellules bipolaires 178 cortex orbito-frontal 390 encéphalomyélite 154
cellules ganglionnaires 173 cortex somesthésique 82, 208, 355 encéphalopathies 154
cellules gliales 78, 86, 92–93, 95, corticostérone 109, 149, 260 encodage 323
138, 143, 147, 155–156, 309– couleurs 276 endorphines 60, 108, 144, 218, 261
310, 313 courbes audiométriques 39 enfants polyhandicapés 38
cellules mitrales 165 crêtes turbinales 161–163, 168, 227, enképhalines 60, 218, 261, 270
cellules périglomérulaires 165 257 enrichissement 38, 335
cellules progénitrices 94, 313 crise électrique 392 environnement enrichi 337
céphalées 220, 383 cristallin 173 épilepsie 37–38, 142, 167, 188,
cercle artériel de Willis 137 curarisants 61 328, 360, 387–388, 391, 394
cerveau isolé 406 épiphyse 75, 109, 129, 131, 149,
cervelet 79, 105, 125–127, 132, D 181, 242, 244–245, 257–258
153, 196, 198–199, 204, 228, dépression 60, 84, 103, 106, 113, états de veille-sommeil 241
244, 246, 316–317 149, 154, 217, 252, 260, 287, ethmoïde 161
champs récepteurs 110, 178 299, 302, 327, 381–382, 384, euthanasie 410
champs visuel 186 393, 395, 401
exploration stéréotaxique 142
channelopathie 113, 391 déprivation de sommeil 252
cholécystokinine 259, 345 déprivation sensorielle 36–37, 86,
circuit de Papez 318
F
204, 282
coma 38, 274, 360, 405 dermatomes 110 fabulations 320, 341
communications 282, 343–346, 354 diabéte 263 faisceau médian du télencéphale
complexe amygdalien 381 douleur 34, 54, 59–63, 102, 108, 240
complexe majeur d’histocompatibi- 113, 121–122, 131, 146, 148, fantasmes 329, 341
lité 147 203, 207, 210, 212–218, 220– Fechner 17
comportement alimentaire 255 221, 224–225, 240, 251, 275, fibres amyéliniques 120
comportement dipsique 264 287, 303, 408–409 fibres myélinisées 120, 216
comportements sadiques 372 drogues 36, 53–54, 57, 60–62, 220, fonction tampon 238
comportements sociaux 343 245, 250, 270, 274, 279, 293, fond de l’œil 39
conditionnement 22, 62, 172, 236, 295, 298–300, 303, 359, 395,
formation réticulée 245, 251, 254,
238–240, 273, 307, 311, 314, 405, 409
405
353, 375, 379, 382 dyslexie 349, 377
formation réticulée inhibitrice 245
cônes 47, 174–176, 178, 370
Freud 289–290, 292
contre-transfert 315 E
frustration 287
cornée 174 échelle d’appréciation clinique 28
corps mamillaires 165, 295, 318, EEG 41, 45, 47, 141, 168, 188,
320 G
296–297, 405
cortex 45, 54, 79–80, 86, 92, 102, électrocardiogramme 36 glaucome 37, 175, 185–186, 396
110–111, 119, 122, 127–128, électrodermogramme 46 globe oculaire 173
136, 142, 155, 165, 168, 172, glomus carotidiens 259
électro-encéphalographie 41, 188,
182–184, 193, 199, 207–208, glutamate 105, 146
296
210, 216, 225, 227–228, 235,
électronystagmographie 47 glycémie 260
245, 252, 295, 310, 317–320,
326, 337–338, 340, 342, 345– électro-oculographie 47 gonadotrope releasing hormone 278
346, 352, 354, 371, 382, 392, électrophysiologie 39, 241, 243 Greenough 337
405, 414 électrorétinogramme 47, 187–188 gustation 170, 227, 257, 281
Index 433

H intelligence et l’ordinateur 339 moelle épinière 119


hallucinations 37, 140, 252, 273, intelligence opératoire formelle 335 Montagner 345
298, 319, 341, 343–344, 374, intelligence sensorielle 335 morphine 60, 108, 217–218, 270,
390, 415 IRM 47, 151, 168, 187–188, 405 407
hédonisme 171, 238, 257, 263, 287 morphines endogènes 108, 130, 218
hémianopsies 185 K motivation 236
hémiplégie 139 Kétamine 60 mouvements saccadés 174
hémisphéres cérébraux 132 knock-out 51 multistimulation sensorielle 38
hippocampe 78, 119, 130, 235, 240, mutation 51
243, 296, 300, 318–320, 342, L myasthénie 154
378, 402 mydriase 184
limite perceptive 35
histamine 218
liquide céphalorachidien 137
histologie 47, 52, 151 N
lobe frontal 132, 139, 253, 269,
homéostasie 264 négligence 377
301, 319–320
homonculus 110 néocortex 136
lobe occipital 132
horloges 242 nerf vague 259–260, 264
lobe pariétal 132
hormones 88, 109, 129–131, 137, neurogénétique 84
lobe temporal 132, 140, 381
148–149, 156, 238, 258, 265, neurohypophyse 130
278, 282, 344, 353 locked in syndrome 405
locus coeruleus neuroleptiques 56, 58, 261
hormones corticosurrénaliennes 149 neuropeptides 52, 108, 115, 138,
et sommeil 245
hormones thyroïdiennes 149 218, 258, 333, 345, 353
locus niger 259
hyperesthésie 214, 373, 385 neuropharmacologie 53–54, 334
loi de Weber et Fechner 17
hypermnésie 328 neurotransmetteurs 52, 54, 101–
lymphocytes 145
hypersomnie 252 102, 104–106, 109, 113, 115,
hypnose 61 138, 218, 245, 248, 252, 254,
hypnotiques 56, 60, 395
M 259, 261, 269, 308, 332–333,
hypoesthésie 151, 217, 221 maladie d’Alzheimer 84, 87, 90, 338, 352–353, 371
hypogononadisme 344 146, 154, 156, 344, 400–402 névroses 252, 273–274, 300, 303,
hypophyse 156 maladie de Huntington 92, 387 353, 382
hypophyse antérieure 130 maladie de Kreuzfeld Jacob 148 noyau préoptique 259
hypothalamus 76, 78, 108–109, maladie de Parkinson 205, 398 noyau suprachiasmatique 258
129–131, 137, 141, 148–149, maladie de Wernicke 314 noyau ventromédian 259
156, 181, 216, 238, 240, 242, mélatonine 109 noyaux gris centraux 127
244–245, 257–260, 264–265, mémoire à court terme 105, 246, noyaux hypothalamiques 148
269, 278, 295, 301–302, 319 317, 321, 325, 376 nystagmus 47, 187, 254, 385
mémoire des odeurs 166
I mémoire implicite/explicite 325 O
illusions 374 mémoire rétrograde 321 obésité 245, 260, 297, 389
imagerie par résonance magnétique mémoire sensorielle 321 odeurs 14, 36, 39, 92, 148, 162–
141 méningite 154 168, 171, 183, 225, 227, 257–
immunocytologie 47, 52 ménopause 282 258, 273, 276, 282, 308, 341,
informatique 21 milieu enrichi 36 343–344, 354, 374
intégration corticale 235 mini memory status 330 odeur-signal 344
intégrations neuro-endocrines 236 modèle ABC 343 œil 173
intelligence 96, 236, 245, 252, 301, modélisation moléculaire 21 œstrogènes 280
334–337, 342, 358, 362 modélisation sensorielle 21 olfaction 161
434 Neurosciences cliniques

olfactométrie 39, 167 protection animale et expérimenta- sommeil paradoxal 248, 251, 296,
open field 36 tion 62 301, 341
ophtalmométrie 39 protubérance annulaire 123 somnambulisme 251
ophtalmoscope 186 progeria 403 sonde immunologique 52
opium 53, 395 psychométrie 23 sophrologie 62
optotypes 39 psychopharmacologie 53 statistiques non paramétriques 19
organe septal 344 psychose 58, 84, 378 statistiques paramétriques 19
osmorécepteurs 264 pulsion 267, 292 stéréotypie gestuelle 139
outil éthologique 35 pulvinar 70 stimulus conditionnel 38, 353
outil informatique 21 stimulus non conditionnel 38
outil statistique 19 Q stress 36–37, 107, 144, 149, 245,
outils génétiques 49 quatre As 390 250, 252, 260–261, 269–270,
quotient intellectuel 336 279, 299, 302, 327, 378–381
P synapses 71, 79, 102–106, 136,
R 177–178, 199, 204, 212, 248,
paranoïa 390 308–309, 311, 313, 317, 319,
parasomnie 251 rachianesthésie 61 337, 342
paresthésie 212, 224, 374 racines médullaires 120, 155 syndrome de Brown-Sequard 151
parole 346 radioimmunoassay 52 syndrome de Kluver-Bucy 318
PCR récepteurs des glucocorticoides 380 syndrome de la jambe sans repos
et génétique 86 récepteurs des neurotransmetteurs 251
pentobarbital 60 105
syndrome de lésion thalamique 152
péridurale 61 récepteurs NMDA 317
syndrome d’Aicardi 394
période sensible 81 réparation cérébrale 313
syndrome de Prader Willi 389
réponse psychogalvanique 46
périodes critiques 315 syndrome de Rett 387
Résonnance Magnétique Nucléaire
PET 278 syndrome de Tourette 267, 387
47
phénotype 51 syndrome du membre amputé 374
rétine 78, 104, 149, 173–176, 181,
phénylcétonurie 387 185, 187, 244, 352 syndrome dysexécutif 372
phéromones 283, 344 rêves 341 syndrome frontal 320
phonèmes 346 RMN 47 syndrome maniaco-dépressif 391
Piaget 335 rythmes du sommeil 242 syndrome pyramidal 151–152
pigment rétinien 176 syndrome syringomyélique 151
placebos 63 S syndromes dépressifs saisonniers 260
plaisir 287 système immunitaire 143
schizophrénie 56, 84, 92, 154, 273,
planum temporal 350 328, 342, 344, 361, 381, 389- système limbique 130, 165, 216,
plaque neurale 77 390, 396 227, 235, 258–259, 274–275,
plasticité 37–38, 81–82, 105, 109, 302, 317–318, 354, 378, 405
sclérose en plaques 154, 220
204, 310–313 système rénine-angiotensine-vaso-
scotome 185
plasticité cérébral 37 pressine 264
sensibilité proprioceptive 121
polydipsie 265 sensibilité tactile épicritique 122
polyradiculonévrite 220 sensibilité thermo-algique 121
T
potentiation post-tétanique 317 sérotonine 106, 113, 245, 257, 269– tabac 53, 299, 395
potomanie 266 271, 308, 390 tables d’Ishihara 188
principe de plaisir 289 seuil 35 test de personnalité 26
prions 147 seuil de perception sensorielle 15 test UPST 167
progestérone 280 signes neurologiques 39, 47, 296 tests de mémoire 330
Index 435

test de Rorschach, 32 transgènes 51 violence 267–268, 270–271, 273–


tests neurologiques 39, 140 trisomie 21 389 275, 298, 300–303
tests objectifs 33 tronc basilaire 136–137, 254, 406 vision stéréoscopique 187
thalamus 45, 75–76, 79, 110, 119, trouble bipolaire 381 voie finale commune 199
122, 125, 127–128, 152, 155– troubles autistiques 344 voie lemniscale 124
156, 165, 172, 182–183, 193, volorécepteurs 264
troubles extrapyramidaux 58
199–200, 207, 210–211, 216,
227, 235, 245–246, 254, 295, troubles obssessionnels compulsifs
319–320, 405 375 W
thyroïdite d’Hachimoto 88 tubercules quadrijumeaux 181, 235 Wallon 335
tomographie 22, 140–141, 168 Weber 17
toxicomanie 293 V
tractus spino-thalamique 122 vascularisation cérébrale 136 X
transfert et plasticité cérébrale 315 vertige 206, 397 xylocaïne 59
Table des matières

Remerciements ............................................................................................................................ 7

PARTIE 1
Éléments de physiologie sensorielle et de psychophysiologie ...................9

Chapitre 1
Les méthodes d’exploration des fonctions sensorielles et cérébrales .................. 11
1.1 Les paramètres physicochimiques et leur variabilité .................................................................... 13
1.1.1 La nature générale des stimuli sensoriels .......................................................................... 13
1.1.2 Génétique et sensorialité : l’exemple de la génétique de l’olfaction ......................................... 13
1.1.3 Les paramètres sensoriels ou comment isoler une sensorialité pour l’étudier .............................. 14
1.2 La psychophysique ................................................................................................................ 17
1.2.1 La loi de Weber et ses variantes .................................................................................... 17
1.2.2 La loi de Fechner ........................................................................................................ 18
1.3 Mathématiques, informatique et analyse sensorielle .................................................................. 18
1.3.1 L’outil statistique et l’analyse des données ........................................................................ 19
A.
Statistiques paramétriques ...................................................................................... 19
B.
Statistiques non paramétriques ................................................................................. 19
C.
L’analyse harmonique et la transformée de Fourier ........................................................ 20
D.
Fractales et psychophysique ...................................................................................... 21
1.3.2 L’outil informatique ..................................................................................................... 21
A. La neurocybernétique et la modélisation sensorielle ......................................................... 21
B. Modélisation moléculaire ......................................................................................... 21
C. L’informatique en neurosciences ................................................................................ 21
438 Neurosciences cliniques

D. La modélisation et la simulation expérimentales ............................................................. 22


E. La modélisation informatique au service des comportementalistes ........................................ 22
F. La modélisation informatique au service de la neurologie .................................................. 22
1.4 Les outils comportementaux ................................................................................................... 23
1.4.1 Les méthodes psychométriques en psychologie clinique et en psychiatrie .................................. 23
A.
Définitions .......................................................................................................... 23
B.
Pourquoi utiliser des échelles d’évaluation en pratique clinique ? ......................................... 23
C.
Classification des tests d’évaluation utilisés .................................................................... 24
D.
Les tests mentaux .................................................................................................. 25
! Les tests d’efficience ...........................................................................................25
! L’évaluation du niveau intellectuel .........................................................................25
! La notion de quotient intellectuel ...........................................................................26
! La notion de détérioration mentale .........................................................................26
! Les tests de personnalité ......................................................................................26
E. Méthodes d’évaluation de la symptomatologie clinique ..................................................... 27
! Les questionnaires globaux ..................................................................................28
! Les inventaires et échelles d’appréciation clinique .......................................................28
F. Classifications et critères de diagnostic des troubles mentaux .............................................. 29
! La classification du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) ..................30
! La 10e Classification Internationale des Maladies (CIM 10) .............................................30
G. La psychométrie : une technique à la limite des sciences sociales et biologiques ....................... 32
1.4.2 Les techniques d’analyse sensorielle ................................................................................ 33
A. Techniques objectives et subjectives ............................................................................ 33
! L’importance de la participation du sujet ..................................................................34
! L’adaptation sensorielle ......................................................................................34
! Les limites de la perception ..................................................................................35
! Les techniques générales de l’analyse comportementale ................................................35
! Les outils éthologiques .......................................................................................35
B. Les méthodes de déprivation .................................................................................... 37
! La déprivation sensorielle ....................................................................................37
! La déprivation chirurgicale ...................................................................................37
! La neutralisation temporaire d’une perception ...........................................................37
C. Les données de la pathologie .................................................................................... 37
D. L’enrichissement sensoriel ........................................................................................ 38
E. Le conditionnement ................................................................................................ 38
1.4.3 Les méthodes en neurologie .......................................................................................... 39
A. Les méthodes psychophysiques .................................................................................. 39
B. L’électrophysiologie ............................................................................................... 41
C. L’électro-encéphalographie (EEG) .............................................................................. 41
D. La somnographie .................................................................................................. 45
E. Les potentiels évoqués et potentiels de champs ............................................................... 45
F. La réponse psychogalvanique (RPG) ou électrodermogramme ............................................ 46
G. L’électronystagmographie, électro-oculographie ............................................................. 47
H. L’électrorétinogramme (ERG) ................................................................................... 47
Table des matières 439

I. La neuro-imagerie ................................................................................................ 47
J. Les outils génétiques .............................................................................................. 49
! Mutation (création de souches dépourvues de sensorialité) ............................................ 51
! Knock-out et transgènes (modification de gènes régulant la mise en place d’un système) ....... 51
K. Les outils immunologiques ....................................................................................... 52
! Méthodes utilisées en neuro-immunologie ................................................................ 52
L. L’outil pharmacologique, la neuropharmacologie ............................................................ 53
! La neuropharmacologie ...................................................................................... 53
! Les médicaments du système nerveux central ............................................................ 54
! Classification des agents pharmacologiques ............................................................... 54
M. L’anesthésie ........................................................................................................ 59
! Modes d’action des anesthésiques .......................................................................... 59
! Anesthésie générale ........................................................................................... 60
! Anesthésie régionale et locale ............................................................................... 61
! L’anesthésie dans l’analyse des perceptions sensorielles ................................................ 62
! Les placebos .................................................................................................... 63

Chapitre 2
L’organisation des récepteurs sensoriels ...................................................................... 67
2.1 Variabilité des stimuli physicochimiques ................................................................................... 69
2.2 Modalités générales de capture et de conversion des informations .............................................. 70
2.2.1 La transduction des signaux .......................................................................................... 72
2.3 Embryogenèse du système nerveux ........................................................................................ 72
2.3.1 Notions d’embryologie ................................................................................................. 72
A. Les feuillets embryonnaires en quelques lignes .............................................................. 73
B. La crête neurale ................................................................................................... 75
2.3.2 Quelques éléments sur l’embryogenèse du cerveau ............................................................ 77
A. La placode olfactive ............................................................................................... 78
B. La placode optique ................................................................................................ 78
C. La placode otique .................................................................................................. 79
D. La placode gustative .............................................................................................. 79
E. La sensibilité tactile ............................................................................................... 79
2.3.3 Période sensible et période critique ................................................................................. 80
2.3.4 Évolution fœtale et périnatale des perceptions ................................................................... 82
A. L’olfaction .......................................................................................................... 82
B. Sensibilité tactile ................................................................................................... 82
C. Le goût .............................................................................................................. 83
D. La vision ............................................................................................................ 83
E. L’audition ........................................................................................................... 83
2.4 Neurogénétique et organisation sensorielle .............................................................................. 83
2.4.1 Éléments de neurogénétique ......................................................................................... 83
2.4.2 Les chromosomes ...................................................................................................... 85
A. Les gènes et l’ADN ................................................................................................ 85
440 Neurosciences cliniques

B. Les techniques d’analyse en biologie moléculaire ............................................................ 86


2.4.3 La transmission des gènes ............................................................................................ 86
2.4.4 L’étude de l’expression des gènes ................................................................................... 87
2.4.5 Les méthodes d’étude de la transmission des caractères génétiques ........................................ 89
A.
Les méthodes classiques .......................................................................................... 89
B.
L’apport de la génétique des souris ............................................................................. 89
C.
Le déterminisme génétique des organes sensoriels et de leurs fonctions ................................. 90
D.
Homéobox et protéine-signal .................................................................................... 90
E.
Contrôle monogénique et polygénique ......................................................................... 91
2.4.6 Thérapies géniques et clonage ....................................................................................... 93
A. Le clonage .......................................................................................................... 93
B. Clonage et thérapie génique ..................................................................................... 93
C. Les cellules progénitrices ......................................................................................... 94
2.5 Les neurones ........................................................................................................................ 96
2.5.1 Membranes neuronales : quelques rappels succincts ............................................................ 97
A.
L’équilibre ionique ................................................................................................. 97
B.
Les ions inorganiques ............................................................................................. 97
C.
Les lipides membranaires ......................................................................................... 97
D.
Les protéines membranaires ..................................................................................... 98
! Les protéines-canaux ..........................................................................................99
! Les protéines réceptrices ......................................................................................99
! Les protéines du transport actif ..............................................................................99
E. Les pompes ioniques ............................................................................................ 101
2.5.2 La formation du potentiel de membrane et du potentiel d’action ........................................... 101
2.5.3 Les méthodes d’exploration électrophysiologique des membranes ......................................... 103
2.5.4 Les synapses et les neurotransmetteurs .......................................................................... 104
A.
Structure des synapses .......................................................................................... 104
B.
Les neurotransmetteurs et leur distribution dans le système nerveux .................................. 105
C.
Les neuropeptides ............................................................................................... 108
D.
Les autres médiateurs ........................................................................................... 108
E.
Les hormones ..................................................................................................... 109
2.5.5 Les champs récepteurs ............................................................................................... 109

Chapitre 3
L’organisation du système nerveux .............................................................................. 117
3.1 Éléments d’anatomie du système nerveux .............................................................................. 119
3.1.1 La moelle épinière .................................................................................................... 119
A.
Les racines médullaires ......................................................................................... 120
B.
La corne dorsale ................................................................................................. 121
C.
Les voies ascendantes médullaires ........................................................................... 122
D.
Le tractus spino-thalamique .................................................................................... 122
3.1.2 Le tronc cérébral ....................................................................................................... 123
Table des matières 441

A. La voie lemniscale ............................................................................................... 124


B. La voie extra-lemniscale ....................................................................................... 125
3.1.3 Le cervelet .............................................................................................................. 125
A. Lobe inférieur .................................................................................................... 125
B. Lobe ventral ...................................................................................................... 126
C. Lobe dorsal ....................................................................................................... 127
3.1.4 Le thalamus ............................................................................................................ 127
3.1.5 Les corps striés ........................................................................................................ 128
3.1.6 L’hypothalamus ....................................................................................................... 129
A. Organisation générale de l’hypothalamus ................................................................... 130
B. L’interface entre l’hypothalamus et le corps : l’hypophyse ............................................... 130
3.1.7 L’épiphyse .............................................................................................................. 131
3.1.8 Les hémisphères cérébraux ......................................................................................... 132
3.2 Le drainage cérébral ............................................................................................................ 136
3.2.1 La vascularisation cérébrale ......................................................................................... 136
3.2.2 La barrière hémato-encéphalique (BHE) ......................................................................... 138
3.3 De l’anatomie à la sémiologie neurologique ........................................................................... 139
3.3.1 Signes de localisation ................................................................................................ 139
A. Effets de lésions du lobe frontal ............................................................................... 139
B. Effets de lésions du lobe pariétal ............................................................................. 139
C. Effets de lésions du lobe occipital ............................................................................. 139
D. Effets de lésion du lobe temporal ............................................................................. 140
3.3.2 Examens complémentaire des tests neurologiques ............................................................ 140
A. La tomographie par émission de positons (TEP) ............................................................ 140
B. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) ............................................................... 141
C. L’électro-encéphalographie (EEG) ............................................................................ 141
3.4 La neuro-immunologie ......................................................................................................... 143
3.4.1 Y-a-t-il un lien entre le système immunitaire cérébral, le système immunitaire général
et le fonctionnement cérébral ? ................................................................................... 144
3.4.2 L’immunité en quelques lignes ..................................................................................... 144
A. Les molécules de surface destinées à identifier les antigènes ............................................ 144
B. Les particularités des mécanismes de défense du système nerveux ..................................... 146
C. La neuro-inflammation ......................................................................................... 146
D. Les cellules gliales et leur rôle immunitaire ................................................................. 147
E. Les neurones et le complexe majeur d’histocompatibilité ................................................. 147
F. Le cas des prions ................................................................................................. 147
3.5 Éléments de neuro-endocrinologie ......................................................................................... 148
3.5.1 L’hypothalamus ....................................................................................................... 148
3.5.2 Les glandes sexuelles ................................................................................................ 149
442 Neurosciences cliniques

Chapitre 4
Les organes sensoriels ...................................................................................................... 159
4.1 L’olfaction : nerf crânien I .................................................................................................... 161
4.1.1 Le neuro-épithélium olfactif ......................................................................................... 161
4.1.2 La perception olfactive ............................................................................................... 164
4.1.3 Les bulbes olfactifs : premiers étages de l’intégration olfactive ............................................. 165
A. Structure interne du bulbe olfactif ............................................................................ 165
B. Le cortex olfactif : étage d’intégration et de mémorisation ............................................... 165
4.1.4 Explorer l’olfaction .................................................................................................... 167
A. Méthodes générales ............................................................................................. 167
B. Méthodes d’étude des bulbes olfactifs ........................................................................ 168
C. Exploration du cortex olfactif et des intégrations olfactives .............................................. 168
4.1.5 Les altérations de l’olfaction ........................................................................................ 168
A. L’hyposmie et l’anosmie ........................................................................................ 168
B. Le syndrome de Kallmann ...................................................................................... 169
C. Holoprosencéphalie et septodysplasie ........................................................................ 169
4.2 La gustation : nerfs IX et X ................................................................................................... 170
4.2.1 Les cellules gustatives ................................................................................................ 170
4.2.2 Les papilles et les bourgeons du goût ............................................................................ 170
4.2.3 La physiologie du goût chez l’homme ............................................................................ 170
4.2.4 La gustation dans les mécanismes de la prise alimentaire ................................................... 171
4.2.5 Les fibres gustatives .................................................................................................. 172
4.2.6 Les aires du cerveau impliquées dans le goût ................................................................... 172
4.3 La vision : nerf II ................................................................................................................. 172
4.3.1 L’œil : instrument d’optique ........................................................................................ 173
4.3.2 La rétine ................................................................................................................. 175
A. Nature et fonctions .............................................................................................. 175
B. Tests du fonctionnement de la rétine ......................................................................... 180
4.3.3 Les voies visuelles et les projections corticales .................................................................. 181
A. Nerf optique et chiasma ........................................................................................ 181
B. Corps géniculés ................................................................................................... 182
C. Aires optiques .................................................................................................... 183
4.3.4 Associations avec d’autres aires .................................................................................... 184
4.3.5 Les anomalies visuelles .............................................................................................. 184
A. Anomalies de l’appareil optique visuel ....................................................................... 184
B. Anomalies liées à une altération rétinienne ................................................................. 185
C. Anomalies des voies optiques .................................................................................. 185
4.3.6 Les techniques d’analyse de la vision ............................................................................. 185
A. Mesures de la convergence et des variations des éléments optiques .................................... 185
B. Techniques d’exploration des variations des éléments optiques de l’œil : optométrie ................ 186
C. Techniques d’examen de la rétine et de son intégrité ..................................................... 187
Table des matières 443

D. Techniques d’exploration des voies visuelles ................................................................ 188


4.4 L’audition : nerf VIII ............................................................................................................ 189
4.4.1 Le récepteur : oreille externe, moyenne et interne ............................................................ 189
4.4.2 Les voies auditives et l’intégration corticale ..................................................................... 193
4.4.3 L’exploration de l’audition .......................................................................................... 194
4.5 Propriocepteurs .................................................................................................................. 195
4.5.1 L’équilibration : nerf crânien VIII et canaux semi-circulaires ................................................. 196
4.5.2 Les propriocepteurs ................................................................................................... 197
4.5.3 Voies nerveuses de l’équilibration ................................................................................. 199
4.5.4 L’intégration centrale de l’équilibration .......................................................................... 199
A. Le cervelet et les noyaux gris centraux ..................................................................... 199
B. Les voies pyramidales et extrapyramidales ................................................................. 201
C. Autres voies impliquées dans le maintien postural ......................................................... 201
! La motricité oculaire ........................................................................................ 201
! D’autres récepteurs d’étirement .......................................................................... 203
4.5.5 Les méthodes d’exploration ........................................................................................ 203
4.5.6 Les troubles de la posture et du mouvement ................................................................... 204
A. L’hémiplégie ..................................................................................................... 204
B. Les paraplégies .................................................................................................. 205
C. La maladie de Parkinson ....................................................................................... 205
D. Syndromes cérébelleux ......................................................................................... 205
E. Ataxies proprioceptives ......................................................................................... 205
F. Polynévrites ...................................................................................................... 206
G. Les vertiges ....................................................................................................... 206
4.6 Sensibilté périphérique ........................................................................................................ 206
4.6.1 Organisation générale de la sensibilité périphérique ........................................................... 206
A.
La sensibilité tactile superficielle .............................................................................. 207
B.
Les récepteurs tactiles .......................................................................................... 208
C.
Les récepteurs thermiques ..................................................................................... 209
D.
Les récepteurs de la douleur ................................................................................... 210
4.6.2 Les voies nerveuses de la sensibilité tactile ..................................................................... 210
4.6.3 Projections thalamiques de la sensibilité tactile ................................................................ 211
4.6.4 Perceptions somesthésiques et comportements ................................................................ 212
4.6.5 Évaluer les troubles de la sensibilité tactile ...................................................................... 212
4.6.6 Les troubles de la sensibilité somesthésique .................................................................... 212
A. Absence de sensation tactile (anesthésie) ................................................................... 212
B. Les paresthésies ................................................................................................. 213
4.7 La douleur ......................................................................................................................... 214
4.7.1 La neurophysiologie de la nociception ............................................................................ 215
A. Les circuits de la douleur ....................................................................................... 215
B. La transmission de la douleur ................................................................................. 216
444 Neurosciences cliniques

C. Les sites de projection des fibres .............................................................................. 216


D. Transmission des messages nociceptifs ....................................................................... 216
E. L’absence de sensibilité à la douleur ......................................................................... 217
4.7.2 La neuropharmacologie de la douleur ............................................................................. 217
A. Le pavot et la morphine ........................................................................................ 217
B. Les analgésiques ................................................................................................. 218
C. L’évaluation de la douleur en clinique ....................................................................... 219
4.7.3 Les syndromes douloureux .......................................................................................... 220
A. Sclérose en plaques .............................................................................................. 220
B. Polyradiculonévrite .............................................................................................. 220
C. Douleur thalamique ............................................................................................. 220
D. Douleurs crâniennes ............................................................................................. 220
E. Autres pathologies avec douleurs ............................................................................. 221

PARTIE 2
Les comportements humains :
de l’intégration des informations sensorielles
aux altérations des comportements .......................................231
Chapitre 5
Intégration des données sensorielles par le cerveau ............................................... 233
5.1 Les bases des comportements fondamentaux et les différents niveaux
d’intégration comportementale ............................................................................................. 235
5.1.1 Intégration sensorielle ................................................................................................ 235
5.1.2 Intégration corticale ................................................................................................... 235
5.1.3 Intégrations neuro-endocrines ...................................................................................... 236
5.1.4 Les déterminants des comportements ............................................................................ 236
A. Rôle de la motivation primaire ................................................................................ 236
B. Rôle des hormones .............................................................................................. 238
5.1.5 Les rapports entre l’homéostasie et les comportements ...................................................... 239
5.1.6 Les conditionnements et les apprentissages ..................................................................... 239
5.1.7 Les centres du plaisir et les expériences d’autostimulation ................................................... 240
5.2 Les rythmes nycthéméraux et le sommeil ............................................................................... 241
5.2.1 Des rythmes biologiques aux rythmes du sommeil ............................................................. 242
5.2.2 L’évolution du sommeil avec l’âge ................................................................................ 248
5.2.3 Les troubles du sommeil ............................................................................................. 249
A. Insomnie .......................................................................................................... 250
B. Apnée du sommeil ............................................................................................... 251
C. Apnées centrales ................................................................................................. 251
D. Apnées obstructives .............................................................................................. 251
Table des matières 445

E. Hypopnée et insomnie .......................................................................................... 251


F. Crampes nocturnes .............................................................................................. 251
G. Paralysie de l’éveil .............................................................................................. 251
H. Somnambulisme ................................................................................................. 251
I. Parasomnie ....................................................................................................... 251
J. Hypersomnie ..................................................................................................... 252
K. La déprivation de sommeil ..................................................................................... 252
5.3 La vigilance et l’attention .................................................................................................... 252
5.4 De la faim à la prise alimentaire ........................................................................................... 255
5.4.1 La faim .................................................................................................................. 255
A. Le comportement alimentaire ................................................................................. 255
! L’odorat ....................................................................................................... 256
! Existence de rythmes de prise alimentaire .............................................................. 257
! La gustation .................................................................................................. 257
! La vision ...................................................................................................... 257
! Les facteurs liés à l’apprentissage et à l’expérience ................................................... 257
B. Les habitudes alimentaires sociales ........................................................................... 258
5.4.2 Les hormones et l’hypothalamus dans les comportements alimentaires .................................. 258
A. Noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus .............................................................. 258
B. Rôle des neurotransmetteurs ................................................................................. 259
C. Le contrôle mécanique .......................................................................................... 259
D. Le rôle des glucorécepteurs (GLUR) .......................................................................... 260
E. Le contrôle génétique ........................................................................................... 260
5.4.3 Troubles des comportements alimentaires ....................................................................... 260
A. Principales altérations .......................................................................................... 260
B. L’appétit spécifique ............................................................................................. 261
C. Des troubles plus complexes ................................................................................... 262
! Hyperphagie ................................................................................................. 262
! Hyperphagie nocturne ...................................................................................... 262
! Boulimie ..................................................................................................... 262
! Syndrome d’hyperphagie-boulimie ....................................................................... 262
! Diabète ........................................................................................................ 263
! Anorexie ...................................................................................................... 263
5.5 Le comportement dipsique : la soif ....................................................................................... 264
5.5.1 Les structures du contrôle du comportement dipsique ......................................................... 264
5.5.2 Le système rénine-angiotensine-vasopressine .................................................................. 264
5.5.3 Les troubles du comportement dipsique .......................................................................... 265
A. La polydipsie ..................................................................................................... 265
B. La potomanie .................................................................................................... 266
C. L’adipsie ......................................................................................................... 266
D. La déshydratation ............................................................................................... 266
E. Les brûlures étendues ........................................................................................... 266
F. Alcoolisme et besoins en eau .................................................................................. 266
446 Neurosciences cliniques

5.6 Agressivité et violence ......................................................................................................... 266


5.6.1 Les différences entre comportement agressif et violence ..................................................... 266
5.6.2 Les bases neurobiologiques de l’agressivité ..................................................................... 268
5.6.3 La biochimie de la violence ......................................................................................... 270
A.
L’acide gamma-amino-butyrique (GABA) .................................................................... 270
B.
Les systèmes opioïdes ........................................................................................... 270
C.
Les amines biogènes ............................................................................................ 270
D.
La dopamine ...................................................................................................... 270
E.
La sérotonine ..................................................................................................... 271
F.
Testostérone et androgènes .................................................................................... 271
5.6.4 Les comportements violents et dangereux dans les troubles neurologiques .............................. 271
A. La violence des psychotiques ................................................................................... 271
B. Les structures paranoïdes ....................................................................................... 273
C. Les structures mélancoliques ................................................................................... 273
D. Les névroses ...................................................................................................... 273
E. L’agressivité liée à l’ivresse alcoolique ....................................................................... 274
F. La violence sexuelle ............................................................................................. 274
G. La violence de la souffrance ................................................................................... 274
H. La violence dans les maladies neurologiques ................................................................ 275
I. La violence des adolescents .................................................................................... 275
5.7 Sexualité-reproduction ......................................................................................................... 276
5.7.1 La sensorialité et la communication dans les comportements sexuels ..................................... 276
5.7.2 Sexualité de l’homme ................................................................................................ 277
5.7.3 Les troubles de la sexualité masculine ............................................................................ 279
5.7.4 Aspects neurophysiologiques de la sexualité de la femme ................................................... 279
A. Sexualité-sensorialité chez la femme ......................................................................... 279
B. La contraception ................................................................................................. 280
5.7.5 La gestation et les modifications neurosensorielles ............................................................ 280
5.7.6 L’adaptation neurosensorielle dans le comportement maternel ............................................. 282
5.7.7 La ménopause ......................................................................................................... 282
5.7.8 Le sexe, cerveau gauche, cerveau droit et comportements ................................................... 282
5.7.9 Les troubles des comportements sexuels ......................................................................... 284
5.8 Du plaisir à la toxicomanie ................................................................................................... 287
5.8.1 Physiologie du plaisir ................................................................................................. 287
5.8.2 Étude psychanalytique ............................................................................................... 288
5.8.3 « Principe de plaisir », « principe de réalité » ................................................................... 289
5.8.4 Plaisir, humeur et affectivité ........................................................................................ 290
5.8.5 Morphines endogènes et plaisir .................................................................................... 291
5.8.6 La notion de pulsion .................................................................................................. 292
5.8.7 Toxicomanie et addiction ............................................................................................ 293
A. Les drogues ....................................................................................................... 293
Table des matières 447

B. L’abus de drogues ............................................................................................... 295


C. Intoxication alcoolique .......................................................................................... 295

Chapitre 6
Comportements cognitifs : apprentissage, mémoire, communication ................. 305
6.1 Conditionnement, apprentissage et plasticité cérebrale ............................................................ 307
6.1.1 Le conditionnement .................................................................................................. 307
6.1.2 L’apprentissage ....................................................................................................... 307
A. Les bases de l’apprentissage ................................................................................... 307
B. L’apprentissage des odeurs et la réorganisation des circuits dans les bulbes olfactifs ................ 308
6.1.3 La plasticité cérébrale ................................................................................................ 311
A. Les cellules de la plasticité cérébrale ......................................................................... 313
B. De la plasticité cérébrale au transfert et au phénomène d’empreinte .................................. 314
! Empreinte, période critique, période sensible ........................................................... 314
! Le transfert ................................................................................................... 315
6.2 La mémoire ....................................................................................................................... 315
6.2.1 De la mémoire cellulaire aux circuits neuronaux ............................................................... 315
6.2.2 Mémoire instantanée et à court terme ........................................................................... 316
6.2.3 La mémoire à long terme ........................................................................................... 317
A. Bases anatomiques des mémoires ............................................................................ 317
B. L’amygdale ....................................................................................................... 319
6.2.4 L’organisation des différentes mémoires ......................................................................... 321
A.
Mémoire sensorielle ............................................................................................. 321
B.
Mémoire à court terme ......................................................................................... 321
C.
Mémoire antérograde/rétrograde ............................................................................ 321
D.
Mémoire de travail .............................................................................................. 321
E.
Mémoire à long terme .......................................................................................... 323
! L’encodage ................................................................................................... 323
! L’indexation .................................................................................................. 325
! La consolidation ............................................................................................. 325
! La restitution des informations ............................................................................ 325
F. Mémoire implicite/explicite ................................................................................... 325
G. Mémoire épisodique (sémantique) ........................................................................... 325
6.2.5 Troubles de la mémoire ............................................................................................. 326
A. Les amnésies ..................................................................................................... 328
B. Les tests de mémoire ........................................................................................... 330
6.2.6 Médicaments et mémoire ........................................................................................... 332
A. Médicaments et produits de seconde génération ........................................................... 332
B. Facteurs promnésiants divers .................................................................................. 333
6.3 Cognition et intelligence ...................................................................................................... 334
6.3.1 De la cognition à l’intelligence : le cerveau est-il un ordinateur ? .......................................... 334
6.3.2 Les étapes de mise en forme de l’intelligence ................................................................. 334
448 Neurosciences cliniques

6.3.3 L’ intelligence sensorielle ............................................................................................ 335


A. Maturations de l’intelligence ................................................................................... 335
B. Remodelage et reconstruction chez le fœtus et le nouveau-né ........................................... 336
6.3.4 L’intelligence de l’adulte ............................................................................................. 336
6.3.5 Y-a-t-il un support anatomique à l’intelligence ? ............................................................... 336
6.3.6 L’ intelligence et l’ordinateur ....................................................................................... 339
6.3.7 Rêves, fantasmes, hallucinations, fabulations .................................................................. 341
6.3.8 Les troubles de l’intelligence ........................................................................................ 342
A. Troubles mentaux d’origine métabolique .................................................................... 342
B. Troubles mentaux liés à des anomalies organisationnelle du cortex .................................... 342
6.4 Communications verbales et non verbales .............................................................................. 343
6.4.1 Communications non verbales à base moléculaire ............................................................. 344
6.4.2 Autres communications non verbales ............................................................................. 345
6.4.3 Communications verbales ........................................................................................... 346
A. Le langage ........................................................................................................ 346
B. L’écriture .......................................................................................................... 347
C. Le langage des signes .......................................................................................... 349
6.4.4 Troubles du langage et de la communication ................................................................... 349
A. La dyslexie et la dysorthographie ............................................................................. 349
B. Dysphasie ......................................................................................................... 350
C. Autres troubles du langage ..................................................................................... 350
6.5 De la perception du SOI au comportement social ..................................................................... 353
6.5.1 La représentation cérébrale du MOI ............................................................................... 353
6.5.2 Le comportement social .............................................................................................. 354
6.5.3 Les altérations du MOI et du comportement social ............................................................. 356

Chapitre 7
Les troubles des comportements humains ................................................................... 367
7.1 Comportements humains et aberrations sensorielles ................................................................ 369
7.1.1 Les erreurs de traitement primaire des signaux ................................................................. 370
7.1.2 Les fonctions mentales sont assujetties à une distribution plus ou moins aléatoire des signaux ..... 371
A. Distribution aléatoire des signaux ............................................................................ 371
B. La douleur et le plaisir sont des modulateurs des actes comportementaux ............................. 372
7.1.3 Comportements et fonctions exécutives .......................................................................... 372
A. Classification des troubles exécutifs ........................................................................... 373
B. Les aberrations perceptives, illusions, hallucinations et dérives des capteurs .......................... 373
C. Les troubles anxieux et les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) .................................... 375
D. Divers troubles de la reconnaissance sensitive .............................................................. 376
E. Les troubles du langage : des anomalies perceptives ou cognitives ? ................................... 377
F. Aphasie de Broca, aphasie de Wernicke, aphasie mixte ................................................... 377
G. Dyslexie ........................................................................................................... 377
Table des matières 449

7.2 Stress et dépression ............................................................................................................ 378


7.2.1 Situation de stress et axe limbo-hypothalamo-hypophyso-surrénalien ..................................... 378
7.2.2 Le stress et les récepteurs des glucocorticoïdes ................................................................. 380
7.2.3 La dépression .......................................................................................................... 381
7.2.4 Les névroses, les phobies ........................................................................................... 382
7.3 Troubles neurologiques ........................................................................................................ 383
7.3.1 Étiologie des troubles neurosensoriels ............................................................................ 383
A.
Troubles neurologiques d’origine organique ................................................................ 383
B.
Troubles neurologiques d’origine neuro-endocrine ........................................................ 384
C.
Troubles neurologiques d’origine immunitaire ............................................................. 384
D.
Troubles neurologiques d’origine génétique ................................................................ 385
7.3.2 Quelques syndromes neurologiques ............................................................................... 386
7.4 Troubles comportementaux de l’enfance et de l’adolescence .................................................... 392
7.4.1 Retard mental ......................................................................................................... 394
7.4.2 Syndrome d’Aicardi ................................................................................................... 394
7.4.3 Les troubles neuropsychiatriques de l’enfant .................................................................... 394
7.4.4 Troubles liés à l’utilisation de drogues chez l’enfant et l’adolescent ....................................... 395
7.5 Les altérations sensorielles du vieillissement ........................................................................... 396
7.5.1 Troubles sensoriels .................................................................................................... 396
7.5.2 Troubles de la posture et de l’équilibre ........................................................................... 397
7.5.3 Maladie de Parkinson ................................................................................................ 398
7.5.4 Les chutes chez les personnes âgées ............................................................................. 398
7.5.5 Les altérations de la mémoire des personnes âgées .......................................................... 400
7.5.6 La maladie d’Alzheimer et la démence sénile .................................................................. 401
7.5.7 Vieillissement cognitif et fonctions exécutives .................................................................. 402
7.5.8 Syndrome de vieillissement prématuré : le progeria .......................................................... 403
7.6 Pertes de conscience et coma ............................................................................................... 403
7.6.1 Les différentes formes de perte de conscience .................................................................. 403
7.6.2 Le coma ................................................................................................................. 405
7.6.3 Locked in syndrome .................................................................................................. 406
7.7 Les troubles psycho-sensoriels de la fin de la vie ..................................................................... 407
7.7.1 Les soins palliatifs .................................................................................................... 408
7.7.2 De l’importance de la relation malade-famille-soignants dans l’accompagnement ...................... 408
7.7.3 La dépendance et l’autonomie ..................................................................................... 409
7.7.4 Euthanasie ? Un choix ou pas de choix .......................................................................... 409

Lexique ...................................................................................................................................... 419

Références ............................................................................................................................... 423

Webographie ........................................................................................................................... 427

Index .......................................................................................................................................... 431


Neurosciences et cognition

• Andreasen N. C., «Brave new brain». Vaincre les maladies mentales à l’ère du génome
• Belzung C., Biologie des émotions
• Bradshaw J.-L., Évolution humaine. Une perspective neuropsychologique
• Channouf A., Rouan G., Émotions et cognitions
• Churchland P.-M., Le cerveau. Moteur de la raison, siège de l’âme
• Costermans J., Les activités cognitives. Raisonnement, décision et résolution de problèmes
• Delacour J., Conscience & cerveau. La nouvelle frontière des neurosciences
• Delacour J., Une introduction aux neurosciences cognitives
• Delorme A., Flückiger M., Perception et réalité. Une introduction à la psychologie des perceptions
• Donald M., Les origines de l'esprit moderne. Trois étapes dans l'évolution de la culture et de la cognition
• Ferrand L., Grainger J., Psycholinguistique cognitive. Essais en l’honneur de Juan Seguì
• Gazzaniga M. S., Ivry R. B., Mangun G. R., Neurosciences cognitives. La biologie de l’esprit
• Geary D.C., Hommes, Femmes. L'évolution des différences sexuelles humaines
• Grégory R. L., L'œil et le cerveau. La psychologie de la vision
• Kolb B., Whishaw I.-Q., Cerveau et comportement (2e éd.)
• Mackintosh N. J., Q.I. & intelligence humaine
• Math Fr., Kahn J.-P., Vignal J.-P., Neurosciences cliniques. De la perception aux troubles du comportement
• Matlin M.-W., La cognition. Une introduction à la psychologie cognitive
• Purves D., Augustine G. J., Fitzpatrick D., Hall W. C., LaMantia A.-S., McNamara J. O.,
Neurosciences (3e éd.)
• Rock I., La perception
• Rodieck R.W., La vision
• Schacter D.-L., À la recherche de la mémoire. Le passé, l’esprit et le cerveau
• Schenk F., Leuba G., Büla C., Du vieillissement cérébral à la maladie d'Alzheimer. Autour de la notion de
plasticité
• Springer S. P., Deutsch G., Cerveau gauche, cerveau droit. À la lumière des neurosciences
• Squire L.R., Kandel E.R., La mémoire. De l'esprit aux molécules
• Weidman N.-M., Construction de la psychologie scientifique. Karl Lashley et la controverse sur l’esprit et
le cerveau

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